Seigneurie et féodalité Vol. 2 L'apogée (XIe-XIIIe siècles) 2700701860


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Table of contents :
Couverture
Avant-propos
LIVRE PREMIER. LES SEIGNEURIES RURALES
I. Un nouveau décor
II. Les hommes : seigneurs et paysans
III. Les administrateurs, les seigneuries foncières
IV. Les seigneuries "politiques"
V. Les "libertés" paysannes
LIVRE II. L'ÉPANOUISSEMENT DE LA FÉODALITÉ
Introduction
I. Les institutions vassaliques et féodales
II. Le statut des fiefs
III. Les formes concrètes du fief
IV. Propagation de la féodalité dans les vieux pays : France et empire
V. Propagation du régime féodal dans l'espace
DOCUMENTS
I. Extraits de Philippe de Beaumanoir
II. Les seigneuries rurales
III. Franchises paysannes
IV. Affranchissement du servage
V. La féodalité
BIBLIOGRAPHIE
INDEX
TABLE DES MATIÈRES
Couverture
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Seigneurie et féodalité Vol. 2 L'apogée (XIe-XIIIe siècles)
 2700701860

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

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COLLECTION HISTORIQUE Sous la direction de Paul LEMERLE Professeur au Collège de France

ROBERT BOUTRUCHE Professeur à la Sorbonne

SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ ** L'APOGÉE (XIe-XIIIe SIÈCLES)

Ouvrage publié avec le concours du CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

1970

AUBIER é:DITIONS MONTAIGNE, 13, QUAI DE CONTI, PARIS

ISBN : 2-7007-0186-0

© 1970, by Editions Aubier-Montaigne.

AVANT-PROPOS

Pendant la seconde moitié du Moyen Age, des rapports d'homme à homme figurent sous le couvert de plusieurs organismes : les solidarités familiales, les communautés, les associations entre des puissants, leurs compagnons et leurs clients. Un jour Yiendra où la lumière sera projetée sur des institutions que l'avarice des textes et la routine des recherches laissent trop à l'écart. Elles ont ici leur place quand elles éclairent notre propos. Pourtant, d'autres formes de dépendance sont examinées dans ce livre : chaînes attachant des paysans et leurs terres à un maître ; liens unissant des vassaux et leurs fiefs à un chef. Ce serait trahir notre dessein primitif que de séparer la seigneurie rurale de la féodalité. Mais, envisagée spécialement comme exploitation économique, la première a fait l'objet, dans cette Collection, d'une vigoureuse analyse 1 • Notre effort essentiel a donc porté sur les liens de subordination dans les classes supérieures. De la seigneurie, nous avons retenu les structures fondamentales, le rôle agricole et les fonctions sociales. Ainsi est respecté l'esprit d'une entreprise qui, loin de créer une concurrence entre les auteurs, appelle leur collaboration. La France sera mise en vedette, les autres pays intervenant à titre comparatif. Il y a là un parti pris qu'expli-.1 1. N° 27, DUBY, L'économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médiéval.

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quent l'obligation où nous sommes d'opérer des choix et le galop accompli à travers le monde dans un précédent ouvrage 2 • Notre bilan est une pierre d'attente. D'année en année, les travaux de micro-histoire modifient les perspectives. Base et aliment . Sous-Forêt, Le Buisson, La Grosse-Haie, Le Tremblay, Les Sablons portent la trace d'une végétation disparue, d'une clôture, ou d'un sol humanisé. Un toponyme aimé, « Les Essarts >, affirme le défrichement. « Les Hameaux » soulignent les formes dt• l'habitat. Borderie, horde sont situées

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fréquemment aux limites d'anciens terroirs. Ailleurs, l'aspect d'un village, la disposition des champs, le réseau des chemins expriment une œuvre collective. Ils ne fixent pas sa date qui, en diverses circonstances, s'abaisse jusqu'au XVI• siècle, autre période créatrice. Ce phénomène presque mondial n'eut pas partout la même chronologie, ni le même rythme. Il ne fut pas nouveau, ni unique. Chaque moment eut ses défricheurs, attirés vers des lieux désertés, ou acharnés à sortir des chemins battus, à faire peau neuve. Jamais, cependant, la tâche ne fut aussi continue, ni aussi ample, malgré les obstacles, les reculs. Elle rompit l'isolement des paysans, ou diminua les distances entre les groupes.

A. ÉTAPES DES DÉFRICHEMENTS

Bien que les préludes remontent plus haut, nous saisissons les débuts de la puissante extension des cultures vers 950 en Flandre, en Normandie, en Beaujolais... Peu après, nous la suivons avantageusement en Espagne du Nord, où la colonisation chrétienne accompagna le recul des Musulmans, puis sur les plateaux de Brie, dans le Bas-Poitou où des marais furent asséchés au lendemain de l'an mil, dans le Haut-Poitoa où le combat contre l'arbre s'intensifia après 1050. La grande époque fut le XII• siècle. Les défrichements s'accrurent dans le Nord-Ouest de la France, le cœur du Bassin de Paris, les vallées de la Loire et de ses affluents, l'Auvergne, l'Aquitaine méridionale, le Languedoc, le Sud de la Bourgogne... Hors de France et de la Péninsule ibérique, ils s'étendirent en Allemagne occidentale, dans les Pays-Bas, en Italie du Nord par exemple dans la région de Mantoue - et, plus tardivement, en Angleterre~ Ils prirent un aspect saisissant dans les contrées slaves soumises à une vigoureuse poussée germanique. On les mesure d'autant plus difficilement que nous sommes les esclaves d'une documentation éparpillée comme les efforts des défricheurs, inégalement répartie et insuffisam-

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ment dépouillée. Les x· et XJ• siècles sont moins bien informés que les âges suivants. Or, la marche des défrichements est quelquefois celle des textes : trait parlant en soi, mais reflet douteux des réalités.

B. LES CAUSES PROFONDES

L'élargissement des espaces cultivés fut provoqué par des phénomènes dont le rôle respectif est sujet à débat. Le plus décisif semble avoir été une poussée démographique que des témoignages éclairent furtivement 1 • Les raisons en demeurent mystérieuses. On met en valeur des éléments psychologiques, ou l'arrêt des invasions, en oubliant que le XI- siècle fut plein de rudesses. Quoi qu'il en soit, l'augmentation des naissances paraît certaine. En France du Nord, 15 % des familles avaient plus de trois garçons vers 1100 ; 30 % vers 1175 ; 42 % vers 1176-1250 2 • Elles arrachèrent à la terre le pain quotidien. On ne saurait nier, en outre, la réduction de la mortalité. Les défrichements fournirent à plus d'hommes que par le passé les moyens de se nourrir, de s'armer contre les maladies et de se multiplier. La cause première - accroissement de la population - est devenue par aventure une conséquence. Des relations existent entre cet accroissement et des faits qui encouragèrent la multiplication des lieux habités. Nous en retiendrons deux : les changements apportés aux structures familiales et aux unités d'exploitation - des communautés patriarcales étant abandonnées par des couples attirés sur des terres vierges où de petites cellules agraires furent préférées aux manses ; - les migrations à courte échelle, ou sur de longues distances. Séduits par la promesse .de terres, de franchises ou de contrats débonnaires, 1. N° 222, GBNICOT, L'accroi11ement de la population . . 2. N° 217, FossIER, c Les défrichements dans la France du Nord > (Revue forestière françai,e, 1964, p. 633).

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èles Saintongeais, des Périgourdins, des gens du Nord-Ouest et du Sud-Ouest de la France gagnent l'Entre-Deux-Mers bordelais 1 ; des dépendants des monastères de Saint-Dié et de Remiremont essaiment à travers les Vosges; des colons chrétiens, venus de Gascogne, s'installent dans le nord de la Péninsule ibérique ; l'Italie septentrionale et l'Est de l'Allemagne bénéficient d'apports extérieurs. Avant la fondation de Lübeck, un comte de Holstein « envoya des messagers dans toutes les régions : la Flandre et la Hollande, Utrecht, la Westphalie, la Frise, afin que ceux qui souffraient du manque de champs vinssent, avec leurs familles, recevoir une terre excellente, une terre vaste, riche en fruits, regorgeant de poisson et de viande, et favorable au pâturage... A cet appel surgit une foule innombrable, issue de nations diverses >, qui se hâta vers les terres promises"· Considéré en soi, le développement des échanges échappe à notre propos; Comment oublier, pourtant, que l'essor commercial et les défrichements se sont mutuellement secondés? Invoquons enfin le progrès des techniques agraires et celui des outils agricoles : progrès lent et anonyme, œuvre du passé avant de devenir celle d'un présent qui, dans le Nord puis dans le Midi, sur les sols riches avant les autres, aménagea, perfectionna, renouvela les recettes plutôt qu'il n'en découvrit. Nous en avons des signes : place accrue du fer dans les instruments ; améliorations apportées à la traction des chevaux par le collier rigide d'épaules, qui remonte au IX• siècle, sinon plus haut, et qui se répand après l'an mil - l'intervention plus poussée du cheval s'expliquant encore par la nourriture d'avoine que les blés de printemps autorisaient - ; vers le même temps, application du joug frontal aux bovins. La charrue à versoir 3. N° 174, BoUTRUCHE, c Les courants de peuplement > (Ann. d'hist. écon. et soc., 1935, p. 19). 4. HBLMOLD voN BosAu, c Chronica Slavorum >, dans Ausgewilhlte Quellen zur deutschen Geschichte des Mittelalters (éd. R. BUCHNER, vol. XIX, p. 210, Berlin, 1963). - Autres textes dans G. FRANZ. Deutsches Bauerntum, 1, Mittelalter, n°' 58, 68, 75 (1180-1257) ; n° 27, DUBY, L'économie rurale, 1, 318 et suiv. ; et nos Docnments, n 09 13-16.

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permet de s'attaquer aux terres lourdes des surfaces planes alors que, durant le haut Moyen Age, les sols légers et les versants avaient la préférence. A ces causes, il faut adjoindre l'action des individus et celle des pouvoirs qui encouragent, contraignent, régie· mentent.

C. PROMOTEURS ET AGENTS

Des tentatives nous échappent. Charbonniers, ermites. paysans isolés, groupes ruraux grignotent des terres situées en bordure des bois, élèvent des habitations aux limites élargies des villages, s'installent en pleine forêt, en plein marais. Tôt ou tard, ils paient des dîmes novales et se résignent, en majorité, à reconnaître les droits éminents des maitres qui s'imposent à eux : nobles, religieux, bourgeois conquérants 1 • En maints endroits, ces c hautes personnes > combinent leurs efforts avec les actions paysannes, de mieux en mieux disciplinées. C'est là qu'il faut chercher le véritable ferment, l'incitation : qu'il s'agisse de repousser les limites d'une agglomération antique, ou de créer une ville neuve. On dit volontiers que les seigneurs du XJe siècle restaient peu ouverts à la compréhension des problèmes économiques. Nous n'en croyons rien. Il est sûr que certains préféraient les vassaux aux tenanciers, qu'il voyaient dans le pullulement des lieux habités un moyen de se renforcer chez eux comme à leurs frontières et de protéger les voies de communication, qu'en Allemagne des chefs territoriaux s'appuyèrent sur des groupes de paysans libres•. Mais les soucis d'ordre politique ou militaire s'allièrent au désir d'augmenter les redevances, de défendre les cultures contre 5. Nous disons bien c en majorité , car, dans les régions ofl la mentalité allodiale était enracinée, les défrichements accrurent les propriétés indépendantes (n° 367, BotJTRUCBB, L'alleu en Bordelàl•, p. 607l ; n° 27, DUBY, L'économie rurale, 1, 151). 6. N°S60, Bost, Freiheit und Unfreiheit.

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les chasses dévastatrices, de bénéficier des taxes de ban et d'investir des capitaux lorsque la montée du prix des céréales ragaillardit les humeurs spéculatives. Un maître de village taille des « coutures > dans les bois voisins, crée des salines ou des polders, exhorte ses tenanciers à étendre leurs exploitations. Il .fait appel à des « hôtes >, leur offre des terres, leur prête quelques deniers, un train de culture, des semences, leur laisse des droits d'usage, se fait tolérant en matière de justice, d'aide militaire, de corvées ". Désire-t-on aménager un vignoble ? La besogne terminée, la terre est souvent divisée entre le puissant et le tenancier. Le premier prend une moitié ; il abandonne l'autre au défricheur en pleine propriété ou contre des obligations légères 8 • Dans les grandes exploitations, des maîtres engageaient des entrepreneurs de colonisation qui essartaient ou asséchaient une surface déterminée, la découpaient en lots, installaient des tenanciers. Leur salaire était la jouissance, viagère ou perpétuelle, de terres données en alleu ou contre une redevance minime, et l'obtention de pouvoirs seigneuriaux .

• ** Qu'ils soient entrés en concurrence, ou qu'ils aient agi de concert pour conduire le défrichement, inventorier des tenures et des tenanciers, les river au sol et repousser les fuyards, les seigneurs ont joué un rôle différent dans l'extension des cultures et de l'habitat. Des rois et des chefs de principautés territoriales tiennent la corde. Ils avaient de nombreux agents, des capitaux, des moyens de propagande. Louis VI et Louis VII ont encouragé la création de villages le long de la route, pour eux vitale, qui conduisait d'Orléans à Paris et qui était inquiétée par des brigands : « Nous avons fondé un village à Vaucresson ; nous y avons cons7. N° 612, MOLLAT, c Les hôtes de l'abbaye de Bourbourg > (Mélanges Halphen, p. 613-521, et Documents, n° 12). 8. Sur ce c complant >, mentionné dès le X• siècle en Poitou, n° 448, GRAND, Le contrat de comptant depuis les origines jusqu'à nos jour:,.

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truit une église cl une maison, el nous y a,·ons fait ouvrir par la charrue la terre inculte. Ceux qui feront l'effort de l'édifier sauront bien ce qu'il peut coûter, puisqu'il y a déjà presque soixante hôtes et que beaucoup veulent encore venir, si seulement quelqu'un y pourvoit. Ce lieu était comme une caverne de voleurs, désert sur plus de deux milles, sans utilité aucune pour notre église, repaire de brigands et de vagabonds à cause de la proximité des hois. Pour cette raison, nous avons décidé que nos frères y serviraient Dieu afin que, dans les tanières où d'abord habitaient les dragons, croisse la verdure du roseau et du jonc 9 • > Un texte de 1224 relate une initiative de c Thibaud, comte palatin de Champagne et de Brie > : c Pour l'amour de Dieu ... , ainsi que pour mon salut... , j'ai accordé à l'église et aux moines ... de La Celle qu'il leur soit permis d'essarter trois cents arpents de bois dans la forêt de Jeugny... et que de ces trois cents arpents essartés, ils fassent librement et entièrement leur volonté de manière à ce qu'ils possèdent à perpétuité, librement et pacifiquement, ce qu'ils y auront eux-mêmes fait el édifié, sauve ma garde, et pourvu qu'il ne soit permis en aucune façon que le bois ne revienne de nouveau en ce lieu 10 • » Ducs, marquis, comtes, châtelains, simples nobles et bourgeois ont eu un rang honorable. Des clercs et des Ordres religieux furent également des animateurs, même si leur action a été exagérée en raison de la riche documentation qu'ils ont léguée. Ce fut le cas des vieux Bénédictins, des Clunisiens, des Cisterciens, des Chartreux 11 ... Plus tard, ce 9. SUGER, De administratione sua (éd. LECOY DE LA MARCHE, p. 164 : deuxième quart du xne siècle) (Documents, n° 9). 10. LALORE,. Collection des principaux cartulaires du diocèse de Troyes, VI, n° 17 (Documents, n° 11). 11. Lorsque l'abbaye bénédictine de La Sauve-Majeure fut fondée dans l'Entre-Deux-Mers en 1079, c la forêt alentour avait poussé si dense que personne ne pouvait approcher de l'église sans se frayer un chemin par l'épée ou par quelque autre fer ~. Bientôt, les défricheurs abattirent des arbres, ouvrirent des chemins, créèrent ou agrandirent des agglomérations (n° 367, BouTRUCBE, L'alleu, p. 80 et suiv.). Des Cisterciens ont développé de vastes exploitations adonnées à

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fut celui des Templiers et des Hospitaliers qui, revenus en Occident, utilisèrent à des fins pacifiques les forces qu'ils n'avaient pu déployer en Orient. Le rôle des religieux s'explique par la composition de leur temporel, formé de nombreux bois ou landes, et par les associations · de c pariage > nouées avec les donateurs laïques u. Ces derniers leur concédaient une terre, leur demandaient de la défricher et de la peupler, d'avancer des capitaux, de partager avec eux des profits et des pouvoirs. Les monastères accroissaient les revenus des réserves domaniales, les cens, les c champarts > et les dîmes. Ils attiraient c le peuple de Dieu >. Leur c perpétuité > permettait les entreprises de longue haleine. Peut-être enfin pensait-on que leur protection était plus efficace que celle des seigneurs laïques. Grâce aux établissements ecclésiastiques, des agglomérations ont reçu un nom et un terroir. De plus, la conscience d'une vie collective, la solidarité entre les membres d'une communauté rurale s'affirmèrent par un édifice religieux autour duquel se blottirent des paysans qui, auparavant, étaient comme c des brebis errant sans pasteur pour les conduire >.

D. TYPES D'EXTENSION DES SURFACES CULTIVÉES

Quelle fut la genèse de l'occupation et de l'exploitation du sol? l'élevage et à la culture : telles, dans le Parisis et le Valois, les c granges > de Stains, Choisy-aux-Bœufs. Fourcheret, Fay, Vaulerent (n° 243, HmouNET, La grange de Vaulerent). A vrai dire, des moines ont tardé à défricher, ou se sont installés sur des terres déjà essartées (n° 27, DUBY. L'économie rurale, 1, 147 ; n° 216, FossIER, La terre et les hommes en Picardie, 1, 310). 12. Conclus aussi entre le roi et les seigneurs privés, comme entre des c puissants > de toutes catégories, dont les uns octroyaient la terre et les pouvoirs de ban, tandis que les autres apportaient l'argent et faisaient essarter, les contrats de pariage étaient familiers aux hommes de ce temps. Ils demeurent une des sources concrètes de notre documentation.

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C'est la bataille contre la forêt qui offre le spectacle le plus étonnant. Avant le x• siècle, l'homme avait attaqué les landes, les broussailles, les petits bois et la bordure des massifs forestiers. Les espaces découverts étaient assez vastes pour que les populations, peu nombreuses, pussent y installer leurs champs et, en Poitou, occuper d'abord les terres les plus fertiles ou les plus faciles à travailler 11• La vraie forêt, au contraire, présentait un obstacle énorme. Elle ne s'avérait pas sans cesse une ennemie, malgré les animaux sauvages et les hors-la-loi en quête d'un refuge. Elle avait son économie particulière et donnait des ressources complémentaires : bois de chauffage, de construction ou de fabrication pour de menus objets et pour la c vaisselle vinaire > ; combustible, fruits, chasse et pâture. La poussée démographique se faisant plus forte et les outils se perfectionnant, on l'a partiellement démantelée, avec des succès inégaux. Rongée sur les bords, attaquée à l'intérieur, elle est restée souveraine sur d'importants massifs montagneux où elle s'adaptait mieux que n'importe quelle culture au relief, au sol, au climat. La lutte fut décisive dans les régions de plateaux limoneux dont l'imperméabilité avait écarté les hommes, et sur des sols relativement pauvres, susceptibles d'être améliorés. L'arbre recule de la Flandre et de l'Artois à la Lorraine et à l'Ile-de-France, du Massif armoricain au Sud-Ouest, ainsi qu'en des contrées anglaises, allemandes et méditerranéennes 14•

* ** En deuxième lieu, des franges maritimes et des marais littoraux battirent en retraite 15 • En Picardie, on édifia des 13. N° 302, SANFAÇON, Défrichements en Haut-Poitou, chap. I et II. 14. N° 321, VERHULST, Histoire du paysage rural en Flandre, p. 99 et suiv. ; n° 216, FossIER, La terre et les hommes en Picardie, 1, 305 et suiv. (avec une très utile définition de la forêt, et de sérieuses réticences sur la portée des défrichements picards). 15. Sur la vie des marais, bon raccourci dans .J. HF.F.RS, !,'Occident au.r XIV• et XP siècles. Paris, 3• éd .• 1970.

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digues afin de mettre à l'abri des flots les bonnes terres d'argiles marines ; on creusa des canaux d'écoulement. Les mêmes comportements eurent cours en Flandre maritime 18 • Ils aboutirent à la création de polders dans les Moëres, au sud de Dunkerque et de Zuydcoote, dans les anciens golfes de Saint-Omer, de l'Yser et de l' Aa, dans le Zwin ... De pareils travaux, qui nécessitaient de gros capitaux et une forte main-d'œuvre, furent des entreprises collectives encouragées par les comtes, dirigées par des abbayes appelant des hôtes et par des associations dites wateringues, constituées au XIIe siècle entre les maîtres du sol et les habitants. La lutte contre la mer et les marais fut également efficace dans les Fens du Lincolnshire, dans le Marais Breton, le Marais Poitevin, la baie d' Aiguillon, le Marais Charentais. Ce littoral de pêcheurs, de marins et d'agriculteurs, qui se prêtait mal à l'établissement de bons ports, en dehors des Sables-d'Olonne et de La Rochelle, création du XIIe siècle, a multiplié les céréales, les vignobles, les salines. La construction de ces dernières, égrenées en chapelet du golfe du Morbihan à la côte landaise, avait débuté antérieurement à l'époque romaine. Elle ne s'opéra pas sur une large échelle avant le XIe siècle, sous l'action d'abbayes telles que Marmoutier, Saint-Florent de Saumur, Le Ronceray, Saint-Michel en L'Herm, Maillezais, Luçon, Talmont. Des seigneurs laïques - comtes du Poitou, vicomtes de Thouars, sires de Pons et de Rais - concédèrent des terrains à des sauniers qui en conservèrent la moitié contre un cens ou une redevance proportionnelle à la récolte. Parallèlement à cette œuvre, tous élargirent leurs terroirs. Une des conquêtes les plus typiques fut l'assèchement, aux XIIe et XIIIe siècles, des marais de la Sèvre et du Lay (entre la Sèvre Niortaise et la plaine de Luçon). Au début, les abbayes agissaient chacune pour leur compte. Puis, certaines unirent leurs efforts. En 1217, cinq monastères s'entendirent pour creuser le canal des « Cinq-Abbés >. Des paroisses nouèrent des alliances. En 1283, douze d'en-

m.

N° ;121,

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cité, ir·· partie, chap. 1 à v.

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tre elles, encouragées par Philippe le Hardi, décidèrent de creuser et d'entretenir l' Achenal-le-Roi, long de dix-neuf kilomètres. Les marécages insalubres furent transformés en prairies ou en terrains de culture pour les blés et les fèves. Partiellement ruinée du XIV• siècle à la fin du XVI•, l'œuvre fut reprise au temps d'Henri IV 17• Ailleurs, la conquête sur la mer a été faite sans plan d'ensemble : à Bouin, dans le Marais Breton, avant le x• siècle, à Noirmoutier depuis le XIII•, où les procédés, très simples, reposaient sur la « prise >. Chaque marée laissait de la boue qui, s'accumulant peu à peu, formait des îlots que les seigneurs et les paysans annexaient à leurs champs ou à leurs salines, et qu'ils entouraient de levées faites de vases marines.

* ** On pourrait citer d'autres exemples : assèchement de marais intérieurs, après l'an mil, dans le Roussillon, le Languedoc, la Camargue, le Mecklembourg ; inversement, mise en étang d'une partie des Dombes et de la Bresse à partir du XIII• siècle ; traYail entrepris le long de fleuves divagants pour contenir leurs eaux. Dès le IX• siècle, on s'était préoccupé de border la Loire de digues petites et submersibles. Henri II Plantagenet, en tant que comte d'Anjou, fit reprendre ces ouvrages, surveillés et entretenus par des tenanciers attirés sur les levées, ou à proximité. Louis XI et ses successeurs s'inspirèrent de principes différents. Ils préconisèrent la construction de hautes digues. Mais ces dernières enlevaient aüx champs le limon apporté par les petites crues. En cas de rupture, elles aggravaient le danger des inondations. D'où les conflits entre les bourgeoisies marchandes des villes de la Loire, qui désiraient un fleuve navigable, et les paysans des bords de la rivière 18 • Des difficultés surgirent aussi, dans les marais de 17. N° 288, PAPY, La côte atlantique de la Loire à la Gironde, II, 3411 et suiv. 18. ~" Hl-t. Dm:s, Histoire des leuét•:-. de la Loire, chap. v1 et vu.

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la Sèvre, entre les gens des polders et les habitants deM' vieux villages menacés par les eaux dont les digues ou les terres conquises entravaient l'écoulement.

E. CHAMPS ET VILLAGES NOUVEAUX

Les traditions des immigrants et les modes d'occupation ont modifié le dessin des terroirs et les régimes agraires. Des anomalies persistèrent durant plusieurs générations. Au cœur du Bassin de Paris, des parcelles irrégulières tranchèrent, par leur physionomie insolite, sur les longues lanières voisines. Dans le Yorkshire, dévasté en 1069 par les troupes de Guillaume le Conquérant, la réoccupation se fit en deux stades. Durant le premier, qui ne fut pas toujours dépassé, des paysans, agissant individuellement, entourèrent leurs champs de clôtures. Au cours du second, les terres furent alignées sur !'openfield. Ici et là, d'autre part, des coutures seigneuriales contrastèrent avec la disposition des tenures paysannes, morcelées entre les quartiers du terroir. En certaines zones, la prise de possession fut suivie de pratiques simplistes, qui contrastèrent avec l'exploitation intensive des terres voisines. Puis les rythmes agricoles se modelèrent sur les usages locaux. Enfin, les assolements furent émoustillés par la poussée démographique, les entraves aux défrichements, la recherche d'espaces et de cultures répondant aux besoins des bourgeoisies urbaines. Du XIII• au xv· siècle, les terrains de pâture laissés aux paysans ont diminué dans le Nord-Ouest de l'Allemagne ; l'élevage a fait place aux céréales; des villages groupés à l'intérieur de terroirs soumis à l'assolement triennal se sont substitués à des hameaux 19 • L'habitat, en effet, nous appelle. D'anciennes agglomérations s'accroissent : en Ile-de-France, le village gallo-romain de Magny est devenu Magny-l'Essart (conséquence des 19. N° 31:J. TrnM, Die Walcln11/-:1111!1 i11 .Vordmestdeulscltland im Spiegel der Weistiimer.

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défrichements), puis Magny-les-Hameaux (conséquence du peuplement). En même temps, des c déserts > s'animent. Des établissements de plaines ou de plateaux furent tracés de façon à se développer dans le cadre d'un vaste finage et à devenir le siège de villages compacts 10• Dans certaines contrées, toutefois, le relief, le sol imperméable ou décalcifié, les conditions du travail agricole et de la circulation empêchaient les aménagements ambitieux. Suivant un dessein longuement nourri, les initiateurs des défrichements plaçaient la maison près des champs tout en préparant une extension du terroir. A la fin du XII• siècle et pendant le premier quart du XIII•, les archevêques de Rouen ont fondé des villages-rues, ou en arêtes de poisson, à l'intérieur des clairières de la forêt d' Aliermont, en Haute-Normandie. Plus tard, ces villages se sont rejoints : ils ont formé une suite ininterrompue d'agglomérations sur une vingtaine de kilomètres. De part et d'autre d'un axe principal, chaque parcelle portait une maison regardant d'un côté sur la rue et de l'autre sur un jardin et des champs 11• Ici, habitat groupé et exploitations en un tenant allaient ensemble. Dans le Sud-Ouest de la France, enfin, plusieurs types d'habitat appartiennent à la période envisagée. D'abord les sauvetés, créées principalement sur l'initiative des Religieux. Entre 1100 et 1120, les Hospitaliers en fondèrent une quarantaine sur les coteaux du Comminges. D'autres furent établies, après l'an mil, dans le Midi aquitain, en Normandie, en 20. N° 195, DION, L'habitat rural du Bassin parisien, p. 29 et suiv. Les moines de Pontigny obtinrent du pape, en 1155, un privilège interdisant à quiconque de construire sans leur consentement dans un rayon d'une demi-lieue autour de chacune des granges dépendant de leur abbaye. Quelques-unes disposèrent, dans leur voisinage, d'environ trois mille hectares de terre, susceptibles de servir d'assiette à des villages. - Des créations furent ramenées à des proportions raisonnables. En Flandre intérieure et dans les parties les plus humides de la Lorraine, des hameaux n'occupèrent pas tout l'espace envisagé lors de leur fondation. D'où une relative dispersion de l'habitat, rompue par de gros villages. 21. N° 285, MussET, c Le nom et l'ancienne ceinture forestière du pays de Caux ; les villages des défrichements médiévaux >. Etude ancienne, n° 394, DBLISLB, La classe agricole en Normandie, p. 400-401. ,

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Bretagne 22 ••• Un Ordre militaire, une abbaye traçaient un village aux formes géométriques dans un espace délimité par des croix plantées aux quatre points cardinaux 23 • Eparpillées de la Dordogne aux Pyrénées, comme de l'Atlantique au Rhône, les bastides ont plus d'allure : tôt ou tard, des remparts, une place flanquée d'arcades ... Tandis que des sauvetés furent le fruit d'initiatives privées et (dans Villages désertés, p. 253). - D'autres bourgs, nés aux temps celtiques ou à l'époque romaine, virent leur population s'accroître, tandis que des hameaux et des fermes isolées étaient créés dans leur voisinage. De nombreux bourgs ruraux se présentaient comme de petites agglomérations de paysans, d'artisans et de commerçants protégées par la paix de Dieu et dotées de privilèges. Où qu'on se place (France, Angleterre, Allemagne, Italie ..•), le c: bourg > revêt des significations diverses. Ni ses origines, ni ses fonctions ne sont partout ies mêmes (n° 283, MussET, Bourgs ruraux en Normandie; n° 220•, GÉNESTAL, La tenure en bourgage ; LATOUCHE, n° 262, Un aspect de la vie rurale dans le Maine; n° 261, Défrichement et peuplement rural dans le Maine; n° 302, SANFAÇON, Défrichements en Haut-Poitou, chap. 1-v et Appendice v1. - Les études récentes sur les vi11eneuves ont complété, nuancé ou modifié les conclusions de FLACH, n° 34, I.«•s ori9ines de l'anciennf' Frcmct•, 11, Paris, 1893).

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c Ces haies et ces échaliers donnent au sol la physionomie d'un immense échiquier dont chaque champ forme une case parfaitement isolée des autres, close comme une forteresse, protégée comme elle par des remparts... Là, point de villages. Les constructions précaires que l'on nomme des logis sont clairsemées à travers la contrée. Chaque famille y vit comme dans un désert8'. > La plus grande partie de la Bretagne, de la Vendée, du Maine, du Perche et du Cotentin, de larges sections du Massif Central, du Berry, de la Bresse, de l'Autunois et du Charolais, comme du Bugey et du pays basque, étaient pays d'enclos. En Angleterre, le woodland couvrait de vastes espaces dans la Cornouailles, le Devon, le pays de Galles, le Cheshire, le Kent, l'EstAnglie... Partout, des chemins flanqués de talus, des champs fermés par des haies plantées de noisetiers ou de bouleaux, couvertes de buissons et de ronces, avec, à leur pied, un fossé pour l'écoulement des eaux. Partout, de petits hameaux ou des fermes isolées règnant sur leur propre terroir. D'où la multiplicité des lieux-dits. Partout, des bois s'émiettant en bosquets. De loin en loin, de vastes landes découvertes, ou la masse sombre d'une forêt. Dans ces régions de sol pauvre et accidenté, la vie est restée « érémitique et familiale >, avec amour ou habitude de l'isolement, répugnance devant certains progrès matériels, méfiance dans les relations sociales. Les principales réunions sont celles des dimanches, des jours de fête, des c assemblées >. L'emprise de la religion catholique y est forte, comme celle du clergé. Forte également celle des hobereaux. Les pratiques agraires collectives ne s'appliquaient guère ici qu'aux bois et aux landes, organisés en communaux, à des prairies, à des travaux de moissons, de charroi, de battage. Pas de soles, mais au mieux une rotation des plantes et la jachère ; à défaut, la culture temporaire pendant plusieurs années de suite, puis l'abandon du champ. Habituellement, pas de vaine pâture. Les landes et les pâquis 27. BALZAC, Les Chouans, dans Biblioth. de la Pléiade, La Comédie 11unwi11e, VII, 778, 973. Paris, l!J55).

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·èlaient assez vastes pour nourrir les animaux. Le même esprit individualiste se manifestait là où des champs sans clôture étaient installés, et des haies abattues : si bien que le nom de « champagne > a été donné, en Bretagne, à des ensembles de parcelles découvertes. Plusieurs bocages sont moins anciens qu'on ne l'a cru. Des champs bretons furent entourés de haies au lendemain de l'an mil, au cours des grands défrichements, à l'époque moderne. Auparavant, ils étaient ouverts. Le bocage a été conquis ordinairement sur la forêt par des entreprises qui ont multiplié les écarts en dehors du bourg, édifié des haies pour protéger les terres arables, les.fermer à la dé paissance commune et signifier que, chez lui, le paysan était son maitre. Des historiens n'ont retenu que le beau côté de la médaille offerte par la fondation et le développement des lieux habités. Le revers est moins attirant 21 • De jeunes agglomérations se nourrirent de la disparition de villages et de hameaux tués par des seigneurs qui regroupèrent les champs et les paysans, revinrent au faire-valoir direct, ou, dans l'Angleterre du XIII• siècle, déplacèrent des tenanciers dont les biens furent annexés aux réserves domaniales. Loin de signifier accroissement ou recul de la population, des apparitions ou des abandons de lieux-dits indiquent des mutations, des remises en état dans la répartition des hommes et dans les structures rurales.

F. FLÉCHISSEMENT DES ESPACES CULTIVÉS

Des demandes de produits alimentaires furent plus fortes que les offres. Les techniques agraires et commerciales, les 28. Des recherches le démontrent : n° 325, Villages désertés, Paris, 1965 ; The Cambridge Economie History, Cambridge, t. 1, 2• éd., 1966 ; n° 51, GBNICOT, Le XIII• siècle européen ; M.W. BERBSFORD, The loBt villages of England, Londres, 5' éd., 1965 ; n° 157, ABEL, Agrarkrisen und Agrarkonjunktur; ID., Die Wüstungen des ausgehenden Mittelalters ... , Stuttgart, 2• éd., 1955.

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exportations imprudentes, les inégalités sociales empêchèrent de répondre aux besoins des agglomérations surpeuplées. Les défrichements sont restés à la traîne. Ils ont été frappés d'une faillite partielle. Sensible aux XIII• et XIVe siècles, leur diminution fut aggravée par la reconquête de bois, de broussailles ou de landes qui se réinstallèrent sur des champs. Chaque lieu a sa chronologie et ses particularités, des zones céréalières perdant plus de terrain que celles d'élevage. Il est donc illusoire de pousser trop loin les synchronismes. L'Ile-de-France a peut-être pris les devants entre 1230 et 1250. Vinrent ensuite la France du Nord, le Haut-Poitou, le Jura méridional, la Haute-Provence... En revanche, dans notre Sud-Ouest, pays de bastides érigées aux fins que nous avons dites, en des régions anglaises 29, dans les Ardennes belges, dans l'Allemagne du Nord-Ouest et de l'Est, en Italie septentrionale, la conquête du sol a dépassé la fin du XIII• siècle. Nulle part, ou presque, les défrichements ne furent interrompus complètement. Ils ne revêtirent plus l'ampleur atteinte à l'ère précédente. Pourquoi ce fléchissement? On peut invoquer les guerres, les troubles intérieurs ou, dans l'accroissement de la population, un arrêt plus tardif que celui de l'expansion agricole. Et puis, des ruraux s'emploient moins à étendre les surfaces cultivées qu'à exploiter au maximum les terrains conquis en perfectionnant les amendements, la rotation des cultures, les assolements, en semant des légumineuses sur les jachères. De meilleures raisons touchent aux racines de la vie rurale. Des erreurs ont été commises. On a fait disparaître trop de « hêtres et beaucoup d'autres grands arbres >. Après l'occupation des bonnes terres, on s'est aventuré sur des sols médiocres 30 • Des brftlis répétés ont appauvri des champs 31 • On a fondé des établissements « fautifs >, condam29. N° 235, HARVEY, The population trend. 30. VERHULST, c L'économie rurale de la Flandre > (Etudes rurales, n° 10, 1963, p. 74). 31. N° 192, DEVÈZE, c Forêts françaises et forêts allemandes > (Rev. histor., t. CCXXXV, 1966, p. 378).

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nés à vivoter ou à disparaître. Le déséquilibre grandissant entre les cultures et l'élevage a dressé les uns contre les autres des agriculteurs et des pasteurs, des seigneur~ et des ruraux; il a divisé les membres de chaque classe. De grands personnages veulent économiser le bois d'œuvre, conserver ou étendre les terrains de chasse et de pâture, s'emparer des communaux, réduire les pouvoirs des villageois sur les forêts et les chaumes, s'opposer à l'établissement des villeneuves 32 • Des paysans défendent leurs droits d'usage et de parcours. De pauvres gens cherchent dans les bois des moyens d'existence qui leur épargneront l'achat de céréales trop chères pour leur bourse, tandis que le prix des blés est jugé trop bas par des producteurs qui, dès lors, se tournent vers l'élevage. L'organisation relativement cohérente de la défense des forêts remonte au XIIe siècle ou au XII18. Des seigneurs et leurs agents assurent la surveillance, limitent l'accès dans les sous-bois, réglementent le pacage, l'abattage et la vente des arbres, se réservent la coupe des chênes, des hêtres, des frênes. Ils créent des « cantonnements >, des c mises en défens >, ou reboisent : tels, en 1277, les Cisterciens de la Merci-Dieu, en Poitou, qui avaient besoin d'espaces forestiers pour leurs troupeaux 33. Des bourgeoisies urbaines encouragent le remplacement des feuillus par des conifères qui se prêtaient à la production de la résine, à l'apiculture, 32. Les oppositions d'intérêts sont anciennes. En 1135, des seigneurs du Haut-Poitou interdisent la vente du bois (n° 302, SANFAÇON, Défrichements en Haut-Poitou, p. 111). Entre 1140 et 1172, le landgrave de Thuringe s'adresse en ces termes au c prévôt des défricheurs des forêts > : c Nous te sommons de quitter sans délai les territoires forestiers et de t'en retourner avec tous les défricheurs qui te sont subordonnés. Si vous tardiez encore, même pendant peu de temps, Je viendrais moi-même vers vous, et je ferais détruire tout ce qui est à vous par le feu et la dévastation, non sans péril pour votre vie même > (G. FRANZ, Deutsches Bauerntum, I, Mittelalter, n° 46, p. 107). Des moines, enfin, ont conservé les forêts qui protégeaient leur solitude et nourrissaient leur bétail. 33. N° 302, SANFAÇON, ouvr. cité, p. 112. Lire également n° 549, PLATELLE, Saint-Amand, p. 260 et n. 61.

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et dont le -hoïs- faisait l'objet d'achats importank- pour,· les constructions et l'artisanat 14• Dans les défrichements comme en d'autres domaines, il y a eu va-et-vient.

••• Bien que la documentation s'acharne à révéler les affrontements, il ne faut pas les généraliser car, eux-mêmes usagers des forêts, des maîtres du ban s'entendent avec des ruraux pour leur survivance et leur exploitation. Enfin, il serait injuste de conclure sur une note pessimiste et de méconnaître la civilisation qui s'épanouit du x• au XIII• siècle. Alors apparurent c le premier vitrail, la première ogive, la première Chanson de geste 85 >. Alors intervint le renouveau du droit écrit et de divers modes de pensée. Ce fut l'époque où les pouvoirs monarchiques se ressaisirent en France, en Angleterre, en Espagne, en Italie, où les principautés territoriales se développèrent dans l'Empire. Grâce à la renaissance des échanges, de l'artisanat, des instruments monétaires et du crédit, les bourgeoisies s'ancrèrent dans leurs communes émancipées. Sous l'action des forces jeunes, les vieilles membrures craquent et se disjoignent. Des paysages furent transformés par les cultures : celles des céréales, au premier chef, et celle de la vigne. Le Bordelais le démontre. Après 1154, époque où l'union anglo-gasconne fut réalisée, la demande extérieure s'accroît. Au pied des coteaux, les fleuves tracent d'admirables voies naturelles vers l'Océan tout proche. En raison des facilités de circulation, les vins bordelais sont moins chers, sur les marchés britanniques et flamands, que des vins de qualité inférieure. Entre 1278 et 1289, Edouard 1•r ordonne que la forêt de Bordeaux c soit plantée de vignes et d'autres cultures >. Le long des fleuves, dans les Graves, en Médoc, en Entre-Deux-Mers, des vignobles sont installés sur des em34. N° 192, DBvizE, c Forêts françaises et forêts allemandes > (Reo.

histor., t. CCXXXV, 1966, p. 372 et 379). 36. Selon J. BéDIER (cité par M. BLOCH, n° 346, Caractère, originau:r, 1, 17).

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placements déserts : c à l' artigue, à garrigue, près des vacants• >••• A la veille de l'an mil, l'occupation du sol était b_eaucoup plus lâche qu'aux derniers temps de l'époque romaine. L'habitat campagnard prit ensuite d'autres aspects. Un chroniqueur du XI• siècle, Raoul Glaber, dit joliment que c le vieux monde, secouant sa vétusté, se couvrit d'une blanche robe d'églises >. Ces édifices ne furent pas son unique parure. Les clochers se dressèrent au-dessus de villages tout neufs et de terroirs nouveaux. Dans leur sillage, ou à l'écart, des forteresses surgirent : image non seulement seigneuriale, mais féodale, de l'autorité et, dans ce livre, second panneau du diptyqu~_ étalé sous nos yeux.

li. -

LES CHATEAUX

· Beaucoup moins nombreux que les églises, les châteaux sont cependant devenus un élément familier du cadre où se déroulait l'existence -des hommes. Le duc de Souabe, Frédéric le Borgne, traînait c toujours après lui, par la queue de son cheval, un château fort 17 >. Il eut des émules dans le duché, où plus de trois cents forteresses furent élevées entre 1100 et 1400. Exploitant les accidents du relief, le dessin des· rivières, la disposition des zones forestières et les refuges naturels, ou s'élevant sur des buttes artificielles, les citadelles ont été les centres nerveux, les articulations majeures des grands fiefs et des dominations de quelque importance, laïques ou ecclésiastiques. Tout seigneur ambitieux a rêvé de contrôler du haut de ses remparts le canton soumis à sa loi. Des châteaux jalonnent le cours d'un fleuve que sur36. N° 366, BoUTRUCBE, Crise d'une 1ociété, p. 149-150. 37. Otton de FREISING (dans M.G.H., Scriptores, XX, 359 : année 1114).

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plombent de hautes rives : tel le Rhin, de Bingen à Bonn. Ils couronnent un promontoire - à Chauvigny, à Chinon ... - s'établissent sur un éperon contourné par une rivière, sont appelés par l'île d'un fleuve ou, comme à Gand, par un confluent. A Sauveterre-de-Guyenne, ils surveillent la route d'un plateau, à Issoire celle d'un bassin, à Lourdes le débouché d'une vallée. Des repaires sont hissés comme, des nids d'aigle sur des pitons montagneux, ou se tapissent au cœur de régions isolées. D'autres s'installent dans des défilés - cluse d'Annecy, vallée du Rhône, du Léman au lac du Bourget, - ou sur les hauteurs dominant les approches d'une vaste plaine. Témoins les forteresses construites en bordure de la grande Limagne, sur les collines sous-vosgiennes et les contreforts des Apennins, ou, en Terre sainte, le Krak des Chevaliers, en Morée la citadelle de Mistra. Il y a des secteurs à châteaux, préparés par la géographie, commandés par l'histoire.



** Plusieurs âges peuvent être distingués dans leur édification, et plusieurs types selon le site choisi, le plan adopté, les matériaux employés. Durant le haut Moyen Age, des places fortes avaient utilisé les emplacements d'oppida celtiques ou romains, de villae mises en défense. Pour se protéger contre les invasions, on avait réparé les vieux murs qui enveloppaient les villes, dressé des palissades et creusé des fossés autour des vici, des églises et des bâtiments monastiques 38 • On avait innové en fonction des besoins défensifs ou des politiques locales, et construit des camps retranchés servant d'abri aux populations voisines. En Auvergne, ces « forteresses-refuges > couvraient cinq à vingt hectares, ou davantage"· Des constructions furent 38. VERCAUTEREN, « Comment on s'est défendu au X• siècle, dans l'Empire franc, contre les invasions normandes > (Annales du 30• Congrès de la Fédération archéologique et historique de Belgique. Bruxelles, 1936, p. 117-132). 39. N° 218, FOURNIF.R, Le peuplement rural en Basse-Auvergne, p. 854364.

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le noyau d'une ville. Montreuil-sur-Mer est entrée c tout armée dans l'histoire > car sa première mention, en 896, est celle d'une forteresse qui résista aux Normands et près de laquelle naquit une agglomération qui s'entoura de murs'°. Des places fortes avaient de si grandes dimensions et de si frêles enceintes qu'elles offraient une défense précaire. Le château proprement dit apparaît au cours du x• siècle ' 1• Puis le rythme des constructions s'accélère". Un type très répandu fut le « château à motte >, bâti sur une éminence naturelle au besoin remaniée, ou sur une levée de terre rapportée, que protégeaient des fossés, un pont-levis et des murs. Tout autour, et défendus aussi par une enceinte, voici des logements, des granges, des écuries, une cour où des villageois se réfugient. Malgré ses dimensions restreintes, l'ensemble est un petit camp retranché, organisé en fonction d'un réduit principal. A l'image défensive reste associée celle d'une protection collective. De nombreux châteaux des X• et XI- siècles étaient en bois et en terre, depuis les mottes, résidences de petits ou de moyens seigneurs, jusqu'aux solennelles forteresses. La pierre apparaît au donjon de Langeais, construit vers 994, et, moins d'un siècle après, à la Tour de Londres. Le bois lui est associé dans les constructions des modestes châtelains ou dans les bâtiments secondaires. Elle l'emporte, après 40. J. LBSTOCQUOY, c Les origines de Montreuil-sur-Mer > (Rev. du Nord, 1948, p. 184-196). 41. Plusieurs termes lui sont appliqués : castrum, castellum (qui désignent aussi une agglomération entourée de murailles et défendue par une forteresse intérieure) ; munitio (fortification), firmitas (d'ofl est venu ferté), fortalicia, forticia (J. F. VERBRUGGEN, Note sur le sens des mots c castrum, castellum > ..., dans Rev. belge de Philol. et d'Hist., 1950, p. 147-155). - Il y a lieu de distinguer entre les châteaux objets de ce paragraphe, - les agglomérations fortifiées et les c mai· sons fortes >, réduites à quelques défenses. 42. N° 604, AUBENAS, Les chdteaux forts des X• et XI• siècles: n° 736, R1cBARD, Chdtearn:, chdtelains et vassaux en Bourgogne auz XI• et XII• siècles : PERROY, n° 731, Les chdteaux du Roannais du XI• au XIII• siècle : n° 732, Note sur la chronologie des chd.teaux foréziens. 2

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1150, dans les « châteaux neufs > dont la toponymie a conservé le souvenir. Les constructeurs les appuient, quand ils le peuvent, sur le rocher, défendent les approches de la grosse tour carrée ou rectangulaire par plusieurs remparts disposés de façon à ménager des flanquements. Bâti à la fin du XIIe siècle sur l'ordre de Richard Cœur-dc-Lion, Château-Gaillard bénéficia de l'expérience acquise dans l'Orient des Croisades. Comme aux temps carolingiens, on utilise l'emplacement d'une forteresse du haut Moyen Age - à Chinon, à Loches, à Vieil-Brioude, à Thiers où le château fut érigé au-dessus du bourg monastique. - En Morée on restaure des acropoles antiques ou byzantines l'Acrocorinthe, Argos, Nauplie ... De préférence on s'installe en des lieux jusqu'alors sans défense. Etaient-ils déserts ? Si l'emplacement le permet, des villages perchés naissent dans le voisinage. Certains ont survécu à l'effacement de la redoute. S'agit-il d'une zone déjà habitée ? La création d'une citadelle entraîne soit une concentration des hommes, là où la population était dispersée, soit le dédoublement de l'habitat, comme aux Ouches, dans la vallée de l' Alagnon.

* ** Rien de plus variable que la répartition des forteresses. Donc, rien de plus faux que les calculs la réduisant à une échelle brisée par des « cas aberrants ». Au début du XIIe siècle; la plaine du Forez n'avait aucun château. En revanche, son pourtour était garni d'une dizaine de bastilles. Rares dans le Nord-Ouest de l'Angleterre, peu peuplé et peu convoité, les châteaux se pressaient dans les riches plaines du Nord-Est, ouvertes aux invasions venues d'Ecosse : à York, Scarborough, Richmond, Lincoln ... Le réseau était plus dense encore dans la région des Marches galloises (types : Chester, Shrewsbury, Montgomery), et sur les côtes de la mer d'Irlande 43 • Dans les régions-clefs, comme le Nord 43. N° 781, BoussARD, Le gouvernemtmt d'Henri Il Plantegenêt, p. 6980.

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du Poitou, des citadelles distantes tout au plus de dix à vingt kilomètres furent bâties pour contrôler un secteur qui pouvait être parcouru en quelques heures. Il y a là, si l'on y tient, une c moyenne idéale >. La carte des châteaux porte témoignage non pas d'un système d'ensemble à la taille des royaumes, mais de plans régionaux à celle des domaines royaux, des principautés ou des grands temporels ecclésiastiques tels que Cluny, Vézelay, Flavigny. II fallait défendre les frontières, les voies de passage, les nœuds de communication, les campagnes fortunées, les villes 44• Le roi de Germanie Henri Ier élève des châteaux sur les limites orientales de la Saxe. Henri IV protège ses domaines, dans la région du Harz, par des forteresses dont la garde est confiée à des ministériaux. De chaque côté de l'Epte, qui forme frontière, Gisors et Chaumont s'affrontent. Au lendemain de son avènement, Henri II Plantagenêt s'empare des châteaux occupés par les alliés d'Etienne de Blois, dégage ceux qu'ils assiègeaient et, les années suivantes, reprend ou détruit de nombreux bastions. L'évêque de Liège a tenu tête à la féodalité laïque et aux bourgeoisies grâce aux vingt-quatre forteresses entrées finalement en sa possession e. Les plans furent modifiés à plusieurs reprises en raison de la fragmentation des royaumes et de la multiplication des puissances locales. Dans l'Ouest de la région pyrénéenne, quelques forteresses défendaient le pays, tenu par la maison de Béarn. Au centre et à l'Est, le morcellement des dominations territoriales, la menace musulmane au x· siècle, la rivalité des maisons de Toulouse et de Barcelone au XIl8, la Croisade des Albigeois et les entreprises capétiennes au XIII• déterminèrent la construction de nombreux châteaux". En Alsace, les forteresses romaines - et, beau44. Amboise et Montrichard, en Touraine ; Bellême et Mortain, en Normandie ; Thouars et Lusignan, en Poitou ; Castillon-sur-Dordogne, Benauges et Langoiran, en Bordelais, remplissaient un de ces rôles. 45. N° 634, DÉPREZ, La politique castrale dans la principauté de Liège du X• au XIV• siècle. 46. N° 679, HIGOUNBT, Esquisse d'une géographie de, chdteaux de, Pyrénées.

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coup plus tard, celles de Louis XIV - regardaient vers le Rhin. Elles entraient dans le plan d'un Etat centralisé. A l'époque féodale, d'autres préoccupations sont nées. L' Alsace n'est plus aux frontières. Ses problèmes sont intérieurs. Les grands seigneurs qui se partagent le territoire se préoccupent de défendre les passages de montagne et les hautes vallées. Il faut attendre les Hohenstaufen pour que les plaines et les hauteurs soient associées dans le même système de défense, par exemple autour de Haguenau où une couronne de châteaux, aux fleurons inégalement serrés, protégea les biens royaux 47 ••• Partout, de simples « maisons fortes » sont élevées par des et le prince, qui reconnaissait le fait accompli et lui donnait la forme d'une concession sanctionnée par l'hommage. Renchérissant sur les diplômes royaux, des contemporains s'élèvent contre « les hommes pestilentiels >, c: les hommes pervers > qui construisent des « châteaux adultérins >, des « châteaux criminels », des « antres de sorciers > 51 • Il n'y a pas lieu d'exagérer leur nombre. Evidemment, lorsqu'elle était en bois, le châtelain têtu relevait assez vite la forteresse détruite par l'adversaire. Le seigneur du Puiset s'y employa à trois reprises, de 1111 à 1118. Bâtissait-on en pierre? La durée et le prix des travaux décourageaient des amateurs. Chacun savait que la construction de Gisors par le duc de Normandie avait demandé une dizaine d'années et que celle du donjon de Houdan, poursuivie au ralenti, en avait réclamé une trentaine. La remontée des monarchies et des principautés a réduit le nombre des bastilles nées d'initiatives particulières. Avec des arguments accrus, le roi dans son domaine et les chefs territoriaux dans leurs circonscriptions prétendent contrôler les châteaux cédés en fief, veiller aux sous-inféodations et aux partages successoraux qui les atteignent, comme aux coseigneuries, aux ventes ou aux hypothèques dont ils sont l'objet. Une clause qui remonte à la fin du XIe siècle et qui s'est ensuite répandue a limité les effets des inféodations. Le château concédé est non seulement « jurable >, c'est-à-dire remis contre serment, mais c rendable > à toute demande du seigneur, qui le reprend durant un temps dont il est juge et assure sa défense 52 • Quitte à dédommager le châtelain par une rente ou par la cession temporaire d'un fief terrien.

•••

C'est du x· au XIII• siècle que le château fort a répondu le mieux aux besoins militaires, à l'organisation politique 51. Outre Orderic Vital, voir SUGER, Vita Ludovici Grossi regis (éd. C.H.F., Paris, 1929, p. 176-179). 52. Cartulaire de l'abbaye de Saint-Victor de Marseille (éd. GUÉRARD, 1, n° 223 : 1182) ; Chartes du Forez (1, n° 76 : 1245, etc.). WAQUET,

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et à la structure sociale. Cerné de céréales ou de vignobles, attirant à lui des villages ou des hameaux, protégeant des villes ou des quartiers urbains, il est le centre d'un tissu d'hommages, un lieu de perception des redevances, un entrepôt de produits domaniaux 53 , une demeure ou un refuge provisoire. _Grégoire VII se rendait de Mantoue à Augsbourg quand il apprit qu'Henri IV se dirigeait vers la Lombardie. Il s'enferma dans Canossa. Le château rythme le développement des Etats latins d'Orient, affermit les grandes seigneuries : Beyrouth, Sidon, Le Toron... Il scande l'avance allemande en pays slaves. Il imprime leur caractère à de nombreux conflits : guerres de siège, qui s'éternisent ; expéditions de pillage parties d'une forteresse où l'on entasse ensuite le butin et les prisonniers. Des châteaux ont donné leur nom à des dominations territoriales et à de célèbres maisons : Staufen, Hohenzollern, Bourbon, Ibelin ... Car le pouvoir réel se ramasse beaucoup moins autour d'un titre ou des réminiscences, des prétentions suggérées par Jui qu'à J'ombre des épaisses murailles élevées par les puissants. Une grande civilisation de la pierre s'est épanouie pendant la seconde moitié du Moyen Age.

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CHAPITRE II

LES HOMMES : SEIGNEURS ET PAYSANS

1. --- LES MAITRES

Le moment est venu de prendre corps à corps les grands et les humbles 1 • Impérieusement, l'attention se porte vers les « riches hommes >, vers les maîtres du sol et des personnes. La plupart jouaient sur deux tableaux, soumettaient les dépendants à des devoirs différents. Seigneurs ruraux, ils pliaient des travailleurs à leur loi ; seigneurs féodaux, ils s'imposaient à leurs rnssaux 2 • Orgueil et profit : tels étaient les 1. Documents, n°• 1 et 2. 2. Notre t. 1, p. 7-9. - De nombreux textes distinguent entre les obligations des simples tenanciers et celles des possesseurs de fiefs. Un document bavarois de 1135 déclare, à propos des vassaux : c: Nullo rurali servitio subiaceant, sed honesto et equestri more deserviant bona quae possident » (cité par DoLLINGER, n° 404, Les classes rurales en Bavière, p. 97, n. 69). BEAUl\lANOIR est plus précis : c: Nous apelons vilenage eritage qui est tenus de seigneur a cens, ou a rente, ou a champart, car de celi qui est tenus en fief, l'en ne doit rendre nule _tel redevance » (Coutumes de Beauvaisis, éd. SAL~ION, art. 467). Une semblable discrimination était loin d'être toujours aussi nette. Sur les fortunes, des indications fragmentaires sont saisies au vol (DUBY, n° 418, Un inventaire des profits de la seigneurie clunisienne à la mort de Pierre le Vénérable: n° 415, Economie domaniale et économie monétaire. Le budget de l'abbaye de Cluny entre 1080 et 1155. Sur les inventaires des domaines du comte de Namur, dressés . Dans les pays bavarois, le comte de Falkenstein détenait des alleux et, en fief, deux mille cinq cents manses environ, soit plus de trente mille hectares 4. En Angleterre, une quarantaine de seigneurs se partageaient une assez importante fraction du sol - qu'ils conc_édèrent par lambeaux à des vassaux 5 • - Les uns étaient laïques, les autres d'Eglise. Les religieux, en effet, n'avaient rien à envier aux hommes du siècle : évêques de Langres et d' Autun, abbés de Cluny et de Cîteaux, ces hauts lieux de la rénovation monasp. x1v, 17, etc. L'intérêt du Domesday Book, des Hundred Rolls (1279) et des enquêtes post mortem a été marqué par DUBY, n° 27, L'économie rurale, II, 504-505, 637-643. Appréhender globalement la richesse de chacun est impossible. Comment chiffrer et cartographier les revenus fonciers, les taxes d'origine publique, les droits éminents sur les terres inféodées, les alleux, les biens meubles? (Voir cependant n° 519, NEWMANN, Le domaine royal sous les premiers Capétiens; n° 841, LEMARIGNIER, Le gouvernement royal aux premiers temps capétiens ,· G. FoURQUIN, Le ·domaine royal en Gâtinai"s d'après la prisée de 1332. Paris, 1963). 3. N° 416, DUBY, La société en Mâconnais, p. 41-43, 94-97, 454-455. 4. N° 404, DoLLINGER, Les classes rurales en Bavière, p. 82-83, 85 et n. 20. 5. N" 493, LENNARD, Rural England (description du comté d'Oxford et de grandes seigneuries).

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tique ... En 1160, l'évèché de Freising disposait de plusieurs milliers de manses en Bavière et dans les contrées voisines. l'abbaye de Saint-Amand, en Tournaisis, reçut au Vile siècle une dotation d'une douzaine de milliers d'hectares. Vers 950, ses terres étaient éparpillées sur cent dix localités allant de la Somme au Rhin, comme du Laonnois, où elle avait ses vignes, à la côte flamande, où elle prenait son poisson. Aux XIIe et XIIIe siècles, elle sacrifia ses richesses de Frise, de Rhénanie, du Laonnois. Par achats ou échanges, elle se concentra dans le Tournaisis et les contrées voisines 6 • Les biens légués au IXe siècle à l'abbaye d'Aurillac étaient assez vastes pour qu'elle fût en mesure de céder sous la contrainte, durant le siècle suivant, dix mille manses aux vicomtes de Tournus et de Carlat. Quatorze mille manses relevaient de l'abbaye de Nivelles aux approches de l'an mil. En 1031, les terres d'un monastère de Ratisbonne étaient réparties entre trente-trois groupes domaniaux, ou villications, situés en Bavière, en Autriche et dans le Haut-Palatinat. Vers le même temps, celles de Saint-Vanne de Verdun se dispersaient à l'intérieur de cinquante-cinq localités. Au XIIe siècle, des milliers d'hectares composaient le temporel de Saint-Germain-des-Prés - réduit par rapport à l'époque carolingienne, - comme celui de Saint-Bavon, à Gand, et de l'abbaye anglaise d'Ely. Au xnr siècle, le monastère d'Echternach, dans le Luxembourg, tirait un meilleur rapport de ses mille cinquante dîmes que de ses biens fonciers, fort appréciables 1 • Il y eut des abbayes de défrichement au pied des Alpes bavaroises, en Basse-Autriche ; - des 6. N° 549, PLATELLE, Saint-Amand, chap. I, 111, IX. 7. N° 450, GRAND et DELATOUCHE, L'agriculture, p. 98, 147 ; n° 392, DELANNE, Nivelles; n° 470, HoEBANX, Nivelles; n° 404, DOLLINGER, Les classes rurales en Bavière, p. 91 et 113 ; n° 534, PERRIN, La seigneurie rurale en Lorraine, p. 254 ; n° 515, LA MOTTE-COLAS, SaintGermain-des-Prés ; n° 584, VERHULST, Saint-Bavon (résumé en français, p. 593 et suiv.) ; n° 508, MILLER, Ely. - La structure de nombreuses possessions monastiques est illustrée par Saint-Bavon : un noyau compact au nord de Gand ; des biens au sud de cette ville, puis vers Furnes, le long de la côte et dans les îles ; d'autres en Frise et près d'Anvers : dans la châtellenie de Lille, la villa de Wattrelos.

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abbayes de l'élevage, comme Saint-Victor de Marseille, qui acquit des pâturages et des bois en Haute-Provence ; des abbayes du sel sur la côte atlantique de la France et dans la région du Bas-Rhône ; des évêchés du vin, comme celui de Bordeaux, possesseur de vignobles dans les Graves et sur les bords de la Garonne •. Malgré les charges d'administration, d'entretien et de charité, les fortunes terriennes et les revenus d'origine régalienne donnaient son style de vie à une élite. Des puissants répartissaient leur existence entre quelques villae, ou demandaient à chacun de leurs domaines les provisions nécessaires, spécialisaient des terres dans la production de certaine denrées et les confiaient par contrat à des intendants ou à des fermiers. Au troisième échelon venaient les fortunes moyennes, représentées par une résidence principale et ses dépendances, par quelques dizaines d'exploitations agricoles, par le ban, par des droits sur des églises. Des châtelains n'ayant qu'une seule forteresse et son district, des avoués locaux, des ministériaux, de modestes monastères, des collégiales et des commanderies appartenaient à cette catégorie 9 • Le dernier degré, si composite qu'on n'en cerne guère les contours, voyait s'accumuler des légions de seigneurs au petit pied : le simple chevalier, dont le fief-seigneurie avait quelques dizaines à quelques centaines d'hectares 10, le chanoine fortuné, le prieur, de moyens ministériaux - par exemple, dans l'Est de l'Allemagne, le locator qui dessinait le plan des villages projetés et y installait des habitants, le Schultheiss, ce « maire des paysans », ce juge subalterne 11 • - Près d'eux se tenaient des citadins et des villa8. N° 307, ScLAFERT, Cultures en Haute-Provence ; n" 288, PAPY, La côte atlantique ,· n° 366, BoUTRUCHE, Crise d'une société. 9. Vers 1200, l'abbaye bavaroise de Baumbourg avait cinq mille hectares de terres dispersées sur plus de trois cent cinquante localités (n° 403, DoLLINGER, dans Le Moyen Age, 1950, p. 285-286.) 10. Un chevalier bourguignon détenait une habitation dans le château de son maître et huit manses éparpillés dans sept localités (n° 737, RICHARD, Les ducs de Bourgogne, p. 101 et n. 2). 11. R. J{ôTZSCHKE, Q11ellen -::11r (;eschichfe der ostde11fschen Kolonisafion, p. 27-28.

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geois possesseurs d'un domaine étriqué et de droits éminents sur quelques tenures ; des prêteurs qui, les délais de remboursement expirés, gardaient les terres cédées en gage ; des preneurs de baux à ferme ; des percepteurs de rentes, de tailles, de fractions de dîme ou de péage. Bien que les hautes classes conservassent la meilleure part de la matière seigneuriale, de nombreux individus grappillaient des revenus, accompagnaient dans leur course les mouvements économiques et les changements sociaux. Mais, répétons-le après Marc Bloch, une société n'est pas une figure de géométrie. Et puis la notion de groupe n'est pas liée uniquement à l'étendue des terres, ni au montant des revenus 12 • Notre classement a voulu esquisser une hiérarchie répondant aux impressions des contemporains. Cette hiérarchie est arbitraire, car des éléments s'entrecroisaient aux limites indécises de chaque échelon. On hésite à fixer le rang de tel châtelain, de tel abbé. Par leur fortune, de grands ministériaux allemands s'égalaient presque à leurs maîtres. Leurs collègues français figuraient plus bas parmi les groupes. Cette hiérarchie est flottante. Certes, des seigneurs se sont maintenus comme des rocs : des clercs et des moines s'accrochent à leurs anciens temporels, ou compensent les pertes par des acquisitions et remembrent leurs biens ; des dynasties ducales, comtales ou châtelaines sont entretenues par des postérités sans faille qui appliquent le droit d'aînesse, limitent la liberté testamentaire, excluent les filles dotées. Toutefois, la mobilité l'emporte. Les œuvres de piété et de charité ont enrichi des églises épiscopales ou paroissiales, des chapitres cathédraux, des collégiales, des hôpitaux. Elles sont allées plus encore vers les moines, qui investirent en même temps qu'ils participèrent à l'exploitation du sol. Les amputations des avoués et des ministériaux, les inféodations volontaires ou forcées, la conjoncture économique, une mauvaise administration les placèrent à 12. R. MousNIER, c Problèmes et méthode dans l'étude des structures sociales des XVIe, XVII", XVIIIe siècles » (Spiegel der Geschichte, Festgabe für Max Braubach, zum 10. April 1964, p. 552 et suiv.)

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diverses reprises dans une position difficile 11• Au XIII' siècle, des monastères déclinent sans retour ; et le hérissement des abbayes nouvelles n'est plus aussi serré que du X• au XII• siècle. Les donations se font moins empressées de la part de laies tombés dans la gêne et sujets à des réflexes de défense contre les générosités abusives. Le mouvement monastique change d'allure. Les Ordres mendiants et urbains ne furent pas d'aussi grands seigneurs que leurs prédécesseurs clunisiens ou cisterciens. Des bourrasques secouaient également les noblesses : d'un côté, de beaux mariages, des héritages, d'heureux achats, des profits assurés par les défrichements ou par l'extension du ban ; de l'autre, des partages, des libéralités sans mesure à l'adresse des églises et un genre de vie dispendieux. Aussi longtemps que les Coutumes n'imposèrent pas de strictes limites aux divisions successorales et aux donations pieuses, des héritages furent morcelés à chaque génération 14. Tenons compte enfin des morts violentes, comme des hasards physiologiques qui laissaient des familles nobles sans héritier. Tandis que des dynasties furent servies par d'heureux destins et que des rameaux poussèrent sur leurs arbres vigoureux, combien furent emportées en moins d'un ou de deux siècles ! Les successeurs étaient des nobles d'ancien lignage, des anoblis, des communautés religieuses, ou des financiers, des gens du commerce, de l'artisanat et des offices. A la fin du XIII' siècle et jusqu'en 1330, un bourgeois messin, Thiébaut de Heu, fait fortune grâce à la « marchandise >, à d'heureuses opérations financières, à ses fonctions scabinales, à un riche mariage. Il devient le créancier de familles nobles et de c patriciens > qui lui cèdent temporaire13. N° 593, WARICHEZ, Lobbes, p. 108, 180-196 ; n° 515, LA. MOTI'ESaint-Germain-des-Prés. 14. Exemples dans BouTRUCHE, Aux origines d'une crise nobiliaire > (Ann. d'hist. soc., 1939, p. 161-177, 257-277) ; n° 163, AUBENAS, La famille dans l'ancienne Provence; n° 566, SCHNEIDER, c Thiébaut de Heu :. (Mém. de l'Acad. de Metz, 1954-1955, p. 30 - cas typique, à Failly, d'une seigneurie fragmentée en \'ingt-quatre parts).

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ment la production de leurs domaines, constituent des rentes sur leurs terres, recourent au mort-gage et au vifgage. Il acquiert des droits d'avouerie, des redevances, des seigneuries avec maisons fortes à Buy, à Ennery, à Peltre, à Crépy... A la veille de sa mort, il exploitait trois cents hectares de terre arable et exerçait des pouvoirs seigneuriaux sur une vingtaine de villages. Il avait remembré des biens, équipé des domaines et fait fructifier son commerce de denrées alimenta ires 15 • L'infiltration bourgeoise dans les campagnes est confirmée après 1150. Le régime féodal s'en trouva diminué dans la mesure où les nouveaux venus esquivèrent ses obligations. Mais l'exploitation agricole fut servie par les initiatives des hommes d'affaires et par celles des communes urbaines en possession de seigneuries foncières, de pouvoirs régaliens dans les villes, dans leurs banlieues et sur des territoires éloignés 18 • D'âge en âge de jeunes couches seigneuriales s'élèvent, et de nouvelles vagues déferlent sur le rivage des puissants.

15. SCHNEIDER, n° 566, Thiébaut de Heu ; n° 305, La ville de Metz aux XIIIe et XIVe siècles, p. 91-92, 117-118, 342-348, 369-371 (acquisition de la seigneurie d'Avillers par un financier messin au début du XIVe siècle) ; p. 385 (achat de la seigneurie de Jussy par un bourgeois messin, en 1287) ; p. 388-394 ; E. PERROY, c Les Chambon, bouchers de Montbrison (circa 1220-1314) > (Annales du Midi, 1955, p. 105-117) ; Ph. WOLFF, Commerces et marchands de Toulouse, p. 2425, 573 et suiv. ; c Les Ysalguier de Toulouse > (Mélanges d'hist. sociale, 1942, p. 35-58) ; n° 366, BOUTRUCHE, Crise d'une société, p. 86 (un Calhau et un Colom ont des droits seigneuriaux à Bordeaux et en Bordelais ; Gaillard du Soler est seigneur de Belin) ; M. MoLLAT, Le commerce normand, p. 476 et suiv. L'engagère est éclairée par l'étude de Schneider sur Thiébaut de Heu (n° 566, p. 31-32). Premier acte : un seigneur passe une reconnaissance de dette pour laquelle il cède une seigneurie en gage. Second acte (qui peut intervenir dans les vingt-quatre heures suivantes) : il vend la seigneurie elle-même. 16. L'expansion économique de la bourgeoisie messine aboutit, aux XIII• et XIVe siècles, à la formation du « pays et juridiction de Metz » : espace sur lequel le patriciat n'eut pas une emprise aussi forte que celle des villes italiennes sur leur contado (n° 305, SCHNEIDER, Metz, p. 448).

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II. -

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LES PAYSANS DANS LA SEIGNEURIE

L'approche des paysans est difficile. L'idéal serait de faire passer un grand souffle sur les hommes et les champs, de pénétrer dans la vie des familles et des collectivités, dans les genres de vie et les mentalités d'un monde considérable, cœur du « vulgaire >. Pareilles satisfactions demeurent rares. Dès que nous sortons de la seigneurie, la documentation fournit plus de lueurs que de lumières, exception faite pour l'Italie, éclairée par des actes notariés. Dans le cadre seigneurial lui-même, elle a ses limites et une effrayante complexité. « Le paysan > apparaît surtout à travers les préoccupations fiscales et administratives de son maître : moins comme un homme, en soi, que sous les traits d'un dépendant. Des groupes sont catalogués à partir de ces données ; comme si, de nos jours, les ordres sociaux étaient définis d'après le montant de leurs impôts. De telles estimations ont pourtant leur valeur. Enrichies par des contrats de mariage, des testaments, des inventaires de biens, des procès ... , elles mettent en relief la résidence, la nature, l'étendue et l'équipement des tenures, les revendications des assujettis. La hiérarchie fondée sur des éléments économiques et, secondairement, sur le rang du seigneur doit être associée aux statuts juridiques dans l'échelonnement des conditions humaines. Parcourons le chantier où les ruines et les constructions s'enchevêtrent sous le poids d'une érudition d'autant plus hargneuse, dans les cas extrêmes, qu'elle est peu sûre d'elle-même.

A. LES GROUPES

Le classement des sujets de la seigneurie s'opérait essentiellement, à l'époque carolingienne, suivant une division

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tripartite entre les colons, les affranchis et les esclaves". Cette relative simplicité ne se retrouve plus après l'an mil 18 • Les appellations foisonnent, et les dépendants forment un.assemblage« aussi bigarré que le manteau d'Arlequin 19 >. Par son mode d'existence, le paysan est un rustre (rusticus), un campagnard, un « homme naturel >. Installé sur une tenure, ou résidant sur un territoire seigneurial, c'est un «manant> (de manere, demeurer), un « homme couchant et levant so >. Plus nettement, c'est un « villain 21 >, un homme de la villa, c'est-à-dire de la seigneurie, ou quelquefois du village. Ce terme a refoulé d'autres dénominations sans le~ absorber toutes, englobé la majeure partie des paysans et pris dans la langue littéraire un sens méprisant. Des mots plus précis, qui recoupent les catégories précédentes, livrent un trait de la condition rurale emprunté à la fortune et à la profession, à la tenure ou à la dépendance personnelle, à une charge caractéristique ou à une forme d'entretien. A la fortune et à la profession, d'abord. Le « laboureur > dispose en principe d'une charrue ou d'un araire, et d'animaux de trait 22 • Privés de cet équipement, ou contraints de l'emprunter, les « brassiers >, les « manouvriers > avaient 17. Un très petit nombre de liberi prenait place à leurs côtés. 18. En Allemagne, cependant, des groupes sociaux ont répété jusc1u'en plein XIIIe siècle les divisions carolingiennes. Des historiens ont mis en relief cet « archaïsme », qui n'excluait ni les reclassements, ni les fusions, ni les contrastes régionaux. 19. N° 351, BLOCH, Seigneurie et manoir, p. 47. - Voir n° 416, DUBY, La société en Mâconnais, p. 622 : dans un village du XIII• siècle, on relève une femme libre de sa personne, un homme de < franche condition >, des « hommes taillables », un manant, un homme c couchant et levant », deux « homme11 propres >... 20. N° 350, BLOCH, Rois et serfs, p. 21 et suiv. 21. N° 685, HoLLYMAN, Le vocabulaire féodal, p. 72-78. 22. Le mot a lui aussi une double signification. Nous venons de le définir au sens étroit. Au sens large, il s'appliquait à c l'ordre > des travailleurs, placés au-dessous de ceux qui prient (oratores) et de ceux qui combattent (bellatores). Du X• au XII• siècle notamment, laborator a donc désigné le paysan-laboureur, l'artisan et le commerçant avant de concerner principalement la classe supérieure des travailleurs du sol (DAVID, n°• 187 et 188, Les laboratores).

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au mieux, quelques ares. Les jours où ils ne peinaient pas sur les réserves, ils travaillaient contre des gages chez des voisins. Bien que de c pauvres laboureurs > se rapprochassent de ces miséreux, le contraste était fondamental. Il dure encore. S'agit-il du classement fondé sur les tenures 23 ? Voici le tenancier « en villainage H >, le masoyer, le masuir (mansuarius, mansionarius), possesseur d'un manse entier ou fractionné ; voici l'hôte : paysan venu souvent de l'extérieur et installé sur une hôtise, petite exploitation qu'il doit mettre en valeur, où l'on attend de lui, le cas échéant, qu'il bâtisse une maison. Ces travaux réclamant tous ses soins, il est rare qu'on lui demande des services sur la réserve. Une redevance annuelle constitue son loyer essentiel. Nulle part on ne saisit les groupes d'aussi près qu'OutreManche au lendemain de la conquête normande : possesseurs de tenures « en socage 15 > ; détenteurs de « tenures vil23. Rappelons qu'il n'y avait pas toujours coïncidence entre le statut des terres et celui des tenanciers. Un serf pouvait recevoir une hôtise d'un seigneur dont il n•était pas l'homme de corps (BEAUMANOIR, art. 1439). Des liberi homines vivaient sur des « socages » (n° 378, CARABIE, La propriété foncière, p. 79-80). Des c tenures villaines > étaient occupées par des bordiers, ou même par un personnage aussi haut placé que le roi de Navarre (n° 349, BLOCH, « Liberté et servitude », dans Mélanges historiques, I, 322, n. 1). 24. Le villainage était mieux défini en Angleterre qu'en France où, jusqu'en plein XIII• siècle, il révélait une tenure roturière quelconque. 25. Ils formaient le cœur de la classe des sokemen sans se confondre entièrement avec elle. Les contraintes des sokemen avaient un caractère d'honorabilité. A beaucoup d'entre eux on demandait une aide militaire. Ils étaient convoqués comme juges au tribunai seigneurial, ou soumis à ses arrêts : de là, leur nom, calqué sur un vieux mot (soke) qui marquait un trait de leur dépendance (l'expression sake and soke, qu'on décèle vers le milieu du X• siècle, signifiant, pour le seigneur, le pouvoir d'examiner une cause et de réunir à cet effet une cour devant laquelle les délinquants étaient obligés de se rendre). Avec les liberi homines, dont il est difficile de les distinguer, les sokemen tenaient le haut du pavé. On incline aujourd'hui à les considérer comme les descendants d' Anglo-Saxons arrachés par la conquête scandinave à l'emprise de l'aristocratie, puis encadrés de nouveau par elle après 1066 (R.H.C. DAVIS, c East Anglia and the Danelaw >, dans Transactions of the Roy. Histor. Soc., 1955, p. 23-39 ; P.H. SAWYER, « The density of the Danish settlement in England >, dans Univ. of

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laines >, qui assuraient la subsistance de leurs occupants··; bordiers installés sur dès tenures si petites qu'ils devaient chercher hors de chez eux des moyens d'existence ; cottiers, dont la condition était plus affaissée, bien que leur rythme de vie rappelât celui des précédents. Réfugiés dans des cabanes et disposant de quelques champs, ils grappillaient des ressources supplémentaires en louant leurs bras à d'autres ruraux 20 • Des paysans italiens se rattachaient également à un groupe par leurs tenures : ·1es libellarii, liés par une antique convention écrite de vingt-neuf ans au minimum, mais indéfiniment renouvelable ; les massarii, en possession d'une massa, petite tenure comme la borde ou le cottage, chargée de redevances et de travaux hebdomadaires sur les terres du maître... Avec eux, comme avec les bordiers et les cottiers anglais, les Gartners et les Sôldners allemands, les journaliers sans terre et les valets de ferme, nous sommes au cœur du prolétariat rural. Les catégories précédentes s'accrochaient au sol. La débandade commence avec les classements fondés sur les statuts personnels ou sur des charges spécifiques. Ils sont enregistrés par un vocabulaire qui applique la même dénomination à des individus séparés par le métier, Ja richesse, les devoirs. Nous retiendrons f!Uelques cas. Dans l'Allemagne du Sud-Est, les barschalken étaient des « serviteurs soumis à des redevances 21 », ayant une Coutume Birmingham Histor. Journal, VI, 1958, p. 1-17). - Consulter n° 493, LENNARD, Rural England, p. 218-229 ; 289-290 ; 344-348 ; 373-375 ; 380-381 ; n° 508, MILLER, Ely, p. 59 et suiv. 26. Il semble qu'on puisse relier les bordiers et les cottiers aux cotsetlas anglo-saxons après que les rédacteurs du Domesday Book eurent donné de nouveaux noms à d'anciennes classes (notre t. 1, p. 268-269). En Angleterre, des bordiers fusionnèrent avec les villains après 1100. Leur vie fut moins brève dans le Maine et en Normandie. - Plus que les sokemen, tous ces hommes peinaient obligatoirement sur les réserves. C'était un élément clé de leur condition. - Sur le vocabulaire employé pour les paysans anglais, n° 465, HILTON, c Freedom and villeinage in England > (Past and Present, 1965, p. 8 et suiv.). 27. N° 404, DoLLINGER, Les classes rurales en Bavière, p. 311-331. Depuis la publication de ce livre, une autre interprétation a repris

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propre, transmise héréditairement. Leurs obligations passaient pour honorables, comme celles des sokemen. C'était à cheval qu'ils distribuaient le courrier du maître, qu'jls assuraient des transports et des convois. - En outre, volontairement ou par contrainte, individuellement ou par groupe, des paysans et des artisans se « commendaient :.. à un seigneur, lui engageaient leurs personnes et celles de leurs descendants 18 •

B. LIBRES ET NON-LIBRES

Il est temps d'en arriver à une discrimination fondamentale, d'ordre juridique. Un homme est-il libre ou asservi? Le monde paysan ne fut pas seul à se poser la question. Mais elle resta une de ses préoccupations. Les contemporains s'escrimèrent à lui donner une réponse. A leur tour, les historiens sont divisés. Si bien que l'exposé du sujet est, dans une large mesure, un relevé de leurs divergences"'. Aux yeux des gens de l'époque carolingienne, siéger aux vigueur. Bar signifierait libre. Le barschalk serait donc un homme jouissant à l'origine de cette qualité. Dernière observation : des historiens allemands établissent une relation entre les groupes formés par des barschalken, comme par des cerecensuales et par des c: libres du roi > (n° 617, BosL, « La société allemande moderne », dans Annales, E.S.C., 1962, p. 843-844). 28. Une avalanche de noms s'abattait sur les hommes qui, par piété ou par besoin de protection, se plaçaient sous la dépendance du saint patron d'une église. Beaucoup vivaient loin de leurs seigneurs (VERRIEST, n° 589, Le servage dans le comté de Hainaut. Les sainteurs ; n° 586, Institutions médiévales, p. 189-190 ; G. FRANZ, Deutsches Rauerntum, p. 145-149 (rn 1207, des cerecensuales rhénans sont passibles d'une amende quand ils se marient sans l'autorisation du seigneur) ; n° 9, BoUTRCCHE, Seigneurie et féodalité, 1, 141, n. 25). 29. On en prendra une idée dans n° 349, BLOCH, « Liberté et servitude > (Mélanges historiques, I, 286 et suiv.) ; n° 586, VERRIEST, Institutions médiévales, p. 168 et suiv. ; n° 416, Dunv, La société en M,Îconnais, p. 245 et suiv. ; n° 445, GENICOT, L'économie rurale namurnise, II, 47 t.•t suiv., n:1 et n. 2 éclate en fanfare dans la bouche de nombreux dépendants. Libres, des individus qui ne sont soumis à un seigneur qu'en raison de leurs biens. Cette subordination cesse lorsqu'ils abandonnent leurs tenures pour s'en aller vers un autre maitre, ou pour briser toute attache. Ce fut le cas de divers hôtes 80, de colons de l'Est allemand, des « francs tenanciers > de chez nous, des freeholders anglais, des libellarii italiens 11 ••• Libres, des groupes comme les « hommes francs du roi » d'Angleterre, duc d'Aquitaine (dits encore « hommes liges francs », « hommes royaux » ). Installés dans le Bordelais, le Bazadais, les Landes, ils 30. Certains étaient libres au moment de leur installation. D'autres furent émancipés par des seigneurs qui voyaient là un moyen de les attirer ou de les retenir. Un petit nombre ne parvint pas à secouer ses chaines, tout au moins dans l'immédiat. -- Sur le statut des hôtes, n° 586, VERRIEST, lnstitutfons médié1,ales, p. 177-178. :H. Sur les freeholders, n° 556, Pow1c.KE, Observation.-: ronrernanr le franr-lenanf anglais au .Y.III• sièrle.

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vivaient sous la protection du souverain. En retour, ils lui devaient le serment de fidélité, se pliaient à sa justice et à des obligations « pour leur corps >, c pour leurs terres >, ou c pour leurs personnes et leurs biens 11 >. Par là, nous saisissons des nuances ; nous comprenons que la liberté personnelle n'était pas constamment entière. Entre elle et la servitude flottait une masse confuse d'états intermédiaires : proie offerte, jadis, aux violences, aux arbitrages, aux procès et, de nos jours, aux interprétations contradictoires. Comment appeler les hommes placés dans l'entre-deux? Demi-libres ? Le mot est un non-sens aux veux des érudits qui, se référant à la réponse que fit un agent du Palais Caro. lingien à un missus, restent persuadés qu'il n'y avait pas de milieu 11• En droit, on ne saurait leur donner tort. La pratique était différente. Des scribes du XII• siècle n'emploientils pas le terme c semi-liber 34 > ? Avouons qu'il est simpliste, équivoque. Mieux vaut écrire c: liberté restreinte >, ou « très petite liberté >, après ce scribe bavarois qui, ne sachant à quel saint se vouer, retint l'expression 35 • Ce fut la condition de nombreux paysans d'Occident placés dans une étroite subordination et souffrant d'un état juridique si 32. N° 367, BouTRUCHE, L'alleu, p. 120-126. - Rappelons sur un autre plan, dans un domaine plus vaste et durant une période plus longue, c les libres du roi > qui résidaient en Allemagne comme en Italie. L'historiographie germanique s'est passionnée pour ce groupe dont elle a recherché la nature, suivi l'évolution depuis l'époque mérovingienne jusqu'au XIII• siècle, et montré que des souverains en firent un moyen de leur influence· (par exemple, n° 854, MAYER, Bemerkungen; n° 617, BosL, La société allemande. - Lire également TABACCO, n° 892. I liberi del re nell' Italia; TOUBERT, « La liberté personnelle au haut l\foyen Age » (Le Moyen Age, 1967, p. 127-144). 33. Cf. notre t. 1, p. 139 et 339. 34. N° 404, DoLLINGER, Les classes rurales en Bavière, p. 237. D'autres scribes parlent d'une « libre servitude > (Ibid., p. 237 et 364 : 1082-1185). 35. Ibid., p. 237 et 324 (vers 1165). - Dans un texte du XIII• siècle il est dit que les habitants d'Aurillac sont libres. bien que Jeurs charges aient une « saveur de ser,1 itude et soient contraires à la pleine ,·t entière liberté >> , dans Mélanges Halphen, p. 554 ; n° 416, DUBY, La société en Mâconnais, p. 245 et suiv. ; n° 400, DIDIER, Les plus anciens textes sur le servage dans la région dauphinoise ; L. F ALLETTI, c: Le contraste juridique entre Bourgogne et Savoie > (Mém. de la Soc. pour l'hist. du droit des pays bourguignons ..., 19501951, p. 141-149) ; n° 465, HILTON, Freedom and villeinage ; notre t. 1, p. 139-140, 155-156. 39. Expression forgée peut-être vers la fin du XI• siècle par Irnerius, professeur de Droit à Bologne, et appliquée par lui au colon antique (n° 352, BLOCH, c: Serf de la glèbe >, dans Mélanges historiques, I, 363 et suiv.). 40. N° 366, BouTRUCHE, Crise d'une soriété, p. 98 et suiv.

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••• On pourrait appliquer au le jugement d'un commentateur lorrain qui écrivait, en 1787 : « Nulle uniformité pour les servitudes de mainmorte entre les différentes seigneuries régies par une même Coutume ... Les gens de condition servile sont plus ou moins privés de liberté, plus ou moins chargés de droits onéreux envers leurs seigneurs suivant les titres et la possession de chaque seigneurie 41 • » Mais il existe des traits dominants. Qualifié ou non de serf, le non-libre n'est pas subordonné au roi ni au prince territorial en tant que tels. Il n'est pas « sous le joug de la puissance publique >. C'est « un homme lié », dans sa chair et « dans ses os » à un maître qui, seul, peut l'affranchir. Voilà pourquoi il est mentionné, dans les actes de vente, avec les meubles et les immeubles. Le serf dépend d'un seigneur déterminé. Si le seigneur est inconnu, l'état servile tombe, en principe. Un homme est serf c comme l'étaient ses ancêtres et comme le seront ses enfants ». L'hérédité est la source essentielle du servage. Quelle hérédité ? La réponse ne souffre pas de difficultés quand les parents sont des serfs. Ont-ils un état différent ? Les enfants suivent la condition la plus basse. Ou bien, des Coutumes se prononcent en faveur de la transmission du servage par la femme dès la conception, dès le c ventre de la mère 41 >. Selon d'autres, en nombre grandissant après 1200, l'hérédité paternelle l'emporte, comme dans la noblesse du même temps"". C'est 41. Cité par J. IMBERT, c Quelques aspects juridiques de la mainmorte seigneuriale en Lorraine. XVl'-XVIII• siècles > (Mém. de la Soc. pour l'hist. du droit des pays bourguignons ... , 1950-1951. p. 177). 42. Qui ne connaît les appréciations de Beaumanoir. commentant les Coutumes de Beauvaisis ? « Servitude vient de par les meres, car tuit li enfant que cele porte qui est serve. sont serf, tout soit il ainsi que li peres soit frans bons » (éd. SAL~ION, art. 1434 ; art. 14411442 ; Documents, n° 2). 43. Niée par VERRIEST (n° 586, Institutions médiévales, p. 169-175), cette transmission est évidente (n° 366, llO'cTRUCHE, Crise d'une société, p. 99).

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le statut des parents qui exerce en cas de contestation la sagacité des enquêteurs et des tribunaux. Ils s'en informent auprès des membres du lignage, comme auprès des voisins'". Le servage a d'autres origines que l'hérédité. Des hommes à la recherche d'une protection, des personnes qui ont épousé des non-libres 45, des individus criblés de dettes ou des délinquants sont entraînés dans la servitude et par là châtiés, dégradés. Des bâtards partagent le même sort, singulièrement en Allemagne"· En attendant d'y revenir, n'ayons garde enfin d'oublier l'évolution qui a fixé le servage sur la terre et sur la personne, ni les charges devenues caractéristiques. Les « hommes liés > subissent des incapacités et sont astreints à des obligations qui pèsent, comme autant de tares, sur leur vie privée. Certains, il est vrai, ont des alleux, passent des contrats, sont les témoins d'un acte de vente ou de donation, prouvent devant un tribunal leur bon droit par le duel, prêtent serment au nom de leur maitre, lui jurent fidélité, lui font hommage''. Mais il leur est défendu, nous le savons, de témoigner en justice contre lui et, sauf exceptions, contre un homme libre. Des carrières, des dignités leur sont interdites : c Selon les décrets des saints pères >, un évêque ne peut pas ordonner un nonlibre c avant que celui-ci ne soit doté d'une complète liberté 41 >. Bien entendu, des décrets restèrent lettre morte, surtout avant la Réforme grégorienne. Par le servage les seigneurs c tenaient > les desservants des paroisses. Pourtant, plus on descend dans le Moyen Age, plus l'accès aux ordres majeurs est réservé aux libres, ou considéré comme

44. BEAUMANOIR, art. 1431. - Sur la preuve du servage par témoins, Documents, n° 3. 45. Ci-dessous, p. 363, n. 98 à 100. 46. En Beauvaisis, au contraire, dit Beaumanoir, le bâtard est libre parce c qu'il est hors de lignage et qu'il ne puet estre aheritiés de descendement ne d'escheoite de costé > (art. 1456, et art. 1435). 47. Ci-dessous, p. 170 et suiv. 48. Concile de Tribur, 895 (voir notre t. 1, p. 340, texte n° 9).

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un affranchissement 49 • Un serf ne peut donc devenir prêtre, une serve ne peut devenir religieuse que sous réserve de leur arrachement au servage ao. C'est d'ailleurs le désir de l'Eglise, respectueuse du bien d'autrui et peu désireuse d'admettre dans son sein des individus qui, appelés à servir Dieu tout en restant la propriété de leurs maîtres, auraient été empêchés de remplir pleinement leur mission. Tandis que beaucoup d'hommes se trouvaient placés dans une extrême subordination, le clergé respirait l'air de la liberté, tout comme la chevalerie de France et d'Angleterre. Dans ces pays, depuis le XIII- siècle au plus tard, le serf adoubé se voyait du même coup affranchi51 •

* ** Chose du maître, le non-libre est responsable devant lui de ses méfaits. Durant le haut Moyen Age, la justice était fort sommaire et tempérée par l'intérêt des seigneurs, comme par les recommandations de l'Eglise, alliées aux injonctions de « l'Etat ». Elle se résumait dans un droit de correction qui allait des peines corporelles au châtiment suprême. Que 49. La situation des hommes qui n'avaient accédé qu'aux premiers degrés de la cléricature était moins claire et plus controversée. En diverses régions, la tonsure et les ordres mineurs étaient accordés à des non-libres. Ce ne fut pas sans réticences (n° 520, OLIVIER-MARTIN, La Coutume de Paris, 1, 141). - Sur la tonsure, sur les démêlés entre les évêques, qui manquaient de clercs, et les seigneurs, qui redoutaient les affranchissements « ad tonsuram », n° 542, PETOT, Servage

et tonsure. 50. Selon Beaumanoir, des seigneurs ont « perdu pluseurs de leur sers >, devenus « prestre, diacre ou sous-diacre. car il demouroient franc par la franchise de l'estat ou il estoient entré ». Dans ce cas, ils encouraient l'emprisonnement et la confiscation de leurs biens (art. 1448). Les interdictions étaient plus strictes en France et en Angleterre qu'en Allemagne, où la présence de prêtres-serfs est révélée jusqu'en plein XIIe siècle - et plus tard. - Par extension, des Coutumes ont fait défense aux serfs « de mettre leurs enfants mâles en écoles pour apprendre clergie > (Arch. Histor. Gironde, 1, 66 et 70 : 1372-1384 ; VIII, 107 : 1372). 61. BEAUMANOIR, art. 1449-1450. -- En Allemagne, où les critères sociaux s'écartaient des l'Onceptions françaises, la situation n'était pas la mème. Les chl \ali(•rs-sl rfs en upportent un ••• Le contraire fut loin d'être exclu 63 • Après 1250, les concurrences se firent plus acides : celle du roi, ou du prince ; celle du haut-justicier ; celle du seigneur dans le ressort duquel le serf avait élu domicile 54 ••• Sans parler des prétentions émises par le juge du territoire où le serf avait commis un délit, par le juge du lieu où il avait été pris". Comme les hommes libres, des serfs ont bénéficié de garanties judiciaires. Dans l'immense fouillis des usages seigneuriaux, cet élément a contribué à séparer le servage de l'esclavage. Ce qui les rappr?che, à l'encontre des prin52. Etablissements de saint Louis, éd. P. VIOLLET, Il, 444. 53. Un acte tardif de 1347 confère au Chapitre Saint-Seurin de Bordeaux la basse justice sur ses non-libres, comme sur ses libres. La haute appartient à la Jurade (n° 366, BouTRUCHE, Crise d'une société, p. 100, n. 3). - Des non-libres possédaient eux-mêmes des serfs, jugés sans doute par le seigneur de leur maître. 54. En 1271, le Parlement de Paris décida que les serfs royaux « seraient justiciés par les seigneurs dont ils habitaient les terres > (n° 349, BLOCH, « Liberté et servitude », dans Mélanges historiques, 1, 319). 55. N° 452, GuENÉE, Tribunaux et gens de justice, p. 106-107.

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cipes affirmés, c'est le pouvoir presque discrétionnaire de seigneurs sur leurs serfs, c'est l'absolution promise à des violents. Selon un Coutumier allemand de 1328, le maître qui frappe cruellement son serf avec des verges n'a rien à redouter de la justice des hommes si le malheureux survit jusqu'au lendemain. « II faut bien que les maîtres se fassent craindre de leurs serfs. Sans quoi ceux-ci ne feraient rien 56 • »

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Continuons à suiVl'e pas à pas le serf dans ses rapports avec le maître. Matériellement, le chevage est insignifiant : quelques deniers ou quelques sous par an. Aussi des seigneurs ont-ils renoncé à le percevoir 57, de même qu'ils négligeaient de réclamer des cens infimes. Mais, pesant sur la « tête » de l'individu, ce census capitis proprii est fréquemment un pensum servitutis, un élément significatif de l'assujettissement personnel. Plus vieux que les taxes de formariage et de mainmorte, le chevage remonte sans doute aux premiers siècles du Moyen Age 58 • Il était alors imposé à des hommes libres : affranchis sous réserve d'obéissance, qui furent les premiers, peut-être, à le subir ; « hommes de l'autel > ; paysans placés sous une domination privée qui leur assurait une sécurité relative. Puis, pour des raisons mal élucidées parmi lesquelles il faut invoquer la confusion entre l'extrême dépendance et la privation de liberté - , il est devenu une marque d'asservissement en Italie vers l'an mil, en France et en Angleterre aux XI• et XII• siècles, en Allemagne et en Basse-Lotharingie au XIII• 59 • Juridiquement, sa notion s'est renforcée ; so_cialement, elle s'est dégradée. 56. Coutumier de Ruprecht de Freising (cité par DOLLINGER, n° 404, Les classes rurales en Bavière, p. 230). 57. Ce fut peut-être une cause de sa disparition au XIII• siècle dans la région parisienne (n ° 520, OLIVIER-MARTIN, La Coutume de Paris, l, 135-136). 58. Notre t. 1, p. 149 et n. 37. 59. La première conception du chevage a eu la vie dure. A la fin du XI< siècle, des hommes libres du Mâconnais payaient cette taxe,

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* ** Des seigneurs contrôlent le mariage et la succession des non-libres. Ces actes mettent en jeu leur droit de propriété. Ils sont une source de profits, ajoutés à ceux qu'ils tirent, dans les mêmes circonstances, des affranchis sous réserve d'obéissance et des protégés d'église 80 • La question du mariage se pose en premier. Les grands encouragent les unions entre leurs non-libres : par humanité et par intérêt car les naissances maintiennent ou accroissent la matière servile. Or, ces unions sont impossibles dans les seigneuries où la répartition des sexes est inégale, où les parentés sont proches. Et puis les motifs sentimentaux sont plus forts que les règlements. Des serfs se mariaient donc au-dehors, se c: formariaient > en épousant soit des personnes libres de la seigneurie, soit des dépendants, libres ou non-libres, de maîtres étrangers. Le seigneur de corps en pesait les inconvénients. Dans les contrées où les enfants suivaient le statut maternel, le mariage d'un serf avec une femme libre du même territoire seigneurial les faisait accéder à la liberté. Aux yeux du seigneur, c'était un coup pour rien, ou un manque à gagner. Le dommage était plus sensible lorsque le mariage unissait des sujets de deux dominations différentes. L'un des époux rejoignant son conjoint, le maître relâchait sa surveillance ; il risquait de perdre ses droits sur l'héritage et la postérité. Que faire ? Le plus simple était d'interdire le formariage, de déclarer nulle une union forgée sans la permission du seigneur, d'infliger une amende au coupable, ou de confisde même que, en d'autres contrées, des protégés d'église et des habitants de villeneuvcs. Dans le pays messin du XIII• siècle, le chevage n'était pas non plus un signe de servitude (n° 416, Duev, La société en Mâconnais, p. 123 et n. 5 ; n° 586, VERRIEST, Institutions médiévales, p. 216-218 ; n° 305, SCHNEIDER, La ville de Metz, p. 334. n. 50, et p. 339 ; n° 532, PERRIN, « Le servage en France et en Allemagne >, dans X° Congresso internaz. di Sc. Storiche, Relazioni, III, 223-225). 60. Sur les origines, fort controversées, des interventions seigneuriales, n° 347, BLOCH, c Les" colliberti ">, dans Mélanges historiques, I, 441 et suiv. ; n° 532, PERRIN, art. cité à la note précédente.

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quer ses biens. Ces manigances, ce pis-aller ont fléchi à partir du XIe siècle. La première, l'Eglise a donné l'exemple malgré l'hostilité persistante de divers milieux. Les tribunaux laïques l'ont suivie avec des réticences encore sensibles dans l'Allemagne du xv· siècle. Le célibat forcé incitait des serfs à « forniquer », à fabriquer des bâtards ou à s'enfuir. On recourut donc à des solutions ingénieuses 81 • D'abord un principe général, très ancien : le formariage doit êlre autorisé par le maître. S'il unit un libre et un non-libre de la seigneurie, il ne soulève guère de difficultés puisqu'il concerne la même familia. L'assentiment du seigneur est assorti de la levée d'une taxe fixe ou proportionnelle à la fortune des intéressés - survivance de l'antique « cadeau > demandé à des affranchis du haut Moyen Age qui voulaient convoler en justes noces. - Des maîtres subordonnent leur consentement à la réduction du conjoint libre au servage. Selon une jurisprudence tardive, « le pire l'emporte >. La situation est plus délicate lorsque les serfs en mal de formariage appartiennent à des seigneuries différentes. On règle d'abord le sort des conjoints. Tantôt chacun conserve son maître. Tantôt l'un des seigneurs renonce à ses prérogatives sur la personne et les biens. En retour, son partenaire lui donne une somme d'argent ou l'un de ses non-libres de même sexe et de même fortune. Ces échanges jouaient surtout pour les serves, dont on convoitait la descendance. D'autres formules furent éprouvées. L'église Sainte-Marie-Majeure de Verdun autorise le serf Constantin à épouser une femme de l'église de Gorze. Bonardus, homme de Gorze, épousera une femme de l'église de Verdun"· Le formariage concernait-il deux personnes qui ne dépendaient pas du même seigneur et n'avaient pas le même statut? La question fut tranchée par des échanges, des par61. Aux études de Petot, Bloch, Olivier-Martin, Verriest, Perrin..., ajouter M. LEBON, c Textes sur le formariage en Lorraine des origines au début du XIII• siècle > (Ann. de l'Est, 1951, p. 53-66). 62. M. LEBON, art. cité, p. 59-60 (seconde moitié du XII• siècle).

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tages de familles et de biens, par l'obligation faite à l'homme libre d'adopter la condition de la serve et de subir son maître". Une fois de plus, le pire l'emportait 84• Que devenaient les enfants ? On pouvait partager les droits sur la progéniture et ses biens, les garder « en commun et par indivis :., ou choisir entre plusieurs systèmes de compensation. Au xn· siècle, les enfants d'une serve royale et d'un serf du Chapitre Notre-Dame de Paris allaient tous au roi ; les enfants d'un serf royal et d'une serve du Chapitre allaient à ce dernier 85 • Rarement, l'attribution des enfants à l'un des maîtres était tirée au sort... Les forces de travail en puissance dans toute famille servile, les ressources attendues des non-libres, ou leur affranchissement, justifiaient la minutie des règles dont le formariage fut entouré. Les biens des serfs ont retenu la vigilante attention des seigneurs. Malgré les contradictions des témoignages, nous pouvons suivre des tendances communes. Des biens étaient cédés sans leurs occupants 1"', ou ces derniers sans leurs terres. Des non-libres se voyaient transférés d'un lien à l'autre à l'intérieur d'une seigneurie. Néanmoins, des restrictions apportées à la possession servile pendant le haut Moyen Age sont tombées du Xe au XIIIe siècle. Au terme, des serfs bénéficient de la même jouissance et des mêmes « usages > que les hommes libres. Ils gardent en 63. N° 520, OLIVIER-MARTIN, La Coutume de Paris, I, 137. 64. Sauf en des cas exceptionnels où la serve qui épousait un homme libre était affranchie (Ibid., p. 137, n. 7 : fin du XI• siècle). 65. A la même époque, le souverain a tenté de ramener à lui des enfants nés d'un mariage entre une « franche fame le roi > et le serf d'un autre seigneur (PETOT, « Nul ne part au roi >, dans Mélanges N. Didier, p. 259-264). Il faut donc considérer le statut des serfs et la qualité de leurs possesseurs. 66. Notamment lorsque le seigneur de la terre n'était pas le seigneur de l'homme : « Je donne un manse, excepté le villain, ses fils et ses filles, exploitants de ce manse, qui n'étaient pas à moi > (BERNARD et BRUEL, Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, IV, n° 3024 : seconde moiti~ du XI• siècle. -- Cf. n° 349, Br.ocH, « Liberté et servitude ». dans Mélcm!J ; son « droit » s'éteint avec lui ; à tout le moins est-il limité par l'intervention du maître, qui opère un prélèvement sur la fortune, ou qui exige une taxe susceptible d'atteindre la valeur de la succession, dès lors « rachetée ' 0 >. Certes, le non-libre peut faire un testament, prendre des dispositions en faveur de ses « héritiers naturels >, léguer quelques biens à des tiers. Toutefois, il doit respecter les usages fixant !a quotité disponible, ménageant les 67. BEAUMANOIR, éd. SUl\lON, art. 1458. 68. Pour une semblable raison, il veille sur les terres octroyées au serf par une tierce personne, d'ailleurs appelée, lors d'une mutation, à donner son consentement préalable, comme à ensaisiner le preneur (jusqu'au XII• ou au XIII• siècle il est vrai, des paysans libres étaient contraints, quand ils cédaient une tenure, de quêter l'autorisation du seigneur foncier). Des seigneurs de corps, enfin, émettent des prétentions sur les alleux du serf. 69. VERRIEST voit dans cet usage une c ultime redevance abandonnée au seigneur au moment du décès de l'assujetti, c'est-à-dire acquittée positivement par une main morte > (n° 586, Institutions médiévales, p. 204). Trop restrictive, la définition est discutable. Du même auteur, n° 590, Le servage au pays d' Alost. 70. D'après Beaumanoir, le serf c n'a nul oir fors que son seigneur, ne li enfant du serf n'i ont riens s'il ne le rac~1atent au seigneur aussi comme feroient estrange > (Coutumes de Beauuaisis, art. 1452). Au XIII• siècle, une telle rigueur était rare en France, dans l'Empire et en Angleterre.

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intérêts familiaux et ceux du seigneur. Meurt-il ab intestat ? - cas fréquent avant 1200, où le testament tardait à se répandre dans toutes les classes - . S'il laisse des héritiers, le maître s'oppose exceptionnellement au transfert de l'héritage lorsque les enfants ont conservé le statut servile, vécu avec le défunt jusqu'à sa mort et tenu leurs terres en indivis. D'où la force des communautés familiales dont les membres maintenaient la c codemeurance ensemble a communes bourses et depenses >, partageaient « le même pain >, étaient des c compains >, des « compagnons > n. Le but de ces associations, anciennes chez les serfs comme chez les libres 71, n'était pas seulement d'échapper aux règles successorales, mais elles servirent à les esquiver. Lorsque cette condition n'est pas remplie, le seigneur intervient. Son pouvoir varie avec l'origine des biens : patrimoine foncier, mûr précocement pour l'hérédité ; acquêts et meubles soumis à de larges fluctuations et à un sort contrasté : ici héréditaires, ailleurs proie du seigneur. « Ce qu'un non-libre possède par héritage ou donation lui appartient. Ce qu'il a acquis revient à son maître après sa mort"· > Son pouvoir varie également avec la qualité des héritiers : enfants ou collatéraux. Quand s'ouvre une succession en ligne directe, le seigneur s'abat sur les meubles, les ampute par exemple de la moitié ou des deux tiers, ou se contente du « meilleur catel >, c'est-à-dire de la meilleure tête du cheptel ou de la meilleure pièce des biens meubles 74 • Des exigences sont moins fortes : « la seconde tête du bétail après la meilleure > en Allemagne du Sud ... , le meilleur vêtement, une redevance fixe ou proportionnelle à la valeur des biens ... Sur le plan économique, ce prélèvement 71. AUBENAS, c Le servage à Castellane au XIV• siècle > (Rer,. histor. de Droit fr. et étranger, 1937, p. 84) ; G. MULLER, « Le reprêt dans la coutume du comté de Bourgogne > (Mém. de la Soc. pour l'hist. du droit et des institutions des anciens pays bourguignons ..., 1950-1951, p. 7-17).· 72. N° 220, GAUDEMET, Les communautés familiales. Paris, 1963. 73. Der Schwabenspiegel (cité par DoLLINGER, n° 404, p. 222). 74. Enumération des c meubles> dans n° 590, VERRIEST, c Le servage au pays d'Alost > (Rev. histor. de Droit fr. et étranger, 1950. p. 47). Des meubles étaient rachetés par le des gentilshommes et des clercs qui tentaient de se soustraire aux tailles royales ou princières en faisant valoir de très nobles motifs : la défense du pays, le service de Dieu ... Ils les confondirent avec les remontrances des vassaux qui, finalement, ne prêtèrent leur aide pécuniaire qu'en trois ou qu8.tre cas. La taille seigneuriale était soit arbitraire, ou c à merci >, c à miséricorde >, soit consentie et périodique. La première suscita de furieux combats. Vers 1300 et au-delà, des paysans libres s'y soumettaient ; des serfs en étaient exonérés, ou avaient obtenu son c abonnement >. Situation paradoxale ! Due soit c pour la personne >, soit < pour les biens >, soit « pour la personne et les biens >, cette redevance a été progressivement restreinte aux non-libres. Dans le SudOuest de la France, elle devint une marque si caractéristique du servage que le serf fut appelé « questal > et que la même dénomination s'étendit à des terres rangées dans la catégorie servile". 78. B. GUÉRARD, Cartulaire de Notre-Dame de Paris, II, 537 et 65 (1270 et 1273). 79. Questal vient de questa, qui signifie c taille >, sans pÏus. Finalement, le mot fut réservé de préférence à la taille arbitraire (n° 366, BOUTRUCHE, Crise d'une société, p. 106-107, 321-328).

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Cet impôt figure tardivement dans 1e cortège des obligations spécifiquement serviles. Son action fut décisive. « Les sujets sont serfs ou libres, déclare vers 1285 le Franciscain Richard Middleton. S'ils sont serfs, je dis qu'ils sont obligés de payer les tailles qui leur sont imposées au profit de leurs seigneurs, car les serfs et leurs biens sont la propriété des seigneurs 80 » Des services lourds et multiples ont pris le même chemin. Ils furent représentés, en fin de compte, comme une marque de servitude 81 • Pour être efficace, ce faisceau d'obligations supposait un contrôle presque quotidien. D'où une dernière question. Le serf est-il « attaché à la glèbe > ? Les contemporains ont donné plusieurs solutions au problème, et les historiens lui ont apporté diverses explications 82. La réponse varie avec les époques et les milieux. Des serfs s'installent « où ils veulent 83 >. Au préalable, et avec l'autorisation du seigneur, ils vendent leur tenure, la laissent à un parent qui l'exploitera à leur place, ou la cèdent à leur maître. Des « serfs forains > vivaient donc dans des agglomérations où ils exerçaient un métier artisanal, où ils tenaient un commerce 84. C'était à la condition expresse que leurs liens personnels demeurassent intacts, qu'ils fussent matérialisés par les incapacités et les charges traditionnelles. Sans a voir été générale, une règle est devenue impérieuse : interdiction est faite aux serfs de gagner « les lieus ou il pourroient aquerre franchise pour demourer, si comme en aucunes viles es queles tuit li habitant sont franc par priviliege ou par coustume 111 >. Or, ces lieux se comptaient par milliers. Les serfs y trouvaient la liberté dans l'immédiat, ou après un délai qui dépassait rarement 80. Texte cité par CouLTON, n° 183, The medieval village, p. 482. 81. Ci-dessous, p. 78 et suiv. 82. Les travaux les plus fouillés sont à l'honneur de Marc BLOCH notamment n° 349, c: Liberté et servitude ; n° 352, Serf de la glèbe : étude d'une expression toute faite > (Mélanges historiques, 1, 356373. Voir aussi l, 304-316, 373-378). 83. N° 686, VERRIEST, Institutions médiévales, p. 177-178, 247-248 ; BLOCH, articles cités à la note précédente. 84. N° 306, SCHNEIDER, Metz, p. 88 et 338. 85. BEAUMANorn, Coutumes de Beauvaisis, art. 1457.

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un an et un jour s'ils étaient assez heureux pour ne pas laisser de trace et pour échapper à toute réclamation. En 1206, une charte de Jean sans Terre stipule que les serfs installés à Bordeaux seront affranchis au bout d'un mois et d'un jour s'ils n'ont pas été revendiqués par leur maître 88 • Après quoi, les évasions vers les centres urbains et les protestations seigneuriales durcirent les pouvoirs. En 1289, le duc de Guyenne ferme les bastides aux c: hommes questaux des prélats, des barons, des chevaliers et des nobles > du voisinage. Les serfs qui y ont trouvé refuge depuis moins de trois ans seront chassés 87• A toute époque, d'ailleurs, des seigneurs ont fait obstacle au déplacement des asservis ou procédé à des échanges qui « dirigeaient > les migrations••. Les fuyards s'exposaient à la confiscation de leurs c: meubles >, comme à celle des tenures « délaissées > - qui frappait aussi les tenanciers libres ayant abandonn1 leurs terres. - Ils risquaient d'être ramenés de force. Les retrouver était relativement facile en Angleterre parce que la monarchie, à partir d'Henri Il, punit les maîtres qui les accueillaient 811 , parce que le frankpledge facilitait la surveillance seigneuriale 90• Il en allait autrement en France et en Allemagne où de vastes espaces en cours de défrichement, des villeneuves et de grands centres urbains abritaient des fugitifs dissimulés par aventure sous de nouveaux noms. Des seigneurs, pourtant, concluaient des « ententes >, s'engageaient à n'accueillir ni les serfs, ni les tenanciers libres de leurs partenaires. Des princes territoriaux leur prêtaient la main. Le droit de « suite >, ou de « poursuite >, souligne de façon saisissante l'abaissement des hommes privés de 86. Et si ce dernier a été en mesure de présenter sa requête en temps voulu (Arch. comm. de Bordeaux, Livre des Bouillons, p. 240). 87. N° 366, BouTRUCHE, Crise d'une société, p. 102. - Des serfs, enfin, ont dft renoncer à la clause qui les affranchissait au bout d'un certain temps s'ils gagnaient un centre urbain . Ce statut est certifié en Allemagne et en Angleterre dès le XII• siècle. Ensuite il a gagné la France 91 • L'évolution a été poussée plus loin dans le Sud-Ouest de notre pays, en Bourgogne, en Provence, où des tenures non libres, nommément désignées, ont imposé des charges de caractère servile aux hommes libres qui les détenaient. Au pis aller, elles les ont fait glisser dans les rangs du servage aussi longtemps qu'ils les gardaient en possession 92 • 91. En Guyenne, sous l'influence du droit anglais qui en avait fait l'application avant 1200, des non-libres durent c: tenir feu vif et faire résidence continuelle dans l'hostau >. A l'âge suivant, des tenanciers libres furent assujettis à la même obligation sans perdre leur liberté. La restauration des terres ravagées par la Guerre de Cent Ans et le désir de percevoir des impositions régulières dictèrent cette mesure (n° 366, BoUTRUCHE, Crise d'une société, p. 100-104, 113 et n. 4, 326329, 337-338, 438). 92. Exemples régionaux dans n° 366, BoUTRUCHE, Crise d'une 1ociété, p. 460-462 ; n° 524, ÜURLIAC, L'hommage servile dans la région loulou-

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Si en divers cas la résidence libère, en d'autres cas elle qsservit.



** Les non-libres n'étaient pas tous logés à la même enseigne. Abandonnons les esclaves, dont les groupes étaient maintenus par la naissance, renouvelés par la guerre et par la traite. Au XIII• siècle, ils restaient nombreux en Catalogne, dans les Asturies, le Léon et la Castille (terres de conflit entre chrétiens et musulmans), en Roussillon, en BasLanguedoc et en Sicile, dans l'Europe centrale et orientale"· Leur condition rappelait celle des esclaves du BasEmpire. L'influence du christianisme et l'évolution des mœurs leur ménagèrent un traitement plus humain. Tout en bas, des serfs n'ont rien à eux, en dehors de quelques objets mobiliers. Ces valets, ces journaliers, ces ouvriers sont attachés à la maison ou à la réserve du seigneur (servi salici) et entretenus par lui (servi prebendarii, stipendarii). Ils se tiennent à sa disposition. On les cède comme un animal, ou comme un objet. L'espèce a eu la vie dure en Allemagne, où elle persistait après 1200, alors qu'en France, en Angleterre, dans le royaume d'Italie, elle s'était amenuisée depuis le XI• siècle. C'est à elle, ou aux esclaves, que Beaumanoir fait allusion lorsqu'il écrit, en se nourrissant de réminiscences classiques : « Sont pluseurs condicions de servitudes. Car li un des sers sont si sougiet a leur seigneur que leur sires puet prendre quanqu'ils ont et a mort et a vie, et les cors tenir en prison toutes les fois qu'il li plest, soit à tort soit a droit, qu'il n'en est tenus a respondre fors a Dieu. Et li autre sont demené plus debonairement M. > Parmi ces derniers, les catégories étaient multiples dans aaine ; n° 563, SAitARAN, La dépendance personnelle en Haute-Provence au XIV• siècle; n° 472, HUBRECBT, Le servage dans le Sud-Ouest de la France ; n° 738, R1cHARDOT, A propos des personnes et des terres féodales. 93. N° 585,

VRHI.I!l:DF:~.

L'esclavage, [, 103 et suiv.

!)4. Coutumes de llemwai8is, éd. SAutu~, art. 145'.!.

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l'Empire, amoureux des classifications subtiles 95 : administrateurs des domaines seigneuriaux ; artisans et marchands fixés dans des villages ou des centres urbains ; campagnards installés et « mangeant leur propre pain > ; serfs tenant leurs champs du maître de leurs corps ; asservis ayant pour leurs biens un seigneur autre que celui de leur personne. Au sein des non-libres, un groupe sort de l'ordinaire moins par son importance numérique qu'en raison de son originalité et des discussions ouvertes à son propos : celui des colliberti, des culverts, répandus, aux XI• et xn· siècles, dans le centre de la France, les contrées de la Loire, l'Ile-de-France, le Pays basque, la Catalogne, la Sardaigne, le Wessex et la Mercie. L'étymologie du terme a déchainé de curieuses fantaisies. Collibertus ne signifie pas « franc du col > (collo libertinus), ni « celui qui tourne le derrière à la liberté > (culum vertere) 96 • Il veut dire « affranchi 97 ». La recherche d'une protection, une condamnation en justice, la pauvreté plus encore les privèrent à nouveau de la liberté. Certains, en effet, qui descendaient de mancipia ayant résidé jadis sur une réserve seigneuriale, avaient été délivrés sans avoir obtenu assez de terres 98 • La misère et les tâches imposées les assimilèrent aux serfs là où ils cessèrent de vivre selon leur « loi » et perdirent leurs traits distinctifs"· 95. N° 532, PERRIN, c Le servage en France et en Allemagne > (X° Congresso internaz. di Sc. storiche, Relazioni, Ill, 230-242) ; n° 159, ABEL, Geschichte der deutschen Landwirtschaft; n° 272, LÜTGE,

Geschichte der deutschen Agrarverfassung. 96. N° 365. BOUTON, Le Maine, p. 213. 97. Pour Marc Bloch, le mot colliberti désignerait des c co-affranchis ~. des hommes libérés collectivement par leur maître, sous réserve de dépendance, pendant le haut Moyen Age (articles sur les colliberti, cités p. 73, n. 101). 98. Hypothèse de PERRIN, n° 532, Le servage en France et en Allemagne, p. 225-226. 99. Même au XI• siècle, des scribes confondaient les deux statuts. Dans le Cartulaire de Saint-Père de Chartres (éd. GUÉRARD, 1, 158-159 : vers 1080), sous ln rubrique c donatio collibertorum :., ils mentionnent des servi. D'autres faisaient Ja différence : un individu est donné à l'abbaye de ;\farmoutier. en Touraine, « non pro servo, ~ed pro coJliherto » ([,fore des serfs de l'ancienne servitude ... Vers 1200, les paysans d'Occident sont en majorité des serfs. Cent ans plus tard, la situation a changé. Dans l'intervalle, des villages entiers, des individus isolés ont obtenu leur libération. En dépit de cas aberrants, le progrès économique a soutenu le progrès social. La critique a discuté ces vues riches, qu'il faut méditer : vues plus nuancées, d'ailleuTs, que notre esquisse ne le laisse soupçonner 108• Nous pensons aux objections d'un historien belge, Léo Verriest 104. La plupart des serfs, assure-t-il, descendaient par les femmes des esclaves carolingiens. Vers 1200, ils constituaient une faible minorité au sein des populations rurales. L'émancipation du XIII• siècle n'a donc pas eu l'ampleur qu'on lui accorde. L'auteur examine et combat les arguments à l'aide desquels Marc Bloch a échafaudé sa théorie du servage. Ce dernier a cru que les homines, ou les homines de potestate, étaient souvent des servi. A tort, car ces mots peuvent désigner à la fois des serfs et de libres dépendants. Il a cru que du x• au Xll8 siè102. Voir les études rassemblées sous son nom dans Milanges historiques, 1, 261-602 ... Y joindre n° 350, Rois et serfs ; n° 346, Caractères originaux... 103. L'auteur fait remarquer qu'en l'absence d'un droit commun à tout le royaume de France, la condition servile était fixée par les Coutumes locales. c Cette bigarrure juridique n'était guère que de nuances... Sous l'infinie diversité des applications, il n'est pas malaisé de discerner les traits essentiels d'un même statut, d'une même idée du servage > (N° 349, c: Liberté et servitude >, dans Mélanges historiques, 1, 290). 104. N° 586, Institutions médiévales, p. 171 et suiv.

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cle, le chevage, le formariage et la mainmorte étaient exclusivement serviles. Or ces charges, qui atteignaient les serfs « en raison de leurs personnes >, pesaient, en raison de leurs tenures ou de leur résidence, sur des paysans et des bourgeois qui jouissaient de la liberté. Sous le couvert des mêmes mots coexistaient des obligations qui n'avaient pas la même portée juridique. S'agit-il des affranchissements ? Après Bloch, Verriest appelle en témoignage la charte accordée en 1250 par l'abbé de Saint-Germain-des-Prés à ses hommes de Villeneuve-Saint-Georges, Valenton et Crosnes. Pour Bloch, ils étaient tous des serfs. Pour Verriest, ils se partageaient en deux groupes : groupe libre des hospites, ou des homines commorantes, dont les charges furent allégées ; groupe de trente-trois individus, qui furent délivrés de toute c servitude quant à leurs personnes > et voués « à la liberté perpétuelle >. Seuls ces individus étaient des non-libres, et la charte est pour eux un affranchissement du servage. Les autres étaient libres, et la charte est pour eux l'exemption de contraintes. Sur ces derniers points, l'interprétation paraît probante. Sur d'autres, elle est contestable. Il est faux, affirmons-le avec force, que la servitude se transmette uniquement par les femmes, qu'elle ait peu évolué pendant la seconde moitié du Moyen Age, qu'elle se soit réduite à quelques poignées d'hommes et qu'il n'y ait pas eu de charges caractéristiques du servage 1• . Ebranlées pour la période antérieure à 1200, les thèses de Marc Bloch sur le nouveau servage sont confirmées pour l'époque suivante. Georges Duby propose des idées neuves, ingénieuses, qui intéressent surtout la France centrale et méridionale 108 • Il se représente les servi des x· et XI• siècles comme « les descendants directs des esclaves carolingiens », et voit 105. Relisons BEAUMANOIR : les seigneurs ne peuvent rien demander à leurs serfs « s'il ne mesfont, fors leur cens, et leur rentes, et les redevances qu'il ont acoustumé a paier pour leur servitude ~ (Coutumes de Beauvaisis, é. Des groupes, cependant, se forment à l'époque où l'ancienne classe servile prend fin. Tels les « hommes propres >, liés héréditairement à un maître, soumis à sa justice, frappés de charges et d'incapacités. Leur condition se transmet par les mâles ; ils prêtent fidélité à leur seigneur, témoignent devant les juges, obtiennent une limitation de leurs services. Ils ne continuent pas les non-libres de la période précédente ; ils descendent de « francs commendés qui n'ont pu dénouer leurs attaches héréditaires ». La servitude n'a repris vie et vigueur qu'après 1175. Alors, en effet, les hommes incapables de secouer des contraintes jugées dégradantes furent assuJettis, sous un vocable antique, à une condition qui n'avait rien de commun avec l'esclavage. Bien que la démonstration soit ordinairement convaincante, nous hésitons à imaginer une césure de près d'un siècle dans l'histoire de la servitude. Les hommes propres du Mâconnais ressemblent à ceux de la Bavière, comme aux c hommes propres de condition servile > du Blésois 101• Ils se rapprochent des questaux aquitains que des textes fort clairs assimilent à des serfs. A diverses dates, les uns et les autres ont suivi, croyons-nous, les couloirs qui menaient au nouveau servage. La servitude s'est perpétuée sous des noms adaptés tant hien que mal aux situations .



** Les thèses précédentes ont ajouté des pièces au dossier du servage. A leur lumière, comme à celle de nos recherches, 107. Texte de 1060, dté par Van d(• Krnn. n" 482, « Les " colliberti " » (Rev. d'hisf. du /)roit, 19H4, p. 391).

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une conclusion est possible. Il faut revenir sur une évolution dont plusieurs Jignes se rejoignent. De même que l'histoire de la servitude est partagée en deux grandes périodes : esclavage, puis servage, de même Je servage est passé par deux états successifs : celui du progressif arrachement à l'esclavage au bénéfice d'une conception différente de la non-liberté ; celui d'un nouveau servage qui, en dépit de divergences locales, a revêtu des caractères analogues dans une partie de J'Occident. Pendant la première phase, Jes hommes se cherchent, et la terminologie s'essouffle à )es dépister. Pourtant, des frontières les séparent dans tout l'Occident frontières instables, en pointil1é, vivantes. Vers 1150, les non-libres ne sont pas les seu)s individus dont )a condition juridique soit héréditaire. Mais l'hérédité revêt pour eux un caractère d'automatisme plus marqué que pour les autres paysans. Ils ne sont pas les seuls qui soient exposés à la reprise des terres concédées, ou contraints de demander )'autorisation de Jes aliéner. Toutefois, Jeur possession est plus précaire que celJe des hommes libres, et les a1iénations p1us fortement frappées d'opposition. Ils ne sont pas les seuls qui versent le chevage, dont Je mariage avec une personne " du dehors > soit subordonné au consentement du maître et la succession amputée. Des affranchis, des protégés d'égJise. des barschalken subissent ces contraintes, ou l'une d'e1Ies. Or, e1Ies atteignent davantage les nonlibres. Ils ne sont pas les seuls qui soient frappés de tailles et de corvées, soumis à la justice du seigneur, surveillés dans leurs déplacements, ou astreints à résider. Dans ces domaines, l'emprise seigneuriale est plus forte sur eux que ~nr )es ruraux libres. Presque seu)s, enfin, ils n'accèdent à la prêtrise qu'en des cas très rares. Durant la seconde moitié du xn• siècle et l'Age suivant, la pression exercée par )es puissants sur les couches paysannes- les plus désarmées a incité les contemporains à réviser leurs conceptions, à creuser Je fossé entre lihres et non-libres. San~ être refoulés d·ans un ghetto, ni reJetés hors de la soci~té chrétienne, ces derniers furent exposés, plus (ine jamais, à des appréciations méprisantes. Trait sympto-

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matique l'~ffranchi est « absous du servage », comme s'il recevait ·le pardon d'une faute. En de nombreuses régions occidentales, la clarification est venue des « romanistes >, qui s'acharnèrent à asseoir sur des bases nouvelles les notions de liberté et de non-liberté, comme à faire revivre le vieux vocabulaire servile. Au XIII• siècle au plus tard, remonte une théorie du servage qui franchit les limites du « Moyen Age > et se perpétua chez nous jusqu'à la Révolution. Réclamées toutes ensemble, ou l'une d'elles, des obligations ont pris « une saveur de servitude > : le chevage, le formariage, la mainmorte, la taille « à merci >, les charges « viles >, « l'attache à la glèbe >. Si des nonlibres les rachetaient sans échapper à leur condition, un tel effritemenf préparait leur affranchissement. En revanche, des protégés d'église et des barschalken étaient frappés du formariage et de la mainmorte sans être rangés immédiatement parmi les serfs. Mais leur liberté était fragile ou condamnée. Ce n'est pas nécessairement la nature des charges qui « rend serf >. C'est la manière de les exiger. L'arbitraire fut un symbole de non-liberté. Bref, le serf reste un homme diminué, tracassé. Le cas anglais est typique. Après 1155, les partages d'attributions entre le roi et les seigneurs, puis l'action des juristes firent considérer comme libres les tenanciers soustraits aux travaux les plus astreignants sur les réserves et jugés par des tribunaux de comté ou de centaine lorsqu'ils choisissaient de porter leurs causes devant eux. Inversement, la _jurisprudence classa parmi les non-libres les paysans pliés à des corvées hebdomadaires ou saisonnières, assujettis à la justice seigneuriale pour les tenures, les redevances, les relations avec le maître, les menus délits, et donc arrach. Le nouveau servage a ramené à lui, aux côtés d'anciens non-libres, des affranchis c sous réserve d'obéissance >, des c hommes de l'autel >, des possesseurs de terres serviles, des villageois soumis aux obligations dont on vient de faire état 110• Il a progressé, en se diversifiant, sur les marges Nord et Nord-Est de l'Ile-de-France, du Laonnais et du Soissonnais à la Champagne et à la Brie 111 • Nous le retrouvons dans le Sud-Ouest de la France avec les questaux, en Provence avec les malservis, en Bourgogne et en Franche-Comté sous les traits des hommes taillables et exploitables, ou des hommes couchants et levants, - en Lorraine, en Bourbonnais, en Nivernais, en Berry, en Auvergne ... Il a pris dans ses tenailles les paysans anglais auxquels nous avons fait allusion et,

108. Chroniques, éd. LucE-RAYNAUD-MIROT, X, 95. - Sur l'évolution, du xne au XIV• siècle, n° 465, HILTON, Freedom and villeinage. 109. N° 340, BENNETT, Life on the English manor, p. 283 et suiv. 110. Outre les travaux régionaux, consulter PETOT, n° 538, c L'évolution du servage > (Rec. Soc. J. Bodin, Il, 163-164) ; m., c La formation de la classe servile > (Vil• Congrès internat. des Sc. histor., p. 30-31, Varsovie, 1933) ; m., c Fluctuations de la classe servile en France > (X° Congresso internaz. di Sc. storiche, VII, 189-190, Florence. 1955). 111. En revanche, la Normandie est restée à l'écart. Dès le XI• siècle, rappelons-le, les serfs y étaient très rares (traces dans n° 425, FAuRÔux, Recueil des actes des ducs de Normandie, n°• 39, 70 ...).

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après 1300, des ruraux qui vivaient dans les régions conquises sur les Slaves 112 •



** Par contre, des asservis ont brisé leurs chaînes 113• Tantôt des dispositions les ravirent à la senitude sans les enlever à une dépendance matérialisée par des charges foncières, lorsqu'ils conservaient leurs tenures, par la justice seigneuriale, par des serments. Tantôt elles ne les dispensèrent que de la mainmorte ou de la taille arbitraire et préparèrent une liberté obtenue par lambeaux 114• Des affranchissements furent accordés par des seigneurs à tous les serfs d'un village, d'un hameau ou d'un lieu-dit 115 • Entre 1246 et 1272, le roi et des communautés religieuses libérèrent les serfs qui, par milliers, vivaient dans des paroisses de l'Ile-de-France 116• Ils rejoignirent la condition des villageois normands et celle des ruraux qui, 112. Sur le cas allemand et ses variations du Xl8 siècle au XIVe, travaux d'ABEL, de LÜTGE ... (n09 159, 272). 113. Documents, n° 30. - Le mot c affranchissement > désigne des réalités différentes (n° 586, VERRIEST, Institutions médiévales, p. 197198). Voilà pourquoi il importe de distinguer entre l'affranchissement du servage - c'est ici notre propos - et l'octroi, à des paysans libres, de chartes de < franchises > ou de « coutumes > qui seront étudiées p. 141 et suiv. Partage quelque peu arbitraire car des actes concernaient des libres et des serfs. Nous l'adoptons dans un souci de clarté, et nous séparons résolument des problèmes que la plupart de nos devanciers ont présentés ensemble pour des raisons légitimes. 114. En 1252, le Chapitre Saint-André de Bordeaux fut contraint de rembourser 400 marcs « de sterlings neufs », qu'il avait empruntés à des marchands de Sienne et de Florence « pour les affaires > de son église. Les questaux de Cadaujac et des villages voisins le nantirent

(BRELOT, « La mainmorte dans la région de Dôle », dans Mém. de la Soc. pour l'hist. du droit des anciens pays bourguignons, comtois et romands, 1950-1951, p. 92 : charte de 1274 pour Dôle). 116. N° 350, BLOCH, Rois et serfs.

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de la Bretagne au Poitou, s'étaient vu concéder la liberté, ou n'avaient pas été touchés par le nouveau servage. Ils s'alignèrent sur des paysans mâconnais, charolais et foréziens, affranchis an cours du Xll8 siècle, sur des paysans flamands, picards et auvergnats, émancipés à la même époque, comme l'avaient été, par Louis VII, les sujets royaux d'Orléans et de plusieurs villages orléanais 117• Vers 1300, dans le Valois et les contrées voisines, quelques centaines de serfs attardés n'étaient plus guère qu'un c objet de méditation pour les juristes 111••• > Ce spectacle ne saurait faire oublier les manumissions opérées au profit d'individus isolés ou de petits groupes. Faute de place, notre champ de vision n'a guère dépassé la France, bien que les affranchissements concernent presque tout l'Occident 119 • Le mouvement s'est accéléré aux XIl8 et XIII• siècles. Pourquoi ? Plus que « le salut de l'âme >, plus que la prescription des droits négligés par les maîtres, retenons les pressions rurales, ainsi que l'intérêt immédiat de seigneurs qui voyaient là une occasion de se débarrasser d'une main-d'œuvre surabondante, un moyen de prévenil' les « évasions >, et une matière à perception 120• Contre argent, certains se sont inclinés devant des exigences qui avaient pour objet l'élévation dans l'ordre 117. Ordonnances, XI, 214. 118. N° 452, GuENÉE, Tribunaux et gens de justice, p. 35. 119. En Italie, l'action des bourgeoisies urbaines se conjugua avec les aspirations paysannes (n° 579, VACCARI, L'affrancazione dei servi ; n° 526, Dal PANE, L'economia bolognese). 120. Des affranchissements sont donc liés aux améliorations de la vie matérielle bien que les deux phénomènes ne se recoupent pas nécessairement. Le servage a eu la vie longue dans l'Ouest du Brabant et le Luxembourg, dont le retard économique était évident. Par contre, il a disparu en Flandre maritime depuis le xe siècle et dans la majeure partie de la Flandre intérieure aux époques suivantes. Il a décliné dans le Hainaut après 1100 sous l'empire des villes neuves, des communautés privilégiées et, comme en d'autres pays, avec l'affermage des terres domaniales. Il a reculé, aux XII• et XIIIe siècles, dans la région de Die (Cartulaire de N.-D. de Léoncel : éd. U. CHEVALIER, t. IV de la Coll. des Cartulaires dauphinois). L'éventail des conditions sociales est aussi large que celui des économies. Historiens, nous entretenons les obsessions avouées ailleurs (p. 103, n. 42).

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social, une meilleure sécurité et l'exemption de lourdes charges - mème si l'amélioration du droit privé n'entraînait pas forcément celle de la vie matérielle. - D'autres ont pris les devants et proposé l'affranchissement à des chefs de foyer ou à des communautés entières qui versaient une somme globale, répartie par ménage, proportionnellement aux biens de chacun. c La richesse paysanne >, fondée sur des économies patiemment amassées, ou l'acceptation d'un endettement inévitable permirent cette libération. De saint Louis à Philippe le Bel, la présence de « commissaires aux affranchissements > dit assez que la pratique était passée dans les mœurs. Elle faisait tomber dans les escarcelles seigneuriales des sommes d'argent auxquelles pouvaient s'ajouter des redevances foncières plus élevées que jadis et fixées par écrit. Elle redorait des blasons, réglait une dette ou des dépenses 111 • Des ruraux bien lotis restèrent liés par le servage, tandis que des serfs « stériles et vagabonds >, ou des importuns qui accablaient le seigneur de leurs « perverses réclamations » obtinrent leur délivrance 121• Mais ce furent principalement les paysans aisés qui devinrent « francs, libres et citoyens romains na >. En les arrachant à de dures contraintes, les chartes d'émancipation entraînèrent par contre-coup une aggravation du sort infligé aux « pauvres villageois > qui furent laissés loin de leur ombre protectrice. Pour eux le servage resta une fin en soi, un moyen de conserver ou d'obtenir un toit et quelques champs. A leur dénuement s'ajouta l'infortune de leur statut personnel. Les concepts juridiques rythment la valse lente des conditions humaines.

121. Voir dans FoURQUIN (n° 436, Les campagnes de la région parisienne, p. 165) des exemples de prix réclamés. 122. N° 366, BouTRUCHE, Crise d'une société, p. 329 ; Cartulaire de Saint-Père de Chartres, éd. GUÉRARD, Il, 396. 123. Selon des notaires « savants en droit > écrit (par exemple Arch. Histor. Gironde, XVIII, 373 : 1425).

CHAPITRE III

ASPECTS CONCRETS DE LA SEIGNEURIE LES ADMINISTilATEURS LES SEIGNEU~ FONCIÈRES

INTRODUCTION

La seigneurie est un pouvoir de commandement, de contrainte et d'exploitation. C'est aussi le droit d'exercer ce pouvoir. Après l'an mil, l'institution a rayonné à travers le monde. Par contrats transformant des alleux paysans en tenures roturières, par accensements, par la violence et tous ces cheminements qui précédaient une mainmise, des terres et des personnes sont entrées en dépendance. Avant 1066, la seigneurie était en vigueur Outre-Manche. La conquête normande l'a superposée au régime social antérieur là même où, dans les régions occupées jadis par les Danois, elle pénétra moins profondément que dans le reste de l' Angleterre. Hommage c au temps du roi Edouard > et plus encore adaptation au présent, un coup de maître, le Domesday Book, a pris le « manoir> comme cadre, estimé son revenu, décrit sa contenance, son équipement, ses catégories paysannes. Dans le même temps, la seigneurie achevait de se répandre en Normandie. Aux XIIe et XIIIe siècles, elle s'est renforcée de la Bretagne à la Picardie, des Flandres et des pays mosans à l'Est de l'Allemagne, du sud de la Loire à la Catalogne et à l'Italie du Nord. Son implantation fut plus timide en Italie méridionale, en Sicile et en Sardaigne, igneurie et féodalité, J. 94-95.

LES ADMINISTRATEURS

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étaient plus appréciés : les chapelains, le~ messagers, les forestiers conviés à la surveillance ou à l'exploitation des bois et élevés à une position éminente à l'époque des grands défrichements ; des hommes d'armes et, parmi eux, des chevaliers' ; enfin, les prévôts et les maires qui, placés sous le contrôle d'un agent supérieur, formaient la chevi11e de l'administration. Leurs attributions étaient à peu près de même nature, et des textes peinent à les distinguer 5 • L'activité des prévôts s'exerçait dans un assez vaste ressort et à un niveau relativement élevé. Ils tenaient des plaids, régissaient, contrôlaient la perception des taxes. Les maires veillaient au bornage et à l'exploitation des terres, à l'exécution des corvées et à la rentrée des redevances. Ils assuraient la police, présidaient des tribunaux ayant compétence en matière de justice foncière ou basse. Au sommet, se dressaient « les premiers de la familia >. Ces intendants généraux coiffaient la domesticité, présidaient les cours judiciaires qui examinaient les principaux dé1its. Ils commandaient l'escorte et les troupes, prenaient soin de la chambre, de la table, de la cave du maître, de ses écuries et de ses chasses. Quitte à mêler des propos féodaux à des considérations seigneuriales, attachons-nous à tous ces servientes, à tous ces ministri. Des textes leur donnaient le nom de ministeriales, parce qu'ils détenaient un « ministère >, un office•. Groupe disparate. car les maîtres étaient de qualité 4. En Namurois, après 1150. certains se détachèrent de la ministérialité domaniale et entrèrent dans la noblesse (n° 445, GENICOT, L'économie rurale namuroise, Il, 77 et suiv.) 5. Quelques-uns, au contraire, font la différence. Ils soulignent leur rliversité. Celle des origines : des prévôts étaient choisis dans la petit sont dénoncés par des maîtres qui avaient sujet de se plaindre, ou qui enrageaient de leur impuissance à desserrer l'étau. Nous saisissons mal les services rendus, générateurs de durée pour des organimes maudits, nécessaires. Encombrants, les ministériaux étaient eux aussi indispensables. Ils aidaient le maître à tenir sa maison, lui prêtaient leur concours dans l'exercice de ses tâches en tant que seigneur domestique, seigneur foncier et seigneur politique.

* ** li.

SEIGNEURIES DOMESTIQUES ET SEIGNEURIES FONCIÈRES

L'aspect le plus simple de l'institution seigneuriale, et l'un de ses plus anciens, était symbolisé par le pouvoir du maître sur ses hommes, entretenus directement ou casés, rassemblés dans sa maison ou dispersés. Une esquisse de leur statut a été tentée avec l'étude des habitants de la seigneurie et avec celle des ministériaux. Ces questions se recoupent. Les seigneuries foncières sont plus attachantes 111 • la fin du xne siècle jusqu'au XIV•, époque de sa disparition. L'un et l'autre se sont heurtés au comte de Flandre, haut-avoué de SaintAmand, et au prévôt-moine, lieutenant de l'abbé (n° 548, PLATELLB, La justice seigneuriale de Saint-Amand, p. 102-113, 411-416). 18. Documents, n°• 24, 25. 19. Documents, n° 8 à 21.

SEIGNEURIE ET Ff.:ODALITf.:

LES SEIGNEURIES FONCIÈRES. -

A.

VUE D'ENSEMBLE

Groupement des terres et de l'autorité ; à l'opposé, une fois franchies les catégories intermédiaires, qui forment la masse, éparpillement insensé : telles sont les images suggérées par les seigneuries occidentales. Pour les interpréter, nous n'avons que l'embarras du choix : le substrat social, la géographie ou la vie interne des dominations, le nombre grandissant de parties prenantes, les relations entre l'économie seigneuriale et les autres formes d'activité ; plus simplement, les aléas documentaires 20 • Des seigneuries foncières se blottissaient sur un petit espace ; leurs voisines s'étalaient sur des centaines ou des milliers d'hectares. Certaines englobaient plusieurs paroisses ou confondaient leurs limites avec celles d'un village ou d'un lieu-dit en des contrées nouvellement défrichées de la France septentrionale et des régions de l' Elbe, dans le champ embrassé par des manoirs anglais ou sur les terres W. L'usage des polyptyques s'est prolongé en Lorraine, en Flandre, dans les lJays-llas... 11 s'est répandu Outre-Manche jusqu'en plein Xlll 8 siècle et au-delà. Ajoutons des chartes de· donations, de ventes ou d'échanges rassemblées, avec des pièces de procédure, dans de précieux cartulaires qui enregistrent les droits et les conquêtes de la seigneurie ; des censiers-coutumiers, qui énumèrent les redevances foncières, les services, les taxes personnelles ; des terriers, qui insistent sur les confrontants des tenures ; des comptes, qui projettent des lueurs sur les fortunes et les revenus ; des décisions royales ou princières, des chroniques et des notices, des livres de traditions... (Sur le déclin des censiers, nv 5~-1, PERRIN, La seigneurie rurale en Lorraine, p. 617 et suiv.) Plus généreuse que jadis pour les fortunes laïques, comme pour les petites et ies moyennt:s seigneuries, la documentation reste fragmentaire, malgré la présence de textes considérables. Un peu partout, elle est pauvre avant 1150 : d'où, sur le destin des seigneuries carolingiennes, un passage à vide, un silence rompu seulement par des témoignages qui ont survécu aux naufrages et encouragé les investigations érudites. Sa richesse, ensuite, traduit le développement de l'administration et les progrès de l'instruction.

LES SEIGNEURIES FONCil::RES

dépendant d'une chàlellenie n. D'autres, beaucoup plus nombreuses, présentaient, à côté d'un noyau compact, des lambeaux de terres et de droits 22. Dès lors, la comn_mnauté rurale et la seigneurie terrienne ne coïncidaient pas. Un village dépendant d'un seul maître en possession de la justice et du ban était partagé entre des dominations foncières, comme entre des alleux 23 • Ces types existaient principalement sur les temporels monastiques. Plus le rayonnement d'une abbaye était considérable, plus l'afflux des donations accentuait la disparité de ses biens. En 1025, Richard Il, duc de Normandie, confirme les donations faites avant lui au monastère de Fécamp. Il en ajoute de nouvelles. Il y a parmi elles des unités seigneuriales ayant chacune leur vie propre : c Mondeville, avec toutes ses dépendances, ses églises et ce qui lui appartient, en entier ; Argences, avec l'église, les terres cultivées et incultes, les prés, vignes, forêts, moulins, eaux ; la villa appelée Bretennoles ; Conteville, en entier. > Il y a des fractions de seigneuries : à Fécamp, c le tiers des hôtes, 21. Documents, n° 10 (village de Gourchelles). Voici des exemples plus anciens. Vers 913, au moment où elle fut donnée à l'abbaye de Gorze, la villa laïque de Quincy comprenait un peu plus de six cents hectares de terres labourables, divisées entre une réserve et trentetrois manses. Si l'on ajoute les bois, elle correspondait sans doute ù la commune actuelle de Quincy (n° 534, PERRIN, La seigneurie rurale en Lorraine, p. 176, n. 3). Dans le Clunisois, les seigneuries de Malay et de .Mazille, - en Dijonnais celle d' Ahuy contenaient probablement les villages du même nom (n" 393, DÉLÉAGE, La vie rurale en Bourgogne, p. 491). 22. La dispersion des terres du maître et l'éparpillement des manses étaient plus sensibles en Allemagne qu'en France. D'où, entre les réserves et les tenures, un relâchement des liens économiques, auquel contribuait l'emploi par les seigneurs de nombreux domestiques sur leurs champs. Ces inconvénients de structure furent combattus par l'établissement de rapports administratifs fort étroits entre le cheflieu du domaine, résidence du villicus ou intendant, et les terres concédées. La villicatio germanique et la villa française n'en avaient pas moins des aspects différents. 23. A Ressaix, dans le Hainaut, sept échevinages intervenaient aux XIII• et XIV• siècles pour passer des actes de loi (n° 588, VERRIEST, Le régime seigneurial en Hainaut, p. 4-5). - Il est difficile par conséquent, de saisir les contours d'une seigneurie foncière. Ceux d'une seigneurie politique sont plus marqués.

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

avec la terre qui leur appartient » ; une section de forêt comprise entre les Plantis et la mer, c tout le tonlieu de la même villa et une partie des prés, trois moulins et demi > ; dans la villa de Bouteilles, deux hôtises, le tiers de la pêcherie d' Arques et deux salines, ainsi que la terre arable, avec les prés ; à Harfleur, six hôtises, soixante « poises > de sel, les dîmes des salines, quatre acres de pré, vingtquatre acres de terre arable et une partie de forêt ; à Longueville, douze arpents de vigne ; dans la villa de Douains, l'église avec ses dépendances et deux hôtises ; une partie de la villa de Beaunay, avec la forêt et un moulin > ; des mesnils, des églises, des pêcheries, des dîmes 24.

B. L'EXPLOITATION DES SEIGNEURIES

De quelle façon les puissants tiraient-ils parti de ces richesses ? Avant comme après l'an mil, sur le continent comme en Angleterre, peu de seigneuries n'avaient qu'une réserve 2\ ou que des tenures 26 • Ces deux éléments entraient dans la composition du plus grand nombre. 1. Les terres du maitre.

La réserve est « la terre du maître >. Là se trouve sa maison principale - château ou maison forte, résidence abbatiale, demeure épiscopale - , ou l'habitation qui abrite 24. N° 425, FAUROUX, Recueil des actes des ducs de Normandie, n° 34, p. 124-131. Cf. aussi n°• 35, 36, 49, 64 (1025-1032) ... 25. Il y a des exceptions. L'une est de taille, puisqu'elle concerne les premiers temporels cisterciens. Des enquêtes vigilantes, conduites par régions, dénonceraient les cas d'espèce, établiraient un rapport entre les réserves exclusives et la présence de valets domestiques, de salariés, ou de convers. 26. A l'image, en 1289, de seigneuries dépendant du comté de Namur (n° 445, GENICOT, L'économie rurale namuroise, 1, 99 et suiv.). La cession de tenures sans aucune fraction du domaine réservé a déclenché de temps en temps ce déséquilibre.

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l'intendant. Là se groupent les dépendances, les terres familières, la chapelle ou l'église. L'ensemble est protégé par des palissades ou des murs. Il se prolonge dans le terroir par des c terres labourées >, mêlées aux parcelles des tenanciers, et par des biens incultes. Lorsque la réserve est divisée en plusieurs groupes domaniaux, chacun, tour à tour, ravitaille le maître, ou se voit spécialisé dans la production de denrées choisies. On sait l'importance du concours demandé à leurs paysans par de grands seigneurs de l'époque carolingienne. Quand le manse était lourdement chargé, son détenteur versait des redevances, cédait des produits manufacturés, participait à l'entretien des clôtures, des fossés, des chemins et des ponts, exécutait des charrois, mettait en valeur un lot de la réserve. Par-dessus tout, lui-même, un membre de sa famille, ou l'un de ses domestiques, travaillait sur les champs du maître un à trois jours par semaine - sans préjudice d'une ou de deux « quinzaines > de services continus lors des grands labeurs saisonniers. - Constituée en équipes pour un travail forcé, gratuit ou faiblement rémunéré, cette main-d'œuvre essentielle conjuguait ses efforts hebdomadaires ou saisonniers avec ceux, quotidiens et c à merci >, de la familia, soutenue par le concours parcimonieux de quelques salariés. La collaboration du chef d'entreprise avec ses tenanciers établissait une étroite union, fondement du régime domanial, entre les deux volets de la seigneurie foncière. Sans nul doute, le régime domanial était plus souple que ne le laissent à penser des règles fort rigides. La répartition des trarnux était faite en fonction de besoins agricoles plus légers et moins fréquents pendant les mois d'hiver que dn printemps à l'automne. Selon leur nature et Jeur situation par rapport à la « cour > seigneuriale, les tenures d'une même seigneurie étaient inégalement grevées. Cette variété serait plus sensible à nos yeux si la documentation s'étendait davantage aux domaines laïques et aux petites seigneuries, si elle était aussi généreuse pour les contrées du « l\lidi » que pour c et tinrent d'eux, contre redevance, leurs ateliers. A teur tour, les « lots-corvées > furent mis en cause. On les découvre encore au XIII6 siècle en Flandre, en Normandie, en Allemagne du Sud ... En de nombreuses contrées, ils n'ont pas dépassé le Xlr ; les champs soumis à cet usage furent réunis anx tenures. 41. Outre les études de

LUZZATTO,

voir, n°• 488-490, celles de

LEICBT.

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Restaient les travaux par excellence : ceux de culture. Si des vignes furent rapidement livrées aux ouvriers agricoles spécialisés, en revanche le labourage des champs céréaliers, la moisson, le battage des grains, le hersage, le sarclage, l'entretien des prés continuèrent longtemps à rassembler des tenanciers travaillant, par roulement, quelques jours ou quelques semaines. Des charrois, des réparations de clôture, des travaux d'entretien sont signalés au x1v· siècle. On ne saurait tracer d'une main sûre la géographie des pays où le régime domanial n'eut qu'une implantation légère, ni celle des régions qui, successivement, ont réduit les services. Cette géographie est morcelée, chaotique. Si l'on procède par vues d'ensemble, disons seulement que des contrées italiennes et des pays au sud de la Loire viennent en tête. Puis le processus a fait tache d'huile dans la majeure partie de l'Occident entre 1050 et 1200. L' Angleterre monastique et les pays à l'Est de l'Elbe ferment la marche. Le travail forcé atteint toujours, vers 1300, des ruraux qui se pressent, plus serrés que jadis, sur des seigneuries ellesmêmes plus nombreuses. Il les touche d'autant plus que des corvées relèvent de la seigneurie politique, qu'elles ne sont pas de « vieilles Coutumes > mais des « exactions >. Il n'empêche que le tableau des obligations s'est modifié depuis l'an mil. Des tenures ne collaborent plus de façon étroite à l'exploitation des terres du maître. Elles ne sont pas un nid de main-d'œuvre dans lequel il puise selon ses besoins. Elles procurent un appoint. Plus lourdement taxés en argent ou en denrées que ne l'étaient leurs ancêtres, des paysans sont par contre plus libres de leur temps. Les relations avec le seigneur, les conditions personnelles et l'atmosphère de la vie en furent changées.

* ** L'affaissement du régime domanial a eu des causes si nombreuses que les historiens ne s'accorderont jamais sur

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c les facteurs déterminants 42 >. Plus les recherches progressent à la faveur de fouilles révélatrices dans les fonds d' Archives, plus les débats rebondissent. Un jour viendra peut-être où nous suivrons d'assez près une évolution sujette à des écarts chronologiques considérables. 42. Une observation de M. BLOCH reste vraie : « Presque toutes les explications économiques sont à double tranchant > (n° 345, c De la grande exploitation domaniale à la rente du sol >, article publié en 1933 et reproduit dans Mélanges historiques, II, 673). - A son tour, E. PERROY rappelle que c les mêmes faits traditionnellement allégués pour expliquer l'abandon de l'économie domaniale en France conditionnent, aux dires des historiens anglais, l'apogée du régime manorial et l'épanouissement du high farming pendant tout le XIII• siècle et les premières décennies du XIV• > (Annales, E.S.C., 1961, p. 118 : compte rendu de l'ouvrage de M. BLOCH, n° 351, Seigneurie et manoir). Par surcroît, de bons connaisseurs de l'histoire d'Outre-Manche ont interprété en des sens différents les transformations de l'économie seigneuriale et de la paysannerie anglaises. Sans doute les prétentions des maîtres furent-elles encouragées par c le boom économique du XIII• siècle >, qui fut loin d'être toujours une force émancipatrice. Elargissant le débat, des chercheurs ont marqué les oppositions entre l'Angleterre, la Flandre et les Pays-Bas - auxquelles s'ajoutaient. des contrastes intérieurs. - Malgré des économies comparables, les deux premières n'ont pas résolu dans le même sens le problème des corvées, ni celui des classes rurales. Dans la région de Gand, l'accroissement de la production et des marchés ne fut pas accompagné d'une augmentation des services, ni d'une résurgence du servage (n° 501, LYON, La chronologie des corvées). Pour l'Angleterre, on se reportera aux travaux de PosTAN, depuis son article : The chronology of labour services (n° 552) jusqu'à son exposé dans The Cambridge Economie History of Europe, t. 1, 2e éd., 1966, p. 548-632 (avec bibliographie, p. 823-831). - On lira : KosMINSKY, n° 485, Services and money rents in the thirteenth century : n° 258, Studies in the agrarian history of England in the thirteenth century ; n° 197, Dose, Studies in the development of capitalism ; n° 252, HOMANS, English villagers of the thirteenth century ; n° 493, LENNARD, Rural England : n° 235, HARVEY, The population trend in England between 1300 and 1348. Parmi les monographies, n° 525, PAGE, The estates of Crowland abbey ; n° 513; MORGAN, The abbey of Bec ; n° 467, HILTON, The economic development of some Leicestershire estates ; n° 508, MILLER, The abbey of Ely ; n° 557, RAFT1s, The Ramsey abbey. Sur l'Empire et sur la France, des études concernant la seigneurie sont mentionnées dans notre Bibliographie, III. Sur l'Occident, n° 27, Duev, L'économie rurale : The Cambridge Economie History of Europe, t. I, 2· éd., 1966 (eontrihutions de GANSHOF. VERHl'I.ST, JONF.S, SmTH) ; n° 51, GENICOT, l,e XIII• siècle européen.

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Nous sommes dans un monde en expansion. L'exubérance monétaire, les marchés, les prix offrent aux maitres le choix entre les procédés traditionnels et des solutions neuves. L'afflux de population permet d'employer un abondant personnel domestique, ou de répartir les services sur plus de terres que jadis en demandant moins à chaque exploitation paysanne. Ce n'est pas tout. Des corvées furent condamnées par l'instabilité des cellules qui leur servaient d'assiette, par les répugnances paysannes, par les transformations de l'outillage agricole, qui assura le même rendement qu'autrefois avec un personnel réduit. Et puis les corvées alourdissaient l'administration seigneuriale. Elles étaient onéreuses parce qu'il fallait donner aux gens des deniers, des denrées, des gerbes. Il fallait aussi les nourrir. Un censier bavarois mentionne des terres « dont le produit entie1· est destiné aux moissonneurs 43 » - journaliers compris. En fin de compte, des seigneurs ont obtenu le concours de travailleurs volontaires plus ardents à la tâche que les corvéables et répondant mieux aux urgences saisonnières. Ces derniers étaient à leur façon des salariés, puisqu'ils recevaient des gratifications. Leur travail n'en était pas moins obligatoire et tracé à l'avance. L'autre système s'avérait plus souple. An XIII• siècle, époque d'une relative stabilité des gages contrastant avec la montée des prix agricoles, la balance a penché en sa faveur sans ruiner le système concurrent là où Je salariat mettait des finances en péril.



** L'administration directe s'est heurtée à un rival redoutable. Au lieu de courir après les corvéables et les salariés, ou d'abandonner la gestion à des intendants, pourquoi ne pas faire appel au bail à ferme de quelques champs, d'une redevance, d'une réserve, ou d'une seigneurie entière ? Prati43. N° 404, DoLLINGER, Les classes rurales en Bavière p. 162-163 (milieu du XIII• sièC'le). ·- Sur une villa du XI• siècle, E. de MoREAtT, flistofre de l'F']fise t'll Rt•T!Ji1111e, ~., éd., II, 241.

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qué au XI• siècle Outre-Manche. développé au XII' en Allemagne du Nord, il a remporté un vif succès en Occident après 1200 4 4. Il offrait des armes contre le gaspillage, principalement dans les seigneuries dont les champs étaient dispersés. Sans enlever aux maîtres tout pouvoir de ban, tout contrôle des cultures, il atténuait leurs soucis sur des terres céréalières qui leur tenaient moins à cœur que les prés, les vignes et les bois, demeurés en gestion directe. Les sommes reçues payaient des dettes, résolvaient des difficultés financières. Le fermage a revêtu différentes formes. Dans sa durée, d'abord. Au bail perpétuel, ou au bail à une ou deux vies, on préféra des contrats temporaires, en fonction du cycle des cultures. Le concédant révisait périodiquement leurs clauses, les adaptait au mouvement des prix et aux conditions des marchés, disposait des terres à l'expiration de l'accord, s'adressait à un tiers ou conservait sa confiance à l'ancien preneur "j. Il faut donc se garder de confondre Je fermage avec l'accensemenl. Une résenc affermée revient au maître à l'expiration du bail. Elle reste « dans sa main ». Néanmoins, le système a préparé son lotissement. Des baux furent conclus contre une somme fixe, sans participation des concédants à l'exploitation. L'usage est probablement ancien. Il reprit vigueur, après 1250 ou 1300, là où les maîtres, assaillis de préoccupations, appelés auùehors, ou clépournts d'esprit . Comme le sort des services, celui des réserves soumet à une dure épreuve les historiens sollicités par des hypothèses d'autant plus variées que la gamme des situations particulières n'a rien de monotone. Des seigneuries ont conservé de grandes réserves, ou les ont reconstituées. Vers 1300, cinquante et une exploitations - les « cours >, deux mille deux cents hectares de bois, cent cinquante hectares de prés composaient le domaine propre de SaintAmand. A la même époque, celui de Saint-Martin de Tournai comprenait quarante cours, trois cents hectares de bois et de prairies•. Dans le pays messin, des ecclésiastiques et des bourgeois annexèrent des tenures paysannes à leurs domaines. Sur les terres remembrées, ils se livrèrent à la culture et à l'élevage 50 • A l'est du Rhin, le renouveau des échanges et des viJles offrit leur raison d'être à de Yastes exploitations. En Angleterre, des chevaliers et de petits seigneurs ecclésiastiques gardèrent des réserves relativement importantes par rapport à la superficie des manoirs ; des abbés, des évêques, des chanoines qui avaient réduit leurs terres domaniales avant le milieu du XII• siècle s'appliquèrent ensuite à les étendre. L'abondance de la maind'œuvre, la vigueur des marchés urbains, la hausse des prix agricoles, les bénéfices attendus des cultures céréalières et de l'élevage du mouton, la médiocrité relative des profits tirés des exactions, des dîmes et des champarts les poussèrent dans une voie dont leurs collègues français tendaient à s'écarter. Il faut attendre les dernières annres ou XIIIe siècle ou le XIV• pour assister à la réduction des grandes entreprises agricoles. Dans ce parti pris, les crises économiques et la fiscalité, sources d'endettement, semblent avoir joué un rôle décisif. 48. N° 427, FAVIER, « Un terroir cauchois au début du XIV• siècle. Le domaine de Longueil » (Ann. de Normandie, 1963, p 155). 49. N° 549, PLATELLE, Saint-Amand, p. 257, 271 : n° 453, HAENRNS, Saint-Martin de Tournoi, p. 56-63. 50. N° :\05, SCHNEIDER, Met:, p. :~'.!:\ d ~uiv. : 388 et suiv.

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Nous venons de mettre en commun des pays. 11 serait indispensable de rapprocher des types seigneuriaux. D'immenses réserves se sont étalées sur des terres cisterciennes jusqu'en plein XIIe siècle. L'économie des monastères pendant les premiers temps de leur existence fut fondée sur la gestion directe par des frères laïques, les convers, et par quelques salariés, des « granges > (vouées principalement à l'élevage comme à l'exploitation des bois et des étangs) entre lesquelles le temporel était réparti. Ni tenure, ni cens, ni dîme. Des donateurs cédaient uniquement des fractions de leur domaine propre. Des abbés évinçaient les tenanciers, ou annexaient leurs terres quand ils mouraient sans héritier. Après 1150, le système s'est défait sous la pression d'éléments économiques plus forts que les principes posés par les fondateurs. Des abbés affermèrent les granges ou créèrent des tenures, en même temps qu'ils accueillaient des vassaux 51 • Le temporel des Prémontrés et des Augustins subit, en gros, la même évolution. Un phénomène majeur s'est donc imposé tôt ou tard : l'éclatement des grandes réserves, leur réduction devant le flot montant des tenures. Ce fut le résultat de grignotages plutôt que d'un brutal effondrement. On les observe en Mâconnais peu après l'an mil, en Bourgogne du Nord, en Lorraine et en des régions aussi diverses que le Tournaisis, le Parisis et la Normandie, la France centrale et méridionale, l'Italie septentrionale, la Bavière, le Namurois où, avant 1200, les comtes avaient inféodé ou accensé des fractions de leurs terres, enfin. de façon sporadique, dans plusieurs contrées anglaises 52 • Le mouvement est accusé sur des terres lai51. Parmi les travaux récents, J. DENAIX. Chartes des CisteJ'ciens de Saint-Benoit-en-Woëvre, des origines à 1300 (Verdun, 1959) ; n° 246, HIGOUNET, Les types d'exploitations cisterciennes et prémontrées du XIII• siècle ; n° 437, FouRQUIN, Les débuts du fermage ; n° 216, FosSIER, La terre et les hommes en Picardie, Il, 605-606. Sur les Cisterciens et la féodalité, n° 737, RICHARD, Les ducs de Bourgogne, p. 76-78. 52. N° 416, DUBY, La société en Mdconnais, p. 73, 502, 504 ; n° 393, Df1.ÉAGE, La vie rurale en Rnurgogne, p. 530 ; PERRIN, n° 534, La seig11f't1rfr rurale en Lorraine, p. 652-fi5:I : n° a28, « La knure ruralt· t'll Lorraine >> (Rec. Soc. J. Bodin, III. 160) ; n° 450, finA~n et D1-:uT01·-

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ques et sur des temporels ecclésiastiques : à Saint-\:\Tandrille, à Lobbes - où des abbés du XI• siècle furent tentés d'aliéner toutes leurs réserves, puis limitèrent leur projet, - à Marmoutier, à Saint-Trond, sur le domaine de Gesve, dépendant de Saint-Vanne de Verdun, sur des terres de Saint-Amand et de Saint-Germain-des-Prés 53 • L'évolution s'accéléra au XIII" siècle, A Thiais, Saint-Germain-des-Prés disposait au IX" siècle d'une réserve de 270 hectares, réduite à 90 vers 1300. En 1247, la réserve du manoir normand de Bretteville ne couvrait plus que le sixième des terres arables. Vers 1275, l'inventaire des possessions du sire de PameleAndenarde, en Flandre, fait état d'un domaine infime. La prépondérance des biens accensés est écrasante. Selon un censier de 1289, l'ensemble des réserves appartenant au comte de Namur a une superficie de 9 % par rapport à celle des tenures. Neuf seigneuries sur vingt-cinq ont perdu toutes leurs terres domaniales 54 •

Après le X" siècle, écrivions-nous dans un livre precedent, c le manse dominical continue à donner le ton grâce à sa superficie, à son installation, à ses cultures choisies. Mais il n'écrase plus de sa masse ni de ses exigences les tenures rurales 55 >. Il ne les écrase plus dans les textes, qui ménagent une meilleure place aux petites exploitations 18 • Il CHE,

L'ayricultm·e au Moyen Age, p. 97-100, 147 et suiv. ;

DoLLIN-

GEn, n° 404, Les classes rurnles en Bavière, p. 122-127, 142-143 ; n° 403, « Le régime domanial en Bavière :. (Le Moyen Age, 1950, p. 292 et

suiv .• 304-306) ; n° 445, GENICOT, L'économie rurale namuroise, 1, 93121. 2!l9 : n" 21fl, FossIER, ouvr. cité. Sur les travaux des historiens anglais. p. 103, n. 42. a3. ~n 496, L5. N° 9, Seigneurie et féodalité, I. 121. 5fi. ~ous npplaudissons à une remarque de G. DUBY : « Les types

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ne les écrase plus dans les faits parce que des champs paysans furent installés sur des coutures, des condamines, des clos de vigne du maître, parce que des réserves décrurent sur les terres défrichées. Cet effritement est dû à plusieurs raisons. Nous ne saurions passer sous silence les créations de fiefs, les donations pieuses, les successions, la fiscalité royale, ni l'anarchie du xe siècle, qui provoqua une spoliation des terres ecclésiastiques déjà touchées par les invasions normandes. Pensons aux guerres, aux voyages, aux lointains séjours, qui écartèrent les maîtres de leurs biens et les condamnèrent à des expédients n. Et puis, l'impopularité des corvées obligea des grands à amputer leurs terres là où les salariés étaient rares et oit les baux à ferme trouvaient difficilement preneur. Dès lors le recul du régime domanial a précédé la réduction des réserves. Mais le phénomène inverse fut plus fréquent. Ce ne sont là que des péripéties. La poussée démographique, les techniques et les impératifs économiques exercèrent une action plus durable. Une seigneurie éloignée des artères commerciales est-elle engorgée ? Son possesseur se défait des terres domaniales excédentaires. Les salaires sont-ils trop élevés ? L'achat des denrées et des objets artisanaux est-il moins dispendieux que leur production directe ? On se résout au m~me sacrifice. Des contrées qui bénéficiaient de vigoureux échanges et d'une intense circulation monétaire furent le théâtre de ces expériences. Non pas toutes, on le sait. En dernière analyse, il faut tenir compte des conditions locales et de la conception que chacun se faisait de l'exploitation de ses champ~. Sur des terres rle l'abhaye de Saintd'exploitation décrits par les polyptyques ne sont-ils pas, au IX• siècle, exceptionnels par rapport à la grande majorité des seigneuries foncières de moindre importance, que nulle source ne permettra jamais d'approcher? » (n° 27, L'économie rurale, Il, 504, n. 5). 57. En 1249, le prince de Morée, Guillaume de Villehardouin, confia à son cousin, maréchal de l'Empire latin, qui regagnait l'Occident, Je soin d'administrer quelques-unes de ses terres pat.rimoniales françaises (n° 927, LmmNo~, L'Empire latin, p. 218).

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Denis, Suger assure une place prépondérante aux tenures ; sur d'autres, il restaure les biens gérés directement 111 • Sur le temporel de Saint-Amand situé à proximité du monastère, d'importantes réserves sont présentes entre 1250 et 1300. Au contraire, dès la fin du XI• siècle et les années suivantes, les abbés avaient aliéné leurs domaines flamands. Ils étaient loin ; et les agents monastiques ignoraient la langue du pays 59 • Bref, tantôt le maître garde des terres qui satisfont ses « nécessités >, qui lui permettent de vendre les excédents et lui assurent un revenu supérieur à celui des tenures ; tantôt il en conserve de petites fractions. Ce ne sont que dégradés ou franches oppositions. La réduction des biens domaniaux fut inégale et, observée de haut, s'étala sur un demimillénaire 80 • L'Italie et la France ont devancé l'Allemagne du Nord, et celle-ci l'Allemagne centrale ou méridionale, comme l'Angleterre ; des seigneuries laïques ont précédé celles des clercs et des vieux établissements monastiques ancrés dans les usages traditionnels, ou tentés d'y revenir ; le mouvement s'est avéré précoce au sein des grands organismes ; les régions céréalières ont pris le pas sur les pays d'élevage ... On ne croit plus aujourd'hui avec la même foi qu'il y a un quart de siècle à la décadence rapide et à peu près générale des réserves, conduite, il est vrai, jusqu'à une limite qui ne fut guère dépassée. Entre 1270 et 1330, des seigneuries de la région parisienne répondaient à l'idéal que Suger s'était forgé un siècle et demi plus tôt en pensant à quelques dépendances de son abbaye : à côté de larges surfaces accensées, des terres domaniales ayant au maximum cent cinquante à deux cents arpents, au minimum quelques 58. Liber de rebus in administratione sua gesti (éd. LECOY DE LA 1, 158 et suiv .) . 59. N° 549, PLATELLE, Saint-Amand, p. 261-266, 271-272 ; n° 453, HAENENS, Saint-Martin de Tournai, p. 56-63 ; n° 470, HoEBANX, Nivelles, p. 227 et suiv. ; et les études, déjà citées, de VBRHULST sur Saint-Bavon de Gand. • . 60. Plutôt que sur deux ou trois siècles, comme nous l'avons affirmé dans la première édition de Seigneurie et féodalité, 1, 110-111. MARCHE,

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dizaines, - toutes de bon profit, avec les meilleures vignes. de bons champs de blé, des prés et des bois 61 • Constamment, nous avons associé les tenures à la réserve. Il est temps de les étudier pour elles-mêmes, de considérer leur place dans les seigneuries et leur poids dans les rapports entre les puissants et leurs sujets. 2. Les tenures.

Enchevètrés avec les terres de la réserve, ou à l'écart, les manses, les hubes, les hides occupaient, au total, de vastes espaces ss. Des exploitations remplissaient encore la mission qui leur fut dévolue pendant le haut Moyen Age. Elles :~taient des unités agricoles, des centres de perception des droits seigneuriaux et l'assiette d'impositions de caractère « public >. Ce triple rôle a eu la vie longue dans les zones défrichées où des manses isolés étaient incrustés sur les essarts, et dans les pays d'enclos tels que la Basse-Normandie, le Limousin, le Rouergue. Malgré tout, les signes de désagrégation sont plus nombreux que les survivances. Dès le haut Moyen Age, des manses accueillaient plusieurs ménages qui acquittaient chacun leur quote-part des ~;ervices et des redevances. D'autres avaient été fragmenlés 63• Le morcellement s'est aggravé ensuite en Ile-de-France, en Lorraine, en Namurois, dans les pays rhéno-mosellans ... Nées du démembrement des manses, ou taillées directement sur des réserves cultivées et sur des terres en friche, des unités fractionnaires ont surgi : demis, tiers, huitièmes 61. N° 436, Fot:RQUIN, Les campagnes de la région parisienne, p. 9698, 137-138. Des seigneuries bordelaises appellent la même observation (n° 366, BouTRUCHE, Crise d'une société, p. 44, 75). 62. Sur l'Angleterre et l'Allemagne, notre t. I, p. 87 et suiv., 120. Au XIII• siècle comme au IX•, le « manse > indiquait parfois l'habitation et ses dépendances immédiates, une possession quelconque, parée d'un terme prestigieux, ou une mesure de superficie. 63. En Angleterre au VII• siècle ; au siècle suivant dans plusieurs domaines de l'abbaye de Saint-Wandrille (n° 83, LF.SNE, La propriété ecclésiastique en France, III, 41).

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de manse, par-dessus tout quarts de manse, ou quartiers~'. En Allemagne la hube, en Angleterre la hide, remplacée au besoin par des subdivisions -- vergées ou bovées. - ont subi une évolution analogue. Ni la topographie des quartiers, liée aux structures agraires, ni leur superficie ne se ramènent à un seul type. Bien que leur histoire soit régionale, des traits semblables ou voisins méritent d'être retenus. La plupart des quartiers ont d'abord été des unités d'exploitation. Le manse restait l'unité fiscale 65 • Trop complexe, la situation fut passagère ; de nombreux maîtres ont admis le quartier comme assiette des redevances et des corvées. Pour les mêmes causes, il eut le sort du manse : ici occupé par plusieurs familles, là démembré et privé de son rôle d'unité d'exploitation, puis d'assiette des charges seigneuriales 66 • Le mouvement ne suivit pas partout la même cadence 67 • En France, sauf dans les contrées où les Coutumes limitaient efficacement les partages successoraux et les :lliénations partielles, le quartier n'a guère dépassé le XIIIe siècle 68 • En revanche, il prenait place, à cette époque et jusqu'à la fin du Moyen Age, parmi les principales tenures d'Allemagne. Dans l'Angleterre du XIV• siècle, la vergée,

64. En Lorraine, le premier document authentique qui révèle un quartier est de 932 (PERRIN, n° 534, La seigneurie rurale en Lorraine, p. 642, n. 2, 643-644 ; n° 528, « La tenure rurale en Lorraine », dans Rec. Soc. J. Bodin, III, 142). 65. Dès lors, chaque quartier se voyait réclamer, une année sur quatre et par roulement, les charges du manse entier. Ou bien il était associé à ses trois voisins pour l'exécution d'un service et fournissait annuellement le quart des obligations mises au compte du manse. D'après le censier de l'abbaye lorraine de Chaumousey (premières années du XIIe siècle), les quartiers du domaine de Noncourt procuraient chacun une roue de voiture et un bœuf pour le charroi (n° 534, PERRIN, p. 650, n. 3). 66. Devant l'impossibilité d'obtenir de chaque unité fractionnaire sa quote-part des services, des seigneurs ont autorisé le rachat par des tenanciers. 67. N° 346, BLOCH, Caractères originaux, p. 166. 68. Il s'est fait rare dans la région de Paris aux alentours de 1100 (n° 436, FouRQUIN, Les campagnes de la région parisienne, p. 174 et n. 93).

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fragmentée par des divisions successorales ou des souslocations, garda sa fonction fiscale"·

••• Les laborieux changements apportés aux anciennes cellules sont allés de pair avec la création de tenures dont nous découvrons les traces à l'époque carolingienne, par exemple en Allemagne du Sud. Leur période essentielle s'ouvre avec les XI• et XII• siècles 10• Le lotissement partiel des réserves, les transformations d'alleux en terres subordonnées, la dislocation de diverses communautés patriarcales, l'accroissement des hommes sont à la base de pareil succès n. Elles prirent toutes sortes de noms : les uns empruntés aux tenures domaniales - d'où une source de confusions, - les autres récents. Il y avait parmi elles des villainages, des manses du deuxième ou du troisième âge, des hôtises, des sergenteries, des socages. L'Ouest de la France offrait ses bourgages et ses parages, ses hortils et ses courtils, ou ses bordages. Borderies et bordelages du Limousin et du Bourbonnais, masures des régions parisienne et angevine, maynes, estatges et casaux du Midi de la France entraient dans la danse. Des tenures, réduites à des parcelles minuscules, étaient nommées d'après leurs productions ou leur aspect : la vigne, le champ, le jardin, le pré, le marais. Chaque région d'Occident avait sa terminologie, riche et accablante. Quitte à simplifier, ramenons cette cacophonie à deux types : les censives, concédées contre une redevance fixe, en argent ou en nature ; les tenures à part de fruit champart, terrage, agrière, tasque, percière. - Esquivant 69. N° 252, HoMANS, English villagers of the thirteenth centurg. 70. BESSMERTNYJ, Du rôle social des tenures rurales nouvelles dan, les campagnes rhénanes aux XIIe et XIIIe siècles; puis La campagne féodale et le marché en Europe occidentale aux XII• et XIII• siècles, Moscou, 1969 (ces deux études, en russe, se terminent par un résumé en français). 71. La prédominance des petites tenures n'était pas sans cesse en rapport avec la surpopulation (n° 235, HARVEY, The population trend). Des paysans considéraient comme un appoint la possession de quelques champs.

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toute obligation de travail sur les réserves, ou ash'eintes à de légers services, elles sont devenues les reines des exploitations rurales. Leurs charges n'avaient pas le caractèr.e coutumier de celles qui pesaient jadis sur les manses et les quartiers. Elles étaient précisées dans un contrat qui fut ordinairement verbal avant 1200, sauf dans le Midi français et l'Italie, gagnés par l'écrit.

* ** Plaçons-nous à la fin du XIII• siècle, en particulier chez les paysans libres de France. Le candidat à une tenure vient devant le maître, son représentant ou sa cour. On lui demande son nom, son domicile, sa profession. On détermine l'emplacement et les limites de la terre qu'il convoite. On fixe ses obligations. On le met « en possession et saisine > sans formalité, ou au terme d'une cérémonie qui s'apparente soit au serment de fidélité, soit à l'hommage et à la foi vassaliques "· Le preneur est l'héritier de l'ancien détenteur, ou le bénéficiaire d'une aliénation. Dans ce dernier cas, il est invité à verser des taxes de mutation dites lods et ventes, alourdies d'un droit d'entrée, d'un pas de porte égal à une ou plusieurs années du revenu n. Aux époques de grande mobilité des tenures, le résultat compensait la modicité des cens. Des seigneurs refusaient de se plier aux intentions des parties. Depuis le XII• ou le xm• siècle, ils ne pouvaient guère interdire les aliénations, spécialement quand elles portaient sur des tenures non domaniales ou lorsque les acquéreurs appartenaient à la seigneurie. En revanche, des usages les autorisaient à opérer le de la tenure après avoir versé à l'acheteur la somme conYenue. Ils l'annexaient à leur réserve, la concédaient à de meilleures conditions, dé.jouaient les fraudes sur « le vrai prix payé », empêchaient les acheteurs de spéculer sur la gêne des vendeurs. 72. Ci-dessous, p. 171-172. q: Lods ~ viennent de laudes (approbation).

ï:1.

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Mais ils n'intervenaient qu'en second. Devenues patrimoniales, des tenures appartenaient au lignage plus qu'à l'individu. Les proches parents, c l'un après l'autre >, avaient qualité pour se substituer au vendeur, habituellement dans l'an et jour, et pour exercer la préemption. Inconnus en Angleterre, le retrait lignager et le « retrait censuel > furent très répandus sur le continent 7". Ici encore, la famille et le seigneur voyaient leurs droits respectifs assurés. Ici encore, seigneurie et féodalité se répondaient, car ces Coutumes jouaient pour les tenures roturières et. plus strictement, pour les fiefs 75 • Acquéreur ou héritier, le tenancier reçoit, en même temps qu'une tenure, ses prolongements naturels. Entendons que, gratuitement ou contre une légère redevance, il jouit d' c usages sur les terres, forêts et landes > de son village et sur celles de la seigneurie, ou d'une de ses fractions : droit d'y faire pâturer ses bêtes, d'y ramasser le bois mort, de couper du bois vif pour « bâtir maison >, de réparer l'habitation et de construire des clôtures ; droit de couper la bruyère ou la fougère, de « faire charbon >. En tête de ses obligations, il faut inscrire le cens - nom emprunté à l'impôt foncier romain, - ou des taxes qui en tiennent lieu. Le cens « emporte seigneurie >. Son versement légitime aussi la possession du tenancier. Perpétuel et imprescriptible en principe, il a une plus haute valeur juridique que les autres charges, dont il déclenche le mécanisme : qu'il pèse sur toute une exploitation ; qu'il porte sur l'habitation et ses dépendances immédiates (des terres arables payant le champart), ou que chaque parcelle constitue une tenure. Un trait « occidental » a frappé les observateurs : la faihlcss en leur offrant un faible loyer. Il n'avait plus changé ensuite, malgré la dévaluation monétaire, parce qu'il était considéré comme c immuable >, à moins que les parties ne fussent d'accord pour le modifier. Le cens en argent était loin d'être universel. Dès l'ori· gine, ou en cours de route, des seigneurs accordèrent leur faveur au cens en nature, ou au champart, dès lors associé à la dîme 76 • D'autres recoururent au métayage, qui entraînait une division des profits et des dépenses, le seigneur prêtant l'équipement agricole, le cheptel, les semences''. Les cens en nature et les redevances proportionnelles à la récolte eurent un vif succès au XI• siècle et pendant la première moitié du XII', notamment sur les terres céréalières et les vignobles des seigneurs laïques privés de toutes ces dîmes qui remplissaient les greniers des religieux. Après quoi les pressions paysannes ou les besoins d'argent des maîtres multiplièrent les cens en numéraire, principalement en Angleterre 78 • Chaque usage avait ses avantages et ses risques. Le champart, qui faisait participer le seigneur à l'accroissement de la production, l'obligeait à la contrôler. Il se heurtait aux répugnances des ruraux, harcelés, sur leurs champs, par les agents du pouvoir seigneurial. Acquitté en nature, le cens assurait au seigneur un profit régulier, mais sans rapport avec la production. Il contraignait le tenancier à Yerser les mèmcs quantités, - que la récolte fût bonne ou mauYaise. Payé en argent il offrait une perception aisée. i6. Le champart était « portable », comme k cens, i1 la maison du seigneur ou à tel lieu fixé par lui : la dîme était « quérable >. Il arrivait que, par commodité, on exigeât un seul n~rscmcnt « pour agrière. pour dîme et pour tout ». 77. N° 499, LuzzATTO, Contributo alla storia della mezzadria 11el Media Evo ; n° 473, IMBERCIADORI, ltfezzadria classica toscana ; n° 560. ROMEO,

La signoria dell' abate di sant'Ambrogio di Milano ;

JONES,

dans The Cambridae Economie History, t. 1, 2• éd., p. 413-415. 78. Sur le continent, des redevances en nature furent maintenues an voi~inage des vill. Ce même consentement est nécessaire, sauf exception, quand le tenancier veut céder une tenure libre à un serf, parce que le statut de la personne risque de déteindre sur la terre, dès lors c abrégée >, ou quand l'acquéreur est un noble dont on craint qu'il ne se plie mal aux obligations 11 • Il est requis pour le transfert des biens à un établissement de mainmorte qui, aliénant rarement ses terres, frustre le seigneur des droits de mutation".

* ** Achevons le tableau. Le tenancier de l'an 1300 peut affermer sa terre, s'en dessaisir, c déguerpir > en payant une indemnité, lorsque les terres sont en mauvais état, ou en exigeant un dédommagement du maître pressé de le voir quitter les lieux et qui peine à l'y contraindre. Par-dessus tout, il peut la transmettre à ses héritiers. Certes, à toute époque, des tenures furent données à temps - nous les connaissons mal car des contrats étaient verbaux, ou détruits à leur expiration. - Il y avait parmi elles des tenures révocables « à la volonté du seigneur > : usage arbitraire qui, dans les régions de forte densité, touchait les petits, les besogneux 113. D'autres étaient octroyées pour une ou plusieurs vies 8". Les baux les plus répandus dans l'Occident du XIll8 siècle allaient de trois ans à vingt-quatre, en particulier dans les contrées d'assolement triennal. On 80. Elle fut étendue au champart qui prenait la place du cens. Son observation est loin d'avoir été scrupuleuse. 81. N° 520, OLIVIER-MARTIN, La Cou_tume de Paris, 1, 372 et n. 4. 82. Ci-dessous, p. 295 et suiv. 83. En dehors de ces considérations, il faut tenir compte des traditions locales. En Bavière, les tenanciers étaient convoqués chaque année à un plaid. On les interrogeait sur l'exploitation de leurs terres et l'acquittement des redevances. Chacun de ceux dont le bail venait à expiration remettait sa tenure au seigneur, rendait compte de sa gestion, était d'habitude remis en possession contre un c: cadeau >. Des paysans, il est vrai, ne gardaient leurs tenures que pendant l'intervalle d'un an qui séparait deux plaids. Au terme, ils risquaient d'être expulsés (n° 404, DOLLINOBR, Les classes rurales en Bavière, p. 392-397, 405408). 84. N° 565, ScHNAPPER, Les baux à vie (X" au XVI• siècle).

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les concédait contre une somme fixe, en argent ou en nature 85 , contre un champart ou une taxe de métayage 86 • Ce comportement prouve une sûre conscience des possibilités offertes par l'évolution économique et par le développement du prolétariat agricole. Il marque une réaction contre les baux perpétuels, qui formaient la masse en France, en Angleterre et en Italie plus qu'en Allemagne 87 • Les tenures rurales ont bénéficié de l'hérédité sans avoir à forcer des barrages aussi hauts que les fiefs à leurs débuts. On l'a dit mille fois : la terre s'offrait si généreusement aux hommes de bonne Yolont de Richard Fils-Jean devait 5 deniers de cens, douze oies à Pâques, 10 deniers aux Rogations c pour moutonnage et pour somage >, deux poules à Noël, vingt gerbes de c blé > et vingt gerbes d'avoine en septembre « pour champartage > - ici ramené à une redevance invariable, - trois corvées de charrue par an et de légers services (tonte de quatre brebis, quelques charrois) ... Pour ces travaux, Je tenancier était nourri, ou rétribué en nature (n° 394, DELJSLE, La classe agricole en Normandie, p. 717). Dt's rentes sont peut-être à l'origine de quelques charges.

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reconnaissaient aux maîtres le droit de lever une taxe supplémentaire sur leurs maisons et leurs champs"· Ces maîtres ne furent pas les seuls bénéficiaires. Des nobles, des clercs, des bourgeois, de modestes tenanciers se sont portés preneurs. La rente, en effet, n'avait pas de caractère seigneurial. Elle n'allait pas contre la règle « cens sur cens ne vaut >. Et sans doute l'avait-on imaginée, au début, pour tourner cette interdiction 93 • Transférables, les rentes ont pris deux aspects essentiels - sans préjudice de formes secondaires. - Afin de se procurer des revenus, un paysan cède sa tenure à un tiers contre une rente foncière dont le montant est parfois supérieur au cens. Juridiquement, les prérogatives du maître sont sauves : après comme avant l'opération il ne connaît que son dépendant. En fait, elles subissent un abrègement. D'un côté, la tenure change d'exploitant, et le tenancier n'est plus qu'un intermédiaire. De l'autre, elle est grevée d'une taxe qui, à l'époque considérée, est « perpétuelle, irrachetable >. Le seigneur n'y prend aucune part". Au lieu d'abandonner leurs tenures contre une rente foncière, des tenanciers les conservent et vendent le droit de percevoir sur elles une rente constituée 95 • Assignée d'abord exclusivement sur un immeuble, perpétuelle et irrachetable comme la redevance précédente, cette rente a été assouplie. Depuis le XIII• ou le XIV• siècle, des Coutumes ont accepté qu'elle portât sur la fortune du concédant et qu'elle devînt 92. Dans ce cas, comme dans le précédent, la perception était un « croît de cens >, distinct du « du chef-cens >. Des scribes ont saisi ces subtilités et distingué entre le cens et la rente. D'autres confondaient les deux termes, qualifiaient la même redevance de c cens et rente >. La terminologie et la pratique restaient indécises. 93. De rares Coutumes ont assimilé le bail à rente au sous-accensement et laissé aux maîtres la possibilité de s'y opposer. Pour éviter les réclamations, la rente portait de préférence, dans les régions allodiales, sur les terres sans seigneur (n° 367, BOUTRUCHE, L'alleu, p. 101103). 94. La situation était différente lorsque le seigneur entrait en possession d'un bien déjà chargé d'une rente, ou quand il la juxtaposait lui-même au cens. 95. N° 537, PETOT, La constU11tinn de renie a11.1: Xll• et Xlll• si~c·les drms ifs pays coutumiers.

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« volante >. Elles ont admis son rachat 116 • Bien qu'elle abré-

geât la tenure, notamment lorsqu'elle était acquise par un établissement ecclésiastique, des seigneurs lui ont ménagé un accueil favorable. Ils assignent des revenus sur des biens concédés à des tenanciers, acquièrent des rentes constituées par leurs paysans. Ils « renforcent > ainsi les cens. Restent-ils en dehors de l'opération ? Après 1200, leur autorisation préalable n'est plus forcément nécessaire. Mais ils imposent à l'acheteur des droits de mutation proportionnels au montant de la redevance - droits qui jouent en outre pour des rentes foncières. Les rentes se sont imposées partout en Occident durant les trois derniers siècles du Moyen Age. Etrangères par leur nature à la seigneurie, elles ont étendu sa portée et ses effets. Droit réel, la rente foncière a intéressé à l'exploitation du sol une foule de gens qui ont occupé des tenures sans être des tenanciers. La constitution de rente a procuré de l'argent frais à des individus endettés ou désireux d'étendre leurs exploitations, d'améliorer leur équipement agricole. L'acquéreur, quant à lui, plaçait un capital. Il en percevait le revenu sans encourir les foudres ecclésiastiques contre l'usure, ou l'attribuait à un service : dots, douaires, legs pieux, chapellenies, messes perpétuelles 91 ... Héréditaires, garanties comme les rentes foncières par la possibilité laissée au « crédit-rentier > de prendre des gages ou de saisir les terres en cas de non-paiement, les rentes constituées ont eu un succès prodigieux, lié au développement du capitalisme financier lorsqu'elles étaient payées en argent, à l'expansion agricole quand elles étaient versées en nature. De la sorte, les citadins furent a·ssociés au plat pays.

* ** Jadis, de grandes réserves sollicitaient l'effort collectif et répété de nombreux paysans. Aux environs de 1300, la si96. N° 305, SCHNEIDER, Metz, p. 356-357. - Pour la fin du Moyen Age, la question sera reprise dans le t. III. 97. R. BouTRUCHE, c Aux origines d'une crise nobiliaire :. (Ann. d'hist. sociale, 1939, p. 162-177).

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luation est modifiée. Assurément, des réserves survivent ; et des terres dépendantes appellent un contrôle. Vers 1150, l'évêque de Bamberg s'insurge contre le morcellement du demi-manse. Un siècle plus tard, l'abbé de Niederaltaich s'oppose au fractionnement du quartier 11 • Mais les biens domaniaux ne jouent plus le même rôle qu'autrefois, sauf dans les seigneuries arehaïques. Le monde paysan s'est incrusté si fortement sur ses terres que la notion de propriété, remise en selle par les juristes, tend à échapper au seigneur. Elle lui revenait encore au xn• siècle. Au XIII•, Bracton considère le tenancier comme « le vrai maître > du fonds 99 • Les essais innombrables d'adaptation aux temps et aux milieux scandent une éYolution qui, tôt ou tard, fut le sort commun de la plupart des seigneuries occidentales. Il y a là un univers instahle et en pleine mutation.

98. N° 404, DoLLINGER, Les classes rurales en Bavière, p. 413-414. 99. La doctrine des deux c domaines » ayant chacun leur organisation juridique autonome a pris corps par les soins de deux glossateurs : Accurse, qui écrivait à la fin du XIII• siècle, et Bartole, au début du XIV• (n° 507, MEYNIAi,, La formation du domaine divisé.

CHAPITRE IV

LES SEIGNEURIES « POLITIQUES »

I. · -· DÉBATS

Les activités des grands se manifestaient aussi par le gouvernement des paysans installés sur un territoire qui pouvait dépasser les limites de leurs possessions foncières. A court d'imagination, les contemporains le désignaient par des termes assez vagues : dominatio, potestas, bannus. Aujourd'hui, les historiens peinent à trouver une formule qui emporte une large approbation. c: Seigneurie justicière > met l'accent sur des pouvoirs qui ne résument pas toute l'autorité. « Seigneurie banale » rend un son équivoque. Plus concrète, « seigneurie hautaine > s'applique surtout à la Basse-Lotharingie. Nous préférons revenir à une vieille {'Xpression qui, malgré son imprécision, englobe les diverses formes ,ln pouyoir et remonte aux sources : « seigneuri{' politique ». En désaccord sur les mots, les chercheurs le sont également sur les origin~s 1. Nous croyons que le grand domaine haut-médiéval fut le siège de pouvoirs issus de la discipline, coûteuse et payante, que le maître faisait régner chez lui. 1. Notre t. 1, p. 126 et suiv. - Résumé des thèses en présence dans n° 31, EsMEIN, Cours élémentaire d'histoire du Droit français ; n° 445, GENICOT, L'économie rurale namuroise, 1, 24, n. 2. Sur le ban domanial et le ban seigneurial, n° 534, PERRIN, La seigneurie rurale en Lorraine, p. 664 et suiv.

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La vie communautaire suppose une organisation et des moyens de contrôle assurés par une réglementation juridique. Il fallait maintenir la paix villageoise, réglementer, percevoir. Etendues après 900, ces prérogatives eurent pour germe la richesse ou la qualité sociale des plus forts, la vacance du pouvoir d'en haut, le concours demandé aux grands ou leur ardeur à se servir. Elles se développèrent à l'intérieur des anciens domaines, gagnèrent les lieux où des puissants n'avaient aucune terre, prirent dans leurs rets des alleutiers et des paysans dépendant de petits seigneurs fonciers. A ses divers niveaux, la seigneurie politique a renforcé l'autorité des maîtres : immunistes ; évêques ou abbés qui, sans bénéficier du précieux diplôme, s'élevaient au-dessus des autres seigneurs terriens ; avoués ; chefs de principautés ou de baronnies, châtelains, hauts-justiciers. Les livres de traditions, les coutumiers, les rapports de droits consignent les devoirs réclamés aux sujets, aux c: fidèles > : rançon de la protection qui s'exerçait sur eux, de la domination qu'ils subissaient en raison de leur naissance, de leur résidence ou de leurs biens. Ce tableau vaut pour la France, où nous relevons d'importantes différences régionales, et pour le royaume d' Allemagne, bien que la puissance publique ait tardé davantage à s'abandonner. Il est moins exact pour l'Italie du Nord (dont le caractère original fut accentué par l'emprise des grandes communes urbaines sur leur contado) et pour l'Angleterre.

II. -

LES JUSTICES'

Délégué ou usurpé, le ban donne à son détenteur les moyens de se faire obéir et de châtier 3 • Les fourches, les 2. Documents, n°• 5, 6, 7, 19... 3. Sur la chronologie et la mise en place des pouvoirs de ban, n° 9, notre t. 1, p. 126 et suiv. Pour la France centrale, n° 27, DUBY, L'économie rurale, Il, 452-461 ; pour la Lorraine, n° 534, PERRIN, ouvr. cité, p. 664 et suiv.

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croix dressées à l'intérieur ou aux limites des seigneuries politiques sont le signe des justices. Le contraste est frappant entre la relative simplicité de l'organisation judi_ciaire à l'époque carolingienne et sa complexité aux âges suivants. Les contemporains ont eu des peines infinies à se reconnaître au milieu d'un chaos qui autorisait les pires dérobades malgré la formation d'organismes nouveaux mis en place durant le deuxième âge féodal aux côtés des survivances carolingiennes. Comment en est-on arrivé là • ? Depuis le x• siècle, le XI• au plus tard, la conception de la justice, la répartition, la composition et les attributions des tribunaux ont subi des modifications réalisées sous le masque trompeur d'un vocabulaire inchangé, ou qui tardait à se modifier. Ce fut une conséquence du déclin monarchique, du déchaînement des violences et de leur nécessaire répression par les détenteurs de la puissance locale. A l'intérieur des comtés fractionnés, des immunités agressives, des châtellenies conquérantes, seigneurie et féodalité impriment leur marque souveraine. Des justices sont devenues privées. La Bourgogne méridionale propose un témoignage régional des transformations accomplies du x• au xn· siècle 5 • Vers l'an mil, la cour du comte et celle du voyer se modelaient sur les institutions du passé. Elles restaient des cours publiques, composées d'hommes libres et présidées par des fonctionnaires assistés de scabins, qui disaient le droit. Elles se différenciaient moins par leur compétence que par la qualité des justiciables appelés devant elles. Le système s'est effondré après l'an mil. La dégradation de l'autorité a fait tache d'huile. Après le roi, elle a frappé le comte et ses agents. Héritière du mallus publicus carolingien, la cour comtale est désertée par les grands personnages, que remplacent des parents, des officiers, des domestiques du comte. Elle perd 4. Déjà mis sur la sellette, les serfs seront exclus de ces considérations. 5. DUBY, n° 417, L'évolution des institutions judiciaires ; n° 416, /,u société en M. Des plaids de comté et de centaine, changés dans leur struc6. Documents, n° 19 ; et ci-dessous, p. 267-269. 7. De grandes seigneuries offrent chacune leur schéma. Telle l'abbaye de Saint-Amand, en Tournaisis. Ses institutions judiciaires, puis leur évolution, accomplie sans rupture entre l'époque carolingienne et le deuxième âge féodal ; les cours (plaids généraux, cour féodale, banc échevinal, cantonné dans les causes f on ci ères et les petits délits) ; l'œuvre des avoués, du prévôt-moine, du prévôt laïque et des agents subalternes ont été étudiées par PLATELLE, n° 548, La justice seigneuriale de Saint-Amand. - Citons encore, n° 371, BYL, Les juridictions scabinales dans le duché de Brabant ; n° 663, GARAUD, Lea chdtelains de Poitou p. 123 et suiv. : dans un domaine plus large, n° S5R, Ro'.'1GF.RT.

Les co11r.-1 laïques du X•

au

XIII• siècle.

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ture, leur composition, leur ressort ont traversé les XI• et xu· siècles aux côtés des tribunaux seigneuriaux. Traits communs à l'Occident et ,,ariétés régionales se rencontrent en Angleterre. La justice y était distribuée par plusieurs organismes : la cour du roi et les plaids tenus en son nom par des officiers royaux tels que les juges itinérants ; les cours réunies par les chefs des palatinats, des marches galloises ou des apanages ; les cours de comté et celles de centaine ; les tribunaux ecclésiastiques ; les coùrs de manoir, freinées après 1155 par une monarchie qùi tenta de monopoliser la justice supérieure ; les assemblées locales. Pour la cour du roi et celle de comté, les paysans n'étaient guère un gibier. L'enchevêtrement des mouvances terriennes à l'intérieur d'un village, les rivalités entre les cours, des usages originaux hérités de l'époque anglo-saxonne - sake and soke, frankpledge 8 - s'inscrivent dans les enquêtes royales ou seigneuriales. Bousculées, diminuées, les juridictions manoriales ont gardé des attributions multiples, quoique modestes. Par-dessus tout, elles ont pris les villains dans leurs tenailles .



** Il faut revenir en France et serrer de'plus près les réalités. Les observations précédentes démontrent que le seigneur ne juge pas lui-même - abstraction faite de corrections sommaires, qui n'étaient pas la justice. « Uns sens bons en sa persone ne puet jugier ... Li seigneur ne jugent pas en leur court, mais leur homme jugent•. > Les causes sont donc soumises à un tribunal qui se réunit une ou plusieurs 8. Ou système de cautionnement mutuel, de responsabilité collective. Chaque section de dix adultes mâles était responsable de la comparution de ses membres en justice : elle payait l'amende qui frappait le coupable inconnu ou défaillant. D'abord étranger à la seigneurie, le frankpledge est entré fréquemment dans ses attributions après la conquête normande, car le roi manquait de personnel qualifié (n° 514, MORRIS, The frankpledge system). • 9. BEAt'MANOIR, Coutumes de Beauvaisis (éù. Su~rn:-., art. 1883). Voir également nos p. 185 et suiY., 3fil.

s

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fois par an, si le jeu en vaut la chandelle. Le maître le préside, lit la sentence, veille à son exécution, ou laisse la place à un délégué. La composition du tribunal est livrée au choix du maître ou réglementée par les usages locaux. Elle a changé avec le statut personnel des justiciables, l'importance des causes, le lieu où le procès était porté - depuis le tribunal de village jusqu'à la cour comtale 10• - Il y a là, au mieux, des c familiers > du seigneur, des hommes connaissant la Coutume, capables de dire le droit et de respecter le formalisme, d'ailleurs simple, imposé par la procédure 11 ; il y a quelques vassaux convoqués en vertu de leur devoir de conseil et chargés de juger non seulement un des leurs mais, de la même haleine, les paysans poursuivis : par quoi le tribunal « seigneurial > se confondait avec le tribunal « féodal >. Les distinctions établies entre ces cours sont systématiques 11 • Ce n'est pas une raison pour tomber dans l'excès contraire. Instabilité du personnel des tribunaux ; instabilité de leur siège, itinérant comme le maître ; compétence assez floue en l'absence d'une spécialisation reposant sur la nature des délits : ces caractères ont persisté après le x• siècle malgré les progrès enregistrés. Des tribunaux liquident toutes sortes d'affaires et de justiciables ; ou bien, ils sont convoqués uniquement en des circonstances exceptionnelles qui appellent leur concours immédiat, du moins pour les hautes couches de la société. Divers traits encore s'offrent en évidence. D'abord l'imprécision des limites de justices « entremellees et enclavees 1

10. Sauf dans le Nord de la France, resté longtemps fidèle aux vieilles pratiques, les pairs-tenanciers, qui répugnaient à siéger, se sont effacés peu à peu devant les officiers seigneuriaux et leurs assesseurs. 11. Des tribunaux comprenaient, aux côtés des officiers seigneuriaux, un ou plusieurs magistrats d'une ville ayant le ressort sur des villages voisins (n° 305, SCHNEIDER, La ville de Metz, p. 427). 12. Après J. Flach, elles ont été formulées notamment par EsMEIN, n° 31, Cours élémentaire d'histoire du Droit français, p. 254-259. Toutefois, elles se justifient en Flandre et en Allemagne.

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les unes dedens les autres 11 >, malgré les efforts de bornage accomplis par les hauts-justiciers ; ensuite l'inégale importance des pouvoirs attribués aux puissants. Leur hiérarchie s'établit selon un schéma traditionnel qui introduit des séparations dans un écheveau dont les contemporains s'employèrent à démêler les fils 14. Des seigneurs, en nombre infini, n'avaient connaissance que des causes relatives aux tenures, c'est-à-dire une justice foncière aux multiples facettes. Sa définition n'est guère antérieure aux dernières années du XIII• siècle. Elle conf érait à son détenteur un moyen d'exécution. Des maîtres possédaient aussi, par la basse justice, une compétence en matière civile et l'examen des délits secondaires (si nombreux que, vers la fin du XIII• siècle, les praticiens imaginèrent une moyenne justice qui s'empara des cas supérieurs de la basse - en particulier des méfaits entraînant une amende de 6 à 60 sous - et qui grignota la haute). A cette dernière, formulée dès le XIl8 siècle, revenaient ordinairement les causes civiles les plus importantes, les crimes qui faisaient couler le sang et des délits passibles de mort : incendie volontaire, rapt, viol, vol, trahison, fabrication de fausses monnaies ou de fausses mesures... Elle était l'expression pleine et entière de la seigneurie. Y a-t-il un lien entre les causes majeures de l'époque carolingienne et la haute justice des siècles suivants, comme entre les causes mineures et la basse justice? On ne le croit plus guère 11 • Les notions judiciaires du deuxième âge féodal n'ont pas rompu avec le passé. Comme les cadres, elles furent moins des héritières que des adaptations réalisées au prix de longs tâtonnements lorsqu'on surimposa des notions abstraites à des cas concrets. Dans le comté de Clermont en Beauvaisis, « tout soit il ainsi que li !erres, pour son larrecin, perde Ja vie, nepourquant larrecins 13. BEAUMANOIR, art. 1653. 14. Dans ce paragraphe, nous passons sous silence la juridiction gracieuse, étudiée p. 185. 15. Quelque peu effacés par des vues plus larges et plus sereines, les championnats d'érudition se sont perpétués sous roche (n° 483, KocH, L'origine de la haute et de la moyenne justices).

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n'est pas cas de haute justice 16 ». Par contre, il l'est en Souabe, en Bavière, en Autriche. L'enchevêtrement répond à celui des terres et des hommes relevant de maîtres différents, comme à la concurrence entre la justice territoriale et la justice personnelle. Il n'empêche que des seigneurs cherchent à juger les hommes de leur familia. Ils n'y parviennent pas toujours. Quand elles ne sont point dans les mêmes mains, seigneurie domestique, seigneurie politique et seigneurie f on cière se combattent. Des pratiques courantes ont achevé « l'entremêlement >. Tel seigneur vend une justice et conserve la terre sur laquelle il l'exerçait, ou inversement. Tel autre l'inféode sans rien retenir, ou ne garde que les amendes 17• Un dernier se réserve la haute justice et abandonne la basse, ou se dessaisit de la première et conserve la seconde 18 • Soyons sensibles, enfin, aux fluctuations des rapports de force entre les agents royaux, les princes territoriaux et de modestes seigneurs. Des immunistes revendiquaient la totalité des justices sur les terres et les personnes de leur dépendance. D'autres n'en disposaient que sur le centre de leurs biens. Aux extrémités, ou sur des tenures enclavées dans des seigneuries étrangères, ils avaient tout au plus les justices inférieures. La haute revenait à un comte ou à un châtelain qui, sur d'autres lieux, souffraient des mêmes partages. Coups d'épingle ou franches rivalités, ces concurrences ont laissé des traces dans une documentation faite de conflits entre les immunistes et leurs avoués, entre ces derniers et leurs sous-avoués, entre eux tous et les châtelains. Une pareille âpreté a plusieurs raisons. La justice est le grand enjeu. Symbole par excellence de l'autorité, elle 16. BEAUMANOIR, art. 1642 (Documents, n° 5). - A l'ère suivante, . Pour la commise, en revanche, la compétence revint fréquemment, après 1100 ou 1200, au seigneur haut-justicier, à l'official, au prince territorial, ou au bailli royal. Ce fut leur tribunal qui, à la requête du seigneur foncier, examina les causes, rendit le jugement et ordonna son exécution. Un rural est-il engagé dans une rixe, ou commet-il un c crime > n ? Ces délits relèvent d'un seul seigneur s'il a toutes les justices, ou des titulaires de ces pouvoirs. Le paysan est donc convoqué devant un tribunal de village, ou traîné au-dehors. En fait, plusieurs tribunaux s'offrent aux plaideurs. Ils leur échappent si la partie lésée et la puissance judiciaire s'abstiennent d'engager le procès. Expression des liens du sang, le droit de vengeance s'est exercé rarement dans les 21. Sur ces pratiques, dont la difficile application est un objet de surprise, n° 520, ÛLIVIER-MARTIN, 1, p. 386-391 ; n° 534, PERRIN, p. 651 et n. 1, 667, n. 3 ; n° 366, BouTRUCBE, p. 72-73 ... Des textes namurois des XII• et XIII• siècles mentionnent des prises de gages mobiliers, des amendes et des confiscations définitives prononcées par les cours des seigneurs haut-justiciers. Pour le statut anglais Quia emptores (1290), n° 866, PLUCKNETT, The legislation of Edward 1; n° 607, BEAN, The decline of English feudalism, p. 79 et suiv., 306-309. 22. Le classement diffère, on l'a vu, avec les Coutumes. Il "farie également avec l'évolution de la blessure. Selon BEAUMANOIR, Coutumes de Beauvaisis (éd. SALMON, art. 1646) : c Il avient aucune fois ... que l'en ne puet pas tantost savoir se c'est cas qui apartiegne a haute justice ou a basse : si comme il avient que chaude mellee avient entre persones, de laquele mellee plaies sont fetes, si ne set... se li navré gariront des plaies ou s'il en mourront... Se li navré garissent, cil qui a la haute justice doit rendre les prisonniers a celi qui a la basse, pour esploitier de l'amende selonc le mesfet ; et se li navrés muert de la plaie qui li fu fete, la venjance du mesf et apartient a celui qui a la haute justice >. - Du même auteur, art. 1641-1647 ; et Documents, n 08 5, 6, 7.

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milieux paysans, alors qu'il a persisté dans la noblesse. Les parties préféraient s'accorder ou s'en remettre à des parents, des amis, des hommes de loi pour apaiser la querelle, estimer le préjudice, fixer l'indemnité compensatrice. Encouragé par l'Eglise, l'arbitrage était bienfaisant quand il devançait la vengeance, ou l'arrêtait. Son abus devenait fléau : il faisait la part trop belle aux relations, aux compromis, aux pots-de-vin. En de nombreux cas, il a préparé la procédure des tribunaux réguliers. Qu'elle prête attention aux articles de la Coutume ou au droit romain, qu'elle tente, au mieux, d'établir la matérialité des faits, la procédure est simpliste au regard du brouhaha soulevé par la répartition des justices. Ni ministère public, ni avocat - sauf sous la forme de conseiller. - Lorsqu'ils prennent l'initiative de la poursuite, les représentants du seigneur ou les demandeurs, auxquels le fardeau de la preuve a finalement incombé, produisent des témoins qui jurent de dire la vérité. Des actes écrits sont les bienvenus. Ils restent rares, sauf en Italie et en Bourgogne dès le x• siècle. S'il conteste l'accusation, le défendeur use des mêmes moyens après avoir fait le serment qu'il est innocent. Les jurés recherchent la conciliation directement ou par l'entremise d'un puissant. N'y parviennent-ils pas ? S'estiment-ils insuffisamment éclairés ? Ils imposent les ordalies, c'est-à-dire l'épreuve de l'eau, ou celle du fer rouge. De préférence, ils ordonnent le duel judiciaire entre les intéressés, ou entre leurs « champions > n. Après quoi 23. BEAUMANOIR lui a consacré plusieurs articles (Coutumes de Beauvaisis, éd. SALMON, n° 1 1714 et suiv.) ; Jean d'IBELIN aussi (chap. 88, 102, 103, 250 'bt• ... de son Livre). Le duel judiciaire fut assez rare après 1200, en particulier dans la France de l'Ouest. Une Ordonnance de 1258 - mal observée - l'interdit dans le domaine royal. Trente ans plus tard, les statuts de Pamiers le condamnèrent (DEv1c et VA1sSETE, Histoire du Languedoc, éd. PRIVAT, 1879, VIII, col. 870 et suiv.). Au XVI• siècle, il n'était plus guère qu'un < conflit sur l'honneur > (n° 716, MOREL, La fin du duel judiciaire en France). Ordalies et duel ont reculé en Angleterre au XII• siècle, en Allemagne pendant le XIII•. Ils ont eu la vie plus dure dans la Péninsule ibérique et en Italie. La torture a fait son apparition au XIII• siècle comme moyen de preuve.

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ils rendent leur jugement. Loin d'être toujours proportionnée à l'importance du délit, la peine se traduisait par une composition pécuniaire qui dédommageait la victime ou sa parentèle, et par une amende qui allait au seigneur et qui, au besoin, était assortie de châtiments corporels. La justice sur les paysans était entravée par les procédés dont les parties usaient dans le but de différer leur comparution - hors du flagrant délit - ou la conclusion du procès. Retards, recommencements : tel fut le lot des justices exercées par ceux des seigneurs qui avaient peu d'agents.

* ** Des justices sont exercées par le souverain et ses fonctionnaires, qui se taillent un domaine réservé, par le prince territorial et ses délégués, qui interviennent au nom de la « paix », enfin par l'Eglise. « Bonne chose et pourfitable seroit ... que cil qui gardent la justice espirituel se mellassent de ce qui apartient a esperitualité tant seulement et lessassent justicier et esploitier a la laie justice les cas qui appartiennent a la temporalité"· > Rien de tel. Les justices d'Eglise s'étendent aux croisés, aux veuves, aux orphelins, à des actes laïques : mariage, serment, adultère, « acusacions de foi ». « Quant clercs tient eritage ... de seigneur lai..., la juridicions en apartient au seigneur lai de qui l'eritages est tenus. » D'ailleurs, « il convient bien et est resons que l'une justice ait (aide) a l'autre : c'est a entendre la justice de sainte Eglise a la laie juridicion, et la laie juridicion a sainte Eglise ». Lorsqu'un hérétique est condamné « par l'examinacion de sainte Eglise, sainte Eglise le doit abandoner a la justice laie », qui « le doit ardoir, pour ce que la justice espirituel ne doit nullui metre a mort >. Si un croisé est poursuivi pour crime, « la connoissance en apartient en court laie ». Un lieu est-il , désabusés et réticents, des communautés villageoises, il donna, le cas échéant, des revenus plus élevés que le cens. Aux devoirs que nous venons d'énumérer s'ajoutent des obligations qui prennent plus nettement un caractère économique. Avant tout, les banalités : c'est-à-dire un ensemble de monopoles artisanaux et commerciaux exigés en vertu des pouvoirs de commandement. On en trouve des traces dès le x· siècle dans les régions rhénanes. L'usage s'est répandu aux époques suivantes grâce aux progrès techniques et à

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l'essor de la production. Le puissant qui fait construire à gros frais un moulin, un four, un pressoir, une brasserie, contraint ses paysans à les utiliser contre redevances. Il leur interdit de posséder chez eux un outillage qui les dispenserait d'avoir recours à ses services : d'où, jusqu'en plein XVIII• siècle, la chasse aux meules domestiques 11• A la faveur du banvin, des seigneurs écoulent seuls leur récolte au lendemain des vendanges, ou durant une période quelconque de l'année. Leurs vignerons, pendant ce temps, ne peuvent se livrer à semblable opération. Veut-on séparer les grains de leurs épis en les faisant fouler par des chevaux? Ces derniers, dans maintes contrées, doivent être empruntés au seigneur. Un paysan désire-t-il accroître son troupeau bovin et porcin ? Il le mène aux taureaux ou aux verrats du maître 19 • Si le seigneur manque de fumier, ses hommes conduisent leurs bêtes dans ses étables ; la foire aux moutons se tient sur un espace dépendant de la réserve 80 • Des grands monopolisent l'utilisation des cours d'eau. Seuls, ou en accord avec la communauté rurale, ils contrôlent les droits d'usage et le cycle de la vie agraire. Les c nouvelles coutumes >, les « exactions > n'étaient pas rassemblées nécessairement dans les mêmes mains. Leur morcellement rappelle celui des justices : ban du roi ou du comte, ban du châtelain, de l'immuniste ou du haut-justicier, ban menu des simples seigneurs fonciers. Tel maître n'a que la banalité du moulin - la plus recherchée et la moins contestable dans les régions où le cours d'eau était la propriété des seigneurs. - Tel autre a celle du four ou du pressoir. Le ban privé ne s'est pas développé au même degré dans tous les pays d'Occident. En Angleterre, où il n'apparut guère qu'après la conquête normande, il fut limité par la royauté. Outre-Rhin, ni les banalités, ni la taille ne furent 28. BLOCH, « Avènement et conqu~tes du moulin à eau > (Ann. d'Hist. écon. et soc., 1935, p. 55 7). 29. La qualité du cheptel en était améliorée (B. GILLE, « Les développements technologiques en Europe de 1100 à 1400 '>, dans Caliiers d'hist. mondiale, t. III, 1956, p. 63-108). 30. SetHmane di studio sull' Alto Medioevo, t. XIII, 1966, p. 429-431.

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imposées par des couches seigneuriales aussi larges qu'en France. La banalité du four demeura à peu près inconnue dans le Sud-Est de l'Allemagne. Un peu partout, des services furent remplacés par des taxes en argent adjointes aux revenus fonciers. Le ban a été un facteur d'ordre et de discipline. Mais ses excès donnèrent aux maitres un sinistre visage d'exploiteurs. Il accentua l'écart entre des seigneurs, tentés par l'exploitation économique de leurs pouvoirs politiques, et des paysans inquiets, accablés, revendicateurs.

CHAPITRE V LES « LIBERTÉS » PAYSANNES 1

Réclamée à grands cris en temps de péril, la tutelle seigneuriale s'avérait insupportable lorsque, au sein d'une sécurité revenue, le maître s'acharnait à maintenir ou à développer ses prérogatives 1 • L'époque envisagée est celle des authentiques partages de pouvoirs entre des grands. Elle est celle des fausses chartes, placées sous d'illustres patronages par des seigneurs en alerte qui voulaient écarter des rivaux, renforcer la gestion de leurs biens, légitimer de nouvelles perceptions. Alors, enfin, pullulent les c coutumes, franchises et libertés >. Des c transactions > individuelles sont le prélude ou l'accompagnement de c traités > collectifs moins avantageux, à l'occasion, que les conventions particulières. Les 1. Sur la distinction entre ces libertés et les affranchissements du servage, ci-dessus, p. 80, n. 113 ; Document,, n°• 26-30. 2. Lisons Alexis de TOCQUEVILLE (L'Ancien Rdgime et la Rdvolution, éd. J. P. MAYER, Paris, 1964, livre II, chap. 1) : c Quand la noblesse ... gouverne et administre, ses droits particuliers peuvent être tout à la fois plus grands et moins aperçus. Dans les temps féodaux, on considérait la noblesse à peu près du même œil dont on considère aujourd'hui le gouvernement : on supportait les charges qu'elle imposait en vue des· garanties qu'elle ·donnait. Les nobles avaient des privilèges gênants, ils possédaient des droits onéreux ; mais ils assuraient l'ordre public, distribuaient la justice, faisaient exécuter la loi, venaient au secours du faible, menaient les affaires communes. A mesùre que la noblesse cesse de faire ces choses, le poids de ses privilèges paratt plus lourd, et leur existence même finit par ne plus se comprendre. >

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puissants les négocièrent dans un but lucratif, dans une pieuse intention, pour des mobiles militaires, ou dans le dessein d'empêcher la désertion d'un lieu-dit. Enhardis par les revendications urbaines 1, des paysans obtiennent pacifiquement des privilèges, ou les arrachent par le chantage, la violence, l'insurrection. Une œuvre immense de codification fut accomplie en leur faveur une fois pour toutes, ou au prix de retouches successives. Les raisons qui conduisirent à l'émancipation du servage jouèrent dans les gains acquis par des hommes libres plus aisés que jadis .

••• Le branle a été donné au x• siècle par les chartes dont bénéficièrent, dans la Péninsule ibérique, des paysans installés sur les terres conquises. L'apogée fut atteint au cours des trois siècles suivants - avec une pointe au xn•. Dans les sauvetés, des privilèges soustrayaient les fondateurs aux emprises extérieures, assuraient des garanties administratives, judiciaires et économiques aux habitants. c Que tout cet alleu soit comme une église, un asile pour les malheureux, un refuge pour les opprimés, de sorte que chacun soit là en sécurité'· > Des conventions se sont inspirées des actes octroyés à des lieux privilégiés : à Lorris en Gâtinais, à Beaumont en Argonne - l'un et l'autre en bordure de grands bois, mais le premier fort vieux, l'autre tout neuf, - à Roybon, dans la forêt dauphinoise de Chambaran, au sud des enclaves savoyardes du Viennois 15 ••• Le monde rural anglais fut assez peu touché, bien que des chartes de peuplement aient été promises, au XIII• siècle, à de jeunes établissements. La relative modération des défrichements et la solide organisation des seigneuries sont S. N° 440,

•n 1199.

GARAUD,

La charte de franchise accordée auz Poiter,ins

,. Petit Cartulaire de La Saur,e-Majeu.re, charte 17, fin du XI• sièele (Arch. dép. Gironde). 6. N° 582, VAILLANT, Les libertés des communautés dauphinoises, p. 650-657 (1291).

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des explications plausibles à cette timidité. En revanche, les nouveaux codes ont rayonné à travers le continent : poblaciones ou f ueros de l'Espagne, statuti italiens, W eistümer de la Basse-Lotharingie et de l'Allemagne transrhénane, Coutumes et franchises de la France•. Insistons sur ces dernières. Les deux termes sont parfois synonymes, pris l'un pour l'autre. Cependant, que la charte de franchises accueille des Coutumes anciennes, ou que franchises et Coutumes donnent lieu à des actes séparés, l'inquisiteur y trouve des dissemblances. Elles ne sautent pas aux yeux. D'où les débats'. Entendues au sens strict, des chartes de coutumes codifient des usages, s'opposent pour l'avenir aux exactions des seigneurs et aux revendications des assujettis. Elles ne se privent pas d'introduire des innovations. Concédées, comme les précédentes, par des puissants qui agissent isolément ou s'unissent par des traités de pariage, des chartes de franchises vont plus loin. Non contentes de préciser les devoirs des paysans, elles les dispensent des obligations les plus rudes : par exemple de toute taille, comme à Lorris. D'autres reconnaissent des prérogatives administratives aux communautés - type : Beaumont -, créent des foires et 6. Sur les rapports entre les Coutumiers seigneuriaux et les Weistümer, apparus vers la fin du XIIe siècle ; sur l'aire d'extension des chartes de franchises et des Weistümer, n° 527, PERRIN, Chartes de franchise et rapports de droits en Lorraine. Distincts des chartes de franchises, dont ils ont subi l'influence, les Weistümer ne sont pas, comme elles, concédés par le seigneur. Ils consistent en déclarations et reconnaissances des droits de ce dernier, faites oralement et sur sa demande par les sujets de la seigneurie à l'occasion des plaids réunis plusieurs fois l'an. Cette codification d'une Coutume souple et changeante, cette adaptation aux règles qu'elle préconisait servaient les intérêts du maître, désormais légitimés, et ceux des sujets qui, tout en c rapportant >, en c avouant > les prérogatives du seigneur, s'employaient à soutirer des concessions d'ailleurs moins larges, communément, que celles des chartes de franchises. Le Weistum valait pour les deux parties. Il les engageait l'une et l'autre. Sur les statuts communaux italiens, excellente mise au point des recherches par P. ToUBERT, dans Rev. histor. t. CCXXXIV, 19fi5, p. 428430 . .7. Etude récente : n° 533, PERRIN, Les chartes de franchises de la France. - Etat des recherches : le Dauphiné et la Savoie.

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des marchés, octroient des avantages judiciaires, des exemptions fiscales et militaires. Les dernières érigent des groupes ruraux en communes ou en consulats : dans le Laonnois, en Picardie, en Flandre, en Languedoc, dans le Comminges, en Dauphiné, en Savoie, en Provence ... Des communautés constituent des fédérations groupant chacune plusieurs ,·mages avec un maire, des jurés, un sceau et un beffroi.

* ** Voici deux séries de chartes : les unes accordées aux habitants de villages anciens, les autres à ceux qui peupleront une jeune agglomération rurale. Revenons sur une charte de 1250, concernant les dépendants de Saint-Germain-desPrés dans trois paroisses de la région parisienne 1 • Contre un versement de 1400 livres parisis, elle les exempte de la mainmorte, du formariage et de la taille à merci. Elle pose des conditions. Les habitants ne pourront pas « faire de commune dans ces villages ... sauf licence obtenue de nous ou de nos successeurs, ni appartenir à une commune tant qu'ils résideront dans ces villages >. II leur est interdit d'aliéner leurs tenures en faveur d'un établissement religieux, d'une commune, d'un chevalier. le village du même nom, situé en Haute-Normandie, « à la sainte maison de l'Hôpital de Jérusalem > - les donateurs se réservant des droits et dédommageant les seigneurs du lieu 10• - Sur cet emplacement, les défrichements et le peuplement avaient déjà commencé. La donation permettra d'accélérer la tâche et d'établir cinquante hôtes. Les donateurs et le maître de !'Hôpital précisent le statut des futurs habitants. Aux hôtes, la liberté et l'offre gratuite des biens ; aucun droit d'entrée, mais nulle participation des seigneurs aux frais de l'installation ; pas de corvée sur la réserve, donc pas de régime domanial ; des redevances fixes et légères, du jour où les habitations seront bâties et les terres mises en valeur ; des « usages > attachés à chaque tenure et la reconnaissance des droits collectifs de « la communauté de ce village >. Du point de vue c politique >, des justices sont reconnues à !'Hôpital à l'intérieur des croix et jusqu'aux limites du finage ; une seule banalité : celle du four ; ni taille, ni relief ; des corvées pour le comte d' Aumale, châtelain du lieu, qui étend son ban pour la défense du pays et qui quêtera le secours des hôtes « pour réparer > un des fossés entourant le château ; une aide aux trois cas au bénéfice d'un dernier Gourchelles, Henri 11 • 9. Charte de franchises, charte de coutumes, cet acte est encore, nous le savons, une charte d'émancipation du servage. 10. Texte publié dans n° 394, DELISLE, La classe agricole en Normandie, p. 652-655. Voir également n° 378, CARABIE, La propriété foncière, p. 322-324, et Documents, n° 10. 11. Autre type de contrat : les nouvelles franchises accordées en 1279 à la sauveté de Fonsorbes, en Comminges, qui dépendait également des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Elles stipulent la

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Les terres de colonisation situées à l'Est de l'Allemagne présentent, quant à elles, un admirable terrain d'observation. Des avantages alléchants sont réservés aux colons : l'autorisation de déguerpir ou d'aliéner ; des droits d'usage ; la c paix > du maître ; l'autogestion du village, ou son administration avec le concours d'un agent seigneurial ; la fixation des Coutumes qui intéressent la justice - entièrement au maître, ou partagée entre lui et la communauté, - et qui concernent l'assistance aux plaids, le service militaire, le gîte, les pratiques successorales u. A presque tous, la liberté personnelle est assurée 11• Dans les c déserts > de l'Occident, le seigneur travaille sur table rase. Attentif à tirer profit de la mise en valeur, il sourit aux nouveaux venus. Des privilèges ont été consentis à d'antiques installations, loin des régions essartées. Ce fut toutefois dans les chartes de peuplement que les franchises s'épanouirent.

••• Le droit varie selon la Coutume de la seigneurie, c plus lourd ici, plus léger ailleurs > : ces termes des Rectitudines anglaises du XI• siècle sur les statuts paysans sont applisuppression de la taille, du gîte et du formariage, la liberté d'aliéner, de déguerpir, d'entrer dans le clergé. Elles réglementent les droits d'usage, exemptent du duel judiciaire ceux qui refusent de s'y plier. Elles font une obligation au bayle seigneurial de prêter serment c èn présence des prud'hommes du village >. Quatre consuls seront désignés chaque année par l'autorité seigneuriale c en accord avec des prud'hommes de ce lieu > et pris parmi c les habitants catholiques > de l'endroit. Ils c jureront > de garder les droits de l'Hôpital et les franchises de la communauté. Les pouvoirs judiciaires seront partagés entre eux et le bayle (acte publié dans n ° 286, ÜURLIAC, Les sauvetés du Comminges, p. 124-136. Documents, n° 29). Cf. encore la charte de franchises octroyée en 1232 par le seigneur d'Uriage et ses trois fils aux hommes de la châtellenie du même nom (publiée par L. RoYBR dans Rev. histor. de Droit fr. et étranger, 1927, p. 266 et suiv.). 12. Consulter les textes rassemblés par G. FRANZ, Deutsches Bauerntum, 1, Mittelalter ; et par KôTZSCHKE, Quellen zur Gesehichte der ostdeutschen Kolonisation. Cf. nos Documents, n°• 13-16. 13. A presque tous, car des c hommes de corps >, sans doute recrutés sur place, sont mentionnés.

LES« LIBERTÉS> PAYSANNES

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cables à nos chartes ... Il y a, parmi les libertés, des nuances infinies allant de la timidité aux grandes audaces. Il existe aussi des thèmes majeurs. Les paysans veulent_ obtenir une réduction et une détermination de leurs charges, briser les entraves apportées au mariage, à l'héritage, à la disposition des biens, arracher des garanties judiciaires, esquiver l'intervention des délégués du maitre quand ils ne la sollicitent pas. Membres d'une seigneurie et d'une collectivité rurale, ils revendiquent la reconnaissance de leurs c usages >, qui furent le nœud du groupe villageois et servirent sa prise de conscience. Pierre de Saint Jacob l'a vigoureusement exprimé : c L'ère des grands défrichements est celle des grandes manifestations du commun. > Au cours d'une lutte de classes où s'affrontent les puissants et leurs sujets, l'emprise des magnats se relâche sous la pression des ruraux, de même que la forêt s'éclaircit sous la cognée des défricheurs. Pourtant, si des maitres renoncent à l'arbitraire, ils font payer les exemptions fiscales et l'amélioration des statuts personnels. Ils conservent des justices, des banalités, des droits de gîte, des communaux, des redevances foncières et de menus profits. Ils laissent difficilement aux collectivités rurales la possibilité de conquérir leur autonomie. En revanche, ils collaborent avec elles dans les actes de la vie agraire. Ils acceptent que des groupes paysans assurent la police, qu'ils répartissent les taxes entre leurs membres, qu'un seul ministérial soit présent dans un village là où, jadis, plusieurs agents tourmentaient les tenanciers. Ils trouvent leur compte à une entente qui supprime des intermédiaires gourmands. Tandis que des exploitations battent de l'aile ou disparaissent, d'autres se créent ou s'accroissent. Des grands refusent de s'abandonner. Ils font face. Seigneurs et paysans à la base; seigneurs et vassaux au sommet : les thèmes sont préservés.

14. 1903.

LIEBERMANN,

Die Gesetze der Angelsachsen, 1, 447-448. Halle,

LIVRE II

L'ÉPANOUISSEMENT DE LA FÉODALITÉ 1

1. Après avoir étudié dans un livre précédent la formation des liens de dépendance en Europe occidentale jusqu'au début du XI• siècle, nous avons marqué un temps d'arrêt et dressé le panorama des c f éodalités > vraies ou fausses qui ont couru à travers l'Antiquité, puis sillonné une partie des mondes médiéval et moderne. A cet effet, il a fallu rompre les barrières chronologiques traditionnelles, remonter pour l'Egypte jusqu'au troisième millénaire, descendre pour Byzance jusqu'au xve siècle, pour les pays slaves et le Japon jusqu'à l'ère contemporaine. L'enquête est continuée dans le présent ouvrage pour )'Occident du Moyen Age et pour l'Orient latin.

INTRODUCTION

1

De nombreuses dépendances présentent des analogies trompeuses avec le régime féodal. Un salut, une courbette devant un souverain n'ont pas la valeur de l'hommage. Une société hiérarchisée n'est pas nécessairement vassalique. Une anarchie non plus. Une possession est conditionnelle, comme la pronoia byzantine, le pomiestié russe, l'iqtd et le timar musulmans, sans revêtir les traits juridiques du fief. Eblouis par l'éclat du mot, des historiens s'écrasent sur lui comme des mouches sur un phare. Laissons cette sciencefiction, ces chimères qui n'épargnent ni les vedettes, ni leurs c fans >.

1. En dernier ressort, consulter SOBOUL, n° 133, La Révolution française et la c féodalité > ; n° 134, Survivances c féodales >.

CHAPITRE PREMIER LES INSTITUTIONS VASSALIQUES ET FÉODALES

Au cours de son deuxième âge, la féodalité s'est garnie de nouveaux rouages et affermie. Dans les pays d'avantgarde, ses pièces principales étaient en place à l'orée du XI• siècle. Elle avait son vocabulaire fondamental, ses rites, ses droits et ses devoirs. Elle connaissait la pluralité des hommages, la réserve de fidélité, l'hérédité des tenures, les sous-inféodations. L'ère suivante a précisé la hiérarchie des personnes et du fief. Elle a inventé l'hommage lige, adapté le régime aux mentalités et commenté ses règles. Il faut revenir sur les institutions en prenant soin de souligner que des gestes, des formules, des serments se perpétuent tandis que changent leur esprit et leur application.

A. L'E~TRÉE EN SCÈNE

Les rites vassaliques n'ont guère varié depuis le milieu du VIIIe siècle 1. Rédacteurs et commentateurs de lois ou de coutumes, chroniqueurs, notices, actes de la pratique les 1. Notre t. I. Documents, p. 365 et suiv.

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décrivent avec sobriété. Ils sont semés à profusion dans les représentations figurées. Beaucoup étaient accomplis devant la cour du seigneur ou devant des témoins. De hauts personnages et de grands intérêts entraient-ils en jeu ? Des chartes enregistraient les engagements. La cérémonie met en présence un seigneur I et un vassal •, liés par un contrat qui revêt une force singulière. Le grand moment est l'hommage'. « Sans armes, sans ceinture ni chaperon >, le dépendant s'incline ou s'agenouille devant le seigneur 5 • Instant décisif, il met ses mains 2. De senior (primitivement l'ancien, le vieux). Le mot s'est substitué progressivement à dominus, sans l'effacer. L'allemand le traduit par Herr, l'anglais par lord (anciennement, c donneur de miches >), l'italien par signore. c Suzerain > ne semble pas antérieur au XIV• siècle. Greffé sans doute, comme l'a suggéré Marc Bloch, sur l'adverbe sus, il désignait le seigneur du seigneur et, le cas échéant, chacun des seigneurs supérieurs. Au prix d'une confusion flagrante, les juristes de l'époque moderne et, aujourd'hui, des historiens pressés donnent à suzerain la signification de seigneur direct. C'est un nonsens. 3. De vassallus, attesté à l'époque carolingienne et qui, ensuite, l'a emporté sur vassus. L'allemand le traduit par Mann, l'italien par vassallo. D'autres expressions ont parfois la même signification. Passons vite sur baro, vavassus, tenens - ce dernier terme répandu en Angleterre. Et savourons des mots familiers. Fidelis et homo furent appelés à une longue carrière. Miles, qui met en lumière le caractère guerrier de la vassalité, a brillé dès l'époque carolingienne. Homo et miles se renforcent l'un par l'autre. Arnaud d'Espagne, seigneur de Mérignac, en Bordelais, se reconnaît « hominem et militem > d'Edouard Jer (Recogniciones feodorum in Aquitania, éd. BÉMONT, n° 1 : 1274). Aucun de ces termes n'appartient exclusivement au vocabulaire féodal. « L'homme > d'un seigneur est son dépendant, quelle que soit la nature de cette sujétion. Fidelis est dans le même cas. Vassus peut désigner un subordonné quelconque. Miles est souvent synonyme de chevalier. Seul, le libellé des chartes guidera l'historien. 4. Du latin hominium, qui remonte au début du XI• siècle - sans préjudice de formes apparentées telles que hominaticum et, un peu plus tard, hominagillm, hommagium ... - L'allemand le traduit par Mannschaft, l'anglais par homage, l'italien par omaggio. Commendatio a persisté du XIe au XIII• siècle. (Cf. nos Documents, n°• 31 à 83, 35, 46, 53, 57 à 60.) 5. L'agenouillement avait lin en présence du roi, d'un prince terril orial ou d'un ecclésiastique qui se tenaient debout ou assis. Entre

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jointes entre celles du maitre, qui les referme sur les siennes en signe de consentement et de prise de possession. Un baiser sur la bouche est échangé par les contractants, ou donné par l'un d'eux. Geste significatif e ! Il est signe de paix, d'amitié, de c fidélité mutuelle' >. Il rapproche du supérieur « l'homme de bouche et de mains >. Pourtant, le baiser n'est pas indispensable. « Classique > en France et dans les pays de conquête normande après l'an mil, puis dans les Etats latins d'Orient, il s'est propagé assez peu dans le royaume d'Italie. Il est rare en Allemagne avant le XIII• siècle, sans doute parce que l'écart social était plus tranché qu'ailleurs entre seigneur et vassal, et le souci de hiérarchie plus grand 8 • Un deuxième acte suit immédiatement l'hommage ·: le serment de fidélité, prêté sur un objet sacré 9 • A l'occasion, quelques paroles sont échangées : gens de condition modeste, les rites étaient simples. Le 20 mars 1447, l'abbé d' Aiguebelle, assis sur un banc de bois, au milieu de la place de Réauville, reçut les serments de Bertrand de Chalançon, de Valaurie, qui les fit « genoux fléchis et tête découverte> (Chartes de N.-D. d'Aiguebelle, Commission d'histoire de l'ordre de Ctteauz, 1953, p. 432433). 6. La Chronique de Morée le met en valeur. Les hommes liges du prince lui font « l'hommage sur la bouche > (n° 925, éd. LONGNON, p. 214, n. 2), et Documents, n° 60, 4°. - Sur le royaume latin de Jérusalem, Documents, n° 59, 2°, a. 7. Guillaume DURANT, Speculum juris, éd. de 1592, livre IV, De feudis, p. 304, art. 3 ; p. 306, art. 8 (Documents, n° 46, B). Le baiser intervenait aussi pour des contrats étrangers à la vassalité. 8. Des baisers étaient donnés après le serment de fidélité (G. DURANT, Speculum juris, livre IV, De feudis, p. 305, art. 4 : c Vasallus mittit man us suas intra manus do mini, et sibi homagium f acit, et fidelitatem promittit, et ab eo osculum recipitur > (Documents, n° 46, B). Quelquefois, ils venaient après l'investiture et scellaient l'ensemble des engageme~ts. Une femme se trouvait-elle concernée? Un c baiser de bouche sur la dextre > suffisait. 9. Des serments étaient précédés d'une promesse de moindre portée. Après avoir reçu du comte de Forez une maison c ad feudum ligium cum homagio >, un damoiseau déclare : « Pour cette maison, j'ai promis fidélité au comte et juré de l'observer (De qua domo, promisi fidelitatem ... comitl et juravi predictam fidelitatem observare >, dans Chartes du Forez, Il, n° 280 : 1290). Autres exemples dans n° 662, GANSHOF, Qu'est-ce que la féodalité ? p. 102.

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c Voulez-vous être mon homme? > -

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c Je le veux 1• > 11

c Je vous reçois comme mon homme > c Je vous promets d'être fidèle u >. Un démon tentateur pousse à rechercher le déclenchement des obligations dans le geste des mains, ou dans la foi. C'est ratiociner à l'extrême et faire la fine bouche juridique. Malgré les c cas aberrants > qui entrent dans la matière de l'histoire, la vassalité résulte habituellement de la conjonction des deux rites. Ils n'ont pas la même nature, ni la même portée. Toute une littérature s'est donc attachée au sujet. L'hommage est le nœud de la vassalité. Il est né avec le régime et, dans le cérémonial, il précède ordinairement la fidélité. Si l'on s'en tient à la lettre, il engage celui qui fait c l'offre volontaire de sa personne >. Etendu par analogie à celui qui se voue à sa bienaimée, ou au diable, passé dans le rituel catholique de la prière, le geste des mains traduit une mentalité attachée au concret, au charnel. Des troubadours l'ont enjolivé: c Dame, la plus gente qui naquit jamais et la meilleure que j'aie vue, je suis, mains jointes et humblement ... , sous votre noble seigneurie ... Dame, je vous aime fidèlement, noblement, d'un cœur vaillant, et me déclare votre homme, si quelqu'un demande à qui je suis 11 • > Un tel serment devrait suffire, puisque c la fei est en la

-

10. La formule : c Je deviens votre homme > est dans le De legibus Angliae, de BRACTON (éd. WooDBINB, II, 232) ; le Grand Coutumier de Normandie (éd. TARDIF, p. 94) ; les .Etablissements de saint Louis (éd. VIOLLBT, Il, 398) ; le Livre de Jean d'IBBLIN, chap. 195, Recueil des historiens des Croisades, éd. BBUGNOT, Lois, 1, 313) ;... et dans des actes de la pratique (notre t. 1, Documents, p. 368 et suiv. ; t. II, Documents, n° 58, A ; 59, 2°). 11. Etablissements de saint Louis, éd. VIOLLBT, Il, 398. 12. Les expressions varient. Dans le livre IV de son Speculum juris, p. 305, art. 2, G. DURANT fait dire au vassal : c Causa ... homagii, promitto tibi B. esse perpetuus tuus homo, et stare, cum meis haeredibus, ad tuam maiorem signoriam,... et stare in tali loco, vel alibi, ubicunque ponere me volueris > (Documents, n° 46, C). 13. C. APPEL, Bernart von Ventadorn, Ausgewahlte Lieder. Halle, 1926, p. 31.

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proumece et en la devise de l'homage 14 >. Or, c'est un acte païen. Voilà pourquoi il est suivi du serment sur un objet sacré. Acte banal en soi, car il scande de nombreux rapports entre les hommes : libres sujets du roi tenus à un serment général de fidélité ; agents civils ou militaires se pliant au même rite lors de leur entrée en fonction ; clercs et moines répondant à l'attente de leur évêque ou de leur abbé, tenanciers à celle de leur seigneur, ~erfs aux injonctions de leur maître 15 ••• Acte banal mais, dans la vassalité, acte nécessaire. Il accentue les effets de l'hommage - le vassal sera « l'ami de tous les amis > du seigneur, « l'ennemi de ses ennemis > 18 • - Il les corrige et les limite dans ce qu'ils ont d'implacable et d'humiliant. Il ennoblit l'acte vassalique, lui donne une couleur chrétienne et fait un parjure de celui qui viole ses engagements. « Comment me fierais-je à un homme qui, après que j'ai reçu son hommage, n'a pas prêté le serment de fidélité 17 > ? Les hommes d'Eglise ont attribué la primauté à ce dernier. Des textes trahissent l'ordonnance des rites en disant « foi et hommage >. Sous le nom de « fidélité >, ou de « serment >, ils indiquent l'ensemble par une de ses parties 18 • N'accordons pas, par conséquent, une confiance aveugle à la documentation. Si l'hommage sans foi est exceptionnel 18, la fidélité noue 14. Livre de Jean d'lBELIN (chap. 250, dans Historiens des Croisades, Lois, 1, 401). -- Louis XI prend note du « serement de fidélité > qu'un vassal lui « a fait en son hommaige » l« Lettres de Louis XI>, Il, 210 : 1464, SR F.). 15. La fidélité n'était pas exclusivement un acte d'homme libre. Des non-libres la devaient. 16. N° 662, GANSHOF, Qu'est-ce que la féodalité ? p. 103 (serment d'un duc de Bohême au roi d'Allemagne, en 1041). 17. Texte cité par CAHEN, n° 626, L'Italie normande, p. 45, n. 1. 18. Des commentateurs de Coutumes ou des scribes mêlent chaleureusement les deux actes. L'expression « homagium fidelitatis > figure dans des documents du Hainaut (n° 638, DIDIER, ozzvr. cité, p. 27 et n. 45 : 1242 et 1245). 19. Interrogé sur ses obligations envers le duc de Guyenne, roi d'Angleterre, un vassal déclare lui devoir pour l'un de ses fiefs c l'hommage seulement > (et hoc tenet ab ipso cum homagio tantum) (Recogniciones feodol'Um, éd. BÉMONT, n° 667 : 1274). La fidélité est peut-

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à elle seule les liens dans des sociétés qui, attachées à d'autres usages, comprenaient mal la portée du geste des mains : antérieurement au xn· siècle, hautes couches de l'aristocratie allemande ; après 1100, sociétés du royaume d'Italie 20 ; sociétés de l'Italie lombarde méridionale, même à l'époque normande ; dans une moindre mesure, groupes aristocratiques du centre et du Midi de la France 11 • Les serments vassaliques créaient des rapports si étroits que la présence des intéressés était requise : avant tout celle du subordonné 22 • Des Coutumes ont énuméré les cas de force majeure qui autorisaient les parties, ou l'une d'elles, à se faire représenter : la minorité, la vieillesse, la maladie, l'éloignement - fréquent dans le vaste Empire germanique où le souverain était contraint à de longues randonnées 23 • ètre sous-entendue. En Guyenne encore, des enquêteurs se heurtent, en 1274, à des ignorances surprenantes. Un chevalier c reconnaît qu'iJ doit faire le serment de fidélité > au duc. c Interrogé sur l'hommage, il dit qu'il ne sait pas, mais qu'il répondra le lendemain > (Ibid., n° 11. - Cf. n° 367, BOUTRUCHE, L'alleu en Bordelais, p. 56, n. 3). 20. Constitutiones feudorum (éd. K. LEHMANN, Das Langobardische Lehnrecht. Gottingen, 1896, p. 119, 120, 123) (Documents, n° 52, C) ; et ci-dessous, p. 158, n. 24. 21. Des ministériaux allemands, déjà assujettis à leur maître en vertu de leur naissance, étaient dispensés de tout geste de dédition, ou juraient seulement la foi (ci-dessus, p. 86 et suiv.) - Un problème considérable : le serment des religieux, nous retiendra p. 289 et suiv. 22. Et celle du seigneur jusqu'en plein XIII• siècle, sauf exceptions. 23. Des usages intéressaient la qualité des personnes. Plus que les pays d'Orient, ceux d'Outre-Manche sont dignes de méditation. Selon GLANVILLE, l'héritier mâle, même s'il est mineur, est habilité à prendre les engagements. La femme mariée ne fait pas hommage. Le soin en incombe à l'époux. Des veuves subissent la même incapacité. Des serments sont rendus à toute personne libre, y compris à des clercs, des mineurs, des femmes célibataires - l'hommage étant renouvelé à l'époux après le mariage - (De legibus A.ngliae, éd. WooneINE, p. 123-127). Au dire de Coutumes qui ne sont J>aS antérieures au XIII• ou au XIV• siècle, les serments reçus par procuration doivent être renouvelés par le vassal le jour où il est en mesure de remplir ses obligations. Des rites sont séparés. Le procureur jure fidélité. L'hommage est reporté à des temps meilleurs (notre t. 1, Documents, n° 32, p. 371, et ci-dessous, p. 366).

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B. L'INVESTITURE

Des engagements personnels ne sont qu'un prélude. Leur conclusion est l'investiture d'un fief 2 ' . Le seigneur use à cet effet d'un objet symbolique qui marque son rang social et les modalités ou la nature de la concession. Cet objet, il le conserve par-devers lui : le sceptre, la verge... Ou bien, il le remet au dépendant : étendard ou lance, surtout pour les grands fiefs laïques d'Allemagne, crosse pour les fiefs accordés à des évêques ou à des abbés, motte de terre pour une seigneurie foncière, coins pour un atelier monétaire, rame pour le droit de passage sur une rivière, ou plus simplement un anneau, une paire de gants, un bâton, une baguette ... Le seigneur vient-il à mourir ? Le soin de requérir les serments et de réinvestir incombe à son successeur. Le vassal quitte-t-il ce monde? Son héritier est tenu d'en aviser le maître, de lui proposer l'hommage, de lui demander d'être c mis en saisine et possession >, et par là de bénéficier d'un « droit réel > qui lui confère la jouissance d'un bien sur lequel le seigneur exerce des c pouvoirs éminents >, une c directe >, suivant des expressions qui ne sont guère antérieures au XIIIe siècle. D'où la coexistence de 24. Dans le royaume d'Italie, dans les principautés lombardes de l'Italie méridionale, en Catalogne.•., le fief fut représenté comme un droit du vassal qui, en retour, engageait sa foi (Constitutiones feudorum, éd. LEHMANN, p. 120 : c Je sais que l'on demande si l'investiture doit précéder la fidélité, ou la fidélité l'investiture. Et l'on a souvent répondu que l'investiture devait précéder la fidélité > : Documents, n° 52, C). Sur les origines du fief, consulter les travaux cités dans la Bibliographie de notre tome 1, § V et VI. Sur le vocabulaire (feum, fevum, f eodum, f eudum, honor, casamentum, liberum tenementum, tenetura, ou beneficium dans les pays allemands restés fidèles, jusqu'en plein XII• siècle, à la terminologie du haut Moyen Age ; en langue vulgaire, feu, feo, fee, lehen ... ), voir n° 610, BLOCH, La société féodale, 1, 254-256 ; n° 662, GANSHOF, Qu'est-ce que la féodalité ? p. 141147 ; n° 685, HoLLYMAN, Vocabulaire féodal en France, p. 41-55.

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deux formes de possession qui s'écartent de la propriété au sens romain •. Il en va de même lorsque le fief convoité provient d'un achat, d'une donation ou d'un échange, lorsque la mutation est due à un mariage ou à l'assignation d'un douaire. Un délai est fixé par les usages : souvent quarante jours, en France, depuis le XIII- siècle 11 • Il appartient au seigneur d'indiquer la date et le lieu de la cérémonie : sa principale 25. Ci-dessous, p. 244-245. 26. Selon les Etablissements de saint Louis (éd. V10LLET, II, p. 395) : c Quant aucuns doit tenir de seignor en fié, il doit requerre son seignor dedans XL jorz >. D'après BBAUMANOIR, Coutumes de Beauvaisis, éd. SALMON, art. 483 et 485 : c Quant il avient qu'aucuns fiés vient par reson de succession ou d'escbeoite >, les successeurs c ne doivent pas atendre que li seigneurs de qui il doivent tenir le fief les semoigne a venir a leur bornage, car li sires n'est pas tenus de leur fere savoir qu'il i viegnent. Ainçois i doivent il venir dedens les .XL. jours que li fiés est escbeus ou descendus. Ne ne doivent rien!! lever du fief qui apartiegne a eritage devant que li bornage sont presenté a fere au seigneur > .•• c En un cas est li sires tenus a fere savoir a ceus qui doivent estre si homme qu'il viegnent a son bornage a certain jour et en certain lieu, liqueus jours ait .XV. jours d'espace au mains. Quant seignourages se cl:iange de main en autre >, le successeur c doit f ere savoir a ceus qui furent homme son pere qu'il viegnent fere leur bornages >. Le délai a changé avec les époques et les pays. En Italie normande, à la fin du XI• siècle, des serments - et sans doute des investitures sont exigés dans les huit jours après la mort du vassal (n° 626, CAHEN, ouvr. cité, p. 83). Le temps laissé est habituellement plus long : l'an et jour, aux dires d'une décision de Frédéric Jer, en date de 1158 (Documents, n° 48, 4°). Le fils présent dans la principauté de Morée à la mort de son père ne fait-il aucune démarche? Après un an et un jour, l'investiture est accordée au plus proche parent du défunt, s'il la sollicite. Le délai est porté à deux ans et deux jours, en cas de décès du seigneur, si le vassal a quitté la Morée avec l'autorisation de son maître ; également en cas de décès du vassal, si l'héritier est absent du pays (n° 942, Assises de Romanie, éd. RBCOURA, art. 60, 82, 100). L'article 211 de ces mêmes Assises note l'importance de la saisine : c Lorsque quelqu'un se présente devant son seigneur pour un fief qui lui échoit, et qu'il est investi de ce fief par lui, si le feudataire, par sa faute, n'acquiert pas la saisine de ce fief pendant l'an et jour et s'il néglige d'acquérir la possession, il perd ce fief > (Documents, n° 60, 11 °).

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résidence ou « le fief dominant >, la terre dont relève la tenure ... Des seigneurs voient là un privilège. La solution avantage aussi le vassal, lui épargne de longs déplacements. Elle enlève aux parties tout prétexte sérieux pour différer l'hommage. Il arrive enfin que le rendez-vous soit fixé aux limites de deux principautés 11• L'investiture a fait l'objet de nombreux actes écrits, après 11 OO, en Italie, en France, en Angleterre, dans l'Orient latin, alors que l'Allemagne est restée attachée plus longtemps à la tradition orale. Dans une charte remise au vassal, le seigneur reconnaît avoir reçu les serments et concédé la tenure. Dans une charte remise au seigneur, Je subordonné « avoue > qu'il a prêté l'hommage et reçu le fief. Cet aveu peut être accompagné d'une « monstrée > des terres ou d'un « dénombrement >, d'une description des biens, dans les quarante jours après les serments. Acte essentiel pour les parties, car il assure leurs droits. Acte bénéfique pour l'historien, car il indique la composition et les limites du fief. C. FORMES PARTICULIÈRES DE L'HOMMAGE : HOMMAGES DE PAIX ET HOMMAGES EN MARCHE 19

Après le IX• siècle, l'hommage s'est diversifié. Celui de paix sanctionne le rétablissement de la concorde entre deux 27. « Moi, Blanche, comtesse palatine de Troyes, je fais savoir à tous ... que mon très cher seigneur Guillaume, évêque de Langres, étant venu à Troyes pour certaines affaires, je lui ai demandé d'y recevoir, s'il le voulait bien, l'hommage de mon très cher fils le comte Thibaud. L'évêque m'a répondu qu'il n'avait pas à recevoir cet hommage ailleurs qu'à Langres, mais que, pour m'être agréable et par amour pour mon fils ..., il le recevrait à Troyes, le droit de l'église de Langres et le sien étant saufs (A. LONGNON, Documents relatifs au comté de Champagne et de Brie, l, n° 14 : aot1t 1214). Sur cette question, cidessous, p. 161 ; Documents, n° 34. 28. Parmi les études récentes, n° 697, LEMARIGNIER, L'hommage en marche; n° 713, MITTEIS, Lehnrecht, p. 484-486 ; n° 638, DIDIER, L~ Hainaut, p. 26-27 : n° 798, Dm~, Les frontières de la France, p. 26-32 ; n° 737, RICHARD, Les ducs de Bourgogne, p. 24-26.

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adversaires. II est rarement lié à la détention d'un fief. Il crée une dépendance pour obliger le subordonné à respecter la vie et les intérêts de l'autre partie, à lui promettre c sécurité >. L'hommage en marche est rendu c dans un lieu d'antique coutume > situé aux confins de deux territoires. C'est en marche que, depuis le x• siècle, le duc de Normandie met ses mains dans celles du Capétien. Rehaussée par la présence de grands personnages, témoins des intéressés, la cérémonie se déroule de préférence dans le secteur de J'Epte, aux limites de la Normandie et du domaine royal. C'est en marche qu'à diverses reprises le duc se reconnaît Je vassal du comte d'Anjou pour le Maine, ou qu'il reçoit les serments du maître de la Bretagne. Quand ces o~érations ont lieu au lendemain d'une guerre, la réconciliation prend ]a forme d'un hommage de paix qui comporte des ob1igations mal précisées. Il faut attendre la seconde moitié du XII• siècle pour qu'il devienne un hommage classique imposant au duc, malgré les protestations des juristes normands, des devoirs d'aide et de conseil. Un autre exemple est celui de ]a Champagne, contrée aux limites longtemps indécises, et pleine d'enclaves. De plus en plus après 1150, les engagements reçus ou pris par le comte sont échangés là où ]a Champagne touche à la Bourgogne, au Nivernais, à la Lorraine. Ils précisent la notion des confins et le tracé des frontières. Leur prestation en marche est dictée par une question de prestige, ou par un motif terre à terre : le comte n'aime pas s'aventurer hors de chez lui. Affirmé sporadiquement en dehors des deux régions précédentes, l'hommage en marche a disparu au cours du XIV• siècle avec l'accroissement du domaine royal, la progression du pouvoir monarchique et la suppression de frontières féodales.

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D. PLURALITÉ DES HOMMAGES ET LIGESSE

Primitivement, le vassal ne pouvait se donner qu'à un seigneur. L'engagement était si total qu'un partage était exclu. D'ailleurs, avoir deux maîtres n'était-ce pas contraindre le vassal à prendre parti pour l'un d'eux et par conséquent à se dresser contre l'autre, ou à ne rien faire et donc à risquer deux animosités et deux sanctions ? La situation s'est modifiée après 830. Le heurt des factions aristocratiques et les remaniements territoriaux ont brouillé les pistes qui menaient du vassal au seigneur ; le rôle grandissant du fief, le désir de recevoir plusieurs tenures, les offres des puissants ont atténué la rigueur des anciennes règles. Le dévouement vassalique dépend moins d'un contrat que de la qualité de l'homme et de la valeur donnée à la foi jurée. Pourtant, au cours du deuxième âge féodal, le vassal a opéré devant le maître un retrait d'autant plus marqué que l'installation des subordonnés sur des terres éloignées de la résidence seigneuriale contribuait à détendre, comme pour l'esclave casé, l'attache personnelle. Changements de mentalité et préoccupations matérielles s'étayant réciproquement, la société féodale a renoncé de grand cœur à des dispositions qui ne répondaient plus aux besoins. De même que le passage de l'esclavage au servage donna une longue survie à la non-liberté, fût-ce au prix d'un affaiblissement de la servitude, de même le passage de la vassalité des premiers âges à une féodalité nourrie d'hommages multiples pérennisa les liens supérieurs de subordination. Premier maillon d'une longue chaîne, un texte tourangeau de 895 mentionne la pluralité des hommages. Née sans doute à l'époque de Louis le Pieux 29, elle s'est répandue dans les couches supérieures de la société féodale, puis a gagné tous ses échelons. Elle l'accompagna jusqu'à sa fin. Durant le premier quart du XI' siècle, Eudes de Blois est 29. Notre t. 1, p. 217 et 367.

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vassal du roi de France, du comte de Sens et de l'évêque d'Amiens. Moins huppé que le précédent, Bernard de Laroque relève de huit maîtres 30• L'Allemagne, où les hommages multiples sont peu fréquents avant 1050, leur fait ensuite bonne mesure. A la fin du xne siècle, un ministérial d'Empire, Werner von Bolanden, tient ses fiefs de quarante-six seigneurs - dont le roi de France - et reçoit les hommages de onze cents chevaliers 31 ; un comte bavarois, Siboto de Falkenstein, s'éparpille entre une vingtaine de maîtres : ducs, marquis, comtes, hauts seigneurs ecclésiastiques 11• La situation du comte de Champagne est plus extraordinaire. Au début du XIl19 siècle, il prête l'hommage à l'empereur, au roi de France et à des grands qui sont ses vassaux pour des fiefs : abbé de Saint-Denis, archevêques ou évêques de Reims, de Châlons-sur-Marne, de Langres, de Sens, d' Autun, d'Auxerre, duc de Bourgogne. Etre à la fois le supérieur et le subordonné du même homme : le paradoxe eût paru insensé aux gens du haut Moyen Age. Le fief brouille la hiérarchie des valeurs. Dispensé de l'hommage et de toute obligation féodale parce qu'il est roi, le Capétien tient cependant en fief, de l'abbaye de Saint-Denis, le comté de Vexin°. La vassalité multiple risquant de gripper le système, des remèdes s'imposèrent. Priorité fut donnée à celui qui avait concédé le fief principal. Plus souvent, le vassal réserva la fidélité jurée au premier maître. Mais la plupart des seigneurs réclamèrent pareille faveur. Que faire, s'ils entraient en conflit, dans une société où l'échelonnement des hommages n'empêchait pas que chacun eût la même valeur ? Les recettes adoptées ont reculé la difficulté sans la résoudre. Un vassal envoie à chacun de ses maitres le nombre d'hommes qu'il doit fournir. Il se tient lui-même aux 30. Recogniciones feodorum, éd. BÉMONT, n° 654 (1274). 31. Si l'on en croit GISLEBERT DE Mo:ss, Chronicon Hanoniense, 10681195 (éd. VANDERKINDERE, Bruxelles, 1904, p. 162) : c Wernerus de Bollanda, ministerialis imperii, homo sapientissimus,... hominiis 1100 militum honoratus. > • . 32. N° 662, GANSHOF, Qu'est-ce que la féodalité ? p. 135. 33. N° 817, lliLPHEN, La place de la royauté dans le systême féodal.

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côtés du plus ancien. Ou bien, le gros des troupes s'en va vers l'un des supérieurs. Les autres se contentent d'un service réduit. Le résultat est clair : dispersés dans les camps rivaux, des contingents sont appelés à se combattre. Et si le maître participe à la bataille, il affronte ses hommes 3' . Sans aller aussi loin, on admettait que le vassal resterait neutre, ou qu'il servirait. fun des seigneurs : des vassaux aident la victime contre l'agresseur•, ou secourent le supérieur engagé dans une lutte qui le concerne directement, tandis qu'ils abandonnent celui dont les forces sont mises au service d'un allié. Dès lors, il fallait se résigner à la confiscation temporaire des terres tenues du délaissé. Une solution plus élégante devançait l'événement : la renonciation à des hommages et à des fiefs. De tels usages étaient des nids à chicane, des entorses à l'esprit des serments Yassaliques. On a donc cherché une meilleure formule. Vers 996, Foulques Nerra, comte d'Anjou, prête au fils du comte de Chartres les serments c contre tous, à l'exception du roi et de ceux qui lui sont étroitement rattachés par un lien de proche parenté, tels qu'un fils, un frère, ou des neveux 36 >. II s'agit d'une réserve de fidélité. De cet usage on est passé à la notion d'un hommage supérieur rendu par le vassal à un personnage choisi dans la galerie de ses maîtres. Au serment, au seigneur qui le recevait, comme au subordonné qui s'y soumettait, le même qualificatif fut appliqué : « lige 37 >. D'où la formule : « lige 34. Ci-dessous, p. 169, n. 58. 35. Sur le problème des guerres « justes » et. des guerres « injustes », ci-dessous, p. 196, n. 154. 36. RlcHER, « Histoire de France » (éd. LATOUCHE, II, 296-297, dans Les Classiques de l'histoire de France au Moyen Age. Paris, 1937). Se référer au Recueil des historiens des Gaules et de la France, X, 447 (1007). Consulter n° 838, KIENAST, Untertaneneid ... 37. Nous ne connaissons pas l'inventeur de ce terme qui correspond en allemand moderne à ledig, libre (sous-entendu de toute attache). Pendant la seconde moitié du ~loyen Age, le mot fut étendu à des serments de fidélité, à des droits, à de « liges alleux >, dont c chacun peut faire sa pure el lige volonté > (n° 638, DIDIER, Le Hainaut, p. 31, n. 77 : 1281-1329). Des paysans bordelais qui jouissaient de la

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homme doit obéir à son lige seigneur >. Finalement, il le fut aussi au fief 31 • Le terme apparaît dans un texte vendômois de 1046 88 • A ce moment, la ligesse était toute jeune. Sans doute avaitelle pris naissance en Normandie, où la formule c contre tous hommes > était connue des premiers successeurs de Rollon 40• Les années suivantes, le système s'est répandu dans les contrées voisines, dans le Nord et le Nord-Est de la France, en Basse-Lotharingie, en Catalogne 41, en Bourgogne septentrionale, où l'usage est signalé à partir de 1097 42 • Les Normands l'ont importé dans les contrées par eux conquises : Italie du Sud, où il est cité dès 1075 avant de l'être en Normandie, en raison d'un caprice de la documentation 43, Sicile, Angleterre, Syrie. Au XII• siècle, il a fait tache d'huile dans le centre et le Midi de la France, comme dans tous les Etats latins d'Orient. En revanche, il eut peu de succès dans le royaume d'Italie, ·- et en Allemagne avant 1150. Le roi l'ayant rarement exigé, le système tarda à se propager. En outre, l'emprise des grands sur leurs ministériaux était si forte qu'elle leur épargna l'hommage protection spéciale du duc de Guyenne étaient ses c hommes francs et liges >. Des ministériaux non libres, des paysans-serfs sont les c hommes propres et liges > de leur maître (n° 713, MITI'EIS, Lehnrecht, p. 559 et suiv. ; n° 610, BLOCH, La société féodale, 1, 331 ; n° 539, PETOT, « L'hommage servile > (dans Rev. histor. de Droit fr. et étranger, 1927, p. 72) ; n° 367, BouTRGCHE, L'alleu en Bordelais, p. 120 et suiv. ; n° 524, OuRLU.c, L'hommage servile dans la région toulousaine. 38. Un clerc forézien tient du comte des biens c ad feudum ligium, cum homagio > ; un chevalier a des terres c in feodum et homagium ligium > (Chartes du Forez, li, n° 284 ; Ill, n° 410 : 1290-1291). 39. Carlu/aire de la Trinité de Vendôme (éd. MÉTAIS, 1, n° 62, p. 117. Paris, 1893). - Nous ferons observer, après d'autres auteurs, que si le texte en question fut modifié lors de sa transcription dans le Cartulaire (seconde moitié du XII• siècle), c lige > serait quelque peu postérieur à 1046 (n° 713, MITTEIS, Lehnrecht, p. 557, n. 87). 40. N° 713, MITI'EIS, Lehnrecht, p. 557-558. 41. Les l:sages de Barcelone mentionnent l'homme « solide >, tenu de servir son seigneur dans la mesure de son pouvoir, ou selon les conventions passées entre eux. - Art. 36 : c Senior debct ipsum haberc contra cunctos, et nullus contra etim > (et Documents, n° 53). 42. N° 737, RICHARD, Les ducs de Baurg~gne, p. 108. 43. N° 626, CAHEN, L'Italie normqnde, p . 43-45.

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supérieur jusqu'au moment où ils reçurent des fiefs de plusieurs mains". Après le milieu du XII" siècle, la ligesse a gagné une partie de la société allemande, parallèlement à la féodalisation précipitée du pays. Jamais, cependant, elle ne connut grande faveur Outre-Rhin. Aussi longtemps que le nouvel hommage conserva sa fraîcheur, le subordonné fut contraint à une fidélité qui rappelait celle des premiers âges. Absolu et sans partage, l'hommage lige l'emporte sur les serments passés ou futurs, quelles que soient la qualité de ceux qui les reçoivent et la taille des fiefs concédés. Un Coutumier anglo-normand, dit Lois d'Henri 18r, déclare en substance : on doit observer sa foi envers tous ses seigneurs en sauvegardant toujours celle du seigneur précédent. La foi la plus forte appartient à celui dont on est lige 45 • C'est de celui-ci que le dépendant est justiciable. C'est lui qu'il soutient en premier lorsqu'il réclame des cojureurs, paie rançon, règle une dette, sollicite une aide militaire •s••• Le bénéficiaire de la ligesse c vient avant tous les autres > : avant ceux qui ont reçu l'hommage c simple >, « plane >, ou c ample > ". Des rites eux-mêmes marquent les différences : des hommages simples sont faits debout, tandis qu'un agenouillement accentue, dans certains hommages liges, le caractère de la dépendance 48 • 44. N° 662, GANSHOF, Qu'est-ce que la féodalité ? p. 138. 45. F. LIEBERMANN, Die Gesetze der Angelsachsen, I, 43, 6 ; 82, 5 ... 46. N° 713, MrrrEIS, Lehnrecht, p. 565-566. 47. La terminologie de cet hommage, la distinction établie entre lui et l'hommage lige, les dissertations sur leur nature respective ne sont guère antérieures au XIII• siècle. A l'âge suivant, les Assises de Romanie ont défini le statut des vassaux liges et celui des non-liges. Article 20 de l'édition RECOURA (n° 942) : c Messire le Prince, ou un autre, quel qu'il soit, ne peut céder l'hommage lige... contre la volonté de l'homme lige. Mais, avec le consentement de celui-ci, il peut le faire. > Quant à l'hommage plane le prince peut c le donner selon son bon plaisir >. - Voir aussi les art. 68 et 72 (Documents, n° 60, 6°). D'autres règlements distinguent entre les qualités lige ou non-lige des intéressés (art. 30, 31, 34, etc.). 48. En 1304, un chevalier fait à l'archevêque de Bordeaux c homagium planum, junctis manibus et stando, prout in talibus homagiis moris existit > (n° 366, BOUTRUCBE, La crise d'une société, p. 88, n. 2. - Pour la Morée, Documents, n° 60, 4°).

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••• Aux dires du canoniste Guillaume Durant, le vassal lige s'engage principalement en fonction de sa personne, tandis que le non-lige s'engage en fonction de son fief"· Vue prof onde, mais interprétation de théoricien plutôt que d'un homme de la pratique. Dès 1184, un vassal est c deux fois lige > du comte de Hainaut parce qu'il tient de lui deux fiefs liges"· Frappée des mêmes faiblesses que les serments vassaliques du premier âge, l'auréole de la ligesse a pâli. Si des hommages simples foisonnent au déclin du Moyen Age et à l'ère moderne, cet étage de la vassalité est écrasé par l'étage supérieur. Par volonté de puissance, gloriole ou précaution, des rois, des princes territoriaux, des personnages de petit acabit demandent l'hommage lige à des subordonnés dont ils sont chacun l'unique seigneur et à des alleu tiers qui entrent dans leur dépendance 111 • La ligesse a connu plus grave mésaventure que cette atténuation de son caractère préférentiel. Très vite, elle s'est lassée d'être seule. Avant que le XI' siècle n'edt achevé sa course, des vassaux la rendaient à plusieurs personnes O : 49. Speculum juris, éd. de Francfort, 1592, livre IV, se partie, p. 310, art. 33 : c Homo ligius principaliter se adstringit gratia personae suae, licet a li qua res, quae vocatur f eudum ligium, gratia remunerationis interveniat ... Homo autem meus non ligius non ... adstringit personam suam, nisi ratione feudi > (et Documents, n° 46, F). 50. GISLEBERT DE MoNs, Chronicon Hanoniense, 1068-1195 (éd. VANDERKINDERE, Bruxelles, 1904, p. 169). En Hainaut encore apparaissent, au XIII• siècle, des hommages c semi-liges > pour des tenures chargées de services réduits : tenures qui deviennent liges et susceptibles de f oumir un plein service lorsque le maître leur adjoint de nouvelles terres (n° 638, DIDIER, Le Hainaut, p. 35 et 75). 51. Par ce moyen, les ducs de Bourgogne ont essayé de ressaisir sur les châtelains, vers la fin du XII• siècle, les pouvoirs que leurs prédécesseurs avaient détenus en tant qu'héritiers des fonctionnaires carolingiens (n° 737, RICHARD, Les ducs de Bourgogne, p. 134-135). 52. Dans leur première rédaction, les Usages de Barcelone le démontrent. Art. 36 : c Nul ne doit prêter la ligesse à plus d'un seigneur, à moins que le seigneur dont il a été d'abord le lige ne l'ait autorisé à le faire > (Nullus debet facere solidanciam nisi ad unum solum seniorem. nisi concesserit ei senior, cuius primum solidus fuerit) (Documents, n° 53, art. 36).

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usage qu'expliquent l'affaiblissement des serments, le désir de cumuler des fiefs, les orgueils seigneuriaux ... La France et la Basse-Lotharingie ont montré une telle hâte que le ver était peut-être dans le fruit dès les origines 158 • L'Angleterre s'abandonna peu après 1150 1\ Dans le même temps, l' Allemagne et l'Orient latin suivirent ss. En dépit des théoriciens du pouvoir royal, les so.Qverains furent submergés par le déferlement des ligesses. Revigorée pendant plusieurs générations, la portée des engagements personnels a fléchi sans retour. Jadis, la pluralité des hommages avait sauvé la féodalité en élargissant ses assises économiques. L'échec des tentatives pour établir une hiérarchie rigoureuse entre les liens de dépendance réduisit le rôle du système comme instrument du pouvoir. On a essayé de maintenir son efficacité en appelant la réserve de fidélité à la rescousse 58 • Elle a d'abord agi exclu53. En Bourgogne, il est vrai, l'hommage lige n'a pu être rendu à plusieurs seigneurs que vers la fin du XII• siècle. Ensuite, on fit bonne mesure. Le sire de Noyers reçoit d'Eudes III, en 1209, un fief contre la ligesse. En 1222, et sous J,"éserve de fidélité au duc, il prête le même hommage à la comte&Se de Nevers. En 1229, il avait neuf seigneurs liges, auxquels il ré's-enra la fidélité lorsqu'il devint l'homme lige d'un dixième, le comte de Champagne. La course aux fiefs n'était pas seule en cause. Le dixtème. serm·ent était un hommage de paix (n° 737, RICHARD, Les ducs de Bou.rgogne, p. 267, 268 et n. 1). 54. GLANVILLE affirme que le vassal ne doit l'hommage lige qu'au seigneur dont il tient son fief principal (Documents, n° 57). La théorie retarde. Un siècle après, le problème des ligesses multiples fut posé par G. DURANT, Speculum juris, éd. de 1592, livre IV, De feudis, p. 305, art. 4 ; p. 399, art. 23, 24, 26 ... (Documents, n° 46, F.). 55. Sur la principauté d'Antioche, n° 916. CAHEN, ouvr. cité, p. 528. 56. Documents, n°' 31, 35, 46, F, 48, 10°, 58, A, 59, 2°. - Influencés sans doute par les Constitutiones f eudorum du royaume d'Italie (Document, n° 52, C, 3°), des théoriciens du XUI• siècle ont représenté cet usage comme une « nouvelle forme de fidélité >. Elle signifiait que la foi due à l'empereur passait avant les autres. L'expression fut ensuite étendue ft des rois et à des seigneurs privés. En 1283, un damoiseau forézien qui vient d'hériter et qui se trouve un peu perdu parmi ses nouveaux maîtres c fait hommage, avant tout seigneur>, au prévôt de Fourvière. De plus, il promet c: fidelitatem servare et ea facere que continentur in nova forma fidelUatis >. S'il est prouvé, après enquête, qu'il était déjà vassal du comte de Forez et du seigneur de Jarez, il demeurera quand même le subordonné du prévôt de Fourvière (Chartes

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sivement en faveur du premier seigneur lige 67 • Puis celte haute digue s'est affaissée lorsque les maîtres d'Yn vassal ont exigé la même sauvegarde. Les contemporains sont retombés dans le cercle vicieux où seigneurs et vassaux s'étaient jadis confrontés. Ne disons pas que la réserve de fidélité est devenue inutile u. Mais, dans les rapports vassa-

du Forez, V, n° 695). - Sur cette question, n° 739, RICHARDOT, c Francsfiefs >, dans Rev. histo1·. de Droit fr. et étranger, 1949, p. 231-234. 57. La Coutume est inscrite, au XIVe siècle, dans les Assises de Romanie : c Le lige d'un seigneur peut prêter hommage et ligesse à un autre seigneur en sauvant la première ligesse... S'il ne la sauve pas, il perd la terre de cette ligesse > (n° 942, éd. RECOURA, art. 63). 58. Dans un traité de 1103 (ou de 1101) entre Robert Il, comte de Flandre, et le roi d'Angleterre Henri 1er, le comte se lie par l'hommage au roi contre une rente annuelle, en fief, de c 400 livres de deniers anglais >, qui lui permettra de sonner le rappel de ses subordonnés et des volontaires appâtés par une solde. Sur sa c semonce >, il lui enverra mille chevaliers pour ses opérations en Angleterre, en Normandie ou dans le Maine. Mille chevaliers ! C'était un effectif supérieur à l'ost que le roi de Jérusalem rassemblait vers 1170. (Livre de Jean d'IBELIN, chap. 271, dans Historiens des Croisades, Lois, 1, 422-426). Le comte de Flandre étant déjà vassal de Philippe 1er, le traité réservait la fidélité à celui-ci. Robert aidera Henri en Normandie ou dans le Maine aussi longtemps que le roi de France ne lui en fera pas l'interdiction après jugement prononcé par les pairs du comte. Si Philippe 1er veut envahir l'Angleterre, le comte cherchera, par tous les moyens, c à le faire rester >. S'il n'y parvient pas et si Philippe emmène le comte avec lui, ce dernier réunira c le plus petit nombre possible d'hommes d'armes >. Si le roi de France pénètre en Normandie, le comte le servira avec vingt chevaliers. Le gros de son contingent continuera à combattre dans l'armée d'Henri. Ainsi seront remplis ses engagements (F. VERCAUTEREN, Actes des comtes de Flandre, 1071-1128, n° 30, p. 88-95 ; Documents, n° 35). En 1192, dans son hommage lige au duc de Louvain, Englebert d'Enghien, déjà vassal du comte de Hainaut, s'engage à n'assister aucun d'eux, s'ils se combattent (GISLEBERT DE MoNs, Chronicon Hanoniense, éd. VANDERKINDERE, p. 279). En 1234, le seigneur de Beaujeu promet aide et conseil au comte de Forez sauf contre le roi de France, l'archevêque de Lyon, le comte de Champagne et Archimbaud de Bourbon. Dix ans plus tard, le comte de Forez fait hommage lige au seigneur de Bourbon pour des terres qui lui viennent de la dot de sa mère. Il réserve la fidélité à l'archevêque de Lyon, au roi de France et à l'évêque de Clermont (Chartes du Forez, XI, n°• 1059 et 1067). - Ci-dessous, p. 213-215.

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liques entre personnes privées, elle fut souvent incapable de donner les résultats escomptés ... On n'a pas trouvé mieux.

E. L'HOMMAGE DANS LES SOCIÉTÉS RURALES

- La subordination que l'hommage entraîne dans les couches supérieures du monde médiéval n'a rien de c vil > malgré les analogies relevées par les contemporains entre le servage et la vassalité. Homo et vassus, on s'en souvient, étafent des termes troubles. Des hommages furent le point de départ d'une sub jectio, d'une servitudo qui appellent de dangereux rapprochements avec la terminologie du servage 111. Des sociétés sont allées plus loin. Elles ont introduit l'hommage dans les milieux ruraux. La Guyenne, le Languedoc, le Chablais, le Sénonais, la Normandie et le Nord de la France offrent des scènes étonnantes. En 1384, Pierre Dumoulin, d'lzon en Bordelais, qui venait d'être c muté dans un des autres lieux serviles de la seigneurie >, se reconnaît c serf de corps et de biens > du seigneur d' Anglades, c comme l'ont été ses ancêtres >. Il s'agenouille devant son maître, c mains jointes et sans capuchon, puis le baise comme son seigneur réel >. Il déclare c sur le saint Evangile de Dieu, corporellement touché, qu'il n'interviendra pas, ni ne fera intervenir, contre la présente charte •0 >. 59. D'après G. DURANT : c Haec homagia aliquam speciem habent servitutis > (Speculum juris, livre IV, De feudis). Le même auteur parle de la c servitutem homagii >. 60. Archives historiques de la Gironde, 1, 74: (cf. n° 366, BouTRUCBE, Crise d'une société, p. 105, n. 4:) ; n° 539, PETOT, c L'hommage servile > (Rev. histor. de Droit fr. et étranger, 1927, p. 72-74:) ; n° 719, NAVEL, Institutions féodales en Normandie, chap. m (hommages rendus par des roturiers à d'autres roturiers) ; n° 524:, ÛURLIAC, L'hommage servile dans la région toulousaine. Un des actes cités par ce dernier auteur est fort net : c Cum nos tris manibus junctis inter vestris manibus mi sis, ego Poncins de Sent Lo et ego Raimonda, uxor ejus, f acimus hominium > (dans Mélanges Halphen, p. 552, n. 3 : 1209). Des serfs, enfin, nous l'avons dit, juraient fidélité.

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Ces rites engagent également des hommes libres qui entrent en servitude, ou qui y retombent. Le servage étant héréditaire, ils n'ont pas besoin d'être renouvelés, sauf c à changement de seigneur > ou sur demande expresse du maître. Tandis que certains sont exclusivement personnels, d'autres suivent l'installation sur une terre servile et revêtent un caractère réel ; les derniers ont cette double qualité. Autant de survivances locales de coutumes dont l'origine n'est pas venue jusqu'à nous. Plus nombreux sont les hommages et les fidélités des roturiers libres. Nous en retiendrons un exemple tardif. Le 18 septembre 1428, le nouvel abbé de Sainte-Croix de Bordeaux convoque trente et un « bourgeois, habitants et chefs de maison > de Macau dans l'église du lieu. Il leur promet d'être c un bon seigneur >, de maintenir c leurs fors, us, coutumes et libertés >. Ensuite, les habitants, c l'un après l'autre, ont prêté hommage et serment de fidélité, à genoux, mains jointes, sans capuchon, sans cotte, sans ceinture. Puis, tenant leurs mains sur les saints évangiles de Dieu >, ils ont juré d'être c bons, loyaux et obéissants sujets. Et ils l'ont baisé sur la bouche en signe de fidélité et d'amour, comme leur seigneur naturel 91 • > Pour les serfs, comme pour les paysans libres, le manteau vassalique n'implique nullement les obligations de la vassalité. Quel sens a-t-il? On peut voir en lui un héritage des serments auxquels des collectivités villageoises se résignaient lorsqu'elles étaient serviles, ou une survivance des rites qui leur furent dictés dans l'acte d'affranchissement. Dans la première hypothèse, l'hommage servile remonterait aussi haut que l'hommage vassalique 82 • Dans la seconde, il y aurait une imitation tardive des gestes de la vassalité. 61. N° 366, BoUTRUCHE, Crise d'une société, p. 450-451. - Des textes de 1376, 1455 et 1462 citent de semblables serments (ibid., p. 113, n. 2). - En Beauvaisis, par contre, des c hommes de pôté > juraient uniquement la foi, ft\t-ce pour des fiefs authentiques (BBAUMANOIR, éd. SALMON, art. 1505). 62. Soutenue par PETOT (art. cité sur L'hommage servile), adoptée, avec des nuances, par :M. Bloch, la théorie a été vigoureusement combattue par Lot et par Ganshof.

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De tels actes, en effet, ne sont pas attestés avant le il paraît étrange que cette confusion soit née à une époque où les hiérarchies sociales se fixaient, nous inclinons à voir dans les deux hommages des aspects anciens et parallèles d'une subordination qui représentait deux formes, l'une élevée, l'autre basse, de la commendise.

xn• siècle. Comme

F. SEIGNEURS ET YASSAUX

1. Vassalité et fief.

Revenons à la société féodale et mettons en présence les seigneurs et leurs dépendants. Qu'espèrent-ils les uns des autres ? En termes voilés dans les chartes privées, fracassants chez les chroniqueurs ou les poètes, des témoignages Je disent. Entre des puissants, la vassalité n'a pas la même portée qu'entre des seigneurs de haut rang et de petits personnages. Quelle que soit, cependant, la qualité des individus, des missions lui sont confiées : mettre fin à des animosités, prévenir ou clore des « conspirations >, autoriser des relations de bon voisinage, conclure un pacte d'amitié ... « Le cœur d'un homme vaut tout l'or d'un pays 81 >. Au supérieur, la vassalité assure des services honorables et au subordonné des avantages matériels que le lignage est impuissant à lui procurer 64. Dans la Chanson de Roland, le trait revêt un tour poétique. « Beau sire roi, dit le neveu de Marsile, je vous ai si longuement servi ! J'ai reçu pour tout salaire des peines et des tourments. Tant de batailles livrées et gagnées ! Donnez-moi un fief : le don de frapper contre Roland Je premier coup 65 ••• > « Tes affaires ont pros63. GARIN LE LORRAIN, cité par FLACH, n° 34, Les origines de l'ancienne France, II, 517. 64. A moins qu'elle ne combine ses effets avec le sien pour empêcher le démembrement des fortunes (ci-dessous p. 237 et suiv. ; n° 366. ROUTRUCHE, Crise d'une société, p. il89, n. 1). 65. Ed. BÉDIER, strophe 69.

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péré tant que tu as suivi mes conseils, déclare Hugues le Grand au roi Louis IV. Que la cordialité renaisse et, avec moi, elle ramènera à ton service tous les autres. Et puisque, après avoir été fait roi par moi, tu ne m'as rien donné, concède du moins Laon à celui qui s'offre à te servir. Ce sera aussi un moyen de conserver ma fidélité. » Ou encore : le roi de France Lothaire c autorisa ses fidèles à rentrer chez eux. Il montra tant de générosité à leur égard que ceux-ci lui promirent de revenir, s'il l'exigeait, de recommencer la route 641 • > L'accent est plus cynique, deux siècles après, chez un vavasseur enrichi par la guerre : le célèbre troubadour limousin Bertrand de Born. On pense de lui ce que le poète gascon Marcabru disait de l'un de ses héros : il avait la « langue plus affilée qu'un bec de milan 87 ». La légende veut qu'il ait semé la haine c entre le père et les fils, comme entre les frères >. Pour son châtiment, il apparaît dans l'Enfer de Dante tenant sa propre tête dans sa main tendue"· En 1183, il propose ses services à Richard Cœur-deLion, comte de Poitou : c Si le comte sait bien me traiter, s'il ne se 11!9Ptre pas avare, je pourrai l'aider grandement dans ses affaires. Je lui serai fidèle comme l'argent, soumis et dévoué. Que le comte se conduise comme la mer. Quand il y tombe quelque chose de précieux, elle le garde avec elle. Ce qui lui paraît sans valeur, elle le rejette sur le sable•. > Des subordonnés n'ont obtenu aucune terre, aucun office, aucune rente. C'est pourquoi nous connaissons mal 66. RICHER, Histoire de France (éd. LATOUCHE, 1, 211 (946) ; Il, 131 (985), dans Les Classiques de l'histoire de France au Moyen Age. Paris, 1930-1937. 67. N° 683, HoEPPPNER, Les troubadours, p. 32. 68. ID., p. 107. 69. C.· APPEL, Die Lieder Bertrans von Born, Halle, 1932, p. 44, strophe 4. Dans la Chanson de Guillaume d'Orange, de c légers bagelers > entourent le héros du poème lorsqu'il revient de la guerre. Ils l'abandonnent ensuite quand ils apprennent qu'il a été défait et qu.,il ne leur apporte pas les « dons > espérés (éd. DUNCAN McMILLAS : les vers 2 475 et suiv.).

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les cadets de f ami lies nombreuses et les membres des basses couches de la société féodale : agents de cour ou d'administration, « chevaliers du château >, foule flottante de vassaux domestiques mêlés aux serviteurs non-libres de la f amilia. Ils composaient la garde du puissant, portaient ses messages, le suivaient dans ses déplacements et participaient à ses coups de main '°· Dans Raoul de Cambrai, admirable poème dont les principaux thèmes et l'action sont ·dictés par les devoirs, quelquefois contraires, ici, de la vassalité et du lignage, une figure se détache : celle de Bernier. Du même âge que Raoul et élevé dans la maison de son père, il a été armé chevalier par son camarade ; il est devenu son homme. Bien qu'il soit de bonne naissance, il reste un « nourri > et s'en contente. Ne reçoit-il pas c chevaux, draps, harnachements n >. Ce fidèle, ce valet d'armes sert Raoul à table. Il se « divertit > avec lui, porte son arc, combat à ses côtés, bénéficie de présents qui entretiennent une amitié fragile et finalement condamnée par les violences du maître"· Au sein de la vassalité domestique et chez les petits vassaux fieffés qui devaient tout à leur supérieur, des serments ont conservé leur force pendant le deuxième âge féodal 18• Ailleurs, le fief a provoqué une lente mutation dans les relations des seigneurs avec leurs dépendants et déteint 70. Ch. V. LANGLOIS, La vie en France, 1, 79. 71. Raoul de Cambrai, Chanson de geste (éd. MEYER et LONGNON les vers 1381-1383. Paris, 1882). 72. Inversement, un autre personnage de la même Chanson, Gibouin, n'a pas vocation de c nourri >. Il voudrait de Louis le Pieux un fief en récompense de ses services : é Je t'ai servi a mon branc vienois. « N'i ai conquis vaillant .1. estampois. c Or m'en irai sor mon destrier norois « Asez plus pauvre que je n'i vig ançois. « S'en parleront Alemont et Tiois, « Et Borguignon, et Normant, et François. « De mon service n'ai qi vaile .1. tornois »... 73. N° 610, BLOCH, La société féodale, I, 365.

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sur les liens familiaux. La situation présente des recherches régionales rend difficile la chronologie de l'événement. On le décèle dès la seconde moitié du IX• siècle dans les contrées de vieille féodalisation, puis, avec des décalages sensibles, dans l'ancien monde franc, les Etats normands et l'Orient latin. Quels furent les rapports entre l'élément personnel et l'élément réel ? Pour conserver ou attirer des vassaux, le meilleur moyen est de leur inféoder des biens". Jadis, la récompense suivait les services. Souvent, désormais, elle les précède. Des fiefs sont la condition et la raison d'être des dévouements personnels 75 , Leur miroitement mène aux vassalités multiples et à la ligesse. C'est pour un fief déterminé que les engagements sont pris, alors qu'aux origines ils étaient impliqués par les sèrments eux-mêmes. Le vassal manque-t-il à remplir ses obligations? La faute est sanctionnée par des représailles dont les biens c tenus > et sa personne sont les victimes. Le vocabulaire et les commentateurs ont interprété ces faits. Quoi de plus caractéristique que l'expression c homme féodal >, c homme de fief >, tombée sous la plume de quelques scribes du XI• siècle Ts ? Quoi de plus répandu que les mots c feudataire >, ou c tenant >. En 1020, Fulbert de Chartres engage le vassal à remplir ses devoirs c s'il veut se montrer digne de son bénéfice TT >. Selon Beaumanoir, c Cil ne garde pas bien sa foi vers son seigneur qui desaveue 74. Des seigneurs qui ne disposaient d'aucune tenure et qui répugnaient à amputer leur domaine promettaient le premier fief vacant au subordonné tard venu, ou lui inféodaient un bien détenu par un tiers à titre temporaire ou viager. Le vassal en prenait possession lorsqu'il devenait disponible. 75. Des théoriciens des XII• et XIII• siècles ont prétendu, avec exagération, que les serments devaient être accompagnés de l'octroi d'un fief sous peine d'être réputés nuls (n° 675, GUILHIERMOZ, La noblesse en France, p. 238, n. 7), 76. c Pierre, chevalier du roi Guillaume, devient l'homme féodal de saint Edmond et de l'abbé Baudouin par la jonction des mains > (DouGLAs, c A charter of enfeoffment under William the Conqueror >, d1ms The English Historical Review, 1927, p. 247). 77. Recueil des historiens de, Gaules et de la France, X, 463.

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ce qui doit tenir de li et l'aveue a tenir d'autrui ;s. > Bracton met en relief l'expression : c Je deviens votre homme pour le tènement que je dois tenir de vous > et rappelle qu'il faut considérer la qualité et l'importance de la tenure 79 • Guillaume Durant préconise une formule dans l'énoncé des engagements vassaliques : c Je promets cela parce que tu nous as octroyé telle concession à moi et à mes héritiers, aussi longtemps que nous resterons sous ton pouvoir, et en outre parce que tu m'as promis de me défendre, moi et mes biens, contre tout homme 80• > Jean d'lbelin écrit : c Quant home ... fait homage au chief seignor dou reiaume, il deit. .. dire li : Sire, je deviens vostre home lige de tel fié, et dire quel fié il est por quei il fait l' omage 11 • > Le vassal reçoit-il plusieurs fiefs du même seigneur ? Il rend autant d'hommages, à moins que le supérieur n'accepte un serment pour l'ensemble 12 • Le subordonné aliène-t-il ses tenures? En Allemagne et en Italie notamment, on admet que ses engagements prennent fin. Les vassaux du premier âge féodal ne vivaient pas de l'air du temps. Mais le facteur individuel a pâli sous l'action de mentalités qui avaient moins de considération pour le maître que pour le bien matériel attendu. N'en faisons pas un drame : le régime a duré parce qu'il s'est modifié.

78. Coutumes de Beauvaisis, éd. SALMON, n° 1418. 79. De legibus Angliae (éd. WooDBINE, II, 232 et 233 ; Documents, n° 58, A). Les Assises de Romanie renchérissent (n° 942, éd. RECOURA, art. 29 et 65) : si le fief est diminué par la guerre, les services sont réduits en proportion. Si le vassal c le perd en entier, son seigneur est tenu de lui venir en aide. Sinon, l~ feudataire n'est astreint à aucun service >. L'époque carolingienne n'est pas chiche de pareilles démonstrations. 80. Speculum juris, livre IV, De f eudis, p. 307, art. 12 (Documents, n° 46, E). 81. Chap. 195, dans Historiens des Croisades, Lois, 1, 313 (Documents, n° 59, 2°, a). 82. N° 520, OLIVIER-MARTIN, La Coutume de Paris, p. 269.

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2. Les devoirs vassaliques. a).

Documents.

Qu'elle réponde à la demande du subordonné, ou qu'elle vienne d'une sollicitation seigneuriale, l'entrée en dépendance contraint le fidèle à des obligations astreignantes lorsqu'elles sont pleinement exigées et scrupuleusement respectées. Assez vagues pendant le haut Moyen Age, et exposées à l'arbitraire du maître ou aux dérobades du vassal, elles ont suscité des dissertations juridiques et le développement de thèmes moraux ou sentimentaux. Les premiers pas vers la clarté furent accomplis dans la moitié Nord de la France, la Basse-Lotharingie, l' Allemagne de l'Ouest et du Sud, le Nord du royaume d'Italie, la Catalogne. La France méridionale, l'Allemagne du Nord et de l'Est, les pays conquis par les hommes d'Occident ont clos la marche. Liés à la progression des liens de dépendance, les devoirs ne sont pas devenus c classiques > avant le XIe ou le xn· siècle. Leur air de famille dénote au sein des groupes féodaux une solidarité qui perce sous les disparités locales, accentuées par la structure des principautés et par l'action inégale des chefs territoriaux sur leurs hommes. Les documents sont variés, abondants. Dans les sources narratives, les Chansons de geste, les poèmes des troubadours, les romans courtois, l'imagination, l'anachronisme, les lieux communs ont libre cours. Parfois, l'obscurité règne en maîtresse : « Je le considère comme savant, avoue le poète gascon Marcabru, celui qui, dans mon chant, devine ce que chaque mot veut dire 83 >. Ces œuvres sont le reflet des états d'âme entretenus par un monde que la vie collective attire autant que les prouesses individuelles. Couverts de plaies et de bosses, et cependant d'une force et d'une vitalité redoutables, prompts à la ruse, à la moquerie et à la truculence, les chevaliers aimaient les récits contés lors 83. N° 683,

HoEPFFNER,

Les troubadours, p. 46.

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des longues veillées, sur les places de village, ou aux étapes des pèlerinages. Si les devoirs vassaliques occupent un rang honorable dans le cycle de Guillaume d'Orange, dans Garin le Lorrain, Girart de Roussillon, Raoul de Cam.brai, Renaud de Montauban, Ogier le Danois ..., une grande dame, la Chanson de Roland leur consacre des propos rebattus "· Bien qu'elles n'aient pas toujours été suivies d'effet, nous ferons leur part à des dispositions émanées du pouvoir - statuts, assises, ordonnances, constitutions ... - Elles marquent la reprise d'une activité législative qui fut sensible en Italie normande depuis Roger II, en Angleterre et dans ses dépendances continentales depuis Henri II, dans l'Empire à partir de la monarchie souabe, alors qu'en France elle demeura sporadique jusqu'au XIII• siècle. N'ayons garde, enfin, d'oublier les actes de la pratique, ni les c Coutumiers > : compilations d'usages et traités de droit"· 84. c Serai ses hom par amur e par f eid > (éd. BÉDIER, le vers 86). Ou encore : · c Pur sun seignor deit hum susfrir destreiz, c E endurer e grans chalz e granz freiz, c Sin deit hom perdre e del quir e del peil > (ibid., les vers 1010-1012). L'expression est plus touchante dans un passage de la Chanson d' Aspremont : c A mon signor ai tot mon cuer tomé (n° 34, FLACH, Les origines de l'ancienne France, II, 526, n. 3). Sur les Chansons de geste, travaux récents de J. FRAPPJER, P. LE GENTIL, R. LOUIS ... 85. Nous citerons, entre autres, les Usages de Barcelone, dont les plus anciennes rédactions remontent soit au dernier tiers du XI• siècle, soit au milieu du XII• (éd. d'ABADAL et V.ULS TABERNER, Teztes de dret català, 1, Usatges de Barcelona, Barcelone, 1913) ; BROCA, Historia del derecho de Cataluiia, 1, 117-216, Barcelone, 1918 ; VALLS TABERNER, El problema de la formacid dels Usatges de Barcelona, Barcelone, 1929 ; E. WoHLHAUPTER, c Usatici Barchinonae > (Altspanisch-Gotische Rechte, dans Germanenrechte, XII, 178 et suiv. Weimar, 1936) ; vers 1115-1120, le Coutumier anglo-normand désigné sous le nom de Lois d'Henri Jn (éd. F. LIEBERMANN, Die Gesetze der Angelsachsen, 1, Halle, 1903) ; les c Consuetudines feudorum > (ou c Libri feudorum >), compilation rédigée vers le milieu du XII• siècle dans le royaume d'Italie (éd. K. LEHMANN, Das Langobardische Lehnrecht, Gôttingen, 1896) ; à l'époque d'Henri II probablement, le De legibus et consuetudinibus regni Angliae, attribué au juriste, justicier et juge itinérant Ranuphle de GLANVILLE (éd. G.E. WOODBINE, New Haven, 1932) (cf.

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Leurs auteurs commentent les règles juridiques, les ramassent dans un système où le passé se mêle au présent et qui demeure en partie une vue de l'esprit, une intention, ou un espoir. Des historiens leur font chiche mesure. Défaveur injustifiée ! Combinés avec d'autres sources, les Coutumiers permettent de saisir la société féodale à un stade relativement avancé de son évolution. b)

Le compagnon, le proche, l'ami charnel.

Aux dires de témoignages qui exaltent un idéal, le fidèle est un « compagnon >, un « pr1Jche >, un « ami charnel > 16• En plusieurs circonstances, la foi jurée passe avant les liens du sang, car elle a une valeur religieuse. « Contre tous, le vassal doit aider son seigneur : même contre son G.D.G. HALL, The treatise on the laws and customs of the realm of England commonlg called Glanvill. Londres et Edimbourg, 1965) ; le Dialogue de ['Echiquier (éd. J. JOHNSON, Londres, 1950) ; entre 1215 et 1225, le Sachsenspiegel, ou Miroir des Saxons, dtl à Eike von REPGOW (K.A. EcKHARDT, dernière éd., Hanovre, 1966) ; peu après le milieu du XIII• siècle, le De legibus et consuetudinibus Angliae, du jurisconsulte anglais Henry de BRACTON (éd. G.E. WoooBINE, Il, New Haven, 1922) ; le Grand Coutumier de Normandie, postérieur d'un demisiècle au Très ancien Coutumier de Normandie (éd. J. TARDIF, Rouen et Paris, 1881-1896, 2 vol.) ; le Livre de Jostice et de Plet (éd. RAPETTI, 1850, dans Coll. des Documents inédits) ; les Etablissements de saint Louis, qui sont en réalité un traité rédigé dans l'Ouest de la France (éd. P. VIOLLET, Soc. de l'hist. de France, Paris, 1881, ,4. vol.) ; le Speculum juris Oivre IV, De feudis), écrit vers 1271-1276 par Guillaume DURANT (éd. principales : Lyon, 1532, 1538, 1547 ; Francfort, 1592) ; les Coutumes de Beauvaisis, rédigées vers 1283 par Philippe de BEAUMANOIR (éd. SALMON, Paris, 1899-1900, 2 vol.) ; le Schwabenspiegel, ou Miroir des Souabes, terminé vers 1275 (éd. K.A. EcKHARDT, Hanovre, 1961-1962, 2 vol.). Pour le royaume de Jérusalem, on consultera : Livre au roi, Livre de Philippe de NOVARE, Livre de Jean d'IBELIN (Assisses de Jérusalem, dans Recueil des historiens des Croisades, éd. BEUGNOT, Lois, 1, Paris, 1841). Pour la Morée, Assises de Romanie, rédigées pendant le premier quart du XIV• siècle (éd. RBCOURA, n° 942). 86. Raoul de Cambrai, Chanson de geste (éd. MEYER et LoNGNON, le vers 8258 : c Dor en avant charnel amis serons >). Sur ces liens, n° 610, BLOCH, La société féodale, 1, 191-195 ; J. M. TuRLAN, Amis et

amis charnels d'après les actes du Parlement au XIV• siècle (Rev. histor. de Droit fr. et étr., 1969, p. 645-698).

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frère, contre son fils, contre son père, mais non pas contre un autre seigneur plus ancien, car celui-ci doit être préféré aux autres" >. Elle vaut contre le roi avant l'institution en sa faveur de la réserve de fidélité ou du serment général d'obédience. En 991, les hommes de la garnison de Melun, faits prisonniers par Huges Capet, furent relâchés c car au lieu de leur reprocher un crime de lèse-majesté on devait reconnaître qu'ils avaient été fidèles à leur seigneur >, le châtelain de la place de Melun 118 • L'union est si étroite entre le maître et c les siens > que ces derniers engagent leurs biens, leur personne et leur vie pour lui venir en aide. s: il contracte une dette, s'il est fait prisonnier et soumis à rançon, ils hypothèquent des terres au bénéfice de la partie adverse, lui laissent des revenus, c se mettent en otages >. Au cours de colloques, ils se battent contre des hommes qui ont offensé le seigneur 19 • Ces cautions promises sous serment, ce rôle de fidéjusseur, ce service de c plègerie > pullulent dans le monde féodal 90• Ne devançons pas davantage l'appel. Parmi les obligations vassaliques, il est opportun de placer en tête les devoirs généraux qui sont imposés par des serments prêtés c d'un cœur pur et sans mauvais dessein > : c révérer > le seigneur et lui obéir; ne pas l'abandonner sans raison grave, ni lui porter préjudice, car « il est criminel de se 87. Consuetudines f eudorum, éd. LBBMANN, Das Langobardi,che Lehnrecht, p. 159, art. 4 : c Contra omnes debet vasallus dominum adjuvare, etiam contra fratrem, et filium, et patrem, nisi contra alium dominum antiquiorem, hic enim ceteris est praeferendus. > 88. RlcBER, c Histoire de France > (éd. LATOUCHE, Il, 273, dans Cla,siques de l'histoire de France au Mouen Age). 89. Pour d'autres cas, BEAUMANOIR, Coutumes de Beauvaisis, éd. SALMON, n 09 1709 et suiv. ; 1794 et suiv. 90. Livre de Jean d'IBELIN, chap. 196, dans Historiens des Croisades, Lois, 1, 315-316 : c L'om deit entrer en ostage por son seignor geter de prison >, ou c por dette ou en plegerie > (et chapitres 117 à 130). D'après l'art. 15 des Assises de Romanie, n° 942, éd. REcomu., et Documents, n° 60, 1° : c Quand Messire le Prince a été pris par les ennemis..., ledit seigneur... peut, pour son rachat, mettre certains de ses hommes liges en otages jusqu'à ce que soient recueillis les deniers. > Ensuite, il « est tenu de tirer ces liges de prison, ou de donner d'autres otages à leur place aux ennemis >.

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dresser contre lui 91 >. Il importe donc de respecter et de protéger sa vie, son honneur et ses biens, de ne pas divulguer ses intentions, de lui faire connaître les menaces qui pèsent sur lui. Enumérées en 1020 par l'évêque de Chartres Fulbert, ces recommandations étaient sans doute aussi vieilles que la vassalité". Elles furent reprises à l'envi. Un humble document de 1182 relate des « transactions et concordes > entre l'abbé de Saint-Victor de Marseille et plusieurs chevaliers qui « lui ont juré de protéger sa vie et ses membres, comme les autres chevaliers feudataires le jurent à leurs seigneurs• >. Même écho dans les écrits des doctrinaires : Glanville, Durant, Bracton... Ce dernier fait dire au vassal : c Je te porterai ma foi quant à ta vie et à tes membres, à ton corps, à tes biens et à ton honneur terrestre". > Même écho chez des narrateurs qui paraphrasent ou diluent ces prescriptions. Nous lisons dans la Chanson de la Croisade albigeoise, écrite au XIII• siècle : « Le droit que sa seigneurie donne au seigneur est que son vassal ne l'attaque jamais le premier 15 >. Accentué, au besoin, par une promesse de c sécurité" >, qui s'ajoutait à la foi ou se confondait avec elle, cet engagement aurait dli aller de 91. RlcBER, c Histoire de France, 888-995 > (éd. et trad. LATOUCBB, 1, 83, dans Les Classiques de l'histoire de France au Mouen Age. Paris, 1930). 92. Recueil des historiens des Gaules et de la France, X, 463 (cf. notre t. 1, Documents, p. 405-406). 93. Cartulaire de l'abbaye de Saint-Victor de Marseille (éd. B. GUÉRARD, 1, n° 223, Paris, 1857. - Voir encore, parmi des milliers de textes, le Cartulaire du chapitre Saint-Etienne de Limoges (éd. J. FoNTRÉAULX, dans Bull. de la Soc. archéol. du Limousin, t. LXVIII, 1919, p. 179-180, et un acte de Raymond VII de Toulouse (DEvic et VAISSETE, Histoire de Languedoc, Toulouse, Privat, 1879, VIII, 1008 : année 1237). 94. De legibus Angliae (éd. WooDBINE, Il, 232 ; Documents, n° 58, B). 95. Ed. et trad. MARTIN-CHABOT, II, 253 (dans Les Classiques de l'histoire de France au Moyen Age, Paris, 1957). 96. Recueil des historiens des Gaules et de la France, X, 447 (vers 1007) ; Actes des comtes de Flandre, éd. VERCAUTEREN, n° 30, p. 88 et suiv. (1101, ou 1103). Sur l'assecuratio et les sens du terme en Italie normande, n° 626, CAHEN, ouvr. cité, p. 101-105.

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soi. En des siècles d'inclination à rompre les serments les plus solennels, les contrats s'acharnent à lui donner plein relief. Ne lui attribuons pas une importance si excessive qu'il rejetterait dans l'ombre les véritables raisons d'être de la vassalité. c)

Le service de cour.

Le dépendant doit « garnir la cour > du seigneur, l'aider pécuniairement et militairement 91• Ces obligations furent spécifiées sans relâche. Le seigneur avait intérêt à définir les services espérés, le vassal à obtenir des garanties qui l'autorisaient à servir « selon son pouvoir > ou suivant les accords passés avec le maitre 81 • Le service de cour prend du temps, surtout lorsque le seigneur invite ses dépendants à l'accompagner auprès du roi ou du prince territorial. Il entraîne des dépenses d'autant plus lourdes que des vassaux se déplacent à leurs frais et que pour répondre à leur mission, ou pour accomplir le service de garnison, ils acquièrent une maison proche de la résidence seigneuriale 99 • Des usages ou des contrats l'ont limité à plusieurs convocations annuelles (à Noël, à Pâques, à la Pentecôte ... ) En Italie du Sud et en Terre sainte par exemple, le seigneur appelait les vassaux qui résidaient près du lieu où il tenait ses assises. Aux séances de travail intercalées entre les réunions solennelles, seuls les « familiers > étaient présents. La cour des riches présentait d'ailleurs des agréments. « Les repas, dans le bruit des violes et des 97. Sur les premières mentions du consilium et de l'auxilium, notre t. 1, p. 219-222, et Documents, p. 403-404 ; J. DEVISSE, c: Essai sur l'histoire d'une expression qui a fait fortune : consilium et auxilium au IX8 siècle > (Le Moyen Age, 1968, p. 179-205). 98. Usages de Barcelone (éd. d'ABADAL et VALLS TABERNER, art. 36 ; et nos Documents, n° 53). En 1284, un écuyer s'adresse au duc de Bourgogne : c: Li promet foy et lealté certayne, e lui servir, et garder, et aidier en guerre et en totes autres meneres que l'on est tenuz aidier son segnour contre toutes genz... Et ceste f oy li promet je, sauve la fealté que je doy a l'eglise de Lion > (Chartes du Forez, XII, n° 1185). 99. De grands vassaux du duc de Bourgogne avaient chacun leur hôtel à Dijon (n° 737, RICHARD, Leg ducs de Bourgogne, p. 129-130).

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chants 100 >, les tournois ou les joutes, les parties de chasse, les cadeaux mettaient un baume sur les exigences et tempéraient leur sévérité. Ces c parlements de vassaux >, ces c assemblées >, ces c colloques > maintiennent ou renouent des contacts. Le monde d'alors présente une extraordinaire mosaïque de collectivités dont les chroniqueurs et les poètes détaillent les délibérations, les palabres, les défis homériques. Peu de sociétés ont été aussi bavardes que celles d'un c Moyen Age > où des personnes étaient constamment appelées en témoignage, où le spectacle, la parade, le panache étaient élevés à la hauteur d'une institution. Le devoir de cour eut divers aspects. L'assemblée c pleniere, mirabillose e large > affirme le prestige du maître 101 • Les vassaux ajoutent à l'éclat du sacre royal, du couronnement princier, de l'intronisation de l'évêque ou de l'abbé, des mariages et des fêtes liturgiques. Des affaires plus sérieuses incitent le grand seigneur à rassembler c les plus sages hommes qui la se troverent et en qui il plus se fioit 1• >, à solliciter l'avis de ses c fidèles et amis au nom de la foi qu'ils lui ont prêtée >, à les prier de l'éclairer, de lui épargner un faux pas ou de l'en tirer : aide si impérieuse que des vassaux du comte de Comminges sont dits ses consiliarii 103• Relisons la Chanson de Roland : : c L'empereur s'en est allé sous un pin. Il mande ses barons pour tenir son conseil : en toutes ses voies il veut pour guides ceux de France 1°' >. En 980, le duc Hugues réunit ses subordonnés c selon l'habitude qu'il avait de mettre toutes les affaires en délibération> devant eux. Il les harangue en ces termes : « Je vous estime capables de me conseiller, car je n'ai pas oublié que c'est grâce à votre énergie et à votre intelligence que j'ai si souvent éclipsé mes adversaires. Comme l'enga100. BERTRAND DE BORN (éd. APPEL, Die Lieder, p. 40, strophe 3). 101. ÛGIER LE DANOIS (éd. BARROIS, les vers 3484 et suiv.). 102. Chronique de Morée (n° 925, éd. LONGNON, p. 171 : 1271). 103. N° 821, HmouNET, Le comté de Comminges, 1, 206 et n. 124 (1244). 104. Ed. BÉDIER, strophe 11.

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gement que vous ayez pris à mon égard en plaçant vos mains dans les miennes et en me prêtant serment me permet de ne pas douter que vous me conserverez une foi inviolable, je n'hésite pas à demander conseil à votre fidélité 106 >. Durant ses luttes contre Simon de Montfort, le comte de Toulouse « veut délibérer avec ses amis intimes sur les moyens de défendre la ville 108 >. Lorsque, à Saint-Jeand' Acre en 1250, Louis IX songea au retour en France, il « demanda à ses frères, et aux autres barons, et au comte de Flandre, quel conseil ils lui donneraient : ou de s'en aller, ou de demeurer 107 >. Quand, en 1257, le seigneur d'Athènes, Guillaume de La Roche, refusa de prêter l'hommage au prince de Morée, celui-ci convoqua c tous ses barons, et leur demanda conseil sur cette chose >. Un conflit éclata. Guillaume s'en remit au jugement de saint Louis, qui c fist semonre tous les haulx hommes de France et les plus sages clers qu'il pooit avoir ». Ils répondirent au roi que le prince de Morée ne pouvait pas déshériter un homme qui n'était pas son vassal et qui, en le combattant, avait défendu « sa raison et son honnor 108 >. En 1264, Geoffroy de Caritena abandonne son « seignor lige >, le prince Guillaume, c en la plus chaude guerre que il eust onques >. Il enlève la femme d'un de ses chevaliers : bien entendu « la plus bele dame de tout Romanie >. Attaqué, mis en mauvaise posture, il se repentit, sollicita son pardon. Guillaume se souvint que Geoffroy était son neveu et son homme lige. Il lui rendit « sa terre et tous ses hommages > après que c fu debatue la chose > entre lui-même c et les barons 109 >. Les seigneurs ne tiennent pas que des conseils de famille et des conseils de guerre. S'agit-il d'administrer la seigneurie, la principauté, le royaume ? Désire-t-on élaborer une 105. RICHER, c Histoire de France > (éd. LATOUCHE, II, 103, dans Les Classiques de l'histoire de France au Moyen Age). 106. La Chanson de la Croisade albigeoise (éd. MARTIN-CHABOT, III, 49). 107. JOINVILLE, Histoire de saint Louis (éd. de WAILLY, 1868, p. 150). 108. Chronique de Morée (n° 925, éd. LONGNON, p. 81-82, 89-92). 109. Ibid., p. 154-160.

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Coutume, promulguer des ordonnances, s'entourer de témoins pour les promesses recues ou les engagements pris ? Les subordonnés sont associés à ces tâches. Des actes de la vie privée, rattachés pour la plupart à la c juridiction gracieuse > - expression tardive - , appellent aussi leur présence : authentification, souscription ou rupture de contrats, prestations d'hommages, investitures, aliénations ou retraits de fiefs, constitutions de rentes, de dots, de douaires, affaires concernant les mariages, les héritages, les droits des veuves et des mineurs ...

* ** « L'om a tous jors veu que les riches homs et les puissans, qui ont amis et pevent aYer souvent... grans assamblees d'omes liges en cort, delivrent plus tost et meaus lor quereles 110 • > Des subordonnés composent les cours d'arbitrage ou les tribunaux réguliers qui siègent au civil et au criminel 111 • Des parents, des clercs, des agents locaux, des boni homines, des « savants en droit > s'installent près d'eux 111 • Le subordonné a la possibilité d'être jugé par ses pairs, c'est-à-dire par les hommes de son rang qui dépendent du même seigneur. A tout le moins le tribunal comprend-il quelques vassaux. L'usage est mentionné en 1037 dans un édit de Conrad II 113, en 1215 dans un article de la Grande Charte 11'. ... On le découvre dans l'Orient latin, où les préro110. Li1Jre de Philippe de NOVARE (chap. 7, dans Historiens des Croisades, Lois, 1, 481). 111. Au XIII• siècle, des seigneurs ayant an moins trois vassaux tenaient une cour (n° 939, PRAWER, c La noblesse du royaume latin de Jérusalem >, dans Le Moyen Age, 1959, p. 45). Si les vassaux faisaient défaut, ou s'ils étaient en nombre insuffisant, c le pauvre sire > empruntait quelques hommes à son maître (pour le Beauvaisis, BEAUMANOIR, éd. SALMON, art. 1792-1793, 1884-1885, et Documents, n 08 5, 7) ; pour la Morée, Assises de Romanie (n° 942, éd. RECOURA, art. 146). 112. N° 626, CAHEN, ou1Jr. cité, p. 80 ; n° 548, PLATELLE, La justice seigneuriale de Saint-Amand, p. 184 (en 1272, une cour féodale est composée de neuf hommes de fief et de trois c chrétiens >). 118. Notre t. I, Documents, p. 393, n° 46, art. 2. 114. N° 608 a, BÉMONT, Chartes des libertés anglaises, 1100-1!05 Si le seigneur fait emprisonner son homme c sanz esgart ou sans conoissance de court >, les pairs du vassal doivent le délivrer 115• c Messire le prince ne peut punir aucun de ses barons ou de ses feu dataires, tant au civil qu'au criminel, sans le conseil ou le consentement de ses hommes liges, ou de la majorité d'entre eux ... S'il arrive qu'un homme lige commette un homicide ou une trahison, que doit-on faire ? Le seigneur ne peut le punir ni l'emprisonner sans que le jugement ait été prononcé par les autres hommes liges de la principauté 118 • > Constituées vers la fin du IX• siècle et au xe, les premières cours ont jugé surtout, semble-t-il, les différends vassaliques et les questions relatives aux fiefs. Durant le deuxième âge féodal, cet usage a survécu dans les pays germaniques demeurés fidèles à la notion qui rattachait la liberté à l'existence d'un lien entre les sujets et l'Etat. Aux cours féodales (Lehngerichte), les causes concernant les liens de dépendance (Lehnrecht) ; aux tribunaux publics (Landgerichte), la juridiction territoriale de droit commun (Landrecht). Un vassal était donc appelé devant l'une ou l'autre juridiction suivant la nature du délit commis m. En France il y a eu, plus qu'en Allemagne, métamorphose libellé, cet article ne concernait que les grands vassaux de la couronne. Il visait les affaires de trahison dans lesquelles ils étaient impliqués. 115. Livre de Jean d'IBELIN (chap. 196, 46, 208, 213, 243 ..., dans Historiens des Croisades, Lois, 1). 116. Assises de Romanie (n° 942, éd. RECOURA, art. 4, 6, 207). Des articles admettaient des dérogations ; des litiges étaient portés directement devant la Haute Cour. 117. A vrai dire, la cour du roi avait connaissance d'affaires relevant du droit commun. Et des cours féodales plus modestes possédaient les mêmes attributions (n° 638, DIDIER, Le Hainaut, p. 86-88).

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d'anciennes cours publiques en cours privées qui s'organisèrent autour des princes, des comtes, des châtelains, des grands seigneurs ecclésiastiques 111• D'autres tribunaux sont nés des besoins du jour. La compétence des principales cours s'est étendue à des affaires de tous ordres, y compris la justice sur les paysans 119• A coup sûr, leurs attributions offraient de nombreuses gammes, et des frontières demeuraient incertaines. Par là se marque une nouvelle fois la conjonction de deux pouvoirs, qui fraternisent : l'un féodal, l'autre seigneurial 120• Cette conjonction est loin d'être générale. Des maîtres ont uniquement la justice féodale. Malgré l'adage tardif : « fief et justice sont tout un >, l'obtention d'un fief ne leur confère des justices seigneuriales que si le fief se confond avec une « domination > dotée de pouvoirs juridictionnels, ou si la concession d'une terre est suivie de l'octroi de pouvoirs justiciers. Autrement, c fief et justice n'ont rien de commun m >. Entrevu sous l'aspect féodal, le régime judiciaire souffre d'insuffisances qui sautent aux yeux. Si bien que nous pourrions reprendre à son propos les observations présentées pour le monde rural. Le système est entravé par les hésitations de beaucoup de juges à remplir leur office. Il laisse aux délinquants le moyen de refuser c orgueilleu118. Sur la transformation du mali us publicus carolingien en cour comtale, sur les plaids de comté et de viguerie au X• siècle, et sur la formation des premières cours de châtellenie, travaux de DUBY, GANSHOF, GARAUD, PLATELLE... ; ci-dessus, p. 127 et suiv. 119. Ci-dessus, p. 130. 120. Assises de Romanie, n° 942, éd. RECOURA, art. 4 : c Messire le prince ... doit juger [un vassal] par le moyen de ses hommes liges... Pour une contestation de peu d'importance, par exemple au sujet d'une vigne de fief, ou d'un villain, le seigneur peut confier le jugement aux hommes liges, si les parties s'entendent à cet égard. > 121. LOISEL, Institutes coutumières (éd. de LAURIÈRE, 1, Paris, 1758, p. 302). - Une démonstration appuie cet adage : des seigneurs alleutiers, qui ne se reconnaissaient aucun maitre dans l'ordre féodal, jouissaient de pouvoirs justiciers remontant à d'anciennes immunités, à des concessions royales ou princières de fraîche date, à des usurpations ...

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sement de comparaître en justice à la Cour 122 >, ou de ne point accepter la sentence. Il est efficace dans la mesure où le maître est puissant. Que peut faire un modeste seigneur contre un grand vassal ? On tranche des procès par des « conventions >. On les porte devant des arbitres. Ce ne sont que serments prêtés et rompus, malgré les foudres spirituelles menaçantes. Ce ne sont que « répondants > devenus otages et guerres engagées, suspendues puis recommencées jusqu'au moment où la querelle s'apaise d'ellemême, ou fait place à un compromis.

••* Dans les pays soumis, durant le XIII• siècle, à une vigoureuse poussée féodale - Etats latins d'Orient, Empire - , l'activité des cours de vassaux s'est maintenue 111• En France, au contraire, les réticences à l'égard du devoir de conseil et l'ascension de la monarchie ont réduit leur importance. Les « cas royaux > se multiplient 124. La cour capétienne étend sa compétence en ce qui concerne les délits et les personnes. Cette extension ne s'est pas faite nécessairement au prix de l'abaissement délibéré des cours 122. SuoBR, Vila Ludovici Gl'ossi regis (éd. \VAQUET, dans Les Classiques de l'histoire de France au Moyen Age, p. 125). 123. Dans le Hainaut, des seigneurs réunissaient leurs tribunaux jusqu'à deux fois par mois. Le service de plaid constituait la principale obligation du fief. Il s'est prolongé jusqu'en pleine époque moderne et fut assuré spécialement par de petits vassaux, qui étaient rémunérés. Depuis le XIV8 siècle, la haute noblesse s'est efforcée d'esquiver la charge. Aussi bien, la complexité croissante de certaines causes dépassait-elle l'entendement des subordonnés. Ils se rendaient à Mons auprès de la cour du chef-lieu, qui leur dictait la sentence (n° 638, DIDIER, Le Hainaut, p. 95-98 ; n° 588; VERRIEST, Le régime seigneurial dans le comté de Hainaut, p. 185 et suiv.). L'article 145 des Assises de Romanie est plein de sollicitude envers les juges improvisés : c On doit présenter et défendre la cause de sa partie en langue vulgaire. > 124. Infractions à la paix du roi, édification de forteresses sans son autorisation, félonie ... (n° 863, PERROT, Les cas royaux. Origine et développement de la théorie aux XIII• et XIV 0 siècles). Pour l'Angleterre du XIIe siècle, n° 781, BoussARD, Le gouvernement d'Henri li, p. 280-281.

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privées, mais par leur utilisation. Nous savons qu'avant la renaissance du droit écrit et la remontée des autorités princières il n'y avait d'appel à une cour supérie~re que pour « defaute de droit > - c'est-à-dire refus de juger et pour jugement volontairement faussé 125 • Ensuite, un système plus large permit de gravir les degrés de la hiérarchie vassalique jusqu'au bailli, ou jusqu'au Parlement de Paris, qui enfonça quelques racines dans le service de conseil. C'est en Angleterre que les changements ont été les plus rapides 128• Sous Henri II et ses successeurs, où l'Etat fut consolidé sur des bases féodales et revigoré par des principes « publics >, le roi rattache à sa Cour, ou fait entrer dans la compétence des juges itinérants un nombre grandissant de causes. Il empiète sur les attributions des seigneurs cantonnés dans l'examen des causes civiles et qui perdent jusqu'au droit d'opérer directement le retrait des fiefs. Enfin, des vassaux s'effacent devant les juges professionnels. Pourtant, les cours privées n'ont pas toutes disparu. Et celles de comté demeurent vivantes. La Chambre des Communes est en germe dans les assemblées du sbire, 125. Cette procédure est clairement exposée dans le n° 942 : Assises de Romanie. Le maître refuse-t-il de réunir sa cour? Le subordonné porte plainte devant la cour du seigneur supérieur puis, après jugement, devient son vassal direct. « Les autres liges ne sont pas tenus de servir le seigneur > négligent (éd. RECOURA, art. 7, 49, 88, 216), et Documents, n° 60, 9° ; n° 925, Chronique de Morée, éd. LoNGNON, p. 205, 210). Pour le royaume de Jérusalem, Livre de Philippe de NOVARE (chap. 39, dans Jlistoriens des Croisades, Lois, 1, 516) : si le seigneur emploie des moyens dilatoires, le vassal c peut bien requerre et conjurer ses pers qui sont en la court ... Et s'il a en la cort poi d'omes liegcs, celui qui requiert peut aler hors de la court et assembler ses pers là où il porra >. C'est aussi à la cour du seigneur supérieur que le vassal en appelle pour faux jugement rendu par la cour du seigneur direct (n° 942, Assises de Romanie, art. 143, 196 ; et Documents, n° 60, 12°), En Morée, cette disposition date peut-être de l'époque angevine (n° 951, TOPPING, ouvr. cité, p. 171). Le vassal qui s'estimait condamné « par faux jugement , pouvait demander à se battre contre chaque membre de la cour - le seigneur excepté - ou contre l'un d'eux. L'usage ne fut jamais répandu. 126. Sur la répartition des justices, ci-dessus, p. 128 et suiv.

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dans l'obligation faite aux hommes libres de participer à leurs réunions. d) L'aide pécuniaire

Non contents de c conseiller > le seigneur, les subordonnés lui prêtaient assistance lorsqu'il faisait· appel à leurs deniers ou à leurs armes. Avant 1100, le rapport entre la somme réclamée en argent ou en produits et la valeur du fief n'avait rien de rigoureusement proportionnel. Les motifs de la demande n'étaient pas exactement définis. Ils se fondaient sur la nécessité où se trouvait le maître, contraint à une dépense exceptionnelle, de s'adresser à ses dépendants. On imagine ses tentations, et les dérobades des subordonnés, ou leurs réticences à fournir les « dons > ! Durant le deuxième âge féodal, en même temps que des groupes villageois se hérissent contre l'arbitraire seigneurial, l'aide vassalique est réglementée dans ses mobiles et son montant. Les seigneurs étaient assurés d'un secours. Les vassaux risquaient moins que jadis d'être exploités 127• Ajoutés aux droits de mutation, de tels usages furent l'occasion pour le maître de tirer profit des fiefs concédés, à une époque où la monnaie, devenue plus abondante que jadis, gonflait des bourses. Le seigneur est-il fait prisonnier et rançonné ? Son fils aîné est-il adoubé, puis équipé à grands frais au cours d'une cérémonie elle-même onéreuse ? Marie-t-il sa fille aînée et lui donne-t-il une dot en argent ? Dans ces trois cas, devenus classiques en France et en Angleterre, il fait appel à ses vassaux 128 • Quitte, pour eux, à se tourner vers 127. Dans l'état présent des recherches, la plus ancienne documentation sur l'aide pécuniaire (fin du XIe siècle - début du XII') appartient à cet Anjou, cette Touraine, ce Vendômois qui révèlent les premiers hommages liges et les débuts du c restor > (n° 610, BLOCH, La société féodale, 1, 344, n. 1). 128. Et, en plusieurs circonstances, aux membres des communautés villageoises placées dans sa dépendance. Le seigneur de Castellane avait le droit de lever une taille sur les hommes d'un village afin de doter sa fille et de racheter c sa propre personne s'il était capturé > (Cartulaire de l'abbaye de Saint-Victor de Marseille, éd. GUÉ-

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leurs hommes de bouche et de main, ainsi que vers leurs paysans 111 • Seigneurie et féodalité se rejoignent. Moins répandu que les précédents puisque ni la Normandie, ni l'Angleterre, ni l'Italie normande ne l'ont connu, un quatrième cas a été introduit au xn• siècle : l'aide pour la Croisade, ou pour le premier pèlerinage du seigneur dans l'Orient latin. En Provence, on a renchéri : quand le comte est convoqué à l'armée impériale, ou lorsqu'il se rend pour la première fois à la cour de l'empereur, un secours est demandé. Des Coutumes du XIII• siècle - en Anjou, en Bourgogne, dans le centre de la France... - ont imaginé une aide au seigneur qui achetait des terres pour remplir pleinement ses devoirs envers son supérieur. Son influence et ses possibilités de protection en étaient augmentées. Les seigneurs ecclésiastiques n'invoquaient ni l'adoubement du fils, ni le mariage de la fille. Mais un voyage à Rome pour les besoins de son église, la restauration de sa cathédrale ou de ses immeubles ravagés par un incendfo faisaient de l'évêque de Bayeux un quémandeur 130 • A partir du XIIIe siècle, les contributions pécuniaires ont été allégées pour des raisons qui tiennent au déclin cornRARD, t. Il, n° 985, p. 435 : 1227). En 1265, les habitants de plusieurs villages situés dans la châtellenie de Montbrison obtiennent du comte de Forez qu'il renonce à les tailler arbitrairement. Il les sollicitera quand il mariera ses filles, lorsqu'il sera armé chevalier, quand il partira pour la Terre sainte (Chartes du Forez, IX, n° 963). 129. Même procédé lorsque le roi percevait un impôt sur des fidèles. Dans la charte de franchises octroyée en 1250 aux habitants de Villeneuve-Saint-Georges, l'abbé de Saint-Germain-des-Prés stipule que c l'année où le seigneur roi lèvera des sous sur nous, nous pourrons lever sur ces hommes la somme que nous fixerons de bonne foi > (B. GUÉRARD, Polyptyque d'lrminon, Appendice, II, 383-387 ; Documents, n° 28). Dans les pays de conquête, les taxes n'ont pris une réelle importance que sous les monarchies normande et souabe de l'Italie méridionale. Aux trois aides s'ajoutèrent des prestations pour le mariage de la sœur aînée du maitre et, depuis Frédéric Il, pour l'adoubement de son frère aîné. Le seigneur accroissait-il son fief ? Hébergeait-il son supérieur? La bourse des vassaux était sollicitée (n° 626, CAHE!I., L'Italie normande, p. 77). 130. Enquête de 1133 (Documents, n° 38. a).

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mençant de la féodalité. L'une d'elles a eu la vie longue l'aide pour la rançon 111 • Plusieurs pays, enfin, ont fait bande à part tout au long de la période féodale : l'Allemagne, la Basse-Lotharingie, le royaume d'Italie. Si les « cadeaux > du vassal étaient accueillis avec reconnaissance, l'aide proprement dite n'y a jamais eu grande faveur. Sans doute pensait-on, à l'exemple des gentilshommes français qui renâclaient devant la taille royale, que tenue de servir en armes, la noblesse était dispensée de servir en deniers. e)

L'aide militaire 181•

Dans sa jeunesse, la féodalité respire « l'odeur fauve de la bataille >. Elle résonne du cliquetis des lances et des épées. Assagie pendant son âge mlir, elle a conservé des penchants qui tenaient à la mentalité et aux besoins de l'aristocratie 131• Sur celle-ci, essentiellement, repose la défense du royaume, des principautés, des seigneuries, pour laquelle le maître « amassoit tant de gent comme il pooit 1" >. Elle lutte sur tous les champs du monde. « Quand au combat on sera entré, que tout homme de bon lignage ne pense plus qu'à briser têtes et bras, car mieux vaut mort que vivant vaincu ... Et je me bats, et m'escrime, et me défends et me bagarre 115 • > Offerts à pleines mains, des témoignages disent ce que la guerre représente : l'aventure, l'étalage des forces physiques, les exploits individuels et la « prouesse >, qui impriment au combat son style, l'occasion d'afficher le mépris de la mort, de flatter le point d'honneur, et - leit-motiv des chroniqueurs comme des poètes - « d'acquérir renommée >, de « connaître la gloire dans le mal et la gloire 131. Dans le royaume de Jérusalem, en Morée ... (ci-dessous, p. 347,

n. 65 ; p. 364, n. 102). 132. Sur les Etats normands et sur ceux de l'Orient latin, chap. V. 133. C. APPEL, Die Lieder Bertrans von Born, Halle, 1932. 134. Chronique de Morée (n° 925, éd. LONGNON, p. 83-84). 135. BERTRAND DE BORN (éd. APPEL, Die Lieder... , p. 32, strophe 6 ; p. 93, strophe 4). - Des nobles, nous·Ie verrons, avaient plus de retenue que ce c furieux >.

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dans le bien 1• >. « Ah ! nous rencontrer par milliers et centaines. Et qu'après on nous chante la geste m > ! Fini, quand la guerre éclate, le désœuvrement campagnard ; oubliée, la cour princière, morne c parc de barons 138 >. Le goût du risque n'est pas seul en cause. Nul ne demeure insensible aux considérations matérielles. Guillaume d'Orange harangue en ces termes les candidats à l'aventure qui se pressent autour de lui : c Ecoutez-moi ... Je puis me vanter d'avoir plus de terre que trente de mes pairs, mais je n'en ai pas encore libéré un journal. Je le dis aux bacheliers pauvres, dont les roncins sont éclopés et les vêtements déchirés. S'ils viennent avec moi conquérir l'Espagne... je leur donnerai argent, châteaux, marches, donjons, forteresses et destriers 139 • > Le disr et que c les vavasseurs et les châtelains pourront avoir du bon temps 140 >. « Ce n'est pas en criant Paris, sans rien dépenser >, qu'on peut faire « la conquête d'une gent étrangère ... Nous verrons bientôt comme la vie sera belle ... Par chemins n'iront plus convois de jour tranquilles, ni bourgeois sans tracas, ni marchands qui viendront de France. Mais sera riche qui pillera de bon cœur m >. Affabulations poétiques ? Oui, pour une part, - et histoire de la vie quotidienne. c Vous avez été des loups dévorants, s'exclame Jacques de Vitry en s'adressant aux détrousseurs. C'est pourquoi vous irez hurler en enfer ! > c Là où les chevaliers ont passé, affirme l'auteur de Garin 136. Guillaume le Roux, roi d'Angleterre, était c impatient de gloire et convoiteux de renom > (SUGER, Vita Ludovici Grossi regis, éd. WAQUET, dans Les Classiques de l'histoire de France au Moyen Age, p. 7). 137. BERTRAND DE BoRN (éd. APPEL, Die Lieder ... , p. 72, strophe 1). 138. Io., p. 21, strophe 5. 139. N° 659, FRAPPIER, c Les Chansons de geste du cycle de Guillaume d'Orange > (Le Charroi de Nimes), p. 227-228. 140. BERTRAND DE BORN (éd. APPEL, Die Lieder ...• p. 72, slrophe 1 ; (p. 25, str. 4). 141. I o., p. sr., strophe 2 ; p. 89, str. 3. 7

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le Lorrain, les coqs ont cessé leurs chants > : vieille image reprise pendant la guerre de Cent Ans. Dans la vie de Louis le Gros, par Suger, ce ne sont que sièges et destructions de châteaux, guerres privées, vengeances, représailles. Ce ne sont que « vraies brutes > à la manière du comte de Corbeil, ou d'un inquiétant personnage, Hugues du Puiset, qui « ne faisait guère de cas ni du roi de l'univers, ni du roi de France >, et qui montrait tant d'audace que, « si peu de gens l'aimaient, beaucoup se mettaient à son service Ht >. La guerre est bien c l'industrie nobiliaire > par excellence Ht. Pendant des siècles, elle a maintenu une barrière entre l'aristocratie et la masse dédaignée des c gens pacifiques >. Le clergé se tient coi, en ce sens que sa contribution personnelle est à peu près nulle. Sauf en période d'invasion, des bourgeois répugnent à se hasarder au-delà des remparts urbains ou à s'éloigner des campagnes voisines. Leurs milices n'ont pas btillé en dehors de ces refuges familiers. Même dans l'Empire où, en plus grand nombre qu'ailleurs, des rustres étaient appelés à l'armée, même en Angleterre, où des milieux ruraux fournissaient des archers, la paysannerie eut un rôle mineur. Ce n'est pas c par vilains ni par communes > qu'un baron marche au combat. C'est avec des chevaliers 1" . La lutte avait sa contre-partie : « Les chasteaux sont habitez de veusves esplourees, ou desolees femmes de prisonniers. Et sont les seigneuries en mains d'enfans ou d'orphelins ... Ceulx qui viennent et passent sur noz terres ne nous portent pas mains de grief que nous faisons aux autres Hs. > Il y a des combats malheureux où tel est pris qui croyait prendre. (dans Le!f œuvres de maistre Alain Chartier, éd. Dt:cHEssE, Paris, 1617, p. 323) ; Le Quadrilogu,~ invectif (Paris, éd. Dnoz, 1923, p. 30).

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d'armes tt•. > Or, c prison fait boursé plate ..,·,.·Ene·s'accom.;. pagne de sévices. c Afemmés de monnoie >, un capitaine de Corinthe « fit avoir moult fort et dure prison >, en 1295, à un gentilhomme grec qu'il avait capturé. c A la fin, lui fist traire deux dens de la goule Ha. > Secouru par sa mesnie, longtemps réticente, le gentilhomme paya. II y a des soldes en souffrance et des combattants désargentés qui, « l'écu au col > et le chaperon de travers, montent un petit cheval, avec des rênes trop courtes et des étriers trop longs. c Nous étions trente guerriers, chacun au manteau troué, tous seigneurs et pPrsonniers 1• . > Malgré les c cadeaux >, le butin, les « bonnes prises 111 >, la guerre ne paie pas toujours son homme. Pourtant, lorsqu'elle prend fin, les lendemains sont tristes, et des vavasseurs, de hauts personnages eux-mêmes pleurent sur le manque à gagner : « Désormais, les riches tiendront leurs portes bien fermées, et les arbalétriers sauront que la paix règne dans le pays, car ils ne toucheront plus de solde ; mais les chiens et les lévriers auront l'amour du comte 111• > Des nobles ne combattent pas pour leur seigneur. Ceuxlà nous échappent car notre propos n'est pas c la noblesse et la guerre >, mais l'aide militaire fournie en vertu du contrat vassalique. Il y a toujours eu des fidèles qui occupaient uniquement des emplois domestiques, administratifs ou judiciaires, des parasites invités à faire nombre, des fiefs peu chargés 31 • Durant le deuxième âge féodal, le renchérissement du prix de l'équipement, les vassalités multiples et les invites répétées à descendre dans l'arène ont incité à prendre des dispositions qui, longtemps orales, furent inscrites finale146. FROISSART, Chroniques (éd. LucE-RAYNAUD-MIROT, VII, 105). 147. Ch. V. LANGLOIS, La vie en France, 1, 29. 148. N° 925, Chronique de Morée (éd. LoNGNON, p. 267). 149. BERTRAND DE BORN (éd. APPEL, Die Lieder ... , p. 10, str. 8 ; p. 46, str. 3). 150. Celles, principalement, des possesseurs de châteaux (n° 705, Lt:CHAIRE, La société française, p. 275, d'après Girart de Roussillon). _151. BERTRAND DE BORN (éd. APPEL, Die Lieder ... , p. 46, str. 4). 152. Ci-dessous, p. 201-204.

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ment dans les Coutumes rédigées ou les contrats privés 111• Avant le XIII• siècle, leur étude ·laisse place à des incertitudes. Les tenures les mieux spécialisées - avec celles de château - sont les fiefs de chevalier ou de sergent des pays normands et des Etats latins d'Orient. On considère la qualité du vassal et de ses terres, la nature de son hommage, le service du seigneur et celui du suzerain, le caractère de l'expédition - ost ou chevauchée 1M. - Les usages définissent les conditions dans lesquelles le vassal est appelé aux armes - ordinairement sur semonce du seigneur direct - et fixent les délais pour se rendre à l'armée. Ils prévoient l'équipement : complet et lourd pour des chevaliers qui servent avec cotte de mailles, heaume, écu, lance et épée 155 ; léger pour d'autres chevaliers, pour les écuyers et les sergents, qui avaient gilet rembourré, chapeau de fer, arc et épieu 156• On accorde des exemptions. Les vassaux 153. Dans l'Empire, surtout depuis Henri V, toute expédition guerrière était précédée de conventions passées, au cours d'une grande assemblée, entre le roi et les princes, qui promettaient par serment de fournir un contingent. 154. En diverses régions, la cause du conflit était invoquée. Une c guerre injuste > expliquait l'abstention du vassal. La question fut posée dans le royaume d'Italie, sous l'influence du droit lombard, en Guyenne (Recogniciones feodorum in Aquitania, éd. BÉMONT, n°• 324 et 332 : 1274), en Morée ... (Assises de Romanie, n° 942, éd. RECOURA, art. 28, et nos Documents, n° 60, 3°) : « Si Messire le prince fait la guerre à l'un de ses barons ou de ses feudataires, les feudataires de ce baron, ou de cc feudataire, sont tenus de défendre leur seigneur si Messire le prince lui fait la guerre injustement... S'il lui fait la guerre justement, les sujets ne sont pas tenus de défendre leur seigneur contre le seigneur supérieur s'ils ont fait hommage en réservant la fidélité au supérieur. Autrement, ils sont tenus de le défendre jusqu'à cc que, par jugement de sa Cour, il ait été déshérité. > 155. Cet attirail les incitait à se faire accompagner d'écuyers, de valets, de pages ... 156. Des équivalences ont été fixées pendant les derniers siècles du l\loyen Age. En Guyenne, sous Edouard Jer, un chevalier « vaut > trois sergents à pied, un écuyer deux sergents. Raymond-Bernard de Castelnau, qui sert personnellement, « si sil sanus >, est autorisé, s'il ne l'est pas, à envoyer trois sergents à sa place (« tres servientes dehet mittere pro se »). Arnaud de Saint-Germain qui, chevalier, doit c le service d'un écuyer ~. peut substituer à celui-ci deux sergents à pied (Recogniciones feodorum, n°' 42 et 75). Des traits analogues ou

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mineurs, âgés, malades ou absents, les femmes et les clercs se font remplacer 157• Les grands vassaux sont naturellement plus sollicités que les humbles dépendants. Ces derniers paient uniquement de leur personne, ou se cotisent pour entretenir un combattant 158 • C'est un effet de la modestie du fief, ou de sa possession indivise par des parsonniers dont c un seul doit le service pour tous >, plutôt qu'un souvenir des pratiques carolingiennes. Le grand vassal, lui, se présente à l'armée royale - du moins en théorie car, aux x· et XI• siècles, des princes du Midi français brillèrent par leur absence. - Et il proches sont décelables en Morée aux XIII• et XIV• siècles (d'après la Chronique de Morée et les Assises de Romanie, art. 67 et 89 ; Documents, n° 60, 8°). - Voir la note suivante. 15i. Dans le royaume de Jérusalem, le vass'll adulte est c quite dou servise de son cors > s'il est c mahaigné >, ou Agé de soixante ans et plus (Livre de Jean d'IBELIN, chap. 226 ba., dans Historiens des Croisades, Lois, 1, 358). En Morée, c lorsqu'un feudataire est atteint de la lèpre ou qu'une autre infirmité incurable l'empêche de s'exécuter, il peut servir par l'intermédiaire d'un autre chevalier, s'il est chevalier et tenu au service de chevalier. S'il ne peut trouver un chevalier, il doit fournir deux écuyers. S'il est écuyer, il fournira un écuyer ... S'il est malade pendant peu de temps, il n'est obligé à aucun service personnel... Si le feudataire parvient à soixante ans, il n'est pas tenu de servir en personne son seigneur, mais son fils servira. S'il n'a pas de fils, il doit fournir un chevalier, si le fief est de chevalerie, ou deux écuyers s'il ne peut avoir un chevalier... Si le fief est une sergenterie, il fournira un écuyer (Assises de Romanie, n° 942, éd. REcOURA, art. 67, 89, et nos Documents, n° 60, 8°). Si un fief qui doit le c servi se de cors > échoit à une femme en Age de le remplir, elle reçoit semonce c de prendre baron > comme époux (Livre de Jeun d'leELIN, chap. 227, dans llistoriens des Croisades, Lois, l, 359). - Chap. 229, ibid., p. 364-365 : c Se feme a et tient pluisors fiés de pluisors seignors, ... elle deit le mariage à celui... de qui elle tient le fié qui deit servise de cors. Et se toz les fiés que elle tient, ou partie d'iaus, deivent servise de cors,... elle en decert l'un de son cors et les autres sanz plus ... Feme qui tient fié qui deit servise de cors deit de cel fié le mariage au seignor de qui elle le tient ... Feme ne peut deveir mariage qu'à un seignor : car elle ne peut aveir deus maris, ne plus, ensemble. > 158. En 1274, un vassal du duc de Guyenne, roi d'Angleterre, contribua pour le douzième aux frais du chevalier qu'un château devait fournir (Recogniciones feodorum, éd. BÉMONT, n° 319. Autres exemples, n 09 21 et 587).

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procure un contingent... Le chiffre des effectifs, · les conditions de leur emploi, la distinction entre le service dû au seigneur et celui qui était dû au suzerain ont donné lieu à des règlements méticuleux. Œuvre lente, imprécise vers 1100, sauf dans les Etats normands, puis remise sur le chantier aux xn• et XIII• siècles. Un seigneur se livre-t-il à une chevauchée : rapide campagne offensive sur des territoires voisins, ou expédition réclamant une escorte ? Le service des subordonnés est limité. Un pays, une contrée sont-ils assaillis ? Le roi, le prince territorial entreprennent-ils une guerre qui met en jeu des intérêts généraux ? Les vassaux seraient mal venus de marchander leurs efforts. Héritier de l'ancien service public des hommes libres, l'ost suppose un concours qui dure autant que le péril et conduit les dépendants loin de leur demeure 119 • Les exigences princières risquaient de devenir ruineuses. De grands vassaux n'ont donc prêté qu'une fraction des effectifs dont ils disposaient pour eux-mêmes 180• De plus, pour des subordonnés, la durée moyenne du service annuel et gratuit fut fixée à quarante jours par an 111 : peut-être par extension des coutumes qui prévoyaient la convocation des vassaux un mois et dix jours avant l'entrée en campagne ; ou en souvenir du délai jadis imposé par le droit franc entre deux convocations et compris, ici, non plus comme un temps de repos, mais comme une période militaire. L'usage pesa sur la conduite des opérations. Des renoncements se produisaient lorsque les subordonnés entretenaient de mauvais rapports avec leurs maîtres, ou quand ils servaient à contre-cœur. Tout vassal n'avait pas l'âme d'un 159. Des expéditions avaient un aspect pacifique. En Allemagne, des vassaux et des arrière-vassaux accompagnaient le roi à Rome pour le couronnement impérial. Long et dispendieux, le service fut remplacé par une taxe, dès le XII• siècle, pour ceux que ne tentait pas l'invitation au voyage. 160. En 1272, le duc de Bourgogne envoya cinquante chevaliers à l'armée levée par Philippe le Hardi contre le comte de Foix (n° 87, LoT, L'art militaire, l, 237) ; ci-dessous, p. 336 et suiv. 161. Déduction faite, au besoin, des journées consacrées à des chevauchées et à la garde des chlteaux.

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combattant. A côté des briseurs de crAnes ou des pourfendeurs de hauberts, héros des chroniqueurs, il existait des « gens pacifiques > qui ne goûtaient pas les joies de la Jutte, et des faibles qui reculaient devant le danger. En 1112, un vassal du duc de Bourgogne, qui participait au siège de Grancey, voulut cesser son service pour entrer au couvent. Fraîchement accueillie, la requête n'eut pas de suite immédiate 111 • En 1226, le comte de Champagne abandonna au bout de quarante jours l'armée royale qui assiégeait Avignon. II n'en fut pas félicité 111 • Quitter une armée en campagne, c'était s'exposer à déchoir et perdre le bénéfice d'une solde qui tentait c les pauvres chevaliers 1" >. Plus ancienne que le XI• siècle, la pratique s'est répandue au cours des âges suivants. Malgré ses versements irréguliers ou différés, la solde donnait à beaucoup 162. N° 737, RrcHARD, Les ducs de Bourgogne, p. 130, n. 2. 163. MATHIEU I>E PARIS, Chronica majora, éd. LuARD, III, 116. 164. La solde changeait avec la qualité du combattant, et aussi les amendes infligées aux nobles qui ne répondaient pas aux convocations royales (baron : 5 livres tournois par jour ; chevalier-banneret : une Jine ; cheYalier ordinaire : 10 sous ; écuyer : 5 sous, dans Ordonnances des rois de France, XI, 351 : 1274). L'alourdissement des frais de guerre et les transformations sociales expliquent la défaveur croissante de la condition chevaleresque après 1200 (H. PIRENNE, Histoire de Belgique, l, livre Il, chap. IV). Les soldes paraissaient si basses qu'en 1315 des nobles champenois voulurent être indemnisés (Ordonnances des rois de France, 1, 576, art. 15 ; n° 675, Gt11LHIER1t1oz, La noblesse en France, p. 277-283). A l'époque de Roger Il de Sicile, le vassal qui délaissait son serYice, bien qu'on lui offrît un salaire, encourait la confiscation du fief et même la peine de mort (n° 626, CAHEN, L'Italie normande, p. 65-66). Selon les Etablissements de saint Louis, le roi pouvait garder plus de quarante jours, contre paiement, les vassaux et leurs contingents. S'il désirait les « mener hors dou roiaume >, ou « au-delà des mers >, ils avaient la possibilité de refuser leur concours (éd. VIOLLBT, II, 93-97). En 1270, Joinville ne voulut pas s'exposer aux c aventures du pèlerinage de Jn croix > (Tlistoire de :faint Louis, éd. de WAILLY, Paris, 1868, p. 261-262). En 1274, Marguerite de Turenne, dame de Bergerac et de Gensac, procurait pour des terres c trois chevaliers, pendant quarante jours, à ses frais >. Après quoi, le duc de Guyenne pouvait les retenir, en les payant, et les conduire, pour ses guerres, c par tous lieux en Gasrogne » parce qu'ils doivent des services restreints 171 : une aide militaire limitée à une circonscription, payée dès le premier jour et susceptible d'être confiée à un tiers ; l'exonération du gîte ou des droits de mutation, des cens au lieu d'un service armé dont le supérieur n'aurait su que faire 179• Un château est-il donné en franc-fief ? Les devoirs de son détenteur sont réduits. Mieux, des c francs-fiefs > sont libérés de tout service féodal. Afin de marquer leur « franchise >, des scribes les qualifient de « fiefs allodiaux > : non-sens sur le plan juridique, mais expression savoureuse dans son effort pour exprimer des réalités concrètes 110 • Sont également dégagées de tout service, en Terre sainte, des tenures qui, sans porter le nom de franc-fief, ont un statut analogue ou voisin 181 • Jérusalem et la principauté d'Antioche (n° 916, CAHEN, La Syrie du Sord, p. 530-531). 176. Mettons encore le lecteur en garde contre les fantaisies du vocabulaire. Dans l'Empire, en Angleterre, en Ecosse, en Orient latin, dans l'Ouest et le Midi français, des prestations c féodales > pesaient sur des biens roturiers camouflés sous le nom de fief (notre t. I, p. 12, n. 5 ; p. 212, n. 26). Au cours de ce chapitre, nous n'envisageons que la tenure vassalique. 177. Des textes les appellent c fiefs francs et libres >, ou « fiefs d'honneur > (étude essentielle : n° 739, RICHARDOT, Francs-fiefs. Du même auteur, n° 741, Le problème des fiefs bourguignons sans service). - Ces tenures appelaient l'ensemble des serments, ou la fidélité (n° 737, RICHARD, Les ducs de Bourgogne, p. 131, n. 3). 178. Comme les roturiers acquéreurs de tenures féodales et assujettis à une taxe de franc-fief. Malgré la similitude des mots. ces deux institutions étaient différentes. 179. Un franc-fief fut cédé en 1233 au monastère de Léoncel contre une taxe, purement récognitive, de 6 deniers par an. « Et nihil aliud nomine servicii > (n° 739, R1cHARDOT, art. cité, p. 253). Lorsqu'elles étaient octroyées à des établissements ecclésiastiques ces tenures se rapprochaient des biens en franche-aumône. 180. N° 739, RICHARDOT, art. cité, p. 31, 36, 55. 181. :'.\lù 916, CAHEN, La Surie du .Vord, p. 530-531.

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Représentés par de beaux domaines, par de modestes biens issus de partages successoraux, ou par des revenus, ces fiefs eurent des origines fort variées du XI• siècle au déclin du Moyen Age : la cession d'alleux et leur reprise en francs-fiefs m ; l'allégement des obligations primitives, destiné à tenir compte des dévastations apportées par une guerre, à récompenser des services, ou à dissimuler une vente de droits seigneuriaux. 3)

Les obligations des seigneurs.

La vassalité n'est pas à sens unique. L'acte qui unit deux hommes a le caractère d'un c contrat synallagmatique >. Le vassal est lié par le serment prêté, le seigneur par la foi reçue. Si l'un d'eux fausse ou rompt ses engagements, l'autre n'est plus tenu de respecter les siens. La vassalité diffère des compagnonnages et des clientèles 111• Parmi les théoriciens, il faut revenir au vieux Fulbert et à ses paternelles recommandations. De même que le vassal conseille et aide, de même le seigneur rend c en toutes ces choses la pareille à son fidèle. S'il ne le faisait pas, il serait taxé à juste titre de mauvaise foi m >. D'après Beaumanoir : c Pour autant comme li hons doit a son seigneur de 182. Ci-dessous, p. 276 et suiv. 183. Quand les engagements du seigneur n'étaient pas sous-entendus, ils précédaient ou appuyaient en termes exprès ceux du vassal. Au ni\'eau du roi ou du prince territorial, ils prenaient la forme d'assurances contenues, depuis l'époque carolingienne, dans la promesse ou dans le serment du sacre des souverains d'Occident. En Orient latin le roi de Jérusalem jurait de défendre l'Eglise, les veuves, les orphelins et de respecter les Coutumes du royaume . Ensuite, « les barons et hommes liges > rendaient à c Messire le prince hommage, ligesse et fidélité > (Assises de Romanie, n° 942, éd. HECOURA, art. 1 et 2; et nos Documents, n° 60, 1°. Sur les engagements royaux, cf., outre les travaux de P.E. SCHRAKM, n° 792, DAVID, le serment du sacre, du IX• au XV• si~cle. 184. Recueil des historitns des Gaules et de la France, X, 463 (1020).

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foi et de loiauté par la reson de son bornage, tout autant li sires en doit a son homme ... Li sires se doit garder qu'il ne face tort a son homme, et le doit mener debonairement et par droit 115 >. Selon Jean d'lbelin, « le seignor ... est tenus à son home, par la fei qui est entr'iaus, de totes les choses avant dittes de quei home est tenus à son seignor ... L'orne deit au seignor reverence en totes choses, et chascun deit garder sa fei l'un vers l'autre fermement et enterinement por sa fei et s'onor garder, et sa leauté, et sa bone renomée ... > c Qui ment sa foi l'un à l'autre, celui à qui l'on la ment est quitte de sa f ei 1" >. Suivant les Assises de Romanie : « Si une châtellenie a été prise par Jes ennemis ... , ou un fief entier, les feudataires peuvent requérir le seigneur de les secourir. > Sinon, ils c ne sont pas tenus de lui donner un service pour les fiefs perdus 111 >. La mise en scène est plus vivante dans la Chanson de la Croisade albigeoise 111 • Le 7 mars 1216, les consuls de Toulouse rendent hommage et fidélité à Simon de Montfort et à son fils Amaury. A leur tour, ces derniers s'engagent à être de loyaux seigneurs et à réparer leurs torts éventuels, sous peine d' « encourir le crime de parjure >. En octobre de la même année, avant de livrer au pillage la ville révoltée, Simon prend conseil de « ses chevaliers et de ses parents >. « Sire comte, dit l'un d'eux, c'est chose jugée que quiconque se rebelle contre son seigneur doit recevoir la mort. > « Voilà des propos, rétorque l'un des présents, qui entraîneront des malheurs pour le comte, si Dieu ne le protège pas. Est-ce que le comte ne leur a pas juré sur les reliques des saints qu'il serait bienveillant et loyal ? Et eux aussi lui ont prêté serment, en vérité. Puisque l'engagement est réciproque, il faudrait bien considérer de quelle partie vient la rupture ... Si je suis votre vassal, si je me conduis loyalement, si je vous aime de bon cœur et vous obéis, si 185. Coutumes de Beauvaisis, éd. SALMON, n°• 1735 et 1738. 186. Livre de Jean d'leELIN, chap. 196 et 208 (dans Historiens des Croisades, Lois, I). 187. N° 942, éd. RECOURA, art. 16 ; art. 65. . 188. Ed. et trad. MARTIN-CHABOT (Les Classique, de l'histoire de France au Mo!len Age, Paris, 1957. II, 251-253).

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je n'ai ·envers vous aucun tort ni faute, et s1 Je ne vous veux aucun mal, mais si vous êtes pour moi un mauvais seigneur, si vous violez votre serment..., ne dois-je pas, en ce danger de mort, me défendre? Oui, je le dois bien, en vérité. > Terminons par un acte de la pratique. La duchesse de Bourgogne, ayant reçu en 1219 l'hommage du seigneur de Beaujeu pour des terres foréziennes, lui promet c son conseil et son aide > contre le comte de Forez 1... Bref, la c soumission > du vassal a pour contrepartie la c protection, la ·défense et la garantie > du seigneur 190• Sa cour doit lui c rendre bonne justice >. Il est à ses côtés devant les tribunaux étrangers à la seigneurie. Il défend son fief, gère ses biens aussi longtemps qu'il en est empêché. Ici encore, la vassalité vient au secours du lignage. Elle le renforce par l'aide financière en cas de détresse, par l'aide militaire lorsque le vassal est attaqué injustement. Loin d'être à l'initiative des seigneurs, des luttes privées furent engagées par eux en considération des périls qui planaient sur leurs dépendants. A un autre point de vue, le maître remplace le cheval du vassal, perdu ou blessé à son service, et quelquefois le haubert endommagé ou détruit. - C'est le c restor 191 >. Il entretient ses subordonnés : trait fondamental, déjà esquissé et sur lequel nous reviendrons à loisir .



** En dépit de leur réciprocité, les devoirs demeurent inégaux. De même que la félonie du vassal est plus grave que celle du seigneur et le châtiment plus rude pour une faute 189. Chartes du Forez, 1, n° 30. 190. BRACTON, De legibus Angliae, éd. WooDBINE, II, 232, et Documenta, n° 58, A. 191. De restaurare. - L'une de ses plus anciennes mentions est dans un texte angevin de 1096 (n° 639, DILLAY, c Le service annuel en deniers des fiefs de la région angevine >, dans Mélanges P. Fournier, 1929, p. 147). On le rencontre vers la même époque en Italie normande et, plus tard, dans presque tout le monde féodal.

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semblable, de même les services réclamés au dépendant sont plus astreignants que les obligations du maître 111 • c Pour ce que je di ore que li sires doit autant de foi et de loiauté a son homme comme li hons a son seigneur, ce n'est pas pour ce a entendre que li hons ne soit tenus en mout d'obeissance et en mout de services dont li sires n'est pas tenus a son homme, car li hons doit aler as semonses son seigneur, et est tenu a fere ses jugemens et a tenir ses commandemens resnables... Et en toutes teus choses n'est pas li sires tenus a son homme m ••• > c L'orne deit tant plus au seignor, par la fei que il li est tenus, que le seignor à l'home 1" . > 4. Ruptures et sanctions.

Aucun savant n'a souligné avec autant de bonheur que Marc Bloch c le paradoxe de la vassalité > : d'une part, un lien si fort qu'il exige le sacrifice suprême et qu'il élève le fidèle au rang d'un c martyr de Dieu > ; de l'autre, la violation fréquente des serments 115 • II ne suffit pas d'accuser la brutalité des mœurs, ou l'instabilité des hommes, il faut invoquer les tentations offertes par les hommages multiples, effets et causes de la dégradation des engagements, par le chasement des vassaux et la création d'intérêts divergents, par l'hérédité des fiefs et leurs possibilités d'aliénation 111 ... Au cours d'un conflit entre deux de leurs 192. N° 610, BLOCH, La société féodale, 1, 350. 193. BBAUMANOIR, Coutumes de Beaur,aisis, éd. SALMON, n° 1738. Ordinairement, le seigneur n'est pas obligé de participer aux offensives guerrières de ses dépendants, ni de c: se mettre pour eux en otage >. 194. Livre de Jean d'IBELJ~, chap. 196, dans Historiens des Croisades, Lois, 1, 315. _:_ Pour GLANVILLE, De legibus Angliae (éd. WoonBINE, Il, 126-127), seul le vassal doit c: le respect >. 195. N° 610, La société féodale, 1, 354-365. 196. Les modalités mettant fin aux contrats et les sanctions prévues sont inscrites dans des établissements, des statuts ou des assises, dans des Coutumes rédigées et des chartes privées. Pour le royaume de Jérusalem, un établissement de Baudouin II insiste sur la c trahison > dµ vassal (Documents, n" 59, 3°, d), qui l'expose à la perte de ses droits de chevalier et à celle de son fief (parcourir dans Historiens

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maîtres, des subordonnés rompent, on l'a vu, avec celui qu'ils cessent de servir. D'autres annulent leur hommage après avoir aliéné la tenure 191• Un seigneur cède ses droits sur un fief et l'hommage du vassal qui le détient ; un second crée un échelon intermédiaire entre lui-même et ses dépendants, devenus ses arrière-vassaux - opération délicate dans l'Allemagne du XIII' siècle en raison du système des boucliers chevaleresques. La leçon est claire. Durant le premier âge féodal, il était difficile de briser sans motif majeur les liens de dépendance. Au deuxième âge, cet obstacle est tombé : indice d'une souplesse alliée à l'altération du sens accordé jadis aux promesses. Les ruptures éclatantes et les sanctions sévères interviennent quand une des parties ne remplit pas les devoirs attendus. Des vassaux s'abstiennent de se présenter au plaid ou à l'ost du seigneur, refusent de contribuer au paiement de sa rançon, font preuve d'ingratitude envers « celui qui les a nourris ~. 11s négligent de demander l'investiture du des Croisades, Lois, 1, le Livre au roi, chap. 16, 22-25 ; le Livre de Jean d'IBELIN, chap. 184 ; le Livre de Philippe de NOVARE, chap. 51. Se reporter aux Assises de Romanie, n° 942, éd. REcOURA, art. 24, 51, 55 : service requis et non rendu ; art. 69 et 167 : homicide et trahison). 197. Ce c: déguerpissement > et cette c: démission de foi > furent restreints car des vassaux n'abandonnaient le fief que dans le dessein d'esquiver leurs obligations. Relisons BEAUMANOIR (Coutumes de Beauvaisis, éd. SALMON, n°• 1736 et 1737) : « Li aucun cuident que je puisse lessier le fief que je tieng de mon seigneur, et la foi et l'hommage, toutes les fois qu'il me plest, mes non puis s'il n'i a resnable cause ; ne pourquant quant on les veut lessier, li seigneur les reprenent volentiers par leur couvoitise. Mes s'il avenoit que mes sires m'eust semont pour son grant hesoing ou pour l'ost du conte ou du roi, et je en cel point vouloie lessier mon fief, je ne garderoie pas bien ma foi ne ma loiauté vers mon seigneur, car fois et loiautés est de si franche nature qu'ele doit estre gardee et especiaument a celi a qui ele est pramise ... Or veons

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fief 11•, ne se conforment pas aux règles du droit privé. Enfin, des maitres sont « mauvais >. Les violences accompagnent les récits féodaux 1" . Vers 1022, Eudes, comte de Blois, s'adresse à Robert le Pieux dans une lettre rédigée, sur sa requête, par Fulbert de Chartres : « Seigneur, je désire te dire quelques mots ... Le comte Richard 200 , ton fidèle, m'a mandé de venir m'expliquer en justice ou de conclure un accord au sujet des plaintes que tu formulais contre moi. J'ai remis ma cause entièrement en sa main. Avec ton agrément, il m'a alors fixé un plaid pour le règlement de l'affaire. Mais, avant le terme, comme j'étais prêt à me rendre au plaid fixé, il m'a demandé de ne pas me donner la peine de venir à ce plaid, parce que tu n'étais disposé à accepter qu'un jugement ou un accord par lequel tu me ferais interdire, pour cause d'indignité, de tenir un bienfait de toi, et qu'il ne lui appartenait pas, disait-il, de porter contre moi un tel jugement sans l'assemblée de ses pairs 201 • Telle est la raison pour laquelle je n'ai pas été te retrouver au plaid. « Mais je m'étonne fort... qu'avec tant de précipitation, sans que la cause ait été débattue, tu me juges indigne de ton bienfait. Car, si l'on considère la condition de ma race, il est clair qu'avec la grâce de Dieu je suis digne d'en hériter ; si l'on considère la nature du bienfait que tu m'as donné, il est certain qu'il vient, non de ton fisc, mais des biens qui, avec ta faveur, me sont venus de mes ancêtres par droit héréditaire ; si l'on considère la valeur du service, tu sais fort bien comment, tant que j'eus ta faveur, je t'ai servi à la cour, à l'armée et dans tes voyages. Et, depuis que tu as détourné de moi ta faveur, et que tu as tenté de m'enlever l'honneur que tu m'avais donné, si j'ai commis 198. 'S 0 821, HIGOt;NET, Le comté de Comminges, 1, 309. 199. Des fautes vénielles provoquaient des différends. Ecrit au début du XIII" siècle, le roman de Galeran met en scène la femme de Brundoré, qui faisait c trop tost aller et courre le cheval de sa langue >. Cn vassal de Brundoré rompit avec ce dernier (LA'.\GLOJS, La 1,ie en France, 1, 7-8). 200. A savoir le duc de Normandie. 201. En l'espèce, une partie de ln cour du roi.

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à· ton égard, en me défendant, ... des actes qui te déplaisent, je l'ai fait harcelé d'injustices et pressé par la nécessité ... c Cette querelle qui nous divise, outre qu'elle m'est très pénible, t'enlève à toi-même, mon seigneur, la racine et le fruit de ton office, je veux dire la justice et la paix. J'implore donc ardemment cette clémence, qui t'est naturelle quand elle n'est pas effacée par un mauvais conseil, afin que tu renonces à me persécuter et que tu me laisses me réconcilier avec toi, soit avec le concours de tes familiers, soit par l'entremise des princes 109 • > Des Chansons de geste multiplient les cas de conscience. Raoul de Cambrai a attaqué le père et les oncles de son vassal Bernier. La mère de celui-ci est morte tragiquement au cours du conflit. Bernier reste pris entre ses sentiments familiaux et ses devoirs vassaliques. c Raoul, mon seigneur, est plus félon que Judas. Il est mon seigneur 203• > Or, lutter contre son maître ce n'est pas seulement se rendre c coupable de félonie et de parjure >, c'est renier Dieu. Bernier ne se résout à rompre que le jour où il est frappé d'un coup d'épieu par Raoul : motif déjà consigné dans le droit carolingien 10'. Malgré le bien-fondé de sa cause, il sera bourrelé de scrupules et de regrets. Dans la moitié nord de la France et la Basse-Lotharingie notamment, un acte formaliste préside à la brisure des engagements. La partie lésée se présente devant le c félon >, le c parjure >. A ses pieds, elle c jette le fétu > - un brin de paille, un bâton ... - , en l'occurrence, le c défie>. Libre à ce dernier de ramasser l'objet, de c relever le défi >. La scène était si périlleuse pour des hommes « trahis > qu'ils se reposaient volontiers de la « confrontation > sur un 202. Recueil des historiens des Gaules et de la France, X, 501-502. Le conflit s'apaisa, car le roi ne poursuivit pas une entreprise qui l'aurait engagé dans une guerre contre un puissant vassal (n° 676. HAI.PHEN, La lettre d'Eqdes Il de Blois au roi Robert ; Documents, n° 37). 203. Raoul de Cambrai (éd. P. MEYER et A. LoNGNON : les vers 13811382). Même conception dans Renaud de Montauban. 204. Notre t. 1, Documents, n° 49 (p. 399).

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compagnon, un héraut, ou un messager porteur d'une lettre. Le seigneur perdait un fidèle et s'exposait à une coalition de ses autres vassaux ios. Le subordonné risquait d'être privé de son fief. Son droit était-il reconnu ? Il « portait l'hommage > au suzerain•. Si l'ancien maître n'avait pas de supérieur, le fief était transformé en alleu, quand les usages l'autorisaient. Lorsque ce maître était le roi ou le prince territorial, la position du subordonné devenait inconfortable ! Ce dernier se trouvait-il dans son tort ? Il était « honni > comme le disent les auteurs de Girart de Roussillon et de Renaud de Montauban ; de plus, il encourait la saisie temporaire du fief, qui laissait la porte ouverte aux arbitrages et aux compromissions, ou la commise 201• Si le vassal refusait de se soumettre, le sort du fief dépendait de l'issue du combat entre les adversaires. Le triomphe de la force prenait couleur de jugement de Dieu. Les vassaux n'étaient pas tous des « traîtres > ! Quelques centaines de documents significatifs sont la manne dont l'historiographie s'est longtemps nourrie : démêlés entre les rois, ou les princes territoriaux, et leurs subordonnés entre Charles le Simple et Herbert de Vermandois, entre Louis VI et les « tyrans > du domaine royal, prompts à « se précipiter vers la fourberie• > - ; conflits entre Philippe Auguste et Jean sans Terre, entre Frédéric J•r et Henri le Lion ; luttes préludant à la Grande Charte ; méfaits de Renaud de Dammartin, comte de Boulogne, de Pierre de Dreux, comte de Bretagne, de Pierre de Courtenay, comte 205. Avec les Assises de Jérusalem, voir n° 942, les Assises de Romanie (art. 28, 88) ; ci-dessous, p. 214, n. 215. 206. BRACTON, De legibus Angliae (éd. WOODBINE, II, 235 et suiv.). 207. Selon Jean d'IBELIN, le retrait du fief était dft à trois causes essentielles : défaut de service, absence d'hommage, félonie (chap. · 184, 190 à 192 - Historiens des Croisades, Lois, I). - Dans le premier cas, le fief était saisi pendant un an et un jour ; dans le deuxième, pendant la vie du vassal ; dans le troisième, définitivement. 208. SUGER, Vita Ludovici Grossi regis (éd. WAQUET, C.H.F., p .. 153), et ci-dessus, p. 193-194.

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d'Auxerre ..... Ces témoignages suscitent des explosions sentimentales chez des chroniqueurs, des poètes et des prédicateurs qui, en revanche, passent sous silence les vertus et la fidélité à la parole donnée. L'éclat de ces projecteurs braqués sur de grands personnages ne pénètre pas jusqu'à des vies quotidiennes demeurées sans tache, donc sans texte et sans histoire. Or, ces vies formaient la masse. 5)

Suzeraineté et souveraineté.

Nous avons parlé du suzerain. C'est l'occasion de rappeler que le maître et ses dépendants ne vivent pas en· vase clos 110• Certes, après 1200, des jurisconsultes ont répété complaisamment une formule déjà vraie au premier âge féodal : c L'homme de mon homme n'est pas mon homme 111 » En 209. N° 705, LucHAIRE, La société française au temps de Philippe Auguste. Le titre du chapitre vm est un programme : « La féodalité pillarde et sanguinaire. > Il y a là des récits comme on les aimait au début du XX• siècle. Ils ont leur vérité, et le charme des choses usées. En fait, la violence a sévi dans toutes les couches sociales. 210. Bracton a mis en lumière l'échelonnement des subordinations, qui constituent la c pyramide féodale > : expression dont les historiens ont usé et abusé. Cette figure géométrique n'est pas fausse. Mais il faut la contempler d'assez haut. c Cum pl ures possint esse capitales domini et f eoffa tores ascendendo, ita sunt pl ures f eoffati tenentes descendendo, et superior dominus omnium habet infimum sibi obligatum propter f eodum suum quod talis te net quamvis per medium, quo sublato erit tenens suus sine medio, et ipsc dominus suus capitalis erit quasi principalis feoffator : et sic durabit inter eos obligatio homagii per medium vel sine medio ... Omnes tenentes, de tenente in tenentem, a primo usque ad ultimum descendendo, erunt tenentes mei, et ab ultimo feoffato et tenente de capitali domino in capitalem dominum ascendendo gradatim, erit capitalis dominus ultimi f eoffati ab ultimo feoffatore usque ad primum, sed per medium ... > (De legibus Angliae, éd. WoooalNE, Il, 234). - Sur la mouvance, ci-dessous, p. 220 et suiv. 211. G. DURANT, Speculum juris, livre IV, De feudis, p. 309, art. 28 (Documents, n° 46, C) : « On demande si l'homme de mon homme est mon homme. Réponds que non ... Bien que les grands barons ... et autres semblables soient, immédiatement, les vassaux ... du roi..., les hommes des barons ... ne sont pas les hommes du roi.> Voilà pourquoi Joinville, à la veiJle de la septième Croisade. refusa de prêter les ser-

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principe, le suzerain ne réclame aucune aide à l'arrièrevassal. S'il a besoin de ses services il passe par le seigneur. Cependant, des relations directes se sont nouées entre eux quand un déni de justice seigneurial obligeait le subordonné à porter sa cause devant le tribunal du supérieur, quand une commune située en dehors du domaine royal priait le monarque de confirmer sa charte et, à plus forte raison, lorsque le système des appels élargit et prolongea la route qui remontait au roi ou à ses représentants. Le seigneur défaille-t-il ? Le suzerain veille sur les intérêts de la veuve ou des enfants mineurs en possession de tenures féodales. C'est dans sa dépendance immédiate que sont placés des subordonnés du maître décédé ab intestat et sans héritier. De la sorte, des arrière-vassaux deviennent des vassaux, des arrière-fiefs se transforment en fiefs. Hommes et terres remontent d'un cran dans la hiérarchie. Ainsi se marque le jeu complexe des solidarités et des concurrences forgées du haut en bas de la féodalité. La réserve de fidélité, enfin, n'étuit pas exigée seulement des vassaux qui se donnaient à plusieurs maîtres 111 • Des suzerains la demandaient à leurs arrière-vassaux 111• Avec des succès partagés, des rois et des princes territoriaux développèrent l'usage : rois d'Angleterre depuis Guillaume le Conquérant ou Henri 1•r 114, rois italo-normands depuis Roger II, rois de Jérusalem et princes d'Antioche, princes de Morée, rois de France, particulièrement depuis Louis VII et Philippe Auguste ... Si l'intérêt général est en jeu, l'homments de c foi et lovauté > à Louis IX. Il était vassal du comte de Champngne, et non du roi. Il Je devint en 1253 lorsqu'il obtint de ce dernier une rente en fief. 212. Ci-dessus, p. 163 et suiv. ; p. 169-170. 213. D'où la formule de BRACTON, qui répète celle des contrats privés : c Je vous porterai ma foi contre toutes gens qui pourront vivre et mourir, la foi due au seigneur roi étant sauve > (Documents, n° 58, A). Plus tôt, GLANVILLE avait remarqué que des vassaux servaient le roi contre leur seigneur sans encourir l'accusation t.le félonie (De legibus Angliae, éd. WOODBINE, p. 124). 214. D.C. DouGLAs, c A charter of enfeoffment under William the Conqueror > (Tht English Historiral Revitw, 1927, p. 245-247).

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mage rendu à une personne privée c ne vaut rien > contre le roi. Des seigneurs réticents sont abandonnés par leurs vassaux, qui au besoin portent leur hommage au souverain 115 • On relève les mêmes tendances dans l'Empire. Déjà, dans sa Vie de Conrad Il, Wipo soutenait que les vavasseurs n'étaient pas forcés d'aider leurs seigneurs si ces derniers entraient en conflit avec le roi. Une disposition de la diète de Roncaglia, en 1158, contraignit de réserver, dans tout serment vassalique, la foi due à l'empereur 116 • Les Consuetudines feudorum du royaume d'Italie, une Décrétale de Grégoire IX prônèrent c le droit supérieur > du souverain. Ce furent pourtant les princes territoriaux qui rattachèrent solidement les arrière-vassaux à leur· personne. Restait un instrument de centralisation : le serment de fidélité au roi. L'Europe des Francs l'avait connu, puis oublié. Sous le nom de c lige >, emprunté au vocabulaire vassalique, ou sans ce nom, il fut revendiqué par des monarchies installées en pays conquis 117• La réserve de fidélité appartient au droit ,;assalique, mais le roi lui a donné un sens particulier. La fidélité générale est un principe de droit public hérité des traditions

215. En 1228, au traité de Melun, le comte de Flandre, vaincu à Bouvines et fait prisonnier, fut libéré à la condition suivante : ses hommes prêteraient aux .commissaires royaux le serment de l'abandonner et de soutenir le roi s'il se révoltait contre lui. Une clause analogue avait été insérée dans l'hommage d'Arthur, duc de Bretagne, à Philippe Auguste en juillet 1202 (Layettes du Trésor des Chartes, éd. TEULET, I, n° 647 ; Documents, n° 31), et dans l'hommage rendu au même roi, en 1213, par le nouveau comte de Bretagne, Pierre de Dreux (Layettes ... , n" 1033). Des Chansons de geste reprennent ce thème. Dans Ogier le Danois, le roi essaye de gagner les subordonnés de son vassal. C'est un écho des guerres entre le souverain et ses principaux dépendants. 216. Documents, n° 48, 10°. 217. Ci-dessous, p. 340-341. - Dans un contexte historique différent, cf. les « Assises de Jérusalem > (Livre de Jean d'IBELIN, chap. 140, 164, 195 et suiv. ; Livre de Philippe de NOVARE, chap. 39-42 ; chap. 50 et suiv., dans Historiens des Croisades, Lois, 1) ; les Assises de Romanie (n° 942, éd. RECOt:RA, art. 2) ... , (et Documents, n° 60, 1°).

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carolingiennes, byzantines ou anglo-saxonnes. L'une et l'autre soulignent les tentatives des monarques ou des princes territoriaux pour occuper une place éminente dans le commandement des hommes en associant deux notions qui ne sont nullement incompatibles : suzeraineté et souveraineté.

CHAPITRE Il LE STATUT DES FIEFS

Nous ne connaissons Je fief que de l'extérieur. Il faut le présenter maintenant comme une matière vivante, nourrie de concepts passés dans la pratique. Sur ce terrain encombré, historiens et juristes ont rivalisé d'ardeur. Laissons pour l'instant les fiefs octroyés à des roturiers ou à des communautés religieuses 1. Laissons ceux qui rémunéraient des tâches spécialisées, étrangères aux préoccupations essentielles du monde féodal : fiefs d'officiers domestiques parfois très humbles puisqu'ils appartenaient à la condition servile ; fiefs d'artisans ; fiefs de curés de paroisse. Ces franges de la féodalité ont moins d'intérêt que l'énorme bloc des terres concédées aux classes laïques supérieures. Les fiefs tout neufs étaient loin de représenter la masse 2 • Aliénations ou héritages mirent des subordonnés en possession.

A. ALIÉNATION DES FIEFS DANS LE MONDE LAIQUE

Avant la seconde moitié du Moyen Age, on n'imaginait pas, ou l'on concevait difficilement, qu'un vassal cédât 1. Nous les reverrons dans l'étude des sociétés. Bien entendu, les

« fiefs > qui désignaient de simples censives restent en dehors de ces considérations. 2. P. 276 et suiv.

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son fief de sa propre autorité. Le fief était concédé à un homme ·qui avait seulement la jouissance du bien. Désirait-il le transférer ? Des Coutumes lui demandaient de renoncer à son hommage ; d'autres jugeaient la formalité inutile, de sorte que le ,,assai restait attaché par des liens uniquement personnels. En tout état de cause, il c se dévêtait > du fief entre les mains du seigneur, qui investissait ou non l'acquéreur. Pendant le deuxième âge féodal et malgré les entraves apportées, la patrimonialité croissante du fief a modifié la situation. Des vassaux ont aliéné leur tenure sans le consentement du maître et en lui arrachant après coup une confirmation donnée de mauvaise grâce, qu'il était difficile de refuser. Le dépendant faisait valoir, en ce qui le concernait, le remboursement de dettes criardes, le remploi avantageux du prix de vente ; ... il proposait au maître de se porter acquéreur a ; il lui offrait des dédommagements 4 ... La procédure fut simplifiée par la suppression du report du fief entre les mains du seigneur, et quelquefois par celle de l'investiture. L'hommage restait indispensable. Aliénait-on définitivement une fraction de la tenure ? Bien que les obligations du concédant demeurassent théoriquement inchangées, les services dus pour des terres devenues trop exiguës étaient mis en péril. Des Coutumes se montraient donc réticentes. Elles faisaient au surplus 3. Selon G. DURANT, cette procédure était obligatoire (Speculum juris, livre Ill, De feudis, éd. de 1592, p. 313, art. 52). L'auteur retarde. 4. L'autorisation préalable était cdgée au XII• siècle, non sans flottements, par les Consuetudines fe11dorum du royaume d'Italie, qui s'inspirèrent de plusieurs Constitutions impériales (éd. LEHMANN, p. 125, 175-176, 180-182). Elle l'était, au XllI• siècle, en ~ormandie et dans le royaume de Jérusalem, au XIVe en Bourgogne et en lforéc ·(Grand Coutumier de Normandie, éd. TARDIF, p. 96 ; Livre de Jean d'leELIN, chap. 143 et 190, dans Historiens des Croisades, Lois, I ; n° 737, R1cHARD, Les ducs de Bourgogne, p. 272 ; n° 942, Assises de Romanie, éd. RECOCRA, art. 30). Des traces de ce consentement existent. après 1200, dans le Hainaut (n° 638, DIDIER, Le droit des fiefs dans le Hainaut, p. 120 et suiv.). lnnrsement, dans le MAconnais du même temps, il s'avérait aussi peu nécessaire que celui de la famille (n° 416, Drev, La société en Mdconnais, p. 481-482).

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la différence entre les fiefs et préconisaient le consentement du maitre afin de prévenir les fraudes 11 • Des arrangements privés intervenaient. En des pays coutumiers prompts à élever une digue, l'approbation du supérieur fut également requise lorsque l'aliénation totale ou partielle se fit à titre temporaire, lorsqu'elle revint à une opération de crédit. Des vassaux hypothéquaient leurs fiefs ou les vendaient à réméré, « à pacte de rachat >, sans renoncer à leur .hommage. L'acquéreur jouissait des revenus de la terre jusqu'au jour où le concédant remboursait sa dette. Si ce dernier ne s'exécutait pas dans les délais fixés, l'acheteur conservait définitivement le fief et prêtait les serments au seigneur consentant. Des aliénations ne plaçaient donc pas le maître en position de victime, - loin de là. A l'est du Rhin, en Basse-Lotharingie, en Terre sainte, dans les principautés ou les petites dominations les mieux administrées, la cour seigneuriale est restée longtemps au centre des opérations. Comme pour les tenures paysannes, des Coutumes ont imaginé des taxes de mutation régulières, payées par le vendeur ou, de préférence, par l'acquéreur : lods, relief ou rachat termes employés plutôt pour les mutations par héritage, - quint, parce que la taxe s'élevait à 20 % du prix, puis requint, taxe égale au cinquième du quint. Encouragés, des seigneurs applaudissaient aux mutations. La perception des droits valait acquiescement, même lorsqu'il n'était pas spécifié. Des maitres adoptaient une attitude contraire, car la cession d'un fief leur était l'occasion de regrouper des terres, de rentrer en possession d'une belle seigneurie et d'en disposer. Ils opéraient le retrait féodal et annexaient le bien au domaine. Procédé onéreux puisqu'ils payaient le prix de vente à leur vassal, lui rachetaient les droits utiles cédés jadis gratuitement. 5. Il était non moins nécessaire, en prmc1pe, lorsque le vassal c abrégeait > son fief par constitution de rente, transformation en censive, affranchissement de serfs et - nous y reviendrons -- par sous-inféodation.

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Une autre Coutume est à relever : le retrait. lignager, c'est-à-dire la possibilité donnée au plus proche parent du vendeur de se porter acquéreur. Il devançait le retrait féodal : si bien que les droits de la famille passaient avant ceux du seigneur 11 ••• Les pays d'Outre-Manche ont ignoré, nous l'avons dit, ces deux usages. Et ils eurent moins de succès en Allemagne qu'en France. Des seigneurs, de leur côté, cèdent leurs droits éminent: sur le fief d'un vassal. Si l'abandon est fait au seigneur supérieur, il supprime un degré dans la hiérarchie féodale. Si un c étranger > en bénéficie, l'hommage lui est rendu. Des vassaux se soumettaient avec mauvaise grâce '. Les objections les plus vives étaient formulées lorsque· le seigneur aliénait un fief sans son détenteur et tardait à lui fournir une compensation. Quand, au contraire, la cession du fief et celle de l'occupant allaient de pair, le consentement du vassal, d'abord nécessaire, ne fut plus requis pendant les derniers siècles du Moyen Age 8• Du moins en théorie, car les arrangements étaient multiples, comme les règles de droit.

••• Une institution figure dans le cortège des aliénations du fief : la sous-inféodation. Des mouvances, en effet, comportent plusieurs degrés•. La plupart des principautés sont tenues directement du roi, tandis que des baronnies, des châtellenies, des parcelles de terre, des justices ... sont des arrière-fiefs. Leur pullulement spontané ou dirigé a créé des hiérarchies dans lesquelles l'Allemagne des boucliers vassaliques tenta d'introduire un ordre rigoureux. 6. Il y avait des exceptions. Dans le Hainaut, suivant une disposition tardive de 1534, le retrait féodal jouait le premier pendant les quarante jours qui suivaient l'aliénation du fief (n° 638, DIDIER, ouvr. cité, p. 124). . 7. N° 520, ÛLIVIER-MARTIN, La Coutume de Paris, 1, 239. 8. BRACTON, De legibu, Angliae, éd. WOODBINE, p. 237-239 ; E. STREHLKE, Tabulae ordini, teutonici, p. 3. Berlin, 1889. 9. Ci-dessus, p. 212, n. 210.

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La sous-inféodation peut être recommandée par le roi. Sans remonter à Charlemagne, ni alourdir le poids des paternités qui lui sont attribuées en matière d'institutions, les vœux du pouvoir tendaient sans doute, aux origines, à créer un étagement comportant deux ou trois degrés. Mais, sauf en Terre sainte, les mouvances se sont accumulées 10• A la chaîne des liens personnels, qui interposait plusieurs maîtres, eux-mêmes dépendants, entre le c seigneur suprême > et le vassal de l'échelon le plus bas, répondait, sans toujours coïncider avec elle, une chaîne de fiefs et d'arrière-fiefs. Des accords décalaient la position d'un subordonné et de ses terres. Le vassal remettait sa tenure à son supérieur. Celui-ci investissait un tiers qui concédait la terre au premier détenteur 11 • Un vassal endetté abandonnait un fief à son créancier. Ce dernier devenait l'homme du seigneur, puis restituait le fief au débiteur. Des bénéficiaires d'un alleu repris en fief le reprenaient à leur tour d'un maître plus haut placé u. Ces menus faits ouvrent des horizons sur le rôle économique des fiefs dans le marché des biens. Si la sous-inféodation augmentait le nombre des hommes qui relevaient du seigneur supérieur, elle n'en abrégeait pas moins le fief, car elle le fractionnait1 3 • A l'exception du 10. Une enquête de 1133 pour la Normandie permet de suivre leur filière : au sommet, le duché, qui meut du roi de France ; parmi les terres dépendantes, le temporel de l'évêché de Bayeux qui, sur de vastes espaces, relève des ducs ; la baronnie d'Evrecy, tenue de l'évêque par Robert de Gloucester ; les biens pris dans cette baronnie et concédés par Robert à ses subordonnés qui ont procédé à des découpages (Documents, n° 38, a). 11. Des opérations étaient plus compliquées. En 1071, la comtesse de Hainaut se dévêtit entre les mains de l'empereur Henri IV des fiefs qu'elle tenait de lui. L'empereur les transféra à l'église de Liège, qui les céda au duc de Basse-Lotharingie, lequel les rendit à la comtesse. Cette dernière eut désormais un seigneur : le duc de Basse-Lotharingie, et deux suzerains superposés : l'évêque de Liège et Henri IV (n° 662, GA~SHOF, Qu'est-ce que la féodaliié ? p. 161). Sur Richilde, Documents, n° 36. 12. N° 416, Duev, La société en Mâconnais, p. 563. 13. Elle encourageait des supercheries dénoncées, en 1154 et 1158, dans des Constitutions de Frédéric 1er, et contre lesquelles protestèrent

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subordonné placé au dernier échelon de la hiérarchie, chacun des intéressés faisait valoir en tant que seigneur des droits éminents. Tout changement apporté à la supstance du fief concernait les supérieurs. Il était difficile de préciser leurs prérogatives. Longtemps, les théoriciens se sont ébroués sans grâce au milieu de cet imbroglio. Ils admirent finalement la superposition des droits utiles et, en France, réservèrent le domaine éminent au roi, ou à l'alleutier. La sous-inféodation fut subordonnée à l'assentiment du maître pendant le premier âge féodal. Puis la règle céda, bien que des zones de résistance aient survécu dans l'Allemagne des boucliers vassaliques, en Angleterre après 1270, dans la région de Paris, en Bourgogne, dans le Hainaut jusqu'en pleine époque moderne, et à Chypre. Des Coutumes limitèrent la durée des sous-inféodations, s'opposèrent au morcellement excessif du tènement et fixèrent la quotité disponible à la moitié ou au tiers de sa superficie 14. On considéra la nature des fiefs. Des châtelains allemands furent empêchés de sous-inféoder leurs forteresses ; Frédéric II défendit aux évêques de concéder sans son approbation les regalia qu'ils tenaient de lui.

B. TRANSMISSION HÉRÉDITAIRE DES FIEFS

Milon de Bray, rapporte Suger, c réclame son fief en vertu de son droit héréditaire. Prosterné aux pieds du des seigneurs. Afin d'échapper aux droits de mutation, des vassaux procédaient à des sous-inféodations qui dissimulaient des ventes. L'édit de 1158 s'éleva vigoureusement contre cet usage : c Nous voulons couper court aux manœuvres astucieuses de ceux qui, ayant touché le prix des fiefs, les vendent et les transfèrent à des tiers sous l'aspect d'une investiture qui, disent-ils, leur est permise ... Nous interdisons ces pratiques > (Documents, n° 48, 3°). En Angleterre, pendant les dernières années du XIII• siècle, ces manœuvres furent également réprimées. 14.liEADIANOIR, Coutumes de Beauvaisis, éd. SADION, n° 497, 1478 et suiv. ; Philippe de NOVARE (chap. 81, dans Historiens des Croisades, Lois, l, 553-554) ; n° 942, Assises de Romanie, éd. RECOURA, art. 30 et 46.

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roj~ .., il. $UppHe la munificence royale ... de lui restituer l'héritage de son père u >. A la mort de l'un des contractants, le lien personnel se dénoue et le fief « tombe >. Ni l'un ni l'autre ne sont donc héréditaires. Mais le droit au fief et, par conséquent, le droit à la vassalité le sont devenus. Ce n'est pas l'héritage qui déclenche les devoirs. Ce sont les serments et l'investiture 18 • Aussi longtemps qu'ils sont différés, il n'y a ni vassal ni fief ; il n'y a aucune obligation. « Quelqu'un ne peut exiger d'un héritier, majeur ou mineur, nul service, nul relief ... avant d'avoir reçu l'hommage pour le tènement dont il assure avoir le service 11• > Or, le successeur du maître défunt ne refuse pas sans raison la mise en possession. Il ne reprend habituellement le fief qu'en l'absence d'héritier. L'usage lui donnait de longues lignées de serviteurs, empêchait l'exploitation insensée des terres par des vassaux de passage... Il avait ses dangers, car il immobilisait des biens et des charges, entravait le remembrement des domaines, pérennisait des médiocres, faisait obstacle au recrutement des meilleurs. La position des seigneurs était d'autant plus ambiguë qu'en refusant au subordonné ce qu'ils attendaient de leur maître, ils donnaient à ce dernier un exemple qui se retournait contre eux. Enlever son fief au fils du défunt, c'était semer le désarroi dans les compagnies vassaliques, décourager des candidatures à la dépendance, perdre des fidèles tentés par des chefs plus compréhensifs. Aux dire des annalistes et des Chansons de geste, on commettait « une suprême

15. SUGER, lïta Ludovici Grossi regis (éd. WAQUET, C.H.F., Paris, 1929, p. 127). 16. G. DURANT, Speculum juris, livre IV, De feudis, p. 308, art. 19. c S'il avient qu'aucuns tiegne son fief sans fere homage, et li sires ne giete pas la main au fief pour ce qu'il n'en set mot, ou pour ce qu'il regarde qu'il n'est pas tenus a fere savoir a celi a qui li fiés est venus ou escheus qu'il viegne a son homage, et cil tient la chose et lieve grant tans ; et après ce qu'il l'a tenu grant tans sans seigneur, li sires i veut jeter la main, il le puet, s'il li plest, tenir autant de tans sans homme comme cil qui ·en dut estre ses bons le tint sans seigneur > (BEAUMANOIR, Coutumes de Beauvaisis, éd. SALMON, n° 484). 17. GLANVILLE (Documents, n° 57).

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injustice, une mauvaise action, une grande folie 11 >. Des poèmes de la geste de Guillaume d'Orange développent le thème des erreurs de Louis le Pieux qui, ayant oublié Guillaume dans une distribution de fiefs, lui proposa en compensation des terres rendues disponibles par la mort d'un vassal. Or, celui-ci laissait une veuve et des enfants. L'injustice succédait à l'ingratitude. Dignement, Guillaume refusa 1•. Quant au successeur du défunt, il trouve avantage, habituellement, à recueillir des offices et des terres. Dans un premier état du droit, il ne jouissait des revenus du fief qu'après l'investiture. Dans une deuxième phase, ils lui furent accordés sans délai lorsque sa fidélité paraissait indubitable. Encore fallait-il que l'intéressé ftît l'héritier légitime et sût à qui prêter les serments, qu'un cadet ne cherchât pas à évincer l'aîné, qu'un c étranger > s'abstint de faire valoir des droits usurpés. Les contestations étaient portées devant la cour du seigneur, du prince territorial ou du roi. L'hérédité a ouvert toutes grandes les voies qui menaient au fief. Bien que les documents lui fassent une place privilégiée, nos moyens d'approche sont rares avant l'an mil, faute de textes donnant l'image complète, l'image exacte des successions féodales. Etablir une proportion entre les actes qui parlent en faveur de la transmission successorale des biens et ceux qui témoignent contre elle n'aurait aucun sens. Les hasards documentaires sont rois, et les priorités incertaines, sinon secrètes. On s'écarte aujourd'hui quelque peu des démonstrations qui, jadis, accordaient pleine faveur à l'hérédité sans tenir compte assez des pays, des milieux sociaux, de la nature des fiefs. Pourtant, des forces considérables l'ont encouragée dans la haute aristocratie, puis dans les couches moyennes ou 18. N° 34, FLACH, Les origines de l'ancienne France, Il, 549 et n. 1. 19. Charroi de Nîmes (éd. PERRIER, Paris, 1931) ; Couronnement de Louis (éd. LANGLOIS, Paris, 1920). - Cf., dans Raoul de Cambrai, les litiges provoqués par la succession d'flerbert de Vermandois, et cette formule caractéristique : c: L'onnor del pere doit tot par droit revenir a l'effant » (éd. :\IEYER et Lmwsox, les vers 700-701).

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basses de la vassalité. Tour à tour exalté et grignoté par l'historiographie, le Capitulaire de Quierzy-sur-Oise a éclairé la route qui conduisait à l'hérédité de droit 10 • La transmission successorale des offices publics s'est fortifiée au x· siècle en France, en Basse-Lotharingie, en Italie du Nord, malgré les résistances de plusieurs souverains, principalement lorsque le successeur était un enfant ou un collatéral. Avant le XII• siècle, elle l'a emportée plus difficilement :) l'est du Rhin, oil la monarchie fut assez puissante pour l'enrayer. S'agit-il des fiefs ordinaires ? Moins connu que pour les c honneurs > parce qu'il mettait en jeu des intérêts plus petits, le mouvement a subi des oscillations. Hérédité de fait des fiefs terriens et des honneurs : la concordance est assez nette dans la moitié nord de la France après 850, dans le centre et le Midi après 1050, ou après 1100. Elle ne s'est nullement généralisée 11 • Il y a toujours eu des fiefs temporaires ou viagers : résultats d'accords privés ou d'initiatives seigneuriales qui tentaient l'aventure 12 • En dehors des rentes en fief, ils font figure de phénomènes. Ils sont désuets. Dans l'Empire, des tenures furent transmises de père en fils dès l'époque carolingienne. Cependant, on traîne, on multiplie les cas particuliers et les réticences, surtout dans la petite vassalité et pour les fiefs concédés par des établissements ecclésiastiques. Les tenures viagères sont nombreuses vers l'an mil. Un pas décisif fut franchi à l'époque de Conrad II par l'édit du 28 mai 1037, qui créa un droit. Allié pour des raisons politiques aux arrière-vassaux du royaume d'Italie, il admit que la plupart de leurs fiefs jouiraient de cette hérédité dont les grands vassaux bénéficiaient déjà et qu'ils refusaient aux « petits > 11 • Inspirée 20. Notre tome 1, p. 187-188, 213-214. 21. N° 610, BLOCH, La société féodale, I, 303. 22. Exemples régionaux, pour le xn~ siècle, dans n° 520, OLIVIERMARTIN, La Coutume de Paris, I, 232 ; pour les XIII• et XIV• siècles dans n° 638, DIDIER, Le Hainaut, p. 181. - Sur Je Léon et la Castille, n° 673, GRASSOTTI, Les cessions « ad tempus ». 23. Notre tome I, p. 393 et 395.

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par les circonstances, comme le Capitulaire de Quierzy, la mesure souligna les poussées vers la transmission successorale. Des dispositions de détail, qui allaient dans le même sens, furent prises pour l'Allemagne. Il faut néanmoins attendre le XII' siècle pour assister à la victoire d'une hérédité qui n'a pas été aussi complète qu'en France. Les événements, les structures politiques et sociales expliquent les vicissitudes d'une histoire dont le rythme et les images changent avec les contrées et les seigneuries. Dans les Etats conquis par les « Francs > du XI• au XIII• siècle, on ne relève pas pareils flottements. Bien sftr, des communautés religieuses de l'ancienne Italie lombarde concédèrent des fiefs pour trois générations, ou à titre viager 14 ; en Angleterre, de très anciennes inféodations intéressent des fiefs donnés à vie :u. Ce furent des exceptions .

••• Les remarques précédentes concernent notamment la transmission du fief à un fils unique ayant atteint sa majorité : soit « quinze ans accomplis 16 >. A cet âge, l'ado24. N° 626, CAHEN, ouvr. cité, p. 128. 25. Elles furent consenties en 1083 et 1085 par des établissements ecclésiastiques. Encore le fief mentionné dans l'acte de 1085 a-t-il appartenu durant deux siècles à la même fa mille (sur la féodalité anglaise, n° 754, STENTON, The first century). 26. Douze ans pour les filles. - Selon le Livre de Jean d'IBELIN, s'il y a incertitude sur l'âge du jeune homme, celui-ci doit le c prouver > devant la cour seigneuriale c par deus leaus crestiens,... qui jurent que il a quinse anz, ou plus > (chap. 169). Philippe de NOVARE dit : « L'hom doit prover aage >, chap. 21 (Historiens des Croisades, Lois, I, 495 ; Documents, n° 59, 3°). Des entrées en possession étaient retardées jusqu'à ,·ingt et un ans pour les fiefs de dignité et pour les tenures chargées de services militaires. En 1214, la comtesse de Champagne fut autorisée à conserver « le bail de son fils ponr le comté » jusqu'à ce qu'il eitt atteint l'âge en question (LONGNON, Documents relatifs au comté de Champagne et de Brie, I, 471, n° 11). Des héritiers prenaient possession du fief à quinze ans et n'en disposaient complètement que six ans plu·s tard, car on Youlait les empêcher de dilapider leurs biens (n° 638, DIDIER, Le Hainaut, p. 203).

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lesèent a « le cuir et les os plus durs 27 >. Il se prépare à la chevalerie 11• Aussi longtemps que l'adoubement conserva son prestige dans les milieux nobiliaires, la majorité ne porta tous ses effets qu'après cette cérémonie, qui faisait de l'intéressé un adulte 19 • Le fils était-il mineur ? A l'origine, le seigneur reprenait le fief. Puis, l'affermissement de l'hérédité inclina les conte~porains à des accommodements, à cette conciliation qui, malgré des heurts, fut un trait profond du monde médiéval. Quelquefois, la famille du mineur confiai! le fief à un administrateur provisoire : la mère ou, à défaut, le plus proche parent 30 • Ce c gardien >, cet c avoué > de l'enfant, ce « baillistre > du fief était plus qu'un tuteur, sauf dans le royaùme d'Italie. Car, après avoir prêté l'hommage, reçu l'investiture et s'être engagé à servir la tenure, il jouissait du revenu des biens jusqu'à la majorité de l'enfant, à condition de l'entretenir et de ne pas abréger le fonds 11 • 27. LANGLOIS, La vie en France, 1, 12 (d'après le roman de Galeran). 28. Il peut y accéder plus tôt. Henri III d'Angleterre fut adoubé et couronné à l'âge de neuf ans. 29. Des Coutumes occidentales, antérieures au XIIIe siècle, comportaient cette disposition (n° 675, Gu1LHIERMOZ, La noblesse en France, p. 395). Elle est observable en Terre sainte, où le souci de la défense primait tout (Livre de Jean d'IBELIN, chap. 169, dans Historiens des Croisades. Lois, 1, 260 : si le jeune homme n'est pas chevalier, il demandera un « répit > de quarante jours pour le devenir et faire le service du fief). 30. Non sans restrictions. « L'enfant doit estre en la garde dou plus prochain de ses parens ou amis à cui le fié ne peut eschair. > (Livre de Philippe de NOVARE, chap. 20, dans Historiens des Croisades, Lois, I, 494 ; et Documents, n° 59, 3° ; Livre de Jean d'IBELIN, chap. 170 et 170 bta, ibid., p. 261-263). Dans la principauté d'Antioche, la veuve qui administrait l'héritage de ses enfants était contrainte de se remarier afin que le sen·ice du fief f1lt assuré (n° 916, CAHEN, La Syrie du Nord, p. 534). - Pour ]a Morée, n° 942, Assise-s de Romanie, éd. RECOURA, art. 39 ... 31. « Chaque avoué... doit recevoir pour le service auquel il est tenu envers le seigneur du fief les fruits et les revenus du fief dont il est avouê. Il est tenu de fournir la soutenance et le vêtement au pupille dont il est l'avoué et de gouverner la terre... Si le pupille subit quelque dommage en sa terre par fraude, tromperie ou négligence

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--L'usage se ·_rencontre dans· l'Empire, .dans le Sud et= le centre de la France; en Terre sainte et en Morée. 11 traduit une victoire du lignage. Ailleurs, la garde familiale fut retardée ou remise en cause, dès le x· siècle, par les prétentions seigneuriales, du moins lorsque la succession concernait un grand fief et d'importants intérêts politiques. Dans le Nord et le Nord-Ouest de la France - y compris la région de Paris - dans une partie de l'Allemagne, en Syrie du Nord, en Italie normande puis souabe, la garde de l'enfant et l'administration du fief revenaient au seigneur. Après 1100, il les abandonna soit à la mère, soit à un membre de la parenté. Ou bien, il exigea de la famille qu'elle soumît à son approbation le nom du baillistre ; et il l'investit. Assortis de mesures fiscales, ces moyens de pression eurent un rôle important dans les rapports des rois et de leurs grands vassaux. Une telle association des intérêts lignagers et seigneuriaux n'existait guère en Normandie, ni dans l'Angleterre des xn· et XIIl8 siècles. Le maître y exerçait la garde 11, investissait le mineur et, en attendant sa majorité, exploitait à fond le fief, pressurait les paysans, disposait des biens mobiliers, ou vendait son pouvoir de gestion. Depuis Guillaume le Conquérant, les souverains ont commis des abus qui suscitèrent des réactions. Ne voit-on pas les juges itinérants enquêter sur la valeur et le revenu des fiefs placés entre les mains du roi ? Le souci d'une bonne administration n'était pas seul en cause. Le souverain voulait obtenir une prévision des recettes ou céder ses droits au meilleur prix. Sans doute, Henri I"' stipula-t-il que la garde du mineur et la gestion de sa terre reviendraient à la mère ou à un parent 33 • La mesure ne fut pas rigoureusement applide l'avoué, l'avoué est tenu de réparer ~ (n" 942, .-tssises de Romanie, éd. RECOURA, art. 83). :i'.2. GLANVILLE (Documents, n° 57) ; Grand Coutumier de Normandie, éd. TARDIF, chap. 24 et 31 (cf. R. GÉNESTAL, Etudes de droit privé normand, 1, 7 et suiv., La tutelle, Caen, 1930). Touchée par cet-usage au XpI• siècle, la Bretagne est revenue bientôt à la garde familiale. :!3. Documents, n° 54 (vers 1100).

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quée~ lien fut de même de l'engagement pris par Jean sans Terre, dans la Grande Charte, de respecter les droits des mineurs et de c ne détruire ni les hommes ni les biens" >. Il y a là un aspect déplaisant de la féodalité, un détournement des règles de protection et d'assistance, gâtées par la recherche du profit.

••• Cette recherche a donné lieu à de graves abus lorsque le vassal ne laissait qu'une fille. « Il ne appartient pas à la famme aler en ost, ne en chevauchiée ... , quar son poair n'est rien. Ne ne doit aler à plez ne en jugement... Et ainssi le seigneur seroit deceu de la recepvre, car il auroit poay (peu) de conseil et de aide de le. > Ces termes de la Très ancienne Coutume de Bretagne, rédigée au XIV• siècle, dénoncent l'incapacité où sont les femmes de servir ellesmêmes le fief3\ Néanmoins, les liens du sang ayant parlé en leur faveur, la Coutume les admit à l'héritage. Au X' siècle, dans la moitié nord de la France, la succession féminine au fief est plus rare que dans les régions méridionales. Elle tend à se généraliser au XIII• pour les fiefs ordinaires et pour ceux de dignité. Après 1050, elle progresse de l'Ouest vers l'Est en Allemagne où, cependant, des usages régionaux la subordonnèrent durablement au consentement du seigneur et fermèrent les fiefs de dignité aux femmes. La concession du duché d'Autriche, en 1156, à Henri de Babenberg et à son épouse Théodora n'a guère fait école. Les réticences furent également fortes dans le royaume d'Italie. L'édit de Conrad II, de 1037, fait silence sur les filles. Au siècle suivant, les Consuetudines f eudorum les écartent de la succession, les rejettent après les neveux ou 84. N° 608 a, BÉMONT, Chartes des libertés anglaises, 1100-1305, p. 28 et suiv. 35. Ed. PLANIOL, chap. 233.

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subordonnent l'héritage aux clauses insérées dans les contrats vassaliques 86 • Néanmoins, des usages se relâchent"· Une précaution permettait l'accomplissement des obligations féodales : la désignation d'un remplaçant. Pour la femme, le mari s'imposait. Pour la veuve en possession d'un douaire ou de droits d'usufruit sur la succession, on choisissait un proche parent. C'était inciter le seigneur à faire preuve de sollicitude envers l'héritière en mal d'époux et à l'empêcher « de se marier trop bas >. C'était intéresser le maître à toutes les filles du vassal susceptibles d'être appelées à la succession, et aux veuves en âge de convoler. Quitte à fermer les yeux sur les femmes « qui auroient quatre vint, ou quatre vint dis, ou cent anz, qui seraient si descheues corne se elles fucent demi porries 11 >. Presque partout, le consentement seigneurial était nécessaire. En épousant Aliénor d'Aquitaine sans l'autorisation de Louis VII, Henri II affronta l'ire du premier mari 89 • 36. Ed. LEH:\IA.SN, p. 93-94, 108 (Documents, 11° 52, B). Pour des raisons militaires, semble-t-il, les neveux passaient avant les filles en Normandie et en Italie normande. Frédéric II abolit cette disposition en Italie souabe. 37. Consuetudines f eudorum, éd. LEH)IANN, p. 93-94, 108, 129, 134, 135, 173... L'un des articles stipulait (p. 108) : « Si quis sine filio masculo mortuus fuerit et reliquerit filiam, filia non habeat beneficium patris, nisi a domino redemerit. Si autem dominus ei dare voluerit propter servitium et amorem patris, non revocetur ab ullo ex parentibus suis neque damnetur > (Documents, n° 58, B, 2"). Il y eut aussi des abandons dans toute l'Italie, en Terre sainte, en Angleterre après 1066, dans l'Empire latin de Constantinople. 38. Livre de Jean cl'Ie~u~ (chap. 228, dans Historiens des Croisades, Lois, 1, 364). 39. Nous relevons des nuances dans les usages. - Les Assises de Romanie tBiliogr. n° 942) rendent un son modéré. c La femme lige, après la mort de son mari, peut se marier avec qui elle veut, à condition qu'elle ne se marie pas avec un ennemi, en donnant au seigneur le tiers des revenus d'une année de la terre qu'elle tient du seigneur en tant que lige ... : et cela pour son relief. La femme d'hommage plane ne peut se marier sans le consentement de son seigneur... Mais le seigneur ne peut pas la marier contre sa volonté > (éd. RECOURA, art. 31 ; voir aussi art. 72, 119). Le lige, < sans requérir le seigneur, peut marier sa fille à qui il veut, même à un homme d'hommage plane, pourvu que la terre, essentiellement, ne subisse aucun abrégement. > (nrt. 80).

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L'assentiment du maître était requis spécialement lorsqu'une fille recevait un fief chargé du c service de corps >. 11 pouvait par surcroit c la semondre de prendre baron > : occasion pour lui de caser un favori ou de faire payer très cher son consentement à un libre choix "0 • Un immense marché des mariages accompagne l'époque féodale. L'histoire des monarchies, des principautés, des familles seigneuriales est remplie de tractations misérables, d'unions hâtives, précipitées par des mobiles allant de la haute politique aux sujets les plus mesquins, ou dictées par le désir que l'héritière du fief fût remise intacte c au marit que son seignor ou sa dame li eust douné >. Si elle avait c fait puterie > et « fait gaster l'onour de sa virginité >, elle était déshéritée ,u.

•••

Qu'arrivait-il lorsque la succession concernait plusieurs enfants de l'un ou l'autre sexe, ou des deux sexes? Problème complexe ! Il mettait en jeu la structure des fortunes, l'avenir du lignage, de chaque enfant et du seigneur. Les règles ont varié à tel point d'une contrée à l'autre qu'une c synthèse > est impossible. La dresser serait se condamner à n'être jamais dans le vrai. Tout au plus peut-on déceler des tendances, mettre en balance pays coutumiers et pays de droit écrit, rappeler des règles successorales concernant les biens nobles dont le fief faisait partie. En général, les pays coutumiers français séparent les 40. « Se fié escheit à damoiselle qui ait douze anz, ou plus, celui ou celle qui devoit tenir son baillage ... le devra tenir... tant que elle soit mariée ... Et puis que elle aura douze anz passés, le seignor la peut semondre de prendre baron > (Livre de Jean d'IBELIN, chap. 171, dans Historiens des Croisades, Lois, 1, 263-264). c Quant le seignor via ut semondre... f eme de prendre baron, quant elle a et tient fié qui li deie servise de cors, ... il li deit offrir treis barons. > Si elle reste indécise, elle encourt une amende et même la saisie du fief (chap. 227 et suiv., ibid., p. 359 et suiv.). - Autres arguments dans le Livre au roi (chap. 32, ibid., p. 627-628). En Angleterre, des actes s'élevèrent sans grand succès, nous venons de le dire, contre l'intervention du souverain dans les vies familiales. 41. Livre au roi (chap. 33, ibid., p. 628-629).

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bien paternels des biens maternels et leur dictent une dévolution successorale particulière. Ils classent les fortunes d'après leur origine : propres, ou patrimoine foncier, acquêts, conquêts, - et d'après leur nature : meubles et immeubles. Ils instituent une réserve des propres, et parfois des acquêts, en faveur des « héritiers naturels >. Avee plus ou moins de vigueur, ils préconisent l'aînesse et la masculinité, prévoient des substitutions par ordre de primogéniture en ligne masculine, puis en ligne féminine. En maintes régions, les filles dotées et les fils établis sont exclus de la succession, écartés de la communauté familiale". Bref, la liberté testamentaire est restreinte, et le testateur ne dispose à sa guise que d'une fraction de sa fortune 41 • Du XI• au XIII• siècle, les noblesses du Nord, du NordOuest et de l'Ouest de la France ont adopté un régime qui gagna des contrées du Sud-Ouest appartenant à la zone du droit écrit"'. Le patrimoine était défendu contre les entraînements des testateurs. Pour conserver « le nom, le lustre, l'éclat, la splendeur et la dignité de la maison >, on avantageait l'aîné, devenu « l'arc-boutant, la clef de vo1ite et la principale colonne 45 >. Dans cette perspective, si large 42. Lu Coutume de Normandie allait plus loin, car elle rejetait les filles sans subordonner cette mesure à ]a constitution d'une dot. - Voir J. YvER, n° 155, Les caractères originaux du groupe de coutumes de l'Ouest de la France (Paris, Recueil Sirey, 1952, p. 32-33- nos références seront données d'après ce tirage à part-) ; lo., c L'exclusion successorale des filles nobles dotées dans les coutumes du groupe angevin > (Rev. histor. de Droit fr. et étranger, 1954, p. 153-154) ; ID., « Note sur quelques textes coutumiers poitevins relatifs à l'exclusion successorale des filles dotées :, (Etudes historiques à la mémoire de -:Voël Didier, Paris, 1960, p. 351-361). Consulter également les travaux de GÉNESTAL et de BESNIER, 43. En Normandie, dans les Etats normands- de Syrie, d'Italie du Sud et de Sicile, le mari avait la libre disposition d'un tiers de ses biens. Le deuxième tiers était réservé aux enfants. Le troisième constituait le douaire de l'épouse (n° 626, CAHEN, L'Italie normande, p. 84). 44. N° 366, BOUTRUCHE, Crise d'une société, p. 285-294, 359-361. 45. Commentaire de J. BRODEAC, Coustume de Paris, 1, 119-120. Les usages de la région parisienne et ceux des contrées influencées par elle dictaient une aînesse moins rigoureuse que les Coutumes de l'Ouest rlc la France.

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en Angleterre que des ainesses s'étendirent à l'ensemble des successions immobilières, on ne négligeait pas les cadets, qui avaient droit à une « soutenance > ou à une « légitime > ; on n'ignorait pas les filles. Mais tout ce monde passait au second plan 48 , Les pays atteints par la renaissance du droit romain ont longtemps offert un autre spectacle : ni aînesse, ni privilège de masculinité. Il faut descendre jusqu'à la seconde moitié du xu• siècle, ou jusqu'au XIIIe, pour assister à une réaction qui, grâce à la liberté testamentaire, permit d'avantager le premier fils et d'exclure de la succession les filles dotées"· Les contrastes originels entre droit romain et droit coutumier ont donc fait place à des emprunts réciproques qui répondaient au souci d'assurer la continuité dynastique et de maintenir la puissance de la « maison >, tout en accor46. Parmi les études récentes, J. YVER, c Les deux groupes de coutumes du Nord > (Rev. du Nord, 1953, p. 219 et suiv.) ; n° 155, Les caractères originaux du groupe de coutumes de l'Ouest de la France. - Dans ces usages, précocement cristallisés, l'auteur relève une forte empreinte féodale et ligna gère, ainsi qu'un droit d'ainesse entre les enfants mâles, à leur défaut entre les filles et, à défaut d'enfant, entre les collatéraux. Dans l'application et l'étendue de ce droit il note des différences entre l'ensemble Touraine-Anjou-Maine, le Poitou, la Bretagne, la Normandie. Au sein de chaque groupe, des divergences se man ifestaient. La Coutume du pays de Caux préconisait une aînesse plus impérieuse que la Coutume générale de Normandie. Des courants s'entrecroisaient dans le Poitou : les uns venus de Touraine et d'Anjou, les autres du centre et du Midi. 47. Cette exclusion figure en Provence dans des statuts locaux, puis dans les statuts généraux de 1472. Il est possible que la région ait subi dès le XII• siècle l'influence des Coutumes urbaines de l'Italie du Nord (N. DIDIER, « Le texte et la date du statut de Guillaume II de Forcalquier sur les filles dotées >, dans Ann. de la Fac. de Droit d'Aix, 1950, p. 7-22 ; « Les dispositions du statut de Guillaume II de Forcalquier sur les filles dotées > - , dans Le Moyen Age, 1950, p. 247-278). Voir aussi : P. TISSET, « Placentin, droit romain et coutume dans l'ancien pays de Septimanie > (Recueil de la Soc. histor. de droit écrit, 1951, p. 67 et suiv.) ; M. VIORA, « Note sulla successione della donna al f eudo > (Studi di storia e diritto in onore di Carlo Calisse, Milan, t. Ill, 1940, p. 449-455) : n° 276, )fARONGIÙ. La {tlmiglia nell'ltalin meridionale.

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dant à chaque enfant des moyens d'existence. Ce même souci transparaît dans les Coutumes familiales érigées, depuis le XIII• siècle, au-dessus des usages régionaux. Tout en maintenant la liberté testamentaire, la Coutume de la maison d'Albret recommande la dévolution des biens à l'aîné, « quel que soit le nombre de fils ou de filles >, et le transfert entre ses mains de l'indivisible baronnie d'Albret. Relisons l'acte passé en 1456 entre Charles II d'Albret et trois de ses fils : « De sy long tems qu'il n'estoit memoire du commencement ne du contraire, les filles ne succedoient point en l'heritage de leurs pere et mere tant que y eust maslcs descendans de masles ; et seullement celuy ou ceux qui estoient principaux heritiers de ladicte seigneurie d'Albret estoient tenus marier les filles bien et honorablement, selon leur estat... Et tout ce, afin que ladicte seigneurie d'Albret jamais ne puisse tomber en succession de filles et que, par ce moyen, pust a tous tems estre entretenue, gardee et deffendue "· > La tenure féodale s'est ralliée aux systèmes successoraux sans perdre ses caractères 49 • Lorsqu'il y a plusieurs enfants pour un seul fief, le seigneur recommande l'indivisibilité de la tenure, source des services qu'il attend ; le vassal, lui, est pris entre des sentiments divers : respecter l'intégrité du fief ; cependant, payer grâce à lui les donations pieuses et charitables, quand la fortune mobilière n'y suffit pas ; assurer l'avenir des enfants en l'amputant dans les limites autorisées par les usages ; charger le fils avantagé de caser ses frères et de doter ses sœurs. Couramment, les fiefs de dignité sont restés indivisibles. 48. N° 366, BOUTRUCHE, Crise d'une société, p. 388. 49. G. DURANT, Speculum juris, éd. de 1592, livre III, De feudis, p. 312, art. 45. - Des Coutumes de l'Ouest de la France autorisaient le testateur à disposer d'un tiers des propres pour constituer un douaire, laisser des biens aux puînés et aux filles. Cette quotité disponible a peut-être joué pour le fief avant de s'étendre à l'ensemble du patrimoine. c Le disponible féodal est devenu le disponible coutumier > (n° 155, YvER, Groupe de coutumes de l'Ouest de la France, p. 22-23, 33). Le droit successoral normand, en particulier, fut influencé plus que celui des contrées voisines par le régime du fief.

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Comment exercer leur gouvernement si les territoires ·et les fonctions étaient morcelés ? Que la règle ait été violée, des faits le démontrent : tels les partages du duché de Saxe, en 1180, et du duché de Bavière en 1255. D'autres exemples seraient à citer pour la France où, pendant longtemps, l'intégrité des grands fiefs ne fut pas soutenue par les initiatives monarchiques ou princières : en 918, partage provisoire de la Flandre entre deux fils du comte ; division, au x• siècle, de la principauté d'Aquitaine ; ensuite, fragmentation des principautés champenoise et angevine... On morcelait exceptionnellement les unités territoriales dont la principauté était faite. Chacun des héritiers recevait, intacts, des comtés, des vicomtés, des baronnies, des châtellenies 50• Pour les fiefs ordinaires les Coutumes proposent des solutions. Au XII• siècle, les Consuetudines f eudorum admettent tous les fils au partage 11 • Les habitudes provençales vont plus loin : des fils et des filles non dotées reçoivent une égale fraction de la tenure 52 • A l'opposé, l'Angleterre, le royaume de Jérusalem et la principauté d'Antioche furent à la pointe du mouvement qui, dès le début, s'efforça de sauver l'unité du fief afin de ne pas mettre les services en danger 53 • Les usages ne furent 50. Pour ces dernières, la règle a fléchi : ainsi dans la région de Paris, dès le début du xne siècle (n° 520, OLIVIER-MARTIN, La Coutume de Paris, 1, 233 et n. 4). 51. Ed. LEHMANN, p. 84, 93-94 (Documents, n° 52, B). 52. N° 163, AUBENAS, La famille dans l'ancienne Provence. - Rappelons, avec l'auteur, la seigneurie de Châteauneuf, fragmentée en vingt-quatre pièces au début du XIII• siècle. - Mais le droit écrit, qui inspirait ces usages, autorisait la liberté testameDtaire. Des nobles l'ont exercée en faveur de l'aîné. 53. Adjoignons-leur la Bretagne, la Champagne, le Hainaut... ( « Assise au comte Geoffroy, de 1185 >, dans Rev. historique de Droit français, 1887, p. 117 et suiv., 652 et suiv. ; « Ancien Coutumier de Champagne >, dans BouRDOT DE RICHEBOURG, Coutumier général, III, 209 : 1224 ; n° 638, DIDIER, ouvr. cité, p. 187-193). - GLANVILLE écrit dans son De legibus Angliae (éd. WoonBINE, p. 102) : « Si miles fuerit vel per militiam tenens, tune, secundum jus regni Angliae, primogenitus filius patri succedit in totum ita quod nullus fratrum suorum partem

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pas constamment honorés, et des démembrements se produisirent"· Il arrive que le moulin des lois tourne à vide. Entre ces extrêmes, des Coutumes ont fait preuve de conciliation. Elles ont avantagé l'aîné en lui laissant le château ou le principal manoir, une fraction des «propres> et des meubles. A défaut d'enfant mâle, et bien qu'elle passât par son mariage dans une autre maison, la fille aînée jouissait des mêmes prhilèges. Sinon les filles procédaient ·entre elles à une égale distribution 55 • Les combinaisons s'élargissaient lorsque la succession comportait plusieurs fiefs et plusieurs enfants. Nous percevons les oppositions entrevues tout à l'heure entre les contrées de forte aînesse et les régions de droit écrit. Nous rencontrons les c pays intermédiaires >. D'après des Coutumes rédigées dans l'Ouest de la France, le fils aîné recevait le fief principal en préciput et une part avantageuse 111 • Des substitutions étaient prévues par ordre de primogéniture. On excluait les filles dotées. N'y avait-il que des enfants du sexe féminin? Dans la Coutume de Paris, après 1300, l'aînée prenait en préciput le principal manoir 57 • En Bretagne, à certains moments du XIII• siècle inde de jure petere potest ... Si filiam tanlum rcliquerit quis heredem, tune id obtinet... quod de f ilio dictum est. ~ - Pour le royaume de Jérusalem, !.ivre de Jean d'IBELIN, chap. 148 et suiv. ; Livre de Philippe de NOVARE, chap. 71 et suiv. (Historiens des Croisades, Lois, 1). 54. N° 121, POLLOCK et MAITLAND, The history of english law, 1, 254. 55. Dans la région parisienne, des fiefs furent morcelés en raison des insuffisances de l'aînesse, jointes à des aliénations. On s'efforça de conserver, au moins provisoirement, l'intégrité des services dus par les fiefs de chevalier (n° 520, OLIVIER-MARTIN, La Coutume de Paris, I, 251). 56. Cette part mangeait les deux tiers des successions paternelles, dans la Coutume de Paris, lorsque deux frères étaient en présence. Au-delà, l'aîné obtenait un préciput et la moitié de la succession. Les puînés prenaient le reste (n° 520, OLIVIER-MARTIN, La Coutume de Paris, 1, 301-303). En Beauvaisis, l'atné recueillait le principal manoir, plus « les .II. pars de chascun fief > (BEAUMANOIR, éd. SALMON, n° 465) : signe d'usages médiocrement respectueux des considérations féodales. 57. N° 520, OLIVIER-MARTIN, I, 302.

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l'ainesse était appliquée comme aux mâles. Au contraire, dans l'Orléanais et le Berry les filles recevaient des lots équivalents. L'oscillation des usages traduit celle des mentalités successorales 58 • En diverses contrées, on a mieux défendu l'indivisibilité des fiefs et concilié plus savamment les intérêts du seigneur et ceux des enfants. Le droit de l'aîné se bornait à recevoir de son père ou à réclamer avant ses frères le fief préféré, avec la maison patrimoniale. Ensuite, les cadets choisissaient dans l'ordre de leur naissance. Ces pratiques furent recommandées anciennement par des Coutumes du Nord de la France et de la Basse-Lotharingie. Y avait-il moins de fiefs que d'enfants mâles ? La distribution prenait fin en cours de route. Les derniers fils étaient réduits à des rentes et les filles à une dot, versées par les frères installés. Les fiefs étaient-ils excédentaires ? La distribution recommençait par l'aîné. A défaut de fils, on appelait les filles dans les mêmes conditions 18• 58. Si des Coutumes gasconnes ont préconisé l'ainesse, d'autres usages du Sud-Ouest de la France procédèrent à de savants dosages entre droit écrit et droit coutumier : au premier fils, la seigneurie-mère et un avantage ; aux c:idets, des fiefs d'importance décroissante avec le rang d'âge ; aux filles, une dot en argent, contre leur exclusion de la succession foncière. En l'absence de fils, la première fille avait des prérogatives semblables à celles de l'aîné. Les autres filles héritaient ensuite c par égales parties », ou inégalement selon leur Age. Ces dispositions visaient les biens paternels. En théorie, ceux de la mère étaient distribués semblablement aux fils et aux filles. Mais la liberté relative offerte aux testateurs apportait des correctifs aux usages. En 1346, Bérard II d'Albret laissa cinq seigneuries à son aîné, des biens de moindre importance aux deux cadets, une pension au dernier fils, destiné aux ordres, des dots en argent aux filles, dès lors exclues des biens paternels, comme de l'héritage maternel qui fut divisé par fractions égales entre les quatre fils (n° 366, BoUTRuCHE, Crise d'une société, p. 288-294, 360-361, 387-388, 391-392). 59. N° 155, YvER, Groupe de Coutumes de l'Ouest de la France, p. 29, n. 2 ; n° 638, DIDIER, Le Hainaut, p. 193-195. Soyons attentif au royaume de Jérusalem. Avant 1150 environ, chaque vassal ne pouvait en principe posséder qu'un seul fief. Quand s'ouvrait une succession, l'héritage féodal allait à celui des enfants ou des proches qui attendait son chasement. Si chacun avait reçu son lot, le fief revenait au seigneur. On considérait que Je service per-

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D'autres moyens sauvegardaient l'intégrité d'une succession féodale tout en appelant les membres de la famille à jouir de ses fruits. Des miniatures présentent la scène suivante : les fils du vassal décédé mettent ensemble leurs mains dans celles du seigneur. Ensemble aussi ils reçoivent l'investiture. Répandu en AUemagne jusqu'en plein XIII• siècle, l'usage évitait le morcellement d'une unité territoriale et le déshéritement d'un enfant mâle. Un jour vint où l'inféodation collective alla de pair avec le partage de l'héritage et où la jouissance des terres cessa d'être commune. Pourtant, la succession conserva son unité aux yeux du seigneur. Une institution, le parage, a maintenu provisoirement le groupe familial sous l'autorité de l'aîné et garanti l'indivisibilité du patrimoine féodal. Peut-être d'origine angevine, elle a gagné après 1100 l'Ouest et le Nord de la France, sonne} de plusieurs tenures dépassait les forces d'un seul homme. Surtout, on voulait caser le plus grand nombre possible de chevaliers. Pendant la seconde moitié du XII• siècle, ces dispositions cédèrent imparfaitement devant les réclamations d'une noblesse portée à accroitre ses biens en même temps qu'à conserver une certaine liberté testamentaire. Un vassal reçut plusieurs fiefs à condition de les faire c servir > chacun par un homme d'armes soldé. Des testateurs étaient donc en mesure d'avantager un ou plusieurs fils et de limiter le démembrement du patrimoine. Toutefois, ni l'ainesse, ni même le privilège de masculinité n'étaient formellement assurés. Si les fils étaient plus nombreux que les fiefs, les plus jeunes étaient exclus. Si le nombre des fiefs dépassait celui des fils, les filles étaient appelées, à moins que la répartition ne reprtt entre les mAles en commençant par les aînés. En l'absence d'enfant mAle, chaque fille recevait un fief, si la succession s'y prêtait. Comprenait-elle deux fiefs pour trois filles ? L'ainée en choisissait un ; les deux autres se partageaient le second, à moins qu'il ne s'agit d'un fief tenu pour indivisible. Dans ce cas, il revenait à la deuxième fille ; on excluait la troisième. Quand les fiefs étaient plus nombreux que les héritières, les biens en excédent étaient partagés entre elles s'ils étaient divisibles. Sinon ils revenaient aux filles les plus Agées (Livre de Philippe de NOVARE, chap. 67-72 ; Livre de Jean d'IBELIN, chap. 148, 150... - Historiens des Croisades, Lois, 1. - Etudes : n° 931, MEYNIAL, De quelques particularités des successions féodales dans les Assises de nrusalem ; 11° 939, PRAWER, c La noblesse... du royaume latin de Jérusalem > (Le Moyen Age, 1959, p. 48-50, 55-56) : Documents, n° 59, 3°.

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la Basse-Lotharingie, le royaume de Jérusalem et, sous l'influence normande, l'ltaJie du Sud et l'Angleterre. Un texte de 1274 nous dit : c Monseigneur Robert Bertran, mon aîné, et moi-même avons fait une amiable concordance de toute la partie de l'héritage que je pouvais lui demander : de telle manière que Robert me donne en perdurable héritage, pour le tenir de lui et de ses héritiers en parage, comme puîné doit tenir de son aîné par la coutume de Normandie, le manoir et la terre de Fontenaile-Marmion "··· > La Coutume de Normandie a réservé un large accueil au c parage général >, qui s'exerçait lorsque la succession comportait plusieurs fiefs, tenus ou non du même seigneur. L'aîné a priorité du choix. II est tenté par le manoir principal 11 • Puis ses frères, par rang d'âge, choisissent leur lot, qui varie avec les hérit&ges : quelques tenures complètes, des terres taillées par le père sur le tiers disponible. des rentes. Le défunt ne laisse-t-il que des filles, ou de proches collatéraux ? Le parage général est admis. Seul l'aîné fait hommage au seigneur pour lui-même et pour les membres de son groupe"· Seul, il demeure responsable des services féodaux demandés aux cadets « sous sa garantie et par sa main >. Il attend d'eux la fidélité, les place sou~ la juridiction de sa cour pour c méfaits > envers sa personne. En retour, il leur doit aide et assistance. Un fief unique pouvait représenter toute la succession et poser le problème du « parage particulier >. Le droit normand ne lui était guère favorable, car il menaçait la cohésion de ,la tenure 83 • Le vassal décédé, cependant, ne lais-

60. Cité par _R. GÉNESTAL, n° 664, Le parage normand, p. 20, n. 1 (d'après le Cartulaire de Fontenai-le-Marmion, appendice 3, p. 177). 61. Dans le pays de Caux et l'Anjou, il recevait en plus une part avantageuse (n° 155, YvER, Groupe de coutumes de l'Ouest de la France, p. 26 et suiv.). 62. Rapprochons de ce système la co-seigneurie entre des héritiers. 63. Il était accepté au contraire par le droit parisien, - et par celui du Hainaut qui. en revanche, rejetait le parage général : exemple typique de la variété des usages.

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sait-il que des filles ? Le parage limitait les effets des divisions successorales. Il eut des variantes : avant tout le c frérage >. Les frères se plient à l'hommage envers l'ainé, qui de son côté le prête au seigneur pour l'ensemble de la succession. Us deviennent les arrière-vassaux du maître. Au x· siècle, la Normandie s'est ralliée à cet usage, avant de lui préférer le parage sous l'influence de l'Anjou. Nous le retrou,·ons dans l'Orient latin, la région de Paris, !'Orléanais, le Beauvaisis, la Champagne, la Bretagne - où des cadettes aussi faisaient l'hommage, pour leur dot, soit à leur frère ainé, soit, en l'absence d'enfant mâle, à leur sœur ainée, ou à son époux". A la longue, parage et frérage sont apparus comme des cotes mal taillées. Ils séparaient les cadets du seigneur, le privaient des droits de mutation, réservés à l'ainé. Ils portaient en eux des risques de sous-inféodation et de morcellement des fortunes. Voilà pourquoi, même à leur grande époque, ils furent rarement appliqués aux fiefs de dignité et aux baronnies. Ces raisons justifient les efforts des maitres pour rattacher les cadets à leur personne par un serment de fidélité. Elles expliquent !'Ordonnance de 1209 par laquelle Philippe Auguste, allant plus loin, exigea que les cadets fissent hommage au seigneur u. C'était enlever ses vertus au système. L'Ordonnance se heurta donc aux résistances des milieux vassaliques. Combattus en Angleterre après 1150, en France au XIII• siècle, ces usages ont disparu progressivement"· 64. Au XIII• siècle, dans le royaume latin de Jérusalem, l'ainée c doit faire l'omage et le servize de cors au chief seignor >. Les cadet-

tes c tiengent de l'ainnée, et [lui] doivent faire bornage ; ... et le servize de tant de chevaliers ou de sergens, corne le fié monte, dei vent eles à l'ainnée seur, et l'ainnée le doit au chief seignor de tout > (Livre de Philippe de NOVARE, chap. 72, dans Historiens des Croisades, 1, 542543, et Documents, n° 59, 3°). - Voir également BEAUMANOIR, Coutumes de Beauvaisis, éd. SALMON, art. 464 et 465. 65. Ordonnances des rois de France, I, 29 . . 66. Des traces du parage sont sensibles en Normandie à la fin du Moyen Age et au-delà (n° 664, GÉNESTAL, ouvr. cité, p. 30).

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••• Loin d'être encombrées d'enfants, des successions s'ouvraient sur le vide. Le seigneur saisissait le fief et il en disposait. Aux origines de la féodalité, il recourait à la même méthode lorsque le défunt ne laissait que des proches. c L'amour >, c le sang> ne concernaient-ils pas au premier chef la ligne directe ? Mais les liens lignagers ont exercé leur action en faveur de la famille au sens large. La BasseLotharingie et les pays d'Outre-Rhin, il est vrai, n'admirent les collatéraux qu'après de longues réticences. Le sort du fief dépendait des clauses inscrites dans le contrat vassalique ou du bon vouloir seigneurial. Le maître n'était pas lié. En France, au contraire, la dévolution du fief à des parents fut après le x• siècle un droit étendu à un nombre croissant de participants. Des Etats d'origine normande ont exclu les ascendants. Ailleurs, des Coutumes ne furent généreuses à leur égard qu'en désespoir de cause. Selon un vieil adage, c fief ne remonte >, car il doit être servi par un homme « capable >. Or, le père et des oncles appartenaient à un autre âge 67 • En revanche, des tenures féodales revenaient à un petit-fils H, un frère, un neveu ou un cousin du défunt 69 • Toutes sortes de combinaisons étaient possibles. Tantôt, l'aîné de la ligne collatérale la plus proche est seul appelé. La pratique ne s'est guère répandue, sauf pour les fiefs de dignité et les baronnies. Tantôt, on invite au partage tous les collatéraux mâles du même degré, ou ceux qui appartiennent au lignage d'où le fief provient. Tantôt, les usages classent les héritiers d'après leur rang dans l'ordre succes-

67. Consuetudines feudorum (éd. LEHMANN, p. 173) : « Successionis feudi talis est natura quod ascendentes non succedunt > (Documents, n° 52, B). 68. Edit de Conrad II : 1037 (notre t. I, Documents, p. 393-395). Des usages du Nord de la France étaient hostiles à ce comportement, susceptible de « faire tomber la terre > entre les mains d'un enfant. 69. Consuetudines feudorum, p. 85, 104-105 (Documents, n• 52, B).

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soral, et, à égalité de degré, d'après leur sexe, parfois d'après leur âge 10•

••* A l'époque où l'hérédité du fief n'était pas entrée dans le droit, des c dons > inclinaient le maître à faire preuve de bonne grâce 71 • Du jour où elle fut reconnue par les usages et où le supérieur accepta que c le fief gisant > ftît relevé par l'hommage et l'investiture, il requit de l'héritier, avant de recevoir les serments, une taxe qui, marquant c la relève >, ou sa sanction pécuniaire, reçut les noms expressifs de relief, ou de rachat. Des rois, des seigneurs_ l'imposèrent arbitrairement, du XIe au XIII• siècle, pour de grands fiefs anglais et français 71 • Plus normale70. Au XIIIe siècle, la Coutume de Paris écartait les femmes et cédait l'héritage aux mâles du même degré, qu'ils vinssent ou non après elles dans la parenté du défunt. Ensuite elle préféra les femmes aux mâles lorsqu'elles étaient plus proches en degré (n° 520, OLIVIER-MARTIN, La Coutume de Paris, l, 305-306). Dans le Hainaut, après 1200, on appelait en première ligne les frères, puis les sœurs ; en deuxième ligne, les neveux, puis les nièces ; en dernière ligne, les oncles, les tantes, les cousins (n° 638, DIDIER, Le Hainaut, p. 184186). En Morée, c s'il n'y a ni fils ni fille, succède le plus proche parent qui apparaît dans la principauté, s'il appartient à la souche d'où provient le fief paternel ou maternel... Que se passera-t-il si un parent appartient au troisième degré et descend de la ligne f éminine, et si un autre appartient au quatrième degré et descend de la ligne masculine? Réponds que doit succéder celui qui appartient au troisième degré, parce qu'il est le plus proche > ... c Si deux égaux de ligne se présentent pour avoir la succession, le mâle sera préféré à la femme, et l'ainé au puiné » (c n° 942, Assises de Romanie, éd. REcOURA, art. 32, 64, et Documents, n° 60, 11°. Pour le royaume de Jérusalem, Livre de Jean d'IBELI!I:, chap. 175, dans Historiens des Croisades, Lois, l, 275). 71. Lettre d'Hincmar, archevêque de Reims, à Charles le Chauve (MIGNE, Patrologie latine, CXXV, col. 1035-1036). 72. Et quelquefois pour des fiefs modestes. Les reliefs sollicités par le roi d'Angleterre Guillaume le Roux représentaient la valeur de la tenure. En 1100, Henri 1er promit de renoncer à cet abus. c Si l'un de mes barons, de mes comtes ou des autres [vassaux] qui tiennent de moi, meurt, son héritier ne rachètera pas sa terre, comme il le faisait à l'époque de mon frère, mais il la relèvera par un juste et légal relief. Semblablement, les hommes de mes barons relèveront

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ment, la taxe fut établie par des accords, ou par des règles coutumières. Quand un cheval, un haubert, des armes, ou leur valeur tenaient lieu du relief 73, ce dernier répondait à la profession du vassal. Il était aussi un souvenir du haut Moyen Age où le maître, qui équipait et armait des subordonnés, se jugeait en droit, à leur mort, de se faire restituer les objets confiés, ou leur prix ... Le relief pouvait être une imposition fixe en argent : en Angleterre, 5 livres au maximum pour le fief de chevalier,., 1OO livres pour la baronnie, au dire de la Grande Charte, qui réagit contre les taxes arbitraires du souverain 75 • Des reliefs étaient représentés par c le revenu d'un an > du fief-seigneurie : usage classique en France et en Lotharingie après 1100 .,.. Pour les grands fiefs, des milliers de deniers tombaient dans l'escarcelle du seigneur 77 • Des petits lui apportaient, par aventure, un secours si estimable qu'il les dispensait de toute autre charge. Des vassaux du deuxième âge féodal ont obtenu la réglementation et la réduction de la taxe. Réclamée d'abord leurs terres par un juste et légal relief > (Charte des environs de 1100, art. 2. - Cf. n° 608 a, BÉMONT, Chartes des libertés anglaises, p. 3 et suiv.). 73. Enquêtes de 1133 et de 1172 pour la Normandie (Documents, n° 38). En 1471, un bailli du monastère de Saint-Amand se rendit chez la veuve 'd'un vassal et lui demanda le relief accoutumé : c Après que laditte dame heult ung petit pensé sus, elle lui fist faire ouverture en l'estable des chevaulx. Et prist ledit bailly un cheval bay, siellet et bridet. Prist aussy une salade et un haubregon > (n° 549, PLATELLE, L'abbaye de Saint-Amand, p. 287-288). Le Hainaut connaissait ce relief - ou liget - pour des fiefs liges. Pour d'autres tenures, liges ou simples, la Coutume imposait une taxe de 60 sous (n° 638, DIDIER, ouvr. cité, p. 220 et suiv.). 74. Soit, au début du XIIIe siècle, ]a moitié ou le quart de son revenu annuel moyen. 75. N° 608 a, BÉMONT, Chartes des libertés anglaises (Grande Charte, art. 2, et Documents, n° 56) ; BRACTON, De legibus Angliae (éd. WoonBINB, p. 244-248). 76. N° 520, OLIVIER-MARTIN, La Coutume de Paris, 1, 297-300. 77. Recueil des historiens des Gaules et de la France, XXI, 255 b (1238) ; n° 865, PETIT-DUTAILLIS, La monarchie flodale en France et en Angleterre, p. 208.

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au décès du seigneur, comme à celui du vassal, là où c le fief relevait de toutes mains >, elle ne l'a été finalement qu'à la mort du subordonné. Vers 1300, le relief do~nait un bon revenu aux seigneurs des fiefs transmis à des collatéraux. Assez souvent, en revanche, les enfants du défunt en étaient exemptés 71, ou ne payaient qu'une redevance symbolique. Le relief demeurait vivant, au déclin du Moyen Age, en Normandie et dans le Hainaut par exemple. En d'autres contrées, il n'était plus qu'un souvenir. Sa géographie est aussi instructive que son évolution. La France, au nord de la Loire, la Basse-Lotharingie, l'Angleterre ont fait de lui un large usage ; dans une moindre mesure, l'Italie normande, puis souabe, le Midi français 71, la Bourgogne, la Terre sainte 80 ••• En dehors des couches modestes de la ministérialité, il connut peu de succès en Allemagne 11 • Le relief fut revendiqué avec rigueur là notamment où les liens de dépendance avaient planté de solides racines, ou pris couleur d'argent. Il a suivi la féodalité dans ~a marche ascendante. Ensuite, sa courbe a baissé, comme le prouvent la réglementation et la diminution de ses tarifs, la restriction de son champ d'application parmi les héritiers ...

•••

En résumé, quel est le régime du domaine direct, ou éminent, détenu par le maître ? Quel est celui du domaine utile, qui appartient au dépendant n ? 78. BEAUJ.\IANOIR, Coutumes de Beauvaisis, éd. SALMON, n° 471. 79. Il existait en Guyenne, pendant les derniers siècles du Moyen Age, sous le nom d'esporle, ou d'acapte (n° 366, BoUTRUCHE, Crise d'une société, p. 57 et n. 1, 88 et n. 3, 89 et n. 1, etc). 80. En Morée, au contraire, seuls en étaient exemptés le fils majeur du défunt, investi du fief paternel, le pupille qui devenait majeur après être resté sous la garde de son seigneur - disposition déjà inscrite dans l'article 3 de la Grande Charte anglaise de 1215 (Documents, n° 56), - le vassal lige qui héritait un fief astreint à l'hommage simple (n° 942, Assises de Romanie, éd. RECOURA, art. 34). 81. N° 713, MITI'EIS, Lehnrecht, p. 674. 82. Dans un souci de clarté, nous envisageons le cas le plus facile : celui d'un fief mouvant du roi ou d'un alleutier. - Sur le c double rlomaine », ci-dessus, p. 124, n. 99.

244

SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

Le mattre perçoit sur le fief des droits de mutation et attend une indemnité lorsque l'acquéreur est une église. S'il n'approuve pas la vente, il prononce le retrait. Il peut céder sa directe ou reléguer la tenure au rang d'un arrièrefief. A l'ordinaire, l'usage requiert l'assentiment du subordonné, qui est en droit de refuser son transfert dans une autre compagnie vassalique, de repousser les arrangements qui changeraient la position de son fief dans la hiérarchie et de conserver ses terres, même si d'autres biens lui sont offerts en compensation. Des seigneurs interdisent tout abrégement du fief, toute diminution de sa valeur. Saisie provisoire, confiscation définitive. de la tenure sont les sanctions normales infligées au dépendant qui manque à ses devoirs personnels, ou qui ne respecte pas les usages. Ces prérogatives ne sont pas communes à tout le monde féodal : tels les droits de mutation et le retrait. Elles sont inférieures aux avantages dont le subordonné se prévaut. Il est le principal possesseur du fief-seigneurie. Sa jouissance vaut plus que les pouvoirs éminents du seigneur. Elle est plus proche de la propriété dans les régions où la théorie du double domaine est mal assimilée. Le vassal a sur sa tenure des droits supérieurs à ceux de l'usufruitier romain ou de l'heureux locataire de nos jours. Le fief est fréquemment héréditaire : conquête éclatante entre toutes. Sous des réserves imposées par les usages, le vassal est en mesure de le sous-inféoder, de l'aliéner, de constituer sur lui des rentes, ou de c déguerpir >. Le domaine utile est plus facilement négociable, plus mobile que le domaine éminent. Au regard du fief accordé le seigneur est moins libre de ses mouvements que son vis-à-vis. Il est comme un navire à l'ancre. Alors, à quoi bon concéder des biens qui ne rapporteront que des avantages matériels espacés? Le seigneur respecte des usages impérieux lorsqu'il reconduit dans son statut juridique un ancien fief transmis par voie successorale ou quand il applique, en Allemagne, le principe de la réinvestiture obligatoire. Mais des fiefs octroyés sans contrainte sont venus grossir la masse des tenures. Routine? Respect des traditions ? Oui. Néanmoins, l'explication est insuf-

LE STATUT DES FIEl-'S

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fisante. Les concédants désiraient installer une administration proche des administrés, s'épargner le souci de gérer de vastes territoires, d'exploiter de lourdes seigneuries. Ils fournissaient des gages immobiliers, constituaient des dots et des douaires, s'inclinaient devant des partages successoraux nécessaires, établissaient des cadets, tendaient la perche à des gendres éventuels. Surtout, ils ralliaient des fidèles et patronnaient des cohortes. Les inféodations renforçaient l'autorité des maîtres qui, plutôt que d'accumuler des terres vides, donnaient à des hommes les moyens de vivre et de servir.

CHAPITRE III LES FORMES CONCRÈTES DU FIEF

Aucune carte ne reproduira jamais le dessin de tous les fiefs à un moment de leur histoire ; aucune ne reconstituera l'ensemble de leur réseau, pointé de traits qui réclament un temps de réflexion.

1. -

LES ROYAUMES VASSAUX

1

En 1213, un accident que les Anglais n'ont pardonné ni à la victime, ni au bénéficiaire, fit de Jean sans Terre aux abois le vassal du Pape et de son royaume un fief tenu « de Dieu et de la sainte Eglise romaine >. L'Angleterre avait enduré pareille mésaventure sous Richard Cœur-deLion, qui arracha sa liberté à l'empereur Henri VI au prix des mêmes gestes de résignation. Ses engagements furent un feu de paille. Ceux de Jean sans Terre abaissèrent davantage sa personne et son pays. Devant les incertitudes du vocabulaire, comme en dépit de ses assurances, il est malaisé de définir les aspects juridiques des subordinations. Elles ont lié des individus, enchaîné des Etats, ouvert la porte à des ingérences, pré1. Li: furent placées dans les mains, ointes du saint chrême, tendues par le chef de la chrétienté ou par ses délégués ! Autant de témoignages d'une époque où les dépendances puisaient leur plein effet dans les rites accouplés de l'hommage et de la fidélité. Un souverain ne s'est pas joint au cortège : jamais le roi de France n'a prêté les serments vassaliques au pape; jamais son royaume ne fut c le censier de l'apôtre Pierre >.

Il. -

LES PRINCIPAUTÉS

Les royaumes vassaux sont des pièces exceptionnelles. Au firmament du monde féodal, constellé d'étoiles de toute grandeur, des astres ont brillé d'un plus vif éclat : les principautés - formations précoces dans l'Occident carolingien, où elles surgirent en nombre de 875 à 940 ; créations des conquêtes normandes, modelées sur d'anciennes divisions territoriales, en Italie du Sud et en Angleterre ; fruits des Croisades dans l'Orient latin. L'ascendant exercé par les aristocraties locales, la désagrégation de l'Etat et la montée des unités territoriales sont des phases connexes de l'évolution 4. On présente souvent ces unités comme le produit d'une anarchie. A tort. Voyons plutôt en elles une forme de gouvernement plus efficace que les royaumes. Le chef y fait figure de seigneur et de détenteur d'une autorité publique obscurcie, rapetissée, mais sous-jacente. La leçon fournie au dernier quart du IX' siècle par le 4. En dernier lieu, GENICOT, n° 669, Noblesse et principautés en Lotharingie ,· n° 813, Empire et principautés en Lotharinaie.

LES FORMES CONCRÈTES DU FIEF

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comté de Barcelone est instructive. Elle reste vraie pour les deux siècles suivants. Le comte guerroie, légifère, délivre des diplômes d'immunité, applique à sa convenance ou tient pour lettre morte les préceptes royaux. Sa titulature traduit son ascension : il est vir inluster, gratia Dei cornes. Il associe sa femme à ses dignités, regarde sa charge comme un bien héréditaire. « La puissance qu'exerçaient autrefois les rois est entre les mains du comte 5 • >

A. LES PRINCIPAUTÉS FRANÇAISES

1. Les débuts Il faut rappeler les origmes, entrevues dans un précédent volume•. Le chef d'une maison fréquemment alliée aux Carolingiens, ou unie à eux par des liens familiaux, reçoit délégation de l'autorité régalienne sur des comtés voisins où il possédait des domaines et des intelligences. Il protège des abbayes - élément fondamental de certaines principautés - . Sous un titre emprunté à la terminologie romaine ou franque - duc, marquis, comte - , lui-même 5. Texte de 1019. - Cf. un important article de R. d'ABADAL, « La domination carolingienne en Catalogne » (Rev. histor., t. CCXXV, 1961, p. 319-340). L'auteur montre que le pouvoir monarchique s'est maintenu en Catalogne jusqu'en 878, où le roi exerçait encore un droit de regard sur la désignation du comte. A cette date, au terme d'une crise qui avait secoué les régions pyrénéennes et la Gascogne, un puissant personnage, Guifred le , 7 elu, fut investi du comté de Barcelone. Lui-même puis ses successeurs ont renforcé l'autonomie catalane, bien que Charles le Simple ait réagi. Le dernier diplôme royal pour un monastère est de 986. C'est en 1258 que, par le traité de Corbeil, le roi de France a renoncé à tout droit sur le pays. 6. N° 9, Seigneurie et féodalité, 1, 188 et suiv. - De grands comtés se haussaient à la taille des principautés, au même titre que les duchés - Flandre, Champagne, comté d'Auvergne, comté de Toulouse, comté de Bourgogne ou Franche-Comté, Catalogne, Provence, comté de Savoie. Il y a donc lieu de les distinguer des petites ou des moyennes formations parées du titre comtal. D'ailleurs, l'Auvergne et ln Savoie devinrent tardivement des rlneh~s.

SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

puis ses héritiers considèrent comme leur appartenant en propre les pouvoirs qu'ils détiennent, le territoire où ils s'exercent et les biens qui rémunèrent leurs fonctions. Ils recrutent des vassaux 1 et, par mariages, héritages, achats, conquêtes, repoussent les limites de leurs circonscriptions. Gendre de Charles le Chauve, Baudouin 1er avait administré jusqu'à sa mort, survenue en 879, le pagus Flandriae, qui allait du nord de Bruges jusqu'à l'Yser. Son fils Baudouin II et son petit-fils Arnoul le Grand rattachèrent à ce noyau des territoires étalés de l'Escaut au Ponthieu, au Boulonnais et à l'Artois. Plus vaste que le comté proprement dit puisqu'elle s'étendit jusqu'à la Canche et déborda, au XI• siècle, sur les terres d'Empire, la principauté eut de mouvantes frontières et opéra des regroupements intérieurs. Moins solide, coupée d'enclaves, la principauté champenoise, dont le berceau fut le comté de Troyes, se déploya jusqu'en Brie et s'associa au comté de Blois et au pays chartrain en 1023. L'histoire de l'Anjou illustre aussi les poussées accomplies à partir d'un comté primitif. Mordant sur les contrées voisines, la principauté fit grande figure, en dépit de troubles intérieurs, sous Foulques Nerra, Geoffroy Martel et Foulques V. Elle fut un des éléments de base de « l'Empire angevin• >. Les principautés sont tenues du roi en fief. L'attache fut maintes fois brisée comme le démontrent les démêlés de Robert le Pieux, puis d'Henri Ier, avec Eudes II de Blois, ou les luttes entre les ducs de Normandie et les Capétiens. Pourtant, le lien, tôt ou tard renoué, a maintenu le royaume•. 7. L. GENICOT, c Le premier siècle de la eu ria de Hainaut » ( Le .lloyen Age, 1947, p. 51-52). 8. Par ses origines, la Normandie tranche sur les autres dominations. Loin d'être le fruit des ambitions nourries par une famille du pays, elle naquit en 911 de l'abandon au Viking Rollon de territoires accrus par des concessions en 924 et en 933, où elle se fixa dans ses limites. - Nous lui ferons bonne mesure, p. 313 et suiv. 9. N° 841, LEMARIGNIER, Le gouvernement royal ... ; n° 781, BoussARD, Le gouvernement d'Henri Il Plantegenêt, p. 241 ; ci-dessous, p. 296 et suiv.

LES FORMES CONCHtTES DU FIEF

251

2. Crise des principautés.

Respectée par les chefs territoriaux, même quand ils luttaient contre le roi, la monarchie leur paraissait suspecte. Aux yeux de l'Eglise, des bourgeoisies naissantes, des communautés rurales, elle était le suprême recours. Pour les magnats, néanmoins, le danger venait d'ailleurs : du sein de leur territoire, - cette mosaïque. A la période de formation succèdent des crises qui couvrent la seconde moitié du xe siècle et la plus grande partie du XI'. C'est l'époque où, précipitant sa marche, la féodalité déploie ses forces centrifuges. Le duc conserve chez lui le premier rang. Il maintient la paix, épie l'édüication des châteaux, fait la police des routes, développe à son profit la justice de sang. Il est le gardien des églises, le protecteur des malheureux. Il dispose d'un important domaine et d'avoueries. Mais, ayant perdu sa qualité de représentant d'une puissance supérieure, il s'est replié sur des comtés non inféodés où il a exercé l'autorité qui lui était jadis dévolue, comme fonctionnaire, sur l'ensemble de son territoire. Encore fut-elle battue en brèche par les immunistes, les gros alleutiers, les seigneurs hauts-justiciers, les châtelains, les villes. Le duc est inquiété sur ses arrières par les changements de structure dont lui-même avait bénéficié à l'ère précédente face à la monarchie. Devant la marée féodale, la principauté apparaît trop grande pour l'exercice des pouvoirs. Frappée de démesure, elle est menacée de subir, par un choc en retour, le sort réservé au royaume. · En Flandre, des seigneuries deviennent autonomes sous l'action des grandes familles et des avoués. Au XII' siècle, la principauté abandonne l'Artois, le Boulonnais, le Tournaisis. Elle gagne en homogénéité ce qu'elle perd en superficie car elle tend à se réduire aux régions de dialecte néerlandais. En d'autres principautés, moins bien assises, l'effritement fut plus prononcé. Dans le comté de Toulouse, des vicomtes, des évêques, de grands vassaux ont usurpé des droits réga-

252

~EIGXEU RIE ET fl~ODALITÉ

liens. En Aquitaine, le titre ducal est resté longtemps honorifique, le maître n'ayant pu imposer des institutions communes, fortifier ses liens avec les grands vassaux, ni réunir des plaids généraux. Ce fut le pouvoir comtal, exercé en Poitou, en Limousin, en Auvergne, ... qui lui donna ses moyens d'action les plus efficaces. Les ducs d'Aquitaine ont battu en retraite vers le sud au XIIIe siècle sous la pression capétienne. Ils ont abandonné les pays de la Loire, de la Vienne et de la Charente pour ceux de la basse Garonne et pour les sections de la Gascogne venues en leur possession en 1063. Retraite heureuse, car ce territoire diminué favorisa la concentration des forces et les recommencements. En Bourgogne, les titulaires des comtés périphériques rendent l'hommage au duc. Mais ils sont autonomes, au même titre que les chefs d'énormes seigneuries épiscopales ou monastiques. L'ancien « principat > carolingien a été grignoté sur ses bords, rongé intérieurement. On trouve des exemples analogues en Anjou, en Bretagne, en Champagne, en Auvergne et dans des formations plus petites : le comté de Boulogne, démembré avant la fin du X' siècle par la création du comté de Guînes, et celui de Lyon, qui perdit le Forez au XII•. Annexions, retour au bercail de pièces détachées, renoncement définitif à de vieux comtés disent les fluctuations des principautés 10 • Les relations des chefs régionaux avec leurs subordonnés dominent ces périodes. Relations parfois précaires. Témoins la révolte des vassaux de Normandie occidentale, dont Guillaume 1e Bâtard triompha en 1047, au Val-ès-Dunes ; la guerre larvée qui mit aux prises, à partir de 1068, le comte d'Anjou Foulques le Réchin et ses dépendants ; la situation confuse créée dans la principauté champenoise par l'enchevêtrement des pouvoirs. Qu'on songe encore aux querelles des comtes d'Auvergne et de 10. L'observation s'applique, en tout temps, aux « marches séparantes >, aux « terres de débat >. Ainsi le Cambrésis était dans la zone d'influence du comté de Flandre et du comté de Hainaut (J. BALON, c L'organisaUon judiciaire des marches féodales >, dans Annales de la Soc. archéolog. de Namur, t. XLVI, n° 1, 1951). - N° 697, LEMARIGNIER, L'hommage en marche.

LES PORM.ES CONCRÈTES DU FIEF

253

l'évêque de Clermont durant le XI- siècle, aux rivalités entre les Plantevelue, les comtes de Toulouse, les comtes de Poitiers ... Ce fut en œuvrant dans leurs principautés continentales que Guillaume le Conquérant et Richard Cœurde-Lion trouvèrent la mort. Ce fut au combat que périrent des comtes de Flandre. L'insipidité, la terrifiante monotonie de ces disputes, relatées à l'envi par les chroniqueurs et reprises par les auteurs de monographies régionales, ont pesé sur l'histoire féodale, ramenée à des récits de coupe-gorge, de renversements d'alliances, de réconciliations passagères, ou réduite à des avatars territoriaux et administratifs. On ne les ignorera pas dans la mesure où elles exprimeront une mentalité. Les faiblesses des principautés ne tenaient pas seulement à leur structure, ni aux déchirements intérieurs. Mieux défendue que pour les fiefs ordinaires, la règle de l'indivisibilité, affirmée à la fin du XI" siècle pour le comté de Toulouse, n'a pas triomphé de façon constante 11 • Le comté de Champagne en formation fut morcelé entre les trois fils d'Herbert de Vermandois; le comte d'Anjou Geoffroy Martel partagea entre ses neveux, Geoffroy le Barbu et Foulques le Réchin, un héritage formé de deux groupes territoriaux. Distribution provisoire, Foulques le Réchin ayant évincé son frère. Enfin, à une époque où les hommes imprimaient un rythme rapide à leur existence et arrivaient jeunes aux portes de la vieillesse, les principautés changeaient souvent de chef. Elles souffraient de cette instabilité et des absences de leurs maîtres, qui étaient des errants. Il fallait remplir les devoirs d'aide et de conseil, secourir les subordonnés. Il était recommandé de se rendre aux endroits célèbres de la chrétienté, comme le fit Guillaume V d' Aquitaine, pèlerin assidu de Rome et de Saint-Jacques de Compostelle. L'Espagne chrétienne appelait des chevaliers contre l'Islam. L'Orient réclamait la conquête et la défense de ces lieux saints où périrent tant d'hommes et où des survi11. Ci-dessus, p. 234.

254

SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

vants, pour accomplir leur ·vœu, demeurèrent ·sur ··1es terres arrachées aux infidèles : tels Godefroy de Bouillon, duc de Basse-Lorraine, et Raymond IV de Saint-Gilles, comte de Toulouse, partis sans esprit de retour. 3. Remontée des dominations territoriales. Des principautés ont triomphé des épreuves avant leur réunion au domaine royal, qui marqua pour elles la fin d'une carrière recommencée par aventure sous la forme d'apanages. D'autres furent des créations de l'époque féodale : ainsi, parmi les terres d'Empire rattachées plus tard au royaume de France, le Dauphiné (dont le premier élément fut au XIe siècle le comté de Vienne), et le comté de Savoie. A la principauté bourbonnaise, représentée surtout par la seigneurie de Bourbon - nœud du système s'ajoutèrent le comté de Forez, en 1372, et la seigneurie de Beaujeu en 1400. Les premiers signes du rétablissement apparaissent au milieu du XI• siècle en Normandie et en Flandre. Ailleurs, ce fut au XII' que débuta le regroupement des forces. Plus que les personnages de rang modeste, les ducs étaient en position favorable pour tirer parti des défrichements et de la renaissance des échanges. Leur fortune foncière, mère de nouveaux fiefs, et l'aide fournie par le haut personnel administratif permirent aux ducs de résister aux coalitions. Ils domptèrent des hommes nouveaux, servirent d'arbitres à des groupes d'ailleurs moins puissants que les lignages indociles de l'âge précédent. Ce travail de longue haleine fut soutenu par la fidélité envers le c seigneur naturel >, le « seigneur de la terre >, le c prince >. Il enracina des dynasties. Une fois vidé l'abcès de croissance, des familles ducales, repliées sur des bases essentielles, ont remonté la pente et affermi leur mouvance. Les changements prirent leur signification la plus haute dans les principautés qui survécurent jusqu'aux approches de l'ère moderne. Sans doctrine préconçue, le chef territorial s'érige en défenseur de la paix publique, reprend le contrôle des forteresses-clés, fait reculer les vieil-

LES FORMES CO~CRÈTES

nu

FIEF

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les immunités ou freine l'émancipation des jeunes abbayes, place des établissements ecclésiastiques sous sa protection ou conclut avec eux des traités de pariage. Il tente qe ramener à lui le droit de battre monnaie, de fixer la contenance des mesures, d'autoriser foires et marchés. Il affirme la supériorité de sa justice, grignote des alleux, se donne une capitale, substituée aux résidences ambulantes : Rouen, Bordeaux, Dijon, Moulins... Il a ses archives. Des institutions prennent relief. Une cour souveraine ayant des antécédents dans les réunions judiciaires du Conseil ou dans des organismes de circonstance, préluda en Bourgogne au xnr siècle, en Aquitaine au XIV•, aux Parlements provinciaux créés par la monarchie. Des assemblées consultatives sont convoquées et des services développés. Les châtellenies ducales ou comtales deviennent des subdivisions de base en matières administrative, judiciaire et militaire. Des agents assurent la liaison entre pouvoirs centraux et pouvoirs locaux : baillis ou sénéchaux après 1150, justiciers en Normandie depuis Henri Ier, enquêteurs dans le comté de Toulouse sous Alphonse de Poitiers. Des monuments du droit scandent les phases des transformations : assise au comte Geoffroy pour la Bretagne en 1185 ; statuts provençaux de 1222 et de 1226 sur la paix publique ... Des usages sont rédigés et commentés par des « savants >. Le renforcement de la hiérarchie supposait des ressources accrues et une modification des méthodes qui avaient donné vie aux principautés du premier âge. Après avoir perdu des comtés, des abbatiats laïques, des avoueries, des droits de garde, leurs maîtres avaient bénéficié grâce aux règles f éodo-vassaliques du contre-courant amorcé au XI• ou au XII• siècle. Dès ce moment, néanmoins, ils disposent librement de certains emplois et de leurs titulaires. Des organismes tout neufs sont substitués à des offices contaminés par le milieu. Fonctions aspirées par le tourbillon féodal et création de charges gardées dans la main du seigneur, ou données à ferme, sont des phénomènes simultanés 1' . t 2. Des offices champenois et angevins sont soit héréditaires, soit

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

Des « princes > ont repris le commandement des hommes. Henri II Plantagenêt s'applique à souder les morceaux disparates de l'Aquitaine et la fait bénéficier des expériences normandes et angevines. Son titre ducal a une signification d'autant plus haute qu'il est conféré au cours d'une cérémonie religieuse. Les chefs de la maison de Bourbon relient les fractions de leur territoire par des institutions communes. En Bourgogne, au-dessus de la poussière des petites dominations et des comtés blottis dans le giron ducal se dresse « la baronnie du duché >, héritière du principat carolingien.

•••

Des chefs territoriaux ont caressé le rêve d'un trône. Tandis qu'en Allemagne des ducs de Franconie, de Saxe ou de Bavière accédèrent à l'honneur suprême, tandis que Guy de Spolète, c dévoré par l'envie de régner >, parvint à ses fins en Italie, les princes français furent barrés par une dynastie capétienne inusable pendant plus de trois siècles. Ils durent regarder au-dehors : vers l'Angleterre, l'Europe centrale, les pays méditerranéens ...

B. LE CAS ALLEMAND

Les principautés allemandes s'écartent s·ur quelques points des nôtres. La Germanie du haut Moyen Age était faite de groupes « ethniques > que la domination franque avait soumis sans les détruire. Les plus importants reçurent un nouvel éclat vers la fin du IX• siècle et au x• à la faveur révocables. En Forez, des prévôts tiennent leurs charges en fief ; d'autres sont nommés par le comte à titre passager. Révocables, le Justicier de Normandie, les baillis normands, placés au-dessus des vicomtes, qui avaient glissé vers l'hérédité, les baillis institués en Flandre peu après 1150 et appelés, en dehors de leurs attribution~ propres, à combattre les empiétements de châtelains qui tenaient leur poste en fief. Des services trahissent la juxtaposition d'éléments féodaux et d'éléments c publics ».

LES FORMES CONCRÈTES DU FIEF

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des initiatives de c magnats > originaires de la région intéressée et souvent issus, comme chez nous, de l'aristocratie carolingienne de fonctions. Avec l'assentiment explicite ou implicite des grands de leur contrée, ils devinrent les maîtres de puissantes unités territoriales qui rassemblaient chacune des peuples séparés par les dialectes et les organismes juridiques, mais unis, dans leurs hautes couches, par une conscience collective. Les ducs élèvent des forteresses, reçoivent des hommages, nomment des prélats, frappent monnaie. Ils sont les mainteneurs de la paix proclamée par les assemblées de comtes et d'évêques. Ils s'érigent en avoués des établissements religieux, détiennent d'importantes prérogatives économiques, fournissent au roi de gros contingents militaires, s'illustrent dans la défense des populations menacées par les Slaves ou les Hongrois. Leurs ambitions les auraient conduits à l'indépendance si la dynastie saxonne, aidée par ses vassaux, les hommes libres et l'Eglise n'avait pas enrayé le mouvement. Après la disparition du chef, le roi peut annexer le duché ou le donner à un fidèle de son choix, pris en dehors de la parenté du défunt. Un duc se révolte-t-il ? II risque de perdre son titre, sa charge, ses biens. Des ducs bavarois, franconiens, lorrains et saxons subirent cette mésaventure. Le retrait du duché fut assez rare. Les liens du sang demeuraient très forts ; l'hérédité paraissait liée à la continuité d'une politique. Une famille demeure-t-elle fidèle, ou rentre-t-elle rapidement dans le devoir ? Elle se perpétue. Si, enfin, la réinvestiture d'un duché vacant n'est pas obligatoire, elle tend à devenir un usage, le roi n'étant pas en mesure d'administrer directement tout le pays et ayant avantage à satisfaire un puissant, à prévenir des troubles. Des ducs furent indociles. Plus que l'histoire de France, celle d'Allemagne est remplie de luttes entre ces personnages, de rébellions contre le souverain, de confiscations, de pardons remis en cause par de nouvelles révoltes, de coalitions qui conduisaient à l'élection d'anti-rois. Des puissances plus hautes que chez nous s'affrontent : une monarchie prest!gieuse, des chefs territoriaux chargés de responsabilités considérables. 9

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SEl ou de commandements militaires opposés aux Danois. Ces unités disparurent avec les Normands. Mais Guillaume le Conquérant institua des c gouvernements > pour certains compagnons. Ces formations furent provisoires en raison des révoltes de leurs chefs. Seuls subsistèrent le comté-palatinat de Chester, qui fut agrandi sous Etienne de Blois, et celui de Durham, confié à l'évêque du lieu lli. Le premier allait de la mer d'Irlande à la mer du Nord et surveillait le pays de Galles et l'Ecosse. Le second était posté sur les confins écossais. Entre la conquête normande et la fin d'Etienne de Blois, leurs mai-

. 15. Le terme palatinat remonte au XUI• siècle. On peut l'appliquer, snns abus de langage excessif, à la période antérieure.

260

SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

tres acquirent des pouvoirs régaliens considérables, qu'ils exercèrent partiellement pour eux-mêmes et qui survécurent à l'annexion à la couronne, survenue au XIV• siècle : juridiction, chancellerie, perception d'impôts, levée de troupes, droit de faire respecter et d'appliquer les Coutumes locales. Pour les servir, ces chefs administratifs, qui étaient des seigneurs privés, eurent des agents et des vassaux 1•. Leur autonomie ne se confondait pas avec rindépendance. Le roi les convoquait à son ost et à sa cour, imposait sa garde au palatinat de Chester tombé aux mains d'un mineur et réclamait le relief. Les palatinats du premier âge n'ont pas joui seuls d'une situation avantageuse. Les seigneuries des marches galloises eurent des garanties presque analogues. Egalement les énormes apanages créés aux XIII• et XIVe siècles en faveur de quelques membres de la famille royale 17 • Resserrés dans un étroit pays et soumis à des contraintes qui tenaient à la structure des réseaux de dépendance, les titulaires des grands « honneurs > n'ont pas ignoré Je roi au même degré que nos princes méridionaux des X" et XIe siècles. Di verse, à l'image des conquérants et des Coutumes régionales, la féodalité anglaise fut obligée de compter avec la monarchie.

Ill. -

LES COMTÉS

Au-dessous des principautés s'étalaient des dominations d'inégale importance. Moulé sur d'anciennes divisions du sol - pagus dans le monde romain, gau en pays germa16. N° 733, BARRACLOt:GH, The earldom and county palatine of Chester. 17. N° 887, SOMERVILLE, History of the duchy of Lancaster. T. I, 12651603. - Rappelons la présence, dans le gouvernement britannique, d'un chancelier du duché de Lancastre, il est vrai sine cura.

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nique, shire chez les Anglo-Saxons... - ou création nouvelle, le comté fut pendant le haut Moyen Age une unité essentielle de l'administration régionale. Quitte à courtiser l'anachronisme, disons qu'il était un peu, pour les contemporains, ce qu'est pour nous le département. La France était couverte d'un réseau de comtés dont les Carolingiens avaient renforcé la structure. Dans les pays sous-administrés tels que la Saxe orientale, ce même réseau fut resserré sous les Ottons 18 • Après 1100, l'Italie méridionale et l'Angleterre cherchèrent le même dénouement. Dans l'Empire, des offices comtaux gardèrent un caractère public plus longtemps qu'en France où, au xn· siècle d'ailleurs, la plupart des comtés étaient sous la férule des principautés 111 • Malgré les usages ou les édits, beaucoup ont été amputés, chez nous, par des successions ou des aliénations partielles. Caricature des formations primitives, ils ont perdu leurs frontières carolingiennes ; leurs subdivisions ont changé ; le vicomte est moins le lieutenant du comte qu'un vassal placé à la tête d'une circonscription autonome - à Thouars, à Châtellerault 10••• Un personnel s'élève par les charges dans la hiérarchie sociale : voyers angevins, prévôts bourguignons substitués aux vicaires, avoués flamands ... Des comtés se sont reconstitués sur de nouvelles bases ; ils ont arraché des terres ou des droits à des circonscriptions voisines. Gouverné du xr au xve siècle par la dynastie des Gérold, le comté de Genève, qui relevait de l'Empire, offre un aperçu des traverses subies par des formations du même genre 21 • Mieux installé dans le pays de Vaud que dans les Bauges et le Chablais, il fut atteint par la fragmentation des droits comtaux. Son maître, au XII• siècle, a dû reconnaître la juridiction de l'évêque sur la ville de Genève, où il serait devenu un étranger s'il n'avait pas réussi 18. N° 878, ScHLESI:SGER, Die Enstehung der Landesherrschaft. Il y eut plus de deux cents comtés en Allemagne pendant le premier quart du XI' siècle. 19. Non pas le :Mâconnais, le Forez, le Comminges ... 20. Sur les vigueries et les châtellenies, ci-dessous, p. 267 et suiv. 21. N° 802, DUPARC, Le comté de Genève.

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à conserver l'avouerie. Après·s'être accrochés à des morceaux de leur territoire, les Gérold se sont affermis ensuite dans leur comté diminué : perfectionnant l'appareil judiciaire, faisant rentrer des châteaux dans leur giron et les livrant à des agents révocables, instituant un droit successoral fondé sur l'aînesse. Si l'empereur était loin et dépourvu de pouvoir efficace, la Savoie proche et puissante représentait une menace permanente. Au XIII• siècle, ses maîtres pénètrent en Faucigny, dans les pays de Gex et de Vaud. Ils encerclent le Genevois, refoulent le comte vers le sud du Léman, les Bornes et le nord d'Annecy. La dynastie des Gérold s'étant éteinte, le comté fut réuni à la Savoie en 1424, au terme d'une habile préparation fondée sur des alliances familiales. L'histoire des sbires est différente. Erigés au-dessus des petites circonscriptions administratives qui répondaient au nom de hundred, ou centaine, et souvent plus vastes que les comtés français, les sbires anglo-saxons avaient encadré, dans les régions méridionales des Iles Britanniques, des unités « nationales > (Kent), ou des populations ayant des affinités et des traditions communes (Norfolk, Suffolk). En revanche, créés pour endiguer les invasions danoises, les sbires du Nord et du centre n'étaient que des unités administratives et militaires. Les Normands et les Plantagenêts conservèrent cette organisation, avec ses tribunaux publics et ses assemblées d'hommes libres. Ils créèrent en outre des comtés de type féodal. Ordinairement, leurs chefs n'avaient pas de pouvoirs comparables à ceux des comtes carolingiens. C'était au sheriff, ou bailli du sbire, que revenait le soin de percevoir les taxes et de lever des troupes pour le roi, d'exercer des fonctions judiciaires auprès de la cour du comté. Or, le sheriff - qui achetait habituellement son office - était un officier, un délégué du souverain. Si, au lendemain de la conquête normande et sous Etienne de Blois, il transmit quelquefois sa charge héréditairement, gouverna plusieurs comtés, usurpa le titre comtal, il fut ramené à la raison par Henri II qui rendit l'office à sa destination première, avec des pouvoirs judiciaires relativement réduits. Le roi ressai-

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sit les comtés, tout en laissant aux comtes leur autorité seigneuriale et en leur confiant au besoin les fonctions de sheriff 11 •

IV. -

LES HONNEURS

Des titulatures étaient moins précises que les noms empruntés aux circonscriptions administratives. Pris dans son sens technique et premier, l'honneur anglais est une accumulation de seigneuries rurales, de droits féodaux et de pouvoirs régaliens concédés à un grand vassal au lendemain de la conquête normande et demeurés sans aliénation ni partage 23 • Il forme une unité d'administration composée d'un bloc central - avec le c caput honoris >, le cheflieu - et de terres éparses. C'est une c franchise >, une « liberté >, qui échappe partiellement aux agents royaux. Tels l'honneur d' Arundel, dans l'Est du Sussex ; l'honneur de Leicester, axé principalement sur les Midlands orientales, et dont les dépendances couraient de la mer du Nord à celle 22. ~fais des comtés n'avaient qu'un shcriff à leur tête. Le comte était exclu. 23. L'Angleterre n'a pas monopolisé l'institution. Dans le monde caroJingien et en Allemagne jusqu'en plein XII• siècle, l'honor désignait, nous le savons, une charge publique tenue en fief et sa dotation foncière. La Normandie appliqua le mot à des organismes féodaux créés après la conquête scandinave et remaniés (n° 781, BousSARD, Le gouvernement d'llenri Il Plantegenêt, p. 238-240). D'aucuns furent l'amorce de haronnies. De Normandie, le terme a été importé en Angleterre. Sur le continent, l' « honneur > r('couvrit aussi des réalités diffër('ntcs : un comté, un fief confortable, ou des terres et des droits mouvant d'une seigneurie. En 1274, le seigneur de Castillon-de-Médoc tenait du roi le château du lieu « cum honore suo et pertinenciis suis universis, ubicumque sint, infra honorem vel extra > (Recogniciones feodorum in .4quitania, éd. BÉ:\IONT, n° 191, et p. 333-334). - Voir le Carlu/aire de l'abbaye de Saint-l'ictor de Marseille, éd. GUÉRARD, 1, n° 144 (1097) ; n° 389 (1070)... Sur l'honneur en Aragon et en ~a,·arre, n° 690, L.-\CARRA, Honores et tenencias.

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

d'Irlande ; l'honneur de Richmond, dont les possessions s'étendaient dans le West Riding du Yorkshire, le Lincolnshire, la région de Londres et l'Est-Anglie 2 4. L'honneur, en Angleterre, est fréquemment une survivance des découpages féodaux inscrits dans le Domesday Book. JI a une signification territoriale plus que juridique 25 •

r. --

LES BARONNIES

Des fiefs eurent également des contours indécis : les baronnies. En France et en Angleterre, elles concernent couramment des biens appartenant aux barons, sans plus. Qu'est-ce donc qu'un baron? L'expression a une longue histoire et des origines sans doute germaniques 28 • Dans plusieurs lois barbares, elle désigne l'homme, par contraste avec la femme 21, le libre par opposition à l'esclave. On 24. Les maitres de ces trois formations portaient héréditairement le titre comtal - en l'occurrence, dignité personnelle. - D'autres puissants étaient dans ce cas : le comte de Norfolk dont l'honneur, à l'époque d'Henri Il, comprenait au moins cent soixante fiefs ; en 1166, le comte de Gloucester, qui s'enorgueillissait d'un honneur de cieux cent soixante-seize fiefs de chevalier... Il arrivait que l'honneur et la dignité comtale fussent acquis en deux temps. A sa venue en Angleterre, Simon de Montfort obtint l'honneur de Leicester, héritage d'une grand-tante. Après son mariage avec la sœur du roi, ce dernier lui conféra la dignité de comte du même lieu. Bref, des honneurs ont donné leur nom au titre comtal ou reçu celui de leur détenteur - l'honneur de ,varenne appartenait au comte de Warenne - ; la plupart prirent l'appellation du sbire où leurs éléments f ondnmentaux étaient situés. 25. Le royaume est le vassal d'un seigneur 32 ; ailleurs, le mot est accolé à des tenants-en-chef du roi ou d'un grand 33 qui occupent une place de choix dans sa ~ mesnie > et son Conseil. Ils ont des subordonnés qu'ils conduisent à l'ost sous leur bannière - privilège que partagent avec eux des seigneurs de moindre renom. Ils exercent des pouvoirs d'origine publique attachés à leurs biens. Parmi eux, des personnages viennent aussitôt après le roi ou le prince territorial : les douze pairs de France, qui tiennent le titre de leurs fiefs, érigés en pairies ; les douze « barons de la terre > en Morée et dans ses dépendances - le chiffre évoquant les douze apôtres, ou les douze pairs des poèmes épiques 34 - - ; les « pairs de la terre > en Angleterre, ou les 28. Raoul de Cambrai (éd. :\(EYEtt, l~s vers 1044-1045) ; La Chanson cle la Croisade albigeoise (éd. :\IARTD,-CHABOT, Ill, 215) (C.HF.). 29. ,J. ANGLADE, Les poésies de Peire Vidal (2• éd., 1923). 30. Ci-dessous, p. 286, n. 40. 31. Chartes du Forez, III, n° 3!)-l : 1290. 32. Les c barons » composaient une importante fraction de la société féodale en Italie normande, i, .Jérusalem, à Antioche,.. 33. Amanieu de Lamotte, seigneur d'une partie de Roquetaillade et de Langon, en Bordelais, est < hnro et homo ligius > du duc de Guyenne (Recogniciones feodorum in Aquitania, i:d. BÉMONT, n° 212 : 1274). 34. « Aucun baron, ou reudataire, quel qu'il soit, ne peut construire de château en la Princip:rnté d' Achaïe sans l'autorisation du Prince, sauf s'il est seigneur ou baron de terre, ou des douze baronnies ... Sont appelés barons de terre ceux qui ont juridiction criminelle et

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quatre grands barons du royaume de Jérusalem. Avec des succès inégaux, ces hommes ont prétendu se juger entre eux, avoir prééminence dans l'Etat, se détacher de la masse d'un baronnage qui demeura rebelle aux définitions statiques. On s'est pourtant efforcé de délimiter le groupe des barons. Esquissée au XIe siècle, la tentative s'est affirmée par les soins des jurisconsultes de tous pays. En Angleterre, l'appellation a été réservée de préférence, après 1300, aux vassaux qui, outre les ducs, les marquis et les comtes, étaient convoqués individuellement et de façon régulière au Parlement. Cette convocation est devenue un droit héréditaire, transmis à l'occasion par la ligne féminine. Sir John Oldcastle a pris le titre de baron Cobham parce qu'il avait épousé l'héritière des Cobham, appelés au Parlement. Jamais, cependant, le terme n'a été nettement fixé 85 ; jamais les barons n'ont tous été convoqués à l'assemblée parlementaire. La baronnie supporte les mêmes incertitudes. OutreManche, au XII• siècle, sa définition embarrassait Glanville. Ce fut de la Grande Charte qu'elle reçut une signification juridique : tenure féodale qui meut directement du roi et qui paie un relief forfaitaire de 100 livres 36 • Si l'on s'en tient à une pareille définition, il est difficile de saisir les aspects concrets de l'institution. Pour la France, l'Italie normande et l'Orient latin, nous restons aussi sur notre faim, car les arguments des jurisconsultes pour distinguer la baronnie des autres fiefs ont manqué de rigueur. D'habitude, on relie son image à la présence de plusieurs forteresses, ou d'un important châévêché sur leur terre. Mais les autres barons pourront-ils construire un château? R~ponds que non > (n° 942, Assises de Romanie, éd. RBCOURA, art. 94 ; et Documents, n° 60, 2°). 35. Il n'avait pas un sens exclusivement féodal, ni nobiliaire. Les barons de l'Echiquier étaient des fonctionnaires ; on recrutait les barons des Cinq Ports dans la bourgeoisie. 36. SANDBRS, n° 750, Feudal military service in England; n° 749, English baronies; n° 725, PAINTER, Studies in the history of the English feudal barony.

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teau, comme à des pouvoirs régaliens sur le domaine, sur les terres de la mouvance et sur les alleux enclavés dans la circonscription 81 • Parfois, l'argument judiciaire est seul invoqué. Pris à la lettre, il e1it dévalorisé le titre. Par conséquent, des seigneuries c haut-justicières > ne furent pas élevées au rang baronial.

VI. -

LES CHATELLENIES

Les exigences de l'exposé ont séparé le chàteau de son ressort territorial, devenu cohérent. Il faut maintenant les rassembler. Le ressort était indiqué par des mots de sens voisin, applicables aussi à des lieux dépourvus de forteresse : la pôté ( de potestas) ; le détroit, soumis au ban du seigneur ; le sauvement aa - ou le mandement - sur 37. Pour ce que nous parlons en cest livre en pluseurs liens du souverain ..., li aucun pourroient entendre ... que ce fust du roi ; mes en tous les lieus la ou li rois n'est pas nommés, nous entendons de ceus qui° tiennent en baronie, car chascuns barons est souverains en sa baronie. Voirs est que li rois est souverains par dessus tous > (BEAUMANOIR, Coutumes de Beauvaisis, éd. SALMON, art. 1043, et Documents, n° 4. Cf. aussi art. 1465 et suiv.). En Bourgogne, les expressions c baronnie du duché >, c baronnie du comté >, « baronnie du château > disaient l'autorité attachée à ces circonscriptions (n° 737, RICHARD, Les ducs de Bourgogne, p. 283 et suiv.). Dans le royaume italo-sicilien, la baronnie était souvent inséparable des éléments dont on vient de faire état, bien qu'aux époques souabe et angevine le baron n'eût connaissance, en matière pénale, que des petits délits, alors qu'en matière civile nombre de causes relevaient de lui (n° 626, CAHEN, L'Italie normande, p. 51-52 ; n° 628, CARUSO, I diritti e le prerogative dei feudatari nel regno di Sicilia). Dans le royaume de Jérusalem, les sources législatives mettaient l'accent sur la haute justice et sur le contingent de chevaliers qu'une baronnie, pour mériter ce nom, devait fournir à l'armée royale (Livre de Jean d'IBELIN, chap. 269, dans Historiens des Croisades, Lois, 1). Cf. n° 946, RICHARD, Pairie d'Orient latin. - Sur la Morée, n° 942, Assises de Romanie, éd. REcOUR~ art. 94, et Documents, n° 60, 2°. 38. Sur la signification de ce mot, n" 420. Dt:PARC, Le sauvement.

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lequel s'étendaient la protection et la police du maître. Disons plutôt la châtellenie, puisque le terme remonte au x1· siècle. A la fin de l'époque carolingienne, la principale subdivision du comté était la viguerie (ou centaine, ou ager), qui englobait plusieurs Yillages. Le viguier jugeait des personnes et des causes, convoquait des paysans à l'armée, réclamait des charrois et des taxes de nature publique 39 • La multiplication des châteaux a modifié ou détruit cette organisation 40• Tantôt, la forteresse est établie au chef-lieu de la viguerie, qui propose ses limites à la châtellenie : à Usson, en Auvergne ; à Melle, en Poitou, où des viguiers sont devenus châtelains. Plus souvent, le château, pour mieux répondre à sa mission, déserte le vieux chef-lieu. Il se trace un ressort bien à lui, qui empiète sur d'anciennes frontières administratives et brouille leurs pistes. Désormais, des agglomérations sont localisées d'après une châtellenie dont le cadre territorial a prêté ses frontières à quelques-uns de nos cantons. Les châtelains ont imposé des « coutumes "1 >. Défense d'un secteur et de ses routes, délivrance de sauf-conduits, perception de péages et de taxes sur les marchés, réquisition et gite, corvées pour l'entretien des murs et le ravitaillement des garnisons, banalités, exercice de l'administration et de la justice, participation au maintien de la paix et répression des violences : autant d'attributions atta39. N° 366, BOUTRUCHE, Seigneurie et féodalité, 1, 194-195. 40. N° 818, HALPHEN, Le comté d'Anjou; J. DHONDT, c Note sur les châtelains de Flandre >, dans Etudes historiques dédiées à la mémoire de Roger Rodière, Monuments histor. du Pas-de-Calais, t. V, fascic. 2, p. 43-51 ; n° 416, DuBY, La société en Mâconnais; n° 737, RICHARD, Les ducs de Bourgogne; GARAUD, c Les circonscriptions administratives du comté de Poitou au X• siècle > (Bull. Soc. Antiquaires de l'Ouest, 1953) ; n° 663, Les chdtelains de Poitou; n° 462, GuENÉE, Tribunau:i: et gens de justice, livre 1, chap. I. 41. Sous le nom , dans Mélanges Halphen, p. 401-411).

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chées à des châtellenies. Ainsi s'est développée une seigneurie territoriale servie par l'appareil guerrier et puisant ses sources dans des délégations de pouvoirs, des transactions avec les immunistes, des accords privés, des coups de force ou des exactions sanctionnées par les usages 41 • Le viguier, dont le châtelain fut à certains égards l'héritier, n'a pas forcément disparu. Subordonné au prévôt, comme en Anjou, ou placé au-dessus de lui, comme dans le Maine, il a été réduit au rôle d'agent seigneurial. Et la viguerie a désigné moins une division administrative qu'un pêle-mêle de droits attachés jadis à l'institution et passés, par inféodations, entre des mains privées". L'épanouissement des liens de dépendance ne se comprendrait pas sans la couche de châtelains qui fut la pointe avancée de l'offensive seigneuriale en direction des masses paysannes et un élément de choc de la société vassalique. Seigneurie et féodalité se complètent, se renforcent l'une par l'autre. A la tête d'un « archipel dominé par une grande île centrale" >, le puissant attire des fidèles : « chevaliers domestiques > qui « prennent leur pain auprès du maître 41 >, forment le noyau de sa cour judiciaire, lui servent de caution, figurent sur ses actef. de chancellerie ; détenteurs de fiefs qui grossissent son entourage et sa garnison, ou le suivent dans ses chevauchées. Le démembrement des pouvoirs s'est arrêté devant des châtellenies placées désormais au centre des structures politiques.

42. A. DtLtAGE, « Les origines des châtellenies du Charolais > (Rer,. périodique de r,ulgarisation des sciences naturelles et préhistoriques de Montceau-les-Mines, 1934, p. 55-74). 43. Sans être aussi nette qu'en France, l'évolution a revêtu· les mêmes tendances en Allemagne. Non pas en Angleterre. En dehors des marches galloises et des marches écossaises, où un danger permanent sollicitait le zèle des seigneurs, les châtellenies, contrôlées par une forte monarchie, n'ont pas donné naissance à des unités territoriales comparables aux nôtres. 44. N° 452, GuENtB, Tribunau:r et gens de Justice, p. 68. • . 45. N° 736, RtcHARD, c Châteaux ... en Bourgogne > (Cahiers de civilisation médiévale, 1960. p. 444).

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

l'i/. -- LA DIVERSITÉ FÉODALE

La notion de fief fut étirée jusqu'à des revenus, des droits et des pouvoirs ayant ou non une base terrienne. Fiefs, des tailles, des dîmes, des cens, des champarts, des chasses et même des abeilles, les éperviers d'une forêt ou les faucons d'un manoir. Fiefs, des justices, des spiritualia, des « profits de monnayage >, des recettes portuaires, des péages, des « coutumes >, des taxes sur les foires ou sur les marchés et, en Terre sainte, le produit éventuel des razzias. Fiefs, des pêcheries, des mines de charbon, des caves, des moulins 45•, des droits sur des villes, des châteaux, des églises ... Fiefs, des fonctions dans les seigneuries 48 • Le « fief de ministérial > paie toutes sortes de services. Des « fiefs de sergenterie > ont des missions domestiques, administratives, policières et militaires''· Avant le XIII• siècle, des juristes hésitèrent d'autant 45a. Chartes du Forez, II, n°~ 207 et 268 (1278-1290) ; III, n° 411 (1291). 46. En Forez, un particulier tient en fief c: la prévôté de SaintHAon, à savoir le tiers des clameurs, amendes, échoites et reconnaissances > (IV, n° 559 : 1293). Pons de Saint-Paul prête hommage au prieur de Saint-Rambert pour la viguerie de la Fouillouse (1, n° 21 : 1206). Un chevalier cède au comte c: le quart par indivis du chAteau et de la ville de Roanne et de tous les cens, revenus > et droits qu'il avait sur eux (Il, n° 168 : 1273). Avant son départ pour la première Croisade, le comte remet à l'archevêque de Lyon l'église Saint-Julien d'Antioche, à Moingt, près de Montbrison, qu'il tenait en fief de l'église Saint-Etienne de Lyon n° 1 : 1096). Relevons c: la moitié du port et du péage de Roanne > ; la c: leyde des porcs et des fromages ... dans la ville et le marché de Saint-Hâon le Châtel > ; les tailles et les cens repris en fief de l'abbaye de Bonlieu par un damoiseau ; les droits prélevés par un chevalier sur une c: grande dîme > et sur des c: coutumes > dans plusieurs paroisses foréziennes (1, n° 33 : 1220 ; II, n° 292 : 1290, et n° 259 : 1287 ; III, n° 412 : 1291 ; IV, n° 542 : 1292) ... Sur les justices tenues en fief du comte et sur leur morcellement, Il, n° 173 : 1274, et n° 258 : 1287 ; V, n° 642 : 1264) ... 47. Dans ce dernier cas, la sergenterie rémunérait des hommes appelés à faire campagne, ou à entrer dans la garnison d'une forteresse (n° 754, STENTON, The first century, p. 206-207).

a,

LES FORMES · CONCRÈTES DU FIEF

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plus à les classer parmi les fiefs authentiques que des charges jugées peu honorables pesaient sur eux et que leurs titulaires étaient d'humble naissance. Nous voilà aux frontières du fief et de la tenure roturière. Nous y voilà également avec le « fief de vavasseur >, ou « vavassorie >, très répandu, aux XIe et XIIe siècles, en Normandie, en Italie, en Angleterre ... Ces mots ont été torturés. C'est le sens technique qu'il faut serrer de près. Littéralement, le vavasseur est le c vassal des vassaux > (vassus vassorum), queue de liste des dépendants admis à suivre le cortège féodal. Mais le terme indique parfois un arrière-vassal séparé par un seul échelon du roi ou d'un tenant-en-chef. Il reçoit des hommages et fait bonne figure dans la société. Dans son édit de 1037 sur les fiefs, Conrad II ne mentionne-t-il pas avec considération les c grands vavasseurs > italiens 48 ? Il est certain, néanmoins, que sans tenir compte de la place occupée dans la hiérarchie féodale le mot a été appliqué de préférence à de modestes dépendants : Yassaux astreints à de brèves chevauchées, à la garde des châteaux et au « service d'un cheval > pour escorter le seigneur ou lui porter ses messages ; paysans-soldats dont on espérait une aide militaire, des redevances et des corvées 49 • « Vavassorie » a souffert le même flottement que vavasseur. En Normandie, elle désignait soit une petite tenure noble, soit une importante tenure roturière'°.

48. Cf. notre t. 1, Documents, n° 46, p. 393-394. - Dans le royaume d'Italie, Yers l'an mil, les c: grands vavasseurs > avaient le droit de sous-inféoder. Leurs dépendants étaient les minores valvasores qui, au cours du XIe siècle, purent avoir des vassaux : les minimi valvasores. - L'entrée des grands vavasseurs dans la classe des capitanei éleva leurs subordonnés dans la hiérarchie du vocabulaire (Consuetudines feudorum, éd. LEHMANN, p. 83, 93, 127, 128 ... , et Documents, n° 52, A). 49. ~" 754, STENTON, The first century, p. 16 et suiv. ; n° 626, CAHEN, L'Italie normande, p. 30 et 54 ; n° 719, NAVEL, Institution! féodales ep Normandie, p. 77-120. 50. Sur les significations du mot, n° 719, NAVEL, ouvr. cité, p. 78-79.

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SEIG:SEU HIE ET FÉODAL111::

••• Comme les vavassories, des fiefs ont reçu, nous l'avons dit, des qualificatifs susceptibles de les arracher à l'anonymat : fiefs de pairie, de château, de burg, fiefs de chevalier ou fiefs de haubert (par référence à la chemise de mailles qui protégeait le combattant). Sur un plan séparé, voici les rentes en fief 51 • Le seigneur les payait sur sa cassette, sur sa trésorerie - fiefs de chambre, fiefs de bourse -, les faisait verser par une banque ou par des hommes d'affaires, les assignait sur des ressources mobilières : douanes, ateliers monétaires, amendes judiciaires, recettes diverses 51 • Des rois, des nobles, des collectivités urbaines s'attachaient par là des intelligences. Ils subventionnaient des espions et des agents accrédités auprès d'une cour, pensionnaient les conseillers d'un Etat étranger, qui leur rendaient ouvertement l'hommage. Ils entretenaient des serviteurs ou des chevaliers sans terre, constituaient des dots et des douaires 13, rassemblaient une force armée pour leurs guerres ou pour la garde de leurs châteaux. Des chevaliers renommés se mettaient à leur service, recrutaient des hommes d'armes qu'ils soldaient 14 • 51. Expression préférable au terme abstrait c: fief-rente >, qui date du siècle dernier, et aux dénominations « fief en l'air >, « fief de revenu >, par quoi des feudistes de l'époque moderne entendaient des c: droits incorporels >, (n° 752, SczANIECKI, Essai sur les fiefs-rentes ,· n° 707, LYON, From fief to indenture). 52. Autres formes : assignation de la rente sur une terre dont le subordonné percevait les fruits et dont le fonds restait au seigneur ; versement au vassal, une fois pour toutes, d'un capital qu'il investissait dans une terre susceptible de lui procurer un revenu déterminé ; paiement de rentes en nature ... 63. En 1326, le comte de Flandre donna en fief à sa sœur Isabelle, pour son mariage, 300 livres de rente annuelle assignées sur les revenus des terres de Somerghen et susceptibles de passer à ses enfants (n° 707, LYON, Appendice, n° 22, p. 299). 64. Dès lors, la rente était une garantie de fidélité. La solde payait les services effectués. a) En 1296, le seigneur de Hornes fait « hommage de 100 livrees de terre au tournois petit > à Guy, comte de Flandre. Il recevra en plus un subside de 2 000 livres, qui subventionnera les services

LES FOJUIES co~cHtTt:S ()[; FlhF

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Les origines de cette institution remontent à la fin du siècle, si l'on en juge par des textes relatifs aux PaysBas "· Ensuite, elle gagna l'Allemagne - pénibleme_nt - et les principautés du Nord de la France. Après la conquête normande, l'Angleterre l'accueillit avec faveur 58 • Au cours des xn· et XIIIe siècles, elle s'étendit aux Etats latins de Syrie et de Palestine - plus qu'en Morée. - Elle fleurit pendant les guerres de Flandre et au début de la Guerre de Cent Ans, époques des mercenaires. Le seigneur ne cédait aucune fraction de son territoire et coupait aisément les vivres au dépendant peu zélé ou indocile. Le vassal perceYait des ressources appréciables sans avoir à gérer une terre. Avec l'autorisation du seigneur, il sous-inféodait la rente, la partageait, l'aliénait, la transmettait héréditairement, à vie, ou temporairement. Libre à lui de toucher des revenus de plusieurs mains contre autant d'hommages, liges ou simples. Libre à lui de rompre ses serments : ce que fit le comte d'Harcourt qui, pour servir l~ roi de France contre le comte de Flandre, renonça à la rente de 300 livres que ce dernier lui versait 57 • La diffusion de la rente en fief n'est pas un signe du déclin de la féodalité. Sous son triple aspect militaire,

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de trente hommes dans les guerres de Guy contre le roi de France et le comte de Hainaut. A la mort de Hornes, son héritier aura les mêmes obligations et ks mêmes revenus (LYO!'i, Appendice, n° 17, p. 291). b) Variante : en 1332, Jean, duc de Brabant, fait hommage à Philippe VI de Valois pour une rente héréditaire de « 2 000 livres de bons petits tournois >, assignée sur le Trésor, à Paris. Il servira le roi dans ses guerres, sauf contre « le roy d' Alemaigne > et contre les seigneurs dont il est déjà le vassal. Il le fera avec deux cents hommes d'armes et à ses frais pendant deux mois par an. A partir du troisième mois, le roi leur versera les gages accoutumés (l;ro~. Appendice, n° 23, p. 301 et suivJ. 55. N° 752, SCZANIECKI, ouvr. cité, p. 21. 56. On a prouvé qu'au début du XII• siècle encore, le roi d'Angleterre préférait à l'inféodation des terres l'assignation de rentes à des chevaliers, ou le paiement direct de leurs soldes (n° 122, POOLE, From Domesday Rook to Magna Carta, p. 13). Il en fut de même en Terre sainte au lendemain de la première Croisade et au XIII' siècle. 57. X 0 707, Lrns, From fief to indenture, p. 292 (1297).

274

SEIGNEl' HIE ET FÉODALITÉ

diplomatique et privé, cette trouvaille fut une adaptation du régime au développement de l'économie monétaire. Du x· siècle au XIV-, ils ont marché de pair. Plus maniable que la terre, l'argent a été un instrument des relations vassaliques. Il est vrai qu'il aggrava leur enchevêtrement pendant les crises diplomatiques et les guerres. Seules, les contrées de féodalisation imparfaite ou provisoire telles que l'Italie méridionale, la Péninsule ibérique, l'Empire latin de Constantinople et la Scandinavie ont fait grise mine à la rente.

•••

Principautés, comtés, baronnies et châtellenies sont les postes de commandement, l'armature de la féodalité. Voici la base, l'élément nourricier, la masse de manœuvre : ces modestes fiefs qui tapissaient le sol et dont l'assise était une seigneurie rurale, ou l'une de ses fractions. Avec eux, nous sommes au cœur du prolétariat féodal, sur des biens qui, ne nourrissant pas nécessairement leur homme, incitaient à rechercher des « profits > dans l'ost du roi ou d'un grand. Un essai de synthèse ne permet guère de pénétrer dans le dédale de ces tenures. Patrimoines éparpillés de maisons nobles, ou rassemblement dans une même main de terres et de droits issus d'achats, de donations ou d'échanges, beaucoup portaient le nom d'une famille, d'une habitation, d'un lieu-dit ou d'une paroisse 58 • Une documentation abondante sommeille dans les chartriers et les enquêtes des puissants. Tandis que le manoir de Fargues et ses dépendances, dans les Landes, sont au sein des possessions de Guillaume de Fargues, et que le fief d'Arnaud de SaintGermain est constitué essentiellement par la « maison et toute la paroisse de Ricau >, celui de Rions est fait de pièces dispersées dans le Castillonnès, le pays de Branne et le Libournais - « hommes, cens, agrières, communaux, 58. Il faut se garder de confondre avec « tout ce qui est tenu en fief vassal qui a reçu plusieurs tenures droits de mutation ou de succession

un fief nettement individualisé > d'un même seigneur par un contre un seul hommage. Les sont un fil conducteur.

LES FOH.MES CONCRÈTES DU FIEF

275

terres cultivées ou incultes... > - ; celui d' Amanieu de Branne s'.égrène sur cinq paroisses du Bordelais, et celui de Bernard de Lagupie sur huit paroisses du Bazad~is et de l' Agenais 58 • Le morcellement est poussé si loin que c la grande salle > d'un château, ou sa c grosse tour > sont données chacune contre l'hommage 80• A la fin du XIII• siècle, le monde occidental est saupoudré de fiefs.

59. Recogniciones feodorum in Aquitania (éd. BÉMONT, n 08 25, 75, 18, 259) : 1273-1274). HO . .4.rchives ltistoriques tle la Gironde, \'III, 97 ( 1341).

CHAPITRE IV PROPAGATION DE LA FÉODALITÉ DANS LES VIEUX PAYS : FRANCE ET EMPŒE

En France, vers l'an mil, la féodalité était installée au cœur de l'aristocratie et des gouvernements ; son progrès, ensuite, fut social plus que politique, bien que les deux volets rlu diptyque soient inséparables. Inversement, dans l'Empire des Ottons et de leurs successeurs, l'envahissement de l'Etat par les subordinations occupe le devant de la scène. La propagation des dépendances a laissé des traces documentaires saisissantes dans les pays de conquête où elle fut rapide et imposée par en haut. Les traces sont moins nettes lorsqu'on envisage les féoda1ités indigènes, dont la marche fut assourdie et inégale.

LES

1. UN MÉCANISME : TRANSFORMATIONS D'ALLEUX EN FIEFS

C'est dans le cadre régional que se dessinent les signes concrets : éclatement de grands fiefs, morcelés en unités de faible rayon, implantation de vieilles dynasties familiales, entrée d'hommes nouveaux dans la vassalité et transformation d'alleux en fiefs. Des seigneurs étendent leur mouvance, notamment aux limites de leur territoire, ou dans c les terres de débat ». Afin d'y parvenir, ils exercent un chan-

PROPAGATIO?li l> •.\.NS LES \'IEllX P.-.\. YS

2i7

tage sur des indépendants 1, ou exigent d'un vassal susceptible d'aliéner son fief un alleu de même valeur, dont il recevra la jouissance contre l'hommage 1 • Pour attirer ou retenir un personnage apprécié, ils lui donnent mission d'acquérir une terre allodiale et de la reprendre en fief. « Nous, Rodolphe ... roi des Romains ... , avons accueilli comme vassaux de l'Empire romain les sires Nicolas Zorn et Jean d'Outre-Bruche, chevaliers de Strasbourg. Nous nous engageons à leur donner ... 80 marcs d'argent. Aussitôt ... , ils devront acheter un alleu qu'ils tiendront, eux et leurs héritiers. comme fief c légitime > de l'Empire 1 ••• « Nous, W P.rrys de Walecourt, chevalier, faisons savoir à tous que, pour une certaine somme d'argent reçue de Guillaume, comte de Hainaut, lui avons promis d'acquérir vingt livrées de terre de franc alleu que, dans l'année, nous reporterons en sa main, et que nous tiendrons de lui en fief et en hommage'. > L'initiative est revenue également à des alleuticrs qui recherchaient une protection dans ce monde 1 , ou des prières pour l'au-delà, qui vendaient des fractions de leur domaine éminent allodial, ou arrondissaient leurs biens grâce à la cession, par le seigneur, d'une tenure ajoutée à l'ancien alleu, dont la jouissance leur était laissée•. Ces « fiefs de reprise > furent une caractéristique de la progression féodale là où il était possible de puiser à pleines mains dans les terres encore soustraites aux subordinations". 1. N° 610, BLOCH, La société féodale, 1, 265-266. 2. Chartes du Forez, XI, n° 1067 (1244). 3. Urkundenbrzch der Stadt Strassburg, Ill, n° 62 (1274), et Documents, n° 51. 4.- N° 638, DIDIER, Le Hainaut, p. 47, n. 64 (1335). 5. La même préoccupation avait cours dans les milieux paysans. 6. Vers 1040, l'abbé de Cluny, qui avait payé la rançon d'un chevalier, reçut de lui, en compensation, son droit de propriété sur des alleux. L'abbé les lui remit en fief et lui concéda les terres que deux frères du chevalier avaient données au couvent lorsqu'ils avaient revêtu l'habit monastique (n° 416, DuBY, La société en Mdconnaia, p. 174). 7. Sur-le-champ, ou dans l'an et jour, le maître restituait l'usufruit de la terre cédée : il gardait en alleu les droits éminents. Des feudistes

278

SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

Des freins furent mis à cette diff1,1sion 8 • Par usurpation, lorsque l'œil du maître n'est pas assez perçant, ou par entente mutuelle •, des fiefs sont transformés en alleux, ou changés en censives car des seigneurs préfèrent des redevances slires à des services théoriques ; des contractants adaptent une tenure à ses possibilités, des vassaux modifient le régime successoral de leurs terres 10••• Broutilles que tout cela au regard de la prolifération des liens féodaux .

••• Les pays du nord de la Loire ont simplement consolidé les résultats acquis. Ils se sont fortifiés le long de leurs lignes anciennes. A l'orée du XIIe siècle, on relève la disparition presque totale des alleux normands 11 , leur extrême allemands du XIIIe siècle, pour qui le régime féodo-vassalique remontait jusqu'au roi, ont accordé avec des réticences ou refusé la qualité de fief aux tenures de ce genre. 8. N° 367, BoUTRUCHE, L'alleu, p. 60-71 ; n° 416, DUBY, La société en Mâconnais, p. 301-305. 9. En 1229, lors d'une c confirmation de la paix > consentie sept ans plus tôt, le comte de Forez céda en alleu des fiefs au seigneur de Beaujeu qui avait renoncé en sa faveur à la terre de Cousan (Chartes du Forez, 1, n° 50). - Des Chansons de geste se sont fait l'écho de ces fluctuations. Girart de Roussillon abandonne sa fiancée à Charles Martel à condition que ce dernier accepte qu'il tienne ses biens « en alue senz omenage ». - Sur d'anciennes tenures vassaliques muées en alleux, n° 404, DoLLINGER, Les classes rurales en Bavière, p. 93-94, 302 ; n° 416, DUBY, La société en Mâconnais, p. 387-388 ; n° 737, RICHARD, Les ducs de Bourgogne, p. 129. 10. N° 639, DILLAY, Le service annuel en deniers des fiefs de la région angevine (Mélanges P. Fournier, p. 144) ; n° 638, DIDIER, Le Hainaut, p. 153, n. 1. - Inversement, des censives sont devenues des fiefs tantôt à l'instigation d'un seigneur qui attendait des services vassaliques, tantôt à celle d'un vassal soucieux de considération, ou poussé par l'espoir d'un allégement des taxes (DIDIER, ouvr. cité, p. 48-49) ; n° 743, R1cHARDOT, Quelques textes sur la reprise de censive en fief (Rev. histor. de Droit fr. et étranger, 1950, p. 347) ; n° 445, GENICOT, L'économie rurale namuroise, Il, 295. 11. Du moins si le mot est pris dans l'acception de terre sans seigneur. PrimitiYement, il avait désigné le bien patrimonial par oppo-

PROPAGATION DANS LES VIEUX P.\YS

27~t

amenuisement en Ile-de-France et en Anjou, leur recul en Bretagne, en Flandre, dans les terres d'Empire correspondant aujourd'hui à la Belgique et aux Pays-Bas 1' . L'évolution s'est poursuivie. Il n'y avait plus d'alleu en Beauvaisis au moment où Beaumanoir rédigeait ses Commentaires 11 • En revanche, au sud de la Loire, et du Nivernais à la Franche-Comté, où des contrées restaient à la traine, la propagation des dépendances fut non pas une liquidation des restes, mais une conquête. Prenons quelques régions. Dans les pays de la basse Garonne et de la Gironde les alleux ont formé une matière inusable jusqu'à la Révolution 14. Inusable et toutefois en retraite. Les assauts de la seigneurie rurale sont venus à bout d'alleux paysans qui furent chargés de cens ou de champarts. Les terres étaient réduites à l'état de tenures ; les droits institués sur elles demeuraient allodiaux. Il y avait déplacement des valeurs et division de la possession 15 • Ces changements n'entrent pas dans notre propos, car ils concernent l'étage inférieur des subordinations. Nous regarderons plus haut : vers les transformations d'alleux en fiefs, dont l'explication générale a été précédemment fournie. sition aux acquêts. Il a gardé cette signification en Normandie aux X• et XI• siècles (n° 425, FAUROUX, Recueil des actes des ducs de Normandie, n°• 14 bll, 16, 17, 98 : 1012-1041). Les terres indépendantes y sont exceptionnelles (ibid., n° 94 : vers 1035-1040). Et l'on sait que l'Angleterre les a ignorées après 1066. 12. La comtesse Richilde céda vers 1071 ses alleux du Hainaut à l'évêque de Liège, puis les reprit de lui en fief (n° 662, GANSHOF, Qu'est-ce que la féodalité ? p. 159-160, et Documents, n° 36) ; des forteresses hennuyères construites sur d~s terres allodiales furent assaillies par les subordinations (G1sLEBEHT DE MoNs, Chroniques, éd. VANDERKINDERE, p. 11 et suiv.). 13. Ed. SALMON, art. 688 : c Nus, selonc nostre coustume, ne puet pas tenir d'alues, et l'en apele aluef ce que l'en tient sans fere nule redevance a nului. Et se li cuens s'aperçoit avant que nus de ses sougiés que tel aluef soient tenu en sa contee, il les puet prendre comme siens... pour ce qu'il est sires de son droit de tout ce qu'il trueve tenant en aluef. Et se uns de ses sougiès i avoit jeté les mains, si ne li doit il pas demourer s'il ne prueve que ce fu de son fief, ou de ce qui deYoit estre tenu de li. » 14. N° 367, BOl'TRFCHE, L'alleu ... 15. Sur ces seigneuries allodiales, ibid., p. 31-38.

SEIG~ El' HIE ET F~;OUALITt

Certes, du XIII• au XVIII• siècle, nous relevons sans peine, à travers une riche documentation, des c alleux chevaleresques », des « maisons nobles > en alleu 16 • Nous savons que, pour leurs biens enclavés dans la seigneurie de Puyguilhem, ni Elie de Puralh, « ni sa race n'ont reconnu quelqu'un comme seigneur, et qu'ils n'ont fait aucun devoir 11 >. Pourtant, assurés d'obtenir des « dédommagements raisonnables >, des nobles reconnaissent avoir en fief des biens jusqu'alors indépendants : en 1242, un gentilhomme passe avec le duc de Guyenne une « convention > selon laquelle le château que « lui-même et ses ancêtres ont tenu en alleu, ils le tiendront désormais du roi et de ses héritiers > contre l'hommage et des services 18 • Au cours de l'enquête opérée de 1273 à 1275 sur les possessions et les droits d'Edouard In en Guyenne, ainsi que sur les terres libres enclavées dans ses seigneuries, dans celles de ses vassaux et de ses arrièrevassaux, chacun doit désigner « les fiefs qu'il tient du roi >, énumérer ses obligations, « dire et nommer les alleux 19 ». Or, de grands personnages : Podensac, Budos, Pommiers, Lalande, Albret ... , assurent qu'ils n'ont aucune terre libre. La même affirmation est produite par les Rions, Jes Escoussans, les Cursan, dont les ancêtres avaient possédé des alleux en Entre-Deux-Mers 20• Depuis la fin du XI• siècle, . certains étaient échus à des établissements ecclésiastiques qui les avaient unis à leur domaine ou rétrocédés en fiefs aux donateurs 21 • D'autres étaient tombés dans la mouvance des Plantagenêts, d'autant plus enclins à les réduire en terres dépendantes que l'Angleterre ignorait le régime allodial. Entre 1256 et 1281, les alleux de vingttrois paroisses bordelaises ou bazadaises furent convertis en fiefs ou en censives 22 • Les réponses données aux enquê16. 17. 18. 19. 20. 21. 22.

Ibid., p. 27, 37, 39, 75, 89, 98-99, 102-104, 145, 248-249 ... Recogniciones feodorum (éd. BÉMONT, n° 352 : 1274). Rôles gascons, éd. Fr. MICHEL, I, n° 1211. N° 367, Bot"TRUCHE, L'alleu, p. 23-24. Ibid., p. 73, n. 1, et 74 ; p. 83 et n. 4, 85. Ibid., p. 81-87 (notamment p. 83, n. 4). Ibid., p. 258 et n. 2.

PROPAGATION DA~S LES VIEUX PAYS

281

teurs ne sont pas toujours sincères, mais elles indiquent une tendance également présente en Mâconnais 23 • Ici, vers 950, l'alleu prédominait dans la fortune foncière des puissants. L'organisation d'un réseau de dépendances autour de la personne royale, depuis Louis VII 24, et autour de grands personnages, la création de nouvelles dominations territoriales après 1166, la crise financière de la petite noblesse, qui vendit ses droits éminents sur des terres libres, l'acquisition par la haute bourgeoisie de châteaux, de justices, de dîmes et de péages resserrèrent les subordinations, les proposèrent à des hommes demeurés à l'écart. Il n'empêche qu'aux environs de 1250 les alleux demeuraient plus nombreux, semble-t-il, que les fiefs. Ils s'effritèrent au cours de l'âge suivant - sans disparaître 15 - . Le précieux Recueil des Chartes du Forez, auquel nous avons déjà fait des emprunts, renferme quelques dizaines d'actes des XI• et XIIe siècles. Les autres concernent le XIII• 26 • Ils donnent connaissance des classes, des groupes, des familles, des genres de vie, des liens seigneuriaux et féodaux. Fournir des statistiques nous condamnerait à entrevoir les réalités à traYers un prisme déformant. Les chartes 23. ~" 416, Drnv, La société en .Vâconnais, p. 43-45, 141-145, 172-194. 291-298, 453-469, 489-524, 545-583. 24. Prié d'intervenir dans des querelles locales, ce roi fit campagne dans le Mâconnais en 1166 et 1171. 25. Des remarques semblables ou voisines sont applicables à la Bourgo~ne du Nord et du Centre . ..\Yant 1100, des puissants tenaient leurs châteaux en alleu ; cent ans plus tard, le c détroit > des forteresses restait plein d'enclaves allodiales, bien que la situation se fût modifiée anc l'aclToissement de l'autorité ducale et le rattachement de citadelles à sa mouvance. Si la vassalité s'èpanouit au XIII• siècle, des nobles n'entrèrent en dépendance que pour quelques terres. Assaillie, l'allodialité bourguignone est restée si vigoureuse que l'axiome c nul seigneur sans titre > figura dans les Coutumes rédigées du XV' siècle (n° 737, RICHARD, Les ducs de Bourgogne, p. 102-110, 122-125. 204, 267-278, 521-522). 26. Chartes du Forez antérieuus au XIV• siècle (sous la direction de G. Gl'ICHARD, du comte de NEUFBOFRG, d'E. PERROY, de J. E. Dt:FOUR et . La même année, Guillaume de Montmorillon, vassal du comte pour des terres, lui vend son domaine éminent allodial sur des biens qu'il tiendra de lui en fief 30 • On relève des opérations semblables entre la comtesse de Nevers et le seigneur de Beaujeu qui reprend en fief, de sa partenaire, des terres allodiales ; entre deux damoiseaux dont l'un fait hommage à l'autre pour une vigne allodiale changée en franc-fief 31 ... Néanmoins, les principaux bénéficiaires furent les communautés religieuses : abbaye de Bonlieu, ici à l'honneur, prieurés de Jourcey et de Saint-Rambert, Hospitaliers de Montbrison ... Elles acquièrent des biens-fonds ou des redevances anciennement assignées sur des alleux 31 • Des alleu27. Chartes du Forez, 1, n° 12. 28. 1, n° 55. 29. 1, n° 96. 30. 1, n° 98. 31. 1, n° 43 : 1224 : II, n° 189 : 1276. 32. Un damoiseau vend au prieuré de Jourcey les redevances qu'il percevait sur des terres exploitées par des tenanciers. c Les choses vendues étaient de son franc alleu. Il ne les tenait d'aucun seigneur > (1, n° 92 : 1254). En 1280, un habitant du Forez donne au précepteur des Hospitaliers de Montbrison le directum dominium et des redevances sur des terres qu'il possédait « en franc, pur et libre alleu >. Le précepteur le reçoit « in hominem dicte domus > et l'assure qu'il sera « gardé. défendu et garanti. lui et les siens, comme les autrc•s

PROPAGATION DANS LES VIEUX PAYS

283

tiers· constituent des cens en leur faveur 18• Des ·chevaliers, des damoiseaux c se dévêtent > de terres et de redevances qu'ils possédaient c en franc et pur alleu >. Ils deviennent les c vassaux et feudataires > de l'acquéreur". En définitive les terres libres s'amenuisent plutôt qu'elles ne dispahommes de notre maison ~ (Chartes du Forez, IV, n° 500). - Voir 1, n°• 108, 139 ; Il, «0 167 ; IV, n°" 480, 484, 524 ; V, n°• 687, 712 ; IX, n" 934 ; XI, n° 1116 ; XIII, n° 1205 ... : seconde moitié du XIII• siècle). L'opération comportait parfois deux temps. En 1275, un chevalier forézien reprend en franc-fief des Hospitaliers de Chazelles, moyennant 2 livres, les redevances en alleu qu'il percevait sur quatre pièces de terre. Il leur livre donc son domaine éminent allodial. Le même jour, il leur abandonne, contre 11 livres, ces mêmes redevances, et par conséquent ses droits utiles (IX, n°• 984 et 985). Gn éditeur des Chartes fait remarquer que les inféodations des cens ont précédé généralement leur vente après 1275. Sans doute les communautés espéraient-elles esquiver la taxe d'amortissement (XII, n° 1197, n. 10). 33. Un habitant de Cellieu, Martin Lombard, laisse au prieuré de Jourcey, moyennant deux livres viennoises, le dominium directum et alodium sur un pré et une vigne dont il garde l'usufruit contre un cens annuel de 2 sous viennois auquel s'ajouteront c les lods et ventes, les reconnaissances, les autres usages et exactions > levés par le prieuré dans la même paroisse (V, n° 690 : 1281). Cf. 1, n 08 110, 140 ; II, n°• 169, 215, 247, 248, 260 ; IV, n° 500 ; V, n 08 675, 689, 690 ; VII, n° 885 ; IX, n° 962 ; XIV, n° 1252... 34. Types de formules : c De alodio dictorum hominum et rerum predictarum se devestit... Et priorem investit > (IX, n° 942 : 1256). En 1287, un damoiseau reprend en franc-fief du couvent de Bonlieu, contre 25 livres viennoises, les c res et jura... que idem domicellus asserit se tenere in francho et puro allodio, ... scilicet census quos debent tenementarii infrascripti > (Il, n° 269). Voici d'autres exemples qu'on ne saurait multiplier sans sombrer dans l'ennui. En 1253, la femme d'un chevalier convertit en fief des biens-fonds sis à Saint-Just-sur-Loire. Elle affirme c sur les saints évangiles qu'elle ne les tenait d'aucun homme vivant, mais qu'ils étaient son alleu > (1, n° 91). Vers le même temps, un damoiseau et son frère reprennent c en franc-fief et hommage >, du précepteur des Hospitaliers de Montbrison, des cens et des redevances en nature assignés sur des terres allodiales. En retour, le précepteur pardonne au damoiseau la capture d'un homme dépendant de l'Hôpital, sa mise à rançon et le pillage de sa maison : dommages estimés à 40 livres viennoises, qui représentent le prix du domaine éminent (V, n° 624). En 1265, un damoiseau abandonne à l'abbesse de Bonlieu, moyennant 45 livres, sa dîme allodiale de Marcoux, puis la reprend en fief de l'intéressée, c vraie dame du fief et de l'alleu susdit > (vendo alaudium predictae decimae ... , et in f eudum recipio decimam... Et facio

284

SEIGNEURIE ET Fl~ODALIT:t:

raissent brutalement 83 ; le nombre des alleutiers intégraux se résorbe sans révolution. Par là, nous débouchons dans un monde d'autant plus difficile à cerner que ses modes d'existence ne se ramènent pas tout entiers à la vassalité, ni sa fortune exclusivement aux terres dépendantes, et que les considérations féodales s'entrecroisent avec la naissance et les titres, la qualité laïque ou la dignité religieuse, les fonctions ...

li. -

LA FÉODALITÉ DANS LES SOCIÉT~S A. LES MILIEUX LAIOUES

Allons droit au but. C'est la noblesse qui forme l'aile marchante de la féodalité. La plupart des fiefs lui appartiennent ; elle est mieux préparée que les autres classes à l'accomplissement des devoirs féodaux. La loyauté envers « le légitime, le naturel seigneur, le droil sire > fut un élément de son « bréviaire >. Cette vocation se mêle à des règles contenues dans la chevalerie, qui recommande la fidélité à la parole donnée et prône les vert us guerrières. Le code chevaleresque et, sur son inspiration, le code nobiliaire, dictent d'ailleurs des dispositions étrangères au contrat féodal : la piété, la protection des faibles, la largesse, la persévérance, la sobriété, « concierge de vie 88 > ••• abbatissam ... veram domina m feu di et alodii supradicti, Ill, n ° 337). Consulter IV, n"» 465, 468, 469, 4 71 ; IX, n° 6 942 et 944... Pour le dernier quart du XIII• siècle, Il, n°• 210, 211, 214, 221, 225, 231, 263 ; IV, n°• 491, 495, 557 ; V, n°• 682, 685, 7U : IX, n°• !156, 999 ; XI, n° 1127, etc. 35. En 1256, un chevalier reprend en fief des biens situés dans plusieurs paroisses. Il conserve en alleu ]a « grange > où il habite. En 1274, un damoiseau reprend sa maison en fief. « La terre située en dehors de cette maison » reste allodiale entre ses mains (Chartes du Forez, IX, n ° 942 ; XII, n ° 1179). 36. Sur les douze vertus du noble, Alain CHARTIER, Le Bréviaire des nobles (Romania, t. LXXV, 1954, p. 66-82).

PHOPAGATlO~ llA:'\S LES \'1El1X PA\'S

Certes, les nobles n'étaient pas tous chevaliers ; les chevaliers n'avaient pas tous accès à la noblesse ; les uns et les autres n'entraient pas tous dans la vassalité 17• Néanmoins, vers 1200, ces trois états se trouvaient souvent réunis chez le même personnage. Plus tard, tandis que des cadets de famille, des gens de petite ou de moyenne noblesse renonçaient à l'adoubement et que la chevalerie tendait à s'enfermer dans le cercle d'une élite fortunée, seigneurs et vassaux se recrutaient en majorité dans l'aristocratie 11• Pour 37. Notre t. 1, p. 207. - Des chevaliers n'étaient pas casés, bien que la pratique du chasement fût très répandue. 38. Théoriquement, le titulaire d'un fief de chevalier devait être adoubé. En Morée, c le seigneur peut contraindre son feudataire à recevoir la chevalerie s'il a un fief de chevalier et si le fief est en tel état qu'il puisse garder la chevalerie > (n° 942, Assises de Romanie, éd. RECOURA, art. 29, et Documents, 11° 60, 7°). Mais des dispenses étaient accordées. Les origines, la composition, le statut, l'évolution des noblesses de France et d'Empire, puis leurs rapports avec la chevalerie, ont provoqué des mises au point et l'ouverture de nouvelles voies de recherches. On a évoqué de grands livres, servis par une prodigieuse richesse documentaire et illustrés par la défense de thèses, d'idées-forces : tels, en France, les travaux, exploités et combattus, de Guilhiermoz et de Marc liloch. Il y a translation, aujourd'hui, des valeurs attribuées à l'aristocratie et optique nouvelle. Parmi les études du dernier quart de siècle, on consultera : n" 615, BoNENFANT et DESPY, La noblesse en Brabant aux XII• et XIII• siècles ; K. F. WERNER, c Untersuchungcn zur Frühzeit des franzosischen Fürstentum, 9. - 10. Jahrhundert > (Die Welt ais Geschichte, 1958-1960) ; 11° 762, VERRIEST, Noblesse, chevalerie, lignages ; n° 640, DuBLED, Noblesse et féodalité en Alsace du XI• au .HII• siècle ; DUBY, n° 645, Une enquête à poursuivre : la noblesse dans la France médiévale ; n" 642, Au XIIe siècle : les c jeunes > dans la société aristocratique ; GENICOT, n° 445, L'économie rurale namuroise, t. Il ; n° 665, La noblesse au Moyen Age dans l'ancienne c Francie > ; n° 636, DBSPY, Sur la noblesse dans les principautés belges. Lire aussi W. SCHLESINGER, c Herrschaft und Gefolgschaft in der germanisch-deutschen Verfassungsgeschichte > (Historische Zeitschrif t, t. CL.XXVI, 1953) ; n° 751, ScHMID, Zur Problematik von Familie, Sippe und Geschlecht ; 759, TELLENBACH, Studien und Vorarbeiten zur Geschichte des groszfriinkischen und frühdeutschen Adels ; n° 389, DA:sNENBAUER, Grundlagen der mittelalterlichen Welt ; A. BoRST, c Das Rittertum im Hochmittelalter. ldee und Wirklichkeit (Saeculum, X, 1959) ; A. HAGEMANN, c Oie Stande der Sachsen > (Zeitschrift der Savigny-Stiftung, Germ. Abt., 1959) ; K. BosL, n° 778, Der aristokra-

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

les classer, nous reprendrons les qualificatifs des contemporains. Les dominatore& ou, d'un terme moins heureux, les domini, marchaient en tête 311 • Les plus importants étaient décorés de titres empruntés soit à des dignités de l'époque carolingienne (principes, duces, marchiones, comites, vicecomites) ; soit à une position éminente dans le royaume, la principauté, la grande seigneurie. D'autres devaient leur nom à la possession de châteaux et de prérogatives judiciaires considérables : barones, castellani. Ils étaient des c grands >, des c magnats >, de « riches hommes > - , c puissants, écrit Gislebert de Mons, par leurs parentèles et forts par leurs tours >. Au-dessous se pressait la foule des subordonnés : chevaliers-bannerets, ou simples chevaliers, eux-mêmes séparés par la nature et le coût de leur équipement ; écuyers et sergents combattant à cheval ; vavasseurs ; jeunes gens qui faisaient leur éducation auprès du seigneur et appartenaient à sa c mesnie >. Des scribes appelaient c feudataires > les possesseurs de fiefs - cette simplicité nous laisse sur notre faim - , ou plongeaient les hommes dans une brousse terminologiqtre qui s'éclaircit au cours des XII' et XIII• siècles'°. Les plus tische Charakter europliischer Staats- und Sozialentwicklung ; ID., c Der Wettinische Stiindestaat im Rahmen der mittelalterlichen Verfassungsgeschichte > (Historische Zeitschrift, 1960) ; ID., Uber soziale Mobilitit in der mittelalterlichen Gesellschaft (Vierteljahrschrift für Sozial-und Wirtschaftsgeschichte, 1960) ; n° 667, GENICOT, La noblesse dans la aociété médiévale. Pour l'Orient latin, n° 939, PRAWER, La noblesse et le régime féodal du royaume latin de Jérusalem. 39. Dominus était placé devant un nom d'homme (c'est alors qu'il prenait toute sa valeur sociale) ou devant celui d'une seigneurie (n° 675, GUILHIERMOZ, La noblesse en France, p. 148-150). 40. En France, le premier Registre de Philippe Auguste retient le classement suivant : ducs, comtes, barons, châtelains, vavasseurs ( c Scripta de feodis >, éd. Delisle, dans Recueil des hiatoriens des Gaules et de la France, XXIII, 682-684). Plus tard, le Livre de jostice et de plet énumère les degrés d'un c ordre > nobiliaire plus que féodal : duc est la première dignité, puis comte, vicomte, baron, chAtelain, vavasseur (éd. RAPETTI, p. 67). Des textes· soulignent l'écart possible entre la qualité de la personne

PROPAGATION DANS LES VIEUX PAYS

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avisés tentaient de rendre justice au remue-ménage de l'aristocratie - ftît-ce en appliquant les titres féodaux à des positions nobiliaires qui accordaient une place secondaire aux tenures.

••* Il n'y a pas de commune mesure entre le possesseur d'une « terre chevaleresque > et le détenteur d'un fief représenté

par le droit de lever une maille sur chaque panier de poisson apporté aux Halles de Paris. Le premier est dans la ligne traditionnelle du régime. Le second est sa caricature. En droit, pourtant, ils sont des vassaux; ils ont une tenure féodale. Cette remarque est une leçon. Jamais le fief n'a été monopolisé par une classe. Il a payé le concours des ministériaux, libres ou non libres, élevés ou non à la chevalerie, astreints à l'hommage et à la fidélité, ou à la foi seulement. Il a frôlé ou atteint des éléments de la haute paysannerie et de l'artisanat rural auxquels le seigneur demandait une aide réduite ou des taxes 41 • Il a pénétré dans les milieux urbains 0 • Organisées ou non en communes, des collectivités prêtent, par la main de leurs chefs, les serments vassaliques, ou uniquement la fidélité ; elles concèdent des fiefs. Corps étrangers à la féodalité par leurs origines, leurs intérêts, leurs genres de vie, des villes sont entrées dans son atmosphère et sa hiérarchie. Pour elles, cependant, le régime féodal est resté un phénomène second, ou étranger. et celle du fief : baronnie est en main de baron, ou de plus grand ; châtellenie en main de châtelain, ou de plus grand ; vavassorie en m:.in associant deux principes et deux pouvoirs. Après 1245, enfin, une des instruments joints à l'acte, était de combattre les abus. - En outre, on ne devait rien réclamer aux églises qui avaient reçu des biens amortis par c trois seigneurs intermédiaires > entre le roi et le concédant. Pour les autres biens, obtenus depuis vingt-neuf ans sans l'accord du roi, le bénéficiaire payait une taxe qui correspondait à la ,·aleur de leur revenu pendant une à quatre années. Elle variait suivant le mode d'acquisition - à titre gratuit ou à titre onéreux et l'emplacement des possessions c dans les terres, fiefs et arrièrefief s > du roi, ou dans les alleux (Ordonnances des rois de France, I, 303-304, et Documents, n° 42. - Cf. n° 691, LANGLOIS, Le 1·ègne de Philippe III le Hardi, p. 206-209, 235-238, 422-424). Des comtes qui n'étaient pas énumérés dans !'Ordonnance s'ingénièrent à rassembler des documents établissant leur droit c immémorial > (n° 864, PERROY, Le cartulaire des amortissements de Forez ; n° 674, GuÉBIN, Les amortissements d'Alphonse de Poitiers). De 1275 au XVIIIe siècle, le taux des taxes a été modifié. Plus précise et plus complète que celle de 127.5, une Ordonnance de 1291 fixa les tarifs suivants (Ordonnances, 1, 322-324) : a) Biens acquis à titre gratuit depuis 1275 : quatre annêes de revenus, payables en argent, pour les acquisitions faites dans les fiefs et les censives du roi ; trois années pour celles réalisées dans les arrièrcfiefs et les arrière-censh·es ; deux années pour celles qui concernaient des alleux. b) Biens acquis à titre onéreux : six années pou1· les fiefs et les censives du roi ; quatre pour les arrière-fiefs, les arrière-ccnsives et les alleux. Selon la même Ordonnance, les non-nobles qui avaient acquis des fiefs ou des arrière-fiefs payaient la valeur des fruits de trois années, à moins que l'aliénation n'eût été autorisée par trois seigneurs intermtdinires entre le roi et l'aliénateur. Sur l'Anglett.·rn·, n" tllli. Hr-:\-.:. The dedine of h1glislt feudalisnr, p. 49 et suiv.

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SEIGNEl'.RIE ET Ff;ODALITÉ

royauté autoritaire se hisse au-dessus des usages féodaux'°· Bien que l'époque des c quatre premiers Capétiens > ne forme pas politiquement un bloc, des traits communs ou proches sont à dégager. Les maîtres du royaume ont eu conscience que leurs prérogatives l'emportaient sur celles des chefs locaux et qu'elles étaient d'une autre essence. Ce qu'ils pressentaient, le haut clergé, des hommes de loi et des poètes en avaient une notion plus claire. L'onction confère au roi une dignité sacerdotale mise en valeur par Abbon de Fleury. Elle lui fait un devoir de défendre la paix, la justice et la religion. S'opposer à lui, lorsqu'il respecte la loi divine, c'est s'opposer à Dieu et commettre un sacrilège. On sait de plus qu'il ne prête l'hommage à aucun de ses sujets, ni à aucun prince étranger 81 • Il vit dans une sphère particulière. Il a son champ réservé, son champ clos. Déchirée par les troubles intérieurs, souffrant de la pénurie de cadres et d'hommes compétents, la monarchie s'est inclinée devant des entreprises qui furent encouragées par son impuissance plutôt que par une volonté réfléchie d'usurpation. Une telle fragilité ne signifie pas inaction. Le roi cherche à s'imposer dans l'Ile-de-France et les régions voisines, au cœur de ce domaine qui est la source de ses principaux revenus et du plus grand nombre de ses dépendants. Il assure féodalement la défense de son droit, consolide donc le régime vassalique, répand ses usages, accepte qu'il se retourne contre lui lorsqu'un vassal le c dé_60. N° 806, FAWTIER, Les Capétiens et la France, chap. 1v-v11 ; n° 841, LEMARIGNIER, Le gouvernement ruyal aux premiers tempa capétiens; n° 110, PACAUT, Louis Vil et son royaume ... Le roi a exercé une hantise sur des auteurs de Chansons de geste. Il doit être juste et pieux, protéger l'Eglise et les faibles, respecter ses engagements envers les vassaux et les faire participer au gouvernement. Au prix d'anachronismes, des poèmes mettent les Carolingiens à la mode de leur temps, leur confèrent une personnalité qui change avec les thèmes en vogue et le contexte idéologique du moment (Geste royale, fin du XI• siècle et début du XII• ; cycle de Guillaume d'Orange, première moitié du XII• siècle ; Geste des barons révoltés, fin du XII• siècle et début du XIII•). 61. N° 817, HALPHEN, La place de la royauté dans le système féodal.

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fie >. L'histoire événementielle de la jeune dynastie prouve que les liens de dépendance étaient un contre-feu dressé entre elle et ses adversaires. A ses hommes, elle demande le conseil et l'aide - quitte à c oublier > les réticences ou les abstentions des puissants et à gouverner, petitement, avec des familiers -. Elle revendique la garde des mineurs, des filles et des veuves de ses subordonnés directs. Pour l'essentiel, les assemblées judiciaires sont des assemblées de vassaux; les troupes sont fournies par les vassaux et les contingents qu'ils conduisent à l'ost. Les .rois contrôlent les élections des évêques et des abbés placés à la tête d'églises ou d'abbayes royales ; ils se rapprochent des communes urbaines. Un duc, un comte de leur vassalité meurent-ils sans héritier ? Ils veulent être consultés sur le choix des successeurs, ou se posent en prétendants à la succession. Des conquêtes - comté de Sens par Robert le Pieux-, des achats (vicomté de Bourges par Philippe Ier), ont également scandé l'extension d'ailleurs modérée du domaine. Dans le cointé annexé, le roi est son propre comte. Les Capétiens, cependant, interviennent peu dans les grands fiefs et pénètrent difficilement, en tant que suzerains, dans la sphère des arrière-vassaux. La masse de l'aristocratie dépend des seigneurs privés. Elle voit le roi dans un halo. II ne rassemble que par accident une fraction de la féodalité du royaume. II ne prend point de dispositions législatives comparables à celles que nous connaissons pour l'Italie, l'Allemagne, l'Angleterre, la Terre sainte. Les oppositions, l'inquiétant retrait des c premiers du royaume > disent sa faiblesse 11• Après 1108, le climat politique s'est écarté de celui qui sévissait jusqu'alors. Avec plus d'énergie qu'aucun de ses prédécesseurs, Louis VI tente de ramener la sécurité dans l'Ile-de-France et ses abords. II dispose d'une riche principauté territoriale, agit en Flandre, sollicite le soutien 62. Le recul fut sensible dans les pays de langue d'oc et dans certaines principautés du Nord de la France, bien que leurs chefs dussent au Capétien c l'honneur et le respect » (LEMARIGNIBR, n° 698, Structures monastiques et structures politiques ; n° 841, Le gouvernement royal aux premiers temvs capétiens, chap. n.

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SEIGNF.l'RIE ET FÉODAUTÉ

de ses petits et moyens vassaux. Secondé par Suger et servi par des idées qui présentèrent le roi comme le chef de la hiérarchie féodale, Louis VII est sorti plus que son devancier d'un domaine dont il poursuivit la pacification 63 • A partir de 1150 environ, le gouvernement royal intensifie son action en France et s'efforce de reprendre en main les rênes. Œuvre lente, coupée de vicissitudes privées ou publiques, et mise en danger par la formation de « l'Empire angevin >. Le temps de Philippe Auguste constitue la charnière entre deux mondes : celui, sans véritable Etat, des principautés et des châtellenies : celui d'une monarchie féodale qui a pointé avant lui à l'horizon. C'est alors l'accroissement du domaine royal par la conquête, ]es alliances matrimoniales, les successions, les achats de comtés. C'est la progression d'une puissance administrative par l'annexion de principautés qui donnent au Conseil du roi des sources d'inspiration et l'obligent à rechercher des solutions neuves. La monarchie institue « l'aide de l'ost ~ - éveil timide de la notion d'impôt, - pousse les antennes de sa .iustice, mobilise pour ses guerres des nobles et des roturiers, appelJe des mercenaires plus résolument que ne l'avait fait le gouvernement de Louis VII. Elle tient des archives. compte ses revenus et ses soldats. essaye d'étendre sa législation à tout le rovaume avec l'a§:!rément des grands vassaux, développe la théorie de la garde ~énérale des églises sans enlever aux seigneurs la resnonsabiJité de protéger. dans leur sphère respective, les personnes et les biens ecclésiastiques. Ses desseins se font plus nets. malgré des vues courtes et des improvisations. Le souverain quête partout des sujeb. Pourtant. des ressources. des ressorts, des instruments de « l'Etat », demeurent « féocl::rnx » 64 • Le roi recoit des hommages C't des réserves . Il interdit le port d'armes, ainsi que les guerres privées lorsqu'il est engagé dans une lutte où les intérêts du royaume sont en jeu 88 • Ces mesures semblèrent si extravagantes qu'elles furent mal respectées. Les guerres privées sévirent jusqu'à l'ère moderne. Afin de juguler les c vengeances >, il fallut revenir aux c paix >, aux c trêves >, aux « asseurements >. Une armée d'agents à la dévotion , par les transformations économiques et par les guerres, ont vu s'étendre l'ombre du « premier dans le royaume >, du souverain « par-dessus tous 89 >.

67. Sur les problèmes posés par le duel, n° 716,

MOREL,

La fin du

duel judiciaire en France. 68. Louis VII, déjà, avait réglementé ces conflits quand ils étaient portés contre le roi (n° 788, CAZELLES, La réglementation royale de la guerre privée). ·-- On sait d'autre part que, de longue date, les meilleurs éléments de l'épiscopat s'étaient dressés contre les guerres privées et les abus commis sous ce nom. Leur dessein n'était pas de supprimer le droit de vengeance, mais d'en réduire les effets. Entre 987 et 1030, l'épiscopat méridional avait pris des mesures qui gagnèrent ensuite les régions au nord de la Loire, et que la Papauté amplifia. Des hommes s'engagèrent à respecter les « paix de Dieu > et les c trêves de Dieu >>. On prévit des sanctions contre les « fauteurs de troubles > ••• A,·ec des moyens limités, et des résultats inégaux, l'Eglise et des associations urbaines ont donc organisé des oasis de tranquillité et œuvré en faveur de la paix jurée par les rois dans le sacre. 69. BEAGI\IANOIR, Coutumes de Beauvaisis (éd. SALMON, n° 1043, et Documents, n° 4). --- D'après G. DURANT, c omnes homines qui sunt in regno Franciae sunt sub potestate et principatu regis Franciae, et in eos hahet imperium generalis jurisdictionis et potestatis »... c Rex Franciae princeps est in regno. utpote qui in illo in temporaUbus superiorem non recognoscat. » (Speculum juris, éd. de 1592, p. 309:H O. art. '.?8-29, et Documents, n° 46, A). -

PROPA(iATION DANS LES VIEUX PAYS

B. L'EMPIRE

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TO

Dans un Empire qui est diversité, les contrées allant de l'Elbe à la Meuse offrent la situation suivante au début du xr siècle 71 • Tardivement entrées dans le cercle carolingien et mal préparées à recevoir des dépendances de type occidental, la Saxe connaît peu le régime féodal, la Frise l'ignore. Elles sont plus près du clan ou du compagnonnage que des liens fondés sur l'hommage. En revanche, la Franconie, la Bavière, la Souabe et les pays d'entre Meuse et Rhin, touchés précocement par les influences franques, font bonne figure à la vassalité et au fief. Même dans ces régions, de vastes étendues allodiales résistent aux inféodations ; des puissants s'insurgent contre le geste des mains, où ils reniflent des relents de servitude, et contre le baiser qui, à leur goftt, rapproche à l'excès le vassal du seigneur ; ni les hommages multiples, ni l'hérédité des fiefs ne sont adoptés avec grâce par les usages ; l'indiyisibilité des tenures, qui heurte des traditions représentant les enfants mâles comme des égaux, peine à s'affirmer, sauf pour des principautés et des comtés ; dans le vocabulaire, beneficium l'emporte sur feudum ; l'honor est simplement la fonction. La dynastie saxonne a trouvé des instruments judiciaires, financiers et militaires beaucoup moins dans la féodalité que dans les principe~ de puissance publique. La tradition carolingienne continue : alliance avec le haut clergé ; conception représentant les ducs comme des vassaux et des agents de l'Etat ; distinction entre la charge ducale et les biens qui la rémunèrent; existence d'une armée qui, laissant une place à l'infanterie et accueillant des roturiers, accentue moins que chez nous son caractère de caste ... 70. On voudra bien se reporter à notre t. I, p. 196-197 ; 227-230. 71. Nous ne perdons pas de vue le royaume de Bourgogne!", ni celui d Jtalie, en voie de féodalisation depuis Je IX• siècle. Mais le choix allemand s'impose avant tout autre. 1

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SEIGNEL'RIE ET FÉODALITÉ

••• La diffusion de l'hommage entre les rois et Jes grands, l'hérédité de nombreux fiefs, la dégradation du ragime ottonien ont ébranlé l'édifice « public > en dépit d'heureuses tentatives pour le maintenir. On sait les mesures prises par Conrad III en faveur des arrière-vassaux. De son côté, Henri III resserra l'alliance avec une Eglise qu'il tenta de soumettre, tout en encourageant ses idées réformistes ; il utilisa le droit vassalique dans ses rapports avec des princes étrangers. Henri IV a renforcé l'autorité royale, appuyée sur le développement d'un gros domaine. II promulgue des « Constitutions de paix >, ressaisit des biens royaux usurpés ou aliénés, annexe à la couronne des terres nobiliaires tombées en déshérence, « protège > la paysannerie libre tout en rétablissant d'anciennes redevances, restaure sa directe sur des villages de défrichement et sur des forêts. Il bâtit des châteaux. Malgré les résistances de l'aristocratie, inquiétée dans ses biens et jalouse de la place réservée dans l'Etat .aux ministériaux, malgré le développement, entre les subordonnés, d'une solidarité opposée à la monarchie, il aurait peut-être freiné la féodalisation sans la Querelle des Investitures, qui le réduisit à la défensive. Nous n'avons pas à entrer dans les épisodes du combat, à revenir sur Canossa, où Henri IV s'humilia pour conserver sa couronne, à mentionner la fin tragique de Grégoire VII, défait par l'adversaire qu'il avait un moment réduit à sa merci, ni à insister sur le Concordat de Worms qui, en 1122, mit fin provisoirement au conflit. Nous dirons uniquement qu'en Germanie le roi a perdu la liberté de choisir les prélats, bien que les élections aient lieu devant lui ou devant son délégué. Il n'est plus autant que jadis le chef de l'Eglise. Sur un plan plus élevé, on a vu dans ce Concordat le point de départ de la féodalisation de l'Etat. C'est probablement lui attribuer une importance excessive. Si, de 1125 à 1152, le principe électif s'affirme dans la désignation des rois, aux prises, durant leurs règnes,

PROPAGA'l'ION DA~S LES VIEUX PA\'S

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avec la Papauté et avec des vassaux divisés par la rivalité commençante entre Guelfes et Gibelins, l'époque de Frédéric Barberousse fut décisive dans les rapports de la monarchie et de la féodalité. Hanté par l'idée impériale romaine - ce démon - , préoccupé par l'Italie, où il lutta contre les ligues urbaines et tenta de reprendre les droits régaliens usurpés par les villes, Frédéric s'est efforcé, avec l'aide de ses légistes, de conserver en Allemagne des principes d'autorité publique, spécialement dans l'exercice de la justice royale et le maintien de la paix intérieure ; il a cherché davantage dans les liens vassaliques une assise de son pouvoir sur l'Eglise et sur la société militaire - où la cavalerie l'emporte définitivement sur l'infanterie 12 - . Présence du souverain ou de ses agents aux élections épiscopales, soumises à une pression qui s'était relâchée sous Lothaire III et Conrad III, intervention dans les élections contestées, prestation des serments vassaliques par les évêques, conversion en fiefs de leurs regalia - terme appliqué désormais à tout leur temporel, qu'il provînt du roi ou de la générosité des fidèles - soulignent les conclusions tirées du Concordat de Worms.



** Ce droit féodal, Frédéric 1•r l'a précisé par des mesures législatives promulguées notamment en 1158 à la diète de Roncaglia, près de Plaisance, et concernant la seule Italie, ou également l'Allemagne 73 • Il fait dresser la liste des droits régaliens et produire les titres qui légitimaient leur possession par des personnes priYées. Si un subordonné offense « le seigneur de son seigneur » il sera privé de son fief, à moins qu'il ne répare sa faute sur réquisition du seigneur immédiat, qui doit l'inciter à faire amende hono72. Comme ses prédécesseurs, et comme Henri V après lui, il fit à ne rendre l'hommage qu'au roi, soucieux d'éviter les coalitions. Elles eurent égard aux situations acquises et à des intérêts. Un prince laïque peut être le vassal d'un personnage étranger à l'Empire, ou d'un prince ecclésiastique. En même temps qu'il prend des caractères spécifiques, le groupe princier se fortifie grâce à des dispositions sur l'échelonnement de la société féodale, soumise au système du Heerschild, ou bouclier chevaleresque 79 • En tête, le roi, suzerain suprême ; puis les princes ecclésiastiques ; les princes laïques, rejetés au troisième rang parce qu'ils avaient la f acuité de prêter l'hommage à des clercs ; la masse des nobles, y compris les comtes ; des ministériaux et leurs 78. Sauf en des cas très rares : celui du comte palatin ; celui du comte de Hainaut, que l'assemblée des princes admit dans son sein en 1190 ... 79. De Heer, armée, et de Schild, bouclier. Le terme a pris successivement plusieurs sens : droit de lever un contingent ; troupe rassemblée par un seigneur ; dans le présent, ensemble des subordonnés placés au même échelon de la hiérarchie vassalique, ou l'échelon proprement dit.

PHOPAGATION DANS LES VIEUX l'.\YS

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vassaux '°· En théorie, le dépendant tient son fief d'un seigneur placé à l'échelon supérieur. Le reçoit-il d'un égal ou d'un inférieur? Il descend d'un cran dans la hiérarchie des subordonnés. Le cheminement d'un pareil système est antérieur au xn• siècle. Ni la Fran cr, ni l'Angleterre n'en ont connu la rigueur. Préparée depuis l'époque salienne, une dernière mesure est entrée dans le droit allemand sous Frédéric Jer : l'obligation faite au roi de réinvestir dans l'an et jour à des hommes de son choix les fiefs d'Empire tombés en déshérence ou confisqués. Dès lors, le souverain perdit l'espoir d'étendre son domaine à l'ensemble du pays et de ramener des foules d'arrière-vassaux dans sa mouvance directe. II laissa tomber l'arme décisive maniée par les Capétiens et les Valois, rassembleurs de grands fiefs 11 • Réinvestiture obligatoire et Heerschild paraissent dans le Miroir des Saxons (Sachsenspiegel), rédigé vers 1215-1225 p2r le juriste von Repgow 11 • A cette date, ils sont si bien passés dans la pratique qu'on peut voir en eux l'affirmation d'usages précipités par le procès d'Henri le Lion. Ils ont couronné de vieux espoirs et des tendances anciennes. Ils représentent une phase capitale dans la f éodalisation de l'Etat allemand et dans la cristallisation d'une caste princière ne s'entrouvrant que par une porte étroite à des nouveaux venus admis avec son consentement. Les duchés donnent le ton. Le contraste est frappant entre les efforts de Frédéric Jer pour maintenir l'autorité royale et

80. Documents, n° 49. 81. La réinvestiture obligatoire est en relation aYec le Heerschild. Si le roi a,·ait réuni des principautés à la couronne, les comtes seraient dcYenus ses \'assaux directs, et le système se serait détraqué. Mais une règle de droit est fragile. En fait. la réinvestiture fut imposée par les princes, soucieux de sauvegarder leur groupe et de le prémunir contre les entreprises monarchiques (n" 861, :MITTEIS, Der Staal des hohen JI itfelalters). 82. Documents, n° 49. -

Le texte mentionne un peu moins d'une centaine de princes, en majorité ecclésiastiques. La liste s'est allongée ensuite (n° 130. ScHRODF.R. 1.ehrlmrh der de11tschen Rerhtsgeschichte. p. 540).

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

des réalités concrètes qui sé résument dans l'établissement d'une monarchie féodale. Décidément, les « héros de légende > portent une lourde croix !



** Henri VI a si bien compris le danger des concessions paternelles que, tout en confirmant l'hérédité des fiefs, il a tenté de revenir sur la réinvestiture obligatoire. Vainement. Frédéric II n'est pas parvenu davantage à ses fins. Pour se consacrer à sa politique méditerranéenne, fermer le cercle autour de la Papauté, s'aventurer en Terre sainte, il a puisé dans les ressources du royaume de Sicile et cherché des soutiens dans une Allemagne où il paya peu de sa personne et dont il confia le gouvernement, durant ses longues absences, à des membres de sa famille qui s'écartèrent parfois de la ligne tracée. Cette ligne se résume en peu de mots : s'arc-bouter sur l'Eglise, comme sur la haute aristocratie. A la première, accorder la liberté des élections épiscopales, l'exemption des droits de dépouille et de régale. Aux princes, consentir la pleine juridiction sur leurs terres, le monnayage et des tonlieux ; s'engager à ne pas construire de châteaux royaux dans leurs possessions 13 • L'organisation politique et l'ordre social n'ont pas été envahis complètement par les liens de dépendance. Le roi ne fait hommage à personne ; la Diète n'a pas exclusivement pour base des éléments féodaux ; des règles de droit public se maintiennent ; dans les villes, dans l'administration, la justice et l'armée, des organismes demeurent étrangers aux liens privés; des alleux survivent. Il n'empêche que l'armature de l'Etat et l'encadrement de l'aristocratie firent appel à des conceptions vassaliques. « De même que la 83. Des historiens voient dans ces privilèges des mesures de circonstance qui n'étaient pas nouvelles et que le roi considérait comme provisoires (E. KLINGELHÔFER, Die Reichsgesetze van 1220, 1231-32 und 1235. lhr Werden und ihre Wirkung im deutschen Staal Friedrichs 11. Weimar, 1955).

PROPAGATION DANS LES VIEUX PAYS

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tête repose sur les membres, notre Empire repose sur les princes. La grandeur de César est portée par les épaules de ceux qu'elle gouverne". > Belles formules ! Rongée par le cancer impérial, liée par la réinvestiture obligatoire, coupée des arrière-vassaux et sans grande action sur les bourgeoisies, la royauté élective s'est inclinée devant les forces qui l'avaient jadis servie. Les Saliens avaient inauguré c l'ère du progrès et de la promesse >. Malgré la taille de Frédéric Il, le temps des Staufen fut un « combat en retraite 15 >.

84. C'est du moins ce que déclare, en gros, Frédéric II (M. G. H.,

Constitutiones, Il, 211 : 1232). 85. N° 772, BARRACLOUGH, Die mittelalterlichen Grundlagen dei modernen Deutschland ; n° 861, MITl'EIS, Der Staat des hohen Mittelalters.

CHAPITRE V

PROPAGATION DU RÉGIME FÉODAL DANS L'ESPACE

INTRODUCTION Vers l'an mil, la féodalité était ancrée dans les régions qui, partant de la vallée de la Loire, s'étendaient en éYentail jusqu'au littoral de la Manche (•t aux rives de la mer du Nord, là oü le Rhin et Ja Meuse confondent leurs eaux. Elle se cramponnait aux contrées marginales de l'ancien espace carolingien que Charlemagne et ses successeurs avaient garnies de fidèles : Catalogne, Piémont, Lombardie. En d'autres lieux : Bretagne, centre et Sud de la France et de l'Italie, Saxe, elle s'égrenait en frêles réseaux qui laissaient échapper beaucoup d'hommes et de terres. Ailleurs, ses prises étaient légères, ou nulles. Dans les classes supérieures, des subordinations se ramenaient à des clientèles fortuites ou à des compagnonnages provisoires. Du XI• au XIW siècle, le régime féodal a resserré ses mailles dans les pays d'Occident qui étaient le siège de nombreuses seigneuries rurales. Des Normands l'implantèrent en Italie du Sud, en Sicile et en Angleterre, d'où il gagna l'Ecosse et le pays de Galles ; ils l'introduisirent dans la principauté d'Antioche, et leurs camarades dans les autres contrées de l'Orient latin. Il frôla de son aile l'Espagne conquise sur les Maures, s'installa dans l'Empire latin de Constantinople. s'ébaucha dans l'Europe du Nord et

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dans les pays danubiens. Au Japon, une féodalité autochtone atteignit son apogée à l'époque moderne 1 •

1. -- LES FÉODALITÉS D'INSPIRATION NORMANDE A. NORMANDIE

Les Normands du duché gardaient souvenance, au XI• siècle, des Scandinaves qui avaient inquiété les côtes d'Europe 1. Nous n'insisterons pas sur les féodalités épidermiques. Dans Je :\lidi languedocien des xe et XIe siècles, ks textes mentionnent chichement l' c: hommage :. et le « vassal >. Comme dans le royaume d'Italie, des serments vassaliques se ramènent à la fidélité. L'aristocratie comprend peu de dépendants. Il est rare de déceler un lien entre les engagements et des fiefs confondus, d'ailleurs, avec des censives, ou avec des alleux - trait accusé en des régions rouergates telles que le pays de la Selve. Nous sommes dans un brouillard épaissi par la terminologie ancienne, comme par celle d'auteurs contemporains qui emploient des mots caractérisant mal les structures sociales. Les XII• et XIII• siècles, où la féodalité se répandit, sont mieux servis. La Catalogne est particulière. Bien qu'on y déniche des alleux tenaces et que le terme vassus soit exceptionnel aux X• et XIe siècles, la féodalité avait pénétré dans ce vieux pays carolingien, où elle conserva des usages que nous décelons également dans le royaume d'Italie : entre autres la manie d'investir avant de recevoir les serments. Sa propagation fut aidée par des convenientiae - conventions, convenances (qui eurent aussi une assez large diffusion, du X• au XII• siècle, en Lombardie, secondairement en Provence et en Languedoc, beaucoup moins en Aragon et dans le val de Loire). Ce fut grâce à des convenientiae que le comte de Barcelone rallia des vassaux. La pratique a dépassé le cadre des réseaux de subordination et joué pour des accords familiaux agissant aux lieux et places des pouvoirs publics essoufflés. Il v eut toutes sortes de convenientiae (n° 521, Ûl'RLIAC, La convenientia ; n° 616, BoNNASSIE, Les conventions féodales dans la Catalogne du XI• siècle). En dehors de la Catalogne, la féodalité hispanique s'est heurtée à deux obstacles déjà signalés dans notre t. 1, p. 261-264 : les monarchies et les paysans-soldats. Des Asturies ou du Léon à la Navarre, à l' Aragon et à la Castille - qui eurent chacune leurs préoccupations - on relève de grands domaines jouissant d'immunités fiscales et judiciaires. On suit des filets d'hommages entre le roi, les grands et

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

et les estuaires des fleuves, effectué des raids fulgurants le long des routes de terre, poussé des pointes jusqu'en Islande et peut-être en Amérique, débarqué sur les côtes de l'Afrique septentrionale et sillonné les plaines allant de la Baltique à la mer Noire. Des types humains, des noms de lieu et de personne conservèrent l'empreinte d'un passé qui se prolongea par ces facultés d'adaptation, ces talents d'organisation, ce dynamisme où l'on se plait à reconnaître la marque normande. Cent ans après l'intrusion des Vikings, la pellicule constituée par les premiers chefs, par leurs troupes et par des immigrants s'était déformée. Des relations quotjdiennes, des mariages, des concubinages dans une société où les femmes leurs subordonnés. Accordées à des indigènes, ou à des chevaliers français venus en alliés, des terres ont eu le caractère du fief. Enfin, la terminologie a multiplié les mots vassus, fidelis, miles. Pourtant, l'union très lâche de la vassalité et du fief, la facilité relative avec laquelle seigneurs et vassaux rompaient leurs contrats, les indécisions de la hiérarchie c féodale >, le petit nombre de fiefs héréditaires avant le XIII• siècle démontrent la fragilité d'une organisation faite de rencontres fortuites. Quant à l'Etat, il ne fut qu'effieuré par les usages féodaux (sur Ja question controversée d'une féodalité hispanique, travaux de BALLESTEROS Y BERETTA, DESFOURNEAUX, FoNT-RIUs, HERCULANO, MENENDEZ PmAL, PERES, VALDEAVELLANO et surtout SANCHEZ ALBORNOZ. Voir aussi n 08 673, 690 : GRASSOTTI, LACARRA). Au Nord, la féodalité est restée un régime second en Scandinavie, bien que des souverains aient mis leurs mains dans celles de l'empereur et que de grands seigneurs danois aient été investis par l'étendard, ou des officiers rémunérés par des dotations foncières (L. MussET, Les peuples scandinaves au Moyen Age, p. 265-268 -avec des références aux travaux des historiens scandinaves). Seul, le Slesvig fit exception, car il subit l'ascendant germanique. Sous l'influence allemande encore, la Lithuanie accueillit des dépendances calquées sur celles de l'Occident. En Lettonie, du XIII• au xve siècle, le développement des liens féodaux-vassaliques durcit la seigneurie rurale (n° 237, HELUIANN, Das Lettenland im Mittelalter). En Hongrie (atteinte· par de légères poussées féodales au milieu du Moyen Age), la monarchie angevine du XIV• siècle resserra son union avec la noblesse indigène et distribua des fiefs (n° 600, Bâlint HoMAN, Gli Angioini di Napoli in Ungheria, p. 115-284 ; n° 699, LtoxARD, Les Angevins de Naples, p. 298 et suiv.). Si toutes ces contrées ont adopté des systèmes seigneuriaux d'inégale amplitude, Ja vie des Etats et celle des magnats furent placées superficiellement sou, le signe des dépendances va,!lallques.

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d'origine scandinave étaient peu nombreuses avaient uni les nouveaux venus aux indigènes de vieille souche, ou aux « étrangers > fixés dans la région 2 • Presque tous, maintenant, parlaient le roman plus que le scandinave. Ils étaient chrétiens. Les liens créés par le sang, par les alliances entre les lignages, par les c amitiés > fondées sur le serment continuaient d'être honorés. St les parentèles conservaient leur force, la foi jurée passait avant elles et, par l'hommage, c les mains étaient données à la place du cœur 1 >. Plus que le partage du butin, le fief préparait ou récompensait l'aide guerrière. Plus qu'un chef de bandes ou de clans rassemblés sous sa férule, le duc était le seigneur de la terre et des hommes. La valeur personnelle de plusieurs maîtres, les ressources tirées d'un important domaine et des échanges, les solidarités issues de c l'occupation > ont consolidé la principauté normande. Non pas qu'elle ait bénéficié d'un développement harmonieux, conduit selon des desseins longuement nourris. Pendant le dernier quart du x• siècle et la première moitié du XI•, la dynastie ducale fut inquiétée par des déchirements familiaux et des révoltes. Des titres comtaux furent usurpés, des c châteaux adultérins > construits ; des forteresses telles que Falaise passèrent aux mains des châtelains qui en avaient la garde. Malgré ces secousses, les successeurs de Rollon ont rattaché à leur personne des subordinations essentielles et armé la Normandie d'une organisation féodale supérieure à celle du reste de la France. Assurément, de l'Epte au Couesnon, les dépendances privées étaient une application régionale des liens forgés au nord de la Loire. Rites, vocation de l'aristocratie, institutions fondamentales se ressemblaient des confins bretons aux Flandres. Il y aurait donc quelque artifice à parler de c féodalité normande > si, par son style, sa systématisation précoce et la manière dont les 2. On relevait parmi eux des gens de l'Ile-de-France et de l'Ouest du royaume, des Flamands et même des Allemands (L. MussBT, dans Rev. histor. de Droit fr. et étranger, 1958, p. 142-143). 3. N° 786, Bu1ssoN, Formen normannischer Staatsbildung, p. 127 et 173.

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chefs le mirent à leur service, le régime n'avait revêtu une réelle originalité. Depuis le duc, vassal indocile du roi de France, jusqu'aux petits subordonnés, la « pyramide féodale > se dresse sans faille, prolongée d'un seul élan jusqu'aux. roturiers et débarrassée bientôt de ces alleutiers qui rompaient l'ordonnance vassalique. La réserve de fidélité réclamée à des arrière-vassaux, l'hommage lige, la fixation des charges disent les intentions des maîtres. Le régime du fief, caractérisé en matière successorale par un vigoureux droit d'ainesse, qui fut corrigé par le fr~rage, puis par le parage transpositions dans le droit féodal des vieilles solidarités entre parents - , la surveillance exercée sur les mineurs et les veuves en possession de fiefs, la structure des grandes seigneuries, assez rarement d'un seul tenant, vont dans le même sens. Les chefs, par surcroît, conservèrent ou firent revivre des moyens d'action étrangers aux principes vassaliques en proclamant « la paix du duc », en contrôlant des forteresses, en s'arrogeant le droit exclusif de battre monnaie, de lever en masse les hommes du duché et de confisquer les biens des rebelles. Ils imposèrent leur tutelle aux établissements religieux et aux villes, puis unifièrent la Coutume après 1050. Ils tinrent des agents en dehors des liens privés, freinèrent leur glissement vers l'hérédité et les renouvelèrent 4. Les conquérants des terres méditerranéennes et ceux de l'Angleterre s'inspirèrent de ces exemples. En même temps qu'ils élevaient des forteresses et agrandissaient des villages dont le nom, aujourd'hui, rappelle le souvenir (témoin Saint-Vit-des-Normands, dans les Pouilles), ils con4. Les ducs ont perfectionné les rouages administratifs : la Cour, conseil permanent et, plusieurs fois par an, assemblée de vassaux requis en vertu du consilium ; les tournées judiciaires ; les grands offices, notamment celui de chef justicier, créé en Angleterre par Guillaume le Conquérant, et que nous suivons en .Normandie sous Henri 1•r, en Sicile sous Hoger II. Ajoutons une chancellerie commune aux Etats anglo-normands et un Echiquier ayant l'un et l'autre des antécédents de chaque côté de la Manche. La Normandie a donc bénéficié des expériences tentées au-dehors par des hommes issus de son sol.

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frontaient leurs méthodes de commandement et leurs usages sociaux avec ceux des indigènes sans imposer servilement leurs modèles, ni reculer devant des compromis. En définitive, l'expansion normande du XI• siècle a poussé sur la scène des hommes de l'Ouest, des mercenaires entreprenants et des descendants de Vikings. Bien qu'ils fussent en minorité, ces derniers donnèrent le ton, furent un levain. Les départs eurent divers mobiles : les succès des premiers guerriers en Campanie et dans les Pouilles, qui incitèrent d'autres Normands à voler au secours de la victoire ; les desseins de Guillaume le Bâtard ; plus tard, l'élan donné par les prédicateurs de la première Croisade. Derrière ces accidents qui firent jaillir l'étincelle, des causes profondes ont joué, sans quoi ils ne se fussent pas produits : la prolifération de familles dont les cadets se résolvaient mal à une vie médiocre, les profits attendus des conquêtes guerrières ou des mariages lucratifs, la consolidation d'un pouvoir ducal bridant les initiatives privées et qui paraissait lourd en raison des disciplines imposées 5 •

B. ITALIE ET SICILE

L'Italie méridionale s'offre en premier. Des dominations mal assises se partageaient le pays 6 • Bénévent, Salerne et Capoue étaient les capitales de duchés lombards. Byzance exerçait une autorité fragile sur les Pouilles, le Basilicate et la Calabre, plus frêle sur Amalfi, Sorrente, Naples et Gaète. L'Empire germanique et la Papauté guettaient ce pays morcelé, siège de principautés autonomes affaiblies par des rivalités locales et tentées de faire appel à l'étranger. Le récit des exploits normands ne nous appartient pas. 5. Sur les raisons des succès normands - emploi de mercenaires appuyant une élite de combattants montés, opérations amphibies, chefs militaires compétents, habileté diplomatique et propagande ; sur l'enchevêtrement de plusieurs expéditions et la relative unité des entreprises, n° 799, DouoLAS, Les réussites normandes. 6. Notre t. 1, p. 224-227.

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Mais couper les ailes de l'histoire événementielle enlèverait des éléments d'explication. Durant le premier tiers du XI• siècle, des contacts s'établissent entre des aventuriers et des chefs lombards aux prises avec les ducs byzantins ou les Musulmans de Sicile. Ils se mettent à leur service, se louent au Pape, à l'empereur allemand, à des chefs byzantins eux-mêmes. « Leur fidélité, enflammée par un grand nombre de cadeaux, suivait alors celui qui les gâtait le plus 1 • > Le succès aidant, de nouvelles vagues se succèdent : des mercenaires, des guerriers lourdement équipés et dont les méthodes de combat surprenaient leurs adversaires, légèrement armés. Ils font leur profit de l'Italie déchirée. Parmi les nouveaux venus, une nichée familiale se distingua : celle des frères Hauteville, issus d'un petit seigneur du Cotentin, Tancrède. Elle fut illustrée par Guillaume Bras-de-Fer, Dreu, Onfroi - successivement comtes de Pouille - et par leurs cadets : Robert, surnommé Guiscard - le sage, l'avisé - , qui arriva vers 1047, et Roger, qui le rejoignit dix ans plus tard. Au milieu des guerres, des intrigues, des alliances forgées et détruites, les chefs normands obtiennent l'investiture de princes locaux auxquels ils prêtent la fidélité et au besoin l'hommage. Rainolf reçoit d'un duc de Naples, en 1029, Aversa avec les prérogatives comtales. De là, treize ans plus tard, il s'étend jusqu'à Gaète. Les mêmes scènes se répètent dans les Pouilles, le Basilicate, la Calabre, - grignotés par des chefs normands qui, choisis par leurs compagnons puis cramponnés héréditairement à leurs fonctions, répandent les usages f éodo-vassaliques. Quelques-uns prennent femme dans des familles princières lombardes ou byzantines : politique où l'on a vu un héritage de pratiques scandinaves pour qui la parenté était la source de l'influence et du pouvoir. Reconnaissons plus simplement que la méthode est de tous les temps et de tous les pays. Bientôt, les Normands secouent la tutelle des princes indigènes pour en chercher une plus haute, qui assure leur 7. Texte cité par

BUISSON,

bildung, p. 157, n. 311.

n° 786, Formen normannischer Staats-

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prise de possession. Ils se tournent vers l'empereur germanique, qui se souvenait des lauriers cueillis en Italie lombarde par ses prédécesseurs carolingiens ou sa~ons. En 1047, Henri III investit de leurs charges le comte de Pouille et celui d' Aversa. Ils s'adressent au Pape, qui invoquait les donations de Constantin et de Charlemagne pour asseoir son influence sur un pays en train d'échapper à Byzance. Maître de la principauté de Capoue, Richard d' Aversa lui prête fidélité en 1059. La même année, et après l'avoir combattu, Robert Guiscard, que la disparition de ses trois frères met en position favorable, lui demande l'investiture de la Pouille, érigée en duché, et celle de la Calabre, donc du bloc normand le plus considérable de l'Italie du Sud. Contre les serments vassaliques et contre un cens annuel, symbole des droits émine~ts du Saint-Siège, il obtient la légitimation de son pouvoir présent et de ses conquêtes futures, réalisées de façon empirique plutôt que selon un dessein préconçu. Les années suivantes, il s'empare des villes qui, de Lecce à Bari, étaient restées byzantines. Avec l'aide de son frère Roger, il termine la conquête de la Calabre, qui prélude à celle de la Sicile, s'étend vers le duché byzantin d' Amalfi, la principauté lombarde de Salerne, qui fut annexée au duché de Pouille, et le Nord des Abruzzes. En même temps, il reçoit l'hommage des membres de sa parenté et celui de seigneurs normands. Sous son égide s'opèrent un regroupement des régions conquises et une amorce des unités territoriales qui formèrent plus tard le royaume italo-normand. Seul, le prince de Capoue est demeuré à l'écart jusqu'en 1129, où Roger II lui imposa sa suzeraineté. Continuant sur sa lancée, Robert Guiscard s'engage en 1081, avec son fils Bohémond, dans une guerre contre Byzance dont le voisinage, sur les côtes orientales de l'Adriatique, constituait une menace. Il pénètre en Albanie, en Epire et jusqu'en Thessalie, inquiétant Venise, qui craignait la formation d'une Adriatique normande, et l'Empire. L'alliance de ces deux puissances, la menace allemande, des révoltes de vassaux et de villes l'obligent à revenir en ItaJip mfridiona)r, , il obtint du Pape, son seigneur, la consécration suprême en 1130 : roi de Sicile, de Calabre, d' Apulie et de la principauté de Capoue, avec « l'honneur de Naples > et « l'aide des hommes de Bénévent >. Une monarchie était fondée au cœur de la Méditerranée, avec des antennes à Malte et en Afrique du Nord. Bénéficiant des influences qui s'étaient entrecroisées sur ces terres, elle a tiré sa force des principes vassaliques et des doctrines, puisées dans le droit romano-byzantin et dans le droit canon, qui exaltaient ridée de souveraineté et de « bien public , . Elle se dresse, au xn~ siècle, i1 l'avant-garde des

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royautés occidentales 8 • Les ambitions de ses maîtres, leurs alliances et leurs guerres firent d'eJle une pièce capitale de l'échiquier européen. Non contents d'accomplir une œuvre législative considérable, de forger un excellent outil financier et militaire, ils encouragèrent le développement d'une civilisation originale, qui rayonna en Sicile. L'ouvrage était lié au talent politique des chefs et à la continuité dynastique. Ses incertitudes apparurent après la mort de Roger Il, en 1154. Guillaume Jer et Guillaume II maîtrisèrent les révoltes nobiliaires, en même temps qu'ils donnèrent des assurances à la féodalité. L'extinction de la dynastie livra la couronne à l'empereur Henri VI, époux de Constance de Sicile, fille de Roger II. Ce fut lui, ce fut son fils Frédéric Il, en attendant Charles d'Anjou, qui continuèrent la grande époque. Obligé de lâcher du lest en Allemagne, Frédéric II a exercé en revanche son autoritarisme dans le royaume italosicilien. Il prit en main, à partir de 1220, un pays placé sous la suzeraineté peu efficace du Saint-Siège et livré à lui-même depuis un quart de siècle. L'Italie du Sud était de nouveau fragmentée. En Sicile, des bandes musulmanes, regroupées dans les montagnes de l'Ouest et du Nord, faisaient des incursions dans les plaines. Les premières tâches de Frédéric II furent la destruction ou la confiscation des châteaux édifiés depuis la mort de Guillaume II et occupés par des vassaux rebelles, l'installation de garnisons dans les redoutes dispersées à travers la région et le renouvellement du personnel vassalique. Il entreprit aussi la réorganisation administrative et la codification de diverses mesures adoptées par ses prédécesseurs, auxquelles s'ajoutèrent des lois tirées de l'arsenal romain. Cette œuvre fut jalonnée par les Constitutions promulguées à Capoue, en 1220, et à Melfi, en 1231 9 • 8. Sur la nature de son pouvoir, n° 859, l\lÉNAGER, L'institution monarchique dans les Etats normands d'Italie; n° 902, WIERCSZOWSKI, Roger 11 of Sicily ; n° 766, ALESSANDRO, Fidelitas Normannorum . . H. Elle reste assez obscure, en dépit du travail accompli depuis KA!IITOROWICZ (n° 6{i, l{aiser Friedrich de1· Zweite). Son histoire est 11

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

Le roi dépasse l'effort normand. Soucieux de restaurer l'autorité monarchique, il fait renouveler les serments de paix, interdit les guerres privées, affirme son droit exclusif de forteresse, passe au crible les prérogatives dont se prévalent les clercs, les bourgeoisies urbaines, la noblesse. Il les soumet à des révisions et à des confirmations révocables. L'intervention des agents royaux dans l'administration des seigneuries en matières fiscale et judiciaire redevient pressante 10• Défense est faite aux seigneurs d'aliéner le ban qu'ils détiennent. Dans l'énorme matière brassée par les Constitutions, des dispositions, prises surtout à Melfi, concernent la vassalité et le fief. Un rapport est instauré entre les revenus des tenures féodales et les services. Il arrive que l'aide militaire soit remplacée par une taxe. Plus strictement que sous la monarchie normande, on enregistre les fiefs dans des cahiers tenus à jour par un office spécialisé. On s'efforce de contrôler la création, la donation et le partage des tenures féodales, de s'opposer à la mainmise des clercs ou des communautés religieuses sur les terres libres, de reconstituer les fiefs aliénés par fractions ou transformés en alleux, de contraindre les vassaux à produire leurs titres de possession, de Jimitrr les rentes en fief aux pensions assignées sur le Trésor. Les sous-inféodations sont pour-

gâtée par un verbalisme délirant : reflet des slogans pompeux que Frédéric II et son entourage affectionnaient, ou mise en scène de vulgarisateurs pressés. 10. N° 628, CARUSO, 1 diritti dei feudatari nel regno di Sicilia. L'auteur distingue entre les terres « tenues en baronnie » par concession royale et les simples fiefs-seigneuries des chevaliers. Sur les premières, les « barons ~. qu'ils fussent vassaux ou arrière-vassaux de la couronne, avaient des pouvoirs fiscaux répondant à ceux des baillis, et des pouvoirs judiciaires ramenés aux causes civiles, ainsi qu'aux petits délits - car le roi réservait ordinairement la justice criminelle à de hauts agents. - Sur les seconds, les chevaliers ne jouissaient guère que de droits fonciers, qui variaient avec les Coutumes locales, les contrats et le statut des tenanciers, séparés en groupes juridiques et attachés pour la plupart au sol, à l'exemple des colons du Bas-Empire. Des barons et de simples seigneurs réclamaient à leurs dépendants roturiers un serment (nssecuratio) et une aide financière.

LA PROPAGATION DU RÉGIME FÉODAL

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chassées. Le roi les interdit ou défend aux vassaux royaux de recevoir des fidélités sans son consentement, de choisir le subordonné qu'ils voudraient mettre en possession d'une terre vacante ; il dénie le droit aux arrière-vassaux d'aider militairement leur seigneur 11 ••• Des mesures intéressent le droit familial. Le roi se fait remettre temporairement le fief du défunt afin d'en vérifier les éléments et de percevoir le relief. II règle l'ordre des successions, en l'absence d'héritier mâle, au bénéfice des filles ou, à leur défaut, des neveux. Sur les mariages nobles et les dots, sur les droits et les obligations des veuves, sur la garde des enfants mineurs et de leurs fiefs, des règlements rappellent ceux de la monarchie italo-normande. On voudrait connaître exactement le sort réservé à toutes ces dispositions u. Les retards dans la reconstitution des fiefs démembrés par leurs détenteurs, les oppositions à la surveillance des aliénations et des successions, les protestations contre les mesures fiscales marquent les difficultés d'une entreprise dictée par une volonté indomptable. Aussi bien Frédéric offrit-il des compensations à la classe féodale en organisant une Cour des pairs, compétente en matière f éodovassalique - ce qui réduisit les pouvoirs des justiciers et en contrôlant l'adoubement des fils de non-chevaliers afin de ne pas exposer la noblesse à tous les vents. Source d'un pouvoir émané de la puissance divine, le roi fut assisté de fonctionnaires révocables et servi par une bureaucratie omniprésente. L'équilibre entre la monarchie et les liens de dépendance fut plus s~uvent rompu que pendant le règne de Roger Il. La justice, l'armée, où des mercenaires vinrent en nombre, les indispensables revenus financiers eurent partiellement leurs origines dans des moyens c publics >. Si, en Italie du Sud, la féodalité continua de marquer les structures sociales, son rôle fut mineur en Sicile, notamment dans les couches indigènes auxquelles on demanda de l'argent et des produits en nature plus que des troupes. L'exploitation économique du pays, qui per. 11. N" 506, 12. N. 649,

MAZZARESE FARDELLA, FASOLI, La feudalità

Osservazioni sul suffeudo in Sicilia. siciliana.

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SEIGNEPHIE ET :Ff;ODALITÉ

mit au roi de se renforcer ailleurs, accrut les mécontentements dans l'île, dont elle prépara la sécession.

* ** L'intermède souabe fut bref. l>ans la personne de Charles d'Anjou, frère de saint Louis, un Français succéda aux descendants malheureux de Frédéric Il. Déjà maître, par sa femme, du comté de Provence, apanagiste des comtés d'Anjou et du Maine, paré du titre de roi d'Arles, suzerain en Piémont, il reçut du Saint-Siège en 1265 l'investiture du royaume italo-sicilien, dont il maitrisa ensuite les vassaux et les centres urbains. Sa politique méditerranéenne, l'enchaînement des circonstances et des ambitions qui, plus tard, firent de lui un roi de Jérusalem in partibus et un prince de Morée, échappent à notre sujet. Charles cumula plus de couronnes que de pouvoirs réels. En Italie du Sud et en Sicile, la révocation de concessions féodales postérieures à la mort de Frédéric II, l'obligation imposée aux vassaux de faire confirmer leurs titres de possession, les amputations du domaine royal le mirent en mesure de distribuer des fiefs à ses fidèles. Des Français et des Provençaux en bénéficièrent. Pour ses besoins administratifs et militaires, il tenta de les attacher au pays et leur interdit de s'en absenter librement pendant plus d'un an sous peine de confiscation des biens octroyés. Le personnel vassalique a été renouvelé plus que sous Frédéric II ; d'autre part, les antagonismes se sont creusés entre les indigènes et les nouveaux venus. Les principes de gouvernement n'ont pourtant subi aucune modification fondamentale. La lourdeur de l'appareil administratif, les excès d'une fiscalité qui, imitant celle de la monarchie précédente, cueillit d'importantes ressources dans l'aide générale issue d'un principe féodal, la possibilité laissée à des vassaux de racheter le service militaire, le contrôle des mutations de fiefs, les dispositions réglementant les droits seigneuriaux prouvent une parenté entre les méthodes de Charles d'Anjou et celles de ses prédécesseurs souabes et normands. Nous serions condamné à des rengaines si les

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Angevins n'avaient pas accepté l'emprise des marchands de l'Italie du Nord et de la Provence, liés financièrement à la Papauté, et si la nouvelle monarchie, qui ne sut pas ménager les villes, ni s'en faire des alliées, s'était appuyée sur une base sociale aussi large qu'au temps de Frédéric Il. Dirigées contre une domination qui avait pris le caractère d'une occupation drangi•rc, les Vêpres siciliennes séparèrent la grande ile (désormais gouwrnée par une dynastie nragonaise ayant des attaches familiales avec les Hohenstanf en l de l'JlaJic méridionale, demeurée sous la coupe ange,·inc 13. Afin de préwnir d'autres trouhJcs, Charles d'Anjou r('lâcha les règlements qui pesaient sur les mariages et les successions des ,·assaux, comme sur l'aliénation des fiefs. Après lui, les rudesses monarchiques n'empêchèrent pas, au XIV" siècle, l'affaissement d(' la royauté angevine. Elle n'avait de pôle d'attraction ni dans les principes rénovés de la puissance publique, ni dans un droit ffodal qui commençait à s'user.

C. ANTIOCHE

Quitte ü torturer la chronologie, nous ne laisserons pas la Méditerranée sans rappeler les rtablissements fondés par les ~ormands en Terre sainte au rlrbut du XW siècle. De la basse Seine et du Cotentin, des contingents renforcés par des Beaucerons d par des gens originaires de ]a basse Loire étaient partis pour la première Croisade sous la conduite d'un fils de Guillaume le Conquérant, Robert Courteheuse. Dans les Pouilles et à Bari, où ils s'embarquèrent pour Durazzo, ils retrouvèrent des types humains et un langage familiers. Leurs éléments {·laient trop peu nombreux pour laisser des traces en pays envahi. L'empreinte normande en Orient fut apportée par les hommes de 13. Au surplus, les Angevins conservèrent des intérèts en Morée. Et puis, Charles-Robert, descendant de Charles H d'Anjou et de la fille du roi de Hongrie Béla IV, monta sur le trône hongrois. Il chercha d:rns ln ,·a~salitê des voies ck rapproeherncnt avec la noblesse.

326

SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

Bohémond, fils de Robert Guiscard et son compagnon dans la conquête manquée des côtes orientales de l'Adriatique byzantine. Il se tailla un lot : la principauté d'Antioche, étalée du nord d' Alexandrette au comté de Homs. Il ne put jouer cet atout contre l'Empire d'Orient car, impatient de reprendre la lutte contre Byzance à partir de bases italiennes, il quitta Antioche dès 1104 et laissa à son neveu Tancrède le gouvernement d'une principauté qui dura jusqu'en 1287, où elle s'effondra sous les coups des Mameluks.

D. L'ANGLETERRE

Une expédition avait précédé celle d'Antioche. Longuement préparée par Guillaume le Bâtard, la conquête de l' Angleterre demanda moins de cinq ans. La Manche devenait un trait d'union entre des peuples gouvernés par les membres, il est vrai déchirés, d'une même dynastie. Les immigrants, les nobles et les clercs ayant conservé des intérêts de chaque côté du détroit resserrèrent les relations 14.

E. RETOUR SUR LES PRÉCÉDENTS PAYS

Dans les contrées que nous venons de parcourir, l'implantation des dépendances obéit à des impératifs : la situation géographique, la nature des civilisations, les desseins des chefs et leurs moyens d'action. Par conséquent, ne parlons pas d'uniformité. Le passé indigène et le présent normand s'insurgeraient contre ce vilain mot. A la veille de la conquête, les pays évoqués connaissaient les grands domaines, les sujétions paysannes, les compagnonnages. Il y avait là, mêlé à des sursauts de la puissance publique, un morcellement de l'autorité, accru, 14. N° 704, Lovo, The origins of some Anglo-Norman families ; n° 102, MussET, Heurt et fusion des civilisations normandes et an-

glaises.

LA PROPAGATION DU RÉGIME FÉODAL

327

en Italie et en Sicile, par la présence d'autonomies urbaines et par celle de militaires fermement attachés aux territoires dont ils percevaient les revenus. En outre, dans les fragiles principautés lombardes, des couches aristocratiques avaient été touchées, aux IX• et x• siècles, par la vassalité, qu'ignoraient d'autres contrées italiennes, la Sicile ou Antioche, et que l'Angleterre comprenait à sa façon. Les Normands agirent sur ce fonds disparate. L'Italie lombarde et l'Italie byzantine furent occupées par de petits groupes qui formèrent des cellules autonomes avant d'être rattachés à une domination impérieuse. La Sicile, en revanche, tomba rapidement aux mains des hommes de l'Ouest, distincts de ceux qui, d'un seul coup, s'emparèrent de l' Angleterre et de la Syrie du Nord après avoir mis à profit, plus longtemps que les premiers conquérants des terres italiennes, l'expérience acquise sur le continent. Dans ces trois derniers pays, le prince, assisté de son état-major, répéta les gestes accomplis par Rollon et ses successeurs. En dépit de tâtonnements et de retours en arrière, beaucoup d'entraves furent balayées. Bien qu'en Italie lombarde méridionale les liaisons aient été mieux assurées que jadis entre les serments et les concessions terriennes, bien que l'aristocratie ait participé davantage à la défense et que l'ancienne armée « publique » des milites soit entrée pour une part dans les réseaux de dépendance, jamais les subordinations privées n'ont eu, entre c: Lombards >, la vigueur des liens qui unissaient les Normands. Pour d'anciens habitants, la fidélité tint lieu de l'hommage et vint après l'investiture. Le fief put être morcelé entre les enfants. Les relations vassaliques entre envahisseurs et indigènes furent dictées par des accords. Même si un chef normand, successeur d'un seigneur exproprié, appliquait le droit lombard, et si des indigènes vivaient selon le droit normand, les institutions furent vouées à la coexistence plutôt qu'à l'assimilation us. La situation fut différente dans de larges sections de l'Italie arrachées à ByzanrP, en Sicile et dans la princi1~. N" 626,

CAHE:-;, 011vr. cité,

p. 36-3~1.

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pauté d'Antioche. La féodalité y joua d'abord pour les conquérants. Son acclimatation dans les sociétés indigènes demeura superficielle. Par tendance naturelle et par nécessité, les Normands respectèrent ou renforcèrent la personnalité des lois et les traditions locales, maintinrent des agents indigènes dans les postes secondaires, accueillirent des ralliés. S'il y eut des expropriations dans ]es classes supérieures, la masse des populations fut assez peu affectée par les changements. Des terres, des groupes sociaux, des instruments militaires et administratifs restèrent en dehors des subordinations privées. En Italie byzantine, ]es Normands s'installèrent dans le cadre remanié d'anciennes principautés. Ils créèrent de nouvelles unités territoriales : comtés, baronnies, châtellenies, petits fiefs-seigneuries 16 • Aux communautés ecclésiastiques, ils laissèrent ou accordèrent de larges immunités fiscales et judiciaires. Elles eurent leurs vassaux, leurs tenanciers et des droits de ban sur des personnes qui ne tenaient d'elles aucune terre. Malgré les tentatives de Roger Il, elles rendirent rarement l'hommage, mais furent tenues à une fidélité exigée aussi des viJles qui, tantôt conservèrent leur autonomie, tantôt subirent de rudes contraintes administratives. En Sicile, la plupart des vassaux dépendirent directement du prince. Appuyé sur une organisation seigneuriale qui fut renforcée aux XII" et XIW siècles, le régime se présente principalement sous la forme de petits fiefs éparpillés à travers l'île et concédés à des hommes venus de l'Italie méridionale plutôt qu'à des Siciliens. Roger Jer et Roger II entravèrent la formation d'une haute féodalité susceptible de contrecarrer leur action. D'oü le nombre restreint des comtés et des grandes baronnies - dont bénéficièrent surtout des membres de la famille princière --. Très rares furent l~s indigènes happés par une féodalité qui laissa drs sociétés hors d{' s('s prises 17 • 16. Sur la gt'ographie des fiefs. n° G26, C.HIES, L'Italie normande, p. 55 et suiv. 17. :'\" 7'..?9, PERI • .Siyrwrit' feudali della Siciliu 11ormanna.

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Malgré des analogies a\'ec la Sicile, Antioche a sa couleur. Les biens des propriétaires musulmans expropriés furent inféodés à des chefs francs ou cédés à des Ordres militaires et à des communautés religieuses qui modifièrent peu leur organisation. Le grand domaine, ayant pour cœur le casai 18 • demeura partagé entre des paysans indigènes dont l'unité de possession était la charmée, qui rappelle le manse. Les réserves étant réduites, les tenanciers devaient des redevances en argent ou en nature ; les corvées ne concernaient guère que le ravitaillement de la maison du maître et des travaux d'utiJité publique. Un régime seigneurial plus strict et mieux coordonné qu'aux époques byzantine et seldjoukide fut imposé aux ruraux, car des taxes et des charges d'Etat revinrent aux grands propriétaires, par assimilation d'anciens droits publics l1 des droits prhés. Par ses justices. ses banalités, ses réquisitions et ses dîmes, il dicta sa volonté à des paysans fixés sur Jeurs tenures et tombés dans un état voisin du servage!!'. Le maitre était un « rentier du sol >, par contraste avec les bourgeois qui procédaient au faire-valoir direcl. D'anciennes institutions subsistèrent : les organismes administratifs des grandes propriétés avec leurs agents indigènes ; la communauté villageoise qui, soudée à la seigneurie par l'intermédiaire du raïs, conserva sa force en tant que col1ectivité responsable des charges fiscales et des intérêts du groupe en matière d'exploitation agricole ... Les seigneuries rurales furent la base de la féodalité, car on distribua des centaines de villages en fief 20 • La présence de clientèles et d'iqtâ's, la division du pays en dominations locales autonomes, le climat social avantagèrent les réseaux vassaliques. « Il n'y avait pas un Alépin qui n'eût chez lui un attirail militairr•. Et quand la guerre était là, il sor18. Au sens restreint, agglomération villageoise ; au sens large, l'ensemble du terroir, ajouté à la partie bâtie. 19. Des tenanciers libres vivaient dans le voisinage des villes. Les hôtes jouissaient également de la liberté (n° 918, CAHEN, Le régime

rural syrien). 20. Et aussi des rentes, en raison du développement de l'économie monétairt.· et de l'exiguïté relative des terres disponibles.

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SEHtNEl'HIE ET FJ'.:onALITÉ

tait tout prêt, sans qu'il fût besoin de faire appel aux armes 21 • > Commandant à des hommes originaires de l'Ouest ou du Nord de la France, et à des Provençaux, Bohémond et Tancrède ont fondé en Syrie un régime influencé par l'Italie normande. Après quoi, le royaume de Jérusalem et les Croisades lui apportèrent de nouwlles sources d'inspiration. Dans l'organisation du pournir central et de l'administration locale, des emprunts furent faits aux institutions byzantines et arabes. En revanche, les rites, les devoirs vassaliques dominés par les contraintes militaires, le régime du fief, défendu par des règles interdisant les aliénations partielles sans l'autorisation du prince, et mis à l'abri des démantèlements successoraux par le droit d'aînesse, l'organisation de la justice, l'activité législative, dont les Assises d'Antioche sont le meilleur témoignage, prirent un air d'Occident 22 • Isolés dans un milieu étranger, concentrés dans les villes ou accrochés aux forteresses campagnardes, les Latins n'ont pas donné à la principauté d'Antioche une organisation aussi cohérente qu'aux autres pays de conquête. Elle est l'enfant pauvre de la famille normande 11 • L'Angleterre a meilleure allure. Au prix d'un temps 21. Cité par CAHEN, n° 916, La Syrie du Nord à l'époque des Croisades, p. 193. 22. Les coutumes vassaliques ont exercé un rôle dans les relations du prince avec l'extérieur. Il établit par intermittence ses pouvoirs éminents sur les comtés d'Edesse et de Tripoli, épiés par l'empereur d'Orient et par les souverains de Jérusalem. Il se lia au pape et à Constantinople, mit ses mains dans celles du roi de Jérusalem sans faire de sa principauté un fief du royaume. C. CAHEN relève des influences normandes dans les successions aux fiefs et dans le statut des biens familiaux appartenant à des bourgeois (n° 916, La Syrie du Nord, p. 549 et suiv.). Si les alleux ont disparu, comme en Angleterre, des biens « libres de service > furent concédés par le prince (Ibid., p. 531). 23. Néanmoins, l'autorité princière, auréolée par le sacre, n'a pas subi au cours du XIII• siècle une éclipse comparable à celle de la royauté de Jérusalem. Le legs de Byzance, la menace musulmane sur cette pointe avancée de la domination occidentale en Orient, la possession d'un important domaine ont secondé un pouvoir qui ne reposait pas exclusivement sur les rapports vassaliques et qui prévint ou brisa des révoltes.

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plus long qu'on ne l'a imaginé, la conquète précipita les dépendances sans les rendre partout semblables 14• Dans un pays épargné désormais par les invasions et à l'abri des ruptures ou des déformations dues à l'irruption de l'étranger, le monde paysan et l'aristocratie furent enveloppés par des régimes seigneuriaux et féodaux impitoyables. Chaque homme dépendit d'un maître, chaque terre devint une tenure. Directement, ou par des intermédiaires, les personnes et les biens furent rattachés au roi.

Les Normands n'ont pas travaillé la même pâte. Mais des dispositions appellent des rapprochements entre le tronc commun et ses rameaux : l'emprise princière, traduite après 1050 par l'hommage lige, ou par la réserve de fidélité ; la répartition des fortunes vassaliques. Pour caser les nouveaux venus et leurs familles, des fiefs de chevalier furent distribués. En dehors des contrées où des guerriers s'étaient taillé eux-mêmes leur lot, il y eut peu de grands fiefs d'un seul tenant. Le prince prévenait ainsi le rassemblement de grosses troupes vassaliques sous la houlette d'un haut seigneur et les coalitions féodales ; il intéressait les maîtres à la défense de plusieurs régions ; il copiait le tableau des terres enlevées aux vaincus. S'agit-il du régime des fiefs ·? Princes el seigneurs privés contrôlèrent les aliénations. Ils combattirent les partages successoraux par le droit d'aînesse en ligne masculine. Fortement établi dans la principauté d'Antioche, ce droit s'est effiloché en Italie méridionale sous la pression des intérêts • • is prives . 24. N° 770, BARLOW, The feudal kingdom of England, 1042-1216 ; n'' 619, BoussARD, La diversité du régime féodal dans l'Empire Plan-

tegenêt. -Sur les différences entre les sociétés ou les institutions féodales de la Normandie et de l'Angleterre. n° 754, STENTON, The first century (chap. 1). 25. En revanche, inconnus en Syril' du Nord, le parage et le frérage furent introduits en Italie au cours du XIIe siècle, sauf dans les régions demeurées fidèles au droit lombard, qui préconisait

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

Des influences normandes encore sont révélées par des vavasseurs agrippés au dernier maillon de la chaîne féodale. On les rencontre déjà en Angleterre danoise, en Italie lombarde et byzantine : expression d'une mentalité qui classait imparfaitement les subordonnés parce que la séparation était assez peu tranchée entre ceux qui combattent et ceux qui travaillent 26 • Par-dessus tout, les devoirs vassaliques prirent des teintes accusées : le conseil ; une aide pécuniaire plus lourde en Italie méridionale et en Angleterre que dans la principauté d'Antioche ; une aide armée plus rude dans cette domination, très exposée, que dans les autres Etats normands où, de toute façon, elle exige un développement. L'organisation militaire de la Normandie avait donné lieu à des règles dont de vieux fiefs ecclésiastiques gardèrent longtemps la trace. Au x~ siècle peut-être, el assurément au XI", le duc réclame des chevaliers à chaque grand vassal : cinq, ou l'un de ses multiples. A cet effet, il lui concède des terres 27 • Aucune proportion rigoureuse n'est instaurée entre les charges militaires et les biens. Des domaines de même rapport sont soumis à des devoirs différents. Les terres vacantes étaient si nombreuses, alors, que sans rester fermés aux considérations économiques les maîtres ne s'étaient pas souciés d'établir des barèmes 28 • Pour trouver les hommes, le possesseur d'un grand domaine appelle des mercenaires ou taille des lots sur sa dotation. Les principaux constituent chacun un « fief de la division des terres entre les héritiers. - Sur la garde des enfants mineurs et l'administration de leurs fiefs, sur les successions en l'absence d'enfants mâles, ci-dessus, p. 222 et suiv. 26. L'application de « vassal > à un paysan dépendant et celle de c: fief > à une tenure roturière trahissent des confusions du même genre. 27. Il arrivait qu'on procédât à un groupement de tenures dans le dessein d'obtenir un fief capable de fournir le contingent. 28. Même observation pour l'Italie normande avant Roger II. pour l'Angleterre avant Henri li, pour la principauté d'Antioche, le royaume de Jérusalem et la Morée à leurs débuts. Plus tard, l'accroissement démographique et l'expansion agricole ayant augmenté le revenu des domaines et élargi l'écart entre eux et les services, des monarchies et des tenants-en-chef ont profité de l'aubaine.

LA PROPAGATION DU RÉGIME FÉODAi.

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haubert >. Véritable fief-seigneurie, cette concession forme l'unité de base des services. L'aide change avec leur nature et avec celle de la convocation 29 •

* ** Les Normands ont introduit ce régime dans les pays occupés - qui furent loin de copier servilement le modèle. - Le service gratuit de quarante jours est appliqué en Italie méridionale pendant la seconde moitié du xr siècle, et en Angleterre au cours du XIIe ; des accords président au remplacement de l'aide personnelle une fois l'autorité royale assise sur les peuples domptés ; on distingue (sans rigueur, 29. Un cas d'espèce est l'enquête de 1133, faite à la demande d'Henri 1er sur les obligations de l'évêque de Bayeux. A cette époque, cent vingt fiefs de chevalier dépendaient de lui - outre les tenures confiées à des vavasseurs. a) Pour ses « nécessités >, l'évêque peut appeler tous ses subordonnés à son service. Ils serviront à ses frais (ad constamentum). b) Si le duc semonce tout son ost, l'évêque fournira cent chevaliers : effectif prévu par des conventions anciennes et resté invariable bien que l'évêque ait créé un plus grand nombre de fiefs que les services sollicités. Le document est muet sur la durée de l'aide et sur la rémunération. c) Pour une chevaùchée ducale c dans les marches de Normandie >, l'évêque enverra vingt chevaliers pendant quarante jours (soit le cinquième des effectifs souhaités pour l'ost). d) Le duc convoque-t-il des hommes pour le service du roi de France 'l L'évêque devra, pour la même durée, dix chevaliers (soit le dixième de ces mêmes effectifs). Il incombait aux hommes d'armes qui restaient chez eux d'aider matériellement ceux qui étaient mobilisés. Chaque groupe de cinq chevaliers entretenait donc celui d'entre eux qui participait à une chevauchée ducale, et chaque groupe de dix celui qui répondait à l'appel du roi. Ou bien, une taxe levée par l'évêque sur les fiefs chevaleresques de sa mouvance payait les combattants (n° 718, NAVEL, I.'enquête de 1133 sur les fiefli de l'évêché de Bayeux ; et Documents, n ° 38, a). Sous Henri II, une enquête de 1172 indique les obligations militaires de barons normands - nulle relation déterminée n'étant décelée,·d'une baronnie à l'autre, entre le contingent qu'ils convoquent pour leur propre service et celui, inférieur, qu'ils conduisent à l'armée ducale. - Les changements dans la composition des baronnies et les conventions entre le duc et ses dépendants ont inspiré des combinai sons (n° 621, BoussARD, L'enquête de 1172 sur les services de rh et à des hommes qui surveillaient, à cheval, le littoral pendant trois mois par an (n° 649, FASOLI, La feudalità siciliana, p. 64). 31. Des historiens lui ont attribué, lors de sa formation, quatre cents à cinq cents hectares en Normandie, deux cents à trois cents en Angleterre (n° 719, NAVEL, Recherches sur les institutions féodales en Normandie, p. 58 et suiv. ; n° 781, BoussARD, Le gouvernement d'Henri 11, p. 244; n° 745, ROUND, Feudal England, p. 36-40, 69-82). Pour justifier cette différence, ils ont fait valoir qu'en Angleterre, à la fin du XIe siècle, la population était plus dense et les ressources agricoles plus développées qu'en Normandie, un siècle plus tôt. L'explication est plausible. Des fiefs se haussaient donc à la taille de bonnes seigneuries dont les superficies, exprimées en c livrées de terre > donnant une livre de rente annuelle chacune, variaient, comme leurs revenus, avec la richesse du sol, la densité de la population, l'équipement des ruraux. Tel fief, taillé avec générosité après l'implantation des Normands en Angleterre, dépassait les besoins du subordonné. Tel autre, plus tardif, et d'une époque où la concurrence était plus vive, assurait tout juste sa subsistance. Bien entendu, les c nécessités de l'homme de fief> sont inséparables du mouvement économique. OutreManche, vers 1100 et pendant la première moitié du XIIe siècle, un revenu annuel de cinq à dix livres semblait suffisant (n° 754, STENTON, The first century, p. 164 et suiv. ; n° 781, BoussARD, Le gouvernement d'Henri Il, p. 212-215). La diminution du pouvoir d'achat de l'argent et la hausse du co'llt de la vie le portèrent jusqu'à vingt livres au XIII• siècle. La vie adapta les principes aux réalités quotidiennes. Objets de ventes partielles ou de divisions successorales, des tenures féodales furent fragmentées. Au demeurant, la formation de fiefs c d'un demi, ou d'un quart de chevalier » est un reflet des conditions sociales et des changements intervenus dans les armées. En Guyenne, plusieurs vassaux tenaient ensemble un fief de chevalier dont le service était exécuté par l'un d'eux « ita quod potest garentire alios » (Recogniciones feudorum, éd. BÉ'.\IONT, n° 579 : 1274).

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Sans dissimuler l'intérêt présenté par la principauté d'Antioche, qui partagea l'existence inquiète du royaume de Jérusalem, nous prendrons l'exemple anglais. Malgré les efforts tenaces des historiens, l'étude de l'aide militaire, Outre-Manche, demeure pleine de pièges et d'incertitudes 11 • Ce fut sans doute Guillaume le Conquérant qui, après entente avec les tenants-en-chef, laïques et ecclésiastiques, dicta le servitium debitum, c'est-à-dire le nombre de chevaliers complètement équipés que chacun devait lui procurer 11• A leur tour, et pour lever les contingents imposés, les tenants-en-chef inféodèrent des biens. Celui-ci case quelques chevaliers et entretient les autres dans sa maison ; celui-là crée un plus grand nombre de fiefs qu'il n'a d'hommes à présenter et se constitue une troupe privée ; un dernier modèle le découpage des tenures sur le chiffre de combattants que le souverain attend de lui". De petits fiefs furent distribués à des sergents montés, ou à pied 35 , L'instabilité des fiefs chevaleresques et leur morcellement 32. Outre les travaux de ROUND, POLLOCK et MAITLAND, HASKINS, STENTON, KIMBALL, PAINTER, PooLR {A.L.), BoussARD ..., on consultera ceux de MITCHELL, n° 712, Taxation in medieval England; de SANDERS, n° 750, Feudal military service in England; de Pow1cKB, n° 735, Military obligation in medieval England ... 33. Nombreux dans l'Angleterre normande et angevine, les c fiefs de cinq chevaliers, ou davantage > étaient rares en Italie du Sud et à Antioche. Le Catalogue des Barons mentionne pour le royaume italonormand - abstraction faite de la Calabre et de la Sicile - 3 453 fiefs fournissant un service de 8 620 chevaliers et de 11 090 sergents. Sur ce total, six fiefs devaient chacun plus de vingt chevaliers ; quatre de quinze à vingt ; dix-sept de dix à quatorze ; quatre-vingts de cinq à neuf. Les autres en devaient moins de cinq (n° 626, CAHEN, L'Italie normande, p. 66 et suiv. ; 117-120). - Sur la relation entre le fief de dix chevaliers et la constabularia, n° 745, ROUND, Feudal England, p. 257 et 289. 34. Ce chiffre n'a guère varié. En 1278 comme en 1072, l'abbé d'Evesham envoyait cinq chevaliers (n° 750, SANDERS, ouvr. cité, p. 17 et 114). En Normandie, des communautés religieuses installées avant le milieu du XI• siècle mobilisaient pour le duc, en 1072, le même nombre d'hommes qu'un siècle et demi plus tôt. Des abbayes normandes créées après 1050 et des monastères anglais postérieurs à 1066 furent dispensés du service militaire. 35. KIMBALL, Serjeanty tenure in medieval England.

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disent les difficultés. L'œuvre a pris tournure avant la mort d'Henri Ier. Les Plantagenêts continuèrent l'entreprise. Henri II a tenté de mettre la main sur l'administration militaire du pays, sauf sur celle des palatinats, des marches, des grands « honneurs >. Il s'est efforcé de contrôler les châtelains et d'entraver le développernent des troupes privées en vertu du vieux principe, mal respecté, qui faisait un devoir aux tenants-en-chef de ne convoquer leurs dépendants que pour le service du roi. A partir de 1157, il a opéré une vigoureuse remise en ordre en Angleterre et dans les possessions continentales 36 : témoin l'enquête de 1172 en Normandie. Pour l'Angleterre, la plus célèbre remonte à 1166. A sa faveur, Henri II reçut confirmation des effectifs requis traditionnellement des tenants-en-chef. Il connut le chiffre des tenures inféodées par eux à des chevaliers avant 1135, date de la mort d'Henri Ier, et après cette date. Il enregistra les services, esquissa un rapprochement entre l'aide et le nombre de fiefs créés par les grands vassaux lorsqu'il dépassait le service dû. Il fixa l'assiette pour la levée de l'écuage. A la veille d'une randonnée sur le continent, il fut en mesure de savoir si les chevaliers lui avaient tous fait le serment d'allégeance 37 • Une tendance déjà nette sous Etienne de Blois, et qui se rattachait peut-être à des usages normands, poussait à diminuer les contingents des tenants-en-chef. Henri II l'a consacrée. Le « service dû » fut réduit à une fraction des effectifs d'autrefois. De grands vassaux, en effet, refusaient de servir en France, même contre une solde ; leurs subordonnés répu-

36. N° 781, BoussARD, Le gouvernement d'Henri Il (3e partie). 37. Sur ces questions, sujettes à des interprétations divergentes, n° 745, RoVND, Feudal England, p. 236-246 ; n° 754, STENTON, The first century, p. 136-139 et 157 ; n° 725, PAINTER, The English feudal barony, p. 34 et suiv. ; n° 750, SANDEHS, Feudal military service, p. 37 et suiv. En matière militaire, la lé,rislation de la monarchie anglaise après 1154 est considérable : armement du chevalier (Assise des armes, 1181, et Documents, n° 55) ; relation entre le revenu du fief et l'équipement du combattant ; fixation des obligations des tenants-en-chef et de leurs subordonnés ; mesures concernant l'écuage ...

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gnaient à les accompagner lorsqu'ils obéissaient à l'invite royale. Appauvris par les partages de fiefs, les sous-inféodations et la hausse du coût de la vie, ils ne soutenai_ent pas l'effort espéré 38 • Et puis le cœur n'y était plus. De son côté, le roi mobilisait des contingents bien armés, qui servaient plus de quarante jours :1 9 • Le nouveau régime, enfin, était le prétexte d'une taxe de remplacement. Les successeurs d'Henri II ont suivi la même voie 40• Des enquêtes méticuleuses sur les anciennes charges des grands vassaux ont permis d'imaginer pour chacun d'eux une échelle réduite des services. Au regard des exigences royales, des baronnies conservent leur individualité sans être autant que jadis une source capitale des obligations militaires, bien qu'elles enrnient des contingents à l'armée et à des forteresses royales. Des chevaliers sont convoqués directement par le roi ; des capitaines passent avec lui un contrat d'indenture pour la levée d'une troupe ; des barons, enrégimentés contre une solde, acceptent de servir dans les compagnies d'autres barons, ou sous les ordres de chefs nommés par le souverain. En définitive, l'organisation militaire féodale a donné des signes de fatigue dès le milieu du Xlr siècle. Ensuite, elle a craqué ou fut associée à d'autres systèmes. Non contents d'obtenir une diminution de leurs charges, de grands vassaux font admettre qu'il y a incompatibilité entre le service en campagne et la garde des châteaux ; des subordonnés esquivent l'aide militaire personnelle. Le roi les a secondés. Impôt perçu par « écu :., c'est-àdire par fief chevaleresque, ou par fraction de fief, l'écuage 38. De même, dans l'Italie normande du XIIe siècle, un personnage fut incapable de rassembler plus de trois chevaliers sur les onze qu'on attendait de lui (n° 626, CAHEN, L'Italie normande, p. 68, n. 2). Théoriquement, le vassal payait rentretien des chevaliers qu'il manquait à procurer. 39. Ces dispositions apparaissent clairement au XIII• siècle. En 1205, Jean sans Terre appela pour quatre-vingts jours un chevalier sur dix, les neuf autres équipant le dixième et lui versant une indemnité journalière (n° 750, SANDERS, ouvr. cité, p. 56-58). 40. N° 735, Pow1cKE, Military obligation, p. 30 et suiY., 215 et sui\·.

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est mentionné pour la première fois en 1100 41 • Il s'est développé après 1150. Habituellement, les tenants-en-chef le lèvent sur les fiefs de leur mouvance et versent son montant au souverain. Etabli d'abord en fonction de l'aide exigée d'eux avant la mort d'Henri 19r, et donc d'après le nombre de fiefs qu'ils auraient dû concéder, il a subi de multiples remaniements jusqu'à la fin du Moyen Age u. Il frappait les subordonnés que ne tentait pas l'aventure guerrière ou qui étaient dispensés de servir en cas de levée partielle. Il fut un effet et une cause des métamorphoses de la mentalité chevaleresque 43 • L'écuage a facilité le calcul des charges imposées aux fractions de fief, simplifié leur règlement, donné des ressources - détournées de leur objet lorsque les besoins militaires étaient un prétexte. - Grâce à lui, le roi solda des contingents vassaliques mieux entrainés que les cohues des quarante jours, paya des mercenaires recrutés en tous pays, eut une force indépendante des humeurs féodales et entreprit plus aisément des expéditions de longue durée. La classe chevaleresque change de visage. Des chevaliers forment l'élite des hommes d'armes. D'autres restent chez eux, administrent, se laissent prendre dans le tourbillon politique.

* ** Le cas anglais n'est pas unique. Des souverains normands puis souabes d'Italie du Sud, des rois de France tels 41. Sur ses origines, son taux, sa répartition et ses modalités de perception - sujets difficiles, qui exercent la sagacité des chercheurs -, n° 868, POOLE, Obligations of society in the XII and XIII centuries, p. 40-41 ; n° 712, MITCHELL, Taxation in medieval England; n° 750, SANDERS, Feudal military service, chap. V et VI ; n° 735, Pow1cKE, Militarg obligation in medieval England, p. 30 ... 42. Le procédé pénalisait le baron qui avait créé moins de fiefs que ses obligations n'en comportaient et qui devait compléter de ses deniers le chiffre attendu. Il avantageait celui qui, ayant taillé sur ses domaines un nombre de fiefs dépassant c le service dtl. >, percevait la taxe sur l'ensemble, versait au roi la somme spécifiée et empochait la différence (n° 868, POOLE, ouvr. cité, p. 40-41 ; n° 712, MITCHELL, ouvr. cité, p. 4-6, 164-166). 43. N° 750, SANDERS, Feudal military, p. 93 (1277).

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que Philippe Auguste, prompt à imiter l'Angleterre, des empereurs, des chefs de Terre sainte ont substitué une taxe à des services personnels"· Néanmoins, les féodali~és continentales n'ont pas connu aussi tôt ni au même degré que celles d'Angleterre pareille dégradation militaire. Celles d'Orient latin pas davantage, malgré l'emploi de mercenaires aux XIIIe et XIV' siècles. Nous retrouvons des principes d'inspiration normande, ou < occidentale >, en Syrie du Nord et dans le royaume de Jérusalem, dans l'Empire latin de Constantinople et en Morée, où de grands domaines ont fourni chacun un chiffre déterminé de combattants entretenus par des fiefs de chevalier. Théoriquement, le service est effectué pour le suzerain suprême mais, avec son autorisation, des seigneurs peuvent engager des hommes. Il est exigible sur l'ensemble du territoire, et audelà u. Il est de longue durée et, au besoin, illimité 411 • Interdic44. Après 1274, l'évolution s'est précipitée en France, où l'on :1 exploité fiscalement les notions de ban et d'arrière-ban. 45. Des textes précisent la nature des expéditions militaires. Article 26 des Assises de Romanie (Bibliogr., n° 942) : si un château est assiégé, ou le seigneur attaqué, le vassal doit l'aider aussitôt. « Il en sera de même s'il y a chevauchée générale faite par Messire le prince entrant dans le pays des ennemis, ou si l'armée des ennemis entre dans le pays et dans les terres de Messire le prince. > Article 65 : c Les feudataires qui sont tenus à un service pour leur seigneur ne sont pas obligés de le fournir hors de la principauté, mais dans toute la principauté ... même s'il faut passer la mer. > - Dans les royaumes de Jérusalem et de Chypre, au moment de leur union, dans les possessions des rois d'Angleterre, « passer la mer » a suscité des débats. 46. Selon Jean d'IBELI!'I (chap. 217, dans Historiens des Croisades, Lois, 1, 346), les vassaux doivent au roi de Jérusalem le service à cheval « en toz les leus don reiaume où il les semondra ou fera semondre... et demorer y tant come il les semondra ou fera semondre, jusque à un an ... Et celui qui deit servise de son cors, et de chevalier ou de sergent, deit faire le servise par tot le reiaume ..., se il en est semons ... >. D'après l'article 70 des Assises de Romanie : c Chaque lige astreint au service annuel pour quelqu'un à raison de la terre tenue ... doit servir quatre mois, si le seigneur le veut, dans un château, et quatre sur une frontière, puis rester quatre mois soit dans sa maison, soit dans le lieu qui lui paraîtra le plus indiqué pour remplir son devoir dans la principauté. » ---- Artklc 71 : ou les « Constitutions >, une importante législation a sc-andé les phases de l'organisation administrative. Si les Etats normands n'en eurent pas l'exclusivité, ils figurent en bonne place.

* ** La dynastie normande d'Angleterre a disparu en 1135 avec Henri Ier, celle d'Italie en 1189 avec Guillaume Il. Leurs successeurs n'eurent pas les yeux braqués sur le passé pour s'en inspirer servilement. Néanmoins, une fois réprimés les troubles qui scandèrent des changements de règnes ou des minorités, les Normands furent continués sur plusieurs points par les Plantagenêts, les Souabes et les Angevins. Frédéric II ne déclarait-il pas que l'Etat tirait ses origines non seulement de la providence divine, mais des choses et des lois de la nature 51 ? Moins doctrinal, l'effort anglais a été entrevu avec l'organisation militaire et la justice. Il y aurait lieu de rappeler aussi les problèmes posés par les droits fiscaux du roi en. tant que tel ou en tant que 48. Texte reproduit par STENTON, n° 754, The first century, p. 112. 49. En .Sormandie sous Guillaume le Conquérant, en Sicile sous Roger ter et ses successeurs, où une formule spéciale de paix (juro et assecuro) fut adjointe aux serments vassaliques (n° 626, CAHEJS, L'Italie normande, p. 101-110). 50. Il faut ajouter l'interdiction des guerres privées entre nobles depuis la seconde moitié du XI" siècle en Normandie, le début du XII" en Angleterre, et depuis 1129 (assemblée de Melfi) sous la monarchie Halo-normande. 51. N° 902. WIERuszowsKJ. 4- Roger Il of Sicily » (Speculum. 1963, p. 7i-7XL

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

seigneur, comme par ceux des tenants-en-chef et des dépendants de tout acabit u. Au XIII• siècle, des Statuts qui confirment ou innovent, qui se complètent ou s'annulent, intéressent la saisine, la perception du relief, la garde seigneuriale, l'intervention des maitres dans le choix des conjoints, le destin des veuyes, les dettes laissées par les défunts à leurs héritiers. Ils concernent les aliénations en faveur des laïcs et, plus encore, de l'Eglise, ainsi que les sous-inféodations, mises en cause principalement par un acte diversement jugé : le Statut Quia emptores 53 • Au prix de précautions et de détours, à pas feutrés ou brutalement, la monarchie a tenté de conserver ou d'accroître son influence et ses ressources, de combattre les fraudes, d'échapper aux réclamations des personnes lésées 54 • En accordant des privilèges et des « pardons > spécialement en matière de cession et de partage des fiefs, elle a tenu compte des prétentions émises par les individus et par la « communauté du royaume >. Ces questions vont au-delà du droit féodal ; elles le tournent ou s'en rient ; elles font état des relations de la Couronne avec tous les sujets et des rapports de ces derniers entre eux. Elles rejaillissent sur la politique générale : elles en sont également le reflet.

Il. - - FÉODALITÉS DE TERRR SAINTE « Dieu a donné aux hommes deux lavoirs pour qu'ils se lavent de leurs péchés ; l'un outre-mer, vers la vallée 52. Nous renvoyons au remarquable ouvrage de BEAN, n° 607, The decline of English feudalism, 1215-15-W. 53. Outre ce Statut (1290), relevons entre autres les Statuts de Merlon (1235), de Marlborough (1267), de Westminster (1275 et 1285), et celui de Mortmain, ou de Viris religiosis (1279). Ayons égard à l'Ordonnance royale de 1256 et aux Provisions de Westminster (1259) ... 54. Elle subit des revers, notamment dans ses rapports avec l'Eglise et les tenants-en-chef, qui s'employèrent à esquiver le contrôle royal des aliénations.

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de Josaphat, l'autre ici tout près q, en Espagne~. La principauté d'Antioche nous a plongés en Terre sainte. Il faut revenir dans toutes les régions d'Orient conquises par les Croisés. Bien qu'on décèle des influences lorraines dans le comté d'Edesse et des apports méridionaux dans celui de Tripoli, où les Toulousains, les Gascons, les Catalans introduisirent la langue d'oc et des articles de leur droit, les subordinations n'y furent pas marquées, autant qu'à Antioche, du sceau d'une principauté. Aux premiers conquérants s'ajoutèrent des gens du Gâtinais à Edesse, des Italiens et des Français du Nord à Tripoli. Dans le royaume de Jérusalem, la population d'origine occidentale fut plus composite encore. Flamands, Brabançons, Lorrains, gens de l'Ouest coudoyèrent au xne siècle des hommes du centre et du Midi de la France, des Italiens, des Catalans, des Allemands 58 • Malgr~ l'arrivée de Croisés tentés par la guerre sainte, les Occidentaux firent preuve de tolérance envers des indigènes séparés par la race, la religion, le genre de vie. Le respect des croyances et des Coutumes, le maintien de la personnalité des lois et des institutions locales répondaient à des nécessités politiques et à la mentalité des hommes de ce temps. Ils traduisaient, en matière administrative, l'inexpérience des Latins, leur dépaysement, leur méfiance. Les

55. Selon le poète gascon Marcabru, qui écrivait vers 1130-1150 683, HoEPFFNER, Les troubadours, p. 45). 56. Il existait des inégalités sociales parmi les nouveaux venus. Les éléments nobiliaires demeurés dans le royaume au lendemain de la première croisade étaient représentés surtout par des cadets de famille et par de c pauvres sires >, peu soucieux de regagner leurs maigres terres d'Occident. Aux XII• et XIII• siècles, de nouvelles vagues formèrent une haute noblesse distincte des simples chevaliers (PRAWER, n° 940, Les premiers temps de la féodalité dans le royaume latin; n° 939, La noblesse et le régime féodal du royaume; RUNCIMAN, The families of Outremer ... ) Alimentée par une assez forte immigration urbaine et rurale, la bourgeoisie latine eut son droit propre, inspiré d'usages romains ou syriens et de Coutumes de la France septentrionale (J. PRAWER, Etude préliminaire sur les sources et la composition du Livre des Assises des Bourgeois, dans Rev. histor. de Droit fr. et étranger, 1954, p. 198-227 ; 358-382). (n°

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essais de rapprochement, les compromis n'allèrent pas jusqu'à la fusion n. Les Occidentaux nommèrent des délégués dans les hameaux ou ]es villages qui leur avaient été concédés après l'expropriation des chefs locaux, des grands propriétaires ou des possesseurs d'iqtâ's. Citadins, ou retirés dans les forteresses, ils laissèrent, comme leurs prédécesseurs indigènes, une place prépondérante aux tenures, chargées de redevances proportionnelles à la récolte auxquelles s'ajoutèrent des taxes en argent et de très légères corvées. Depuis les guerres du XI'' siècle, la population rurale était peu nombreuse. Elle n'avait pas trop de tout son temps pour exploiter ses terres. Sur des paysans attachés au sol et proches du servage les maîtres étendirent leurs droits : justices, banalités, gîte, réquisitions ... Dans l'ensemble, les contraintes ne semblent pas avoir été aggravées, les seigneurs s'étant substitués à l'Etat ou aux chefs locaux. En Galilée et au Lihan, les communautés rurales qui avaient survécu à la domination musulmane et aux guerres du XI" siècle furent maintenues. On garda des agents indigènes. Les plus actifs furent les raïs, qui administrèrent les seigneuries, présidèrent les cours jugeant les menus délits, 57. Afin d'éviter des répétitions, on insistera sur le royaume de Jérusalem proprement dit, sans dissimuler que les comtés d'Edesse et de Tripoli ont eu leurs particularités. Le premier était proche de la Cilicie, devenue le siège d'un royaume de Petite Arménie qui adopta les Assises d'Antioche. La présence de l'élément arménien a déterminé à Edesse, plus que dans les autres contrées de Terre sainte, une relative association de la noblesse indigène au nouveau pouvoir. L'expérience fut courte. Harcelé par les Turcs, le comté d'Edesse retomba entre leurs mains moins d'un demi-siècle après la première Croisade. Le comté de Tripoli, quant à lui, s'est maintenu jusqu'en 1289. Ses institutions féodo-vassaliques, la Cour des barons et celle des bourgeois ont des traits communs avec le royaume de Jérusalem. La défense militaire fut assurée par des chevaliers fieffés, des mercenaires et des forteresses inféodées. A Tripoli comme à Edesse, l'autorité comtale a pris appui beaucoup moins qu'à Antioche sur la puissance c: publique >. Dès le début, la balance pencha en faveur d'une organisation fondée sur les liens de dépendance (n" 944, RICHARD, Le comté de Tripoli).

LA

PROPAGATION IJU RÉGIME F.ÉODAI.

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firent la liaison entre les seigneurs et les groupes villageois. L'aspect latin de l'occupation se manifesta beaucoup plus par des changements de personne et de vocabulaire que par le bouleversement de la vie rurale :1s.

* ** La vraie nouveauté réside dans l'établissement du c: système féodal >. Jamais, auparavant, il n'avait pénétré en Palestine malgré ln présence de principautés autonomes, de seigneuries rurales et d'iqtà's taillés par l'Etat sur ses terres et concédés contre des senices. Il concerna les hommes d'Europe et les indigènes qui, en petit nombre, se rallièrent au régime 511 • Des relations vassaliques avaient persisté, pendant la Croisade, entre de grands seigneurs et leurs dépendants --- par exemple entre Godefroy de Bouillon et ses subordonnés, originaires de Basse-Lorraine - , tandis que des liens de compagnonnage étaient noués entre des chefs de rencontre el des guerriers. Alexis Comnène avait cherché à prendre dans ses filets, par l'hommage, les dirigeants de l'expédition. L'empneur qui, chez lui, ne laissait aucune place l1 de tels usages, en tira parti pour s'attacher des Latins depuis le dernier quart du XI' siècle. Si Alexis n'obtint de Raymond de Saint-Gilles qu'un serment de sécurité, Godefroy de Bouillon, Etienne de Blois, Bohémond ... furcnl adoptés par lui comml' ses fils ; ils lui prêtèrent les serments vassa1iques pour leur personne 110 • On associait par là des usages occidentaux à des pratiques 58. PRAWER, n" 941, Tht' « Assise de teneure » and the « Assise de vente » ; n° 937, Etude de quelques problèmes agraires et sociaux d'une seigneurie croisée au XJIJe siècle ; n° 915, CAHEN, La féodalité rt les institutions politiques de l'Orient latin. 59. Des groupes sociaux restèrent hors de ses prises dans le clergé, les bourgeoisies urbaines et les colonies marchandes. Les Ordres militaires ne prêtaient point l'hommage et n'inféodaient pas de terres. Mais des possesseurs de fiefs attirés dans leur obédience devenaient leurs vassaux - du moins en Syrie et dans le comté de Tripoli. Toutes les dnsst•s gardèrent des alleux. 60. Xù !)19, GA~SHOF, Recherches sur le lien juridique qui unissait lrs cht·f~ cle la première Croisade ti l'empereur byzantin.

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byzantines. Toutefois, Alexis ne fit pas de Jérusalem un fief de l'Empire. Ce fut au patriarche Daimbert, déjà légat du pape, que Godefroy rendit l'hommage pour son royaume et Bohémond pour sa principauté. Ils reconnurent ainsi le pouvoir éminent de l'Eglise romaine 61 • Il fallait créer une force militaire permanente et encourager l'immigration occidentale. Après son élection, Godefroy de Bouillon appela dans sa maison des chevaliers qu'il entretint directement ; il concéda en fief des rentes assignées sur les revenus des marchés, des ·villes ou des ports, car son domaine foncier était peu étendu à une époque où la conquête restait inachevée et où des chefs croisés s'étaient taillé leurs lots. De plus, la rente en fief assurait mieux que le fief terrien l'emprise du seigneur sur ses vassaux 61 • Durant les trente années suivantes, Baudouin Ier et Baudouin II installent les cadres organiques de la féodalité : comtés, baronnies, châtellenies, fiefs de chevalier devenus les unités de base des services, peut-être sous l'influence de la principauté d'Antioche. Ils agrandissent leur domaine foncier et mobilier, lèvent des recettes extraordinaires et des taxes exceptionnelles, étendent leur suzeraineté sur les fractions du royaume conquises par des chefs croisés et s'efforcent de mettre un peu d'ordre dans des réseaux de dépendance créés au jour le jour. Ils taillent des tenures sur des territoires accrus par l'élargissement des frontières 63 • En même temps, la vassalité et le fief sont précisés suivant des méthodes appliquées dans les principautés françaises 61. Plus tard, les liens se desserrèrent. « Le chief seignor dou reiaume ... est de sa seignorie soul seignor et chief ; ne ne la tient d'aucun sei1mor que de Dieu. Ne il ne deit à home ne à feme homage ne servise. ne aucune autre redevance » (Livre de .Jean d'IBELI:o,;. chap. 141, dans Historiens des Croisades, Lois, I, p. 215-216, et Documents, n° 59, 1 °). 62. Elle se développa au XIIIe siècle en raison des amputations territoriales subies par le royaume et de son rejet vers la mer, que compensèrent une forte activité commerciale et une abondante circulation monétaire. 63. Sur le domaine royal et sur la géographie des fiefs au XII' siècle, n'' -15. RICHARD, Le ronaume latin de Jérusalem, p. 72 et suiY.

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et lotharingiennes de l'époque. Mèmes rites, agrémentés de quelques fioritures : tel l'hommage sur une épée nue. Mêmes serments, liges ou planes. Même liaison entre leur prestation, la concession de biens et les services. Ce régime n'a pas été une transposition pure et simple des usages occidentaux. Il a subi l'empreinte d'une société en péril dont les plus sûrs abris, en dehors de l'enceinte des villes, furent tous ces châteaux dont la garde était assurée par des vassaux et qui traduisent un art de la forteresse supérieur à celui de l'Occident. Sa défense mobile reposait sur une armée de chevaliers 64, grossis de c soudoyers > recru tés à titre temporaire et payés par le roi, de sergents procurés surtout par les églises et les villes, et d'une cavalerie légère de Turcopoles. A cette force, relativement peu nombreuse, s'ajoutaient les Ordres militaires. La durée de l'aide et l'espace où elle était requise furent assujettis à des conditions plus sévères que dans les Etats ·d'Occident 65 • Quant au régime des fiefs, il traduit l'effort de la royauté pour permettre au vassal d'accomplir des devoirs impérieux 88 • Des règles strictes pèsent sur les ventes. Les sousinf éodations ne peuvent amputer au total qu'une fraction du fief inférieure à la moitié de son étendue. Celle-ci étant habituellement médiocre, la hiérarchie féodale a rarement dépassé deux degrés. D'autres dispositions ont voulu intéresser les familles à leurs héritages, déterminer le sort des fiefs qui tombaient entre les mains des femmes ou des mineurs, caser des 64. Six à sept cents selon Jean d'lbelin, qui fait état d'indications remontant aux environs de 1170 (Recueil des historiens des Croisades, Lois, 1, chap. 271, p. 422-426). 65. Le devoir de conseil semble avoir été lui aussi très astreignant sous ses aspects législatif et judiciaire. En revanche, l'aide pécuniaire n'était demandée que par les seigneurs rançonnés ou endettés. Certains se heurtèrent à de si vives résistances qu'ils furent contraints de vendre des terres. 66. M. GRANDCLAUDE, c Liste d' Assises remontant au premier royaume de Jérusalem > (Mélanges Paul Fournier, Paris, 1929, p. 329 et suiv.) ; n° 939, PRAWER, c La noblesse ... du royaume latin de Jérusalem > (Le Moyen Age, 1959, p. 48-5(l).

SEICî:'\El' RIE ET F:ÉOI>ALITJ'.:

cadets, des déshérités, des immigrants, entraver provisoirement la constitution des grandes fortunes, sources de larges ambitions 67 •

* ** Quels furent les rapports de la monarchie avec la société féodale ? Jadis, les historiens de la Terre sainte se sont apitoyés sur la décrépitude de la royauté, étouffée par une « féodalité anarchique ». Ils ont établi un séduisant parallélisme entre les premiers Capétiens et les rois latins 68 • Ils se fondaient sur les Assises de ,Jérusalem : compilation de textes juridiques allant de la fin du XIIe siècle au second tiers du XIII\ Elle fut rédigée probablement dans le royaume de Chypre au sein de milieux chevaleresques d'autant plus enclins à revendiquer qu'ils avaient perdu des seigneuries rurales. Une nouvelle génération de savants a surgi, de leur ville ou furent éle,-és à cette dignitt~. qui impliquait loyauté et obéissance. En revanche, Venise conclut avec quelques c étrangers > des conventions moulées sur nos classiques dépendances. Un Apulien, Matteo Orsini, fnt son vassal pour Zante el Céphalonie, en attendant de se reconnaître l'homme de Théodore l' Ange, puis du prince de Morée. Geoffroy 1• de Villehardouin lui fit hommage, en 1209, pour les territoires qu'il occupait dans l'ancien Péloponnèse 78 • Du XIII• au xv· siècle, des agents du doge reçurent les serments de Vénitiens installés dans les îles de la mer Egée 19 •

* ** La propagation des réseaux de dépendance toucha surtout les lieux appartenant à ]'empereur latin et les dominations fondées par des chefs croisés qui le reconnurent comme leur seigneur ou leur suzerain - royaume de Salonique, principauté d' Achaïe ou de Morée, duché d'Athènes, comté de Salone... --- Les conquérants étaient des gens de Flandre et du Hainaut, dont les chefs fournirent les premiers empereurs, des Francs-Comtois et des Champenois, des Piémontais et des Lombards, parmi lesquels s'illustra Boniface de Montferrat, premier souverain du royaume de Salonique ; des Picards, des Normands, des gens de la vallée 78. N° 949, THiRIET, p. 80-87. 79. En outre, des Vénitiens de Constantinople se livrèrent par !~hommage à l'empereur latin : tel Marco Sanudo, conquérant d'une partie des Cyclades avec ses compagnons, devenus ses vassaux.

Sl::IGN.EUHtE ET FÉODAUTE

de la Loire, des Bourguignons, des Provençaux, des Allemands. Dans les pays péniblement conquis durant les longues années qui suivirent la prise de Constantinople, ils se heurtèrent aux obstacles soulevés par toute intrusion en terre étrangère et par le fait même de l'occupation : la fidélité aux anciens maîtres, la structure politique, la langue, la religion. Des éléments ont frayé le chemin aux subordinations : l'affaissement de l'Etat byzantin, les principautés autonomes en Argolide et en Morée, l'organisation économique et sociale. Malgré le maintien de la petite propriété libre et la survivance de communautés paysannes indépendantes, les grands domaines formaient un cadre essentiel de la vie rurale. Aux côtés des vieilles possessions, dont les maîtres jouissaient d'immunités fiscales et administratives, il y avait des pronoiai, concessions foncières découpées dans les biens de l'Etat et dont l'administration était donnée temporairement ou à vie à des membres de l'aristocratie, qui cherchaient à les rendre héréditaires ; il y avait des charistikia, biens ecclésiastiques concédés à des nobles ou à des clercs qui les administraient, payaient les impôts et entretenaient les religieux 80 • Un rapprochement apparaît dans la terminologie entre les Coutumes des Latins et celles des Byzantins. La pronoia fut assimilée au « fief ~, le charistikion au « bénéfice > ecclésiastique. Le grand propriétaire rallié devint « le gentilhomme grec » ; le tenancier libre fut qualifié de « franc homme >, le parèque de « villain », ou de « serf >. Un rapprochement apparaît aussi dans l'organisation domaniale, fondée sur des corvées qui mobilisaient les parèques jusqu'à quatre jours par mois. Par la substitution de leurs pouvoirs privés aux pouvoirs publics, en pleine débâcle depuis la disparition du basileus et de ses fonctionnaires, les nouveaux maîtres, qui résidaient ordinairement dans des forteresses, bâtirent un régime plus vigoureux que celui du passé. L'impôt foncier, la capitation, les prestations allèrent à des sei80. Cf. notre tome 1, p. 305-307.

J,A PROPAGATION

nu RÉGIME FÉODAL

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gneurs qui furent en outre des juges, qui perçurent des tailles arbitraires, qui gardèrent ou renforcèrent les banalités 11 • L'installation de la féodalité au bénéfice des Croisés et de leurs descendants, de quelques Grecs et de plusieurs chefs bulgares ralliés aux vainqueurs constitua une originalité du régime. Incomplète, puisque des territoires restaient à conquérir et que certains demeurèrent inoccupés - en Asie Mineure, en Epire, en Thessalie ... - , cette installation fut également improvisée. L'empereur et ses conseillers se fondèrent sur le cadastre et sur les rôles de l'impôt foncier pour découper des terres prises sur les biens du fisc et de l'Eglise grecque, ou enlevées à des propriétaires byzantins qui s'étaient exilés à Nicée ou en Epire ; de plus, après avoir galopé jusqu'en Grèce, des chefs croisés se fixèrent. L'étendue des baronnies fut proportionnelle, en principe, au nombre d'hommes que leurs détenteurs devaient conduire à l'armée. On casa ces hommes sur des terres dont le fief de chevalier composa l'unité principale. Selon Robert de Clari, il répondait à un revenu annuel d'au moins trois cents Jivres. Son assiette fut établie en conséquence. La défense de l'Empire requérant le service des chevaliers toute l'année, s'il en était besoin, et les chevauchées sur les territoires limitrophes les mobilisant de juin à la fin de septembre, des fiefs furent sauvés malgré les mutations entre vifs, les mariages et les successions. Rites de l'hommage et de l'investiture, devoirs et droits vas saliques. sous-inféodations répétèrent les coutumes d'Occident. Abstraction faite d'une partie de la Grèce et des annexes vénitiennes, la domination latine. a été éphémère. Même sous Henri Ier de Hainaut, qui fit illusion grâce à l'éclat de sa cour, à ses succès militaires, à son administration et à la prestation des serments vassaliques par des princes étrangers - David et Michel Ange Comnène, le Bulgare Slav - , l'autorité impériale est restée fragile. Au basileus, l'empereur latin n'avait guère emprunté que la résidence, un peu

81. Celles du pressoir à olives, du moulin à blé. du lavoir à lin, rle la pêche et du vin ..., en généra 1 affermées.

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de faste, des usages de chancellerie et de beaux titres. Plus qu'un souverain, il était un suzerain ou un seigneur. Bien qu'elle ait fait ses preuves, on a chargé cette organisation féodale de tous les péchés. L'empereur ne fut jamais en mesure de s'imposer à l'ensemble de ses subordonnés. L'étirement des territoires, l'impossibilité de mobiliser en temps voulu les contingents nécessaires auraient été surmontés sans les oppositions d'intérêts entre Français, Allemands, Vénitiens et agents de la Papauté, sans l'hostilité des populations byzantines à l'égard des intrus, d'ailleurs peu enclins à intégrer les grands propriétaires grecs dans la féodalité, à cajoler une Eglise orthodoxe d'autant plus rétive qu'elle a,·ait subi de graves dépossessions. L'histoire politique de la « nouvelle France > érigée sur les bords du Bosphore et dans les Balkans fut hachée par des troubles, que vinrent aggraver les vies courtes des maîtres - six empereurs en cinquante-cinq ans - et les crises dynastiques. Harcelée par des ennemis qui, sans leurs divisions, auraient eu beau jeu - Bulgares, Etats byzantins de Romanie supérieure, d'Epire, d' Anatolie, de Thrace - , disposant d'un nombre trop restreint de chevaliers, d'écuyers et de sergents, que secondaient de maigres éléments indigènes, peinant à garder les forteresses et à faire face aux assauts extérieurs, la domination latine a cessé en 1224 dans le royaume de Salonique, en 1261 dans l'Empire proprement dit. Le retour de Byzance effaça bientôt les traces de l'intermède dans la région du Bosphore et dans les Balkans 11 • 82. Le régime f éodo-vassalique n'a guère survécu à cette réinstallation. Tout au plus relève-t-on des hommages rendus à l'empereur par des dynastes locaux (ZAKYTHINos, c La société dans le despotat de Morée >, L'Hellénisme contemporain, novembre-décembre 1948, p. 505, et n° 952). Les institutions byzantines reprirent d'autant mieux leur place que les Coutumes franques n'avaient pas fait l'objet d'une rédaction analogue aux Assises d'Antioche, de Jérusalem ou de Romanie. Un siècle et demi plus tard, l'Empire byzantin tomba aux mains des Turcs sans avoir subi une dégradation comparable à celle des Carolingiens. Malgré de superficielles analogies qui ont fait croire à un c processus de f éodalisation > -- concessions de provinces contre le serment de fidélité, glissement de la pronoia vers l'hérédité - , son histoire ne nous appartient pas. C'est fâcheux.

J..A PROPAGATION DU RfGIME FfODAL

IV. -

359

LA FÉODALITÉ EN MOReE

Pour notre propos, la Morée est plus attirante que les territoires précédemment sillonnés 11• Venise n'occupa que des points d'appui au Sud de la Messénie. Les véritables conquérants furent le> Franc-Comtois Guillaume de Champlitte et le Champenois Geoffroy Ier de Villehardouin (fondateur d'une dynastie qui se maintint jusqu'en 1278). Les liens vassaliques ont eu un rôle dans les relations du prince de Morée avec l'empereur latin, le doge de Venise et des chefs locaux. Othon de la Roche, seigneur d'Athènes, prêta les serments à Geoffroy J•r pour des contrées de l'Argolide et du pays thébain. En 1236, le comte de Céphalonie mit ses mains dans celles de Geoffroy II. Un peu plus tard, Guillaume II de Villehardouin reçut l'hommage des barons qui tenaient des fractions de l' Attique, de la Grèce centrale, des Cyclades, des îles Ioniennes et de l'Eubée, déchirées par de tenaces convoitises. Surtout, la féodalité a pénétré en Morée. Un relief heurté, favorable aux unités locales, les dangers extérieurs, une conquête que des contingents fir('nt pour eux-mêmes avant de se rallier à un ordre respectueux de leurs privilèges l'Xpliquent ses particularités. Il y eut là, au début, des ressemblances avec l'Italie normande. Ensuite, aucun pouvoir comparable à celui des Guiscards ne domina une aristocratie dont l'allure évoque. à diversE's reprises, celle de Ja Terre sainte après 1150. Des documents qui remontent au premier quart du XIV• siècle brossent un tableau saisissant : la Chronique

83. Etudes de JACOBY, LOSGN0:-1, RECOl'RA, THIRIET, (Bibliogr .. n°s 922-923, 925-929, 942, 948-952).

ZAK\"THl~OS

TOPPISG

et

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SEIGNEUI\IE ET FÉODALITÉ

de Morée .. et les Assises de Romanie •. Ces dernières sont la rédaction, par un feudiste inconnu, des Coutumes orales nées au xnr siècle, puis sanctionnées par des jugements de la Haute Cour des barons. Comme les Assises de Jérusalem, dont elles ont subi l'influence -- du moins sous la forme où elles nous sont parvenues - , celles de Romanie tracent de la féodalité une image avantageuse, car leur rédaction date d'une époque où, face aux rois angevins, les porteparole de l'aristocratie voulaient affirmer ou étendre leurs droits"· Tentés par le péché d'anachronisme, des chercheurs se laissent prendre dans les filets où sont jadis tombés les historiens du royaume de Jérusalem.

* ** A coup sûr, les premiers princes tinrent compte des situations acquises. Prisonnier de l'empereur grec de 1259 à 1261, Guillaume II de Villehardouin répondit à ses revendications par une profession de foi qui, sous une forme enjolivée, marque la nature de ses relations avec les barons : « Ce pays dC' la Morée, Monseigneur, je ne le possède ni en héritage, ni en patrimoine. Je n'ai donc pas la faculté de le céder... Il a été conquis par ces nobles hommes qui vinrent de France en Romanie avec mon père, comme amis et compagnons... Ils se le sont partagé, la balance à la main. Chacun a obtenu suiYant son importance. Ensuite, ils 84. Nous en avons des versions en quatre langues (Cf. n" 925, Lo~GNON, Chronique de Morée). 85. Dans le présent paragraphe, les articles des Assises sont empruntés à l'édition de G. RECOURA (n° 942), dont nous avons revu la traduction française. Leur substance est entrée dans notre livre Il, chap. I et II. Sur les rites, art. 3 (reproduction des chap. 195 et 196 du Livre de Jean d'lBELIN, dans Recueil des historiens des Croisades, Lois, I, p. 313-316) ; art. 65 (hommage par procureur) ; art. 68 (ci-dessus, p. 244, n. 1). Sur l'investiture, art. 60, 61, 79, 82, 100, 120, 121, 209 ... Sur la réserve de fidélité, art. 63 et 99. Documents, n° 60. 86. Selon RECOVR.\ (n° 942, p. 23), les fragments des Assises de Jérusalem insérés dans les Assises· de Romanie seraient des interpolations tardives.

LA PHOPAGATIO:'li

nr

RÉGIME FÉOD.\L

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ont choisi mon père, comme l'homme le plus sage et le plus honoré, pour être leur chef à tous. Et ils ont établi des conventions écrites suivant lesquelJes il n'avait aucun pouvoir de juger seul ni de faire quoi que ce fût au monde sans le conseil et la volonté de ses compagnons 87 • > Entrons dans quelques détails. Après la conquête de la Morée, des commissaires latins, assistés de Grecs, enquêtèrent sur les revenus des terres à distribuer : biens d'Etat, biens des clercs et des couvents, biens des laies - les uns en fuite, ou c rebelles >, les autres si riches qu'ils furent partiellement expropriés. - Au cours des XIII• et XIV• siècles, le statut des terres supporta un fardeau qui changea avec leur nature, l'époque de leur attribution, l'origine et la qualité des personnes 88 • Les services des vassaux furent consignés dans un Registre des fiefs, plusieurs fois remis à jour. Finalement, il y eut douze grandes baronnies (y compris celle du prince), et de plus modestes formations du même genre. Il y eut des châtellenies groupant chacune plusieurs villages. Elles prirent pour point d'appui soit des Nauplie, Argos, forteresses antiques ou byzantines soit les châteaux construits par les l' Acrocorinthe Francs pour contrôler les routes du littoral, les bassins fertiles, les chemins de montagne : châteaux dont Mistra, bâti sur une crête entre un défilé profond et le bassin de l'Eurotas, porte témoignage 811 • A la base, les fiefs de chevalier furent moulés sur des seigneuries rurales ; on concéda des fiefs de sergenterie à de petits nobles ou à des roturiers servant à cheval 90 • A cette répartition des terres, qui laissa en dehors d'elle de nombreux alleux, répondirent, plus nettement accusés, un classement entre les hommes et un étagement des pou87. Chronique grecque de Morée, v. 4.271-4.286 (trad. LONG:'iON, n° 927, L'Empire latin de Constantinople, p. 196). 88. N° 922, JACOBY, Les archontes grecs et la féodalité, p. 451-459, 461-463. 89. N° 913, BoN, Forteresses médiévales de la Grèce centrale. 90. c Fief >, c feudataire >••• ont été généreusement étendus à des tenures roturières et à de simples tenanciers (n° 942, Assises de Romanie, art. 214 ... ).

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SEIGNEURIE ET FÉODALITf:

voirs donnés aux vassaux sur leurs biens en tant que seigneurs ruraux. Chefs des principales dominations, les grands vassaux du prince ont la justice de sang sur leurs dépendants et le droit de construire des forteresses 91 • Audessous d'eux, la force de l'aristocratie et de l'armée est représentée par des personnages qui c ont baronnie > dans la principauté, par les hommes liges et par ceux c d'hommage plane >. Seuls les premiers réunissent une cour, détiennent la basse justice sur leurs vassaux et leurs villains 92 • Les autres n'exercent guère que des droits fonciers, la police et le jugement des petites causes civiles 91'. Trois éléments s'ajoutent à cette structure sociale : le haut clergé, possesseur d'importantes seigneuries immunistes et entré dans la féodalité 94 ; les Ordres militaires, moins influents que dans le royaume de Jérusalem ; les archontes grecs - grands propriétaires ou anciens fonctionnaires 95 • - La plupart des archontes devaient l'hommage simple pour leurs terres, assimilées graduellement à des fiefs que le droit féodal se contenta d'effleurer lorsqu'ils étaient tenus c à la manière des Grecs >. Quelques-uns se pliaient à la ligesse pour leur personne, ou pour des fiefs liges tenus c à la manière des Francs " >. Peu nombreux, même dans les centres urbains, où l'immigration fut principalement italienne, et attirés par les campagnes plus que par les villes, alors que les Normands d'Italie et les Croisés de Terre sainte avaient marqué une préférence contraire, les Latins laissèrent aux paysans indigènes leurs coutumes et leurs genres de vie. Tout au plus observe-t-on une aggravation du statut des 91. Assises, art. 48, 94. 92. Assises, art. 72 (et Documents, n° '10, 6°). 93. Assises, art. 42. 94. L'archevêque de Patras, primat de Morée, fut à la tête d'une domination considérable, qui fournissait trente-deux chevaliers. 96. N° 922, JACOBY, Les archontes gr~cs et la féodalité, p. 466 et suiv. 96. Sur la distinction entre c hommes liges :, et « hommes d'hommage plane », art. 20, 23, 30, 31, 34, 49, 68, 72 ; - Documents. n° 60, 6°.

LA PROPAGATION DU RÉGIME FÉODAL

363

c villains >, moins assm·és que jadis de consen-er leurs terres"', assujettis à la poursuite, frappés d'incapacités partielles dans leur droit de se marier et de témoigner en justice", considérés comme des biens meubles• et glissant sur la pente qui menait au servage 100• Il n'y eut pas de

97. Assises de Romanie, art. 197 : c Le seigneur peut prendre tous les biens meubles de son villain et de sa villaine, s'il le veut, ainsi que sa stase, et les donner à un autre de ses villains, à cette réserve près qu'il doit lui laisser de quoi Yivre afin que le fief dont le villain fait partie ne soit pas abrégé. > - Si le villain... meurt sans héritier de son corps, le seigneur succède dans ses biens meubles et immeubles, même s'il a fait un testament sans l'autorisation de son seigneur > (art. 185). 98. a) Poursuite. - Art. 203 : c Quiconque a un villain où des villains qui ont décampé peut les reprendre en tout lieu oh il les trouvera dans la principauté d'Achaïe... après avoir requis le prince ou les barons qui ont juridiction en ce lieu, pourvu que ces villains confessent appartenir à celui qui les demande. > b) Mariage. - Art. 174 : c Aucun villain ne peut marier sa fille ni contracter lui-même mariage sans l'autorisation de son seigneur... Pour les fils illégitimes, le fruit suit le ventre... Pour les fils légitimes, le fruit suit la condition du père. > - Relevons une clause rigoureuse dans l'art. 78 : c: Si la feudataire libre a contracté mariage avec un villain, durant le mariage elle devient villaine du seigneur du villain et ne perçoit plus les fruits de son fief. Mais, après la mort de son mari, elle revient à sa liberté première et recouvre son fief ... Si ensuite cette femme contracte mariage avec un homme libre et si elle en a des fils, ces fils succèdent au fief. > - c SI une vlllaine contracte mariage avec un homme libre, même si le seigneur de la villaine s'y oppose, cette villaine devient libre > (art. 126). - Documents, n° 60, 10°. c) Justice. -- Art. 198 : c Un villain grec, dans une affaire criminelle où il y va de la tête ou de la mutilation d'un membre, ne peut être témoin contre un homme lige. > En revanche, le témoignage d'un villain quelconque est reçu c pour une portion de fief, c'est-à-dire pour une vigne, pour une terre ou pour un villain ... >, pour c les limites des champs, des terres, ou des forêts > (art. 175). Un villain est-il c lésé par son seigneur ? Il ne peut pas porter plainte au seigneur supérieur > (art. 186). 99. Art. 25, 107. 100. L'opposition entre c libre > et c villain > (art. 78, 174, 180...), ainsi que les affranchissements en sont la preuve. - Art. 25 : c Seul... le prince peut ... rendre libre son villain (puo far libero lo so villano), ou celui d'autrui avec le consentement du seigneur du villain. > - Art. 139 : c Si un feudataire franc a concédé la liberté à son vil1ain (se feudatario francho havera concedudo libertade a lo suo vil-

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

fusion des peuples malgré des mariages mixtes, des influences réciproques et la participation d'élites grecques à l'administration du pays 101 •

* ** La défense de la reg10n a exercé une hantise que soulignent les obligations militaires des subordonnés 101 et le régime des biens. Les combattants essentiels sont les hommes liges du prince, des barons, des liges eux-mêmes. C'est pour obtenir des terres ou des rentes qu'ils font l'hommage. Ce sont elles qui conditionnent leur aide 103• Tout en ménageant des prérogatives, pour leur soutenance, à la femme, aux cadets et aux filles du subordonné, des dispositions assurent au fils aîné la transmission du fief tenu « à la manière des Francs > et prévoient des substitutions, par ordre de primogéniture, en lignes masculine, féminine ou collatérale 104. Les articles concernant la garde des enfants mineurs et le mariage des veuves 106, les constitutions de douaire ou de dot, les aliénations et les taxes de mutation trahissent les mêmes préoccupations 108• Lui-même dépendant, au XIII• siècle, d'un empereur lano), et lui a ensuite octroyé une terre féodale [au sens, probablement, de tenure roturière], la donation est valable pour la vie de celui qui l'a concédée. > 101. Ni malgré des essais de rapprochement entre les archontes grecs et les vassaux francs (n° 922, ,JACOBY, Les archontes grecs, p. 463). 102. Ci-dessus, p. 339-340. - Sur les liges et les vassaux « d'hommage plane >, sur les laies et les clercs s'abattaient des charges inégales. Par contraste avec les devoirs militaires, l'aide pécuniaire -normalement réduite à deux cas : rançon du seigneur, mariage de sa fille atnée - et l'aide de cour étaient relativement bénignes. 103. Assises de Romanie, art. 3, 24, 65, 91, 136 (n° 92~, JACOBY, Les archontes grecs, p. 449-451). 104. Art. 32 (et Documents, n" 60, 11 °). -- Bien que les fiefs fussent presque tous héréditaires, on dépiste des tenures féodales temporaires (art. 134), ou viagères (art. 90, 98). 105. Ci-dessus, p. 226 et n. 30 ; p. 229, n. 39. 106. Sur les douaires et les dots, art. 35, 38, 45, 62, 76, 97, 98, 105, 112, 126, 134, 137, 141, 166... Sur les sous-inféodations et les aliénations, art. 10, 30, 46, 50, 72, 77, 102. 107, 128, et Documt'nts, n° 60, 6°, ton. - - Sur le relief, art. 34.

LA PROPAGATION DU RÉGIME FÉODAL

365

latin dont les exigences furent légères 101, le prince de Morée est le seigneur direct ou le suzerain de tous les hommes entrés en vassalité. Il bénéficie de leur aide 108 • Il dispose d'un important domaine, administré par des capitaines ou des châtelains et sillonné, depuis Geoffroy Il, par des enquêteurs - qui contrôlent aussi la gestion des vassaux. Il s'entoure de grands officiers, préside la cour des barons et celle des liges, dirige la politique, l'administration, l'armée. Lui seul peut autoriser la construction d'un château sur les terres qui ne relèvent pas des grands barons 109, c unir le fief situé dans une châtellenie à celui d'une autre châtellenie, augmenter ou diminuer les fiefs, quand ils sont dans sa main ..., concéder le fief pour un service inférieur à ce qu'il doit 110 >. La prestation de l'hommage et de la foi par ses barons, ses liges et ses « autres fieffés >, ou de la seule fidélité par les c autres sujets > viennent après son serment de respecter et de défendre les Coutumes du lieu 111 • Pour administrer, combattre, juger et punir, leur concours est indispensable. Bien que le tableau de bon gouvernement dévoilé par les sources soit théorique pour une part, la féodalité est marquée ici d'une pierre blanche.

* ** La belle époque de la Morée franque s'est terminée avec Guillaume Il, décédé en 1278 sans héritier mâle. Durant ses vingt dernières années, il avait dû faire face à la menace byzantine, abandonner des points d'appui en Laconie, reconnaître en 1261 la suzeraineté de Michel Paléologue. Afin 107. Sous la forme de secours en argent et de quelques contingents militaires. - D'après un article des Assises, qui fait allusion à une situation ancienne, le vassal a la faculté d'en appeler de la cour du prince k celle de l'empereur (art. 143, et Documents, n° 60, 12°). 108. Assises, art. 3, 15, 23, et Documents, n° 60, 1°). 109. Art. 94 (Documents, n° 60, 2°). 110. Art. 10. . 111. Art. 1 et 2 ; n° 925, Chronique de Morü, éd. LONGNON, p. 214 d n. 2 : p. :l37-338 : ci-dessus. p. 204. n. 183 ; Doruments, n° 60, 1°.

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

d'enrayer les progrès de Byzance, il s'était tourné vers Charles d'Anjou, qui lui succéda en vertu des conventions scellées à Viterbe en 1267 112• Le frère de Louis IX ne mit jamais les pieds dans la principauté, un baile étant chargé de l'administrer et de recevoir, sinon les hommages, du moins les serments de fidélité. Comme toute la Grèce, la Morée a été au XIVe siècle le jeu de compétitions dont les fils étaient tirés de l'extérieur. Terrain rêvé pour les champions de l'histoire événementielle, de c la turbulence et de l'anarchie > ! La lignée des Villehardouins, prolongée par les femmes sous la suzeraineté angevine, les aventuriers catalans, navarrais et italiens, le despotat byzantin, qui combattit les abus des seigneurs, « ces nouveaux pharaons, durs chefs de corvées 113 », se sont partagé le pays. Jusqu'au retour provisoire de Byzance, qui précéda de vingt ans la tragique domination ottomane, des liens de dépendance ont subsisté. Ils revêtirent un caractère plus terrien que militaire, car des services furent remplacés par un impôt foncier 11' .

* ** Traités de bâtards par les austères parrains de l'historiographie féodale, les régimes implantés dans les pays méditerranéens ne sont pas un simple décalque des subordinations occidentales. Juxtaposés aux milieux indigènes et débarrassés des obstacles qui, chez nous, avaient entravé les dépendances, conférant un caractère de classe à l'aristocratie guerrière et organisant avec vigueur le droit privé 112. J. LoNGNO~, « Le rattachement de la Morée au royaume de Sicile en 1267 O. des S., 1942). 113. Poème écrit vers 1388 et cité par LOENERTZ, « Pour l'histoire du Péloponnèse au XIVe siècle >, dans Etudes byzantines, 1, 1943, p. 159161). 114. Des termes du vocabulaire « occidental > et de grands domaines immunistes se sont maintenus après la reconquête byzantine (ZAKYTHisos, dans L'Hellénisme contemporain, 1951, fasc. 1, p. 14 et suiv. ; et n° !J52). L'auteur emploie le mot féodal « dans une acception impropre, mais commode >, pour désigner le régime rle la grande propriété.

LA PROPAGATION DU RÉGIME FÉODAL

367

du fief, ils ont pris des formes sytématiques auxquelles ne parvinrent jamais les pays de féodalité spontanée. Un idéal revit ici en plein XIll8 siècle. Les pessimistes l'appellent c archaïsme >. Nous apprécions au contraire sa fraîcheur. Il fut l'expression d'une mentalité vassalique librement épanouie chez des hommes incultes, appelés à vivre dangereusement et portant beau au combat. Là réside le puissant intérêt de ces féodalités triomphantes.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Des Empires antiques, des nations modernes, l'Eglise catholique ont vu dans l'Etat centralisé la forme la plus haute du commandement et de l'exploitation des hommes. A leurs yeux, le reste est « anarchie ». Plutôt que de ne rien faire, pourtant, mieux valait se hisser à la tête de groupes minuscules et les diriger à partir d'un centre qui changeait constamment - ce nomadisme procurant d'ailleurs une sécurité. --- Les liens de dépendance furent un gouvernement, une réponse originale aux problèmes des rapports humains, un essai pour substituer des relations privées à la puissance publique écroulée. Du Xe au XIIIe siècle, leurs institutions spécifiques connurent une prodigieuse flambée, mais ne furent soutenues, durant longtemps, par aucune théorie générale. Au prix d'un effort tranquille, accompagné de violences et d'insécurité - ce nœud de vipères - ils donnèrent des structures essentielles à l'Occident et à l'Orient latin, s'intégrèrent à des milieux encombrés d' « étrangetés » qui réagirent sur eux et les contraignirent à s'adapter. Leur survie fut à ce prix. Bien que la seigneurie et le fief ne soient pas les seuls éléments qui entrent dans le poids social des puissants, le sujet pénètre au cœur d'affaires économiques et politiques inséparables : accès à la richesse foncière et aux offices, transmission des fortunes et des fonctions ... Sujet complexe en raison de la variété des usages, des décalages chronologiques, des oppositions locales, des contrastes entre

CO~CLUSJON GÉNÉHALE

la France, l'Empire, la Péninsule ibérique et cette Angleterre où, imposée par des adversaires installés, la féodalité s'essouffla vite au niveau de l'Etat. Quitte à $acrifier des nuances et des contradictions, il importe de dominer les tons discordants, de maîtriser les questions, d'en saisir l'esprit et les caractères communs. L'historien qui s'y cramponne ne s'installe pas dans un lit de roses ! On généralise aisément des observations régionales. Or, des régions s'opposent. A côté d'un exemple c caractéristique > on peut toujours mettre en évidence un exemple contraire, également convaincant. Des remarques cueillies en divers temps et en divers lieux valent pour quelques cas. Mais les cas réunis ne forment pas un ensemble. Seule, néanmoins, l'étude des diversités locales permet de cerner les réalités et de sortir des chemins inlassablement parcourus. Des sources ont un caractère systématique : c'est entendu. En outre, l'imprécision du vocabulaire, la séparation entre le langage courant et les termes techniques ou savants demeurent une plaie des études médiévales, une rançon de notre métier. Elles sont aussi un guide. Le sort des mots vivants n'est-il pas de changer de sens et de contenu ? Sous le manteau des cendres remuées ou des noms conservés, sociétés et institutions se sont transformées. L'harmonie est loin de régner dans le camp des prospecteurs, perdus au cœur d'une épaisse forêt et à la recherche du fil d'Ariane qui les mènera vers la lumière. On fait volontiers appel au hon sens. Comme si le bon sens était une loi de l'histoire, -- - et des historiens ! Aujourd'hui plus que jamais, une attention soutenue est requise par certains traits. Des seigneurs cèdent à la fois des serfs et des vassaux, invités pour conserver leurs biens à s'incliner devant de nouveaux maîtres. Là où les fiefs sont héréditaires, des supérieurs, des subordonnés ne se choisissent plus. Des usages veulent prolonger des maisons nobiliaires, tandis que le destin des tenures féodales les intéresse assez peu ; du jour où elles ne furent plus la base des services, leur indivisibilité cessa d'apparaître comme une loi. On distingue entre le roi, les tenants-en-chef et les simples vassaux. On insiste sur les écarts sociaux. Des

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SEIG~EURIE ET FÉODALITÉ

personnages ayant commis le même délit sont jugés différemment en fonction de leur état. On met en valeur les contrastes locaux, les régions féodalisées et celles qui ont ignoré le fief. On donne relief aux âges féodaux, comme à l'expression c fief et hommage > - l'ordre ainsi disposé traduisant l'importance des liens réels, et les services étant dus par des tènements plus que par des individus qui, de la sorte, peuvent disposer de leurs terres avec une relative aisance. - Nous ne croyons plus autant que jadis à la fameuse c pyramide >, tant il est vrai que la hiérarchie sociale fut bousculée par des enchevêtrements dus aux hommages multiples, aux sous-inféodations, à la nature des fortunes. Des puissants prêtent les serments vassaliques à de modestes individus qui leur ont concédé des fiefs. L'étude des familles est pleine de mariages précaires, de minorités, de détresses dynastiques ou, inversement, de personnes enrichies par des biens royaux et accédant à des titres prestigieux avant de glisser sur la pente au XIII• siècle. On scrute les origines des ducs ou des comtes, recrutés dans un petit nombre de lignages, et les difficultés que plusieurs éprouvent à conserver leur rang. On enquête sur les châtelains : descendants de grands propriétaires carolingiens, que la construction d'une forteresse pourvoit d'une puissance accrue ; personnages investis du droit de bâtir un château et d'administrer des villages dépendants ; ou, plus bêtement, usurpateurs. Partout, il y a parmi les vassaux des c casés > et des c nourris >, des c riches > et des « pauvres > 1, des c vieux > et des c jeunes>'. Membres d'une société militaire où les hommes c peu instruits > pullulent•, des dépendants s'acharnent à défendre la terre des aïeux, ou sont tentés par de lointaines aventures. La féodalité a pris dans ses rets des couches sociales essentielles, accepté des femmes et des mineurs, puis, en s'étendant, couru le risque de se déformer, de s'empêtrer 1. N° 649, FASOLI, La feudalitù siciliana, p. 64. 2. N° 641, DuBY, Les c jeunes > dans la soci,té aristocratique. 3. N° 942, Assises de Romanie, art. 145.

CONCLUSION GÉNÉRALE

371

dans des cas d'espèce. Nous la retrouvons dans les poèmes épiques et les œuvres des jurisconsultes, dans les sculptures et les vitraux qui représentent les rites vas~aliques, l'investiture, l'équipement du combattant, la forteresse ... Elle est une structure juridique, une mentalité, un type de civilisation. Vassalité et lignage, qui procurent des témoins, des garants, des otages, qui repoussent ou entretiennent des guerres privées ; féodalité et villes ; féodalité et œuvres littéraires ou artistiques : ces thèmes attendent des auteurs appliqués non pas à glaner des épis, mais à nouer les gerbes et à rentrer les moissons. Après 1250 surtout, des rois, des chefs territoriaux, des seigneurs ordinaires font appel à des procureurs pour recevoir à leur place les hommages de modestes subordonnés 4 • Ce relâchement n'est pas le glas de la féodalité. C'est la sonnette d'alarme.

4. Cf. notre t. I. p. 3iO-:i71 art. 65.

(1:lHl1 ;

n" !t42, :1.ssises de Romanie,

DOCUMENTS 1

1. Faute de place, et à vif regret, il a fallu renoncer à la publication des textes latins. - Dans la traduction, on s'est efforcé de suivre le libellé des sources tout en se débarrassant, au besoin, des surcharges qui alourdissent plus qu'elles n'éclairent Oedit, le susdit, et, mais ...). Je dois des remerciements particuliers à MM. Dollinger, Fossier, Guenée, Mollat et surtout Schneider, qui m'ont transmis des documents, comme à Mlle A. M. Kœnig, dont l'aide me fut précieuse pour la traduction de certains textes snr la féodalitci.

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Extraits de Philippe de BEAUMANOIR, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. SALMON. Paris, 1899-1900, 2 vol. A) LES CLASSES SOCIALES

N° 1. Les trois classes (art. 1451). L'en doit savoir que .III. estat sont entre les gens du siecle. Li uns des estas si est de gentillece. Li secons si est de ceus qui sont franc naturelement, si comme cil qui sont né de franches meres, et ceste franchise ont tuit cil qui pueent et doivent par droit estre apelé gentil homme. Mes tuit li franc ne sont pas gentil homme ; ainçois a grant disference entre les gentius hommes et les autres frans hommes de poosté, car l'en apele gentius hommes ceus qui sont estret de franche lignie, si comme de rois, de dus, de contes ou de chevaliers ; et ceste gentillece si est tous jours raportee de par les peres, et non de par les meres ; et il apert, car nus, combien qu'il soit gentius bons de par la mere, s'il n'est gentius bons de par le pere, ne puet estre chevaliers se li rois ne li fet especial grace. Mes autrement est de la franchise des hommes de poosté, car ce qu'il ont de franchise vient de par leur meres, - et quiconques nest de franche mere, il est frans, - et ont franche poosté ~ fere ce qui leur plest, exceptés les vilains cas et les mesfès qui sont defendu entre les crestiens pour le commun pourfit. N° 2. L'hérédité servile (art. 1434). Voirs est que servitude vient de par les meres, car tuit li enfant que cele porte qui est serve, sont serf, tout soit il

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ainsi que li peres soit frans hons. Neis se li peres estoit chevaliers et il espousoit une serve, si seroient tuit li enfant serf qu'il avroit de li. Et seroient li enfant debouté de gentillece a ce qu'il ne pourroient estre chevalier, car il ne loit pas que sers soit chevaliers, tout soit il ainsi que la gentillece par laquele l'en puist estre chevaliers doie venir de par le pere; car c'est coustume ou roiaume de France que cil qui sont gentil homme de par le pere, tout soit leur mere vilaine, pueent estre chevalier, ce excepté qu'ele ne soit serve, car adonc ne le pourroient il estre ... Quant la mere est gentius fame et li peres ne l'est pas, li enfant ne pueent estre chevalier ; ne pourquant li enfant ne perdent pas l'estat de gentillece du tout, ainçois sont demené comme gentil homme du f et de leur cors et pueent bien tenir fief, laquele chose li vilain ne pueent pas tenir. Et en ce cas puet on veoir qu'entiere gentillece vient de par les peres tant seulement, et la servitude vient de par les meres qui sont serves. Et encore apert il pour ce que, quant il avient qu'uns bons est sers et il prent une fame franche, tuit li enfant sont franc. N° 3. Preuve du servage par témoins (art. 1431). Li sers qui se desaveue doit estre poursuis de son droit seigneur par s'orine en la court de celi dessous qui il est couchans et levans s'il se f et frans, ou en la court du seigneur au quel il se connoist hons de cots. Ne contre la prueve de s'orine il ne puet riens dire quant l'en la prueve par son lignage meismes. Mes se li sires qui le veut ateindre veut prouver l'orine par autres tesmoins que par son lignage, il puet dire contre les temoins s'il a resons par lesqueles il les puist et doie debouter, ou par voie de gages. B) LE SOUVERAIN

N° 4. Art. 1043. Pour ce que nous parlons en cest livre en pluseurs lieus du souverain et de ce qu'il puet et doit fere, li aucun pourroient entendre, pour ce que nous ne nommons conte ne duc, que ce fust du roi ; mes en tous les liens la ou li rois

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n'est pas nommés, nous entendons de ceus qui tiennent en baronie, car chascuns barons est souverains en sa baronie. Voirs est que li rois est souverains par dessus tous et a de son droit la general garde de tout son roiaume, par quoi il puet fere teus establissemens comme il li plest pour le commun pourfit, et ce qu'il establist doit estre tenu. Et si n'i a nul si grant dessous li qui ne puist estre tres en sa court pour defaute de droit ou pour faus jugement et pour tous les cas qui touchent le roi. Et pour ce qu'il est souverains par desseur tous, nous le nommons quant nous parlons d'aucune souveraineté qui a li apartient. C) LES JUSTICES

N ° 5. Art. 1642. L'en doit savoir que tuit cas de crime quel qu'il soient dont l'en puet et doit perdre vie qui en est atains et condamnés apartienent a haute justice, excepté le larron ; car tout soit il ainsi que li lerres pour son larrecin perde la vie, nepourquant larrecins n'est pas cas de haute justice. Mes tuit autre cas vilain le sont, si comme murtre, traisons, homicide, et esforcement de fame, essilleur de biens par feu ou par cstreper les par nuit, et tuit li cas qui chieent en gage de bataille, et faus monnoier et tuit li consentant et tuit li pourchaçant : et tuit tel f et ce sont cas de haute justice. Donc quant aucuns teus cas avient, la connoissance et la justice doit es tre a celi qui la haute justice doit estre ; et la connoissance des larrecins. et de tous autres mesfès es queus il n'a nul peril de perdre vie demeure a celi a qui la basse justice apartient... N° 6. Art. 1792.

Li aucun seigneur ne sont pas bien aaisié de fere jugemens en leur cours pour ce qu'il n'ont nul homme de fief, ou pour ce qu'il en ont trop petit. Nepourquant pour ce ne doivent il pas perdre leur justice... Car il pueent requerre a leur seigneur qu'il leur preste de ses hommes a leur cous

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pour ans conseillier a fere cel jugement, et ses sires le doit fere, et adonques il meismes puet rendre jugement en sa court en la presence des hommes que ses sires li a prestés. N° 7. Art. 1793. Quant aucuns povres sires est qui n'a pas hommes qui puissent fere jugement en sa court et qu'il n'emprunte nul de ses pers ou pour sa povreté, ou pour sa perece, ou pour ce que ses sires ne l'en veut nul prester, tout soit ce qu'il ne li doie pas refuser, il ne puet pas fere jugement en par soi, et pour ce en tel cas doivent aler li plet par devant l'avant seigneur liqueus a hommes pour fere jugemens, car nus n'est tenus a pledier en court la ou jugemens ne se puet fere de la querele de quoi l'en plede.

II

Les seigneuries rurales

N° 8. Contrat de défrichement (Cartulaire de Corbie, Biblioth. Nat., latin 17.758, f 129 : entre 1185 et 1188) . 0

... « Une querelle avait éclaté entre [l'abbaye de Corbie] et le seigneur Simon d' Ailly au sujet du bois de Coulemmelle ... [D'où une « composition » ] • Simon aura la moitié du bois de Coulemmelle en droit héréditaire, à condition que, dans l'espace de sept ans, il la défriche à ses frais et qu'il en fasse une terre arable. S'il arrive que le pays environnant souffre des guerres, il a été décidé que, aussi longtemps que la guerre empêchera ce défrichement, la durée de sept ans sera accrue autant qu'il sera nécessaire. Sur toute cette terre, ... l'église du bienheureux Pierre de Corbie aura toute la dî'me. En ce qui concerne le fonds de la même terre, le seigneur Simon, tant qu'il vivra, et, après lui, chaque seigneur d' Ailly, sera l'homme de l'abbé et de l'église de Corbie, de sorte que pour cette terre il fera complètement, comme un homme franc, l'ost et le senice à l'église. Et parce qm\

DOCUMENTS avant cette composition, le seigneur d'Ailly était l'homme du seigneur de Breteuil, qui avait l'avouerie de ce bois, il a été accordé que son hommage restera tel qu'il fut auparavant. La moitié de ce bois ayant donc été concédée au seigneur Simon, ... l'autre moitié restera, en paix, à l'abbaye de Corbie, si bien qu'elle pourra en faire ce qu'elle voudra... Si elle ne veut pas garder ce bois pour elle-même, mais le donner à défricher, elle ne pourra le faire qu'à des hommes qui relèvent du c pouvoir > de l'avouerie. Sur ce bois, Omond de Sains et ses copartageants réclamaient leurs usages pour construire et brûler, et tout le mort bois. Ils ont abandonné tout cela pacifiquement à condition d'avoir dans le même bois soixante journaux (trente de l'église, et trente de Simon), qu'Omond tiendra en hommage ... de l'église de Corbie ... Les hommes de Coulemmelle, qui réclamaient leur usage dans le même bois, y auront vingt journaux (dix de l'église et dix du seigneur Simon). Le seigneur Simon a donné à Omond de Sains l'avouerie d'un seul courtil... Si Omond ou ses copartageants font de ce bois une terre arable, l'église du bienheureux Pierre de Corbie y aura partout la dîme... Raoul, comte de Clermont, qui était alors seigneur de Breteuil, a concédé aussi cela et l'a renforcé ... de son sceau. N° 9. Création d'un village en Ile-de-France (2e quart du XII• siècle) (SUGER, De administratione sua, éd. LECOY DE LA MARCHE, S.H.F., Paris, 1867, p. 164). Nous avons fondé un village à Vaucresson ; nous y avons construit une église et une maison, et nous y avons fait ouvrir par la charrue la terre inculte. Ceux qui feront l'effort de l'édifier sauront bien ce qu'il peut coftter, puisqu'il y a déjà presque soixante hôtes et que beaucoup veulent encore venir, si seulement quelqu'un y pourvoit. Ce lieu était comme une caverne de voleurs, désert sur plus de deux milles, sans utilité aucune pour notre église, repaire de brigands et de vagabonds à cause de la proximité des bois. Pour cette raison, nous avons décidé que nos frères y serviraient Dieu afin que, dans les tanières où d'abord habitaient les dragons, croisse la verdure du roseau et du jonc.

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SEIGNEURIE ET .FÉODAUTÉ

N° 10. Seigneurie et village au sein d'un défrichement (Gourchelles, en Haute-Normandie, Seine-Maritime, canton d?Aumale) (septembre 1202) (Vidimus de 1409, publié par L. DELISLE, Etudes sur la condition de la classe agricole et l'état de l'agriculture en Normandie au Jloyen Age. Evreux, 1851, p. 652-655). Qu'il soit connu de tous, présents et à venir, que moi, Gila, et moi Marsilia de Gourchelles, avons donné et concédé à perpétuité le village de Gourchelles à la sainte maison de !'Hôpital de Jérusalem, à savoir la section du village depuis le jardin d'Armand de Copigny jusqu'à la terre du Val de la Haie, de chaque côté de la voie. Nous avons concédé semblablement, et sans participation d'autrui, en perpétuelle aumône, l'église et la moitié de la dîme du même village aux seigneurs Hospitaliers, qui y placeront le desservant. Et cela, Hugues de Caigny, dans le fief duquel le village est situé, l'a concédé aussi. Et pour cette concession, le même Hugues a reçu, à titre de charité, de la maison de !'Hôpital, 60 sous, un cheval et deux vaches. Nous avons concédé la terre pour y établir cinquante hôtes, et à chacun des cinquante hôtes nous avons donné huit journaux de terre, en même temps qu'un jardin et une masure. Le maître de !'Hôpital et moi, Gila, et moi, Marsilia, avons établi les Coutumes de ce village. En outre, il a été décidé que moi, Gila, et moi, Marsilia, donnerions à chaque masure 80 pieds de terre en longueur et autant en largeur. Pour ces 80 pieds de terre, chaque hôte payera à !'Hôpital 12 deniers beauvaisis à la fête de Saint Rémi, deux pains, deux chapons et deux mines d'avoine à la Noël, sans participation d'autrui. Et pour le jardin arable, chacun des hôtes payera au seigneur de semblables redevances. Moi, Gila, et moi, Marsilia, avons concédé à la communauté de ce village le bois du Faiel et le bois Hugon. Et si quelqu'un des hôtes susdits est trouvé dans le bois en défens du seigneur, pour quelque délit qu'il commette il ne payera pas plus de 12 deniers heauYaisis d'amende ...

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ast

Moi, Gila, et moi, Marsilia, avons donné ce village à !'Hôpital à la condition que chaque hôte, l'année où les huit journaux de terre seront pleins, paye au seigneur si~ gerbes du blé qu'il y aura sur cette terre ... Pour un délit commis dans le village ou au-dehors, le seigneur ne peut mettre la main sur le cheptel d'un homme

dite c terre neuve >, avec tous les atterrissements qui pourront s'y ajouter ... ... Le cens de cette terre ne pourra être connu très exactement que par inventaires, car elle peut diminuer en raison d'une invasion marine, ou croître par alluvionnement. A chaque fois qu'un accroissement aura été réalisé, la terre ainsi conquise sera offerte aux hôtes... à charge pour eux de la borner et d'y faire des fossés. S'ils la refusent, rabbesse pourra faire creuser à ses frais des fossés tout autour, et retenir la terre pour son propre usage ... ... Tous les fossés sont à l'abbesse ... Nul hôte ne peut y faire paître son bétail ou y labourer sans commettre un délit, ni bêcher, sauf à l'époque de la moisson ... et à condition que le fossé soit refait entièrement avant la Saint-Rémi. Quiconque négligera cette prescription encourra une amende de 3 livres ... S'il se produit une invasion marine, ... l'abbesse devra faire pour ses hôtes tout ce que le comte fera pour les siens. Mais si la mer fait irruption par négligence des hôtes. ils devront réparer les dégâts à leurs frais. Le payement du cens de cette terre est effectué en trois fois : le premier tiers à la Saint-Bavon, le deuxième à la Purification de la Vierge. le troisième et dernier à la SaintGeorges ... Fait en l'an du Seigneur 1254. N° 13. Peuplement de la Wagrie et fondation de Lübeck (vers 1143-1159) (selon HELMOLD VON BOSAU, « Chronica Slavorum >, dans Ausgewühlte Q11ellen zur deutschen Ges-

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chichte des Mittelalters, éd. R. 212. Berlin, 1963) 1 •

BUCHNER,

vol. XIX, p. 210-

Adolphe [comte de Holstein] commença à rebâtir le château de Segeberg et l'entoura d'un mur. Comme le pays était désert, il envoya des messagers dans toutes les régions, à savoir la Flandre et la Hollande, Utrecht, la Westphalie, la Frise, afin que tous ceux qui avaient trop peu de terres vinssent, avec leurs familles, recevoir une terre très bonne, une terre vaste, riche en récoltes, regorgeant de poisson et de viande, ainsi que des pâturages avantageux ... A cet appel surgit une foule innombrable issue de peuples divers. [Ces gens J, après avoir rassemblé leurs familles et leurs biens, arrivèrent dans le pays des Wagriens' auprès du comte Adolphe pour entrer en possession de la terre qu'il leur avait promise ... Après cela, le comte Adolphe parvint au lieu dit Bucu. Il y trouva l'enceinte d'une ville abandonnée qu'avait édifiée Cruto, l'ennemi de Dieu, et une île très vaste entourée de deux fleuves. En effet, d'une part coule la Trave, de l'autre la Wakenitz, qui ont toutes deux des rives marécageuses et d'accès malaisé. Mais du côté où arrive la voie de terre, se trouve une colline assez étroite, placée en avant du rempart du château. Voyant donc, en homme avisé, les avantages du site et l'excellence du port, il commença à y élever une ville qu'il appela Lübeck, parce qu'elle n'était pas éloignée de l'ancien port, ni de la ville que le prince Henri avait fondée autrefois. Il envoya des messagers à Niclot, prince des Obotrites, pour conclure avec lui un traité d'amitié ; tous les nobles furent gagnés par des présents au point qu'ils rivalisèrent pour lui prêter fidélité et pour pacifier sa terre et la mettre en culture. Les terres désertes de la province de \Vagrie commencèrent donc à être peuplées ; et le nombre des habitants de cette dernière s'accroissait.

1. tTne traduction du texte a été donnée, d'après l'édition B. par Ph. DoLLINGER, La Hanse (Paris. 1964, p. 465-466). 2. Au nord de Lübeck.

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ScHMEID·

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N° 14. Les défricheurs dans la région de la Bode (évêché de Halberstadt) (Germanenrechte Neue Folge : Deutsches Bauerntum, 1, Mittelalter, éd. G. FRANZ, Weimar, 1940, n° 58, années 1180-1184). L'évêque de Halberstadt, Thierry. définit les droits des défricheurs dans les marais entre l'Oker et la Bode. Thierry, par la faveur de la clémence divine évêque de l'église de Halberstadt. - Il appartient à la dignité pontificale de transmettre par l'écrit à la connaissance de la postérité tout ce qui est utile et nécessaire au diocèse et à la province pour que cela ne tombe pas en oubli dans la suite des temps, pour que chacun conserve son droit inviolablement et soit protégé à l'avenir contre toute violence et toute injustice. Qu'il soit donc notifié aussi bien pour les temps présents que futurs : 1 ° Que les gens qui habitent le marais situé entre l'Oker et la Bode posséderont dans chaque manse quatorze arpents hollandais. Chacun paiera au commencement de son établissement un quart de marc d'argent chaque année en témoignage et la dîme de sa moisson. Après la quatrième année, chaque manse paiera annuellement 4 sous de cens à la fête du bienheureux Martin et la dîme comme ci-dessus. A chaque village appartiendront cinquante manses qui paieront le cens et la dîme à l'évêque. De plus, l'église aura un manse et le « maître du village > un manse. 2° Quiconque voudra s'établir dans le marais aura liberté de venir et de s'en aller. Il aura la paix pour les biens et les personnes. Il aura part au communal des forêts et aux pâturages, comme les autres hommes de l'évêque. 3° De même, quel que soit le seigneur auquel ils seront soumis, les habitants du marais jouiront de la paix de l'évêque, et, après avoir acquitté leurs obligations à leur seigneur,· ils seront exempts de toute contrainte et sous la protection de l'évêque. 4 ° Ils auront trois plaids par an, auxquels as~istera le représentant de l'évêque. Les deux tiers des produits de justice seront remis à l'éYêque, le tiers au maître du village. 13

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Celui-ci les administrera selon le conseil du représentant de l'évêque ; et il n'acceptera ou ne remettra rien sans son consentement. 5° En ce qui concerne le vol et les autres forfaits, le mattre du village les jugera selon leur justice, avec l'acquiescement du représentant de l'évêque. 6° Si quelqu'un meurt sans héritier, son héritage sera réservé pendant un an et un jour ; et si aucun héritier ne se manifeste, les deux tiers seront à l'évêque et le tiers à l'église. Pour que cette concession de notre autorité reste constante et inviolable, nous avons ordonné d'écrire la présente charte et de la revêtir de notre sceau. De cet acte sont témoins : Conrad, le grand doyen; semblablement les chanoines de la même église ; ... des barons ; ... des châtelains ; ... des ministériaux... N° 15. Droits des sujets des domaines de l'abbaye de Corvez, en Saxe (Germanenrechte Neue Folge : Deutsches Bauerntum, 1, Mittelalter, éd. G. FRANZ, Weimar, 1940, n° 68, année 1226). A tous les fidèles du Christ, ... nous, Hermann, abbé, le prieur, le prévôt et tout le couvent de l'église de Corvez, salut. Sachez que par droit ancien et coutume approuvée, ceci, concernant nos scultètes et ceux appartenant à leurs « villications >, à savoir les lites qu'on appelle vulgairement « hoflinge >, doit être observé rigoureusement. Les scultètes, quels qu'ils soient, seront tenus de payer fidèlement... leur imposition traditionnelle. De plus, ces lites nous sont redevables, ainsi qu'aux scultètes, au titre des champs qu'ils cultivent, des prestations convenables et traditionnelles, de telle façon qu'ils ne soient pas écrasés par l'excès de leurs charges, mais qu'ils soient astreints à nous servir, nous avec notre f amilia, quand nous viendrons chez eux une première fois en été et une seconde fois en hiver, à nous recevoir et à nous entretenir. Afin que les scultètes soient mieux en mesure de payer leur imposition, ils pourront exiger des lites les services de leurs chariots et de leurs charrues, mais

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avec modération. Jamais ils ne pourront les vendre ou les arracher à nous et à notre église, ni abuser à leur guise de leurs services, ni les considérer arbitrairement, en aucune façon, comme leurs hommes propres. En témoignage de la valeur perpétuelle de cet acte, et pour le garantir, nous avons fait écrire le présent instrument et nous avons ordonné... qu'il soit renforcé par notre sceau. Donné l'an 1225, le jour du martyr Valentin. N° 16. Le duc de Silésie, Conrad Il, remet le village de Zedlitz au scultète Berthold (Ibid., n ° 75 : 1258). ... Nous, Conrad, par la grâce de Dieu duc de Silésie, avons donné à notre scultète Berthold notre village appelé Zedlitz à charge pour lui de l'adjuger selon le droit allemand. Pour cette adjudication, nous lui avons donné en droit héréditaire, à lui et à ses successeurs, la libre possession du septième manse, avec le moulin et la taverne ... Nous voulons qu'il concède les champs et les landes selon le droit flamand, les bois de chêne et les forêts selon le droit franconien. Nous accordons franchise aux manses flamands pour cinq ans à dater de la Saint-Martin prochaine. Après quoi, chaque manse nous payera annuellement un quart de marc d'argent et trois mesures de blé. Aux manses franooniens, nous accordons franchise pour dix ans depuis la fête susdite. A l'expiration, chaque manse nous versera annuellement un demi-marc d'argent et du blé comme cidessus, à savoir une mesure de froment, une de seigle et une d'avoine. Si les habitants du village construisent une chapelle, nous concédons deux. manses à celle-ci... Fait à Glogau, le jour de la Saint-Clément, l'an du Seigneur 1258... N° 17. Seigneurs et paysans anglo-normands aux XIIe et XIII' siècles. a) Charte de Hugues de Druval confirmant les donations dé son frère Thomas à l'abbaye du Bec et donnant lui-même

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SEIGN.t::U RIE .t::T FÉODALITÉ

l'église de Druval, ainsi que des terres et des rentes (vers 1150-1170) (Select Documents of the English lands of the abbey of Bec, éd. CHIBNALL, Londres, 1951). Moi, Hugues de Druval, je concède et confirme à Dieu et à Sainte-Marie du Bec, en libre et perpétuelle aumône, tout ce que Thomas de Druval, mon frère, a donné au monastère du Bec en Angleterre et en Normandie, à savoir un moulin et... une wrgée de terre que tient Guillaume, chevalier ... Je concède aussi l'église de Druval, la dîme avec le patronat, et 40 sous annuels sur mon moulin de Druval. A l'office de camérier, je donne tout mon pré et, dans le village de Druval un Yavasseur avec son tènement, ainsi que les hommes qui demeurent sur ce tènement, libres et quittes de toutes coutumes et de tous services attachés à ce tènement (réserve faite du service de Richard de Belfou, mon seigneur) ... Je concède et confirme tout cela pour le salut de mon âme et pour celui des àmes de mon père, de ma mère, de ma femme, de mon frère ... b) Redevances et services des tenanciers de plusieurs manoirs anglais au XIII• siècle (Select Documents of the English lands of the abbey of Bec, éd. CHIBNALL, Londres, 1951). Ogbourne St George. 1. Jean Butery tient une vergée de terre pour laquelle il doit, chaque année, 15 deniers ... Chaque semaine durant trois jours, il doit battre une mesure de blé, ... ou faire un autre travail à la volonté du seigneur. Chaque année, en hiver, toutes les fois qu'il y sera appelé, il doit labourer un honnier et le passer à la herse - le seigneur le nourrira ... A la fête de la Saint Martin, il doit labourer trois acres. Et s'tl arrive qu'un seigneur aille au Bec par ce manoir et soit dépounu de monture on d'écuyer, il doit aller à cheval aYec lui pendant un jour, à savoir pendant trente lieues ... De même, il doit laver les brebis, faucher le pré du seigneur, ... enlever les foins d les charroyer ... Et, pendant toute la semaine de fauchaison, il doit être exempté des autres travaux ... Pendant tout l'automne à partir du jour de la Saint-Pierre-aux-Liens, il doit, de façon continue et quo-

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tidiennement, mesurer la production d'une demi-acre, ou accomplir d'autres travaux équivalents ... Il ne peut marier sa fille ou sa petite-fille sans l'autorisation du seigneur, ni vendre, sans sa permission, un cheval mâle ou un bœuf de son propre élevage... Il doit aller au moulin du seigneur ... Tous les possesseurs de vergée, dans leurs travaux et coutumes, sont égaux et de même condition. Après la mort [du tenancier], le seigneur doit percevoir la meilleure bête. Et s'il est mort ab intestat, tout son cheptel restera à la disposition du seigneur. 2. Geoffroi de Wika tient une vergée de terre pour laquelle il doit garder sous son toit, et hors du loup et du voleur, quarante bœufs, les conduire à la charrue, les ramener, les préserver de tout dommage ... Cottisford. a) Robert de Crculton Lienl une vergée que, autour de ladite île et des autres iles jusqu'aux limites de l'alleu susdit, ... personne n'ose pêcher sans l'autorisation, fournie de plein gré, des frères du même lieu. J'ai donc remis tout ce qui est rappelé ci-dessus ... dans la main du seigneur Arnold, abbé d'Eberbach,... ensuite au seigneur Francon, premier père de la même abbaye, enfin au seigneur Garnier, abbé de Clairvaux ... Fait l'an de l'Incarnation du Seigneur 1185.

N" 22. La ministérialité. - Charte du comte de Champœgne 0199) (Layettes du Trésor des Chartes, éd. A. TEULET, n ° 511. Paris, 1863). Moi, Thibaud, comte palatin de Troyes, je fais savoir à tous, présents et futurs, que Pierre de Fontete, Thibaud d' Aisenville et Agan son frère,.. ont déclaré sous serment que c'est moi qui dois instituer le prévôt de La Ferté. Le Yicomte ne doit ni ne peut s'y opposer. Le préYôt étahli !I. Huikhoven, dans le Limbourg.

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doit se présenter au vicomte et se dire mon prévôt et celui du vicomte. Le vicomte doit avoir 5 sous du prévôt, s'il Je veut, pour reconnaissance de ce qu'il est son prévôt comme le mien. Le prévôt doit instituer des maires dans la vicomté à sa volonté, sans mon commandement ni CP-lui du vicomte. Le vicomte doit recevoir l'hospitalité dans les maisons des maires toutes les fois qu'il le voudra ; les maires doivent pourvoir aux dépenses qui lui sont nécessaires et lui faire créance jusqu'à ce que, sorti de leur terre, il soit de retour dans sa vicomté où ils pourront recou,Ter pleinement, sur la foi d'un témoignage honnête, ce qu'ils lui ont avancé. - Le prévôt, à sa volonté, ira par la vicomté 011, si c'est nécessaire, il tiendra des plaids et rendra sa justice. Sur Je produit, il recevra ses frais ... et le quint dernier. Quant au reliquat, moi et le vicomte nous le partagerons par moitié. Si quelque donation est faite au prévôt... sans qu'il l'ait sollicitée, elle sera sienne sans partage. Les lods des terres jusqu'à 12 deniers reviendront au prévôt sans partage ; le surplus, s'il y en a, sera divisé par moitié entre moi et le vicomte. [Le vicomte, en tournée dans la ,·icomté], jugera tous les délits qu'il surprendra sur le fait. Sur le produit de ces délits, il retiendra ses frais ; lui-même et le prévôt se partageront le reste. A l'intérieur de la vicomté, je ne peux détenir aucun homme sans le vicomte, ni le vicomte sans moi. Si je détiens quelqu'un, il sera par moitié le mien et par moitié celui du vicomte. Si l'un de mes hommes vient dans la vicomté, il demeurera mien, sauf la justice, qui est la mienne et celle du vicomte. - Semblablement, si un homme du vicomte vient dans la vicomté, il demeurera au ,icomte, sauf la justice qui est commune entre moi et le vicomte. - Moi et le vicomte nous avons communauté de droits dans la vicomté et au-dehors. Si, pour ma part. j'établis dans la vicomté une taille ou une exaction, ou si je prends un gîte, ou si je réclame quelque autre redevance, le vicomte en aura la moitié ... Ce qui dans la vicomté peut être donné à cens, seul le prévôt et les dépendances de Fonsorbes nous donnera 6 de-

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niers toulousains pour dîme lorsqu'elle aura un mulet ou une mule, un poulain ou une pouliche ... Dîme des jardins. Nous voulons aussi que, sur les jardins des habitants du village de Fonsorbes, la dîme soit levée une fois seulement par an ... En outre, et par grâce spéciale, nous concédons auxdits hommes de Fonsorbes, présents et futurs, quatre arpents de la terre appelée c padouen > ••• pour la pâture de leurs animaux...

IV

N° 30. Affranchissement du servage (Archives Nat., LL, 1157, f 493 : novembre 1248) 10• A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Guillaume, abbé de Saint-Denis en France, et le couvent du lieu, salut dans le Seigneur. Nous faisons savoir ce qui suit. Ayant égard au danger que couraient les âmes de certains de nos hommes de corps, tant par suite des mariages par eux contractés que des excommunications qui liaient et qui pourraient lier à l'avenir beaucoup d'entre eux (car ce n'est pas seulement la redevance annuel!e due à raison de leur servitude envers nous, ce sont aussi leurs personnes mêmes que, furtivement, on les voyait et qu'on pourrait les voir à l'avenir soustraire à notre église) ; ayant en outre pris le conseil de bonnes gens, nous avons affranchi et affranchissons, par piété, nos hommes de corps des villages de la Garenne, soit de Villeneuve, de Gennevilliers, d'Asnières, de Colombes, de Courbevoie et de Puteaux, manants dans ces villages au temps de la concession de cette liberté, avec leurs femmes et leurs héritiers issus ou à issir à l'avenir de leur 0

10. Traduction M. rurale, Il, 747-748.

BLOCH. -

Cf. G.

DUBY,

dans n° 27, L'économie

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propre corps. Nous les avons délivrés à perpétuité de toutes les charges de servitude auxquelles ils nous étaient tenus auparavant, c'est-à-dire du formariage, du chevage, de la mainmorte et de tout autre genre de servitude, de quelque nom qu'on la nomme, et nous les donnons à la liberté. Cependant, nous ne les tenons pas quittes du respect, ni des autres devoirs qu'à raison du patronat le droit exige des affranchis envers les auteurs de l'affranchissement. En outre, on saura que si quelqu'un des hommes susdits, après la liberté à eux concédée, épouse une femme de notre mesnie, selon l'antique coutume de cette église, il nous sera adjugé pour être soumis à la condition de sa femme, nonobstant le privilège de la liberté concédée. Nous gardons aussi sur les individus des deux sexes les justices de toute sorte que nous avons sur nos autres hommes, affranchis ou libres, leur accordant néanmoins l'exemption, dans la ville de SaintDenis, de tout botage, de toute chaussée et cle ce tonlieu seulement qui a coutume d'être payé pour la vente des œufs et des fromages. Cela, tant qu'ils seront manants dans les susdits villages de la Garenne. Nous restent d'ailleurs réservés et dus par eux les autres tonlieux et coutumes de la ville de Saint-Denis, comme nous les payent dans cette ville de Saint-Denis les autres hommes affranchis de nos autres villages. Nous voulons en outre, de leur consentement, que dans lesdits villages de la Garenne nous soient payés les forages sur le vin par les marchands taverniers, de telle façon cependant qu'ils ne soient pas tenus de payer plus de 6 deniers par tonneau. Nous n'avons d'autre part concédé la liberté qu'à ces hommes, à leur femme et à leurs hoirs des deux sexes, excluant complètement nos autres hommes et femmes. On saura enfin que ces hommes ont donné pour cette liberté, à nous et à notre église, 1700 livres parisis pour acheter à notre église des revenus. En témoignage de quoi, et pour la mémoire des temps futurs, nous avons remis à ces mêmes hommes et à leurs hoirs le présent parchemin confirmé par la force de nos sceaux. Fait l'an du Seigneur 1248, au mois de novembre.

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V

La féodalité A) EN FRANCE

N° 31. Hommage lige d'Arthur, duc de Bretagne, à Philippe Auguste (juillet 1202) (Layettes du Trésor des Chartes, éd. A. TEULET, 1, n° 647. Paris, 1863). Arthur, duc de Bretagne et d'Aquitaine, comte d'Anjou et du Maine, à tous ceux auxquels les présentes lettres parviendront, salut. Sachez que j'ai prêté i'hommage lige, contre tous ceux qui peuvent vivre ou mourir, à mon très cher seigneur Philippe, illustre roi de France, pour le fief de Bretagne, d'Anjou, du Maine et de Touraine (lorsque Dieu le voulant, le roi ou moi-même aurons acquis ces biens), à l'exception de tous ces tènements qui étaient entre les mains du seigneur roi et de ses hommes le jour où il a défié Jean, roi d'Angleterre, à cause des entreprises auxquelles celui-ci s'était livré contre lui pendant la toute dernière guerre, - en raison de quoi il a assiégé Boutavant. [ Cet accord est fait] aux conditions suivantes : quand je recevrai les hommages de l'Anjou, du Maine et de la Touraine, je le ferai sous réserve des conventions passées entre lui-même [Philippe] et moi. Si je manque aux conventions faites entre lui-même et moi, les vassaux et leurs fief.s passeront au seigneur roi et l'aideront contre moi. De plus, j'ai fait hommage lige à mon même seigneur roi en ce qui concerne la c domination> du Poitou, pour le cas où, grâce à Dieu, nous l'acquerrions, lui-même ou moi, de quelque manière. Les barons du Poitou qui ont pris le parti du seigneur roi, et les autres qu'il agréera, lui feront l'hommage lige pour leur terre contre tous ceux qui peuvent vivre ou mourir. Et, sur l'ordre du roi même, ils me feront hommage lige, en réservant la foi qu'ils lui doivent. Si l'illustre roi de Castille prétend à quelque droit sur cette terre, il sera procédé par jugement de la

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cour de notre seigneur le roi de France, si ce dernier ne peut rétablir la paix entre le roi de Castille et moi-même, de notre commun accord. Quant à la Normandie, il en sera comme suit : notre seigneur le roi de France gardera pour lui autant qu'il lui plaira les biens qu'il y a déjà acquis et ceux que, Dieu aidant, il pourra acquérir ; de la terre de Normandie, il donnera ce qui lui plaira à ses hommes qui ont perdu leurs terres pour lui. Fait à Gournay, l'an du Seigneur 1202, au mois de juillet. N° 32. Arnaud-Raimond d' Aspet prête l'hommage au comte de Comminges (21 juillet 1257) (Ch. HrnouNET, n ° 821, Le comté de Comminges, Il, 644-645). Que tous sachent. .. qu'Arnaud-Raimond d' Aspet s'est fait volontairement, pour lui et ses héritiers, l'homme et le vassal du seigneur Bernard, par la grâce de Dieu comte de Comminges, et de ses héritiers, avec l'avis et l'assentiment de Raimond-Arnaud, frère du même Arnaud-Raimond ... Arnaud-Raimond ... a reçu dudit comte tout ce que ArnaudRaimond a, ou doit avoir, en « dominium > et en propriété dans les châteaux ou les châtellenies de Betchat, de La Bastide et des Affis, comme dans leur territoire allodial et leurs dépendances, de telle sorte que lui (et ses héritiers) ait et tienne tous ces lieux en honorable fief du seigneur comte ... Pour ces lieux, Arnaud-Raimond ... doit servir luimême et aider le comte comme un bon et loyal vassal. Et ces lieux, ou une partie, doivent être rendus et livrés au seigneur comte ... chaque fois qu'il voudra les recouvrer ... Le comte a promis d'être, ... pour toutes les choses susdites, bon et loyal seigneur... Fait... à Montsaunès, le 12 des Calendes d'août, ... l'an du Seigneur 1257. N° 33. Philippe, fils de Philippe III le Hardi, fait hommage à l'archevêque de Sens (19 mars 1285, n.s.) (sous la direction de M. QUANTIN, Recueil de pièces pour faire suite au

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Cartulaire général de l'Yonne, n ° 723. Auxerre et Paris, 1873). A tous ceux qui verront les présentes lettres, Gilles, par la miséricorde divine archevêque de Sens, salut éternel dans le Seigneur. Nous faisons savoir que le très illustre prince Philippe, fils aîné du roi de France, par la grâce de Dieu roi de Navarre, comte palatin de Champagne et de Brie, nous a fait hommage pour les biens qu'il doit tenir en fief de l'archevêque de Sens, du chef d'illustre dame Jeanne, héritière de Champagne, sa femme. La clause suivante est ajoutée : s'il lui arrive d'être appelé à succéder au royaume de France, l'hommage disparaîtra et n'aura plus aucune vigueur. Cependant, qu'il soit contraint de nous fournir à nous, ou à celui qui sera alors archevêque de Sens, un vassal suffisant qui tiendra les biens féodaux et qui en fera l'hommage à nous ou à nos successeurs, à moins d'en composer à l'amiable avec nous ou avec nos successeurs. En témoignage de quoi nous sommes conduit à apposer le sceau à nos présentes lettres. Donné à Paris, l'an du Seigneur 1284, le lundi après c Laetare J erusalem >. N° 34. Autre hommage (1214) (A. LONGNON, Documents

relatifs au comté de Champagne et de Brie, 1172-1361, I, 471 et suiv.). Moi, Blanche, comtesse palatine de Troyes, je fais savoir à tous... que mon très cher seigneur Guillaume, évêque de Langres, étant venu à Troyes pour certaines affaires, je lui ai demandé d'y recevoir, s'il le voulait bien, l'hommage de mon très cher fils le comte Thibaud. L'évêque m'a répondu qu'il n'avait pas à recevoir cet hommage ailleurs qu'à Langres, mais que, pour m'être agréable et par amour pour mon fils ... il le recevrait à Troyes, le droit de l'église de Langres et le sien étant saufs ... J'ai accordé et j'accorde

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qu'il ne soit fait là aucun préjudice à l'église de Langres, ni à la personne de l'évêque ... Fait en l'an 1214, au mois d'août. X :34". Hommage t•n marche (1214) (même référence que le n" 34). 0

Eudes, duc de Bourgogne. Sachent tous ... que, bien qut• nous ayons reçu à Fontenay, abbaye de l'ordre de Cîteaux, où nous retenait une grave maladie, l'hommage de notre très cher cousin Thibaud, comte de Champagne, ... nous ne voulons cependant pas que ce fait porte préjudice au comte ou à ses successeurs. Nous déclarons ... que les comtes de Champagne ne sont tenus de faire hommage à nous ou à nos successeurs qu'à Augustines, ou dans les lieux estimés en marche ... Fait en l'an de grâce 1214, au mois de septrmbre.

Nu 35. Trailé entre Henri Pr, roi d'Angleterre, cl Robert II, comte de Flandre. Robert s'engage à prêter secours au roi pour la défense de l'Angleterre, de la Normandie et du Maine (Douvres, 10 mars 1103 -- ou 1101 -- dans F. VERCAUTEREN, ~4ctes des comtes de Flandre (1071-1128). Bruxelles, Hl38, n° 30). Convention entre Henri, roi d'Angleterre, et H.obert, comte de Flandre ... 1. Robert, comte de Flandre, par sa foi et son serment, a garanti au roi Henri la sécurité de sa vie et des membres de son corps, ainsi que la liberté de son corps ... Il l'aidera à tenir et à défendre le royaume d'Angleterre contre tous hommes qui peuYent vivre et mourir, réserve faite de la fidélité à Philippe, roi de France. Si, par hostilité contre le roi Henri, le roi Philippe veut envahir le royaume d' Angleterre, le comte Robert, s'il le peut, le fera rester et cherchera à y parvenir par tous les moyens possibles, conseil et prières, en vertu de sa foi, sans recourir à de mauYais procédés, ni sans donner de l'argent. Si le roi Philippe Yient en Angleterre

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et emmène a,·ec lui le comte Robert, ce dernier amènera avec lui un effectif aussi réduit qu'il le pourra. Il évitera cependant de « forfaire son fief > enYers le roi de _France. 2.... Dans les quarante jours après que Robert aura été semons de la part du roi, par messager ou par lettres, le comte rassemblera au plus vite dans ses ports mille chevaliers, prêts à passer en Angleterre pour aider le roi Henri. Le roi leur trouvera des bateaux et les enverra à Gravelines ou à Wissant. Et il enverra autant de bateaux qu'il le faudra pour autant de chevaliers, accompagnés chacun de trois chevaux. 8. Si le comte Robert ou ses hommes ,iennent en aide au roi, ils seront entretenus par le roi aussi longtemps qu'ils resteront en Angleterre ; et le roi les indemnisera de leurs pertes, faites en Angleterre, comme il est d'usage pour les gens de sa « familia >. Et aussi longtemps qu'il sera nécessaire, ils resteront fidèlement auprès du roi... 10. Si le roi Henri veut avoir avec lui, pour être aidé par lui, le comte Robert en Normandie ou dans le Maine, et s'il l'en semond, le comte s'y rendra avec mille chevaliers, et il aidera le roi Henri, en vertu de sa foi, comme son ami et comme le seigneur dont il tient fief. Il ne le quittera pas avant qu'il ne s'en aille lui-même, jusqu'à ce que le roi de France fasse interdire par jugement au comte Robert d'aider son ami le roi d'Angleterre dont il lient fief, - et ce par les pairs du comte, qui doivent le juger par droit. - Le comte Robert ne se soustraira en aucune manière à ces semonces dont les porteurs seront garantis d'atteinte ou de dommage ... 11. Si le roi Henri veut avoir l'aide du comte Robert en Normandie, et s'il le semonce par lettres ou par messagers, le comte le rejoindra avec mille chevaliers. Après leur arrivée en Normandie, ils seront aux frais du comte Robert pendant les huit premiers jours. Si le roi veut les retenir plus longtemps, ils resteront huit autres jours avec lui et, pendant ces derniers huit jours, le roi les entretiendra ... 12. Si alors le roi Philippe entre en Normandie [pour guerroyer] contre le roi Henri, le comte Robert rejoindra le

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roi Philippe avec vingt chevaliers seulement ; et les autres chevaliers resteront auprès du roi Henri, pour servir fidèlement ... 17. Pour garantir l'exécution de ces conventions, le comte Robert a donné au roi Henri ces otages ... Et ces douze otages sont otages aux conditions suivantes : si le comte Robert rompt ces conventions, et si eux-mêmes ne peuvent le réconcilier avec le roi dans les trois quarantaine~, chacun d'eux donnera au roi 100 marcs d'argent; et s'ils ne le font pas, ... ils se constitueront prisonniers à la Tour de Londres ou en quelque autre endroit... 18. Le roi a garanti au comte Robert la sécurité de sa vie et de ses membres,... ainsi que sa liberté personnelle ... Il sera dédommagé de toute sa terre, en admettant qu'il la perde ... Aussi longtemps que le comte respectera ces conventions envers le roi, et en raison de celles-ci, comme dudit service, le roi Henri donnera au comte Robert, annuellement, 400 livres de deniers anglais en fief ...

N° 36. Superposition de seigneurs. Devoirs et droits vassaliques (d'après la Chronique de GISLEBERT DE MoNs, dans Recueil des historiens des Gaules et de la France, XIII, 545-546 : vers 1071. Paris, 1869). La comtesse Richilde, profondément attristée par la mort de son fils Arnoud, et supportant avec peine le déshéritement de son fils survivant, offrit à Théoduin, évêque de Liège, de lui donner tous ses alleux de Hainaut afin d'obtenir de lui son aide dans sa vengeance contre Robert et afin (avec l'argent qu'elle aurait reçu de l'évêque) de lever des mercenaires qu'elle conduirait contre Robert. L'évêque Théoduin, ayant pris conseil de son église de Liège, de ses nobles et de ses ministériaux, accepta volontiers de si grands alleux qui décoraient un si grand « honneur >, et il les concéda à Richilde et à son fils Baudouin pour les tenir en fief lige. En outre, il leur donna une grande somme d'argent... Dans la cession, faite à l'église de Liège, de ces alleux et de ces fief~, il a été décidé :

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1. Que le comte de Hainaut doit à son seigneur, l'évêque de Liège, le service et l'aide en toutes circonstances et contre tous hommes avec toutes ses forces de cavaliers et de piétons, mais aux frais de l'évêque à partir du moment où le comte sortira du comté de Hainaut. 2. Si le comte se présente devant le seigneur ~vêque pour recevoir de lui sa terre, le seigneur évêque devra assumer les frais du voyage dès que le comte sortira du comté de Hainaut. 3. Si le seigneur évêque convoque le comte de Hainaut à sa cour ou à un colloque, il doit de même en assumer les frais. 4. Si le seigneur empereur des Romains convoque le comte de Hainaut à sa cour pour quelque affaire, l'évêque de Liège doit lui assurer à ses frais la sécurité à l'aller et au retour, et il doit ester en justice et répondre pour lui devant la cour. 5. En outre, si quelqu'un attaque la terre de Hainaut avec l'intention de lui nuire, l'évêque de Liège doit, à ses propres frais, au comte de Hainaut armée contre armée. 6. Si le comte de Hainaut assiège un château relevant de son « honneur >, ou s'il est lui-même assiégé à l'occasion de cette guerre, l'évêque doit lui venir en aide à ses propres frais avec cinq cents chevaliers, mais le comte doit lui fournir de justes rations de vivres ; si l'herbe manque dans les champs, ou si les vivres nécessaires aux chevaux viennent à manquer, l'évêque pourra en demander pour lui et les siens à sa volonté. L'évêque de Liège devra cette aide au comte de Hainaut trois fois par an, chaque fois pour quarante jours ... 7. Si le comte obtient, n'importe où dans son comté de Hainaut, la cession d'un alleu qui est ensuite repris en fief de lui, ou s'il acquiert en propriété dans les limites de son comté, un alleu, des serfs ou des serves, il les tiendra aussitôt de l'évêque de Liège. en même temps que le reste de son fief ...

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N° 37. Un conflit entre seigneur et vassal : lettre d'Eudes, comte de Blois, au roi Robert (1022) (Recueil des liistoriens des Gaules et de la France, X, 501-502. Paris, 1874 11 ). A son seigneur le roi Robert, le comte Eudes. Seigneur, je désire te dire quelques mots si tu daignes les· écouter. Le comte Richard 0 , ton fidèle, m'a mandé de ,~enir m'expliquer en justice ou de conclure un accord au sujet des plaintes que tu formulais contre moi. J'ai remis ma cause entièrement en sa main. Avec ton agrément, il m'a alors fixé un plaid pour le règlement de l'affaire. Mais, avant le terme, comme j'étais prêt à me rendre au plaid fixé, il m'a demandé de ne pas me donner la peine de venir à ce plaid parce que tu n'étais disposé à accepter qu'un jugement ou un accord par lequel tu me ferais interdire, pour cause d'indignité, de tenir un bienfait de toi, et qu'il ne lui appartenait pas, disaitil, de porter contre moi un tel jugement sans l'assemblée de ses pairs 11• Telle est la raison pour laquelle je n'ai pas été te retrouver au plaid. Mais je m'étonne fort, mon seigneur, qu'avec tant de précipitation, sans que la cause ait été débattue, tu me juges indigne de ton bienfait. Car, si l'on considère la condition de ma race, il est clair qu'avec la grâce de Dieu je suis digne d'en hériter ; si l'on considère la nature du bienfait que tu m'as donné, il est certain qu'il ,ient, non de ton fisc, mais des biens qui, avec ta faveur, me sont venus de mes ancêtres par droit héréditaire ; si l'on considère la valeur du service, tu sais fort bien comment, tant que j'eus ta faveur, je t'ai servi à la cour, à l'armée et dans tes voyages. Et, depuis que tu as détourné de moi ta faveur, et que tu as tenté de m'enlever l'honneur que tu m'avais donné, si j'ai commis à ton égard, en me défendant et en défendant mon honneur, des actes qui te déplaisent, je l'ai fait harcelé d'injustices et pressé par la nécessité. Comment, en effet, 11. N° 676. HALPHEN, La lettre d'Eudes II de Blois au roi Robert (A travers l'histoire du Moyen Age. Paris, 1950, p. 241-250) (traduction revue). 12. Duc de Normandie. 13. C'est-à-dire, ici. Tous les vavasseurs de l'évêque qui tiennent librement cinquante ou soixante acres de terre, ou plus, doivent le service au seigneur de Normandie, lorsqu'il fait semondre son ost pour le combat, avec chevaux et armes planes, c'està-dire avec lances, écus et épées. Tous les chevaliers susdits doivent servir l'évêque pour tous les fiefs qu'ils tiennent de lui, s'il a besoin de leurs services, et, comme euxmêmes le dirent, aux frais de l'évêque. En outre, sur le fief de chaque chevalier, l'évêque a droit au relief (une paire d'étriers et un haubert, ou 15 livres, à la mort du père). Ils lui doivent aussi une aide de 20 sous par fief

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de chevalier, chaque fois que, pour les besoins de son église, il sera opportun qu'il aille à Rome ; de même, les vavasseurs lui doivent une aide adéquate selon la quantité de leurs fiefs. Enfin, tous les hommes de l'évêque lui doivent l'aide pour la reconstruction de l'église de la bienheureuse Marie, leur dame, si besoin est, ou encore pour réparer ses immeubles de la cité, s'ils ont été brûlés. b) Enquête de 1172, ordonnée par Henri Il, roi d' Angleterre (Recueil des historiens des Gaules et de la France, XXIII, 693-699). Somme des fiefs de chevaliers du chasement de l'église de Bayeux : cent dix neuf et demi (outre les vavassories et les domaines). L'évêque de Bayeux doit trouver dix chevaliers complets pour le service du roi de France pendant quarante jours ; et, pour leur entretien, il a le droit de prendre 20 sous, monnaie de Rouen, sur chaque fief de chevalier. Mais comme lui-même fournit au due de Normandie vingt chevaliers pendant quarante jours, il a droit de prendre, sur chaque fief de chevalier, 40 sous de ladite monnaie, et rien de plus. Néanmoins, pour le service de l'évêque, tous doivent être prêts avec leurs armes et leurs chevaux. Et chaque chevalier doit relever son fief, à la mort de son père, moyennant 15 livres, monnaie de Rouen, ou un cheval et un haubert...

N° 39. Un château (Chartes du Forez, t. III, n° 303 : 1180). Moi, Hugues de Rochefort, ... je reconnais avoir fait hommage à toi mon seigneur G., comte de Forez, et à tes successeurs. J'ai reçu de toi, à titre de fief libre, le château de Rochefort... et ce que moi ou mes successeurs acquerrons désormais dans le même château et son mandement. En outre, ce que je possède, ou ce que j'acquerrai, soit en fief, soit par achats ou autrement, dans le mandement de Cervière, de Saint-Julien et de Saint-Priest, je l'ai concédé en b~nne foi à toi et à tes successeurs pour le tenir à perpétuité. Quant à toi, après cette concession et cet hommage, prêté à

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toi en présence de plusieurs, tu m'as donné à perpétuité, à moi et à mes successeurs, ce que tu possèdes et ce que tu acquerras à l'avenir dans le susdit château de Rochefort et son mandement, si bien que tu ne possèdes rien dans le même château et son mandement qui ne soit à moi. Et ce que moi ou mes successeurs y avons ou y obtiendrons à l'avenir de Loi et de tes successeurs, nous l'avons à titre de fief. Il faut noter que, chaque fois que le seigneur de Cousan voudra m'inquiéter, le même comte (en mème temps que son fils) m'a promis par serment son aide et viendra à ma défense. Inversement, si le comte de Forez veut attaquer le seigneur de Cousan, moi ou mes successeurs serons tenus de porter aide à celui-ci. Fait l'année où le seigneur comte de Forez a commencé la construction du château de Cervière. N° 40. Le comte de Champagne autorise la construction d'un château (1239) (Layettes du Trésor des Chartes, éd. A. TEULET, II, n" 2811. Paris, 1866). Jean, châtelain de Noyon et de Thourote, fait savoir que son très cher seigneur Thibaud, roi de Navarre, comte palatin de Champagne et de Brie, lui a concédé, ainsi qu'à ses héritiers, le droit de construire une forteresse à Ellebauderia, qui est de la châtellenie et du fief de Sézanne, appartenant audit seigneur roi. Elle sera jurable et rendable à celui-ci... contre toute créature qui puisse vivre et mourir, à l'exception du seigneur de Dampierre ... Si le seigneur roi et le seigneur de Dampierre avaient par hasard guerre entre eux, cette forteresse ne nuirait ni au seigneur roi ni au seigneur de Dampierre. Et si le seigneur de Dampierre avait guerre contre un autre que contre le roi, il pourrait se servir de cette forteresse ... Fait en l'an du seigneur 1239, au mois de juin. N" 41. Donation, en 1200, à l'abbaye de Lyre (Archives départementales de l'Eure, H. 506). Sachent tous présents et futurs que, l'an 1200 de l'Incarnation du Seigneur, il m'est arrivé à moi, Geoffroy de La

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Bretesche, de tom.ber dans un grand dénuement et d'être accablé d'une grande dette à l'occasion d'une somme d'argent que j'avais reçue à « usure >, tant à cause de la guerre et des malheurs qui ont sévi longtemps en notre pays, qu'en raison du mariage de ma fille (ce qui m'a lourdement grevé), et pour beaucoup d'autres motifs. Si bien que j'étais en grand danger et en grande crainte de perdre toute ma terre, étant donné l'importance de ma dette et des c usures 111 > dont je n'aurais pas pu me dégager si je n'avais reçu promptement conseil et secours. Voilà pourquoi, sous la pression de ces circonstances et avec le conseil de mes amis, je me suis tourné vers mes seigneurs, l'abbé et les moines de Lyre, et je leur ai donné en aumône perpétuelle ma part entière de tous les prés du fief de La Bretesche, c'est-à-dire le quart [d'entre eux]. Ce présent don, je l'ai offert en aumône et placé dans la main du seigneur Garin, évêque d'Evreux, à Lyre. La main sur le maître-autel de Notre-Dame Sainte-Marie de Lyre et sur les saintes reliques, en présence de la communauté conventuelle, sur le conseil et avec l'autorisation d'Herbert, mon frère consanguin et mon parsonnier, en tant qu'aîné, pour ledit fief, qui avec moi a juré cela de la même façon, j'ai fait serment que nous et nos héritiers garantirions cette aumône à la maison de Lyre et la tiendrions quitte, entièrement, envers tous hommes, de toute exaction et de tout service. Les moines eux-mêmes m'ont attribué, à titre de charité venant de la maison de Lyre, 10 livres angevines, un setier d'avoine et un autre de gros blé. )_ Herbert déjà mentionné, mon frère consanguin, ils ont donné 2 sous angevins pour son consentement et sa reconnaissance. Ainsi, par la grâce de Dieu et avec leur aide, j'ai échappé au péril et à l'angoisse de ma dette et de P. 310, art. 31. - c Le roi, qui a l'administration du royaume, appelle [les barons], pour le bien commun, à servir pour la défense de la patrie et de la couronne. En vertu du droit des gens, ils sont donc tenus de lui obéir. > P. 310, art. 32. - « Pour la défense de la patrie, il est licite de tuer son père ... Comme l'utilité publique renferme l'utilité privée, elle doit passer avant elle... Si cependant le roi appelait [les arrière-vassaux] pour quelque affaire n'engageant pas l'utilité publique, ils seraient plutôt tenus d'obéir au baron leur seigneur. > B) Rites vassaliques. P. 305, art. 4 - « Le vassal met ses mains dans les mains du seigneur, lui fait hommage, lui promet fidélité et reçoit de lui un baiser. > P. 304, art. 1. - c Ledit P ... a juré personnellement sur les saints Evangiles de Dieu, pour le présent et à jamais, pour lui et ses héritiers, d'être un fidèle vassal. > C) Effets des serments. P. 305, art. 2. - « En raison ... de l'hommage, je te promets à toi, B., d'être ton homme pour toujours, ... de te 23. Il s'agit de Philippe le Bel.

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fournir annuellement tel ou tel service, ... et de rester ... partout où tu voudras m'établir. > P. 307, art. 13. - c On demande si le fils de mon homme est mon homme. Il semble que oui. > P. 309, art. 28. - c On demande si l'homme de mon homme est mon homme. Réponds que non. D'où il ressort que, bien que les grands barons, les comtes palatins, les ducs et autres semblables soient, immédiatement, les vassaux ou l'es hommes liges du roi dans le royaume duquel ils sont, ou de l'empereur s'ils sont dans l'Empire, cependant les hommes des barons eux-mêmes ne sont pas les hommes du roi lui-même, ou de l'empereur. >

Obligations réciproques. P. 304, art. 2. - «Le vassal est tenu envers son seigneur à la même fidélité que le seigneur envers son vassal. >

D)

Vassalité et fief. P. 307, art. 12. - c Je promets cela parce que tu nous as octroyé telle concession, à moi et à mes héritiers, aussi longtemps que nous resterons sous ton pouvoir, et en outre parce que tu m'as promis de me défendre, moi et mes biens, contre tout homme. > ·

E)

L'homme de plusieurs seigneurs. La ligesse. P. 309, art. 23. - c On demande si quelqu'un peut être l'homme lige de deux seigneurs. Certains disent que non parce qu'on ... ne peut servir deux maîtres. Mais un homme non lige peut bien être [le vassal] de deux seigneurs. > P. 309, art. 24. - c Mon homme lige peut-il se constituer l'homme non lige d'un autre malgré moi ou sans m'avoir consulté ? Il semble que non. > P. 309, art. 26. - « Celui qui est l'homme non lige de deux seigneurs peut l'être pour des fiefs différents, qu'il tient de seigneurs différents... Si deux seigneurs se font la guerre, chacun requiert leur homme de l'aider contre l'autre. Est-il donc tenu d'aider l'un d'eux ? Il semble que non, car les seigneurs concurrents paraissent s'annihiler ... Personne ne peut servir [l'un des] deux seigneurs ennemis ... Pourtant,

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il semble que l'homme doive les servir l'un et l'autre : sinon il perdrait son fief. > [Plusieurs solutions sont envisagées. Entre autres] : « Il

semble plus conforme à la rigueur du droit que l'homme soit tenu de servir celui auquel il a fait l'hommage en premier, et non le second, ... parce qu'il est toujours tenu, indubitablement, de sauvegarder la première fidélité... Cependant, il me paraît équitable et s"Ûr qu'il aide personnellement celui auquel il a fait d'abord l'hommage, mais qu'à celui auquel il a fait l'hommage en second il donne son aide par un représentant selon la capacité de son fief lui-même ... Son engagement envers le premier seigneur n'y fait pas obstacle. Il ne peut secourir un seigneur autre que le seigneur lige, car il ne semble pas qu'il puisse prêter aide contre celui-ci, même s'il aide le second seigneur par un représentant. Qu'il n'agisse pas ainsi dans l'intention de nuire au premier seigneur, mais afin de ne pas perdre le fief qui lui a été donné par le second seigneur. > P. 310, art. 33. - « Quelle sorte de droit ai-je sur mon homme et sur ses biens? ... L'homme lige s'engage principalement en raison de sa personne bien qu'un élément, qui est appelé fief lige, intervienne à titre de rémunération ... En obligeant principalement sa personne, il soumet par conséquent tous ses biens... Mais mon homme non lige ne s'oblige, ou n'engage sa personne, qu'à raison du fief. > B) DANS L'EMPIRE

N° 47. Le comte de Flandre porte à la connaissance de l'évêque d'Arras qu'il vient de faire hommage à l'empereur pour le fief qu'il tient de lui (1103) (Recueil des historiens des Gaules et de la France, XV, 196 c. Paris, 1878). Au seigneur Lambert, vénérable évêque d'Arras, Robert, comte de Flandre envoie ses salutations et ses amitiés. Je confierai à votre discrétion que j'ai fait hommage à l'empereur allemand, car autrement je ne pouvais pas obtenir entièrement le fief que je dois tenir de lui à titre héréditaire. Je l'ai fait parce que j'aYais Je sentiment que c'était le seul

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moyen de rendre la paix à notre patrie. Mais cet acte a été passé sous réserve, par moi, de l'autorité et de l'obédience du pontife romain, de son église, et aussi de l'église de Reims, sans violer mon orthodoxie chrétienne, ni ma loyauté. Par conséquent, je n'ai pas porté atteinte ni causé de dommage en aucune manière à votre situation ou à votre dignité. J'annonce donc à votre Excellence [ que je lui assure] la paix et une entière sécurité ... N° 48. Dispositions de Frédéric Jer concernant les fiefs (Ron-

caglia, 1158) (M.G.H., Constitutiones, I, 247 ; ALTMANN (W.) et BERNHEIM (E.), Ausgewii.hlte Urkunden der Ver-

tassungsgeschichte

Deu.tschlands im ilfittelalter, n ° 85. Berlin, éd. de 1904). Frédéric, par la grâce de Dieu empereur des Romains et toujours auguste, à tous les sujets de notre Empire. 1. Il appartient à notre sagesse impériale de gérer les affaires publiques et d'enquêter sur les intérêts de nos sujets de telle façon que la grandeur de notre règne demeure intacte et que le statut des indh,;dus soit respecté. C'est pourquoi, ayant, selon l'usage général de nos prédécesseurs, tenu notre cour de justice à Roncaglia, nous avons recueilli les plaintes graves des princes italiens - préposés aux églises et autres fidèles du royaume. - Leurs bénéfices et leurs fiefs, tenus d'eux par leurs vassaux, étaient cédés en gage et vendus selon la fraude du c libelle > sans l'autorisation des seigneurs. Dès lors, ceux-ci étaient privés des services dus. Et l'honneur de notre Empire ... s'en trouvait amoindri. 2. Ayant tenu conseil avec les évêques, les ducs, les marquis, les comtes, les juges palatins, et avec d'autres grands, nous avons décrété par le présent édit, valable, avec la faveur divine, à perpétuité, que personne ne pourra vendre, engager ou aliéner, de quelque façon que ce soit, son fief, en totalité ou en partie, sans la permission du seigneur auquel appartient le fief ... 3. Soucieux d'un ordre plus parfait dans notre r.oyaume, p_ar le présent édit nous cassons et proclamons nulles, non seulement pour l'avenir, mais aussi pour le passé, toutes les

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aliénations illicites opérées jusqu'à ce jour, sans égard à aucune prescription de temps, l'acheteur de bonne foi conservant la faculté d'intenter une action contre le vendeur pour le prix versé. De plus, nous voulons couper court aux manœuvres astucieuses de ceux qui, ayant touché le prix des fiefs, les vendent et les transfèrent à des tiers sous l'aspect d'une investiture qui, disent-ils, leur est permise. Et, afin qu'une telle fiction, ou toute autre interprétation frauduleuse, ne puisse être tirée de notre constitution, nous interdisons de toutes manières ces pratiques, et nous menaçons, en vertu de notre autorité, le vendeur et l'acheteur qui se livreraient à ces contrats illicites de la perte du fief, qui retournera au seigneur. Quant au scribe qui aura sciemment rédigé un tel acte, il perdra son office, pourra être convaincu d'infamie, et aura la main tranchée. 4. En outre, si un fieffé de plus de quatorze ans, par incurie et négligence, reste un an et un jour sans réclamer l'investiture de son propre seigneur, ce délai écoulé, il perdra son fief, qui retournera au seigneur. 5. Nous décrétons également, tant pour l'Italie que pour l'Allemagne, que si quelqu'un, convoqué à une expédition publique par son seigneur, fait défaut dans le délai imparti, ou s'il néglige d'envoyer à sa place au seigneur un autre homme capable, ou s'il ne verse pas au seigneur la moitié du revenu annuel du fief, il perdra le fief qu'il tient d'un évêque ou d'un autre seigneur. Et le seigneur du fief aura la faculté de reprendre celui-ci pour son propre usage. 6. En outre, qu'aucun duché, marquisat ou comté ne soit partagé. Un autre fief, par contre, si les copossédants le veulent, pourra être divisé à condition que tous ceux qui ont une portion du fief divisé ou à diviser, prêtent hommage au seigneur, sous réserve qu'un vassal ne soit pas amené à avoir plusieurs seigneurs pour un seul fief, et que le seigneur ne cède pas son fief à un autre sans la volonté des vassaux. 7. De plus, si le fils d'un vassal offense le seigneur, que le père, sur réquisition du seigneur, lui livre son fils pour réparation, ou se sépare de lui. Sinon, qu'il soit privé du

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fief. Mais si le père veut le livrer, et si le fils se rebelle, celui-ei, à la mort de son père, ne lui succédera pas dans son fief tant qu'il n'aura pas donné satisfaction au seigneur. Que le vassal agisse de même pour tous ses dépendants. 8. Nous prescrivons également que si le vassal du vassal a offensé le seigneur de son seigneur, il soit privé de son fief, sauf s'il a agi de la sorte pour le service d'un autre seigneur à lui ... Le fief retournera au seigneur dont il le tenait, à moins que, à la demande de ce dernier, il ne soit prêt à donner satisfaction au suzerain qu'il a offensé ... 9. En outre, si une contestation se produit entre deux vassaux au sujet d'un fief, que le seigneur soit saisi de l'affaire et tranche la contestation. Si un procès intervient entre un seigneur et son vassal, il sera réglé, sous la présidence du seigneur, par les pairs de la cour, qui prêteront le serment de fidélité. 10. Enfin, nous déerétons que, dans tout serment de fidélité, l'empereur sera nommément réservé. N° 49. Deux extraits du Miroir des Saxons (vers 1221-1224), Sachsenspiegel (K. A. EcKHARDT, dernière éd., Hanovre, 1966).

a) Hiérarchie féodale et service d'Empire. Landrecht, 1, 3, 2. Les degrés féodaux ont été établis de la même manière [ que les six âges du monde]. Le roi est au premier ; les évêques, les abbés et les abbesses au deuxième ; les princes laïques au troisième ;... les seigneurs libres au quatrième; les hommes susceptibles d'être échevins et les vassaux des seigneurs libres au cinquième ; leurs vassaux au sixième. De même que nul ne sait avec précision jusqu'à quand la chrétienté restera dans le septième âge, de même on ne sait si ceux du septième degré jouissent du droit féodal. Lehnrecht, 1 a. Avant tout, nous devons observer _que l'ordonnance des fiefs commence avec le roi et finit avec le septième degré. Cependant, les princes laïques ont fait du

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sixième degré le septième, depuis qu'ils sont devenus vassaux des évêques, ce qui n'existait pas auparavant. 21, 1 et 2. Un fils qui est du même rang que son père obtiendra à la cour féodale le degré féodal de son père pour autant qu'il ne s'abaisse pas du fait d'un hommage. Si Je fils ne veut pas devenir vassal à la place de son père, son degré féodal n'en est pas haussé pour autant. Seul l'octroi d'un fief d'étendard hausse Je degré du vassal. 71, 21. Un prince est appelé prince d'Empire si le fief d'étendard par lequel il veut être prince n'a été concédé à personne avant lui. Si un autre le reçoit avant lui, il n'est pas le tout premier à être inféodé : c'est pourquoi il ne peut être prince par ce fief. Quand quelqu'un a un fief d'étendard et qu'il est prince, il ne doit pas avoir de seigneur laïque en dehors du roi. 68, 8. L'amende féodale due au seigneur par le vassal est de 10 livres. Mais un prince ayant un fief d'étendard paie au roi 100 livres de la monnaie ayant cours dans la région où l'amende est perçue, la livre étant de 20 sous. 68, 9. La composition est fixée d'après la naissance du vassal. (Quant au taux de cette composition pour chaque vassal, on peut l'apprendre dans le livre traitant des droits du pays.) Mais si le vassal a perdu son statut, il perd la composition qu'il a par droit de naissance. 68, 10. La composition et l'amende doivent, selon le droit des fiefs, être versées, dans un délai de quatorze nuits, en la demeure du seigneur la plus proche de l'endroit où elles sont exigibles. 4, 1. Le service et s'ils en ont la saisine ... S'ils veulent se partager le fief, qu'ils le fassent sans la permission du seigneur, comme ils le veulent. Mais s'ils font le partage, aucun n'a de droit sur la part de l'autre, à moins qu'on ne lui ait .expressément conféré l' c expectative >. 32, 3. Aussi longtemps que les fieffés ont un bien en indivis, aucun ne peut, sans l'accord des autres, en concéder ou faire l'abandon d'une partie quelconque. 2, 1. Les clercs, les femmes, les paysans, les marchands et tous ceux qui sont sans droit, ou de naissance illégitime,

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et tous ceux qui par leur père et leur grand-père ne sont pas chevaliers, n'ont pas la capacité féodale. 2, 6. Si un homme pourvu de la capacité féodale reçoit un fief d'un clerc, d'une femme ou de quiconque n'a pas la capacité féodale, il ne peut réclamer la reconnaissance de son fief à un nouveau seigneur, excepté le cas où, en vertu d'une élection, un clerc ou une femme reçoivent un fief d'Empire et acquièrent ainsi la capacité féodale. 34. Une femme ayant un fief ou une jeune fille ne sont pas tenues de fournir le service militaire d'Empire. Mais elles doivent payer l'aide militaire selon le droit fixé ... 75, 1. Il est bon qu'un homme, comme ami d'une femme, reçoive un fief conjointement avec elle. Ainsi, quand le seigneur meurt, la femme ne pouvant demander le renouvellement du fief, car elle n'a pas la capacité féodale, peut réclamer ce renouvellement. Si l'homme n'a reçu le fief que comme tuteur de la femme, il n'a aucun droit sur lui après la mort de la femme. 65, 17. Le seigneur ne peut tenir le tribunal féodal dans une cour fermée, sous un toit ou dans un château. 68, 7. Si, au tribunal, un vassal se mouche, renifle, éternue, bâille, tousse, s'il passe de l'autre côté de son porteparole, s'il chasse des mouches, des moustiques ou des taons, il ne paie pas d'amende, quoique des imbéciles le prétendent. N° 50. Statut féodal des ministériaux (X•-XIII' siècles).

1. 1035. - Coutumier du personnel de l'abbaye de Limburg (Palatinat) (M. G. H., Constitutiones, I, 88). Parmi ses serfs mariés, l'abbé désignera ses gardiens du cellier, du grenier, des péages, des forêts. Si l'abbé faisait l'un d'eux sénéchal, échanson... que [l'intéressé] garde sa fonction aussi longtemps qu'il donnera satisfaction à l'abbé, sinon qu'il retrouve le statut qu'il avait auparavant... Ceux qui ont un fief doivent chevaucher quotidiennement, partout où l'abbé le leur prescrit.

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2. 1057-1064. - Statut des ministériaux de l'évêque de Bamberg (ALTMANN-BERNHEIM, Ausgewühlte Urkunden, ... n° 65, § 3 à 7. Berlin, éd. de 1904). Si un ministérial n'a pas de fief de l'évêque, s'il se dépense à son service et ne peut en obtenir un fief, qu'il se mette au service militaire ... de qui il veut. S'il meurt sans enfant et si sa femme est enceinte, qu'on attende jusqu'à ce qu'elle accouche. Si c'est un enfant mâle, qu'il ait le fief paternel ; sinon, que le plus proche parent du défunt fasse don à son seigneur soit de son armure, soit de son cheval (ce qu'il aura de mieux), et reçoive le fief de son parent. En cas de campagne, qu'il rejoigne à ses frais son seigneur ; ensuite, qu'il soit entretenu par le seigneur. S'il y a expédition en Italie, pour chaque armure le seigneur fournira un cheval et 3 livres. Si l'expédition a lieu ailleurs, deux [ des intéressés] subviendront aux frais d'un troisième. [Que les ministériaux] ne soient affectés par leur seigneur qu'à cinq offices : à savoir, qu'ils soient sénéchaux, échansons, chambriers, maréchaux ou veneurs. 3. Vers 1080-1090. - Faux diplôme de Conrad Il en faneur des ministériaux royaux de Wurzbourg Ot.f. G. H., Constitutiones, I, 678). Des ministériaux déclarent:« Nous vous prions, empereur auguste, de confirmer les droits de nos fiefs par les ordonnances de votre Majesté impériale. Nous demandons ensuite pour nos fils et leur postérité que, se rendant à votre cour, ils vous servent pendant un an sans rien recevoir sauf, pendant la première fête de l'année, des peaux et une pelisse. L'année écoulée, qu'ils reçoivent selon leur statut leur fief, c'est-à-dire trois manses royaux. Sinon, qu'ils aient la faculté de vivre n'importe où, à moins qu'un fief légitime ne leur soit attribué. > 4. Vers 1154. - Statut des ministériaux de Parchev~que de Cologne (ALTMANN-BERNHEIM, ouvr. cité, n° 70, § 1, 2, 12). Les ministériaux de Saint-Pierre prêteront le serment de fidélité à leur seigneur l'archevêque sans aucune restriction, et le serviront contre qui que ce soit.

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Si quelqu'un envahit le territoire du diocèse de Cologne, tous les ministériaux, ceux ·pourvus, aussi bien que ceux non pourvus de fiefs, assisteront leur seigneur archevêque pour la défense du territoire. Si un ministérial de Saint-Pierre a des fils, à la mort du père le plus âgé d'entre eux recevra le fief du père et le droit de servir à la cour de l'archevêque dans l'office auquel il appartient par naissance. Si son frère, cependant, est chevalier, si après une prière dans une église il entre dans la demeure de l'archevêque, s'il se proclame devant celui-ci vassal et ministérial de Saint-Pierre, s'il jure le serment de fidélité, s'il accomplit son service pendant une année entière : le seigneur, par grâce et bienveillance, est tenu de l'investir, moyennant quoi il sera servi par lui désormais. 5. Vers 1221-1224. - Miroir des Saxons (Sachsenspiegel, Lehnrecht, éd. K. A. EcKHARDT, Hanovre, 1966). Art. 63, 1 et 2. Un bien qui est concédé sans hommage au vassal, comme l'est le bien octroyé par le seigneur à son ministérial selon le droit seigneurial, n'est pas un fief légitime. Car celui qui le détient est obligé de remplir des devoirs de droit seigneurial, et non de droit féodal. En vertu de ce droit seigneurial, tout ministérial doit être, par naissance, sénéchal, échanson, maréchal ou chambrier. En raison de la multiplicité de leurs statuts, je ne dirai rien de plus. Car sous chaque évêque, abbé ou abbesse, les ministériaux revendiquent un droit particulier. Art. 71, 18. Celui qui a un fief castral n'est astreint à servir son seigneur ni à la cour,· ni à l'armée. Mais il doit résider dans le château, le défendre, s'il en est besoin, et « trouver la sentence > au tribunal castral. Art. 71, 19. Un tribunal castral ne peut être réuni par le seigneur qu'au château. Seuls ceux qui ont un fief castral du seigneur peuvent « trouver la sentence > et être témoins dans ce tribunal. De plus, celui qui a un fief légitime ne peut prononcer de sentence ou être témoin dans une affaire de fief castral.

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N° 51. Convention entre le roi des Romains et deux chevaliers de Strasbourg (Urkundenbuch der Stadt Strassburg, t. Ill, n ° 62 : 28 octobre 1274). Nous, Rodolphe, par la grâce de Dieu roi des Romains, faisons savoir à tous ceux qui verront ou qui entendront cette charte, que nous avons accueilli comme vassaux de l'Empire romain les sires Nicolas Zorn et Jean d'Outre-Bruche, chevaliers de Strasbourg... Nous nous engageons à leur donner à partir de la fête de la saint Martin prochaine, dans le délai d'un an, 80 marcs d'argent. Et, aussitôt que nous leur aurons donné l'argent, ils devront acheter un alleu, qu'ils tiendront, eux et leurs héritiers, comme fief c légitime> de l'Empire. S'il advenait que nous n'ayons pas donné les 80 marcs d'argent avant cette fête de la saint Martin, ils auraient le droit, eux et leurs héritiers, de percevoir chacun 10 marcs de revenus sur la taille d'Obernai, qui devraient aussi leur être concédés en fief « légitime >. Toutefois, si nous, ou l'un de nos successeurs, roi des Romains, leur remettions, à eux ou à leurs héritiers, 80 marcs d'argent, nous serions quittes envers eux des 10 marcs de revenus à Obernai. Avec ces 80 marcs ils achèteraient un alleu, qu'ils tiendraient en fief de l'Empire. Ou bien, ils assigneraient cette somme sur un de leurs propres alleux, valant 80 marcs, et le tiendraient en fief, eux et leurs héritiers ... N° 52. Extraits des Consuetudines feudorum (ou Libri feudorum) (vers le milieu du XII• siècle) (éd. K. LEHMANN, Das Langobardische Lehnrecht (3• partie). Gôttingen, 1896).

Possesseurs de fief. P. 83, art. 1. - Un-fief peut être donné par un archevêque, un évêque, un abbé, une abbesse, un prévôt... Un marquis, un comte, qui sont dits proprement « capitanei > du royaume ou du roi, peuvent de même donner un fief. D'autres aussi, qui reçoivent d'eux des fiefs, et qui sont dits proprement vavasseurs du roi ou du royaume, mais qu'on appelle aujourd'hui « capitanei ~, peuvent à leur tour donner des

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fiefs. Ceux qui les reçoivent d'eux sont appelés petits vavasseurs. Hérédité du fief.

P. 93-94, art. vm. - Quand quelqu'un meurt en laissant des fils et des filles, seuls les fils succèdent également, ou les petits-fils issus d'un fils, à la place de leur père, lorsque aucune disposition du défunt ne subsiste ou ne vaut quant au fief. On considère également que si mon frère, après avoir aliéné une partie de son fief, ou fait investir sa fille, meurt sans héritier mâle, le fief me revient néanmoins ". Mais la fille ne succède pas au fief à moins que l'investiture n'ait été faite à son père [ en ces termes] : c que les filles et les fils succèdent au fief > (dans ce cas, en effet, les filles succèdent en l'absence de fils) ou à moins que les filles n'aient été investies du fief paternel. P. 108, art. XXIII. - Si quelqu'un est mort sans enfant mâle, et s'il a laissé une fille, que celle-ci n'ait pas le bénéfice du père, à moins qu'elle ne le rachète au seigneur. Mais si la volonté du seigneur a été de le lui donner en raison des services rendus par son père et de l'affection qu'il lui a portée, qu'elle ne se heurte à aucune revendication venant de ses parents, et qu'ils ne lui causent pas de dommage. P. 129, art. x1. - La succession au fief ne revient ni aux filles, ni aux petites-filles, ni aux arrière-petites-filles, ni aux petits-fils ou aux arrière-petits-fils par une fille. Car la descendance de sexe féminin, ou issue de branche f éminine, ne peut aspirer à une succession de cette sorte, à moins que ... le fief n'ait été a~quis à cette condition. A défaut de telle descendance, entrent d'abord en ligne les frères, avec les fils des frères déjà décédés, puis les agnats plus éloignés. P. 85, art. 1, § 3. - Il faut savoir aussi que la succession au bénéfice n'est pas poursuivie en ligne collatérale audelà des cousins germains du côté du père, conformément à l'usage établi par les anciens sages, bien que de nos jours 24. C'est-à-dire : me revient en tant que seigneur.

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on l'ait exercée abusfrement jusqu'au septième degré et que, pour les descendants màles, le nouveau droit l'étende à l'infini. P. 173, art. L. - La nature de la succession au fief est telle que les ascendants ne succèdent pas ...

La fidélité vassalique. 1. L'investiture précède la fidélité. P. 120, art. 1v. - Je sais que l'on demande si l'investiture doit précéder la fidélité, ou la fidélité l'investiture. Et l'on a souvent répondu que l'investiture devait précéder la fidélité.

2. Comment le vassal doit jurer fidélité. P. 120, art. v. - « Je jure sur ces saints Evangiles de Dieu que je serai fidèle à celui-ci comme doit l'être un vassal à son seigneur 25 • » 3. De la nouvelle forme de fidélité. P. 121-122, art. vu. - On a trouvé une autre forme pour le nouveau serment de fidélité, forme approuvée par l'usage et qui semble aujourd'hui en vigueur dans presque toutes les cours, à savoir : comme pour deux vavasseurs. 5. Quant au vavasseur qui aura cinq chevaliers, son meurtre sera puni d'une amende de 60 onces d'or pur ; une 27. Voir également - et entre autres - VALLS TABER:'i!ER : El problema de la formaci6 dels Usatges de Barcelona, Barcelone, 1929 : WoHLH.\t:PTER Œ.) : « rsutici Barchinonae » (Altspanisch-Gotische Rechte, dans Germanenrechte, XII, 178 et suiv.). Weimar, 1936.

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blessure le sera de 30 onces. Et s'il a de plus nombreux chevaliers, que la composition croisse en proportion de leur nombre. Celui qui tuera un chevalier donnera comme composition 12 onces d'or. Celui qui le blessera (qu'il s'agisse d'une ou de nombreuses blessures) lui paiera une amende de 6 onces. 8. Le fils d'un chevalier sera indemnisé comme son père, jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de trente ans. Ensuite, il sera traité comme un rustre s'il n'a pas été fait chevalier. 9. Le chevalier qui se démettra de la chevalerie alors qu'il pouvait la tenir ne sera d'aucune manière traité comme un chevalier en ce qui concerne la procédure et les amendes. Celui qui n'a ni cheval ni armes, qui ne tient pas un fief de chevalier, qui ne va ni aux osts ni aux chevauchées, ni aux plaids ni aux assemblées, comme le doit un chevalier à moins qu'il n'en soit empêché par la vieillesse, est évidemment démis de la chevalerie. 10. Que les citoyens et les bourgeois soient traités entre eux, dans les jugements, les plaids et les compositions, comme des chevaliers. Au regard de la puissance publique, qu'ils soient traités dans les compositions comme des vavasseurs. 11. Pour les coups, les blessures, les captures, les mutilations ou aussi la mort infligés à un Juif, que les amendes soient fixées à la volonté de la puissance publique. 12. Pour un bayle qui a été tué ou mutilé, ou battu ou pris, s'il est noble, mange quotidiennement du pain blanc et monte à cheval, que la composition soit faite comme pour un chevalier. Mais que le bayle non noble ait la moitié de cette composition. 13. Que le meurtre d'un rustre ou d'un autre homme, qui ne tient aucun office, mais qui est chrétien, donne lieu à une amende de 6 onces d'or ; pour toute blessure, 2 onces. Pour une mutilation ou des coups, que l'amende soit calculée, selon la loi, en sous et deniers ... 23. Tous les hommes doivent remplir leurs devoirs envers leurs seigneurs partout où, dans leur ressort, ces derniers les ont convoqués. A l'égard de la puissance yublique, les

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vicomtes et les comtes sont tenus, pour chacun de leurs châteaux avec leur c honneur>, à 100 onces d'or de Valence. Mais le service du chevalier est estimé à 10 onces pour chaque château avec ses dépendances; pour les fiefs mineurs, il est estimé selon leur valeur ... Celui du rustre l'est pour 5 sous, et davantage... 25. Les vicomtes, les c comtors > et leurs vavasseurs, et aussi les chevaliers doivent se rendre aux plaids du comte partout où il les mandera à l'intérieur de son comté. Mais s'ils ne peuvent être revenus chez eux le même jour, qu'il leur donne un sauf-conduit. Le processus doit être le même entre les vicomtes, les « comtors >, les vavasseurs et les autres chevaliers : que chacun aille aux plaids du seigneur dont il est l'homme lige, ou de celui dont il tient son principal bénéfice, à l'intérieur de l'enceinte de sa cour, si le seigneur le veut. S'il ne le veut pas, qu'il convoque [le subordonné] au plaid partout où il le voudra, dans son ressort, de sorte que si [l'intéressé] ne peut être revenu chez lui le même jour, il lui donne un sauf-conduit ... 29. Si les magnats ou les chevaliers se refusent à remplir leurs devoirs envers leurs seigneurs, ainsi qu'ils doivent le faire, et si pour ce motif les seigneurs se saisissent du pouvoir sur leur château, ou s'emparent de leur fief, [ces mêmes seigneurs] ne doivent leur rendre ni le fief, ni le château avant qu'ils aient accompli leurs devoirs, payé les revenus et remboursé tous les frais que le seigneur a faits pour saisir le château, en assurer la garde et s'emparer du fief ... 31. Si, des vicomtes aux plus petits chevaliers, quelqu'un meurt ab intestat et sans avoir réglé le sort légal de ses fiefs, il sera permis à leurs seigneurs d'établir sur ces fiefs ceux qu'ils voudront parmi les enfants du défunt. 32. Les châtelains, dans les châteaux qu'ils tiendront au nom de leurs seigneurs, ne doivent pas placer sous eux d'autres châtelains sans le consentement du seigneur. Néanmoins, s'ils l'ont fait et si les seigneurs l'ont su et ne s'y sont pas opposés, les châtelains ... devront rester 28 • Mais si 28. C'est-à-dire c assurer la garde >.

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les seigneurs l'ont su et s'y sont opposés, que ceux qui ont placé là ces hommes les expulsent. 33. Si quelqu'un a donné son fief à un tiers, l'a mis en gage ou aliéné sans le consentement de son seigneur, si le seigneur l'a su et contesté il pourra s'emparer de ce fief quand il voudra. S'il l'a su et ne l'a pas contesté, il ne pourra pas s'emparer du fief. Mais il peut demander le service de ce fief à qui il le voudra, aussi bien au donateur qu'au bénéficiaire. Et si le service d.e ce fief lui a été contesté, il sera en droit de s'emparer du fief et de le tenir dans son pouvoir jusqu'à ce que le service lui soit compensé en double et qu'il soit bien assuré que [le service] ne lui sera plus contesté à l'avenir. 34. Celui qui s'est dérobé aux osts ou aux chevauchées du seigneur auquel il les doit, les compensera en double si le seigneur le veut, ou bien l'indemnisera de tout le dommage, des frais et pertes que le seigneur a subis en raison de ce manquement. De même, si les chevaliers, au cours des osts et des chevauchées accomplis au service de leurs seigneurs, ont subi quelque perte, ceux-ci les indemniseront dans la mesure où [les intéressés] pourront le prouver. 35. Celui qui a vu son seigneur dans une situation critique, qui s'est soustrait à l'assistance et au service qu'il doit lui faire, et qui à cause de cela l'a contraint de se racheter, ne doit en aucune façon obtenir ou détenir [la somme de] ce rachat. Si le seigneur veut que son homme augmente son service, qu'il augmente aussi son bénéfice. Sinon, que son homme fasse ce qu'il a coutume de faire et qu'il serve son seigneur comme il convient de le faire. 36. Celui qui est l'homme lige d'un seigneur doit le servir de son mieux selon son pouvoir ou selon leur contrat. Il doit servir le seigneur contre tous et ne doit servir personne contre lui. A cause de cela, nul ne doit prêter la ligesse à plus d'un seigneur, à moins que le seigneur dont il a été d'abord le lige ne l'ait autorisé à le faire. 37. Celui qui a abandonné à la guerre son seigneur vivant, alors qu'il pouvait le secourir, ou qui, dans un mauvais

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dessein, lui a fait défaut au cours du combat, doit perdre tout ce qu'il a reçu de lui. 38. Celui qui, mû par la colère, a défié son seig~eur ou lui a laissé son fief, que son seigneur s'empare de tout ce qu'il a de lui, et qu'il le détienne seulement jusqu'à ce que [le vassal] revienne dans son hommage, lui fasse droit et répare par serment le déshonneur qu'il lui a causé ; et qu'ensuite il récupère le fief qu'il a abandonné. 39. Celui qui a méprisé son seigneur et, par orgueil, l'a défié intentionnellement, doit perdre pour toujours tout ce qu'il a reçu de lui et lui rendre les biens meubles dont il ne lui a pas fait service. 40. Celui qui, sciemment, a frappé son seigneur (ou le fils légitime de celui-ci) avec la main, ou médit de lui, ou commis un adultère avec sa femme, ou enlevé son château et ne le lui a rendu que détérioré, ou lui a causé un dommage qu'il n'a pu réparer ni compenser, - pour un de ces méfaits, s'il est démontré et s'il en est convaincu, celui-là doit se livrer à son seigneur avec tout ce qu'il a eu de lui pour faire sa volonté, parce que c'est la plus grande félonie ... 47. Tout le dommage qu'un homme a causé à son seigneur, ou le seigneur à son homme, doit être réparé de part et d'autre sans chicane de droit, ni sans défi. 48. Tous les hommes, des vicomtes aux plus petits chevaliers qui tiennent d'eux leur c honneur :., doivent jurer fidélité à la puissance publique et tenir leur « honneur :> par un serment écrit (ceux-là du moins auxquels la puissance publique l'a demandé) ... 54. Que le vieux chevalier qui n'a pu se défendre luimème, ou que le pauvre chevalier qui ne peut s'équiper pour la guerre, soient crus par serment jusqu'à la valeur de 5 onces d'or de Valence. 55. Que les autres chevaliers, de vingt à soixante ans, qui ont juré et qui ont été reconnus comme parjures, se défendent personnellement contre leurs pairs ... 145. Si un alleutier - chevalier ou rustre - veut vendre ou donner un alleu à une église, à un monastère ou à quelqu'un, qu'il ait licence de le faire ...

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ D) EN ANGLETERRE

N° 54. Charte d'Henri ier Beauclerc, vers 1100 (éd. BÉMONT, n ° 608°, Chartes des libertés anglaises, 1100-1305, Paris,

1892, art. 3, p. 3-4 ; Select Charters, Oxford, éd. de 1913, p. 117-119). Art. 3 et 4. - Si l'un de mes barons, ou l'un de mes autres hommes, veut marier sa fille, sa sœur, sa nièce ou sa cousine, il en discutera avec moi ... Si après la mort d'un de mes barons, ou de mes autres hommes, sa fille reste héritière, je la donnerai avec sa terre selon le conseil de mes barons. Et si, son mari étant décédé, sa femme reste seule et sans enfants, elle conservera sa dot et son douaire ... Je ne la donnerai pas à un mari sans son consentement. .. Art. 4. - Le gardien de la terre et des enfants sera soit la femme, soit un autre proche. N° 55. Assise des armes (1181) (dans Select Charters, ...

Oxford, éd. de 1913, p. 183-184). 1. Quiconque tient le fief d'un seul chevalier doit avoir un haubert, un heaume, un bouclier et une lance. Que chaque chevalier ait autant de hauberts, de heaumes, de boucliers et de lances qu'il a de fiefs de chevaliers dans sa domination seigneuriale. 2. Que chaque homme libre laïque qui aura, en biens mobiliers ou en revenu, la valeur de 16 marcs ait un haubert, un heaume, un bouclier et une lance. Que chaque homme libre laïque qui aura 10 marcs en biens mobiliers ou en revenu ait un auberge}, un capellet de fer et une ~m~

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3. De même, que tous les bourgeois ... aient une cotte rembourrée, un capellet de fer et une lance. 4. Que chacun d'eux jure d'avoir ces armes avant la fête de la saint Hilaire 29 , de porter la foi au seigneur roi Henri, fils de l'impératrice Mathilde, de garder ces armes à son service, selon son ordre et en vertu de la fidélité due au seigneur roi et à son royaume. Et qu'aucun de ceux qui auront ces armes ne les vende, ne les mette en gage, ne les 29. 13 janvier.

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livre ou ne les aliène de quelque autre manière. Que leur seigneur, en aucune façon, n'en dépossède leur homme pour forfaiture, don, gage, ni pour une autre raison ... 8. Que personne ne transporte des armes hors d' Angleterre, sinon par ordre du seigneur roi. Que personne ne vende d'armes à quelqu'un qui les transporterait hors d'Angleterre ; qu'aucun marchand, ni autre, ne les transporte hors d'Angleterre. 9.... Que les juges fassent prêter serment par de loyaux chevaliers ou par d'autres hommes libres et loyaux des hundreds, des communautés de villages et des bourgs (aussi nombreux qu'ils !'estimeront à propos), qui auront en biens mobiliers la valeur de ce qui a été dit pour être obligés de posséder [chacun] un haubert, un casque, une lance et un bouclier ;... ils leur donneront, un par un, les noms de tous ceux qui, dans leurs hundreds, communautés de villages et bourgs, auront 16 marcs en biens mobiliers ou en revenu ; il en sera de même pour ceux qui auront 10 marcs. Qu'ensuite, les juges fassent inscrire tous ceux qui auront prêté serment ainsi que les autres, qui auront les biens mobiliers ou le revenu requis ; [ qu'ils fassent inscrire aussi] quelles armes ils devront posséder suivant la valeur de leurs meubles ou de leur revenu. Puis, en présence d'eux tous réunis en assemblée commune, que les juges fassent lire cette Assise sur les armes qu'il faut avoir, les fassent jurer qu'ils auront ces armes suivant la valeur susdite de leurs biens mobiliers ou de leur revenu et qu'ils les tiendront au service du seigneur roi, conformément à cette Assise, sous l'autorité et dans la fidélité du seigneur roi Henri et de son royaume. Mais s'il arrive que l'un de ceux qui devront posséder ces armes ne soit pas dans le comté à la date où les juges y seront, que ceux-ci lui fixent une date pour qu'il vienne dans un autre comté devant eux ... 10. Que les juges fassent dire, par tous les comtés où ils seront itinérants, que le seigneur roi saisira ceux qui n'auront pas ces armes, ... mais qu'en aucune façon il ne prendra ni leur terre, ni leurs biens mobiliers. 12. Le roi a prescrit que nul ne serait admis au serment des armes s'il n'était homme libre.

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N° 56. Privilèges de la féodalité anglaise d'après la Grande Charte (15 juin 1215) (n° 608 °, BÉMONT, Chartes des libertés anglaises, 1100-1305. Paris, 1892, p. 26-39). Jean, par la grâce de Dieu roi d'Angleterre, seigneur d'Irlande, duc de Normandie, d'Aquitaine et comte d'Anjou, aux archevêques, évêques, abbés, comtes, barons, justiciers, forestiers, vicomtes, prévôts, officiers, ainsi qu'à tous ses baillis et fidèls, salut ... Nous avons ... concédé à tous les hommes libres de notre royaume, pour nous et nos héritiers, à perpétuité, toutes les « libertés > ci-dessous mentionnées. 2. Si l'un de nos comtes ou de nos barons, ou de nos autres tenants-en-chef pour service de chevalier meurt et si, à sa mort, son héritier est majeur et doit le relief, que celui-ci ait son héritage moyennant l'ancien relief, à savoir : l'héritier ou les héritiers d'un comte, pour toute la baronnie du comte, 100 livres ; le ou les héritiers d'un baron, pour toute la baronnie, 1OO livres ; le ou les héritiers d'un chevalier, pour tout le fief de chevalier, 100 sous au plus ; et que celui qui devra moins donne moins, selon l'ancienne coutume des fiefs. 3. Si l'héritier de tels fiefs est mineur et se trouve sous tutelle, qu'il ait son héritage à sa majorité sans relief ni amende. 6. Que les héritiers soient mariés selon leur état, à condition cependant qu'avant la célébration du mariage les proches de la parenté en soient informés. 8. Que nulle veuve ne soit forcée de se marier, aussi longtemps qu'elle voudra vivre sans mari ; qu'elle donne toutefois sûreté de ne pas se marier sans notre consentement, si elle tient de nous, ou sans le consentement du seigneur dont elle tient, si elle tient de lui. 12. Que nul écuage ou nulle aide ne soient établis dans notre royaume, sinon par le commun conseil de notre royaume, sauf pour nous racheter, pour armer chevalier notre fils aîné, et pour marier une fois notre fille aînée ; et que, dans ces cas, il ne soit levé qu'une aide raisonnable ; qu'il en aille de mt'me pour lt•s aides cle la cité de Londres.

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14. Pour tenir le commun conseil du royaume au sujet de l'assiette de l'aide en dehors des trois cas susdits, ou au sujet de l'assiette de l'écuage, nous ferons semondre les archevêques, évêques, abbés, comtes et grands barons, chacun par lettres scellées de nous ; et de plus, nous ferons établir des convocations générales par nos vicomtes et baillis pour tous ceux qui tiennent de nous en chef, et cela pour une date fixée, avec un délai de quarante jours au moins, et pour un lieu déterminé. Et dans toutes les lettres de convocation nous donnerons la raison. 16. Que nul ne soit forcé de faire pour son fief de chevalier, ou pour un autre tènement libre, un service supérieur à celui qu'il doit. 21. Que les comtes et les barons ne soient soumis à l'amende que par leurs pairs, et non selon la nature du délit. 24. Que nul vicomte, constable, coroner ou qu'aucun de nos autres baillis ne tiennent les plaids de notre couronne. 29. Que nul constable ne force un chevalier à donner des deniers pour la garde d'un château, s'il veut la faire luimême en personne, ou si, empêché par une raison valable, il la fait faire à sa place par une autre personne de confiance ; et si nous le conduisons ou l'envoyons à l'ost, il sera exempt de la garde selon le temps qu'il aura passé pour nous à l'ost. 32. Nous ne tiendrons les terres de ceux qui auront été convaincus de félonie que pendant un an et un jour ; que les terres soient alors rendues aux seigneurs des fiefs. 39. Que nul homme libre ne soit pris, emprisonné, mis hors saisine, banni ou exilé, ou soumis à quelque autre dommage ; nous ne procéderons ni ne ferons procéder contre lui que par le jugement régulier de ses pairs ou par la loi de la terre. 46. Que tous les barons qui ont fondé des abbayes et qui en ont des chartes des rois d'Angleterre, ou qui sont en possession ancienne, en aient la garde, en cas de. vacance, comme faire se doit. 47. Qne toutes les forêts qui ont été, de notre temps, sou-

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mises à la loi de la forêt soient aussitôt libérées ; et qu'il en soit de même pour les rivières qui, par nous et de notre temps, ont été mises en défens. N° 57. Extraits de Ranuphle de GLANVILLE (éd. G.E. WoonBINE : Glanvill, De legibus et consuetudinibus regni Angliae) - vers 1187-1189. - New Haven et Londres, 1932 '°. P. 75. S'il est chevalier (ou s'il tient une tenure de chevalier), alors, selon le droit du royaume d'Angleterre, le fils aîné succède au père pour le tout. P. 103-104. A la mort du père ou de quelque autre prédécesseur, ... le seigneur du fief est tenu immédiatement de recevoir l'hommage de l'héritier direct, que celui-ci soit mineur ou majeur, pourvu qu'il soit mâle. Car les femmes ne peuvent, en droit, faire aucun hommage bien que, ordinairement, elles aient coutume de prêter fidélité à leurs seigneurs. Mais cependant, si elles sont mariées, leurs maris doivent faire hommage pour leur fief. Je dis cela si ces fiefs doivent l'hommage. Néanmoins, si l'héritier est mâle et mineur, le seigneur du fief ne doit avoir, en droit, aucune garde de l'héritier ou de son tènement avant d'avoir reçu l'hommage de l'héritier. Car, généralement, il est vrai que quelqu'un ne peut exiger d'un héritier, majeur ou mineur, nul service, nul relief, ou nulle autre chose avant d'avoir reçu l'hommage pour le tènement dont il assure avoir le service. Quelqu'un peut faire plusieurs hommages à divers seigneurs pour des fiefs [tenus] de divers maîtres, mais il importe qu'un seul d'entre eux soit le principal et que l'hommage soit fait avec liges se, à savoir que celui qui doit faire l'hommage le fasse au seigneur dont il tient son principal tènement ... Si le chef seigneur ordonne [au vassal] de venir a\'ec 30. Voir aussi l'édition de G.D.G. HALL, Tractatus de legibus et consuetudinibus regni Anglie qui Glanvilla vocatur. - The treatise on the laws and customs of the realm of England, commonly called Glanvill. Londres, 1965 (le texte latin est accompagné d'une traduction en anglais).

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lui en personne contre son autre seigneur, [le vassal] doit obéir à cet ordre, en réservant cependant le service de l'autre seigneur du fief qu'il tient de ce dernier. Voilà pourquoi il résulte clairement de ce qui précède que si quelqu'un a participé au déshéritement de son seigneur, et s'il en a été convaincu, il perdra, en droit, lui et ses héritiers, le fief qu'il tient de lui... N° 58. Extraits de Henry de BRACTON, De legibus et consuetudinibus Angliae (entre 1250 et 1258) (éd. G. E. WoonBINE. New Haven et Londres, II, 1922). P. 232. Il faut savoir que celui qui doit faire l'hommage ... doit aller vers son seigneur partout où il se trouvera dans le royaume, ou ailleurs s'il peut facilement le rejoindre. Et le seigneur n'est pas obligé de se mettre à la recherche de son tenant. Ce dernier doit lui faire l'hommage comme suit : il doit placer ses deux mains dans les mains de son seigneur, ce qui signifie de la part du seigneur protection, défense et garantie, de la part du vassal soumission et respect. Et [le vassal] doit dire ces mots : c Je deviens votre homme pour le tènement que je dois tenir de vous, et je vous porterai ma foi contre toutes gens qui pourront vivre et mourir, - la foi due au seigneur roi et à ses héritiers étant sauve. > Et, aussitôt après, qu'il fasse à son seigneur le serment de fidélité de cette manière : P. 232. « Tu entends, seigneur N., que je te porterai ma foi quant à ta vie et à tes membres, à ton corps, à tes biens et à ton honneur terrestre. Que Dieu me soit en aide, ainsi que ces saintes reliques. > P. 232-233. Et l'hommage ne doit pas être fait en privé, mais dans un lieu public et accessible à tous, en présence de plusieurs [témoins], dans le comté, la centaine ou la cour, afin que si... le tenant voulait par malice se dédire de son hommage, le seigneur puisse plus facilemeJ1t avoir l~ preuve de l'hommage et du service reconnu ...

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••• E) Dans le royaume latin de Jérusalem (Assises de Jérusalem, éd. BEUGNOT, dans Recueil des historiens des Croisades, Lois, I, Paris, 1841).

1. Le roi

Le serment du nouveau roi précède les engagements vassaliques (Livre de Jean d'IBELIN, chap. 193). Voz aYés oy cornent et quel sairement le chief seignor don reiaume fait au patriarche quant il reçeit la corone, et or orrés quel sairement il fait à ces homes avant que il li facent bornage. Il deit premierement jurer sur sainte Evangilles de Dieu, corne Crestien, que il... maintendra de tot son leau poer sainte Yglise et veves et orfenines en leur dreit, ... et tendra ... les bons uz et les boues costumes et les assises qui furent ordenées et faites ou dit reiaume, ... les dons et les preveliges que ces ancestres ont donés et fais en cest reiaume. Le roi de Jérusalem tient « sa seigneurie » de Dieu seul. Il ne prête l'hommage à personne (Livre de .Jean d'IBEL1;-.;, chap. 141). Le chief seignor dou reiaume de .Jerusalcm ... est de sa seignorie soul seignor et chief ; ne ne la tient d'aucun seignor que de Dieu. Ne il ne deit à home ne à feme bornage ne servise, ne aucune autre redevance. 2. Seigneurs et vassaux fait l'hommage (Livre de Jean d'lnE1.1:,·,

a) Comment on

chap. 195). Quant home ou feme fait homage au chief seignor dou reiaume, il deit estre à genoills devant lui et metre ces mains jointes entre les soes et dire li : « Sire, je deviens vostre home lige de tel fié, > et dire quel fié il est por quei il fait l'omage ; « et vos promet à garder et à sauver contre totes riens qui vivre et morir puissent. » Et 1r seignor li deit

DO3

respondre : « Et je vos en receis en Dieu f ei t>l en la meie, sauve mes dreis. » Et le deit baisier en fei en la bouche. b) Pluralité des hommages et réserve de fidélité (Livre de Jean d'IBELIN, cbap. 211). Se un home a pluisors seignors, il peut, sanz mesprendre d ..• sa fei, aidier son premier seignor, à qui il a fait bornage devant les autres, en totes choses et en totes manieres, contre toz ces autres seignors, por ce que il est devenu home des autres sauf sa feauté ; et aussi peut il aidier à chascun des autres sauve le premier et sam·e ciaus à qui il a fait bornage avant que à celui à qui il vodra aidier. c) Assise sur la Ligècc (/..,ivre de .rean d'IBELI~, chap. 195) ~1 • Se celui qui fait homage ... au chief seignor a fait avant ligece ou bomage à home ou à feme qui ne seit home dou chief seignor, ou à borne qui seit home dou cbief seignor, il le deit sauver à l'homage faire ; por ce que nul qui est home d'autrui ne peut après faire bornage à autre, ce il ne sauve son premier seignor, ou se il ne le fait par son congié, que il ne mente sa fei vers celui de qui il est avant home. Et qui fait bornage de chose qui seit ou reiaume à autre que au chief seignor, il le deit faire en la maniere dessus devisée, mais que tant que il ne li deit pas faire ligege, por ce que nul home ne peut faire plus d'une ligece, et que toz les homes des homes dou chief seignor dou reiaume li deivent faire ligecc par l'assise ; et puisque l'on li deit la ligece, l'on ne la peut à autrC' faire sanz mesprendre vers lui. Et home ou feme qui fait homage à autre est tenus à son seignor, par la fei que il li deit et par l'omage que il li a fait, de lui garder et sauyer contre lote riens qui vivre et morir puissent, et ce lui promet il à l'homage faire. d) Obligations réciproques (Livre de .Jean d'IBELIN, cbap. 206). Se home ment sa fei vers son seignor ou le seignor à son home, ... il ment sa fei vers l'autre. Et se le seignor en ataint son home, il est cncbcn en sa merci de cors et de fié et de :n. Voir aussi chap. 140 et 1!li.

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quanque il a ; et se il en viaut aveir dreil et il le requiert à sa court qu'elle li conoisse quel dreit il en deit aver, je

cuit que la court conoistra qu'il en peut de son cors faire justise, selonc ce que le mesfait sera, de trayson ou de fei mentie, et que il peut son fié et totes ces autres choses prendre et faire ent come de choze de traïtor ou de f ei mentie. e) Services vassaliques (Livre de Jean d'IBELIN, chap. 217).

Se sont les servises de quei je suis orres membrant que les homes deivent à celui de leur seignor à qui il deivent le servise de leur cors por les fiés que il tiennent de lui, quant il les semont ou fait semondre... Il deivent servise d'aler à cheval et as armes en sa semonce, en toz les leus dou reiaume où il les semondra ou fera semondre, o tel servise corne il deivent à aler en besoigne d'armes, se il sont semons si corne il deivent ; et demorer y tant come il les semondra ou fera semondre jusque à un an : que plus que un an de terme ne peut on acuillir semonce par l'assise ou l'usage dou reiaume de Jerusalem. Et celui qui deit servise de son cors, et de chevalier, ou de sergent, deit faire le servise par tot le reiaume, o lui ou sanz lui, se il en est semons si con il deit. Et quant il est à court, d'aler au conseill de celui ode cele à qui le seignor le done à conseill, se il n'est au conseill de son aversaire, ou se la carelle n'est contre lui meismes, quar nul ne doit plaidier contre lui par comandement de seignor ne d'autre. Et deivent faire esgars et conoissans et recors de cort, se le seignor le comande à faire ... Et hors dou reiaume sont il tenus d'aler et de faire treis choses por le seignor : l'une est por le mariage de lui ou de aucun de ces enfanz; l'autre por sa fei et s'onor garder et defendre ; la tierce por le besoing aparant de sa seignorie ou le comun proufit de sa terre ... Et au chief seignor deivent toz les avans dis servises, si corne il est avant devisié. Et feme qui tient fié qui deit servise de cors deit au seignor tel servise, qu'elle se deit marier à la semonce dou seignor, quant il la semont, si corne il deit de sei marier ; et quant elle c'est mariée, son baron deit au seignor les servises avant devisiés.

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3. Le fief a) Majorité et investiture (Livre de Jean d'IBELIN, chap. 169). Se fié escheit à enfant merme d'aage, et le seignor ou autre teigne son baillage, quant il a quinse anz complis, ce il viaut entrer en saisine de son fié, il deit venir devant le seignor en sa court et dire li : « Sire, je ais quinse anz complis ou plus d'aage, et se voz, sire, ou autre le mescreés, je sui prest de prover le, tot ensi come la court esgardera ou conoistra que je prover le déc. > Et après cest dit, se le seignor tient le baillage et seit que il a quinse anz ou plus, il li deit dire : c: Je vos en croi bien et metés vous en vostre fié quant vos voudrés >. Et se autre tient le baillage de cel fié, ou se le seignor ne set que il ait quinse ans ou plus, il doit dire : c: Je viaus bien que la court conoisse cornent voz devés vostre aage prover. > Et celui li deit dire : c: Sire, comandés à la court qu'elle face ceste conoissance. » Et le seignor le deit comander, et la court la deit faire, se cuit, ensi : qu'elle deit conoistre que il le deit prover par deus leaus crestiens, homes ou f emes, qui jurent que il a quinse anz ou plus d'aage et que il le jurent. Et se il ensile preuve, il aura bien prové son aage si corne il deit. Et quant il l'aura prové, il se peut metre en son fié totes les f eis que il viaut. Livre de Philippe de Nov ARE, chap. 21. Quant l'air don vavasour est d'aage de quinse ans complis, il ne doit mie requerre son fié à son bail, mais au seignor ùoit offrir son homage et son servise ; et si doit dire, se le seignor ou le bail mescreeit que il ne soit d'aage, il l'offre à prover au seignor si corne la court esgardera : et la preuve doit estre teil corn vous avés oi autrefeis dessus que l'hom doit prover aagc. Le seignor qui est tenus as deus doit garder le bail en son bailliage jusques au parfait de quinse ans ; et doit metre l'eir en son heritage, quant il ert d'aage ; et de l'eir doit recever preuve. b) Femmes et fiefs (Livre de Jean d'IBELIN, chap. 177) 32 , Quant feme a et tient fié qui deit servise de cors, et elle le tient en irritage on en baillage, elle en de-it le mariage au :\2. Yoir aussi chap. 227. 228 ...

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seignor ... de qui elle le tient, se il la semonc ou fait semondre ... de prendre baron. c) Hérédité (Livre de Philippe de NOVARE, chap. 20). Quant Dieu fait son coumandement d'aucun ou d'aucune qui ait fié, s'il ait fil ou fille loial qui soit d'aage, il se peut bien saisir dou fié sans parole au seignor : car l'on dit clairement que de ce dont pere ou mere meurt saisi et tenant corne de la SO(' choze, fi) ou fille demeure en autel saisine corne pere ou mcre avoit quant il ala de vie à mort... L'enfant doit estre en la garde dou plus prochain de ses parens ou amis à cui le fié ne peut eschair, et doit aver son vivre covenablement de son fié. Et se il est seignor, ... doit ... avoir son vivre honereement, et les fortereces garnir covenablement des rentes de ]a seignorie. Ibid., chap. 72. Quant Dieu fait son coumandement d'aucun chevalier ou d'aucun sergent qui deive servizr de pluisours chevaliers ou sergens, se il n'a heir mahle, et il y a plusors filles, elles partent toutes, se tant y a de servizes corne de filles ; et se mains y a de servizes, les ainnées en ont chascune un ; et se plus y a de servizes que de seurs, le fié est parti enterinement autant à l'une corne l'autre. Et s'il y a chevallerie ou sergenterie non per, chascune seur fait le servize de chevalier ou de sergent, et tant de mois come à lui monte à soie partie. L'ainnée doit faire l'omage et le servize de cors ait chief seignor, et les autres tiengent de l'ainnée, et il doivent faire bornage, sauve la ligece dou seignor ; ... et le servize de tant de chevaliers ou de sergens corne le fié monte, deivent eles à l'ainnée seur, et l'einnée le doit au chief seignor de tout. d) Douze causes de confiscation du fief (Osterreichische Akademie der Wissenschaften Philosophisch-Historische Klasse, Vienne, 1967, n° 4). 3. ARNALDI (G.) : c Il feudalesimo e le uniformità nella storia > (Studi medievali, anno IV 1, p. 315-323. Spolète, 1963). 1.

AMIRA

4.

ATTI DEL CONVEGNO INTERNAZIONALE Dl STUDI FEDERICIANI 3• Palerme, 1952. AUBENAS (R. J.) : « Quelques réflexions sur le problème de

5.

1. Arrêtée à la date du ter janvier 1970. - Pour l'Europe du Nord (Angleterre exceptée), pour les mondes byzantin et musulman, pour l'Orient (sauf l'Orient latin) et !'Extrême-Orient, en certains cas pour les villes, le commerce et les monnaies. voir la Bibliographie de notre t. 1, 2• éd. . 2. Cf. aussi n°• IV et V. 3. Frédéric II.

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la pénétration du droit romain dans le Midi de la France au Moyen Age > (Ann. du Midi, 1964, p. 371-377). 6. AZEVEDO (L. Gonzaga de) : Historia de Portugal. Lisbonne, V et VI, éd. de 1942 et de 1944. 7. Voir le n° 60. 8. BALON (J.) : Jus Medii Aevi... Namur, 1959-1960, 2 tomes. 9. BoUTRUCHE (R.) Seigneurie et Féodalité, t. 1. Paris, 1re éd;, 1959 ; 2' éd., (aux pages de laquelle nous ferons les renvois), Paris, 1968. 9 •. BouTRUCHE (R.) : avec la collaboration de CAHEN (Cl.), DoLLINGER (Ph.), DoLLINGER-LEoNARD (Y.) : « Histoire des institutions. Moyen Age > (dans IXe Congrès internat. des Sc. histor., l, Rapports, p. 417-471. Paris, 1950). 10. BaooKE (Chr.) : L'Europe ail milieu du Moyen Age, 962-1154 (tracl. fr. de G. RUHLMANN) ( « Histoire de l'Europe >, III). Paris, 1967. 11. BRUNNER (H.) : Deutsche Rechtsgeschichte. Leipzig, 2e éd., 1928, 2 vol. 12. BRYNTESON (W.E.) : « Roman law and legislation in the Middle Ages » (Speculum, 1966, p. 420-437). 13. Bt.;HLEH (J.) : Deutsche Geschichte. Berlin, 1 et Il, éd. de 1934 et 1935. 14. CAE~ECiHEM (R.C. van) : Le droit romain en Belgique. Milan, 191.W. 15. CALAsso (Fr.) : I glossatori e la teoria della sovranità. Milan, 3• éd., 1957. 16. CALAsso (Fr.) : Medio Evo del Diritto. I, Le Fonti. Milan,

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15. Du même auteur, sous presse : La féodalité en Grèce médiévale : les Assises de Romanie, leurs sources et leur diffusion (formera le t. X de la Coll. « Documents et recherches >, publiée, sous la direction de P. LEMERLE, par la IV• section de l'Ecole des Hautes Etudes).

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INDEX DES PRINCIPAUX NOMS DE MATIÈRE

L'effort essentiel a porté sur les termes techniques intéressant les dépendances. On ne s'est pas préciJ.>ité fébrilement sur ceux qui reviennent fréquemment : cens, seigneur, seigneurie, tenancier, tenure paysanne ; hommage et fidélité, investiture, fief, féodalité, vassal, vassalité... Ils figurent ici sous des rubriques particulières lorsque le vocabulaire, une définition ou un trait caractéristique réclament leur présence.

A Abandon de seigneurs rebelles par leurs vassaux : 214 et n. 215. Abbaye ; Abbé ; Moine ; Monastère (Rôle dans les grands défrichements) : 17 et n. 11 ; 18, 20 ; 23, n. 20 ; 24 ; 29, n. 32 ; 42 ; 43 et n. 9 ; 45. - V. aussi Dé{richemerzts. Abbaye de défrichement : 42. Abbaye de l'élevage : 42. Abbaye du sel : 42. Ab intestat : 65, 120, 213. Abrègement : 122, 123. - V. également Fief (1 r• rubrique). Abus (des souverains) : 227. V. aussi Seigneurs (abus). Accenseruent et inféodation : 108. : 192.

Activité législative ; Législation (Monarchies; Grandes principautés) : 300, 302, 305, 310 ; 321 à 324 ; 338 à 342 ; 348 à 351 ; 359 à 365. Adoubement : 190; 226 et n. 28; 323. Adoubement et fief de chevalier : 285, n. 38. Affermer : 119. - V. aussi Ferme (Bail à). Affranchi ; Affranchissement du servage : 58 et n. 49, 50 ; 60 à 62 ; 63 et n. 64 ; 69, iO, 74, 75, 78, 79, 80 et n. 113 ; 81 et n. 119 ; 82, 144, 171 ; 363, n. 100. Affranchissement du servage et octroi de chartes de franchises ou de coutu.lJ).es à des paysans libres (différences) : 80, n. 113; 145 et n. 9.

526

SEIGNEURIE ET PÉODALITÉ

~\ffranchissements du servage (Commissaires aux) : 82. Age féodal (Deuxième) : 131, 162, 174, 190, 195, 208, 217, 242. Age féodal (Premier) : 176, 208, 212, 221. Age incertain : 225, n. 26. Agenouillement ; Genoux fléchis : 153 et n. 5 ; 166, 170. Agent seigneurial : 16, 29, 84, 111, 117, 138. - V. aussi !,f inistérial. Agents de la monarchie : 302. - V. également Monarchie. Agrarii milites : 201, n. 167. Aide paysanne au seigneur : 138, 145. Aide (Devoir, Service) vassalique : a) De conseil, de cour : 182 à 190; 364, n. 102. b) Militaire : 192, 195 à 201; 335 à 340. - V. aussi Services militaires. c) Pécuniaire : 190 et n. 127 ; 191 et n. 129 ; 192, 339, 340 ; 364, n. 102. d) Taxe de remplacement de l'aide militaire : 201, n. 167 ; 203, 323, 324 ; 337 à 339. e) Taxe de remplacement pour le couronnement impérial : 198, n. 159. Aînesse (Droit d') : 44, 121 ; 231 et n. 45 ; 232 et n. 46 ; 235 et n. 55, 56 ; 236 et n. 59 ; 316, 331. Aliénation de tenures : 115, 176.

Alleu, alleutier, allodial : a) Alleu chevaleresque 280. b) Dime allodiale : 283, n. 34. c) Diminution : 279, 283, 284. d) Disparition : 278 et n. 11 ; 279 et n. 13 ; 330, n. 22. e) En général : 52, 142 ; 243, n. 82 ; 281 et n. 25 ; 303, 308 ; 313, n. 1. f) Alleu et aumdne : 295. - Voir aussi AÙmdne. g) Alleu repris en fief (= fief de reprise) : 277 et n. 6, 7 ; 279 et n. 12 ; 280 ; 282 et n. 32 ; 283 et n. 34. h) Alleu simple et seigneurie allodiale : 279. i) Alleux transformés en fiefs : 281 et n. 25 ; 282 et n. 32 ; 283 et n. 33, 34; 294. j) Alleux transformés en francs-fiefs : 204 ; 282 et n. 32 ; 283 et n. 34. k) Alleux transformés en tenures roturières : 280 à 283. - V. également Aamdne, Fief, Francf ief. c Ami charnel > : 179 et n. 86. Amortissement (Et taxe d') : 282, n. 32 ; 295 ; 296 et n. 59. Anachronisme (Péché d') : 360. Anarchie : 151, 248, 366, 368. Anarchie du x• siècle : 11 O. « Anarchie féodale > : 36. Apanage : 254, 260, 301.

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INDEX DES NOMS DE MATIÈRE

Appel : 137 et n. 26 ; 208, n. 197; 213. Arbitrage, arbitre : 135, 185, 188. Arbitraire : 78 ; 120, n. 89 ; 147, 177, 190. Archaïsme : 48, n. 18 ; 367. Archonte : 339, n. 46 ; 362 ; 364, n. 101. Aristocratie germanique et Etat : 304 à 311. Aristocratie guerrière (Classe) : 366. Aristocratie laïque et Eglise 290, 291. Armée féodale subventionnée 200 et n. 165. Arrière-fief transformé en fief ; Arrière-vassal en vassal : 214, 219, 301.

Assecuratio ( = Promesse de sécurité) : 181 et n. 96 ; 322, n. 10. Assise des armes : 336, n. 37. Assise sur la c Ligèce > : 350 et n. 72 ; 351 et n. 73. Assises de Jérusalem : 348, 352 ; 358, n. 82 ; 360 et n. 86. Assises de Romanie : 360 et n. 86. Aumône (Libre Aumône ; Pure et Franche-Aumône) : 203, n. 179 ; 295. - V. aussi Alleu. Autorisation d'absence (Etats latins d'Orient) : 340. Aveu (Dénombrement; Monstrée) : 160. Avouerie (Avoué; Sousavoué) : 43, 44, 46, 88 ; 89 et n. 15 ; 90 et n. 17 ; 91, 126 ; 128, n. 7 ; 132, 138, 251, 257.

Règlements d'avouerie 90 et n. 16.

B

Bail (Perpétuel) : 120. Bail (Temporaire) : 119, n. 83. Bailli : 255, n. 12. Baiser : 154 et n. 6, 7, 8; 170, 303. Ban ; Banalités : 16; 18, n. 12 ; 43 ; 45, 93, 97, 105 ; 126 et n. 3; 137 à 140 , 145, 329 ; 357 et n. 81. Ban royal : 52, 89. Banvin : 139, 144, 145. Baron (Définition) : 264 et n. 27 ; 265 et n. 34 ; 266. Baron et souYerain : 267, n. 37. Baron (Place dans la hiérar-

chie nobiliaire et dan, le vocabulaire féodal) : 265 ; 352, n. 74. Baronnie : 41, 240, 264, 337, 357, 361, 362. Baronnie (Définition) 266, 267. c Baronnie du duché > : 256 ; 267, n. 37. Baronnie et fief de chevalier : 322, n. 10. Barschalken : 50 et n. 27 ; 54. Bastide : 24 et n. 24 ; 25, 28, 69. Bavardes (Société&) : 183. Biens (Confiscation) : 307, 316. Bocage : 25 à 27. Bordage ; Borde ; Bordelage ; Borderie ; Bordier : 11 ; 49, n. 23 ; 50 et n. 26 ; 114. Bouclier (Chevalere,que, Vas1alique) : 219, 221 ; 308 et n. 79. Bourg : 25 et n. 26 ;-27. Bourgeois ; Bourgeoisie : 17, 22, 29, 30, 43, 45 ; 46 et n. 15,

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SEIGJSEURIE ET FÉODALITÉ

16; 105, 122, 194 ; 288 et n. 43 ; 329 ; 330, n. 22 ; 343, n. 56. Bourgeoisie et Ministérialité 87. Brigand : 16, 17. Bureaucratie : 323.

c Cancer impérial : 311. Cas royaux : 188. Casai : 114 ; 329 et n. 18. Caste princière : 309. Catalogue des Barons : 335, n. 33 ; 340. - V. aussi Fiefs (Registre).

Cens (all lieu de serr,ice armé) : 203. - V. aussi Aide vassalique (c).

Cens (Signification) : 116. Cens ( « symbole > de droits éminents) : 319. Cens en argent (Faiblesse) : 116. Cens en argent, cens en nature : 117. Cens (En principe immuable) : 117. Cens ; Champart et Dîme : 11 i et n. 76. « Cens sur cens ne vaut> : 118 ; 119 et n. 80 ; 122. Censier et Coutumier (Renseignements) : 96, 126. - V. aussi Coutumier. Censive en fief : 278, n. 1O. Cerecensuales : Sainteurs : 50, n. 27 ; 51, n. 28. Cession de fiefs au églises (Rér1lementatfon) : 29·1 et n. 54, 55.

Champart : 18, 20, 107, 114, 117 ; 119, n. 80 ; 120. Chanson de geste : 177, 210 ; 214, n. 215 ; 298, n. 60. Charistikion ; Charistikia : 356. Chartes de coutumes et chartes de franchises. - V. ces mots et Affranchissement du servage.

Chartes de franchises dans la Péninsule ibérique : 142, 143. Chartes de franchises, en 1250, par Saint-Germain-des-Prés : 144 ; 191, n. 129. Chasse : 16, 19, 29. « Château adultérin > : 315. Château-fort, Châtelain, Châtellenie ; Bastille, Citadelle, Forteresse, Redoute : 11, 17 ; 31 à 39 ; 41 ; 42 et n. 7 ; 43 et n. 10 ; 128, 132, 133, 145, 251 ; 255 et n. 12 ; 257 ; 26i à 269 ; 321, 361, 365, 370. Château (à motte) : 33. Château (jurable et rendable) : 38. Châtelain et viguier : 269. Chefs territoriaux (En général) : 256, 257. Chefs territoriaux et paysans libres : 15. Chef territoriaux (Instabilité) : 253. Chevage : 60 et n. 57, 59 ; 74, 75, 78. Chevalerie et noblesse : 284 ; 285 et n. 38. Chevalier domestique : 269. Chevalier du château : 36. Chevauchée (Définition) : 198 ; 200, n. 165. Chronique de :\Iort'.·e : 359 ; 360 {'f n. 84.

INDEX UES ~OMS UE :MATIÈRE

Classement des hommes (Morée) : 361, 362. Collectivité villageoise : 171. V. aussi Communauté rurale (ou villageoise). Colliberti ; culverts : 72 et n. 97, 99 ; 73 et n. 101. Colon, colonisation : 54, 146. c Commender > (Se) : 51. c Commendise > : 172. Commise : 134, 211. Communal : 26, 29. - Y. aussi Usage. Communauté patriarcale : 13, 114. Communauté rurale (ou paysanne ; ou villageoise) : 18, 138, 139, 144, 145, 329, 344, 356. Communauté rurale et seigneurie terrienne : 93. V. aussi Collectivité, Seigneurie et village. Commune rurale (Interdiction) : 144. Compagnon, compagnonnage : 65, 179, 345. c Comte de la flotte > : 334, n. 30. Comte et Sheriff : 263 et n. 22. Comté de type féodal : 262. Comté-palatinat : 259 et n. 15. Comtés (Edesse, Tripoli) : 344, n. 57. Concordat de Worms : 304, 305. Concurrence (entre seigneurs) : 120, 128, 132. Confiscation de biens serviles : 69.

Conflits (Entre agriculteurs et pasteurs : 29 et n. 32 ; entre bourgeois et paysans : 21 ;

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entre seigneurs et ruraux : 29 et n. 32 ; entre seigneurs et subordonnés) : 211. - V. aussi Démêlés. Conquête normande de l'Angleterre : 49, 139, 248, 259, 326, 331. Conquêtes (Robert et Roger Guiscard) : 319. Conquêtes et empreinte normandes en Orient latin : 325326 ; 329-330 ; 332. V. aussi Marque normande. Consentement (Assentiment ; Autorisation) du maître : 118, 119, 123 ; 217 et n. 4 ; 218, 221, 228 ; 229 et n. 39 ; 230, 273 ; 294 et n. 55 ; 295 ; 296, n. 59. Consentement du maître au mariage du serf, ou de la serve : 62. Consiliarii : 183. Constitutions (Capoue, Melfi) 321, 322. Consuetudines (Coutumes) 268 et n. 41. Contado : 46, n. 16 ; 126. Contrat synallagmatique : 204. Contrat vassalique (Royaume latin de Jérusalem) : 352. Conventions de Viterbe (1267) : 366. Convenientiae : 313, n. 1. Corvée : 96, 97, 98; 100 à 102 ; 104, 106, 107, 110, 113, 145, 268, 344, 356. Corvée (Lot-) : 101. Corvées et faire-valoir direct 106. Co-seigneurs : 36, n. 48. Cotsetla : 50, n. 26. Cottage, cottier : 50 et n. 26.

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

Cour (Composition) : 133 et n. 20; 185 et n. 111. - V. également Tribunal. Cour de centaine, de comté, de voyer : 127 à 130. Cour de justice : 128, n. 7; 134. Cour des pairs : 323. Cour du roi (Cour capétienne) : 129 ; 186, n. 117 ; 188, 189 ; 209, n. 201 ; 223. Cour princière, c: morne parc de barons > : 193. Cour privée, substituée à cour publique : 187. Cour souveraine : 255. Cours (Royaume latin de Jérusalem) : 348, 349. Cours seigneuriales : 133 et n. 20 ; 153 ; 186, 187 ; 188 et n. 123 ; 189 et n. 125. Coutume des nobles et Coutume des fiefs : 289. Coutume (Maison d'Albret) : 233. Coutumes (Fixation) : 146. Coutumes, franchises, libertés (Chartes de) : 80, n. 113 ; 141, 143, 144. Coutumes (locales) : 56 et n. 42 ; 58, n. 50 ; 66 ; 74, n. 103 ; 113, 118, 122, 130 ; 143, n. 6 ; 144 ; 157 et n. 23 ; 191, 196, 217, 219, 228 ; 231, n. 42, 45 ; 232 à 236 ; 240 ; 241, n. 70 ; 242, 260, 293, 316 ; 322, n. 10. Coutumes (privées) : 45, 50, 121, 233, 293. Coutumier : 166, 178, 179. V. aussi Censier et Coutumier.

Coutumier (Droit) : 232. Coutumiers (Pays) : 230.

Couture : 16, 22, 110. Cumul de couronnes par Charles d'Anjou : 324.

D

Débats (Controverses) : 13 ; 85, n. 6 ; 102 ; 103 et n. 42 ; 125, 143 ; 258, n. 14 ; 285, n. 38 ; 313, n. 1 ; 342. - V. aussi Vocabulaire.

Déclin commençant de la féodalité : 191, 371. « Defaute de droit > : 189 et n. 125. Défi : 210. Défrichements (grands), défriché, défricher ; défricheur : 11 à 30 ; 45, 110, 112, 145, 147. Déguerpir, déguerpissement : 119. Délits (Classement des) : 134 et n. 22. Démêlés (Frédéric Jer et Henri le Lion) : 307. Demi-libre (Semi-liber) : 53. Démographie (Accroissement, Poussée) : 13, 19, 22, 28, 104, 110 ; 114, n. 71. Démographie (Crise) : 97. Départs de Normands (Causes) : 317. Dépendance et liberté : 55, n. 38. Dépendance et servitude : 55, n. 38; 60. Dette : 180 et n. 90. Diète (d'Empire) : 310. Diète (Roncaglia) : 305. Digue (Levée) : 20 à 22.

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INDEX DES NOMS DE MATIÈRE

Dime : 18, 42, 107, 108, 117, 118. Dimes novales : 15. Doctrinal (Effort) : 341. Documentation. V. également Débats ; Vocabulaire. Aléas : 92 et n. 20 ; 95, 96 ; 109, n. 56; 118; 177 à 179 ; 276, 282, 286. Faiblesses : 12, 13, 47. Richesses : 17, 274, 280, 282. Domaine direct (ou éminent) : 243. Domaine double : 124 et n. 99; 243, n. 82. Domaine(= Réserve) : 109. Domaine (= Réserve) (annexion de tenures au) : 107. Domaine utile : 243. Domanial. Bien : 111, 124. Causes de l'affaissement 102 ; 103 et n. 42 ; 110. Géographie : 102. Régime : 95 à 101 ; 106, 110, 145. Domesday Book : 40, n. 2 ; 50, n. 26 ; 54, 79, 83. Dominical (Manse) : 109. Donations pieuses : 45 ; 93 et n. 21 ; 110, 293. Dot, doté, doter : 190 et n. 128 ; 232 et n. 47; 236 et n. 58. Droit canon ; droit romanobyzantin : 320. Droit écrit (Droit romain ; Romanistes) : 30, 55, 70, 78 ; 82 et n. 123 ; 121, 189, 232; 234, n. 52. Droit écrit et droit coutumier (Dosages entre) : 236, n. 58. Droit familial : 323.

Droit féodal : 307, 362. Droit (Monument, du) : 255. Droit réel : 158. Droits, pouvoirs régaliens : 37, 251, 260, 267, 305, 340. Duc (Indocilité) : 257. Duel judiciaire : 57 ; 135 et n. 23; 301-302. Dynasties (Enracinement) 254 à 256.

E

Ecrit (L') : 115, 135, 160. Ecuage : 336 et n. 37 ; 337; 338 et n. 42. , Elevage : 22, 29, 106, 107, 108, 111, 118. Eminent allodial (Domaine) : 277 ; 282 et n. 32. Eminents (Domaine ; Droits ; Pouvoirs) : 44, 120, 158, 221, 24 7, 294, 346. Empire (Princes d') : 308 ; 309, n. 82. Endettement paysan : 82. Enfants, après formariage servile (Sort des ... ) : 63. Engagère : 46, n. 15. Enquêtes : 137, 274, 337, 361. Enquêtes de 1166 en Angleterre : 336. Enquêtes de 1133 et de 1172 en Normandie : 333, n. 29 ; 336. Entrée (Droits d') : 115. Entrepreneur de colonisation : 16. Epoque des premiers Capétiens : 298. Esclavage, esclave : 71, 75, 76, 77.

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

Esclavage et régime domanial : 96, 1OO. Esclavage ; Servage : 162. Essart, essarter : . 17 et n. 11 ; 112. Etablissement fautif : 28. Etat (Effritement) : 296, 297. Evêché du vin : 43. Exactions : 102, 139. F

Faire-valoir (Exploitation ; Gestion) direct : 27 ; 105, n. 44 ; 106, 108. Familia : 59, 62, 84, 95, 174. Familiers : 182. Famille : 370. V. aussi Manse.

Familles

(Prépondérance de grandes) : 352. Féodal (Contrat) : 284. - V. aussi Contrat synallagmatique.

Féodal (Droit). - V. ces mots. Féodal (Système, dans le Royaume latin de Jérusalem) : 345. Féodal (Tribunal) : 185, 186. - V. aussi Cour. Féodale (Historiographie) 366. Féodale (Pyramide) : 212, n. 210 ; 316, 370. Féodalisation précipitée : 166. Féodalité à l'état pur (Faiblesses) : 353. Féodalité « anarchique > : 348. Féodalité (Aspect déplaisant) : 228. Féodalité dans l'Empire (Géographie ; traits particuliers)

303.

~

Féodalité (Elément personnel et élément réel dans la) : 175 et n. 74 à 76 ; 176 et n. 79. Féodalité et Bourgeoisie : 46 ; 288 et n. 43, 45. Féodalité et Eglise : 289 et n. 47 ; 292, 296. Féodalité et Etat (Empire) 303-311. Féodalité et Villes : 287. Féodalité (Franges) : 216. Féodalité (Géographie vers l'an mil) : 312. Féodalité importée et féodalité spontanée : 367. Féodalité improvisée, incomplète (Empire latin de Constantinople) : 357. Féodalité (Italie méridionale et Sicile) : 320 à 325. Féodalité (Nature) : 370, 371. Féodalité (organisée par Godefroy de Bouillon) : 352, n. 75. Féodalité (Pierre blanche) : 365. « Féodalité pillarde et sanguinaire > : 212, n. 209. Féodalité (Progression) : 276. Féodalités (Epidermiques} 313, n. 1. Féodalités (Fausses) : 151. Féodalités normandes (Traits communs, ou proches} : 331 à 341. - V. aussi Marque normande.

Féodalités triomphantes Féodaux (Ages) : 370. Fermage (Versement du) n. 46. Ferme (Bail à) : 44, 104 ; n. 44 ; 108, 110 ; 120, Ferme (Preneur il) : 44. Fétu : 210.

: 367. : 106,

105 et n. 87.

INDEX DES NOMS DE MATii-:RE

Fidélité (Serment général de) : 341, 365. Fidélité et c dons > : 173 et n. 69. Fidélité (seule) : 87, n. 12 ; 292 et n. 52 ; 313, n. t ; 328, 365. Fidélité (seule, prêtée après l'investiture) : 327. Fidélité, foi (vassalique) : 154 et n. 9; 155; 156et n.14, 15; 173, 181, 184, 223, 287 ; 292, n. 52. - V. aussi Hommage. Fidélité, foi (vassalique) et hommes d'Eglise : 156, 292. Fidélité (Nouvelle forme de) : 168 et n. 56. Fidélité (Réserve de) : 163, 164 ; 168 et n. 56 ; 169 et n. 57, 58 ; 180 ; 182, n. 98 ; 213 et n. 213 ; 214, 300, 306, 316, 331. Fidélité (servile) : 170, n. 60. Fief. Abrégé, abrègement : 218, n. 5 ; 220 et n. 13 ; 226 ; 229, n. 39 ; 244. Aliénation : 216 à 219, n. 6. Arrière-fief. Voir ce mot. Baillistre : 216, 227. Censive en fief. - Voir ces mots à censive. Confiscation : 274 ; 300, n. 64; 306. Hérédité : 369. Indivisibilité, intégrité, unité : 233 ; 234 et n. 50, 52, 53; 236. Régime privé : 347, 348 ; 364 et n. 102. Saisie : 230, n. 40 ; 244. Succession, régime 1ucces-

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soral : 228, 229, 230, 233; 236 et n. 58, 59. - V. aussi Alleu repris en fief. Fief de château : 196. Fief de chevalier : 196, 331 ; 334 et n. 31 ; 335 et n. 33, 34 ; 337, 346, 357. Fief de chevalier, de haubert : 272, 332, 333. Fief de chevalier et seigneurie rurale : 361. Fief de dignité : 228, 233, 240. Fief de sergent, de sergenterie : 196 ; 270 et n. 47 ; 361. Fief (Dévestiture et investiture) : 217. Fief et classes sociales : 287. Fief et justice : 187 et n. 120, 121. Fief (Hérédité; Héritage) : 221 à 226; 228 ; 229 et n. 36, 37 ; 241 ; 364 et n. 104. c Fief ne remonte > : 240. Fief (Patrimonialité) : 217. Fief (Rente en) : 169, n. 58 ; 212, n. 211 ; 224 ; 272 et n. 51 à 54 ; 273 et n. 56 ; 274, 322 ; 329, n. 20 ; 346 et n. 62. Fief (Retrait da) : 211, n. 207. Fief (Rôle économique) : 220. Fief (Temporaire, Viager) : 224 ; 225 et n. 25; 364, · n. 104. c: Fiefs allodiaux > : 203. Fiefs (Démembrement; Morcellement; Partage) : 234 ; 235 et n. 55, 56 ; 275. Fiefs (Enregi&trement des) et des services : 322, 340. V. aussi : Fiefs (Regi,tre). Fiefs et bourgeois : 288 et n. 43. Fiefs et nobles : 288. Fiefs et censives, tenures rotu-

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

rières (Confusion) : 203 et n. 176 ; 216, n. 1 ; 313, n. 1 ; 332, n. 26 ; 361, n. 90 ; 363, n. 100. Fiefs c libres de service > : 202 et n. 175. Fiefs peu chargés : 195 ; 201 à 204. Fiefs (Prestations) : 202 et n. 173. Fiefs Registre : 340, 361. - V. également : Fiefs (Enregistrement). Taxe annuelle : 202. Taxes de mutation sur les fiefs : 220, n. 13 ; 244, 293, 364. Fiefs transformés en alleux : 278 et n. 9. Fiefs transformés en censives : 288, n. 45. Filière vassalique : 200, n. 165. Filles dotées (exclusion successorale) : 44. Finage : 23. Fiscalité : 107, 110. Foi jurée et liens du sang : 179. Foi ( c Démission > ; Portée) : 208, n. 197. - V. aussi Fidélité. Forestier : 85, 138. Forêt : 17, n. 11 ; 19 et n. 14 ; 26, 27 ; 29 et n. 32. Formariage : 60 à 64; 74, 75, 78, 137, 144. Fortune foncière seigneuriale : 40, n. 2 ; 42, 43, 44. Fortunes, d'après leur origine et leur nature : 231, 284. Franc-fief : 203 et n. 177 à 179. Franc-fief (Taxe de) : 288 et n. 45.

Frankpledge : 69 ; 129 et n. 8. Frérage : 239 et n. 64. Frontières féodales (Suppression) : 161. Fusion des peuples (Pas de) 343, 344, 363, 364. G

Garde des châteaux : 198, n. 161 ; 200 et n. 166. Garde des enfants mineurs : 364. Garde du maître : 227, 260. Garde familiale : 227 et n. 32. Garde générale des églises : 300. Genre de vie : 45. Geste des mains : 153 à 155; 289, n. 47 ; 303. - V. aussi Fidélité; Hommage; Vassaliques. Gîte : 145, 147. « Gouffre des usures > : 302. Grande Charte : 211, 242 ; 243, n. 80; 266. Grange : 23, n. 20 ; 25, 106, 108. Guerre et aristocratie : 192, 193, 194. Guerre injuste, guerre juste : 196, n. 154 ; 206. Guerre privée : 200, n. 165 ; 204 ; 302 et n. 68 ; 322 ; 341, n. 50. Guet : 99, 138. H

Habitat : 11, 22 ; 23 et n. 20 ; 31, 34. Hameaux disparus : 27. Haute Cour (Morée; Royaume de Jérusalem) : 186, n. 116 ;

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INDEX DES NOMS DE MATIÈRE

350. - V. aussi Cour de Justice. Heerschild : 308 et n. 79 ; 309. Hérédité (Héritage; Héritier) : 45, 120, 121, 224, 225. - V. aussi Fief. Hérédité, héritage serviles : 56 et n. 42 ; 64 et n. 70 ; 65 ; 66 et n. 75, 76. Hide : 112, 113. Hiérarchie administrative; Hiérarchie sociale : 44, 4 7, 255. High farming : 103, n. 42. H amines de potestate : 74. Hommage. Ample, plane, simple : 166 et n. 47, 48 ; 167 ; 229, n. 39 ; 243, n. 80 ; 362. Annulation : 208 et n. 197. De paix : 160, 161. En général : 153 et n. 4, 5 ; 155, 156 ; 157, n. 23 ; 160, n. 27. En marche : 161. Hommage et fidélité par des roturiers libres : 171. Hommage et fidélité (ou foi) vassaliques. Dispense : 292, n. 52. Rassemblement : 154 ; 156 et n. 14, 18 ; 248. Séparation : 156 et n. 19; 157, n. 23 ; 318, 319, 366. Hommage et fief : 164, 217 ; 222 et n. 16; 292. Hommage (Renonciation à l') : 164, 217, 292. Hommage semi-lige : 167, n. 50. Hommage servile : 57 ; 170 et n. 60; 171. Hommages multiples (ou Plu-

ralité des hommage&) 162, 163, 168, 207. - V. aussi Ligesses multiples. Homme couchant et levant 48 et n. 19 ; 79. Homme d'affaires : 46. Homme de corps : 49, n. 23. c Homme de fief > ; c Homme féodal > : 175 et n. 76. Homme de franche condition : 48, n. 19. « Homme de mon homme n'est pas mon homme > (L') : 212 et n. 211. Homme de pôté. - Voir ces mots, à Pôté. Homme franc du roi : 52. Homme propre : 48, n. 19 ; 76. c Homme solide > : 165, n. 41. Homme taillable : 48, n. 19 ; 79. Homme vivant et mourant 295. « Hommes peu instruits > 370. - V. aussi Subordonnés ignares. « Honneur > (Dé{inition) : 263 et n. 23 ; 264 et n. 24, 25. Hospites, homines commorantes : 75. Hôte ; Hôtise : 16, 17, 20 ; 49 et n. 23 ; 52 et n. 30 ; 93, · 94, 114, 145 ; 329, n. 19. Hube : 112, 113. Hundred : 262. Hundred Rolls : 40, n. 2.

1

Immigrant, immigration : 11 à 14 ; 22. Immuniste, immunité : 52, 88,

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SEIGNEtTRIE ET FÉODALITÉ

90, 126, 128, 132, 251, 255, 258 ; 289, n. 47 ; 362 ; 366. n. 114. Indenture : 337. Inféodation (Avantages) : 244, 245. - V. aussi Fief. Inféodation collective : 237. Intendant : 43 ; 93, n. 22 ; 95, 104. Investi, investir, investiture. V. aussi Fief (Dévestiture et investiture). Avant les serments vassaliques : . 158 et n. 24. Délai : 159 et n. 26. En général : 222, 223 ; 313, n. 1 ; 318, 319. - V. en outre Serments. et investiture. Surpercheries : 220, n. 13. Investiture à des religieux 292 et n. 50. lqtà : 151, 329, 344, 345.

Justice (En général) : 93 ; 126 à 129 ; 132, 134, 136, 145. Justice (Foncière) : 131. Justice (Haute) ; Haut justicier : 131, 132 ; 134 et n. 21 ; 137 et n. 19. Justice (Moyenne) : 131. Justice : 298, 310. V. aussi Monarchie. Ubellarii : 50, 52, 1OO. Liberté, libre.s (Définition et J caractères) : 51, 52. Liberté et servitude (Critères) : « Je deviens votre homme > 155, n. 10 ; 176. 78, 79. « Je te porterai ma foi > : 181. Liberté restreinte : 53 et n. 35. Juge itinérant : 129, 227. Liberté testamentaire : 44, 231, 233 ; 234, n. 52 ; 236, n. 58, Juge professionnel : 186, 189. Jugement volontairement faus59. sé : 189 et n. 125. Libertés (Nuances dans les) : Juridiction gracieuse : 185. 147. Juriste normand : 161. Libertés paysannes, libres payJustice (Basse) : 131, 132. sans : 11, 115. Justice de composition et jus- Libre (Dignité d'homme) : 127. tice répressive : 137. Libre du roi : 50, n. 27 ; 53, Justice de sang : 138, 251, 362. n. 32. Justice devenue privée : 127. c: Lieux francs... par coutume> : 68. Justice ecclésiastique et justice Lige, ligesse : 164 à 167 ; 169 et laïque : 136.

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INDEX DES ~OMS DE MATif:RE

n. 57, 58; 176; 180, n. 90; 184 à 186 ; 189, n. 125 ; 190, n. 127 ; 204, n. 183 ; 214 ; 229, n. 39 ; 242, n. 73 ; 243, n. 80 ; 316, 331 ; 339, n. 46 ; 350 et n. 72 ; 351, 362, 365. Ligesse (Géographie) : 165. Ligesses multiples : 167 et n. 52 ; 168 et n. 53, 54. Lignage, liens lignagers : 116, 240. Locator : 43. Lods et ventes : 115 et n. 73; 218. Lutte de classes : 147. - V. aussi Conflits.

Mariage d'une fille en possession d'un fief : 230. Marque normande : 314. Ma1&a, massarii : 50. Masure : 114, 144. Mayne : 114. Meilleur catel : 65 et n. 74 ; 120, n. 89. Mercenaire, mercenariat : 201, 300, 317, 318, 323, 332, 338, 339. Mesnie : 286. Métayage : 106, 117, 120. Militaires. Equivalences: 196, n. 156; 197, n. 157 ; 288, n. 43. Fraction

M

:\lain-d'œuvre rurale : 20, 95, 102, 107. Mainmorte (Biens de) : 293. Mainmorte (Etablissement de) : 119. Mainmorte (Servile) : 60 ; 64 et n. 69 ; 66 et n. 75 ; 74, 75, 78, 80. Maire : 85 et n. 5. Maitres mauvais : 209. Malservi : 55, 79. Manant : 48 et n. 19. Manoir : 83, 92, 107. Manoriale (Juridiction) 129. Manouvrier : 48. Manse. Charges : 95, 1OO. Manse et famille : 113. V. également Famille. Manse et ménage : 112. Marche d'Autriche (Privilëges) : 306 et n. 75. Mariage de la fille ainée d'un vassal : 190 ; 364, n. 102.

des

effectifs

:

198 ; 200, n. 165. Ordres : 24, 329, 34 7, 349, 362. - V. aussi Aide militaire.

Mineur (Enfant) : 226, 227, 260. Ministérial, ministérialité, ministériaux : 35, 43, 44 ; 85 à 88 ; 91, 147 ; 157, n. 21 ; 163 ; 164, n. 37 ; 165 ; 201, n. 167 ; 243, 287, 304, 308. Monarchie ; Monarque ; Roi ; Royauté : t 6, 24, 35, 38, 41, 78, 80, 84, 90, 128, 129, 139 ; 153, n. 5 ; 163, 165, 173, 180, 182, 188 ; 200, n. 165 ; 201, · 202 ; 204, n. 183 ; 212 à 214 ; 220 à 222 ; 227, 230, 241, 250, 251 ; 257 à 260 ; 262, 271, 272 ; 298 et n. 60 ; 299 à 302 ; 304 à 311 ; 323 à 325; 340 à 342 et n. 54 ; 345 à 353 et n. 76. c Monarchie féodale > : 297, 300, 310. Monétaire (Circulation) : 110; 117, n. 78.

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

Monnaie relativement abondante au XIIIe siècle : 190. Mort-gage : 46. Mouvance : 212, n. 210 ; 219 ; 220 et n. 10 ; 296. Mouvances terriennes (Enchevêtrement) : 129. N « Nichée familiale > : 318. Nobiliaires (Titres) : 286 et n. 40; 287. Noble, Noblesse : 45, 133, 135 ; 141, n. 2 ; 188, n. 123 ; 231 ; 284 et n. 36. - V. aussi Chevalerie, Chevalier.

c Nourri > : 174 et n. 72. c Nul seigneur sans titre > 281, n. 25.

0 c Odeur fauve de la bataille > 192. Ordalies : 135 et n. 23. Ordonnance de 1579 : 289. Ost (Définition) : 198 ; 200, n. 165. Otage (Entrer en : Se mettre en) : 180 et n. 90 ; 188. Outils agricoles (Amélioration des) : 14, 19. Ouvrier agricole : 97, 102.

p Pair, pairie : 185, 186, 265, 308 ; 352, n. 74. Pair-tenancier : 130, n. 10. Paix de Dieu : 37, 289 ; 302, n. 68 ; 316. Palatinats : 129, 260.

Parage : 237, 238. Parage et frérage : 239, 316 ; 331, n. 25. - V. aussi Frérage.

Parage général : 238. Parage particulier : 238 et n. 63. Parent, parenté, parentèle : 84, 116, 127, 136, 315, 319. Parèque : 354, 356. Pariage : 18 et n. 12 ; 255, 301. « Parlements de vassaux > 183. « Parsonniers ou consorts > : 121. Patriciat, patricien : 45 ; 46, n. 16. c Pays et juridiction > : 46, n. 16. Paysan-soldat : 271 ; 313, n. 1. Pèlerin, pèlerinage : 253. Personnalité des lois : 343. Personnel élevé par les charges : 261. Peuplement intercalaire : 25. Plaid : 119, n. 83 ; 128, n. 7 ; 129, 133, 138 ; 143, n. 6 ; 209. Plaid de centaine ou de comté : 128. Plaid (Service de) : 188, n. 123. - V. aussi Aide (a). Plègerie : 180 et n. 90. Polder : 16, 20, 22. Polyptyque : 92, n. 20 ; 95 ; 109, n. 56. Population composite du royaume latin de Jérusalem : 343 et n. 56. Post mortem (Enquêtes) : 40, n. 2. Pôté (Homme de) : 171, n. 61. Poursuite : 363 et n. 98.

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INDEX DES NOMS DE MATIÈRE

Pressions paysannes : 117. Prévôt : 85 et n. 5 ; 255, n. 12 ; 269. Principauté.

Domination territoriale : 16, 30, 35, 38, 39, 160, 248, 258, 261, 315, 317, 319, 326, 356. Formation, origine, : 249 et n. 6 ; 250 et n. 8 ; 256, 257, 259. Remontée: 254. - V. aussi Unité territoriale. Vicissitudes : 251 ; 252 et n. 10. « Prisée > : 106.

Juridiction Paix : 307.

128.

Q

Quartier : 113 et n. 64, 65; 115, 124. Querelle des Investitures : 258, 304. Questa ; Questal : 67 et n. 79 ; 69, 76, 79. Quia emptores : 342 et n. 53. Quint et requint : 218. R

c Prison fait bourse plate >

195. Prix (Agricoles) : 104, 107. Production (Essor) : 139. Progrès technique : 138. Prolétariat agricole (ou rural) : 50, 96, 120. Prolétariat féodal : 274. Pronoia, pronoiai : 151, 356; 358, n. 82. « Propres >( et Réserve des) 231, 235. Prouesse : 192. Public. Bien : 320. Caractère ; Principe : 112, 128, 189 ; 200, n. 165 ; 261 ; 268, n. 41. Droit : 310. Elément : 255. Moyen : 323. Publique. Autorité ; Puissance : 37 ; 126 à 128 ; 303, 305, 325 ; 344, n. 57 ; 356, 368. Cour : 127.

Rais : 329, 344. Rançon : 188, 190, 192 ; 364, n. 102. Rapports de droits : 126. -Reboisement : 29. Réforme grégorienne : 118, 291. Regalia : 221, 305. Régime agraire (Changements) : 22. Réinvestiture : 257. Réinvestiture obligatoire en droit allemand : 309 et n. 81 ; 310, 311. Relief (Rachat) : 66 ; 120 et n. 89 ; 145, 218, 260, 293, · 295. Abus : 241 et n. 72 ; 242 et n. 73; 243. Géographie : 243 et n. 79, 80. Remembrement: 44, 46, 107. Réméré (Vente à) : 218. Rente : 38, 46, 121 à 123. Constituée : 122, 123. En fief. - V. ces mots à

Fief.

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SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

Foncière 122, 123. Volante : 123. Réquisition : 138. Réserve domaniale : 18, 27, 49 ; 50, n. 26 ; 78, 94, 114, 115, 123, 124. Annexion de tenures à la : 108. Description : 95. Eclatement : 108. ... Et services : 106, 107. ... Et tenures : 93, n. 21, 22 ; 94 et n. 26 ; 111, 112.

Structure : 107. Réserves cisterciennes : 108. , Ressort, et mots de sens voisin : 130, n. 11 ; 137, 267. Restor : 190, n. 127 ; 206 et n. 191. Retrait censuel ; Retrait f éodal : 115 ; 116 et n. 74 ; 218 ; 219 et n. 6 ; 244, 257. Retrait lignager : 219. Revendications paysannes 140, 147. Revendications rurales et revendications urbaines : 142. Révoltes : 257, 315, 319, 321. Richesse paysanne : 82. Rites de la prière et gestes vassaliques : 289. Rites vassaliques. - V. ces mots à Vassaliques (Gestes ; Rites). Rouages administratifs : 316, n. 4. Royaumes-vassaux (Cens annuel sur) : 247. Royaumes-vassaux et Papauté, Pape : 246, 247. Ruptures et sanctions : 207 et n. 196 ; 208 et n. 197.

s Sachsenspiegel : 309 et n. 82. Sacre (Promesse ; Serment du) : 204, n. 183. Saisine (Ensaisinement) : 115, 158 ; 159, n. 26. Sake and soke : 49, n. 25 ; 129. Salaire, salariat, salarié : 94, n. 25 ; 95, 97, 104, 106, 108, 110 . Saline : 16, 20, 21. Sauveté : 23, 24, 25, 142 ; 145, n. 11. Scabin : 127. Schultheiss : 43. Seigneur ; Seigneurie. Caractères ,· Définitions 83, 131 ; 138 à 140 ; 181. Place assez médiocre de la seigneurie en Italie : 100 et n. 39. Seigneur ; Seigneurie domestique : 91, 132. Seigneur ; Seigneurie politique : 91 ; 93, n. 23 ; 99, 102 ; 125 à 127 ; 132, 145. Seigneur et souverain : 128, 214. - V. aussi Souverain; Suzeraineté et Souveraineté. Seigneur et suzerain : 153, n. 27 ; 189, n. 125 ; 196, 198 ; 200, n. 165 ; 211, 213 ; 220, n. 11 ; 300, n. 64 ; 301, 305, 358, 365. Seigneur et vassal : 153 et n. 2 à 5 ; 154 et n. 6 à 9 ; 155 et n. 10 à 12 ; 156 et n. 14, 15, 18, 19 ; 157 et n. 22, 23. Devoirs inégaux : 206 ; 207 et n. 193, 196. « Seigneur naturel > : 254.

INDEX DES NOMS DE MATIÈRE

Seigneur rural et seigneur f éodal : 40 et n. 2. Seigneur suprême : 220. Seigneuriale (Directe) et Domaine utile : 158, 244, 245. V. aussi Eminents. Seigneurie archaïque : 124. Seigneurie c banale > : 125. Seigneurie et féodalité. a) A travers l'Occident 84, 116, 127, 128, 147, 187, 191, 269 ; 313, n. 1. b) Empire latin de Constantinople : 354 à 358 et n. 82. c) Morée : 359 à 367. d) Pays de conquête normande : 324 à 341. e) Royaume de Chypre : 353, n. 76. f) Royaume de. Jérusalem : 344 à 353 et n. 76. Seigneurie et fief : 368. Seigneurie et justice : 129. Seigneurie et lignage : 227. Seigneurie et village : 92 ; 93 et n. 21. Seigneurie foncière (Vue d'ensemble ; Géographie) : 41, 42 ; 45, n. 14 ; 92 et n. 20 ; 93, 94, 137. Seigneurie foncière et seigneurie politique. Contours : 93, n. 23. En des mains différentes : 132. Seigneurie « hautaine » : 125. Seigneurie « justicière > : 125, 128. Seigneurie routière : 41. Seigneurie rurale (Composition : Structure) : 42, n. 7 ; 93, n. 21 ; 94, 344.

541

Seigneurs (Abus) : 36H. Seigneurs et groupes villageois : 345. Seigneurs (Obligations)" : 204 et n. 183 ; 205, 206. « Semondre de prendre baron > : 230 et n. 40. Serf c attaché à la glèbe >, ou au sol : 68 ; 70 et n. 91 ; 78, 97. Serf de corps et de biens : 70. Serf et non-libre (Définitions) : 49, n. 23 ; 52 ; 54 à 57 et suiv. ; 76, 77, 121. V. aussi Justice sur les serfs ; Servage ; Taille. Serf et tenure libre : 119. Serf forain : 68. Serfs, serves (Echanges) : 62. Serfs et vassaux : 369. Serfs c stériles et Yagabonds > : 82. Sergent, sergenterie : 114 ; 196 et n. 156. Serment du nouveau prince de Morée : 204, n. 183. Serments et investiture déclenchant les devoirs vassaliques : 222. Serments (Violation des) : 207. Servage (Débats) : 73 à 76. Servage et allodialité : 5 7. Servage et bâtardise : 57 et n. 46; 62. Servage et biens serviles : 63 et n. 66 ; 64, 65. Servage et chevalerie : 58 et n. 51. Servage et communautés f amiliales : 65. Servage (Servitude) et liberté 77 à 79.

542

SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

Servage et lourds services : 68, 78, 79. Servage et ministérialité : 87. Servage et prêtrise : 57 ; 58 et n. 49, 50. Servage et tenures : 70 et n. 91 ; 78. Servage (Nouveau) : 55, n. 38 ; 75 à 77 ; 79, 81. Servage personnel, servage réel (ou Servitude) : 55, 57, 70, 171. Servage prouvé par témoins : 57 et n. 44. Servage (Vers le) : 329 ; 363 et n.100. Servage (Vocabulaire) : 54 et n. 36, 37 ; 55 et n. 38. Services militaires.

ractères : 100 à 102 ; 115.

Géographie : 102. Services de fabrication : 101. V. aussi Ré,erve domaniale. Services vassaliques annexes : 201 ; 202 et n. 173. Serviles (Incapacités) : 57, 58, 68. Servitude (Plusieur, conditions de) : 71, 72. - V. aussi Chevage ; Formariage; Mainmorte servile. Servus: 76. Servas glebae : 55 et n. 39. Sheriff : 262. Sbire : 261, 262. Assemblée du : 189. Au-delà des mers; passer Simples tenanciers et possesseurs de fiefs : 40, n. 2. la mer : 199, n. 164 ; 339, n. 45. Socage, sokeman : 49 et n. 23, Durée (quarante jours par 25 ; 51, 79, 114. an) 198 ; 199 et Solde : 195 ; 199 et n. 164 ; 200, n. 165 ; 201, 336. n. 164 ; 200, n. 165 ; Solidarités : 315, 316. 333 et n. 29 ; 338. Enregistrement : 336, 340, Sous-accensement : 118. 361. - V. aussi : Fiefs Sous-inféodation : 38, 219 ; 220 et n. 13 ; 221, 322, 323, 347. (Enregistrement; Registre). Souverain : 349. « Par-dessus tous > : Exemption ; ou remplacement : 197 et n. 157 ; 302. - V. aussi Manarchie ; Suzerain et sou337, 339. verain. Service dd (Servitium debitum) : 335, 336 ; 338, Spoliation : 11 O. Stase : 354. n. 42. V. aussi Aide vaasalique. Subordonnés ignares (intellectuellement) : 188, n. 123. Services (Travaux) sur les V. aussi Homme, peu insréserves. truits. Changements dans la duSubstitution de pouvoirs privés rée : 96 à 100. aux pouvoirs publics (EmChangements dans les ca-

543

INDEX DES NOMS DE MATIÈRE

pire latin de Constantinople) : 356. Substitutions par ordre de primogéniture : 231. Succès normands (Raisons) : 317, n. 5. Succession, successoral : 110, 113, 114, 240. - V. également Substitutions. Suzerain et arrière-vassal : 213 et n. 213 ; 296, 299. Suzerain et souverain ; Suzeraineté et souveraineté : 212 et n. 210 ; 214, 215, 301, 308, 339.

T Taille. En général : 190, n. 128. Exemption : 143 à 145. Royale : 67, 145. Sur des libres : 67, 138. Sur des serfs : 55 ; 66 à 68; 78; 80 et n. 114.V. aussi Serf et nonlibre. Techniques agraires (Progrès des) : 14. Temporel : 18, 35, 41, 42, 44, 93, 108, 109, 305, 307. Temporel cistercien : 94, n. 25 ; 108. Tenancier paysan (Obligations) : 115 à 119. Tenure roturière. En général : 112 ; 114 à 116 ; 121 à 123 ; 344, 346. Patrimoniale : 121. Temporaire : 119. Terroir : 12, 18, 22, 23, 25, 31. Tolérance (Terre Sainte) : 343.

Trêve de Dieu : 302, n. 68. Tribunal, tribunaux : 52, 78, 85, 129 ; 130 et n. 11 ; 135. - V. également Cour. Tribunal féodal et tribunal seigneurial : 130. Tribunal royal (Empire) : 307, 308. Troubadour : 155, 173, 177.

u Unité territoriale : 248. - V. aussi Principauté. Usage (Droits d') : 29, 116 ; 145 à 147. Usure : 123. V

Valet domestique : 94, n. 25 ; 99. Vassal (Ingratitude: Trahison) : 207, n. 196 ; 208. Vassalique (Dévouement) : 162. Vassaliques (Devoirs, Liens) et fiefs : 177 à 182 '; · 332 et n. 28; 359. - V. aussi•Hbmmage et fidélité : Serments et investiture ,· Vassalité et fief. Vassaliques (Gestes : Rites) : 152 ; 153, n. 5 ; 154 ;,..157 et n. 22 ; 166 et n. 48 ; 289, 291 ; 292, n. 51, 52 ; 347, 357, 371. - V. aussi Fidélité ; Geste des mains : Hommage. Vassalité (Contrat synallagmatique) : 204. Vassalité domestique : 174. Vassalité et fief : 172. - V. aussi Fief,· Hommage. Vassalité et lignage : 174, 207.

544

SEIGNE Il RIF. ET FÉOI>AI.ITÉ

Vassalité et noblesse : 284, 285. - V. aussi Chevalerie, Noble&Se. Vassalité (Paradoxe de la) 207. Vassaux (Coalition de) : 211. Vassaux entretenant un combattant : 197 et n. 158. Vavasseur : 214. Vavasseur, Vavassorie (Définitions) : 271 et n. 48 ; 332. Vengeance (Droit de) : 134. Vénitiens et Empire latin de Constantinople : 354 et n. 77 ; 355 et n. 79. Vêpres siciliennes : 325. Verbalisme délirant : 321, n. 9. Veuve (Remariage-Principauté d'Antioche ; Morée) : 226, n. 30 ; 229, n. 39 ; 364. Vieux établissements ecclésiastiques ; jeunes communautés : 293. Vif-gage : 46. Viguerie, viguier 268, 269. Village. Assemblée de : 128, 133. Disparu : 27. Groupe, Communauté de 190 et n. 128. Maitre du : 16.

Perché : 34. Tribunal de : 130, 134. Village - rue : 23. Villain ; Villainage : 48, 79, 129; 363 et n. 97, 98, 100. Villainage (Tenancier en ....· Tenure en ... ) : 49 et n. 23, 24; 96, 114. Villaine et homme libre (Mariage) : 363, n. 98. Villaine (Tenure) : 121, n. 91. Villeneuve : 15 ; 25, n. 26 ; 29. Villicatio et Villa : 93, n. 22. Villication : 42. Vocabulaire (Terminologie) 49, n. 25 ; 50, n. 26 ; 51, n. 28 ; 54 ; 55, n. 38 ; 77, 78, 95, 114, 132 ; 153, n. 2 à 4 ; 156; 158, n. 24; 170 et n. 59; 175, 186; 203, n.176; 214, 246, 249, 260, 265, 266 ; 286 et n. 39 ; 303 ; 313, n. 1 ; 345, 356 ; 366, n. 114 ; 369. - V. aussi Débats, Documentation, Verbalisme. « Vulgaire > (Le) : 47.

w Weistum, W eistümer

n. 6.

143 et

TABLE DES MATitRES

AVANT-PROPOS

••••••••••••••••••. •••••••••••••••••••••

7

LIVRE PREMIER

LES SEIGNEURIES RURALES CHAPITRE PRBIIIBR, -

J. -

Etapes des défrichements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les causes profondes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Promoteurs et agents . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . Types d'extension des surfaces cultivées . . . . . Champs et villages nouveaux . . . . . . . . . . . . . . . . Fléchissement des espaces cultivés . . . . . . . . . .

11 12 13 15 18 22 27

l,BS CHÂTEAUX ••••••••.••.••••••••••••••• , . • • • •

31

LBS DÉFRICHBlfBNTS •••••• , • , , • , , •• , , • , • . . • • • • • •

A. B. C. D. E. F. li. -

UN NOUVEAU DtCOR

II. - LES HOMMES SEIGNEURS ET PAYSANS

CHAPITRE

1. -

LBS MAITRES • • . . . . • • • • • • • • • • . . • • • • • • • • • • . . • . . •

40

JI. -

LES PAYSANS DANS LA SEIGNEURIE •••••.•••••••• ,

47 47 51

A. Les groupes ................. ; . . . . . . . . . . . . . . B. Lihres et non-libres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

546

SEIGNEURIE ET FÉODALITÉ

CHAPITRE III. - ASPECTS CONCRETS DE LA SEIGNEURIE. LES ADMINISTRATEURS. LES SEIGNEURIES FONCI8RES INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1. Il. -

83

LBS ADMINISTRATEURS . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • • . . . . . 84 SBIGNBURIBS DOIIBSTIQUBS ET SBIGNBURIBS FONCIÈRES. 91 Les seigneuries foncières. -A. Vue d'ensemble . . . 92 B. L'exploitation des seigneuries . . . . . . . . . . . . . . . 94 1. Les terre& du mattre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 2. Les tenures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . 112 CHAPITRE IV. - LES SEIGNEURIES c POLITIQUES >

1. II. III. -

DÉBATS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LES JUSTICES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LBS AUTRES POUVOIRS DB BAN • • • • • • • • • • • • • • • • • • CHAPITRE V. -

125 126 137

LES c LIBERT~S >

PAYSANNES . . . . . . . . . . . . . . .

141

LIVRE II

L'ÉPANOUISSEMENT DE LA FÉODALITÉ INTRODUCTION • . . . . • . . . . . . . . . • • • . . • . • • . . • . . • . • • 151 CHAPITRE PREMIER. - LES INSTITUTIONS VASSALIQUES ET F~ODALES A. L'entrée en scène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B. L'investiture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

152 158

TABLE DES MATIÈRES

547

C. Formes particulières de l'hommage : hommages de paix et hommages en marche . . . . . . . . . . 160 D. Pluralité des hommages et ligesse . . . . . . . . . . . . 162 E. L'hommage dans les sociétés rurales . . . . . . . . . . 170 F. Seigneurs et vassaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172 1. Vaa,alité et fief .. .. .. . .. .. .. .. . .. . .. . .. .. 172 2. Le, devoirs vaa,aliques . .................. 177 a. Documents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 b. Le compagnon, le proche, l'ami charnel. 179 c. Le service de cour .................... - 182 d. L'aide pécuniaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190 e. L'aide militaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192 f. Services annexes ; services réduits . . . . . . 201 3. Les obligations des seigneur, . . . . . . . . . . . . . 204 4. Rupture, et sanctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207 5. Suzeraineté et ,ouveraineté . . . . . . . . . . . . . . . . 212 CHAPITRE II. -

LE STATUT DES FIBFS

A. Aliénation des fiefs dans le monde laïque . . . . B. Transmission héréditaire des fiefs . . . . . . . . . .

216 221

CHAPITRE III. - LES FORMES CONCRÈTES DU FIEF 1. -

LES ROYAUMES VASSAUX , ••• , • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •

246

Il. -

LES PRINCIPAUTÉS •. ; ..••••••• , . . . . • • • • • • • • • • • • •

IV. -

A. Les principautés françaises . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1. Les débuts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Crise des principautés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Remontée des dominations territoriales . . . . B. Le cas allemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . C. Le cas anglais ......... ~ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LEs COMTÉS • • • . • • • • • • • • • • • • • . • • • • . . • • • • . • • • • • • LEs HONNEURS . . . • . . • . . . . . • • . • • • • • • • • • • • • . • • • •

248 249 249 251 254 256 259 260 263

V. -

LBS BARONNIES • . . • • • • . • . • • . . • . • . • • . • • • • • • • • • • •

264

LBS CHÂTELLENIES

. •••. •. . . •. •••. ••••••••••••••

267

LA DIVERSITÉ FÉODALE . . . . . . • • . . . • . . • • • • • • • • • • • •

270

III. -

VI. VII. -

548

SEIGNEURIE ET FÉODAI.ITf:

CHAPITRE

1. -

II. -

III. -

IV. - PROPAGATION DE LA FÉODALITÉ DANS LES VIEUX PAYS FRANCE ET EMPIRE

UN MÉCANISME : LBS TRANSFORMATIONS D'ALLEUX EN FIEFS • . . . • • • . . . • . • • • . • • . . . • • . • • • • • • • • • . • . . • •

LA FÉODALITÉ DANS LES SOCIÉTÉS • • . • . . . . . . . . • • . • A. Les milieux laïques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B. L'Eglise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LA FÉODALITÉ BT LBS ETATS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A. La France monarchique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . B. ·L'Empire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

276 284 284 289 296 296 303

CHAPITRE V. - PROPAGATION DU RÉGIME F~ODAI.. DANS L'ESPACE

1. -

INTRODUCTION . . . . . . . • • • . . . . . . . . . . . . . . • . • . . . . . •

312

LBS FÉODALITÉS D'ISSPIRATION NORMA~DE . . . . . . . .

313 313 317 325 326 326 342

Normandie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Italie et Sicile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Antioche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . Angleterre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Retour sur les précédents pays . . . . . . . . . . . . . .

A. B. C. D. E. II. -

FÉODALITÉS DB TERRE SAINTE . • . • . • . • • • • • • . • • • • •

Ill -

LA

IV. -

LA

FÉODALITÉ DANS L'EMPIRE LATIN DB CONSTANTI· NOPLE •..•.•••..••••.••••.•.• , • . • • • • • • • . • • . . FÉODALITi;: EN MORÉE . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . .

354 359

CONCLUSION GÉNÉRALE . . . . • . • • • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . •

368

DOCUMENTS

1. li. -

III. -

EXTRAITS DB PIIILIPPB DE BEAUMANOIR

375

LES SEIGNEU'RIBS RURALES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

378

FRAXCHISES PAYSANNES

401

TABJ.f. DES )IATJt:rrns

IV. -

AFFRANCHISSEME~T DU SERVAGE , • . . . . . . . . , • . • • • • •

V. -

LA FÉODALITÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • , , •

A. En France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . B. Dans l'Empire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . C. En Espagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . D. En Angleterre: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . E. Dans le rovaume latin de Jérusalem . . . . . . . . . . F. En Morée ·..................................

549 407 409 409 428 441 446 452 457

BIBLIOGRAPHIE

1. -

HISTOIRE GÉNÉRALE. ETUDES COMPARÉES. HISTOIRE DU DROIT. HISTOIRE DE L'EGLISE • . • • • • • • • • • • • •

463

OCCUPATION DU SOL ET MILIEU RURAL EN OCCIDENT, RAPPORTS ENTRE CAMPAGNES ET VILLES •• , •• , • •

473

DOMAINES ET SEIGNEURIES. DÉPENDANCES PAYSANNES PERSONNELLES , •.•...••••.•..• , •••.•••• , •••• ,

484

IV. --

LA SOCIÉTÉ FÉODALE ET SES INSTITUTIONS . . . . . . . .

501

\'. -

I..A FÉODALITÉ, LBS PRINCIPAUTÉS ET L'ETAT • . • • . .

511

VI. -

LES UENS DB DÉPENDAXCE DANS L'ORIENT LATIN . • .

521

INDEX DES PRINCIPAUX NOMS DE MATIÈRE . • . . . • • • • • . • • • • •

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Il. -

111. -

Cet ouvrage a été achevé d'imprimer sur les presses de l'imprimerie du SIGNE à Cergy (95000) le 18 avril 1980

D.L. 4e trim. 1970 - ~iteur, no 1250 - Imprimeur, no 645.

Imprimé en France