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French Pages [815]
DES MÊMES AUTEURS, CHEZ LE MÊME ÉDITEUR Métaphysicon, 2020. Contacts cosmiques, 2018. OVNI, l’extraordinaire découverte, 2017.
© 2022, Guy Trédaniel éditeur. © Jean-Pierre Petit pour les illustrations, sauf indication contraire. ISBN : 978-2-8132-2780-5 Tous droits de reproduction, traduction ou adaptation réservés pour tous pays. www.editions-tredaniel.com [email protected] www.facebook.com/editions.tredaniel @editions_tredaniel
Je dédie ce livre à mon épouse, l’intelligente et délicieuse Jie. En se chargeant de tout dans la maison, elle me permet de consacrer tout mon temps à mon combat, dont elle connaît les enjeux mieux que personne. Jean-Pierre Petit À tous les futurs trouveurs. À Hippolyte qui en fera partie. Jean-Claude Bourret
Un grand merci à Laurent, pour sa relecture attentive du manuscrit.
SOMMAIRE Prologue Des scientifiques complètement « hors-sol » Quand les scientifiques se réfugient dans la fiction 1905 : la charnière Penser autrement Calculez, il n’y a rien à voir L’achèvement du « modèle standard » Catastrophe, du côté de la relativité générale Penser autrement ? Le paradoxe des fentes de Young L’idée de « quanta » d’énergie Des formalismes opaques Le paradoxe EPR Un changement de contexte géométrique ? Pourquoi pas… L’espace 5D de Kaluza La relativité générale ignore la réalité particulaire De l’inexistence du vide Le retour en force du continu Une communication scientifique soumise à un filtrage Quand l’expérimentation confirme l’intuition du théoricien Une idée française Quand la théorie défie l’intuition Les cordes : naissance d’une physique sans expérience 1984 : la première révolution des cordes
1995 : la seconde révolution des cordes La mode des cordes envahit la planète Enfin une application de la théorie des cordes ! La quantification de l’espace-temps Contact avec le monde de la topologie Nous aurions pu être les premiers à réaliser ce film Comment retourner une sphère Un concept clé issu de la topologie Excommunié Quand la question de l’avant Big Bang disparaît Cinquante ans de non-physique Le monde scientifique : le mythe et la réalité La physique est peut-être une chose trop sérieuse pour être confiée à des physiciens Une arme d’instruction massive Le « Laboratoire Janus » où l’avenir appartient déjà au passé Des chercheurs, on en trouve, mais des trouveurs, on en cherche Des branes flottant dans un espace de dimension supérieure Une somnambule nommée Sabine Hossenfelder Des revues scientifiques érigées en forteresses Le vent du boulet Sur arXiv : une censure sans équivoque qui se généralise Programme de recherche Physique théorique Des revues qui refusent de faire examiner les travaux Les « predatory journals » Le business juteux des publications scientifiques La fabrique des carrières scientifiques Des bouteilles à la mer En guise d’épilogue Annexe 1
L’erreur mathématique qui a donné naissance au modèle du trou noir Annexe 2 L’interprétation géométrique de l’idée de Louis de Broglie Annexe 3 Lettre ouverte à M. Thibault Damour, académicien Annexe 4 Quand la criticité physique précède la criticité géométrique Annexe 5 Le cas des scientifiques LGBT, préoccupation centrale de la Société américaine de physique Le Chant des Partisans (scientifiques)
PROLOGUE — Jean-Claude Bourret : Décidément ! On s’apprêtait à envoyer le manuscrit chez l’éditeur, dans un très petit nombre de jours, pour cadrer avec son planning, et voilà que vous abattez soudain de nouvelles cartes, et pas des moindres ! Il s’agit d’une vidéo d’une heure cinquante, Janus 229 1, où vous démolissez, pan par pan, le sacro modèle du trou noir. Comme dans la série des vidéos Janus, il ne s’agit pas d’une opinion, mais d’un discours solidement argumenté sur le plan scientifique. Sur quoi basez-vous votre critique ? — Jean-Pierre Petit : Sur ses failles, béantes, qui se situent dans le domaine des mathématiques et de la géométrie. En réalité, cela illustre ce dont nous parlons dans le livre. Entre le début du siècle et, disons, 1970, la démarche scientifique avait de la tenue. Les théories et les résultats d’expérience ou d’observation avançaient « main dans la main », se confortaient mutuellement. Quand un nouveau fait expérimental ou observationnel apparaissait, une nouvelle facette de la théorie venait l’étayer. Et même chose dans l’autre sens. Dans cette charnière des années soixante-dix, ce concert se mue en cacophonie. Les théories ne parviennent plus à rendre compte des observations, et les prédictions théoriques ne sont plus confirmées par l’expérience et l’observation. — JCB : Alors on invente le trou noir, la matière sombre et les supercordes. — JPP : Le modèle du trou noir pêche par des fautes énormes en mathématiques. — JCB : Qu’en bon enquêteur vous avez identifiées. — JPP : C’est présenté dans le PDF2, et j’incite le lecteur ouvert aux maths à s’y référer, où il trouvera tous le détail de cette analyse, propre à le
convaincre. Je pèse mes mots. Un jour, cette théorie sera considérée comme la plus grande forfaiture de l’histoire des sciences. — JCB : Avec la théorie des cordes. — JPP : Avec la théorie des cordes. Mais dans le cas du trou noir, les choses sont allées très loin. On a mystifié le public en le saoulant avec des vidéos peuplées d’images de synthèse. On lui a fait prendre une vessie pour une lanterne. — JCB : C’est : « Voilà ce que vous devriez voir, si ça existait. » Mais il y a ce cliché de 2019, cette « première image d’un trou noir ». — JPP : N’importe quelle étoile à neutrons, vue de près, donnerait une image semblable. Il y aurait assombrissement de la partie centrale3. — JCB : Il y a aussi cette détection par les ondes gravitationnelles, où la majeure partie des résultats fait état de fusion de trous noirs de très forte masse. — JPP : Le programme d’analyse des données est fondé sur cette interprétation foireuse de la solution produite en 1916 par Karl Schwarzschild de l’équation d’Einstein. Donc ce n’est pas la technique de mesure qui pêche, c’est la base des calculs qu’on utilise pour interpréter les signaux qui est déficiente. — JCB : Ça va loin, ce que vous dites. On a donné le prix Nobel en 2017 à l’Américain Kip Thorne pour avoir déterminé par ses calculs les valeurs des masses qui fusionnent, et en 2021 à l’académicien Thibault Damour le prix Balsan pour avoir été l’auteur d’une approche similaire — JPP : Je suis formel, tout cela est construit du vent, sur des erreurs hallucinantes. Un indice est le fait que ces calculs débouchent sur des masses de trous noirs atteignant les 100 masses solaires, dont on n’a pas la moindre idée du processus qui auraient conduit à leur formation. Ces valeurs aberrantes gênent les gens de Ligo (USA), Virgo (Italie), et Kagra (Japon), qui se sont faits plus discrets au fil des années.
— JCB : Alors ces installations Ligo, Virgo et Kagra, conçues pour mettre en évidence les ondes gravitationnelles, ne capteraient en réalité que du bruit ? — JPP : Non, il y a un signal, et ces gens ont eu beaucoup de mérite à concevoir ces engins-là, bourrés d’astuces. Mais c’est la façon dont on interprète ce qui est mesuré qui est foireuse. Il y a du travail à faire de ce côté-là. — JCB : Mais, personne ne s’aperçoit de cet état de fait ? — JPP : Les cosmologistes de jadis étaient des mathématiciens et des géomètres chevronnés. Ceux d’aujourd’hui ne sont que des communicants, qui ne font que chanter les louanges de leurs prédécesseurs, en s’appuyant sur une interprétation4 de la solution de Schwarzschild, qui a introduit en 1960 le surréalisme en physique (où r devient la coordonnée de temps et t celle du rayon !). La véritable interprétation a été donnée par deux mathématiciens allemands, Ludwig Flamm dès 1916, et Hermann Weyl en 19175, tous deux âgés à l’époque d’à peine 30 ans. — JCB : Une interprétation qui se trouve être la même que la vôtre, publiée en 2015. Vous le montrez dans votre vidéo. Et c’est en tombant sur ces deux
articles, qui n’ont été traduits de l’allemand qu’en 2012 et 2015, que vous êtes tombé sur le pot aux roses. — JPP : Oui. Le modèle du trou noir est la plus fantastique imposture de l’histoire des sciences, depuis un demi-siècle ; les gens des cordes (une autre imposture) n’étant en comparaison que des petits joueurs.
1. http://www.jp-petit.org/trounoir (et l’enchaînement avec la vidéo est automatique). 2. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/2021-Janus-22-9.pdf. 3. Par ce qu’on appelle un effet de redshift gravitationnel. 4. Ils n’ont probablement jamais lu l’article fondateur, de 1916, où le problème s’étale, gros comme une maison. 5. Qui entrera dans l’histoire des sciences en tant qu’inventeur de « l’invariance de jauge », point de départ du modèle standard des particules élémentaires.
DES SCIENTIFIQUES COMPLÈTEMENT « HORS-SOL » — JCB : Ce que je commence à comprendre, c’est que le sujet de ce livre dépasse largement « le cas Jean-Pierre Petit » et « le problème de l’état de la recherche en France », dans les domaines de la physique théorique, de la cosmologie et de l’astrophysique. Il nous faut faire le point sur la situation au niveau mondial. — JPP : Le moins qu’on puisse dire, c’est que cela ne s’améliore pas. La physique et la cosmologie connaissent une crise majeure depuis un demisiècle. — JCB : Comment cela ? — JPP : Entre 1900 et le début des années soixante-dix, la théorie, l’expérience et l’observation se sont confortées mutuellement. Ça a commencé par la relativité restreinte d’Einstein, en 1905, qui expliquait enfin la constance de la vitesse de la lumière constatée que Michelson et Morley avaient mise en évidence vingt-cinq ans plus tôt1. — JCB : Là, c’est quand la théorie évolue pour rendre compte d’un fait observationnel. Mais l’inverse ? — JPP : Le meilleur exemple est quand le théoricien britannique Paul Dirac prédit l’existence de l’antimatière, dans les années vingt. Cette idée a été accueillie par les spécialistes avec le plus grand scepticisme. — JCB : Comme votre idée que l’univers puisse contenir des masses négatives. — JPP : Je donne à titre d’exemple de réaction celle du grand Niels Bohr, pionnier de la mécanique quantique. Voici ce qu’il disait : — La théorie de Dirac me semble être une excellente façon de capturer des éléphants, en Afrique. On accroche sa théorie à un arbre. Les
éléphants passant par là la lisent et sont tellement sidérés qu’on peut alors les attraper sans difficulté. Mais quelques années plus tard, en 1932, l’Américain Carl David Anderson détecte la présence de l’antiélectron dans le système qui lui permettait de visualiser les trajectoires des particules2. — JCB : Anderson, convaincu que Dirac avait raison, avait cherché à démontrer sa validité par une expérience ? — JPP : Pas du tout. L’antimatière n’existe, dans la nature, que quand elle est produite par transformation d’un couple particule-antiparticule d’un rayon gamma de très haute énergie, comme on en trouve dans le rayonnement gamma. Cette découverte n’a été que le fruit du hasard. Un jour, Anderson a simplement trouvé la trace d’une création d’une paire électron-antiélectron en analysant une photographie.
— JCB : Il a suffi de ce cliché pour donner de la crédibilité à l’idée de Dirac. — JPP : Et cela a continué comme ça entre 1900 et le début des années soixante-dix, un véritable âge d’or de la physique et de la cosmologie. — JCB : Et après ? — JPP : Après, les physiciens théoriciens se sont mis à prédire l’existence de nouvelles particules dites « supersymétriques3 », dont aucune ne fut observée, en dépit d’un accroissement constant de la puissance des outils
mis à leur disposition4. Dans un autre domaine, la cosmologie, alors que tout semblait baigner dans l’huile, c’est le modèle qui, soudain, ne collait plus avec les observations. Depuis ce début des années soixante-dix, on est allé de rafistolage en rafistolage. Le modèle « dominant » actuel repose sur trois objets dont on ne sait rien : la matière sombre, l’énergie noire et des inflations, responsables d’une supposée extraordinaire expansion de l’univers à son tout début. — JCB : Et vous allez nous expliquer tout cela. Et si je comprends bien, vous avez l’explication de ce blocage des idées et travaux au début des années soixante-dix. — JPP : Au début du siècle, Einstein avait suscité un profond changement de paradigme, sur une base purement géométrique. Au début des années soixante-dix, il fallait aller plus loin et intégrer l’outil topologie au modèle. — JCB : Qu’est-ce à dire ? — JPP : Ce sont des outils mathématiques. Ce qu’a fait Einstein est parfaitement compris : il a utilisé les outils mathématiques de son temps. — JCB : Si je comprends bien, il aurait alors fallu, en 1970, relancer les travaux en adjoignant cet autre outil mathématique que vous appelez la topologie 5. — JPP : Des progrès importants, décisifs, avaient été faits à cette époque, et les théoriciens sont complètement passés à côté. — JCB : Mais pas vous, si je comprends bien. — JPP : À cause de fantastiques rencontres, avec trois mathématiciens. Il y a eu Alexander Grothendieck6, puis le géomètre aveugle Bernard Morin7 et enfin cet enchanteur Merlin des mathématiques et de la physique théorique qu’était Jean-Marie Souriau. — JCB : Ainsi, ceux qui ne maîtrisaient pas ces nouveaux outils des mathématiques ne pouvaient pas progresser, que cela soit en cosmologie, astrophysique ou physique des particules. — JPP : Et c’est comme ça depuis maintenant un demi-siècle. — JCB : Pourtant, le public se voir offrir des ouvrages de vulgarisation qui font état des grandes avancées…
1. Les premières expériences furent faites par Michelson en 1881. 2. À l’époque, la chambre à brouillard de Wilson. De la même façon que les avions volant à haute altitude créent une traînée de condensation dans le ciel, les particules font de même dans ce dispositif. En les soumettant à un champ magnétique, elles entament un mouvement de giration, qui dépend de leur charge électrique. Doté d’une charge opposée, l’antiélectron tourne dans le sens opposé de celui de l’électron. 3. Dans cette théorie dite de « supersymétrie », en dehors de toutes les particules du bestiaire habituel, et de leurs antiparticules, devraient exister leurs « partenaires supersymétriques ». Au neutron, on associerait le neutralino, au photon, le photino, etc. 4. Les accélérateurs de particules comme le LHC (Large Hadron Collider). Dans le champ de la cosmologie, même chose. Là, ce sont les modèles théoriques du Cern, à Genève, le plus puissant d’entre eux. 5. Lire Le Topologicon : http://www.savoir-sansfrontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/LE%20TOPOLOGICON.pdf. 6. Le génie absolu de la géométrie algébrique (1928-2014). 7. Aveugle depuis l’âge de 5 ans (1931-2018). Voir notre article « Le retournement de la sphère », paru en 1979 dans la revue Pour la Science : http://www.jp-petit.org/papers/pls-jan79.pdf.
QUAND LES SCIENTIFIQUES SE RÉFUGIENT DANS LA FICTION
— JPP : Quelles avancées ? Tout, dans ces ouvrages, se conjugue au conditionnel. Ils sont émaillés de « pourrait… serait… expliquerait… constituerait un modèle de… » Citez-moi un de ces ouvrages, un seul, qui fasse état de quelque chose de concret, de quelque chose qui marche. Au mieux, c’est de la poésie pure. Dans ces livres, les cordes cosmiques claquent comme des fouets. L’univers à son échelle ultime est une mousse quantique, une écume. Le cosmos est peuplé d’étoiles de Planck et l’espacetemps se déchire. L’univers, lui, est né d’une collision de deux « branes », des membranes à quatre dimensions, flottant dans un multivers, etc. Mais rien de tout cela ne tient debout. Ce ne sont que des mots mis bout à bout depuis cinquante ans. Ayant totalement perdu tout contact avec la réalité, les physiciens et les cosmologistes se réfugient dans la fiction. — JCB : Je crois qu’on peut faire référence à une image. En 1453, l’Islam a conquis tout le Moyen-Orient, dont ce qui est aujourd’hui devenu la Turquie. Constantinople (étymologiquement « la ville de Constantin ») se situe sur le détroit du Bosphore et contrôle l’accès à la mer Noire. C’est un port très important avec un front maritime et un vaste point de mouillage constitué d’un large estuaire appelé la Corne d’Or. C’est aussi le dernier bastion chrétien qui s’oppose à l’extension de l’Islam dans les Balkans. À cette époque, la ville, vestige de l’Empire romain d’Occident, ne contrôle pratiquement plus rien dans la région, tout étant passé au fil des années sous le contrôle des Ottomans, c’est-à-dire des forces islamiques. L’empereur Constantin XI n’a plus d’empire. Conscient de la menace qui pèse sur la ville, après avoir déjoué plusieurs sièges, il multiplie les ambassades auprès de toutes les puissances occidentales : France, Angleterre, Allemagne, Russie, Venise, Gènes. Mais le pouvoir religieux en
Occident a été considérablement affaibli par ses dissensions, qui se solderont par cette séparation entre « catholiques romains » et « catholiques orthodoxes ». Français et Anglais sont impliqués dans la guerre de Cent Ans. En face, l’Islam constitue un bloc idéologique homogène qui donnera naissance à l’Empire ottoman. En dépit d’une défense acharnée, la ville tombera en 1453. L’empereur chrétien Constantin XI est tué. Sa tête tranchée est exhibée par les Ottomans. La ville est soumise au pillage, le reste de ses habitants, quand ils n’ont pu être rachetés comme otages, sont vendus comme esclaves. Plus tard, Constantinople deviendra Istanbul. Au moment du siège, les autorités religieuses de la ville tiennent un conclave. Parmi les sujets importants passés en revue se trouve la question du sexe des anges 1. — JPP : C’est tout à fait ça. Les physiciens théoriciens et les cosmologistes d’aujourd’hui semblent vouloir ignorer la crise majeure que traversent leurs disciplines, étroitement liées par ailleurs. — JCB : Et vous allez nous raconter tout cela.
1. Débat qui a donné lieu à l’expression « querelles byzantines ».
1905 : LA CHARNIÈRE — JPP : Depuis qu’en 1905 le Néo-Zélandais Ernest Rutherford a démontré l’existence des atomes, toute la physique s’est centrée sur une tentative de démontage en règle de la matière. Dans cette quête, théoriciens et expérimentateurs ont cheminé main dans la main pendant soixante-dix ans. En 1930, les expérimentateurs avaient mis en évidence l’existence de ce qu’on avait encore qualifié de « rayonnement ». Mais en 1932, l’Anglais James Chadwick, élève de Rutherford, montra que celui-ci correspondait à l’éjection, hors des noyaux, de particules neutres qu’on appela neutrons. — JCB : Le démontage des noyaux des atomes put alors commencer. — JPP : Avec des expériences couronnées de succès, la principale étant la création des armes nucléaires à fission, puis à fusion. — JCB : Là, on ne peut pas dire que l’expérience n’ait pas suivi ! — JPP : Sur le plan théorique, cela va avec la naissance d’une nouvelle physique à laquelle on donna le nom de « physique des particules élémentaires ». — JCB : Toujours cette recherche des constituants ultimes de la matière. — JPP : Les physiciens, ayant démonté les noyaux, tentent alors de démonter leurs composants, les « nucléons » : protons et neutrons. Pour cela, il fallait utiliser des énergies de plus en plus élevées pour tenter de « casser » ces objets. En même temps s’impose l’image d’un cosmos émergeant d’un « Big Bang », point de départ d’une histoire dont on envisagea de remonter le cours. — JCB : En ayant toujours comme fil conducteur un fait d’observation, venant confirmer la théorie. — JPP : Le Belge Georges Lemaître1, prêtre catholique de son état, fut un des premiers à envisager ce type de scénario, à la fin des années trente, qui
pour lui pouvait coller avec le récit de la Genèse biblique.
— JCB : Mais une référence biblique ne constitue pas un fait observationnel. — JPP : Depuis que le Russe Alexander Friedmann avait à cette époque proposé un schéma évolutif de l’univers, en produisant une solution instationnaire de l’équation d’Einstein (au grand dam de ce dernier, qui s’était concentré sur l’idée d’un cosmos stationnaire, immuable), l’idée, en remontant dans le passé, d’envisager un cosmos à la fois dense et brûlant était dans l’air. La prise théorique sur la physique des particules, confirmée par les expériences menées dans les premiers accélérateurs de particules, avait démontré l’existence de cette sœur jumelle de la matière, l’antimatière. On savait que celle-ci devait s’annihiler avec la matière si le rythme de production de paires matière-antimatière devenait inférieur à celui des annihilations.
— JCB : Des paires matière-antimatière produites à partir de quoi ? — JPP : À partir de photons d’un rayonnement primitif. Lemaître fut un de ceux qui pensèrent qu’une quasi complète annihilation des couples matièreantimatière devait s’être produite en redonnant des photons. — JCB : Qui ne seraient plus capables de reformer ces paires. — JPP : Parce que l’expansion de l’univers a pour effet de dilater la longueur d’onde des photons, au même rythme. Et comme l’énergie qu’ils portent est proportionnelle à l’inverse de cette longueur d’onde, celle-ci chute très vite. — JCB : Et on trouve trace de ces photons primitifs, issus de ces annihilations ? — JPP : C’est même le constituant numériquement majoritaire de l’univers d’aujourd’hui, à hauteur d’un milliard de photons par nucléon (proton, neutron), constituant ce « rayonnement fossile ». Mais ces photons sont aujourd’hui bien fatigués. Ce sont ceux que pourrait émettre un « four » porté à une température absolue de 2,7 degrés kelvin. — JCB : Et on peut mesurer une température cosmique aussi basse ? — JPP : On sait depuis Maxwell que les photons s’identifient avec le rayonnement électromagnétique. Entre les rayons gamma, les rayons X, la
lumière visible, le rayonnement infrarouge et les ondes radio, il n’y a comme différence que la valeur de la longueur d’onde correspondante. Les photons de ce rayonnement primordial, souvent comparé à « la cendre du Big Bang », correspondent à des ondes radio centimétriques2. — JCB : On a donc cherché la trace de ce rayonnement primitif. — JPP : Eh non. Les grandes découvertes sont très souvent le fruit du plus grand des hasards. Dans les années soixante, les Américains tentent d’étendre la portée des communications radio en faisant se réfléchir les ondes sur un immense ballon, placé en orbite à l’aide d’un satellite, et qui avait pour nom le « projet Écho ». La réception devait se faire à l’aide d’une « grande oreille » conçue par deux ingénieurs, Penzias et Wilson.
Le satellite ballon Écho, 30 mètres de diamètre.
Or, avant même que le ballon réflecteur ne soit mis sur son orbite, Penzias et Wilson reçoivent un signal. Le rayonnement, provenant de toutes les directions, fait montre d’une remarquable isotropie. — JCB : Penzias et Wilson comprennent tout de suite qu’ils ont détecté ce rayonnement primitif ?
— JPP : Pas du tout. Ce sont de simples ingénieurs de la compagnie Bell Telephone. L’origine de ce rayonnement les plonge dans la perplexité et il faudra qu’un jeune chercheur de Princeton, Dicke, au courant de la théorie du Big Bang, leur explique la nature de ce qu’ils viennent de découvrir3.
— JCB : En quoi pouvait-on à coup sûr identifier ce rayonnement au fossile du Big Bang ? — JPP : Effectivement, avant que ne soit faite cette découverte, nombre de chercheurs avaient capté un rayonnement centimétrique. Mais, dans la mesure où les étoiles et les galaxies peuvent émettre des ondes radio, on avait eu tendance à penser qu’elles en étaient les sources. Dans ce cas, certaines régions du ciel auraient dû se traduire par de plus fortes émissions. Par ailleurs, on aurait constaté l’existence d’un spectre, selon la nature des différentes sources. Or, ce qui s’est confirmé par la suite avec une très grande précision, non seulement la mesure faisait état d’une remarquable isotropie, au cent-millième près, mais le spectre d’émission s’identifiait parfaitement avec l’émission d’un « gaz de photons » (emplissant tout l’univers) correspondant à une température de rayonnement de 2,7 degrés kelvin (−270,3 degrés centigrades), et à une longueur d’onde de 5,7 cm.
Sur cette courbe, les petites croix figurent les points de mesure. Ces mesures sont devenues aujourd’hui si précises que les « barres d’erreur » sont plus petites que la largeur du trait figurant la courbe passant par les points !
— JCB : Si je comprends bien, à ce stade on peut conclure que : – L’univers est en expansion. Confer les mesures de vitesses de récession faites par Edwin Hubble. – Il était donc plus dense et plus chaud dans le passé. — JPP : À une époque, quand son âge est d’un millième de seconde, c’est un foisonnement de protons, de neutrons, d’électrons et de leur contrepartie en antimatière : antiprotons, antineutrons, antiélectrons. Tout cela baigne dans un gaz de photons extrêmement chaud. Les photons donnent sans cesse naissance à des paires de particule-antiparticule, lesquelles s’empressent de s’annihiler pour redonner des photons. Mais un équilibre existe. L’expansion refroidit notre « gaz de photons », qui cesse alors de produire ces paires. Une fantastique annihilation survient, faisant disparaître ces paires matière-antimatière, vers le premier centième de seconde, qui donne des photons et qui correspond à un rayonnement à l’époque assez dur4. Mais l’expansion cosmique refroidit ce « gaz de photons » au point qu’aujourd’hui sa température de rayonnement n’est plus que de 2,7 degrés kelvin. — JCB : Et l’observation de ce « rayonnement fossile » confirme brillamment ce schéma théorique. À ce stade, le modèle théorique et l’observation sont main dans la main. — JPP : Vous oubliez deux choses. — JCB : Quoi ? — JPP : Primo, tout aurait dû disparaître. Or le recensement du contenu cosmique amène à conclure qu’il a subsisté une particule sur un milliard. Ces particules représentant tout ce qui se présente sous forme de matière : les galaxies, les étoiles, les planètes, nous. Tout cela baigne dans ce « gaz de photons résiduels » ultrafroid avec un milliard de ces photons pour chaque particule de matière. Pourquoi cette annihilation n’a-t-elle pas été totale ? Mystère complet.
— JCB : Ah, évidemment… — JPP : Second problème : en faisant l’impasse sur l’explication de la survivance d’une particule sur un milliard, il reste à comprendre où est passé son équivalent en antimatière. — JCB : Et alors ? — JPP : Pendant des décennies, on a envisagé toutes les hypothèses possibles. Selon ce modèle, l’antimatière est autoattractive et aurait donc dû donner naissance à des antigalaxies, constituées d’antiétoiles, en tout point semblables à leurs sœurs constituées de matière. — JCB : Mais ces objets auraient alors émis des… antiphotons ! — JPP : Si les protons, électrons, neutrons se différencient de leurs antiparticules, ça n’est pas le cas du photon. Il n’y a pas d’« antiphoton ». Ou, dit autrement, l’antiphoton est tout simplement identique au photon. Donc, s’il existait des antigalaxies et des antiétoiles, en captant la lumière qu’elles émettent, il nous serait impossible de déterminer si ce rayonnement provient de matière ou d’antimatière. — JCB : Donc, ces antigalaxies pourraient exister ? — JPP : Oui, mais ces immenses objets ont été l’objet de collisions fréquentes. Ces rencontres entre galaxies sont observées aujourd’hui et on a même de très bonnes raisons de penser que ce phénomène était courant dans leur plus jeune âge, les grosses galaxies absorbant les plus petites5. Donc, d’inévitables rencontres entre galaxies et antigalaxies devraient se traduire par des annihilations massives avec comme résultat des émissions extrêmement intenses et durables6 de rayons gamma. — JCB : Depuis toutes ces décennies, où en est-on sur cette question de l’absence d’antimatière cosmologique ? — JPP : Ce sujet a totalement déserté les séminaires et les colloques. On ne l’aborde tout simplement pas. — JCB : Il n’y a pas de colloque consacré à l’absence d’observation d’antimatière primordiale ? — JPP : Aucun. C’est un « non-sujet ». — JCB : C’est insensé !
— JPP : Mais cela va vous faire découvrir ce qui oriente la physique théorique et la cosmologie d’aujourd’hui : elles se concentrent sur ce que les scientifiques croient comprendre, ce sur quoi ils pensent avoir prise. Le reste, ils n’en parlent tout simplement pas. On pourrait même dire que ce sont des sujets tabous. En 1997, j’avais publié aux éditions Albin Michel un livre au titre très évocateur, On a perdu la moitié de l’univers.
— JCB : Je ne me rappelle pas avoir noté un quelconque écho médiatique autour de cet ouvrage. — JPP : L’unique journaliste qui avait de son propre chef décidé de m’interviewer sur ce sujet m’avait dit d’emblée : « Je sais que cela me sera
reproché. » — JCB : Qu’y avait-il de choquant dans cet ouvrage ? Y trouvait-on un plaidoyer vibrant pour la question ovni ? — JPP : Pas du tout ! C’étaient simplement les bases de ce qui allait devenir le modèle Janus. — JCB : Que disent les scientifiques de cette question de l’antimatière primordiale dans leurs ouvrages destinés au grand public ? — JPP : Vous pouvez vérifier : en général, ils évitent tout simplement d’en parler. — JCB : Alors que cette antimatière primordiale est au cœur de votre modèle Janus. Et il n’y a aucune explication proposée à cette absence de détection de cette antimatière primordiale. Vous êtes le seul à proposer une explication cohérente et construite en montrant que celle-ci, étant dotée d’une masse négative, émet des photons d’énergie négative que nos télescopes ne peuvent capter. Elle est donc totalement invisible. — JPP : Pour situer cette question de l’antimatière primordiale, il serait bon de retracer l’histoire de l’univers en remontant vers le lointain passé, c’està-dire les hautes énergies. — JCB : Je vous écoute. — JPP : Je vais donner deux graphiques où les grandeurs seront indiquées en « coordonnées dites logarithmiques ». C’est-à-dire que quand on passe d’une graduation à la suivante, la grandeur considérée saute d’un facteur dix. En abscisse, nous allons faire figurer le temps. Sur la droite, on commencera par la graduation correspondant à un millier de secondes. Comme une heure représente 3 600 secondes, ce millier de secondes équivaut à une vingtaine de minutes. Puis, toujours en se déplaçant vers la gauche, on aura cent secondes, puis dix, puis une seconde. Les physiciens ont leur façon à eux d’indiquer les fractions. Quand ils écrivent 10−1, c’està-dire « dix puissance moins un », c’est un dixième. 10−1 1/10 10−2 1/100 10−3 1/1 000
10−4 1/10 000 … — JCB : En faisant cela, on se rapproche du Big Bang. — JPP : Toute progression vers ce passé s’accompagne d’un bond de la température du « fluide cosmique » et de l’énergie individuelle des particules qui le composent. En appelant T la température absolue7 du milieu (ou E, l’énergie individuelle des particules, ce qui revient au même), et t le temps, l’évolution se joue selon la relation extrêmement simple :
— JCB : Chaque fois que le temps est divisé par cent, la température est multipliée par dix. — JPP : Nous allons donc figurer le temps en abscisse, en coordonnées logarithmiques, et la température absolue, l’énergie, en ordonnée, également en coordonnées logarithmiques. Les énergies sont à gauche, les températures correspondantes à droite. — JCB : Les températures sont en degrés kelvin. Quid des énergies ? — JPP : Les physiciens utilisent l’électronvolt, qu’ils notent eV, comme unité d’énergie, avec ses multiples. 1 eV, c’est 10 000 °K. 1 keV, ou « kilo-électronvolt », c’est 10 millions de degrés. 1 MeV, ou « méga-électronvolt », c’est 10 milliards de degrés. 1 GeV, ou « giga-électronvolt », c’est 10 000 milliards de degrés. 1 TeV, ou « téra-électronvolt8 », c’est 10 millions de milliards de degrés … — JCB : Je suppose que chaque plage de température correspond à une prééminence d’une certaine classe de phénomènes physiques ? — JPP : C’est exactement ça. Vers la droite, on aurait pu prolonger le temps en rajoutant de nombreuses graduations, pour parvenir jusqu’à l’époque
actuelle, qui correspond à t = 4 1017 secondes. Mais nous allons nous concentrer sur le passé lointain. Voilà un premier graphique :
— JCB : La courbe noire représente l’évolution de la température en fonction du temps. Postérieurement au premier centième de seconde, c’est un bon gros trait, bien gras. Mais antérieurement, ça change. Pourquoi ? — JPP : Un des premiers à avoir publié un ouvrage grand public bien construit, se référant au passé de l’univers, est le prix Nobel américain Steven Weinberg9. — JCB : Mais Hubert Reeves a également publié de nombreux ouvrages grand public pour expliquer tout cela. — JPP : Ça n’a rien à voir. Weinberg est un des derniers géants de la physique, Reeves est avant tout un conteur qui a créé des mots qui parlent au public. Il décrit l’univers « comme une petite boule très chaude ». Dans la mesure où tous les atomes de l’univers ont été créés dans les étoiles, il invente l’expression « nous sommes faits de poussière d’étoiles ». Cela fait rêver le lecteur mais celui-ci ne retire pas grand-chose de durable de cette lecture. Ces livres sont pleins de phrases comme « l’univers est structuré
comme un langage ». Mais ça s’arrête là. Au point de vue scientifique, la production de Reeves se limite à des redites d’un papier de 1971 sur l’abondance des éléments légers dans l’univers10. Qui lirait aujourd’hui Patience dans l’azur et L’Heure de s’enivrer ? En revanche, le livre de Weinberg Les Trois Premières minutes de l’univers11 n’a pas pris une ride. Quand j’ai créé ma bande dessinée Cosmic story en 1985, je n’ai eu qu’à transcrire en BD la démarche de Weinberg, parfaitement limpide. — JCB : Mais Reeves est une icône. — JPP : Qui ne laissera, comme tous ses pareils, pas l’ombre d’une trace dans l’histoire des sciences. Il n’y a aucun « modèle d’Hubert Reeves », de quoi que ce soit. — JCB : Bon, revenons à Weinberg. — JPP : Dès le départ, celui-ci indique qu’il va concentrer son propos sur ce qui se passe après le premier centième de seconde, et que tout ce qui précède reste pour lui du domaine de la pure spéculation. — JCB : C’est donc la partie grisée du diagramme. — JPP : Lorsque l’univers est âgé d’un millième de seconde, dans cette partie grisée, Weinberg dit qu’on peut envisager de décrire les contenus de la « soupe cosmique primitive ». C’est alors un mélange très turbulent de matière, d’antimatière et de photons. Mais quand on passe de ce premier millième de seconde au centième, comme je l’ai dit plus haut, la température du fluide cosmique tombe de 300 milliards de degrés à 100 milliards de degrés. Alors se produit une annihilation effrénée des couples matière-antimatière. — JCB : Pourquoi ces chiffres particuliers ?
Réponse Pour qu’un photon puisse se muer en couple matière-antimatière, par exemple en couple protonantiproton, il faut qu’il ait une énergie égale ou supérieure à deux fois mPc2, mP étant la masse du proton, qui est de 1,67 10–27 kilo et c la vitesse de la lumière, qui vaut 3 108 mètres par seconde. Ainsi, cette énergie minimale vaut-elle 2 mPc2, c’est-à-dire 310–10 joule. On va exprimer cette énergie en électronvolts. La charge électrique de l’électron est 1,6 10– 19 coulomb. Une charge électrique multipliée par une différence de potentiel V représente le travail de la force électromagnétique s’exerçant sur l’électron en cheminant entre deux points
présentant une différence de potentiel V. C’est donc une énergie qui s’exprime en joules. Un électronvolt, c’est donc tout simplement 1,6 10–19 joule. Un giga-électronvolt, un GeV, c’est-àdire un milliard d’électrons, c’est donc 1,6 10–10 joule. Une simple règle de trois permet d’évaluer l’énergie minimale que doit posséder un photon pour donner naissance à une paire proton-antiproton. On trouve 1,9 GeV. Mais pour que l’univers se peuple de ces couples, il n’est pas nécessaire que tous les photons aient une énergie aussi élevée. Il suffit qu’il y en ait une fraction suffisante qui en soit dotée. Dans le « gaz de photons », leur énergie se distribue selon la courbe en cloche indiquée plus haut. Ce qui compte, c’est l’équilibre entre le taux de production de paires matière-antimatière et le taux de disparition de ces mêmes paires par des annihilations redonnant ces photons dotés d’une énergie égale ou supérieure à 200 GeV. Le calcul montre que c’est le cas quand la température de l’univers atteint 300 milliards de degrés, auquel cas l’énergie moyenne des photons est alors seulement de 300 MeV.
— JCB : Toujours est-il que quand cette température tombe d’un facteur dix, à 30 milliards de degrés, c’est une véritable Saint-Barthélemy cosmique. — JPP : Et comme on ne peut pas répondre aux deux questions, « Pourquoi cette annihilation n’a-t-elle pas été totale ? » et « Où est passée cette antimatière primordiale ? », Weinberg se refuse à spéculer à perte de vue sur une époque antérieure. — JCB : Que dit Hubert Reeves dans ses livres et conférences ? — JPP : Très simple. Il dit « pour une raison qui reste inexpliquée, l’univers aurait créé un léger excès d’antimatière ». Et ça, c’est absurde, parce que les photons en créent nécessairement un nombre strictement égal. — JCB : À quoi Weinberg s’est-il alors intéressé ? — JPP : À ce qu’on appelle l’interaction faible. — JCB : C’est un phénomène qui permet de s’aventurer vers une époque antérieure au premier millième de seconde ? — JPP : Non, c’est un phénomène qui est courant. Il est au cœur de ce qu’on appelle « la radioactivité bêta » et intervient par exemple dans le cœur du Soleil, pour que se produisent des réactions de fusion. Et ce cœur n’est qu’à 15 millions de degrés. — JCB : Donc, cela reste de la physique « normale », non spéculative. Quel est alors le bestiaire de la physique, en faisant abstraction des antiparticules ?
— JPP : Au-delà de cette triade de particules élémentaires : le proton, le neutron et l’électron, avec les travaux de Steven Weinberg12, Abdus Salam13 et Sheldon Glashow14 le Lego des particules se précise, jusqu’à l’apothéose, ce qu’on a appelé le « modèle standard ». C’est après que tout se met à cafouiller. — JCB : Après que, pendant soixante-dix ans, la théorie et l’expérimentation ont connu une entente parfaite. Est-ce qu’on peut revenir sur cet âge d’or de la physique ? — JPP : Tout à fait. Au tout début du XXe siècle, la physique était riche de résultats expérimentaux et d’observations que les modèles théoriques disponibles à l’époque ne parvenaient pas à gérer. Cette dissonance entre la mécanique newtonienne et le mouvement des planètes a donné naissance à la relativité générale. Mais concentrons-nous pour commencer sur la physique des particules. C’est Rutherford qui propose en 1911 un modèle de l’atome d’hydrogène où un électron orbite autour du noyau, constitué en l’occurrence par un simple proton. Se trouvant attiré par lui, par la force électrostatique qui varie comme l’inverse du carré de la distance qui l’en sépare, la force centrifuge qu’il subit équilibre cette dernière.
Mais les équations de Maxwell montrent qu’un électron qui tourne émet alors un rayonnement de nature électromagnétique qui représente une perte continue d’énergie. Le calcul montre qu’il s’effondrerait sur le proton en 10−11 seconde. Alors, il faut faire intervenir une représentation de l’électron lié au noyau et circulant sur une orbite circulaire comme une onde. — JCB : Qui a pu avoir une idée pareille et pourquoi ? — JPP : La quantification commence par celle de l’énergie E et est introduite par Planck en 1900. Il montre que l’émission de lumière par les atomes, le rayonnement, ne peut se faire de manière continue mais selon un spectre de fréquences , etc., particulières,
correspondant à un spectre d’énergie
… Cette énergie est proportionnelle à la
fréquence, ce qui amène Planck à créer le facteur de proportionnalité h, une constante à laquelle il donne son nom. Ce spectre d’énergies devient donc hν1, hν2, hν3… Une énergie E divisée par une fréquence
(ou multipliée par un temps
) c’est un moment
cinétique, c’est-à-dire le produit d’une masse m par une vitesse v et par une longueur r15. La « constante de Planck » h est donc l’unité de moment cinétique, qui ne peut prendre que des valeurs entières. Quand on raisonne en termes d’énergie d’orbite, celle-ci est d’autant plus importante que les objets sont sur celles qui ont plus grand rayon16. On imagine alors que si les atomes émettent de l’énergie, c’est parce qu’après en avoir reçu, l’avoir stockée en ayant leurs électrons projetés sur une orbite de plus grand rayon, ils restituent cette énergie sous forme de rayonnement quand l’électron effectue un brusque changement d’orbite et saut sur une orbite plus basse. Partant de l’idée d’une émission d’énergie par les atomes selon un spectre de fréquences, Niels Bohr, en 1916, imagine que les électrons ne circulent que sur des orbites particulières correspondant à des valeurs mer1v1, mer2v2, mer3v3, etc., qui sont des multiples d’une valeur unitaire de moment cinétique, qui est alors h. Il en déduit que pour l’atome d’hydrogène, qui ne possède qu’un unique électron, il existera alors pour celui-ci une orbite fondamentale correspondant à la valeur h du moment cinétique, et à une valeur minimale rB du rayon, à laquelle il donnera son nom. Pour calculer celui-ci, il commence par exprimer que dans cette orbite circulaire la force centrifuge subie par l’électron
(de charge −e) est égale et opposée à la force électrique
que le proton (de charge +e) exerce sur lui, laquelle est inversement proportionnelle à la distance qui les sépare, et qui s’écrit
. Ça lui donne une relation entre la vitesse
et
le rayon de l’orbite . La mécanique quantique, appliquée au mouvement de l’électron, donne alors la longueur d’onde qui lui est associée et qui a été définie par le physicien français Louis de Broglie :
On exprime que cette onde sinusoïdale se boucle sur elle-même :
Autrement dit que le périmètre
de l’orbite est égal à la longueur d’onde
:
On décide au passage de créer une nouvelle unité de moment cinétique, associée au caractère « h barre » :
On combine le tout et on obtient le rayon de Bohr :
— JCB : Tout cela étant, comme disait Kipling, « grosse astuce et force magie ».
1. Lemaître fit ses études à l’université catholique de Louvain. Très tôt « branché » sur cette naissance d’une cosmologie à base scientifique, il est en contact avec Eddington et Einstein. Nous ne trouvons aucun personnage équivalent en France où on ne trouve nulle trace, dans le passé et encore aujourd’hui d’une « école française de cosmologie et d’astrophysique », les dernières contributions françaises dans ces domaines étant celles de Laplace et de Le Verrier, à l’époque napoléonienne. 2. Centrés sur une longueur d’onde de 5,7 cm. 3. Pages extraites de ma bande dessinée Cosmic story (1985) aujourd’hui gratuitement téléchargeable à l’adresse : http://www.savoir-sansfrontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/COSMIC%20STORY.pdf. 4. Avec une « température de rayonnement » de 100 milliards de degrés. 5. Phénomène qualifié de « cannibalisme galactique ». 6. À ne pas confondre avec des « flashes gamma » de très courte durée, dont l’origine est toujours matière à débat. 7. Quand on se réfère à des particules de matière, dotées de vitesses non relativistes, la température absolue représente simplement à un coefficient près la valeur de l’énergie cinétique moyenne associée à la vitesse moyenne d’agitation thermique . Quand la vitesse de ces particules se rapproche de la vitesse de la lumière, cette énergie moyenne devient
.
L’expression classique de l’énergie cinétique est simplement la valeur approchée de cette quantité. 8. Téra, en grec, signifie « monstrueux ». 9. 1933-2021. Prix Nobel 1979 avec Abdus Salam et Sheldon Glashow. 10. Issus de la nucléosynthèse primordiale. 11. Paru aux États-Unis en 1977. Traduit aux éditions du Seuil en 1978. 12. Steven Weinberg, américain d’origine juive, né en 1933. Décédé en 2021. Reçoit son prix Nobel en 1979 à l’âge de 46 ans. 13. Abdus Salam, pakistanais né en 1926. Décédé en 1996 à l’âge de 70 ans. 14. Sheldon Glashow, fils d’immigrés juifs russes, né en 1933. 89 ans en 2021. 15. Du point de vue des dimensions une énergie, c’est ML2T−2 ou M (LT−1)L T−1. Une fréquence, c’est T−1. Donc la dimension de la constante de Planck est M (LT−1)L. Et LT−1, c’est une vitesse. Donc la constante de Planck est ML2T−1, CQFD. 16. Il faut fournir de l’énergie à un satellite pour le placer sur une orbite plus distante de la Terre.
PENSER AUTREMENT — JPP : On comprend au passage comment le fait de localiser l’électron sur son orbite, à tout moment, perd son sens. Vous avez déjà mangé ce gâteau qu’on appelle le savarin. — JCB : Oui, j’adore. Ma grand-mère en faisait d’excellents. — JPP : Vous souvenez-vous alors de la forme de ces gâteaux et du moule utilisé par votre grand-mère ? — JCB : Tout à fait !
— JPP : Imaginez maintenant que vous tenez ce moule à l’envers et que vous l’emplissiez à moitié d’eau. Puis vous faites osciller cette eau en balançant le moule.
— JCB : J’obtiens une onde liquide qui cercle à l’intérieur de ce canal. — JPP : Eh bien, vous avez une idée de l’image que les quanticiens se font de la présence d’un électron sur l’orbite entourant le noyau. Ils ne se posent plus la question de savoir « où est cette eau ? » Ce qui compte, c’est la structure d’onde. — JCB : Et tout cela prend corps en 1916. C’est vraiment « penser autrement ». — JPP : Et c’est le moment où nos systèmes de représentation de la matière « s’évaporent », c’est le début du moment où la physique commence à se situer en dehors du sens commun. — JCB : Je ne peux pas dire que j’aie suivi le calcul et le raisonnement dans l’encadré. Ces formules sont pour moi des idéogrammes qui dansent sur une feuille. Quel mot votre épouse utilise-t-elle à ce propos ? — JPP : Elle utilise l’expression « crottes de mouches ». — JCB : Oui, ce sont des crottes de mouches. Mais le coup du savarin m’a plu. Je vais montrer cela à ma femme, ce soir, en lui disant « tu vois, ça, c’est un électron. Et grâce à Petit, je commence à entrevoir ce que peut être la mécanique quantique ». — JPP : Peut-être, en 1916, les scientifiques partaient-ils de telles analogies culinaires. Ça, on ne le saura jamais. — JCB : Il y a quand même une chose que j’hésite à dire…
— JPP : Parlez. — JCB : Pourriez-vous trouver… une chose qui me fasse… sinon comprendre… du moins, disons… sentir ce que pourrait être le principe d’incertitude d’Heisenberg ? — JPP : Imaginez un canal le long duquel circulent des ondes, des oscillations. Elles sont caractérisées par leur longueur d’onde, leur distance « crête à crête ». Imaginez un observateur qui a accès à une mesure de la hauteur de l’eau, en un point. Il s’agit par exemple de la position d’un flotteur, qui monte et qui descend. Une fente vitrée lui permet d’avoir directement accès à cette mesure. Il est clair que s’il a accès à la mesure de la longueur d’onde des vagues, il se trouve renseigné sur l’énergie qu’elles transportent.
— JCB : Jusqu’ici, ça va. — JPP : Maintenant, imaginons qu’il ne puisse effectuer cette mesure que pendant un intervalle de temps . Il n’aura accès qu’à une fraction de l’onde. Donc, sa mesure de l’énergie qu’elle porte sera entachée d’une erreur . Il lui sera ainsi impossible de mesurer l’énergie avec précision, à un instant précis, puisque cela correspondrait à un temps nul. Dans un intervalle faible, il ne peut percevoir de montée et de descente du niveau de l’eau,
connaître la période de l’oscillation, et donc son inverse, c’est-à-dire sa fréquence . En multipliant par la constante de Planck h, il a alors accès à la mesure de l’énergie selon la relation fondamentale de la mécanique quantique . Pour réduire la marge d’erreur sur la mesure de l’énergie E, il lui faudra accroître l’imprécision sur le temps, c’est-à-dire attendre pendant un temps que l’eau monte et descende. — JCB : Je commence à voir émerger l’idée. Plus faible est l’erreur sur la mesure de l’énergie E, plus grande est l’erreur temps t.
sur la mesure du
— JPP : C’est la même chose en mécanique quantique. Cette histoire de vague dans le canal n’est qu’une image qualitative. En mécanique quantique, l’Allemand Werner Heisenberg a énoncé cela en un principe en 1927 :
Le produit
est une constante, égale à la constante de Planck h.
— JCB : C’est ce qui ressort quand on se met à concevoir la matière comme une onde.
CALCULEZ, IL N’Y A RIEN À VOIR — JCB : Autrement dit, avec cette nouvelle vision des choses, on dispose d’une théorie qui se révèle remarquablement fonctionnelle, la mécanique quantique, mais dont est alors vain d’essayer de s’en faire une image mentale. C’est : « Calculez, il n’y a rien à voir » ! — JPP : C’est tout à fait ça. Richard Feynman, un des rares capables de prendre de la distance vis-à-vis des formalismes, avait coutume de dire : « Si vous entendez quelqu’un dire qu’il a tout compris à la mécanique quantique, je vous dirai que c’est le plus grand des menteurs. Elle fonctionne et on ne sait pas pourquoi ! »
— JCB : C’est quelque chose de tout à fait extraordinaire, il faut bien en convenir. — JPP : Et ça ne s’est pas amélioré avec le temps. En même temps que les théoriciens forgeaient ces outils magiques, les résultats expérimentaux
s’accumulaient, qu’il fallait bien interpréter. L’outil d’observation fut au départ la « chambre de Wilson », puis la « chambre à bulles ». — JCB : Quelques mots là-dessus ? — JPP : Quand vous levez le nez en l’air, il n’est pas rare d’apercevoir les traînées de condensation qui signalent les trajectoires de nos modernes avions de ligne. Dans ces conditions, régnant en altitude, de pression et de température, la moindre agitation des masses d’air produit la condensation de la vapeur d’eau qu’elles contiennent, sous forme de fines gouttelettes. En 1910, le physicien écossais Charles Wilson s’intéresse au phénomène de condensation de la vapeur d’eau dans des conditions susceptibles d’entraîner l’apparition du brouillard. Il aborde donc cette question dans un contexte de météorologie. Mais, en plaçant un échantillon de radium à côté de sa chambre, il a la surprise de voir apparaître des traînées qui, modulo un changement d’échelle, sont tout à fait analogues à celles des avions, évoquées plus haut. Jusqu’au début des années cinquante, cette « chambre de Wilson » sera l’instrument avec lequel on put mettre en évidence l’existence de particules1. Qui plus est, en faisant baigner l’instrument dans un fort champ magnétique, il devenait possible de distinguer entre les particules neutres, que cette présence n’affectait pas et dont les trajectoires étaient rectilignes, et les particules chargées, dont les trajectoires devenaient alors de belles arabesques, plus prononcées pour les légers électrons.
À partir des années cinquante, les chambres de Wilson furent remplacées par des « chambres à bulles », fonctionnant sur un principe analogue, qui se trouvaient être plus précises. Très vite, celles-ci furent remplies d’hydrogène liquide, sous une température de 27 K et sous une pression de quelques atmosphères. Avant d’effectuer une expérience, on abaisse alors la pression dans la chambre à l’aide d’un piston. Dans ces conditions, le fluide atteint son point d’ébullition. Le passage de la moindre particule se trahit par l’apparition de minuscules bulles. En éclairant la chambre avec une source de lumière, on peut alors réaliser des clichés sous plusieurs angles, l’ensemble fournissant les trajectoires 3D de particules. Des tels dispositifs permettent alors de visualiser, pour commencer, les trajectoires des « rayons alpha », autrement dit de noyaux d’hélium, porteurs de deux charges électriques et constitués par quatre nucléons, deux protons et deux neutrons. Les électrons créent aussi une trace dans les chambres. En faisant baigner le dispositif dans un champ magnétique, on produit une giration des particules chargées2. Les particules neutres vont en ligne droite. Les particules de charges opposées tournent dans des sens contraires. Leur rayon de giration permet d’évaluer les masses des
particules. Plus elles sont légères, plus ce rayon est faible. La prédiction faite en 1931 par le physicien anglais Paul Dirac de l’existence d’une particule ayant la même masse que l’électron, mais dotée d’une charge opposée, positive, se vérifie. En 1932, Anderson capture la trajectoire d’un antiélectron dans la chambre de Wilson, tournant en sens opposé à l’électron3. Mais le bestiaire s’enrichit rapidement de nouvelles particules, comme les muons, porteurs de la même charge électrique que les électrons, mais dotés d’une masse 207 fois plus importante. Pendant une trentaine d’années, les deux choses progressent en parallèle. En même temps que sont effectuées des mesures sur de nouvelles particules, sur les conditions de leur apparition, leur durée de vie et leur désintégration, les modèles théoriques permettant de rendre compte de leur nature et de leurs propriétés voient le jour. — JCB : On peut vraiment parler « de l’âge d’or » de la physique des particules. — JPP : Avec l’avènement de la théorie quantique des champs, on introduit une distinction entre des particules qu’on pouvait considérer comme des objets, et d’autres qui étaient associées à des champs de force. Outre le fait qu’il véhiculait toutes les propriétés de l’optique, le photon put ainsi être également considéré comme matérialisant, « véhiculant » la force électromagnétique. La manifestation de cette force s’interprète alors comme « un échange de photons ». Dans la panoplie des forces, on distingue, outre cette force électromagnétique, une force dite d’« interaction forte », censée assurer la cohésion des nucléons dans les noyaux d’atomes et une force dite « d’interaction faible », qui intervient dans ce qu’on a appelé la « radioactivité bêta ». Les particules associées à l’interaction forte sont alors les gluons et celles de l’interaction faible des « mésons » π et K. On ne va pas entrer dans une évocation des modèles théoriques permettant d’engendrer ces particules, ni dans les schémas d’expériences permettant de mettre leur existence et leurs caractéristiques en évidence. Ajoutons que certaines particules ne peuvent être détectées directement, en obtenant une image de leur trajectoire, tout simplement parce qu’elles sont totalement incapables de créer la moindre ébullition sur leur passage. L’exemple est le neutrino. Le fait que ces particules existent réellement et ne soient pas une
simple fiction mathématique est alors déduit de la détection de produits de réaction avec les protons ou électrons du liquide emplissant la chambre. Deux démarches se conjuguent : – la modélisation des phénomènes ; – leur mise en évidence à travers l’expérimentation.
L’ACHÈVEMENT DU « MODÈLE STANDARD » — JPP : Au niveau de la modélisation, les outils mathématiques utilisés sont à la fois complexes et terriblement abstraits. L’analyse des clichés est également complexe. Autour de ces années soixante-dix, un physicien américain, Gell-Mann, propose alors une modélisation des composants du noyau (proton, neutron) en les décrivant comme des ensembles de trois particules auxquelles il donne le nom de quarks. Celles-ci sont dotées de charges électriques fractionnaires (−1/3 et 2/3) ainsi que de nouvelles « charges » qu’on assimile à des « couleurs ». Ainsi naît la chromodynamique quantique. Les baryons sont à leur tour décrits comme des ensembles de deux quarks. Toutes ces nouvelles particules étant ellesmêmes liées par des « gluons » de différentes espèces. Les expériences sont tentées et confirment brillamment cette nouvelle modélisation. On pense alors avoir fait un pas de plus dans ce démontage de la matière. La théorie prévoit que lorsque l’univers primitif se trouve à une température de 1012 degrés, ce qui, conformément au modèle du Big Bang, correspond à un âge se situant entre une et dix microsecondes. Au lieu d’envoyer un faisceau de protons accélérés sur une cible fixe, on passe au système du « collisionneur », où après avoir accéléré deux paquets de protons dans deux circuits différents, on fait comme le cheminot qui actionne un aiguillage (électromagnétique, dans ce cas) et on envoie ces deux paquets de protons, disposés sur un même « rail », en les faisant se ruer les uns contre les autres. Des collisions frontales proton-proton se
produisent et les énergies mises en jeu laissent espérer qu’elles permettront de briser les nucléons en libérant les quarks dont ils sont formés. Ceux-ci étant dotées de charges électriques fractionnaires devraient ainsi révéler leurs trajectoires dans les chambres à bulles. Mais, ô surprise : pas de quarks libres, même en augmentant l’énergie. — JCB : Que se passe-t-il dans ces expériences ? — JPP : Une masse m au repos représente une énergie mc2. Lorsqu’on lui communique une vitesse v cette énergie devient, conformément aux lois de la relativité restreinte :
Dans les expériences, on parvient à donner aux protons des énergies qui représentent mille fois leur énergie au repos. Ce qui veut dire que :
Les objets qui entrent en collision ne peuvent plus être considérés comme des masses, mais comme des paquets d’énergie. Cette énergie se condense alors en donnant des jets de particules et d’antiparticules, diverses et variées, en général instables, qui se décomposent à leur tour. Les prises d’images sont alors plus sophistiquées, de même que leur analyse, entièrement automatisée. Mais, même en mettant en jeu des énergies adéquates, nulle évidence d’émission de particules dotées de charges électriques fractionnaires n’est constatée. — JCB : Comment les scientifiques ont-ils expliqué cette absence de production de quarks libres ? — JPP : On ne l’explique pas. Le recours aux quarks (les équations traduisant immédiatement les structures des antiparticules en tant qu’assemblages d’antiquarks) est une modélisation très réussie, permettant de rendre compte du bestiaire des particules de l’époque, au nombre de
vingt-cinq. Cette reconstruction impliquait évidemment l’ajustement de différents paramètres, au nombre de dix-neuf. En parallèle, dès les années soixante, la machinerie mathématique avait continué son travail, toujours avec la même méthode4, en produisant une nouvelle gamme de particules auxquelles on a donné le qualificatif de « supersymétriques ». Selon cette extension de la théorie, toutes les particules connues devaient posséder une sœur jumelle, plus massive. – au graviton s’associait le gravitino ; – au gluon le gluino ; – au photon le photino ; – aux particules W et Z les Wino et Zino ; – à l’électron le sélectron ; – au neutron le neutralino ; – et pour finir chaque quark se voyait doté d’un partenaire auquel on donna le nom de squark. — JCB : Et ?… — JPP : En 2015, la puissance des accélérateurs collisionneurs avait atteint un tel niveau que certaines de ces particules auraient normalement dû se manifester, en particulier le neutralino, dans lequel on voyait un très bon candidat en tant que constituant de la matière noire. — JCB : Mais rien, nada. — JPP : On est en 2022 et personne ne croit plus dans le succès de cette nouvelle théorie. L’impasse, en physique des particules, est totale5. Mais on a vu que les modélisations de la matière étaient sophistiquées, et assez abstraites. Imaginons qu’en 1905-1910, au moment où la théorie atomique commençait à prendre du galon, quelqu’un ait exposé devant les scientifiques de l’époque la théorie quantique des champs, conduisant au modèle standard. Les gens auraient haussé les sourcils.
1. Qui lui vaudra le prix Nobel de physique en 1927. La chambre de Wilson permettra la découverte des rayons cosmiques en 1927, de l’antimatière en 1933, du muon en 1936, du kaon en 1947 ainsi que des baryons lambda en 1951 et xi en 1952. 2. Rayon de Larmor
. La masse de la particule étant m, q sa charge, v sa vitesse et B
l’intensité du champ magnétique. Le rayon est proportionnel à la masse. 3. L’existence de l’antiproton ne sera confirmée qu’en 1955. 4. Utilisant la théorie des groupes et en recherchant des « symétries » et des « invariances ». 5. Seul succès, en 2012, la détection du « boson de Higgs », une particule qui est censée donner aux particules leur « masse inertielle ».
CATASTROPHE, DU CÔTÉ DE LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE
— JPP : Passons à la seconde partie des problèmes qui apparaissent au milieu des années soixante-dix et qui concernent cette fois la relativité générale. Depuis ses premiers succès, en 1916, avec l’explication de l’avance du périhélie de Mercure, cette théorie a été de succès en succès. Après que le Russe Alexander Friedmann a jeté un pont vers des modèles instationnaires, le modèle du Big Bang a pu être construit. La découverte du rayonnement fossile a été considérée comme la preuve de l’existence d’un état antérieur doté de températures défiant l’imagination. Mais, comme évoqué plus haut, on semait au passage cette moitié d’univers constituée par l’antimatière primordiale. Dans les années soixante-dix, les ouvrages de vulgarisation permettaient de faire en quelque sorte le point. Tout se résumait à l’époque dans l’évaluation de la densité de matière dans l’univers. Lorsque j’avais créé au milieu des années soixante-dix ma première « BD scientifique », Le Geometricon1, les deux dernières pages résumaient la situation :
— JCB : En dehors de cette absence de détection de l’antimatière primordiale, cette arlésienne de l’astrophysique et de la cosmologie, tout
avait l’air de coller à peu près ? — JPP : À quelques détails près. Bien sûr, dans cette première moitié du XXe siècle, la modélisation des étoiles avait fait d’énormes progrès, en mettant à profit toutes ces nouvelles connaissances issues de cette toute jeune physique des particules élémentaires. Sur le plan observationnel, les données étaient de trois sortes. Les astronomes ont une première évaluation des distances des étoiles à l’aide de la méthode de la parallaxe, initiée par l’Allemand Bessel au XIXe siècle2. Mais cette méthode est très vite limitée en distance ? Le recours à ces « chandelles standards, ces étoiles variables Céphéides », les évaluations en distance font un fantastique bond en avant.
En identifiant des Céphéides dans la nébuleuse d’Andromède, l’Américain Hubble montre qu’il s’agit d’une galaxie semblable à notre Voie lactée, distante de millions d’années-lumière3.
Les données suivantes émanent de la spectroscopie et renseignent les astronomes sur les atomes qui composent les couches extérieures des étoiles. Cela permet de définir des types d’étoiles. En utilisant les schémas de la fusion, les théoriciens parviennent à modéliser la structure interne de toutes les étoiles, sans y avoir accès directement. Ils construisent ensuite une modélisation des évolutions des différentes étoiles. Sous cet angle, les progrès sont absolument extraordinaires. Ces modèles sont si « fonctionnels », si « crédibles », qu’il est possible de dire que ces outils théoriques « permettent de voir à l’intérieur des étoiles ». La troisième donnée de base est la mesure de l’effet Doppler, qui renseigne sur la composante radiale des vitesses. Dans la Voie lactée, cela permet de se faire une idée de la cinématique des différentes étoiles.
À l’échelle cosmologique, c’est la fameuse loi de Hubble qui confirme l’aspect cinématique du modèle issu des solutions de Friedmann.
L’avènement de la radioastronomie, après la Seconde Guerre mondiale, permet de découvrir les pulsars, identifiés à des étoiles à neutrons. On
découvre aussi que certaines galaxies ont des noyaux actifs, se signalant par des émissions phénoménales d’énergie. Dans les années trente, Fritz Zwicky modélise la mort brutale des étoiles massives, se convertissant en supernovæ.
L’existence de celles-ci est rapidement prouvée par les observations. Le cosmos cesse de donner l’image paisible suggérée par ce nom de « Voie lactée ». On perçoit au contraire les galaxies comme des lieux où des centaines de supernovæ explosent à chaque tour4. En plaçant des « chambres de Wilson » dans des ballons et en utilisant des détecteurs installés au sol, les astronomes découvrent les « rayons cosmiques », sans être capables d’imaginer le phénomène qui en serait la source. On notera, au rayon des problèmes non résolus, les quasars. Citons les pages de ma BD Cosmic story5 où leur découverte est retracée.
— JCB : Ou comment passer à côté d’un prix Nobel à cause de son scepticisme. Aujourd’hui, comment interprète-t-on ce phénomène des quasars ? — JPP : Le seul progrès qui a pu être fait au fil des années a été de comprendre que ces objets se situaient exactement au centre géométrique des « galaxies actives ». Mais soixante-dix ans plus tard, il n’existe aucun modèle crédible expliquant leur mécanisme6. — JCB : Donc, parmi ces problèmes non résolus : l’origine des rayons cosmiques, des quasars et l’absence d’observation de l’antimatière primordiale. — JPP : À ce sujet, j’ai une anecdote assez savoureuse. — JCB : Je vous écoute. — JPP : Au début des années quatre-vingt, les observations de quasars s’accumulaient. Comme leur spectre s’identifiait à celui de l’hydrogène, il devenait alors possible d’évaluer leur distance en se fondant sur le déplacement de ce spectre vers le rouge, le redshift. Souriau fut frappé par
le fait que, dans une direction donnée, je crois me rappeler que c’était dans la constellation du Cygne, on constatait la présence de quasars, jusqu’à une certaine distance. Puis il y avait un gap, une bande où on n’observait plus de quasars, et on les retrouvait au-delà de ce « no-quasar’s land ». En réalité, on sait maintenant que cela correspondait à la présence du « Great Repeller7 », cette vaste région vide découverte en 2017. Mais cela lui suggéra une explication complètement différente. Le plus simple est de reproduire les quelques pages de la bande dessinée que j’avais consacrées à cette conjecture.
Les images sont suffisamment parlantes. Souriau pensait que l’univers était une sphère à trois dimensions, une sphère S38. Pour une raison mystérieuse, la matière se serait installée d’un côté et l’antimatière de l’autre. Comme ces deux avaient tendance à s’annihiler mutuellement, une sorte d’espace vide aurait séparé ces deux domaines. D’un côté, il y avait les quasars et, de l’autre, ce que Souriau pensait être des antiquasars. En haut de la page 60, ci-dessus, la partie grisée aurait représenté ce qui était accessible à l’observation, depuis la Terre, censée être située au point T. Grâce à un changement de coordonnées, Souriau avait empiriquement déterminé ce qu’il pensait être ce centre de l’espace de matière, en P, le centre de l’antimatière étant en P’9. Ça lui permettait de ranger les quasars et ce qu’il identifiait à des antiquasars de part et d’autre d’une bande vide, et cela donnait ce genre de figure.
Chaque fois que je venais le voir, il me disait : « Alors, tu viens entendre les dernières nouvelles du cosmos ? », et il me montrait avec fierté sa fameuse figure. Ça a duré des années et des années. Un de ses élèves, le malheureux Roland Triay, a passé tout ce temps à collecter les données de chaque nouveau quasar et à ajouter des points dans ce graphique. Quand ces résultats arrivaient, Souriau craignait que les points ne se logent dans cette bande verticale vide, qui représentait son « non quasar’s land ». Mais, au fil des années, cette bande s’est progressivement remplie, est devenue de plus en plus mince, au point de disparaître complètement :
— JCB : Et le modèle de Souriau est tombé à l’eau ! — JPP : Eh oui. Le monde de la recherche est pavé de quêtes qui finissent en eau de boudin. Je me souviens d’un collègue de l’observatoire de Marseille qui recherchait des objets de très faible masse, susceptibles de constituer les composants de la matière sombre dans les galaxies, qui auraient révélé leur présence en modifiant, par effet de lentille gravitationnelle, la lumière d’une étoile située à l’arrière-plan. Pour traquer ces trucs, il était obligé d’aller au Chili, ou à Hawaï, à l’autre bout de la Terre. De temps en temps, une étoile voyait sa luminosité s’accroître. Il était alors tout excité. Mais plusieurs mois plus tard, le phénomène se reproduisait, au même endroit. Donc, ça n’était qu’une bête étoile variable10. Il a passé des décennies dans cette quête-là, jusqu’à son départ en retraite.
— JCB : Dans ces cas-là, il est préférable de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. — JPP : Pour Souriau, ça n’était pas un problème. Il a eu une masse d’idées différentes dans sa carrière. Mais comme c’était l’idée qu’il avait eue, dans le domaine de la cosmologie, il a quand même été un peu déçu. Mais, en réalité, il est exceptionnel que les chercheurs aient une idée originale. Quand ça n’est pas le cas, ils produisent des « contributions ». Quand une idée leur vient en tête, il est hélas très fréquent que la Nature refuse de confirmer leur intuition. — JCB : Vous pouvez donner des exemples ? — JPP : Françoise Combes est académicienne 11. Dans les années quatrevingt, elle imagine, dans des simulations numériques, de faire tomber des particules de « gaz froid » sur un ensemble de points-masses en rotation figurant une galaxie en rotation. Ce gaz s’est alors réparti dans cette galaxie en donnant des formations spirales du plus bel effet. Je me rappelle que la revue Sciences et Avenir en avait reproduit des photos. Mais ces formations ne perdurent pas plus d’un tour. Pour maintenir ces structures spirales, Françoise Combes doit invoquer un afflux permanent de ce gaz froid.
Hélas, l’observation montra que le milieu intergalactique était plutôt constitué de gaz raréfié, mais ultrachaud12. On trouva bien quelques atomes de gaz froid13, mais en quantité insuffisante pour justifier le modèle de dame Combes14. Mais revenons au milieu des années soixante-dix. À l’époque, je viens d’intégrer l’observatoire de Marseille. Là, on s’efforce de déterminer la forme des courbes de rotation des galaxies. Dans un premier temps, les barres d’erreurs sont considérables. Mais les mesures s’affinent et à la fin des années soixante-dix, l’astronome américaine Vera Rubin met le feu aux poudres15 (https://www.youtube.com/watch?v=glepnXSkiyE).
Et, tout de suite, c’est la catastrophe. Les distributions de masse, déduites des observations, produisent un champ gravitationnel totalement incapable de contrebalancer la force centrifuge associée à ces fortes vitesses périphériques. Voilà par exemple la situation dans notre galaxie, la Voie lactée :
— JCB : C’est là qu’on appelle la matière noire à la rescousse. — JPP : Comme en physique des particules, plus rien ne fonctionne. On est obligé de bricoler le modèle de la relativité générale.
— JCB : Ce qui est étonnant, c’est que ces problèmes surgissent à la même époque, à la fin des années soixante-dix, dans deux domaines a priori très différents, à la fois dans l’infiniment grand et dans l’infiniment petit. Et soixante-dix ans plus tard, on est toujours dans le même pétrin. Mais que s’est-il passé au tournant des années soixante-dix ? — JPP : En physique des particules, le point de rupture a été l’échec de cette extension du modèle standard à travers ce qu’on a appelé la supersymétrie.
1. Gratuitement téléchargeable à : http://www.savoir-sansfrontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/LE%20GEOMETRICON.pdf. 2. 1840. 3. Avant cette date, certains pensaient que ces objets aux contours flous, qu’on nommait « nébuleuses », se situaient à l’intérieur de la Voie lactée. 4. L’ordre de grandeur de la période de rotation étant la centaine de millions d’années. 5. Adresse de téléchargement : http://www.savoir-sansfrontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/COSMIC%20STORY.pdf. 6. Voir ma propre conjecture, pages 217-218 de mon livre On a perdu la moitié de l’univers, Albin Michel, 1997. On y reviendra plus loin. 7. Également appelé « Dipole Repeller » dans la mesure où celui-ci est considéré comme le second « objet » d’un couple de deux, où le second, diamétralement opposé par rapport à l’observateur (la « Voie lactée ») est un ensemble attractif constitué d’une centaine de milliers de galaxies, « l’attracteur Shapley ». 8. L’extension de cette notion de sphère à plus de deux dimensions est présentée dans mon Geometricon. Si l’équateur d’une sphère 2D, à deux dimensions, est une courbe fermée, qui n’a qu’une dimension, donc une de moins, l’équateur d’une sphère S3, à trois dimensions, est un objet avec une dimension de moins, en l’occurrence une sphère S2. 9. Très féru des thèmes de la cosmologie antique, Souriau s’était inspiré de celle des anciens Babyloniens qui décrivait un combat initial et fratricide entre deux entités, Ormuzd et Ahriman, que ceux-ci situaient dans deux directions opposées du ciel. Une troisième entité, Mithra, s’interposant entre les deux, les avait empêchés de s’autodétruire. Pour Souriau, Mithra, c’était la bande vide séparant les quasars des antiquasars. 10. Il était statistiquement impossible que cette variation de luminosité puisse correspondre, avec une périodicité, à de nouveaux passages d’objets sombres, dans l’avant-plan. 11. Dans les interviews, elle se crédite de « plus de mille publications scientifiques » : https://www.jp-petit.org/science/gal_port/Francoise_Combes.htm. 12. Dont l’existence fut révélée par son émission en rayons X, qui situait sa température à des dizaines de millions de degrés. 13. Des atomes de carbone combinés à des atomes d’oxygène, émis lors d’explosion de supernovæ, assez fortement pour aller se perdre dans l’environnement galactique. 14. Dont la notoriété reposa désormais sur une production, alléguée par elle-même dans une interview donnée à Ciel et Espace « de plus de mille articles ». 15. Son article de 2001, confirmant la généralité du phénomène : https://arxiv.org/pdf/astroph/0010594.pdf.
PENSER AUTREMENT ? — JPP : Quand on en arrive à une telle impasse, il semble logique d’envisager de s’ouvrir à d’autres façons de percevoir ce que nous appelons « le réel ». C’est ce qui s’est passé avec l’irruption de la notion d’atome dans la physique. — JCB : Pourtant, cette notion nous paraît dès le plus jeune âge comme naturelle, comme « inscrite dans nos gènes ». — JPP : Il faut se dire qu’il n’en a pas toujours été ainsi, mais l’intuition d’un caractère discret, corpusculaire de la matière apparaît dès l’Antiquité. Au premier siècle avant Jésus-Christ, le philosophe latin Lucrèce l’exprime dans son ouvrage De natura rerum (De la nature des choses). Celui-ci est frappé par la similitude entre l’écoulement du sable depuis une amphore et celle d’un liquide. L’idée lui vient donc de voir si le principe d’Archimède fonctionne dans le sable. J’ai découvert son existence dans la bouche de mes étudiants en philosophie quand, à la faculté des lettres, dans les années soixante-dix, j’étais censé leur enseigner des rudiments de sciences1. — JCB : Vous avez voulu refaire vous-même cette expérience. — JPP : Tout à fait. Il existe, dans le Midi, un village nommé Roussillon, entouré d’un sable extrêmement fin2. Après nous en être procuré, nous nous retrouvons autour d’une bassine emplie de sable, avec une pièce de monnaie et une balle de ping-pong. J’ai retracé cette expérience dans les pages d’une de mes bandes dessinées3 :
— JCB : Avec quelques dessins, vous nous faites revivre cette expérience. Cela étant, au premier siècle avant Jésus-Christ, on ne voit pas comment on aurait pu voir si Lucrèce avant raison, si les fluides étaient bien constitués d’atomes. Mais en 1900 ? — JPP : Il faut bien comprendre que les progrès de la physique sont ponctués par des changements (paradigmatiques) des systèmes de représentation de la matière. Au Ve siècle avant Jésus-Christ, le Grec Empédocle suggère que toute chose du monde procède de quatre éléments, l’eau, la terre, le feu et l’air. Mais, constatant que les « choses » peuvent changer de forme, on cherche quel pourrait être « l’élément premier » dont dériveraient tous les autres. Pour certains, c’est l’eau, pour d’autre le feu. En 358 avant Jésus-Christ, Platon relie ces éléments aux polyèdres4 réguliers selon : – l’élément terre est lié au cube (six faces) ; – l’élément feu au tétraèdre (quatre faces) ; – l’air à l’octaèdre (huit faces) ; – l’eau à l’icosaèdre (douze faces).
Mais il reste un cinquième polyèdre, le dodécaèdre5, à douze faces, dont on ne sait trop que faire. On considère alors qu’il traduit l’existence d’une
mystérieuse « cinquième essence » (« la quinte essence »). On sait qu’il y a des corps qui « brûlent » et laissent un résidu de plus faible masse. On en déduit que certains corps combustibles contiennent du « phlogiston » qui se dégage et s’échappe dans la combustion. À la période médiévale, on sait combiner de nombreuses substances et ces règles forment ce qu’on appelle l’alchimie. On dégage les qualificatifs d’acides, de bases (la chaux), de sels. Les métaux sont reliés à l’astrologie (aux sept « planètes » connues à l’époque ). – l’or au Soleil ; – le cuivre à Vénus ; – le plomb à Saturne ; – l’argent à la Lune ; – l’étain à Jupiter ; – le fer à Mars ; – le mercure à… Mercure. Un objet est alors très mal défini : la chaleur. Tout cela fonctionne à coups de phlogistique, qui est en quelque sorte la « poudre de perlimpinpin » de l’époque. Mais, en parallèle, nombreux sont ceux qui militent pour une classification en éléments indestructibles à partir desquels se formeraient des composés, éléments qui sont recensés en 1803 par l’Anglais John Dalton. En 1789, le Français Antoine Lavoisier énonce sa loi de conservation de la masse : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Au début du XIXe siècle, tout est en place, en particulier la notion de valence, pour que le Russe Dmitri Mendeleïev, constatant une remarquable périodicité liant la masse et les propriétés chimiques, classe ces éléments selon la table qui porte son nom. La chimie est alors devenue quantitative. On connaît les proportions pondérales des différents composants pour obtenir le composé désiré. On sait également décomposer ceux-ci et procéder ainsi à des analyses6. La thèse d’une réduction des éléments à des objets discrets, minuscules, fait resurgir l’idée des atomes (étymologiquement : « insécables »). Le chimiste français Marcellin Berthelot voit alors dans cette discrétisation de la matière la résurgence d’une pensée antique, le progrès essentiel ayant été pour lui
« l’invention du continu », de « l’infiniment sécable », susceptible d’être géré par les puissants outils du « calcul différentiel ».
Mort deux ans après la mise en évidence des atomes par Ernest Rutherford, celui-ci déclara jusqu’au bout « lutter contre cette absurde idée d’atomes ». — JCB : Donc, en 1905, cette idée de l’existence de la matière sous forme de minuscules entités, les atomes, s’impose. — JPP : Mais ça ne dure pas, dès que la mécanique quantique se met de la partie. — JCB : Laquelle dit aux physiciens : « Laissez tomber ce concept de particule. Le réel, ce sont des ondes. » — JPP : Non, c’est bien pire. La mécanique quantique dit : « Ce sont à la fois des particules et des ondes. » — JCB : Comment en est-on arrivé à ce constat ?
1. C’est cette expérience qui a servi de point de départ à la naissance des bandes dessinées de la série des Aventures d’Anselme Lanturlu, l’idée étant « comment transmettre des éléments de sciences sans recourir aux formalismes, simplement à l’aide d’images ». http://www.savoir-sans-frontieres.com. 2. Comparable, dans la région parisienne, au sable de Fontainebleau. 3. L’Aspirissouffle (« Si on volait ? »), 1980. http://www.savoir-sansfrontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/ASPIRISOUFFLE.pdf. 4. Poly, en grec, signifie « plusieurs » ; edron signifie « face ». 5. Dodeca, en grec, signifie « douze ». 6. Lyse, en grec, signifie « couper ».
LE PARADOXE DES FENTES DE YOUNG — JPP : En 1801, un fantastique touche-à-tout anglais, Thomas Young, médecin et égyptologue, démontre le caractère ondulatoire de la lumière, en réalisant son expérience des « fentes de Young ». J’ai créé une des trentecinq vidéos Janus, la numéro cinq1, pour expliquer cela dans le détail. — JCB : J’ai regardé cette vidéo. Tout y est expliqué de manière remarquable, et au passage avec humour, avec des images et même des animations très primitives, mais extrêmement parlantes. Des vidéos qui, en ce début 2022, sont au nombre de trente-cinq. C’est une véritable démarche à travers l’histoire des sciences, depuis l’Antiquité, que vous nous offrez. Cela vous a pris combien de temps pour créer tout cela ? — JPP : Plus d’une année entière, à plein temps. Je voulais permettre aux gens de comprendre Janus, et je me suis aperçu qu’il fallait repartir des bases. Pour vraiment entrer dans cette problématique Janus, il faut regarder l’ensemble de la première à la dernière, ce qui représente trente-cinq heures. Un certain nombre d’internautes ont fait cet effort. — JCB : Et les scientifiques ? — JPP : À mon avis, aucun. — JCB : Comment se fait-il que des maisons d’édition dont une des spécialités est de donner la parole à des scientifiques, comme Odile Jacob, le Seuil, Dunod, Belin, etc., ne publient pas de livres de Jean-Pierre Petit ? Comment se fait-il que les revues de vulgarisation comme Pour la Science, Sciences et Avenir, La Recherche, Science et Vie, Ça m’intéresse, n’évoquent jamais vos travaux ? Comment se fait-il qu’on ne vous voie jamais sur les plateaux comme TEDX, et dans les grandes émissions de télévision consacrées aux grandes questions de sciences ? — JPP : Là, il y a une autre raison, et vous la connaissez. On ne publie pas les écrits d’un homme « qui croient aux soucoupes volantes ». On ne donne
pas la parole à quelqu’un « qui prétend trouver son inspiration dans des écrits signés par des gens prétendant venir d’une autre planète ». Dans les années soixante-dix, quand je suis allé proposer des manuscrits à ces maisons d’édition, j’ai trouvé porte close, partout. J’ai dû inventer mon propre média, en inventant les « bandes dessinées scientifiques », qui ne sont pas vraiment de la vulgarisation mais souvent de véritables cours par l’image2. — JCB : Ces albums ne sont plus édités depuis plus de vingt ans. Et quand on les recherche en occasion, on tombe sur des prix absolument renversants 3. Ce sont devenus de véritables ouvrages de collection, dont on peut dire qu’ils vous survivront, alors qu’on ne saurait dire la même chose des centaines d’ouvrages publiés par d’autres. — JPP : Ces albums ont une histoire. C’est un employé des éditions Belin, Jean Olivezi4, fan de bandes dessinées, qui avait réussi à convaincre la maison d’édition de publier ces ouvrages. Ça a duré une dizaine d’années et la maison a édité une douzaine d’ouvrages. Puis des pressions ont été exercées pour étouffer cette collection, venant en particulier du CNRS. Obéissant à ces pressions, le PDG de la maison, un certain Max Brossollet, a tout simplement refusé de nouveaux manuscrits. — JCB : Lesquels ? — JPP : Le Logotron5 sur la logique, Joyeuse Apocalypse6 sur les armes et Le Tour du monde en 80 minutes7 sur la technologie spatiale. — JCB : Il vous en a donné la raison ? — JPP : Il m’a dit, textuellement, « un éditeur ne fait pas que publier des livres pour gagner de l’argent. Il publie des livres parce qu’ils lui plaisent. Et ceux-là ne me plaisent pas ». — JCB : Mais pourquoi cette censure ? — JPP : La cause a été la publication du Mur du silence8, en 1983. Là, je ne faisais pas état de pans de science « reconnus », mais de mes propres travaux. Il fallait absolument stopper cela. — JCB : Cela paraît incroyable ! — JPP : Vers ces années quatre-vingt, un prix d’Alembert est créé, récompensant une publication vulgarisant les mathématiques. Un de mes
amis est sollicité pour faire partie du comité ayant pour mission de choisir le lauréat. Tout de suite, des membres sont d’avis de m’attribuer le prix pour Le Topologicon et Le Geometricon9. Mais, selon mon ami, d’autres voix s’élèvent immédiatement, disant « il n’a pas publié que ces albums. Il y a aussi Le Mur du silence ». Et mon nom est aussitôt rayé. — JCB : Vous n’avez jamais eu de prix, alors que d’autres en ont reçu à la pelle. — JPP : Cette collection des Aventures d’Anselme Lanturlu n’a même jamais été « nommée » nulle part. — JCB : Vous parlez d’un étranglement de la collection. Comment ? — JPP : C’est très simple. Les éditions Belin ont procédé en montant les prix de ces albums à un prix dissuasif pour du noir et blanc et en cessant de positionner les albums dans les librairies. Au début des années quatre-vingtdix, les ventes, effectuées par le concierge au siège de la maison d’édition, rue Férou10, étaient tombées à quelques exemplaires par an. — JCB : Avec une remarquable absence de mention de l’existence de ces albums dans les revues de vulgarisation. — JPP : Les contrats d’édition portent une clause spécifiant que si un ouvrage est épuisé et que l’éditeur ne procède pas à sa réédition, l’auteur récupère ses droits. Ça a fini par être le cas pour la plupart des albums. Alors les éditions Belin m’ont rendu mes droits sur l’ensemble des titres, persuadés que je ne trouverais jamais le moyen de les rééditer. Dans cette optique, quand j’ai demandé à récupérer les clichés offset, ils ont prétendu qu’ils avaient été perdus. — JCB : C’est complètement fou ! — JPP : J’avais prévu ce genre de situation. À cet effet, j’avais scanné tous les albums et créé des PDF, que j’ai positionnés, gratuitement téléchargeables, sur un site Internet que nous avons créé, mon ami Gilles d’Agostini et moi : Savoir sans frontières11. Nous avons sollicité des dons, pour payer des traducteurs et les internautes ont tout de suite réagi. Nous en sommes à cinq cent soixante-dix traductions, en quarante langues. Tout est traduit en anglais, russe, espagnol, portugais, italien, allemand, arabe.
— JCB : Et maintenant, cela ne vous rapporte pas d’argent, mais vous avez cinq cent mille lecteurs dans quarante pays, et il y a de bonnes raisons de penser que cette collection vous survivra. — JPP : Les internautes font vivre cette association depuis dix-huit ans avec leurs dons, en général modestes, et qui sont constants, sans que nous ayons à lancer d’appels. Ils savent que cet argent ira intégralement aux traducteurs sans qu’un seul euro ne soit affecté à quoi que ce soit d’autre. Nous avions tenu à ce qu’il en soit ainsi, Gilles d’Agostini et moi, quand nous l’avions créée. Les statuts et les comptes sont à tout moment consultables en ligne et c’est nous qui, depuis le début, assumons le coût de la location de l’espace chez un hébergeur. — JCB : Vous n’avez jamais reçu un sou d’une institution, française ou internationale ? — JPP : Pas un liard, depuis dix-huit ans. Toutes nos demandes sont restées sans écho. — JCB : Des albums qui avaient été édités par Belin ? — JPP : Pour commencer. Mais j’en ai produit des tas d’autres, qui n’ont jamais fait l’objet d’édition sur papier, seulement sous forme numérique, toujours diffusés gratuitement. — JCB : Et vous en produisez toujours ? — JPP : Pas assez à mon goût, faute de temps, bien que j’en aie des tas en tête. Mais ça m’a permis de publier par exemple mes propres travaux en égyptologie (Le Secret d’Imothep12).
— JCB : Sur cette page de la couverture, il y a quelque chose dans la bulle du personnage. — JPP : C’est le nom d’Imothep13 en hiéroglyphes égyptiens. J’ai trouvé amusant de parsemer l’ouvrage de textes, dans cette langue :
— JCB : Signification ? — JPP : Il y a une page où les traductions sont indiquées, dont celles des bulles de cette page 47.
— JCB : Vous maniez la langue des anciens Égyptiens ? — JPP : Non, mais j’ai de très bons amis égyptologues. — JCB : En tout cas, c’est la première bande dessinée avec des textes en hiéroglyphes ! Vous dites que cela vous a permis de publier vos travaux en égyptologie et vous donnez en particulier toute la marche à suivre pour construire une pyramide. Je suppose que tout cela a été publié dans des revues d’égyptologie ? — JPP : Ça a été le cas pour l’un d’eux14, où j’explique comment j’ai percé le secret de la « coudée pharaonique ».
J’ai montré que cette coudée préfigure l’instrument15 inventé en 1631 par le Français Pierre Vernier16. Étant donné qu’on retrouve la trace de cet instrument dans des tombes de l’Ancien Empire, en 2500 avant JésusChrist, cela démontre que les mathématiques égyptiennes avaient quatre mille ans d’avance sur des découvertes qui n’apparurent, en Europe, qu’au XVIIe siècle. Mais pour les travaux sur la construction des pyramides, ça n’a pas été possible. L’article17, que je soumets en 2004 au Bulletin français d’archéologie orientale (le BIFAO) est immédiatement refusé pour « manque d’arguments philologiques ». — JCB : Qu’est-ce que ça veut dire « manque d’arguments philologiques ? » — JPP : C’est le papyrus sur lequel on est censé avoir trouvé ce qu’on présente. S’il n’y a pas de papyrus à la clé, c’est refusé. — JCB : Mais vous avez quand même réussi à passer votre papier sur la coudée pharaonique ? — JPP : Un jeune égyptologue, Frank Monnier, qui avait découvert mon travail dans ma bande dessinée, m’a dit : « Il faut que cela soit publié. » La
solution a été qu’il cosigne l’article, sinon ça ne serait jamais passé.
— JCB : On l’a vu récemment dans tous les dossiers consacrés à la construction des pyramides qui ont été diffusés à la télévision. On constate qu’il ne dit pas un mot sur votre propre théorie, pourtant beaucoup plus construite que les autres. — JPP : Il a fait de son mieux pour m’apporter son aide, pour cette histoire de coudée pharaonique, mais en allant plus loin il aurait vu toutes les portes se fermer devant lui, à la fois dans le milieu égyptologique et dans les médias. — JCB : On a l’impression que vous serrer la main en public pourrait coûter une carrière. Au-delà de ça, en résumé, vous avez les pieds tellement grands que partout où vous allez, vous écrasez ceux des autres 18. Il reste que l’égyptologie passionne un tas de gens. Vous n’avez pas essayé de publier cela chez un grand éditeur ? — JPP : Portes closes. Vous savez, je vais vous dire une chose très simple : si vous n’aviez pas accepté de cosigner nos ouvrages, je n’aurais jamais pu
trouver un éditeur. — JCB : Je conviens que ça n’a pas été facile. Je me souviens de l’accueil reçu aux éditions Orban dont la réaction a été : « Pour un tel ouvrage, il n’y a pas plus que quelques centaines de lecteurs potentiels. » Mais revenons à l’évolution de l’idée qu’on s’est faite de la matière au fil des ans. Dès 1801, comme vous le montrez dans votre vidéo Janus 5 19, l’Anglais Young démontre que la lumière est une onde. Pouvez-vous en dire quelques mots ? — JPP : Je reprends les illustrations de la vidéo. Là, j’ai représenté Thomas Young faisant passer la lumière produite par une source, passant pas deux fentes. Il s’attendait à obtenir les deux images sur son écran et à sa grande surprise il observe une suite de barres claires, séparées par des plages sombres, dont l’intensité décroît vers les bords.
— JCB : Je vois que vous avez muni vos vidéos de sous-titres en anglais. Cela a dû également représenter un temps fou de concevoir tous ces dessins ! — JPP : Il y en a plus de deux mille. Je vous avoue que je n’ai pas compté le temps que j’y ai consacré. Toujours est-il que Young, ayant l’intuition que la lumière pourrait être une onde20, imagine la représenter par les
oscillations créées par un bouchon de pêcheur à la ligne à la surface d’une pièce d’eau.
L’eau monte alors et descend au niveau des fentes ménagées dans cette sorte de barrage plan. Celles-ci se comportent alors elles-mêmes comme une source d’oscillations qui vont à leur tour se propager. Comme si deux bouchons étaient placés dans ces fentes et montaient et descendaient au même rythme.
Ces deux systèmes d’ondes circulaires vont interférer. En certains points du plan d’eau, les perturbations vont s’additionner, comme dans les « ventres » en acoustique. En d’autres points, elles vont s’annihiler, comme dans les « nœuds » en acoustique. Et cela se retrouve sur la cloison du fond, sur l’écran de Young. Sur celui-ci, en certains points les ondes électromagnétiques (la lumière) vont s’additionner et cela se traduira par l’apparition d’une barre claire. Entre deux régions éclairées, les ondes s’annihilent et au contraire ce seront des plages obscures.
— JCB : Conclusion, en 1801, on a établi la preuve que la lumière était une onde !
1. Janus 5, https://www.youtube.com/watch?v=aLPpCQRfwRg. 2. Comme ce véritable cours de topologie en bande dessinée que constitue Le Topologicon : http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/LE%20TOPOLOGICON.pdf. 3. https://www.ebay.fr/sch/i.html?_sacat=173038&_nkw=lanturlu. 4. Qui fut ensuite rapidement licencié. 5. http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/LE%20LOGOTRON.pdf. 6. http://www.savoir-sansfrontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/JOYEUSE%20APOCALYPSE.pdf. 7. http://www.savoir-sansfrontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/LE%20TOUR%20DU%20MONDE%20EN%2080%20 MINUTES.pdf. 8. http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/le_mur_du_silence.pdf. 9. http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/LE%20GEOMETRICON.pdf. 10. Donc en court-circuitant le pourcentage du diffuseur et celui du libraire avec une marge bénéficiaire de 80 %. 11. http://www.savoir-sans-frontieres.com. 12. http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/pyramide/pyramide.pdf. 13. L’architecte du pharaon Djoser, concepteur de la première pyramide, dans l’ensemble funéraire de Saqqarah. 14. http://www.savoir-sansfrontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/pyramide/Coudee_francais.pdf. 15. https://fr.wikipedia.org/wiki/Vernier_(mesure). 16. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Vernier_(mathématicien). 17. http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/pyramide/BIFAO-2004.pdf. 18. Une phrase en réalité due à l’astronome Guy Monnet, ex-directeur des observatoires de Marseille et de Lyon, dans les années soixante-dix, quatre-vingt. 19. https://www.youtube.com/watch?v=aLPpCQRfwRg. 20. Newton croyait que la lumière était faite de corpuscules.
L’IDÉE DE « QUANTA » D’ÉNERGIE — JPP : Un siècle plus tard, en 1900, le mathématicien et physicien allemand Max Planck, sur la base d’autres phénomènes, montre que la lumière ne peut se propager que par « paquets » qu’il nomme « quanta ». C’est le point de départ de la mécanique quantique, dont il fut un des pères fondateurs.
Planck en 1901.
Cette réalité corpusculaire de la lumière sera confirmée à travers la découverte de l’effet photoélectrique1. — JCB : Bon, tout cela paraît conciliable. On peut considérer que, tant que la lumière n’a pas fait l’objet d’une observation, elle se comporte comme
une onde, et se transforme en photons quand elle interagit avec l’écran. — JPP : C’est effectivement ce qu’on serait tenté de croire. Mais ça n’est pas le cas. Un unique photon peut interférer avec lui-même2. — JCB : Donc, en passant par les deux fentes en même temps 3. Mais c’est absurde ! — JPP : Je ne vous le fais pas dire. C’est l’entrée fracassante de l’absurdité en physique. Et ça n’est que le tout début !
1. Son explication valut à Albert Einstein son prix Nobel en 1921 (qu’il a reçu pour cette découverte et non pour celle de la relativité restreinte qui faisait encore débat à cette époque). Au passage, c’est lui qui invente le mot « photon ». 2. Et on obtient également un système de franges d’interférence quand on procède en émettant, un par un, des électrons ! 3. On peut vérifier ce phénomène aujourd’hui en utilisant des sources qui ne créent qu’un seul photon à la fois, comme indiqué dans la vidéo.
DES FORMALISMES OPAQUES — JCB : C’est alors qu’intervient la mécanique quantique. Comment explique-t-elle cela ? — JPP : Comme Mary Poppins, elle n’explique jamais rien. Il y a un formalisme, parfaitement opaque pour le non-initié (comme pour l’initié, du reste). Celui-ci « fonctionne », prédit ce résultat, mais n’apporte aucun éclairage quant à la façon dont celui-ci piétine allègrement le sens commun. — JCB : C’est complètement fou ! — JPP : Sans ces choses absurdes, nos réacteurs nucléaires ne pourraient pas fonctionner. Pour qu’il en soit ainsi, il faut que les neutrons libérés par la fission puissent à leur tour pénétrer dans les noyaux d’autres atomes d’uranium 235. Cette intrusion devient possible, la mécanique quantique prédisant qu’ils sont « à la fois dehors et dedans ». Mais le pompon de l’absurde est ce qu’on a appelé le paradoxe d’Einstein-Podolsky-Rosen, que je détaille dans Janus 61.
1. https://www.youtube.com/watch?v=0Uw0LifxA_A.
LE PARADOXE EPR — JCB : Cette vidéo Janus 26 explique cette affaire de manière… lumineuse avec force dessins et animations. Ce que devraient faire nos lecteurs, c’est « mettre leur lecture en pause » et basculer vers votre présentation. Mais nous allons la résumer en reproduisant une partie des dessins qui l’illustrent. — JPP : Je crois que c’est important de montrer en quoi consiste cette expérience, débouchant sur un paradoxe, qui illustre, mieux que tout autre, la faillite complète de notre représentation mentale du réel. Il faut d’abord comprendre que le cheminement d’un photon représente la propagation d’une onde qui se traduit par une variation locale du champ électrique et du champ magnétique1. Le plan dans lequel le champ électrique varie est désigné sous le nom de « plan de polarisation ».
On peut alors tout à fait comparer l’émission d’un photon à la propagation de l’ébranlement communiqué à une corde qui peut être dans une direction
horizontale :
Ou verticale :
Ou dans une direction quelconque. Le filament d’une lampe à incandescence émet anarchiquement des photons dont les plans de polarisation sont dans des directions quelconques.
Il existe des matériaux naturels dont la structure cristalline2 ne permet que la propagation de photons dont les plans sont dans une direction donnée. On peut schématiser cela en imaginant une structure feuilletée qui ne permettrait la propagation des ébranlements communiqués à une corde que dans un plan donné.
En 1935, deux élèves d’Einstein, Podolsky et Rosen, imaginent ce qui n’est au départ pour eux qu’une expérience de pensée. On connaissait à cette époque des situations où des atomes, excités par une source extérieure,
émettaient dans deux directions diamétralement opposées des photons dotés de plans de polarisation orthogonaux.
L’Anglais Michael Faraday avait en outre montré qu’on pouvait engendrer la rotation du plan de polarisation de la lumière en la faisant cheminer dans le champ magnétique créé par un solénoïde. Les trois imaginent donc l’expérience suivante. Puisque les atomes considérés émettent des photons dotés de plans orthogonaux, en disposant sur le trajet de l’un d’eux un solénoïde produisant un champ calculé pour engendrer une rotation du plan de 90°, on devrait, aux deux extrémités, produire des photons ayant des plans de polarisation parallèles. Ci-après, l’expérience telle qu’elle découle de la logique de la physique : quand il y a émission de deux photons dont l’un, passant à travers le solénoïde, à gauche, a un plan de polarisation vertical, ce passage entraîne une rotation de 90° de son plan. En bout de ligne, les deux photons devraient donc avoir tous deux des plans de polarisation horizontaux, donc franchir le barrage des deux filtres placés en aval et déclencher tous deux les détecteurs placés pour les recevoir.
Pourquoi nos trois compères portent-ils leur attention sur cette manip en particulier ? Parce que la mécanique quantique prédit un résultat contradictoire. Le calcul montre en effet qu’en dépit du passage dans le solénoïde, les deux photons doivent conserver l’orthogonalité de leurs deux plans de polarisation. Pour Einstein, cela constitue l’expérience clé qui permettra de prendre en défaut cette fichue mécanique quantique. En effet, comment, quand on agit sur le photon de gauche en faisant tourner son plan de polarisation de 90°, le photon de droite pourrait-il se trouver informé de l’opération, et ajuster son propre plan pour qu’il reste perpendiculaire à celui du photon émergeant de la bobine, alors qu’il s’éloigne de son camarade à deux fois la vitesse de la lumière, c’est-à-dire à 600 000 km/s ? Ni Einstein, ni Podolsky, ni Rosen, ni Niels Bohr ne connurent le fin mot de l’histoire. Quand le Français Alain Aspect monta cette expérience, en 1981, dont le résultat confirma les prédictions de la mécanique quantique, tous suçaient déjà des pissenlits par la racine, Einstein depuis vingt-six ans et Bohr depuis dix-neuf ans.
— JCB : Je résume : avec l’expérience des fentes de Young, un même photon arrive à passer par deux fentes à la fois et dans cette expérience, deux photons qui s’éloignent l’un de l’autre à deux fois la vitesse de la lumière arrivent à communiquer, ce qui est en contradiction complète avec les lois de la relativité selon lesquelles rien ne peut cheminer à plus de 300 000 km/s. On nage dans l’absurdité ! — JPP : Avec la mécanique quantique, l’image mentale qu’on peut se faire d’une expérience, d’un phénomène, n’a plus cours. Le calcul prédit ce qui va se passer et l’expérience confirme, point à la ligne. Tout autre commentaire est superflu, hors de propos. La révolution que représente la relativité restreinte n’est pas moins déconcertante, qui représente la simple faillite de l’image mentale de l’espace et du temps que nous avions jusque-là. — JCB : Cela étant, pendant soixante-dix ans, ça a fonctionné. La mécanique quantique a soit construit des représentations théoriques cohérentes de résultats d’expérience, soit prédit l’existence de particules, qui ont été observées. La relativité générale a expliqué les légers écarts à la
loi de Newton. Interprétant les observations astronomiques montrant la fuite des galaxies, elle nous a fourni un modèle de l’univers, en évolution, et la détection du rayonnement fossile a apporté une brillante confirmation au modèle. Mais, à partir de 1970, on se met à prédire l’existence d’objets, les superparticules, qui ne sont plus au rendez-vous et l’univers ne semble fonctionner que si on table sur un composant mystérieux, la matière sombre, qui échappe à toute tentative de mise en évidence. Alors, que se passe-t-il ? — JPP : Les scientifiques envisagent un nouveau changement de paradigme3. Les soixante-dix années précédentes ont été basées sur une révision complète des idées concernant la matière, l’espace. Pourquoi alors ne pas écouter des gens qui proposeraient un nouveau saut du même genre ?
1. Selon deux plans perpendiculaires. 2. Le feldspath d’Islande. 3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradigme : un paradigme est – en épistémologie et dans les sciences humaines et sociales – une représentation du monde, une manière de voir les choses, un modèle cohérent du monde qui repose sur un fondement défini (matrice disciplinaire, modèle théorique, courant de pensée).
UN CHANGEMENT DE CONTEXTE GÉOMÉTRIQUE ? POURQUOI PAS… — JPP : La première idée est d’accroître le nombre des dimensions. Avant toute chose, il faut se demander quelle est l’origine d’une telle démarche. Au moment où Einstein propose son équation de la relativité générale, la description macrophysique du monde ne se fonde que sur deux types de forces connues : – la force de gravité ; – la force électromagnétique avec ses champs E et B. On ne connaît également que trois formes d’énergies : – l’énergie sous forme de matière, c’est-à-dire mc2 ou
;
– l’énergie sous forme de rayonnement ; – l’énergie sous forme d’énergie électromagnétique impliquant des termes . Einstein avait réussi un coup de maître avec son équation de champ qui dit simplement que la géométrie de l’univers est localement déterminée par son contenu en masse et en rayonnement à tout moment et partout, y compris quand l’univers se trouve dans des conditions extrêmes de température. Il cherche alors à conjuguer toutes ces formes d’énergie, dans une seule et même équation la géométrie de l’univers étant alors censée être déterminée
par son contenu local en toutes ces formes d’énergie. On donne alors à ce projet le nom de théorie des champs unifiés. Einstein a beau tourner le problème dans tous les sens, rien ne marche. C’est alors qu’en 1919 un Allemand, Theodor Kaluza, suggère une solution : il faut ajouter une cinquième dimension.
— JCB : Quelle est la signification physique de cette cinquième dimension. Où se situe-t-elle ? — JPP : Cette question est hors sujet. La physique a déjà changé de visage, avec la relativité générale et la mécanique quantique. On ne pose plus les questions de cette façon. On dit seulement : « Est-ce que ça marche ? Est-ce que ça explique quelque chose ? En quoi est-ce que ça nous fait progresser quant à notre prise sur les phénomènes physiques ? » — JCB : Et alors, quelle est la réponse ? — JPP : L’introduction de cette dimension supplémentaire ne fournit pas la prédiction de quelque phénomène nouveau, n’apporte pas la clé d’un
problème non résolu. Ça n’est qu’une interprétation de la nature de la charge électrique de manière géométrique. En géométrie, cette introduction d’une dimension supplémentaire porte un nom : c’est une « fibration ». En ce sens, l’espace 3D est une extension de l’espace 2D. C’est « un fibré ». — JCB : Éclairez ma lanterne, s’il vous plaît. — JPP : Prenez une portion de plan, à l’intérieur d’un rectangle. En chaque point, vous décidez de faire pousser une « fibre ». Qu’obtenez-vous ?
— JCB : À vue de nez, quelque chose qui ressemble à un… paillasson, non ? — JPP : Un espace 3D, c’est un paillasson dont les fibres sont à la fois illimitées et infiniment serrées. — JCB : Les mathématiciens géomètres ont des façons bien à eux de construire les objets. — JPP : En relativité restreinte ou générale, on considère que l’univers est une… hypersurface à quatre dimensions1. Sur cette hypersurface 4D, on peut faire pousser une fibre. — JCB : Et obtenir un paillasson à cinq dimensions !… — JPP : Je sais que tout cela massacre les neurones. Si je vous dis que les fibres de ce paillasson 5D devraient alors se boucler sur elles-mêmes… — JCB : Là, excusez, j’ai les fils qui se touchent…
— JPP : Je comprends. On se limitera alors à une image. Imaginons que l’espace-temps se limite à une unique dimension, le temps. La physique se résume à un déplacement des particules le long de cette droite. — JCB : Alors, la seule chose qu’elles peuvent faire, c’est vieillir. Admettons…
1. Où le théorème de Pythagore s’énonce ainsi : « Le carré de l’hypoténuse est égal à la différence des carrés des autres côtés… »
L’ESPACE 5D DE KALUZA — JPP : Sur cet espace unidimensionnel, je greffe une fibre, je permets que le mouvement des particules s’inscrive dans un espace 2D, une surface. Maintenant, imaginons que cette dimension se referme sur elle-même. Qu’est-ce que j’obtiens ? Un cylindre. Et j’imagine alors que ce que font les particules n’est plus de se déplacer dans le temps, mais de suivre des trajectoires impliquant cette dimension supplémentaire. On a alors trois possibilités : soit elles progressent selon un sens de vissage qu’on qualifiera de « droit », soit elles adoptent un sens de vissage inverse, qualifié de « gauche », soit elles suivent une génératrice du cylindre.
— JCB : Et tout cela a un sens physique ? — JPP : Oui. Le sens de vissage, ça n’est autre que le signe de la charge électrique. Vissage droit, charge positive, vissage gauche, charge négative, pas de vissage : charge nulle.
Autrement dit, ce que suggère Kaluza, c’est que le fait que les particules soient chargées électriquement traduit simplement qu’elles évoluent non pas dans un espace à quatre dimensions, mais cinq. C’est conceptuellement intéressant. C’est… une piste. Par ailleurs, cela fournit une amorce d’interprétation géométrique de la symétrie matière-antimatière en tant « qu’inversion du sens de vissage1 ».
— JCB : Mais ce… cylindre, il mesure combien ? — JPP : En invoquant des considérations de mécanique quantique, un autre mathématicien physicien, Oscar Klein, indique que son périmètre devrait être de l’ordre de la longueur de Planck : 10-33 cm2.
— JCB : Qui a développé cette idée d’extension de la relativité générale dans un espace à cinq dimensions ? — JPP : Le mathématicien français Jean-Marie Souriau3, dont j’ai été le disciple pendant vingt ans.
Ça se trouve dans un ouvrage qu’il a publié en 1964 aux éditions Hermann, intitulé Géométrie et Relativité, en français. — JCB : C’est une traduction française ? — JPP : Non, c’est l’édition originale. Souriau, par refus de cette hégémonie de la langue anglaise dans le domaine scientifique, s’est toujours refusé d’en apprendre le moindre mot. Tout ce qu’il a publié est en français. Ça n’a pas facilité la diffusion de ses idées à une échelle internationale. Je ne sais pas s’il existe aujourd’hui un cosmologiste qui connaisse l’existence de cet ouvrage4. Dans son chapitre VII5, il traite de :
Souriau utilise une extension de l’espace-temps en cinq dimensions pour gérer à la fois la gravitation et l’électromagnétisme. — JCB : Autrement dit, il propose un modèle de théorie des champs unifiés, ce après quoi Einstein avait couru pendant des années. — JPP : On peut le dire comme ça. Cela débouche sur ce qu’on pourrait appeler « l’équation d’Einstein-Souriau », page 405 :
Quand on enlève les termes supplémentaires, on retombe sur l’équation d’Einstein :
— JCB : Et tout cela est superbement ignoré, tombé dans l’oubli. — JPP : Les œuvres de Souriau sont comparables à la caverne d’Ali Baba. Page 412, après avoir refermé cette dimension sur elle-même, il montre que cette dimension, qu’il appelle , « est très petite » :
Un peu plus loin, il reconstitue les équations de la mécanique quantique à partir de groupes. Et page 413, vous trouvez cette idée, que j’ai reprise, de géométrisation de l’antimatière par inversion de la cinquième dimension, qu’il appelle x5.
— JCB : Le scan de votre ouvrage personnel, présent sur le site de Souriau, est bourré d’annotations de votre main. Là, on voit que vous avez percuté sur l’idée ! — JPP : J’ai accroché sur… ce que je comprenais. Les œuvres de Souriau sont bourrées de travaux inexploités, parce que souvent écrites en « sourien ». — JCB : Qu’est-ce que c’est que le sourien ? C’est une langue particulière ? — JPP : Souriau était avant tout un solitaire, qui n’était en son temps connu et apprécié que par quelques grandes pointures des mathématiques, dont le mathématicien et académicien André Lichnerowicz6. Il lui arrivait d’utiliser des mots qu’il inventait, dans ses écrits, ce qui les rendait souvent difficile à suivre par les mathématiciens, lesquels avaient besoin d’un « lexique ». Je me rappelle que j’avais un jour fait un exposé dans le département de mathématiques de l’université de Nice et que j’avais dû être doublé7. — JCB : Si je comprends bien, de larges pans de son œuvre restent inexploités, incompris. — JPP : C’est courant dans le monde des sciences. Je me souviens de ce que m’avait dit un jour le mathématicien Alexander Grothendieck8, quand on se rencontrait chez lui, dans sa ferme du village provençal de Mormoiron : « Les scientifiques n’ont pas compris le quart de ce que j’ai écrit ! » — JCB : Vous fréquentiez Grothendieck ? Est-ce qu’il n’avait pas tout fait pour brouiller les pistes et fuir toute rencontre avec ses collègues ? Comme
aviez-vous déniché sa retraite ? — JPP : C’est lui qui m’avait contacté. Nous avions les mêmes positions concernant le fait de refuser toute collaboration avec les militaires9. — JCB : Cette idée des dimensions supplémentaires est donc quelque chose qui va donner la théorie des cordes, à cette charnière années soixante, soixante-dix. C’est une idée qui vous paraît potentiellement féconde ? — JPP : Le modèle cosmologique Janus implique l’adjonction de dimensions supplémentaires. Pour moi, cela correspond à l’adjonction des charges quantiques. — JCB : C’est-à-dire… — JPP : La charge électrique n’est qu’une des différentes charges quantiques. Vis-à-vis de l’unité de charge électrique10, celle-ci ne peut prendre que trois valeurs (+1, 0, −1). En mécanique quantique, on a différentes « charges », comme la charge baryonique, dont on considère qu’elle vaut aussi (+1, 0, −1). — JCB : Quelles sont les particules qui sont dotées d’une charge baryonique égale à +1 ? — JPP : Barys, en grec, signifie « lourd ». Le proton et le neutron ont une charge baryonique égale à +111. — JCB : Et quand cette charge est égale à −1 ? — JPP : Alors cela peut être un antiproton ou un antineutron. — JCB : Et quand c’est zéro ? — JPP : Alors ça n’est pas un « baryon », tout simplement. Un autre nombre quantique permettant de classer les particules et leur « nombre leptonique », prenant également les valeurs (+1, 0, −1). Leptos en grec signifie « léger ». L’électron a une charge leptonique égale à +1. — JCB : Et l’antiélectron a une charge leptonique égale à −1 ? — JPP : Tout à fait. — JCB : Quel rapport avec les dimensions supplémentaires ? — JPP : Le fait de rajouter une dimension fait que dans ces mouvements une grandeur sera automatiquement conservée12. Ainsi, considérer que les mouvements des particules s’opèrent dans cinq dimensions au lieu de
quatre fait qu’une quantité doit être conservée (positive, négative ou nulle) : la charge électrique. Inversement, la conservation d’une charge quantique peut se traduire par le fait qu’on ajoute une dimension supplémentaire. Il faut donc compter autant de dimensions supplémentaires qu’il y a de charges quantiques. Et l’inversion de ces charges quantiques traduit cette symétrie matière-antimatière. — JCB : Plus haut, vous avez dit que le photon était identique à l’antiphoton. — JPP : Tout simplement parce que c’est la seule particule dont toutes les charges quantiques sont toutes nulles. Et plus zéro, c’est la même chose que moins zéro. On vient donc de voir ce qui s’est passé à cette époque charnière des années soixante et soixante-dix. Voyons ce qu’il en est dans le domaine de la cosmologie. À cette époque, tous les pères fondateurs13 de la relativité générale et de l’astrophysique théorique sont décédés. En dehors de la recherche de données observationnelles permettant d’opérer un choix parmi les trois modèles correspondant aux calculs de Friedmann14, les théoriciens cherchent sur quoi travailler. — JCB : Que devient à cette époque la constante cosmologique ? — JPP : Historiquement, Einstein avait commencé par tenter de construire un modèle d’univers stationnaire, à partir de son équation de champ. Dans le second membre de celle-ci, un terme représentant le contenu en matière et en énergie, essentiellement positif.
Donc, tout cela se traduit par une attraction mutuelle. Cet univers ne demande qu’à s’effondrer sur lui-même, au grand dam d’Einstein. Hilbert, consulté, lui signale que, mathématiquement, il peut adjoindre un nouveau terme faisant intervenir une constante Λ, à laquelle on peut donner un signe quelconque :
En choisissant une valeur négative et en passant ce terme dans le second membre,
Einstein trouve ainsi un « terme source » qui annule la gravitation et empêche l’univers « de s’effondrer sous son propre poids ». Mais on sait que très rapidement, en 1922, le Russe Alexander Friedmann construit une solution instationnaire de l’équation exempte de cette constante cosmologique. Cela introduit une nouvelle vision de l’univers, fantastique, où celui-ci résulte d’une explosion initiale. — JCB : Quelles sont les données observationnelles qui confirment cette vision ? — JPP : Le redshift est en réalité découvert par l’astronome américain Vesto Slipher dès 1912. En 1917, celui-ci comprend que cela traduit le mouvement de récession des galaxies. La situation finira par se stabiliser en 1929 quand Edwin Hubble explore le phénomène de façon systématique, ce qui l’amène à énoncer sa fameuse loi, selon laquelle ces vitesses de récession sont proportionnelles à la distance qui nous sépare des objets.
— JCB : En quoi ce résultat colle-t-il avec la solution produite par Friedmann ? — JPP : Quand on fait de la plongée sous-marine, on émet des bulles d’air qui montent vers la surface. Comme elles gagnent des régions de plus faible pression, elles se dilatent. Imaginons un observateur minuscule qui serait assis sur une des molécules de cet air en état de dilatation. Imaginons que pendant un intervalle de temps de x secondes, le diamètre de la bulle double. Il en sera de même pour toutes les distances séparant notre observateur des molécules voisines. Celles-ci lui paraîtront donc s’éloigner de lui à des vitesses proportionnelles à leur distance par rapport à lui.
— JCB : On peut ainsi comparer l’univers à une bulle de gaz en train de se dilater, où le mouvement des molécules suit la loi de Hubble. — JPP : Et cette loi de proportionnalité de la vitesse par rapport à la distance fait partie de la solution instationnaire trouvée par Friedmann. Et on voit que, vis-à-vis de cette théorie, la confirmation observationnelle est pratiquement synchrone. Maintenant, si l’on revient sur cette question de la constante cosmologique, dans les années charnières soixante et soixantedix, elle est totalement tombée en désuétude. Il faut avoir plus de 80 ans pour se souvenir qu’à cette époque on lisait : « Un large consensus se dégage au sein de la communauté scientifique pour penser que la constante cosmologique est soit nulle, soit très faible. » — JCB : Une constante qu’on s’est donc empressé de sortir de sa naphtaline en 2011, en la dotant également d’une valeur négative, pour la
rendre responsable de l’accélération de l’expansion cosmique 15 et pour en faire le principal acteur de la dynamique cosmique. — JPP : À cette époque, la valeur de cette constante n’est pas au centre des débats. Depuis des décennies, les astronomes ont classé des milliers d’étoiles selon leurs spectres, leurs masses. Ils savent que pratiquement la moitié des étoiles observées vivent en couple, les autres étant « célibataires ». Ils savent que les étoiles émettent tout au long de leur existence de la matière sous forme de « vent stellaire16 ». Si l’on somme ces masses émises, soit en continu, soit par bouffées, on peut facilement trouver des valeurs de plusieurs passes solaires. Il y a enfin d’autres points. L’Américain d’origine suisse Fritz Zwicky a prédit en 1934 le devenir des étoiles massives, évoluant en supernovæ. En 1960, l’existence de tels objets est confirmée depuis longtemps. Selon le scénario construit par Zwicky, la couche extérieure de l’étoile, après s’être très brutalement effondrée, tel un soufflé au fromage, est le siège de réactions de fusion qui entraînent son explosion. Cela se traduit par une rétro-compression du noyau de fer qui gît au centre de l’étoile. L’effet est si puissant que les noyaux de fer sont détruits en donnant naissance à une étoile à neutrons. Ce sont alors des objets de très petite taille, tournant sur eux-mêmes très rapidement, et possédant un champ magnétique atteignant des valeurs extrêmement élevées17. La rotation de l’étoile est également celle de son dipôle magnétique. Or un champ magnétique tournant produit des ondes électromagnétiques. Celles-ci sont détectées en 1967 par Jocelyn Bell et Antony Hewish. — JCB : Lesquels, au départ, pensent qu’il s’agit de messages envoyés par des extraterrestres ! — JPP : Ce que j’évoque dans Cosmic story, page 67 :
Nous sommes en 1967, cela pose un problème immédiat aux théoriciens. Voici le raisonnement : – la moitié des étoiles du ciel sont des étoiles doubles ; – il en existe qui forment des « binaires serrées », suffisamment proches pour échanger au cours de leur vie des quantités de matière importantes, émises par leurs « vents stellaires », se chiffrant en masses solaires ; – il existe nécessairement des systèmes binaires constitués d’étoiles massives ; – l’une de ces étoiles peut évoluer en supernovæ, en laissant en lieu et place une étoile à neutrons ;
– cette étoile peut voir sa masse croître en conséquence ;
– or il est impossible qu’un tel objet ait une masse supérieure à trois masses solaires, sinon les neutrons deviendraient incapables de résister à la « pression gravitationnelle ». Toute cette masse s’effondrerait alors sur elle-même. La première image qui vient consiste à imaginer qu’on remplisse un puits de mine d’ampoules électriques. Elles vont peser les unes sur les autres. On pourrait, expérimentalement, déterminer sur quelle hauteur on pourrait empiler ces globes de verre, jusqu’à ce que la pression exercée brise ceuxci.
Cela suggérerait que les neutrons, assimilables à des objets matériels, auraient une capacité limitée de résistance à la pression. Mais il existe une façon plus subtile de considérer le problème. Selon la mécanique quantique,
les particules sont des « paquets d’ondes ». Mais encore faut-il que ces ondes trouvent une place suffisante pour se caser. À la surface de l’étoile à neutrons, la force de pesanteur est écrasante et disloque les atomes, assemblages de noyaux et d’électrons. Ces noyaux deviennent des ions, mélangés à des électrons libres et on obtient une situation très particulière, celle d’une ionisation complète due à la pression. Les ordres de grandeurs des longueurs d’onde sont les longueurs de Compton :
Au numérateur, la constante de Planck. Au dénominateur, le produit de la vitesse de la lumière par la masse de la particule. La longueur de Compton des protons et neutrons, qui ont des masses voisines de 1,610−27 kilo, est de 10−15 m. Mais la masse de l’électron est 1 850 fois plus faible, donc sa longueur de Compton est 1 850 fois plus grande. Les premiers objets qui vont se sentir à l’étroit sont donc les électrons. Ils vont donc se combiner aux protons pour donner des neutrons. Dans cette situation d’un nouveau genre, d’autres particules vont survivre : les mésons, qui sont porteurs de la même charge que les électrons, avec une masse 207 fois plus grande. Donc, dans des couches inférieures, on trouvera un mélange composé de neutrons à l’état libre, de protons et de mésons. Mais finalement, les mésons euxmêmes sont à l’étroit et, se combinant aux protons, donnent de nouveaux neutrons. Les couches profondes de l’étoile sont donc constituées de neutrons à l’état libre. On lit que le noyau central pourrait se présenter comme « un plasma de quarks et de gluons ». On remarque qu’en parcourant ce schéma on a l’impression d’explorer le contenu de l’univers en remontant le temps. Mais de toute façon, ces descriptions restent hypothétiques, qu’il s’agisse de décrire le cœur d’une étoile à neutrons, où le contenu de l’univers, antérieurement au premier millième de seconde. — JCB : Il s’agit là des étoiles à neutrons, qui ne défient pas les lois de la physique. Mais que se passe-t-il quand la masse collectée par ces objets, en
reprenant le dessin que vous avez fait figuré plus haut, dépasse cette valeur critique telle que les neutrons ne peuvent plus résister à cette fantastique pression ? La réponse, c’est le trou noir ? Vous doutez de l’existence de tels objets ? — JPP : Ce n’est pas comme cela qu’il faut aborder la question. Il y a un réel problème. Les observations ont aujourd’hui permis d’identifier des centaines d’étoiles à neutrons18. Quand la théorie prédit l’existence d’objets, l’univers est si vaste, il y a tant d’objets dans notre seule galaxie, que si ces objets existent, on commence par en trouver un, puis dix, puis cent. Et on finit par ne plus les compter. L’exemple classique est celui des supernovæ, dont l’existence avait été prédite par Zwicky dans les années trente. — JCB : Comment le phénomène supernovæ devait-il se manifester ? — JPP : Selon le modèle imaginé par Zwicky, quand une étoile massive se transforme en supernovæ, elle émet énormément d’énergie, pendant un laps de temps relativement court. La montée en puissance est extrêmement brève à l’échelle de tout ce qui se produit dans une galaxie et se chiffre en jour. Autant dire que c’est une explosion extrêmement brutale. La lumière émise par l’objet est si intense que, sur un cliché photographique de galaxie, il est immédiatement visible. Puis cette émission de lumière diminue au fil des semaines et des mois, ce qui exclut qu’il puisse s’agir d’un objet situé sur l’avant-plan. C’est ce que Zwicky entreprit de traquer lui-même à l’aide d’un télescope relativement modeste. Au départ, ses collègues mettent en doute ses résultats et suggèrent que cette petite tache lumineuse, sur son cliché, puisse être due à un défaut de la pellicule. Mais le phénomène se manifeste de nouveau et finalement on doit se rendre à l’évidence : les supernovæ doivent désormais figurer dans le catalogue des objets du cosmos. — JCB : Qu’est-ce qui reste après l’explosion d’une supernovæ ? — JPP : Les débris de l’explosion, qui se diffusent dans la galaxie. Les astronomes ont rapidement identifié certaines formations à ces débris, comme la nébuleuse du Crabe.
Plus remarquable, ils ont retrouvé sur d’anciennes chroniques chinoises la trace de l’événement, en 1054. — JCB : Ces Chinois avaient vu quoi ? — JPP : Comme il s’agissait de l’explosion d’une étoile appartenant à notre propre galaxie19, la Voie lactée, la nuit, le spectacle devait être saisissant. Un autre observateur fut l’astronome danois Tycho Brahe en 1572 qui témoigne de la transformation d’une étoile en un astre de même luminosité que la planète Vénus, avant de disparaître complètement. Ce qui avait le plus surpris les observateurs de l’époque, ce n’était pas seulement la montée en luminosité, mais le fait que l’étoile puisse « mourir », ce qui contredisait l’idée que les choses du ciel devaient être immuables. — JCB : Quelle est la fréquence de ces explosions d’étoiles ? — JPP : Dans une galaxie, cela tourne autour d’une par siècle. — JCB : C’est donc relativement rare ? — JPP : À l’échelle d’une vie humaine, certes, mais pas à l’échelle des phénomènes astronomiques. Songez qu’une galaxie fait un tour sur elle-
même en cent millions d’années. Ce qui veut dire que pendant ce temps-là, on comptera un million d’explosions de supernovæ. — JCB : Ainsi l’expression « Voie lactée » semble inappropriée. — JPP : Tout à fait ! On pourrait très bien, à l’aide d’images de synthèse, reconstituer le mouvement de rotation d’une galaxie en imaginant, sous les yeux du spectateur, accélérer ce mouvement de rotation. Avant même que ce mouvement de rotation ne soit perceptible sur l’écran, le phénomène supernovæ s’imposerait comme un véritable crépitement. — JCB : En dehors de l’émission de lumière, quel est son effet sur la galaxie ? — JPP : Primo, les supernovæ sont les spores du cosmos. C’est au cours de ces explosions cataclysmiques que sont synthétisés les atomes d’une masse supérieure à celle du fer. Ensuite, elles communiquent de l’énergie à la masse gazeuse, dont la géométrie est proche de celle d’un disque microsillon. Les supernovæ réchauffent le gaz, l’empêchant de s’aplatir totalement. — JCB : Mais en dehors de ces explosions historiques d’étoiles massives, situées dans notre Voie lactée, et des observations initiées par Zwicky dans des galaxies très lointaines, y a-t-il eu des observations récentes ? — JPP : Étant donné la fréquence, un événement par siècle, c’était très problématique. De plus, les étoiles massives sont principalement situées près du plan de symétrie des galaxies, dans la couche de gaz et de poussières qui rend alors leur observation problématique. — JCB : Et dans une galaxie proche ? — JPP : Il existe différentes formations d’étoiles dans le voisinage de notre Voie lactée, plus ou moins organisées. L’une, se situant dans l’hémisphère sud, est désignée sous le nom de Grand Nuage de Magellan. Sa distance par rapport à notre galaxie est de l’ordre de son diamètre : 14 000 annéeslumière. Il se trouve qu’en 1987 les astronomes ont pu être témoins de l’explosion d’une étoile massive. Tous les instruments d’observation ont alors été braqués dans cette direction20. Les astronomes étaient en particulier très curieux d’observer ce qui devait subsister après l’explosion. Au fil de mois, d’années, on vit apparaître ce qui pouvait être assimilé à « deux ronds de fumée » :
— JCB : Est-ce qu’on a expliqué pourquoi cela s’est formé ? — JPP : Pas à ma connaissance. Quand le phénomène se produit, la partie centrale de d’étoile se condense, ce qui accroît la valeur du champ magnétique. Il s’agit vraisemblablement d’un phénomène où la MHD a son mot à dire, mais ça n’a pas été modélisé. — JCB : Je suppose que les astronomes doivent être aux aguets, attendre la prochaine supernovæ. — JPP : Oui, mais avec une fréquence d’un par siècle, et beaucoup plus pour que cela soit observable21. — JCB : Cela correspond au demi-millénaire séparant les observations des Chinois, celle de Tycho Brahe et… la nôtre. Donc, rendez-vous en 2500 ! — JPP : Personne, aujourd’hui, ne se hasarderait à donner des noms aux supernovæ, qui se comptent par milliers. Le nombre des étoiles à neutrons est également en croissance accélérée. Compte tenu des modèles, les observations de trous noirs auraient dû croître aussi rapidement. — JCB : Comment pourrait-on observer de tels objets puisque, théoriquement, ils n’émettent rien ?
— JPP : Quand des objets sont en couple avec une étoile qui est, elle, observable, tous les deux orbitent autour d’un centre de gravité commun. Si l’objet a une faible masse, ce centre de gravité se situe évidemment très près de l’étoile.
L’observateur.
L’observateur, situé près du plan de l’orbite, mesurera deux choses : – la variation de la vitesse de l’étoile, par rapport à lui, par mesure de l’effet Doppler ; – une émission de rayons X émanant de l’étoile à neutrons ou du supposé trou noir. — JCB : Mais comment pourrait-il capter ce rayonnement puisque le trou noir, en principe, n’émet rien ? — JPP : Si ces objets existent, ils n’émettraient effectivement aucun rayonnement, mais la matière captée, correspondant aux exhalaisons émises par l’étoile (son « vent stellaire »), convergerait vers lui en tournant très rapidement, un mouvement de giration de particules chargées électriquement qui s’accompagnerait d’une émission de rayons X. Avec toutes ces données, on détermine les paramètres orbitaux de la planète et de son compagnon. Si sa masse est inférieure à trois masses solaires, c’est une étoile à neutrons. Si le calcul donne une valeur plus importante, cela va dans le sens de l’hypothèse de l’existence de trous noirs stellaires.
— JCB : Pourquoi employer le mot « hypothèse » . L’affaire est entendue, non ? Et il y a cette histoire de trous noirs géants au centre des galaxies. Ça, c’est avéré, non ? — JPP : Je souhaiterais qu’on soit plus prudent dans les conclusions. Pour plaider dans l’existence d’objets, il faut qu’on dispose de modèles descriptifs cohérents. Si c’est le cas pour les étoiles à neutrons, le modèle de trou noir auquel on se réfère est complètement incohérent mathématiquement. — JCB : C’est une position qui vous marginalise complètement vis-à-vis de votre communauté. Ce que vous dites est en complète contradiction avec le contenu des ouvrages, des cours des uns et des autres. Si vous avez raison, cela signifierait que des milliers de scientifiques se sont trompés. — JPP : Je le sais et je l’assume. — JCB : Y a-t-il quelque chose que le public puisse comprendre, dans cette théorie, qui est censée se situer à la pointe des mathématiques ? — JPP : Cela n’intéressera que les lecteurs orientés sciences. En 1916, le mathématicien allemand Karl Schwarzschild a complètement décrit la géométrie dans et à l’extérieur d’une étoile à l’aide de deux solutions mathématiques qui se raccordent. L’une décrit la géométrie à l’intérieur de l’étoile, assimilée à une sphère emplie d’une matière de densité constante . Cette solution reste valable si la variable r qui figure dans la solution22 est inférieure à :
L’autre décrit la géométrie à l’extérieur de l’étoile, dans le vide qui l’entoure23. Elle est valable si la variable r, qui représente la distance radiale, reste inférieure au « rayon de Schwarzschild » : Le modèle du trou noir repose sur une solution de l’équation d’Einstein qui se réfère à une portion de l’espace complètement vide. Première incohérence : on entend donc décrire un objet extrêmement dense à l’aide de cette solution. On s’en sort en arguant que tout repose sur une
« singularité centrale » censée se situer au centre d’une sphère ayant pour rayon la « longueur de Schwarzschild24 ».
Quand cette masse est celle du Soleil25, la valeur du rayon est 3 km. La densité moyenne du Soleil est 1,4 103 kilos par mètre cube. Le rayon vaut alors : 3,4 1011 m = 340 millions de km Le rayon du Soleil, 700 000 km, est très en dessous de cette valeur, de même qu’il est grand devant la valeur correspondante du rayon de Schwarzschild Rs. La description donnée par Karl Schwarzschild en 1916 est donc parfaitement valable et complète. À densité
constante, comme le volume d’une sphère est
de Schwarzschild croît comme le cube du rayon de l’astre.
, le rayon
Que se passe-t-il quand on considère un objet hyperdense comme une étoile à neutrons, dont la densité tourne autour de 1018 kilos/m3 ? La valeur correspondante est 1,3 104 m = 13 kilomètres. Le rayon de l’étoile excéderait alors cette valeur, les deux solutions géométriques Schwarzschild seraient toutes les deux prises en défaut. Voir le détail dans l’annexe 126. Si on porte sur un graphique la croissance du rayon de Schwarzschild, on voit que celui-ci rejoint la valeur . Alors, toujours si le rayon atteint cette valeur Rs, dans la métrique décrivant la géométrie en dehors de l’étoile, on trouve un dénominateur qui s’annule27. — JCB : Or l’astronomie indique que des étoiles à neutrons, en captant les exhalaisons émises par leur étoile compagne, doivent croître en masse de manière inéluctable. Alors, quel modèle les théoriciens ont-ils proposé pour faire face à ce problème ? — JPP : Les solutions géométriques donnent, entre autres, la façon dont s’écoule ce qu’on appelle « le temps propre » dans les régions qu’elles sont censées décrire. Quand R > Rs, on a alors une solution dite « extérieure », se référant à une portion d’espace vide. Mais nos théoriciens des années soixante ont décidé de considérer l’existence de la solution pour les valeurs R < Rs, c’est-à-dire à l’intérieur du rayon de Schwarzschild. Comme le carré du temps propre devenait alors négatif, ce qui faisait que ce temps devenait… imaginaire, ils ont décidé de résoudre ce problème en considérant « qu’à l’intérieur du trou noir » R devient le temps, tandis que t désigne une distance radiale28. — JCB : Sérieux ? — JPP : Je ne sais pas qui a suggéré un truc pareil. Il est possible que ça soit John Archibald Wheeler à qui on doit ce mot de black hole, de « trou noir ». Et tous ont suivi, parce qu’ils ne voyaient aucune alternative, tout simplement. Si vous en doutez, vous pouvez vous référer à un cours donné par Aurélien Barrau au Collège de France, à la demande de Françoise Combes29. — JCB : Et, pour vous, c’est une complète aberration sur le plan mathématique.
— JPP : C’était également l’avis du mathématicien Jean-Marie Souriau. Mais il n’y a rien eu à faire. Tous ont suivi, parce qu’ils n’avaient aucune autre solution. On a créé de beaux diagrammes. On a produit de somptueux théorèmes, réalisé de magnifiques simulations. Des réputations d’excellence se sont construites pour des gens qualifiés de « spécialistes des trous noirs ». Au sommet de cette pyramide, certains étudient avec le plus grand sérieux une « thermodynamique des trous noirs ». — JCB : Et vous êtes le seul à remettre tout cela en doute. — JPP : Pratiquement, oui. Ceux qui avaient, avant moi d’ailleurs, mis le doigt sur ce problème ont été promptement réduits au silence30. Tout récemment, quelques voix timides se sont élevées, comme celle de Sergiu Klainerman, de l’université de Princeton, qui écrit « are black holes real 31 ? » — JCB : Mais alors, si ce modèle ne vaut rien, que faut-il envisager ? — JPP : Si l’on se réfère simplement à la solution construite par Schwarzschild en 1916, décrivant la géométrie à l’intérieur de l’étoile, celui-ci a montré qu’avant même que ces problèmes mathématiques ne se manifestent, quand la masse de l’étoile atteignait 83 % de la valeur engendrant ce qu’on pourrait qualifier de « criticité mathématique », la vitesse de la lumière et la pression devenaient infinies au centre de l’étoile32. Ce qu’on peut qualifier alors de « criticité physique ». Une pression, c’est une densité d’énergie par unité de volume et c’est cette densité d’énergie qui crée la géométrie en tout point. Il doit donc se passer… quelque chose. La géométrie au centre de l’étoile à neutrons doit en prendre un coup. — JCB : Du grain à moudre pour les physiciens : que se passe-t-il au cœur d’une étoile quand la pression et la vitesse de la lumière deviennent infinies ? Vous avez une réponse ? — JPP : J’ai publié une amorce de solution dans un papier paru en 2015 dans la revue Modern Physics Letters A. L’idée est que lorsque ces conditions critiques apparaissent, au centre de l’étoile, s’opère alors dans cette région une inversion de la masse en excès, qui est alors expulsée et traversant librement l’étoile, puisqu’elle n’interagit plus avec elle que par « antigravitation ». Il ne resterait alors qu’un objet « subcritique33 ». Les
gens qui disposent du bagage mathématique suffisant pourront se référer à l’annexe 134. — JCB : À côté de cela, tout ce qui a été publié, ces centaines de thèses de doctorat, ces milliers d’articles, vous voyez ça comment ? — JPP : C’est du même genre que la théorie des cordes. Comme disait Souriau, cela représente « des mathématiques sans rigueur et une physique sans (réelles) observations ».
1. J.-M. Souriau, Géométrie et Relativité, éditions Hermann, 1964 (en français). Chapitre VII : « La relativité en cinq dimensions ». 2. C’est également le résultat auquel parvient le mathématicien Jean-Marie Souriau, en 1964, dans le chapitre VII de son livre (en français) Géométrie et Relativité , éditions Hermann. Téléchargeable à : http://www.jmsouriau.com/Publications/GeometrieEtRelativite/JMSouriau-GeometrieEtRelativite10-Ch7-387-464.pdf. 3. Toutes ses œuvres sont accessibles, en français, sur le site que nous lui avons créé, son fils et moi : http://www.jmsouriau.com. 4. Le scan de mon ouvrage personnel est téléchargeable sur le site de Souriau à : http://www.jmsouriau.com/Geometrie_et_relativite.htm. 5. http://www.jmsouriau.com/Publications/GeometrieEtRelativite/JMSouriau-GeometrieEtRelativite10-Ch7-387-464.pdf. 6. Qui tenta vainement de convaincre l’Académie des sciences d’admettre Souriau en son sein. 7. Par l’un des leurs qui était « bilingue bourbaki/sourien ». 8. C’est également le cas pour un pan important de l’œuvre du mathématicien français André Lichnerowicz qui a insisté sur l’attention à porter sur l’équation de champ écrite en termes de tenseurs d’ordre cinq, le premier membre étant le tenseur de Riemann. Patrick Marquet, envoyant en 2020 aux revues un papier montrant que les équations de champ Janus s’en déduisent, s’est heurté à l’incapacité des revues sollicitées (dont Physical Review D) à trouver un referee capable de se prononcer sur son article. 9. Ce qui pour moi se référait à mes travaux en MHD. 10. Charge élémentaire (de l’électron ou du proton) : 1,6 10-19 coulomb. 11. Liste des « particules baryoniques » : https://fr.wikipedia.org/wiki/Baryon. 12. D’après un théorème dû à la géniale mathématicienne Emmy Noether, assistante de Hilbert. 13. Einstein, Hilbert, Weyl, Eddington, Bondi, Friedmann, Gamow, Hubble, Jeans, Lemaître, Milne, de Sitter, Tolman, etc. 14. À indice de courbure positif, négatif ou nul. 15. Qui vaudra le prix Nobel à Perlmutter, Schmidt et Riess cette même année, pour cette découverte. 16. Le « vent solaire », pour le Soleil. 17. Jusqu’à 1011 teslas ! 18. Sous la forme de « pulsars ». 19. Distant de 6 200 années-lumière, le diamètre de notre galaxie étant seize fois cette valeur. 20. À cette époque, on comptait quelques détecteurs d’ondes gravitationnelles (de Weber), beaucoup plus primitifs et moins sensibles que les engins actuels Ligo et Virgo. Néanmoins, étant donné l’intensité du signal, ils auraient pu l’enregistrer. Hélas, au moment de l’événement, tous étaient en phase de maintenance. 21. Assez proche pour ne pas être occulté par la poussière du plan galactique. 22. Dans l’ouvrage d’Adler, Schiffer et Bazin, Introduction to General Relativity, téléchargeable à http ://www.jp-petit.org/books/asb.pdf, c’est page 472, équations (14.47). 23. Le même ouvrage, p. 194, équations (6.53) et (6.54). 24. Où M est la masse de l’objet, en kilos ; c la vitesse de la lumière en mètres par seconde, et G la constante de la gravitation qui vaut 6,67 10−11. 25. Masse du Soleil : M = kilos. 26. Dans l’expression de cette « solution métrique » on trouve alors la racine carrée d’un nombre négatif. 27. Voir le détail dans l’annexe 1.
28. Ce que j’explique avec force détails dans ma vidéo : http://www.jp-petit.org/trounoir et dans le PDF. 29. https://www.youtube.com/watch?v=xYIf4ESFARk. 30. Salvatore Antoci, 2001, Astronomische Nachrichten, vol. 322, no 3. 31. Est-ce que les trous noirs existent ? http://www.jp-petit.org/trounoir. 32. Voir annexe 4. 33. Alors parfaitement capable de donner des images comme celle obtenue avec l’objet supermassif de M87 en 2019. 34. Ainsi qu’aux vidéos Janus 22-1 à Janus 22-8 dont les adresses figurent sur la page d’accueil de mon site : http://www.jp-petit.org.
LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE IGNORE LA RÉALITÉ PARTICULAIRE
— JPP : Je voudrais rappeler une chose : la relativité générale est le monde du continu. Quand on se donne « la source du champ gravitationnel », il s’agit d’une fonction désignée par la lettre , qui représente une densité volumique de masse, ou d’énergie si on se base sur un contenu . Lorsqu’on traite l’équation d’Einstein, on y introduit un objet qui est une « métrique » où les indices varient selon les valeurs (0, 1, 2, 3). Comme quatre fois quatre font seize, il y a donc seize fonctions de l’espace et du temps, qui sont des fonctions continues. Des considérations de symétrie, correspondant aux rares cas particuliers envisageables, réduisent considérablement ce nombre. Mais l’objet solution est toujours constitué d’un ensemble de fonctions continues. À l’aide de cette solution, on peut alors calculer la famille de géodésiques de cet univers et tout repose sur l’hypothèse que les « masses » considérées comme ponctuelles se déplacent dans l’univers en cheminant le long de ces géodésiques. Mais à aucun moment la relativité générale n’indique que la matière est faite d’objets discrets. La lumière elle-même suit une famille particulière de géodésiques. Mais cela reste une hypothèse. À aucun moment, l’objet « photon » n’émerge de cette matrice. — JCB : Alors, comment opère-t-on des vérifications ? — JPP : On considère les planètes comme des « points-masses » et on constate qu’effectivement elles suivent les géodésiques de cette portion de l’espace-temps dont la géométrie est déterminée par la présence de la masse du Soleil, au centre du système.
— JCB : Lui aussi est un « point-masse » ? — JPP : Non, c’est une sphère de rayon
dans laquelle on a une densité de
matière constante . Autour de lui, le vide, une portion d’espace où la densité de matière est considérée comme étant strictement nulle. — JCB : Est-elle strictement nulle ? En ces régions est-ce « le vide » ? — JPP : Non. Le vide absolu, ça n’existe pas. Toute région qualifiée de « vide » est en réalité un entrelacs de photons. Mais la valeur de la densité volumique d’énergie correspondant est alors si faible qu’on peut la négliger totalement dans les calculs.
DE L’INEXISTENCE DU VIDE — JCB : Un entrelacs de photons ?… — JPP : Là, ça mérite une petite parenthèse. Il y a beaucoup de plasticiens qui rêvent de créer des objets qui évoquent quelque chose ayant trait à la physique. À l’un d’eux, je dirais : « Prenez un cube en mousse ou en polystyrène expansé, de 50 cm de côté et un très grand nombre de tiges d’acier à la fois rigides et fines. Enfoncez chacune de ces tiges dans une direction quelconque en lui faisant traverser ce cube de part en part.
Ces tiges figurent les trajectoires de photos qui, dans un espace uniformément vide sont des droites. Vous rééditez l’opération un très grand nombre de fois jusqu’à ce qu’il n’y ait plus qu’un entrelacs serré de tiges et où le polystyrène aurait pratiquement disparu. Vous aurez alors une image d’une région “vide”. »
Mais revenons à la géométrique dans ce « quasi-vide » entourant le Soleil. Les géodésiques qui s’inscrivent sont alors des « quasi-ellipses », c’est-àdire des ellipses qui tournent légèrement, à chaque tour. Un mouvement qu’on qualifie de « précession ». En exagérant cette précession, voici l’allure de ces géodésiques-trajectoires :
En assimilant la planète Mercure à un « point-masse », les astronomes peuvent constater la justesse de l’intuition d’Einstein : sa trajectoire s’identifie à cette courbe géodésique. Cette solution rend compte d’un autre phénomène, celui de « lentille gravitationnelle », confirmé en 1918 lors d’une éclipse totale1. En règle générale, cette géométrie est la source d’une distorsion des images, en particulier si l’on considère le disque d’accrétion autour d’une étoile à neutrons. Un disque chaud et émissif. Si quelqu’un construisait une telle image, il obtiendrait ceci :
— JCB : Mais c’est l’image obtenue en 2019 à l’aide d’un ensemble de radiotélescopes et qu’on a qualifié de « première photo d’un trou noir » ! — JPP : Un objet « sous-critique » donnerait ce résultat. Cette tache sombre au centre vient du fait que la lumière qui en émane est l’objet d’un fort « redshift gravitationnel ». Comme d’énergie des photons est
où
est la longueur d’onde, l’élongation de celle-ci fait que l’objet présente une partie centrale très sombre2, mais qui est différente d’un « horizon ». Si l’image obtenue en 2019 correspond bien à ce à quoi on donne le nom de « trou noir », alors aucune lumière ne devra émaner de cette partie centrale, quelle que soit sa longueur d’onde.
1. Voir l’explication dans Janus 10, avec une animation : https://www.youtube.com/watch?v=H7jF38OwBUM. 2. Si l’objet était « un trou noir », ce disque central serait parfaitement « noir » : aucune lumière ne pourrait nous parvenir, ne pourrait échapper à la gravité.
LE RETOUR EN FORCE DU CONTINU — JPP : À propos de la relativité générale, il est très important de bien noter une chose : au moment même où balbutie la mécanique quantique, qui allait consacrer une vision discontinue de la matière, la démarche d’Einstein se situe exactement à l’opposé. — JCB : Est-ce à dire qu’Einstein doutait de cet aspect discontinu des choses ? — JPP : Il était trop fin physicien pour faire cette erreur. C’est même lui qui a inventé le… photon, en recevant son prix Nobel en 1921 pour sa description théorique de l’effet photoélectrique (et non pour son invention de la relativité restreinte, ce qui montre que cette idée mit du temps à s’imposer). Il savait que certains aspects très déconcertants de la physique quantique, comme « l’effet tunnel », avaient… fait leurs preuves à Hiroshima et Nagasaki. Mais il restait sceptique sur certains points, comme l’effet EPR, évoqué plus haut. — JCB : Sur le plan de la modélisation à travers la relativité générale, où en est-on ? — JPP : Nous venons de voir le problème, que je considère comme non résolu, du destin des étoiles à neutrons, quand elles vivent en couple, inéluctablement déstabilisées par un apport excessif de matière. Pour compléter ces complètes cacophonies, il y a le travail de l’astronome américain Halton Arp1 (1927-2013), publié en 1966 et intitulé Atlas des galaxies particulières. Nombre d’entre elles ont des formes complètement désarticulées, ce qui a fait dire à l’astronome anglais Sir James Jeans :
Traduction : Il n’y a pas que cela. Tant que les bras spiraux n’auront pas été expliqués de façon satisfaisante, il sera impossible d’accorder du crédit à toute conjecture ou hypothèse concernant d’autres caractéristiques des nébuleuses qui semblent plus faciles à traiter. Chaque échec dans l’explication des bras spiraux rend de plus en plus difficile de résister au soupçon que les nébuleuses spirales sont le siège de types de forces qui nous sont totalement inconnues, forces qui peuvent éventuellement exprimer des propriétés métriques de l’espace nouvelles et insoupçonnées. Le type de conjecture qui se présente, avec une certaine insistance, est que les centres des nébuleuses se présentent comme des « lieux singuliers », au niveau desquels la matière est déversée dans notre univers à partir d’autres dimensions spatiales totalement étrangères, et qu’ainsi pour un habitant de notre univers, ils se présenteraient comme un phénomène de création continue de matière. — JCB : Mais ça, c’est… Janus ! — JPP : Oui, au sens où, comme je l’avais présenté en 1997 dans On a perdu la moitié de l’univers, les formes tourmentées de ces galaxies irrégulières résulteraient de l’action du monde invisible qui les environne. — JCB : Ce Jeans 2, ça n’est pas le premier venu. Il évoque ces « galaxies irrégulières ». C’est quoi ?
— JPP : Dans l’après-guerre, Halton Arp, entreprit de recenser toutes les bizarreries du cosmos. Cela se traduisit par la publication d’un ouvrage intitulé Atlas des galaxies particulières 3. Je donne un lien pour que les lecteurs puissent avoir accès à ces images.
— JCB : Qu’est-ce que ces galaxies ont de particulier ? — JPP : Voilà une de ces images. Il s’agit bien d’un ensemble d’étoiles, mais celles-ci se présentent sous une forme complètement désarticulée, ce que notait précisément Jeans.
Image de galaxie irrégulière.
— JCB : Pourquoi sont-elles ainsi ? — JPP : On n’en sait strictement rien. Et c’est toujours le cas aujourd’hui. — JCB : Je n’avais jamais entendu parler de ce genre d’objets. — JPP : Les scientifiques n’aiment pas ce sur quoi ils n’ont aucune prise. Et, dans ce cas-là, ils passent ces faits sous silence, tout simplement. — JCB : Comment cela !? — JPP : Tant qu’il vivait sur la côte ouest des États-Unis, Arp avait accès aux meilleurs instruments et multipliait des observations systématiquement dérangeantes. — JCB : Ces galaxies désarticulées constituaient-elles des exceptions ? — JPP : Pas du tout. Il y en a énormément. Le catalogue de Arp, en 1966, n’en comptait pas moins de 338. Mais personne ne porte intérêt à ces données-là.
— JCB : C’est insensé ! Pourquoi ? — JPP : Parce que personne n’a le moindre début d’explication de ces phénomènes. — JCB : Alors, c’est simple. S’il y a des données pour lesquelles on ne dispose pas d’un début d’explication théorique, on se contente de n’en point parler. — JPP : Tout simplement. On a déjà vu la question de l’antimatière primordiale, la grande absente de la cosmologie. Il n’y a aucun colloque sur ce sujet, parce que personne n’a rien à présenter. Il n’y a jamais eu de colloque centré sur le problème des galaxies irrégulières, pour la même raison. Mais cela va plus loin : dans les années quatre-vingt, Arp a été carrément « interdit de télescope ». — JCB : Comment cela !? — JPP : Les temps d’observation des télescopes sont extrêmement demandés. Il y a donc des commissions qui octroient ces temps, au comptegouttes. Un jour, celle-ci a estimé que Arp constituait une véritable source de désordre. En effet, non seulement celui-ci accumulait les observations dérangeantes, incompréhensibles, mais il suggérait des choses aussi déraisonnables que par exemple l’idée que la vitesse de la lumière pourrait ne pas avoir la même valeur partout dans l’univers. Il remettait en cause les grands principes fondateurs de la cosmologie, c’est-à-dire l’uniformité et l’homogénéité, avec leur corollaire : la loi de Hubble. Selon lui, l’expansion de l’univers subirait des à-coups, dans certaines régions. Arp prétendait déceler des périodicités dans le processus d’expansion, dans une direction donnée, en fonction de la distance. Alors, un jour, la commission a pris la décision de lui interdire carrément l’accès aux instruments. Et pour être plus tranquille, on l’a déporté à New York, sur la côte est des États-Unis, c’est-àdire loin de tout instrument digne de ce nom. Et c’est là qu’il a fini ses jours. — JCB : Et personne n’a protesté ? — JPP : Qui voudriez-vous qui puisse être porteur d’une telle protestation ? — JCB : Je ne sais pas : les journalistes scientifiques ?
— JPP : Jamais un journaliste scientifique ne prendra la défense d’un marginal, d’un proscrit. S’il le faisait, la communauté scientifique le mettrait lui-même à l’index. Il cesserait de se voir communiquer les découvertes récentes, donc il ne pourrait plus exercer son métier. — JCB : Autrement dit, le public n’a accès qu’à des informations scientifiques soigneusement filtrées par la communauté scientifique. Se trouve exclu tout ce qui ne profite pas à celle-ci.
1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Halton_Arp. 2. Si James Jeans, découvreur de… l’instabilité gravitationnelle, qui porte son nom ! 3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Catégorie:Objet_de_l%27atlas_Arp.
UNE COMMUNICATION SCIENTIFIQUE SOUMISE À UN FILTRAGE
— JPP : Je vais vous donner un exemple de filtrage récent et on verra dans les années à venir si celui-ci se maintient. En 2017, la revue Nature a fait état d’une découverte de première grandeur, due à quatre scientifiques, les Français Hélène Courtois et Daniel Pomarède, l’Américain Brent Tully et l’Israélien Yehuda Hoffman1. En 2017, les quatre rendent compte d’une cartographie cosmique qui a représenté vingt années de travail, et qui dresse la carte de centaines de milliers de galaxies, en ajoutant leurs vitesses. — JCB : Leur mouvement d’expansion ? — JPP : Non, justement. Si l’univers est comparé à un ballon qui se gonfle (ou comme évoqué plus haut à une bulle d’air qui se dilate ), cela donne une vitesse d’expansion. En soustrayant celle-ci, ces chercheurs ont déterminé « la vitesse des galaxies par rapport au caoutchouc du ballon », ce qu’on appelle leurs « vitesses propres ». Et cela a mis en évidence deux structures. D’abord, un objet nommé « attracteur Shapley », constitué de centaines de milliers de galaxies, vers lequel convergent les galaxies. À l’opposé, ils ont trouvé une région vide, repoussant les galaxies, à laquelle a été donné le nom de « Dipole Repeller2 ».
— JCB : Je me rappelle très bien avoir vu cette image. Mais je n’ai pas trouvé grand-chose sur ce « Great Repeller 3 ». — JPP : La cosmologie considérée aujourd’hui comme « standard » ne dispose d’aucun modèle pour expliquer la présence de cette vaste structure. Alors, cela devient un « non-sujet ». En 2021, la chaîne Arte a diffusé un long documentaire où Hélène Courtois jouait un rôle central. L’équipe chargée de la réalisation de ce dossier disposait d’un budget conséquent, puisque le tournage s’est effectué à Hawaï, au Chili, en Afrique du Sud et en Australie. — JCB : Un tour du monde complet. — JPP : Une émission très longue et riche, que j’ai suivie avec attention. Puis arrive la fin : pas un mot sur le Great Repeller, rien. — JCB : Mais, pourquoi ? — JPP : Les scientifiques ne tiennent d’abord pas à attirer l’attention sur ce qu’ils ne comprennent pas. Ensuite, le seul modèle qui rend compte de cette
formation, c’est le modèle Janus dont cette donnée constitue une de ses meilleures confirmations observationnelles. — JCB : Cachez ces observations, et ce modèle, que je ne saurais voir. J’aimerais qu’on se recentre sur l’évolution de la physique, qui se traduit par la confrontation : sens commun – édifice théorique – expériences et observation.
1. https://www.youtube.com/watch?v=LRoiB-ma9Oc. 2. « Le Grand Repoussoir » ou « répulseur du dipôle ». 3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Répulseur_du_dipôle.
QUAND L’EXPÉRIMENTATION CONFIRME L’INTUITION DU THÉORICIEN — JPP : Comme je l’ai dit, le début du XXe siècle se traduit par un profond changement dans la représentation de la matière. La fin du XIXe siècle avait été marquée par l’avènement de la théorie atomique. — JCB : On quittait le monde des « substances », des « corps » pour se mettre à réfléchir en termes d’atomes. Même si on ne voyait pas ces objets, on pouvait les manipuler mentalement, se les représenter comme faisant partie d’un jeu de billes. On imaginait alors les collisions entre billes, puis leur assemblage donnant des molécules. Bref, on disposait d’images mentales commodes. — JPP : Avec au passage leur cortège d’erreurs. Ayant constaté qu’un proton avait une masse 1 850 fois plus élevée que celle de l’électron, quand on pensait à l’atome d’hydrogène on imaginait un minuscule électron tournant autour d’un proton. — JCB : Parce que cette image est fausse !? — JPP : Voir ma BD, Big Bang, sortie en 1982, page 14. — JCB : Ça lui fait 40 ans d’âge. La première BD des Aventures d’Anselme Lanturlu que vous aviez publiée, c’était quand ? — JPP : En 1979, il y a quarante-trois ans. — JCB : Dommage que vous n’ayez plus le temps d’en faire d’autres. Effectivement, avec quelques dessins, ça passe tellement mieux. — JPP : Il reste que l’image mentale des petits électrons qui virevoltent autour d’un noyau constitué de gros protons et électrons est bien ancrée et traîne dans tous les ouvrages :
et, en réalité, voilà ce qu’il en est :
UNE IDÉE FRANÇAISE — JCB : Qui a suggéré le premier que les particules puissent être en même temps des ondes ? — JPP : C’est le scientifique français Louis de Broglie1.
Ce personnage, original2, nous ramène au tout début de la mécanique quantique. Après avoir passé son bac à 16 ans, le jeune Louis est d’abord attiré par les lettres et commence sa carrière d’universitaire par une thèse sur l’histoire médiévale. Mais il est attiré par les sciences par son frère Maurice3, qui est déjà un scientifique confirmé et est en liaison avec les plus grandes figures du temps, tout simplement parce qu’il est le secrétaire du comité d’organisation des célèbres colloques Solvay, l’inventeur de la dynamite4. À travers son frère, il réalise que la physique est le siège d’une véritable révolution, ce qui provoque chez lui, à 19 ans, un « coup d’État intérieur ». Abandonnant les lettres, il boucle en deux ans des études de sciences. En 1913, âgé de 21 ans, il est appelé pour faire son service
militaire. Mais ses compétences naissantes en « physique de pointe », acquises au contact de son frère, lui valent de passer toute la Première Guerre mondiale dans le local souterrain situé près de la tour Eiffel, où se traitent les réceptions des messages radio captés par l’antenne placée à son sommet. Lui et son frère déposent plusieurs « notes à l’Académie des sciences » liées aux rayons X. Mais, en 1923, il a l’intuition de cette double nature de la matière, à la fois particules et ondes. Il dépose une note et entreprend la rédaction d’une thèse de doctorat, présentée sous le titre « Recherche sur la théorie des quanta ». — JCB : Ainsi, on trouve le nom d’un Français à la base de cette révolution qu’opéra la mécanique quantique en physique. — JPP : Tout à fait. La première équation, non relativiste, liée à cette nouvelle théorie, explicitant l’idée de De Broglie, est due à l’Allemand Erwin Schrödinger5. Celui-ci construit sa célèbre équation en s’inspirant de l’analogie avec des systèmes mécaniques. Si une particule de masse m chemine à une vitesse v, la longueur d’onde associée, déjà décrite par Louis de Broglie, est :
où h est la constante de Planck. Louis de Broglie prédit que cette double nature doit être celle de l’électron. La confirmation expérimentale survient en 1927. Avant de la décrire, on est amené à évoquer d’autres bouleversements survenus dans les décennies précédentes. Cela commence par les tubes à vide avec lesquels le chimiste touche-à-tout anglais William Crookes6 fait en 1878 des expériences très spectaculaires. Il a l’idée de placer dans ses tubes des électrodes mises sous tension. Il met en évidence quelque chose qui est d’abord identifié à un « rayonnement cathodique ». Sur l’image, vous voyez le montage de Crookes. À gauche, la cathode, qui émet des électrons. L’anode est en dessous, chargée positive, qui attire les charges négatives. À droite, « l’ombre portée » sur le fond du tube, qui, frappée par les électrons, émet de la lumière par fluorescence. On voit alors se dessiner l’ombre d’un objet placé sur le trajet de ces électrons, en l’occurrence une « croix de Malte7 ».
— JCB : Mais est-ce que ce ne sont pas les électrons qui véhiculent le courant électrique ? Normalement ceux-ci devraient converger vers l’anode. — JPP : Ce qui se passe dans ce tube est un peu plus compliqué. Des électrons émis par la cathode s’attachent à des molécules du gaz qui subsistent dans ce tube et ce sont ces « ions négatifs » qui assurent le transport du courant. Ce jet d’électrons, assimilé à un « rayon cathodique », est fait d’électrons trop rapides pour pouvoir être captés par l’anode. Mais vous imaginez l’effet que cette expérience pouvait faire sur les gens, à cette époque. En appliquant un champ magnétique, Crookes constate que ce « rayonnement » est alors dévié. Ce rayonnement correspond donc à un flux électriquement chargé, négativement, plus tard identifié à un flux d’électrons et c’est l’Anglais J. J. Thomson qui mettra en évidence le caractère particulaire de ce « rayonnement » en découvrant la première particule élémentaire de la physique, l’électron. — JCB : À propos de ces décharges dans les gaz raréfiés, j’ai connu des collègues qui avaient visité le laboratoire que vous aviez installé dans une chambre de bonne à Aix-en-Provence et qui en avait gardé un sacré souvenir. — JPP : Bien sûr. Comme j’expérimentais dans de l’air en basse pression, on retrouvait tous les phénomènes découverts par Crookes un siècle plus
tôt. Quand il y avait des visiteurs, j’éteignais la lumière et ils voyaient aussitôt des choses fantastiques. Les expériences les plus drôles mettaient en jeu la petite source de micro-ondes, sous un mégahertz, dont je disposais : une simple bobine de Ruhmkorff8 dont je me servais pour pouvoir ioniser l’air autour de maquettes d’aérodynes MHD. — JCB : Je me rappelle un collègue journaliste qui l’avait dit, très impressionné : « Dans l’antre de Jean-Pierre Petit, j’ai pu voir des soucoupes volantes de laboratoire. »
— JPP : Il y avait un aspect qu’on pourrait qualifier de « collatéral ». Ces micro-ondes pouvaient être captées par les antennes des téléviseurs, situés sur le toit à quelques mètres de mon « labo ». Quand j’expérimentais, les voisins avaient « de la neige » sur leurs écrans. — JCB : Vos voisins étaient au courant de l’existence de votre laboratoire ? — JPP : Bien sûr que non ! Sinon, inquiets, ils auraient exigé l’arrêt de ces expériences. J’expérimentais donc la nuit. Et quand j’opérais le jour, pour donner le change, j’étais le premier le lendemain à signaler le comportement inexplicable de mon récepteur de télévision. — JCB : Bon, essayons de reprendre le fil. On en était au tube de Crookes. Ensuite ?
— JPP : Un Allemand, Wilhelm Röntgen, a l’idée, en 1895, d’envoyer ces « rayons cathodiques » sur une cible solide et constate que celle-ci émet alors un rayonnement invisible, qui a la vertu de pouvoir traverser la matière, avant de produire une image sur un écran fluorescent.
— JCB : Et il invente les « rayons X 9 ». Mais pourquoi était-ce cette fois un rayonnement ? — JPP : Parce que ce jet de ce quelque chose d’invisible n’était pas dévié par un champ magnétique. Mais il y avait aussi une autre propriété qui faisait que cela s’apparentait aux propriétés de la lumière. Celle-ci entraîne le phénomène de diffraction. Cela signifie que quand la lumière passe par une fente, par exemple, celle-ci se comporte comme si elle émettait ellemême du rayonnement. Voir l’expérience des fentes de Young, évoquée plus haut. Les deux rayons de lumière, réémis par les fentes, produisent des interférences qui se traduisent par ces raies sur l’écran. Si un rayonnement traverse un cristal, qui représente une structure atomique cristalline, ordonnée (cette fois en 3D), les atomes touchés vont à leur tour se comporter comme des émetteurs et créer des interférences. Cela a été démontré pour la première fois avec le phénomène de diffraction des rayons X par l’Anglais Henry Bragg en 190910. Celui-ci crée ce faisant une nouvelle discipline permettant l’analyse des structures cristallines en analysant les images issues de ces rayons X.
Tout est donc en place pour que soit montée l’expérience clé consacrant l’intuition de Louis de Broglie. — JCB : C’est vraiment une époque, à cette charnière entre la fin du XIXe et du début du XXe siècle, où tout se met en place pour engendrer un changement de paradigme, à la fois dans la conception que les hommes se font de la matière et des modèles théoriques qui vont la décrire. — JPP : On a vu plus haut qu’il y avait une relation entre la vitesse des électrons et la longueur d’onde de ce « rayonnement » traduisant « leur double nature ». Pour réaliser des interférences bien nettes, il est bon de faire interférer des rayonnements « monochromatiques », de même longueur d’onde. Pour les électrons, cela revient à disposer d’une source où tous les électrons vont à la même vitesse. Les Américains Clinton Davisson et Lester Germer11, de la Bell Telephone, disposent d’une source délivrant des électrons dotés d’une énergie qui est exactement de 54 électronvolts, ce qui correspond à 4 000 km/s. En dirigeant ce flux vers un morceau de nickel, sous sa forme cristalline, ils obtiennent une image qui rappelle immédiatement celles obtenues par Bragg avec des rayons X.
Conceptuellement, c’est très fort. Cela conforte l’intuition du Français, De Broglie, que l’Autrichien Erwin Schrödinger avait promptement mis en équation. Clinton Davisson recevra le prix Nobel en 1937 pour son travail sur la diffraction des électrons par les cristaux. Mais il le partagera avec G. P. Thomson et non avec Lester Germer.
Après avoir présenté sa théorie au congrès Solvay en 1927, Louis de Broglie recevra ce prix en 1929, et Erwin Schrödinger en 1933. — JCB : Je ne savais pas qu’un Français avait joué un rôle de pionnier dans la construction de la mécanique quantique. A-t-il eu d’autres idées après ? — JPP : Oui, mais celles-ci n’ont pas trouvé d’écho. — JCB : Dites toujours. — JPP : En 1928, le théoricien anglais Paul Dirac conjecture l’existence d’une sorte de « double » de la matière à laquelle il donne le nom d’antimatière. Ainsi, l’électron irait de pair avec un antiélectron, ou « positron », de même masse, mais doté d’une charge positive. La communauté des quanticiens manifeste son scepticisme12. Mais en 1932 l’Américain Carl Anderson photographie, dans la « chambre de Wilson », la trajectoire de cet antiélectron (l’image ci-après n’est pas le cliché historique de cette découverte13).
Dès lors, la réaction, réversible : Photon de haute énergie
paire électron-antiélectron
prend sa place dans le monde de la physique. Cela donne à De Broglie l’idée que les photons (de spin 1) pourraient être une sorte de juxtaposition d’un tel couple de particule-antiparticule, dotées chacune d’un spin ½, comme les électrons. On peut alors représenter ce
couple de particules chargées se mouvant à la vitesse c et oscillant dans une direction perpendiculaire à la direction de propagation. Ce plan dans lequel oscillent les charges électriques devient le plan de polarisation. En effet, quand les deux charges s’écartent, il se crée un champ électrique allant de la charge plus à la charge moins. Les mouvements de ces charges sont équivalents à des mini-courants électriques, qui s’accompagnent de la création d’un champ magnétique dirigé perpendiculairement à ce plan, également oscillant. Or le mouvement du photon cadre également avec ces oscillations conjointes, dont la direction définit le plan de polarisation de l’onde lumineuse.
— JCB : Mais le photon a une masse nulle, non ? — JPP : En relativité générale, on a l’habitude de considérer que ce sont les masses m qui créent la courbure. Dans le second membre de l’équation d’Einstein se trouve « le terme qui détermine la géométrie, la courbure » :
on exprimera le « Tenseur »
en faisant apparaître un terme de masse volumique
, en kilos
par mètre cube. Mais, en réalité, ce qui détermine la géométrie, localement, c’est l’énergie Au fil de l’évolution cosmique, deux composantes jouent :
.
– le contenu en énergie lié aux particules de matière ; – le contenu en énergie lié au contenu en rayonnement. On trouve dans les ouvrages une somme : , où le terme décrit « le contenu en rayonnement » exprimé en kilos par mètre cube. Cela revient à assigner au photon une « masse équivalente », qu’on peut qualifier de « gravifique » :
De fait, quand un photon gamma crée une paire électron-positron, il faut qu’il ait une énergie égale ou supérieure à 2mec2, ce qui revient à dire que sa « masse équivalente » doit être supérieure ou égale à 2me. D’où cette intuition de De Broglie.
— JCB : Est-ce que cette idée de De Broglie a pris ? — JPP : Non, pas du tout ! Elle s’écartait complètement de la mécanique quantique qui était en train de se construire et à laquelle aucun modèle géométrique ne pouvait être associé. Cette discipline ressemblait de plus en plus à une sorte de schizophrénie organisée. Mais le problème est que… ça marchait !
1. Prononcer « de Breuil ». 2. http://www.lyc-debroglie-marly.ac-versailles.fr/article83.html. 3. Pionnier dans la technologie des rayons X et dans les communications radioélectriques. Il figurera comme participant aux colloques Solvay de 1913 et 1922. 4. Alfred Nobel, un chimiste suédois, avait réussi à stabiliser la nitroglycérine, terriblement instable, en la mélangeant à un liant pulvérulent. Dans son testament, il souhaita que l’immense fortune qu’il avait accumulée avec cette invention serve à financer l’organisation de colloques et à récompenser chaque année par des prix très importants, dans différentes disciplines, des travaux scientifiques réalisés « dans le bien de l’humanité ». 5. https://fr.wikipedia.org/wiki/Erwin_Schrödinger. 6. https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Crookes. 7. Il se trouve que Crookes avait donné cette forme à cet obstacle. Mais celui-ci pourrait avoir une forme quelconque. 8. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bobine_de_Ruhmkorff. 9. Découverte qui lui vaudra le prix Nobel en 1901. 10. Qui lui vaudra le prix Nobel, délivré conjointement à son fil William en 1915. 11. Un personnage haut en couleur. Pilote de chasse pendant la Première Guerre mondiale, après ce passage par la physique, après la Seconde Guerre mondiale, il se passionne pour l’escalade et se consacre pendant vingt-six ans entièrement à ce sport, ouvrant nombre de « premières » dans le massif des Appalaches (État de New York), sans jamais « dévisser ». Il meurt à 71 ans d’un infarctus en pleine tentative d’ouverture d’une nouvelle voie, dans les Shawangunk Mountains, « les Gunks ». 12. Selon le Danois Niels Bohr, cette théorie permettrait « de capturer les éléphants ». Recette : en Afrique, on accroche la théorie de Dirac à un arbre. Si un éléphant passe et la lit, il est tellement sidéré qu’on peut alors le capturer sans difficulté. 13. Il faut une énergie beaucoup plus importante pour entraîner l’apparition de l’antiproton et l’antineutron, qui ne seront découverts qu’en 1955 et 1956.
QUAND LA THÉORIE DÉFIE L’INTUITION — JPP : Si je donne cet exemple, c’est pour retracer ce qui s’est passé au début du XXe siècle et jusqu’à cette charnière des années soixante et soixante-dix. Après cette mise en évidence en 1905 de la réalité corpusculaire de la matière des atomes, l’intuition de De Broglie donne naissance à ce qu’on appela la mécanique ondulatoire. Mais au fil du temps la mécanique quantique s’envole vers des sommets d’abstraction. Elle s’installe dans le monde des probabilités, où des gens comme Einstein1 (et De Broglie) se sentent mal à l’aise. Les paradoxes qui fleurissent, évoqués plus haut, font qu’il devient vain d’essayer de comprendre, comme le soulignait Richard Feynman. C’est la raison pour laquelle, lorsque apparut ce qui était présenté comme une nouvelle voie, unificatrice, la théorie des cordes, personne ne demanda à ces « nouveaux théoriciens » de produire immédiatement des modèles intelligibles. Ce qu’ils suggéraient semblait a priori intéressant et n’était rien d’autre que de tenter d’unifier toutes les particules connues en une seule et même entité, une « corde », ouverte ou fermée. Selon son « mode de vibration », celle-ci pourrait être un proton, un électron, un photon, un méson, un boson, un graviton, n’importe quoi. On donna donc sa chance à cette tentative, qui semblait extrêmement ambitieuse. C’était compliqué, passablement opaque, de toute manière totalement déconcertant. Mais la mécanique quantique l’était tout autant. — JCB : On juge l’arbre aux fruits. Soixante années après le lancement de ce thème, où en est-on ?
1. C’est sa fameuse phrase : « Dieu ne joue pas aux dés. »
LES CORDES : NAISSANCE D’UNE PHYSIQUE SANS EXPÉRIENCE
— JCB : On lit que les gens des cordes n’ont obtenu aucun résultat en augmentant le nombre des dimensions. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? — JPP : On s’imagine que cette théorie est aujourd’hui tombée en désuétude, étant donné l’absence totale de résultats. Subsiste un fait significatif. Aux États-Unis, l’Advanced Studies Institute1 de Princeton a toujours compté parmi ses membres les scientifiques les plus éminents, au premier chef Albert Einstein lui-même. Or, aujourd’hui, quand on recherche sur le Net les noms des physiciens théoriciens qui appartiennent à ce prestigieux institut, on tombe sur quatre spécialistes des cordes. — JCB : Mais pourquoi, puisqu’on sait que ça ne marche pas !?! — JPP : Parce que dans le monde de la physique, pour le moment, il n’y a rien d’autre. On en est toujours avec dix puissance cinq cents théories possibles. — JCB : Un, suivi de cinq cents zéros, c’est absurde ! — JPP : Je vous ai dit qu’en cette charnière entre les années soixante et les années soixante-dix, la physique théorique était entrée dans une sorte de schizophrénie, ce qui faisait dire à Souriau : – La physique théorique est devenue un vaste hôpital psychiatrique où ce sont les fous qui ont pris le pouvoir. Des voix se sont élevées pour dénoncer ce délire, cette théorie où le Canadien Lee Smolin ne dénombre pas moins de 105 paramètres libres. C’est cette imprécision, ce flou qui crée ces 10500 variantes théoriques du formalisme des cordes, ce qui correspond à chaque fois à une description différente de l’univers. Ce nom devient très supérieur au nombre total de
particules composant l’univers, évalué à 1080. La théorie des cordes ne serait ainsi ni prouvable ni réfutable et n’obéirait donc pas aux critères habituels2 de ce que doit être une théorie scientifique acceptable. Mais ce genre de charabia constituera cependant un fantastique fonds de commerce pour beaucoup, pendant des décennies. Citons le best-seller de Brian Greene, paru en 1999 :
L’auteur y défend l’idée que si un modèle théorique est « élégant », même s’il ne produit rien qui puisse être confronté à la réalité, c’est qu’il doit être vrai. Ci-après, quelques perles de l’ouvrage :
— JCB : Et ce genre de recherche a occupé le devant de la scène pendant plus de trente ans. — JPP : En monopolisant tous les postes, tous les crédits. Pendant toutes ces années, un sujet de thèse qui ne se situait pas dans ce monde des cordes n’avait aucune chance de trouver un directeur de recherche et une équipe pour l’accueillir. Il se trouve qu’en 2008 j’avais acheté l’édition française d’un livre paru en 2007, sous la plume du physicien théoricien Lee Smolin, portant le titre très explicite :
— JCB : Un livre 3 qui, en 2022, a 15 ans d'âge. — JPP : C’est un document au sens où il a été écrit par un type qui a vécu de l’intérieur ce mouvement des supercordes et sait de quoi il parle. Dans son livre, il en retrace une histoire détaillée.
Dans la mesure où cette théorie se solde par un échec, on se demande s’il est vraiment nécessaire de s’appesantir sur ce sujet. — JCB : Au moins, indiquer ses grandes lignes. — JPP : En 1968, un jeune physicien italien, Gabriele Veneziano, imagine de traiter un problème de physique des hautes énergies en imaginant que les particules ne sont pas des points mais peuvent être traitées comme des cordes, s’étirant dans une seule dimension. Quand elles reçoivent de l’énergie, elles se contractent. Elles peuvent aussi vibrer. Cette idée est alors reprise par quelques-uns, dont Leonard Susskind, de l’université Stanford. Un début de théorie voit le jour, qui semble permettre de modéliser une vaste palette de phénomènes, à condition de les situer dans un espace comportant un nombre accru de dimensions. Pour que ce modèle soit compatible à la fois avec la relativité restreinte et avec la mécanique quantique, il est établi que ce « monde » doit avoir vingt-cinq dimensions
spatiales. En ajoutant, le temps on débouche sur un univers à vingtsix dimensions (vingt-cinq dimensions « spatiales » plus le temps). — JCB : Cela reste sacrément spéculatif. — JPP : La mécanique quantique impose un divorce complet entre formalisme mathématique et image mentale. Le système des cordes a l’air potentiellement extrêmement riche et semble se présenter comme une démarche d’unité entre tous les champs, toutes les forces, et se prétendre capable de décrire toutes les particules, quelles qu’elles soient et toutes sortes de phénomènes. Le monde des théoriciens choisit donc de donner sa chance à cette nouvelle approche. — JCB : Quoi par exemple ? — JPP : Les cordes peuvent être ouvertes ou fermées. Les photons et les gravitons sont alors décrits par des cordes fermées4. On considère que les deux extrémités d’une corde ouverte décrivent des particules chargées. À un bout se situerait par exemple l’électron et à l’autre son antiparticule, le positon. Ainsi se trouverait modélisé de manière extrêmement simple le phénomène d’annihilation d’un couple particule-antiparticule : les deux extrémités se rejoindraient en formant une boucle fermée, un photon.
Ce qui séduisait dans ce modèle des cordes est que les particules de matière (et d’antimatière) et celles qui sont liées aux forces sont toutes deux assimilées à des cordes. Le comportement de ces cordes découle de paramètres assez simples. Il y a d’abord « la tension de corde », c’est-à-dire la quantité d’énergie contenue par la corde, par unité de longueur. Puis « la constante de couplage de la corde », c’est-à-dire un nombre sans dimension représentant la probabilité que cette corde se casse en deux, produisant ainsi
une force. À propos de cette scission des cordes fermées, tout découle d’une loi très simple : l’aire de l’objet doit rester constante, ce qu’illustre le schéma ci-après. Quand ces cordes fermées vibrent, leur aide doit être minimale :
On comprend qu’à travers tout cela se profile le rêve d’une très ambitieuse unification. Toutes les particules ne doivent être que des configurations différentes de cordes ouvertes ou fermées. On peut envisager d’unifier toutes les forces et d’y inclure la gravitation, le graviton correspondant à une courbe fermée. On comprend qu’à l’époque les pionniers comme Leonard Susskind et John Schwarz (à l’époque, comme l’était Lee Smolin, jeune chercheur) soient d’emblée séduits par cette approche. Mais il reste la question : — Est-ce que ça marche, et à quel prix ? Tout cela se situe en 1983. À l’époque, le mathématicien Edward Witten est en poste à l’université de Princeton, où Smolin est en postdoc. Witten pose au jeune John Schwarz, invité à y donner un séminaire, un bombardement de questions, d’ordre mathématique.
1. Le prestigieux Institut des sciences avancées. 2. Selon le philosophe des sciences, Karl Popper, dans son ouvrage de 1934 La Logique de la découverte scientifique. 3. Lee Smolin, Rien ne va plus en physique !, 2006, éditions Dunod. 4. L’ouvrage de Smolin, chapitre VII.
1984 : LA PREMIÈRE RÉVOLUTION DES CORDES
— JPP : Dans les mois qui suivent, John Schwarz se trouve un nouveau collaborateur en la personne d’un jeune Anglais, Michael Green. La théorie des cordes souffre d’une « anomalie », d’ordre mathématique. En 1984, Schwarz et Green parviennent à guérir la théorie en intégrant la supersymétrie, ce qui a en outre l’avantage de réduire le nombre des dimensions de 26 à 10. Dès que ce résultat est connu, Witten et de nombreux théoriciens de Princeton décident de travailler sur cette nouvelle théorie. Un vertige saisit la communauté des théoriciens : la perspective d’accoucher d’une « théorie ultime » permettant d’expliquer l’univers et la place que les hommes occupent dans celui-ci. Smolin écrit, pages 167 : — Très vite, une atmosphère d’idolâtrie s’est développée. Soit vous étiez théoricien des cordes, soit vous ne l’étiez pas. Peu d’entre nous gardèrent leur sang-froid. Quant aux autres domaines, ils n’avaient plus aucune importance et ne méritaient pas la moindre réflexion. Les séminaires consacrés à la théorie des cordes ont vite envahi toutes les grandes universités et instituts de recherche. Un des problèmes, dont on discutait rarement en séminaire, était de savoir comment cette théorie pourrait être testée expérimentalement […]. Tandis que certains s’en inquiétaient, d’autres n’en voyaient pas la nécessité […]. Le sentiment général était qu’il ne pouvait y avoir qu’une seule théorie cohérente pour unifier toute la physique et que, puisque la théorie des cordes parvenait à cette unification, elle devait être vraie. Plus besoin d’expériences pour vérifier les théories. Désormais les mathématiques suffisent pour explorer les lois de la nature. — JCB : C’est extraordinaire d’avoir ce témoignage de première main d’un type qui a vécu tout cela depuis le début.
— JPP : On a donc la contrainte de négocier six dimensions spatiales supplémentaires, qui doivent en outre être fermées sur elles-mêmes, « enroulées », comme la dimension de Kaluza. Or chaque structure géométrique correspondant à une façon de négocier ces différentes dimensions correspond à une physique, avec un lot important de constantes. La question cruciale, rappelée par Smolin, devient : — Existe-t-il une façon d’enrouler les six dimensions supplémentaires de telle façon que le modèle standard de la physique des particules soit reproduit tout entier ? En 1985, Edward Witten se met de la partie, avec d’autres chercheurs, dont Andrew Strominger. Ils découvrent que deux mathématiciens géomètres, Eugenio Calabi1 et Shing-Tung Yau2, travaillant aux États-Unis, ont résolu le problème en montrant que parmi l’infinité de structures possibles à six dimensions, l’exigence que les modes d’enroulements soient compatibles avec le modèle standard débouche sur un sous-ensemble de structures géométriques à six dimensions, « les variétés de Calabi-Yau ». On trouve sur le Net toute une palette d’images, plus tarabiscotées les unes que les autres, évoquant des versions à deux dimensions de ces objets. Certains en ont fait des luminaires. — JCB : Il reste, je suppose, à dénombrer et à classer ces structures géométriques, pour trouver la bonne. — JPP : Questionné à propos de ce nombre, Yau répond : « Probablement plus de cent mille. » Mais ces structures géométriques de Calabi-Yau ne sont en réalité que le sommet de l’iceberg. Un an plus tard, Andrew Strominger découvre un autre ensemble de structures compatibles avec la supersymétrie. À la fin de son exposé, il conclut : — Cet ensemble se trouve ainsi considérablement élargi et il ne semble pas que ces solutions puissent faire l’objet d’un classement dans un avenir envisageable […]. Il semble ainsi que tout pouvoir prédictif a été perdu […]. Et Smolin écrit : — Il y a ainsi beaucoup trop de solutions et peu d’entre elles produisent des descriptions ressemblant, même de loin, à notre monde. La plupart
en sont même très éloignées […] et comportent dès lors des particules et des forces supplémentaires […]. Richard Feynman est témoin de ces efforts et voici sa réaction : — Je n’aime pas le fait qu’ils ne calculent rien. Je n’aime pas le fait qu’ils ne vérifient pas leurs idées. Je n’aime pas que pour toute chose qui soit en désaccord avec l’expérience, ils disent « oui, mais c’est peut-être quand même vrai ». Ça ne donne rien, la plupart du temps. Ça n’est pas pertinent3. Sheldon Glashow4, qui vient de recevoir le prix Nobel de physique en 1979, conjointement avec Adus Salam et Steven Weinberg, réagit lui aussi : — Les théoriciens des supercordes ne nous ont pas encore montré que leurs théories marchent réellement. Ils ne parviennent pas à démontrer que le modèle standard est une conséquence logique de la théorie des cordes. Ils ne peuvent même pas être sûrs que leur formalisme inclut des choses comme les protons et les électrons. Et ils n’ont encore pas fait la moindre prédiction expérimentale. Pire encore : la théorie des supercordes ne se présente pas comme une conséquence logique de quelques hypothèses plausibles de la nature. On peut se demander pourquoi les théoriciens des cordes insistent sur le fait qu’il y ait neuf dimensions d’espace. La réponse serait simplement que dans toute autre sorte d’espace, la théorie des cordes n’aurait aucun sens5.
1. D’origine italienne. Né en 1923, il a aujourd’hui, en 2022, 99 ans. 2. Né en Chine en 1949. Âgé de 72 ans. Ici dans une (intéressante) conférence donnée en 2019 à Hong Kong : https://www.youtube.com/watch?v=aw85DxjlBSs. 3. P. C. W. Davis et Julian Brown (éd.), A Theory of Everything, Cambridge University Press, 1988, p. 194-195. 4. Américain, né en 1932. 5. Sheldon Glashow et Ben Bova, Interactions: A journey Through the Mind of Particles Physicists, New York, Warner Books, 1988, p. 25.
1995 : LA SECONDE RÉVOLUTION DES CORDES
— JCB : Et malgré ces avis franchement critiques, l’aventure continue. — JPP : Parce que les physiciens théoriciens n’ont rien d’autre sur quoi faire fonctionner leurs neurones, tout simplement. Ils ne peuvent que continuer sur cette lancée. À cette époque, ils déterminent que cet ensemble foisonnant de théories possibles se scinde en cinq ensembles de théories. Lors d’un exposé donné en 1995 à Los Angeles, le mathématicien Edward Witten déclare qu’en ajoutant une dimension supplémentaire, c’està-dire en passant de dix à onze, ces cinq théories doivent pouvoir être unifiées en une seule, à laquelle il donne le nom de « théorie M ». — JCB : Et il expose les bases de cette nouvelle théorie ? — JPP : Non, il conclut « que c’est à nous de compléter son nom en la découvrant ». — JCB : Personne ne réagit ? — JPP : À l’époque, Witten1, qui a reçu une médaille Fields pour des travaux de mathématiques liés à la théorie des cordes, fait déjà figure de gourou dans la secte des adeptes de la théorie des supercordes. — JCB : Comment peut-on parler « d’une seconde révolution dans la théorie des cordes », alors que ça se résume à suggérer l’existence d’une théorie hypothétique !? C’est une annonce digne de Salvador Dalí. — JPP : À cette époque, la physique théorique, entre les mains de scientifiques complètement « hors-sol », n’est plus le siège que d’effets d’annonce (et c’est toujours le cas aujourd’hui). Les livres se multiplient, où désormais les phrases se conjuguent au conditionnel. Cette même année, un autre Américain, Joseph Polchinski2, qualifié aujourd’hui de « physicien de premier plan dans la théorie des cordes3 », démontre que, pour que la
théorie soit cohérente, il faut non seulement qu’elle contienne des cordes, mais aussi des « branes », sur lesquelles se déplacent les extrémités des cordes ouvertes. — JCB : Souriau avait raison. On se croirait dans un hôpital psychiatrique… — JPP : Le public découvre « le monde des branes », un univers où ces « branes4 » flottent dans un espace de dimension supérieure.
1. Qui est aussi membre de l’Advanced Studies Institute de Princeton. 2. Né en 1954. En 1995, il n’a que 41 ans. 3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Polchinski. 4. Une courbe, ouverte ou fermée, tracée dans un espace à deux dimensions, voire flottant dans un espace tridimensionnel (et même d’une dimension supérieure à trois ) est une 1-brane. Une surface (ouverte ou fermée) placée dans un espace 3D (ou plus) est une 2-brane. Une n-brane est une hypersurface à n dimension, immergée dans une espace d’un nombre de dimension supérieure.
LA MODE DES CORDES ENVAHIT LA PLANÈTE
— JPP : Dans tous les pays, les partisans de cette nouvelle théorie apparaissent. Le recours systématique au conditionnel permet toutes les envolées. Non seulement elle a pour avantage de conférer à ses partisans un brevet d’excellence, mais elle leur garantit une vaste audience au sein d’un large public, totalement mystifié par les annonces qui se multiplient. Les cosmologistes se mettent de la partie en inventant « les cordes cosmiques » :
ENFIN UNE APPLICATION DE LA THÉORIE DES CORDES !
— JPP : En ce milieu des années quatre-vingt-dix s’opère une rencontre entre les gens des cordes et les gens des trous noirs. Le mariage entre ces deux ensembles de membres de l’hôpital psychiatrique est immédiat. — JCB : Pour vous, tous ces modèles de trous noirs ne seraient qu’élucubrations délirantes fondées sur une erreur mathématique à la base ? — JPP : Si l’on admet de décrire des objets avec des coordonnées (t, x, y, z) en faisant intervenir une coordonnée radiale :
où on admet que dans certaines régions r se transforme en coordonnée de temps et t en distance radiale, alors tout va bien. Mais moi, je m’y refuse. — JCB : Pour des lecteurs un peu plus à l’aise en mathématique, pourriezvous en dire un peu plus ? — JPP : Une solution de l’équation d’Einstein se présente sous la forme d’une équation, d’une formule, qui permet de calculer une « distance » entre deux points de l’hypersurface solution à quatre dimensions. Mais on peut généraliser cela à une simple surface à deux dimensions, qu’on imagine plongée dans un espace 3D. — JCB : On oublie le temps, alors ? — JPP : Oui, c’est de la simple géométrie 2D. Je donne une formule de ce genre :
On convient que Rs est une longueur, positive. Sur ces surfaces 2D, prenons deux points A et B, de coordonnées
est
, qui sont des nombres réels. Soit un chemin quelconque
allant de A à B. Le trajet élémentaire parcouru et
. La formule permet de calculer la
distance élémentaire parcourue. On peut montrer que c’est une surface de révolution et que r est la distance à l’axe de révolution et un angle. En le faisant varier de , on fait le tour de la surface.
Si on ne fait varier que , en gardant r fixe, on se déplace selon des cercles qui sont les « parallèles » de cette surface. Mais si on se place à constant, c’est-à-dire dans un plan passant par l’axe oz, on décrira des courbes qui sont les « méridiens » de cette surface de révolution. Et on s’aperçoit que si on veut que ds2 reste positif, il faut rester dans la région r > Rs. — JCB : Ce qui veut dire ? — JPP : Que dans la région r < Rs, on est simplement en dehors la surface. J’explique tout cela dans l’annexe 1. Un étudiant en sciences en première année suivra aisément ce calcul, qui tient sur une ligne1, et qui montre que cette surface est engendrée par la rotation d’une « parabole couchée » d’équation :
et l’objet est un « diabolo 2D » :
Si un professeur disait à un étudiant :
– Je vous donne la surface de révolution définie par la relation2 :
Calculez-moi le plan tangent à cette surface au voisinage de son axe de symétrie. L’étudiant serait en droit de répondre :
– Cette question n’a pas de sens ! Au voisinage de l’axe on est en dehors de cette surface ! — JCB : Cela paraît frappé au sceau du bon sens… — JPP : Passons au « trou noir ». C’est une hypersurface à quatre dimensions, qu’on décrit à l’aide de coordonnées :
Le fait qu’il y ait deux angles se réfère à ce que, dans l’espace (x, y, z), cet objet a une symétrie sphérique3. Comme dans le diabolo, cet objet géométrique est défini par une relation permettant de calculer une longueur ds séparant deux points A et B de coordonnées et on va prendre des « trajectoires radiales » qui correspondent à
et
constants4.
La relation donnant la longueur est alors :
Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes dans un espace-temps 4D et plus dans un espace 3D. Donc, quand on fixe r, on se déplace selon cette « coordonnée t ». Cette relation, à r = constante, se résume alors :
Là, il faut préciser ce qu’est cette mystérieuse « longueur » s attachée à l’hypersurface 4D qu’est l’espace-temps. C’est le « temps propre » défini selon :
La variable t est censée être le temps propre d’un observateur situé à l’infini. Quand on fait tendre r vers l’infini, on a effectivement :
Le fait que le temps propre, qui est « la grandeur physique par excellence », doive être positif partout sur l’hypersurface impose qu’on en prenne que la racine positive et il vient :
Ce temps propre, en outre, doit être réel en tout point de l’hypersurface, ce qui n’est pas possible « à l’intérieur de la sphère de Schwarzschild » de périmètre . Il y a donc deux façons de procéder. La première est ce qu’ont fait les « théoriciens » dans les années soixante, John Wheeler en tête. Ils ont dit : — Considérons l’expression :
Si on décide qu’à l’intérieur de l’objet r devient « le temps » et t « le rayon » alors ça inverse les signes, ds2 reste positif, ds réel et « tout rentre dans l’ordre ». Ils ont fait ça parce qu’ils n’avaient pas d’autre solution sous la main. — JCB : Et « l’autre solution » ? — JPP : Rappelez-vous le « diabolo », dont l’équation, pour des trajectoires radiales, a d’ailleurs un air de famille avec la formule de Schwarzschild.
Que se passe-t-il quand r < Rs ? Eh bien, ds2 devient négatif, donc la longueur ds devient imaginaire pur.
— JCB : Ce que vous voulez dire, c’est que lorsqu’on définit une surface, ou une hypersurface par ce genre de formule5, quand ds2 devient négatif, c’est qu’on est hors la surface, ou l’hypersurface. — JPP : Exactement. « À l’intérieur de l’objet », le ds2 devient négatif, c’est-à-dire que s devient imaginaire pur. Donc « cet intérieur » n’existe que dans… l’imagination de ces théoriciens. Quand vous reprenez l’image du diabolo 2D, le cercle représentant les trajectoires à r constant a un périmètre minimal égal à . C’est un « cercle de gorge » qui « n’a pas de centre », au sens où « ce centre » n’est pas dans la surface. Pour cette « géométrie de Schwarzschild », solution de l’équation d’Einstein dans le vide, on aura une « sphère de gorge » d’une aire minimale (et d’un périmètre minimal ). — JCB : Et personne n’a vu cela ? — JPP : Pour analyser ce qui s’est passé, il faut se plonger dans les deux articles originaux publiés par Schwarzschild en 1916, juste avant sa mort, en se rappelant que ceux-ci n’ont été traduits que très tardivement6. Les nouveaux venus, ceux des années soixante, soixante-dix, se sont branchés, non sur les textes originaux, écrits en allemand, mais sur des commentaires en anglais écrits par des gens qui lisaient l’allemand, mais qui furent ceux qui commirent ces erreurs les premiers. Après, sans retourner vers ces textes dans la langue de Goethe, qu’aucun des actuels spécialistes des trous noirs n’a lus, il était impossible d’y voir clair. — JCB : Mais vous avez fait ce travail. — JPP : Pour ne pas alourdir, revoyons cela dans l’annexe 4. — JCB : Bon. Dans le diabolo 2D, ce cercle de gorge évoquait le passage vers une autre nappe. En 4D, cela voudrait dire que la sphère de gorge mène vers… un autre univers ? — JPP : Dans la géométrie de Schwarzschild, la sphère de gorge conduisait à une autre nappe d’espace-temps où, comme montré dans cet article7, la coordonnée t est inversée, donc la masse. Janus… — JCB : Alors les trous noirs n’ont pas de centre, pas de « singularité centrale » ? — JPP : Cela veut surtout dire avant tout que cette solution de l’équation d’Einstein dans le vide, cet objet géométrique, sur lequel on a construit cette chimère appelée trou noir ne convient pas pour décrire un objet hyperdense, ne serait-ce que parce que c’est précisément une solution se référant à un espace complètement vide. Il y a effectivement des objets qui posent problème. Mais on doit envisager un autre modèle pour les décrire.
— JCB : Je ne sais pas si vous vous rendez compte des implications de ce que vous avancez. Cela signifie que tout ce qui a été élucubré sur ces prétendus trous noirs depuis cinquante ans serait à jeter aux orties, ce qui représente des milliers d’articles et des centaines de thèses de doctorat. — JPP : Il faut ajouter à cela les théorèmes de Hawking et de Penrose, qui démontrent « l’absolue nécessité de la présence d’une telle singularité au centre des trous noirs ». En réalité, tout ce qui a été produit depuis
cinquante ans et qui est centré sur ces « trous noirs » n’est qu’une gesticulation mathématique, une fantastique chimère. — JCB : Vous avez aujourd’hui contre vous les milliers de chercheurs qui fondent leurs travaux sur cette solution mathématique. C’est lourd… — JPP : Je sais. Cela engendre des discours surréalistes. Prenez par exemple la façon dont Thibault Damour en parle en 2018 lors d’une conférence donnée à l’Institut des hautes études dont il est membre, intitulée « Relativité générale et trous noirs : un siècle de développements » à l’occasion du centenaire de la naissance de la relativité générale en 1918. J’ai reproduit le passage dans une de mes vidéos8. Voici ses propres paroles : — L’espace coule de l’intérieur […] partout ici j’ai de l’espace-temps. Mon espace-temps est comme un milieu élastique, et si je tire sur un milieu élastique, ça se déchire. Et ça, c’est un déchirement de l’espace-temps […]. Il n’y a plus d’espace-temps […]. C’est ce qu’on appelle la singularité centrale à l’intérieur des trous noirs. Vous voyez, caché à l’intérieur des trous noirs, il n’y a pas un point, il n’y a pas de centre […]. C’est faux de penser que toute la matière tombe au centre. Il y a la fin du temps […]. Le temps s’arrête et l’espace cesse d’exister […]. C’est pour cela que ça a été violent quand on a compris ça […]. Je vous raconte une belle histoire, bien. Mais est-ce que c’est vrai, tout ça ? Est-ce qu’on sait que les trous noirs existent dans notre univers réel ? On n’en est pas sûr à 100 %, faut être honnête. Ça n’est rien d’autre que le charabia habituel qu’on délivre aux lecteurs dans tous les livres. Cela montre aussi que Damour n’a rien compris à cette solution mathématique de l’équation d’Einstein, trouvée par Schwarzschild en 1918. — JCB : Une telle position devrait vous valoir des répliques cinglantes des uns et des autres. — JPP : Cela pourrait aussi se débattre en public, en séminaire. Mais, chose étrange, c’est le silence complet. Le résultat a été le verrouillage complet
des portes des séminaires, depuis huit ans.
— JCB : Bon, nous en étions à la théorie des cordes et à l’évocation du livre de Lee Smolin, paru en 2006. — JPP : Si j’ai fait cette digression consacrée aux « trous noirs », c’est à cause d’un passage clé de son ouvrage. Page 194, il évoque une « découverte » faite par Andrew Strominger et Cumrun Vafa en 1996 dont il dit que c’est « un des plus grands résultats de cette deuxième révolution des supercordes », et il ajoute que « la relation entre les branes et les trous noirs est indirecte, mais puissante ». J’incite les lecteurs qui ont cet ouvrage dans les rayons de leur bibliothèque de s’y référer. Il faut préciser une chose. En 1996, les gens des trous noirs ont déjà effectué des « avancées » importantes dans le courant des années soixantedix. Stephen Hawking a été le premier à mêler le modèle du trou noir et la théorie quantique des champs. Selon cette dernière, le vide est l’état d’une turbulence particulière. Alors que nous l’avons décrit comme « un ensemble de photons à touche-touche ». Ces photons se muent sans cesse en des couples matière-antimatière, qui disparaissent aussitôt par annihilation. Si on considère le voisinage immédiat de ce qu’on appelle la surface horizon (une sphère ayant le rayon Rs), il peut arriver qu’une des particules ainsi
créée franchisse cet horizon et, de fait, ne puisse faire le chemin inverse. On lit alors9 : — De façon heuristique, l’énergie de la paire particule-antiparticule, mesurée par un observateur situé loin du trou noir, est négative, du fait que les deux particules sont piégées dans le puits de potentiel du trou noir. De façon schématique, il est possible que la répartition d’énergie au sein de la paire particule-antiparticule donne à l’une des deux une énergie qui serait considérée comme positive par un observateur distant, c’est-à-dire lui permettant de s’échapper de son champ gravitationnel. Dans un tel cas, l’absorption de l’autre particule peut être vue comme l’absorption d’une particule d’énergie négative, produisant une diminution de sa masse. D’où un phénomène d’évaporation par perte de masse du trou noir. Hawking calcule alors le temps d’évaporation des trous noirs, selon leur masse et trouve : secondes Ce temps croît comme le cube de la masse du trou noir. Ainsi, pour un trou noir dont la masse serait supérieure aux trois masses solaires, représentant la masse critique, le temps d’évaporation serait supérieur à secondes Mais un trou noir isolé baigne également dans l’ensemble des photons constituant le fond de rayonnement cosmologique à 2,7 kelvins. Il absorbe ce rayonnement qui, là encore, ne peut ressortir. En sachant que l’âge de l’univers est évalué à 1,3 ⋅ 1010 × 3,15 107 = 4,1 ⋅ 1017 secondes, ce temps d’évaporation supérieur à 4,4 ⋅ 1058 fois l’âge de l’univers ! — JCB : Est-ce vraiment raisonnable de considérer de tels phénomènes ? — JPP : C’est un des piliers de l’approche « quantique » des trous noirs qui débouche sur une masse de travaux concernant leur thermodynamique.
Selon Hawking, non seulement les trous noirs s’évaporent, perdent de la masse, fort lentement il faut en convenir, mais aussi ils émettent du rayonnement. Il leur assigne une température, qui varie comme l’inverse de leur masse. — JCB : Mais c’est quoi, cette « physique des trous noirs » ? — JPP : Je vous l’ai dit, les années soixante marquent la naissance des trous noirs et les années soixante-dix l’avènement du surréalisme en physique. — JCB : A-t-on observé quelque chose ? — JPP : Absolument rien. Mais tout cela est « tellement beau » que ces gens ont fini par y croire. On peut lire : « Bien que le rayonnement de Hawking n’ait jamais été observé, étant donné la solidité de cette théorie, un large consensus s’est établi en sa faveur au sein de la communauté des spécialistes. » — JCB : Mais si rien n’est observable, où est l’intérêt ? — JPP : Cela donne des myriades d’articles, de thèses de doctorat, de colloques, de livres et de conférences. Cela donne aussi des profils de postes, des affectations de crédits pour ces thèmes de recherches, de nombreux prix et des plans de carrière très efficaces… — JCB : On se croirait, comme indiqué au début du livre, à Constantinople, assiégée en 1453 par les Ottomans, quand s’y tenait un conclave entre chrétiens, discutant du sexe des anges. — JPP : J’en reviens au livre de Lee Smolin qui date, je le rappelle, de seize ans. Après avoir évoqué cette « percée », issue du mariage entre théorie quantique des champs et trous noirs, Smolin évoque le travail d’un autre chercheur, un jeune Argentin nommé Juan Maldacena, en écrivant, page 200 : — Si la conjecture de Maldacena10 est correcte alors on a une description quantique précise de la théorie quantique des cordes. Mais à la page suivante, il ajoute : — Après quelques années de travail, ces sujets restent confus. — JCB : Quelle était la réaction des pionniers de la mécanique quantique face à ces tentatives de mariage avec la relativité générale, c’est-à-dire la gravitation 11 ?
— JPP : On peut citer la lettre écrite à sa femme par Feynman, de retour d’un colloque qui s’était tenu à Varsovie : — Je n’obtiens rien de cette réunion. Je n’apprends rien. Puisqu’il n’y a pas d’expérimentation, ce domaine de recherche est stérile, et par conséquent peu parmi les meilleurs y travaillent. Le résultat est qu’on trouve ici des hordes d’imbéciles […] et cela ne fait pas de bien à ma pression sanguine. Rappelle-moi ne plus jamais participer à des colloques sur la gravité 12. En revenant au livre de Smolin, de 2006, dans la partie suivante du livre, page 399, il écrit : — Un point d’accord entre tous les inquiets à propos de la physique fondamentale est le besoin d’idées nouvelles. Comment peut-on trouver cette idée manquante ? Et, page 403 : — On est terriblement coincés et on a grand besoin de visionnaires. Smolin passe ensuite en revue différentes approches. Parmi celles-ci, l’idée d’une vitesse de la lumière variable, qu’il attribue à John Moffat13 et au Portugais João Magueijo14.
Mais l’essentiel de l’intérêt de Smolin se porte sur le thème de la quantification de l’espace-temps.
1.
. 2. Qu’on appelle une « métrique », puisqu’elle permet une mesure de longueur. 3. Penser à ces deux angles qui représentent la longitude et la latitude sur une sphère. 4. C’est ce qu’on ferait, dans un espace 3D, pour suivre un rayon menant au centre d’une sphère, de coordonnée r = 0. 5. Qu’on appelle sa « métrique » : https://www.youtube.com/watch?v=glepnXSkiyE. 6. En 1999. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/1916-Schwarzschild-exterior-en.pdf. 7. Traduction française du titre : « Élimination de la singularité centrale de la solution de Schwarzschild avec processus naturel d’inversion de la masse ». http://www.jppetit.org/papers/cosmo/2015-ModPhysLettB.pdf. 8. Janus 22-4, https://www.youtube.com/watch?v=glepnXSkiyE à 21’50’’. Il y a huit vidéos, de Janus 22-1/8 à Janus 22-8/8 consacrées à ce problème des « trous noirs » ainsi qu’un PDF : http://www.jppetit.org/papers/cosmo/janus22-5-5.pdf. 9. Page Wikipédia sur l’« Évaporation des trous noirs » : https://fr.wikipedia.org/wiki/ Évaporation_des_trous_noirs. 10. Dans la même page, il indique que cette publication de Maldacena a suscité un grand nombre de réactions et a servi de sujet à des milliers d’articles qui ont été écrits par la suite. Elle propulsera également ce jeune chercheur argentin dans ce sanctuaire de la physique théorique, l’Institut des études avancées de Princeton, à laquelle appartint Albert Einstein. 11. Feynman avait été le premier à signaler l’impossibilité de quantifier la gravitation. 12. Richard Feynman, What Do You Care About What Other People Think ? (En quoi vous souciezvous de ce que pensent les autres ?), New York, W. W. Norton, 1988, p. 91. 13. Né au Danemark en 1932, professeur émérite au Canada. 14. Portugais, né en 1967. Professeur à l’Imperial College de Londres.
LA QUANTIFICATION DE L’ESPACE-TEMPS — JCB : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce sujet ? — JPP : La Nature nous adresse de temps à autre des sortes de « messages » qu’il est bon d’entendre. Quand est née la mécanique quantique, il y a maintenant un siècle, son formalisme a fait immédiatement émerger une chose, comme si ses équations nous « parlaient » en nous disant : — Je peux rendre compte d’une vaste palette de phénomènes, mais ne me demandez pas de décrire des phénomènes se déroulant en un temps égal ou inférieur à 10−43 seconde1, ou sur une distance inférieure à 10−33 centimètre2. Ne me demandez pas non plus de décrire des particules ayant une masse égale dotée d’une énergie égale ou supérieure à 109 joules3. — JCB : Pourtant ces équations s’écrivaient en utilisant un formalisme 4 supposant que l’espace et le temps pouvaient être découpés à l’infini. — JPP : Cela pouvait sembler paradoxal. C’est de fait une question… philosophique. L’infiniment petit comme l’infiniment grand existent-ils ? — JCB : Ce sont des vues de l’esprit. — JPP : On pourrait toujours se dire : « Quand je considère l’arithmétique, je pars d’un certain nombre d’axiomes, dont l’un me dit qu’à tout nombre je peux toujours ajouter 1 », une démarche qui pourrait alors m’amener à l’infini. Mais comment pourrais-je alors écrire ce nombre ? Sur quel support ? — JCB : On retombe sur une contrainte d’ordre physique. — JPP : Un support serait fait de particules matérielles. De même que l’outil qui me permettrait d’écrire sur celui-ci. Et tout cela me prendrait évidemment un temps infini.
— JCB : Ce qui présupposerait que l’univers où se situent le support, l’outil pour écrire et le temps disponible soient eux-mêmes infinis. Cette histoire se mord la queue. — JPP : C’est très amusant de se poser toutes ces questions. S’agissant du temps, elles se projettent aussi bien dans le futur que dans le passé. S’agissant du futur, pour que l’univers en ait un, encore faudrait-il qu’il possède un contenu. Or la physique théorique attribue toujours aux objets de la nature une « durée de vie » plus ou moins longue. Il n’est pas déraisonnable d’imaginer que toutes les particules aient une durée de vie finie et où tout se transforme en rayonnement. — JCB : Il resterait les photons ! — JPP : Quand l’univers est constitué de photons qui vont par définition « à la vitesse de la lumière », ça devient problématique, car alors le temps est comme « gelé ». Il ne s’écoule plus. Et on a le même problème quand on se tourne vers le passé. — JCB : Comme vous le dites dans vos bandes dessinées, « le temps gèle dans les chronomètres ». Le message de la physique quantique serait qu’il n’y a pas « d’instant zéro ». — JPP : Ce sont nos outils de pensée qui se dérobent alors. Cela étant, ce « message » de la mécanique quantique incite à envisager que l’espacetemps soit quantifié, constitué de cases, comme le jeu d’échecs. — JCB : Comme le jeu d’échecs ?
— JPP : Une partie d’échecs se joue dans un espace-temps à trois dimensions, quantifiées . La lettre x désigne l’indice de colonne, y l’indice de ligne. Ceux-ci ne peuvent prendre que des valeurs entières, de 1 à 8. Sinon « on est en dehors de l’échiquier ». Regardez cet échiquier. On est en début de partie. Comme il se doit, les blancs ont joué leur premier coup et ont amené leur pion du roi en .
Les noirs choisissent une défense française classique en jouant leur pion du roi en .
Maintenant, supposons que les blancs amènent leur fou en
.
— JCB : Ce fou se déplace sur une diagonale. — JPP : Et se déplacer selon une diagonale signifie que les valeurs absolues des accroissements des indices de ligne et des indices de colonne, par valeurs entières, seront égaux :
n étant choisi de manière que le fou ne sorte pas de l’échiquier, ou ne chemine pas selon une diagonale dont des cases seraient déjà occupées par des pièces. S’il s’agit de pièces de sa couleur, le cheminement est impossible. Si une pièce de l’autre couleur se trouve sur cette diagonale, la prise est alors impérative. — JCB : Mais comment sait-on que le fou est parti de
?
— JPP : On en revient à la phrase de Souriau : « Dis-moi comment tu te meus, je te dirai quoi tu es. » On peut faire disparaître les pièces, et même les couleurs des cases et les remplacer par des « bits », qu’on peut figurer à
l’aide des caractères 0 et 1. Quand une case est dans « l’état 0 », elle est vide. Quand elle est dans « l’état 1 », elle est occupée. Le début de partie (« l’instant 0 ») correspondrait alors à :
Imaginons qu’au temps 1 (bien que cela ne soit pas un début de partie recommandé) on ait la situation suivante :
Il y a eu deux changements d’état. On pourrait traduire cela par : Ce qui veut dire que la case (2, 1) est passée de l’état 1 à l’état 0. Elle s’est « vidée ». Alors que la case (3, 3), qui était dans l’état 0, est passée à l’état 1. On peut en déduire que c’est un mouvement de pièce qu’on peut l’analyser. Si l’on suit cette pièce au cours de la partie, on pourrait par exemple la voir occuper la case (5, 4). On en déduirait, en examinant systématiquement les mouvements des pièces présentes sur les cases (2, 1), (2, 7), (8, 1) et (8, 7), que ce sont des « chevaux ». Des pièces qui s’affranchissent de considérations « topologiques », c’est-à-dire qui peuvent « sauter » par-dessus un obstacle constitué de pièces, celles de l’adversaire ou les pièces de leur camp. De plus, quand l’indice de ligne varie d’une unité, l’indice de colonne variera de deux unités, et vice versa. — JCB : Et si des pièces, systématiquement, ne sont l’objet de mouvements qui n’affectent que l’un des deux indices à la fois, on en déduira que ce sont des « tours », etc. Autrement dit, un observateur qui ne ferait que constater
les changements d’état des « cases » pourrait reconstituer les règles du jeu, identifier ce qu’il appellera désormais les « pièces ». — JPP : Alors que ces pièces ne sont pas des objets, mais des mouvements particuliers. Le caractère quantique de cet espace-temps à trois dimensions fait que personne, dans un club d’échecs, ne s’interrogerait sur une position « intermédiaire » d’une pièce, par exemple quand le pion (5, 7) passe en (5, 6) :
S’agissant d’analyser une partie, on s’intéressera à la logique qui préside à la succession des coups. Le temps passé entre chaque mouvement disparaît. — JCB : La taille de l’échiquier n’est pas non plus une donnée pertinente. Si, dans un club, on demande aux membres : « Quelle est la taille d’un jeu d’échecs ? », et « Combien de temps dure un coup ? », « De quel matériau sont faites les pièces ? », les gens hausseront les épaules. — JPP : Il y a une autre façon de représenter les « objets », assez intéressante, en utilisant un maillage de l’espace. J’en ai donné une version 2D dans mon Topologicon.
— JCB : Et cette bande dessinée a 30 ans ! Ce que je vois, c’est que vous avez logé une masse d’idées dans vos BD, au détour des pages. — JPP : Il faut porter un peu d’attention à la façon dont s’opère la dislocation.
Les points A et C d’une part et F et D d’autre part viennent en coïncidence. En réalité, dans une optique d’espace-temps discret ce mouvement n’existe pas. C’est une figure 2D. Il faut rajouter le temps selon une direction perpendiculaire au plan de figure. Alors la première et la dernière figure ne sont que des « états » au temps t et au temps . On obtient un « pavage polyédrique » en raccordant les points correspondants. — JCB : Ça n’est pas commode à voir. Vite, une aspirine ! — JPP : J’en conviens. Le mouvement de cette particule se traduirait par des réarrangements discrets, de proche en proche. Mais on ne peut visualiser ça qu’avec des images 3D qui tournent, pour mettre en évidence les arêtes situées à l’avant-plan et celles en arrière-plan. Évidemment, il faudrait gérer ça avec plus de deux dimensions spatiales. La cristallographie et le classement des singularités de pavage en dix dimensions, dans toute leur généralité, sont peut-être quelque chose de comparable à la complexité des « variétés de Calabi-Yau ». Mais c’est une forme d’alternative à une physique du continu. À ce stade, ça n’est qu’un « toy model5 ». Il resterait à rendre ce fouillis compatible avec notre physique… Il y a derrière tout cela des idées qui agitent la communauté scientifique depuis des décennies. On les trouve déjà toutes évoquées dans le livre de Smolin, de 2006. Cela s’appelle alors un « espace-temps émergent » ? Mais pour le moment ce ne sont que des idées. — JCB : Vous pensez que là se situe le changement de paradigme à envisager ? — JPP : Je pense qu’on doit retenir le message donné par la nature avec cet ensemble temps de Planck, longueur de Planck, etc. Le continu n’est qu’une image mentale commode et une technique calculatoire efficace. En résumé, je pense que l’univers est totalement discontinu, sous tous ses aspects. La continuité n’est qu’apparence. Mais pour le moment c’est une
approximation qui nous a fait de l’usage. Toute notre physique s’est écrite avec ces outils. — JCB : Avec quels outils mathématiques pourrait-on aborder un monde totalement discontinu ? — JPP : Un outil mathématique qu’on appelle « théorie des graphes », dont relèvent les figures du dessus. Mais ça n’est qu’un mot de plus. Le fil conducteur fait défaut. — JCB : Quid des dimensions supplémentaires ? — JPP : C’est ce qui émerge dès qu’on veut étendre le contexte géométrique. Or la science a toujours progressé quand on a remis en question le contexte géométrique avec lequel on appréhendait l’univers. L’exemple le plus frappant est la relativité restreinte où l’on a abandonné cette vision d’un espace 3D pour basculer totalement dans la 4D6. Les gens des cordes ont fait cette démarche, mais en imaginant que ces six dimensions supplémentaires se mesureraient en… mètres. Dans les ouvrages de vulgarisation, on lisait « que ces dimensions seraient trop petites pour pouvoir être observées » ? Il est vrai que quand on associe à l’espace-temps une dimension supplémentaire « la Nature s’exprime à nouveau » en refaisant émerger la longueur de Planck7. Pour moi, cela signifie que ces dimensions supplémentaires sont des angles ou de simples nombres, mais tout sauf des longueurs. Depuis trente ans, les gens ont beaucoup bataillé dans cette voie, dont Smolin lui-même, en partenariat avec l’Italien Carlo Rovelli8. — JCB : Et ça a donné ? — JPP : Rien à part de nouveaux livres de vulgarisation, des vidéos, des conférences, mais en dehors de cela, rien. — JCB : Vous avez essayé de contacter tous ces gens ? — JPP : En 2008, je suis tombé sur le livre de Smolin et sur la préface du mathématicien Alain Connes9.
Dans son livre, Smolin dénonce la fermeture de la communauté et les mauvais traitements réservés aux novateurs. À longueur de pages, il martèle son credo : Page 404 : — Ce dont nous avons besoin pour nous en sortir n’est rien d’autre que le retour d’une vision révolutionnaire en sciences. Il nous faut des visionnaires. — JCB : C’était donc tentant d’essayer de le contacter. — JPP : Il se trouve qu’à l’époque j’étais en contact avec Alain Connes. On sent chez lui un intense besoin de faire passer ses idées. Elles sont toujours
évidentes pour celui qui en est l’auteur. Si vous regardez une vidéo de Connes, il annonce toujours que ça va être extrêmement simple, mais au bout de trois minutes on est complètement largué. Quand nous avions pris rendez-vous, dans un café parisien, il m’avait témoigné son admiration pour le talent que j’avais de faire passer des choses qui pouvaient sembler a priori inaccessibles, comme la topologie. Si nous avons pu collaborer, j’aurais peut-être pu « entrer dans son univers mental » et trouver le moyen de pénétrer dans le trou du lapin et de rendre ses travaux accessibles, sans les déformer. Mais il aurait fallu du temps, de longues séances comme celles que j’avais eues avec le mathématicien et géomètre aveugle Bernard Morin.
1. Temps de Planck
.
2. Longueur de Planck
.
3. Énergie de Planck
.
4. Sous forme « d’équations différentielles ». 5. Un « modèle jouet », pour « jouer avec l’idée ». 6. En considérant désormais que nous « vivions » dans un espace de Minkowski quadridimensionnel, « où le carré de l’hypoténuse est égal à la différence des carrés des deux autres côtés ». 7. Comme dans le chapitre VII du livre de Souriau, Géométrie et Relativité, éditions Hermann, 1964, intitulé « La relativité en 5 dimensions ». 8. Né en 1956 à Vérone. Avec Smolin, il propose « la gravitation quantique à boucles ». Il est en poste au Centre de physique théorique de Marseille. 9. Né en 1947. Médaille Fields en 1982, puis prix Crafoord pour sa « géométrie non commutative ».
CONTACT AVEC LE MONDE DE LA TOPOLOGIE
— JCB : Comment peut-on être aveugle et géomètre ? — JPP : Morin devient aveugle à l’âge de 6 ans, à la suite d’un glaucome.
Un jour, un assistant de la faculté d’Aix-en-Provence me demande si je peux rendre service à un mathématicien aveugle en réalisant sur ses indications des figures sur un tableau. J’acquiesce et me retrouve devant un tableau blanc, muni de feutres de couleur. J’avais toujours l’impression que la géométrie 3D n’avait guère de secrets pour moi. Quand j’étais élève au lycée Condorcet de Paris, au début des années cinquante, on demandait encore à cette époque aux « taupins » que nous étions de réaliser des épures. Chacun avait sa planche à dessin et ses outils : crayon, tire-ligne, équerre,
compas, règle graduée. Le maître du jeu était l’enseignant de mathématique. Il nous demandait alors de construire l’intersection entre un cylindre et un paraboloïde, et d’ajouter l’ombre propre de l’objet, éclairé selon une direction donnée. Des travaux qui représentaient un cauchemar pour les étudiants, mais où j’étais à l’aise comme un poisson dans l’eau. L’image ciaprès est la couverture d’un livre de Boris Asancheyev, consacré à ce genre de travaux.
Ma vision dans l’espace était si précise que j’arrivais en général à dessiner le résultat à main levée, au seul énoncé du problème. Morin me demande de représenter l’intersection entre des formes cylindriques construites sur des courbes ayant la forme de la lettre grecque « gamma ». Je me tire de cet exercice sans difficulté. Je reproduis les figures correspondantes de mémoire :
Puis les choses se compliquent progressivement jusqu’à ce que j’aie, comme on dit, « les fils qui se touchent », ce qui a pour effet d’amuser le conférencier. — JCB : Un aveugle qui met un voyant en difficulté ! — JPP : En poste à Strasbourg, il passe les vacances d’été dans une maison de famille à Aix-en-Provence. Je m’y rends en lui disant tout de go : — Qui êtes-vous, qui avez mis en perdition mon sens de la vision en 3D ? Morin est l’inventeur de la seconde version du « retournement de la sphère1 ». À son contact, je découvre un univers insoupçonné, où les surfaces peuvent se traverser elles-mêmes2. Le langage de Morin est imagé : — Il est dit dans la Bible qu’après le Jugement dernier nous ressusciterons sous forme de « corps glorieux 3 », immatériels. Ainsi, si tu croises un décédé qui est dans cet état, que tu lui demandes ton chemin et que cette direction soit à l’opposé de celle qu’il suit, il ne lui sera pas nécessaire de se retourner pour t’indiquer la route à suivre. Il lui suffira de presser son index sur son nombril. Sa main et son avantbras traverseront son corps. Ainsi, sa main et son index réapparaîtront, émergeant de son dos.
— JPP : La leçon dure tout l’été. Il aurait été intéressant d’enregistrer nos échanges, à la fois verbaux et réalisés à travers des maquettes, que je confectionne avec tout ce qui me passait sous la main. Aveugle, il doit se contenter de palper les objets que je lui présente et peuple alors ses commentaires d’images comme « tranches de mandarines », de « pantalon qu’on trempe dans l’eau en le tenant droit et en commençant par les jambes ». — JPP : Les maquettes les plus efficaces que j’invente, au fil des jours, sont « des représentations polyédriques », qui contiennent toute l’information mathématique et topologique des objets. Quand on va sur Internet, on tombe sur le modèle central du retournement de la sphère de Morin, avec ses quatre oreilles. À côté, sur la figure la représentation polyédrique que je crée.
— JPP : Ce modèle polyédrique est celui du… « retournement du cube ». Le résultat est un ensemble de dessins que j’agence sous la forme d’un flip book. En le feuilletant, on voit défiler les images et on voit la sphère se retourner. On est en 1978 et c’est le premier « film » réalisé sur ce sujet vedette des mathématiques. — JPP : Une journaliste scientifique de la revue La Recherche, Patricia Pinaud, ayant entendu parler d’un tel miracle, prend contact avec Morin, dans le but de publier un article. Morin étant remonté à Strasbourg, je n’ai des nouvelles de ce projet que de loin en loin. Les mois passent. Au téléphone, Bernard se montre évasif. Ayant l’impression que le projet ne progresse pas, je décide d’appeler cette journaliste au téléphone, qui réagit très vivement :
— Avec votre ami Morin, c’est terminé ! Je lui ai dit que les choses les plus complexes doivent pouvoir s’expliquer en un petit nombre de pages. Soit on met un texte assez long, avec quelques dessins, soit tous les dessins et un texte assez court. Mais il ne veut rien entendre. Alors nous avons demandé au mathématicien américain Nelson Max de composer pour nous cet article, et nous lui avons envoyé les dessins. — Mais ce sont mes dessins, ce sont des originaux ! — Nous n’avons pas à entrer dans ce genre de considération. Vous n’aviez qu’à les publier de votre côté. J’appelle le mathématicien André Lichnerowicz qui me dit : « Mettez ça sous la forme d’une note, que je présenterai à l’Académie. » Aussitôt dit, aussitôt fait4. À l’époque, la revue Pour la Science vient à peine d’être créée. C’est l’édition française de la revue Scientific American. Je monte à Paris et je rencontre son rédacteur en chef, Philippe Boulanger, à qui je tiens le discours suivant : — Voleriez-vous au secours de deux chercheurs français sur le point d’être pillés par un collègue américain, avec la complicité de la revue française La Recherche ? L’idée plaît à Boulanger : — Ça peut se faire, mais il faut que tout soit réalisé dans le peu de jours qui viennent, car nous sommes très près du « bouclage ». Morin compose le texte et nous l’envoie en courrier express. Pour les dessins, on installe un lit de camp dans les locaux du journal et je crée la centaine de dessins en couleur illustrant l’article en trois jours. L’article sort dans le numéro de janvier 19795, et nous coiffons Nelson Max et la revue La Recherche au poteau.
1. La première ayant été produite par le mathématicien Anthony Phillips (complètement illisible, elle fut publiée en 1966 dans la revue Scientific American). 2. Ce qu’on appelle des « immersions ». 3. Épître de Paul aux Philippiens, III, 21. 4. On peut télécharger cette note à l’adresse : http://www.jp-petit.org/papers/CRAS/geometry_1978b.pdf. 5. Téléchargeable à l’adresse : http://www.jp-petit.org/papers/pls-jan79.pdf.
NOUS AURIONS PU ÊTRE LES PREMIERS À RÉALISER CE FILM
— JPP : Le CNRS possède un département, le SERDDAV (Service d’étude, de réalisation et de diffusion de documents audiovisuels). Je monte à Paris rencontrer Jean-Michel Arnold, son directeur, et je lui montre mon flip book, ma série de dessins qui font s’animer le retournement de la sphère. — Il faudrait réaliser un dessin animé, sur cette base. Est-ce que vous ne pourriez pas financer cela ? — Mais qui réaliserait les dessins ? — Ben, moi… Nous pourrions être les premiers au monde à réaliser cela. « Les premiers au monde » : voilà une phrase qui, en France, suscite aussitôt le plus grand scepticisme. Arnold me regarde comme s’il était face à un insecte bizarre, trop bruyant et enthousiaste à son goût. Visiblement, pour lui, je suis inclassable. Je ne rentre dans aucun des projets à l’étude dans son département. C’est le bide complet et c’est Nelson Max, le Californien, qui réalise le premier film sur le retournement de la sphère, qui fait immédiatement le tour du monde de toutes les universités et de tous les instituts de mathématiques. — JCB : Vous avez gardé des contacts avec Morin ? — JPP : Nous avons été liés pendant des années. Mes albums Le Geometricon, Le Trou noir et le Topologicon, sont le résultat de tout ce que j’absorbais à son contact « par osmose ». Nous nous voyions quand il venait à Aix, l’été. Je me rappelle que je l’avais une fois emmené faire une croisière Marseille–Saint-Tropez et retour, sur un voilier de huit mètres prêté par une amie. Nous étions deux à bord et nous avions beau temps. Je l’ai fait barrer, pendant des heures, au près. C’est une allure où la voile est
fortement bordée. Quand le voilier remonte au vent, les filets d’air n’attaquent plus la voile correctement et celle-ci « faseye », ce qui engendre un bruit très caractéristique. Il faut alors « laisser porter », donner un petit coup de barre jusqu’à ce que le bruit disparaisse. Grâce à cela, Morin pouvait tenir son allure au près, à l’oreille. Au bout de plusieurs heures, je lui ai dit : — Tu as fait une navigation impeccable. Mais, juste devant nous, il y a un pétrolier à l’ancre. Alors, tu m’excuses, mais je dois reprendre la barre. — JCB : Original. Revenons à Smolin. — JPP : Je demande à Alain Connes de lui faire suivre mes articles de cosmologie, par e-mail, ce qu’il fait en appuyant ma demande. Je propose de me rendre à mes frais dans son labo canadien, le Perimeter Institute, pour y présenter mon modèle. Au bout de plusieurs mois, comme l’Américain ne répond pas à ma demande, Connes le relance. Mais Smolin reste muet. — JCB : Pourquoi ? — JPP : Je n’en sais rien. Mais mon intérêt pour les ovnis est connu bien au-delà de l’Hexagone. Je me tourne alors vers le Portugais João Magueijo. Très vite, celui-ci jouit d’une notoriété planétaire. Il se trouve que Moffat a publié son propre essai un ou deux ans plus tôt. Il le menace d’un procès. Mais comme, finalement, la façon dont ils abordent cela tourne court, cette querelle se calme. Magueijo a droit à son best-seller planétaire :
— JCB : Encore un livre consacré à la science qui est publié chez Dunod. Mais dans cette maison d’édition, vous trouvez porte close. — JPP : Dans toutes les maisons d’édition orientées sciences. Je me suis fait une raison. Il se trouve que j’ai été le premier, en 1988, à proposer un modèle cosmologique avec une vitesse de la lumière variable dans une publication faite dans la revue Modern Physics Letters A1. Là aussi, je lui propose de venir donner un séminaire dans sa prestigieuse université londonienne, Imperial College. Comme il ne répond pas, j’insiste en lui téléphonant. Là, il me répond : « Ce n’est pas moi qui refuse de vous accueillir, ce sont les collègues de mon département. » — JCB : Décidément…
— JPP : Comme je crée la version bande dessinée de ce travail, Plus rapide que la lumière, qui est aussitôt traduite dans différentes langues, dont le portugais, je lui propose d’en écrire la préface.
— JCB : Et alors ? — JPP : Pas de réponse. Il reste un troisième personnage, Carlo Rovelli. Comme il travaille à Marseille, nous sommes voisins. — JCB : Mais Rovelli, c’est la gravitation quantique à boucles, la quantification de l’espace et du temps. Vous avez quelque chose à lui raconter, dans ces eaux-là ? — JPP : Je savais que certains de ses assistants étaient très favorables à cette rencontre. Il y a un espace particulier qu’on appelle « l’espace des phases », qui est une autre façon de décrire la réalité. Il a six dimensions, trois pour la position, trois pour la vitesse. C’est intéressant, car cette façon de représenter un fluide2 présente un air de famille avec la description quantique. Si l’on s’intéresse aux particules (définies par leur masse m) qui,
au temps t, se trouvent en (x, y, z) et qui sont dotées d’une vitesse V ayant pour composantes (u, v, w), on obtient pour résultat une fonction : qui représente la probabilité de trouver une telle particule en ce point, avec cette vitesse et dans un hypervolume à six dimensions dx dy dz du dv dw. J’écris donc à Rovelli en proposant d’étudier un espace des phases discontinu, fait de cases dont le volume serait le cube de la constante de Planck. Quand on multiplie les composantes de la vitesse par la masse on obtient l’impulsion : px = mu py = mv pz = mw On considère alors le volume à six dimensions
= dx dy dz dpx dpy dpz.
Comme le célèbre principe d’indétermination d’Heisenberg, exprimé dans les trois directions est :
Cela conduit à un volume élémentaire qui est le cube de la constante de Planck.
— JCB : Ça a l’air d’une sacrée idée ! Comment Rovelli réagit-il ? — JPP : Ça met aussitôt fin à tout dialogue, parce que l’un de ses assistants lui a dit d’où ça venait. — JCB : Ça n’est pas votre idée ?… — JPP : C’est dans un des rapports reçus par les Espagnols en 19673. Voici le passage :
— JCB : Mon Dieu !… — JPP : On peut clore en tout cas cette partie consacrée à la théorie des cordes et cette évocation de l’ouvrage de Smolin Rien ne va plus en physique ! en citant la conclusion de la préface de l’ouvrage de Lee Smolin, due au mathématicien français Alain Connes : — Il y a là un réel problème, car la science n’avance pas sans confrontation avec la réalité. Il est parfaitement normal et souhaitable de laisser du temps à une théorie en gestation pour se développer sans pression extérieure. Il n’est en revanche pas normal qu’une théorie ait acquis le monopole de la physique théorique sans jamais la moindre confrontation avec la nature et les résultats expérimentaux. Il n’est pas sain que ce monopole prive de jeunes chercheurs de la possibilité de choisir d’autres voies, et que certains des leaders de la théorie des cordes soient à ce point assurés de la domination sociologique, au point qu’ils puissent dire « si une autre théorie réussit là où nous avons échoué, nous l’appellerons théorie des cordes ».
— JCB : Un livre qui était sorti en 2006. Aucun progrès en quinze ans. — JPP : Aucun. — JCB : Alors que le public n’a jamais été autant alimenté de conférences, d’images de synthèse. Les journalistes ou animateurs, qui reçoivent les conférenciers, les présentent toujours comme des sommités, en déclinant leurs titres, les prix qu’ils ont reçus. Et tout cela est vide. — JPP : Complètement vide. — JCB : Je ne peux que vous croire, car effectivement il semble impossible de trouver, dans un livre, dans un article, dans une conférence, l’annonce d’une réelle avancée, quelque chose qui sorte du conditionnel. Smolin dans son livre appelle de tous ses vœux une révolution en physique, un nouveau basculement qui rendrait les choses plus fécondes, plus logiques, et surtout enfin en phase avec les observations et les expériences. Vous avez évoqué ces erreurs des années soixante, soixante-dix, cause de toutes les errances. Il y a bien une cause à tout cela. — JPP : À cette époque, les physiciens loupent complètement le train de la topologie. Quand on lit aujourd’hui certains écrits, comme ceux de Neil Turok, on voit que c’est toujours le cas. — JCB : Que dit ce Neil Turok 4 ? — JPP : Qu’il y aurait deux univers, situés de part et d’autre du Big Bang, dotés de flèches du temps opposées. — JCB : Voilà qui se rapproche du modèle Janus. — JPP : C’était aussi l’idée du russe Andreï Sakharov, en 1967, qui nommait ces deux versants d’univers des « univers jumeaux ». L’idée centrale du modèle Janus consiste à « replier tout cela », en utilisant les outils de la topologie. — JCB : Comment se fait-il que vous ayez été doté de ces outils ?
1. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/1988-ModPhysLettA-1.pdf. 2. Par l’équation de Boltzmann ou de Vlassov. 3. http://www.jp-petit.org/ummo/es/Cartas%20originales/D592%20[IU3]%20WAAM%20real%20WAAM%20ilusorio.pdf. 4. Né en 1958 en Afrique du Sud. Actuellement en poste à Cambridge, Angleterre.
COMMENT RETOURNER UNE SPHÈRE — JPP : La réponse est immédiate : c’est à cause du dressage intensif issu de la fréquentation du mathématicien géomètre aveugle Bernard Morin, à travers la compréhension du processus permettant à une sphère de se retourner. — JCB : Est-ce que vous pouvez nous donner un aperçu de cette technique géométrique ? D’abord, comment doit-on envisager qu’une sphère puisse se retourner ? — JPP : Il faut d’abord coder le recto et le verso de cette surface. Comme notre livre est en noir et blanc, nous conviendrons de coder le recto avec du blanc et le verso avec du gris. On a donc sous les yeux une sphère blanche. Puis, après un certain nombre de manipulations, on finit par se retrouver avec une sphère de couleur grise. La couleur blanche est cette fois « à l’intérieur ». — JCB : Cela paraît a priori totalement impossible. — JPP : Il faut situer les règles du jeu, les contraintes de ces opérations. La surface a la possibilité de s’autotraverser. Mais on impose au plan tangent de rester continu. Si je caresse cette surface, ma main peut traverser librement une autre nappe au passage, mais je ne dois sentir aucun plan, aucune cassure. Situons sur notre sphère deux pôles, diamétralement opposés. Nous allons les faire s’autotraverser. Cela correspond à la figure ci-après, extraite de l’article de Pour la Science de 1979 :
— JCB : En a, on presse sur ces deux pôles pour les faire se rapprocher. Le fait de les faire se traverser engendre une sorte de chambre qui fait le tour de l’objet. En d, la sphère s’est effectivement retournée, mais cette chambre a dû se transformer en quelque chose de… mathématiquement inacceptable… — JPP : Ce qu’on appelle une ligne de rebroussement, ici le long d’un cercle où le plan tangent n’est plus défini. Et cela, on se l’interdit. — JCB : Qui a eu l’idée qu’on puisse opérer ce retournement sans rencontrer ce genre de situation ? — JPP : C’est un mathématicien américain du nom de Stephen Smale1 qui a soulevé le problème en démontrant qu’il n’y avait qu’un seul ensemble de façon d’immerger la sphère S2.
— JCB : Dit plus clairement, SVP. — JPP : Imaginons une sphère « molle », déformable à volonté, mais gardant un plan tangent continu. Plaçons-la dans un espace à trois
dimensions. Si elle ne peut s’autotraverser, on dira qu’elle est « plongée dans cet espace 3D » et on peut alors déformer cette sphère continûment pour passer d’un plongement à un autre. Mais cette sphère ne peut pas se retourner. On ne peut passer de son « plongement » dans l’espace 3D à son « plongement antipodal », où le recto et le verso sont inversés. Il y a donc deux ensembles2 de plongements, constitués d’une infinité de configurations. Si on permet à la sphère de s’autotraverser, toujours en maintenant la continuité de son plan tangent, on dira que ces autres configurations sont des « immersions de cette sphère S2 dans R3 3 ». Au début des années soixante, Stephen Smale démontre qu’il n’y a qu’une seule classe d’immersions de la sphère S2 dans R3. — Absurde, lui rétorque son patron, le mathématicien Raoul Bott. Si votre théorème est correct, alors on devrait pouvoir retourner une sphère, recto verso, en enchaînant une succession d’immersions. — JCB : Comment Smale avait-il démontré cela ? — JPP : Avec des « crottes de mouches ». Smale ne voyait absolument pas dans l’espace. Quand Bott lui demande comment doit s’opérer un tel retournement, il lui répond qu’il n’en a pas la moindre idée, mais qu’il est sûr de son théorème. — JCB : C’est là que les mathématiques ont un aspect extraordinaire. Elles permettent de prédire des choses qui sont concrètement réalisables, mais qui violent notre sens commun. — JPP : Les exemples sont innombrables. Notre sens commun est extrêmement limité. J’en ai donné des exemples dans ma bande dessinée Les Mille et Une Nuits scientifiques4. — JCB : Il faut situer le contexte de ces histoires. Nous sommes en Orient. Lanturlu est le pauvre valet du vizir Schatzmani 5. Le sultan du royaume fait des rêves auxquels il accorde foi. Il exige alors que son vizir lui apporte la clé de ces énigmes, qu’il découvre au fil de ses nuits, sous peine d’en répondre de sa vie. Et l’autre répercute cette exigence et cette menace sur son pauvre valet.
— JCB : C’est devenu maintenant un classique. Mais j’avoue que quand on se livre à l’opération pour la première fois, cela surprend 6. — JPP : Il y a des choses beaucoup plus étonnantes encore. La topologie nous enseigne une grande leçon : se méfier de ce que notre intuition nous décrit comme impossible. Voici un autre exemple, mais également relativement simple :
— JCB : Cet exemple montre une chose : on ne recherche pas de solution si on estime d’emblée qu’il ne peut y en avoir ! Personne n’aurait eu l’idée de tenter de retourner une sphère si Smale n’avait pas démontré que cela était possible. — JPP : Voilà un autre exemple, très déconcertant. Je suggère aux lecteurs de réaliser ce montage avec une planchette de bois ou une plaque de carton fort, une ficelle et un anneau.
L’anneau A, parfaitement rigide, ne peut pas passer par le trou T, trop petit, ménagé dans la planchette qui ne peut plier. La ficelle est fixée à la planchette en B et B’, par des liens qui ne peuvent être ni défaits ni détendus. Le problème est de faire passer l’anneau de A en A’. Cela semble a priori absurde. Pourtant, comme illustré dans ce nouvel épisode des Mille et Une Nuits scientifiques, c’est faisable.
À la clé de cet épisode, il y a une anecdote amusante. J’envoie à Bernard Morin ce montage, par voie postale. Après l’avoir réceptionné, lui et son épouse Cécile se rendent à un concert de musique de chambre. Bernard bataille consciencieusement pendant une bonne demi-heure avec l’objet, posé sur ses genoux. Soudain, en plein milieu d’un mouvement, il s’écrie « Ça y est, j’ai trouvé ! », provoquant un cafouillage complet au sein de l’orchestre.
— JCB : Vu la complexité de l’opération, je nous vois mal développant les opérations conduisant au retournement de la sphère dans ces pages.
1. Américain, né en 1930. Récompensé en 1966 par la médaille Fields pour ses travaux en topologie différentielle. 2. Le mathématicien emploiera le mot « classes de plongements ». 3. La sphère, qui est un objet à deux dimensions, est « immergée » dans l’espace euclidien à trois dimensions. Pour les sphères à n dimensions, voir Le Geometricon, p. 43 et Le Topologicon, p. 19 et suivantes. 4. http://www.savoir-sansfrontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/mille_et_une_nuits//1001_nuits_scientifiques.pdf. 5. Alias l’astrophysicien et académicien français Evry Schatzman (1920-2010) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Evry_Schatzman, anti-ovni notoire, donc grand ennemi de Jean-Pierre Petit. 6. Effectuez une partition du ruban en trois pistes, comme sur une autoroute à trois voies. Effectuez la découpe. Combien de bandes obtenez-vous ?
UN CONCEPT CLÉ ISSU DE LA TOPOLOGIE — JPP : La version de Morin passe par son « modèle central » dont on a donné l’image plus haut. Il y en a un autre, beaucoup plus intéressant qui passe par un « revêtement », qui est le concept clé de la topologie du modèle Janus. On ne va pas le décrire non plus, seulement l’évoquer. Cela correspond à une suite de dessins qui ont été pour la première fois présentés dans cet article de Pour la Science, en 1979, mais nous allons reprendre tout cela de manière à faire que cela soit mieux compris. Je me permets d’insister auprès de nos lecteurs. Il est absolument indispensable que ceux-ci se fabriquent une simple bande de papier, fermée sur elle-même, en coloriant une de ses faces avec un simple crayon de couleur. Une bande qui est simplement une section d’un cylindre de 40 cm de diamètre par deux plans distants de 3 cm. Une fois cet objet en main, il faudra opérer son autotraversement, pour passer de la configuration A à la configuration C. En mathématiques, un objet « plongé » dans un espace de dimension supérieure ne peut s’autotraverser. S’il se trouve « immergé » dans cet espace, cette opération est alors admise.
La bande dans sa configuration A ayant été fabriquée à l’aide d’une bande de papier découpée dans une feuille, et recollée sur elle-même ; pour opérer le traversement B, il suffira de la couper, de faire passer la bande et de la recoller (C1). À partir de cette situation de départ C, nous allons amener les faces blanches en contact en pinçant cette région entre le pouce et l’index.
Puis nous imprimons un mouvement de rotation comme indiqué sur la figure de plus ou moins 90°, de manière à amener les bandes le long de la ligne tiretée. L’objet va alors se contorsionner, comme s’il renâclait à prendre la configuration que vous entendez lui donner. Vous devriez alors aboutir à la configuration ci-après, figure de gauche. Les portions où j’ai fait figurer un point se trouveront en fin d’opération en contact, face grise
contre face grise. C’est autour de ces points que vous avez opéré les deux rotations précédentes.
Il faudra alors imprimer à la bande, dans la région indiquée, une rotation de 180°. C’est là que l’objet « résistera » fortement. Mais vous insistez et vous devez obtenir la figure de droite. Il est alors clair que vous êtes maintenant en mesure d’amener les portions de surface grise en contact, tout le long de la bande. Cette opération achevée, vous aurez fait disparaître toute trace de couleur grise et vous obtiendrez un ruban de Möbius blanc, évidemment monochrome puisqu’il n’a… qu’un seul côté !
C’est la partie la plus importante du livre.
— JCB : Pourquoi ? — JPP : Elle illustre un concept de topologie que les physiciens théoriciens ne maîtrisent absolument pas, y compris ceux qui prétendent « être parmi les deux cents scientifiques qui sont à l’aise dans ce domaine-là ». Ensuite, cette opération est la clé du modèle Janus. — JCB : Comment cela ? — JPP : Reprenons notre bande dans sa configuration initiale. Ces deux points sont « aux antipodes l’un de l’autre ».
L’opération que nous venons de réaliser a mis tous les points de cette bande au contact avec leurs homologues antipodaux. J’insiste pour que les lecteurs se livrent à cet exercice. Ce sont des choses qu’on ne peut comprendre
« qu’avec les mains ». Et il faudra rééditer de nombreuses fois ce tour de passe-passe pour l’avoir bien en main. — JCB : C’est vous qui l’avez inventé ? — JPP : Je crois. Cela ressemble tout à fait à de la prestidigitation. Les lecteurs qui auront réussi à faire disparaître la couleur grise, en obtenant un ruban de Möbius blanc, pourront chercher ce qu’il faut faire pour, en partant de cet objet, faire disparaître la couleur blanche, en quelques secondes, en obtenant un ruban de Möbius gris. Je sais que quand je me livre à cette opération lors d’une conférence l’assistance n’est pas plus surprise que si je faisais sortir un pigeon de ma manche. — JCB : C’est ce qui est totalement fascinant dans la topologie. — JPP : Et je dois avouer que quand j’ai imaginé ce tour de passe-passe, il m’a fallu un peu de temps pour bien mémoriser les gestes à faire. Il m’est arrivé, en conférence, de « sécher complètement ». Après avoir annoncé que j’allais faire disparaître une des deux couleurs, je me retrouvais à batailler avec l’objet pendant de longues minutes, devant une assistance perplexe, jusqu’à ce que je retrouve enfin les bons gestes. La bande qui est notre objet de départ est une surface orientable. Pour définir cette orientation, je pose sur cette bande une petite décalcomanie sous la forme d’un cercle, une flèche indiquant le sens de parcours. Si je peux déplacer cette décalcomanie le long de cette surface et que je retombe toujours sur le même sens de parcours, c’est que cette surface est orientable.
On vérifiera aussitôt que le ruban de Möbius est inorientable. Quand on déplace le long de celui-ci cette petite décalcomanie, on la retrouve « de
l’autre côté » avec une orientation inverse. On dit alors que ces deux figures sont énantiomorphes (en miroir). Ce que j’ai réalisé avec une bande, dont le bord est constitué de deux cercles2, je peux aussi le réaliser avec une surface à deux dimensions sans bord, par exemple une sphère. Si on joint tous les points de cette sphère à leurs homologues antipodaux et si on trempe ces fils dans du « rétrécissol3 », alors la sphère se configurera comme le revêtement d’une surface inventée en 1902 par Werner Boy, élève de Hilbert. Pour tout savoir sur cet objet, se référer au Topologicon. Un sculpteur pourrait créer cet objet dans une substance transparente, puis plaquer sur celui-ci les continents. Alors, tout point de la « sphère terrestre » se confondrait avec le point de la région antipodale, ce qui était illustré sur la couverture de l’album, paru en 1991, il y a trente ans.
— JCB : Effectivement, la Nouvelle-Calédonie se situe aux antipodes de la France. Et le pôle Nord vient en coïncidence avec le pôle Sud. Ça serait un sacré objet, pour un musée des sciences. Où peut-on voir une surface de Boy, en France ? — JPP : Dans les années quatre-vingt-dix, j’avais assuré un enseignement de « sculpture mathématique » à l’École des beaux-arts d’Aix-en-Provence. À cette époque, j’ai été le premier à produire une description de la surface à l’aide d’une famille de méridiens sous la forme d’ellipses4. On les voit sur la figure ci-dessus, partant du pôle unique de la surface. Une maquette de deux mètres de diamètre avait donc été réalisée dans mon atelier par le sculpteur Max Sauze, qui animait les TP à l’école, et j’en avais fait don au Palais de la découverte, de Paris où elle trôna pendant une trentaine d’années au centre de la « salle ». Cela permettait de se familiariser avec l’objet « avec les mains ». — JCB : Comment cela ? — JPP : On pouvait partir du pôle (unique) et suivre l’équivalent des « parallèles » d’une sphère. Au voisinage de ce pôle, ces courbes étaient de simples cercles concentriques. On pouvait alors parcourir « le cercle suivant » en suivant celui-ci, matérialisé par un fil métallique, avec la main. Et finalement, on se retrouvait… à ce même pôle ! — JCB : Il est sûr que pour familiariser les gens et les jeunes étudiants avec ce genre d’objet si paradoxal, rien ne vaut un contact direct. Qu’est devenu ce modèle ?
1. Le monde du « concret » permet les déformations de « plongements », pas les « immersions ». 2. En remarquant que le ruban de Möbius a un bord constitué d’un cercle unique ! 3. Un produit, utilisé en géométrie, pour rétrécir un segment jusqu’à une longueur nulle. 4. Ce qui a permis par la suite au mathématicien François Apéry de construire une première équation « sous forme implicite » de degré six. Référence : F. Apéry, « La surface de Boy », Advances in mathematics 61, 185-266 (1986). Précision, l’idée des « ovales » est de moi, pas de Max Sauze.
EXCOMMUNIÉ — JPP : Le Palais ayant changé de direction, la nouvelle estima qu’on avait assez vu cet objet. Il disparut de la salle et fut relégué dans une réserve. Comme il était construit avec des fils métalliques de 2 mm de diamètre, donc assez fragile, j’ai craint qu’il ne soit un jour écrasé et j’ai demandé à le récupérer. Le Palais l’a alors mis dans une caisse de 2 m × 2 m × 1 m et me l’a expédié. Mais il était beaucoup trop grand pour que je le mette dans mon salon. J’ai alors proposé à différents instituts mathématiques français de leur en faire cadeau, en prenant à mon compte le transport. Tous ont refusé, en particulier le département de géométrie de l’université Saint-Jérôme de Marseille, qui avait pourtant déjà un vaste espace couvert consacré à l’exposition de sculptures inspirées par les mathématiques. — JCB : C’est invraisemblable ! Pourquoi ? — JPP : Pendant les trente années où ma maquette de la surface figura au Palais, il n’y eut jamais la moindre mention précisant que j’étais l’auteur de cette représentation « parallèles-méridiens elliptiques ». Dans la sphère université recherche, je suis le mouton noir. — JCB : Depuis cinquante ans, depuis que vous avez ouvertement manifesté votre intérêt pour le dossier ovni. — JPP : Dans ce monde, cela entraîne l’excommunication, dans tous les domaines, en physique, en mathématiques. Si vous allez sur la page Wikipédia consacrée à cet objet mathématique, vous y trouverez des images inspirées de ma représentation polyédrique de l’objet. Je pense que cela ne serait pas non plus une mauvaise chose que les lecteurs montent leur propre « Boy-cube » à partir du découpage issu de ce que j’avais publié dans Le Topologicon.
Dans la page de Wikipédia, le plagiaire s’est contenté d’en arrondir les sommets. — JCB : Dans ce domaine, vous avez été plagié de tous les côtés, semble-til. — JPP : J’ai été le premier à produire une représentation paramétrique de l’objet. Ça a donné une note aux comptes rendus de l’Académie des sciences de Paris1. Ça a permis de créer, sur mon Apple II, les premières « images de synthèse », très primitives, vu les possibilités très limitées offertes par la machine2. Mais ce qui est remarquable, c’est que les coupes obtenues représentent un ensemble de dessins identiques à ceux que Werner Boy avait fait figurer dans l’article de 19023 où il décrivait pour la première fois cet objet dont il était l’inventeur.
— JCB : Cet article n’est même pas mentionné dans la page de Wikipédia. — JPP : Je pense que celui qui a créé la page ignore son existence. Il faudrait le traduire en français. — JCB : Vous ne pouvez pas modifier vous-même cette page ? — JPP : Impossible, j’ai été « banni à vie » de Wikipédia. — JCB : Banni à vie ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire !? — JPP : Ça fait partie des règles de fonctionnement de cette plateforme. — JCB : Mais de quel crime faut-il se rendre coupable pour mériter une telle sanction ? — JPP : J’avais révélé l’identité d’un garçon qui y sévissait sous le pseudonyme de « LeYaYa » (qu’il utilise toujours, semble-t-il). Il s’agissait de Yacine Dolivet qui, à l’époque, faisait une thèse sur les cordes. Suite au « conflit d’édition » où celui-ci multipliait les avertissements à mon encontre et étalait son incompétence dans les sujets abordés, je lui avais proposé une rencontre dans son labo, et au passage j’avais commis le crime absolu : révélé sa véritable identité. Sautant sur l’occasion, les « modérateurs anonymes » de Wikipédia ont prononcé la sanction, recommandée par Alain Riazuelo (pseudonyme : « alain.r »), aujourd’hui astrophysicien à l’Institut d’astrophysique de Paris. À l’époque, je suppose qu’il était à l’époque étudiant ou thésard. — JCB : Cela étant, la surface de Boy fait aujourd’hui partie du paysage des mathématiques. Les instituts ont des maquettes, exposées dans leurs jardins. — JPP : Tout à fait !
— JCB : Il y a toujours celle que vous avez récupérée. — JPP : Pensez-vous ! Je ne pouvais pas encombrer ma terrasse avec cette caisse énorme. J’ai fini par la mettre en vente. Entreposée sur ma terrasse, elle commençait à s’oxyder. Elle a été acquise par un médecin belge qui est venu la chercher avec un camion. — JCB : Il l’a mise dans la salle d’attente de son cabinet ? — JPP : Aux dernières nouvelles, je crois qu’elle est dans une maison de la culture de Charleroi. — JCB : Avez-vous fait des images de synthèse à l’aide des équations que vous aviez construites 4 ? — JPP : D’autres s’en sont chargés pour moi. Le premier a été Colonna, au Centre de mathématiques appliquées à l’École polytechnique. Voilà la première image ci-après qu’il a produite.
— JCB : Il a mentionné que les équations étaient de vous ? — JPP : Pensez-vous ! Il n’y avait même pas mon nom. Mais la surface était « signée ». Quand nous avions créé cette représentation paramétrique avec Jérôme, le fils de Souriau, notre résolution-écran était trop faible pour que nous puissions constater ce défaut, très visible sur les images de Colonna. — JCB : Comme dans une espèce de prophylaxie, on a l’impression que dans tous les domaines scientifiques on vous traite en véritable pestiféré. — JPP : Ceux qui en paient le prix, ce sont les étudiants. Il y a plus de vingt ans, les étudiants de Supaéro (dont je suis issu, promo 1961) souhaitent que je vienne donner dans l’école une conférence sur la MHD. Je réponds : « D’accord, mais je veux être invité par la direction de l’école. » Ils font alors fait le siège de la direction et cette invitation est alors confiée aux bons soins de leur professeur d’aérodynamique, en bonne et due forme. Ils sont enthousiastes. Quelques semaines avant la date fixée, ils m’écrivent : « Il faudra que vous veniez en fin de journée. Un dîner aura lieu avec des professeurs et des représentants de la direction. » J’arrive donc à Toulouse et trouve l’école vidée de ses enseignants. À la table des VIP où le repas nous est servi, en dehors des étudiants et du conférencier, des sièges vides. Je me rends dans l’amphi, bourré à craquer. Ceux qui n’avaient pu trouver de place étaient sur les marches. Personne n’est là pour me présenter.
— JCB : Mais… l’enseignant qui avait formulé l’invitation n’était pas là ? — JPP : Non. Je fais mon exposé. À la fin, je dis aux étudiants : « Bon, je crois que je ne reviendrai plus dans ces murs. Vous me voyez pour la première et la dernière fois. » — JCB : Et cela alors que vous auriez dû être sollicité par l’école pour donner des cours sur ce sujet, dont on sait aujourd’hui qu’il est la clé de l’hypersonique. — JPP : Questionné par les étudiants, voilà la réponse que leur a fournie leur enseignant : « Le jour dit, j’avais complètement oublié la conférence. C’est mon épouse qui me l’a rappelée. Je suis alors retourné à l’école et j’ai pu trouver une place, debout, en haut de l’amphi. Après, j’ai vu que Petit était très occupé avec les étudiants et je n’ai pas voulu le déranger… » — JCB : J’imagine que des anecdotes de ce genre, vous en avez de quoi remplir le livre. Revenons au lien entre topologie et physique. Au fait, que représentent les dessins dans la partie droite de la page 49 ? — JPP : Ce sont des éléments de quatre animations qui figurent dans Le Topologicon et qu’on découvre quand on feuillette les pages 71 à 41 (à rebours). Comme il était vain d’espérer que le SERDDAV5 du CNRS produise des versions animées sous forme de films, je m’étais rabattu sur cette solution. La première image de l’animation est sur la dernière page de l’album :
On pourrait, avec un logiciel, simuler le comportement d’une telle bande souple, faite d’acier, mais où on permettrait aux nappes de se traverser. En joignant les points antipodaux, on pourrait les amener à se rapprocher, et on obtiendra ceci (ce qui est montré dans l’animation) :
Et finalement, la bande se configure comme le revêtement d’un ruban de Möbius, unilatère, à trois demi-tours. Mais, plus haut, je vous avais dit qu’une sphère pouvait être « repliée » selon le revêtement d’une surface de Boy. L’image fournie était celle de la sphère terrestre, où les pôles Nord et Sud étaient alors amenés en coïncidence. Si l’on considère un espace-temps 2D où l’espace est fini, représenté par une simple courbe fermée, avec un Big Bang et un Big Crunch. En le « repliant sur lui-même », ces deux points viennent en coïncidence. Les lignes méridiennes représentent l’écoulement du temps6. Dans cette opération de « repli » de l’univers sur lui-même, les flèches du temps de « région antipodales vis-à-vis de l’espace et du temps » deviennent antiparallèles, opposées. On a vu que quand on repliait du 2D on conjuguait des portions antipodales qui étaient alors « en miroir » l’une par rapport à l’autre. C’est la même chose en 4D. Non seulement les flèches du temps sont en opposition, mais les portions d’espace « conjuguées » sont « en miroir » ; énantiomorphes7. — JCB : Finalement, toutes les idées clés du modèle Janus, vous les aviez présentées dans cette bande dessinée, en 1991, il y a trente ans. — JPP : Dans l’espoir que nos lecteurs comprendront ce concept de revêtement, il y a une suite de dessins dans la page 54 du Topologicon.
En haut de la page, tous les points de la sphère sont reliés à leur antipode par des fils, qu’on suppose enduits de « rétrécissol », un produit qui le fait se contracter. C’est également valable pour les points de l’équateur de cette sphère (image du bas). En se repliant sur elle-même cette bande, bilatère, se configure en revêtement d’un ruban de Möbius à trois demi-tours. Mais, comme évoqué dans mes bandes dessinées, il existe des sphères possédant un nombre quelconque de dimensions. — JCB : Ça devient difficile à imaginer. — JPP : Cela veut simplement dire que ces dimensions sont fermées sur elles-mêmes. — JCB : Dans le cas de l’espace-temps à quatre dimensions
, ça
donne quoi ? — JPP : Imaginons que je choisisse une direction quelconque dans l’espace. Si je construis une ligne droite qui part d’un point quelconque, je finis par retomber sur mon point de départ. — JCB : Qu’entendez-vous par « ligne droite » ? — JPP : Le fait de n’aller « ni à droite ni à gauche », « ni en haut ni en bas ». Je pourrais concrétiser cela en imaginant des tiges qui s’enquillent parfaitement les unes dans les autres. Nous utiliserons les pages de ma première bande dessinée, Le Geometricon.
— JCB : C’est sacrément commode. Avec quelques dessins, on comprend. Mais cela veut aussi dire que si on regarde dans une direction on pourrait se voir n fois. — JPP : Vous oubliez une chose. L’univers n’est pas un espace 3D, mais un espace-temps. Dans le modèle Janus, les paradoxes sont éliminés. Si vous tentez de faire le tour de l’univers, même à la vitesse de la lumière, il vous faudrait un temps supérieur à l’âge de l’univers. Corrélativement, dans cet univers dont les dimensions spatiales se referment sur elles-mêmes des images de « cet autre vous-même » ne vous parviennent jamais, car le futur de l’univers n’est pas infini.
— JCB : Bon, va pour l’espace. Mais que se passe-t-il avec le temps ? Il se trouve aussi « replié sur lui-même ? » — JPP : On considère d’abord que le futur est d’extension finie. En partant du Big Bang, l’univers croît en dimension. En 3D, son volume croît. Dans le modèle d’espace-temps à deux dimensions, il n’en reste qu’une pour l’espace, qui est donc représentée par un cercle, dont le périmètre croît, passe par un maximum et ensuite décroît, jusqu’à un Big Crunch. — JCB : Alors, c’est comme si on passait le fil à l’envers ? — JPP : Eh non. Cette seconde séquence temporelle est totalement différente. En réalité, si on considère que l’univers interagit avec son antipode spatio-temporel, cela vaut aussi pour le temps. Prenons notre modèle d’espace-temps bidimensionnel, représenté par une sphère. Si on replie cet espace-temps sur lui-même, les points « de l’hémisphère nord » de cette sphère, du Big Bang à l’équateur qui représente l’extension spatiale maximale, vont se trouver en coïncidence avec des points de l’hémisphère sud, entre cette extension maximale et le Big Crunch, alias le pôle « Sud » de la sphère. — JCB : Et où nous situons-nous dans cette histoire-là ? — JPP : Notre contexte spatio-temporel, c’est ce que nous percevons. Donc, nous sommes sur la première moitié de l’espace-temps, entre le Big Bang et l’extension maximale. Et la petite portion d’espace-temps où nous évoluons est en coïncidence avec la région antipodale, qui est vis à nous de nous rétrochrone. La flèche du temps y est inverse de la nôtre. — JCB : Vite, de l’aspirine ! — JPP : Restons calmes. Nous ne pouvons interagir avec cet antipode d’espace-temps que par la force gravitationnelle. Or l’inversion de la coordonnée de temps signifie l’inversion de la masse. Donc, ces masses de cette autre portion de l’espace-temps se comportent comme des masses négatives. Et on déroule le thème Janus. Vous voyez que ce modèle est beaucoup plus que de rajouter des masses négatives. Il repose sur une topologie très sophistiquée.
1. http://www.jp-petit.org/papers/CRAS/geometry_1981.pdf. 2. Matrice graphique, monochrome : 200 points par 300. 3. http://www.jp-petit.org/papers/1902-Werner-Boy.pdf. 4. Voir le programme BASIC dans la dernière page du Topologicon. 5. Au CNRS, un département est censé produire des documents audiovisuels. Il y a trente ans, les animations qu’on crée maintenant n’existaient pas. 6. Ce qu’on appelle des « lignes d’univers ». 7. Le physicien emploiera le mot de « PT-symétrie ».
QUAND LA QUESTION DE L’AVANT BIG BANG DISPARAÎT — JCB : Admettons. Alors les deux « pôles » sont amenés en coïncidence. Le Big Bang s’identifie au Big Crunch. Ces deux régions sont alors singulières. — JPP : Pas si on remplace ces pôles, ces « singularités Big Bang et Big Crunch » par un petit passage « tubulaire ». — JCB : Alors ça n’est plus une sphère !? — JPP : Exact. En 2D, ça devient un tore et en 4D un « hypertore ». L’univers est encore un revêtement. En 2D, au lieu d’envisager le revêtement d’une surface de Boy, il faut passer au revêtement d’une bouteille de Klein. — JCB : Vous avez une image de ce truc-là ? — JPP : Oui, dans Le Topologicon, page 52 :
— JCB : Grâce à cette astuce, il n’y a pas « d’avant Big Bang ». — JPP : De même qu’il n’y a plus « d’après Big Crunch ». — JCB : C’est une solution « géométrique » à un problème philosophique. Mais je commence à comprendre pourquoi vos collègues n’accrochent pas. Je crois qu’ils sont tout simplement largués. Il y a tellement de choses à assimiler d’un coup. — JPP : Je vous l’avais dit. J’avais quand même réussi à caser quelquesunes de ces idées en 1994 dans la revue Nuovo Cimento1. Aujourd’hui, cette idée des deux univers avec des flèches du temps opposées (déjà ébauchée en 1967 par Andreï Sakharov) commence à émerger dans la littérature. Mais l’outil topologique fait toujours défaut. Ce concept topologique de « revêtement » est absent de la physique théorique.
1. « The missing mass problem », http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/1994-NuevoCimentoB.Pdf. Écho évidemment nul.
CINQUANTE ANS DE NON-PHYSIQUE1 — JCB : Et selon vous, c’est l’absence en physique théorique de cet outil géométrique qu’est la topologie qui a fait défaut aux théoriciens des années soixante, soixante-dix, et qui est la cause de cinquante années de complète stagnation. — JPP : Je pense, oui. Et cela explique aussi pourquoi les scientifiques n’accrochent pas, faute « d’outils de lecture adéquats ». — JCB : Ajoutons qu’il n’y a pas pires sourds que ceux qui ne veulent pas comprendre. — JPP : Cela s’ajoute au fait que ce modèle « bimétrique » permet d’envisager deux façons de se déplacer dans le cosmos, selon qu’on chemine « sur l’endroit ou sur l’envers de l’hypersurface espace-temps ». — JCB : Sur l’envers de l’hypersurface espace-temps, cet « envers de l’univers », les distances sont cent fois plus courtes et la vitesse de la lumière dix fois plus élevée, ce qui diminue les temps de voyage d’un facteur mille. Donc, l’interprétation du phénomène ovni en tant que visites d’extraterrestres devient envisageable. — JPP : En cette technique d’inversion de la masse, de basculement du « recto » au « verso » de l’univers, c’est encore une fois de la topologie. — JCB : Vous, ça vous « parle ». — JPP : Il faut dire qu’à la suite de cette rencontre avec le mathématicien Bernard Morin, je baigne là-dedans depuis 1975. — JCB : Il vous a doté de « câblages neuronaux différents ». — JPP : Pour la présentation du modèle Janus, il y a trente-cinq vidéos, dont la dernière en date à ce jour, Janus 292, qui brosse une synthèse du tout sur une heure quarante minutes. Je crois que ce qui était important, c’était d’expliquer pourquoi ce modèle se démarque de ce qui a été fait jusqu’ici,
parce que ses bases géométriques sont différentes, intègrent la composante « topologie » dans la physique et dans la cosmologie. — JCB : Certains lecteurs, suffisamment courageux, téléchargeront votre Topologicon et se plongeront dedans, en gardant l’aspirine à portée de main. — JPP : Vous vous rappelez l’avertissement donné en exergue : Il est déconseillé de lire cet ouvrage : — Le soir avant de s’endormir. — Après un repas trop riche. — Ou quand on est sûr de rien, car ça ne ferait qu’aggraver les choses.
1. L’expression est du mathématicien Jean-Marie Souriau. 2. Janus 29 : https://www.youtube.com/watch?v=RXKONGBClY0.
LE MONDE SCIENTIFIQUE : LE MYTHE ET LA RÉALITÉ
— JCB : Jean-Pierre Petit, vous êtes né en avril 1937, vous allez donc, à quelques mois près, vers vos 85 ans. Au fil de ces pages, nous avons découvert des épisodes de votre carrière de chercheur, dont le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a été pénible et chaotique. Alors que vous êtes à la retraite depuis près de vingt ans, vous bataillez plus que jamais. On a l’impression que vous n’êtes pas près de raccrocher. Qu’est-ce qui vous motive ? — JPP : Je l’ai suffisamment expliqué dans nos trois derniers livres1. Celuici est le quatrième. Ce qui me motive, c’est le besoin de vérité. Je pense que notre époque a besoin, plus que jamais, d’y voir clair dans des tas de domaines. Nous sommes à un moment clé de notre histoire planétaire. Comme je l’ai dit dans ces livres, la technologie, sur une planète susceptible d’héberger une espèce intelligente, est un phénomène émergent, dont la raison d’être est de relancer la communication au-delà du système solaire. Depuis cinquante années maintenant, tous mes efforts ont consisté à rendre les voyages interstellaires « non impossibles », le corollaire étant l’importance que nous devons accorder au phénomène ovni. Nous sommes visités, de longue date. Il y a en permanence des expéditionnaires issus d’autres systèmes qui résident sur notre planète, dans des bases permanentes. Je suis fatigué d’être, dans la communauté scientifique, face à des sourires amusés et imbéciles. — JCB : Comme je l’ai été dans la communauté journalistique. Vous pensez que la communauté scientifique, tous pays confondus, est incapable de faire face à ce problème. — JPP : Totalement incapable, pour différentes raisons. D’abord, ce qui motive les scientifiques, à de très rares exceptions près, c’est leur ego. La
plupart ne voient dans une recherche de connaissances que la possibilité d’accéder à des fonctions, de recevoir l’hommage du public et de récolter de stupides prix et médailles. Ensuite, ceux qui pourraient prendre en charge les aspects technico-scientifiques du problème ne sont pas pour le moment mentalement et intellectuellement équipés pour s’y atteler. Ajoutons que le sujet ovni est la source d’un discrédit professionnel immédiat. C’est catastrophique pour une carrière de scientifique. — JCB : Vous en avez payé le prix. Alors que vous placiez la France loin en tête dans ce domaine qu’est la MHD, en 1975, il y a plus de cinquante ans, en devançant au passage les Russes, maîtres en la matière, tout a été fait pour contrarier vos efforts. Vous avez été privé de tous crédits, mis dans l’incapacité de présenter vos travaux à l’étranger. Au-delà des aspects personnels, c’est la France qui paye l’addition de cette stupidité sans bornes, alors qu’en finançant des recherches, en installant à l’École nationale supérieure de l’aéronautique un enseignement conséquent en MHD, cela aurait placé le pays en tête, sur le plan international. Il aura fallu le discours de Vladimir Poutine, devant la Douma en 2018, pour que le monde découvre la percée effectuée par les Russes dans le domaine de l’hypersonique, grâce à des techniques que vous décriviez par le menu dans un ouvrage, paru en 20032, il y a dix-huit ans !!! — JPP : En janvier 2020, j’ai eu la visite d’un envoyé de l’armée, à mon domicile. Il venait me proposer trois mille euros pour rédiger un rapport d’une vingtaine de pages sur la MHD. Au-delà, la demande était « d’assurer la formation d’ingénieurs militaires français ». — JCB : Vous avez accepté ? — JPP : Bien sûr que non. Mais ce que ces gens ne réalisent pas, c’est le gap vertigineux qui existe entre les petites expériences que Maurice Viton et moi menions dans une cave, à la fin des années soixante-dix, dans de l’eau acidulée et dans de l’air sous basse pression et la MHD du planeur hypersonique russe Avangard, capable de larges changements de cap dans la très haute atmosphère, échappant ainsi à tous les systèmes antimissiles. Les expériences que nous menions étaient rustiques, mais conceptuellement très sophistiquées. Quand j’expérimentais dans de l’air en basse pression, dans une chambre de bonne aixoise, ce qui m’a amené en 1983 à réussir l’annihilation de l’instabilité d’ionisation de Velikhov, je pensais à
l’évolution des hypersoniques en haute altitude où les conditions de pression sont identiques. On peut comparer ces expériences pionnières au matériel utilisé par Ernest Rutherford en 1905, avec lequel il mit en évidence l’existence des atomes.
Comparez cela avec une installation nucléaire d’aujourd’hui. — JCB : Vous voulez dire qu’il y a le même écart entre le laboratoire de Rutherford et la recherche nucléaire d’aujourd’hui qu’entre votre MHD des années soixante-dix et ce que mettent en œuvre les Russes dans leurs laboratoires secrets ? — JPP : Tout à fait. Quand l’envoyé de l’armée m’a demandé : « Que faudrait-il pour rattraper un tel retard scientifique et technique ? », ma réponse a été : « Mille personnes pendant trente ans. » C’est ce qu’il faudrait répondre à ceux qui, n’ayant ni les connaissances scientifiques ni le savoir-faire adéquat, partant de zéro, voudraient prendre place dans le club des pays nucléarisés. — JCB : Vous vous êtes complètement détourné de ce domaine de recherche ? — JPP : Complètement, depuis trente-cinq ans, depuis l’échec du « projet Rouen3 ».
— JCB : Ce après quoi vous courez, aujourd’hui, c’est quoi ? Vous n’espérez quand même pas déboucher sur la conception d’un véhicule capable de couvrir la distance qui nous sépare de la plus proche étoile pendant les dix ou quinze années qui, au mieux, vous restent à vivre. — JPP : Évidemment non. Je ne peux que tenter de faire évoluer les mentalités. S’attaquer à celles de scientifiques serait peine perdue. Ils ont tous beaucoup trop à perdre à s’ouvrir à ces questions. Et il n’y a pas que les retombées négatives au sein de leur environnement professionnel et social. Il y a aussi cette impression vertigineuse de perdre leur statut de « sachants », d’envisager qu’il puisse exister des êtres dont le savoir, comparé au nôtre, soit l’équivalent de la mécanique quantique comparée à la science du Moyen Âge. Il faut donc s’adresser à des gens qui n’ont rien à perdre et qui, à l’inverse, peuvent trouver dans cette ouverture un semblant d’espoir dans un monde où on peine à donner un sens à ce mot. — JCB : Est-ce que vous ne vous faites pas une vision un peu angélique de visiteurs extraterrestres ? — JPP : Je n’ai aucune vision particulière de ces gens. Je ne vois qu’une chose : nous sommes visités, examinés comme des hamsters par un biologiste, mais nous ne sommes globalement ni détruits ni asservis, alors que des gens qui ont une telle avance technologique n’auraient qu’à claquer dans leurs doigts pour supprimer toute présence humaine de la surface de la Terre, ne serait-ce qu’avec une arme biologique. Il est urgent que nous nous mettions à réfléchir sur notre place dans l’univers, sur le rôle que nous aurions à jouer. Pour ce faire, nous devons analyser nos croyances, de tous ordres. — JCB : C’est le message de votre Métaphysicon. — JPP : Exactement. Ce livre ne vous propose pas « une nouvelle religion dont je serais le gourou ». Il donne des outils pour réfléchir à nos religions, nos cultures, nos systèmes politiques, économiques et sociaux. — JCB : Un livre qui trouve sa source dans des mathématiques très sophistiquées. Une démarche qui vous a valu de vous voir interdire l’accès à un colloque donné en l’honneur du mathématicien Jean-Marie Souriau en 2019, où vous vous présentiez porteur de travaux dont on ne voulait pas entendre parler.
— JPP : Ainsi, la boucle est bouclée. Les mathématiciens ne sont pas plus ouverts que les physiciens. — JCB : Alors, où est la solution ?
1. Aux éditions Trédaniel : OVNI, l’extraordinaire découverte, Contacts cosmiques et Métaphysicon. 2. Aux éditions Albin Michel : Ovnis et armes secrètes américaines. 3. https://www.youtube.com/watch?v=deLUqjZiGGY. La véritable histoire du GEPAN à 1 h 02' 17''.
LA PHYSIQUE EST PEUT-ÊTRE UNE CHOSE TROP SÉRIEUSE POUR ÊTRE CONFIÉE À DES PHYSICIENS
— JPP : La solution passe par Internet et les moyens modernes de communication. J’ai passé une année entière à créer trente-cinq vidéos où sont présentés les éléments permettant de comprendre les tenants et aboutissants de nos travaux. J’ai créé des milliers de dessins. — JCB : Un travail énorme ! — JPP : Que je ne regrette pas. Mais au passage, j’ai découvert quelque chose de très important. Certaines de ces vidéos sont accompagnées par des PDF porteurs d’éléments « accessibles au niveau mathématiques spéciales ». Cela représente des centaines de milliers de citoyens, en France : étudiants, ingénieurs, professeurs de mathématiques et de physiques, tous se situant en dehors des institutions scientifiques, ce qui est capital. Tout cela sera, en 2021, réuni dans une forme de cours de physique théorique, de cosmologie et d’astrophysique « façon Jean-Pierre Petit ». — JCB : Ce faisant, vous vous détournez du monde scientifique ? — JPP : Tel qu’il est. Mais des scientifiques pourront prendre connaissance de ces documents aussi bien que d’autres. S’ils prennent contact avec moi, très bien. Il en est déjà une toute petite poignée qui a fait la démarche et avec qui nous collaborons.
UNE ARME D’INSTRUCTION MASSIVE — JCB : Votre force, c’est votre capacité à mettre les concepts scientifiques à la portée du plus grand nombre. — JPP : Avec les BD scientifiques de la collection des Aventures d’Anselme Lanturlu, je vais aussi loin qu’on peut aller sans faire appel à de l’algèbre, rien qu’avec des dessins. Au-delà, le minimum de connaissances mathématiques est un prérequis. Mais les avancées les plus sophistiquées deviennent plus accessibles dès lors qu’on les débarrasse de fioritures inutiles et qu’on cesse de coller sur les objets des mots sources de confusion. Prenons par exemple le concept d’un espace à n dimensions, continu. Je ne sais pas qui a collé sur cet objet le mot de « variété1 ». Ce qui est important, ce sont les idées, pas la façon dont elles sont exprimées. — JCB : Est-ce qu’il n’y a pas chez les théoriciens et les mathématiciens le soin de s’isoler du vulgus pecus en employant un langage codé qui n’est compréhensible que par les initiés ? Ce que faisaient les alchimistes de jadis. — JPP : Ça n’est pas faux. Chez certains, cela évoque la phrase d’Oscar Wilde qui disait « vivre dans l’angoisse de ne pas mourir incompris ». — JCB : Mais votre position se situe complètement à l’opposé. Et là aussi vous êtes « un traître » vis-à-vis de ceux qui tiennent à faire de leur domaine un sanctuaire. — JPP : Je vais m’atteler à cette rédaction. Cela sera un livre gratuitement téléchargeable, que nous ferons immédiatement traduire en quarante langues, comme les bandes dessinées de Lanturlu. — JCB : Cela va coûter une fortune !
— JPP : Vous savez, la science se formule avec des phrases très simples, du genre « sujet-verbe-complément ». C’est peuplé de « supposons que… », « on a… », « il vient… », « soit, en combinant les équations (32) et (46) … », etc. Le tout est de composer le texte de manière non ambiguë, de la manière la plus claire possible, en pensant à un discours « traduisible ». Alors, il suffit d’encadrer les phrases à traduire avec le caractère #, un traducteur automatique fera le reste. — JCB : Comment cela se présenterait-il ? — JPP : Nous allons très prochainement produire de nouveaux travaux, sur la dynamique des galaxies. Là encore, la discipline est bloquée parce que les astrophysiciens n’utilisent pas les bons outils mathématiques. Il n’existe actuellement aucun modèle mathématique de galaxie, n’en déplaise aux spécialistes couverts de médailles et de prix. Les galaxies « n’habitent » pas dans un espace-temps à quatre dimensions , mais dans un espace à sept dimensions2. — JCB : Qui sont ? — JPP : Les trois dernières sont celles de la vitesse des particules3. — JCB : Et vous fournissez la façon de se familiariser avec cet espace à sept dimensions ? — JPP : C’est déjà en place à cette adresse, et ça n’est que le tout début : http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/2021-4-14-cours-astro-debut.pdf.
1. C’est le mot utilisé par les mathématiciens, en anglais manifold. Quand on cherche les différentes traductions en français, on n’est guère plus avancé. 2. Que les physiciens appellent « l’espace des phases ». 3. Ou de « l’impulsion » : .
LE « LABORATOIRE JANUS » OÙ L’AVENIR APPARTIENT DÉJÀ AU PASSÉ
— JCB : Sur le plan des travaux scientifiques, où en êtes-vous ? — JPP : Si le monde scientifique reste toujours aussi fermé le public, lui, a compris la démarche et l’enjeu. En 2015, une mathématicienne belge, Nathalie Debergh, est tombée sur un des articles que nous avions publiés. Il se trouve que c’est une spécialiste des fondements mathématiques de la mécanique quantique, un domaine où elle a une centaine de publications à son actif. Un passage l’a interpellée. — JCB : Quel passage ?… — JPP : Le fin du fin en matière de mécanique quantique est ce qu’on appelle la théorie quantique des champs, dont l’Américain Steven Weinberg fut un des pionniers. Encore vivant, c’est un des derniers grands seigneurs de la physique. L’ouvrage de base, bible de tous les chercheurs, est son livre.
Il s’agit d’une édition relativement récente, de 20051. Il suffit alors de rechercher le chapitre consacré aux inversions d’espace et de temps, page 74 :
On constate alors que tout est systématiquement fait pour inverser les énergies négatives. 285
Je traduis :
— JCB : Ce qui signifie ? — JPP : L’inversion du temps, avec son corollaire l’inversion de l’énergie et de la masse2, est une des clés du modèle Janus. Elle apparaît également en mécanique quantique à travers un « opérateur d’inversion du temps » T. Dans Janus, tout est réel. Il n’y a qu’une seule façon d’inverser le temps. En mécanique quantique, c’est différent. « L’opérateur » peut adopter deux formes différentes : – « linéaire et unitaire » ; – « antilinéaire et antiunitaire ». La forme « linéaire et unitaire » lie l’inversion du temps et l’inversion d’énergie. Considérant que l’énergie ne peut être négative, les théoriciens se sont fermé cette porte, d’entrée de jeu. — JCB : Et, ce faisant, ils sont complètement passés à côté de ces développements théoriques. Mais qu’est-ce qui devrait amener les théoriciens à prendre en compte cette possibilité d’existence d’états d’énergies négatives ? — JPP : En 2011, on a donné le prix Nobel à trois types pour avoir montré que l’expansion de l’univers, au lieu de se ralentir comme on l’avait cru jusque-là, au contraire s’accélère. Elle est alors due à une pression négative, synonyme d’une « énergie noire », négative. J’avais fait cette remarque dans un papier de 20143. Nathalie est tombée dessus et ça l’a interpellée. Elle a alors rapidement montré que, par exemple, l’équation de Dirac engendrait indifféremment des états d’énergie positive et des états d’énergie négative.
— JCB : C’est un nouveau versant de la mécanique quantique. En soi, c’est une fantastique découverte ! — JPP : Bien qu’elle ait publié cela en 20184, son article est passé totalement inaperçu. — JCB : Comment est-ce possible !? — JPP : Arthur Koestler, dans son célèbre ouvrage Les Somnambules, décrivait ainsi en 1967 les scientifiques. L’image est parfaitement conforme à la réalité. L’Argentin Juan Maldacena, par ailleurs membre de l’Advanced Studies Institute de Princeton en tant que représentant d’une cosmologie moderne, s’est fait connaître pour la publication, non d’un résultat théorique, mais d’une conjecture concernant la « thermodynamique des trous noirs ». — JCB : Comment peut-on inscrire sa marque dans le monde scientifique avec une… conjecture ? — JPP : Détail qui change tout : cet article a été consulté… dix mille5 fois, ce qui constitue un record absolu, toutes disciplines scientifiques confondues. — JCB : Un somnambule, lu par d’autres somnambules… — JPP : Vous le savez aussi bien que moi. Si vous rencontrez un somnambule, il est inutile de lui parler, il ne vous entendra pas. — JCB : Je suppose que Nathalie Debergh s’active, dans son laboratoire, sur ce nouveau domaine de recherche sur lequel elle a mis le doigt, grâce à vous. — JPP : Nathalie n’est pas dans un laboratoire. Elle n’a pu trouver aucune place dans le monde universitaire et végète dans une école technique où elle délivre un enseignement qui n’a rien à voir avec ses recherches passées. — JCB : Explication ? — JPP : Les dysfonctionnements des institutions ne sont pas une exclusivité française. Disons qu’elle était trop brillante, qu’elle dérangeait en faisant de l’ombre aux caciques de l’université belge. Depuis des années, elle a fait de son mieux pour essayer d’avancer, mais ses tâches d’enseignante et administratives ne lui laissent guère de temps pour la recherche. Comme il aurait été illusoire d’espérer une réaction institutionnelle, nous avons donc
lancé une collecte, début mars 2021, en se fixant comme but de réunir un montant correspondant à son salaire annuel, charges comprises6. Dans ces conditions, le règlement de son établissement lui permet de se mettre en disponibilité pendant deux années, à mi-temps. Au départ, aucun de nous ne pensait, dans cette période difficile, obtenir de résultat. — JCB : Mais en quatre semaines ça a été bouclé, avec des dons divers, dont beaucoup émanaient de personnes ayant des revenus très modestes. C’est tout simplement extraordinaire ! — JPP : Dès qu’on a atteint le montant, j’ai clos la collecte. Des internautes ont alors écrit : « Pas de chance, je m’y suis pris trop tard ! » La hiérarchie de Nathalie a proposé une mise en disponibilité à mi-temps pendant deux ans, à partir du 14 septembre 2021. — JCB : Donc, en septembre 2021, Nathalie attaque. — JPP : Disons qu’elle dispose de beaucoup plus de temps. Mais elle n’a jamais cessé de travailler avec nous, en particulier sur la dynamique galactique. Grâce à l’aide d’un sponsor, nous avons pu l’équiper, ainsi que mon coworker Gilles d’Agostini7, du logiciel de calcul formel Mathematica. — JCB : L’impression que cela donne, c’est que pour pouvoir disposer de temps pour que les recherches avancent, il vous a fallu « faire la manche ». — JPP : Vous savez, au début des années quatre-vingt, quand je menais mes recherches de MHD dans ma « cloche à vide », dans cette chambre de bonne d’Aix-en-Provence, pour trouver du matériel, je faisais les poubelles des laboratoires. — JCB : Le programme de recherche ?
— JPP : Composer le pendant de l’ouvrage de Weinberg pour les énergies négatives. Mais nous pensons tous les deux que le fait de mêler ces énergies de signes opposés devait constituer la clé de la quantification de la gravitation8. Un problème sur lequel les scientifiques se sont cassé les dents depuis 1960. — JCB : Ça, c’est le prix Nobel assuré ! — JPP : Mais ça n’est pas seulement ce que nous visons. Si nous obtenions un résultat de ce genre, alors notre démarche ne pourrait plus passer inaperçue. C’est ce qui compte avant tout pour nous.
1. Cambridge University Press. 2. Travaux du mathématicien Jean-Marie Souriau, 1970, à travers sa théorie des groupes dynamiques. 3. Titre « Negative mass hypothesis in cosmology and the nature of dark energy », Astrophysics and Space Science, 2014, dès la première page. Téléchargeable à : http://www.jppetit.org/papers/cosmo/2014-AstrophysSpaceSci.pdf. 4. N. Debergh, J.-P. Petit, G. d’Agostini, « On evidence for negative energies and masses in the Dirac equation through a unitary time-reversal operator », Jr of Phys., 2018. Téléchargeable à http://www.jp-petit.org/papers/quantum-mechanics/2018-journal-of-physics-MQ.pdf. 5. https://documents.cern.ch/record/2668918/files/ol59-issue2-p066-e.pdf. 6. 80 000 euros, pour un salaire de 3 000 euros. Les charges belges sont très élevées. 7. Compagnon de route depuis trente ans. 8. Cette quantification donnerait droit de cité au graviton. Toutes les tentatives pour construire une gravitation quantique ont été des échecs à ce jour, au mieux des simulacres.
DES CHERCHEURS, ON EN TROUVE, MAIS DES TROUVEURS, ON EN CHERCHE — JCB : Comment se fait-il qu’après plusieurs années, et des résultats quand même assez importants déjà obtenus et publiés, vous restiez si peu nombreux ? — JPP : Pour travailler sur ce thème Janus, il faut avoir la capacité de « penser autrement ». Il faut aussi nourrir des ambitions scientifiques hors normes, être capable de pousser le bouchon à échelle cosmique. Ainsi, le modèle Janus représente un passage de l’équation d’Einstein aux équations de Petit-d’Agostini.
— JCB : Et je suppose que quand les travaux de Nathalie auront abouti, la mécanique quantique se conjuguera désormais avec « l’équation de Debergh ». — JPP : Si elle aboutit, cela me paraît probable. Tous les scientifiques ne sont pas capables de viser des choses pareilles. Une démarche qui leur impose au passage de remettre en cause tout ce qu’ils sont appris et pratiquement depuis des années.
DES BRANES FLOTTANT DANS UN ESPACE DE DIMENSION SUPÉRIEURE
— JCB : Vous avez vraiment été les seuls à envisager ce type de modèle cosmologique ? — JPP : Le pionnier de cet « univers double » a été le Russe Andreï Sakharov. Mais pour lui, il y avait deux univers, avec des temps opposés, qu’il qualifiait de « jumeaux ». Mais l’idée ne lui était pas venue de les « replier ». Cela étant, le modèle des « branes » a donné naissance à toutes sortes d’essais divers et variés. Parmi ceux-ci on peut citer celui de Thibault Damour et Ian Kogan1, en 2002. Ils envisagent alors deux entités cosmiques en interaction. — JCB : Ils ont réussi à « replier leurs deux univers » ? — JPP : Non, ce sont des branes qui flottent dans un espace de dimension supérieure et dont les points sont réunis par des sortes d’élastiques. Cela étant, ils construisent le premier modèle décrit par deux équations de champ couplées.
Alors que l’existence du graviton et, a fortiori, que le fait qu'il puisse être doté d'une masse ne sont qu'hypothèses2, Damour et Kogan n’hésitent pas à lui en conférer une infinité, constituant « un spectre de masse ». Mais en début d’article, il est précisé que Kogan a « démontré » qu’il existe un gap entre les gravitons lourds et les gravitons légers et qu’ils vont donc se concentrer sur la seconde population, sur les « gravitons légers ».
— JCB : C’est tout à fait extraordinaire. On ne sait pas si le graviton existe, mais Kogan démontre à leur sujet que… On ne sait pas si les trous noirs existent, mais Hawking et Penrose démontrent qu’en leur centre une singularité devait nécessairement exister. — JPP : Toute la physique théorique est comme ça aujourd’hui. — JCB : Bon, que donne l’article de Damour et Kogan ? — JPP : Cet article-fleuve de 36 pages3 ne débouche sur rien de tangible. — JCB : Mais Janus apparaît pour eux comme un dangereux concurrent. — JPP : Ah, tout à fait ! Cela explique peut-être la réaction agressive de Damour en janvier 2019. Il a assorti son attaque par une lettre recommandée avec accusé de réception4. Du jamais vu de la part d’un académicien. Il avait cru trouver une faille irrémédiable dans votre modèle Janus. — JCB : Il a publié un article critiquant votre modèle ? — JPP : Il s’est contenté de le mettre sur sa page du site de l’Institut des hautes études auquel il appartient5. Il y avait une petite difficulté : décrire la géométrie à l’intérieur des étoiles. Ça a été vite réglé et publié6. Nous avons essayé vainement de le contacter. Un internaute a même lancé une pétition7 demandant que ce face-à-face ait lieu. Elle a à ce jour recueilli 16 000 signatures avec 6 000 messages de soutien. Par acquit de conscience, je lui ai envoyé une dernière lettre, le 18 mai 2021, dont la copie est dans l’annexe 3. Mais je sais qu’il ne répondra pas. — JCB : Mais Damour refuse de vous rencontrer. — JPP : J’ai fini par comprendre pourquoi. En réalité, cet article, adressé en même temps que la lettre recommandée avec accusé de réception, n’était pas de lui, mais de la mathématicienne Nathalie Ruelle. — JCB : Que vous avez tenté de contacter. Que vous a-t-elle répondu ? — JPP : Elle ne m’a jamais répondu… — JCB : Décidément…
1. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/2002-Damour-Kogan-bigravity.pdf. 2. Il devrait avoir une masse nulle et un spin égal à 2. 3. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/2002-Damour-Kogan-bigravity.pdf. 4. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/2019-Damour-lettre.pdf. 5. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/2019-Damour-IHES.pdf. 6. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/2019-Progress-in-Physics-1.pdf. 7. https://www.mesopinions.com/petition/autres/droit-debat-nouvellecosmologie/47327.
UNE SOMNAMBULE NOMMÉE SABINE HOSSENFELDER1 — JPP : Il y a un cas nettement plus intéressant. Quand en 2014 nous avions publié, Gilles et moi, notre système d’équations de champ Janus, sous sa première forme2, nous ignorions l’existence d’un papier publié en 20083 par une jeune Allemande, Sabine Hossenfelder, qui était par ailleurs en poste à l’Institut Perimeter auquel appartient Lee Smolin. Ça nous a été signalé par un collègue, qui avait tenté de la contacter en lui signalant l’existence de nos travaux. Ce à quoi elle avait répondu4 : — J’ai regardé ses travaux après que vous les avez mentionnés, mais je ne peux pas dire que je trouve beaucoup de similitudes avec mon approche, si ce n’est des similitudes dans le résultat. L’ensemble semble très différent. Effectivement, bien qu’il n’y ait pas de résultats réellement confrontables à des observations, il semblait y avoir un lien de parenté. Nous avons tenté de la contacter, à plusieurs reprises. Je lui ai même proposé de monter à Francfort pour la rencontrer, dans son Institut des sciences avancées. Pas de réponse. — JCB : Elle est très active sur le plan scientifique ? — JPP : À part cet article de 2008, elle n’a rien produit de concret et s’est contentée de se servir des pages de la plateforme arXiv comme d’un blog en y installant des dizaines de papiers. Elle est plus réactive qu’active. On peut la qualifier de « blogueuse scientifique ». Elle multiplie les vidéos, tient un blog personnel qui s’appelle « Backreaction5 » où elle aborde une multitude de sujets divers et variés. Elle revendique son statut de « multi-spécialiste ». Elle a aussi publié en 2019 un ouvrage, Lost in Maths6.
Voici la traduction de sa quatrième de couverture : « Qu’ils réfléchissent aux trous noirs ou qu’ils prédisent les découvertes du CERN, les physiciens pensent que les meilleures théories sont belles, naturelles et élégantes, et que ce critère permet de distinguer les théories populaires des théories jetables. C’est pourquoi, selon Sabine Hossenfelder, nous n’avons pas vu de percée majeure dans les fondements de la physique depuis plus de quatre décennies. La croyance en la beauté est devenue si dogmatique qu’elle entre désormais en conflit avec l’objectivité scientifique : l’observation a été
incapable de confirmer des théories ahurissantes, comme la supersymétrie ou la grande unification, inventées par des physiciens sur la base de critères esthétiques. Pire, ces théories, “trop belles pour ne pas être vraies”, sont en réalité impossible à tester, et n’ont fait qu’engager la discipline dans un cul-de-sac. Pour s’en sortir, les physiciens doivent repenser leurs méthodes. Ce n’est qu’en embrassant la réalité telle qu’elle est que la science pourra découvrir la vérité. » — JCB : Voilà qui me paraît frappé du sceau du bon sens. — JPP : C’est aussi ce qu’on a pensé. Dans sa page Wikipédia, on peut lire : À partir de 2016, Hossenfelder offre ses services comme consultante en physique au tarif de cinquante dollars américains pour vingt minutes de conversations en ligne. Le succès de l’initiative fait en sorte qu’elle a dû engager cinq autres physiciens pour fournir à la demande. Nous lui avons donc écrit en lui demandant de nous adresser un devis pour l’examen des articles que nous avions publiés. Elle nous a simplement répondu « qu’elle ne faisait pas ce genre de choses ». — JCB : Elle n’a pas perçu l’aspect humoristique de la demande. — JPP : L’humour ne semble pas être son trait de caractère dominant. Finalement, en 2018, j’ai essayé de jouer sur la coquetterie féminine. Je me suis servi d’une de ses photos de profil pour faire son portrait, au crayon, et je lui ai demandé à quelle adresse je pourrais poster l’original.
— JCB : Et ça a marché ? — JPP : Immédiatement. Elle m’a tout de suite envoyé son adresse. En même temps que l’original de son portrait, je joins joint deux de nos articles en lui demandant si, en retour, elle ne peut pas jeter un coup d’œil dessus. Nous ne nous attendions pas à sa réaction. Elle nous écrit : — Arrêtez de prétendre que ces équations sont les vôtres. Ce sont mes équations. Si vous persistez, je serai contrainte d’écrire aux éditeurs des revues en leur demandant de supprimer vos articles. — JCB : Houla !… C’était réellement ses équations ? — JPP : En réalité, il était très difficile d’y voir clair7, car elle avait créé des outils mathématiques à elle, qu’elle appelait des « pull over », dont le sens nous échappait. Mais vous savez, après tant d’années passées à attendre, trouver une partenaire de qualité, même si elle entendait s’arroger la primauté de la découverte, nous semblait être plus important. Je lui ai donc répondu : — Nous n’avons pas réussi à établir un lien entre votre travail de 2008 et le nôtre, postérieur de six années. Composez un article en démontrant cette filiation et nous serons ravis de le cosigner avec vous et de vous reconnaître comme la véritable créatrice de ce modèle
bimétrique. Les choses étant éclaircies, nous pourrions alors collaborer. Vous savez, nous ne sommes pas des mathématiciens, mais de simples physiciens. — JCB : Vous lui offriez la couronne et les lauriers. — JPP : Bien évidemment. L’essentiel était d’avancer. Mais la réponse, immédiate, a claqué comme un coup de fouet. — Je ne souhaite pas collaborer avec vous. Arrêtez de dire que ce sont vos équations. — JCB : C’est sans appel ! Mais maintenant la question est de savoir pourquoi elle réagit de cette façon. — JPP : À mon avis, c’est la connotation ovni de ce modèle. Et cela évoque un blocage planétaire, s’étendant à toute la communauté scientifique, à une échelle internationale. C’est la raison pour laquelle Lee Smolin n’avait pas donné suite à ma proposition de présentation du modèle dans son laboratoire canadien du Perimeter Institute. — JCB : On vous traite comme le porteur d’une maladie contagieuse. — JPP : C’est une réaction qu’on peut qualifier d’immunitaire. Ce qui est fou, c’est qu’elle pourrait bénéficier de l’essentiel du bénéfice des travaux, en cas de succès. Mais elle préfère s’en priver plutôt que de prendre le risque de se voir traitée à son tour de pestiférée. À 45 ans, elle a réussi à acquérir une notoriété scientifique. — JCB : Par des découvertes scientifiques ? — JPP : Non, dans le monde de la physique théorique et de la cosmologie personne n’a de travaux concrets, qui puissent placer leurs auteurs sur le devant de la scène. Mais la revue Scientific American lui a ouvert ses colonnes. Elle a fini par être connue par les questions qu’elle posait, pas pour ses réponses. Si elle cosignait un travail avec moi, ces portes-là se refermeraient devant elle immédiatement. — JCB : La véritable liberté de pensée commence quand on devient insensible à l’image que les gens ont de vous. Comment cela s’est-il terminé ? — JPP : On a envoyé ce message à Sabine Hossenfelder, accompagné d’un article mis en ligne sur la plateforme ResearchGate8.
Chère Sabine, Vous nous aviez dit en 2017 que les équations de notre modèle Janus étaient en fait les vôtres et vous nous accusiez de plagiat. Nous vous avions alors proposé de montrer que notre travail découlait du vôtre, antérieur de six années, à travers un article que nous aurions pu cosigner, en reconnaissant ainsi votre antériorité, si la preuve pouvait en être établie. Devant votre absence de réaction, après deux années d’attente, notre collègue la mathématicienne belge Nathalie Debergh a tenté d’établir avec un vous un dialogue. Mais vous avez aussitôt coupé court en disant « que vous ne vouliez plus avoir de quelconques rapports avec des plagiaires ». Nous ne pouvions, face à une accusation aussi grave, vous laisser continuer de colporter cela au sein de la communauté scientifique. Nous avons donc fait le travail que vous auriez dû faire, avant de proférer un avis aussi grave. C’est-à-dire que nous avons pris le temps d’analyser vos travaux avec soin, comme vous auriez dû faire avec les nôtres, au lieu de vous contenter d’une lecture superficielle qui a débouché sur une totale incompréhension de nos écrits. Il nous a fallu beaucoup de temps et d’efforts pour comprendre où se situaient les différences. En fait, après avoir construit votre système d’équations à partir d’un lagrangien, vous avez tenté de recoller avec le modèle standard de la cosmologie. Ce faisant vous êtes passée complètement à côté du bénéfice qu’on peut retirer d’une modélisation bimétrique, qui permet en premier lieu d’expliquer structure à grande échelle de l’univers, lacunaire, et le confinement des galaxies. Au lieu de cela, vous êtes allée vous perdre dans une tentative infructueuse de modélisation de la constante cosmologique. Votre désir de recoller avec une cosmologie que vous considérez comme « standard » vous conduit à un mauvais choix de signes, qui se traduit par une violation du principe d’équivalence. Nos deux modèles n’ont décidément de commun que d’être formulés à partir de deux équations de champ couplées. Mais là s’arrête la comparaison. Ainsi, vous n’avez aucun phénomène qui puisse se confronter valablement à des observations, sinon cet effet de lentille
gravitationnelle négatif que nous avions déjà décrit en 1995 dans un article d’Astrophysics and Space Science. Dans votre livre Lost in Maths, vous incitez les théoriciens à coller avec le réel, ce que nous avons fait. Vous, non. Nous avons résumé toute la démarche dans ce long article que Physical Review D n’a pas voulu soumettre à un referee, après quatre mois d’attente. Il a également été bloqué dans la section gr-qc d’arXiv, où nous avons un compte, et qui refuse de mettre en ligne quatre de nos articles publiés dans Astrophysics and Space Science et Modern Physics Letters A, ce qui traduit une censure sans équivoque. En le resoumettant à d’autres revues, nous l’avons positionné sur la plateforme ResearchGate. Comment se fait-il que vous, qui êtes si prompte à critiquer tout ce qui se publie ou se dit, ne parliez jamais de votre article de 2008 et de nos travaux dans votre blog Backreaction, où pourtant vous abordez toutes sortes de questions ? Sincèrement à vous, L’équipe Janus Jean-Pierre Petit, Gilles d’Agostini, Nathalie Debergh — JCB : Qu’a-t-elle répondu ? — JPP : Elle n’a pas répondu. Au lieu de cela, elle a produit une nouvelle vidéo censée apporter de nouvelles réflexions sur le problème de la matière sombre. En une semaine, cette vidéo a fait plus de trois cent mille vues, c’est-à-dire six fois notre propre score. Elle redit ce qu’elle pense, que la solution des problèmes observationnels passe par deux solutions : la matière sombre et l’idée lancée par un Israélien, Mordehai Milgrom, qui consiste à remplacer, à distance, dans les galaxies, la loi d’attraction universelle en 1/r2 par une loi en 1/r. On a donné à cette idée le nom de « théorie MOND », c’est-à-dire « Modified Newton Theory9 ». — JCB : Cette modification de la loi de Newton, c’est basé sur quoi ? — JPP : Sur rien. Simplement, quand on considère une galaxie comme une distribution de matière, si le champ gravitationnel équilibre une force
centrifuge associée à une vitesse devenue constante en fonction de la distance, alors le potentiel gravitationnel est associé à une force inversement proportionnelle à la distance. Cela tient en une ligne de calcul10 et c’est complètement ad hoc. Il n’y a aucun contexte géométrique associé. Mais tout le monde en parle, y compris l’académicienne Françoise Combes, qui ressasse exactement la même chose : « C’est la matière sombre ou la théorie MOND. » Mais cette théorie, si on l’ajuste pour les galaxies, ne fonctionne plus alors pour des amas de galaxies. — JCB : Mais Sabine Hossenfelder passe complètement sous silence le modèle Janus. — JPP : Tout à fait. C’est le seul sujet dont elle évite soigneusement de parler. Pas un mot dans son blog Backreaction, très suivi, ni dans son livre Lost in Maths. Elle ne répond à aucun e-mail, se mure dans le silence. Pourtant, étant donné ses compétences, elle pourrait contribuer aux recherches, en particulier en mécanique quantique. — JCB : Mais, pourquoi une telle surdité ? — JPP : Elle s’est trouvée face à un choix. Si elle se montre ouverte au modèle Janus, elle sera immédiatement rejetée par toute sa communauté et par les journaux de vulgarisation scientifique, Scientific American en tête.
1. Née en 1976. https://fr.wikipedia.org/wiki/Sabine_Hossenfelder. 2. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/2014-AstrophysSpaceSci.pdf. 3. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/2008-Hossenfelder.pdf. 4. I Looked up his works after you mentioned him but I can’t say I find much similarity to my approach, except similarities in the outcome. The whole set up seems significantly different. 5. http://backreaction.blogspot.com. En français, « réaction en retour ». 6. L’édition française garde le titre en anglais : Lost in Maths (Perdus dans les maths), Les Belles Lettres, 2019. 7. Nous avons réussi à démêler cet écheveau. Voir plus loin. 8. https://www.researchgate.net/publication/351082848_Bimetric_models_When_negative_mass_rep laces_both_dark_matter_and_dark_energy_Excellent_agreement_with_observational_data_Solving_t he_problem_of_the_primeval_antimatter. 9. Une théorie où on modifie la loi de Newton. 10. La force de gravité moins le gradient du potentiel gravitationnel compensant la force centrifuge gravitationnelle en 1/r.
. C’est
. En
à v constant, cela donne un potentiel en Log r, donc une force
DES REVUES SCIENTIFIQUES ÉRIGÉES EN FORTERESSES
— JCB : La doxa du monde scientifique s’exprime à travers le sévère filtrage opéré par le comité de lecture des grandes revues scientifiques. Comment avez-vous réussi à franchir ces barrages ? — JPP : Ça a été et c’est toujours épuisant. Il faut bien comprendre que les grandes revues comme Physical Review, Nature, Monthly Notices1 reçoivent des articles du monde entier. Quand on reçoit une réponse de rejet immédiat, qui porte la signature d’un des membres du bureau éditorial, ça n’est en général pas lui qui a effectué cette lecture, mais un assistant chargé du filtrage. En général, ce sont des doctorants choisis parmi ceux qui font par exemple une thèse de doctorat sous sa direction. Le temps de lecture se compte alors en minutes et cela donne : — Voyons les noms… Petit ? D’Agostini ? Des inconnus… et ce sont des Français… est-ce que les Français ont déjà publié des choses en cosmologie, qui ait un minimum de tenue ?… non… de quelle université sont-ils ?… aucune… voyons le résumé… Ils proposent de remplacer l’équation d’Einstein par un système d’équations couplées !… c’est n’importe quoi… vite… poubelle !… Et le garçon renvoie par coupé-collé une réponse standard. Il dispose pour ce faire d’un jeu de réponses toutes faites. Cela peut être par exemple2 : — Désolés, nous ne publions pas de travaux à caractère spéculatif. — JCB : Le travail n’est pas soumis à un referee, à un expert pour examen ? — JPP : Le bureau éditorial a sous la main un fichier d’experts, de referees. Si vous envoyez un papier sur les sujets du moment, comme la thermodynamique des trous noirs, la matière sombre et l’énergie noire, vous
n’avez que l’embarras du choix3. Mais le modèle Janus débute par « du travail à l’ancienne », utilisant les outils de géométrie différentielle forgés au début du siècle, les mêmes avec lesquels travaillaient des gens comme Einstein, Schwarzschild et les autres. Il n’y a pratiquement plus personne qui les utilise. — JCB : Pourquoi ? — JPP : Parce que sans les enrichir en y introduisant la topologie, ça ne donne rien. — JCB : Supposons que la revue confie votre article à un expert. Quand c’est arrivé, qu’est-ce que cela a donné ? — JPP : Janus met en jeu non pas une idée nouvelle, mais une demidouzaine d’un coup. Il n’est pas possible de n’en présenter qu’une seule : elles se tiennent toutes. Pour reprendre une expression courante dans le milieu, « on ne peut pas procéder par petites bouchées ». C’est l’ensemble du gâteau d’un coup, ou rien. — JCB : Sinon les confirmations observationnelles ne sont pas au rendezvous ? — JPP : Exactement. Ensuite le modèle Janus a la prétention de répondre à trop de questions, qui laissent les spécialistes en échec depuis trop d’années, de décennies. Le problème de l’antimatière primordiale, non observée ? Résolu. La nature des composants invisibles de l’univers ? Précisé. Le mécanisme de formation des galaxies spirale ? Expliqué. Celui de la structure à grande échelle de l’univers ? Pareil. La nature de l’énergie noire ? C’est simplement celle des particules de masse négative. L’accélération de l’expansion cosmique ? Expliquée. Etc. — JCB : Une telle prétention, d’emblée, suscite chez l’expert le scepticisme. — JPP : Il y a alors rejet, parce que l’expert ne fait pas l’effort, important, de lire et d’analyser le contenu de l’article. Les réponses sont alors… n’importe quoi. Je me souviens d’une réponse de l’un d’eux qui avait mis : — This paper is a typical example of an article written by crackpots4. Dans les années quatre-vingt-dix, quand s’ébauchait le modèle Janus, savez-vous combien d’envois j’ai dû faire avant de voir mon travail
analysé, puis publié ? — JCB : Dix ?… — JPP : Non, quarante-neuf. Et à l’époque, il fallait joindre dans une enveloppe deux photocopies de l’article, envoyées par la poste. Le délai de réponse, même sans lecture, était de l’ordre du mois. Pour publier un premier papier dans la revue Nuovo Cimento, il m’a fallu quatre ans… — JCB : Aujourd’hui, c’est plus rapide. On envoie l’article en pièce attachée. — JPP : En 2013, nous avions pu construire le premier système d’équations de champ couplées. Combien d’essais ? — JCB : Dix ? — JPP : Non, cinquante. Mais grâce au retour rapide par messagerie électronique, ça n’a pris cette fois que six mois. Dans les e-mails de retour figurent la date et l’heure. Cela permet de mesurer le temps consacré à l’examen du papier. Pour certaines revues, cela se chiffre en minutes. Dans le meilleur des cas, le referee répond par un lot de questions. Alors le « bras de fer » commence. En réponse, l’auteur doit renvoyer une nouvelle version de l’article, répondant aux questions. Ça a été le cas pour tous les travaux que j’ai produits au cours de ma carrière. — JCB : Pas seulement en cosmologie ?
1. Qui fondent leur réputation sur le fait qu’elles ont publié des écrits qui ont marqué l’histoire des sciences. 2. Sorry, we don’t publish speculative works. 3. Ajoutons qu’en général si l’auteur fait partie des vedettes dans la spécialité, ou s’il est recommandé par un de ceux-là par la classique « lettre d’accompagnement », le papier est accepté sans lecture. 4. Cet article est un exemple type de ce que peuvent produire des crackpots (littéralement, les « pots fêlés »).
LE VENT DU BOULET — JPP : Dans tous les domaines que j’ai abordés. Je vais vous donner un exemple où j’ai failli être fichu à la porte du CNRS. À l’époque, je bouclais ma dernière année comme attaché de recherche. C’est un poste CNRS qu’on ne peut occuper que pendant un maximum de cinq années. Cela laisse à l’étudiant le temps de boucler une thèse et de publier des articles, démontrant ses qualités de scientifique. Au terme de ces cinq années, son cas est examiné par une commission. Soit on considère ses travaux comme valables et il peut alors entreprendre une carrière de chercheur avec statut de fonctionnaire, en bénéficiant d’un poste de chargé de recherche, soit on le prie d’aller se faire voir ailleurs. Donc, au début des années soixante-dix allait se clore cette fatidique cinquième année. J’avais effectivement soutenu une thèse de doctorat, en 19721. Il me manquait le fait d’avoir publié un article conséquent, dans une bonne revue. — JCB : Vous aviez toutes ces notes présentées à l’Académie des sciences de Paris, par le mathématicien André Lichnerowicz. — JPP : Le CNRS avait décidé de ne tenir aucun compte des notes aux comptes rendus. Ma thèse comportait plusieurs volets. Le plus important était le premier calcul de la conductivité électrique d’un plasma doté de deux températures, une température du gaz et une température électronique, supérieure. J’avais négocié cela en utilisant les outils, assez sophistiqués, de la théorie cinétique des gaz, en y ajoutant le recours à une « algèbre des dyadiques2 ». C’est une méthode dite « perturbationnelle » où tout s’articule autour d’un paramètre3 . Le créateur de cette technique est un mathématicien suédois, David Enskog4. L’ouvrage de base est celui de Chapman et Cowling. Pour opérer avec deux températures, j’imagine alors de négocier cette méthode mathématique, non avec un paramètre, mais deux. Ça n’a jamais été fait.
— JCB : Comme d’habitude, vous ne faites rien comme tout le monde. — JPP : Si on fait ce que font tous les autres, on est un fonctionnaire, pas un chercheur. Quand se profile l’issue fatidique de cette cinquième année, tout se présente mal. J’ai soumis l’article au Journal de mécanique, dont le directeur est un académicien, Paul Germain5, qui dirige aussi un laboratoire de physique théorique, axé sur la théorie cinétique des gaz. Il est connu pour ses travaux sur les ondes de choc. L’article est refusé, le referee ayant conclu : « Ce travail révèle des méconnaissances profondes en théorie cinétique des gaz. » — JCB : Vous êtes vraiment mal barré. — JPP : À l’époque, le moral n’est pas au beau fixe. Soudain, la porte de mon bureau s’ouvre. Arrivent trois Russes, deux scientifiques, flanqués d’une interprète. L’un est le professeur Luikov. L’interprète traduit : — Le professeur Luikov, en visite en France, a fait le détour par Marseille, le professeur Velikhov lui ayant dit que vous étiez l’auteur de travaux intéressants. Il demande quels sont vos derniers travaux. Je passe au tableau et pendant une heure j’expose mon travail en « biparamétrique ». À la fin, l’interprète déclare : — Le professeur Luikov vous félicite. Vous avez résolu un problème sur lequel lui et son équipe ont buté pendant de nombreuses années. Il demande où ce travail a été publié. Je décide de ne pas le mettre au courant du rejet formulé par la revue française, et j’entends alors : — Le professeur Luikov dirige une revue de physique théorique à Minsk. Il dit qu’il serait très honoré de publier votre travail en Union soviétique. Aucune hésitation à avoir. Luikov repart avec l’article. Et là les choses vont très vite et le long papier paraît, traduit en russe, dans les mois suivants, dans cette revue de Minsk. Une revue américaine, qui suit les travaux russes, traduit alors le papier en anglais et le publie dans cette langue. Tout cela à quelques semaines de cette réunion de la dernière chance. — JCB : Que se passe-t-il lors de cette réunion de la commission ?
— JPP : Germain, par ailleurs membre de l’Académie des sciences, qui se trouve être le président de cette commission, ouvre mon dossier et commence par évoquer ma trajectoire, le conflit qui m’a opposé au directeur de mon premier laboratoire, l’Institut de mécanique des fluides de Marseille. Il évoque mes idées, qualifiées de saugrenues, de vouloir éliminer les ondes de choc par la MHD. Enfin, il termine sa présentation en lisant le commentaire du referee6 de la revue qu’il dirige : — Ce travail révèle une méconnaissance profonde de la théorie cinétique des gaz. Puis on passe au vote. C’est alors que le représentant syndical, à qui j’ai fourni ces documents, dit : — J’ai un autre son de cloche. Voici les tirés à part de ce travail, qui a été publié dans une revue russe et dans une revue américaine. Et il lance des photocopies à la volée. — JCB : Germain prenait un bide complet, en tant que directeur de sa revue scientifique. — JPP : Ça ne l’a pas ému plus que ça. Il a aussitôt tourné casaque, me présentant comme « un sang neuf en physique théorique », et je suis passé chargé de recherche. Mais, comme on dit, « j’ai senti le vent du boulet ». — JCB : Ça a été moins une. — JPP : Il y a eu d’autres situations de ce genre où j’ai été à deux doigts d’être fichu à la porte du CNRS. Mais comme dirait Kipling, « ceci est une autre histoire ». Revenons à ces histoires de publications dans les revues scientifiques. Comme le montre cet exemple, il est plus facile de publier des travaux se situant dans le mainstream7. Mais, en règle générale, quand un bras de fer commence par un referee, je gagne toujours au finish et l’article est accepté. Mais il y a eu une exception, que je ne suis pas près d’oublier. — JCB : Je vous écoute. — JPP : En 1997, j’avais été réaffecté à l’observatoire de Marseille. À cette époque, la revue Astronomy and Astrophysics était dirigée par l’astrophysicien français James Lequeux8. J’envoie donc à la revue un article sur ce qui allait devenir le modèle Janus. La réponse de rejet revient immédiatement, avec une formue en coupé-collé : « Nous ne publions pas
de travaux à caractère spéculatif. » Mais Lequeux est à Paris. Je peux donc l’avoir au téléphone, ce que je ne pourrais pas faire avec un directeur américain, vu le coût prohibitif d’une telle communication, à l’époque. Un dialogue s’engage : — Votre interprétation des phénomènes astrophysiques, comme le confinement des galaxies, la platitude de leurs courbes de rotation, en invoquant une masse négative est sans intérêt. La matière sombre rend très compte de tout cela. Et la preuve de son existence ce sont les effets de lentille gravitationnelle, au voisinage des galaxies et des amas. — En imaginant que les galaxies soient confinées par un environnement de masse négative, répulsif, on obtient les mêmes effets, qui correspondent alors à un effet de lentille gravitationnelle négatif. Dans la mesure où on n’a pas identifié cette fameuse matière sombre, qu’on n’a pas pu prouver son existence à travers des expériences dans les accélérateurs de particules ou des observations, les deux interprétations se valent. Notre travail mérite d’être publié et débattu. —… — Écoutez, soumettez notre article à un referee du genre méchant. S’il trouve des fautes rédhibitoires dans notre travail, on laissera tomber. — D’accord… En choisissant cette option, Lequeux est, dans son for intérieur, convaincu que l’expert à qui il adressera notre article n’aura aucune difficulté à le mettre en pièces. Mais tout ne se passe pas comme prévu. Intrigué, son referee répond par une bordée de questions. — JCB : Et le « bras de fer » commence. — JPP : L’attitude d’un referee n’est pas automatiquement négative. Celuilà est visiblement compétent et ses questions sont pertinentes. Découvrant notre description de la structure à très grande échelle de l’univers, lacunaire, structurée d’après nous par l’existence de conglomérats de masse négative9, invisibles, tapis au centre des vastes cellules de cette « Very Large Structure », il demande si un fait observationnel ne permettrait pas de révéler leur existence. Je réagis aussitôt à cette question. Effectivement, ces objets, s’ils sont librement traversés par la lumière issue de galaxies situées en arrière-plan, atténuent leur luminosité en diffusant celle-ci par « effet de
lentille gravitationnelle négatif ». La luminosité des objets situés à très grande distance doit ainsi être diminuée. Je reprends l’article et ajoute une section consacrée à cette question. La confirmation observationnelle vient d’émerger. Les galaxies très distantes10 ont effectivement une « magnitude » faible, et les astrophysiciens interprètent cela en disant que ce sont des galaxies naines qui se forment les premières. Ils concluent qu’en fusionnant elles donneront celles que nous observons actuellement, de plus forte masse. — JCB : Ainsi, en rebondissant à cette question du referee, cela vous amène à enrichir votre travail. — JPP : Tout à fait. En six mois, cet expert formule six lots de questions qui entraîneront six rédactions successives, à chaque fois enrichies de nouvelles réponses. Mais l’article, qui faisait au départ quatre pages, a vu son volume multiplié par dix. Mes collègues de l’observatoire suivent cette joute singulière, et Souriau de dire : — Il est visible que ton essai le passionne. Il veut te pousser pour voir jusqu’où cela peut aller. Mais quand l’article devra être publié, Lequeux devra lui consacrer un numéro entier de la revue, vu son volume. — À un moment j’ajoute, à la fin d’un envoi au referee : « Cela doit vous demander un sacré travail d’analyser à chaque fois le nouveau contenu de l’article. » Ce à quoi il me répond : « Et vous de répondre à toutes mes questions. » — JCB : Vous n’avez jamais pu connaître son identité ? — JPP : Non, mais soudain Lequeux m’envoie ce mail :
J’écris à Lequeux en disant que je comprends ses arguments mais qu’il devrait être possible de composer rapidement un papier plus concis, où figureraient les principaux points considérés comme acquis par le referee. Il m’envoie paître en m’écrivant : — Je vous rappelle que celui qui décide d’accepter ou de refuser un article, c’est le directeur de la revue, et lui seul, le referee n’ayant qu’un avis consultatif. Il réfute les quelques rares protestations émises par certains, dont Souriau, en ajoutant « qu’il a le cuir aussi épais que celui d’un rhinocéros ».
— JCB : Son comportement est l’expression de la plus complète malhonnêteté ! — JPP : Vous oubliez qu’en 1997 je suis déjà « l’homme des ovnis11 », donc « l’ennemi public scientifique numéro 1 », à abattre immédiatement. Avec un tel personnage, tous les moyens sont bons et on ne s’embarrasse d’aucun scrupule. — JCB : Vous en avez eu beaucoup, des histoires de ce genre ? — JPP : Ce qui se passe aujourd’hui est plus subtil. Il faut bien comprendre que les revues sont fondées au départ par un groupe de scientifiques qui constituent à la fois le « bureau éditorial » et les principaux referees. Du temps d’Einstein et de Schwarzschild, l’anonymat n’était pas la règle. Quand un papier était refusé, on savait par qui, et pourquoi. Dans le cas de la principale revue allemande de physique théorique, les responsables étaient membres de l’Académie des sciences de Prusse. Les articles étaient par ailleurs moins nombreux. — JCB : Dans une vidéo de l’année deux mille 12 à quarante minutes, Souriau dit que le nombre des chercheurs était cinq cent fois plus faible qu’aujourd’hui. Vous y participez, ainsi que feu votre ami Jacques Benveniste qui, à 47 minutes 20 secondes, décrit avec précision le système des revues scientifiques d’aujourd’hui. Le thème était au passage :
« Faut-il être hérétique pour innover en sciences ? » Une réponse à laquelle notre présent livre apporte visiblement une réponse positive. — JPP : Le système où l’identité des referees est protégée par l’anonymat s’est généralisé après la Seconde Guerre mondiale. L’idée était d’assurer à ces experts leur indépendance de jugement. Mais aujourd’hui, il permet d’assurer l’impunité la plus totale à un système passé entre les mains de « mafias ». — JCB : De mafias !? — JPP : Puissantes et nombreuses. Par exemple, la plus puissante : « la mafia des supercordes », puis « la mafia des trous noirs », « la mafia de la gravitation quantique ». Pour s’en convaincre, il suffit de télécharger la liste des membres du bureau éditorial d’une revue comme Physical Review D et d’examiner les spécialités de ses différents membres. À 95 %, ils relèvent tous de ces orientations.
1. L’académicien Evry Schatzman avait été le président du jury de thèse. 2. Qui ne sont pas des divinités des forêts, mais des tenseurs d’ordre deux. 3. Inspirée de la méthode inventée en 1929 par le mathématicien suédois David Enskog. 4. https://fr.wikipedia.org/wiki/David_Enskog. 5. https://fr.wikipedia.org/wiki/Méthode_de_Chapman-Enskog. 6. Dont j’ai su par la suite qu’il s’agissait d’un autre mathématicien, Henri Cabannes : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Cabannes. 7. Le « courant dominant ». Aujourd’hui : théorie des cordes, thermodynamique des trous noirs et gravitation quantique. 8. Né en 1934. https://www.babelio.com/auteur/James-Lequeux/232602. 9. Le fameux « Great Repeller », ou « répulseur du dipôle », découvert en 2017 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Répulseur_du_dipôle. 10. Avec un redshift supérieur à 7. 11. Aux éditions Albin Michel, en 1990 Enquête sur les OVNI, en 1991 Enquête sur des extraterrestres qui sont déjà parmi nous, qui provoquera un scandale au sein du CNRS, suivi du Mystère des Ummites. 12. https://www.youtube.com/watch?v=baxVH4LrHEw.
SUR ARXIV : UNE CENSURE SANS ÉQUIVOQUE QUI SE GÉNÉRALISE
— JCB : Il y a une trentaine d’années s’est créée, sur Internet, une plateforme « arXiv » qui devait permettre de contrer cet enfermement dans des secteurs particuliers. — JPP : C’était au départ l’idée. Mais à partir de 2014, il semble qu’une forme de reprise en main soit opérée. Beaucoup de contributeurs sont exclus des sections où leur compte avait été créé, qui sont clôturés par des mains anonymes. Le message que nous avons envoyé aux cinquantetrois membres qui gèrent les travaux de physique théorique et de cosmologie, en date du 30 avril 2021, résume à lui seul la situation : Chers Collègues, Nous avons eu recours à la plateforme arXiv depuis longtemps pour y positionner les preprints de nos articles. Initialement j’avais été parrainé sur la rubrique « gen-phys » (de physique générale) et j’y avais installé quelques articles, comme on peut le voir sur mon compte, dans cette section. En 2014, nos travaux théoriques ayant connu une impulsion nouvelle, j’ai alors tenté de télécharger ces nouveaux développements sur arXiv. À ma grande surprise, ces travaux ont été immédiatement bloqués, avec la mention « on hold ». En posant la question, la réponse automatique qui m’a été fournie a été « qu’un ou plusieurs modérateurs étaient en train d’examiner mon article ». Au bout de plusieurs mois, la conclusion s’imposait : il s’agissait d’un blocage sans limitation de temps. Dans les deux années suivantes, j’ai alors tenté de télécharger seize nouveaux articles, représentant les développements de notre modèle
cosmologique Janus, sous différents aspects. Ces articles ont tous été bloqués. Mon compte arXiv faisait alors état de 17 articles « on hold ». Finalement, arXiv a procédé à l’effacement de l’ensemble de ces articles et on m’a spécifié « que je ne devrais pas tenter de télécharger de nouveau ces papiers, sous peine de perdre l’accès à arXiv » […]. Le message ajoutait « vous devez d’abord publier des articles dans des revues mainstream avant de tenter de les publier sur cette plateforme. » Cela me paraissait absurde dans la mesure où arXiv est censé avoir été créé pour y installer des « preprints » et non des « postprints ». Trois années ont passé. Ayant pu être parrainé dans la section « gr-qc », plus appropriée à notre production scientifique, j’ai tenté de positionner en juillet 2020 un premier article, publié dans la revue Astronomy and Space Science en 2014. À ma grande surprise, cet article a été immédiatement bloqué, et il l’est toujours. Je précise que nous nous sommes conformés au souhait d’arXiv de n’envoyer que des articles composés en LaTeX, de manière à faciliter leur analyse par la plateforme. Nous avons donc envoyé quatre nouveaux articles, sous cette forme, tous dûment publiés dans les revues mainstream Astrophysics and Space Science et Modern Physics Letters A. Trois ont été bloqués, depuis des mois, mais le quatrième, le dernier de ces quatre, est passé sans problème. Enfin, plus récemment, nous avons tenté de positionner le preprint d’un article de synthèse important, également en LaTeX, qui a immédiatement été bloqué. Il nous semble que cela traduit une incohérence et un dysfonctionnement, peut-être imputé à des correspondants locaux, ou à un système robotisé. Pouvez-vous apporter remède à ce problème ? En pièce jointe les cinq articles concernés. Sincèrement vôtre Voici la traduction de la réponse qui nous est immédiatement parvenue, le 1er mai 2021 : Cher J.-P. Petit,
Il y a deux points que je vais aborder dans ce message. Le premier est une réponse à votre message ci-dessous et le second est un suivi de vos soumissions. Le message que vous avez envoyé aujourd’hui ressemble à une forme de harcèlement de modérateurs et ne constitue pas une forme de communication appropriée. Toute communication doit être envoyée : [1] À notre portail d’assistance à la modération ou par e-mail à [email protected]. Il n’est pas approprié de contacter directement des modérateurs individuels ou des groupes de modérateurs. [2] Un harcèlement répété des volontaires d’arXiv par un utilisateur entraînera la suspension des privilèges de soumission. [3] En ce qui concerne vos soumissions, je m’excuse pour le retard dans la prise de décision. La disponibilité des modérateurs a été limitée au cours des derniers mois. Vos articles n’étaient malheureusement pas les seuls à subir des retards, dont certains remontent à plusieurs mois. [4] J’ai vérifié ce matin et nous avons pris une décision. Nous avons le regret de vous informer que les modérateurs d’arXiv ont décidé que vos soumissions ne seront pas acceptées et rendues publiques sur arXiv. Chaque travail a été examiné individuellement par plusieurs modérateurs. Nos modérateurs ont déterminé que les soumissions ne présentent pas d’intérêt plausible pour une inclusion dans arXiv, même si nous reconnaissons que certaines sont publiées. Cette décision s’applique aux soumissions suivantes. — Modèles bimétriques. Lorsque la masse négative remplace à la fois la matière noire et l’énergie noire. Excellent accord avec les données observationnelles. Résolution du problème de l’antimatière primitive. — Dérivation lagrangienne des deux équations de champ couplées dans le modèle cosmologique de Janus. — Modèle cosmologique bimétrique avec des masses positives et négatives en interaction et deux vitesses de lumière différentes, en accord avec l’accélération observée de l’univers.
— L’hypothèse de la masse négative en cosmologie et la nature de l’énergie sombre. — Contraintes sur le modèle cosmologique de Janus à partir d’observations récentes de supernovæ de type Ia. — On evidence for negative energies and masses in the Dirac equation through a unitary time-reversal operator. — Le problème de la masse manquante. Pour plus d’informations sur la modération, y compris les appels, veuillez consulter https://arxiv.org/help/moderation. Les modérateurs d’arXiv s’efforcent de trouver un équilibre entre une évaluation équitable et la rapidité de la décision. Nous comprenons que cette décision puisse être décevante, et nous nous excusons de ne pas pouvoir vous offrir un retour plus détaillé en raison du volume élevé de soumissions que reçoit arXiv. Nous apprécions votre intérêt pour arXiv et vous souhaitons le meilleur ; Sincèrement, Jim Entwood Directeur des opérations d’arXiv Dans cette page sont présentés les membres de l’équipe dirigeante d’arXiv : https://arxiv.org/about/people/leadership_team. Jim Entwood est l’un d’eux. Pour tout bagage universitaire, il est titulaire d’un diplôme de « gestion des ressources humaines1 ». — JCB : Après tous ces mois d’attente, votre réponse, vous l’avez et c’est la confirmation d’une censure sans équivoque. Il reste à comprendre comment un des articles a pu être accepté immédiatement et pourquoi. — JPP : Tous les filets ont des trous. Dans la logique de ces rejets, cet article n’aurait jamais dû passer, vu qu’il remet en cause tout ce qui a été publié sur les trous noirs. Étant donné qu’arXiv a déjà mis en ligne plus d’un million d’articles dans une large palette de domaines, il est exclu que l’université américaine Cornell gère une telle entreprise. Tout a donc été sous-traité. Le flux est tel que cette « modération » doit être assurée pays
par pays. Dans une communication récente, Jim Entwood révèle qu’arXiv reçoit de 4 à 600 articles par jour, ce que représente de 150 000 à 216 000 nouveaux articles chaque année. Il indique, toutes disciplines confondues […] le chiffre de 160 modérateurs bénévoles qui devraient donc analyser 3 à 4 articles par jour. Un travail à plein temps. Nos articles sont donc filtrés par « une modération-France pour la physique théorique et la cosmologie ». Une des explications probables est que les adresses e-mail figurant sur cet article différaient de celles figurant sur les papiers déjà bloqués. La surveillance est assurée de manière automatique par des « robots ». Ceux-ci avaient pour instruction de rejeter immédiatement tout article émanant de : [email protected]. Celui qui est passé, par inadvertance, portait l’adresse [email protected]. Les instructions ont été rapidement modifiées en conséquence. — JCB : Les bras m’en tombent. On commence par vous imposer de publier vos travaux dans des revues mainstream, avant de tenter de les installer sur la plateforme arXiv. Vous le faites, alors que celle-ci installe quotidiennement des centaines de preprints dont aucun ne débouchera sur une publication dans une revue. Alors « des modérateurs anonymes d’arXiv » décident de leur propre chef que ces travaux n’ont pas la qualité requise pour figurer sur cette plateforme. — JPP : Nous avons maintenant des visages et des noms. Comme arXiv joue maintenant un rôle capital dans la vie scientifique internationale, voici son équipe dirigeante : – Il y a d’abord une jeune femme, Eleonora Presani, d’origine italienne. Travaux scientifiques sur les astroparticules, c’est-à-dire sur des objets d’existence hypothétique, non démontrée. Elle représente le lien entre arXiv et le puissant groupe Elsevier, gérant un grand nombre d’organes d’édition de documents scientifiques à… but lucratif. – Ensuite un astrophysicien, Steinn Sigurdsson. Spécialités : physique théorique, cosmologie, trous noirs. – Puis un certain Martin Lessmeister, centré sur l’architecture logicielle d’arXiv et ses développements, Alison From, qu’on peut qualifier de
journaliste scientifique, coordonne les collectes de fonds et Jim Entwood, déjà cité. — JCB : Quand on pense à la réponse qu’arXiv vous a faite, en refusant de mettre en ligne des articles déjà publiés dans des revues reconnues, on serait tenté de transposer la phrase de Hamlet dans la pièce de Shakespeare « There is something rotten in the kingdom of science2 ». Donc, du côté d’arXiv, c’est fini ? — JPP : J’ai envoyé le 3 mai 2021 une protestation sous la forme du message ci-après, adressé à Jim Entwood, en lui demandant d’en faire suivre copie à Eleonora Presani, directrice générale et à Steinn Sigurdsson, directeur scientifique. Monsieur, J’ai constaté que les cinq articles que nous avions soumis, dont quatre avaient été publiés dans des revues peer reviewed de haut niveau que sont Nuovo Cimento, Astrophysics and Space et Science et Modern Physics Letters A, faisaient l’objet, après des mois d’attente, et une soumission faite dans les formes, d’un rejet global pour les modérateurs. J’ai examiné attentivement les règles de soumission et les clauses de rejet d’arXiv (https://arxiv.org/help/moderation). Un article peut être censuré si : – contenu réfutable ; – format inapproprié ; – sujet inapproprié ; – contenu dupliqué ; – problème de droits sur les éléments soumis ; – taux de soumission excessif. Je ne vois pas que j’aie enfreint l’une de ces règles. Quatre des articles qui vous ont été soumis ont été approuvés par les arbitres des revues mentionnées ci-dessus, qui font partie de celles que la communauté considère comme sérieuses et valables. L’argument du rejet était, je cite :
« Nos modérateurs ont déterminé que les soumissions ne présentent pas d’intérêt plausible pour une inclusion au sein d’arXiv, même si nous reconnaissons que certaines sont publiées. » Je proteste donc contre cette décision injustifiée et vous demande de faire suivre ce message – au Dr Eleonora Presani, directrice générale ; – au Dr Steinn Sigurdsson, directeur scientifique. La cosmologie est une discipline qui s’enfonce, décennie après décennie, dans une crise majeure. La quasi-totalité de ce qui a été publié depuis des décennies dans ce domaine est centrée sur des objets chimériques, dont la réalité reste à établir, et sur des phénomènes et mécanismes hypothétiques que l’on tente de modéliser à l’aide de modèles théoriques totalement spéculatifs, qui n’offrent généralement aucune possibilité de confrontation avec les observations. En revanche, vous trouverez en compléments les revendications de notre modèle Janus. J.-P. Petit, G. d’Agostini, N. Debergh, Groupe de recherche Manaty Complément : les confirmations observationnelles du modèle Janus. Le modèle connaît un début de modélisation théorique en 1994 (Nuovo Cimento) et le 1995 (Astrophysics and Space Science). Nous avons pu le doter d’un contexte géométrique cohérent à partir de 2014, lequel repose sur un ensemble de deux équations de champ couplées, qui prend le relai du modèle proposé par Einstein, fondé sur une unique équation de champ, construit pour satisfaire le principe d’équivalence. Il élimine au passage l’ingérable phénomène runaway. L’approximation newtonienne donne alors les lois d’interaction ciaprès : – Les masses de même signe s’attirent selon la loi de Newton. – Les masses de signes opposés se repoussent mutuellement selon « anti-Newton ». Ce modèle, auquel nous avons donné le nom de « Janus », produit alors de nombreuses confirmations observationnelles :
Si on considère, comme cela sera justifié par la suite, que l’environnement du système solaire ne contient pratiquement pas de masse négative, la première équation devient alors identique à celle d’Einstein. En conséquence : 1 : Le modèle cadre avec les observations relativistes locales : Avance du périhélie de Mercure, effet de lentille gravitationnelle dû au Soleil. Certains chercheurs commencent à envisager la possible existence « d’un second univers, qui serait localisé de l’autre côté du Big Bang, CPT-symétrique du nôtre ». Le modèle Janus consiste à utiliser les outils de la topologie en « repliant » cette structure, et en lui conférant celle d’un revêtement à deux feuillets d’une variété à quatre dimensions, ces feuillets adjacents étant alors équipés de leur propre métrique. Le modèle Janus est donc un modèle bimétrique. En utilisant alors les outils de la théorie des groupes dynamiques, forgés en 1970 par le mathématicien français Jean-Marie Souriau (J.M. Souriau, Structure of Dynamical Systems, éditions Birkhauser, 1997), on relie l’inversion de la coordonnée temps à celle de la masse et de l’énergie. En reprenant les idées du russe Andreï Sakharov (1967), en supposant, comme lui, qu’à l’instar de la matière et l’antimatière de masse positive, les masses et les antimasses négatives se forment à partir de quarks et d’antiquarks d’énergie négative, et que l’annihilation des couples de matière-antimatière de masse négatives ait laissé subsister un reliquat d’antimatière de masse négative, associé, dans un rapport 3/1 à un reliquat correspondant de quarks d’énergie négative, on peut alors conférer une identité précise aux composants invisibles dans l’univers. Il s’agit alors : – d’antihydrogène de masse négative ; – d’antihélium de masse négative. Baignant dans un ensemble de photons d’énergie négative.
2 : Cela résout alors le paradoxe de la non-observation d’antimatière primordiale. Le schéma de l’histoire cosmique s’articule alors de la matière suivante : Les deux entités, de masse et d’énergie positive d’une part, de masse et d’énergie négative d’autre part possèdent leurs propres jeux de constantes physiques : Vitesses de la lumière c(+) et c(-) ; Constantes de la gravitation G(+) et G(-) ; Constantes de Planck h(+) et h(-) ; Charges électriques élémentaires e(+) et e(-) ; Masses élémentaires e(+) et e(-) ; Constantes de perméabilité magnétique du vide
.
En associant leurs variations à leurs propres facteurs d’échelle d’espace et de temps a(+) et a(-), t(+) et t(-) à travers une loi de jauge généralisée assurant l’invariance des lois de la physique (qui sont les mêmes dans les deux secteurs), on obtient deux évolutions conjointes, « à constantes variables ». Par opposition aux nombreuses tentatives opérées par d’autres auteurs, celles-ci ne violent pas l’invariance de Lorentz. Tout part d’une situation initiale totalement symétrique. Puis pendant la phase radiative une instabilité est la source d’une forte dissymétrie. En particulier : a(+) >> a(-) : les distances sont plus courtes dans le secteur négatif. c(+) 7 ne sont donc pas des galaxies naines, mais des galaxies de tailles normales, dont la luminosité se trouve réduite par cet effet. Des mesures plus précises dans la région du Great Repeller devraient à terme révéler le diamètre de celui-ci. 9 : Le modèle cadre avec les observations des galaxies à fort redshift. Un modèle mathématique de galaxies issu d’une solution d’un ensemble de deux équations de Vlassov couplées par l’équation de Poisson fournit un modèle de galaxies de masse finie, confinées par la masse négative, offrant des lois de vitesse d’orbitation circulaire du gaz en accord avec les observations. Les excursions de vitesse dans les parties centrales révèlent le cannibalisme ayant présidé à la formation de la galaxie. La forme, plate en périphérie, des courbes de rotation est donc expliquée, sans faire recours à un halo de masse positive, d’une matière sombre hypothétique. 10 : Le modèle explique la forme des courbes de rotation. Les amas de galaxies correspondent à des solutions mathématiques à symétrie sphérique. On obtient un modèle d’amas (et d’amas globulaires) de masses finies. 11 : Le modèle explique les fortes vitesses résiduelles les galaxies dans les amas.
On montre que les lacunes dans la distribution de masses négatives équivalent, en négatif, à des masses positives équivalentes, que ces lacunes engendrent un effet de lentille gravitationnelle négatif. 12 : Le modèle explique les forts effets de lentille gravitationnelle observés. Subsidiairement, on explique pourquoi on ne peut construire une équation de Poisson, en tant que forme linéarisée de l’équation de champ, pour une distribution de matière uniforme, par inexistence d’un potentiel gravitationnel. Des simulations numériques ont permis de faire apparaître les structures spirales, par effet de friction dynamique entre les galaxies et leur environnement de masse négative, qui perdurent pendant des dizaines de tours. Faiblement présente dans les ensembles stellaires cette perturbation, onde de densité, engendre une forte réponse, non linéaire, dans le gaz. 13 : Le modèle explique la structure spirale des galaxies. Ainsi se trouvent donc expliquées les structures spirales des galaxies, en tant que processus dissipatifs propres aux ensembles non collisionnels, exempts des phénomènes des systèmes collisionnels que sont le transfert de chaleur et de quantité de mouvement. Avant le découplage dans les deux secteurs, le rayonnement domine dans les deux secteurs. Si on tente d’étendre la théorie de l’instabilité gravitationnelle de Jeans à un milieu où le champ de gravité est uniquement imputable au rayonnement, on tombe sur une longueur de Jeans qui est de l’ordre de l’horizon cosmologique. Cela milite pour une forme de multivers où notre univers est entouré de « cellules » jointives issues de cette instabilité gravitationnelle dans l’ère radiatif, dotées d’ensembles de constantes différentes, mais obéissant aux mêmes lois physiques. Cela vaut également pour le monde négatif. Mais dans celui-ci l’horizon cosmologique est de plus faible envergure. Les fluctuations qui se produisent selon cette longueur d’onde agissent sur le monde positif en suscitant une faible réponse, vu la « rigidité » du gaz de
photons. Ces faibles fluctuations correspondent aux observations de l’univers dans son stade primitif. 14 : Le modèle rend compte des faibles fluctuations dans le CMB. Comme dans cet univers primitif, l’horizon cosmologique est égal au facteur d’échelle, on en déduit, en se basant sur la longueur d’onde caractéristique des fluctuations observées, que : a(+) de l’ordre de 100 a(-) c(-) de l’ordre de 10 c(+) Dans le monde négatif, les distances à couvrir sont donc cent fois plus courtes et la vitesse de la lumière dix fois plus élevée. D’où une réduction potentielle des temps de voyage de trois ordres de grandeurs. 15 : Le modèle rend les voyages interstellaires non impossibles. Les travaux ont également porté sur un réexamen des deux solutions publiées par Karl Schwarzschild en 1916. Paradoxalement, un article paru dans la revue Modern Physics Letters A en 2015 est le seul qui soit passé au travers du système automatisé de censure d’arXiv : J.-P. Petit, G. d’Agostini : « Cancellation of the central singularity of the Schwarzschild solution with natural mass inversion process » : https://arxiv.org/abs/2103.12845. Ce travail montre que cette géométrie correspond à un « space bridge » entre deux univers PT-symétriques, à ce qu’on appelle un « orbifold ». L’examen approfondi des travaux de Schwarzschild montre que lorsqu’une étoile à neutrons voit sa masse s’accroître, une singularité physique (densité et vitesse de la lumière devenant infinies) se manifeste avant que n’intervienne une criticité géométrique. On suggère qu’un mécanisme naturel d’inversion de la masse se produirait au cœur de l’étoile, permettant la dispersion de la masse inversée, dès lors qu’elle n’interagit plus avec la masse positive qu’antigravitationnellement, maintenant l’objet dans une situation subcritique avec une masse limitée à : .
Les prétendus trous noirs géants au centre des galaxies seraient des objets en situation subcritique, produisant cependant des images faisant état d’un disque sombre au centre, dû au redshift gravitationnel. Sombre mais pas complètement noir. 16 : Le modèle rend compte de l’image de l’objet au centre de M87. L’équipe suggère que ce processus d’inversion du temps et de la masse se produirait lorsqu’on remonte dans le passé cosmique. Ainsi, il n’y aurait pas d’avant Big Bang. 17 : Le modèle résout la question de « l’avant Big Bang » : en ce point, le temps s’inverse.
1. Jim coordonne les efforts des modérateurs de volontaires et des administrateurs d’arXiv en ce qui concerne le flux quotidien d’articles et l’assistance aux utilisateurs. Il travaille avec le directeur scientifique pour développer et améliorer les politiques opérationnelles d’arXiv. Il a une expérience de la gestion des volontaires et du développement de sites Web pour des groupes de recherche, et il est titulaire d’un M. A. en études de leadership. 2. « Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de la science. » Allusion à la phrase d’Hamlet, dans la pièce de Shakespeare, « Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark ».
PROGRAMME DE RECHERCHE L’équipe se propose de faire apparaître, à partir du système des équations de champ, un phénomène de fluctuations conjointes des métriques, qui serait particulièrement important dans la phase primitive mais se poursuivrait aujourd’hui. Un tel phénomène aurait pour effet d’engendrer une variation de la « masse apparente de l’autre secteur ». Premier scénario : l’affaiblissement de cette masse affaiblit le « corset » de masse négative qui confine la galaxie. Celle-ci explose, se disloque complètement. Le modèle expliquerait l’existence des « galaxies irrégulières » recensées par Arp. Second scénario : le renforcement de l’effet de confinement engendre la naissance d’une onde de densité centripète, comparable à un tsunami. Celle-ci, comme les ondes de densité spirales des galaxies, aurait la nature d’une onde de choc, déstabilisant la masse gazeuse et suscitant la création d’étoiles. Cela interpréterait les images de galaxies à anneau, de Hoag. Cette masse gazeuse annulaire, convergeant vers le centre galactique, ioniserait le milieu par émission d’UV (comme la structure spirale), rassemblerait au centre galactique les lignes de champ du faible champ magnétique préexistant dans la galaxie (un microgauss). Le phénomène se traduirait par la création au centre de la galaxie d’une masse gazeuse dont le diamètre serait de l’ordre d’un système solaire et où la température dépasserait très largement celle de la fusion de l’hydrogène. Cette masse créerait alors plus d’énergie que la galaxie qui l’héberge. Le plasma émis suivait la géométrie dipolaire du champ magnétique et serait émis selon deux lobes symétriques.
Cela constituerait un modèle de quasar. Le gradient de champ magnétique, s’étendant sur plusieurs diamètres galactiques, constituerait un accélérateur de particules naturel, conférant une très forte énergie à celles-ci. Le modèle expliquerait l’origine des « rayons cosmiques ». Le phénomène serait d’une durée « relativement brève », à l’échelle des temps cosmiques. Une fois l’émission d’énergie calmée l’objet, sphéroïdal, pourrait être comparé à une protoétoile, l’implosion étant contrariée par les forces de pression, au sein du plasma et magnétique. La géométrie de tels objets serait limitée à sa configuration subcritique. Des excursions successives de « masse apparente » pourraient se traduire par un accroissement de cette masse, confinée dans un espace restreint. Cela constituerait la nature des objets hypermassifs situés au centre des galaxies.
PHYSIQUE THÉORIQUE La théorie des groupes dynamiques est basée sur le groupe de Poincaré complet associé l’opération « inversion du temps », à l’inversion de la masse et de l’énergie. Le modèle Janus s’est accompagné d’une extension en 5D de ce groupe de Poincaré complet, traduisant le lien entre les deux secteurs par CPT-symétrie. En mécanique quantique, il en va autrement. Il existe alors des opérateurs P et T, d’inversion d’espace et de temps, qui peuvent être : – Soit linéaires et unitaires. – Soit antilinéaires et antiunitaires. En théorie quantique des champs classiques, des choix de P antilinéaire et antiunitaire T linéaire et unitaire conduisent l’émergence d’états d’énergie négative. Cette théorie, les considérant comme non physique, opte arbitrairement pour le choix : P linéaire et antiunitaire T antilinéaire et unitaire. Ce choix a pu sembler licite jusqu’en 2011, lorsqu’un prix Nobel a récompensé Perlmutter, Riess et Schmidt pour la mise en évidence de l’expansion cosmique sous l’effet d’une pression négative.
Or une pression négative est aussi une densité volumique d’énergie négative (alias « énergie noire »). Donc, cela incite à reconsidérer ce choix et à étendre la mécanique quantique à l’étude des états d’énergie négative, ce qui constitue le programme de recherche d’un membre de l’équipe, la mathématicienne belge Nathalie Debergh, spécialiste des fondements mathématiques de la mécanique quantique. Elle est l’auteure en 2018 d’un premier article sur l’engendrement de ces états via l’équation de Dirac. N. Debergh, J.-P. Petit, G. d’Agostini : « On evidence for negative energies and masses in the Dirac equation through a unitary timereversal operator », Journal of Physics Com. 2 (2018) 115012 : arXiv :1808.0546v2 (quantum-phys), 7 nov. 2018. 18 : Première percée concernant mécanique quantique et masses et énergies négatives. Son ambitieux travail se prolongera par l’extension de la théorique quantique des champs conjointement aux deux ensembles, énergies positives et énergies négatives. Nous conjecturons tous deux que cette démarche devrait avoir entre autres comme retombée La Quantification de la Gravitation. — JCB : Une occasion de rappeler, dans ce long message, les nombreuses confirmations observationnelles qui militent en faveur du modèle Janus et
que vos interlocuteurs ne semblent pas « voir ».
DES REVUES QUI REFUSENT DE FAIRE EXAMINER LES TRAVAUX
— JPP : Une des raisons est que, pour ces gens, habitués depuis cinquante ans à des travaux théoriques exempts de la moindre confirmation observationnelle, cette avalanche doit leur sembler « trop belle pour être vraie ». Cette réaction semble maintenant être également celles des revues. En juillet 2020, nous envoyons un article de synthèse sur le modèle Janus à la revue Physical Review D. Pourquoi ce choix ? Parce que c’est précisément le journal où Sabine Hossenfelder publie en 2008 son essai sur une cosmologie « bimétrique ». Nous commençons la rédaction de notre article en évoquant les travaux de Damour, de 2002, et le sien, pour marquer les différences. Les revues demandant qu’on leur indique des referees potentiels, nous citons les noms de Damour et de Hossenfelder. La réponse immédiate est un rejet, sans soumission à referee. — JCB : Accompagné de quel message ? — JPP : C’est un message que nous recevons maintenant d’autres revues et qui tient en deux mots : « Non suitable » (ne convient pas). — JCB : On peut difficilement faire plus laconique. Mais plutôt que de mettre cela, il serait plus net de répondre : « Cet article ne nous convient pas. » — JPP : La réponse est signée du nom d’un membre du bureau éditorial de Physical Review D, Robert Wimmer. Craignant que cette décision de rejet ait été prise par un « sous-fifre », j’écris à Wimmer : — Je suis tout à fait conscient que votre revue doit recevoir un nombre important d’articles inconsistants, écrits par des scientifiques
amateurs, dont la lecture et l’analyse ne sont que pertes de temps. Mais le nôtre s’inscrit dans une suite de papiers déjà publiés dans des revues de haut niveau. Nous insistons pour que l’article soit soumis à un expert. Wimmer se charge alors d’expertiser lui-même l’article. Il est facile de trouver son profil et ses publications en composant dans Google Scholar1 « wimmer physical review D ». Ses articles ont été également positionnés sur la plateforme arXiv : https://scholar.google.fr/scholar? q=robert+wimmer+physical+review+D&hl=fr&as_sdt=0&as_vis=1&oi=sc holart. Et sur la palteforme ResearchGate : https://www.researchgate.net/scientific-contributions/Robert-Wimmer9769737. — JCB : Ses travaux se prêtent-ils à des confirmations observationnelles ? — JPP : Aucun. Je cite quelques titres « Masse et charge de monopoles supersymétriques », « Condensation de tachyons dans une D-brane », etc. Il est important, au titre d’un témoignage, de reproduire in extenso la traduction en français de son analyse : La décision de ne pas envoyer ce document à un referee, pour examen, est correcte. En résumant : 1. Les auteurs souhaitent proposer une alternative à la matière noire afin d’expliquer une structure cosmique particulière et intéressante (le « Great Repeller »). 2. Leur document décrit très brièvement une motivation pour la matière noire (mesures de lentille gravitationnelle), sans mentionner aucune des autres (y compris, mais sans s’y limiter, la cinématique des courbes de rotation des galaxies, la liaison des amas de galaxies, le rapport des pics acoustiques dans le fond cosmique des micro-ondes). En outre, ils ne discutent pas en détail de la question de savoir en quoi l’hypothèse de la matière noire est en fait déficiente, pour expliquer cette structure.
1. L’hypothèse alternative doit être appuyée par une présentation des lacunes de l’hypothèse standard ; ce document ne le fait pas. 2. L’alternative que les auteurs proposent, la masse négative, est plutôt extraordinaire. Aucune preuve n’est fournie que notre univers contienne des corps de masse négative. Un aphorisme bien connu dit que « les demandes extraordinaires exigent des preuves extraordinaires » ; aucune n’est fournie ici. 3. L’écriture est très peu claire et difficile à suivre. J’admets qu’il semble que les auteurs ne sont pas de langue maternelle anglaise, donc je serais prêt à tolérer une certaine imprécision dans les mots employés. Toutefois, dans ce cas, la présentation est tellement confuse que je ne peux pas analyser de grandes sections du manuscrit. Par exemple, le texte autour de la discussion du travail de Hossenfelder est tellement confus que je ne peux pas dire si les auteurs critiquent ce travail ou la construction qui en découle (ou les deux). Pour résumer, il s’agit d’un manuscrit confus et difficile à lire qui utilise un modèle peu étayé pour fournir une explication alternative à un phénomène, sans expliquer pourquoi une telle alternative serait nécessaire ou souhaitable. Elle ne présente pas de nouveaux résultats significatifs en physique ; elle n’est pas de haute qualité, ni d’un grand intérêt scientifique ; et elle ne serait pas une contribution importante à la littérature. Robert Wimmer La principale lacune du modèle standard de la cosmologie, que Wimmer ne relève pas, c’est que personne ne connaît la nature de cette hypothétique matière sombre et de la non moins hypothétique énergie noire. Le principal argument en faveur du modèle Janus est qu’il est le seul à fournir l’identité des composants invisibles de l’univers, sous forme d’antimatière de masse négative, d’antihydrogène et d’antihélium, qui tout en formant des ensembles autoattractifs repoussent en confinant notre propre matière. Ces particules créent une pression négative qui devient responsable de l’accélération de l’expansion cosmique. Pour expliquer tout cela, il faut un
nombre de pages important. Je décide donc de donner à l’article une forme étendue à trente-six pages au lieu des douze initiales : http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/2021-Janus-Cosmological-Model.pdf. Un document qui comporte au passage tous les éclaircissements nécessaires pour situer notre travail vis-à-vis de celui de Sabine Hossenfelder et je redemande que l’article soit soumis à un referee. Mais Wimmer est déjà passé à autre chose. Un de ses assistants me signifie qu’un rapport complet et circonstancié m’a été adressé, où se trouvent indiquées les raisons du refus de soumettre l’article à un referee, et que cette affaire est donc close. Mais le rapport évoqué se réfère à la version de douze pages. L’autre ne sera jamais lue. Quatre mois de perdus. Nous représenterons ce papier de trente-six pages dans d’autres revues (avec encore des mois d’attente à prévoir, lors de tels échanges, si tant est qu’on arrive à franchir une fin de non-recevoir immédiate). Mais, en attendant, comme l’a fait Wimmer pour ses propres travaux, nous positionnons cet article sur la plateforme ResearchGate2. Mais désormais nos articles porteront la mention des refus d’examen, avec le nom du responsable qui a pris cette décision : Bimetric models. When negative mass replaces both dark matter and dark energy. Excellent agreement with observational data. Solving the problem of the primeval antimatter. J.-P. Petit, G. d’Agostini, N. Debergh Manaty Research Group This paper was submitted in August 2020 to the journal Physical Review D. An editorial board member, Robert Wimmer, declined to submit the paper to a referee for review. Traduction : Modèles bimétrique. Quand la masse négative remplace à la fois la matière sombre et l’énergie noire. Accord excellent avec les données observationnelles. On résout le problème de l’absence d’antimatière primordiale.
J.-P. Petit, G. d’Agostini, N. Debergh Groupe de Recherche Manaty Cet article a été soumis en août 2020 à la revue Physical Review D. Un membre de l’editorial board, Robert Wimmer, a refusé de soumettre l’article à un referee, pour expertise. — JCB : Avec cette mention, vous partez en guerre contre les revues. — JPP : Ce qui est complètement anormal et inacceptable, c’est que le papier n’ait pas été soumis à un referee pour un examen sérieux et rejeté par un type qui publie à tout va dans sa revue des papiers sur les charges de monopoles supersymétriques et la condensation des tachyons dans des branes. — JCB : Vous en resterez là pour cet article ? — JPP : Nous le soumettrons à d’autres revues mainstream jusqu’à ce que l’une d’elles accepte de le faire examiner par un referee. Et si d’autres revues refusent, cela sera également mentionné. — JCB : N’y a-t-il pas d’autres moyens pour publier vos articles et présenter vos travaux ?
1. https://scholar.google.fr. 2. http://dx.doi.org/10.13140/RG.2.2.34648.62724.
LES « PREDATORY JOURNALS1 » — JPP : Jadis, la création d’une revue, éditée sur papier à un très petit nombre d’exemplaires, nécessitait l’apport d’un capital important. Celle-ci devait s’assurer le concours de salariés qui soient à la fois des typographes, capables de transcrire les écrits d’auteurs, où les formules étaient composées à la main, et des gens capables de comprendre ce qu’ils transcrivaient. Le « marché » était extrêmement limité, à une poignée de laboratoires, abonnés à ces publications. Une revue ne pouvait survivre que grâce à des financements issus d’institutions. Aujourd’hui, ce sont les auteurs eux-mêmes qui prennent en compte toutes ces opérations de composition typographique, en fournissant un fichier PDF. Si on se limite à une édition purement numérique, pour créer une revue il suffit alors d’un simple site Internet. Ces dernières années, une centaine de nouvelles Webrevues ont vu le jour. Alors qu’il existait de longue date la revue Journal of Physics, on compte maintenant une autre revue Journal of Modern Physics. Si la première est sérieuse, la seconde, opérant un adroit détournement du titre de la première, fait partie de ce qu’on nomme maintenant des « predatory journals2 ». Elle prétend offrir les services de referees solides, mais c’est faux. Ce sont des structures créées pour faire de l’argent. Pour la « publication » d’un article, essentiellement sous forme numérique, les sommes demandées sont importantes et peuvent atteindre mille dollars. Un site Internet présente la liste impressionnante3 de ces « predatory journals », établie par un bibliothécaire de l’université du Colorado, Jeffrey Beall. Il y a également des predatory conferences4. — JCB : Là, c’est plus compliqué à organiser. — JPP : Il suffit par exemple qu’existe une structure d’accueil hôtelier, disposant de chambres, d’un restaurant et d’une salle de conférences avec un dispositif de projection. Il est alors possible, à peu de frais, d’annoncer la tenue d’un « colloque international ». Au besoin, on mentionnera la
présence de quelque personnalité scientifique qui, en fin de carrière et en mal d’écho médiatique, acceptera de couvrir la manifestation. Au besoin, on lui demandera de prononcer « le discours d’introduction ». Mais on a vu des cas où les noms de ces gens figuraient dans un « comité organisateur du colloque » alors qu’ils n’étaient même pas au courant5 ! — JCB : C’est de l’escroquerie pure et simple ! — JPP : S’agissant des revues, je connais des chercheurs qui, ayant payé une somme conséquente pour voir leurs travaux publiés, ont demandé communication du rapport du referee qui avait accompagné l’acceptation de leur article. Ils ont été fort surpris de ne pas recevoir de réponse. — JCB : Parce que ce rapport n’avait simplement jamais été écrit. — JPP : Je passe sur la déception des participants à ce genre de colloques, par exemple, en particulier chez certains à qui on avait conféré le titre de « chairman », de « président de séance » et qui se retrouvent, au Japon ou ailleurs, dans la structure hôtelière accolée à un supermarché, entouré d’autres gogos. — JCB : Ces gens vous sollicitent ? — JPP : Il ne se passe pas de journée sans que je ne reçoive un e-mail élogieux, assorti d’une invitation à publier dans ces colonnes. Je mets tout cela dans mes spams.
1. Les revues prédatrices. 2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Revue_prédatrice. 3. https://beallslist.net. 4. https://en.wikipedia.org/wiki/Predatory_conference. 5. Ça a été le cas de Steven Weinberg, présenté comme membre d’un comité d’organisation d’un colloque auquel j’étais convié « comme chairman ». Les escrocs tablent sur le fait que ces personnalités ne porteront jamais plainte contre eux.
LE BUSINESS JUTEUX DES PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES
— JCB : Il reste une bonne question : qu’est-ce qu’une revue sérieuse ? Est-ce que les revues qui surfent sur le prestige que leur confèrent les articles qu’elles ont publiés, qui ont marqué l’histoire des sciences, qui maintenant publient des travaux qu’on peut qualifier de chimériques, et qui refusent d’analyser des travaux correctement construits, peuvent encore être considérées comme sérieuses ? — JPP : Le business des revues « sérieuses1 » est devenu extrêmement juteux. Des groupes comme RELX Group, Springer, Wiley-Blackwell, Taylor & Francis s’adjugent à eux seuls 40 % des parts du marché de la publication scientifique2. Au départ, les revues tiraient leurs revenus d’abonnements coûteux, payés par les laboratoires, hors de portée de chercheurs qui consultaient ces numéros dans la bibliothèque de leur unité de recherche. Il y a une quarantaine d’années, quand un auteur était publié par une revue, celle-ci lui adressait quelques dizaines de « tirés à part » qu’il pouvait alors envoyer à des collègues par voie postale. J’ai fonctionné moi-même, en début de carrière, avec ce système. Au milieu des années soixante, les photocopieuses n’existaient même pas. Il fallait taper les textes sur des feuilles de calques, tracer ses figures à la main. Pour faire des doubles, on utilisait un papier sensible sur lequel on posait les calques. Puis on insolait. Enfin, la « révélation » se faisait dans une sorte d’armoire où on faisait s’évaporer de l’ammoniac. Ça piquait le nez. Les jeunes chercheurs de maintenant ne peuvent pas imaginer une telle époque. Le scientifique lambda n’avait pas accès à un ordinateur, des machines occupant une centaine de mètres carrés, qu’on ne pouvait qu’apercevoir derrière des vitres. Ces « monstres », de la société IBM, étaient servis par des prêtres en blouse blanche. Les données et les programmes en Fortran étaient codés sur
des cartes perforées, fixées par des élastiques et rangées dans des boîtes à chaussures. Ça, c’était pour les « riches », ceux qui avaient un budget en « heures calcul ». Les autres utilisaient la règle à calcul (les longues étaient plus précises que les courtes, mais plus encombrantes). Certains avaient des machines Facit, à manivelle. Pour les multiplications, tourner autant de tours que d’unités. Et on décalait le chariot à la main, clac ! Pour les divisions : tourner la manivelle à l’envers. Les professeurs avaient des machines où une motorisation électrique remplaçait la manivelle.
Internet a totalement bouleversé la donne. Ces revues offrent alors des versions numériques des articles publiés sur papier, téléchargeables pour une vingtaine de dollars. La création de la plateforme arXiv, où le téléchargement est alors gratuit, est née de la nécessité impérieuse, pour les chercheurs, de trouver le moyen de diffuser leurs travaux à grande échelle. Les revues les plus recherchées, comme la célèbre revue Nature ou The Journal of Physics, se sont alors dotées de « périphériques », éditant sous forme exclusivement numérique, et cette fois payants. — JCB : Pourquoi faut-il absolument, pour vous, continuer à publier des articles ? — JPP : Avant toute chose, nous sommes contraints de continuer à viser les revues mainstream, celles qui sont « considérées comme sérieuses ». C’est en nous astreignant à cette règle, ô combien pénible, que nous avons pu
créer une confiance au sein du public. Mais dans le même temps, ces travaux seront installés sur une base de données comme ResearchGate et arXiv, si faire se peut (et on verra plus loin ce qu’il est advenu). — JCB : Vous êtes obligé de marquer les buts sur le terrain de « la science officielle », pas « dans les vestiaires ». — JPP : Encore faut-il que ces « revues sérieuses » acceptent de faire analyser les articles par leurs experts. Ces refus d’analyse, c’est nouveau. — JCB : C’est d’autant plus bizarre qu’avec le temps ces travaux sont de plus en plus construits et charpentés. — JPP : C’est peut-être justement parce qu’ils sont de plus en plus solides que les revues ne veulent pas prendre le risque de voir leurs auteurs « gagner leur bras de fer » avec leurs referees. Il faut réaliser une chose. Toute la physique théorique et la cosmologie d’aujourd’hui ne sont plus que d’immenses châteaux de cartes. Le modèle Janus est la boule qui roule vers ces quilles. Les années qui passent ne font que démontrer l’échec patent de mise en évidence de la matière sombre dans les laboratoires3 et dans l’espace. Tous ces gens risquent de voir leur réputation, leur statut, s’effondrer totalement. — JCB : Sous cet angle, le temps travaille pour vous. Mais quel écho au sein de cette communauté scientifique ? — JPP : Il reste bien difficile d’y imposer nos travaux. Quand vous publiez un papier, un certain nombre de renseignements vous sont demandés. Outre les noms des auteurs et le titre, il y a aussi le résumé en anglais. Tout cela entre dans une immense base de données. Quand vos articles sont consultés, tout cela est comptabilisé. Le résultat s’inscrit par exemple sur la base de données scientifique créée par Google, qui porte le nom de Google Scholar4. Si vous composez le nom de Juan Maldacena, la star du groupe « Trous noirs » en ce moment, vous verrez apparaître toute une suite d’articles, dont par exemple :
Vous voyez que cet article, publié Dans Le Journal de la physique des hautes énergies a été consulté 1 210 fois en huit ans. Il y a également un lien permettant de télécharger cet article sous sa forme PDF. — JCB : Et si je tape « Jean-Pierre Petit cosmologie » ? — JPP : Alors vous obtenez un peu n’importe quoi. Mieux vaut viser des revues particulières en tapant « Jean-Pierre Petit Astrophysics and Space Science ». Vous obtenez alors ceci :
— JCB : 56 consultations en trente-six ans…
1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Publication_scientifique. 2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Éditeur_scientifique. 3. https://r.wikipedia.org/wiki/XENON et https://r.wikipedia.org/wiki/Massif_du_Mont-Cenis. 4. https://scholar.google.fr.
LA FABRIQUE DES CARRIÈRES SCIENTIFIQUES
— JPP : Maintenant les articles doivent être soumis aux revues en langage LaTeX. Cela permet aux robots d’opérer une exploration complète du texte, caractère par caractère. Il leur est alors possible de détecter les noms de collègues chercheurs cités dans les références. Des citations qui désormais compteront dans la « cote en Bourse » du scientifique en question. On débouche alors sur un système d’évaluation de la qualité du chercheur, fondé sur le nombre de citations. Pourront aussi être prises en compte les participations à des colloques internationaux. — JCB : Je commence à entrevoir le fonctionnement du système. Il suffira que des groupes se forment, appartenant à différents labos, de différents pays, qui s’entre-citent à qui mieux mieux, pour que leurs cotes se mettent à monter automatiquement. Et tout cela est d’autant plus vicieux, dans le domaine de la physique théorique et de la cosmologie, qu’on ne tient absolument plus compte du fait que les articles se réclament ou non de confrontations observationnelles et/ou expérimentales. — JPP : Pour Robert Wimmer, éditeur de Physical Review D, et pratiquement pour tous les autres, la vraie physique, celle qui est intéressante, c’est celle des confinements de monopoles ou de collapses dans des branes à n dimensions. On s’adresse à des gens hors-sol, qui vivent dans une autre dimension, fonctionnent avec une autre logique. Quand on y réfléchit, toute la communauté des physiciens théoriciens et des cosmologistes fonctionne ainsi. — JCB : Souriau n’avait donc pas tort quand il disait que la physique théorique était devenue un vaste hôpital psychiatrique où c’étaient les fous qui avaient pris le pouvoir.
— JPP : En 2017, grâce à des subsides fournis par des lecteurs, j’avais participé à deux colloques internationaux. Le premier était « le colloque annuel Schwarzschild » qui se tenait dans sa ville natale, Francfort, dont le thème était « la thermodynamique des trous noirs ». L’invité vedette était Juan Maldacena. — JCB : Vous y présentiez une communication ? — JPP : Je n’avais pu obtenir qu’un simple poster. — JCB : Un poster ? — JPP : C’est devenu une pratique courante dans les colloques, pour les communications jugées mineures. On met à disposition de ces intervenants de seconde zone des panneaux où ils peuvent punaiser un poster, d’une taille définie, évoquant leurs travaux. Il y a alors une session posters, en général l’après-midi du dernier jour, quand la plupart des gens sont déjà partis, où les auteurs peuvent répondre aux questions de membres du colloque. Efficacité zéro, sur le plan de la communication. — JCB : Dans ces colloques, que se passe-t-il ? — JPP : Pratiquement rien, puisque la physique théorique est dans une impasse totale. Les communications ne sont guère différentes de ce que produiraient des fous, dans un hôpital psychiatrique. On y entend la démonstration de théorèmes imaginaires. On navigue dans un surréalisme complet, dans un… véritable multivers. Au demeurant, et cela m’a énormément surpris lors de ces deux colloques, 80 % des participants n’écoutent en réalité absolument pas le conférencier. Ils ont leur portable sur les genoux, consultent leurs e-mails et y répondent. Certains, quand ils sont à l’écart de voisins, regardent même des vidéos avec des oreillettes pour le son. Au colloque de Paris, j’avais une voisine qui ne manquait aucun exposé et qui… lisait un roman. Sans doute une étudiante, petite amie du directeur d’un labo.
— JCB : Sérieux ? — JPP : Authentique. Mais après chaque exposé, tous applaudissent à tout rompre, et on passe au conférencier suivant. — JCB : Quel intérêt ces gens trouvent-ils à ce genre de manifestation ? — JPP : Cette participation figurera dans leur prochain rapport et, c’est le plus important, elle est l’occasion de faire un peu de tourisme au frais des contribuables. — JCB : C’est assez… déprimant. — JPP : Quelques mois plus tard, toujours en 2017, toujours grâce à l’aide des internautes, j’ai participé à la grande rencontre annuelle, consacrée à la cosmologie, qui se tenait cette fois à Paris, intitulée COSMO17.
— JCB : On devait y trouver les figures françaises de la discipline : Thibault Damour, Françoise Combes, Aurélien Barrau, Marc Lachièze-Rey, Jean-Philippe Uzan, etc. — JPP : Aucun n’était présent. Moi, j’avais encore un poster. J’ai suivi tous les exposés, en salle. Là encore les participants avaient leur portable sur les genoux et faisaient leur courrier. Il y avait cent quatre-vingtdouze participants, issus de vingt-quatre pays. Je suis intervenu pratiquement à chaque séance, en créant chaque fois un malaise complet au sein de cette petite fête. J’ai positionné un rapport complet sur ces participations à ces deux colloques, sur mon site Internet1. Ces dessins parlent mieux qu’un long discours.
1. Colloque de Paris, 2017 : https://www.jppetit.org/nouv_f/videos_liens/Compte_rendu_COSMO17_2017.htm ; et Colloque « Schwarzschild » de Francfort, 2017 : https://www.jppetit.org/nouv_f/videos_liens/Compte_rendu_Francfort_2017.htm
DES BOUTEILLES À LA MER — JCB : Et si vous aviez pu faire une présentation orale de vos travaux, aurait-ce été différent ? — JPP : Comment pouvez-vous imaginer qu’on puisse réaliser une présentation du modèle Janus en vingt minutes qui ait la plus petite chance d’être comprise pour des gens qui débarquent et sont de toute façon à mille lieues de cette façon d’envisager les choses ? Cet exposé existe, sous la forme d’une vidéo que j’ai créée, mais il dure une heure quarante1. — JCB : En français ? — JPP : Oui, mais il y a aussi des versions doublées, en anglais, en russe, en espagnol et même en arabe. — JCB : Des versions sous-titrées ? — JPP : Non, doublées. Si vous regardez les vidéos, des numéros des phrases apparaissent, sur l’écran, qui vont de 1 à 588. — JCB : Ce qui veut dire que votre vidéo est composée de 588 phrases numérotées. — JPP : Exactement. Pour ces doublages, on a demandé aux traducteurs de fournir 574 fichiers sons, dans leur langue. Après, il a suffi de coller ces fichiers sur « la bande-son » de la vidéo. Ces versions sont en place depuis une année. — JCB : Des « bouteilles à la mer » et encore une nouvelle invention JeanPierre Petit . Des échos ? — JPP : Non, pas pour le moment. Le nombre des vues tourne entre 700 et 1 700 vues. Je crois qu’il faut fonctionner sans attendre qu’il y ait un retour immédiat.
1. https://www.youtube.com/watch?v=RXKONGBClY0.
EN GUISE D’ÉPILOGUE — JCB : Bien, je crois qu’on arrive au bout de ce tour d’horizon. Comment voyez-vous l’avenir de Janus ? — JPP : Maintenant que Nathalie Debergh va pouvoir dégager du temps pour sa recherche, les choses avanceront de ce côté-là. Sur ce terrain de la mécanique quantique, son programme est extrêmement ambitieux, puisqu’il comporte une tentative de quantification de la gravitation en incluant les masses et l’énergie négative. Sur le plan recherche, nous avons plusieurs fers au feu. Nous sommes en train de finaliser nos travaux de dynamique des galaxies, sous la forme d’articles. Nous présenterons le premier modèle de galaxie1. Les articles seront envoyés aux revues mainstream, en même temps qu’ils seront installés sur la base de données ResearchGate et soumis à celle d’arXiv. Je vais finaliser la description de l’ère radiative du modèle Janus et cela suivra les mêmes circuits. Si les revues refusent d’examiner ces travaux, cela sera mentionné. À côté de cela, je viens de faire un nouveau bond concernant un modèle de comportement des étoiles à neutrons déstabilisées, qui est le challenger du modèle du trou noir. En fonction de leur masse je sais maintenant calculer le diamètre de la « sphère de gorge » qui se constitue au centre de ces objets. Les neutrons en « rebondissant » sur cette surface voient leur masse inversée. N’interagissant alors plus avec la masse de l’astre, et repoussés par lui, ils sont éjectés. Un mécanisme qui fait que, selon moi, la masse des étoiles à neutrons n’atteindrait jamais la valeur audelà de laquelle ils se transformeraient en trous noirs. — JCB : Cela vous laisse pas mal de pain sur la planche. — JPP : Ce qu’on attendra, c’est que d’autres scientifiques ayant l’envergure d’une Nathalie Debergh se manifestent. Je ferai ce que j’ai
toujours fait : créer, informer, essayer d’aller vers plus de vérité. Et les années passeront.
— JCB : Visiblement le modèle Janus peine à se faire entendre dans la cacophonie générale. Comment faire en sorte que la physique théorique et la cosmologie sortent de cette schizophrénie organisée ? — JPP : Pour cela il faudrait qu’on puisse signaler les travaux d’une réelle valeur, c’est-à-dire qui conduisent une ou des confirmations observationnelles et/ou expérimentales. On peut suggérer l’utilisation des couleurs disponibles sur Internet. On peut proposer le codage ci-après : Gris : Éléments qui appartiennent à un ensemble théorique ou à des techniques expérimentales ou d’observation reconnues, classiques, fonctionnelles, comme les équations de Maxwell, les intégrales de chemin de Feynman. Rouge : À l’inverse, cette couleur correspondrait à des revendications maximales en termes d’innovation, concernant des articles, où non seulement se trouveraient présentés des constructions théoriques nouvelles, des équations, un modèle original, et où il serait fait état de confirmations observationnelles et/ou expérimentales. Vert : Cette couleur serait réservée aux mathématiques ou à des apports purement théoriques présentant un intérêt sur le plan mathématique.
Bleu : Couleur se référant à des travaux concernant des expériences et/ou des observations qui constituent un réel apport vis-à-vis des connaissances, où ces observations et expériences ont été réalisées avec des techniques connues. Marron : Couleur affectée à des résultats d’expérience et/ou d’observation réalisés avec une technoscience innovante. Violet : Une couleur qui se référerait à des articles théoriques spéculatifs, exempts de confirmations observationnelles et/ou expérimentales. Exemple : tout ce qui concerne les cordes et la gravitation quantique, la thermodynamique des trous noirs. Noir : Les parties présentant un caractère d’innovation, mais ayant déjà fait l’objet de publications antérieures de la part des auteurs, seront de couleur noire. — JCB : Une proposition qui représente une véritable révolution. Dans cette optique, il y aurait des milliers d’articles qui devraient être représentés affectés de la couleur violette. Toute la « physique théorique depuis 1970 », en fait… Mais quant à de nouveaux articles, qui en fixerait la couleur ? — JPP : Un tel projet mériterait un débat au sein de la communauté scientifique. Je pense qu’au départ les auteurs eux-mêmes choisiraient la couleur du texte. Un choix qui pourrait être contesté, ce qui implique une structure de dialogue, permettant aux autres scientifiques, qui seraient alors tenus d’indiquer leur identité, d’exposer leurs compétences, d’apposer des commentaires, dénonçant par exemple, preuves à l’appui, une antériorité ou une qualité revendiquée. — JCB : Cela se met à ressembler à Wikipédia, avec le même écueil, la montée en puissance de « modérateurs » non identifiés. — JPP : Effectivement. Lors de la création de Wikipédia2, en 2001, il y a juste vingt ans, était né l’espoir d’une forme de liberté d’expression. Ce qu’on peut reconnaître, c’est l’indéniable succès d’une telle formule en tant que base de données « culturelle ». Avec un simple clic, on peut voir débouler des masses d’informations de tous ordres. Aucun étudiant, aucun universitaire ou intellectuel ne pourrait plus travailler aujourd’hui sans l’accès à cette base de données. Immédiatement, on a accès à une date, à un
chiffre, aux liens d’un sujet avec d’autres sujets. Aujourd’hui, Wikipédia, qui comporte des versions en trois cents langues, reçoit six cents millions de visites quotidiennes. Sa base de données comporte cent soixante millions de pages. Son contenu est enrichi par quatre-vingt-cinq mille contributeurs. — JCB : Mais dès qu’on s’intéresse à des sujets « sensibles », un contrôle occulte se manifeste, qui vous avait exclu de cette structure il y a une quinzaine d’années, sans recours possible. Que faudrait-il pour donner à Wikipédia une certaine éthique ? — JPP : Comme pour arXiv, il faudrait que des recours puissent s’exercer. Il faudrait que ces mêmes recours soient publics. — JCB : Dans Wikipédia, la mise en forme des articles implique qu’une contradiction s’exprime. — JPP : Dans les faits, ce sont toujours les modérateurs anonymes qui détiennent le pouvoir. Des opinions divergentes sont qualifiées de conflits d’éditions. Tout perturbateur se voit alors privé de possibilité d’intervenir, voire « banni à vie », comme je l’ai été. — JCB : C’est quand même navrant quand on pense à ce que vous auriez pu apporter grâce à vos qualités de pédagogue et de vulgarisateur, pouvant produire des images à l’infini. — JPP : Avec Wikipédia comme avec arXiv, il est vain d’espérer voir aboutir une plainte visant un abus de pouvoir des administrateurs. On se heurte également à l’effet pervers de l’anonymat généralisé. — JCB : Comme avec arXiv ou avec les revues de publication. Il reste cette idée de codage par couleurs, à creuser. — JPP : Disons que c’est une idée. — JCB : Il reste à conclure, et c’est à moi de le faire. Comme d’habitude, composer un livre avec Jean-Pierre Petit, c’est comme monter dans le wagon d’un scenic-railway. Il faut avoir le cerveau bien accroché. Plusieurs choses se dégagent. Il y a quinze ans, le physicien Lee Smolin avait défié à chronique en publiant un livre, un best-seller à l’époque, qui s’intitulait Rien ne va plus en physique !, où il montrait l’échec ahurissant de la théorie des cordes. Quinze ans plus tard, ce que vous montrez, c’est que rien n’a changé. Les théoriciens continuent d’invoquer des phénomènes
hypothétiques, invoquent de nouvelles particules que personne n’observe, et de nouveaux mots dont on ne sait ce à quoi ils se réfèrent, qui engendrent de nouveaux acronymes, et c’est tout. Les médias se peuplent de vidéos qui sont pleines de vent, où on tente de faire prendre des images de synthèse pour des réalités. Des dizaines de livres font étalage de vessies présentées comme des lanternes. Dans les discours et les écrits, tout se conjugue depuis un demi-siècle au conditionnel. Des médailles et des prix sont distribués par poignées à des gens qui n’ont en réalité rien trouvé et dont pas un n’inscrira son nom dans l’histoire des sciences. Dans les congrès de cosmologie et de physique théorique, l’auditoire n’écoute pas. Pour quoi faire, puisque personne n’a rien à dire ? Le portable sur les genoux, on fait son courrier. On tente de composer les éléments d’un rapport, d’un projet de recherche, consacrant la quête d’une nouvelle chimère. Au fond de mines, dans des tunnels ou à bord de la station spatiale, on attend, à prix d’or, que la particule qui résoudra tous les problèmes se manifeste, enfin ! Mais non. Les tempes grisonnent, les visages se rident, les crânes se dégarnissent, les décennies s’égrènent et rien ne vient, les détecteurs restent silencieux, comme des pièges qu’aucune proie ne vient visiter. Dans les accélérateurs de particules, on déchaîne toutes les foudres de l’enfer dans un monde de hautes énergies devenu désert. Les observateurs ont des yeux, de plus en plus perçants, qui scrutent de noirs horizons à des distances qui semblaient il y a peu insondables. Leurs instruments voient ce qu’aucun œil ne peut capter. On découvre des monstres silencieux, tapis au centre des galaxies, mais dont nul ne peut dire ce qui les a enfantés. Les découvertes s’enchaînent, qui sont autant de catastrophes successives. Chacune est un nouveau pied de nez adressé par la nature, qui ne cesse de dire à ceux qui rêveraient de l’emprisonner dans le filet de leurs équations : « Je ne suis pas celle que vous croyez ! » Et tout cela dure depuis un temps-charnière qui se situe dans les années soixante, soixante-dix. Que s’est-il passé à ce moment-là pour que l’inspiration déserte les laboratoires ? Vous proposez une réponse. Encore une fois, c’est la géométrie qui mène la danse. Vous repliez l’espace-temps de Sakharov en faisant de l’univers un vêtement muni… d’une doublure. Dans le village scientifique, votre cirque a dressé son chapiteau, sans attendre qu’on ne l’y autorise. L’entrée est libre.
Les numéros s’enchaînent. Tout est jongleries, couleurs, rythmes, pirouettes, fanfare. Mais le prestidigitateur que vous êtes révèle le secret de tous ces tours. Avec toujours le même message : il nous faut nous hâter de penser autrement. Mais à travers votre propre histoire, on découvre une communauté scientifique arc-boutée sur les portes des séminaires, où l’on se barricade de son mieux, comme si l’on redoutait une tempête d’idées. Cinquante années de communications, d’articles, de thèses, se mettent à ressembler à un immense château de cartes, qui ne demande qu’à s’effondrer, à un ensemble de quilles, qui voient une boule inquiétante, nommée Janus, rouler tranquillement vers elles. Ayant jadis révolutionné la physique des plasmas en faisant les poubelles de laboratoires, vous voilà contraint de faire la manche pour permettre à une collaboratrice de simplement disposer d’un peu de temps pour travailler. Masse négative, inversion du temps, cosmologie, physique théorique, structure à grande échelle de l’univers, dynamique des galaxies, structure spirale, antimatière, mécanique quantique, à trois vous tentez d’encercler à vous seuls des milliers de chercheurs, retranchés dans leur forteresse. Vos détracteurs, peu désireux de risquer un face-à-face, vous laissent le bénéfice d’une victoire par forfait. Au moment où le peuple se met à douter de ses élites, la respectabilité des gardiens des temples et des chapelles de la science semble soudain vaciller. Point de saines critiques, point de communiqués, mais un silence qui fait tache d’huile. À vous lire, on est tenté de se dire : « Il va peut-être se passer quelque chose, enfin ! » Alors, on attend… la suite. Décembre 2021
1. En tant que solution exacte d’un couple d’équations de Vlassov, combinées à l’équation de Poisson. 2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Wikipédia.
ANNEXE 1
L’ERREUR MATHÉMATIQUE QUI A DONNÉ NAISSANCE AU MODÈLE DU TROU NOIR
— JPP : La réponse en est exactement au même point qu’en 1916, quand Karl Schwarzschild a publié ses deux solutions exactes de l’équation d’Einstein. La première, dite « solution de Schwarzschild extérieure », décrit ce qui se passe à l’extérieur d’une masse M. Mais il existe une seconde solution, qui n’est pratiquement jamais évoquée par les spécialistes. Et il y a une très bonne raison à cela. Bien évidemment, ces articles ont été initialement publiés en allemand. Du temps de Newton, pour pouvoir lire les écrits d’autres « savants » et être lu par eux, il fallait maîtriser le latin. Aujourd’hui, un scientifique qui s’avérerait incapable de lire et d’écrire l’anglais se placerait hors jeu sur le terrain de la science. En 1916, si vous ne lisiez pas couramment l’allemand, vous ne pouviez participer au débat tournant autour de la physique théorique et de la relativité. — JCB : Avec des grandes figures comme le mathématicien David Hilbert, la physique théorique, en train de naître, était avant tout allemande. — JPP : Ajoutez qu’à cette époque beaucoup de scientifiques maîtrisaient plusieurs langues. Il est intéressant de préciser à quelle époque les deux articles publiés en 1916 par Schwarzschild ont été traduits en anglais : Le premier article, de janvier 19161, décrivant la géométrie à l’intérieur de l’objet, auquel tous affectent de se référer, a pour titre allemand : « Über das Gravitationsfeld eines Massenpunkes nach der Einsteinschen Theorie ». Sa traduction en anglais2 a été donnée en 1999 par le mathématicien italien S. Antoci, aide du mathématicien allemand A. Loinger. Le titre devient :
« On the gravitational field of a mass point according to Einstein’s theory ». Une traduction en français3 a été réalisée en 2017 par H. Traccard, le titre devenant : « Champ gravitationnel d’un point de masse dans la théorie d’Einstein ». Aujourd’hui, l’accès à ces textes semble évident. Mais c’était loin d’être aussi simple dans le passé. Quand un article était publié, l’auteur disposait d’une dizaine de « tirés à part » qu’il pouvait envoyer à quelques collègues. La photocopie n’existait pas. Comment ces concepts percolaient-ils à travers les différents pays ? Ils faisaient d’abord l’objet de commentaires dans d’autres langues. Et il n’est pas dit que ces commentateurs aient perçu toute la profondeur et la subtilité du papier original. Aujourd’hui, ce qu’on croit être le calcul fait par Schwarzschild a été reproduit des millions de fois, dans toutes les langues et dans un nombre inévaluable de livres et de cours. Cela correspond-il réellement à ce qu’avait produit l’auteur ? Dans les vidéos Janus 22-1 à Janus 22-8, je montre que non4. Schwarzschild publie en réalité un second article5, trois mois plus tard, en mars 1916, intitulé : « Über das Gravitationsfeld einer Kugel aus inkompressibler Flüssigkeit nach der Einsteinschen Theorie ». Sa traduction anglaise6 n’a été disponible qu’à partir de 1999, sous la traduction d’Antoci et Loinger avec comme titre : « On the gravitational field of a sphere of incompressible fluid according to the Einstein Theory ». Et, toujours depuis 2017, disponible en français7 grâce à H. Traccard.
Ces deux articles constituent le traitement complet de la géométrie, à l’extérieur et à l’intérieur de l’étoile, modélisée comme une sphère emplie d’une masse incompressible de masse volumique . À l’intérieur de cette masse, la solution est également formulée sous la forme de géodésiques. Mais elle n’a pas immédiatement retenu l’intérêt parce qu’on n’envisageait pas que des particules puissent traverser librement les masses en suivant les géodésiques. On sait aujourd’hui que les neutrinos peuvent traverser des masses très importantes, sans interagir, donc en suivant les géodésiques « intérieures ». Mais pour le moment nous ne disposons pas de télescopes capables de nous fournir des images en exploitant une optique basée, non sur les photons, mais sur les neutrinos. Que nous « dit » cette seconde solution de Schwarzschild ? L’image didactique est celle d’un cône émoussé, formé en raccordant une calotte sphérique et un tronc de cône. On peut alors, en utilisant du ruban adhésif, tracer les géodésiques, soit passant à proximité de cette calotte sphérique, soit passant carrément au travers.
Est-ce tout ? Non. Schwarzschild a noté un point essentiel. Je souligne celui-ci sur la traduction française et vous pourrez localiser ce passage dans les versions anglaise ou allemande.
Dans cette partie, Schwarzschild regarde ce qui se passe si le rayon de la sphère contenant cette matière incompressible de densité s’accroît. Un tel objet est en tout point comparable à une étoile à neutrons, qui se comporte effectivement comme un objet incompressible. Une criticité apparaît, sous différents angles, qui fait que cette description géométrique devient problématique. La criticité géométrique se manifeste si la masse de l’étoile à neutrons devient égale ou supérieure à 3 masses solaires8. Or ce que nous dit Schwarzschild, c’est que lorsque cette masse atteint 83 % de cette valeur, la pression au centre de l’étoile devient infinie, de même que la vitesse de la lumière. Ainsi, une criticité physique interviendrait avant que ne se manifeste une criticité géométrique. Il faut garder en tête que l’idée clé de la relativité générale est que la géométrie locale dépend de la valeur de la densité volumique d’énergie. Et celle-ci n’est rien d’autre que la pression. Que se passe-t-il quand celle-ci devient infinie ? Naissance d’une mathématique sans rigueur et d’une physique sans expérience9
Un certain nombre de physiciens théoriciens, dont principalement John Archibald Wheeler, envisagent de décrire le devenir d’un tel objet en portant leur attention sur la « solution extérieure de Schwarzschild ». Rappelons que cette solution se réfère à une portion d’espace rigoureusement vide où on ne trouve nulle matière. Il est donc a priori singulier de vouloir décrire un objet hyperdense à l’aide d’une solution se référant au vide. Soit M une masse, c la valeur de la vitesse de la lumière dans le vide et G la constante de la gravitation. On construit à partir de cela une longueur appelée « rayon de Schwarzschild » :
La solution géométrique de Schwarzschild se traduit par une métrique, exprimée avec des coordonnées rendant compte de la symétrie sphérique de la solution.
Un passager présent sur un véhicule empruntant une trajectoire autour de cet astre de masse subirait un « redshift gravitationnel ». Quelle est la signification de cette grandeur ? À un facteur près, c’est le « temps propre » que ce passager verrait s’inscrire sur sa montre-bracelet selon :
Imaginons un atome appartenant à un disque se situant au voisinage de l’objet. Imaginons que cet objet soit immobile. Donc . Le seul effet concerne alors l’altération du temps propre, selon :
Si r est grand devant Rs, le temps propre s’écoule pratiquement au même rythme. Mais si r se rapproche de Rs, ce temps propre s’écoule plus lentement. Si l’objet émet un rayon lumineux, celui-ci subira un effet de redshift gravitationnel. Cet effet a été constaté pour la lumière émise par une étoile passant au plus près d’un corps très massif et très dense, situé au centre de la Voie lactée et dont on évalue la masse à un million de masses solaires. Cette observation est une confirmation de cette géométrie issue de la relativité générale. Mais rien ne prouve que cette masse se trouve confinée à l’intérieur d’une sphère dont le rayon serait inférieur au rayon de Schwarzschild, qui correspond à l’orbite des planètes du système solaire.
Quand on regarde la forme de la « métrique » décrivant cette géométrie, les signes des termes se référant au temps, au rayon et aux angles constituent ce qu’on appelle sa « signature ». Si r < RS, il est clair que celle-ci correspond à : (— , + , — , — ) Envisageons des trajectoires radiales, plongeantes : Si on assimile la coordonnée r à une distance radiale, il est alors clair que quand un objet est décrit par des coordonnées telles que r < RS ds2 = c2 dτ2 devient négatif. Donc, le temps propre devient imaginaire pur. Cela ne correspond plus à un monde physique. L’analyse que j’ai produite dans les vidéos Janus 22-1 à Janus 22-8 montre que cela découle d’une erreur de lecture de l’article original de Karl Schwarzschild. Cette variable r n’est pas une coordonnée radiale, mais une grandeur intermédiaire que celui-ci désigne par la lettre R. Effectivement, Schwarzschild part bien de coordonnées sphériques
.
Avec :
Nous sommes dans le monde des réels. Toutes les coordonnées sont des réels. Ainsi, r est strictement positif. Mais dans la suite du calcul, il pose :
L’expression de la métrique montre que α est la longueur de Schwarzschild. Dans ces conditions, il vient : R > α = Rs
.
0
Donc, le fait d’entendre étudier la géométrie pour R < Rs est une absurdité qui découle d’une mauvaise lecture de la solution. Les cinquante années qui vont suivre seront marquées par cette erreur fondatrice. Dans les années suivantes, différents auteurs ont mis en œuvre d’autres choix de coordonnée pour tenter d’éliminer les deux singularités qui se manifestent dans la forme retenue, fausse. pour R = Rs et R = 0 On montre assez rapidement que la première singularité, en R = Rs peut être éliminée par un changement de coordonnées. Les auteurs estiment donc que ça n’est pas une « vraie singularité ». En revanche, ils confèrent ce qualificatif à celle associée à la valeur R = 0, qualifiée de « singularité centrale ». Il s’ensuivra des flots d’encre et d’articles, ainsi que de brillants théorèmes (Hawking, Penrose), concernant cette « singularité centrale », ainsi que des dissertations sur les coordonnées de Kruskal et le diagramme du même nom. Alors que tout cela ne correspond plus à la moindre réalité physique et n’existe que dans l’imagination des théoriciens. Nous cherchions le moment où les théoriciens avaient « perdu la raison ». S’agissant de la cosmologie, ce moment clé est identifié. Cette dérive de la cosmologie est présentée de manière synthétique dans un ouvrage publié en 1973, qui aura un retentissement planétaire, signé par John Archibald Wheeler, cosigné par son élève Kip Thorne :
Dans ce livre, on trouve l’ensemble des idées qui réorienteront les travaux théoriques pendant le demi-siècle suivant, c’est-à-dire les « trous noirs », la turbulence quantique, les univers multiples, etc.
— JCB : Vous remettez en question des orientations. Avez-vous publié des papiers sur ce sujet ? — JPP : Cela a été publié en 2015 dans la revue mainstream de haut niveau Modern Physics Letters A sous le titre « Cancellation of the central singularity of the Schwarzschild solution with natural inversion mass process10 ». — JCB : Si on excepte votre réinterprétation de cette « géométrie de Schwarzschild », comment cette question est-elle traitée dans les manuels ? — JPP : Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, lorsqu’on franchit cette « sphère de Schwarzschild », de périmètre et d’aire et qu’on pénètre « à l’intérieur de cette sphère », on considère que la variable t doit être considérée comme la mesure d’un rayon, tandis que la variable r se transforme en une mesure d’un temps. — JCB : Encore une absurdité ! Je n’arrive pas à le croire 11. — JPP : C’est pourtant inscrit dans tous les manuels. Je vais vous en donner un exemple. En 1967, Ronald Adler, Maurice Bazin et Menahem Schiffer publient dans la prestigieuse collection des Mac Graw Hill Books un ouvrage intitulé Introduction to General Relativity. Dans le chapitre VI, consacré à cette solution de Schwarzschild, on peut lire page 223 :
Traduction : Quand r devient inférieur à 2 m (autrement dit au « rayon de Schwarzschild Rs = 2 m), les signes des termes goo et g11 changent, g11 devenant positif et goo négatif (c’est-à-dire que la signature de la métrique passe de ( + — — — ) à ( — + + + )). Cela nous contraint à reconsidérer la signification physique de t et r en tant que coordonnées de temps et de distance radiale à l’intérieur de ce rayon de Schwarzschild […]. En vérité, une ligne géodésique le long de l’axe t, c’est-à-dire à constants, correspond à ds2 < 0 (c’est-à-dire à un temps propre imaginaire pur !). C’est une courbe « du genre espace », tandis qu’une ligne le long de l’axe r a un ds2 > 0 et correspond à une ligne « du genre temps ». Il serait alors « naturel » de réinterpréter r comme une coordonnée de temps et t comme une coordonnée radiale […] pour des événements se situant à l’intérieur du rayon de Schwarzschild […]. Comme nous interprétons ds/c comme le temps propre le long d’une « ligne d’univers » suivie par une particule, telle que définie à la section 4.2, nous voyons que ds2 doit être positif le long d’un tel chemin. Ainsi, une particule dotée d’une masse ne peut pas
cheminer avec une valeur constante de r à l’intérieur du rayon de Schwarzschild puisque cela impliquerait que ds2 < soit négatif le long de la « ligne d’univers ». Ce texte n’est rien d’autre qu’un complet charabia. — JCB : Et c’est enseigné dans toutes les universités du monde entier ? — JPP : Absolument. Aurélien Barrau, invité par Françoise Combes à donner une conférence au Collègue de France ne dit rien d’autre12. — JCB : Et personne ne bronche, personne n’a remarqué cela ? — JPP : Personne, sauf des gens comme l’Italien S. Antoci en 200113, mais c’est passé totalement inaperçu. Ce thème est devenu en cette époque charnière soixante et soixante-dix l’expression d’une nouvelle religion. Je vous l’ai dit, cela illustre la phrase de Souriau, « une mathématique sans rigueur et une physique sans expérience ».
1. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/1916-Schwarzschild-exterior-de.pdf. 2. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/1916-Schwarzschild-exterior-en.pdf. 3. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/1916-Schwarzschild-exterior-fr.pdf. 4. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/janus22-5-5.pdf. 5. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/1916-Schwarzschild-interior-de.pdf. 6. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/1916-Schwarzschild-interior-en.pdf. 7. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/1916-Schwarzschild-interior-fr.pdf. 8. Ou 2,5 masses solaires, selon le modèle retenu. 9. Expression favorite du mathématicien français Jean-Marie Souriau (1922-2012). 10. https://arxiv.org/abs/2103.12845. 11. On peut télécharger un de meilleurs ouvrages consacrés à la relativité générale à cette adresse : http://www.jp-petit.org/books/asb.pdf. 12. https://www.youtube.com/watch?v=xYIf4ESFARk à 16 min 50 s. 13. Antoci « Reconsidering Schwarzschild’s original solution », Astronomische Nachrichten, vol. 22, no 3. Téléchargeable à : http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/2001-Antoci.pdf.
ANNEXE 2
L’INTERPRÉTATION GÉOMÉTRIQUE DE L’IDÉE DE LOUIS DE BROGLIE — JPP : Disons que sans connaître l’idée qui avait été formulée par De Broglie, concernant la nature du photon, je l’avais déjà envisagée et glissée au hasard d’une des pages de mes bandes dessinées. — JCB : Vous êtes coutumier du fait. Ces albums abondent en éléments que vous glissez par-ci par-là.
Dans cette bande dessinée qui date de 1982, qui a donc près de quarante ans, on voit déjà que les particules de matière sont des bosses dirigées vers le haut, et celles d’antimatière sont dirigées vers le bas. — JPP : Cet univers à deux dimensions est ici « plongé » dans un espace à trois dimensions, cette troisième dimension étant celle de Kaluza, évoquée plus haut. Comme suggéré par Souriau en 1964, la symétrie matièreantimatière n’est rien d’autre que l’inversion de cette coordonnée, les dessins vont dans ce sens. Et les photons, résultant de l’union des deux, sont ces « plis baladeurs ». On retrouve l’idée de De Broglie, comme quoi les photons sont des paires électron-antiélectron, ou proton-antiproton, ou neutron-antineutron. Comme ces particules ont toutes un spin égal à ½ et que ces spins s’additionnent, la somme donne une particule de spin 1, le photon. On peut se construire un modèle géométrique de photon, correspondant au modèle de De Broglie. Il suffit de prendre une feuille de papier et d’opérer une double découpe du même angle θ, comme indiqué. Puis on scotche les lignes de découpes. On obtient ainsi deux « posicônes » pointant dans deux directions opposées. Mais on ne comprend bien cet objet qu’en le fabricant et en le manipulant.
Si on trace un triangle entourant ces deux points, la somme de ces angles au sommet sera 180° + 2 θ. On sait que cela est une image didactique de la
masse. — JCB : Encore un objet des plus bizarres issu de votre imagination fertile. Mais la masse des photons n’est-elle pas nulle ? — JPP : Sa « masse gravifique » est non nulle. Celle qui contribue au champ de gravitation.
ANNEXE 3
LETTRE OUVERTE À M. THIBAULT DAMOUR, ACADÉMICIEN Jean-Pierre Petit [email protected] Pertuis, le 18 mai 2021 À M. Thibault Damour Académie des sciences de Paris 23, quai de Conti, 75006 Paris Monsieur, Le 7 janvier 2019 je reçois de vous, à mon domicile, une lettre recommandée avec accusé de réception, dont vous vous réservez « le droit d’en envoyer copie à toute personne s’intéressant au “modèle Janus” ». Vous concluez votre courrier en disant que vous avez « démontré que le “modèle Janus” était physiquement et mathématiquement incohérent » selon une analyse que vous placez sur votre page du site de l’Institut des hautes études dont vous êtes membre. Cette entorse aux lois de la physique se référait à la géométrie à intérieur des étoiles. Quand j’ai reçu votre lettre, il se trouve que j’étais justement en train de publier un article où ce problème était résolu, simplement en changeant la définition du tenseur qui, dans les seconds membres, est la source de la « géométrie induite » par la masse d’un des feuillets, dans l’autre. Or on est parfaitement en droit d’opérer un tel choix, puisqu’il cadre alors avec l’observation et que tout rentre dans l’ordre :
Comme vous pouvez le voir, il ne s’agissait que d’un simple changement de signe dans les termes qui traduisent l’effet de la pression régnant à l’intérieur de l’étoile sur la géométrie de la portion adjacente de l’espace des masses et des énergies négatives. Je vous ai aussitôt donné références et copie de l’article où cette modification était effectuée, qui a été publié dans le peu de semaines ayant suivi votre démarche, sans obtenir de réponse. J’ai alors multiplié les démarches, mis en ligne sur mon site tout le détail des calculs, je vous ai proposé une rencontre, sans témoin ni enregistrement, afin de pouvoir vous exposer cela de vive voix, sans plus de succès. Deux années se sont écoulées. Des progrès ont été enregistrés, consignés dans un long article, en ligne sur la base de données HAL. Le début de l’article est consacré aux deux essais concernant les modèles bimétriques, antérieurs au modèle Janus. Le premier est le vôtre, cosigné par Ian Kogan, et paru dans Physical Review D en 2002. La structure est alors celle de deux « branes » flottant dans un espace de dimension supérieure, dont les points interagissent par une loi de force non définie, à l’aide de gravitons « dotés d’un spectre de masse ». Ce long article, de trente-six pages, ne débouche sur rien d’exploitable et n’a eu aucune suite. Le second essai est le papier publié en 2008 par Sabine Hossenfelder dans cette même revue. Il y a effectivement une ressemblance entre son approche et la nôtre. Hélas, comme expliqué en détail dans notre article, elle effectue de mauvais choix de signes dans son lagrangien, qui se traduisent par une violation du principe d’équivalence (lequel est respecté dans le modèle
Janus, c’est en réalité sa ligne directrice). Son travail ne débouche donc pas sur des éléments susceptibles d’être confrontés aux observations. Sous sa forme actuelle, nous pensons que cet article devrait répondre à toutes les questions que vous vous posez à propos de ce modèle. Si au contraire vous y trouviez la trace d’une nouvelle incohérence physique et mathématique, publiez cela au plus vite dans une revue. Notre article reprend ce qui a été acquis et publié antérieurement en citant les nombreuses confirmations observationnelles à l’appui. Entre autres, c’est le seul qui confère une identité précise aux composants invisibles à l’œuvre dans l’univers : de l’antihydrogène et de l’antihélium de masse négative. C’est également le seul modèle qui explique le phénomène, découvert en 2017, du Great Repeller. Au passage, il résout le paradoxe de la non-observation de l’antimatière primordiale en explicitant l’idée initialement proposée par Andreï Sakharov en 1967. Ajoutons, et cela se réfère au travail de la mathématicienne Nathalie Debergh, publié en 2018, que cela appelle une extension de la mécanique quantique aux états d’énergie et aux masses négatives. Précisons que ces états ont été arbitrairement exclus de la théorie quantique des champs, en faisant le choix d’un opérateur d’inversion de temps antilinéaire et antiunitaire, simplement pour éviter l’apparition d’états considérés comme « non physiques ». Or, la découverte de l’accélération de l’expansion, sous l’effet de ce qui est qualifié « d’énergie noire » (en réalité, la pression associée au contenu en masses négatives), invalide cette limitation, puisque cette énergie est… négative. À moins que vous ne détectiez de nouveaux points d’incohérence invalidant ce modèle, il nous semble que tout cela mériterait d’être exposé en séminaire, voire devant l’Académie des sciences. Sincèrement à vous, Jean-Pierre Petit, Gilles d’Agostini, Nathalie Debergh
ANNEXE 4
QUAND LA CRITICITÉ PHYSIQUE PRÉCÈDE LA CRITICITÉ GÉOMÉTRIQUE
La géométrie associée à l’intérieur d’une masse correspondant à une sphère emplie d’une matière de densité constante a été pour la première fois étudiée par Schwarzschild en 1916, dans son second article (dont, très souvent, les « spécialistes des trous noirs » vont jusqu’à ignorer l’existence). Il est vrai qu’il n’a été traduit en anglais qu’en 1999. Un lecteur, M. H. Traccart en a fait une version française1. Ceux qui pourront trouver leur chemin dans cet article verront que Schwarzschild avait tout de suite perçu que lorsque cette sphère emplie de matière de densité constante atteignait un certain rayon, une criticité physique se manifestait, avant même que n’apparaisse la classique criticité géométrique immédiatement lisible sur l’expression de la métrique extérieure donnée par l’équation (36) du papier de 1916 (lorsque R est inférieur à α).
Le lecteur scientifique suivra plus aisément ces calculs, tels qu’ils ont été repris, d’abord par Oppenheimer (celui de la bombe) et Snyder en 1939, puis par Adler J. R. en 19742. Enfin, on retrouvera ces calculs dans le chapitre 14 de l’ouvrage Introduction to General Relativity de Adler, Schiffer et Bazin, 1975. Le résultat est une équation d’état (14.22) page 467 :
qualifiée de « fameuse equation TOV, de Tolmann-Oppeinheimer-Volkoff ». M est la masse de l’objet, p est la pression, r le rayon, G la constante de gravité , la masse volumique, constante. Quant à la lettre c, c’est la constante représentant la valeur standard de la vitesse de la lumière. Quand on calcule cette pression p, numériquement en portant en abscisse la distance au centre et en ordonnée le logarithme de cette pression, on obtient les courbes ci-après :
Les étoiles à neutrons ont une masse volumique caractéristique de 1017 kilos par mètre cube. À partir de cette valeur, on peut calculer le rayon de Schwarzschild Rs correspondant :
On voit que celui-ci varie comme le cube du rayon de l’étoile, supposée être de masse volumique constante. La métrique intérieure de Schwarzschild est3 :
Cette expression fait intervenir le rayon caractéristique un astre de masse volumique constante) :
4
(constant, pour
Quand le rayon de l’étoile croît, ces deux grandeurs évoluent, comme suit :
Lorsque r = rcr-geom, le rayon de l’étoile devient égal à
(constant, ne
dépendant que de la masse volumique) et en même temps cette valeur devient égale au rayon de Schwarzschild Rs, dont on voit la montée, courbe grasse, ce qui fait que les deux métriques, intérieure (ci-dessus) et extérieure
deviennent « géométriquement critiques », les dénominateurs des termes grr des deux métriques devenant nuls. C’est la façon classique d’aborder la criticité de l’étoile à neutrons, de masse volumique constante : lorsque son rayon tend vers rcr-geom. Mais l’examen des courses de pression révèle l’émergence d’une criticité physique pour une valeur inférieure de ce rayon, qui est alors :
Cette valeur a été notée la première fois par Schwarzschild lui-même dans son second article de 1916. Cette proximité des valeurs est simplement notée dans les ouvrages et cours. Personne ne s’est avisé d’y voir une indication de l’existence d’un phénomène physique survenant avant la criticité géométrique. En effet, un physicien pourrait dire : — En principe, la géométrie est déterminée par la valeur locale de la densité volumique d’énergie (qui est tout simplement la définition de la pression). Avant d’envisager cette criticité géométrique, j’aimerais qu’on me dise ce qu’il en est de la géométrie au centre de l’étoile quand la pression s’envole à l’infini. C’est une question qui a tout simplement été passée « sous le tapis » par les théoriciens, qui ont préféré décrire un objet ultradense en utilisant une solution géométrique de l’équation d’Einstein se référant à un milieu totalement vide, ce qui semble paradoxal. On peut s’attacher à une situation où le rayon de l’étoile à neutrons, tout en restant inférieur au rayon rcr-geom correspondant à la criticité géométrique est légèrement supérieur au rayon rct-phys de la criticité physique. La pression devient alors, sinon infinie, du moins très grande sur cette sphère.
Qu’y a-t-il à l’intérieur de cette sphère limitant l’aire grisée ? Je pense que la réponse est un « space bridge » où la topologie de l’espace-temps se trouve altérée, qui met en communication les deux secteurs de l’univers Janus. La matière peut alors franchir ce qui devient « une sphère de gorge ». L’image bidimensionnelle est une feuille de papier munie d’un trou. La matière peut alors converger vers celui-ci et passer de l’endroit à l’envers de la feuille.
Si la surface de la sphère de gorge est limitée, en revanche la densité de matière est maximale et ainsi cette bonde tridimensionnelle rend possible une évacuation très rapide de grandes quantités de matière, comme, par exemple, celles correspondant aux exhalaisons d’une étoile voisine, captées par l’étoile à neutrons. Dans l’espace tridimensionnel, cette matière voit sa masse inversée. Elle cesse d’interagir alors avec la masse de l’étoile à neutrons autrement qu’(anti)gravitationnellement. Ces particules semblent donc « rebondir » sur la sphère de gorge 2D et être éjectées radialement, de même que dans la feuille de papier les points-masses « rebondissent sur le cercle » et, passant sur le verso de la feuille, cessent d’interagir avec les points-masses situés sur son recto. L’étoile à neutrons se débarrasse ainsi de toute matière en excès et celle-ci, devenue invisible, va se perdre au loin, en finissant même par quitter la galaxie, pour rejoindre ses semblables, dans l’espace intergalactique. Elle retrouverait ainsi une masse très légèrement inférieure à la masse correspondant à la criticité physique. Ci-après, une image de ce mécanisme d’autostabilité :
Que se passerait-il si, au lieu d’un apport relativement faible de matière, émise par une étoile compagne, on envisageait la fusion de deux étoiles à neutrons subcritiques ? Quand on regarde les courbes, dès que le rayon de l’étoile croît et s’approche du rayon correspondant à la criticité géométrique, le rayon de la sphère de gorge croît très rapidement, pour se rapprocher du rayon de l’étoile elle-même. La masse inversée tend alors à égaler la masse de l’ensemble de l’étoile. L’inversion et la dispersion de cette masse négative doivent alors engendrer un puissant signal gravitationnel. Mais, interprété de manière classique, celui-ci fournirait des valeurs tendant à conclure à une fusion de trous noirs très massifs. Bien sûr, tout cela est à étayer, à justifier. Nous y travaillons. La théorie des ondes gravitationnelles du modèle Janus reste à construire. Si on se réfère maintenant à cette fameuse « photographie du trou noir hypermassif situé au centre de la galaxie M87 », que peut-on en dire ?
Qu’une masse sous-critique importante fournit une image similaire par effet de « redshift gravitationnel » dans sa partie centrale. Si c’est un trou noir, ce disque sera alors parfaitement noir, non émissif. Mais si des mesures plus fines montre qu’un rayonnement est présent, alors il faudra se poser des questions. Même chose pour « ces trous noirs géants » qui sont censés être tapis au centre des galaxies, dont celui de deux millions de masses solaires, au centre de la nôtre, la Voie lactée qui, bizarrement, refuse d’engloutir les masses gazeuses qui passent à sa portée. Des trous noirs pour lesquels on ne dispose d’aucun scénario de formation. Il reste ces « trous noirs stellaires avérés », comme celui, Cygnus-X1 qui est censé orbiter autour d’une étoile. À cela, je dirai que l’implosion des étoiles à neutrons peut être contrariée par le très fort champ magnétique qui les accompagne, qui atteint 1011 teslas. Les trous noirs existent-ils ? Je pense qu’on ne peut répondre par l’affirmative ou la négative à cette question. Il reste que le modèle mathématique qui est censé décrire cet objet est une véritable chimère de la physique théorique et que, de ce fait, cette question mérite d’être posée.
1. http://www.jp-petit.org/papers/cosmo/1916-Schwarzschild-interior-fr.pdf. 2. Adler R.J., « A Fluide Sphere in General Relativity ? », J. Math. Phys., 15 : 727. 3. Adler, Schiffer et Bazin, Introduction to General Relativity, équation (14.47), p. 472. 4. Même ouvrage, équation (14.28), p. 469.
ANNEXE 5
LE CAS DES SCIENTIFIQUES LGBT, PRÉOCCUPATION CENTRALE DE LA SOCIÉTÉ AMÉRICAINE DE PHYSIQUE
Le 15 septembre 2021, tous les membres de l’American Physical Society, la Société américaine de physique, dont je suis, ont reçu cet e-mail :
En cliquant sur le lien, cela menait à la page ci-après :
Notre première réaction a été de croire que nous avions affaire à un hoax, à un « faux mail ». En effet, l’Association américaine de physique, qui compte cinquante-cinq mille membres, gère l’ensemble des revues scientifiques de haut niveau, dans le monde entier. Mais non, ce document est authentique. Cela montre où se situent les priorités dans la communauté des chercheurs en physique expérimentale, physique des particules, théorie des champs, astrophysique, cosmologie. Traduction de ce texte Les revues se consacrant à la publication des travaux de physique optent pour une politique de non-exclusion, permettant aux auteurs de modifier le nom sous lequel ils ont publié leurs articles. Cette nouvelle initiative permet
à ceux-ci de changer leurs noms sous lesquels ils ont publié, quelle qu’en soit la raison. COLLEGE PARK, MD, 15 septembre 2021 — L’American Physical Society1 (APS) a publié aujourd’hui les détails de sa politique de changement de nom pour les revues scientifiques orientées vers la physique. Celle-ci vise à prévenir, dans les principales revues de physique du monde, toute politique d’exclusion, en faisant en sorte que les auteurs restent propriétaires de travaux antérieurs publiés sous leur ancien nom. « Un langage respectueux, refusant toute mise au ban, est essentiel pour une communication efficace entre les scientifiques », a déclaré Michael Thoennessen, rédacteur en chef de l’APS. « La politique de changement de nom s’appuie sur nos efforts précédents – comme l’utilisation de pronoms préférés et la promotion d’un langage non sexiste – pour accueillir les auteurs de tous horizons et de toutes identités à publier avec l’APS. » Cette annonce intervient alors que la communauté scientifique mondiale se prépare à explorer le rôle de l’identité dans la communication scientifique, dans le cadre de la semaine de l’examen par les pairs, du 20 au 24 septembre 2021. Dans son rapport de 2016 sur le climat LGBT2 en physique, le comité de l’APS centré sur les questions LGBT a exhorté l’APS à entériner systématiquement les changements de nom dans ses revues « afin que les physiciens transgenres qui changent de nom aient leurs dossiers de publication complets et visibles et, en même temps, ne soient pas pénalisés dans une présentation de leur dossier de publication ». En conséquence, la politique de changement de nom annoncée aujourd’hui permet aux auteurs de changer leur nom sur les articles publiés sans avoir de justifications à fournir. « La possibilité de changer le nom avec lequel on a signé des articles est extrêmement importante », a déclaré Jessica Thomas, rédactrice en chef de l’APS. « Il permet aux auteurs de modifier leur dossier scientifique tout en préservant leur droit à la vie privée et en les protégeant d’éventuelles représailles. Plus largement, la politique de changement de nom permet aux auteurs de pouvoir présenter l’intégralité de leurs travaux universitaires. »
Bien que la politique soit conçue pour répondre en particulier aux besoins des chercheurs transgenres, les auteurs peuvent modifier le nom avec lequel ils signent pour n’importe quelle raison (par exemple, un changement d’état civil). Cela concerne les articles publiés dans n’importe quelle revue de physique depuis 2000. Veuillez consulter cette page pour obtenir tous les détails et les réponses aux questions fréquemment posées sur cette politique. L’APS collabore avec les dix-sept laboratoires nationaux américains pour faciliter les changements de nom au nom de leurs scientifiques.
1. Dont dépendent toutes les grandes revues qui publient des articles de physique : Nature, Physical Review, Physical Letters, Modern Physics Letters A, Mathematical Physics, etc. 2. LGBT : personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transexuelles.
LE CHANT DES PARTISANS (SCIENTIFIQUES) Ami, entends-tu les paroles, les mensonges, qu’on te chante ? Ami, entends-tu les propos de tous ceux qui te mentent ? Ohé, partisans, étudiants et enseignants, qu’on écoute, Changez de chemin, de pensée, de refrain, sur la route, Changez de chansons, trouvez-en qui donneront de l’espoir. Ce monde est trop dur, l’avenir qu’on nous construit est trop noir. Chercheurs, inventeurs, c’est à vous de nous créer un futur, Bien loin du gâchis, écoutant votre amie, la nature. Laissez les fusils, les bombes et le poison, les grenades. Ce monde sera mieux, plus sain et plus heureux, camarades. C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères. La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse vers la lumière. Ici, chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait, quand il passe. Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place. Dans tous pays, les gens au creux des lits font des rêves. Là-bas, comme ici, on espère et on vit, on se lève. Demain nous saurons pourquoi, tous, nous vivons sur la Terre, Sous d’autres soleils, d’autres vivent qui ne sont que nos frères. Quand viendra la fin des mensonges de tout’ sorte qu’on nous sert,
Des vendeurs de vent, des prêcheurs de néant, de désert, Alors renaîtra un espoir de lendemains sur les routes. Chantez, compagnons, dans la nuit, la liberté vous écoute !
OVNI L'EXTRAORDINAIRE DÉCOUVERTE
©Guy Trédaniel éditeur, 2017 ISBN: 978-2-8132-1390-7 Tous droits de reproduction, traduction ou adaptation réservés pour tous pays. www.editions-tredaniel.com [email protected] www.facebook.com/ editions. credaniel
JEAN-CLAUDE BOURRET JEAN-PIERRE PETIT
OVNI L'EXTRAORDINAIRE DECOUVERTE ~
GuyTrédaniel éditeur 19, rue Saint-Séverin 75005 Paris
À Nicolas, 1héophi/e, Hippolyte et Garance.
À]ie.
SOMMAIRE
Introduction...................................................................
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1. La dernière ligne de défense........................................
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2. Grothendieck.............................................................
147
3. Dans les couloirs du temps.................. ......................
165
4. L'incroyable découverte ... .. .. .. .. ... .. .. . . . .. ... ..... .. ........ ... .
in
5. Dans la nef des fous......................... ..........................
219
6. UFO-catch ................................................................
241
En guise de résumé.........................................................
249
Annexe 1 MHD ....................................................................................
273
Wall confinement technique by magnetic gradient inversion...................................................................
275
Annexe 2 Nature de « lënergi.e noire» Explication de l'accélération cosmique......................................
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OVNI
« Negative
mass hypothesis and the nature ofdark energy. » . •• . . . .
285
Negative mass hypothesis in cosmology and the nature ofdark energy. .. .......... ........ .... ........ .............. ...
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Annexe 3
Un cosmos avec deux vitesses de la lumière Ébauche d'une technique de voyages spatiaux...........................
301
Cosmological bimetric model with interacting positive and negative masses and two different speeds oflight, in agreement with the observed acceleration ofthe Uni verse.....................................................
303
Annexe 4
Les trous noirs mènent vers un autre univers.............................
325
Cancellation ofthe central singularity ofthe Schwarzschi/,d solution with natural mass inversion process .. .................. .. ..... ...
339
Annexe 5
Une science venue d'ailleurs.................... .................................
359
Annexe 6
Conception d'une Station Ufo-catch ........................................
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3n
INTRODUCTION
Notre vision de l'univers explose. Il y a vingt ans, les scientifiques pensaient que nous étions seuls dans le cosmos. Or ce paysage simpliste est bouleversé. Quatre mille planètes viennent d'être détectées ! La NASA a estimé à. . . 60 milliards le nombre de planètes pouvant abriter la vie dans notre seule galaxie ! Le nombre de galaxies du cosmos est passé de 1OO à... 2 000 milliards ! Nqus ne sommes pas seuls. La vie foisonne. La vie intelligente est banale dans l'univers. Mais comment peuvent-ils nous rendre visite ? C'est la grande décou-
verte de cette enquête: Jean-Pierre Petit, ancien directeur de recherche au CNRS, après de longs travaux, a découvert comment voyager d'une étoile à une autre, en utilisant les lois spécifiques d'un univers parallèle, déjà pressenti par le prix Nobel Sakharov. Les travaux de Jean-Pierre Petit ont été publiés et validés dans des revues scientifiques de haut niveau, à comité de lecture. Et ces extraterrestres, venant sans doute de plusieurs mondes, nous visitent depuis toujours et attendent, pour prendre contact, notre progression dans les connaissances. Jean-Pierre Petit et Jean-Claude Bourret lancent une mobilisation
mondiale pour détecter les ovnis grâce à la mise au point d'une caméra spécifique, qui centralisera ses détections via le web : c'est
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OVNI
l'opération UFO-catch. Ainsi, chaque habitant de la planète Terre pourra aider à apporter la preuve que notre espace est bien traversé par des engins extraterrestres. Enfin Jean-Pierre Petit et Jean-Claude Bourret révèlent le fonctionnement de la recherche en France, où les blocages sont immédiats dès que l'on aborde le sujet ovni, et où les militaires sont en embuscade pour récupérer les données scientifiques permettant un progrès de l'armement. Une grande première dans le dossier ovni. Passionnant et historique. Après quarante ans de recherches, ces deux éminents spécialistes de la vie extraterrestre et des ovnis dévoilent leurs dossiers explosifs, via un dialogue qui fera date. L'éditeur
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1 LA DERNIÈRE LIGNE DE DÉFENSE
-jean-Pierre Petit, nous nous retrouvons quarante années après la publication du Nouveau Défi des OVNI, où j'avais choisi de donner de lëcho à vos travaux, etje ne le regrette pas. Et voici que vous remontez au combat avec de nouveaux travaux scientifiques, toujours publiés dans des revues de haut niveau, pour lesquels vous entendez vous battre, à bientôt quatre-vingts ans, en les présentant dans des séminaires et dans des congrès internationaux. Plus que jamais, ces travaux restent attachés à ce qui constitue le centre de gravité de vos recherches, le phénomène ovni. Après avoir, dès le milieu des années soixante-dix, publié des travaux montrant la faisabilité du vol supersonique sans ondes de choc ni turbulences, c'est-àdire sans bruit, vous vous attaquez maintenant à la faisabilité des voyages interstellaires, ce qui constitue la dernière ligne de défense de l'ensemble de la communauté scientifique vis-à-vis du dossier ovni. Pourquoi une telle constance dans cette action ? - Parce que le phénomène ovni est un authentique problème scientifique. Depuis plus d'un demi-siècle, des centaines de milliers de témoins ont apporté leurs observations. Certains ne sauraient être mis en doute. En fait, la véritable question est: «Pourquoi la communauté scientifique se voile-t-elle les yeux face à ce phénomène depuis autant d'années?»
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Alors que depuis seulement quelques années l'évidence d'une vie extraterrestre, intelligente, organisée, s'impose, depuis la découvene de la première planète extrasolaire en 1995 par deux Suisses, Olivier Queloz et Michel Mayor, située à seulement 40 années-lumière de nous. Je me souviens encore de l'époque où nombre de scientifiques se demandaient si la Terre n'était pas la seule planète habitable dans tout l'univers. Aujourd'hui la situation a changé du tout au tout. Mais la communauté scientifique persiste à nier qu'il soit possible de réaliser des voyages interstellaires, ce qui lui permet de renvoyer la question ovni aux oubliettes de la science.
- Comme vous le disiez, les scientifiques invoquent l'impossibilité de réaliser des voyages en un temps qui puisse être compatible avec une durée de vie humaine. La plus proche étoile est à 4 années-lumière. En limitant /,a vitesse au dixième de cette valeur, ce qui serait un maximum pour des raisons énergétiques, un aller-retour là-bas représenterait 80 années. Cette limitation à /,a vitesse de /,a lumière constitue /,a dernière ligne de défense, à laquelle vous vous attaquez maintenant. Mais comment envisagez-vous qu'un véhicule puisse se dép/,acer à une vitesse supérieure à celle de /,a lumière, alors que pour tous les physiciens c'est une limite strictement infranchissable? - Les grands progrès scientifiques se fondent sur un changement profond de notre conception de l'univers. Je suis entièrement d'accord avec mes collègues: dans le contexte géométrique classique, vouloir porter la vitesse d'un objet à une valeur plus élevée que 300 000 km/s est simplement une absurdité.
-
Alors, que suggérez-vous?
- Il faut envisager un changement de géométrie. Et c'est ce qu'a suggéré le Russe Andreï Sakharov en 1967 en proposant qu'il n'y ait pas un univers, mais deux. Et il avait appelé ce second univers « l' univers jumeau». Au bout du compte, rien n'obligeait à ce que la vitesse de la lumière, dans ce second univers, soit la même que celle que nous connaissons. En fait nous avons montré qu'elle était beaucoup plus élevée.
- En résumant, l'idée que vous chevauchez maintenant est que des voyages interstellaires seraient possibles en empruntant cet « univers jumeau». Dès 1977, ily a 40 ans, vous sautez sur cette idée. Vous publiez 12
La dernière ligne de défense
votre premier travail aux Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris1, papier qui est alors présenté par l'académicien et mathématicien André Lichnerowicz, qui a tout de suite considéré que cëtait une idée intéressante. Cëtait donc en quelque sorte le développement du modèle de Sakharov, dont vous ignoriez les travaux de cosmologie, publiés en 1967, dix ans plus tôt, mais en russe. je suppose que vous nous expliquerez pourquoi et comment vous reliez cette démarche à la. problématique ovni. Mais qu en était-il de Sakharov?
L'étrange témoignage d'Andreï Sakharov - Je crois qu'il faut porter son attention sur la fin du discours de réception de son prix Nobel, lu en 1975 à Stockholm par sa compagne Elena Bonner: ~
Il y a des milliers d'années, les tribus humaines souffraient de ~ grandes privations dans leur lutte pour l'existence. ~ ~ Il était alors important, non seulement de manier une matraque, ~ ~ mais de posséder la. capacité de penser intelligemment, de tenir ~ ~ ~ compte du savoir et de l'expérience engrangés par la. tribu et de ~ ~ développer des liens qui établiraient les bases d'une coopération ~ ~ avec d'autres tribus. ~ ~ ~ Aujourd'hui la race humaine doit affronter une épreuve ~ ~ ~ analogue. Plusieurs civilisations pourraient exister dans l'espace ~ ~ infini, parmi lesquelles des sociétés qui pourraient être plus sages ~ ~ et plus «performantes» que la. nôtre. ~ ~ ~ je soutiens l'hypothèse cosmologique selon la.quelle le dévelop~ ~ ~ pement de l'univers se répète un nombre infini de fois sur les ~ ~ pages «suivantes» ou «précédentes» du livre de l'univers. ~ ~
1. «Univers énantiomorphes à temps propres opposés», CRAS, 23 mai 1977, tome 284, série A, p. 1315-1318 et« Univers en interaction avec leur image dans le miroir du temps», CRAS, 6 juin 1977, tome 284, série A, p. 1413-1416.
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Néanmoins nous ne devons pas minimiser nos efforts sacrés en ~ ce monde, où comme de faibles lueurs dans l'obscurité, nous ~ avons surgi pour un instant du néant de l'inconscience obscure ~ ~ à l'existence matérielle. Nous devons respecter les exigences de ~ la raison et créer une vie qui soit digne de nous-mêmes et des ~ ~ buts que nous percevons à peine. - Il est difficile de ne pas être interpellé par un texte de ce genre. Dans cette fin de son discours de réception de prix Nobel Sakharov ne pouvait qu'insister sur ce qui lui paraissait être le plus important. Le fait qu'il décide d'insister sur la possibilité d'une vie extraterrestre intelligente est un signal. Il est plus connu comme étant celui qui a développé l'arme thermonucléaire soviétique. Il a même été le concepteur de la bombe la plus puissante qui n'aitjamais été testée, la Tsar Bomba, de 50 mégatonnes. Et puis, tout d'un coup, en 1967, il stoppe tout, décide de ne plus travailler sur les armes et de se reconvertir à la cosmologie. - Il y a quelque chose à comprendre. Mais on ne saura sans doute jamais ce qui l'a incité à opérer un tel virage à 180°. La clé me semble être dans cette fin de discours de 1975.
- Vous pensez que Sakharov a vécu quelque chose qui a entraîné ce revirement soudain? - Ça n'est pas impossible. Mais comme il est décédé en 1989 nous n'aurons jamais la réponse à cette question.
- Revenons à vous, maintenant. En 2014 et 2015 vous publiez plusieurs articles coup sur coup où vous estimez pouvoirprésenter un modèle géométrique de ce développement de ce concept d'univers jumeaux, que vous avez poursuivi, seul pendant quatre décennies. Mais parmi ces articles, l'un d'eux vous paraît être particulièrement important, parce qu'il montre que dans «ce second univers» la vitesse de la lumière estplus élevée, ce qui relance le débat concernant la faisabilité des voyages interstellaires. Bref, vous vous attaquez à la dernière ligne de défense du monde scientifique, vis-à-vis du sujet ovni.
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La dernière ligne de défense
Un article au contenu stupéfiant - Ils 'agi.t donc d'un article que vous avez publié dans la revue de haut niveau Modern Physics Letters A en octobre 20142, où vous décrivez, en clair, ce qui pourrait être un moyen d'effectuer des voyages interstellaires3. Ce qu on peut y lire, dans sa section 4, est tout à fait extraordinaire. je reproduis ici ce passage: ~
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Le physicien théoricien américain Michio Ka.ku suggère une classification des civilisations selon des types l Il Ill Il imagine ,1,:1;,.nt que ces dernières pourraient mettre en œuvre des énergies --1l'imagination, susceptibles de rendre possibles les voyages interstel/aires. Devrions-nous créer un trou de ver pour emprunter un tel passage? À /opposé, nous supposons que lëtat actuel de notre science et de notre technologie a atteint un niveau tel que l'on puisse envisager les voyages dans un nouveau contexte géométrique. Si on dispose d'une technologie qui permette d'inverser la masse d'un vaisseau, alors celui-ci semblerait se dématérialiser aux yeux d'un témoin. En effet, les particules dont la masse a été inversée n'interagissent plus avec les autres particules qua travers la force de gravité (en fait selon une force d'antigravitation). Nous conjecturons que le processus d'inversion de masse affecterait également les très rares particules de masse négative
2. J.-P. Petit and G. d'Agostini, « Cosmological bimetric model with interacting positive and negative masses and two different speeds of light in agreement with the observed acceleration of the Universe ».Modern Physics Letters A, vol. 29, n° 34 (24 oct. 2014) 1450182 (15 pages). Reproduit à l'identique dans l'annexe A. 3. Ci-après, la traduction du résumé de l'article: On présente en tant qu 'extension d'un article précédnnmentpublié, un modèle d'univers bimétrique où les deux vitesses de la lumière, des deux espèces, positives et négatives, different. Comme cela avait été montré dans les précédents articles, la dissymétrie présente dans ce modèle explique l'accéibation des espèces positives, de notre versant d 'univers, alors que le versant négatifsubit un ralentissement. Les vitesses de la lumière étant liées aux facteurs d'échelle, ainsi, diffèrent; de telle façon que si l'inversion de masse d'un véhicule peut être opérée des voyages interstellaires deviennent non impossibles, à une vitesse plusfaible que la vitesse de la lumière, dans le second secteur, mais qui serait alors beaucoup plus élevée que ceile de la lumière dans le secteur positif, le nôtre.
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qui se seraient trouvées dans le volume affecté et qui, voyant leur masse inversée, se comporteraient désormais comme des particules de masse positive. Pour un observateur constitué de masses positives, un tel volume semblerait alors quasi vide. En étant comblé par l'irruption des molécules d'air environnantes, ceci se traduirait par une forte perturbation aérodynamique. Une masse négative serait alors repoussée par la Terre, c'està-dire qu'elle «tomberait vers le haut». En opérant de manière cyclique, cette inversion de masse, celle du vaisseau, subissant alternativement des forces de direction opposée, pourrait s'en trouver annihilée. Pour le témoin, la force de gravité agissant sur ce vaisseau pourrait sembler annihilée. Par ailleurs, en jouant sur ces cycles d'inversion de masse, ceci pourrait conférer au vaisseau un mouvement, sans déplacement d'air.
Quand on lit ces lignes, on croit rêver. Ce que vous déroulez sous nos yeux n'est rien d'autre que ce que les témoins d'ovnis décrivent depuis plus d'un demi-siècle: une «apparente dématérialisation», une « antigravité », s'accompagnant d'une «évolution sans brassage de l'air environnant». Dans la suite de l'article, vous allez même jusqu aévoquer la façon dont de tels vaisseaux pourraient acquérir de la vitesse: sans moteur, en s'af franchissant totalement du phénomène appelé« accélération», du fait d'un mécanisme de type quantique. Dans votre théorie, l'acquisition instantanée d'une vitesse relativiste découlerait de la nécessité que ce processus d'inversion de masse conserve lënergie. Et vous écrivez: ~
z En évoluant dans ce second versant d'univers, le véhicule irait ~ si vite qu'il lui serait impossible de freiner. Si on se réfère à la dernière page de votre article, vous évoquez le fait que ces inversions de masse puissent être opérées de telle façon que le vaisseau réapparaisse avec la même masse, la même vitesse qu'il avait en évoluant dans notre monde familier, mais orientée dans une direction différente. Bref, vous fournissez une explication des virages à angle droit des ovnis, opérés à pleine vitesse. Et voici les dernières lignes de l'article: ~
Si, dans le futur, un progrès technique fait que le voyage vers ~ une autre étoile soit possible, en un temps compatible avec la
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durée de vie humaine, que verraient les passagers à travers les hublots de leur appareil? Ils ne pourraient voir ni planètes, ni étoiles, ni galaxies, puisque celles-ci, ayant une masse opposée à /,a leur, seraient devenues invisibles à leursyeux. Par contre, ils pourraientpercevoir les objets qui peuplent ce secteur négatifde l'univers, à savoir d'immenses conglomérats de masse négative, émettantfaiblement, comme des proto-étoiles, da.ns le rouge et l'infrarouge.
je n'arrive pas à comprendre par quel miracle les propos dont je viens de faire état ont pu se retrouver da.ns les pages d'une revue scientifique de haut niveau. - Dans tout article scientifique vraiment novateur, qui suggère un changement profond, il y a une partie où des éléments qui émergent d'une théorie peuvent être confrontés à des données expérimentales ou observationnelles, et d'autres qui gardent un caractère conjectural. Mais, de nos jours, nombre d'articles publiés dans des revues scientifiques dérogent à cette règle. Dans le cas de cet article, c'est parce que le premier critère était rempli que le comité de lecture de la revue a décidé de publier ce texte.
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Qu 'est-ce que cet article apportait, sur ce plan?
- Il complétait ce qui avait déjà été publié dans une autre revue quelques mois plus tôt4 et qui donnait une version théoriquement solide, expliquant le phénomène de l'accélération cosmique5•
- Parce que l'explication que les scientifiques retiennent concernant cette accélération cosmique ne vous paraît pas «théoriquement solide»? - Vous savez qu'on impute ce phénomène à une «énergie noire» dont personne n'est à même d'indiquer la nature. C'est une nouvelle façon, ad hoc, de rendre compte des phénomènes, comme c'est également le cas avec la matière sombre. Là encore, il s'agit d'un autre composant, de nature inconnue.
4. Astrophysics and Space Science, sept. 2014, p. 611-615: J.-P. Petit & G. d'Agostini, « Negative mass hypothesis in cosmology and the nature of dark energy ». 5. Due à la présence, dans la «soupe cosmique», de masses négatives.
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Et, s'agissant de vos travaux?
- Nous expliquons que ce qui provoque cette accélération c'est le contenu en masse négative de l'univers.
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Mais ce contenu reste alors non défini?
- Pas du tout. Ce sont des électrons, des protons, des neutrons, etc., identiques aux particules classiques, mais possédant une masse négative.
- Donc, votre revendication est de proposer une explication plus cohérente et plus claire du phénomène d'accélération cosmique. - Mais ça n'explique pas que cela. À l'inverse, si vous regardez ce qui a été publié pendant plus de trente années sur les supercordes, vous trouverez des milliers d'articles et des centaines de thèses de doctorat qui ne prédisent rien, ne produisent aucun modèle de quoi que ce soit, et n'expliquent rien du tout.
- Mais, dans l'article, vous construisez tout un discours concernant les voyages interstellaires en faisant l'hypothèse qu on puisse un jour inverser la masse d'un vaisseau pour pouvoir voyager à une vitesse subluminique dans ce monde des masses négatives, mais à une vitesse apparemment superluminique pour un observateurfait de massepositive. Or, n'est-ce pas repousser le problème un peu plus loin, puisque l'inversion d'une masse M évoque la mise en œuvre d'une énergie Mc2, évidemment ingérable? - On ne peut pas résoudre tous les problèmes d'un coup. Si nous avons écrit cela, c'est que nous avons des idées sur une manière de procéder, qui requiert une énergie beaucoup plus faible, cela étant lié en particulier à un contexte géométrique différent. C'est une façon de contourner cette «impossibilité» comparable à «l'effet tunnel6 » de la mécanique quantique. Mais comme cette partie théorique n'est pas au point, nous ne pouvons pas en faire état. Cela reste conjectural, mais nous espérons construire un modèle théorique d'inversion de masse, par un procédé technologique dans un avenir proche. Je suis totalement convaincu que la résolution de ce problème est à la portée 6. C'est «l'effet tunnel» qui permet à un neutron de pénétrer à l'intérieur d'un noyau d'atome et de provoquer sa fission. Dans un contexte de physique classique cela serait impossible.
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de nos outils scientifico-techniques d'aujourd'hui, contrairement à ce que pense le physicien théoricien Michio Kaku, qui situe ces progrès futurs dans les millénaires à venir. Cela étant, nous avons déjà modélisé la version «naturelle» de l'inversion de masse7 •
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Un mot sur ce troisième articb!?
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La solution mathématique donnée en 1917 par le mathématicien allemand Karl Schwarzschild est le point de départ du concept de
trou noir9 • Dans notre réinterprétation de cette solution, qui est plus satisfaisante mathématiquement parlant10, lorsque cet «objet» capture de la matière, celle-ci, en franchissant une «sphère horiwn », voit sa masse s mverser.
..
- Stephen Hawking vient de déclarer récemment qu'il pensait que les trous noirs devaient mener à un «autre univers». Cela ressemble beaucoup à ce qui émerge de votre modèle, puisque ce monde des masses négatives c'est l'univers jumeau d'Andreï Sakharov. -
Tout à fait.
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Vous avez soumis vos travaux à Stephen Hawking?
- Nous les lui avons envoyés immédiatement. Mais ces messages lui sont-ils parvenus? Rien n'est moins sûr. Terriblement sollicité, il est difficilement joignable. Mais si nous pouvions plancher face à lui devant un tableau noir avec une craie à la main, je pense que nous pourrions le convaincre immédiatement. Car Hawking, par opposition à nombre de collègues, est capable de remettre de prétendus acquis en question, comme il l'a fait récemment à propos des trous noirs, dont le modèle actuel ne le satisfait visiblement pas.
7. « Cancellation of the central singularity of the Schwarzschild solution with natural mass inversion process». J.-P. Petit & G. d'Agostini, Modern Physics Letters A, 2015, vol. 30, Issue 9, 1550051 (2015) [13 pages]. 8. Article « Cancellation of the central singularity of the Schwarzschild solution with natural mass inversion process ». 9. La solution axisymétrique donnée en 1963 par le mathématicien néo-zélandais Roy Kerr ne change rien à ses aspects essentiels. Là encore, les singularités peuvent être éliminées par un changement de variable spatiale. 10. Parce qu'il n'y a plus de «singularité centrale», de lieu où des quantités deviennent infinies.
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- Vous seriez prêt à rencontrer Hawking en public?je veux dire devant un public de scientifiques de la spécialité? - Absolument. Mais, pour le moment, que faire? Aller près de sa résidence et camper jusqu'à ce que nous puissions franchir le barrage que, fon justement, son entourage constitue pour le protéger de sollicitations constantes?
- je reviens à cette question d'inversion de masse. Dans cet article publié dans cette revue de haut niveau, vous décrivez un processus naturel mais qui implique la mise en jeu d'énergies considérables. Quid d'un processus accessible à notre technologie? - Je vous l'ai dit, nous y travaillons. Mais je crois qu'il faut conserver comme principe de ne pas faire état de travaux tant que ceux-ci n'ont pas franchi le barrage sévère des revues à comité de lecture.
Une longue route, jalonnée de publications scientifiques - Vous parliez d'autres phénomènes dont votre modèle rend compte, autres que celui de l'accélération cosmique. Lesquels? - Ce sont les travaux que nous avons publiés il y a vingt et un ans, en 1995. Le but de ces articles était alors d'expliquer la structure lacunaire, à très grande échelle, de notre univers. En effet, les galaxies se distribuent autour d'immenses vides, de qudque cent millions d'années-lumière de diamètre. Actuellement, personne n'explique pourquoi il en est ainsi. Mais dès 1995, j'avais expliqué que si notre matière s'agençait selon une structure «en bulles de savon jointives», c'était simplement parce qu'elle était repoussée par d'immenses formations sphéroïdales, situées au centre de ces grands vides, et qui repoussaient notre propre matière et la confinaient dans l'espace restant.
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Quelle est l'interprétation officielle, sur ce point précis?
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La vision actuelle du cosmos repose sur une conjecture relative à l'existence d'une hypothétique matière, la fameuse matière sombre. C'est elle qui est censée créer cette structure à grande échelle, laquelle, filamenteuse, ne s'accorde pas réellement aux observations. C'est
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encore elle qui empêche les galaxies d'éclater, sous l'effet de la force centrifuge. C'est elle qui produit les forts effets de mirage gravitationnels observés. Le problème est que personne n'est à même de définir sa nature.
- En fait, ce qu on constate, c'est votre incroyable suite dans les idées. Depuis quatre décennies, vous persistez à tailler votre route en défendant une théorie qui se trouve être totalement opposée au courant actuel qui considère des éléments comme la matière sombre et l'énergi.e noire comme des acquis, que personne ne devrait songer à remettre en question.
Des astroparticules introuvables - On parle ainsi « d' astroparticules », mais personne ne les observe. Et je conjecture que personne ne les observera jamais.
- Quelle différence avec votrefaçon d'interpréter les phénomènes? Est-ce que vous n'invoquez pas, vous aussi, un composant cosmique échappant à l'observation ? - Nous ne pouvons dire si nous maîtrisons tous les phénomènes de la physique. Dans les laboratoires, quand on détecte des particules, c'est en règle générale à cause des phénomènes électromagnétiques à travers lesquels elles interagissent avec les instruments de mesure. Mais il est possible qu'un jour on puisse fonder cette détection sur d'autres phénomènes. Cela étant, c'est une question de localisation. Dans le cosmos tel qu'il est, tel qu'il a évolué, les galaxies sont faites de masse positive, et nous disons qu'elles sont environnées de particules de masse négative, répulsive, qui les confinent, les emprisonnent comme dans un corset. À l'opposé, pour expliquer que ces mêmes galaxies n'explosent pas sous l'effet de la force centrifuge, les tenants de la matière sombre confèrent à celle-ci une masse positive et la situent à l'intérieur des galaxies et entre autres à l'intérieur du système solaire, où on cherche à la détecter en appelant ces composants de la matière sombre des astroparticules.
-
Et alors?
- A ce jour les observations, effectuées au fond de mines ou dans des tunnels, sous des milliers de mètres cubes de roche, n'ont strictement
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rien donné. La chaîne Arte a diffusé un reportage sur les campagnes infructueuses menées par deux équipes, les Français dans le tunnel du mont Cenis, et les Italiens sous le Gran Sasso. Je cite la phrase du Français responsable de ces recherches : « Comme ça fait 14 ans qu'on cherche, on ne doit plus être loin.» Il y a aussi une manip beaucoup plus coûteuse, dirigée par un prix Nobel, où on a installé un détecteur à bord de la Station spatiale internationale, pour un coût de deux milliards d'euros. Si notre vision est la bonne, ces gens ne détecteront jamais rien. Parce que ce qu'ils cherchent se trouve entre les galaxies. Lors de l'émission, Étienne Klein avait bien situé l'enjeu en concluant: «Ou la nature acceptera de se conformer aux équations ou ... il faudra changer d'équations.»
L'antimatière cosmologique - Est-ce que votre modèle apporte une réponse au sujet de l'antimatière cosmologique, cette grande absente de l'astrophysique? -
Tout à fait.
-Alors? - Nous reprenons l'idée initiale d'Andreï Sakharov, qui reste d'ailleurs la seule disponible. Celui-ci envisageait, comme on l'a dit plus haut, un second univers, qu'il appelait« univers jumeau», et sur lequel il était peu disert. Mais il lançait l'idée que la synthèse de la matière, à partir des quarks, dans notre «versant d'univers», aurait été plus rapide que celle de l'antimatière à partir des antiquarks, les deux rythmes de production ne différant que d'un millionième. Et il conjecturait que la situation aurait été symétriquement différente dans son univers jumeau.
-
Les quarks?
- Dans le modèle standard du Big Bang, ce que nous appelons «matière», c'est-à-dire les protons et les neutrons, n'est pas préexistant. Cette matière est censée se former à partir d'objets appelés «quarks», qu'il est bien difficile de décrire en mots simples. Toujours est-il que dans cette soupe primitive, on considère qu'il existe autant de quarks que d' antiquarks. Les premiers, en se combinant, donnent des particules
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de matière et les seconds des particules d'antimatière. Logiquement, il aurait dû se créer autant de matière que d'antimatière. Mais lorsque l'univers se re&oidit, cette matière et cette antimatière tendent à s'annihiler pour donner des photons.
- Donc, sije vottS suis bien, la question est de comprendre pourquoi nottS sommes là etpourquoi l'univers n'estpas uniquement composé de photons.
-
Le phénomène d'annihilation a fait disparaître l'immense majorité
de cet ensemble matière-antimatière en donnant des photons.
-
Et où sont ces photons?
- Entre les galaxies, entre les étoiles. Ils constituent ce qu'on appelle «le vide».
-
Le vide parfait, ça n'existe pas?
- Non, le vide le plus parfait est constitué d'un grouillement de photons. Ce sont ces «photons cosmologiques», résultant des annihilations entre matière et antimatière, qui ont été détectés en 1965 11 • On sait que la matière qui a subsisté ne représente que le milliardième du contenu initial. Mais, logiquement, l'univers devrait contenir quelque part une quantité équivalente d'antimatière, dite «cosmologique». Or si c'était le cas, des annihilations se produiraient, ici et là, et le signal qui en résulterait12 serait si fort que cela ne pourrait pas passer inaperçu. Or on ne capte rien. D'où la question: «Où est passée cette moitié de l'univers?»
-
La moitié de l'univers, ça n'est pas rien 13•
- Vous noterez que ce qui est extraordinaire, c'est que vous ne trouverez nul colloque scientifique centré sur cette question. Il n'y en a pas, simplement parce que personne n'a rien à dire.
-
SaufAndreï Sakharov en 1967, et maintenant vottS, en 2017.
- Sakharov avait conjecturé que la synthèse de matière, dans notre univers, aurait été plus rapide que la synthèse d'antimatière, dans un très faible rapport de un sur un milliard.
11. Et qui constituent ce qu'on appelle le «rayonnement primitif». 12. Sous la forme d'une émission de rayons gamma. 13. Ouvrage de J.-P. Petit en 1997, On a perdu la moitié de l'univers, Albin Michel.
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- Alors que dans l'univers jumeau la synthèse se serait faite cette fois au détriment de la matière. Ainsi, selon Andreï Sakharov, ce que nous appelons l'« antimatière cosmologique» se situerait dans ce qu'il appelait son «univers jumeau». - Il convient d'apporter une précision indispensable. Grâce à la théorie des groupes 14, l'énergie peut se manifester matériellement sous quatre formes. Il y a la matière ordinaire, puis l'antimatière, telle que nous savons la produire en laboratoire. Mais il faut en ajouter deux autres: la matière de masse négative et l'antimatière de masse négative. En reprenant la vision de Sakharov, l'univers serait peuplé par les entités suivantes: ~
~
~ ~
! ~
~
~ !~ ~
~
!
~
~ ~
De la matière telle que nous la connaissons, de masse positive; des photons, d'énergie positive, un milliard de fois plus nombrewc; un reliquat d'antiquarks, d'énergie positive, devenus incapables de se combiner pour donner de l'antimatière de masse positive1 5 ; des particules identiques à notre propre matière, mais de masse négative; des photons d'énergie négative; un reliquat de quarks dënergie négative, devenus incapables de se combiner en donnant de la matière de masse néuative. 6'
- Vous suggérez une avancée importante, sur le plan de la physique des particules, puisque vous proposez cette extension de tout le bestiaire, en dotant les espèces de masses et dënergie négative. Qu en pensent les physiciens théoriciens? - Le débat promet d'être houleux. Mais dès le départ, un homme comme le prix Nobel Steven Weinberg, pionnier de ce qu'on appelle la «théorie quantique des champs», exclut d'entrée de jeu cette possibilité d'existence d'état correspondant à une énergie négative, et cela sans justification autre que« Cela n'a pas été observé» 16• 14. J.-M. Souriau, Structure des systèmes dynamiques, 1972. 15. Dans un rapport trois à un, puisqu'il faut trois quarks pour créer un «baryon», et trois antiquarks pour créer un antibaryon. 16. S. Weinberg: 1he Quantum 1heory ofFields, Cambridge University Press, 2005,
p. 75-76.
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- Et c'est bien le cas. Ces états d'énergie négative n'existent que sur le papier. - Faux. Ce qu'on appelle énergie noire représente un contenu en énergie négative, donc la contribution d'état d'énergie négative.
- j'essaye de bien comprendre. Ce monde des énergies et des masses négatives, c'est ce que Sakharov appelait 1'« univers jumeau» ? - Oui. Mais nous avons abandonné cette image de deux univers jumeaux, pour n'en considérer qu'un seul, peuplé de deux types de matières, l'une ayant une masse positive et l'autre une masse négative. On apporte alors une précision à ce modèle de Sakharov en disant que l'antimatière cosmologique nous semble absente, parce qu'elle possède une masse et une énergie négatives. Donc les atomes qui la constituent ne peuvent émettre que des photons à énergie négative que ni nos yeux ni nos télescopes ne peuvent capter. Elle n'est pas absente, elle est optiquement inobservable et n'interagit avec notre propre matière que de manière (anti)gravitationnelle.
- Bien. L'antimatière cosmologique échappe à l'observation, parce qu'elle est... physiquement inobservable. Mais alors, où est-elle? - Elle se trouve bien dans notre univers, puisqu'il n'y en a cette fois qu'un seul, mais elle se situe d'abord entre les galaxies, puis en quantité plus conséquente au centre des grands vides de la structure à grande échelle de l'univers.
- Autrement dit, ces immenses conglomérats répulsifJ que vous évoquiez plus haut, situés au centre des «bulles jointives», seraient constitués d'antimatière cosmologique, de masse négative et. . . inobservables. -
Tout à fait.
-
Eh bien, voilà une réponse assez précise concernant celle-ci.
- Il y a des expériences qui se préparent, dans le monde, pour essayer de savoir si l'antimatière a une masse positive ou une masse négative, en cherchant à voir comment elle se comporte vis-à-vis de la gravitation terrestre. Est-ce qu'elle tombe vers le bas ou ... vers le haut?
-
Votre pronostic?
- Si on cherche à voir comment l'antimatière classique, celle qu'on crée dans les accélérateurs de particules, dans les collisionneurs, se
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comporte dans le champ de gravité de la Terre, cela se passera comme avec la matière ordinaire. On la créera, on la ralentira jusqu'à lui conférer une vitesse quasi nulle, et alors elle tombera tout bêtement, comme sa cousine, la matière. Par contre, si le but était d'opérer sur de l'antimatière de masse négative, il faudrait alors situer le laboratoire entre les galaxies. Disons que ces expériences n'apporteront rien que la théorie ne prévoit pas déjà, à savoir que la masse de l'antimatière classique, celle du laboratoire, est positive.
Une navigation vent debout - En bref, vous cassez le moral de ceux qui sobstinent à détecter des astroparticules dam des mines, et maintenant vous expliquez que ceux qui espèrent montrer que l'antimatière produite en laboratoire pourrait avoir une masse négative perdent leur temps. Comment vos collègues réagissent-ils vis-à-vis de vos théories? - Ils ne réagissent pas. Vous savez, la communauté scientifique n'est pas plus ouverte que toute autre communauté vis-à-vis d'idées neuves, toute l'histoire des sciences le montre. Réfléchissez. La théorie que je présente démolit tout. Exit la matière sombre, l'énergie noire, la recherche des astroparticules. Qui, dans la communauté scientifique, accepterait d'adhérer à une théorie qui jette tout cela aux orties?! Comme il n'y a personne pour produire des arguments scientifiques invalidant nos travaux, les gens se taisent, tout simplement. Ceux-ci sont salués par un silence complet. Pour ces gens nous sommes simplement non existants.
-
Vous dites «nous»?
- Depuis plus de vingt ans, je suis accompagné par un unique scientifique, mon fidèle collaborateur et ami Gilles d'Agostini, titulaire d'un doctorat d'université en physique des particules.
- Depuis quarante am, vous poussez vos piom, vous publiez papier sur papier, vous accumulez un travail fou sur ces thèmes en faisant face à une indifférence sidérale. Vous n'avez pas été tenté de faire autre chose?
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Vous nous avez récemment gratifiés d'un ouvrage décrivant vos travaux en égyptologie1 7• - Je me suis offert quelques semaines de détente en écrivant cet album. Mais comme vous l'avez bien compris, ce qui nous intéresse offre une retombée qui déborde d'une simple interprétation alternative de phénomènes cosmiques et astrophysiques. C'est cette question de faisabilité des voyages interstellaires.
Une situation terrestre passablement inquiétante - Aujourd'hui, etje peux en témoigner, le sujet ovni est devenu complètementpériphérique. Très peu de journalistes syintéressent et vous êtes le seul scientifique à dire que ce sujet est d'une importance cruciale. Pourquoi? - Regardez ce qui se passe sur Terre. Nous courons vers une troisième guerre mondiale, thermonucléaire. Si ce n'est pas cela, nous avons l'amorce de désordres sociaux très graves, parce qu'aucune solution de cohabitation entre les différents pays n'a émergé depuis la Seconde Guerre mondiale. L'usage de «bombes humaines» apporte un nouveau composant à l'arsenal humain, potentiellement terriblement efficace, pour ne pas dire imparable.
- Certains disent qu ïl ne s'agit que de turbulences inhérentes à l'histoire humaine. - Quand on envisage une guerre où des engins nucléaires seraient utilisés, on change totalement d'échelle de temps.
-
Que voulez-vous dire par là?
- Les deux guerres mondiales que la planète a connues peuvent être assimilées à des turbulences de brève durée. Il y a eu des millions de morts, certes. Mais avec la moindre épidémie, comme la grippe
17. http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/pyramide/ pyramide.htm?v=df-5aFX4klg.
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espagnole 18, on obtient le même score. Au cours des deux dernières guerres mondiales, il y a eu des destructions, qui semblent importantes. Mais quelqu'un qui visite des villes comme Berlin et Tokyo chercherait en vain les cicatrices des destructions considérables qu'elles ont connues. En un demi-siècle, tout rentre dans l'ordre. Les invalides de guerre décèdent, de même que les veuves de guerre. On reconstruit tout. Et un demi-siècle, ce n'est rien. Ce sont seulement deux générations. Par contre, les conséquences d'une guerre nucléaire rendraient d'immenses portions de la planète totalement inhabitables pour une bonne centaine de milliers d'années. L'ensemble du biotope serait gravement endommagé. Tchernobyl ne nous a donné qu'un très faible aperçu de ce qui nous attendrait dans ces cas-là.
-
Cent mille ans, c'est dix fois la durée de l'histoire humaine.
-
Et les dommages biologiques seraient encore plus graves que les dommages matériels. Envisager de vivre avec la radioactivité est une aberration, prônée par ceux qui voudraient maintenir la politique de développement de l'énergie nucléaire.
- C'est /,a réponse de ceux qui entendent lutter contre /,a production des gaz à effets de serre. - Ceux qui, depuis l'espace, nous voient nous débattre avec tous ces problèmes ne savent que faire.
- Toujours est-il qu'en dépit d'une immense supériorité technicoscientijique, ils n'ont pas cherché depuis plus d'un demi-siècle à nous envahir, nous coloniser. Une bonne question serait de comprendrepourquoi. - Envahir, dominer, coloniser! Des stratégies amenées à devenir obsolètes. On colonise une terre nouvelle pour s'en approprier les richesses. Or d'ici un siècle, si nous apprenons à manipuler la matière à volonté, il y a des tas de choses qui changeront. Cela implique entre autres la maîtrise des transmutations.
- Le vieux rêve de l'humanité. Mais les physiciens nucléaires nous diront que ce/,a implique des températures énormes. 18. https://fr.wikipedia.org/wiki/Grippe_de_l 918. Cette forme mortelle de grippe
fit dans le monde entier plus de morts en quelques mois que la Première Guerre mondiale: 50 millions, dont 400000 morts pour la France seule. Un simple rappel à l'ordre de ce que la nature est capable de faire.
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Quid des déchets radioactifs ? - Que pourrait-on faire des déchets dont notre technologi.e nucléaire nous a déjà dotés? -
Partout, on envisage de les enfouir.
-
Pour vous, ça n'est pas une bonne solution?
- Dans les déchets, il y a des débris métalliques. Mais il y a aussi beaucoup de matières plastiques. Celles-ci sont des composés hydrogénés, qui se décomposent sous l'effet des radiations19• Il y a alors production d'hydrogène. C'est inévitable. Alors, dans des projets d'enfouissement comme celui de Bures, en Champagne-Ardenne, on envisage de ventiler à tout va, pendant ... des siècles. Si on cesse de ventiler, l'hydrogène s'accumulera. Et il suffit de 5 % d'hydrogène dans l'air pour que ce mélange soit inflammable. Il y aura donc des incendies dans ces lieux de stockage, générateurs de fortes températures du fait du confinement, qui disloqueront l'étayage, détruiront les containers, libéreront les produits radioactifs. L'argile du site de Bures est particulièrement sensible i tout accroissement de température car ce matériau est fortement hydraté.
-
Le problème semble insoluble.
-
La première chose à faire serait de stopper immédiatement toute activité dans le domaine du nucléaire. Celle-ci ne consiste qu'à repousser les problèmes en les refilant aux générations suivantes. Et on sait très bien que ceux-ci seront énormes. Avant même d'envisager de stocker des déchets, on ne sait même pas démanteler des installations en fin de vie. Le coût de ces démantèlements explose. Les Allemands ont essayé de stocker des déchets radioactifs dans une mine de sel, à Asse2°. Avant que ceci ne soit envisagé, les «experts géologues» avaient sentencieusement déclaré que ce filon de sel n'avait pas bougé depuis des milliers d'années. Mais on avait creusé des tas de galeries dans ce milieu, et des fissures, puis des infiltrations d'eau sont apparues. Le résultat est qu'il va falloir dépenser une fortune pour essayer de
19. Par un phénomène qu'on appelle la radiolyse. 20. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mine_d'Asse.
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récupérer des bidons déjà éventrés dans des galeries où l'homme ne peut même plus pénétrer. On prend des risques quand on modifie le sous-sol. Récemment, en janvier 2016, un homme est mon au bout du tunnel que l'on creuse à Bure, dans le cadre du projet Cigéo. Il y a eu un effondrement. L'argile dans laquelle on envisage de stocker les déchets nucléaires, par opposition à du granit par exemple, est un matériau fragile. Comme le notent des spécialistes: «Les tunneliers
endommagent la roche et perturbentfortement ses propriétés mécaniques et hydrogéologiques. » - Vous pensez que c'est un jeu d'apprentis sorciers auquel il vaudrait mieux ne pas se livrer? - Faisons une petite parenthèse, en profitant du fait que ces écrits toucheront peut-être un peu de monde. J'évoquais plus haut le fait qu'on mette à la tête d'un ministère de la Recherche quelqu'un qui ignore tout de ce champ d'activité. C'est pareil dans le secteur industriel. En fait, en France, le phénomène est général. C'est n'importe qui, sur n'importe quoi, n'importe comment. Et c'est le cas concernant la politique en matière de nucléaire. Regardez par exemple l'EPR, où on met en lumière deux soi-disant progrès. L'un étant un «récupérateur de corium », en cas de fusion du cœur2 1, et l'autre une double enceinte de confinement. Que cela soit à Tchernobyl ou à Fukushima, on se rappelle que deux réacteurs ont été le siège d'explosions spectaculaires, qui ont envoyé des masses énormes de béton à des hauteurs impressionnantes. À quoi étaient dues ces explosions?
-Mafoi...
-
Le combustible nucléaire se présente sous la forme de pastilles, qu'on enferme dans des tubes qui sont faits d'un alliage de zirconium. Mais pourquoi utiliser un métal aussi bizarre, avec lequel on fait du diamant artificiel ou des prothèses dentaires? Parce qu'il laisse passer les neutrons qui sont émis par fission et qui emportent la majorité de
21. En cas de dysfonctionnement d'un réacteur nucléaire, quand cesse le refroidissement du cœur, celui-ci, porté immédiatement à très haute température, fond et cette masse devenue liquide, appelée « corium », hautement radioactive, passe au travers de sa cuve de confinement et attaque le béton qui est en dessous, lequel se décompose à 1400°.
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1'énergie produite. Si ça n'était pas le cas, ces «gaines» contenant le combustible nucléaire fondraient. Or, si un accident se produit dans un réacteur nucléaire, cela sera toujours à cause d'une perte du refroidissement du combustible. C'est ce qui s'est passé à Tchernobyl, comme à Fukushima. Quand la température atteint 1200°, le zirconium des gaines contenant le combustible, qui est en contact avec 1'eau, dont la circulation assure le refroidissement, pique les atomes d'oxygène de l'eau, en libérant l'hydrogène. Et quand celui-ci se mélange à l'air, on obtient un explosif très puissant. S'il y a un accident sur l'EPR, c'est encore ce qui se passera et le «double système de confinement» volera en 1'air, lui aussi. Mais ça, personne n'en parle. On se demande comment on peut continuer à mener une politique aussi aberrante du point de vue de la sécurité. Imaginez qu'un jour un réacteur nucléaire situé dans la vallée du Rhône connaisse ce genre de catastrophe, par temps de fort mistral. Vous imaginez le résultat.
-
Revenons à cette question des déchets.
- Le problème est que nos décideurs, en matière de technologie, font toujours une impasse totale sur ce qui pourrait émerger d'un éventuel progrès scientifique majeur. On tente d'envisager notre futur en le fondant exclusivement sur le savoir-faire d'aujourd'hui. Par exemple, ITER pourrait être considéré comme «la machine à vapeur du III• millénaire». Alors que si un jour la fusion pouvait avoir un avenir, ça serait de manière impulsionnelle22. Quand on assiste à des débats de soi-disant experts au sein de l'OPCST23, on entend des vieillards présenter un calcul d'épicier, destiné à évaluer le stock de plutonium dont la France pourrait disposer dans un siècle! Comme si nos systèmes de production d'énergie allaient rester enfermés dans les formules actuellement mises en œuvre. Je pense, je suis totalement convaincu que l'humanité saura dans un délai de l'ordre d'un siècle opérer cette inversion de masse. Cela permettrait alors de se débarrasser des déchets nucléaires, et de déchets de toutes sortes, y compris chimiques.
22. À travers un système dérivé de la Z-machine. Évolution comparable à celle du passage de la machine à vapeur à celle du moteur à explosion. 23. L'Office parlementaire des choix scientifiques et techniques.
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Comment cela?
- On place ces déchets dans un local équipé pour opérer cette inversion de masse. Alors les atomes constituant ces déchets, soudain dotés d'une masse négative, «tombent vers le haut» sous l'effet de la pesanteur terrestre, en traversant tout: l'enceinte, l'atmosphère, sans interagir avec celle-ci.
-
Ils sont expulsés hors de la Terre.
À vitesse relativiste, au-delà du système solaire. Et dans ce local règne alors un vide extrême. On pourra alors produire de l'électricité en y admettant l'air atmosphérique à travers une turbine actionnant un alternateur.
-
Le progrès : toujours à double tranchant - Si ce que vous dites est vrai, les extraterrestres qui nous observent doivent se dire qu'ily aurait miewc à faire que d'enfouir ces déchets.
-
Le problème clé est que si on sait inverser la masse, on saura inévi-
tablement inverser la charge électrique.
-
Et alors, où est le problème?
- Si vous inversez les charges d'une masse de matière, vous convertissez celle-ci en antimatière.
-
jolie source d'énergie en perspective!
- Mais aussi une possibilité de créer des bombes à côté desquelles nos engins thermonucléaires ressembleraient à de vulgaires pétards.
- D'où une certaine réticence, pour des extraterrestres, à susciter un transfert de technologie, qui serait aussitôt récupéré par des militaires pour rendre la situation terrestre encore plus problématique. - C'est évident. Des gens se demandent: «Pourquoi une telle absence de contact?» Vous avez la réponse. C'en est aussi une au «paradoxe de Fermi24 ». 24. Célèbre physicien, co-créateur de la bombe atomique, Fermi ne comprenait pas pourquoi, si les extraterrestres étaient présents, ceux-ci ne se seraient pas manifestés immédiatement.
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Cette synthèse d'antimatière pourrait être la source d'énergie des ovnis.
- C'est possible. Quels que soient leurs besoins, ces machines n' emportent pas avec elles de carburant. Il y a d'ailleurs un indice qui va dans ce sens. Quand un ovni se crashe, si on admet que ça a pu être le cas, cela ne génère pas d'explosion gigantesque, comme c'est le cas quand un bombardier B-52 percute le sol.
Et le phénomène ovni, dans tout cela ? - Quand on parle du phénomène ovni, où que ce soit, journalistes, scientifiques, politiques, ouvrent des yeux ronds. je le vois avec mes collègues journalistes. C'est comme s'ils disaient: « Vous trouvez qu'on n'a pas assez de problèmes comme ça? Que voulez-vous qu'on Jasse de ce phénomène totalement marginal?» - Eh oui, le sujet a été discrédité dans tous ces milieux depuis un demi-siècle. Il y a plusieurs raisons à cela. La première est qu'il dérange énormément. C'est en soi une contestation de toute structure de pouvoir. Alors, ce qu'on ne peut pas gérer, on l'ignore. C'est exactement ce qui se passe en France. Il serait faux d'imaginer que dans les hautes sphères il existe des cellules qui se livrent à de savantes réflexions sur ce sujet, ou des groupes de scientifiques qui planchent dessus. Le Geipan, émanation du Cnes, créé en 1977, dont l'activité se limite depuis cette date à collecter des rapports d'observations dressés par des gendarmes25 représente l'intégralité de la réponse française face à ce problème. Ce qui n'empêche pas le phénomène ovni de se manifester, plus que jamais, partout sur la planète.
- L 'accél.ération de la circulation de l'information, liée à Internet, fait que les comptes rendus d'observations, les photos, les vidéos prises à l'aide des téléphones portables, circulent dans le monde entier à /,a vitesse de la lumière. Évoquer celles-ci de manière exhaustive nécessiterait en soi un autre ouvrage. En restant schématique, tout continue plus que jamais 25. Au nombre de six mille, totalement exempts de toute information exploitable.
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avec un pic correspondant à une vagu.e belge26 en 1989-1991, qui défie la chronique. Là., on comptera les témoins par milliers. Une course-poursuite par des avions de chasse27 laissera une trace radar, montrant l'évolution supersonique en basse altitude, mais silencieuse selon les témoins au sol d'un ovni se riant de la tentative d'intervention menée par deux appareils dépêchés sur les lieux. - Le phénomène ovni revêt des couleurs différentes selon les continents, les pays.
- Aux États-Unis, ce sont les abductions, illustrées par la célèbre série de télévision produite par Steven Spielberg, Taken (Disparition), qui décrit assez bien le phénomène et évoque une action passablement inquiétante, dénuée de tous scrupules, de ceux qui pourraient être en charge du dossier. Ajoutons aussi, pour ce vaste territoire, les mutilations de bétail. En Espagne, l'affaire Ummo occupe le centre de la scène. En Angleterre, ce sont les fameux crop circles qui défraient la chronique. Tout se passe - si un choisit d'attribuer ces phénomènes à des interventions d'extraterrestres, ce qui peut être évidemment débattu -, comme si différentes ethnies, ou collectifi d'ethnies, avaient pu s'attribuer des territoires où mener des expériences. - Peut-être. Toujours est-il que le phénomène ovni reste plus déconcertant que jamais. Si, dès le milieu des années soixante-dix, j'ai essayé de développer un décodage« nuts and bolts» (boulons et écrous) du phénomène, par opposition au Franco-Américain Jacques Vallée, partisan du «tout paranormal», les observations continuent de relever de ces deux aspects. Ainsi, dans les cas d'enlèvements, également évoqués par le journaliste d'investigation Stéphane Allix dans sa série Enquêtes extraordinaire?-8 , les témoins se voient passer au travers des murs.
-
Que doit-on penser de telles observations?
26. https://fr.wikipedia.org/wikiNague_belge_d' ovnis 27. Des F-16 de la Force aérienne belge.
28. Enquêtes extraordinaires, une étude approfondie des phénomènes inexpliqués, coffret de 6 DVD, Éditions Montparnasse, 2011. La première étude la plus objective possible de nombre de phénomènes inexpliqués.
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- Notre science d'aujourd'hui nous permet-elle de rejeter de telles observations, attendu qu'il y a à peine plus d'un siècle des choses qui sont aujourd'hui devenues courantes, comme le téléphone, la radio, la télévision, les hologrammes, le fait de stimuler le système nerveux humain à distance par des faisceaux de micro-ondes pulsées, soit pour provoquer une douleur29 , soit pour créer des sons modulés, sans que les tympans du sujet ne soient sollicités, auraient été séance tenante classés comme phénomènes paranormaux? Je crois que la seule chose que l'on peut dire est qu'on ne doit rien rejeter a priori. Il y a seulement des choses que l'on comprend, et d'autres auxquelles on ne comprend rien pour le moment, et c'est tout.
La désinformation - Différents pays ont créé des services qui se veulent être l'équivalent de ce Geipan français, tous sous la coupe de l'armée. Depuis 1977, des livres ont été publiés sur, par exemple, l'affaire Roswell. Là, comme ailleurs, on trouve la trace d'un effort de dissimulation manifeste. Partout, quelle qu en soit la raison, l'ovni est visiblement un secret d'État3°. À ce sujet, l'accent doit être porté sur la conjugaison des deux courants, véhiculant l'information et la désinformation. Cest peut-être aujourd'hui l'aspect le plus fascinant du dossier ovni: tenter de décrypter les contributions de ces deux courants. - Les observations d'ovnis, de plus en plus spectaculaires, sont rapportées par des témoins de plus en plus crédibles. Par des pilotes comme Daniel Michau, pilote d'hélicoptère, dont l'appareil est doublé dans les années soixante-dix à une vitesse phénoménale par un engin en forme de cigare, «gros comme un zeppelin». Par Jack Krine, pilote de Mirage III qui, avec son ailier, réalise une observation sans équivoque. Ou, comme il aime à le dire: «Nous avons été observés par un ovni lors d'une mission d'interception, de nuit.» On a collecté également une masse de témoignages corrélés par des détections radar. Les internautes 29. Le système« Crowd Control» (contrôle des foules américain). 30. Lire, par exemple, les ouvrages de l'ancien pilote Jean-Gabriel Greslé, comme 1942-1954: la genèse d 'un secret d'État, aux éditions Dervy en 2013.
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ont pu voir une jeune femme, Heidemarie Stefanyshyn-Piper, membre de l'équipage de la navette spatiale américaine (mission STS-115 du 9 au 21 septembre 2006), s'évanouir par deux fois le 22 septembre 2006 devant les caméras des journalistes venus l'interviewer, lorsqu'elle commençait à parler de son observation d'un ovni, venu inspecter son travail lors d'une sortie extravéhiculaire (réf. YouTube à https:// www.youtube.com/watch?v=tK40WwEe1Qc, CBS News à http:// www.cbsnews.com/videos/astronaut-collapses-twice/ et https:// fr. wikipedia.org/wiki/Heidemarie_Stefanyshyn-Piper). Témoignage similaire d'une Russe, Marina Popovitch (pilote de chasse, épouse de Pavel Popovitch) en juillet 2011. YouTube à https://www.youtube. com/watch?v=TLM_G 1BgcjY
- je n'ai pas vu passer grand-chose de sérieux, ces dernières années, dans les télévisions, comme reportages sur le sujet ovni. - Je pense qu'il n'y a eu que deux émissions qui ont fait date. La première est celle qui a été animée par le journaliste Damien Hammouchi, pour la chaîne C831 • Celui-ci avait commencé par me solliciter à plusieurs reprises. Mais j'étais réticent, étant donné le nombre de cirques lamentables auxquels j'avais participé pendant trois décennies, le dernier en date étant une émission animée par Stéphane Bern. J'ai fini par lui donner mon accord, à condition de pouvoir donner quelques directives. Il a accepté. C'est ainsi que je lui ai conseillé d'inviter des témoins crédibles comme Michau et Krine, anciens militaires. Il y avait aussi le contre-amiral Gilles Pinon32 •
-
Oui, l'émission était pas mal
- Elle a fait un bon score à l'audimat, comme toutes les émissions traitant du sujet, en général. Je m'attendais à ce qu'on puisse en faire d'autres. Mais Hammouchi a été depuis injoignable.
-
Vous pensez qu'il a été « briefé» ?
- Je le pense, oui. J'ai un second exemple. Quelques années plus tard, la jeune journaliste Clémence de la Robertie m'a à nouveau sollicité. 31. https://www.youtube.com/watch?v=l4ho2_pOtIQ. 32. Qui décéda peu de temps après l'émission, victime d'une crise cardiaque à un péage d'autoroute, alors qu'on ne lui connaissait aucun problème de ce côté-là.
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La dernière ligne de défense
Elle a produit, pour le compte de la chaîne Planète, une autre émission ayant pour titre Les ovnis et le pouvoir33 • On y voit un homme, toujours filmé de dos, qui mène son enquête et qui commence par dire que le fait de s'intéresser au sujet ovni lui a attiré beaucoup de désagréments. Clémence m'a dit que ce personnage existe vraiment et tient en fait son propre rôle dans l'émission. Celle-ci illustre les blocages et les différentes manœuvres utilisées pour envoyer le sujet à la trappe. On voit même un jeune journaliste, interviewé, qui avoue avoir reçu des menaces. S'agissant du Geipan, le reportage montre comment les enquêtes sont menées par-dessus la jambe. Des témoins fiables, des pilotes, ont vu ainsi leurs témoignages classés au rayon des effets de lasers de boîtes de nuit sur des nuages, etc. Cela se termine par une interview de l'ex-ministre de la Recherche et ex-astronaute Claudie Haigneré. Celle-ci esquive les questions et l'impression qui se dégage de cette séquence est que c'est simplement un sujet qui l'ennuie profondément, ne l'intéresse pas du tout.
-
Vous pensez que le Geipan désinforme?
-
Le sujet ovni dérange tout le monde, y compris dans les hautes
sphères du Cnes. Cela m'a été dit de vive voix par celui qui créa le Geipan en 1977, le général Sillard34 • Celui-ci s'était battu pour que ce service soit créé et fit de même des années plus tard, alors qu'il était à la retraite, pour tenter de le sonir de sa torpeur. Mais, à l'époque, il m'avait confié que sa marge de manœuvre restait étroite. Clémence de la Robenie m'avait dit qu'elle avait reçu de lui, au téléphone, une réponse qui l'avait douée sur place. Et elle avait ajouté : «Je m'en veux de ne pas l'avoir enregistré ce jour-là!» Sillard lui avait tout simplement dit: «Ce Geipan, il n'en sonira jamais rien!»
- Autrement dit, du côtéfrançais, l'hostilité vis-à-vis de ce sujet ovni relèverait simplement d'un mauvais vouloir, d'un geste de mauvaise humeur. - Et d'une volonté de conserver le contrôle absolu sur ce« phénomène de société». 33. http://www.dailymotion.com/video/x2836r_dossier-paranormal-les-ovnis-etle-pouvoir_tv#from=embedifrarne [Contenu retiré en 2016.) Sur YouTube: https://www.youtube.com/watch?v=YmZH laGURVo. 34. https://fr.wikipedia.org/wiki/Yves_Sillard.
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OVNI
- Pensez-vous que dans les «hautes sphères» on sache à quoi s'en tenir sur la véritable nature du phénomène ovni? - Cela me paraît évident, ne serait-ce que chez les militaires, disposant d'une masse imposante de rapports de pilotes de chasse, témoins a priori fiables.
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Comment expliquer une certaine absence de réaction?
- Pour ces gens, comme pour la majorité des scientifiques, ce phénomène est ingérable, n'entre dans aucune «case». Je vais vous donner un exemple. Il y a quelques années, un pilote de chasse, basé à Orange, me conta l'histoire suivante. Après une rencontre avec un ovni et un spectaculaire chassé-croisé en vol, celui-ci se présente chez le commandant de la base pour faire son rapport. Il y est accueilli assez sèchement, et s'en étonne. L'autre lui répond: «Prenez quelques jours de permission, si vous avez besoin de cela pour vous remettre de vos émotions. Mais sachez que, maintenant, on ne fait plus de rapports sur ces choses-là.» Si on veut résumer la position de son supérieur hiérarchique, c'est avant tout de l'agacement. Si on insiste, ceci peut susciter des réactions d'hostilité, très vives, qui signifient: «Arrêtez d'agiter ces questions, vous nous emmerdez avec tout cela, vous dérangez le jeu politique, scientifique. » C'est ainsi que Clémence de la Robertie a été promptement priée de ne plus produire de telles enquêtes si elle ne voulait pas compromettre sa carrière dans l'audiovisuel.
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Alors, le Geipan est en quelque sorte toléré?
- Il peut continuer d'exister, en tant qu' agréable sinécure, s'il ne va pas trop loin, s'il ne fait pas de vagues. Dans cette optique, sa principale contribution a été l'invention de l'acronyme PAN, destiné à remplacer celui d'OVNI, les «phénomènes aériens non identifiés» remplaçant ainsi les objets volants non identifiés. Le Geipan est un anesthésique, un tranquillisant.
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Et dans le milieu scientifique?
- Vous le savez aussi bien que moi. Le fait d'avoir persisté dans cette recherche m'a coûté ma carrière.J'ai été privé de crédits pendant trente ans. Tout ce que j'ai pu faire l'a été avec une feuille de papier et un crayon. Il y a eu une tentative de récupération quand j'ai commencé
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La dernière ligne de défense
à produire des ouvrages de vulgarisation scientifique. J'ai alors été versé dans un département IST35 du CNRS. Là, on m'a fait miroiter la possibilité de voyager à travers le monde pour effectuer une enquête sur la façon dont cette information était gérée dans les différents pays. Mais en retour je devais« laisser tomber toutes ces bêtises». J'ai refusé. J'ai alors été promptement exclu de ce département36•
- Je peux en tout cas rendre compte de ce que m'avait répondu un directeur général du CNRS quandje l'avais questionné à votre sujet. La réponse avait été fort simple: «Petit? Ce type est fou!» Mais quand on regarde votre trajectoire, on se dit que ce fou a quand même joué un rôle de pionnier en MHD (magnétohydrodynamique}, qu'il a été le premier chercheur à annihiler l'instabilité électrothermique37• Ses connaissances en physique des pl.asmas lui ont permis de mener des recherches expérimentales, y compris récentes, avec des résultats qu'on peut considérer comme brillants. Ces mêmes connaissances lui permettent encore dënoncer des critiques aussi pertinentes que dérangeantes vis-à-vis de projets sophistiqués que sont !TER et Mégajoule. Ce fou a été le premier à décrire graphiquement un sujet mathématique aussi pointu que le retournement de la sphère. Il a fourni la première représentation paramétrique de la suiface de Boy, inventé un retournement du tore. Récemment, cefou touche-à-tout vient de nous donner une jolie contribution en égyptologie en produisant le premier schéma crédible de construction des Grandes Pyramides. Enfin, si j'en juge à vos derniers travaux, vous continuez à marquer des points da.ns l'un des domaines les plus pointus qui soient, la cosmologie. -
En quelque sorte, je suis un fou rationnel et créatif.
- Revenons, si vous le voulez bien, à ce thème de la désinformation. À lëtranger, comme cela se passe-t-il? - On assiste depuis des décennies à un véritable combat entre les deux courants, ceux de l'information et de la désinformation. Il y a eu des moments très forts, comme au moment de la vague belge38 de
35. Information scientifique et technique. 36. Par Evry Schatzman, qui en était devenu directeur. 37. https://fr. wikipedia.org/wiki/Instabilité_électrothermique. 38. https://fr.wikipedia.org/wikiNague_belge_d' ovnis.
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OVNI
1989-1991. Mais le temps passe et ces choses finissent pars'oublier. Il suffit soudain qu'un type avoue que dans tel cas le document allégué était un faux39 pour que tout le reste parte à la trappe. Cela permet d'oublier que lors de cette vague, la Force aérienne belge dépêcha deux F-16 qui se livrèrent à une course-poursuite avec un ovni, le tout faisant l'objet d'un enregistrement complet sur le radar de bord des appareils.
- Il y a beaucoup de gens qui luttent pour mettre à bas l'interprétation du phénomène ovni en tant qu 'incursion d'engins extraterrestres. - Beaucoup de médias leur donnent alors écho. Ils rejoignent ainsi les pourfendeurs de la« théorie du complot». Ainsi, le phénomène ovni devient «un complot extraterrestre».
- Est-ce que le sujet ovni n'estpas vécu de manière beaucoup plus « hard » aux États-Unis? - Tout semble l'indiquer. Il y a une dizaine d'années, des ufologues comme Gildas Bourdais ont publié en France des livres qui se faisaient l'écho d'enquêtes menées aux États-Unis à propos de l'affaire Roswell. Il est possible que ces affaires de crashes, car il n'y en aurait pas eu qu'une seule, correspondent à une réalité. Alors, au-delà du fait que les Américains auraient pu, en récupérant des épaves, bénéficier d'un coup de pouce scientifique et technique, le simple fait d'être confronté à l'évidence de la réalité d'incursions d'extraterrestres place le pays dans une position privilégiée, que partage peut-être un pays comme la Russie, mais pas les pays européens, qui resteront vis-à-vis de ces questions dans l'expectative.
- En tout cas, la position des auteurs du rapport Cometa4° de 1999 est claire. Tous privilégient l'hypothèse extraterrestre sans la moindre ambiguïté. Dix-huit années plus tard, quelle conclusion tirez-vous de cette «affaire Cometa » ? - L'acronyme Cometa vient de Comité d'études approfondies. C'est une association présidée par l'ancien général d'aviation Denis Letty. Parmi ses membres, beaucoup émanent de l'Institut des hautes études 39. Il s'agit de l'observation du Petit-Rechain: https://fr.wikipedia.org/wiki/ Photographie_de_Petit-Rechain. 40. https://fr. wikipedia.org/wiki/Rapport_COMETA.
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de la Défense nationale. On y trouve le général Norlain, ancien directeur de cet institut, André Lebeau, ancien président du Cnes. L'association, qui s'était constituée en 1996, remet en main propre au président Chirac et à son Premier ministre Lionel Jospin un rapport de 90 pages au titre fracassant «Les OVNI et la Défense, à quoi devonsnous nous préparer?» Ce rapport conclut à «la réalité physique quasi certaine d'objets volants totalement inconnus» et conclut qu'au vu des prouesses mesurées des ovnis (particulièrement lorsque des enregistrements radar existent), l'hypothèse extraterrestre leur paraît «la plus probable» ou la plus «crédible». Je me souviens des réactions de la presse. Ça n'a pas été un succès. L 'Express a qualifié ce rapport de« délirant». Libération titre: «OVNI soit qui mal y pense.» Le Canard Enchaîné: «Frappes chirurgicales contre les Martiens.» Ouest-France, après avoir interviewé le général Letty, avait titré: «Le général qui attend les OVNI.» Au mieux, c'était une gentille dérision.
-
Consternant.
- Il y a un type qui joue un rôle très actif sur le terrain ovni depuis quarante ans. C'est le sociologue Pierre Lagrange4 1 , qui se présente comme «sociologue des sciences». Il a produit un nombre considérable d'articles et les colonnes de la grande presse lui ont toujours été largement ouvertes. Vous, qui êtes physicien, c'est dans le champ de la physique et de l'astrophysique que le phénomène ovni vous interpelle. Lagrange, étant sociologue, voit avant tout dans l'ovni un phénomène de société. C'est logique. Revenant au rapport Cometa, il a écrit42 : ~
«Nous n'avons pas ici un rapport issu de spécialistes du rensei-
~ gnement et de l'analyse militaire, mais de personnes dont le ~ hobby consiste à faire de l'ufologie et qui voudraient se donner ~
~
une respectabilité en étalant le fait qu'ils sont par ailleurs ~ ingénieurs et militaires de carrière. » ~
Lagrange, tout en se présentant comme sociologue des sciences, ne connaît rien à ces dernières. Et en tant que sociologue, il tient des
41. https://fr. wikipedia.org/wiki/Pierre_Lagrange. 42. Dans son livre Ovnis: ce qu'ils ne veulent pas que vous sachiez, paru en 2007.
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propos curieux. Je me rappelle qu'il avait écrit dans Science et Vie:« Ce qui milite contre l'affaire de Roswell, c'est son caractère incroyable.» Mais peut-être ne suis-je pas formé à ce qu'on appelle la sociologie. Revenons au rapport Cometa. Pour les officiers supérieurs qui se mouillent dans cette histoire, c'est un désastre. Depuis 2006 l'association Cometa est en sommeil. Letty est sorti de cette aventure complètement écœuré. Mais qu'est-ce qui avait motivé ces gens à tenir des positions aussi avancées? Le bruit court que certains d'entre eux, en tant que pilotes, auraient été confrontés à une rencontre en vol avec des ovnis. Cela expliquerait pourquoi, étant à la retraite, délivrés d'une obligation de réserve, ils auraient souhaité ouvrir ce dossier. Celui-ci trahit la naïveté des auteurs. Quand j'ai lu ce rapport, j'ai eu l'impression d'être face à des gens qui partaient au combat avec des fusils sans cartouches, armés de leur simple bonne foi. Le résultat a été immédiat.
-
Quelle a été la réaction de Chirac et de Jospin?
- Au mieux, ces gens, fort occupés, ont confié ces 90 pages à un ami universitaire en lui disant: «Rends-moi service. Lis ce truc et dis-moi ce que tu en penses. » Et le retour a très probablement été: «À ta place, j'éviterais de perdre mon temps avec ces bêtises. » Comme le document émanait de gens quand même assez haut placés, ces politiques n'ont simplement fait aucun commentaire.
-
Que contenait ce rapport Cometa?
-
Ce sont des réflexions de militaires de hauts grades. Il n'y a en tout
cas aucun physicien digne de ce nom dans leur entourage.
-
Sur quoi vous basez-vous pour dire cela?
-
Dans ce rapport, il y a par exemple une phrase comme «Personne
n'ayant jamais vu ou entendu fonctionner un système de refroidissement sur un ovni, il est possible que ces machines n'aient été conçues que pour un fonctionnement de brève durée.» Un physicien n'écrirait pas une chose pareille. Sur le plan scientifique et technique, c'est vide. Dans ces pages, ces gens livrent simplement leur intime conviction. Rappelonsnous que ce sont avant tout des militaires qui s'inquiètent de ce que les Américains aient pu extraire de ce dossier ovni des connaissances qui soient susceptibles de leur donner quelque avance en matière d' armements. Et ils souhaitent que l'on porte plus d'attention à ce sujet,
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dans ce même but. Rappelez-vous le titre très explicite de la plaquette: «Les OVNI et la Défense.» La question est donc abordée sous l'angle de la Défense nationale. Et c'est cela qui est dramatique: ne pas voir plus loin que le bout de son fusil.
- Il est un fait que dans tous les pays où le sujet ovni suscite quelque intérêt, ce sont les militaires qui mènent le jeu, et on se souvient de la. phrase de Ronald Reagan à l'ONU, qui disait que si soudain une menace se profila.it, émanant d'un autre système que le nôtre, les Terriens se retrouveraient tous au coude à coude. - Dans les hautes sphères, si l'ovni est pris en considération, celui-ci est alors considéré avant tout comme une menace potentielle et les auteurs du rapport Cometa ne font hélas pas exception. Leur rapport se termine d'ailleurs en queue de poisson. La seule idée qui émerge étant de recommander d'accroître le budget du Sepra43 !
- Pourquoi ces gens n'ont-ils pas tenté de prendre contact avec vous? Vos positions se rejoignent, non ? - C'est moi qui ai essayé de prendre contact avec Letty, en vain. Je lui offrais simplement des cartouches (scientifiques) pour leurs fusils. Mais cette non-réponse vient peut-être de ma position personnelle vis-à-vis des recherches orientées vers les armements. Personnellement, je trouve qu'on fait assez de bêtises comme ça.
Autre chose qu'une menace -
Pour vous, les ovnis représenteraient autre chose qu'une menace?
- Il existe toute une palette d'interprétations. Dans une secte comme les Raéliens, on souhaite construire une ambassade pour accueillir les extraterrestres, qui auraient créé l'humanité en laboratoire. Pour un type comme Jacques Vallée, il s'agit d'un phénomène paranormal, émanant «d'une autre dimension». D'autres espèrent une action d'extraterrestres qui, au dernier moment, nous empêcheront de nous 43. À l'époque, le service qui avait pris la suite du Geipan, et qui n'était constitué que par deux personnes, un simple technicien en optique et une secrétaire.
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détruire. À l'opposé il y a les pessimistes, de plus en plus nombreux d'ailleurs, qui disent que ce sont des gens qui sont venus pour assister, impavides, au spectacle de notre autodestruction. Enfin, il y a l'attitude consistant à considérer a priori tout ce qui est inconnu, qu'on ne maîtrise pas, comme une menace.
-
Votre propre position ?
- Je vais vous dire une bonne chose. Je m'intéresse à ce sujet depuis plus de quarante années. Cela a eu un énorme impact sur ma façon de penser. Au bout du compte, ce phénomène est tellement déroutant qu'il me paraît impossible de le cerner avec précision. Qu'est-ce que ça a entraîné chez moi? Eh bien, plus le temps passe et plus tout cela me ramène à ce qui se passe sur Terre. Et je pense que ce qui se développe actuellement est de plus en plus inquiétant. On a envie des' écrier: «Y a-t-il un philosophe dans la salle?» C'est-à-dire quelqu'un qui essaye de réfléchir sur l'humain, ses tenants et aboutissants.
-
Et quels pourraient être ces tenants et aboutissants de l'humain?
- Comme aucun philosophe ne souhaite aborder la question sous cet angle, on est obligé de faire avec ses propres neurones. J'ai été enseignant pendant quelques années au département de philosophie de la faculté des lettres d'Aix-en-Provence.
-
Vous enseigniez quoi?
- Mon unité de valeur s'intitulait «sciences exactes». Ça a été pour moi une aventure extraordinaire. Figurez-vous que quand un ingénieur ou un gars qui a une licence de physique émerge de ses études, il n'a pas la moindre idée de quand datent les connaissances qu'il a acquises. Moi, on m'aurait dit en sortant de Supaéro que les équations de Maxwell avaient été inventées au Moyen Âge, je l'aurais cru. J'ai appris énormément de choses avec mes étudiants de philo. J'ai eu beaucoup de succès et on s'est tous énormément amusés. De cette expérience est née la collection des Aventures d'Anselme La.nturlu44• J'ai acquis quelques notions sur l'histoire des idées scientifiques. J'ai pu découvrir le mal qu'avaient des idées nouvelles à se frayer un chemin. 44. Trente albums, aujourd'hui gratuitement téléchargeables à http://www.savoirsans-frontieres.com.
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-
Cela vous a permis de mieux comprendre ce qui vous arrivait.
- Figurez-vous qu'il y a quelques mois j'ai caressé le projet de donner un séminaire au département de philosophie de l'université d'Aix sur le thème de la vie extraterrestre. Échec complet. Il me fut répondu qu'il n'y avait aucun département susceptible d'être intéressé par un tel sujet. Je croyais que la philosophie était un cadre où n'importe quoi pouvait être abordé et débattu. J'en ai été pour mes frais.
- Vous dites que vous avez réfléchi par vous-même. Alors, ça a donné quoi? - Vous savez, quand un physicien essaye de réfléchir sur l'humain, il dit vite pas mal de bêtises. Il y a pas mal de précédents. En essayant de comprendre le sens du phénomène appelé «vie», j'ai cherché à l'aborder sous un angle simplement phénoménologique. Il me semble que le vivant voit au fil du temps sa complexité s'accroître, de même que son champ relationnel. Un être multicellulaire est plus compliqué qu'une cellule unique. La communication entre ses cellules-composants passe mieux et il est mieux équipé pour communiquer avec son environnement.
-
]usquïci ça va, continuez.
- Je pense que toute forme de pensée est un système organisé de croyances. La conception même que nous avons du monde, ou de nous-mêmes, n'échappe pas à cette règle, ce me semble. Donc, je ne peux rien proposer sans abattre auparavant mes cartes, c'est-à-dire indiquer les quelques croyances sur lesquelles je vais m'appuyer.
-
Qui sont?
- Je fais l'hypothèse que ces courses vers plus de complexité et plus de communication, qui sont d'ailleurs étroitement liées, constituent une sorte de principe organisateur du monde du vivant. Actuellement, sur Terre, la communication est devenue totale. C'est un programme en voie d'achèvement. À tout moment je peux prendre mon téléphone portable et, en composant quelque chose sur mon clavier, je peux entrer en relation avec un nombre incroyable de bipèdes terrestres, dans toutes les parties du globe, fût-ce aux antipodes. J'ai d'ailleurs appris que le nombre de téléphones portables produits annuellement
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dans le monde avait atteint le chiffre ahurissant d'un milliard! Alors que c'est une technologie relativement récente.
- L'usage des téléphones portables ne s'est généralisé qua partir du tout début des années quatre-vingt-dix. Mais maintenant l'épidémie est devenue planétaire, c'est vrai. -
À cela il faut ajouter le phénomène Internet, également planétaire.
Donc, question communication, sur Terre, on a fait le tour. Laquestion qui émerge alors est: «Est-ce que cela vas'arrêter là? Est-ce la fin de l'histoire?» On peut, bien sûr, envisager une exploration du système solaire. Mais il ne semble pas que celui-ci héberge une autre forme de vie organisée, si ce n'est peut-être sous une forme très primitive, sur la planète Mars, ou sous la banquise d'Europe, satellite de Jupiter. Donc, une véritable extension du champ relationnel impliquerait un contact avec d'autres planètes, orbitant autour d'autres étoiles que le Soleil. Or, avant l'apparition de l'homo technologicus, le monde du vivant utilisait d'autres formules pour assurer l'extension du champ informationnel. Au niveau d'une vie primitive, les échanges se font par des médiateurs chimiques. Puis apparaissent des paquets de cellules spécialisées qui deviennent des organes sensoriels de tous ordres. Au-delà, les êtres vivants acquièrent des moyens de locomotion. Ça commence par le milieu marin. Puis c'est la locomotion terrestre et enfin aérienne. Les oiseaux arrivent à étendre le champ relationnel de continents à continents. La spécificité de l'homme réside dans le fait qu'il a développé une technologie qui n'existait que de façon embryonnaire chez certains animaux. Par technologie, on peut entendre tout ce qui est artificiel, qui met en œuvre un artifice. Par exemple, certains crabes se camouflent en collant sur leur carapace des fragments de coquillages, étrangers à leur corps, à l'aide de mucus. Les poules avalent des cailloux qui les aident à broyer les grains qu'elles ingèrent.
- Dans cette émergence de la technologie entre les mains de l'homme, on voit surtout un avantage vis-à-vis de sa survie, qui lui permet de faire face par exemple à des prédateurs. - C'est sûr. Dans le temps, j'avais emmené mes clients, en safari, faire un détour pour aller jusqu'à Olduvaï, en Tanzanie, berceau del' australopithèque. Là-bas, on abrite sous un hangar ce qui a été mis au jour, c'est-à-dire des campements d'australopithèques, qui ne mesuraient
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guère plus d'un mètre de ·haut. On trouve le lieu où ils brisaient les os des charognes avec des pierres, pour en extraire la moelle. Il y a aussi des tas de pierres dont on pense qu'ils constituaient des réserves d'armes de jet pour leur permettre d'éloigner des prédateurs. J'ai trouvé très émouvant de me retrouver face à ce tout début de la technologie, chez des hominidés. Mais serait-il possible que la technologie ait un autre but que le fait de permettre à une des créatures vivant sur la Terre de dominer les autres ?
-
Attention, vous êtes finaliste!
- Oui, je l'avoue. C'est une seconde croyance. Vous pouvez noter. Non seulement un des buts du vivant est d'étendre son champ relationnel, en se complexifiant, mais dès lors qu'il s'agit d'envisager une communication avec une vie extraterrestre les solutions biologiques ne marchent plus.
Une mutation humaine - Attendez, ce que vous êtes en train de dire, c'est que la technologie ferait partie du plan. Que son émergences 'inscrirait dans cette idée à long terme de communiquer avec d'autres planètes? - Cette apparition explosive de la technologie, sur Terre, est le phénomène marquant de l'histoire du biotope, au cours de ces dix mille dernières années. Dans la mesure où la technologie ne fait que mettre en œuvre des solutions non biologiques, et que des animaux font de même à une échelle très primitive, je pense que l'apparition de l'homme, avec ses capacités totalement différentes, équivaut à une mutation brutale. De toute façon, si on essaye de réfléchir sur le vivant, la question de l'apparition de l'homme devient incontournable.
-
Et vous voyez cela comment?
- J'admets que je suis finaliste. L'homme est la première créature vivante intelligente.
-
Mais qu'est-ce que l'intelligence?
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- Les êtres vivants ont toute une palette de comportements. On peut assimiler cela à un programme d'ordinateur. Les autres espèces que l'homme évoluent très lentement. Le rythme évolutif animal se chiffre en millions d'années. L'homme est la seule espèce capable de modifier très rapidement de larges pans de comportements. Il est capable, dirait un informaticien, de créer du code. Cette mutation humaine me semble comparable à celle des matériels informatiques. Au départ, les ancêtres de l'ordinateur sont ce qu'on appelle des processeurs. Ce ne sont que des sortes de ganglions, où sont inscrites des tâches préprogrammées. En informatique, c'est ce qu'on appelle de la ROM (Read only memory, un élément de mémoire qui ne peut qu'être lu).
-
L'ordinateur commence avec l'apparition de la RAM (Random access memory, des segments de mémoire où on peut inscrire de nouvea-ux comportements). Est-ce que des ordinateurs qui disposent à la fois de ROM et de RAM sont intelligents?
- Non, car ils sont incapables de créer eux-mêmes des comportements originaux. À ce stade, l'homme doit introduire ces comportements, ces programmes.
- Mais on parle déjà d'intelligence artificielle. Regardez ce qui vient de se passer. Une machine vient de battre le champion du jeu de go. - Parce qu'on l'a programmée pour analyser la stratégie de son adversaire de manière très sophistiquée. Envisageons le jeu d'échecs, que je connais mieux. Je vais vous donner un exemple. Quand, avec mes étudiants de philo, on avait commencé à développer un programme de jeu d'échecs, on avait vite retrouvé ce qui s'était fuit dans les tout débuts. Il y a bien sûr les questions que tout joueur doit se poser: «Est-ce que mon roi est en échec? Ai-je une pièce en prise? etc.» Il est aussi assez facile de mettre en mémoire les débuts de partie-types, avec les réponses-types à produire.
- Tout ce quifait qu'un ordinateurfait a priori moins de bêtises qu'un joueur insuffisamment concentré. -
Après, se pose le problème du milieu de partie.
- je suppose que l'ordinateur doit envisager tous les coups possibles, avec leurs développements à hauteur de N coups suivants.
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La dernière ligne de défense
- Vous n'imaginez pas qu'avec un Apple II de la fin des années soixante-dix on pouvait faire un truc pareil. On suivait ce qui a servi de point de départ pour de tels programmes. Dans une partie d'échecs, à un moment donné de la partie, il y a un critère qui s'appelle la mobilité, la capacité qu'a un joueur de déplacer des pièces de manière «non suicidaire». En milieu de partie, où l'échiquier reste assez encombré, ces possibilités se résument à un petit nombre de coups possibles. Alors, comment choisir? On peut classer ces coups selon qu'ils accroissent ou diminuent la mobilité des pièces, les siennes et celles de l'adversaire et opter pour le coup qui optimise la mobilité. Question programmation, c'est assez simple. Eh bien, quand on fait cela, on est souvent étonné de la pertinence du coup. Je vous raconte cela pour illustrer le fait que la mise en œuvre de principes de jeu ne remplace pas évidemment l'examen des coups futurs possibles, mais que cette mise en œuvre, non seulement puisse se révéler performante, mais donne une impression d'intelligence, alors que ce n'est que de la programmation, donc pas de la véritable intelligence.
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Mais un ordinateur peut «apprendre» ?
- Certes. Il est tout à fait possible, étant donné l'immensité des capacités mémoire des machines d'aujourd'hui de faire en sorte qu'un ordinateur héberge l'ensemble de toutes les parties d'échecs jouées dans le monde depuis que ce jeu existe. Plus: si les champions du moment jouaient de telle manière qu'un ordinateur puisse au fur et à mesure enregistrer ces nouvelles parties, il pourrait opérer un suivi des techniques de jeu, partout et à une échelle défiant notre imagination. Les meilleurs joueurs ont une technique de jeu, un style qui leur sont propres. Un ordinateur est capable de discerner les grands axes de ce style et de réagir en conséquence. Il suffit parfois d'entraîner un joueur hors d'un ensemble de schémas de parties où il est le meilleur, pour le déstabiliser. À mon avis, cela suffit, à la fois pour les échecs et le jeu de go. Mais ça n'est alors pas de la véritable intelligence.
- La véritable intelligence, c'est quoi? N'y a-t-il pas une intelligence animale? - L'intelligence, c'est la capacité d'apporter des modifications profondes dans son comportement. Puis l'homme, par son langage écrit et parlé, peut échanger avec ses voisins, aujourd'hui sans limitation
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de distance. Grâce à l'écriture, il peut «parler à sa descendance», ce que l'animal est incapable de faire. L'écriture est quelque chose de phénoménal. Grâce à elle, l'homme peut consigner ses avancées technologiques et les transmettre aux générations futures. Un animal ne peut qu'enseigner à la sienne le schéma de ses propres comportements. Nous sommes qualitativement différents.
-
À quel moment cette différence qualitative apparaît-elle, selon vous?
- Il y a d'abord des différences qualitatives dans les différentes strates du vivant. Au plus bas niveau, on prendra par exemple le woplancton. Ce sont des animalcules très primitifs, incapables de changer de comportement.
-
Comment le sait-on?
- On ne peut pas les soumettre à un apprentissage pavlovien. On a beau les soumettre à toute sorte de stimuli désagréables, à des secousses électriques, ces êtres vivants referont toujours les mêmes bêtises. Ils n'ont qu'une ROM, pas de RAM!
- On retrouve l'analogie avec les ordinateurs. Mais, dans le règne vivant, quand apparaît la RAM? - Chez les oursins, par exemple. Ils sont capables de mémoriser un trajet menant à de la nourriture.
-
Ils sont intelligents?
- Non, ils sont dotés d'un programme avec des variantes et un critère d'optimisation45• Ça, c'est bon. Ça, ce n'est pas bon, je note.
-
Au stade suivant?
- Passons à un animal beaucoup plus sophistiqué qu'est le poulpe. Bien qu'étant un mollusque, on se demande si celui-ci ne dispose par d'un mental équivalent à celui du chien. La palette des stratégies qu'un poulpe est capable de mettre en œuvre, puis de mémoriser, est étonnante. Mais l'espèce poulpe ne peut progresser au-delà d'une certaine limite. Elle reste bridée par ses capacités mémorielles limitées. À la différence, l'homme est une espèce de poupée Mattel.
45. Pour les ordinateurs, l'équivalent des «systèmes experts».
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La dernière ligne de défense
-
Que voulez-vo-us dire par /,à?
- Quand un homme naît, il hérite de toute l'expérience acquise par l'espèce durant les dix mille ans passés. Cela représente des milliers de générations. Un langage sophistiqué et la transmission par l'écrit ont permis tout cela.
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Créer quelque chose, c'est quoi, selon vo-us?
- Je ne m'aventurerais pas à cerner ce processus. Mais dans la création il y a de la combinatoire. On applique le principe « un plus un est plus grand que deux». Quand on combine deux techniques, deux formes de pensée, le mariage des deux fait émerger quelque chose de qualitativement différent. Il y a aussi l'analogie dans tous les domaines. On essaye de plaquer dans un domaine un ensemble de concepts empruntés à un autre. Parfois cela donne des résultats étonnants.
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Un exemple?
- Prenons l'exemple du philosophe grec Lucrèce46• Un jour, il s'étonne de la similitude entre l' écoul~ment du sable et celui de l'eau. Il se demande si l'eau ne serait pas une sorte de sable aux grains si fins qu'on ne les verrait pas à l'œil nu. Il a l'idée complètement saugrenue de chercher à voir si le principe d'Archimède ne fonctionnerait pas dans le sable. Il essaye avec un fragment de bois léger et avec un bout de plomb et constate que si on secoue la caisse à sable, le plomb coule, alors que le morceau de bois remonte à la surface. De plus, il constate que plus les grains de sable sont fins, plus net est l'effet.
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Autrement dit, Lucrèce a l'intuition de l'existence des atomes, pl-us de deux mille ans avant qu'on ne les découvre47•
- Un exemple de l'efficacité du croisement de deux «façons de voir». Ça ne marche pas à tous les coups, mais parfois le résultat est étonnant. On donne l'impression d'avoir créé quelque chose alors qu'en fait on a importé des concepts extraits d'une autre discipline. On peut considérer cela comme une forme d'intelligence.
46. Philosophe latin du 1ondu: « On achemine ces matériels dans notre centre r de recherche. Si vous voulez, vous n'avez qua nous accompagner. »Ils sont alors partis en convoi en direction de l'Alaska. Et là, ils sont arrivés dans un centre ultrasurveillé, avec;'e ne sais combien de postes de contrôle successifs. Finalement, ils ont emprunté un véhicule électrique et sont descendus par une rampe jusqu a un sous-sol comme dans les parking.r automobiles souterrains, saufque cëtait beaucoup plus profond. Et là, mon ami s'est retrouvé, dans un vaste hangar, face à un engin en forme de soucoupe, quifaisait dans les vingt mètres de diamètre.
On revient dans la chambre et je dis à mon jeune assistant: «J'espère que vous avez tout enregistré», et l'autre, rougissant de confusion, m'avoue que, subjugué par ce qu'il avait entendu, il a simplement oublié de déclencher l'enregistreur. Je l'aurais étranglé. On a manqué une occasion unique, et il ne reste que mon témoignage verbal, et éventuellement le sien, c'est tout. Mais je vois mal un type comme Czysz, qui a de sacrés états de service à son actif, nous racontant des salades. À placer dans la constellation des témoignages liés au phénomène ovni.
Que se passe-t-il aux États-Unis? - Même si vous aviez pu enregistrer Czysz cejour-là, ça ne constituerait pas une preuve. Mais ça fait quand même se poser des questions. On est tenté de se dire: «Et si c ëtait vrai?» - Des tas de bruits courent sur ce qui a pu se passer aux États-Unis et continuerait de se passer actuellement. La série de Spielberg est sans équivoque: récupération d'épaves, tentatives de rétro-engineering, etc. Je me souviens d'une autre histoire. Vers 1973 ou 1974, j'avais été contacté par un certain Ray Stanford, par téléphone. Il gérait un projet « Starlight International». À l'époque, téléphoner depuis les USA n'était pas gratuit, tant s'en faut. Le bonhomme me parlait d'un film qu'il avait pris depuis un avion et qu'il souhaitait me montrer. Il se trouve que je devais me rendre aux USA à cette époque-là, et
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je lui ai proposé de me payer un billet d'avion pour que je puisse le rejoindre à Austin, Texas, ce qu'il fit. Quand je suis arrivé chez lui, il m'a dit: «Les ovnis, c'est comme pour la pêche. Il y a des coins.» Il recommandait toute une région proche d'une montagne culminant à 2 800 mètres, Oscura Peak, au Nouveau-Mexique, assez proche du site d'essai du premier essai nucléaire T rinity et de Soccoro, un lieu d'atterrissage d'ovni célèbre. Il prétendait avoir assisté à des échanges de signaux visuels entre ovnis situés dans le ciel et gens situés au sol.
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La. masse de faits allégués est considérable.
- Mais moi, ce qui m'interpelle, ce sont les opérations de désinformation made in USA, de grande ampleur. Par exemple, en 1993, un certain docteur Greer publie un manifeste intitulé « Disclosure56 ». Il dénonce un cover up orchestré par le gouvernement américain qui cacherait, selon lui depuis des décennies, des secrets couverts sous le sceau de black programs, de programmes de recherche ultrasecrets, bénéficiant d'un financement occulte, sur la base de secrets issus de recherches sur le phénomène ovni. En revenant de Brighton où j'avais entendu des tas de choses susceptibles d'intéresser ce brave homme, je prends contact avec lui. Comme j'avais déjà mon site Internet, je lui propose de télécharger des tas de documents concernant des avancées des militaires américains en matière d'armements. Bref, s'il cherchait des informations sur les black programs, j'avais de quoi l'intéresser. Ses assistants téléchargent donc le paquet d'infos que j'avais mis à la racine de mon site à son intention. J'avais précisé dans mon message que je souhaitais être mis en contact avec des scientifiques, des spécialistes de physique des pfasmas.
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Alors?
- Alors, rien. Aucune réaction, aucune explication, aucune suite, malgré mes relances. Cette absence de réaction n'est d'ailleurs pas une exception dès qu'on tente d'entrer en contact avec des gens qui, outre-Atlantique, affectent de s'intéresser au phénomène ovni57• Par exemple, beaucoup de gens ont vu la vidéo enregistrée au Club de la 56. Littéralement révélation, divulgation. Voir: http://www.disclosureproject.org. 57. Comme, par exemple, la plus grande organisation américaine, le MUFON (Mutual Ufo Network).
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presse de Washington, où d'anciens militaires se sont exprimés en rapportant des choses assez extraordinaires, regroupées sous l'étiquette des «incidents de Malstrom», en 196758• Ces gens font état de la mise hors service de batteries de missiles dont ils avaient la charge.
- je connais cette histoire, assez extraordinaire. À ce sujet, le témoignage de Robert Sa/,as, offider de tir, en charge d'une batterie de missiles sur ce site, est très clair. Une nuit, il est dans son bunker souterrain. Les soldats chargés de garder les lieux, en surface, l'appellent et lui disent qu'un ovni stationne au-dessus des portes métalliques recouvrant les silos des missiles. Sa/,as leur répond en plaisantant: «Empêchez-le d'emprunter l'ascenseur. » Mais peu de temps après, les témoins du panneau de contrôle de ses dix missiles passent les uns après les autres, sous ses yeux et sous ceux du second officier en charge de ce poste de tir souterrain, au rouge, en «no-go». J/,s téléphonent au centre de commandementpour rendre compte. On leur demande des y rendre pour débriefing général et là, i/,s retrouvent des tas de collègues, qui·ont vécu la même chose. Lors de la conférence de presse de Washington, on entend plusieurs personnes confirmer ces faits, dont un type chargé de la maintenance de l'informatique des stations de tir. Selon les dires de celui-là, rien n'est lésé dans ces installations. Mais les coordonnées des cibles se trouvent purement et simplement effacéespar des ovnis stationnant à une dizaine de mètres au-dessus des silos. Quand il interroge le système, c'est comme si ces missiles lui répondaient: «On veut bien partir, mais on ne sait pas où. » - Salas a publié un livre assez bien fait59, en anglais, où il rend compte de ces incidents. Je me suis procuré cet ouvrage et je suis entré en contact avec lui. En retour, il est même descendu me voir. Nous l'avons même hébergé, son épouse et lui. Je lui ai proposé qu'on écrive un ouvrage à deux, pour essayer de bouger les choses. Ça me semblait logique.
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Et alors?
- Alors, rien. Il n'a pas donné suite. Il y a de quoi se poser des questions. Mais les choses sont beaucoup plus claires avec un bonhomme comme Stephen Greer, artisan d'une politique de désinformation 58. https://www.youtube.com/watch?v=73ZiDEtVms8. 59. Ihe Fatkd Giant: le géant foudroyé, où il évoque la façon dont les ovnis s'étaient joués de la toute-puissance américaine, fière de ses milliers de missiles Minuteman.
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caractérisée. Il y a un peu plus de deux années, il sort un long document vidéo, intitulé projet Sirius. Et là on retrouve le schéma classique, qui fonctionne à merveille. Cela consiste à dénoncer le cover up à grands cris, d'affecter de prendre une attitude courageuse. Selon Greer, le gouvernement américain détiendrait des secrets technologiques permettant de produire de l'énergie à partir du «point zéro». L'énergie du vide, récupérée grâce à des machines présentant «un rendement sur-unitaire». On passe des images où on voit ces machines en fonctionnement. De tels générateurs permettraient, à l'en croire, de résoudre tous les problèmes de l'humanité. C'est le thème de la «ftee energy», de «l'énergie libre».
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Quelle est votre idée sur cette énergie libre?
- Vous pouvez imaginer que depuis quarante années j'ai vu défiler une cohorte d'inventeurs de ces genres de dispositifs. À chaque fois, j'ai fait l'effort d'aller y voir de près. Il y a eu de rares choses vraiment intéressantes, comme le fait d'adjoindre un brouillard fait de minuscules gouttelettes d'eau au mélange combustible d'un moteur à combustion interne.
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C'est ce qu'on a appelé le «moteur à eau» ?
- Dans les années cinquante, je me rappelle être allé au Salon de l'aviation, qui se tenait à l'époque au Grand Palais, à Paris. J'y avais vu un moteur à réaction américain, en écorché. J'avais lu la mention «post combustion avec injection d'eau», et j'avais demandé à l'ingénieur de quoi il retournait. Il m'avait répondu: «C'est pour briser les grosses molécules du kérosène. » Autrement dit pour améliorer le rendement de combustion. Dans ces systèmes «Pentone », on aspire, en même temps que le carburant et l'air, de la vapeur d'eau issue d'un « bulleur». Celle-ci se transforme en un fin brouillard, et on charge électriquement ces gouttelettes en le faisant passer entre deux cylindres de métal, distants d'un millimètre. L'eau est un corps qui, sous ses différentes formes, cristaux ou gouttelettes, s'électrise facilement. Un des effets de cette électrisation est tout simplement la foudre. Donc, quand on met en présence ces fines gouttelettes électrisées et des molécules de combustible, qu'il s'agisse du kérosène des moteurs d'avion, ou de l'essence et du diesel des voitures, le champ électrique créé par ces minuscules gouttes dans leur environnement brise les grosses molécules, et de ce fait améliore de manière très nette le rendement
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de combustion, tout en diminuant notablement la pollution due aux gaz d'échappement.
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Donc, vous confinnez.
- Si ces systèmes ne font pas partie des attributs des automobiles d'aujourd'hui, c'est parce que Pentone a mis le système dans le domaine public. Celui-ci ne peut donc pas faire l'objet de prises de brevets aussi facilement. Il est possible que des lecteurs aient vécu une expérience qui a été la mienne à plusieurs reprises, quand je roulais avec une 2 CV dans un brouillard. Quand les conditions s'y prêtent, le moteur fonctionne en aspirant un brouillard électrisé, et on sent nettement un accroissement de puissance. Par ailleurs, je confirme que lorsqu'on place un mouchoir devant de pot d'échappement d'un diesel équipé d'un système Pentone, il noircit beaucoup moins. Mais il faut mettre un bémol.
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Ça ne marche pas à tous les coups?
- Il arrive que le système ne fonctionne pas, ce qui est alors extrêmement agaçant et déconcertant. Il semble de ce fait que cela soit dû à la structure de l'eau utilisée. On commence à comprendre que cette structure est complexe. En tout cas, par exemple, l'effet disparaît quand l'eau est simplement portée à plus de 70 degrés60• Or, c'est toujours de l'eau liquide. Mais, au-delà de cette température, quelque chose se produit, et on ne sait pas très bien quoi. Je donne ces détails pour montrer que je ne suis pas fermé à une innovation déconcertante. Mais s'agissant de cette «énergie libre», je n'ai jamais rien vu de concret. Ça serait merveilleux si on pouvait extraire cette énergie du vide, avec de simples aimants, comme beaucoup le prétendent.
Comment le «docteur» Greer désinforme - Mais si ça ne marche pas, et cela semble être le cas, alors c'est un excellent truc pour effondrer complètement l'intérêt que le public peut avoir pour de nouvelles sources d'énergie. L'amalgame opère, et 60. Même effet et même valeur de la température sur les expériences des hautes dilutions menées par mon regretté ami Jacques Benveniste.
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l'erreur, l'imposture, contamine le reste du discours. C'est étonnement efficace. Dans le film Sirius, de Greer, on pousse les choses très loin. On y montre le reste d'une étrange créature, qui est vraisemblablement un enfant monstrueux, un fœtus, abandonné en plein air, qui s'est desséché sur un haut plateau d'Amérique du Sud. Des prétendus spécialistes sont montrés en train de faire des analyses d'ADN sur ce spécimen. Mais quand on y prête attention, rien de concret n'émerge de ces analyses.
- j'ai vu cette séquence. Il y a de quoi agacer les véritables scientifiques généticiens. - Je pense que les actions de Greer sont concertées. Il est possible que ce manipulateur soit manipulé à son tour. De toute façon, ces gens ne manquent pas de moyens. Greer joue aussi au gourou. On le voit par exemple animant des séances de méditation collective, en plein air, la nuit. Les participants sont incités à «appeler les ovnis». Et, ô miracle, parfois, cela fonctionne.
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Qu 'est-ce qui se passe?
- On sait depuis pas mal d'années créer en haute altitude une boule de plasma en croisant deux pinceaux de micro-ondes de fréquences différentes, de telle façon que la différence de celles-ci soit optimale pour ioniser l'air. C'est l'équivalent du pinceau laser frappant un nuage, mais en 3D. Il est possible que Greer soit au courant du procédé, ou qu'on lui fasse croire qu'il a réellement le pouvoir de faire apparaître des ovnis.
Les ovnis-zeppelins -
C'est machiavélique!
- Et ça ne date pas d'hier. À l'époque de la vague belge, j'étais monté à Bruxelles à l'occasion de la sortie d'un de mes livres. Un soir, mon attachée de presse me dit qu'un homme voudrait me rencontrer. On dîne avec ce type qui nous conte ce à quoi il a été mêlé dans les mois précédents. Il avait créé des sortes de dirigeables, de mini-zeppelins, emplis d'hélium, de trois mètres de long, propulsés par des moteurs
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électriques gros comme des bobines de fil, portés par une structure faite de bois, fixée sous l'enveloppe. Il pouvait les télécommander à volonté et les avait créés pour réaliser des effets spéciaux, lors de concerts de rock en plein air. Des gens mystérieux, mais qui payaient bien, l'avaient alors contacté en lui demandant s'il pourrait réaliser un montage où un ou plusieurs de ces «Zeppelins» pourraient emporter trois projecteurs, pour simuler les lumières des ovnis vus dans la région d'Eupen, qui défrayaient la chronique. Il avait donc, pour eux, réalisé ces dispositifs, qui étaient transportés sur place dans des camions. Et il avait ajouté qu'«en éteignant les trois lampes d'un des engins et en allumant celles d'un autre, distant, on recréait facilement l'illusion d'un déplacement ultrarapide, sans bruit».
- j'imagine très bien la situation. Il aurait suffi des 'assurer de la complicité d'un présentateur de la télévision, qui aurait fait, un soir, monter la pression, en désignant un ovni en approche, devant une foule nombreuse, et en s ëcriant: «Mesdames et messieurs, l'engin s'approche. Nous sommes peut-être face au premier contact avec une ethnie extraterrestre. C'est un moment historique. Tout le monde ici est très ému et tendu vers cet événement exceptionnel qui semble se présenter. » Au final un type serait sorti de l'ombre avec une télécommande à la main, et le présentateur aurait dit: «]e vous présente monsieur Machin, spécialiste en effets spéciaux. » Et cela aura réduit à néant l'effet de milliers de témoignages, de militaires, de gendarmes.
Keshe, Thrive ... - Il y a un autre fumiste, qui est le docteur Keshe61• Il y a quelques mois, on le voyait distribuer gratuitement à des représentants de pays en voie de développement des générateurs de son invention, par pure philanthropie. On n'en a plus entendu parler. Même chose pour les générateurs du Japonais Minato.
61. http://www.keshefoundation.org.
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Il y a aussi le projet« Thriv/:'2 ».
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To thriveveut dire en anglais« prospérer»,« se développer». Encore
un exemple de désinformation menée avec de très gros moyens. Le présentateur est James Foster Gambie, héritier de la puissante multinationale Procter & Gambie, qui le finance. Le bonhomme va plus loin encore que Greer. Il dénonce la financiarisation de la société, la FED (Réserve fédérale américaine), les ravages de la spéculation, les dérives du système monétaire et bancaire. Puis il déroule des propos totalement fantaisistes, nous explique que le but de l'univers est «de cultiver des tores», ce qui, dans l'inconscient de l'internaute entraîne l'invalidation complète des énoncés précédents. Lui aussi surfe sur la free energy, l'énergie du point zéro.
- C'est terriblement efficace. Et face à tous ces discours, il y a... Don Quichotte. Qu 'en est-il dans le milieu scientifique?
Le mur du silence - Il y a un a priori phénoménal du milieu scientifique contre le phénomène ovni. S'intéresser de près ou de loin à un tel sujet est extrêmement dommageable pour la carrière. On paye toujours le prix fort.
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Mais vous avez résisté à tout cela.
- Le professeur Michel Bounias y a laissé sa peau. Il occupait le poste de directeur de recherche à l'Inra63 d'Avignon, avait des locaux, du matériel, des collaborateurs. Il a d'abord eu le front de confirmer dans les médias les résultats des analyses biologiques qu'il avait effectuées à propos du célèbre cas de Trans-en-Provence, en 1981. Fait aggravant, il.s'est joint à moi pour effectuer une démarche après du Geipan, en proposant qu'on tente de reconstituer les effets constatés à Trans en
62. Mais que faut-il donc pour prospérer? https://www.youtube.com/ watch?v=QIUOBUyZO-A. 63. Institut national de recherche en agronomie.
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bombardant des luzernes-témoins avec une petite source de microondes, de table64, demande qui resta bien entendu sans écho. Il a été aussitôt «puni», privé de crédits. On lui a supprimé son matériel. On a fait le vide autour de lui, jusqu'à ce qu'il se retrouve complètement isolé, dans un bureau de la faculté. Il a fini par tomber malade et il est mort assez jeune, atteint d'un cancer. Malheureusement, il n'avait pas la possibilité de se redéployer dans la théorie pure. J'ai compris très vite que c'était le seul salut possible, le seul espace de liberté pour un chercheur. J'ai tenu trois décennies grâce à ce talent que j'avais. Mais très vite les attaques ont fusé.
Point de franches lippées, tout à la pointe de l'épée -
Il y a eu des moments très durs.
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On m'a souvent demandé d'écrire mes mémoires. Et, si je le faisais, il y aurait toute une suite de situations qui ne sont guère à l'honneur du monde de la recherche. Mais il faut bien se dire qu'on idéalise ce milieu, et qu'il n'est finalement guère différent, quant à ses mœurs, du monde de la politique, de la finance ou des médias. Bien sûr, je m'en suis toujours tiré et il y a eu des situations parfois cocasses. Mais ce qui se dégage de ces souvenirs, c'est une impression de profonde tristesse. Tout est tellement différent de ce que le public imagine. Il y a un ouvrage qui a pour titre Les Fossoyeurs du progrè/>5, qui décrit un nombre fantastique de situations dramatiques vécues par des chercheurs, des inventeurs, dans un passé relativement récent. Trainés dans la boue, beaucoup finissent ruinés, dans la misère, en attendant d'être pillés. On trouve parmi ces noms nombre de personnages qui ont laissé leur nom dans l'histoire des sciences. Je citerais par exemple le premier homme qui attira 1'attention sur une description des phénomènes dans 64. Qui aurait pu par exemple nous être prétée par le DERMO, le Département d'études et de réalisation de micro-ondes de Toulouse. 65. Auguste Lumière, Les Fossoyeurs du progrès: les mandarins contre les pionniers de la science, Léon Sézanne, 1941.
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cet espace à sept dimensions, évoqué plus haut, Ludwig Boltzmann. On lui doit en particulier l'invention de l'entropie, et évidemment de l'équation à laquelle on attacha son nom. Ses idées subissaient un tel rejet qu'il a fini par se suicider.
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Cette idée ne vous a jamais traversé l'esprit?
- Je m'en suis toujours sorti à cause de la multiplicité des cordes que j'avais à mon arc. Fin des années soixante-dix, je commençais à comprendre que mes projets de MHD n'aboutiraient jamais, vu les bâtons qu'on me mettait constamment dans les roues. Une façon de m'aérer pouvait être la vulgarisation scientifique. J'ai tenté la chance chez différents éditeurs. Mais les chantres de la spécialité montaient bonne garde sur ce qu'ils considéraient comme leur pré carré. Alors j'ai inventé, de toutes pièces, la BD scientifique. Je reste à ce jour le seul à savoir manier cette technique mêlant le discours scientifique, la BD, les gags. Certains ont essayé de faire des choses semblables, sans succès. Tout ce qu'ils ont réussi à faire, c'est de mettre en scène un personnage de fiction tenant un discours de professeur d'université.
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Ily a une question queje mepose: d'où sortent ces travaux dëgyptologie?
- Je m'intéresse à tout ce qui passe. Dès ma première visite en Égypte, tout ce que j'ai eu sous les yeux m'a immédiatement interpellé, et suscité en moi un flot d'idées. Et c'est venu tout seul. Je vais vous raconter à ce propos une histoire assez drôle. À un moment, à l'initiative de mon ami académicien Jean-Claude Pecker (je n'ai pas que des ennemis), l'astrophysicien indien Narlikar avait été l'hôte du Collège de France pendant quelques mois. Je savais qu'il avait travaillé avec Fred Hoyle et qu'avec cette figure de la cosmologie, tous deux avaient publié des articles évoquant la possibilité que la vitesse de la lumière puisse prendre des valeurs différentes en divers lieux du cosmos. Comme j'avais moi-même publié deux articles, en 19881989, introduisant un modèle d'univers à vitesse de la lumière variable, j'ai demandé à Pecker s'il ne me serait pas possible de passer deux ou trois après-midi avec Narlikar, par ailleurs président de l'IAU66• Ainsi fut fait. Pecker, au passage, me demanda d'exposer mes propres travaux 66. International Astronomical Union. La plus importante communauté internationale regroupant les astronomes et les astrophysiciens du monde entier.
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au Collège, devant le public. Donc, je montais en espérant nouer une collaboration avec Narlikar. Mais, tout de suite, celui-ci m'arrêta en me disant: « Unfortunately, my dear colleague, 1 am also on the black lisf>7• »
- Narlikar, président de /'Association internationale d'astronomie, sur /,a liste noire, c'est complètementfou! - En fait, un redoutable pouvoir occultes'est installé avec le système d'évaluation des articles soumis par le système des « referees», qui formulent leur avis de manière anonyme. Le résultat est qu'il devient extrêmement difficile de publier un travail qui conteste ceux des autres. C'est très dommageable pour la science. Inversement, un système utilisant des robots explore maintenant en permanence les citations des travaux et les comptabilise. On débouche alors sur un système d' évaluation des chercheurs. Je ne vais pas citer de noms, mais on connaît aujourd'hui des tas de scientifiques qui n'ont jamais rien trouvé de notable mais qui font des carrières très honorables, et finissent même à l'Académie des sciences grâce au nombre élevé de citations de leurs propres articles.
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Comment est-ce que ce/,a fonctionne?
- C'est assez simple. Des bandes se constituent. Dès qu'un des types publie un article, il fait d'abord cosigner les copains, même si ceux-ci n'ont rien fichu. Puis il cite tous les membres de ce groupe à tour de bras. L'ordinateur, le robot, fait le reste. Ainsi, des types totalement insignifiants parviennent à pouvoir faire état d'un nombre impressionnant de publications, et d'un nombre encore plus élevé de citations de ces mêmes travaux.
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Alors que tout ce/,a ne repose que sur du vide!
La grenouille et les nénuphars - Cela explique pourquoi, même Narlikar, président de l'IAU, a eu à subir ce barrage. Toujours est-il que cela flanquait par terre tout 67. «Malheureusement, mon cher collègue, je suis aussi sur la liste noire. »
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espoir de pouvoir collaborer avec lui de manière féconde. Je n'aurais fait que joindre ses problèmes aux miens. Quelques jours plus tard, après que j'ai fait mon exposé au Collège, nous nous sommes tous retrouvés autour d'une table, invités par Pecker. Celui-ci s'adressa à Narlikar en lui disant: «Alors, vos échanges avec Petit ont été intéressants?» et l'autre lui a répondu: «Je trouve ses idées d'égyptologie passionnantes. » Et Pecker de conclure, en levant les yeux au ciel: «Le problème, avec Jean-Pierre Petit, c'est qu'on ne sait jamais ce qu'il va faire la semaine prochaine! »
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C'est ça qui vous a toujours sauvé.
- Je me comparerais à une grenouille perchée sur un nénuphar. De temps à autre ce support reçoit une décharge de Kalashnikov. Alors la grenouille change de nénuphar.
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Vous avez travaillé dans beaucoup de domaines très différents.
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La variété de mes bandes dessinées en donne une bonne image. Mais le pivot central, c'est le sujet ovni.
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Un sujet que vous ne pouvez pas lâcher, visiblement.
- Comme je l'ai dit, c'est un sujet clé dont dépend l'avenir de l'humanité. Même si très peu de gens en ont conscience. Je crois que je peux dire que je fais cela par devoir. C'est effroyablement aride. Si je n'avais pas été soutenu pendant vingt ans par mon collaborateur et ami Gilles d'Agostini, j'aurais peut-être craqué. En 2013, j'ai décidé qu'on se lancerait dans une campagne de publication. On a placé quatre «buts» dans de bonnes revues. Mais pour y arriver, nous avons dû essuyer 57 retours sans lecture. Toujours à cause de ce barrage par les experts anonymes, les referees. C'est terriblement démoralisant, usant. Mais on s'y attendait. Placer un travail vraiment novateur est extrêmement difficile.
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Désolé, Monsieur Einstein - je viens de tomber sur un document étonnant qui est une réponse négative adressée à Albert Einstein, de la part du directeur du département scientifique de l'université de Berne, vis-à-vis d'une demande de poste.
06 June. 1Y07
Dear Mr. Einstein.
WhUe you poaed. ~ 1nterest1Dg theOtoy 1n your article published 1D •Aonalen der Phyatx•, we fed tt~..t · your conclusions about the nature of lieht aad the fuodaa~ié.l cODllectioo bet•een apace aad tiae are •oae•hat radical. OTe~all. •• fiod your assuaptions to be aore artiatic thao a~tual Phyatca.
Le courrier est daté du 6 juin 1907 et dit en substance: ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~
Cher Monsieur Einstein, Votre candidature auprès de notre Conseil doctoral na pas retenu notre attention et de ce fait celui-ci considère que vous ne remplissez pas les conditions requises pour un poste de professeur associé. En dépit du fait que vous présentez une intéressante théorie dans /article que vous avez publié dans la revue Annalen der
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~
Physik, nous pensons que vos conclusions concernant la nature
~ de la lumière et une connexion fondamentale entre l'espace et
~ le temps sont quelque peu radicales. Dans /'ensemble, nous ~
~
trouvons que vos hypothèses sont plus en relation avec le monde ~ de l'art qu'avec la véritable physique. ~ ~ Sincèrement vôtre; ~ ~ ~ Professeur Wilhelm Heinrich Ph.D. ~ ~ ~ Responsable du secteur scientifique de /'Université Cela montre que même en publiant dans une bonne revue, on peut ne pas être pris au sérieux. - Encore faut-il réussir à être publié. Nos papiers ont été refoulés par cette revue Annalen der Physik, sans examen.J'ai même eu une conversation téléphonique avec le rédacteur en chef, évidemment scientifique. Je regrette de ne pas avoir pu l'enregistrer. Nous lui proposions la première description géométrique de l'antimatière68 et il me répondit que cela n'avait rien d'une innovation, ce qui était faux. Il est vrai que les revues sont plus que jamais assaillies par des fantaisistes. Pour ces gens, nous ferions alors figure d'exception qui confirme la règle. Encore faudrait-il qu'ils prennent le temps d'examiner nos articles. Ajoutons qu'il faut voir ce que représente cette démarche. Cela revient à dire que «ce qu'a fait Einstein était pas mal. Son équation était sympa, un bon début. Ça a donné quelques bons résultats. Mais on vous propose de passer à un système de deux équations, la sienne n'étant que l'une des deux. En outre, si ça ne vous ennuie pas, quand l'univers est dans sa phase radiative, on considère que les constantes de la physique sont variables, et on donne la loi qui préside à leurs variations conjointes».
- Vendre cela, ça n'est pas évident. Vous allez entamer une croisade, dans les séminaires, je crois. - Oui, mais ces travaux représentent une telle accumulation de choses entièrement nouvelles qu'on peut imaginer que, même avec la meilleure bonne volonté, les collègues peuvent avoir du mal à embrasser tout ce paquet et à digérer toutes ces idées. Gilles m'a dit un jour:
68. Basée sur la théorie des groupes dynamiques de Souriau, un échafaudage théorique dont ce homme n'avait visiblement jamais entendu parler.
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«Moi, je suis tes idées depuis vingt ans. Je suis rompu à tout cela, et cela finit par me paraître simple. Mais pense un peu aux autres, qui débarquent. »
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Ilfaudrait foire un livre.
- Oui, un livre pour scientifiques, avec tous les détails des calculs, des pages constellées d'équations, toutes les explications.J'ai commencé à rédiger cela. C'est un énorme travail. J'ai calculé que j'avais accumulé six mille heures consacrées à la cosmologie entre 2014 et 2015.
- D'où cette échappée en égyptologi.e, qui va se traduire par une publication dans une revue dëgyptologi.e. - Une bouffée d'oxygène pendant six semaines69• Je me suis beaucoup amusé pendant une semaine à créer une belle maquette de pyramide, en bois, illustrant mes idées. On trouve les photos sur le site de Savoir sans &ontières70 • L'épistémo-bricolage, ça détend.
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Vous arrivez à foire de la science avec n'importe quoi.
- J'aime bien la phrase du physicien néo-zélandais Ernest Rutherford, découvreur de l'atome, avec des montages effectués avec un marteau et des clous, qui avait coutume de déclarer: «Je pourrais faire de la recherche au pôle Nord!»
- Si je comprends bien, en ce moment, votre projet est de vous replonger dans les équations et de partir à l'assaut des séminaires.
Un coin de ciel bleu - Mais c'est tellement hard qu'il me faut garder un petit coin de ciel bleu.
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Et cette fois, c'est quoi?
69. À cette fin, quelques semaines après la mise en ligne de la bande dessinée, celle-ci est déjà traduite en anglais, espagnol, allemand. Sa traduction en portugais, russe, arabe, chinois est en cours. 70. http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/pyramide/ pyramide_maquette.pdf.
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- Je crois avoir percé les secrets des navires égyptiens de l'Ancien Empire égyptien. Je vais donc construire un démonstrateur de 7 mètres, dans mon jardin, et voir ce que cela donne, sur un lac voisin. Puis, si ça fonctionne, on continuera ces essais en Méditerranée.
-
Carrément!
- Et pourquoi pas, si j'ai raison, si les Égyptiens de 2600 avantJésusChrist ont traversé l'Atlantique, ce que je crois. La meilleure façon de le prouver est de rééditer l'opération, avec la technique de construction navale de l'époque, comme l'avait fait en 1947 Thor Heyerdahl, avec son radeau de balsa, le Kon-Tiki, avec lequel il avait traversé le Pacifique. J'ai un passé de navigateur. Je n'ai pas fait de transat, mais j'ai des amis qui ont gagné des coupes dans ces courses, et le projet les intéresse.
-
Vous n'arrêtez décidément jamais?
- Vous savez, je crois que je suis avant tout un savanturier. Si je n'ai pas un projet un peu planant, comme celui-ci, je m'étiole.
-
Mais pourtant, les mathématiques, les calculs, vous aimez ça.
La fuite dans ... les mathématiques - Détrompez-vous. C'est simplement une façon de conquérir la liberté absolue. Au départ je n'étais nullement théoricien, mais simple ingénieur. J'ai mal vécu le carcan mandarinesque des laboratoires. Un jour, je me suis retrouvé face à cette machine que j'avais construite, dont la photo figure dans les pages précédentes. Le patron de ce laboratoire, un abominable négrier, me faisait une vie impossible. Il me fallait partir, m'évader, comme Edmond Dantès au château d'if. Je suis alors tombé sur une ouvrage intitulé 7he Mathematical 7heory of Non-Uniform Gases71 • J'ai donc entrepris d'avaler ce livre, cuillerée par cuillerée, comme de l'huile de foie de morue. J'ai mis six mois.
-
Ça traitait de quoi?
71. Théorie mathématique des gaz hors d'équilibre.
89
OVNI
- De cet espace à sept dimensions et de l'équation de Boltzmann. L'ouvrage met aussi en jeu une branche très bizarre des mathématiques qui s'appelle l' «algèbre des dyadiques». Ces derniers ne sont ni des divinités des forêts ni des insectes aquatiques, mais des formes particulières de ces objets mathématiques qu'on appelle des «tenseurs». C'est un codage qui permet de compacter les équations de manière étonnante. Quand j'ai commencé à manipuler au tableau noir ces hiéroglyphes bizarres, mes collègues de l'Institut de mécanique des fluides se sont demandé si je ne perdais pas la tête. Je crois d'ailleurs que la comparaison avec les hiéroglyphes est très bonne. Mais, finalement, j'ai vu que l'intuition pouvait se porter sur n'importe quoi. Les idées sont venues. Évidemment, celles-ci étaient complètement en dehors des schémas classiques.
Nul n'est prophète en son pays - En somme, vous passez votre vie à cheminer hors des senti.ers battus. Vous ne pouvez rien faire comme tout le monde. - Mais c'est la définition même du chercheur, non? Il n'y a que sur les chemins que personne n'a jamais empruntés qu'on risque de tomber sur des trucs intéressants. En m'aventurant dans cet espace à sept dimensions, j'ai trouvé des tas de choses directement liées aux plasmas à deux températures et j'ai été ainsi le premier à pouvoir calculer les paramètres dans ces milieux, comme leur conductivité électrique. Mais cette histoire a failli virer au drame.
-
Racontez-nous cela.
- Je me suis vite trouvé en porte-à-faux vis-à-vis du CNRS en général, qui n'aime guère qu'on sorte du rang, qu'on n'ait pas «le profil». Dans cette institution, on dispose d'abord d'un certain nombre d'années de probation, en occupant un poste provisoire d'attaché de recherche. Au bout de ces années, soit on passe chargé de recherche, soit on est prié d'aller voir ailleurs. Et justement, à ce moment-là, j'arrivais dans cette dernière année. J'ai envoyé ce travail à publier à ce qui était alors
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La dernière ligne de défense
une revue française, Le journal de mécaniqué'2 • La critique a été féroce et l'article a été refusé. Or, ce travail représentait une part importante de ma thèse de doctorat. Les mois passaient et je voyais l'échéance se rapprocher. Mais un jour un groupe de Russes s'est présenté, accompagné d'une interprète. Celle-ci m'a dit: «Je vous présente le professeur Luikov. Le professeur Velikhov73 lui a dit que vous faisiez du travail intéressant et il a voulu vous rencontrer.» Je lui alors présenté mes calculs.
-
Luikov était aussi à l'aise dans cet espace à sept dimensions?
-
Les Russes ont toujours été de redoutables théoriciens. J'ai présenté mon travail et la femme traduisait au fur et à mesure. À la fin, elle a
dit: «Le professeur Luikov vous félicite. Vous avez résolu un problème sur lequel lui et ses collaborateurs ont buté pendant de nombreuses années. Il demande où cela a été publié.» Je n'ai pas fait état des difficultés que je rencontrais en France. Elle m'a alors dit: «Le professeur Luikov dirige une revue scientifique et dit qu'il serait très honoré de publier ce travail en Union soviétique. »
-
Inespéré!
- Ça a été fait immédiatement. L'article a été traduit en langue russe. Puis, très vite, une revue américaine, également de haut niveau, a demandé à pouvoir publier l'article en langue anglaise. Tout cela n'a pris que quelques mois.
-
Alors que lti revue française avait refusé l'article.
- Lors de la réunion de la commission où on devait décider de mon sort, son président, membre lui-même de l'Académie des sciences et directeur de la revue en question a évoqué ce travail en disant: «Je vais vous lire le rapport de l'expert sollicité par notre revue. Il dit en substance "que ce travail révèle des méconnaissances profondes en théorie cinétique des gaz". » C'est alors que le délégué syndical a sorti les versions russe et anglaise de l'article.
-
Celti a créé une confusion chez ce président de commission ?
72. Devenue aujourd'hui The European Journal ofMechanics. 73. Qui fut vice-président de l'Académie des sciences d'URSS et conseiller scientifique de Gorbatchev.
gf
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- Pas du tout. Ces gens ont des capacités à s'adapter à des retournements de situations incroyables. En deux phrases, d'un type qui faisait n'importe quoi, je me trouvais transformé en espoir de cette discipline.
-
Et vous êtes passé chargé de recherche.
-
Mais j'ai senti le vent du boulet.
-
Ça a été limite.
-
J'ai connu ce genre de situation à plusieurs reprises.
-
Heureusement, « "'1 grenouille a pu changer à temps de nénuphar».
-
À la fin des années quatre-vingt, on arrivait au terme de plusieurs années passées à essayer de monter un projet de MHD. Tous les directeurs généraux du CNRS ne sont pas comme l'olibrius que vous évoquiez. J'avais réussi à convaincre un DG du CNRS à l'époque, Papon, du bien-fondé de mes idées.
-
Comment est-ce que vous vous y étiez pris?
- Je l'avais coincé, un jour, lors d'une sorte de garden-party qui se tenait à Aix, dans une propriété appartenant au CNRS74 • Il avait commencé par lever les bras au ciel, évoquant sa position difficile face à des armées de chercheurs se chamaillant les uns les autres.
Si vous ne faites rien, je fais visiter mon labo chambre de bonne - J'ai alors bluffé. À l'époque, j'avais installé une partie des activités de recherche dans une chambre de bonne au-dessus de mon appartement aixois.
- Cette chambre de bonne où vous avez réussi l'annihiUition de l'instabilité de Vélikhov. On se croirait dans un film de Spielberg. - Il y a de ça. Donc j'ai montré des photos de ce capharnaüm et j'ai dit à Papon: «Paris Match vient m'interviewer la semaine prochaine. Si vous ne faites rien, je leur montre tout cela.» Ça a eu l'air de faire effet et 7 4. Le «Pavillon de l'enfant», au nord de la ville.
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La dernière ligne de défense
il m'a mis en contact avec son adjoint, un certain Michel Combarnous, avec qui le courant est tout de suite passé. Il y a eu des moments très amusants. Combarnous octroya une bourse pour Lebrun, qui était alors mon étudiant et il nous donna de quoi acheter un des premiers ordinateurs Macintosh, avec lequel nous avons entrepris de monter, par le calcul, qu'on pouvait annihiler des ondes de choc avec la MHD. On y est parvenus. Mais quand j'ai montré ce résultat à Combarnous, il m'a dit: «Il est impossible que vous ayez pu obtenir cela avec un Macintosh75 ! » J'ai répondu: «Oui, avec un seul, c'est exact, mais on en a utilisé plusieurs. » À l'époque, on ne savait pas faire fonctionner plusieurs ordinateurs en réseau. Mais Lebrun utilisait sa moto, chaque soir, pour dispatcher des bribes de calcul chez des copains, qui avaient aussi ce genre de machine. Puis, le lendemain matin, il récupérait, sur des petites disquettes cinq pouces, le résultat des calculs de la nuit. Il faisait alors la synthèse sur sa propre machine.
-
Cëtait du multiprocesseur avant la lettre.
- Tout à fait. Et cette astuce avait plu à Combarnous. Quand nous étions venus à bout de ces calculs, il m'avait dit: «Alors, ça va mieux, vous êtes heureux?» J'ai répondu: «On veut confirmer cela avec des expériences. Le calcul, ça ne suffit pas.» Et j'ai exposé mon plan. Il s'agissait de retrouver ce genre de soufflerie à rafale chaude que j'avais utilisée à l'Institut de mécanique des fluides, où cela n'existait plus. Il fallait aussi pas mal de condensateurs. À l'époque, on démantelait le Tokamak de Fontenay-aux-Roses76• On pouvait récupérer ce matériel sans bourse délier. Et Combarnous de dire: «En somme, vous nous proposez de faire de la recherche de pointe avec du matériel de rebut.» Il a alors recherché un lieu où ces recherches pouvaient être menées. Je me souviens très exactement de sa phrase : «Petit, le seul laboratoire d'où je ne me sois pas fait jeter avec vos idées à la con est le Coria, de Rouen. Prenez contact avec ces gens.» Les choses semblaient démarrer, mais tout a capoté quand on a changé de président de la République, quand Mitterrand a battu Giscard d'Estaing.
75. À l'époque, cette machine avait une horloge tournant en 2 mégahertz et une mémoire centrale limitée à 512 K. 76. Grâce auquel Paul Henri Rebut avait décroché et conservé pendant plusieurs années le ruban bleu de la fusion devant les Russes.
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-
Quel rapport avec /,a MHD ?!
- En France, quand on change de président, on change du même coup le DG du CNRS et son entourage. Je me suis retrouvé avec un successeur, et surtout avec le remplaçant de Combarnous qui était un farouche opposant à la démarche que j'essayais de suivre. L'armée aussi mettait son grain de sel.
-
Encore!
- Une fois de plus «des gens haut placés» avaient pensé que ces recherches pourraient être menées sans moi dans ce laboratoire de Rouen. J'avais donc été éjecté du projet. Le contrat a été passé, mais évidemment, deux ans après, tout est parti en vrille. Les tuyères, mal construites, ont explosé, etc. Le seul qui avait été conscient de l'absurdité de cette situation avait été, au moment de la signature du contrat, un type de ce labo de Rouen, chargé des finances. Le directeur lui ayant demandé son avis, celui-ci lui avait répondu: «Rien à dire, le bateau coule normalement».
L'effet Harpo - Vous mefaites penser à Harpo, un des personnages des Marx Brothers. Ily a un film où il tient une maison. Un policiers 'approche et lui intime à l'ordre de circuler, mais Harpo, qui est muet, tente de lui faire comprendre par gestes que s'ils en va, la maison va sëcrouler. Le flic le saisit brutalement par le bras, /embarque et /,a maison sëcroule aussitôt. - Lebrun avait soutenu sa thèse, mais on m'a fait comprendre que, comme il avait travaillé sur un sujet lié aux ovnis, il serait vain qu'il essaye de trouver une place dans un laboratoire.
-
Au fait, qu est-ce qu'il est devenu, celui-là?
- Il a tout de suite mis à profit l'avance que nous avions à l'époque en matière de simulations dans les fluides et a monté sa propre boîte où il simulait les phénomènes de combustion dans les cylindres des moteurs. Succès immédiat. Il n'a pas eu à se plaindre. Vers la fin, il avait une bonne dizaine d'employés.
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La dernière ligne de défense
-
Et vous, qu'est-ce que vous deveniez dans tout cela?
-
La direction du CNRS a pris la décision, sans coup de semonce, de
m'exclure de mon laboratoire-bunker. J'ai reçu une lettre qui disait:
«]e mets fin à votre affectation à l'obseroatoire de Marseille. Vous serez désormais géré comme chercheur isolé. » -
Ça, cëtait le début de très gros ennuis.
- Oh que oui! Quand je m'étais tourné vers cette MHD, j'avais de ce fait délaissé mes travaux d'astrophysique. Quand j'en avais parlé à Combarnous, il m'avait dit que cela ne posait aucun problème. Mais je n'avais pas eu, à l'époque, la présence d'esprit de lui demander de me mettre cela par écrit. Aussi, pour le CNRS, je ne fichais rien depuis des années qui puisse justifier mon maintien à l'observatoire. Mais j'avais anticipé le coup, et trouvé un nouveau «nénuphar de repli» : la cosmologie. Deux articles sont sortis in extremis, ceux où j'ai introduit ce concept d'univers à vitesse de la lumière variable77, et on a dû me réintégrer. Une fois de plus, je m'en suis sorti de justesse. J'ai abandonné la MHD et je me suis mis à travailler étroitement avec le mathématicien Jean-Marie Souriau.
Dans les couloirs du temps - Vous dites que vous n'aimez pas les mathématiques, mais c'est quand même dans ce monde que vous avez de nouveau atterri. - Que faire d'autre ? C'est le seul moyen de conserver sa liberté. Souriau a alors entrepris de m'enseigner quelques bribes de géométrie. Il a fait preuve d'une immense patience à mon égard, je dois le reconnaître.
-
Mais vous êtes quand même agi.le dans ces eaux-là?
- Pas du tout, et mon ami Gilles non plus! Nous ne sommes que des physiciens qui se sont hasardés dans l'univers des mathématiques,
77. J.-P. Petit, M. Viton, « Gauge cosmological model with variable light velocity. Comparison with QSO observational data», Modnn Physics LettersA, vol. 4, n° 23, 1989, p. 2201-2210.
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et pas les plus faciles. Seulement, nous avons de l'intuition, pas mal. Et en matière de recherche, c'est elle qui mène le jeu. L'attirail mathématique ne sen qu'à mettre en forme la vision du chercheur.
- je me suis toujours demandé comment les chercheurs effectuaient leurs découvertes. - Un jour j'ai dit à Souriau: «Ces trucs de maths que tu as mis à jour sont incroyablement sophistiqués. Où vas-tu chercher des trucs pareils?» Il m'a répondu: «Mais dans mes rêves, la nuit, comme tous les mathématiciens. »
-
Dans ses rêves?
- Il pensait que quand on rêve, on est vraiment ailleurs, dans un autre contexte géométrique, qu'il avait commencé à construire78 • En somme, il bâtissait l'ébauche d'une métaphysique théorique, en particulier pour tenter d'expliquer les phénomènes paranormaux, qui ont de tout temps peuplé sa vie.
-
Souriau, des phénomènes paranormaux!
- Dès que le nom de Souriau apparaît, qui aujourd'hui nous a quittés, je pense à l'enchanteur du film Les Visiteurs, qui envoie les gens dans les couloirs du temps et oublie ses œufs de caille. Avec sa barbe blanche il en avait d'ailleurs le physique79• C'est dans ses écrits de mathématiques que j'ai trouvé son théorème de 1972 où il montre qu'inverser le temps équivaut à inverser l'énergie et la masse. Et je vous assure que ça n'a rien d'évident. Là, on est vraiment« dans les couloirs du temps».
- Il y a des niveaux de réflexion où le cerveau devrait être équipé d'un disjoncteur. - C'est tout juste si, avant d'aller travailler avec lui, je ne prenais pas de l'aspirine, préventivement. Il y a une phrase de lui que j'aime beaucoup. Il avait coutume de dire: «Un peu d'abstraction éloigne du réel, beaucoup y ramène. »
-
Vous avez donc étroitement col/,aboré avec ce mathématicien.
78. Avec un espace, un temps, des masses ... imaginaires, au sens mathématique du terme. 79. http://www.jmsouriau.comNideos/JMSouriau.mp4.
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- J'ai capté auprès de lui des bribes de son immense savoir. Mais comme c'est à chaque fois ce qui se passe quand je dispose de nouveaux outils, l'intuition s'en mêle et je commence à bricoler.
- Souriau est connu pour avoir laissé à la postérité des ouvrages extrêmement denses8°. Comme c'est le cas pour Alexandre Grothendieck, avec qui j'ai été ami81 • On peut dire que de nombreuses années, voire des décennies s'écouleront avant que l'on comprenne et qu'on exploite les travaux de ces deux-là. Figurez-vous que Souriau a vu certains de ses travaux refusés par des organes de publication.
1,6180339 ... -
Quoi, par exemple?
-
Le nombre d'or a une connotation extrêmement sulfureuse. On
s'étonne de le retrouver dans des éléments d'architecture, entre autres, ou dans les coquilles de mollusque, dans les végétaux. Souriau a mis en évidence son importance en astronomie82 • Il faut partir de l'idée de résonance. Quand on pince deux cordes de deux instruments de musique et que les fréquences qui leur sont associées sont identiques, la résonance est maximale. C'est encore bon si le rapport des fréquences est celui de deux nombres entiers. Mais la réponse du deuxième instrument commence à s'effondrer quand le rapport correspond à un irrationnd83, comme racine de deux. Au~ siècle, le grand mathématicien allemand Georg Cantor84 a défini un degré d'irrationalité. Et il a montré que le nombre d'or était «le plus irrationnel de tous les nombres». Mais cela avait une application physique. Quand on ajustait les fréquences de deux cordes d'un instrument de musique et qu'on pinçait une des cordes, l'autre ne réagissait plus. 80. Voir le site consacré à son œuvre: http://www.jmsouriau.com. 81. Ses enfants peuvent en témoigner. 82. https://www.jp-petit.org/science/f700/f70 l .htm. 83. Qui ne peut être exprimé sous la forme d'aucun rapport de nombres entiers. 84. Cela vaut le coup de jeter un œil sur la fiche de ce bonhomme: https:// fr.wikipedia.org/wiki/Georg_Cantor.
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OVNI
-
Y a-t-il un rapport avec l'esthétique, kz conception des temples grecs?
- De même que ce ne sont pas des considérations religieuses qui ont guidé les concepteurs des pyramides, mais le souci de voir celles-ci résister aux secousses sismiques, c'est la même chose pour les temples. Si on introduit le nombre d'or dans leurs proportions, ils résistent mieux aux séismes.
-
Les japonais savent-ils cekz?
- Je l'ignore. Toujours est-il que Souriau s'est mis à appliquer cela à 1'astronomie et au système solaire. Prenons un système très simple constitué par une étoile, escortée par deux planètes, circulant sur deux orbites distinctes, avec des périodes de rotation T 1 et T 2 • Ces planètes échangent de 1'énergie en utilisant l'étoile comme résonateur, comme relais. Elles créent à sa surface un phénomène de marée stellaire.
-
De marée stelkzire ?!
- Oui. La Lune crée non seulement le phénomène des marées océaniques, mais elle soulève aussi la surface terrestre d'un demi-mètre, lors de son passage. De même les planètes créent des marées à la surface du Soleil. C'est de 1'ordre du centimètre, mais étant donné la masse mise en jeu, c'est loin d'être négligeable. Cela modifie la géométrie du champ gravitationnel créé par le Soleil. Et c'est ainsi que les planètes interagissent, modifient mutuellement leurs orbites85 • Et ce phénomène aura lieu jusqu'à ce que la résonance entre ces orbites devienne nulle, c'est-à-dire, dans le cas de deux planètes, lorsque le rapport de leurs périodes de rotation autour de 1'étoile devient le nombre d'or, c'est-à-dire 1,6180339 ...
-
Et voilà ce nombre d'or qui réapparaît!
- Quand il y a un plus grand nombre de planètes, c'est un peu plus compliqué. Mais encore une fois, les orbites se distribuent selon une loi qui correspond à la résonance minimale, établie par Souriau, qu'il a appelé la loi Dorée86• 85. Comme l'effet varie comme l'inverse du cube de la distance au Soleil, Mercure agit autant sur l'orbite de Saturne que ne le fait cette géante sur la minuscule planète tellurique. 86. Voir: https://www.jp-petit.org/science/f700/f70 l .htm.
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Log r0 Distance en Log
o
2
3
4
s
6
7
8
9
Numéro de la olanète
10
11
12 n
- Mais est-ce que cette répartition des orbites ne correspond pas à une loi empirique proposée au XVIII siècle par les Allemands Johann Titius et Johann Elert BorU7 ? - Jusqu'au travail de Souriau, que je trouve remarquable, c'est la seule chose dont disposent les astronomes depuis 1772: une loi empirique qui n'est assortie d'aucune explication. Souriau en a fourni une, très construite sur le plan des mathématiques et de la physique, car non content d'être un fantastique mathématicien, c'était aussi un physicien aguerri. Et l'Académie des sciences de Paris a simplement refusé de publier ce travail !
Qui dois-je tuer pour cela 1 - Parce qu'ily avait le nombre d'or! Il me semble que vous avez publié un article de mathématiques pures avec Souriau, m'a-t-on dit. - Il y a bien un J. Souriau qui a cosigné avec moi un papier de maths à l'Académie des sciences de Paris. Mais ça n'est pas le père, c'est son 87. https://fr. wikipedia.org/wiki/Loi_de_Titius-Bode.
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fils Jérôme. J'avais fait des tas de recherches sur un objet mathématique qu'on appelle la surface de Boy88 quand j'étais professeur de sculpture à l'école des Beaux-ans d'Aix-en-Provence.
-
Vous avez vraiment œuvré dans toutes les directions.
- C'est là que j'ai découvert «une façon de cartographier cette surface», à l'aide d'une famille d'ellipses, ce qui a permis par la suite à mon ami Apéry de produire la première équation implicite89 décrivant la surface.
- Vous aviez dit que vous n ëtiez pas à l'aise dans le monde des mathématiques pures! - Il y a plusieurs façons de faire des maths. J'ai contribué à la théorie du retournement de la sphère et j'ai inventé un retournement du tore.
-
Un autre «nénuphar de repli» ?
-
Oh, au passage, une autre histoire me revient en tête!
- C'est terrible, quand on explore votre vie professionnelle, on a l'impression d'ouvrir un placard plein de boîtes. À chaque fois qu'on explore l'une, .une autre vous tombe dessus, et s'ouvre. Enfin, racontez.
Tentative de mise au pas - Vous imaginez bien qu'au cours de ma carrière au CNRS, on a essayé maintes fois de me mettre au pas, de me passer au cou un collier de fer. Une année on me colle comme directeur de recherche le nommé R., un polytechnicien90 très en vue, très ambitieux.
-
Il dirigeait vos recherches?
88. Voir http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/ topologicon.htm. 89. Une équation du type f (x, y, z) =O. 90. Un « anti-ovni »virulent, que le directeur du Cnes de l'époque, Hubert Curien, avait intégré dans le conseil scientifique du Geipan.
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- Pas du tout. Au CNRS, tant qu'on n'a pas soi-même accédé à ce niveau hiérarchique, on est chapeauté administrativement par un type qui, chaque année, produit un rapport sur ce qu'on fait. Voilà donc R à ce poste. La première année, lors des assises annuelles de la commission dont je dépendais, on lui demande ce qu'il a tiré de la lecture de mon dossier, et il lâche: «Il n'y a rien, que du vent.» Je me suis dit: «Mon bonhomme, pour l'an prochain, je vais te tendre un piège. »
-
Unpiège?!
- Oui. À cette époque, j'avais travaillé sur ce thème du retournement d'une sphère, recto-verso, avec un mathématicien aveugle, un géomètre, qui était leader dans ce domaine.
-
Un géomètre aveugle?!
- Oui, son infirmité lui permettait de voir dans des tas de dimensions. Mais n'entrons pas dans ce genre d'histoires, sinon on n'en sortira jamais. Toujours est-il que l'année suivante j'envoie mon rapport d'activité au CNRS. Tout de suite, c'est le tollé: ~
-
Ce type se fiche de nous. Vous avez vu ce qu ïl envoie cette
~ année: une suite de petits dessins. Il confond recherche scien-
~ tifique et bande dessinée! Et en plus il prétend que ce sont des ~ maths! ~ Un autre membre de la commission: ~
- Avec Petit, méfions-nous. Il a déjà joué des tas de tours ~ pendables à des tas de gens. Mieux vaut vérifier.
7
Et ils décident de rencontrer le mathématicien américain Anthony Phillips91 , auteur de la première version de cette transformation. Celui-ci séjournait dans le prestigieux Institut des hautes études scientifiques de Bures-sur-Yvette. Dès qu'il voit les dessins, celui-ci leur dit: ~
- Ah, il y avait jusqu'ici deux types au monde capables de
~ faire ce genre de travail. Vous avez le troisième, vous avez
~ beaucoup de chance! ~
91. Avec qui je suis resté lié d'amitié. Il a même repris contact avec moi l'an dernier en me demandant des dessins pour une conférence qu'il préparait.
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OVNI ,..,, . ? - 1nats, qu 'est-ce que c 'est .... ~ ~ - C'est la. première description vraiment lisible du retour~ nement de la. sphère. ~
~
Nos zigotos du CNRS regagnent Paris. En fait, ils sont passés à un cheveu de la catastrophe. S'ils n'avaient pas pris ce travail au sérieux, André Lichnerowicz serait intervenu, tel Jupiter du haut de son Olympe. Mais on rend compte à R. de cette situation. Celui-ci me téléphone en me disant: ~
- Bon, voilà ce qui a été décidé. Tu pourras faire ce que bon ~ te semblera, mais tu ne passeras jamais directeur de recherche.
7
- Ah bon, carrément. Mais vous êtes quand même passé directeur de recherche, des années plus tard. -
C'est une autre histoire.
-
Ce R. ne vous épargnait pas.
- Il est décédé. Paix à son âme. Je pense à une remarque du matheux aveugle avec qui j'avais travaillé. Lui se targuait d'avoir des rancunes très tenaces et à propos d'ennemis décédés; il m'avait un jour dit: «Je leur lance parfois une petite malédiction dans l'au-delà, en me disant que si cela ne leur fait pas de mal, au moins cela ne peut pas faire de bien.»
- Revenons à ces travaux. Ce sont des maths, considérées comme de très haut niveau. Or vous m'aviez dit que vous étiez très mal à l'aise en mathématiques pures. - C'étaient des maths sans x, y et z, qui se font avec du fil de fer, du carton, des dessins et une bonne dose d'intuition géométrique. Là, j'étais à l'aise92• Toujours est-il qu'un jour j'ai apponé au fils Souriau une maquette de fil de fer d'une surface de Boy, d'une cinquantaine de centimètres de diamètre, et je lui ai dit: «Veux-tu faire un petit travail pour cosigner une publication de maths avec moi ? » Et là, il m'a fit une réponse que j'adore: «Qui faut-il tuer pour ça?» 92. Une activité qui a eu pour retombée la production d'ouvrages comme le Géométricon et le Topologicon. Dans la série des aventures d'Anselme Lanturlu.
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La dernière ligne de défense
-
Ce travail consistait en quoi?
- À faire des mesures sur la maquette avec un double décimètre, puis mettre cela en équations, empiriques. Ça a marché et on a eu une publication de maths pures à l'Académie des sciences de paris, cosignée «J.-P. Petit etJ. Souriau93 ». Tout le monde croit que c'est le père qui a cosigné. En fait c'était son fils, Jérôme.
- C'est unejolie histoire. Qµe vous le vouliez ou non, votre vie professionnelle semble vo-us avoir souvent ramené dans le monde des mathématiques. Peut-être parce que c'est une discipline où on jouit, intellectuellement, de pl-us de liberté.
Objets imaginaires, avez-vous donc une âme? - Les mathématiques ont un côté très ludique. Je vous ai dit que Souriau «inversait le temps», mathématiquement s'entend. Dans son théorème de 1972, il a montré que cette inversion du temps équivalait à l'inversion de la masse94• Mais sur la fin de sa vie il continuait à «jouer avec la masse et l'énergie» en optant pour l'idée qu'il y en avait de quatre types95 •
-
Et ça débouchait sur quoi?
- Sur une métaphysique théorique. Cela donnait des «masses imaginaires» et un «temps imaginaire pur», perpendiculaire au temps usuel. Selon Souriau, par exemple, quand on meurt, notre flèche du temps tournerait de 90°. On se mettrait alors à vivre dans un temps« perpendiculaire au temps de la vie». C'était pour cela qu'on aurait tellement de mal à communiquer avec les morts, et vice versa. Par contre, quand des gens sont soudain très près de la mort, il est connu qu'ils ont 93. https://www.jp-petit.org/science/machs_f/boy/f5101.htm. 94. J.-M. Souriau, Structure des systèmes dyna.miques, p. 198-199, équation (14.67), téléchargeable à http://www.jmsouriau.com/Publications/JMSouriau-SSD-Ch3.pdf. et Structure ofDynamical Systems, Éd. Birkhauser, 1997, p. 189. 95. Deux «réelles» +met-met deux« imaginaires pures» + 0 m et
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_,r-:r m
OVNI
l'impression de voir tous les événements de leur vie défiler sous leurs yeux à toute vitesse. Il pensait que c'était «à cause du début de la rotation de leurs flèches du temps». Il adorait ces jeux del' esprit et il faut avouer que c'était follement distrayant. Mais ça nous éloigne du thème central du livre.
-
Dommage.
Cachez cet ovni que je ne saurais voir! - En dehors de Souriau et de cet aveugle, vous avez pu travailler avec d'autres mathématiciens? - Le premier, c'était André Lichnerowicz, qui avait été tout de suite séduit par cette façon de mener des calculs sur les plasmas en utilisant des outils mathématiques qui pouvaient sembler si étranges. Mais lui, il avait tout de suite compris. C'est l'avantage avec des types de ce niveau. Grâce à Lichnerowicz, j'avais échappé à la catastrophe dans mon premier labo.
-
Une autre catastrophe?
Recherche mathématicien, désespérément - Oui, on ne va pas les décrire les unes après les autres. Actuellement, Gilles et moi sommes toujours à la recherche de mathématiciens, qui puissent nous aider. Mais ça n'est pas évident.J'ai essayé pendant des années de travailler avec un jeune surdoué d'une trentaine d'années, qui était entré à Normale supérieure juste après son bac. Un garçon capable d'avaler les traités les plus abstraits comme une véritable déchiqueteuse. Je me rappelle que j'avais fait un jour un déplacement avec lui. Dans notre chambre d'hôtel, pendant que je me distrayais en lisant des bandes dessinées, lui lisait un nouveau traité de mathématiques comme quelqu'un qui lirait un roman, en tournant les pages les unes après les autres, avec une impressionnante régularité.
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Mais vous aussi, vous avez lu des traités fort compliqués, non? 104
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- Oui, mais à quel prix! Pour Gilles, c'est pareil. Nous sommes avant tout des physiciens, ancrés dans le concret. Les mathématiciens jouent, jonglent avec des signes. Nous, si on ne relie pas cela à des phénomènes physiques, nous sommes perdus.
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En somme, vow comprenez vite, mais ilfaut vow expliquer l.ongtemps.
- Au bout du compte, on arrive à des constructions qui peuvent paraître très abstraites. Mais c'est devenu «notre concret à nous». C'est difficile à expliquer. Beaucoup de mes idées trouvent leur pendant dans mes bandes dessinées. Celle que je préfère est l'album consacré à la topologie%.
- Celui où, avant lecture «il est conseillé de ne pas aborder l'ouvrage après un repas trop riche, le soir avant de s'endormir, ou quand on n'est sûr de rien, car ça ne ferait qu'aggraver les choses». - Un jour, j'avais été interviewé par un vieux journaliste, Le Lyonnais, décédé depuis, qui m'avait demandé comment je parvenais à convertir les idées scientifiques en bandes dessinées. Et je lui avais répondu que je pensais en fait comme dans ces BD, et que l'effort à fournir était de réécrire cela sous une forme mathématique. Et si vous y regardez de près, dans ces BD, tout est concret. C'est fou, les idées qu'on peut agiter avec du papier, du ruban adhésif et une paire de ciseaux. En fait, les travaux que nous avons développés représentent une extension de ces choses-là dans un nombre de dimensions supérieures, cinq étant un petit minimum.
- Si je comprends bien, si les gens normatlX évoluent dans quatre dimensions vow, vow vow baladez dans cinq. - Je dois avouer que c'est vrai.J'arrive à penser en cinq dimensions. Mais c'est une question de pratique.
- Vous parliez de votre jeune surdoué des mathématiques, issu de Normale supérieure. Qu 'en est-il advenu? - Autant il avait des connaissances cyclopéennes en mathématiques, autant sortir du sentier battu paraissait au-dessus de ses forces. J'avais l'impression qu'on était deux chameliers, dans une caravane, et que
96. http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/F rancais/LE TOPOLOGICON.pdf.
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je lui disais : «Prenons une réserve d'eau et allons explorer ce qui se trouve au-delà de ce défilé, là-bas. J'ai le sentiment que nous pourrions découvrir quelque chose au-delà de cet horiwn. » Mais lui voulait une carte. J'avais beau lui dire: «On n'a pas de carte. C'est nous qui allons l'établir. C'est une terre inconnue.» Pendant cinq ans, il a été impossible de l'amener à faire un pas en dehors du connu, du reconnu, du bien balisé. Parce qu'il faut bien se dire une chose: quand on innove, ça commence toujours par des bricolages, guidés par l'intuition. On consolide après. Je finissais par lui dire: «Si tu enlevais le frein à main, on irait plus vite. »
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Comment est-ce que ça s'est terminé?
- Un jour, il se promenait avec sa mère et un ami, et tous trois ont vu un ovni. Ça 1'a complètement déstabilisé et il a pris la fuite et je ne 1'ai plus jamais revu.
Une vérité qui dérange ou un mensonge qui rassure ? - Tout cela évoque une bien étonnante façon qu'ont les scientifiques de réagir dès qu'ils sont confrontés à ce sujet ovni. - · Il n'y a pas que les scientifiques. Il y a aussi les journalistes. J'avoue que c'est quelque chose qui m'est tombé dessus brutalement et que je n'avais pas vu venir. J'ai mis du temps à m'y faire. Commençons par le journalisme. Au début des années soixante-dix, j'avais fini par devenir un correspondant régulier de la revue Science et Vie, dont le rédacteur de 1'époque était Philippe Cousin et le rédacteur en chef adjoint, Gérald Messadié. Je peux même dire que des relations d'amitié s'étaient tissées entre nous. Cousin m'appréciait, m'invitait chez lui. Je pouvais écrire tous les articles qui me tombaient sous la plume. Je me souviens qu'entre autres j'avais pondu un article sur le vol des mouches, sur les débuts du deltaplane. Et puis il y a eu un article qui a fait l'objet de la couverture de la revue, laquelle a été obligée de procéder à un retirage dans l'urgence parce que les lecteurs s'étaient rués sur le numéro.
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- je me souviens du titre en premièrepage. C'était« Un moteur à p"'1sma pour ovnis».
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- Je pouvais donc penser que la rédaction s'était enthousiasmée à l'idée que soudain l'ovni était sorti du fantasme pour mettre un pied dans le terrain des sciences et des techniques. Le fait de consacrer la première page le suggérait. Eh bien, ça n'a pris que quelques mois. Tous m'ont tourné le dos, les uns après les autres, sans que je puisse obtenir la moindre explication. L'hostilité est devenue générale, au sein de toute la rédaction. Je m'en souviens comme si c'était hier. Et même maintenant, je ne comprends pas. Cela ressemble à une réaction irrationnelle, profonde.
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Et chez les scientifiques?
- Même phénomène, sauf chez des gens comme Lichnerowicz, Souriau et Grothendieck.
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Tous mathématiciens.
- Toujours sous la houlette du premier, je publie, à la fin des années soixante, une série de papiers en dynamique galactique, en utilisant les outils mathématiques que j'avais appris à manier.
-
Toujours cet espace à sept dimensions?
- Oui. En fait, le seul qui ait abordé le problème sous cet angle est l'Indien et prix Nobel Subrahmanyan Chandrasekhar97• Mais ses calculs sont horriblement compliqués. J'avais été beaucoup plus loin en les compactant avec cette «algèbre dyadique», si commode (nous sommes d'ailleurs en train de reprendre mes travaux des années soixante-dix, Gilles et moi). Toujours est-il que ces résultats avaient convaincu l'astrophysicien et académicien Evry Schatzman d'accepter d'être le président de ma thèse de doctorat, que j'avais soutenue en 1972. Là, les relations étaient au beau fixe. Le geste de Schatzman acceptant de présider mon jury traduisait un soutien sans équivoque.
-
Et puis?
- 1976, j'imagine ce système de propulsion MHD pour aérodynes discoïdaux. Mon ami Maurice Viton et moi, nous bricolons une expérience montrant qu'on peut annihiler la turbulence de sillage derrière un cylindre.
97. https://fr.wikipedia.org/wiki/Subrahmanyan_Chandrasekhar. C'est dans son ouvrage Princip/es ofStellar Dynamics, 1943.
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G
~
Sur l'image ci-dessus, extraite de ma bande dessinée Le Mur du silence98 , on voit à droite la reproduction d'une photo prise en 1976. Pour le film, en 16 mm, Maurice avait opéré dans sa cuisine d'Aubagne99. À l'invitation de l'astronome Pierre Guérin, je monte alors à l'observatoire de Meudon et je projette le film, tout en exposant l'idée que le phénomène ovni a alors partie liée avec la physique, puisque introduisant les concepts d'évolution aérienne sans ondes de choc ni turbulence. Schatzman était présent. Après mon exposé, je suis allé le rejoindre dans son bureau, espérant discuter de tout cela avec lui. Là, je tombe sur un visage fermé, un regard dur. Impossible de lui tirer un mot.
-
-
Même phénomène qua Science et Vie, donc.
- Exactement. Discussion impossible. Mais les choses ont pris une tournure dramatique dans les mois qui ont suivi, d'une manière que je n'aurais jamais imaginée. Schatzman était à l'époque président de l'Union rationaliste et, dans ce cadre, il s'était donné pour mission de pourfendre tout ce qui relevait selon lui de l'imposture, de l'illusion. Et pour lui le phénomène ovni faisait partie de cet ensemble. Dans les 98. Gratuitement téléchargeable à http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/ telechargeables/Francais/LE MUR DU SILENCE.pdf. 99. Ce qui débouche sur l'idée «qu'en France, on n'a pas de pétrole, mais on a des éviers».
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conférences qu'il donnait partout en France, il expliquait que les ovnis ne pouvaient pas être des machines volantes. En effet, évoluant à des allures apparemment supersoniques, celles-ci auraient dû engendrer un bang très puissant. Or, les témoins n'entendaient rien. Donc, ces machines ne pouvaient exister. C'était aussi simple que cela. Il a été interpellé par un spectateur lors d'une conférence donnée à Grenoble, qui a évoqué la publication que je venais de faire à l'Académie des sciences, grâce à Lichnerowicz. Il avait répondu avec moquerie en disant: ~
- Cette idée d'aérodyne MHD me fait penser à l'histoire du ~ ~ baron de Münchhausen 100 qui, sëtant embourbé avec sa jument ~ ~ dans un marais, l'en avait dégagée, tout en restant assis sur ~ celle-ci, en tirant simplement sur la crinière de sa monture.
La bataille d'Annecy - L'affaire prit une telle proportion que mon travail s'en trouvait publiquement discrédité. Ne parvenant pas à faire revenir Schatzman sur ses propos, j'ai été contraint de lui demander un droit de réponse, devant l'assemblée devant laquelle il avait brocardé ma théorie. Il se trouve que l'Union rationaliste tenait bientôt ses assises annuelles à Annecy.J'ai donc demandé d'y exercer ce droit à cette occasion. Mais les organisateurs m'ont objecté que cette réunion était réservée aux membres. J'ai donc demandé à adhérer.
-
Non! Vous avez été membre de l'Union rationaliste!
- À cette occasion. Nous nous sommes donc rendus à Annecy. Schatzman m'y attendait devant un tableau noir, une craie à la main. Mais il ne s'attendait pas à ce que nous lui avions préparé. Viton avait placé dans un aquarium empli d'eau acidulée (pour la rendre plus conductrice de l'électricité) une petite poupée représentant Münchhausen. Le corps du cheval avait été remplacé par un aimant et les éperons par des électrodes. Quand on branchait le courant, le baron sortait de l'onde. J'ai dit à Schatzman: «Si ce que vous avez dit
100. Le Tartarin de Tarascon allemand.
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à Grenoble est vrai, alors cette expérience ne peut pas marcher.» Là, je le mettais échec et mat.
-
Etalors?
- Schatzman est devenu blême et a dit: «J'avoue que j'ai été léger dans mes déclarations à Grenoble.» Puis, tout est devenu très confus. J'étais allongé sur un brancard, incapable de me tenir debout à la suite d'un accident de travail, quelques mois plus tôt101 • La salle était houleuse, les gens s'invectivaient. Viton m'a dit: «Tu sais, si on avait été au Moyen Âge, on serait déjà dans la cour en train de brûler, le corps enduit de poix. » Et c'est là que j'ai compris que ce sujet soulevait une tempête, trouvant son origine dans des mécanismes qui n'avaient rien de rationnel. Et ce fut le début de quelque chose qui dure depuis quarante ans.
- Mais vous avez quand même une argu.mentation scientifique à opposer?
Jusqu'où peut-on penser trop loin? - Encore faut-il pouvoir débattre. Je vais vous citer une autre anecdote. Il y a quelque vingt années, je démarche pour essayer de présenter mes travaux en séminaire à l'Institut d'astrophysique de Paris. Devant un refus, j'appelle le directeur de l'époque au téléphone, qui me dit: «Comme vous avez écrit un livre sur les ovnis, nous ne pouvons vous admettre ici en séminaire. »
-
Ca"ément!
- J'en parle à Souriau, qui appelle le gars et lui dit: «Vous cherchez des idées neuves, Petit en a, écoutez-le. » L'autre a demandé une lettre «pour être couvert». J'ai pu parler là-haut. Pecker, mon ami académicien, est venu. À la fin de mon exposé, le directeur a demandé si quelqu'un avait des questions. Pour toute réponse, la salle s'est vidée. En fait, ils n'avaient même pas écouté ce que j'avais dit. Ce genre de
101. Un électro-aimant de 250 kilos, brisant son élingue, m'avait brisé le dos. On avait dû m'amener à Annecy en ambulance.
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scénario s'est reproduit n fois. En 2015, le Cnes organise une sorte de workshop ovni1°2, sur invitation et à bureaux fermés, censé réunir «des experts». UFO-science, notre association, n'y sera pas conviée et rien de tangible n'émergera de cette rencontre, menée à huis clos, sans que la presse ait été conviée. Suite à cela, j'ai été en contact avec un astronaute qui, dans des émissions de télévision, tient le rôle de l'homme ouvert à cette hypothèse extraterrestre. Il se trouve qu'il est membre d'une «commission sigma» émanant du Cnes, qui est censée définir les orientations du Geipan. J'ai pensé demander à intégrer cette commission. Ma démarche a été transmise par ses soins et il m'a communiqué la réponse: le président de cette commission n'entend pas admettre de nouveaux membres pour le moment.J'ai alors proposé à cet astronaute français, polytechnicien, de le recevoir chez moi pendant plusieurs jours en lui expliquant ce que j'avais pu tirer, au plan scientifique, de l'étude du dossier ovni, mais il n'a pas donné suite.
-
Qu 'est-ce qui se passe? Ils ont peur?
- Oui, on peut parler de la peur 103 de se retrouver face à quelque chose d'incontrôlable, qui soudain les dépasserait complètement. Je pourrais dérouler ces anecdotes à l'infini. Sur quatre décennies, elles abondent. Ce qui est terrible, c'est qu'elles révèlent que la pensée des hommes n'est pas libre. Au-delà des contraintes du qu'en-dira-t-on, des risques aux plans carrière, professionnel, relationnel, des pressions émanant de «hautes sphères», il reste une espèce de carcan intérieur, irrationnel, contre lequel on bute. Dès qu'une affaire se présente, qui semble avoir quelque contenu, elle s'érode avec le temps. Il suffit d'une pichenette pour que ces éléments pâlissent, se décolorent, comme de vieilles photos argentiques, et prennent les couleurs de l'oubli. Regardez par exemple la vague belge. Il suffit qu'un quidam dise : «C'est moi qui avais bricolé cette photo 104 sur laquelle on s'est tant penché» pour discréditer l'ensemble du dossier. Rien ne semble
102. http://ovnis-direct.corn/ au-cnes-a-paris-une-centaine-dexperts-et-scientifiques-en-congres-sur-les-ovnis-les-8-et-9-juillet-2014 .html. [Contenu retiré.] 103. Une véritable «Cosmotrouille». 104. La photo du Petit-Rechain avec ses trois lumières.
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pouvoir entamer la résistance de l'homme qui, pour fuir une vérité qui dérange, préférera cent fois opter pour le mensonge qui le rassure.
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On vous sent bien pessimiste.
Même si c'est vrai, c'est faux - Parfois je repense à la phrase d'une brave dame qui m'avait acheté un livre et venait, à l'issue d'une conférence, pour se le faire dédicacer. Je l'entends encore me dire : «Continuez à nous faire rêver. » J'ai eu envie de lui répondre: «Je ne cherche pas à vous faire rêver, mais à vous faire réfléchir!» Les gens ont des cases dans leur tête et préfèrent ranger les informations dans lesquelles ils baignent, les classer, en pratiquant une lecture, un classement qui les rassurent. À l'autre bout, il y a les gens qui fabriquent ces informations, les formatent. Alors ils sont contraints par deux logiques, très puissantes. La première consiste à configurer cette information pour qu'elle «se vende», quel que soit le média choisi: livre, émission de télévision, vidéo. Ils pensent «nombre d'exemplaires vendus», «audimat». La seconde consiste à garder le sujet dans le champ de leur compétence. L'un assimilera les informations traitées à des phénomènes paranormaux. Un autre se focalisera sur les aspects sociologiques du phénomène. Celui qui a la part la plus aride est celui qui voudra construire son discours en suivant une certaine logique scientifique, car il s'adresse alors à des gens qui ne suivent guère ces brisées. On a beau se rappeler la maxime de Guillaume d'Orange, qui disait «qu'il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer», les années finissent par peser. C'est surtout l'irrationalité des scientifiques qui est désespérante et évoque la phrase du surréaliste Picabia: «Même si c'est vrai, c'est faux. »
-
Que comptez-vous faire maintenant?
- On a l'impression que l'humanité est dans un véhicule sans conducteur, qui la mène à l'abîme. Certains imaginent que cette autodestruction est en quelque sorte dirigée, pour telle ou telle raison. Mais je pense que ça n'est même pas nécessaire. Le système est simplement
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auto-instable. On a à peine terminé une guerre qu'on commence à préparer la suivante. Ce monde engendre des rivalités, puis des guerres, les unes après les autres. Ce à quoi on assiste en ce moment est démoralisant. Comme l'est le fait que partout, dès qu'on fait mine de s'intéresser au sujet ovni, c'est pour créer de nouvelles armes, encore plus destructrices.
- Il vous reste cette idée, que vous souhaiteriez communiquer. Comme quoi l'humanité a une sorte de tâche à accomplir, pour se couler dans le droit fil de l'histoire. Que si elle s'est trouvée dotée de science et de technologie, c'est pour à terme construire des vaisseaux et entamer le dialogue avec des voisins. - J'ai raconté cela dans des vidéos 105 • J'ai même fait une version en anglais, mais qui a peu d'écho. Celle-ci a provoqué une centaine de commentaires en six mois, es'sentiellement en français, ce qui ne constitue pas un score extraordinaire. Visiblement, ma voix porte peu au-delà de !'Hexagone. C'est comme ça, et les contacts que j'ai tenté de créer outre-Atlantique, avec des gens comme Salas, n'ont pas donné grand-chose.
En France, le sujet ovni est très dégradé -
Comment voyez-vous la situation en France, vis-à-vis du sujet ovni?
- Le handicap est considérable. Quarante années se sont écoulées. Vouloir attirer aujourd'hui l'attention du public sur ce sujet ovni ressemble à une mission impossible. J'ai un souvenir exécrable de la longue série d'émissions de télévision auxquelles j'ai participé dans ce pays. J'ai également eu l'honneur d'autres médias francophones, en Belgique et au Canada. Mais là-bas, cela a toujours été très différent. En France, pendant toutes ces années, on a toujours eu l'impression que les médias ont participé de manière très active à la construction du discrédit de ce sujet. Il m'arrive souvent de recevoir des messages de gens qui, ayant vu, en ligne sur Internet, les enregistrements de telle 105. https://www.youtubc.com/watch?v=MQ4EPadeTc. https://www.youtube.com/watch?v=5h_yCOYnAcU.
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ou telle émission, m'écrivent: «Comment avez-vous accepté de figurer sur de tels plateaux ? » À cela, je ne pourrais que répondre : « Rien d'autre ne m'a été proposé.» Pour un scientifique comme moi, cela a été très pénible de me retrouver au coude à coude avec des témoins mythomanes, des ufologues ravis d'être sous les feux des projecteurs, les leaders de sectes, quand ce ne sont pas de gens que je qualifierais de clowns. Il y a eu de nombreuses émissions qui ont été montées comme des pièges. En particulier lorsque la composition des plateaux était changée au dernier moment. Des chaînes composaient des dossiers destinés à discréditer le sujet. Je me souviens d'une femme, croisée dans une banque, qui m'avait reconnu et m'avait dit: «Je vous ai vu dans des émissions à la télévision, et je peux vous dire que nous souffrons avec vous.»
- En fait, vous avez été en France pratiquement le seul scientifique d'un certain niveau qui ait mené dès le milieu des années soixante-dix un combatpour créer un intérêt pour ce sujet. En France, et même à lëchelle de la planète entière. - Il y a eu aussi Bounias, qui y a laissé sa peau. Pendant un moment, nous avons combattu côte à côte. En 1977, le Geipan a été créé au sein du Cnes. On se souvient qu'Hubert Curien, alors directeur du Cnes, avait doté ce service, qui avait le statut ronflant de département du Cnes, d'un conseil scientifique de sept membres. J'avais appris cela par P. Tout de suite, on pourrait dire naïvement, je lui avais demandé pourquoi je n'en faisais pas partie. Il m'avait fait cette réponse passe-partout: «C'est normal, vous n'êtes pas du Cnes», ce qui ne voulait pas dire grand-chose, dans la mesure où ceux qui constituaient ce conseil n'en faisaient pas partie non plus. Je n'ai jamais caché, dès le départ, que je privilégiais ce qu'on a appelé «l'hypothèse extraterrestre». Et cette position, dès le départ, faisait de moi un pestiféré, le minimum requis étant une prise de distance minimale.
-
Avec le recul si cëtait à refaire, que feriez-vous?
- Je ne vois pas comment j'aurais pu me lancer dans des recherches portant sur« des aérodynes MHD discoïdaux», lesquels, en fonctionnement, sont environnés d'un plasma et dont les électrodes segmentées brillent comme des« hublots» en disant: «Ah, vous trouvez que cela a un rapport avec les soucoupes volantes? Étrange, je ne m'étais jamais posé la question.» Je crois que sic'était à refaire, j'aurais été d'emblée
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beaucoup plus loin dans mes positions, à une époque où les gens étaient encore réceptifs. Aujourd'hui, les choses sont devenues différentes. Le sujet s'est intégré dans un folklore médiatique. Tout a été fuit pour que cela évolue de cette manière. Je me souviens de 1'écho qui a été donné aux thèses de Jacques Vallée, partisan du «tout paranormal». La première fois que je 1'avais rencontré, c'était en 1976 à Poitiers. À 1'époque, une école d'ingénieurs tenait une sorte de colloque informel sur le sujet. On laissait à ces gens la bride sur le cou. Ils avaient même des crédits pour inviter qui bon leur semblait. Vallée avait été leur invité et celui-ci avait découvert avec stupeur mes positions «boulons et écrous». J'ai eu 1'occasion de le croiser par la suite dans 1'émission de Polac «Droit de réponse». Je l'avais entendu dire: «Eh bien moi, je serais très déçu si le phénomène ovni ne correspondait qu'à des visites d'extraterrestres. »
- Pensez-vous que Vallée faisait partie du plan américain qui visait à désinfonner? - J'ai une autre anecdote à ce propos. Il y a un autre personnage qui a été, lui, au cœur d'un tel dispositif, c'est le physicien des plasmas Peter Sturrock, scientifique de talent, inventeur du laser à électrons libres. Lorsque je m'étais rendu aux États-Unis pour participer à un colloque consacré au sujet ovni, j'avais essayé de le rencontrer.
-
On vous avait financé ce voyage et cette participation?
- Pas du tout. Je profitais de la mission qui m'avait été confiée par la revue Science et Vie, à 1'occasion du bicentenaire de la révolution américaine. On m'avait demandé d'enquêter sur les sujets de mon choix dans des domaines liés à l'avancement des sciences aux États-Unis.
-
Vous n ëtiez pas encore tombé en disgrâce dans ce journal?
- Ça s'est fait très peu de temps après. Disons que dans le cadre de cette mission, j'ai pu faire un crochet par Evanston, Illinois, où l'astronome Allen Hynek avait fondé le Cufos 106•
- Hynek afait partie des gens qui ont laissé leur nom dans ces premières études du phénomène ovni.
106. Center for Ufos' Scudies.
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Un «colloque d'ufologie » organisé par Allen Hynek - J'avoue que mon atterrissage dans ce colloque m'a laissé un peu pantois. Les thèses de Vallée commençaient à être en vogue et des intervenants présentaient des photographies montrant des taches blanches, en disant: «Vous voyez ces objets, là-bas. Eh bien, quand on a pris la photo, personne n'avait rien vu. » Et tous hochaient gravement la tête devant ce qui n'était que des défauts d'une pellicule argentique. À un moment, un jeune homme, qui était apparemment un universitaire, prit la parole, visiblement excédé, et s'adressa aux participants en disant: «J'ai fait le déplacement depuis la côte ouest du pays pour vous entendre. Mais où sont vos physiciens, où sont vos astrophysiciens, vos cosmologistes? Ici, je croise des gens qui s'intitulent pompeusement "ufologues". Je me demande bien à quoi correspond cette étrange discipline et j'ai franchement l'impression de perdre mon temps ici. » Et il avait quitté les lieux avec fracas. Effectivement, ce colloque ressemblait à une pantomime. Hynek réglait ce ballet avec l'aide de chairmen, de présidents de séance, en le ponctuant de cojfee breaks, de «pauses café». Alors, dans une salle, les congressistes, portant leur badge, échangeaient gravement leurs impressions. J'étais aussi à l'aise que l'aurait été un joueur d'échecs dans un championnat de boules. J'avais cependant des photos et des films à montrer, qui suscitèrent l'intérêt chez certains. L'intervenant qui devait prendre la parole après moi, un Texan, dit: «Ce que dit ce Français est très intéressant. Je lui cède volontiers mon temps de parole. » J'ai donc continué, mais j'ai tout de suite remarqué l'agacement de Hynek. Et là j'ai compris pour la première fois qu'il existe un ressort essentiel chez les gens qui s'intéressent au sujet ovni. Ils tentent de maintenir celui-ci dans le champ de leur compétence. Et effectivement, de prime abord, ce sujet n'entre dans aucun cadre défini. On a donc créé ce mot très vague: l'ufologie, n'importe qui pouvant alors s'intituler ufologue.
- Hynek n'avait donc pas du tout été intéressé par ce que vous aviez présenté? - Il a même eu une phrase qu'il présentait comme une boutade, mais qui traduisait en vérité la position qui était la sienne. Il m'a dit: «Vous êtes ce genre de scientifique dont j'ai horreur.»
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- Sauf exception, on ne peut pas dire que vous ayez la cote dans le «milieu ufologique ». j'entends des propos comme «Petit croit qu'il est au-dessus de tout le monde, qu'il détient la vérité et que tous les autres ont tort». Je crois que la raison est que dans ce milieu vous êtes arrivé comme un chien dans un jeu de quilles. De plus, en mettant le niveau scientifique au plus haut niveau, et maintena.n t en lançant le bouchon à distance cosmique vous mettez toute cette faune très mal à l'aise. - J'ai pu constater que le Cufos était un simple deux-pièces où la secrétaire de Hynek gérait les conférences du maître. Ils éditaient une mini-revue, où était présenté« l'ovni du mois». Je suis tombé de haut. J'avais espéré en venant aux États-Unis pouvoir rencontrer Sturrock, mais c'est lui qui, quelques années plus tard, vint me visiter à Aix-enProvence, histoire de vérifier que je ne disposais d'aucun moyen pour développer mes idées.
Peter Sturrock, maÎtre ès désinformation -
Votre impression concernant Peter Stu"ock?
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Là c'est complètement différent. Scientifique de haut niveau, il a participé très activement à la désinformation. Par exemple ils ont créé, Vallée et lui, une revue intitulée The Journalfor Scientific Exploration.
J'ai soumis un article à celle-ci, sur les aérodynes MHD, dans les années quatre-vingt-dix, qui n'est jamais passé.
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On retrouve le «filtre».
- Dans cette désinformation on retrouve la famille Rockefeller, qui fournit le lieu d'accueil du colloque de Pocantico107 en octobre 1997. Sur la photo prise à cette occasion on retrouve «quelques grands noms de l'ufologie ». Sturrock, organisateur, devait rire dans sa barbe en concluant que le monde entier devait prendre exemple sur le Sepra français. Ce lien 108 pointe vers la conclusion énoncée par celui-ci. On peut en extraire les principaux éléments. 107. https://fr.wikipedia.org/wiki/Conférence_de_Pocantico. 108. Le rapport final de Sturrock : http://rrO.org/time/l/9/9/7/10/04/Pocantico/1. html.
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Concernant le matériel lié aux cas présentés par les enquêteurs, le panel a conclu que quelques-uns des incidents rapportés pourraient avoir impliqué des phénomènes rares mais significati.fi tels qu'une activité électrique, mais n'ont pas constitué de preuve convaincante orientée vers des processus physiques inconnus ou vers l'implication d'une intelligence extraterrestre. Les chances d'une avancée significative sont considérées être plus grandes maintenant qua l'époque du Projet Colorado qui a débouché sur le Rapport Condon ily a 30 ans de cela, en raison des avancées dans la connaissance scientifique et les capacités techniques, et au regard de l'exemple d'un projet de recherche modeste mais ejficace menépar l'agence spatialefrançaise qu'est le Cnes.
- Sturrock était-il aû courant des recherches de MHD que vous aviez effectuées vingt ans plus tôt? - Parfaitement au courant, depuis 1976. Physicien des plasmas de haut niveau, il en connaissait parfaitement les tenants et les aboutissants. Les Américains n'ont d'ailleurs jamais cessé de suivre discrètement mes travaux, comme j'ai pu le constater au colloque de Brighton, en janvier 2001 109• Ça n'était d'ailleurs pas difficile, puisque je publiais tout au fur et à mesure. Dans ce jeu de la désinformation, la stratégie consiste, comme en témoigne la déclaration d'intention au début de ce colloque, à déplorer l'ignorance et la confusion qui règne dans cette étude du phénomène ovni en indiquant que pour tenter de sortir de l'impasse, la fondation Rockefeller avait décidé d'inviter un nombre de plus en plus important de scientifiques. Puis, à l'issue de palabres évoquant les discours tenus par les Bandar-Logs du Livre de la Jungle, on énonce la conclusion ci-dessus, qui est quand même présentée comme une avancée notable vis-à-vis de l'état correspondant à la diffusion du rapport Condon en 1967. Mais tout cela continue tant et plus, soixante-dix ans après les premières manifestations de grande ampleur du phénomène, quarante années après la création du
109. Se référer à mon livre Ovnis et armes secrètes américaines, Albin Michel, janvier 2003.
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service du Cnes, et 20 ans après le colloque de Pocantico. On a même l'impression désespérante que rien ne changera jamais. Je pense à une récente émission où Stéphane Allbc avait invité une Américaine auteur d'un nième livre sur le sujet, tenant exactement le même discours, traduisant «l'espoir qu'un jour on verrait naître une véritable recherche scientifique consacrée au phénomène ovni».
-
Mais ces gens connaissent vos trava-ux?
- Bien entendu. Au passage, je me souviens d'un appel téléphonique de Madame Galbraith, épouse d'un ancien ambassadeur des ÉtatsUnis en France, mandatée elle aussi par la fondation Rockefeller, qui prétendait elle aussi jeter les bases d'un ouvrage «destiné à faire bouger les choses». Quand je lui ai proposé de lui offrir un article sur les aérodynes MHD, elle a tout de suite répondu« que ceci lui paraissait prématuré».
- Avec le recul je ne regrette pas de vous avoir pennis d'exposer vos trava-ux t.ÛJ.ns Le Nouveau Défi des OVNI. - Le présent ouvrage représente une ultime tentative de sortir de ce bourbier.
Désinformation à la française -
Quid de la politique française en matière d'ovni?
- La création du Geipan, en 1977, a été le contre-feu face à l'incendie que j'avais soudain allumé avec mes notes aux comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris, sur les aérodynes MHD discoïdaux. Stratégiquement, c'était assez adroit. Vous savez ce qu'on dit, en France: «Si vous voulez enterrer une question, créez une commission chargée de l'examiner.» En gros, c'est ce qui a été fait. Pendant deux décennies, un des responsables de ce service du Cnes avait coutume de répondre: «Des analyses sont en cours. Quand il y aura des résultats, vous en serez informés.» En fait, il n'y avait rien, aucun travail en cours. Mais c'est le genre de réponse qui suffit à un journaliste, par ailleurs soucieux de ne pas franchir «la ligne rouge». Si vous regardez
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les activités du Geipan, elles ont encore baissé d'un cran par rapport au niveau des années soixante-dix. De plus, comme le responsable change tous les quatre ans, celui-ci doit à chaque fois se mettre au courant. En fait, la direction du Geipan est un poste très agréable pour passer les dernières années de sa carrière avant son départ en retraite. Tout ce qu'on demande est de ne pas faire de vagues, de ne pas faire preuve d'initiative et de savoir manier la langue de bois.
- Ce qui est extraordinaire, c'est que personne ne s'en soucie et que le fait de dénoncer cet état de fait vous fait passer pour un énergumène. - Voyons simplement les faits. En 1977, un service est créé et il est décidé que les enquêtes seront confiées à la gendarmerie française. Aujourd'hui, quarante années se sont écoulées. Ce service du Cnes revendique d'avoir mis en place un protocole d'enquête. Mais rien, strictement rien n'a changé. Il y a quelques années, celui-ci a décidé de rendre public le résultat de ses enquêtes. Les internautes se sont précipités. À l'analyse, ces comptes rendus sont vides. Sur le plan scientifique et technique, il n'y a strictement rien à en tirer. Mais comment aurait-il pu en être autrement? Par ailleurs, nos gendarmes ont bien d'autres chats à fouetter, qui récupèrent aujourd'hui le souci d'assurer la sécurité des citoyens, confrontés à des menaces d'attentats atroces.
- Depuis quatre décennies, vous êtes pratiquement le seul à dénoncer cette incurie.
La tentative de la dernière chance - L'ufologie, ça n'existe simplement pas. Ça n'a aucun sens, aucun contenu. Si aujourd'hui je disparaissais, il n'y aurait plus aucune approche réellement scientifique du sujet ovni. Mais, de toute façon, les années passent vite. Nous avons quoi, comme espérance de vie, vous et moi? Dix pour moi, quinze pour vous, statistiquement. Il est fort possible que ce que nous tentons avec ce livre, et qu'on pourrait qualifier de tentative de la dernière chance, échoue. Alors on pourra prédire que dans dix ans, vingt ans, plus pourquoi pas, le service du Cnes existera toujours, piloté par un huitième ou dixième responsable,
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qui tiendra exactement le même discours qu'aujourd'hui. Dans les médias, des journalistes continueront de dire «que la France est le premier pays au monde qui s'est doté de ... etc. » Et personne ne posera la moindre question quant au fonctionnement de cette officine d'enregistrement, à son coût de fonctionnement depuis un demi-siècle.
-
Dans ce panorama général vous êtes le cail/,ou dans la chaussure.
- Qui fait boiter qui? Croye-z-vous que les gens du Cnes s'inquiètent de mes propos ou travaux? Tout le monde s'en fiche éperdument. Dites-vous bien que face au phénomène ovni il n'y a exactement que deux attitudes possibles au sein des pouvoirs publics. Si l'analyse du phénomène semble présenter un intérêt sur le plan de la défense nationale, les militaires feront mouvement, en souhaitant immédiatement enfermer toute démarche sous le sceau du secret défense. En dehors de cet aspect-là, le mot d'ordre est d'empêcher par tous les moyens, y compris le sabotage délibéré d'enquêtes 110, ce phénomène perturbateur de nuire au bon fonctionnement des institutions, qu'elles relèvent de la vie politique, militaire ou scientifique. Et cela est rendu possible grâce à la collaboration très active des médias. Toute cette stratégie de désinformation et de discrédit est facilitée par le fait que les actions des différents intervenants, qu'il s'agisse de politiques, de militaires ou de scientifiques, apportent à ces gens la réponse qu'eux-mêmes souhaitent, inconsciemment, préférant relayer le mensonge qui rassure plutôt que la vérité qui dérange.
-
Face à une telle situation de b/,ocage, on ne peutpasfoire grand-chose.
- Je reste le seul scientifique de haut niveau qui ait apporté une telle attention à ce sujet et qui ait en tout cas jalonné sa démarche de nombreuses publications scientifiques, faisant état de travaux suffisamment consistants et importants pour leur permettre, au prix d'efforts considérables, de réussir à franchir la barrière constituée par les comités de lecture des revues de haut niveau.
-
Quels contacts avez-vous avec d'autres scientifiques?
110. Qui n'est en fait nullement nécessaire. Comme cela a déjà été démontré à plusieurs occasions, l'incompétence des intervenants y supplée largement.
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- Nombre d'entre eux suivent mes travaux avec intérêt. Ceux-ci figurent d'ailleurs sur le site de mise en ligne ResearchGate (en anglais «la porte vers la recherche»). Depuis que je les ai installés, je reçois régulièrement des messages comme celui-ci, en date du 26 avril 2016:
Signification dans la note de bas de page111 • L'article sur Researchgate112•
-
Ils 'agit d'un preprint?
-
Non, d'un des papiers publiés à Modern Physics Letters A.
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Qui installe ses articles sur le site de ResearchGate?
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Cela va du thésard au prix Nobel. C'est le concurrent d'arXiv.
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900 consultations, c'est beaucoup?
- C'est exceptionnel. Je suis, avec constance, le plus lu dans ma spécialité depuis que j'ai commencé à y installer mes articles.
-
Par qui?
-
Par des chercheurs d'une kyrielle de pays.
-
Et en dehors de cette mention, quelles réactions?
111. FÉLICITATIONS : votre article «Modèle cosmologique bimétrique avec interaction de masses positives et négatives, et deux différentes vitesses de la lumière, en accord avec les observations concernant l'accélération cosmique » a atteint 900 vues. 112. https://www.researchgate.net/publication/263045943_ Cosmological_bime tric_model_with_interacting_positive_and_negatives_masses_and_two_different_ speeds_of_light_in_agreement_with_the_observed_acceleration_of_the_universe.
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-
On me demande de participer à des réunions de scientifiques, des workshops, des colloques. Mais comment voulez-vous que je m'y rende, faute d'argent?
-
Financer ces participations est un des buts de ce livre.
- Espérons. Cette démarche implique des contacts directs, nombreux et répétés, dont je suis privé depuis quatre décennies.
- Ce qui est quand même extraordinaire, c'est qu'alors q~ vous avez une position des plus solides dans k monde scientifique, k service du Cnes vous tienne au /,arge depuis sa création. - Je ne colle pas avec les buts poursuivis. Dites-vous bien une chose: depuis la création du Geipan, on exige de ses responsables un engagement tacite, sine qua non, à garder ses distances vis-à-vis de l'hypothèse extraterrestre.
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Ça a toujours été le cas?
- Non. Le dernier responsable, à l'époque où ce service s'appelait le Sepra, quand il a été à six mois de son départ en retraite, a cru pouvoir déroger à cette règle. Il a publié un livre où il exposait sa position personnelle, donnant sa préférence à l'hypothèse extraterrestre. Immédiatement, son service a été dissous, et il s'est retrouvé moniteur pour des activités consistant à animer des clubs de jeunes, parrainés par le Cnes, dont l'occupation est la préparation et le lancement de fusées miniatures.
-
Le message pour ses successeurs était on ne peut plus clair.
Aux États-Unis, on joue à un tout autre jeu - La situation est totalement différente aux États-Unis. Là-bas on sait parfaitement à quoi s'en tenir depuis 1947. Des mesures de rétention d'information sévères ont dès lors été mises en place113• On 113. Il s'agit de la directive JANAP 146 (pour Joint Army Navy Air force Publication, émanant de la NSA, National Security Agency: https://www.nsa. gov/ncws-fcatures/declassificd-documents/ ufo/ assets/ files/janap_ 146.pdf. Voir section Ill, l'évocation des conséquences d'une violation de cc qui est alors considéré comme relevant du secret défense.
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peut s'étonner qu'un pays puisse à la fois traiter le phénomène ovni comme un simple fantasme et par ailleurs vouloir le suivre avec autant d'attention.
- Est-ce qu on peut se foire une idée sur les conséquences qui ont résulté du fait qu aux États-Unis la réalité de visites d'extraterrestres est prise au sérieux? - J'en ai déjà parlé dans un livre 114• Ça ne servirait à rien d'aborder de nouveau ce sujet. Sur ce plan, tout est possible. Je vous ai déjà rapporté les confidences de Paul Czysz, de même que la déclaration de Ronald Reagan à l'ONU. Nous cherchons à faire bouger les choses de manière concrète, en amenant un projet concret, UFO-catch, dont on parlera plus loin, pas à produire un nième livre sur le sujet.
- Au sujet duquel nous nous sommes mis dâccord, vous et moi. Tout le bénéfice de la vente de ce livre servira à financer ce projet. -
De déploiement de stations automatiques de détection d'ovnis.
- je reviens à la politique menée par le pouvoir en France et le service du Cnes et du contrôle sévère des médias et de cette hostilité vis-à-vis de tout ce qui pourrait «foire sortir le chat du sac 115», pour reprendre une expression chère aux Anglo-Saxons. Y a-t-il eu en France des opérations de désinformation caractérisées?
Une ténébreuse affaire - Il y a une histoire dont vous trouverez difficilement des traces dans les archives de cette maison. On s'est employé à les faire disparaître. Et je me demande si vous pourrez retrouver dans les archives de FR3 la couverture médiatique de l'époque. Il s'agit d'un événement qui s'était produit près d'une localité appelée Caorches-Saint-Nicolas, dans l'Eure. Un jour, on découvre un reportage mené par FR3, concernant un prétendu atterrissage d'ovni. Les images montraient le responsable
114. Ovnis et armes secrètes américaines, Albin Michel, janvier 2003. 115. Expression anglo-saxonne se basant sur le fait qu'il est beaucoup plus facile de faire sortir un chat d'un sac que de l'y faire rentrer.
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du Sepra accroupi, occupé à prélever des échantillons au milieu d'une trace qui faisait bien vingt mètres de diamètre.
-
Une trace, comment?
- · Cela se situait en plein milieu d'un champ cultivé. Je crois me rappeler que c'était du maïs. Dans cette trace circulaire, les plantes avaient totalement disparu. En lieu et place ne subsistait qu'une dépression, bien visible. Mais en voyant ces images, je me suis tout de suite dit que ce type jouait un rôle. Il posait pour la caméra et n'était pas à ce qu'il faisait. Ça m'a paru bizarre. Mais, très vite, mon téléphone n'a pas arrêté de sonner. Des tas de gens me disaient: «Venez, c'est l'affaire du siècle. Une trace d'atterrissage fantastique. Avec cela, personne ne pourra plus soutenir qu'il n'y a pas d'atterrissages d'ovnis.»
-
Vous êtes monté voir?
- Non. Des tas de choses que j'avais déjà vécues m'ont incité à la prudence. Je me suis renseigné: personne n'avait rien vu. La nuit, des gens du coin avaient entendu un bruit d'explosion, et au matin on avait découvert cette trace, au beau milieu d'un champ. Mais la tête du type du Cnes était une image qui me trottait dans la tête. Christian Perrin de Brichambaut116, avec qui je collaborais, était aussi de mon avis. Nous savions tous deux que la France avait procédé à des simulations d'explosions nucléaires souterraines sur son propre territoire, avant de mettre en œuvre cette technique en Polynésie, à Mururoa.
-
Ça consiste en quoi?
- Quand on met à feu une bombe atomique, sous terre, et que la profondeur est suffisante pour que cette explosion ne débouche pas en surface, le sol se trouve violemment comprimé. Puis, quand la boule de gaz issus de l'explosion se refroidit, assez rapidement, un effondrement se produit, qui se répercute jusqu'à la surface en donnant ce qui ressemble à un mini-cratère lunaire. La profondeur à laquelle doit être effectué le tir dépend de la puissance de l'engin. Mais de toute façon, 116. Polytechnicien, décédé en 1995. Haut foncùonnaire à la Météorologie naùonale. Membre du Conseil scientifique du Geipan dès sa création. Suite à l'affaire de Trans-en-Provence, il comprit que le Cnes ne souhaitait pas réellement faire avancer les choses.
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nous savions que cette profondeur devait être au minimum supérieure au diamètre de la cuvette. Les Français avaient mené des essais de simulation pour estimer celle à laquelle il faudrait loger une charge nucléaire pour que sa détonation ne provoque pas l'émergence de rejets en surface. Ce qui m'intriguait, dans les images montrées à la télévision, c'était l'impression que la terre avait été retournée, complètement.
-
Bref, vous étiez sceptique à propos de ce soi-disant atterrissage d'ovni.
- Au bout de deux jours, après que les médias eurent été conviés avec insistance à couvrir l'événement, le Cnes a annoncé qu'il s'agissait d'une bombe de la Seconde Guerre mondiale, qui avait explosé. Là, c'était encore plus suspect. Une bombe conventionnelle ne pénètre guère profondément dans le sol. Quand elle explose, elle crée un cratère quasi conique, avec des rejets en périphérie. Là, la trace s'arrêtait net. Au-delà, les épis de maïs sont intacts. À l'intérieur, ils ont tout bonnement disparu. Ça faisait plutôt cratère d'effondrement. Mais nous avons appris par un historien de la Seconde Guerre mondiale que les Alliés avaient procédé à des essais de bombes à haut pouvoir de perforation, effilées comme de crayons, dans le but d'essayer d'atteindre des installations souterraines allemandes. Précisément celles où ils construisaient les Vl et V2. On n'avait, nous confia-t-il au téléphone, jamais trouvé de documentation sur ces bombes et en tant qu'historien, il était intéressé. Comme le cratère mesurait une vingtaine de mètres, on peut penser que l'explosion pouvait avoir eu lieu à une profondeur équivalente. Mais une bombe perforante aurait-elle été capable d'atteindre une telle profondeur? Cela étant, les questions que posa cet historien lui valurent un retour auquel celui-ci était loin de s'attendre. Il nous déclara: « Dès que j'ai posé ces questions, concernant les débris, des types des RG me sont tombés dessus. J'ai été soumis à un interrogatoire en règle. Pourquoi est-ce que je posais ces questions, etc. J'ai eu beau leur dire que j'étais historien, rien n'y a fait.» Une réaction étrange, en effet. Immédiatement, alors que l'accès du site avait été libre jusque-là, les gendarmes boudèrent la wne, qui fut interdite d'accès. Puis on procéda à la récupération des débris.
- Vous pensez que l'affaire aurait pu être un coup monté en utilisant un explosifmoderne, de manière à créer une fausse trace d'atterrissage, vous amener à faire imprudemment des décl.arations fracassantes, quitte à vous confondre par /.a suite, en vous discréditant publiquement. 127
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- Ça n'est pas impossible. Cela rappelle l'affaire des mini-zeppelins télécommandés, en Belgique. Toujours est-il que si c'était le cas, l'opération était risquée. En effet, une analyse chimique aurait rapidement montré qu'il ne s'agissait pas d'un explosif datant de la Seconde Guerre mondiale.
-
Si tant est qu'on ait laissé qui que ce soit procéder à cette analyse.
- Vous ne trouverez aucune trace de cette affaire dans les archives du Cnes, ni peut-être du reportage effectué par FR3 à cette occasion, montrant le responsable du Sepra en train de «prélever des échantillons pour analyse».
L'affaire du 5 novembre 1990 - En tout cas, maintenant, il est bien rare que le service du Cnes se manifeste. Ces gens l'ont quand même fait en 2015. Il s'agit d'un document réalisé par l'équipe produisant une série intitulée «Dossiers surnaturels» pour le compte de la chaîne 23, sous le titre «Le 5 novembre 1990, la mystérieuse nuit des ovni117 ».
117. En deux parties: http://www.dailymotion.com/video/x2j5o6i et http://www. dailymotion.com/video/x2j2r0e.
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-
Oui, j'ai regardé cela.
-
Alors, qu'en pensez-vous?
- C'est un artifice classique, pour un réalisateur, de présenter cela comme une contre-enquête, à caractère scientifique, vingt-cinq ans après l'événement. Des gens comme vous et moi se souviennent évidemment très bien de cette nuit-là où des milliers de Français ont vu des lumières traverser le ciel, du sud-ouest au nord-est. Mais nous savons, vous et moi, que cette histoire n'avait pas tardé à être totalement éclaircie dans le peu de jours qui ont suivi. Je comprends que les témoins aient été émus par ce qu'ils ont vu, mais en 1990 on savait déjà très bien comment pouvait se présenter le phénomène d'une rentrée atmosphérique d'un objet bien terrestre.
Effectivement, les gens se sontprécipités sur leur téléphone et ont harceli de questions le responsable du Sepra, à l'époque, lequel a été tout de suite
-
complètement dépassé par les événements. - Rappelons ce qu'était le Sepra. Après la dissolution du Geipan, sans tambour ni trompette, a été créé au Cnes un Service d'expertise des phénomènes de rentrée atmosphérique. Le responsable de ce Sepra était donc a priori un expert en rentrée. Or, les déclarations qu'il fit à la presse s'avérèrent immédiatement confuses et contradictoires. Comme on le voit dans les extraits, notre «expert» commença par mettre en doute le fait que ça puisse être une rentrée de satellite, parce que, dit-il, «cela aurait été plus bref». ·
-
Les témoins s'accorda.ient tous sur une durée du phénomène de l'ordre
de la. minute. - En disant cela, il trahissait le fait qu'il ne connaissait strictement rien aux phénomènes des rentrées atmosphériques. Toujours est-il que ce qui mit tout le monde d'accord fut un télex émanant de la Nasa, précisant qu'il s'agissait de la rentrée dans l'atmosphère d'un étage d'une fusée russe «Ghorizont», une pièce pesant dans les quatre tonnes. Comme il fallait s'y attendre dans ces cas-là, comme l'objet pénètre dans la haute atmosphère à plus de 7 kilomètres à la seconde, il est aussitôt disloqué en fragments. La recompression de l'air liée à l'onde de choc qui s'installe devant chacun des fragments provoque leur incandescence et leur combustion. Tout ce qui peut s'en
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détacher part vers l'aval, les petits objets étant plus fortement freinés que les gros. Et cela donne l'aspect d'un bataillon de comètes, avec des longues traînées. Mais l'expert n'avait jamais vu un cliché de ce genre de phénomène. En fait, après la dissolution du Geipan, le Cnes s'était senti obligé de maintenir une officine plus modeste. Quelqu'un avait proposé ce nom ronflant et cet acronyme Sepra, et cela avait été entériné.
- Je n'aijamais bien compris comment le Geipan avait soudain disparu comme dans une trappe.
Les polytechniciens à la manœuvre - C'est une histoire peu brillante. Je préfère ne citer aucun nom pour ne pas être accusé de régler des comptes. Il y a eu scandale, et le véritable responsable en fait, c'est l'armée. J'avais tenté de collaborer avec le nouveau responsable du Geipan, un jeune polytechnicien. À cet effet, je lui avais adressé un rapport de 200 pages, intitulé «Perspectives en magnétohydrodynamique» où j'avais consigné mes idées de l'époque. Ce rapport fut aussitôt dirigé vers ce qui s'appelait à l'époque la DRET118, c'est-à-dire la recherche militaire. Là, un autre polytechnicien, adjoint du directeur, s'empara du document en s'écriant (on le sait par un témoin): «Maintenant que nous avons les idées de Petit, pourquoi nous embarrasser de lui?»
-
Carrément...
- Dans les mois qui précédaient, le Cnes avait refait, à Toulouse, la manip de suppression de vague d'étrave devant une maquette, dans un courant d'eau acidulée, expérience que nous avions réalisée, Viton et moi, dans une cave de l'observatoire de Marseille.
-
Vous leur avez fait refaire cette expérience?
- Non, ils ont pris cette initiative, sans m 'en parler. Et comme ça a marché facilement, cela leur a conféré l'illusion que la MHD était quelque chose de simple. Dans un liquide, oui, mais dans un gaz, c'est 118. Direction des recherches et études techniques.
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une autre paire de manches. Je pense que c'est la raison pour laquelle ils ont pensé pouvoir gérer cette recherche sans moi. En 1976, Viton et moi avions annihilé le sillage turbulent derrière un cylindre immergé dans de l'eau. C'était une jolie manip, qui avait marché au premier essai avec des moyens très rudimentaires. Dans le rappon j'avais dit qu'on pourrait faire la même chose dans de l'air, à condition d'ioniser celui-ci avec des micro-ondes, et j'avais même indiqué quelle fréquence il faudrait utiliser119 • Ils sont donc panis sur cette idée. Il y avait une soufflerie subsonique dans un laboratoire voisin 120• Ils ont fait réaliser une puissante source de micro-ondes délivrant la fréquence indiquée.
-
Avec quels crédits?
- C'est ça qui est extraordinaire. Quand le Geipan avait été créé, on lui avait donné la structure d'un dépanement du Cnes. Il avait donc un budget assez imponant et une totale autonomie décisionnelle. De plus, notre éternel «go-between», que nous nommerons P., un autre polytechnicien .. .
-
Décidément.. .
- ... était convaincu que le Cnes pourrait gérer cette affaire sans problème. Il est vrai qu'il m'avait vu réussir une série d'expériences, toujours au premier essai, y compris dans les gaz. Tout cela s'est fait à mon insu. La MHD, c'est trompeur. Dans l'eau, ça a l'air facile.
-
Et dam les gaz, ça se gâte.
- On leur avait construit un énorme générateur de micro-ondes, gros comme un piano, qui envoyait son flux électromagnétique à travers un guide d'onde de section carrée de 10 cm par 10 cm. J'ai vu les photos. Ils avaient placé une maquette sous la forme d'un cylindre, disposé transversalement dans la veine d'une tuyère, également de section carrée.
-
Et alors?
- Alors, rien. Les micro-ondes n'ont pas voulu rentrer dans la tuyère. Ou, pour être plus précis, elles ne pénétraient que quelques
119. Du 3 gigahertz. 120. Au CERT de Toulouse, le Centre d'études et de recherches techniques, travaillant pour larmée.
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millimètres121 • À la sortie de la fenêtre contre laquelle le canon à microondes était braqué, celui-ci ne créait qu'une couche de plasma bleuâtre, qui refusait énergiquement d'envelopper la maquette.
-
Bref, ça a foiré.
-
Complètement.
-
Comment avez-vous appris cela?
- Au Cnes, ils font toujours des rapports sur tout. Un type m'a envoyé leur rapport, que j'ai toujours, d'ailleurs. Ça m'a fichu en colère, car si j'avais été là, j'aurais remis tout cela en place en un tournemain.
-
Comment?
-
Le but était de créer une couche d'air ionisé autour de la maquette. Donc, la solution était de prendre un cylindre creux, en plastique, un simple tube pour les lavabos, de 5 cm de diamètre. Le mieux serait que ce tube soit en Téflon, qui est transparent vis-à-vis des micro-ondes. Après, il suffirait d'y enfoncer deux pailles de fer, du genre qu'on utilise pour récurer les casseroles. Mais pas les trucs en plastique, le système à l'ancienne, en métal. -
Quelle est alors la vertu de ces pailles de fer vis-à-vis des micro-ondes?
- Eh bien, si on fait arriver ces micro-ondes à l'intérieur du tube, les pailles de fer vont diffuser tout ce rayonnement électromagnétique dans tous les sens. En émergeant du tube en plastique, que ce tube de Téflon laissera passer. Puis, ce rayonnement ionisera l'air au voisinage du tube, exactement là où on voulait qu'il soit.
- Si je comprends bien, avec deux pailles de fer et un tube en Téflon, vous auriez remis la manip sur ses rails etje suppose que l'expérience aurait marché au premier essai. Mais, comme d'habitude, on a envoyé Harpo au diable, et la maison s'est effondrée. 121. Les micro-ondes ionisent l'air, qui se transforme en plasma, lequel se transforme en barrière infranchissable vis-à-vis de celles-ci. Quand une capsule spatiale pénètre dans l'atmosphère, l'échauffement de l'air provoque son ionisation. Elle rentre, alors environnée de plasma, lequel s'oppose au passage des ondes électromagnétiques, en particulier des ondes radio. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas communiquer avec des astronautes pendant plusieurs minutes pendant leur rentrée. Voir le film L 'Étoffe des héros.
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- Quand le Cnes a su qu'on m'avait communiqué le rapport, ça a été la panique. Curien a dépêché R, son conseiller scientifique.
-
Un autre polytechniden?
- Oui. Et celui-ci a recommandé qu'on fasse disparaître toute trace de cette affaire. Le Cnes a préféré faire disparaître carrément le Geipan. Perrin de Brichambaut, en tant que membre du conseil scientifique, a demandé à Curien que cette dissolution fasse l'objet d'une réunion de clôture, mais l'autre lui a répondu que c'était inutile parce que le Geipan n'avait jamais existé.
-
Revenons à cette histoire du 5 novembre 1990.
Quand les mâchoires se décrochent - Quelques jours après cet événement du 5 novembre, qui avait fait les gros titres dans la presse, l'animateur Dechavanne a été sollicité pour orchestrer une émission sur les ovnis. Perrin et moi avons été invités. Quand nous sommes arrivés sur le plateau, on a eu la surprise de voir R, le conseiller scientifique du Cnes, plus le responsable de la communication de la maison, plus ... je ne me souviens plus, mais il y avait du monde. R. tenait un attaché-case sur ses genoux. Mais j'ai tenu à prendre la parole le premier et j'ai dit: ~
- Nous sommes ici pour débattre de la question ovni. Mais
~ avant que l'émission ne commence, pour éviter qu'on ne perde
~ un temps précieux, je voudrais régler d'entrée cette histoire qui ~ ~ a fait les gros titres dans la presse, les jours derniers. L'affaire a ~ été éclaircie. Ils 'agissait de la rentrée d'un étage de fusée russe ~ Ghorizont, comme nous l'a signalé la Nasa.
-
Comment saviez-vous cela?
-
La veille, Viton l'avait appris par un coup de téléphone d'un de ses copains du Cnes. Quand j'ai dit cela, j'ai vu toutes les mâchoires se décrocher. C'était comique.
- Encore une fois ils avaient espéré que vous tombiez dans le panneau et que vous clamiez en public que cëtait la preuve irréfutable du passage d'un ovni.
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- Il restait cette histoire de trajectoire Pau-Strasbourg, que l'expert du Sepra avait communiquée à la presse, après l'avoir déterminée sur une mappemonde à l'aide d'une ficelle. Si vous regardez l'émission de la chaîne 23 et les vidéos, vous verrez que ce brave type sert de bouc émissaire. Le responsable du Geipan, en 2015, là encore je ne cite pas de nom, dit dans cette émission qu'il ne comprend pas pourquoi le responsable du Sepra ne s'est pas adressé aux gens qui, au Cnes, savent évaluer des trajectoires de rentrée.
- C'est complètement surréaliste. On bombarde ce type, simple technicien, à la tête d'un Service d'expertise des phénomènes de rentrées atmosphériques, sans lui avoir donné la moindre formation, et sans lui avoir donné le moindre outil pour qu'il puisse exercer son rôle d'expert. - Il aurait fallu au minimum qu'il dispose d'un logiciel d'orbitographie, outil qui, quand on lui injecte des points de survol, fournit aussitôt la trajectoire. Mais je ne suis même pas sûr qu'à l'époque il ait eu un ordinateur. Rappelons que c'était en 1990. Et le type du Geipan de dire: «Il a dû faire un calcul sur un coin de table. » Mais on ne fait pas des calculs d' orbitographie «sur un coin de table». Il y a beaucoup de trigonométrie et c'est très compliqué. Je pense qu'il a utilisé une simple ficelle.
-
Est-ce que cette trajectoire collait avec les témoignages des gens?
- Une rentrée atmosphérique, c'est quelque chose qui se déroule à très haute altitude et qui est donc visible à des distances de l'ordre de 200 kilomètres. Il y avait donc trois groupes de témoins. Ceux qui se trouvaient au nord de la trajectoire de rentrée, ceux qui se trouvaient au sud, et ceux qui étaient juste en dessous. Ce qu'avaient vu les deux derniers groupes de gens, et il y en avait des centaines, ne collait pas du tout avec la trajectoire donnée par l'expert du Sepra. Ça a mis la puce à l'oreille à un obscur ufologue marseillais, quelques années plus tard: Robert Alessandri, lequel, non seulement avait un ordinateur personnel, mais s'était procuré un logiciel d' orbitographie, rétablit en quelques clics la véritable trajectoire Bordeaux-Strasbourg et s'empressa de publier cela dans une mini-revue qu'il éditait (et qui a vite cessé de paraître).
-
Etawrs?
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- Il a mis comme titre «Quand le Cnes engage des fumistes». Du coup, «l'expert» lui a intenté un procès en diffamation.
-
Ouhlà là!...
- L'ufologue a été lourdement condamné. L'huissier chargé d'exécuter le jugement avait un nom prédestiné: Javert. Ons'est cotisés, moi et mes lecteurs, pour payer les 5 000 euros de l'amende, car le type était au RMI. En tout cas, je me souviens parfaitement de ce que le Cnes a soudain changé la dénomination du service, en gardant l'acronyme. C'est devenu le Service d'expertise des phénomènes aériens rares.
- C'est n'importe quoi. Ça aurait dûs 'appeler le Separ, alors. Ça signifie simplement que ce service était bidon. Ce qui est étrange c'est que le réalisateur de l'émission ait totalement passé ces faits sous silence. Il y a quelque chose qui sonnefaux dans cette émission, qui estprésentée comme une contre-enquête, pour tirer les choses au dair. - Ce qui avait été fait peu de jours après, dans l'émission de Dechavanne. On doit même avoir une copie de celle-ci en archive. J'ai du mal à croire que le réalisateur ait ignoré que cette émission ait eu lieu. Par ailleurs, le gars du Geipan dit qu'à l'époque on ne disposait pas de film sur des rentrées, ce qui est complètement faux. En 1990, on avait déjà vu rentrer dans l'atmosphère des milliers d'objets, de tous gabarits. Ça avait été photographié et filmé sous tous les angles. Mais ce soi-disant décryptage permettait de décrédibiliser tous les témoignages produits, qui au passage étaient assortis de nombreuses séquences en images de synthèse montrant en particulier un ovni triangulaire analogue à ce qui avait été observé lors de la vague survenue en Belgique peu de temps avant le 5 novembre 1990. C'était peut-être le but poursuivi. Les gens collaborant avec le Geipan ont eu beau jeu d'exploiter ces données au maximum en disant que si des témoins avaient décrit des constellations différentes d'objets lumineux, c'est parce qu'ils les avaient observés d'endroits différents. Quant aux gens qui parlaient de trajectoires sud-nord, on a suggéré que certains pourraient avoir fait une confusion en rapportant leur témoignage à la gendarmerie.
- je me souviens que lors de cette histoire du 5 novembre 1990, ily avait quand même de nombreux témoins qui disaient avoir observé des choses franchement différentes, en donnant des descriptions précises.
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OVNI
- Certains, qui suivent les événements ovni au jour le jour, disent qu'il s'agit d'un classique, que des ovnis aiment à se glisser au milieu d'un événement qui soit un phénomène naturel ou dans ce cas précis, un phénomène de rentrée. Si ce sont des extraterrestres, on peut dire qu'ils font alors le jeu de ceux qui souhaitent avant tout que l'affaire ne prenne pas trop d'ampleur. Une nouvelle possibilité de démontage de témoignages se dessine alors, après les nuages lenticulaires, l'observation de Vénus, les lanternes thaïlandaises, les lasers de boîtes de nuit sur les nuages, les météorites, voici les rentrées de fragments d'engins spatiaux.
- Pas commode de démêler le vrai du faux. D'autant plus que maintenant un nombre considérable de gens sont capables de créer des photos et des vidéos truquées. - C'est pour cela que depuis quarante ans, je me suis toujours dit que la seule façon d'attraper un ovni, c'était dans un labo, ou avec une feuille de papier et un crayon ou, mieux encore, avec un réseau de caméras de surveillance automatiques. Mais ça, je vous en parlerai plus loin en détail.
MHD ou autre chose? ... -
Pensez-vous que les ovnis fonctionnent avec /,a MHD?
- Je vous répondrai franchement: je pense que non. Il y a de multiples raisons à cela. Quand un ovni stationne au-dessus du sol, s'il se maintenait en agissant sur l'air ambiant, alors on noterait un souffle au sol. Même si l'entraînement était très régulier, on dirait en mécanique des fluides «laminaire», cela ferait au moins voler la poussière. Or, on n'a jamais rien vu de ce genre.
- Mais awrs, à quoi correspondraient ces taches lumineuses, un temps identifiées à des « hubwts » ? - Je n'en sais rien. Le fait que les ovnis soient, la nuit, environnés par un halo lumineux évoque un plasma, je sais.
-
Cette sustentation, cette propulsion, awrs, comment?
-
Je pense que la manipulation de la masse est la dé.
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La dernière ligne de défense
-
À quoi ont seroi toutes ces études de MHD, qui semblaient si bien
coller aux observations? - En vous répondant franchement, ces études étaient là pour contredire les conclusions du rapport Condon de 1967, disaient que l'étude du dossier ovni ne pouvait apporter aucune retombée sur les plans scientifique et technique.
-
Vous avez abandonné ce type de recherche?
- Oui, après ce baroud d'honneur de quelques années, de 2007 à 2011, avec la participation à plusieurs grands colloques internationaux. Dans ce genre de manifestation on apprend toujours énormément de choses. Je me débrouille assez bien pour faire parler les gens. Vous savez que dans un colloque, on a un badge. A UFO-science, nous avons créé un acronyme «Laboratoire Lambda».
-
Qui signifie?
- Laboratory for Applications of MHD Bitemperature Discharges to Aeronautics122 • En fait, ce laboratoire Lambda, c'est un minuscule coin de garage, à Rochefort. Grâce à l'ingéniosité de Jean-Christophe Doré, il en est sorti d'incroyables merveilles.
-
Qui est jean-Christophe Doré?
- Il est responsable informatique dans un établissement d'enseignement supérieur. Mais c'est avant tout un MacGyver extraordinaire. Depuis toutes ces années, il y a une sorte de compétition entre lui et moi, à celui qui trouvera la solution la plus astucieuse et la moins chère. Mais le plus souvent, c'est lui qui gagne. J'ai connu des gens comme lui, quand j'étais au CNRS et que je m'occupais d'expérimentation. C'est une forme d'intelligence et de créativité sans lesquelles les meilleures idées scientifiques restent lettre morte.
- Revenons à ces colloques, en Lituanie, en Corée, en Allemagne, en Tchécoslovaquie. Vous y alliez aussi pour récupérer de lïnformation? - Vous savez, la MHD aujourd'hui a deux thèmes de recherche importants. Le premier, ce sont les « railguns », les canons 122. Laboratoire pour les applications des décharges MHD bitempératures à l'aéronautique.
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OVNI
électromagnétiques. Vous avez sûrement déjà entendu parler de cela. De tels dispositifs sont appelés à remplacer un jour les canons, parce qu'ils peuvent lancer des obus avec des vitesses beaucoup plus grandes qu'avec des explosifs chimiques. Mais ce sont des applications militaires, et ça n'est pas ma tasse de thé. Le second axe de recherche, ce sont les compresseurs à plasma.
-
Les Z-machines?
Des lasers d'un térawatt -
Il y a une histoire qui vaut la peine d'être contée. En 1976, la revue Science et Vie m'envoie faire aux États-Unis le périple de mon choix, à l'occasion du bicentenaire de la révolution américaine. Je pouvais visiter les labos de mon choix.
-
Et quel a été votre choix?
- Disons qu'en 1975 nous avions reçu des courriers qui indiquaient que les Américains se lançaient dans des projets qui devaient déboucher sur des armes à énergie dirigée. À l'époque, on n'employait pas encore cette expression. J'avais deux endroits qui étaient indiqués: Livermore, en Californie, et Sandia, au Nouveau-Mexique. J'ai commencé par Livermore. Là, je savais que ce qu'il fallait rechercher, c'étaient les lasers. Il faut se rappeler que le laser est une invention relativement récente123• Aujourd'hui, n'importe qui peut avoir un laser sur son porte-dé pour quelques euros. Le laser était apparu dans notre laboratoire marseillais grâce à un type nommé Bernard Fontaine, qui avait construit un petit laser à gaz. C'était un tube en verre de cinquante centimètres de long et d'un centimètre de diamètre, d'où émergeait un fin pinceau rouge. Très vite, un Américain nommé Alsthrom avait débarqué au laboratoire. Notre directeur l'avait rencontré aux États-Unis. L'autre avait eu une idée extraordinaire, permettant d'élever la puissance des lasers. Vous savez, dans ces engins, on «pompe» de l'énergie 124 dans 123. 1960: premier laser à rubis; 1961 : premier laser à gaz avec mélange hélium-néon. 124. On appelle cela le «pompage optique».
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La dernière ligne de défense
un milieu et soudain, celui-ci la restitue en un temps très bref. Il avait eu une idée très simple. Pour accroître la puissance des impulsions, au lieu de chercher à augmenter celle qu'on stockait, il fallait opter pour un milieu qui relâchait cette énergie en un temps beaucoup plus court. Et pour cela, à l'époque, les lasers solides étaient plus rapides que les lasers à gaz125• L'Américain avait calculé qu'on pourrait obtenir des puissances phénoménales avec du verre dopé avec une terre rare nommée le «néodyme». Mais, aux États-Unis, comme partout, c'est la foire d' empoigne, avec en plus le fait qu'il y a énormément d'argent à la dé.
-
C'est le pays du western.
- C'est tout à fait cela. Alsthrom se sentait isolé aux États-Unis, face à des bandes puissamment organisées. En rencontrant notre patron aux États-Unis, l'idée lui est venue de développer son idée en France. L'autre lui avait sorti son numéro de bon père de famille en lui disant : «Vous verrez, nous sommes une grande famille. Venez faire cela chez nous», et ça avait pris. Il est donc arrivé à Marseille avec un stock de cendriers.
-
Des cendriers, pour quoi faire? Cëtait un grandfameur?
- Le néodyme est ce qu'on utilise pour teinter le verre en rose. Vous en avez sûrement vu dans des magasins. Quand Alsthrom est arrivé, je l'ai briefé sur la véritable personnalité de notre cher patron. Il a alors compris, et pendant les deux années qu'il est resté chez nous, il a mené deux sortes de recherches. Il a construit des lasers à gaz, de faible puissance, en communiquant alors sur ses travaux, et mené ses recherches sur son laser au néodyme à l'insu de notre directeur. Puis, il a publié ses résultats quand il est rentré aux États-Unis. Je revois mon cher patron hurlant, dans le labo: «Cet Alsthrom, c'est un bandit! »
-
Tel est pris qui croyait prendre.
- Toujours est-il que quand je suis arrivé à Livermore, Alsthrom était devenu le patron du projet de fusion par laser. À titre de remerciement, il m'a permis de visiter son labo. Et j'ai été le premier non-Américain, en 1976, à pouvoir le faire. Là, je suis tombé sur quelque 125. La puissance instantanée, c'est une énergie divisée par un temps. Alsthrôm visait le raccourcissement du temps de décharge.
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chose d'extraordinaire. L'astuce d'Alsthrôm avait permis un gain en puissance au-delà de toute espérance. Ses lasers pouvaient délivrer un térawatt. Il a fallu inventer un mot pour mesurer cette puissance-là.
-
Vous nous rappelez ce qu'est un térawatt?
- C'est un million de mégawatts. C'est mille fois la puissance délivrée par tous les plus puissants réacteurs nucléaires du monde, réunis. Quand je suis revenu en France, j'ai rédigé un article évoquant cela. J'avais même de superbes photos en couleur. À l'époque, les Français ne connaissaient, côté puissance, que des lasers à gaz carbonique qui pouvaient délivrer 2 mégawatts, cinq cent mille fois moins!
-
Et alors?
- Rien. La rédaction de Science et Vien' a pas cru à ce que je rapportais. Ils ont consulté les gens du CEA126, qui leur ont répondu: «Ce type est fou!»
-
Encore!
-
Ils n'ont pas passé l'article.
- Pendant toute votre vie professionnelle, vous avez toujours eu le chic pour mettre le doigt sur des trucs de folie.
1976 : Premier contact avec la Z-machine - Tout ce que je découvrais m'amenait à conclure que l'essentiel de l'activité de la science de haut niveau était au service de l'armée. C'est également ce que j'avais constaté à Sandia, au Nouveau-Mexique. Ce qui était amusant, dans ces labos, c'est que je débarquais avec une étiquette de journaliste. Les chercheurs se montraient de ce fait plus bavards. Et puis, je n'ai pas vraiment une tête de chercheur de pointe, d'autant plus que j'avais fait une arrivée au labo remarquée, dans une Cadillac rose d'occasion, conduite par une barmaid blonde que j'avais draguée la veille. Là-bas, un certain Gerold Yonas, qui allait devenir directeur scientifique des laboratoires Sandia, un énorme complexe militaro-industriel, avait construit son installation ayant la forme d'un 126. Commissariat à l'énergie atomique.
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La dernière ligne de défense
camembert. En périphérie, toute une batterie de canons à électrons, qui focalisaient leur tir sur une cible centrale. Yonas espérait obtenir la fusion.
-
Est-ce que tout cela n'avait pas un côté secret défense?
- Certes. À un moment, l'adjoint de Yonas lui a dit: «Arrêtez de parler comme ça. Ce type comprend trop bien ce que vous lui dites. Il n'est pas journaliste! »
-Amusant. - Alsthrom avait parié sur la brièveté des tirs. L'autre comptait sur l'énorme quantité d'énergie qu'il stockait dans des condensateurs. Mais, que ce soit à Livermore ou à Sandia, ça n'a pas marché. Côté lasers, c'est une longue histoire, qui a trouvé son point d'orgue en 2012.
-
Trente-six ans plus tard!
- Alsthrom avait d'abord monté un banc avec deux lasers, qu'il avait appelé Janus. C'est celui-là que j'avais vu. À côté se montait une manip nommée Shiva, avec vingt-quatre lasers. Mais il s'est rapidement trouvé éjecté de ce projet de fusion par laser par d'autres, mieux organisés, et disposant de relations politiques. Les trente-six années qui ont suivi représentent simplement une course vers l'accroissement du nombre des lasers, ce qui a donné finalement le NIF1 27, avec 192 lasers d'un térawatt chacun! Les Français ont été les seuls à emboîter le pas aux Américains en lançant le projet Mégajoule, à Bordeaux, avec 172 lasers. Là, il y a une anecdote croquignolesque qui me revient, que je ne peux pas ne pas raconter.
-Allez-y!
Secret défense et secret défonce - Ces projets, qu'il s'agisse du NIF ou de Mégajoule, avaient des orientations exclusivement militaires. On diffusait au sein du public
127. NIF: National Ignition Facility.
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le mythe d'une production d'énergie grâce à la fusion par laser, mais c'était une complète foutaise, parce que ces lasers au néodyme avaient un rendement de 2 %. Aux États-Unis, le maître à penser du projet NIF était un certain Lindl. Le projet avait été entièrement recentré sur des prédictions fournies par des simulations effectuées sur de très puissants ordinateurs.
-
L'ordinateur, de tout, s'occupe...
- Je crois que c'est imponant de citer cet exemple de fiasco complet d'un projet de 5 milliards de dollars, où l'expérience a résolument refusé de se conformer aux prévisions issues de simulations numériques 128•
-
Celles de /.a «science virtuelle».
- Lindl promettait monts et merveilles. Quand des scientifiques se montraient sceptiques et demandaient à avoir accès au programme de calcul 129 , il leur opposait le barrage du secret défense. En effet, le but unique du programme NIF, comme de Mégajoule, est de créer des mini-bombes à hydrogène, pour faire progresser cette technologie, et plus seulement à l'aide d'expériences nucléaires souterraines. Moins cher, plus simple.
-
Vous parliez d'une anecdote.
- J'y viens. Le Congrès américain s'inquiétait del'envolée du budget. L'armée monte alors un projet Centurion Halite consistant à placer des petites billes de mélange deutérium-tritium à l'état liquide à des distances croissances d'une bombe A, dans une expérience nucléaire souterraine. Les bombes A crachent 80 o/o de leur énergie sous forme de rayons X et c'est cette irradiation qui, dans ces bombes, provoque la fusion 130 •
-
Mais les /.asers au néodyme ne crachent pas de rayons X?
- Non, mais on envoie leur rayonnement sur une petite boîte en or, qui réémet en rayons X en créant ce que les journalistes ont nommé «un enfer minuscule». Le but de la manip Centurion Halite était de 128. https://www.jp-petit.org/ nouv_f/NEXUS_jan_2013.html. 129. Le programme LASNEX. 130. D'un explosif solide, l'hydrure de lithium, ces deux composants fusionnant et libérant de l'énergie.
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déterminer quelle quantité d'énergie serait nécessaire pour provoquer la fusion de la petite cible centrale, de 2 mm de diamètre. Et c'est là qu'intervient l'anecdote. À cette époque se tenaient aux États-Unis des colloques très fermés entre concepteurs d'armes nucléaires. N'y avaient accès que des ingénieurs militaires, américains, anglais et français. L'un des Français recueille alors une information essentielle, qui condamne irrémédiablement ce projet de fusion.
-
Comment cela?
- Au retour, le type vient rendre compte à son chef de ce qu'il a appris: que l'énergie qu'on envisage de concentrer sur la cible serait simplement 50 fois plus faible que la valeur-seuil déterminée grâce aux essais ultrasecrets américains.
-
Les Américains avaient communiqué ce chiffre lors de ce colloque?
- Bien sûr que non! Mais notre ingénieur militaire avait fait, à Mururoa, des mesures du flux de rayon X émis par des bombes dans des expériences nucléaires souterraines. Il en a parlé à une chercheuse américaine, une « weapon designer131 », qui a cru que les Français menaient, de leur côté, des expériences semblables à celle du projet Centurion Halite, dans lequel elle était elle-même impliquée. Et elle lui a dit: «Sur quelle valeur minimale del' énergie arrivez-vous? Nous, c'est dix mégajoules. »
- C'est-à-dire cinquante fois ce que les bancs lasers pouvaient déposer sur les cibles. - Son supérieur hiérarchique lui demande comment cette femme a pu lui communiquer une donnée aussi sensible. Et l'autre, embêté, lui dit: «C'est un peu délicat, nous étions dans un motel, tous les deux ... »
- Quand le secret défense se mêle aux histoires d'alcôve. Et alors, qu'est-ce qu'a fait le supérieur hiérarchique de ce gars? - Il a choisi d'étouffer l'affaire en demandant à son gars de faire un rapport, qu'il a aussitôt classé secret défense, ce qui interdisait à l'autre d'en parler à qui que ce soit. Et le projet Mégajoule a suivi son cours. Lindl, aux États-Unis, a essayé de contourner le problème en envisageant que la cible d'hydrogène ne soit plus une minuscule 131. Conceptrice d'armes.
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goutte liquide, mais une couche de givre, d'hydrogène à l'état solide, déposée à l'intérieur d'une toute petite coque creuse. Il a assorti cela de nouveaux calculs, de nouvelles simulations, en jurant ses grands dieux que tout marcherait très bien. Mais en 2012, la campagne d'essais a montré immédiatement que la nature, décidément, se refusait à se comporter comme les simulations le prédisaient. Toutes les têtes du projet NIF, dont des gars comme Ed Moses, qui avaient travaillé vingt ans sur ce projet, ont été virées. Quant à Lindl, il a pris sa retraite et est allé pêcher à la mouche.
-
Mais nous, on continue le projet Mégajoule.
- Bien sûr, comme on continue le projet ITER Ces trucs sont comme des trains lancés à pleine vitesse, impossibles à arrêter. Pour ITER, j'ai fait de mon mieux en produisant cinq vidéos 132 • Je pourrais faire la même chose avec Mégajoule. Question de temps. Tout cela en pure perte, d'ailleurs 133 •
- Décidément, je crois que si on pouvait convertir la bêtise en énergie, on n'aurait aucun problème d'approvisionnement.
Plus de deux milliards de degrés - C'est dur de vous suivre, mais c'est passionnant. On en était aux colloques auxquels vous avez participé entre 2008 et 2012. Avec quel financement? - J'avais créé UFO-science en 2007. Pour nous financer, j'ai rédigé un livre, OVNI et Science, qu'on a imprimé et vendu nous-mêmes par correspondance et que Doré et Ader ont envoyé eux-mêmes par la poste aux lecteurs, sollicités à travers mon site Internet. Du coup, un livre rapporte huit fois plus qu'en passant par un éditeur. Avec 2 000 ventes, plus des dons, on a rempli la caisse. J'ai donc pu participer à plusieurs congrès internationaux. Quand le banc d'essai du 132. La première: https://www.youtube.com/watch?v=Fi_uurHZY-g&list=PLfd j8oy5zeoEyEgTusYRznnwptG_n-OVo a atteint les 100000 vues. 133. La ministre de la Recherche del'époque, Geneviève Fioraso, inaugurant l'installation ITER: «Nous partons à la conquête du Soleil.»
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«laboratoire Lambda de Rochefort» a été achevé, j'ai fait faire une manip de MHD par Doré. -
Liée aux ovnis?
-
Là, c'était plus qu'évident. Il devait opérer avec une petite maquette
d' aérodyne MHD discoïdal, de 7 cm de diamètre, placée dans notre grande cloche à vide, dans une atmosphère raréfiée. Elle avait, comme dans les expériences qui avaient démarré en 1975 dans les caves du Laboratoire d'astronomie spatiale de Marseille, été dotée d'électrodes segmentées et quand on mettait tout cela sous tension, la maquette était environnée d'un plasma du plus bel effet. Il faut voir cela de ses yeux. Les photos sont impuissantes à rendre cet aspect totalement fantasmagorique. Mais on savait qu'il y avait un problème. Le champ magnétique avait tendance à souffler la décharge au loin. - Un champ magnétique qui souffle une décharge? Quelques explications...
- Les médias ont suffisamment parlé d'ITER. À l'intérieur, un plasma, «confiné par un champ magnétique». Cela veut dire que les plasmas «fuient les régions de champ magnétique élevé». Je me suis servi de cette idée en inversant le concept et en envisageant une géométrie où le champ magnétique était plus intense à quelque distance de la paroi 134 • J'ai alors donné des consignes à Doré, en lui disant: «Vous allez donner des ordres à la nature et elle va vous obéir.» -
Vous êtes vraiment sûr de vous.
- Quand on sait ce qu'on fait, ça aide. Doré s'est mis immédiatement au travail. Quand tout a été prêt, les trois autres, d'UFO-science, ont voulu assister à l'expérience. Ils avaient tous rêvé de voir cela. Et c'est vrai que ces expériences sont assez spectaculaires. Doré a fait l'obscurité dans le garage et mis la maquette sous tension. Tout de suite, le plasma s'est formé et ils ont pu voir comment celui-ci se trouvait soufflé au loin. Alors Doré a mis en marche le système d'inversion du gradient de champ, et la décharge s'est sagement plaquée à la paroi. - Une fois de plus, ça a marché au premier essai. Est-ce un résultat important? 134. Voir le principe dans la communication« Confinement pariétal par inversion du gradient de champ magnétique».
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- C'est un nouveau concept de confinement pariétal d'un plasma. Si vous arrivez à mettre la main sur des spécialistes des plasmas, ils vous diront que c'est une manip novatrice et astucieuse. Quand Doré m'a téléphoné, je lui ai dit: «Envoyez-moi les photos, on va soumettre une communication au prochain colloque de physique des plasmas. » Et c'est ce que j'ai fait. Une semaine après, on avait l'accord du comité du colloque.
- Entre l'expérience, unique, et l'acceptation da.ns un colloque, une semaine. Pas mal... - C'est ce qui arrive quand on dimensionne bien la manip. La nature est bonne fille. Quand on suit correctement ses lois, elle répond positivement. Toujours est-il que des résultats comme celui-ci nous ouvraient les portes des grands colloques internationaux et que grâce au bénéfice des ventes du livre on avait les moyens de nous y rendre.
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2 GROTHENDIECK
L'Einstein des mathématiques - On ma dit que vous aviez bien connu le mathématicien Grothendieck'. Il est décédé en 2014 et d'après ce que j'ai pu voir, cëtait aussi une pointure en mathématiques. - C'est exact et c'est beaucoup plus que ça. Dans le domaine des maths, Alexandre Grothendieck, c'est l'équivalent d'Einstein en physique. Il est considéré, mondialement, comme l'un des mathématiciens les plus imponants du :XXC siècle.
- À ce point? -
Il n'a pas développé ce pan immense des maths qui s'appelle la géométrie algébrique, mais a carrément fondé cette discipline. De l'avis général, Grothendieck est vraiment ce qu'on appelle un génie, au sens où il a aligné pendant toute sa vie des découvenes essentielles en mathématiques, comme quelqu'un qui écrit au fil de la plume son journal intime. On pourrait même dire que c'était son véritable journal
1. https://fr.wikipeclia.org/wiki/Alexandre_Grothendieck.
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intime. Même quand il a fui le reste du monde, il n'a jamais cessé de créer ce qui, selon son fils Mathieu, lui était aussi indispensable que de respirer.
-
Et vous avez été ami intime avec lui?
- Oui, mais j'ai gardé cela secret, de même que le lieu de sa retraite jusqu'à son décès. La vie de Grothendieck est un roman. Il naît en 1928. Son père, Sacha Schapiro, est un militant anarchiste ukrainien et juif, qui participe à la révolution russe de 1917, connaît les prisons tsaristes et meun à Auschwitz. Sa mère, Hanka, est protestante. En fait, Alexandre n'est pas le fils biologique de Sacha. Ce dernier reconnaîtra l'enfant, né d'une union de sa mère avec un autre homme, dont elle divorcera. Dans les années trente, Hank et Sacha vivent en Allemagne, que la montée du nazisme les contraint à quitter pour la France. Puis, ils passent en Espagne pour soutenir la révolution espagnole, au sein du mouvement anarcho-syndicaliste. Pendant cette période, le jeune Alexandre est confié à un pasteur luthérien antinazi, vivant à Hambourg. Mais celui-ci, craignant que les ascendances juives del' enfant ne représentent un danger pour lui, demande à ses parents de le récupérer. Donc, en 1939, celui-ci retrouve ses parents à Paris, pour une coune durée. Le père, Sacha, sera vite interné en France, à Drancy2, puis dirigé vers le camp d'Auschwitz en 1942, où il mourra.
-
Une enfance dramatique, qui laisse des traces.
- Si l'on peut dire. De 1942 à 1944, Alexandre est séparé de sa mère et caché dans une pension. Puis, à la fin de la guerre, Alexandre, qui a passé son bac, retrouve sa mère et ils vivent à Montpellier, de la bourse d'étude du fils, et des ménages que fait la mère. Alexandre s'inscrit en mathématiques, à la faculté de Montpellier et préfère se mettre à créer des maths, plutôt que de suivre des cours. Ses professeurs réalisent qu'il ne rentre dans aucune« case» et le dirigent vers les sommités françaises de mathématiques de cette époque: Éli Cartan, Laurent Schwarz et Jean Dieudonné. À cette époque, entre 20 et 23 ans, le jeune Grothendieck résout quatorze questions sur lesquelles ceux-là avaient buté, ce qui est considéré comme l'équivalent de six thèses de doctorat. 2. La plaque tournante de la politique antisémite française pendant la guerre (neuf]uifs sur dix, déportés, passèrent par le camp de Drancy).
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Grothendieck
-
C'est le génie qui monte en régime.
- Ça n'est que le tout début. On l'intègre au CNRS, mais sa situation d'apatride l'empêche d'accéder à la fonction publique, d'obtenir un poste de professeur. Pour devenir français, il lui faudrait faire son service militaire. Il refuse.
-
Il ne fera jamais ce service militaire français?
- Je me souviens d'une phrase qu'il m'avait dite un jour: «Je préférerais être fusillé que de porter un uniforme. » Et chez lui, ça n'était pas un vain mot.
Similitudes de deux destins -
On voit se dessiner des choses qui ont pu vous rapprocher.
- Même enfance chaotique. Mon propre père, après avoir combattu pendant la guerre d'Espagne, mais dans le camp franquiste, disparaît pendant la guerre. C'est un marrane3, issu d'une famille catholique bigote. Mais ... il s'appelle Lévy. Pendant la guerre, ma mère falsifie mon état civil et j'ignorerai le nom de mon père jusqu'à mon adolescence, nom que je découvre à l'occasion d'un recensement qui m'amène à aller chercher un extrait à ma mairie de naissance où le nom de Jean-Pierre Petit s'avère inexistant.
-
Mais vous portez quand même ce nom?
- J'ai dû récupérer mon véritable patronyme de Lévy en entrant à Supaéro. Mais là, je me suis trouvé sollicité par« les véritables Juifs», sionistes, qui ne comprenaient pas pourquoi je ne prenais pas de cours d'hébreu. J'ai fini par aller au Conseil d'État en disant à l'employé: «Donnez-moi n'importe quel nom: Dupont, Durand, je m'en fous, mais entre les sionistes militants de Supaéro et ma famille catholique bigote, j'en ai franchement marre de tous ces gens. » 3. Au xv" siècle, la reine Isabelle la Catholique décide d'expulser les Juifs d'Espagne et leur propose un choix drastique : la conversion ou le bûcher. Ceux qui choisissent la première option deviennent des marranes. On trouvera en Espagne des révérends pères Cohen et des monscigneurs Lévy( ... ).
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-
Autrement dit, vous êtes un peu apatride da.ns votre genre?
- Alexandre et moi avions d'autres points communs. Nous étions idéalistes, parfaitement au courant de ce que représente l'armée dans tous les pays, quand celle-ci est au service du pouvoir et des puissances d'argent. Nous étions tous les deux de gauche, bien que ce mot ne signifie plus rien en France, aujourd'hui. Très tôt, Grothendieck avait été écologiste militant et connaissait mes positions d'antinucléaire. De plus, il était sans illusion sur le sens moral des scientifiques en général.
-
Vous étiez d'accord à peu près sur tout, en que/,que sorte.
- Mais il n'y avait pas que cela. Il y avait aussi des aspects scientifiques. Son fils Mathieu pourrait en témoigner. Avant de me connaître, Alexandre considérait que le sujet ovni ne méritait pas qu'on s'y intéresse. Mais par la suite, après qu'on en a longuement discuté, il a changé d'avis.
Grothendieck parraine notre association ovni ! - Et c'est là qu'il a accepté de parrainer l'association GESTO, que Perrin de Brichambaut et moi venions de créer, en 1988.
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Grothendieck
Je, soussigné, déclare me joindre au comité de soutien de l'association du Groupe dEtude Scientifique des Traces liées au phénomène Ovni.
Profession, fonction, titres, grade :
Date, signature
------·,,Téléphone___
Document à Retourner au siège de l'association GESTO, • • • •
-
GESTO, qu'est-ce que ça voulait dire?
- Au moment de la sortie de mon premier livre4, Perrin de Brichambaut m'avait dit: «Pourquoi ne pas essayer de monter une association orientée ovni. Nous recueillerons peut-être l'appui du public?» Sceptique, on l'avait donc créée tous les deux. Initialement, elle devrait s'appeler le Groupe d'étude scientifique des traces associées aux phénomènes ovnis. On dépose les statuts en préfecture. Puis j'appelle Perrin:
4. Enquête sur les ovnis, Albin Michel, 1988.
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~ ~
-
Christian, on a un problème avec l'association.
~
-Lequel? ~ - Prenez son nom et regardez l'acronyme correspondant, c'est ~ déjà pris. ~ ~ - Une seconde... oh merde! -
Quel était le problème?
- Regardez la suite des lettres. Ça donne GESTAPO! C'était trop tard pour changer le nom de l'association. Alors, on a contracté en GESTO.
- Ça ne s'invente pas. Mais vous avez donc ressorti, 27 ans après, cette lettre manuscrite d'Alexandre Grothendieck, parrainant une association vouée à lëtude des ovnis. Des gens vont dire, ceux-là même qui viennent de donner à un des amphis du prestigieux Institut des hautes études scientifiques de Bures-sur-Yvette le nom de «salle Alexandre Grothendieck», qu'il a eu un moment de folie. Ça fait beaucoup. Un des plus grands mathématiciens du xJf siècle parraine votre démarche. Lichnerowicz présente vos notes à l'Académie des sciences de Paris. Souriau, qui n'est pas le premier venu non plus, travaille vingt ans avec vous. Et, j'en ai été témoin, le CNRS vous considère comme un makule mental.
Les idées d'un «chercheur non standard» - Ça va beaucoup plus loin, et j'ai regretté, au moment de mon départ en retraite, de n'avoir pas demandé de pouvoir faire, au CNRS, une copie de mon épais dossier et d'en faire un CD.
-
Qu y a-t-il dans ce dossier?
- D'abord, vous trouverez une liste interminable de projets de recherche, détaillés, chiffrés, qui restèrent sans réponse. Il y en avait à tous les prix, même extrêmement modestes, et dans tous les domaines, comme celui de réaliser un dessin animé sur le retournement de la sphère, dès 1975. Il y avait aussi le premier logiciel de conception assistée par ordinateur, de« CAO», en 1978, au temps où j'avais fondé et dirigé le premier département de micro-informatique à la faculté des
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Grothendieck
lettres d'Aix. Je suggérais que ce logiciel pourrait servir à créer des images de synthèse dans différents domaines, dont la chimie et l'architecture.
-
Bref, vous inventiez le CD-ROM avant la lettre.
-
Ça, et tellement d'autres choses.
- Ça y est, j'ai de nouveau fait tomber un nouveau «tiroir» de l'armoire jean-Pierre Petit... - Mon logiciel, dont le listing imprimé mesurait trente mètres de long, utilisait la technique de la «mémoire virtuelle», comportait un «modeleur» sophistiqué, qui reconnaissait automatiquement la topologie des objets. Certains se souviendront de sa première version, publiée dans le livre Pangraphe. Sous sa version plus élaborée «Screen », j'en ai vendu 2 500 exemplaires par correspondance. Mais ce que je voulais, c'était qu'il soit intégré, gratuitement, dans les cycles d'étude de la géométrie, au sein de !'Éducation nationale. Je diffusais aussi sa version en Basic, extrêmement lisible, qui était une extraordinaire initiation à la géométrie des espaces tridimensionnels, et à l'informatique en général.
Image du modèle central du retournement du cube, créée par mon wgiciel d'imagerie 3D5.
5. Pour voir l'animation, aller tout en bas de la page d'accueil du site www.jp-petit.org.
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OVNI
-
Et il ny a pas eu de suites?
-
À l'époque, c'était complètement en avance. Avec tristesse, je dirais
que ... c'est la France. J'ai cherché à offrir tout cela, gratuitement, y compris par exemple au musée de la Villette.
-
So'US quelle forme?
- r avais conçu un système qui permettait de voir et de dessiner dans l'espace. L'Apple II pouvait afficher en alternance deux images se succédant à quelques dixièmes de seconde d'intervalle. Ça permettait de mettre sur un écran en alternance les visions « œil droit» et «œil gauche »6. Si on synchronisait avec des lunettes où l'occultation était opérée par des cristaux liquides, qui venaient d'apparaître sur le marché, on pouvait voir en relief sur l'écran. Ça a fini par exister, beaucoup plus tard.
-
Mais comment... dessiner en 3D?
- Il suffisait de regarder à travers un système optique comportant deux miroirs semi-transparents, disposés à 45°. En disposant deux écrans sur les côtés, présentant les images «œil droit» et «œil gauche», l'utilisateur pouvait à la fois voir sa main, porteuse d'un stylet et un point lumineux, «flottant dans l'espace», collé à la pointe de ce stylo. Quand on «faisait sortir l'encre», le tracé semblait s'inscrire en 3D, dans l'espace.
-
Mais ça n'existe pas encore, tout cela?
- Il y a des tas de choses que j'ai inventées et développées, qui ont fini par exister, comme les calculateurs de décompression, pour les plongeurs, qui plongent désormais avec « un ordinateur» au poignet, et d'autres qui n'existent pas encore, comme la machine «à dessiner dans l'espace».
-
Quand vo'US inventiez des choses comme celles-là, vo'US faisiez quoi?
- ]'essayais de rencontrer des gens. Mais ça ne passait pas, parce que c'était trop en avance. Mon programme de calcul de la décompression 6. La première version utilisait des caches rotatifs, défilant devant les yeux, dont le mouvement était synchronisé avec l'ordinateur, l'ensemble portant le nom de stéréocyclette.
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Grothendieck
pour la plongée a été accueilli avec des yeux ronds par des industriels. En France, on se dit immédiatement que si ça n'existe pas déjà à l'étranger, c'est suspect.
-
Et à la Villette?
- J'ai présenté Pangraphe sur Apple Il, montré qu'un gamin de dix ans, utilisant ce logiciel, pouvait créer en un tournemain une station spatiale, un avion futuriste, un bâtiment, un temple grec. J'avais suggéré de créer une salle avec des Apple en batterie, et au bout une table traçante permettant aux gamins de repartir avec leurs créations. Le logiciel aurait été distribué gratuitement sur des floppy disques 5 pouces, les seuls qui existaient à l'époque et pouvaient héberger ... 120 K!! J'avais suggéré que le musée offre un Apple chaque mois, au jeune gagnant d'un concours de création 3D.
-
Et alors?
- Comme d'habitude: rien. Je n'oublierai pas la phrase d'un des dinosaures de l'informatique de la Villette qui, après avoir vu ma démonstration m'a dit: «Mais comment assurerez-vous la maintenance d'un tel logiciel?» Je repense aussi à une autre phrase d'un collègue et ami chercheur, qui avait assisté à la présentation et à la scène, et qui m'avait dit: «Ton drame, Jean-Pierre, c'est que tu n'es pas assez cher! »
- ]'imagi.ne que vous avez proposé d'autres idées au musée de la Villette? - Ils en ont plein leurs canons. Il y en a une que j'aurais bien aimé voir réaliser. Imaginez qu'on vous amène dans un ascenseur de forme cylindrique. Il n'y a que deux boutons. Vous pressez sur l'un qui vous emmène dans un sous-sol. Vous ouvrez la porte et vous prenez place sur une promenade circulaire entourant le cylindre contenant la cage de l'ascenseur. Devant vous, un spectacle étrange. Vous voyez une fontaine où l'eau, au lieu de ruisseler sur des marches, vers le bas, remonte. Au loin de cette salle, également de forme cylindrique, une statue du Manneken-Pis belge. Celui-ci pisse, mais à côté de la boîte! Et tout est à l'avenant. On vous suggère de lancer des fléchettes vers une cible, mais vous la ratez systématiquement. La-trajectoire des fléchettes dévie de côté, de manière incompréhensible.
-
Vous modifiez la courbure de l'espace, ou quoi?
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- Presque. Quand le visiteur emprunte l'ascenseur, celui-ci se voit imprimer un très léger mouvement de rotation, imperceptible. Ce qui fait que quand son passager prend place dans la passerelle circulaire il est face à un décor qu'il croit fixe, mais qui est soumis à la force centrifuge7 • C'était très facile à réaliser. Mais si je vous citais tout ce que j'ai proposé là-bas, il faudrait un livre entier. Mes bandes dessinées sont remplies de manips qui auraient pu figurer dans des musées ou des parcs de loisirs orientés science.
Trop en avance, comme d'habitude -
Mais au CNRS?
- C'est pas mal non plus. En cette fin des années soixante-dix, je dote un de nos Apple II d'une carte d'extension mémoire qui multiplie celle du micro (48 K à l'époque), par huit. Cela permet d'y stocker 36 images (de 8 K chacune!). On peut alors les enchaîner à l'écran et les présenter à l'aide d'une molette8• Cela donne une animation (comme celle du modèle géométrique correspondant au mien, plus haut). On pouvait ainsi faire le tour d'un village, avec quelques bâtiments, une église. Le tout avec« parties cachées éliminées». Je passe à TF1 et je montre ça. Les spécialistes se disent: «Comment parvient-il à faire calculer un Apple aussi vite?» Mais c'était une volée d'images précalculées9•
-
Autrement dit, le CD-ROM avant la lettre.
- Je reçois un appel téléphonique d'un type qui me dit: «Le directeur général du CNRS a vu votre passage à la télévision et m'a demandé de prendre contact avec vous. J'ai été chargé de créer une unité de micro-informatique au CNRS.» Je lui envoie aussitôt la disquette avec mon logiciel. Quand j'arrive, je le trouve dans un bureau ... vide, et il me dit: «Je n'ai pas pu vous répondre, parce que ma secrétaire était 7. Et quand le Manneken-Pis pisse à côté de sa boîte, ou que les fléchettes dévient, c'est à cause de la force de Coriolis. 8. Le « paddle »: la souris n'avait pas encore été inventée. 9. 20 minutes de temps de calcul pour chaque image!
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Grothendieck
maladc 10• »Il ne connaissait rien à la programmation, rien aux micros et ne semblait guère disposé à s'y mettre. C'était un ... administratif, un de plus. Il n'y a eu aucune suite.
-
Et ailleurs?
- Vous croyez que c'est facile quand on habite le Midi et que pour toute rencontre on doit se payer un billet de train et une nuit d'hôtel à ses frais?
- ]'oubliais. - Je repense à une autre scène. Un jour, Madelin 11 , qui était alors ministre de la Recherche et de l'Industrie 12 , invite au ministère la douzaine de pionniers de la micro-informatique, dont j'étais. Je fais devant lui une démonstration de mon logiciel Screen, qui le laisse de marbre. Madelin nous sort un baratin de ministre. J'ai eu envie de lui dire: «Vous êtes devant des spécialistes en informatique, pas devant des téléspectateurs. Sortez-nous autre chose que ce discours électoral!» Je suis resté seul, à emballer mon matériel, avec son attaché ministériel. ~ ~ ~
-
On peut dire que ça a été un bide complet!
-
Oui, ça anive...
- Remettons dans le placard du «fou» jean-Pierre Petit ce tiroir «micro-informatique». On en était à votre dossier au CNRS. - Un jour, un type arrive à l'observatoire avec mon dossier en main. Un truc de dix bons centimètres d'épaisseur, que j'ai eu alors l'occasion de parcourir. Et je finis par tomber sur un échange de courriers entre la direction générale et un expert nord-américain en mécanique des fluides, à qui on avait demandé son avis vis-à-vis de mes différentes activités. Il commence par noter la grande variété de domaines que j'ai abordés puis, il écrit une phrase, que je reproduis de mémoire: 10. Il n'y avait évidemment pas à lépoque de messagerie électronique. Les logiciels de traitement de texte démarraient à peine. Ceci alors que dans le service que j'avais créé à la fac d'Aix, les étudiants tapaient leurs mémoires et thèses sur nos machines, puis les imprimaient sur «une imprimante à marguerite », toute nouvelle sortie. 11. https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Madelin. 12. Armé d'une simple licence de droit, ce politicien professionnel ne connaît évidemment rien à la science et à la technique, comme nombre d'autres qui lui succéderont et occuperont son poste.
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~
-je ne vois aucune bizarrerie dans tout cela. Ce type me ~ paraît avoir toute sa tête13• ~
- j'ai du mal à y croire. Confronté à cette idée de vol supersonique sans ondes de choc, le CNRS a sollicité un expert étranger en lui demandant si vous n ëtiez pas devenu fou! je finis par me demander si, quand le directeur général du CNRS que j'avais questionné à votre sujet m'avait dit «Petit? C'est un fou!», sa phrase ne traduisait pas réellement le fond de sa pensée. Par contre, rencontrant un autre «fou» comme Grothendieck, vous ne pouviez que vous entendre. - Y compris sur le plan scientifique. Vous pourrez questionner son fils, Mathieu, qui vous dira que son père n'aurait jamais cautionné une démarche scientifique s'il ne l'avait pas analysée et considérée comme solide. Mais il y a plusieurs façons d'être qualifié de fou. L'une d'elles est de refuser de collaborer avec l'armée. Très rapidement, Grothendieck était devenu la vedette incontournable de l'IHES, lieu où séjournent automatiquement les personnalités scientifiques de premier plan qui arrivent en France. Les mathématiciens du monde entier ne voulaient qu'une chose : rencontrer la vedette «française», Alexandre Grothendieck, par ailleurs toujours apatride.
Grothendieck claque la porte de l'IHES - Le mathématicien Léon Motchane avait fondé l'Institut des hautes études scientifiques, l'IHES, en 1958, sur le modèle du célèbre lnstitute for Advanced Sciences de Princeton14• Avec le mathématicien Dieudonné, Grothendieck fut un des premiers professeurs attachés à cet établissement et sa vedette pendant dix ans. Les archives montrent que l'armée avait au fil du temps opéré une entrée discrète dans la maison, en réussissant à fournir 3 % de son budget. Quand il le découvrit, Grothendieck entra dans une rage folle.
13. I don 't see any strangeness in it. This man is in normal mental condition. 14. Au sein duquel on compta Einstein, Gôdel, Oppenheimer, Von Neumann, etc.
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Grothendieck
~
- Pas question d'accepter cet argent! Tant que je serai à ~ l1HES, l'armée n yposera jamais un orteil ~ ~ - Tous les collègues sont d'accord... ~ - Très bien, soumettons cela à un vote. ~
Dès le lendemain, les chercheurs sont sollicités et une majorité approuve l'accueil de ce premier crédit de l'armée. Grothendieck ne dit pas un mot. Son visage est glacial. Il va dans son bureau, rassemble quelques affaires, puis quitte l'IHES. Le lendemain, des visiteurs font antichambre devant la porte, en vain. Même chose les jours suivants. Son téléphone reste muet. Une délégation de chercheurs finit par se décider à se rendre à son domicile. L'appartement est vide, et porte une pancarte «à louer». La propriétaire confirme. Grothendieck n'avait pratiquement rien comme mobilier et effets personnels. Il a tout vidé, a soldé le loyer et est parti.
-
Il a toujours été connu pour ses réactions imprévisibles.
- C'était l'attitude d'un homme sans concessions, qui ne connaissait que trop bien le grand flirt empoisonné liant le monde de la recherche dite fondamentale et l'armée, depuis la Seconde Guerre mondiale.
-
Pourquoi fa.ire démarrer cette liaison à cette époque?
La fin de la
«
recherche pure »
- Avant, il existait un certain secteur qui se revendiquait en tant que «recherche fondamentale» axée sur «la connaissance». Un des meilleurs exemples est la physique nucléaire à ses débuts. En 1905, le Néo-Zélandais Ernest Rutherford15 met en évidence l'existence de l'atome. À la veille du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, l'Angleterre s'inquiète du développement par les Allemands d'armes nouvelles, comme les sous-marins, les torpilles. Rutherford est convié, avec plusieurs collègues, à une réunion où on demande aux «savants» s'ils n'auraient pas quelques idées propres à assurer la défense du pays. Et le Néo-Zélandais rétorque: 15. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ernest_Rutherford
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~
- Nous n'avons que faire de vos querelles entre pays. Nous
~ cherchons, nous, à percer les secrets de l'univers, à découvrir
~ la nature de la matière. Pour ce que vous évoquez, voyez vos ~ ~
~
ingénieurs.
- Autrement dit, il croyait que la physique nucléaire était une science «pure», sans aucun rapport avec le «technique »16• - Ces « savants » étaient pour ces différents pouvoirs des gens impossibles. Quand la guerre de 1914-1918 éclata, un chercheur anglais, James Chadwick17 , élève de Rutherford, se retrouva coincé en Allemagne. Il y fut donc interné jusqu'à la fin du conflit. Mais pendant les années où il resta« prisonnier des Allemands», ses collègues Nerst et Rubens lui fournirent du matériel pour qu'il puisse continuer ses recherches en physique de l'atome. La fin de cette guerre fut saluée par Rutherford, et en général par une «communauté de savants» comme l'arrêt de «cette bêtise». Et il faut bien convenir que c'en était une. Avant le déclenchement du conflit, les Anglais détenaient un stock de radium, essentiel pour les recherches, provenant de la mine de Joachimsthal, en Autriche. Celui-ci n'avait pas été payé aux Autrichiens. Rutherford réclama que cela soit fait, mais le gouvernement anglais lui répondit que ce radium était une «prise de guerre». En réponse, Rutherford organisa une collecte dont il fit suivre le profit à l'institut autrichien vis-à-vis duquel l'Angleterre était en dette. Son directeur l'en remercia avec chaleur, en lui disant que cela permettrait de voir redémarrer les recherches de physique nucléaire dans son pays.
-
Avec le recul c'est surréaliste.
- Il faut se dire que dès la fin de la guerre de 1914-1918, les «savants» se hâtèrent de se retrouver dans ce centre de gravité scientifique qu'était l'université de Gottingen, en Allemagne, après« tout ce temps perdu».
16. Les mathématiciens croyaient aussi que leur discipline était une pure acrobatie intellectuelle. Quand Hilh
m!1>= + m >O
Et l'énergie cinétique du couple est conservée !
1
-2
m(1) \Y(1) I 2 +
1
-2
m(2) V.(2)2
=Cst
18. Qui est aussi un des grands noms de la cosmologie de la fin du millénaire précédent.
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L'incroyable découverte
Tout cela est ingérable et le modèle sombre dans l'absurde. On a dès lors abandonné cette idée de mettre des m~ négatives dans l'univers.
- Et cela, pendant soixante années, jusqu a la publication de votre premier article dans Astrophysics and Space Science, en 2014. -
Ça a été publié, mais encore faut-il que la communauté scientifique
en accepte l'idée.
- Comment avez-vous fait pour introduire ces masses négatives dans lëquation d'Einstein? On a montré, me dites-vous, que cela conduisait à l'ingérable phénomène runaway . - Avec une équation de champ, effectivement, rien à faire. Il en faut deux.
Le modèle cosmologique «Janus» -
Deux équations de champs?!
Et celle d'Einstein n'est que l'une des deux. J'ai proposé ça dès 1994 et ça a été publié dans la revue italienne de haut niveau Nuovo Cimento.
-
Rµv -
!2 R Rµv
=
-v[ Tc+>+ µv V~ g T µv
l
-v[.~. g.< .+> . r + g,.. feniq...
apol'lldlq.... ObMMilion du 1 nws 2016 0:63 UTC
.._......
................
,..._
...
t _ 1 ' _ 1__
Les signaux spectraux montrent que ce qui émet, c'est du fer, du magnésium. C'est typique d'une rentrée de météorite ferrique. Un tel spectre pourrait être, plus simplement, capté à l'aide de son téléphone portable par quelqu'un qui est confronté au phénomène ovni. Nous pensons que si cent mille téléphones pouvaient ainsi être équipés, on pourrait espérer disposer d'un spectre par semaine. Ça ne peut fonctionner qu'à grande échelle. C'est une question de statistique. Nous espérons ainsi que cette idée, cette technique, sera récupérée et développée ailleurs. On peut très bien imaginer qu'un fabricant japonais se mette à produire ce type de gadget, par ailleurs d'un coût dérisoire, susceptible d'équiper des téléphones. Voire de lancer la fabrication de téléphones carrément équipés de ce dispositif, en quelque sorte des « u-phones ».
-
Qu.elle information espéreriez-vous capter à l'aide de spectres?
- On dispose de plusieurs vidéos où les témoins ont filmé la dématérialisation d'un ovni. Sur certaines, la machine émet une lueur. Nous pensons que c'est lié à l'émission d'une bouffée de gaz, dans lequel la machine concentre une énorme quantité d'énergie et vous imaginez que nous donnerions cher pour savoir quel est ce gaz. Nous avons simplement des idées sur ce sujet.
- En revenant au thème général de ces caméras assurant une surveillance de l'ensemble du ciel est-ce que le service du Cnes n'envisage pas d'utiliser cette technique des caméras FRIPONpour traquer le phénomène ovni?
265
OVNI
- UFO-catch est directement branché sur l'ordinateur de l'utilisateur, à travers une entrée USB. Celui-ci saura donc immédiatement quand une détection se sera produite et pourra avoir accès aux données. Les caméras FRIPON, elles, sont couplées «à des ordinateurs sans clavier ni écran», qui transmettent alors directement leurs données au système central de gestion. Disons que la philosophie est différente. La personne qui a un système FRIPON sur son toit n'a pas accès aux données et n'est pas avertie quand une détection est opérée. UFO-catch revient à faire intervenir activement le grand public, en fait n'importe quel individu qui voudra participer à cette traque, plutôt que de faire confiance à un service officiel, pour que celui-ci se charge de ce travail.
-
Comment voyez-vous l'impact possible de ce «plan UFO-catch »?
- Aucune idée de ce que cela donnera. En nous situant dans la rationalité, nous avons de quoi créer une réaction forte, dans tous les milieux, et sur de nombreux plans. En employant une image: nous essayons d'allumer un feu de forêt avec des allumettes. Le bois sera-t-il sec ou trop humide pour que cela démarre? Par expérience, j'avoue que je suis enclin à un certain scepticisme. Nous verrons.
-
Il y avait quand même eu une réaction très forte, en 1991, à la suite de la parution de votre livre, qui est devenu en peu de mois un best-seller.
- C'est vrai. L'ouvrage avait suscité des réactions. Une émission avait en particulier été montée, sur la Cinq, dont le but était de me décrédibiliser. Si vous faites l'inventaire du plateau, vous verrez qu'on avait réuni pas mal de gens : astronomes, ufologues, et même un sociologue qui, sans doute absorbé par ce dont il était témoin, n'a pas pris la parole. Mais 1'émission n'a pas «fonctionné» comme prévu. Aidé par Benveniste, je me suis défendu comme un beau diable, agissant à chaque fois pour faire revenir le débat dans le terrain des sciences dures.
L'étrange comportement des ufologues - Ce qui est curieux, c'est que les ufologu,es, apparemment, étaient unanimes pour renvoyer cette affaire a'UX oubliettes.
266
En guise de résumé
- Bien sûr. Je mettais la barre soudain très haut. Ils se sont dit: «Si l'étude du phénomène ovni implique d'avoir de telles connaissances scientifiques, alors nous allons nous retrouver hors jeu. Vite, combattons ce personnage. » C'en est au point qu'on n'a trouvé dans ce «milieu ufologique » que des réactions de rejet. Et cela, même parmi les « ufologues-savants », c'est-à-dire les quelques rares universitaires qui affichaient leur intérêt pour le sujet ovni. Il y en a même un qui a tenté de démolir mes travaux de cosmologie, mon modèle de cosmos à vitesse de la lumière variable à travers la publication d'un article.
-
Dans une revue scientifique?
- Non, dans une revue ufologique. J'ai dû répliquer et montrer qu'il n'avait rien compris.
-
Pourtant vous étiez dans le même camp?
- Il faut croire que non. Moi j'essaye de faire émerger plus de vérité, mais ceux-là songent surtout à utiliser ce sujet pour se faire mousser. À cette époque, je devenais un concurrent, tout bêtement. C'est simplement une question d'ego. À part cela, il m'est arrivé antérieurement, à l'occasion de la vague belge, deux ans plus tôt, de me voir interpellé en public par un astrophysicien. Dans ces cas-là, la réponse est simple. J'ai dit à ce collègue: «J'ai publié ces travaux dans la revue Modern Physics Letters A. Les revues publient des commentaires de lecteurs scientifiques. Si vous avez des critiques à formuler, mettez-les noir sur blanc et envoyez cela sous forme d'une lettre à la revue. Si ces critiques sont scientifiquement étayées, ces gens les publieront. Si vous le faites, c'est que vous avez quelque chose à dire. Sinon, c'est que vous n'avez pas d'arguments à présenter.»
-
Il a publié quelque chose?
- Non, rien. Et évidemment ce genre de réplique porte. C'est pour cela qu'on ne se bouscule pas pour formuler à découvert des critiques sur mes travaux.
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OVNI
Ovni, attention danger ! - Revenons à 1991. Vous êtes assez vite parti donner des conférences au Canada français, sur invitation.
-
Là, il s'est passé une chose qu'il convient de signaler. Aux États-
Unis, le sujet ovni est tout de suite beaucoup plus chaud. Ainsi, les témoins de l'affaire de Roswell ont tous rapporté qu'à l'époque on leur avait dit que s'ils parlaient, on les tuerait, ainsi que leur famille, ce qui fait que certains ont attendu de longues années avant de parler. Au Canada, à l'issue des conférences que j'ai données, des spectateurs sont venus vers moi et m'ont dit: «Monsieur Petit, je crois que vous ne réalisez pas que vous êtes ici à 50 km des États-Unis. Il y a sûrement des types de la CIA dans la salle. En France, vous pouvez peut-être tenir de tels propos. Mais ici, à la douzième conférence de ce genre, un type décrochera un téléphone et vous serez effacé. » Même s'il existe une distance géographique, les USA gardent un œil sur tout ce qui bouge dans le monde, concernant le phénomène ovni. Il ne faut pas oublier que pour dégonfler la vague belge, ils ont grillé leur avion furtif, le F-117A, dont tout le monde ignorait l'existence avant que Science et Vie ne mette sa photo en couverture, avec en grosses lettres «L'ovni, c'est lui!», un article signé par le journaliste aéronautique Bernard Thouanel. L'article expliquait que les lumières en triangle étaient celles de ses phares d'atterrissage.
- Mais vous avez aussitôt contre-attaqué d'une manière spectaculaire, en passant chez Poivre d'Arvor avec une maquette de l'appareil que vous aviez réalisée et dont vous aviez aussitôt percé tous les secrets, de par vos compétences d'ingénieur de l'aéronautique. Je vois encore Poivre faisant signe à son cadreur de «serrer» sur cette maquette. Vous aviez tout compris sur la furtivité de l'appareil sa tuyère en bec de canard, pour diluer les gaz et réduire sa signature thermique. Un véritable scoop. - Du coup, cela ne cadrait plus du tout avec les observations faites par exemple par des gendarmes belges, qui parlaient de vol stationnaire silencieux, etc.
- Et vous aviez dit, je men souviens, qua la vitesse à laquelle cet appareil aurait été censé évoluer, il aurait eu la portance d'une boule de pétanque.
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En guise de résumé
De plus, vous vous étiez procuré ses caractéristiques techniques dans une revue américaine, qui indiquait« que le F-117 nefaisait pas plus de bruit qu'un petit biréacteur d'affaires». À basse altitude, ces appareils sont loin dëtre silencieux. - Ce que nous allons faire avec ce livre c'est bien plus que de donner écho à de nouveaux témoignages. Il y en a déjà en nombre plus que suffisant. Il suffit de penser aux lumières de Phoenix27• Là, on diffuse les plans complets d'un «piège à ovni», UFO-catch, que n'importe qui pourra monter, dans n'importe quelle partie du monde. Mais au moment où nous terminons de composer ce livre, véritable opération de la dernière chance, tout dépendra à la fois du comportement des médias, et de la réaction du public, de l'homme de la rue, puisque c'est à lui que nous faisons maintenant appel pour sortir cette recherche de la vérité de l'ornière. Sans vous, nos chances de percer ce mur médiatique sont nulles. Vous êtes notre seule chance. Je ne compte aucunement sur une réaction émanant du monde scientifique. La mise en ligne de mes travaux scientifiques, sur mon site Internet, et c'était là ce qui m'avait incité à le créer, n'a provoqué aucune réaction, je dis bien aucune en plus de dix années, de la part de collègues scientifiques, français ou étrangers. La réaction du public reste l'inconnue. En lui demandant de participer activement à cette traque, nous le plaçons devant ses responsabilités: «Voulez-vous une vérité qui risque de vous déranger ou continuerez-vous à préférer un mensonge qui vous rassure? »
- Si votreprojetfonctionne, vous allez déranger du monde. Cela rappelle ce quis ëtait passé quand Coluche sëtait porté candidat à la présidence de la République et avait obtenu 7 % d'intentions de vote. Il avait alors reçu des menaces de mort de tous côtés, le concernant, ainsi que les membres de sa famille. - Je me souviens très bien que j'avais reçu des menaces téléphoniques en 1991, formulées avec une voix doucereuse: «Vous commencez à 27. En mars 1997, la ville de Phoenix, Arizona, a été survolée par un ovni immense. Désinformation immédiate par la bouche du gouverneur, qui avouera dix années plus tard qu'il avait lui-même été témoin du phénomène, que cela ne pouvait pas être des feux de balisage (des jlares) et qu'il avait lui-même mené cette opération de désinformation «par crainte que cela ne provoque la panique dans la population».
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déranger des gens puissants, je vous avertis. » Mais aujourd'hui il y a Internet. Si j'étais l'objet de menaces, d'où qu'elles viennent, sous quelque forme que ce soit, j'en ferais aussitôt état. L'enjeu humain est trop important. Pas question de reculer.
-
Même chose pour moi.
- Si l'opportunité se présente, nous chercherons à donner à ce mouvement un écho mondial, en commençant par les États-Unis, avec les risques que cela présentera. Ce genre de cynisme impitoyable est d'ailleurs évoqué dans un des épisodes de la série Taken de Spielberg, quand l'homme des services secrets, le capitaine Crawford, enlève un enfant qui se trouve être le résultat d'une hybridation entre une femme et un être venu d'une autre planète. On le voit téléphonant à un de ses adjoints en lui disant: «L'enfant m'obéira. Je lui ai dit que s'il refusait, je tuerai sa mère.» Je pense aussi à une autre séquence où ce sont ses deux adjoints qui projettent d'enlever ce gamin, que sa maîtresse d'école est en train d'emmener au loin dans une voiture. L'un dit à l'autre: «Mets-toi à sa hauteur en la doublant, comme ça je pourrai la tuer.» Et tout cela ressemble à de la fiction. Je pense aussi aux médecins qui, sous prétexte de soigner un homme en détruisant un implant qu'il a dans le cerveau, vont tout simplement le tuer pour récupérer l'objet.
- Est-ce que Spielberg ne dispose pas d'informations qui lui ont permis de se rendre contre des aspects effrayants d'une telle situation? Ce contexte évoque simplement lefait que des gens peuventfoire n Ïmporte quoi sous le prétexte que c'est un impératifde défense nationale. Comme, par exemple, détourner un avion de ligne en vo/28, pour éviter qu ïl arrive à destination porteur d'un objet, ou d'un programme« intéressant la. défense nationale» et le foire atterrir en un lieu où passagers et équipage sont tués et l'avion détruit. Bien. Nous allons publier le livre. Je ferai de mon mieux pour déclencher des échos médiatiques, pour provoquer des face-àface avec des interlocuteurs, en commençant par Hawking, si foire se peut. 28. Aujourd'hui, les avions de ligne transmettent en continu toutes les informations concernant leurs paramètres de vol à un système de satellites. Il a été démontré qu'à l'inverse, via ce système satellitaire, il était possible de prendre le contrôle complet d'un appareil. Un piratage facilité quand on dispose des «données constructeur» concernant l'informatique embarquée.
270
En guise de résumé
- Je vous suivrai. Nous ne pouvons préjuger de ce qui se passera. Mais, rappelez-vous 1977. Votre livre devenait un best-seller. Avouez que vous avez réellement cru à cette époque-là que les choses allaient bouger.
- J'en conviens. - Mais cette année-là, le service du Cnes a été créé. Ça a totalement détourné l'attention.J'ai moi-même été incité à me retirer de la scène médiatique par P., qui m'a dit: «Plus vous serez discret, plus on pourra vous aider. »
-
On a vu ce que ça a donné!
- Il a fallu des années pour comprendre en quoi consistait cette «aide». Sur le moment, on ne pouvait pas savoir ce qui se cachait derrière tout cela. Aujourd'hui, on ne pourra pas nous refaire le coup. Quels que soient les risques, je me battrai.
-
Moi aussi.
- Ça n'est rien d'autre que notre dernière chance d'échapper à cette chape de mensonge. Tout dépendra de l'appui, de la réaction du public. Je ne sais pas si ce plan UFO-catch réussira. Tout dépendra de l'argent qui pourra être récupéré par la vente de ce livre, et des dons que nous pourrons collecter, l'ensemble étant intégralement versé au compte de l'association UFO-science, qui gérera cet argent29• Mais une chose est sûre. Vous êtes né en 1941, moi en 1937. Si nous ne faisons rien, dans dix ou quinze ans, vous et moi, nous serons très probablement morts. Mais le service du Cnes continuera d'exister, avec un dixième ou douzième responsable, en récoltant des procès-verbaux de gendarmerie.
29. Le site de l'association: http://www.ufo-science.com/wpf/.
271
ANNEXE I
MHD
Traduction française de l'article présenté en octobre 2010 au colloque international de MHD de Jéju, Corée du Sud, et publié dans la revue scientifique Acta Physica Polonica en mars 2012. Les plasmas fuient les régions où le champ magnétique est élevé. C'est comme cela qu'on les «confine». Autour d'un aérodyne MHD, le gradient de champ magnétique tend à souffler la décharge électrique au loin. On crée donc une configu.ration telle que le gradient de champ, près de la paroi, se trouve inversé. Celui-ci plaque alors la décharge contre celle-ci, très efficacement. Expérience réussie au premier essai dans le garage de jean-Christophe Doré, à Rochefort, puis présentée au colloque international de MHD de ]éju, Corée du Sud. Entre l'unique expérience et l'acceptation du papier: 10jours. Un record.
273
WALL CONFINEMENT TECHNIQUE BY MAGNETIC GRADIENT INVERSION
J.-P. PETIT3°, J.-C. DORÉJ LAMBDA WORATORY,
1
FRANCE32
On concrétise expérimentalement le système de confinement pariétal par inversion de champ magnétique, présenté dans un précédent article. On évoque le programme de recherche qui va suivre. Le présent papier consacre le succès de l'expérience dont les principes
avaient été présentés dans un précédent article paru dans la revue en 2008 [15]. Dans un plasma soumis à un champ magnétique transversal, la conductivité électrique s'écrit comme ci-après, où cr, est la conductivité électrique scalaire et ~ le paramètre de Hall.
30. Directeur de recherche. 31. Responsable expérimentation. 32. Adresse : 8, bd F. Buisson - 17300 Rochefort.
275
OVNI
O=Os
1 1+ J32
-f3 1 + f32
_f3_ 1+ f32
1 1 + f32
Fig. 1: Conductivité électrique en présence d'un champ magnétique transversal Quand ce dernier reste faible, la présence du .champ magnétique modifie peu la valeur locale de la conductivité. Dans le cas contraire, une décharge électrique aura tendance à emprunter un chemin où le champ magnétique est plus faible, de manière à ce que la résistance électrique globale du streamer de courant soit minimale. Considérons une expérience où on cherche à faire circuler, dans de l'air à basse densité (20 millibars) une décharge entre une électrode inférieure, continue et une électrode supérieure, segmentée (pour obtenir une distribution du courant axisymétrique). Ici, un champ d'une valeur maximale de l'ordre de 1 000 gauss est produit par un simple aimant permanent. La faible valeur de la pression, donc de la fréquence de collision des électrons lourds, permet, avec ce champ, d'obtenir de fortes valeurs du paramètre de Hall (dans les expériences ultérieures ce champ sera produit par un solénoïde). Les lignes de champ s'épanouissent. Le champ est maximal à la paroi et cet effet de gradient de champ magnétique expédie la décharge loin de celle-ci, comme il est montré sur la figure 2.
Fig. 2: La décharge électrique emprunte un chemin où le champ magnétique est atténué.
276
Wall confinement technique by magnetic gradient inversion
La figure 3 représente le schéma du système de confinement envisagé, par inversion du gradient de champ magnétique, où le champ magnétique est produit par un solénoïde équatorial, sa géométrie étant modifiée par deux solénoïdes de confinement, de plus petit diamètre. (a)
- ~=== c ,2 >.:coaxial coils
metric. -
Photons of positive energy follow null geodesics of the gµ~) metric.
- Particles of negative mass follow non-null geodesics of the gJ~) metric. - Photons of negative energy follow null geodesics of the gJ~) metric. - The two families of geodesics, one followed by particles of positive energy and the other followed by particles of negative energy, are a priori disjoint. - Panicles of positive mass emit positive energy photons that can in turn be captured by observational devices constituted also by positive masses. - Particles of negative mass emit negative energy photons that cannot be captured by our observational devices. References [26] and [27] contain results of 2D numerical simulations carried out in the Daisy Laboratory in Germany with the computing
310
Cosmological bimetric model ...
capabilities of that time. They give an idea of the fertility of such approach when it cornes to explain the large-scale structure of the Universe, galaxy confinement and durable spiral structures. The initial results could not be pursued because of the lack of access to adequate means of calculation. Beyond that, the goal is obviously to build a complete cosmological model, with a radiation dominated era and a matter dominated era. The schema includes therefore a radiative phase "with constant variables" and free of redshift. We published the first article referring to a cosmological model with variable light speed in this same journal in 1988 ([29], [30]), and then in 1995 [26]. Subsequently we modified the model [28] on the assumption that the secular drift of the constants ceased when the radiation was no longer the dominant component. Laws of evolution which are not semi-empirical, but are derived from a universal gauge relationship assuring the invariance of the equations of physics (field equation, Maxwell equations, quantum physics equations) were provided for the different constants. If a is the scale factor associated with length, the evolution of c is ([26],[29]:
1
c-
..ra
(3)
lt leads to a cosmological horizon that varies with a, which ensures cosmic homogeneity and makes the appeal to inflation theory unnecessary, what was already stated in the conclusions of reference [30]. Moreover, this evolution was "Lorentz invariant". But this is simply a remark. The formulation of the cosmic evolution in its radiative phase and in the regime of "constant variables" will be the subject of a future paper. lt is at the end of this phase that the two cosmic sets, one of positive energy, the other of negative energy, are provided with constant but very different c( +) and cH light speeds. We mention here the work of F. Henry Couannier [31], S. Hossenfelder [32] and M. Milgrom [33] which also aim at the construction of a bimetric description of the Universe.
311
OVNI
A model with two different light speeds This section deals with a regime with two different light speeds. Sorne previous work was presented in [28]. We take the system of two coupled field equations:
i R g~+J T~+.) q>T = - x ( cpT~+.) r -
+
=X(+) (
(4a)
+
For sake of brevity, we will sometimes use the notation:
(4b)
f
E { + ,- } .
ln mixed form, we will write the tensors: p )2
0
0
0
0
-pU>
0
0
0
0
-pU>
0
0
0
0
-pU>
T(f~µ =
p(/) >0
with
pU> >0
p(/)
and
For f ="+"
(5)
and cp are functions determined from conservation energy requirements. Positive energy photons cruise along null geodesics of the metric g~~) and negative energy photons along null geodesics of the metric g~~). Note that the speeds c 0; p < 0) domain. The hypersurface becomes a spacetime bridge, linking two Lorentz spaces through a throat surface S2. When we calculate the geodesics in the plane 8 = ~ in the { t ' r ' 8 '
0 which, in the familiar langage of special relativity theory, implies that I 3 is "oriented in space" (whereas the vector n, normal to s, is "ortiented in cime"). We introduce in the surface I 3 three coordinates x *I, x *2 , x •3 wich serve to characterise the point P * E I 3 • Through each point P * of the the three-dimensional surface I 3 we draw the geodesic which is orthogonal to I 3 at P *. These geodesic will form a non intersecting curves in some neighbourhood M of I 3 such that , through each point P of M there will be exactly one of the geodesics constructed. We introduce now, in the encire four-dimensional domain M, coordinates as follows: Given P , we consider the geodesic passing through P and its original point P * E I 3 . We define the coordinate xi of P in terms of the arc length P * P of the geodesic and of the coordinate x*iofP* :
349
OVNI
Figure 2.1 after re/erence [8]. x0
= arc length P * P along the geodesic
xi
= x*I
x2
== x*2
x3
= x *3
In this manner, the three coordinates x 1 , x 2 , x 3 remain constant along any geodesic perpendicular to l:3 . lt follows that, along such a geodesic, ds 2 =(dx 0 ) 2 Koo = 1 This is the classical way Gaussian coordinates are defined. This is possible if and only if g00 ~ 0 , if the term of the line element related to time-marker is non zero. Note that, on figure l, through various choices of coordinate systems, in Schwarzschild solution this term g00 (called g tt ) vanishes on the so-called horizon (r = Rs), or throat surface ( p = 0 ) . It means that on this peculiar portion of the hypersurface, normal vector and space orientation cannot be defined.
350
Cancellation of the central singularity of the Schwarzschild ...
Let us build a 3D space-time on a 2D surface, as the two-fold cover of a manifold M 2 , as shown on figure 10.
« slices » of space
circular « throat »
Fig. 10: Buiûling a 3D-spacetime.
As shown on figure 11, we will find some problem at the common boundary, where it is impossible to define space orientation and arrow of time (identified to normal vector). But, for adjacent regions we have imbricated PT-symmetrical space-time structures. Such coupling concept, called at that time "twin universe theory", was firstly presented by A. Sakharov in 1967 ([12), [13), [14], [15]) and later in [11]. In addition, this goes with recent works [9] and [10] Qanus Cosmological Model). We have to deal with 4D space-time, not 3D space-time, which is just a didactic image of such geometric structure.
351
OVNI
3D spacetime p