Paul Vignaux, citoyen et philosophe (1904-1987), suivi de Paul Vignaux, 'La philosophie franciscaine' et autres documents inédits French 9782503548104, 2503548105

Qui se cache derrière l'oeuvre de Paul Vignaux, une oeuvre dense, discrète, austère, de haute érudition ? En tant q

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Paul Vignaux, citoyen et philosophe (1904-1987), suivi de Paul Vignaux, 'La philosophie franciscaine' et autres documents inédits French
 9782503548104, 2503548105

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PAUL VIGNAUX, CITOYEN ET PHILOSOPHE (1904-1987) suivi de

PAUL VIGNAUX, LA PHILOSOPHIE FRANCISCAINE

et autres documents inédits

BIBLIOTHÈQUE DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES

SCIENCES RELIGIEUSES

VOLUME

161

Illustration de couverture : Paul Vignaux, secrétaire général du SGEN, au 33e congrès CFDT (11-14 novembre 1968). Photo Élie Kagan, Archives confédérales CFDT.

PAUL VIGNAUX, CITOYEN ET PHILOSOPHE (1904-1987) suivi de

PAUL VIGNAUX, LA PHILOSOPHIE FRANCISCAINE

et autres documents inédits

Sous la direction de

Olivier Boulnois avec la collaboration de Jean-Robert Armogathe

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F

La Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses La collection Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses Aon?£e en  et MicCe ?e KlPN ?e cent NoiSante QolPHeN Me࠲¢te la diversité des enseignements et des recherches menés au sein de la Section des sciences religieuses de l’École Pratique des Hautes Études (Paris, Sorbonne). Dans l’esprit de la section qui met en œuvre une étude scienti࠱que, la©que et pluraliste des Aaits religieuS, on retrouve dans cette collection tant la diversité des religions et aires culturelles étudiées que la pluralité des disciplines pratiquées : philologie, archéologie, histoire, philosophie, anthropologie, sociologie, droit. Avec le haut niveau de spécialisation et d’érudition qui caractérise les études menées à l’EPHE, la collection Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses aborde aussi bien les religions anciennes disparues que les religions contemporaines, s’intéresse aussi bien à l’originalité historique, philosophique et théologique des trois grands monothéismes ‫ ٻ‬Euda©sme, christianisme, islam ‫ ٻ‬qu’à la diversité religieuse en Inde, au Tibet, en Chine, au Japon, en Afrique et en Amérique, dans la (ésopotamie et l’ÉgTpte anciennes, dans la "r¢ce et la -ome antiques. Cette collection n’oublie pas non plus l’étude des marges religieuses et des formes de dissidences, l’analyse des modalités mêmes de sortie de la religion. Les ouvrages sont signés par les meilleurs spécialistes français et étrangers dans le domaine des sciences religieuses (chercheurs enseignants à l’EPHE, anciens él¢ves de l’École, chercheurs invités‫)ڎ‬. Directeur de la collection : Gilbert DAHAN Directeur adjoint : Arnaud SÉRANDOUR Secrétaires d’édition : Cécile GUIVARCH, Anna WAIDE Comité de rédaction : Denise AIGLE, Mohammad Ali AMIR-MOEZZI, Jean--obert ARMOGATHE, Hubert BOST, Marie-Odile BOULNOIS, Jean-Daniel DUBOIS, Vincent GOOSSAERT, Michael HOUSEMAN, Alain LEZ BOULLUEC, Marie-Joseph PIERRE, Jean-Noël ROBERT

© 2013 Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise without the prior permission of the publisher. D/2013/0095/147 ISBN 978-2-503-54810-4 Printed on acid-free paper

PRÉSENTATION Les livres ont leur destin. Ce volume, consacré à Paul Vignaux, rassemblait à l’origine les communications données à un colloque d’hommage, organisé par Jean--obert Armogathe et moi-même, à l’École pratique des hautes études. Certains intervenants n’ont pu remettre un texte écrit. Il m’a paru nécessaire, en contrepartie, d’y ajouter plusieurs textes. Tout d’abord, les « Comptes rendus de conférencesZ u livrés par Paul Vignaux dans l’Annuaire de l’EPHE pendant toutes ses années d’enseignement. Ensuite, l’hommage rendu par Alain deZLibera lors d’une séance au Coll¢ge de !rance, en . En࠱n, et surtout, M. Jean Lecuir, historien du temps présent, m’a proposé d’ajouter un article sur Paul Vignaux et la -ésistance. Dans sa quête de documents nouveaux, il a pu découvrir plusieurs manuscrits inédits. J’ai choisi d’éditer le principal et le plus ancien, un petit livre intitulé La philosophie franciscaine, partiellement con࠱squé et conservé, curieusement, par la bureaucratie de la Gestapo (puis restitué à la suite de l’e࠰ondrement de l’0-SS). J’y ai joint la conférence de  à la Société française de philosophieZ: « La nature humaine dans la pensée médiévaleZu. Appuyés sur cette nouvelle documentation, nous avons pu, avec l’aide de Jean Lecuir et de Monica Calma, élaborer une bibliographie aussi compl¢te que possible des travaux de Paul et Georgette Vignaux. Ainsi, l’ensemble des articles d’hommage à Vignaux, réuni dans la premi¢re partie, s’est enrichi de deux articles. Mais surtout, une seconde partie s’est ajoutée à la premi¢re  elle comprend une série de documentsZ: le livre inédit, la conférence à la Société française de philosophie, les comptes rendus de conférences et la bibliographie compl¢te. Tout cela a retardé de plusieurs années la parution de ce volume. Mais cela en fait aussi un document exceptionnel. Olivier BOULNOIS

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‫ٻ‬ZIZ‫ٻ‬

Hommage à Paul Vignaux

PAUL VIGNAUX, HISTORIEN ET PHILOSOPHE

Tullio GREGORY Professeur émérite à l’Université de Rome, La Sapienza

Deux témoignages autobiographiques de Paul Vignaux pourraient ࠱gurer en exergue à notre colloque, pour souligner la complexité de son engagement culturel et politique. En 1976, en parlant à Padoue au IVeZcongr¢s scotiste international, il rappelait aux participants : Le chercheur qui est devant vous n’a jamais été durablement éloigné du scotisme par aucune des crises, nationales ou internationales, qu’il a traversées en citoyen actif de son pays, en ce si¢cle 1.

Le spécialiste de la pensée de Duns Scot revendique ainsi ‫ٻ‬Zen justi࠱ant son assertion au cours de son intervention au congr¢sZ‫ ٻ‬le lien profond entre deux activités apparemment disjointes et distinctes. En 1977, en parlant à Madrid sur le th¢me « Humanisme et historicité u, il o࠰rira une ré࠲exion plus analytique sur son expérience de chercheur et d’homme politique, « dans ce printemps de liberté u (le régime franquiste était mort avec !ranco en 1975 et en juin 1977 avaient lieu les premi¢res élections politiques générales)Z: Vivant à une époque de con࠲its vitaux, dans l’ordre social et politique, un historien philosophe des théologies (principalement médiévales !) a dû par ailleurs militer, donc penser en citoyen actif de ce temps. z premi¢re vue sans autre rapport que circonstanciel, ses deux tâches personnelles se sont liées dans la mesure o³ l’accomplissement de la premi¢re, historique et spéculative, a paru éclairer la conscience ré࠲exive de la seconde, actuelle et pratique. Au moment o³ cette

1. P. VIGNAUX, « Humanisme et historicité : à propos des probl¢mes philosophiques posés par les Déclarations des droits de l’homme u, dans Humanismo y tecnologia en el mundo actual, Madrid 1977, p. 1-. La position de Paul Vignaux en défense de la -épublique espagnole choisissant « la liberté 6‫ڎ‬8 et l’espoir pour le peuple d’Espagne u, contre « les prêcheurs de croisade u forts de la « bénédiction de l’Église u en faveur de !ranco, est exposée de mani¢re exemplaire dans le volume posthume sur Manuel de Miro Irujo, Ministre de la République dans la guerre d’Espagne (1936-1939), Paris 1986, et surtout dans l’ample avant-propos (où l’on trouve aussi l’article écrit avec sa femme Georgette VIGNAUX dans Témoignage chrétien le  Zoctobre 1975).

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Tullio Gregory

expérience intellectuelle approche de son terme, il n’est peut-être pas inutile d’en ressaisir et exposer l’unité si elle apporte quelque lumi¢re sur des tâches collectives d’humanisme réel dans le monde d’aujourd’hui 2.

Ce lien étroit entre l’engagement politique et civil de Paul Vignaux et son activité de médiéviste dénote des analogies signi࠱catives : dans le domaine politique, un la©cisme rigoureux, la polémique contre le corporatisme catholique, l’aile traditionaliste du catholicisme social dans la lutte syndicale française et contre le national-catholicisme espagnol, aux côtés des catholiques antifranquistes, ainsi que la résistance contre le régime de Vichy  dans son activité de chercheur, la polémique contre l’autoritarisme conservateur de la Curie de -ome, contre la néo-scolastique et toute forme de constriction historiographique dans des schémas prédé࠱nis, la recherche de la dynamique des pensées et des polémiques, au-delà des « syst¢mes clos u. C’est le long de ces itinéraires que se déroule toute la vie de Paul Vignaux, chercheur de la pensée médiévale et catholique engagé dans les devoirs la©ques du « citoyen actif u dans une démocratie moderne qui trouve ses fondements ‫ٻ‬Zselon une expression que Vignaux utilisait souventZ‫ ٻ‬dans la raison et dans « la liberté créatrice des droits 3 u. Notre colloque ne devra jamais oublier l’unité que Paul Vignaux revendique pour sa vie de chercheur et d’homme politique, même si chacun d’entre nous ne devra présenter qu’un seul aspect de son activité longue et multiple. Je parlerai de Vignaux philosophe et historien de la philosophie, mais sans manquer de souligner que, justement en 1938, lorsqu’il publiait La pensée au Moyen Âge, il intervenait dans Esprit pour proposer des « -é࠲exions sur les relations du travail 4 u. Dans La pensée au Moyen Âge, quelques-unes de ses orientations historiographiques, certains choix, certaines préférences, étaient bien dé࠱nies : tout d’abord le refus de la perspective néoscolastique et en particulier néothomiste qui voyait dans le XIIIe si¢cle ‫ٻ‬Zdans Thomas d’AquinZ‫ ٻ‬la synth¢se et l’apogée

2. « Lire Duns Scot aujourd’hui u, de 1976 dans Regnum hominis et Regnum Dei. Acta quarti congressus Scotistici internationalis, -ome 1978, p. 33-46, et reproduit à la ࠱n de la nouvelle éd. de Philosophie au Moyen Âge, Paris 1987, d’où est extraite la citation (cf. p. 243). 3. P. VIGNAUX, « Humanisme et historicité u, p. 33. Sur l’activité de P. Vignaux syndicaliste qui occupe une grande partie de sa vie dans une perspective « la©que u de la vie politique cf. les pages pénétrantes de -. Imbach dans la préface à la nouvelle édition de Philosophie au Moyen Âge qu’il a lui-même éditée et annotée (Paris 2004)  voir également la bibliographie des écrits philosophiques (p. 31-38) et p. 10-19, les indications principales sur l’activité politique de Vignaux. Voir aussi, p. 12, le jugement de deux historiens du mouvement syndical français, H. HAMON et P. -OTMAN (La deuxième gauche. Histoire intellectuelle et politique de la CFDT, Paris 1982, p. 13) : « Paul Vignaux est un homme dont les intuitions directrices ont bousculé l’histoire de la !rance u. -appelons que l’on doit à Paul Vignaux la transformation de la Confédération française des travailleurs chrétiens (C!TC) en Confédération française démocratique du travail (C!DT), avec une autonomie revendiquée, loin de tout confessionnalisme et l’accentuation du caract¢re la©que de la conscience politique, nettement distincte de la conscience religieuse. De la CFTC à I> #!1 0VKAF@>IFPJBBQPL@F>IFPJB f࢙/B@LKPQOR@QFLK࢙u , Paris 1980, est un recueil signi࠱catif des écrits de Vignaux les plus engagés dans ce sens. 4. ID., « -é࠲exions sur les relations du travail u, Esprit 6 (1938), p. 474-487.

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Paul Vignaux, historien et philosophe

de la spéculation médiévale, par rapport auquel le XIVe si¢cle représentait une période de dissolution et de décadence : « Telle est la vision commune ‫ٻ‬Zécrivait-ilZ‫ ٻ‬qu’il nous faut mettre en question 5 u. En réalité, c’est justement vers le XIVe si¢cle que s’étaient orientés les premiers intérêts de Vignaux, avec les études publiées entre 1931 et 1935Z: les articles « Nominalisme u, « Nicolas d’Autrecourt u, « Occam u dans le Dictionnaire de théologie catholique, les deux monographies 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK >R XIVe siècle (1934) et Luther commentateur des Sentences de 1935  et avec les premiers cours tenus à l’École pratique des hautes études, d’abord comme suppléant d’Étienne Gilson, puis, avec lui, comme directeur d’études, cours portant tous sur des auteurs et des probl¢mes du XIVe si¢cle. Parall¢lement il engage une polémique contre un type d’historiographie philosophique « rationaliste u ‫ٻ‬Zcelle de ses ma¨tres préférés de la SorbonneZ‫ٻ‬ qui tendait à voir dans le Moyen |ge « une époque de transition u, une période d’« interruption u de l’histoire de la philosophie à cause du caract¢re non philosophique de la spéculation médiévale, fondée essentiellement sur des présupposés ࠱déistes et dogmatiques et donc dépourvue de la « philosophie de la raison u qui constitue ‫ٻ‬Zsoulignait runschvicg en polémique avec GilsonZ‫ٻ‬ le caract¢re de la pensée occidentale 6. D’où la recherche et la revendication assidue d’une place précise pour la pensée médiévale dans l’histoire de la philosophie ‫ٻ‬Zexprimée aussi en termes de progr¢s par rapport à la tradition grecque et arabe (comme l’enseignait déjà son ma¨tre Étienne Gilson)Z ‫ ٻ‬à travers un élargissement de l’idée même de philosophieZ: c’est la raison pour laquelle, dans l’œuvre de 1938, la préférence est accordée au terme «ZpenséeZu ou «Zmodes de penséeZu, pour y inclure toute la ré࠲exion théologique qui, tout en se fondant sur la révélation, se transcrit en termes et en discours humains. Au cours des années, la défense de la valeur rationnelle, philosophique, originale de la spéculation théologique sera de plus en plus accentuée jusqu’à autoriser ‫ٻ‬Zaux yeux de l’auteurZ‫ ٻ‬la transformation du titre de son œuvre de jeunesse : dans la nouvelle édition revue de 1958, n’appara¨t plus dans le titre le terme de pensée mais celui de philosophie : Philosophie au Moyen Âge. Nous reviendrons sur ces probl¢mes fondamentaux pour Paul Vignaux. Nous voulons ici rappeler une autre approche de la pensée médiévale : contre une vision du Moyen Âge « comme une période de si forte unité intellectuelle

5. ID., La pensée au Moyen Âge, Paris 1938, p. 141. Encore en 1986, dans l’« Introduction u de l’édition 1987 de Philosophie au Moyen Âge, p. 11, Vignaux rappellera son jugement d’alors sur les études liées au néothomisme, resté inchangé dans Philosophie au Moyen Âge, Paris 1958, p. 119 : « La renaissance du thomisme, à l’époque contemporaine, n’a point, autant qu’on l’attendrait, servi l’intelligence réelle de saint Thomas. Nous avons certes une image précise de l’ensemble de ses th¢ses. Les thomistes y consid¢rent, dans l’intemporel, un syst¢me, une synth¢se totale  d’une perfection unique. u 6. L. BRUNSCHVICG, Le progrès de la conscience dans la philosophie occidentale, Paris 1927, p. 112, 116  cette perspective, soulignera É. GILSON (Le philosophe et la théologie, Paris 1960, p. 97), qui élimine le Moyen Âge de l’histoire de la philosophie, était ‫ٻ‬Zentre le XIXe et le XXe si¢cleZ‫ٻ‬ « une évidence que l’on ne pensait pas à discuter u.

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qu’on lui donne quelque apparence de pauvreté u, écrivait Vignaux en 1938, « le présent essai voudrait, en premier lieu, transmettre au lecteur l’impression toute contraire que l’auteur éprouva : une impression de diversité 7 u. Encore une fois, l’accent polémique vise une histoire de la philosophie qui se développe comme une succession de syst¢mes articulés selon des probl¢mes toujours identiques à eux-mêmes, hors du temps : « On n’assimile pas pour autant la succession des doctrines à une suite logique  on ne fait point des penseurs de simples moments de quelque Idée en devenir u, écrivait-il déjà en 1934, dans l’avant-propos de Luther commentateur des Sentences 8  il y a pour Vignaux une diversité rebelle que l’historien doit respecter, en refusant la tentation « de tout uni࠱er, de systématiser u, et en tournant ses intérêts non pas vers les syst¢mes mais vers la « mani¢re de penser u, la « mani¢re dont les probl¢mes sont posés et traités u, écrivait-il en soulignant 1’« attitude d’esprit, la diversité des âmes 9 u. Il y avait une allusion aux suggestions de ergson, qui était déjà explicite dans 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK : l’invitation à saisir les intuitions qui sont à la base de ré࠲exions philosophiques plus articulées, voire même les « émotions qui sont génératrices de pensée u, et avec elles les « techniques intellectuelles u et les conditions historiques dans lesquelles un penseur, toujours homme de son époque, op¢re 10. Dans les « -emarques ࠱nales u du volume 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK, jetant un regard global sur les analyses des penseurs du XIVe si¢cle autour de th¢mes qui semblent désormais hors de notre horiUon culturel à cause de leur technicité ra࠳née et de leur subtilité, Paul Vignaux notait : Ces luttes abstraites, nous comprenons qu’elles aient ému des hommes vivants. À l’humanité des mobiles qui les animent, ces spéculations en joignent une autre, d’ordre proprement intellectuel : l’humanité qui attire l’historien des idées et le retient, chaque fois que, devant lui, un esprit se pose un probl¢me et fait choix de certains procédés pour le résoudre. Comme la perception, les sciences, les philosophies, la mentalité primitive, la théologie rév¢le un ou plusieurs types de pensée. Il ne s’agit pas de la convertir en métaphysique, comme si elle demandait

7. P. VIGNAUX, La pensée au Moyen Âge, p. 6. 8. ID., Luther commentateur des Sentences, Paris 1935, sans pagination, daté 1934. 9. ID., La pensée au Moyen Âge, p. 6, 9. 10. ID., 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>RXIVe siècle, Paris 1934, p. 180  mais avec les précisions des p. 186-187, pour l’insistance ‫ٻ‬Zqui caractérisera toute la recherche ultérieure de P. VignauxZ‫ٻ‬ sur les « techniques intellectuelles u et « la langue u : « Autant de théologies, autant de techniques intellectuelles qui découvrent des possibilités de comprendre et d’expliquer ‫ٻ‬Znous en montrent l’impossibilitéZ‫ ٻ‬ram¢nent l’esprit à une tradition. Des sentiments animent donc ces corps abstraits. M. ergson distingue de l’émotion ‫ڄ‬qui est l’e࠰et de la représentation et qui s’y surajoute‫څ‬, un ébranlement plus profond : ‫ڄ‬Il y a, dit-il, des émotions qui sont génératrices de pensée‫څ‬. Il semble que les Docteurs du XIVe si¢cle participent à des sentiments de ce genre. Signalons seulement le péril qu’il y aurait à les séparer de l’œuvre où ils s’éprouvent et se dé࠱nissent : une théologie ne se réduit pas plus qu’une philosophie à une intuition, essentiellement indépendante du langage qui l’exprime  la forme intellectuelle est plus qu’une langue, même bien faite  elle répond à un scrupule de vérité, à un idéal de rigueur. La biographie psychologique nous para¨t une méthode insu࠳sante d’histoire doctrinale. u

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sa certitude à la pure raison. Mais telles qu’elles se présentent, les œuvres des théologiens peuvent intéresser par leur forme intellectuelle, comme travail de l’esprit 11.

Nous avons fait allusion à ergson  mais, parmi les auteurs qui ont pour Vignaux une importance particuli¢re, outre la référence constante à son ma¨tre Étienne Gilson ‫ٻ‬Zvis-à-vis duquel il prendra avec le temps de plus en plus ses distances ‫ٻ‬, nous ne pouvons oublier le renvoi à -udolph Otto pour le volume Das Heilige qui avait été traduit en français en 1929. Vignaux saisit la valeur herméneutique de la dé࠱nition du sentiment religieux en termes d’expérience créaturelle face au numineux, au totalement autre : il est déjà précis lorsqu’il évoque dans Luther commentateur des Sentences le « sentiment de toute créature devant l’incréé u. Vignaux reprendra cette tension radicale créateurcréature dans l’examen de la ré࠲exion théologique sur la liberté et la grâce, la prédestination et la justi࠱cation 12. Peu apr¢s, dans La pensée au Moyen Âge de 1938, s’ajoutera le renvoi signi࠱catif à &arl arth, non seulement comme représentant exemplaire d’une théologie rigoureuse, avec sa Dogmatique, mais aussi pour le Fides quaerens intellectum de 1931, (le « discours de la méthode u de arth, selon Henri ouillard) : Ce grand théologien ‫ٻ‬Z écrivait VignauxZ ‫ ٻ‬a d’ailleurs écrit un des plus beaux livres d’histoire médiévale : nous devons beaucoup à son Fides quaerens intellectum, pour l’intelligence non seulement de saint Anselme, mais de tous ses continuateurs, qui donnent au Moyen Âge intellectuel son caract¢re peut-être le plus marqué 13.

C’est toujours la ࠱gure de &arl arth qui est présente dans le double rappel à Anselme et au programme théologique contemporain, pas seulement barthien  Vignaux y trouvait encore plus un enrichissement et une con࠱rmation pour sa recherche philosophique et théologique : L’attention que nous portons aux « termes humains u d’un langage signi࠱ant des « choses divines u ‫ٻ‬Zécrivait-il en 1986Z‫ ٻ‬con࠱rme notre relation à arth, ࠱gure éminente de l’avant-guerre, théologien de la transcendance de la Parole divine qu’expriment « sous le toit de l’Église u, lieu de la théologie, les paroles humaines qui l’attestent dans la foi 14.

Des paroles humaines pour exprimer l’expérience religieuse de la vérité, objet de foi : Vignaux pense, et il y reviendra avec insistance d¢s 1934, à une a࠳rmation de Laporte, historien du jansénisme : On peut éprouver sur les théologies du XIVe si¢cle la vérité de cette parole d’un historien de Port--oyal : quelle qu’en soit l’origine, la pensée religieuse en ellemême est nécessairement une pensée humaine : et à ce titre, elle ne saurait être négligeable pour l’homme.

11. Ibid., p. 177. 12. Ibid., p. 38 n. 1, 133 n.Z1, 189  Luther commentateur des Sentences, p. 88. 13. P. VIGNAUX, La pensée au Moyen Âge, p. 8-9. 14. ID., « Introduction u à la nouvelle édition de Philosophie au Moyen Âge, Albeuve 1987, p. 13. Voir encore « Anselme, arth et au-delà u,)BPNR>QOBࠪBRSBP 1 (1973), p. 83-95.

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Tullio Gregory

On trouve dans La pensée au Moyen Âge encore une allusion au texte de Laporte : Nous devons en࠱n rappeler que, si le sentiment religieux et l’idée de Dieu visent une réalité transcendante, ils n’en sont pas moins donnés dans l’homme 15.

À ces auteurs, que Vignaux garde à l’esprit d¢s ses premiers écrits, d’autres s’ajoutent, dans ses souvenirs autobiographiques, tantôt lui revenant en mémoire, presque oubliés mais toujours présents, tantôt en relation avec des rencontres ou des discussions le long de son itinéraire de VIe et de recherche. Au-delà d’un rappel générique mais constant au modernisme, le renvoi à l’Action (1893) de Maurice londel ‫ٻ‬Zlivre qui circulait dactylographié, jamais republié à cause de l’attitude prudente, craintive de l’auteur face aux premi¢res réactions négatives du rang anti-modernisteZ ‫ ٻ‬est précis  il en va de même pour le renvoi à la Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d’apologétique et sur la méthode de la philosophie dans l’étude du problème religieux (1896) : pour Vignaux, les pages consacrées à la primauté de la liberté et de l’action, avec son insu࠳sance et « l’impossibilité de se renfermer dans l’ordre naturel u, son « indigence d’une vérité supérieure à la raison u, donc d’une révélation, don de Dieu 16, étaient des pages séduisantes, comme l’étaient, en même temps,

15. ID., 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK, p. 177  une allusion au même th¢me, dans ID., La pensée au Moyen Âge (1938), p. 9  un renvoi explicite dans ID., Philosophie au Moyen Âge, 1958, p. 10. Le renvoi est à J. LAPORTE, La doctrine de Port-Royal, vol. I : Essai sur la formation et le développement de la doctrine Saint-Cyran, Paris 1923, p. 13. Vignaux rapproche toujours de la citation de Laporte le souvenir d’une a࠳rmation de V. Delbos : « Comme on l’a dit à propos de l’in࠲uence de mystiques sur la philosophie moderne, il serait vain de présumer que tout ce qui est susceptible de prendre un sens rationnel doit nécessairement entrer dans le monde et dans l’esprit humain par la voie de la simple raison u (Philosophie au Moyen Âge, 1958, p. 10  cf. « Introduction u, p. 12-14). D’ailleurs, la référence à deux de ses ma¨tres à la Sorbonne est constante : Émile réhier, « notre ma¨tre en néoplatonisme u, auquel il se réf¢re à maintes reprises parce qu’il lui a indiqué dans Duns Scot « l’a࠳rmation sans réticence de ce que l’on pourrait appeler le caract¢re historique de la vision chrétienne de l’univers u (« Introduction u, p. 15, 17) et surtout Léon runschvicg, « notre ma¨tre en rationalisme u, auquel il reconnaissait qu’il lui devait « l’exemple d’histoire critique u et « l’attention aux modes de penser u (ibid., p. 21)  cf. aussi « Témoignage u en préface à De saint Anselme à Luther, Paris 1976, p. 7-8 et Histoire des théologies chrétiennes, dans Problèmes et méthodes d’histoire des religions, Paris 1968, p. 224225 : « Lorsqu’on a appris de ma¨tres en histoire intellectuelle et en philosophie même, comme Léon runschvicg, l’intérêt moins des th¢ses systématiquement présentées que de l’attitude et de la démarche de l’esprit qui les pose, de la façon dont il se conduit, de la mani¢re dont il a été et s’est formé – tout ce que Descartes laisse percevoir dans le Discours de la Méthode, document unique –, on conçoit spontanément l’étude des théologies médiévales comme celle de modes de penser, de pensées en mouvement, étant entendu que, selon une remarque de Jean Laporte, ‫ڄ‬quelle qu’en soit l’origine, la pensée religieuse en elle-même est nécessairement une pensée humaine‫ څ‬et qu’ ‫ڄ‬à ce titre, elle ne saurait être négligeable pour l’homme‫ څ‬u. Ici encore une référence importante à &. arth (p. 223, 225-226) et le renvoi répété aux textes de Delbos (p. 223), et à l’« intuition philosophique u de ergson (p. 225). 16. M. LONDEL, L’action. Essai d’une critique de la vie et d’une science de la pratique, Paris 1973 (18931), p. 351, 375, 405, 411. Il se référera fréquemment à londel dans l’« Introduction u de 1986 (p. 11, 17, 47 sqq.) à la nouvelle édition de la Philosophie au Moyen Âge (1987), où une note (p. 11, n. 1) est signi࠱cative : « La référence à Maurice londel est à joindre aux ‫ڄ‬indications

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Paul Vignaux, historien et philosophe

les nouveaux horiUons que la Lettre ouvrait à l’apologétique chrétienne. Ce sont des thématiques qui se présenteront de nouveau lorsque Vignaux lira les travaux de Dumery sur la pensée de londel et surtout la Philosophie de la religion (1957), concourant à résoudre ce qui représentait pour lui le probl¢me crucialZ : comment insérer la pensée médiévale, essentiellement théologique, dans l’histoire de la philosophie 17. Paul Vignaux insistera encore sur l’importance de londel dans l’« Introduction u à la derni¢re édition de Philosophie au Moyen Âge (écrite en 1986, publiée en 1987 18), avec un panorama plus complexe d’expériences et de débats : ici, s’ampli࠱e la polémique non seulement contre la néo-scolastique, le néothomisme et leur perspective historiographique (« nous écartions l’image commune d’un XIIIe centré sur les th¢ses philosophiques qu’avait di࠰usées à la ࠱n du XIXe et au début du XXe le néothomisme de l’Église romaine u), mais aussi contre l’option néothomiste de plus en plus nette de son ma¨tre Gilson 19, tandis qu’est souligné le rapprochement des dominicains du Saulchoir, surtout de Marie-Dominique Chenu, qui avait immédiatement saisi l’intérêt et l’originalité de La pensée au Moyen Âge, en la signalant dans La vie spirituelle du 25 juin 1938. Grand historien et théologien, avec Une école de théologie : )B࢙0>RI@ELFO (1937, mis à l’Index en 1942 à la ࠱n d’une longue procédure inquisitoriale commencée en 1938), non seulement il proposait une mise en situation historique de Thomas d’Aquin, replacé dans son époque, en polémique avec les développements postérieurs de la « théologie baroque u, mais avait aussi fortement souligné l’importance de l’histoire pour la ré࠲exion théologique, liée aux signes du temps. Historicité de la théologie : si la théologie est « la foi

rétrospectives‫ څ‬du ‫ڄ‬Témoignage‫ څ‬donné en avant-propos du recueil d’articles De saint Anselme u, « son interprétation du terme surnaturel fut un centre de controverse dans le catholicisme de l’époque u (« Introduction u, p. 48-49)  mais l’œuvre du théologien jésuite resta marginale, de même qu’appara¨t prudente l’allusion (p. 31) à Humani generis (1950) de Pie XII, contre la « nouvelle théologie u de l’école de Lyon-!ourvi¢re (toutefois Vignaux cite souvent d’autres auteurs proches de l’école, et, tout d’abord, H. ouillard pour son travail monumental sur arth (La théologie dialectique de Karl Barth, Paris 1957) et la discussion des th¢ses de H. DUMERY sur londel (Blondel et le christianisme, Paris 1961). Sur londel, P. VIGNAUX avait déjà écrit en 1936Z: « Sur quelques tendances de la philosophie de Maurice londel u, Recherche philosophique 6 (1936-1937), p. 363-372. 17. Paul Vignaux revient souvent sur l’importance de l’œuvre de H. Dumery (en particulier La philosophie de l’action. Essais sur l’intellectualisme blondélien, Paris 1948  Blondel et la religion. Essai critique sur la lettre de 1896, Paris 1954  Philosophie de la religion, 2 vol. Paris 1957) qui l’orientait à poser le probl¢me de la ré࠲exion philosophico-théologique médiévale dans les termes d’une philosophie de la religionZ: voir au moins ID., « Métaphysique de l’Exode, philosophie de la religion. À partir du De primo principio selon Duns Scot u, /FSFPQ>AFࠩILPLࠩ>KBLP@LI>PQF@> 70 (1978), en partic. p. 142  « Introduction u, p. 16-17, 47-49, ainsi que la conférence à la Société française de philosophie à laquelle se réf¢re la note 45. 18. ID., « Introduction u à Philosophie au Moyen Âge, (19872), p. 11, 17, 47-51 cf. « Histoire de la pensée médiévale et probl¢mes théologiques contemporains u, Nouvelles de la République des Lettres I (1988), p. 7 (cet écrit a été republié par -. Imbach en appendice à sa nouvelle édition de La philosophie au Moyen Âge, Paris (20043), p. 277-293. 19. ID., « Introduction u, p. 32-33, 42  voir infra n. 27.

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in statu scientiae u, « une spiritualité qui a trouvé des instruments rationnels adéquats à son expérience religieuse u, cette expérience est toujours historique, les constructions de la théologie sont relatives comme les expressions de la foi : « Le théologien n’a et ne peut avoir aucun espoir de trouver son donné hors l’histoire, hors cet auditus ࠱dei répandu à travers le temps u : donné constitué d’événements temporels, dans l’économie du salut 20. Le rappel de plus en plus fort à l’histoire comme histoire du salut et à l’historicité de la ré࠲exion théologique, se conjugue, dans l’expérience de Vignaux, avec le débat ouvert par la th¢se de -aymond Aron (1938), « événement intellectuel mémorable 21 u, th¢se sur « La théorie de l’histoire dans l’Allemagne contemporaine. Introduction à la philosophie de l’histoire. Essai sur les limites de l’objectivité historique u. S’ouvrait alors un débat d’une grande portée, dans le milieu philosophique et théologique français, amorçant une redécouverte de l’historicisme allemand qui se conjuguait avec une nouvelle lecture de Hegel et de l’hégélianisme (A. &oj¢ve, G. !essard, &. L°Rith). Dans cet horiUon culturel, Vignaux pouvait a࠳ner certains instruments conceptuels fondamentaux : le probl¢me de la philosophie de l’histoire renvoyait au concept chrétien du temps historique (selon les perspectives de Cullmann et de Puech 22) et à la théologie de l’histoire (avec l’évaluation parall¢le de l’eschatologie médiévale 23), tandis que les suggestions hégéliennes du Dieu qui se rév¢le dans l’histoire, du christianisme comme religion absolue, d’une possible philosophie de la religion, contribuaient à éclaircir la rationalité et le caract¢re philosophique de la ré࠲exion théologique. Vignaux remarque que ses recherches, dans les années de la Seconde Guerre mondiale, étaient marquées « par l’application de la philosophie critique de l’histoire à l’histoire de la philosophie u.

20. M.-D. CHENU, Une école de théologie : le Saulchoir, avec les études de G. Alberigo, E. Fouillaux, J. Ladrière et J.-P. Jossua, Paris 19852 (19371), p. 125-126, 130, 139, 148-149, 137. Cf. le compte rendu de La pensée au Moyen Âge de Paul Vignaux dans La vie spirituelle, 25 juin 1938, p. 414-416 : Chenu saisit tout de suite la caractéristique de l’œuvre, « une évocation des attitudes d’esprit, des ‫ڄ‬régimes mentaux‫ څ‬qui, avec une variété insu࠳samment observée jusqu’ici, compos¢rent la pensée médiévale. La pensée, c’est-à-dire non la seule philosophie, mais l’ensemble d’une activité intellectuelle dont l’indivisible totalité implique une spéculation que nous appelons aujourd’hui plus expressément théologique u, et il ajoute : « Nous croyons que, pour reconstituer (en exactitude historique, et aussi en vérité doctrinale) l’univers mental du Moyen Âge, il faut dépasser cette position polémique du XIXe si¢cle, et concevoir e࠰ectivement l’existence d’une vie rationnelle à l’intérieur d’une foi et d’une vie spirituelle chrétienne u. Pour situer M.-D. Chenu dans la culture catholique et dans la médiévistique des son époque, cf. G. SPINOSA, « Storicismo e linguaggio. La storiogra࠱a ࠱loso࠱ca di M.-D. Chenu u, essai introductif au vol. M.-D. CHENU, 0QRAFAFIBPPF@LDO>ࠩ>ࠩILPLࠩ@>J£AF£S>IB, éd. G. SPINOSA, !lorence 2001, p. XIII-CXXXIII. 21. P. VIGNAUX, « Introduction u, p. 26-27  Histoire de la pensée médiévale, p. 13-14. 22. Vignaux rappelle O. CULLMANN et H.-Ch. PUECH (« Introduction u, p. 41) en se référant à Christ und Zeit de CULLMANN (1946, traduit en français en 1947) et à H.-Ch. P UECH, La Gnose et le temps (1952)  rappelons également du même auteur, Temps, histoire et mythe dans le Christianisme des premiers siècles (1951), republié avec le précédent dans le recueil En quête de la Gnose, vol.ZI, La Gnose et le temps, Paris 1978, p. 1-23  215-270. Les deux chercheurs étaient coll¢gues de Vignaux à l’École pratique des hautes études. 23. Cf. P. VIGNAUX, « Philosophie chrétienne et théologie de l’histoire u, dans L’homme devant !FBR *£I>KDBPLࠨBOQP>R-¢OB%BKOFAB)R?>@, vol. III, Paris 1964, p. 263-275

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On y est parvenu 6‫ڎ‬8 – écrit-il – par une double référence au Christianisme comme « religion absolue u dans la philosophie de Hegel et comme « histoire du salut u aux yeux de nos contemporains, en࠱n par l’analyse des probl¢mes médiévaux de « l’ordre théologique u et de la condition où le travail philosophique se poursuivit. Cette recherche situait les multiples « théologies de l’histoire u entre deux extrêmes : d’une part l’exposé du « sens de l’histoire u, ultime et total, tel que révélé au plus profond du Christianisme  d’autre part le discernement par un croyant d’un « signe des temps u, de son temps 24.

Parall¢lement, c’était encore Hegel qui proposait le th¢me d’une philosophie de la religion : Nous devions à la philosophie hégélienne du Christianisme, « religion absolue u, l’éclaircissement de deux interrogations liées l’une à l’autre : comment sauver « la réalité qualitative propre‫ ڎ‬au développement historique u, menacée 6dans les termes du P. Niel8 par l’identi࠱cation « de l’Histoire et de l’Idée u  – Appliquée au Christianisme, une approche philosophique de la religion dépasse-t-elle nécessairement celle-ci en la niant et portant la philosophie au rang suprême  Est-il au contraire possible que cette approche philosophique respecte la transcendance de la Parole de Dieu et de l’acte de foi spéci࠱quement religieux qui y répond  La premi¢re question nous appelait à penser l’histoire du salut en fonction d’une philosophie critique de l’histoire  répondant à la seconde, notre analyse de la dialectique de Monologion et Proslogion la situait dans l’histoire de la philosophie en 1973, à un plan de philosophie de la religion en deçà de celui où se situe l’expérience du croyant 25.

C’est Vignaux lui-même qui nous dit l’importance fondamentale de cette expérience intellectuelle complexe d’où émergent deux orientations de rechercheZ: la conception « du salut comme histoire u et la « notion de philosophie de la religion u. Vignaux écrit : En joignant cette conception du salut comme histoire à la notion de philosophie de la religion, le progr¢s depuis 1938 de notre ré࠲exion avait atteint les deux idées directrices de notre compréhension ultérieure du Moyen Âge intellectuel 26.

Ces deux idées, mûries au cours des années qui suivirent 1938, orient¢rent la recherche de Vignaux et lui permirent d’éclaircir le probl¢me qu’il s’était proposé d¢s les pages de l’avant-propos de La pensée au Moyen Âge : que doit-on entendre par philosophie médiévale et quelle place occupe en elle la ré࠲exion théologique  Étant donné que la production originale des penseurs, objets de son histoire, est constituée d’œuvres considérées communément comme théologiques, visant à éclaircir les probl¢mes liés à la révélation, objet d’expérience religieuse et de dé࠱nitions dogmatiques. Vignaux avait discuté à maintes reprises la valeur du syntagme « philosophie chrétienne u, surtout en relation avec les cél¢bres « Gi࠰ord Lectures u de son ma¨tre Gilson en 1931-1932 : si ce concept soulignait l’apport du chris-

24. ID., « Introduction u, p. 27. 25. Ibid., p. 46-47. 26. Ibid., p. 17.

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tianisme à la ré࠲exion philosophique (en particulier, comme on sait, Gilson insistait sur la « métaphysique de l’Exode u), selon Vignaux il ne semblait pas donner asseU d’espace au croisement de th¢mes traditionnellement philosophiques avec les nouveaux probl¢mes imposés par l’expérience chrétienne  et ses réserves par rapport à l’enseignement de Gilson deviennent de plus en plus fortes face à la réduction de la philosophie chrétienne dans les termes du néothomisme d’Aeterni Patris, que Gilson était en train d’accomplir 27. EnZmême temps, le refus d’isoler une « théologie naturelle u, pars philosophiae, de la structure théologique générale de la ré࠲exion médiévale devenait cheU Vignaux de plus en plus net 28. La « distinction formelle u néoscolastique ne pouvait être prise comme param¢tre méta-historique de jugement, étant donné que la philosophia et la ratio naturalis sont, pour les théologiens médiévaux (Vignaux le souligne en citant saint onaventure et Duns Scot), en rapport avec une condition historique déterminée, expression d’une raison ࠱lle du péché (pro statu isto) et dépourvue du don de la révélation qui a ouvert à l’homme de nouveaux horiUons. Déjà dans l’article « Nominalisme u (1931), Vignaux avait indiqué comment ce qui semble être un probl¢me exclusivement logique, à savoir la nature des universaux, rév¢le tout de suite ses implications non seulement sur le plan métaphysique –Zla structure de la réalitéZ– mais aussi sur le plan théologicoreligieux en renvoyant aux probl¢mes de Dieu, de son omnipotence (article du

27. É. GILSON, Christianisme et philosophie (1936), à partir de l’édition Paris 1949 (reprise en 1986), p.Z129 : « J’ai écrit le premier volume de l’Esprit de la philosophie médiévale, de ce qui en est devenu le chapitre III jusqu’à la ࠱n, sans penser à la notion de philosophie chrétienne  c’est alors que je l’ai rencontrée et comme elle me semblait donner une unité à la philosophie que j’étais en train de décrire, j’ai écrit sur cette notion les deux premiers chapitres. J’étais asseU content de ma découverte, lorsqu’en étudiant ensuite les documents relatifs à cette notion, et rencontrant l’encyclique Aeterni Patris que j’avais totalement oubliée, je me suis aperçu que ce que j’étais en train de prouver en deux volumes, vingt leçons et je ne sais combien de notes, était exactement ce que cette encyclique aurait su࠳ à m’enseigner, y compris l’interprétation même de la philosophie médiévale que je proposais u. Cf. la ࠱ne analyse de H. GOUHIER, « Gilson et la philosophie chrétienne u, dans É. GILSON, Trois essais, Paris 1993, p. 37-73. Pour les positions de Vignaux sur l’historiographie de Gilson, cf. en particulier « Étienne Gilson u, Revue de métaphysique et de morale 73 (1979), p. 289-296  « Situation d’un historien philosophe devant la scolastique des XIVe et XVe si¢cles u, dans M. COURATIER (DIR.), É. Gilson et nous : la philosophie et son histoire, Paris 1980, p. 49-59. 28. P. Vignaux revient sur ce th¢me à plusieurs reprises  il sera su࠳sant de rappeler une page fortement autobiographique (P. VIGNAUX, « Histoire des théologies médiévales u, dans H. PUISEUX (dir.), Problèmes et méthodes d’histoire des religions, Paris 1968, p. 221-229) : « Il convient de ne pas restreindre l’étude du Moyen Âge spéculatif à ce qu’on peut discerner de théologie naturelle, pars philosophiae envisagée à part de la doctrina sacra spéci࠱ée par son fondement scripturaire, sans rapport à la parole divine. La place de la Trinité dans les Sentences de Pierre Lombard, mati¢re classique de commentaires du XIIeZsi¢cle à l’époque de Luther, attire l’attention sur la spéculation trinitaire qui inspire même l’anthropologie, analyse d’un être constitué en tant qu’esprit comme imago Dei, imago Trinitatis : du Monologion d’Anselme aux commentaires de Duns Scot et de Pierre d’Auriole, la doctrine du Verbe éclaire l’analyse de l’acte et de l’objet du conna¨tre humain u (p. 223-224)  dans cet écrit, la référence à &arl arth est encore centrale, p. 223, 225-226.

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credo), de sa libre volonté, de l’incarnation, de la justi࠱cation et de la grâce, de l’ordre moral et du libre arbitre 29. C’est tout le domaine de la ré࠲exion théologique qui est investi par la critique nominaliste, comme cheU tout autre penseur médiéval l’ensemble des données vécues dans la foi constitue l’horiUon de sa pensée. Il en est de même, dans JRPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK, où Paul Vignaux soulignait encore une fois comment les probl¢mes de la prédestination et de la grâce, de la providence et de la justi࠱cation, de la vision béati࠱que, déclenchaient une ré࠲exion rationnelle –Zsur les instruments de la connaissance, sur la nature humaine, sur l’être, sur le Dieu un et trineZ– étroitement liée à une expérience religieuse qui ne peut être ramenée au cadre de la ratio naturalis, représentée à cette époque par l’aristotélisme. À partir de son expérience de chercheur, attentif aux modes de pensée, aux intuitions, aux expériences de vie spirituelle et de foi, mé࠱ant à l’égard des structures abstraites des syst¢mes, avec une sensibilité aiguë pour les probl¢mes de la théologie contemporaine, naissait donc l’exigence de justi࠱er son travail d’historien philosophe, principalement tourné vers les modes de pensée théologiques (soulignant aussi l’importance d’une théorie théologique de la connaissance) et de légitimer la présence d’une problématique théologicoreligieuse dans une histoire de la philosophie. Et, au cours des années, Vignaux était de plus en plus conscient que toute ré࠲exion sur l’expérience de la foi était un mode de pensée, une ré࠲exion critique, philosophique, dans une condition historique déterminée dans le temps de l’Église, sur les données de la foi 30. &KQBIIB@QRP ࠩABF: ce n’est pas un hasard si Anselme –Z avec Duns ScotZ – constitue un des pôles de la recherche de Paul Vignaux. La leçon de &arl arth est déjà présente dans les pages consacrées à Anselme dans La pensée au Moyen Âge, avec le refus de classi࠱er l’itinéraire d’Anselme sous les étiquettes habituelles de philosophie ou théologie, avec la mise en relief de la connexion entre pri¢re (le début du Proslogion) et recherche tant d’une argumentation pour prouver l’existence de id quo maius cogitari nequit, que pour découvrir les rationes necessariae d’objets propres à la foi, pour un intellectus qui se place entre foi et vision béati࠱que. Paul Vignaux a par la suite consacré à Anselme de nombreux essais visant tous à saisir les structures de ses écrits –Zet surtout du Monologion et du ProslogionZ– dans la perspective ouverte par &arl arth auquel il se rapportera toujours de mani¢re explicite : Empruntons à &arl arth une terminologie expressive : la preuve du Monologion porte à la fois sur la nécessité du credo et l’obligation du credo. 0ne structure doublement rationnelle de la foi en son contenu et son acte, voilà ce que dégage la méditation anselmienne 31.

29. P. VIGNAUX, « Nominalisme u, dans Dictionnaire de théologie catholique, XI/1, col. 754. 30. ID., « La philosophie médiévale dans ‫ڄ‬le temps de l’Église‫ څ‬u, dans Mélanges d’histoire de OBIFDFLKPLࠨBOQPš%BKOF E>OIBP-RB@E, Paris 1974, p. 549-555. 31. ID., « Structure et sens du Monologion u, dans De saint Anselme à Luther, p. 80 (l’essai est de 1947).

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Tout le discours du *LKLILDFLK‫࢙ٷ‬BUBJMIRJJBAFQ>QFLKFPABO>QFLKBࠩABFZ– est vu par Vignaux selon une structure unitaire qui n’isole pas –Zcomme le fait souvent une certaine historiographieZ– les premiers chapitres, avec ce que l’on nomme les preuves, du développement théologique du « discours sur Dieu 32 u. Encore une fois, arth –Zqui est ici rapproché de GilsonZ– oriente l’interprétation de la necessitas des rationes dans un contexte fortement objectiviste : « IlZy a vérité quand la nécessité même de l’être s’est communiquée à la pensée et au discours 33 u. Il s’agit d’une nécessité objective que le croyant parcourt –Zà travers une analyse des structures du langage ainsi que de la tradition théologiqueZ– en redécouvrant la O>QFLࠩABF « latente dans l’expression de la foi qui préside la dialectique u  où cette ratio, elle aussi objective, reste toujours sous le contrôle et la validation de la foi et respecte son impenetrabile secretum. SiZbien qu’il faudra éviter, souligne Vignaux, la tentation d’extraire du Monologion une « théologie naturelle u, un simple traité sur la démonstration de l’existence du Dieu un et de ses attributs : le Deus de la ré࠲exion chrétienne est toujours le Dieu un et trine, et le Monologion est un tractatus de Trinitate 34. Ailleurs, Vignaux rappellera que toujours, dans la ré࠲exion chrétienne médiévale, le Dieu dont on parle n’est pas l’être de la métaphysique grecque, mais le Dieu un et trine 35, qui se manifeste dans l’histoire du salut comme liberté absolue, dont le !ils s’incarne pour libérer les hommes du péché d’Adam. D’où aussi le sens et l’importance d’une vision christocentrique de l’histoire –Zthéologie de l’histoireZ– qui constitue une structure essentielle de la ré࠲exion philosophique et théologique dans la tradition chrétienne. Paul Vignaux le soulignera en revenant plus tard sur le christocentrisme de saint onaventure et, encore, lorsqu’il a࠰rontera l’autre auteur qui constitue un point de rep¢re constant de sa recherche : Duns Scot 36. Parler de Duns Scot signi࠱e résumer tout l’engagement historiographique et théologique de Paul Vignaux : c’est lui-même qui le rappelait lorsqu’il évoquait « les cinquante ans d’une lecture presque continue u de ses écrits, par lesquels il avait été attiré, avant même d’écouter les cours d’Étienne Gilson à l’École pratique des hautes études : « Scot a été pour nous un centre de perspective sur le MoyenZÂge u. C’est justement le fait d’être entré dans l’étude de la philosophie médiévale à travers Duns Scot qui l’a immunisé, et c’est Vignaux qui le souligne, contre une vision néothomiste du Moyen Âge, organique, unitaire et unidirectionnelle, et lui a permis de saisir immédiatement les di࠰érences, les diversités, le dynamisme qui anime l’histoire de la pensée médiévale 37. Et c’est l’œuvre de Duns Scot qui impose constamment à Vignaux de ré࠲échir sur le

32. ID., « La méthode de saint Anselme dans le Monologion et Proslogion u, Aquinas 8 (1965), p. 110-129 (p. 118-119, 128-129). 33. ID., Structure et sens, p. 82, cf. p. 89. 34. Ibid., p. 95, 92, 95  « La méthode de saint Anselme dans le Monologion et Proslogion u, p. 130, 114, 118. 35. P. VIGNAUX, « Humanisme et théologie cheU Jean Duns Scot u, dans De saint Anselme à Luther, p. 184. 36. ID., « Introduction u, p. 37, 42. 37. Ibid., p. 42  ID., « Lire Duns Scot aujourd’hui u, p. 243-244.

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dialogue inter philosophos et theologos que le penseur franciscain a࠰ronte au début de l’Ordinatio et qui constitue de quelque mani¢re le ࠱l conducteur des recherches de Vignaux, engagé dans un ensemble de probl¢mes qui touchent les th¢mes fondamentaux de la dogmatique médiévale : La toute premi¢re ,uestion sur les Sentences dans l’Ordinatio ࠱nale, comme dans la premi¢re Lectura, partait d’une controversia inter philosophos et theologos, engageait le dialogue d’un théologien répondant à des objections de philosophes qui allait se poursuivre sur le dogme trinitaire, apr¢s avoir concerné la ࠱n de l’homme et les moyens d’y parvenir, le salut et ses conditions, l’existence, l’unité, la liberté de Dieu. Cette opposition théologie-philosophie nous plaçait immédiatement dans le régime mental des écoles et universités médiévales 38.

La confrontation avec Duns Scot est complexe et continuelle justement parce que dans son œuvre se dessine une critique de la philosophie de la part de la théologie, ou mieux, la critique d’une philosophie historiquement déterminée, la philosophie grecque et arabe, de la part d’un théologien-philosophe et d’une raison théologique qui dénonçait –Z comme le faisait déjà onaventureZ – les limites d’une conception naturaliste de l’homme et de ses destins  à cette philosophie –Zliée à l’exercice d’une raison qui participe du péché d’Adam, pro statu istoZ– s’oppose une nouvelle perspective surnaturelle, ouverte par la révélation et vécue dans l’expérience de foi chrétienne. À partir de la critique de la philosophie antique sur la base d’une expérience historique concr¢te et à partir de l’exaltation de la nouveauté radicale constituée par le christianisme (où les états de la raison cheU Duns Scot, comme déjà cheU onaventure, renvoient à une vision de l’histoire comme histoire du salut 39), na¨t ce qui est, pour Paul Vignaux, un des aspects qui caractérisent la pensée de Duns Scot, au-delà de la leçon de Gilson, présente dans son œuvre consacrée au penseur franciscain en 1952 : à savoir l’a࠳rmation d’une nouvelle dignité de la nature humaine 40. Historiquement déchu à cause du péché d’Adam, l’homme est incapable non seulement de conna¨tre distinctement sa propre essence, puisqu’il est lié au conditionnement sensible, mais aussi de construire une métaphysique comme science rigoureuse : la connaissance des substances séparées est limitée à une connaissance in universali, et non in particulari, c’est-à-dire qu’elle s’arrête à une connaissance qui n’est pas distincte mais confuse. Mais, si la révélation permet de saisir le defectus de la nature humaine, elle lui conf¢re toutefois une perfectio et une dignitas supérieures : la possibilité de conna¨tre sa propre essence et de poursuivre sa propre ࠱n surnaturelle, la béatitude, don gratuit de la part de Dieu. L’ouverture au surnaturel –Zen redécouvrant une nécessité intrins¢que dans la nature humaineZ –, la possibilité o࠰erte par la révélation et la grâce d’une

38. ID., « Introduction u, p. 42. 39. ID., La pensée au Moyen Âge, p. 120  Histoire de la pensée médiévale etc., p. 9. Vignaux rappellera toujours une suggestion de E. réhier concernant l’idée de l’historicité de la vision chrétienne de l’univers cheU Duns Scot (« Introduction u, p. 17). 40. ID., « Humanisme et théologie cheU Jean Duns Scot u, dans De saint Anselme à Luther, p. 181, 183 : l’essai est de 1936 et ce th¢me deviendra de plus en plus présent dans les travaux qui suivront.

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@LDKFQFL KB@BPP>OF> L?FB@QF ?B>QFࠩ@F, de Dieu principe premier et en même temps Trinité (frui Trinitate), constituent la structure non seulement de l’anthropologie théologique de Duns Scot, mais aussi de son humanisme théologique : l’homme, en tant qu’imago Dei, est capax Dei. C’est donc en ceci que réside le libre ajout conféré par le christianisme à la nature humaine qui, écrivait Scot, potest recipere perfectionem ultra omnem illam quam potest ex naturalibus habere : c’est pourquoi, tandis que le philosophe, Aristote, avilit la nature humaine, le théologien, la digni࠱e : ideo tu J>DFPFII>JAFDKFࠩ@>P. Dans la AFDKFࠩ@>QFLK>QRO>B–Zécrit VignauxZ– on sent un dynamisme, une inspiration: puisqu’il s’agit de notre essence, de sa noblesse, parlons d’humanisme 41.

Paul Vignaux se souvient des pages de l’Action de londel sur l’exigence du surnaturel inhérent à la nature humaine et la leçon de Scot se con࠱rme comme une recherche exemplaire qui conjugue métaphysique et expérience religieuse 42, le th¢me de l’omnipotence divine et de la libéralité, la gratuité de l’amour divin, le contingentisme radical et la liberté humaine. La complexité et la subtilité de la ré࠲exion de Duns Scot n’empêchent pas à Vignaux d’en dégager l’actualité, en insistant d’un côté sur sa « philosophie de la liberté u qui trouve son principe dans la liberté divine (prima contingentia) et se situe dans un « ordre spéci࠱quement moral u où « l’action droite puisse être voulue par la droiture même u (avec renvoi à &ant et à la fondation des droits de l’homme)  de l’autre, mettant en relief sa « théologie de l’histoire u comme « histoire du salut u, ouverte aux th¢mes de la théologie contemporaine de l’espérance et de la libération 43. Mais il y a un autre th¢me qui, encore en relation avec Duns Scot, constitue un motif récurrent des derni¢res études de Vignaux : l’œuvre de ce « théologienphilosophe u, sa confrontation critique continuelle avec l’aristotélisme et avec la scolastique du XIIIe si¢cle, m¢ne à dépasser le probl¢me de la « philosophie chrétienne u, pour a࠳rmer la validité d’une philosophie de la religion comme « ré࠲exion critique sur le fondement d’une certitude de foi 44 u. Ce n’est pas un hasard si la référence à la spéculation théologico-philosophique de Duns Scot revient dans l’intervention, à plusieurs titres dé࠱nitive,

41. Ibid., p. 190. 42. P. VIGNAUX, « Lire Duns Scot aujourd’hui u, p. 251, 259-260. 43. ID., « In࠱ni, liberté et histoire du salut u (de 1970), dans De saint Anselme à Luther, p.Z231  ID., « Humanisme et historicité u, p. 33  pour la référence à &ant, ibid., p. 32-33. Voir aussi ID., « Christianisme et philosophie de la liberté u,)BPNR>QOBࠪBRSBP 3 (1974), p. 99-116, en particulier p. 100-101 (également p. 104-105 pour le renvoi à &ant). Sur la théologie de l’espérance et de la libération, Vignaux insiste en discutant surtout les th¢ses de E. loch, 2. Pannenberg, J. Moltmann et d’autres théologiens contemporains, dans « Conditions d’une théologie de l’espérance u,)BPNR>QOBࠪBRSBP 2 (1974), p. 82-96  « Note de lecture : Église et libération u (avec Georgette Vignaux), )BPNR>QOBࠪBRSBP5 (1975), p. 54-56. 44. ID., « Métaphysique de l’Exode, philosophie de la religionZ(à partir du « De primo principio selon Duns Scot u, /FSFPQ>AFC©ILPLࠩ>KBLP@LI>PQF@> 7 619788, p. 135-148, pour le texte cité, p. 138)  ID., « Introduction u, p. 42  ID., « Lire Duns Scot aujourd’hui u, p. 259.

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Paul Vignaux, historien et philosophe

à la Société française de philosophie en 1973, « Sur la place du Moyen Âge en histoire de la philosophie u. Là, avec une grande fermeté, en reprenant la polémique contre les classements et les réductions simplistes d’une historiographie néoscolastique, apr¢s avoir indiqué d’une main sûre l’insertion aussi bien des métaphysiques médiévales (c’est Vignaux qui emploie le pluriel) que des techniques logico-linguistiques dans l’histoire de la philosophie, il souligne de nouveau comment ses recherches sur des œuvres théologiques rentrent de plein droit dans une histoire de la philosophie sous l’angle de la philosophie de la religion, engagement de la raison humaine à construire un savoir fondé sur l’expérience religieuse. Apr¢s avoir refusé tout découpage de la ré࠲exion concr¢te des théologiens médiévaux, il s’agit de concevoir l’histoire de la philosophie comme histoire de la raison, concept que maintenant Vignaux thématise fortement, en insistant « sur l’unité de cette raison à l’œuvre dans des domaines devenus pour nous séparés, en ne laissant pas au-delà de notre horiUon l’usage proprement théologique de cette raison u. C’est en se plaçant du point de vue des auteurs étudiés au cours de son long parcours d’historien et en suivant concr¢tement « l’usage théologique de la raison u que l’on peut écrire une histoire de la raison qui inclut de droit les raisonnements des théologiens sur les données de la révélation, sur l’expérience religieuse accomplie sous le toit de l’Église : Il ne su࠳t pas –Zécrit-ilZ– de retenir la nécessité d’éclairer par l’histoire des théologies les motivations de recherches philosophiques  nous avons considéré qu’un usage proprement théologique de la raison relevait d’une histoire de la raison. Par usage théologique, nous entendons l’application du raisonnement à une vérité posée, non pas comme acquise par le jeu naturel des facultés humaines et de l’expérience commune du monde, mais d’origine transcendante  une vérité qui se présente selon les termes de Duns Scot dans une doctrina specialis supernaturaliter inspirata.

Cette perspective permet de récupérer non seulement l’unité d’œuvres théologiques mais aussi l’importance de ré࠲exions qui touchent la spiritualité, la dogmatique, l’histoire du salut elle-même 45.

45. ID., « Sur la place du Moyen Âge en histoire de la philosophie u, Bulletin de la Société française de Philosophie 68/1 (1974), en particulier p. 13-15. runo Nardi, issu d’une formation culturelle di࠰érente – apr¢s Louvain, le climat néo-idéaliste italien avec la leçon de Croce et surtout de Gentile – n’aura aucune di࠳culté à considérer les théologies médiévales comme constitutives de l’histoire de la philosophie médiévale : déjà en 1913, en publiant sur le « ollettino bibliogra࠱co u de La voce 26/ V/ 26 (juin 1913), un compte rendu de I Problemi della Scolastica de G. Gentile, il soulignait que « la vera ࠱loso࠱a medievale (ed ¢ strano che parecchi storici faccian vista di non saperlo) ¢ la speculaUione teologica di quel tempo u (p. 1109)  puis encore dans l’étude « Intorno alle dottrine ࠱loso࠱che di Pietro d’Abano u, dans Nuova rivista storica 5 (1920)  6 (1921), republiés in Saggi sull’aristotelismo padovano, !lorence 1958, voir ici p. 55-56)  plus tard, en rappelant l’enseignement de G. Gentile, « La ࠱loso࠱a del Medio Evo nel pensiero di Giovanni Gentile u,$FLOK>IB@OFQF@LA£IF>ࠩILPLࠩ>FQ>IF>K> 26 (1947), p. 209-236), il écrira encore une fois : « La ࠱loso࠱a medievale, cercata fuori della speculaUione teologica, si ridurrebbe a ben povera cosa u (p. 213). ,u’on me permette de renvoyer à T. GREGORY, « runo Nardi u, Giornale @OFQF@LABII>ࠩILPLࠩ>FQ>IF>K> 47 (1968), p. 469-501, en particulier, p. 471-476.

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Tullio Gregory

Dans un autre essai, Paul Vignaux reprendra, dans cette nouvelle perspective, quelques suggestions de son ma¨tre Gilson dans le volume La philosophie de saint Bonaventure. Œuvre fortement critiquée par les néoscolastiques, répétiteurs d’une distinction formelle entre philosophie et théologie, refusée par Gilson lui-même apr¢s son choix néothomiste plus déclaré, La philosophie de saint Bonaventure (1924) est considérée par Vignaux comme un « chef-d’œuvre u, comme tr¢s importante justement parce qu’elle a posé le caract¢re central de la ré࠲exion de saint onaventure au-delà de toute distinction formelle, comme une mani¢re de philosopher des théologiens sur ce qui est le propre de l’expérience chrétienne, liée à la révélation 46 : dans ces derniers écrits, on retrouve les suggestions de Delbos et Laporte, qui avaient orienté les premiers travaux de Vignaux  surtout, on y dé࠱nit avec force la valeur rationnelle de la ré࠲exion théologique qui constitue la véritable philosophie du Moyen Âge. À l’intérieur d’une histoire de la philosophie comme histoire de la raison, Vignaux peut désormais parler de raison théologique (comme M.-D. Chenu), de rationalité théologique, d’usage théologique de la raison qui constitue la ratio addita à ce que la foi enseigne : La recherche théologique –Zécrit-ilZ– se développe par additio rationis au credibile  nous proposons d’envisager cette ratio addita même comme philosophie de la religion. A࠳rmé vrai par la foi, le credibile reste hypothétique au plan de la pure raison  c’est seulement la O>QFL ࠩABF donnée dans l’FKQBIIB@QRP ࠩABF qui constitue la philosophie de la religion située ainsi dans la perspective de la ࠩABP quaerens intellectum. La rationalité théologique vient dans le champ de recherche de l’histoire de la philosophie 47.

Le long de cette perspective mûrie au cours des années se placent les recherches ponctuelles de Paul Vignaux, mé࠱ant par tempérament à l’égard des grandes synth¢ses et des gros volumes : il se consid¢re toujours comme un chercheur in via. L’on sait d’ailleurs quel panorama varié émerge de l’ensemble de ses études, principalement orientées vers les XIVe et XVe si¢cles et s’occupant –Zsouvent comme pionnierZ– d’auteurs peu fréquentés par les historiens de la philosophie médiévale. Non seulement Duns Scot et Ockham, mais Pierre d’Auriole et Grégoire de -imini, Nicolas d’Autrécourt et !rançois de Meyronnes, Eckhart et Pierre d’Ailly, et encore Gabriel iel, jusqu’au début de la ré࠲exion théologique de Luther, commentateur des Sentences et critique

46. P. VIGNAUX, « Le christocentrisme de saint onaventure et le probl¢me d’une philosophie de la religion u, Laurentianum 3 (1978), p. 391-412  en particulier p. 398, 407  ID.,« Situation d’un historien philosophe u, dans Étienne Gilson et nous : la philosophie et son histoire, p. 49-60, en particulier p. 52  ID.,« Introduction u, 1984 p. 52. Étienne Gilson dé࠱nira son volume sur La philosophie de saint Bonaventure comme écrit par un « apprenti philosophe qui ne l’était pas encore asseU pour être au moins un bon historien u, dans la préface à 0>FKQLK>SBKQROB , Grottaferrata 1973, p. XVI. P. Vignaux, consacre de nombreuses pages de son Christocentrisme à l’analyse des critiques adressées contre le livre de Gilson par !. Van Steenbergen, extrême représentant de la scolastique néothomiste de Louvain (p. 39 suiv.). 47. P. VIGNAUX, « Le christocentrisme de saint onaventure et le probl¢me d’une philosophie de la religion u, p. 411  cf. p. 409.

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Paul Vignaux, historien et philosophe

de la Scholastica theologia  Luther qui, avec Duns Scot, avait constitué un des points de rep¢re les plus importants de la ré࠲exion de Vignaux, d¢s le début de son activité de chercheur 48. Mais l’on ne doit pas oublier, surtout dans les travaux les plus récents, la référence fréquente à &ant et à la philosophie critique : de ce point de vue, il est impossible de ne pas rappeler l’essai Pour une ecclésiologie critique (1975) dans lequel Vignaux esquisse les « prolégom¢nes u d’une ecclésiologie « devenue critique par la conscience des ses conditions u, une ecclésiologie « selon la raison et par une foi 49 u. Au cours des derni¢res années, il s’occupera avec de plus en plus d’insistance de Jean de -ipa, en relation avec le travail de fouille éditoriale mené par André Combes, attiré et presque séduit par les pages ardues du ma¨tre des franciscains « formalizantes ultra Scotum u : les grands probl¢mes de l’in࠱ni, de la notitia theologica beatorum, de l’immutatio vitalis, de l’intensio et remissio formarum, sont au centre de l’attention de Vignaux. Mais d’autres parleront de tout ceci  je voudrais seulement souligner, en guise de conclusion, comment toutes ces recherches répondent d’une part à l’engagement de placer la ré࠲exion théologique dans une histoire plus générale de la raison, en récupérant, mais en la renversant, une suggestion de son ma¨tre Léon runschvicg (« la ré࠲exion que ce dernier conduisait devant ses él¢ves me laissa le souvenir unique, inoubliable, de la rencontre du philosophe, non en idée, mais parmi les vivants u) qui, ayant identi࠱é le Progrès de la conscience dans la philosophie occidentale avec l’histoire d’une philosophie de la raison, en avait exclu la pensée médiévale  de l’autre, l’intérêt toujours actuel d’une recherche qui en reconstruisant d’anciens débats retrouvait quelques th¢mes centraux de la théologie de notre si¢cle 50. Son dernier écrit autobiographique, qui introduisait sa rencontre avec 2olfhart Pannenberg à Naples en avril 1986, a un titre qui indique avec précision une des orientations fondamentales de sa recherche : Histoire de la pensée médiévale et problèmes théologiques contemporains 51.

48. Il faudra rappeler en particulier son attention envers Eckhart, déjà dans La pensée au *LVBK࢙|DB c’est à Vignaux que nous devons, souligne Alain de Libéra, la reprise des études eckhartiennes en !rance (Les études de philosophie médiévale de Gilson à nos jours, dans -. I MBACH, A. M AIERÙ (dir.), $IFPQRAFAFࠩILPLࠩ>J£AF£S>IBCO>,QQLB+LSB@BKQL, -ome 1991, p. 21-50, p. 44 pour Eckhart). 49. P. VIGNAUX, « Pour une ecclésiologie critique u,)BPNR>QOBࠪBRSBP 5 (1975), p. 29-44. ID., De saint Anselme à Luther, p. 7-8. 50. Le rapport entre pensée médiévale et théologie moderne est toujours souligné par Vignaux dans ses écrits cités plusieurs fois ici  il sera toutefois opportun de rappeler également son évaluation du nominalisme du XIVe si¢cle (auquel il consacre en 1931 le grand article du Dictionnaire de théologie catholique, puis encore à Montréal lors de la conférence à l’Institut d’études médiévales Albert le Grand (1948, republiée par Vrin à Paris en 1981), par rapport à certains probl¢mes de la philosophie moderne : il écrivait encore à ce sujet dans « La problématique du nominalisme médiéval peut-elle éclairer des probl¢mes actuels  u, Revue philosophique de Louvain 75 (1977), p. 293-331. 51. Publié dans Nouvelles de la République des Lettres, 1988, I, p. 7-20, maintenant aussi en appendice à l’édition de Philosophie au Moyen Âge, éd. -. IMBACH, Paris 2004, p. 277-293. J’ai

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Tullio Gregory

C’est justement cette attention envers son époque, envers les « signes du temps u, qui constitue le trait qui caractérise la vie de Paul Vignaux chercheur et « citoyen actif de son pays, en ce si¢cle u.

évoqué Paul Vignaux peu apr¢s sa mort (Ricordo di Paul Vignaux), ayant dû le remplacer à la présidence de la Table ronde promue par l’École française de -ome en novembre 1987  mon texte, « -icordo di Paul Vignaux u, a paru dans les Actes : Théologie et droit dans la science politique de l’État Moderne, -ome 1991, p. 1-16  également dans $FLOK>IB@OFQF@LABII>ࠩILPLࠩ> italiana 68 (1989), p. 129-143.

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PAUL VIGNAUX DANS LA VIE SYNDICALE ET POLITIQUE FRANÇAISE

Joseph PINARD Professeur agrégé d’histoire, ancien député du Doubs

Brillant agrégé à 22 ans Étant chroniqueur d’histoire locale en !ranche-Comté, il m’arrive de recevoir nombre de documents fort disparates. Ainsi, il y a quelques années, on m’a fait cadeau de l’Écho Paroissial de Saint-Malo, numéro du 1er octobre 1927. La raison de cet envoi : un article du cél¢bre et bouillant abbé ergey, député de la Gironde, qui se félicitait d’une part du succ¢s triomphal d’un rassemblement organisé à esançon par la !édération nationale catholique, d’autre part du cinglant échec de la contre-manifestation péniblement mise sur pied sur –Z je cite l’auteurZ – « consigne de la !ranc-Maçonnerie u. Pour meubler les bas de page des bulletins paroissiaux, l’usage était d’insérer des br¢ves pieusement édi࠱antes. On apprenait ainsi qu’une « actrice tr¢s connue en Angleterre et en Amérique u, une certaine Miss Madolon, venait d’entrer au Carmel. Puis venaient les lignes suivantes : M. Paul Vignaux qui vient d’être reçu, avec le numéro 1, au concours d’agrégation de philosophie, n’a que 22 ans : il est donc, tr¢s vraisemblablement, le plus jeune agrégé de !rance. Petit-neveu de M. le curé de Lacassagne (Hautes-Pyrénées), M. Paul Vignaux, él¢ve de l’École normale supérieure, est membre du comité national de l’Association catholique de la jeunesse française. Ce succ¢s montre, une fois de plus, que le dévouement aux œuvres n’est pas un obstacle aux études, mais souvent, au contraire, un stimulant e࠳cace.

Je ne sais si c’était la onne Presse qui, de la rue ayard à Paris, avait envoyé –Zentre autres bonnes nouvelles réconfortantesZ– cette information aux paroisses en mal de copie, mais l’histoire n’est pas une simple anecdote. Elle nous rappelle le brillant parcours de l’ancien él¢ve de la modeste khâgne de ordeaux reçu en fort bon rang à l’École normale supérieure. Elle nous donne une clef quant à l’autorité vite acquise par un jeune et talentueux philosophe et aupr¢s de ses pairs et surtout dans un milieu catho27

Joseph Pinard

lique traumatisé par le fait qu’aux yeux d’une grande partie de l’intelligentsia, catholicisme rimait avec obscurantisme. N’oublions pas ce qu’écrivait en 1910 Joseph Lotte, professeur au lycée de Coutances, lorsqu’il rédigeait la circulaire appelant à fonder ce qui allait devenir la Paroisse 0niversitaire : Nous nous groupons aussi pour attester au dehors nos convictions et prouver par notre modeste témoignage que !rance catholique et !rance illettrée –Zquoi qu’en disent MM. Jules Payot et Paul SabatierZ– ne sont pas encore synonymes.

Joseph Lotte avait été choqué par un article de Jules Payot « haut fonctionnaire administratif u publié dans Le Volume, journal des instituteurs et institutrices du 29 octobre 1910. Jules Payot avait écrit : Comme le dit M. Paul Sabatier dans un livre que tous les ma¨tres devraient lire : le jour viendra bientôt où la carte de la !rance catholique correspondra ponctuellement à la carte de la !rance illettrée. Les cantons sans routes et sans écoles seront les derniers boulevards de l’Église et nos descendants verront se renouveler le phénom¢ne qui marqua la ࠱n de la civilisation pa©enne, lorsque le mot de paganus, paysan, prit le sens de pa©en. À la ࠱n du XXe si¢cle, paysan deviendra synonyme de catholique.

N’oublions pas cet aveu fait le 11 juin 1905 devant le congr¢s du Sillon de l’Est à esançon par le Dr -ifaux : « Oui, camarades, les masses s’éloignent de plus en plus du catholicisme  la plupart des savants et des philosophes repoussent nos doctrines u. Gendre et disciple de l’avoué lyonnais Léon Chaine qui avait été l’un des membres actifs de la modeste phalange des catholiques dreyfusards, le DrZ-ifaux venait de publier un livre au titre signi࠱catif : L’agonie du catholicisme ? Paul Vignaux, major de l’agrégation de philosophie : ce succ¢s était de nature à mettre du baume au cœur à tout un milieu catholique en proie à un double complexe d’infériorité et de persécution. Ce n’est pas le lieu d’évoquer la renaissance catholique dont les prémices datent de l’immédiat avant-guerre et qui sera marquée, pour ne citer qu’un nom, par la carri¢re d’Henri Marrou, l’ami le plus proche de Paul Vignaux (qui fut témoin à son mariage), cacique de la promotion Lettres en 1925 à la rue d’0lm. Je voudrais simplement insister sur un fait : la notoriété acquise par des titres universitaires incontestables sert à l’action syndicale et politique. J’ai bien connu trois ministres de l’Éducation nationale, André oulloche, Edgar !aure, Alain Savary. Je sais quel poids ils attribuaient aux analyses et positions de Paul Vignaux. Alain Savary, par exemple, a eu la délicate attention de réserver à Paul Vignaux une des rares places dont il disposait pour assister à la présentation du fameux projet de loi à l’Assemblée nationale en 1984. EtZCharles Piétri avait bien raison d’insister sur le « prestige intellectuel u du « savant u dans sa préface au livre fondamental de Madeleine Singer, Histoire AR0$"+  . En 1965 en qualité de secrétaire académique du SGEN de l’académie de esançon j’ai eu à faire une démarche aupr¢s de l’inspecteur d’académie de Haute-Saône parce qu’un instituteur licencié en psychologie avait été récusé pour faire une suppléance à l’École normale deZVesoul. Le motif invoqué était : 28

Paul Vignaux dans la vie syndicale et politique française

soupçon de cléricalisme. Or l’inspecteur était le beau-fr¢re d’un éminent cadre du Commissariat au Plan et, par ce biais, savait qui était Vignaux : ce fait a pesé dans la décision de corriger une injustice. Apr¢s cette longue introduction, j’en viens au cœur du sujet. Je voudrais évoquer l’action politique et syndicale d’abord dans l’entredeux-guerres, puis je serai amené à traiter séparément, tant le sujet est vaste, syndicalisme et politique sous lesZIVe et VeZ-épubliques. Paul Vignaux a eu une activité tellement débordante que je serai amené à privilégier des coups de projecteurs sur les aspects les moins mis en valeur à ce jour en espérant qu’un jour proche, un jeune thésard entreprenne un travail exhaustif. Ainsi, pour traiter de l’action politique dans l’entre-deux-guerres, je concentrerai l’exposé sur la riche contribution à la revue Politique. Un collaborateur actif de la revue Politique En dépouillant les numéros de cette publication qui, sans être organiquement liée au parti démocrate populaire, était l’expression de la mouvance démocrate chrétienne de 1927 à la guerre, un fait m’a d’abord frappé : le haut niveau d’ensemble des articles, éloignés des polémiques venimeuses et médiocres qui étaient le lot de tant de journaux et revues, et dont témoignait par exemple la prose répandue à profusion par la !édération nationale catholique. Ce qui frappe aussi, c’est la qualité des collaborateurs. Au sein du comité de rédaction dont Vignaux est membre d¢s 1930, l’état-major des Semaines sociales est présent avec Charles !lory, le syndicalisme C!TC a sa place avec Gaston Tessier, le juriste Marcel Prélot étant un des piliers de l’équipe. Il n’est pas rare de trouver des analyses d’Hubert euve-Méry, PierreZHenri Simon, Jean Lacroix, Henri Marrou, etc. Le premier grand article de Vignaux para¨t en août 1929. Partant de la session de la Semaine sociale qui vient de se tenir à esançon sur le th¢me « Les nouvelles conditions de la vie industrielle u, le jeune philosophe montre d’emblée son intérêt pour les questions touchant le travail et le monde du travail. Et tout de suite apparaissent les buts du militant : faire conna¨tre les études les plus récentes, inciter les lecteurs à s’y référer, élargir l’horiUon en faisant découvrir les expériences étrang¢res les plus novatrices. Ainsi Vignaux décortique le contenu d’ouvrages peu connus comme celui de !ourgeaud sur la rationalisation aux États-0nis et en Allemagne ou celui de -oyZ : La formule allemande de production rationnelle dans l’industrie. Rationalisme contre marxisme. Au cours de cette même année 1929, deux autres articles permettent de mieux découvrir le projet de Vignaux. Connaissant bien la mouvance à laquelle il s’adresse –Zcelle des démocrates chrétiens avec ses qualités, bonne volonté, générosité, mais aussi ses défauts, na©veté, faible ouverture à tout ce qui sort du ghetto catholiqueZ– Vignaux veut armer intellectuellement ses lecteurs, les ouvrir sur un monde qu’ils connaissent tr¢s mal.

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Joseph Pinard

Ainsi, quand des pages sont consacrées à « Georges Sorel, philosophe du mouvement ouvrier u, c’est l’apport d’un penseur largement méconnu en milieu catholique qui est exposé‫ ڎ‬On notera au passage que Vignaux souligne le fait que Sorel « repousse durement certaines rêveries de sociaux-démocrates qui imaginent pour Terre Promise une cité de luxe, de paresse et de folichonneries u. Vignaux ne sera jamais complaisant pour certaines formes d’hédonisme. Dans l’ouvrage collectif Paul Vignaux, un intellectuel syndicaliste, runo Manghi, un des responsables de la CISL italienne, note : Il nous a toujours transmis une certaine réserve par rapport aux courants de pensée permissive français des années soixante, le «Z seiUi¢me arrondissementZu, nous disait-il en souriant 1.

L’ancien militant de l’ACJ! estime –Zse référant à PéguyZ– que l’épanouissement de la personne implique le primat des valeurs spirituelles. Ainsi dans les commentaires sur la Semaine sociale de esançon, il a࠳rme : « l’esprit de pauvreté, c’est savoir qu’à viser na©vement la richesse on perd la vie et l’âme u et quand, dans le numéro de février 1929, la pensée d’Henri DeZMan, « psychologue du prolétariat u, est analysée, on notera cette exigence : Le mouvement ouvrier comme jadis le messianisme juif doit élever ses buts de l’ordre charnel à l’ordre de l’esprit.

Paul Vignaux est sans doute l’un des tr¢s rares penseurs dans son milieu qui s’e࠰orce de faire mieux conna¨tre l’apport du marxisme. Dans un article de novembre 1935, intitulé symboliquement « -etour à Marx u, il n’hésite pas à écrire en conclusion : « Je trouve cheU le jeune Marx un appel en la raison, une foi en l’homme. Je les accueille. u Mais l’observateur attentif de tout ce qui bouge dans le monde a une curiosité d’esprit étonnante. En 1932, dans une note substantielle sur « la profondeur de la crise allemande u, il attire l’attention sur les « travaux tout récents, mais déjà suggestifs u, de Martin Heidegger. En juin 1936, moment symbolique, il publie une analyse du livre de -obert Marjolin, Évolution du syndicalisme aux États-Unis de Washington à Roosevelt, avec un avant-propos d’un homme qui a beaucoup compté, son ma¨tre le sociologue Célestin ouglé. ien sûr, il faudrait citer les articles poignants pour défendre l’Espagne républicaine et singuli¢rement ses chers amis basques dont il dit en juin 1937 qu’ils ont été « maltraités, incompris par ceux-là même qui auraient dû davantage les comprendre, ici encore L’Aube a sauvé l’honneur u, je voudrais, avant de conclure sur ce premier point, attirer l’attention sur la collaboration de celle qui, à partir de 1936, signe Georgette Paul Vignaux et qui publie des comptes rendus substantiels, je pense en particulier à une présentation en janvier 1937 de « trois livres sur le mouvement ouvrier u, le premier volume de l’Histoire du mouvement ouvrier d’Édouard Dolléans, l’ouvrage d’André Philip, TradeUnionisme et syndicalisme et l’étude de Hilde -igaudias 2eiss, Les enquêtes LRSOF¢OBPBK#O>K@BBKQOB BQ.

1. Paul Vignaux, un intellectuel syndicaliste, Paris 1988.

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Paul Vignaux dans la vie syndicale et politique française

Paul et Georgette Vignaux : un bureau d’études Je crois que le couple formé par Paul et Georgette Vignaux –ZJojo comme il l’appelait chaleureusementZ– a été à lui seul un formidable bureau d’études à l’usage des hommes de bonne volonté. Je me souviens d’avoir entendu des échanges tr¢s toniques entre les deux époux. N’étant pas médiéviste je ne sais si des dialogues nourris, charpentés, argumentés, ressemblaient à une disputatio mais j’entends encore Paul s’échauffant, interpellant avec son inimitable accent du Sud-Ouest celle qui était bien plus qu’une collaboratrice : « Mais Jojo vous êtes terrible ! u Il ne su࠴t Mas de Mublier Encore faut il ¥tre lu Politique : combien de lecteurs  On a sans doute sous-estimé et l’impact et la qualité de cette revue. Citons par exemple l’article d’Hubert euve-Méry, « Endiguer l’hitlérisme u paru en juillet 1933 : « Il serait navrant de voir la !rance 6‫ڎ‬8 se réfugier peureusement derri¢re un mur de béton qui, d’ailleurs, ne la protégerait pas. u L’équipe de Politique était-elle homog¢ne  ,ue pensait Vignaux des traits en࠲ammés d’un Georges idault qui concluait ainsi son éloge fun¢bre de riand en février 1932 : « La paix qu’il a aimée n’oubliera pas sa tombe. Et de Gibraltar à la steppe les petits enfants épelleront son nom u  Je ne sais. Mais ce que je crois, c’est que le travail de fond –Zfait par toute une équipe au sein de laquelle les Vignaux ont joué un rôle de pionniersZ– a préparé en profondeur la résistance spirituelle qui ne fut pas un fait marginal –Zcomme l’avait été l’action du petit noyau de catholiques dreyfusardsZ– mais un fait de masse au sein de la C!TC et cheU les démocrates chrétiens. Paul Vignaux a été beaucoup marqué par son ma¨tre Célestin ouglé. Jean-Paul Martin, dans sa riche contribution à l’ouvrage collectif cité 2, nous rappelle que le disciple citait souvent une ré࠲exion du grand universitaire sur « ces catholiques démocrates qui peuvent être d’un instant à l’autre rappelés à l’ordre et au respect de la hiérarchie par l’autorité du papeZ et pour lesquels, en dé࠱nitive, la distinction des plans ne vaut pas grand chose lorsqu’un coup de crosse tombe sur les têtes penchées u. Vignaux aura été de ceux qui ont permis que des têtes se rel¢vent, n’attendant pas –Zet pour causeZ– une parole épiscopale ou papale pour entrer en résistance. Vignaux était un vrai pédagogue  d’où sans doute sa prédilection pour les instituteurs. Les chantiers qui le passionnaient concernaient toute une mouvance, un potentiel prêt pour une évolution. Au fond, il a fait un travail un peu semblable à celui qu’a entrepris son ami Hourdin avec la Vie catholique : ouvrir des horiUons neufs pour un public jusqu’alors souvent con࠱né dans des sacristies sentant un peu le rance, Vignaux a apporté des bou࠰ées d’air frais, a permis de sortir d’un hexagonalisme étroit. Il a contribué à vacciner contre Vichy. Son travail de fond

2. J. P. MARTIN, « 0n intellectuel chrétien en quête d’une option la©que (1920-1939) u, dans Paul Vignaux, un intellectuel syndicaliste, p. 19-40.

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a pré࠱guré celui de Témoignage Chrétien, qu’il fera d’ailleurs conna¨tre aux États-0nis. Je pense, en particulier, au Cahier de Témoignage chrétien sur la Pologne. Alors qu’en !rance occupée, toute une masse sombrait dans ce que Léon lum a appelé une « manie de ࠲agellation perverse u, estimait qu’il fallait expier les fautes d’une -épublique coupable notamment du péché de la©cité, Témoignage chrétien par son cahier sur la Pologne, ouvrait d’autres prospectives. 0n pays qui n’avait pas connu de dérives la©cistes était encore plus maltraité que la !rance. La comparaison, grâce à l’ouverture à l’international, permettait de relativiser. Or, d¢s avant-guerre, les Vignaux avaient contribué à aérer les cerveaux, àZouvrir des fenêtres. Pour moi qui ai connu, je devrais dire, découvert Vignaux au début des années 1950, ce qui me frappe en lisant les écrits d’avant-guerre, c’est le rejet de l’esprit bourgeois et la crainte de l’embourgeoisement qui marquent l’article d’août 1929 sur « les nouvelles conditions de la vie industrielle u : Le mouvement ouvrier apporte encore l’expérience de l’embourgeoisement. Les militants, les ࠱ls d’ouvriers devenus intellectuels, les travailleurs mieux payés vont avidement et sans choix aux lectures, usages, distractions à toutes ces choses qui sont le privil¢ge de la bourgeoisie. Ils él¢vent leur niveau de vie, ils s’él¢vent. Mais c’en est fait bien souvent de leur sympathie avec les camarades, de leur ࠱délité active au mouvement de leur valeur d’âme. Est-ce s’élever  Accepter sans discernement ni réaction un niveau supérieur, faire le riche  Il faudrait un frein à cette avidité qu’excite le monde moderne tant animé de la recherche du pro࠱t  il faudrait l’estime et l’amour de la pauvreté.

On comprend que Jean-Paul Martin ait parlé de « non-conformisme d’inspiration franciscaine u. Ancien boursier de la -épublique, n’ayant pas fréquenté un lycée, mais une ancienne école primaire supérieure, j’avoue avoir été particuli¢rement ému par le passage suivant de l’article « Autour de l’idée de classe u en juillet 1930 : Si l’École 0nique demain se réalise, la ࠱délité à son origine, un certain refus de parvenir, ce sera le probl¢me d’un nombre croissant d’intellectuels. IlsZpourront trouver dans le sentiment de classe la force de ne pas se laisser séparer de la masse par leur culture, la force peut-être de réviser et de renouveler la culture.

« -efus de parvenir u : l’expression a été utilisée par des militants du Syndicat national des instituteurs. Sous la plume de Vignaux, elle rév¢le la ligne de conduite d’un serviteur du mouvement syndical ouvrier et universitaire, d’un homme qui aurait pu faire une brillanteZcarri¢re politique mais qui limitait son ambition à faire pro࠱ter de ses compétences des militants avides de formation. La référence au projet d’école unique servira de transition avec le volet consacré à l’engagement syndical. Les promoteurs de l’école unique voulaient supprimer la cloison étanche qui séparait deux syst¢mes d’enseignement : la ࠱li¢re noble des lycées, allant de la onUi¢me au baccalauréat et ouvrant sur le supérieur  la ࠱li¢re commune allant du primaire au primaire supérieur. Cette dualité recoupait, à l’exception d’une petite pincée de boursiers alibis, une 32

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coupure sociale  et selon qu’un p¢re de famille disait « Mon ࠱ls est en septi¢me u ou il est au cours moyen on savait à quelle classe sociale on avait a࠰aire. Vignaux et ses amis ont défendu ce projet de démocratisation porté notamment par les jeunes Turcs radicaux, incarné par Jean Zay. La sympathie à l’égard de ces novateurs avait peut-être pour origine une similitude de situation : d’un côté, une volonté d’insu࠴er une nouvelle capacité réformatrice au vieux parti républicain assoupi et quelque peu usé, de l’autre, le même souci de mettre du vin nouveau dans de vieilles outres, de faire bouger un milieu catholique empêtré dans ses compromissions avec les forces conservatrices. Pourquoi fonder un syndicat d’enseignants de la laïque a࠴liés à la CFTC  La structure même du SGEN tel qu’il est créé en 1937, syndicat général, permettait de surmonter les clivages entre ordres d’enseignement qui paralysaient les organisations majoritaires. Pourquoi fonder un syndicat a࠳lié à la C!TC  Voici la réponse donnée par -aymond de Lage, le premier secrétaire général du SGEN, dans le premier numéro de la publication nationale École et Éducation en janvier 1938 : Si nous avons résisté à l’appel de la CGT, ce n’est pas de ga¨té de cœur  nous avons été violemment sollicités de rejoindre la classe ouvri¢re et de souder notre action à la sienne. Cet appel n’a pas été vain et on peut en retrouver le retentissement aujourd’hui dans notre déclaration de solidarité avec la C!TC. C’est que nous n’avons pas cru trouver à la CGT le climat de liberté que nous aimons, et cette allure de mouvement « totalitaire u qu’elle se donne quelquefois nous a fait préférer un autre rassemblement ouvrier.

L’emploi du mot « totalitaire u peut surprendre. Je crois qu’on a oublié le sectarisme de l’époque : les catholiques qui enseignaient dans le primaire étaient dans une situation parfois tr¢s di࠳cile. Les institutrices qui se retrouvaient dans le groupement confessionnel des Davidées, avec la collaboration d’Emmanuel Mounier, Jean Guitton notamment, étaient dénoncées non seulement comme étant des taupes du Vatican par le Syndicat national des instituteurs, mais aussi souvent suspectes aux yeux de l’administration. Voici, par exemple, un extrait d’une circulaire de l’inspecteur primaire de Vesoul à son personnel en mars 1934 : Les ennemis de la la©cité et de l’école tentent un assaut qui, je crois, sera le dernier. SoyeU bons républicains‫  ڎ‬soyeU et resteU la©ques. Puisque le mot « épuration u est à la mode, je dois signaler, a࠱n que l’exemple ne soit pas suivi, que deux ou trois institutrices, davidées notoires, prennent leur classe ou plutôt la classe que l’État la©que leur a con࠱ée pour une succursale de l’église voisine. Je n’écris pas cela pour les mettre en garde. Il est trop tard. Si elles ne demandent pas leur changement d’ici peu, j’irai les trouver et je saurai les mettre en demeure de choisir entre l’autorité ecclésiastique et la nôtre, et de gré ou de force il faudra bien partir.

En 1937, quelques mois avant la création du SGEN, L’Aube, dans une rubrique consacrée à la liberté de conscience des ma¨tres primaires, avait 33

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dénoncé l’a࠰aire 2eiss –Zl’histoire d’une institutrice de la Mayenne qui avait essuyé un refus de titularisation parce qu’elle aurait violé la neutralité scolaire. Elle avait adressé une lettre à un normalien pour l’inviter à participer à une rencontre confessionnelle pendant les vacances de Noël. Le Conseil d’État annula la décision de l’inspecteur d’académie. Les catholiques n’étaient pas les seuls à être dans le collimateur : dans le Pays de Montbéliard luthérien, là où la la©cité avait été d’emblée adoptée, les membres de la !édération protestante de l’enseignement furent mis en cause par le SNI du Doubs parce qu’ils se réunissaient le jeudi pour étudier les Écritures. Il faut avoir conscience de tout ce contexte aujourd’hui occulté pour comprendre l’admirable déclaration de principes qui préc¢de les statuts du SGENZ: Le Syndicat déclare s’inspirer dans son action professionnelle : – de l’engagement qu’ont pris ses membres, en entrant dans un service statutairement la©que et neutre, de faire abstraction, dans leur enseignement, de toute doctrine d’autorité et préférence de parti pour former seulement les jeunes esprits à l’usage de la raison et de la liberté  – de l’attachement de ses membres à l’École publique, du sentiment de son unité, de la conscience de son rôle social  – de la tradition universitaire qui refuse de faire dépendre le recrutement et l’avancement des ma¨tres de l’adhésion à une quelconque doctrine d’État  – de la conviction que l’Enseignement public contribue à former de futurs citoyens, non pas en leur imposant une doctrine, mais en suscitant dans la jeunesse des forces qui se mettront librement au service du bien public.

Et l’on comprend –Zj’anticipeZ– ce que fut le cr¢ve-cœur de Vignaux et de ses vieux compagnons quand cette profession de foi mettant en garde contre tous les totalitarismes fut abandonnée en 1972 au pro࠱t d’une bouillie pour les chats vaguement inspirée du dogme marxisto-bourdivin, du fatalisme de l’implacable reproduction. Mais je m’égare et j’en reviens aux espoirs de 1937, à cette conviction qu’il était possible de faire bouger les choses au sein d’une C!TC qui venait, dans la foulée de 1936, de voir gon࠲er ses e࠰ectifs avec l’adhésion de militants formés par la JOC. Avec eux un chantier prometteur s’ouvrait, une tâche fondamentale de formation déjà, initiée d¢s 1934 avec la belle aventure de l’École normale Ouvri¢re, impulsée avec toute une équipe à laquelle participent, à l’initiative de Vignaux, de jeunes agrégés anciens normaliens – !rançois Henry, ernard Vacheret. ,uel travail passionnant pour « armer idéologiquement u –Zl’expression est de VignauxZ– des jeunes militants dans un contexte marqué par la séduction des extrêmes, ou le poids des pesanteurs qui allait conduire par exemple le philosophe Jacques Chevallier à se compromettre dans le cléricalisme vichyssois. J’ai retrouvé dans les archives de Marcel Prélot, le juriste pilier de Politique, une invitation pour participer en 1937 à un débat organisé par la « conférence strasbourgeoise d’information économique u sur le th¢me « -éforme des structures économiques u. 4 participaient Déat, elin, Spinasse, Vignaux, Dolléans, Giscard d’Estaing. On a rétrospectivement froid dans le dos quand on constate

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que trois des intervenants venus de la CGT et du parti socialiste allaient sombrer dans la pire des collaborations. Le travail de fond entrepris par Vignaux et ce qu’il faut appeler son brain-trust allait vacciner toute une mouvance contre les dérives totalitaires de toutes natures. Et ce constat nous conduit tout naturellement à l’apr¢s-guerre. AMr£s guerre : contribution à la déJocratisation de l’enseigneJent Je me bornerai à quelques coups de projecteur, tenant compte du fait que nous disposons du livre fondamental de Paul Vignaux, De la CFTC à la CFDT PVKAF@>IFPJBBQPL@F>IFPJB‫࢙ٷ‬/B@LKPQOR@QFLK , de l’ouvrage collectif et des articles de Vignaux dans Esprit et Lumière et Vie en 1977, dans Pouvoirs en 1983. Sur l’action syndicale, trois éclairages sur des aspects à mes yeux trop peu mis en valeur sur la dimension générale du SGEN, sur l’engagement la©c et sur l’action au sein de la confédération. Je traiterai en࠱n du volet politique. Premier point donc, dans le cadre syndical, la dimension générale du SGEN. La contribution du SGEN à l’action pour la démocratisation de l’enseignement a été sous-estimée. Elle fut bien sûr facilitée par la structure générale du syndicat impliquant une constante collaboration, j’allais dire organique, interdegrés. Cette dynamique contrastait avec la sclérose de la puissante !édération de l’Éducation nationale, paralysée par les rivalités entre syndicats catégoriels rivaux, re࠲étant des intérêts corporatifs antagonistes, mais aussi un poids tr¢s lourd de cultures étrang¢res l’une à l’autre. Voici un exemple caricatural. En juin 1958 –Z reteneU bien la dateZ –, le bulletin de l’Association nationale du personnel des cours complémentaires –Zces CC qui ont joué un rôle formidable d’ascenseur socialZ– publiait la motion que venait d’adopter le congr¢s du SNES : Sur l’implantation ou l’extension de Cours complémentaires en concurrence avec des établissements secondaires, Le congr¢s du SNES, Constatant le développement d’une campagne en faveur de l’implantation de nouveaux Cours complémentaires ou de l’extension de certains Cours complémentaires existants, en concurrence avec l’enseignement du Second Degré, Considérant que l’enseignement est dispensé dans les Cours complémentaires par un personnel qui n’a pas toujours la quali࠱cation requise, en particulier en langues vivantes, et que l’esprit dans lequel est donné l’enseignement court constitue un handicap tr¢s grave pour les él¢ves susceptibles de poursuivre leurs études au-delà du EPC. Considérant que l’implantation et l’extension des Cours complémentaires risque fort de leurrer des parents mal informés du véritable intérêt de leurs enfants dont ils limiteront les possibilités futures,

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Proteste contre la propagande émanant des inspections primaires et qui tend à développer un enseignement au rabais, à retarder la démocratisation de l’enseignement du Second Degré auquel il su࠳t d’appliquer les avantages de gratuité des fournitures scolaires accordés aux Cours Complémentaires par les municipalités, Demande au Congr¢s du SNES de protester contre ces tentatives détournées pour appliquer une réforme de l’enseignement en allant contre l’intérêt des él¢ves.

Puis venait le commentaire, la réaction suivante des primaires blessés : Nos lecteurs sont édi࠱és ! Nous ne jugeons pas utile de faire des commentaires. On peut discuter des arguments, les sottises ne méritent que mépris  quant aux termes injurieux que ces Messieurs du SNES dans leur ridicule su࠳sance croient devoir employer à notre égard, ils ne disquali࠱ent que leurs auteurs. -egrettons que des professeurs syndiqués de l’Éducation nationale manquent à ce point d’éducation tout court.

Ainsi, en juin 1958, en pleine crise politique gravissime, voilà où l’on en était de l’opposition entre primaires et secondaires. ,uand on compare ces mesquines polémiques avec les travaux pédagogiques du SGEN menés par une équipe où se distinguera bientôt, entre autres, Antoine Prost, il y a de quoi être édi࠱é. Et Vignaux dans tout cela  Il apporte sa caution d’universitaire déjà passionné avant guerre par l’école unique, mais il s’engage à fond par ses relations personnelles avec les plus hauts responsables. Dans son livre Le choix de Pascal, Jacques Julliard dit des choses capitales sur Vignaux. Au passage, il brocarde gentiment le vieux ma¨tre «Z avec son admiration béate pour ce que le radicalisme avait de plus traditionnel. Il fallait voir le grand expert de -uysbroeck l’Admirable tombé béat d’admiration quand il évoquait la ࠱gure de -ené illi¢res, ministre de l’Éducation nationale en 1956, un radical des Hautes Pyrénées qui allait à la messe !Zu. Oui, mais il ne faut pas oublier une chose. Jules !erry disait qu’il était l’élu de ces Vosgiens qui suivaient les processions et édi࠱aient des reposoirs. Vignaux était ࠱d¢le à son Sud-Ouest natal et solidaire d’un peuple qui lisait )>࢙ !£M¤@EB AR *FAF et dans laquelle écrivait Célestin ouglé apr¢s Jaur¢s. Et il y avait cheU lui, je l’ai dit, cette sympathie pour les radicaux ࠱d¢les à la gauche, héritiers de Condorcet. Et illi¢res, non seulement soutenait Mend¢s !rance, mais défendait contre vents et marées, contre l’immobilisme de la !EN un projet de démocratisation qui avait l’appui du SGEN. Ce n’est pas par hasard que la circulaire pour la rentrée 1955, di࠰usée par le secrétariat national du SGEN, contient en annexe de larges extraits du discours de Pierre Mend¢s !rance prononcé symboliquement à Saint-Dié, au pays de Jules !erry, le 11 juin 1955. En voici un passage-clef. Il semble que, depuis la derni¢re guerre, l’imagination réformatrice qui, pourtant, n’a jamais manqué dans ce pays, n’ait pu s’étayer sur une autorité politique asseU résolue pour se traduire, en mati¢re scolaire, par de nouveaux progr¢s. La tâche

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purement matérielle de construction ou de reconstruction si lourde soit-elle, n’aurait pas tout son prix à nos yeux, si elle n’allait de pair avec une réforme profonde des structures et des programmes scolaires.

Contre les lois d’aide à l’école Mrivée Le discours de Saint-Dié évoquait bien sûr aussi la question de la la©cité. Et j’aborde mon second point. Apr¢s 1945, chaque fois que les lois la©ques ont pu para¨tre menacées, chaque fois les défenseurs historiques de la la©cité au sein de la gauche non communiste ont fait référence aux positions du SGEN parce qu’elles étaient dépourvues d’ambigu©té, mais aussi parce qu’elles montraient que le combat n’était pas seulement celui de conservateurs ringards et sectaires défenseurs des acquis sacrés de la -épublique. On pourrait multiplier les citations tirées des débats de l’époque. On m’excusera de prendre un exemple franc-comtois. En 1946, Jean MinjoU, député-maire S!IO de esançon envoie, en qualité de président de la !édération des œuvres la©ques du Doubs, un rapport au ministre de l’Éducation nationale sur la présence d’embl¢mes religieux dans les écoles publiques du Doubs. À la faveur de Vichy, des cruci࠱x avaient été replacés dans plus de deux cents écoles la©ques. Dans la lettre d’accompagnement, le libre penseur MinjoU ne manquait pas de citer la position du SGEN, reproduite in extenso dans l’une des cinq annexes complétant le rapport. Voilà le texte : Vœu adopté à l’unanimité par le bureau du SGEN (syndicat chrétien)  section du Doubs (bulletin de janvier 1946) Le ureau de la section des instituteurs du Doubs du SGEN, soucieux de prouver à tous les Coll¢gues, par des faits, que ses adhérents sont respectueux au plus haut point de la Déclaration des Droits de l’Homme, considérant que le SGEN a déclaré formellement dans ses statuts s’inspirer dans son action professionnelle : de l’engagement qu’ont pris ses membres en entrant dans un service statutairement la©c et neutre de faire abstraction dans leur enseignement de toute doctrine d’autorité et de préférence de parti, pour former seulement les jeunes esprits à l’usage de la raison et de la liberté. Et de l’attachement de ses membres à l’école publique du sentiment de son unité, de la conscience de son rôle social. De la conviction que l’Enseignement Public contribue à former de futurs citoyens non pas en leur imposant une doctrine mais en suscitant dans la jeunesse des forces qui se mettront librement au service du bien public. Considérant d’autre part que le probl¢me de la pose d’embl¢mes religieux dans certaines écoles faite sous le gouvernement de Vichy est une violation de la neutralité des locaux scolaires  Considérant que la présence de ces embl¢mes constitue essentiellement un motif de division et de con࠲it  Demande au bureau national du SGEN de prier respectueusement MM. les Cardinaux et Archevêques de !rance de vouloir bien, dans un but de conciliation

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et d’apaisement, et pour prévenir toute évolution brutale de la situation, prendre l’initiative de préconiser eux-mêmes le retrait de tous les embl¢mes religieux placés dans les écoles publiques sous l’occupation allemande.

La mise en avant des positions du SGEN ne relevait pas de la seule tactique. Certes, il subsistait bien des sectarismes, singuli¢rement cheU les gauchistes de la tendance École émancipée au sein de la !EN, mais nombreux étaient au sein de la gauche non communiste les responsables qui appréciaient les analyses du SGEN. CheU les socialistes on détestait ceux des chrétiens, idiots utiles, qui se laissaient manipuler par les staliniens en na©fs compagnons de route, mis en avant au sein du Mouvement de la paix. Mais on ne confondait pas ces cléricaux qui n’avaient que dédain pour la gauche non-communiste avec les militants du SGEN, vaccinés contre le progressisme, et partenaires loyaux dans la défense du service public la©c. Au fond, aux yeux de certains socialistes, le communisme était une nouvelle religion avec tous les défauts du cléricalisme. Les militants du SGEN étaient en quelque sorte, si j’ose dire, des rationalistes croyants. Peut-être y avait-il dans cette approche sympathique une a࠰aire non seulement de conviction mais aussi de tempéraments mé࠱ants à l’égard des emballements, des émotions faciles et attachées à un réformisme tenant compte des dures réalités  et, si j’ai utilisé le mot de rationalisme, c’est parce que Vignaux l’utilise deux fois pour caractériser ses positions dans son article d’Esprit en 1977. La fermeté du SGEN sur la question la©que provenait peut-être aussi d’un dépit. Vignaux a été particuli¢rement marqué par le fait que les mesures prises en faveur du privé découlaient d’une tactique politicienne et non d’une volonté de régler au fond un probl¢me réel. Marcel Prélot, l’ancien ami de l’ACJ! et de Politique, devenu député -P! du Doubs en 1951, a eu le mérite de la franchise. Reconstruction de février 1967 a rappelé sa déclaration : Je suis arrivé le 5 juillet 1951 à l’Assemblée nationale avec, dans ma serviette, un explosif redoutable qui était le projet d’allocation-étude et que j’ai placé à la charni¢re de l’ex-majorité. Tout l’e࠰et des apparentements en a été ruiné.

Ainsi, c’était la volonté politique du parti gaulliste de faire exploser la Troisi¢me force qui avait dicté la préparation des lois arangé et Marie. Ainsi étaient ruinés les e࠰orts de tous ceux qui –Zje pense en particulier à MarrouZ–, dans le sillage des « propositions de paix scolaire u ch¢res à Esprit, étaient à la recherche non d’une opération politique mais d’une solution pragmatique. Le SGEN dans la confédération Les prises de position sans ambigu©té sur l’école ont provoqué des tensions au sein de la C!TC. La question de la place du SGEN dans la confédération, au sujet notamment de la déconfessionnalisation, est bien connue par de nombreux travaux, je n’y reviendrai que pour souligner un fait : l’intuition de Vignaux sur la possibilité de créer un contre-poids face à une CGT alors étroitement contrôlée par le PC a été con࠱rmée dans les faits. Citons quelques chi࠰res. On m’excusera de commencer par ma !ranche-Comté. À Peugeot-Sochaux, 38

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dans la plus grande usine de !rance en 1967, 33 ࢠ des voix dans le coll¢ge ouvriers (25 000 salariés), 52 ࢠ dans le coll¢ge mensuel (5 000 salariés) des pourcentages du même ordre cheU les 7 000 salariés de l’Alstom à elfort. Des scores majoritaires dans les deux plus grosses usines de esançon, -hodacieta et Lip. Et dans le cadre national,Z il faudrait évoquer Thomson, la métallurgie de Loire Atlantique, de Lorraine, de la Loire, etc. On a peu parlé du poids du SGEN : autour de 25 ࢠ dans les lycées avant 1968, mais une énorme di࠳culté d’implantation dans le premier degré pour atteindre la barre de 10 ࢠ. Or, Vignaux avait une prédilection pour les instituteurs. Il avait une âme de pédagogue. Il est signi࠱catif de relever que dans sa contribution au livre consacré à Paul Vignaux, Edmond Maire parle de l’« instituteur de la la©cité u, tandis que dans son récent Choix de Pascal, Jacques Julliard évoque « un des grands instituteurs de la pensée social-démocrate sous la ,uatri¢me -épublique et même au début de la Cinqui¢me u. Je n’ai jamais vu notre secrétaire général aussi heureux qu’à l’occasion de congr¢s locaux du SGEN dans le Doubs, où la section du premier degré était éto࠰ée (pr¢s du quart des voix cheU les instituteurs, plus du tiers cheU les ma¨tres de cours complémentaires). Je crois que Vignaux a beaucoup sou࠰ert du fait que, dans les équipes enseignantes, le mouvement catholique des instituteurs, le courant portait à aller au Syndicat national des instituteurs, pour ne pas se couper du milieu, jouer au levain dans la pâte. C’était aussi une tentation, mais moins forte dans le second degré et singuli¢rement dans les ENS. Je l’ai constaté quand j’ai fondé le SGEN à Saint-Cloud en 1955. Et je me souviens d’une anecdote : en 1965 dans l’académie de esançon, le SGEN, fait exceptionnel dans les annales, enl¢ve les deux si¢ges d’agrégés littéraires et les deux si¢ges d’agrégés scienti࠱ques à une élection professionnelle dans les lycées de !ranche-Comté. Mais ce qui nous avait le plus réjoui c’est que l’un des battus du SNES était l’un des piliers de la paroisse universitaire. Vignaux avait d’autant plus partagé notre satisfaction que les catholiques a࠳liés à la !EN faisaient souvent la courte échelle à la tendance dont le PC tirait les ࠱celles, lui permettant de grignoter les positions des majoritaires. runo Manghi, un des responsables de l’italienne CISL, dans sa contribution déjà citée 3, évoque ࠱nement le « sentiment de déception ressenti par Vignaux u de « voir tant d’énergies de la gauche catholique adhérer sans ré࠲échir au PC! et à la CGT u. Il aurait pu ajouterZ: et dans l’enseignement, à la tendance pro-PC. Et l’on en arrive à ce paradoxe : Vignaux était mieux connu et apprécié par les libres penseurs dirigeants de la !EN que par nombre de membres de sa famille spirituelle. Avec ces dirigeants, il partageait de solides convictions social-démocrates, réformistes, une allergie fonci¢re au totalitarisme, une exigence de rigueur. Comme l’a si bien dit Marcel Gonin, il fallait à la fois « briser le mur de mé࠱ance séparant la©ques et catholiques et lutter contre la fascination des catholiques de gauche pour le PC, sans pour autant tomber dans l’anti-communisme u.

3. Paul Vignaux, un intellectuel syndicaliste, Paris 1988.

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J’ai été amené à faire des recherches sur l’Institut d’histoire sociale – cette discr¢te mais puissante o࠳cine, animée avec le concours ࠱nancier d’un certain patronat, par les rescapés du parti pro-naUi de Déat. L’anticommunisme a conduit à des compromissions au plus haut niveau au sein de !O avec l’équipe qu’animait le tr¢s in࠲uent Georges Albertini. Jamais les dirigeants de la !EN n’ont mangé de ce pain-là et cependant ils avaient sans cesse à se battre dans leur organisation contre les tentatives de déstabilisation souvent démagogiques de la minorité favorable au PC‫ڎ‬ Du reGet du *RP au soutien à la gaucEe non coJJuniste Ce propos conduit à l’analyse de l’engagement en politique. Plusieurs brefs coups de projecteurs concernant l’attitude face au PC  le fait de ne pas appartenir au M-P  le soutien à Pierre Mend¢s-!rance et la contribution à la renaissance du socialisme démocratique. L’attitude face au PC C’est un probl¢me majeur à cause d’un préalable redoutable : la gauche ne pouvait être crédible que si, en son sein, le PC n’était plus majoritaire. Probl¢me di࠳cile, car en grande partie irrationnel, l’attraction à l’égard du PC relevant en grande partie de l’émotion. L’a࠰ectivité atteignait son comble quand des catholiques se précipitaient en foule aux réunions animées par Garaudy et un dominicain de service, alors que ce philosophe communiste était le stalinien qui avait bassement injurié, insulté Emmanuel Mounier dans une lettre à l’« homme d’Esprit u, coupable, entre autres crimes, de complaisance à l’égard du « titisme dollarisé u. Dans un tel contexte le combat mené au nom de la raison atteint peut-être son sommet avec la di࠰usion du cahier Reconstruction « Conscience politique et conscience religieuse u, rédigé par Georgette Vignaux en 1957. f+BM>P>MM>OQBKFO>R*/-u C’est le titre d’un article retentissant de Vignaux paru dans l’Express du 13 juin 1955. Le secrétaire national du SGEN savait que le soutien du M-P à l’école privée gênait le développement du SGEN, tant le poids des cultures et mentalités provoquait des confusions entre syndicat a࠳lié à la C!TC et a࠳nités avec une formation politique défendant l’école privée. Il faut aussi tenir compte de l’aveuglement de la grande majorité du M-P en mati¢re de décolonisation alors qu’à Reconstruction, on était bien informé des réalités grâce à une vaillante petite phalange de syndicalistes au Maghreb, aux travaux d’experts comme Delavignette, au témoignage de militants issus de l’0NE! et qui avaient travaillé aux côtés d’étudiants issus du Maghreb ou d’Afrique Noire. Le soutien à Pierre Mendès-France Et puis il y avait cette impardonnable allergie du M-P à l’égard de Pierre Mend¢s-!rance. Je renvoie sur ce point à l’article de Vignaux dans Pouvoirs en 1983, dont voici un extrait de l’introduction :

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Paul Vignaux dans la vie syndicale et politique française

C’est un trait notable de l’histoire française que l’in࠲uence intellectuelle d’un politique «Z radical socialisteZ u dans la mutation par déconfessionnalisation (c’est-à-dire «Zla©cisationZu) d’un mouvement syndical fondé comme chrétien en un syndicalisme socialiste.

Et la conclusion fait état de « chemins intellectuels s’étant rencontrés depuis plus de trente ans u. Avec Pierre Mend¢s-!rance il y eut amitié, a࠳nité intellectuelle, partage de rigueur dans l’analyse des réalités économiques sociales et politiques avec le commun souci de faire progresser une authentique démocratie. Mais l’expérience « Pierre Mend¢s-!rance u est torpillée et arrive 1958. Il faut alors à nouveau reconstruire, préparer une alternative crédible. Et cela passe par une participation au travail des clubs. La contribution à la renaissance du socialisJe déJocratique Vignaux souhaitait la création de clubs Reconstruction qui lui permettrait d’avoir plus de poids au sein des instances de la !GDS. S’il fut peu suivi sur ce plan, le bilan ne fut pas négatif. L’appel de 1955 à se démarquer du M-P fut entendu. Ainsi dans le pays de Montbéliard à la veille des législatives du 2 janvier 1956, l’appel de la puissante 0nion des syndicats C!TCZ: « Voter plus à gauche, en évitant l’extrême, c’est faire œuvre de rénovation u fut largement entendu. Il nous manque un bilan des engagements politiques des militants formés à Reconstruction. Je pense par exemple à Louis Moulinet, élu député de Paris en 1981, à Jean Monnier devenu –Zquel exploit !Z– maire d’Angers. C’est dans le Doubs –Z en partie parce que la question scolaire s’y posait peuZ– que les faits sont spectaculaires. -obert SchRint, ancien secrétaire du SGEN 1erZ degré est élu sénateur en 1971, curieusement au si¢ge que détenait Marcel Prélot. Il sera maire de esançon en 1977. Votre serviteur est élu député en 1981. À Montbéliard, André oulloche prend pour suppléant un ancien responsable C!DT de Sochaux et pour premier adjoint à la mairie un militant du SGEN. En 1997, Pierre Moscovici prend comme suppléant l’ancien responsable de la C!DT Peugeot cycles. Sur les huit enseignants élus conseillers généraux socialistes de 1968 à 1995, aucun ne vient de la !édération de l’Éducation nationale, six sont d’anciens militants du SGEN ! Au plan national, il faudrait un recensement des élus, sans oublier ni les membres des cabinets apr¢s 1981, ni un certain Jacques Delors qui, dans ses récents Mémoires, évoque chaleureusement Reconstruction et où Vignaux est quali࠱é curieusement de « cél¢bre professeur d’histoire u. Conclusions Arrivé au terme de ce qui est peut-être plus un témoignage qu’une communication, j’ai bien conscience de lacunesZ : Paul Vignaux et De Gaulle, Paul Vignaux et l’Europe, Paul Vignaux et l’0NE!, Paul Vignaux apr¢s son départ du SGEN. 41

Joseph Pinard

Je voudrais pour conclure dégager quelques pistes. D’abord insister sur le rôle de « cheville intellectuelle infatigable u, selon l’expression d’Edmond Maire. Sur ce plan, deux témoignages tenant les deux bouts de la cha¨ne tirés de l’ouvrage collectif : – celui de Pierre Ayçoberry : « Pour mesurer le rôle de Vignaux à Reconstruction, il faut se représenter le désert intellectuel où erraient, au début des années 1950, les étudiants et jeunes enseignants désireux de comprendre leur époque et peutêtre de la changer u  – celui des leaders de la métallurgie et de la chimie, Charles Savouillan et -aymond Marion : « Paul était un formidable di࠰useur d’informations et de formation. u Vignaux avait un formidable carnet d’adresses, non pas au sens mondain du terme, mais pour mettre les militants en rapport avec les meilleurs spécialistes dans tant de domaines. 0n exemple, Ayçoberry note l’absence en !rance de bons soviétologues. Mais Vignaux savait mettre à contribution un des meilleurs connaisseurs du &remlin, Jean Laloy. 0ne anecdote signi࠱cative : à la mort de ce spécialiste de l’0-SS, son ࠱ls m’a fait parvenir un de ces modestes bulletins ronéotypés des groupes Reconstruction publiés en 1949, consacré aux « aspects internationaux des probl¢mes économiques u et qui commence par un exposé sur la notion de balance des paiements. Au total, sur un mauvais papier, quarante-deux pages serrées bourrées de références. L’auteur : Paul Vignaux, éclaireur, éveilleur, vulgarisateur, di࠰useur de connaissances, fournisseur de munitions pour l’action, pédagogue animant une école de cadres syndicalistes grâce à une étonnante capacité de travail. On conna¨t la boutade du leader C!DT de la Loire-Atlantique Gilbert Declercq réagissant à la mort du « oss u : « Il y a quelques mois, quand le téléphone sonnait à 22 h 30, il y avait de grandes chances que ce fût un appel de Paul Vignaux. u Deuxi¢me piste : pourquoi celui qui était aussi un brillant orateur –Zj’avoue avoir rêvé de l’entendre à la tribune du Palais-ourbonZ–, qui aurait pu être un grand ministre, a-t-il renoncé à briguer des mandats  Apr¢s tout, son ma¨tre Célestin ouglé avait a࠰ronté à quatre reprises le su࠰rage universel. Je ne crois pas que Vignaux ait renoncé à descendre dans l’ar¢ne par purisme, refus des inévitables compromis, même s’ils ne sont pas toujours des compromissions. Vignaux était passionné par les réalités politiques de terrain, il était un ࠱n connaisseur de la carte électorale. Il avait rendu compte dans Politique du fameux « Tableau des partis en !rance u d’André Siegfried et de la « !in des Notables u de Daniel Halevy. À cette occasion, en octobre 1930, il avait écrit à propos de la faveur française pour le « petit u : L’épith¢te est dans la tradition républicaine. Elle a sa valeur et son charme. Elle dit une vie sans éclat, de peu d’apparence, qui appelle l’intérêt, et aussi une grandeur cachée, une dignité qui commande l’estime.

Joliment dit‫! ڎ‬ine évocation qui traduit une émotion et nous fait mieux approcher les motivations d’un homme pudique. Notre ma¨tre a cru qu’il pouvait donner le meilleur de lui-même en éveillant, en confrontant, en enrichissant, 42

Paul Vignaux dans la vie syndicale et politique française

des vocations de militants. Il a voulu –Zet je reprends les termes de la déclaration de principes fondatrice du SGENZ– « susciter dans la jeunesse des forces qui se mettront librement au service du bien public u. Paul Vignaux n’a pas voulu être sur le devant de la sc¢ne, il préférait le travail de fond discret. Il se référait souvent à la formule de Mounier : « Il arrive qu’un rocher bien placé détourne le cours d’un ࠲euve u. Comme l’a fort bien dit le journaliste Michel Noblecourt dans son article nécrologique du 5 septembre 1987 dans Le Monde : « intellectuel ࠱n et passionné 6‫ڎ‬8, Paul Vignaux ne recherchait pas les feux de la rampe, ne voulait ni les honneurs, ni la célébrité u. Et puisque je viens de citer Mounier, je donne à nouveau la parole au fondateur d’Esprit qui, en juillet 1937, dans sa revue, rendant compte d’une intervention « d’un de nos camarades la©ques de lignée ouvri¢re qui donne au mouvement ouvrier la meilleure partie de son temps et de sa ferveur u, lors d’une réunion consacrée à l’Espagne en présence de Maritain et de Mauriac, écrivait : ,uand les asques présents eurent dit jusqu’aux limites de l’émotion ce qu’ils avaient à dire, notre camarade commença à parler. Ses premiers mots sortaient d’une voix détachée, sobre, presque nonchalante  on aurait pu croire à une simple mise au point, si je ne sais quoi de décidé dans son départ, de subit dans le silence qui l’entoura n’avait fait pressentir le moment où l’entretien allait se serrer sur l’essentiel. Peu à peu, dans le même ample silence, la perspective s’élargit. Toute sa race ouvri¢re montait dans les paroles de notre camarade, nouée à sa ࠱délité chrétienne 6‫ڎ‬8. 0ne unanimité sacrée passa sur les quelques hommes présents.

Le « camarade la©que u, c’était Paul Vignaux. 0n ultime mot : celui qui nous a appris le syndicalisme et la politique nous a convaincus, non seulement par la richesse de son argumentation animant ce que Julliard a appelé « un des rares laboratoires de la social-démocratie u, mais parce qu’il a réussi à allier la raison et la ferveur.

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LA PERSONNALITÉ ET L’ENSEIGNEMENT DE PAUL VIGNAUX À L’EPHE

Jean JOLIVET Directeur d’études émérite à l’École pratique des hautes études

Paul Vignaux était tr¢s attentif aux conjonctures et aux suites certaines ou probables qui s’y dessinaient  mais il lui arrivait aussi de se projeter dans un futur indé࠱ni  ainsi disait-il : « Il y avait deux Vignaux  l’un et l’autre s’appelait PaulZu. L’un et l’autre, donc, le syndicaliste et le philosophe médiéviste, sont évoqués dans le présent colloque, à de hauts niveaux de quali࠱cation théorique et pratique. Si j’ai la joie mélancolique d’y participer, c’est parce que diverses circonstances m’ont fait proche des deux personnages à de certains moments. Sauf erreur, je suis le seul intervenant qui ait été dans ce cas et l’on attend sans doute de moi quelques éléments de témoignage, plutôt que des considérations synthétiques. La tâche est asseU facile en soi, elle demande cependant que je réduise au simple nécessaire les inévitables allusions autobiographiques. En 1949 probablement, en tous cas à la ࠱n de mes études, je lisais, de Paul Vignaux, un petit livre alors tout récent (1948) que son auteur reprendrait et augmenterait en 1958 sous un titre un peu di࠰érent : La pensée au Moyen Âge deviendra alors Philosophie au Moyen Âge  ce second état sera lui-même repris en 1987, l’année même du déc¢s de son auteur, augmenté d’une « Introduction nouvelleZu et d’une suite : Lire Duns Scot aujourd’hui. ÀZ laZ pageZ 64 de l’ouvrage de 1948, donc, Vignaux, ayant cité quelques logiciens médiévaux, écrivait ceci : Malheureusement, ces auteurs ne sont pour nous gu¢re plus que des noms  depuis Prantl, au si¢cle dernier, aucun chercheur n’a été tenté par la tâche ingrate d’inventorier leur œuvre. Il y aurait cependant à saisir une tradition logique 

et un peu plus bas sur la même page : Ces mati¢res logico-grammaticales, à peine explorées, forment l’infrastructure des grandes constructions spéculatives, dont, mieux connues, elles expliqueraient sans doute plus d’un trait.

Tenté par l’exploration de ces terres inconnues, je pris contact avec Paul Vignaux. Ce grand médiéviste reçut ce futur débutant avec la gentillesse, la 45

Jean Jolivet

disponibilité, que l’on conna¨t bien  il donna quelque ampleur aux indications sobres qui m’avaient séduit. Je suis redevable à cette lecture et à cet accueil de toute une part de mon travail futur, sorti de cette initiation. Plus tard il me signala la publication alors récente par Dom Lambot des Œuvres theologiques et grammaticales de Godescalc d’Orbais (1945), un carolingien qui ne pouvait gu¢re le retenir, sauf peut-être à cause de sa doctrine de la prédestination –Z mais ses auditeurs de l’École pratique des hautes études savent qu’il était toujours au courant de ce qui se publiait, voire de ce qui était encore en cours de déchi࠰rement  nous retrouverons cela. Il avait aussi une vue large et claire des pistes à suivre, des domaines à explorer  c’est ainsi que, ayant appris par ma femme mon a࠰ectation à un lycée d’Alger, il me ࠱t passer par elle le conseil de mettre ce changement à pro࠱t pour m’initier à la langue arabe : de là aussi proviendrait l’autre moitié de mes recherches. Paul Vignaux avait choisi pour sa part, dans le champ des études médiévistes, la problématique de la connaissance théologique cheU les auteurs du XIVe si¢cle en particulier, plus spécialement encore cheU les scotistes. Ce choix n’avait pas restreint l’ampleur de sa vision de la pensée médiévale, sans préjudice de l’attention au détail. La premi¢re fois que j’assistai à son cours à l’EPHE, à l’une de ses « conférencesZu, puisque tel est le nom étrange que l’on donne à cette sorte d’enseignement, la premi¢re fois donc, je fus désorienté : j’arrivais en pleine explication d’un texte, continuée des séances précédentes  le directeur d’études lisait phrase apr¢s phrase, s’interrogeait, expliquait. Les plus avertis de ses auditeurs s’en mêlaient, proposaient des interprétations, des références. Puis l’on revenait à la page abandonnée, retour provisoire encore. Suivre dans ses replis le labyrinthe textuel, sans échappatoire possible, la lettre, s’imposait ! Jusqu’à déboucher au jour. Vignaux excellait dans cette méthode qui caractérise l’École pratique des hautes études. Il arrivait certes qu’il donnât des exposés synthétiques, mais juste autant qu’il était nécessaire. De sa part, peu de développements systématiques mais ses propos faisaient comme jaillir des arcs lumineux entre des points parfois inattendus du texte en cours de lecture, ou d’œuvres di࠰érentes  des perspectives amples s’illuminaient. Cette pratique était d’autant plus originale et féconde que fréquemment tel ou tel des auditeurs était, précisément mais non certes par hasard, occupé à éditer le texte que le directeur déchi࠰rait, à moins aussi que l’édition n’en fût toute fra¨che  le dialogue se déroulait alors à une altitude singuli¢re. Tels furent les cas, par exemple, de Jeanne arbet qui travaillait à éditer le commentaire de !rançois de Meyronnes sur le corpus dionysien  ou singuli¢rement celui d’André Combes qui ouvrit aux recherches médiévistes une partie au moins des œuvres déroutantes de Jean de -ipa  ce scotiste extraordinaire, le Docteur supersubtil, fournit longtemps mati¢re aux séances de la direction d’études. Telle était, bri¢vement évoquée, la façon dont Paul Vignaux exerçait son métier de directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses, nous guidant à travers des œuvres médiévales, de préférence les plus ardues, qui toutes traitaient des questions les plus spéci࠱ques et les plus techniques de la théologie. Or, à l’expérience, cela n’allait pas sans 46

La personnalité et l’enseignement de Paul Vignaux à l’EPHE

paradoxe, car en le suivant, on se découvrait aussi plus clairement ouvert à la philosophie. Alors que, d’autre part, l’un de ses coll¢gues, tr¢s grand hébra©sant et bibliste, ࠱d¢le de la -éforme –Zj’ai nommé André CaquotZ–, nous livre cette con࠱dence : « Il est arrivé souvent que je puisse entrevoir, grâce à Paul Vignaux, les séductions de la véritable théologie 1.Zu La ࠱gure du Vignaux théologien s’encadre dans un fait d’institution : l’histoire de la direction d’études qu’il occupait. Elle résultait des créations successives, en 1886 d’une direction d’« Histoire des dogmes u (Albert -éville en est alors le titulaire), puis, en parall¢le, d’une autre consacrée aux « -apports de la philosophie et de la théologie u (1888  !rançois Picavet). La premi¢re prit l’intitulé d’« Histoire des doctrines et des dogmes u en 1907 avec Paul Alphandéry  Étienne Gilson devint le titulaire de la seconde en 1921  Paul Vignaux le fut de celle d’« Histoire des doctrines et des dogmes u en 1934. Mais en 1960 cet intitulé devint « Histoire des théologies médiévales u, avec deux directeurs d’études, Paul Vignaux et -ené -oques. Du fait donc de Vignaux, le titre de Picavet et de Gilson (que cependant Vignaux avait suppléé, puis à qui il avait succédé) devint obsol¢te. Toute cette histoire est bien complexe, pour ne pas dire confuse, mais du moins on y observe un passage de rubriques tr¢s générales à un intitulé au programme tr¢s précis, qui a࠳ne celui qu’avait choisi Picavet, tout en le précisant d’un point de vue méthodologique. Or Paul Vignaux n’était ni moins la©que ni moins philosophe que ses prédécesseurs, et son choix impliquait un programme : il dit avoir orienté son travail « par-delà l’histoire de la philosophie, vers l’histoire des théologies 2Zu  on notera ce pluriel qui succ¢de dans la même phrase à ce singulier. Cette décision programmatique implique une position méthodologique précise, que l’on serait tenté de dire nominaliste en évoquant par-là, non une option philosophique mais un souci des individualités respectives des doctrines. Vignaux était attentif avant tout à la pluralité des écoles au sein de la médiévale faculté de théologie, et à la pluralité des théologiens dans chaque école. Cette orientation de principe se retrouve dans sa prédilection pour les scotistes –Zet le scotisme est une théologie de la liberté. Sur ces points, la lecture des « Comptes rendus des conférencesZu qui paraissent réguli¢rement dans les Annuaires de la section serait tr¢s instructive  il n’est pas question de s’y livrer ici  on rel¢vera seulement quelques indications sur la période qui va de 1933 à 1940, c’est-à-dire entre l’entrée de Vignaux à la section comme suppléant de Gilson et son départ pour les États-0nis. En 1933, Vignaux a vingt-neuf ans, il vient de publier, dans le tomeZXI du Dictionnaire de théologie catholique, de grands articles sur les nominalistes médiévaux. Il ne consacre dans ses « conférencesZ u aucune étude à Abélard  à Guillaume d’Ockham, si, mais toujours en le comparant avec d’autres théolo-

1. Revue de la Société des élèves, anciens élèves et amis de la Section des sciences religieuses de l’EPHE 1989, p. 22. 2. H. P UISEUX, Problèmes et méthodes d’histoire des religions, Paris 1968, p. 222.

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Jean Jolivet

giens du XIVe si¢cle. Les noms qui apparaissent le plus souvent, seuls ou avec d’autres pour des comparaisons, sont ceux de Duns Scot (six fois), et de Luther (six fois aussi)  le nom d’Ockham revient quatre fois  trois fois celui de Pierre d’Auriole, y compris au titre de l’article liminaire de l’Annuaire de 1935-1936 (« Note sur la relation de Pierre d’Auriole à sa théologie trinitaireZ u, p. 5-23). Si l’on passe des noms propres aux th¢mes, on remarque que des recherches a࠰érentes à la théologie et à son statut sont évoquées cinq fois, dont trois à propos de Luther. Dans ces années initiales, le jeune Vignaux ouvrait les voies qu’il a suivies tout au long de sa carri¢re de directeur d’études  toutes ou presque traversent le XIVe si¢cle (la référence à Luther est plus tardive, mais à chaque fois qu’il appara¨t, c’est à propos de ses rapports à la théologie médiévale, en général ou à travers un auteur particulier). ,uant à l’intérêt proprement philosophique de ces recherches, il faudrait le chercher pour une part dans l’histoire de la philosophie elle-même, qui, dans sa forme moderne, doit tant à la scolastique en fait de probl¢mes et de concepts, et déjà cheU Descartes. C’est cela sans doute, mais aussi et d’abord autre chose qu’y voyait Vignaux  dans le texte que l’on vient de citer, il écrit : 0n passage de la théologie à la philosophie nous semble ne pas faire plus de probl¢me que n’en faisait, pour l’école sociologique d’Émile Durkheim, l’origine sociologique des catégories 3.

Et il cite cette remarque de Victor Delbos à propos des « sources mystiques de l’idéalisme allemandZu : Il est vain de présumer que tout ce qui est susceptible de prendre un sens rationnel doit nécessairement entrer dans le monde et dans 1’esprit humain par la voie de la simple raison 4.

Il évoque la leçon de Léon runschvicg, selon qui « l’intérêt des th¢ses systématiquement présentéesZ u est moindre que « l’attitude et la démarche de l’esprit qui les poseZu. Ainsi l’analyse des théologies médiévales tourne, au moins sous un aspect, à l’examen, en deçà même des concepts, des conceptualisations à l’œuvre dans des recherches dont le sujet est un ensemble de dogmes  dans cette mesure, elle est un travail homog¢ne dans son exercice à celui du philosophe. La façon dont concr¢tement Paul Vignaux se comporte comme tel en analysant les th¢mes et les procédures des théologies médiévales a été amplement et savamment présentée ici  je n’y saurais rien ajouter. Je rel¢verai seulement que, une page seulement avant notre derni¢re citation, Paul Vignaux prend ses distances à l’égard d’Étienne Gilson dont il vient de faire l’éloge. Il écrit que « le champ de l’histoire des théologies médiévalesZu est « autrement plus vaste que l’objet d’une histoire de la ‫ڄ‬philosophie chrétienne‫څ‬Zu  cette expression qui a son utilité historique est, continue-t-il, « non philosophique parce que liée à une certaine théologie, à une conception déterminée du rapport entre la nature et la grâce 5Zu. On dit parfois qu’un des th¢mes favoris de la culture

3. Ibid., p. 223. 4. Ibid., p. 224. 5. Ibid.

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La personnalité et l’enseignement de Paul Vignaux à l’EPHE

classique en !rance était de mettre en regard de grandes ࠱gures à la fois proches et distantes, Corneille et -acine, Voltaire et -ousseau‫ « ڎ‬Gilson et VignauxZu, ce pourrait être un bon sujet de dissertation. Il faudrait, avant de le traiter, lire au moins à la suite deux livres écrits quand leurs auteurs respectifs étaient chacun à la ࠱n de sa carri¢re : Le philosophe et la théologie d’Étienne Gilson (1960), 1’Introduction nouvelle écrite par Paul Vignaux pour la réédition de Philosophie au Moyen Âge (1987). Je ne m’y livrerai pas, mais j’attirerai l’attention sur le fait que ces deux grands médiévistes n’ont pas été seulement des hommes de biblioth¢ques et de chaires magistrales, mais aussi des citoyens. L’un et l’autre ont participé de la chose publique : Gilson a été « conseiller de la -épubliqueZu (ainsi appelait-on les sénateurs sous la ,uatri¢me -épublique), parmi les représentants du Mouvement républicain populaire (démocrate chrétien), de 1947 à 1949. En 1950 il prit parti publiquement pour une position « neutralisteZu entre les États-0nis et l’0nion soviétique  il s’attira ainsi de tr¢s vives critiques, notamment de L’Action française, maurrassienne, et de Carrefour, gaulliste. Les instances du Coll¢ge de !rance, dont il avait démissionné peu de temps auparavant, lui refus¢rent l’honorariat « pour des raisons moralesZu. On peut voir sur ce sujet le chapitre 15 de sa biographie par Laurence .ZShook. Paul Vignaux n’avait gu¢re de sympathie pour la démocratie-chrétienne (il se réclamait, cum grano salis, des « radicaux du Sud-OuestZu)  il ne fut membre d’aucune assemblée législative  mais il fonda et dirigea un syndicat d’enseignants (le Syndicat général de l’Éducation nationale, le SGEN)  il travailla tr¢s activement à la transformation de la Confédération française des travailleurs chrétiens en Confédération française et démocratique du travail. Cela me conduit à la seconde partie de mon exposé. Elle sera tr¢s courte  j’ai dit en commençant que, dans cette évocation personnelle de Paul Vignaux, je ne voulais pas glisser dans l’autobiographie  et aussi que son action publique a ici de bien meilleurs témoins que moi. En trois mots, donc : jeune professeur j’avais adhéré au SGEN  ce syndicat regroupait tous les ordres d’enseignement, et il était a࠳lié à une centrale ouvri¢re. Ayant été nommé à Alger en 1952, je pris conscience asseU vite (ce n’était pas di࠳cile) des particularités sociales et politiques de l’Algérie française  je participais aux réunions de mon syndicat, tr¢s partagé localement sur ces sujets, surtout apr¢s le 1erZnovembre 1954. Outre une expérience de terrain, fût-elle limitée, j’avais des relations avec des milieux « libéraux u  mes él¢ves algériens avaient, en 1955, fondé une « association de la jeunesse estudiantine musulmane d’Alger u et m’avaient invité à la séance de fondation. J’avais évidemment gardé contact avec Vignaux, qui était tr¢s attentif à la réalité politique, comme l’on sait, et qui mesurait la gravité du probl¢me de l’Algérie. -appelons qu’en ces années, tout le Maghreb était en ébullition, la Tunisie depuis 1952, puis le Maroc dont le sultan avait été exilé en 1953 par le -ésident général français. En 1955, j’eus cette chance pour mon avenir (et pas seulement de chercheur) d’être recruté au CN-S. Vignaux me ࠱t entrer au secrétariat national du SGEN  les instances du Syndicat avaient sur le probl¢me algérien une position tr¢s en pointe, mais ce n’était pas le cas de tous leurs homologues. Vignaux était évidemment 1’âme du secrétariat. Je vis qu’entre ses camarades, il se comportait de la même façon qu’avec ses coll¢gues et ses él¢ves : une alliance remarquable 49

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d’autorité et de familiarité  dans le sérieux la même gaieté. Ce serait un oubli regrettable de ne pas rappeler le côté joyeux de son caract¢re, le sourire avec lequel il accueillait habituellement l’ami, le coll¢gue, ou simplement l’interlocuteur. IlZétait enclin à plaisanter, il était rare que les séances du secrétariat ou de l’École ne soient pas coupées à un moment ou à un autre par quelque plaisanterie de sa part, ou en réponse à quelqu’un d’autre. Je me souviens que, au début des années 1960, nous cherchions à quel moment il convenait de placer une communication que je devais faire dans sa direction d’études  l’accord se ࠱t sur la ࠱n du mois de mars, et je conclus en disant (je ne sais trop pourquoi) : « C’est donc entendu, je parlerai apr¢s l’équinoxeZu. Cela l’enchanta, il y revint asseU longtemps (non sans se perdre parfois entre l’équinoxe et le solstice), il me demandait : « Vous régleU-vous aussi sur le calendrier républicain Zu, et autres plaisanteries qui nous men¢rent jusqu’au mois de juin. Mais, pour en revenir aux séances du Secrétariat, je vis la façon dont son intelligence politique saisissait l’ensemble des situations, le courage et l’énergie avec lesquels il réagit, et donc le Syndicat avec lui, à des situations graves, voire dramatiques, comme l’a࠰aire Audin, le coup de force de 1958, le putsch avorté de 1961 et les attentats de l’OAS (le si¢ge du Syndicat fut plastiqué), et Charonne‫ ڎ‬Dans un ordre de choses plus paisible il fut asseU dévoué à l’action syndicale pour refuser d’entrer au cabinet du ministre de l’Éducation nationale -ené illi¢res. Notre proximité dura quelques années  d’autres l’ont accompagné de plus pr¢s et plus longtemps que moi. Ne voyant pas du même œil la façon de se conduire par rapport à la guerre du Vietnam, puis devant les « événements u de 1968, nos liens politiques se distendirent sans altérer notre amitié, mais nos rencontres se ࠱rent rares. LeZsecrétaire général du SGEN changea  je cessai de cotiser. Je me souviens qu’un jour Paul Vignaux et moi nous sommes croisés par hasard à l’entrée de la rue Gay-Lussac, avec la joie d’amis qui se retrouvent  nous y avons échangé quelques propos sans rapport avec la philosophie ni la politique  c’était en 1987.

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PAUL VIGNAUX À TOULOUSE : RÉSISTANCE SPIRITUELLE ET POLITIQUE EN 7ONE NON OCCUPÉE 'UIN  'UIN 

Jean LECUIR Ancien maître de conférences d’histoire moderne à l’université Paris X-Nanterre

À 36 ans, Paul Vignaux est déjà une personnalité aux facettes diverses 1. Professeur, il explore l’histoire des théologies chrétiennes médiévales, en particulier franciscaines, à la section de l’École pratique des hautes études à Paris, institution universitaire publique. Secrétaire du Centre de documentation sociale de Célestin ouglé 2, il a acquis dans cette expérience une solide culture sociologique, ouverte au mouvement ouvrier, aux ré࠲exions socialistes, aux écrits de Proudhon et de Marx, en relations avec l’Institut d’histoire sociale d’Amsterdam 3. Ses engagements dans l’Action catholique de la jeunesse française et la naissance des mouvements spécialisés –Z Jeunesse étudiante chrétienne, Jeunesse ouvri¢re chrétienne surtoutZ – ont nourri son attention précoce aux mouvements sociaux et aux expressions du « sentiment de classe u. Il a été ainsi introduit dans les réseaux du catholicisme social. Mais il appartient à cette minorité de catholiques, qui « pratique l’émancipation à l’égard de toute

1. Je renvoie aux références biographiques données dans la présentation de la bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux dans ce volume, en particulier aux contributions d’Alain deZLibera, Madeleine Singer, Jean-Paul Martin et Émile Poulat. 2. Célestin ouglé (1870-1940), professeur de philosophie, a créé en 1920, à l’École normale supérieure, le centre de documentation sociale, rassemblant des ouvrages sur les probl¢mes sociaux et la politique étrang¢re. Politiquement radical, critique du marxisme, il s’intéressa aux socialistes français du XIXe si¢cle, particuli¢rement à la sociologie de Proudhon. Il sera directeur de l’École de 1935 à sa mort en 1940. 3. -elations tr¢s précoces, puisqu’il ࠱gurerait sur une photo de 1926 (site de l’Institut). Information con࠱rmée par sa contribution à la revue de l’Institut (« Introduction à l’étude historique du mouvement syndical chrétien u, International Review of Social History 2 (1937), p. 28-47) et par la ࠱che de police de février 1940, adressée au Commissariat général de l’information concernant Paul Vignaux (AN, ! 41/15). La ࠱liale parisienne de l’Institut, dirigée par le socialiste Alexandre Desrousseaux dit « racke u, a recueilli les archives des mencheviks et oris Souvarine en g¢re la biblioth¢que.

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tutelle ecclésiastique pour suivre l’appel de la conscience éclairée par la foi 4 u. Cette autonomie se nourrit à la fois de sa méditation de la théologie médiévale d’un Jean Duns Scot 5 et de ses convictions républicaines et la©ques. Est central son ancrage dans une la©cité, qui refuse toute philosophie d’État –Zet donc tout totalitarisme – et assure « la coexistence de di࠰érentes familles spirituelles, dont les membres s’inspirent librement de leurs convictions dans leur vie privée et publique 6 u : -animer le sens de l’autonomie personnelle, défendre la raison 6‫ڎ‬8 repousser dans l’État totalitaire un dieu terrestre, comment un tel esprit n’agréerait-il pas au la©que et au catholique, à celui qui est seulement soucieux de dignité humaine et à celui qui cherche, de plus, un culte en esprit et en vérité 

Ce positionnement n’est pas étranger à la montée des périls totalitaires, dont Paul Vignaux a une vive conscience. D¢s le début des années 1930, il choisit de s’investir dans la Confédération française des travailleurs chrétiens (C!TC) : il veut l’armer contre les déviations corporatistes, grâce à une formation générale décléricalisée ré࠲échissant sur les conditions de l’action et sur l’organisation professionnelle, c’est-à-dire les relations patronat-syndicalisme-État 7. Il y crée en novembre 1937 le SGEN (Syndicat général de l’Éducation nationale), attribuant, dans ses statuts, un caract¢re strictement la©que à l’action de ce syndicat. Vice-président de la fédération C!TC des fonctionnaires, il a tissé des relations avec la CGT. Il a acquis une dimension internationale par ses contacts à la !édération internationale des métallurgistes chrétiens, à la Confédération internationale des syndicats chrétiens (CISC), à la Commission internationale des loisirs des travailleurs créée à l’initiative de l’Organisation internationale du travail, ou à la Conférence catholique pour la Paix de La Haye. Il s’est fait un nom, aussi bien dans la presse syndicale C!TC, l’hebdomadaire Temps présent, que dans des revues comme La vie intellectuelle, Politique, Esprit, Les Nouveaux Cahiers, toujours préoccupé de susciter une opinion catholique autonome et de développer la sensibilité au danger fasciste. On ne lui conna¨t pas d’appartenance à un parti, que ce soit la Jeune -épublique ou le Parti démocrate populaire, mais les indices sont nombreux de ses sympathies pour la gauche radicale et socialiste, conformes à ses origines familiales du Sud-Ouest. Il signe des pétitions, de la guerre d’Éthiopie à la guerre d’Espagne, intervient dans l’aide aux réfugiés d’Allemagne et d’Autriche, suit les débats du !ront populaire, du Parti socialiste et de la CGT, attentif aux convergences possibles entre le mouvement ouvrier chrétien et le socialisme démocratique. Deux signes concrets manifestent son souci d’agir en coopération avec des non-chrétiens de la gauche antifasciste, y compris communiste : son adhésion au -assemblement universel pour la Paix avec le radical Pierre Cot, le socialiste Léon lum et le secrétaire général de la CGT, Léon Jouhaux  son 4. . COMTE, L’honneur et la conscience : catholiques en résistance,  , Paris 1998, p. 34. 5. Jean Duns Scot (1266-1308), écossais, théologien et philosophe franciscain. 6. P. VIGNAUX, « Les catholiques français et la politique étrang¢re de la !rance u, Politique étrangère, octobre 1938, p. 446-447 et 459. 7. ID., Traditionalisme et syndicalisme, NeR 4ork 1943, p. 72-73.

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engagement aux côtés des catholiques basques et de Manuel de Irujo, ministre du gouvernement espagnol de !ront Populaire 8. Si l’on conna¨t le Vignaux d’avant-guerre, celui de l’année passée à Toulouse avant de gagner les États-0nis demeure méconnu. Certes, le versant syndical de son activité n’est pas ignoré 9. Le rôle de Paul Vignaux est en e࠰et loin d’être négligeable dans le rapide basculement de la C!TC de la Uone non occupée dans la défense de la liberté syndicale et l’opposition au régime de Vichy. MaisZles autres pans de son activité sont restés dans l’ombre 10. Les pages qui suivent veulent combler cette lacune. Pour tenter de reconstituer la mani¢re dont Paul Vignaux rebondit au lendemain de la défaite, il faut s’en remettre à ce qui émerge de-ci de-là dans les souvenirs d’acteurs, et dans les fonds d’archives, y compris familiales. Paul Vignaux ne prenait pas de notes au jour le jour sur son activité et ses ré࠲exions. Ni journal, ni autobiographie. Il n’a pas vraiment raconté cette période de son existence, sinon par allusions dans des écrits des années 1941-1944 et dans quelques brefs témoignages tr¢s postérieurs 11. Traces qu’il faudra situer dans leur contexte de l’époque pour reconstituer les préoccupations, les relations et l’action du réfugié toulousain : sa mobilisation prioritaire en faveur d’un syndicalisme libre, son projet précoce de départ aux États-0nis ne l’empêchent pas de participer, avec sa femme, à la naissance de la « résistance avant la -ésistance u, selon la formule de Pierre Laborie, dans ses versants spirituels et politiques. Été 1940 : évidences et incertitudes +FM>@FࠩPQB KFSO>FJBKQDRBOOFBO Paul Vignaux n’était pas un paci࠱ste : connu pour sa défense des catholiques basques et des républicains espagnols, antimunichois, partisan de l’acceptation délibérée du « risque de guerre 12 u, voici cet intellectuel, plongé dans le con࠲it 8. ID., Manuel de Irujo, ministre de la République dans la guerre d’Espagne 1936-1939, Paris 1986. 9. G. ADAM, )> #1  , Paris 1964, p. 15-45  C. SAUDEJAUD, Le syndicalisme chrétien sous l’Occupation, Paris 1999, 370 p  J. LECUIR, « Paul Vignaux à Toulouse : les débuts de la résistance syndicale chrétienne en Uone non occupée (juin 1940-juin 1941) u, Actes du 59e Congrès de la Fédération historique de Midi-Pyrénées, Cahors,GRFK

, à para¨tre. 10. Seule trace dans le livre de synth¢se de M. GOUBET – La Résistance et les années noires à 1LRILRPBBQBK%>RQB $>OLKKB , Toulouse 2004, 262 p. –, la mention du « VignaudZuZde la réunion autour de . Vildé (voir plus loin, paragraphe « Avec oris Vildé à Toulouse u, p. 101). 11. Paul VIGNAUX a évoqué cette période dans deux livres : Traditionalisme et syndicalisme, NeRZ 4ork 1943  France, prends garde de perdre ton âme (Cahiers du Témoignage chrétien), NeRZ 4ork 1943  et dans quatre témoignages : « Témoignage de Paul Vignaux sur les réfugiés du Nord résistants dans la région toulousaine u, Revue du Nord 237 (avril-juin 1978), p. 700  « Pour comprendre les débuts de la -ésistance syndicale chrétienne en Uone non occupée u, Zdans X. DE MONTCLOS (dir.), Églises et Chrétiens dans la Seconde Guerre mondiale, t. II : La France, Lyon 1982, p. 133-136  témoignage de P. VIGNAUX, dans N. PANNOCCHIA (dir.), Silvio Trentin e la Francia : saggi e testimonianze, Venise 1991, p. 197-200  sa préface à Un non-conformiste chez Schneider. ƒALR>OA*LOFK  'LROK>IMO£PBKQ£BQ>KKLQ£M>O/ édarida, Paris 1984, p. 5. 12. P. VIGNAUX, « -é࠲exion sur l’État, le droit de guerre et l’obligation du citoyen u, La vie intellectuelle 42/3 (25 mars 1939), p. 325-339  « Ce qui est en cause u (sur les buts de guerre), ibid., I/1 (octobre 1939), p. 54-66.

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qu’il avait perçu comme inévitable. Exempté en 1927 pour raisons médicales, il fait l’essentiel de la « drôle de guerre u au minist¢re de l’Information, qui a mobilisé alors nombre de compétences : ses activités recoupent celles des cégétistes Christian Pineau et Georges Lefranc 13 et du germaniste Pierre ertaux 14, connus de lui soit par le syndicalisme, soit par l’ENS  il contribue à la propagande antinaUie et anticommuniste en milieu catholique et en milieu syndical, notamment à l’étranger, ainsi qu’à l’aide aux réfugiés allemands et autrichiens que la -épublique enferme. Soucieux de dé࠱nir la place du syndicalisme dans une économie de guerre, il souligne alors l’importance d’une représentation ouvri¢re aupr¢s du gouvernement pour l’informer des réalités de la situation ouvri¢re et défend une « collaboration u entre syndicats et patronat, à parité, dans le cadre de conventions collectives 15. Mais, à la veille de l’o࠰ensive allemande, apr¢s un réexamen de sa réforme, il est appelé le 16 avril 1940 à rejoindre le dépôt d’infanterie no 171 d’Auch. CeZ qu’il fera avec retard, par suite des démarches du secrétaire général du minist¢re de l’Information, Julien Cain 16 qui est mécontent de mon départ, mais ce n’est pas le moment pour réclamer quelqu’un du service armé 6‫ڎ‬8. C’est de meilleur cœur que je pars pour Auch 6‫ڎ‬8 J’ai été une fois de plus victime du désordre de cette maison‫ ڎ‬d’un autre côté cette maison m’épuisait. Peut-être trouverai-je là-bas quelque détente 6‫ڎ‬8 En partant pour Auch, je vous embrasse et salue notre appartement et notre bonheur 6‫ڎ‬8. PrieU le Seigneur qu’il nous donne la victoire. Ces jours seront décisifs. J’ai con࠱ance 17.

Apr¢s avoir fait partir sa femme et leur ࠱ls de deux ans et demi, Dominique, pour ordeaux, il quitte Paris le 20 mai, pour n’arriver à Auch que le 23. EtZdeZcommenter : Toujours des réfugiés. Il para¨t qu’Arras a été réoccupé par nous. Cela irait donc mieux. Je continue à croire qu’on pourra s’en tirer. Mais quelle responsabilité pour Gamelin et Daladier‫ ڎ‬Jamais on n’aurait cru à une telle faiblesse intérieure. Et que dites-vous des pri¢res de Notre-Dame, dimanche ! J’ai vu la Dordogne

13. Georges Lefranc (1904-1985), normalien, historien, anime le groupe « -évolution constructive u à la S!IO et l’Institut supérieur ouvrier de la CGT. 14. Pierre ertaux (1907-1986). Membre des cabinets ministériels des socialistes Pierre Viénot et Jean Zay, professeur à Toulouse, il créera en 1941 le réseau qui portera son nom. Arrêté, jugé et interné de décembre 1941 à décembre 1943, il sera commissaire de la -épublique à Toulouse en août 1944, suppléant Jean Cassou, gri¢vement blessé le jour même de la libération de Toulouse. 15. « Pas d’équivoque, ce que doit être la collaboration u, Temps Présent 124 (12 avril 1940), p. 3. 16. Julien Cain (1887-1974), historien, directeur du cabinet du président S!IO de la chambre des députés en 1927, puis administrateur général de la iblioth¢que nationale, associé à la politique du livre conduite par Jean Zay. 17. Le ménage se vouvoie. Lettres des 19, 20 et 21 mai 1940 de Paul à Georgette Vignaux  enveloppe d’une lettre du 17 mai de Madame arrion à sa ࠱lle Georgette, arrivée à leur domicile parisien et renvoyée à ordeaux. La correspondance familiale retrouvée récemment pour cette période, avec l’aide de leur ࠱ls !rançois Vignaux, comprend des lettres de ce type, celles des sœurs de Georgette Vignaux, de son beau-fr¢re Pierre Gourou et de Dina Lévi-Strauss. La référence A!V signi࠱era dorénavant Archives familiales Vignaux.

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en traversant de Limoges à Agen par Périgueux en omnibus. On a tout le loisir d’admirer le paysage. Je vais arriver à Auch, comme mars en carême, 35 jours apr¢s les autres. Je ne sais d’ailleurs vers quoi m’orienter. Il ne peut être question de peloton maintenant. Mais cela est secondaire. ,ue vous dire de la guerre  Si on les culbute vraiment, ce peut être court. Les changements intervenus dans le commandement indiquent asseU les responsabilités. J’apprends la prise d’Arras et d’Amiens. Courage‫ ڎ‬18.

Même si Auch le rapproche de la maison familiale de Sarniguet 19, où réside sa m¢re, la perspective des activités d’un simple soldat encaserné dans les troupes de réserve ou en manœuvres, loin du front, ne l’enchante gu¢re : il se sentait plus utile au minist¢re de l’Information. Sa femme et son ࠱ls viendront tr¢s rapidement résider au 43, rue de MetU à Auch. Face à la catastrophe Nous ne connaissons les préoccupations du ménage, face à l’irruption de la défaite, de l’Occupation et du régime de Vichy, qu’à travers les lettres de la belle-m¢re de Paul Vignaux 20, qui nous les renvoie en écho, de !lorensac 21 où, venue de Paris, elle est réfugiée dans la famille d’un autre gendre mobilisé, le géographe Pierre Gourou 22. Ces lettres témoignent sur le vif de leurs sentiments et analyses. D’où leur tr¢s grand intérêt, à bien des égards exceptionnel. J’esp¢re –Zécrit Madame arrion à sa ࠱lle le 20 juin 1940Z– que Paul est rentré à Auch et que tu ne seras pas seule pour le dénouement de cette montée au Calvaire à la fois rapide et lente. On attend ces conditions de paix ! ! Comme une condamnation à mort. Hélas, ce sera la mort, mais pas asseU compl¢te pour qu’on puisse savourer ce que la vie peut comporter de plus dramatique et de plus a࠰reux. Ah ! Nous aussi, Sissy 23 et moi, aspirons à quitter une !rance germanisée ! Ne manque pas de me tenir au courant de tout ce que vous pourrieU imaginer. À l’unisson avec vous dans le dégoût qui ne nous laisse même pas le réconfort d’une catastrophe où l’honneur n’aurait pas sombré. ,ui eût cru que de tels noms couvriraient de telles abdications, alors que tant d’héro©sme était pleinement dépensé 24 !

Au passage, relevons que le projet d’expatriation du ménage Vignaux est immédiat, dans les jours de la débâcle, et antérieur même à l’armistice. Apr¢s avoir évoqué l’aide apportée au départ de !rance d’amis communs basques 18. Lettre du 22 mai de Paul à Georgette Vignaux (A!V). 19. Petite commune des Hautes-Pyrénées, à 11 km de Tarbes. 20. Georgette Vignaux a en e࠰et conservé avec soin les lettres qu’elle a reçues de sa m¢re pendant toute la guerre, environ une par semaine. Elles sont dans les archives familiales. Malheureusement, les lettres adressées par Georgette à sa m¢re n’ont pas été retrouvées. 21. Commune à 20 km de éUiers. 22. Géographe, chargé de cours à l’0niversité libre de ruxelles, 40Z ans en 1940, marié à Hél¢ne arrion, sœur a¨née de Georgette Vignaux, spécialiste du monde tropical, professeur au Coll¢geZdeZ!rance de 1947 à 1970, mort en 1999. Ce ménage est tr¢s proche des Vignaux pendant toute cette période : des lettres de Pierre Gourou ont été conservées par Georgette Vignaux. 23. Madeleine, sœur musicienne de Georgette. 24. Lettre du 24 juin 1940 de Madame arrion à sa ࠱lle (A!V).

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espagnols et annoncé sa venue à Auch un jour prochain, Pierre Gourou leur con࠱e –Z signe de leur connivence profondeZ – une analyse de la défaite qui mérite d’être citée : Nous aurons certainement beaucoup de choses à nous dire. Il n’est pas exagéré de dire que nous assistons à l’un des plus grands événements de l’histoire. La !rance vient de subir une défaite matérielle et morale sans précédent. La pourriture de nos grandes administrations et plus encore de l’armée vient de se révéler de mani¢re aveuglante. Notre armée a été inférieure à sa tâche et l’a dû non pas tant à cet « esprit de jouissance u dont certains militaires veulent faire la cause de nos malheurs mais à l’incapacité intellectuelle et à la médiocrité morale de nos chefs militaires. On se trouve devant une masse de faits matériels et moraux qu’on ne parvient pas encore à classer, mais qu’on peut énumérer : – Notre défaite est l’une des plus grandes de l’histoire. – Elle est due à l’infériorité de l’aviation, des chars d’assaut, de la préparation professionnelle des cadres et des troupes  sclérose des états-majors. Elle est due aussi à ce que nous n’avons pas su préparer la guerre, depuis septembre 39. -ien de tout cela ne m’étonne à l’extrême : je n’ai jamais conservé qu’un souvenir attristé de mes passages au régiment. – Il s’est produit un e࠰ondrement moral depuis le 10-11 juin, e࠰ondrement en partie déterminé par le défaitisme du commandement et du gouvernement. La retraite n’a pas été organisée. Les ponts n’ont pas sauté. Les dépôts d’essence n’ont pas été détruits. – Les grands chefs militaires, considérant qu’ils étaient vaincus sur le plan professionnel, ont décidé d’arrêter la lutte. À la faveur de cet état d’esprit, un véritable complot s’est emparé du pouvoir. Se servant de cet écran militaire, des hommes que nous connaissons et d’autres que nous ne connaissons pas se sont emparé du pouvoir. – Il est certain que nous assistons depuis 12 jours à une tragique bou࠰onnerie. On négocie avec un adversaire qui a la réputation bien établie de ne pas respecter sa signature  on accepte des conditions qui n’auraient pas été plus dures s’il n’y avait pas eu négociation  le gouvernement souscrit à des conditions qu’il consid¢re comme normales, comme la livraison des réfugiés allemands ou la mise hors la loi des !rançais qui continuent la lutte  l’Empire est intact, dit-on  mais l’Indochine est menacée et la paix nous enl¢vera le reste  etc., etc. – Nous trahissons gratuitement la Grande-retagne, et pourtant notre salut ne peut venir que de la Grande-retagne, dont nous compromettons la victoire en mettant nos colonies hors de la guerre. – Le pays n’a pas de mort. On ne se rend pas compte de la profondeur de la catastrophe. Inconscience et insouciance 25. * Les circonstances actuelles sont simplement atroces. La défaite n’est rien, mais l’abaissement moral où nous sommes tombés nous laisse sans espoir. À quoi se raccrocher, sur le plan national  Pas d’idéal, pas d’hommes. Le général de G. n’est qu’un bien faible espoir. Ceux qui se sont enfuis sont bien peu nombreux 25. Lettre du 28 juin 1940 de Pierre Gourou, de Pau (A!V).

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et sont peu représentatifs, sinon d’un état politique et moral qui nous a mis où nous sommes. Il est désespérant que ceux qui nous gouvernent aient choisi une politique nécessairement désastreuse et doivent perdre sur tous les tableaux 26.

Le 3 août, il poursuivra sa description de la situation ainsi : Les événements évoluent avec une logique impeccable. Les mesures de répression se dessinent avec une vigueur accrue  les la©us moraux et les imprécations contre les « responsables u sont le seul genre littéraire à l’honneur (on pense à un roman policier écrit par l’assassin lui-même)  il para¨t que l’atmosph¢re des bords de l’Allier est irrespirable : une lutte à mort y a࠰ronte tous les requins avides de places, et qui sont prêts à tout pour ne pas rester sur le sable  cependant, la disette menace et prend chaque jour meilleure tournure. Les Allemands et les Italiens s’en ébaudissent fort et prennent un plaisir évident à nous voir entrer dans l’¢re des rationnements (mais probablement pires que ceux qu’ils ont connus). Ils traitent d’ailleurs de haut notre gouvernement et se demandent s’ils doivent prendre au sérieux ses tendances autoritaires. Cependant qu’ils nous vident de nos ressources et font leur possible pour accro¨tre notre embarras. Outre l’exploitation organisée, ils pillent les domiciles privés et beaucoup de bourgeois bien pensants auront d’am¢res surprises, à leur retour. Nos généraux et amiraux montrent tous le même souci de l’honneur militaire  il semble évident qu’au Maroc le gal N. 6Nogu¢s8 s’est refusé à suivre le vœu à peu pr¢s unanime de la population française. Nos journalistes ont bavé d’admiration, louant les « immenses préparatifs u de la « plus grande o࠰ensive d’Hitler u et pourtant il semble bien que les Allemands aient renoncé à tenter pour cet été d’attaquer sérieusement la G.. L’esprit public ici n’est pas mauvais, bien loin de là. Cette population vaut mieux que le sort qu’on lui a imposé.

De retour d’un voyage à Vichy, Pierre Gourou complétera le 26 août cette analyse par les informations suivantes : J’ai obtenu quelques indications sur les circonstances de la catastrophe. 2eygand a été d¢s son retour partisan de l’armistice : il ne l’a pas fait par trahison, ni de ga¨té de cœur, mais il a manqué d¢s l’origine de la résolution, de l’esprit de lutte à outrance qui étaient nécessaires. L’esprit d’abdication du général en chef s’est propagé du haut en bas de l’échelle. Nous ignorions que Gandhi avait un de ses meilleurs adeptes parmi les militaires professionnels français. Ajoutons qu’un homme comme 2eygand s’est tr¢s aisément convaincu de l’idée que notre défaite était due à notre syst¢me politique et qu’avec un tel syst¢me la victoire ne pouvait être remportée. Laval a été un grand artisan de l’écrasante majorité obtenue par Pétain pour l’abolition de la Constitution de 1875. Deux arguments : le premier étant une indemnité de 150Z000 francs alloués à chaque parlementaire  le second, plus important, était celui-ci : si vous ne voteU pas ce que je vous demande, moi Laval, vous aureU une dictature 2eygand. Or vous pourreU toujours vous entendre avec moi, qui suis un vieux parlementaire. -edouteU au contraire une dictature 2eygand.

26. Lettre du 30 juin 1940 de Pierre Gourou, de Pau (A!V).

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Des allusions de Madame arrion, on retire le sentiment qu’apr¢s un passage à vide, le moral du ménage, en tous cas de Georgette Vignaux, retrouve rapidement, à la mi-juillet, « un sou࠴e d’énergie et de jeunesse 27 u, autour d’un projet de départ pour les États-0nis 28, qui lui tient certainement à cœur, puisque c’est elle qui lance « un SOS à Paulding 29 u. Poursuivant par écrit 30 une conversation antérieure sur l’action syndicale, Pierre Gourou encourage Paul Vignaux à ne pas croire son travail antérieur perdu, à poursuivre la défense des principes qu’il inculquait en milieu syndical et à ne pas craindre que son activité passée l’expose à des sanctions. « Vous serieU trop !! u 6à être concernés8, lance-t-il. Pierre Gourou est trop optimiste, puisqu’il semble bien que l’appartement parisien des Vignaux du 4, rue des ,uatrefages ait été mis sous scellés par la Gestapo dans cette ࠱n juillet, où d’ailleurs le bureau du secrétaire général Gaston Tessier à la C!TC est perquisitionné à plusieurs reprises, comme les locaux des cardinaux Suhard et Liénart. En tout cas, ces lettres attestent de la précocité du projet de départ de !rance et des préoccupations de Paul Vignaux en mati¢re d’investissement syndical. D’ailleurs, comme il le con࠱a lui-même beaucoup plus tard : La premi¢re indication sur la possibilité d’une résistance syndicaliste m’est venue avant ma démobilisation (18 juillet 1940) dans une rencontre fortuite à Auch avec 2alter Schevenels, secrétaire de la !édération syndicale inter nationale : pour Jouhaux, me dit-il, « les Allemands ne sont pas encore à Londres, ce n’est pas le moment de nous déshonorer u  ce syndicaliste socialiste envisageait une unité d’action avec les syndicalistes chrétiens avec lesquels il se disait en désaccord moins sur la conception de la vie que sur celle de « la source de la vie u. Cette rencontre se situait avant la conférence des 0D (0nions départementales) et des fédérations CGT du 20 juillet à Toulouse et la circulaire aux 0D, envoyée par Jouhaux de la même ville le 26 juillet, qui demandait à ces 0D de se mettre « en rapport avec les syndicats chrétiens u de leur région 31.

27. Lettre de Madame arrion à sa ࠱lle du 29 juillet 1940 (A!V). 28. « En tous cas, si vous vous éloigneU pour longtemps, ne manque pas de m’avertir à temps, car je suis bien décidée dans ce cas à te revoir, ne serait-ce que bri¢vement. ,ue Dieu vous inspire dans vos décisions ! uZ (Lettre de Mme arrion à sa ࠱lle du 20 juillet 1940). Allusion de Pierre Gourou (Lettre à Georgette Vignaux du 8 août 1940) : « Mes vœux vous accompagnent dans votre entreprise d’expatriation. u (A!V). 29. Lettre de Jacques Maritain à 4ves Simon du 7 août 1940. !. MICHEL, Correspondance J. Maritain-Yves Simon, t. I : )BP>KK£BPCO>K¡>FPBP  , Tours 2008. Charles Gouverneur Paulding (1887-1965), écrivain, journaliste américain, catholique, résidant à -ome, puis à !erney-Voltaire apr¢s la premi¢re guerre mondiale, correspondant d’Esprit en 1934, devenu tr¢s ami d’H.-I. Marrou. Il travaille à l’Agence Havas et revient aux États-0nis en 1940, où il fait partie de la rédaction de CommonReal. Il vient de proposer à Mounier et Marrou d’être invités aux États-0nis. 30. Lettres à G. Vignaux des 23 juillet et 3 août 1940 (A!V). 31. P. VIGNAUX, « Pour comprendre les débuts u, p. 133.

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Cette information fut sans aucun doute essentielle. Car tout indique que, libéré de ses obligations militaires entre le 14 et le 20 juillet, Paul Vignaux envoie sa famille cheU sa m¢re à Sarniguet 32 et part tout de suite aux nouvelles. Il se rend d’abord cheU Edmond Michelet, à Marcillac pr¢s de rive-laGaillarde. En e࠰et, le P¢re Maydieu 33, rédacteur en chef de La vie intellectuelle, aumônier des Amis de Temps présent, qui va y demeurer un mois, a demandé à son hôte de réunir le 22 juillet quelques amis repliés dans la région – notamment Paul Vignaux et -oger Dumaine 34 –, en une rencontre « d’ailleurs tr¢s restreinte et tr¢s intime u. Tous consid¢rent comme illégitime le gouvernement de Vichy et sont décidés à poursuivre le combat contre le naUisme. La tâche urgente est la prise en charge, en liaison avec Mgr de Solages, recteur de l’Institut catholique de Toulouse, de réfugiés allemands et autrichiens antinaUis autour du professeur Dietrich von Hildebrand 35, qui se terrent à Toulouse : le P¢re Maydieu et Edmond Michelet vont les chercher pour les ramener à rive 36, avant de les ex࠱ltrer vers les États-0nis avec l’aide des Dominicains de Marseille 37. Face aux propositions d’action commune CGT-CFTC Paul Vignaux se rend-il alors dans la foulée à Toulouse, pour rencontrer Léon Jouhaux 38, comme il le laisse entendre dans son hommage au secrétaire général de la CGT, quatorUe ans plus tard 39  C’est peu probable, même si Jean rodier mentionne, à la date du 23 août, que « Vignaux et Thorel ont vu à plusieurs reprises des dirigeants confédéraux de la CGT u. Ces contacts ont lieu quand Paul Vignaux passe à Toulouse, juste avant la mi-août. Il les poursuivra le 27 août, avant de se rendre à Vichy, puis à son retour début septembre. À ces occasions, il peut échanger de vive voix avec Jean rodier, Guy Thorel et !rançois Méric, rencontrer Julien !orgues, Léon Jouhaux ou d’autres dirigeants confédéraux et constater leur convergence d’analyse sur la situation syndicale et politique. Auparavant, Paul Vignaux est tenu informé par 2alter Schevenels de l’évolution de la CGT. C’est ainsi que, destinataire à Sarniguet de la circulaire de la 32. Georgette y est le 27 et les lettres de Mme arrion lui sont adressées à partir du 30 àZSarniguet. 33. Jean-Augustin Maydieu, dominicain, directeur de la revue La vie intellectuelle. Cf. D. GAILLARDON, 'B>K RDRPQFK *>VAFBR 

 @QBP ABP @LIILNRBP, Bordeaux,  ࢙ KLSBJ?OB , Paris 15 janvier 1996, Paris 1998, p. 273. Lettre d’Edmont Michelet à -oger Dumaine du 17 juillet 1940 (!onds Michelet à rive, CEM 18). 34. Ami d’Edmont Michelet, membre des Équipes sociales, -oger Dumaine (1908-2008) est ancien él¢ve de l’ENS et agrégé de grammaire. Étienne orne, normalien, professeur de philosophie, est invité, mais il ne peut s’y rendre, car encore mobilisé. 35. Philosophe allemand et théologien catholique (1889-1977), exilé depuis 1933 dans divers pays d’Europe, ࠱nalement en !rance à Toulouse à la veille de la guerre. 36. Témoignage de Marie Marthelo, Prémices et essor de la résistance : Edmond Michelet, VIeZcolloque d’AubaUine, Paris 1986, p. 52. 37. A. LAFFAY, « 0ne attitude chrétienne face à l’antisémitisme. Les Dominicains à Marseille durant la seconde guerre mondiale u, Mémoire dominicaine 21 (2007), p. 9. 38. P. VIGNAUX, « Léon Jouhaux. 0n demi-si¢cle de syndicalisme u, Cahiers des groupes Reconstruction 8 (mai 1954). 39 ID., « Léon Jouhaux. 0n demi-si¢cle de syndicalisme u, Cahiers des groupes Reconstruction 8 (mai 1954), p. 9.

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C!TC toulousaine à ce propos, il leur donne longuement son avis dans deux importantes lettres des 9 et 12 août 1940 : Comme vous ne l’ignoreU pas, j’ai représenté la C!TC, aux côtés de Tessier et de Pér¢s, au comité d’information ouvri¢re, formé pendant la guerre au minist¢re de l’Information et qui a publié le bulletin de vous connu. J’ai retrouvé à Auch un des membres, socialiste étranger, dudit comité et le tiens de lui qu’à la Conférence récemment convoquée par la CGT à Toulouse, il a été lu une lettre de G. Tessier, indiquant qu’un e࠰ort devrait être fait et pouvait être fait en commun pour sauvegarder, autant que possible, les libertés acquises par les travailleurs. À la suite de cette lettre, il a été décidé de demander à toutes les 0. D. de la CGT de prendre contact avec celles de la C!TC pour toutes les démarches intéressant la condition des travailleurs  on a jugé que, devant les pouvoirs publics comme le patronat, il convenait de présenter une représentation ouvri¢re unie, constituée par la CGT et les « chrétiens u  la crainte est évidente qu’au mouvement ouvrier, tel qu’il est constitué, soit substitué, s’il ne s’adapte pas, un organisme d’État, avec des dirigeants d’origine politique, et non syndicale. Voilà ce qu’il y aurait dans l’idée d’une Communauté française du travail. ,ue penser, que faire  Il serait plus facile de le dire en conversation que de l’écrire. Je crois cependant pouvoir vous dire ceci : La logique du nouveau syst¢me gouvernemental est évidemment une organisation unitaire. On peut imaginer que cette organisation unitaire se fasse à partir des mouvements existants, ou les laissent subsister à un certain degré, en tous cas en reprenant leurs hommes  cette organisation peut évidemment ou être faite, imposée, décrétée par le gouvernement, ou se faire par accord des intéressés. Si nous partons de notre idée de liberté syndicale, engendrant le pluralisme, nous pouvons : – ou la maintenir intégrale, en acceptant le risque que notre mouvement disparaisse  il y aurait d’une part un syndicalisme la©que, national, plus ou moins étatiste, de l’autre sans doute, l’action catholique ouvri¢re  l’essentiel de notre action ouvri¢re passerait au syndicalisme o࠳ciel  – ou tenter des formules d’adaptation, en accord avec ceux des cégétistes qui veulent maintenir une certaine autonomie et indépendance du mouvement ouvrier. Dans ce deuxi¢me cas, il faut s’entretenir avec eux. Le malheur commun doit permettre la franchise et la hardiesse nécessaire. Mais –Z croyeU en mon expérienceZ– pour collaborer, il faut savoir ce qu’on veut. Vôtre, bien cordialement, Paul Vignaux. ConstitueU à Toulouse votre organisme, avec accord de Lyon et de Saint-Étienne. PenseU à une feuille de liaison dactylographiée 40.

40. Lettre de Paul Vignaux du 9 août 1940, en réponse à !. Méric, J. rodier, G. Thorel (fonds Jean rodier !J 1-1, archives OIT à Gen¢ve).

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Et voici la deuxi¢me lettre : Merci de votre 2e lettre, me communiquant le projet de Communauté française du travail. Ce projet me para¨t acceptable, étant donné qu’il reconna¨t la liberté d’association et qu’il laisserait donc à notre mouvement sa personnalité. Dans ce cadre, nos 0. D. peuvent s’entendre avec celles de la CGT. Mais il y a aussi la note Havas, parue dans la Dépêche d’aujourd’hui, qui se comprend aisément si l’on sait qu’en dehors des communistes éliminés, les dirigeants de la CGT se sont partagés ces deux derni¢res années en deux groupes : le groupe elin-!roideval, qui a soutenu la politique Laval-onnet, le groupe Jouhaux-!édération des fonctionnaires qui a soutenu la politique -eynaud et qui s’est engagé à fond dans l’union franco-britannique. Il semble bien que les milieux gouvernementaux n’aient aucune envie d’insérer dans leur construction les hommes du 2e groupe  mais se contenteront-t-ils des hommes duZ1er‫ ڎ‬4Zaura-t-il in࠲uence S!P ou PP! (cf. L’émancipation nationale du 5 août derni¢re page‫)ڎ‬. ,ue pouvons-nous penser nous, syndicalistes chrétiens  1. Si le syndicalisme chrétien n’a qu’un rôle négatif (anti-socialisme révolutionnaire), il peut dispara¨tre  s’il a un rôle positif, il doit subsister, à condition que subsiste la liberté d’association syndicale, que le syndicalisme ne soit pas, en droit ou en fait, étatisé. 2. Notre mouvement n’a pas pris parti sur les probl¢mes de politique extérieure, qui domine aujourd’hui la question des responsabilités  vous saveU d’ailleurs que, sur ces probl¢mes, jusqu’à la guerre, les opinions les plus diverses existaient cheU nos dirigeants  je crois que les relations personnelles de Tessier avec M. Laval ou M. onnet peuvent empêcher une identi࠱cation de notre mouvement avec L’Aube ou les milieux démocrates, qui ne doivent pas béné࠱cier de beaucoup de sympathies gouvernementales (cf. le vote de Champetier de -ibes 41). 3. AveU-vous une idée des réactions de nos adhérents, de leur ࠱délité à l’organisation, de leur con࠱ance dans son action  C’est une donnée qui me manque tout à fait. Voilà tout ce que je peux vous dire, Cordialement vôtre, Paul Vignaux 42.

Précieuses, ces lettres témoignent, en une période particuli¢rement confuse, de son souci d’exploiter l’information disponible, de sa capacité d’analyse de situation, de son réalisme dans l’approche des rapports de force et du jeu des acteurs. Ces qualités sont à la source de l’autorité de Paul Vignaux aupr¢s des responsables C!TC, notamment d’0nions départementales, qui ont suivi ses interventions dans les formations syndicales.

41. Il s’agit du refus de donner les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. 42. Lettre de Paul Vignaux du 12 août 1940, en réponse à !. Méric, J. rodier, G. Thorel (fonds Jean rodier !J 1-1, archives OIT à Gen¢ve).

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Comment éviter le retour à Paris Paul Vignaux, cependant, est d’abord préoccupé de sa situation professionnelle, pour la rentrée de la mi-octobre. Aussi son séjour de trois mois à Sarniguet aupr¢s des siens sera entrecoupé de voyages. Le couple ira à !lorensac, pr¢s d’Agde, passer quarante-huit heures à la mi-août cheU les Gourou où se trouve la m¢re de Georgette Vignaux. Paul Vignaux, qui songe déjà à Toulouse, y échangera avec son beau-fr¢re, sur leur sort universitaire respectif et les démarches à entreprendre à Vichy 43. Ce dernier y explorera le premier les arcanes ministériels de l’Éducation nationale et des Œuvres françaises à l’étranger, recommandant à son beau-fr¢re d’aller à Vichy « pour y voir un peu clair 44. u De fait, Paul Vignaux a entrepris un périple d’une quinUaine de jours : à Toulouse le 27 août, il rejoint Vichy où il reste jusqu’au 3 septembre 45. C’est à l’occasion de son séjour à Vichy que Paul Vignaux « s’est fait reprocher de ne pas vouloir collaborer avec le gouvernement de Vichy. On lui reprochait de regretter la Troisi¢me -épublique 46 u. Car, dans ces contacts qu’on imagine divers, il marque nettement les fronti¢res qu’il ne veut pas franchir, à la di࠰érence d’autres dirigeants C!TC : c’est ainsi qu’il rencontre Georges Lefranc – qu’il conna¨t à la fois au titre de la formation syndicale de la CGT, de la commission des loisirs de l’OIT et plus récemment au minist¢re de l’Information  sa femme est au cabinet de -ené elin, secrétaire de la CGT, devenu ministre à la Production industrielle et au Travail à Vichy. Paul Vignaux refuse de rencontrer le ministre, « pour manifester son choix d’opposition syndicale au régime, choix qui impliquait la coopération avec les amis de Jouhaux et la lutte contre elin et les siens 47 u. Il précise en e࠰et que cet acte de rupture o࠳cielle, impliquait un engagement « liant mes camarades de la C!TC, qui en seraient d’accord, avec les amis de Léon Jouhaux u. L’autre priorité est, pour Paul Vignaux, d’examiner la possibilité de ne pas revenir à l’EPHE, tout en conservant un traitement. Car il est su࠳samment informé des pratiques allemandes depuis 1933 pour ne pas se sentir en sécurité dans le Paris de la Gestapo. Il décrit son rendeU-vous avec le directeur de l’Enseignement supérieur, Théodore -osset, comme : 0ne rencontre inoubliable avec un haut fonctionnaire de la -épublique, survivant pour un moment dans le pseudo « État français u. Connaissant mes activités durant la drôle de guerre au Minist¢re de l’information et peut-être mes rapports antérieurs avec de nombreux militants antifascistes étrangers, il estima de sa responsabilité de ne pas me renvoyer à mon poste dans Paris occupé, de m’a࠰ecter à une faculté de la « Uone libre u et de m’indiquer sans plus tarder la possibilité

43. Lettre du 17 août de Mme arrion à Georgette Vignaux (A!V). 44. Lettre de Pierre Gourou du 26 août 1940 qui sera transmise de Sarniguet à la poste restante de Vichy le 31 août où Paul Vignaux la récupérera (A!V). 45. Pages de ࠱n juillet-septembre 1940 d’un agenda de Paul Vignaux (A!V). 46. Les archives familiales rec¢lent une lettre de Maurice d’Hont, datée du 31 mai 1944, transmettant à Paul Vignaux les notes dactylographiées qu’il a lui-même rédigées lors d’une conférence de Paul Vignaux à Montréal dont la date n’est pas précisée. Elles seront désignées dorénavant ainsi : « Notes de conférence, mai 1944 u, p. 5 (A!V). 47. P. VIGNAUX, « Pour comprendre les débuts u, p. 133.

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pratique d’accepter une éventuelle invitation universitaire 48 aux États-0nis. Le choix m’étant laissé pour la rentrée de novembre entre Toulouse et Montpellier, je choisis, replié dans les Hautes-Pyrénées, Toulouse où je savais retrouver Pierre ertaux 49.

Paul Vignaux avait certes d’autres raisons de préférer Toulouse à Montpellier : les relations nouées à l’époque de son combat pour les asques espagnols engagés pour la -épublique et, à partir de 1937, pour implanter le SGEN avec l’aide de son condisciple d’ENS, Guy -aynaud de Lage, co-fondateur de cette organisation et enseignant à Toulouse avant-guerre. -este que la référence à Pierre ertaux, autre normalien, est bien ici l’élément déterminant de son choix. Il conna¨t l’opposition précoce du germaniste au naUisme et ses engagements politiques comme directeur de cabinet des ministres socialistes Pierre Viénot, aux A࠰aires étrang¢res en 1936, puis Jean Zay, à l’Éducation nationale, avant d’enseigner en 1938 à l’0niversité de Toulouse où il commentait Mein Kampf à ses étudiants. Vignaux a travaillé avec lui et Pierre Viénot au minist¢re de l’Information en avril 1940. Il sait que Pierre ertaux a regagné Toulouse, faute d’avoir pu embarquer sur le Massilia. Il peut compter sur ces liens pour lui assurer un compagnonnage militant et des introductions dans des réseaux toulousains la©ques, universitaires et socialistes que Pierre ertaux conna¨t bien. -assuré, il quitte Vichy, pour rejoindre Al¢s, N¨mes, Montpellier, –Z où il voit probablement Henri-Irénée Marrou et Pierre-Henri TeitgenZ –, puis !lorensac –Z pour faire le point avec Pierre Gourou. Il regagne ensuite pour deux jours Toulouse les 9 et 10 septembre. L’essentiel de ses préoccupations va à l’organisation de la C!TC en Uone occupée et aux militants autour de l’0nion départementale C!TC et de la ourse du Travail CGT, auxquels il apporte les informations recueillies à Vichy. Paul Vignaux évoque aussi ses « contacts de l’été u sur lesquels il ne s’étend pas : il lui su࠳sait d’aller à Lescar pour rencontrer Stanislas !umet 50, de pousser à Albi pour causer avec Charles d’Aragon 51, de passer à Toulouse, alors pleine de réfugiés, pour faire des rencontres inédites au hasard de la place du Capitole, ou de la librairie Trentin 52. Il peut faire connaissance des universitaires autour de Pierre ertaux, du recteur Deltheil 53 et du doyen Dottin 54, ou fréquenter l’Institut catholique, l’archevêché, les amis de Temps Présent. Ces semaines passent tr¢s vite, mais aucune nomination ne vient de Vichy. 48. On peut suivre dans la correspondance entre Jacques Maritain et 4ves Simon, en cours d’édition par !lorian Michel, les di࠳cultés qu’ils rencontrent pour obtenir l’invitation de Paul Vignaux à l’0niversité Notre-Dame (Indiana). Je remercie vivement !lorian Michel de m’avoir communiqué les lettres non encore publiées. 49. P. VIGNAUX, dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 197. 50. Stanislas !umet (1896-1983), ࠱gure marquante du catholicisme social, essayiste, critique d’art, directeur de l’hebdomadaire Temps Présent. 51. Charles d’Aragon, 40 ans, engagé dans le catholicisme social et antimunichois, journaliste, collaborateur de Temps Présent, replié apr¢s sa démobilisation dans son château de Sali¢s pr¢s d’Albi, ne reste pas inactif : il entretient ses contacts avec ses amis de Temps Nouveau, et y écrit. 52. Voir plus loin le paragraphe « Avec Silvio Trentin, ‫ڄ‬expert‫ څ‬en -ésistance u, p. . 53. -obert Deltheil (1890-1972), normalien, mathématicien, recteur de l’académie de Toulouse. 54. Paul Dottin (1895-1965), angliciste, doyen de la faculté des lettres de Toulouse.

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Les lettres de Madame arrion témoignent clairement de l’« épreuve de l’expectative 55 u, la crainte lancinante d’être obligés de regagner Paris, faute d’autre solution, le projet américain étant pour l’heure sans suite concr¢te. Pierre Gourou, qui a obtenu une nomination à Montpellier, lui a expliqué d¢s le mois d’août 56 les di࠳cultés du directeur de l’Enseignement supérieur, écartelé entre Vichy et les bureaux à Paris, parfois empêché de revenir à Vichy par les Allemands, débordé par les multiples probl¢mes créés par la partition du territoire, les déc¢s, et les prisonniers. Il lui écrit le 20 octobre pour l’informer qu’Edmond Vermeil 57 vient en࠱n d’avoir un poste à Montpellier et pour le presser d’aller de nouveau à Vichy, car « vous aureU des di࠳cultés à vous faire nommer en province u. Mais Paul Vignaux a, entre-temps, obtenu une démarche du recteur Deltheil 58 le 12 octobre aupr¢s du directeur de l’Enseignement supérieur qui débouche sur une décision du secrétaire d’État à l’Instruction publique le 26 octobre : il est mis à disposition du recteur, écrit le signataire, Théodore -osset, « jusqu’au jour où les circonstances lui permettront de reprendre son poste à l’EPHE, pour que vous l’utilisieU au mieux des besoins de l’0niversité de Toulouse 59 u. Les termes mêmes du texte, transmis au doyen de la faculté des lettres le 31 octobre et parall¢lement à Paul Vignaux, dé࠱nissent bien le caract¢re provisoire et incertain de sa situation : il su࠳rait que les « circonstances u changent –Zhommes ou événements politiques –, pour que l’administration de Vichy mette ࠱n à cette mise à disposition. D’où la relance du projet de départ aux États-0nis : « Paul Vignaux a écrit et câblé qu’il voudrait bien venir u, écrit Jacques Maritain à 4ves Simon 60 le 30 octobre, à qui il demande trois copies du curriculum vitae de Vignaux. Enseigner et militer à Toulouse À partir de la premi¢re semaine de novembre 1940, Paul Vignaux est donc a࠰ecté à la faculté des lettres  il trouve un logement à Toulouse asseU rapidement, grâce aux liens noués en août, au si¢ge de la C!TC, 6 rue Lakanal.

55. Lettre du 19 octobre 1940 (A!V). 56. Lettre du 26 août 1940 (A!V). 57. Edmond Vermeil (1878-1964), professeur d’histoire de la culture allemande à Paris, connu pour ses ouvrages dénonçant l’idéologie et le régime naUi. 58. Il s’agit d’une « communication u, probablement orale. Informé, à cette date, de la mise sous scellés de son appartement parisien et des perquisitions au si¢ge de la C!TC, Paul Vignaux a pu en faire état aupr¢s du recteur, lui donnant un argument pour relancer Théodore -osset. ÀZcela s’ajoutent les inquiétudes que peut avoir le recteur apr¢s la promulgation du statut des Juifs du 4 octobre sur le sort qui sera fait à d’autres philosophes de la faculté des lettres, Jankélévitch et Meyerson. 59. A!V. 0ne lettre est envoyée parall¢lement à l’EPHE pour l’informer de cette décision. Paul Vignaux y sera suppléé par Maurice Patronnier de Gandillac à partir de la rentrée de 1941. 60. 4ves Simon (1903-1961), philosophe français, devenu américain avant-guerre, « métaphysicien et moraliste, à la fois ma¨tre en thomisme et en civisme u, « à la recherche d’une éthique dans la tradition républicaine et socialiste française u, ami de Jacques Maritain et de Paul Vignaux. Il accueillit ce dernier à l’0niversité Notre-Dame, aux États-0nis, en 1941. Voir P. VIGNAUX, « 4ves Simon. Par-delà l’expérience du désespoir u, Revue philosophique de Louvain 4e série, 70/6 (1972), p. 237-239.

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L’0nion Départementale est enrichie de réfugiés venant du Nord, aptes, par leur origine, à rappeler la continuation de la guerre dans une Uone alors inclinée à la croire terminée. En ne séparant pas les aspects national, syndical, politique, et spirituel de leur résistance, ces réfugiés du Nord ont contribué à assurer à un milieu catholique une place de premier rang dans la formation de la résistance dans une ville de tradition anticléricale 61.

Soulignons qu’ils présentent d’autres caractéristiques : jeunes –Z autour de trente ans  anciens membres de la Jeunesse ouvri¢re chrétienne (JOC), salariés d’industrie, ils ont aussi l’expérience du syndicalisme dans des Uones de forte implantation C!TC et ont acquis des capacités d’organisation qui existent peu à Toulouse. En mai 1940, Jean rodier, du Valenciennois 62, arrive à Toulouse dans l’industrie aéronautique  Guy Thorel vient du Morbihan. Ces deux anciens permanents, responsables de syndicats de la métallurgie, déjà connus de Vignaux par les sessions des Écoles normales ouvri¢res C!TC, s’imposent rapidement face au délégué confédéral de la région du Midi, !rançois Méric, plus âgé (la cinquantaine). Ils formeront équipe avec André Etcheverlepo, jeune président de 28 ans du syndicat de la métallurgie, homme du Midi, lui, qui s’adjoindra en mars 1941 Emmanuel Schirmer, jociste, 21Z ans, bientôt permanent de l’0nion départementale. 0n autre originaire du Nord, Marcel Vanhove, 32 ans, syndicaliste chrétien, chef d’entrepôt à la Compagnie industrielle des pétroles depuis 1938, participe au « groupement des réfugiés du Nord u et a constitué d¢s juin 1940 un centre d’accueil pour les militaires dunkerquois. Vignaux peut aussi s’appuyer sur l’autre noyau militant de l’0D, celui du SGEN : une quinUaine de professeurs de lycée, tr¢s opposés à la politique cléricale de Vichy, dévoués au fondateur de leur syndicat  citons quelques noms 63 : Mlles Alibert et Demongeot, le professeur de droit Dupeyroux, Marc Genestet 64, Myl¢ne Petitgirard, Marie-Madeleine Mou࠲ard, Alice Herland (sœur de Gabriel Marty, avocat). Et à Montauban, Marie Colombani, répétitrice au lycée Michelet, proche de Marie--ose Gineste, adhérente C!TC. Ou encore, Thér¢se Dauty, militante du SGEN de l’Aveyron, professeur au lycée de -odeU, qui informera Mgr Sali¢ge de la déportation des juifs des camps du midi toulousain les 8-10 août 1942. Tous ces militants béné࠱cient de l’aide de Mgr Sali¢ge et de son entourage, les chanoines G¢Ue et Dessort, l’abbé Garail, Mgr de Solages. Le leader est Jean rodier, devenu rapidement président de l’0nion départementale C!TC. -endant hommage à son « exceptionnel dynamisme u, Paul 61. P. VIGNAUX, « Témoignage sur les réfugiés du Nord u, p. 700. 62. Jean rodier, 29 ans, adhérent de la C!TC depuis 1928, Il a déjà été permanent de l’0D de la Manche en 1933, avant de devenir secrétaire du Syndicat libre des travailleurs des métaux du Valenciennois et secrétaire délégué permanent de l’0nion des syndicats du Valenciennois. Il travaille à SNCAM (ex-DeRoitine) qui devient SNCASE en janvier 1941 en fusionnant avec Latéco¢re. La ࠱rme d’État SNCASE deviendra Sud-Aviation apr¢s 1957, puis l’Aérospatiale apr¢s 1970. 63. Outre les notations repérées au cours de cette recherche, une liste de militants SGEN par académie était dans les archives saisies par la Gestapo et récemment restituées par la -ussie à la famille Vignaux. 64. Secrétaire du SGEN à Toulouse et pour l’académie pendant la guerre.

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Vignaux souligne que « son engagement dans la -ésistance, déjà acquis, devait 6le8 conduire au secrétariat national du rassemblement clandestin des syndicalistes résistants de la confédération ‫ڄ‬chrétienne‫ څ‬65 u. Comme avant-guerre, il y avait eu pour la formation des cadres syndicaux une équipe de travail entre Paul Vignaux et Jean Pér¢s 66, secrétaire général de la fédération C!TC de la Métallurgie, il va y avoir à Toulouse un duo agissant de concert Paul Vignaux-Jean rodier. Paul Vignaux nourrit sa ré࠲exion et son action de la confrontation de son expérience et de sa culture d’universitaire avec celles des militants salariés d’industrie. Cette orientation, écrit Paul Vignaux, nous conduisit ma femme et moi à partager en location un appartement sur deux étages dans un vieil hôtel -enaissance (aujourd’hui démoli) au no 8 de la rue OUenne avec la famille d’un réfugié de Valenciennes, Jean rodier 67.

-etenons que cet appartement, proche de la librairie Trentin, fut un des lieux toulousains de rencontres résistantes. Vignaux évoque « cette vieille cour de la rue OUenne, cette ch¢re vieille cour ouverte aux conspirateurs de l’été 40 68 u, ce lieu « où se situe l’action de rodier, principalement syndicale, mais liée aux activités multiples de nombreux résistants : j’ai gardé le souvenir de plusieurs visiteurs, dans l’hiver 40-41 déjà, à la résidence rue OUenne que je partageais avec lui 69 u, ouverte « à nombre de militants, de dirigeants même de la résistance 70 u. Ce que con࠱rme aussi la description de Charles d’Aragon : Vignaux tenait à Toulouse, 6‫ڎ‬8 salon de résistance, recevait les opposants dispersés dans les universités et les lycées des villes voisines, professeurs issus des gauches la©ques et de la naissante gauche chrétienne, militants des centrales syndicales, anciens collaborateurs des publications antifascistes 71.

Ainsi les Vignaux sont installés à Toulouse à la ࠱n novembre, et ࠱nalement bien installés  Madame arrion écrit à sa ࠱lle 72 :Z « Je vois que tu as tiré le gros lot de la famille comme installation  c’est somptueux‫ ڎ‬Manou 73 a un camarade de jeu 6le ࠱ls de Jean rodier8 u. -aymond Dubois, accueilli en mai 1941, note : « Intérieur sympa dans un vaste appartement au premier où Dominique leur ࠱ls se livre à des jeux bruyants. Nous d¨nerons chichement à

65. P. VIGNAUX, « Pour comprendre les débuts u, p. 135  Cf. le témoignage de Paul Vignaux, dans N.ZPANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 198. 66. Né en 1897, ouvrier métallurgiste, secrétaire général de la !édération C!TC de la Métallurgie à partir de 1928, artisan de l’implantation en milieu ouvrier de la C!TC et responsable de la formation syndicale. Il choisira la collaboration avec Vichy. 67. P. VIGNAUX, dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 198. 68. Lettre de Paul Vignaux du 19 octobre 1944 à Jean rodier (Archives Jean rodier, OIT, Gen¢ve). 69. P. VIGNAUX, « Pour comprendre les débuts u, p. 135. 70. ID., dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 198. 71. Ch. D’ARAGON, La résistance sans héroïsme, Paris 2001, p. 89. 72. Lettre du 24 novembre 1940 (A!V). 73. Dominique, ࠱ls de Paul et Georgette Vignaux.

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cause des restrictions réelles à Toulouse 74 u. Les Vignaux béné࠱cient d’envois réguliers de colis d’alimentation à la fois de Sarniguet et de Chambéry, où la m¢re de Georgette Vignaux, renonçant à tout retour à Paris, s’est installée depuis le 6 novembre. Elle leur envoie aussi des sommes d’argent issues de locations de biens en Tunisie. Outre son enseignement, Paul Vignaux va devoir suppléer deux coll¢gues interdits d’enseignement, Vladimir Jankélévitch et Ignace Meyerson, réfugiés à Toulouse. Même s’il réutilise ses cours de l’EPHE 75, même si les e࠰ectifs sont squelettiques, il ne chôme pas  comme l’écrit le doyen ottin : En janvier 1941, il ne nous restait pour enseigner la philosophie que M. Vignaux, dont heureusement l’activité égalait la compétence 76.

Il vit au rythme universitaire et dispose de temps pour toutes ses activités militantes, délaissant ses recherches d’histoire de la philosophie médiévale. Son comportement quotidien est marqué par deux préoccupations : les péripéties du projet de départ pour les États-0nis  les di࠰érents aspects d’une « résistance contre l’infection des idées naUies qui présente d¢s les débuts un triple aspect : militaire, politique et religieux 77 u. Avec une priorité : « Empêcher que la force syndicale chrétienne soit utilisée par les ‫ڄ‬amis‫ څ‬du syndicalisme chrétien qui couraient à Vichy 78 u. Mais dans cette activité, il conservera toujours deux fers au feu : agir sans prendre des engagements ou des risques pouvant compromettre un éventuel départ 79  faire comme s’il devait rester en !rance, tout en se sachant susceptible de partir du jour au lendemain. Tr¢s peu de proches sont dans la con࠱dence de l’éventualité américaine. Parall¢lement, Paul Vignaux va déployer son capital de relations extérieures au syndicalisme, pour lui créer des points d’appui dans les milieux catholiques et la©ques. Résistance sMirituelle à Toulouse Dans un climat où les autorités religieuses et la masse des clercs soutiennent le Maréchal, la volonté de mobiliser contre le régime de Vichy et l’Allemagne naUie exigeait de mener le combat sur le champ idéologique religieux au nom de la foi chrétienne. Paul Vignaux va donc s’attacher à faire le tri entre les partisans du compromis et du moindre mal –Zqui lui semblent faire le jeu de l’occupantZ–, et les promoteurs d’attitudes de résistance sans concession. Il veut ainsi assurer à la C!TC des relais sans ambigu©té, en faveur d’un syndicalisme libre.

74. -. DUBOIS, )BM¢IBOFK>DB?OLV£ ',  , 1996, multigraphié (480 p.) et texte manuscrit de pages du carnet de notes plus précises. Je ne saurais trop remercier ernard Comte qui m’a transmis ces éléments et a accompagné ma recherche de sa disponibilité généreuse et amicale. 75. On en trouve la preuve dans les Archives Vignaux à l’École pratique des hautes études. 76. « -apport du Doyen Paul Dottin pour 1940-1941 u, dans Rapport au Ministre du Conseil de l’Université de Toulouse, Toulouse 1941, p. 107-108. 77. « Notes de conférence, mai 1944 u, p. 1 (A!V). 78. Note de P. Vignaux et J. otton « Syndicalisme et politique u du 9 septembre 1945 (Archives rodier, OIT). 79. Les textes qu’il rédige sont en général anonymes, sous couvert d’instances C!TC ou sous pseudonyme (voir plus loin paragraphe « Écrire pour Temps nouveau u, p. 84).

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Deux textes de Paul Vignaux, dans le Volontaire pour la cité chrétienne 80, ࠱n 1941, et La France libre 81 en 1942 analysent la situation des milieux catholiques et témoignent de son expérience de catholique durant cette période. Même s’il ne cite gu¢re de noms, obligation de l’époque, ses allusions sont su࠳samment précises pour conforter d’autres éléments rassemblés par ailleurs, y compris dans ses écrits ultérieurs 82. Ainsi peut-on conna¨tre, selon la formule de Georgette Vignaux, « les gens faisant partie de l’‫ڄ‬Âme de l’Église‫ څ‬83 u, qu’il leur a été donné de rencontrer. Avec Mgr Saliège et son entourage Paul Vignaux nous dit avoir rencontré l’archevêque avant la guerre, bien qu’il ne précise pas à quelle occasion : les a࠰aires d’Espagne  Les Semaines sociales  Peu importe. Pour renouer, il passe inévitablement par le chanoine Louis G¢Ue, sous-directeur des Œuvres, qui a la con࠱ance des syndicalistes C!TC toulousains et qui les soutient pendant toute la guerre, de même que Mgr de Courr¢ges d’0stou, l’évêque auxiliaire, l’abbé Marius Garail, secrétaire général des Œuvres, le chanoine Dessort, secrétaire général de l’archevêché, tous promoteurs de l’action catholique spécialisée. Louis G¢Ue était l’indispensable décodeur de l’élocution rendue di࠳cile par la maladie de Mgr Sali¢ge. Marcel Vanhove fait part de son expérience à cet égard : Sans le vouloir, le chanoine G¢Ue a été durant l’Occupation la conscience du Cardinal. Par M. G¢Ue, j’ai pu approcher le Cardinal. J’ai entendu des conversations téléphoniques. C’était la conscience chrétienne qui parlait par M. G¢Ue. Le cardinal était tr¢s accueillant. Les autres intellectuels n’écoutent pas. Ils ont 80. P. VIGNAUX (non signé), « Crise de conscience des catholiques français u, Volontaire pour la cité chrétienne, organe du Glaive de l’Esprit, à Londres, 2 (15 novembre 1941). Suite de la publication créée le 20 décembre 1940 par la section française du Glaive de l’esprit (SRord of spirit, sous la présidence du Cardinal Hinsley), à l’intention des !orces françaises libres. L’auteur de l’article est présenté comme « un jeune ma¨tre de l’enseignement supérieur, également connu pour son œuvre philosophique et par son activité sociale ou syndicale 6‫ڎ‬8, catholique sorti de !rance tout récemment, apr¢s avoir partagé un temps la vie de la patrie prisonni¢re. u La version anglaise, signée Herbert MORRIS, « The !rench Catholic Conscience. The E࠰ects upon !rench Catholics of the Action of Pétain Government u, publiée aux États-0nis dans le journal catholique The Commonweal 34 (3 octobre 1941), p. 359-361, est clairement identi࠱ée par H.-I. MARROU (Carnets posthumes, Paris 2006, p. 467-469). 81. P. VIGNAUX, « Épreuve du catholicisme français u, La France libre 18 (17 avril 1942), p. 490497, publié à Londres, sous le pseudonyme de Jacques -ochelle. Il doit être complété par une note dactylographiée du 10 janvier 1942, « Con࠱dential. Situation de (sic) catholicisme français, schéma pour l’information et l’action u (A!V et C!DT, 3 H 1). 82. Voir en particulier, outre les publications référencées en note 11, l’article que P. VIGNAUX publie sous le nom d’Herbert Morris, « Catholic labor and Vichy u, The Commonweal (25 septembre 1942), p. 547-549  P. VIGNAUX, « !rance of Armistice. The Present Structure and the Nation’s !uture u The Commonweal 37 (13 novembre 1942), p. 87-90  ID., « Témoignages catholiques en !rance d’armistice u, Revue dominicaine (février 1943), p. 72-74  G. VIGNAUX, «Z The Catholics in !rance since the Armistice u, The Review of Politics 5/2 (avril 1943), p. 194-215  le compte rendu de sa conférence du 3 février 1944, « La spiritualité de la résistance française u, Le Droit (OttaRa), 4 février 1944 (A!V). 83. Lettre de Mme arrion à sa ࠱lle du 25 avril 1941 (A!V).

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compris ou croient avoir compris. Lui écoutait, ne pouvant parler. Il concentrait sa pensée, malgré l’humour, à travers ses petits mots, pour éviter qu’on dise n’importe quoi 84.

Ainsi, Paul Vignaux nous donne en 1985, ce témoignage inédit de ses visites à l’archevêque, accompagné du chanoine G¢Ue : D¢s notre premi¢re rencontre, il m’apparut résistant et nullement acquis à la « -évolution nationale u. 6‫ڎ‬8 J’ignorais ses déclarations des derniers mois qui sont parfois citées aujourd’hui 85 6‫ڎ‬8. Au cours des entretiens de l’hiver 40 au printemps 41, je ne lui cachai aucun de mes sentiments à l’égard du régime de Vichy et ne trouvai aupr¢s de lui qu’encouragement pour mon action d’opposant syndicaliste : il proclamait d’ailleurs l’indépendance des options syndicales à l’égard de la hiérarchie ecclésiale. Nos entretiens furent asseU libres pour que j’aie pu apprécier son humour tant à l’égard de l’identi࠱cation éloquente entre la !rance et le Maréchal par un de ses confr¢res en épiscopat 86 que d’illusions et du moralisme typiquement « pétainiste u qu’exprimait par lettre le futur académicien, Jean Guitton, prisonnier en Allemagne. 6‫ڎ‬8 -efusant expressément d’assimiler le syndicalisme chrétien à une « œuvre u, il respectait l’indépendance de notre option syndicaliste et de ses implications politiques, pour nous évidentes. Dans cette situation, aucune légitimation d’Église n’auréolait l’image du Maréchal qui pouvait, par moments, émouvoir une foule : elle se croyait alors « hors de la guerre u que nous avions choisi de continuer « avec les Anglais u et les combattants de « la !rance libre u en organisant contre la Charte de Vichy, fragment de « l’ordre nouveau u, une opposition syndicaliste87.

En mai 1944, Paul Vignaux insistait aussi sur la dimension sociale de son action : Malgré une cruelle paralysie qui réduisait au minimum son activité physique, 6il8 n’en demeurait pas moins un des piliers du bastion de la résistance spirituelle en !rance. Jamais comme à Toulouse on n’a senti deux édi࠱ces plus proches l’un de l’autre en cette ville : la Cathédrale et le Temple du Travail. Mgr Sali¢ge qui avait toujours donné l’exemple du souci et de la compréhension des probl¢mes sociaux et des milieux ouvriers donna d¢s la défaite et l’occupation partielle des mots d’ordre 6mot manquant8 et de résistance à son clergé et aux ࠱d¢les 88.

Paul Vignaux se fera le di࠰useur des textes de l’archevêque de Toulouse, textes qu’il considérait, comme particuli¢rement signi࠱catifs d’un esprit de résistance cheU « l’élite cléricale 89 u, soutenant le syndicalisme chrétien, 84. Archives de l’archevêché, note intitulée :Z « Au cours des déclarations de M. Vanhove u (postérieures à novembre 1945). 85. Allusion aux déclarations de loyalisme à l’égard du Maréchal Pétain et de l’État français apr¢s juin 1940. La remarque de Paul Vignaux relativise leur écho dans l’atmosph¢re du temps : on ne rel¢ve pas nécessairement ce qui est stéréotypé et non repris dans les conversations privées. 86. Le cardinal Gerlier. 87. P. VIGNAUX, dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 198. 88. « Notes de la conférence, mai 1944 u, p. 2 (A!V). 89. Il publiera dans la Revue dominicaine, en 1944, deux textes de 1943 de Mgr Sali¢ge, l’un, connu – la lettre aux scouts partant pour l’AllemagneZ– l’autre, inédit, paru dans Franc-Tireur –Z« Au bout d’une nuit de quatre ans. ,ue rien ne reste en nous des mensonges de la tyrannie u,

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dans son combat pour l’indépendance et la défense des valeurs dé࠱nies avec la CGT dans le Manifeste des Douze du 15 novembre 1940. D¢s sa sortie de !rance, Paul Vignaux donne des extraits des écrits de Mgr Sali¢ge de 1941 à Volontaire de la cité chrétienne 90 à Londres, qui les publie en octobre 1941, sous le titre « Message et pri¢re de !rance u. 0ltérieurement, il ne manquera pas une occasion de les évoquer sur le continent nord-américain, en y associant la cél¢bre lettre pastorale d’août 1942 protestant contre la déportation des Juifs, dont il soulignera la convergence avec les réactions du mouvement ouvrier résistant. Il en fera de même pour Témoignage chrétien 91 dont le premier cahier para¨t en novembre 1941. Il retient, tout particuli¢rement, trois messages, qui ont marqué son séjour toulousain. Il s’agit, d’abord, de la lettre pastorale de Mgr Sali¢ge pour le Carême de 1941, « Sur les chemins de l’0nité u, transparente dans sa critique du naUisme, qu’il présente comme l’« expression de l’optimisme humain et chrétien u, enseignant un « catholicisme à la mesure de l’univers u : On a dit que le Diable s’ingéniait à singer Dieu. Lui aussi poursuit l’unité, mais dans le mensonge et l’erreur. C’est intentionnellement que l’Écriture l’appelle le malin. De la tendance à l’unité qui est dans la nature, il se sert pour ses ࠱ns à lui qui sont étrang¢res au bonheur de l’homme et qui s’inspirent non de l’amour, mais de l’esprit de domination 6‫ڎ‬8. Il appartient aux chrétiens de faire que l’unité ne soit pas une renaissance et comme une adaptation de l’esclavage, mais bien une communauté fraternelle  non pas un étou࠰ement, mais une libération de la personne humaine  non pas un écrasement, mais un service. 6‫ڎ‬8 GardeU la foi, car la foi est en grand péril 92.

Puis, pour la fête du Sacré-Cœur, le sermon du 15 juin 1941 qui « ࠱t sensation 93 u et que Paul Vignaux di࠰use dans son entourage 94 : C’est l’avenir de l’esprit chrétien qui se joue en ce moment et peut-être pour des si¢cles. eaucoup de prêtres, beaucoup de catholiques ne le voient pas. Voilà pourquoi je les préviens, je les avertis o࠳ciellement. ,u’ils prennent garde à ne pas se laisser imprégner par des erreurs condamnées ou par des mots dont le sens demeure vague et imprécis, 6‫ڎ‬8 6prônant le salut du monde par la Croix du

résumée ainsi par Paul Vignaux : « L’in࠲uence de l’esprit totalitaire a été trop durable et trop subtile pour ne pas atteindre ceux-là même qui combattent le national-socialisme et le fascisme au péril de leur vie u, d’où le probl¢meZ: « Comment faire sortir d’une lutte clandestine contre le totalitarisme un régime de vraie liberté  u. 90. ID., Volontaire de la cité chrétienne 1 (oct. 1941). 91. ID., France prends garde de perdre ton âme. (Cahiers du témoignage chrétien), NeRZ4ork 1943. 92. 16 février 1941. Cardinal SALIÈGE, La croix du Christ, p. 83-91. P. ERTAUX cite aussi une partie de ce texte dans son livre La libération de Toulouse et de sa région, Paris 1973, p. 231, ce qui con࠱rme l’écho au-delà du cercle chrétien. 93. P. VIGNAUX, « Témoignages catholiques u, p. 73. 94. -. DUBOIS (Le pèlerinage broyé) recopie (p. 344) le texte du 15 juin 1941, car Paul Vignaux lui a transmis La semaine religieuse de Toulouse. C’est probablement lui aussi qui le donne à Emmanuel Mounier, venu à Toulouse, dans la même période (voir paragraphe « 0ltimes visites u, p. 113), et qui est repris dans Esprit de juillet 1941, p. 674.

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Christ8, non par le cléricalisme que l’Église désapprouve et dont nous ne voulons à aucun prix.

Cette critique du cléricalisme, présente cheU l’archevêque d¢s le mois de décembre 1940 –Z d’apr¢s le témoignage de Charles d’Aragon 95Z – est reprise le 23 novembre 1941 : « Pour nous, totalitarisme et cléricalisme signi࠱ent la même erreur, la même confusion 96. u À NeR 4ork, Paul Vignaux rappelait toujours cette pri¢re pour la !rance, à l’occasion de la fête du Cœur eucharistique de Jésus 97 (20 juin 1941), rédigée « dans des termes tels que le ‫ڄ‬la©que‫ څ‬italien Trentin en souhaita immédiatement la di࠰usion et que le cégétiste Julien !orgues se déclara pour la premi¢re fois de sa vie en accord avec un archevêque 98 u. Cœur sacré de Jésus 6‫ڎ‬8 ayeU pitié de tous ceux qui sou࠰rent quelle que soit leur race, leur religion, et leur nationalité. 6‫ڎ‬8 Cœur sacré de Jésus, je vous en supplie, ne permetteU pas que l’âme chevaleresque de la !rance devienne la proie de l’erreur, de la malfaisance et de la brutalité, ne permetteU pas que la dignité de la personne humaine et les droits qu’elle tient de son Créateur, que la dignité du travail qui n’est pas une marchandise, que la dignité de la famille qui n’est pas seulement une pourvoyeuse d’enfants, que la dignité de la patrie voulue de Dieu mais qui n’est pas une idole, disparaissent d’une terre d’où votre r¢gne serait banni 99.

On peut encore trouver, à l’archevêché de Toulouse, une trace de cette ࠱délité à Mgr Sali¢ge –Zune carte postale de Paul Vignaux, envoyée de NeRZ4ork le 22 octobre 1944 : Monseigneur, je tiens à vous dire, apr¢s bien d’autres, car j’ai suivi de mon mieux et fait conna¨tre vos positions, votre sermon pour la libération de Toulouse 100. Je dois vous dire combien, de l’étranger, on voit combien vous aveU été néces-

95. Ch. D’ARAGON, « Journal de Guerre u, p. 16. : « Vu l’archevêque, il pense comme moi que les églises brûleront et qu’un anticléricalisme violent se décha¨nera un jour ou l’autre, résultat naturel de l’attitude des évêques, thuriféraires du gouvernement de Vichy. u Sur ce sujet P. VIGNAUX, sous le nom de J. -OCHELLE, « Épreuve du catholicisme français u, p. 112.  G. VIGNAUX, « The Catholics in !rance u, p. 199. 96. Cardinal SALIÈGE, La croix du Christ, p. 100. -epris dans P. VIGNAUX, France, prends garde de perdre ton âme, p. 141. 97. Celle-ci a lieu quelques jours apr¢s la fête du Sacré-Cœur. 98. P. VIGNAUX, dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 199. 99. La semaine catholique de Toulouse (dimanche 20 juin 1941), p. 421-422 publie le texte complet, texte ignoré du livre récent de textes du Cardinal SALIÈGE, La croix du Christ. Cité par P. VIGNAUX, « Témoignages catholiques u, p. 73-74 : « En juin 1941, on y voyait des anticléricaux farouches lire avec émotion la pri¢re‫ ڎ‬u. 100. Cardinal SALIÈGE, « Les chrétiens et l’avenir français. Allocution à la cathédrale Saint-Étienne le 3 septembre 1944 u, dans La croix du Christ, p. 173-177. Paul Vignaux ignore que Mgr Sali¢ge avait tancé l’avocat 4ves Périssé pour l’avoir quali࠱é d’évêque de la -ésistance, en arguant qu’« il était l’évêque de tout le monde u (J. . CLÉMENT, « L’Église catholique et l’opinion publique à la Libération u, dans -. TREMPÉ 6dir.8, La Libération du Midi de la France, Toulouse 1986, p. 385.), ce qui n’empêche nullement 4ves Périssé de persister : « Vraiment l’archevêque de Toulouse a été le prélat de la -ésistance u, Notre Flamme 115 (déc. 1956).

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saire. SaveU-vous qu’un journaliste 101 vous a appelé le « Primat des Gaules résistantes u  J’aime surtout ce que vous dites du mouvement ouvrier et de l’unité du monde qu’on sent profondément d’ici. !ier d’avoir été de votre dioc¢se, en des heures cruciales, je me permets de vous dire ma profonde et tr¢s respectueuse a࠰ection 102.

Avec Mgr de Solages Les rapports de Paul Vignaux avec Mgr de Solages passent en quelque sorte au second plan derri¢re le symbole Sali¢ge, même s’il ne manque pas de les associer dans l’évocation. Les grandes voix de l’Église se sont élevées, depuis juin 1940, sur l’ancien Languedoc, vieille terre d’hérésie, de vie facilement pa©enne et, sous la troisi¢me -épublique, d’anticléricalisme tenace, massif. 6‫ڎ‬8 Pour nous, que la !rance ࠱t, un moment, ses diocésains, et même pour le peuple languedocien, socialiste, anticlérical, Toulouse, sous Mgr Sali¢ge et Mgr de Solages, redevint une capitale spirituelle 103.

Préoccupations et engagement, appartenance à « la confrérie un peu secr¢te, par la force des choses, des blondéliens 104 u, convergences dans le catholicisme social d’avant-guerre, rapprochaient Paul Vignaux de Mgr de Solages. L’engagement précoce du recteur de l’Institut catholique de Toulouse contre l’armistice et l’idéologie pétainiste, sa solidarité avec les universitaires exclus de leur métier, sa participation aux sociétés de philosophie et d’études psychologiques, sa défense publique de la liberté syndicale 105 étaient bien connus de Paul Vignaux. Il aurait fort bien pu entendre l’ecclésiastique, lors de la réunion tenue par Stanislas !umet à Toulouse en septembre 1940, rétorquer vivement à quelqu’un qui venait d’évoquer le Maréchal comme un homme providentiel : « ,u’est-ce qu’un homme providentiel  Judas fut aussi un homme providentiel 106 ! u Les points de rencontre ne manquaient pas entre ces deux hommes : l’accueil des intellectuels réfugiés, des réunions des syndicalistes chrétiens ou des militants du catholicisme social, dont Mgr de Solages soutenait discr¢tement

101. Il s’agit de Pertinax (André Géraud) qui a créé avec Genevi¢ve Tabouis France-Amérique. Avant-propos de J. MARITAIN à P. VIGNAUX, France, prends garde de perdre ton âme, p. 15. 102. Archives de l’archevêché de Toulouse,  17, pi¢ce 22. 103. P. VIGNAUX, « Témoignages catholiques u, p. 75  même association dans la note « Situation du catholicisme français u, p. 2. 104. E. POULAT, « runo de Solages ou l’honneur de la pensée chrétienne u, dans ID., La question religieuse et ses turbulences au XXe siècle : trois générations de catholiques en France, Paris 2005, p. 173-195. 105. À la Halle aux grains de Castres, le 25 mai 1941, repris le 28 juin à Albi et 11 octobre à MaUamet. « -eligion catholique et question sociale u, publiée dans Mgr de SOLAGES, Discours interdits, Paris 1946, 128 p. 106. P. CABANEL, « -ésistance spirituelle à Toulouse : runo de Solages de 1927 à 1945 u, Bulletin de littérature ecclésiastique de l’Institut catholique 99/1-2 (janv.-juin 1998), p. 47. Le texte de cette conférence « Méditation sur notre défaite u est di࠰usé sur Toulouse (Archives départementales de Haute-Garonne, 16 J 24).

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mais fermement les activités 107. Le chanoine Martimort, dans ses souvenirs 108, n’oublie pas de mentionner Paul Vignaux parmi ceux qui fréquentent la biblioth¢que de l’Institut Catholique de Toulouse, cette « capitale de l’esprit u (Patrick Cabanel 109), lieu de convivialité et de rencontre avec des personnalités étrang¢res ou françaises, catholiques ou non, parmi lesquelles quelques-unes des relations de Vignaux attestées en d’autres lieux toulousains comme Vladimir Jankélévitch, Ignace Meyerson, Léo Hamon, Georges !riedmann. 0n indice que de telles rencontres devaient exister : Paul Vignaux évoquera 110 le souvenir d’une soirée, cheU Mgr de Solages, avec Silvio Trentin et Jules Moch, dont il ne se souvenait plus si Pierre ertaux en était. !orce est de constater que nous n’en savons gu¢re plus sur leurs relations, silence tout de même étonnant 111. Toutefois, Paul Vignaux publiera dans la Revue dominicaine à Montréal un tr¢s beau texte de Mgr de Solages consacré au Pape avec ce commentaire :Z« Le sermon de Mgr de Solages 6est8 un des témoignages catholiques qui ont compté dans la !rance de l’armistice, qui demeureront dans son histoire 112 u. « En dépit d’une attitude généralement conformiste u, le clergé toulousain, prêtres et curés de paroisse, faisait montre d’« une conscience croissante du péril spirituel u, précisera Vignaux : 6‫ڎ‬8Zune élite de prêtres, de religieux, d’évêques, comprend que le danger n’est nullement écarté par la considération et l’aide o࠳cielle que la « -évolution Nationale u apporte au catholicisme. Hitler déchristianise l’Allemagne sous un régime de concordat. Nous ne pouvons rapporter les entretiens ou les écrits, plus ou moins privés qui soutiennent cette résistance spirituelle 6‫ڎ‬8  des prédicateurs prudents savent nuancer les formules : « Aujourd’hui 6mis en italiques par Vignaux8, disait un religieux, la !rance, c’est Pétain, et Pétain, c’est la !rance 113. u 6Il signale8 de sobres déclarations où paraissent un e࠰ort de mesure, de réserve,

107. M.-Th. DUFFAU, « 0n foyer de rayonnement de l’intelligence catholique : l’Institut catholique de Toulouse sous le rectorat de runo de Solages u, dans Toulouse, une métropole méridionale. Vingt siècles de vie urbaine, Toulouse 2009, p. 639-650. 0ne note de police du 1er août 1942 attribue à l’Institut catholique de Toulouse et à l’entourage de l’archevêque la responsabilité de l’attitude d’opposition des syndicats chrétiens à Toulouse (Archives départementales de Haute-Garonne, 1831 2 93). Le discours de Mgr de Solages –Z« -eligion catholique et la question sociale pour le cinquantenaire de Rerum Novarum u (22Zmai 1941)Z– a été un appel à la liberté pour les syndicats. 108. « Le cardinal Sali¢ge et Mgr runo de Solages sous l’occupation allemande u, Bulletin de littérature ecclésiastique de l’Institut catholique 87/1 (1986), p. 27. 109. P. CABANEL, « -ésistance spirituelle u, p. 43-77 et « Pétainisme et résistance spirituelle : l’Institut catholique de Toulouse pendant les années 40 u, dans Les facs sous Vichy. Étudiants, universitaires et universités pendant la Seconde Guerre mondiale, Clermont-!errand 1994, p. 263-276. Le nom de Vignaux y est, cependant, passé sous silence. Nous n’avons pas eu acc¢s aux archives de l’Institut catholique de Toulouse, inaccessibles depuis plusieurs années. 110. Archives départementales du Nord, Archives Madeleine Singer, J 1471 (4), lettre du 1er juin 1950 de Paul Vignaux à Jules Moch 111. Mme Marie-Thér¢se Du࠰au m’a con࠱rmé, ce dont je la remercie, l’absence de traces écrites de relations de Paul Vignaux avec Mgr de Solages. 112. P. VIGNAUX, « Témoignages catholiques u, p. 69. Sermon prononcé à Montauban, le 14 mai 1942. 113. -eprise de la cél¢bre formule du Cardinal Gerlier « Car Pétain, c’est la !rance et la !rance, aujourd’hui, c’est Pétain u, en mettant en exergue le mot « aujourd’hui u.

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des allusions critiques, des avertissements discrets : toutes choses claires pour qui conna¨t les nuances ecclésiastiques. Comment faire le compte de ceux qui n’exaltent pas le Maréchal, qui savent taire ce nom rituel 114 

Avec les laïcs du catholicisme social toulousain Nous les avons déjà évoquées avec les militants C!TC, car les relations se recoupent évidemment. Les ménages Vignaux et rodier accueillent au 8, rue OUenne nombre de Toulousains ou des militants de passage. 0n exemple : Charles d’Aragon, lors de la derni¢re soirée qu’il passe à Toulouse avec Vignaux le 9 juin 1941, mentionne la présence d’« un de ses amis arrivé de Paris (qui) nous raconte l’attitude résistante d’un bon nombre de Parisiens 115 u. L’information et les hommes circulent entre les deux Uones. Tous, selon la description de Charles d’Aragon, ont « toujours la mémoire bourrée de propos à di࠰user et les poches pleines de lettres 116 u. Vignaux lui-même fait allusion « aux visiteurs de l’hiver 40-41 u qu’il rencontre, par l’intermédiaire de rodier et Vanhove, dont on peut penser qu’ils sont militants C!TC, JOC ou LOC (Ligue ouvri¢re chrétienne) ou issus du terreau du catholicisme social toulousain ou nordiste. -enée édarida en a donné les noms dans son histoire de Témoignage chrétien 117 : Dans ce contexte de pré-résistance, un groupe de catholiques, d’idées généralement avancées, s’est préparé depuis des mois à l’idée d’une lutte sans rémission contre le naUisme. On les trouve réunis dans la section toulousaine des Nouvelles équipes françaises qui rassemble catholiques sociaux, membres du P. D. P. (Parti démocrate populaire) ou de la J. -. (Jeune -épublique), lecteurs de L’Aube et d’Esprit.

Ils constituent aussi le public de Temps Présent, devenu Temps Nouveau. D¢s juillet 1940, des rencontres ont lieu cheU !rançois Lachambre, ingénieur chimiste à l’ONIA 118, C!TC et PDP, où l’on retrouve l’avocat 4ves Périssé, le docteur Victor Parant de la Commission nationale des Semaines sociales, Alphonse Juge 119, l’architecte diocésain Augustin Callebat, le comptable Achille Teste, Marcel Vanhove (qui fait fonction d’intermédiaire entre les C!TC et les démocrates chrétiens locaux), Paul Chadourne, Claudius Grosjean. Ces

114. P. VIGNAUX, « Épreuve du catholicisme français u, p. 491. 115. G. PIKETTY, Français en Résistance, Paris 2009, « Journal de Charles d’Aragon u, p. 63. 116. Ch. D’ARAGON, La résistance sans héroïsme, p. 58 117. -. ÉDARIDA, )BPOJBPABI‫"ٽ‬PMOFQ 1£JLFDK>DB@EO£QFBK , Paris 1977, p. 22  VIe࢙@LIILNRBA‫ٽ‬R?>WFKB -O£JF@BPBQBPPLOABI>O£PFPQ>K@B "AJLKA*F@EBIBQ, Paris 1983, p. 30-31. « Les chrétiens dans la guerre u, p. 55-56. J. -OGER (« Les relations de l’Église et de l’État français dans les dioc¢ses de Toulouse et Montauban u, ma¨trise, 0niversité Paris IV, Paris 1993) apporte parfois des compléments précieux grâce aux intervieRs d’acteurs qu’il a pu conduire. 118. O࠳ce national des industries de l’aUote. 119. Alphonse Juge a été secrétaire de Champetier de -ibes (sénateur du parti Démocrate populaire qui a refusé les pleins pouvoirs au maréchal Pétain), secrétaire général adjoint du PDP  est fonctionnaire au minist¢re de l’Information à Vichy.

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antimunichois « a࠳rmaient leur conviction que la défaite n’était que provisoire et que, de toute façon, il fallait résister à la naUi࠱cation de notre pays 120. -éfractaires au nouveau régime, ils sont bien décidés à ne pas rester les bras ballants et d’ailleurs une partie d’entre eux se retrouvera bientôt dans les premiers groupes de résistants. 4ves Périssé lance l’idée d’un mouvement intitulé « La !rance cruci࠱ée u, il aide les résistants polonais 121 en relations avec Maria 2inoRska, secrétaire du cardinal Hlond. Marcel Vanhove organise au café des Arcades une réunion hebdomadaire du groupement des réfugiés du Nord « anti-allemand et anti-Vichy u. Augustin Callebat utilise son expérience du comité catholique toulousain de secours aux réfugiés d’Espagne pour poursuivre ce type d’action et porter aide aux réfugiés de l’exode, en lien avec Mademoiselle Holbeck, déléguée de l’American !riends Service Committee (,uakers), organisation de secours aux réfugiés belges 122, engagement qui se poursuivra en direction des internés des camps de Gurs, de Noé et du -écébédou. L’abbé Louis-Marie -aymondis 123, qui date de décembre 1940 ses contacts avec Callebat et Teste, décrit précisément l’activité, avant la guerre, de la Jeune -épublique, ses liens depuis le !ront Populaire avec des socialistes et CGT, avec la !édération libertaire locale. La guerre civile espagnole et les catholiques basques donnent « l’exemple d’un combat contre le fascisme dans la ࠱délité au christianisme u, avec le soutien de Mgr Sali¢ge, dont il dresse un portrait remarquable par sa ࠱nesse et sa précision. Ce groupe participera à la di࠰usion de Temps Nouveau et de la Voix du Vatican, bientôt à celle de Témoignage chrétien et de l’édition clandestine d’Après la défaite de Jacques Maritain. Il constitue le public de la conférence de Stanislas !umet, déjà mentionnée 124. Les « Amis de Temps Nouveau u de Toulouse se réunissent à l’Association des étudiants catholiques, 39ZrueZSaint--ome : 4ves Périssé en est le président, le libraire Jouanaud secrétaire, Marc Genestet, enseignant du SGEN-C!TC 125, est chargé de l’organisation des conférences 126. Certains d’entre eux manifestent parfois publiquement leurs opinions, comme Marcel Vanhove qui, à l’hiver 1940, anime la protestation d’une partie de l’auditoire de la cathédrale Saint-Étienne contre un sermon de l’abbé Thellier

120. « Souvenirs de Marcel Vanhove u, cité par P. MOUTERDE, « La résistance chrétienne dans la région lyonnaise u (diplôme d’études supérieures, 1948), p. 28. Cette étude de 88Zpages se trouve aux archives départementales du -hône, fonds -uby, 31 J 1!/1. 121. Ch. D’ARAGON, La résistance sans héroïsme, p. 42. 122. Archives départementales de Haute-Garonne, 1945 2 141. 123. « Témoignage u (archives départementales de Haute-Garonne, 16 J 50 et Archives municipales de Toulouse 22 Z 3/10). 124. M. T. DUFFAU, )‫&ٽ‬KPQFQRQ @>QELIFNRB MBKA>KQ IBP >KK£BP KLFOBP  , mémoire de ma¨trise, Toulouse Le Mirail 2004, p. 272. 125. Lettre du 24 octobre 1979 à Madeleine Singer (Archives départementales du Nord, fonds Madeleine Singer, J 1471/2). 126. Temps Nouveau, 14 (21 mars 1941). -. Arbellot, secrétaire adjoint, dénoncera plus tard Jouanaud et sera responsable de son arrestation (-. BÉDARIDA, Les Armes de l’esprit, p. 91). Temps Nouveau 24 (27 juin 1941) annonce une permanence de Louis Cruvillier cheU M. Lachambre pendant trois jours début juillet.

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deZ Poncheville glori࠱ant l’armistice qui aurait mis la !rance « hors de la guerre u, ce que Paul Vignaux commente ainsi : Si quelque prédicateur cél¢bre se félicite de voir la !rance « hors de la guerre u, il se trouve des ࠱d¢les et des prêtres pour lui rappeler que l’armistice ne ressort pas de la compétence de la chaire. Tel est l’esprit des catholiques résistants : il ne se manifeste pas au même degré dans les diverses formes et milieux de résistance 127.

Le ménage Vignaux est indissociable de ce milieu : « Soucieux de nourrir la résistance des âmes au danger de contamination ou de perversion par le naUisme 128 u, il partage leurs préoccupations d’agir. Ensemble, ils recherchent les moyens d’une propagande sur la résistance spirituelle au naUisme, donnant une large publicité aux lettres pastorales d’évêques allemands, belges, hollandais, polonais. Paul Vignaux ne manque pas de mentionner Radio-Vatican qui a࠳rme qu’« il y a des moments où il ne faut pas céder et où la justice domine la charité 129 u. Il témoignera : Z ,uand l’Allemagne naUie contrôle un « État !rançais u qui multiplie les avances à l’Église, les chrétiens doivent redoubler de vigilance : il s’agit d’unir la défense de l’esprit chrétien et de l’esprit français. Ces catholiques écoutaient et di࠰usaient les messages de -adio-Vatican 6‫ڎ‬8 qui fondent une spiritualité de la résistance : celle-là même dont les travailleurs catholiques avaient besoin pour demeurer ࠱d¢les à leurs principes de toujours et à ceux du syndicalisme français 130.

Non seulement lecteur de La Voix du Vatican, mais encore di࠰useur, Paul Vignaux atteste que la lettre de protestation des évêques hollandais circulait avant sa publication par les Cahiers de Témoignage chrétien et qu’elle « a a࠰ermi la résistance des travailleurs chrétiens 131 u. Pierre Mouterde rapporte, d’apr¢s le témoignage de Louis Cruvillier, con࠱rmé par Marcel Vanhove, tous deux engagés dans la di࠰usion de Témoignage Chrétien, qu’« à Toulouse un militant C!TC, en relations avec Mgr Sali¢ge, était agité des mêmes préoccupations –Zcréer un bulletin d’informations chrétiennes régulierZ– et avait préparé avec d’autres amis un avant-projet 132 u. Il s’agissait, selon -enée édarida, du souhait d’un « journal écrit par des chrétiens pour des chrétiens réfractaires à l’‫ڇ‬ordre nouveau‫څ‬, un journal qui se prononcerait sans équivoque sur tous les probl¢mes graves de l’heure 6‫ڎ‬8. Jouanaud et Périssé en parl¢rent, je crois, souvent entre eux. rodier et Vanhove en liaison avec le chanoine G¢Ue eurent les mêmes préoccupations 133 u. Paul Vignaux a été certainement acquis au projet évoqué par Marcel Vanhove, s’il ne l’a pas suggéré lui-même. La naissance de Témoignage chrétien clandestin devait répondre à ces attentes.

127. P. VIGNAUX, sous le nom de Jacques -OCHELLE, « Épreuve du catholicisme u, p. 493  P. VIGNAUX, « Témoignage sur les réfugiés du Nord u, p. 700. 128. -. ÉDARIDA, « Avant-propos u à la réédition intégrale de Cahiers et courriers clandestins AR1£JLFDK>DB@EO£QFBK , Paris 1980, t. I, p. 10. 129. P. VIGNAUX, France prends garde, p. 70. 130. ID, Traditionalisme, p. 154-156. 131. « Notes de conférence, mai 1944 u (A!V). 132. P. MOUTERDE, La Résistance chrétienne, p. 57, n.152. 133. -. ÉDARIDA, Les Armes de l’Esprit, p. 91, sur le témoignage de Marcel Vanhove.

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Contacts à Vichy Paul Vignaux e࠰ectue au moins cinq déplacements 134 dans la capitale de l’État français, pour gérer sa situation personnelle et préparer son départ. Il en pro࠱te pour intervenir sur la préparation de la Charte du travail, en di࠰usant des notes toulousaines ou lyonnaises. Mais il ne nous parle gu¢re des personnes qu’il y rencontre. On saisit au hasard d’une notation qu’il a des relations cheU les Compagnons de !rance 135, ou qu’il y retrouve Charles londel ou des responsables C!TC comme Maurice Guérin ou Alfred Michelin 136. Lorsqu’il prépare administrativement son départ, il séjourne au service jociste du chômage, 14Zrue Galliéni 137. Cette indication, qui con࠱rme la permanence des relations de Paul Vignaux avec la JOC, prend tout son intérêt d¢s qu’elle est éclairée par les souvenirs du militant jociste -aymond Dubois. Ce jeune nordiste, adjoint de Pierre Coste, secrétaire du Service national jociste du chômage (SNJC – qui deviendra « Moissons nouvelles u à l’été 1941), apporte en e࠰et des informations précieuses sur les contacts qui se nouaient dans les deux sites de la JOC à Vichy, –Zle lieu de séjour et de travail qu’était l’hôtel de l’Orangerie, 16, rue Galliéni, et le petit restaurant du 4Z rue de la Tour, non loin de l’église Saint-laise. C’étaient des endroits de passage, de convivialité et d’échanges d’informations à « l’ambiance plus que frondeuse u où se rencontraient responsables de mouvements de jeunesse catholiques, catholiques sociaux et démocrates populaires. À notre table se rassemblaient les anticonformistes : Gortais, Colin, Théry (ACJ!.), Terpend, Vinchard (JAC), les docteurs Macé, de Lespinay et, quand ils étaient de passage : Poimboeuf, Vignaux (C!TC), les nationaux du secrétariat de la JOC, Cartayrade, Villette, le P¢re DeRitte, le P¢re Lebret, dominicain. Étaient passés cheU nous : Michelet, de Menthon, l’abbé Vallée et d’autres. Les repas étaient la collecte d’informations vraies, nécessaires à toute analyse, ce qui nous manquait le plus en ces temps de censure ou tout était tronqué, étou࠰é, ou faux. C’était le temps des nouvelles, celles qu’on pouvait recueillir d’Alphonse Juge qui était fonctionnaire au minist¢re de l’Information, de Serge et Dominique romberger, journalistes au !igaro qui logeaient à l’Orangerie et avec qui nous discutions souvent. Tout ce monde tenait –Z même en ce début 41Z – Pétain et la -évolution nationale pour éphém¢res. 6‫ڎ‬8 Venaient au 4, rue de la Tour les nationaux des mouvements d’action catholique : Simonnet, de la JEC, acon, onnet, ouxom, de la LOC (Ligue ouvri¢re chrétienne), et tous les démocrates populaires dont je n’ai pas gardé les noms 138.

134. Le 20 août 1940, déjà mentionné, 29-30 octobre 1940, 8-10 mai 1941, ࠱n mai-débutZ juin 1941, en࠱n 19-21 juin 1941. 135. Lettre de Mme arrion du 2 décembre 1940 (A!V). 136. Cahiers des réunions de l’0. D. du -hône, en date du 29 octobre 1940 (Archives départementales du -hône, 68 AJ 3). Maurice Guérin est le délégué de Gaston Tessier en Uone non occupée  Charles londel, ami de Paul Vignaux, juriste du Conseil d’État, professeur aux ENO C!TC, Alfred Michelin, lorrain, dirigeant de la C!TC, tr¢s proche de Gaston Tessier, journaliste, administrateur du journal La Croix, réfugié à Limoges. 137. Lettre de Paul à Georgette Vignaux du 8 mai 1941 (A!V). 138. -. DUBOIS, Le pèlerinage broyé, p. 251, p. 286-288.

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Paul Vignaux converse avec ceux qui y sont de passage  il recueille bien des informations sur Vichy et les mouvements de jeunesse. C’est là qu’il rep¢re ce jeune responsable jociste avec lequel il lie des liens plus étroits à Toulouse, autour de la mi-mai 1941. Les notes prises par -aymond Dubois nous seront bien utiles pour la suite de cette histoire. Résistance sMirituelle et intellectuelle à Lyon À propos du climat de résistance à l’occupant, Pierre ertaux dit de Lyon : « On avait l’impression quand on venait de Toulouse, de respirer une bou࠰ée d’air frais  on échappait quelques instants à l’impression d’accablant isolement 139 u. ,u’il partage ou non ce point de vue, Paul Vignaux y op¢re au moins sept déplacements 140 : Lyon est la plaque tournante du comité de liaison des syndicats chrétiens de la Uone non occupée et de bien d’autres initiatives. Amitiés lyonnaises CFTC Joseph otton, originaire de l’agglomération lyonnaise, « militant éprouvé qui, à peine au travail, avait connu les gr¢ves de la métallurgie de la guerre de 14-18 sous Merrheim 141 u, devenu secrétaire permanent de la métallurgie depuis 1936, s’était réfugié à Villeurbanne cheU Louis Naillod, président de l’0nion départementale du -hône, organisateur de l’École normale syndicale ouvri¢re du Sud-Ouest, et président de la commission nationale de formation. Tous deux sont métallurgistes, tourneurs d’origine, tous deux membres du bureau confédéral C!TC, tous deux proches de Paul Vignaux avant-guerre, qui loge cheU eux quand il vient à Lyon : le domicile de Louis Naillod est un lieu de conversations libres et d’élaboration de projets, comme, en décembre 1940, celui du double départ de !rance de Joseph otton et de Paul Vignaux. Ce relais lyonnais ne sera pas seulement actif sur le plan syndical : il est présent dans la résistance spirituelle et politique. Par exemple, Paul Vignaux y découvrira la modeste feuille antinaUie Volny (« liberté u en polonais), commencée en août 1940 par un métallurgiste du Creusot, adhérent C!TC de 1920, Édouard Morin 142, généralement dit « de Montchanin u (son domicile, à la ligne de démarcation, lui permettra de jouer un rôle majeur dans les liaisons). Ils voient passer Liberté, La Voix du Vatican et les Petites Ailes, di࠰usées sur la région lyonnaise. Louis Naillod travaille tr¢s tôt à regrouper des camarades tr¢s sûrs qui seront au démarrage de Combat dans l’été 1941 143. Alban Vistel, dans La nuit sans ombre, retiendra son in࠲uence continue sur la résistance régio-

139. Archives municipales de Toulouse, fonds Latapie, 22 Z 3 /44 et Archives nationales, 72ZAJZ526 : Note de Pierre ertaux. 140. Début novembre 1940, ࠱n novembre, ࠱n décembre, ࠱n janvier 1941, ࠱n mars, ࠱n mai, 20 juin. 141. P. VIGNAUX, « Préface u à Un non-conformiste, p. 7. 142. Ibid., p. 7-8. 143. Archives départementales du -hône, fonds -uby, témoignage Plaisantin, 31 J 23.

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nale, de l’armistice à la Libération 144. ,uant à Joseph otton, décidé à rejoindre Londres – il avait entendu l’appel du 18 juin 145 –, il parvint à rejoindre Alger début mai 1941, grâce à l’aide de son employeur, proche de Louis Naillod, l’industriel de moteurs électriques, Paul Parel 146. Ayant appris en juin que son « tr¢s cher 147 u ami Vignaux devait bientôt quitter Toulouse pour Lisbonne et NeR 4ork, otton se lançait alors sur un fragile esquif avec deux compagnons, sans gu¢re de provisions, pour atteindre Gibraltar sept jours plus tard ! Ses amis lyonnais apprendront son arrivée à Londres par un message codé : « Le fr¢re vaisselier est bien arrivé. u Il rejoindra plus tard Paul Vignaux aux États-0nis et les deux amis y défendront conjointement la résistance syndicale française. À propos du cardinal Gerlier et des pères de l’Action populaire !ortes personnalités de la C!TC, Louis Naillod et Joseph otton eurent acc¢s au cardinal Gerlier, non sans tensions. Deux illustrations en sont restées, transmises par le ménage Vignaux. Lui ayant demandé d’intervenir en faveur de la libération de Parel, arrêté en décembre 1940 pour avoir ronéoté et di࠰usé Volny, Joseph otton rapporte le refus du cardinal « d’user son crédit pour un pro-anglais 148 u. Le même a eu une autre entrevue, au début 1941, dont Georgette Vignaux rapporte un échange vif : au cardinal lui disant « Philippe Pétain ne fait pas ce qu’il désire faire et il est obligé de faire ce qu’il ne désire pas u, otton aurait répondu : « Dans ce cas, nous, moi et quelques autres avec moi, ne voyons pas l’intérêt de cette doctrine du pouvoir établi, puisque le gouvernement ne fait pas ce qu’il désire faire et, partant, ne peut pas gouverner. u Et il lui aurait jeté au visage : « Votre Éminence, vous aveU compromis l’Église 149. u Le regard de Paul Vignaux sur l’Église lyonnaise semble déterminé par ces témoignages et par son expérience nationale antérieure de l’in࠲uence des p¢res jésuites de l’Action populaire en milieu syndical chrétien. Les aspects originaux du dynamisme catholique lyonnais 150, marqué notamment par la Chronique sociale et la ré࠲exion théologique des facultés catholiques et du scolasticat jésuite de !ourvi¢re, sont peu présents dans ses préoccupations. Alors que son activité, nous le verrons, recoupera les initiatives C!TC prises avec l’appui de la Chronique sociale, il ne semble pas avoir eu de contact alors avec les jésuites

144. A.ZVISTEL, La nuit sans ombre. Histoire des mouvements unis de Résistance, leur rôle dans la libération du Sud-Est, Paris 1970. Voir notamment les chapitres sur la naissance de Combat et sur l’Action ouvrière. A.VISTEL, « Témoignage u dans Églises et chrétiens, t. I : La Région Rhône-Alpes, Lyon 1978, p. 283-286. 145. P. VIGNAUX, « Préface u à Un non-conformiste, p. 7 et lettre d’Alexis Delorme du 23 octobre 1978 à Paul Vignaux (A!V). 146. Archives départementales du -hône, fonds -uby, témoignage de Parel, 31 J 10. 147. Lettre du 1er septembre 1941 (A!V). 148. Transcription des bandes d’intervieR d’août 1977 de Joseph otton par Albert Grant à la demande de Paul Vignaux (A!V). 149. G. VIGNAUX, « The Catholics in !rance u, p. 199-200 et 207 150. Voir le tableau dressé par . COMTE, « L’environnement lyonnais. -ésistance spirituelle et responsabilités politiques u dans Gilbert Dru, un chrétien résistant, Paris 1998, p. 1-30  . COMTE, L’Honneur et la conscience, p. 76.

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de la précoce résistance spirituelle lyonnaise et du futur Témoignage chrétien clandestin : les p¢res !ontoynont, De Lubac, !essard, Chaillet. En revanche, il évoque des jésuites de l’Action populaire récemment réfugiés à Lyon ou à Toulouse. on connaisseur de leur rôle aupr¢s des organisations C!TC, il se préoccupe, avec ses amis, de protéger ces derni¢res de toute dérive à l’égard de l’État français. Joseph otton évoque une réunion tumultueuse en septembre 1940, en présence de Charles londel et de Jean Lacroix 151, où le p¢re de Lestapis défendait le respect du pouvoir établi du maréchal Pétain et la politique de présence aux nouvelles institutions de Vichy 152. Paul Vignaux, rencontrant à la commission générale des Semaines sociales à Lyon, début novembre, le p¢re Desbuquois, référence des p¢res jésuites de l’Action populaire, regrette son refus d’engagement sur le probl¢me syndical posé par la dissolution des confédérations et les projets de Vichy 153. Mais l’attitude des p¢res de l’Action populaire est diverse, avec des évolutions dans le temps 154. Paul Vignaux insiste, par exemple, sur le soutien rencontré à Toulouse de la part de deux Jésuites, connus de lui par leurs engagements antérieurs 155Z: le p¢re Henri Lalande, ancien aumônier de l’ACJ! (1930-1936), devenu directeur de l’école d’agriculture de Purpan 156, le p¢re Arnou, de l’Action populaire, qui était intervenu aux semaines d’études internationales de la JOC en août 1935 et qui suivait les sessions des Semaines sociales : Z En désaccord évident avec l’attitude de coopération à la -évolution nationale poursuivie par le p¢re Desbuquois, directeur de l’Action populaire (retiré à Lyon, mais en visites fréquentes à Vichy), le p¢re Arnou exprime notamment son opposition à l’« aventure u constitutionnelle par laquelle le Maréchal a rompu avec la IIIe -épublique  il jouit de la con࠱ance de Mgr Sali¢ge qui ironise sur l’éloquence pétainiste du cardinal Gerlier 157.

Le p¢re André Arnou, 54Zans, fait autorité 158 : auteur en 1920 d’une th¢se sur « la participation des travailleurs à la gestion des entreprises u, proche de

151. Jean Lacroix (1900-1986), philosophe, professeur de khâgne à Lyon, tr¢s proche d’Emmanuel Mounier. 152. Transcription des bandes de l’intervieR d’août 1977 de Joseph otton (A!V). 153. P. VIGNAUX, « Pour comprendre les débuts u, p. 133. 154. P. DROULERS, « Catholiques sociaux et révolution nationale (été 1940-avril 1942) u, dans X. de MONTCLOS (dir.), Églises et Chrétiens dans la Seconde Guerre mondiale, t. II : La France, Lyon 1982, p. 213-225. 155. P. VIGNAUX, « Pour comprendre‫ ڎ‬u, p. 136  ID., dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 199  ID., « Témoignage sur les réfugiés du Nord u, p. 700. À noter qu’il ne fait aucune mention des dominicains toulousains. 156. Toulousain, il a été aussi directeur du coll¢ge du Caousou et supérieur à Pau. 157. P. VIGNAUX « Témoignage sur les réfugiés du Nord u, p. 700. Citons aussi de P. ERTAUX (dans sa Libération de Toulouse, p. 23), ces propos de Sali¢ge sur Gerlier : « 0n sourire dans le coin de l’œil, Sali¢ge disait : Oui, le malheureux, c’est qu’il parle, lui  moi, je ne parle pas, j’écris. Alors, moi, cela me donne le temps de ré࠲échir. u 158. J. M. MAYEUR, 4. M. HILAIRE (dir.), Dictionnaire du monde religieux de la France contemporaine, t. I : Les jésuites, Paris 1985, p. 19.

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la C!TC 159, puis délégué du Saint-Si¢ge aupr¢s du ureau international du travail, avant d’enseigner la sociologie et l’économie politique aux facultés catholiques de Lille et d’être nommé aumônier-conseiller du Centre français du patronat chrétien. -éfugié à Toulouse, il organisera des réunions de ce mouvement patronal dans les grandes villes de la Uone libre 160. Il aidera l’action de Mgr de Courr¢ges en faveur des étrangers internés  il allumera des contrefeux aux positions favorables à Vichy des p¢res Desbuquois et Villain et s’opposera directement à son confr¢re, professeur de théologie toulousain, !ernand Cavallera 161. Le p¢re Arnou anime, avec Paul Vignaux la journée d’études de la C!TC toulousaine du 16 février 1941, à la salle de cours de l’Institut catholique 162. À la commission générale des Semaines sociales « Dans les tout derniers jours d’octobre ou les premiers de novembre u, Paul Vignaux nous dit avoir participé à « une petite réunion de catholiques sociaux u –Zdont Alfred Michelin  Marcel Prélot 163 y exposa le probl¢me d’une nouvelle constitution française, concluant que « la bataille d’Angleterre u en déciderait 164. Invité à la commission générale des Semaines sociales des 3-4 novembre qui se tient à Lyon, Paul Vignaux y présente son analyse de l’enjeu syndical, les projets de Vichy et les nécessaires « coopération avec les amis de Léon Jouhaux et lutte contre elin et ses amis 165 u. L’un des trois secrétaires généraux, Alfred Michelin, était à l’origine de cette initiative. ,uelques jours auparavant, Paul Vignaux l’avait rencontré à Vichy, comme Charles londel, lui aussi membre de la commission générale des Semaines sociales 166, pour préparer son intervention devant cette instance

159. Avant-guerre, il a organisé avec Gaston Tessier des journées sur la question ouvri¢re aux colonies. 160. Ce n’est pas un hasard si le centre français du patronat chrétien prend position en faveur du maintien des syndicats et de la liberté syndicale (Semaine religieuse de Marseille du 15 juin 1941). 161. Avec l’abbé Lagarde et le P¢re raun. Cf. J. -OGER, Les relations de l’Église, p. 154 et P. LABORIE, « Sur le retentissement de la lettre pastorale de Mgr Sali¢ge u, Bulletin de littérature ecclésiastique de l’Institut catholique 108/1 (janvier-mars 2007), p. 45-46  D. AVON et P. -OCHER, Les jésuites et la société française XIXe-XXe siècles, Toulouse 2001, p. 158  P. CABANEL, « La résistance spirituelle à Toulouse u, p. 72. J. -oger, faisant état du témoignage de l’abbé de Naurois, rapporte : « Le p¢re Cavallera reprenait une idée exprimée par le P¢re Desbuquois à Vichy, à savoir qu’ils jugeaient l’utilisation des institutions publiques comme une des conditions sine qua non de la rechristianisation si nécessaire au rel¢vement de la !rance. u (Les relations de l’Église, p. 57-58). 162. Voix sociale 8 (25 janvier 1941). Les numéros suivants (9 à 13), où l’on pouvait espérer lire le programme et le compte rendu, sont introuvables. 163. Marcel Prélot (1898-1972) professeur de droit, spécialiste de droit constitutionnel, fondateur du PDP, futur délégué à l’Assemblée consultative d’Alger. 164. P. VIGNAUX, « Pour comprendre les débuts u, p. 133. 165. Archives municipales de Lyon (AML), !onds de la Chronique sociale, 133 ii 7. 166. Témoignage de Mayoud, qui, à Vichy, a vu Guérin, londel, Michelin et Vignaux (Cahier du Bureau de l’UD du Rhône, Archives départementales du -hône, 68 AJ 3, à la date du 29 octobre 1940).

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de 27 membres 167, où si¢gent non seulement le docteur Parant de Toulouse, futur responsable de Combat et Joseph Vialatoux 168, mais aussi le chanoine Thellier de Poncheville et le P¢re Desbuquois. Paul Vignaux fait donc un exposé sur « La profession et le syndicalisme u dont nous possédons le compte rendu 169 : Paul Vignaux indique que l’organisation professionnelle, envisagée comme solution du probl¢me social, répond moins à des vues doctrinales qu’à des circonstances urgentes : une économie de défaite conduit nécessairement à l’autarcie dont le corporatisme est un instrument, de même qu’une politique autoritaire appelle une mainmise de l’État sur les professions. Procédant à la critique des comités professionnels, formant la premi¢re assise de l’organisation nouvelle, il examine la position du syndicalisme et les transformations qu’il est appelé à subir dans l’avenir : syndicalisme obligatoire et unique, ou maintien du pluralisme syndical avec suppression des fédérations nationales et des syndicats de fonctionnaires. Il montre, par des considérations sur le mouvement ouvrier depuis 1936, quelles in࠲uences politiques orientent les projets actuellement en préparation, asseU di࠰érents de ceux qui ont été étudiés dans les Semaines sociales. Il développe en࠱n quel rôle doit tenir le syndicalisme chrétien dans le présent et quelle attitude il devra prendre dans les diverses éventualités d’organisation professionnelle. L’échange de vues tr¢s large qui s’est institué sur cet exposé, a permis de préciser un certain nombre de détails importants sur les réactions de l’opinion ouvri¢re (socialiste, communiste, chrétienne) en face du nouveau régime du travail.

Dans une premi¢re version plus longue 170 du compte rendu, constitué de notes prises au ࠱l des exposés puis dactylographiées, on peut repérer quelques points plus sensibles du propos de Paul Vignaux, donnant du corps à un exposé que le résumé a, de toute évidence, a࠰adi. Il s’est livré à un réquisitoire comparant l’évolution en cours des structures professionnelles et syndicales au mod¢le allemand : Il n’y a jamais eu encore d’économie dirigée sans une politique dictatoriale – qui élimine le syndicat libre comme tout centre d’autonomie  du reste tout régime autoritaire se mé࠱e de l’association. Dirigeants ouvriers élus ou nommés  Il est impossible 6‫ڎ‬8 que l’État laisse se développer librement un syndicalisme unique et obligatoire surtout avec la menace communiste. Il préférera peut-être laisser subsister l’état actuel de structures tr¢s a࠰aiblies par la suppression des syndicats de fonctionnaires et l’absence de la grande masse des travailleurs. Il analyse aussi l’évolution de la situation interne de la CGT de Jouhaux et de la fédération des fonctionnaires, face à elin, opposé aux ritanniques, alors que Jouhaux est partisan des Trade-unions et de la !édération américaine. Sur la C!TC, il souligne les faiblesses d’un mouvement en croissance, qui s’abstient

167. Dix-huit seront présents. 168. Joseph Vialatoux (1880-1970), professeur lyonnais de philosophie dans un coll¢ge libre, catholique social, à l’avant-garde des catholiques adhérents à la démocratie. 169. Archives municipales de Lyon, fonds Chronique sociale, 133 ii 7. 170. OnUe pages.

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trop de prendre en charge les probl¢mes généraux de la nation. 0ne fédération de la métallurgie doit se préoccuper des probl¢mes de défense nationale, énoncet-il. Le probl¢me de l’intégration du syndicat dans la communauté nationale se pose. Le syndicalisme doit se discipliner lui-même sous peine de manquer à sa mission, pas seulement par rapport au patronat, mais aussi par rapport à l’État  pour peser sur le gouvernement, il faut une coordination de démarche des organisations syndicales. Dans l’immédiat, l’essentiel est de maintenir la capacité syndicale et sa relation avec la masse. ,uelle stratégie en cas de syndicat unique  ,ue les syndiqués chrétiens prennent le plus de fonctions. Mais par ailleurs il faudra qu’un certain nombre d’entre eux restent indépendants, pour maintenir les bases d’une reprise du mouvement et les cadres du syndicalisme à venir. -isque de l’attitude russe au dernier quart d’heure rappelant qu’il ne faut pas oublier à l’arri¢re-plan les communistes et le mod¢le russe.

Sur un fond de positions sans ambigu©té sur la défense du syndicalisme libre, Paul Vignaux n’écarte pas, en cas de syndicat unique, la possibilité d’une tactique partageant les militants entre la participation à ces nouvelles structures et des instances indépendantes parall¢les pour permettre la survie du syndicalisme chrétien. Dans la même réunion interviennent Marcel Prélot (« Le nouveau régime politique u), Jean Lacroix (« Le probl¢me du nationalisme français u), Emmanuel Gounot 171 (« Notre doctrine de la famille u), Albert Gortais 172 (« La politique de la jeunesse u). Puis, sous la présidence d’Alfred Michelin, a été étudié un projet de Semaine sociale à Lyon pour juillet 1941 173 consacrée à la « communauté nationale u où devraient intervenir, notamment : Joseph Hours 174, !rançois de Menthon 175, Jean Lacroix, Paul Vignaud (sic) 176, Albert Gortais. Mais une lettre du 29 mai annoncera que « les di࠳cultés matérielles sont si graves u que le projet de Semaine sociale est reporté et que la réunion des professeurs prévues les 8 et 9 juin est annulée. Le 28 juin, donc apr¢s le départ de Paul Vignaux pour les États-0nis, une circulaire annonce que le projet de Semaine est remplacé par des entretiens d’études sociales à public restreint et à huis clos les 13-15 septembre. Les intervenants, ࠱nalement, en seront Charles londel, l’abbé Louis -ichard 177, Mgr de Solages, M. Prélot, le p¢re de Lubac, A. Gortais et !. de Menthon, remplaçant Paul Vignaux, toutes

171. Emmanuel Gounot (1885-1860), professeur de droit à la faculté catholique de Lyon, avocat, spécialiste du droit de la famille, président de la Ligue des familles nombreuses du -hône. 172. Albert Gortais (1914-1992), réfugié à Lyon, secrétaire général de l’ACJ!, futur résistant et cofondateur du M-P. 173. Archives municipales de Lyon , !onds de la Chronique sociale, 133 ii 25. Notes, circulaires et lettres. 174. Joseph Hours (1896-1963), professeur d’histoire en premi¢re supérieure au Lycée du Parc à Lyon (voir ci-dessous paragraphe « À Lyon, autour de l’École normale sociale ouvri¢re u, p. 92). 175. !rançois de Menthon (1900-1984), professeur de droit, animateur de la revue Droit social, fondateur de Liberté (voir ci-dessous paragraphe « De Montellier à la Savoie en passant par Marseille, p. 97). 176. Th¢me « La profession et l’organisation sociale dans la communauté française u. 177. Directeur du séminaire universitaire de Lyon.

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personnalités qui ne laissent gu¢re de doute sur l’esprit des exposés et des discussions. Soulignons combien, pendant toute la période, la Chronique sociale sert, comme par le passé, de point d’appui à la C!TC lyonnaise, notamment pour les activités de formation, les contacts et les groupes de discussion et de ré࠲exion, dont Stanislas !umet et Emmanuel Mounier ne sont pas éloignés. Écrire pour Temps Nouveau Vignaux a-t-il vu Stanislas !umet dans son pays natal à Lescar  Ce dernier a rencontré « ces quelques amis de Temps d’une exceptionnelle ardeur u, avec lesquels il a conçu « le projet de refaire un nouveau Temps Présent qui s’arrangerait pour témoigner encore sans trahir‫ ڎ‬pour aider à résister. Car c’était déjà de résistance qu’il s’agissait 178 u. Le contact a aussi pu se renouer lors de la réunion avec des Amis de Temps Présent de Toulouse de septembre, ou seulement lors du premier voyage de Vignaux à Lyon en novembre. Stanislas !umet n’a pas manqué, dans son Histoire de Dieu dans ma vie, d’évoquer Paul Vignaux, tant à Temps Présent avant-guerre qu’à Temps Nouveau 179. Évoquant les conseils de rédaction et ceux qui y participent, il cite les plus assidus, Jean Lacroix, Joseph Hours, Marcel Poimboeuf et « Paul Vignaux, tête pensante du syndicalisme chrétien jusqu’au jour où il sortira de !rance avec sa femme aux États-0nis u. Mais sa « Petite histoire de Temps Nouveau u est plus précise 180 : -éticent à exclure toute allusion à l’actualité, ce n’était pas alors « refaire la !rance u que nous proposions, mais la -ET-O0VE- : rendre sa véritable physionomie à la !rance, qu’on o࠰ensait et qu’on maquillait sous nos yeux. 6‫ڎ‬8 0n christianisme exigeant et un patriotisme sans ࠲échissement. 6‫ڎ‬8 Nos amis Pierre Corval, Charles d’Aragon, Henri Lema¨tre, Marcel Poimboeuf, Jean Vignaux (sic) assuraient avec nous la part doctrinale.

Le lapsus sur le prénom avait attiré notre attention. Dans la collection de Temps Nouveau, sept papiers de Marcel Poimboeuf, essentiellement consacrés au syndicalisme, cohabitent avec quatre textes signés de Jean ou Paul Terrasse, qui ne peuvent être que le pseudonyme de Paul Vignaux, en association avec Jean rodier, le changement de prénom donnant le nom de l’auteur principal  on ne peut s’empêcher de rapprocher le choix du nom Terrasse des Terreaux où se situait le bureau de Temps Nouveau ! Pendant toute la guerre, pas d’autre Terrasse 181, sinon dans la Voix sociale (de la C!TC lyonnaise) au printemps 1944,

178. Temps présent 21 (12 janvier 1945). Stanislas !umet y cite erriot à Lescar, Viguerie à Pau, Périssé et Mgr de Solages à Toulouse, la famille Teitgen à Montpellier. Temps présent, hebdomadaire catholique avant-guerre, successeur de Sept, fondé par S. !umet en 1937, devient Temps Nouveau en 1940-1941 et repara¨tra à la Libération jusqu’en 1947. 179. S. !UMET, Histoire de Dieu dans ma vie, Paris 2002, p. 407-410 et 437-438. 180. Temps Présent 21 (12 janvier 1945) et 22 (19 janvier 1945). 181. Je remercie Aline Palluault qui a bien voulu véri࠱er dans les papiers Vialatoux l’absence d’un Terrasse dans le milieu lyonnais. La contribution de ernard Comte « Les années lyonnaises :ZTemps nouveau et la -ésistance u (dans M. O. GERMAIN, Stanislas Fumet et la présence au Temps, Paris 1999, p. 62-79) ne mentionne pas Vignaux dans les collaborateurs. S. !umet, qui

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deux articles de Jean Terrasse 182, au moment même où Jean rodier cessera d’y signer des papiers de son vrai nom, ce qui con࠱rme l’identi࠱cation. La forme et le contenu de ces articles de janvier-mai 1941, les allusions répétées à la commission intersyndicale toulousaine de la métallurgie, vont dans le même sens et permettent de lire rodier et Vignaux dans le texte : « -etrouver le sens du syndicalisme français u (Jean Terrasse)  « Les syndicalistes chrétiens demeurent attachés au pluralisme syndical u (Paul Terrasse)  « L’organisation professionnelle u (Paul Terrasse)  « !idélité à l’Association Ouvri¢re u (Paul Terrasse 183). Dans les trois derniers textes, écrits dans une langue simple et claire, Paul Vignaux réplique d’abord à Louis ertin, directeur du journal R࢙QO>S>FI des cégétistes-pro elin, en défendant le pluralisme syndical  puis il argumente à propos de l’organisation professionnelle dans une économie dirigée contre le syndicalisme d’entreprise et en faveur d’une représentation ouvri¢re indépendante, à tous les niveaux, y compris confédéral. En࠱n, à l’occasion du 1er mai, il rappelle l’histoire de la conquête de la liberté syndicale, solidaire d’une conception de la communauté nationale qui int¢gre les forces ouvri¢res, dans le respect de leur autonomie. Sous le pseudonyme de Paule érault, Georgette Vignaux apporte une contribution originale au journal dans un article d’une page sur « La grande pitié des camps d’hébergement 184 u, appel au développement d’une assistance proprement catholique et protestation contre la xénophobie, les conditions de vie matérielles, psychologiques et morales de tous ces étrangers, notamment juifs ou apatrides, 6‫ڎ‬8 qui sont des hommes comme nous (et dont) les Américains 185 se sont préoccupés. 6‫ڎ‬8 La !rance est terre d’hospitalité : ne faisons pas mentir une des traditions qui est une des gloires de ce patrimoine que nous voulons sauver 6‫ڎ‬8 Les temps sont trop troublés pour qu’aucun de nous se targue de sa sécurité présente comme d’une raison pour ignorer le malheur de son semblable 6‫ڎ‬8 Pouvons-nous nous dire chrétiens alors que tout pr¢s de nous, dans les camps d’hébergement, des milliers d’hommes sont abandonnés à eux-mêmes  Nous devons faire quelque chose pour eux et nous le pouvons, car la charité est inventive et souveraine. 6‫ڎ‬8 Il faut réclamer, susciter une assistance proprement catholique qui leur viendrait en aide, à la façon dont déjà les protestants l’ont fait 186. décode pourtant les pseudonymes de ses principaux collaborateurs, ne dit rien de Jean ou Paul Terrasse. 182. Voix sociale 44 (15 mars 1944) sur « l’avenir du syndicalisme français u et 46 (15 avril 1944) sur la « formation ouvri¢re u  Jean rodier, arrête alors d’écrire sous son nom, car ses activités lui ont déjà valu maille à partir avec la police. La même Voix sociale avait, dans son numéro 8 (janvier 1941), cité un extrait de l’article de Jean Terrasse de Temps Nouveau du 3 janvier 1941. Les archives d’Alexandre Chaulet, délégué C!TC pour l’Afrique du Nord et en relation avec Paul Vignaux, ont conservé un de ses articles. 183. Temps Nouveau 4, 10, 12, et 20. 184. Temps Nouveau 17 (11 avril 1941). 185. Allusion à l’action des ,uakers, et de l’American JeRish Joint Distribution Committee (cf. P. BOLLE, « les protestants français et leurs églises devant la Seconde Guerre mondiale u, dans )BP࢙£DIFPBP@EO£QFBKKBPA>KPI‫"ٽ‬ROLMBALJFK£BM>OIB&&&e Reich, ruxelles 1984, p. 113) et à celle de Varian !ry et du centre américain de secours de Marseille. 186. Allusion par exemple à l’action des ,uakers, de la CIMADE, de l’0nion chrétienne des jeunes gens (4MCA), etc. Voir J. MERLE D’AUBIGNÉ, V. MOUCHON, Les Clandestins de Dieu :

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,u’un tel article ait pu passer la censure con࠱rme, selon la formule de Stanislas !umet, que celle-ci ne voulait que « demi-mal 187 u à Temps Nouveau, alors qu’elle interdisait à Toulouse à Mgr Sali¢ge d’évoquer dans son message de Noël « ceux qui sou࠰rent dans les camps de concentration 188 u. Sur l’origine de ce texte, nous savons ce qu’en écrit Paul Vignaux à sa femme, de retour de Lyon, le 16 mars 189 : « Le comité pour les réfugiés va se faire. Stanislas compte sur vous pour écrire des articles sur ce sujet, avec la documentation de Jeanne. u L’allusion imprécise au « comité pour les réfugiés u peut évoquer une des initiatives qui ont pris corps d¢s l’automne 1940 et s’a࠳rment en ce début d’année 1941 190, les e࠰orts déployés par l’abbé Glasberg et le p¢re Chaillet qui déboucheront ultérieurement sur l’Amitié chrétienne, ou, plus probablement, le comité interconfessionnel d’aide aux réfugiés de N¨mes, qui regroupe vingt-cinq œuvres, nationales et internationales, religieuses et humanitaires, juives et chrétiennes intervenant dans les camps, reconnu par Marcel Peyrouton, ministre de l’Intérieur, en février 1941. Emmanuel Mounier, que Paul Vignaux voit le 24 janvier, a été alerté peu de jours auparavant par le Suisse Pierre ertholet 191 qui intervient avec le Secours suisse dans des camps comme celui de Gurs  il rel¢ve l’action analogue de Jeanne Allemand-Martin, qui loge comme les Mounier, dans le grand appartement qui abrite le secrétariat – dont elle s’occupe – du mouvement « Communauté u animé par le P. Montuclard. C’est donc probablement elle qui fournit à Georgette Vignaux cette documentation, dont parle Paul. Mais à Toulouse même, les sources d’information ne manquent pas 192 : l’abbé Lagarde, qui intervient dans les camps de Noé et du -écébédou, mis en service en février 1941 pour recevoir des vieillards et des malades venus de celui de Gurs  Helga Holbeck des ,uakers, les catholiques toulousains autour d’Augustin Callebat, les animateurs du !onds européen de secours aux étudiants 193. À travers la correspondance familiale, on comprend que Georgette Vignaux prépare d’autres articles, se livre à des « occupations intéressantes u et visite un camp en mai 194. Paul Vignaux ne quittera pas la !rance sans avoir vu Stanislas !umet. Sa participation à Temps Nouveau cesse, certes, avec son départ pour l’Amérique et la ࠱n de cette publication. Mais c’est dans une publication amie –ZVolontaire &*!" , Gen¢ve 1989. 187. Les textes réguliers de spiritualité de l’abbé Thellier de Poncheville pouvaient aussi faire o࠳ce de bouclier‫ڎ‬ 188. Ch. D’ARAGON, La résistance sans héroïsme, p. 97  Journal de guerre, p. 16. 189. Lettre de Paul à Georgette Vignaux à Chambéry du 16 mars 1941 (A!V). 190. Voir A. GRYNBERG, Les camps de la honte : les internés juifs des camps français :  , Paris 1999. 191. E. MOUNIER, « Entretiens XI u, en date des 9 et 14 janvier, communiqués par . Comte. Sur ses relations avec Paul Vignaux, voir plus loin paragraphe IV. 5. 192. Voir S. ERNAY, « 0n réseau catholiques de sauvetage  L’exemple du dioc¢se de Toulouse u, Bulletin de littérature ecclésiastique de l’Institut catholique 108/1 (2007), p. 147-160. 193. S. KRAVTCHENKO, « Le fonds européen de secours aux étudiants. Note sur ses activités à Toulouse de 1940 à 1943 u, dans X. DE MONTCLOS (dir.), Églises et chrétiens dans la Seconde Guerre mondiale, t. II : La France, Lyon 1982, p. 133-136. Elle y souligne le rôle du professeur Daniel !aucher, de la polonaise Maria 2inoRska, et plus tard de Mgr de Solages. 194. Lettres de Mme arrion à Georgette Vignaux des 5 mai 1941 et 14 mai 1941 (A!V).

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pour la cité chrétienne à LondresZ– que para¨tra le premier écrit de l’exilé, précédemment sorti aux États-0nis dans Commonweal. Stanislas !umet explique 195 : À Londres nous existions encore, sous une autre forme, grâce à Mira enenson et à son U¢le inlassable : un périodique mensuel, à Londres, parut d’abord, ࠱er de nos idées, exactement le même jour que Temps Nouveau à Lyon, le Glaive de l’esprit 6‫ڎ‬8 puis ce Volontaire qui lui succéda 6‫ڎ‬8 un peu notre succursale de Temps Présent-Temps Nouveau.

Débat avec Emmanuel Mounier Les Carnets d’Emmanuel Mounier témoignent à plusieurs reprises 196 de la tension existante entre les deux hommes. Elle se noue autour de l’opposition, bien connue 197, de Paul Vignaux à la reparution d’Esprit, arrêtée d¢s septembre. Même s’il n’en était pas avant-guerre un collaborateur régulier, il s’abstiendra de toute contribution, même sous pseudonyme. Emmanuel Mounier ne découvre sa position qu’au 10 novembre, à la suite de la réunion de la commission générale des Semaines sociales : Attitude d’opposition absolue. Il n’y a qu’à souhaiter la victoire de l’Angleterre. Dans toute autre hypoth¢se, il n’y a plus rien à faire. 6‫ڎ‬8 Ils 6Vignaux et Prélot8 nous disent : le seul fait de para¨tre nous engage dans le compromis 198.

Emmanuel Mounier note qu’il lui faut avoir une discussion directe avec ces amis qui défendent une position qu’il consid¢re comme « dangereusement abstentionniste u. Il se sent obligé de con࠱er sa position à ses Carnets : Oui, si possible succ¢s de l’Angleterre. Non, aucune compromission avec le naUisme. Mais on ne fonde pas sa présence à l’histoire sur un futur indépendant de nous, ni sur une négation.

Et de préciser sa propre attitude : 0n silence total à ce qu’on désapprouve, peser de toute sa force dans le sens de déterminations heureuses, être présent à ce qui, indi࠰érent en soi, est dans la ligne de l’histoire et survivra à tous les événements (par un régime plus autoritaire que le vieux parlementarisme) a࠱n d’éviter que cela se fasse sans nous, nous rejette de l’histoire, et le fasse peut-être de mani¢re aberrante. Se refuser, d’un mot, de livrer déjà un régime mixte, comme celui de Vichy – à qui ma position de citoyen français m’attache bon gré mal gré –, à ses déterminismes intérieurs, de désespérer en avance sur l’événement. Si les déterminismes internes ont le dessus, nous n’aurons le droit de jeter l’anath¢me, ou de nous replier dé࠱nitivement, que dans la mesure où nous aurons fait e࠰ort pour les contrecarrer. 195. S. !UMET, « Petite Histoire de Temps Nouveau u, Temps Présent 22 (19 janvier 1945). !.-L. CLOSON, « Notes au sujet du Volontaire pour la cité chrétienne u, Églises et chrétiens, t. II : La France, p. 241-243. 196. J’utilise ici les passages des « Entretiens X u et « XI u, communiqués par ernard Comte, qui prépare une édition intégrale annotée des Carnets de Mounier. 197. -. BÉDARIDA, Les armes de l’esprit, p. 31. M. WINOCK, f"PMOFQu  !BP FKQBIIB@QRBIP A>KP la cité   , Paris 1996, p. 220-222. Lettre de Mme arrion à Georgette Vignaux du 24 septembre 1940 (A!V) : « Pourquoi Paul refuse-t-il de collaborer à Esprit Zu 198. « Entretiens X u, 10 novembre 1940.

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Ces quelques phrases éclairent un premier registre de divergences avec ce que l’on sait des positions de Paul Vignaux : sa critique de la IIIe -épublique ࠱nissante, de ce « vieux parlementarisme u, est plus indulgente que celle d’Emmanuel Mounier, résigné à une longue période d’« Europe autoritaire pour avoir été trop longtemps une Europe libertaire 199 u. Cet universitaire républicain est un démocrate de cœur et de raison, partisan du régime parlementaire : sa ré࠲exion sur les totalitarismes l’a ancré dans la conviction que la défense des libertés réelles est indissociable de celle des libertés formelles et d’un État de droit démocratique. Comme le juriste Marcel Prélot, comme Daniel Villey à son retour de captivité en mars 1941 200, il est révulsé tant par les conditions de la création du régime de Vichy que par sa nature juridique. Pour lui, le ver de la collaboration est dans le fruit, ce que Montoire a évidemment con࠱rmé, et rien de bon ne peut sortir de Pétain et de son entourage, que la caution et le service masqué de l’Allemagne naUie. L’arri¢re-plan de cette divergence est le rapport à la poursuite de la guerre contre le naUisme : Vignaux met tout entier son espoir dans la dimension mondiale de la guerre et l’intervention rapide américaine pour abattre le monstre et rétablir la démocratie. Mounier estime alors la domination hitlérienne durable : comme le souligne ernard Comte, il fait une « erreur évidente d’analyse géopolitique à long terme 6‫ڎ‬8 il se trompe alors sur la suite de la guerre, sur le succ¢s du fascisme et l’avenir de l’Europe 201 u. Cette analyse d’ensemble conduit Vignaux à refuser le principe même d’une reparution, où la réputation acquise d’Esprit risque de sombrer dans les compromis, que l’un comme l’autre savent incontournables. Esprit pour lui, comme pour Daniel Villey, est un symbole : « Publier Esprit, c’est faire croire que la !rance est encore libre, et imiter la Frankfurter Zeitung qui a multiplié les concessions au pouvoir naUi pour survivre en demi-liberté et qui, en fait, a cautionné et ࠱nalement servi le syst¢me hitlérien 202. u Mounier répond qu’il veut au moins tester ce qui est possible, manifestant sa lucidité sur les risques pris et sa détermination à n’y pas succomber. -appelons que Paul Vignaux n’exclut pas la politique de présence 203, pourvu qu’elle contrecarre les projets de Vichy sur le syndicalisme, ne serait-ce que pour démontrer aux militants chrétiens qu’il n’y a rien à attendre de ce régime. 199. Citation de « Lettre de !rance u par E. MOUNIER (Cahiers protestants de Lausanne 6novembre 19408, publiée en anglais dans Commonweal 625 octobre 19408), reproduite dans Esprit (juillet 1999), p. 66. Voir l’analyse de P. LABORIE, « Esprit en 1940 : de l’usage de la défaite u, Esprit (juillet 1999), p. 44-60. . COMTE, « Mounier sous Vichy : le risque de la présence en ‫ڇ‬clandestinité publique‫ څ‬u, dans G. COQ (dir.), Emmanuel Mounier. L’actualité d’un grand témoin, t. I, Paris 2003, p. 51-92. 200. Sur D. Villey, voir P. MOUNIER-LECLERCQ, Emmanuel Mounier et sa génération. Lettres, carnets et inédits, Saint-Maur 20002 (19571), p. 297-301. Daniel Villey (1910-1968), professeur aux universités, économiste, fait partie du petit groupe des proches de Paul Vignaux avant-guerre. 201. . COMTE, "PMOFQABKLSBJ?OB š>LµQ, Paris 2004, p. 30 et 34. 202. Ibid., p. 815-816. 203. -. DUBOIS note dans son carnet les propos de Vignaux et rodier en mai 1941 qui ont « regretté qu’il n’y ait personne à Vichy pour pratiquer la politique de présence tout en restant ce qu’ils étaient u.

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Comme ne manque pas de le relever Mounier, « Vignaux ne se réfugie pas dans le Moyen Âge, comme nous 6le8 craignions, mais pense qu’il n’est qu’une action : prendre des contacts  in࠲uer d’homme à homme, neutraliser des gens en place en en faisant placer d’autres, etc‫ ڎ‬u, autrement dit noyauter et faire du lobbying aupr¢s de ceux qui peuvent se révéler des alliés dans la place ou dans le syndicalisme. De même, il n’écarte pas a priori le combat public, malgré la censure, comme en témoigne sa participation à Temps Nouveau. Ce qui est en cause, c’est la di࠰érence de projet et de ton entre les deux publications. Mounier ne veut pas abandonner le champ de la ré࠲exion intellectuelle de moyen terme sur les enjeux de la crise de civilisation, pas plus que celui de la « conversion des cœurs u et de l’ancrage du personnalisme dans la jeunesse des Chantiers de jeunesse, des Compagnons de !rance, de Jeune !rance, ou de l’école des cadres d’0riage, en jouant sur les ambigu©tés mêmes du vocabulaire de Vichy. Lucide, il rel¢ve le 20 décembre que les réticences de ses amis, ces « boudeurs u, comme Vignaux, résident dans la crainte « que des demi-vérités deviennent par le fait même des contrevérités 6‫ڎ‬8. Toutes leurs inquiétudes sont au fond de notre cœur et à la ࠲eur de notre action, sous forme de vigilance 204 u. Lors de sa visite, le 24 janvier, Paul Vignaux a fait le point sur la situation syndicale et le Manifeste des douze, et Mounier note qu’ilZ: 6‫ڎ‬8 reste rebelle, plus que jamais, à tout langage communautaire, et, sans nous reprocher de para¨tre, surtout au danger de para¨tre. Voilà ce qui vient de son individualisme indéfectible. Son pragmatisme social désire surtout qu’Esprit ne se coupe pas (de) l’audience et l’autorité qu’il avait dans certains milieux de gauche ou syndicaliste. Mais il y inclut l’opinion d’une non-valeur comme Trentin 205 ou d’un binoclard comme Guy-Grand 206, dont nous n’avons rien à faire 207.

Laissons de côté ces formules assassines et injustes d’un Mounier agacé 208, et retenons sa distance avec des références intellectuelles auxquelles tient l’universitaire toulousain Vignaux. Le point de débat évoqué ici par Mounier à propos du rapport respectif entre « communauté u et « personne-individu u a certainement été repris entre eux, de vive voix, à la suite du compte rendu critique qu’avait fait Mounier, dans la livraison d’Esprit de novembre 1940, d’un numéro des Études Carmélitaines de décembre 1939 (« Les hommes sont-ils égaux  u), où Paul Vignaux avait donné une contribution sur « Égalité et Communauté u. Sans entrer dans le détail du débat, il faut croire que des malentendus ont été levés, puisque Mounier,

204. « Entretiens XI u, 20 décembre 1940. 205. Voir plus loin paragraphe « Avec Silvio Trentin, « expert u en -ésistance u, p.Z99. 206. Georges Guy-Grand (1879-1975), directeur de l’école primaire supérieure Lavoisier, philosophe, écrivain prolixe entre les deux guerres, sur la morale, la démocratie, les philosophies nationaliste et syndicaliste. Il a participé à l’édition des œuvres de Proudhon, sous la direction de C. ouglé. 207. « Entretiens XI u, 24 janvier 1941. 208. « Mounier n’aimait pas les professeurs u, souligne Olivier Mongin, dans G. COQ (dir.), Emmanuel Mounier, p. 243.

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sensible à lever toute équivoque, se livre à une vraie mise au point dans Temps Nouveau, en février 1941 : J’agis tout entier individu et personne indissolublement unies. 6‫ڎ‬8 N’acceptons pas que l’on parle autour de nous de communauté sans demander : quelle communauté  6‫ڎ‬8 La personne n’est et ne grandit que dans et par les communautés véritables, c’est là l’a࠳rmation communautaire essentielle. Mais nous appelons communauté véritable celle qui soutient la personne au lieu de l’opprimer 209.

Comme souvent en pareil cas, au-delà de l’accord sur l’essentiel, ces points de discussion, ces incompréhensions entre les deux hommes sur la mani¢re de gérer la délicate situation de l’apr¢s-défaite, rel¢vent de di࠰érences de tempérament, de sensibilité, dans des univers d’action di࠰érents. Mounier semble percevoir davantage le Vignaux philosophe que le syndicaliste, homme d’organisation, préoccupé de la mani¢re de peser dans des rapports de force, tant nationaux qu’internationaux. ,uatre mois plus tard, Emmanuel Mounier rend visite aux groupes Esprit en Uone sud. Il commence à Toulouse, apr¢s une visite de l’école des Chantiers de jeunesse, une tournée qu’il continuera à Pau, Montpellier et Marseille. À Toulouse, la rencontre des « amis d’Esprit u, se tient au domicile d’une enseignante scienti࠱que du SGEN, probablement le 20 juin 1941. Elle est « asseU nombreuse u, rassemblant en particulier une vingtaine de personnes, réfugiés catholiques du Nord 210, jeunes enseignants du SGEN-C!TC, particuli¢rement remontés sur la politique cléricale de Jacques Chevalier, un moment ministre de l’Éducation à Vichy. Vignaux écrira : Pour la plupart, ils désapprouvaient la décision prise par le directeur de continuer la publication de la revue sous le régime de la « -évolution nationale u (et ils) exprimeront à Mounier leur vœu d’une opposition claire d’Esprit à la -évolution nationale 211.

La version de Léo Hamon, qui était aussi présent, est plus brutale : Ce fut un véritable tribunal. Chacun lui reprochait sa complaisance à l’égard d’un régime indigne. Il se justi࠱a en renvoyant ses critiques aux articles de la revue. 6‫ڎ‬8 Je fus un des rares à défendre Mounier, en me référant à une vieille th¢se socialiste sur l’usage des moyens légaux pour la propagation des idées de l’opposition la plus radicale. J’évoque ce souvenir pour marquer combien fut rapide, résolu, total, le non de ces hommes et de ces femmes 212.

Les Carnets de Mounier conservent une trace acerbe de l’événement :Z À mon groupe de Toulouse, quelques petites jeunes ࠱lles d’un gaullisme asseU frénétique, genre gauche aigrie. Je leur fais comprendre non sans peine qu’il s’agit de beaucoup plus sérieux que ces réactions d’humeur. C’est le seul lieu, cheU nos

209. E. MOUNIER, « Personne et communauté u, Temps Nouveau 10 (21 février 1941). 210. P. VIGNAUX, « Témoignage sur les réfugiés du Nord u, p. 700. 211. Témoignage de P. VIGNAUX, dans N. PANNOCHIA (éd.), Silvio Trentin, p. 198-199. 212. L. HAMON, Vivre ses choix, Paris 1991, p. 97.

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amis, où j’aie vu un petit noyau d’opposition nette à la reprise d’Esprit et ce n’était pas tr¢s fort 213.

Pas un mot sur l’attitude de Paul Vignaux dans ces deux témoignages. ÀZ laZ veille de partir pour Lisbonne, il a certainement d’autres urgences que d’y participer. Il laisse Mounier découvrir l’opinion majoritaire des participants, opinion qu’il conna¨t puisqu’il a contribué à la forger. À la sortie de la réunion des amis d’Esprit, Emmanuel Mounier est raccompagné par Mlles Cousinié et Alibert, enseignantes, cheU les Vignaux  ils seront bientôt rejoints par le jociste -aymond Dubois, de passage, qui participe à la conversation et nous en donne quelques échos : Vignaux est surtout préoccupé de liaison avec la CGT anti-béliniste et de liaison entre nous. Il nous signale qu’à son dernier comité la CGT a décidé de passer dans l’opposition. Il dit qu’actuellement pour le syndicalisme, c’est la seule position à prendre, et que pour l’Église et pour nous l’heure viendra où nous aurons à nous prononcer 6‫ڎ‬8. Mounier prétend que les groupements de jeunesse de La Porte du Theil ont fait en certains endroits du bon boulot parmi les gars. Nous abordons à ce sujet le probl¢me du cadre de vie et des réformes de structure qui ne se font pas toujours 214.

La soirée se prolongera entre Emmanuel Mounier et les Vignaux. Nous yZreviendrons. Deux mois plus tard, Darlan interdit la parution d’Esprit et de Temps Nouveau. Sans rien dissimuler de ses réserves, Paul Vignaux devait, par la suite, rendre justice à Emmanuel Mounier et à Esprit :Z Temps Nouveau, comme Esprit, a donné une consigne de ࠱délité. C’est la premi¢re, la commune vertu de la résistance française : on la retrouve cheU les syndicalistes chrétiens 6‫ڎ‬8 Ne se croyant pas solidaire de l’ancien régime, craignant « l’émigration à l’intérieur u, entrainé aussi par sa littérature communautaire, Esprit a voulu faire l’expérience de la parution : son succ¢s a été considérable dans les mouvements de jeunesse, qui lui apportaient un nouveau public. Apr¢s des débuts fort discutés dans les milieux résistants, Esprit de mois en mois devenait de plus en plus ferme, courageux, lucide : il courait à sa perte. Sans doute l’expérience a-t-elle dé࠱nitivement éclairé rédacteurs et public. Le dernier numéro opposait les communautés « qui sont à la mesure du cœur humain u aux « exaltations monstrueuses u, « humeurs du troupeau u, « ࠱¢vres nouvelles u qui séduisent certains intellectuels. « Gardons, concluait-il, devant cette lég¢reté des intellectuels le sang-froid de l’intelligence u. Il faudrait que dans l’épreuve nationale la génération d’Esprit ait acquis le sang-froid de l’intelligence politique 215.

213. « Entretiens XI u, 28 juin 1941. 214. -. DUBOIS, Le pèlerinage broyé, p. 340-341. 215. P. VIGNAUX, « Épreuve du catholicisme u, p. 494-495

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Le dernier numéro d’Esprit devait être dur pour le corporatisme. Non sans quelque confusion parfois, Esprit avait célébré la communauté, mais cette communauté, il la voulait pluraliste 216.

Plus élogieux est leur ami commun Henri-Irénée Marrou, collaborateur régulier d’Esprit, qui donna, sous son pseudonyme de Davenson, quelques comptes rendus à la revue de Mounier dans cette période 1940-1941 : Grâce à l’inintelligence totale du censeur, Mounier réussit à faire passer beaucoup de choses qui, relues aujourd’hui, n’ont plus gu¢re de sens, mais qui comprises à demi-mots donnaient à penser au lecteur complice. Esprit fut tr¢s lu, notamment dans la jeunesse, dans les camps des « Chantiers u et joua un rôle essentiel d’éducation, apparaissant comme l’organe de l’indépendance et de la résistance 217.

'alons d’une résistance Molitique À Lyon, autour de l’École normale sociale ouvrière L’attitude de résistance spirituelle, tout comme celle de résistance syndicale, ont toujours cheU Paul Vignaux une tonalité politique a࠳rmée. Comme avantguerre, c’est par la voie des échanges en formation syndicale qu’il compte forger l’esprit de résistance syndicale et politique. D¢s septembre 1940, Paul Vignaux est contacté par Louis Naillod qui prévoit, avec Joseph Hours (professeur d’histoire en khâgne), d’organiser des séances de formation pendant l’hiver 1940-1941 218. Il lui est demandé une intervention et son avis sur le programme, étant entendu que les sujets évoqués pourraient servir ensuite à toute la Uone non occupée. LaZformation syndicale est ici outil de reprise en main des militants syndicaux pour les regon࠲er et les armer en arguments vis-à-vis de leur entourage. Les sujets abordés, s’ils ont une dimension syndicale, sont plus larges. Ces journées ont chaque fois au moins soixante auditeurs 219. La premi¢re, avec une centaine de participants, fut consacrée d¢s le dimanche 10 novembre aux ré࠲exions sur « les raisons politiques de notre défaite u. Joseph Hours y montra « les manœuvres intérieures qui ont abouti en juin 1940 u, se livra à « une critique radicale du régime politique né de l’armistice u, révéla « le vrai visage du naUisme u  « cette causerie ࠱t une profonde impression 220 u. LaZdiscussion fut vive sur les comportements à adopter, sur la présence ou non dans les nouvelles institutions. C’est dans cette séance qu’eut lieu l’intervention du P¢re de Lestapis sur Vichy, d’autant plus dénoncée par Joseph otton 221 qu’il incitait en même temps à écouter -adio-Vatican. 216. ID., Traditionalisme, p. 160-161. 217. H.-I. MARROU, Crise de notre temps, p. 96-97. 218. )BQQOB AR PBMQBJ?OB (Archives municipales de Lyon, fonds de la Chronique sociale, carton ENSO 133 ii 58) et AD-, 68 AJ 3, Cahier du bureau de l’Union départementale CFDT, 8 octobre 1940. 219. Lettre de Joseph otton à Gaston Tessier du 15 février 1941 (Institut d’histoire sociale, !onds Gaston Tessier, caisse 2, dossiers de correspondances) 220. P. MOUTERDE, La résistance chrétienne, p. 50. 221. Voir supra paragraphe « À propos du cardinal Gerlier et des p¢res de l’Action populaire u, p. 79.

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Le 1er décembre, Joseph Hours analyse l’évolution de l’économie libérale et Marcel Poimboeuf fait le point sur la C!TC devant les projets gouvernementaux sur le syndicalisme. Le 19 janvier 1941, apr¢s à la messe à la mémoire du Président de la C!TC Zirnheld décédé le 29 décembre, Paul Vignaux intervient devant 70 personnes 222. Il aborde deux sujets : « Le probl¢me du syndicalisme français u et « Syndicalisme ouvrier et économie dirigée u. Cette intervention déclenche la demande d’une autre journée que se tiendra le 16 février avec Jean Lacroix sur « Patrie, Nation, État u et Henri-Irénée Marrou sur « La conscience ouvri¢re et le sentiment national u. Ce programme, conçu avec l’aide de Paul Vignaux, ne laisse aucun doute sur son orientation générale critique de Vichy. Il est signi࠱catif que lui-même ait conçu son apport autour de ré࠲exions à propos du Manifeste des Douze du 15 novembre 1940 signé de neuf dirigeants de la CGT et de trois de la C!TC, qui a été distribué et lu. Ce texte, dont Jean rodier écrivit qu’il sauva « l’honneur du syndicalisme français 223 u, était considéré par Paul Vignaux comme un « document capital u parce qu’il liait « l’attitude sociale et l’attitude nationale u, parce qu’il nourrissait le réveil et la formation d’une « conscience ouvri¢re u française, 6‫ڎ‬8 parce qu’il permettait de conduire, dans le mouvement ouvrier, la lutte spirituelle dont, à travers tout le pays, pas mal de catholiques avaient compris la nécessité depuis Compi¢gne et Montoire, la ࠱n o࠳cielle de la guerre et l’acceptation, en principe, de la collaboration avec Hitler 224.

Il est donc nécessaire d’écouter Paul Vignaux commenter certains aspects de ce Manifeste, d’autant qu’il signale :Z « Partout 6‫ڎ‬8 où le manifeste fut exposé, discuté avec quelque détail, les militants y reconnurent les lignes directrices de l’avenir 225 u. Pour traverser la tourmente, la !rance et le mouvement ouvrier ont besoin d’hommes de caract¢re, dit-il, comme le président de la C!TC « Zirnheld, qui n’a jamais faibli u et « qui a su tenir ferme la barre dans les moments les plus di࠳ciles u, signataire d’ailleurs de ce document. Trois conditions expliquent, selon lui, la rédaction de ce texte : la prise de conscience de la place qu’occupe la communauté ouvri¢re dans la communauté nationale, l’expérience des années 1936-1940 qui a démontré l’utilité d’une représentation ouvri¢re unie, la prise de conscience que l’avenir du syndicalisme est lié à l’existence de la !rance. Du Manifeste, il retient deux grands th¢mes : la ࠱délité aux principes essentiels et les vues d’avenir qu’il dessine. En fait, s’adressant aux militants C!TC, il livre sa propre analyse de la situation en janvier 1941 qui mérite d’être largement citée, tant pour sa part d’autocritique, que pour l’acuité de ses observations 226 : Il faut rester ࠱d¢le aux principes essentiels. La défaite n’est pas due seulement à l’inconséquence, à l’incompétence, au régime, à l’exercice de la liberté des 222. Archives municipales de Lyon, fonds de la Chronique sociale, carton ENSO, 133 ii 58. Des comptes rendus dactylographiés ont été rédigés. 223. Note sur le Manifeste des douze, non datée (1945), Archives C!DT, 3 H 1. 224. P. VIGNAUX, Traditionalisme, p. 123 et p. 152-153. 225. Ibid., p. 130. 226. Nous mettons en italique les passages à notre sens importants.

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citoyens, mal entendue, le mal est plus profond : c’est une crise générale de la société française, reliée à une crise générale de la conscience européenne. Le mouvement ouvrier, qui se présentait comme une force d’opposition au capitalisme, a été emporté avec lui. Ce mouvement qui aurait dû être une puissance de renouvellement, ne nourrissait plus cheU ses militants le sens de l’héro©sme et de l’innovation. Il a été incapable de porter rem¢de aux maux qu’il a si largement dénoncés, parce qu’il s’était profondément embourgeoisé. 6‫ڎ‬8 Nous avons vécu en marge des problèmes réels, qui se posaient au pays réel, un peu comme si nous avions le temps de résoudre les problèmes temporels qui se posaient à nous. Conséquence : le syndicalisme chrétien a été incapable de jouer dans la !rance de 1939 un rôle décisif. Nous nous sommes battus sur le terrain idéologique en oubliant que les événements marchaient et que les conditions de vie se modi࠱aient. Nous vivions hantés par cette vieille querelle de la lutte des classes, se résolvant pour la CGT par l’action directe sur le patronat, pour la C!TC dans l’idée de collaboration, où la solution du probl¢me incombait aux professionnels : le problème social se trouvait ainsi réduit à un problème en deux termes : le patronat et les travailleurs organisés. Mais il s’est trouvé qu’un troisième terme avait surgi, plein d’appétit, et menaçait de manger les deux autres. Les travailleurs dorénavant dépendent du patron plus l’État. 6‫ڎ‬8 Nous n’avons pas su inventer les nouvelles formules qui auraient pu leur être opposées. Nous devons à présent voir les problèmes d’ensemble, c’est-à-dire envisager les problèmes tels qu’ils se posent à l’ensemble des travailleurs, dans l’ensemble de la Nation et non pas seulement à notre clientèle et aux catholiques. Nous devons même atteindre à un certain souci de présentation de ces probl¢mes a࠱n qu’ils deviennent acceptables par tous, même ceux qui ne sont pas de notre esprit et de notre foi. 6‫ڎ‬8 La lutte pour l’indépendance personnelle n’a pas disparu. Elle doit être menée dans des circonstances nouvelles. Dans la mesure où l’économie tend à devenir plus autoritaire, notre e࠰ort doit tendre à créer une force d’équilibre, de compensation, de mani¢re à ce que l’indépendance des travailleurs ne soit pas étou࠰ée. Et dans cette lutte les chrétiens sont nécessaires parce qu’il n’y a pas d’hommes qui aient plus qu’eux le sens de la dignité éternelle de l’homme. C’est pourquoi, nous devons aborder les temps nouveaux, si di࠳ciles qu’ils soient, avec ces deux idées : poser des problèmes d’ensemble, poser les problèmes nationaux 227

Il reprendra, dans un second cours que nous résumons ci-dessous, des ré࠲exions analogues à propos de la phrase du Manifeste : « Au régime capitaliste doit succéder un régime d’économie dirigée au service de la collectivité. u Ce th¢me était déjà présent dans ses articles sur l’économie de guerre avant la défaite. Dans un long exposé, il s’e࠰orce de clari࠱er la distinction entre le fonctionnement concret du capitalisme, aux décisions décentralisées d’entreprises, où la force ouvri¢re, grâce à la gr¢ve, impose un certain équilibre, et celui d’une économie dirigée. Il la dé࠱nit comme commandée par un centre, 227. Archives municipales de Lyon, fonds de la Chronique sociale, 133 ii 58. Compte rendu du cours de Paul Vignaux en quatre pages.

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l’État, des cadres et une économie plus ou moins autoritaire, où les professions tendent naturellement à assurer la discipline ouvri¢re pour réaliser le plan. S’appuyant sur les exemples italien et allemand, sur celui de l’0-SS, il conclut qu’on aboutit inévitablement à « un syndicalisme d’État dénué de toute autonomie u. Ce qu’il convient, pour lui, de rejeter. D’où la di࠳culté, selon lui, de l’objectif ࠱xé par le Manifeste qui n’a jamais été réalisé nulle part : « Comment faire coexister une économie dirigée et un syndicalisme libre  u La préservation du sentiment de la solidarité ouvri¢re au-delà de chaque métier et de chaque secteur professionnel suppose précisément des confédérations, capables de vues d’ensemble de politique générale, dans une intervention autonome, aussi indépendante que possible de celle des partis. Ainsi, elles p¢seront dans des phases d’élaboration des objectifs du plan, comme dans le suivi de leur mise en œuvre et le respect des conventions collectives associées. S’adapter à ces enjeux, est pour les organisations syndicales, «Z6‫ڎ‬8 question de vie ou de mort 6‫ڎ‬8. Il y a une nécessité pour le mouvement ouvrier, s’il veut vivre, et garder le sens de la solidarité ouvri¢re, de se placer du point de vue national, en face de probl¢mes non politiques, mais nationaux, 6‫ڎ‬8Zu, sinon le syndicalisme sera absorbé par un syst¢me incompatible avec l’exercice de la liberté syndicale : « Oui, il faut un syndicat libre dans la profession organisée et dans l’État souverain. u L’intérêt de ces ré࠲exions est de révéler que Paul Vignaux s’e࠰orce, d¢s cette période, de relier le combat politique pour la liberté syndicale à son exercice, au béné࠱ce d’objectifs liés à l’intérêt général de la nation, que le mouvement ouvrier doit impérativement être capable de dé࠱nir dans un esprit de solidarité ouvri¢re. Il s’agit de s’engager dans la lutte pour la libération de la !rance de l’occupant naUi, pour le rétablissement de la démocratie et pour un programme de reconstruction. Il rel¢vera, quelques mois plus tard, que le Manifeste constitue en e࠰et 6‫ڎ‬8 une défense des principes de démocratie (égalité, liberté, dignité et autonomie individuelle‫ )ڎ‬ce qui est extrêmement remarquable à l’époque où il a été écrit, où l’opposition démocratique paraissait e࠰ondrée 228.

Dans la droite ligne de ces options se situe le rôle de Paul Vignaux, di࠰useur du premier manifeste résistant lyonnais : En décembre 1940, venu cheU Naillod à Villeurbanne, je reçus de otton un manifeste dont Hours était l’un des auteurs, dénonçant Vichy comme « rivé à la nécessité de maintenir la domination allemande u et demandant à « la !rance Libre de prendre sur tous les terrains la cause de la nation u. Ayant remis ce texte à l’antifasciste italien Silvio Trentin, libraire à Toulouse, j’eus la joie quelques mois plus tard de constater qu’il avait atteint Londres où il était publié 229. 228. Note de Paul Vignaux non signée intitulée « Observations complémentaires u, 18 octobre 1941, p. 1 (C!DT, 3 H 1). 229. P. VIGNAUX, « Pour comprendre les débuts u, p. 134  témoignage de P. VIGNAUX, dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 199. P. VIGNAUX, sous le nom de J. -OCHELLE, « Épreuve du catholicisme u, p. 497, précise que le texte a été fait « peu apr¢s le 13 décembre 1940 u, date du renvoi de Laval. Joseph otton (transcription de son intervieR, A!V) indique que la transmission à Londres se serait faite par l’intermédiaire d’Albert Guigui (responsable CGT à Toulouse) et de la

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Joseph Hours, déjà rencontré comme enseignant de l’ENSO de la C!TC lyonnaise, « démocrate chrétien, jacobin et gallican 230 u, opposant immédiat et radical au régime de Vichy, même s’il dit « n’avoir jamais appartenu en vertu d’un engagement précis à aucun mouvement dé࠱ni 231 u, est un personnage-clé de la résistance lyonnaise, en particulier dans les milieux chrétiens qu’il guide par ses analyses de l’actualité. Il a tenu la plume de cette « Adresse aux hommes libres u, dont l’histoire a été faite par Laurent DouUou et Dominique Veillon 232, dans les prémices du mouvement !ranc-Tireur. La version du texte publiée par cette derni¢re est datée du 6 mars 1941, alors que celle transmise par la C au C-A l’est du 24 février, donc plus tard que dans le souvenir de Paul Vignaux. Les deux documents sont tr¢s proches, avec quelques minimes variantes de forme. Sauf sur un point, les proclamations ࠱nales : le texte de la C comprend, apr¢s « Vive la !rance ! Vive la Liberté ! u, un ajout : « Vive l’E0-OPE !ÉDÉ-ÉE ! u. C’est cette derni¢re version qui est e࠰ectivement publiée à Londres dans le journal France, liberté, égalité, fraternité 233 sous le titre « 0n document qui vient de !rance. Appel aux esprits libres u, avec le remplacement systématique de «Z lyonnais u par « français u. Le même texte, est publié un mois plus tard par )B࢙$I>FSBABI‫ټ‬BPMOFQ 234, sous le titre « Voix de !rance u et présenté comme « apporté par un ami catholique, arrivé de !rance u, qui pourrait bien être Joseph otton, en࠱n parvenu à Londres. ,ue Paul Vignaux ait transmis ce texte qui circule à Lyon montre qu’il partage, comme Joseph otton, le sentiment commun à l’égard de la !rance Libre. Il rappellera plus tard : « L’appel du général deZGaulle a rendu l’espoir. Cet appel faisait que la lutte qui débutait était aux dimensions du monde 235 u. En accord avec la volonté de lutte militaire du général deZGaulle, il est réservé sur les ambitions politiques et les tendances nationalistes et dictatoriales qu’il prête à l’homme de Londres, d’où son approbation de l’appel à une Convention nationale, comme de la perspective d’une Europe fédérée. Encore que cette derni¢re a࠳rmation politique pourrait bien être un ajout dû à l’initiative de Silvio Trentin lors de l’opération de transmission toulousaine : ce serait plus Suisse. Silvio Trentin se serait donc servi du syst¢me de communication de Pierre -obert, utilisé ultérieurement par -obert Lacoste à Thonon (voir plus loin paragraphe « 0ltimes visites u, p. 113). 230. Ch. D’ARAGON, La résistance sans héroïsme, p. 55-56. iographie de J. Hours par . COMTE, dans C. PENNETIER (dir.), Dictionnaire biographique Mouvement ouvrier Mouvement social  ), Paris 2010, t. VI, p. 348-349. 231. Archives départementales du -hône, fonds Marcel -uby, 31J 1/32, déposition du professeur Hours. 232. L. DOUZOU, D. VEILLON, « La résistance des mouvements : ses débuts dans la région lyonnaise (1940-1942) u, dans J. M. GUILLON, P. LABORIE (dir.) Mémoire et Histoire, p. 154 et D. VEILLON, Le Franc-Tireur : un journal clandestin, RK JLRSBJBKQ AB /£PFPQ>K@B  , Paris 1977, p. 49-50. L’adresse aux Français Libres est publiée p. 388-390, dans une version datée du 6 mars 1941, issue d’A. Pinton et d’E. Péju et qui serait parvenue à destination grâce à Tony Pavel, un ami suisse de Noël Clavier. 0ne version datée du 20 février 1941 arrivée à la C est transmise le 31 mai au C-A (Archives nationales, C-A 3 AG2/332). 233. France, liberté, égalité, fraternité 239 (3 juin 1941). 234. $I>FSBABI‫ټ‬BPMOFQ8 (28 juillet 1941) sur toute la premi¢re page. Il est d’ailleurs mentionné par P. VIGNAUX « The !rench catholic conscience u, p. 561. 235. « Notes de la conférence mai 1944 u, p. 3-4. (A!V)

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conforme à ses préoccupations, qui seront bientôt celles du mouvement Libérer et !édérer, qu’à celles de Joseph Hours. Cet ajout avait aussi l’avantage de pouvoir véri࠱er que c’était bien cet exemplaire qui était arrivé à la C. De Montpellier à la Savoie en passant par Marseille : avec Henri-Irénée Marrou et Liberté Henri-Irénée Marrou habite Marseille et enseigne à Montpellier en 1940-1941, pas bien loin de Toulouse où réside Paul Vignaux 236. Depuis l’ENS, les liens d’une solide amitié et complicité intellectuelle unissent ces deux personnalités si di࠰érentes  la seconde est plus engagée dans l’action collective, la premi¢re plus réservée, mais pas moins ferme dans ses engagements, conservant un jardin secret qu’on peut quali࠱er de mystique. De leurs relations dans cette année 1940-1941, nous ne savons pas grand’chose : elles ont été surtout orales, Vignaux pro࠱tant de ses déplacements pour faire halte à Montpellier 237 ou à Marseille, voire à Lyon, où Marrou sera nommé à la rentrée universitaire 1941. Dans leurs témoignages sur cette période, l’un et l’autre restent silencieux : leurs relations amicales anciennes et leur communauté de vues sur la situation rel¢vent de ces évidences que l’on ne mentionne pas. Seul Marrou, dans les quelques pages datées du 15 août 1944 qu’il consacrera à son « attitude politique de 40 à 44 238 u exprime la convergence d’analyse des deux amis, ne serait-ce que par son évocation de « Paul 239 u, seul mentionné avec Jean Laloy 240. S’y a࠳rme leur commun refus de l’armistice, de Vichy, de toute collaboration. Ce qui n’empêche pas des comportements di࠰érents. Par exemple, à propos d’Esprit et d’Emmanuel Mounier, dont Henri-Irénée Marrou est tr¢s proche, devenant parrain de sa ࠱lle à l’été 1941. Tous deux refuseront les o࠰res de passer aux États-0nis qui leur avaient été aussi faites, Marrou explicitant ainsi sa positionZ: « Au fond nous avons toujours cru que notre rôle était de combattre sur le front intérieur : front de résistance spirituelle à l’hitlérisme – pour ne pas rendre la victoire militaire inutile ou tragiquement illégitime. u Pourtant, chacun avec ses convictions et son tempérament, Vignaux et Marrou se savent en communauté de pensée et de lutte, au-delà des di࠰érences de modalités. ,uelques rares indices subsistent de leur complicité d’action en cette période. Henri-Irénée Marrou assurera une présence active aupr¢s de la Chronique sociale et de la C!TC à Lyon. Aupr¢s des militants syndicalistes chrétiens lyonnais, succédant à Paul Vignaux le 16 février 1941, il fera un exposé sur 236. Voir dans le Bulletin des amis d’Henri-Irénée Marrou, ma contribution « Henri-Irénée Marrou entraperçu lors d’une recherche sur son ami Vignaux en 1940-1941 u (à para¨tre), dont je reprends ici quelques passages et des citations des textes qui l’accompagnent. 237. 0ne lettre de Paul Vignaux à Georgette Vignaux du 16 mars 1941 prévoit un rendeU-vous avec Marrou à Montpellier (A!V). 238. H.-I. MARROU, Carnets posthumes, Paris 2006, « Carnets XI à l’envers, 4 u, p. 467-471. 239. Elle m’a permis d’identi࠱er Paul Vignaux sous le pseudonyme de Herbert Morris (voir supra p.Z68) 240. Jean Laloy, diplomate, ami de dix ans de Marrou et de Vignaux, collaborateur d’Esprit, est alors consul suppléant à Gen¢ve, disposant de la valise diplomatique  il y rendit de multiples services aux résistants et aux juifs persécutés.

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« La conscience ouvri¢re et le sentiment national u. Il y développe la même con࠱ance en un patriotisme ouvrier ouvert aux autres et au monde : « L’avenir du syndicalisme est lié à l’existence de la !rance u et à la force que constitue le mouvement ouvrier. « On ne fera pas une !rance contre les ouvriers, sans les ouvriers. Il faut qu’ils aient leur place dans l’œuvre de reconstruction nationale u, a࠳rme H.-I. Marrou 241. Cet engagement se poursuivra dans les sessions mensuelles et d’été de formation de la C!TC les années suivantes. Les deux amis se sont retrouvés aux vacances de NoëlZ1940. 0ne lettre de la belle-m¢re de Paul Vignaux à sa ࠱lle évoque une visite de Marrou et de Vignaux à Chambéry le 4 janvier 1941 242 :Z« Nous sommes abondamment environnés de neige et je voudrais bien savoir que Paul et Marrou ont pu rentrer pr¢s de toi sans retard et incident u. Ils ont pro࠱té des congés, pour e࠰ectuer un périple qui, à cette époque, ne devait pas être totalement innocent : Vignaux étant ࠱n décembre à Lyon, il est plausible qu’il ait rejoint Marrou à son chalet d’Allevard. De là, ils ont pu aller voir de Menthon à Annecy. Sur la route du retour, ils s’arrêtent à Chambéry. Ils ne s’y sont certainement pas contentés de voir Madame arrion : ils ont rencontré les militants et responsables C!TC, connus de Vignaux, autour de Lucien -ose qui avait créé d¢s septembre 1940 le « coll¢ge syndical de formation ouvri¢re u à Chambéry, comme « couverture d’une action résistante u et qui sera ultérieurement un leader majeur de la -ésistance départementale 243. Dans la maison même où loge Madame arrion, résidait d’ailleurs l’architecte EdRin Stephens 244, qui, écrit-elle, « pense comme nous u. !utur responsable militaire de Franc-Tireur en Savoie, en relations avec l’Intelligence Service 245, il intervenait dans les formations C!TC. Ces militants di࠰usent alors Liberté de Menthon et les premiers bulletins d’informations de Henri !renay, qui deviendront les Petites Ailes. Coll¢gue de Pierre-Henri Teitgen à Montpellier, Marrou participera aussi à la distribution de Liberté 246 et de la Voix du Vatican. Joseph otton évoque les envois de Marrou par la poste à Naillod, lequel répercutait sur Morin de Montchanin 247. Lors de ses déplacements lyonnais, Paul Vignaux en rapporte des exemplaires. N’est-ce pas lui qui adressera début 1941, Marcel Vanhove à PierreHenri Teitgen pour prendre en charge la di࠰usion de Liberté sur Toulouse 248  CeZ que con࠱rme Pierre Mouterde 249, citant les Souvenirs de Marcel Vanhove – texte aujourd’hui disparu 250Z: 241. Compte rendu de l’exposé de Marrou (Archives municipale de Lyon, fonds de la Chronique sociale, 132 ii 58). 242. A!V. 243. Secrétaire de l’union départementale C!TC, et du syndicat des cheminots. Archives départementales de Savoie, !onds Lucien -ose, 10 J 11 et 10 J 7. 244. Il a épousé la ࠱lle du recteur Charléty de l’université de Strasbourg. 245. Il s’agit du réseau franco-polonais !2 (D. VEILLON, Le Franc-Tireur, p. 62.) 246. P. RICHÉ, Henri-Irénée Marrou, historien engagé, Paris 2003, p. 64. Liste de di࠰useurs de Liberté (Archives départementales de Haute-Savoie, fonds de Menthon, 135 J 58). 247. Transcription de l’intervieR de J. otton (A!V). 248. Liste de di࠰useurs (Archives départementales de Haute-Savoie, fonds de Menthon, 135 JZ58). 249. P. MOUTERDE, La résistance chrétienne, p. 21. 250. 4 compris des papiers de la famille de Marcel Vanhove.

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Vignaux avant de partir pour Londres (sic) avait mis en contact un certain nombre de chefs syndicalistes avec Teitgen et de Menthon qui avaient lancé d¢s octobre 1940 le mouvement et le journal Liberté. À Toulouse et dans les départements limitrophes, les militants C!TC avaient participé activement à ce mouvement.

Marcel Vanhove 251 en organise en e࠰et sur Toulouse la di࠰usion en « cha¨nes u par « milieux u avec l’aide de Schirmer 252, en s’appuyant sur le réseau des amis de Temps Nouveau jusqu’en octobre 1941, époque où « ilZpassera la main à une personnalité plus toulousaine, le docteur Parant, membre de la commission générale des Semaines sociales 253 u. Cette organisation recoupe en partie le groupe toulousain « Liberté-Égalité-!raternité u, di࠰useur de tracts « LE! u qui, autour du colonel onneau, rassemble l’architecte diocésain Augustin Callebat et le comptable C!TC Achille Teste. SB@0FISFL1OBKQFK fBUMBOQuBKO£PFPQ>K@B Parce qu’il est universitaire, Paul Vignaux est inséré dans les milieux intellectuels la©ques. Il rencontre le recteur Deltheil, le doyen Dottin, voit ses coll¢gues philosophes de la faculté des lettres comme en témoigne Vladimir Jankélévitch : « Il y a ici Vignaux, que j’ai revu avec plaisir et à qui on a déconseillé de reprendre ses fonctions aux Hautes Études. Il restera à la !ac de Toulouse jusqu’à la ࠱n de la guerre. Nous nous voyons beaucoup, Canguilhem, lui et moi 254. u Tous fréquentent Silvio Trentin, ancien professeur de droit et député italien antifasciste exilé, installé comme libraire rue du Languedoc 255 : « C’était cheU Trentin que se réunissaient les membres de l’enseignement supérieur décidés à la -ésistance u a dit le doyen Dottin 256. Cette personnalité « a inspiré à ses amis français la décision de résistance 6‫ڎ‬8. De mod¢le, Trentin est devenu pour nous un expert u, écrit Georges Canguilhem 257. La librairie de la rue du Languedoc, proche du domicile de Paul Vignaux rue OUenne, est en e࠰et un lieu exceptionnel de rencontre de tout ce qui est en dissidence sur Toulouse. Paul Vignaux ne manquera pas de dire ce qu’il lui doit : Cette convergence entre esprits si divers, intellectuellement constitutive de la -ésistance, se découvrait rue du Languedoc, au lieu d’échanges qu’avait créé un homme du droit, à la fois grand libéral et militant révolutionnaire. 6‫ڎ‬8 Mon

251. Voir son portrait par P. DUMAS, dans Saint-Jean terroriste, p. 33 et dans le mémoire d’4ves Périssé (Archives municipales de Toulouse, fonds Latapie, 22 Z 3/45). 252. Métallurgiste C!TC, adjoint d’Etcheverlepo. Il succédera à Jean rodier à la ࠱n de l’Occupation, Etcheverlepo ayant été assassiné par la Milice dans la nuit du 1er au 2 juin 1944. 253. J. DUQUESNE, Les catholiques sous l’Occupation, Paris 1966, p. 145. H. NOGUERES, Histoire de la Résistance en France, Paris 1981, t. I, p. 202. 254. V. JANKÉLÉVITCH, Une vie en toutes lettres. Lettres à Louis Beauduc, Paris 1955, lettre du 7 décembre 1940. 255. Voir P. ARRIGHI, Silvio Trentin. Un Européen en résistance, , Portet-sur-Garonne 2007, 432 p. et le témoignage de Paul VIGNAUX dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 197-200. 256. Archives départementales de Haute-Garonne, fonds Latapie, 16 J 25. 257. Témoignage de Georges Canguilhem, dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 176-178.

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rapport à cette librairie ne m’ouvrait pas seulement un nouvel horiUon sur l’antifascisme italien  il m’aida immédiatement d¢s que je commençai mes cours dans la découverte de Toulouse en novembre 40 6‫ڎ‬8 6à identi࠱er8 des points de résistance, virtuellement peut-être des foyers. À notre ࠱délité à la Nation et à la -épublique, cet antifasciste qui depuis des années combattait en retraite apporta la force de son expérience, de sa culture, de son humanisme, en termes philosophiques, d’une indomptable « foi de raison uZ6‫ڎ‬8. Au plan pratique du combat, je dus à sa con࠱ance de savoir quelque chose de sa capacité d’information militaire sur la Uone occupée 258.

Vignaux a en e࠰et vu cheU lui des photos de cuirassés de poche allemands dans le port de rest 259. Il a ainsi constaté qu’il pouvait transmettre des informations à Londres. Il souligne donc « l’e࠳cacité des relations qu’il procura 260 u. ,ui pouvait-il rencontrer devant les rayonnages de la librairie ou dans l’appartement privé, accueilli par « la chevelure blonde de la belle MadameZ Trentin 261 u, où l’on était « entre nous u, parlant à cœur ouvert 262  D’abord, nombre d’exilés italiens, espagnols, allemands. Ensuite, pratiquement tous les acteurs dont les noms évoquent, sous des modalités diverses, des foyers de l’esprit de résistance toulousain. Outre Ma¨tre Périssé et les militants des milieux chrétiens, Pierre ertaux et nombre d’universitaires, parmi lesquels les professeurs de médecine Camille Soula –Z ami de Léon lum et de Vincent AuriolZ–, ugnard et Ducuing, Georges !riedmann, Julien !orgues et ses relations en milieu CGT, les socialistes André 2eil-Curiel, Jules Moch, Paul Descours et Achille Auban 263, le président Grunebaum-allin 264, Gilbert Zaksas 265, Alice Herland et son fr¢re l’avocat Gabriel Marty 266, André Hauriou 267, Henri Dupeyroux 268, Louis !. Vaquer et ceux de LE!, l’avocat des 258. Témoignage de Paul Vignaux, ibid., p. 198-200. 259. Archives départementales du Nord, fonds Madeleine Singer, J 1471 (3). Notes sur un entretien avec Paul Vignaux du 23 décembre 1983. 260. Témoignage de Paul VIGNAUX, dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 200. 261. Témoignage d’Antoine Prost sur ce souvenir qu’évoquait Paul Vignaux. 262. Témoignage d’Alice Herland, dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 183. 263. Achille Auban (1912-1973), actif militant des Jeunesses socialistes, chef de service à la mairie de Toulouse, tr¢s proche de Silvio Trentin qui est témoin à son mariage. Témoignage du 13 avril 1972 (Archives départementales de Haute-Garonne, fonds Latapie, 16 J 223). J. ESTÈBE, 1LRILRPB , Paris 1996, p. 82-83. 264. Paul Grunebaum-allin (1871-1969), réfugié à Toulouse, président de section au Conseil d’État, ami de Léon lum, a participé à l’élaboration des lois sociales du !ront populaire et au droit de la propriété intellectuelle. Sa femme, ࠱lle du lieutenant-colonel Mayer, aux idées sur l’arme blindée convergentes avec celles du général de Gaulle, est secrétaire générale du mouvement la©que des auberges de jeunesse. 265. Gilbert Zaksas (1910-1978), né en Lituanie a fait son droit à Toulouse, où il est collaborateur de l’avocat Gabriel Marty  proche d’Achille Auban, il sera responsable du réseau AlphonsePimento et du mouvement Libérer et !édérer, puis député à la premi¢re Assemblée constituante. 266. Gabriel Marty (1905-1973), avocat et professeur de droit civil à Toulouse depuis 1935. 267. !ils du grand juriste toulousain Maurice Hauriou, auquel Paul Vignaux fera référence pour sa ré࠲exion sur les rapports de l’État et de la société, André Hauriou (1897-1973), professeur de droit constitutionnel, futur chef du mouvement de résistance Combat, puis sénateur socialiste. 268. Henri Dupeyroux (1899-1942), professeur de droit administratif à Toulouse s’intéressant aux probl¢mes sociaux.

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maires communistes Léo Hamon, leZsocialiste Henri Docquiert 269, l’aristocrate chrétien Charles d’Aragon, etc. 0ne partie d’entre eux devait se retrouver, plus tard, dans le mouvement « Libérer et !édérer u autour de son journal. Il ne reste que bien peu de traces de ces relations, même au ࠱l des souvenirs publiés. AuZhasard d’une lettre de 1950, Paul Vignaux évoque pourtantZ: 6‫ڎ‬8 le souvenir de l’entretien que nous eûmes à Toulouse, au printemps de 1941, cheU Mgr runo de Solages, avec quelques amis, dont Silvio Trentin. Je ne me souviens pas s’il y avait aussi, ce soir-ci, notre ami commun Pierre ertaux 270.

Avec Boris Vildé à Toulouse Autour du responsable des jeunes socialistes, Achille Auban, se tiennent des réunions d’opposants à Vichy  d¢s juillet 1940, avec Camille Soula, Paul Descours, Julien !orgues  ultérieurement au domicile de Mme Auban, sa m¢re, 10Zrue Soult, avec les mêmes, plus Trentin, Vignaux et Canguilhem. Paul Vignaux est donc intégré à un groupe à la tonalité socialiste, qui s’élargira à Georges !riedmann, puis à Jean Cassou. L’avocat André 2eil-Curiel, lorsqu’il décrit ses contacts en vue d’élaborer un réseau de résistance en liaison avec celui du musée de l’Homme, cite les noms de SuUanne uisson et de responsables CGT comme Neumeyer, !orgues, VivierMerle, Périer, Ceccaldi, !erry-Pisani et -obert Lacoste. C’est ce dernier qui lui indique le nom du « syndicaliste chrétien Vignaud (sic) 271 u. Ce qui indique à la fois la solidité des relations de Vignaux avec -obert Lacoste 272 et l’image de résistant qu’il donnait dans le milieu CGT proche de Jouhaux à la ࠱n de 1940. Apr¢s un voyage à Paris de Georges !riedmann, qui a contacté ses amis du musée de l’Homme, oris Vildé s’intéresse à la Uone non occupée. Il vient à Toulouse en février-mars 1941 pour y constituer une ࠱liale toulousaine du réseau parisien. Pendant ce séjour, oris Vildé a des contacts avec la librairie Trentin et Pierre ertaux, avec Louis !. Vaquer, le colonel onneau et !ernand Lef¢vre, avec Léo Hamon 273. Mais la réunion la plus connue est celle qui se réalise par l’intermédiaire de Camille Soula 274 et de Georges !riedmann, une rencontre constitutive au quartier Saint-Cyprien. Autour de Vildé et de !riedmann, on trouve les membres du « groupe Auban u : Achille Auban, 269. Henri Docquiert (1919-2000), connu pour son livre Églantine et vert de gris (Paris 1970), ma¨tre d’internat au lycée de garçons de Toulouse, él¢ve du professeur de littérature -aymond Naves  il participe avec ce dernier à la création à Toulouse du comité d’action socialiste le 21Zjuin 1941 et sera son secrétaire dans ses activités de résistance toulousaine. 270. ADN, Archives Madeleine Singer, J 1471 (4), lettre du 1er juin 1950 de Paul Vignaux à Jules Moch. 271. A. 2EIL-CURIEL, Le Temps de la Honte, t. II, Paris 1946, p. 231. 272. Secrétaire de la !édération des fonctionnaires CGT, il est en relations avec Paul Vignaux, vice-président des fonctionnaires C!TC avant-guerre. Ils contribuent avec Georges Lefranc aux Nouveaux Cahiers 52 (1er décembre 1939), p. 6-10. 273. P. ERTAUX, Mémoires interrompus, p. 15  L. !. VAQUER, « La -ésistance de la premi¢re heure : !ernand Lefebvre u,/£PFPQ>K@B/ 9 (septembre 1979), p. 24  L. HAMON, Vivre ses choix, p. 95. 274. Mentionné par Daniel Latapie (Archives municipales de Toulouse, 22 Z 3/2).

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Descours, !orgues, Trentin, Canguilhem et Vignaux. Les présences de Soula et de Camille Laurent dit « Pato u sont incertaines 275. Au cours du d¨ner, selon Georges !riedmann 276, oris Vildé, 6‫ڎ‬8 tr¢s émouvant, cassant et maladroit 6‫ڎ‬8 demande de but en blanc un serment d’allégeance au général de Gaulle. ,uelques-uns sont pris à « rebrousse-poil u par cette exigence, les uns parce que, comme beaucoup de !rançais, ils se dé࠱ent d’un général, les autres comme Vigneaux (sic) parce qu’ils redoutent de trop s’engager.

Le paragraphe consacré à Vignaux par son condisciple normalien dans son témoignage date, il faut le souligner, de 1946. Il transforme la divergence politique du moment en manque de courage, dans un portrait peu tendre pour l’exilé américain : En࠱n un dernier personnage plus contesté, sans doute peu courageux, Paul Vigneaux 6sic8, syndiqué chrétien, « poulain de Gilson u, aujourd’hui directeur des Hautes Études, qui quitte le groupe de façon un peu précipitée quelques mois plus tard, apr¢s s’être fait appeler par Maritain pour enseigner en Amérique au coll¢ge catholique de Notre-Dame. Il devient aux États-0nis un des principaux conseillers du département d’État et son attitude anti-gaulliste a été sév¢rement jugée.

Cette présentation acerbe cautionnée par un résistant de l’intérieur, perdurera : le secrétaire de la Commission d’histoire de la Seconde Guerre mondiale de Haute-Garonne, Daniel Latapie, reproduira telles quelles ces appréciations dans sa synth¢se sur le réseau ertaux, qu’il soumettra à la relecture de Pierre ertaux. Or ce dernier corrigera l’expression « plus contestée u, par « parfois contestée u, et supprimera le quali࠱catif de « départ un peu précipité u, ce qui con࠱rme, s’il en était besoin, que Pierre ertaux était, lui, parfaitement au courant des intentions profondes de Vignaux 277. En fait, Vignaux reste sur son quant-à-soi et réagit sur l’allégeance demandée à de Gaulle 278  il émet ainsi une réserve politique durable. Comme en témoigne 4ves Périssé 279 : « Vignaux, d’esprit résistant, n’était pas gaulliste. Il ne faisait aucune con࠱ance à ‫ڄ‬l’Oncle Charles‫څ‬, ainsi qu’il l’a écrit à certains de ses amis toulousains durant son séjour en Amérique. u Il n’est pas le seul : Trentin 275. Non cités par Georges !riedmann, alors qu’Auban, dans un entretien du 13 avril 1972 avec Daniel Latapie (Archives départementales de Haute-Garonne, fonds Latapie, 16 J 223) les donne comme présents. 276. Témoignage de Georges !riedmann des 21 mars et 15 avril 1946, repris dans P. GRÉMION, !. PIOTET, Georges Friedmann. Un sociologue dans le siècle   , Paris 2004. p. 83-89. 277. Texte avec corrections manuscrites de Pierre ertaux (Archives départementales de Haute-Garonne, fonds Latapie, 16 J 301). 278. J. LANC, dans son beau livre Au commencement de la Résistance. Du côté du musée de I‫ٽ‬%LJJB , Paris 2010, écrit (p. 367), à propos du rapport du réseau à de Gaulle : « La communion de sentiments ne vaut pas allégeance u, sans s’arrêter au témoignage explicite de !riedman sur les propos de Vildé. Sur ce point Cassou, réagissant lui aussi sur le texte de Latapie (Archives municipales de Toulouse, 22 Z 5/1), fait part de son doute et se promet de véri࠱er ce point aupr¢s de !riedmann, sans que nous sachions ce qu’il en est advenu. 279. Archives départementales de Haute-Garonne, fonds Latapie, 16 J 52, observations d’4ves Périssé sur le texte de Daniel Latapie, p. 78.

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exprime son accord « quoiqu’avec plus de réticence u –Z ce que !riedmann attribue au caract¢re « asseU personnel u d’un homme qui aimait « faire ࠱gure de chef uZ – propos que Pierre ertaux supprimera de la version de Daniel Latapie, de même qu’il précisera que Trentin, « tr¢s respectable et courageux, proudhonien u était « inspirateur du mouvement antifasciste ‫ڄ‬GiustiUia e Libertà‫ څ‬u. En fait, sur le fond, Silvio Trentin pense comme Vignaux et refuse toute tutelle politique, ce qui sera d’ailleurs une caractéristique du mouvement Libérer et !édérer plus tard 280. Au total, seuls Auban, Descours 281, !orgues et !riedmann s’engageront aupr¢s de Vildé pour une action de di࠰usion de son journal Résistance sur Toulouse. La mise en œuvre de cette « antenne 282 u fut vite interrompue par l’arrestation de Vildé ࠱n mars 1941. Leurs initiatives ultérieures, connues comme celles des Quatre Anabaptistes, avant d’être de facto intégrées au réseau de Pierre ertaux, associ¢rent un ami de Descours, Camille Laurent, surnommé Pato, « curieux homme, ouvrier franc-maçon, d’un grand courage, qui avait de prodigieuses relations dans les usines 283 u, puis Jean Cassou, en avril, apr¢s le démant¢lement du réseau parisien du musée de l’Homme. Avec Pierre Bertaux Pierre ertaux, dont nous avons déjà vu la proximité avec Paul Vignaux, s’est engagé d¢s décembre 1940 dans l’activité de renseignements avec -ené Sanson, jeune avocat parisien 284, rencontré au proc¢s Viénot, où Pierre ertaux avait tenu à venir témoigner. Il transmet à Londres des informations sur les troupes allemandes. Apr¢s l’arrestation de Sanson à l’été 1941, ertaux continuera à envoyer des renseignements grâce à Silvio Trentin. Or Pierre ertaux, dans ses Mémoires interrompus, note : Par l’intermédiaire de mon camarade Vignaux, syndicaliste chrétien, généreux et intelligent, j’avais rencontré à Toulouse un réfugié de Dunkerque, catholique, patriote passionné. Au cours d’un voyage dans le Pas-de-Calais, il avait recueilli des informations sur le dispositif de l’occupant le long de la Manche et son rapport fut le premier que nous f¨mes parvenir à Londres par le canal de -ené Sanson 285.

Il s’agit de Marcel Vanhove, qui précisa lui-même avoir rencontré ertaux début janvier 1941, dans un témoignage rédigé à la troisi¢me personne : Chargé plus spécialement du service « -enseignements u, pro࠱tant de son congé annuel en mai 1941, pour passer trois semaines en Uone nord –Z avec passage 280. J.-P. PIGNOT, « Aspects de la -ésistance à Toulouse et sa région. Libérer et !édérer u, mémoire de ma¨trise de l’université du Mirail, Toulouse 1976, publié par le conseil général de Haute-Garonne en 1994, p. 11-12. 281. -esponsable des jeunesses socialistes et secrétaire de la section toulousaine de la S!IO en 1939, il fut un des responsables de Libérer et !édérer. 282. J. LANC, Au commencement de la Résistance, p. 151-152 283. Témoignage de G. !riedmann, dans P. GRÉMION, !. PIOTET, Georges Friedmann, p. 84. 284. Sur l’activité de renseignements et de ࠱li¢re d’évasion de -ené et Colette Sanson, voir le témoignage de Colette Sanson (Archives nationales, 72 AJ 47). 285. P. ERTAUX, Mémoires interrompus, Paris 2000, p. 151. Cf. aussi dans ID., La libération de Toulouse et sa région, Paris 1973, p. 230.

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clandestin de la ligne de démarcationZ– et accomplir une mission de liaison et d’enquête avec Paris, -eims, -ouen, Le Havre, Caen, -ennes, Paimpol, Nantes, La -ochelle et ordeaux. Il ramena un rapport tr¢s documenté qui valut au groupe des félicitations du S.-. interallié. Il sabota, et retarda ainsi, des expéditions de carburants de l’armée allemande, entre autres, plusieurs Ragons-réservoirs 286.

Pierre ertaux, évoquant les origines de son modeste réseau, insistera sur le faible nombre de participants anciennement toulousains et la segmentation des relations, imposées par la prudence, renforcée par le sentiment d’isolement dansZ: 6‫ڎ‬8 une masse homog¢ne de pétainistes. Non, le milieu toulousain n’était pas « portant u, ni les circonstances encourageantes. Nous n’étions pas le « poisson dans l’eau u de Mao. 6‫ڎ‬8 En r¢gle générale, on ne savait rien les uns des autres et souvent on ne découvrait la proximité de préoccupations et d’action qu’au prix de mises en relations parfois géographiquement tr¢s éloignées ou lorsqu’on se retrouvait dans la même prison 287.

Ce réseau a été homologué apr¢s la Libération sous le nom de « réseau ertaux u, faute de nom spéci࠱que : « Pourquoi lui en aurions-nous donné un à l’époque –Zje parle de 1941Z– où il n’y en avait, du moins à notre connaissance, pas d’autre dans la région 288  u L’organisation du réseau, augmenté du groupe Liberté, Égalité, !raternité (LE!), ne se structurera vraiment qu’au cours de l’été 1941, autour de « quatre adjoints sur pied d’égalité u : Marcel Vanhove, comme responsable du renseignement et de la logistique  Jean Cassou, de la propagande  !rancesco !austo Nitti, de l’action directe et du sabotage  Jean-Maurice Herrmann du recrutement et de l’organisation, et d’un chef d’état-major, !rançois ernard 289. Pierre ertaux croit nécessaire d’insister sur un point : Jean Cassou « n’a jamais été un autre chef, pas plus et plutôt moins que Vanhove u. C’est dire l’estime qu’il avait pour ce militant qui tenait à 6‫ڎ‬8 se consacrer à l’action directe 6‫ڎ‬8 malgré ses tâches professionnelles et familiales (son foyer étant devenu le lieu d’accueil de plusieurs membres de sa famille, sinistrés et réfugiés de Dunkerque : en 1941, il y vivait 18Zpersonnes dont 10Zenfants de moins de 10Zans).

286. Témoignage de Marcel Vanhove, communiqué par L. Cruvillier (Archives nationales, 72 AJ 73). 287. Note sur le -éseau ertaux, par Pierre ertaux, Archives municipales de Toulouse, fonds Latapie, 22 Z 3/44, Archives départementales de Haute-Garonne, fonds Latapie, 16 J 52. 288. P. ERTAUX, La libération de Toulouse, p. 11. 289. Outre les livres où P. ertaux s’est exprimé, voir au Service historique de l’Armée de Terre, Vincennes 13 P 146 et 17 P 84 et AN, 72 AJ 59  la synth¢se sur le réseau ertaux, en 132 pages et 65 séquences (en particulier les pages 5-14 rédigées par Pierre ertaux), de Daniel Latapie se trouve dans Archives départementales de Haute-Garonne, fonds Latapie, 16 J 52, aux Archives municipales de Toulouse, 22 Z 3/44, aux Archives nationales, 72 AJ 526.

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Paul Vignaux, en mettant Vanhove en relations avec Pierre ertaux, savait lui amener quelqu’un de valeur. Il en ࠱t de même avec un autre jeune responsable C!TC : 0n de ses militants, le métallurgiste Etcheverlepo, non content d’agir syndicalement, demanda à « faire des choses dangereuses u (ce que Vanhove avait demandé  comme ce dernier, je l’envoyai à ertaux)  il devait périr sous les balles de la milice 290.

Schirmer aussi suivit Vanhove dans ces activités jusqu’au bout. Il sera à la Libération le responsable C!TC du Midi toulousain et participera au conseil municipal de Toulouse. Paul Vignaux est donc en contact avec nombre des initiatives d’une résistance qui se cherche à Toulouse et à Lyon, en Uone non occupée entre juillet 1940 et juin 1941. Il est impliqué directement ou indirectement dans les réunions des « dissidents de l’intérieur u, ces « petits réseaux u de cette « résistance sporadique, spontanée, presqu’individuelle, organique plus qu’organisée u (Pierre ertaux). On sait pourquoi il ne s’engage pas personnellement davantage : il tient à ne pas compromettre son projet de partir aux États-0nis, projet qui constitue l’arri¢re-plan de toute son activité de cette période. Cette ambigu©té ne manquera pas de susciter des interrogations et des critiques parfois agressives de certaines de ses relations. PréMarer le déMart vers les États Unis La décision de principe du départ est prise par les Vignaux tr¢s tôt, nous l’avons vu, même s’ils n’en parlent gu¢re à des tiers. Sur leurs motivations profondes, Paul Vignaux ne s’est jamais vraiment expliqué. Désir d’échapper à l’insécurité permanente que faisaient peser Vichy et la Gestapo, de retrouver la liberté de parler et d’agir, certes. Mais on devine, à travers les témoignages de -aymond Dubois 291 et de Joseph otton, l’in࠲uence de Georgette Vignaux qui souhaite « être hors du camp de concentration Pétain-Darlan 292 u. La personnalité expansive de Paul Vignaux était peut-être elle-même a࠰ectée par ces menaces et contraintes  les archives familiales conservent la trace d’un certi࠱cat médical daté du 29 octobre 1940, justi࠱ant son maintien pendant l’hiver dans le Midi « pour amaigrissement et dépression nerveuse u en plus de troubles digestifs. -éalité ou certi࠱cat de complaisance destiné à conforter une situation administrative encore incertaine 293  Ou les deux  Car la santé fragile de Paul Vignaux, avec les restrictions alimentaires, préoccupait son entourage 294. À cela 290. Témoignage de Paul Vignaux, dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 198. 291. Il a cette formule sur le ménage : « Paul est un intellectuel qui para¨t manquer de virilité, mais sa femme semble en avoir pour lui u (texte original manuscrit du carnet de notes, transmis par . Comte). 292. Lettre de Joseph otton du 1er septembre 1941 à Paul Vignaux (C!DT, 3 H 1). 293. La noti࠱cation de mise à disposition ne parviendra au doyen de la faculté des lettres que le 31. 294. La m¢re de Georgette Vignaux lui écrit le 5Zmai 1941 (A!V) : « Les (di࠳cultés) alimentaires si elles doivent s’aggraver me feraient souhaiter votre départ, sans parler de toutes les autres raisons

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se joignait le souci pour ce jeune ménage de préserver son petit garçon de trois ans. SaZbelle-m¢re résume la situation : « Il me semble que la Providence vous montrera la voie par l’obtention ou non des papiers nécessaires 295. u Paul et Georgette Vignaux vivent donc l’année toulousaine, ce projet secret en tête. Ils n’en ignorent pas les di࠳cultés et les incertitudes 296. Il faut vivre et agir au quotidien, sans rien compromettre de la possibilité de quitter Toulouse du jour au lendemain. Assurer une aide syndicale américaine à la résistance syndicale française C’est seulement au printemps 1941 que prennent forme les départs de Paul Vignaux pour les États-0nis et de Joseph otton 297 pour Londres, à un moment où la C!TC de la Uone libre est acquise à la résistance syndicale, organisée autour de leurs amis Louis Naillod et Jean rodier. Ce double passage à l’acte, coordonné entre les deux amis, a une visée stratégique : mobiliser une aide extérieure en faveur de la résistance syndicale ouvri¢re, dont Paul Vignaux et Joseph otton estiment qu’elle constitue le cœur des forces morales, matérielles et intellectuelles de la résistance tout court. Le choix des États-0nis, plutôt que de Londres, n’est pas seulement dû à l’opportunité de la présence d’4ves Simon et de Jacques Maritain là-bas. D¢sZleZdébut des années 1930, Paul Vignaux, sa femme et Henri-Irénée Marrou s’intéressaient à la premi¢re puissance économique et industrielle du monde et à la premi¢re démocratie que sont les États-0nis 298. Apr¢s la défaite, le ménage estima que leur engagement dans le con࠲it, condition de la victoire, viendrait inéluctablement. À travers le Journal de Genève, ils suivaient les signes prémonitoires de cette intervention : Paul Vignaux a signalé à sa m¢re et à sa femme « le discours de -oosevelt qui donne de l’espoir u : le président américain, dans la ville natale de son prédécesseur de la Premi¢re Guerre mondiale, 2oodroR 2ilson, a déclaré en e࠰et :

morales et spirituelles. Cette question est certainement inquiétante pour la santé de Paul, et aucune région n’y échappera. u « ParleU-moi de vos santés avec sincérité et exactitude u (24 mai 1941). 295. Lettre de Mme arrion du 5 mai 1941 (A!V). 296. Voir V. !RY, Livrer sur demande. Quand les artistes, les dissidents et les juifs fuyaient les K>WFP *>OPBFIIB  , Marseille 2008, et -. ELOT, Aux frontières de la liberté : Vichy, Madrid, Alger, Londres : s’évader de France sous l’Occupation, Paris 1998. 297. Joseph otton, parti pour Alger en mai 1941, apr¢s une traversée mouvementée d’une semaine sur un petit bateau, rejoint Gibraltar, puis Londres dans l’été 1941 et, en࠱n, les États-0nis en novembre où il militera aux côtés de Paul Vignaux. 298. P.VIGNAUX, « Témoignage sur une jeunesse étudiante (1925-1932) u, dans H.-I. MARROU (dir.), OFPBABKLQOBQBJMPBQO£ࠪBUFLK@EO£QFBKKBAB š, Paris 1978, p. 109. Sous le pseudonyme d’Henri Davenson, Henri-Irénée Marrou écrit dans Politique (1930) « Voyages d’Amérique u et « Le Nouveau Monde u. Paul Vignaux introduit la présentation de l’expérience américaine et de l’action de -oosevelt dans la formation des écoles normales ouvri¢res de la C!TC (Lettre de P. Vignaux à J. Pér¢s du 28 juin 1934 (C!DT, 2 H 25), cours d’hiver et ENO 1934, 1935, 1936). Georgette Vignaux y présente le syndicalisme britannique et donne à Syndicalisme CFTC, un article « Les travailleurs américains et le ‫ڄ‬syst¢me edaux‫ څ‬u (septembre 1936).

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Nous con࠱rmons 6‫ڎ‬8 notre foi dans la liberté et la démocratie 6‫ڎ‬8 foi pour laquelle nous avons combattu auparavant et pour laquelle nous sommes prêts à combattre 299.

Pour Paul Vignaux et Joseph ottonZ: 6‫ڎ‬8 la guerre était une occasion favorable pour une grande tâche : remédier à l’une des faiblesses de notre mouvement 6la C!TC8, à savoir son manque de relations avec les mouvements syndicaux des démocraties de langue anglaise, les plus grands pays du syndicalisme libre 6‫ڎ‬8, porter ici le témoignage de la résistance ouvri¢re 300.

Ils ne sont donc pas de ceux qui choisissent l’Amérique du Nord, pour yZtrouver « un abri asseU sûr pour leurs précieuses personnes 301. Aller aux États-0nis, c’est pour Vignaux un acte militant : peser en faveur de leur entrée dans la guerre, informer les gouvernants et l’opinion des réalités de la situation française et de la résistance syndicale, développer une résistance extérieure qui soutienne cette derni¢re médiatiquement et ࠱nanci¢rement. Conscient que la C!TC est méconnue des syndicats anglo-saxons, il s’appuie sur Léon Jouhaux, dont tous les espoirs « reposent sur la puissance américaine et sa solidarité avec les démocraties européennes 302 u. Grâce aux relations conservées avec 2alter Green, président de l’American !ederation of Labor, rencontré lors d’un voyage aux États-0nis en 1938, Jouhaux a reçu, en avril 1941, par le consulat américain de Marseille, les documents nécessaires pour entrer aux États-0nis, mais, surveillé, il n’a pas de visa de sortie, ni de solution clandestine e࠳cace pour passer à Lisbonne. Jouhaux et Vignaux partagent les mêmes convictions : accepter de l’aide ࠱nanci¢re, pourvu qu’elle vienne de syndicats et pas de gouvernements  souci pointilleux de préserver l’autonomie syndicale, de ne pas recevoir des ordres d’une autorité alliée quelconque 303  mé࠱ance à l’égard des militaires et de leurs prétentions politiques. Entre juillet 1940 et juin 1941, Paul Vignaux a de longues conversations avec Léon Jouhaux, notamment à S¢te. C’est là qu’il retourne le voir le 19 juin 1941 et en repart avec un mot de recommandation adressé à 2illiam Green :

299. Lettre non datée à sa m¢re et lettre à sa femme du 8 mai 1941 (A!V). Journal de Genève des 6 et 8 mai 1941. 300. Note de Paul Vignaux et Joseph otton du 19 octobre 1944 (Archives Jean rodier, OIT, Gen¢ve). 301. A. 2EIL-CURIEL, Le temps de la Honte, t. II, p. 23. 302. . GEORGES, D. TINTANT, Léon Jouhaux, Paris 1979, t. II, p. 267 et 279-285. Archives Jouhaux, carton 11. Les relations de Paul Vignaux et Léon Jouhaux, secrétaire général de la CGT sont probablement antérieures à la guerre, mais elles se sont vraiment nouées au sein du « Comité d’information ouvri¢re u et de son Bulletin d’information ouvrière au minist¢re de l’Information au début 1940. 303. -apport de odington des 29-31 septembre 1942 (dans M. -. D. !OOT, SOE in France, Paris 1968, p. 10).

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0n ami, Vignaux, allant aux États-0nis, je serais heureux que vous le recevieU en camarade et lui donnieU toutes facilités pour le travail de renseignements et de documentation, qui sera le sien 304.

Le départ de Paul Vignaux o࠰re une opportunité de tenter d’assurer une liaison américaine, qui aura pour interlocuteur -obert Lacoste en poste à Thonon, et donc proche de la Suisse. Ajoutons que Julien !orgues, secrétaire de l’0nion départementale CGT de la Haute-Garonne, a recommandé Paul Vignaux au leader syndicaliste Luigi Antonini, premier vice-président de l’International Ladies Garment 2orkers 0nion 305. Paul Vignaux a aussi ses propres relations internationales : avec Pieter JoUef Serrarens et la Confédération internationale des syndicats chrétiens (CISC), avec 2alter Schevenels et la !édération syndicale internationale (!SI). Il appartient, nous l’avons vu, à l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam et sa participation aux réseaux d’aide aux réfugiés d’Europe centrale lui facilite les relations avec le JeRish Labor Committee et le Congress of International OrganiUations (CIO). À la C!TC, Paul Vignaux peut se targuer d’être une des personnalités qui comptent, proche de Gaston Tessier, venu à Lyon en juin et informé alors de son départ. Ces atouts vont lui permettre de tisser des relations syndicales anglo-saxonnes en faveur d’une C!TC méconnue là-bas. L’invitation portugaise pour Lisbonne Paul Vignaux sait que Jacques Maritain et 4ves Simon mobilisent leurs relations américaines pour réunir les conditions administratives d’une invitation universitaire aux États-0nis. Sur le versant français du montage, le directeur de l’enseignement supérieur, Théodore -osset, l’a a࠰ranchi des modalités pour quitter le territoire national. Paul Vignaux s’est activé pour préparer un voyage des plus o࠳ciels à Lisbonne, point de départ pour les États-0nis. Il a repris contact en janvier 1941 avec une personnalité portugaise du christianisme social, A. de SouUa Gomes, haut fonctionnaire portugais chargé de la politique familiale au minist¢re de l’Intérieur, qui était aussi en relations avec Emmanuel Mounier, Étienne orne et le P¢re Délos 306. Le Portugais a publié un article élogieux « Paul Vignaux e o sindicalismo cristo u sur trois colonnes en premi¢re page du quotidien catholique Novidades 307 de Lisbonne, le 31 janvier, à propos de son essai Introduction à l’étude historique du mouvement syndical chrétien 308. Par ailleurs, une traduction portugaise de son livre La pensée au Moyen Âge vient d’être éditée. A. de SouUa GomeU organise donc avec le directeur de la faculté des lettres de Coimbra et le

304. Copie de cette lettre dans A!V et les archives C!DT, 3 H 1. Témoignage du jociste -. DUBOIS, Le pèlerinage broyé, p. 339. 305. Note de Paul Vignaux et Joseph otton de ࠱n 1944 (Archives rodier, OIT). 306. Lettre non datée à Georgette Vignaux, transmise par Hubert euve-Méry (A!V). 307. Le patriarche de Lisbonne, le cardinal Cerejeira, avait publié des lettres pastorales tr¢s énergiques contre le naUisme, dans la continuité des positions du pape Pie XI. 308. Publié dans la revue de l’Institut international d’Histoire sociale d’Amsterdam, International Review of Social History 2 (1937), p. 28-49.

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directeur de l’Institut français au Portugal, -aymond 2arnier 309, germaniste, normalien, en relations suivies avec le service des œuvres du minist¢re des A࠰aires étrang¢res une invitation o࠳cielle à séjourner au Portugal. Paul Vignaux est donc invité o࠳ciellement le 20 février 1941 par l’Institut français du Portugal –Zrattaché administrativement à l’0niversité de Toulouse –, ce qui lui ࠱nance le voyage vers Lisbonne. Il lui est demandé de faire des conférences sur le syndicalisme chrétien à la !aculté des Lettres de Coimbra, invitation qu’il est autorisé à accepter par le directeur de l’Enseignement supérieur, le 24 mars, «Z sous réserve de l’approbation de M.Z le ministre des A࠰aires étrang¢resZu, obtenue le 10 avril 1941 par Jean Poirier, du service des œuvres françaises 310. Paul Vignaux a dû rencontrer -aymond 2arnier séjournant en !rance à la mi-avril  il était alors décidé à utiliser ce voyage pour quitter la !rance, même en l’absence d’invitation américaine 311. Or celle-ci va parvenir peu de temps apr¢s. La gestion de l’invitation américaine Grâce au travail de Laurent Jeanpierre 312 et à la correspondance de Jacques Maritain avec 4ves Simon 313, on peut suivre les tentatives d’invitation en faveur de Paul Vignaux qui échouent du côté de la NeR School of Social -esearch, puis reprennent début janvier 1941 avec l’université Notre-Dame (Indiana), grâce au soutien sur place, d’4ves Simon et de 2aldemar Gurian 314. Demandant à 4ves Simon d’intervenir directement aupr¢s du p¢re Moore, professeur de philosophie, Jacques Maritain fournit l’argumentation : souligner que Paul Vignaux est « le meilleur él¢ve de Gilson, susceptible d’aider à y créer un Institut d’études médiévales u  garder le silence sur son action pour les réfugiés basques pour invoquer plutôt le danger politique que représente son passé comme « leader of

309. -elevé de ses fonctions en septembre 1941 par Vichy, il restera à Lisbonne, rallié au général de Gaulle. Le Bulletin des Études portugaises et de l’Institut français du Portugal de 1941, fasc.2, comprend (p. 180-192) un bilan de son action de 1935 à 1941, qui peut être complété par les rubriques réguli¢res d’activités dans les numéros précédents. 310. Le rôle de Jean Poirier dans le sauvetage d’intellectuels juifs et de passeur vers l’Amérique a été étudié par L. GRISON (Entre rayonnement et réciprocité. Contribution à l’histoire de la diplomatie culturelle, Paris 2002, p. 73-84). Voir aussi S. IDAULT, Souvenirs de guerre et d’Occupation, Paris 1973. 311. Dans une lettre du 7 mai de P. Vignaux à sa m¢re, il l’informe du « télégramme des A࠰aires Etrang¢res u lui annonçant l’invitation o࠳cielle des États-0nis et « l’approuvant de n’être pas parti pour le ZPortugal u (A!V). 312. Th¢se de L. JEANPIERRE, « Des hommes entre plusieurs mondes. Étude sur la situation d’exil. Intellectuels français réfugiés aux États-0nis pendant la Seconde Guerre mondiale u, th¢se EHSS, Paris 2004, 2 vol. 1021 p.  « Paul Vignaux, inspirateur de la Deuxi¢me Gauche : récits d’un exil français aux États-0nis pendant la Seconde Guerre mondiale u, dans Matériaux pour l’histoire de notre temps 60 (2000), p. 48-56. 313. Correspondance en cours de publication par !lorian Michel. 314. Professeur de science politique, né à Saint-Pétersbourg, d’origine juive, converti au catholicisme, obligé de quitter l’Allemagne en 1934 pour la Suisse, puis les États-0nis. À l’université Notre-Dame il crée The Review of Politics, où il développe ses analyses sur le totalitarisme comme « religion politique u.

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social catholicism and Christian democracy u, ainsi que sa proximité avec le cardinal Verdier 315. Apr¢s de multiples démarches, l’université Notre-Dame a obtenu ࠱n mars l’appui ࠱nancier de la !ondation -ockefeller, par l’entremise de Jacques Maritain. Le 21 avril le -.P. J. Hugh O’Donnel, président de l’université Notre-Dame, adresse une lettre o࠳cielle d’invitation à Paul Vignaux, communiquée à la direction de l’Enseignement supérieur et à la direction des œuvres au minist¢re des A࠰aires étrang¢res, lettre qui sera con࠱rmée par télégramme le 10Z mai 1941 316. En fait, Vignaux est informé par Vichy, et il va, d¢s lors, se consacrer à la préparation administrative de son départ 317. À Vichy, le 8Zmai, Paul Vignaux voit le coll¢gue de Jean Poirier s’occupant de l’Amérique, puis, le lendemain, le directeur de l’Enseignement supérieur  il prolonge son séjour « pour veiller au grain u, ayant le sentiment « d’une course de vitesse u pour l’établissement des passeports, donc des autorisations de sortie du territoire. De retour à Toulouse, alors que sa femme est partie voir sa m¢re à Chambéry, il a con࠱rmation de l’invitation portugaise. Il déjeune avec ertaux, passe l’apr¢s-midi avec lui à causer, en se promenant dans la campagne et d¨ne cheU Trentin, avec le sculpteur LipchitU 318 et sa femme. Il donne suite au rendeU-vous pris par son épouse avec Canguilhem et Mademoiselle Demougeot, dont on sait le rôle ultérieur tenu dans le mouvement Libération. Il enregistre « le désir de travailler u de Mademoiselle Alibert, rencontre les Genestet, avant de rejoindre Marrou à Montpellier, et retrouver, à éUiers, Georgette revenant de Chambéry. La !ondation -ockefeller de Marseille transmet le 19 mai la lettre du 21 avril du président de l’université catholique, ainsi que son contrat de mission à signer et à présenter au consul américain pour son « non-quota visa 319 u. Le contrat a été envoyé parall¢lement à l’ambassadeur français à 2ashington et au directeur des œuvres françaises. Le service des œuvres lui expédie le 20 mai son ordre de mission pour rejoindre l’université Notre-Dame « dans les délais les plus rapides u. Il va donc immédiatement à Vichy, ce qui l’empêche de participer à l’hommage rendu à ergson par la Société toulousaine de philosophie à la faculté des lettres, le 22 mai 1941, où de Solages, Jankélévitch et Canguilhem prennent la parole. On lui délivre, le 21 mai, des « passeports de service 320 u, avec le visa de sortie du 6e bureau de la direction de la police du territoire « pour se rendre aux États-0nis via Espagne et Portugal u. Paul Vignaux pourra donc 315. Lettres de J. Maritain à 4. Simon des 11 et 14 janvier 1941. 316. Archives familiales et dossier personnel de l’EPHE. 317. Les lettres de MmeZarrion du 5, 14, 24 et 28 mai, 4 et 12 juin, de Paul Vignaux à sa m¢re ou à sa femme des 7, 8, 11, autour du 15 mai, du 27 mai, du 28 mai, du 18 juin 1941 (A!V) permettent de préciser la chronologie des démarches et l’état d’esprit des Vignaux. 318. Cél¢bre sculpteur lithuanien, arrivé jeune à Paris, cubiste puis abstrait, réfugié en mai 1940 à Toulouse, extrait du Camp de Gurs, grâce à l’action de Varian !ry et de Daniel enedite et qui est en partance pour les États-0nis. 319. Les visas d’entrée hors quota national aux États-0nis peuvent être accordés à certaines catégories, dont les universitaires de haut niveau, pour y venir enseigner accompagnés de leur épouse et de leurs enfants non mariés âgés de moins de dix-huit ans. 320. Conservés dans les archives familiales. NumérotésZ275 (Paul Vignaux) et 276 (Georgette Vignaux et Dominique Vignaux), leur validité sera renouvelée à NeR 4ork en mai 1942 et mai 1944.

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passer sans encombre la fronti¢re, bien qu’il ait été avant-guerre correspondant à Paris du ministre républicain catholique basque Manuel de Irujo. Pour traverser l’Espagne et le Portugal, il retire les visas de transit délivrés par les ambassades de ces deux pays les 23 et 24 mai à Vichy. Georgette l’a rejoint à Marseille le 27 mai cheU les Marrou, pour s’occuper des visas américains et du bateau. Les démarches exigeront un deuxi¢me déplacement des Vignaux début juin. Le 5 juin, à Marseille, Paul Vignaux signe son contrat et récup¢re ses visas d’entrée au consulat américain. Le 11 juin, la !ondation -ockefeller retient les billets sur un clipper en partance ࠱n juillet de Lisbonne vers les États-0nis. Il fallait cependant disposer d’un viatique ࠱nancier pour rejoindre Lisbonne, y attendre le départ et surtout a࠰ronter l’exil. Or Paul Vignaux se débat, comme beaucoup d’autres réfugiés, dans les probl¢mes ࠱nanciers, malgré l’aide de sa belle-m¢re : depuis qu’il est à Toulouse, la faculté des lettres lui avance son salaire, mais elle a des di࠳cultés pour se faire rembourser par l’École pratique des hautes études. Son appartement parisien du 4, rue ,uatrefages –Zla Gestapo ayant pillé ses papiers et la biblioth¢queZ– demeure sous séquestre 321  Paul Vignaux a demandé à Jean aillou, secrétaire général de l’École normale supérieure, de prendre en charge ses intérêts aupr¢s de l’administrateur judiciaire. Apr¢s la clari࠱cation de la situation juridique de l’appartement début avril 1942, c’est Jean aillou qui, en liaison avec la m¢re de Paul Vignaux, s’occupera du r¢glement des loyers et des impôts locaux, de la ࠱n du bail et assurera, avec Pierre Gourou, le déménagement des meubles dans le logement parisien de la m¢re de Georgette Vignaux à la mi-mai 1942 322. Les 17 et 18 juin, Paul Vignaux, de nouveau à Vichy, obtient l’autorisation d’emporter mille dollars délivrés par la anque de !rance à Vichy, utilisant ainsi des fonds rassemblés grâce à sa m¢re et à sa belle-m¢re. À Toulouse, le doyen Dottin, qui note dans son rapport d’activité que Vignaux « peu de temps avant la ࠱n de l’année scolaire, nous quittait pour une mission en Amérique 323 u, lui ࠱t une avance en liquide de 3 500 francs 324. L’organisation de ce départ de la famille Vignaux répond donc à toutes les obligations légales, tant du côté américain que français. 0n montage sans faille, que viendra compléter l’arrêté du 14 août 1941, signé Jérôme Carcopino : régularisation administrative par un congé pour deux ans.

321. Paul Vignaux sait début mai que les e࠰orts de Jean aillou pour obtenir la levée des scellés ont échoué. Mme arrion n’apprend de sa ࠱lle qu’à la ࠱n de maiZ1941 que leur appartement est sous scellés. 322. SeiUe cartes de correspondance de Jean aillou (A!V). 323. Rapport au Ministre du Conseil de l’Université de Toulouse, « -apport du doyen Paul Dottin pour 1940-1941 u, Toulouse 1941, p. 107-108. 324. Le secrétaire général de la faculté en demande le remboursement de ce prêt du 23 juin 1941 en avril 1943, par l’intermédiaire de sa m¢re demeurée à Sarniguet (A!V).

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Quitter la France en juin 1941 Anxiétés face à l’exil Paul Vignaux écrit à sa m¢re sa con࠱ance « dans l’avenir, le départ et aussi le retour u et lui demande de la partager 325. Cependant les lettres conservées ont laissé des traces de leurs appréhensions. Madame arrion, réconforte ainsi sa ࠱lle le 12 juin : La Providence vous o࠰re une aide peut-être inespérée. C’est à cette derni¢re idée de con࠱ance en Elle qu’il faut nous arrêter et nous cramponner. Je ne comprends que trop ce que tu éprouves, mais c’est le moment de faire appel à toutes tes énergies, à tes jeunes forces morales, ce premier moment de dépression passé. En plus de ces sentiments profonds, réveille en toi le goût des aventures et dis-toi que parmi notre famille (que nous n’avons pas connue) et dans la branche actuelle des Arthur 326, ce pays où vous alleU sans doute aborder bientôt leur a été somme toute favorable et ils y sont arrivés sans les atouts que vous aveU en mains.

L’autre témoignage, vient de l’ethnologue Dina Dreyfus, épouse séparée de Claude Lévi-Strauss, « tragiquement solitaire u, amie de Georgette Vignaux, qui lui écrit : N’ayeU aucun remords de ce que vous appeleU votre faiblesse 6‫ڎ‬8. Je n’ai jamais douté que nous soyons tous bourrés de contradictions, et que l’on n’arrive à réaliser qu’une cohérence approximative, toujours provisoire et menacée 6‫ڎ‬8 Il est trop évident que nous vivons la plus atroce expérience qu’il soit donné d’imaginer et qu’il y a là de quoi ébranler les tempéraments les mieux trempés. 6‫ڎ‬8 Votre départ me touche. Mais il n’y a pas d’autre solution quand quelque chose reste à sauver. Mais tous ceux que j’ai vu partir s’en allaient comme vous, accablés sous le poids d’un vaste et mystérieux remords et d’une peine attachée à tous les départs, à toutes les ruptures, mille fois accrue par la nature de ce départ forcé et de cette rupture peut-être dé࠱nitive. Claude – je ne puis en parler sans me sentir un peu grincer intérieurementZ– est parti le désespoir au cœur. Leirens 327 partait, comme chassé et pour jamais. Mais je sais aussi qu’une fois « embarqués u (dans les deux sens du mot), une grande paix intérieure les avait en࠱n pénétrés. Pour vous, si extraordinairement sensible et résonnante et si scrupuleuse, tous ces sentiments doivent avoir une puissance décuplée. Et l’on sou࠰re en e࠰et soit de se sentir transformé, soit de faire en soi-même quelque tragique et insupportable découverte 6‫ڎ‬8 Je suis heureuse que vous m’ayeU parlé de vous – et je bénis votre soi-disant « faiblesse u d’une heure 328.

325. Lettre du 18 juin à sa m¢re (A!V). 326. Il s’agit de la famille de son cousin Arthur érault de Saint-Maurice, résidant à NeR 4ork. 327. Charles Leirens (1888-1963), photographe et musicologue belge qui vit à NeR 4ork de 1940 à 1945 où il enseigne la photographie et la musique à la NeR School for Social -esearch. 328. Dina Dreyfus est alors professeur de philosophie au lycée de Montpellier. Lettre du 11 juin 1941 à Georgette Vignaux (A!V).

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Ultimes visites Depuis la ࠱n mai, Paul Vignaux sait que son départ aura lieu à la ࠱n du mois suivant. Mais il persiste à limiter au maximum l’information à ce propos. Seuls, les tr¢s proches sont dans la con࠱dence. C’est ainsi qu’il en informe le 9 juin Charles d’Aragon, passé cheU lui à Toulouse, où ils ont veillé jusqu’à deux heures du matin 329. Toujours a࠰airé dans les démarches pour défendre les contre-propositions sur le projet de charte du travail et recueillir les derni¢res informations, il va à Vichy à la mi-juin, fait le point à Lyon avec Louis Naillod et le bureau de l’union départementale C!TC. Grâce au témoignage du jociste -aymond Dubois 330, nous savons qu’il a rencontré Vivier Merle, secrétaire de l’0nion départementale de la CGT du -hône. Le p¢re Desbuquois lui aurait annoncé l’attaque allemande contre l’0-SS 331. Le 17Zjuin, de retour de Vichy, il passe à LyonZ: Stanislas !umet et Élie Sappey 332 l’accompagnent à la gare d’où il part avec -aymond Dubois. Le jeune homme a du mal à lui réserver sa place dans le compartiment alors qu’il continue toujours de parler sur le quai à ses deux amis ! À S¢te, il voit Léon Jouhaux et quelques responsables de la CGT et en repart muni de sa recommandation à 2illiam Green. À Montpellier, il fait probablement un ultime point avec Henri-Irénée Marrou. De retour à Toulouse, il fait de même avec Jean rodier et les cégétistes toulousains, Julien !orgues et Albert Guigui 333. Comme il participe aux activités de la Société d’études psychologiques de Toulouse 334, qui vient d’être créée à l’initiative d’Ignace Meyerson, il passe faire le 21 juin sa communication à la deuxi¢me journée du colloque sur « Le travail et les techniques 335 u. En a-t-il pro࠱té pour informer certains participants de son départ  S’il l’a fait, ce fut de mani¢re tr¢s sélective. En tout cas, son départ est perçu par une partie de son entourage universitaire comme « précipité u et « contestable u, du moins par ceux qui n’étaient pas dans la con࠱dence. Trois personnes au moins diront leur déception. D’abord Vladimir Jankélévitch, qui pensait que Vignaux devait rester à Toulouse jusqu’à la ࠱n de la guerre. Lui-même, avait été invité par la NeR School, mais se heurtait à de sérieuses di࠳cultés pour obtenir un « exit u avec sa famille, d’où l’amertume, dont il fait part à 4ves Simon à la ࠱n mai 1941, se plaignant des « petits copains u qui se font « un plaisir d’occuper les chaires laissées vacantes par les

329. G. PIKETTY, Français en Résistance, Paris 2009, « Journal de Charles d’Aragon u, p. 63. 330. -. DUBOIS, Le pèlerinage broyé, p. 339-340. 331. À propos d’Hitler et de Staline : « Ce sera terrible  ils vont se détruire l’un et l’autre  et apr¢s cela nous émergerons‫ ڎ‬u. Témoignage transmis par 4ves-Marie Hilaire qui a noté l’esprit des propos de Desbuquois rapportés par Paul Vignaux. 332. !ondateur de la JEC à Grenoble. 333. Lettre d’Albert Guigui à Paul Vignaux du 25 juin 1943, faisant référence à « ses adieux à quelques jours pr¢s il y a deux ans. u (C!DT, 14 P 2) 334. Dite aussi Société toulousaine de psychologie comparative. Jean-Pierre Vernant dépose les statuts le 12 mai 1941 (Archives départementales de Haute-Garonne, 1672 2 8). 335. Publié seulement en 1948. « Travail et théologie. Notes en marge de Proudhon u, Journal de Psychologie 1 (janvier-mars1948), p. 65-68.

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destitutions 336 u. Aussi réagit-il vivement : « Vignaux fout le camp aux 0SA 6‫ڎ‬8. Moi, j’ai cinq personnes à nourrir et la volonté de durer en ce pays jusqu’à ce qu’on m’y fasse la vie absolument impossible u et il ajoutera, plus tard, que Paul Vignaux est « parti comme un malpropre, sans dire au revoir à personne 337 u. On peut supposer que Paul Vignaux, qui n’ignorait pas les démarches américaines de Vladimir Jankélévich, évita de lui faire ses adieux, fort gêné d’a࠰ronter « le regard de ceux qu’on laisse 338 u. ,uant à Georges !riedmann, nous avons vu déjà son incompréhension dans son témoignage de 1946 sur la rencontre avec oris Vildé : les itinéraires antérieurs des deux condisciples étaient par trop disparates, comme ce qu’avaient été leurs expériences depuis juin 1941. Les risques pris par un résistant, « rayé des cadres pour raisons raciales u dans la !rance totalement occupée ne se comparent pas aux di࠳cultés d’un exil dans un pays libre. On doit en࠱n mentionner l’écho de la conversation avec Emmanuel Mounier, la veille du départ. Venu à Toulouse pour une réunion du groupe Esprit, il mentionne dans ses Carnets : Longuement vu Vignaux qui partait le lendemain pour les États-0nis. Je ne lui ai pas dit combien je désapprouvais cette solution. Pourquoi s’en justi࠱ait-il tant  Il parlait beaucoup du devoir de remonter le ton –ZasseU pauvreZ– des !rançais de la !rance Libre 339.

L’ami Henri-Irénée Marrou n’exprime pas de telles réserves 340. Certes, il évoque la proposition qui lui fut faite, à lui-même ainsi qu’à Emmanuel Mounier, par Paulding, d¢s juillet-août 1940, d’une chaire aux États-0nis, pour a࠳rmer :Z« Il nous aurait paru lâche d’accepter u. Il précise :Z Au fond, nous avons toujours cru que notre rôle était de combattre sur le front intérieur : front de résistance spirituelle à l’hitlérisme –Z pour ne pas rendre la victoire militaire inutile ou tragiquement illégitime.

Il se dé࠱nit donc comme « le pur résistant u et évoque sa col¢re contre les émigrés de l’intérieur (6lire : semblables8 aux émigrés purs, ceux qui, au lieu de rejoindre de Gaulle à Londres et combattre, s’en furent à NeRZ4ork encore neutre, attendre – que ce fût ࠱ni).

Mais il n’exprime pas la moindre réserve sur le choix d’exil de Paul Vignaux : il comprend, mieux que Mounier, la logique de l’engagement militant international et syndical et se sent en communauté profonde avec son ami de jeunesse. Il rel¢vera un article de Commonweal où il devine « la main de Paul u, dénonçant « ces innocents qui croient pouvoir faire en !rance un ordre d’inspiration chrétienne, Hitler peacefully standing by 6Avec Hitler bien paisible à côté8 341 u. 336. Lettre d’4ves Simon à Jacques Maritain, 23 mai 1941 communiquée par !lorian Michel. 337. Une vie en toutes lettres. Lettres du 7 décembre 1940, des 25 juin et 7 août 1941. 338. -. ELOT, Aux frontières de la Liberté, p. 42. 339. « Entretiens, XII u, 28 juin 1941. 340. H.-I. MARROU, Carnets posthumes, Paris 2006, 15 août 1944, p. 467-471 sur son « attitude politique de 40 à 44 u. 341. Le paragraphe qu’il cite dans ses Carnets posthumes se retrouve dans le texte de Commonweal (cf. supra n. 74).

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Assurer les communications ultérieures Par Henri-Irénée Marrou passera donc une des deux voies de transmission d’informations sur lesquelles Paul Vignaux et ses amis de la résistance intérieure pourront s’appuyer. Comme le rel¢ve Laurent Jeanpierre 342, Marrou assurait la liaison avec la résistance catholique et syndicale chrétienne du Sud de la !rance, via le consulat américain de Marseille et Gen¢ve, grâce à Jean Laloy 343. L’autre ࠱li¢re passe par le Suisse -ené ertholet qui transmettait les informations à Londres et aux États-0nis par Gen¢ve 344. Dit « Pierre -obert u, ou « Pierre u, ce syndicaliste international, citoyen suisse, avait fourni des fonds et des secours médicaux aux républicains espagnols, aidé des militants de gauche et des juifs à sortir d’Allemagne, d’Autriche et de Hongrie, puis de !rance, vers les Amériques. Il était en rapport avec Gaston Cusin, chef de cabinet de Pierre Cot, -aymond iUot, dit « Lucien u et avec Marcel Guerret, député S!IO du Tarn-et-Garonne, chargé par Léon lum d’aider à cacher les républicains espagnols réfugiés en !rance. C’est par Guerret qu’A. M. rooks (dit Alphonse), Anglais élevé en Suisse, animateur du réseau Alphonse uckmaster, a retrouvé -ené ertholet. Celui-ci l’a mis en relations avec -aymond iUot à Lyon, avec -obert Lacoste à Thonon 345 et avec Gilbert Zaksas à Toulouse. Les communications de -ené ertholet utilisent un syst¢me de courriers par Lyon et Gen¢ve 346. Cette ࠱li¢re permettra à Paul Vignaux, de faire passer en !rance, par exemple, vingt exemplaires des Droits de l’Homme de Jacques Maritain sur papier tr¢s léger 347. ertholet faisait partie d’un groupe international de résistance, l’Internationaler SoUialistischer &fbund (IS&), dissidence du SPD, qui réunissait des intellectuels et militants du mouvement ouvrier venus de divers pays d’Europe et dont Paul Vignaux avait rencontré des militants allemands à Toulouse. Ses engagements sur l’Espagne et dans l’aide aux réfugiés syndicalistes et catholiques d’Europe centrale facilitaient ce type de contact. La liaison pouvait passer aussi par l’intermédiaire de Toulousains, comme Silvio Trentin, Camille Soula, Marc Jarblum – correspondant de l’American JeRish Committee –, que conna¨t Léo Hamon 348, ou encore de Victor !a¹ 349. Aux États-0nis, Vignaux s’appuiera 342. L. JEANPIERRE, « Paul Vignaux, inspirateur de la ‫ڄ‬Deuxi¢me Gauche‫ څ‬u, p. 51  ID., Des hommes entre plusieurs mondes, p. 272. 343. Consul suppléant à Gen¢ve, disposant de la valise diplomatique  il y rendit de multiples services aux résistants et aux juifs persécutés. 344. -. ÉDARIDA, Les armes de l’esprit, p. 186, rapportant le témoignage de Paul Vignaux  L. JEANPIERRE, « Paul Vignaux, inspirateur de la ‫ڄ‬Deuxi¢me Gauche‫ څ‬u, p. 51. 345. Témoignage de Pierre Mend¢s !rance, Archives nationales, fonds Granet, 397 AP/1, p. 9. -. BOTHEREAU, « Le syndicalisme dans la tourmente, 1940-1945 u, Force ouvrière informations 173 (août 1973), p. 34. Témoignage d’Alain Le Leap, secrétaire général de la fédération des fonctionnaires CGT du 20 décembre 1946 (Archives nationales, 72 AJ 43) 346. Conférence de A. M. rooks (dossier 150 – SOE, musée départemental de la -ésistance et de la Déportation, Toulouse). M. !OOT, J.-L. CRÉMIEUX-BRILHAC, Des Anglais dans la Résistance. )BPBOSF@BPB@OBQ?OFQ>KKFNRBA‫@>ٽ‬QFLK0,"BK#O>K@B , Paris 2008, p. 318-321. 347. Cahiers Jacques Maritain 28 (1994), « Maritain et l’Europe en exil u, p. 24-25. 348. L. HAMON, Vivre ses choix, Paris 1991, p. 99. 349. V. !AŸ, )>ࠪ>JJBBQI>@BKAOB %FPQLFOBA‫ٽ‬RKBSFBJFIFQ>KQB, Paris 1989, p. 173-174.

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sur ERa LeRinsky-P࠱ster et Paul Hagen, alias &arl !rank. Ce dernier animait « American !riends of German !reedom u, fondé en 1938 par le théologien protestant -einhold Niebuhr 350 et par !rank &ingdom 351. Il existe une troisi¢me voie, vers Londres, qui passe par les réseaux polonais en lien avec le SOE (Special Operations Executive). Assurant la liaison par poste émetteur TS! à Port-Vendres 352, elle est utilisée pour une large part par les syndiqués chrétiens et probablement aussi par Silvio Trentin. Le voyage de Toulouse à New York ,uelques jours apr¢s l’invasion de la -ussie par les Allemands, la famille Vignaux quitte donc Toulouse  elle passe à Sarniguet, part le 26 pour Lisbonne par Pau, Canfranc, Saragosse. À Madrid, le 27, Paul Vignaux découvre la publication du manifeste lyonnais de Joseph Hours : les relais fonctionnent donc bien. Parvenus à Lisbonne, apr¢s avoir passé la fronti¢re le 28 juin à Valencia deZ Alcantara, Paul Vignaux et les siens atteignent Lisbonne. Il prend alors contact avec -aymond 2arnier et avec Alexandre &aminsky, représentant de la !ondation -ockefeller, peu avant que ce dernier, rappelé, ne retourne à NeRZ 4ork 353. Ecrivant alors à Jacques Maritain, le 8 juillet 1941, pour le remercier de ses démarches qui ont réussi à le conduire à Lisbonne, il lui dit sa découverte de son petit livre Après le désastre : C’est une joie extrême d’avoir lu À travers le désastre : c’est une extraordinaire réussite d’avoir ainsi pensé et parlé pour tous ces !rançais qui pensent comme vous, mais ne peuvent pas l’exprimer, ni même avoir une vue d’ensemble. Vous montreU par l’exemple qu’on peut, au-delà des mers, n’être pas réellement séparé de la communauté française 354.

De ses occupations pendant ces semaines à Lisbonne, bien peu émerge. LeZtemps devait s’écouler entre les rencontres qu’o࠰rait alors la capitale portugaise et l’élaboration d’« un projet de petit livre tiré de mon expérience, d’avant et d’apr¢s l’armistice, du mouvement ouvrier français 355 u, publié ultérieurement sous le titre de Traditionalisme et syndicalisme. Les cours promis à l’université de Coimbra, dans un autre contexte, n’ont pas lieu, faute d’étudiants. Il ne fait qu’une conférence à l’Institut français, le 22 juillet à midi, sur « Philosophie et humanisme au Moyen Âge u devant quelques diUaines d’auditeurs, étudiants et professeurs. Les articles de compte rendu, élogieux, annoncent son départ pour 350. Lors de son séjour américain, Georgette Vignaux rédigea sa th¢se sur « La théologie de l’histoire de -einhold Niebuhr u, publiée en 1957. 351. E. LOYER, Paris à New York. &KQBIIB@QRBIPBQ>OQFPQBPCO>K¡>FPBKBUFI , Paris 2005, p. 46. 352. Témoignage de COSTE-FLORET, École et Éducation 1 (décembre 1944), Archives départementales du Nord, fonds Madeleine Singer, J 1471/5. Voir aussi J. CUBERO, La résistance à Toulouse et A>KPI>/£DFLK, ordeaux 2005, p. 104. 353. Le bureau de la !ondation -ockefeller a transféré ses activités à NeR 4ork à la ࠱n juillet 1941 (Bulletin des études portugaises et de l’Institut français du Portugal, fasc. 2, 1941, p. 83.) 354. Archives Jacques Maritain, au cercle d’études Maritain de &olbsheim, correspondance. M. !OURCADE, « !eu la modernité  Maritain et les Maritanismes u, th¢se, Montpellier 2000, p. 1099. 355. Archives Maritain, lettre du 8 juillet 1941 à Jacques Maritain.

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les États-0nis 356. Il retrouve à Lisbonne Gustave Cohen 357, arrivé à la mi-juillet pour prendre une chaire de littérature française à 4ale 0niversity, qui fait, le même jour que lui, une conférence sur « le Théâtre français au Moyen Âge 358 u. 0n déjeuner o࠳ciel leur est o࠰ert par l’Institut au Cercle Eça de ,ueiroU en compagnie de quelques amis portugais, avant qu’ils n’embarquent l’un et l’autre le 24 juillet sur le Nyassa, paquebot portugais. À bord, ce sont les retrouvailles avec les antifascistes italiens, dirigeants du groupe GiustiUia e Libertà de Silvio Trentin, réfugiés à Toulouse : Emilio Lussu, le grand militant sarde, Alberto Cianca et Aldo Garosci. ,uand il arrive à NeR 4ork, Vignaux se voit con࠱er par eux, avant qu’ils ne passent la douane, un paquet de documents à remettre au professeur d’histoire de l’art Lionello Venturi, président de l’Italian Emergency -escue Committee à NeR 4ork 359. Le 12 août, la famille Vignaux est accueillie par Jacques Maritain. Estimant que ses notes et sa biblioth¢que sont « perdues sans doute à jamais u, il arrive sans dossier, ou presque, pour assurer son enseignement à l’université Notre-Dame et compte sur les conseils de Jacques Maritain pour parer à cette situation 360. De plus, s’il pratique le latin et l’allemand, il ignore la langue dans laquelle il doit enseigner, se reposant sur son épouse qui parle anglais. D’où le commentaire agacé de Jacques Maritain : « ,ue n’a-t-il appris l’anglais pendant qu’il se préparait au voyage  Il ne se doute probablement pas de la chance qu’il a eue en étant invité ici et des montagnes qu’il a fallu remuer pour cela 361. u Conclusion Paul Vignaux, arrivant à NeR 4ork, poursuit une guerre internationale engagée depuis le milieu des années trente, avec la guerre d’Éthiopie et la guerre d’Espagne. D’ailleurs, le mot résistance, souligne-t-il, est déjà employé depuis Munich, pour désigner « le mouvement d’opposition irréductible à la vague montante du national-socialisme 362 u. L’extension du con࠲it aux États-0nis lui semble la condition de la victoire. Comme avant-guerre, Paul Vignaux a déployé ses talents d’animateur, de formateur, de propagateur d’informations et d’analyses, aupr¢s de syndicalistes, de jeunes et de tous ceux et celles qu’il retrouve ou qu’il découvre. Son emploi du temps chargé a couvert de multiples activités : enseignement, réorganisation syndicale, exposés, écriture, sociabilité, déplacements à travers la Uone non 356. Copie des articles de Novidades (23 juillet 1941) et d’A Voz (26 juillet 1941) (A!V). 357. Historien médiéviste interdit d’enseignement à la Sorbonne, sur la liste des personnalités à faire venir aux États-0nis donnée par Maritain, invité de la fondation -ockefeller et la NeR School of Social -esearch  il sera un des promoteurs de l’École libre des hautes études de NeR 4ork et des Entretiens de Pontigny à Mount Holyoke, Massachusetts. 358. Bulletin des études Portugaises et de l’Institut français du Portugal, 1941, fasc. 2, p. 67-89. 359. Témoignage de P. VIGNAUX, dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 200. Voir pour les biographies, P. ARRIGHI, « Silvio Trentin, un combat politique en Vénétie, en Gascogne et dans le Midi Toulousain : du début de son opposition au fascisme à son retour en Italie (1921-1943) u, th¢se, Toulouse 2005, vol. III. 360. Archives Jacques Maritain, lettre de Paul Vignaux du 8 juillet 1941. 361. Lettre à 4ves Simon du 31 août 1941. 362. Le Droit (OttaRa), 4 février 1944.

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occupée. Son réseau social, en partie entrevu, est impressionnant. Les rencontres, dont nous avons rendu compte, étaient, il est vrai, d’intensités diverses, parfois épisodiques le temps d’un repas, parfois super࠱cielles, pourtant toujours occasion d’un échange : Paul Vignaux argumentait et écoutait. Le suivre, ainsi que ses amis, a permis de rassembler des informations inédites sur cette période, en particulier à Toulouse et à Lyon. L’expérience de cette année 1940-1941 conforte Paul Vignaux dans sa pratique d’une nette distinction entre le religieux et le politique, que formalisera sa femme ultérieurement 363. La résistance chrétienne contre le paganisme naUi s’impose, mais elle comporte un risque : « „tre purement spirituelle, sans volonté, ni sens politique, sans esprit o࠰ensif 364. u Elle doit se dépasser en résistance politique, en apportant « à la résistance commune des !rançais la force de leur conscience chrétienne 365 u. Profondément chrétiens, Georgette et Paul Vignaux donnent cependant le sentiment d’agir sans que la motivation chrétienne intervienne directement dans leurs options : la période est l’occasion d’illustrer la liberté de choix des chrétiens comme citoyens, d’a࠳rmer « l’indépendance des chrétiens 366 u à l’égard des jugements politiques de la hiérarchie ecclésiastique et du cléricalisme. Le la©que, qui défendait l’école publique dénigrée en mars 1940, est ulcéré par la politique scolaire de Vichy, par les subventions à l’enseignement privé : il n’aura de cesse à la Libération qu’on revienne dessus. Avec ses amis, il épingle les compromissions de l’Église institutionnelle avec l’État français, comme les tentatives de certains courants de l’action catholique ouvri¢re de se substituer au syndicalisme 367. Le verdict est sans appel à l’égard d’une double erreur stratégique. D’abord du point de vue chrétien : « On veut christianiser l’État, on déchristianise les masses u (rapporté par -. Dubois). Ensuite, politique : « Certains esprits se sont imaginés que la !rance pourrait sous la botte d’Hitler se former en un État catholique et français. Ceux-là ne semblaient pas avoir lu Mein Kampf 368 u. L’ennemi avance masqué : l’impératif pédagogique est de le démasquer. Cette posture politique s’appuie sur une capacité d’analyse globale : « ZTout se tient surtout en période de crise : organisation ouvri¢re, mouvement intellectuel et spirituel, jeu de la politique internationale 369 u. Paul Vignaux s’a࠳che comme 363. G. VIGNAUX, « The Catholics u, p. 215  (signé Georgette BÉRAULT), « Conscience politique et conscience religieuse u, Cahiers Reconstruction 1 (janv.-févr. 1960), p. 17-24. 364. Note de Paul VIGNAUX (non signée) : « Situation du catholicisme français. Schéma pour l’information et l’action u, 10 janvier 1942, (C!DT, 3 H 1 et A!V), p. 5. 365. P. VIGNAUX, sous le nom de Jacques -OCHELLE, « Épreuve du catholicisme u, p. 497. 366. En 1943, Paul Vignaux fait parvenir à Alexandre Chaulet, délégué C!TC de l’Afrique du Nord, son livre France, prends garde à ne pas perdre ton âme avec cette dédicace : « Ce livre consacré à la spiritualité de la résistance, à l’indépendance des chrétiens u (C!DT, 11 P 3). 367. Il attire l’attention du jeune responsable JOC -aymond Dubois sur « une campagne antisyndicale, pro-corporatiste 6‫ڎ‬8 arrêtée devant les réactions de « la base u. Elle avait été lancée par « certains milieux cléricaux u et « certaines tendances de la LOC (Ligue ouvri¢re chrétienne, constituée par des anciens de la JOC) u visant au « mouvement ouvrier total u, en quelque sorte suppléant d’un syndicalisme condamné. Le th¢me est repris dans P. VIGNAUX, « Épreuve du catholicisme u, p. 496. 368. « Notes de conférence mai 1944 u, p. 8 (A!V). 369. P. VIGNAUX, Tradition, p. 162

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le militant républicain et démocrate de la dignité et de la liberté humaines : « Il faut résister jusqu’au bout dans cette lutte de civilisation pour porter témoignage apparent et total de ࠱délité au respect de la personne humaine 370 u, ce qu’il précisera ainsi en 1944 : L’histoire de la nation française s’est révélée une défense constante de la dignité humaine 6‫ڎ‬8  la résistance spirituelle à l’antisémitisme ne se fonde pas sur des motifs religieux, mais sur des motifs spéci࠱quement humains et français : sur la conception traditionnelle en !rance de l’homme et de la nation 371.

Le démocrate et le patriote se retrouvent dans la contestation radicale de l’État français qui n’est ni légitime ni souverain, puisque « chaque loi, chaque décret doit être soumis à la commission allemande de 2iesbaden 372 u. Paul Vignaux a cette formule : « La -ésistance s’est faite avant l’armistice contre les naUis  apr¢s l’armistice, elle s’est faite contre les naUis et ceux qui ont voulu collaborer avec eux 373 u. Parall¢lement à son action syndicale émerge le souci de contribuer à la naissance d’outils de résistance politique et militaire, s’appuyant sur « l’existence de milieux apparemment peu étendus, multiples, dispersés, s’ignorant les uns les autres, globalement insaisissables, qui, dans un a࠰airement général, constituaient autant de points de résistance, virtuellement peut-être des foyers 374 u. Si les relations, établies antérieurement à la défaite, sont logiquement exploitées, des défaillances a࠰ectent Paul Vignaux –Zpar exemple celle de Jean Pér¢s, son compagnon C!TC d’avant-guerreZ– mais elles sont compensées par les découvertes toulousaines : Mgr Sali¢ge et son entourage, les la©cs catholiques toulousains, y compris du SGEN, les responsables C!TC, à l’image de Jean rodier, de Marcel Vanhove, Silvio Trentin et son environnement si varié, notamment socialiste. De la solidité des relations alors nouées, il demeurera bien des traces apr¢s la guerre. Paul Vignaux avait la particularité d’être « à la con࠲uence de plusieurs milieux 375 u, milieux restreints, mais stratégiques  il s’e࠰orçait de jeter des ponts entre eux, d’institutionnaliser des communautés de combat dépassant les clivages sociaux et philosophiques, y compris en mati¢re d’« action directe u à dimension militaire. Ce rôle de passeur est évident dans son entourage, mais aussi dans ses relations avec la CGT. Au moment de quitter son sol natal, il a renforcé sa conviction que la recomposition politique est une tâche commune aux chrétiens et aux non-chrétiens. Cette année 1940-1941 a con࠱rmé Paul Vignaux dans son choix de se mettre au service de la C!TC. Malgré ses e࠰ectifs réduits, elle occupe une position 370. Phrase de Paul Vignaux rapportée par -aymond Dubois. 371. Le Droit (OttaRa), 4 février 1944. 372. P. VIGNAUX (sous le nom d’Herbert MORRIS), The French Catholic, p. 561. Nous citons ici des propos soit immédiatement postérieurs à son départ, soit plus tardifs, mais cohérents avec ceux de 1940-1941 et avec son comportement. 373. « Notes de conférence, mai 1944 u, p. 5. (A!V). 374. Dans N. PANNOCCHIA (dir.), Silvio Trentin, p. 198. 375. J.-P. MARTIN, « 0n intellectuel chrétien en quête d’une option la©que (1920-1939) u, Paul Vignaux, un intellectuel syndicaliste, Paris 1988, p. 40.

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stratégique : elle a échappé « au grand ébranlement que le dernier tournant de la politique stalinienne a provoqué dans la masse et l’organisation ouvri¢re 376 u et elle est « un des aspects de la réintégration des catholiques dans la démocratie française 377 u. À la con࠲uence de « deux mouvements de résistance, l’un né des réactions de la conscience chrétienne, et l’autre des réactions de la conscience ouvri¢re 378 u. C’est un vivier de militants incarnant une capacité de résistance et de renaissance et pour qui « la lutte pour l’indépendance nationale, disaient-ils, n’est qu’un nouvel aspect de la vieille lutte pour l’indépendance ouvri¢re, l’autonomie des organisations et la liberté des individus 379 u. Pour Paul Vignaux, l’avenir de la !rance se joue dans la classe ouvri¢re, qui associe dynamisme, expérience populaire, volonté d’indépendance et solidarité interprofessionnelle. La période o࠰re une opportunité à saisir : son intégration à la communauté nationale. Les nombreux contacts militants qu’il eut alors en Uone non occupée, sa fréquentation de Silvio Trentin, de Pierre ertaux, de Camille Soula et de leurs entourages, ont renforcé ses convictions socialistes380, pourvu qu’elles partagent une tonalité « fédéraliste de la solidarité ouvri¢re 6‫ڎ‬8 6tenant compte8 des diversités non seulement des professions et des régions, mais encore des conceptions de vie381 u. La double référence ouvri¢re et fédéraliste de ce catholique non conformiste, sa ré࠲exion sur les totalitarismes fondent sa réserve, à l’égard, non pas de la résistance londonienne, mais de sa personnalisation autour de la mystique gaulliste. L’exil américain confortera le « résistant sans de Gaulle382 u.

376. P. VIGNAUX, « À propos du conseil national de la C!TC des 12 et 13 mai u, Temps Présent 133 (10 mai 1940). 377. ID., « Le mouvement ouvrier sous la IIIe -épublique u, L’œuvre de la Troisième République, Montréal 1945, p. 158. 378. G. VIGNAUX, « The Catholics u, p. 215. 379. Message radiodi࠰usé de Paul Vignaux et Joseph otton du 6 février 1943 (C!DT, 3 H 1) 380. Avec Joseph otton, il a࠳rmera : « Il existe bien une conception socialiste de la liberté qui place la liberté de la société au-dessus de l’État u (message radiodi࠰usé du 6 février 1943, C!DT, 3 H 1). 381. Note de P. Vignaux et J. otton du 1er novembre 1944 (Archives rodier, OIT) 382. -. ELOT, La Résistance sans de Gaulle, Paris 2006.

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PAUL VIGNAUX, HISTORIEN DE LA PHILOSOPHIE MÉDIÉVALE

Alain DE LIBERA Professeur à l’université de Genève, Directeur d’études à l’École pratique des hautes études

La mort a frappé Paul Vignaux en Espagne à la ࠱n du mois d’août 1987*. LaZmort d’un enseignant, d’un professeur, a la douloureuse propriété de multiplier le deuil dans le temps et dans l’espace. L’œuvre écrite subsiste, mais on voudrait une personne. -este une énergie anonyme dont le principe nous est inconnu, nescio quid latentis energiae 1, un « je ne sais quoi u dont nous sentons bien en ce moment que cela vit et que cela vivra : une pensée. Tous ceux qui ont suivi l’enseignement de Paul Vignaux savent ce qu’était son séminaire : un e࠰ort, un di࠳cile e࠰ort de la pensée sur elle-même, un mouvement d’analyses et de questions, de doutes et de reprises, toujours contagieux, parfois vertigineux –Zun acte d’exég¢se philosophique en tout cas, puissamment rythmé, dont on ne pouvait décider s’il naissait des particularités des textes eux-mêmes ou de la singularité de leur commentateur. Pour un néophyte, ce n’était pas du médiévisme, c’était le Moyen Âge  à mieux conna¨tre la section des sciences religieuses, ses objectifs et ses méthodes, j’ai ࠱ni par comprendre que c’était aussi, et exemplairement, l’esprit même de notre École. Parler devant des lecteurs et d’anciens auditeurs est délicat. Chacun d’entre eux a son expérience, et, c’est même là tout le succ¢s d’un enseignement, chacun en garde pour lui-même une e࠳gie secr¢te. ,uelque chose, toutefois, m’autorise à écrire quelques mots. C’est que deux mois avant la mort de Paul Vignaux, au seuil de l’été, en juin 1987, l’éditeur suisse Castella a, à l’intiative de -. Imbach, professeur à l’université de !ribourg, publié un petit volume,

* Nous reproduisons ici un hommage à Paul Vignaux, prononcé lors d’une table ronde organisée le 15 octobre 1988 au Coll¢ge de !rance, publié dans la Revue de la société des élèves, anciens élèves et amis de la section des sciences religieuses de l’EPHE, Paris 1989, p. 31-36. 1. Ce mot de Maurice du Port quali࠱ant son ma¨tre Duns Scot est cité par Paul VIGNAUX dans Lire Duns Scot aujourd’hui, à la page 244 de la réimpression Castella, Paris 1987 (voir infra n.Z2). Le texte de cette conférence tenue au quatri¢me congr¢s scotiste international de Padoue a été publié dans Regnum hominis et Regnum Dei. Acta quarti congressus scotistici internationalis, -ome 1987, p. 33-46.

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Philosophie au Moyen Âge, qui, tout en redonnant acc¢s à l’ouvrage depuis longtemps indisponible, nous o࠰re, sous la forme d’une « Introduction nouvelle u, les éléments d’une véritable autobiographie intellectuelle. Je vous renvoie donc à ce texte rédigé en 1986 : il vous livrera le bilan que l’historien faisait de sa propre recherche historique 2. Pour l’heure, il nous faudra nous contenter d’une simple esquisse, celle de l’homme que j’ai commencé à lire, sans le conna¨tre, lorsque j’étudiais en Sorbonne vers 1968. Le mot d’« histoire u est sans doute ce qui caractérise le mieux l’activité de Paul Vignaux. C’est un mot riche qui couvre une vision de la réalité humaine et cette réalité même dans sa complexité, ses étapes, ses contraintes et ses ruptures : un vocable qui appelle aussi un idéal scienti࠱que avec ses principes propres, ses méthodes, ses choix et ses probités. En࠱n, c’est un terme d’une ambigu©té essentielle où se croisent l’histoire que l’on écrit et celle que l’on fait. Médiéviste, notre coll¢gue n’a pas été un historien du passé, il a tout au contraire écrit et enseigné dans un présent qui lui était absolument propre. Il n’a ni pratiqué une « histoire antiquaire u, ni cherché à actualiser ce qui n’avait plus lieu d’être. Sa recherche historique s’est placée dans l’histoire, dans le présent vivant, et il n’a pas fallu attendre 1986 pour qu’il se fasse l’historien de son propre travail. Les in࠲uences subies dans la jeunesse (de l’anonyme disciple de Jules Lagneau qu’il eut pour professeur en classe de philosophie aux grandes ࠱gures de l’École normale supérieure, Émile réhier et Léon runschRicg 3, son « ma¨tre en rationalisme u, dont lui restait le « souvenir unique, inoubliable, de la rencontre du philosophe, non en idée, mais parmi les vivants 4 u), les amitiés et les fréquentatiions des premi¢res années d’enseignement à l’EPHE (HenriCharles Puech 5, Alexandre &oyré, Marcel Mauss), la perception des enjeux successifs (londel et la question du modernisme 6, les th¢ses de -aymond Aron sur La théorie de l’histoire dans l’Allemagne contemporaine et l’Introduction à la philosophie de l’histoire 7), la conscience en࠱n des changements dont il avait été, par la suite, l’acteur ou le témoin, étaient partie intégrante, aliment permanent de sa ré࠲exion. L’homme n’était pas un jour théologien, un autre jour philosophe, un jour historien des doctrines, un autre jour engagé dans l’histoire, il était cela tout ensemble et autant que possible continûment.

2. Philosophie au Moyen Âge, précédé d’une « Introduction nouvelle et suivi de Lire Duns Scot aujourd’hui u, Albeuve 1987. Les p. 267-276 contiennent une « ibliographie des écrits de Paul Vignaux u. 3. À propos de L. ruschRicg, on se permettra de rappeler ici une anecdote que Paul Vignaux raconte lui-même dans « Introduction u, p. 21 : « Nous venions de présenter la diversité d’un Moyen Âge en mouvement, au XIIIe si¢cle même, lorsque, selon notre souvenir, au dernier printemps de l’avant-guerre, Léon runschRicg nous ࠱t signe de traverser la rue Gay-Lussac pour nous remercier avec humour de l’envoi de notre petit livre en précisant que notre Moyen Âge ne ressemblait pas à celui de Gilson. Notre ma¨tre en rationalisme avait aperçu ce que nous devions à l’exemple d’histoire critique donné à la fois dans son enseignement et dans ses ouvrages u. 4. « Introduction u p. 21. 5. Voir « Les sciences religieuses u, dans Les sciences sociales en France, Paris 1937, repris dans H. DESROCHES, J. SEGUY (dir.), Introduction aux sciences humaines des religions, Paris 1970. 6. « Introduction u, mais aussi Philosophie chrétienne et théologie de l’histoire. 7. « Introduction u, p. 27.

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En donnant, le 24 novembre 1973, une conférence devant la Société française de philosophie sur « La place du Moyen Âge en histoire de la philosophie 8 u, Paul Vignaux faisait évidemment entrer le Moyen Âge, on n’ose dire par e࠰raction, mais on peut bien dire de force, dans le champ d’une ré࠲exion et d’une pratique de l’histoire de la philosophie qui précisément ne lui en faisaient gu¢re. On sait le mot d’Hamelin : « Descartes vient apr¢s les Anciens, presque comme s’il n’y avait rien entre eux et lui u. Ce « presque comme u a une certaine saveur, une saveur d’exactement dix si¢cles. Mais Paul Vignaux était et historien et philosophe, c’est pourquoi, dans la discussion qui ࠱t suite à sa communication, il s’attacha à rappeler, à ce propos même, que son exposé « partait d’une situation u universitaire et culturelle d’oubli et de méconnaissance « dont il n’avait pas eu l’expérience, mais qui n’était pas si lointaine 9 u. C’est tout un esprit qui se rév¢le dans ce choc des litotes : un sens du diagnostic philosophique et historique, la conscience d’une tâche et le souci de garder le contact avec un public, celui des philosophes, dont il n’entendait pas se couper. En fait, toute la di࠳culté de l’entreprise intellectuelle de Paul Vignaux tient à ce que son projet personnel était justement de situer le Moyen Âge en histoire de la philosophie, ce qui l’amenait à ré࠲échir en permanence sur sa propre situation de médiéviste. Le seul intitulé de sa conférence montre asseU l’objectif qui était alors le sien. En histoire dit autre chose que dans l’histoire. Je ne crois pas trahir l’activité de P. Vignaux en disant qu’il faisait de la philosophie en faisant de l’histoire de la philosophie. L’objet étudié était complexe, le regard porté sur lui ne l’était pas moins. Pour être bref, on le quali࠱era de scrupuleux. De son ma¨tre Léon runschRicg, Paul Vignaux avait hérité ce « scrupule de la véri࠱cation u qu’il avait pour lui-même transposé en ce qu’il nommait son « scrupule d’historien 10 u. Pareil scrupule va de soi quand il appelle à la seule exactitude  mais Paul Vignaux voulait davantage. Son « scrupule u le poussait non pas seulement à a࠰ronter, mais à rechercher ce que d’un mot superbe il désignait comme « la diversité rebelle 11 u. Cette quête de la diversité peut étonner en cette époque de « restaurations u et de « retours u. Ce n’est pourtant que la conséquence ou l’expression d’une démarche fondamentalement critique, si du moins on entend par critique une pratique du criblage qui, à force de distinctions et de multiples ࠱délités à l’objet, permet de dégager mieux que des permanences : des « élargisse-

8. « Sur la place du Moyen Âge en histoire de la philosophie (séance du 24 novembre 1973) u, dans Bulletin de la Société française de philosophie 68e année (1974), p. 1-29  signalons que seul le programme-annonce de cette conférence est repris dans De saint Anselme à Luther, Paris 1976, p. 53-54. 9. « Sur la place du Moyen Âge en histoire de la philosophie u, p. 20. 10. Ibid., p. 21. 11. Citons tout le passage, emprunté à l’avant-propos de Philosophie au Moyen Âge, 1958, p. 9 (repris dans l’édition de 1987, p. 64) : « L’historien qui a reçu une formation philosophique doit craindre de trop uni࠱er, de systématiser  il faut qu’il laisse voir la diversité rebelle. Il faut aussi que dans la suite de son exposé, il ne donne pas l’illusion de disposer d’une certitude homog¢ne : c’est pourquoi nous avons, autant que possible, gardé à ce résumé l’allure d’une recherche, mélange de hardiesses et de scrupules, sujets, les uns et les autres, à l’exc¢s. u

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ments d’horiUon u qu’aucune synth¢se, aussi ambitieuse soit-elle, ne saurait ni produire ni a fortiori communiquer. C’est paradoxalement en intensi࠱ant des corpus et des objets limités que Paul Vignaux arrivait à composer une histoire, et non pas –Zcela va sans direZ– en présentant sous forme de vision d’ensemble la somme des connaissances, donc des ignorances, de son temps. Paul Vignaux n’aimait ni les panoramas ni la philosophie panoptique. SonZpropos était obstinément dissociant. Cette méthode « diacritique u, di࠰érentielle, ne pouvait pas ne pas a࠰ecter son écriture : un art d’écrire, en un sens, typiquement médiéval, où chaque phrase du commentaire laissait se continuer, ou plutôt recommencer en elle le texte commenté. Les manuscrits de Paul Vignaux qu’il m’a été donné de voir n’étaient pas ceux de !laubert, mais leur architecture, leur tracé même, indiquaient un travail d’une telle densité qu’on les sentait aussi matériellement tendus vers le ࠩKJLQd’une histoire qui s’édi࠱e et se construit dans le temps même qu’elle se refuse et para¨t se défaire. OnZpourrait regretter que Paul Vignaux ait à ce point privilégié la forme de l’article, de l’opuscule ou de la communication savante, bref, qu’il n’ait pas attaché son nom à un projet totalisant : ce serait méconna¨tre le sens même de son enseignement. L’unité ne se décr¢te pas, elle se cherche en se répétant. L’histoire écrite par Paul Vignaux est si l’on veut leibniUienne, disons monadologique. Comme les monades, ses textes n’ont pas de fenêtres, mais ils s’entr’expriment et chacun re࠲¢te à sa mani¢re l’indicible totalité. Telle que je la comprends, l’unité de la pensée de Paul Vignaux tient, comme il l’a lui-même souvent dit, à une histoire de la raison : raison métaphysique, raison scienti࠱que, raison ré࠲échissant sur la foi dans la théologie. C’est en tout cas sous ce triple signe que se rejoignent les enthousiasmes du jeune chercheur, la majeure partie de ses écrits ultérieurs et l’essentiel de ses résultats les plus décisifs. D¢s 1938, quatre ans apr¢s avoir été élu à la direction d’études d’« Histoire des doctrines et des dogmes u, Paul Vignaux oppose à la « considération de la nature de la raison, de son essence de pure lumi¢re naturelle, la considération par les franciscains saint onaventure et Duns Scot des états de la raison u, états et non pas étapes, « diversité u, donc,Z« issue des événements u que, pour un théologien chrétien, sont le péché originel et la rédemption 12. ,ue des « spéculatifs médiévaux aient eux-mêmes situé leur spéculation dans l’histoire d’un salut révélé à leur foi u, qu’il y ait « un caract¢re historique de la vision chrétienne de l’univers u, et que simultanément, ces spéculations, dans leur radicalité théologique même, soient aussi des moments con࠱gurateurs de rationalités, voilà l’intuition, le choc initial, qui appellent le jeune enseignant à dépasser les alternatives où s’était enfermé un certain médiévisme. Le projet d’une histoire des états de la raison supposait qu’il y eût une forme d’activité historique capable d’assumer intégralement les données de l’histoire des théologies médiévales, en un mot de O£ࠪ£@EFOsur les diverses théologies d’une religion positive, le christianisme. 0sant d’une notion ch¢re à Henry Duméry, Paul Vignaux a, dans les années 1950-1960, parlé d’une philosophie de la religion comme de cet instrument

12. « Introduction u, p. 15.

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permettant d’analyser la rationalité des structures conceptuelles et des argumentations théologiques du Moyen Âge, sans avoir pour autant à adopter le point de vue du théologien 13. L’expression pouvait déconcerter et l’on pouvait à bon droit se demander avec Henri Gouhier si cette histoire de la raison ré࠲échissant sur la foi dans la théologie était « une histoire de la philosophie de la religion ou la philosophie de la religion elle-même 14 u. En répondant qu’il « prenait la notion de philosophie de la religion en historien u, Paul Vignaux donnait en fait deux réponses. D’une part, il a࠳rmait que la ré࠲exion des théologiens sur leur propre foi était un exercice de raison donné dans une pluralité d’attitudes rationnelles allant de la recherche d’un intellectus ࠩABFà la reconnaissance positive, pour nous si surprenante, que « la certitude d’une proposition ‫ڄ‬théologique‫ څ‬tient seulement à l’autorité de la ible, de la tradition des Sancti ou d’une determinatio Ecclesiae u  il y avait ainsi, non pas certes une philosophie médiévale de la religion, mais une ré࠲exion critique des théologiens médiévaux sur leur propre pratique, ce qui, et c’est la seconde réponse, autorisait leur historien à tisser les formes et les structures de ces démarches en une histoire de la rationalité religieuse qu’une philosophie de la religion pouvait élaborer, classer, regrouper et distribuer ensuite, pour peu qu’elle restât elle-même historienne, c’est-à-dire aussi libre que possible de tout préjugé dogmatique. En laissant de côté les débats sur la philosophie chrétienne pour s’attacher à une histoire des états de la raison ré࠲échissant sur la foi, Paul Vignaux n’a pas seulement fait œuvre la©que, il a e࠰ectivement permis au Moyen Âge de trouver une place en histoire de la philosophie. Mieux, il a contraint cette histoire à regarder ce qu’elle ne voulait pas voir : l’invention rationnelle des médiévaux. Lorsqu’on débattait abstraitement, pour ne pas dire idéologiquement, des rapports entre foi et raison au Moyen Âge, on n’avait aucune idée des rationalités engagées, déployées, indé࠱niment reprises et retouchées par les ma¨tres des années 1300. On cherchait le rationnel, donc le philosophique, dans la littérature spécialisée, les commentaires sur Aristote, et, pour peu qu’il en eût encore le goût, on laissait le théologien commuer son exil en cultivant son exotisme. L’historien de la philosophie ne connaissait qu’une forme de rationalité, la sienne, qu’un corpus, le corpus philosophique, qu’un domaine de probl¢mes, la philosophia prima des métaphysiciens, jusqu’à un certain point la physique, mais balisée par les historiens des sciences. Il avait aussi ses adversaires et ses démons : la néoscolastique et le néothomisme. Avec son idée de la raison et de l’histoire, Paul Vignaux a largement contribué à périmer dé࠱nitivement ce genre théâtral, ce qui revient à dire qu’il a ouvert grand le champ des recherches et multiplié les nouveaux objets. OnZpourrait caractériser le phénom¢ne en termes de périodisation 15, dire qu’il

13. Voir sur ce point Ibid., p. 17. La note 1 contient la bibliographie des ouvrages d’H. Duméry ainsi que diverses indications de son rapport avec londel. 14. « Sur la place du Moyen Âge en histoire de la philosophie u, p. 19. 15. La périodisation est le probl¢me central du médiévisme. Sur ce point, la méthode de P. Vignaux se rencontrait avec d’autres novateurs. On pense ici à E. Panofsky ou à L. M. De -ijk. De fait, si, comme le soutient Panofsky, l’écriture gothique est l’expression gothique d’une certaine dialectique,

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a été au XIVe si¢cle, au nominalisme et au scotisme, ce qu’Étienne Gilson a été au XIIIe si¢cle et au thomisme : on pourrait dire aussi qu’il a rompu avec la conception téléologique de l’histoire qui, avant lui, faisait du XIIe si¢cle l’âge des promesses, du XIIIe l’« âge d’or de la scolastique u, du XIVe l’¢re de la décadence, et du XVe un ensemble d’années dénombrables, ࠱ni, asseU généralement situé par les spécialistes entre 1400 et 1500  en࠱n, on pourrait citer les noms de tous ceux que, à partir de ses premiers articles de 1931, il a sinon tirés de l’oubli, du moins dé࠱nitivement installés à l’avant-sc¢ne : Pierre d’Auriole, Grégoire de -imini, !rançois de Meyronnes ou Jean de -ipa. Tout cela serait vrai dans son genre, et Paul Vignaux lui-même a ainsi présenté les choses dans une page tr¢s lucide de son texte de 1976 Lire Duns Scot aujourd’hui 16. Il me para¨t cependant nécessaire d’ajouter que cet ami de la pensée franciscaine a aussi fait émerger la pluralité des formes du rationnel. Inlassable lecteur du genre sententiaire, comme en témoigne d¢s 1935 son Luther commentateur des Sentences, Paul Vignaux a lancé un type d’études où les philosophes ont, contre toute attente, trouvé de quoi nourrir leurs recherches les plus spéci࠱ques et les plus modernes. ,u’il s’agisse de logique, de sémantique philosophique ou de philosophie du langage, que cette logique soit épistémique, théorie des attitudes propositionnelles, ou déontique, théorie des syst¢mes de normes, ou d’un mot qui résume tout : « modale u, la plupart des questions posées aux textes du Moyen Âge par le récent médiévisme anglo-saxon n’eussent pas existé si les rationalités, on dirait maintenant les « outils conceptuels u ou les « langages analytiques u, mises en œuvre dans le traitement médiéval de questions aussi rigoureusement théologiques que le mouvement de l’ange, le moment précis de la transsubstantiation ou la possibilité d’un in࠱ni créé en acte, n’avaient pas été révélées ou recouvrées par la fréquentation des Commentaires sur les Sentences du XIVe si¢cle. De même, sans une inlassable analyse des complexes de probl¢mes liés à la théologie de la puissance divine absolue, theologia de potentia Dei absoluta, une pi¢ce essentielle de la nouvelle histoire de la physique et de la philosophia naturalis eût fait défaut. Je crois qu’il est intéressant de souligner que la philosophie dite « analytique u, tradition anglo-saxonne par excellence qui tend à dominer aujourd’hui les études médiévales, a rencontré ses premiers objets d’élection grâce à une histoire de la raison dont le promoteur était si fortement enraciné dans la tradition philosophique française.

si les analogies que l’on observe entre l’écriture et l’architecture –Zpar exemple, la minuscule caroline et l’architecture romane ou les lettres bâtardes et le style gothique ࠲amboyantZ– sont d’abord d’ordre intellectuel et résultent d’applications locales d’une « façon de raisonner qui se retrouve dans toutes les productions de l’esprit u, il appartient à une histoire des états de la raison de trouver par et pour elle-même ses périodisations. La distinction générale des « si¢cles u est secr¢tement travaillée par le rêve d’un âge d’or : c’est lui qui fait du XIIe si¢cle un âge de renaissance et d’amorces, du XIIIe l’âge des synth¢ses et des réalisations (la Hochscholastik), du XIVe celui de la chute et des dépérissements. Telle que la conçoit Paul Vignaux, l’histoire est, au contraire, di࠰érentielle. C’est une histoire qui, comme l’écrit L. M. de -ijk, doit multiplier les sommets, en pratiquant « une division selon des points de vue variables u. 16. Lire Duns Scot, Albeuve 1987, p. 244.

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Paul Vignaux connaissait le phénom¢ne. J’en veux pour preuve l’appréciation positive qu’il fut, un des rares en !rance, à avoir du « tr¢s remarquable ouvrage collectif dirigé par N. &retUmann, A. &enny et J. Pinborg : The Cambridge %FPQLOV LC )>QBO *BAFBS>I -EFILPLMEVu (Cambridge, Cambridge 0niversity Press, 1982) 17. Mais, comme le montre clairement son grand texte de 1977, La problématique du nominalisme médiéval peut-elle éclairer des problèmes philosophiques actuels ?, il n’en gardait pas moins son « scrupule d’historien 18 u. Si sa propre activité avait suscité puis accompagné bien des renouvellements, attirant au Moyen Âge nombre de philosophes de métier, bref si grâce à ses travaux d’historien des théologies, les ma¨tres ¢s arts d’aujourd’hui avaient fructueusement renoué avec leurs parents d’hier, Paul Vignaux continuait à se dé࠱er des usages intempérants de la notion d’« anticipation u, tout comme il ne goûtait gu¢re certaines applications violentes de langages symboliques aux formes médiévales de l’argumentation. Je me souviens d’un apr¢s-midi, place de la Sorbonne, où celui dont je fréquentais alors le séminaire m’incita à bien distinguer le formel et le symbolique, ou pour dire les choses plus rondement « à ne pas confondre la logique formelle des scolastiques avec le dessin industriel u. J’esp¢re avoir fait mon pro࠱t de ce conseil, sans être hélas persuadé d’y être tout à fait parvenu. D’autres, ici présents, pourront dire ce que leurs propres recherches et le médiévisme en général doivent à Paul Vignaux. En ce qui me concerne, il est un domaine, où, pour conclure par une note personnelle qui ne le soit pas trop, notre coll¢gue a exercé sur moi une profonde in࠲uence : je veux parler de tout ce qui touche au statut de la théologie mystique dans une activité d’historien philosophe. Si mes notes ne me trompent pas –Ztout médiéviste sait ce qu’est une reportatio –, Paul Vignaux a conclu la premi¢re heure de la derni¢re séance de son enseignement à l’EPHE dans la petite salle dite « du laboratoire u qu’il avait lui-même contribué à créer, conclu, dis-je, par la question suivante : « ,u’en est-il de cette fameuse opposition entre théologie scolastique et théologie mystique  u Cette question reprise en marchant boulevard Saint-Michel puis, plus au calme, à Enghien, ࠱t aussi du chemin en moi. Ce, d’autant plus que Paul Vignaux faisait souvent état d’un cours de Victor Delbos sur « La préparation de la philosophie moderne u, demeuré inédit jusqu’en 1925. Dans la leçon sur le « Mysticisme allemand u on lisait cette phrase, qui me choquait alors et me fascinait à la fois : « Il serait vain de présumer que tout ce qui est susceptible de prendre un sens rationnel doit nécessairement entrer dans le monde et dans l’esprit humain par la voie de la simple raison 19 u. En la retrouvant à la page 14

17. Voir « Introduction u, p. 22. 18. Ce « scrupule u est d’autant plus notable que, dans ce texte –Zparu dans la Revue philosophique de Louvain 75 (1977), p. 293-331Z–, P. Vignaux utilise abondamment les analyses de &retUmann sur le « dictisme u, telles qu’elles sont exposées dans « Medieval logicians on the meaning of the propositio u, Journal of Philosophy 67 (1970), p. 767-787. 19. La leçon de Victor Delbos est publiée dans les Cahiers de la nouvelle journée 3 (1925), p. 11121. Paul Vignaux s’y réf¢re déjà dans l’avant-propos de Philosophie au Moyen Âge, 1958, p. 10 (repris dans l’édition de 1987, p. 63).

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de l’Introduction nouvelle préfaçant un développement 20 sur l’importance de Scot Erig¢ne, Albert le Grand, Dietrich de !reiberg et ma¨tre Eckhart, où se mêlent un passage de l’Intention philosophique de ergson et un beau texte de réhier sur la doctrine néoplatonicienne d’un salut « éternellement fait, parce qu’il fait partie de l’ordre du monde u, th¢se dont la même Introduction 21 précise immédiatement que c’est « un concept philosophique opposé à la présentation chrétienne du salut dans une série d’événements dont chacun part d’une libre initiative u, je mesure rétrospectivement tout ce que notre travail sur le néoplatonisme médiéval en général et sur Ma¨tre Eckhart en particulier doit à Paul Vignaux. Il était certes facile d’intégrer ce qu’on appelle le « mysticisme spéculatif u à l’histoire de la philosophie, il su࠳sait de passer par le biais de l’idéalisme postkantien  un « mode de penser u susceptible de s’inscrire de plein droit dans une histoire des états de la raison, dans une histoire de la rationalité médiévale. En préparant ce petit exposé, je me suis tout à coup demandé comment Paul Vignaux –Zqui se plaisait à rappeler le mot de Duns Scot : « Nous n’aimons pas souverainement les négations uZ–, pouvait arriver à penser et à reconna¨tre par ailleurs le sens philosophique et rationnel de la théologie négative prônée dans l’École dominicaine allemande des XIIIe et XIVe si¢cles, et je me suis étonné que celui qui, avec Zénon &aluUa, organisait en 1981 une table ronde du CN-S sur « Preuve et raisons à l’0niversité de Paris u 22 ait pu, aussi bien, écrire en 1984 Pour situer dans l’École une question de Maître Eckhart 23, puis susciter et soutenir avec autant de chaleur et d’e࠳cacité un travail collectif sur son Œuvre latine, un travail qui, j’en suis heureux, dure encore. Je pense en ce moment que ma question était vaine, et j’esp¢re l’avoir montré  quant à mon étonnement, il signi࠱ait seulement que je n’avais pas su࠳samment médité la notion de « diversité rebelle u. J’avais aussi oublié le s placé à la ࠱nale du mot raison dans l’intitulé de l’ouvrage de 1981, comme pour signer un manifeste. La marque du pluriel ne s’entend pas, elle se lit. ,ue ceci nous incite donc à lire et à relire Paul Vignaux, philosophe et « historien des théologies médiévales sensible à leur diversité 24 u.

20. « Introduction u, p. 15. 21. Ibid. 22. Z. KALUZA, P. VIGNAUX (dir.), Preuve et raisons à l’Université de Paris. Logique, ontologie et théologie au XIVe siècle, Paris 1984. On lira dans ce volume d’importantes conclusions générales, p.Z287-296. 23. « Pour situer une question de Ma¨tre Eckhart : interrogations sur ‫ڄ‬être‫څ‬, ‫ڄ‬conna¨tre‫ څ‬et ‫ڄ‬vouloir‫ څ‬en Dieu u, dans Maître Eckhart à Paris Une critique médiévale de l’ontothéologie, Paris 1984, p. 141-154. Déjà, dans l’hommage o࠰ert à son ami !ernand runner, qu’il avait, d’ailleurs, invité à tenir une mémorable conférence eckhartienne à la Ve section de l’EPHE, Paul Vignaux avait abordé un sujet voisin : « Sur ‫ڄ‬esse‫ څ‬et ‫ڄ‬intelligere‫ څ‬en Dieu u, dans Métaphysique, histoire ABI>MEFILPLMEFB /B@RBFIA‫ٽ‬£QRABPLࠨBOQš#BOK>KAORKKBO, Neuchâtel 1981, p. 143-150. 24. « Introduction u, p. 34. Signalons donc ici ce qui, à notre connaissance, est le dernier texte publié par P. VIGNAUX : « Valeur durable de l’approche philosophique de saint onaventure u, dans !. DE ASIS CHAVERO BLANCO (dir.), Bonaventurana Miscellanea in onore di Jacques Bougerol, OFM, vol. 2, -ome 1988, p. 535-563. Cet article est aussi, à sa mani¢re, le bilan d’une vie.

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PAUL VIGNAUX ET LA PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE

-uedi IMBACH Professeur à l’université Paris IV-Sorbonne

En date du 20 avril 1931, Jacques Maritain écrit à Étienne Gilson : « Merci de votre bonne lettre. Je suis tout à fait heureux de notre accord sur cette notion de philosophie chrétienne. C’est un fameux li¢vre que vous aveU levé là 1 u. CetteZremarque introduisant une asseU longue lettre mérite un temps d’arrêt. Elle fait allusion au «Zdébat sur la philosophie chrétienneZu qui, au début des années trente du si¢cle dernier, a beaucoup préoccupé et intrigué un bon nombre d’excellents et cél¢bres esprits, dans le monde francophone en particulier 2. En outre, elle pose indirectement la tr¢s intéressante question : peut-on dater le surgissement, la gen¢se et l’éclosion d’un débat d’idées  Le cas du débat sur la philosophie chrétienne est particuli¢rement intéressant à ce sujet : d’une part, il est possible de situer avec précision son apparition  d’autre part, il présente un exemple frappant de discussion vivace un certain temps, puis qui s’est pour ainsi dire éteinte. Je souhaite dans ces lignes esquisser la contribution de Paul Vignaux à ce débat, contribution tardive mais essentielle, dans la mesure où, discutant le sens et la portée de la notion de philosophie chrétienne, Vignaux a fait progresser considérablement et de mani¢re décisive la problématique de «Zl’objet de l’histoire de la philosophie médiévaleZu, de l’enjeu de cette derni¢re

1. É. GILSON, '>@NRBP*>OFQ>FK  LOOBPMLKA>K@B , Paris 1991, p. 51. La suite du texte est fort instructive : « Et vous aveU rendu un grand service aux thomistes en attirant leur attention là-dessus, et sur la tentation de rationalisme qui rôde autour d’eux sicut leo rugiens pour peu qu’ils laissent se matérialiser en eux leur sagesse. u 2. Pour une vue d’ensemble de la controverse, cf. A. HENRY, « La querelle de la philosophie chrétienne. Histoire et bilan d’un débat u, dans Recherches et débats (du Centre catholique des intellectuels français) 10 (1955), p. 35-68  G. !ORNI, )> #FILPLࠩ> @OFPQF>K>  2K> AFP@RPPFLKB   , ologne 1988  on trouvera également une br¢ve évocation de la querelle, située dans un contexte plus ample, cheU É. FOUILLOUX, Une Église en quête de liberté. La pensée catholique française entre modernisme et Vatican II, Paris 1998, p. 150-154. Pour un tableau plus vaste cf. E. CORETH, W. NEIDL, G. PFLIGERSDORFFER, Christliche Philosophie im katholischen Denken des  RKA '>EOERKABOQP, 3 vol., GraU 1987-1990. En français : Ph. SECRETAN (dir.), La philosophie chrétienne, d’inspiration catholique, !ribourg 2006.

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dans le monde contemporain, de sa fonction pour l’activité philosophique tout court et de sa méthode spéci࠱que. 1. Comme je l’ai déjà suggéré à l’instant, il est possible de préciser le lieu et la date de l’av¢nement de ce débat et donc d’identi࠱er son lieu de naissance. À vrai dire, il faut a࠳rmer que le probl¢me surgit presque simultanément et de mani¢re indépendante cheU deux auteurs 3, comme deux sources d’abord indépendantes puis plus tard réunies pour former un seul ࠲euve. En 1927, Émile réhier publie le second fascicule de son premier tome de l’Histoire de la philosophie qu’il compl¢te avec un chapitre intitulé « Hellénisme et Christianisme aux premiers si¢cles de notre ¢re 4 u. Dans ce texte qui aborde notamment le probl¢me d’une éventuelle in࠲uence du christianisme sur la philosophie et qui pose explicitement la question d’un renouvellement de la philosophie par le christianisme, réhier esquisse un programme complet : Nous espérons donc montrer, dans ce chapitre et les suivants, que le développement de la pensée philosophique n’a pas été fortement in࠲uencé par l’événement du christianisme, et pour résumer notre pensée en un mot, qu’il n’y a pas de philosophie chrétienne 5.

L’historien était manifestement préoccupé par ce probl¢me : en 1930, il travaillait à un article portant le titre « 4 a-t-il une philosophie chrétienne  u qui para¨tra au printemps 1931 dans la Revue de métaphysique et de morale 6. Dans cet essai programmatique, réhier aborde la question posée dans le titre en précisant qu’il s’agit de s’interroger sur « la vocation intellectuelle du christianisme 7 u et qu’il est indispensable d’examiner la part positive du christianisme « dans le développement de la pensée philosophique 8 u. Les conclusions de réhier sont aussi claires que radicales : selon lui le christianisme n’a eu aucune in࠲uence positive sur le développement de la philosophie européenne et il lui para¨t surtout indéniable que la prétendue philosophie chrétienne n’a jamais existé. Au terme d’une enquête historique où il est notamment question de saint Augustin et de saint Thomas, l’auteur prétend que la rencontre du christianisme et de la philosophie est accidentelle 9, car il n’existe pas la moindre a࠳nité entre les deux champs 10 :

3. Il s’agit bien sûr d’un probl¢me ancien, contemporain de la rencontre entre la philosophie et le christianisme. Mais certains moments de l’histoire voient ce probl¢me prendre plus de place. Nous abordons ici un unique épisode de ce probl¢me récurrent, qui nous para¨t particuli¢rement intense et intéressant. 4. É. BRÉHIER, Histoire de la philosophie, vol. I : L’Antiquité et le Moyen Âge, t. 2 : Période hellénistique et romaine, Paris 1927. 5. Ibid., p. 494. 6. É. BRÉHIER, « 4-a-t-il une philosophie chrétienne  u, Revue de métaphysique et de morale 38 (1931), p. 133-162. 7. Ibid., p. 161. 8. Ibid. 9. Ibid., p. 161. 10. Ibid., p. 162.

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Nous avons vu les essais, toujours vains, du christianisme pour ࠱xer un de ces moments, pour s’en emparer  mais on ne peut pas plus parler d’une philosophie chrétienne que d’une mathématique chrétienne ou d’une physique chrétienne 11.

De mani¢re indépendante mais presque simultanément, l’expression de « philosophie chrétienne u s’impose à Étienne Gilson pour désigner l’entreprise de Thomas d’Aquin. En juin 1925, il rédige en e࠰et une préface à la troisi¢me édition de son Thomisme, dans laquelle il désigne explicitement la démarche de Thomas comme philosophie chrétienne 12 : Entendons par là une philosophie qui veuille être une interprétation rationnelle du donné mais pour qui l’élément capital de ce donné reste la foi religieuse dont la révélation chrétienne dé࠱nit l’objet 13.

D¢s ce moment, la problématique de la philosophie chrétienne n’a plus jamais quitté Gilson. Dans son parcours intellectuel, les « Gi࠰ord Lectures u, qu’il prépare en 1930 et qui para¨tront en 1932 14, occupent une place tout à fait à part en raison des deux premiers chapitres qui contiennent l’exposé le plus complet du th¢me en question. Il faut en outre signaler l’exposé que Gilson a présenté lors de la séance du 27 mars 1931 devant la Société française de philosophie 15. À ces deux textes essentiels, il convient d’ajouter le volume Christianisme et philosophie, dont la premi¢re publication date de 1936 16, ainsi que les deux livres fondamentaux de 1960 qui soul¢vent une nouvelle

11. Ibid., p. 162. 12. Cf. H. GOUHIER, É. GILSON, Trois essais : Bergson, La philosophie chrétienne, L’art, Paris 1993, p. 44 : « Dans la mesure où il est permis de faire intervenir des dates, tout porte à croire que les premiers textes de Gilson sur la ‫ڄ‬philosophie chrétienne‫ څ‬sont antérieurs à ceux de réhier sur le même sujet. La préface de la troisi¢me édition du Thomisme est de 1925  le chapitre du livre de réhier para¨t en 1927. La pensée d’Émile réhier sur la ‫ڄ‬philosophie chrétienne‫ څ‬ou plutôt sur l’absence de ‫ڄ‬philosophie chrétienne‫ څ‬para¨t avec toute sa signi࠱cation et ses conséquences historiques dans l’article de la Revue de Métaphysique d’avril 1931. u Toutefois Gouhier ajoute : « La chronologie est, ici, sans importance‫ ڎ‬u. Ce qui est certain est le fait que Gilson dans ces textes ne se réf¢re pas explicitement à réhier. Sur cette période de la vie de Gilson, cf. L. &. SHOOK, Étienne Gilson, Toronto 1984, p. 198-205. 13. É. GILSON, Le thomisme. Introduction au système de saint Thomas d’Aquin, Paris 19273 (19191), p. 40. La préface est datée du 12 juin 1925. Gilson précise (p. 40, n. 2) qu’il a trouvé l’expression « philosophie chrétienne u dans une biographie de saint Thomas du XVIIIe si¢cle, celle d’A. TOURON, La vie de saint Thomas, docteur de l’Église, avec un exposé de sa doctrine et de ses ouvrages, Paris 1737. Voir pour ce qui suit : H. GOUHIER, É. GILSON, Trois essais : Bergson, La philosophie chrétienne, L’art, en particulier p. 36-73. 14. É. GILSON, L’esprit de la philosophie médiévale, Paris 1932. 15. ID., « La notion de philosophie chrétienne u (séance du 21 mars 1931), Bulletin de la Société française de philosophie, 31e année, no 2 et 3 (mars-juin 1931), p. 73-85  le compte rendu de la séance est suivi d’une lettre de Maurice londel, p. 86-92 et de Jacques Chevalier, p. 92-93. À la discussion ont pris part : É. réhier, L. runschvicg, -. Lenoir, X. Léon, E. Le -oy et J. Maritain. Dans un témoignage intéressant Daniel PéUeril raconte qu’il a lui-même participé à cette séance et qu’il en a rendu compte au P¢re Laberthonni¢re (« -encontre du P. Laberthonni¢re u, Revue de l’Institut catholique de Paris 8 (1983), p. 237-247, sur la séance p. 238-240. 16. É. GILSON, Christianisme et philosophie, Paris 1986 (19491).

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fois le probl¢me  je veux parler de l’opuscule Introduction à la philosophie chrétienne 17 et de l’autobiographie intellectuelle portant le titre Le philosophe et la théologie 18. 2. Du point de vue plus strictement théorique, il convient ici de rappeler la description de la philosophie chrétienne que Gilson propose dans les $FࠨLOA Lectures et qu’il rép¢te littéralement dans l’ouvrage de 1936 : La philosophie chrétienne est une philosophie qui, bien que distinguant formellement les deux ordres, consid¢re la révélation chrétienne comme un auxiliaire indispensable de la raison 19.

L’expression « auxiliaire indispensable de la raison u réclame surtout une interprétation et mérite d’être précisée. À vrai dire, il me semble que la conception gilsonienne de la philosophie chrétienne réunit trois moments qu’il importe de distinguer tr¢s clairement  ces trois dimensions de la notion n’ont à mon sens pas été analysées asseU précisément. La première est historique. Comme Gilson le rappelle, l’incitation à mieux considérer et étudier l’in࠲uence du christianisme sur le développement de la philosophie européenne lui vint de ses études historiques sur Descartes. Avec ce syntagme, Gilson veut donc en premier lieu accentuer l’e࠰ectivité et la portée décisive de cette in࠲uence. Lors de la séance de 1931, il formule clairement la question à laquelle répond le concept de philosophie chrétienne : « Il s’agit de savoir si le christianisme a joué un rôle observable dans la constitution de certaines philosophies 20 u et il forge l’expression d’une « révélation génératrice de raison 21 u. Or à ses yeux la reconnaissance de « syst¢mes de vérités rationnelles dont l’existence ne saurait historiquement s’expliquer sans tenir compte du christianisme u ne saurait être contestée 22. Cette dimension historique de la notion et de ce qui est visé par elle doit cependant être complétée par une dimension théorique à vaste rayon d’action, qui concerne le rapport particulier entre foi et raison caractéristique de la philosophie chrétienne. On peut parler du rôle correctif et normatif de la foi par rapport à la raison, dans la mesure où le philosophe chrétien accepte de se laisser guider par la foi :

17. ID., Introduction à la philosophie chrétienne, Paris 1960. 18. ID., Le philosophe et la théologie, Paris 1960. La position de Gilson a été exposée avec soin par H. DONNEAUD : « Étienne Gilson et Maurice londel dans le débat sur la philosophie chrétienne u, Revue thomiste 99 (1999), p. 498-516, (voir en particulier p. 504-507), et G. PROUVOST, « Les relations entre philosophie et théologie cheU E. Gilson et les thomistes contemporains u, Revue thomiste 94 (1994), p. 413-430. L’article de Prouvost contient d’ailleurs une intéressante comparaison entre la position de Gilson et celle de Maritain. Sur la position de Gilson dans le thomisme français du XXe si¢cle voir : G. PROUVOST, « Gilson et les thomismes u, dans ID., Thomas d’Aquin et les thomismes, Paris 1996, p. 105-121, 19. É. GILSON, Christianisme et philosophie, p. 138. 20. ID. « La notion de philosophie chrétienne u, p. 39. 21. Ibid., p. 39. 22. Ibid., p. 48.

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Demander que les sciences et la philosophie se r¢glent sur la théologie, c’est tout d’abord leur demander de se contenter d’être une science et une philosophie, sans prétendre se transformer, comme elles font constamment, en théologie. C’est aussi leur demander de prendre en considération certaines vérités enseignées par l’Église touchant l’origine et la ࠱n de la nature et de l’homme 23.

Selon Gilson, le philosophe chrétien « se donne un centre de référence ࠱xe 24 u et, peut-on ajouter, la « révélation u éliminant la vaine curiosité –Z « permet à la philosophie de s’achever 25 u. Gilson approuve pleinement l’expression de l’encyclique Aeterni Patris demandant de joindre à l’étude de la philosophie « la soumission à la foi chrétienne 26 u. Cette soumission doit d’une part « faire voir la vérité vers laquelle doit tendre sa course et par conséquent l’y diriger 27 u. Elle permettra par ailleurs d’éviter les erreurs. Les deux premi¢res dimensions de la notion esquissées ici se rapportent prioritairement à la tradition. Elles permettent ainsi de mieux comprendre et interpréter le corpus des textes médiévaux, en fournissant une grille de lecture de ces textes. Le troisi¢me aspect concerne en revanche l’activité philosophique tout court. Par là, je veux dire que, pour Gilson, la philosophie chrétienne n’est pas seulement un cadre conceptuel pour comprendre les textes du passé, mais aussi un paradigme philosophique actuel. Gilson se comprend lui-même comme un philosophe chrétien et envisage ce mode de philosopher –Ztel qu’il le comprend comme le seul qui soit conforme à la pensée catholique. Il se moque parfois des chrétiens qui prétendent philosopher comme s’ils n’étaient pas chrétiens. C’est en e࠰et précisément le contraire que la situation du temps présent impose. En 1936, il écrit : On croit habile de présenter le chrétien qui philosophe comme un bon philosophe parce qu’il philosophe exactement comme s’il n’était pas chrétien 6‫ڎ‬8. Ce qui serait intéressant, au contraire, ce serait un philosophe qui, comme saint Thomas ou Duns Scot, prendrait la tête du mouvement philosophique de son temps, précisément parce qu’il serait catholique 28.

Tel est le programme qui sous-tend l’idée de philosophie chrétienne : « Penser en chrétien dans une société qui n’est pas chrétienne 29 u, puisqu’il s’agit de combattre l’un des maux « les plus graves dont sou࠰re aujourd’hui le catholicisme, particuli¢rement en !rance, c’est que les catholiques n’y sont plus asseU ࠱ers de leur foi u 30. 3. Les th¢ses de Gilson sur la philosophie chrétienne ont provoqué une authentique discussion, nous l’avons déjà rappelé. En e࠰et, la séance de la Société française de philosophie du mois de mars 1931 témoigne d’un vif débat

23. ID., Christianisme et Philosophie, p. 166. 24. ID., L’esprit de la philosophie médiévale, p. 34. 25. Ibid., p. 34. 26. ID., Christianisme et Philosophie, p. 160. 27. Ibid., p. 128. 28. Ibid., p. 160. 29. Ibid., p. 150. 30. Ibid., p. 159.

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auquel, outre Émile réhier et Léon runschvicg, Jacques Maritain a pris part. En 1933, sous la présidence de Marie-Dominique Chenu, la Société thomiste organise en outre une journée d’études durant laquelle deux gros rapports furent présentés, l’un par Aimé !orest et l’autre par le P. Antonin--. Motte 31. Parmi les tr¢s nombreuses publications témoignant de ces débats, il faut au moins mentionner le livre de Jacques Maritain, De la philosophie chrétienne, qui para¨t en 1933 32. Pour notre propos, l’opposition de certains philosophes néoscolastiques à la th¢se de Gilson constitue l’élément le plus signi࠱catif. Lors de la séance de Juvisy, le cél¢bre historien Pierre Mandonnet a࠳rme avec une certaine brusquerie et sans détour que le christianisme « n’a pas transformé la philosophie 33 u et que « dans le domaine rationnel, il n’y rien de plus que ce que la raison lui donn 34 u. Il y a bien des chrétiens qui ont fait de la philosophie, mais « en droit 6‫ڎ‬8, il n’y a pas de philosophie chrétienne 35 u. 0n autre thomiste de ce temps, le suisse Gallus M. Manser, a défendu une doctrine en tout point semblable, dans une série d’articles dirigés contre Gilson et Maritain. Manser, représentant majeur du thomisme alpestre 36, s’écrie : « EntReder ist die Philosophie als 2issenschaft reines VernunftRissen, oder sie ist ¶berhaupt nicht 37 u. Mais l’attaque la plus frontale vient de l’école thomiste de Louvain. !ernand Van Steenberghen commence son long combat contre la position gilsonienne avec un bref mais tr¢s énergique compte rendu de la séance de Juvisy 38. Cette longue note contient, à mon avis, tous les arguments que l’érudit lovanien avancera tout au long de la controverse. L’exactitude du langage étant une condition préalable à toute démarche philosophique sérieuse, il est indispensable, selon Van Steenberghen, d’éviter l’expression même de « philosophie chrétienne u, car « elle est de nature à brouiller des choses qui ne sont déjà que trop confondues 39 u. « Il faut se garder de favoriser, par l’usage d’un vocable inexact, une tendance contre laquelle il importe au contraire de réagir 40 u, à

31. J. MARITAIN (dir.), De la philosophie chrétienne : deuxième journée d’études de la Société thomiste, Juvisy, 11 septembre 1993, s.d. ni lieu (ca. 1935). 32. De la philosophie chrétienne, Paris 1933. 33. Ibid., p. 67. 34. Ibid., p. 69. 35. Ibid., p. 63. 36. Sur le thomisme fribourgeois, on consultera avec intérêt : E. HABSBURG-LOTHRINGEN, Das Ende des Neuthomismus. Die 68er, das Konzil und die Dominikaner, onn 2007. On me pardonnera l’expression « thomisme alpestre u qui n’a rien de méprisant mais désigne cette forme particuli¢re du thomisme professée à l’0niversité de !ribourg. Outre Manser, on peut mentionner Anton -ohner et Paul 2yser. 37. « Gibt es eine christliche Philosophie  u, Divus Thomas 14 (1936), p. 19-51, 123-141. Voir à ce propos : -. IMBACH, « Thomistische Philosophie in !reiburg : Gallus M. Manser u, Menschen und Werke. Hundert Jahre wissenschaftliche Forschung an der Universität Freiburg, !ribourg 1991, p. 85-113  « Gallus Manser, historien de la philosophie u, Mémoire dominicaine 20 (2006) 147-166. 38. !. VAN STEENBERGHEN, « La IIe journée d’études de la Société thomistes et la notion de ‫ڄ‬philosophie chrétienne‫ څ‬u, Revue néo-scolastique de philosophie 35 (1933), p. 539-554. 39. Ibid., p 545. 40. Ibid., p. 554.

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savoir la confusion de la philosophie et de la théologie  selon Van Steenberghen, un tel amalgame représente un danger réel que les médiévaux n’ont d’ailleurs pas toujours su éviter. À strictement parler, jamais la philosophie ne sera chrétienne 41 car la philosophie est rigoureusement et exclusivement rationnelle 42 dans son exercice et dans son résultat 43. Par conséquent, « la philosophie d’un chrétien n’a rien de spéci࠱quement distinct d’une autre philosophie 44 u et si l’on veut parler d’in࠲uence du christianisme sur le philosophe, elle n’est que d’ordre psychologique 45. Ces trois thomistes rejettent donc catégoriquement les trois aspects que nous avons distingués en présentant la conception gilsonienne. Ce faisant, ils occultent toutefois un probl¢me sur lequel, à mon avis, Gilson et Maritain avaient attiré l’attention, je veux parler du conditionnement historique de la raison. La distinction, à premi¢re vue un peu scolastique, entre ordre de la spéci࠱cation et ordre de l’exercice, et conséquemment entre la nature et l’état, pointe un probl¢me qui mérite indubitablement quelque attention. En e࠰et, lorsque Maritain précise qu’il faut distinguer la nature de la philosophie et l’état où elle se trouve de fait, donc sa situation historique ponctuelle, il ne va certes pas jusqu’à reconna¨tre l’historicité de la raison, mais il manifeste une sensibilité pour le conditionnement du travail de la raison humaine qui, à mon sens, fait totalement défaut aux trois adversaires thomistes de Gilson. Le passage suivant, extrait de Science et sagesse expose la quintessence de cette importante distinction : L’expression de philosophie chrétienne désigne non pas une essence prise en elle-même, mais un complexe : une essence prise sous son état, sous des conditions d’exercice, d’existence et de vie, pour ou contre lesquelles à vrai dire l’homme est tenu d’opter 46.

4. Si nous tenons à comprendre adéquatement l’intervention de Vignaux dans ce débat, il est indispensable de revenir encore une fois à la position de Gilson et de prendre en considération une remarque autobiographique déposée dans l’ouvrage Christianisme et philosophie. Dans cette page étonnante, Gilson dit avoir rédigé la majeure partie des $FࠨLOA)B@QROBP sans songer à la notion de philosophie chrétienne. Ayant compris qu’elle permettait d’uni࠱er son sujet, il a ensuite composé les deux premiers chapitres, qui contiennent l’exposé le plus complet sur le sujet. J’étais asseU content de ma découverte, lorsqu’en étudiant ensuite les documents relatifs à cette notion, en rencontrant l’encylique Aeterni Patris 47 que

41. Ibid., p. 554. 42. Ibid., p. 545. 43. Ibid., p. 547. 44. Ibid., p. 547. 45. Ibid., p. 546. 46. J. MARITAIN, Science et sagesse, suivi d’éclaircissements sur la philosophie morale, Paris 1935, p. 162-163. 47. Sur l’encyclique et sa signi࠱cation historique en général voir !. EHRLE, Zur Enzyklika Aeterni patris : Text und Kommentar. 7RJ   'R?FIžRJ ABO "KWVHIFH>, éd. !. PELSTER, -ome 1954,

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j’avais totalement oublié, je me suis aperçu que ce que j’étais en train de prouver en deux volumes, vingt leçons et je ne sais combien de notes, était exactement ce que cette encyclique aurait su࠳ à m’enseigner, y compris l’interprétation même de la philosophie médiévale que je proposais 48.

Cette rencontre avec l’encyclique fut véritablement décisive pour notre historien et philosophe : elle déterminera désormais toutes ses prises de position sur le th¢me. Il n’est pas surprenant de constater que, dans l’ouverture de l’Introduction à la philosophie chrétienne de 1960, Gilson a࠳rme la conformité de sa conception de la philosophie chrétienne avec celle de LéonZXIII 49. Sa conviction était pourtant déjà cimentée en 1936, lorsqu’il déclarait que « la philosophie chrétienne n’est possible que dans le catholicisme u, et « qu’elle y est indispensable 50 u. 5. On s’en rend compte aisément, les deux positions extrêmes que nous venons d’esquisser à grands traits m¢nent à d’inévitables impasses celui qui prétend exercer de mani¢re féconde le métier d’historien de la philosophie. Vignaux a pris position asseU tardivement sur le sujet. L’étude la plus compl¢te qu’il a livrée se lit dans les Mélanges de Lubac de 1964 51  il est cependant revenu sur la question dans l’importante introduction à l’édition de Philosophie

. D’AMORE (dir.), Tommaso d’Aquino nel I centenario dell’enciclica Aeterni patris, -ome 1981  V. . REZIK (dir.), One Hundred Years of Thomism : Aeterni Patris and Afterwards, Houston 1981. Et surtout les trois volumes : Atti dell’VIII congresso tomistico internazionale, -ome 19801981 (Studi tomistici 10-12), enti¢rement consacrés au texte ponti࠱cal. 48. É. GILSON, Christianisme et philosophie, p. 129. Voir à ce propos également H. GOUHIER, É. GILSON, Trois essais, p. 45-54. 49. ID., Introduction à la philosophie chrétienne, p. 9 : « Par ‫ڄ‬philosophie chrétienne‫څ‬, on entendra la mani¢re de philosopher que le pape Léon XIII a décrite sous ce titre dans l’encyclique Aeterni patris et dont il a donné pour mod¢le la doctrine de saint Thomas d’Aquin. u 50. ID., Christianisme et philosophie, p. 41 : « C’est pourquoi je disais que la ‘philosophie chrétienne’ n’est possible que dans le catholicisme, mais qu’elle y est indispensable. Et je consens qu’une telle vue de la question soit théologique  je consens même qu’on m’exclue de la philosophie parce que j’en prends une vue théologique  j’y consens, tr¢s précisément, dans deux cas : si mon juge est un protestant, qui ne me conc¢de qu’une théologie  ou s’il est un pa©en, qui m’interdise la théologie, et disquali࠱e ma philosophie au nom du fantôme exsangue que le paganisme contemporain nous o࠰re sous ce nom. Mais si mon critique est un catholique, j’en suis réduit à supposer que l’un de nous deux se trompe sur l’essence du catholicisme, un genre de question qu’il est toujours dangereux, et rarement pro࠱table, de se charger soi-même de trancher. u On conna¨t par ailleurs la cél¢bre déclarationZconcernant la nécessité de la foi catholique pour comprendre saint Thomas : « La foi de l’Église n’est pas su࠳sante pour l’intelligence des œuvres de saint Thomas d’Aquin, mais elle y est nécessaire. On peut comprendre sans elle le sens littéral, chose de toute mani¢re indispensable, mais on ne pénétrera jamais le sens ultime d’une pensée enti¢rementZ occupée au service de la foi sans partager soi-même cette foi. ref, l’intellection d’une ‫ڄ‬philosophie chrétienne‫ څ‬requiert, cheU son interpr¢te, un sens authentiquement chrétien u (Le philosophe et la théologie, p. 228). 51. P. VIGNAUX, « Philosophie chrétienne et théologie de l’histoire u, dans L’homme devant Dieu. *£I>KDBPLࠨBOQP>R-¢OB%BKOFAB)R?>@, t. III : Perspectives d’aujourd’hui, Paris 1964, p. 263275.

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au Moyen Âge de 1987 52. Ces interventions ont fait progresser le débat en proposant une importante clari࠱cation : selon Vignaux, il faut comprendre la notion de philosophie chrétienne comme le fruit « d’une méditation théologique d’historien de la philosophie 53 u. Le concept rel¢ve de la théologie de l’histoire « qui, conçue dans une Église, peut selon sa présentation, appara¨tre presque comme une doctrine d’Église, impérative sinon dé࠱nitive, ou comme le produit de la simple ré࠲exion individuelle d’un croyant sur son expérience, en son temps 54 u. La notion de philosophie chrétienne est quali࠱ée d’« utile pour signaler le probl¢me de l’in࠲uence du christianisme sur le développement historique de la philosophie u, mais en tant que notion en elle-même elle est « non philosophique parce que liée à une certaine théologie, à une conception déterminée de rapport entre la nature et la grâce 55 u. Pour le philosophe qui, à l’instar de Gilson, veut d’emblée situer la philosophie médiévale dans l’histoire de la raison, ces perspectives théologiques, voire confessionnelles, sont inacceptables. Tout en reconnaissant que Gilson a éveillé en lui l’intérêt pour les théologies médiévales, Vignaux refuse la radicalisation théologique que son ma¨tre en médiévisme prône, plus exactement il revendique le droit à un regard philosophique sur les théologies médiévales, dans la mesure où une histoire de la pensée médiévale qui tient vraiment compte de la contextualité ne peut suivre le découpage en philosophie et théologie, arti࠱ciel et totalement anhistorique, qui était préconisé par Van Steenberghen. La majorité des textes médiévaux étudiés par l’historien de la philosophie sont certes théologiques, mais cette indéniable dimension théologique n’exclut pas que l’on puisse les lire en philosophe. ,u’est-ce à dire  Il convient de tenir compte d’un double enjeu philosophique. D’abord il faut se rendre à l’évidence suivante : même les spéculations théologiques sont des œuvres humaines. Dans cette optique, Vignaux aime à citer une phrase de Jean Laporte, qui a࠳rme que « la pensée religieuse en elle-même est nécessairement une pensée humaine 56 u. L’acceptation de ce constat conduit logiquement à analyser ces modes de penser théologiques comme modes de pensée de la raison humaine, car même « un usage proprement théologique de la raison u rel¢ve d’une « histoire de la raison 57 u. Vignaux se réclame ici d’un autre ma¨tre que Gilson : Lorsqu’on a appris de ma¨tres en histoire intellectuelle et en philosophie même comme Léon runschvicg l’intérêt moins des th¢ses systématiquement présentées que de l’attitude et de la démarche de l’esprit qui les pose, de la façon dont il se conduit, de la mani¢re dont il a été et s’est formé 6‫ڎ‬8, on

52. ID., Philosophie au Moyen Âge, Paris 1987. Je cite cet ouvrage selon la nouvelle édition : Philosophie au Moyen Âge, précédé d’une Introduction autobiographique et suivi de Histoire de la pensée médiévale et problèmes contemporains, éd. -. Imbach, Paris 2004. 53. ID., « Philosophie chrétienne et théologie de l’histoire u, dans De saint Anselme à Luther, p. 67. 54. Ibid., p. 66. 55. ID., « Histoire des théologies médiévales u, dans De saint Anselme à Luther, p. 16. 56. ID., Philosophie au Moyen Âge, p. 93 57. « Sur la place du Moyen Âge en histoire de la philosophie u, (séance du 24 novembre 1973), dans Bulletin de la Société française de philosophie, 68e Année (1974), p. 15.

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conçoit spontanément l’étude des théologies médiévales comme celle de modes de penser, de pensées en mouvement 58.

0ne telle démarche, « rebelle aux vues d’ensemble dé࠱nitives 59 u, attentive à la diversité, sensible avant tout à la logique, à l’argumentation et à l’acuité conceptuelle, sera fascinée par la dimension critique de la pensée médiévale. En rejetant la catégorie de philosophie chrétienne comme catégorie historique et comme paradigme philosophique, Vignaux plaide pour une réévaluation de l’intérêt des œuvres théologiques pour l’histoire de la philosophie, pour autant que l’on conçoive l’étude de ces œuvres comme une contribution à l’Histoire de la raison humaine. Lorsque Vignaux propose de quali࠱er sa démarche de philosophie de la religion 60, il se réf¢re explicitement à Henry Duméry 61 et Georges Van -iet 62. Dans un texte fondamental dont il donne lecture lors d’une séance de la Société française de philosophie, en 1974, il énonce ainsi son programme : À la di࠰érence d’une « théologie naturelle u dont la construction aboutit à un « Dieu des philosophes u, objet peut-être d’une abstraite « religion naturelle u, la philosophie de la religion a pour objet les religions historiquement données : quand il s’agit des théologies scolastiques, le christianisme dans l’Église. D’une telle philosophie, il est possible de retrouver des éléments dans toute ré࠲exion sur le donné des religions : aussi bien la ré࠲exion qui s’a࠳rme, d’une mani¢re ou d’une autre, compatible avec l’appartenance à une communauté de foi que celle concluant à l’incompatibilité de la raison et de toute foi religieuse 63.

Du point de vue de l’histoire de la philosophie médiévale et de son statut, l’apport décisif de cette orientation originale, tellement féconde pour la recherche postérieure à Vignaux, me para¨t être sa capacité à éviter à la fois le rigoureux rationalisme anhistorique de la néoscolastique et la tentation théologisante de Gilson. Je partage l’évaluation proposée par Vignaux lui-même a࠳rmant que le recours à cette idée « permet de donner à l’histoire de la philosophie médiévale toute son ampleur sans en altérer le caract¢re philosophique 64 u. 6. La cohérence des projets de Gilson et de Vignaux appara¨t sous un nouveau jour encore si, pour terminer, nous élargissons notre champ de vision.

58. ID., « Histoire des théologies médiévales u, dans De saint Anselme à Luther, p. 17. 59. ID., « Sur la place du Moyen Âge en histoire de la philosophie u, p. 16. 60. Il est important de noter ici que le syntagme « philosophie de la religion u revêt cheU Vignaux une signi࠱cation fort di࠰érente de celle qui est aujourd’hui, notamment dans le monde anglophone, courante. Il utilise ce terme à la suite de Duméry. 61. Cf. à ce propos P. VIGNAUX, Philosophie au Moyen Âge, p. 46-47, 78-80, 289. Voir en particulier : H. DUMÉRY, -EFILPLMEFBABI>OBIFDFLKBPP>FPPROI>PFDKFࠩ@>QFLKAR@EOFPQF>KFPJB, Paris 1957  Critique et religion : problèmes de méthode en philosophie de la religion, Paris 1957. 62. Cf. P. VIGNAUX, Philosophie au Moyen Âge, p. 289. Voir : G. VAN RIET, Philosophie et religion, Paris 1970. 63. ID., « Sur la place du Moyen Âge en histoire de la philosophie u, p. 15-16. 64. Toute l’introduction de 1987 explique et précise ce programme : ID., Philosophie au Moyen Âge, p. 39-87.

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Il peut, en e࠰et, être instructif de comparer la mani¢re dont nos deux auteurs envisagent le travail d’historien de la philosophie et de philosophe avec l’idée qu’ils se font de la société, de l’ordre politique et du rôle de l’intellectuel dans la société. 0n examen attentif rév¢le que le combat de Gilson sous la banni¢re de la philosophie chrétienne est contemporain de son engagement « pour un ordre catholique u dont il explicite les principes dans un opuscule de 1934 portant ce titre 65. Ce manifeste, qui s’ach¢ve avec une vaste apologie de l’école libre 66, débute par une analyse critique du monde présent : « La !rance d’aujourd’hui se meurt d’avoir voulu se constituer en un État la©que 67. u Gilson plaide donc en faveur d’un redressement de cette situation désastreuse. Pour que le catholicisme puisse exercer son in࠲uence bienfaisante, il faut « constituer d’abord en !rance un ordre catholique dont tous les matériaux sont prêts, mais qui, en tant qu’ordre, commence à peine d’exister 68 u. Inutile de préciser que la la©cisation du politique se situe aux antipodes d’une telle visée. Dans ce contexte, il n’est pas non plus super࠲u de rappeler que l’engagement sociopolitique de Paul Vignaux poursuit d’autres objectifs, d¢s les années trente. La reconnaissance d’un lien direct entre son combat pour la laïcité de l’enseignement et du syndicalisme et sa conception de l’étude de l’histoire de la philosophie me para¨t en revanche essentielle. En disciple reconnaissant de Léon runschvicg, Vignaux s’est posé la question essentielle de la possibilité d’enseigner la pensée médiévale, si directement liée à la religion chrétienne, dans le contexte institutionnel d’une université à vocation la©que. Dans l’étonnante introduction autobiographique de 1987, Vignaux quali࠱e cette question de probl¢me vitalZpour le jeune historien de la philosophie de l’apr¢s-guerre : « Était-il possible de traiter philosophiquement de religion, de Christianisme dans une 0niversité qui se voulait la©que 69  u Il avoue par ailleurs que les événements de la guerre d’Espagne ont

65. ID., Pour un ordre catholique, Paris 1934. Il faut ici rappeler que cet essai est issu des articles que Gilson avait publiés dans l’hebdomadaire Sept. Sur le rôle de Gilson dans cet hebdomadaire, voir A. COUTROT, ‫ټ‬0BMQ‫ ٽ‬RK GLROK>I  RK @LJ?>Q J>OP >LµQ , préface de -. RÉMOND, Paris 19822. Gilson explique ce qu’il entend par « ordre catholique u en ces termesZ(Sept 69 juin 19348, repris dans l’opuscule) : « J’entends par là, entre la vie religieuse privée du catholique et les partis politiques à l’œuvre desquels, en tant que citoyen, il collabore, un ordre d’institutions créées par les catholiques pour assurer la réalisation des ࠱ns catholiques dont l’État n’assume pas la responsabilité. uZIl faut également lire le texte programmatique publié dans La vie intellectuelle, t. XXXI, 1 (10 octobre 1934), p. 9-30 : « Pour un ordre catholique u. Sur l’in࠲uence de Gilson voir A. COUTROT, ‫ټ‬0BMQ‫ٽ‬, p. 61-76. L’auteur montre que le syntagme gilsonien ‘ordre catholique’ a été remplacé par ‘action catholique’, et elle précise (ibid., p. 76) : « Sept n’a jamais désavoué les vues exprimées par E. Gilson 6‫ڎ‬8 les articles sur l’Ordre catholique ont contribué à la renommée du journal dans les premiers mois de son existence et ils ont exprimé une de ses préoccupations majeures : celle de rassembler les catholiques. u Toutefois : « Entre Gilson et Maritain, Sept a choisi ce dernier. u Pour une vue d’ensemble du monde catholique de l’époque en question, cf.Z-. -ÉMOND, Les crises du catholicisme en France dans les années trente, Paris 1996. 66. Sur ce point cf. A. COUTROT, ‫ټ‬0BMQ‫ٽ‬, p. 111-125. 67. Pour un ordre catholique, p. 40. 68. Ibid., p. 102. À propos de l’activité de Gilson au sein du groupe Sept. cf. L. SHOOK, Étienne Gilson, p. 216-219. 69. P. VIGNAUX, Philosophie au Moyen Âge, p. 77-78.

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a࠰ermi ses convictions la©ques  son action syndicale tout enti¢re en témoigne. ,u’il me soit permis de citer un texte qui se lit comme une confession en faveur de la la©cité et qui atteste l’unité de la la©cité scienti࠱que et politique cheU Paul Vignaux : Grâce à des études contemporaines sur le la©c, citoyen adulte, majeur, responsable de ses options temporelles, on voit s’approfondir l’idée que le monde de la science et de la civilisation constitue une ࠱n autonome, ayant, bien que non ultime, une valeur en elle-même. En dé࠱nitive, l’insistance actuelle sur l’aspect communautaire de la vie religieuse ne saurait conduire à une confusion entre l’ordre religieux et l’ordre politique dans la mesure où, par opposition à la communauté des croyants, la société civile est et appara¨t celle où coexistent des croyants de diverses confessions et des incroyants : à la conscience de cette communauté temporelle est liée celle de l’autonomie du citoyen, qui fonde sa responsabilité à l’égard d’une société essentiellement distincte de la société ecclésiastique 70.

7. L’historien est tenté d’établir un lien direct entre les visions politiques des deux historiens et leurs conceptions de l’histoire de la philosophie médiévale. Je crois cependant qu’il convient d’être prudent et de ne pas comprendre la simultanéité en termes de lien causal comme si la conception historiographique dépendait des options politiques ou inversement. La vie de l’esprit ne peut s’interpréter selon le paradigme de la causalité et les rapports entre les deux dimensions sont sans doute plus complexes. ,u’il su࠳se d’avoir exposé la simultanéité et d’avoir esquissé une opposition qui pose question et qui mériterait une analyse approfondie.

70. !BI> #1 šI> #!1 0VKAF@>IFPJBBQPL@F>IFPJB f/B@LKPQOR@QFLKu , Paris 1980. À vrai dire, il s’agit d’un texte de Georgette Paul Vignaux, qu’il fait sienZet qui résume en quelque sorte certaines de ses plus profondes convictions. Sur l’activité syndicale de Vignaux et son éventuel rapport au travail d’historien de la philosophie, voir « Paul Vignaux, syndicaliste et historien de la philosophie u, dans P. VIGNAUX, Philosophie au Moyen Âge, p. 9-30.

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Olivier BOULNOIS Directeur d’études à l’École pratique des hautes études

L’idéologie contemporaine cantonne la théologie du côté de l’irrationnel, entre la violence et la futilité. Mais ce que décrit l’idéologie n’est peut-être rien d’autre que son propre re࠲et. Elle se montre incapable de se représenter la théologie autrement que comme le miroitement de l’irrationnel, comme le visage humain d’une violence sans ombre. Car peu nombreux sont ceux qui ont fait l’e࠰ort de se demander ce qu’est vraiment la théologie. C’est pourquoi il me semble opportun de revenir à l’œuvre dense, discr¢te, aust¢re, de haute érudition, de Paul Vignaux. Car Vignaux est sans doute le philosophe qui a consacré les travaux les plus importants à l’histoire de la théologie médiévale. Lorsque nous parlons de théologie, de quoi parlons-nous au juste ? À quel type d’histoire et de rationalité avons-nous a࠰aire ? C’est tout simplement la question que je voudrais poser ici, avec l’œuvre de Paul Vignaux, apr¢s elle et grâce à elle. JeZn’oublierai pas que Vignaux était aussi un citoyen engagé dans la vie publique de son temps, et notamment dans le sens d’un combat pour la la©cité. Il y a là un paradoxe qu’il faudra éclaircir. C’est pourquoi je commencerai par examiner quel rapport entretiennent les convictions philosophiques et l’engagement politique de Vignaux. Revendication de l’autonoJieࢩ: anthroMologie et Molitique On a pu résumer d’une phrase l’œuvre syndicale de Paul Vignaux : « Transformer un syndicat défensif et confessionnel en centrale subversive et la©que, c’est-à-dire autonome 1 ». L’autonomie politique des citoyens, l’autonomie syndicale de leur association, tels furent, semble-t-il, les principaux objectifs poursuivis par Vignaux dans ce domaine. Vignaux se situe d’abord face au syndicalisme confessionnelZ: Grâce à des études contemporaines sur le la©c, citoyen adulte, majeur, responsable de ses options temporelles, on voit s’approfondir l’idée que le monde de la science et de la civilisation constitue une ࠱n autonome, ayant, bien

1. H. HAMON, P. ROTMAN, La deuxième gauche, Paris 19842, p. 17.

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que non ultime, une valeur en elle-même. En dé࠱nitive, l’insistance actuelle sur l’aspect communautaire de la vie religieuse ne saurait conduire à une confusion entre l’ordre religieux et l’ordre politique dans la mesure où, par opposition à la communauté des croyants, la société civile est et appara¨t celle où coexistent des croyants de diverses confessions et des incroyantsZ : à la conscience de cette communauté temporelle est liée celle de l’autonomie du citoyen, qui fonde sa responsabilité à l’égard d’une société essentiellement distincte de la société ecclésiastique 2.

Cette revendication d’autonomie s’applique d’abord au syndicalisme et à la politiqueZ : le monde culturel et politique s’organise selon une ࠱n « autonome ». Celle-ci ne constitue pas une ࠱n ultime (car pour un croyant Dieu seul est la ࠱n absolue), mais un choix non déterminé par la ࠱n derni¢re, une option qui ne peut pas être dictée par des convictions religieuses, c’est-à-dire une ࠱n qui peut être choisie librement, et pour elle-même. L’autonomie du temporel s’enracine en e࠰et dans l’autonomie du citoyen, d’un être libre et responsable de ses choix. Ici, la la©cité ne consiste pas à se dépouiller des caractéristiques propres de la foi chrétienne, à se priver d’une détermination qui serait religieuse, à mettre sa foi dans sa poche ou à pratiquer la restriction mentale, elle consiste simplement à constater que la foi ne dicte pas de conclusions en mati¢re temporelle  elle laisse donc le champ libre à des choix humains, à une organisation purement humaine, immanente aux acteurs autonomes qui composent la société. La forme-mod¢le de l’Église, ou de la communauté des croyants, est d’ailleurs légitime  simplement, elle est d’un autre ordre, elle n’est pas un mod¢le pour l’ordre du monde. Le temporel devient ainsi un champ de « coexistence » entre plusieurs religions, supposées reconna¨tre la même autonomie des consciences, dans un espace commun et harmonisé par la même participation à la raison. Ces déclarations, faites en tant que citoyen et croyant, qu’homme politique et syndicaliste, rév¢lent l’unité de la pensée et de l’œuvre de Paul Vignaux, parce qu’elles manifestent d’une mani¢re remarquable sa conception de l’homme, une conception qui constitue la base de ses interprétations philosophiques et historiques. Comment ne pas appliquer ces remarques à Vignaux lui-même, la©c, citoyen, responsable de ses choix dans le domaine politique ? Et comment ne pas y déchi࠰rer en ࠱ligrane, sous-jacente au « monde de la science et de la civilisation », la même autonomie de la raison et de la liberté qui s’accomplit dans le monde de la pensée ? PlusZtard, Vignaux lui-même l’a proclamé : Pour ma part, quand je proc¢de à une vue rétrospective, je ne peux méconna¨tre la part qu’a eue, paradoxalement, dans la solidité de mon rapport à l’Église, ma formation « la©que » universitaireZ: son exigence d’autonomie de pensée qu’à la ࠱n du si¢cle précédent l’Action de Maurice londel avait, à mes

2. P. VIGNAUX, De la CFTC à la CFDT, Syndicalisme et socialisme,/B@LKPQOR@QFLK , Paris 1980, p. 36  Paul Vignaux cite ici Georgette Vignaux, dont il approuve pleinement les propos.

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yeux et à ceux de nombre de mes contemporains, montrée compatible avec la confession dogmatique d’une foi chrétienne 3.

Soulignons ce paradoxeZ: c’est en raison même de son interprétation de la foi comme exigence de liberté, impliquant une autonomie pour la ré࠲exion personnelle et philosophique, une th¢se inspirée de londel, que Vignaux peut a࠳rmer sa ࠱délité à la foi et à l’Église. On conna¨t la réponse de &ant à la question Qu’est-ce que les Lumières ?Z: « La sortie de l’homme de sa minorité, dont il est lui-même responsable. 6‫ڎ‬8 Aie le courage de te servir de ton propre entendement, telle est la devise des Lumi¢res. » Mais précisément, pour Vignaux, cette autonomie débouche, non sur une hypothétique sécularisation, mais sur le pouvoir (donc la liberté) de confesser la foi dogmatique de l’Église. C’est à ses propres yeux parce que sa pensée est de part en part séculi¢re qu’elle est compatible avec la foi la plus radicale. C’est un paradoxe, mais le manquer serait, je crois, manquer le centre des convictions et de la pensée de Paul Vignaux. À ses yeux, la foi est une pensée libre, elle est même une libération de la pensée. Les conséquences politiques de cette vision de l’homme sont immédiates. !ace à Jacques Maritain, et contre la démocratie chrétienne –Zpour laquelle le substantif « démocratie » supporte le quali࠱catif « chrétien »Z – et donc pour laquelle le choix politique peut faire l’objet d’une quali࠱cation religieuse, Vignaux l’a࠳rme avec force : 6‫ڎ‬8 l’ordre de révélation et de grâce n’intervient qu’en aidant l’homme à se situer pleinement dans un autre ordreZ: celui de sa liberté. Action si l’on veut sur la volonté, non sur son choix. 0ne religion de charité agit sur la démocratie à sa source, avant même sa libre constitution 4.

La foi lib¢re la liberté, elle ne la détermine pas. Comment ignorer aussi que la confrontation entre plusieurs croyances, dans un espace de rationalité et d’autonomie scienti࠱que, Vignaux la trouvait également au sein de la section des « sciences religieuses » de l’École pratique des hautes études ? Dans sa préface de 1976 au recueil De saint Anselme à Luther, Vignaux remarquaitZque l’actualité et ses urgences l’ont aidé « à mieux percevoir les valeurs intellectuelles et morales qui, dans la -épublique de 1885, avaient justi࠱é le transfert des crédits publics dont béné࠱ciait jusqu’alors la faculté catholique de théologie à une section ‫ڇ‬la©que‫ څ‬de sciences religieuses capable, selon le vœu du directeur Louis Liard, ‫ڇ‬de réunir en vue d’une étude scienti࠱quement poursuivie 6‫ڎ‬8 des hommes professant des croyances di࠰érentes‫» څ‬. Il ajoutaitZ: « Des événements majeurs de notre si¢cle m’ont appelé à défendre ces mêmes valeurs libérales dans d’autres sph¢res d’activité que la recherche universitaire, objet du présent recueilZ: à ne pas mentionner cette conviction d’unité d’esprit dans la diversité des tâches d’une vie, on omettrait une des circonstances, une des conditions de

3. « 0n catholicisme républicain », Esprit 4-5 (avril-mai 1977), p. 149. 4. ID., « À propos de ‫ڄ‬Christianisme et démocratie‫» څ‬, Renaissance 2-3 (1944-1945), cité par C. PIETRI, « Avant-propos », dans J. JOLIVET, Z. KALUZA, A. DE LIBERA (dir.), Lectionum varietates. %LJJ>DBš->RI3FDK>RU  , Paris 1991, p. 8.

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fait des travaux reproduits ci-dessous 5. » L’unité d’un parcours, l’unité d’une biographie rencontre ici une conviction philosophique sur l’unité et l’autonomie de la nature humaine, une anthropologie en un mot. Autonomie syndicale, autonomie de l’individu, autonomie de la raison, autonomie de la foi s’articulent ici pour mettre au centre de l’anthropologie de Vignaux la liberté. Cela explique peut-être en partie sa prédilection pour l’école franciscaine, qui développe, plus radicalement que la tradition dominicaine, une doctrine du primat de la volonté. J’y reviendrai. Il existe donc bien une unité entre le philosophe et le citoyen. Mais cette unité n’est pas celle d’un « intellectuel engagé », mettant en avant sa qualité de penseur, comme une banni¢re au service d’un parti ou d’un mouvement. Vignaux était à la fois un citoyen engagé dans la vie publique et un philosophe dégagé pour la vie spéculative. Il distinguait soigneusement les deux démarches pour mieux les unir, en laissant précisément à chacune son autonomie. Rejet de la MhilosoMhie chrétienne La question posée par son enseignement à l’École pratique des hautes études restait, pour Vignaux lui-même, un probl¢me. Comment traiter philosophiquement du christianisme dans une université la©que ? Vignaux n’a jamais nié, ni la dette qu’il avait envers Étienne Gilson, son prédécesseur à l’EPHE, ni les di࠰érences qui l’en séparaient. Les recherches historiques de Gilson l’ont amené à découvrir le continent de la pensée médiévale, que celui-ci interprétait selon le prisme de la « philosophie chrétienne ». Parti de l’étude de Descartes, Gilson considérait que la philosophie moderne doit certains de ses concepts les plus originaux au christianisme. Le Moyen Âge n’a peut-être pas été si philosophiquement stérile qu’on le dit, et c’est peut-être à l’in࠲uence prépondérante exercée par le Christianisme au cours de cette période que la philosophie moderne doit quelques-uns des principes directeurs dont elle s’est inspirée 6.

Il en déduisait l’existence d’une philosophie chrétienneZ: J’appelle donc philosophie chrétienne toute philosophie qui, bien que distinguant formellement les deux ordres, consid¢re la révélation comme un auxiliaire indispensable de la raison.

Comme le constate Gilson aussitôt apr¢s, la notion de philosophie chrétienne désigne moins une essence qu’une situation historique : « Elle correspond bien plutôt à une réalité historique concr¢te dont elle appelle la description 7. » En 1932, Gilson dé࠱nit ainsi un domaine à explorer, une tâche d’historien à e࠰ectuer. « Il n’y a pas de raison chrétienne, mais il peut y avoir un exercice chrétien de la raison. Pourquoi refuserait-on a priori d’admettre que le Christianisme ait pu changer le cours de l’histoire de la philosophie, en ouvrant à la raison

5. P. VIGNAUX, De saint Anselme à Luther, Paris 1976, p. 8-9. Je souligne. 6. É. GILSON, L’esprit de la philosophie médiévale, Paris 19895 (19321), p. 11. 7. Ibid., p. 33.

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humaine, par l’intermédiaire de la foi, des perspectives qu’elle n’avait pas encore découvertes 8 ? » Ce concept de théologie chrétienne associe donc étroitementZ: 1. une dé࠱nition de l’objet  2. une périodisation de l’histoire  3. une certaine orientation théologique. 1. L’objet dé࠱ni par Gilson correspond à la partie de la théologie qui recouvre à la fois une philosophie naturelle et une révélation divine. C’est ce que saint Thomas appelait le revelabile, en réponse à la questionZ : « Convient-il que Dieu rév¢le aux hommes des vérités philosophiques accessibles à la raison 9 ? » IlZ convient qu’il les rév¢le, dit saint Thomas, pourvu que ces vérités soient nécessaires au salut. On en conna¨t le motif, emprunté à Ma©monide : sans cela, ces vérités ne seraient accessibles qu’à un petit nombre d’hommes, au bout d’un long temps, et mêlées de nombreuses erreurs. Gilson dit même (en latin !) qu’il s’agit de remédier à une faiblesse de la raison (debilitas rationis 10), là où Thomas ne parle que d’une « faiblesse de notre intellect » (debilitas intellectus nostri). Pour permettre à la raison de réaliser ce dont elle est naturellement capable, la foi o࠰re à la faiblesse de la raison le secours divin. Et réciproquement, Gilson se concentre sur les probl¢mes qui importent pour le salutZ: il choisit d’étudier « l’homme dans son rapport à Dieu comme centre de perspective 11 ». CeZnoyau philosophique où la révélation de Dieu et la connaissance humaine se rencontrent se confondra bientôt avec ce que Gilson appelle, dans un curieux oxymore, une « théologie naturelle catholique 12 ». Gilson a ainsi découpé, dans l’œuvre de divers théologiens, des philosophies qui en sont simplement des parties, voire des virtualités. MentionnonsZ: Le thomisme, Introduction à la philosophie de saint Thomas d’Aquin, dont je rappelle les premi¢res lignesZ: Je dis bienZ: philosophie, car tout en insistant sur le caract¢re essentiellement théologique de la doctrine, je maintiens plus que jamais que cette théologie, de par sa nature même, inclut, non seulement en fait, mais nécessairement, une philosophie strictement rationnelle. Le nier reviendrait à nier que des pierres soient de vraies pierres sous prétexte qu’elles servent à construire une cathédrale 13.

La métaphore architecturale est révélatriceZ: Gilson admet à la fois que la rationalité médiévale aboutit au développement autonome d’une philosophie, et que l’architecture ultime, la ࠱n derni¢re n’est pas atteinte par elle, mais par la théologie. Cette méthode, ainsi que sa théorie de la philosophie chrétienne, ont conduit Gilson à la th¢se di࠳cilement soutenable qu’il y aurait une

8. Ibid., p. 11. 9. Ibid., p. 35, qui cite SAINT THOMAS, Somme contre les Gentils I, ch.4. 10. É. GILSON, L’esprit de la philosophie médiévale, Paris 19692, p. 35  comparer à THOMAS D’AQUIN, )F?BOAB3BOFQ>QB@>QELIF@>BࠩABF@LKQO>BOOLOBPFKࠩABIFRJ, I, ch. IV, Turin 1961, aZ25, p. 6 (trad. fr. C. MICHON, Somme contre les Gentils, I : Dieu, Paris 1999, p. 148). 11. É. GILSON, L’esprit de la philosophie médiévale, p. 34. 12. ID., Christianisme et philosophie, Paris 1936, p. 113. 13. ID., Le thomisme. Introduction à la philosophie de saint Thomas d’Aquin, Paris 19646, p. 7.

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Philosophie de saint Bonaventure (c’est le titre de son ouvrage de 1924), alors que onaventure est le plus violent adversaire des philosophes au XIIIe si¢cle. Cette histoire de la métaphysique conduit à privilégier la « théologie naturelle » (une notion à laquelle Vignaux a consacré un séminaire en étudiant en 1963 la Theologia naturalis de Nicolas onet). 2. Pour la périodisation, cela implique que le Moyen Âge constitue l’âge d’or de la philosophie chrétienne. D¢s 1932,Z« il ne saurait, pour Gilson, être question de faire de Descartes un ‫ڄ‬philosophe chrétien‫ څ‬14 ». Et même parmi les philosophies médiévales, certaines sont plus chrétiennes que d’autres. LaZ synth¢se thomiste mérite ce nom par excellence, parce que le XIIIe si¢cle en est l’apogée, que les si¢cles antérieurs en constituent la préparation, et les périodes postérieures la décadence. D¢s l’Être et l’Essence (1948), ce schéma est en place, l’oubli de l’être commençant avec Duns Scot, se poursuivant cheU SuareU et 2ol࠰, et s’achevant cheU &ant. En 1960, la philosophie chrétienne se réduit au thomismeZ: elle désigne « la mani¢re de philosopher que le pape LéonZXIII a décrite sous ce titre dans l’encyclique Æterni Patris, et dont il a donné pour mod¢le la doctrine de saint Thomas d’Aquin 15 ». Le passage de l’histoire de la philosophie à un engagement philosophique prétendant atteindre une vérité conduit Gilson à épouser la cause du thomisme. Il rejoint ainsi les prétentions de la néo-scolastique, dont il se distingue pourtant fortement, parce qu’il entend la revivi࠱er par une ࠱délité savante, historico-critique, à l’œuvre historique de saint Thomas, utilisant donc toute sa science historique, dans ce qu’il appelait lui-même un « paléo-thomisme ». 3. Mais ces conceptions de la philosophie et de l’histoire sont adossées à une conception de la théologie. Comme le dit avec une feinte candeur Gilson, si la philosophie chrétienne a un sens pour l’historien, « il se peut qu’elle n’en ait aucun pour le philosophe 16 ». Pour voir une philosophie chrétienne à l’œuvre au Moyen Âge, il faut lire l’histoire avec des lunettes de théologienZ: car c’est l’« intelligence de la révélation qui est la philosophie 6chrétienne8 même 17 ». Saint Thomas n’est qu’un commentateur dans ses écrits sur Aristote, c’est dans les deux Sommes et autres écrits du même genre qu’il est proprement auteur et c’est donc là qu’il faut chercher sa pensée personnelle. 6‫ڎ‬8 C’est dire que les notions philosophiques les plus originales et les plus profondes de saint Thomas ne se rév¢lent qu’à celui qui le lit en théologien 18.

14. ID., L’esprit de la philosophie médiévale, p. 11. 15. ID., Introduction à la philosophie chrétienne, Paris 20072 (1960), p. 33. 16. ID., Christianisme et philosophie, p. 119  cf. p. 118 : « S’il n’y a pas de philosophie chrétienne pour le philosophe, il y en a une pour le théologien, et c’est ce qui explique qu’il y en ait une pour l’historien. » 17. ID., L’esprit de la philosophie médiévale, p. 5. 18. ID., Le philosophe et la théologie, Paris 20052 (19601), p. 189.

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Préparé par une premi¢re histoire de la philosophie médiévale 19, par un article sur « Philosophie médiévale et philosophie religieuse 20 », et par sa Philosophie de saint Bonaventure, Gilson n’a pas hésité à s’engager avec fougue dans le débat autour de la philosophie chrétienne, en 1931. Il a trouvé en Émile réhier son principal adversaire, mais a rencontré à ses côtés Jacques Maritain. Par la suite, le concept a été critiqué d’un point de vue philosophique par Maurice Merleau-Ponty, que Vignaux cite et approuve 21, et d’un point de vue théologique par Henri de Lubac 22. On sait aussi que Heidegger, dans l’Introduction à la métaphysique, y voit un cercle carré. À leur suite, Vignaux a combattu l’esprit de la position gilsonienne. Le plus grave probl¢me qu’elle pose, à la fronti¢re de la philosophie et de la théologie, est évoqué par une simple citationZ : « Sans doute, disait profondément Lessing, lorsqu’elles furent révélées, les vérités religieuses n’étaient pas rationnelles, mais elles furent révélées a࠱n de le devenir. » En ajoutant aussitôtZ: « Non pas toutes, peut-être, mais du moins certaines », l’historien 6Gilson8 demeure-t-il au plan des « réalités observables » ? Sa réserve « Non pas toutes‫ » ڎ‬nous appara¨t plutôt comme celle d’un croyant qui, tout en acceptant une in࠲uence de la -évélation sur la raison, entend maintenir la transcendance de la premi¢re en rappelant que son contenu demeure irréductible à un « christianisme de la raison » tel que celui de Lessing. 0n incroyant, par contre, ne saurait éprouver la même di࠳culté à admettre l’origine religieuse de notions rationnelles, origine admise par exemple pour les catégories parZl’« École sociologique française » 23.

En excluant une partie de l’objet historique de l’in࠲uence théologique, l’analyse de Gilson p¢che, non par exc¢s, mais par défaut de théologie. Car c’est au nom même de la neutralité et de la scienti࠱cité de l’historien que le médiéviste doit reconna¨tre son objet comme pénétré de part en part d’in࠲uences théologiques. C’est au contraire l’engagement croyant de Gilson qui le retient d’admettre cette pénétration universelle de la foi dans les œuvres de la raison au Moyen Âge, et qui le pousse à n’en admettre qu’une part, appelée par Gilson la

19. ID., )>MEFILPLMEFB>R*LVBK|DBABPLOFDFKBPM>QOFPQFNRBPšI>ࠩKARXIVe siècle, Paris 1922. 20. ID., « Philosophie médiévale et philosophie religieuse », Revue philosophique de la France et de l’étranger 93 (1922), p. 141-144. 21. P. VIGNAUX, « Philosophie chrétienne et théologie de l’histoire », dans ID., De saint Anselme à Luther, p. 273, qui cite M. MERLEAU-PONTY, « Christianisme et philosophie », dans ID., )BP࢙-EFILPLMEBP@£I¢?OBP, Paris 1956. 22. H. DE LUBAC, « Sur la philosophie chrétienne », Nouvelle revue théologique 63 (1936), p. 225-253, repris dans ID., Recherches dans la foi. Trois études sur Origène, saint Anselme et la philosophie chrétienne, Paris 1979. 23. P. VIGNAUX, « Philosophie chrétienne et théologie de l’histoire », repris dans ID., De saint Anselme à Luther, p. 264. Vignaux cite ici É. GILSON, L’esprit de la philosophie médiévale, Paris 19442 (19321), p. 16. D¢s la préface, il rend hommage à l’amitié de Célestin ougléZ: l’actualité et ses urgences « m’avaient rendu proche d’un autre membre éminent de l’école sociologique française, le directeur de l’École normale, Célestin ouglé » (p. 8).

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« théologie naturelle catholique 24 » – on comprend pourquoi Gilson s’est si peu occupé des ma¨tres ¢s arts, ou des outils logiques et grammaticaux au Moyen Âge. Il a préféré multiplier les monographies philosophiques sur les théologies naturelles des plus grands théologiens. Tout en reconnaissant une dette immense envers Gilson, Vignaux combat chacune de ses th¢ses principales. Il propose un autre objet, une autre périodisation, une autre théologie de l’histoire. 1.Z L’objet. Pour Vignaux, la pensée médiévale est de part en part théologique. Il est arbitraire d’y découper des fragments, comme si l’on pouvait démembrer l’unité organique d’une pensée sans la dénaturer. C’est pourquoi lui-même étudie aussi bien l’œuvre de Luther que la théologie trinitaire du XIVe si¢cle. Mais du même coup, il s’est senti libre d’étudier les textes purement philosophiques que constituent les traités de grammaire et de logique. 2.Z La périodisation. Vignaux a privilégié l’étude minutieuse de la ࠱n du XIIIe si¢cle et du XIVe si¢cle, en ne voyant dans les auteurs étudiés aucune décadence par rapport à saint Thomas. 3.Z La théologie de l’histoire. C’est surtout sur le fondement théologique de la position gilsonienne que Vignaux s’est montré critique. En réalité, sous le nom de « philosophie chrétienne », Gilson entend proposer sa réponse de philosophe à une question contemporaineZ: quelle est la place de la philosophie dans l’Église et pour les croyants ? Sous couvert d’histoire, Gilson parle en fait de la fonction de la philosophie, de son présent et de son avenirZ: « LaZcondition premi¢re, absolument nécessaire, pour que la philosophie chrétienne ait un avenir est donc le maintien inconditionnel du primat de la parole de Dieu, même en philosophie 25. » Vignaux rappelle alors que telle n’est pas la position d’une Dogmatique protestante comme celle de arth, laquelle bannit toute théologie naturelle. Mais surtout, il montre que la position gilsonienne est d’abord une th¢se théologique, concurrente de celle de &arl arth. Il rel¢ve qu’aux yeux de Gilson lui-même, la philosophie chrétienne « théologise » la notion d’être. Or elle ne peut la rendre théologique qu’en étant elle-même théologique. Et s’il est vrai que l’idée de Dieu s’est puri࠱ée dans l’histoire, qui nierait que cette a࠳rmation soit autre chose qu’une « vue théologique de l’histoire de la philosophie 26 » ? La « philosophie chrétienne » de Gilson est en réalité une théologie de l’histoire. Ce n’est pas la meilleure. En postulant que la philosophie la plus adéquate à la révélation chrétienne s’est déjà réalisée, Gilson néglige le con࠲it intérieur de tout croyant, le débat « entre les deux hommes que chaque chrétien sent en lui »

24. P. VIGNAUX, « Philosophie chrétienne et théologie de l’histoire », repris dans ID., De saint Anselme à Luther, p. 265, qui cite É. GILSON, Christianisme et philosophie, p. 113. 25. É. GILSON, Le philosophe et la théologie, Paris 1960, p. 246, cité par P. VIGNAUX, « Philosophie chrétienne et théologie de l’histoire », dans ID., De saint Anselme à Luther, p. 266. 26. P. VIGNAUX, « Philosophie chrétienne et théologie de l’histoire », repris dans De saint Anselme à Luther, p. 273.

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comme disait Merleau-Ponty 27  en disant qu’elle s’est réalisée au XIIIe si¢cle, il oublie que « la philosophie chrétienne n’est jamais chose faite 28 », ou, comme l’écrivait Henri de Lubac, que « la philosophie n’est pas encore chrétienne ». ref, en mettant le christianisme du côté de l’origine, cette théologie de l’histoire est in࠱d¢le à sa propre intention. Elle se condamne à ne lire que l’histoire d’une perte, d’une longue décadence, en empêchant une meilleure compréhension de Dieu d’être, pour l’avenir, notre but. Le christianisme devient un commencement perdu, et non plus une ࠱n à poursuivre dans le monde actuel et le temps de l’histoire. À ces divergences théoriques s’ajoutent des évaluations di࠰érentes du sens de la philosophie. Pour Gilson, la philosophie chrétienne tend au syst¢me. Le rapport à Dieu permet d’introduire dans la pensée du philosophe « l’ordre et l’unité. C’est pourquoi la tendance systématique est toujours forte dans une philosophie chrétienneZ: elle a moins à systématiser que n’en aurait une autre et elle a de quoi le systématiser 29 » –ZVignaux, lui, attend moins des auteurs médiévaux « un système de philosophie » que des « recherches philosophiques 30 », moins un résultat que des actes de pensée. C’est donc sur le plan de la philosophie de l’histoire qu’il lui faut porter le débat. PhilosoMhie et théologie de l’histoire Vignaux s’est longuement interrogé sur le rapport entre la philosophie de l’histoire et l’histoire de la philosophie, deux disciplines étroitement interdépendantes depuis Hegel. Il l’associe à sa propre interrogation, formulée notamment dans l’avant-propos de Philosophie au Moyen Âge (édition de 1958)Z : l’histoire de la philosophie peut-elle construire une unité entre des penseurs pour lesquels la philosophie est radicalement un acte de recherche et d’autres qui ont déjà trouvé, par ailleurs, dans la foi ? La méthode de Vignaux consiste alors à faire béné࠱cier l’étude du Moyen Âge de la ré࠲exion la plus aig¶e sur la philosophie de l’histoire. Il faut à ses yeux entrecroiser les approchesZ: histoire, philosophie et théologie doivent s’entre-exprimer. Marqué par la th¢se de -aymond Aron (Introduction à la philosophie de l’histoire. Essai sur les limites de l’objectivité historique, 1938), ami intime d’Henri-Irénée Marrou (De la connaissance historique, 1954), il résume son approche dans un cours polycopié, professé en septembre 1961 à l’université de Montréal sous le titreZ: « La philosophie critique de l’histoire et l’expérience de l’histoire de la philosophie 31 ». Contre Hegel et Marx, Vignaux

27. M. MERLEAU-PONTY, « Christianisme et philosophie », dans ID., Les Philosophes célèbres, p. 108  repris dans ID., Signes, Paris 1960, cité par P. VIGNAUX, De saint Anselme à Luther, p. 273. 28. M. MERLEAU-PONTY, « Christianisme et philosophie », cité par P. VIGNAUX, De saint Anselme à Luther, p. 273. 29. É. GILSON, L’esprit de la philosophie médiévale chrétienne, p. 35. 30. P. VIGNAUX, « Sur la place du Moyen Âge en histoire de la philosophie », Bulletin de la Société française de philosophie, p. 14, repris dans De saint Anselme à Luther, p. 53-54. 31. ID., « La place du Moyen Âge dans l’histoire de la philosophie », Archives Vignaux, EPHE, iblioth¢que de la Ve section.

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refuse que l’on puisse déterminer un « sens de l’histoire », ce qui supposerait une position dogmatique et non critique. Le sens de l’histoire envisage celle-ci globalement, « comme un tout donné », alors que « l’historien n’est pas moins ‫ڄ‬dans l’histoire‫څ‬, réalité inachevée, que ceux dont il écrit 32 ». En réalité, seule une « théologie de l’histoire peut en dire le sens, la ࠱n de l’histoire lui ayant été révélée ». Mais Vignaux insiste sur l’écart entre une philosophie et une théologie de l’histoire. La théologie qui rév¢le le sens de l’histoire repose sur la foi et ne détermine un sens ultime que pour le croyant. Le sens de l’histoire reste donc inaccessible à la seule raison. Vignaux examine alors les prétentions hegeliennes : l’Esprit divin, selon Hegel, s’accomplit dans l’histoire, si bien que le syst¢me de la perfection a ࠱nalement pour contenu l’histoire de la philosophie  pour Hegel, « la derni¢re philosophie est le résultat de toutes celles qui l’ont précédé, rien n’est perdu, tout est maintenu 33 ». Selon Hegel, lu par Vignaux, l’histoire de la raison appara¨t comme « une histoire de Dieu 34 ». L’Esprit divin se sécularise dans l’histoire de la pensée. Ainsi, le plan de la religion n’est pas le plan suprêmeZ: c’est la philosophie de la religion qui va en dégager le sens. « Précisément parce qu’il veut être philosophie du Christianisme (et sans doute accomplissement de la philosophie –Z «Z࠱n de l’histoireZ»Z– comme le Christianisme est 6pour lui8 accomplissement de la religion), l’hégélianisme exclut un au-delà de la philosophie 6‫ڎ‬8, une révélation et une théologie. » Dans cette histoire de l’av¢nement de la raison, quelle place Hegel réservet-il au Moyen Âge ? -eportons-nous aux Leçons sur l’histoire de la philosophie. Si l’histoire est celle de la liberté, dit-ilZ: «ZNous avons donc, à vrai dire, deux IdéesZ: l’idée subjective en tant que savoir, et l’idée substantielle, concr¢te  le développement, l’élaboration de ce principe 6‫ڎ‬8. Savoir ce qui est libre pour soi, tel est le principe de la philosophie moderne » 35. D’où la conclusion : « Dans l’ensemble, nous avons donc deux philosophiesZ: 1j)Zla philosophie grecque  2j)Z la philosophie germanique » (p. 221). La pensée grecque a conçu l’idée de la liberté, la pensée moderne (cartésienne, puis essentiellement allemande) l’a réalisée. ,uelle place occupe la philosophie médiévale dans ce schéma ? -ien d’autre qu’une période de transmission mêlée à une forme de résistance à l’idéal de la raison. C’est un entre-deux, une simple ¢re intermédiaire, un âge moyen. La pensée hegelienne de la sécularisation appara¨t comme une sorte de théorie des vases communiquants, où tout ce qui est gagné par l’homme et par la raison est perdu par Dieu ou l’absolu. L’homme revendique comme siens les valeurs et les biens qu’il avait d’abord placés en Dieu. On trouve cette idée d¢s les écrits

32. Ibid., p. 2. 33. Ibid., p. 3. 34. Expression de &. ARTH, La théologie protestante au XIXe siècle, Gen¢ve 1952 (trad. française 1955), p. 32, citée dans P. VIGNAUX, « La place du Moyen Âge dans l’histoire de la philosophie », p. 3. 35. G. 2. !. HEGEL, Leçons sur l’histoire de la philosophie, Introduction : Système et histoire de la philosophie, C. 2 : « La progression dans l’histoire de la philosophie », trad. G. GIBELIN, Paris 1954, p. 220.

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de jeunesse de Hegel, elle sera reprise plus bruyamment cheU !euerbach et même cheU NietUsche 36. Le schéma hegelien nourrit encore bien des visions de l’histoire. Certes, sous la pression des faits, les historiens ont vu la nécessité de compliquer ce schéma, mais rares sont ceux qui l’ont rejeté dans son principe comme Vignaux. En s’appuyant sur &arl arth 37, Vignaux rejette absolument cette métaphysique de la sécularisation, qui associe l’idée d’une ࠱n de l’histoire à celle d’un épuisement du religieux dans la raison. Convaincu qu’il existe un au-delà de la philosophie, il rejette du même coup et simultanément la philosophie de l’histoire, la philosophie de la religion et surtout l’histoire de la philosophie pratiquées par Hegel. Car le mod¢le des vases communicants suppose que l’homme et Dieu sont dans un syst¢me clos, qu’ils échangent des biens homog¢nes et que ceux-ci sont disponibles en quantité ࠱nie. Or Vignaux s’oppose à ce mod¢leZ: pour lui, la théologie et la dignité de l’homme ne s’opposent pas, la preuve en est qu’il existe un humanisme médiéval. Selon Vignaux lui-même, « cette expression 6‫ڎ‬8 désignerait asseU bien le centre de notre perspective sur le Moyen Âge intellectuel 38 ». Vignaux a trouvé dans la ré࠲exion médiévale, et notamment dans l’œuvre de Duns Scot l’idée d’unZ: 6‫ڎ‬8 humanisme philosophique 6qui8 se dépasse ou plutôt se transpose en humanisme théologique, précisémentZ: théocentriqueZ: un mouvement de pensée qui exalte –ZAFDKFࠩ@>OBZ– l’humaine nature, donne toute sa valeur possible à un être ࠱ni essentiellement tourné vers l’In࠱ni qui peut seul lui révéler, avec ce rapport, la dignité ultime et le destin qu’elle permet 39.

La structure du pensable n’est pas close, mais ouverte sur l’in࠱ni. Ajoutons que saint Thomas d’Aquin fournirait aussi des arguments en ce sens, selon deux de ses propositionsZ: « -etirer à la perfection des créatures, c’est retirer à la perfection du pouvoir divin 40 »  etZ: « Dieu n’est o࠰ensé par nous que du fait que nous agissons contre notre propre bien 41 ». La transcendance de Dieu et la dignité de l’homme vont de pair, et non pas en raison inverse. Insistons sur la relation d’image entre Dieu et l’hommeZ: ce qui est gagné en dignité par le mod¢le rejaillit sur l’image, et réciproquement. Comme le dit VignauxZ: Le Moyen Âge traite de l’homme en fonction de Dieu dont il le croit l’imageZ: aux théologies de la Trinité répondent des psychologies trinitaires  les données de la conscience ou d’une analyse rationnelle de l’esprit s’ins¢rent dans une structure mentale qui rappelle celle de la vie divine. 6‫ڎ‬8 cette correspondance suppose une réponse, au moins implicite, à des questions telle que

36. !. NIETZCHE, Gai savoir, IV, 285Z: « Peut-être l’homme s’él¢vera-t-il toujours plus haut, quand il cessera de se déverser en un Dieu ». 37. &. BARTH, La théologie protestante au XIXe siècle. 38. P. VIGNAUX, Philosophie au Moyen Âge, Paris 19583, p. 11. 39. Ibid., p. 12. 40. THOMAS D’AQUIN, Somme contre les Gentils, III, 68, trad. V. AUBIN, Paris 1999, p. 242  P. VIGNAUX dans son traité inédit De la philosophie franciscaine, présenté ici pour la premi¢re fois, cite le chap. 69 : « -etirer aux choses leurs actions propres, c’est déroger à la bonté divine. » 41. THOMAS D’AQUIN, Somme contre les Gentils, III, 122, trad. V. AUBIN, p. 419.

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celles-ciZ: dans quelle mesure une ré࠲exion de l’esprit humain sur lui-même peut-elle l’éclairer sur la nature de son principe transcendant ? – ou bienZ: en se révélant, un Dieu qui dit avoir créé les hommes à son image ne leur découvret-il point la structure la plus profonde de leur être, inaccessible à la simple ré࠲exion 42 ?

Comme pour la doctrine de l’icône, l’honneur rendu à l’image remonte à l’original, et réciproquement : la transcendance de l’original rév¢le la dignité insoupçonnée de l’image. En tous cas, il me semble clair que jamais Vignaux, historien et philosophe la©c, n’a fait sienne la dialectique de la sécularisation. Pas plus que le divin ne s’oppose à l’humain, le théologique ne s’épuise dans la raison. Et précisément, s’il y a une théologie de l’histoire autre que celle de la sécularisation hegelienne, cela laisse place pour une autre philosophie de l’histoire. Pour Vignaux, c’est l’acceptation d’une théologie transcendante de l’histoire qui lib¢re l’espace pour la philosophie de l’histoire. Histoire de la MhilosoMhie Mais pour cela, il faut d’abord reprendre le probl¢me à la baseZ: c’est au niveau de l’histoire de la philosophie que na¨t la philosophie de l’histoire. En e࠰et, l’histoire de la philosophie découvre des probl¢mes permanents repris par les philosophes de chaque époque, si bien que toute formulation générale des probl¢mes traités dans le corps d’une histoire de la philosophie est déjà une philosophie. Il faut donc distinguer trois niveaux de penséeZ : l’histoire empirique de telle ou telle philosophie  ensuite, la ré࠲exion philosophique sur l’histoire de la philosophie  en࠱n le plan de la théologie de l’histoire. Ainsi, lorsque Vignaux accepte de parler d’une « philosophie de l’histoire », ce n’est jamais du point de vue d’un tout achevé, selon le point de vue dogmatique d’un observateur qui se croirait hors de l’histoire, ou à son terme. C’est simplement la ré࠲exion, intérieure à l’histoire, d’un historien sur sa propre démarche. Il sait d’ailleurs tr¢s bien que l’interprétation de l’historien est toujours liée à sa propre situation historique : il mentionne lui-même la liaison qu’il existe entre « philosophie de la connaissance historique » et « décision politique 43 ». Vignaux analyse donc une « possibilité à explorer », le plan philosophique d’une « ré࠲exion dépassant la simple philosophie critique de l’histoire –Z laZ critique de la raison historiqueZ –, pour atteindre l’être historique de l’homme, sans pour autant présupposer une théologie ». À chacun de ces plans correspond une mani¢re de comprendre la tâche du médiéviste philosopheZ : les essais de compréhension des œuvres médiévales « tendant à décrire le sens qu’elles avaient pour leurs auteurs mêmes »  ensuite, la théologie de l’histoire de la philosophie pour laquelle on ne peut se satisfaire de la « philosophie chrétienne » prônée par Gilson  en࠱n, « le probl¢me d’une ré࠲exion proprement

42. P. VIGNAUX, Philosophie au Moyen Âge, p. 8-9. 43. -. IMBACH, « Histoire de la pensée médiévale et probl¢mes théologiques contemporains », postface de l’ouvrage de P. VIGNAUX, Philosophie au Moyen Âge, Paris 2004, p. 286.

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philosophique sur l’histoire de la pensée médiévale, ré࠲exion qui implique une philosophie de la religion portant sur le christianisme même ». Cette ré࠲exion méthodique, Vignaux l’a entreprise dans la préface de Philosophie au Moyen Âge. Dans la premi¢re version de 1938, Vignaux avait intitulé son livre La pensée au Moyen Âge, « et non 6histoire8 de la philosophie : on avait à dessein évité ce dernier terme a࠱n de ne pas préjuger du caract¢re philosophique de la spéculation médiévale. Ce caract¢re, en e࠰et, est précisément en question, et du même coup l’insertion du Moyen Âge dans la suite d’une histoire de la philosophie 44 ». Dans la troisi¢me édition, de 1958, il adopte le titre Philosophie au Moyen Âge, et se justi࠱e ainsiZ: « C’est simplement pour attirer l’attention sur ce probl¢me, en ne le supposant pas résolu, que dans le titre de cette troisi¢me édition refondue para¨t le terme philosophie 45 ». Philosophie au Moyen Âge est donc moins le nom d’une th¢se que celui d’un embarras. Vignaux remarque en premier lieu que la tâche de l’historien des doctrines l’oblige d’abord à dé࠱nir la tâche des auteurs étudiés telle qu’ils l’ont eux-mêmes dé࠱nieZ: «ZCette exigence conduit à traiter de théologique la pensée médiévale envisagée globalement, puisque la spéculation s’y réf¢re à une révélation, source pour le croyant, à ses yeux et en lui, de pensées plus qu’humainesZ» 46. Mais ce constat n’est pas un constat d’échecZ: «ZIl faut aussitôt souligner que, de ce mode de penser théologique, les médiévaux ont eu des conceptions variées. L’étude, à peine commencée, de cette variété, montre que ces conceptions ont des sources dans les philosophies qui ont précédé le Moyen ÂgeZ» 47. Ce sont les diverses rationalités philosophiques à l’œuvre cheU les théologiens qui expliquent les di࠰érences de leurs théologies. La clé de la pertinence philosophique du Moyen Âge réside donc dans la « diversité rebelle » de ses théologies, pour citer encore une tr¢s belle formule de Vignaux 48Z: « L’historien qui a reçu une formation philosophique doit craindre de trop uni࠱er, de systématiser  il faut qu’il laisse voir la diversité rebelle ». L’histoire entreprise par Vignaux entend donc insister sur la diversité bien plus que sur l’unité de la pensée médiévale, qui risque de tomber dans la pauvreté et le vide si l’on perd de vue la diversité concr¢te des pensées. Plus on se perd dans les idées générales, plus on s’éloigne de la philosophie. C’est la rigueur de l’analyse de détail qui fait la grande philosophie, et non la hauteur du survol. Contrairement à certains postulats continuistes en philosophie, il faudra donc mettre l’accent sur les débats, les con࠲its, les polémiques, les querelles, les censures, les ruptures épistémologiques. De surcro¨t, la philosophie, pour Vignaux, décidément tr¢s anti-hegelien, ne réside pas dans la perfection d’un syst¢me, mais dans la mani¢re de poser des probl¢mes, dans la procédure de la recherche. On ne cherchera pas davantage à décrire les œuvres comme des monographies exprimant des individualités di࠰érentes. « Penser est un métierZ: nous avons à étudier des mani¢res de pensée ». On étudiera donc la pensée dans

44. P. VIGNAUX, Philosophie au Moyen Âge, p. 5. 45. Ibid., p. 5. 46. Ibid., p. 5. 47. Ibid., p. 5-6. 48. Ibid., p. 11.

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« la forme technique où elle s’est dé࠱nie 49 ». Si l’on veut préserver la dimension philosophique de la pensée médiévale, il est impossible de la résumer en abandonnant la technicité, notamment logique et grammaticale, de cette pensée. Il su࠳t de se faire attentif à la technique des œuvres de pensée pour saisir l’importance, parfois méconnue, de certains aspects de la vie intellectuelle au Moyen ÂgeZ: la formation des intelligences par la grammaire et la logique, disciplines asseU proches l’une de l’autre  l’usage, comme instrument universel du savoir, de la dialectique, identi࠱ée à la raison même  le caract¢re fondamental du rapport de signi࠱cation entre les termes –ZSL@BP࢙‫ٷ‬et les choses –ZresZ– tel qu’il appara¨t au premier plan et par deux fois, dans les nominalismes des XIIe et XIVe si¢cles 50.

Où se trouve la rationalité de la théologie médiévale ? Non pas dans les résultats acquis, car pour le théologien, l’essentiel se trouve dans le Credo, lui-même résumé dans la personne du Christ. La raison se trouve dans la technicité de la logique mise en œuvre, dans la place accordée à la dialectique contre certaines erreurs des adversaires (philosophes ou théologiens), dans le déploiement universel de la théorie du signe. Diversité, recherche, technicité, tels sont donc les trois piliers du médiévisme philosophique. Par comparaison avec la méthode d’Étienne Gilson, nous apercevons un remarquable chassé-croisé. Gilson détache une part philosophique des auteurs qu’il étudie, tout en les lisant dans une perspective théologique, tandis que Vignaux reconna¨t la nature théologique de ses auteurs, et qu’il les étudie dans une perspective philosophique. En e࠰et, Gilson prétend trouver une philosophie chrétienne dans la pensée médiévale, ce qui le pousse à parler d’une philosophie là où il n’y en a pas à titre autonome (onaventure), ou à dégager une philosophie seulement virtuelle (la théologie naturelle de Thomas d’Aquin). D’autre part, Gilson mesure les œuvres médiévales à l’aune de sa « philosophie chrétienne », qui est en fait une théologie de l’histoire. Au contraire, Vignaux reconna¨t la nature théologique de son objetZ: si l’on examine le sens des œuvres médiévales pour les auteurs mêmes qu’il étudie, elles étaient profondément théologiques. 0ne telle analyse est à mettre au crédit de sa probité d’historien. Et pourtant, ce qui l’intéresse est leur portée philosophique. Le paradoxe est grand. Vignaux a essentiellement étudié l’œuvre de théologiensZdans leur noyau théologique. Comme le dit la préface de De saint Anselme š)RQEBO࢙: Il s’agissait de dépasser le champ délimité d’une histoire de la philosophie au Moyen Âge pour explorer avec la même objectivité celui plus vaste et moins connu des théologies de même époque  le passage de la chrétienté médiévale à l’Europe moderne de la -éforme invitait à étudier la scolastique des XIVe et XV e si¢cles  par la Disputatio contra scholasticam theologiam qui suivit de

49. Ibid., p. 6. 50. Ibid., p. 7.

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pr¢s le commentaire fameux de l’ép¨tre aux -omains, Luther renvoyait, pardelà Gabriel iel, à Guillaume d’Ockham et Jean Duns Scot 51.

Les titres des articles de Vignaux, les objets de ses conférencesZà l’École Pratique sont théologiquesZ: prédestination, justi࠱cation, Anselme, Luther, etc. Vignaux y voit pourtant un intérêt philosophique, se rendant ainsi la tâche plus di࠳cile. Dans son intervention à la Société française de philosophie, en 1974, Vignaux a théorisé cette approche. Il aperçoit trois mani¢res d’étudier le Moyen Âge, chacune étant plus compréhensive que la précédente –Zc’est-à-dire à la fois plus vaste par son objet et plus rigoureuse par la méthode : Premi¢re démarcheZ : on réintroduit des œuvres médiévales de théologiens dans une continuité historique de la philosophie en y montrant des sources de pensées philosophiques modernes  on est ainsi provoqué à étudier ces œuvres en elles-mêmes. 6‫ڎ‬8 On notera que, de ce premier point de vue, on tend principalement à extraire d’œuvres de théologiens une métaphysique incluant uneZ« théologie naturelle », et à principalement dégager la contribution médiévale à l’histoire de la notion d’être en relation avec l’idée de Dieu. Il faut remarquer ici que les circonstances de la transmission de l’héritage antique au Moyen Âge latin obligent à en lier l’étude à celle de la pensée arabe et de la pensée juive 52.

Or, nous dit Vignaux, « nous ne croyons pas qu’une telle histoire de la raison doive se limiter à l’usage de la raison en cette théologie qui, selon une formule de saint Thomas, est ‫ڄ‬partie de la philosophie‫» څ‬. Il vise ici Étienne Gilson, sans le nommerZ: l’histoire de la raison ne se résume pas à la série des théologies naturelles. Il faudra donc passer à un second niveau d’analyseZ: Dans le second point de vue, nous ne retrouvons pas un intérêt primordial pour l’histoire de la métaphysique  on part du développement contemporain de l’histoire des sciences, y compris la logique et les disciplines d’études du langage. L’attention se déplace ainsi de la faculté de théologie vers la faculté des arts, et porte davantage sur le mode médiéval de formation des espritsZ: comme Luther le remarquera en 1517, le théologien scolastique est essentiellement un logicien. L’intérêt croissant pour l’histoire de la logique permet de mieux situer l’apport du Moyen Âge dans ce domaine. Cette étude appelle normalement celle de la spéculation grammaticale sur « les modes de signi࠱cation ». L’attention de nos contemporains à l’« analyse linguistique » conduit à étudier davantage et pour lui-même tout cet aspect logico-grammatical. Parall¢lement, l’intérêt croissant pour l’évolution de la physique, de l’astronomie, des mathématiques avant la « révolution scienti࠱que » des

51. P. VIGNAUX, De saint Anselme à Luther, p. 9. 52. ID., « Sur la place du Moyen Âge en histoire de la philosophie », Bulletin de la Société française de philosophie, p. 2, repris dans ID., De saint Anselme à Luther, p. 53-54.

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XVI eZet XVII e si¢cles, dont l’originalité n’est pas en cause, rend possible dans ces secteurs un e࠰ort d’histoire conceptuelle plus exacte 53.

Ce second niveau appara¨t d’abord comme un retour de balancier vers l’analyse d’éléments strictement rationnels et non plus théologiques. IlZconstitue clairement un chapitre d’une histoire des sciences associée à l’histoire de la grammaire et de la logique. Ce souci pour l’analyse linguistique évoque clairement la fécondité de l’analyse grammaticale et de la « philosophie analytique » pour l’étude des arts du langage, déjà objets des travaux de Jean Jolivet. Ajoutons que l’actuel médiévisme anglo-saxon n’aurait pas été le même si Vignaux, en privilégiant les Commentaires des Sentences et les auteurs du Moyen Âge tardif, n’avait pas fait appara¨tre l’importance des paradoxes logiques et des outils spéci࠱ques à l’œuvre en théologie, préparant ainsi la voie à l’enquête analytique sur le langage au Moyen Âge. Son analyse des théologies de la toute-puissance divine, puissance absolue ou puissance ordonnée, a inspiré plus d’une enquête, par exemple celle d’Eugenio -andi. Son enquête sur la prescience divine pré࠱gure toute une série de travaux récents consacrés à cette question, notamment par Jean-!rançois Genest, Cyrille Michon, -ussell !riedman et Chris Schabel. Ce qu’il appelle à juste titre une « théologie de la connaissance », caractérisée par la possibilité d’une tromperie divine, est un concept profondément éclairant pour la pensée médiévale, et même moderne, puisque cet argument inspire encore la premi¢re Méditation de Descartes. Par conséquent, l’histoire des sciences (souvent personni࠱ée, pour Vignaux, par Alexandre &oyré) se lie ici explicitement à une théorie des énoncés philosophiques, d’une mani¢re qui évoque également l’histoire des epistémès et l’archéologie du savoir ch¢re à Michel !oucault en 1969. Mais le nom le plus rigoureux de cette étude est ࠱nalement celui d’une « histoire de la raison ». « Toutes ces études de modes d’expression et de pensées sont autant de contributions au chapitre médiéval d’une histoire de la raison où, en relation à d’autres usages, son application à la métaphysique ne serait évidemment pas oubliée 54 ». Le second niveau d’analyse inclut le premierZ: il articule histoire de la métaphysique, histoire des sciences et histoire des arts du langage en une seule histoire de la raison. Ce n’est pourtant pas le dernier mot de l’histoire pratiquée par VignauxZ: nous avons vu que même la dé࠱nition de la théologie scolastique, comme pratique des logiciens, nous était donnée par un point de vue extérieur, par un cadre englobant, celui de la critique formulée par Luther. L’englobant ou l’interprétant ultime de la raison dans son développement historique n’est donc pas la seule raison, mais l’historicité des croyants. Pour retrouver le Moyen Âge le plus compréhensif et le plus concret à la fois, il faut donc étudier l’horiUon herméneutique de la croyance, ou, pour employer l’expression de Vignaux, de la religion. L’application de la raison à une révélation présupposée entre sans doute dans la compétence d’une histoire de la philosophie si l’on accepte la notion d’une

53. Ibid., p. 54. 54. Ibid., p. 54.

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philosophie de la religion qui trouve dans les religions positives, historiquement données, son objet de ré࠲exion  quelles que soient les conclusions de cette derni¢re –Zcompatibles avec une foi ou radicalement critiques de toute foiZ–, elle appartient à l’histoire de la philosophie de la religion. De ce point de vue, il ne serait pas nécessaire de procéder au découpage, souvent discutable historiquement, d’une « théologie naturelle » pour engager une étude proprement philosophique d’œuvres théologiques 55.

ref, il s’agit de s’intéresser philosophiquement, rationnellement, à des élaborations qui ont pourtant trouvé leur lieu le plus propre dans les passages les plus théologiques des œuvres théologiques. Mieux, il s’agit d’y déchi࠰rer les traces d’une spéculation rationnelle. Au-delà de l’histoire de la philosophie, qui prend pour objet des métaphysiques découpées cheU les théologiens, au-delà de l’histoire de la raison, qui porte sur les énoncés scienti࠱ques et logiques, vient l’histoire de la philosophie religieuse, qui est une histoire des énoncés proférés dans la foi, une archéologie des croyances. CheU Gilson, la « philosophie chrétienne » allait de pair avec un refus de la « philosophie de la religion ». -éciproquement, cheU Vignaux, la réhabilitation de la « philosophie de la religion » s’associe au rejet de la « philosophie chrétienne ». Gilson a en e࠰et soutenu qu’aucune analyse philosophique de l’expérience spirituelle des grands mystiques chrétiens n’est possible. La mystique chrétienne lui paraissait « incompréhensible si l’on ne recourt pas à la notion de grâce ». Il était impossible, à ses yeux, de faire méthodiquement abstraction du jugement du mystique sur sa propre vie spirituelle, par laquelle il la tient pour œuvre de la grâce. Décrire la vie spirituelle du croyant sans partir de la grâce, c’est, dit Gilson, « éliminer l’objet même de la recherche ». Pour Gilson, la philosophie de la religion détruit son objet en prétendant l’étudier. On peut à la rigueur se livrer à une philosophie de la religion pour celles qui sont fausses ou provisoires, mais non pour le christianisme – or, contrairement à Gilson, Vignaux soutient qu’une « approche philosophique » de toutes les religions, y compris du christianisme est légitime, donc qu’une « philosophie de la religion » est possible. Il est possible par méthode d’étudier ce que signi࠱ent les énoncés, les rites et les pratiques du croyant, sans se prononcer sur la certitude de foi qui les soutient dans l’âme du croyant 56. Mais qu’est-ce qu’une philosophie de la religion ? La philosophie de la religion 0ne équivoque se cache sous l’expression d’« histoire de la philosophie de la religion ». D’une part, Vignaux développe la th¢se d’une nécessité de la « philosophie de la religion », à la suite d’Henry DuméryZ: non pas l’élaboration d’une théologie naturelle, c’est-à-dire d’une réduction des diverses théologies

55. Ibid., p. 54. 56. P. VIGNAUX, « Philosophie chrétienne et théologie de l’histoire », dans ID., De saint Anselme à Luther, p. 268-269.

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à un commun dénominateur rationnel, mais une étude de la signi࠱cation des religions révélées, positives 57. Cette étude resterait philosophique, c’est-à-dire qu’elle mesurerait le sens des diverses religions et se prononcerait critiquement pour ou contre leur validité. Mais une telle étude méthodique et rigoureuse porte naturellement sur le monde contemporain, elle renvoie à une étude philosophique moderne des données religieuses. C’est en quelque sorte celle que pratiquent les anthropologues, on ne peut donc pas en faire directement l’histoire. Ce dont on fait l’histoire, ce sont les théologies médiévales, celles d’ailleurs qui ont donné leur titre à la chaire de Vignaux à partir de 1960Z: « Histoire des théologies médiévales ». Autrement dit, sous le nom d’« histoire de la philosophie de la religion » se dissimulent deux démarches : Vignaux vise d’abord une histoire des théologies, ou, si l’on veut, des philosophies religieuses, mais celle-ci peut à son tour, et peut-être au second degré, nourrir une philosophie de la religion. S’agit-il d’une maladresseZd’expression ? Je ne crois pasZ: cela re࠲¢te plutôt la conviction que l’objet de l’histoire des théologies, tout en étant inscrit en des révélations positives, permet une élaboration rationnelleZ: en étudiant les théologies médiévales, la philosophie de la religion ne fait qu’y retrouver son propre bien, la raison. Sous le mot d’ordre d’une « philosophie de la religion », Vignaux veut concr¢tement faire une « histoire de la raison ré࠲échissant sur la foi dans la théologie 58 ». ParZcette formule obscure, Vignaux souligne que l’archéologie des théologies n’est pas simplement une attitude d’historien, mais une démarche philosophique, et qu’elle est elle-même féconde pour la philosophie. Il revendiquait donc au terme de sa carri¢re, en 1975, une évolution, et avouait « l’adoption plus récemment d’un point de vue d’historien de la philosophie de la religion, notion asseU ample pour embrasser toute ré࠲exion sur les religions historiques, que cette ré࠲exion conduise à tenir ࠱nalement ces religions pour ‫ڄ‬des principes de vie ou des obstacles à surmonter‫( څ‬question décisive posée aujourd’hui au Christianisme) 59 ». Mais d¢s 1958, on trouvait cette remarqueZ: « Devant toute cette théologie, nous devons en࠱n rappeler que, si le sentiment religieux et l’idée de Dieu visent une réalité transcendante, ils n’en sont pas moins donnés dans l’homme 60. » Autrement dit, à côté de l’approche théologique, qui se veut une élaboration rationnelle de la foi, il est possible de partir d’un phénom¢ne simpleZ: le religieux est fondamentalement humain. Il constitue même la composante essentielle de la vie humaine pour la plus grande part de l’humanité. Vignaux cite alors la remarque de Jean LaporteZ: « ,uelle qu’en soit l’origine, la pensée religieuse en elle-même est nécessairement une pensée humaine, et à ce titre, elle ne saurait être négligeable pour l’homme ». Si rien d’humain ne nous est étranger, rien de religieux ne doit l’être non plus. On ne peut comprendre l’homme sans comprendre la dimension fondamentalement religieuse de l’humain. C’est ce

57. Il s’en réclame explicitement dans l’article « Métaphysique de l’exode, Philosophie de la religion. (À partir du « De Primo Principio » selon Duns Scot) », /FSFPQ> AF #FILPLࠩ> KBL

scolastica 70 (1978), p. 135-148. 58. A. DE LIBERA, Penser au Moyen Âge, Paris 1991, p. 48. 59. P. VIGNAUX, De saint Anselme à Luther, p. 10. 60. ID., Philosophie au Moyen Âge, « Avant-propos », p. 10.

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que Pierre Legendre appelle aujourd’hui l’institution dogmatique de l’homme et de la vie 61. La philosophie ne peut passer sous silence cet objet, le religieux, qui n’est pas moins digne qu’un autre de sa considération. Dans un cours polycopié de 1963, Vignaux se pla¨t à attribuer cette interprétation à saint Thomas lui-mêmeZ: « Comme ‫ڄ‬d’apr¢s saint Thomas, il est possible de dé࠱nir la foi, par laquelle commence notre retour religieux vers Dieu, sans faire allusion à une révélation historique (quant à son contenu), ni à l’autorité de Dieu (quant à son motif formel)‫ څ‬il appara¨t, du même coup, possible ‫ڄ‬d’insérer la foi dans une vue philosophique de la religion‫ څ‬62. » On peut donc légitimement élaborer une philosophie de la religion en général, ou « de l’essence de la religion, celle-ci étant d’unir l’homme à Dieu par des actes propres, dans lesquels Dieu lui-même intervient ». C’est une métaphysique abstraite du salut, indépendante du contenu connaissable d’une révélation, d’un salut en général, non spéci࠱é en salut chrétien. Il est possible de tenter de comprendre la foi, de montrer son sens de façon à la rendre intelligible, tant par le croyant que par l’incroyant, en montrant simplement sa non-contradiction. Il ne s’agit pas pour la philosophie de la religion de montrer une possibilité positive de la foi, comme le fait traditionnellement l’apologétique, mais simplement de comprendre sa signi࠱cation, de montrer sa non-impossibilité. Cette distinction « entre l’éclaircissement de la signi࠱cation de termes naturellement concevables et l’adhésion de foi à la vérité de leur liaison », Vignaux la trouve déjà cheU les théologiens médiévaux, et notamment cheU Duns Scot 63. Pour Vignaux, le dialogue médiéval entre théologiens et philosophes peut être transposé dans la philosophie contemporaine sous la forme du dialogue entre croyants et incroyants. Dans sa forme éclatée et multiforme, le dialogue interconfessionnel entamé au Moyen Âge énonce une dimension rationnelle de la conversion et de la confession de la foi. La concorde religieuse, l’harmonisation des révélations, la convergence des vérités, tels étaient les rêves cultivés par les intellectuels (et démentis par leurs contemporains). Nos sociétés modernes peuvent n’y voir qu’un songe. Elles peuvent aussi y lire un appel au dialogue entre diverses formes de la raison. Et pour les deux approches (médiévale et moderne), il faut admettre un espace commun de rationalité et de discussion. Car c’est seulement en admettant un tel espace de rationalité que l’on peut insérer la spéculation médiévale « dans une unité de l’histoire de la philosophie, ou, formule peut-être préférable, d’une histoire philosophique de la raison 64 ». Vignaux s’achemine ainsi vers un autre mod¢le que l’histoire de la philosophie, l’histoire philosophique de la raison dans tous ses états.

61. P. LEGENDRE, Sur la question dogmatique en Occident, Paris 1999  voir déjà ID., Dieu au miroir, Paris 1994. 62. P. VIGNAUX, « Place du Moyen Âge dans l’histoire de la philosophie. -eprise en 1963 du cours de 1961 : schéma et remarques complémentaires », Archives Vignaux, EPHE, p. 9. Les citations entre guillemets anglais proviennent d’un article de G. VAN RIET, « 4 a-t-il cheU saint Thomas une philosophie de la religion ? », Revue philosophique de Louvain 69 (1963), p. 44-81. 63. P. VIGNAUX, « Place du Moyen Âge dans l’histoire de la philosophie », p. 9. 64. Ibid., p. 10.

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Il y a en e࠰et pour Vignaux une histoire des états de la raison, ce qui signi࠱e que la raison est engagée dans une histoire, mais que celle-ci obéit à di࠰érents régimesZ: le régime chrétien di࠰¢re de celui de l’Antiquité pa©enne. Autrement dit, l’histoire de la théologie scolastique n’est pas simplement celle de l’application du raisonnement rationnel à des données de foi  elle ne fait pas simplement partie de « l’histoire des idées 65 »  elle débouche sur autre choseZ: sur une meilleure compréhension de l’attitude religieuse des théologiens, sur l’interprétation de leurs mobiles et de leurs sentiments. « Cette technicité du XIVe si¢cle, volontiers surabondante, n’empêchait pas d’apercevoir les mobiles qui en inspiraient l’usageZ : l’analyse des textes concernant 'RPQFࠩ@>QFLK et prédestination 6et déjà l’ouvrage de 1935 sur Luther commentateur des Sentences8 conduisait à une compréhension religieuse de certains aspects d’une scolastique généralement jugée libre de sens spirituel. C’est sur le rapport entre la transcendance divine et la condition humaine de serf ou de libre-arbitre qu’il y eut a࠰rontement de l’augustin Luther avec la scolastique franciscaine de Scot et d’Ockham dont le théocentrisme intégrait un humanisme. L’intellectualité, trop méconnue comme décadente, des XIVe et XVe si¢cles retrouvait pour l’histoire, tant des modes de penser que du sentiment religieux, un intérêt que le développement collectif international de la recherche a depuis quarante ans con࠱rmé 66 ». Ou encoreZ: « Les plus récentes études du XIVe si¢cle scolastique con࠱rment que l’exigence chrétienne d’un ‫ڄ‬salut dans l’histoire‫ څ‬restait à l’œuvre sous un langage d’extrême abstraction métaphysique 67. » Approfondir le Moyen Âge, c’est élargir le présentZ: étudier à la fois l’attitude existentielle et la rationalité conceptuelle à la base de la théologie médiévale, c’est rouvrir la possibilité d’une philosophie de la religion, d’une analyse conceptuelle de la foi du croyant. Mais plus encoreZ : dans la théologie, O>QFL ࠩABF (raison de la foi) ou ࠩABP NR>BOBKP FKQBIIB@QRJ (foi cherchant l’intelligence), il ne s’agit pas seulement de la religion, il s’agit aussi de la raison. Car la raison est déjà à l’œuvre concr¢tement dans le débat théologique, c’est elle qui lui donne sa méthode, ses r¢gles, et certains de ses enjeux. Vignaux cite à ce propos DelbosZ: « Il serait vain de présumer que tout ce qui est susceptible de prendre un sens rationnel doit nécessairement entrer dans le monde et dans l’esprit humain par la voie de la simple raison 68. » La raison pure n’est qu’une structure abstraite, formelle, qui doit pénétrer les contenus et leur donner sens. Au Moyen Âge, seule la logique est une raison pure. Mais même la théorie de la suppositio, théorie logique par excellence puisqu’elle justi࠱e la référence des termes d’une proposition, est solidaire de la théologie des trois personnes ou supposita de la Trinité. Ainsi, la raison dans son usage concret est au coeur de la théologie, et

65. Expression que l’on trouve en 1939 dans P. VIGNAUX, « La nature humaine dans la pensée médiévale », dans ID., De saint Anselme à Luther, p. 51, mais simplement pour désigner une premi¢re approche de cette discipline. 66. Ibid., p. 9. 67. P. VIGNAUX, « Philosophie médiévale et ‫ڄ‬Temps de l’Église‫» څ‬, p. 555, repris dans «Philosophie médiévale dans ‫ڄ‬le temps de l’église», dans ID., De saint Anselme à Luther, p. 75. 68. ID., Philosophie au Moyen Âge, « Avant-propos », p. 10.

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la théologie est au cœur de la raison dans son usage le plus pur. En méditant sur la théologie, la raison ré࠲échit en réalité sur elle-même. Concr¢tement, Vignaux fait ici allusion à son étude minutieuse et patiente de l’œuvre de Duns Scot et de celle de LutherZ: On ne saurait dire que le Docteur franciscain 6Duns Scot8 n’ait pas vu le con࠲it entre le naturalisme des philosophes et les exigences les plus fondamentales d’une théologie qui suppose révélation et grâce  il a cependant trouvé, pour lui-même, une solution dans l’exaltation de la nature humaine, de la spéci࠱cité de l’homme envisagé comme natura intellectualis 6nature intellectuelle8. Loin d’abaisser l’homme à ses propres yeux, la foi él¢ve, devant lui, sa nature mêmeZ: AFDKFࠩ@>OBK>QRO>J6digni࠱er la nature8, c’est une démarche caractéristique de la pensée de Duns Scot, et une démarche proprement, consciemment, théologique. On peut, à une telle doctrine, appliquer le terme paradoxal d’humanisme théologique. L’idée de la spéci࠱cité, de la valeur humaine éclaire à la fois les doctrines scotistes de l’entendement et de la moralité –Zcette derni¢re incluant une appréciation fort optimiste des forces naturelles de l’homme 69.

D’une mani¢re tr¢s originale et neuve, Vignaux l’a souligné, Duns Scot revendique la dignité de la nature humaine, l’autonomie de sa liberté. Vignaux montre qu’en s’opposant à la scolastique, c’est à Duns Scot, c’est-à-dire à la théologie de la grandeur de la nature, de la dignité de l’homme, que Luther s’oppose. Derri¢re iel, pour lui principal représentant de la théologie scolastique, Luther aperçoit Duns Scot  l’opposition du -éformateur non seulement aux nominalistes et scotistes, mais à toute École, se comprend à partir du naturalisme – doctrine de la valeur et de l’e࠳cace de la nature humaine –incorporé à la théologie du Moyen Âge. À l’idée de nature, on peut en e࠰et lier la notion de la grâce comme habitus, l’idée du libre-arbitre et du salut par les œuvres – par des actesZ – la conception en࠱n du péché originel comme une simple privation  toutes choses violemment rejetées par Luther, avec le sentiment qu’elles ont une origine, un caract¢re philosophiques 70.

Dissipons immédiatement un malentenduZ : même si cette ré࠲exion est tardive dans l’œuvre de Vignaux (elle intervient au bout de quarante ans d’études de la philosophie médiévale), elle n’est en rien une construction ad hoc ou une révision déchirante de ses travaux antérieurs. En formulant sa conception d’une histoire de la philosophie de la religion, Vignaux revient sur sa propre démarcheZ: il ne fait aucun doute qu’il a pratiqué d¢s le début ce qu’il a théorisé ensuite.

69. « La nature humaine dans la pensée médiévale » (prospectus annonçant la séance de la Société française de philosophie du 29 avril 1939), p. 2, repris dans P. VIGNAUX, De saint Anselme à Luther, p. 52. 70. Ibid.

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La rationalité théologique Par-delà les ambigu©tés de la « philosophie de la religion », ce que Vignaux a dégagé, c’est une rationalité de la théologie. Il propose une histoire non pas de la rationalité, mais des rationalités. Il sugg¢re ainsi un idéal méthodologiqueZ: tenter d’analyser la rationalité des structures conceptuelles et des argumentations théologiques au Moyen Âge, sans adopter pour autant le point de vue du théologien. Dans cette perspective, l’alternative binaire qui a longtemps dominé l’histoire de la pensée médiévale – foi ou raison, puis foi et raisonZ–, cesse d’être directrice. Elle c¢de la place à la reconnaissance d’une irréductible pluralité des « formes du rationnel ». C’est à cela que fait allusion la théorie des « états de la raison » développée par Vignaux. La raison n’est peut-être jamais chimiquement pure, mais toujours engagée dans des dispositifs théologiques ou mythologiques. L’expression est une adaptation par Vignaux d’une formule de Duns Scot. Pourquoi se priver de reprendre à la théologie un de ses concepts herméneutiques ? Or Duns Scot distingue divers objets de l’intellect, selon qu’il se trouve dans l’état présent (de nature déchue, pécheresse, dépendante de la chair) ou dans l’état de nature (instituée par Dieu). Et Scot précisait que les philosophes ont pris l’état présent, dans ses limites évidentes, pour l’état naturel. Autrement dit, pour lui, ce sont les philosophes qui ont une vision limitée de la nature humaine. Au contraire, seule la raison théologique peut reconna¨tre les vraies puissances et rendre à l’homme sa vraie dignité. On peut ici élever une objection. Dans cette belle fresque, qu’en est-il de ce que Dukheim appelait « le drame de la scolastique » ? « Elle a introduit la raison dans le dogme, tout en se refusant à nier le dogme 71. » Vignaux ne fait-il pas bon marché des con࠲its entre raison et foi, entre faculté des arts et faculté de théologie ? Il est certain que Vignaux n’a pas consacré d’attention particuli¢re à ces con࠲its institutionnels, sur lesquels les travaux de Hissette, ianchi et Libera ont jeté une lumi¢re nouvelle. C’est sans doute un point di࠳cile de son interprétationZ: le dialogue entre artiens et théologiens ne s’est pas toujours cantonné dans l’élément de la raison. Les con࠲its ont souvent été tranchés, c’est-à-dire plus souvent suscités que réglés, par l’intervention de l’autorité. Mais nous avons vu que Vignaux était sensible à la bipolarité entre artiens et théologiens, puisqu’il y voit les deux premiers niveaux de l’interprétation de la pensée médiévale. Et surtout, il convient de noter que ce qui caractérise les con࠲its institutionnels, c’est justement d’avoir institutionnalisé le con࠲it. À cet égard, la philosophie médiévale latine, principalement étudiée par Vignaux, constitue un cas remarquable comparé à celui de la philosophie dans le monde arabe et juif. Dans l’université médiévale, les arts du langage et la théologie forment les deux pôles de l’institution. Au lieu d’être deux attitudes que l’on peut exercer en parallèle, les arts et la théologie sont montés en série. La tension entre philosophie et théologie n’oppose pas deux spécialités di࠰érentes, mais deux phases possibles d’une même formation. Si les armes sont inégales dans le con࠲it institutionnel, car le théologien est plus pr¢s de l’autorité que l’artien, il

71. É. DURKHEIM, L’évolution pédagogique en France, Paris 1904-1905, ch. A. DE ZLIBERA, Raison et foi, Paris 2003, p. 7.

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VI.

Cité par

La rationalité théologique selon Paul Vignaux

ne faut pas oublier quel dispositif permet ce con࠲it. Car c’est au sein d’un même univers de discours et parce qu’il existe un espace commun de rationalité que les artiens et les théologiens peuvent s’a࠰ronter. Toute l’œuvre de Vignaux montre qu’il n’est pas possible de ranger d’un côté la philosophie sous la banni¢re de la raison, de l’autre la théologie sous celle de la foi. Cette vision du probl¢me confond précisément ce que les théologiens distinguentZ: la foi de la « petite vieille » évoquée par Augustin (ce que nous appellerions la « foi du charbonnier »), et celle du savant qui s’interroge sur la raison de sa foi. Certes, devant le jugement de Dieu, l’un n’a pas plus de mérite que l’autre. Mais sous le regard des hommes, le Moyen Âge invente un tiers état. Il substitue à l’a࠰rontement entre la foi nue et la raison abstraite, la médiation d’une raison appliquée à la foi. C’est le paradoxe du Moyen ÂgeZ: personne n’y est à proprement parler un philosophe, car les artiens sont avant tout des ma¨tres de logique et des professeurs d’histoire de la philosophie, ils fournissent une formation préparatoire et fourbissent les outils du raisonnement. Mais tous, les théologiens comme les ma¨tres ¢s arts, y pratiquent la philosophie. Sans être, eux non plus, des philosophes, les théologiens médiévaux ont philosophé autant, mais autrement, que les ma¨tres ¢s arts. La partition entre philosophie et théologie, si elle a un sens pour expliquer le con࠲it des facultés et les grandes crises du XIIIe si¢cle, ne concentre pas toute l’opposition entre la philosophie et la non-philosophie. L’insertion de concepts et de débats philosophiques en théologie a de nombreuses causesZ : le primat de la logique comme outil commun de formation des étudiants ¢s arts et des théologiens, l’unité du corpus d’enseignement avec l’œuvre d’Aristote, l’organisation du cursus universitaire, grâce auquel beaucoup d’étudiants en théologie étaient en même temps ma¨tres en philosophie. L’on peut multiplier la recherche des causes à l’in࠱ni, celles-ci ne s’organisent en réseau que par rapport à un but : c’est parce que la théologie a une vocation à l’intelligence rationnelle de la foi que tous ces éléments sont nécessaires, unicité de la méthode, unité du corpus, cohérence de l’institution universitaire. Les méthodes d’enseignement, les ouvrages de référence et les formes logiques sont les mêmes cheU les artiens et les théologiens. Parler de la fécondité du dialogue entre philosophie et théologie au Moyen Âge ne revient 6‫ڎ‬8 pas à assumer l’hypoth¢se de la « philosophie chrétienne » émise par Gilson. C’est bien plutôt à travers leur contestation mutuelle que s’est développée une conception nouvelle de la métaphysique, qui deviendra celle de la philosophie moderne. Mais, dans le cadre de cette approche, il n’est pas interdit de voir dans la faculté de théologie un lieu de production de la philosophie. Par symétrie avec la « théologie des philosophes », la théologie naturelle (discours sur le divin) qu’avait élaborée la pensée antique, on peut quali࠱er cette création intellectuelle nouvelle de « philosophie des théologiens », philosophie tout de même, bien que produite par des théologiens, parce que spéci࠱ée par son objet, comme l’était inversement la « théologie naturelle » des philosophes. La philosophie est bien plus di࠰use, au MoyenZÂge, que ne le voudrait son assignation à une institution particuli¢re. 6Nous avons vu que la faculté des arts n’est pas à proprement parler une faculté de philosophie8. Le probl¢me n’est pas seulementZ: qui est censé faire de la philosophie ? mais

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Olivier Boulnois

aussiZ: qui en fait e࠰ectivement ? Or, à cette aune, il appara¨t que les théologiens ne sont pas en reste 72.

Apr¢s tout, cette rationalité a sans doute été captivée et enrôlée à son service par la théologie d¢s l’origine. Car d’Aristote au néoplatonisme, la théologie était l’exercice suprême de la rationalité. Comme le dit Alain de Libera, « la philosophie analytique est née au Moyen Âge et cheU les théologiens 73 ». LeZtraitement logique et linguistique des énoncés, à l’œuvre dans les procédures théologiques médiévales, na¨t dans les commentaires des Sentences de Pierre Lombard. Ce sont des questions paradoxales, impensables pour la philosophie, comme celle du lieu de l’ange, de l’instant de la transsubstantiation, comme la formule du baptême ou les degrés de charité qui ont peu à peu ébranlé la métaphysique aristotélicienne, en conduisant à une théorie de l’espace distincte du cosmos, à une doctrine du changement qui ne dépende pas de la nature des substances, à une doctrine de l’e࠳cacité du langage qui se distingue de sa valeur signi࠱ante, à une reconnaissance de la pluralité des in࠱nis, puisque l’in࠱ni créé ne se réduit pas à l’in࠱nité divine. Autant et autrement que la révolution copernicienne, ce sont les concepts fondamentaux de la cosmologie qui ont l’un apr¢s l’autre fait l’objet d’une révision minutieuse, l’ensemble de leurs modi࠱cations ayant préparé le reversement de la physique aristotélicienne. En introduisant les théories du mouvement uniformément ou di࠰ormément accéléré, en mathématisant les formes substantielles, en multipliant les expériences de pensée, la théologie du XIVe et du XVe si¢cle ouvrait la voie à de nouvelles synth¢ses. Il en découle aussi que le va-et-vient permanent des questions entre philosophie et théologie rend le plus souvent impossible à l’historien de montrer si une analyse a pris sa naissance en philosophie ou en théologie. Le livre d’Ir¢ne -osier sur la sémantique des énoncés sacramentels en donne un exemple éclatant 74. Plus encore, ce mouvement d’échange permanent rend impossible toute identi࠱cation du rationnel au philosophique « pur », si tant est que cela existe. Notre paradoxe initial dispara¨t. Nous comprenons maintenant qu’il n’y a pas de contradiction entre le régime de la©cité sous lequel Vignaux inscrit son action politique et son enquête de philosophe sur la théologie médiévale. IlZne s’agit pour lui que de retrouver la rationalité qui y était inscrite. Vignaux a radicalement changé l’histoire de la philosophie et de la théologie médiévale. Au lieu d’interpréter le Moyen Âge tardif et les temps modernes comme l’entrelacs de l’oubli et de la décadence, Vignaux y voit le redéploiement et la recomposition multiforme des rationalités théologiques et philosophiques. LeZMoyen Âge tardif n’est pas un automne, car l’histoire n’est pas un organisme. Mais en disant cela, Vignaux nous oblige aussi à aller plus loin, à penser une

72. L. BOULBACH, article « Philosophie », dans C. GAUVARD, A. DE LIBERA, M. ZINK (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris 2002, p. 1087 ab. 73. P. VIGNAUX, La pensée au Moyen Âge, Paris 1991 (19381), p. 152. 74. I. ROSIER-CATACH, )>M>OLIBBࠫ@>@BPFDKB, rituel, sacré, avant-propos d’ALAIN DE LIBERA, Paris 2004.

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La rationalité théologique selon Paul Vignaux

autre histoire que le schéma hegelien de la sécularisation. Il n’admet pas le mythe de la modernité, selon lequel la raison n’acc¢de à elle-même qu’avec les philosophies du sujet –Zaux Temps Modernes. Il rompt tout simplement avec une histoire ࠱nalisée de la philosophie. Venu d’un tout autre horiUon que Michel !oucault, il contribue pourtant à ce que celui-ci appelait l’archéologie du savoir. En intégrant l’histoire de la théologie à l’histoire de la philosophie, Vignaux relie aussi l’histoire de la philosophie à l’histoire de la logique, et l’histoire de la logique à l’histoire des sciences. Plus fondamentalement encore, il discerne divers ordres de rationalité à l’œuvre dans l’histoire, et ne croit pas que l’historien puisse dissoudre son objet dans une rationalité cumulative. Plutôt que l’accumulation des savoirs, son histoire de la pensée est une démultiplication des probl¢mes. On aura compris que je plaide avec lui pour une rationalité sans fronti¢re et sans interdit, et pour que l’on cesse de confondre les religions avec la théologie.

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PAUL VIGNAUX ET LA PHILOSOPHIE DU XIVe SIÈCLE

Zénon KALUZA Ancien directeur de recherche au CNRS

1.Z Apr¢s la derni¢re Guerre mondiale, le remarquable e࠰ort de certains médiévistes est parvenu à sortir le XIVe si¢cle doctrinal (philosophique et théologique) d’un océan de préjugés et de considérations infondées. EnZ!rance, comme ailleurs, ce XIVe si¢cle était longtemps perçu comme période de « pleine décadence », grosse d’un « mysticisme équivoque », mauvais fruit d’une mauvaise crise sociale et politique. La décadence de la pensée aurait eu de nombreuses causes de di࠰érentes natures. Certains historiens du début du XXe si¢cle ayant reconnu ces causes, nous pouvons les énumérer à leur suite : (a) « la multiplication exagérée des universités » suivie par la dispersion des professeurs  (b) « les rivalités de certains ordres religieux »  (c) « lesZ tendances paresseuses » succédant toujours aux périodes de grands labeurs  (d) « leZdiscrédit dans lequel tomba tout-à-coup, au regard de beaux esprits » la prose latine « des docteurs scolastiques 1 ». À ces raisons d’ordre social et culturel s’ajoutent quelques convictions de nature en apparence doctrinale. La décadence du Moyen Âge aurait commencé avec l’enseignement trop subtil de Duns Scot et les attaques qu’il a menées contre la doctrine de saint Thomas. Elle se serait aggravée et installée dé࠱nitivement en plein milieu du XIVe si¢cle à la suite de l’invention du nominalisme « extrême » par Guillaume d’Ockham 2. -emarquons que d’où qu’elles viennent, ces raisons veulent rendre évident l’état d’une crise grave et d’une

1. !. MOURRET, Histoire générale de l’Église, t. V : La Renaissance et la Réforme, Paris 1910, p. 1 et p. 260. 2. J’en parle dans mon article « Pologne : un si¢cle de ré࠲exions sur la philosophie médiévale », dans -. IMBACH, A. MAIERÙ (dir.), $IFPQRAFAFࠩILPLࠩ>JBAFBS>IBCO>,QQLB+LSB@BKQL  LKQOF?RQL >RK?FI>K@FLPQLOFLDO>ࠩ@L QQFABI@LKSBDKLFKQBOK>WFLK>IB/LJ> PBQQBJ?OB, -ome 1991, p. 97-130  voir p. 102-103. Voir aussi, dans le même volume, les contributions suivantes : A. DE LIBERA, « Les études de philosophie médiévale en !rance d’Étienne Gilson à nos jours », p. 21-50  &. FLASCH, « La conceUione storiogra࠱ca della ࠱loso࠱a in aeumker e Grabmann », p. 51-73  -. WIELOCKX, « De Mercier à De 2ulf. Débuts de l’École de Louvain », p. 75-95. Voir aussi -. IMBACH, « La philosophie médiévale », dans Doctrines et concepts. Cinquante ans de philosophie en langue française, Paris 1988, p. 109-125, repris dans un recueil du même auteur :

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décadence philosophique au XIVe si¢cle, dont les caract¢res les plus marquants seraient l’abandon des « grandes th¢ses », la pratique des disputes verbales, l’épuisement de l’esprit dans les distinctions subtiles et la foi exagérée accordée aux autorités au détriment de l’argumentation rationnelle 3. À cette vision de l’histoire catholique du début du XXe si¢cle succ¢de, d¢s la seconde moitié du même si¢cle, une théorie, d’origine marxiste, de « laZpremi¢re crise du régime féodal ». Épargnons-nous toutes les manifestations d’un mal social causé par « la forme pécuniaire de la rente féodale », toutes les luttes paysannes et urbaines « préludant aux révolutions bourgeoises », et passons à « l’univers de la pensée ». Dans ce domaine, 6La crise8 fournit un point d’appui et une aide pour les générations à venir au temps de la -éforme et de l’humanisme. Mais elle ne put détruire de fond en comble la suprématie économique et politique de la noblesse, ni renverser la position idéologique de l’Église catholique. Les nouveaux éléments en cours de développement étaient trop faibles pour pouvoir remporter la victoire‫ ڎ‬4

0n historien des doctrines qui a auparavant étudié l’histoire médiévale ne pouvait échapper à ces vues historiosophiques ni à cet habillage uniforme du XIVe si¢cle. Il s’avançait d’ailleurs sur un sentier battu, car le dogme est ancien, ses fondements ayant été posés au début même du XVe, lorsque des ma¨tres parisiens, le chancelier Gerson en particulier, avaient stigmatisé le (vrai ou prétendu) mélange des disciplines et des langages doctrinaux survenu au XIVe, signalant, comme mod¢le de la pensée, les synth¢ses de onaventure de agnoregio et de Thomas d’Aquin. L’anti-scotisme philosophique et théologique de Pierre Auriol et de Guillaume d’Ockham a pris, sous la plume de Gerson, un caract¢re idéologique : le scotisme se trouve accusé à la fois de verser dans le platonisme, d’utiliser un langage théologique inusité et d’introduire des nouveautés doctrinales, telles par exemple que les formalités et les instants de nature, etc. L’historien ne remarque alors que fort peu la diversité des doctrines, il voit seulement les tendances doctrinales sceptiques, lesquelles minent et dégradent la « bonne »Zdoctrine. On a plutôt tendance à percevoir une doctrine scolastique dans son développement séculaire. Or, selon une conception historiographique plus élaborée, connue pour son concept fondamental de « synth¢se scolastique », l’historien consid¢re la période qui s’étend du IXe si¢cle au XIIe si¢cle comme une période de formation de la scolastique, le XIVe et le XVe comme époque de la décadence, et le XIIIe comme apogée de la pensée philosophique et théologique, apogée dont le point culminant, la perfection indépassable, est « la synth¢se », de saint Thomas d’Aquin 5. La théorie de la synthèse scolastique a été formulée par un grand médiéviste belge, Maurice De 2ulf  elle a eu son correspondant allemand – dans l’œuvre d’un non moins grand médiéviste, !ranU Ehrle. Elle

Quodlibeta. Ausgewählte Artikel / Articles choisis, éd. !. CHENEVAL et al., !ribourg (Suisse) 1996, p. 17-34 (p. 19-20, 27). 3. F. MOURRET, La Renaissance et la Réforme, p. 260. 4. J. MACEK, Jean Hus et les traditions hussites (XVe-XIXe࢙PF¢@IBP, Paris 1973, p. 34-35. 5. Jadis on disait : « crescit doctrina, splendet, decidit. »

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était largement acceptée en Europe, elle l’est encore ici ou là, notamment dans des établissements prodiguant un enseignement ecclésiastique. Dans le cas du « progressisme philosophique », qui est celui d’Étienne Gilson, on rencontre une idée similaire. S’il y a un progr¢s incontestable de la philosophie allant de Platon et Aristote vers Avicenne, pour atteindre sa perfection dans la doctrine de Thomas d’Aquin, il existe aussi un si¢cle de la critique et de la dissolution de la doctrine thomiste, le XIVe. Même le puissant syst¢me de Duns Scot, censé inaugurer cette période « critique », deviendra un jour l’objet de la dissolution. Car le « propre du XIVe si¢cle, dit Gilson, c’est d’avoir désespéré de l’œuvre tentée par le XIIIe », c’est-à-dire d’une synth¢se de la raison et de la foi 6. Ces conceptions de l’histoire doctrinale se rapprochent sensiblement sur deux points. En e࠰et, elles admettent tout d’abord que la synth¢se thomiste représente le sommet de la spéculation chrétienne médiévale et que, de ce fait, elle doit en être le point de référence. Elles admettent aussi qu’apr¢s une période d’accomplissement doctrinal succ¢de une époque critique. 0ne troisi¢me conception historiographique concernant le XIVe si¢cle est venue plus tard, en 1951 seulement, dans l’œuvre de Maurice de Gandillac. Celle-ci organise les principaux faits selon la dichotomie des viae : via antiqua et via modernaZ– Jean Duns Scot et les scotistes d’un côté, Guillaume d’Ockham et les nominalistes de l’autre 7. Elle s’inspire des querelles vives, mais réductrices, qui ont traversé les universités et les academiae du XVe si¢cle, surtout celles de l’Empire germanique. Paul Vignaux ne se contentera pas de la conception de Gilson, son ma¨tre en médiévisme. L’« Introduction » qui ouvre la troisi¢me édition de sa Philosophie au Moyen Âge nous apprend que, dans la premi¢re édition de 1938 déjà, l’auteur a discr¢tement manifesté son désaccord envers Gilson, lequel sera rapidement réfuté en 1958. Toutefois, en 1968 encore, trente ans donc apr¢s la premi¢re édition de sa Pensée au Moyen Âge, Paul Vignaux dira son émerveillement devant « l’œuvre immense d’Étienne Gilson » et son enseignement oral « d’une admirable clarté, témoignages d’une rare compréhension d’auteurs divers 8 ». C’est en 1938 que Vignaux découvre la diversité des doctrines médiévales, ce qui va le conduire à rejeter l’image d’une « forte unité intellectuelle », laquelle ne pouvait plus cacher une « apparence de pauvreté ». La lecture des travaux de Gilson, notamment celle de son beau livre sur la philosophie de saint onaventure, lui montrait une possible existence « de multiples synth¢ses »,

6. É. GILSON, )>MEFILPLMEFB>R*LVBK|DBABPLOFDFKBPM>QOFPQFNRBPšI>ࠩKARXIVe siècle, Paris 1922, p. 638. 7. A. !OREST, F. VAN STEENBEGHEN, M. DE GANDILLAC, Le mouvement doctrinal du IXe au XIVe siècle, Paris 1951, p. 331-473. 8. P. VIGNAUX, « Histoire des théologies médiévales », dans Problèmes et méthodes d’histoire des religions. Mélanges publiés par la Section des Sciences religieuses à l’occasion du centenaire de l’École Pratique des Hautes Études, Paris 1968, p. 221-229  repris dans ID., De saint Anselme à Luther, Paris 1976, p. 13-21  cf. p. 14. Paul Vignaux écrira en 1986 que Gilson devait savoir combien l’univers des formes substantielles était étrange pour lui, Vignaux, un post-cartésien, comme il voulut se dé࠱nir : ID., Philosophie au Moyen Âge, 1987, p. 12  ibid., 2004, p. 42.

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produites au XIIIe si¢cle. Puis, les contacts noués avec le P. Marie-Dominique Chenu et la faculté du Saulchoir lui ont montré un Thomas d’Aquin historique, c’est-à-dire lu dans les textes édités de mani¢re critique et débarrassé des arti࠱ces du néo-thomisme, de la conception d’une synth¢se scolastique 9. Cette in࠲uence ou, plutôt, cette inspiration d’origine professionnelle en provenance d’un médiéviste doit être contrebalancée par l’in࠲uence venue de la Sorbonne, en particulier de Léon runschvicg, « ma¨tre en rationalisme » de Vignaux. De runschvicg 6‫ڎ‬8 Vignaux allait tirer sa propre conception de l’histoire des états de la raison –Zformule remarquable qui assimile la notion théologique d’état (pro statu isto), tout en intégrant aussi, d’une part, le dynamisme d’une histoire qui soit à la fois pensable « selon le temps commun de la recherche des hommes et, pour le chrétien, selon le temps de l’Église », d’autre part, les multiples « élargissements d’horiUon » provoqués par l’usage théologique de la raison, que ce soit en philosophie ou dans le domaine des sciences, notamment en physique et en mathématiques –ZP. Vignaux a été en !rance un des rares lecteurs de Suisseth, et l’on sait l’intérêt de théologien qu’il portait à Cantor 10.

ien plus tard, vers 1958 seulement, Paul Vignaux s’ouvrira aux courants mystiques avec Eckhart, aux doctrines trinitaires et, par-delà le néoplatonisme, à Thierry de !reiberg. Curieusement, cette ouverture d’esprit appara¨t comme une réponse tardive aux appels qu’un Delbos et un Laporte ont formulés dans les années vingt du si¢cle passé, postulant une « analyse rationnelle de dogmatiques théologiques » et une étude des « spéculations médiévales, en relation originaire avec la théologie de l’expérience mystique 11 ». La premi¢re mouture de l’ouvrage La pensée au Moyen Âge qui est de 1938, est fort peu connue. La réédition en 1944 de La philosophie au Moyen Âge de Gilson, laquelle d¢s la premi¢re page renvoie le lecteur intéressé aux manuels d’0eberReg-Geyer, de De 2ulf et de réhier, passe sous silence l’ouvrage de Paul Vignaux 12. Celui-ci reste ignoré de ceux qui traitent du XIVe si¢cle et dont l’attention se porte résolument vers les trois articles du Dictionnaire de théologie catholique de 1931 signés par Paul Vignaux 13, vers la monographie 'RPQFࠩ@>QFLK et prédestination de 1934 et vers Luther commentateur des Sentences de 1935  ces deux ouvrages seront rapidement remarqués par des spécialistes de Martin

9. Ibid., 1987, p. 18-19  ibid., 2004, p. 47-50. 10. A. DE LIBERA, « Les études de philosophie médiévale en !rance », p. 41. À noter aussi l’article de J. JOLIVET, A. DE LIBERA, « Paul Vignaux historien de la philosophie », Le Monde (25 septembre 1987). 11. P. VIGNAUX, Philosophie au Moyen Âge, 1987, p. 14  ibid., 2004, p. 44. Les pages suivantes de l’« Introduction » de 1987 (1986) indiquent les changements et les précisions apportés par l’édition de 1958 par rapport à celle de 1938. 12. Il note toutefois dans la bibliographie sur Occam (p. 656) l’article « Nominalisme » de 1931, avec cette remarque : « excellent ». 13. Il s’agit de trois articles publiés dans le Dictionnaire de théologie catholique, T. XI, premi¢re partie, Paris 1931 : « Nicolas d’Autrécourt », col. 561-567  « Nominalisme », col. 717-889  « Occam (Guillaume d’) », col. 876-889.

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Luther et par des cercles protestants 14. Mais ce n’est qu’en 1948 qu’entrera en circulation Nominalisme au XIVe siècle 15. L’oubli dont était frappé en !rance l’essai principal de Vignaux change radicalement avec sa réédition en 1987, préparée par une maison suisse, les Éditions Castella. -écemment, la Librairie Vrin vient de sortir la quatri¢me édition de Philosophie au Moyen Âge préparée, comme la précédente, par le professeur -uedi Imbach. !inalement il est juste de noter que, bien que Vignaux ait publié ses principaux livres dans les années trente du si¢cle passé, il n’était alors qu’un jeune médiéviste travaillant à l’ombre de plus grands : Gilson en !rance, De 2ulf en elgique, Grabmann en Allemagne, Michalski en Pologne 16. Si la guerre mondiale interrompt son activité d’historien et de professeur, l’apr¢s-guerre fait de lui l’un des principaux médiévistes-philosophes de la seconde moitié du XX e si¢cle. 2. Le début de la longue note autobiographique qui préc¢de l’édition de 1987 montre le chemin emprunté par Vignaux pour intégrer les théologies médiévales dans le champs de ses recherches et, du coup, pour trouver la ratio de sa direction d’études, celle d’« Histoire des doctrines et des dogmes ». CetteZré࠲exion est menée à partir de l’enseignement de plusieurs ma¨tres (l’un en médiévisme, l’autre en rationalisme et le troisi¢me en néo-platonisme, comme il s’amusait à le dire) et de publications plus récentes de &arl arth, -aymond &libansky et -aymond Aron. En homme moderne qui n’est pas « en rapport immédiat avec 6les8 objets de la spéculation scolastique », cette ré࠲exion structure l’activité de l’historien médiéviste, le con࠱rmant dans ses convictions (premi¢rement) que la compétence d’un historien de la philosophie usant d’une analyse rationnelle s’étend sur les dogmatiques théologiques autant que sur la théologie mystique, et (secondement) que le médiéviste doit, si l’occasion se présente, mettre les doctrines examinées en rapport avec des probl¢mes contemporains, leur donner une expression moderne, les traduire en langage moderne, etc. 17 C’est dans ce rôle, bien qu’à di࠰érents titres, qu’apparaissent sous la plume de Vignaux les noms de londel, de ergson, de arth, etc. Le « -icordo di Paul Vignaux » de Tullio Gregory est sur ce point à la fois plus détaillé et plus précis 18.

14. P. VIGNAUX, 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK >R XIVe siècle, Paris 19812 (19341)  ID., Luther Commentateur des Sentences (Livre I. Distinction XVII), Paris 1935. 15. ID., Nominalisme au XIVe siècle, Paris 19812 (19481). 16. Deux excellents connaisseurs du XIVe, &. Michalski et P. Vignaux semblent s’ignorer réciproquement. Leur vision du nominalisme occamien les sépare. L’attention de Vignaux s’est portée sur la spéculation scotiste dont il souligne importance, alors même qu’il néglige compl¢tement les réussites de la !aculté des arts. Or, Michalski, un bon néo-thomiste et disciple de De 2ulf, voit en la doctrine scotiste le début de « la crise du XIVe »  cependant pour expliquer les théologies de la même période il recourt à la sémantique, la logique et la philosophie naturelle des philosophes. 17. ID., Philosophie au Moyen Âge, 1987, p. 12-16  ibid., 2004, p. 44-47  voir sur le même sujet, « Histoire des théologies », p. 14 sqq. 18. T. GREGORY, « -icordo du Paul Vignaux », dans Théologie et droit dans la science politique ABI‫ƒٽ‬Q>QJLABOKB @QBPABI>Q>?IBOLKABAB/LJB KLSBJ?OB, -ome 1991, p. 7 sqq. Voir aussi l’article cité d’A. DE LIBERA, « Les études de philosophie médiévale en !rance ».

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Si le rôle d’Étienne Gilson dans cette ré࠲exion para¨t moins clair, il est néanmoins décisif sur deux plans. S’agissant de l’orientation de sa recherche historique tournée vers les théologies médiévales, Vignaux n’a pas hésité à écrire qu’il doit à Gilson : Non seulement l’honneur de l’avoir suppléé avant de lui succéder, mais d’abord sa vocation d’historien des doctrines médiévales et l’orientation de son travail, par-delà l’histoire de la philosophie, vers l’histoire des théologies 19.

C’est en ré࠲échissant sur l’objet de ses études que Vignaux est devenu le Vignaux que nous prétendons conna¨tre et que son XIVe si¢cle, peuplé presque exclusivement de théologiens, a pris forme. Le second aspect est celui de la pédagogie gilsonienne. Jeune étudiant, Paul Vignaux suit les cours de Gilson, qui 6‫ڎ‬8 expliquant Duns Scot en Sorbonne, à l’École Pratique des Hautes Études, détruisait par sa ma¨trise le préjugé d’obscurité qui frappait traditionnellement le langage scotiste tendu vers « l’abstraction ultime »  sous cette technicité, on retrouvait l’intensité intellectuelle‫ ڎ‬20.

C’est donc aupr¢s de Gilson que cet « apprenti philosophe » « post-cartésien », comme il aimait à se nommer, est devenu historien de la pensée scotiste. Passant outre l’idée reçue du si¢cle de la crise et du rôle qu’on a attribué à Duns Scot dans cette crise, Paul Vignaux nous appara¨t comme un « auditeur assidu » des leçons professées magistralement par Gilson tant à la Ve section de l’École Pratique qu’à la Sorbonne. S’agissant de son éloignement envers Gilson, des divergences de leurs positions fondamentales et de leurs pratiques d’historiens, Vignaux en informe son lecteur tr¢s discr¢tement, dans 1’avant-propos à la Philosophie au Moyen Âge de 1958, où il se sent encore obligé de répéter sa dette envers son vieux ma¨tre : « Même si nous ne suivons pas toujours son interprétation, il nous faut redire ici ce que nous devons à notre ma¨tre en histoire médiévale, M. Gilson, à l’exemple de ses leçons, à l’immensité de son œuvre, en renouvellement continu 21 ». Avec le temps, et dans la mesure où l’in࠲uence d’autres écoles de recherches en philosophie médiévale croissait, la distance le séparant de Gilson, le Gilson-philosophe surtout, se faisait plus grande et plus profonde  l’introduction à l’édition de 1987 y fait référence, faisant même appel à une anecdote rapportée par le « ma¨tre en rationalisme 22 » lui-même. La deuxi¢me partie de l’« Introduction » revient une fois encore sur l’idée de philosophie chrétienne, exposée par Gilson en 1960 dans La philosophie et la théologie, et fait l’objet d’une attention particuli¢re : Vignaux souligne la di࠰érence entre la signi࠱cation de ce syntagme en 1960 et celle qu’il a eue en 1931, dans L’esprit de la philosophie médiévale, et met en évidence l’évolution de la pensée du

19. P. VIGNAUX, « Histoire des théologies médiévales », p. 14. 20. ID., « Lire Duns Scot aujourd’hui », dans Philosophie au Moyen Âge, 1987, p. 244-245. 21. Dans l’avant-propos de l’édition de 1958, Paul Vignaux mentionne deux fois la notion de « philosophie chrétienne », la premi¢re fois anonymement  ID., Philosophie au Moyen Âge, 1958, p. 10-11  ibid., 1987, p. 63-65  ibid., 2004, p. 93-97. 22. ID., Philosophie au Moyen Âge, 1987, p. 21  ibid., 2004, p. 51, ce propos est souvent répété.

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vieux Gilson, qui s’oriente de plus en plus vers une position confessionnelle. ParZ ailleurs, l’introduction rend compte du progr¢s que la ré࠲exion de son auteur a atteint entre 1938 et 1958. En࠱n, c’est là qu’il dévoile « les deux idées directrices de (sa) compréhension ultérieure du Moyen Âge intellectuel » : leZsalut comme histoire et la philosophie de la religion –Zil a élaboré la premi¢re à partir de l’Histoire de la philosophie d’Émile réhier, la seconde par l’étude des ouvrages de Henry Duméry. Les deux idées permettaient à Vignaux d’élucider la rationalité interne à la doctrine théologique et à la religion 23. Les écrits des théologiens médiévaux sont pour lui le lieu possible, soit d’une synth¢se, soit d’un con࠲it entre deux traditions, l’une théologique et l’autre philosophique, toutes deux étant jadis présentes « sous le toit de l’Église ». En envisageant la continuité de la tradition philosophique au MoyenZ Âge, le spécialiste du XIVe si¢cle observe avec plus d’acuité la théologie dans sa fonction critique : d’une part le théologien (en tant que théologien) critique la philosophie, d’autre part le théologien op¢re une critique philosophique d¢s qu’il se situe sur le plan de la raison naturelle. Jean Duns Scot, qui fut l’objet d’une passion intellectuelle durant toute la vie de Vignaux, est ici une ࠱gure emblématique. Ce que de prime abord le jeune historien avait découvert cheU Scot, c’était un humanisme, considéré comme la « magni࠱cation de la nature humaine » (AFDKFࠩ@>QFLK>QRO>BERJ>K>B). La notion de cet humanisme théologique est fondée sur l’analyse d’une capacité spéci࠱quement humaine : l’homme capax des perfections peut non seulement acquérir celles-ci, mais il peut aussi en recevoir d’autres que Dieu lui accordera gratuitement. On dira alors que le théologien honore la nature humaine plus qu’un philosophe, et qu’il la valorise davantage 24. L’anthropologie théologique de Scot sera alors reconstruite à partir de l’idée franciscaine de l’homme capax Dei et imago Dei. L’Ordinatio de Scot, dans l’édition critique de aliÁ, a révélé à Vignaux le ma¨tre franciscain au travail, s’appliquant à corriger ses rédactions, à bi࠰er et réécrire son texte, laissant ࠱nalement des parties inachevées : une vraie mise à l’épreuve des concepts et des matériaux qui serviront la construction intellectuelle. Cette même Ordinatio a a࠰ermi la conviction de l’historien selon laquelle Jean Duns Scot n’est aucunement un dogmatique, mais un chercheur et un penseur critique 25. Ce sera le premier des aspects critiques du XIVe si¢cle que Vignaux retiendra. Le second aspect est la critique doctrinale, philosophique ou théologique, à laquelle est habituellement soumis l’enseignement oral et écrit des ma¨tres car la pensée progresse par le dialogue. Le terme « critique » garde cheU Vignaux son sens usuel et technique, privé de tout sous-entendu historiosophique, hostile à la foi religieuse et minant « la synth¢se scolastique ». Mais ici, Vignaux remarque qu’un dialogue engageant le franciscain et ses prédécesseurs, Thomas d’Aquin ou Henri de Gand par exemple, ne facilitera pas notre compréhension du XIVe si¢cle. En revanche, il sait pertinemment que

23. Voir sur les deux idées ID., Philosophie au Moyen Âge, 1987, p. 16-17  ibid., 2004, p. 47. 24. ID., « Humanisme et théologie cheU Jean Duns Scot », La France franciscaine 19 (1936), p. 209-225, repris dans De saint Anselme à Luther, p. 175-191. 25. ID., « Lire Duns Scot », p. 245-246.

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« l’interprétation des rapports entre Occam et Duns Scot est d’importance pour (sa) conception de l’ensemble du développement de la scolastique 26 ». Le nouveau est pensé là. Déjà en 1931, Vignaux a établi une liste des sujets de la critique occamienne visant la doctrine scotiste : universaux, connaissance intuitive, théorie de la justi࠱cation, tradition volontariste, idée de Dieu, distinction formelle. Je passe rapidement sur cette opposition entre les deux théologiens  elle sera sans doute reconsidérée par d’autres participants dans ce volume. JeZnote seulement que les pages consacrées à la théologie de Scot comptent parmi les plus belles et les plus denses que Vignaux ait jamais écrites. La suite de cette histoire doctrinale se présente, soit comme une continuation du con࠲it intellectuel engagé par les successeurs de deux franciscains, domaine qui au ࠱l des années sera sensiblement enrichi par une longue série d’études  soit comme une suite d’« aspects du XIVe si¢cle » envisagés asseU rapidement et incarnés par les ࠱gures d’Eckhart, de Nicolas d’Autrécourt, de !rançois de Meyronnes, de Jean de -ipa et de Pierre d’Ailly, auquel Vignaux est resté ࠱d¢le pendant quelques décennies. Dans sa Philosophie au Moyen Âge, seuls ces deux premiers aspects ont attiré l’attention de Vignaux. La voie vers le mystique Eckhart venait d’être ouverte par la leçon de Victor Delbos sur Le mysticisme allemand publiée en 1925, et par l’édition de Questions parisiennes d’Eckhart, réalisée par -aymond &libansky en 1936 27. Les analyses de l’Exigit ordo de Nicolas d’Autrécourt, faites en 1931 sur un manuscrit unique découvert peu avant, et celle qu’apporte la Philosophie au Moyen Âge depuis 1938, ont montré l’originalité de la pensée de Nicolas. Elles ont in࠲uencé les travaux de Julius 2einberg et de Mario dal Pra, auteurs de monographies consacrées à Nicolas d’Autrécourt. SoixantequinUe ans apr¢s, elles conservent toujours une valeur et une force inspiratrice. -emarquons au passage qu’à propos de Nicolas d’Autrécourt, même un homme aussi lucide que Vignaux reprend à son compte deux des préjugés de ses prédécesseurs. En e࠰et, à la suite des médiévistes de son temps, il tient Nicolas pour un « nominaliste extrême », partisan d’Ockham, même s’il sait et note qu’en noétique sa position est attaquée par les tenants des principes occamiens, dont uridan. Puis considérant l’anti-aristotélisme belliqueux et en trompe-l’œil de Nicolas, il en conclut que c’est un symptôme du XIVe si¢cle et de la crise de

26. ID., « Occam », col. 877. 27. ien plus tard, devenu le premier directeur du laboratoire (alors) 152 du CN-S, Paul Vignaux s’est intéressé de pr¢s au travail d’une petite équipe de traducteurs de Questions parisiennes. Pour la publication de ce travail, il « o࠰re une étude qui manifeste la persistance, jusqu’à l’époque moderne classique, d’une tradition théologique dont Eckhart est ici principal initiateur » (Maître Eckhart à Paris. Une critique médiévale de l’ontothéologie. Les Questions parisiennes n° 1 et n° A‫@"ٽ‬HE>OQ, éd. et trad. E. ZUM BRUNN, Z. KALUZA, A. DE LIBERA, P. VIGNAUX, E. WÉBER, Paris 1984). Le propos cité termine l’avant-propos, p. 9. La contribution de P. Vignaux s’intitule : « Pour situer dans l’école une question de ma¨tre Eckhart. Interrogations et suggestions sur ‘être’, ‘conna¨tre’ et ‘vouloir’ en Dieu », p. 141-154.

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l’époque 28. C’est, semble-t-il, un cas rare sinon unique où Vignaux recourt à un tel jugement. En réalité La Pensée au moyen Âge, devenue par la suite Philosophie au Moyen Âge, est sans conteste le premier ouvrage d’ensemble totalement indépendant des schémas historiosophiques, si fortement présents dans les livres des médiévistes de la même génération et de la génération précédente. ÀZmes yeux, il doit cette indépendance de vue autant à la qualité de son dialogue constant (réel et intérieur) avec quelques philosophes de la Sorbonne nommément cités dans ses notices autobiographiques, qu’à ses découvertes dans l’école de Gilson. Vignaux cultive la position d’un rationaliste devant la diversité du monde. Son credo d’historien de la philosophie médiévale, tel qu’il s’exprime dans ses travaux des années trente, est le suivant : il existe une riche diversité de doctrines irréductibles les unes aux autres  on doit les étudier « pour elles-mêmes, sans autre préoccupation que de les comprendre 29 »  fruit d’une pensée rationnelle, la spéculation théologique rentre sous la rubrique de la philosophie  l’historien ne pense pas les si¢cles, mais les ࠱liations de la pensée  là où cela est possible, il établit les rapports entre une pensée du passé et la philosophie contemporaine. Il est historien des théologies, il n’enseigne aucune d’elles. Sous l’in࠲uence du P. Chenu et des travaux de l’École biblique du P. Lagrange, il se donnera en 1987 une nouvelle r¢gle, qu’il pratique d’ailleurs depuis longtemps : la critique historique en théologie est un instrument rationnel nouveau 30. Cela étant, on remarque facilement qu’engagé dans un débat avec ses propres professeurs et conduisant une ré࠲exion sur sa propre vocation d’historien, Vignaux n’a pas produit un manuel universitaire de plus. Sa Philosophie au Moyen Âge est un essai personnel qui tente d’éclairer la spéculation des auteurs examinés et garde « l’allure d’une recherche, mélange de hardiesses et de scrupules, sujets, les uns et les autres, à l’exc¢s 31 ». Tr¢s personnel, l’ouvrage est aussi incomplet. Son auteur l’a vu avec quelques regrets : en 1987, il dit sa déception de n’avoir pas su explorer la ࠱liation néoplatonicienne liant Eckhart à l’Érig¢ne, en passant par Thierry de !reiberg et Albert le Grand  précisément, il juge aussi la refonte de 1958 « prodigieusement insu࠳sante » concernant les « aspects des XIVe et XVe si¢cles 32 ». En réalité, puisqu’il se considérait toujours comme un post-cartésien et un amateur de Malebranche n’étant pas

28. P. VIGNAUX, Philosophie au Moyen Âge, 1958, p. 203  ibid., 1987, p. 222  ibid., 2004, p. 258 : « Même si l’on peut trouver, à son époque, d’autres symptômes de crise, sa pensée garde un caract¢re extrême qui tend à l’isoler. » 29. P. VIGNAUX, 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>RXIVe siècle, p. 1 : « Il faut étudier les doctrines qui ont précédé la -éforme, pour elles-mêmes, sans autre préoccupation que de les comprendre. » C’est, dit Vignaux, la meilleure méthode pour conna¨tre le XIVe si¢cle, encore obscure, les sources et le « contexte ». Sur ce point Vignaux innove. Concernant l’ouvrage cité, voir infra une contribution de J.-!. GENEST dans le même volume, p. 191-203. 30. Voir surtout l’avant-propos à la Philosophie au Moyen Âge, 1957, repris dans les éditions successives  pour le dernier point, cf. l’« Introduction » à l’édition de 1987, p. 18-19, et dans l’édition de 2004, p. 46-47. 31. P. VIGNAUX, Philosophie au Moyen Âge, 1958, p. 11  ibid., 2004, p. 94-95. 32. Ibid., 1987, p. 14 et 22-23  ibid., 2004, p. 44 et 52-53.

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« enZ rapport immédiat avec (les) objets de philosophia naturalis », Vignaux écartait toujours de sa vision du XIVe si¢cle la philosophie des artiens. Ce monde, dont il perçoit l’urgente importance à partir des années 1960, s’ouvrira devant lui avec « l’abondance des documents mis à jours et des études publiées ». D¢s avant 1964, Vignaux prend contact avec les artiens anglais : on le remarque dans son introduction doctrinale à la Quaestio de gradu supremo de Jean de -ipa. L’arrivée d’une nouvelle génération de participants à son séminaire élargira l’éventail de spécialisations et d’intérêts intellectuels : Eelcko 4pma est un spécialiste de l’école augustinienne et un ࠱n connaisseur de l’organisation de l’enseignement médiéval  Janet Coleman étudie les Calculatores anglais et démontre leur in࠲uence sur la théologie de Jean de -ipa  Alain de Libera inaugure l’histoire de la logique médiévale  Jean-!rançois Genest est un spécialiste des subtilités anglaises et des théologies françaises auZXIVe et au XVIIe si¢cle. La lecture de Later Medieval Philosophy publié en 1982 à Cambridge par Norman &retUmann, Anthony &enny et Jan Pinborg, bouleverse Paul Vignaux qui a alors l’idée d’un colloque consacré au XIVe si¢cle parisien, mince réplique à l’initiative insulaire. Il souhaite le renouveau de la recherche sur le XIVe si¢cle. Il souhaite aussi encourager toutes les initiatives nouvelles et, même apr¢s son départ à la retraite, il essaiera de se tenir au courant des progr¢s de la recherche. 3. D’innombrables études, contributions aux colloques, aux congr¢s et articles dans des revues spécialisées, constituent le fruit de la recherche de Paul Vignaux. 0ne trentaine d’entre eux ont été repris dans l’important volume intitulé De saint Anselme à Luther (Vrin, 1976). Ceux qui n’ont pas été réimprimés et ceux qui ont paru par la suite pourraient constituer un autre volume aussi important que le précédent. En nous limitant au XIVe si¢cle, et en mettant de côté le nominalisme autant que la justi࠱cation et la prédestination, nous constatons vite que Paul Vignaux est resté particuli¢rement ࠱d¢le aux auteurs franciscains, mais aussi au courant scotiste. L’ensemble de ses études consacrées à Duns Scot envisage divers probl¢mes, toujours fondamentaux, dont celui, déjà mentionné, de l’humanisme théologique, mais aussi celui de la Trinité, de la morale et de la métaphysique. La question de « la métaphysique de l’Exode » fait un lien entre les recherches scotistes et la mystique d’Eckhart. Ce que l’histoire doctrinale doit plus particuli¢rement à Paul Vignaux, c’est l’ensemble de ses études sur le Docteur supersubtil, le franciscain Jean de -ipa. La premi¢re de ses contributions parut dans les Mélanges Gilson de 1959. L’année 1964 apporta une autre étude sur Jean de -ipa, publiée cette fois-ci dans les Mélanges Koyré, et la Quaestio de gradu supremo co-éditée avec André Combes. À partir de 1967, les études ripiennes paraissent réguli¢rement, prouvant ce que Vignaux a toujours pressenti et qu’il a cherché à démontrer : l’extraordinaire profondeur de la spéculation des penseurs du XIVe si¢cle. IlZaZfait bien plus. Dans son séminaire, il a accueilli Combes, le principal éditeur des écrits du franciscain, ainsi que son collaborateur !rancis -uello. C’est dans son séminaire que Combes présentait réguli¢rement ses futures éditions. Paul Vignaux a tenu à préfacer le premier recueil de textes de -ipa, les Conclusiones. -econnaissant, André Combes lui a dédicacé le premier tome du Prologue ripien. Paul Vignaux doit être à juste titre considéré comme le promoteur de la 176

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recherche concernant ce docteur supersubtil et de l’édition de ses écrits dans les années de l’apr¢s-guerre. ,uand Jeanne arbet achevait, dans son séminaire, une édition de la Disputatio de !rançois de Meyronnes et Pierre -oger (Vrin, 1961), Paul Vignaux, en parall¢le, étudiait le commentaire des Sentences  LKࠪ>QRP de !rançois de Meyronnes et rédigeait sa belle étude sur L’être comme perfection selon François de Meyronnes (1962), p¢re supposé des formalizantes. Cette étude est composée de deux parties dont la premi¢re montre la dimension platonicienne de la métaphysique du franciscain, alors que la seconde traite de l’univocité de l’être. Elle synthétise une série de conférences sur les mêmes sujets prononcées en automne de 1951, à l’Institut d’études médiévale de Montréal. L’ensemble de ces cinquante-huit pages ronéotypées o࠰re une analyse détaillée du texte de !rançois de Meyronnes. 0n autre cours est intitulé L’univocité de l’être chez Jean Duns Scot, François de Meyronnes, Jean de Ripa. Donnés du 9 au 31 octobre 1958 à l’Institut d’études médiévales à Montréal, ces cours ne comptent que seiUe pages ronéotypées 33. Je ne connais aucun article abordant, à lui seul, ces trois points de vue sur l’univocité du concept d’être. !ort intéressants pour les médiévistes, ces cours montrent Paul Vignaux au travail, préparant avec une grande minutie le vocabulaire propre de l’auteur commenté, la construction du texte, les étapes de raisonnement, les jeux d’arguments, etc., a࠱n de rendre manifestes les th¢ses de l’auteur. L’étude sur L’être comme perfection selon Meyronnes garde encore quelques caract¢res de ce travail préparatoire. En la lisant, en lisant les cours de Montréal, on comprend mieux pourquoi Vignaux eut le sentiment d’être confronté à une réalité rebelle. -econstruite à partir du texte bien analysé, la pensée vivait alors sa propre vie, insoumise à des procédés synthétisants d’un historien : « Stella enim a stella di࠰ert in claritate » (I Cor 15, 41). Son génie de philosophe, sa curiosité et son scrupule d’historien l’aidaient à reconstituer le XIV e si¢cle comme une époque d’une grande diversité des docteurs et des doctrines, cette diversité même que Jean Gerson, adversaire des franciscains, condamnait de toutes ses forces et ridiculisait, en faisant une allusion à saint Paul : « di࠰ert doctor a doctore sicut stella a stella 34 ». Les travaux de préparation que je viens de mentionner nous font mieux comprendre un trait spéci࠱que de l’esprit de Paul Vignaux. Je le cite : un historien « mesure tout le péril d’une entreprise où il devra procéder synthétiquement et non par ces analyses de textes où il trouve normalement sa sécurité 35 ». Cette sécurité n’est autre que celle du savoir certain qu’aucune vue de synth¢se ne peut assurer. 0n tel nominalisme sui generis oblige le chercheur à se contenter d’un savoir partiel, mais d’un savoir sûr. Vignaux historien de la philosophie 36 n’aspirait qu’à la sécurité du vrai. La quies aristotélicienne.

33. On me signale l’existence d’un troisi¢me cours ronéotypé, datant du 13 octobre 1948, intitulé Le problème de la connaissance de Dieu chez Guillaume d’Ockham. Il a 20 pages. 34. J. GERSON, Contra curiositatem, cons. 3 (Œuvres, III, 239). 35. P. VIGNAUX, De saint Anselme à Luther, p. 231. 36. Voir aussi -. IMBACH, « Paul Vignaux, syndicaliste et historien de la philosophie », dans P. VIGNAUX, Philosophie au Moyen Âge, 2004, p. 9-30.

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PAUL VIGNAUX ET LE NOMINALISME

Joël BIARD Université de Tours Centre d’études supérieures de la Renaissance

Au seul vu des titres d’articles et d’ouvrages, l’intérêt de Paul Vignaux pour le nominalisme ne s’est jamais démenti, depuis le début des annéesZ1930 jusque dans les années 1970.ZDans ses descriptions du nominalisme, Paul Vignaux est asseU précis, et les traits qu’il met en valeur éclairent bien la place de ces auteurs dans l’histoire de la philosophie du Moyen Âge. Pourtant, on est en droit de se demander si c’est bien le nominalisme comme tel qui intéresse Paul Vignaux ou une mutation du « régime de penséeZ», pour reprendre une expression qu’il utilise, à la ࠱n de Moyen Âge, dont les nominalistes sont parmi les principaux artisans. Que désigne le terJe f noJinalisJeࢩv cheW Paul Vignaux  Paul Vignaux consacre tr¢s tôt un long texte au nominalisme dans le Dictionnaire de théologie catholique – l’ouvrage dans lequel il rédige aussi l’article « OccamZ » et l’article « Nicolas d’Autrécourt 1 ». Il y distingue fort classiquement « deux époquesZ : XIe et XIIe si¢cles, XIVe et XVe si¢cles 2 ». Mais il op¢re aussitôt un double repliZ: en premier lieu, il refuse de présupposer une communauté d’esp¢ce entre les nominalismes de ces deux périodes –Zà juste titre, me semble-t-il, mais ce geste ne va pas de soi aujourd’hui même, où une certaine dé࠱nition abstraite du nominalisme est souvent tenue pour su࠳sante. En second lieu, il rabat chacune de ces deux périodes sur un auteur paradigmatique – ce qui peut para¨tre beaucoup plus contestable, notamment pour le XIVe si¢cle. Il s’agit d’une part de Pierre Abélard, qui occupera moins réguli¢rement ses travaux que le Moyen Âge tardif, mais sur lequel il reviendra enZ1975 avec des « Notes sur le

1. P. VIGNAUX, « Nominalisme », dans Dictionnaire de théologie catholique, vol. XI/1, Paris 1931, col. 717-780. 2.ZIbid., col. 717.

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nominalisme d’Abélard 3 », d’autre part de Guillaume d’Ockham, même si, sur les questions théologiques –Zdont on verra la place essentielleZ– laZprésentation du Venerabilis Inceptor est complétée par celle Gabriel iel. Toute la premi¢re partie de l’article « NominalismeZ » du Dictionnaire de théologie catholique est ainsi consacrée à Pierre Abélard. On y trouve une analyse classique, détaillée, du « probl¢me des universauxZ»Z: l’auteur part de quelques auteurs antérieurs, parmi lesquels -oscelin, s’appuie sur les témoignages des contemporains, précise les positions des interlocuteurs d’Abélard et les doctrines défendues dans les versions successives de sa logique. Paul Vignaux insiste bien entendu sur la critique du réalisme, au point de reprendre, dans les paragraphes introductifs de l’article « La problématique du nominalisme médiéval éclaire-t-elle les probl¢mes philosophiques contemporains ? », la désignation de « non-réalismeZ» qui avait été avancée entre-temps par Jean Jolivet 4. Mais il insiste, dans ses conclusions, sur l’exigence abélardienne de fondement de l’universel dans une convenance des genres et des esp¢ces, reposant en dernier ressort sur la connaissance divine. En revanche, la question du rapport d’Abélard avec la secte des nominales n’est pas soulevée, mais il est vrai que les connaissances que l’on en avait, même dans les annéesZ1970, ne le permettaient pas. Cependant le nominalisme dont Paul Vignaux traite le plus souvent et le plus longuement est celui du XIVe si¢cle. Si ce nominalisme-ci l¢gue bien un certain héritage aux si¢cles qui suivent, Paul Vignaux ne le consid¢re que dans le domaine de la théologie, non dans celui de la logique ou de la philosophie naturelle, alors que la logique continue à conna¨tre des évolutions et que la philosophie naturelle est un des champs principaux d’applications d’une démarche « nominalisteZ». En théologie, c’est surtout pour les questions de la prédestination et de la grâce que l’héritage tardif du nominalisme est pris en compte. Paul Vignaux semble à cet égard rester dépendant de l’image qui s’est forgée dans les querelles institutionnelles de la ࠱n du XVe si¢cle. En premier lieu, le nominalisme est considéré comme dominant le Moyen Âge tardif. C’est en partie vrai, mais cette domination est loin d’être univoque, et est pour une large part l’e࠰et d’une vision rétrospective. Si la derni¢re grande école universitaire française avant la -enaissance est celle de Jean Mair, qui peut à bon droit se réclamer du nominalisme, les a࠰rontements doctrinaux avec le thomisme et le scotisme n’ont pas disparu, loin de là, au point qu’un auteur comme Jean deZCelaya présente l’exposé de nombreuses questions selon ces « trois voiesZ». Et les situations seraient certes variables selon les pays et les universités, mais de Cologne à l’Italie du Nord, si un certain nominalisme est bien présent, sa domination est loin d’aller de soi et en tout cas n’est pas générale.

3. P. VIGNAUX, « Notes sur le nominalisme d’Abélard », dans Pierre Abélard. Pierre le Vénérable. Les courants philosophiques, littéraires et artistiques en Occident au milieu du XIIe siècle. Actes AR@LIILNRBFKQBOK>QFLK>IAR +/0 ??>VBAB IRKV  GRFIIBQ, Paris 1975, p. 523-527. 4. P. VIGNAUX, « La problématique du nominalisme médiéval éclaire-t-elle les probl¢mes philosophiques actuels ? », Revue philosophique de Louvain 75 (1977), p. 293-231.

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Paul Vignaux et le nominalisme

En deuxi¢me lieu, ce nominalisme est considéré comme l’aboutissement de la pensée médiévaleZ: L’évolution des doctrines dans les universités médiévales s’est achevée aux XIVe et XVe si¢cles avec la prédominance d’un Nominalisme dont les historiens cherchent le sens, dans l’espoir de comprendre le passage de la pensée du Moyen Âge à la pensée moderneZ: religieuse, philosophique et scienti࠱que.

Le nominalisme appara¨t ainsi comme annonciateur du passage à la modernité. Il y a du vrai dans cette th¢se, mais elle demande quand même à être nuancée. En࠱n, le nominalisme ainsi caractérisé a un « initiateurZ», c’est Guillaume d’Ockham. C’est incontestable, d¢s lors que l’on retient ce schéma historique. Guillaume d’Ockham est bien cité par les nominalistes de la ࠱n du XVe si¢cle comme leur ancêtre tutélaire. Mais qui en sont les continuateurs ? Sur ce point, on est plus dubitatif. Lorsque Paul Vignaux étudie le XIVe si¢cle, il aborde des auteurs qui ne sont pas nominalistes, tels que Grégoire de -imini ou Jean deZ-ipa. Il est vrai en revanche que, suivant le devenir de la pensée médiévale jusqu’aux con࠱ns de la -éforme, il accorde une place de choix à deux auteurs. L’un est Luther, qui est assurément autant opposé à l’ockhamisme qu’à toute la philosophie universitaire du Moyen Âge, mais dont les préoccupations sur la grâce et le libre arbitre sont l’aboutissement de débats, que Vignaux lui-même a étudiés, et dans lesquels Ockham a joué un rôle décisif 5  Luther cite iel et à travers lui vise Ockham dans sa Disputation contre la théologie scolastique. L’autre est donc Gabriel iel, défenseur de l’ockhamisme dans l’Allemagne du XVIe si¢cle. Il n’en reste pas moins que Jean uridan, par exemple, est totalement absent de ce tableau du nominalisme. Cela se comprend par le souci qui est celui de Paul Vignaux d’envisager de façon privilégiée les relations de la philosophie et de la théologie. Pourtant, uridan est tout autant qu’Ockham, voire davantage que lui, le fondateur du nominalisme parisien, tel qu’il se perpétue jusqu’au début du XVIe si¢cle. Mais qu’en est-il du contenu conceptuel d’un tel nominalisme ? À une époque où ce courant était moins étudié qu’il ne l’a été à partir des années 1960 et 1970, Paul Vignaux ne manque pas de repérer avec acuité le fondement même du nominalisme. Tel est le cas de l’a࠳rmation de la radicale singularité de tout étant, qui fait la spéci࠱cité de tout nominalisme. Peu développé –Zmais y a-t-il en vérité beaucoup plus à en dire ?Z–, ce point est noté à propos de Guillaume d’Ockham dans Nominalisme au XIVe siècle sous la forme suivanteZ:

5.Z ID., article « NominalismeZ », Dictionnaire de théologie catholique, col.Z 769 : « Les nominalistes du XIVe-XVeZsi¢cles ont été considérés comme des précurseurs de Luther à cause de la doctrine de la justi࠱cationZ»  dans 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>RXIVePF¢@IB࢙!RKP0@LQ -FBOOB d’Auriole, Guillaume d’Occam et Grégoire de Rimini, Paris 1981 (19341), Paul Vignaux commence par évoquer les travaux sur les sources médiévales de Luther (ibid., p. 3)  voir aussi Luther commentateur des Sentences (Livre I, distinction XVII), « Études de philosophie médiévaleZ », Paris 1937  et dans De saint Anselme à Luther, Paris 1976, « Sur Luther et OckhamZ», p. 451-460, et « Luther lecteur de Gabriel ielZ», p. 461-480.

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Joël Biard

6Dieu8 est libre de ne créer aucun des individus qui constituent le monde  mais une fois créé dans sa singularité –Zres SEIPSA singularisZ– aucun de ces êtres ne peut, par la puissance divine même, devenir commun avec d’autresZ : NEC -"/ -,1"+1&* !&3&+* MLQBPQ @LJJRKF@>OF MIROF?RP࢙ NRF> BPQ OB>IFQBO singularis 6.

Paul Vignaux ne se contente pas de souligner à juste titre que cette « a࠳rmation radicale de l’individuZ» est « caractéristique du nominalisme 7 ». IlZinsiste sur le fait que cette singularité est, pour l’initiateur du nominalisme, fondée sur la séparabilité de potentia absoluta de tout ce qui estZ: Chaque chose, identique à elle-même, que ne divise aucune distinction interne, se distingue radicalement de toute autre  elle en est séparable de potentia Dei absoluta. Créable à part, elle constitue in se, à elle seule, un connaissable 8.

Et d¢s l’article de 1931, il souligne la dimension métaphysique qui est ici à l’œuvre. -eprenant trois conclusions principales, il commence par la logique des termes pris comme signes des choses, il ࠱nit par la théorie de la connaissance, et entre les deux a࠳rmeZ: « C’est un probl¢me métaphysique de reconna¨tre si, dans les choses, une réalité distincte correspond à des signes tels qu’universaux, relatifs 9. » La théorie ockhamiste de l’universel, à la ࠱n de l’opuscule sur le nominalisme au XIVe si¢cle, est mise en rapport non seulement avec la théorie de la supposition (ou référence des termes) mais à nouveau avec la théorie des distinctions (critique de la distinction formelle et, en un certain sens, de la distinction de raison), et avec une certaine univocitéZ: être se dit en un seul sens de toutes les substances. Sur ce point d’ailleurs, comme sur quelques autres, Vignaux situe Ockham dans le prolongement de Scot, à travers cette a࠳rmation au premier abord paradoxale, mais non sans fondementZ: Le nominalisme de l’universel se présente cheU Ockham comme une généralisation à tous les universaux de la notion scotiste de l’univocité conceptuelle de l’être 10.

Cette démarche, consistant à la fois à souligner certains éléments de continuité entre Scot et Ockham et à insister dans le même temps sur la portée novatrice du nominalisme, se retrouve à propos des termes transcendantaux : « Malgré son opposition à tout ‫ڄ‬réalisme‫څ‬, il continue Scot dans la doctrine des transcendantaux 11. » En࠱n Paul Vignaux montre qu’il est important de passer d’une approche en termes de noms à une approche en terme de signes. Cet usage privilégié de l’idée de signe pour décrire le nominalisme se remarque d¢s l’article du

6. ID., Nominalisme au XIVe siècle, Paris 1981 (Montréal 19481), p. 27. 7. Ibid. 8. Ibid., p. 95. 9. ID., « NominalismeZ», dans Dictionnaire de théologie catholique, col. 754. 10. ID., Nominalisme au XIVe siècle, p.Z91. 11. Ibid., p.Z47. Et dans la note 51Z: « La continuité avec la doctrine scotiste des transcendantaux appara¨t dans le maintien de l’univocité de l’être 6‫ڎ‬8Z».

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!F@QFLKK>FOBABQE£LILDFB@>QELIFNRB࢙: « Deux aspects fondamentaux de toute doctrine de cette esp¢ceZ: une notion de signe, une notion du réel, notions d’ailleurs liées 12Z»  il est articulé dans Nominalisme au XIVe siècle à la théorie du langage mentalZ: Ce rapport 6du conna¨tre avec l’être8, l’opposition vox-res et la théorie de la suppositio invitent à la concevoir comme une relation de signe à chose signi࠱éeZ: la pensée conceptuelle, parall¢le au langage, comparable à une langue universelle, naturelle, semble parler des choses sans les appréhender « en soi 13 ».

Un rapport du conceptuel et du réel Paul Vignaux voit donc bien que cette redé࠱nition du domaine des signes parlés et conceptuels est solidaire d’une mutation dans le rapport entre le monde et ses représentations, lesquelles sont désormais conçues comme ensembles signi࠱ants. Le champ conceptuel est lui-même subsumé sous cette approche. D’où à la fois l’importance de l’analyse du langage (que retiendront les nominalistes de la ࠱n du XVe si¢cle) et l’exigence de développer les techniques d’analyse logiqueZ: Il su࠳t de se faire attentif à la technique des œuvres de pensée pour saisir l’importance parfois méconnue de certains aspects de la vie intellectuelle du Moyen ÂgeZ: la formation des intelligences par la grammaire et la logique 6‫ڎ‬8  l’usage, comme instrument universel du savoir, de la dialectique, identi࠱ée à la raison même  le caract¢re fondamental du rapport de signi࠱cation entre les termes –ZvocesZ– et les choses –ZresZ– tel qu’il appara¨t au premier plan dans les nominalismes des XIIe et XIVe si¢cles 14.

L’a࠳rmation peut para¨tre banale aujourd’hui, je soupçonne qu’elle l’était moins en 1957. Vignaux insiste sur l’exigence ockhamiste de bien séparer, du moins dans un premier temps, le domaine conceptuel d’une part et le champ du réel que ces concepts permettent de penser d’autre part – c’est précisément le sens de la démarche sémiologique, par opposition à l’approche noétique, même si les deux ont leur part de légitimité 15. Apr¢s avoir rappelé l’a࠳rmation de la singularité de tout étant, Paul Vignaux ajouteZ: Non moins importante, la distinction du conceptuel et du réel qu’aucune puissance non plus ne peut réduire. Ockham note à propos du concept de « pierreZ»Z: iste conceptus nec de se, nec per quamcumque potentiam potest esse hic lapis 16.

12. « NominalismeZ», dans Dictionnaire de théologie catholique, col. 782. 13. ID., Nominalisme au XIVe siècle, p.Z42. 14. ID., « Avant-ProposZ(1958) » de La Philosophie au Moyen Âge, éd. -. IMBACH, Paris 2004, p. 91, repris dans De saint Anselme à Luther, Paris 1976, p.Z25. 15. Dans l’article « NominalismeZ» du Dictionnaire de théologie catholique, col. 754, Vignaux écrit : « Le nominalisme rend vaine la métaphysique de l’abstraction, ch¢re au XIIIe si¢cle, avec intellect agent et esp¢ce intelligible. » 16. ID., Nominalisme au XIVe siècle, p. 27.

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De là l’attention portée à la théorie de la connaissance, telle qu’elle se développe dans le « PrologueZ » de l’Ordinatio 17. Cette analyse, menée dans Nominalisme au XIVe siècle, est l’occasion de certaines mises au point, notamment à l’égard de l’idée de « criticismeZ». Dans plusieurs articles publiés entre 1922 et 1925, en polonais ou en français, &onstanty Michalski avait insisté sur le « criticismeZ» et le « scepticismeZ» dans la philosophie du XIVe si¢cle 18. Le texte de 1926, « Le criticisme et le scepticisme dans la philosophie du XIVe si¢cleZ» est cité dans l’article du Dictionnaire de théologie catholique 19. Ces articles avaient le mérite de prendre en compte des auteurs variés, surtout du XIVe si¢cle parisien et de la tradition d’Europe centrale. Ils allaient à l’encontre de la conception du Moyen Âge tardif comme période de dissolution de la pensée, en retournant les arguments pour montrer la portée positive du « criticismeZ». Il est vrai que l’aspect critique, au sens premier du mot, de la philosophie ockhamiste, par exemple, est incontestable. Et il s’agit souvent de dénoncer des illusions portées par des concepts jugés sans référent direct, ou des expressions qui sont des facteurs d’ambigu©tés. Le principe d’économie conduit bien à détruire certains préjugés réalistes en supprimant distinctions et types d’étants. Au-delà de ce sens trivial, il s’agit de délimiter la validité de certaines connaissances, par exemple la portée de certaines démonstrations en théologie, en une critique qui analyse le rapport du concept à l’objet et les requisits de combinaison entre démonstration et donnée intuitive. Dans Nominalisme au XIVe siècle, pourtant, en 1948, Paul Vignaux semble répugner à faire sienne l’idée de « criticismeZ»Z: S’il en vient à rétrécir le champ de la métaphysique, ce ne sera point, sans doute, par limitation a priori de la validité des concepts. On ne peut à ce sujet parler de « criticismeZ» ou même de « critiqueZ» qu’en précisant, en recti࠱ant l’usage de ces termes 20.

Paul Vignaux para¨t ici avoir en tête le danger d’une lecture kantienne. Cela se comprendZ: il vient de rappeler que la connaissance intuitive est pour Guillaume d’Ockham intellective autant que sensitive. Il s’agit de raisonner sur tout intelligible en général. Mais c’est surtout contre la tentation de voir dans le nominalisme un scepticisme que s’él¢ve Vignaux 21. Il met bien en évidence que la connaissance intuitive du non-existant, possible de potentia absoluta, ne vise à rien d’autre qu’à cerner les caract¢res de l’acte de conna¨tre, non seulement abstractif mais intuitif, considéré en lui-même, sans tenir compte de la chose intelligée, et non à pré࠱gurer l’hypoth¢se d’un dieu trompeur. Par ailleurs cette hypoth¢se ne se situe pas dans le cours ordinaire des choses. Et si Paul Vignaux

17. Cf. GUILLAUME D’OCKHAM, Scriptum in primum librum Sententiarum ordinatio, Prologus et distinctio prima, ed. G. GAL, St. onaventure (NeR 4ork) 1967. 18. Ces articles ont été recueillis dans &. MICHALSKI, La Philosophie au XIVe siècle. Six études, éd. &. FLASCH, !rancfort-sur-le-Main 1969. 19. Cf. P.ZVIGNAUX, article « NominalismeZ», Dictionnaire de théologie catholique, col.Z737. 20. ID., Nominalisme au XIVe siècle, p.Z41. 21. Dans une discussion lors du congr¢s de Madrid de la Société internationale de philosophie médiévale, en 1970, Paul Vignaux soulignera que le kantisme n’est pas un scepticisme – je remercie T. Gregory pour cette précision apportée lors de la discussion.

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conc¢de que Guillaume d’Ockham peut être rapproché de Hume, c’est seulement à propos des distinctions. Ockham annonce Hume déclarantZ: « Tout ce qui est discernable est di࠰érent et tout ce qui est di࠰érent est séparable 22. » Cette conception des rapports entre signes, notamment conceptuels, et monde des choses signi࠱ées, culmine dans la conception ockhamiste de la science, ou du savoir. C’est précisément un des points essentiels où le nominalisme ockhamiste va s’écarter de Scot, même si, examinant le caract¢re scienti࠱que ou non des vérités théologiques dans le « PrologueZ » de l’Écrit sur les Sentences, le Venerablis Inceptor suit de pr¢s la doctrine de son prédécesseur franciscain. La science a pour objet des propositions, dont il convient d’analyser les modes de signi࠱cation et de référenceZ: cette th¢se sera discutée tout au long du si¢cle, tant par la génération de théologiens anglais immédiatement postérieure à Ockham que par uridan puis par Grégoire de -imini à Paris. Vignaux met bien en évidence le point de clivage des deux confr¢res. Pour Scot, le proc¢s de connaissance est validé par des distinctions internes à ce sujet. L’ordre des connaissances est fondé objectivement, même dans la théologie pour nous qui ne repose aucunement sur une intuition de l’essence divine. On passe de l’essence premi¢re aux perfections essentielles, aux personnes, aux perfections qui ont un rapport à l’extérieur 23. ,ue l’esprit créé n’ait qu’une connaissance abstractive de la divinité n’empêche pas que la science se présente essentiellement comme une analyse  on analyse le sujet premier pour en déduire des attributs qui en sont des « quasi-propriétés » qui seraient formellement distinguées de leur sujet 24. Ockham redé࠱nit tout autrement le rapport des attributs au sujet, et c’est surtout une telle épistémologie, de la théologie comme des autres sciences réelles, que Vignaux consid¢re comme « nominaliste », plus que l’instrument logique mis en œuvre. Le sujet, dans la version achevée de la doctrine ockhamiste 25, est d’abord un terme, mot ou concept, qui fait partie d’une proposition et qui signi࠱e un ou plusieurs étants. On peut bien dé࠱nir le sujet premier d’une propriété  il est tel que, tout autre mis de côté, la propriété lui convient, et lui mis de côté, elle ne convient à rien 26. La propriété est un terme prédicable, qui peut être a࠳rmée nécessairement du sujet dans une proposition, mais non par une analyse du contenu du sujet, ou de son essence. D’ailleurs bien des propriétés prédicables de Dieu sont des termes connotatifs, impliquant dans leur signi࠱cation complexe le renvoi à d’autres étants (« créateurZ», par exemple) 27. Les

22. Ibid., p.Z85. 23. Cf. ibid., p.Z 57. Paul Vignaux suit sur ce sujet l’ouvrage de -. GUELLUY, Philosophie et théologie chez Guillaume d’Ockham, Louvain – Paris 1947. 24. Cf. Nominalisme au XIVe siècle, p. 58. Guillaume d’Ockham critique le scotisme à travers Jean de -eading, dans la question III du « PrologueZ» de son Écrit sur les Sentences, p. 130-133. 25. La question de savoir si, au début de sa carri¢re, Ockham a admis que des choses puissent être sujets des propositions a récemment été relancée  je laisse ici cette question qui n’a aucune incidence sur la théorie de la science telle qu’elle est exposée dans le « Prologue » de l’Écrit sur les Sentences. 26. Cf. P. VIGNAUX, Nominalisme au XIVe siècle, p.Z61. 27. Cf. J. IARD, Guillaume d’Ockham et la théologie, Paris 1999.

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propositions théologiques sont soumises au même jeu conceptuel et linguistique que les autres propositions à prétention scienti࠱que. La simplicité absolue de l’essence divine exprime de façon hyperbolique l’indivision et l’unicité de tout étant singulier. ,uant aux attributs, ce n’est pas un hasard si dans le Prologue des Sentences, Ockham traite souvent les questions à l’aide de deux exemplesZ: « créateurZ» et « capable de rireZ» (risibile). De façon générale, « les concepts tirent leur signi࠱cation d’un jeu de réalités distinctes les unes des autres au point d’être séparables, mais dont chacune, si elle est sans parties, demeure en soi indistincte 28 ». Logique et théologie En choisissant Guillaume d’Ockham comme ancêtre et représentant paradigmatique du nominalisme, et en centrant la présentation de la conférence de 1948 sur le « PrologueZ» de l’Écrit sur des Sentences, Paul Vignaux choisit de placer le nominalisme du Moyen Âge tardif sous le signe d’une alliance privilégiée entre logique et théologie. On ne s’en étonnera pas, puisque Paul Vignaux s’est surtout intéressé aux grands théologiens, d’Anselme à Luther 29, en passant par Pierre d’Auriole, Grégoire de -imini ou Jean de -ipa, ne seraitce que pour mettre en évidence la portée philosophique de leurs doctrines, ainsi qu’il le souligne dans l’« Avant-ProposZ » déjà cité de Philosophie au Moyen Âge. Son premier ouvrage, en 1934, est 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK au XIVePF¢@IB࢙!RKP0@LQ -FBOOBA‫ٽ‬ROFLIB $RFII>RJBA‫ٽ‬,@@>JBQ$O£DLFOB de Rimini 30. Aussi n’est-il pas étonnant qu’un de ses premiers contacts avec Ockham soit à propos de la grâce et de la prédestination, qu’il en suive les répercussions jusqu’au XVIe si¢cle, et que dans l’article du Dictionnaire de théologie catholique, il divise la partie sur le XIVe si¢cle en deux momentsZ : « Le nominalisme du XIVe si¢cleZ: les universaux et la connaissance humaineZ» et « Le nominalisme du XIVe si¢cleZ: Dieu 31 ». Vignaux indique un lien étroit entre logique et théologieZ: D’une façon surprenante pour nos contemporains, la théologie ici s’articule à la logiqueZ: en s’appliquant aux choses, cette derni¢re leur demande pour ainsi dire de véri࠱er un minimum de propositions nécessaires  en usant de la potentia absoluta, la premi¢re présente ces choses sous l‘aspect où elles o࠰rent pour ainsi dire ces propositions 32.

!aut-il ici parler de « théologie nominalisteZ» ? Cela semble di࠳cile à éviter. Vignaux met en évidence certains traits qu’il attribue à une ligne de pensée conduisant de Guillaume d’Ockham à Gabriel iel. Ils concernent la conception

28. P. VIGNAUX, Nominalisme au XIVe siècle, p. 73. 29. ID., Luther commentateur des Sentences (Livre I, distinction XVII), Paris 1937. 30. ID., 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK >R XIVePF¢@IB࢙  !RKP 0@LQ  -FBOOB A‫ٽ‬ROFLIB  $RFII>RJB d’Occam et Grégoire de Rimini, Paris 1981 (19341). 31. Cette derni¢re partie s’étend de la colonne 754 à 783. 32. P.ZVIGNAUX, Nominalisme au XIVe siècle, p. 23-24.

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des attributs, à nouveau conçus strictement comme « noms divinsZ», la doctrine de la science rappelée ci-dessus et appliquée à la théologie, et surtout la question de la justi࠱cation, à laquelle une grande place est accordée aussi bien dans l’article « NominalismeZ» que dans le volume 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>R XIVe siècle, même si là Ockham est encadré par deux auteurs dont le premier, Auriole, est sa cible en ce qui concerne la forme de la charité créée, et le second, Grégoire de -imini, sera attaqué par iel. Pourtant, Vignaux est su࠳samment minutieux pour ne pas réduire au nominalisme bon nombre de traits que, par la suite, il va mettre en valeur. Soulignons-en quelques-uns. Il insiste beaucoup, au début de son opuscule sur le nominalisme, sur la « toute puissanceZ», ou plutôt la « puissance absolueZ». On sait, maintenant, plus encore qu’à l’époque, qu’un tel usage exc¢de de beaucoup le courant nominaliste en théologie. On sait aussi, depuis les travaux d’Eugenio -andi, que la problématique se noue au XIIIe si¢cle, notamment cheU Hugues de Saint-Cher, et que Scot lui imprime un tournant décisif 33. Il est vrai que Guillaume d’Ockham en fait un usage qui lui est propre, au-delà des deux mod¢les mis en évidence par -andi. Il est vrai surtout – et Paul Vignaux y insisteZ– que cheU lui cet instrument méthodologique est utilisé en relation avec la théorie des distinctions, qui est essentielle pour son ontologie. Dans ces conditions, la place donnée à la potentia absoluta dans sa théologie n’est pas la simple reprise d’un lieu commun, mais devient un élément essentiel du traitement nominaliste de la théologie. Il n’en reste pas moins qu’un tel angle d’attaque ne se réduit pas au nominalisme au sens strict. De même, Paul Vignaux accorde une grande importance à l’étude de la distinction entre connaissance intuitive et connaissance abstractive. Il est connu qu’en la mati¢re Ockham continue Scot, serait-ce en le critiquant puisqu’il modi࠱e considérablement la dé࠱nition de la connaissance abstractive. De même encore, la question de la contingence et de la nécessité, soulevée par l’étude sur la prédestination, agite tous les grands théologiens de l’époque. L’ockhamisme n’est ici qu’une option parmi d’autres. C’est ici l’une des rares occasions où Paul Vignaux évoque la Somme de Logique dans son ouvrage sur Le Nominalisme au XIVe siècle 34. Mais c’est, curieusement, pour la rattacher au christianisme de l’auteur ! Dans une Somme de Logique écrite par un chrétien, les vérités relatives aux objets de ce monde ne sont plus nécessaires de la même façon, au même degré qu’elles l’étaient pour Aristote 35.

La contingence radicale des choses créées a été opposée au « nécessitarismeZ» gréco-arabe par les théologiens du XIIIe si¢cle, avant que Scot ne propose une

33. Voir E. -ANDI, Il sovrano e l’orologio. Due immagini di Dio nel dibattito sulla potenza assoluta fra XIII e XIV secolo, La nuova Italia, !lorence 1976, p. 245-264  voir aussi le recueil La Puissance et son ombre de Pierre Lombard à Luther, éd. O. OULNOIS (dir.), Paris 1994. 34. P. VIGNAUX, Nominalisme au XIVe siècle, p. 24. La logique était davantage présente, tant pour Abélard que pour Ockham, dans l’article du Dictionnaire de théologie catholique. 35. Ibid.

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conception neuve du possible comme état de choses alternatif. Mais la redé࠱nition ockhamiste de la nécessité comme nécessité purement logique est fondée sur sa théorie de la connaissance et sa logique, donc sur ce que Vignaux désigne, en un sens large, comme son nominalisme. 0n certain usage de la logique, fondé sur une théorie de la référence des termes et une théorie du signe conceptuel, conduit à considérer comme contingentes toutes les propositions dont le sujet se réf¢re à des choses réellement existantes, qui pourraient ne pas exister  il n’est pas de nature humaine ni d’homme intelligible susceptible de rendre nécessairement vraie les propositions « un homme est un animalZ», ou « tous les hommes sont des animauxZ», puisqu’une proposition a࠳rmative dont le sujet ne « supposeZ» pour rien, c’est-à-dire a une référence vide, est fausse, et que ce serait le cas s’il n’existait aucun homme  à propos de telles choses, seules des propositions hypothétiques peuvent être nécessairement vraies. De ces liens complexes entre logique et théologie sur fond de nominalisme, on retiendra deux points. Le premier, c’est que Paul Vignaux, tout en a࠳rmant que le nominalisme est la tendance dominante du Moyen Âge tardif, a de fait une vision plus large, tant par les th¢mes mis en avant que par les auteurs évoqués. Peut-être dira-t-on, ce qui apr¢s tout n’est sans doute pas faux, que dans le cadre d’une mutation du régime du savoir apr¢s Scot (et par rapport à laquelle Scot a une position charni¢re), le nominalisme tel qu’il est ici conçu représente la pointe la plus acérée de cette mutation, la démarche la plus radicale, surtout dans sa systématisation ockhamiste. Le second point, c’est que c’est Paul Vignaux qui, le premier sans doute, a mis en lumi¢re quelque chose qui est devenu une évidence pour bon nombre de médiévistes contemporains, à savoir que la théologie est une sorte de laboratoire conceptuel où s’élabore de la philosophie au Moyen Âge. Il est intéressant à cet égard de voir dans les introductions et avant-propos successifs de La Pensée au Moyen Âge et de Philosophie au Moyen Âge un glissement de la notion trop englobante de « penséeZ» à celle de « philosophieZ», a࠱n d’a࠳rmerZ « l’insertion du MoyenZ Âge dans la suite d’une histoire de la philosophie 36 ». Conclusion Le traitement par Vignaux du nominalisme nous m¢ne donc souvent loin d’un seul courant, fût-il jugé, à tort ou à raison, dominant au cours des derniers si¢cles médiévaux. Mais il semble clair que la place du nominalisme est liée à celle, privilégiée, accordée au XIVe si¢cle et à la volonté de ne pas y voir un si¢cle de désagrégation de la pensée, mais un si¢cle de profondes novations, enclenchant des processus qui conduisent aux con࠱ns de la modernité. Avec le recul, on mesure sans doute à quel point au début de sa carri¢re, ce choix impliquait une transformation de la vision de la philosophie du Moyen Âge. Il faut se rappeler que le XIIIe si¢cle fut longtemps présenté comme l’âge d’or de la pensée dite « scolastiqueZ», le XIVe si¢cle étant considéré, apr¢s Duns Scot

36. P. VIGNAUX, « Introduction à la nouvelle éditionZ », dans ID., Philosophie au Moyen Âge, Albeuve 1987, p.Z10. C’est l’auteur qui souligne.

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du moins, comme un si¢cle de déclin, où se déferaient les grandes synth¢ses du si¢cle précédent, où les philosophies majeures n’auraient tout au plus qu’une portée critique, et où, par la prédominance de la logique, par l’expansion des arguments de potentia absoluta non seulement dans la physique mais même dans la théologie, se mettrait en place un verbalisme qui n’irait que s’ampli࠱ant durant les deux si¢cles suivants. Au début du si¢cle, on pouvait encore quali࠱er Albert de Saxe de « scolastique de la décadence 37 ». Lorsque l’on entreprit de revaloriser le XIVe si¢cle, l’idée même de « criticismeZ» demandait à être précisée, et celle de « scepticismeZ» était carrément inadéquate  on sait aujourd’hui que, s’il y a usage d’arguments sceptiques, il n’y a gu¢re à proprement parler de « scepticismeZ » médiéval. Paul Vignaux est un défenseur de la diversité de la pensée médiévaleZ: On ne saurait présenter nombre de ces éléments 6‫ڎ‬8 sans écarter une image encore trop commune du Moyen ÂgeZ: on l’imagine comme une période de si forte unité intellectuelle qu’on lui donne quelque apparence de pauvreté. Le présent essai voudrait, en premier lieu, transmettre au lecteur l’impression toute contraire 6‫ڎ‬8Z: une impression de diversité 38.

Grand défenseur de la « diversité rebelleZ» au sein de la pensée médiévale, selon un mot souvent cité, Paul Vignaux devait procéder à des rééquilibrages, au béné࠱ce du XIVe si¢cle d’abord, et du nominalisme en son sein ensuite, et peut-être au premier chef de ce rebelle intraitable que fut Guillaume d’Ockham.

37. M. JULLIEN, « 0n scolastique de la décadenceZ : Albert de SaxeZ », Revue des Études augustiniennes 16 (1910), p. 26-40. 38. « Avant-Propos » de la troisi¢me édition de Philosophie au Moyen Âge, 1958, p. 6, repris dans De saint Anselme à Luther, p. 24.

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'USTIFICATION ET PRÉDESTINATION AU MOYEN }GE TARDIF L’APPORT DE PAUL VIGNAUX

Jean-!rançois GENEST Ingénieur de recherche au CNRS

C’est en 1934, l’année même où il succéda à Étienne Gilson à l’École pratique des hautes études, apr¢s l’avoir suppléé dans sa direction d’études l’année précédente, que Paul Vignaux publia 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK >R XIVe siècle 1. Il était déjà l’auteur des notices Nicolas d’Autrécourt, Nominalisme et Occam, parues en 1931 dans le tome XI du Dictionnaire de théologie catholique. Le lien entre ces di࠰érents travaux est indiqué d¢s l’Avant-propos, où l’auteur signale que le livre est né « d’une premi¢re lecture des questions de Guillaume d’Occam relatives à la justi࠱cation » (p. VII). Sa publication venait d’ailleurs couronner un enseignement surs la problématique du mérite et de la justi࠱cation dans l’École avant Luther. Admiré ou discuté, 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK devait servir de référence à des générations de chercheurs : ce livre est devenu un classique et pourtant sa nouveauté reste encore perceptible au lecteur d’aujourd’hui. En revanche, on oublie quelquefois qu’au cours de sa longue carri¢re, son auteur a eu plus d’une fois l’occasion de revenir sur certaines de ses conclusions : ces retractationes montrent l’attention que Vignaux n’a cessé de porter aux recherches les plus récentes. I L’originalité de l’ouvrage tenait à la fois au choix de la période étudiée et à la méthode mise en œuvre. Le choix des quatre auteurs analysés devait apporter un éclairage nouveau sur le passage de la Chrétienté médiévale à l’Europe moderne de la -éforme, en reprenant la question des rapports de Luther avec la théologie scolastique : question classique, mais à laquelle ni les luthérologues o࠳ciels, ni, à l’opposé,

1. P. VIGNAUX, 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK >R XIVe siècle. Duns Scot, Pierre d’Auriole, Guillaume d’Occam, Grégoire de Rimini, Paris 1934, p. 198. Les références entre parenth¢ses dans notre texte sont tirées de cet ouvrage.

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Jean-François Genest

Deni࠲e, n’avaient apporté de réponse satisfaisante. Or, dans sa Disputatio contra scholasticam theologiam (1517), Luther, traitant des pouvoirs du libre arbitre, vise Ockham à travers Gabriel iel et, par-delà Ockham, Duns Scot  il note aussi qu’en cette mati¢re Grégoire de -imini s’oppose à tous les autres. De son côté, iel rapporte la critique de Pierre Auriol par Ockham. -écapitulons cette liste, nous avons les quatre noms ࠱gurant en sous-titre à l’ouvrage : Duns Scot, Pierre Auriol, Guillaume d’Ockham, Grégoire de -imini 2. Nous sommes donc ici à un véritable « carrefour doctrinal » (p. 3), d’autant plus remarquable que l’activité de ces quatre théologiens occupe un intervalle de temps relativement réduit, dont les limites sont marquées par la mort de Scot en 1308, et la lecture des Sentences de Grégoire de -imini à Paris pendant l’année universitaire 1343-1344. Aborder ces auteurs dans les années 1930, c’était, pour un médiéviste spécialiste d’histoire doctrinale, changer totalement de paysage intellectuel, explorer une terra incognita. Nos lumi¢res sur le Moyen Âge se concentrent encore autour de saint onaventure et de saint Thomas d’Aquin  quitté le XIIIe si¢cle, l’obscurité commence avec Duns Scot et s’épaissit quand on avance dans le XIVe et le XVe. De la connaissance de ces époques obscures dépend peut-être notre intelligence de Luther 3.

Ces époques obscures : la formule n’avait alors rien d’excessif. Il su࠳t de jeter un coup d’œil aux bibliographies pour constater sa pertinence : sur Pierre Auriol, par exemple, on ne disposait que de quelques pages de &arl 2erner, remontant à 1883 4  quant à Grégoire de -imini, le manuel –Zcertes récentZ– de Seeberg lui faisait une place, mais somme toute asseU limitée 5. Le second objectif du livre était d’illustrer un parti pris de méthode, que Vignaux lui-même dé࠱nira ainsi rétrospectivement en 1975 : Dépasser le champ délimité d’une histoire de la philosophie au Moyen Âge pour explorer avec la même objectivité celui, plus vaste et moins connu, des théologies de la même époque 6.

Le domaine exploré ne sera donc pas la philosophie des théologiens, plus ou moins arti࠱ciellement détachée de l’ensemble de leurs constructions, mais ces constructions théologiques elles-mêmes, dans leur e࠰ort de rationalité. Cette méthode, Vignaux en fera plus tard la théorie. -etenons ici qu’il a commencé par en donner un exemple magistral. C’était là une nouveauté. Le seul précédent en !rance était la th¢se de Jean Laporte sur la théologie de la grâce de Port--oyal, publiée en 1923 7. Dans les deux cas on a a࠰aire à des doctrines complexes, d’une portée considérable dans

2. Nous adopterons ici les formes aujourd’hui reçues : Ockham et Pierre Auriol. 3. P. VIGNAUX, « Introduction », 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>RXIVe siècle, p. 1. 4. &. WERNER, Die Scholastik des späteren Mittelalters, t. II, Vienne 1883, p. 82 sq., 150 sq. 5. -. SEEBERG, Lehrbuch der Dogmengeschichte, t. III : Die Dogmengeschichte des Mittelaters, LeipUig 1930 4 (19011), p. 734-736 et 771-777. Le livre de M. SCHÜLER, Prädestination, Sünde und Freiheit bei Gregor von Rimini paraissait à Stuttgart en 1934, la même année que 'RPQFࠩ@>QFLK et prédestination. 6. P. VIGNAUX, « Témoignage », De saint Anselme à Luther, Paris 1976, p. 9. 7. J. LAPORTE, La doctrine de Port-Royal, 2 vol., Paris 1923.

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l’histoire religieuse et intellectuelle de l’Occident, et dont l’analyse est menée par des historiens de formation philosophique dans le cadre de l’institution universitaire la©que. La légitimité de cette entreprise était a࠳rmée dans une phrase que Vignaux empruntait précisément à Laporte et qu’il citait volontiers : « ,uelle qu’en soit l’origine, la pensée religieuse en elle-même est nécessairement une pensée humaine et à ce titre, elle ne saurait être négligeable pour l’homme » 8. Les doctrines ainsi analysées sont elles-mêmes construites par les théologiens à partir d’un donné, issu de l’Écriture et de la Tradition. Ici, le probl¢me examiné se pose à propos de la justi࠱cation. Celle-ci s’op¢re par un acte d’amour de Dieu. Mais cet acte, d’où proc¢de-t-il ? De l’action immédiate de Dieu ? Ou d’une vertu, la charité infuse, c’est-à-dire mise dans l’âme par Dieu ? Pierre Lombard dans ses Sentences (livreZ Ier, distinction 17) soutenait la premi¢re de ces deux opinions. Selon lui, la charité n’est pas une vertu comme la foi ou l’espérance : c’est identiquement l’Esprit-Saint : Dieu ne se fait pas aimer par le moyen d’un habitus d’abord infus, mais immédiatement par son Esprit, qui habite les chrétiens. Adolf Harnack, comme le rappellera Vignaux peu apr¢s dans son étude sur Luther commentateur des Sentences, avait bien vu l’importance de ce point d’histoire doctrinale 9. Il trouvait dans l’opinion du Lombard une immédiation de l’âme avec Dieu, exprimant la relation ࠱liale, personnelle, qui, selon lui, faisait l’essence du christianisme : tout le contraire de ce que Luther devait appeler une justice domestique. Pierre Lombard, sur ce point, n’avait pas été suivi. Pourquoi ? Parce que, objectait-on, si l’acte d’aimer Dieu procédait seulement de l’Esprit, l’âme humaine serait mue du dehors au lieu d’être principe d’action et, par conséquent, l’acte perdrait son caract¢re volontaire et méritoire : c’est ainsi, par exemple, qu’argumente Thomas d’Aquin. -emarquons toutefois qu’en a࠳rmant simultanément le Don incréé et le don créé, on se place simplement dans l’ordre présentement établi. -este une question, non plus de fait, mais de droit : l’habitus de charité est-il aussi nécessaire à la dé࠱nition de l’état de grâce que la présence de l’Esprit ? 0n autre ordre de choses, où la justi࠱cation se réduirait à une relation de l’âme à l’Esprit-Saint, n’est-il pas possible ? Selon la réponse que l’on donnera à cette question, l’idée que l’on se fera de l’essence de la justi࠱cation sera di࠰érente. Or cette question est justement une de celles que soul¢vent les ma¨tres du XIVe si¢cle.

8. Ibid., t. I : Saint-Cyran, p. XIII. Phrase que Paul Vignaux a cité trois fois : dans 'RPQFࠩ@>QFLK et prédestination (p. 177)  dans la notice « Histoire des théologies médiévales » des Mélanges publiés en 1968 par la Ve Section de l’École pratique des hautes études sous le titre Problèmes et méthodes d’histoire des religions, p. 221-229, voir p. 225 (texte reproduit dans le recueil De saint Anselme à Luther, p. 13-21 : voir p. 17)  en࠱n dans l’Introduction (1986) à la réédition de Philosophie au Moyen Âge (p. 12). Immédiatement avant cette phrase, Laporte écrivait que, dans l’hypoth¢se même où « la prétendue révélation » ne contiendrait « rien de surnaturel », « l’étude des religions devient alors l’histoire de l’esprit humain » (p. XII-XIII), a࠳rmation à rapprocher des vues que Vignaux développera plus tard sur l’intérêt des œuvres théologiques pour une histoire de la raison. 9. P. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences (livre I, distinction XVII), Paris 1935, « Introduction », p.Z1-4, et « Conclusion », « Salut par la charité », p.Z87-94, où Vignaux rappelle ce que le point de départ de sa recherche doit à Harnack.

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Voilà pour la justi࠱cation. Mais les théories de la justi࠱cation trouvent un complément naturel dans celles de la prédestination. Si l’âme ainsi justi࠱ée persév¢re jusqu’à la ࠱n, elle recevra en don le -oyaume, auquel la grâce introduit. Or cette distribution de la grâce et de la gloire, Dieu l’op¢re suivant un dessein formé de toute éternité : c’est le myst¢re de la prédestination, avec sa contrepartie, la réprobation. ,u’il y ait une raison à la réprobation, la justice de Dieu l’exige  au contraire, la prédestination est gratuite : elle est un don, non le paiement d’une dette. Telles sont les données de la foi. Le théologien les reçoit et les met en forme, « une forme qui prétend à une certaine rationalité » (p.Z178). Le rôle de l’historien, rappelle Vignaux, est de retrouver cette « mise en ordre, qui fait para¨tre le lien des probl¢mes et la solidarité des solutions » (p. 179). Au point de départ de son enquête, Paul Vignaux trouve Duns Scot et l’usage qu’il fait de la distinction, en Dieu, de la puissance absolue et de la puissance ordonnée. Vignaux a montré, et c’est là un de ses principaux apports à l’histoire doctrinale, la portée proprement religieuse de cette distinction cheU Scot, comme d’ailleurs cheU ses successeurs. Elle signi࠱e que Dieu étant libre, les lois qui régissent le monde sont, comme le monde lui-même, contingentes. Or cette contingence, quand il s’agit du salut, est synonyme de gratuité. On dit, par exemple, que la charité mérite la vie éternelle. Mais quelle est la nature du lien qui les réunit ? Si la charité mérite la vie éternelle, c’est que Dieu le veut, librement : il ne trouve pas cette relation dans la nature des choses  il l’y met, par une de ces lois dont sa volonté est le principe, et non pas son intellect (p. 19).

L’acceptation, c’est-à-dire l’acte incréé par lequel Dieu accepte une personne à la béatitude, est purement gratuite. Dans l’ordre présent, « Dieu n’accepte à la vie éternelle qu’une âme vêtue de la charité et ne consid¢re comme méritoires que les actes de cet habitus »Z(p.Z33). Mais Dieu pourrait, de puissance absolue, donner la vie éternelle à une âme dépourvue de cette réalité créée qu’est l’habitus de charité, en acceptant des actes qui procéderaient de simples vertus morales, qui seraient donc uniquement de l’ordre de la nature. Même gratuité dans la prédestination : Dieu ne veut pas le salut des prédestinés à cause de leurs mérites futurs, c’est au contraire parce qu’il les prédestine à la gloire qu’il leur conf¢re d’abord la grâce, puis les mérites qui les conduiront à la vie éternelle. L’ordre d’intention est ici l’inverse de l’ordre d’exécution. Mais quand il s’agit de la réprobation, le processus est di࠰érent  le dam suit la faute, non seulement dans le temps, mais aussi logiquement : s’il n’y a pas de raison à la prédestination de Pierre, il y en a une à la réprobation de Judas. Prédestination et réprobation semblent donc impliquer des processus. Vignaux a été frappé par la place que ces sch¢mes occupent dans la théologie de Duns Scot. À ce propos, il reprend l’expression de « psychologie divine » que runschvicg appliquait à la théologie rationnelle de Malebranche et de LeibniU : La théologie de Duns Scot est un essai de psychologie divine, si l’on entend par psychologie un e࠰ort pour décomposer une pensée en plusieurs moments, en développer le processus. (p.Z13).

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C’est le cas de la prédestination. Pour Scot, il y a un ordre interne au vouloir divin : Dieu veut en premier ce qui est le plus proche de lui  par suite, tous les élus sont voulus avant qu’il y ait aucun réprouvé. D’où la division fameuse en quatre moments ou instants de nature, que Scot propose dans l’Opus Oxoniense (l’Ordinatio) : aux deux premiers moments, Dieu veut pour Pierre d’abord la gloire, puis la grâce, alors qu’il ne veut rien pour Judas  au troisi¢me moment, il permet le péché, et d’abord le péché d’Adam, qui fait de l’humanité une masse de perdition  en࠱n au quatri¢me moment, il voit que Pierre, étant prédestiné, sera retiré de cette masse de perdition, alors que Judas, qui ne l’est pas, y demeurera et sera ࠱nalement condamné. Cette conception de la prédestination est supralapsaire –ZVignaux n’emploie pas le terme dans son livre, mais il l’utilisera dans son enseignement ultérieurZ– c’est-à-dire que le choix des élus préc¢de la prévision de la chute originelle, au lieu de la suivre, comme cheU Augustin  ce qui oblige Scot à répondre à l’objection que Dieu fait acception de personne. Objection sans force à ses yeux, car si pour un vouloir créé, la bonté préexistante d’un être est cause qu’on l’aime, à l’opposé, en Dieu, c’est l’amour qui est cause de la bonté de son objet. -este que « la bonté divine, pour Scot, a un caract¢re singulier : elle choisit telle personne sans raison, de mani¢re absolument gratuite » (p. 48). C’est précisément ce que refuse Pierre Auriol, pour qui « le Dieu juste aime d’un amour raisonnable et comme raisonné » (p.Z 46). L’acceptation à la vie éternelle ne vient pas à nos actes comme du dehors, elle répond à leur bonté intrins¢que : la charité est une forme qui, de sa nature même, mérite récompense. Si Dieu pouvait nous justi࠱er sans la charité, il ne nous la donnerait pas, car dans les opérations de la grâce comme dans celles de la nature, il ne faut rien poser de super࠲u : Pierre Auriol utilise ici, contre Scot, ce qu’on appellera le rasoir d’Ockham. La di࠰érence avec Scot éclate dans la doctrine de la prédestination. Pierre Auriol ne nie pas que l’appel à la vie éternelle soit une grâce imméritée. Mais cet appel est universel : l’Apôtre enseigne que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (I Tim, 2, 4). Dieu ne peut pas vouloir le salut de Pierre sans vouloir en même temps celui de Judas. Il o࠰re sa grâce à toute créature raisonnable, comme il fait luire son soleil sur les bons et les méchants. ,u’un homme n’empêche pas cette volonté de salut universel de s’accomplir en lui cette loi, c’est un prédestiné. ,u’un autre y fasse obstacle, Dieu le conna¨t encore, et le voilà réprouvé. La réprobation a une raison positive : le démérite  la prédestination, une raison négative : l’absence de démérite. La nature peut simplement ne pas résister à la grâce. Cette non-résistance n’est pas un acte positif, c’est une pure négation : par là, Pierre Auriol pense échapper au grief de pélagianisme. Il veut « mettre dans l’ordre du salut autant de justice qu’il peut en contenir en demeurant une grâce » (p.Z50). Contre Pierre Auriol et sa th¢se sur la nécessité de l’habitus, Guillaume d’Ockham va défendre Duns Scot. En fait, la Tradition nous l’enseigne, la charité se trouve requise pour la justi࠱cation. Mais il n’y a aucun lien de nécessité entre la grâce et la gloire : la vie éternelle ne présuppose pas la charité  la charité ne requiert pas la vie éternelle. L’ordre du salut est contingent, Dieu l’a établi 195

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librement. Cette liberté de Dieu appara¨t dans le fait qu’il pourrait accorder la vie éternelle à un bon mouvement de notre vouloir, formé par les seules forces de la nature. Ockham reprend ici et développe une th¢se de Duns Scot, à savoir qu’aux actes portés par la charité infuse correspondent, sans di࠰érence essentielle, des actes possibles par les seules forces naturelles. Sans la charité, notre volonté peut aimer Dieu. Du reste, en quoi consiste la bonté propre aux œuvres méritoires ? Ce n’est pas l’habitus qui fait notre mérite, car il agit par nécessité de nature. Sont méritoires seulement les actes volontaires, librement accomplis, que nous pouvions faire ou ne pas faire. Accorder autant à la nature, n’est-ce pas tomber dans l’hérésie de Pélage ? Ockham écarte l’objection. D’apr¢s lui, le fond du pélagianisme est de lier par une nécessité de justice la vie éternelle aux actes moralement bons dont l’homme est naturellement capable. 4 a-t-il dans le prédestiné une cause de sa prédestination et dans le réprouvé une cause de sa réprobation ? Non si l’on entend par cause une chose dont l’existence entra¨nerait celle d’une autre  mais on peut retenir comme causalité la priorité d’une proposition par rapport à une autre dans un rapport de conséquence. De ce point de vue, Ockham accorde l’analyse scotiste de la réprobation, où le péché préc¢de logiquement le dam. En revanche, pour la prédestination, les choses sont plus complexes. Ockham propose de faire deux parts des prédestinés. Les uns sont l’objet d’une grâce spéciale qui les ordonne d’abord à la vie éternelle et les prévient de pécher : ainsi de la Vierge  leur salut est d’abord posé, il n’y a pas de raison à leur prédestination. Les autres sont sauvés à cause de leurs mérites, dont la racine se trouve dans la préparation à la grâce, qui ne tombe pas sous l’e࠰et de la prédestination. De ces conjectures, Vignaux retient surtout ce qui éloigne Ockham de Scot : Il n’y a plus d’ordre intérieur et essentiel à l’amour divin dans la prédestination, mais seulement un ordre tout extérieur et contingent : les uns sont prédestinés à cause de leurs mérites, et les autres avant tout mérite. (p.Z185).

Le dernier ma¨tre étudié est Grégoire de -imini. Comme Scot et Ockham, il soutient que l’habitus de charité, qui de potentia Dei ordinata, c’est-à-dire dans l’ordre actuel des choses, rend l’âme agréable à Dieu en l’informant, n’est de soi ni nécessaire, ni su࠳sant pour l’acceptation à la vie éternelle. Mais sa démonstration met l’accent sur la gratuité des dons divins, elle est un commentaire de la parole de l’Apôtre : Quid habes quod non accepisti ? (I Cor. 4, 7) et de la doctrine augustinienne de la grâce et du mérite, que Grégoire pousse à l’extrême : « De condigno, un acte humain animé de la plus intense charité ne mérite devant Dieu aucune récompense, ni éternelle, ni temporelle » (p.Z147). De condigno, c’est-à-dire en toute rigueur : on est ici à l’opposé de Pierre Auriol, qui faisait tant de place à la justice dans sa théorie de la rétribution, mais Grégoire de -imini ne s’en prend pas moins vivement à Guillaume d’Ockham. Ce dernier croit échapper à Pélage en montrant que les actes moralement bons, formés par les seules forces de la nature (ex puris naturalibus), n’obligent pas Dieu à conférer la vie éternelle. Or pour Grégoire de -imini, qui s’appuie sur l’Écriture et les P¢res, le libre arbitre, même su࠳samment éclairé, ne saurait, de soi, former des actes moralement bons.

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La grâce est une aide divine, adjutorium Dei : c’est un contre-sens de limiter son rôle à embellir la créature, à la faire agréer  elle secourt la nature, impuissante par elle-même à tout bien (p.Z163-164).

La même rigueur se retrouve dans la doctrine de la prédestination et de la réprobation. Impossible d’en rendre compte par la prévision que ferait Dieu du bon ou du mauvais usage du libre arbitre  ni, comme l’imagine Pierre Auriol, par la prévision de l’absence ou de la présence d’un obstacle à la grâce. Grégoire rejette toutes ces tentatives d’explication en s’appuyant exclusivement sur les autorités scripturaires et patristiques. Son argumentation en reçoit un caract¢re original : de spéculative, note Vignaux, la théologie devient positive. Ayant ainsi écarté les opinions « modernes », Grégoire nous laisse devant le myst¢re : De ce bloc homog¢ne où se fond le genre humain, on ne voit aucune raison de retirer celui-ci plutôt que celui-là : le péché, originel ou actuel, ne constitue à aucun degré un mérite. Dieu, cependant, n’abandonne pas tous les ࠱ls d’Adam  en cet abandon consiste la réprobation. Il en choisit certains par un acte tout gratuit pour les sauver : voici la prédestination. Leurs bonnes œuvres et leur bonne volonté même sont l’e࠰et de leur prédestination, un don qui, en justice, n’oblige pas de donner davantage. La vie éternelle, c’est la grâce derni¢re, aussi gratuite que toutes les autres : gratia pro gratia. De l’amour divin à la nature humaine, une pure Miséricorde répond à une impuissance radicale (p. 174-175).

Ces discussions n’ont donc pas seulement pour enjeu une certaine idée de Dieu, elles enveloppent aussi une anthropologie théologique : l’homme de Scot et d’Ockham, capable par ses seules forces naturelles d’actes moralement bons, n’est pas celui de Grégoire de -imini, qui a constamment besoin du secours du Créateur : l’acceptation divine est pour le premier une pure libéralité, pour le second, elle prend un caract¢re de miséricorde. Les textes dont Vignaux se proposait l’examen ne semblaient, à premi¢re vue, que « jeu dialectique 6‫ڎ‬8 exercice d’école, qui ne répondrait point à des nécessités intellectuelles ou à des besoins d’âme » (p. ZVII). Au terme de son e࠰ort, l’historien constate tout naturellement : « Ces luttes abstraites, nous comprenons qu’elles aient ému des hommes vivants » (p.Z177). La conclusion générale de l’ouvrage dé࠱nit une méthode. -elisant ces théologiens, l’historien cherche à « ressaisir leur ‫ڄ‬intuition‫ څ‬du Dieu qui crée, chérit et sauve les hommes » (p.Z180). Mais ce travail exige une rigoureuse soumission à la forme intellectuelle dans laquelle s’exprime cette pensée : Des sentiments animent ces corps abstraits. Signalons seulement le péril qu’il y aurait à les séparer de l’œuvre où ils s’éprouvent et se dé࠱nissent : une théologie ne se réduit pas plus qu’une philosophie à une intuition essentiellement indépendante du langage qui l’exprime 10 (p.Z187).

10. Comme le montre la suite du texte, cette a࠳rmation est expressément dirigée contre l’usage de « la biographie psychologique ». En 1958, dans son « Avant-propos » à Philosophie au Moyen Âge, Vignaux mettra de nouveau en garde contre la tentation « de décrire, d’évoquer la diversité des âmes qui s’expriment dans ces œuvres 6‫ڎ‬8 tâche relativement facile et non dépourvue de charme. Mais quand on veut comprendre des ouvrages de pensée, est-il légitime

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Vignaux ne cessera de répéter cette mise en garde, il en donnera même une expression plus critique encore : L’attention à une attitude d’esprit doit, pour en retenir les caractéristiques, ne pas s’attacher à l’intention ou à l’intuition –Z au sens où ergson envisageait « l’intuition philosophique » – mais à la façon de procéder‫ ڎ‬L’aspect technique des œuvres de l’École est connu, il les fait asseU décrier  notre tâche d’historien est de les comprendre, en théologie même 11.

II Dans son recueil d’études intitulé Luther commentateur des Sentences, paru en 1935, Paul Vignaux est revenu sur certains des probl¢mes qu’il avait traités dans son premier livre, en analysant cette fois l’opposition de Luther à Gabriel iel. Il les a évoqués de nouveau un peu plus tard, en un raccourci particuli¢rement dense et suggestif de son ouvrage sur La pensée au Moyen Âge, devenu par la suite Philosophie au Moyen Âge 12. Le résumé porte sur deux points : les discussions relatives à l’essence de la justi࠱cation, dont l’enjeu est présenté, et les divergences en mati¢re d’anthropologie qui s’y trouvent impliquées. D’une remarque faite en passant, retenons cette formule, qui dé࠱nit admirablement le sens de la démarche entreprise par Vignaux pour rendre intelligibles des textes à l’abord si ingrat : « Ces doctrines abstraites touchent au fond de la vie religieuse 13. » Le même chapitre est l’occasion d’introduire un développement sur « l’humanisme médiéval », th¢me hérité en partie de Gilson 14. Signe discret d’une in࠲exion doctrinale, les distances que Vignaux prend désormais à l’égard des vues de -udolf Otto, apparemment trop imprégnées de luthéranisme, alors que

d’extraire, de séparer l’inspiration du corps doctrinal qu’elle anime, de la forme technique où elle s’est dé࠱nie ? » (Philosophie au Moyen Âge, Paris 1958, p. 6  ibid., 1987, p. 60  ibid., 2004, p. 90). La biographie psychologique n’est plus gu¢re aujourd’hui une tentation pour les médiévistes, mais le risque de séparer une pensée de la forme où elle s’exprime ne menacet-il pas certains spécialistes de l’histoire des sensibilités ou, comme on disait nagu¢re, des mentalités ? 11. P. VIGNAUX, « Histoire des théologies médiévales », Problèmes et méthodes d’histoire des religions, p.Z 225  I D., De saint Anselme à Luther, p.Z 17. Dans 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK (p.Z180), Vignaux se réclamait au contraire, on vient de le voir, de « la méthode d’interprétation que M. ergson a proposée pour les philosophies : il faudrait ressaisir leur ‫ڄ‬intuition‫ څ‬du Dieu qui crée, chérit et sauve les hommes ». 12. ID., La pensée au Moyen Âge, Paris 1938, chap.Z VI, « Aspects des XIVe et XVe si¢cles », p. 199-205  I D., Philosophie au Moyen Âge, 1958, p. 216-222  ibid., 1987, p. 234-239  ibid., 2004, p. 269-275. 13. ID., La pensée au Moyen Âge, 1938, p. 202 ZID., Philosophie au Moyen Âge, 1958, p. 218  ibid., 1987, p. 236  ibid., 2004, p. 271. 14. I D., La pensée au Moyen Âge, 1938, p.Z204  I D., Philosophie au Moyen Âge, 1958, p. 220  ibid., 1987, p. 237  ibid., 2004, p. 273 : « Tenons avec M. Gilson, pour ‫ڄ‬le résultat essentiel de la pensée médiévale‫ څ‬l’a࠳rmation d’une ‫ڄ‬bonté intrins¢que‫ څ‬active, e࠳cace, de la nature, principalement en l’homme », Pour la référence à Étienne GILSON, cf. en particulier L’esprit de la philosophie médiévale, Paris 19482 (19321), chapitre VI, « L’optimisme chrétien » p. 110-132.

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'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK renvoyait plusieurs fois au cél¢bre ouvrage sur )B࢙0>@O£ En 1934, citant certaines formules d’Otto, Vignaux notait : Nos théologies de la justi࠱cation et de la prédestination apparaissent comme des doctrines de cette Puissance devant laquelle tout être ࠱ni éprouve le sentiment « de n’être qu’une créature », pour ainsi dire rien : « c’est un sentiment de souveraineté absolue (de l’„tre divin) qui forme le point de départ de la spéculation » (p.Z189, note).

,uelques années plus tard, ce jugement est récusé, au moins pour Scot et ses successeurs comme Ockham et iel : Les philosophes de la religion ne voient d’ordinaire dans le fait d’être créé qu’un aspect négatif, une leçon de dé࠱cience : la découverte de notre ࠱nitude, de notre quasi-néant devant l’In࠱ni. CheU le grand Docteur franciscain 6Duns Scot8, ce sentiment de constituer une créature présente pour l’homme un aspect positif, lui apporte une leçon de force et de dignité. 6‫ڎ‬8 Deux si¢cles avant Luther, cette métaphysique optimiste est orientée en sens opposé de toute doctrine qui, avec le -éformateur, tiendrait la nature humaine pour viciée à fond, vraiment corrompue par le péché originel 15.

L’insistance sur le diptyque Scot-Luther tend à rejeter désormais à l’arri¢replan les ࠱gures de Pierre Auriol et de Grégoire de -imini, mais ce schéma o࠰re l’avantage de faire ressortir ce qui relie Luther à ses prédécesseurs et ce qui l’oppose à eux. Le même antagonisme entre le Docteur subtil et le -éformateur réappara¨t à propos de la doctrine de l’acceptatio. Sur ce sujet, les travaux de Paul Vignaux demeurent un de ses apports les plus neufs à l’histoire doctrinale. Dans l’un des derniers articles qu’il a consacrés à Duns Scot, il en résumait ainsi les conclusions : L’acceptatio, c’est la grâce incréée, Dieu même qui se donne. Cette notion de la grâce qui est Dieu, et non pas essentiellement du moins une force qu’il peut seul donner, mais autre que Lui, éclaire la doctrine de Scot, son in࠲uence sur la théologie nominaliste et la -éforme de Luther. Écartant l’habitus infus, don créé, le -éformateur s’attachera dans le Christ à un Dieu « don absolu », mais conçu immédiatement en rapport avec l’homme pécheur 6‫ڎ‬8. La divergence porte sur la mise en place du péché dans la conception d’une anthropologie théologique 16.

Alors que La pensée au Moyen Âge et sa réédition remaniée faisaient ainsi une place à la question de la justi࠱cation, rien, en revanche, n’y était rapporté des discussions sur la prédestination. Apr¢s son livre de 1934, Vignaux n’est d’ailleurs jamais revenu sur Grégoire de -imini  quant à Pierre Auriol et Guillaume d’Ockham, c’est à d’autres aspects de leurs enseignements qu’il s’est attaché. On aurait tort, toutefois, d’en conclure que les analyses de 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQF-

15. P. VIGNAUX, La pensée au Moyen Âge, 1938, p. 204  ID., Philosophie au Moyen Âge, 1958, p. 221  ibid., 1987, p. 238  ibid., 2004, p. 273. 16. I D., « Lire Duns Scot aujourd’hui », publié initialement dans Regnum hominis et Regnum Dei. Acta quarti congressus scotici internationalis (1976), -ome 1978, p. 33-46  repris à la ࠱n de la réédition de Philosophie au Moyen Âge, Albeuve 1987, p. 243-265 (voir p. 256).

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nation sont aujourd’hui négligeables, même si elles doivent être complétées ou sur certains points révisées. 0n exemple signi࠱catif est celui des discussions autour de l’interprétation d’Ockham. Celui-ci admet, on l’a vu, deux modes de prédestination : « Pour les uns, une raison  pour les autres, pas de raison d’être prédestiné  tout cela sans autre raison que la volonté même de Dieu » (p.Z137). La raison d’être prédestiné est tirée des œuvres moralement bonnes qui préparent à la grâce. Vignaux conclut ainsi : Les modes de la prédestination apparaissent comme de simples faits. En tout cela, une législation librement posée, de potentia ordinata. Par cette contingence, par cette liberté, nous découvrons au principe de la grâce comme de la nature un acte absolument gratuit, qui se fond et se perd, pour ainsi dire, dans l’essence divine, ab¨me de simplicité ‫ڎ‬. (p. 139).

Dans son ouvrage, aujourd’hui classique, sur Gabriel iel, The Harvest of Medieval Theology, Oberman a vivement critiqué cette analyse : Vignaux ne voit pas, déclare-t-il, qu’au royaume de la potentia ordinata, cette décision gratuite dispara¨t dans la r¢gle de justice 17. Peut-on encore parler d’incompréhensibilité divine pour une doctrine où l’homme mérite (de congruo) la justi࠱cation ? Il y a dans cette réaction la marque ࠲agrante d’une di࠰érence de sensibilité : Oberman, théologien réformé, est immédiatement frappé par la saveur pélagienne de l’opinion d’Ockham  au contraire, Vignaux voit d’abord dans le contraste entre Scot et Ockham une di࠰érence de « technique » intellectuelle (p.Z139), à savoir l’abandon résolu, cheU le second, de toute tentative de distinguer dans le vouloir divin une série d’instants, susceptibles d’y introduire quelque intelligibilité. Ensuite de quoi, il note ce qu’il y a d’arbitraire à juxtaposer, comme une simple donnée de fait, deux modes de prédestination. Mais plutôt que de rattacher ce dernier point de doctrine à une certaine intuition de Dieu où « le vouloir divin, fondu dans l’essence, reste incompréhensible » (p.Z188), peut-être conviendrait-il d’y voir simplement l’héritage de théories courantes depuis le XIIIe si¢cle et dont les tendances semi-pélagiennes paraissent indéniables 18. Si la présentation de la doctrine de la prédestination cheU Ockham appelle ainsi quelques compléments critiques, il est en revanche remarquable que les développements consacrés à Grégoire de -imini gardent toute leur pertinence.

17. H. A. OBERMAN, The Harvest of Medieval Theology, Gabriel Biel and Late Medieval Nominalism, Cambridge 1963, p. 210 : « It is remarkable that Vignaux has so Rell noted that God’s gracious decision indeed disappears in the abyss of his being, Rhile he fails to see that this gracious decision equally disappears –Zin the realm of the potentia ordinataZ– in the rule of justice. » 18. Les analyses de 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK prennent un nouveau relief quand on replace dans la longue durée les discussions étudiées par Vignaux : mise en perspective que l’état de la recherche ne permettait pas au début des années 1930. À cet égard, l’ouvrage pionnier d’H. BOUILLARD, Conversion et grâce chez saint Thomas d’Aquin. Étude historique, Paris 1944, reste précieux pour saisir comment l’introduction du concept aristotélicien d’habitus pour dé࠱nir la grâce, ainsi que le développement corrélatif des théories de la préparation à la grâce (ou à la justi࠱cation) ont favorisé, à partir du XIII e si¢cle, l’éclosion de formules et d’opinions semi-pélagiennes qui ont atteint leur apogée au XIVe si¢cle.

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Le fait mérite d’être noté, car malgré les progr¢s de l’érudition, certains travaux récents sur cet auteur nous paraissent loin d’atteindre à la même exactitude. On a vu que, selon Pierre Auriol, il existe une symétrie entre prédestination et réprobation : toutes deux reposent sur la prévision, faite de toute éternité, de la présence ou de l’absence d’un obstacle ࠱nal à la grâce – obstacle qu’il serait au pouvoir de la volonté humaine de ne pas poser. S’opposant explicitement à Pierre Auriol, Grégoire de -imini reprend cette symétrie entre prédestination et réprobation, mais pour a࠳rmer au contraire que ni l’une ni l’autre ne dépend de cette prévision. L’interprétation de cette th¢se donne lieu à des contresens fréquents, entretenus par le terme de double prédestination 19. Or la gemina praedestinatio, source de tant de discussions à l’époque de Gottschalk, n’appartient pas au vocabulaire courant de la théologie à la ࠱n du Moyen࢙ Âge –Z et c’est heureux, car cette expression ne se su࠳t pas à elle-même (prédestination à quoi ?)  faute d’autres précisions, elle semble donc introduire en Dieu une égale volonté de sauver ou de damner avant toute considération des œuvres futures. On lit par exemple, cheU un récent interpr¢te, que selon Grégoire de -imini Dieu a de toute éternité « la volonté active de damner certains avant de prévoir leurs péchés futurs 20 ». C’est là confondre réprobation et damnation, volonté de ne pas faire miséricorde (nolle misereri) et volonté de punir. Non seulement Vignaux, lecteur attentif des textes, n’est pas tombé dans ce pi¢ge, mais il a soigneusement cité les passages où le théologien augustin s’explique sur ce point : Grégoire de -imini distingue réprouver de punir : la peine est la conséquence d’un péché ou d’une culpabilité, dont la réprobation n’est point la cause. Celle-ci ne consiste point à mettre la malice dans le réprouvé, mais à ne point le mouvoir par grâce à bien agir (p.Z172).

Le réprouvé est laissé dans la massa vitiata, abandonné, sans injustice, à la corruption de son libre arbitre : pour un augustinien strict comme Grégoire, la prédestination et la réprobation sont en e࠰et logiquement postérieures au péché originel  elles sont infralapsaires. Cela ne signi࠱e nullement que « Dieu damne sans égard au péché 21 ». -iche de ces précisions, le chapitre de 'RPQFࠩ@>QFLKBQ

19. H. A. OBERMAN, Archbishop Thomas Bradwardine. A Fourteenth-Century Augustinian, 0trecht 1958, p. 219 : « Gregory teaches the tRofold predestination : cuius vult miseretur et quem vult indurat (Rom. 9, 18). One must not use God’s prescience as an explanation for His election of some and condemnation of others. » Même formule cheU G. L EFF, Gregory of Rimini, Manchester 1961, p. 204 : « In these diverse Rays Gregory underlines the salient feature of his doctrine : the double predestination. Neither salvation nor damnation has a cause beyond God’s Rilling. » 20. J. L. HALVERSON, Peter Aureol on Predestination. A Challenge to Late Medieval Thought, Leyde 1998, p. 8 : « In addition to actively deciding to save particular people, God possesses an eternal, intrinsic and active Rill to damn particular people before foreseen sins. » C’est ce dessein positif de damner certains individus qui dé࠱nit, selon cet auteur, « la double prédestination au sens fort », qu’il appelle double-particular electionZ(ibid.) : « Double-particular election claims that God has a positive elective purpose to damn certain individuals. » 21. J. L. HALVERSON, Peter Aureol on Predestination, p. 2-3 : « Gregory of -imini argued that God both saves Rithout regard to merit and damns Rithout regard to sin. »

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Jean-François Genest

prédestination sur Grégoire de -imini reste une des meilleures études qui aient été faites de ce docteur. Mais c’est surtout à éclaircir la pensée de Duns Scot que Vignaux s’est attaché. Dans les années qui ont suivi la publication de son livre en 1934, sa ré࠲exion a été stimulée par la lecture de deux ouvrages marquants, dûs l’un au théologien catholique Hermann SchRamm, l’autre au théologien protestant 2olfhart Pannenberg. Apr¢s un premier travail consacré à Jean de -ipa, SchRamm avait publié en 1934 une étude originale sur la prescience divine cheU Duns Scot et ses premiers disciples 22 . Il y a࠳rmait que Scot, en donnant un fondement volontariste à la prescience divine des actes libres de l’homme, était le véritable précurseur des thomistes modernes qui, tel a«eU (‫ ڈ‬1604), devaient soutenir, contre la science moyenne des jésuites, la doctrine des décrets prédéterminants. A࠳rmation paradoxale, encore qu’on en trouve déjà l’amorce cheU Molina lui-même et qu’elle soit liée aux querelles théologiques du catholicisme post-tridentin. Dans le livre de SchRamm, elle mettait en évidence la di࠳culté qu’il y a à concilier ce « déterminisme théologique » avec l’insistance de Scot sur la liberté de l’homme. L’autre ouvrage, dont la lecture critique a été beaucoup plus importante pour Paul Vignaux, est celui de Pannenberg sur la doctrine scotiste de la prédestination, publié en 1954 23. Ce travail marquait à ses yeux un net progr¢s dans la compréhension de Scot, en montrant qu’il était impossible de réduire à une succession logique la suite des moments (instantia naturae) discernables dans l’acte divin de prédestination et de réprobation : « Envisagé dans son ensemble, le processus de prédestination et de réprobation ne renvoie pas à l’unité d’un principe, mais à deux postulats 24. » Le premier est la th¢se de l’élection gratuite à la béatitude, pensée en termes supralapsaires  le second, maintenu par Scot jusqu’à la ࠱n, est le principe que Dieu ne peut être l’auteur du péché : « Non prius est Deus ultor quam aliquis sit peccator ». Le premier postulat para¨t cheU Scot solidaire d’une vision déterministe, tandis que le second en prend le contre-pied, notamment dans l’analyse du concours divin. « Ces données 6‫ڎ‬8 Duns Scot les réunit sans pouvoir les lier déductivement 25. » Vignaux pensait qu’il était impossible de les uni࠱er à moins de concevoir une co©ncidence entre la contingence de l’action humaine et la

22. H. SCHWAMM, Das göttliche Vorherwissen bei Duns Scotus und seinen ersten Anhängern, Innsbruck 1934. 23. 2. PANNENBERG, Die Prädestinationslehre des Duns Skotus im Zusammenhang der scholastischen Lehrentwicklung, G°ttingen 1954. Paul Vignaux s’est exprimé à plusieurs reprises sur les travaux de cet universitaire, notamment en 1976 au 4e Congr¢s international scotiste, texte reproduit dans « Lire Duns Scot aujourd’hui », à la suite de Philosophie au Moyen Âge, Albeuve 1987, p. 252-253, et dans la conférence « Histoire de la pensée médiévale et probl¢mes théologiques contemporains », qu’il prononça durant l’année qui précéda sa mort au cours d’un colloque tenu à Naples en l’honneur de Pannenberg (texte à la ࠱n de la réédition de 2004 de Philosophie au Moyen Âge, p. 277-293). 24. « Lire Duns Scot aujourd’hui », dans Philosophie au Moyen Âge, p. 253. 25. Ibid., p. 253.

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prima contingentia issue de la volonté divine, dans une concomitance exclusive de toute prédétermination 26. 0ne des conditions de cette synth¢se serait que les futurs contingents ne prennent pas, au regard de Dieu, l’actualité d’un présent ni la ࠱xité d’un passé, th¢se qui va au-delà même de l’axiome : « praedestinatio non transit in praeteritum. » Curieux du traitement logique d’un probl¢me théologique, Vignaux s’intéressait aux nouvelles orientations de la recherche : elles allaient précisément dans ce sens comme en témoigne la Cambridge History of Later Medieval Philosophy, publiée en 1982. À cette date, il avait déjà attiré l’attention de ses auditeurs sur le probl¢me connexe de la révélation des futurs contingents, tant débattu à Oxford, puis sur le Continent, par les théologiens post-ockhamistes : la recherche des sources anglaises de Jean de -ipa fut l’occasion de ce tournant. Les derniers séminaires de Paul Vignaux renouaient ainsi avec quelques-unes de ses premi¢res interrogations, mais en les abordant sous un angle nouveau et en intégrant les résultats d’un demi-si¢cle de recherches.

26. Ibid., p. 254.

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PAUL VIGNAUX ET LES SOURCES DE LA RÉFORME*

Philippe BÜTTGEN Professeur à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne

Soixante-quinUe ans apr¢s, le livre de Paul Vignaux sur Luther commentateur des Sentences (1935) permet d’envisager la réouverture prochaine du vieux dossier des sources « scolastiquesZ» de Luther. C’est ce que je voudrais montrer ici, en mêlant la prospective à l’historiographie. Pour des raisons plus ou moins avouables, les études luthériennes ont cessé de citer Vignaux à partir des années 1970. Et pourtantZ: ceux qui se sont penchés sur la question controversée des initia Lutheri auront été d’autant moins capables de remplacer Vignaux sur ce point qu’ils se seront rarement confrontés à ce qu’il aurait pu leur apporter. LeZré࠲exe confessionnel a parfois joué, celui-là même que Vignaux s’était fait, tr¢s solitairement au début des années trente, un devoir d’ignorer. Il faudra ici essayer de comprendre ce que signi࠱e, dans l’ordre du savoir et de la recherche historiques, surmonter les habitudes de confessionnalisation, non seulement pour l’intérêt que cette question peut par elle-même présenter, mais aussi parce qu’elle permet de rendre tr¢s précisément compte de ce que Vignaux a cherché à faire en lisant Luther. On se concentrera donc sur l’e࠰ort ou la tendance de Vignaux, pour reprendre le vocabulaire bergsonien qu’il a࠰ectionnait dans les années 1930 1, pour briser la barri¢re qui s’était abattue, d¢s ses débuts autour de 1900, sur l’étude des sources théologiques du -éformateur. L’enquête assumera avec nécessité son caract¢re historiographique, tant il est vrai que le malentendu fondamental entre les théologies de la -éforme et les théologies de l’École ne pourra être formulé qu’à condition de

* Version revue de Ph. BÜTTGEN, Luther et la philosophie. Études d’histoire, Paris 2011, ch.ZVI, p.Z193-225. 1. P. VIGNAUX, )RQEBO @LJJBKQ>QBRO ABP 0BKQBK@BP IFSOB࢙ &  AFPQFK@QFLK࢙ 53&&, Paris 1935, p. 33Z: la fragmentation des notes du Luther sententiaire contraint à dégager « moins une th¢se qu’une tendanceZ» (cf.Zaussi p. 36). Les travaux de et sur Vignaux sont rassemblés et présentés dans l’édition de Philosophie au Moyen Âge procurée par -. IMBACH, Paris 2004. L’ouvrage de -. STAUFFER, Le catholicisme à la découverte de Luther. L’évolution des recherches catholiques PRO)RQEBOAB >Re Concile du Vatican, Neuchâtel – Paris 1966, ne consacre qu’un bref paragraphe (p. 92) aux recherches de Vignaux, président de la Section des sciences religieuses de l’École pratique des hautes études où l’auteur enseignait au moment de la parution de son livre.

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Philippe Büttgen

dépasser les formes sous lesquelles il s’est entre-temps perpétué, dans d’autres types de scolastique. Paul Vignaux en 1935 Luther commentateur des Sentences marque un double point de départ. IlZinaugure d’abord cheU Vignaux une série d’études sur Luther parues dans un laps de temps de vingt-cinq ansZ: il sera suivi des deux articles de 1950 et 1959, « Sur Luther et OckhamZ» et « Luther lecteur de Gabriel ielZ», l’un et l’autre repris à la ࠱n du recueil De saint Anselme à Luther en 1976 2. Je reprendrai plus loin cette chronologie, qui explique en grande partie la position singuli¢re des travaux de Vignaux dans les études luthériennes. Auparavant, il faut souligner une deuxi¢me propriété du Luther, qui fait de lui non seulement le point de départ d’une ligne de travaux parmi d’autres –ZnombreusesZ– dans l’œuvre de Vignaux, mais le point de départ de Vignaux lui-même, le moment de la mise au point de sa méthode d’historien des doctrines théologiques médiévales. Pour le montrer, nous disposons d’une série de faits. Il faut ici rappeler l’étroitesse du lien qui rattache Luther commentateur des Sentences à l’étude sur 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>RXIVe siècle, parue l’année précédente, en 1934, dans la «Ziblioth¢que de l’École Pratique des Hautes ÉtudesZ» 3. LaZsolidarité des deux projets est attestée par l’Annuaire de l’EPHE où Vignaux, pour résumer sa conférence de l’année universitaire 1933-1934, indique qu’« au centre de 6ses8 recherches, comme de celles de l’année précédenteZ » s’est trouvée « la doctrine des Sentences sur la vertu de charité (livre I, distinction XVII) et les commentaires qui lui ont été donnésZ». La suite donne un résumé ࠱d¢le de ce qui deviendra, en 1935, le Luther 4 . Pour le rapport sur l’exercice 1932-1933, dans lequel Vignaux est encore désigné comme « suppléantZ» d’Étienne Gilson, c’est une conférence sur )>AL@QOFKBABI>GRPQFࠩ@>QFLK>S>KQ)RQEBO࢙IBXIVe siècle qui est résumée 5. Cet « avant LutherZ» dit beaucoupZ: il trace la perspective, désigne le but, exactement comme le fera la premi¢re page de 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABP-

2. ID., « Sur Luther et OckhamZ », Franziskanische Studien 32 (1950), p. 21-32  ID.,« Luther lecteur de Gabriel iel (Disputatio contra scholasticam theologiam, 5-19  &&&࢙0BKQ , d.ZXXVII, q.Z u.Z a.Z 3, dub.Z 2)Z », Église et théologie (mars 1959), p. 33-52, repris dans De saint Anselme à Luther, Paris 1976, p. 451-460 et 461-480. 3. ID., 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK >R XIVe siècle. Duns Scot, Pierre d’Auriole, Guillaume d’Occam, Grégoire de Rimini, Paris 1934. 4. KKR>FOB AB I‫"ٽ‬-%"࢙ 43 61934-19358 (1935), XIV, « Histoire des doctrines et des dogmesZ », p. 52-53, « Luther et la conception médiévale du mérite (1509-1517)Z» (pour l’exercice 1933-1934). 5. Annuaire de l’EPHE 42 61933-19348 (1934), p. 56. Vignaux fait réappara¨tre cet intitulé dans l’avant-propos de 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK (p. Z VIII), au moment de rappeler la provenance de ses « leçonsZ». Il faut noter que, pour l’année 1931-1932, c’est Étienne Gilson lui-même qui résumait des « Études sur LutherZ» au titre de sa « conférence du mardiZ». Le propos est typiquement gilsonien (négation par Luther de la « persistance d’une nature, blessée par le péché originel mais guérissable par la grâceZ», cf. infra, n. 61), mais l’arc des textes parcourus est celui que reprendra Vignaux, des notes sur Pierre Lombard à la Disputatio contra scholasticam theologiam (Annuaire de l’EPHE 41 61932-19338 619338, p. 64).

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Paul Vignaux et les sources de la Réforme

tination en disant que « de la connaissance de ces époques obscures 6lesZ XIVe etZXVe si¢cles8 dépend peut-être notre intelligence de Luther 6Z». Cette premi¢re esquisse met en place une méthode, qui derri¢re la positivité des textes recherche le fait proprement doctrinal, seul à même de guider les comparaisons. Par là, Vignaux entend réaliser deux avancées, vers les « époques obscuresZ» des XIVe-XVe si¢cles et vers Luther, simultanément 7. Certes la conclusion de 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK semble reculer devant l’objectif initialZ: « Inutile de conclure en parlant de LutherZ: on ne franchit pas, d’un bond, un si¢cle et demi d’histoire 8.Z» Mais c’est reculer pour mieux sauterZ: leZnouveau « bondZ» en avant est accompli un an plus tard, dans le Luther, et l’on peut dire que l’objectif est alors rempli, ou plutôt –Zpour laisser leur place aux lectures ultérieures, jusqu’aux années 1950Z– qu’il commence à l’être. En 1935, Vignaux en est arrivé à Luther, ce qu’il avait d’emblée annoncé. Nous pouvons maintenant caractériser plus précisément la relation entre le Luther et l’ouvrage qui l’a précédé. Deux éléments entrent en jeu dans l’enquêteZ: son objet d’abord, et les rythmes que Vignaux choisit de suivre pour le dévoiler. Dans le premier cas, il faudra parler d’une identité dans les objets retenus par les deux livres, objet conceptuel ou problématique d’une part (la doctrine de l’habitus de charité), objet textuel de l’autre (premier livre des Sentences, distinctionZ XVII). C’est cet entrecroisement du textuel et du conceptuel que Vignaux désigne à l’aide d’un terme repris de ergson, celui de « ligne de faitZ», qui renvoie à la « repriseZ» d’un « probl¢meZ» et à la « continuité des pensées 9Z». Le deuxi¢me élément a trait à l’avancée dans le temps ou, à nouveau, dans la pluralité des temps, ceux des « faitsZ » mis en « ligneZ ». Si la publication du Luther commentateur des Sentences o࠰re l’occasion de « compléter notre précédente étudeZ » à propos d’Occam 10, elle enrichit surtout cette étude de deux nouveaux auteurs, Gabriel iel et Pierre d’Ailly. Par là, Vignaux poursuit en direction des théologies du XVe si¢cle le travail de percée que 'RPQFࠩ@>QFLKBQ prédestination avait provisoirement clos sur l’œuvre de Grégoire de -imini 11. Ce constat permet de reconstruire le schéma chronologique que Vignaux construit dans ses deux ouvrages de 1934 et 1935. Apr¢s avoir annoncé Luther, 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK avance dans le temps, au rythme des réfutations

6. P. VIGNAUX, 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>RXIVe siècle, p. 1. 7. Ibid.Z: « On ne les conna¨tra point 6les « époques obscuresZ» mentionnées à l’instant8 en tirant de l’oubli quelques textes épars qui para¨traient comparables à tel ou tel passage du -éformateur  le contexte demeurant inconnu, les rapprochements mêmes seraient arbitraires  il faut étudier les doctrines qui ont précédé la -éforme, pour elles-mêmes, sans autre préoccupation que de les comprendre.Z» 8. Ibid., p. 177. 9. Ibid., p. 4 et 7, cf. ERGSON L’Énergie spirituelle, dans ID., Œuvres. Édition du centenaire, Paris 1959, p. 817-818. Sur le bergsonisme de Vignaux, voir encore dans 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK au XIVe siècle, p. 180 l’emprunt à La Pensée et le mouvant et à l’idée d’une « intuition » fondamentale en chaque philosophie. 10. P. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences, p. 82. 11. ID., 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>R XIVe siècle, chap. IV, p. 141-175Z: « Grégoire de -imini antipélagienZ».

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Philippe Büttgen

qui se succ¢dent « à l’intérieur de l’École 12Z»Z: apr¢s Pierre Lombard et Duns Scot, la progression relie Scot à Grégoire de -imini à travers Pierre d’Auriole, Occam et les critiques adressées par chacun à son prédécesseur. C’est en sens exactement inverse que le Luther, dans sa deuxi¢me partie (« Les commentateurs nominalistesZ »), proc¢de avec les nouveaux auteurs qu’il introduit. On recule cette fois de iel vers Pierre d’Ailly et de Pierre d’Ailly vers Occam, tout en conservant l’acquis des réfutations successives reconstituées dans 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK, « rétablissementsZ» ou rééquilibrage doctrinaux, comme Vignaux les désigne désormais 13. Entre les deux livres, c’est-à-dire, si l’on veut, entre la procession Scot-Grégoire d’un côté et la récession iel-Occam de l’autre, la charni¢re est fournie par Luther, dans la premi¢re partie du Luther commentateur des Sentences, « En lisant Pierre LombardZ». Le parallélisme est frappant avec le premier chapitre de 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK, « EnZmarge de Pierre LombardZ», et fait ressortir une décision historiographique importante cheU Vignaux, qui pour lire Luther lit le Lombard comme un auteur doté d’une intention propre, et non pas simplement, selon l’habitude, comme un réservoir de lieux et d’arguments pour commentaires ultérieurs. C’est cette décision sans doute qui aura permis à Vignaux de s’immerger le premier dans le dédale des notes prises par le jeune Luther, en 1509-1510, en marge de son exemplaire des Sentences 14. À cela s’ajoutent un autre parall¢le et une autre décisionZ: les deux livres ont chacun en réalité deux points de départ, qui sont les mêmes, à savoir Pierre Lombard et Duns Scot. Scot est toujours mis en premi¢re place par Vignaux dans les séries qu’il construit des lecteurs du Lombard, aussi bien en 1934, où Vignaux enjambe sans le dire saint Thomas et sa doctrine de l’habitus de

12. ID., Luther commentateur des Sentences, p. 91. 13. Ibid., p. 48 et 51, sur iel et, respectivement, la position d’un meritum de condigno et la limitation des mérites humains, à partir de la sentence augustinienneZ : « Cum coronat Deus merita nostra, nihil aliud coronat quam munera sua. » Dans la méthode de Vignaux, le terme de « rétablissementZ» fait syst¢me avec ceux de « renversementZ» (ibid., p. 52), « recti࠱cationZ» (ibid., p. 68) et « redressementZ» (« Sur Luther et OckhamZ», p. 454). 14. Les notes de Luther sur les Sentences de Pierre Lombard ont été découvertes en 1889-1890 et éditées d¢s 1893 par Guido uchRald au tome 9 de la Weimarer Ausgabe. J. 2IENEKE leur a consacré une th¢se asseU descriptive, Luther und Petrus Lombardus. Martin Luthers Notizen >KIž™IF@EPBFKBO3LOIBPRKD¶?BOAFB0BKQBKWBKABP-BQORP)LJ?>OARP"OCROQ  , St. Ottilien s.d. 6avant-propos daté de l’automne 19948, qu’on pourra consulter pour l’analyse de la bibliographie relativement maigre existant sur ce texte. Outre L. MURPHY, « The Prologue of Martin Luther to the Sentence of Peter Lombard (1509). The Clash etReen Philosophy and TheologyZ», Archiv für Reformationsgeschichte 67 (1976), p. 54-75, il existe une étude tr¢s analytique par -. SAARINEN, « Ipsa dilectio deus est. Zur 2irkungsgeschichte von & ࢙0BKQ Dist.Z17 des Petrus Lombardus bei Martin LutherZ», dans T. MANNERMAA et al. (dir.), Thesaurus Lutheri. Auf der Suche nach neuen Paradigmen der Luther-Forschung, Helsinki 1987, p. 185-204. Sur cette question cheU Pierre Lombard, voir P. 2. -OSEMANN, « Fraterna dilectio est Deus. Peter Lombard’s Thesis on Charity as the Holy SpiritZ», dans Th. A. !. KELLY, Ph. 2. ROSEMANN (dir.), Amor amicitiae. On the Love that is Friendship. Essays in Medieval Thought and Beyond in Honor of the Rev. Professor James McEvoy, Louvain 2002, p. 409-436, qui contient une traduction anglaise et un commentaire de I. Sent. XVII.

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Paul Vignaux et les sources de la Réforme

charité 15, que dans le Luther, qui fait le pari que la critique de cette doctrine même ne pourra être reconstituée qu’à l’aide des remarques par lesquelles le jeune sententiaire semblait contester la spéculation trinitaire de Scot, àZcommencer par sa compréhension du frui Trinitate augustinien 16. Tous ces parall¢les, qui font des livres de 34 et 35 des livres jumeaux, conçus ensemble, soulignent encore la place de Luther au centre du dispositif historiographique de Vignaux. Ils con࠱rment aussi l’extrême sophistication de ce dispositif, qu’on pourra caractériser, dans son ࠲ux et re࠲ux, comme la mise au point d’un usage historien du mouvement rétrograde du vraiZ: un bergsonisme appliqué au fait doctrinal. f Salut par la Charitéࢩvࢩ: entre HarnacH et Deni࠳e La question autour de laquelle Vignaux réunit tous ses auteurs est celle de la nécessité et de la place, dans le processus de justi࠱cation de l’homme devant Dieu, d’un habitus créé de charité, amour de Dieu et du prochain qui rend l’action méritoire. Pour introduire à son environnement historiographique au

15. P. Vignaux, dans Luther commentateur des Sentences cite l’étude de J. SCHUPP, Die Gnadenlehre des Petrus Lombardus, !reiburg i. r. 1932, mais délaisse les travaux contemporains sur l’habitus de charité cheU saint Thomas, notamment la controverse qui opposa !. ZIGON (« Der egri࠰ der ‫ڄ‬Caritas‫ څ‬bei Petrus Lombardus und der hl. Thomas », Divus Thomas 34 619268, p.Z 404-424 à J. STUFLER (« Petrus Lombardus und Thomas von Aquin ¶ber die Natur des ‫ڄ‬Caritas‫» څ‬, Zeitschrift für katholische Theologie 51 619278, p. 399-408). Je dois ces références à l’aide généreuse d’Adriano Oliva. La présence tr¢s discr¢te de saint Thomas dans l’enquête de Vignaux vaut évidemment manifeste des intentions historiographiques de l’auteur. Pour l’essentiel, la doctrine de l’Aquinate sur l’habitus de charité (THOMAS D’AQUIN, Somme théologique, IIa IIae, q. 23, a. 2) émerge enveloppée dans les objections d’Occam à Pierre d’Auriole (cf. 'RPQFࠩ@>QFLK et prédestination au XIVe siècle, p. 113-116 et plus bri¢vement encore Luther commentateur des Sentences, p. 75-76). Pour une autre mise en place de la question de l’habitus cheU Thomas, voir J.-. RENET, « Habitus de science et subjectité. Thomas d’Aquin, Averro¢s (I) », dans Ch. ERISMANN, A. SCHNIEWIND (dir.), Compléments de substance. Études sur les propriétés >@@FABKQBIIBPLࠨBOQBPšI>FKAB)F?BO>, Paris 2008, p. 325-344. 16. P. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences, p. 16-30, avec cette esquisse de programme, p. 17, n. 3Z : « On pourra considérer le présent travail comme un premier apport de matériaux pour une confrontation Luther-Duns ScotZ». Cf.Zaussi ID., Philosophie au Moyen Âge, p. 81-82, témoignage de Vignaux en 1987 sur ses « études scotistesZ» de l’avant-guerre et l’incidence de Luther, et dans la conférence de la même année, « Histoire de la pensée médiévale et probl¢mes théologiques contemporainsZ», p. Z279-283, le récit d’une « double rencontreZ: avec Jean Duns Scot, avec Martin LutherZ». Le programme de « confrontation Luther-Duns ScotZ» contraint Vignaux à a࠳ner d’emblée la méthode qu’il venait de mettre en placeZ: la concession initiale –Z« nous ne prétendons pas que Luther ait précisément lu les textes de Duns Scot que nous citonsZ»Z– am¢ne à considérer « l’ensemble de la doctrine scotisteZ» de façon à « discerner en࠱n ce que Luther a saisi ou sentiZ ». Le primat du fait doctrinal sur le travail de repérage des témoins textuels est ici encore plus fortement a࠳rmé qu’au début de 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK (cf.࢙PRMO>, n. 7). Du côté luthérien, il donne lieu à une sélection de textes dont la rédaction s’étend jusqu’en 1544 (Die Promotionsdisputation von Georg Major und Johannes Faber, dans Weimarer Ausgabe 6désormais désigné par WA8 39/II, cf.ZLuther commentateur des Sentences, p. 23 6p. 22, ࠱n de la n.Z18). Là aussi, l’« apport de matériauxZ» attend toujours son interpr¢te.

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moment où Vignaux écrit, on partira d’un point de bibliographie. L’une des premi¢res publications de Vignaux, antérieure à 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK, est un compte rendu asseU développé, pour la Revue d’histoire franciscaine, de l’édition par Carl !eckes des Quaestiones de iel sur la justi࠱cation. Ce texte de jeunesse, non repris dans la « ibliographie des œuvres philosophiques de Paul Vignaux 17Z», devait néanmoins compter pour l’auteur, qui le mentionne à trente ans de distance dans ses articles d’apr¢s-guerre. Les documents rassemblés àZpartir du Collectorium de iel auront de fait fourni un matériau inépuisable au travail exégétique de Vignaux 18. Dans l’esprit de !eckes, le choix des questions de iel relatives à la justi࠱cation relevait évidemment d’une stratégie d’a࠳rmation confessionnelle 19. CheU Vignaux, le même choix a déterminé un intérêt remarquablement précoce pour ce que le début de 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPtination appelle « le probl¢me des sources médiévales de Luther, ou plutôt de la relation de sa pensée à la théologie scolastique 20Z». Cet intérêt s’est prolongé, de mani¢re sans doute plus inattendue, par une lecture assidue et constamment réactualisée de tout ce qui comptait dans la luthérologie des années 1890-1920, en !rance mais aussi en Allemagne 21.

17. Cf. P. VIGNAUX, De saint Anselme à Luther, p. 481-489. 18. ID., « Compte rendu de Carl !eckes, $>?OFBIFPFBINR>BPQFLKBPABGRPQFࠩ@>QFLKB (M¶nster, Aschendor࠰ 6M¶nsterische eitržge Uur Theologie, 78, 1929) », Revue d’histoire franciscaine 6Z(1929), p. 417-429, mentionné dans « Sur Luther et OckhamZ», p. 452, n. 5, qui annonce comme un « travail ultérieurZ» l’étude sur la lecture luthérienne du Collectorium, III. Sent. XXVII. De ce travail sortira l’article sur « Luther lecteur de Gabriel ielZ», où le dubium secundum de iel est pareillement étudié sur le texte procuré par !eckes. 19. Voir aussi la premi¢re étude de C. FECKES, Die Rechtfertigungslehre des Gabriel Biel und ihre Stellung innerhalb der nominalistischen Schule, M¶nster 1925. Carl !eckes (1894-1958) devait ultérieurement se faire conna¨tre par ses travaux d’ecclésiologie et de mariologie. 20. P. VIGNAUX, 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>RXIVe siècle, p. 1. 21. On évoquera plus loin le rôle de Harnack dans la construction de la problématique vignaldienne. D’ores et déjà, on peut noter que l’érudition de Vignaux s’étend jusqu’aux monuments de la Dogmengeschichte luthérienne des années 1890-1910, auxquels le jeune médiéviste conf¢re un rôle véritablement critique dans la dé࠱nition de sa propre entreprise. C’est le cas avec le Lehrbuch der Dogmengeschichte de -einhold SEEBERG (1re éd. 1895-1898), réguli¢rement citée dans 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK, au point d’y indiquer les directions d’un travail ultérieur (cf.Zp. 138, à propos des « discussions sur la prédestination dans l’école nominalisteZ»). Sur -einhold Seeberg (1859-1935), dont Vignaux discute en outre le travail sur Duns Scot (Die Theologie des Johannes Duns Scotus. Eine dogmengeschichtliche Untersuchung, LeipUig 1900 (réimp. Ahlen 1971), voir Th. &AUFMANN, « Die Harnacks und die Seebergs : ‫ڄ‬nationalprotestantische Mentalitžten‫ څ‬im Spiegel UReier TheologenfamilienZ», dans M. GAILUS, H. LEHMANN (dir.), Nationalprotestantische Mentalitäten. Konturen, Entwicklungslinien und Umbrüche eines Weltbildes, G°ttingen 2005, p. 165-222. Dans le Luther, la discussion s’étend à l’artisan principal de la Lutherrenaissance des années 1920, &arl Holl (1866-1926), et notamment à l’étude de 1910 sur les débuts de la doctrine luthérienne de la justi࠱cation (« Die -echtfertigungslehre in Luthers Vorlesung ¶ber den -°merbrief mit besonderer -¶cksicht auf die !rage der HeilsgeRi™heitZ», dans Gesammelte Aufsätze zur Kirchengeschichte, t.ZIZ: Luther 6Vignaux cite les 4e et 5e éditions, T¶bingen 19278, p. 111-154, cf.Znotamment P. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences, p. 10-11 et sur tout le contexte H. ASSEL, !BO>KABOBRC?OR@E !FB)RQEBOOBK>FPP>K@B 2OPMO¶KDB MLOFBKRKA4BDB࢙ (>OI%LII "J>KRBI%FOP@E /RALIC%BOJ>KK , G°ttingen 1994).

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La mani¢re qu’a eue Vignaux d’organiser ses lectures en mati¢re de Literatur luthérienne est une des clés pour comprendre comment la question de l’habitus de charité a pu s’imposer à lui comme sa question, sa premi¢re question. EnZ 1934, la mention du « probl¢me des sources médiévales de LutherZ» signalait tr¢s clairement de quoi il retournait au premier abord. Trente ans auparavant, le médiéviste dominicain Heinrich Suso Deni࠲e (1844-1905) avait fait para¨tre à Mayence le premier volume de son Luther und Luthertum in der ersten Entwicklung. On mesure mal aujourd’hui l’impact tout à la fois scienti࠱que et politique de cette somme érudite dans l’Allemagne de GuillaumeZII. Apr¢s trente ans de Kulturkampf, la science catholique redressait la tête, repartait à l’o࠰ensive sur le terrain où elle excellait et dont il apparaissait soudain que dépendait toute la compréhension des débuts de la -éforme 22. En opposant aux « théologiens protestants » sa connaissance intime des sources patristiques et médiévales, Deni࠲e était parvenu à semer le doute à la fois sur l’originalité et la cohérence de ce qui jusqu’alors passait pour la découverte théologique majeure de Luther, et qu’il mettait pour sa part au compte de l’ignorance où Luther se trouvait des théologies de l’« âge d’or de la scolastique 23Z». Textes à l’appui, le témoignage de Luther sur sa compréhension de la justi࠱cation passive dans l’Ép¨tre aux -omains se trouvait réintégré dans la tradition latine du commentaire paulinien. Le sous-archiviste du Vatican y mettait une brusquerie qui, à côté des outrances de la polémique confessionnelle (Luther imposteur, dépressif, alcoolique, érotomane), était appelée, comme le remarque Vignaux,

22. H. DENIFLE O.P., Luther und Luthertum in der ersten Entwicklung quellenmäßig dargestellt, t. I, Mayence 1904. Le Luther de Deni࠲e constitue un dispositif de publication complexe, dont les étapes devaient scander le Luther-Streit. Le deuxi¢me tome de l’ouvrage fut édité en 1909 à titre posthume, par les soins d’Albert Maria 2ei™. ,uelques jours avant sa mort en juin 1905, Deni࠲e était parvenu à achever un premier volume d’annexes sur les interprétations médiévales de la iustitia DeiZ : "ODžKWRKDBK WR !BKFࠪB‫ٽ‬P Luther und Luthertum. Quellenbelege. Die abendländischen 0@EOFCQ>RPIBDBO?FP)RQEBO¶?BO'RPQFQF>!BF/LJ  RKA'RPQFࠩ@>QFL BFQO>DWRO$BP@EF@EQB der Exegese, der Literatur und des Dogmas im Mittelalter, Mayence 1905. Le second volume d’annexes parut l’année suivante. Le ࠱d¢le second de Deni࠲e y proposait une « psychologie de LutherZ » à l’appui des hypoth¢ses du Luther und LuthertumZ : A. M. 2EISS, Lutherpsychologie >IP0@EI¶PPBIWRO)RQEBOIBDBKAB !BKFࠪBP2KQBOPR@ERKDBKHOFQFP@EK>@EDBMO¶CQ, Mayence 1906. L’ouvrage de Deni࠲e est mentionné d¢s la premi¢re page de 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK, au côté de la réplique d’A. V. MÜLLER (Luthers theologische Quellen. Seine Verteidigung gegen !BKFࠪBRKA$OFP>O, Giessen 1912). Sur Deni࠲e, outre la nécrologie de son él¢ve M. GRABMANN (->QBO %BFKOF@E !BKFࠪB , - "FKB 4¶OAFDRKD PBFKBO #LOP@ERKDP>O?BFQ, Mayence 1905) et le catalogue de ses œuvres par A. 2ALZ (« Analecta deni࠲ianaZ », Angelicum 32 619558, p. 347358), voir H. GRITSCH (dir.), - %BFKOF@E!BKFࠪB, -.    %BOHRKCQRKADBFPQFDBP2JCBIA BFKBPMOLࠩIFBOQBK*FQQBI>IQBOCLOP@EBOP>RP1FOLI, Innsbruck 2005 (aimablement communiqué par !rédéric Gabriel) et toujours l’abondante notice d’A.Z2ALZ dans le Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, t.Z XIV, Paris 1970, col.Z 221-245. On remarquera que l’ouvrage de Deni࠲e s’ouvre sur une relecture impitoyable de l’édition uchRald des notes sur Pierre Lombard (voir supra n.Z14), dont il redresse plusieurs erreurs de transcription (Luther und Luthertum, t.ZI, p. 38-41). 23. Voir H. DENIFLE, Luther und Luthertum, p. 500-567.

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à « secoue6r8 la somnolence des luthérologues 24Z». À partir de Deni࠲e, le dé࠱ constamment posé aux historiens de la -éforme fut en e࠰et de con࠱rmer ou d’in࠱rmer le jugement selon lequel Luther, théologien incompétent et ignorant de la tradition de son Église, s’en était trouvé d’autant plus enclin à rompre avec elle. Le « probl¢me des sources médiévales de LutherZ» renvoie d’abord à cette querelle et à la nécessité qui s’imposa à Vignaux de lui trouver une solution. L’argument de l’ignorance, tel que l’on trouve formulé cheU Deni࠲e, repose en réalité sur deux piliers. À coté du renvoi à l’exég¢se de RmZ1, 17 et à sa tradition médiévale, la deuxi¢me grande attaque de Deni࠲e repose sur le jugement qui fait de Luther un théologien incompétent parce que nominaliste. Le -éformateur « n’est malheureusement jamais arrivé à rompre avec Occam  il est toujours resté occamisteZ» –Zla ࠲¢che du Parthe se logeant dans l’apparente concessionZ: « bien que souvent à son insu il est vrai 25Z». L’étude de Deni࠲e contient ainsi, dans son quatri¢me chapitre, une section enti¢re sur « Luther et OccamZ» qui sera reprise et développée par un épigone également connu de Vignaux, le jésuite Hartmann Grisar, professeur à Innsbruck, dans le premier tome de son Luther de 1911 26. Cette même section est signalée par Paquier, dans une note de sa traduction, comme l’« un des plus importants 6paragraphes8 de l’ouvrage de Deni࠲e 27 ». À côté du « probl¢me des sources médiévales de LutherZ », Vignaux peut alors parler, au début de Luther commentateur des Sentences, de « la question Luther et Occam 28 ». Pour comprendre comment cette question, « Luther et Occam », conduit à celle de l’habitus de charité, il est sans doute inutile d’exposer en détail les raisons qui font de la th¢se de Deni࠲e discutée par Vignaux la variante allemande d’une construction historiographique où à la théologie thomiste, aboutissement rationnel de toute théologie possible, succ¢de le « dépérissement de la scolastique véritableZ» imposé par les écoles « nominalistes 29 ». Plus important est de souligner qu’en choisissant d’étudier l’habitus

24. P. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences, p. 1. 25. Je cite désormais d’apr¢s la traduction française par l’abbé J. PAQUIER : Luther et le luthéranisme, étude faite d’après les sources, 4Zvol., Paris 1910-1913, ici t.ZIII, p. 196 et 203 (voir aussi p. 205). Cette version, asseU fortement amendée par le traducteur et pourvue par lui d’une annotation abondante, est celle que Vignaux utilise dans ses deux ouvrages de 1934 et 1935 en renvoyant à « Deni࠲e-PaquierZ» (sur le catholicisme national de l’abbé Paquier, auteur en 1915 d’un Luther et l’Allemagne, cf. -.ZStAUFFER, Le catholicisme à la découverte de Luther, p. 28-31). 26. H. DENIFLE, Luther et le luthéranisme, chap.ZIV, aZIV, p. 191-232. Voir aussi H. GRISAR, Luther, t. IZ: )RQEBOP4BOABK $ORKAIBDRKDABO0M>IQRKD?FP , !reiburg i. . 1911, ch.ZIV, p. 102-132, cité dans P. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences, p. 2, n. 1. 27. Ibid., p. 191, n. 2Z: « Ce paragraphe est l’un des plus importants de l’ouvrage de Deni࠲e. On a décrié cet ouvrage, et on le décriera encore. Mais souvent c’est pour mieux s’en inspirer sans le dire. Depuis l’apparition du travail de Deni࠲e, c’est à qui étudiera l’in࠲uence des nominalistes sur Luther, et l’on y avait gu¢re songé auparavant.Z» 28. Ibid., p. 1-2, qui renvoie également à l’étude de !eckes sur iel (cf. supra, n. 19). 29. Je ne discute pas ici l’emploi de la catégorie « nominaliste ». Le mot « Verk¶mmerung » est de H. GRISAR, Luthers Werden, p. 103. Même sentence cheU Deni࠲e (Luther et le luthéranisme, t. III, p. 79): « Luther n’était qu’un demi-savant, un théologien à demi-formé 6‫ڎ‬8 il ignorait l’âge

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charitatis, Vignaux porte le débat au cœur de l’argumentation suivie par Deni࠲e pour dénoncer le supposé occamisme luthérien. La section du Luther und Luthertum, consacrée à « Luther et OccamZ », part en e࠰et du constat que, dans l’école d’Occam, « comme d’ailleurs selon ScotZ», « toutes les vertus infuses ne sont nécessaires que de fait, c’est-à-dire dans l’état présent des choses, parce que Dieu le veut ainsi. En soi, c’est-à-dire de puissance absolue, les vertus infuses sont PRMBOࠪRBP 30 ». Par conséquent, « que l’homme agisse par ses seules forces naturelles, ou qu’il soit aidé d’un secours surnaturel, tout dans ce syst¢me dépend uniquement de la libre acceptation de DieuZ» 31. La théologie d’Occam « nous fait appara¨tre l’œuvre enti¢re du salut comme purement extérieure à l’homme. Dans cette œuvre, tout devient pur mécanisme, sans organisme aucun 32 ». Deni࠲e poursuitZ : « Or c’est dans cette théologie que Luther a été formé 33 », et surenchérit sans tarderZ: « occamiste extrême, Luther n’avait pas seulement une fausse notion du surnaturel, 6il8 avait compl¢tement rompu avec lui 34 »  ou encoreZ : « Luther supprime compl¢tement le surnaturel 35. » En lieu et place de l’habitus surnaturel de charité, ne subsiste plus que l’« acceptation de la part de Dieu, principe fondamental cheU Occam et ses disciplesZ», qui était appelé à devenir aussi « l’idée principale, l’article fondamental de la doctrine luthérienneZ», autrement dénommé article de l’« imputation 36 ». Par l’imputation, Dieu « accepteZ» de mettre au compte du croyant une justice à laquelle ne correspond cheU ce dernier aucune qualité interne. 0neZligne est tracée, qui relie la supposée disquali࠱cation de potentia absoluta des dispositions infuses cheU Occam à la doctrine luthérienne du salut per extraneam iustitiam et sapientiam 37. Avec l’habitus, l’acceptation et l’imputation, on atteint le cœur du probl¢me construit dans 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK >R XIVe siècle et dans Luther commentateur des Sentences. Dans aucun de ses deux ouvrages toutefois, Vignaux ne restitue intégralement l’argumentation de Deni࠲e et du Luther und Luthertum  il se contente pour l’essentiel de mentions infrapaginales et

d’or de la scolastique, la scolastique du XIIIe si¢cle, surtout le prince de cette école, saint Thomas, et même le docteur de son ordre, Gilles de -ome. » 30. H. DENIFLE, Luther et le luthéranisme, t. III, p. 196 (les italiques sont de Deni࠲e-Paquier). Ici comme en d’autres endroits, le texte allemand, d’emblée plus technique, parle d’un « Habitus der Liebe » et des « ¶bernat¶rliche Habitus » : cf. Luther und Luthertum, t. I, p. 569. 31. Luther et le luthéranisme, tr. citée, t.ZIII, p. 198. 32. Ibid., p. 200. 33. Ibid., p. 201. Deni࠲e (dans la traduction de Paquier) ajouteZ : « Il dit qu’il appartient à cette écoleZ», en citant par exemple l’introduction de l’Adversus execrabilem Antichristi Bullam d’octobre-novembre 1520, dans WAZ6, 600, 11Z: « Sum enim Occamicae factionisZ». Grisar, pour une fois plus ࠱n que son ma¨tre, perçoit l’ironie contenue dans la plupart des passages où Luther fait profession d’occamisme (Luther, t.ZI, p. 103-104). 34. H. DENIFLE, Luther et le luthéranisme, t.ZIII, p. 207. 35. Ibid., p. 219. 36. Ibid., p. 214 et déjà p. 194, qui assimile imputation et acceptation. 37. Vorlesung über den Römerbrief (1515-1516), Scholie -om.Z1, 1, dans WAZ56, 158, 10-11, cité (dans l’édition !icker) par P. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences, p. 4.

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de renvois bibliographiques à Grisar et « Deni࠲e-PaquierZ». Dans le corps du texte, c’est un autre partenaire de discussion que Vignaux se choisit, dont on peut dire qu’il se situe à l’antipode théologique et politique de Deni࠲e. Toute la problématique du Luther est en e࠰et formulée, au commencement du moins, dans les termes du Lehrbuch der Dogmengeschichte d’Adolf von Harnack, dont Vignaux cite un large extrait du tomeZIII (1890) 38. Il faut à présent comprendre le sens de cette remarquable substitution d’interlocuteurs. Le point de départ de Harnack dans l’argument discuté par Vignaux se trouve à la ࠱n de la distinction XVII du premier livre des Sentences. Dans la reconstitution qu’en donne le Lehrbuch der Dogmengeschichte, la th¢se du Lombard énonce que la charité est la seule vertu à na¨tre dans l’âme « directement par implantation (Einwohnung) de l’Esprit saintZ », à la di࠰érence de toutes les autres, que « l’homme acquiert par la médiation d’un habitus infus (eingegossen)Z». La « grâce salvatriceZ» étant « pour ainsi dire identique l’Esprit saintZ », on posera Caritas, id est Spiritus sanctus en croisant l’identi࠱cation trinitaire (ipse Spiritus Sanctus qui Deus est) à la dé࠱nition johannique (« ipsa dilectio Deus est 61. Jn.Z 4, 8  4, 168, id est Spiritus sanctus 39 »). En rejetant la solution du Lombard, les lecteurs des Sentences (saint Thomas au premier chef), auxquels se joignirent les « mystiques médiévauxZ», auraient déclenché une évolution jugée dommageable. La réintégration de la charité dans le régime ordinaire, c’est-à-dire proprement habituel, des vertus théologales, m¢nerait nécessairement à une moralisation de la religion, devenue religion du mérite à mesure que les théologiens détachaient la charité de l’essence du Dieu trinitaire et l’appropriaient à l’homme par l’intermédiaire d’une vertu, qualité ou disposition, habitus de charité, « force divineZ», traduit Vignaux, qui certes est placée en l’homme par Dieu, mais n’est plus Dieu lui-même. Il y aurait donc eu, apr¢s Pierre Lombard (et en vérité déjà partiellement avant lui, dans l’idée augustinienne de la gratia cooperans), bifurcation ou déviation  et si Harnack, à l’endroit cité par Vignaux, n’évoque pas Luther, celui-ci est néanmoins placé

38. Cf. Ibid., p. 3-4, n. 1, qui cite A. vON HARNACK, Lehrbuch der Dogmengeschichte, t.Z III, T¶bingen 19104, p. 620-621 (la premi¢re édition parut en 1886-1890). Sur Harnack (1851-1930), ࠱gure de proue du protestantisme libéral dans l’Empire Rilhelminien dont il constitua à lui seul une institution, professeur d’histoire de l’Église à l’0niversité de erlin à partir de 1888, initiateur de la recherche publique allemande à travers la &aiser-2ilhelm-Gesellschaft qu’il fut chargé de mettre sur pied en 1911, deux importants recueils sont parus dans le sillage du cent cinquantenaire de sa naissance en 2001, en plus de l’article déjà cité de Th.Z&AUFMANN (voir supra, n. 21)Z: &. NOWAK, O. GERHARD OEXLE (dir.), Adolf von Harnack. Theologe, Historiker, Wissenschaftspolitiker, G°ttingen 2001  &. NOWAK, O. GERHARD OEXLE, T. -ENDTORFF, &.-V. SELGE (dir.), Adolf von Harnack. Christentum, Wissenschaft und Gesellschaft. Wissenschaftliches Symposion aus Anlaß ABP   $B?ROQPQ>DBP, G°ttingen 2003. Le scandale théologique provoqué en 1899-1900 par les conférences sur L’Essence du christianisme, manifeste historico-critique sur la religion de l’homme Jésus et ses implications pratiques dans les sociétés modernes, peut être aujourd’hui reconstitué à partir de deux éditions du Wesen des Christentums (éd.Z T.Z -ENDTORFF, G¶tersloh 2001 et éd.ZC.-D. OSTHÖVENER, T¶bingen 20072). 39. Magistri Petri Lombardi Sententiae in IV libris distinctae, t. I, pars IIZ : liber I et II, Grottaferrata 1971, p. 141-142 (liber I, distinctio XVII, cap. 1, 1 et 2). La formule « Caritas, id est Spiritus Sanctus » est prélevée par Vignaux au chapitre VI, p. 151.

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sans ambigu©té dans le rôle du « restaurateur de l’ancien dogme 40 », celui qui posait entre l’homme et Dieu une relation non pas morale, mais proprement religieuse, car « ࠱liale, personnelle 41 ». La tâche que s’impose Vignaux est donc doubleZ: il s’agira d’une part de se mettre à la recherche de la solution de Luther au probl¢me de I Sent.ZXVII, et d’autre part de véri࠱er si la solution donnée auparavant par les commentateurs que Luther « peut avoir connus 42 », Duns Scot, Occam, iel et Pierre d’Ailly, correspond au diagnostic de Harnack. L’entreprise, dont l’exécution se répartit entre les deux parties du Luther, n’aurait pu être conçue en dehors de la négociation, à vrai dire impossible, que Vignaux organise entre Deni࠲e et Harnack 43. Au controversiste dominicain, Vignaux emprunte son point de départ, la conception des habitus théologaux comme ligne de partage entre scolastique « ancienneZ » et « moderneZ », tout en refusant d’aller plus loin en sa compagnie. La polémique de Deni࠲e sur les « vertus infusesZ », ses considérations tr¢s générales sur le surnaturel, ne lui auront selon toute vraisemblance pas semblé de nature à fournir à sa recherche

40. Cf. A. vON HARNACK, Lehrbuch der Dogmengeschichte, t. III, p. 809. 41. L’intérêt de Vignaux pour des considérations relevant proprement d’une philosophie religieuse renvoie à son tour à un type de lecture qui, pas plus que l’intérêt pour les vastes fresques de la Dogmengeschichte protestante, n’était attendu cheU le jeune médiéviste français. Le livre de -. OTTO sur Le sacré (Das Heilige. Über das Irrationale in der Idee des Göttlichen und sein Verhältnis zum Rationalen, reslau 1917, tr.Zfr. P. JUNDT, Paris 1929) est cité en plusieurs endroits stratégiques de 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK, et en particulier dans sa derni¢re note, p. 189, qui réélabore à partir des sources médiévales de Vignaux la théorie alors tr¢s discutée du « numineuxZ» (sur ce livre, voir M. RAPHAEL, Rudolf Otto and the Concept of Holiness, Oxford 1987). Otto est sans doute le premier à avoir commenté les notes de Luther sur Pierre Lombard cinq ans apr¢s leur parution dans sa th¢se, « Die Anschauung vom Heiligen Geiste bei Luther. Eine historisch-dogmatische 0ntersuchung », G°ttingen 1898, part.Zp. 4-9, mais ce travail n’est pas cité par Vignaux. Le rapprochement recherché ailleurs ('RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>R XIVe siècle p. 92, n. 1) entre les remarques d’Otto sur le Dieu sto©cien « conçu selon l’idéal du ‫ڇ‬sage‫څ‬Z» et une note d’É. GILSON, dans La Philosophie de saint Bonaventure, rel¢ve par ailleurs d’un vrai sens du syncrétisme, à moins qu’il ne se soit agi pour Vignaux de manifester sa liberté d’esprit face à son ma¨tre (le parall¢le Gilson-Otto est tenté à nouveau apr¢s-guerre dans Philosophie au Moyen Âge, p. Z251). Dans tous les cas, le recours fréquent à Otto, dans lequel Vignaux reconna¨t l’e࠰et de la « méditation de LutherZ», dit asseU la fonction actualisante que put avoir pour lui le travail sur la premi¢re théologie du -éformateur. Cet e࠰et d’actualisation s’exerce aussi sur la ré࠲exion méthodologique de Vignaux, qui retire de cet autre versant de ses lectures « protestantesZ » le souci de « considérer dans les syst¢mes théologiques des expressions du sentiment religieuxZ» (P. VIGNAUX, 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK >R XIVe siècle, p. 38, n. 1). L’histoire des doctrines rencontre ici une phénoménologie du sacré. 42. ID., Luther commentateur des Sentences, p. 2. 43. Signi࠱cativement, Vignaux ne fait aucune mention du débat violent qui opposa Deni࠲e et Harnack lors de la publication du Luther und Luthertum. La réplique de Deni࠲e, Luther in rationalistischer und christlicher Beleuchtung. Eine prinzipielle Auseinandersetzung mit  ࢙%>OK>@HRKA/ ࢙0BB?BOD, Mayence 1904, pointe les contradictions de ses adversaires protestants (sur Seeberg, voir supra, n. 21). Tr¢s di࠰érente est à nouveau l’approche de Vignaux qui, entre Harnack et Seeberg, à l’échelle intra-confessionnelle, fait la même chose qu’entre Harnack et Deni࠲eZ: elle trie et combine les apports.

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un objet su࠳samment délimité. CheU Harnack au contraire, Vignaux trouve une ré࠲exion sur un habitus particulier, l’habitus de charité, ainsi que l’indication d’une ressource textuelle bien circonscrite, &࢙0BKQ ZXVII, qu’il va exploiter de façon incomparablement plus intensive que dans la large synth¢se de la Dogmengeschichte. Là aussi, le but est d’éclaircir ce que l’intention polémique laissait dans l’impliciteZ: il s’agira de voir si le commentaire de l’École, quand il est corrélé à l’environnement doctrinal qui fut e࠰ectivement celui de Luther, soutient la construction « évangéliqueZ » de Harnack, qui pour retrouver « leZ Dieu qui est la grâceZ » raconte aussi, d’une certaine mani¢re, l’histoire d’une dégénérescence de (ou en l’occurrence par) la « scolastique 44 ». Telle est la stratégie inlassablement poursuivie par Vignaux pour sortir de l’antagonisme confessionnelZ: celle d’une demande d’éclaircissement. LesZdeux études de 1934-1935 ne cherchent pas à donner raison au catholique ou au protestant, ni même, à la vérité, à dé࠱nir entre eux une formule de compromisZ: Vignaux élabore sa propre solution, en même temps qu’il demande à chacun d’être plus précis sur la nature de l’habitus de charité et sa place dans l’économie du salut. Dans cette stratégie, c’est Harnack et lui seul qui semble d’abord réfuté par la conclusion du Luther, « Salut par la charitéZ»Z: L’occamisme admet une grâce crééeZ: l’habitus de charité. 0ne vertu infuseZ: capacité d’action que la créature ne saurait acquérir, qu’elle reçoit du CréateurZ: une de ces « forces divines » dont Harnack ne veut point. Mais, pour se distinguer de la Charité incréée, cet habitus ne l’o࠰usque point, n’empêche ni de la concevoir, ni de la vouloir comme la source ou plutôt l’essence du salut 6‫ڎ‬8 45.

Conclusion ferme, mais critique asseU br¢ve, et assortie qui plus est de concessions 46Z : Vignaux s’en tient là, et sa sobriété s’explique asseU bien. L’argument est en e࠰et à double tranchantZ: autant qu’à Harnack, il s’adresse à Deni࠲e. La lecture de la deuxi¢me partie du Luther montre que c’est aussi bien avec le savant dominicain, même s’il n’est presque jamais nommé, que la discussion a lieu. Celle-ci ne se comprend pas sans ce nouveau contrepied, qui fait du livre de Vignaux autre chose et bien plus qu’une réfutation catholique de la Lutherforschung protestante. CheU tous les « commentateurs nominalistesZ » que Vignaux examine à propos de &࢙0BKQ ZXVII, la question est en e࠰et celle des équilibres entre trois formes possibles de salut par la charitéZ: la forme de l’acceptation pure et simple

44. A. vON HARNACK, Lehrbuch der Dogmengeschichte, t.Z III, p. 620-621, cité dans Luther commentateur des Sentences, p. 3. 45. P. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences, p. 90. 46. Ibid., p. 91Z : « Harnack veut une immédiation et refuse de nécessiter Dieu. Ce sentiment n’était pas étranger au Venerabilis inceptor. Dans son e࠰ort pour sauver le Ma¨tre des Sentences en posant, contre lui, un habitus de charité, le nominalisme réalise un certain équilibre du créé avec l’IncrééZ: tout se passe comme si Occam et son école avaient éprouvé par avance l’impression de Harnack devant la Scolastique et fait droit dans leur pensée à cette intuition religieuse –Z à l’intérieur de l’ÉcoleZ » (souligné par l’auteur). Les derniers mots, bien entendu, relancent la critique de Harnack.

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de la créature par l’amour unilatéral que Dieu lui porte  celle d’une irruption directe (illapsus) de la Trinité imposant l’amour et la jouissance d’elle-même dans l’âme de la créature (frui Trinitate)  celle en࠱n d’une infusion par l’Esprit Saint d’un don créé, disposition ou habitus de charité dont il informe l’âme de la créature pour lui donner part à la jouissance de la Trinité 47. Entre iel, Ailly et Occam, l’accord se fait sur un point fondamentalZ: de potentia absoluta, seule l’acceptation divine est requise pour le salut (« ex sola liberali acceptatione divina et ita praecise ex sola gratia increata »), les autres voies de la charité étant de potentia ordinata, ce qui signi࠱e que la ࠱xation des mérites et des valeurs dépend de la seule libéralité divine 48. Ici l’on peut donner raison à Deni࠲eZ: l’œuvre du salut est bien « purement extérieure à l’homme 49 ». Sur d’autres points, en revanche, il se trompe. La iblioth¢que des Lettres de l’École normale supérieure poss¢de un exemplaire de la traduction Paquier du Luther und Luthertum enrichi d’annotations qui sont tr¢s probablement de la main de l’él¢ve ou archicube Vignaux 50. Aux pages 208-209, Deni࠲e mart¢le sa critiqueZ: Pour 6les occamistes8, les vertus surnaturelles n’étaient nécessaires que parce que dans le présent état de choses Dieu l’avait ainsi ordonnéZ: elles ne l’étaient pas absolument, et la raison ne comprenait pas qu’on dût inéluctablement les admettre.

Si l’on admet en outre que « cheU Luther 6‫ڎ‬8 s’ajoute à cette fausse conception un état intérieur contraire à ces vertusZ», il faudra conclure qu’« il ne pouvait y avoir pour lui qu’une esp¢ce de charité, l’amour naturel dont parlaient précisément les occamistesZ». Par sécurité, Deni࠲e avance encore ceciZ: à Luther, la « charité surnaturelle devait para¨tre comme une surtaxe de la part de Dieu, en qui et précisément pour ce motif, il ne vit plus qu’un tyranZ». Ce jugement est étayé en note par une citation tirée d’un texte plus tardif, le commentaire de Luther aux Galates de 1535Z : « ,uid aliud hoc est, quam ex Deo facere tyrannum et carni࠱cem, qui hoc exigit a nobis, quod facere non possumus 51 ? » En marge, Vignaux ajouteZ: « cf.Ziel, on ne saurait prescrire l’impossible.Z» Dans le corps du texte, Deni࠲e conclutZ: Ce que les occamistes regardaient comme une possibilité, une possibilité absolue, ce qui leur semblait plus rationnel deviendra cheU Luther une possibilité ordinaire, un état réellement existant.

47. Je résume ibid., p. 51-65. 48. Ibid., p. 51-53, 68-71. 49. Voir supra n. 32. 50. H. DENIFLE, Luther et le luthéranisme, t.ZIII, ex. ENS TTZp 46(3)Z12j. Le registre des prêts de la biblioth¢que de l’École normale supérieure s’arrête en 1932, mais la comparaison avec la main qui dédie 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>RXIVe siècle « À Monsieur ouglé en témoignage de respectueuse reconnaissanceZ» (ex.ZENS SG ép 6économie politique !8 5880 8j) ne laisse pas de place au doute. 51. Annotationes Martini Lutheri in Epistolam Pauli ad Galatas 6version imprimée de 15358, dans WAZ 40/I, 227, 29-30 (Deni࠲e cite d’apr¢s l’édition d’Erlangen, qui a « facereZ » pour « praestareZ»).

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Ici, la main inscrit simplementZ: « Non 52. » Ce refus lapidaire du lecteur de Deni࠲e donne acc¢s à la gen¢se de 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLKet de Luther commentateur des Sentences  il a en outre déterminé pour longtemps l’intérêt de Vignaux pour Luther. On reviendra à la maxime présupposée dans le renvoi marginal à ielZ: « facienti quod in se est Deus non denegat gratiam ». 0ne des pages les plus limpides du Luther est consacrée à réfuter l’assimilation par Deni࠲e de la di࠰érence entre potentia Dei absoluta et potentia Dei ordinata à celle du plus et du moins rationnel. Dans son étude de iel, Vignaux se place expressément de potentia ordinata  c’est ici l’ouvrage de !eckes sur la doctrine de la justi࠱cation du Tubinguois qui est visé, mais les ࠲¢ches qu’il reçoit sont aussi bien destinées à Deni࠲e 53. À séjourner, comme le Luther l’entreprend, dans la loi, l’ordinaire, le positif, on s’avisera du type de rationalité qui lui est propre, et que Vignaux baptise du nom d’« ordre de miséricordeZ»Z: La potentia absoluta ne représente pas la raison et le droit, ni la potentia ordinata, une pure donnée de faitZ: toute interprétation de ce genre trahirait la pensée de Gabriel iel 6‫ڎ‬8 la pensée travaille sur ce donné qui se laisse comprendreZ: c’est un ordre de libéralité à la fois et de justice. Notre esprit s’y retrouve comme dans l’œuvre de l’esprit. Il y a de la raison dans la potentia ordinata 54.

Le principe général de la réponse au probl¢me construit dans le Luther trouve ici une premi¢re formulationZ : la rationalité de la potentia ordinata n’est pas moindre, elle est autre. Sans ambigu©té, c’est à la phrase de Deni࠲e laconiquement réfutée par Vignaux en marge de sa lecture de Luther et le luthéranisme que l’argument s’adresse d’abord  c’est même l’un des rares endroits où à une mention précise de Deni࠲e-Paquier s’encha¨ne une attaque explicite 55. De la même façon, le jugement de Deni࠲e sur la « surtaxeZ» que n’aurait pas manqué de constituer, aux yeux si charnels de Luther, toute grâce surnaturelle, ce propos su࠳samment obscur pour que le traducteur Paquier ait jugé nécessaire de le gloser dans une note, n’en a-t-il pas moins été central pour Vignaux 56. Le chapitre sur Occam de 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK se clôt sur un aperçu alors tr¢s neuf sur la disparition du principe d’économie dans la doctrine occamienne de la justi࠱cation. Il n’y a aucun obstacle à ce que Dieu multiplie les voies de salut en juxtaposant comme il le fait acceptation simple

52. H. DENIFLE, Luther et le luthéranisme, t. III, p. 208-209. 53. P. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences, p. 47Z: « On a coutume d’exposer l’analyse nominaliste de la justi࠱cation de potentia absoluta  nous nous placerons ici au point de vue de la potentia ordinata, qui ne reçoit pas cheU iel un moindre développementZ», avec la noteZ1 contre !eckes (voir supra n.Z19), qui, en s’attachant « presque exclusivement aux spéculations de potentia absolutaZ», « fausse les perspectivesZ». Voir aussi ID., « Sur Luther et OckhamZ», p. 452, n. 5. 54. Ibid., p. 77-78. 55. Ibid., p. 78, n. 2Z: « Il ne faut pas dire avec Deni࠲e-Paquier que les occamistes regardaient comme une possibilité absolue ‫ڇ‬ce qui leur semblait simplement plus rationnel‫څ‬, Luther et le luthéranisme, p. 209 6‫ڎ‬8Z» 56. Voir supra n.Z51. La note de Paquier se trouve dans H. DENIFLE, Luther et le luthéranisme, p. 209-210.

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et habitus de charité –Z « frequenter facit Deus mediantibus pluribus quod potest facere mediantibus paucioribus 57 ». À nouveau, il s’agit d’un des rares passages de Vignaux où Deni࠲e-Paquier soient expressément réfutés, à propos de l’application erronée qu’ils font du principe de non-multiplication des étants à la doctrine de la justi࠱cation et, derechef, de l’assimilation qu’ils professent de la puissance absolue de Dieu à la perfection du rationnel 58. La deuxi¢me partie du Luther ajoutera même, en renvoyant à ce passage de sa précédente étude, que, dans l’ordre du salut, c’est la rationalité de la puissance ordonnée qui se véri࠱e dans la « surabondanceZ» et la « multiplication des causes secondesZ», au point de faire entrevoir une forme d’unité entre l’ordre surnaturel du salut et la perfection naturelle de la création 59. La rationalité de la puissance ordonnée et la surabondance des voies de salut forment le cœur où se rejoignent les deux livres de Vignaux  elles livrent le principe d’une argumentation qui se découvre deux interlocuteurs à part égale, Harnack et Deni࠲e. Il est vrai que la réfutation du second est nettement moins a࠳chée que celle du premier, qui est menée pour ainsi dire au grand jour. Les raisons de ce déséquilibre de visibilité sont en partie conjoncturelles. En 1935, Vignaux continue de se réclamer de l’hypoth¢se de Gilson qui lie l’av¢nement de la -éforme à une rupture avec le « naturalismeZ» médiéval 60. Dans les années trente, Gilson parle beaucoup, et déjà sév¢rement, de Luther, auquel il consacre une partie de sa leçon inaugurale au Coll¢ge de !rance sur « Le Moyen Âge et le naturalisme antiqueZ», citée par Vignaux dans l’introduction du Luther 61. Pour conclure à une nécessaire prudence envers Gilson au moment où Vignaux lui succ¢de sur la chaire d’histoire des dogmes de l’École Pratique, à la suite de l’élection au Coll¢ge de !rance, il faudrait cependant préciser encore la nature d’un troisi¢me rapport, apr¢s Vignaux-Deni࠲e-Harnack et Vignaux-GilsonZ: le rapport Gilson-Deni࠲e, deux formes d’une érudition de combat dans lesquelles l’apologie de la nature cheU l’un, du surnaturel cheU l’autre peuvent se rejoindre,

57. P. VIGNAUX, 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>RXIVe siècle, p. 132. 58. Ibid., p. 132, n. 1, qui réfute respectivement H. DENIFLE, Luther et le luthéranisme, t.Z III, p. 217 et le passage cité de la p. 209. À côté de cette réfutation de Deni࠲e, Vignaux place signi࠱cativement un hommage à Seeberg (voir supra n.Z21) et à sa formule d’un « irrationalisme rationnaliséZ» à propos d’Occam. L’opposition Deni࠲e-Seeberg se retrouve à la ࠱n de l’ouvrage, où le théologien luthérien vient redresser un jugement sév¢re à nouveau extrait par Vignaux de la section du Luther und Luthertum sur Luther et Occam. 59. P. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences, p. 71, avec la n. 2. 60. Ibid., p. 84, qui cite un passage de É. GILSON, L’esprit de la philosophie médiévale sur la « dévaluation des causes secondesZ» dans la -éforme. 61. É. GILSON, « Le Moyen Âge et le naturalisme antiqueZ », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 7 (1932), p. 5-37 (p. 14-21) : Deni࠲e est mentionné d¢s la premi¢re page parmi les « ma¨tresZ» des études médiévales. Vignaux cite ce texte dans Luther commentateur des Sentences, p. 4, n. 2 (cf.Z aussi p. 8, n. 2), en ajoutantZ : « Nous devons à un cours inédit de M.ZGilson, professé à l’École des Hautes Études en 1931-32, l’esprit de ce travailZ» (il s’agit de la conférence intitulée « Études sur LutherZ» présentée supra n. 5). En 1936, Gilson faisait en outre para¨tre ses conférences à la faculté de théologie protestante, qui renferment sa confrontation la plus serrée avec Luther et les théologies de la -éforme (Christianisme et philosophie, réimp. Paris 1981, en particulierZp. 17-26 sur Luther).

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au service néanmoins de deux thomismes di࠰érents, dont l’un pourra en état de cause para¨tre plus ré࠲échi que l’autre. Vers 1517 Le recensement des sources de Vignaux, visibles et souterraines, ne sert aucune volonté d’irénisme œcuménique  elle souligne bien plutôt une nouvelle fois la grande singularité d’un montage historiographique qui fait appel à un théologien protestant pour formuler une authentique question de médiéviste, laquelle devra résoudre un débat sur la -éforme lancé par un historien catholique. L’entrecroisement des cultures scienti࠱ques et confessionnelles est ici utilisé comme un moyen pour recouvrir la coupure académique entre Moyen Âge et -éforme, celle-là même qui, le plus souvent, barre l’acc¢s aux ruptures véritables. Les études que Vignaux fait para¨tre apr¢s-guerre sur Luther, Occam et iel ont oublié Harnack, mais perpétuent la confrontation avec Deni࠲e. Le ton en est même plus vif, comme au début de l’article de 1950 « Sur Luther et OckhamZ»Z: Depuis qu’au début du si¢cle Deni࠲e a tout à la fois posé et développé une interprétation du rapport Luther-Ockham, les progr¢s de la recherche ont apporté, en même temps qu’une grande réserve à l’égard de la conception de leur initiateur, plus de considérations générales que d’analyses de détail 62.

Dans quelle mesure cependant y a-t-il, au-delà des mots, durcissement de la critique ? On pourrait dire en e࠰et que l’appel de Vignaux à préférer les « textesZ» aux « séduisantes reconstructions » constitue l’autre versant de la décision méthodologique qui s’exprimait en ouverture de 'RPQFࠩ@>QFLK BQ prédestination, lorsque l’auteur rappelait que le « probl¢me des sources médiévales de LutherZ» ne se résout pas « en tirant de l’oubli quelques textes épars qui paraissent comparables à tel ou tel passage du -éformateur 63 ». Le détail préc¢de et oriente la synth¢se, mais le détail est d’ores et déjà découpé sur le tout de la mati¢re doctrinaleZ: le programme historiographique des années trente reste scrupuleusement suivi. On pourrait, il est vrai, arguer encore d’un changement, qui concernerait cette fois les textes étudiésZ: dans les années cinquante, Vignaux ne consid¢re plus, comme en 1935, les notes de Luther sententiaire en 1509-1510, mais se rapproche du moment de la rupture avec -ome, en s’intéressant en particulier à la Disputatio contra scholasticam theologiam, contemporaine, dans l’automne 1517, de l’a࠳chage des quatre-vingt-quinUe th¢ses sur la vertu des Indulgences. Là aussi toutefois, il faut rapidement nuancerZ: un nouveau regard sur l’Annuaire de l’École Pratique montre que Vignaux a fait cours sur Luther pratiquement

62. P. VIGNAUX, « Sur Luther et OckhamZ », p. 451. On se rappelle « la questionZ : Luther et OccamZ», dont Luther commentateur des Sentences (p. 1) attribuait la paternité à Deni࠲e. 63. ID., 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK >R XIVe siècle, p. 1 (voir supra p. 7) et « Sur Luther et OckhamZ», p. 460Z: « Le th¢meZ: Luther et Ockham n’est point sans fécondité, si, à de séduisantes reconstructions, on préf¢re l’attention aux textes.Z»

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chaque année entre 1933 et 1940. En 1936-1937 et 1937-1938, une de ses deux conférences annuelles porte sur Luther critique de la théologie médiévale  elle est consacrée successivement à La Disputatio contra scholasticam theologiam et à un "PP>FABPVKQE¢PBBK. La premi¢re conférence de 1933-1934, sur « Luther et la conception médiévale du mérite », avait placé les bornes de l’enquête en 1509 et 1517, sans toutefois, de l’aveu de Vignaux, dépasser les Randbemerkungen de 1509-1511. Luther commentateur des Sentences est né, comme cela arrive souvent, d’une restriction pas tout à fait volontaire de la chronologie initialement visée 64. Là encore cependant, c’était reculer pour mieux sauter. Il en va du rapport entre ce livre et les études ultérieures de Vignaux sur la -éforme exactement comme on a vu qu’il en allait du rapport entre 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK et le LutherZ: l’objectif ࠱nal semble avoir

64. Pour toute la période considérée, l’Annuaire de l’EPHE donne les titres suivantsZ:  Z: I.ZLuther et la conception médiévale du mérite (1509-1517). –ZII.ZLe probl¢me des Idées au XIVe si¢cleZ: Duns Scot, Pierre d’Auriole, Guillaume d’Occam.  Z : I.Z Études sur la formation et le développement du nominalisme au XIVe si¢cle. –ZII.ZLa notion de théologie cheU Duns Scot et Guillaume d’Occam. 1935-1936Z: I.ZLe probl¢me de la connaissance de Dieu cheU Duns Scot (Quodlibet, question XIV). –Z II.Z Luther critique de la théologie médiévaleZ : la Disputatio contra scholasticam theologiam.  Z: I.ZThéologie naturelle et théologie révélée cheU Duns Scot et ses premiers critiques. – II.ZLuther critique de la théologie médiévaleZ: essai de synth¢se en 1517.  Z: I. De Duns Scot à LutherZ: essai d’éclaircissement des rapports entre la pensée de Luther et la théologie médiévale. – II. Imago DeiZ: études sur l’analyse du conna¨tre et du vouloir au XIVe si¢cle dans ses rapports avec la doctrine de la Trinité.  ࢙: I.ZLuther et la scolastiqueZ: le serf arbitre 6toujours à partir des notes sur les Sentences, « reprises de point de vueZ», précise le résumé8 – II.ZLa critique des théologies antérieures et l’idée de théologie cheU Guillaume d’Occam.   Z: I.ZEntre Albert le Grand et Ma¨tre EckhartZ: études sur Dietrich de !reiberg. – II.ZLes rapports entre l’ordre moral et l’ordre du salut de Duns Scot à Luther, avec cette remarque dans le compte renduZ: « Cette série de conférences 6‫ڎ‬8 a été interrompue à la mi-avril, le directeur d’études ayant été mobilisé à cette dateZ» (KKR>FOB  et  , p. 91). Entre 1941 et 1944, Maurice de Gandillac assure l’enseignement en « Histoire des doctrines et des dogmesZ» en qualité de « suppléantZ» de Vignaux, « actuellement en congéZ» (Annuaire  , p. 44). Vignaux reprend son enseignement en 1945-1946. En 1947-1948 et 1948-1949, il propose une « étude des th¢ses de la Disputatio contra scolasticam theologiamZ». L’Annuaire   fait état d’une conférence de Vignaux sur « Luther critique de la scolastique des XIVe et xve si¢clesZ: la !FPMRQ>QFL@LKQO>0@LI>PQF@>J1EBLILDF>J࢙» à l’Institut d’études médiévales de Montréal (p. 66). La conférence de 1967-1968 lit le 1O>@Q>QRPAB0>K@QFࠩ@>QFLKBde Jean de -ipa, toujours sur I. Sent. XIV-XVII, « dans la suite des spéculations de même objet entre Duns Scot et LutherZ » (Annuaire 1968-1969, p. 194). L’année suivante, Vignaux revient au th¢me « De Duns Scot à LutherZ» par la doctrine de l’amour de Dieu cheU Pierre d’Ailly, telle que visée à la proposition 94 de la Disputatio contra scolasticam theologiam (KKR>FOB  , p. 302). Il mentionne une nouvelle conférence à Montréal, sous le titre « Luther critique de Gabriel ielZ». Le compte rendu des activités de 1973-1974 fait état de discussions avec -ichard Stau࠰er et Jean--obert Armogathe « sur des textes de Calvin 6‫ڎ‬8 et de Luther (La theologia crucis dans la Dispute d’Heidelberg) 6‫ڎ‬8 en vue de l’exég¢se philosophique d’Exode 3, 14Z». L’Ego sum qui sum d’Ex 3, 14 devait marquer le commencement des travaux collectifs du Centre d’études des religions du Livre, fondé trois ans plus tôt.

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été aperçu longtemps à l’avance, cependant que la réalisation du projet était retardée par des raisons qui tiennent certes à la minutie de Vignaux lecteur, mais aussi, en l’occurrence, à l’interruption de la guerre. En 1950, Vignaux avançait dans le plan de son étude de Luther, mis au point presque vingt ans plus tôt. ,uelque chose, il est vrai, avait changé. Entre les années trente et les années cinquante, l’étude des sources scolastiques de Luther a donné lieu à une premi¢re déconfessionnalisation de la Lutherforschung, qui a vu la premi¢re génération des disciples de Deni࠲e –ZGrisar, !eckesZ– céder la place à des savants venus d’horiUons sinon plus variés, du moins religieusement paritaires. Parmi eux, on mentionnera engt Hžgglund, Louis Saint-lancat et ses recherches sur Luther et Pierre d’Ailly, Leif Grane, qui publie en 1962 son étude sur Luther contra Gabrielem, et surtout Heiko Oberman, dont l’étude sur iel, The Harvest of Mediaeval Theology, parue en 1963, inaugurera une moisson de travaux sur les rapports entre Luther, les écoles théologiques « modernesZ» et l’augustinisme du XVe si¢cle 65. Le livre d’Oberman rend hommage à Vignaux, mais le réfute sur plusieurs points 66. 0ne mani¢re d’apprécier cette critique et sa pertinence au regard du programme luthérologique de Vignaux consistera à se demander pourquoi celui-ci n’y a jamais véritablement répondu. Les publications de Vignaux sur Luther s’arrêtent en 1959 avec l’article sur la Disputatio contra scholasticam theologiam et Gabriel iel  la ténacité et l’esprit de suite qui s’étaient révélés jusque-là incitent à ne pas considérer comme totalement fortuit le silence qui leur a succédé 67.

65. . HÄGGLUND, Theologie und Philosophie bei Luther und in der occamistischen Tradition. Luthers Stellung zur Theorie von der doppelten Wahrheit, Lund 1955  L. SAINT-BLANCAT, « Luthers Verhžltnis Uu Petrus LombardusZ », et « -echerches sur la source de la théologie luthérienne primitive (1509-1510)Z », Verbum Caro 29/30 (1954), p. 81-91 (la th¢se de licence en théologie « La conception augustinienne de la charité d’apr¢s le sententiaire Martin Luther », Paris 1953, n’a pas été publiée)  L. GRANE, Contra Gabrielem. Luthers Auseinandersetzung mit Gabriel Biel in der Disputatio contra scholasticam theologiam , Copenhague 1962 (l’Annuaire de l’EPHE signale la présence de Grane au séminaire de Vignaux en 1966-1967, où il a « participé à l’explication des textes de Gabriel ielZ» extraits des Questions sur le Prologue des Sentences 6KKR>FOB , p. 1868)  H. A. OBERMAN, The Harvest of Mediaeval Theology. Gabriel Biel and Late Medieval Nominalism (1963), Grand -apids (Mich.) 20003. L’étude de -. 2EIJENBORG, « La charité dans la premi¢re théologie de LutherZ», Revue d’histoire ecclésiastique 45 (1950), p. 617-669, qui cherche à montrer que « les conceptions ockhamistes de la charité sont à la base de celles de Luther concernant la justi࠱cation par la foi seuleZ», mentionne tr¢s sommairement Luther commentateur des Sentences (p. 628). La synth¢se souveraine d’Oberman sur l’« école de T¶bingenZ» et les débuts de la -éforme, Werden und Wertung der Reformation. Vom Wegestreit zum Glaubenskampf, T¶bingen 19893 (19771), souvent rééditée, n’a sans doute pas livré tout son sens. 66. H. A. OBERMAN, The Harvest of Medieval Theology, p. 7 pour l’hommage liminaire, où Vignaux est mentionné au côté d’Otto Scheel. Oberman critique particuli¢rement Vignaux (et, nouveau couplage, -einhold Seeberg) sur son interprétation de la doctrine de la prédestination cheU Occam et iel (p. 209-211). 0n autre passage rel¢ve de la prise de position théologiqueZ : Oberman, contre Vignaux, veut conclure à un « pélagianismeZ» d’Occam (p. 177). 67. Spectaculaire exemple de l’endurance d’une recherche déployée sur plus de cinquante ans, cette br¢ve mention dans le compte rendu des conférences de 1974-1975 à la Section des sciences

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On partira d’une observationZ: de la question des habitus infus, lancée par Deni࠲e et précisée à l’aide de Harnack, à la Disputatio contra scholasticam theologiam, la progression de Vignaux, bien que contenue in nuce dans les travaux des années 1930, rencontre indéniablement plusieurs évolutions de la Lutherforschung dans les années 1950. Dans son étude des sources médiévales de Luther, Vignaux se tourne alors vers la Disputatio de 1517 et la critique que celle-ci contient des grandes maximes de la doctrine nominaliste de la justi࠱cation –Zou de ce que la recherche quali࠱e alors comme telZ: « facientibus quod in se est, Deus non denegat gratiam », et la possibilité d’un amour de Dieu ex puris naturalibus 68. ien entendu le lien systématique est loin d’être inexistant entre ces questions. L’hypoth¢se de potentia absoluta d’une justi࠱cation de l’homme par acceptation simple implique que l’homme puisse aimer Dieu sans que lui ait été infusée la moindre disposition pour cet amour  le tout est d’éviter de penser que Dieu doive d’une quelconque mani¢re mettre cet habitus en l’homme pour être aimé de lui. 0n tel argument se lit aussi bien comme une description en creux de la rationalité propre à la potentia ordinata, à la fois toujours compl¢te dans les faits et toujours amovible en penséeZ: 6‫ڎ‬8 le croyant vit dans un ordre de salut où, de fait, aimer Dieu ne va jamais sans avoir la grâce  mais sa foi allant à un Tout-Puissant, il peut considérer toutes choses à partir de l’absolu de cette puissance  il conçoit, de ce point de vue, comme possible à part de la grâce, le plus haut des actes purement naturels, cet amour de Dieu ex puris naturalibus qui para¨t constituer la plénitude de la moralité. 6‫ڎ‬8 C’est de potentia Dei absoluta que les pura naturalia se détachent de l’ensemble où ils sont engagés de potentia ordinata. L’hypoth¢se d’une « pure nature » manifeste la gratuité radicale de tout l’ordre de la grâceZ: si haute que soit la valeur morale de tout l’amour naturel de l’objet divinZ: summe diligibile, summe diligendum, elle n’est pas valeur méritoire de la vie éternelle. 6‫ڎ‬8 Ceci est vraiment d’un autre ordre, absolument « surnaturel », auquel la -évélation donne seule acc¢s 69.

On comprend peut-être mieux le silence de Vignaux face aux évolutions de la Lutherforschung à partir de la ࠱n des années 1950 70. L’étude des ࠱liations institutionnelles entre Luther et les di࠰érents embranchements de la via

religieuses de l’EPHEZ(Annuaire de l’EPHE 83 619758, p. 268) : « Dans la seconde conférence, on a commencé à revoir en fonction des connaissances acquises depuis lors les interprétations proposées en 1934 par le directeur d’études sur 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>R XIVe siècleZ: les études de l’année ont porté sur les textes de Jean Duns Scot.Z» 68. Cf.ZH. A. OBERMAN, The Harvest of Medieval Theology, p. 47-50  132-134 et le grand article d’Oberman sur Holkot, « Facientibus quod in se est Deus non denegat GratiamZ: -obert Holcot, O.P. and the eginnings of Luther’s TheologyZ », The Harvard Theological Review 55 (1962), p. 317-342. 69. P. VIGNAUX, « Sur Luther et OckhamZ», p. 455. 70. Le travail sur Jean de -ipa, entamé dans les années 1950, occupera une part croissante des publications de Vignaux dans les deux décennies suivantes. L’article de 1967 sur « La sancti࠱cation par l’esprit incréé d’apr¢s JEAN DE RIPA, I Sent., Dist.ZXIV-XVZ» (Divinitas 11, p. 681714, repris dans De saint Anselme à Luther, p. 405-437), par la question et la source traitées, établira un lien avec les préoccupations antérieures de Vignaux.

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moderna s’est considérablement développée sous l’impulsion d’Oberman, mais elle n’a fait en un sens qu’accentuer la di࠳culté que Vignaux rencontrait dans sa lecture de Deni࠲e. Comment fait-on pour concilier le supposé « nominalismeZ» de Luther avec l’hostilité sans recours du -éformateur envers les arguments produits par Occam, iel ou Pierre d’Ailly ? La mise au jour d’une ࠱li¢re augustino-nominaliste aboutissant, avant Luther, à Grégoire de -imini 71, n’aura pas constitué une réponse aux questions que se posait Vignaux. Le chantier des années 1930, en revanche, restait ouvert en 1950, et progressait le long du réseau de questions et de réponses que le médiéviste avait tracé au préalable dans les SentencesZ: à &࢙0BKQ XVII succédaient &&࢙0BKQ XXVII, sur les vertus et le libre arbitre, et surtout, grand texte de Vignaux dans les années 1950, &&&࢙0BKQ XXVII, sur la charité 72. ,ue ce même chantier puisse être, aujourd’hui, celui qui permettra de rouvrir le dossier des sources scolastiques de Luther, c’est ce que montre la précision des questions que Vignaux a su poser, dans les années cinquante, à un texte comme la Disputatio contra scholasticam theologiam. C’est à nouveau sur les intermédiaires de la justi࠱cation que l’article de 1950 interroge Luther, à propos de la th¢seZ57 de la DisputatioZ: « Non potest deus acceptare hominem sine gratia iusti࠱cante 73. » Acceptare hominemZ: le commentaire nominaliste à &࢙0BKQ ZXVII avait fait surgir l’acceptation simple comme possible voie de salut, à la mesure du moins de la toute-puissance divine, de potentia Dei absoluta, tout en admettant, contre le Lombard, l’infusion de la charité salvatrice en un habitus, de potentia ordinata. Luther en 1509-1511 défendait la lettre des Sentences, voulait « ‫ڇ‬sauver‫ څ‬le Ma¨treZ » en refusant, en mati¢re de charité, tout autre habitus que l’Esprit saint lui-même, « in eo quod habitum dicit esse Spiritum sanctum », qui est immédiatement la Trinité enti¢re, « simul tota Trinitas 74 ». La Disputatio de 1517, dans sa critique d’Occam, semble interposer la « grâce justi࠱ante » entre l’homme et Dieu. Pas davantage qu’en 1509 pourtant, il n’est question de voir dans cette grâce justi࠱ante un habitus de charité. L’immédiateté de la DO>QF>FRPQFࠩ@>KP n’est pas celle de l’acceptation

71. Cf.Z H. A. OBERMAN (dir.), Gregor von Rimini. Werk und Wirkung bis zur Reformation, erlin – NeRZ4ork 1981 et H. A. OBERMAN, F. A. JAMES III (dir.), Via Augustini. Augustine in the Later Middle Ages, Renaissance and Reformation. Essays in Honor of Damasus Trapp, LeydeZ– NeR 4ork – CopenhagueZ – Cologne 1991. )‫ٽ‬KKR>FOB   de l’EPHE fait appara¨tre l’intérêt de Vignaux pour les recherches alors menées sur la théologie de l’Ordre des Ermites de saint Augustin, en citant Damasus Trapp (p. 299). Sur l’augustinisme luthérien, Vignaux, dans Luther commentateur des Sentences, avançait quelques suggestions (p. 8, n. 1). 72. À propos de ce dernier texte, qui forme l’ossature des deux articles de 1950 et 1959, Vignaux renvoie au chapitre III de 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK >R XIVe siècle, sur Occam et Pierre d’Auriole, et à Luther commentateur des Sentences, p. 82-85 (cf. « Sur Luther et Ockham », p. 25, n. 8). Sur II Sent. XXVII-XXVIII, voir par exemple Luther commentateur des Sentences, p. 11, n. 2, p. 47-53. 73. LUTHER, Disputatio contra scholasticam theologiam (1517), dans WAZ 1, 227, 4. Dans la présentation de l’édition de 2eimar, les propositions discutées par Vignaux portent les numéros 56 et 93. 74. Cf.ZLuthers Randbemerkungen zu den Sentenzen des Petrus Lombardus (1509-1511), dans WAZ9, 43, 3-4 et 14-15  P. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences, p. 92.

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simple. Il n’y a pas lieu de lui objecter la gratia cooperans d’Augustin, dans laquelle Harnack discuté par Vignaux voyait une premi¢re déformation, avant même les commentateurs du Lombard, du sens évangélique de la grâce 75. L’immédiateté du salut médiéval se dit en plusieurs sens, le ࠲amboyant augustinisme anti-pélagien de la Disputatio contra scholasticam theologiam n’est pas celui du sententiaire d’Erfurt qui annote à peu pr¢s en même temps le !B࢙1OFKFQ>QB et Pierre LombardZ: en bon théologien médiéval, Luther savait parcourir en même temps plusieurs complexes de questions et de réponses 76. Entre 1509 et 1517, c’est donc une nouvelle « ligne de faitZ» que les travaux de Vignaux, dans leur progression même, permettent de tracer, au sens également bergsonien d’une position de probl¢me. Les études des années cinquante restituent dans l’évolution du jeune Luther une séquence plus longue, sous le signe d’une problématisation générale des médiations du salut, grâce et habitus. CeZfaisant, Vignaux se conforme à une chronologie luthérienne qu’il para¨t être le seul à avoir prise au sérieux. C’est en e࠰et dans un deuxi¢me temps seulement, en 1515-1516, au moment où il annote le Collectorium de iel et en même temps qu’il donne son cours sur l’Ép¨tre aux -omains, que Luther commence à discuter le facienti quod in se est, la question du caract¢re méritoire ou non de l’amour de Dieu ex puris naturalibus et d’une mani¢re générale les marques de ce qu’il interpr¢te comme le pélagianisme des théologiens 77. La critique de iel

75. Voir supra n.Z40. 76. Cf. A. DE LIBERA, « Le relativisme historique. Théorie des ‫ڄ‬complexes questions-réponses‫څ‬ et ‫ڄ‬traçabilité‫» څ‬, Les Études philosophiques 4 (1999), p. 479-494 (avec L’Art des généralités. Théories de l’abstraction, Paris 1999, p. 624-636). Sur Luther commentateur d’Augustin en 1509, voir la mise en place de P. VIGNAUX dans Luther commentateur des Sentences, p. 5-12, qu’on rapprochera de la premi¢re proposition de la Disputatio contra scholasticam theologiam, dans WAZ 1, 224, 7-8Z : « Dicere, quod Augustinus contra haereticos excessive loquatur, Est dicere, Augustinum fere ubique mentitum esse. Contra dictum commune.Z» 77. L’édition lyonnaise du Collectorium et de l’Expositio Canonis Missae de iel que Luther a annotée au couvent d’Erfurt est de 1514  elle livre le terminus a quo. Dans une premi¢re série de remarques marginales dont les plus anciennes datent peut-être de 1516 (cf.Z L. GRANE, Contra Gabrielem, p. 348 et l’édition du texte au t.Z59 de la Weimarer Ausgabe 619838, p. 25-53), Luther discute plusieurs propositions qui réappara¨tront dans la Disputatio contra scholasticam theologiam avec la mention contra Gabrielem et/ou contra ScotumZ (cf. propositionsZ 6, 10-14, 17-20, 26-28). 0ne grande partie est extraite du commentaire de iel à &&&࢙0BKQ XXVII, passage pour lequel on ne conserve pas d’annotations du Luther sententiaire. Vignaux omet de le dire dans ses articles d’apr¢s-guerre, alors même qu’il utilisait d¢s 1935, pour Luther commentateur des Sentences (cf.Zp. 45, n. 2), la premi¢re édition des notes de Luther sur iel par H. DEGERING (Luthers Randbemerkungen zu Gabriel Biels Collectorium in quattuor libros sententiarum und zu dessen Sacris canonis missae tam mystica, quam litteralis expositio )VLK, 2eimar 1933)Z: nouvelle marque de sa vigilance envers les avancées de la Lutherforschung (voir supra n. 21). Pour une mention ironique par Luther de sa lecture de iel, cf.ZAsterici Lutheri versus Obeliscos Eckhii (1518), dans WAZ1, 296, 25-26. Autre test possible, la Quaestio de viribus et volontate hominis sine gratia disputata (automne 1516) a une formulation tr¢s clairement issue de la lecture de iel (« An homo, ad Dei imaginem creatus, naturalibus suis viribus Dei creatoris praecepta servare aut boni quippiam facere aut cogitare atque cum gratia mereri meritaque cognoscere possit ?Z», dans WAZ1, 145, 5-8), dont on ne trouvera pas d’équivalent dans les remarques en marge des Sentences. Au moment des Dictata super Psalterium (1513-1516), Luther peut encore recourir au principe

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n’est pas le point de départ de la critique luthérienne de la théologie scolastique, ou alors elle l’est dans un sens tr¢s précis, restreint d’ailleurs mais riche d’enseignements, et que l’école d’Oberman n’a pas non plus considéré pour lui-mêmeZ: au sens où Luther critique la « théologie scolastiqueZ» désormais désignée par lui sous ce nom avec une intention immédiatement o࠰ensive 78. La critique des théologies de l’École, en revanche, est antérieure, mais elle a d’autres déterminantsZ: d’autres adversaires, comme Duns Scot, et d’autres points de doctrine auxquels s’a࠰ronter, comme l’habitus de charité 79. Pour Luther en 1517, la Disputatio contra scholasticam est une entrée en sc¢ne, et la sc¢ne elle-même s’en trouve changée  le commencement, toutefois, est ailleurs. Martin Luther en 1509 Le commencement de 1509 n’est pas une tentative  c’est un point de départ. Il faut radicaliser la th¢se de Vignaux, en posant, sur une séquence allant jusqu’en 1521 environ, une extension chez Luther de la critique de l’habitus, qui fait de celle-ci sinon le mot d’ordre, du moins l’un des indices les plus reconnaissables du développement théologique de Luther. À partir de l’e࠰ort accompli par le sententiaire pour comprendre littéralement le Lombard, le rejet de l’habitus de charité se déploie à la fois dans le temps et dans le concept. Ses objets changent, ou plutôt s’accumulentZ: habitus de justice dans le commentaire à l’Ép¨tre aux -omains de 1515-1516, à travers la critique de l’Éthique à Nicomaque 80  habitus de pénitence, à partir des développements de la querelle des Indulgences en 1518  habitus de foi, en࠱n, vers 1519-1521,

C>@FBKQFNRLAFKPBBPQ !BRPKLKABKBD>QDO>QF>J࢙: voir 4࢙4, 262, 4-8 (Scholie Ps.Z113 6114-1158). Dans les notes manuscrites sur les sermons de Tauler, que le tome I de la Weimarer Ausgabe date de 1516, la réfutation de l’amour de Dieu ex puris naturalibus est encore timide et semble même admettre la possibilité d’une gradation, depuis les naturalibus bonis jusqu’au pati in spiritualibus (cf.ZLuthers Randemerkungen zu Taulers Predigten, dans WA 9, 100, 31-32). 78. Les remarques sur les Sentences ne s’en prennent à aucun moment à la scholastica theologia ou aux scholastici theologi. La chose est d’autant plus à noter que, bien avant Luther, l’adjectif « sc(h)olasticusZ », au sens neutre de « scolaire, issu de l’ÉcoleZ », n’est nullement d’un usage exceptionnel (cf.Z -. QUINTO, Scholastica. Storia di un concetto, Padoue 2001). Son emploi intensif, tout de suite lié à la volonté de stigmatiser une théologie ennemie, commence réellement vers 1515 dans le commentaire de l’Ép¨tre aux -omains (cf.ZWAZ56, 273, 369  296, 23-24  312, 2, sur les subtilitates scholasticorum theologorum  337, 16-18), même s’il est pour sa part attesté dans le premier commentaire aux Psaumes, avec moins de dureté dans le ton (cf.Zpour les premiers emplois, WAZ3, 31, 366  178, 10-11). 79. De ce point de vue encore, on pourra juger signi࠱cative la lettre d’octobre 1516 à Johann Lang évoquée par Vignaux en 1958 (Philosophie au Moyen Âge, p. 274), WA série IV : Briefwechsel, t. 1, no 26, 66, 34-35 : « 0bi cum Scoto suo, quantum pelagiUet 6Gabriel8, non est, ut per literas nunc proferam. » Le rapprochement entre Scot et iel, asseU indirect historiquement en dépit du « Scotus suus », pourrait renvoyer à une familiarité antérieure de Luther avec le Docteur Subtil. Dans sa rétrospective de 1987 sur son « expérience intellectuelle », Vignaux fera de cette lettre un point de départ (Philosophie au Moyen Âge, p.Z283, cf. supra n. 16). 80. Sur le probl¢me de l’acquisition de la vertu de justice, voir par exemple Die Vorlesung über den Römerbrief, dans WAZ56, 287, 16-24, dans le grand scholie à -omZ4,Z7 (refus de voir dans la

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au cours de la deuxi¢me grande vague de l’activité exégétique du -éformateur, dans les commentaires aux Psaumes et aux Galates. Parall¢lement, les motifs se précisent et font émerger comme la cible principale de la critique la notion même d’un habitus, c’est-à-dire l’idée que le raisonnement théologique pose nécessairement en l’homme des propriétés possédant la structure et la permanence de dispositions. La controverse de 1518 avec Sylvestre Prierias livre un premier exemple. LeZ dominicain conteste la premi¢re th¢se sur les Indulgences et l’usage qui y est fait du verset de MtZ4, Penitentiam agite, au motif que la pénitence en question, n’étant pas l’« habitus de pénitence intérieureZ », ne peut comme le veut Luther s’identi࠱er à la « vie enti¢re des ࠱d¢les 81 ». Ce qui lui est d’abord opposé n’est rien d’autre qu’un rejet pur et simpleZ: Voilà tes paroles. En vérité, ce sont bien les tiennes, tellement scolastiques et thomistiques, que dis-jeZ: aristotéliciennes, que cela me répugne et me dégoûte de les réfuter 82.

C’est bien « l’habitus de pénitenceZ» qui est visé iciZ: « Vous n’êtes pas plus capables de 6le8 comprendre que de 6l’8enseigner au peupleZ», de sorte qu’elle « n’est rien cheU moi, seulement fabriquée par vous en partant d’AristoteZ», une « qualité dans l’âme, permanente et inactive 83 ». Au rejet par ré࠲exe succ¢de le déplacement non moins catégorique du terrain de la discussionZ: « Je refuse (comme tu sais) de n’avoir que toi ou saint Thomas pour ma¨tres en ces mati¢res qui ont trait à l’âme, laquelle ne vit et ne se repa¨t que de la parole de DieuZ». LaZ distinction des divers sens de la pénitence –Z comme vertu, sacrement et décision du prêtreZ – revient pour Luther à « diviserZ » voire « déchirerZ » la « parole tr¢s simple de notre docteur unique et tr¢s simple, le ChristZ» 84. Aux divisions de l’habitus est objecté le tout de la parole divine, au discernement des qualités psychiques l’obéissance au simplement écritZ: la présence ici d’un argument non pas simplement scripturaire mais proprement exégétique, sur le traitement de l’Écriture, a valeur de programme.

justice une « qualitas animeZ», au contraire de ce que disent philosophes et juristes, et hypoth¢se d’une acquisition « magis 6‫ڎ‬8 ab imputatione Dei quam ab esse reiZ»). 81. Cf.Z Resolutiones disputationum de indulgentiarum potestate (1518), propositionZ 1, dans WAZ1, 530, 16Z: « Dominus et magister noster Ihesus Christus dicendo ‘poenitenciam agite etc.’ omnem vitam ࠱delium poenitentiam esse voluit.Z » La contre-argumentation de Prierias est restituée au début de la Ad dialogum Silvestri Prierastis de potestate papae responsio (1518), dans WAZ1, 648, 13-17. 82. LUTHER, Ad dialogum Silvestri Prierastis de potestate papae responsio (1518), dans WAZ1, 648, 18-19. 83. Ibid., dans WA 1, 648, 32-34 : « Secundum, habitualis illa poenitentia, nec a vobis intelligibilis nec vulgo tradibilis, nulla est apud me, sed vobis con࠱cta ex Aristotele, praesertim si qualitatem quandam in anima perpetuam et ociosam intelligitis 6‫ڎ‬8 ». 84. Ibid., dans WAZ1, 648, 34-37 (« Nolo (ut scias) te aut S. Thomam nudos habere magistros in his rebus, quae ad animam pertinent, quae solo verbo dei vivit et pascitur, ideoque unus est eius magister ChristusZ») et 650, 3-27, notammentZ: « 6‫ڎ‬8 quis dedit tibi aut Divo Thomae hanc potestatem, ut verbum simplicissimum simplicissimi et unici doctoris Christi in tres divideres sectas ? Hoccine est Scripturam interpretari, an potius dilacerare ?Z»

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En vérité, si la critique de l’habitus s’étend apr¢s 1516, on ne peut pas dire qu’elle se généralise. Le texte de 1509 dont partait Vignaux la contenait déjà en entierZ: Le Ma¨tre ne s’est pas exprimé d’une façon compl¢tement absurde en disant que l’habitus est l’Esprit-Saint, car cette chim¢re des habitus contient une opinion qui provient d’Aristote, le philosophe pourri 85.

Déjà Aristote est attaqué, son autorité mise en cause, déjà les habitus sont quali࠱és d’« inventionZ» (commentum), sans spéci࠱cation d’objet. L’indication de provenance –Z « cela vient d’AristoteZ »Z – agit par elle-même comme un motif de disquali࠱cation. Deux conclusions doivent s’encha¨nerZ : la critique de l’habitus –Zde tout habitusZ– constitue cheU le tout jeune Luther un mobile théologique pour ainsi dire auto-su࠳sant  mais elle ne le peut que parce que la critique de la philosophie, telle que Vignaux commence à la reconstituer dans les textes de 1509 86, constitue d’abord un mobile pour Luther. On placera sans doute encore derri¢re elle l’a࠰ect de soumission à la lettre de la parole divine. Il n’empêche que l’inimitié envers la philosophie fonctionne, en 1509, comme un théologoum¢ne et qu’il y a déjà à ce moment, cheU le jeune sententiaire, une théologie de l’anti-philosophie, dans laquelle la haine d’Aristote détermine la conception de l’ordre du salut. 0ne derni¢re question serait celle de savoir comment il a pu se faire techniquement que le mobile anti-philosophique du jeune Luther soit pris en charge de façon tellement insistante par la critique des habitus. Techniquement, c’està-dire en considérant l’instrumentation conceptuelle d’un bachelier sententiaire

85. Luthers Randbemerkungen zu den Sentenzen des Petrus Lombardus, dans WAZ9, 43, 2-5Z: « Et videtur Magister non penitus absurdissime loqui : in eo quod habitum dicit esse spiritum sanctum. ,uia commentum illud de habitibus opinionem habet ex verbis Aristotelis rancidi philosophiZ». Cf.ZP. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences, p. 44. Vignaux ne commente pas la phrase qui suit (l.Z5-8)Z: « Alias bene posset dici, quod spiritus sanctus est charitas concurrens seipso cum voluntate ad productionem actus amandi, nisi sit forte determinatum essentiae in oppositumZ». L’identi࠱cation de l’Esprit Saint à la charité est con࠱rmée, mais la suite montre à quel point l’anti-pélagianisme de Luther est en 1509, sinon inexistant, du moins indéterminé (« nisi sit forte determinatum essentiae in oppositumZ») et dans tous les cas en retrait de celui qui s’a࠳rmera par la suite (voir supra n.Z21). 86. C’est dans ce contexte que la citation de la cél¢bre lettre à Johann raun peut faire enti¢rement sens. Datée du 17 mars 1509, elle préc¢de de quelques mois les notes de Luther sur les SentencesZ: « 6‫ڎ‬8 violentum est studium, maxime philosophiae, quam ego ab initio libentissime mutarim theologia, ea inquam theologia, quae nucleum nucis et medullam tritici et medullam ossium scrutaturZ » (WA série IV : Briefwechsel, t. 1, , nj 5, 17, 39-46, cité partiellement par P. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences, p. 1, n. 3). Pour des imprécations similaires contre la philosophie douUe ans plus tard, dans le même voisinage de l’habitus et du lexique scolaire (« subtilitates illa6e8 reatuum, debitorum, formalium, materialium, peccati, privationis, habitus, actus, expulsionis, infusionis, remissionis, qualitatum, formarum, subiectorum, bonitatis intrinsecae et extrinsecae, malitiae intrinsecae et extrinsecae, congrui meritorii, generis bonorum, acceptati, deacceptatiZ»), cf.ZRationis Latomianae confutatio (1521), dans 4࢙8, 118, 35 - 199, 7Z: « 6‫ڎ‬8 tantum abest, ut aliquando miserum vulgus ex ipsis veram peccati et gratiae cognitionem accipiat, cum hic philosophiae etiam novissimas feces et decies excretas vorasse oporteat, antequam quid reatus aut debitum sit, intelligasZ».

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Paul Vignaux et les sources de la Réforme

d’Erfurt en 1509Z: ici, un rôle important semble devoir être accordé à la distinction des puissances absolue et ordonnée et au traitement original qui en est fait par le jeune théologien réputé formé dans la via moderna. Là encore c’est à Vignaux – qui aura par ailleurs décrit en profondeur le statut de l’opposition entre potentia Dei absoluta et ordinata comme instrument de la penséeZ–, que revient d’avoir vu que Luther est celui qui critique de facto la nécessité d’habitus créés 87. Ce constat su࠳t à le distinguer absolument de iel et des commentateurs nominalistes qui déclarent les habitus super࠲us de potentia absoluta seulement, mais continuent d’a࠳rmer que le Lombard s’est trompé stante lege en niant la nécessité d’une vertu de charité infusée en l’homme. Par là se con࠱rme aussi l’importance du choix qui a incité Vignaux à placer son analyse des doctrines nominalistes de la justi࠱cation « au point de vue de la potentia ordinataZ», au moment même où se mettaient en place les habitudes exégétiques qui tendent depuis lors à assimiler le nominalisme à une pensée de la puissance absolue 88. Pour pouvoir d’emblée déjouer ce qu’une telle interprétation avait d’unilatéral, aussi bien du reste que l’e࠰et de généralisation historiographique qui en est solidaire (« le » nominalisme), la stratégie de Vignaux a consisté à rehausser l’autre terme de l’opposition, précisément pour faire comprendre que l’opposition elle-même importait. Apr¢s guerre, c’est une stratégie similaire qui fournira la mati¢re de la nouvelle réfutation de Deni࠲eZ : si Luther peut a࠳rmer dans la Disputatio contra scholasticam theologiam qu’il n’y a pas d’acceptation divine sans grâce justi࠱ante, paraissant ainsi revenir sur la th¢se d’immédiation de la charité qu’il avait professée en marge des Sentences, c’est parce qu’il a fait préalablement exploser le cadre de l’opposition de potentia absoluta / de potentia Dei ordinata, en n’éprouvant tout simplement plus le besoin de préciser à quelle puissance il situe sa réfutation d’Occam 89. Il n’y a pas d’habitus de charité institué de puissance ordonnée, et la libre acceptation du pécheur dans la grâce de Dieu ne se conçoit plus dans le vis-à-vis d’une autre voie de salut. La toute-puissance divine dispense la grâce mais n’a pas à se réaliser ou à se stabiliser, comme on voudra, dans un ordre de salut. On pourra donc encore dire, si l’on y tient, que Luther est un théologien nominaliste, mais on devra aussi reconna¨tre qu’un nominaliste indi࠰érent à la distinction des puissances est un nominaliste d’un genre particulier 90. Deux voies de recherche pourront alors s’ouvrir. La premi¢re suit les méandres du discours luthérien face aux distinctions de la toute-puissance

87. P. VIGNAUX, Luther commentateur des Sentences, p. 42. 88. Ibid., p. 47 et supra n. 53 sur la critique de !eckes. 89. « Sur Luther et OckhamZ», p. 457-458. 90. Sur le « nominalismeZ» de Luther, on consid¢rera ce « redressementZ» signi࠱catif de Vignaux (cf. supra n. 13), à une page d’intervalle. Luther commentateur des Sentences, p. 37Z: « N’oublions pas cependant le nominalisme de LutherZ: en parlant de l’homme en général, nous ne visons pas une essence 6‫ڎ‬8Z»  et p. 38Z: « Les notes sur les sentences ne permettent pas de pousser davantage l’idée d’une relation entre le terminisme de Luther et sa conception de la Parole divine. Peut-être sommes-nous allés trop loinZ: il fallait ‫ڄ‬situer‫ څ‬cette foi trinitaire qui ne propose au théologien rien à comprendre et lui refuse de chercherZ».

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Philippe Büttgen

divine  le parcours prend, encore une fois, son départ dans les notes sur Pierre Lombard et atteint, à l’autre extrémité de l’œuvre de Luther, le commentaire sur le livre de la Gen¢se. Il faut y faire la part de ce qui, en 1509, est déjà aboli et de ce qui réappara¨t, de façon plus ou moins explicable, en 1535-1545 91. On pourra s’aider de l’observation suivanteZ: à ce qui, cheU Luther, se pro࠱le –Z pas toujours explicitementZ – comme une destruction de l’opposition entre puissance absolue et puissance ordonnée de Dieu, répond une destruction de l’habitus humain et de ce à quoi il s’oppose. La spéci࠱cité luthérienne se trouve dans cette loi d’abolition réciproque, non pas seulement des opposés, mais des oppositions. Dans ses formulations les plus achevées, la critique de l’habitus vise en e࠰et systématiquement des couples de notions. Le second commentaire aux Psaumes de 1519-1521 fait ainsi observer que ce qui dans l’Écriture est désigné comme « volontéZ » ne signi࠱e ni la puissance ni la disposition, pas davantage l’acteZ: La « volonté », en premier lieu, ne doit être prise ni comme la puissance, ni comme cet habitus en sommeil que les théologiens ont récemment introduit pour renverser l’intelligence de l’Écriture. Elle ne signi࠱e pas davantage l’acte qu’ils disent choisi à partir de cette puissance et de cet habitus 92 .

Dans ce premier temps, l’habitus, l’acte et la puissance sont écartés au motif que ce dont il est question ne correspond à rien dans la « nature humaine 93 ». Plus loin, à propos du PsaumeZ5, ce constat est transposé aux « vertus divinesZ»Z: ,u’est-ce en e࠰et que la foi, sinon ce mouvement du cœur qu’on appelle croire, l’espérance, celui qu’on appelle espérer, et la charité, celui qu’on appelle aimer ? Car je pense que ce sont des fantasmes humains que ceux qui portent à croire qu’autre chose est l’habitus, autre chose son acte, s’agissant surtout de ces vertus divines dans lesquelles tout n’est que passion, rapt, mouvement, par quoi l’âme est mue, formée, purgée, marquée par la parole de Dieu, à tel point que toute l’a࠰aire de ces vertus n’est rien d’autre que la purgation de la vigne, comme dit le Christ 6Jn 15, 28, qui permet à celui-ci de produire plus de fruits 94

91. Sur le premier point, voir les textes sélectionnés et commentés par O. OULNOIS dans La puissance et son ombre. De Pierre Lombard à Luther, Paris 1994, p. 393-400  sur la réapparition de la potentia ordinata cheU le Luther des décennies 1530-1540, cf. Ph. ÜTTGEN, Luther et la philosophie. Études d’histoire, Paris 2011, p.Z87-121.. 92. Operationes in Psalmos (1519-1521), dans WA 7, 33, 7-10, sur PsZ1, 2 (« Sed in lege domini voluntas eius et in lege meditabitur die ac nocteZ »)Z : « ‘Voluntatem’ primum hic neque pro potentia neque pro stertente illo habitu, quem recentiores Theologi ex Aristotele invexerunt ad subvertendam intelligentiam scripturae. Item neque pro actu, quem ex ea potentia et habitu elici dicunt.Z» 93. Ibid., dans WA 7, 33, 10-11, à la suite : « Non habet universa natura humana hanc voluntatem, sed de coelo veniat necesse est ». 94. Ibid., dans WAZ5, 176, 9-16Z: « ,uid enim est ࠱des, nisi motus ille cordis, qui credere, Spes motus, qui sperare, Charitas motus, qui diligere vocatur ? Nam phantasmata illa puto humana esse, quod aliud sit habitus et aliud actus eius, praesertim in his divinis virtutibus, in quibus non est nisi passio, raptus, motus, quo movetur, formatur, purgatur, impregnatur anima verbo dei, ut

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La suite du texte ajoutera à la « passionZ » et au « raptZ » l’expolitio et le ductus, qui permettront un rapprochement dubitatif avec les Theologi mystici, rapidement conclu, ou interrompu, par la sentenceZ: « la Croix est notre seule théologie 95. » Par là, nous sommes déjà engagés sur la seconde voie. Celle-ci m¢ne au bord de l’exposé dogmatiqueZ: la foi comme motus livre l’une des dé࠱nitions possibles qu’appelle la répétition de plus en plus fréquente, dans les décennies 1510-1520, du PLI>ࠩAB luthérien. On pourra aussi remarquer qu’elle retrouve le motus par lequel les Sentences désignaient l’Esprit Saint pour insister sur l’immédiateté de l’amour qu’il op¢re 96. C’est de même expressément contre l’habitus que s’élabore l’une des dé࠱nitions les plus étonnantes de la foi cheU le Luther de 1520, qui fait de celle-ci une œuvre, l’œuvre unique du croyant, pour pouvoir abolir le mérite par les œuvres 97. C’est en࠱n la critique de l’habitus « etZautres délires de la philosophie moraleZ» qui ménage l’acc¢s à la thématique de l’« homme totalZ », intégralement spirituel ou intégralement charnel, totus homo, par quoi, avant 1519, s’opérait la révision luthérienne de l’augustinisme,

sit omnino negocium harum virtutum aliud nihil quam purgatio palmitis, ut Christus dicit, quo fructum purgatus plus a࠰erat.Z» 95. Ibid., dans WAZ5, 176, 21-22 et 29-33Z: « Hunc ductum Theologi mystici vocant In tenebras ire, ascendere super ens et non ens. Verum nescio, an seipsos intelligant, si id actibus elicitis tribuunt et non potius crucis, mortis infernique passiones signi࠱cari credunt. C-0X sola est nostra Theologia.Z» Sur le rôle privilégié de l’exég¢se des Psaumes dans le débat de Luther avec ce qui émerge, au regard de sa critique, comme une théologie de l’habitus, cf. plus loin WAZ5, 460,Z1518Z : « Ita videmus, quam egregius dialecticus sit David, qui ࠱dem dei tam propria de࠱nitione disserit. Et quid aliud sunt omnes psalmi quam quaedam di࠳nitiones ࠱dei, spei et charitatis ? Per hos enim a࠰ectus versantur universi et singuli ostenduntque, ࠱dem, spem et charitatem esse proprie quosdam optimos et divinos a࠰ectus.Z» L’a࠳rmation succ¢de à une nouvelle critique de l’habitusZ: « Non enim, ut illi somniant, ࠱des est habitus in anima subiectus et stertensZ» (WAZ5, 460, 9), auquel s’oppose, non plus l’actus ni même le motus, mais l’>ࠨB@QRP. 96. Sur la charité comme motus dans les Sentences, voir I. Sent. XVII, cap. 17-18, éd. citée supra n. 39. Le point de départ de Vignaux se retrouve dans un passage du commentaire aux Galates de 1519 qui parle aussi de motus et oppose celui-ci, à nouveau, à l’habitus (qualitas latens), mais cette fois à propos de la charitéZ: « Primus 6sc.Zfructus  opus spiritus8 est charitas, de qua dictum est, non esse eam qualitatem latentem, sed sicut de ࠱de beatus Augustinus dicit, quod unusquisque eam certissime videt, si eam habet, ita et spem certe sentit se habere, ita et charitatem praesertim tempore tentationis certissime videt, si habet. Est ergo haec dulcis motus in deum irascentem et proximum o࠰endentemZ» (WAZ2, 593, 10-14). 97. Von den guten Werken (1520), dans WAZ6, 206, 24-27 : « Ja sie haben den glauben nit ein Rerck bleiben lassen, sundern, Rie sie sagen, ein habitum darausU gemacht, sUo doch die gantU schri࠰t keinem nit gibet den namen gotlichs gutes Rercks, dan dem einigen glauben.Z» Sur la foi comme opus operum, voir le texte tr¢s voisin des Operationes in Psalmos, dans WAZ5, 396, 24-32Z: « Error ergo est, ࠱dem et opus eius iuxta alias virtutes et opera collocare, quam oportet supra omnia elevare et tanquam incessabilem quandam et generalem in࠲uentiam super omnia opera existimare, qua movente et agente omnia moveantur, agant, vigeant, placeant, quae sunt in homine. 6‫ڎ‬8 Itaque in ࠱de omnia opera sunt aequalia, utcunque sese obtulerint. Ipsa enim sola est opus operum omnium.Z»

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avant que les écrits publics de 1520 n’imposent à nouveau un usage beaucoup plus démonstratif de la référence au P¢re de l’Église 98. On pourra conclure ici. En identi࠱ant cheU le sententiaire erfurtois de 1509-1510 la formule générale d’une critique de l’habitus, Vignaux a ouvert la possibilité d’une scansion nouvelle de l’histoire de la premi¢re théologie luthérienne. C’est en ce sens que Luther commentateur des Sentences conserve un temps d’avance sur toute la recherche qui lui a succédé. L’analyse de Vignaux découvre l’outil qui, avant même la « découverte réformatriceZ», a permis à un apprenti théologien de rompre avec toutes les théologies de son temps. Sans doute fallait-il être formé aux exigences de l’histoire doctrinale des XIVe et XVe si¢cles pour aller, pour ainsi dire, droit à l’outil, plutôt que de s’égarer dans la recherche en paternité « nominalisteZ». Vignaux s’est découvert médiéviste en lisant Duns Scot et Luther. Au lecteur de Luther, aujourd’hui, d’en déduire la réciproque qui l’enjoindra à se faire, autant que possible, médiéviste.

98. Sur ce point, voir Ph. ÜTTGEN, Luther et la philosophie, p.Z247-283. Le texte de référence est à nouveau le commentaire aux Galates, ici sur GaZ5, 19-21 (Manifesta autem sunt opera carnis), In epistolam Pauli ad Galatas commentarius (1519), dans WAZ2, 589, 1-13Z: « Igitur spiritualis homo totus homo est, quantum sapit quae dei sunt, carnalis totus, quantum sapit quae sua sunt. Apostolus, ignarus Aristotelicae philosophiae, non appellat haec vitia habitus in anima, sed opera ipsa, quibus omnibus unum habitum tribuit, carnem, hoc est totum hominem ex Adam natum. 6‫ڎ‬8 Igitur cum Apostolo contemptis habitibus aliisque deliriis moralis philosophiae, scito aut carnem aut spiritum te esse et utrunque ex fructibus suis cognosci, quos hic Apostolus aperte enumerat.Z»

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–ZIIZ–

Écrits de Paul Vignaux

PAUL VIGNAUX, LA PHILOSOPHIE FRANCISCAINE (ouvrage inédit de 1927-1929)

I. Domine Deus Noster qui doctorem venerabilem (30-31 décembre 1927) ................................................................................................p. 239 II. Philosophus noster Paulus (31 décembre 1927-2 janvier 1928) .............................................................................p. 243 III. Homo finis omnium (21 février 1928).....................................................................p. 249 IV. Instinct d’autovaluation : une manière d’amour propre (novembre 1928)........................................................................................................... p. 255 V. L’économiste de Laveleye (novembre 1928)............................................................. p. 257 VI. Matériaux d’une justification (novembre 1928) ....................................................p. 261 VII. Primat de la métaphysique, primat des simples (21 février 1929) ...........................................................................................................p. 263 VIII. Guigues le Chartreux (22 février 1929) ..............................................................p. 267 IX. Du feu qui ne brûla pas (19 avril 1929) ..................................................................p. 271 X. D’un frère qui voulait conserver des livres (11 février 1929)..................................p. 277 XI. Trois textes de saint Bonaventure sur les trois concupiscences (19 avril 1929) ...............................................................................................................p. 281

EN GUISE DE PRÉSENTATION Grâce à la ténacité de M.Z Jean Lecuir, avec l’aide de !rançois Vignaux, un manuscrit inédit de Paul Vignaux a pu être sauvé de sa double perte : la relégation dans les archives familiales et la con࠱scation par la Gestapo. Intitulé De franciscana philosophia (La philosophie franciscaine), ce manuscrit, rédigé entre le 31 décembre 1927 et le 19 avril 1929, comprend un ensemble de courts essais, portant sur la philosophie franciscaine. Le manuscrit a pu être reconstitué à partir de ses deux sources. 1. Tout d’abord un dossier rassemblé par Madame Vignaux dans une chemise intitulée « Notes tr¢s personnelles sur la mystique franciscaine et l’action sociale », qui se trouvait dans les archives familiales Vignaux, dans le grenier de la maison familiale à Sarniguet. Il comportait, d’une part, vingt-six pages dactylographiées, introduites par un incipit et un pseudo-colophon imités des manuscrits médiévaux, en latin : INCIPIT DE PHILOSOPHIA FRANCISCANA LIBER I. Domine Deus noster qui doctorem venerabilem

p. 1

II. Philosophus noster Paulus

p. 4

III. %LJLࠩKFPLJKFRJ

p. 9

IV. Guigues le Chartreux

p. 13

V. Du feu qui ne brûla pas

p. 15

VI. D’un fr¢re qui voulait conserver des livres

p. 18

VII. Trois textes de saint onaventure sur les trois concupiscences p. 21 CODEX VE-SALIENSIS (De࠱ciunt inter IIIum et IVum cap. hujus codicis quatuor cap.)

E X PLIC I T. CODEX . VERSA LI ENSIS . DE . PH I LOSOPH I A . F R A NC ISCA NA . L I BR I . QUOD . OPUS . D O C T R I NA . SA PI E N T I A . L E P OR I A . A E QUA L I T E R . M I R A BI L E . E X S T RU X I T . V E N E R A BI L I S . A M I C US . N O S T E R . P AU L US . S I V E . D O M I N I C U S . V I G N AU X . I N . D I E B U S . P R A E T E R I T I S . M A N U . SCRIPSERUNT. I OHANNA . ET. H ENRICUS . M ARROU. APUD. VERSALIAM . M E NSE . J U L IO . A N NO . D OM I N I . MC M X X X . ! I N I TO . L I BRO . GR AT I AS . REFERAMUS. CHRISTO.

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Paul Vignaux

Ce texte nous apprenait qu’il avait été dactylographié par Henri-Irénée et Jeanne Marrou à Versailles (où Marrou faisait son service militaire à l’hôpital Larrey) et qu’il y manquait quatre chapitres. Le titre français fait défaut, le tapuscrit n’en portant pas d’autre que celui, donné en latin de mani¢re humoristique, de De Philosophia franciscana liber. Il était donc prévu qu’il s’intitulât : La philosophie franciscaine. D’autre part, le dossier comprenait les textes manuscrits des chapitres I et II (de l’écriture de Vignaux). 2. En࠱n, M. Jean Lecuir a retrouvé dans les deux cartons de papiers saisis par la Gestapo durant l’été 1940, et restitués par la -ussie en 2000, les manuscrits des chapitres IV, V, VI et VII, ainsi que les quatre textes signalés comme manquants et qui doivent être insérés entre III et IV. Ainsi a pu être reconstitué un livre perdu, qui nous restitue les ré࠲exions d’un jeune penseur chrétien de vingt-cinq ans sur l’histoire et sur la métaphysique, ré࠲exions marquées du sceau de la pensée franciscaine. L’ouvrage constitue un ensemble cohérent, tout à fait précieux pour comprendre ses engagements ultérieurs de philosophe, d’historien et de militant syndical. On y verra comment, d’une mani¢re vertigineuse, l’exposé de la philosophie franciscaine débouche sur des considérations politiques, et sur des conclusions tr¢s pratiques, dont une phrase à l’emporte-pi¢ce donne un avant-goût révélateur : « La nationalisation des entreprises et la métaphysique franciscaine, c’est la même chose. » L’ouvrage non publié, puis perdu, a pourtant alimenté toute la ré࠲exion de Paul Vignaux (on en retrouve des éléments dans Philosophie au Moyen Âge) – pour ne rien dire de son action. J’ai édité le texte, traduit en note les textes latins, et donné, quand c’était possible, les références des citations. Olivier BOULNOIS

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I f DOMINUS DEUS NOSTER, QUI DOCTOREM VENERABILEM AUGUSTINUM‫ ڏ‬DOCUISTI‫ ڏ‬v Duns Scot, De Primo Principio, II, 1 1

Dirons-nous l’actualité d’une métaphysique franciscaine ? Ou son éternité plutôt ? Je préf¢re dire son immortalité, et comment je la conçois immortelle. Il y a vingt ans, on aurait plaidé, avec éloquence, la « modernité » de Duns Scot. D’aucuns en ont fait un précurseur de &ant  nous pourrions y voir un précurseur de londel, et même un P. Sanson 2 plus sûr, plus subtil et plus profond. Mais le ࠱ls vaut par le p¢re, qu’il aimait et tenta d’imiter, à sa mani¢re. Et saint !rançois n’a que faire d’une quelconque modernité : c’est nous, modernes, et notre monde moderne, qui avons besoin de lui pour nous comprendre et savoir nous aimer –Zcomme nous avons besoin du Christ, dont, jusque dans sa chair, !rançois d’Assise fut la transparente ࠱gure. À quoi bon excuser Duns Scot d’avoir vécu au XIIIe si¢cle ? Dans son si¢cle, qui ne valait peut-être pas mieux que le nôtre, il a pensé, et prié, en chrétien : cela nous su࠳t. Inutile de le dépouiller de sa robe de jeune Mineur, pour le revêtir de la redingote usée d’un professeur kantien. Demandons-lui simplement ce qu’il a dit à son si¢cle, et comment il a répondu aux questions que ce si¢cle lui posait : ce si¢cle où Aristote, dans les âmes étudiantes, bataillait avec Augustin, où les écoles faisaient combattre, sur un texte du Philosophe, Avicenne avec le Commentateur. Nous ne croyons pas que les probl¢mes discutés dans l’Opus Oxoniense soient, dans leur forme exacte, des probl¢mes éternels  nous savons que l’intelligence des questions est solidaire de leur formule, et qu’avec la « technique », ce qui change, de Scot à Descartes, ou à &ant, ce n’est pas seulement la mani¢re de parler, c’est aussi la mani¢re de penser. Comment isoler nos pauvres pensées de mortels, mortelles sans doute, du langage que le milieu des écoles prête au génie ? De nos idées d’hommes, nous hésitons à faire des essences éternelles. Et une philosophia perennis, c’est, pour nous, une philosophie qui survit aux si¢cles, continuant son passé qu’elle n’oublie pas, comme notre âme survit aux jours  mais notre

1. DUNS SCOT, Traité Du Premier Principe, chap. II, a 698, trad. !.-X. PUTALLAZ, Paris 2001, p. 85 : « Seigneur notre Dieu, qui as enseigné de façon infaillible au vénérable docteur Augustin –Zalors qu’il écrivait sur toi, Dieu trineZ– ce que lui-même exprime dans le premier livre de la Trinité : ‫ڄ‬Absolument aucune chose ne produit elle-même son être‫» څ‬. Cette citation sera reprise et commentée par Vignaux dans ses articles sur Duns Scot. 2. Pierre Sanson (1885-1955), prêtre de l’Oratoire, philosophe, est conférencier de Carême à Notre Dame de Paris, en 1925, 1926 et 1927. Ses conférences de 1927 portent sur « Le Christianisme, métaphysique de la charité » (Paris, 1927, 7 fasc. in 16).

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âme dure, dans le temps, elle n’est pas dans l’immobile éternité  et non plus, les philosophies des hommes, même illuminées de Dieu. De même que notre docteur mit les idées de Platon sous l’„tre de Dieu : non pas sa volonté, mais son intelligence qui les dit, nous céderons en histoire de la philosophie, au mouvement, tr¢s franciscain, qui tend à mettre l’âme au-dessus de l’idée. Ce qu’un philosophe nous laisse de plus durable et de plus fécond, ce n’est point –Zà parler exactementZ– le monde pensé en fonction d’une essence privilégiée, ou le lieu des idées vu de l’une d’entre elles. Dans le mouvement qui m¢ne à comprendre une philosophie, la vision d’un monde des idées n’est qu’un moment, une apparence nécessaire qui ࠱nalement se dissipe : c’est l’heure où le syst¢me appara¨t, nous dominant de sa rigueur impersonnelle, toutes th¢ses liées ensemble, avant de s’ordonner peut-être à une seule. Mais encore que jointes par la nécessité, les idées gardent entre elles quelque chose de l’extériorité des mots : « unio imitatio unitatis 3 », leur union s’impose à l’esprit qui ne voit pas encore leur unité. L’heure vient ࠱nalement, ou plutôt approche sans cesse, où toutes les idées et toutes les assertions rentrent et se fondent les unes dans les autres, en la simplicité d’un regard d’intelligence, et comme en une simple parole intérieure : non plus ce que le philosophe avait dit à ses contemporains, mais ce qu’il s’était dit à soi-même et avait à leur dire. Au-delà de la multiplicité des essences, on devine l’unité d’une attitude d’âme, au point où l’intelligence, qui la préc¢de, communique avec la volonté, où la simplicité de l’intuition se continue en une intention toute simple. Telle serait du moins l’intellection idéale d’une philosophie idéale : ne désespérons pas trop d’en approcher en étudiant, dans un esprit qui se voudrait franciscain, une métaphysique franciscaine. À propos d’histoire de la philosophie et de l’intelligence des doctrines, on a parlé d’un e࠰ort de « sympathie »  le mot est juste : une âme touchant presque une autre âme, et son immensité, c’est cela, au moment où, l’esprit d’analyse n’ayant plus à s’exercer, l’intelligence, d’elle-même, va jusqu’à son extrême bout, et tourne au sentiment. « Intellectus quodammodo ࠱t omnia 4 » : le vieil adage du Philosophe peut encore signi࠱er qu’en comprenant son œuvre, une âme s’assimile à une autre âme. Mais, comme l’intelligence, la volonté est puissance d’assimilation. C’est l’enseignement de Scot : « Sicut primus habitus‫ ڎ‬intellectus, inclinat ad videndum objectum, ita habitus voluntatis inclinat et facit potentiam quasi connaturalem illi objecto 5. » L’intelligence met en nous l’essence, ce qui de l’être est à voir, mais la volonté y met la nature, ce qui l’a fait na¨tre et vivre. Et avec un peu de cette âme, ce que nous tenons, c’est cela même qui est le plus universel dans une philosophie et vaut pour tous les temps. Car, une âme, c’est une certaine puissance in࠱nie de comprendre et d’aimer, et quoiqu’elle ait compris et aimé, en son si¢cle, sa puissance d’intelligence et

3. « L’union, imitation de l’unité ». 4. « L’intellect devient en quelque sorte toutes choses » (cf. ARISTOTE, De l’âme III, 8, 431 a 20 : « L’âme est, en quelque façon, toutes choses »). 5. « De même que le premier habitus 6‫ڎ‬8 de l’intellect l’incline à voir l’objet, de même l’habitus de la volonté l’incline, et rend la puissance comme connaturelle à cet objet. »

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d’amour était trop grande pour lui, et peut, si nous en retrouvons quelque chose, nous aider, en notre si¢cle, à le comprendre et à l’aimer sans erreur. 0ne âme ne s’épuise point à animer une vie, il lui reste toujours à vivre encore : c’est même pour cela qu’elle est immortelle. De même une philosophie, comprise comme chose d’âme : l’œuvre accomplie n’épuise point sa fécondité qui peut agir encore dans nos esprits : la pérennité d’une philosophie n’est pas si di࠰érente de l’immortalité de l’âme. !ormée pour l’étude d’une métaphysique franciscaine, pareille conception serait périlleuse, voire impossible à réaliser, devant toute philosophie, en face d’une doctrine qui ne serait pas chrétienne. Probl¢me grave en e࠰et, que d’accueillir en soi quelque chose d’une autre âme, non pas comme un objet de spéculation, mais comme un principe de vie : quand on peut en venir là, l’histoire, en demeurant elle-même, dans sa pure impartialité, se continue, de soi, en philosophie, et devient instrument de précieuse culture, pour l’intelligence et l’âme même. Nous serons, moins qu’Auguste Comte, inquiets de sauvegarder notre « originalité caractéristique » : il ne faut pas craindre de pâtir autrui  devenir l’autre dans la connaissance et la volonté, est moyen de s’enrichir soi-même  la métaphysique franciscaine est loin de nous interdire le désintéressement de l’intellection, ni même le détachement de l’amour –Zà condition que l’on ne se trompe pas en aimant, et de cela, l’intelligence peut nous garder. Peu m’importe, ici, que cette société « la©que » des esprits ne soit gu¢re concevable : le philosophe et l’historien sont, l’un et l’autre, de l’Église, de ce catholicisme dont on a dit qu’il était « le conservatoire de la métaphysique ». Et cette catholicité, qui sauve la métaphysique avec tant de valeurs humaines, n’est pas seulement la doctrine des Conciles, l’enseignement des P¢res, des Docteurs et des théologiens : toutes choses visibles. L’essentiel de la catholicité est de l’ordre invisible : la communion des saints, tr¢s réelle société des esprits, tr¢s réelle communauté de travail, dont vit toute la Tradition et, dans la Tradition, les philosophies chrétiennes. Au point où, comme dans le De Primo principio, la métaphysique devient une pri¢re, nous touchons sans doute, avec l’unité des âmes en Dieu, le principe de cette vitalité, qui étonne, des métaphysiques chrétiennes : celui qui écrivait jadis le De Primo Principio priait en l’écrivant, et sa pri¢re, louant le Seigneur Notre Dieu –Z« Dominus Deus noster »Z– le liait à toute l’Église, et à celui-là même qui relit aujourd’hui le vieux traité, d’une âme curieuse, mais ardente : « anima theologica, sed devota 6. » Lorsqu’en toute conscience nous avons fait notre tâche d’historiens, si nous essayons seulement d’avoir une âme chrétienne, les ma¨tres franciscains deviennent tout proches, comme des amis, nos a¨nés, avec, entre eux et nous, une présence divine. J’imagine que les Docteurs franciscains vivaient de cette mani¢re, avec saint Augustin et saint Anselme, et tous ceux qu’ils invoquent sous ces simples mots : « auctoritas Sanctorum. » Le Ma¨tre qui les illumine est environné de ses saints : « Domine Deus noster, qui doctorem venerabilem Augustinum‫» ڎ‬ – «Seigneur notre Dieu, qui aveU enseigné Augustin, ce docteur que nous

6. « 0ne âme théologique, mais pieuse ».

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vénérons. » (De primo principio II, 1). Si nous cherchons l’„tre dans le désintéressement de l’intelligence et le détachement de la volonté, ces ma¨tres franciscains, que nous étudions, sont, aupr¢s de Lui, en toute réalité, nos intercesseurs : dans ce mot dont le si¢cle abuse, il ne doit y avoir pour nous, à l’égard de ces philosophes qui furent des serviteurs de Dieu, aucune littérature, mais la simple vérité.

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II f PHILOSOPHUS NOSTER‫ ڏ‬PAULUS‫ ڏ‬7 v Duns Scot, Reportata Parisiensia, d. 49, q. 2, 11

Comment saint Paul peut-il être, en tout vérité, « notre Philosophe », selon la parole de Scot, qu’aurait pu dire aussi saint onaventure ? « Notre Philosophe », saint Paul qui ne voulait savoir que Jésus-Christ, et Jésus-Christ cruci࠱é. Probl¢me essentiel : dont la solution nous dira comment est possible une métaphysique franciscaine. 0ne métaphysique, de Platon à ergson, ne va point sans l’opposition de deux points de vue, et la possibilité de passer de l’un à l’autre : d’un côté, l’apparence, dont se satisfait la commune humanité  de l’autre, la réalité, que veut le philosophe, pour que son âme, co©ncidant avec l’absolu, vive de sa vie. LaZmétaphysique est un e࠰ort, ou mieux une technique, pour transcender la condition humaine. Comme elle est une technique, et savante, elle tend à séparer ceux qui, la pratiquant, touchent au réel et ceux qui, ne la pratiquant pas, demeurent parmi les apparences. Les métaphysiques créent une aristocratie de l’absolu. Parmi les expériences des hommes, il s’agit, pour le philosophe, de découvrir l’expérience privilégiée qui passe toutes les autres et nous él¢ve au-dessus de nous-mêmes, jusqu’à communier à l’absolu : depuis Platon, les mathématiques, diversement comprises, ont été cela, pour des générations  « teste Mathesi », écrit SpinoUa 8 : parmi les ombres de nos connaissances trop humaines, la mathématique porte témoignage de la connaissance réelle. ergson enseigne quelque part que dans l’âme des héros, ouvriers de leurs propres personnes, on surprend le sens et, pour ainsi dire, l’esprit du monde. Ces remarques ne valent pas sans doute pour tous les métaphysiciens : il nous su࠳t qu’elles vaillent pour quelques-uns, les plus hardis, ceux qui davantage ont rêvé de transcender la condition humaine, et surtout qu’elles nous aident à situer le centre des métaphysiques franciscaines. Pour tout chrétien, il y a, dans l’histoire des hommes, une expérience privilégiée, qui passe l’humanité et lui enseigne de se dépasser : cette expérience s’accomplit un jour, en haut d’une colline, sur une croix, plantée entre deux autres. 0n franciscain sait que la grandeur de !rançois d’Assise fut de reproduire en soi cette expérience, en son âme et en sa chair, sur une autre montagne : « mens in carne patuit 9 », écrit saint onaventure, qui alla demander à l’Alverne sa plus haute inspiration métaphysique.

7. DUNS SCOT, Reportata Parisiensia IV, d. 49, q. 2, § 11, éd. L. VIVÈS, Paris 1894, t. 24, p. 625 : « Notre Philosophe, je veux dire saint Paul. » Cette phrase sera l’exergue de É. GILSON, Jean Duns Scot, introduction à ses positions fondamentales, Paris 1952, p. 5. 8. SPINOZA, « Par le témoignage des mathématiques » dans ID., Éthique I, « Appendice ». 9. SAINT BONAVENTURE, Itinéraire de l’Esprit vers Dieu, « Prologue », § 3 : « L’esprit s’est manifesté dans la chair ».

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C’est qu’il y a, dans l’esprit franciscain, tous les éléments d’une métaphysique. Comment le désir de transcender l’humanité, et son étroitesse, ne seraitil pas dans une âme qui se sent puissance in࠱nie d’amour ? Et l’opposition se retrouve, entre la réalité et l’apparence : la réalité, c’est le monde vu du haut du Golgotha, ou de l’Alverne, par les yeux du Christ, ou du chrétien, par Sa charité uni au Christ : l’apparence, c’est le monde vu d’en-bas, par des yeux simplement humains et pécheurs. Ce qui est et ce qui para¨t ne sont point ici deux choses, mais, au moins en partie, un seul et même objet, sous des regards di࠰érents : il ne s’agit pas d’envoyer promener les ombres et de passer à un autre monde  les ombres prennent consistance et lumi¢re, d¢s qu’on a planté la Croix au milieu de ce monde et cruci࠱é l’âme qui doit le comprendre et l’aimer. Je sais bien qu’on peut, et qu’on doit même, en un sens, nommer cela « théologie » et ne dire « philosophie » qu’en simple préambule : c’est cela qui doit satisfaire en nous, cependant, ce que prétendent contenter les métaphysiques les plus hardies –Zcelles qui n’acceptent point que, mortels, nous nous fassions des désirs de mortels, et veulent qu’au-delà d’elles-mêmes, il n’y ait plus rien à chercher. Il y a un certain goût de la santé intellectuelle et morale, une certaine peur bourgeoise de l’audace et de la folie, qui empêchent l’humanité de porter plus qu’elle-même, de crainte de troubler son équilibre et de para¨tre malade. 0n certain « humanisme » qui veut mesurer le rêve sur notre pauvre « réalité » et nous réduire à « cultiver notre jardin » est l’ennemi commun de toute grande métaphysique et de l’esprit franciscain. Mais revenons à l’expérience de saint !rançois, qui devient, cheU saint onaventure, le centre d’une métaphysique. La su࠳sance des choses et l’orgueil de l’âme, qui voudraient être et vivre de leur seule « nature », voilà l’apparence qui na¨t du péché  et depuis Adam, pour se vouloir séparé de Dieu, le monde est, avec l’humanité, dans un état de mort. ,uant à la réalité, c’est l’insu࠳sance des choses et de l’âme même, qui laisse, comme par transparence, entrevoir le don divin, mais cette insu࠳sance n’appara¨t qu’à ceux qui, insatisfaits d’eux-mêmes et des choses, ont le désir de Dieu, et, dans la nudité de leur détachement, revivent quelque chose de la Passion : ce n’est point, sans doute, par la charité que l’esprit voit, pour autant que la charité n’est pas chose de l’intelligence, qui, seule, est le regard de l’esprit –,Zmais, renouvelée par la charité et rendue déiforme, l’âme voit autrement, d’un regard plus qu’humain. Avec l’âme qui revient vers Dieu, le monde aussi est sauvé  car sa destinée est de conduire l’humanité à Dieu. De même que le péché, la -édemption, par ses conséquences, est universelle : l’apparence, qui est séparation de l’„tre, na¨t du péché  la -édemption engendre à nouveau la réalité, en liant, par le Christ, l’humanité, et par les hommes, le monde, à Celui qui Est. Sur la Croix, l’esprit se rév¢le, qui ranimera dans l’absolu nos imaginations et nos concepts exsangues : les âmes et le monde mourant reprennent vie du sang du Christ sur eux répandu. Animé de cet esprit de la passion, le métaphysicien enseignera toutes choses, n’enseignant que Jésus-Christ, et Jésus-Christ cruci࠱é. Ainsi du Docteur Séraphique. Mais le Docteur Subtil ? !r¢re onaventure n’est certes pas sans subtilité, mais de la subtilité d’une imagination toute brûlante d’amour, alors qu’avec Duns Scot nous rencontrons la subtilité d’une intelligence toute enti¢re tendue vers la plus grande rigueur : cette dialectique parfois si prudente et compliquée, semble bien loin de l’élan, de la simplicité de 244

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sentiment qui est au fond de l’âme franciscaine. ,ue vient faire la subtilité des distinctions en cette forme de vie dont le mod¢le fut « simplex et ydiota 10 » et, pour avoir été un habile dialecticien, Scot n’a-t-il pas perdu, franciscain d’habit, et point de coeur, le sens de la charité ? Nous ne le croyons pas : suivons-le plutôt, lorsqu’il consid¢re la Croix. LaZ sou࠰rance et la mort, qui nous rach¢tent du péché, y sont le signe de la plus grande charité : « Illud in quo maxima apparet caritas quod est o࠰erre se usque ad mortem pro justitia 11. » Sous le sacri࠱ce sanglant, il y a l’oblation invisible  et si la Passion est d’un jour, son esprit et son mérite sont de toute la vie : « AbZinstanti 6‫ڎ‬8 conceptionis Christus habuit meritum Passionis, et in illo interiori actu consistit principaliter ratio meriti 12. » Ce qui principalement nous rach¢te, et le monde, c’est que le Christ fût, tout le long de sa vie, prêt à sou࠰rir la Passion : « 6‫ڎ‬8 a Passione volita perfecte ab ipso, in qua volitione erat principalis oblatio grata facta Deo 13. » Sur la croix, l’o࠰rande devint visible, et la charité appara¨t « 6‫ڎ‬8 maxima apparet caritats 6‫ڎ‬8 », plus qu’humaine, divine, si grande qu’il est impossible de concevoir que, selon l’ordre, sa révélation dans le monde fût subordonnée au péché de l’homme et à la mort de la croix. La Croix rach¢te le péché, mais, sans oublier la sou࠰rance ni la mort, on peut y voir la charité humano-divine, qui vaut en soi-même, et pour un univers aussi qu’Adam n’aurait pas troublé. Dans la vie franciscaine, il y a deux aspects et comme deux moments : la conversion, pourrait-on dire, du monde à Dieu, et la réconciliation de toute créature avec le P¢re  en saint !rançois, il y a l’asc¢te et le po¢te, la morti࠱cation et les laudes. Il faut vivre l’une et l’autre choses, mais tel peut voir l’une davantage ou l’autre. !ranciscains, tous deux, saint onaventure semble plutôt le Docteur de la conversion, et Duns Scot le Docteur de la réconciliation. !r¢re onaventure a médité Augustin, philosophe de la conversion, en revivant !rançois d’Assise : ne nous étonnons point, s’il craint de trop accorder à l’homme et au monde, s’il avoue préférer, entre deux doctrines plausibles, celle qui, donnant moins à la nature créée, accorde davantage à la puissance divine. Dans l’âme de saint onaventure, quelque chose vit encore, de cette jalousie des droits de Dieu, que l’on surprend parfois cheU le grand converti du IVe si¢cle, et qui appara¨t, au Moyen Âge, dans toute la tradition augustinienne. Entre saint onaventure et Jean Duns Scot, l’enseignement de Thomas d’Aquin est survenu, que la bonté divine voulait, pour les êtres, une réelle causalité : « Detrahere actiones proprias rebus est divinae bonitati derogare 14. » Et l’on

10. « Simple et ignorant », deux quali࠱catifs que revendique saint !rançois. 11. Duns Scot : « Ce en quoi se manifeste la plus grande charité est de s’o࠰rir jusqu’à la mort pour la justice. » 12. Duns Scot : « À partir de l’instant de la conception 6‫ڎ‬8 le Christ eut le mérite de la Passion, et dans cet acte intérieur consiste principalement la raison du mérite. » C’est la théologie scotiste de la prédestination du Christ. 13. Duns Scot : « Par la Passion parfaitement voulue par lui, et dans ce vouloir se trouvait la principale o࠰rande faite gratuitement à Dieu. » 14. THOMAS D’AQUIN, Somme contre les Gentils III, 69 : « -etirer aux choses leurs actions propres, c’est déroger à la bonté divine. »

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voit Scot invoquer Augustin, cette fois pour soutenir que Dieu n’a pas fait des créatures paresseuses et vaines, « quasi otiosas et vanas », mais douées d’une e࠳cacité propre, « et virtutem activam 6‫ڎ‬8 et propriam actionem 15 ». Ivre –Zmais avec quelle lucidité ?Z– de l’immense bonté divine, ce !ranciscain ne craint plus la su࠳sance des « natures ». On le voit pourchasser les opinions qui attentent à leur « dignité », leur interdisent de « prendre leur perfection en elles-mêmes », les contraignent de « mendier » un secours extérieur, et d’un mot, les font « viles » : « Haec opinio vili࠱cat naturam animae intellectivae 16. » Jamais peut-être, une pensée chrétienne n’avait conçu pareil optimisme : on voit Scot, le volontariste, magni࠱er, plus que saint Thomas, l’intelligence des hommes. C’est que –Z et voici le primat de l’amourZ – une charité toute pure est au principe de la création, une libéralité dis-je, et non point une jalousie : « amore liberalitatis, non amore Uelotypiae 17. » Mais une métaphysique n’estime avoir passé de l’apparence à la réalité, et satisfait à sa tâche, que lorsque toute chose est ramenée au Principe : l’apparence, c’est l’e࠰et séparé de la cause  la réalité, c’est, dans notre connaissance, l’e࠰et réintégré à la cause. Mais si les choses proc¢dent de leur Principe par charité, c’est par charité sans doute qu’elles y doivent retourner : elles y reviendront parfaitement, si la même charité les y fait retourner, qui les en ࠱t sortir. Dans la doctrine de Scot, le Dieu de Charité a évacué le Dieu jaloux, et sa libéralité veut d’autres êtres pour l’aimer : « ,ui amat se, primo, ordinate et per consequens non inordinate Uelando vel invidendo, secundo vult habere alios diligentes 18. » Aussi la volonté des hommes est-elle, par nature, capable d’aimer Dieu par-dessus toutes choses, et leur intelligence donc, pour éclairer cet amour naturellement capable, à partir de l’„tre, de considérer le Premier „tre, qui est in࠱ni. Loin de Scot, la pensée de réduire nos capacités naturelles pour rendre plus vif notre besoin de surnaturel : la nature peut s’élever jusqu’à l’extrême perfection, la distance ne lui en appara¨tra que plus grande, entre ce dont elle est capable et le don de la grâce. ,uelque réalité que l’on accorde au monde et à l’humanité, cette réalité n’est qu’ombre, « vestige » ou « image », devant Celui qui Est : et cela, notre âme peut le reconna¨tre, qui porte en elle, dans son intelligence et dans sa volonté, le désir naturel de l’„tre, non point ramené à notre

15. DUNS SCOT, Quodlibet VII, 24, 65, relayant SAINT AUGUSTIN, Cité de Dieu VII, 30 : même si Dieu peut tout faire, il n’accomplit pas leurs actions à leur place, ce qui les rendrait « inutiles et vaines »  il a préféré donner à chaque être « et une puissance active 6‫ڎ‬8 et une action propre » (« et virtutem activam et propriam tribuere actionem »). 16. DUNS SCOT, Ordinatio, « Prologue », § 6268 75, Vatican 1950, p. 45-46 : « Si l’on objecte que le fait que la nature ne puisse obtenir sa perfection par les moyens naturels l’avilit 6‫ ڎ‬le fait qu’elle puisse obtenir surnaturellement une perfection plus haute8 rend sa nature plus digne, que si la perfection naturelle lui était attribuée comme la plus haute possible ». Th¢se reprise par P. VIGNAUX dans Philosophie au Moyen Âge, Paris 19872, p. 203. 17. DUNS SCOT, Reportatio Parisiensis I, d. 17, q. 2, n. 7, éd. L. VIVÈS, t. XXII, p. 211 : Dieu aime tous les êtres qui l’aiment, « par un amour de générosité, et non un amour de jalousie ». 18. Duns Scot : « Celui qui s’aime lui-même, en premier lieu, de mani¢re ordonnée et par voie de conséquence, sans jalouser ni envier de mani¢re désordonnée, veut en second lieu avoir d’autres 6êtres libres8 qui aiment. »

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mesure, mais pris absolument. Comme l’enseigna le Philosophe, l’homme est ࠱n de toutes choses terrestres, « homo ࠱nis omnium » : c’est par l’humanité que le monde pourra se lier à son Principe  mais, pour ramener les choses à Dieu dont elles proc¢dent, comme d’un amour in࠱ni, le métaphysicien ne va-t-il disposer que d’un amour simplement humain, et ࠱ni en toute rigueur ? Ici intervient la révélation de la Croix : il y a eu, en ce monde et dans une tr¢s réelle humanité, une Charité véritablement divine. L’amour du Christ pour son P¢re passe tout amour créé : « quia potest summum diligere 19 », et cela Lui donne, entre toutes les œuvres divines, une place à part : « Summum opus Dei 20. » Comment la réussite de l’œuvre suprême, je veux dire l’Incarnation, dépendrait-elle du péché d’Adam et du sacri࠱ce de la Croix ? Voici comment, pour le Christ, se précise le « vult alios diligentes » : « 6‫ڎ‬8 Vult se diligi ab alio qui potest eum summe diligere, loquendo de amore alicujus extrinseci  et 6‫ڎ‬8 praevidit unionem illius naturae quae debet eum summe diligere etsi nullus cecidisset 21. » La Croix réalise, dans notre monde pécheur, une Médiation qui vaudrait, sans la Passion, pour tout monde créé. -evenons à comparer les deux grandes métaphysiques franciscaines : saint onaventure, philosophe de la conversion, médite le Christ de la Passion, qui meurt au monde pour nous faire na¨tre à Dieu  Duns Scot, philosophe de la réconciliation, envisage par-delà le Christ de la Passion, le Christ de la Médiation, qui él¢ve toute créature jusqu’au Créateur. Et cette Médiation est universelle. Par le Christ, l’humanité devient capable de la !oi et de la Charité, ces vertus surnaturelles : le chrétien ne vit plus en homme simplement par la !oi, il pense comme pense Dieu, a࠱n d’aimer, par la Charité, comme Dieu aime. Dans les chrétiens, le P¢re trouve des ࠱ls qui portent en eux son propre amour  la volonté divine se découvre dans l’Évangile : « Vult habere alios diligentes, et hoc est velle alios habere amorem suum in se 22. » Mais si le Christ est le Chef et comme la !in de l’humanité, l’humanité est la !in et le Chef de la nature  « homo ࠱nis omnium » : le mot d’Aristote prend, pour nous, une portée nouvelle, apr¢s Descartes et trois si¢cles d’une « science industrielle » qui promet de rendre les hommes « ma¨tres et possesseurs de la nature ». De la médiation du Christ, que continue l’Église, toutes choses reçoivent une signi࠱cation nouvelle et divine, et vivent, par l’amour du Christ, une seconde vie, qui passe dans leur nature. À travers l’humanité, unie au !ils, toute créature terrestre devient louange du P¢re, digne du P¢re : l’esprit de Scot, sous la rudesse de l’abstraction, c’est l’esprit des laudes franciscaines.

19. « Parce qu’il peut aimer le souverain 6bien8. » 20. DUNS SCOT, Reportata Parisiensia III, d. 7, q. 4, § 5, éd. L. 2ADDING, réimpr. L. VIVÈS, Paris 1894, p. 303 ab : « Si la chute était la cause de la prédestination du Christ, il en découlerait que l’œuvre souveraine de Dieu (« summum opus Dei ») serait seulement occasionnée. » 21. Ibid., t.Z23, p.Z303 b : « Il veut être aimé par un autre qui peut l’aimer au plus haut point, en dehors de lui-même  et 6‫ڎ‬8 il a prévu l’union de la nature qui doit l’aimer au plus haut point, même si personne n’avait connu la chute 6n’avait péché8. » C’est la cél¢bre th¢se d’une prédestination du Christ à l’incarnation, abstraction faite du péché. 22. Opus Oxoniense III, d. 32, q. un. (t. 15, p. 433a)Z: «ZIl veut avoir d’autres 6êtres libres8 qui l’aiment, ce qui est vouloir que d’autres aient envers lui son 6propre amour8.Z»

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Sortie de Dieu par amour, la Création enti¢re retourne à Dieu par un amour égal : toute chose qui le mérite est parfaitement ramenée au Principe. C’est le lieu de citer la vieille maxime : « Amor magis unitivus quam visio » 23, l’amour est plus uni࠱ant que la vision : la vision laisse l’objet, au dehors  l’amour fait vivre l’être, au-dedans. Derri¢re le Christ, toutes les créatures s’assemblent comme en une procession immense, et toute franciscaine, qui chante le Créateur  et c’est la seule charité qui les peut assembler. Il y a plus de réalité, a-t-on dit, dans la pensée nue des mystiques que dans les spéculations compliquées des philosophes : remarque juste et profonde. Car on n’y met pas la pensée des mystiques dans les métaphores étranges et subtiles, où d’ordinaire elle s’exprime  cela, c’est une technique qui n’a sans doute, en soi, ni plus ni moins de valeur que la technique abstraite commune aux philosophes. Métaphores de mystiques ou arguments de métaphysiciens, cela n’a ࠱nalement qu’une valeur pédagogique, et le rôle de préparer une disposition d’âme, qui doit être de simple charité. Si le don suprême de sagesse n’est encore que la Charité éclairée par la !oi –Z« sapientia, scilicet charitas 24 »Z–, la « pensée nue des mystiques » est toute charité : cela seul dont la présence, ࠱nalement, nous unit à l’„tre, ou nous en sépare, consommant ou ruinant notre métaphysique. Mais alors il peut y avoir plus d’absolu, de cet absolu même que tout métaphysicien désire, dans l’esprit du fr¢re scribe, ou du fr¢re portier, que dans celui du fr¢re théologien ! La charité seule est terme, maintenant et toujours, le reste n’est que moyen, et moyen, hélàs ! qui peut nous détourner de la !in. De tout son élan et de toute sa rigueur, la métaphysique franciscaine condamne et renverse toute aristocratie de l’absolu : plus que tout autre surhumain, son absolu demeure, si on ose le mot, tr¢s « populaire ». Et le philosophe n’a le droit de méditer « Celui qui est » que pour mieux revenir au Dieu de la simple Charité : « Deus est Deus pauperum 25. » La voie du philosophe est pleine de péril  c’est chose di࠳cile que de garder fervente une âme métaphysicienne : « Anima devota, sed theologica. » AuZ moment où sa métaphysique devient pri¢re, j’imagine que le franciscain demande au « Seigneur, Notre Dieu » de le garder du pharisa©sme suprême : « Seigneur, je vous rends grâces de ne pas prier comme les autres. » Les philosophes franciscains ont demandé à saint !rançois un grand miracle, si grand que sa divine folie n’eût point osé le concevoir : l’humilité des métaphysiciens. Louons !rançois d’Assise pour l’Itinerarium et le De primo principio, pour fr¢re onaventure et fr¢re Jean Duns Scot.

23. THOMAS, Summa theologiae I-II, q.Z28, a.Z1 ad 3Z: «ZAmor est magis unitivus quam cognitioZ». 24. « La sagesse, c’est-à-dire la charité ». 25. « Dieu est le Dieu des pauvres », l’expression latine est le refrain d’un po¢me de 2illiam MORRIS, co-fondateur du socialisme anglais, « The God for the poor ».

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III HOMO, FINIS OMNIUM 26… CHRISTUS, SUMMUM OPUS DEI 27… Du rôle que joue la maxime du Philosophe : %LJLࠩKFPLJKFRJ, dans la philosophie scotiste de la -éconciliation. En sauvant l’humanité, le Christ sauve ce monde qui fut créé pour le service des hommes. En se réalisant, de si¢cle en si¢cle, dans le Christ éternel, l’humanité vivante, ou la Chrétienté –Zc’est tout unZ– réalise en Lui les choses, dont elle a vécu, qu’elle a converties en soi-même –Znourriture, vérité, beauté de la terre et de nos sens. La Chrétienté met, à la rigueur, de l’éternel en ce qui passe, et semble se perdre à jamais : par chaque chrétien un avec le Christ, elle retient toute l’histoire de la nature et des sociétés, en sa mémoire immortelle, unité de toutes les âmes sauvées, et de tout le passé, lui aussi, sauvé. Omnia propter electos : tel est le sens chrétien de l’ELJLࠩKFPLJKFRJ. Toutes choses pour les élus, et le monde même, par les élus, sauvé. 1 Des deux Jani£res, pour une philosophie chrétienne, de prendre le Jonde  o´ l’on retrouve l’opposition des philosophies de la conversion, et des philosophies de la réconciliation La premi¢re façon : le monde, ce monde donné aux sens, selon l’étendue et le temps, comme lieu d’épreuve, ou occasion de mériter. 0n instrument dont il faut bien user, mais qu’on laissera tomber, ࠱nalement inutile. Philosophie de la conversion : dans la volonté, ou le contemptus saeculi, et dans l’intelligence, ou le monde intelligible. De Platon et du clo¨tre –Zle Platon du Phédon : il faut fuir d’ici, et puisque seul l’„tre est, envoyer promener l’apparence, qui n’est pas. N’y aurait-il pas à ré࠲échir sur l’étrange unité du platonisme et du pessimisme dans la « tradition augustinienne » ? Pour réaliser cette notion dans ses conséquences philosophiques, se rappeler que la fonction principale du corps, et des sens et de leur monde, dans la philosophie de Malebranche, est simplement de nous éprouver.

26. ARISTOTE, Physique II, 2, 194 a 35 : « Nous sommes nous-mêmes, en quelque mani¢re, une ࠱n », adapté par les Auctoritates Aristotelis, éd. J. HaMESSE, Louvain – Paris 1974, p. 145, no 163 : « Sumus quodammodo ࠱nis omnium. » (nous sommes la ࠱n de toutes choses). 27. DUNS SCOT, Reportata Parisiensia III, d. 7, q. 4, éd. L. VIVÈS, t. XXIII, p. 303 ab : pour Scot, le Christ était prédestiné à s’incarner même si l’homme n’avait pas péché  si la chute était la raison pour laquelle le Christ était prédestiné à l’incarnation, il en découlerait que « la plus haute œuvre de Dieu » (« summum opus Dei ») –Zl’incarnationZ– serait seulement occasionnelle. 28. Le « mépris du monde ».

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Et voici la deuxi¢me mani¢re : celle d’une pensée qui, à la suite de saint !rançois, annonce la réconciliation de la créature et du Créateur. Prendre ce monde, non pas seulement comme un lieu d’épreuves, où seule compte l’attitude d’âme, l’intention, mais comme un lieu de travail. Il y a des œuvres à faire sur le chantier, si j’ose dire, de la Jérusalem céleste. Notre intention ne demeure point seule, mais l’œuvre aussi de nos mains d’une certaine façon. Car jusqu’au dernier jour, au jour de la maturité, la Création s’ach¢ve avec notre concours : l’homme, contrema¨tre de la création. Et l’œuvre de Dieu n’est pas séparée de l’ouvrier. Séparée de l’ouvrier, elle le serait selon la simple nature. Et de ce point de vue, les œuvres de nos libertés humaines valent déjà comme parties de la création, où travaille la liberté de Dieu. Mais selon la surnature ou l’incarnation, c’est tout un, la création n’est plus séparée du Créateur –Z et comme solitaire. Christus summum opus Dei : le Christ est l’œuvre suprême qui parfait toute œuvre de Dieu, et qui la comprend. Il n’est pas seulement !in et Chef de toute créature : rapport trop extérieur, celaZ– mais par les hommes, ses fr¢res en humanité, et adoptés de son P¢re, il est, pour les choses mêmes, une nouvelle vie, une âme neuve qui les préserve à jamais de mourir. Philosophie, cela, de la -éconciliation. Il ne s’agit plus d’abandonner à son destin ce monde de mati¢re et de sensibilité, ni d’envoyer promener les apparences  toute créature, même matérielle et sensible, a pris le plus d’être qu’elle peut recevoir, une consistance et une valeur dé࠱nitives. 2 De notre Jonde, la JaxiJe d’Aristote ‫ ټ‬ELJLࠩKFPLJKFRJ ‫ټ‬ reçoit un sens nouveau Du point de vue d’Aristote, la nature est essentiellement un objet pour notre contemplation. Tel est le privil¢ge de l’homme, qu’ayant sa place dans la hiérarchie des choses, il peut embrasser du regard toute cette nature qui le porte. Avec Descartes, la physique n’est plus seulement contemplative, elle devient industrielle, et la tâche que le Discours de la Méthode lui assigne, et qu’elle remplit chaque jour davantage, c’est de rendre l’homme ma¨tre et possesseur de la nature. Non seulement l’industrie est la conséquence du savoir, mais avec l’expérimentation, l’industrie s’introduit au cœur même du savoir. Comment séparer à la mani¢re d’Aristote, d’une di࠰érence de nature, le savant du travailleur ? Les si¢cles sont loin où ils semblaient deux races d’hommes, et où le travail ne paraissait que triste nécessité selon les pa©ens, épreuve parmi les autres épreuves de ce monde selon les chrétiens : les uns et les autres voyaient d’abord dans le travail, la peine et non la production ou l’œuvre. Le socialisme nous a au moins rappelé qu’il y avait autre chose, une humanité à libérer, dans le geste de l’ouvrier  il a senti la nécessité d’une philosophie du travail, il l’a parfois ébauchée, avec Marx ou Proudhon, mais courte et fausse. Avec notre science, notre industrie et notre inquiétude du Progr¢s, la nature ne nous est plus un ordre arrêté et ࠱xe, elle devient plus mouvante et moins 250

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achevée, comme une œuvre qui n’est pas à son terme, et qui réclame, pour s’accomplir, la main des hommes. –Z%LJLࠩKFPLJKFRJ‫ڎ‬, l’homme qui est la ࠱n du mondeZ–, ce n’est pas seulement celui qui le contemple, des sens et d’intelligence, mais celui qui s’en empare, usant de ses bras et d’outils. 0ne philosophie du travail est sans doute nécessaire, qui donne valeur à l’œuvre de nos mains, œuvre pétrie de cette terre, dans la ࠱gure de ce monde : quelle pensée pourrait davantage magni࠱er le travail, qu’une pensée chrétienne de la réconciliation de toutes choses en Dieu, par le travail de la chrétienté ? -éconciliation, puisqu’il y a eu séparation par le péché : il semble qu’avant le péché toutes choses de ce monde avaient été soumises à l’humanité, ou que l’homme avait la ma¨trise du déterminisme naturel : faisant servir toutes choses à accomplir la loi de Dieu, et, selon la perspective scotiste, à s’unir à Dieu par le Christ, l’humanité soumettait, par le Christ et sa charité, la nature à Dieu. Mais le péché est survenu : l’homme perdant la ma¨trise du déterminisme, le lien est rompu, ce lien vivant qu’était l’humanité unie à Dieu, entre la créature et le Créateur. Voilà donc qu’il a fallu se soumettre, à nouveau et progressivement, la nature devenue rebelle  et l’humanité dans la mesure où elle est chrétienté, en reprenant possession des choses, les remet, par le Christ, au P¢re  ainsi le désordre se répare, d’un monde insubordonné à l’homme et à l’esprit, et l’ordre se rétablira au dernier jour, dans l’univers renouvelé. Le Christ ressuscite les élus parmi de nouveaux cieux et une nouvelle terre. La science et l’industrie des hommes préparent ce dernier jour, et coop¢rent à cette maturation de l’univers  c’est un geste de réconciliation, le geste par quoi l’homme vivant du Christ redevient « ma¨tre et possesseur » de la nature. L’âge de la physique et de la vapeur peut être aussi chrétien que le si¢cle de saint runo ou celui des P¢res du désert. 3 Deux conceptions du teJps ou de la durée de l’univers ‫ࢩټ‬égaleJent inspirées de l’expérience de notre vie, qui est Jort Le temps, comme lieu de ce qui passe, et périt aussitôt né, ou comme lieu, suivant l’expression dionysienne, de ce qui n’est pas, non entia scilicet temporalia, par opposition à Celui qui Est, éternité étrang¢re à la naissance et à la mort. Le temps, comme lieu de ce qui croit en vivant, et dont la vie, à la mani¢re d’une vie de notre âme, inaperçue, mais réelle, est mémoire : le passé ne tombe plus de soi-même, dans le néant, mais se conserve automatiquement. Sans cela, l’être qui devient, l’être qui est du devenir, ne serait pas : le devenir n’est rien, si le passé ne survit pas dans le présent  ainsi la mémoire est en toute réalité qui change, en tout changement réel. C’est la conception de ergson, et qui permet de réaliser vraiment l’être de ce monde et sa ࠱gure, qui ne semblent que passer. Les choses d’Aristote, des natures réelles et e࠳caces, ont semblé à saint Thomas, seules dignes du Dieu de Denys, qui est bonté : « bonus di࠰usivum

29. « Les non-êtres, à savoir les réalités temporelles ».

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sui 30. » Le monde de ergson, le monde qui dure à la façon d’une conscience et qui s’accro¨t comme une mémoire, n’est-il pas digne du Dieu de Scot, qui est Libéralité, et nullement jalousie, qui aime toute créature « amore liberalitatis, non amore Uelotypiae ». Et cette notion de la durée nous permet de comprendre la valeur de nos œuvres et la réconciliation ࠱nale. De même que l’histoire de notre âme n’est abolie qu’en apparence, notre passé, en apparence seulement, mort et néant, et que, par la mémoire, notre histoire passée demeure en nous, toute enti¢re et comme prête à se révéler, de même j’imagine l’histoire et le passé du monde, prêts à se révéler à nos âmes et dans le Christ universel, lorsque le monde rénové, libéré de toute opacité, n’aura plus rien d’inconscient ni d’inconnu. Et dans le passé du monde, pour ainsi dire sa mémoire, appara¨tra à son rang, l’œuvre de nos mains. 4 De la charité coJJe principe uni࠲ant Concevoir le rapport du monde à l’Esprit, ou des êtres à l’„tre, comme l’immanence de pensée à une pensée, ou de représentations à un Esprit absolu, cela engendre le panthéisme. Comment des représentations auraient-elles asseU de réalité pour être e࠳caces, libres, responsables ? Ne sont-elles pas, de nature et de nécessité, unes avec la Pensée qui les conçoit ? L’unité du monde en Dieu s’exprime –Znon en termes de simple penséeZ– enZtermes de charité. ,ue Dieu soit amour, dans la création et la rédemption, cela établit, entre le monde et Lui, à la fois diversité et unité. Diversité des natures : la charité, disons la libéralité de Dieu, veut des êtres qui existent véritablement en soi-même, qui aient durée et causalité, des esprits doués de spontanéité, quant à l’intelligence et à la volonté. Du respect des êtres et de leur individualité, conséquence de la charité. LaZpensée franciscaine magni࠱e l’individualité à la suite de saint !rançois qui voulait, selon le mot de Chesterton 31, non pas une forêt, mais des arbres : il faut discerner peut-être un rapport entre la notion d’haecceitas –Zl’individualité du côté de la forme, de la perfectionZ–, et la courtoisie de saint !rançois pour toute créature – œuvre singuli¢re, bien réelle, en sa singularité, de la liberté divine. Ce monde, et cette humanité à sa tête, qui ne sont pas Dieu, l’incarnation vient les joindre à Dieu, par des liens d’amour. L’amour divin veut la réalité des natures créées, mais une telle réalité, posée en soi, à part de toute autre, et de Dieu même, en un sens, est solitude : de la solitude de toute la nature créée, même si, esprit, elle va jusqu’à l’extrême bout de cette puissance de conna¨tre et d’aimer  des puissances laissant toujours Dieu, en soi-même, hors de leur prise.

30. Cf. SAINT BONAVENTURE, Breviloquium VI, 2, ou THOMAS D’AQUIN, Somme théologique I, q. 5, a. 4 arg. 2 : « Le bien se di࠰use de lui-même »  d’apr¢s DENYS, Noms divins, chap. IV. 31. Le livre de G. &. CHESTERTON (1874-1936), Saint François d’Assise, a été traduit et publié à Paris en 1925.

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La philosophie franciscaine

La charité surmonte cette solitude essentielle, et la grâce, une seule et même chose, au dire de Scot, avec la charité, accomplit ce que ne pourrait jamais la nature : l’Amour force au-delà des natures. L’Amour, ou la charité révélée dans le Christ : un avec le Christ qui est Dieu, l’homme s’unit à Dieu, et par l’homme, toute créature qu’il se soumet. Telle est la puissance de la médiation que poss¢de la charité, dans le Christ et l’Église, qui est l’humanité vivante, vie du monde. L’Homme et le monde sortent de Dieu, par la Création, et se posent en eux-mêmes : par l’incarnation, ils reviennent à Dieu, o࠰rande unique que l’amour du Christ fait agréer au P¢re : le même amour qui fait sortir la créature du Créateur, la fait retourner à Lui, unique mouvement qui tient tout entier en cette intention de Dieu : vult alios diligentes. Mais la charité, qui fait passer les autres en Lui, n’est possible que si d’autres, d’abord, ont été posés en face de Lui et cette charité, nous l’avons vu, les voulait réels, d’une réalité propre : l’amour veut d’abord des natures et ensuite il les unit. ,ue Dieu soit charité –Z« Deus est formaliter caritas 32 »࢙– cela explique, et que l’individu soit, à jamais, et que ࠱nalement il se consomme dans l’unité : la diversité du monde s’uni࠱e dans le Christ universel. Mais ce qui sauve la charité, respect de la créature par Dieu, et passage de la créature en Dieu : relations de personne à personne –Zce qui empêche l’unité des esprits et du monde de se perdre simplement dans une immensité sans nom, dans quelque superessence, la plus subtile des natures, où tout autre dispara¨tZ– c’est que le Christ universel, unité de l’humanité et de la nature même, est un et le même avec le Christ de l’histoire. Pour avoir revêtu notre humanité, il reste tr¢s réellement une personne : en face du Christ, plus de vertige qui nous perd dans un néant divin, mais l’amour tr¢s simple et tr¢s haut, plus habile que toute métaphysique, qui fait un Amant et l’Aimé, et les laisse deux cependant. Et comme cette charité, en un monde troublé par le péché, se manifeste, sans équivoque, dans la Passion, Celui qui unit et enveloppe virtuellement toutes choses, le Christ universel, reste le Cruci࠱é, et la Croix est le centre de toute la création, donnant un sens à toute créature. La di࠳culté est peut-être pour nous, en ce si¢cle où la terre n’est plus au centre du monde, d’y maintenir la Croix. Mais pour nous, comme saint onaventure, le Christ reste le médiateur, dont le miracle de charité unit, par l’intérieur, les natures, sans lui, solitaires : n’est-ce pas l’intermédiaire que Platon désirait, entre ce monde et l’Intelligible ? Centre, intermédiaire, milieu, tout cela s’équivaut : il est le Principe : « Incipiendum est a medio, quod est Christus 33. »

32. « Dieu est formellement charité ». 33. SAINT BONAVENTURE, Collationes in Hexaemeron I, 10, dans ID., Opera Omnia, ,uaracchi 1891, V, 330 : « Il faut commencer par le centre, qui est le Christ. »

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IV ࢩINSTINCT D’AUTOVALUATION : UNE MANIÈRE D’AMOUR PROPRE « Instinct d’autovaluation » : une mani¢re d’amour propre, mais pris à la racine, avant qu’il ait choisi parmi les moyens de se réaliser –Z moraux ou immorauxZ –, et qui peut aussi bien conduire à la vanité du mondain, ou à l’héro©sme. La joie proprement humaine ne va pas sans la satisfaction de ce besoin de valoir : c’est une seule entreprise de faire les hommes « meilleurs et plus heureux ». Le terme « meilleur » reçoit ici sa plénitude de sens, la signi࠱cation qu’il a dans les métaphysiques : non par simple conformité à la loi morale, mais perfection de l’humaine nature, qui vaut alors par soi-même, devant l’esprit désintéressé comme une œuvre d’art –Z un homme accomplit un acte, nous disons de l’homme qu’« il existe », et du geste, « c’est chic » : sentiment de la perfection, du meilleur. La culture, de ce point de vue, est le moyen, que chaque société propose, de combler cette aspiration à valoir davantage. A࠳rmer qu’il faut satisfaire ce besoin cheU l’ouvrier, organiser l’existence ouvri¢re et dé࠱nir la valeur humaine à cette ࠱n, proclamer la nécessité d’une civilisation neuve qui soit une culture prolétarienne, c’est bien. Mais il nous faut passer au-delà‫ڎ‬ Au-delà de la culture, qui réalise des hommes, jusqu’à la Mystique qui les transforme en Dieu. Nous refusons la civilisation capitaliste qu’anime l’égo©sme jouisseur, ou plutôt l’appétit de domination de l’homme sur l’homme, nous refusons aussi la civilisation socialiste où l’homme collectif, ma¨tre et possesseur de la nature, se compla¨t en sa propre justice. L’homme doit sortir de soi, et non pas dans la simple pensée de servir les autres. Il ne su࠳t pas de transporter au « Grand „tre », à ce grand corps et à cette conscience, dont nous rêvons, des hommes uni࠱és, l’Esprit de Propriété, la satisfaction de l’heureux possesseur, ou même la complaisance de soi en son œuvre. En face de l’ordre bourgeois et du rêve socialiste, même revendication de l’« esprit de pauvreté ». Pensons à enda, aux derni¢res lignes de la Trahison 34‫ ڎ‬,u’importent les formes neuves de propriété collective, et de rivaliser d’audace, s’il le faut, avec le socialisme ! Nous devons d’abord reprendre et tenir la meilleure tradition des spirituels franciscains : rappeler aux groupes que l’Esprit de Pauvreté ne s’impose pas aux individus seulement‫ ڎ‬Il ne vaut pas tant pour le service qu’il rend, dans l’ordre social  il est grand par soi, dans l’ordre métaphysique. L’Esprit de Propriété n’est pas seulement égo©sme de puissance ou de domination, péché et conséquence du premier péché  il tient à notre dé࠱nition,

34. J. ENDA, La trahison des clercs, Paris 1927.

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à notre dignité d’hommes et à notre fonction de travailleurs –Zc’est tout unZ–, si bien qu’au-delà du capitalisme je n’entrevois pas simplement une meilleure répartition des richesses, mais que l’Esprit de Propriété gagne parmi les hommes mieux organisés, l’Esprit qui na¨t avec le paysan, à la vue du champ qu’il laboure, apr¢s ses a©eux peut-être, ou dans le mécanicien, quand il regarde sa machine quotidienne. À nos petits-࠱ls, les choses seront peut-être moins hostiles, moins étrang¢res, ils y mettront leur pensée davantage et l’y retrouveront  de plus en plus, ils pourront les aimer comme des outils familiers, et se lier d’a࠰ection à la Terre comme à un champ de travail, d’immense fécondité. Tout cela est en espérance dans le combat pour la joie du travail, ou la possession des instruments de travail. « Nous rendre comme ma¨tres et possesseurs de la nature 35 » : l’entreprise est légitime  et l’Esprit de Propriété a son principe dans une telle attitude d’âme. Mais l’homme doit avoir, aussi, une autre position en face du monde, celle que saint onaventure notait au seuil de l’Itinerarium : « Incipit speculatio pauperis in deserto 36. » La pensée, intelligence et amour, n’a pas seulement à dominer les choses, et s’en réjouir  il lui faut reconna¨tre que toutes ces richesses lui sont pauvreté, et toute la splendeur du monde, désert. Au cœur d’une humanité qui s’emploie à administrer la terre, et l’aménager en civilisation, il faut sauver le sentiment du pauvre dans le désert. « La pri¢re et le travail » : formule de vie qui implique une double négation. Non d’abord, à la culture bourgeoise qui ne conna¨t l’homme que dans le loisir, et se met hors de la vie, car toute vie, normalement, est vie de travailleur  nous visons à réaliser plus d’humanité dans le travail même. ,u’il ne soit pas simple accomplissement de la Loi et de la Peine, mais acte et plaisir de l’homme –Zainsi l’œuvre d’art. ,ue le travail soit, sous un certain aspect, culture, selon la plus originale des aspirations socialistes. Mettre du bonheur dans le travail des hommes : nous acceptons le probl¢me ainsi posé. Mais au travail nous joignons la pri¢re, ou plutôt que la vie de travail soit culture, c’est bien, mais qu’elle soit aussi pri¢re, abandon de soi aux mains de son Seigneur. Non au socialisme qui la©cise le travail : que le geste du travailleur ne soit pas accompli seulement sous la nécessité, qu’il poss¢de son attrait, nous réalise et nous réjouisse, mais qu’aussitôt nous renoncions à tout cela‫ « ڎ‬Non nobis, Domine, non nobis 37‫» ڎ‬ Cet abandon immédiat de notre gain et de notre joie, de la valeur de culture aussitôt réalisée, voilà une valeur mystique, qui est Esprit de Pauvreté. Le travail peut grandir les hommes au lieu de les abêtir, devenir joyeux, non plus morne et comme désespéré, le sentiment sera sauvé, du pauvre dans le désert, au cœur de l’homme même qui se veut ma¨tre et possesseur des choses. Si de notre solution, on veut une formule, déjà, je dirai que nous visons à une culture du travail qui s’ordonne à une mystique de la Pauvreté.

35. DESCARTES, Discours de la méthode (1637). 36. SAINT BONAVENTURE, Itinéraire de l’esprit vers Dieu : « Ici commence la contemplation d’un pauvre dans le désert » (Incipit). 37. Psaume 115 (113 ), 1 : « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom donne la gloire. »

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V ࢩL’ÉCONOMISTE DE LAVELEYE L’économiste de Laveleye 38 note cette phrase d’un journal socialiste : « Dieu est le plus grand ennemi du peuple  car il a maudit le travail. » Né d’une malédiction divine, le travail ne serait jamais qu’une corvée, dont la nécessité se justi࠱e comme une peine, et l’ordre capitaliste, qui le fait tel, sans joie, ni spontanéité, serait de droit divin. Proudhon comprend ainsi la doctrine de l’« Église »  seule la « -évolution » peut donner au labeur un autre sens que de nécessité : « Le travail, écrit Marx, ne sera plus seulement le moyen de vivre, mais le premier besoin de la vie 39. » 0ne philosophie chrétienne peut, je crois, magni࠱er le travail, le concevoir comme assimilation à Dieu. Le dieu d’Aristote est « Pensée de la Pensée 40 », une mani¢re d’« intellectuel », tout à sa contemplation qui laisse le monde aller son train, au-dessous de lui, toutes ces choses qu’il vaut mieux ne pas conna¨tre. Le sage l’imite, et laisse les esclaves travailler  il est d’une autre race. L’esprit qui anime l’0nivers, c’est l’imitation par l’inférieur du supérieur, qui, dans sa su࠳sance, l’ignore, l’immobilité du parfait ne se trouble d’aucun mouvement vers l’imparfait. Dans cette perspective, le primat de la contemplation est malédiction du travail. Le Dieu des chrétiens est Créateur, l’esprit du monde devient tout autre. 0n Créateur, c’est une mani¢re d’« artiste », « comme un travailleur » idéal. Pas un artiste cependant comme le Démiurge qui mod¢le l’0nivers sous la nécessité du meilleur, contemplé au Ciel des idées. La création n’est pas œuvre de nécessité, il y a en elle de la contingence, de l’arbitraire, déjà cette folie qui éclatera dans la -édemption : « propter nos homines 41 », pour ces hommes qui ne sauraient mériter la mort d’un Dieu. Le Christ sur la Croix est révélation de l’esprit du monde : Dieu est un et le même, et sa libéralité sans mesure est

38. Émile de Laveleye (1822-1892), économiste et historien belge, a publié en particulier des Éléments d’économie politique (la 7eZédition est de 1902), Le protestantisme et le catholicisme dans leurs rapports avec la liberté et la prospérité des peuples, étude d’économie sociale, ruxelles 1875 (39 p.), ainsi que L’Etat et l’individu ou Darwinisme social et christianisme, !lorence 1885 (35 p.). 39. &. MARX, Critique du programme du parti ouvrier allemand (Programme de Gotha), Paris 1965 (18751), I, p. 1420 : « Dans la phase supérieure de développement de la société communiste, lorsque sera évanouie l’asservissante subordination des individus à la loi de la division du travail et avec elle l’opposition du travail intellectuel et du manuel  lorsque le travail ne sera plus seulement le moyen de vivre, mais le premier besoin de la vie 6‫ڎ‬8 la société inscrira sur ses drapeaux : Chacun selon sa capacité, à chacun selon ses besoins ! » 40. ARISTOTE, Métaphysique XI, 9, 1074 b 34-35. 41. « Pour nous les hommes » et pour notre salut, il est descendu du ciel (Credo).

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à l’œuvre d¢s l’origine des choses. Il n’y a point ici d’objet qui commande : le monde ne nécessite pas d’être créé ni d’être racheté – mais une toute-puissance et un premier Amour, que n’oblige aucune loi, que ne détermine aucun calcul. Si Dieu n’était que calculateur, il ne créerait jamais. Le supérieur est libre vis-àvis de l’inférieur, et l’esprit du monde, le mouvement qui l’anime, va cependant de haut en bas, esprit de libéralité. ConsidéreU la grâce qui tombe sur les âmes : aucune âme ne saurait nécessiter sa grâce. Saint onaventure nous invite à concevoir selon l’analogie de la grâce sancti࠱ante l’animation du corps : « Sicut corpus vivit anima, ita anima vivit Deo 42 »  de même que la grâce vivi࠱e l’âme, l’âme descend dans le corps pour lui donner vie, par inclination vers l’inférieur d’un supérieur qui poss¢de en droit, sa vie indépendante. La constitution des personnes humaines s’interpr¢te par l’esprit de la création, qu’elle continue : le mouvement naturel, disons l’amour, qui porte l’âme vers son corps, proc¢de de la Premi¢re Libéralité. Pour donner au travail une autre sens que de nécessité, n’y pas mettre seulement contrainte, mais un principe qui agisse du dedans, un esprit, Henri de Man note dans l’âme humaine le « désir d’animer des objets 43 ». La puissance d’animation qui est en notre pensée ne s’épuise pas dans notre corps  elle se répand au-delà par le travail qui suranime les choses : ce qui lui donne une valeur autre que son prix d’utilité, de nécessité, et le situe dans ce mouvement de descente à la fois et de rel¢vement qui traverse l’œuvre divine. La comparaison est naturelle entre l’action du Créateur et le travail de l’artiste, où éclate la valeur de l’ouvrage, indépendamment de son prix. Mais il y a péril à comparer le Dieu des chrétiens à l’artiste qui agit comme par besoin et ࠱nalement se compla¨t dans son œuvre : il semble que l’objet commande encore et qu’en ce Dieu il y ait trop de calcul, pas asseU de folie  le désintéressement de l’artiste d’autre part, lorsqu’il jouit de l’œuvre faite, sans considération d’utilité, est sans doute un égo©sme tr¢s subtil, dont il faut libérer le Premier Amour. Le Dieu de charité n’est pas un architecte qui veut se faire valoir dans son ouvrage. L’homme n’est contrema¨tre de la création, le travail, coopération avec Dieu, que si l’esprit du travail est l’esprit même du Ma¨tre, si dans ce mouvement de nature qui porte l’âme à l’ouvrage, nous mettons la libéralité qui est à son principe. Dans l’intervention divine, le travail est un geste d’amour  prendre conscience de cela. Nécessité donc de ne pas se complaire dans le travail et la valeur qu’il nous apporte : ceci n’est possible que par sentiment de pauvreté, abandon de notre gain et de notre joie. Nous l’avons déjà dit : « Non nobis, Domine, non nobis‫ » ڎ‬Nous ne calculerons pas ce que nous savons n’être pas richesse : comme Dieu a donné sans calcul, il faut que nous donnions. La satisfaction de posséder, d’avoir réalisé, ne nous arrêtera point : notre élan aura l’in࠱nité même de l’esprit de la création. Donner sans calcul et sans limites :

42. « Comme le corps vit par l’âme, l’âme vit par Dieu »  cf. SAINT AUGUSTIN, Sur l’Évangile de Jean XIX, 12 : « Elle est, pour le corps, le principe de sa vie. Mais sa vie, à elle, se trouve en Dieu »  ibid., XLVII, 8 : « Ton âme est la vie de ton corps  Dieu est la vie de ton âme »  ID., Cité de Dieu XIII, 2 : « L’âme vit de Dieu 6‫ڎ‬8 et le corps vit de l’âme. » 43. Homme politique belge (1885-1953), d’abord socialiste non léniniste, puis théoricien du planisme durant la dépression des années 1930.

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La philosophie franciscaine

assimilation au Dieu de Libéralité. Dans le travail, œuvre d’amour, les choses ne doivent pas nous tenir, nous contraindre de les aimer : il faut de la gratuité dans notre amour, comme dans la Charité. Nous aimons les choses, dont à la rigueur, nous n’avons pas besoin, non pour nous, mais pour elles, en un sens, comme Dieu aime les hommes, dont il n’a pas besoin, non par lui, mais pour eux. L’amour du travailleur pour l’outil ou l’ouvrage devrait être aussi pur, aussi désintéressé que la courtoisie de saint !rançois pour les créatures : au-delà de l’utilité, au-delà de l’esthétique, quelque chose de divin. Mais cela n’est possible qu’à celui pour qui rien de ce monde n’est richesse, et que la possession de toute la terre laisserait dans la pauvreté. Aimer le travail de nos mains, de toute notre âme, selon l’élan de sa nature, mais en esprit de pauvreté : cela nous conforme au Dieu de Libéralité, à la gratuité de son Amour. La volonté, ou l’amour de Dieu, n’est pas réglé, il est la r¢gle : Dieu est Libéralité. Nous ne reproduisons en nous sa volonté, son amour qu’en éprouvant notre pauvreté radicale dans le désert du monde. Pauvreté, Libéralité : c’est peut-être l’essentiel du message franciscain.

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VI ࢩMATÉRIAUX D’UNE 'USTIFICATION 1. « La nationalisation des entreprises et la métaphysique franciscaine, c’est la même chose » : paradoxe jeté dans une conversation, mais sentiment peut-être d’une unité de pensée, ou de la co©ncidence même du probl¢me social posé comme probl¢me du prolétariat avec une certaine position du probl¢me métaphysique. 2. -efuser d’abord l’intellectuel séparé qui s’abstrait du monde et de la masse des hommes, laisse la foule à ses probl¢mes, et s’occupe des siens propres : le philosophe n’a pas à vivre dans le monde des catégories, milieu universitaire  la philosophie ne se réduit pas à la théorie de la connaissance, philosophie de professeur. Le probl¢me métaphysique ne doit pas être particulier au métaphysicien, ni la solution qu’il en propose. Je ne veux pas d’un autre principe ni d’une autre ࠱n pour l’existence de cet intellectuel et celle d’un quelconque travailleur. LeZmétaphysicien vise à transcender la condition humaine, à discerner, au-delà de notre expérience trop humaine, une expérience absolue : que ce probl¢me se confonde avec la question du salut, universelle à l’humanité. Et qu’il n’y ait pas deux mani¢res de se sauver : l’une par la raison, et l’autre par la foi, celle des savants et celle des simples. L’absolu ne doit pas séparer les hommes : il ne doit pas se donner à une technique, une spécialité, à des habiles. Point de société des esprits qui soit d’abord scission de l’humanité : la pire des aristocraties est celle des intellectuels, aristocrates de l’absolu. Ce sentiment n’est pas neuf : l’histoire même du mouvement franciscain a posé, je crois, le probl¢me que nous rencontrons, aux métaphysiciens de l’Ordre. Au principe, la vie de !rançois d’Assise, un simple, un ignorant, une expérience de pauvreté et d’amour. Ses ࠱ls théologiens, pour lui rester ࠱d¢les, doivent ordonner leurs complications et subtilités dialectiques à une simplicité d’âme qui fut la sienne. Voici leur solution : primat absolu de la volonté, ou de l’amour  que l’intelligence et la culture, qui étaient pour eux Aristote et Avicenne, soient moyens  mais ࠱n, la charité, une et la même avec celle du fr¢re portier  la métaphysique peut être la voie, pour une âme théologienne  la charité seule est terme, possession de l’absolu, qui est Charité. Charité subsistante, Celui qui Est est identiquement le Deus Pauperum. La médiation du Cruci࠱é, pour nous unir à Dieu, est au-delà de l’argument de saint Anselme. Et l’intellectuel sait bien que ce savoir qui en࠲e les hommes est obstacle autant que moyen dans l’a࠰aire du salut : qu’il pense à !rançois d’Assise, simplex et ydiota.

44. « Le Dieu des pauvres ».

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3. Tout enti¢re ordonnée à ce mod¢le, la philosophie franciscaine est renversement de la philosophie, de la primauté des intellectuels. Laissée à soi-même, l’intelligence, comme la richesse, est une puissance de ce monde, qu’il faut mépriser : la Cité de Dieu n’est pas une -épublique des professeurs 45. Il est vrai que le monde n’est pas à mépriser simplement, mais à sauver. Toute cette technique aristotélicienne ou arabe, orgueil des philosophes, va recevoir une organisation neuve d’un point de vue chrétien : la philosophie franciscaine est révision d’une culture des métaphysiciens. La mis¢re du prolétariat est de se sentir méprisé, et de ne pouvoir s’estimer, au dernier rang des valeurs sociales : la main d’œuvre est-elle encore une valeur humaine, autre chose qu’un prix de marchandise ? La -évolution sociale n’a qu’un sens  renversement des valeurs, révision de la culture, culture prolétarienne. Le point de vue du « travailleur » d’où, intellectuels, nous réviserons notre culture moderne, recommence le point de vue du « pauvre », d’où les philosophes franciscains ont révisé une grande part de la culture médiévale. 4. L’obstacle au salut de l’âme, ou à l’expérience absolue – cela est un : pauvreté, amour –, c’est « l’homme charnel » de Paul et d’Augustin. Mais l’homme charnel, c’est aussi « l’homme économique ». Le corps des hommes, ce n’est pas leurs organismes seulement, mais aussi leurs outils, et leurs organisations qui les lient à cette terre et visent à son exploitation. J’appelle « homme économique » tout cela : des choses et une mentalité. Les choses sont tellement disposées, une telle mentalité s’en dégage que l’humanité moderne, et notamment la masse ouvri¢re, devient aveugle aux réalités de l’esprit : la même cécité spirituelle qui, d’apr¢s saint Augustin, na¨t du désordre des passions, de l’invasion des images. L’homme de cette terre n’est pas un animal comme les autres, il travaille : autant que les plaisirs des sens, les nécessités économiques rendent son âme quasiment corporelle. L’état prolétarien, c’est un écrasement, un aveuglement de l’âme pour l’économie, son organisation et ses valeurs  le probl¢me du prolétariat, c’est une nécessité qu’il faut lever, une liberté qu’il faut ranimer, la liberté de l’esprit, intelligence et amour : probl¢me de libération spirituelle qui est un et le même avec le probl¢me métaphysique. Saint !rançois n’appelle pas les hommes à une évasion, mais à une rédemption : la conversion de l’âme au Christ est réconciliation universelle. L’homme spirituel n’est pas la simple négation de l’homme charnel, c’est le vieil homme transformé, sublimé : la libéralité de Dieu et le sang du Christ descendent au fond de tout être pour l’animer tout entier d’une vie neuve. Il ne s’agit donc pas de sauver simplement de l’Économie quelques loisirs, et de les garder au désintéressement de l’esprit, mais de mettre l’humanité et le Christ qui l’ach¢ve dans le travail même. L’état des prolétaires, qui est éloignement de l’esprit, de Dieu, proc¢de de l’organisation du travail : examiner cette technique de ce point de vue, c’est s’associer à la -édemption, tout comme étudier, en esprit de sympathie, Duns Scot ou saint onaventure. « La nationalisation des entreprises et la métaphysique franciscaine, c’est la même chose. »

45. Cf. A. THIBAUDET, La république des professeurs, Paris 1927, ouvrage consacré à l’échec du Cartel des gauches, qui réunissait lum, Herriot et Painlevé, trois anciens él¢ves de la rue d’0lm.

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VII ࢩPRIMAT DE LA MÉTAPHYSIQUE, PRIMAT DES SIMPLES DEUX PRIMAUTÉS QUI SEMBLENT INCONCILIABLES : DEUX FORMULES SEULEMENT DU MÊME ESPRIT Nous opposons la simplicité de cœur et de vie à la complication de l’existence et du sentiment, à jouer un rôle parmi des personnages : toutes choses qui naissent si facilement de notre élévation parmi les hommes, lorsque nous y gagnons en culture, en pouvoir, en richesses. « Le christianisme est une métaphysique » : contre tous ceux qui y voient simplement la discipline d’une Cité mieux réglée et un idéal, qui « a de l’allure », qui est « chic ». ,ue font-ils de la !oi, lumi¢re qui rend quasi divine notre intelligence et nous fait voir comme Dieu voit ? Ce qui les intéresse, ce n’est pas le dogme, mais la morale, le sentiment et le geste, rituel ou politique, les types d’humanité que le christianisme a réalisés, les r¢gles d’action aussi qu’il propose. Tout cela est d’une aide puissante, et peut être indispensable, pour agir et sentir comme il convient à notre civilisation. Notre culture, grecque et romaine, est aussi chrétienne : la morale de l’Église, en certains chapitres au moins, est partie de cette culture  les saints, quelques-uns du moins, sont parmi ses héros. La religion est alors une mani¢re de pédagogie, si parfaitement adaptée à notre Occident, la meilleure ouvri¢re d’hommes. Pédagogie politique, de buts asseU grossiers, ou pédagogie morale, de nobles sentiments, cela ne nous su࠳t point  nous a࠳rmons que le christianisme est une métaphysique, qu’il est d’abord la vérité, absolument, et un idéal ensuite, pour les hommes. Les saints ne sont pas d’abord pour nous, mais pour le Christ : ils ne sont pas seulement les héros de notre culture, ils sont les images du Christ, dans leur âme, leurs gestes et parfois leur chair. Trahison de leur esprit, de s’arrêter à eux  mais le Christ, dont ils sont des similitudes, n’est pas un héros, ni un proph¢te, premier parmi tous les héros, ni le plus grand des proph¢tes : il est Dieu, et en Dieu, d’abord, le Verbe du P¢re, qui s’est, ensuite, incarné. L’Incarnation ne se sépare point de la Trinité : en ce point, il ne s’agit plus (ou il ne s’agit pas encore) de sentiments et de gestes d’hommes (tout cela ࠱nalement tourne à l’amour de Dieu et du prochain), il s’agit de métaphysique, et de la plus lointaine aux intelligences humaines. Non plus le christianisme, le Christ : il faut toujours en venir là, passer de la doctrine à la personne. Le Christ est le Verbe du P¢re, sa Parole où se dit, parfaitement, sa Vérité. Cet homme, dont nous sommes les disciples et qui est 263

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notre mod¢le, est la Vérité de Dieu, qui contient toute la vérité, la Lumi¢re, d’où proc¢dent toutes nos lumi¢res éparses‫ ڎ‬Malebranche disait : « ,uoi, mon Jésus, c’est donc vous-même qui me parleU dans le plus secret de ma -aison ? » (Med. chr. II, XV). Et pensant à l’Eucharistie aussi bien qu’à la vie de l’intelligence, il fait dire, des hommes, au Verbe : « Je les ai créés pour les rendre malléables à moi, et les nourrir de ma substance 6‫ڎ‬8. » (ibid., XIII). Il faut retrouver ce sentiment de l’unité de Jésus avec la -aison : qu’il n’est pas seulement un exemple, même le plus grand, d’élévation morale, mais la Vérité, absolue, et que toute vérité est de Lui. 0n verre d’eau, au plus petit de nos fr¢res, c’est à Lui qu’il est donné, invisiblement  la plus petite vérité, quoique nous ne l’apercevions pas, subsiste en Lui  tous nos mensonges, nos insincérités sont des brouilles, des ruptures, des trahisons de notre amitié avec le Christ. Las de voir nos morales ne parler qu’humanité, société, altruisme, un philosophe dé࠱nissait le mensonge : « un crime contre l’objectivité ». Jésus est cette objectivité‫ڎ‬ Le Christianisme, la venue du Christ parmi les hommes, c’est identiquement l’entrée dans le monde de la Vérité. Et cette Vérité n’a pu se réaliser dans un homme, en ce monde, que par la Passion‫ ڎ‬Nous avons à accueillir, enti¢rement, cette double leçon : planter la Croix au centre du monde, c’est y planter la Vérité, et voir comment on lui devient semblable. Mais laissons la Croix, un moment  ce ne sera pas évacuer le scandale : le monde moderne vit parmi les valeurs humaines  il ne connait que cela des valeurs humaines  de toutes choses, il a fait des valeurs humaines  et de toute vérité : &ant, le positivisme, le pragmatisme‫ڎ‬Nous, nous revendiquons la Vérité. La culture moderne est la négation de la métaphysique, qui n’est point jeu d’École et de concepts, hors de ce sentiment, si grave, qu’on touche à l’absolu, qu’on passe l’humanité‫ ڎ‬Notre culture pose d’abord une métaphysique. On ne joue pas avec la vérité  jouer ici, c’est pécher‫ ڎ‬Cela est si vrai que je ne trouve pas d’autre dé࠱nition du jeu : une pensée, un sentiment, un geste qui n’implique pas conscience de la Vérité, et de sa loi. Lorsque nous reprochons à la culture de composer des personnages, de nous compliquer, c’est bien là notre grief : ne plus laisser l’homme dépouillé devant la Vérité qui le juge. Ang¢le de !oligno, au pied de la Croix : « In ista cognitione Crucis dabatur michi tantus ignis, quod stando juxta crucem expoliavi me omnia vestimenta mea, et totam me optuli ei 6‫ڎ‬8 47. » Conscience de la Vérité, simpli࠱cation de soi : cela ne se sépare point : unité de la métaphysique et de la simplicité d’âme. D’apr¢s saint !rançois, la simplicité est loi d’existence, pour chacun, et de l’action aussi en faveur du prochain, de l’action qui seule compte, qui est de l’amener au Christ, de lui devenir semblable‫ ڎ‬Cette action est moins le fait des prédicateurs et de leur éloquence que de la simple pri¢re des fr¢res qui ne

46. MALEBRANCHE, Méditations pour se disposer à l’humllité et à la pénitence. 47. A. DE FOLIGNO, )BIFSOBABI‫ٽ‬BUM£OFBK@BABPSO>FPࠩA¢IBP, éd. M. J. FERRÉ, L. BAUDRY, Paris 1927, § 11, p. 8-10 : « Dans cette connaissance de la croix, un tel feu m’était donné, que, me tenant pr¢s de la croix, je me dépouillai de tous mes vêtements, et je m’o࠰ris tout enti¢re à elle. »

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prêchent point, et prêcheraient sans doute fort mal : le prédicateur émeut son auditoire, remue les âmes, l’extérieur des âmes où porte la parole humaine  le fr¢re qui prie met Dieu même en mouvement, le Ma¨tre intérieur qui agit, seul, par le fond des âmes. Et cette action, seule, est e࠳cace, qui est la Vérité même, sur l’âme, sans intermédiaire. Nous sommes cependant, pour la gravité de notre vie, comme des intermédiaires  notre perfection est d’être cela, simplement  et témoins, de ne pas trop embrouiller les choses et cacher cette Vérité qui est à soi-même sa preuve : nos discours ne prouvent pas, mais ce qui para¨t en eux –Z« verum index sui ». Or cette simplicité seule qui nait de la docilité au vrai, en toutes choses, et d’une activité sans détour, fait para¨tre asseU dans nos paroles et nos gestes la lumi¢re de vérité et d’attrait du Christ, qui sont un. La vérité est ce trésor, dont parle l’Apôtre, que nous portons dans des vases d’argile : l’argile est notre humanité, notre corps et notre âme, notre culture. Il faudrait que tout cela s’ordonne seulement à ne pas envelopper cette Vérité de trop d’indignités, et de complications, qui en éloignent les hommes : que notre culture, et la vie de chacun, soient la simple enveloppe, toujours indigne, d’une Métaphysique, qui est de Dieu.

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VIII ࢩGUIGUES LE CHARTREUX Meditationes, Cap. I, De veritate et pace, et quomodo per solam veritatem pax habetur, PL 153, 601/603.

Veritas ponenda est in medio, tanquam pulchrum aliquod‫ڎ‬ Sine aspectu et decore, crucique a࠳xa adoranda est veritas. Ideo ultra omnia adversa amara est nobis veritas, quia singulae adversitates, singulas aut plures oppugnant voluptates. Veritas autem simul omnes calumniatur. Minister veritatis amet quod ministrat, et cui ministratur. Et cum idipsum ab alio ministratur sibi, cum gratiarum actione suscipiat, tanquam id quod amat. Vide quantum supplicii passurus es, cum lux vera perfecte ostenderit te tibi  si tantum cruciatur, cui uno verbo aliquid malorum suorum ostendis. Tunc enim patebunt conciclia cordium. Panis, id est veritas, con࠱rmat cor hominis ne succumbat corporum formis. eatus, cujus mens solummodo cognitione et amore veritatis movetur sive a࠳citur, corpus vero ab ipsa tantummodo mente. Ita enim et corpus a sola veritate movetur. Si enim nullus in mente motu nisi veritatis, nullus in corpore, nisi mentis, nullus quoque in corpore esset nisi veritatis, id est Dei. Propter pacem facis omnia, ad quam iter est per solam veritatem  quae est adversarius tuus in hac vita‫ ڎ‬48

48. GUIGUES IER LE CHARTREUX, Méditations, chap. I : « De la vérité et de la paix, et comment on obtient la paix par la vérité seule ». « Il faut placer la vérité au centre, comme quelque chose de beau. 6‫ڎ‬8 Il faut admirer la vérité, sans apprêts ni ornements, et ࠱xée à la croix. 6‫ڎ‬8 C’est pourquoi la vérité nous est plus pénible que tous les autres adversaires parce que chaque contrariété attaque un ou plusieurs plaisirs. Or la vérité les accuse tous à la fois. 6‫ڎ‬8 Le serviteur de la vérité aime ce qu’il sert et celui qu’il sert. Et lorsque ce service lui est fait par un autre, qu’il le reçoive en rendant grâces, comme étant ce qu’il aime. 6‫ڎ‬8 Vois de combien de supplices tu sou࠰riras lorsqu’une vraie lumi¢re te rév¢lera à toi-même  s’il est autant torturé, celui à qui, d’une parole, tu montres un des ses maux. Car alors, les desseins des cœurs seront évidents. 6‫ڎ‬8 Le pain, c’est-à-dire la vérité, renforce le cœur de l’homme, a࠱n d’éviter qu’il ne succombe à des formes corporelles. Heureux celui dont l’esprit n’est mû et a࠰ecté que par la connaissance et l’amour de la vérité, et dont le corps ne l’est que par ce même esprit. Ainsi, le corps aussi n’est mû que par la vérité. En e࠰et, si nul mouvement n’arrive dans l’esprit sinon de vérité, nul mouvement dans le corps sinon de l’esprit, il n’y aura nul mouvement qui se fasse dans le corps, sinon de vérité, c’est-à-dire de Dieu. 6‫ڎ‬8 Tu fais toutes choses en vue de la paix, vers laquelle il n’y a pas d’autre chemin que la vérité  et celle-ci est ton adversaire dans cette vie. »

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Sur ces pensées de Guigues 1 L’idéal d’un esprit mû par la seule Vérité, d’un corps mû par l’esprit seul, tous nos gestes disant la Vérité : ne sommes-nous pas les disciples du Verbe qui est venu dire, d’une parole de chair, la Vérité de Dieu et de toutes choses ? Mais il faut ici lever une équivoque. Je ne voudrais pas qu’être ému de la seule Vérité, et mû par toute vérité, ce paraisse le résultat d’un calcul, d’une construction de notre vie  ma¨trise de soi, sans doute, mais qui nous fait craindre des autres, qui leur fait craindre que nous les menions peut-être‫ڎ‬ Non pas construction de soi, simplicité : on ne redoutera point notre jeu, si l’on ne nous conçoit pas jouant. On pourra, sans inquiétude, aimer la Vérité, à travers nos gestes et notre âme, et la ressemblance de Dieu que nous sommes, en la pureté de notre essence. « Signatum es super nos lumen vultus tui, Domine 49 » : le probl¢me est que cela se voie. Pour que nous ne paraissions pas trop calculés et construits, d’un tempérament qui se domine pour dominer, je voudrais que notre simplicité soit abandon quelquefois, folie et na©veté : on dira « il est jeune », devant son enthousiasme  on ne pensera point, à écouter et lire le geste, qu’une idée, qui nous poss¢de, nous rend implacable‫ڎ‬ Il est asseU légitime de parler de la beauté d’une âme et d’une vie, à propos de cet ordre qui soumet le corps à l’esprit et l’esprit à la Vérité. Mais que cet ordre ne paraisse point arti࠱ciel, que notre art de vivre naisse de la seule Vérité, sans préoccupation de l’artiste, devant soi ou les autres. Je pense à saint !rançois, chef-d’œuvre d’humanité par la seule pensée qu’il avait du Christ, et qui se découvre en chacune de ses actions : « Parler de l’art de vivre, dit Chesterton, c’est, de nos jours, évoquer quelque chose de plus arti࠱ciel qu’artistique. Mais en un sens précis saint !rançois ࠱t de l’acte même de vivre un art, quelque dépourvu de préméditation qu’ait été cet art » (Saint François d’Assise, 131). Ses actes, ajoute le biographe, « signi࠱aient toujours, ce qu’il entendait qu’ils signi࠱assent », ou plutôt, ce que la Vérité, qui est Jésus, voulait, et que !rançois d’Assise consentait, que ses actes signi࠱assent. 2 «Incipiendum est a medio, quod est Christus 50 » : parole de saint onaventure, une avec la pensée de Guigues : « Veritas ponenda est in medio 51. » Il faut placer la Vérité au centre, la Vérité qui est le Christ, et le Christ cruci࠱é : « Sine aspectu et decore, crucique a࠳xa adoranda est Veritas 52. » Parmi les objets qui sont l’honneur de leur maison, et les biens qui font leur culture, les hommes placent au milieu le plus beau, et sa beauté, si l’ensemble

49. Psaume 4, 7 : « La lumi¢re de ton visage est gravée sur nous, Seigneur ». 50. « Il faut commencer par le centre, qui est le Christ ». 51. « Il faut placer la vérité au centre ». 52. « Il faut adorer la vérité, sans apprêts ni ornements, et ࠱xée à la croix. »

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est bien composé, se retrouve, a࠰aiblie, en tous les autres. Mais nous, c’est la Vérité que nous plaçons ainsi, qui n’entre dans ce monde que par la Passion, et qui est libre de tout éclat super࠲u, et de tout ornement : voilà ce qui, pour nous, est le beau, sous le ciel terrestre. Nous devrions ordonner toutes choses en cette perspective de la Vérité, dépouillée, sur la Croix. 3 La Vérité qui n’est pas nous, qu’il nous faut pâtir et qui nous blesse, ce n’est pas une loi cependant, abstraite et dure, c’est une personne qui a sou࠰ert pour nous, et ainsi s’est donnée‫ ڎ‬Toute sou࠰rance ici est compassion. Mais l’amour est joyeux à sou࠰rir ainsi : gardons-nous de la dureté et de l’amertume, et de la façon puritaine  nous n’apportons pas au monde l’ordre moral d’une nouvelle Gen¢se  ce serait trahir la onne Nouvelle que donner l’impression d’une discipline sans douceur, d’un ascétisme sans amour. 4 Pourrais-je commenter Guigues le Chartreux dans l’esprit de saint runo ou de ernard, son correspondant qui l’admirait ? Saint !rançois m’est encore plus proche. De la Chartreuse que choisit runo, je sais seulement qu’il la choisit en un désert, je l’imagine sans oiseaux, sans printemps, parmi les rocs. ernard paraissait dur à ses cisterciens, et parfois leur faisait peur. Le sacri࠱ce que s’imposait et qu’exigeait !rançois d’Assise fut aussi grand  et son intransigeance pareille, mais qui e࠰raie moins : en toute clarté, une intransigeance d’amour  non pas une contrainte, mais une folie‫ ڎ‬Et cette joie qui était égale sur l’Alverne qu’en Ombrie, au printemps.

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IX DU FEU QUI NE BR–LA PAS

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c. XLIV 54. Du feu qui ne brûla pas, et des graves opérations qu’il dut subir. c. XLV. 55 De l’amour et du respect qu’il avait pour le feu. c. XLVI 56. Comment il aimait et respectait l’eau, les pierres, les arbres et les ࠲eurs.

1 « Notre fr¢re le feu, le Seigneur t’a créé noble et utile entre toutes créatures‫» ڎ‬ (XLIV). « Il n’appelait pas la nature sa m¢re  il appelait tel âne son fr¢re, ou telle hirondelle sa sœur‫ ڎ‬c’étaient telles créatures à qui leur Créateur avait assigné telles places, et non pas de simples aspects de l’énergie évolutive des êtres. En tant que mystique, il était l’ennemi mortel de tous ces mystiques qui émoussent les contours des choses et dissolvent l’entité dans son atmosph¢re. » (Chesterton, 128 57).

Contre Max Scheler : « Cet inquiétant réveil de la fusion a࠰ective avec la vie, considérée comme un tout divin et indivisible. » (Nature et formes de la sympathie 58, p. 141). Il n’y a point ici de Vie, mais des vivants, et chacun est unique. Il n’y a pas de produits de la Nature, ou d’expressions de la Vie, mais des créatures et des images de Dieu, dont chacune a, avec lui, un rapport imsmédiat et singulier, non pas toujours de ࠱liation stricte, comme pour les âmes qui font société avec Dieu, mais un rapport au moins d’artiste à œuvre, à telle œuvre‫ڎ‬ Nous aimons et respectons l’œuvre d’un ami, quelques lignes, qui en raniment le souvenir. Or chacun des êtres visibles est une œuvre de Dieu :

53. )>f)BDBKA>>KQFNR>0 #O>K@FP@Fu QBUQBARJP  *AB-£OLRPB, éd. !. DELORME, Paris 1926. Publiée maintenant sous le titre « Compilation d’Assise », dans FRANÇOIS D’ASSISE, Écrits, Vies, témoignages, éd. J. DALARUN (dir.), Paris 2010, vol. I, p. 1187-1207. (Le titre a été harmonisé d’apr¢s le sommaire, supra p.Z235). 54. En fait, Légende de Pérouse, § 48, dans « Compilation d’Assise », 86 c. 55. En fait, Ibid., § 49, dans « Compilation d’Assise », 86 d. 56. En fait, Ibid., § 51, dans « Compilation d’Assise », 88. 57. G. &. CHESTERTON, Saint François d’Assise, trad. fr. I. RIVIÈRE, Paris 1925. 58. M. SCHELER, Nature et formes de la sympathie, trad. fr., Paris 1928.

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« ,uoddam simulacrum sapientiae Dei, dira saint onaventure, et quoddam sculptile 59‫» ڎ‬  Je t’ai toujours aimé et je continuerai à le faire pour l’amour du Seigneur qui t’a créé (XLIV 60). Il défendait aussi qu’un fr¢re jetât au vent des braises ou tisons fumants, comme on le fait d’habitude, mais il voulait qu’on les posât délicatement à terre, par respect pour celui qui a créé le feu (XLV 61). 6‫ڎ‬8 Lorsqu’il devait marcher sur des pierres, il le faisait avec crainte et respect, par amour de ce qui est appelé « pierre » (XLVI 62).

D¢s que, voyant les choses en esprit de pauvreté, on les consid¢re comme images de Dieu, c’est un seul et même amour d’aimer telle chose et d’aimer son Créateur, comme c’est un seul et même amour d’aimer le Christ et d’aimer le plus petit de ses fr¢res. « !raternité » sans doute : « notre fr¢re le feu » (XLV), « nos sœurs les ࠲eurs » (XLVI 63). Mais pas « cette fraternité qui consiste à se donner des tapes dans le dos », « ce que l’on appelle souvent la camaraderie » (Chesterton, p. 139-140). -espect du prochain, par nous et par lui-même, parce qu’il ne nous appartient pas, ni ne s’appartient : il est au Christ. -espect de toute créature, parce qu’elle est au Créateur : nous n’avons pas le droit d’en abuser‫ ڎ‬De là, cette « camaraderie positivement fondée sur la courtoisie » (ibid., 140), cette courtoisie à l’égard de toute créature. C’est qu’à toute créature le Créateur est présent, et qu’adopter une attitude à l’égard des choses, c’est en adopter une à l’endroit de leur Auteur. « 6‫ڎ‬8 par amour de celui qui est appelé ‫ڄ‬pierre‫» څ‬. Ceci, à des modernes, para¨t délicieusement puéril. Chrétiens, nous comprenons cependant que le pain, pour nous, évoque l’Eucharistie, et que de devenir Eucharistie, cela soit la plus haute fonction, et pour ainsi dire, la derni¢re destinée du pain, la justi࠱cation suprême du blé, des champs, et de la terre même‫ ڎ‬Si cependant Celui qui est appelé « pierre » et qui a voulu être nommé ainsi, n’est pas un homme jeté par hasard dans le monde, mais Celui même en qui toute chose fut conçue et créée, et cette pierre, en évoquant cette expression d’une Ép¨tre aux Corinthiens (I, X, 4), nous saisissons quelque chose du rapport unique qui lie la pierre à Dieu, et précisément à son Verbe : n’était-ce pas la destinée suprême de la pierre qu’un jour elle servit à nommer son Créateur ? Cette perspective ne

59. SAINT BONAVENTURE, Collationes in Hexaemeron XII, 14, dans ID., Opera Omnia, V, 386 : « un simulacre de la sagesse divine, et une certaine image ». 60. En fait, Légende de Pérouse, § 48, dans « Compilation d’Assise », 86 : !rançois s’adresse au feu par lequel on va cautériser son œil. 61. Ibid.,§ 48, dans « Compilation d’Assise », 87. 62. Ibid., § 51, dans « Compilation d’Assise », 88, autre traduction : « Par amour de celui qui est appelé ‘Pierre’ » 63. Ibid., § 49 et 51, dans « Compilation d’Assise », 86 et 88.

doit pas nous étonner, si toutes choses ont été faites « pour qu’elles invitassent en leur temps tout homme qui les regarderait à louer Dieu‫( » ڎ‬XLVI 64) 3 « Son âme était émue à leur endroit 6du feu et des autres créatures8 de tant de piété et de compassion qu’il était troublé quand on les traitait sans égards. Il leur parlait avec une grande joie intérieure et extérieure comme si elles eussent été douées de sentiment, d’intelligence et de parole, et bien souvent ce fut pour lui l’occasion d’être ravi en Dieu 6‫ڎ‬8 » (XLV 65). « Je prie notre commun Créateur de tempérer ton ardeur pour que je puisse te supporter » (XLIV 66). Dé࠱nir ce qu’était l’expérience, impossible sans doute : myst¢re tout proche du myst¢re de l’extase : « Ce fut pour lui l’occasion d’être ravi en Dieu 6‫ڎ‬8. » Mais nous savons au moins que ce n’était pas se fondre dans le tout : en dépit encore de Max Scheler : « 6‫ڎ‬8 il conçoit 6‫ڎ‬8 la nature 6‫ڎ‬8 comme un tout vivant‫ ڎ‬La nature est douée d’une vie divine 6‫ڎ‬8 » (op. cit., 141). Son attitude à l’égard de chaque être s’exprimait comme s’exprime communément notre attitude à l’égard d’une personne‫ڎ‬ Cela justi࠱e notre comparaison entre l’amour des créatures, images de Dieu, et l’amour du prochain fr¢re du Christ. La même « piété » qui voit Dieu dans le prochain, créé à sa ressemblance (cf. la doctrine de saint onaventure sur le don de piété) peut bien voir en toute créature le Créateur qu’elle évoque. Pour !rançois d’Assise, l’univers visible, ce n’était pas le jeu réglé de nos imaginations  l’univers visible, ce sont des êtres, autant d’images de Dieu, et qui sont plusieurs parce que chacune di࠰¢re de tout autre : « Il ne voyait que l’image de Dieu multipliée, mais jamais monotone. » (Chesterton, p. 142). De même que le Christ par qui tous les hommes sont rachetés a visé le salut de chacun, le Verbe, qu’est le Christ même, en qui toute créature a été conçue, a visé la création de chacune‫ ڎ‬Or des êtres, c’est un peu comme des personnes : une personne, ce n’est pas ce que voient nos yeux charnels  de cette expression visible, il faut, par sympathie, en aimant, retrouver le sens intérieur, qui est la personne elle-même  les êtres de même ont un sens, et il y a une sympathie, un amour, qui nous fait communiquer avec eux  et de même que le sens d’une personne, c’est d’être telle image de Dieu, ce ࠱ls de Dieu, de même le sens d’un être, c’est qu’il est cette image, cette créature de Dieu. « Notre commun créateur » : il y a, cheU !rançois d’Assise, une vraie sympathie, un amour, une fraternité entre l’homme et toute créature, mais la créature est alors atteinte dans sa dépendance essentielle du Créateur‫ ڎ‬Amour d’une image divine, c’est bien d’une vraie sympathie, comme à l’égard d’une personne  et non point une fusion dans une totalité indistincte, dans quelque unité de la Vie : considéreU

64. Ibid., § 51, dans « Compilation d’Assise », 88 : !rançois invite les fr¢res à ne cultiver qu’une partie du jardin, en laissant place aux ࠲eurs sauvages. 65. Ibid., § 49, dans « Compilation d’Assise », 87. 66. Ibid., § 48, dans « Compilation d’Assise », 86.

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cette courtoisie qui s’adresse à la créature, image toujours singuli¢re, et ne fait qu’un avec l’amour du Créateur. 4 6‫ڎ‬8 il disait au fr¢re qui faisait le jardin de ne pas tout planter en légumes, mais de laisser une partie du terrain pour les plantes vivaces qui produiraient, en leur temps, nos sœurs les ࠲eurs. Il disait même que le fr¢re jardinier devait faire dans un coin de jardin un beau jardinet où il mettrait toutes sortes d’herbes odoriférantes et de plantes ࠲eurissantes, pour qu’elles invitassent en leur temps tout homme qui les regarderait à louer bien, puisque toute créature dit et proclame : « C’est Dieu qui m’a créé pour toi, ô homme » (XLVI 67).

Sympathie, harmonie, convenance de tous les êtres, dans l’univers franciscain. Mais place à l’homme, à part : il ne doit pas traiter les créatures « sans égards », et cependant elles sont faites pour lui ? C’est qu’elles ne lui appartiennent pas, il en a l’usage seulement‫ « ڎ‬Il disait au fr¢re de ne pas tout planter en légumes. » Saint onaventure écrira : « Notandum autem quod mundus, si servit homini quantum ad corpus, potissime quantum ad sapientiam 68 6‫ڎ‬8. » Il y a dans le monde, pour l’homme, autre chose que des possibilités utilitaires, des possibilités esthétiques, dirons-nous, mais d’une esthétique une avec la pri¢re‫ ڎ‬Le monde n’appara¨t pas encore comme un matériel abandonné à l’usage, et à l’abus, de notre industrie  le jus utendi et abutendi, et le capitalisme, et notre civilisation industrielle, et laide, et ce monde moderne plus opaque à l’âme qui cherche Dieu que le monde d’Aristote, tout cela n’est pas encore né‫ ڎ‬Il faut des ࠲eurs dans le jardin des moines, pour qu’il y ait au cœur des fr¢res une façon neuve d’aimer Dieu, louer Dieu pour ses ࠲eurs‫ « ڎ‬Ad ipsum 6Deum8 laudandum, venerandum, amandum, dit saint onaventure, 6‫ڎ‬8 ad hoc sunt creaturae, et sic reducuntur in Deum 69 » : les créatures, images de Dieu, réalisent leur destinée si l’homme les reconna¨t pour ces images‫  ڎ‬elles ne retournent à Dieu que par la médiation de l’homme  c’est leur destinée même « d’inviter en leur temps tout homme qui les regarde à louer Dieu‫» ڎ‬ Et si l’homme p¢che, s’il se laisse, comme Adam, gagner par la curiositas‫ڎ‬, et se prend à reconna¨tre aux choses une su࠳sance, les créatures manquent leur destinée‫ « ڎ‬non erat qui reduceret eas in Deum 70 ». Liaison de tous les êtres, comme par sympathie avec l’homme, dans la premi¢re création, dans la faute du premier homme, et chacune de nos fautes, dans la -édemption aussi, et chaque

67. Ibid., § 51, dans « Compilation d’Assise », 88. 68. SAINT BONAVENTURE, Collationes in Hexaemeron XIII, 12, dans ID., Opera Omnia V, 389-390 : « Si le monde sert l’homme pour le corps, il le sert principalement quant à l’âme  et s’il le sert quant à la vie, il le sert principalement quant à la sagesse. » 69. Ibid. V, 390 : Avant le péché, l’homme avait la connaissance des choses créées, et, par leur représentation, il était porté « vers Dieu, pour le louer, le vénérer et l’adorer  c’est pour cela que les créatures sont et qu’elles sont reconduites vers Dieu ». 70. Ibid. V, 390 : Mais lorsque l’homme fut tombé et eut perdu la connaissance, « il n’y avait personne pour reconduire les créatures vers Dieu ».

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pardon divin : noteU ce sentiment cheU Ang¢le de !oligno. « Et rogabam omnes creaturas quas videbam me o࠰endisse ut non accusarent me 6‫ڎ‬8 Et videbatur michi quod omnes creaturae haberent de me pietatem et compassionem 71 6‫ڎ‬8. » Ne pas penser le monde comme un tout indistinct, mais non plus comme des choses disjointes, chacune posée pour soi  penser chaque être dans sa relation unique au Créateur, et tous les êtres, ainsi réunis sous « notre commun Créateur »  plus intérieur à chacun qu’aucune ne l’est à soi-même, Dieu est à la fois le lien le plus uni࠱ant, et le plus respectueux des singularités.

71. A. DE FOLIGNO, Le livre des visions et des instructions, Paris 1868, chap. VI : « Je demandais à toutes les créatures que je sentais avoir o࠰ensées de ne pas m’accuser. 6‫ڎ‬8 Et il me semblait que toutes les créatures avaient pitié et compassion de moi. »

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X ࢩD’UN FRÈRE QUI VOULAIT CONSERVER DES LIVRES c. LXIV. D’un fr¢re qui voulait conserver des livres : « 6‫ڎ‬8 Vous vouleU passer aux yeux des hommes pour des fr¢res mineurs et de ࠱d¢les observateurs du saint Evangile, mais, en fait, vous désireU des bourses pleines 72. » c. XV. Du fr¢re qui voulait un psautier. Pourquoi le bienheureux ne voulait pas que ses fr¢res deviennent des savants : le saint P¢re ne voulait pas que ses fr¢res fussent avides de science et de livres. Non pas qu’il méprisât et regardât d’un mauvais œil la science sacrée. Au contraire, il témoignait d’un a࠰ectueux respect aux savants de l’Ordre, et à tous les savants, comme il le dit lui-même dans son Testament : « Nous devons honorer et vénérer les théologiens, car ils nous dispensent l’esprit et la vie. » Mais prévoyant l’avenir, il savait par le saint Esprit et répétait souvent que beaucoup de fr¢res, sous prétexte d’édi࠱er les autres, abandonneraient leur vocation, c’est-à-dire la pure et sainte simplicité, la pri¢re sacrée, et notre dame la Pauvreté. Ils se croiraient animés d’une plus grande dévotion et en࠲ammés d’amour pour Dieu à cause de leur intelligence des Écritures, alors qu’ils demeureraient froids et inertes en dedans 73. c. LXVI. ,ue les pri¢res et les pénitences des fr¢res simples convertissent mieux les âmes que les discours des prédicateurs. « Il disait aussi : ‫ڄ‬Nombreux sont les fr¢res qui mettent, jour et nuit, tout leur soin et leur U¢le à acquérir la science, abandonnant ainsi leur sainte vocation et la pri¢re dévote. Et quand ils ont prêché à quelques hommes ou au peuple, et qu’ils voient ou apprennent que certains ont été édi࠱és ou se sont convertis à la pénitence, ils s’en࠲ent et s’enorgueillissent des œuvres et du gain d’autrui. Car ceux qu’ils croient avoir édi࠱és et convertis à la pénitence par leurs discours, c’est Dieu qui les édi࠱e ou les convertit, à cause des pri¢res des saints fr¢res, qui, eux, n’en savent rien 74. » c. LXVII. Du fr¢re qui revint à la charge pour avoir un psautier et des trois réponses que lui ࠱t le bienheureux : « ‫ڄ‬L’empereur Charles, -oland et Olivier, tous les paladins et les valeureux guerriers qui furent puissants dans la bataille, poursuivirent les in࠱d¢les jusqu’à la mort, n’épargnant ni leurs sueurs ni leurs fatigues, et remport¢rent sur eux une victoire mémorable. Les saints martyrs, de leur côté, sont morts en combattant pour la foi du Christ. Or, on voit beaucoup d’hommes qui voudraient recevoir honneur et gloire en se contentant de chanter ces exploits‫څ‬. On trouve l’explication de ces paroles dans les Admonitions où il est dit : ‫ڄ‬Les saints ont accompli des exploits, et nous désirons, en les

72. Légende de Pérouse, § 69, dans « Compilation d’Assise », 102. (Le titre a été harmonisé d’apr¢s le sommaire, supra p.Z235). 73. Ibid., § 70, dans « Compilation d’Assise », 103. 74. Ibid., § 71, dans « Compilation d’Assise », 103.

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racontant et en les prêchant, acquérir honneur et gloire‫څ‬. C’était dire en d’autres termes : ‫ڄ‬La science enorgueillit, la charité édi࠱e‫( څ‬IZCor 8,Z1) 75 » –Z« ,uand tu posséderas un psautier, tu auras envie d’un bréviaire, et quand tu auras un bréviaire, tu t’assoiras en chaire comme un grand prélat, et tu diras à un fr¢re : ‫ڄ‬Apporte-moi mon bréviaire‫څ‬. Moi aussi, mon fr¢re, je fus tenté d’avoir des livres  mais pour conna¨tre sur ce point la volonté de Dieu, j’ai pris le livre des Évangiles et j’ai prié le Seigneur qu’il daignât me faire conna¨tre, à la premi¢re page que j’ouvrirais, ce qu’il voulait de moi. Ma pri¢re terminée, j’ouvris le livre et tombai sur ce verset : ‫ڄ‬À vous il a été donné de conna¨tre le myst¢re du -oyaume de Dieu, aux autres cela n’est donné qu’en paraboles‫( څ‬Marc, 4, 11). Il ajouta : « Il y en a tant qui désirent s’élever jusqu’à la science, que bienheureux celui qui se fera ignorant pour l’amour de Dieu 76 ». !rançois d’Assise veut éloigner de ses fr¢res la science et les livres. La science, c’est-à-dire la théologie  non pas comme vérité de Dieu et nourriture de l’âme : cela est un bien, et l’on doit respect à ceux qui le dispensent  la Théologie, c’est ici la culture des clercs, qui leur assure sentiment de leur valeur et un rang dans la société, le premier peut-être. La science est un bien, et un o࠳ce, mais de vouloir acquérir ce bien et servir dans cette fonction, cela peut être une tentation. « Je fus tenté d’avoir des livres. » Les livres ne sont pas si di࠰érents de toutes ces choses terrestres, dont il faut devenir pauvre : « avides de science et de livres », vous n’êtes pas d’une autre race que ces hommes, que vous dites charnels, qui « désirent des bourses pleines ». Ce qui meut les hommes vers la richesse, c’est l’éclat de l’or, dans l’opinion commune et dans la conscience de chacun, faite souvent d’opinions reçues  le pauvre, le misérable, nous semble moins homme : nous cherchons dans la richesse et le luxe un rang supérieur, une conscience plus vive de notre valeur humaine. Ainsi de l’ignorant, et de la science : ici encore, la vocation de saint !rançois d’Assise est d’opérer un renversement, de montrer le premier dans ce que l’on dit dernier : « Il y en a tant qui désirent s’élever jusqu’à la science, que bienheureux qui se fera ignorant pour l’amour de Dieu ». Science, ennemie de Pauvreté : Dame Pauvreté commande, dans la lettre, à saint !rançois, en esprit, à ses ࠱ls, universel refus de parvenir. Nous venons de l’écrire : les richesses ne se présentent pas aux hommes comme des richesses nues, mais comme des biens, qui paraissent les rendre meilleurs et plus heureux  ce ne sont point de simples aliments, o࠰erts à un animal, à sa voracité de brute  l’homme mange cela, parce que cela fait bien sur sa table, et dans le décor de sa vie  la valeur des richesses est dépendante d’une culture, d’un idéal de vie, et d’une hiérarchie des façons de vivre, où tout savoir et toute puissance sont aussi engagés. Il est inévitable et nécessaire même que les hommes soient élevés au-dessus des autres, que des fr¢res, par exemple, deviennent ministres ou théologiens : qu’ils accueillent cette élévation avec crainte et tremblement, et ne mettent jamais leur valeur dans cette élévation même.

75. Ibid., § 72, dans « Compilation d’Assise », 103. 76. Ibid., § 73, dans « Compilation d’Assise », 104.

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Discernons ce refus de parvenir, en esprit, en fr¢re onaventure, à la plus haute science et aux premi¢res charges : comme il a peur de croire que « c’est arrivé » : « consid¢re tout homme comme ton ma¨tre, et estime-toi véritablement le serviteur de tous en toutes choses » –Z« 6‫ڎ‬8 que tu t’acquittes de toutes tes occupations, surtout les plus humbles, comme si elles se rapportaient au Christ en personne. » « Obéis non seulement à tes supérieurs et à tes prélats, mais encore au plus petit de tes fr¢res » (!B*BJLOF>IF?RP 7, 19, 20 77). Citons encore cette maxime : « Multa nihil scire et nihil gustare, quid valet 78 » ? Acceptant des charges comme utiles, nous n’y mettrons pas notre valeur  ni dans l’étude et l’enseignement non plus, cependant tr¢s nécessaires : notre valeur est seulement en l’expérience d’amour qui nous est commune avec tous nos fr¢res, les plus ignorants, les plus humbles. La théologie, comme toute culture, nous compose un personnage qui se situe, dans la société, parmi d’autres personnages : « ,uand tu posséderas un psautier, tu auras envie d’un bréviaire, et quand tu auras un bréviaire, tu t’assoiras en chaire comme un grand prélat et tu diras à un fr¢re : ‫ڄ‬Apporte-moi mon bréviaire‫څ‬. » Nous confondons notre valeur d’âme avec le personnage que nous jouons parmi le décor des grandeurs humaines : « Ils se croiront animés d’une grande dévotion et en࠲ammés d’amour pour Dieu à cause de leur intelligence des Écritures. » L’homme intérieur n’est pas là, ni même l’homme agissant –Zcelui qui peut quelque chose au salut de nos fr¢res : aussi des prédicateurs à succ¢s, qui croient convertir par éloquence, et « s’en࠲ent et s’enorgueillissent des œuvres et du bien d’autrui. » En vain essaieraient-ils de se justi࠱er, de justi࠱er leur personnage, par les nécessités de l’action et de l’e࠳cience –Z« le prétexte d’édi࠱er les autres » : la simplicité passe toutes ces habiletés et coop¢re seule à l’œuvre de Dieu. Et encore : parler des hommes –Z et des chosesZ –, cela nous les laisse extérieurs, sans pro࠱t pour nous (ni salut peut-être pour eux)  y penser sans les aimer n’est pas si di࠰érent d’en discourir, aussi ine࠳cace  cela nous donne une mani¢re de vivre parasitaire, une existence d’emprunt, plus jouée que vécue : les saints, et ceux qui en vivent ainsi –Z« se contentent de chanter leurs exploits ». -etenons ceci : la théologie, culture des clercs, est faiseuse de hiérarchies et de valeurs sociales, d’un monde de personnages, qui risque de nous retenir parmi ses apparences et de nous détourner de l’homme intérieur. Les fr¢res avides de science, et qui deviennent des savants, sont pour !rançois d’Assise, crainte et tremblement : l’élévation dans le savoir est aussi périlleuse que l’élévation dans la puissance ou la culture, par le sentiment faux qu’elle nous donne d’une valeur propre, et que nous sommes des premiers parmi les hommes.

77. SAINT BONAVENTURE, Les vingt-cinq Mémoriaux, chap. VIII, XIX et XX. 78. ID., In Hexaemeron XXII, 21 (Opera Omnia V, 440) : onaventure rappelle que saint !rançois acceptait que les fr¢res étudient pourvu qu’ils pratiquent d’abord ce qu’ils enseignaientZ: « En e࠰et, savoir beaucoup de choses et ne rien goûter, qu’est-ce que cela vaut ? »

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« La pure et simple simplicité » : simpli࠱cation, retour à l’essentiel, dépouillement de toutes ces vanités qui nous enveloppent devant les hommes et nousmêmes, retour à notre essence nue sous le regard de Dieu. Toutes ces vanités ne deviennent utilités, et ne seront avec nous sauvées, que si nous les avons converties en notre substance et si cette substance, par amour, se transforme en Dieu : saint onaventure réconcilie la culture théologique avec l’esprit de pauvreté. Comme la théologie, toute culture ne peut être sauvée que par une perpétuelle réaction de l’homme intérieur sur les biens que la société lui apporte : le probl¢me est d’user de ces richesses en esprit de pauvreté.

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XI ࢩTROIS TEXTES DE SAINT BONAVENTURE SUR LES TROIS CONCUPISCENCES : IN HEXAEMERON XXII, 36 –ZDE TRIPLICI VIA I, 5 79 – DE PERFECTIONE VITAE AD SORORES I, 3

1 La concupiscence est triple : « libido principandi, libido delectandi, libido possidendi. Oportet ergo ut homo habeat tria opposita, ut homo sit subjectus, castus et pauper 80. » La libido possidendi para¨t une avec la concupiscentia curiositatis, le vitium avaritiae et curiositatis, qui se dé࠱nit ainsi : « cum quis appetit scire occulta, videre pulchra, et habere chara » –Zou encore : « quando appetit scire occulta, quando appetit videre pulchra, quando appetit habere rara 81. » Libido possidendi, curiositas, avaritia : une même cupidité, ennemie de pauvreté. Scire occulta : « Savoir ce qui est caché simplement parce qu’on l’ignore » (GILSON, p. 432). Videre pulchra : « Voir ce qui est beau pour sa beauté même. » (GILSON, ibid.) Habere chara, habere rara : « S’emparer, pour l’avoir à soi, de ce que l’on estime » (GILSON, ibid.) –ZPlus simplement : avoir des choses rares et de prix. La lettre De XXV memorialibus s’exprime ainsi : « Par amour de la tr¢s sainte pauvreté, prends soin que tout ce qui est à ton usage soit grossier, vil et modeste. » (Résolutions particulières, 6 82).

79. SAINT BONAVENTURE, De triplici via I, 5 : « À l’égard de la concupiscence, l’homme doit examiner s’il se trouve en lui la convoitise de la volupté, la convoitise de la curiosité, et la convoitise de la vanité, qui sont les racines de tout mal. » 80. In Hexaemeron XXII, 36 (Opera Omnia, V, 443) : « Il est donc nécessaire d’agir de façon qu’un triple désir soit déraciné: le désir de dominer, le désir du plaisir et le désir de posséder, car ce triple désir introduit le diable dans l’âme. 6‫ڎ‬8 Il faut donc que l’homme poss¢de les trois habitus contraires : qu’il soit soumis, chaste et pauvre. » 81. De perfectione vitae ad sorores, I, 3 (Opera Omnia, VIII, 108) : « La convoitise de la volupté est certainement encore vigoureuse cheU la personne religieuse, quand elle recherche les douceurs 6‫ڎ‬8. La convoitise de la curiosité est certainement encore vigoureuse 6‫ڎ‬8 quand elle cherche à voir ce qui est beau, quand elle cherche à posséder ce qui est rare. » 82. Epistola continens viginti quinque memorialia in Doctoris Seraphici Sancti Bonaventurae Opera omnia (Opera Omnia, VIII), 1898, p. 491-498.

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Comment, en ces trois démarches, notre cupidité est une : les textes ne sugg¢rent pas d’abord le désir d’avoir à soi, mais le désir de choses qui porteraient une valeur en soi, par soi-même, qui mériteraient, par elles-mêmes, d’être connues, contemplées, possédées‫ڎ‬ À propos de videre pulchra, ce texte du Commentaire, qui illumine aussi le scire, et l’habere : « Aut sistitur in pulchritudine creaturae, aut per illam tenditur in aliud. Si primo modo tunc est via deviationis 83‫» ڎ‬. Attribuer une valeur aux créatures, prises en elles-mêmes, c’est précisément manquer notre destinée, et la leur, qui est de nous ramener à Dieu : « Illae non perveniunt, sed per illas pervenit homo ad Deum 84‫» ڎ‬. Posséder d’ailleurs une chose, c’est être tenu par elle, par la valeur qu’elle porte en soi et qui nous lie. De même, la science d’Aristote, et la contemplation pa©enne des choses : l’homme tenu par les créatures, et la valeur qu’il leur prête, en elles-mêmes. 2 Nous savons l’extrême péril qu’il y a, d’apr¢s saint !rançois, à savoir et à posséder des livres : une culture, faiseuse de hiérarchie, c’est une occasion de se développer pour la libido principandi, la soif d’être le premier parmi les hommes, à l’opposé des plus petits entre ces fr¢res‫ ڎ‬Mais libido principandi, c’est concupiscentia vanitatis : ce qui met, entre les hommes, les hiérarchies visibles, ce n’est point l’essentiel de l’homme, sa valeur derni¢re, la seule. Il s’agit d’être le premier, entre les personnages. Il y a une condamnation franciscaine de la science, au mieux du désir de savoir, du point de vue de la libido principandi, du rôle de la science parmi les hommes, la valeur qu’ils se reconnaissent et qui les classe. Mais il y en a une autre, et de plus grave portée, du point de vue de la curiositas ou de la libido possendi, de l’attitude de la science, et de l’homme même, à l’égard des choses : scire occulta, c’est un même esprit que videre pulchra, habere chara, habere rara : ce qui est ici en question, ce n’est plus le rapport des hommes entre eux, mais la relation de l’homme aux êtres de la nature. Du point de vue de la libido principandi, concupiscentia vanitatis, on peut comprendre déjà que le désir de savoir et la soif des richesses, cela est un, et cela aussi, ennemi de pauvreté –Zdans la mesure où pauvreté, en un sens large, mais tr¢s franciscain, je crois, est humilité‫ « ڎ‬ut homo sit subjectus ». Mais au sens le plus strict de pauvreté, au sens de n’avoir pas avec les choses, ce rapport qui est la propriété, la pauvreté enveloppe encore une attitude tr¢s déterminée à l’égard du savoir, un idéal même de connaissance : ici encore, du point de vue de la curiositas, de la libido possidendi, qui est l’opposé strict de la paupertas, une même condamnation atteint la richesse et certaine science.

83. I Sent., dist. 3, pars 1, art. un., q. 2, ad 1um : « Ou l’on s’arrête à la beauté de la créature, ou l’on tend par elle à autre chose. Si c’est de la premi¢re mani¢re, c’est un chemin dévoyé. » 84. I Sent., dist. 3, pars 1, art. un., q. 3, ad 2um : « Ces n’y parviennent pas, mais par elles, l’homme parvient jusqu’à Dieu. »

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La philosophie franciscaine

Nous entrevoyons dans la pauvreté franciscaine, le principe d’une culture totale : une façon d’envisager les valeurs humaines, une mani¢re aussi de voir les choses. 3 La curiosité, ennemie de la pauvreté, est comme toute concupiscence, « aliqua conversio inordinata ad bonum commutabile 85 » : se tourner, de façon déréglée, vers les créatures et les valeurs qu’elles sont. Par la curiosité, l’homme consid¢re les créatures comme étant des valeurs qu’il peut vouloir pour ellesmêmes et s’y arrêter. C’est bien l’état d’esprit de l’heureux propriétaire, qui se repose dans son bien : beatus possidens 86‫ ڎ‬La curiosité donc : prêter 6à8 une créature une su࠳sance dans l’ordre de l’être et de la valeur. Et la pauvreté, la leur refuser. Les créatures ne sont pas de simples imaginations humaines, le décor de notre esprit  ce sont des êtres‫ ڎ‬Mais ces êtres, nous leur refusons d’être des choses, posées en soi et pour soi, qui se manifestent seulement elles-mêmes. Il reste qu’ils soient des signes, évocateurs de Dieu : « Creaturae possunt considerari ut res vel ut signa 87 » : point de vue du curieux, et point de vue du pauvre‫ ڎ‬Mais, signes ou vestiges du Créateur, aucune créature ne l’est, par une propriété ou une interprétation surajoutée à son essence : « Esse vestigium nulli accidit creature 88 ». Considérer les créatures comme des signes, des vestiges, un moyen donc de s’élever à Dieu, c’est les tenir pour ce qu’elles sont, les voir dans leur essence même. Et cela convient à qui ne s’installe pas dans ce monde, mais le traverse seulement pour aller au-delà : « Creaturae sunt media in deveniendo, sive in via, non in termino, quia illae non perveniunt, sed per illas pervenit homo ad Deum, illis post se relictis 89‫ڊ‬u Celui qui voit ainsi le monde pense selon la -¢gle franciscaine, qui demande aux fr¢res de se considérer comme des étrangers et des voyageurs, « tamquam peregrini et advenae ». Ils ne s’établissent point ici : dans l’exil, ils pensent à la patrie  mais ils sont sur la route, qui leur rappelle sans cesse le terme du voyage et le repos qui les attend.

85. II Sent., dist. 30, art. 2, q. 1, arg. 4 (Opera Omnia II, 334) : Dans tout péché se trouve « un acte de se tourner, de mani¢re désordonnée, vers le bien muable ». 86. « Heureux propriétaire », expression juridique qui contraste avec le « beatus pauper » des Évangiles. 87. I Sent., dist. 3, pars 1, q. 3, ad. 2um (Opera Omnia I, 75) : « Les créatures peuvent être considérées comme des choses ou comme des signes », texte déjà cité par É. GILSON, La philosophie de Bonaventure, Paris 1922, et repris par P. VIGNAUX dans Philosophie au Moyen Âge, 19872, p. 181. 88. II Sent., dist. 16, art. 1, q. 2, arg. 4 (Opera Omnia II, 397 a) : « „tre une trace 6de Dieu8 n’est pas un accident pour la créature 6mais un aspect substantiel8 »  texte cité par É. GILSON, L’esprit de la philosophie médiévale, Paris 1932, p. 216, et repris dans P. VIGNAUX, Philosophie au Moyen Âge, 19872, p. 181. 89. I Sent., dist. 3, pars 1, q. 3, ad. 2um (Opera Omnia I, 75) : « Les créatures sont des moyens pour y parvenir, ou des moyens sur le chemin, mais elles n’en sont pas le terme, car elles n’y atteignent pas  pourtant, par elles, l’homme parvient à Dieu, lorsqu’il les aura abandonnées derri¢re lui. »

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La philosophie de saint onaventure : dépouillement de la curiosité, qui est une avec l’avarice et le désir de posséder, e࠰ort pour voir toute créature en esprit de pauvreté, c’est-à-dire comme signe du Créateur : « Totus mundus est sicut unum speculum plenum luminibus praesentantibus divinam sapientiam, et sicut carbo e࠰undens lucem 90. » Transparence du monde franciscain : on voit Dieu à travers‫ ڎ‬La curiosité fait le monde opaque  la pauvreté le fait ainsi transparent  mais il faut la pauvreté pour le faire ainsi. 4 « Deum esse clamat omnia creatura 91 » : toute créature, et donc les êtres visibles. « La grande leçon de saint !rançois, c’est de nous apprendre à regarder avec des yeux neufs cet univers, pour y retrouver l’image de Dieu. » (GILSON, La vie et les œuvres de quelques grands saints, 230 92). Les êtres de la nature, images de Dieu, mod¢le de toute créature : il ne faut pas prendre ces termes en un sens trop littéral et matériel, comme si un être quelconque de la nature, et la nature enti¢re, pouvaient nous donner de quoi concevoir Dieu, comme un portrait fait concevoir l’original. Image, Mod¢le, ce n’est qu’une comparaison‫ ڎ‬Dieu et la créature ne sont pas deux choses du même genre, que la distance seulement et les dimensions séparent‫ڎ‬ L’univers visible est sans doute une autre Écriture, autant de signes qui nous découvrent Dieu, sa pensée, sa parole. Mais pour lire ce livre du monde, comme saint !rançois le lisait, il faut avoir lu d’abord et médité un autre livre, qui est l’Écriture même. Sans cela, le livre des choses nous est indéchi࠰rable, il est comme mort et détruit : « Iste liber scilicet mundus quasi mortuus et delectus 6‫ڎ‬8. Liber ergo scripturae reparativus est totius mundi, ad Deum cognoscendum, laudandum, amandum 93 ». Si nous réalisons l’Évangile, dans notre vie, alors nous voyons les créatures autrement, et chacune évoque le Créateur. Mais il faut pratiquer l’Évangile, dans sa rigueur, pour voir le monde ainsi : il faut que la curiosité soit détruite, la pauvreté mise en sa place, qui n’entre dans le monde et dans les âmes que par l’Evangile. Comme de rencontrer son écriture, cela nous rappelle le souvenir d’un ami, chaque créature nous rappelle le Créateur. Mais il faut l’avoir d’abord connu. Par son Évangile. Il y a des preuves de Dieu par le sensible dans la philosophie de saint onaventure : puisque toute créature doit clamer aux oreilles de l’homme, qui l’entend, que Dieu est. Mais « notre expérience de l’existence de Dieu est la

90. In Hexaemeron II, 27 (Opera Omnia V, 340) : « Le monde entier est comme un seul miroir empli de lumi¢res qui représentent la sagesse divine, et comme un charbon répandant la lumi¢re. » 91. De Mysterio trinitatis, q. 1, a. 1, n. 10 (Opera Omnia V, 46-47) : « Toute créature proclame que Dieu existe. » 92. E. GILSON, « Saint onaventure », dans É. AUMANN, G. BERNANOS, La vie et les œuvres de quelques grands saints, Paris 1926, I, p. 221-236. 93. In Hexaemeron XIII, 12 (Opera Omnia V, 390 a) : « Ce livre, le monde, était presque mort et e࠰acé. 6‫ڎ‬8 Le livre de l’Ecriture répare le monde entier, pour que l’on connaisse que l’on loue, et que l’on aime Dieu. »

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condition même de l’inférence par laquelle nous prétendons l’établir. » (Gilson, p. 127) Je veux dire que la preuve de Dieu suppose une idée de Dieu qui, à elle seule, prouverait son existence : « ,uomodo autem sciret intellectus hoc esse ens defectivum et incompletum, si nullam haberet cognitionem entis absque omni defectu 94 ? » Il y a en nous une connaissance de Dieu qui s’ignore, un « souvenir » pour ainsi dire et une « mémoire » de Dieu, qu’éveillent et que rappellent les créatures, évocatrices, ou images, du Créateur. Saint onaventure et Scot prouvent Dieu par ses e࠰ets mais « c’est en apparence seulement que 6leur8 raisonnement prend son point de départ dans la constatation de données sensibles », il tient sa vigueur de notions d’ordre intelligible. La métaphysique franciscaine ne va pas sans un certain platonisme. Il ne faut point s’en étonner, et ce platonisme s’adapte bien à l’esprit de pauvreté : la curiosité traite les êtres visibles comme se su࠳sant à soi-même  c’est déjà de la pauvreté de chercher, au-delà de ces êtres, des perfections invisibles dont ils soient l’image, je veux dire dont ils réveillent en nous la connaissance assoupie. 0ne expression platonicienne convenait donc au sentiment franciscain de la créature, image de Dieu, à la vision de la créature en esprit de pauvreté. « Ad notitiam creaturae perveniri non potest nisi per id per quod facta est » (In Hexaemeron I, 10 95). Mais la connaissance de Celui qui a fait toutes choses, nous la devons à l’Évangile, qui peut d’ailleurs guider le métaphysicien, lointain disciple de Platon‫ ڎ‬Les créatures, images de Dieu, cela veut dire : les créatures qui réveillent en nous la mémoire de Dieu. 5 Le monde visible est une autre Écriture, où l’on rencontre le même Dieu, et précisément le même Christ, Verbe de Dieu en qui toutes choses ont été créées, et par qui il convenait que ce monde, troublé par le péché de l’homme, soit réparé et recréé. Le sentiment franciscain de la nature, c’est précisément la rencontre de Dieu, et précisément la rencontre du Christ peut-être en toute créature. « ,ue tu t’acquittes, écrit saint onaventure, de toutes sortes d’occupations, surtout des plus humbles, comme si elles se rapportaient au Christ en personne. Tu peux et dois croire qu’il en est véritablement ainsi, puisqu’il a dit lui-même dans l’Évangile : ‫ڄ‬Ce que vous aveU fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aveU fait 96‫څ‬. » Plus généralement, avec toutes nuances nécessaires : « Deus‫ ڎ‬per praesentiam replet vacuitatem essentiae, et illa quidem sine hac esse non potest 97 ». 0ne attitude d’action, ou de pensée, à l’égard de la

94. Itinéraire de l’esprit vers Dieu III, 3 : « Comment un intellect saurait-il que ceci est un être dé࠱cient et incomplet, s’il n’avait aucune connaissance de l’être sans défaut ? »  texte cité par É. GILSON, La philosophie de saint Bonaventure, chap. III. 95. « On ne peut parvenir à la connaissance de la créature que par celui par qui elle a été faite ». P. VIGNAUX citera encore cette phrase dans Philosophie au Moyen Âge, 19872, p. 181. 96. III Sent., dist. 35, q. 6, in corp. 97. I Sent., dist. 37, pars 1, q. 1, a. 2, Concl.Z: «ZDieu 6‫ڎ‬8 par sa présence, emplit la vacuité de l’essence, et celle-ci sans elle ne peut être.Z»

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créature, c’est toujours une attitude à l’égard de Dieu qui lui est présent  car la créature ne se sépare point de la présence du Créateur  la pauvreté dissipe la nuée de la curiositas et nous fait voir cela‫ڎ‬ Et certes il y a des degrés dans cette présence du Créateur  et son vestige dans les choses n’est pas sa ressemblance dans les hommes  mais cette présence est universelle, et, en ce sens, toute créature est image de Dieu. -appelons la solution cistercienne au probl¢me fameux de la conciliation de l’amour de Dieu avec l’amour de soi : aimer Dieu et s’aimer soi-même, cela est tout un, si l’on est davantage soi-même dans la mesure où l’on est davantage image de Dieu  mais ceci vaut encore pour l’amour du prochain, et pour l’amour de toute créature : aimant Dieu, il est naturel et légitime d’aimer le prochain, image de Dieu, essentiellement image de Dieu. Parlant de l’amour des ennemis, Duns Scot écrira qu’ils ne nous sont ennemis que par accident, mais qu’essentiellement ils sont des créatures, et des images de Dieu, à l’égal de nos amis  amour de Dieu et amour du prochain, image de Dieu, c’est un seul et même amour  et ainsi de toute créature, si nous la voyons comme elle est, image de Dieu, tel que l’esprit de pauvreté nous la fait voir : la pauvreté op¢re la réconciliation de l’amour de Dieu et de toute a࠰ection humaine.

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Il est di࠳cile à un historien de ne pas formuler ses propres pensées sur un mode historiqueZ: des ré࠲exions que la trop grande bienveillance de M. Léon runschvicg me vaut l’honneur de présenter à la Société, je dirai donc qu’elles sont issues de la nécessité où je me suis trouvé, apr¢s des recherches forcément partielles, de proposer une vue d’ensemble de la pensée médiévale, ou plutôt une perspective, fondée, je crois, mais nécessairement partielle, sur cette pensée. Je voudrais ne pas ranimer la querelle de la philosophie chrétienne, ne pas me demander si et dans quel sens on peut parler d’une philosophie médiévale. Il m’a semblé qu’engagé dans cette voie, on devait tenir compte des notions di࠰érentes que nous avons nous-mêmes de la philosophie, et symétriquement, des diverses notions que les médiévaux eux-mêmes se sont fait, soit abstraitement, de la philosophie, soit, concr¢tement, des philosophes. De toute mani¢re, c’est une di࠳culté de fait, une question peut-être de droit de toute histoire de la philosophie médiévale de savoir dans quelle mesure une discipline rationnelle peut être, à cette époque, distinguée, isolée de spéculations fondées sur la foi en une révélation. Ne serait-il donc pas plus facile, plus sûr également, pour l’histoire doctrinale du Moyen Âge, de prendre la spéculation médiévale comme théologie –Zthéologie, qui peut, de son point de vue ou même du nôtre, inclure une philosophie ? Je sais bien qu’en adoptant ce point de vue, on ne doit pas faire abstraction seulement de l’idée que l’on peut avoir aujourd’hui de la théologie, mais qu’on doit tenir compte de la diversité des notions médiévales de la théologie. On prendra donc ce mot en un sens asseU large pour qu’il s’applique aussi bien au studium sacrae scripturae anselmien qu’à la science de type aristotélicien conçue par saint Thomas d’AquinZ: l’assimilation de la doctrina sacra à une science ne représente qu’un moment de la pensée médiévale  ce qu’il faut noter c’est que, même en ce sens large, la théologie médiévale inclut, dans sa dé࠱nition même, un rapport à une Écriture sainte, à une parole divine, une révélation. D’où la question, qu’on ne peut

1. Texte d’une conférence proférée le 29 avril 1939 à la Société française de philosophie, dont seul le prospectus d’annonce avait été publié. Manuscrit retrouvé dans les archives saisies par la Gestapo. J’ai respecté autant que possible la ponctuation, résolu les abréviations, suppléé quelques mots entre crochets obliques 6Note de l’éditeur8.

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aujourd’hui manquer de se poserZ : l’examen historique de telles disciplines peut-il avoir un intérêt intellectuel pour des hommes d’aujourd’hui, même incroyants ? Je répondrai avec un de nos prédécesseursZ: « ,uelle qu’en soit l’origine, la pensée religieuse en elle-même est nécessairement une pensée humaine  et à ce titre, elle ne saurait être négligeable pour l’homme.Z» J’ajouterai que l’idée d’un Dieu qui se rév¢le vise une réalité transcendante, elle n’en est pas moins donnée dans l’homme, où sans doute on peut se demander si elle constitue un principe de vie et de progr¢s ou, du moins à un certain moment de l’histoire, un obstacle à surmonter. En࠱n, troisi¢me raison, pour moi la plus importante, dans les pensées médiévales, j’ai trouvé présent ce probl¢me du rapport du transcendant, du révélé, de l’ordre religieux, si l’on veut, et sacré, avec ce qui, à côté, en dehors de lui, se trouve donné en l’homme, car si puissant que soit au Moyen Âge l’emprise d’une religion profonde et organisée, toute l’activité intellectuelle ne se trouve pas absorbée par lui. Au sein même de l’exposition, de la doctrine ou de la science de la Parole de Dieu, un élément consciemment humain s’introduit –Zdu point de vue même du croyant, des théologiensZ: les disciplines dont il use dans son travail sur la -évélation, disciplines qui ne sont pas pour lui un don de Dieu, mais des acquisitions humaines, par exempleZ: grammaire, dialectique, philosophie dans son ensemble. La constitution même de la théologie inclut une possibilité de con࠲it entre ce qui s’y donne pour divin et les instruments humains du travail théologique. Mais dans ces instruments, ces activités humaines, une valeur de l’homme s’a࠳rme, en face de la grâce de la -évélationZ: il n’est pas nécessaire pour que ce probl¢me se pose que l’on ait à faire à la technique métaphysique du XIIIe si¢cle  je le trouve déjà posé par le mot fameux de érenger de ToursZ: « Il est d’un grand cœur de recourir à la dialectique en toutes choses  car y recourir, c’est recourir à la raison  en sorte que celui qui n’y recourt pas, étant fait à l’image de Dieu selon la raison, méprise sa dignité et ne peut se renouveler de jour en jour, à l’image de Dieu.Z» Ce texte nous livre un point de vue essentiel au Moyen ÂgeZ: l’idée d’une dignité naturelle de l’homme, fait à l’image de Dieu. Je n’étudierai pas le lien, dans le cas de l’homme, entre la notion de nature et celle d’image. Celle de nature m’intéressera seule, en tant qu’elle sert précisément, dans la pensée théologique, à dé࠱nir, à établir, si l’on peut dire, l’ordre humain en face, ou, si l’on veut, à l’intérieur de l’ordre divin. L’importance qu’on doit lui reconna¨tre me para¨t fondée sur trois observations, qui nous permettront d’avoir mieux qu’une dé࠱nition verbale, une idée de la fonction historique de cette notion. La premi¢re observation porte sur le thomisme, j’entends le thomisme du XIIIe si¢cle, de saint Thomas. Je l’exposerai bri¢vement, car, ici plus qu’en tout autre domaine, je n’ai eu qu’à simplement utiliser les travaux de mes prédécesseurs et ma¨tres. Personnellement, j’ai senti, je sens encore vivement la di࠳culté qu’éprouve un homme d’aujourd’hui, ayant une formation philosophique moderne, à trouver dans le thomisme ce minimum d’intelligibilité, de transparence, que doit présenter une pensée, di࠰érente de la nôtre, mais une pensée‫ڎ‬ que ne présente pas une mentalité vraiment autre, impénétrable. Depuis Descartes, il nous est di࠳cile de vivre dans un monde de formes substantielles  288

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cependant, la pensée religieuse de saint Thomas appara¨t intimement liée à la physique aristotélicienne. Ce lien sera-t-il, pour nous, de pur fait, constaté de l’extérieur, Thomas d’Aquin ayant cédé à l’autorité, au prestige de l’aristotélisme, avec lequel la tradition religieuse devait, pour ainsi dire, composer ? Ou bien, y a-t-il quelque chose de plus à comprendre, de l’ordre du choix, de l’intention qui unit, reprend, reforme dans l’unité d’une pensée des éléments divers jusqu’alors séparés ? ,ue cela soit, j’en ai été convaincu par l’analyse historique de M. GilsonZ: Pourquoi saint Thomas a critiqué saint Augustin. Et je trouve ici un premier pointZ: comme l’a parfaitement vu Malebranche, accorder aux êtres une nature de type aristotélicien, c’est leur conférer une réelle e࠳cacité causale –Zla nature du feu fait qu’il chau࠰e, la nature de l’homme fait qu’il engendre l’hommeZ–, et c’est, semble-t-il, cela même qu’a choisi saint Thomas en acceptant, autant qu’il le pouvait, le monde de la physique aristotélicienne  ce monde de corps agissants lui a paru seul digne d’être crééZ: « Detrahere actiones proprias rebus est divinae bonitati derogare. » Ce lien, dans la pensée de saint Thomas, d’un Dieu créateur par expansion de bonté, avec la physique aristotélicienne, nous fait comprendre le thomisme, adversaire, par raison religieuse, des penseurs « qui rebus naturalibus proprias subtrahunt actiones ». Si, à cette époque, « le probl¢me de la connaissance n’est qu’un cas particulier du probl¢me des causes secondesZ», nous comprenons ce qu’est, dans le thomisme historique et ce que ne peut pas être le probl¢me de la connaissanceZ: ramené à ses termes les plus simples, le choix est alors entre un esprit passif devant des Idées et un homme actif de ses concepts  former des concepts par abstraction dé࠱nit l’ordre de connaissance qui convient à l’homme, âme et corps, à une âme, si l’on veut, naturellement, et par besoin constitutif, unie à un corps  c’est pourquoi il est historiquement fondé de soutenir que, pour un thomiste, le sujet de la connaissance ne doit pas être une âme, un esprit, une pensée, mais l’homme, le conjunctum. Conna¨tre par abstraction est en e࠰et l’opération naturelle du plus parfait des êtres du monde physiqueZ: « Homo autem est perfectissimus inter inferiora moventia. Ejus autem propria et naturalis operatio est intelligere. » Nous avons notre deuxi¢me pointZ: en reconnaissant à l’homme un intellect e࠳cace de connaissances variées, nous insérons cet intellect dans un composé humain, où l’âme fait un tout avec le corps, et, du même coup, nous insérons profondément l’homme, sujet de connaissances intellectuelles, dans le monde physique. Tout cela appara¨t normal dans une doctrine où les réalités humaines sont pensées à travers la notion de nature. La même assimilation des actes humains à des opérations naturelles, sous une inclination premi¢re vers une ࠱n propre, qui est ici la éatitude, se retrouverait dans la morale thomiste. Je me réf¢re ici à la récente et profonde étude de M. l’abbé -ohmer qui montre comment l’ordre moral se réduit dans le thomisme aux « exigences métaphysiques de l’ordre universelZ»  le P. -ousselot avait parlé jadis d’une conception « physiqueZ» de l’amour‫ ڎ‬Si on oppose le thomisme à l’augustinisme antérieur ou contemporain, par son a࠳rmation d’une plus grande e࠳cacité de l’homme en mati¢re de sciences et de vertus, le thomisme appara¨t comme une revendication de valeurs humaines, mais par 289

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sa liaison avec la philosophie naturelle, cet humanisme peut être quali࠱é de naturalisme. Valeur d’un homme, incluant essentiellement son corps, inséré dans le monde des corps. ,ue la philosophie naturelle issue d’Aristote ne soit pas seulement une analyse des faits, mais la position de certaines valeurs en possible opposition avec le christianisme, Duns Scot en a eu clairement conscience, au double témoignage des Prologues de l’Opus Oxoniense et des Reportata Parisiensia. „tre théologien, nous dit-il, c’est traiter de mati¢res de foi, c’est-à-dire de connaissances qui se présentent, à l’homme, à la fois comme indispensables et inaccessibles. Voilà ce que précisément les philosophes n’acceptent pasZ: ils pensent que, tout ce qu’il lui faut, une nature le tire d’elle-même –Z« natura non de࠱cit in necessariis »  admettre qu’elle ne peut pas, d’elle-même, atteindre sa perfection, c’est l’abaisser –Z« illud vili࠱cat naturam quod ipsa non possit consequi perfectionem suam ex naturalibus »  d’un mot, en ne reconnaissant pas qu’une révélation est nécessaire à l’homme, les philosophes tiennent la perfection de la nature –Z« tenent enim perfectionem naturae ». ,ue va faire le théologien ? Va-t-il dire simplement qu’en fait, il conna¨t mieux l’homme, connaissant ce qui manque à sa natureZ: « Theologi vero cognoscunt defectum naturae » ? Duns Scot ne s’en tient pas là, il entend répondre au reproche du philosopheZ: « vili࠱care naturam » –ZluiZôter l’avantage qui semble lui appartenirZ: « digni࠱care naturam ». Je crois caractéristique, essentiel, ce renversement dans une dialectique de la valeur de l’homme. Le même mouvement de pensée s’observe dans l’Opus Oxoniense et dans les /BMLOQ>Q>࢙ : dans l’Opus, nous lisonsZ : « nunc autem concedo » (j’accorde à l’homme cela même qu’accordent les philosophes), suivi d’un « ultra hoc dico » (voilà ce que j’ajoute, moi théologien), et comme conclusionZ : « Ergo in hoc magis digni࠱catur natura‫ » ڎ‬,uant aux Reportata, d’une façon plus directe, plus expressive, « quantum tu, physice, sed tantum ego‫ ڎ‬et ultra pono‫ ڎ‬ideo tu magis illam (naturam) vili࠱cas ». Duns Scot se refuse à abaisser la nature de l’homme, il entend, au contraire, l’exalter  mais cette exaltation, c’est, en tant que théologien, qu’il l’accomplitZ: il ne s’agit donc plus d’accepter simplement un humanisme inclus dans le naturalisme des philosophes, d’inclure dans la théologie un humanisme philosophique, mais de constituer, si l’on peut dire, un humanisme proprement théologique, ayant sa racine dans la révélation. Or le AFDKFࠩ@>OBscotiste, il s’agit d’une excellence de la nature que la philosophie n’a pas connue et ne pouvait conna¨tre. Le philosophe son adversaire, Duns Scot l’appelle physicus. Je dirais volontiers que c’est un homme qui a le sens de la valeur de la nature humaine, mais ne la conna¨t que par l’expérience. La nature qu’exalte Duns Scot, c’est une natura intellectualis, telle que ce qu’on dit de son essence s’applique à l’ange comme à l’hommeZ : « Idem diceretur de angelo ». L’intellectualité de cette nature, sa spiritualité, apparaissent au théologien, non au philosopheZ: le type du Philosophe, c’est Aristote, donnant comme objet à notre entendement la quiddité des choses sensiblesZ: il a confondu la nature, l’essence de l’intellect, et l’état, la situation historique dans laquelle il se trouve en suite et punition du péché d’Adam  et cette confusion, un philosophe ne peut pas ne pas la faire, puisqu’il ignore le péché. La connaissance de la faute d’Adam, c’est ici une bonne nouvelle, qui apprend à l’homme sous la limitation de son état présent, 290

La nature humaine dans la pensée médiévale

les virtualités de sa nature. De ce point de vue, on comprend la position de Duns Scot en face de saint ThomasZ: celui-ci a une théorie de la connaissance, naturelle à un philosophe, inacceptable à un théologien. « Hoc non potest sustineri a theologo. » Aristote ne pouvait faire autrement que de lier notre entendement au sensible, par une limitation essentielle. Cela, un croyant ne peut le faire, et le musulman Avicenne ne l’a pas faitZ: ayant pour objet l’être dans toute son indétermination, l’entendement scotiste a quelque chose d’essentiellement illimité. ,uand on en dé࠱nit la nature, quand on en pose la valeur, ce n’est pas la nature et la valeur d’un intellect humain, ayant besoin d’un corps et limité par ce rapport essentiel  ce dont on traite, c’est plutôt de tout entendement autre que l’entendement divin. Au lieu d’un mouvement d’insertion de l’homme dans le monde du « physicienZ », nous avons ici un mouvement d’émergence  il semble qu’apr¢s avoir vu tout ce que l’homme gagne à avoir une nature, on insiste sur tout ce que sa nature a de particulier, de spécial. La morale, liée à la doctrine de la volonté, appara¨t animée du même mouvement que la théorie de la connaissance et de l’intellectZ: nous trouvons cheU Duns Scot, une idée tr¢s forte de la spéci࠱cité de l’ordre moral, liée à sa conception de la volontéZlibre  et la liberté du vouloir a pour fonction de rendre possible un amour désintéressé de tout ce qui vaut par soi-même  voilà pourquoi on trouve dans la doctrine de Duns Scot un amour naturel de Dieu par-dessus toutes choses, qui vise l’in࠱nité du ien en soi, ne se confond nullement avec l’inclination de notre nature sur sa propre ࠱n. Ce que j’ai moi-même écrit sur le sens du volontarisme scotiste, je l’ai trouvé con࠱rmé par la th¢se de l’abbé -ohmer, qui y montre une doctrine de « la ࠱nalité spéci࠱quement moraleZ» de la « générositéZ». L’humanisme théologique de Duns Scot représente une spiritualisation de la notion de nature. D’une part et au premier degré, la nature de l’intellect ne se laisse plus limiter par une référence essentielle au sensible  d’autre part et au deuxi¢me degré, la volonté libre dont l’homme est naturellement doué distingue radicalement son action intérieurement contingente, essentiellement désintéressée, de toute opération accomplie sous l’empire nécessitant d’une inclination naturelle. Il y a là une réaction voulue, consciente, contre le point de vue de la philosophie naturelle, du « PhysicienZ», adversaire du théologien. ,uelque opposition qu’il faille établir entre les points de vue thomiste et scotiste, quand on a essayé de comprendre le point de vue de Luther, constitutif de sa -éforme, on trouve légitime d’envisager ensemble l’humanisme, le naturalisme des grandes théologies scolastiques. Je considérerai bri¢vement, sommairement les principaux refus luthériens des notions classiques de l’ÉcoleZ: l’assimilation de la grâce à un habitus, l’idée du libre arbitre, la réduction du péché à une privation. ,uand on lit le Commentaire sur les Romains, on est étonné de ne pas voir Luther tenir compte de l’opposition, essentielle pour les scolastiques, entre habitus infus et habitus acquisZ : les théologiens n’avaient en e࠰et assimilé les vertus théologales telles que la charité aux habitus aristotéliciens qu’en précisant que ces vertus, comme la grâce elle-même, demeuraient des dons divins, à ce titre radicalement di࠰érents de toute acquisition de l’homme. Mais la critique luthérienne n’a pas à discerner entre habitus acquis et infus  ce que Luther refuse, c’est l’assimilation du don de Dieu à un habitus, 291

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un avoir de l’homme  dans ce mouvement de pensée, remarqué par Harnack, il faut chercher l’origine de l’extranea, non domestica justitia. Par l’intervention de l’idée d’habitus, il y a une véritable appropriation de la grâce par l’homme, en sorte qu’habitus et volonté, grâce et nature ne sont plus, une fois reçu le don divin, qu’un seul et même principe agissantZ: la grâce reçue, l’homme a la grâce, l’ayant, c’est encore lui qui agit et mérite. Imaginer, comme le faisait Pierre Lombard, que l’acte d’amour de Dieu proc¢de de l’Esprit divin lui-même, non d’un habitus infus, mais créé, de charité, l’âme humaine serait mue et non motrice  du point de vue thomiste, l’acte d’amour ne serait plus volontaire, ne contribuerait plus au mérite de l’hommeZ: « Sic etiam tolleretur ratio voluntarii, et excluderetur ratio meriti »  cet acte suprême, procédant tout entier d’un principe transcendant, serait moins parfait que les actes naturels, qui proc¢dent du dedansZ: « Esset actus iste imperfectior actibus naturalibus. » Le salut par un habitus, c’est la façon même dont il convient qu’une nature se sauve. Le salut par un habitus, donc par des actes, c’est-à-dire par des œuvres, la plus haute étant l’acte d’aimer. On voit immédiatement la liaison de cette question avec le probl¢me du libre arbitreZ: une fois la grâce reçue, le libre arbitre peut mériter le salut  l’activité de l’homme, coopérateur de Dieu, devient en quelque façon e࠳cace de la vie éternelle. L’idée d’une nature agissante, d’un pouvoir propre de l’homme, s’épanouit dans cette notion d’une e࠳cacité religieuse de l’action humaine, si vivement repoussée par Luther. Troisi¢me et dernier pointZ : dans les notes sur les Sentences, Luther fait sienne avec force l’idée classique que l’être, procédant de Dieu, est forcément bon, que le mal ne peut être que néantZ: le péché, même originel, ne peut être que privation. Le Commentaire sur les Romains repoussera avec force cette conception métaphysique, philosophique. Il ne sera pas inutile à notre propos de rappeler jusqu’où allaient cheU Duns Scot ces idées corrélatives du mal simple privation et d’une bonté constitutive de l’être. Privation, oui, le péché, mais de quoi ? D’une rectitude surajoutée à la nature humaine. Mais, nous dit Duns Scot, le bien qui constitue cette nature mêmeZ: une natura intellectualis, c’est une œuvre de Dieu, qui se forme par création, ne dispara¨trait que par annihilation  aucune action créée ne peut donc la détruire, ni même l’entamer  l’homme qui p¢che ne saurait donc ôter à sa nature quoi que ce soit  « Peccans per actum suum non potest aliquid de natura sua destruere. » La natura intellectualis est incorruptible, demeure intacte dans le pécheur mêmeZ: « Naturalia manent integra in peccatore ». Et cette nature est principe d’action, e࠳cace de connaissance et d’amourZ: il est inutile d’insister sur l’absolue antipathie de Luther pour une telle conception. Je ne dis point que Luther ait éliminé la notion de nature  je ne crois pas qu’il se passe de l’idée ni du terme dans la doctrine même du serf arbitreZ: il y a tout une dé࠱nition de l’homme, réduit à une spontanéité passive. Ce qui m’importe, c’est qu’il rejette absolument cette idée dans la fonction historique qu’elle avait joué au Moyen ÂgeZ : accorder une e࠳cacité, faire reconna¨tre une valeur, même religieuse, aux actes humains. Autorisée par la suite des doctrines et par un texte même de Luther, l’antith¢seZ : Luther / Duns Scot s’est imposée à moi. Je vois dans l’état d’âme de Luther ce que devient la tension de l’humain et du divin, l’opposition entre 292

La nature humaine dans la pensée médiévale

l’homme et le Dieu de la révélation –Zà la fois inaccessible et révéléZ– quand le sentiment de la transcendance divine d’une part, de la ࠱nitude et des fautes humaines , s’émancipe, pour ainsi dire, de l’idée de nature conçue comme bonté e࠳cace. Pour terminer, je voudrais, à l’opposé, insister sur l’impression paradoxale que l’on éprouve à découvrir l’humanisme de Duns Scot lorsque l’on part de la conception commune et fondée du volontarisme divinZ : la transcendance du Dieu scotiste appara¨t comme celle d’une Toute-Puissance, qui domine radicalement tous ses e࠰ets, purement contingente  mais je crois que dans le volontarisme du XIVe si¢cle, cette potentia absoluta n’est qu’un moment  en Dieu –Z comme en l’homme, mutatis mutandisZ – l’indi࠰érence du vouloir a pour fonction d’assurer la gratuité de l’amour  une fois donnée une bonté, une générosité, une charité en Dieu, l’exaltation de l’homme, le AFDKFࠩ@>OBK>QRO>J devient parfaitement intelligible. Il y a, entre l’homme et Dieu, possibilité d’opposition, distinction et tension, mais d’un aspect tout autre que dans une vie spirituelle de type luthérien. Explorant le Moyen Âge, je me suis accordé cette distinction de l’humain et du divinZ: la discuter est hors de mon propos. J’ai voulu seulement revendiquer pour la théologie médiévale une place, je ne dis évidemment pas dans l’histoire dans la philosophie, mais dans l’histoire de l’idée que l’homme se fait de lui-même.

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COMPTES RENDUS DES CONFÉRENCES DONNÉES À L’ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES, HISTOIRE DES DOCTRINES ET DES DOGMES

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1932 1933 1 I Le noJinalisJe et l’idée de Dieu cheW GuillauJe d’OccaJ Objet de ces recherches 2 : la structure de notre idée de Dieu dans le nominalisme d’Occam. On a d’abord demandé à la Logique d’Abélard, publiée par Geyer, une initiation à la mentalité nominaliste médiévale. Puis, abordant l’explication du Commentaire d’Occam, on a envisagé, dans leur opposition avec l’enseignement de Scot, les doctrines des universaux, des noms divins, de l’idée d’être. Pour Scot, la pensée et le réel co©ncident dans l’indi࠰érence de la natura communis  Occam oppose à la chose, toute singuli¢re, le terme, seul universel, aussi extérieur à la réalité, qu’il soit conçu ou proféré : sa critique atteint le fondement de la métaphysique des essences élaborée par son adversaire. Les essences, pour celui-ci, ont une telle solidité qu’elles ne se fondent même pas dans l’in࠱ni  Occam repousse cette distinction formelle des attributs divins, insiste sur la simplicité radicale de Dieu  il n’y a de multiplicité que dans les noms divins. Professant, comme Duns Scot, l’univocité de l’idée d’être, il transforme et exténue cette notion selon la logique de son terminisme : c’est sans doute pourquoi le Premier „tre devient cheU lui inaccessible à la raison. On a con࠱rmé ces analyses par l’étude comparée des critiques que Duns Scot et Guillaume d’Occam ont données de la th¢se d’Henri de Gand sur Dieu, premier objet de l’intellect. II La doctrine de la justi࠲cation avant Luther : le XIVe si£cle Luther, dans sa Disputatio contra scholasticam theologiam, se réf¢re principalement à iel : et celui-ci se reporte volontiers aux ma¨tres du XIVe si¢cle, suivis ou discutés dans l’école nominaliste : Duns Scot, Pierre d’Auriole, Guillaume d’Occam, Grégoire de -imini. On a situé leurs pensées respectives sur les mati¢res traitées aux distinctions XVII et XLI, livre I, de leurs commentaires sur les Sentences : De necessitate caritatis creata et De merito praedestinationis : 1. Nombre d’inscrits : 16. Él¢ves titulaires : M. Combes, M lle Thiébot. Auditeurs réguliers : MM. De roglie, Chapey, Giraud, Oumarouyache, Paulus  Mlle asset. 2. Directeur d’études : M. É. Gilson. M. Vignaux, suppléant.

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deux probl¢mes riches d’implications métaphysiques de sens moral et religieux. La doctrine de l’acceptation divine cheU Duns Scot fournit le point de départ. CeZfut l’occasion d’éclaircir son « volontarisme », auquel Pierre d’Auriole oppose sa conception personnelle, d’une remarquable clarté : sa métaphysique est toute di࠰érente, encore qu’asseU éloignée du « nominalisme » qu’on lui prête généralement, et son intention principale vise à magni࠱er la justice de Dieu. De là, la critique qu’en a donnée Occam, sur ce point défenseur de Duns Scot et malgré l’opposition de leurs philosophies, champion, comme lui, de la libre libéralité divine. Toutes ces théories de la justi࠱cation et de la prédestination impliquent, avec une interprétation du vouloir en Dieu, une notion de la nature humaine, une estimation de ses forces. Aux doctrines « modernes » des ma¨tres franciscains, Grégoire de -imini s’oppose comme un disciple de saint Augustin adversaire de leur commun « pélagianisme », attitude que Luther a notée.

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1933 1934 3 I Luther et la conception Jédiévale du Jérite 1509 1517 Au centre de ces recherches, comme de celles de l’année précédente : la doctrine des Sentences sur la vertu de charité (livre I, distinction XVII) et les commentaires qui en ont été donnés. Harnack (Lehrbuch der Dogmengeschichte, 4e édition, t. III, p. 620-621) a fourni sur les relations entre l’enseignement du Lombard et la théologie de la -éforme, une hypoth¢se de travail que l’on a confrontée avec deux séries de textes. Textes de Luther d’une part : l’étude méthodique s’est arrêtée aux Randbemerkungen de 1509-1511 sur Pierre Lombard et saint Augustin : en suivant l’ordre même des Sentences, on a pu situer dans leurs contextes les notes sur la distinction XVII  il a fallu considérer asseU longuement la critique des spéculations trinitaires de Duns Scot  l’attitude de Luther devant l’habitus de charité a paru procéder de sa dé࠱ance à l’endroit de toute notion théologique d’origine philosophique, aristotélicienne. On a interrogé, d’autre part, sur la même distinction XVII trois grands commentateurs nominalistes : Guillaume d’Occam, Pierre d’Ailly, Gabriel iel. Ce dernier, notamment, est remarquable par sa doctrine du mérite de condigno, qui, à l’intérieur des principes du nominalisme, fait place aux analyses des autres écoles : le Collectorium de iel constitue, sur ces questions du moins, une mani¢re de somme de la théologie médiévale, compte tenu de la critique d’Occam. En terminant, on a pu recti࠱er, au moins pour le nominalisme, l’interprétation des doctrines scolastiques proposées par Harnack  on a également essayé de dé࠱nir, dans son originalité encore incertaine, l’attitude de Luther en 1510.

3. Nombre d’inscrits : 11. Él¢vesZ titulaires : MM. Combes, Paulus, -ambaud. Auditeurs assidus : MM. Geiger, Parent.

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II Le probl£Je des Idées au XIVe si£cle : Duns Scot, Pierre d’Auriole, GuillauJe d’OccaJ N’ayant pu commencer qu’en avril, cette seconde conférence s’est bornée à l’analyse des six questions de la distinction du livre I du Commentaire d’Occam 6sic8 : la notion d’Idée s’y trouve vidée de son contenu traditionnel et de sa vertu métaphysique pour d’identi࠱er ࠱nalement à celle de chose. L’étude du probl¢me de la prescience (distinction XXXVIIIe) con࠱rme cette interprétation : impossible d’expliquer comment Dieu conna¨t  il faut croire simplement qu’il voit tout.

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1934 1935 4 I Études sur la forJation et le développeJent du noJinalisJe au XIVe si£cle Ces études ont porté, cette année, sur Pierre d’Auriole, communément présenté comme un précurseur de Guillaume d’Occam. Apr¢s avoir rappelé que sa théorie de la justi࠱cation laisse para¨tre, à l’arri¢re-fond métaphysique, un certain « platonisme », on a repris les considérations de Dreiling sur son « conceptualisme », fondées sur le livre II du Commentaire. En remontant au livre I, on a pu préciser la position de Pierre d’Auriole en face de l’individu (t. XXXV, p. 4 : « 0trum Deus cognoscat singularia cognitione certa ») et de l’universel (d. XLIV, a. 3 : « An 6Deus8 possit facere rem aliquam in࠱nitae perfectionis speci࠱ce et secundum propriam rationem »). Au-delà de cette métaphysique de la création, il a trouvé, en rapport avec la doctrine du concept, une théologie de la Trinité. En ࠱n de compte, le « conceptualisme » de notre Docteur consiste à transformer l’Idée en concept, selon le mouvement qui conduit de Platon à Aristote, en retrouvant dans la nature d’Avicenne le verbe de saint Augustin. Toute cette spéculation, d’une hardiesse et d’un équilibre étonnants, para¨t tr¢s loin d’Occam. Celui-ci d’ailleurs, à I Sent, d. XXVII, semble conscient d’une divergence fondamentale : contre Pierre d’Auriole aussi bien que contre Duns Scot, il refuse toute essence distinguée de choses qui la participent  de son point de vue, votre auteur est encore un réaliste. LeZdébat réalisme-nominalisme se jouerait ainsi autour des naturae communes : la pensée n’a pas du tout le même rapport et, si l’on peut dire, la même parenté avec le réel quand elle est appréhension d’essences ou jeu de signes. II La notion de théologie cheW Duns Scot et GuillauJe d’OccaJ Les recherches de cette année ont seulement porté sur Duns Scot : Prologue de l’Opus Oxoniense (notamment les questions I et III), complété et con࠱rmé par le Prologue des Reportata. De l’explication des textes sortent quelques idées directrices : la nécessité d’avoir une théologie, issue d’une révélation, se trouve inscrite dans la situation de l’homme, auquel la philosophie ne peut su࠳re. Mais 4. Nombre d’inscrits : 16. Él¢ve diplômé : M. Combes. Él¢ves titulaires : MM. Geiger, Parent. Auditeurs assidus : MM. runeteau, Jou࠰rey, Mathieu, Thubert.

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poser ainsi l’insu࠳sance de la raison naturelle, ce n’est pas déprécier la nature humaine : la théologie de Scot implique, au contraire, une AFDKFࠩ@>QFLK>QRO>B. En face d’Avicenne et surtout d’Aristote, qui constituent pour lui l’expérience d’une raison pure de la !oi, dans sa capacité de fait, pro statu isto, le ma¨tre franciscain éprouve son originalité de théologien qui a appris par révélation la Trinité et la liberté divine : « Essentia communicabilis tribus, Deus contingenter causans ». Si le simple métaphysicien reste ici dans l’ignorance ou l’erreur, c’est que, dé࠱nie par son objet : l’être, la métaphysique n’atteint l’„tre in࠱ni que par demonstratio quia, n’en est science que secundum quid. 0ne seule vraie science de Dieu, celle qu’il a de lui-même : celle-là le prend par sa Deité et, pour ainsi dire, son individualité : « Haec essentia ut haec. » C’est la théologie en soi, que Dieu poss¢de par nature  notre théologie en dérive, par libre communication. Ainsi, la hiérarchie des sciences ne se termine point à notre métaphysique d’homme, mais seulement à la divine théologie. On trouve dans ces questions de Duns Scot la claire conscience d’un probl¢me sans doute fondamental au MoyenZÂge : à quelles conditions une théologie est-elle possible ? Note sur la relation du conceptualisJe de Pierre d’Auriole à sa théologie trinitaire Les remarques qui suivent visent à montrer sur un exemple l’utilité, sinon la nécessité, de ne pas traiter l’histoire de la philosophie médiévale à part de celle de la théologie. En n’apportant pas sur la doctrine de Pierre d’Auriole des conclusions d’apparence dé࠱nitive, en exposant simplement une recherche, nous espérons laisser en pleine clarté ce probl¢me méthodologique. ,uand on a demandé à l’œuvre de Guillaume d’Occam les éléments d’une dé࠱nition provisoire du nominalisme des XIVe et XVe si¢cles 5, il faut s’interroger sur les précurseurs d’Occam : on doit mettre en question ce dictum commune de l’histoire doctrinale 6. On peut constater en e࠰et, entre nos deux franciscains, une opposition essentielle en mati¢re de justi࠱cation, doctrine capitale non seulement par sa signi࠱cation religieuse, mais encore par ses implications métaphysiques. Pierre d’Auriole a-t-il vraiment pensé comme Guillaume d’Occam 7 sur les universaux et le principe d’individuation, objets élus de la critique nominaliste ? Dreiling qui a publié sur ces deux questions connexes une étude fondamentale ne parvient point à éclaircir la relation Pierre d’Auriole / Guillaume d’Occam. À la suite de Prantl 8, il se fonde sur un texte où le venerabilis inceptor n’attaque point le Docteur franciscain, mais le Chancelier d’Oxford, Henry de Harclay 9. 5. Cf. notre article « Nominalisme » dans le Dictionnaire de théologie catholique, t. XI, Paris 1931, col. 717-781. 6. !. ÜBERWEGS traite de P. d’Auriole dans un paragraphe intitulé « Vorboten fur die Au࠲°sung der scholastischen Synthese », Grundriss der Philosophie, éd. . GEYER, 2. Teil. 192811, p. 524 sq. Même point de vue dans l’article récent, un peu indécis de A. TEETAERT, Dictionnaire de théologie catholique, t. XII, Paris 1935, col. 1810-1881. 7. cf. notre étude, t. XLVIII de la iblioth¢que de l’École. 8. &. VON P RANTL, Geschichte der Logik im Abendland, t. III, LeipUig 1867, p. 356, n. 8o5. 9. -. DREILING, Der Konzeptualismus in der Universalienlehre des Franziskanererzbischofs Petrus Aureoli, M¶nster i.2. 1913, XI, 6, p. 215-216. E. HOCHSTETTER, Studien zur Metaphysik

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Il ne semble point que, dans ses questions sur les universaux, Occam vise et atteint directement Pierre d’Auriole. En bonne méthode, n’allons point bâtir une comparaison sur les nécessités des deux pensées, cherchons d’autres textes où, de fait, elles entrent en rapport. À I Sent. D. XXVII, q. III, Occam explique qu’en Dieu le !ils est Verbe : « ,uod genitum in divinis vere est verbum. » D’autres n’exposent pas cela de la même mani¢re : « Diversi declarant diversimode. » Ainsi quidam doctor modernus 10 : Pierre d’Auriole, même livre, même distinction. Voici le texte de sa question : « 0trum verbum creatum et increatum emaneant ut intellectio actualis, vel sicut objectum positum in esse formato ? 11 » Où donc est notre verbe et celui de Dieu : dans l’acte de conna¨tre ou dans l’objet connu, au titre même d’objet ? En trois propositions, selon la mani¢re de notre auteur, on aboutit à une théologie du Verbe à partir d’une doctrine du concept, d’une théorie de la connaissance tant sensible qu’intellectuelle 12. Occam note la façon de procéder et remarque que pour la premi¢re th¢se, on se réf¢re à une autre question : « 0nde probat tres propositiones 6‫ڎ‬8. Primam propositionem probat iste alibi sicut ipsemet dicit hic 13. » Nous trouvons les huit expériences et les raisons, a priori ou a posteriori, dont nous parlent les deux autres, à la questio de imagine : I Sent., d. III, c. 3 : « 0trum videlicet per rationem imaginis possit demonstrari quot sit trinitas personarum in Deo 14. » Pierre d’Auriole nous renvoie à l’autorité des philosophes et des Saints qu’il a cités à I Sent., d. IX, p. I : « 0trum possit necessaria ratione probari quod in Deo sit generatio activa et passiva 15. » Nous ne quittons pas la théologie : on veut expliquer, voire prouver des dogmes, là même où l’on traite de l’objet dans la connaissance, de cette esp¢ce d’objet que constituent les universaux. Proposition à établir : « In omni intellectione emanat et procedit, non aliquid, sed ipsamet res cognita in quodam esse objectivo 16. » Cinqui¢me et derni¢re preuve : « Constat enim quod intellectus fertur super rosam simpliciter et experitur illam sibi objici objective 17. » Nous ne connaissons pas seulement des roses, nous pensons la rose. La nature de cet universel se joue en même temps que celle du Verbe, à propos de celle du verbe. Notre auteur traite de ces mati¢res en théologien : demandons lui ce qu’il entend par théologie  c’est la meilleure façon de comprendre ce qu’il a voulu faire et comment se présentaient à son esprit les probl¢mes philosophiques qui nous ont d’abord intéressés. ***

und Erkenntnislehre Wilhelms von Okkam, erlin 1927, p. 98, n. 3. 10. GUILLAUME D’OCCAM, I Sent. d. XXVII, q. III, G. Nous suivons l’édition de Lyon, 1495. 11. I Sent., d. XXVII, pars II, 6page8 617, 6col. 8 b, A. – Pour cette premi¢re enquête, nous citons le texte imprimé à -ome, 1596-1605. 12. lbid., a. 2, 622 a E, 626 a !, 608 b . 13. GUILLAUME D’OCCAM, op. cit. – cf. PIERRE D’AURIOLE, op. cit., 622 a E. 14. 191 a !. – pour les deux premiers arguments : a. 1, 192 b E et 193 b E  pour les trois autres : a. 3, 198 b , 198 b !, 199 a A. – cf. GUILLAUME D’OCCAM, op. cit., C D E ! G. 15. 316 a !. autorités à l’article I. 320 a C. – cf. la référence, 622 a E. 16. GUILLAUME D’OCCAM, op. cit, C  PIERRE D’AURIOLE, I Sent., d. XXVII, p. 11, a. 2, 622 a E. 17. GUILLAUME D’OCCAM, ibid.  cf. PIERRE D’AURIOLE, ibid., 623 b C.

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Au XIVe si¢cle comme au XIIIe, nous trouvons des probl¢mes qu’aujourd’hui nous appelons « philosophiques » discutés dans des Commentaires sur les Sentences, dans des cours de théologie. Ces Commentaires débutent par un prologue, trop souvent négligé par les historiens : normalement, il constitue une introduction à la théologie. Pourquoi se livrer à cette étude : que gagne un croyant à devenir théologien ? Pierre d’Auriole répond d’abord à cette question préalable : « 0trum ex studio theologiae et solo naturali ingenio aliquis habitus acquiratur alius a ࠱de ? 18 » Voici la situation, toute concr¢te : j’étudie la théologie  je n’attends pas une illumination  quand j’apprends une science, j’acquiers un habitus, cette science même  si, en commentant Pierre Lombard, je ne m’accrois pas ainsi, autant laisser là son livre et tous ceux du même genre. -etenons ce dilemme : « Aut acquirtur aliquid, aut nihil  si nihil, ergo vanum est studium sanctorum, Augustini et omnium doctorum qui conantur ex creaturis conscendere ad intellectum aliquem credendorum, ut patet in toto libro De Trinitate 19 ? » L’enjeu est vaste : la légitimité, la réalité même de la spéculation médiévale qui commence avec saint Augustin et se développe à l’intérieur du De Trinitate. Pierre d’Auriole va raisonner sur la Trinité  de son travail, il résultera quelque chose pour lui, en lui : l’habitus qu’il lui faut dé࠱nir. Il pose tout de suite que la théologie ne prend pas nécessairement pour principe de ses déductions des articles de foi : notre auteur écarte cette formule thomiste, en laquelle il signale un dictum commune (formule qui s’impose encore aux historiens du XXe si¢cle). Pierre d’Auriole ne voit pas, lui, que les Docteurs partent des dogmes comme de principes, il lui semble qu’ils y vont plutôt comme à des conclusions : cela para¨t encore sur l’exemple de saint Augustin et de tous ceux qui reprennent son De Trinitate : « Ex studio libri De Trinitate composit ab Augustino acquiritur theologicus habitus » : c’est une donnée 20. Au XIVe si¢cle, il ne s’agit pas d’inventer la théologie  elle existe, à titre de fait, comme la physique aujourd’hui : pour en saisir l’essence, on analyse les raisonnements des théologiens, on classe leurs procédés : « In theologia multiplex processus invenitur 21. » On philosophait alors sur la théologie comme aujourd’hui sur les sciences. Les théologiens parfois visent à savoir certaines vérités, par exemple l’unité de Dieu. Ils proc¢dent alors de façon nécessaire et acqui¢rent une science, qui, toute foi mise à part, lierait aussi l’esprit d’un philosophe, d’un pa©en : « Habitus ille ex necessariis propositionibus generatus cogeret intellectum philosophi vel pagani, quacunque ࠱de exclusa. » Nous ne tenons pas encore l’habitus propre au théologien : « Non potest esse habitus theologicus, quia ille supponit ࠱dem. » La théologie suppose la !oi, au double témoignage de saint Augustin et de -ichard de Saint-Victor, auteur également d’un De Trinitate. C’est la parole d’Isa©e : « Habitus qui ex hujusmodi processu acquiritur est potius metaphysicus quam theologicus 22. » Peu importe qu’il démontre des th¢ses qu’Aristote a ignorées : 18. Prol. q. I, 3 a . 19. lbid., a. 3, 13 a A. 20. lbid., a. I, 5 a D E. 21. lbid., a. 2, 10 b !. 22. lbid., 11 a  E.

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la -évélation peut nous faire chercher et trouver des vérités que la raison prouve en rigueur  Aristote les aurait établies s’il avait eu occasion de les chercher, dans une révélation. Classons ce texte au dossier de la « philosophie chrétienne » : « Nec obstat quod Aristoteles forsitan multas tales veritates non pertractavit, quas tamen doctores occasione sumpta ex veritatibus ࠱dei necessario concluserunt. Constat enim quod scriptura divinitus revelata cogit ad venandum et inquirendum multa vera quae nihilominus necessario ex propositionibus sequuntur notis in lumine naturali. Et si Aristoteles habuisset occasiones hujusmodi, non dubium quod ad eas multo excellentius ascendisset 23. » Ptolémée a traité en astronomie de propositions géométriques ignorées d’Euclide  en théologie, on établit des th¢ses métaphysiques qu’ailleurs on ne pose point, que les philosophes n’ont pas sues : le théologien a été contraint de scruter ces choses 24. Il entre donc de la métaphysique en théologie : une philosophie qui, toute rationnelle qu’elle demeure, doit à la révélation de s’être formée. Ne serait-ce point le cas de la théorie du concept ? « Occasione sumpta ex veritatibus ࠱dei » : les vérités de foi sont occasion de métaphysique  le théologien se trouve bien placé pour acquérir l’habitus metaphysicus. Cela ne nous dit point comment les vérités de foi constituent l’objet de la théologie ni en quoi consiste le métier de théologien et son béné࠱ce propre : habitus theologicus. Celui-là ne procédera point ex necessariis, mais ex probabilibus : au terme, on ne saura point, de science. Le théologien aboutirait donc à des opinions sur les mati¢res de foi‫ ڎ‬Sottise alors, tout son travail : il devrait craindre ࠱nalement de se tromper là où le simple croyant est assuré dans la certitude : « Opinio includit essentialiter formidimen, et sic sequerentur quod habitus theologicus ࠱delem faceret formidare circa veritates de quibus ࠱delis simplex nullatenus formidat  stultum etiam esset talem habitum per studium comparare‫» ڎ‬ Le théologien ne travaille point pour gagner une certitude, qu’il poss¢de avant de commencer. C’est un croyant : « Intellectus ࠱delis est sub ࠱rma et certa adhaerentia 25. » Il suit saint Augustin, qui a dit de chercher la Trinité en demeurant ferme dans la !oi 26. L’habitus theologicus n’a point à causer d’assentiment : « hujusmodi habitus non est adhaesivus 27 ». Pierre d’Auriole le dé࠱nit comme « tantummodo declarativus 28 ». !ormule à retenir : tentatives d’éclaircir le paradoxe d’une recherche intérieure à une foi, di࠳culté centrale de toute spéculation théologique. Nous avons trouvé ce declarari cheU Occam 29. ,uand il traite de la pluralité des Personnes divines, Pierre d’Auriole écrit : « Considerandum est qualiter quae 23. lbid., 11 a E !. 24. Prol., q IV, 52 b  C D. Il s’agit dans notre étude, de l’in࠲uence du dogme de la Trinité sur une métaphysique, et cette métaphysique se présente comme « une rationalisation du réel par une raison que la foi avertit d’un myst¢re » (É. GILSON, L’esprit de la philosophie médiévale, t. II, Paris 1932, p. 277). 25. Prol., q. I, a. 3, 13 a C., 14 b E. 26. lbid., 16 a C. 27. lbid., 13 a . 28. lbid., 14 b A. 29. cf. supra, p. 295.

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dicta sunt possit declarari possibilia fore ut acquiratur declarativus habitus ex ista quaestione 30. » Il s’agit d’expliquer ce que l’on croit, d’exposer le contenu de la !oi. Pierre d’Auriole classe les sciences moins par leurs objets que par la condition de l’esprit en chacune d’elles : le modus declarativus dé࠱nit la théologie. À la question V du Prologue, il en assure l’unité : nous trouvons de la métaphysique dans les œuvres théologiques  ses démonstrations sont nécessaires à la declaratio du théologien, comme des théor¢mes de géométrie à la science de l’astronome : le théologien est, pour ainsi dire, propriétaire de cette métaphysique, comme l’astronome de cette géométrie 31. À la question VI, le modus declarativus appara¨t lié à la ratio deitatis, premier objet de la théologie, dont nous ne pouvons avoir ex naturalibus une science véritable 32. Cette discipline qui, exposant le contenu de la !oi, a Dieu pour objet se trouve ࠱nalement élevée au-dessus de la métaphysique, science de l’être : « Deus est tantae latitudinis quantae est ens, non quidem formaliter et praedicative, sed virtualiter et reductive. Propter hoc theologia non est inferior ad metaphysicam, nec ei subalternata, immo superior et eam regulans et quasi subalternans. ,uamvis enim utatur metaphysicam et omni physica scientia ad declarandum credibilia, nihilominus non mensuratur ab eis, sed mensurat eas, quoniam si invenit in eis aliquid sibi dissonum et contrarium, ostendit illud esse falsum  si vero consonum, illud magis veri࠱cat et declarat 33. » Nous pouvons aborder la doctrine du concept en imaginant notre Docteur comme un théologien qui élabore des théories philosophiques pour expliquer ce qu’il croit. L’adhésion acquise dans la simple foi, il s’agit, en théologie, de se représenter plus clairement ce à quoi on adh¢re : l’habitus declarativus, c’est « omnis habitus qui facit aliquid imaginari per intellectum absque omni adhaesione 34 ». Des choses divines, on ne peut avoir de représentation sensible  du Dieu que nous ne voyons pas, il nous faut une image purement intelligible. Nous possédons cette image : c’est notre âme. ,uand il distingue l’image du vestige, Pierre d’Auriole la dé࠱nit « similitudo repraesentative ducens in aliud ». Repraesentative, non arguitive : il ne s’agit pas d’un raisonnement, mais d’une évocation, « 6imago8 facit imaginari repraesentatum ». Si l’on trouve en toute créature le vestige de la Trinité, l’âme seule en est une image, par son entendement et sa volonté : « Cum intellectus et voluntas clare ducant per modum repraesentativae similitudinis ad imaginandum intellectualiter Trinitatem, idcirco in eis consistit imago 35. » L’esprit, connaissance et amour, nous donnera du Dieu trine l’image toute intellectuelle que nous cherchons. La théorie de l’image se place au centre d’une théologie qui, consistant en un habitus declarativus, vise à « imaginari per intellectum » : par ce qui a lieu en nous, se représenter ce qui se passe dans la divinité. La théologie trinitaire inclut une métaphysique de l’âme, dont la théorie

30. I Sent., d. II, p. III, a. 3, 154 b A. 31. Prol., q. IV, 52 b  C D. 32. Prol., q. V, a. 4, 62 a A . 33. lbid., 67 a C. 34. Prol. q. I, a 3, 14 b A. 35. I Sent., d. III, c. II, a. I , 185 a C E.

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de la connaissance et doctrine du concept constituent une partie : l’universel dans l’esprit ne sera pas sans rapport avec le Verbe en Dieu. *** À la distinction XXVII, de laquelle nous sommes partis, Pierre d’Auriole veut exposer en trois propositions le mode d’émanation du Verbe divin. Il discute longuement la premi¢re th¢se : au centre de la discussion, le probl¢me de l’universel. Par expérience interne, je sais que je pense la rose  en quoi consiste cet objet de pensée ? « Nullus enim negabit quin experiatur concipere se rosam simpliciter et compositionem ࠲oris cum rosa, aspiciendo quod rosa est ࠲os et ita judicando de rosa et ࠲ore, quem sic quilibet, dum intelligit, praesentem in animo experitur, oritur nostra questio : quid sit illud ? » Ici, toutes les hypoth¢ses possibles : « Aut actus est species intelligibilis, –Zaut species existens in phantasmate, –Zaut actus intellectus, –Zaut res aliqua accidentalis existens subjective in intellectu ad quem intellectus terminetur, – aut rosa quaedam vel ࠲os subsistens, sicut posuit Plato, –Z aut rosae particulares secundum aliud esse, intentionale videlicet et formatum, existens in anima objective‫ » ڎ‬Pierre d’Auriole fera de la derni¢re hypoth¢se sa doctrine, repoussée par Occam : la rose pensée poss¢de une réalité identique à celles des roses existantes, dont elle ne se distingue que par le mode d’être. Cela se démontre‫ « ڎ‬Sed manifestum est, quod conclusibile demonstrative, quod nullum praecedentium esse potest nisi ultimum tantum 36. » Nous sommes en métaphysique, ordonnée à une théologie : il faut préciser comment, par la théorie de l’image, cette interprétation de l’universel se lie à la doctrine du Verbe. Pourquoi s’arrêter à une relation indéterminée, s’il existe un rapport exact ? La distinction XXVII nous renvoie à la distinction III, Quaestio de imagine 37 : par l’image de Dieu que nous sommes, pouvons-nous démontrer la trinité des Personnes ? Di࠳culté préalable : saisir distinctivement l’image, dans ses parties  saint Augustin parle d’intelligence et de volonté, de connaissance et d’amour. « Primo namque videndum est quid sit intelligentia et voluntas prout sunt imaginis partes. » Les ma¨tres médiévaux voient dans l’intelligence et la volonté augustiniennes les facultés de l’âme, soit nues et toutes virtuelles, soit agissantes, portant chacune son acte. Pierre d’Auriole remarque que cette interprétation contredit les textes du De Trinitate : quand il expose la trinité : mens, notitia, amor, saint Augustin ne veut pas que la connaissance et l’amour soient inhérents à l’âme, comme la couleur et la ࠱gure au corps  les trois termes sont également substantiels, ne se distinguent que par leurs relations mutuelles, triplent une même substance. « Videtur sua intentio (Augutini) quod amor, mens et notitia sunt quasi una substantia triplicata vel tripliciter subsistens ». Avec des puissances et des actes, on n’obtiendra pas cette trinité psychologique : « Constat autem quod nec actus, nec potentiae sunt aliquid tale 38. » Selon l’esprit d’Augustin, la trinité para¨t quand l’âme se conna¨t et s’aime : posée d’abord en soi, elle vient devant 36. I Sent., d. XXVII, p. 11, a. 2, 623 b C D. Cf. Guillaume d’Occam, I Sent., d. XXVII, q III, 4 Z A A C C. 37. Supra, p. 295. 38. I Sent. d. III, c. III, a. 1, 192 a E-b C.

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soi, comme objet connu et sort, pour ainsi dire, de soi pour aimer. Les termes se précisent : mens, notitia objectiva, amor egressus. Il ne s’agit jamais que de l’âme : « una essentia et una vita ». Mais en trois situations di࠰érentes, sous trois rapports : in se, ante se, extra se. Dans chaque cas, pas d’inhérence, une subsistance 39. 0ne âme ainsi posée, trois fois : notre imagination métaphysique est sur la voie du Dieu en trois personnes. Il faut discerner en nous cette notitia objectiva et cet amor egressus, distincts des puissances et de leurs actes : le De Trinitate invite Pierre d’Auriole à enrichir la métaphysique de l’âme. Dilatation de la philosophie sous une in࠲uence théologique. De là, ces deux propositions : « In actu intellectionis de necessitate res intellecta ponitur in quodam esse intentionali, conspicuo, et apparenti 40 – amans per amorem non ponit quidem rem amatam in aliquo esse, sed seipsum imprimit et fert ac intimat in amatum ut secundum hoc ex vi amoris procedat amans in esse intentionale versus amatum 41. » Notre connaissance de l’âme gagne en précision et richesse : « Tertia quoque propositio est, quod intelligentia dupliciter potest concipi, quia vel pro actu formali quo res constituantur in esse apparenti, vel pro illa apparentia objectivali 6‫ڎ‬8. Similiter quoque amor potest accipi : vel pro amore formali qui est actus, vel pro egressu spirituali qui est ex vi amoris 42 ». L’apparentia répond au Verbe  l’egressus, à l’Esprit. 0ne autre th¢se reprend cette psychologie trinitaire : « Omnis intelligens se et complacens vel amans se necessario in tribus subsistentibus triplicatur 43. » Cela démontré, on déterminera si la Trinité divine est enti¢rement démontrable 44. Il nous su࠳t presque d’avoir vu l’ensemble de la construction. Nous laisserons de côté les th¢ses sur l’amour, inspirées, semble-t-il, de -ichard de Saint-Victor et qui fondent la théologie de l’Esprit 45 : la Quaestio de imagine occupe vraiment la position centrale  elle commande toute la doctrine des Personnes. Le côté du Verbe, celui de l’entendement, para¨t à Pierre d’Auriole le plus éclairé  il dit de la proposition sur l’amour : « ,uamvis minus notum sit quam de intellectu 46. » Parmi ces choses intellectuelles dont la clarté para¨t fondamentale, nous trouvons l’expérience de l’universel et l’interprétation qu’elle requiert : « Constat quod intellectus fertur super rosam simpliciter et expliciter illam objici objective. » Cette donnée : la rose, objet de pensée, provoque le jeu des hypoth¢ses : aut… aut‫ڎ‬, et leur élimination : « -elinquitur ut detur ultimum. » Au terme : identi࠱cation de la rose simplement pensée, mais universelle, aux roses dispersées dans le monde, individuelles : « 0t si omnes rosae quae in esse reali distinctae sunt ponantur in esse apparenti et intentionali rosa una totalis 47. » Pierre d’Auriole vient d’écarter le platonisme : l’Idée perd sa subsistance et se réduit en concept, mais le concept 39. lbid. 194 a !- b . 40. lbid. 192 b E. 41. lbid. 194 a . 42. lbid. 194 a D !. 43. lbid. a. 3, 198 b A. 44. lbid. 199 b ! - 200 a E. Cf. d. XXVII, p. 11, a. 2. 628 I . 45. Cf. I Sent. d. X, a. 3, 343 a E sq. 46. I Sent. d. III, c. III, a. I, 194 a . 47. lbid., a 3, 199 a A-b A.

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garde la plénitude de l’Idée, que les individus participent. Ses relations théologiques nous expliqueront-elles la singularité de cette doctrine ? Dans sa distinction XXVII, Pierre d’Auriole se réf¢re également à la distinction IX. Il s’agit de la génération éternelle : pour, autant qu’il est possible, prouver que Dieu engendre et se trouve engendré, Pierre d’Auriole ne conna¨t pas d’autre voie que celle de saint Augustin, reprise par saint Anselme : penser consiste en concevoir, former, engendrer, « quilibet sic experitur quod intelligendo quamcuque rem illam intra se concipit, format et gignit 48 ». L’unité divine ne sou࠰re d’ailleurs que cette generatio intellectualis : la génération physique pose un être nouveau, qualitativement distinct du premier et qui en di࠰¢re par des déterminations absolues. En Dieu, tout l’absolu se fond dans l’Essence, les personnes ne sont diverses que par des relations. Paradoxe réalisé déjà dans la formation de tout concept : « In ista autem generatione non est verum quod acquiratur aliquid absolutum, sed quod totum absolutum capit esse subsistens aliud et relativum. -osae enim quae existunt extra, dum ponuntur per intellectum, unde rosa simpliciter, non acquirunt aliquid absolutum, sed tantum esse apparens  similiter et mens cum seipsam conduplicat constat quod solum di࠰ert penes ponere et poni, et non di࠰ert aliquo absoluto‫  ڎ‬simili itaque modo in divinis 49‫» ڎ‬. Par l’identité de l’âme in se avec l’âme ante se, on voit la co©ncidence des roses individuelles avec la rose conçue correspondre exactement à l’unité absolue du P¢re avec le !ils, qui ne di࠰¢rent que par relations : generare et generari, dicere et dici. De l’interprétation de l’universel, on s’él¢ve à la psychologie trinitaire pour imaginer ce qui se passe en Dieu. À la base de la construction, la ré࠲exion sur cette pensée : rosa simpliciter. Penser, avons-nous dit, c’est engendrer un verbe, le dire : liaison de deux termes plutôt qu’identi࠱cation. 0n théologien ne confond pas intelligere et dicere : les trois Personnes pensent, d’un seul acte, un avec l’Essence  le P¢re seul engendre. Intelligere, c’est de l’absolu  dicere, du relatif. En trois propositions négatives et quatre a࠳rmatives, Pierre d’Auriole nous expose sa pensée sur ce point : son analyse de la connaissance humaine s’enrichit ou se complique encore de toutes les subtilités de la théologie trinitaire 50. Tout acte de conna¨tre, dit-il, emporte un rapport de génération, de l’esprit à l’objet : l’objet est inférieur à l’esprit, issu de l’esprit, son concept : « Conceptus remanet intra concipientem et est a concipiente 51. » Ainsi l’absolu de l’intellection se trouve inséparable d’un respectus activitatis. Pour expliquer cette connexion, notre docteur établit une double proposition : « Simillimum est de divina essentia cum generatione activa et passiva –Zet de intellectione cum apparitione activaZ– et re in esse apparenti posita cum apparitione passiva. » Les notions s’ajointent parfaitement : notre intellection est à la production de son objet comme l’essence divine à la génération active, qui constitue le P¢re –Z« sicut se habet absolutum intellectionis ad facere active, sive res facere apparere, sic se habet esse in divinis ad generare‫» ڎ‬. Impossible de séparer ces choses même en pensée : « 6‫ڎ‬8 quod concipi non potest sine ipso, 48. I Sent., d. lX, p. 1, a. 4, 329 a C E. 49. lbid., a. 3, 327 b E !. 50. I Sent., d. IX, p. I, c. I, 318 a  sq. 51. lbid., 321 b .

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nec e converso, unde sunt unum unitate omnimodae indistinctionis ». Même indivision entre l’essence divine, d’une part, et la génération passive, propriété du Verbe – la réalité que le concept nous présente, d’autre part, et le fait qu’il émane de l’esprit : « Conceptus rosae, licet non sit purum concipi, immo cum hoc est rosa, resolvi tamen non potest in realitatem rosae et ipsum concipi tanquam in duo 6‫ڎ‬8, et eodem modo Verbum in divinis 6‫ڎ‬8. » 0n peu plus loin, notre auteur ne parle plus de Verbe, mais de conceptus divinus 52. On ne peut séparer dans le !ils sa nature divine de la génération passive qui en fait une Personne  on ne saurait penser la rose, prise absolument, que comme un concept : l’objet pensé constitue d’apr¢s saint Augustin, le verbe de notre esprit 53. Dans les deux cas, notre auteur s’oppose directement à l’idée qu’on peut toujours concevoir un absolu à part de toute relation. Pierre d’Auriole écarte cette th¢se par l’exemple de la rose : « 6instantia8 falsum assumit, videlicet quod omne absolutum possit intelligi circumscripto respectu. Patitur enim evidentem instantiam in conceptu rosae, quia realitas rosae simpliciter concipi non potest absque esse apparenti. » Nous tenons une évidence : séparée de l’esse apparens, la realitas rosae sera-t-elle une ou multiple ? Multiple : il existe bien des roses  ce n’est plus la rose. 0ne : la rose n’a pas d’existence absolument, mais par relation avec l’âme. LaZcritique du platonisme s’introduit ici. Par l’Idée devenue concept, on éclaircit le cas de l’intellection et les choses divines elles-mêmes : « Similiter etiam actus intellectus concipi non potest nisi ut faciens res objective apparere. Et ita est in divinis quod essentia absoluta concipi non potest absque proprietatibus 54 ». La ré࠲exion sur l’universel qui le réduit en concept conduit à expliquer en Dieu le rapport de l’Essence aux Propriétés. D’apr¢s le plus récent historien de ces questions, c’est la di࠳culté centrale de la spéculation trinitaire 55. *** 0ne enquête rapide établit la constance et con࠱rme la rigueur de ce lien entre le probl¢me de l’universel et les questions de essentia et proprietatibus. La premi¢re question du livre I vise le paradoxe de Duns Scot : la possibilité, de « potentia Dei absoluta », de « frui essentia non fruendo personis 56 ». Pierre d’Auriole voit qu’il s’agit de la mani¢re de concevoir les choses divines et formule ainsi sa question : « 0trum beatus frui possit de essentia praescindendo ipsam conceptibiliter a personis 57. » -éponse négative : qui conna¨t clairement la nature divine ne peut pas la séparer, même en pensée, des propriétés constitutives des Personnes.

52. lbid., 322 a A-E. 53. Ibid. 54. lbid., 322 a E !. 55. M. SCHMAUS, Der liber propugnatorius des Thomas Anglicus und die Lehrunterschiede zwischen Thomas von Aquin and Duns Skotus, M¶nster i. 2. 1930, p. 385. 56. Nous avons proposé une interprétation de ce paradoxe dans notre travail sur Luther commentateur des Sentences, Paris 1935, p. 20 sq. 57. I Sent., d. I, c. I, 69 b E.

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L’Essence n’a l’unité ni d’un être, ni d’un objet : « Essentia non habet propriam unitatem realiter, nec etiam intelligibiliter 58. » On ne trouve en Dieu que trois unités, dont chacune correspond à l’indivision de l’Essence et d’une propriété, fondues en une Personne. Pour nous faire concevoir cette indistinction, notre Docteur use d’une comparaison optique, qui annonce les octo experientiae critiquées par Occam. De l’image d’une chose dans un miroir, il écrit : « InZhac quidem imagine et est res quae apparet, et apparitio qua apparet  et tamen totum videtur apparitio, et totum videtur res 59. » Autre exemple, qui jette sur notre question la clarté de son évidence : « Est ad hoc manifestum exemplum de rosa concepta quae apparet intellectui objective. » De nouveau, l’objet conçu par l’esprit. Pierre d’Auriole rappelle sa comparaison optique et se réf¢re à ses spéculations ultérieures sur le Verbe : « Eodem etiam modo de imagine quae apparet in speculo, sicut dictum est in corpore quaestionis. Haec autem inferius magis declarabuntur cum agitur de Verbo 60. » Nous tenons un th¢me qui revient consciemment à la pensée. À la distinction II, notre Docteur veut lever les impossibilités apparentes de la pluralité des Personnes  pour les deux derni¢res, il introduit la doctrine de la rosa apparens. Il faut que les propriétés ne s’ajoutent pas à l’Essence : aucune addition là où n’existe aucune distinction. « Simile aliquale de simplicitate omnimoda et nulla additione reperiri potest in verbo, intellectus nostri, de quo supponitur ad praesens, quod rosa posita in esse formato et apparenti et in prospectu intellectus objective verbum sit mentis notrae 61. » La derni¢re di࠳culté se tire de la prédication mutuelle de l’Essence et des propriétés : le même exemple vient nous éclairer, « satis patet in exemplo »  et le !ils appara¨t comme le produit d’une génération intellectuelle, un concept : la Déité devenue objet : « !ilius in divinis est ࠱lius mentalis, sive conceptus mentis, sive Deitas posita in esse prospecto 62 ». Les premi¢res questions trinitaires laissent voir la place de la doctrine du Verbe, qui suppose la théorie de l’universel. La distinction XXVI explique comment les propriétés constituent les Personnes. On montre que celles-ci ne peuvent se distinguer que par le jeu de leurs origines, par des modes d’existence tout relatifs. Premi¢re voie : à la suite de saint Augustin, on conçoit la Trinité divine par la trinité crée : « Anima in se, ante se, extra se 63. » Deuxi¢me voie : par induction, on cherche les genres de distinction, compatibles avec une unité essentielle  on ne trouve que les oppositions : « dicere et dici », « emittere per amorem et mitti 64 ». En troisi¢me lieu, on se demande quels modes d’être sont asseU indistincts de ce dont ils sont mode pour réaliser une unité parfaite  on retrouve : concipere, concipi, spirari 65. „tres conçu, c’est le cas le plus clair : « Hoc autem facilius patet in concipi, quo formaliter aliqua res dicetur mentis conceptus. » La ré࠲exion sur 58. lbid., a. 2, 79 b E. 59. lbid., 82 a A. 60. lbid., 86 a C. 61. I Sent., d. II, p. III, a. 4, 160 b C-!. 62. lbid., 160 b !-a A. 63. I Sent., d. XXVI, a. I , 582 a  sq. 64. lbid., 582 a ! sq. 65. lbid., 582 b.  sq.

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l’universel para¨t au centre : « Concipiens enim rosam experitur in suo intuitu aliquid unum simpliciter, de quo constat quod est res omnino eadem rosis particularibus quae sunt extra ». ,uand je pense un universel, l’objet de ma pensée, absolument nu, s’identi࠱e à la multiplicité des choses. Mais il n’a pas seulement la réalité de ces choses : « 6‫ڎ‬8 quiddam aliud 6‫ڎ‬8, 6scilicet8 concipi passive ». Toutes les roses doivent à l’esprit de n’en faire qu’une : la rose, qui subsiste à sa mani¢re, à titre d’objet, ne reposant sur rien d’autre, comme une personne : « per unum concipi 6rosae particulares8 adunantur in uno esse concepto ut sit rosa simpliciter posita solitarie in prospectu per modum cujusdam subsistentis objective et non alicui inhaerentis 66 ». Posé ainsi, l’objet de pensée garde l’apparence d’une Idée  cette subsistance devant l’esprit annonce la personnalité du Verbe. Tout cela para¨t étrangement, subtilement mêlé ! Nous connaissons déjà la conclusion : l’unité de l’objet, c’est l’indivision de la réalité qu’il présente avec le fait d’être conçu. De même, en Dieu, Essence et propriété. -eprenant la distinction I, la distinction XXXIII traite de l’identité radicale des propriétés avec l’essence, mais en posant cette th¢se : « In verbo mentis nostrae aut in imaginibus quae apparent in speculo potest aliqualiter in œnigmate praedicta veritas intueri 67 ». Toujours l’impossibilité de penser à part dans le concept ou l’image du miroir, la realitas et l’apparentia  indistinction dans le Verbe divin de l’Essence et de la génération active, en toute Personne, de l’Essence et de sa propriété. Devant les objections qui se présentent, Pierre d’Auriole reprend son explication, en cinq propositions, liées en nécessité : « Patent hic quattuor demonstrative ex quibus infertur quintum. » Voici la premi¢re : « Conceptus objectivi quae sunt verba mentis nostrae‫ ڎ‬claudunt in se realitates rerum quae sunt extra 68. » Ainsi, le concept inclut une réalité identique à celle des choses. Cette objectivité ne l’empêche pas d’être conçu  seconde proposition : « ,uod claudunt cum realitate conceptionem passivam, satis apparet ex hoc quod nominantur conceptus objectivi 69. » Tels sont nos deux principes. Di࠳culté : le concept qui constitue l’objet nous donne une essence –Zconceptus objectivus, conceptus quidditativusZ– mais au témoignage d’Avicenne, la quiddité n’inclut ni l’esse ab anima, ni l’esse extra  exemple du philosophe arabe, l’essence du cheval : « Equinitas secundum eum non est nisi equinitas tantum. » Pierre d’Auriole voit que la rosa simpliciter ne se sépare point de la conceptio passiva . Devant ce texte d’Avicenne, source de Duns Scot 71, il maintient sa position. Il rappelle le débat Platon-Aristote : « Circa rosam simpliciter sic conceptam fuerunt duae opiniones : una quidem Platonis qui dixit illud esse rosae simpliciter esse non ab anima, sed a se ipsa  dixit enim quod quidditates sunt res subsistentes  alia vero Philosophi, quod scilicet illud esse non esset reale, sed intentionale et ab anima. Et si Platonis opinio vera esset, non dubitum quod rosa simpliciter abstraheret 66. lbid., 582 b D-!. 67. I Sent., d. XXXIII, a. 3, 789 a . 68. lbid., 739 b C. 69. lbid., 739 b D. 70. lbid., 739 b A. 71. Cf. É. GILSON, « Avicenne et le point de départ de Duns Scot », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 2 (1927), p. 130-131.

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ab esse productive ab anima  sed juxta viam Aristotelis rosa simpliciter est conceptus  conceptus autem non abstrahit a concipi 72. » Pour un aristotélicien, les essences ne se présentent pas dans des Idées, mais dans des concepts  à suivre cette voie, on trouve dans toute quiddité et sa realitas et un concipi  la nature avicennienne devient un objet issu de l’esprit et s’identi࠱e au verbe d’Augustin. Nous sommes exactement dans la ligne de pensée où l’individuation dans le concept de l’essence qu’il découvre et du fait d’être conçu annonce l’unité en chaque personne divine de l’Essence qu’elle est et de la propriété qui la constitue. -apport parfaitement déterminé. *** Pour ne point passer cette premi¢re recherche, nos conclusions seront limitées. Concipere, conceptio, conceptus : ces termes, si souvent répétés en un sens précis et fort, nous autorisent à parler du conceptualisme de Pierre d’Auriole. Mais il ne faut pas penser simplement à l’opposition –Zet à la continuitéZ– de cette théorie avec la doctrine des Idées. Saint Augustin importe ici au moins autant qu’Aristote : encore qu’elle donne toujours l’essence et fonde la science, l’Idée, devenue concept, appara¨t issue de l’esprit, comme son verbe. En liant son conceptualisme à la théologie trinitaire, nous croyons n’avoir pas sur sa pensée d’autre point de vue que Pierre d’Auriole même : nous ne prétendons pas que ses démonstrations prennent pour principes des articles de foi, mais seulement que les besoins de l’exposition théologique ont stimulé et orienté sa recherche et que la réussite d’une construction, terminée au dogme, lui con࠱rmait la solidité des bases philosophiques. Dans sa construction, nous voyons s’ajuster, à ses yeux, parfaitement des notions d’origines fort diverses : Platon, Aristote, commenté par Averro¢s, Avicenne, saint Augustin, saint Anselme et -ichard de Saint-Victor. Dans cette mise en œuvre de tout le matériel de l’époque, on doit reconna¨tre la virtuosité technique d’un penseur presque inconnu des historiens : sens de l’équilibre paradoxal, hardiesse de la conception, abondance aussi, quelque chose du style ࠲amboyant. Insertion et croissance de mati¢res philosophiques à l’intérieur d’une théologie, correspondance subtile entre l’ordre créé et les choses divines, cadre trinitaire de la spéculation : c’est un bel exemple de pensée médiévale qui, sur ces deux probl¢mes de la nature de l’universel et de la structure des Personnes en Dieu, nous fait mettre en question la possibilité d’abstraire au moyen âge une histoire de la philosophie de celle de la théologie.

72. lbid., 740 b E!.

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RAPPORT SUR L’EXERCICE 1935 1936 73 I Le probl£Je de la connaissance de Dieu cheW Duns Scot (Quodlibet, question XIV Le Dieu médiéval appara¨t immédiatement Trinité : distinction des théologies du Moyen Âge d’avec la « théologie naturelle » classique  probl¢me des « preuves » de la Trinité, cependant article de foi. Ces raisons ont fait choisir la question XIV du Quodlibet de Scot : « 0trum anima suae perfectioni naturali relicta possit cognoscere Trinitatem personarum in divinis », dont on a expliqué le préambule et les deux premi¢res parties. Le préambule montre que si la question concerne aussi les anges, s’étend à tout entendement créé, elle prend en considération les divers états dans lesquels, selon la -évélation, notre nature se trouve placée aux divers moments de son histoire : c’est à l’intérieur d’une théologie que l’homme mesure ici sa capacité de conna¨tre. La premi¢re partie traite le probl¢me selon notre imperfection présente, pro statu isto : il s’agit principalement de la foi en la Trinité. 0ne croyance unit des termes qui ne se lient pas évidemment eux-mêmes  la connaissance des termes appara¨t ainsi distincte de l’acte qui les unit  le jugement de foi : « Deus est trinus » suppose une connaissance naturelle de Dieu, dont la possibilité ne se démontre, en ࠱n de compte, qu’en montrant la possibilité même de Dieu : th¢me remarquable de la pensée de Scot. Ce qui, dans la foi, lie en jugement certain des termes d’eux-mêmes séparés, c’est le témoignage : « ࠱des ex auditu », fondée dans l’Église, « communitas maxime vera ». Nous sommes capables de former en nous-mêmes cette croyance assurée, ࠩABP >@NRFPFQ>. Sans son concours, la ࠩABPFKCRP>ne passerait jamais à l’acte dans l’adulte baptisé  comment émergerait-elle à la conscience puisque nous ne connaissons pas directement notre âme et ses habitus ? Notre connaissance passe par le sensible  de même, notre foi par le témoignage. Aussi, laࠩABP>@NRFPFQ> se présente-t-elle comme un fait et une nécessité de notre état  la ࠩABP FKCRP>, comme une mati¢re de foi : nous croyons à la Trinité  de même, nous croyons que Dieu nous a donné d’y croire. Le secundum principale pose Dieu en son essence, ut hic, comme un objectum voluntarium à l’égard de tout intellect créé, même angélique : un objet absolument libre de se montrer ou de demeurer caché. Tout le texte, un des plus beaux de Scot et du Moyen Âge, est une longue mise à l’épreuve, un approfondissement de cette position initiale. Deux points capitaux : 1.Zdiscussion du probl¢me de l’objet naturel de notre intellect  le dé࠱nir par l’ens in communi, c’est, pour Duns Scot, une th¢se de théologien, que le philosophe n’a pas tenue et ne pouvait pas tenir  ayant entendu la -évélation, nous pouvons la poser et argumenter victorieusement contre Aristote  il lui était impossible de sortir de son point de vue, qui, du nôtre, appara¨t incohérent. el exemple de la complexité du rapport historique, théologie/ 73. Nombre d’inscrits : 10. Auditeurs réguliers : MM. arde, ourgeois, urt, Gagnebet, Mlle Stravnick.

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philosophie (on a commenté le texte des Quodlibet par l’Opus Oxoniense et les Reportata). 2.ZPour montrer qu’un entendement créé ne peut être avec l’essence divine dans le même rapport que l’entendement incréé, Duns Scot doit procéder à une mise en ordre des choses de Dieu, à une exposition de la vie divine. Comment, en se rapportant à des objets, dont le premier est l’essence in࠱nie ellemême, l’entendement et la volonté in࠱nis constituent-ils une Trinité, un monde des possibles, des futurs contingents, du réel même ? Tel est le probl¢me de cette théologie trinitaire, une façon de « phénoménologie » divine, qui nous montre les modes et les degrés de communication de l’essence premi¢re, par une libéralité d’abord naturelle et nécessaire, puis nécessaire, mais libre, libre en࠱n et contingente. Il appara¨t ainsi dans la logique de la Trinité que Dieu en lui-même ait à se révéler, pour que d’autres le connaissent. On demande comment il y a preuve ici dans la foi : il faudrait rapprocher la spéculation trinitaire de l’argumentation anselmienne  l’évidence manque toujours puisque nous ne voyons pas Dieu  il nous est absolument impossible de « construire » la Trinité  mais, ayant entendu que Dieu est cela, nous ne pouvons revenir en arri¢re  ce serait lui refuser sa perfection. ,uand on relie le Quodlibet à l’Opus oxoniens, (I, d. II, q. IV-VII), on retrouve cheU Scot la tradition des rationes necessariae. II Luther critique de la théologie Jédiévale : la !FPMRQ>QFL@LKQO>P@ELI>PQF@>JQEBLILDF>J Pour préparer l’explication de la Disputatio de 1517, on a entrepris et achevé cette année une étude méthodique des critiques de la théologie médiévale éparses dans le commentaire de l’Épître aux Romains (1515-1516). ,uelques idées directrices se sont dégagées de cette analyse : développement de l’opposition à la philosophie, présente déjà aux notes sur les Sentences de 1510 : placé par les scolastiques entre l’Évangile et l’âme chrétienne, Aristote explique à Luther ses di࠳cultés intérieures –Zde 1510 à 1515, ࠱liation de la foi luthérienne à partir de la ࠩABPCLOJ>Q>  dans le th¢me de la prédestination, double écho des disputes de l’École et des désespoirs de Luther : ces subtilissima theologiae sacramenta ne se prêtent à aucune théodicée  la solution n’est point dans une vision du plan divin, mais dans le sentiment extrême de la resignatio ad infernum – cette abnégation radicale convient à une nature viciée à fond, au-dessous même du plan des actes et des habitus, des œuvres : c’est pourquoi, en ce monde, il ne peut jamais y avoir de justi࠱cation qu’extrins¢que, par imputation et promesse  l’optimisme métaphysique qui veut bonne la nature, créée par Dieu, n’a aucun sens dans la vie de l’homme pécheur. Pour situer Luther par rapport aux doctrines de l’École, il faut sans doute se placer en ce centre de la profondeur du péché originel.

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RAPPORT SUR L’EXERCICE 1936 1937 74 I Théologie naturelle et théologie révélée cheW Duns Scot et ses preJiers critiques On a posé le probl¢me du mode de penser scotiste en allant de saint Anselme à saint Thomas d’Aquin : du « studium sacrae scripturae » anselmien à la distinction thomiste de la « theologia quae ad sacram doctrinam pertinet » et de la « theologia quae pars philosophiae ponitur ». ,ue devient la spéculation des « théologiens » quand ils ont rencontré « les philosophes » ? Se situer comme théologien par rapport aux philosophes, voilà une démarche de la pensée de Scot. On l’a observée d’abord dans sa théorie de l’objet de l’intellect où la révélation intervient : c’est, consciemment, une noétique de théologien. On a étudié ensuite la distinction du Dieu des chrétiens d’avec le Dieu des philosophes, insisté à ce propos sur le « volontarisme » : pour le théologien, procession et retour ne sont pas a࠰aire de nature, de nécessité, mais de volonté libre. Cette opposition des théologiens avec les philosophes sur l’esprit et sur la divinité nous a fait nous demander comment les premiers peuvent argumenter contre les seconds, comment un dialogue et une dialectique même sont possibles entre gens si di࠰éremment situés. Pour mieux saisir les raisonnements de Scot sur les choses divines, on a interrogé tout à tour : 1.Z la notion d’in࠱ni : sa dé࠱cience (l’>IFNRFA FKࠩKFQRJ n’équivaut pas à l’essentia ut haec), son caract¢re acquis (et non infus : il s’agit d’une connaissance naturelle, radicalement distincte de tout surnaturel)  2. les preuves de l’existence de « Dieu », c’est-à-dire d’un être in࠱ni : cette curieuse argumentation par la cause, qui ne veut point partir d’un fait, op¢re par purs concepts, de natura et quidditate et possibilitate  3. les « preuves » de la Trinité à Ox.ZI, d. II, q. IV-VII. L’attitude de Scot à l’égard de l’argument du Proslogion a éclairé ces di࠰érents points, et la situation de l’homme en face de la divinité. OnZaZconstaté que le probl¢me de Dieu est avant tout le probl¢me de sa possibilité : cette possibilité une fois accordée, son existence suit, sans e࠰ort  mais, n’ayant pas de son essence une notion distincte – d’ordre surnaturel – nous devons inférer qu’il est possible, d’autres possibilités, d’essences celles-là données. Duns Scot y parvient par une br¢ve dialectique de la perfection – toute proche de l’abstraction de déterminations « transcendantes » telles qu’BࠨB@QFSRJ, productivum  la position impossible à refuser d’un MOFJRJBࠨB@QFSRJ, d’un primum productivum évite la régression à l’in࠱ni dont elle montre la vanité. Ces probl¢mes examinés, on a montré comment une interprétation de Pierre d’Auriole et de Guillaume d’Occam en fonction de l’idée d’essence con࠱rmerait ces analyses de la technique de Duns Scot, théologien si conscient de ses procédés et de leurs fondements.

74. Nombre d’inscrits : 15. Él¢ves titulaires : MM arrington, rugmans, ourgeois. Auditeurs réguliers : MM. Desolier, Guimet, Hayen, Martin.

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II Luther critique de la théologie Jédiévale : essai de synth£se en 1517 Ces études se situent à la suite de celles poursuivies durant les années précédentes : en 1935-1936, on avait examiné du même point de vue le Römerbrief. En 1936-1937, on a commencé par mettre en rapport avec les textes de ce commentaire la Quaestio de viribus et voluntate hominis sine gratia : la correspondance a paru remarquable. On a ensuite étudié le travail de Luther en marge du Collectorium de iel, tel qu’il appara¨t dans les Randbemerkungen publiées par Degering en 1933. On était alors asseU équipé pour aborder l’explication de la Disputatio contra scholasticam theologiam, terme longuement di࠰éré de ces travaux : on a procédé en divisant en quelques « blocs » les 98 th¢ses  on a pu établir que la plupart consistaient en des « réactions » à des textes de iel, dont Luther suit le mouvement : le principal de ces textes est III Sent. dist. 27, q. u. La double explication des fragments de iel et des propositions de Luther a été l’occasion de préciser le sens, cheU le premier, de la doctrine de la « préparation » à la grâce et l’importance, pour comprendre l’un et l’autre, de leurs conceptions de la charité, de leurs analyses de l’amour.

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1937 193 75 I &J>DL!BF : étude sur l’analyse du connaître et du vouloir au XIVe si£cle dans ses rapports avec la doctrine de la Trinité On s’est attaché spécialement à l’analyse du conna¨tre, en signalant simplement l’analyse parall¢le du vouloir ou de l’amour. Deux auteurs ont été étudiés : Duns Scot et Pierre d’Auriole. En introduction, on a marqué l’importance et la liaison des deux th¢mes : image de Dieu et nature intellectuelle comme dé࠱nition de l’homme. On a ensuite examiné la « psychologie Trinitaire » de Pierre d’Auriole d’apr¢s I Sent. d. 3, c. 3 et d. 9, p. 1  puis cheU Duns Scot la distinction 3 du livre I de l’Opus Oxoniense (noétique) sans perdre de vue la distinction 2, questions 4 à 7 (preuve de la Trinité). Dans la distinction 3, on observe comment Duns Scot, en posant une species intelligibilis, accorde à l’âme une mémoire purement intellectuelle telle que la partie intellectuelle de notre être, pour assurer sa dignité, n’a pas à « mendier » à la partie sensible le principe immédiat de sa connaissance. Si, par la doctrine de l’esp¢ce intelligible, nous retrouvons la memoria augustinienne, nous retrouvons l’intelligentia par la doctrine de l’acte de conna¨tre, assimilé à la notitia genita. Le rapport de cet acte à l’intellect d’une part, à l’objet d’autre part, présent dans l’esp¢ce, est réglé par une formule d’Augustin : « ab utroque paritur notita‫» ڎ‬, mais, dans cette action commune du connaissant et du connu, le premier garde la prépondérance : « principalius 75. Nombre d’inscrits : 26. Él¢ve titulaire : M. Guimet. Auditeurs assidus : Mme H. TeRaag, MM. Aimé, arbier, !ayoux, !orel, Le Clére, LenU, &ennedy, Van Caimerlek, -oyanneU, Schmucker.

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ab intellectu ». On aperçoit ici le lien avec la spéculation trinitaire des th¢mes scotistes de la dignité et de la spontanéité de l’intellect. On constate aussi l’usage simultané de notions venues d’Aristote et de saint Augustin : comment peuventelles s’ajuster ? Duns Scot a conscience du probl¢me et dans l’Opus Oxoniense et dans la question 15 de son Quodlibet : quel rapport établir entre la division de l’intellect entre agent et possible et l’analyse de l’image en memoria et intelligentia ? Le Docteur franciscain para¨t distinguer deux plans : un plan de l’abstraction, opération qui se termine à l’esp¢ce intelligible : là, on peut distinguer entre intellect agent et intellect possible  un plan de l’intellection où s’op¢re le passage de l’esp¢ce à l’acte de conna¨tre : ici, la distinction aristotélicienne n’a plus gu¢re de sens  ici, se trouve l’image. Vue sous cet aspect, la noétique de Duns Scot para¨t répondre à la di࠳culté suivante : comment à partir de l’abstraction d’Aristote retrouver les éléments de l’image de saint Augustin ? La doctrine de l’imago ne fournit pas seulement le cadre de l’exposé, mais encore l’une au moins des lignes directrices de la pensée : on construit une « psychologie » ut salvetur imago. Mais être image, en quoi cela consiste-t-il ? À imiter, à s’assimiler, donc à agir. De la comparaison de textes nuancés et subtils, il semble résulter qu’être image de Dieu, c’est être capable d’actes qui prennent Dieu même pour objet : étroite parenté des notions d’imago Dei et de capax Dei. Conséquences de cela : pour se conna¨tre image, il faut conna¨tre d’abord ce que Dieu est, la singularité de son essence, racine de la Trinité. Dans la question 14 de son Quodlibet (3e partie), Duns Scot maintient absolument que la connaissance de l’image comme celle de la Trinité est chose surnaturelle. Si on rappelle qu’à des ࠱ls d’Adam, il a fallu la révélation pour les assurer que leur entendement n’est pas essentiellement lié au sensible, on conclura que la noétique de Duns Scot est une noétique de théologien : ce qui ne veut pas dire une noétique sans preuves, car nous sommes dans la tradition théologique de saint Anselme et de -ichard de Saint-Victor. Parvenu en ce point, on peut revenir à Pierre d’Auriole dont la psychologie trinitaire est un cas de « philosophie chrétienne » : élaborée à l’occasion de la théologie de la Trinité, elle se compose cependant de démonstrations philosophiquement valables, elle s’incorpore à la philosophie. CheU Pierre d’Auriole comme cheU Duns Scot, l’analyse de l’esprit se réf¢re au fait de la -évélation, mais cette référence historique se donne pour accidentelle cheU le premier, demeure essentielle à la pensée cheU le second. D’ailleurs, l’imago ne présente pas cheU l’un et cheU l’autre même ࠱gure. Dans la trinité créée composée d’actes, Duns Scot ne trouve pas de consubstantialité. Toute la construction de Pierre d’Auriole tend au contraire à faire voir dans l’âme des termes consubstantiels : c’est pourquoi il cherche l’analogue du Verbe du côté de l’objet connu, et non de l’acte de conna¨tre. Il peut ainsi transporter en Dieu une Trinité qu’il trouve, pour ainsi dire, toute faite dans l’homme, tandis que l’homme scotiste est image, moins en contenant une trinité qu’en tendant vers la Trinité. En ࠱n de compte, l’opposition porte à la fois sur le mode de pensée dont rel¢ve la doctrine de l’image et sur les éléments qui en composent la réalité, sur le régime de la pensée et sur la structure de l’homme comme être spirituel.

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II De Duns Scot à Luther : essai d’éclaircisseJent des rapports entre la pensée de Luther et la théologie Jédiévale Suggérée par le rôle de Duns Scot dans la scolastique des XIVe et XVe si¢cles, autorisée par des textes de Luther, la mise en rapport de ces deux pensées théologiques a été opérée sur quelques points : I ‫ ټ‬La Trinité. On a remarqué une référence à Duns Scot tant dans les notes sur les Sentences de 1510 que dans les disputes de 1515 (édition de 2eimar : tomeZXXXIX, volumeZ2) où, malgré les années, la position de Luther ne para¨t pas changée : la Trinité constitue le myst¢re des myst¢res, l’impossibilité des impossibilités aux yeux de la raison, qui subit là une vraie passion  c’est la liquidation de la spéculation trinitaire médiévale, spécialement de l’analyse scotiste qui prétendait résoudre le probl¢me de la possibilité de la Trinité en montrant comment le dogme n’inclut pas contradiction (et si la Trinité est possible, elle est nécessairement‫)ڎ‬. II ‫ ټ‬Le volontarisme.ZOn a repris les conclusions des années passées sur la relation Scot, Occam, Luther. III ‫ ټ‬La prédestination. On a dégagé, d’une part, le lien entre ce probl¢me et celui du libre-arbitre comme principe de coopération humaine à l’action divine, et, d’autre part, la mani¢re di࠰érente dont il se trouve posé et résolu : pour Duns Scot, il s’agit de construire une « psychologie divine » qui, tout en laissant absolument libre et gratuit le vouloir divin, le montre pur de toute injustice  pour Luther, l’échange des arguments ne résout rien, car la dialectique exprime un état plus profond de l’âme devant Dieu : comment cet état peut-il changer ? voilà la question  il s’agit pour l’homme pécheur d’accepter absolument la souveraineté de Dieu : le velle Deum esse Deum se manifeste dans la resignatio ad infernum ‫ ټ‬signum electionis  dialectique non plus de concepts, mais de sentiments. IV ‫ ټ‬La charité. On s’est ici placé à deux points de vue : l’amour désintéressé de Dieu peut-il coexister avec un certain amour de soi, avec un désir même de Dieu ? 4 a-t-il possibilité d’un amour naturel de Dieu par-dessus toutes choses ? V ‫ ټ‬Le péché originel. Apr¢s avoir rappelé comment Luther, apr¢s l’avoir admise, a rejeté l’assimilation du péché à une privation, on a noté que la nature intellectuelle présente de façon opposée, le fait du péché d’Adam n’en tient pas moins dans les deux pensées une place centrale et apporte à l’homme, dans l’une et d’autre, une bonne nouvelle. Conclusion ‫ ټ‬Si on cherche un centre à toutes ces oppositions, on le trouvera sans doute dans l’attitude de l’homme chrétien à l’égard de sa propre nature.

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RAPPORT SUR L’EXERCICE 193 1939 76 La premi¢re conférence a porté sur Luther et la scolastique : le serf arbitre. À partir des notes sur les Sentences, reprises de ce point de vue, on a retracé, par des analyses de textes, l’évolution de la pensée de Luther jusqu’au De servo arbitrio, lequel a été asseU longuement étudié. La deuxi¢me conférence portait sur La critique des théologies antérieures et l’idée de théologie chez Guillaume d’Occam. On a procédé à une explication du prologue du Commentaire sur les Sentences.

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1939 1940 ET 1940 1941

ANNÉE SCOLAIRE 1939-1940 77 I Entre Albert le Grand et Maître EcHhart : études sur Dietrich de Freiberg Cette série de conférences, comme la suivante, a été interrompue à la mi-avril, le directeur d’études ayant été mobilisé à cette date. On s’est donc borné à l’explication des deux premi¢res parties du De intellectu et intelligibili : de intellectibus communiter et de intellectu agente. 0n résultat a été acquis : la signi࠱cation que prennent cheU le théologien dominicain les termes et les schémas d’origine néoplatonicienne dont il use constamment et qu’il ne manque pas d’identi࠱er à des notions augustiniennes. Sans avoir pu examiner la conception de la conversio qu’elle rendra possible, on a analysé la conception de l’emanatio qui, en prenant garde de ne rien ôter à l’incommunicable toutepuissance de Dieu, fait de l’intellect agent « intellectus in actu per essentiam » la cause immanente de l’âme elle-même « principium causale intrinsecum essentiae seu substantiae animae »  et il s’agit de causalité e࠳ciente et non formelle. Mais cet intellect qui la cause n’est pas séparé de l’âme, ni unique pour tout le genre humain : autant d’intellects, au contraire, que d’âmes et de corps individuels. Corps, âme unie au corps selon la tradition d’Augustin, intellect agent, ces termes comportent une hiérarchie intérieure à l’homme et qui lui permet de rejoindre l’0n par la médiation de l’intellect agent, constamment uni à lui. Il semble que la grâce ait à insérer son action, non entre l’intellect et Dieu, mais à l’intérieur même de l’homme, entre l’âme ou l’intellect possible et l’intellect agent. On pressent une doctrine d’une originalité certaine, dont la connaissance permettrait sans doute de mieux comprendre les mystiques « intellectualistes » comme celle d’Eckhart.

76. Nombre d’inscrits : 27. 77. Nombre d’inscrits : 5.

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II Les rapports entre l’ordre religieux et l’ordre Joral, de Duns Scot à Luther La distinction, l’opposition même, en un sens, d’un ordre des valeurs proprement morales et d’un ordre des valeurs proprement religieuses, nous ne l’imposons pas aux textes, nous l’y trouvons dans l’opposition bonum morale / bonum meritorium seu gratuitum. On a examiné la doctrine de Duns Scot en la mati¢re et l’interprétation critique qu’en a donnée récemment l’abbé -ohmer. On a cherché à élucider le rapport morale-religion de deux points de vue : 1j) en Dieu –Zcomme le montre Ox. IV, d. XLVI, q. I 2QORJFK!BLPFQGRPQFQF>࢙‫ٷ‬, il y a transmutation de la notion commune de justice par le « volontarisme divin » : l’absolu de la justice n’est autre que « ipsa voluntas divina sub ratione primae regulae seipsam determinantis »  en elles-mêmes, les créatures ne présentent qu’un justum secundum quid  les formules de Scot sont d’ailleurs complexes et nuancées  2j) dans l’homme – il faut répondre à la distinction XVII des Sentences, la structure de l’action méritoire qui, avant d’être méritoire, est acte, et acte moral  la grâce, identi࠱ée à la charité, étant, comme toute vertu, un habitus, on comprend que Scot étudie longuement le probl¢me de la causalité des habitus à l’endroit des actes et de la contribution des habitus à la valeur des actes : c’est pourquoi on a analysé méthodiquement Ox. I, d. XVII, q. II et III en découvrant une façon de rivalité entre la puissance et l’habitus et une exaltation de la puissance de vouloir au détriment, en quelque mani¢re, des habitus et des vertus, même infuses – élément fondamental de l’optimisme de Duns Scot quant à la nature et à la liberté humaines. ANNÉE SCOLAIRE : 1940-1941 Directeurs d’études : M. E. Gilson  M. P. Vignaux, mis à la disposition du recteur de l’académie de Toulouse. RAPPORT SUR L’EXERCICE 1941 1942 7 Conférences de M. M. Patronnier de Gandillac, suppléant de M. P. Vignaux. « Ecclésiologie cusaine, dépouillement cheU Eckhart ».

PROGRAMME DES CONFÉRENCES POUR L’ANNÉE 1942 1943 Suppléant M. M. Patronnier de Gandillac.

78. Trois auditeurs assidus.

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RAPPORT SUR L’EXERCICE 1942 1943 79 Directeur d’études : M. Paul Vignaux (en congé), suppléant M. M. Patronnier de Gandillac : « Les amis de Dieu, l’in࠲uence parisienne de Nicolas de Cues ». RAPPORT SUR L’EXERCICE 1943 1944 Suppléant : M. Maurice Patronnier de Gandillac, docteur ¢s lettres. Directeur d’études, M. Vignaux, (en congé). RAPPORTS SUR LES EXERCICES 1944 1945 Le cours « Histoire des doctrines et des dogmes » n’est pas annoncé. RAPPORT SUR L’EXERCICE 1945 1946 0 I Relations entre la Jorale et la théologie de Duns Scot En reprenant du même point de vue les études sur Duns Scot interrompues en mai 1940, on a procédé d’abord à une nouvelle analyse d’Ox. IV, d. XLVI q. I : Utrum in Deo sit justitia, en se référant à l’interprétation qu’a proposée l’abbé -ohmer de la doctrine de la dispensabilité des préceptes. Cette doctrine, exposée dans Ox. III, d. XXXVII, q. u., est ensuite apparue comme solidaire et symétrique de la doctrine de l’acceptation : l’une et l’autre expriment l’absence de connexion nécessaire entre les valeurs subordonnées –Z « ea quae sunt ad ࠱nem »Z– et la valeur suprême –ZࠩKFP : Dieu atteint dans la vie éternelle. Le « syst¢me » de l’éthique chrétienne (partie de la théologie, elle-même science « pratique », et de la théologie du contingent) ne se constitue pas par une simple nécessité des essences, mais par une connexion librement établie et connaissable seulement par révélation. Laissant pour une autre année une élucidation plus compl¢te du rapport ࠩKFP–Z« ea quae sunt ad ࠱nem », on a observé que dans les commandements de la premi¢re table, relatifs à Dieu même, Duns Scot hésite à a࠳rmer partout une nécessité absolument stricte : si les commandements négatifs concernant, pourrait-on dire, le respect, s’imposent inconditionnellement, il ne para¨t pas en être de même pour l’obligation positive d’un amour exprimé par le culte. On a essayé d’expliquer cette indécision de Duns Scot par la doctrine de l’acceptatio – par le double aspect moral et religieux de l’amour de Dieu, obligation morale naturelle, revêtue d’une valeur religieuse, c’est-à-dire de vie éternelle par libre acceptation divine ‫ ټ‬en࠱n par la relative indétermination naturelle de la ࠱n. Indétermination naturelle, non seulement si l’on envisage notre 79. Nombre d’inscrits : 20. Auditeurs assidus : esset, Lossky, Moré. 80. Auditeurs inscrits : 16. Él¢ve titulaire : M. Paulus LenU. Auditeurs assidus : Mlle. Sylvaine Maupied, MM. Cotty, Dhont, Durant, Gondras, Hertman, Megret, Michaud-,uentin, Olivier, Schillebeeckx, Seiller.

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nature d’hommes apr¢s le péché d’Adam, pro statu isto, incapable de reconna¨tre le caract¢re naturel du désir de la vision divine, mais aussi, et de façon radicale, si l’on envisage la nature de tout esprit ࠱ni, pro quocumque statu. On a été ainsi conduit à examiner la doctrine de Dieu comme objectum voluntarium dans les deuxi¢me et troisi¢me parties de Quodl. ,. XIV pour conclure que, s’il y a obligation naturelle du ࠩKFP>J>OF, le ࠩKFP>QQFKDF passe la nature : naturellement inaccessible à toute connaissance autre que la sienne propre, la !in ne devient accessible qu’en se révélant ut haec essentia (comme Trinité dont notre âme est l’image), en même temps qu’elle établit et rév¢le les moyens de l’atteindre. II Études sur l’idée de théologie de saint AnselJe à GuillauJe d’OccaJ Le probl¢me « qu’est-ce que la théologie ? » a été posé en partant de l’interprétation que &arl arth a proposée de l’œuvre de saint Anselme. Il est apparu qu’avant de dégager le sens de cette œuvre, envisagée comme un tout, il convenait d’examiner à part chacun de ses ouvrages. On a longuement étudié la dialectique du Monologion en insistant sur son aspect de De Trinitate. De cette analyse, on a cru pouvoir conclure que la nécessité anselmienne op¢re à la fois sur trois plans : celui de l’ordre essentiel selon lequel les êtres créés se subordonnent à l’Essence suprême  celui d’une doctrine ou plutôt d’une méthode de l’image selon laquelle nous ne pouvons penser l’être et la vie de Dieu que dans le miroir de notre esprit  celui en࠱n du choix des termes les moins impropres à parler du Créateur. À ce premier degré, nécessité se confond avec convenance, ou plutôt avec non-inconvenance. On a spécialement étudié la mani¢re dont la notion de Verbe est introduite à partir de celle de création : là se situe la connexion entre le de Deo uno et le de Deo trino. L’analyse du De Veritate a con࠱rmé l’interprétation du Monologion dont le sens para¨t se dégager de la structure même.

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1946 1947 1 I L’idée de théologie cheW GuillauJe d’OccaJ et ses conteJporains La premi¢re conférence a été consacrée à l’idée de théologie cheU Guillaume d’Occam dans le Prologue du Commentaire sur les Sentences, spécialement les questions I, II et IX. Ces questions élaborent une notion de la theologia de potentia Dei absoluta dont on s’est e࠰orcé de dégager la signi࠱cation. Il s’agit, dans ce Prologue, d’une introduction théologique à la théologie. À partir de ce caract¢re théologique, on peut reprendre l’interprétation de la « théorie de la connaissance » du grand nominaliste : la doctrine fameuse de la notitia intuitiva de re non existente appartient, au témoignage de la q. IX, G. G., à une théologie de la connaissance des choses créées, préparatoire à la théologie de la connais81. Auditeurs inscrits : 22. Él¢ves titulaires : M lle Cramp, MM. Auriault, Décarie, Cotty, Gondres, Hertman. Auditeurs assidus : Mlle ussac, MM. Audet, larer, LenU.

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sance de l’incréé. Il y a à la fois continuité et opposition avec l’enseignement de Duns Scot : continuité quant à l’idée de la notitia abstractiva Deitatis  opposition quand à l’application de la notion de « science » à ce mode de connaissance. Le principal élément philosophique de cette construction théologique nous a paru constitué par une élaboration de la notion aristotélicienne de « science ». Sur plusieurs points, ces analyses ont utilisé et con࠱rmé, au moins en partie, les récents travaux du P. Philotheus °hner. II Études sur saint AnselJe et son in࠳uence Dans la seconde conférence, on a poursuivi l’étude de saint Anselme par le Proslogion (en examinant spécialement l’interprétation de Dom Anselme StolU), la réponse à Gaunilon et l’Epistola de Incarnatione Verbi (comparaison entre la prior recensio et le texte dé࠱nitif). Activités du directeur d’études Du 15 septembre au 15 novembre 1946, le directeur d’études a donné à l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal deux séries de leçons : « Saint Anselme : Monologion et Proslogion » et « Introduction à l’étude de Duns Scot (les questions sur le Prologue des Sentences dans l’Opus Oxoniense) ».

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1947 194 2 I L’idée de théologie cheW GuillauJe d’OccaJ et ses conteJporains Dans la premi¢re conférence, on a poursuivi l’étude de l’idée de théologie cheU Guillaume d’Occam et ses contemporains : on a examiné notamment, en se référant aux notions de notitia intuitiva / abstractiva, la critique de la species intelligibilis et la doctrine connexe de la mémoire intellectuelle. Cela, en précisant la relation d’Occam à Duns Scot. II Luther critique de la théologie Jédiévale La seconde conférence a été consacrée à l’étude des th¢ses de la Disputatio contra scolasticam theologiam qui permettent de saisir le rapport de la pensée de Luther à la tradition scolastique qui aboutit à Gabriel iel. Publications et activités du directeur d’études Le directeur d’études a donné deux séries de leçons à l’Institut d’études médiévales Albert-le-Grand de Montréal : « Introduction à la pensée du Moyen Âge (IXe-XIIeZsi¢cles) » et « Introduction à l’étude de Guillaume d’Ockham ». Il a publié « Structure et sens du Monologion », dans Revue des sciences philosophiques et 82. Nombre d’inscrits : 16. Él¢ve titulaire : M. J. Desuché. Auditeurs assidus : M lles Lineau, Maupied  MM. Audet, Auriault, larer, Labbend, LenU, Médoc.

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théologiques 31 (1947), p. 192-212  « Note sur le chapitre LXX du *LKLILDFLKu, Revue du Moyen Âge latin 3 (1947), p. 321-334 et des comptes rendus d’« Histoire des doctrines au XIVe si¢cle » dans la Revue du Moyen Âge latin.

RAPPORT SUR L’EXERCICE 194 1949 3 I Études sur la théologie de la connaissance au XIVe si£cle Dans la premi¢re conférence, on a repris l’idée de « théologie de la connaissance », élaborée dans les études précédentes sur Guillaume d’Occam, à propos de Matthieu d’Aquasparta (le « non-être » comme objet d’intellection), d’Alfonsus Vargas Toletanus, dont on a longuement examiné la doctrine de la théologie de potentia absoluta dans ses rapports avec l’analyse de la béatitude, en࠱n de !rançois de Meyronnes (critiqué par Alfonsus Vargas quant à sa doctrine de la connaissance de l’In࠱ni). II Luther et la théologie des XIVe XVe si£cles Dans la seconde conférence, on a achevé l’examen des th¢ses de la Disputatio contra scholasticam theologiam en utilisant notamment les notes originales de Luther sur le Collectorium de iel et en confrontant les th¢ses relatives à la Trinité avec la spéculation trinitaire de Pierre d’Ailly et la conception qu’elle implique de la valeur formelle de la logique aristotélicienne. Le directeur d’études a donné deux séries de leçons à l’Institut d’études médiévales Albert le Grand, de Montréal : « Introduction à la pensée du Moyen Âge (2e partie : XIIIe-XIVe s.) » et « Le probl¢me de la connaissance de Dieu cheU Guillaume d’Occam ». Publications du directeur d’études Le directeur d’études a publié Nominalisme au XIVe siècle, Institut d’études médiévales, Montréal, Paris, 98Z p., et des comptes rendus d’« Histoire des doctrines au XIVe si¢cle », Revue du Moyen Âge latin.

83. Nombre d’inscrits : 28. Él¢ves titulaires : MM. Alonso, Audet, Auriault, larer, Labber, Vereeck. Auditeurs assidus : Ml les Dargenton, Luneau, MM ourer-!raissnet, LenU-Medoc, Maurer.

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RAPPORT SUR L’EXERCICE 1949 1950 4 I Quelques doctrines scolastiques de l’f illuJination augustinienne v Dans la premi¢re conférence, il s’agissait, d’une part, d’exposer, à partir des travaux les plus récents, une vue d’ensemble de l’évolution au XIIIe si¢cle des doctrines de l’« illumination », d’autre part, d’étudier quelques textes typiques de ces doctrines. La majeure partie des travaux a consisté en analyses des questions de saint onaventure (de scientia Christi, q. IV), de Mathieu d’Aquasparta cheU qui « l’illumination » appara¨t la condition de l’objectivité d’une science des essences pures (de cognitione, q. I et II), de -oger Marston qui reprend le th¢me de Dieu intellect agent (De anima q. III), de Pierre Olieu (q. I et II de Dei cognitione, mises en rapport avec divers passages du livre II des Sentences), dont l’embarras devant les di࠳cultés d’une formulation technique de l’enseignement de saint Augustin a conduit à envisager, avec un nouvel intérêt, un texte de Duns Scot : I Ox., d. III, q. IV, n. 18-23. II Études sur la notion de théologie au XIVe si£cle Dans la seconde conférence, on a repris d’abord l’étude de !rançois de Meyronnes, commencée l’année précédente à propos de celle d’Alfonsus Vargas Toletanus. On a donc examiné d’abord l’encha¨nement des questions sur le Prologue du cél¢bre scotiste, sa conception du premier principe, des notions d’être, d’FKࠩKF, de déité, du rapport de la théologie à la métaphysique (q. I-XIV, q. XXI). On a ensuite étudié le probl¢me de l’application à Dieu «Zde potentia Dei absolutaZ» de la «Znotitia abstractiva et intuitiva », cela à la fois d’apr¢s le Commentaire, Prol. q. XV, q. XVI et XVII et d’apr¢s les Quodlibet, q. IV et V. Ce qui conduit à analyser la q. II sur le Prologue de Pierre Auriole où se trouve reprise, apr¢s une nouvelle élaboration critique, la th¢se scotiste sur la notitia abstractiva Deitatis. On a dégagé l’importance de cette notion dans la spéculation sur la théologie comme science au début du XVIe si¢cle. Pour ࠱nir, on en a signalé l’existence également cheU Durand de Saint-Pourçain et ses critiques. Activités et publications du directeur d’études En septembre-novembre 1949, le directeur d’études a donné à l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal (Canada) deux séries de conférences portant : l’une, sur l’« Introduction à l’histoire doctrinale du Moyen Âge latin, de la -enaissance carolingienne au seuil du XIII e si¢cle »  et l’autre, sur « Luther critique de la scolastique des XIV e et XV e si¢cles : la Disputatio contra Scolasticam theologiam ». Il a publié dans le numéro des Franciscan Studies (décembre 1949), consacré à Occam, une «Z Note sur "PPB?B>QFࠩ@>?FIB࢙M>PPFLQEBLILDF@>Z» et dans les Franziskanische Studien (1erZtrimestre 1950) : «ZSur Luther et OccamZ». 84. Nombre d’inscrits : 24. Auditeurs assidus : MM. Auriault, Carra de Vaux Saint-Cry, Cuellar, Durand, Labbens, LenU-Médoc, Lindbeck, Vereeck, Zachlad, Michaud-,uentin.

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RAPPORT SUR L’EXERCICE 1950 1951 5 I Le développeJent de la notion de théologie du XIIIe au XIVe si£cle Dans la premi¢re série de conférences on a procédé à une enquête régressive à partir de la q. I sur le Prologue des Sentences de Pierre Auriole. On a examiné notamment les positions de Godefroy de !ontaines (Quodl. VIII, q. VII et Quodl. IX, q. XX, édition Ho࠰man) et d’Henri de Gand (Quodl. XII et article VI de la Somme). Toutes ces analyses ont montré l’importance majeure d’une étude de la théologie d’Henri de Gand. II Études de probl£Jes théologiques des XIVe et XVe si£cles La seconde série de conférences a été principalement consacrée à l’étude du probl¢me de la « preuve » de la Trinité cheU !rançois de Meyronnes (Quodl. ,. I et q. II) : notion de « démonstration » ici impossible pour nous, encore que possible en soi  notion de « défense » consistant à établir la non-incompatibilité du dogme et conduisant à une « intelligence » de ce dernier. Ces textes ont été mis en rapport avec d’autres traitant du dogme de la création (Quodl. q. IX), ou du dogme même de la Trinité (I Sent. 6 LKࠪ>QRP8, dist. II q. IX-q. XIV). Dans les derni¢res conférences, on est revenu du disciple au ma¨tre, en étudiant la construction de la « preuve » de la Trinité dans Duns Scot, Ordinatio, Livre I, dist. II, p. II, q. I-IV, d’apr¢s le tome II de la nouvelle édition Vaticane : on s’est e࠰orcé de saisir la liaison des questions et des réponses, la construction d’une dialectique qui, partant de l’idée de « production », aboutit à la « distinction formelle ».

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1951 1952 6 I Henri de Gand théologien La premi¢re série de conférences, sur Henri de Gand théologien, visait à compléter les études parues, notamment celles de M. Paulus, diplômé de la section, sur Henri de Gand philosophe. On a analysé cette année la premi¢re partie de la Somme d’Henri de Gand, longue introduction à la théologie en vingt articles. On a insisté sur l’élaboration de l’idée de science (possibilité, certitude, objet, désir, acquisition du savoir : art. IV), son application à la théologie (art. VI-VIII), les conditions de l’étude de cette derni¢re (notamment l’art. XIII), plus généralement sur la continuité entre la discipline du théologien, l’Écriture ou la -évélation, le savoir même de Dieu et les rapports entre philosophie et 85. Nombre d’inscrits : 20. Él¢ves titulaires : MM. Carra de Vaux Saint-Cyr, Lindbeck. Auditeurs assidus : M lle arbet, Maupied, MM. Cuellar, LenU, Michaud-,uentin, Pedersen, -uello, Siemens. 86. Nombre d’inscrits : 16. Auditeurs assidus : Mlles arbet, Maupied  MM. eylier, Châtillon, Jolivet, Jost, Michaud-,uentin, Principe, Satabin, Michel M. Scheehan.

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théologie dans l’« augustinisme » d’un ma¨tre si important comme « source » des doctrines du XIVe si¢cle. II Études sur Duns Scot La seconde série de conférences a porté sur la théologie trinitaire de Duns Scot, examinée à partir du fameux paradoxe de la d. I du livre I des Sentences : « frui essentia absque personis 6‫ڎ‬8 una persona absque alia », d’apr¢s le texte de la nouvelle édition de -ome. On a ensuite analysé la question correspondante de Pierre Auriole, critique du paradoxe scotiste. Cette discussion sur une pure hypoth¢se de potentia Dei absoluta oppose deux conceptions de la structure des réalités divines, « essentielles » et « personnelles », et de leur distinction formelle ou de raison : la seconde résultant d’une élaboration critique de la premi¢re, supposée par les prédécesseurs de Scot valable dans la Trinité même pour l’entendement divin  Auriole rejetant la premi¢re pour éviter d’aboutir à la seconde‫ڎ‬ Les derni¢res conférences ont confronté les résultats des études scotistes poursuivies à la Section et l’interprétation des notions d’être, d’in࠱ni, de métaphysique et de théologie dans le récent Jean Duns Scot de M. Gilson. Activités du directeur d’études En octobre-novembre 1951, le directeur d’études a donné deux séries de leçons à l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal (Canada) : la premi¢re constituant une introduction à l’étude de la pensée médiévale (IXe-XIIIe si¢cle)  la seconde portant sur !rançois de Meyronnes (le principe premier, l’être univoque, la philosophie premi¢re et la théologie trinitaire).

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1952 1953 7 I Henri de Gand théologien : la conception de la théologie et la doctrine de Dieu La premi¢re conférence a porté, comme l’année précédente, sur Henri de Gand  elle a comporté deux parties : d’abord un essai de synth¢se de la noétique et de la théorie de la théologie comme science d’apr¢s les articles I-XIX de la Somme  ensuite, une analyse des articles XXII-XXIV qui répondent aux questions de Deo : an sit et quid sit, en considérant l’esse et la quidditas d’abord in comparatione ad ipsum Deum, ensuite in comparatione ad nostram cognitionem  cette analyse a été l’occasion de ré࠲exions sur l’ordre théologique, les preuves de l’existence de Dieu, la structure analytique de la notion d’être.

87. Nombre d’inscrits : 24. Auditeurs assidus : Mlles ernier, Maupied  MM. Chatillon, Eckle, Michaud-,uentin, Jost, Morin, Di Noto, Principe, -adianivelo, -uello.

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II Études sur la théorie du Verbe au XIVe si£cle La seconde conférence a été consacrée à l’analyse des quatre questions qui, dans l’édition alic, forment la seconde partie de la distinction II de l’Ordinatio de Duns Scot, livreZIer. Il s’agissait de suivre « la preuve » de la Trinité en notant spécialement les implications concernant le Verbe. On a constaté que cette spéculation théologique se situait dans le dialogue avec « les philosophes » si important cheU Scot : on s’est trouvé insister sur l’application à la génération du !ils de la notion avicennienne de production à la fois naturelle et libérale. La notion même de production a été plusieurs fois examinée ainsi que son rôle fondamental dans « l’intelligence » du dogme trinitaire : « ,uia pluralitas declaratur ex productione. » Le probl¢me en࠱n a été posé, au point de départ de cette dialectique, du rapport entre la primauté de l’essence et la primauté du P¢re, constitué comme tel par la prima productio, de nature relative. La poursuite de ces recherches suppose que soient éclaircis d’une part les rapports des questions étudiées avec celles qui les préc¢dent immédiatement (de esse Dei et ejus unitate), d’autre part « la preuve » de la Trinité cheU Henri de Gand auquel Scot se réf¢re abondamment. Activités du directeur d’études En octobre-novembre 1952, le directeur d’études a donné à l’Institut d’études médiévale de l’0niversité de Montréal (Canada), deux séries de conférences : l’une d’« Introduction à l’histoire doctrinale du Moyen Âge latin (IXe-XIIIeZ si¢cles) », l’autre sur « Théologie et Philosophie dans la Somme d’Henri de Gand ».

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1953 1954  I Duns Scot : la technique de la preuve (existence et unité de Dieu, pluralité des personnes dans la distinction II de l’,OAFK>QFL, livre I La premi¢re conférence a été consacrée à l’étude de textes de l’Ordinatio de Duns Scot (livre I, distinction II), principalement la premi¢re partie. Il s’agissait de préciser d’abord comment se pose le probl¢me de prouver l’existence et l’unité de Dieu, ensuite d’analyser la technique de la preuve. On a considéré successivement : la disjonction BࠨB@QF?FIB/BࠨB@QFSRJ et le sens du possible – le moment dans la preuve du MOFJRJBࠨB@QFSRJ, où l’on passe du possible à l’existant ou plutôt où l’on reconna¨t le second comme fondement du premier – l’appel, dans la preuve de l’in࠱nité du premier existant, aux notions de volonté, d’entendement et d’intelligible – la nécessité de prouver spécialement l’unicité de cet in࠱ni dont on a construit la notion en établissant l’existence. Pour conclure, on a montré la continuité entre cette argumentation et l’essai de preuve de la Trinité qui la suit, dans la seconde partie de la distinction, étudiée l’année précédente. 88. Nombre d’inscrits : 30. Él¢ves diplômés : MM. Gondras, Principe. Auditeurs assidus : Mlles ayle, &archer, Maupied  MM. aron, oesma, ornheim, rincesco, Combes, Dia, Gordon Le࠰, Guyot, Michaud-,uentin, Morin, Di Noto, Presson, -uello.

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II Étude sur la théologie de la Trinité cheW Henri de Gand Poursuivant l’étude de la Somme d’Henri de Gand, on a analysé dans la seconde conférence les deux premiers articles du de Deo trino : les articles LIII et LIV. En dégageant l’articulation des questions et expliquant quelques textes suggestifs, on a examiné tour à tour : les notions d’individu, de singulier et de personne –Z la nécessité en Dieu d’un élément personnel et l’impossibilité de le concevoir comme absolu –Zla nécessité donc de la concevoir comme un jeu de relations réelles, relations d’origine résultant d’une double émanation –Z la continuité de l’argumentation relative au P¢re avec la preuve de l’existence et de l’unité de Dieu –Zle lien entre la spéculation trinitaire et la doctrine de l’esse et du vivere en Dieu, doctrine exposée dans les articles précédents de la Somme et rappelée dans les premiers entretiens. Activités du directeur d’études En octobre-novembre 1953, le directeur d’études a donné à l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal (Canada), deux séries de conférences : l’une d’« Introduction à l’histoire doctrinale du Moyen Âge latin (XIIIeXVe si¢cles) », l’autre sur « Les articles XXI-XXIV de la Somme d’Henri de Gand (doctrine de Dieu comme être) ».

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1954 1955 9 I Études d’histoire de la théologie trinitaire 0ne fois dégagée dans l’état présent des recherches la signi࠱cation du th¢me : Duns Scot, critique d’Henri de Gand, on a étudié, de ce point de vue, l’attitude du théologien à l’égard des « philosophes » dans l’Ordinatio, Prol., q. 1 de Scot et dans la Somme d’Henri. Ce qui a permis d’une part de limiter la valeur des nombreuses références à Henri de Gand proposées par l’édition critique de cette partie de l’Ordinatio, d’autre part de préciser le sens –Z théologique et philosophiqueZ – des arguments de Duns Scot contre « les philosophes ». L’analyse du second argument a conduit à reprendre l’analyse de la doctrine scotiste de l’acceptatio divina et de la place de la caritas creata dans l’ordre du salut. II Duns Scot, critique de Henri de Gand Apr¢s quelques ré࠲exions d’ordre général, sur les rapports notamment entre la spéculation trinitaire et la mystique spéculative, les études d’histoire de la théologie trinitaire ont principalement consisté en une analyse détaillée de la dialectique trinitaire du Monologion destinée à dégager le sens – dans cette œuvre de saint Anselme de la notion de « preuve » de la Trinité. Apr¢s avoir précisé la 89. Nombre d’inscrits : 20. Auditeurs assidus : M. Auriault, M lle arbet, MM. rincesco, Combes, Gruys, &isbye Hansen, Lamane, Mme Madonia, M. Michaud-,uentin, M lle Maupied, M. 4pma.

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relation du Proslogion au Monologion et analysé le chapitre XXIII du Proslogion, on a repris l’examen, poursuivi les années précédentes, des probl¢mes dialectiques de Duns Scot argumentant sur la Trinité, en étudiant cette fois sa critique (Ordinatio, distinction II) des « preuves » qu’il trouve cheU Henri de Gand de la productio in divins et de l’unicité d’une persona improducta. Ce qui a conduit, en conclusion, à poser le probl¢me, aussi important en théologie mystique qu’en théologie spéculative, du moment absolument premier dans le développement de la vie divine ou du terme ultime dans le salut de l’âme : l’essentia absoluta ou l’essentia ut in Patre (Ordinatio, distinctio I)  on avait au préalable montré qu’au point de départ de la « preuve » scotiste de la Trinité par la productio il y a l’hypoth¢se : « Aliqua persona divina est improducta. » Activités et actualités du directeur d’études Le directeur d’études a donné en août 1954, au Centre d’études supérieures de civilisation médiévale de l’0niversité de Poitiers, une série de conférences sur saint Anselme. En octobre-novembre 1954 il a donné à l’Institut d’études médiévales de Montréal (Canada), deux séries de conférences : l’une d’« Introduction à l’histoire doctrinale au Moyen Âge latin (IXe-XIIIe si¢cles) », l’autre sur « La théologie de la connaissance dans les Questiones de Scientia Christi de saint onaventure ». Le !ondo de Cultura Econ­mica Mexico-uenos-Aires a publié sous le titre El pensamiento en la Edad Média une traduction espagnole de l’ouvrage du directeur : La pensée au Moyen Âge, collection Colin.

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1955 1956 90 I Connaissance, JéJoire et verbe d’apr£s Duns Scot : ,OAFK>QFL, DistinctionࢩIII La premi¢re conférence a été consacrée à l’étude de textes de l’Ordinatio de Duns Scot (livre I, distinction III) et des références à Henri de Gand que ces textes contiennent : la confrontation des doctrines a porté sur les notions de premier objet, d’illumination et de vestige (à propos de cette derni¢re, sur celle d’esse essentiae). II f La théologie de François de Meyronnes, interpr£te du Pseudo Denys v Dans la seconde conférence, ont été expliqués des textes du Commentaire de !rançois de Meyronnes sur le corpus dionysien, commentaire dont Mlle arbet prépare l’édition. Celle-ci a pris une part active à l’explication ainsi que M. A. Combes, M. A. Gruys et M. Jolivet. Le travail de cette seconde conférence 90. Nombre d’inscrits : 20. Él¢ve diplômé : M. 4pma-Sible. Auditeurs assidus : Mlles J. arbet, illioque, Maupied  MM. A. Combes, Gruys, J. Jolivet, S. Neumaniu, !. -uello, Santiago, 4pma, Sible.

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a été conduit en étroite liaison avec celui de la conférence libre de M. !. -uello sur « La théologie d’Albert le Grand dans son commentaire des Noms Divins » : série d’explications de textes suivies de discussions auxquelles ont participé le directeur d’études et les auditeurs cités plus haut. Activités du directeur d’études En octobre-novembre 1955, le directeur d’études a donné à l’Institut d’études médiévales de Montréal (Canada) deux séries de conférences : l’une d’« Introduction à l’histoire doctrinale au Moyen Âge latin (XIIIe-XVe si¢cles) », l’autre sur « Duns Scot critique d’Henri de Gand ».

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1956 1957 91 I Recherches sur la théologie scotiste des Idées et du Verbe La premi¢re conférence a été consacrée à l’étude de textes de Jean Duns Scot : 1. Sur les idées divines (textes classiques de questions sur les Sentences dont l’interprétation a été reprise pour saisir l’originalité de l’esse cognitum scotiste) : être de l’objet comme tel, se présentant en « absolu » sans constituer un esse essentiae (ce dernier, indiscernable pour Scot de l’être de l’existant)  2. Sur le Verbe (principalement ,uestion 8 du Quodlibet). Ce qui a permis de situer dans la perspective de la theologia in se –Zsavoir absoluZ– la théologie des Idées, « objets seconds » de l’entendement divin, par rapport à la théologie du Verbe, produit de la premi¢re communication de l’essence in࠱nie. Celle-ci est « l’Objet Premier » autour duquel « tourne » la vie trinitaire, située tout enti¢re à un niveau d’autosu࠳sance exclusive de toute référence au ࠱ni, même simplement possible : tout objet ࠱ni n’est que du « créable », rejeté ainsi à un plan au-dessous de la vie incréée  ce qui décide du rapport entre les Idées et le Verbe consubstantiel. II Études sur la doctrine de la vision de Dieu au XIIIe et au XIVe si£cle La seconde conférence a préparé d’une part, et d’autre part prolongé, l’Introduction à Jean de -ipa donnée dans la conférence de M. André Combes : on a saisi l’importance du probl¢me de la vision de Dieu et de la béatitude, tel que le traite dans ses questions sur le Prologue des Sentences et dans ses Determinationes ce ma¨tre du XIVe si¢cle dont l’étude méthodique appara¨t susceptible d’éclairer d’un jour nouveau l’histoire – encore si mal connue : théologique, philosophique et même scienti࠱que – de l’0niversité de Paris au XIVe si¢cle (de Jean Duns Scot au chancelier Gerson). Les probl¢mes de cette histoire ont été posés dans plusieurs discussions auxquelles ont pris part Mlle arbet, MM. Combes, -uello, Jolivet, 4pma-Sible, diplômés de la section, ainsi que M. Gruijs. M. &oyré, directeur 91. Nombre d’auditeurs inscrits : 14. Él¢ves titulaires : M lle ayle  MM. Gruijs, Santiago. Auditeurs assidus : M lle arbet, Maupied  MM. A. Combes, J. Jolivet, !. -uello, 4pma, Sible.

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d’études à la Ve et à la VIe sections, et M. Le Go࠰, assistant à la faculté des lettres de Lille, ont bien voulu apporter leur contribution au programme de recherches qui est ainsi élaboré. La série de conférences de M. -uello sur les origines de la distinction de raison cheU saint Thomas d’Aquin, suivie elle aussi de distinctions, a fait entrevoir des aspects nouveaux de la théorie des distinctions. Dans cette ligne de recherche, Mlle arbet, aide technique du directeur d’études, a exposé l’état de ses travaux sur la controverse entre le thomiste Pierre -oger et le scotiste !rançois de Meyronnes. Activités du directeur d’études En octobre-novembre 1956, le directeur d’études a donné à l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal (Canada), deux séries de conférences : l’une sur « La méthode de saint Anselme (Monologion et Proslogion) », l’autre sur « Luther critique de la scolastique (Disputatio contra scholasticam theologiam) ».

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1957 195 92 I Recherches sur les conceptions de la théologie et les doctrines philosophiques à l’Université de Paris (XIVe si£cle Dans la premi¢re conférence, on a étudié d’abord, apr¢s avoir bri¢vement situé son auteur, la ,. I sur le Prologue des Sentences de Grégoire de -imini, spécialement la doctrine du PFDKFࠩ@>?FIB@LJMIBUB qu’il oppose à l’enseignement de Guillaume d’Occam sur l’objet du savoir. L’exposition méthodique de la même doctrine par Hugolin d’Orvieto a ensuite retenu l’attention : on a donc expliqué la ,. I sur le Prologue –Zéditée par ZumkellerZ– de cet autre Ermite de saint Augustin, continuateur de Grégoire  le PFDKFࠩ@>?FIB y appara¨t lié à une conception augustinienne du vrai. L’explication du texte a été accompagnée d’une discussion à laquelle ont participé la plupart des auditeurs. M. Habbel a notamment apporté d’utiles rapprochements avec des notions élaborées par la phénoménologie contemporaine. II 'ean de Ripa La seconde conférence a été consacrée à Jean de -ipa : poursuite de l’explication du Prologue, notamment confrontation de l’analyse « ripienne » de la béatitude en fonction de la structure de la Trinité avec l’analyse de Scot, son paradoxe classique sur la possibilité « absolue » de voir l’essence divine à part des personnes. C’est également à Jean de -ipa qu’a été consacrée une série de conférences de M. Combes sur la doctrine de la charité –Zincréée et crééeZ– de 92. Nombre d’inscrits : 16. Auditeurs assidus : Mlles arbet, Maupied  MM. A. Combes, !riedeman, Gruijs, Habbel, Harvey, J. Jolivet, -uello, Santiago, 4pma, Sible.

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cet auteur et sur la doctrine, qu’il expose à ce propos, de l’intensité des formes (I. Sent. dist. XVII)  quand on a abordé ce second sujet, M. &oyré a bien voulu prendre la direction de l’explication. Dans une autre série de conférences, M. !rancis -uello a étudié la distinction de raison cheU saint Thomas et les premiers thomistes, notamment -aymond Perquin. À cette occasion, Mlle arbet a apporté quelques résultats de ses travaux sur la dispute entre Pierre -oger et !rançois de Meyronnes. L’ensemble de ces conférences, liées les unes aux autres, a constitué un « séminaire » sur l’histoire de l’0niversité de Paris au XIVe si¢cle, grâce à la participation active de Mlle arbet, MM. Combes, J. Jolivet, -uello, 4pma, diplômés de la section, MM. Habbel, Harvey, Gruijs, !riedeman. M. Gruijs a, de plus, apporté au directeur d’études une aide technique précieuse. Activités et publication du directeur d’études En octobre-novembre 1957, le directeur d’études a donné à l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal (Canada) deux séries de conférences : l’une sur « Philosophie ou théologie de la connaissance au XIIIe si¢cle », l’autre sur « Le probl¢me de la connaissance de Dieu cheU Guillaume d’Occam ». IlZaZpublié Philosophie au Moyen Âge, vol. CCCXXIII de la collection Armand Collin, Paris 1958, 3e édition refondue de La pensée au Moyen Âge, dont la traduction vient d’être publié à Mexico, par le !ondo de Cultura Econ­mica.

RAPPORT SUR L’EXERCICE 195 1959 93 I Les probl£Jes de l’in࠲ni cheW 'ean de Ripa (&0BKQ dist , II La premi¢re conférence a été consacrée à l’explication de textes inédits du Commentaire des Sentences de Jean de -ipa, transcrites par M. Combes qui en prépare l’édition, soit d’abord à la Distinction II du Livre I, la ,. I : preuve de l’existence de Dieu comme degré premier et immense de l’être, argument valable selon l’auteur dans l’hypoth¢se même d’une in࠱nité de degrés – et la ,. III : possibilité d’un suprême degré spéci࠱que de l’être créable qui serait FKࠩKF mais non immense. L’explication a fait appara¨tre d’une part la connexion de ces th¢ses, apparemment originales, de Jean de -ipa, d’autre part la nécessité d’élucider davantage l’état de la spéculation contemporaine sur l’intensité des formes et sur l’in࠱ni dont cette métaphysique est dépendante. Interrompant l’explication de la D. II, on a analysé la Collatio de gradu supremo où Jean de -ipa présente

93. Nombre d’inscrit : 24. Auditeurs assidus : M lle arbet, Maupied  MM. Arrias, E. riancesco, A. Combes, !riedeman, Gruijs, Jeauneau, Jolivet, Juliard, -uello, Santiago, 4. Sible. Mlle arbet, MM. Combes, Gruijs, Jolivet, -uello, 4. Sible ont activement participé aux explications. Le P. 4mpa et M. Orcibal sont intervenus dans les discussions concernant Jean de Schoonhoven, M. -. -oques dans celle où était considérée l’in࠲uence dionysienne sur la spéculation du XIVe si¢cle.

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une vue synthétique de son in࠱nitisme qui, dans ce texte, para¨t en rapport avec sa doctrine de la contingence et sa christologie. II Recherche d’histoire doctrinale du XIVe si£cle, spécialeJent cheW les Fr£res Mineurs et les ErJites de saint Augustin La seconde conférence a porté sur le probl¢me de l’univocité de l’être cheU Jean Duns Scot (Ordinatio, D. III et D. VIII d’apr¢s l’édition critique), !rançois de Meyronnes (Prologue du LKࠪ>QRP), Jean de -ipa (I Sent., D. III, texte transcrit par M. Combes qui en prépare l’édition). Partant d’une critique de la doctrine de l’analogie d’Henri de Gand, la recherche de Scot est poursuivie par ses disciples dans un esprit remarquable d’indépendance critique. Mlle arbet a exposé les résultats de ses travaux sur l’Opus Baccalaurei de !rançois de Meyronnes. M. Combes a donné une série de conférences libres sur : « Gerson et Jean de Schoonhoven : l’0niversité de Paris et la mystique de -uysbroeck au début du XVe si¢cle ». M. Jolivet a donné une série de conférences sur : « Arts du langage et théologie cheU P. Abélard ». Activités et publications du directeur d’études Le directeur d’études a donné en octobre-novembre 1958 deux séries de conférences à l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal sur « L’analogie de l’être cheU Henri de Gand » et sur « L’univocité de l’être cheU Jean Duns Scot, !rançois de Meyronnes, Jean de -ipa ». Il a publié «ZLuther, lecteur de Gabriel ielZ», dans Église et théologie 22 (mars 1959) et « Dogme de l’incarnation et métaphysique de la forme cheU Jean de -ipa (Sent. Prol., ,. I) » dans les Mélanges Gilson, Paris, Vrin, 1959.

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1959 1960 94 I. La premi¢re conférence a porté sur la notion de preuve de la Trinité, et spécialement du Verbe, d’abord dans le Monologion de saint Anselme, ensuite cheU Pierre d’Auriole, abordé par la critique que donne Jean de -ipa dans sa « démonstration ». II. Dans la seconde conférence, le directeur d’études a repris l’analyse de la Collatio de Jean de -ipa dont M. A. Combes prépare l’édition en confrontant ce texte avec les passages correspondants du Commentaire des Sentences : on a été conduit à une nouvelle vue de l’ensemble de la problématique du ma¨tre franciscain et à de nouvelles ré࠲exions sur son « in࠱nitisme »  ce qui a permis de préciser davantage un programme de recherches ultérieures sur l’histoire intellectuelle du XIVe si¢cle.

94. Nombre d’inscrits : 22. Auditeurs assidus : Mlle arbet, Maupied  MM. Arias, Auriault, aladier, Combes, !riedman, Jeauneau, Jolivet, -oques, -uello, 4. Sible.

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M. Jolivet a donné une série de conférences libres sur «ZLes critiques de la Théologie de Pierre AbélardZ». MM. -. -oques et -uello ont donné deux séries de conférences libres sur « Jean Scot Erig¢ne et -obert Grosseteste commentateurs dionysiens ». Mlle arbet, MM. Combes, !riedman, aladier, Jeauneau, Jolivet, 4. Sible ont activement participé aux explications. M. Hadot, diplômé de la section, a présenté l’état actuel des recherches sur les sources néoplatoniciennes de la pensée médiévale, notamment sur la « Théologie d’Aristote ». Activités du directeur d’études Le directeur d’études a donné en septembre-octobre 1959 trois séries de conférences à l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal : « LaZplace du Moyen Âge dans l’histoire de la philosophie »  « La méthode de saint Anselme (principalement dans le Monologion) »  « Explication de textes métaphysiques du XIVe si¢cle (relatifs à l’in࠱ni cheU Duns Scot et à l’immense cheU Jean de -ipa) ».

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1960 1961 95 I Recherche d’histoire doctrinale du XIVe si£cle Analyse du connaître et théologie du Verbe Les conférences du premier trimestre ont été consacrées à une introduction générale à la problématique d’une histoire des théologies au Moyen Âge : la ré࠲exion a porté d’une part sur ses rapports avec l’histoire de la philosophie, d’autre part sur ses relations avec la problématique présente de la théologie trinitaire (notamment dans la Dogmatique de &arl arth). La premi¢re conférence, qui concernait les rapports entre l’analyse du conna¨tre et la théologie du Verbe, a été ensuite consacrée à l’explication de la « preuve » de la productio in divinis dans l’Ordinatio de Duns Scot, I, dist. II, pars. 2, q. 31, n. 220, 247. Cette explication a été l’occasion d’un examen, sur ce passage, de l’édition critique de la Commission scotiste et du manuscrit d’Assise sur lequel elle se fonde principalement. En࠱n l’étude des paragraphes suivants de l’Ordinatio (248-257) a conduit à considérer le rapport Duns Scot / Henri de Gand en théologie trinitaire  dans le Quodl. VI, q. 1, de ce dernier, on trouve une vue synthétique de sa théologie trinitaire qui permet de poser quelques probl¢mes décisifs pour son interprétation. II Probl£Jes de théologie a࠴rJative La seconde conférence concernait les probl¢mes de théologie a࠳rmative posés par la doctrine scotiste de l’univocité de l’être dans son opposition avec la doctrine d’Henri de Gand sur l’analogie : l’explication de cette derni¢re a 95. Nombre d’inscrits : 19. Auditeurs assidus : M lles arbet, Maupied, Spourlacou, MM. Arias, Auriault, aladier, Combes, Jeauneau, Jolivet, -uello, 4. Sible.

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con࠱rmé certaines des vues préliminaires proposées en guise d’introduction générale. M. Stefan SRieUanski, professeur à l’0niversité catholique de Lublin, a bien voulu exposer d’une part l’état des recherches d’histoire de la philosophie médiévale en Pologne et sur la Pologne, d’autre part les conceptions méthodologiques qui inspirent l’organisation de ces recherches : ces exposés ont été l’occasion de longs échanges de vues auxquels a participé M. -oques. Celui-ci a également pris part aux discussions de séminaire qui ont accompagné les conférences libres de MM. -uello et Combes dont on trouvera ci-dessous les comptes rendus. Activités du directeur d’études Le directeur d’études a donné en septembre-octobre 1960 trois séries de conférences à l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal : « LaZplace du Moyen Âge dans l’histoire de la philosophie (2e série) »  « Implications métaphysiques de la théorie de la connaissance au XIIIe si¢cle »  « Analogie et univocité de l’être au XIVe si¢cle ».

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1961 1962 96 I Recherche Jétaphysique et théologie trinitaire cheW Henri de Gand et Jean Duns Scot La premi¢re conférence portait sur les rapports entre la recherche métaphysique –Zinquisitio metaphysicaZ– et la théologie trinitaire cheU Henri de Gand et Jean Duns Scot. L’explication des textes de l’Ordinatio étudiés l’année précédente a été complétée par celle des textes parall¢les de la Lectura, tout récemment édités, et un examen des probl¢mes posés par les références de l’édition critique de l’Ordinatio à la Reportatio I A. Éclairée par l’étude des références de l’édition de la Lectura, l’analyse de la conduite de la « preuve » de la Trinité cheU Scot montre l’importance du rapport à Henri de Gand. Pour terminer, on a essayé de saisir dans le Quodl. IV q. 1 de ce dernier la structure de l’argumentation sur la Trinité, son caract¢re théologique et la façon dont elle se réf¢re aux philosophes. II Probl£Jes connexes d’histoire de la philosophie et d’histoire des théologies Commencée par l’exposition d’une problématique d’ensemble des rapports entre l’histoire de la philosophie et l’histoire de la théologie médiévale, la seconde conférence a été consacrée à l’explication de textes de Jean de -ipa qui posent des probl¢mes complexes d’histoire de la théologie, de la métaphysique 96. Nombre d’inscrits : 24. Auditeurs assidus : Mlle arbet, Maupied, MM. Adnes, Arias, Assmusen, Auriault, aron, Eoche Duval, Jeauneau, Sible. Aux discussions qui ont accompagné les explications de textes Mgr Combes directeur de recherche au CN-S et M. -oques, directeur d’études à la section, ont bien voulu participer ainsi que Mlle arbet, collaborateur technique du directeur d’études.

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et même des sciences  ils ont été empruntés dans le Livre I de la Lectura aux questions III et IV de la Distinction II et dans le Livre II à la question I. On a pu ainsi progresser dans l’élucidation de la latitudo entium selon Jean de -ipa et de la structure mentale qu’elle suppose. Activités et publications du directeur d’études Le directeur d’études a donné : en septembre-octobre 1961 une série de conférences à l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal (Canada) sur « La place du Moyen Âge dans l’histoire de la philosophie » et deux séries d’explications de textes : saint Anselme (Proslogion), Jean de -ipa (Circa Prologum Primi Sententiarum)  en janvier 1962, une série de conférences à l’0niversité ponti࠱cale du Latran sur « La théologie de la Trinité cheU Jean Duns Scot (Dist. II de la Lectura et de l’Ordinatio, L. I) ». Le directeur d’études a publié la « Préface » de l’édition de la Disputatio de !rançois de Meyronnes et Pierre -oger (1320-1321), par J. BARBET, t. X des Textes philosophiques du Moyen Âge, Paris, Vrin, 1961  « L’être comme perfection selon !rançois de Meyronnes », dans Études d’histoire littéraire et doctrinale, publication de l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal, t. X, Paris, Vrin, 1962 et « -echerche métaphysique et théologie trinitaire cheU Jean Duns Scot », dans Aquinas (-ome, Ponti࠱ca 0niversitas Lateranensis), 1962/3.

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1962 1963 97 I Théologie et Jétaphysique : l’¥tre et l’in࠲ni cheW Jean Duns Scot Dans la premi¢re conférence, la ré࠲exion sur l’être et l’in࠱ni cheU Jean Duns Scot s’est développée à partir de l’explication de textes publiés dans l’édition critique de la commission scotiste : principalement des textes relatifs à l’univocité de l’être à la Distinction III du Livre I dans la Lectura et l’Ordinatio, à la Distinction VIII dans l’Ordinatio. Au terme de ces analyses, l’être univoque de Scot est apparu comme le concept d’un entendement n’ayant des essences ࠱nies ou in࠱nies qu’une intellection imparfaite : son objet n’est pas cependant un être de raison  ce concept –Znon de logique mais de métaphysiqueZ– est quali࠱é de réel dans la mesure où cette intellection imparfaite résulte de l’action d’existants, pourrait même résulter d’une action sur l’esprit de l’existant in࠱ni. De ce point de vue, on comprend que le « terministe » Occam ait pu soutenir l’univocité de l’être, on saisit également la di࠰érence de statut de l’être univoque cheU Scot et cheU !rançois de Meyronnes, étudié dans des conférences antérieures. En ࠱n de conférence, l’analyse de la question inédite de Jean de -ipa sur l’univocité de l’être (communiquée par Mgr Combes) a permis de mieux situer la problématique de l’univocité de l’être au XIVe si¢cle et de constater que, pour cet auteur, 97. Nombre d’inscrits : 24. Auditeurs assidus : Mlles arbet-ellinotto, Maupied, MM. Auriault, runet, Combes, Eoche-Duval, Olivier, -uello, 4pma.

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l’in࠱nité ou plutôt l’immensité propre à Dieu transcende l’in࠱nité des perfections univoques conçues par Duns Scot, in࠱nité qui laisse l’esprit au niveau du créable  la véritable analogie de l’être et des autres perfections n’est précisément concevable qu’à partir d’une notion in࠱nitiste de l’intensité des formes. II La critique des théologies Jédiévales dans la !FPMRQ>QFL@LKQO> P@ELI>PQF@>JQEBLILDF>J de Luther Dans la seconde conférence, on a repris par des explications de textes de l’un et de l’autre la confrontation Luther-iel à partir des références de la Disputatio contra scolasticam theologiam au Collectorium. Plusieurs ouvrages récents sur la théologie de l’époque ont été analysés et discutés, spécialement Gabriel Biel and late Medieval Nominalism de M. A. Oberman. Le P. Olivier a pris une part tr¢s importante à ces discussions ainsi que Melle J. arbet (qui a présenté le Lexicon theologicum d’Altenstaig) et Mgr Combes (Luther, Biel, Gerson et la devotio moderna). Activités du directeur d’études Le directeur d’études a donné en septembre-octobre 1962 une série de conférences à l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal (Canada) sur « La place du Moyen Âge dans l’histoire de la philosophie (suite) » et deux séries d’explications de textes (saint onaventure et Jean Duns Scot) et en janvier 1963, une série de conférences à l’0niversité ponti࠱cale du Latran sur « La méthode de saint Anselme dans le Monologion et le -OLPILDFLKu.

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1963 1964 9 I Études sur l’¥tre et l’in࠲ni d’Henri de Gand à Jean de Ripa Dans la premi¢re conférence, on a poursuivi les recherches sur l’être et l’in࠱ni en trois moments : I. Le directeur d’études a situé ses recherches dans une vue d’ensemble du probl¢me des « origines médiévales de la science moderne » tel qu’il se pose à partir des travaux du regretté Alexandre &oyré, en accord avec l’interprétation que Husserl donne de l’œuvre de Galilée dans la Krisis : les questions de « géométrisation », de « mathématisation », d’« in࠱nitisation » apparaissent fondamentales  de ce point de vue, on s’est référé également aux travaux de Pierre Duhem, d’Anneliese Maier et de Mgr Combes. II. L’explication des textes d’Henri de Gand relatifs à l’in࠱nité soit de l’essence soit des idées divines, dans la Somme et dans les Quodlibeta, a montré, dans la complexité même et dans l’indécision de cet enseignement du dernier quart du XIIIe si¢cle, la présence des probl¢mes longuement discutés au XIVe si¢cle  98. Inscrits : 18. Auditeurs assidus : Mlles arbet, Maupied  MM. Asmussen, Auriault, Olivier, -enaud, -uello, Stairier, Sible.

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la nécessité appara¨t de recherches sur les tendances « in࠱nitistes » à l’époque d’Henri de Gand et auparavant. III. C’est un franciscain parisien de la premi¢re moitié du XIVe si¢cle signalé par Duhem : Nicolas onet, qui a dans les derni¢res séances de « séminaire » retenu l’attention, notamment par sa theologia naturalis  il a été décidé d’examiner méthodiquement l’encyclopédie philosophique qu’il a composée. Mlle arbet, Mgr Combes, le P. 4pma Sible et M. -uello ont apporté à l’interprétation des textes de précieuses contributions. II "UMIF@>QFL de Luther Dans la seconde conférence, on a poursuivi la confrontation Luther-iel en examinant chapitre par chapitre le livre de Leif Grane, Contra Gabrielem, Luthers Auseinandersetzung mit Gabriel Biel in der Disputatio Contra Scholasticam theologiam . Cet examen a conduit à reprendre l’étude de la coexistence paradoxale cheU iel et d’abord cheU Occam d’une tr¢s vigoureuse a࠳rmation de la morale naturelle fondée dans le dictamen rectae rationis avec le volontarisme divin et la dialectique de potentia absoluta. On a été ainsi amené à élucider quelques données du probl¢me de l’odium Dei, de sa possibilité et de sa licéité dans les textes d’Occam et dans le débat entre ses interpr¢tes  aux sources du probl¢me, on a considéré l’analyse du vouloir des créatures ࠱xées dans l’état de dam, la discussion traditionnelle sur le pouvoir divin, manifeste dans quelques cas bibliques, de dispenser une créature de l’obéissance à certains préceptes de la loi naturelle : on a retenu des analyses de Pierre d’Auriole II Sent. d. XXXVIII et IV Sent. d. XLVI ainsi que les témoignages du Tractatus de principiis theologiae et du Centiloquium theologicum sur la controverse au XIVe si¢cle  l’étude s’est provisoirement terminée par l’explication de textes de Grégoire de -imini, notamment à I Sent. d. XLII-XLIII-XLIV, tendant à limiter l’usage de la dialectique de potentia Dei absoluta, impliquant une doctrine de la véracité divine liée à la critique de positions d’Adam 2oodham. M. Asmussen, le P. Olivier et M. -uello ont, par leurs précieuses interventions, contribué à l’élucidation de probl¢mes particuli¢rement di࠳ciles. Activités et publication du directeur d’études Le directeur d’études a donné en octobre 1963 à l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal (Canada) deux séries de leçons : l’une sur « La place du Moyen Âge dans l’histoire de la philosophie », l’autre sur « Les probl¢mes d’histoire des sciences et de la philosophie posés par la conception médiévale du monde » et en janvier 1964 à l’0niversité ponti࠱cale du Latran, trois conférences sur « Jean Duns Scot critique d’Henri de Gand ». Il a publié « Philosophie chrétienne et théologie de l’histoire » dans *£I>KDBPLࠨBOQP>R-¢OB%BKOFAB Lubac, Paris, Aubier.

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RAPPORT SUR L’EXERCICE 1964 1965 99 I Les probl£Jes de l’in࠲ni au XIVe si£cle Dans la premi¢re conférence, on a poursuivi l’étude des probl¢mes de l’in࠱ni cheU Jean de -ipa, d’une part en reprenant l’explication de la Distinction II de la Lectura et en examinant en particulier la nécessité propre à l’in࠱ni divin dans la ,uestion II, d’autre part en expliquant la Distinction XXXVII qui concerne le rapport de l’in࠱ni extensif à l’in࠱ni divin : l’édition de ce texte permettra de prolonger et de compléter l’étude du regretté Alexandre &oyré sur l’espace cheU radRardine. II De Duns Scot à Luther : évolution de quelques probl£Jes La seconde conférence, premi¢re d’une série de recherches de Duns Scot à Luther, a porté sur l’analyse de potentia absoluta de la béatitude comme frui Trinitate, élaborée par le premier, rejetée par le second : explication et comparaison des exposés de l’Ordinatio et de la Lectura  critique du paradoxe scotiste par Pierre d’Auriole  ré࠲exion sur l’histoire de la théologie trinitaire à partir de la condamnation de Joachim de !lore au IVe concile du Latran. Activités et publications du directeur d’études Le directeur d’études a donné en octobre 1964, à l’Institut d’études médiévales de Montréal (Canada), deux séries de leçons : l’une sur « La place du Moyen Âge dans l’histoire de la philosophie », l’autre sur « La Disputatio contra scholasticam theologiam, de Luther ». Il a publié, en collaboration avec M. Combes, Jean de Ripa, Quaestio de gratu supremo, Paris, Vrin, 1964 (analyse de la doctrine), p. 91-140 et « Note sur le concept de forme intensive dans l’œuvre de Jean de -ipa », dans L’aventure de l’esprit. Mélanges Alexandre Koyré, t. II, Paris, Hermann, 1965, p. 517-526.

99. Nombre d’él¢ves inscrits : 24. Auditeurs assidus : Mme Maupied, Mlle arbet  MM. Asmussen, Auriault, Gruys, -enaud, -uelle, 4pma, Sible, Viola. Mlle arbet, M. Asmussen, Mgr Combes, MM. Gruys, 4pma, Sible, -uello et Viola ont apporté de précieuses contributions au travail commun de recherche.

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RAPPORT SUR L’EXERCICE 1965 1966 100 I Les probl£Jes de l’in࠲ni au XIVe si£cle Dans la premi¢re conférence, le directeur d’études a d’abord rappelé la conception du PFQRPVJ>DFK>OFRPFKࠩKFQRP, exposée par Thomas radRardine et signalée par Alexandre &oyré pour son importance dans l’histoire de la notion d’espace : conception à laquelle se réf¢re Jean de -ipa, dans la distinction XXXVII de sa Lectura. 0ne longue et di࠳cile analyse de textes du De Causa Dei, menée à bien grâce au concours de M. Jolivet, ma¨tre-assistant, a montré d’une part les limites de l’in࠱nitisme de radRardine qui refuse le nombre in࠱ni actuel (à partir du probl¢me signalé par Duhem, de l’in࠱nité actuelle des âmes immortelles dans un monde éternel), d’autre part la mani¢re dont un métaphysicien du XIVe si¢cle ayant une formation mathématique peut multiplier les apories du nombre in࠱ni en lui appliquant l’arithmétique du ࠱ni. Cette analyse du !B࢙ >RP>!BFa conduit la recherche à un retour vers la Lectura de Jean de -ipa, Distinction II, spécialement aux raisonnements postulant l’intelligibilité d’un nombre in࠱ni, à ceux liant les notions de nombres et de natures spéci࠱ques, à ceux en࠱n – d’inscription néo-platonicienne – où les nombres sont présentés comme résultant d’une replicatio unitatis et l’unité mathématique comparée à l’unité divine. Comme la simplicité de celle-ci est tenue pour compatible avec la distinction « immensément formelle » des déterminations elles-mêmes « immenses » de l’„tre absolument in࠱ni, pleinement actuel, la conférence s’est terminée par une ré࠲exion sur la Distinction VIII et le rapport -ipa-Scot en métaphysique de l’in࠱ni. II De Duns Scot à Luther : évolution de quelques probl£Jes La seconde conférence a été consacrée à deux séries d’analyses de textes concernant la doctrine de la justi࠱cation ou de la sancti࠱cation : d’une part, textes de Jean Duns Scot à la Distinctio XVII du premier Livre de l’Ordinatio  d’autre part, et plus longuement, textes de Jean de -ipa aux Distinctions XIV à XVII de la Lectura. À la fois par la place réservée aux notions de sancti࠱cation et de Don incréé, et par la précision technique dans l’examen des diverses hypoth¢ses de possibili autant que l’ordre présent du salut, ces derniers textes apparaissent comme peut-être les plus remarquables de la spéculation provoquée entre le XIIeZet le XVIe si¢cles par la Distinctio XVII du Ma¨tre des Sentences. Activités du directeur d’études Le directeur d’études a donné en février 1966 à l’0niversité ponti࠱cale du Latran trois conférences sur « La problématique de l’in࠱ni au XIVe si¢cle ».

100. Nombre d’él¢ves inscrits : 21. Auditeurs assidus : outre ceux plus haut cités, Mlle Cristiani, MM. !errier, Veber. De précieuses contributions au séminaire de recherche constitué par les deux conférences ont été apportées par Mgr André Combes, directeur scienti࠱que, M. -uello, ingénieur et Mlle arbet, collaborateur technique au CN-S  ainsi que par M. Jolivet, ma¨treassistant à la section, MM. Asmussen et Sible.

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RAPPORT SUR L’EXERCICE 1966 1967 101 I De Duns Scot à Luther La premi¢re conférence a été consacrée à deux études de textes : les ,uestions sur le Prologue des Sentences de Gabriel iel  la ,uestion sur le Prologue de Pierre d’Ailly. Il s’agissait, dans la premi¢re analyse, de préciser une conception de la théologie à la veille de la -éforme : on l’a fait en déterminant le rapport des ,uestions de iel aux ,uestions correspondantes d’Occam, pour lui références privilégiées. Les références à Pierre d’Ailly ont conduit à l’examen de sa ,uestion sur le Prologue : « 0trum possibile sit viatorem de veritatibus theologicis habere notitiam evidentem ? », dont le premier article pose dans toute sa généralité le probl¢me de l’évidence accessible à l’homme dans sa présente condition : « utrum possibile sit viatorem habere notitiam evidentem de aliqua veritate ? ». 0ne analyse détaillée de cet article montre la complexité de la démarche intellectuelle de Pierre d’Ailly, le caract¢re équilibré de la position nuancée où il aboutit, la nécessité de poursuivre l’exploration d’une époque de la pensée médiévale dont ce texte nous découvre une partie de la problématique. On a noté l’intérêt que présenterait cette exploration pour l’histoire de la logique. La conférence s’est achevée par une analyse sommaire de l’article second de la même ,uestion : « 0trum possibile sit viatorem de veritatibus theologicis notitiam majorem ࠱de ? » Pierre d’Ailly y justi࠱e le travail du théologien au plan de la dialectique des « raisons probables ». II Les probl£Jes de l’in࠲ni Dans la seconde conférence, le directeur d’études a continué ses recherches sur l’in࠱nitisme de Jean de -ipa. Il a, en premier lieu, analysé les textes des Distinctions࢙III (,uestion I, De univocatione entis) et VIII (,uestionZI, articlesZ2 et 3, De immensa distinctione formali) où le ma¨tre des formalizantes situe sa doctrine de la relation être-in࠱ni par rapport à celle de Duns Scot. On a repris ensuite l’analyse, commencée l’année précédente, de la Distinction XXXVII, en considérant l’immensité « extensive » de Dieu sous l’aspect de l’omniprésence  ce qui conduit à l’aporie de l’article 3 qui pose la notion de présence divine par grâce : « 0trum inexistentia Dei creatore per gratiam sit major essentialis intimitas quam si esset solummodo per naturam ? » Ce texte a de lui-même conduit, en troisi¢me lieu, à reprendre l’étude des ,uestions de s>K@QFࠩ@>QFLKB, notamment aux Distinctions XIV et XV. La doctrine de l’immensité divine comme omniprésence a pris ainsi toute sa dimension : elle répond à la fois au probl¢me « Dieu et l’espace » et à celui de la nature du salut. 101. Nombre d’inscrits : 19. Auditeurs assidus : outre ceux cités, plus haut, MlleZ Maupier, M. Chotimliansky. M. Leif Grane, professeur à la faculté de théologie de Copenhague, a participé à l’explication des textes de Gabriel iel. Ont particuli¢rement contribué aux travaux du séminaire de recherche constitué par les deux conférences MgrZCombes, directeur de recherche titulaire, Mme Charles et M. GanocUy, attachés, -uello, ingénieur et MlleZarbet, collaborateur technique au CN-S, ainsi que M. Jolivet, ma¨tre-assistant à la section, MM. Asmussen, Descubes, !errier, Sible, 2eber.

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Le -. P. Dubarle a bien voulu éclairer la problématique de l’histoire intellectuelle du XIVe si¢cle en exposant la logique des XIVe-XVe si¢cles et ses ré࠲exions sur la formation des modes de penser modernes. Publication du directeur d’études Le directeur d’études a publié « ProcessusFKFKࠩKFQRJet preuve de Dieu cheU Jean de -ipa », dans Mélange M. D. Chenu, Paris, Vrin, 1967.

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1967 196 102 I De Duns Scot à Luther Les probl£Jes de l’in࠲ni Dans la premi¢re conférence, l’attention a été attirée d’abord sur l’originalité du 1O>@Q>QRP AB P>K@QFࠩ@>QFLKB de Jean de -ipa (I Sent., Dist. 14-17) dans la suite des spéculations de même objet entre Duns Scot et Luther : on y trouve une notion extrêmement vigoureuse du Don Incréé, une analyse remarquable des possibilités de justi࠱cation tant extrins¢que qu’intrins¢que, une utilisation des unes et des autres dans un essai de synth¢se qui se veut inspiré de saint Augustin et de Pierre Lombard. On a exprimé ensuite dans le détail les textes des mêmes Distinctions où Jean de -ipa se réf¢re pour la critiquer à la doctrine de Guillaume d’Occam  ce qui a été l’occasion d’un nouvel examen des textes du Venerabilis Inceptor, notamment celui de I Sent., Dist. 17, ,u. 2 où se trouve rejeté l’enseignement de Thomas d’Aquin dans la « ,uestion sur la Charité » de ses Quaestiones disputatae. On allait s’engager dans une étude analogue des rapports de Jean de -ipa avec Grégoire de -imini lorsque les événements universitaires de mai ont interrompu les conférences. Les explications de textes de la seconde conférence visaient à élucider la notion de replicatio unitatis divinae dans la latitudo specierum possibilium tant au Livre I du Commentaire des Sentences, Distinctio II qu’au Livre II, ,uestion II. La publication par le P. 4pma de la Distinctio Prima de Quolibet de Jacques de Viterbe a permis de verser au dossier de l’in࠱nitisme médiéval une ,uestion : « 0trum Deus possit facere species in࠱nitas » disputée dans la derni¢re décennie du XIIIe si¢cle. Actualités et publications du directeur d’études À l’occasion du 450e anniversaire de la -éforme, le titre de docteur honoris causa a été décerné au directeur d’études par la faculté libre de théologie protestante de Paris. Le directeur d’études a donné en janvier à l’0niversité ponti࠱cale du Latran trois conférences sur Jean de -ipa critique de la doctrine occamiste de 102. Comme l’année précédente, Mlle arbet, MM. Combes et -uello, MM. Assmussen, GanocUy, DesUcubes, !errier, 2eber ont participé aux travaux de recherche rapportés cidessus. Nombre d’inscrits : 41. Auditeurs assidus : outre ceux cités plus haut : Mlle Maupied, M. 2acqueU.

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la justi࠱cation. Il a publié « Immensité divine et in࠱nité spatiale, introduction à Jean de -ipa I Sent. XXXVII », dans Traditio, vol. XXIII, !ordham 0niversity Press, NeR 4ork, 1967  « La sancti࠱cation par l’Esprit Incréé d’apr¢s Jean deZ-ipa I Sent., Dist. XIV-XV », dans Miscellanea André Combes, t. II, -ome et Paris, Vrin, 1967 et « „tre et in࠱ni selon Duns Scot et Jean de -ipa », dans Acta congressus scotistici internationalis,  PBMQ , vol. IV, -ome 1968.

RAPPORT SUR L’EXERCICE 196 1969 103 I De Duns Scot à Luther Les probl£Jes de l’in࠲ni Durant cette année 1968-1969, les travaux poursuivis dans les deux conférences sont apparus étroitement liés. La premi¢re tâche a consisté, dans la seconde conférence consacrée aux probl¢mes de l’in࠱ni, à reprendre et achever l’explication de la ,uestion de Jacques de Viterbe, éditée par le P. 4pma : « 0trum Deus possit facere species in࠱nitas ». Cette explication, à peine commencée, avait été interrompue par la crise universitaire de mai-juin 1968. Elle a permis de saisir plus exactement, dans un texte remontant sans doute à 1293, la connexion entre les probl¢mes de l’in࠱nité des natures spéci࠱ques, de l’assimilation de celles-ci aux nombres –Z quantité discr¢te par opposition à la quantité continueZ –, des rapports des nombres et de l’unité, de la situation dans la hiérarchie de l’être qui en résulte pour les degrés extrêmes : Dieu et la mati¢re. C’est un autre texte également édité en 1968 qui a été au début de la premi¢re conférence, dans la suite de ses analyses du probl¢me de la justi࠱cation ou de la sancti࠱cation, de la grâce ou de la charité à la Distinction XVII du premier Livre des Sentences : la neuvi¢me des Questions disputées ordinaires du franciscain Pierre de !alco, « 0trum caritas sit donum creatum vel increatum ? » 0ne note de l’éditeur, le P. Gondras, renvoyant à Gilles de -ome, a analysé la problématique originale de ce dernier à la distinction XVII spécialement dans ses deux premi¢res ,uestions : à la di࠰érence de tous ceux qui, pour « sauver » la th¢se du Ma¨tre des Sentences, l’interpr¢tent en admettant l’identi࠱cation de la grâce et de la charité, c’est en distinguant l’une et l’autre que le docteur augustin attribue au Ma¨tre une positio subtilis, la connexion entre les probl¢mes de la grâce in via et de la vision dans l’au-delà est marquée une fois de plus dans ces remarquables ,uestions. Apr¢s ces vues rétrospectives, on est revenu au th¢me de la premi¢re conférence : « De Duns Scot à Luther » en abordant par les ,uestions de fruitione Dei la doctrine de l’amour de Dieu cheU Pierre d’Ailly : doctrine visée dans la Disputatio contra scolasticam theologiam (propositio 94). L’explication de cette ,uestion (seconde dans le Commentaire du Premier Livre des Sentences, art. 1 : 103. Nombre d’inscrits : 31. Ont participé aux discussions des séminaires : Mlle arbet, Cristiani, Zum runn  MM. Combes, -uello et 2eber  MM. Asmussen, GanocUy, Gueneau, Goossens, &aluUa, -ollet, Tockarki, 2eber, 4pma.

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« ,uid est fruitio », édition de Strasbourg, 1490, H) conduit, par le probl¢me du rapport entre acte et puissance d’aimer ou de conna¨tre, à la ,uestion suivante (,uestion III, -H) où une des notions les plus caractéristiques de l’enseignement de Jean de -ipa, celle d’immutatio vitalis, est au centre de l’attention, référence essentielle et objet d’un examen méthodique et d’une évaluation nuancée. Avant de traiter du probl¢me de la connaissance humaine de Dieu, Pierre d’Ailly entend élucider le concept du conna¨tre en général comme acte d’une potentia vitaliter perceptiva et répondre à une question relative à la vision de l’essence divine par un intellect créé : « Utrum divina essentia possit esse intellectui creato formalis notitia », on retrouve la probl¢matique de Jean de -ipa à la premi¢re ,uestion de son Commentaire. Dans le champ de recherches de la premi¢re conférence, le Commentaire de Pierre d’Ailly o࠰re également une référence à Jean de -ipa. La ,uestion XIII du Premier Livre, qui demande « Utrum Deus sit prima causa simpliciter omnipotens et universaliter omnifaciens ? », traite dans la derni¢re partie de son troisi¢me article du probl¢me : « 0trum aliquid Deus possit facere melius quam facit ?Z» qui, par la notion d’essentialis bonitas, conduit au probl¢me de la hiérarchie – s’arrêtant ou non à un termeZ: status –Zdes natures spéci࠱ques et de la mani¢re dont une esp¢ce en dépasse une autre en perfection. Pour éclaircir le probl¢me de excessa specierum, Pierre d’Ailly proc¢de à un tr¢s remarquable exposé synthétique de la fantastica imaginatio de Jean de -ipa qui mesure la perfection d’une nature spéci࠱que à son éloignement du non-être : « Penes recessum a non gradu essendi » (op. cit., T0) : il n’est pas inutile de présenter méthodiquement l’opinio illius magistri Johannis de Ripa, bien qu’elle se fonde sur une notion fausse, rejetée par Pierre d’Ailly : la distinctio formalis. Nous sommes ainsi renvoyés à un troisi¢me lieu de référence : la ,uestion VI de Pierre d’Ailly sur les distinctions de Dieu (entre essence et personnes, essence et attributs, essence et idées) où appara¨t évidemment erronée la th¢se scotiste, celle de Scotus et suus commentator ille Johannes de Rippa (op. cit., J.) – mention signalée, d¢s 1940, par Mgr André Combes dans son Gerson commentateur dyonisien (p. 616). Ces trois références attestent l’importance de Jean de -ipa aux yeux même d’un adversaire résolu de la fameuse « distinction formelle » des scotistes. L’intérêt des textes expliqués ou simplement abordés invite à poursuivre l’étude de l’enseignement sententiaire de Pierre d’Ailly. Activités du directeur d’études Le directeur d’études a donné en septembre et octobre 1968 à l’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal (Canada) trois séries de conférences sur « Luther critique de Gabriel iel », « ,uelques aspects de l’in࠱nitisme de Jean de -ipa », « Histoire de la pensée médiévale et philosophie de la religion ».

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RAPPORT SUR L’EXERCICE 1969 1970 104 I Jean de Ripa : les questions sur le Prologue Le sujet de la premi¢re conférence était « Jean de -ipa, les ,uestions sur le Prologue », lié à la parution du second volume de l’édition critique de la Lectura super Primum Sententiarum procurée par Mgr Combes : les six ,uestions ainsi publiées ach¢vent la monumentale introduction au cours sententiaire en complétant les deux premi¢res contenues dans le volume I  les deux derni¢res des huit ,uestions constituent la seconde et la troisi¢me partie des Prologi Quaestiones, notablement plus br¢ves que la Prima Pars. C’est sur cette premi¢re partie et sa questionZIII –Zplus des deux cinqui¢mes du texte publié dans le volumeZIIZ– que l’explication a principalement porté. Les tâches suivantes ont été accomplies : – situer cette ,uestion dans l’ensemble circa Prologum spécialement dans sa premi¢re partie de KLQFQF>QEBLILDF@>?B>QFࠩ@> – analyser la division de la question, la structure et le sens de ses quatre articles, la suite d’une argumentation surabondante en dégageant un certain nombre de th¢mes  – relever les textes qui explicitent le point de vue théologique où se place la question, sans perdre de vue le point de vue philosophique qui y demeure présent  – en considérant les « autorités » invoquées et la tradition où se situe Jean de -ipa, faire appara¨tre le lien entre cette théologie techniquement métaphysique et une théologie de la vie spirituelle, de la connaissance mystique. 0ne partie des résultats obtenus est présentée dans un article à para¨tre dans un volume de *£I>KDBPLࠨBOQ>R- >IF@. L’examen de la ,uestion III une fois terminé, on a jeté un regard sur les ,uestions IV et V  ce qui a conduit à expliquer la plus grande partie de l’article 2 de la ,uestion V où para¨t le lien entre la KLQFQF>QEBLILDF@>?B>QFࠩ@> identi࠱ée à la notitia immensa et le rôle de cette même essence divine dans la connaissance de la trinité des personnes en Dieu même. En ࠱n d’année, le séminaire a procédé à un premier examen d’une ,uestion de la Lectura transcrite par M. -uello : celle où, à la Distinction XXII, se demandant « 0trum divina essentia sit proprie nominabilis ab intellectu viatoris ? ». Jean de -ipa indique que l’In࠱ni est concevable privative per superexcessum  cette doctrine de la connaissance conceptuelle de Dieu appara¨t cohérente avec les doctrines de la démonstration de son existence, de l’analogie de l’être, de la béatitude éternelle et de la connaissance mystique. II Étude sur la doctrine de Pierre d’Ailly La seconde conférence a été consacrée à une reprise de l’étude de la doctrine de Pierre d’Ailly dans ses ,uestions sur les Sentences plusieurs fois abordées dans le passé. 104. Nombre d’incrits : 17. Ont participé aux discussions de séminaire : Mlle arbet, Cristiani, MM. Asmussen, riancesco, GanocUy, Goosens, &aluUa, Serralda, Tockarski, 2eber, 4pma.

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En premier lieu, le directeur d’études s’est attaché à l’explication de la ,uestion I qui, à propos du Prologue de Pierre Lombard, demande : « 0trum possibile sit viatorem de veritatibus theologicis habere notitiam evidentem ? » Apr¢s une analyse de l’ensemble du texte, le principal e࠰ort a porté sur le rejet par Pierre d’Ailly de l’enseignement de Grégoire de -imini concernant le Complexe PFDKFࠩ@>?FIB : enseignement sur l’objet de la science que l’on a étudié dans la ,uestion I Circa Prologum du Docteur Augustin. 0ne seconde partie du séminaire a porté sur le Principium du cours biblique prononcé par Pierre d’Ailly en 1373, sur les quatre Principia sententiaires (13751376) et sur les trois ,uestions constituant les actes o࠳ciels de la ma¨trise : Mlle arbet a conduit cette recherche et en a exposé les premiers résultats. Le th¢me commun des cinq Principia étant : « ,uenam doctrina hec nova ? » (Marc, I, 27), c’est la loi même du Christ qui constitue l’objet de la ré࠲exion. La partie polémique tient relativement plus de place dans les trois derniers Principia qu’en celui du premier Livre des Sentences : il faut répondre aux arguments des opposants dans leurs Principia. Ces opposants peuvent être identi࠱és à partir de Principia de l’un d’eux, Pierre Gracilis, Ermite de saint-Augustin, qui les nomme (cf. D. Trapp, « Augustinian theology of the XIVth century », Augustiniana, juillet 1956, p. 267-268) : texte que l’on se propose de confronter avec ceux de Pierre d’Ailly. La notion d’ecclesia Petri se retrouve dans les trois th¢mes d’actes de ma¨trise, ce qui attire l’attention sur la situation de l’Église en ce mois d’avril 1381 où l’auteur reçoit la ma¨trise en théologie : c’est entre cette date et celle de son enseignement sententiaire (1375-1376) qu’en septembre 1378 l’élection de Clément VII à Agnani, apr¢s celle d’0rbain VI à -ome, a ouvert le schisme d’Occident  Clément VII est revenu à Avignon. Dans ce second article de sa Question des Vespéries, Pierre d’Ailly distingue l’Église 0niverselle et l’Église de -ome. 0ne étude plus poussée appara¨t nécessaire pour éclaircir le rapport historique entre cette ré࠲exion ecclésiastique et le th¢me des Principia ainsi que le sens du choix de ce th¢me. Activités du directeur d’études Le directeur d’études a donné en octobre 1969 à L’Institut d’études médiévales de l’0niversité de Montréal une série de conférences sur « Connaissance humaine et connaissance absolue dans la théologie de l’illumination de saint onaventure ». Il a présenté des communications au congr¢s international sur saint Anselme (ad 2imp࠰en, 13-16 septembre 1970) et au troisi¢me Congr¢s scotiste international (Vienne, 28 septembre 2 octobre 1970).

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RAPPORT SUR L’EXERCICE 1970 1971 105 I Jean de Ripa : les Questions sur le -OLILDRP La premi¢re conférence a été consacrée à Jean de -ipa. Le directeur d’études a poursuivi, avec le concours des auditeurs, l’explication des ,uestions sur le Prologue dans l’édition critique procurée par le regretté Mgr Combes. Apr¢s un examen des résultats obtenus l’année précédente par l’analyse de la ,uestion III, on s’est engagé dans l’explication de la ,uestion IV qui, concernant comme les précédentes, la notitia theologica beatorum et la fonction de notitia formalis qui y revient à la sola divina essentia, passe de l’objet que constitue cette essence même –Zessentia >?PLIRQBFKPB@LKPFABO>Q>࢙– à toutes les vérités relatives aux autres objets que manifeste l’essence divine, omnia relucentia vera in ipsa. Traités comme précédemment probabiliter à la fois théologiquement maxime secundum intentionem Augustini et selon la pure raison philosophique, les probl¢mes considérés se répartissent en deux groupes suivant la division quadripartite des arguments principaux quod non et des articles qui en dérivent. Les articles 1 et 2 concernent la possibilité pour l’essence divine d’être, pour un intellect créé comme pour Dieu même, formalis notitia d’un autre être possible – aliquod ens possibileZ– et la possibilité d’être ainsi connaissance de qualibet creabili vel creata essentia aussi parfaitement –Z perfecteZ – aussi intensément – FKQBKPB࢙ – qu’elle peut être pour un intellect créé, connaissance d’elle-même. Il est établi dans l’article I que l’essence divine ne peut être pour un intellect créé connaissance formelle par les raisons constitutives des personnes divines (th¢se qui renvoie à la doctrine de la connaissance intradivine en un Dieu trine) – mais seulement par une des raisons intérieures à l’essence –Zratio essentialis intrinsecaZ– selon lesquelles les créatures sont visibles dans cette essence –Zvideri in essentia divinaZ– (th¢se qui renvoie à l’enseignement de l’auteur sur les Idées et leur rapport aux attributs divins). L’Idée, par laquelle la créature intellectuelle conna¨t une chose qu’elle voit en Dieu, est en Dieu ratio causalis, ars practica  elle l’est aussi dans le Christ (on retrouve ici le probl¢me du statut du conna¨tre dans l’âme du Christ) en raison du mode unique de son union à la divinité : unio substantialis immensa, et pas seulement unio vitalis des créatures sauvées. ParZcontre, la vision que les élus peuvent avoir des créatures en Dieu ne les fait pas auteurs de ces créatures  « créateurs du ciel et de la terre ». D’apr¢s la conclusion 6 et derni¢re, réplique au premier argument quod non, ils connaissent par idée divine, mais celle-ci n’est pas en eux créatrice : là précisément g¨t la di࠳culté de l’article 1, longuement éprouvée dans ses derni¢res pages. L’explication de l’article 2 ne pose pas de probl¢me spécial.

105. Nombre d’inscrits : 19. Ont participé aux discussions des séminaires : Mme &endrick, Mlle arbet, MM. GanocUy, &aluUa, -uello, Serralda, Tockarski, 2eber, 4pma. Él¢ves diplômés : Mlle arbet, MM. -uello, 4pma, 2eber. Él¢ves titulaires : MM. Auriault, &aluUa, Serralda, Tokarski.

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L’article 3 auquel on s’est longuement arrêté sans avoir le temps de l’expliquer en détail, introduit expressément la notion de contingent : l’essence divine y est envisagée, à la conclusion 2 et derni¢re, comme de quecumque contingenti vero complexo notitia  c’est en cette conclusion que se trouve toto istius articuli AFࠫ@RIQ>P  apr¢s qu’elle ait été prouvée plusieurs fois –࢙ JRIQFMIF@FQBO࢙ – durant plus de six pages de l’édition critique, il faut la soumettre encore à l’épreuve d’une discussion qui en occupe neuf. Devant ce texte compliqué, notre tâche a été double : d’une part en saisir les articulations, en discerner la structure  d’autre part, comme le sugg¢re déjà le troisi¢me argument principal quod non, rechercher une compréhension historique de la position du probl¢me de la communication entre « prescience » divine des « futurs contingents » (probl¢me sur lequel on sait, depuis l’étude de H. SchRamm en 1930, que Jean de -ipa a une doctrine tr¢s élaborée, à l’origine de la condamnation de son disciple Louis de Padoue, que Mgr Combes a étudiée en 1956) et participation d’une créature à cette connaissance par une spéciale révélation –Zon se trouve de fait devant toute une problématiqueZ – AFࠫ@RIQ>QBP JRIQ>B MBOMIBU>B FK J>QBOF> AB OBSBI>QFLKB. ÀZpropos de articulus hic (à Paris) damnatus, l’éditeur renvoie à la condamnation de Jean de Mirecourt, sur lequel il a fallu considérer l’état des recherches  ce qui a conduit à poser la question des in࠲uences anglaises à l’0niversité de Paris, relier une fois de plus l’étude de Jean de -ipa à l’étude également en cours de Pierre d’Ailly, à se reporter en࠱n à l’enseignement d’Adam 2odham commentant les Sentences à Oxford en 1332-1334 et traitant à la Distinction XIV du Livre III de revelationibus futurorum : mati¢re à explorer. La participation à la conférence de Madame J. Coleman-&endrick, docteur de 4ale 0niversity, a permis d’entendre et de discuter plusieurs exposés de ses recherches sur la théorie générale des formes intensives dans la seconde partie du commentaire de la Distinction XVII du Livre I des Sentences : théorie dont une premi¢re analyse a été proposée dans des conférences de Mgr Combes à la section dont les notes préparatoires viennent d’être éditées par M. -uello dans le tomeZ XXXVII des Archives doctrinales et littéraires du Moyen Âge. Grâce à la connaissance qu’elle poss¢de des calculatores d’Oxford (Metton College), Madame &endrick a poussé la recherche bien plus avant en indiquant, dans les écrits de 2alter urley, John Dumbleton, 2illiam Heytesbury, -oger -ichard SRineshead, les sources des th¢ses critiquées par Jean de -ipa  elle a également attiré l’attention sur le probl¢me des textes parisiens di࠰usant les idées anglaises, sur le témoignage des cahiers de Jean de !alisca, sur la tradition franciscaine de discussion des formes intensives à partir de Gérard d’Odon, ministre général de l’Ordre de 1329, adversaire de radRardine sur la question de la divisibilité du continu. Madame &endrick a été ainsi conduite à considérer le probl¢me de l’introduction du dilemme continuum-discretum dans la latitudo specierum possibilium  ce qui a provoqué en séminaire un nouvel examen de l’article 3, sur ce sujet, de la ,uestio IV à la Distinction II et une avancée dans la compréhension de la latitudo numeralis. L’ensemble de ce remarquable apport a retenu l’attention reconnaissante de tous les participants.

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II Recherche sur la doctrine de Pierre d’Ailly La tâche de la seconde conférence était de poursuivre l’étude du Commentaire des Sentences de Pierre d’Ailly en reprenant d’abord l’examen du Principium du Livre I dont Mlle arbet avait montré l’importance. Dans la premi¢re partie de la conférence, on a donc, apr¢s la division entre les quatre Principia des ,uestions sur la perfection de la loi du Christ, analysé dans le détail la ,uestion : « 0trum lex Christi sit in preceptis rectissima »  ce qui demande de mettre en rapport cette loi avec la volonté divine. Déductivement construit de façon asseU complexe, l’enseignement de Pierre d’Ailly est formulé en trois conclusions principales, chacune précédée de six propositions préliminaires et suivies des six corollaires. Au cours de l’explication, on a notamment relevé : la connexion entre le fait que la volonté divine est cause premi¢re créatrice et celui qu’elle est la loi premi¢re, seule capable d’obliger par elle-même  la situation qui résulte pour les autres lois de ce fait premier  la mani¢re dont, au cours de cette déduction, sont abordés des probl¢mes classiques de l’éthique  la référence à deux articles condamnés à Paris, l’un concernant impossibile preteritum non fuisse (cf. la premi¢re conférence), l’autre l’odium Dei  la façon contingente dont la volonté divine est loi primordiale et le sens du volontarisme divin de Pierre d’Ailly, dans ses rapports avec tout l’ordre moral et juridique  la position de la loi ou doctrine du Christ, lex Christi vel doctrina, comme le signe le plus parfait, entre beaucoup d’autres, de la volonté divine  l’identi࠱cation de cette loi à la foi théologale : « Propriissime lex Christi potest dici ࠱des infusa‫ » ڎ‬0n regard plus rapide sur les propositiones collativae a complété cette analyse d’un texte d’une extrême richesse, par la multiplicité à la fois des points de vue qu’il exprime et des références qu’il indique : indications à explorer. Ce jugement et cette orientation ont été con࠱rmés, dans la seconde partie de la conférence par l’explication de la ,uestion XIV et derni¢re du Livre I : « 0trum voluntas dei impedibilis sit prima lex obligatoria create voluntatis », dont la connexion est évidente et attestée avec le Principium. Le premier article explicite les sens du terme voluntas Dei en éclairant la controverse dans l’École : ici encore, références multiples. Le second article traite de la volonté divine comme r¢gle de la volonté créée  ce qui conduit Pierre d’Ailly à examiner l’hypoth¢se d’une créature à laquelle Dieu rév¢lerait sa damnation ࠱nale et à citer abondamment, apr¢s Grégoire de -imini, presque constamment présent à son commentaire, Adam 2odham (cf. la premi¢re conférence : materia de revelationibus). Le troisi¢me article, sur la volonté divine comme loi premi¢re, reprend trois conclusions du Principium et trois probl¢mes –Ztres dubitationesZ– qui y ont été simplement touchés  au second on retrouve l’odium Dei et l’enseignement de Guillaume d’Occam à ce sujet. C’est à cette di࠳cile question de l’odium Dei cheU Occam qu’on s’est arrêté dans la troisi¢me et derni¢re partie de la conférence en considérant l’apport de deux ouvrages récents –ZH. Junghans, Ockham im Lichte der neueren Forschung, 1968, et J. Miethke, Ockhams Weg zur Sozialphilosophie, 1969Z –, avant de reprendre l’analyse des textes. Cette recherche doit être poursuivie a࠱n de déterminer exactement le sens, cheU Guillaumme d’Occam, Pierre d’Ailly, etc., de leur volontarisme et de ses conséquences en mati¢re de doctrine de l’éthique et du droit. 347

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Actualités et publications du directeur d’études Le directeur d’études a donné en novembre 1970 au département de philosophie de l’0niversité de Montréal (Canada) une suite de leçons sur, d’une part, « L’argument de saint Anselme dans le Proslogion », et d’autre part, « La preuve ontologique cheU Descartes et &ant ». Il a publié, dans les Studia mediaevalia et mariologica. *£I>KDBPLࠨBOQP>R/ -  E>OIBP>IF@, Antonianum -ome 1971, une étude : « Pour lire Jean de -ipa (Sent. I., Prol. q. 3) ».

ANNÉE 1971 1972 106 I Explication de Jean de Ripa, Questions sur le -OLILDRB La premi¢re conférence a été consacrée à l’analyse, commencée l’année précédente, des probl¢mes d’histoire doctrinale et littéraire que pose l’évocation de la materia de revelationibus dans la ,uestion IV de Jean de -ipa sur le Prologue des Sentences. À ce témoignage sur l’importance des controverses relatives aux futurs contingents comme objets non seulement de savoir divin, mais encore de communication de ce savoir à des esprits créés, on a joint celui de Pierre d’Ailly dans les Principia in Primum et in Quartum et dans sa ,uestion XIV sur le premier Livre des Sentences. Ainsi on a été conduit à reprendre l’étude des ,uestions d’Adam 2odham sur la Distinction XIV du Livre III qui, à partir du probl¢me de la sagesse du Christ en tant qu’homme, traitent abondamment de revelationibus futurorum. L’examen des références a conduit ensuite à -ichard !itUralph. Les recherches de Mlle Jeanne arbet ont permis un inventaire des connaissances acquises sur ces deux auteurs et leur milieu oxonien et des questions dont l’examen s’impose pour 1972-1973, l’accent étant mis à nouveau sur la relation universitaire OxfordParis et l’in࠲uence des « subtilités anglaises » dans les discussions ou crises parisiennes. La documentation oxonienne a été complétée par une premi¢re analyse du traitement de la materia de revelationibus dans la ,uestion II de -obert Holkot sur le Livre II des Sentences. II Recherches sur l’enseigneJent de GuillauJe d’OccaJ et de Pierre d’Ailly La tâche de la seconde conférence consistait en un retour à Occam autant que nécessaire pour élucider les rapports entre loi naturelle et volontarisme divin cheU Pierre d’Ailly. Comme il y était invité par la lecture du remarquable ouvrage de J. Miethke, Ockham Weg zur Sozialphilosophie, le directeur d’études a présenté une nouvelle

106. Nombres d’inscrits : 13. Él¢ves diplômes : Mlle arbet  MM. -uello, 4pma, 2eber. Él¢ve titulaire : M lle Cileman. Ont participé aux discussions des séminaires : Mlle arbet  MM. &aluUa, -uello, Serralda, Tokarski, 2eber, 4pma.

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vue d’ensemble de la carri¢re d’Occam et a indiqué par deux exemples quel pouvait être l’apport des Opera politica à l’élucidation du probl¢me posé. Apr¢s avoir repris l’examen des di࠳cultés des textes concernant l’odium Dei, la conférence s’est terminée en montrant l’utilité d’une étude méthodique des questions de Grégoire de -imini sur les Distinctions XXXIV-XXXVII et XLII-XLIV du Livre II des Sentences : on a ainsi l’espoir de situer plus exactement d’une part l’occamisme, d’autre part, corrélativement, l’enseignement de Pierre d’Ailly. Sur invitation du directeur d’études et dans le cadre de la coopération culturelle entre la !rance et la province canadienne du ,uébec, M. -aymond &libansky, professeur à l’0niversité McGill de Montréal, a dirigé les 18, 26 avril et 2 mai 1972 trois semaines où a été analysé l’état des recherches sur le platonisme de la ࠱n de l’Antiquité au XVe si¢cle  ses exposés et les discussions qui ont suivi ont réuni un auditoire de chercheurs nombreux et hautement quali࠱és. Le 25 avril 1972, une rencontre sur les probl¢mes du nombre et de l’in࠱ni cheU Plotin d’une part, au XIVe si¢cle d’autre part, a réuni l’équipe de M. Jean Pépin, directeur de recherche au CN-S et celles des directions d’études sur la scolastique et la formation de Luther. Actualités et publications du directeur d’études Le directeur d’études a présenté une « Note sur le nominalisme d’Abélard » au colloque international Pierre Abélard-Pierre le Vénérable organisé, en juillet 1972, à l’abbaye de Cluny par le Centre national de la recherche scienti࠱que. Il a publié l’article « Nominalisme » de l’Encyclopaedia Universalis, l’article « Ockham » de l’Encyclopaedia Britannica et une étude « In࠱ni, liberté et histoire du salut dans Deus et homo ad mentem J. Duns Scoti », -ome 1972.

ANNÉE 1972 1973 107 I. Les conférences du directeur d’études ont été consacrées à la poursuite méthodique de l’analyse de textes de revelationibus futurorum contingentium inventoriés l’année précédente : d’une part, deux ,uestions inédites de -ichard !itUralph transcrites par Mlle Jeanne arbet, d’autre part les ,uestions d’Adam 2odham, III Sent, D. XIV, qui se réf¢rent à l’argumentation de !itUralph. IlZappara¨t de plus en plus que cette controverse oxonienne éclaire toute la suite d’une discussion qui montre des théologiens logiciens aux prises avec la contingence des événements constitutifs de l’histoire du salut et des destinées individuelles. La forme de nombre d’arguments oblige à les mettre en rapport avec la théorie logique de consequentiis. L’insistance de la référence aux probl¢mes de la science humaine du Christ et de la connaissance divine par Idées est de plus en plus manifeste. 0ne indication de M. Zénon &aluUa a permis d’expliciter 107. Nombre d’inscrits : 17. Ont participé aux conférences : Mlle arbet, MM. Genest, &aluUa, -uello, Serralda, Tokarski, 2eber, 4pma.

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deux références de 2odham à des franciscains d’Oxford en Angleterre et invite à chercher une compréhension plus compl¢te des préoccupations de son milieu. En vue de poursuivre une étude comparative de l’interprétation d’ExodeZ3, 14 dans les théologies des religions du Livre, un symposium sur l’exég¢se de ce texte dans le juda©sme et à l’époque moderne a permis aux chercheurs de la direction d’études d’entendre sur ces deux sujets des exposés de M. Touati et de M. Caquot, professeur au Coll¢ge de !rance. Activités du directeur d’études Le directeur d’études a participé au congr¢s international de philosophie médiévale qui s’est tenu, en septembre 1972, à Madrid, Cordoue et Grenade  il a participé au symposium sur « La conception de la philosophie au Moyen Âge ». Au cours du congr¢s, il a été élu vice-président de la Société internationale d’histoire de la philosophie médiévale. En novembre 1972, il a donné une série de conférences à l’0niversité de Neuchâtel sur Luther et Gabriel iel  en février 1973, une conférence sur le même sujet à l’0niversité catholique de Milan  et à l’0niversité de -ome deux conférences sur « L’in࠱nitisme de Jean de -ipa ». En juin 1973, il a prononcé, sur « L’histoire de la philosophie devant l’œuvre de saint Anselme », le discours d’ouverture des Journées internationales d’études anselmiennes d’Aoste et de Turin.

COMPTES RENDUS DES CONFÉRENCES DE L’ANNÉE UNIVERSITAIRE 1973 1974 10 I. Dans la premi¢re conférence, le directeur d’études a poursuivi l’explication des questions de Jean de -ipa sur le Prologue des Sentences. Il s’est d’abord longuement attaché à lever les di࠳cultés que présente l’article 3 de la ,uestion IV consacré à la vision, parmi les relucentia in Verbo, des futurs contingents, l’essence divine étant pour la créature même notitia formalis  l’analyse de ce texte a permis de progresser dans la connaissance de la problématique de la révélation des futurs contingents –Zmateria revelationisZ– au XIVe si¢cle, depuis les derni¢res années de l’enseignement d’Occam en Angleterre. L’explication de l’article 4 et dernier a été l’occasion de prendre conscience davantage des ignorances qui demeurent sur l’histoire de cette problématique. On a expliqué 108. Nombre d’inscrits : 19. Él¢ves diplômés : Mlle arbet, MM. -uello, 4pma, 2eber. Ont participé aux discussions du séminaire : Mlle arbet, MM. Genest, &aluUa, -uello, Serralda, Tokarski, 2eber, 4pma. Mlle Coleman (0niversité de Cambridge) a apporté au séminaire les résultats de ses recherches sur l’in࠱nitisme au XIVe si¢cle. De même, M. Genest sur Jean de Mirecourt, Thomas radRardine, -ichard !itUralph. Des discussions ont eu lieu avec nos coll¢gues Stau࠰er et Armogathe sur des textes de Calvin (La puissance absolue de Dieu dans les Sermons) et de Luther (La theologia crucis dans la Dispute d’Heidelberg) avec M lle Zum runn, M. Jeauneau, ma¨tre de recherches au CN-S, notre coll¢gue Jolivet et son équipe de chercheurs, le P. Nadic et le P. Solignac en vue de l’étude de l’exég¢se philosophique d’Exode 3, 14.

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ensuite les articles de la ,uestion V où Jean de -ipa s’oppose à Duns Scot sur la séparabilité de potentia Dei absoluta de la vision de l’essence et de celle des personnes divines, ce qui implique une notion di࠰érente de la structure de Dieu trine et où l’on retrouve le probl¢me des futurs contingents, donc l’analyse des conditions de la prescience dans les ,uestions sur le Premier Livre jadis étudiées par SchRamm. II. Les recherches antérieures ayant conduit le directeur d’études à examiner, apr¢s le regretté Mgr Combes, des textes d’Adam 2odham, la tâche de cette seconde conférence a été de situer ces passages concernant la materia revelationis dans l’ensemble du Commentaire du franciscain anglais, à prendre donc une premi¢re vue de sa problématique, à retenir pour les analyses des ,uestions apparues signi࠱catives, notamment les ,uestions sur le Prologue et la ,uestion I sur la Distinction I du Livre premier, les ,uestions 11, 12 et 13 relatives à la même Distinction, les ,uestions concernant la Distinction XVII du même Livre. L’étude de 2odham a été engagée à partir de l’abrégé de son Commentaire dû à Henry de Oyta. Activités du directeur d’études Le directeur d’études a exposé en novembre 1973, devant la Société française de philosophie, des ré࠲exions sur « La place du Moyen Âge en histoire de la philosophie »  il a, en février 1974, traité du même sujet à l’0niversité catholique de Milan et donné à l’0niversité de -ome un séminaire sur Guillaume d’Occam, ,uestions sur le Prologue des Sentences. Il a analysé la considération de l’in࠱ni dans les « ,uestiones disputatae de Scientia Christi » de saint onaventure dans le tome III du recueil S. Bonaventura, 1274-1974, publié par le Collegio S. onaventura, Grottaferrata (-ome). En septembre 1974, il a participé à un colloque tenu à Padoue et un congr¢s international tenu à -ome à l’occasion du 7e centenaire de la mort de saint onaventure : communication à Padoue, « Le christocentrisme de saint onaventure et le probl¢me d’une philosophie de la religion »  communication à -ome : « Condition historique de la pensée de saint onaventure : christocentrisme, eschatologie et situation de la culture philosophique ».

RAPPORT SUR L’EXERCICE 1974 1975 109 I. Dans la suite des études sur Jean de -ipa et son époque, la premi¢re conférence a eu pour objet la ,uestion VI qui constitue la Secunda pars des Prologi Quaestiones : alors que les ,uestions précédentes portaient sur la vision bienheureuse de l’au-delà, grâce suprême, cette partie, beaucoup plus br¢ve 109. Nombre d’inscrits : 19. Él¢ves diplômés : Mlle arbet, MM. Genest, -uello, Serralda, 4pma, 2eber. Ont participé aux discussions du séminaire : M lle arbet, MM. Genest, &aluUa, -uello, Serralda, Tokarski, 2eber, 4pma. M. Genest a exposé les principaux résultats de recherches poursuivies à Oxford sur la querelle des futurs contingents au XIVe si¢cle.

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que la premi¢re, concerne la connaissance –Ztoujours de l’essence divineZ– par la lumi¢re naturelle. Il s’agit de la possibilité d’une notitia theologica clara et intuitiva in lumine naturali. Ainsi posée, la ,uestion n’a de sens qu’à partir d’une notion de notitia intuitiva que l’article 1 détermine en se référant à l’article premier de la ,uestion suivante qu’il a fallu expliquer en détail : explication justi࠱ée parce qu’elle permet de comprendre plus exactement la doctrine de la connaissance de Jean de -ipa et de la situer parmi les noétiques de son si¢cle où l’opposition notitia intuitiva / notitia abstractiva joue un rôle majeur. On a complété l’analyse des articles 3 de la ,uestion II des Determinationes qui a éclairé notamment la notion de species intelligibilis, la place de la spéculation « ripienne » dans l’histoire de cette notion et le rapport de la même notion avec la conception de l’immutatio vitalis, centrale dans l’enseignement de la Prima pars des Prologi Quaestiones sur la beatitudo formalis. Cela fait, on a dû procéder à un éclaircissement méthodique de l’article 2 (,uestionZVI) : « 0trum quodlibet objectum creatum ad sui intuitivam notitiam cum intellecto creato possit objective concurrere ? » – article dont la dialectique en huit conclusions est fort complexe. Il a fallu situer la notion de causalitas objectiva (et non libera), élucider la référence, apparue fondamentale, à la spéculation de latitudine specierum et à l’in࠱nitisme de la Distinction II de la Lectura et reprendre plusieurs fois l’examen de certains raisonnements. On a aussi jeté un premier regard sur les références contenues dans les notes marginales du Ms. Z reproduites dans l’édition critique. L’explication de l’article 3 a présenté moins de di࠳cultés : la relation de son enseignement à une théologie de la mystique a été marquée. L’article 4 sera joint à la ,uestion VII dans la conférence de l’année suivante qui devrait aussi étudier le probl¢me historico-critique posé par la Questio ultima primae partis délibérément laissée de côté. II. Dans la seconde conférence, on a commencé à revoir en fonction des connaissances acquises depuis les interprétations proposées en 1934 par le directeur d’études sur 'RPQFࠩ@>QFLKBQMO£ABPQFK>QFLK>RXIVe siècle : les études de l’année ont porté sur les textes de Jean Duns Scot. Activités et publication du directeur d’études Le directeur d’études a donné, en février 1975, un exposé à l’0niversité catholique de Milan : « Comment situer saint onaventure par ses textes même dans l’histoire de la philosophie »  et tenu à l’0niversité de -ome un séminaire sur le même sujet. Il a fait à Laon, en juillet 1975 au colloque international du CN-S « Jean Scot Erig¢ne et l’histoire de la philosophie » une communication sur Jean de -ipa, Hugues de Saint-Victor et Jean Scot Erig¢ne. Sa « Note sur le nominalisme d’Abélard » présentée en 1972 au colloque international du CN-S « Pierre Alélard, Pierre le Vénérable » a été publiée dans les Actes du colloque aux Éditions du CN-S, 1975.

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RAPPORT SUR L’EXERCICE 1975 1976 110 Dans cette derni¢re année d’une série commencée en 1934, date de sa nomination (même, de fait, en novembre 1932 comme suppléant d’Étienne Gilson), le directeur d’études a achevé l’explication méthodique des ,uestions sur le Prologue des Sentences de Jean de -ipa, objets de la premi¢re conférence. -estaient à expliquer l’article 4 de la Secunda pars (,uestion VI de l’édition Combes) et les articles 2, 3 et 4 de la Tertia pars (,uestion VII dont l’article 1 avait dû être analysé avec la ,uestion précédente). L’article 4 de la Secunda pars a permis de situer Jean de -ipa dans la suite des interpr¢tes des textes de saint Augustin sur l’illumination divine dans le jugement vrai, en référence immédiate à Henri de Gand, déjà critiqué par Jean Duns Scot mais dans une interprétation des Idées que rejette son disciple « supersubtil ». Le texte invite également à situer Grégoire de -imini dans cette suite. Des références –Zspécialement à la ,uestionZI sur le PrologueZ– ont conduit, sur la suggestion de M. &aluUa, à reprendre une vue d’ensemble de la noétique de Jean de -ipa (fondamentalement doctrine de la connaissance comme apparentia fondée dans l’identité primordiale apparentia objectivaZ– apparentia formalis en Dieu et dans la vision de Dieu) à partir de l’élucidation de la notion de « forme », c’est-à-dire de l’interprétation « ripienne » de la critique des Idées par Aristote. L’unité des Questions sur le Prologue est ainsi devenue manifeste en même temps qu’explicable l’ampleur des développements initiaux, fondements des positions ultérieures plus bri¢vement présentées. Du même coup, on a éclairé le rapport philosophie-théologie dans cette noétique. Passant à l’explication de la Tertia pars, on a d’abord insisté sur la distinction entre son point de vue, essentiellement relatif à la condition présente de l’homme – status iste – et celui de la Seconda pars lié à la notion de « nature » des esprits ࠱nis distinguée de l’ordre de « grâce incréée » caractéristique de la Prima pars. On a ensuite expliqué le détail des brefs articles 2, 3 et 4 en veillant à ne pas dépasser les assertions qu’ils formulent, à laisser ouvertes les questions qu’ils indiquent sans y répondre. Le dernier article a apporté le th¢me de conclusion : rapport de la théologie universitaire « scolastique », à la théologie mystique présentée ici comme une « science », relation déjà notée lors de l’explication de la ,uestion III de la Prima pars. L’explication des trois « Parties » ayant laisé de côté, la Quaestio éditée comme ultima primae partis, il fallait situer cette question : tâche accomplie par Mlle arbet et M. -uello dont voici les conclusions :

110. Nombre d’inscrits : 17. Auditeurs assidus : M lle Maupied, MM. Auriault, de Libera, Park, PoRell, DePuig. Ont participé aux discussions du séminaire : M lle arbet, MM. Genest, &aluUa, PoRell, -uello, Serralda, Tokarski, 2eber, 4pma. Au terme de son enseignement, le directeur a, apr¢s avoir évoqué la mémoire de Mgr Combes, remercié de cette participation « l’équipe » ainsi formée, en disant son espoir que la recherche commune se poursuivra dans le laboratoire associé no 152. M. runner, professeur à l’0niversité de Neuchatel, a bien voulu faire, le 18 mai, un exposé suivi de discussion sur « -aison et foi cheU Ma¨tre Eckhart ».

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Pour donner un début de réponse à la question : la Quaestio ultima primae partis prologi fait-elle partie d’un état primitif de la Lectura ou est-elle une addition postérieure ? Mlle arbet a comparé l’état du texte dans les dix manuscrits. Elle a écarté l’hypoth¢se qui ferait du texte tr¢s abrégé donné par le manuscrit de Cracovie Jagellon 733 un état primitif, et proposé de le considérer comme une abréviation rédigée non par Jean de -ipa mais plutôt par un disciple. La Quaestio ultima, dont ce manuscrit est un des cinq témoins, ne serait donc pas un vestige d’une premi¢re attitude de l’auteur. L’étude des manuscrits qui la transmettent dégage l’importance du manuscrit Vatican lat. 1083, dans lequel la Quaestio ultima s’ins¢re plus naturellement que dans le manuscrit de base de l’édition. Au jugement de M. -uello, Jean de -ipa ne doute pas que l’essence divine dont la nature est immense puisse être pour l’intellect créé connaissance théologique béati࠱que, si l’« information » et l’« immutation vitale » se distinguent et si l’on admet qu’il puisse y avoir immutation vitale sans information et réciproquement (,. 1). Il pense en outre que ses conclusions en cette mati¢re doivent être acceptées d’un point de vue philosophique aristotélico-averro©ste (,. 2). La Quaestio ultima vise directement à établir ce qu’il faut tenir théologiquement (« quid sit tenendum »), plus probablement (probabilius) selon la vérité d’une part, selon surtout l’École commune et l’opinion la plus fréquemment soutenue par les docteurs théologiens d’autre part, sur ce qui a été présenté dans les questions trois à cinq, comme pouvant être soutenu théologiquement (« quid theologice potest poni », p. 323, I, 1-17). Jean de -ipa prévient son lecteur : 1)Zil n’a࠳rmera rien en son nom personnel  2)Zrien de ce qu’il dira ne devra être tenu comme portant préjudice à la doctrine des « Saints »  3)Zson intention exclusive est de montrer ce que l’on peut dire avec probabilité (« quid probabiliter potest dici ») selon la doctrine commune des théologiens. Il est en e࠰et convaincu que si « l’on voulait prendre appui sur les raisons philosophiques ou spéculatives » (,. 2) et sur les argumentations de nombreux saints et principalement sur celles d’Augustin, on accorderait plus de probabilités aux th¢ses qu’ils ont soutenues selon la méthode même dont on a usé en discutant la question troisi¢me et la question quatri¢me. La discussion présente est justi࠱ée par le fait qu’en général les docteurs anciens et les théologiens modernes – en particulier ceux de « cette 0niversité » (Paris, vraisemblement) – professent la th¢se opposée. Celle-ci est « bien fondée en raison » (bene probabilis) à cause de ce qu’implique la béatitude du Christ. Jean de -ipa entend toutefois la forti࠱er en quelque sorte et énoncer à son propos les conclusions qui en découlent plus probablement (p. 327, 85-328, 99). La ࠱n du paragraphe témoigne de sa réserve : il abandonne au jugement du lecteur le soin de dire quelle position (la sienne ou celle des autres) est la plus vraie (verior). En ce qui le concerne, il ne veut rien a࠳rmer sur le sujet à la lég¢re (temere) (p. 327, 99-100). 0n seul point est à ses yeux incontestable parce que fondé en raison et vrai : la connaissance formelle dont il parlera n’est pas obtenue par information, mais par immutation vitale (p. 327, 11-328, 16). Jean de -ipa douta-t-il de la « vérité » des positions qu’il tenait personnellement ? M. -uello ne le pense pas : le Docteur franciscain refuse de dire si des deux doctrines en présence l’une est « plus vraie » que l’autre (p. 327, 99-100). 354

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Son attitude s’explique parce qu’il existe ce qu’on pourrait appeler une hiérarchie des lieux théologiques. Ses adversaires partageaient cette conviction, ainsi qu’il en témoigne lui-même dans ses Determinationes (p. 391-392) où il attaque l’opinion opposée à la sienne (p. 259). À ses yeux une doctrine « approuvée par l’École commune » ne l’emporte pas en tant que telle sur une autre qui lui est opposée, soutenue « par les docteurs que l’Église reconna¨t » et établie à l’aide de « raison dont leurs écrits ou ceux de Docteurs authentiques sont le fondement ». Comme l’année précédente, la seconde conférence avait pour objet un nouvel examen, en vue d’une réédition, des probl¢mes traités en 1934 dans 'RPQFࠩ@>QFLK et prédestination au XIVe siècle : apr¢s l’étude des textes de Scot en 1974-1975, on s’est interrogé en 1975-1976 sur la place de Pierre d’Auriole dans le développement de la doctrine de l’acceptation de Scot à Occam. On a montré en conclusion la nécessité de ne pas juger d’Auriole à partir des seuls textes retenus par Occam, mais de replacer ces textes dans l’ensemble de sa théologie et de sa philosophie, notamment la doctrine de l’indistinction des attributs divins, de la Volonté, de la Puissance et d’abord, de la « Prescience » des futurs contingents. Activités et publication du directeur d’études Le directeur d’études a, en février 1976, tenu un séminaire à l’0niversité de -ome sur « Philosophie et théologie dans la noétique de Jean de -ipa » et donné une conférence « Introduction au nominalisme médiéval ». En septembre 1976, le directeur d’études a ouvert à Padoue le IVe congr¢s scotiste international en traitant de « Lire Duns Scot aujourd’hui ». En octobre, il a traité de la « Problématique du nominalisme médiéval » dans un colloque organisé par l’Institut supérieur de philosophie de l’0niversité de Louvain. Le comité international pour l’étude de saint Anselme a publié dans les Actes du Congrès de Bad Wimpfen (1970) son analyse de La preuve ontologique de Jean de Ripa, éditions Minerva, !rancfort, et dans les Actes du Congrès d’Aoste-Turin (1973), 47e bulletin de l’Académie de saint Anselme d’Aoste, sa conférence : « L’histoire de la philosophie devant l’œuvre de saint Anselme ».

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–ZIIIZ–

ibliographie des travaux de Paul et Georgette Vignaux

ibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

PRÉSENTATION DE LA BIBLIOGRAPHIE DES ÉCRITS DE PAUL ET GEORGETTE VIGNAUX Nous avons voulu o࠰rir à tous ceux et celles qui s’intéressent à Paul Vignaux 1 un outil de travail qui couvre les deux versants d’une activité intellectuelle et militante de soixante ans. Nous avons donc divisé les écrits de Paul Vignaux en deux sections : – la premi¢re, réalisée par Monica Calma, présente les études d’érudition historiographique et philosophique, complétant les bibliographies déjà publiées 2 des travaux d’histoire de la philosophie médiévale  – la seconde, totalement inédite, rassemble les publications et articles de Paul Vignaux correspondant à ses engagements religieux, syndicaux et politiques, à son activité de secrétaire général du Syndicat Général de l‘Education Nationale, à l’animateur syndicaliste dans une C!TC, qu’il contribue à faire devenir C!DT. Nul doute qu’elle surprenne le lecteur par l’abondance et la diversité des sujets abordés : c’est toute une face de l’histoire sociale et politique de la !rance qui se rév¢le ainsi à travers sa plume. Logiquement, les écrits concernant la

1. Sur Paul Vignaux, voir : P. VIGNAUX, De la CFTC à la CFDT : Syndicalisme et socialisme. f/B@LKPQOR@QFLKu  , Paris 1980, 214 p.  J. JOLIVET, A. DE LIBÉRA, « Paul Vignaux historien de la philosophie », Le Monde (22 septembre 1987)  J.-M. PERNOT, « Apr¢s la mort de Paul Vignaux », dans 2K>KABIF?£O>IFPJB JVQEBPBQO£>IFQ£P @QBAR@LIILNRBARGRFK, Paris 1987, p. 125-136  Paul Vignaux, un intellectuel syndicaliste, publié par la C!DT, Paris 1988, 226 p.  M. SINGER, %FPQLFOBAR0$"+  , Lille 1987, 669 p, avec un « Hommage à Paul Vignaux », par Ch. PIÉTRI (8 p.). Cette th¢se a été éditée en version abrégée et prolongée, Le SGEN. Des origines à nos jours, Paris 1993, 352 p.  M. SINGER, « Paul Vignaux » dans J. MAITRON, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français, t. 43 (4e série, 1914-1939), Paris 1993, p. 217-219 et Dictionnaire biographique du SGEN-CFDT, CD des Éditions de l’Atelier, Paris 2004. É. POULAT, « Paul Vignaux », Encyclopaedia Universalis. Universalia (1988), p. 610-611 et « Paul Vignaux ou le principe d’autonomie », La question religieuse et ses turbulences au XXe siècle, Paris 2005, p. 263-267. Ch. PIÉTRI, « notice sur Paul Vignaux », Annuaire de l’association amicale des anciens élèves de l’École normale supérieure, 1990, p. 46-47  Avant-propos à Lectionum S>OFBQ>QBPELJJ>DBš->RI3FDK>RU  , Paris 1991, p. 7-9. Cf., dans la Revue de la société des élèves, anciens élèves et amis de la section des sciences religieuses de l’EPHE, Paris 1989, les articles de A. CAQUOT, « Henri-Charles Puech et Paul Vignaux, présidents de la section des sciences religieuses », p. 21-23, A. DE LIBÉRA, « Paul Vignaux, historien de la philosophie médiévale », p. 31-36, J.-P. MARTIN, « 0n humaniste la©que et chrétien », p. 37-43, J. JOLIVET, « Paul Vignaux, enseignant et syndicaliste », p. 44-46, M. SINGER, « Vignaux, le syndicaliste », p. 47-48. Cf. aussi !. GEORGI, « Paul Vignaux », dans J. JULLIARD, M.ZWINOCK (dir.), Dictionnaire des intellectuels français, Paris 2002, p. 1410-1412. 2. Voir P. VIGNAUX, De saint Anselme à Luther, Paris 1976, p. 481-489  Philosophie au Moyen Âge, avec une introduction autobiographique, éd. -. IMBACH, Paris 2004, p. 31-38.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

dimension religieuse de l’engagement, les rapports au marxisme et les droits de l’homme ont été placés dans cette section. Entamée par Monica Calma, elle a été amplement développée et complétée par Jean Lecuir, utilisant notamment les dépouillements de revues et des archives familiales 3 et syndicales 4 de Paul Vignaux qu’il a engagés pour ses travaux sur cette personnalité syndicale et politique 5. 0ne introduction spéci࠱que à cette section expliquera les probl¢mes particuliers que posait son établissement. Cette activité ne peut pas être distinguée de celle de Georgette Vignaux, son épouse, qui soutint ses engagements : le couple échangeait et partageait des préoccupations analogues. Il pouvait écrire parfois conjointement, plus souvent chacun de son côté sous son nom ou ses pseudonymes 6. Pour cette raison, notre bibliographie s’ach¢ve par une liste de ses publications, élaborée par Monica Calma et Jean Lecuir. Ces deux bibliographies parall¢les, nous livrent un acc¢s direct aux préoccupations et aux lectures qui ont nourri les ré࠲exions religieuses, sociales et politiques de ces deux intellectuels, à la fois philosophes et citoyens. Soulignons que nous n’avons retenu ici que les références d’écrits à caract¢re public, accessibles –Zen principe du moinsZ– dans les biblioth¢ques et aux archives de la C!DT, qu’ils soient imprimés ou ronéotypés. Si elles décrivent déjà un vaste et large paysage, elles ne prétendent pas à l’exhaustivité, ne serait-ce que parce que d’autres textes de Paul Vignaux –Zinédits, conférences, cours, notes, lettresZ– sont conservés, dispersés dans divers dépôts d’archives en !rance, aux États-0nis et en Suisse. En l’état, cependant, cette bibliographie comble une vraie lacune.

3. Il a béné࠱cié du soutien assidu de !rançois-ernard Vignaux, le plus jeune ࠱ls du ménage Vignaux, seul survivant des trois fr¢res. ,u’il soit ici vivement remercié. 4. !onds 14 AP aux archives de la C!DT  !onds Vignaux aux archives EPHE. 5. Voir, outre sa contribution sur « Paul Vignaux à Toulouse : -ésistance spirituelle et politique en Uone non occupée (juin 1940-juin 1941) », supra p.Z51-120, « Paul Vignaux à Toulouse : les débuts de la résistance syndicale chrétienne en Uone non-occupée (juin 1940-juin 1941) », dans les Actes du 59e LKDO¢PABI>#£A£O>QFLKEFPQLOFNRBAB*FAF -VO£K£BPBKGRFK

, Cahors, à para¨tre. 6. Paul Vignaux utilise, outre son deuxi¢me prénom «ZDominiqueZ», le pseudonyme de Jacques -ochelle d¢s 1932, qu’on trouve sur toute sa période production syndicale et politique, puis en 1941 Paul Terrasse, Herbert Morris, et apr¢s la guerre, peut-être Jacques ou Jean Perrot. Georgette Vignaux, quand elle ne signe pas Georgette-Paul Vignaux, utilisera ceux de Paule ou Georgette érault (du nom de jeune ࠱lle de sa m¢re, érault de Saint-Martin).

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BIBLIOGRAPHIE DES PUBLICATIONS PHILOSOPHIQUES DE PAUL VIGNAUX

1929 « Compte rendu d’E. Gilson, Introduction à l’étude de saint Augustin (Études de philosophie médiévale, 11) », Revue d’histoire franciscaine 6 (1929), p. 407-414. « Compte rendu de C. !eckes (éd.), $>?OFBIFPFBINR>BPQFLKBPABGRPQFࠩ@>QFLKB, M¶nster, Aschendor࠰ (M¶nsterische eitržge Uur Theologie, 4), 1929 », Revue d’histoire franciscaine 6 (1929), p. 414-417. « Compte rendu de !. Pelster (éd.), Thomae de Sutton, Questiones de reali distinctione inter essentiam et esse, Aschendor࠰ (M¶nsterische eitržge Uur Theologie, 5), 1929 », Revue d’histoire franciscaine 6 (1929), p. 417. « Compte rendu de J. &och (éd.), Durandi de Porciano. Questio de natura cognitionis (II Sent. A, d. 3, q. 5) et Disputatio cum Anonymo quodam nec non determinatio Hervei Natalis (,uodl. III, q. 8), Aschendor࠰ (M¶nsterische eitržge Uur Theologie, 6), 1929 », Revue d’histoire franciscaine 6 (1929), p. 417-419. « Compte rendu de A. Heysse (éd.), Liber de sex principiis Gilberto Porretano, Aschendor࠰ (M¶nsterische eitržge Uur Theologie, 7), 1929 », Revue d’histoire franciscaine 6 (1929), p. 419. « Compte rendu de J. !r. onnefoy, Le Saint-Esprit et ses dons selon saint Bonaventure (Étude de philosophie médiévale, 10) Paris, Vrin, 1929 », Revue d’histoire franciscaine 6 (1929), p. 421-425. « Compte rendu de J. H. issen, L’exemplarisme divin selon saint Bonaventure (Étude de philosophie médiévale, 9), Paris, Vrin, 1929 », Revue d’histoire franciscaine 6 (1929), p. 425-429. 1931 « Nicolas d’Autrécourt », Dictionnaire de théologie catholique, XI/1, Paris 1931, col. 561-587. « Nominalisme », Dictionnaire de théologie catholique, XI/1, Paris 1931, col. 717-783. « Guillaume d’Occam », Dictionnaire de théologie catholique, XI/1, Paris 1931, col. 876-889.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

1932 « Discours à la distribution solennelle des prix du mercredi 13 juillet 1932 au lycée Henri-IV de éUiers », éUiers 1932, 11 p. (SujetZtraité : « À quoi sert la philosophie ? »). « Programme des conférences pour l’année scolaire 1932-1933 », Annuaire de l’École Pratique des Hautes Études, Section des sciences religieuses 1 40 6193219338 (1932), p. 812. 1934 'RPQFࠩ@>QFLK BQ MO£ABPQFK>QFLK >R XIVe siècle : Duns Scot, Pierre d’Auriole, Guillaume d’Occam, Grégoire de Rimini, Librairie Ernest Leroux, Paris 1934 (1981) (iblioth¢que de l’École des hautes études, Sciences religieuses, 48), 192 p. « -apport sur l’exercice 1932-1933 », Annuaire de l’EPHE 41 61933-19348 (1934), p. 55-56. 1935 « Humanisme et théologie cheU Jean Duns Scot », dans ASSOCIATION GUILLAUME BUDÉ, Congrès de Nice, >SOFI @QBPAR LKDO¢P, Les elles Lettres, Paris 1935, p. 388-392. Luther Commentateur des Sentences (Livre I, Distinction XVII), Paris 1935 (Études de philosophie médiévale, 20), 144 p. « -apport sur l’exercice 1933-1934 », Annuaire de l’EPHE 42 61934-19358 (1935), p. 52. « -apport sur l’exercice 1934-1935 », Annuaire de l’EPHE 43 61935-19368 (1935), p. 62. « Note sur la relation du conceptualisme de Pierre d’Auriole à sa théologie trinitaire 2 », Annuaire de l’EPHE 43 61935-19368 (1935), p. 5-23. 1936 « Humanisme et théologie cheU Jean Duns Scot », La France franciscaine 19 (1936), p. 209-225. « -emarques sur l’intention et la méthode des derni¢res œuvres de M. londel », La vie intellectuelle (25 juin 1936), p. 457-469. « -apport sur l’exercice 1935-1936 », Annuaire de l’EPHE 44 61935-19368 (1936), p. 66.

1. -éférence ultérieure simpli࠱ée : Annuaire de l’EPHE 2. Ce texte, comme les suivants, sont retranscrits dans ce volume, voir la p. 295.

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Publications philosophiques de Paul Vignaux

1937 « Der Ein࠲uss der Antike auf die Geistesgeschichte des Mittelalters : Der Mittelalterliche Humanismus », dans !. ALTHEIM, Aufsätze zur Geschichte der Antike und des Christentums, Die -unde, erlin 1937, p. 75-91. « Sur quelques tendances de la philosophie de Maurice londel », Recherches philosophiques. Fondées par A. Koyré, H.-Ch. Puech et A. Spaier 6 (1936-1937), p. 363-372. (Avec H.-Ch.Z PUECH), «Z La Science des -eligionsZ », Les Sciences sociales en France. Enseignement et recherche, Groupe d’études sociales, Hartmann, Paris 1937. « -apport sur l’exercice 1936-1937 », Annuaire de l’EPHE 46 61937-19388 (1937), p. 65. 193 La Pensée au Moyen Âge, Paris 1938 (Collection Armand Colin, section de philosophie, 207), 208 p. (traduction en espagnol : El pensamiento en la Edad Média, trad. T. SEGOVIA, !undo de Cultura Econ­mica, Mexico 1952 (1948, 1959)  traduction en italien : Pensiero nel medioevo, trad. C. GIACON, La Scuola, rescia 1947  traduction en portugais : O pensar na Idade Média, trad. A. PINTO DE CARVALHO, Armenio Amado, Coimbra 1941). « -apport sur l’exercice 1937-1938 », Annuaire de l’EPHE 47 61938-19398 (1938), p. 69. 1939 « Égalité et communauté », Études carmélitaines 2 (1939), p. 88-108. La nature humaine dans la pensée médiévale (prospectus annonçant la séance du 29 avril 1939 de la Société française de philosophie 3. « -apport sur l’exercice 1938-1939 », Annuaire de l’EPHE 48 61939-19408 (1939), p. 76. 1941 « -apport sur l’exercice 1939-1940 et 1940-1941 », Annuaire de l’EPHE 49 61940-1941 et 1941-19428 (1941), p. 91-93. 1944 1945 « À propos de Christianisme et démocratie (de Jacques Maritain) », Renaissance 2-3 (1944-1945), p. 446-460.

3. Le texte de cette intervention, retrouvé dans les archives saisies par la Gestapo, est publié dans cet ouvrage, p. 287-293.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

1947 « Note sur le chapitre LXX du Monologion », Revue du Moyen Âge latin 3 (1947), p. 321-334. « Les travaux du P. oehner sur Ockham », Revue du Moyen Âge latin 3 (1947), p. 99-102. Compte rendu : A. B. Wolter, The Transcendentals and their Function in the Metaphysics of Duns Scotus (NeR 4ork 1946) », Revue du Moyen Âge latin 3 (1947), p. 283-289. « Structure et sens du Monologion », Revue des sciences philosophiques et théologiques 31 (1947), p. 192-212. « -apport sur l’exercice 1945-1946 », Annuaire de l’EPHE 53-54 61945-1946 et 1946-19478 (1946), p. 149-151. (Avec Georgette VIGNAUX), traduction de l’anglais sous la direction de G. GURVITCH, 2. E. MOORE (dir.), Sociologie au XXe siècle, t. 2 : Les études PL@FLILDFNRBPA>KPIBPAFࠨ£OBKQPM>VP Paris 1947, p. 514-761. La pensée au Moyen Âge, Armand Colin, Paris 1948. Nominalisme au XIVe siècle, Institut d’études médiévales, Montréal – Paris 1948 (19822) (Les conférences Albert-le-Grand, 1948), 97 p. . « Travail et théologie. Notes en marges de Proudhon », Journal de psychologie normale et pathologique 41 (1948), p. 65-68. « Compte rendu de S. J. Day, &KQRFQFSB LDKFQFLK  (BV QL QEB 0FDKFࠩ@>K@B LC the Later Scolastics (NeR 4ork, 1947) », Revue du Moyen Âge latin 4 (1948), p. 72-75. « -apport sur l’exercice 1946-1947 », Annuaire de l’EPHE 55 61947-19488 (1947), p. 66. 194 « -apport sur l’exercice 1947-1948 », Annuaire de l’EPHE 56 61948-19498 (1948), p. 58-59. 1949 « Note sur "PPB?B>QFࠩ@>?FIBM>PPFLQEBLILDF@> », Franciscan Studies 9 (1949), p. 404-416. « Sur l’histoire de la philosophie au XIVe si¢cle », dans J. MARITAIN, B. DE SOLAGES, A. FOREST, Étienne Gilson philosophe de la chrétienté, Paris 1949 (-encontres, 30), p. 143-156. « -apport sur l’exercice 1948-1949 », Annuaire de l’EPHE 57 61949-19508 (1949), p. 67. 1950 « Sur Luther et Occam », Franziskanische Studien 32 (1950), p. 21-30.

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Publications philosophiques de Paul Vignaux

« -apport sur l’exercice 1949-1950 », Annuaire de l’EPHE 58 61950-19518 (1950), p. 67. 1951 « -apport sur l’exercice 1950-1951 », Annuaire de l’EPHE 59 61951-19528 (1951), p. 55. 1952 « -apport sur l’exercice 1951-1952 », Annuaire de l’EPHE 60 61952-19538 (1952) p. 51. 1953 « Condition d’une métaphysique médiévale : Jean Duns Scot » (Compte rendu : É. GILSON, Jean Duns Scot. Introduction à ses positions fondamentales, Paris 1952), Critique 69 (février 1953), p. 134-141. « -apport sur l’exercice 1952-1953 », Annuaire de l’EPHE 61 61953-19548 (1953), p. 62. 1954 « In࠲uence augustinienne », dans Augustinus Magister. Congrès international >RDRPQFKFBK ->OFP  PBMQBJ?OB, t. III, Études augustiniennes, Paris 1954, p. 165-169. Compte rendu : É. GILSON, Jean Duns Scot. Introduction à ses positions fondamentales (Paris 1952), The Modern Schoolman 31/2 (janvier 1954), p. 133-137. « -apport sur l’exercice 1953-1954 », Annuaire de l’EPHE 62 61954-19558 (1954), p. 58-59. 1955 « -apport sur l’exercice 1954-1955 », Annuaire de l’EPHE 63 61955-19568 (1955), p. 80-81 1956 « Jean Duns Scot et Guillaume d’Occam », dans Les philosophes célèbres. Textes recueillis par M. Merleau-Ponty, L. MaUenod, Paris 1956. « -apport sur l’exercice 1955-1956 », Annuaire de l’EPHE 64 61956-19578 (1956), p. 56. 1957 Préface de : JEAN DE RIPA, Conclusiones, éd. A. COMBES, Vrin, Paris 1957 (Études de philosophie médiévale, 44), p. 7-12. « -apport sur l’exercice 1956-1957 », Annuaire de l’EPHE 65 61957-19588 (1957), p. 78-79.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

195 Philosophie au Moyen Âge, Armand Colin, Paris 1958 (Armand Colin. Section de philosophie, 323), 224 p. (Avant-propos reproduit dans Philosophie au Moyen Âge, éd. -. IMBACH, Vrin, Paris 2004). Traduction en anglais : Philosophy in the Middle Ages, trad. E. C. HALL, Meridian ooks, NeR 4ork 1959). « -apport sur l’exercice 1957-1958 », Annuaire de l’EPHE 66 61958-19598 (1958), p. 103-104. 1959 « Dogme de l’incarnation et métaphysique de la forme cheU Jean de -ipa (Sent. Prol. ,. I) », dans *£I>KDBPLࠨBOQPšƒQFBKKB$FIPLK, (Études de philosophie médiévale, hors série), Vrin, Toronto – Paris 1959, p. 661-672. « Luther lecteur de Gabriel iel (Disputatio contra scholasticam theologiam, 5-19  III Sent. d. XXVII. q.u.a. 3. dub. 2) », Église et théologie (1559-1959) Dogmatique et éthique (mars 1959), p. 33-52. 1960 « -apport sur l’exercice 1958-1959 », Annuaire de l’EPHE 67 61959-19608 (1960), p. 96-97. 1961 Préface de : François de Meyronnes Pierre Roger, !FPMRQ>QFL  , Édition critique, éd. J. BARBET, Vrin, Paris 1961 (Textes philosophiques du Moyen Âge, 10), p. 7-10. « -apport sur l’exercice 1959-1960 », Annuaire de l’EPHE 68 61960-19618 (1961), p. 124-125. 1962 « L’„tre comme perfection selon !rançois de Meyronnes », dans Études d’histoire littéraire et doctrinale 17 (1962), p. 259-318. « -echerche métaphysique et théologie trinitaire cheU Jean Duns Scot », Aquinas 3 (1962), p. 301-323. « -apport sur l’exercice 1960-1961 », Annuaire de l’EPHE 69 61961-19628 (1962), p. 101-102. 1963 « -apport sur l’exercice 1961-1962 », Annuaire de l’EPHE 70 61962-19638 (1963), p. 94-96. « -apport sur l’exercice 1962-1963 », Annuaire de l’EPHE 71 61963-19648 (1963), p. 99-100.

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Publications philosophiques de Paul Vignaux

1964 « Note sur le concept de forme intensive dans l’œuvre de Jean de -ipa », dans Mélanges Alexandre Koyré, t. 2 : L’aventure de la science, Hermann, Paris 1964 (Histoire de la pensée, 13) , p. 517-526. « Philosophie chrétienne et théologie de l’histoire », dans L’homme devant Dieu, *£I>KDBP LࠨBOQP >R -¢OB %BKOF AB )R?>@  &&& -BOPMB@QFSBP A‫>ٽ‬RGLROA‫ٽ‬ERF, Aubier, Paris 1964 (Théologie, 58), p. 263-275. (Avec A. COMBES), Jean de Ripa, Quaestio de Gradu Supremo, éd. P. VIGNAUX, A. COMBES, Vrin, Paris 1964 (Textes philosophiques du Moyen Âge, 12), p. 91-140. Préface de : C. BÉRUBÉ, La connaissance de l’individuel au Moyen Âge, Presses de l’université : Montréal – Puf : Paris 1964, p. V-XII. « Alexandre &oyré (1892-1964) » et « -apport sur l’exercice 1963-1964 », Annuaire de l’EPHE 72 61964-19658 (1964), p. 43-49 et p. 118-120. 1965 « De la théologie scolastique à la science moderne », Revue d’histoire des sciences 18/2 18 (1965), p. 141-146. « La méthode de saint Anselme dans le Monologion et Proslogion », Aquinas 8 (1965), p. 110-129. « -apport sur l’exercice 1964-1965 », Annuaire de l’EPHE 73 61965-19668 (1965), p. 155. 1966 « -apport sur l’exercice 1965-1966 », Annuaire de l’EPHE 74 61966-19678 (1966), p. 159-161. 1967 (avec !. RUELLO), « Immensité divine et in࠱nité spatiale », dans JEAN DE RIPA, I Sent. Dist. p. : De Modo inexistendi divine essentie in omnibus creaturis, éd. A. COMBÈS, F. RUELLO, présentation P. VIGNAUX, Traditio 33 (1967), p. 191-209. « -OL@BPPRPFKFKࠩKFQRJ et preuve de Dieu cheU Jean de -ipa », dans Mélanges LࠨBOQPš* !  EBKR, Vrin, Paris 1967 (iblioth¢que Thomiste, 37), p. 467-476. « La Sancti࠱cation par l’esprit incréé d’apr¢s Jean de -ipa, I Sent., Dist. XIV-XV », Divinitas 11 (1967), p. 681-714 et dans Miscellanea André Combes, 0niversité ponti࠱cale de Latran, -ome 1967, p. 284-317. « -apport sur l’exercice 1966-1967 », Annuaire de l’EPHE 75 61967-19688 (1967), p. 186-187. 196 « „tre et in࠱ni selon Duns Scot et Jean de -ipa », dans De doctrina Ioannis Duns Scoti. Acta congressus scotistici internationalis, Oxonii et Edimburghi 367

Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

 ࢙PBMQ@BIB?O>QF0@LQFPJRPAB@ROPRP>B@RILORJ, Societas internationalis scotistica, -ome 1968 (Studia scholastico-scotistica, 4), p. 43-56. (Avec A. CAQUOT et E.-M.ZLAPERROUSAZ), «ZPréfaceZ» et « Histoire des théologies médiévales », dans Problèmes et méthodes d’histoire des religions. Mélanges publié par la Section des sciences religieuses à l’occasion du centenaire de l’École Pratique des Hautes Études, Puf, Paris 1968, p. 221-229. « -apport sur l’exercice 1967-1968 », Annuaire de l’EPHE 76 61968-19698 (1968), p. 194-195. 1969 « &arl arth : un théologien de Dieu vivant », Cahiers universitaires catholiques (février 1969), p. 257-259. « -apport sur l’exercice 1968-1969 », Annuaire de l’EPHE 77 61969-19708 (1969), p. 301-303. 1970 « -apport sur l’exercice 1969-1970 », Annuaire de l’EPHE 78 61970-19718 (1970), p. 297-298. (Avec H.-Ch.Z PUECH), «Z La science des religions en !rance (1937)Z », dans H.Z DESROCHE, J.Z SEGUY, Introduction aux sciences humaines des religions, Cujas, Paris 1970, p.Z9-35. 1971 « In Memoriam : André Combes (1899-1969) », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 37 (1970-1971), p. 7-8. « Pour lire Jean de -ipa (Sent. I prol. q. 3) », Studia mediaevalia et mariologica P. Carolo Balic OFM septuagesimum explenti annum dicata, Antonianum, -ome 1971, p. 283-302. « Sur les dimensions métaphysiques du salut », Axes 3 (1971), p. 12-18. « Nominalisme », Encyclopaedia Universalis, t. XI, Paris 1971, p. 863-865. « -apport sur l’exercice 1970-1971 », Annuaire de l’EPHE 79 61971-19728 (1971), p. 323-327. 1972 « In࠱ni, liberté et histoire du salut », dans Deus et homo ad mentem I Duns Scoti. Acta tertii congressus scotistici internationalis, Vindobonae, ࢙ PBMQ ࢙ L@Q   , Societas internationalis scotistica, -ome 1972 (Studia scholastico-scotistica, 5), p. 495-507. « -apport sur l’exercice 1971-1972 » et « -apport sur l’exercice 1972-1973 », Annuaire de l’EPHE 80-81 61971-1972 et 1972-19738 (1972), p. 373-374, p. 375.

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Publications philosophiques de Paul Vignaux

1973 « Note sur la considération de l’in࠱ni dans les Quaestiones disputatae de scientia Christi », dans 0 LK>SBKQRO>  , t. III : Philosophica, Collegio S. onaventura, -ome 1973, p. 8-95. (Non signé, P. VIGNAUX avec H.-I. MARROU), « En guise de manifeste », )BP࢙.R>QOB#IBRSBP 1 (1973), p. 3-8. « Saint Anselme, arth et au-delà », Les Quatre Fleuves 1 (1973), p. 8395. « L’avenir de la théologie catholique vu par un luthérien », Les Quatre FleuvesZ1 (1973), p. 115-118. « Sur la christologie de 2. Pannenberg », Les Quatre Fleuves 1 (1973), p. 119-127. « Avant-propos », dans In Principio. Interprétations des premiers versets de la Genèse, Études augustiniennes, Paris 1973, p. 7-8. 1974 « Conditions d’une théologie de l’espérance », Les Quatre Fleuves 2 (1974), p. 82-96. « !ernand Guimet », Les Quatre Fleuves 2 (1974), p. 127. « Christianisme et philosophie de la liberté », Les Quatre Fleuves 3 (1974), p. 99-116. « La philosophie médiévale dans le temps de l’Église », dans Mélanges d’hisQLFOB ABP OBIFDFLKP LࠨBOQP š %BKOF E>OIBP -RB@E PLRP IB M>QOLK>DB BQ >SB@ le concours du Collège de France et de la Section des sciences religieuses de l’École Pratique des Hautes Études, Puf, Paris 1974, p. 549-555. « Sur la place du Moyen Âge en histoire de la philosophie » (séance du 24 novembre 1973), Bulletin de la Société française de philosophie 68 (1974), p. 1-29. « Ockham, 2illiam of », dans Encyclopaedia Britannica (1974), p. 594-505. « Compte rendu des conférences de l’année universitaire 1973-1974 », Annuaire de l’EPHE 82 61973-19748 (1974), p. 221-222. 1975 « L’histoire de la philosophie devant l’œuvre de saint Anselme », dans 0>FKQ࢙ KPBIJB, ses précurseurs et ses contemporains. Journée d’études anselmiennes, Aoste-Turin,    GRFK , Quarante septième Bulletin de l’Académie saint Anselme (1974-1975), p. 11-24. « Note sur le nominalisme d’Abélard », dans Pierre Abélard et Pierre le Vénérable. Les courants philosophiques, littéraires et artistiques en Occident au milieu du XIIe siècle. Abbaye de Cluny, GRFIIBQ, Paris 1975 (Colloques internationaux du CN-S, 546), p. 523-527. « Penser Dieu révélé en Jésus : philosophie et christologie », Les Quatre FleuvesZ4 (1975), p. 61-76.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« Pour une ecclésiologie critique », Les Quatre Fleuves 5 (1975), p. 29-44. (Signé avec Georgette VIGNAUX) « Église et libération. Note de lecture de P¢re CONGAR, Un peuple messianique. Salut et libération (Paris 1975) », Les Quatre Fleuves 4 (1975), p. 54-56. « La preuve ontologique cheU Jean de -ipa (I. Sent. Dist. II ,u. I) », dans H. KOHLENBERGER (dir.), Die Wirkungsgeschichte Anselms von Canterbury. Akten der ersten internationalem Anselm-Tagung, Bad Wimpfen, 13 sept. bis PBMQ  , Minerva, !rankfort 1975 (Analecta Anselmiana, 4), p. 173-194. « -apport sur l’exercice 1974-1975 », Annuaire de l’EPHE 83 61974-19758 (1975), p. 267-268. 1976 De saint Anselme à Luther, Vrin, Paris 1976, 492 p. L’ouvrage comprend un témoignage de Paul Vignaux (p. 7-11), daté du 31 décembre 1975, sur son itinéraire philosophique. « La connaissance comme apparentia dans les Prologi quaestiones de Jean de -ipa », International Studies in Philosophy 8 (1976), p. 39-56. « Dieu contesté, Dieu incontestable », Les Quatre Fleuves 6 (1976), p. 64-77. « -apport sur l’exercice 1975-1976 », Annuaire de l’EPHE 84 61975-19768 (1976), p. 375-378. 1977 « Jean de -ipa, Hugues de Saint-Victor et Jean Scot sur les théophanies », dans Jean Scot Érigène et l’histoire de la philosophie, Éditions du CN-S, Paris, 1977 (Colloques internationaux du CN-S, 561), p. 433-440. « La problématique du nominalisme médiéval peut-elle éclairer des probl¢mes philosophiques actuels ? », Revue philosophique de Louvain 75 (1977), p. 293-331. 197 « Présentation » et « Mystique, scolastique, exég¢se », dans Dieu et l’être, Exégèse d’Exode 3,  AB LO>K  ,  , Paris, Études augustiniennes, 1978, p. 7-13, 205-211. « Le christocentrisme de saint onaventure et le probl¢me d’une philosophie de la religion », Laurentianum 3 (1978), p. 391-412. « Lire Duns Scot aujourd’hui », dans Regnum hominis et Regnum Dei, Societas Internationalis Scotistica, -ome 1978, p. 33-46. « Philosophie et théologie trinitaire cheU Jean de -ipa », Archives de philosophie 41 (1978), p. 221-236. « Métaphysique de l’Exode, philosophie de la religion (à partir du Primo principio selon Duns Scot) », /FSFPQ>AFࠩILPLࠩ>KBL P@LI>PQF@> 70 (1978), p. 135-148.

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Publications philosophiques de Paul Vignaux

« Dieu contesté, Dieu incontestable », Dio, Pàtron, ologne 1978 (Problemi di attualità, 1), p. 253-270. 1979 « La conception de la philosophie au Moyen Âge », dans Actas del congresso FKQBOK>@FLK>IABࠩILPLࠩ>JBAFBS>I*>AOFA , Madrid Editoria Nacional, Madrid 1979, p. 81-85. « Étienne Gilson », Revue de métaphysique et de morale 73 (1979), p. 289-295. « Étienne Gilson », Annuaire de l’EPHE 87 61978-19798 (1979), p. 27-37. « Situation eschatologique d’un métaphysicien : Jean de -ipa, Prologi quaestiones », /LWKFHF#FILWLࠩ@WKB 27 (1979), p. 183-200. 190 « Nécessité des raisons dans le Monologion », Revue des sciences philosophiques et théologiques 64 (1980), p. 3-25. « Situation d’un historien philosophe devant la scolastique des XIVe et XVe si¢cles », dans M. COURATIER, Étienne Gilson et nous : la philosophie et son histoire, Vrin, Paris 1980 (iblioth¢que d’histoire de la philosophie, 46). 191 « Le concept de Dieu cheU Jean de -ipa », dans A. PARAVICINI, A. MAIERÙ (dir.), Memoria di Anneliese Meier, Éd. Storia e letteratura, -ome 1981, p. 453-479. « Sur esse et intelligere en Dieu », dans G. BOSS, S. BRETON, D. CHRISTOFF et al., Métaphysique, EFPQLFOB AB I> MEFILPLMEFB  /B@RBFI A‫ٽ‬£QRABP LࠨBOQP š #BOK>KA Brunner, À la aconni¢re : Neuchâtel – Payot : Paris 1981, p. 143-150. Nominalisme au XIVe siècle, Vrin, Paris 1981, 98 p. 192 Préface à E. BRIANCESCO, Un tryptique sur la liberté : la doctrine morale de saint Anselme (De veritate, De libertate arbitrii, De casu diaboli), Desclée de rouRer, Paris 1982, p. 9-14. « Contexte historique », dans FRANCE CULTURE, Ch. GOÉMÉ (éd.), Jean Duns-Scot ou la révolution subtile. Entretiens avec Antoine Compagnon, Florent Gaboriau, Jean-Luc Marion, Père Luc Mathieu, Jeanne Quillet, Philippe Sollers, Henri-Jacques Sticker, Jacques Verger, Paul Vignaux, !acs Éditions, Paris 1982, p. 13-17. 194 « Pour situer dans l’École une question de Ma¨tre Eckhart, interrogations et suggestions sur être, conna¨tre et vouloir en Dieu », dans E. ZUM BRUNN, Z. KALUZA, P. VIGNAUX et al., Maître Eckhart à Paris. Une critique médiévale de l’ontothéologie. Les Questions parisiennes no 1 et no A‫@"ٽ‬HE>OQ, Puf,

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

Paris 1984 (iblioth¢que de l’École des hautes études. Section des sciences religieuses, 86), p. 141-154. « Valeur morale et valeur de salut », dans C. BÉRUBÉ (dir.), Homo et mundus. Acta congressus scotistici internationalis, Societas internationalis scotistica, -ome 1984, p. 53-67. « Conclusions générales », dans Z. KALUZA, P. VIGNAUX (dir.), Preuve et raisons à l’Université de Paris. Logique, ontologie et théologie au XIVe siècle, Vrin, Paris 1984, p. 287-296. 195 « Sur un paradoxe scotiste et sa critique par Jean de -ipa », dans J.-!. LYOTARD, A. CAZENAVE, )‫>ٽ‬OQABP@LKࠩKP,*£I>KDBPLࠨBOQPš*>ROF@BAB$>KAFII>@, Puf, Paris 1985, p. 185-200. 196 « Métaphysique de l’Exode et univocité de l’être cheU Duns Scot », dans A. DE LIBERA, E. ZUM BRUNN (dir.), Celui qui est. Interprétations juives et chrétiennes A‫"ٽ‬ULAB , Éditions du Cerf, Paris 1986, p. 103-126. (Avec H.-Ch. PUECH), «ZLa science des religionsZ», dans Les sciences sociales en France. Enseignement et recherche, Paris 1986, p.Z134-162. « L’intelligenUa della fede », Il Mattino (17 avril 1986), p. 20. 197 Philosophie au Moyen Âge, précédé d’une Introduction nouvelle et suivi de Lire Duns Scot aujourd’hui, Castella, Albeuve 1987, 287 p. 194 « Valeur durable de l’approche philosophique de saint onaventure », dans !. DEZASIS CHAVERO BLANCO O!M (dir.), Bonaventuriana. Miscellanea in onore di Jacques Guy Bougerol ofm, vol. II, Antonianum, -ome 1988, p. 535-563. (Avec J.-!r. GENEST), « La biblioth¢que anglaise de Jean de Mirecourt : subtilitas ou plagiat ? », dans O. PLUTA (dir.), !FB-EFILPLMEFBFJ 2K! ࢙'>EOERKABOQ  &K J£JLOF>J (LKPQ>KQV *F@E>IPHF  , Verlag . -. Gr¶ner, Amsterdam, 1988, p. 275-301. «Z0n acc¢s philosophique au spirituelZ: l’averro©sme de Jean de -ipaZ», Archives de philosophie 51/3 (1988), p.Z385-400. 1990 4 « Jean de -ipa », Contemporary philosophy. A new survey 6/1 (1990), p. 515-519.

4. Publication à titre posthume.

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Publications philosophiques de Paul Vignaux

20044 Philosophie au Moyen Âge, précédé d’une « Introduction autobiographique » par -uedi Imbach et suivi du texte inédit Histoire de la pensée médiévale et problèmes contemporains, éd. -. IMBACH, Vrin, Paris, 336 p.

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ibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

PRÉSENTATION DE LA BIBLIOGRAPHIE DES PUBLICATIONS SYNDICALES, SOCIALES ET POLITIQUES DE PAUL VIGNAUX

La construction de cette bibliographie s’appuie d’abord sur les écrits de Paul Vignaux, sur la fréquentation de ses archives à la C!DT, sur celle des archives familiales –Zy compris celles saisies par la Gestapo, restituées par la -ussieZ– et de bien d’autres fonds d’archives qui ont permis de recueillir nombre de références. Paul Vignaux et sa femme avaient conservé des textes auxquels ils tenaient. De là, une exploration systématique de revues et de publications qui étaient ainsi repérées et suggérées. La moisson a dépassé les espérances, permettant au surplus d’identi࠱er des textes sous pseudonymes ou simplement anonymes. Outre sa facilité d’écriture et sa puissance de travail, Paul Vignaux disposait de la liberté d’organiser son temps grâce à ses fonctions professionnelles, et d’en mettre une partie au service de ses engagements collectifs. La pratique de l’anonymat posait un probl¢me particulier, essentiellement pour les publications du Syndicat général de l’Éducation nationale et l’activité des groupes -econstruction. Pourquoi la pratique fréquente du texte anonyme ? Paul Vignaux était soucieux de respecter l’élaboration collective des instances auxquelles il participait, même lorsqu’il tenait la plume, ce qui était tr¢s fréquent, et pas seulement pour les éditoriaux. D’autre part, partisan d’une collaboration à égalité entre militants ouvriers et intellectuels, il ne voulait ni para¨tre s’approprier le résultat d’une discussion, ni imposer son nom à longueur de page, ce qui aurait été à l’encontre des buts qu’il poursuivait. Dans la C!TC, surtout, l’anonymat était bien commode, et nécessaire, pour ne pas donner prise aux polémiques personnalisées lors des périodes de vives tensions avec les dirigeants confédéraux ou d’autres organisations C!TC, notamment dans les années 1950. En࠱n, le souci de préserver l’autonomie syndicale imposait une prise de distance, à propos des sujets aux implications directement politiques. Laisser de côté tous les textes non signés pouvait donc biaiser la perception de la production intellectuelle animée par Paul Vignaux. De toute façon, il suivait avec la plus grande attention le contenu de ces publications, assurant une relecture assidue. Mieux valait donc prendre le risque de l’attribution. D’autant que les indices ࠱ables d’identi࠱cation ne manquaient pas : la continuité des préoccupations, les types de sujet traités, les tics de style, les passages ou mots soulignés dans un souci pédagogique, la datation systématique des textes, les renvois e࠰ectués ultérieurement par lui-même ou par d’autres, les allusions au ࠱l de la plume à ses camarades syndicalistes, son souci constant de faire appara¨tre leur nom d¢s que tel ou tel avait élaboré une contribution. Nous avons cependant signalé comme « (Non signé)Z » les écrits que nous lui attribuons, a࠱n d’avertir le 375

Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

lecteur qu’il est possible que nous lui ayons parfois prêté ce qui appartenait de fait à un autre membre du secrétariat du SGEN ou des équipes d’animation successives de Reconstruction. Dans tous les autres cas, si le pseudonyme n’est pas mentionné –Zcelui de J. Rochelle est abondamment utilisé dans les écrits concernant la C!TCZ– le texte est signé Paul Vignaux ou « P. VZ».

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ibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

BIBLIOGRAPHIE DES PUBLICATIONS SYNDICALES, SOCIALES ET POLITIQUES DE PAUL VIGNAUX 1

1924 « L’A.C.J.!. et la vie intellectuelle. 0n programme de jeunes », Rapports du @LKDO¢P K>QFLK>I QBKR M>O I‫' ٽ‬# š 0QO>P?LROD  IBP   GRFK , 1924, p.Z93-111. « Lycéens et collégiens à l’A.C.J.!. », « Les missions des chefs et l’unité de l’Association » et « !ormation », La vie nouvelle (avril 1924), p. 1 et 3. « La vie intellectuelle de l’Association », L’écho du Sud-Ouest 3 193 (1er mai 1924), p. 1. « Chronique des revues : L’idéal chrétien et la cité contemporaine », Les Annales de la jeunesse catholique 4 5/41 (mai 1924), p. 300-302. « À propos des élections du 11 mai », Les annales de la jeunesse catholique 5/42 (juin 1924), p. 348-360. « Pour la vraie liberté », L’écho du Sud-Ouest 197 (1er sept. 1924), p. 1. « Par le Peuple chrétien‫» ڎ‬, Les annales de la jeunesse catholique 5/46 (15 sept. 1924), p. 129-136. « Pour la vraie liberté », L’amitié de l’Aisne 5 (octobre 1924), p. 3. « Principes d’action », L’écho du Sud-Ouest 198 (1er oct. 1924), p. 1. « Impérialisme », L’écho du Sud-Ouest 200 (1er nov. 1924), p. 1. « Les accords de Londres », L’écho du Sud-Ouest 201 (1er déc. 1924), p. 1 « À propos de l’école unique », Les annales de la jeunesse catholique 5/48 (déc.Z1924), p. 323-330. « Intellectuels et travailleurs », L’amitié de l’Aisne (déc. 1924), p. 3.

1. Établi année par année et à l’intérieur de chaque année par date de publication, le classement place en tête les écrits généraux, puis les articles. Il a été précisé en note de br¢ves indications sur la nature de chaque publication et parfois ajouté une mention du sujet abordé. 2. Organe de l’union régionale parisienne de l’ACJ!. 3. Organe mensuel de l’Association catholique de la jeunesse catholiqueZà ordeaux. 4. -evue de l’Association catholique de la jeunesse française (ACJ!). 5. Organe diocésain de la jeunesse catholique.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

1925 « Les jeunes catholiques d’Allemagne, attitude civique », L’écho du Sud-Ouest 201 (1er janv. 1925), p. 1-2. « L’Église et les aspirations des travailleurs », L’écho du Sud-Ouest 201 (1er janv. 1925), p. 3. « Il faut avancer », L’écho du Sud-Ouest 204 (1er mars 1925), p. 1. « Orientation sociale », L’écho du Sud-Ouest 205 (1er avril 1925), p. 2. « L’élite intellectuelle dans l’ACJ! », Les annales de la jeunesse catholique 5/54 (25 juin 1925), p. 454-468. « L’action civique du chef de famille », L’écho du Sud-Ouest 208 (1er juil. 1925), p. 1. « L’actionnariat syndical », L’écho du Sud-Ouest 208 (1er juil. 1925), p. 2-3. « La vie sociale. Chronique de presse », L’écho du Sud-Ouest 209 (1er août 1925), p. 2-3. « Chronique sociale. La lettre collective de l’épiscopat belge », L’écho du Sud-Ouest 210 (1er sept. 1925), p. 2-3. « La vie sociale. Le mouvement syndical et le principe chrétien », L’écho du Sud-Ouest 211 (1er oct. 1925), p. 2-3. « À propos d’une crise de con࠱ance », La vie nouvelle (août 1925), p. 3. « À propos d’une crise de con࠱ance », Vers l’avenir 6 (août 1925), p. 3. « La vie sociale. Décentralisation », L’écho du Sud-Ouest 212 (nov. 1925), p. 4. « Le régionalisme et l’organisation de l’État », Les annales de la jeunesse catholique 5/59 (25 nov. 1925), p. 357-369. « Apostolat de la pri¢re, l’intention du mois de déc. : !ormation des élites », Les annales de la jeunesse catholique 5/59 (25 nov. 1925), p. 381. « La vie sociale. Propriété familiale », L’écho du Sud-Ouest 213 (déc. 1925), p. 2. 1926 Pour que vivent les régions françaises, Paris 1926, 24 p. (dont lesZconclusions adoptées au congr¢s de l’ACJ! de esançon, 1926, p. 21-24). « La vie sociale. Socialisme parlementaire », L’écho du Sud-Ouest 214 (janv. 1926), p. 2. « Pour que vivent les régions françaises », Les annales de la Jeunesse Catholique 5/61 (25 janv. 1926), p. 595-613. « Dans la chrétienté. Don SturUo. 0ne politique sociale. L’esprit de liberté. La fécondité du sacri࠱ce », L’écho du Sud-Ouest 215 (fév. 1926), p. 1. « Le cardinal Mercier, cardinal des ouvriers », L’écho du Sud-Ouest 216 (7 mars 1926), p. 2.

6. Organe mensuel de la jeunesse catholique de !ranche-Comté.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

(Non signé), « Dans la cité. L’action de la commission ouvri¢re de l’ACJ! de ordeaux », L’écho du Sud-Ouest 217 (25 mars 1926), p. 2. « La vie régionale et les probl¢mes qu’elle pose », L’écho du Sud-Ouest 219 (25 avril 1926), p. 2. « La vie sociale. Pensées du Premier mai », L’écho du Sud-Ouest 220 (9Z mai 1926), p. 2. «ZLa vie régionale et les probl¢mes qu’elle poseZ», Vers l’avenir (juin 1926), p.Z2. « Dans la chrétienté. Mgr Nolens. 0n témoignage socialiste –ZPour les 8 heuresZ– Esprit international et progr¢s social », L’écho du Sud-Ouest 223 (15 juil. 1926), p. 2. « Au camp ernard -ollot –ZDiscours de Paul VignauxZ– 26 juil. », L’écho du Sud-Ouest 224 (15 août 1926), p. 2. « La vie sociale. La crise ࠱nanci¢re. Simples ré࠲exions », L’écho du Sud-Ouest 225 (15 sept. 1926), p. 2. « Vacances ouvri¢res », L’écho du Sud-Ouest 225 (15 sept. 1926), p. 2. « Apostolat de la pri¢re, intention du mois d’oct. : la simplicité évangélique à l’école de saint !rançois d’Assise », Les annales de la jeunesse catholique 5/69 (25 sept. 1926), p. 777-778. « Dans la chrétienté de Locarno à Gen¢ve – oct.Z1925-sept.Z1926 », L’écho du Sud-Ouest 226 (15 oct. 1926), p. 2. « 0n grand prélat, le cardinal Andrieu », La vie catholique 7 (16 oct. 1926), p. 1. « Le syndicalisme révolutionnaire et l’âme ouvri¢re », Les annales de la jeunesse catholique V/70 (25 oct. 1926), p. 836-846. 1927 « Compte rendu de Socialisme par André Agard », Les annales de la jeunesse catholique 74 (25 fév. 1927), p. 160-162. « Socialisme », L’écho du Sud-Ouest 230 (15Zfév. 1927), p. 2. (Avec L. DE TRAVERSAY), « La Terre. Paysans et ouvriers », L’écho du Sud-Ouest 231 (15 mars 1927), p. 1 et 2. « Dans la chrétienté. 0n exemple : conditions industrielle et action ouvri¢re en Allemagne », L’écho du Sud-Ouest 232 (15Zavril 1927), p. 2. « Les aspirations de la jeunesse ouvri¢re. Le programme social de l’A.C.J.!. », La vie catholique en France et à l’étranger 133 (16Zavril 1927), p. 3. « Di࠳cultés », L’écho du Sud-Ouest 236 (15Zsept.-1erZoct. 1927), p. 1.

7. Hebdomadaire créé par !rancisque Gay en 1924, fusionné en 1938 avec Temps Présent.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

192 « Apostolat de la pri¢re, intention du mois de juil. : l’étude et la solution de la question sociale, conformément aux principes de l’Église et aux documents catholiques », Les annales de la jeunesse catholique V/89 (25Z juin 1928), p. 517-518. «ZLe patriotisme et les classes socialesZ», Les annales de la jeunesse catholique V/94 (15 octobre 1928), p. 294-304. 1929 (Non signé, en collaboration avec L. CHAUDRON), La JEC. Esquisse d’un programme général, Les Éditions jécistes, Paris, 1929, 42 p. (en particulier les douUe premi¢res pages) « Henri de Man, psychologue du prolétariat. Compte rendu deZHenri de Man, Au-delà du Marxisme, ruxelles 1927 et Paris 1929 », Politique 8 2 (1929), p. 119-133. « Georges Sorel, philosophe du mouvement ouvrier », Politique 7 (1929), p. 592-608. « Autour des conditions nouvelles de la vie industrielle », Politique 8 (1929), p. 726-738. «ZL’idéal chrétien dans la vie de travailZ», Les annales de la jeunesse catholique V/107 (15Znovembre 1929), p.Z359-364. (Signé Dominique), «ZPourquoi la JEC ?Z», Messages 9 (déc. 1929), p.Z3. 1930 « Avant-propos » et « Le probl¢me de la collaboration », Congrès de l’ACJF, +>K@V    )> SFB >R QO>S>FI, impr. Jacques et Demontrond, Paris 1930, p. 10-11 et p. 123-129. « Maurice Hauriou, interpr¢te de l’État moderne. Compte rendu de M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel 619298 », Politique 1 (1930), p. 25-36. « Autour de l’idée de classe », Politique 7 (1930), p. 641-652. «ZVie ouvri¢re et vie étudianteZ», Les annales de la jeunesse catholique V/109 (15Zjanvier 1930), p.Z26-31. (Signé Dominique), «Z La JEC est un mouvement de masseZ », Messages 5 (marsZ1930), p.Z2.

8. !ondée en 1927 au lendemain de la condamnation de l’Action !rançaise par le Pape, proche du Parti démocrate populaire. La revue a contribué à la pensée démocrate d’inspiration chrétienne. 9. ulletin mensuel des militants de la JEC.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« La ࠱n des notables. Compte rendu de D. Halévy, La Fin des Notables, Grasset 1930 », Politique 10 (1930), p. 938-947. « La théorie de l’Institution. Compte rendu de G. -enard, La théorie de l’Institution, essai d’ontologie juridique, Paris, Sirey, 1930 », Politique 11 (1930), p. 973-989. 1931 « ,uelques traits de la !rance politique », Politique 2 (1931), p. 97-107. «ZDisciplineZ», L’appel de la JEC 10 11 (fév.Z1931), p.Z1. «ZLe devoir présentZ», L’écho du Sud-Ouest (déc. 1931), p.Z3. 1932 « Génération de la crise », Chantiers 11 1 (janv. 1932), p. 1-2. « Crise du capitalisme », Chantiers 2 (fév. 1932), p. 1-2. « Avec le mouvement ouvrier », Chantiers 3 (mars 1932), p. 1-2. « Prosperity. La crise américaine », Chantiers 3 (mars 1932), p. 4. « Pour un examen de conscience. De l’étudiant d’aujourd’hui au ‫ڄ‬bourgeois‫ څ‬de demain », Chantiers 4 (avril 1932), p. 1-3. « Profondeur de la crise allemande », Politique 4 (1932), p. 355-376. « Travailleurs intellectuels », Chantiers 5 (mai 1932), p. 1. « La pensée sociale de M. ergson », Politique 7 (1932), p. 577-587. (Sous le nom de J. ROCHELLE), « Mouvement socialiste et Mouvement ouvrier », Chantiers 7-8 (oct.-nov. 1932), p. 1-2. (Non signé), « Notes de camp », Chantiers 7-8 (oct.-nov. 1932), p. 5. (Non signé), « Vitalité », Chantiers 9 (déc. 1932), p. 1. (Sous le nom de J. ROCHELLE), « Idées politiques et travail chrétien », Chantiers 9 (déc. 1932), p. 2. (Non signé), « Élites et masses », Chantiers 9 (déc. 1932), p. 3. 1933 (Sous le nom de J. ROCHELLE), « -évolutionnaires », Chantiers 10 (janv. 1933), p. 2. (Sous le nom de J. ROCHELLE), « Convergences », Chantiers 11 (fév. 1933), p. 1. (Sous le nom de J. ROCHELLE), « Jacques Maritain. -eligion et culture II (Esprit, 1erZjanv. 1933) », Chantiers 11 (fév. 1933), p. 4.

10. Organe mensuel de la Jeunesse étudiante chrétienne. 11. ulletin étudiant de la Jeunesse étudiante chrétienne.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

1934 « Le plan de Man et le regroupement des forces socialistes », Politique 3 (1934), p. 252-263. « La voie corporative et le mouvement ouvrier », Politique 5 (1934), p. 403-414. « En marge d’un livre ami », Politique 10 (1934), p. 845-848. 1935 « -etour à Marx », Politique 2 (1935), p. 900-914. « L’expérience américaine : ses idées ma¨tresses », Le trait d’union professionnel 12 17 (mars 1935), p. 2. 1936 « La Lettre sur l’indépendanceZde J. Maritain », Politique 1 (janv. 1936), p. 89-92. « Esprit de notre travail (introduction aux probl¢mes du temps de crise) », ENO 13 1 (janv.-mars 1936), p. 2-6. « Le Plan parmi d’autres », numéro spécial de La vie catholique (15 fév. 1936). « Le Planisme : raisons de fait et liaison des probl¢mes », Politique 2 (fév. 1936), p. 97-110. « La sociologie allemande contemporaine », Politique 2 (fév. 1936), p. 184-186. « Pour former ses cadres : E.N.O », Syndicalisme CFTC 14 (mars 1936), p. 1. « Notre rôle dans l’avenir du monde du travail », Le trait d’union professionnel 36 (mars-avril 1936), p. 4. « Les expériences économiques et la répartition du travail », ENO 2 (avril-juin 1936), p. 11-12. « À l’École normale ouvri¢re : probl¢mes de crise », Syndicalisme CFTC, avril 1936, p. 2. « InventairesZ (compte rendu de Inventaires. La crise sociale et les idéologies allemandes par E. Halevy, -. Aron, G. !riedmann, E. ernard, -. Marjolin, E. Dennery, C. ouglé, Paris 1936) », Politique 5 (mai 1936), p. 471-473. « Les formes d’entreprises (compte rendu d’E. James, Les formes d’entreprises, Paris, Sirey) », Politique 5 (mai 1936), p. 474-478. « Compte renduZde G. Fessard, Pax Nostra. Examen de conscience international, Grasset 1936 », Politique 6 (juin 1936), p. 567-572. « Compte rendu deZ-. Marjolin, L’évolution du syndicalisme aux États-Unis, de Washington à Roosevelt, Alcan 1936, Politique 6 (juin 1936) », p. 572-574.

12. Organe mensuel des syndicats professionnels de fonctionnaires C!TC. 13. ulletin trimestriel de l’École normale ouvri¢re de la C!TC. D’abord ronéotypé, la nouvelle série est imprimée. 14. Journal de la Confédération française des travailleurs chrétiens.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« -emarques sur l’intention et la méthode des derni¢res œuvres de M. londel », La vie intellectuelle 15 43/3 (25 juin 1936), p. 457-470. « À l’École normale ouvri¢re », Syndicalisme CFTC (nov. 1936), p. 3. 1937 « Introduction à l’étude historique du mouvement syndical chrétien », International Review of Social History 16 2 (1937), p. 28-47. « Compte rendu deZA. Philip, Trade-unionisme et syndicalisme », nouvelle série ENO 1 (janv. 1937), p. 2. Z« Con࠲its du travail et lutte des classes », ENO 1 (janv. 1937), p. 3-4. « -épercussions économiques des conventions collectives », ENO 1 (janvier 1937), p. 7-8. « Pensée ouvri¢re », ENO 2 (fév. 1937), p. 1. « À la lumi¢re des expériences du mouvement ouvrier. Introduction à l’organisation syndicale », ENO 2 (fév. 1937), p. 5-6. « Introduction au marxisme », La vie intellectuelle 48/1 (25 fév. 1937), p. 85-94. « Histoire sociale », ENO 3 (mars 1937), p. 1. « Compte rendu deZG. Pirou, La crise du capitalisme », ENO 3 (mars 1937), p. 2. « Les expériences du syndicalisme (1918-1936) », ENO 3 (mars 1937), p. 3-4. « Notre rôle dans l’avenir du travail », ENO 3 (mars 1937), p. 7-8. « Histoire sociale », ENO 3 (mars 1937), p. 1. « Du côté du syndicalisme chrétien », Esprit 17 (mars 1937), p. 881-892. « Théorie économique u "+, 4 (avril 1937), p. 1. « La CGT de la guerre à la scission (1914-1921) », ENO 5 (mai-juin 1937), p. 7-8. « Les ‫ڄ‬-ouges‫ څ‬de ilbao », Les Nouveaux Cahiers 18 5 (15 mai 1937), p. 11-12.

15. -evue dominicaine fondée en 1928 par le P¢re ernardot, à la demande de Pie XI avec le soutien de Jacques Maritain, pour alimenter la ré࠲exion théologique et intellectuelle des responsables catholiques engagés dans les mouvements d’action catholique et dans l’action temporelle. 16. -evue de l’Institut d’histoire sociale d’Amsterdam, créé en 1935 pour récupérer, d’Allemagne, d’Autriche, d’Espagne et d’ailleurs, des archives et biblioth¢ques menacées par le naUisme, le fascisme ou le stalinisme. S’y ajout¢rent des collections privées d’émigrés italiens, russes ou autres qui furent parfois déposées à la ࠱liale parisienne de l’Institut ouverte en 1936. 17. -evue créée en 1932 par Emmanuel Mounier. Hostile au « désordre établi », engagée dans les probl¢mes du temps, elle poursuit une ré࠲exion critique sur la politique, la société, la culture et les probl¢mes internationaux. 18. -evue économique et politique, bimensuelle, publiée d’avril 1937 à 1940 promouvant un dialogue et une collaboration entre patronat et syndicalisme face à la crise. Ses collaborateurs étaient à la fois des responsables économiques, des économistes, des hauts fonctionnaires et des syndicalistes.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« Le nationalisme basque et la guerre d’Espagne. Compte renduZde A. MendiUabal, RULOFDFKBPA‫ٽ‬RKBQO>D£AFB )>MLIFQFNRBBPM>DKLIBABš, Desclée 1937 », Politique 5 (1937), p. 447-451. « Compte rendu de J. Lacroix, Itinéraire spirituel. Cahiers de la Nouvelle Journée 35, loud et Gay 1937 », Politique 5 (1937), p. 477-479. « Cinquante années de syndicalisme chrétien », ENO 6-7 (juil.-août 1937), p. 1. (Non signé), « Pour situer l’expérience lum : Est-ce du socialisme ? Sinon, quoi ? », ENO 6-7 (juil.-août 1937), p. 3-4. « 0nité ouvri¢re et liberté syndicale », ENO 6-7 (juil.-août 1937), p. 15-16 et 8-9 (sept.-oct. 1937), p. 5-6. « Compte rendu deZG. FESSARD, La main tendue. Le dialogue catholique-communiste est-il possible ?, Grasset 1937 », Politique 8 (1937), p. 749-752. « La Confédération française des travailleurs chrétiens », La revue de Paris 19 (août 1937), p. 914-929. (Non signé), « -entrée », ENO 8-9 (sept.-oct. 1937), p. 1. « L’expérience française » (exposé à la réunion internationale de la !édération internationale des métallurgistes chrétiens de mai 1937), L’ouvrier métallurgiste 20 17 (sept. 1937), p. 2. « Paroles françaises » (reprise d’Euzko Deya, « !ace à la lettre collective des évêques espagnols », 5 sept. 1937), Esprit 61 (oct. 1937), p. 171-175. « Aspects religieux de la Guerre d’Espagne », Les Nouveaux Cahiers 11 (1er oct. 1937), p. 13-15. « Où en sommes-nous de l’expérience en cours ? », L’ouvrier métallurgiste 19 (nov. 1937), p. 1. « Témoignages et considérations sur l’Espagne (à propos de MendiUabal) », Politique 11 (nov. 1937), p. 857-863. « Principes », École et Éducation 21 1 (déc. 1937), p. 1-2. 193 « La personne du travailleur », dans La personne humaine en péril (29e session des Semaines sociales – Clermond-!errand – 19-25 juil. 1937), Gabalda, Paris 1938, 572 p., p. 367-368 (« Schéma d’intervention »). (Non signé), « Mise au point », École et Éducation 2 (janv. 1938), p. 3-4. « Manuel de Irujo », Temps Présent 22 11 (14 janv. 1938), p 1 et 6.

19. -evue littéraire, concurrente depuis 1894 de la Revue des Deux Mondes. Elle sera suspendue en 1940. 20. Publication de la !édération de la métallurgie C!TC. 21. Publication du Syndicat général de l’Éducation nationale C!TC, qui deviendra Syndicalisme universitaire, avec ou sans « École et Éducation » selon les périodes. 22. Hebdomadaire lancé avec l’appui de Jacques Maritain et !rançois Mauriac pour succéder au journal des dominicains Sept, arrêté sur ordre de -ome. Il est dirigé par Ella Sauvageot et

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« Pour la coordination. Ce que nous avons voulu faire à Paris », ENO 12 (mars 1938), p. 1-2. « IntervieR de Manuel -obles ArangueU, député ouvrier basque », L’Aube 23 (19 mars 1938). « !ormation. Pourquoi-Comment », L’ouvrier métallurgiste 23 (mars 1938), p. 1. « Comment se pose à nous le probl¢me de la formation », ENO 14 (mai 1938), p. 3-4. « Le syndicalisme, mouvement éducatif », ENO 14 (mai 1938), p. 9-10. (Signé XXX), « Le drame complexe de l’Espagne républicaine », Politique 5 (mai 1938), p. 469-473. « Au-delà du syndicalisme », Temps Présent 31 (3 juin 1938), p. 1 et 8. « Confrontations. La guerre d’Espagne. IntervieR de Paul Vignaux », Temps Présent (24 juin 1938), p. 3. « -é࠲exions sur les relations du travail », Esprit 70 (juil. 1938), p. 474-487. « Gr¢ve, contrat collectif, arbitrage dans l’histoire de la CGT », ENO 16 (juil.-aoûtZ1939), p. 11-15. « Histoire du mouvement ouvrier », ENO 16 (juil.-août 1939), p. 15-16. « En Espagne, résistance républicaine », Politique 9 (sept. 1938), p. 776-778. « Les catholiques français et la politique étrang¢re de la !rance », Politique étrangère 24 (oct. 1938), p. 440-459. « Leçons d’une analyse socialiste du fascisme », Les Nouveaux Cahiers 32 (1er-15 oct. 1938), p. 12-13. « !ormation et direction », ENO 18 (oct.-nov. 1938), p. 2. « Introduction à l’action syndicale. Position fondamentale du syndicalisme dans la société présente », ENO 18 (oct.-nov. 1938), p. 3-4. « Comment poser la question : syndicalisme et politique », ENO 18 (oct.-nov.Z1938), p. 5-6. (Non signé), « Action syndicale et responsabilités économiques », ENO 18 (oct.-nov. 1938), p. 7-8. « Position actuelle du probl¢me espagnol », Politique 11 (1938), p. 977-978. « Notions élémentaires sur syndicalisme et politique », École et Éducation 8 (nov. 1938), p. 3-4. « Points de vue sur la gr¢ve générale », La vie intellectuelle 40/2 (10 déc. 1938), p. 205-209.

Stanislas !umet. 23. ,uotidien d’opinion démocrate-chrétien (1932-juin 1940), fondé par !rancisque Gay. 24. -evue créée par le Centre d’études de politique étrang¢re en 1936.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« -éunion du 24 oct. sur l’Espagne et les possibilités de médiation. Compte rendu de Marcel Moré. Avec les interventions de MendiUabal et de Vignaux », Les Nouveaux Cahiers 36 (15 déc. 1938), p. 16-22. « Manuels syndicaux : Morale sociale », ENO 19-20 (déc. 1938), p. 2-3. « Organisation professionnelle : comment se pose le probl¢me », ENO 19-20 (déc.Z1938), p. 5-8. 1939 « Position de principe (Commentaire à la déclaration de notre syndicat) », École et Éducation 11 (janv. 1939), p. 4-5. « !ace aux décrets-lois, position de principe », École et Éducation 11 (janv. 1939), p. 4-5. « Pour les militants, un manuel doctrinal » (Sur les Éléments de morale sociale du P¢re Delaye, de l’Action populaire), Syndicalisme CFTC (janv. 1939), p. 2. « Organisation professionnelle », ENO 21 (janv. 1939), p. 2 et 15. « L’idée corporative étudiée à l’Internationale syndicale chrétienne », ENO 21 (janv. 1939), p. 16. « Institut confédéral », ENO 22 (fév. 1939), p. 2. « Organisation professionnelle ? Classe et corporation », ENO 22 (fév.Z 1939), p. 3-14. « Organisation professionnelle » et « Communauté contractuelle (note à Classe et corporation) », ENO 23 (mars 1939), p. 2-4 et p. 10. « -é࠲exion sur l’État, le droit de guerre et l’obligation du citoyen 25 », La vie intellectuelle 42/3 (25 mars 1939), p. 325-339. « L’e࠰ondrement de la Catalogne », Politique 3 (mars-avril 1939), p. 273-275. « !in de l’Espagne républicaine », Politique 4 (1939), p. 349-350. « L’École et la Nation. Notes sur l’actualité de notre déclaration de principes », École et Éducation 14 (avril 1939), p. 14-15. « Le travail n’est pas une marchandise », Temps Présent 76 (28 avril 1939), p. 3. « Technique et ‫ڄ‬mystique‫ څ‬syndicales », ENO 24 (avril 1939), p. 15-18. « Le syndicalisme et l’État », ENO 25 (mai 1939), p. 9-14. « Sur l’organisation professionnelle », Les Nouveaux Cahiers 45 (15 mai 1939), p. 18-19. « L’Espagne apr¢s la victoire du général !ranco », Politique 6 (juin 1939), p. 565-567. « -apport au Congr¢s et résolution du congr¢s C!TC sur l’organisation professionnelle », Syndicalisme CFTC (juin 1939), p. 3.

25. Exposé fait par Paul Vignaux devant les collaborateurs de La vie intellectuelle, le 22 janv. 1939.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« Les travailleurs chrétiens devant les probl¢mes actuels de l’organisation professionnelle 26 », La vie intellectuelle LXIV/3 (25 juin 1939), p. 360-382. « La situation en Espagne. Compte rendu de la réunion introduite par M. Jost, avec les interventions de MendiUabal et de Vignaux », Les Nouveaux Cahiers 49 (15Zjuil.Z1939), p. 9-14. (Non signé), « Présentation de la brochure Initiation syndicale. Programme confédéral de formation. Première année. Institut confédéral d’études et de formation syndicale », ENO (oct.Z1939), 40 p. « Ce qui est la cause (Sur les buts de guerre) », La vie intellectuelle, I/1 (oct.Z1939), p. 54-66. « Collaboration », L’Aube 30 (nov.Z1939), p. 1. « Égalité et communauté », Études carmélitaines 27, numéro spécial : Les hommes sont-ils égaux ? (déc.Z1939), p. 88-108. « Le mouvement syndical et la guerre », École et Éducation, feuille de liaison de temps de guerre 1 (1erZdéc.Z1939), p. 2. « Aspect social du con࠲it européen », Les Nouveaux Cahiers 52 (1erZdéc.Z1939), p. 6-9. « Comment aider la !rance ? En maintenant notre législation sociale », Temps Présent 108 (12 déc.Z1939), p. 3. 1940 « Pour comprendre la condition des travailleurs en économie de guerre », Syndicalisme 46 (janv.Z1940), p. 1-2. (Non signé), « Nos principes », École et Éducation, feuille de liaison de temps de guerre 2 (15 janv.Z1940), p. 1. « Le mouvement syndical et la guerre. Collaboration », École et ÉducationZ 2 (15 janv.Z1940), p. 2-3. (Signé C!TC), « Syndicalisme britannique et syndicalisme français », Syndicalisme, 47 (fév.-mars 1940), p. 1. (Signé SGEN), « Expansion », École et Éducation 3 (1er mars 1940), p. 1. « La collaboration, l’État et l’indépendance des travailleurs », ƒ@LIBBQƒAR@>QFLK࢙3 (1er mars 1940), p. 2. (Non signé), « Syndicalisme et guerre psychologique », École et ÉducationZ 3 (1er mars 1940), p. 3. « D’une guerre à l’autre : délégués élus ou délégués syndicaux », Bulletin d’information ouvrière 2 (1er mars 1940), p. V (1-3).

26. Cet article reproduit le texte du rapport présenté par Paul Vignaux au XXe congr¢s de la C!TC, le 12 mai 1939. 27. -evue de spiritualité savante –Zde la théologie à la philosophie en passant par la médecine et la psychologieZ– promue par les Carmes déchaux de la province de Paris entre 1931 et 1939.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« Indépendance ouvri¢re », Bulletin d’information ouvrière 28 3 (15 mars 1940), p. IV (1-2). « La collaboration, l’État et l’indépendance des travailleurs », Le trait d’union professionnel 54 (mars-avril 1940), p. 1. (Non signé), « Syndicalisme et guerre psychologique », Le trait d’union professionnel 54 (mars-avril 1940), p. 3. « La représentation des travailleurs en temps de guerre », L’Ouvrier métallurgiste 41 (avril 1940), p. 2. « Pas d’équivoque, ce que doit être la collaboration », Temps Présent 124 (12 avril 1940), p. 3. « Syndicalisme et guerre psychologique », Bulletin d’information ouvrière 4 (1er avril 1940), p. VI (1-3) « Les travailleurs espagnols en !rance », Bulletin d’information ouvrière 5 (15 avril 1940), p. V (1-3). « Le syndicalisme libre, force d’avenir », Les Nouveaux Cahiers 57 (avril 1940), p. 4-5. (Non signé), « Actualité de nos principes », École et Éducation 4 (15 avril 1940), p. 1. « Élément d’un ordre nouveau. Le syndicat libre dans la profession organisée », École et Éducation 4 (15 avril 1940), p. 4 et 6. « Prise de position » (à propos des débats sur l’école publique), École et ÉducationZ4 (15 avril 1940), p. 8. « Des origines des allocations familiales au code de la famille », Bulletin d’information ouvrière 6 (1er mai 1940), p. VI (1-4). « 0ne force nationale. Le syndicalisme chrétien », Temps Présent 129 (10 mai 1940), p. 1. « Le mouvement syndical chrétien aux Pays-as et en elgique », Bulletin d’information ouvrière 7 (15 mai 1940), p. VII (1-2). 1941 (Sous le nom de Paul TERRASSE), « Les syndicalistes chrétiens demeurent attachés au pluralisme syndical », Temps Nouveau 29 10 (21 fév. 1941), p. 1. (Sous le nom de Paul TERRASSE), « L’organisation professionnelle », Temps Nouveau 12 (7 mars 1941), p. 3.

28. ulletin ronéotypé, « exclusivement rédigé par les syndicalistes français » de la !édération syndicale internationale, de la CGT et de la C!TC, édité du 15 fév. au 1er juin 1940, par le Commissariat général à l’Information, à destination des responsables syndicaux français et étrangers. 29. Stanislas !umet publie l’hebdomadaire du Temps Nouveau à Lyon comme suite de Temps Présent à partir de déc. 1940 : suspendu du 16 mai au 20 juin 1941, il est interdit en août.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

(Sous le nom de Paul TERRASSE), « !idélité à l’Association Ouvri¢re », Temps Nouveau 20 (2 mai 1941), p. 1. Paul Vignaux fonde à NeR 4ork en août 1941 avec deux journalistes français Louis -ollin et Albert Grand un bulletin hebdomadaire, France Speaks, a Weeekly Correspondance in Démocratic France, dont il rédige la déclaration de principes (premier numéro : sept. 1941) et qu’il alimente en informations, rendues anonymes, sur la situation française pendant la guerre. (Sous le nom d’Herbert MORRIS), « The !rench Catholic Conscience. The E࠰ects upon !rench Catholics of the Action of Pétain Government », The Commonweal 30 34 (3 oct.Z1941), p. 559-561. (Sous le nom d’Herbert MORRIS), « The I.L.O », The Commonweal 35 (7 nov.Z1941), p. 61-62. (Sous le nom d’Herbert MORRIS), « The !rench Catholic Conscience », réponse à la lettre de l’ambassadeur de !rance, G. Henry-Haye dans le même numéro (p. 70), The Commonweal 35 (14 nov.Z1941), p. 71. (Non signé), « Crise de conscience des catholiques français », Volontaire pour la cité chrétienne, organe du Glaive de l’Esprit 31 2 (15 nov.Z1941), p. 1. 1942 « En souvenir du p¢re ernardot, o.p., directeur des Éditions du Cerf », Revue dominicaine 32 (janv.Z1942), p. 42-50. « Corporatism in Europe I » et « II », The Review of Politics 33 (avril 1942), p. 194-205. (Sous le nom de J. ROCHELLE), « Épreuve du catholicisme français », La France Libre 18 (17 avril 1942), p. 490-497. « Corporatism in Europe III », The Review of Politics (juil. 1942), p. 194-205. (Sous le nom d’Herbert MORRIS), « Catholic Labor and Vichy », 1EB࢙ LJJLKTB>I࢙36 (25 sept.Z1942), p. 547-549. « !rance of Armistice. The Present Structure and the Nation’s !uture », 1EB࢙ LJJLKTB>I37 (13 nov.Z1942), p. 87-90.

30. Le plus ancien journal d’opinion d’inspiration catholique édité et géré par des la©cs de NeR 4ork depuis 1924. Gouverneur Paulding correspondant d’Esprit en Europe, ami de HenriIrénée Marrou et d’Emmanuel Mounier, en est un des animateurs apr¢s son retour aux États0nis dans l’hiver 1939-1940. 31. Suite Du Glaive de l’esprit (organe de la section française du mouvement « SRord of the spirit » publié à Londres de déc. à sept. 1940), cette publication catholique est dirigée par Mira enenson, proche de Stanislas !umet et !rancis-Louis Closon d’oct. 1941 à juil. 1944. 32. Publiée à ,uébec par les Dominicains. 33. -evue, consacrée à la théorie politique, fondée par 2aldemar Gurian, professeur de science politique à l’0niversité de Notre-Dame en 1939. Ce juif allemand converti au catholicisme, ami de Jacques Maritain, réfugié en Suisse en 1934, rejoint ࠱nalement en 1937 les États-0nis.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

1943 1O>AFQFLK>IFPJB BQ PVKAF@>IFPJB  "PP>F A‫ٽ‬%FPQLFOB 0L@F>IB   préface de J. MARITAIN, p. 7-16, Éditions de la Maison française, NeR 4ork 1943 (Civilisations, 3), 195 p. France, prends garde de perdre ton âme. (Cahiers du Témoignage chrétien). Extraits choisis et commentés par Paul Vignaux. Avant-propos de Jacques Maritain, Éditions de la Maison française, NeR 4ork 1943, 172 p. « 2hy Christian 0nions? », The Commonweal 38 (14 mai 1943), p. 97-99. « On Some Ideas about Property in the !rench Labor Movement », Journal of Legal and Political Sociology 34 (avril 1943), p. 139-151. « Témoignages catholiques en !rance d’armistice », Revue dominicaine (fév. 1943), p. 69-86. 1944 « Paul Vignaux à l’Alliance française : La résistance française a uni toute la nation dans une ࠱délité commune », Le Droit, Ottawa 35 (4 fév.Z1944). « -ebuilding the !rench Labor Movement », A.L.C. News letter 36 26 (fév.Z1944), p. 1. « Catholics and !rench Democracy. Past Di࠳culties and Achievements », People and Freedom (août 1944), p. 2. « Catholics and !rench democracy. !rom -esistance to -econstruction », People and Freedom (sept.Z1944), p. 2. « Christian Democrats in !rance. The Men and the Problems », 1EB࢙ LJJLKTB>IZ39 (27 oct.Z1942), p. 30-32. « The !rench Labor Movement. !rom -ésistance to -econstruction », 1EB࢙ LJJLKTB>I 39 (15 déc.Z1944), p. 222-224. « À propos de Christianisme et Démocratie », Renaissance 37 II et III (1944-1945), p. 446-460. « Compte rendu de : G. Gurvitch, La déclaration des Droits sociaux (NeR 4ork 1944, 190 p.) », Renaissance II et III (1944-1945), p. 515-518. « !rancia, potencia del Atlantico », La Revista belga 38 (nov.Z1944), p. 1-3.

34. Publication de sociologie juridique et politique créée à NeR 4ork par Georges Gurvitch (1942-1947). 35. ,uotidien francophone créé en 1913. 36. Édité par The American Labor Conference of International A࠰airs. 37. -evue trimestrielle en langue française publiée par l’École libre des hautes études de NeR 4ork à partir de 1943. 38. -evue mensuelle belge publiée à NeR 4ork en espagnol pour l’Amérique latine.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« The !rench Trade-0nion Movement since the Armistice of 1940 », International Postwar Problems 39 (juin 1944), p. 341-352. « -enaissance du syndicalisme chrétien », Relation 40 48 (déc.Z1944), p. 328-329. « Deux textes de la résistance française », Revue dominicaine (janv.Z 1944), p. 287-294. 1945 « In !rance : -ésistance and Humanism », The Journal of Educational Sociology 41 8 (avril 1945), p. 453-456. « 0nrest in !rance. The Clash of Social and Economic !orces », The Commonweal 42 (4 mai 1945), p. 62-65. « !rance has Voted. The Immediate ackground of the !rench Political Crisis », The Commonweal 43 (30 nov.Z1945), p. 158-160. « The Labor Movement in !rance since the Liberation », International Postwar Problems (juin 1945), p. 293-307. « Le mouvement ouvrier sous la Troisi¢me -épublique », dans M. MIRKINEGUETZEVICH (dir.), L’œuvre de la IIIe République, Éditions de l’arbre, Montréal 1945, p. 146-160. 1946 « L’ouvrier français », dans J.-.-LÉVY (éd.), Esquisse de la France, L. PariUeau, Montréal 1946, p. 115-129. « Les rapports internationaux », École et Éducation 13 (janv.Z1946), p. 3-4. « Syndicalisme et politiqueZ dans la !rance à reconstruire », Reconstruction 42 Étude 1 (14 janv.Z1946), 13 p. (Non signé), « Le probl¢me de la reconstruction. La société américaine vue par les américains.Ztraduction d’un article de Martin C. &yne, The Commonweal 33 (nov. 1944) », Reconstruction Étude 2 (20 janv.Z1946), 8 p. « -etour des États-0nis », La voix sociale 43 337 (27 janv.Z1946), p. 1. « Les relations économiques franco-américaines », Reconstruction ÉtudeZ 3 (mars 1946), 16 p.

39. -evue trimestrielle publiée par l’Américan Labor Conference on International A࠰airs qui avait rassemblé en 1943 les représentants des organisations syndicales américaines A!L et CIO, des organisations syndicales européennes vivant aux États-0nis et des intellectuels américains et européens. Il s’agissait de travailler sur les probl¢mes de l’apr¢s Seconde Guerre mondiale. 40. -evue jésuite publiée à Montréal. 41. Publication de l’American Sociological Association. 42. Publication de ré࠲exion et formation politique, économique et syndicale, créée par Paul Vignaux avec d’autres militants C!TC, d’abord sous forme de notes ronéotypées, puis devenant le Bulletin régulier des groupes Reconstruction, connaissant lui-même plusieurs séries. 43. Organe de la C!TC du Sud-Est publié à Lyon.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« À propos des nationalisations », La voix sociale 341 (24 mars 1946), p. 1. « Nationaliser n’est pas fonctionnariser », La voix sociale 342 (7 avril 1946), p. 2. « L’internationale syndicale chrétienneZ (1937-1945) », École et Éducation 17 (mai 1946), p. 3. « Leçons à tirer apr¢s l’accord franco-américain », La voix des métaux 44 6 (juin 1946), p. 1-3. « Le SGEN au XXIIe congr¢s de la C!TC », École et Éducation 19 (juin-juil.Z1946), p. 3. « Deux probl¢mes majeurs » et « Sur les périls qui menacent notre démocratie », /B@LKPQOR@QFLK +LQBABPBQ GRFI , 9 p. et 5 p. « Hommage à Sidney Hillman », La voix sociale 350 (18 août 1946), p. 1. « Le SGEN et les probl¢mes confédéraux », École et Éducation 20 (oct.Z1946), p. 4-5. « Conclusions d’un voyage outre-atlantique », Reconstruction. Note du LJFQ£࢙LRSOFBOA‫ٽ‬FKCLOJ>QFLKFKQBOK>QFLK>IB ,& (déc.Z1946), 4 p. « L’0nion internationale des travailleurs du vêtement féminin aux États-0nis », Reconstruction. Note COI (déc.Z1946), 8 p. 1947 (Non signé), « Point de vue syndicaliste sur la réforme de l’entreprise », Reconstruction 1 Note Centre d’études pour le syndicalisme d’industrie (CESI) (janv.Z1947), 16 p. « La bataille du Plan », La voix des métaux 12 (fév. 1947), p. 3. « Les travailleurs ont été roulés », La voix des métaux 15 (avril 1947), p. 1-2. (Avec -.Z DE LAGE), « Notre président nous quitte », École et Éducation 26 (avril 1947), p. 3. (Avec J.ZBOTTON), « Sur les périls qui menacent notre démocratie », Reconstruction. Note hors série (avril 1947), 6 p. (daté oct.Z1946). (Non signé), « De l’organisation professionnelle au syndicalisme d’industrie », Reconstruction 2 Note (CESI) (mai 1947), 10 p. (Non signé), « L’administration ࠱nanci¢re des syndicats de la métallurgie au C.I.O », Reconstruction Note COI (mai 1947), 3 p. (Non signé), « Travaux pour une révolution ࠱scale », Reconstruction. Note (CESI) 3 (juin 1947), 16 p. « 0ne étape 1936-1939 », Formation 45 1 (juin-juil.Z1947), p. 3. « Probl¢mes d’orientation syndicale le congr¢s confédéral le mouvement de gr¢ve », École et Éducation 28 (juil.Z1947), p. 3-4.

44. Organe de la !édération de la Métallurgie C!TC apr¢s la guerre. 45. ulletin de l’institut confédéral d’études et de formation syndicale C!TC apr¢s la guerre.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

(Avec Ch. SAVOUILLAN), « Pour faire le point. Nécessité d’un bilan de l’action syndicale depuis la Libération », Reconstruction 4 Note (CESI) (sept.Z1947), 8Zp. (Non signé), « Salaires et prix. Probl¢mes du circuit », Reconstruction Note (CESI) (sept.Z1947), 9 p. (Non signé), « Autour du Plan », Reconstruction 6 Note (CESI) (sept.Z1947), 12 p. 194 « Travail et théologie, Notes en marge de Proudhon » (colloque tenu à Toulouse les 20-21 juin 1941), publié dans le Journal de Psychologie normale et pathologique 46 1 (janv.-mars 1948), p. 65-68. (Non signé), Annonce de la création du Bulletin des groupes Reconstruction Centre pour le syndicalisme d’industrie (CSI) et Comité ouvrier d’information internationale (COI) 47 – 1 (5 janv.Z1948), p. 1. (Avec J.Z BOTTON), « Sur les conditions internationales de l’action ouvri¢re », Bulletin des groupes Reconstruction (COI) 1 (5 janv.Z1948), 9 p. (Non signé), « !orce ouvri¢re », Bulletin des groupes Reconstruction (CSI) 1 (5 janv.Z1948), 2 p. « Le Plan Marshall », Bulletin des groupes Reconstruction (COI) 2 (janv.Z1948), 12 p. (Non signé), « À propos d’un centenaire », Bulletin des groupes Reconstruction (COI) 2 (janv. 1948), 2 p. « Devant le Plan Marshall », La voix des métaux 23 (fév. 1948), p. 3. « Apr¢s les gr¢ves », École et Éducation 32 (fév. 1948), p. 3. « Le mouvement ‫!ڇ‬orce Ouvri¢re‫» څ‬, École et Éducation 33 (mars 1948), p. 3. (Non signé), « Le Plan Marshall et le syndicalisme international », Bulletin des groupes Reconstruction (CESI) 4-5 (mars 1948), 4 p. (Non signé), « Présentation des groupes -econstruction », Bulletin des groupes Reconstruction 6 (20 mars 1948), 3 p. « À propos du syndicalisme d’industrie aux États-unis et en !rance », Bulletin des groupes Reconstruction (COI) 6 (mars 1948), 7Zp. (Non signé), « P. S. à l’article de -ené Nouat, congr¢s CGT-!O. Impressions d’un témoin », Bulletin des groupes Reconstruction 6 (mars 1948). p. 3.

46. Grande revue de psychologie française, de renom international, dont l’animateur fut, de 1920 à 1962, Ignace Meyerson. 47. Des numéros rassemblant des contributions de l’un ou l’autre groupe de travail portent donc ces initiales. D’autres sont sans ce type de référence.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« Vers un syndicalisme authentique ? », « ,ue penser du Plan Marshall », comptes rendus d’exposés de Paul Vignaux par M. GONIN et E. CHOVET, Réveil social 48 29 (mars 1948), p. 1. « Positions syndicales du SGEN », École et Éducation 34 (avril 1948), p. 1. « -apport moral », congr¢s national du SGEN 22-23-24 mars 1948, École et Éducation 34 (avril 1948), p. 10-11. (Non signé), « De la conférence syndicale de Londres aux conférences des comités d’entreprise (CGT) », Bulletin des groupes Reconstruction (C.O.I) (5 avril 1948), 2 p. (Non signé), « Autour du ilan national. Hausse des salaires et niveau de vie des salaires », Bulletin des groupes Reconstruction (C.S.I) 7 (5 avril 1948), 9 p. (Non signé), « Autour du ilan national. -edistribution du revenu entre salariés », Bulletin des groupes Reconstruction (C.S.I.) 8-9 (20 avril-5 mai 1948), 3 p. « Autonomies », École et Éducation 35 (mai 1948), p. 1. « Le SGEN dans la C!TC », École et Éducation 36 (juin 1948), p. 1. « Situation du monde ouvrier : -évolution par la technique ? », La vie intellectuelle 16/6 (juin 1948), p. 23-27. (Non signé), « Le congr¢s de la C!TC », Bulletin des groupes Reconstruction (CSI) 10-11 (juin 1948), 3 p. (Non signé), « 0nité de notre action », École et Éducation 37 (juil.Z1948), p. 1. « Pour une réforme ࠱scale », Bulletin des groupes Reconstruction 12-13 (juil.Z1948), p. 9-20. (Signé -econstruction), « Au travail », Bulletin des groupes Reconstruction 14-15 (août-sept.Z1948), 2 p. (Non signé), « La fédération américaine des travailleurs de l’automobile », Bulletin des groupes Reconstruction 14-15 (août-sept.Z1948), 2 p. « Nécessité de la force syndicale », École et Éducation 39 (15 oct.Z1948), p. 1. « Devant la réforme ࠱scale : un probl¢me d’orientation syndicale », Bulletin des groupes Reconstruction (CSI) 16 (25 nov.Z1948), p. 9-13. « -esponsabilités syndicales », École et Éducation 43 (10 déc.Z1948), p. 1. 1949 « Le comité national de la C!TC et la politique des prix », École et Éducation 45 (28 janv.Z1949), p. 1. (Avec P. COURNIL), « -apport moral pour le Congr¢s du SGEN », École et ƒAR@>QFLK࢙45 (28 janv.Z1949), p. 1-4. (Non signé), « Au seuil de 1949 » Bulletin des groupes Reconstruction 18 (janv.Z1949), p. 1-3.

48. Organe de la C!TC de la Loire et de la Haute-Loire.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

(Non signé), « !ace à la réaction », Bulletin des groupes Reconstruction 19 (fév.Z1949), p. 1-4. (Non signé), « Le patronat français jugé par un capitaliste américain », Bulletin des groupes Reconstruction (COI) 19 (fév. 1949), 2 p. « À propos d’un bilan du con࠲it scolaire », École et Éducation 50 (8 avril 1949), p. 1. « Pour faire le point », Bulletin des groupes Reconstruction (CSI) 20 (marsavrilZ1949), p. 1-7. « Entretiens sur la situation internationale », Bulletin des groupes Reconstruction 20 (mars-avril 1949), 8 p. (Non signé), « Positions sur la paix et la liberté », Bulletin des groupes Reconstruction 21 (mai 1949), p. 1-9. (Non signé), « Conditions présentes de l’action ouvri¢re », Bulletin des groupes Reconstruction 22 (juin 1949), 23 p. « Document sur l’actuel rapport de force entre le patronat et la classe ouvri¢re », reprise de la « Lettre aux militants de fév. 1949 : face à la réaction » publiée dans le Bulletin des groupes Reconstruction, Droit social 49, mai 1949. « Apr¢s le congr¢s », École et Éducation 51 (6 mai 1949), p. 1. « -apport Moral » au Congr¢s national du SGEN des 11-13 avril 1949, École et Éducation 51 (6 mai 1949), p. 9-10 « Di࠳cultés ࠱nanci¢res », École et Éducation 53 (3 juin 1949), p. 1. « Le congr¢s de la C!TC et l’unité d’action », École et Éducation 55 (8 juil.Z1949), p. 1. (Signé -econstruction), « À propos d’une déclaration. Orientation de notre travail », Bulletin des groupes Reconstruction 23 (juil.-août 1949), p. 1-5. (Non signé), « Note préliminaire sur les probl¢mes de sécurité sociale », Bulletin des groupes Reconstruction (CSI) 23 (juil.Z1949), p. 6-16. « Apr¢s la conférence syndicale de Gen¢ve », Bulletin des groupes Reconstruction (COI) 23 (juil.Z1949), p. 19-23. « Aspects internationaux des probl¢mes économiques », Bulletin des groupes Reconstruction 24 (sept.Z1949), 42 p. « Note sur la la©cité », École et Éducation 56 (7 oct.Z1949), p. 8-9. « Le minimum vital », Bulletin des groupes Reconstruction 25 (oct.Z1949), p. 5-8. (Non signé), « Direction claire », Bulletin des groupes Reconstruction 25 (oct.Z1949), p. 1-4. « Pour comprendre le marxisme, regard sur ses origines », Bulletin des groupes Reconstruction 25 (oct.Z1949), p. 5-14.

49. Créé en 1938 et animé notamment par !rançois de Menthon et Marcel Prélot.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« Le contexte international de la crise économique et sociale française », Bulletin des groupes Reconstruction 25 (oct.Z1949), p. 15-18. (Non signé), « L’action américaine en !rance vue par une organisation ouvri¢re américaine », RIIBQFKABPDOLRMBP/B@LKPQOR@QFLK(oct.Z1949), p. 19-20. (Non signé), « De la gr¢ve du 25 nov. 1949 à la discussion des conventions collectives », Bulletin des groupes Reconstruction (CSI) 26 (nov.-déc.Z 1949), p. A1-A4 50. « Crise française vue d’outre-Atlantique », La vie intellectuelle 17/11 (nov. 1949), p. 407-411. « Socialisme ritannique », La vie intellectuelle 17/11 (nov.Z1949), p. 462-469. « La gr¢ve générale », La vie intellectuelle 17/12 (déc.Z1949), p. 563-568. « Suites de gr¢ves », École et Éducation 61 (16 déc.Z1949), p. 1. « Notes sur la la©cité » (Suite), École et Éducation 61 (16 déc.Z1949), p. 3-4. (Non signé), « 0n rapport du COI sur la Confédération internationale des syndicats libres », Bulletin des groupes Reconstruction 26 (déc.Z1949), p. C1-C21. 1950 « 0ne nouvelle fédération mondiale des syndicats », La vie intellectuelle 18/1 (janv.Z1950), p. 80-91. « La confédération internationale des syndicats libres », École et Éducation 63 (27 janv.Z1950), p. 1-2. (Non signé), « Notes internationales : le syndicalisme américainZ dans l’administration du plan Marshall », Bulletin des groupes Reconstruction (COI) 27 (janv.Z1950), p. C1-C8. (Non signé), « Lettre aux militants : Dans la bataille des accords de salaires », Bulletin des groupes Reconstruction (CSI), 28 (janv.Z1950), p. 1-6. (Non signé), « ilan et perspectives : regards sur 1949 et 1950 », Bulletin des groupes Reconstruction 28 (janv.Z1950), p. A1-A10. (Non signé), « Note complémentaire sur les gr¢ves‫ ڎ‬pour la paix », Bulletin des groupes Reconstruction (COI) 28 (fév.Z1950), p. A1-A5. (Non signé), « Présentation d’un document syndicaliste : le Manifeste de la Loire », Bulletin des groupes Reconstruction (CSI) 28 (fév.Z1950), p. 1. (Non signé),Z« La gr¢ve et le droit », Bulletin des groupes Reconstruction (CSI), 28 (fév.Z1950), p. D1-D6. « Pour notre Congr¢s », École et Éducation 65 (3 mars 1950), p. 1. « -apport moral », École et Éducation 66 (17 mars 1960), p. 1-3 et 67 (31 mars 1950), p. 1-2.

50. Le Bulletin adopte une pagination où les lettres de référence correspondent à des grands th¢mes de classement.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« Solidarité », École et Éducation 67 (31 mars 1950), p. 5. « Apr¢s le Congr¢s », École et Éducation 68 (28 avril 1950), p. 1. (Non signé), « Apr¢s les gr¢ves‫ ڎ‬tâches à accomplir », Bulletin des groupes Reconstruction (CSI), 29 (avril 1950), p. 1-3. « Emmanuel MounierZ (1905-1950) », Bulletin des groupes Reconstruction 29 (avril 1950), p. A3. (Non signé), « L’évolution politique et leZ mouvement ouvrier », Bulletin des groupes Reconstruction 29 (avril 1950), p. 1-14. (Non signé), « À propos de la Confédération internationale des syndicats libres », Bulletin des groupes Reconstruction (COI) 29 (avril 1950), p. C6-C9. « Notes sur la la©cité. III. Le point de vue du christianisme social », École et Éducation 69 (12 mai 1950), p. 6. « Malaise », École et Éducation 70 (26 mai 1950), p. 1. (Non signé), « Sur l’unité et l’appel de Stockholm », Bulletin des groupes Reconstruction 30 (mai 1950), p. 1-7. (Non signé), « Le projet français sur la production de charbon et d’acier », Bulletin des groupes Reconstruction 30 (mai 1950), p. C9-C14. « Élections à la Sécurité Sociale », École et Éducation 72 (23 juin 1950), p. 1. (Non signé), « Essai de perspective politique, crise française, crise internationale », Bulletin des groupes Reconstruction 31 (juin-juil.Z1950), p. A4-A 8. « Déclaration du comité d’initiative. Groupe d’études politique pour la défense des salariés », Bulletin des groupes Reconstruction 31 (juin-juil.Z1950), p. A1-A3. (Non signé), « Lettre aux militants. Pour y voir clair », Bulletin des groupes Reconstruction 31 (juin-juil. 1950), p. 1-6. « Essai de perspective politique. Crise française, crise internationale », Bulletin des groupes Reconstruction 31 (juin-juil. 1950), p. A4-A8. « Notes internationales. 1. Socialisme britannique », Bulletin des groupes Reconstruction 31 (juin-juil.Z1950), p. C1-C10. « Au Comité national du 25 juin », École et Éducation 73 (7 juil.Z1950), p. 1. « Note sur la la©cité. IV. Du côté socialiste », École et Éducation 73 (7 juil. 1950), p. 7-8. « !ernand Hennebicq 1921-1950 », Bulletin des groupes Reconstruction 32 (août-sept. 1950), p. 1-2. (Non signé), « À propos de trois manifestes », Bulletin des groupes Reconstruction (COI) 32 (août 1950), p. A1-A4. (Non signé), « Pour regarder la situation internationale », Bulletin des groupes Reconstruction (COI) 32 (août 1950) p. A5-A10.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« Présentation » et « !ernand Hennebicq », École et Éducation 74 (6 oct.Z1950), p. 1. « Chrétiens devant le marxisme », La vie intellectuelle 18/10 (oct.Z 1950), p. 314-323. (Non signé),Z « !ace au réarmement », Bulletin des groupes Reconstruction 33 (oct. 1950), p. 3. « Note sur la la©cité. V. Du côté des universitaires catholiques », École et Éducation 76 (3 nov. 1950), p. 7-8. Déclaration de Paul Vignaux au nom du SGEN à Combat 51 (28 nov. 1950) (en réponse à l’article de Gaston Tessier « ,u’est-ce que le syndicalisme chrétien ? » du 10 nov. 1950). « -esponsabilités internationales », École et Éducation 78 (1er déc.Z1950), p. 1. (Non signé), « Premi¢res leçons des accords de salaires », Bulletin des groupes Reconstruction 34 (déc. 1950), p. 1-10. (Non signé), « Di࠳cultés dans les relations internationales », Bulletin des groupes Reconstruction (Groupe d’études politiques-GEP 52) 34 (déc.Z1950), p. A1-A9. (Non signé), « Propositions de réforme ࠱scale », Bulletin des groupes Reconstruction 34 (déc. 1950), p. 1-5. (Non signé), « Pour le dossier du réarmement allemand » Bulletin des groupes Reconstruction (GEP), 34 (déc. 1950), p. C11-C17. « À propos des élections américaines », La vie intellectuelle 18/12 (déc.Z1950), p. 395-397. « Pour la Paix. Possibilités syndicalesZ françaises », École et Éducation 79 (15 déc. 1950), p. 1. 1951 « Orientations pour 1951 », École et Éducation 80 (12 janv. 1951), p. 1. « Appel à l’indépendance », École et Éducation 81 (26 janv. 1951), p. 1. (Non signé), « ilans et perspectives : regards sur 1950 et 1951 », Bulletin des groupes Reconstruction (CSI) 35 (janv. 1951), p. 1-9. (Non signé), « Probl¢mes allemands », Bulletin des groupes Reconstruction (GEP) 35 (janv. 1951), p. A1-A10. (Non signé), « Procédure d’enquête aux États-0nis – Le ‫!ڄ‬act-!inding oard‫څ‬ dans le con࠲it de l’acier (juil.-nov. 1949) », Bulletin des groupes Reconstruction 35 (janv. 1951), p. 4-10. (Avec R. DELAVIGNETTE, H. MULLER, J. NANTET, J. DUMONTIER, A. FRISCH, R. TRUPTIL, A. LICHNEROVITCH), « Pour une !rance cohérente dans la crise

51. Journal issu de la -ésistance, alors dirigé par Victor !a¹. 52. Ce nouveau groupe correspond à la dimension d’investissement politique devenue une préoccupation des groupes -econstruction.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

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54. Attribution possible, mais non certaine.

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(Avec J. ROCARD), « Dans l’intérêt du service public », École et Éducation 130 (7 déc. 1953), p. 1. (Avec J. roCARD), « Triple renvoi du budget de l’EN », École et Éducation 131 (21 déc. 1953), p. 1-2. « Comité national (journée du 29 nov.) : Action syndicale et politique », École et Éducation 131 (21 déc. 1953), p. 2-3. 1954 « Évolution et probl¢mes de la C!TC », La Nef 58 5 (janv. 1954), p. 128-134. (Signé -econstruction), « -estauration », Cahiers des groupes Reconstruction 4 (janv. 1954), p. 1. « La crise de l’idée européenne », Cahiers des groupes Reconstruction 4 (janv. 1954), p. 4-9. (Avec J. BROCARD), « -evendications universitaires-revendications ouvri¢res », École et Éducation 133 (25 janv. 1954), p. 1-2. (Signé -econstruction), « Syndicalisme et travaillisme », Cahiers des groupes Reconstruction 5 (fév. 1954), p. 1 et 24. (Non signé), « Esprit du syndicalisme », Cahiers des groupes Reconstruction 5 (fév. 1954), p. 24. (Avec J. BROCARD), « La lutte continue », École et Éducation 134 (8 fév. 1954), p. 1-2. (Avec J. BROCARD), « 0nité pour l’action », École et Éducation 135 (22 fév. 1954), p. 1. (Avec J. BROCARD), « -apport pour le congr¢s. Situation générale et orientation syndicale », École et Éducation 135 (22 fév. 1954), p. 2-5. (Signé -econstruction), « Pas seulement le salaire », Cahiers des groupes Reconstruction 6 (mars 1954), p. 1. « La gestion ouvri¢re des entreprises », Combat ouvrier 59 1 (15 mars 1954), p. 4. (Avec J. BROCARD), « -apport pour le Congr¢s. Syndicalisme et démocratie. Action sur le budget », École et Éducation 136 (15 mars 1954), p. 3-6. (Signé -econstruction), « Pour un redressement syndical », Cahiers des groupes Reconstruction 7 (avril 1954), p. 1. « Pour une politique des salaires. Éléments d’une recherche », Cahiers des groupes Reconstruction 7 (avril 1954), p. 4-7. (Signé -econstruction), « -esponsabilités », Cahiers des groupes Reconstruction 8 (mai 1954), p. 1.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« Léon Jouhaux. 0n demi-si¢cle de syndicalisme », Cahiers des groupes Reconstruction 8 (mai 1954), p. 7-9. « Apr¢s le Congr¢s », École et Éducation 138 (3 mai 1954), p. 1. (Avec J. BROCARD), « Échéances », École et Éducation 139 (20 mai 1954), p. 1-2. « Congr¢s national. Compte rendu de séance. -apport sur la situation générale et l’orientation syndicale », École et Éducation 139 (20 mai 1954), p. 2-4. « L’ampleur du probl¢me de la fonction enseignante », École et Éducation 140 (8 juin 1954), p. 1-2. (Avec J. BROCARD), « !in d’année scolaire et syndicale », École et Éducation 141 (24 juin 1954), p. 1. « Pour une politique des salaires », Cahiers des groupes Reconstruction 9-10 (juin-juil. 1954), p. 14-15. (Signé -econstruction), « 0n tournant », Cahiers des groupes Reconstruction 9-10 (juin-juil. 1954), p. 1-2 (à propos de Pierre Mend¢s !rance) « Les syndicats prennent position », France-Observateur 60 218 (15 juil. 1954), p. 15. (Signé -econstruction), « Août 53-Août 54 », Cahiers des groupes Reconstruction 11-12 (août-sept. 1953), p. 1-3. « Pour une position sur le réarmement allemand. L’épreuve de ruxelles », Cahiers des groupes Reconstruction 11-12 (août-sept. 1954), p. 4-9. « 0n avertissement britannique : Cela n’est pas inévitable », Cahiers des groupes Reconstruction 11-12 (août-sept. 1954), p. 14-15. « Politique syndicale et politique gouvernementale », École et Éducation 142 (22Zsept. 1954), p. 4. (Signé -econstruction), « Gouvernement de combat », Cahiers des groupes Reconstruction 13 (oct. 1954), p. 1-2. « Du rejet de la CED à la conférence de Londres », Cahiers des groupes Reconstruction 13 (oct. 1954), p. 4-8. « Notre politique syndicale », supplément à École et Éducation 144 (20 oct. 1954), p. 2-4. (Signé -econstruction), « Vigilance », Cahiers des groupes Reconstruction 14 (nov.Z1954), p. 1. « Congr¢s du Labour Party », Cahiers des groupes Reconstruction 14 (nov. 1954), p. 12-13. « 0ne question d’intérêt général : le statut de l’enseignement agricole du premier degré », École et Éducation 146 (24 nov. 1954), p. 1-2.

60. L’Observateur, hebdomadaire de gauche, créé le 13 avril 1950 par -oger Stéphane, Claude ourdet, Gilles Martinet et Hector de Galard  devenu France-Observateur le 15 avril 1954.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

(Signé -econstruction), « 0n NeR Deal français ? », Cahiers des groupes Reconstruction 15 (déc. 1954), p. 1. « Les Accords de Paris. Abstention travailliste et opposition du socialisme allemand », Cahiers des groupes Reconstruction 15 (déc. 1954), p. 18-19. (Avec J. BROCARD), « Avertissements », École et Éducation 147 (15 déc. 1954), p. 1-2. 1955 « Probl¢mes d’évolution de la C!TC » édité par la !édération des industries chimiques de la C!TC, 1955, 47 pages. En particulier « Pour comprendre la C!TC »  « La C!TC et son passé (J. ROCHELLE) »  « Note sur le rapport d’orientation présenté au Congr¢s Confédéral de 1953 »  « -emarques historiques sur la déclaration de principes de 1947 ». (Signé -econstruction), « Dixi¢me année », Cahiers des groupes Reconstruction 16 (janv. 1955), p. 1. « -éarmement allemand, solidarité occidentale et action ouvri¢re », Cahiers des groupes Reconstruction 16 (janv. 1955), p. 2-5. « Pour une politique de l’Éducation nationale. En vouloir les conditions », École et Éducation 148 (12 janv. 1955), p. 1. (Signé -econstruction), « 18 juin 1954-5 fév. 1955 », Cahiers des groupes Reconstruction 17 (fév. 1955), p. 1-2. « Entreprise capitaliste, cogestion et syndicalisme », Cahiers des groupes Reconstruction 17, (fév. 1955), p. 3-10 et p. 24. « -apports pour le congr¢s. Situation générale et orientation syndicale », École et Éducation 149 (2 fév. 1955), p. 2-5. « Politique syndicale inchangée », École et Éducation 150 (23 fév. 1955), p. 1. (Signé -econstruction), « Pour une autre Assemblée », Cahiers des groupes Reconstruction 18 (mars 1955), p. 1. (Signé J. ROCHELLE), « Pour situer la CGT-!O », Cahiers des groupes Reconstruction 18 (mars 1955), p. 13. « Apr¢s le 23 mars », École et Éducation 152 (28 mars 1955), p. 1. (Signé -econstruction), « Dé࠱ance nécessaire », Cahiers des groupes Reconstruction 19 (avril 1955), p. 1. (Signé J.ZROCHELLE), « Le mouvement social, la C!TC et son passé », Cahiers des groupes Reconstruction 19 (avril 1955), p. 9-13. (Signé -econstruction), « Pour un travail théorique », Cahiers des groupes Reconstruction 20 (mai 1955), p. 1-2. (Signé J. ROCHELLE), « Syndicalisme et politique », Cahiers des groupes Reconstruction 20 (mai 1955), p. 10-15. (Signé J. ROCHELLE), « Socialisme sans utopie », Cahiers des groupes Reconstruction 20 (mai 1955), p. 31-32. 409

Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

(Signé -econstruction), « Syndicalisme et socialisme », Cahiers des groupes Reconstruction 21-22 (juin-juil. 1955), p. 1. (Signé J. ROCHELLE), « À la C!TC, le cheminement d’une minorité », Cahiers des groupes Reconstruction 21-22 (juin-juil. 1955), p. 16-25. « Présentation du rapport d’orientation », École et Éducation 154 (1er juin 1955), p. 5-8. « Le 28e congr¢s de la C!TC », École et Éducation 155 (8 juin 1955), p. 1-2. « Ne pas appartenir au M-P », L’Express 61, 11 juin 1955. « Paul Vignaux, secrétaire général du SGEN Intervention au congr¢s C!TC d’Asni¢res », Combat ouvrier 14 (15 juin 1955), p. 3. « Cohérence », École et Éducation 156 (29 juin 1955), p. 1-2. « À propos du rôle social de l’école la©que », École et Éducation 156 (29 juin 1955), p. 4. « Compte rendu des débats sur l’orientation », École et Éducation 156 (29 juin 1955), p. 10-11. (Avec M. GONIN), « -enouvellement de la C!TC », La vie intellectuelle 23/7 (1955), p. 137-152. « 0n Syndicalisme universitaire à la C!TC », numéro spécial du Bulletin intérieur du SGEN 2-3 (juil.-août 1955), 47 p. En particulier « Position et action du SGEN dans la C!TC (1937-1955) », p. VIII-XX et « Pour comprendre la C!TC », p. 3-6. (Signé -econstruction), « À l’action », Cahiers des groupes Reconstruction 23-24 (août-sept. 1955), p. 1. « L’action de Pierre Mend¢s !rance », Cahiers des groupes Reconstruction 25-26 (oct.-nov. 1955), p. 18. (Signé -econstruction), « Vaincre », Cahiers des groupes Reconstruction 25-26 (oct.-nov. 1955), p. 1. « Comment poser les probl¢mes de la la©cité », Syndicalisme universitaire : École et Éducation (9 nov. 1955), p. 3. (Signé -econstruction), « Dans la bataille », Cahiers des groupes Reconstruction 27 (déc. 1955), p. 1. (Non signé), « ilan d’une législature (juin 1951-déc. 1955) », Cahiers des groupes Reconstruction 27 (déc. 1955), p. 4-5. (Non signé), « -enouvellement du radicalisme », Cahiers des groupes Reconstruction 27 (déc. 1955), p. 13. (Non signé), « Pour le 2 janv. », « Lettre aux Parlementaires », « La©cité », « Devant les probl¢mes d’Afrique du Nord », École et Éducation 161 (21 déc. 1955), p. 1, 8-9.

61. Créé le 16 mai 1953 comme supplément aux Echos par !rançoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Scheiber, pour soutenir Pierre Mend¢s !rance  il accueille le « loc-notes » de !rançois Mauriac depuis le 10 avril 1955.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« Les travailleurs chrétiens et les élections », France-Observateur 294 (29 déc. 1955), p. 7. (Signé J. PERROT),Z« 0nité syndicale et syndicalisme chrétien en Allemagne », La vie intellectuelle 23/12 (1955), p. 91-95. 1956 « Préface » à C. BLONDEL, J.Z BUSSIENNE, L. CARLINER, etc., Culture ouvrière et action syndicale, Paris 1956, p. 3-5. « Point de vue d’un syndicaliste sur la politique de l’enseignement », Les Cahiers de la République 3 (1956), p. 43-47. (Signé -econstruction), « Service », Cahiers des groupes Reconstruction 28 (janv. 1956), p. 1. (Non signé), « Le gouvernement Mollet », Cahiers des groupes Reconstruction 28 (janv. 1956), p. 3. (Non signé), « Développement idéologique du socialisme anglaisZ avec Hugh Gaitskell », Cahiers des groupes Reconstruction 28 (janv. 1956), p. 5-8. (Non signé), « Graves préoccupations », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 162 (18 janv. 1956), p. 1.Z « -apport d’orientation présenté au nom du bureau national par Paul Vignaux », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 163 (8 fév. 1956), p. 1-3. « Politique scolaire, les év¢nements, nos positions », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 164 (29 fév. 1956), p. 7. (Signé -econstruction), « Devant le probl¢me algérien », Cahiers des groupes Reconstruction 29-30 (fév.-mars 1956), p. 1. (Non signé), « uts et tâches du socialisme démocratique », Cahiers des groupes Reconstruction 29-30 (fév.-mars 1956), p. 6. (Signé J. ROCHELLE) « Syndicalisme et !ront populaire », Cahiers des groupes Reconstruction 29-30 (fév.-mars 1956), p. 13-14. « Indépendance syndicale », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 165 (21 mars 1956), p. 1. (Signé -econstruction), « Opposition », Cahiers des groupes Reconstruction 31 (avril 1956), p. 1. (Non signé), « Service public », Syndicalisme universitaire 166 (18 avril 1956), p. 1. (Signé -econstruction), « De la déception à l’action », Cahiers des groupes Reconstruction 32 (mai 1956), p. 1. (Signé J. ROCHELLE), « ComitéZ confédéral !O », Cahiers des groupes Reconstruction 32 (mai 1956) p. 6-7. (Non signé), « Le probl¢me algérien : une situation révolutionnaire », Cahiers des groupes Reconstruction 32 (mai 1956), p. 10-12.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

(Non signé), « Exigences d’avenir », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 167 (9 mai 1956), p. 1. « Le Congr¢s de Poitiers. Le débat sur l’orientation. L’exposé de Paul Vignaux, le débat et sa réponse », 0VKAF@>IFPJBRKFSBOPFQ>FOB࢙École et Éducation 167 (9 mai 1956), p. 9-12. « Le travaillisme n’est pas la voie du syndicalisme », France-Observateur 313 (10 mai 1956), p. 13, repris dans Syndicalisme universitaire : École et Éducation 168 (23 mai 1956), p. 16. (Non signé), « 1906-1956. La charte d’Amiens », 0VKAF@>IFPJB RKFSBOPFQ>FOB࢙  École et Éducation 168 (23 mai 1956), p. 1. « Le travaillisme n’est pas la voie du syndicalisme », 0VKAF@>IFPJBRKFSBOPFQ>FOB࢙ École et Éducation 168 (23 mai 1956), p. 16. (Signé -econstruction), « Perspective », Cahiers des groupes Reconstruction 33-34 (juin-juil. 1956), p. 1. (Non signé), « La déstalinisation. Le discours de &hrouchtchev », Cahiers des groupes Reconstruction 33-34 (juin-juil. 1956), p. 3-8 et 25. (Non signé), « Orientation syndicaliste », 0VKAF@>IFPJBRKFSBOPFQ>FOB࢙École et Éducation 169 (15 juin 1956), p. 1-2. « Valeurs libérales et combativité syndicale », 0VKAF@>IFPJBRKFSBOPFQ>FOB࢙École et Éducation 170 (29 juin 1956), p. 1. (Signé -econstruction), « La situation », Cahiers Reconstruction 35-36 (août-sept. 1956), p. 1 et 24. « La charte d’Amiens dans son contexte historique », Cahiers Reconstruction 35-36 (août-sept. 1956), p. 5-20. « Devant le probl¢me algérien », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 171 (28 sept. 1956), p. 1. (Non signé), « ilan et orientation », 0VKAF@>IFPJB RKFSBOPFQ>FOB࢙  École et Éducation 171 (28 sept. 1956), p. 1.Z (Signé -econstruction), « Socialiste de conception, non de Parti », Cahiers Reconstruction 37 (oct. 1956), p. 1 et 8. (Non signé), « SueU : non conformisme », Cahiers Reconstruction 37 (oct. 1956), p. 2. « Condition du syndicalisme français : cinquante ans apr¢s la Charte d’Amiens », Cahiers Reconstruction 37 (oct. 1956), p. 25-32. (Non signé), « Choisir », 0VKAF@>IFPJB RKFSBOPFQ>FOB࢙  École et Éducation 172 (12Zoct. 1956), p. 1. Commentaire de la résolution d’orientation minoritaire proposée au congr¢s confédéral notamment par le SGEN, 0VKAF@>IFPJB RKFSBOPFQ>FOB࢙  École et Éducation 172 (12 oct. 1956), p. 4-5. (Non signé), « Démocratisation », 0VKAF@>IFPJBRKFSBOPFQ>FOB࢙École et Éducation 173 (26 oct. 1956), p. 1. 412

Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

(Non signé), « Irresponsabilité », Cahiers Reconstruction 38 (nov. 1956), p. 1. « 0n exemple d’action ouvri¢re : le Labour britannique dans la crise de SueU », Cahiers Reconstruction 38 (nov. 1956), p. 3-5. (Non signé), « ,uinUaine angoissante », 0VKAF@>IFPJB RKFSBOPFQ>FOB࢙  École et Éducation 174 (9 nov. 1956), p. 1-2. « Sur la situation internationale », 0VKAF@>IFPJBRKFSBOPFQ>FOB࢙École et Éducation 175 (23 nov. 1956), p. 1. « Évolution polonaise et insurrection hongroise. -enaissance des valeurs libérales », 0VKAF@>IFPJBRKFSBOPFQ>FOB࢙École et Éducation 176 (14 déc. 1956), p. 1 et 12. 1957 (Signé -econstruction), « -econquête syndicaliste et défense républicaine », Cahiers Reconstruction 39-40 (déc. 1956-janv. 1957), p. 2-7. (Non signé), « Notes politiques. Dans les partis », Cahiers Reconstruction 39-40 (déc. 1956-janv. 1957), p. 9-11 et 16. « Ne pas oublier la Hongrie », Cahiers Reconstruction 41 (fév. 1957), p. 3-7. « Comité national du 23 déc. 1956 : Situation générale », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 177 (18 janv. 1957), p. 2-3. (Non signé), « 1937-1957, Vingt ans d’action syndicale », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 179 (22 fév. 1957), p. 1-5. « Pour le congr¢s du XXe anniversaire », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 180 (1er mars 1957), p. 1. « Pour le congr¢s. Point de vue syndicaliste », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 181 (22 mars 1957), p. 1. (Signé -econstructionZ ), « Permanence et urgence du probl¢me algérien », Cahier Reconstruction 42 (mars 1957), p. 1. « Contre la torture », Cahiers Reconstruction 42 (mars 1957), p. 8. (Signé -econstruction), « Guerre d’Algérie, réveil de l’opinion. 0rgence pour la réforme de l’enseignement », Cahiers Reconstruction 43 (avril 1957), p. 1. « Canossa ? », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 182 (12 avril 1957), p. 2. (Signé -econstruction), « De Mollet à ourg¢s », Cahiers Reconstruction 44-45 (mai-juin 1957), p. 1 et 10. (Non signé), « 1937-1957 : Vingt ans d’action syndicale : le Syndicat général de l’Éducation nationale », Cahiers Reconstruction 44-45 (mai-juin 1957), p. 14-23. (Non signé), « !ormation et positions d’une minorité syndicaliste », Cahiers Reconstruction 46 (mai-juin 1957), p. 10-28. « La classe ouvri¢re est-elle homog¢ne ? », Le Nouvel Observateur (30 mai 1957), p. 9. 413

Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« Congr¢s national du SGEN Dijon, 15, 16, 17 avril 1957 : réponse de Vignaux », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 186 (28 juin 1957), p. 2. (Signé -econstruction), « Congr¢s politiques et syndicaux. -evendications, éducation politique, vigilance », Cahiers Reconstruction 46 (juil. 1957), p. 1. (Signé -econstruction), « -eprise », Cahiers Reconstruction, 47-48 (août-sept. 1957), p. 1. (Non signé), « 1917-1957 : Syndicalisme et communisme. Les probl¢mes de l’unité d’action », Cahiers Reconstruction 47-48 (août-sept. 1957), p. 13-27. « Du syndicalisme chrétien au ‫ڄ‬gauchissement‫» څ‬, Contrepoint 62 9 (1973), p. 195-205. « Le rôle du syndicalisme, objet de science politique », Revue économique 63 5 (sept. 1957), p. 872-875. « -entrée », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 187 (27 sept. 1957), p. 1. (Signé -econstruction), « Syndicalisme et guerre d’Algérie », Cahiers Reconstruction 49 (oct. 1957), p. 1. « -esponsabilités syndicalistes », Cahiers Reconstruction 49 (oct. 1957), p. 3-4 et 8. (Signé -econstruction), « !in d’année », Cahiers Reconstruction 50-51 (nov.-déc. 1957), p. 1. « Dans un climat préfasciste, réveiller le sens de la liberté individuelle », Cahiers Reconstruction 50-51 (nov.-déc. 1957), p. 2-7. « Le syndicalisme a besoin de vous », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 190 (22 nov. 1957), p. 2. (Non signé), « Contre la dégradation des libertés », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 190 (22 nov. 1957), p. 1. « Collaborer et combattre », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 191 (13 déc. 1957), p. 1 et p. 2-3 (double page sur la défense des libertés). 195 « Action confédérale et unité d’action intersyndicale des Minoritaires au bureau de la C!TC », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 192 (17 janv. 1958), p. 1 et 12. Comité national des 7 et 8 déc.,Z« Situation générale et défense des libertés », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 192 (17 janv. 1958), p. 4. (Signé -econstruction), « -ôle et crise du syndicalisme », Cahiers Reconstruction 52-53 (janv.-fév. 1958), p. 1 et 8.

62. -evue fondée en mai 1970, par Patrick Devedjian et Georges Liébert, proche de -aymond Aron. 63. Créée en 1950 sous l’égide de l’École Pratique des Hautes Études.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« Conclusions à tirer d’une enquête en Algérie », Cahiers Reconstruction 52-53 (janv.-fév. 1958), p. 2 et 7. (Non signé), « Vers l’unité syndicale ? Où en sommes-nous ? », Cahiers Reconstruction 52-53 (janv.-fév. 1958), p. 3 et 7. « Pour le Congr¢s de MetU », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 193 (7 fév. 1958), p. 1. « Situation générale et congr¢s », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 194 (24 fév. 1958), p. 1. « À propos de la leçon sur l’œuvre de la !rance en Afrique du Nord », introduction de Paul Vignaux aux contributions de Pierre Ayçoberry et Claude Pinoteau, Syndicalisme universitaire : École et Éducation 194 (24 fév. 1958), p. 4. (Signé -econstruction), « !aire face », Cahiers Reconstruction 54 (mars 1958), p. 1. (Non signé), « Contestation. Pour une discussion syndicale de la politique économique », Cahiers Reconstruction 54 (mars 1958), p. 2-8. « En pensant à la rentrée 1958 », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 195 (11 mars 1958), p. 1. (Non signé), « Défense de l’0niversité », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 196 (21 mars 1958), p. 1. (Signé -econstruction),Z « HoriUons politiques de l’action syndicale », Cahiers Reconstruction 55 (avril 1958), p. 1. (Non signé), « Contestation : coût de la guerre d’Algérie », Cahiers Reconstruction 55 (avril 1958), p. 2-4 et 8. (Non signé), « Pour comprendre le probl¢me algérien », Cahiers Reconstruction 55 (avril 1958), p. 9-24. « À l’occasion et au-delà de la crise ministérielle », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 197 (25 avril 1958), p. 1. (Signé -econstruction), « Crise de régime », Cahiers Reconstruction 56-57 (mai-juin 1958), p. 1-8. (Non signé), « !ront universitaire », Cahiers Reconstruction 56-57 (mai-juin 1958), p. 12-16. (Non signé), « 0nité d’action », Cahiers Reconstruction 56-57 (mai-juin 1958), p. 25-28. « Le SGEN et le probl¢me algérien », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 198 (13 mai 1958), p. 1. « Le syndicat universitaire dans la crise de l’État », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 199 (13 juin 1958), p. 1 et 4. (Avec J. ROCARD et J.ZMOUSEL) « Liberté », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 200 (27 juin 1958), p. 1. (Non signé), « L’État, la Constitution, le pouvoir constituant. Point de vue syndicaliste sur les probl¢mes constitutionnels », complété par « L’exercice 415

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du pouvoir constituant dans l’histoire constitutionnelle de la !rance de 1789 à 1958 », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 200 (27 juin 1958), p. 2-3. (Signé -econstruction), « !ace à l’ambigu©té », Cahiers Reconstruction 58-59 (juil.-août 1958), p. 1. (Non signé), « Le pouvoir constituantZdans la vie française (1789-1958) », Cahiers Reconstruction 58-59 (juil.-août 1958), p. 13-24. (Signé -econstruction), « 0n moment essentiel », Cahiers Reconstruction 60 (sept. 1958), p. 1. (Non signé), « Non ! !ranchement non ! », Cahiers Reconstruction 60 (sept.Z1958), p. 3-6. (Non signé), « Position du probl¢me constitutionnel », Cahiers Reconstruction 60 (sept. 1958), p. 9-16. (Non signé), « Protestation », « Appel », « Syndicalisme universitaire et crise constitutionnelle », « -éférendum », « Constitution », Syndicalisme universitaire : École et ÉducationZSupplément à 201 (19 sept. 1958), p. I-IV. (Non signé), « Continuité », « Déclaration du XXe anniversaire », « Le SGEN, la défense des libertés et le probl¢me algérien », supplément à Syndicalisme universitaire : École et Éducation 201 (19 sept. 1958). (Signé -econstruction), « Vertu d’élections », Cahiers Reconstruction 61-62 (oct.-nov. 1958), p. 1. (Avec A.Z DETRAZ),Z « Les partis. Divisions et regroupements », Cahiers Reconstruction 61-62 (oct.-nov. 1958), p. 7. « Syndicalisme et politique un demi-si¢cle apr¢s la charte d’Amiens », Cahiers Reconstruction 61-62 (oct.-nov. 1958), p. 13-20. « Le sens d’une intervention » et « En marge d’un compte rendu de congr¢s », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 202 (17 oct. 1958), p. 1-2 et p. 12. « Continuité syndicaliste » et « Leçon à retenir », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 203 (14 nov. 1958), p. 1 et p. 8. « Avant le Comité National », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 204 (5 déc. 1958), p. 1. (Avec J. ROCARD), « À propos d’un congr¢s », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 204 (5 déc. 1958), p. 14 et 16. (Signé J. ROCHELLE), « GaU-électricité », Cahiers Reconstruction 63 (déc.Z1958-janv. 1959), p. 15-16 (Sur le Congr¢s de la !édération C!TC). (Signé -econstruction), « Continuité », Cahiers Reconstruction 63 (déc.Z1958-janv. 1959), p. 1.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« L’ordonnance du 7 janv. : responsabilité syndicaliste », Cahiers Reconstruction 63 (déc. 1958 - janv. 1959), p. 17-24. 1959 (Signé -econstruction),Z « L’e࠰ort nécessaire », Cahiers Reconstruction 64 1 (janv.-fév. 1959), p. 1. « -apport d’activité », au comité national des 13-14 déc. 1958, Syndicalisme universitaire : École et Éducation 205 (16 janv. 1959), p. 1. « Le syndicalisme continue », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 205 (16 janv. 1959), p. 1. « Sens de l’État », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 206 (30 janv. 1959), p. 1. « -esponsabilités », Syndicalisme universitaire : École et Éducation, supplément « Enseignement supérieur et -echerche » au no 207 (13 fév. 1959), p. 1. (Non signé), « L’État, l’enseignement privé et le syndicalisme universitaire », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 207 (13 fév. 1959), p. 1. (Signé -econstruction), « Mai 58-Mai 59 », Cahiers Reconstruction 2 (mars-avril 1959), p. 1. (Non signé), « Travail de l’0!D », Cahiers Reconstruction 2 (mars-avril 1959), p. 32-34. (Non signé), « Classe ouvri¢re et syndicats. Introduction au débat », Cahiers Reconstruction 2 (mars-avril 1959), p. 34-36. « Les syndicats américains d’industrie devant la nouvelle révolution industrielle », Cahiers Reconstruction 2 (mars-avril 1959) p. 37-38. « Dans la fonction publique, coopération technique et liberté d’opinion », Cahiers Reconstruction 2 (mars-avril 1959), p. 50-51. (Non signé), « 0n syndicat universitaire sous la ,uatri¢me -épublique. Le Syndicat général de l’Éducation nationale », Cahiers Reconstruction 2 (marsavril 1959), p. 53-64. « Pour que ne vienne pas le temps du mépris », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 209 (13 mars 1959), p. 1. « !ront universitaire, front syndical », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 210 (17 avril 1959), p. 1. (Signé -econstruction), « 0n an apr¢s », Cahiers Reconstruction 3 (mai-juin 1959), p. 1. (Non signé), « L’opposition : di࠳cultés, travaux », Cahiers Reconstruction 3 (mai-juin 1959), p. 66-67 et 70-71. « La vie syndicale. Orientation », Cahiers Reconstruction 1959 – III (mai-juin), p. 71-72.

64. Nouvelle série.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

(Non signé), « Syndicalisme, socialisme et démocratie », Cahiers Reconstruction 3 (mai-juin 1959), p. 73-84. « Apr¢s le comité national » et « Au comité national du SGEN. Situation générale et orientation », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 211 (22 mai 1959), p. 1-2. « À propos de la gr¢ve des assistants », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 212 (5 juin 1959), p. 1. « La question de l’enseignement libre », L’Éducation nationale 22 (22 juin 1959), p. 5-6. « Clarté dans le combat », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 213 (26 juin 1959), p. 1. « Pour la solution du probl¢me algérien », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 213 (26 juin 1959), p. 2. « 0n article de Paul Vignaux dans l’Éducation nationale », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 213 (26 juin 1959), p. 15. (Signé -econstruction), « La©cité », Cahiers Reconstruction 4 (juil.-août 1959), p. 1-2. (Non signé), « Créer l’alternative », Cahiers Reconstruction 4 (juil.-août 1959), p. 1-2. (Signé J. ROCHELLE), « Orientation confédérale », Cahiers Reconstruction 4 (juil.-août 1959), p. 89-92. « Débat sur la querelle scolaire par Maurice Sorre, Henri Marrou, Georges Laure, Paul Vignaux », Les Cahiers de la République 65 20 (juil.-août 1959), p. 87-88. « Apr¢s la déclaration du 16 sept. », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 215 (20 sept. 1959), p. 1. « 0nité du combat syndical », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 214 (16 sept. 1959), p. 1. « Le syndicalisme et l’opposition », Cahiers Reconstruction 5 (sept.-oct. 1959), p. 112-113. « Cinqui¢me -épublique », Cahiers Reconstruction 5 (sept.-oct. 1959), p. 125-128. Présentation de « La question scolaire. Données de fait », Cahiers Reconstruction 1959 V (sept.-oct. 1959), p. 129 et 140. « Les syndicalistes et le nouveau parti socialiste », France-Observateur 9 (nov.Z1959). « Trois probl¢mes » et « La©cité et paix scolaire », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 218 (18 nov. 1959), p. 1 et 2.

65. -evue politique lancée par Pierre Mend¢s !rance en mai 1956, animée par Pierre Avril jusqu’en 1962.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« Lettre au Ministre », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 218 (18Znov. 1959), p. 1. (Signée Secrétariat général), « Menace sur l’0niversité », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 220 (16 déc. 1959), p. 1. « ,uelques remarques sur ce texte » (la résolution du CN du 29 nov. 1959 sur le probl¢me des crédits à l’enseignement privé et les lois Debré), Syndicalisme universitaire : École et Éducation 220 (16 déc. 1959), p. 15. « 0ne tendance syndicale sous la ,uatri¢me -épublique, la minorité C!TC », Cahiers Reconstruction 6 (nov.-déc. 1959), p. 153-164. (Non signé), « Dimension politique de la question scolaire », Cahiers Reconstruction 6 (nov.-déc. 1959), p. 165-172. (Signé -econstruction), « Continuité syndicaliste‫ ڎ‬et unité d’action », Cahiers Reconstruction 6 (nov.-déc. 1959), p. 1-2. 1960 « 0n syndicaliste parle », Encyclopédie française, t. X : L’univers économique et social, Paris 1960, p. 6 « Service public », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 221 (13 janv. 1960), p. 1 « Commentaires de la constitution », Cahiers Reconstruction 1 (janv.-fév. 1960), p. 9. « Confédérations : action parall¢le », Cahiers Reconstruction 1 (janv.-fév. 1960), p. 10-11. « -efus d’une équivoque‫ ڎ‬imaginaire », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 222 (27 janv. 1960), p. 12. « Pour l’autodétermination », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 224 (17 fév. 1960), p. 1. (Avec J. ROCARD, J. MOUSEL, C. OURET), « -apport d’activité présenté au nom du N par le secrétariat général », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 224 (17 fév. 1960), p. 2-7. (Non signé), « Le SGEN et la pétition du CNAL, supplément au rapport d’activité », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 225 (9 mars 1960), p. 1-2. « ,uel recours ? », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 226 (23 mars 1960), p. 1. « Apr¢s les décrets d’application de la loi scolaire », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 226 (23 mars 1960), p. 4. (Signé -econstruction),Z « Continuité syndicaliste‫ ڎ‬dans la dégradation du régime », Cahiers Reconstruction 2 (mars-avril 1960), p. 1-2. « Congr¢s de esançon 4-5-6 avril 1960 : point d’arrivée, point de départ », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 227 (4 mai 1960), p. 1.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« L’Algérie, la jeunesse et notre responsabilité », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 228 (25 mai 1960), p. 1. (Signé -econstruction), « Espoir », Cahiers Reconstruction 3 (mai-juin 1960), p. 1. (Signé J. ROCHELLE), « !ront syndical », Cahiers Reconstruction 3 (mai-juin 1960), p. 2. (Non signé), « Paix en Algérie. Notre responsabilité », Cahiers Reconstruction 3 (mai-juin 1960), p. 73-84. « Place du SGEN-Comité national du 29 mai. Situation générale et organisation. -apporteur Paul Vignaux », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 229 (22 juin 1960), p. 1-2. (Signé -econstruction), « Laisser faire‫ ڎ‬non‫» ڎ‬, Cahiers Reconstruction 4 (juil.août 1960), p. 90. « L’avenir des syndicalistes étudiants », Cahiers Reconstruction 4 (juil.-août 1960), p. 96. (Non signé), « Socialisme démocratique, mais socialisme. 0ne brochure de -ichard H.S. Crossman », Cahiers Reconstruction 4 (juil.-août 1960), p. 112-115. « Plani࠱cation régionale », Cahiers Reconstruction 5 (sept.-oct. 1960), p. 124. « Des conventions collectives au socialisme démocratique », Cahiers Reconstruction 5 (sept.-oct. 1960), p. 137-141. (Non signé), « Gaston Tessier », Cahiers Reconstruction 5 (sept.-oct. 1960), p. 125. (Non signé), « Syndicalisme, socialisme et démocratie – II », Cahiers Reconstruction 5 (sept.-oct. 1960), p. 101-116. (Signé -econstruction), « Deux ans apr¢s », Cahiers Reconstruction 5 (sept.-oct. 1960), p. 127. (Non signé), « Gaston Tessier », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 230 (23 sept. 1960), p. 5. « Continuer », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 233 (17 nov. 1960), p. 1. « Syndicalisme, socialisme et démocratieZIII », Cahiers Reconstruction 6 (nov.-déc. 1960), p. 137-141. (Signé -econstruction), « -évolution algérienne », Cahiers Reconstruction 6 (nov.-déc. 1960), p. 149. (Non signé), « La coalition du 27 oct. », Cahiers Reconstruction 6 (nov.-déc. 1960), p. 161-163 et 166. (Non signé), « Déconfessionnalisation », Cahiers Reconstruction 6 (nov.-déc. 1960), p. 167-170. (Non signé), « Malgré le referendum », Cahiers Reconstruction – Bulletin politique 6 (nov.-déc. 1960), p. 173-176. 420

Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

1961 (Signé -econstruction),Z « Vigilance et pression », Cahiers Reconstruction 1 (janv.-fév. 1961), p. 1. (Non signé), « Syndicalisme et politique. Probl¢mes de stratégie », Cahiers Reconstruction 1 (janv.-fév. 1961), p. 2-6. « Déclaration franco-algérienne », Cahiers Reconstruction 1 (janv.-fév. 1961), p. 13-15. (Non signé), « -éférendum et négociation », Cahiers Reconstruction 1 (janv.fév.Z1961), p. 16-19. « -éférendum et négociation », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 235 (5 janv.Z1961), p. 1. « Comment négocier » et « Le SGEN au colloque d’Aix-en-Provence », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 236 (19 janv. 1961), p. 1 et 3. « -esponsabilités », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 237 (2Zfév. 1961), p. 1. « Aspects et sens d’une action revendicative », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 238 (16 fév.Z1961), p. 1. (Signé -econstruction), « Lui et nous », Cahiers Reconstruction 2 (mars-avrilZ1961), p. 20. « -é࠲exions sur la stratégie syndicale », Cahiers Reconstruction 2 (mars-avrilZ1961), p. 26-32. « -évolte légitime », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 239 (16 mars 1961), p. 1. « Savoir ࠱nir une gr¢ve », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 240 (20 avril 1961), p. 1. (Signé -econstruction), « Crise de l’État et syndicalisme », Cahiers Reconstruction 3 (mai-juin 1961), p. 41. « Postface à Démocratie nouvelle et syndicalisme moderne de Gilbert Declercq », Cahiers Reconstruction 3 (mai-juin 1961), p. 60. « Continuité », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 241 (18 mai 1961), p. 1. « Le SGEN au XXXIe Congr¢s de la C!DT », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 242 (8 juin 1961), p. 1. (Non signé), « -apport sur l’orientation confédérale », Syndicalisme : École et Éducation 242 (8 juin 1961), p. 4. « -esponsabilités nationales et internationales de la C!TC », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 243 (21 juin 1961), p. 1-2. (Non signé), « La politique d’autodétermination au colloque de Lille », supplément à Cahiers Reconstruction – Bulletin politique 3 (5 juil. 1961), p. 73-76. (Non signé), « La voie syndicale », supplément à Cahiers Reconstruction – Bulletin politique 3 (31 août 1961), p. 77-80. 421

Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

(Signé -econstruction), « Apr¢s trois ans », Cahiers Reconstruction 4 (juil.-aoûtZ1961), p. 81. « -oosevelt et la révolution du NeR Deal (Mario Einaudi, The Roosevelt Revolution, 1959) », Cahiers Reconstruction 4 (juil.-août 1961), p. 83. « Mod¢le chinois et aide chinoise : un article de Ph. -oucal¢de (‫ڄ‬L’aide de la -épublique Populaire de Chine aux pays en voie de développement‫څ‬ par Ph. ROUCALÈDE dans Économie et Humanisme 66, juin 1961) », Cahiers Reconstruction 4 (juil.-août 1961), p. 84. (Non signé), « la C!TC devant ses responsabilités », Cahiers Reconstruction 4 (juil.-août 1961), p. 97-104. « École la©que, école du peuple (-. Escarpit). La communauté à maintenir entre les citoyens », Les Cahiers de la République 35 (août 1961), p. 89-91. (Signé -econstruction), « Syndicalisme et communisme. 0nité d’action », Cahiers Reconstruction 5 (sept.-nov. 1961), p. 121. « À la C!TC : ‫ڄ‬Désengagement‫» ? څ‬, Cahiers Reconstruction 5 (sept.-nov. 1961), p. 123-124. « Apr¢s trois ans », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 244 (21 sept. 1961), p. 1. « J. . &rane (1923-1961) », Cahiers Reconstruction 1961 5 (sept.-nov. 1961), p. 120. « Manifestation algérienne », Cahiers Reconstruction 5 (sept.-nov. 1961), p. 121-122. « Le syndicalisme étudiant vu par un syndicaliste enseignant », Grandes Écoles (ulletin de l’0nion des Grandes Écoles), oct.-nov. 1961. « 1958-1961 », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 249 (22 nov. 1961), p. 1. (Signé -econstruction), « Montée des périls », Cahiers Reconstruction 6 (déc. 1961), p. 137 « 0n appel contre l’OAS », Cahiers Reconstruction 6 (déc. 1961), p. 138-139. (Non signé), « Présentation de )BPVKAF@>IFPJBABS>KQI>MI>KFࠩ@>QFLKCO>K¡>FPB», Cahiers Reconstruction 6 (déc. 1961), p. 149. 1962 (Non signé), « 27Zoct. 1961-19Zdéc. 1961 », supplément à Cahiers ReconstructionZ– Bulletin politique 1961/5 (janv. 1962), p. 133-136. « Dégradation », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 253 (10Zjanv. 1962), p. 1. (Signé -econstruction), « Par-delà les accords d’Évian u  >EFBOP/B@LKPQOR@QFLK 1 (janv.-mai 1962), p. 1.

66. -evue de l’association Économie et humanisme, créée en 1941 par le p¢re dominicain Louis Joseph Lebret.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

(Non signé), « Deux manifestations de front syndical » et « La manifestation parisienne du 8 février. Ses conséquences nationales », Cahiers ReconstructionZ1 (janv.-mai 1962), p. 6-14 et 17. « Comités intersyndicaux, comités antifascistes. Discussion entre 0.D. parisiennes » Cahiers Reconstruction 1 (janv.-mai 1962), p. 15-17. (Signé J. ROCHELLE), « Syndicalisme universitaire. 6 fév. : une exclusive », Cahiers Reconstruction 1 (janv.-mai 1962), p. 18-19. (Non signé), « 1956-62 : les Cahiers Reconstruction au service de l’action syndicale pour la paix en Algérie », Cahiers Reconstruction 1 (janv.-mai 1962), p. 21-24. (Non signé), « Pour la négociation », supplément à Cahiers ReconstructionZ – Bulletin politique 1961/6 (10 fév. 1962), 4 p. « Congr¢s de Marseille. Politique syndicale », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 257 (7 fév. 1962), p. 1-2. (Signé Secrétariat général) « 6 fév. 1962 », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 257 (7 fév. 1962), p. 1. « Congr¢s de Marseille. Politique syndicale », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 257 (7 fév. 1962), p. 1-2. « 8-13 !év. », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 258 (14 fév. 1962), p. 1. « Congr¢s de Marseille. Orientation syndicale I », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 258 (14 fév. 1962), p. 1-4. « Hommage aux morts du 8 fév. », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 259 (21 fév. 1959), p. 1. « Congr¢s de Marseille. Orientation syndicale II. Déconfessionnalisation (suite) », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 258 (21 fév. 1962), p. 1-2. (Non signé), « Au conseil confédéral C!TC » et « -appel nécessaire » 0VKAF@>IFPJBRKFSBOPFQ>FOB࢙École et Éducation 260 (28 fév. 1962), p. 1 et 2. (Non signé), « Plastic », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 261 (17 mars 1962), p. 1-2. « Conclusion de la partie II- Déconfessionnalisation de la terminologie confédérale », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 261 (7 mars 1962), p. 1-2. « Supplément aux rapports généraux », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 262 (14 mars 1962), p. 1. (Non signé), «ZPour le débat sur le rapport d’orientation. Déconfessionnalisation, note additionnelleZ », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 263 (28 mars 1962), p. 1.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« -epolitisation et consensus dans la société industrielle. 0n débat avec -. arillon, M. Duverger, . de Jouvenel, G. Lavau, A. Philip et P. Vignaux », Les Cahiers de la République, 44 (mai 1962), p. 368-385. « Déclaration du XXVe anniversaire » et « Déconfessionnalisation de la terminologie confédérale (Motions) », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 266 (9 mai 1962), p. 1. « Au comité national des 2 et 3 juin », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 270 (6 juin 1962), p. 1-3. « Apr¢s l’incendie de la faculté d’Alger », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 271 (13 juin 1962), p. 1. « !in d’année », Syndicalisme universitaire : École et Éducation 272 (20 juin 1962), p. 1. (Signé -econstruction),Z« Au terme de la guerre d’Algérie, probl¢mes français », Cahiers Reconstruction 2 (juin-août 1962), p. 29-30. « Sens de notre réserve », Cahiers Reconstruction 2 (juin-août 1962), p. 31-32. (Signé J. ROCHELLE), « Congr¢s SGEN et orientation C!TC », Cahiers Reconstruction 2 (juin-août 1962), p. 44-45. (Signé -econstruction), « -éférendum. -appel », Cahiers Reconstruction 3-4 (sept.-déc. 1962), p. 45-46. (Non signé), « 25 ans de syndicalisme universitaire à la C!TC. Le Syndicat général de l’Éducation nationale », Cahiers Reconstruction 3-4 (sept.déc.Z1962), p. 57-68. « Syndicalisme en grande école et syndicalisme d’industrie, sens d’une rencontre », Cahiers Reconstruction 1962 – III-IV (sept.-déc. 1962), p. 77-78. « Compréhension Syndicale Internationale : un exemple », Cahiers Reconstruction 3-4 (sept.-déc. 1962), p. 47-50. Note de lecture « L. Cros L’explosion scolaire », Cahiers Reconstruction 3-4 (sept.-déc. 1962), p. 76. « Préserver la liberté intellectuelle dans un enseignement de masse », « Décolonisation et rayonnement », « !orce conservatrice ? Non », « Contre la Loi Debré », « Nous faisons de la politique », Syndicalisme universitaire 273 (13 sept. 1962), p. 4 et 8, et p. IV du supplément. (Non signé), « Le référendum du 28 oct. » et « Sur le projet de révision constitutionnelle », Syndicalisme universitaire 275 (24 oct. 1962), p. 1 et 8. « Apr¢s les élections », Syndicalisme universitaire 283 (5 déc. 1962), p. 1. 1963 (Signé -econstruction), « Critique et action », Cahiers Reconstruction 5-6 (janv.Z1963), p. 99. (Non signé), « Le parti travailliste et le Marché commun », Cahiers Reconstruction-Bulletin politique 5-6 (janv. 1963), p. 90-92.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

(Non signé), « Opposition syndicaliste », Cahiers Reconstruction-Bulletin politique 5-6 (janv. 1963), p. 94-100. (Non signé), « À la lumi¢re de la crise de Cuba », Cahiers ReconstructionBulletin politique 1962 – V-VI (janv. 1963), p. 101-104. « ,uelques probl¢mes », Cahiers Reconstruction 5-6 (janv. 1963), p. 104. « Pour y voir clair », Syndicalisme universitaire 289 (6 fév. 1963), p. 1. (Non signé), « Au Conseil national, le syndicalisme face au pouvoir », Syndicalisme universitaire 285 (9 janv. 1963), p. 8. « L’0niversité est toujours en détresse », Syndicalisme universitaire 290 (19Zfév. 1963), p. 1. « Avec les mineurs, face au pouvoir », Syndicalisme universitaire 292 (6 mars 1963), p. 1. « Solidarité avec les mineurs », Syndicalisme universitaire 293 (13 mars 1963), p. 1. « Déclaration sur l’armement atomique », Syndicalisme universitaire 297 (1er mai 1963), p. 1. « Sur l’armement atomique, position con࠱rmée par le Conseil national », Syndicalisme universitaire 298 (8 mai 1963), p. 1. « Cohérence d’une politique syndicale », 299 (15 mai 1963), p. 1-2. « D’un congr¢s à l’autre », Syndicalisme universitaire 300 (22 mai 1963), p. 1. Z« Éditorial », Syndicalisme universitaire 301 (29 mai 1963), p. 1. « Au congr¢s confédéral », Syndicalisme universitaire 303 (19 juin 1965), p. 1. (Non signé), « Apr¢s le congr¢s confédéral », Syndicalisme universitaire 304 (26 juin 1963), p. 1. (Signé -econstruction),Z« Nouvelle étape », Cahiers Reconstruction 1 (juin 1963), p. 1 et 8. (Non signé), « 0n socialiste anglais. Harold 2ilson », Cahiers Reconstruction 1 (juin 1963), p. 2 et 8. (Signé J. ROCHELLE),Z« Évolution de la C!TC. Du congr¢s de la CGT à celui de la C!TC », Cahiers Reconstruction 1 (juin 1963), p. 3-7. (Non signé), « 0ne position syndicale sur la force de frappe », Cahiers Reconstruction – Bulletin politique 1 (1er juin 1963), p. 25-28. « Note sur le régime des élections sociales », Cahiers Reconstruction 1 (juin 1963), p. 36. « Le département de l’enseignement supérieur et de la recherche », Syndicalisme universitaire 305 (18 sept. 1963), p. 4. (Signé -econstruction),Z « Désarmement et force de frappe », Cahiers Reconstruction 2 (oct. 1963), p. 33. « Syndicalisme et force de frappe. II », Cahiers Reconstruction 2 (oct.Z 1963), p. 38-44.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

(Signé J. ROCHELLE), « Au Congr¢s de la C!TC », Cahiers Reconstruction 2 (oct.Z1963), p. 47-48. « Introduction historique aux probl¢mes du désarmement », Cahiers Reconstruction 2 (oct. 1963), p. 49-68. « Apr¢s le traité de Moscou. Le SGEN et les probl¢mes de désarmement », Syndicalisme universitaire 307 (2 oct. 1963), p. 1 et 3. « Hommage à J. rocard », Syndicalisme universitaire 309 (16 oct. 1963), p. 8. « Au SGEN, pourquoi ? », Syndicalisme universitaire 310 (23 oct. 1963), p. 1. « -éponse à quelques arguments », Syndicalisme universitaire 312 (13Z nov. 1963), p. 1. « Alexandre Chaulet », Syndicalisme universitaire 314 (27 nov. 1963), p. 1. « Contre la force de frappe. Pour le désarmement », Syndicalisme universitaire 315 (4 déc. 1963), p. 1. « Semaine d’action universitaire », Syndicalisme universitaire 316 (11 déc. 1963), p. 2. « Courant chrétien et courant socialiste », France-Observateur 712 (26Z déc. 1963), p. 6. 1964 (En collab.Zavec J. JULLIARD), « Syndicalisme et corporatisme », L’Encyclopédie française, t. IX, Paris 1964, p. 177-185. (Signé -econstruction), « Opposition syndicaliste », Cahiers Reconstruction 1963/3 (janv.-fév. 1964), p. 93. (Signé J. ROCHELLE), « Points de vue d’organisations », Cahiers Reconstruction 1963/3 (janv.-fév. 1964), p. 90-92 (à propos de /£ࠪBUFLKP PRO IBP S>IBROP AR syndicalisme par Albert Lachi¢Ue--ey). « Priorité », Syndicalisme universitaire 318 (8 janv. 1964), p. 1. « -apport général. L’activité confédérale du SGEN (avril 1962-janv. 1964) », Syndicalisme universitaire 321 (29 janv. 1964), p. 1-2 et 15 « À la commission des 18 », Syndicalisme universitaire 324 (19 fév. 1964), p. 2 et 15. « -apport général d’activité et d’orientation. Complément au rapport d’activité confédérale. 2e partie. Le probl¢me de l’évolution », Syndicalisme universitaire 326 (4 mars 1964), p. 1-2. « Mouvement revendicatif dans le secteur public », Syndicalisme universitaire 327 (11 mars 1964), p. 1. « Avant le congr¢s de Lyon. -é࠲exions préliminaires », Syndicalisme universitaire 328 (18 mars 1964), p. 8. « Pour une politique de la science et de l’éducation », Syndicalisme universitaire 329 (15 avril 1964), p. 1.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« Contre la force de frappe pour un désarmement général », Syndicalisme universitaire 330 (22 avril 1964), p. 1. « Apr¢s le congr¢s de Lyon, en vue d’une délibération confédérale », Syndicalisme universitaire 330 (22 avril 1964), p. 8. (Signé Secrétariat général), « Vigilance », Syndicalisme universitaire 331 (29 avril 1964), p. 1. « Devant une candidature à la présidence », Cahiers Reconstruction 3 (juin 1964), p. 94. « J. rocard (1916-1963) et Michael -oss (1898-1963) », Cahiers Reconstruction 3 (juin 1964), p. 100. (Signé J. ROCHELLE), « Aux colloques socialistes », Cahiers Reconstruction 3 (juin 1964), p. 95-99. (Non signé), « Au comité national confédéral. -évision des statuts confédéraux », Syndicalisme universitaire 335 (10 juin 1964), p. 1 et 12. « Le SGEN dans le syndicalisme français », Syndicalisme universitaire 337 (16 sept. 1964), p. 1. « Devant le projet gouvernemental de réforme (?) », Syndicalisme universitaire 338 (23 sept. 1964), p. 1. « Devant le Ve Plan », Cahiers Reconstruction troisi¢me série I/1-2 (oct. 1964), p. 7-8. (Signé J. -. : J. ROCHELLE), « Pour comprendre l’évolution de la C!TC », Cahiers Reconstruction, troisi¢me série I/1-2 (oct. 1964), 84 p. (Non signé), « La situation syndicale vue par le SNI », Cahiers Reconstruction troisi¢me série I/1-2 (oct. 1964), p. 9-11. (Signé J. ROCHELLE), « En Espagne, un appel aux travailleurs chrétiens », Cahiers Reconstruction troisi¢me série I/1-2 (oct. 1964), p. 14-16. « 0ne option syndicale », Syndicalisme universitaire 341 (14 oct. 1964), p. 1. « 0ltimes débats sur l’évolution de la C!TC. Pas d’équivoque », Syndicalisme universitaire 342 (21 oct. 1964), p. 1. « Syndicat universitaire et mouvement ouvrier », Syndicalisme universitaire 345 (11 nov. 1964), p. 1. (Non signé), « C!DT », Syndicalisme universitaire 345 (11 nov. 1964), p. 11-12. « Apr¢s notre Comité national », Syndicalisme universitaire 346 (18 nov. 1964), p. 1 et 8. « Paul Vignaux à la tribune. L’intervention du SGEN au Congr¢s confédéral », Syndicalisme universitaire 346 (18 nov. 1964), p. 1 et 8. (Non signé), « La C!DT continue la C!TC », Syndicalisme universitaire 347 (25 nov. 1964), p. 1. « Situation générale, action syndicale et élection présidentielle. -apport de Paul Vignaux. La discussion des probl¢mes confédéraux », Syndicalisme universitaire 348 (3 déc. 1964), p. 4. 427

Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« Discussion sur la C!DT », Syndicalisme universitaire 349 (10 déc. 1964), p. 5. 1965 « 0ne br¢ve communication de M. Paul Vignaux concerne principalement l’évolution idéologique de la C!TC », dans -. RÉMOND (dir.), Forces religieuses et attitudes politiques dans la France contemporaine, Paris 1965, p. 207. Interventions de Paul Vignaux au 3e colloque des 23-24 mai 1964 sur l’École, )>MBKP£BPL@F>IFPQB@LKQBJMLO>FKB @QBPABP@LIILNRBPPL@F>IFPQBP , Paris 1965, p. 243-250. (Non signé), « Dans la clarté. Notre secrétaire général à ‫ڇ‬HoriUon 80‫» څ‬, Syndicalisme universitaire 351 (6 janv. 1965), p. 4. « À propos des instituts de formation professionnelle supérieure », Syndicalisme universitaire 351 (6 janv. 1965), p. 5. « Paul Vignaux entre dans ‫ڄ‬H. 80‫ څ‬pour participer à la campagne de Gaston De࠰erre », Témoignage chrétien (7 janv. 1965), p. 1. « Contestation », Syndicalisme universitaire 353 (20 janv. 1965), p. 1. « Syndicalisme et élection présidentielle », Syndicalisme universitaire 353 (20 janv. 1965), p. 7. « HoriUon 80, SGEN et la©cité », Syndicalisme universitaire 353 (20 janv. 1964), p. 8. « La C!DT entre la ‫ڄ‬déconfessionnalisation‫ څ‬et l’élection présidentielle », Cahiers Reconstruction troisi¢me série I/3 (mars 1965), p. 2-4. (Non signé), « 0n point de vue syndical en politique étrang¢re », Cahiers Reconstruction troisi¢me série I/3 (mars 1965), p. 6-10. (Non, signé), « Notes internationales : CISL : nouveau président  !SM-CGIL, IG Metall : masse et esprit », Cahiers Reconstruction troisi¢me série I/3 (mars 1965), p. 11-16. « Syndicats et politique en Grande-retagne et aux États-0nis », Cahiers Reconstruction troisi¢me série I/3 (mars 1965), p. 1-27. (Non signé), « !IOM (!édération internationale des ouvriers sur les métaux). Histoire, structure, orientation », Cahiers Reconstruction troisi¢me série I/3 (mars 1965), 35 p. « 0n comité de travail », Syndicalisme universitaire 358 (3 mars 1965), p. 1. (Non signé), « Notes sur une résolution. De la C!TC à la C!DT », Syndicalisme universitaire 359 (10 mars 1965), p. 7. « Convergence des préoccupations », Syndicalisme universitaire 361 (7 avril 1965), p. 1. (Non signé), « Au comité national confédéral », Syndicalisme universitaire 362 (28 avril 1965), p. 1. « Syndicalisme d’Amérique latine », Syndicalisme universitaire 364 (12 mai 1965), p. 8. 428

Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« Pour que commence le débat sur l’Éducation nationale », Syndicalisme universitaire 366 (26 mai 1965), p. 1. « Socialisme démocratique », Syndicalisme universitaire 367 (2 juin 1965), p. 1. « Le combat continue », Syndicalisme universitaire 367 (2 juin 1965), p. 1-8. « Combat pour la priorité », Syndicalisme universitaire 368, (9 juin 1965), p. 1-2. « Pour notre service public », Syndicalisme universitaire 369 (16 juin 1965), p. 1. « Alexandre &oyré. In memoriam », Sciences et l’enseignement des sciences 32 (juil.-août 1964), p. 8. « 0niversitaires américains et guerre du Vietnam. 0n forum du ulletin of the Atomic Scientists », Syndicalisme universitaire 370 (23 sept. 1965), p. 9. (Non signé), « Point de vue syndical sur une expérience politique. La candidature Gaston De࠰erre (déc. 1963-juin 1965). La candidature Mitterrand », Cahiers Reconstruction troisi¢me série I/4 (oct. 1965), 62 p. (Non signé), « Pour une démocratie d’orientation socialiste. L’option du 5 déc. », supplément à Cahiers Reconstruction-Bulletin politique Troisi¢me série I/4 (oct. 1965), 16 p. (Non signé), « L’élection présidentielle », supplément à Cahiers Reconstruction – Bulletin politique Troisi¢me série I/4 (oct. 1965), 16 p. (Non signé), « 19 déc. 1965 pour la démocratie. Voter Mitterrand ? » supplément à Cahiers Reconstruction – Bulletin politique Troisi¢me série I/4 (oct. 1965), 16 p. « Le SGEN et l’élection présidentielle », Syndicalisme universitaire 372 (7Zoct. 1965), p. 23. « L’option SGEN-C!DT », supplément à Syndicalisme universitaire 375 (28Zoct. 1965), p. 1. (Non signé), « Interventions syndicales et consultations populaires », supplément à Syndicalisme universitaire 375 (28 oct. 1965), p. 6. « -emarques sur une résolution », Syndicalisme universitaire 376 (11 nov. 1965), p. 1. « Élection présidentielle et action syndicale. Le débat du Comité national (31 oct.) », Syndicalisme universitaire 377 (18 nov. 1965), p. 22 et 23. (Non signé), « L’évolution du régime : avertissements con࠱rmés », Syndicalisme universitaire 378 (25 nov. 1965), supplément sur l’élection présidentielle, p. VIII. Lettre de Paul Vignaux dans « Marxisme et Christianisme. 0n débat toujours ouvert », Cultures et Foi, 46 (nov.-déc. 1975), p. 31-32. « Des positions spéci࠱quement syndicales », Syndicalisme universitaire 379 (2 déc. 1965), p. 22. « Mandat accompli. Premier résultat obtenu I », Syndicalisme universitaire 380 (9 déc. 1965), p. 3. « !ondements et limites de l’intervention syndicale dans le politique », Syndicalisme universitaire 380 (9 déc. 1965), p. 23. 429

Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

(Non signé), « Pour la négociation au Vietnam », Syndicalisme universitaire 381 (16 déc. 1965), p. 23. « Mandat accompli. Premier résultat obtenu II », Syndicalisme universitaire 382 (23 déc. 1965), p. 3. 1966 « 0ne !édération de la gauche », supplément à Cahiers Reconstruction-Bulletin politique Troisi¢me série I/ 5 (janv. 1966), 19 p. « -apport d’activité générale. Action syndicale et élection présidentielle », Syndicalisme universitaire 385 (27 janv. 1966), p. 12-14. « La plus grande industrie », Syndicalisme universitaire 393 (24 mars 1966), p. 3. « Congr¢s de Caen 1, 2, 3 et 4 avril 1966 », Syndicalisme universitaire 394 (21 avril 1966), p. 3-4. (Signé -econstruction), « 1946-1966. Vingti¢me anniversaire. -econstruction club syndicaliste », Cahiers Reconstruction troisi¢me série I/ 6 (mai 1966), 46 p. « Pour la négociation au Vietnam », Syndicalisme universitaire 400 (9 juin 1966), p. 12-13. « Conclusions et perspectives » et « Tâche d’organisation », Syndicalisme universitaire 402 (23 juin 1966), p. 3 et 4. (Non signé), « ulletin international. Notes br¢ves », Cahiers Reconstruction troisi¢me série II/1 (juil. 1966), p. 27-32. « Action par la !édération de la gauche », Cahiers Reconstruction-Bulletin politique (juil. 1966), p. 16. « Nécessité d’un syst¢me d’action » et « -enée Théron », Syndicalisme universitaire 404 (29 sept. 1966), p. 3 et 9. (Non signé), « Vietnam. 0ne lettre de 2alter G. -euther », Syndicalisme universitaire 404 (29 sept. 1966), p. 6-7. « 0ne tâche », Syndicalisme universitaire 405 (6 oct. 1966), p. 3. « Syndicalisme et Démocratie », Syndicalisme universitaire 406 (13 oct. 1966), p. 5. « Situation juridique de la C!DT. Position du SGEN », Syndicalisme universitaire 406 (13 oct. 1966), p. 2-5. « Orientations », Syndicalisme universitaire 408 (27 oct. 1966), p. 3. « Notre option syndicale » et « Pour la Paix au Vietnam », supplément à Syndicalisme universitaire 408 (27 oct. 1966) consacré à la -echerche scienti࠱que et à l’Enseignement supérieur, p. 1 et VIII. « L’enseignement est-il prioritaire ? » et « Syndicalisme et politique », Syndicalisme universitaire 409 (10 nov. 1966), p. 3 et p. 15. « Pour l’équipement du syndicat », Syndicalisme universitaire 410 (17Znov. 1966), p. 3. 430

Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« Syndicalisme et politique -2 », Syndicalisme universitaire 410 (17Znov. 1966), p. 15 « Syndicalisme et politique -3 », Syndicalisme universitaire 411 (24Znov. 1966), p. 4 et 15. « Communauté scienti࠱que et syndicalisme », Syndicalisme universitaire 412 (1 déc. 1966), p. 3. (Non signé), « Pour une opposition respectueuse du principe de la©cité », Syndicalisme universitaire 412 (1er déc. 1966), p. 15. « Point de vue syndicaliste sur la vie internationale : ON0-Vietnam-Europe », Syndicalisme universitaire 414 (15 déc. 1966), p. 3. 1967 « La question scolaire », Cahiers Reconstruction troisi¢me série II/2 (janv. 1967), p. 12. « Agir au niveau des décisions majeures » et « Socialisme démocratique I », Syndicalisme universitaire 417 (19 janv. 1967), p. 3 et 15. « Documents sur l’intervention syndicale dans la vie politique », Militants, supplément à Syndicalisme universitaire 417 (19 janv. 1967), 30 p. (Non signé), « Action pour la paix au Vietnam », Cahiers Reconstruction-Bulletin politique troisi¢me série II/3 (fév. 1967), p. 10-15 « Socialisme démocratique II », Syndicalisme universitaire 419 (2 fév. 1967), p. 15. « Vietnam. Pour une action e࠳cace », Syndicalisme universitaire 420 (9 fév. 1967), p. 14. « Lettre ouverte aux candidats », Syndicalisme universitaire 421 (16 fév. 1967), p. 3-5. « Aux États-0nis – Divergences syndicales », Syndicalisme universitaire 421 (16 fév. 1967), p. 5. « Sens d’une lettre », Syndicalisme universitaire 422 (23 fév. 1967), p. 3. (Non signé), « Vietnam », Syndicalisme universitaire 424 (9 mars 1967), p. 2. « Par-delà les élections » et « Socialisme démocratique III », Syndicalisme universitaire 425 (16 mars 1967), p. 3 et 23. « Au seuil d’une législative », Syndicalisme universitaire 426 (13 avril. 1967), p. 3 « Vietnam », Syndicalisme universitaire 427 (20 avril 1967), p. 5. « Vietnam : A. M. Schlesinger un appel au dialogue », Cahiers ReconstructionBulletin politique troisi¢me série II/3 (mai 1967), p. 15. « Trente ans de lutte pour le socialisme et les libertés », Syndicalisme universitaire 429 (4 mai 1967), p. 1. « Gr¢ve politique », Syndicalisme universitaire 431-432 (25 mai 1967), p. 3.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

« Au Comité national : un large débat sur les probl¢mes d’actualité », Syndicalisme universitaire 431-432 (25 mai 1967), p. 29. « Trente ans d’action syndicale du SGEN », Syndicalisme universitaire 431-432 (25 mai 1967), p. 30. « La formation professionnelle est au centre de toutes les recherches pédagogiques du SGEN », Syndicalisme universitaire 433 (1er juin 1967), p. 3. « À la lumi¢re de l’événement » et « Prises de position américaines », Syndicalisme universitaire 434 (8 juin 1967), p. 3 et 16. « D’Israël au Vietnam » et « Apr¢s 30 ans d’action », Syndicalisme universitaire 435 (15 juin 1967), p. 3 et 15. « Pour un syst¢me d’action », Syndicalisme universitaire 436 (22 juin 1967), p. 3. « Attention au budget ! », Syndicalisme universitaire 438 (28 sept. 1967), p. 3. « 0nité d’action », Syndicalisme universitaire 440, (12 oct. 1967), p. 2. « Justice ࠱scale », Syndicalisme universitaire 441 (19 oct. 1967), p. 3. (Non signé), « Conseil national de la C!DT (30 sept.-1er oct.) action de la délégation du SGEN », Militants, supplément à Syndicalisme universitaire 441 (20Zoct. 1967), 4 p. (Non signé), « Dé࠱ américain et Syndicalisme universitaire », Syndicalisme universitaire 442 (26 oct. 1967), p. 3. (Avec P.ZMARTINET et J.ZMOUSEL), « Perspectives pour le Congr¢s de Mulhouse », Syndicalisme universitaire 443 (9 nov. 1967), p. 3. « Stratégie syndicale et stratégie confédérale », Syndicalisme universitaire 446 (30 nov. 1967), p. 7-8. (Avec P.ZMARTINET), « 0nité d’action le 13 déc. », Syndicalisme universitaire 448 (14 déc. 1967), p. 3. 196 « Pour la paix au Vietnam I », Syndicalisme universitaire 449 (11 janv. 1968), p. 3-4. « Pour la paix au Vietnam, suite », Syndicalisme universitaire 450 (18 janv. 1968), p. 3-4. « Congr¢s national du SGEN », Syndicalisme universitaire 451 (25 janv. 1968), p. 5-36, notamment p. 24-30 et 35-36. « Vietnam », Syndicalisme universitaire 453 (8 fév. 1968), p. 5. « Pour le Vietnam » et « Gr¢ve de chercheurs CN-S : un exemple d’unité d’action », Syndicalisme universitaire 454 (22 fév. 1968), p. 2 et 3. « À l’assemblée générale du département de l’Enseignement supérieur et de la -echerche », Syndicalisme universitaire 455 (29 fév. 1968), p. 3. « Continuité : perspective européenne », Syndicalisme universitaire 456 (7 mars 1968), p. 3.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« Vietnam : point de vue syndicaliste », Syndicalisme universitaire 457 (14 mars 1968), p. 22. « Du Vietnam au NeRhampshire », Militants XI supplément à Syndicalisme universitaire 457 (15 mars 1967), 2 p. « 0ne condition d’une politique syndicale des principes d’action », Syndicalisme universitaire 458 (21 mars 1968), p. 3. « Adopter un point de vue syndical », Syndicalisme universitaire 459 (28 mars 1968), p. 3. « Trois résolutions et une déclaration », Syndicalisme universitaire 460 (25 avril 1968), p. 3. « La fédération C!DT de la métallurgie décide d’adhérer à la !IOM », Syndicalisme universitaire 462 (9 mai 1968), p. 2. « La situation à Nanterre », Militants XIV supplément à Syndicalisme universitaire 462 (10 mai 1968), 2 p. « 13 mai 1968 », Syndicalisme universitaire 463 (16 mai 1968), p. 3. « Lettre aux militants, suite à un éditorial », Militants XV supplément à Syndicalisme universitaire 463 (17 mai 1968), p. 1-4. « 0ne mauvaise action », Syndicalisme universitaire 464 (13 juin 1968), p. 3. « Négocier, voter », Syndicalisme universitaire 465 (20 juin 1968), p. 3. « Mai-Juin 1968 », Syndicalisme universitaire 466 (27 juin 1968), p. 3. (Non signé), « La©cité », Syndicalisme universitaire 466 (27 juin 1968), p. 11. « Attitude syndicale », Syndicalisme universitaire 467 (4 juil. 1968), p. 5. « -évolution scolaire. Action syndicale », Syndicalisme universitaire 468 (19 sept. 1968), p. 3. « Syndicalisme apr¢s mai 1968 », Syndicalisme universitaire 470 (3 oct. 1968), p. 3. « 0n document de travail. Durant la préparation de la loi d’orientation », CadresSGEN 3 supplément à Syndicalisme universitaire 471 (11 oct. 1968), 4 p. « Notes pour une ré࠲exion sur ‫ڇ‬Mai 68‫» څ‬, Cadres 5, supplément à Syndicalisme universitaire 472 (21 oct. 1968), 8 p. « Notes pour une ré࠲exion sur ‫ڇ‬Mai 68‫» څ‬, Cadres 6, supplément à Syndicalisme universitaire 473 (28 oct. 1968), 6 p. « -éponses à quelques questions », Cadres 10, supplément à Syndicalisme universitaire 473 (28 oct. 1968), 8 p. « D’un espoir aux réalités », Syndicalisme universitaire 476 (21 nov. 1968), p. 8-9. « Notes pour une ré࠲exion sur ‫ڇ‬Mai 68‫» څ‬, Cadres 4, supplément à Syndicalisme universitaire 471 (14 oct. 1968), 4 p. « -éponse syndicale à une allocation présidentielle », Syndicalisme universitaire 478 (5 déc. 1968), p. 3.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

1969 « Victoire syndicale », Syndicalisme universitaire 481 (9 janv. 1969), p. 1. « Participation, confusion, refus d’intégration », Syndicalisme universitaire 486 (13 fév. 1969), p. 3. (Avec P.ZCASPARD), « CGT-C!DT-!O », Cadres 14, supplément à Syndicalisme universitaire 486 (17 fév. 1969), 4 p. « Sécurité dans le changement », Syndicalisme universitaire 487 (27 fév. 1969), p. 3. (Non signé), « À l’AG du département -echerche scienti࠱que et Enseignement supérieur », Syndicalisme universitaire 487 (27 fév. 1969), p. 4-5. « Défense de la -épublique ? », Syndicalisme universitaire 491 (27 mars 1969), p. 3. « 27 avril : -éférendum », Syndicalisme universitaire 492 (24 avril 1969), p. 3 « Syndicalisme et socialisme démocratique (18 mai 1969). Document de travail pour le comité national du SGEN », Cadres 23 67, supplément à Syndicalisme universitaire 498 (12 juin 1969), 54 p. « Lendemains de référendum », Syndicalisme universitaire 493 (1er mai 1969), p. 2. « Expansion du savoir et transformation sociale », Syndicalisme universitaire 494 (15 mai 1969), p. 3. « Élection présidentielle », Syndicalisme universitaire 495 (22 mai 1969), p. 3 et 9. « Probl¢mes d’économie socialiste », Syndicalisme universitaire 495 (22 mai 1969), p. 14 et 16. « Pour une politique de la science et de l’éducation dans une perspective de socialisme démocratique », Cadres 20, supplément à Syndicalisme universitaire 495 (28 mai 1969), 4 p. « Action syndicale en toute hypoth¢se », Syndicalisme universitaire 497 (5 juin 1969), p. 3. « Élection présidentielle et exigences syndicales », Syndicalisme universitaire 498 (12 juin 1969), p. 5-7. « Juin 1968-Juin 69. Événements politiques, continuité syndicale », Syndicalisme universitaire 499 (19 juin 1969), p. 3. « Premi¢res observations sur un ‫ڇ‬inventaire de probl¢mes‫ څ‬de Perspectives et stratégie de la CFDT », Cadres 27, supplément à Syndicalisme universitaire 499 (20 juin 1969), 4 p. « Le syndicalisme et le pouvoir », Syndicalisme universitaire 501 (25 sept. 1969), p. 3.

67. Publication destinée aux responsables.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

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68. Cahiers de recherche et de ré࠲exion religieuses, à publication annuelle, créés par Paul Vignaux et Henri-Irénée Marrou (1973-1988). 69. À propos de la réponse de -oger Lépiney à la note de P. Vignaux sur la discussion statutaire. 70. ,uotidien créé en 1944 par Hubert euve-Méry.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

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71. Hebdomadaire du Parti socialiste. 72. -evue mensuelle pour le socialisme et l’autogestion créée en 1975 et dirigée par Gilles Martinet et Patrick Viveret. 73. -evue fondée en 1951 par des Dominicains de la Province de Lyon pour lier formation, recherche théologique et interpellation du temps.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

« Témoignage de Paul Vignaux, mis à disposition de l’université de Toulouse pour l’année scolaire 1940-41, sur les réfugiés du Nord résistants dans la région toulousaine », Revue du Nord 237 (avril-juin 1978), p. 700. « 0ne théologie des multinationales », Témoignage chrétien (8 juin 1978), p. 16. 1979 « Humanisme et historicité : à propos des probl¢mes philosophiques posés par les Déclarations des droits de l’homme », dans Humanismo y tecnologia en el JRKAL >@QR>I *>AOFA  -œNRBP , Consejo Superior de Investigaciones Cienti࠱cas, Madrid 1979, p. 21-39. « ‫ڄ‬Dialogue impossible ?‫څ‬. À propos du livre du P¢re Gaston !essard », Chrétiens marxistes et théologie de la libération, 1978 », Le Monde (14 avril 1979). 190 « De la C!TC à la C!DT, syndicalisme et socialisme », Reconstruction (19461972), Éditions Ouvri¢res, Paris 1980, 214 p. 191 « ReconstructionZ dans l’évolution de la C!TCZ(IntervieR) », CFDT Aujourd’hui 74 50 (juil.-août 1981), p. 29-42. « Témoignage. La mort de Manuel de Irujo, ancien ministre de la -épublique », Le Monde (27 janv. 1981), p. 8. 192 « Cattolici francesi di fronte ai fascismi e alla guerra di Spagna 75 », Cristianesimo nella storia, volume 3, fascicule 2 (oct. 1982), p. 343-408. Sindicato e socialismo in Francia : il gruppo Reconstruction e la CFDT, -ome 1982. Préface de runo TRENTIN, XVI-223 p. (Avec Georgette VIGNAUX), « La guerre d’Espagne et la formation d’une conscience antifasciste dans le catholicisme français. Témoignage sur un article de Politique étrangère d’oct. 1938 », dans X. de MONTCLOS, M. LUIRARD, !. DELPECH et al., Églises et chrétiens dans la Seconde Guerre mondiale, t. 2 : La France, Presses 0niversitaires de Lyon, Lyon 1982, p. 55-58. 193 « Mendésisme des Z‫ڄ‬travailleurs chrétiens‫» څ‬, Pouvoirs 76 27 (1983), p. 79-86.

74. -evue d’action et de ré࠲exion mensuelle de la C!DT créée en mai-juin 1973, animée par Pierre -osanvallon (1973-1977), puis par Michel ranciard (1978-1980), Alexandre ilous (1980-1988). 75. Ce texte sera repris dans l’avant-propos du livre sur Manuel de Irujo paru en 1986. 76. -evue trimestrielle de science politique créée en 1977 par Olivier Duhamel.

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Bibliographie des écrits de Paul et Georgette Vignaux

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77. Texte en français dans les archives familiales. 78. Publication des activités sportives de la Ligue de l’Enseignement.

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Publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

197 (Avec P.ZCOURNIL), « Aux origines du SGEN », Syndicalisme universitaire 891 (24 mars 1987), p. 16. 1990 « Entretien avec Paul Vignaux, fondateur du SGEN avec -ené Mouriaux, le 26 mai 1982 », dans G. GROUX, -. MOURIAUX, Cinq contributions militantes à l’histoire de la CFDT, document de travail, CEVIPO!, Paris 1990, p. 25-26. 1991 Témoignage dans N. PANNOCHIA (dir.), Silvio Trentin e la Francia : saggi e testimonianze, Venise 1991, p. 197-200.

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Écrits politiques et philosophiques de Georgette Vignaux

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450

TABLE DES MATIÈRES

Présentation Olivier BOULNOIS

5

PreJi£re partieࢩ: HoJJage à Paul Vignaux Paul Vignaux, historien et philosophe Tullio GREGORY

9

Paul Vignaux dans la vie syndicale et politique française Joseph PINARD

27

La personnalité et l’enseignement de Paul Vignaux à l’EPHE Jean JOLIVET

45

Paul Vignaux à ToulouseZ: résistance spirituelle et politique en zone non occupée (juin 1940-juin 1941) Jean L ECUIR

51

Paul Vignaux historien de la philosophie médiévale Alain DE L IBERA

121

Paul Vignaux et la philosophie chrétienne Ruedi IMBACH

129

La rationalité théologique selon Paul Vignaux Olivier BOULNOIS

141

Paul Vignaux et la philosophie du XIV siècle Zénon KALUZA

167

Paul Vignaux et le nominalisme Joël BIARD

179

Justi࠱cation et prédestination au Moyen Âge tardif Jean-François GENEST

191

Paul Vignaux et les sources de la Réforme Philippe BÜTTGEN

205

e

Deuxi£Je partieࢩ: Écrits de Paul Vignaux En guise de présentation de La philosophie franciscaine de Paul Vignaux Olivier BOULNOIS

237

La philosophie franciscaine, ouvrage inédit de 1927-1929

239

La nature humaine dans la pensée médiévale. Conférence de 1939 à la Société française de philosophie

287

Comptes rendus des conférences données à l’École pratique des hautes études

295

Troisi£Je partieࢩ: Bibliographie des travaux de Paul et Georgette Vignaux Présentation de la bibliographie des publications de Paul et Georgette Vignaux Monica CALMA et Jean L ECUIR

359

Bibliographie des publications philosophiques de Paul Vignaux

361

Présentation de la bibliographie des publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux Monica CALMA et Jean L ECUIR

375

Bibliographie des publications syndicales, sociales et politiques de Paul Vignaux

377

Bibliographie des publications politiques et philosophiques de Georgette Vignaux

445

BIBLIOTHÈQUE DE LˎÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES, SCIENCES RELIGIEUSES

vol ࢩ105 J BronHhorst )>KD>DBBQO£>IFQ£PRORK£MFPLABABI>MBKP£BFKAFBKKB 133 p., 155 x 240, 1999, PB, ISBN 978-2-503-50865-8 vol 106 Ph Gignoux (dir  /BPPBJ?IBO >R JLKAB  +LRSB>RU AL@RJBKQP PRO I> QE£LOFB AR J>@OL JF@OL@LPJB A>KPI‫ٽ‬KQFNRFQ£LOFBKQ>IB 194 p., 155 x 240, 1999, PB, ISBN 978-2-503-50898-6 vol 107 J L Achard )‫ٽ‬BPPBK@BMBOI£BARPB@OBQ /B@EBO@EBPMEFILILDFNRBPBQEFPQLOFNRBPPROI‫ٽ‬LOFDFKBABI> $O>KAB-BOCB@QFLKA>KPI>QO>AFQFLK¦O+VFKDJ>M>‫ٽ‬ 333 p., 155 x 240, 1999, PB, ISBN 978-2-503-50964-8 vol 10 J Scheid, V Huet (dir  RQLROABI>@LILKKB>RO£IFBKKB $BPQBBQFJ>DBPROI>@LILKKBAB*>O@RO¢IBš/LJB 446 p., 176 ill. n&b, 155 x 240, 2000, PB, ISBN 978-2-503-50965-5 vol 109 D Aigle (dir  *FO>@IBBQ(>OœJ> %>DFLDO>MEFBPJ£AF£S>IBP@LJM>O£BP 690 p., 11 ill. n&b, 155 x 240, 2000, PB, ISBN 978-2-503-50899-3 vol 110 M A AJir MoeWWi, J Scheid (dir  )‫ٽ‬,OFBKQA>KPI‫ٽ‬EFPQLFOBOBIFDFBRPBABI‫"ٽ‬ROLMB )‫ٽ‬FKSBKQFLKABPLOFDFKBP Préface de Jacques Le Brun 246 p., 155 x 240, 2000, PB, ISBN 978-2-503-51102-3 vol 111 D O Hurel (dir  $RFABMLROI‫ٽ‬EFPQLFOBABPLOAOBPBQ@LKDO£D>QFLKPOBIFDFBRPBP#O>K@B XVIe XIXeࢠPF¢@IBP 467 p., 155 x 240, 2001, PB, ISBN 978-2-503-51193-1 vol 112 D M DauWet *>OFB,AFLQABI>->FIILKKB CLKA>QOF@BABP+LO?BOQFKBPABLKIFBR!O®JB    XVIII  386 p., 155 x 240, 2001, PB, ISBN 978-2-503-51194-8

vol 113 S MiJouni (dir  ML@OVMEFQ£ %FPQLFOBA‫ٽ‬RK@LK@BMQQO>KPSBOP>I>RUOBIFDFLKPAR)FSOB 333 p., 155 x 240, 2002, PB, ISBN 978-2-503-51349-2 vol 114 F Gautier )>OBQO>FQBBQIBP>@BOAL@B@EBW$O£DLFOBAB+>WF>KWB IV  460 p., 155 x 240, 2002, PB, ISBN 978-2-503-51354-6 vol 115 M Milot )>©@FQ£A>KPIB+LRSB>R*LKAB )B@>PAR.R£?B@ 181 p., 155 x 240, 2002, PB, ISBN 978-2-503-52205-0 vol 116 F Randaxhe, V 7uber (éd  )>©@FQ£ A£JL@O>QFBABPOBI>QFLKP>J?FDR¥P X  170 p., 155 x 240, 2003, PB, ISBN 978-2-503-52176-3 vol 117 N Belayche, S MiJouni (dir  )BP@LJJRK>RQ£POBIFDFBRPBPA>KPIBJLKABDO£@L OLJ>FK "PP>FPABA£ࠩKFQFLK 351 p., 155 x 240, 2003, PB, ISBN 978-2-503-52204-3 vol 11 S Lévi )>AL@QOFKBARP>@OFࠩ@BA>KPIBPO>EJ>K>P XVI  208 p., 155 x 240, 2003, PB, ISBN 978-2-503-51534-2 vol 119 J R ArJogathe, J P 4illaiJe (éd  )BPJRQ>QFLKP@LKQBJMLO>FKBPAROBIFDFBRU VIII  128 p., 155 x 240, 2003, PB, ISBN 978-2-503-51428-4 vol 120 F Randaxhe )‫ٽ‬¤QOB>JFPE BKQOBQO>AFQFLKBQJLABOKFQ£ 256 p., 155 x 240, 2004, PB, ISBN 978-2-503-51588-5 vol 121 S Fath (dir  )BMOLQBPQ>KQFPJB£S>KD£IFNRB 2K@EOFPQF>KFPJBAB@LKSBOPFLK XII  379 p., 155 x 240, 2004, PB, ISBN 978-2-503-51587-8 vol 122 Alain Le Boulluec (dir  ÀI>OB@EBO@EBABPSFIIBPP>FKQBP VIII  184 p., 155 x 240, 2004, PB, ISBN 978-2-503-51589-2 vol 123 I GuerJeur )BP@RIQBPA‫ٽ‬JLKELOPAB1E¢?BP /B@EBO@EBPABD£LDO>MEFBOBIFDFBRPB XII  664 p., 38 ill. n&b, 155x240, 2005, PB, ISBN 978-2-503-51427-7

vol 124 S Georgoudi, R (och Piettre, F SchJidt (dir  )>@RFPFKBBQI‫>ٽ‬RQBI )BPP>@OFࠩ@BPBKNRBPQFLKPA>KPIBPPL@F£Q£PABI>*£AFQ£OO>KK£B >K@FBKKB XVIII  460 p., 23 ill. n&b, 155 x 240. 2005, PB, ISBN 978-2-503-51739-1 vol 125 L Chtellier, Ph Martin (dir  )‫ٽ‬£@OFQROBAR@OLV>KQ VIII  216 p., 155 x 240, 2005, PB, ISBN 978-2-503-51829-9 vol 126 (Série ‫څ‬Histoire et prosopographie‫ چ‬nk 1 M A AJir MoeWWi, C JaJbet, P Lory (dir  %BKOV LO?FK -EFILPLMEFBPBQP>DBPPBPABPOBIFDFLKPAR)FSOB 251 p., 6 ill. n&b, 155 x 240, 2005, PB, ISBN 978-2-503-51904-3 vol 127 J M Leniaud, I Saint Martin (dir  %FPQLOFLDO>MEFB AB I‫ٽ‬EFPQLFOB AB I‫>ٽ‬OQ OBIFDFBRU BK #O>K@B š I‫ٽ‬£MLNRB JLABOKB BQ @LKQBJMLO>FKB FI>K?F?IFLDO>MEFNRB 

BQMBOPMB@QFSBP 299 p., 155 x 240, 2005, PB, ISBN 978-2-503-52019-3 vol 12 (Série ‫څ‬Histoire et prosopographie‫ چ‬nk 2 S C MiJouni, I Ullern 4eité (dir  -FBOOB$BLIQO>FKLR LJJBKQfC>FOBI‫ٽ‬EFPQLFOBuABPOBIFDFLKP 398 p., 1 ill. n&b, 155 x 240, 2006, PB, ISBN 978-2-503-52341-5 vol 129 H Bost -FBOOB>VIBEFPQLOFBK @OFQFNRBBQJLO>IFPQB 279 p., 155 x 240, 2006, PB, ISBN 978-2-503-52340-8 vol 130 (Série ‫څ‬Histoire et prosopographie‫ چ‬nk 3 L Bansat Boudon, R Lardinois (dir  0VIS>FK)£SF ƒQRABPFKAFBKKBP EFPQLFOBPL@F>IB II  536 p., 9 ill. n&b, 155 x 240, 2007, PB, ISBN 978-2-503-52447-4 vol 131 (Série ‫څ‬Histoire et prosopographie‫ چ‬nk 4 F Laplanche, I Biagioli, C Langlois (dir  RQLROA‫ٽ‬RKMBQFQIFSOB ICOBA)LFPV@BKQ>KP>MO¢P 351 p., 155 x 240, 2007, PB, ISBN 978-2-503-52342-2 vol 132 L OresHovic )BAFL@¢PBAB0BKGBK OL>QFBE>?P?LRODBLFPB ABI> LKQOB /£CLOJB>RU)RJF¢OBP VII  592 p., 6 ill. n&b, 155 x 240, 2008, PB, ISBN 978-2-503-52448-1 vol 133 T Volpe 0@FBK@B BQ QE£LILDFB A>KP IBP A£?>QP P>S>KQP AR XVIIe PF¢@IB  I> $BK¢PB A>KP IBP Philosophical Transactions et le Journal des savants   472 p., 10 ill. n&b, 155 x 240, 2008, PB, ISBN 978-2-503-52584-6

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MEFBOBIFDFBRPBP 735Zp., 156 x 234, 2010, ISBN 978-2-503-53182-3 vol 145 J ࢩDucor, H ࢩLoveday )B PĥQO> ABP @LKQBJMI>QFLKP AR ?RAAE> 3FB &KࠩKFB  "PP>F A‫ٽ‬FKQBOMO£Q>QFLK QBUQRBIIB BQ F@LKLDO>MEFNRB 474Zp., 156 x 234, 2011, ISBN 978-2-503-54116-7 vol 146 N Ragot, S Peperstraete, G Olivier (dir  )>NR¤QBAR0BOMBKQš-IRJBP OQPBQOBIFDFLKPABI‫ٽ‬J£OFNRB MO£@LILJ?FBKKB %LJJ>DBš*F@EBI$O>RIF@E 491Zp., 156 x 234, 2011, ISBN 978-2-503-54141-9 vol 147 C Borghero )BP@>OQ£PFBKPC>@Bš+BTQLK -EFILPLMEFB P@FBK@BBQOBIFDFLKA>KPI> MOBJF¢OBJLFQF£ARXVIIIePF¢@IB 164Zp., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54177-8 vol 14 (Série ‫څ‬Histoire et prosopographie‫ چ‬nk 6 F Jullien, M ࢩJ Pierre (dir  *LK>@EFPJBPA‫ٽ‬,OFBKQ &J>DBP £@E>KDBP FKࠪRBK@BP %LJJ>DBšKQLFKB$RFII>RJLKQ 348Zp., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54144-0 vol 149 P Gisel, S Margel (dir )B@OLFOB>R@čROABPPL@F£Q£PBQABP@RIQROBP !Fࠨ£OBK@BPBQA£MI>@BJBKQP 244Zp., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54217-1 vol 150 J R ArJogathe %FPQLFOBABPFA£BPOBIFDFBRPBPBQP@FBKQFࠩNRBPA>KPI‫"ٽ‬ROLMBJLABOKB .R>O>KQB>KPA‫ٽ‬BKPBFDKBJBKQšI‫@ƒٽ‬LIBMO>QFNRBABPE>RQBP£QRABP 227 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54488-5 vol 151 C Bernat, H Bost (dir  ƒKLK@BO !£KLK@BOI‫>ٽ‬RQOB !FP@LROPBQOBMO£PBKQ>QFLKP ARAFࠨ£OBKA@LKCBPPFLKKBIšI‫ٽ‬£MLNRBJLABOKB 451 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54489-2 vol 152 N Sihlé /FQRBIP?LRAAEFNRBPABMLRSLFOBQABSFLIBK@B )>ࠩDROBARQ>KQOFPJBQF?£Q>FK 374 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54470-0

vol 153 J P Rothschild, J Grondeux (dir  ALIMEB#O>K@H  -EFILPLMEBGRFC PMFOFQR>IFPQBBQIF?£O>IA>KPI>#O>K@BAR5&5BPF¢@IB 234 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54471-7 vol 154 (Série ‫څ‬Histoire et prosopographie‫ چ‬nk 7 S d’Intino, C GuenWi (dir  RU>?LOAPABI>@I>FOF¢OB ƒQRABPFKAFBKKBPBQ@LJM>O£BPBKI‫ٽ‬ELKKBROAB E>OIBP *>I>JLRA 295 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54472-4 vol 155 B BaHhouche, I Fabre, V Fortier (dir  !VK>JFNRBPAB@LKSBOPFLKJLA¢IBPBQO£PFPQ>K@BP MMOL@EBPFKQBOAFP@FMIFK>FOBP 205 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54473-1 vol 156 (Série ‫څ‬Histoire et prosopographie‫ چ‬nk  C 7ivie Coche, I GuerJeur (dir  %LJJ>DBPš'B>K6LVLQQB 2 tomes, 1190 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54474-8 vol 157 E Marienberg (éd et trad  )>Baraïta de Niddah 2KQBUQBGRFCMPBRAL Q>IJRAFNRBPROIBPILFPOBIFDFBRPBPOBI>

QFSBPšI>JBKPQOR>QFLK 235 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54437-0 vol 15 Gérard Colas -BKPBOI‫ٽ‬F@LKBBK&KAB>K@FBKKB 221 p., 156 x 234, 2012, ISBN 978-2-503-54538-7 vol 159 A Noblesse Rocher (éd  ÉQRABPA‫ٽ‬BU£D¢PBJ£AF£S>IBLࠨBOQBPš$FI?BOQ!>E>KM>OPBP£I¢SBP 294 p., 156 x 234, 2013, ISBN 978-2-503-54802-9 vol 160 A Nagy, F Prescendi (éd  0>@OFࠩ@BPERJ>FKP‫ڊ‬ 300 p., 156 x 234, 2013, ISBN 978-2-503-54809-8 À paraître vol 162 M Tardieu, A van den (erchove, Michela 7ago (éd  +LJP?>O?>OBPI #LOJBPBQ@LKQBUQBPA‫ٽ‬RKBMO>QFNRBJ>DFNRB env. 368 p., 156 x 234, 2013

vol 163 (Série ‫څ‬Histoire et prosopographie‫ چ‬nk 10 R Gerald Hobbs, A Noblesse Rocher (éd  F?IB EFPQLFOBBQPL@F£Q£ *£I>KDBPLࠨBOQPšBOK>OA/LRPPBI 156 x 234, 2013 vol 164 P Bourdeau, Ph Ho࠱Jann, Nguyen Hong Duong (éd  -IRO>IFPJBOBIFDFBRUࢠRKB@LJM>O>FPLKCO>K@L SFBQK>JFBKKB @QBPAR@LIILNRBLOD>KFP£š%>KLFIBP L@QL?OB

 env. 404 p., 156 x 234, 2013 vol 165 (Série ‫څ‬Histoire et prosopographie‫ چ‬nk 11 M ࢩA AJir MoeWWi (éd  &PI>JࢠFABKQFQ£BQ>IQ£OFQ£ %LJJ>DBšࢠ$RV*LKKLQ , - env. 430 p., 156 x 234, 2013