Pelagii diaconi Ecclesiae romanae in defensione trium capitulorum. Texte latin du manuscrit Aurelianensis 73(70) édité avec introduction et notes


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Italian Pages 76 [136] Year 1932

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Pelagii diaconi Ecclesiae romanae in defensione trium capitulorum. Texte latin du manuscrit Aurelianensis 73(70) édité avec introduction et notes

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STUDI

Tü T E S T I ^7

PELÀGII DIACONI ECCLESIAE ROMANAE

TEXTE LATIN DE MANUSCRIT

AURELIANENSIS 73 (70) ÉDITÉ

AVEC INTRODUCTION ET NOTES PAR

ROBERT DEYREESSE SCR1PTOR DK LA BIBLIOTHÈQUE VATICANE

CITTÀ DEL VATICANO BIBLIOTECA APOSTOLICA VATICANA MDCCCCXXXII

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STUDI

E TESTI ^7

TEXTE LATIN DE MANUSCRIT

AURELI ANEN SIS 73 (70) ÉDITÉ

AVEC INTRODUCTION ET NOTES PAH

ROBERT DEVREESSE SCRIPTOR DE LA BIBLIOTHÈQUE VATICANE

CITTÀ DEL VATICANO BIBLIOTECA APOSTOLICA VATICANA MDCCCCXXX1I

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IMPRIMATUR: f Fr. A ug. Zampini , Ep. Porphyreonen.,

Vic. Gen. Civitatis Vaticanae.

Ristampa anastatica 1968

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AUX VÉNÉRÉES MÉMOIRES DE MON PÈRE ET DE l/ABBÉ FRANÇOIS CHAUVEAU

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AVANT-PROPOS

Le mémoire de Pelage pour les Trois-Chapitres est à peu près inconnu. C’est un témoin notable, cepen­ dant, et même unique. Séparé de son maître et jeté en prison, le diacre de Vigile s’est fait le champion de Chalcédoine, dont les décisions lui paraissaient com­ promises par le IP concile de Constantinople, et le défenseur de Trois-Chapitres solennellement condamnés par l’empereur et le pape. Pour mieux remplir son dessein, il s’est préoccupé de recueillir nombre de faits dans le temps qu’ils se passaient ou que la mémoire en était récente; en divers points, nous lui devons des précisions que lui seul pouvait donner. Lignes compactes, incisives et chaleureuses, con­ servant encore, sous la forme imparfaite qui nous les transmet, l’accent amer du lutteur que le combat et l’insuccès n’ont pas découragé, l’entrain et la logique du Romain que n’ont démonté ni l’astuce, ni la violence des Grecs. Par elles nous revient l’écho d’une querelle qui divisa, durant de longues années, l’Orient et l’Oc­ cident, amena le pape à Constantinople, mit aux prises les tempéraments les plus divers, les volontés les plus opiniâtres. Constantinople, finalement, l’emporta, mais à quel prix! Cent cinquante ans plus tard, au temps de Bède, la querelle des Trois-Chapitres n’était pas encore oubliée!

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VIII

AVANT-PROPOS

Pelage la vit naître; il en fut un des principaux acteurs; parvenu au suprême pontificat, il tenta de l’éteindre. De toute façon, sa plaidoirie, devenue bientôt pour lui un mauvais souvenir, reste, pour l’histoire de l’Eglise, un document de premier ordre. Seul, Mgr Du­ chesne, à qui revient l’honneur de l’avoir découverte dans un inventaire de manuscrits, en a fait usage à un endroit ou l’autre de son œuvre. -T’ai voulu la sauver de l’oubli en la publiant dans son intégrité. Pour faciliter l’intelligence du texte, j ’ai cru légitime de retracer, dans l’Introduction, le cadre historique où vient s’insérer notre œuvre, et de m’arrêter à quelques épisodes de la vie de Pélage. Ceux qui voudront con­ naître, dans ses moindres détails, la chronique reli­ gieuse de ce temps-là devront recourir à Baronins et à Duchesne; je les nomme l’un et l’autre, car leurs jugements, aussi bien que leur exposé, me paraissent, en l’état actuel de nos ressources documentaires, irré­ futables. Les objections qu’on a pu soulever contre leurs conclusions, qu’elles soient tirées du mémoire posthume d’un maître de la critique 1 ou suscitées par quelque conflit de chronologie 12, ne m’ont guère paru dignes d’être retenues ou discutées. 1 Dom Codstant, De Vigilii Papae gestis apologetica et historica dissertatio, publiée parle Card. Pitra(Analectanovissima, t. I, 1885, p. 370-461). L’argumen­ tation de Coustant avait été mise à profit par D. Chamard, Les papes du VIe siècle et le second concile de Constantinople (Revue des questions historiques, t. XXXVII, 1885, p. 540-578) dans sa critique d’un article de L. Duchesne, Vi­ gile et Pélage. Étude sur l’histoire de l’église romaine au milieu du VP siècle (même revue, t. XXXVI, 1884, p. 369-340). Duchesne répliqua (t. XXXVII, p. 579-593); ses conclusions ont été adoptées par la majorité des historiens, on les retrouve dans Grisar, Roma alla fine del mondo antico, trad. A. Mercati, Roma, 1908; nn. 322, 327-330, 371-379). 2 P. S avio, Il Papa Vigilio, Roma 1904; du même, La storia dello PseudoZaccaria il rétore ed il papa Vigilio (Civiltà cattolica, LXI, 2 [1910], p. 413-422).

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AVANT-PROPOS

IX

Si les pages qui suivent intéressent jusqu’à la der­ nière, si leur lecture peut être achevée sans trop de fatigue, on voudra bien en savoir gré à Monseigneur Giovanni Mercati, préfet de la Bibliothèque Vaticane; je ne dis pas tout ce que ces feuilles lui doivent, j ’avertis seulement qu’à moi seul sont imputables les fautes qu’on y rencontrera \ Rome, S mai 1932.1

1 Dora G. Goda, cle l’abbaye de Farnborough, a bien voulu revoir sur les photographies les épreuves du texte latin et m’indiquer quelques correelions. Je l’en remercie vivement.

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INTRODUCTION Chapitre J.

La « défense » des Trois-Chapitres. Dans une notice substantielle consacrée aux manuscrits d’Or­ léans 1, Léopold Delisle a analysé le contenu du ms. 73 (70), autrefois propriété de l’abbaye de Fleury-sur-Loire. C’est un volume écrit au ixe siècle et qui mesure 245x161 mm. Il comprenait, jadis, dix-huit quaternions, pour le moins; les quaternions VJ-X ont dis. paru ainsi que celui ou ceux qui suivaient le dix-septième. Ceux qui restent contiennent les ouvrages suivants: 1) Cahiers I-V (p. 2-77): extraits de s. Ambroise in Lucam (cfr. C. S c h e n k .l , S. Ambrosii opera, pars IV. Expositio euangelii secun­ dum ÎMcam [= Corpus Script. Eccl. Lat., vol. XXXII, 1902], p. 19; S c h e n k l désigne notre manuscrit par la lettre «). Quatre des cahiers YI-X manquaient déjà au xne siècle (p. 78 des(unt) hic iiij q(uate)r(nione)s ...). Ils contenaient, d’après la table de la première page: a) la fin des extraits de s. Ambroise; b) sententiae Xysti episcopi de uita hominis perfecta; c) doctrina Hosii episcopi de obseruatione disciplinae domi­ nicae; d) sententiae Euagrii monachi; e) le livre I et le début du livre II de l’ouvrage de Pélage (Pelagii diaconi ecclesiae Romanae in defensione trium capitulorum libri VI). 2) Cahiers XI-XVII (p. 78-189): la suite de la «défense», soit la fin du livre II (p. 78-96), le livre III (p. 97-128), le livre IV (p. 124-134), le livre V (p. 134-172), le début du livre VI (p. 172-189). 1 Notices et extraits lies manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. XXXI, 7 (1884), p. 363-364. Cf. Catalogue général des bibliothèques publiques de France, Départements, t. XII: Orléans, Paris 1889, p. 37.

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XII

INTRODUCTION

C’est en lisant les pages de L. Delisle que Mgr Duchesne re­ connut l’importance du document qui occupait la dernière partie de VAurelianensis1; il en prit copie en vue d’une édition, mais cette édition ne parut point. Néanmoins l’illustre historien conserva près de lui, jusqu’à la fin de ses jours, le texte qu’il avait transcrit; à plus d’une reprise, il s’y référa, et le dernier volume signé par lui en contient une analyse 12. Une note, mise au xvie siècle dans le bas de la page 78, avertit que le livre T en entier et le début du livre TI ont disparu. Et de fait, l’ouvrage commence, à cet endroit, par une lettre de moines arméniens faisant grief à Cyrille d’Alexandrie de ses bonnes rela­ tions avec les Orientaux et lui reprochant de s’ètre laissé abuser par Jean d’Antioche et Paul d’Emèse, durant l’hiver 432-433. Aussitôt après, Pelage examine le témoignage du prêtre de Jérusalem, Hesvchius, contre Théodore de Mopsueste, conteste la valeur des accusa­ tions qu’il a formulées, discute, en particulier, ce qu’il dit de la vie privée de Théodore, de son exégèse des psaumes, du symbole de foi misa son compte. Pelage lui oppose un passage de Sozomène en faveur de Théodore; après quoi, il rappelle l’usage ecclésiastique qui interdit d’accuser les morts, cite l’exemple de Denys dans l’af­ faire de Nepos et en rapproche l’attitude de Théophile d’Alexan­ drie vis-à-vis de Bagadius et Agapius. Le livre se termine par trois citations de s. Jean Chrysostome avertissant solennellement qu’on ne condamne pas les morts. Le livre III est tout entier consacré à la défense de Théodore de Mopsueste. Pélage s’étonne, dès le début, qu’un libelle d’accu­ sation contre Théodore, libelle parti du palais impérial, ait fait mention d’une loi de Théodose le Jeune et de Valentinien III contre l’évêque de Mopsueste; il a eu beau consulter le code Justinien, il n’a point découvert cette loi, mais seulement deux lettres des empe­ 1 Bulletin critique, V, 1884, p. 96. 2 L'Église au VIe siècle, p. 230-221. Une courte notice de S. R eiter, Eine unerlirte Schrift des Pelagius (Serta Harteliana, Vienne 1896, p. 134-136) n’ajoute rien aux renseignements fournis pas Delisle et Duchesne; il suffit de rapporter ici les quelques lignes adressées par Duchesne à Reiter (4 mai 1894): «C’est en effet moi qui ai reconnu le traité de Pélage dans la description du manus­ crit d’Orléans publiée par M. Delisle. J’ai copié le texte, et je. me proposais de le publier; mais retardé de jour en jour par mes occupations, je ne l’ai pas fait ». Une thèse de doctorat de l’Institut Catholique de Toulouse consacrée (1913) à notre traité, n’a jamais paru.

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CHAPITRE I - LA « DEFENSE » DES TROIS-CHAPITRES

XIII

reurs visant Nestorius. Il cite ensuite des lettres de s. Léon et du pape Géiase défendant de s’attaquer aux défunts et en arrive à l’offensive lancée par les moines arméniens contre Théodore, au temps de Jean d’Antioche. Pélage, à cet endroit de son mémoire, insère les lettres adressées d’Antioche à Proclus, Théodose et Cyrille d’Alexandrie; de ces lettres il ressort que les évêques d’alors ne tenaient point comme suspecte la théologie de Théodore et ne lui connaissaient pas ces doctrines perverses qui lui sont, aujourd’hui, attribuées. Les hérétiques, poursuit-il, n’étaient-ils pas, au con­ traire, les moines arméniens? D’ailleurs, il faut remarquer que le concile de Chalcédoine a reçu les lettres adressées par les Orien­ taux à Proclus et Théodose. Pélage reproduit, à ce moment, la réponse de Proclus à Jean d’Antioche et sa réprimande au diacre Maxime. Et l’on prétend maintenant, ajoute-t-il, que les capitula présentés par les Arméniens sont de Théodore, ou que Théodore est le maître de Nestorius, alors que Proclus ignorait l’origine de ces capitula et désignait Nestorius comme seul maître et in­ venteur d’impiété! Suit la réponse de Cyrille à Jean d’Antioche, réponse également favorable à Théodore et sévère pour ceux qui s’en prennent aux défunts. Mais, objectera-t-on, Cyrille a changé d’avis au sujet de Théodore. A quoi Pélage réplique que le con­ cile de Chalcédoine ne manquait pas de membres bien au cou­ rant de la controverse qui s’était élevée, une dizaine d’années plus tôt touchant Théodore, bien au courant, également, des sentiments de Cyrille au sujet de l’évêque de Mopsueste; or, quelque fût leur opinion personnelle, les Pères ne voulurent point s’écarter de la sentence de leurs devanciers ni ressusciter une controverse qui leur paraissait éteinte. Le livre IV est réservé à Théodoret. On s’en prend, dans le libelle venu du palais, à quatre réponses faites par l’évêque de Cyr aux anathématismes de s. Cyrille. Remarquons d’abord qu’on remue une histoire vieille de cent-vingt ans et liquidée par les contradic­ teurs eux-mêmes: Cyrille accepta la riposte de Théodoret et ne le condamna pas. Et puis, pourquoi choisir uniquement· quatre pro­ positions de Théodoret et ne point s’occuper des autres? Mais reportons-nous plutôt aux séances du concile de Chalcédoine. Qu’y lisons-nous? Ceci seulement, que les Pères demandèrent à Théo­ doret d’anathématiser Nestorius et Eutychès et non point de renier ce qu’il avait écrit contre les capitula cyrilliens. C’est en vain qu’on se pose en défenseurs de l’évêque d’Alexandrie et qu’on prétend souffrir pour Cyrille : on ne cherche, en vérité, que des prétextes

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XIV

INTRODUCTION

pour dénigrer Chalcédoine. Car si l’on désire venger Cyrille des injures qu’il aurait subies, pourquoi ne s’attaque-t-on pas à Acace de Bérée qui lui reprochait de favoriser l’apollinarisme, à André de Samosate, à Isidore de Péluse, à Gennade? Pour une raison bien simple: c’est que le nom de ces quatre Pères n’a pas été pro­ noncé à Chalcédoine. Qu’on n’aille pas répliquer que Gennade est excusable parce qu’il n’avait pas assez bien compris la pensée de Cyrille car, alors, le même argument vaudrait pour Théodoret, lequel, au surplus, reçut de Chalcédoine un témoignage d’ortho­ doxie. Qu’on imite donc Cyrille qui ne demanda à l’épiscopat d’Orient qu’une confession de foi orthodoxe et la condamnation de Nestorius; il voulut oublier tout le reste. A coup sûr, entre les Orientaux, d’une part, les Apollinaristes et les Eutychiens, d’autre part, Cyrille n’eût pas hésité: il savait, de même que s. Augqstin, distinguer entre l’interprétation du dogme et la fausseté radicale des doctrines. C’est ce que fit également le concile de Chalcédoine quand il examina la lettre d’Ibas; il lui parut qu’Ibas avait pu se tromper sur les sentiments personnels de Cyrille, mais il jugea sa lettre orthodoxe. C’est, précisément, ce dernier point qu’on veut nier aujourd’hui. Le livre V est consacré à la lettre d’Ibas. Pélage commence par donner le texte de la lettre; il note, aussitôt après, que tout le bruit qui se fait autour de cette lettre provient du seul désir qu’ont les hérétiques d’amoindrir l’autorité du concile de Chalcé­ doine; à ce dessein, depuis longtemps prémédité, l’inconstance et la vénalité de Vigile sont venues fournir un appui inespéré. On veut qu’il y ait dans la lettre d’Ibas des propositions anti-catholi­ ques. Ibas, dit-on, rapporte qu’on se demandait si Nestorius ne re­ nouvelait pas l’hérésie de Paul de Samosate; par contre, il affirme que Cyrille était tombé dans l’apollinarisme. A cette objection, note Pélage, il a déjà été répondu dans le « iudicatum de la première indiction » ; on devrait bien davantage s’étonner, ajoute-t-il, de voir Ibas charger Nestorius d’un soupçon aussi lourd que celui d’une comparaison avec Paul de Samosate, et il marque alors quelle différence essentielle l’Église a institué entre sectateurs de Paul et partisans de Nestorius, puisque, pour les premiers, elle avait im­ posé un second baptême. D’autre part, pourquoi chicaner sur les mots? Ibas n’a pas douté de l’hérésie de Nestorius: il a seulement raconté que certains doutaient de sa parenté avec celle de Paul de Samosate. Le second reproche fait à sa lettre concerne son inter­ prétation du Minuisti eum paulo minus ab angelis. Pélage répond

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CHAPITRE I. - LA « DÉPENSE » DES TROIS-CHAPITRES

XV

qu’Ibas était persuadé que Cyrille avait erré dans ses capitula; il souligne que la manière de parler d’ibas n’est guère différente de celle d’Amphiloque, guère différente, non plus, de celle de Cyrille dans sa lettre aux Orientaux. C’est bien à tort, par ailleurs, qu’on entend accuser Ibas (ce qui devrait plutôt le laver de tout reproche de nestorianisme) d’avoir parlé d’« une vertu »: saint Epiphane ne s’était pas exprimé différemment. Mais, poursuivent les détracteurs de la lettre, Ibas a prononcé contre l’attitude de Cyrille au concile d’Ephèse des paroles injurieuses; il a déclaré que la haine l’avait porté à agir contre Nestorius et à le faire déposer avant l’arrivée de l’épiscopat d’Orient, sans enquête préalable: d’où l’on conclut qu’Ibas a excusé Nestorius. Bien à tort, s’écrie Pélage: Ibas a dit tout simplement que Cyrille, qui voulait faire approuver ses capi­ tula, a brusqué le cours normal des assemblées conciliaires; il a déclaré que c’est l’unique raison pourquoi les Orientaux, à leur arrivée, le retranchèrent, lui et les siens, de leur communion. Autre accusation contre Ibas: il a écrit que Nestorius ne put rentrer à Constantinople parce qu’il y était détesté, par les principaux de la ville, en particulier. Mais, reprend Pélage, ne doit-on pas com­ prendre, d’après la lettre elle-même, que la cause de cette haine c’était précisément l’attaque de Nestorius contre le dogme? Nouveau chef d’accusation: la lettre d’ibas contient l’éloge de Théodore de Mopsueste et de ses écrits. Qu’on s’en prenne donc, réplique Pé­ lage, aux lettres de Jean d’Antioche et au concile de Chalcédoine, qu’on s’en prenne a Cyrille lui-même. On reproche encore à Ibas d’avoir écrit: Sed confitentur in templo et in eo qui in hoc inhabitat, qui est unus lesus Christus. Pareille formule, explique notre auteur, peut s’entendre d’une excellente manière et l’on en trouverait d’équi­ valentes dans s. Jean Chrysostome et s. Augustin. Ibas, qu’on veuille donc s’en convaincre, écrivait à un ami, il n’entendait pas dicter un précis de théologie; de plus, à Chalcédoine, aucune protestation ne s’éleva à la lecture de sa lettre, nul n’incrimina ses idées théo­ logiques, nul ne protesta contre l’éloge qu’il faisait de Théodore. D’où il résulte, conclut Pélage, que les adversaires visés derrière la lettre en litige sont le concile et le pape s. Léon, tacitement anathématisé par Vigile. A partir de cet endroit, en effet, Pélage s’en prend violemment à Vigile dont il n’avait prononcé le nom, jusque là, que tout à fait incidemment. Pour jeter le discrédit sur la lettre d’Ibas, on a imaginé une nouvelle argumentation assez singulière, d'ailleurs, puisque dans un endroit on expose qu’Ibas aurait promis d’ana-

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XVI

INTRODUCTION

thématiser sa lettre parce qu’injurieuse à Cyrille et à ses capitula, et qu’en ces conditions le concile ne pouvait la recevoir ; dans un autre endroit, par contre, on soutient que la lettre n’est pas de lui. Qu’on relise donc, reprend Pélage, les actes du procès d’ibas: on y verra clairement que le premier chef d’accusation relevé contre lui regardait non point Cyrille mais la foi, et que les juges se décla­ rèrent satisfaits de son serment d’anathématiser Nestorius, le maître d’impiété; que, plus tard, il confirma devant les Pères de Chalcédoine, et de bon cœur, sa condamnation de Nestorius. Où donc trouve-t-on dans tout cela trace d’une condamnation de la lettre d’ibas ou d’une rétractation de ce qu’il avait écrit contre l’attitude de Cyrille? Et pourtant voilà quelles arguties ont développées Vigile et ses satellites, les «dictatores» Pierre et Tullianus! D’où il res­ sort que les Trois-Chapitres sont, à juste titre, défendus et que le « troisième iudicatum » de Vigile s’avère inopérant. Le libre VI débute par un bref rappel de l’histoire de l’église d’Alexandrie depuis la mort de Marcien jusqu’à la consultation des évêques par l’empereur Léon. A l’empereur qui sondait leurs dispo­ sitions, les évêques répondirent qu’il fallait s’en tenir au verdict prononcé à Chalcédoine sur les condamnés et les réhabilités. Au premier rang de ceux-ci étaient Eusèbe de Dorylée, Ibas et Théodoret, victimes de Dioscore; le concile les vengea de l’injuslice qui leur avait été causée au brigandage d’Ephèse; d’autres, au con­ traire, durent présenter des marques de repentir. Cette parenthèse achevée, Pélage revient à la démonstration qu’il avait commencée vers la fin du livre précédent. Condamner Ibas et Théodoret, c’est, tout compte fiiit, approuver le concile de Dioscore qui jugea Ibas sans l’entendre; c’est bien en vain que les « dictatores » de Vigile veulent tourner la difficulté et prétendent démontrer, dans le « iu­ dicatum de la troisième indiction », que l’évêque d’Édesse a renié sa lettre. Par sou inconstance, Vigile nous ramène au temps de Dioscore; qu’on accepte son nouveau «iudicatum», les décisions de Chalcédoine se trouvent annulées. Enfin, Pélage s’attaqua à la prétention qu’ont les hérétiques de s’abriter derrière Cyrille, de se poser en vengeurs de sa mémoire. 11 répète l’argument déjà exploité plus haut, à savoir que les Pères de Chalcédoine étaient mieux renseignés que qui que ce soit sur les opinions et la conduite de Cyrille. Et puis a-t-on jamais vu que le fait de louer un orthodoxe confère un brevet d’orthodoxie? Dans ce cas, Eutychès, Dioscore et Sévère auraient mérité un certificat de catholicité. L’opposition faite à Cyrille ne parut point

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CHAPITRE I. - LA « DÉPENSE » DES TROIS-CHAPITRES

XVII

aux Pères de Chalcédoine constituer une preuve d’hérésie; dans ce cas la, quelle place devra-t-on assigner aux évêques orientaux qui le séparèrent de leur communion, quelle place à Isidore et à Gennade? Mais, par contre, quelle place donner à Cyrille qui refusa de nommer s. Jean Chrysostome dans les diptyques, à son oncle Théophile qui déversa sur le saint évêque un torrent d’injures? Sur une phrase de Théophile, notre manuscrit s’arrête brusquement. L’auteur de la défense des Trois-Chapitres est nettement désigné par la table inscrite au premier feuillet du manuscrit d’Orléans: Pelagii diaconi ecclesiae Romanae in defensione triurn capitulorum libri VI. Sans doute possible, il faut l’identifier avec le fils d’un haut fonctionnaire de l’administration romaine1, le diacre apocrisiaire d’Agapit et de Vigile à Constantinople, le successeur de Vigile sur le Siège Apostolique. Et le mémoire en six livres, dont on vient de lire un résumé, se trouve mentionné dans une lettre de Pélage postérieure de quelques années à son élévation au suprême pon­ tificat: on faisait alors circuler, en Emilie, une lettre qu’il aurait expédiée de Constantinople 12; cette lettre, le pape la déclarait fausse: il ne se reconnaissait auteur que d’un mémoire justificatif au pape Vigile qui voulait le condamner et de six livres pour la défense des Trois-Chapitres, livres écrits au hasard des loisirs que pouvaient lui laisser l’emprisonnement et l’exil; pour la documentation de ces livres, la secrète complicité de maint « hérétique » lui avait été profitable 3. La détention, la difficulté de se procurer les ouvrages qui eus­ sent permis d’appuyer l’argumentation par les textes, voilà bien les deux plaintes que fait le plus souvent entendre notre auteur (p. 28, 9-11): quantum possibile fuit mihi, utpote peregrino homini et calamitatibus uariis inplicato, quidquid, in graecis maxime codi1 « Pelagius natione Romanus, ex patre Iohanne vicariano » (Liber Pontificnlis, ed. Duchesne, I, p. 304). 2 Cf. infra, p. xlviii . 3 E. E wald, Die Papstbrief der Brittischen Sammlung (Neues Archiv V, 1879, p. 561): «Nec aliquam epistolam, quando in causam trium capitulorum in diaconatus officio agebamus, ad Italiam misimus; sed hoc, quod fecimus nec negavimus nec aliquando negamus, id est: refutatorium ad papam Vigilium quando me dampnare uolebat, et se x l i br os in d e f e n s i o n e m c a p i t u l o ­ rum clausos per diversa monasteria et exilia non habens codicem, sed que michi scripto diversi heretici, qui scandala semper aecclesie generare moliuntur, secrete mittebant».

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XVIII

INTRODUCTION

cibus, quos uix furtirn accipere ac legere poteram. Il aurait voulu citer l’ouvrage d’André de Samosate contre Cyrille; malheureuse­ ment, nous dit-il, la prison m’en a empêché (p. 32, 31-32): quae quidem necessitate custodiae, in qua retrusus sedeo, requirere et hic adhibere non potui·, il n’a pu avoir entre les mains, pour les examiner à souhait, les passages incriminés de la lettre d’Ibas (p. 67, 19-20): et quamuis loca, quae in epistola Ibae reprehendun­ tur, quomodo possible fuit homini custodiae mancipato...·, il n’a pu insérer, pour la même raison, les lettres d’Isidore contre Cyrille (p. 68, 34-36): quas propter necessitatem meam, qui in custodia de­ tineor, non potui requirere et huic operi, sicut iam supra sum pro­ secutus, inserere. Un premier point semble acquis: l’auteur de la «défense» est le diacre Pélage, le futur pape du même nom ; il l’a composée du­ rant son internement dans divers monastères. Essayons maintenant de déterminer, à l’aide du témoignage de Pélage, la date de son plaidoyer. Fort au courant — et pour cause — de tout ce qui s’est passé à Constantinople depuis une quin­ zaine d’années, Pélage mentionne trois actes de Vigile relatifs aux Trois-Chapitres: le premier de ces actes est désigné sous l’expres­ sion de « premier iudiçatum»1; c’est celui auquel on réservait, jusqu’à maintenant, le nom de iudiçatum12. Ailleurs, Pélage men­ tionne un «iudiçatum de la première indiction»3; les citations qu’il en donne permettent de l’identifier avec ce que nous appelons le Constitutum 4. A diverses reprises, enfin, il parle d’un « troi­ sième iudiçatum » 5, qu’il appelle encore « papier de la. IIe indic­ tion » °. Ce « troisième iudiçatum », ce « papier de la IIe indiction » est particulièrement odieux à Pélage: on voit, notamment à partir 1 p. (¡6, 34-35 sicut ipse in pr i mo i u d i c a t o suo dixit...; p. 67, 26 sicut et Vigilius iu p r i m o g e n i t o i udi cat o suo disseruit. 2 Cf. infra, p. xxxm. 3 p. 14, 23-24 Vigilius in i u d i c a t o p r i mae i n d i c t i o n i s . . . ; p. 42, 8-9 quoniam per i udi ç at um Vigilii, quod pr i m a i nd i c ti one l'ecit; cf. p. 46, 27 in i u d i c a t o Vigilii constat iiisertum. 4 Cf. infra, p. xxxvm -xxxix. Édition critique de Guenther, Collectio Avel­ lana, I, 1895, p. 230-320; P. L., LXIX, 67-114 (Jaffé , 935). 5 p. 55,6-7 ut Vigilii et ministrorum eius ac dictatorum t e r t i i i u d i c a t i ; p. 60, 8 Illi uero qui t e r t i um i udi çat um Vigilii dictauerunt; p. 60, 25 non ut t e r t i u m Vi g i l i i i u d i ç a t u m euacuem; p. 67, 3-4 haec quidem de terti o i ud i c a t o eius tetigisse sufficiat. “ p. 65,25-26 Vigilius et dictatores eius... in charta, quam s e c u n d a i n ­ d i c t i o n e fecerunt...

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CHAPITRE I. - LA « DÉFENSE » DES TROIS-CHAPITRES

XIX

du milieu du livre V, qu’il l’a devant les yeux et que toute son habileté de polémiste se dépense contre cet écrit. Certes, la res­ ponsabilité en incombe tout d’abord à Vigile et à son incons­ tance coupable 1, mais il ne faut pas oublier qu’il a trouvé des exécuteurs et des complices en la personne de ses familiers, ses « ministres, dictateurs, satellites », ainsi que les appelle Pélage au plus fort de son emportement2; quelquefois même ces mauvais génies du pape sont désignés par leur nom: ils s’appellent Pierre et Tullianus3. Or ce mauvais «papier», que Pélage reproche au pape et à son entourage d’avoir publié au cours de la seconde indiction, ce « troisième iudicatum », on l’identifie sans trop de peine avec la confirmation donnée par Vigile, le 23 février 554, au concile de l’été précédent4. Les autres indications chronologiques données par notre auteur sont assez faibles. Mettre cent-vingt ans entre les événements qu’il rapporte et la composition des livres de Théodoret contre Cyrille 5, ou encore cent ans entre ces mêmes événements et le concile de Chalcédoine 6, c’est se contenter de chiffres approximatifs. Une autre date, par contre, est assez singulière, celle que fixe Pélage à la mort de Théodore de Mopsueste: à deux reprises7 il écrit que l’évêque de Mopsueste est mort depuis cent-quarante ans. Cette particularité vaut d’être notée; quand bien même on négligerait ' p. 41, 14 per inconstantiam et uenalitatem Vigilii...; p. 53, 26-27 Leo papa urbis Romae, quem Vigilius, tacito nomine, anathematizando secretius condemnauit; p. 67, 14-15 quid hinc ad Vigilium pertinet, qui de suis sententiis praeuaricatorem se esse frequenter ostendit... 2 p. 55, 10 memorati d i c t a t o r e s V i g i l i i ; p. 56, 14 d i c t a t o r e s V i ­ g i l i i garriebant dicentes...; ib., 1. 28 quomodo d i c t a t o r e s Vi gi l i-!. . . ; p. 58, 9-10 quae de interlocutione eius d i c t a t o r e s V i g i l i i extorquere, immo confingere uoluerunt; p. 59, 20 Sed forte d i c t a t o r u m Vi gi l i i callidi­ ta s...; p. 60, 8-9 Illi uero qui tertium iudicatum V i g i l i i d i c t a u e r u n t ; p. 65, 25 quod Vigilius et d i c t a t o r e s eius...; p. 66, 27 sicut cum suis p a r t i c i b u s fecit V igilius...; ib., 31 (cf. ib., 7-8) Vigilius uero et s a t e l l i t e s eius dicant... 3 p. 54, 22-23 ad arbitrium Vigilii et deceptorum eius T u l l i a n i , Pe t r i et fratris ipsius...; p. 64, 17-18 Sed hic breuiter, quod de uerbis T u l l i a n i , qui unus est ex d i c t a t o r i b u s Vigilii recolo, non omittam; ib., 22-23 uult enim praedictus T u l i a n u s cum sociis suis...; p. 65, 8 et tamen si non uult T u l ­ l i a n u s ... 4 Cf. infra, p. x l , 54 ss. 5 Infra, p. 31, 4; 34, 29. 6 Infra, p. 54, 30. 7 Infra, p. 9, 6; 12, 31-32.

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XX

INTRODUCTION

de la retenir, on accordera qu’elle rejoint d’assez près les dates qu’assignait le catalogue de Nicépliore aux évêques d’Antioche 4, et la coïncidence mise par Théodoret2 entre la mort de Théodore et. l’épiscopat de Théodote. Ces derniers indices ne donnent rien de bien ferme sur la date de notre mémoire. Il faut donc s’en tenir à ceux qui ont été rassemblés un peu plus haut et qui visent le « troisième iudicatum »; ils permettent de conclure que Pélage a composé sa défense des Trois-Chapitres dans les premiers mois de l’année 554; préciser davantage ne paraît guère possible. A diverses reprises, Pélage, on l’a vu, s’est plaint de la diffi­ culté que l’internement lui causait à se procurer des livres; d’ai­ mables complicités, cependant, lui permirent de joindre les témoi­ gnages aux accusations et à la plaidoirie. Au premier rang de ses sources, il convient de nommer Facundus d’Hermiane, ainsi qu’il l’a fait lui-même 3. A Facundus, il a emprunté non seulement une disposition d’ensemble, mais encore plus d’un passage, ainsi qu’on le verra en lisant la « défense ». Il faut mentionner, aussitôt après Facundus, le Constitutum de Vigile du mois de mai 553 (iudicatum de la première indicfion) sur lequel il avait des droits bien nets de paternité4. Les «hérétiques» — ainsi qu’il les appellera, plus tard — qui lui amenèrent les textes dont il avait besoin, furent, avouons-ie, d’assez bons auxiliaires. Enfin, la mémoire de Pélage, à défaut de citations littérales, avait retenu une série précieuse de témoignages 5. Faut-il porter un jugement sur le plaidoyer de Pélage en faveur des Trois-Chapitres? Témoin trop passionné pour être tout à fait juste, le diacre de Vigile s’est laissé entraîner par l’ardeur de la polémique. N’ou-12345 1 P. G., G, 1056 A : AkéS;avfif>os