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French Pages 576 Year 1803
NOUVEAUX
M É M O I R E S H I S T O R I Q U E S SUR
LA G U E R R E D E SEPT ANS; PAR M. DE
RKT7.0W,
Ancien capitaine au service de Prusse. Traduits
de Y
allemand.
Siium cuique de,eus posteritas socordiam potentid œvi
eorum credunt
rependit.
irridere extingui
libet, posse
Quo qui
etiam
sequentis
memoriam. A S H A I . E S DE T A C I T E ,
Liv. I V , Chap. XXXV,
PREMIER.
T O M E
A
BERLIN,
Chez H I M B u R G , Libraire ; A Chez
magis
pressenti
P A R I S,
T K I U I T Ï I
et " W U R T Z , Libraires. i8oq.
N O U V E A U X M É M O I R E S H I S T O R I Q U E S SUR
LA G U E R R E DE SEPT ANS, TOME I.
Autres ouvrages sur la guerre de sept ans, qu'an peut se procurer chez les même» libraires. R e c u e i l de plans et da batailles de la guerre de sept a n s , i vol. in-fol, 1789. Relations des batailles et combats de la guerre de sept ans cjuj ont eu lieu pendant, les d e u x campagnes de 1 7 J Ö et 1 7 ^ 7 s par G a d o w , o f ficier s a x o n , I vol. i n - 4 . avec un cahier gr. in-fol. contenant dix plans détaillés des combats de Lowositz , Reichenbers; , P r a g u e , K o l i n , Hastenbeck , G r o s - J œ g e r n d o r f , Moys , R o s s b a c h , B r e s lau , Leuthen. 1 7 S 1 . T a b l e a u historique et militaire de Frédéric-Ie-Grand , p a r l e C . de G r i m o a r d , un v o l . gr. in-8. avec planches. 1 7 8 8 . Œ u v r e s posthumes de F r é d é r i c I I , roi de P r u s s e , i ô vol. i n - 8 . C o r r e s p o n d a n c e originale de F r é d é r i c I i avec M . de S u h m , 2 vol. in-8. 1 7 8 7 . V i e de F r é d é r i c I I , roi de P r u s s e , p a r J . C. I . a v e a u x , 7 v o l . i n - 1 2 D e l à M o n a r c h i e prussienne sous F r é d é r i c - l e - G r a n d , par M i r a b e a u , 8 vol. in-o. et atlas. •— L e m ê m e o u v r a g e , 4 y o l . i n - 4 . e L atlas. Ouvrages
en langue
allemande.
Histoire de la guerre de sept ans, par L ' i o y d , continuée par T e r n p e l h o f , 6 v o l . i n - 4 . avec planches. Mémoires pour servir à l ' R i s î o i r e d e i n guerre de 1 7 5 6 à 1 7 6 3 , p a r J . G . T i e l k e , 6 vol. i n - 8 . avec plans et cartes.
A SON ALTESSE
ROYALE
M O S S E I G N E U I\
LE PRINCE HENRI DE PRUSSE, Grand-oncle
de Sa Majesté
Prussienne,
MONSEIGNEUR,
VHistoire
de la guerre de sept ans est
celle des héros qui, durant son cours , ont immortalisé
leurs noms. Elle a pour objet
l'une des époques les plus
mémorables
dans les annales de la Prusse. La postérité en conservera éternellement le souve-
V
J
nir. Il ne s'effacera du cœur de tout bon Prussien, qu'avec les noms immortels du grand Frédéric et de son Frère , digne émule de sa gloire. J'ai eu l'honneur de servir, durant cette guerre, dans Varmée Prussienne. J'ai eu des relations intimes avec des personnes qui avaient alors une grande influence dans les affaires. Ces circonstances m'ont conduit à réfléchir, durant le reste de ma vie, sur les sept années qui en ont été l'époque la plus mémorable. J'ai tâché d'étudier soigneusement et les causes et les e f f e t s des évènemens dont j'ai été témoin. L'ouvrage que j ' o f f r e au public est le résultat de cette étude ? et le fruit d'un long travail. Votre Altesse Royale a immortalisé son nom dans cette guerre, par des ex-
vij ploits
dignes
de figurer a côté de
des plus grands capitaines Entre les généraux
ceux
de notre
siècle.
qui ont survécu à la
brillante époque dontje retrace le souvenir, j'ai du choisir de préférence
Votre
Altesse
Royale,
comme Vun des Héros de
histoire,
pour lui en faire
Voilà
hommage.
ce qui m'enhardit à mettre mon
travail aux pieds de Votre Altesse Pose
mon
compter
aussi sur la
Royale
honorer durant mes années
de service,
jamais
le
perdrai
heureux si Votre
Altesse
souvenir.
Je m'estimerai Royale
et dont je ne
approuve ma démarche;
reux encore si elle applaudit impartialité
dont je fais
pardonnant
avec
plus heuà la
sévère
profession
indulgence
les
, en fautes
qui me seront sans doute échappées.
Je
viij ne saurais ambitionner
de
récompense
plus flatteuse.
Je suis avec le plus profond Mo
NS El
G NE
de Votre Altesse
respect,
UR,
Royale,
Le très-humble, très-obéissant e't très-soumis serviteur f
DE
R E T Z O W .
P R É F A C E .
O n " trouvera peut-être qu'il y a une sorte de témérité à aspirer encore au mérite de la nouveauté, en écrivant l'histoire de la guerre de sept ans. L a matière semble épuisée , depuis que tant d'écrivains estimables y ont exercé leur plume en suivant chacun la méthode la plus conforme à son génie et au point de vue particulier qu'il avait saisi. Messieurs de Tempelhofet
(YArchen-
holtz méritent, sans doute, de figurer au premier rang parmi ces écriva ins. Il se pourrait néanmoins que l'historien et surtout l'historien philosophe
trouvât
encore quelques lacunes dans leurs ouvrages. Celui du général Tempelhof
est
infiniment instructif pour les militaires. M. d'Archenholtz sera toujoua-s estimé
X
P R É F A C E .
pour la fraîcheur et l'agrément de sort coloris. Cependant, leurs écrits simplement historiques n'offrent p a s , sur tous les points, les éclaircissemens détaillés que l'on pourrait desirer. Quand on se borne aux résultats, il est facile de se tromper sur les causes et les effets , le nuage du mystère se dissipe soudain; l a certitude succède aux simples conjectures, dont le propre est de faire naître des doutes sur les résultats même qu'elles sont destinées à expliquer. A u reste, lorsque les écrivains que nous avons nommés publièrent leurs écrits, le moment n'était pas encore v e n u , d'initier le public dans tous les détails du grand tableau que l'on présentait à son avide curiosité. Les occasions de pénétrer bien des mystères et de connaître à fond les personnages,
P R É F A C E .
Xj
leur ont manqué peut-être. T r ô p voisins de l'époque dont ils écrivaient l'histoire , ils peuvent avoir eu des raisons de p r u d e n c e , pour ne point mettre au g r a n d jour les ressorts cachés de plus d'un événement. U n e longue suite d'années s'est écoulée maintenant ; depuis cette é p o q u e , fameuse à plusieurs é g a r d s , la scène a totalement changé. Les héros de ce tems sont, ou bien en possession d'une immortalité justement acquise,ou bien entièrement publiés. Voilà ce qui enhardit, au commencement du nouveau siècle , un contemporain qui fut en même tems témoin oculaire, à mettre sous lesyeux d'un public impartial, les observations qu'il a recueillies, lui-même, avant et pendant la guerre. Il y joindra celles que des personnes
bien instruites lui ont
xij
P R É F A C E .
communiquées sur les principaux évènemens de cette période. L'on accueillera peut-être ces mémoires avec d'autant plus d'empressement, qu'ils offrent des aperçus tout-à-fait neufs sur
di-
vers faits intéressans, sur quelques préjugés accrédités et sur le caractère de plus
d'un
personnage
remarquable.
Entre les témoins encore vivans
des
faits que nous allons rapporter, il n'en est peut-être que deux qui soient bien instruits des résultats que nous croyons devoir publier , pour empêcher qu'ils ne demeurent enfin condamnés à un éternel oubli. \
L e lecteur ne doit point s'attendre â trouver ici une histoire
systématique
de la guerre de sept ans. Après ce que de grands maîtres ont écrit sur les campagnes de 1756 à 1762., il serait superflu
P R É F A C E .
yiij
d'y revenir encore. Le but que je me propose est d'éclaircir plus d'un doute, de mettre dans leur vrai jour une multitude de faits qui sont demeurés inconnus jusqu'ici , en détaillant leurs causes et leurs effets. J e tracerai le caractère de différens personnages célèbres; je tirerai de l'oubli des anecdotes piquantes. Enfin, c'est un tableau instructif des évènemens les plus saillans et non point, je le r é p è t e , une histoire systématique que je présente au public. Que des écrivains plus habiles luttent contre les difficultés d'une entreprise qui surpasse mes forces! Quant à moi, je m'estimerai suffisamment récompensé de mon travail, si le public impartial accueille favorablement le récit que je vais faire de ce qui s'est passé sous mes yeux. Ce récit appartient à l'histoire,
xiv
PRÉFACE,
jalouse de recueillir tout ce qui tend à présenter dans leur vrai point de vue les faits qu'elle transmet à la postérité.
T A B L E DES M A T I È R E S C O N T E N U E S
DANS
CE
VOLUME,
CHAP. I " . APHKÇTJ historique concernant l'origine de la guerre de sept ans et les causes qui en ont accéléré l'explosion. Page CHAP. I I . Considérations politiques et militaires sur l'investissement du camp Saxon près P i r n a , sur la bataille de Lowositz et sur la capitulation de L i lienstein, en octobre 1756. p. CHAP. I I ! . Coup-d'œil sur l'impression que les m e sures vigoureuses de Frédéric I I , firent dans les cabinets des puissances coalisées. p. 97. CHAP. I V , Sur la campagne en B o h ê m e , jusqu'à la bataille de Prague, livrée le 6 mai 1757. p. io3. CHAP. V . Bataille de K o l l i n , le 17 juin 1757. p. CHAP. V I . Suites de la bataille de K o l l i n . L e prince Guillaume de Prusse. p. 1 8 7 . CHAP. V I I . Les Alliés de la maison d'Autriche commencent à paraître sur le théâtre de la guerre. Bataille de Hastenbeck et de Gross-Jaegerndorf. p. 211. CHAP, V I I I . Campagne des Prussiens contre l'armée Française, combinée avec celle des cercles de l ' E m pire. Bataille de Ilossbach. p. 237. CHAP. I X . Opérations du duc de Bevern contre les Autrichiens en Silésie. Bataille de Breslau , le 22 novembre iy5j. p. 266. CHAP. X . Bataille de Leuthen le 5 décembre 1757.
.
.
p-293"
CHAP. X I . Etat des Puissances belligérantes, au comjnencement de l'année 1758.
p.
xvj
TABLE
DES
MATIÈRES.
CH \T. X I I . Campagne des Prussiens en Moravie dans le cours de l'année 1758. Issue de celte campagne. p. 3^2. CHAP. X I I I . Campagne des Prussiens contre les Russes dans la nouvelle marche. Bataille de Zorndorf, le a5 août 1758. p. 384. CIIAP. X I V . Remarques sur les opérations des A u t r i chiens et des troupes de l'Empire , en Saxe. L e prince Henri de Prusse. Bataille de H o c h k i r c h , le 14 octobre 1758. p. 415. CHAP. X V . Suites heureuses de la malheureuse bataille de Hochkirch. p. 456. CHAP. X V I . Coup-d'œil sur la situation des Suédois et sur leur campagne en 1708. p. 489. CHAP. X V J l . Esquisse de la campagne des A l l i é s contre les Français, en 1758. p. 5o4. CIIAP. X V I J I . Comparaison des campagnes de 1757 et de 1758 en Allemagne. p. 553.
MÉMOIRES
MÉMOIRES HISTORIQUES SUR
LA GUERRE DE S E P T ANS. G II A P I T R E
P R E M 1 E R.
dipcrçu. historique concernant l'origine de la guerre de sept ans, et les causes qui en ont accéléré l'explosion.
IvA guerre de sept ans est incontestablement lune des époques les plus mémorables du dixhuitième siècle. Elle prouve la puissance du génie , du courage et de la discipline, secondés par la fortune, pour résister à une coalition formidable, et pour conquérir, en dépit de tous les périls, une paix glorieuse. Cette guerre , qui fut Tctonnement et l'admiration des contemporains , occupera à jamais une place distinguée dans l'histoire; elle sera dans tous les siècles une source féconde d'instructions pour tous ceux qui font de la science des combats leur étude. Il n'est pas moins vrai que l'histoira authentique et fîdelle de son origine est très-« extraordinaire. Tant de circonstances ont con-< Tome
I.
A
2
GUERRE
DE
SEPT
ANS.
couru à la faire nailre ; la plupart sont si peu connues, plusieurs tiennent si fort au jeu des passions humaines, que c'est assurément le d e voir d'un contemporain bien instruit d'en transmettre le souvenir à la postérité, en suppléant, sur ce p o i n t , au silence des historiens. Celte x-évolution e x t r a o r d i n a i r e , qui , sans compter son influence sur le reste du g l o b e , do nna une si violente secousse à l ' E u r o p e , et particulièrement à l'Allemagne „ f u t lentement et péniblement prépai'ée par une multitude d e circonstances, que l'on aurait bien tort de croire purement f o r t u i t e s , et par le caractère des personnages qui s'y trouvaient plus ou moins intéressés. On en découvre déjà les premiers germes dans la paix de Dresde , conclue en 174.5. C'est pourquoi il nie paraît nécessaire , pour l'instruction de mes l e c t e u r s , de leur p r é senter d'abord un aperçu de la situation des affaires en E u r o p e , à l'époque de cette paix et de celle d ' A i x - l a - C h a p e l l e , qui fut signée en ïy/jB. N o u s verrons ensuite comment la g u e r r e de sept ans fut un résultat assez naturel de l'une et de l'autre. Ces deux traités de pacification avaient e n fin terminé la singulière contestation, o c c a sionnée par la succession de l'empereur Charles V I . Ce f a m e u x procès avait dû son origine au désir de faire valoir des droits prétendus l é -
O R I G I N E
D E
C E T T E
G U E R R E .
3
gitimes , à une politique ambitieuse, et aux animosités nationales. La défiance, une fausse politique, des mesures tantôt bien , tantôt mal choisies, exécutées tantôt avec faiblesse , tantôt avec courage , firent naître les incidens très-compliqués de ce grand procès. La disette, le défaut d'argent , un épuisement total , et l'apparence de la modération , lorsque l'horison politique eut changé de face, concoururent à le terminer. Après la mort de Charles V I , Frédéric I I , qui venait de monter sur le trône, forma des prétentions sur le duché de Silésie. Son exemple et ses conquêtes rapides engagèrent les électeurs de Bavière et de Saxe à contester à Marie-Thérèse l'héritage de ses pères, à l'instant même où il venait de lui écheoir en partage. La France, l'Espagne j une partie des souverains d'Italie , et l'Empire germanique , se coalisèrent contre elle. Secondée par l'Angleterre, par la Hollande et par la Sardaigne, Marie-Thérèse opposa du courage et de la fermeté à cette ligue puissante. Cependant elle se vit enfin obligée de céder au roi de Prusse une grande partie de la Silésie et le comté de Glatz. Pour recouvrer les PaysBas , conquis par la France , elle fut obligée de les échanger contre quelques-unes de ses provinces dans l'Italie supérieure. Cependant cette guerre sanglante, où la fortune des armes A 2
4
G U E R R E
DE
S E P T
ANS.
fut singulièrement i n é g a l e , ne valut à aucune des puissances belligérantes des avantages comparables à ceux que les rois de Prusse et de S a r d a i g n e en retirèrent, ils eui'ent la gloire d e ne devoir leurs triomphes et leurs conquêtes qu'à leur b r a v o u r e , tandis que les autres alliés voyaient leurs trésors s'épuiser et leurs armées se dissoudre. Pour réparer en quelque façon les fautes capitales dont l'indolence naturelle du cardinal de Fleury avait été le principe , la F r a n c e , forcée d'évacuer l'Allemagne , avait transporté sous de plus heureux auspices le théâtre de la guerre dans le Brabant. L e maréchal de S a x e , fils naturel d'Auguste I I , roi de Pologne , commandait l'armée; il était réservé à cet illustre capitaine allemand de l'établir l'honneur des armes françaises. Par sa prudence et par sa v a leur c o n s o m m é e , il a v a i t , en trois campagnes , subjugué les P a y s - B a s , et fait trembler la H o l lande. Néanmoins autant L o u i s X V fut heureux sur le continent, autant il éprouva de disgrâces sur mer. L a prépondérance des puissances maritimes coalisées, sur la marine f r a n ç a i s e , était sensible ; le commerce de la F r a n c e languissait visiblement , et le désordre toujours croissant des finances, faisait appréhender de nouvelles pertes dans les Indes. Cette perspective a l a r mante l'emporta sur le désir d'ajouter encore
ORIGINI! r> r CETTE g u e r r e .
5
aux conquêtes que l'on venait de faire dans les P a y s - B a s ; et le roi n'ignorant pas que finalement il se verrait contraint de les a b a n donner , se décida à une paix , dont il n'eut d'autre avantage que d'avoir l'air d'y c o n s e n t i r , au lieu de la solliciter. L'Espagne , la plus fidelle alliée de la F r a n c e , avait montre beaucoup d'empressement à faire passer en Italie une armée considérable, pour partager avec les troupes françaises et jiapolitaines le succès des armes. Mais aussi la paix d'Aix-la-Chapelle lui valut l'acquisition des duchés de P a r m e , de Plaisance et de Guastalla. M a r i e - T h é r è s e fut forcée de renoncer à ces provinces en faveur de l'infant Dom P h i l i p p e , q u i , devenu duc de P a r m e , forma une nouvelle souveraineté en Italie. L'Angleterre avait eu sur m e r des succès b r i l l a n s , ayant réussi à enlever aux Français plusieurs colonies dans les deux Indes. E l l e avait en même tems fait les plus grands efforts pour soutenir les droits de la maison d'Autriche en Allemagne et dans le Brabant. Ses dépenses pour cet objet montaient à quarante-six millions livres slerlings. L a nation commençait eniîa à gémir sous le poids de ses charges; et sans renoncer à sa haine invétérée pour la F r a n c e , elle entrevoyait néanmoins qu'elle achetait fort cher des avantages peu considérables, qu'après A 5
fc
G U E R R E
DE
SEPT
ANS.
tout elle prodiguait ses trésors en faveur d'une puissance é t r a n g è r e , et peut-être pour le seul agrandissement de la maison électorale d'Hanovre. Le mécontentement de la n a t i o n , qui voyait sa dette s'acroître contre son véritable intérêt, et la crainte que Georges II éprouva de n e point obtenir du parlement des subsides suffisans pour continuer la guerre continentale , telles furent les circonstances qui influèrent sur la conclusion du traité de paix. L a G r a n d e Bretagne restitua toutes ses conquêtes , et ne r e t i r a d e celte guerre d'autre profit que la satisfaction d'avoir en grande partie anéanti la marrine et le commerce de sa rivale. La république des Provinces - Unies s'était décidée, après quelques irrésolutions, à remplir les engageniens qu'elle avait contractés de concert avec plusieurs puissances européennes, en accédant à la pragmatique sanction. Elle avait même déployé toutes ses forces à l'instant où la France avait transporté le théâtre des combats de l'Allemagne dans le Brabant. Les revers d e ses alliés ne la déconcertèrent point. Après la prise de Maëstricht, la Hollande , menacée de se voir envahie^ par la France victorieuse, n e balança pas de recourir à la même mesure qui* dans des circonstances également critiques, avait servi jadis à jeter les fondemens de sa lit e r i e . Elle rétablit le stadthoudérat, qu'un sim-
ORIGINE
DE CETTE GUERRE.
7
pie caprice lui avait fait abolir. Lorsque la France la sollicita d'abandonner , pour l'intérêt de sa propre conservation , le parti de la maison d'Autriche , elle était sur le point de s'y attacher plus fortement que jamais, à l'instant même où les Alliés , totalement épuisés, et se livrant à de nouvelles combinaisons, concluaient une paix générale. Il ne résulta pas le moindre avantage de cette guerre pour les Hollandais. Ils avaient plutôt à regretter d'avoir prodigué leur argent pour la défense des places connues sous le nom de Barrières, qui nejeur appartenaient point. Pour une nation mercantile, ce i'egret était d'autant .plus cuisant que , sans compter les sacrifices pécuniaires, l'activité du commerce avait été considérablement ralentie par les conjonctures du tems. La nation sut mettre cette leçon à profit. Elle se garda bien , dans la suite , de prendre part aux démêlés des puissances européennes, et s'enrichit aux dépens de ceux qui s'entr'égorgèreni. Marie-Thérèse avait porté le fardeau de la guerre durant huit années ; elle l'avait soutenue avec constance contre une multitude d'ennemis, bien que son père ne lui eût laissé ni troupes disciplinées , ni trésors. Entourée d'ennemis formidables , elle eut peine surtout à résister au jeune héros Prussien. Elle se hâta donc de se débarrasser de ce redoutable adversaire, en A 4
8
C U E R E E
DE
SEPT
ANS.
concluant avec lui une paix particulière à Dresde. Cependant elle ne lui tendit la main que pour porter sur d'autres points les forces qu'il avait fallu lui opposer jusqu'alors. Ses armées marchèrent aussitôt en partie dans le Brabant en partie vers l'Italie , pour terminer les irrésolutions du roi de Sardaigne. Ce prince était sur le point de renoncer à une alliance dont il avait lui seul tout le poids h soutenir. Le renfort qu'il reçut lui fit reprendre courage; il réussit à r e conquérir les provinces italiennes de ia maison d'Autriche , et secondé par une escadre a n g l a i s e , il menaça Toulon. Les campagnes de Flandre furent moins heureuses : comme un torrent débordé, les Français se précipitèrent sûr les Alliés ; ils firent la conquête de toutes les places fortes qui défendaient les Pays-Bas ; ils décidèrent leur sort en deux batailles, et ils enlevé" rent même aux Hollandais Berg - Op - Tioom , et Maëstricht, leurs forteresses principales. 11 est vrai que Marie-Thérèse recouvra les P a y s Bas par le traité d ' A i x - l a - C h a p e l l e ; et bien qu'elle se vît obligée de céder en échange quelques-unes de ses provinces d'Italie , elle fut moins sensible à cette perte qu'à celle de la Silésie et du comté de Glatz. L a satisfaction qu'elle eut de placer la couronne impériale sur la tète du duc de L o r r a i n e , son époux , put a d o u c i r , pour son âme ambitieuse, la perte
ORIGINE DE C E T T E GUERRE. () de ces belles provinces. Son cœur était néanmoins trop ulcéré pour s'en consoler aisément. Que le sort de la Prusse, au contraire, était brillant à cette époque ! L'avènement de F r é déric II au trône, fut pour elle l'aurore d'un beau jour. Comme prince r o y a l , il n'avait point a n noncé le genre d'activité qui caractérisa son règne; niais à peine Charles VI eùL-il fermé les yeux , que Frédéric fut le premier à donner l e signal des combats, en faisant valoir, à main année , ses prétentions sur quelques principautés de Silésie. Après deux campagnes heureuses la paix de Breslau, signée en 17^2, lui assura la possession de la plus grande partie de ce duché : alors il abandonna les Français , ses alliés. L a conduite équivoque de leurs généraux le porta à croire que la politique du cardinal d e Fleury tendait à rejeter sur lui tout le fardeau de la guerre. D'ailleurs il était parvenu à son but ; mais il se vit à son tour abandonné par la F r a n c e , lorsqu'encouragé par l alliance renouvelée en 1744 à Francfort, sur le Mein , il se déclara pour l'empereur Charles VII qui succombait sous la puissance de l'Autriche. Alors il se vit aux prises à la fois avec Marie-Thc'rèse et avec ce même roi de Pologne , q u i , peu de tems auparavant, réclamait sa part à la succession de Charles VI. Hors d'état de secourir eflicaceiuent l'empereur, Frédéric fut obligé
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C U ERRE
DE
S E P T
ANS.
d'évacuer promptement le royaume de Bohême qu'il avait déjà envahi. Grâces à ses victoires et à son génie, il trouva les moyens de profiter à tcms d'un moment favorable pour assurer ses premières conquêtes. Ce fut de sa part un trait de politique profonde, de se prévaloir de la prépondérance que lui donna la bataille d e Kesselsdorf, pour forcer ses ennemis à conclure la paix de Dresde j pour se maintenir ainsi dans la possession de la Silésie et d u comté de Glalz, et pour conjurer les nouveaux orages qui le menaçaient. L'impératrice de Russie E l i sabeth était sur le point de faire marcher une armée au secours de la Saxe. Frédéric aurait eu peine à lui résister dans un moment où ses forces et le trésor amassé par son père commençaient à s'épuiser. En s'obstinantdavantage, 11 aurait obtenu peut-être une décision plus conforme à l'esprit et à la lettre du traité de Breslau^ relativement au cours de la rivière d'Uppava , qui devait servir de frontière à la Silésie prussienne et autrichienne; mais ayant atteint son but principal, il aima mieux ne pas insister sur ce point. L'Empire germanique, ce corps composé de tant d'élémens hétérogènes, et destiné à être sans cesse le jouet d'impulsions étrangères, avait conféré la dignité impériale à l'électeur de Bavière. C'est au secours de la France que ce prince
ORIGINE
DE C E T T E
GUERRE.
II
en était proprement redevable. Tant qu'il f u t heureux , l'Empire lui demeura fidelle; mais il s'en vit tout aussi inconsidérément abandonné, à l'instant où la fortune l'accablant de revers , le plongea dans la situation la plus désastreuse où un souverain puisse se trouver. Privé du secours de ses alliés, poursuivi par les terreurs de la g u e r r e , il fut obligé de quitter son élect o r a t , et de chercher un asile au centre de l'Allemagne. L'expédition de Frédéric en Bohème lui valut la triste consolation de mourir dans son château de Munich. Pour recouvrer l'héritage paternel j son iils se trouva réduit à mendier la paix et à renoncer solemnellement à toute prétention sur les états héréditaires d ' A u triche. T a n t de revers ne pouvaient qu'abattre le courage des princes de l'Empire. Au lieu de défendre la cause de leur chef s u p r ê m e , ils se contentaient de consumer en d'inutiles délibérations un tems précieux jusqu'à ce qu'enfin déçus par les vaines promesses de la cour de "Vienne , et comprimés par la terreur des armes autrichiennes, ils se rangèrent successivement sous l'obéissance du nouvel empereur François T. A l'exception du pape et de la république de V e n i s e , presque tous les souverains d'Italie avaient pris part à la guerre occasionnée par la mort de Charles V I , et la Lombardie en était même devenue le théâtre. L e roi de Naples,
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GUERRE
DE
SEPT
ANS.
le duc de M o d è n c , la république de G ê n e s , avaient embrassé la cause de la France et de l'Espagne. L e roi de Sardaigne était le seul allié d e l'Autriche. La politique du cabinet de V i e n n e faisant tomber presque sur ce prince seul tout le fardeau de la guerre , il se trouva hors d'état d e faire tète aux. Alliés ; et cou activité g u e r rière eût sans doute été paralysée , si M a r i e T h é r è s e ne se fût empressée à la ranimer après la conclusion de la paix de Dresde. D e c e m o m e n t l e parti autrichien eut ,a prépondérance en Italie. L e duc de M o d è n e fut chassé d e ses étals; on fit la conquête de G è n e s ; o n m e n a ç a la P r o v e n c e d'une i n v a s i o n , et T o u l o n m ê m e était assiégé lorsque la paix générale m i t u n terme à cette grande effusion de sang. Cette p a i x valut au roi de Sardaigne l'acquisition d e V i g e v a n a s k o , u n e grande partie d ' A n g h i e r a , et des prétentions sur Finale , que le dernier e m pereur Charles V I avait a n c i e n n e m e n t v e n d u aux Génois. L e s puissances du N o r d avaient pris m o i n s d e part à la guerre que celles du M i d i ; le Dann e m a r c , selon sa politique o r d i n a i r e , d e m e u ra simple spectateur de ces grands é v è n e m e n s . L e s différens qui s'élevèrent entre la Suède et la Russie furent bientôt t e r m i n é s ; la France les avait suscités en animant la Suède contre la R u s s i e , qu'elle voulait e m p ê c h e r par-la d'inter-
ORIGINE
DE
CETTE
GUERRE.
venir dans l'affaire de la succession autrichienne. M a i s la Suède n'obtint pas de subsides suffisans, et ses généraux ne firent point preuve d'habileté dans la conduite de la guerre ; aussi fut-elle obligée pour prévenir sa ruiue , de conclure) en 1 7 4 3 , 0 1 0 paix honteuse à Abo. Elle fut non-seulement contrainte de céder une partie de la Finlande au v a i n q u e u r , mais elle ne ressentit r u e trop , outre cela , dai s la suite , les influences funestes de l'intervention du c a binet de Pétersbourg dans les affaires intérieures du royaume. Autant la constitution de la Suède avait dégénéré et s'était considérablement altérée depuis la mort de Charles X I I , autant celle de la Russie avait gagné aux réformes i n troduites par le czar Pierre. A u commencement du siècle, aucune puissance européenne ne daignait s'allier avec elle ; à l'époque dont nous parlons, elle avait acquis déjà un grand poids dans la balance de l'Europe. L'impératrice Elisabeth, dont les ancêtres tremblaient c i n quante ans auparavant sous le joug des Boïares , contribua puissamment à la paix générale, en appuyant la déclaration de ses volontés d'une armée de trente mille hommes. Quant à la Porte Ottomane, elle ne se mêlait absolument point des affaires qui troublaient le repos de l'Europe. Contente de posséder en paix les conquêtes qui lui avaient été garanties
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par la paix de Belgrade, en 173g, elle voyait d'un œil indifférent les puissances chrétiennes s'affaiblir réciproquement. A une époque où rien n'eût été plus aisé que de conquérir la Hongrie entière, elle s'eslima trop heureuse de n'avoir rien à redouter de la part des A u trichiens. Mais cette indifférence et cette sécurité donna insensiblement à une nation, dans le fond belliqueuse, un caractère de mollesse, qui lui devint funeste lorsque l'intérêt politique ayant rapproché les cabinets de Pétesbourg et de V i e n n e , ils se sentirent bientôt assez puissans pour braver les descendans de ce Mahomet , au nom duquel on avait tremblé jadis jusques dans l'enceinte des murs de Vienne. Telle était la situation de l'Europe en 1748, et c'est ainsi que de tout lems tous les empires du monde ont eu successivement des époques de grandeur et de décadence : semblables aux comètes qui, lorsqu'elles ont atteint l'extrémité de leur orbite, deviennent rétrogades, jusqu'à ce qu'enfin elles échappent entièrement à nos regards, pour se remontrer p e u t - ê t r e , au bout de quelques siècles , brillantes d'un nouvel éclat. J'ai cru qu'il était nécessaire de présenter à mes lecteurs un tableau raccourci de l'état politique de l'Europe à celte époque, en partie pour les préparer aux grands évènemens qui furent le résultat nécessaire de ceux
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dont je viens de tracer une esq uisse rapide , en partie pour les mettre dans le 'point de vue à la hauteur duquel il faut s'élève^, si l'on veut, de'mèler les intrigues qui occupaient dès-lors l'activité des cabinets, et qui ourdissaient i n sensiblement une guerre prête à bouleverser la moitié du globe. U n singulier concours do circonstances, et plus encore l'impossibiliLe de continuer la guerre, avait amené la paix : elle rendit un calme désiré aux provinces où la guerre avait exercé ses ravages. L e s peuples eurent u a moment d e repos ; mais leurs dominateurs n'étaient rien moins que réconciliés. Il faut donc envisager cette paix comme un de ces palliatifs qui s o u lagent pour un peu de tems ^ mais qui ne guérissent point à fond. L e s puissances européennes dont le tems avait cicatrisé les p l a i e s , n'attendaient qu'une conjoncture favorable pour réaliser leurs projets d'agrandissement et de vengeance. On a p e r ç u t , dès l'année iy5o , des symptôm e s qui présageaient cette nouvelle révolution. Depuis celte époque on vit r é g n e r , entre les premières puissances de 1'Eu.rope, une d é fiance perpétuelle; elles formaient des alliances séparées , augmentaient leurs armées de terre et de m e r , et se préparaient sous main aux plus sanglans combats. Elles étaient alors
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divisées en deux partis qui ne songeaient qu'à se tenir en échec, ou à s'écraser l'un l'autre à la première occasion. R o m e et Cartilage r i v a lisèrent pour la possession d u monde alors c o n n u , avec moins d'obstination que ces deux partis n'en m i r e n t , tantôt à poursuivre des i n térêts inii.ginaires ou réels 3 tantôt à se p r o c u rer une prépondérance décisive. La France 3 la Prusse et la Suède formaient l'un de ces partis; le second embrassait l'Autriche , l'Angleterre et la Saxe. La dernière guerre avait tellement compliqué les intérêts de ces puissances , qu'il semblait impossible de les concilier pour le maintien du système de l'équilibre ; bien qu'à proprement parler cette chimère de l'équilib r e ne soit qu'une illusion et un simple j e u , depuis qne la manie des conquêtes est devenue le grand mobile des têtes couronnées. L a Russie , la Dannemarc , l'Espagne , la Ho?l a n d e , les princes de l'Empire et ceux d'Italie ne s'étaient encore déclarés pour aucun des deux parLis. Cependant plus les intérêts de ces derniers se compliquaient , plus chacun d'eux trouvait de probabilité à l'exécution, de ses plans, et plus ils cherchaient mutuellement à se renforcer par des alliances. L a grande influence du cabinet de P c tersbourg , sur la conclusion du traité de Dresde , n'avait point échappé à l'impératrice reine.
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reine. Elle vit la nécessite de s'attacher à la Russie pour contenir l'ambition "d'un voisin aussi turbulent que le roi de Prusse, ou pour venger du moins l'offense qu'elle en avait reçue. Elle profita donc de sa bonne intelligence avec l'impératrice Elisabeth , pour transformer en une alliance formelle , l'harmonie que l'orgueil d'un favori avait cimentée entre les deux cours. Elle se flattait d'avoir donné par cette alli atice une base solide à la grande révolution qui devait éclater en Allemagne, et consterner l'Europe. Le degré de puissance auquel la maison de Bratldebourg s'était élevée depuis la conquête de la Silésie , lui semblait un objet de trop haute importance, pour 11e pas consacrer ses derniers efforts à dépouiller de ses conquêtes un voisin si dangereux et si formidable. Elle ne pouvait se consoler d'avoir été contrainte de lui céder la plus belle des provinces de l'héritage paternel. Elle en éprouvait surtout une douleur cuisante, en apprenant les mesureshabiles, à l'aide desquelles Frédéric était parvenu à augmenter les revenus "qu'il tirait d'un pays favorisé de la nature. Alors seulement elle sentit toute l'étendue de sa perte, elle vit toute l'importance qu'une sage administration des finances pouvait donner à la Silésie. Ces considérations devaient naturellement irriter une princesse, éclairée sur ses véritables Tome J. B
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intérêts et fière de l'ascendant que ses a n c ê tres avaient eu sur les souverains de l'Allemagne. L a fille de Charles V I jura donc à F r é déric une haine irréconciliable. De ce m o m e n t l'envie ne cessa de s'agiter contre le trop heureux conquérant, et la vengeance aiguisa s e crètement le poignard qu'elle destinait à lui percer le cœur. L'Angleterre, d'un autre c ô t é , était mécontente de n'avoir pas obtenu, à la paix d'Aix-la-Chapelle, des avantages plus considérables. Elle ne songeait, qu'aux moyens d'anéantir la marine française déjà considérablement affaiblie , et de porter ainsi le coup de mort au c o m m e r c e languissant de sa rivale. Tels étaient les ressorts secrets de la politique des cabinets de V i e n n e et de Londres. Ils donnèrent la première impulsion au grand mouvement qui se préparait , et l'on y trouve le vrai germe des révolutions suivantes. Quelqu'intérêt que la Grande - Bretagne et l'Autriche eussent à hâter l'exécution de leurs plans, elles n'y étaient néanmoins pas encore suflisamment préparées. L a dette nationale que l'Angleterre avait c o n t r a c t é e , pour subvenir aux frais de la guerre jusqu'en 1 7 4 8 , montait à cent millions de livres sterling. M a r i e - T h é rèse, de son c ô t é , n'osait risquer de se mesurer avec le roi de Prusse , sans le secours de la R u s s i e , et sans les subsides de l'Angleterre.
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L e s premières années qui s'écoulèrent après lai paix d ' A i x - l a - C l i a p e l l e ,' Iure ni d o n c u n i q u e m e n t consacrées à des s p é c u l a t i o n s , à des négociations et à des intrigues q u i avaient p o u r b u t p r i n c i p a l , d'alumer au n o r d de l'Europe u n e guerre q u i , sans impliquer d i r e c t e m e n t les puissances méridionales, leur p r o c u r e r a i t néanmoins tous les avantages qu'elles a u r a i e n t pu e s p é r e r j si la guerre générale avait c o m m e n c é deux ans plutôt. La maison d'Autriche ayant adopté ce système , ne le perdit pas u n m o m e n t de vue. Dès l'année 174O, «He avait conclu avec la cour de Pétersbourg u n e a l l i a n c e , q u i , sous la simple dénomination de ligue d é f e n s i v e , renfermait n é a n m o i n s q u e l q u e s a r t i cles secrets, destinés à faire naître l'occasion d e reconquérir la Silésie. Cette alliance f u t e n g r a n d e partie l'ouvrage du g r a n d c h a n c e l i e r , comte d e Bestu.schef, qui g o u v e r n a i t alors la R u s s i e , en qualité de premier ministre. Cet h o m m e extraor dinaire était en q u e l q u e façon tout-puissant dans cet immense e m p i r e , q u i est la huitième partie de la terre habitée. C ' é tait un h o m m e foncièrement orgueilleux. L ' a varice et l'ambition étaient ses passions d o m i n a n t e s ; il avait su se r e n d r e nécessaire à l ' i m pératrice Elisabeth, et quelque f é c o n d e que la Russie soit en révolutions et era catastrophes p o l i t i q u e s , personne a'osait c o n c e v o i r le proB »
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jet de renverser un ministre s u p e r b e , dont le crédit et l'influence étaient trop profondément enracines. Il avait contribué à la paix de D r e s d e , pour délivrer la Russie du fardeau d'une guerre accablante , et. il avait promis à la Prusse la garantie de ses conquêtes en Silésie, dans l'espoir que cette promesse lui vaudrait un present considérable de la part du roi de Pi usse. Mais Frédéric crut qu'il était superflu de payer, au poids de l ' o r , les stipulations d'un traité déjà conclu , et se b o r n a , v i s - à - v i s du m i n i s i r e , à de simples démonstrations de p o litesse. Bestuschef était insatiable de richesses, pour satisfaire son luxe e f f r é n é , et croyait d'ailleurs avoir rendu à Frédéric un service assez essentiel, pour compter sur les marques les plus solides de sa reconnaissance. 11 fut donc p i qué au v i f , quand il vit ses espérances t r o m pées. Dès - lors il 11e laissa échapper aucune occasion de témoigner au roi de Prusse toute sa haine. Marie-Thérèse ne négligea point de profiter de ces dispositions du graml c h a n c e l i e r , et prodiga les moyens de sinSip'uer dans ses bonnes g r â c e s , en caressant sa passion f a vori le. L a cour de D r e s d e , jalouse de l'agrandissement 4 e ta Prusse, et.nourrissant un souvenir amer des évènemens de l'année .1743 y entretenait, à force d'intrigues, le feu qui couvait sous
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la cendre , sans se déclarer néanmoins ouvertement. Marie-Thérèse sollicita donc Auguste III, roi de Pologne , de faire cause commune avec elle ; mais les timides irrésolutions du comte de Brühl , son ministre, s'opposaient à la conclusion d'une alliance offensive. Craignant d'exposer la Saxe aux vengeances du roi de Prusse, il se bornait à attiser le f e u , et se chauffait de loin à sa douce chaleur. Il proposa donc que l'on commençât par prendre des mesures plus efficaces que celles de l'année 1 7 4 4 ? pöitr mettre la Sax^: à l'abri de tout danger , et pour assurer des indemnités au roi de Pologne ; ajoutant qu'il lui paraissait essentiel de t r a v a i l l e r à donner plus de consistance à la l i g u e , en décidant l'Angleterre à y prendre une part active. Ce plan entrait parfaitement dans les vues de la cour de V i e n n e ; mais comme elle craignait de donner l'éveil au parlement d'Angleterre , par les articles secrets du traité de P é l e r s b o u r g , elle se b o r n a j pour le m o m e n t , à employer toutes sortes de machinations pour brouiller la Prusse ou la Suède avec la Russie , espérant trouver ainsi un prétexte spécieux de reconquér i r la Silésie. En conséquence de ces principes, 1 impératrice Elisabeth refusa de se charger de la garantie à laquelle elle s'était obligée par le traité de Dresde. Elle se crut autorisée par la B 5
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paix de N y s t a d t , à s'arroger de l'influence sur les affaires de f a m i l l e de la cour de S t o c k h o l m , a p p u y a cette prétention de m e n a c e s , et a u g m e n t a successivement le nombre des troupes qu'elle avait coutume d'entretenir en F i n l a n d e , 7 quemcnt de se décider encore sur le meilleur )) plan d'opérations à choisir. » Schwerin n'approuva point une résolution si précipitée ; soit qu'il fût blessé de n'avoir point été consulté , malgré les droils que son âge et son expérience lui donnaient à la confiance du r o i , soit qu il ne consultât que son patriotisme et l'intérêt de l'état, il se permit quelques objections. Retzow partageait ses appréhensions, et les princes du sang avaient sollicité ce dernier de faire tout ce qui serait en son pouvoir pour prévenir le commencement des hostilités. Encouragé par la noble hardiesse de S c h w e r i n , il prit la p a role et représenta : « qu'il était également d'a» vis que l'on ne précipitât r i e n , et qu'on se » bornât à se tenir prêt à tout évènemenl, puis» qu'il était impossible de prévoir les change» mens heureux que le tems et les circonstan» ces pouvaient amener. Tirer le glaive du » f o u r e a u , ce sera provoquer de nouveau la » jalousie de la plupart des cours, qui envisa>1 gent avec un œil d'envie l'agrandissement » de la Prusse. Le cabinet de Vienne ne man» quera pas d'attribuer cette guerre au désir aniLi lieux
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ambitieux des conquêtes, sonnera l ' a l a r m e , mettra toute l'Europe en m o u v e m e n t , e t s o l licitera, pour le maintien de la constitution germaniqûe , l'intervention d e s puissances garantes du traité de W e s t p h a l i e . Ainsi l a Prusse a u r a à combattre une m u l t i t u d e d'ennemis , dont les efforts réunis triompheront aisément de la valeur même la plus c o n sommée. » W i n t e r f e l d t , seul confident des résolutions du M o n a r q u e , répondit à ces courageuses r e présentations : « qu'il fallait profiter de l ' i n a c » tion à laquelle la Russie se voyait de nouveau » condamnée , pour affaiblir la maison d'Auw triche. Cette puissance n'a point eu le tems « d'achever ses préparatifs ; ses armées ne sont » point encore rassemblées , ses finances sont » en désordre ; c'est le moment de porter l e » théâtre de la g u e r r e au cœur d e cet Empire , » de surprendre ses troupes, d'envahir les pro» vinces dont la défense leur est confiée , et » de b r a v e r ensuite tous ceux qui auront l ' a u » dace de nous attaquer. Il est, au reste , décidé » que l'organisation de l'armée prussienne et « la situation de la monarchie , ordonne i m » périeusement de préférer l'offensive à la dc» fensive. » L e roi s'aperçevant que son confident seul opinait à la g u e r r e ^ il fît mention des dépèches Tome 1. D
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tirées des archives de Dresde, qu'il avait trouvé moyen de se procurer. « M e s s i e u r s , dit-il, ces » papiers vous prouveront le péril éminent qui » menace ma tète. Dans ces conjonctures, je » me dois à moi-même , je dois à mon hon» neur et à la sûrelé de mes états, de surprendre » l'Autriche et la S a x e , et d étouffer , dès sa nais» sance, leur abominable complot, avant que » les Alliés soient en mesure pour en seconder » l'exécution. Mes armes sont prêtes, et je ne « tarderai point a ordonner le départ des trou» p e s , au moment où il sera décidé quelle est » la manière la plus avantageuse d'ouvi'ir la » campagne. » L a correspondance diplomatique , trouvée dans les archives de Dresde , et les mesures au moyen desquelles on s'en était procuré la découverte importante , avaient été jusqu'à ce moment un secret impénétrable. L e roi, "VVinterfeldt et Maltzahn , en étaient seuls instruits. On jugera donc aisément de l'impression profonde que les dernières paroles du "roi firent sur le vieux F e l d - maréchal, et sur le général Retzovv. Ils ne purent cacher leur extrême surprise , et se regardant l'un l'autre j sans proférer une parole, les objections expiraient sur leurs lèvres. Enfin , après un silence de quelques minutes, le Comte de Schwerin prit la parole, et bien qu'il eût peine à concilier la résolution
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précipitée du r o i , avec les avantages incontestables d'un système plus pacifique , il ne douta plus que Winterfeldt ne fut l'organe des v é ritables sentimens de Frédéric. Entraîné par un mouvement irrésistible d'enthousiasme , il « s'écria : Puisque l'on v e u t , et puisqu'il faut la » g u e r r e , mettons-nous en marche dès demain ; » envahissons la S a x e , et formons nos magasins » dans ce fertile pays , pour assurer nos opé» rations ultérieures en Bohême. » Ainsi parla le héros blanchi dans les armes , et q u i , l'année suivante , fit à la patrie le généreux sacrifice de ses j o u r s , dans un moment critique. S'il est incontestable que le roi avait pris dèslors , la résolution de paraître c o m m e agresseur sur le théâtre de la guerre , il est également, prouvé que ce fut W i n t e r f e l d t q u i , dans les conjonctures critiques du m o m e n t , inspira ces dispositions au Monarque ^ et les nourrit dans son cœur. L a conférence à laquelle on appela les deux généraux sus-mentionnés ^ ne fut donc qu'un trait de fine politique, pour sonder l'opinion d'hommes habiles et expérimentés, sur un objet si propre à fixer l'attention du public. L'on ne s'étonnera pas , au reste , de cette influence si marquée de W i n t e r f e l d t , si l'on se rappelle qu'il f u t , de tous les généraux honorés de la confiance particulière de F r é d é r i c , celui qui la posséda au degré le plus cminent. Il avait servi D a
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conjuration ourdie contre son maître ; de l à , les dépenses qu'il prodiga pour cet o b j e t ; de là ses représentations continuelles sur la nécessité indispensable des mesures agressives , et son zèle à exagérer les préparatifs de guerre des Autrichiens , quelques insignifîans qu'ils fussent à cette époque. Il avait l'intime conviction , que rien ne pouvait résister aux armes de la Prusse , il se promettait de la guerre , les plus grands avantages, et pour l'état et pour sa propre gloire ; c'est pourquoi il mit tout en ceuvre pour fortifier le roi dans son dessein , et pour le décider à commencer les hostilités. Aussitôt qu'il ne resta plus aucun doute à "Winterfeldt, sur l'ouverture prochaine d e l à campagne , il partit pour les bains de Carlsbad. L e rétablissement de sa santé, fut le prétexte de ce v o y a g e , dont le véritable but était d'observer de plus près les préparatifs de guerre que l'on faisait en Autriche. Il profita aussi de cette occasion, pour a l l e r , sous m a i n , reconnaître les montagnes qui séparent la Saxe de la Bohême ; il étudia le terrein et les défilés, traça lui-même plusieurs desseins topographiques, et projeta des plans éventuels d'opérations. A son retour de Carlsbad, il alla voir, à titre d'ancienne connaissance , le général P i r c h , commandant de la forteresse de Kœnigstein. De la cîme élevée de ce r o c , il observa attentivement toute la. D 5
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contre'e qu'il domine. Il remarqua que la f o r teresse de Kœnigstein, à raison de son extrême élévation , ne peut contribuer en rien ou tout au plus très-faiblement, à la défense de l'Elbe qui coule à ses pieds ; mais il aperçut que l'on commençait à construire,sur les bords du fleuve, de nouveaux ouvrages qui auraient rendu la navigation de l'Elbe périlleuse et même imposs i b l e , si l'on avait laissé à la cour de Dresde le tems de les achever. De l à , il parcourut la contrée qui devint célèbre par le campement de l'armée saxonne , et pai-le sort qu'elle y éprouva ; il jeta sur toute cette contrée , sur Pirna et sur la forteresse voisine de Sonnenstein , le regard pénétrant d'un connaisseur. Après un voyage pénible, mais instructif, il revint à Potzdam, et fut enchanté de voir le roi disposé , en conséquence de son rapport, à ouvrir incessamment la campagne. Telle f u t , depuis la paix d'Aix-la-Chapelle , la marche singulière des évènemens qui concoururent d'abord à faire naître , puis à étouff e r , enfin à ressusciter la ligue mémorable j dont l'anéantissement de la monarchie prussienne était l'unique o b j e t , et tel fut l'homme dont le caractère contribua surtout, à hâter l'explosion de la guerre. Nous avons tâché de suivre le fil de ces évènemens, afin de mettre dans leur vrai jour , les causes qui ont produit cette
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guerre de sept ans , dont le souvenir ne s'effacera jamais. Quel que fût l'acharnement de la maison d'Autriche à presser l'exécution de son plan gigantesque , il fallu t au delà de dix a n s , pour mûrir ses projets. Le feu qui se c o m m u niqua bientôt à la moitié de l'Europe, aurait peut-être couvé longtems encore sous la c e n dre , si les vues ambitieuses d'un particulier , n'avaient prévenu les désirs du cabinet de Vienne ( i ). ( i ) O n sait à quel p o i n t , les p l u s p e t i t s i n t é r ê t s i n d i v i d u e l s des p a r t i e u l i e r s , i n f l u e n t s o u v e n t sur les p l u s g r a n d s é v è n e m e n s politiques. A i n s i , le désir i m p a t i e n t d e la g u e r r e , t e n a i t , chez W i n t e r f e d t , à la h a î n e p e r s o n n e l l e qu'il p o r t a i t à 1 i m p é r a t r i c e Elisabeth. Voici les c i r c o n s t a n c e s q u i y d o n n è r e n t lieu : l o r s q u e , p a r c o m p l a i s a n c e p o u r le czar P i e r r e I , le roi d e P r u s s e , F r é d é r i c - G u i l l a u m e I , e n v o y a q u e l q u e s sergens à P é t e r s b o u r g , p o u r d r e s s e r , a u x m a n œ u v r e s militaires , les Russes e n c o r e i n disciplinés , W i n t e r f e l d t f u t chargé de les y c o n d u i r e . Il fit, à c e t t e o c c a s i o n , la connaissance de m a d e m o i s e l l e d e M a l t z a h n , belle-fille d u F e l d - m a r é e h a l M u n i c h . C e t t e j e u n e demoiselle était a t t a c h é e à la c o u r de la princesse E l i s a b e t h , depuis i m p é r a t r i c e -, elle p a r t a g e a les s e n t i m e n s qu'elle inspirait à W i n t e r f e l d t , e t lui p r o m i t sa m a i n . Mais c o m m e elle p r é v o y a i t des oppositions de la p a r t de la p r i n c e s s e , et c o m m e W i n t e r f e l d t , de son c ô t é , n'osait c o n t r a c t e r d ' e n g a g e m e n s sans la p e r m i s s i o n d u r o i son m a î t r e , ils convinrent q u e m a d e m o i s e l l e d e M a l t z a h n i m a g i n e r a i t u n p r é t e x t e p o u r s'éloigner de la c o u r de la
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Princesse. Elle lui demanda u n congé de quelques mois ; •pour aller voir ses parens en Silésie. Elisabeth soupçonna sans doute de quoi il s'agissait. « Je suis presque p e r jj s u a d é e , d i t - e l l e , à mademoiselle de Maltzahn , q u e 33 vous ne reviendrez point. » Toutes les protestations de cette dernière , f u r e n t inutiles, et p o u r mettre sa sincérité à l'épreuve , la princesse lui dit : ce S'il est tellement sûr que vous reveniez , laissez-moi vos diamans » et vos bijoux , comme u n gage de votre retour. » A i n s i , bon g r é , m a l g r é , mademoiselle de Maltzahn se vit obligée de laisser entre les mains de la Princesse , des effets d a n t la valeur montait à plus de cent mille roubles. Lorsqu'elle eut épousé Winterfeldt , elle ne réussit jamais à les retirer , malgré toutes ses réclamations.
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Considérations politiques et militaires sur F investissement du camp saxon, près Pirna, sur la bataille de Lowositz , et sur la capitulation de Lilienstein , tri octobre 1756.
A . u moment où Frédéric se crut obligé à prendre les armes pour prévenir la ruine de sa monarchie, il concut aussitôt le projet d'envahir la Saxe. Il l'exécuta de même avec la rapidité de l'éclair. On mit tant de mystère, et même tant de mal-adresse, au jugement du public, dans les préparatifs de la c a m p a g n e , que les plus clair-voyans durent s'y tromper. A l'exception d'un seul employé qui travaillait, en qualité d'intendant de l ' a r m é e , sous les ordres du g é néral R e t z o w , personne n'avait la clef de l'én i g m e ; et les généraux de brigade n'apprirent que la veille du départ, de quel côté allait se diriger la marche de l'armée. Il n'y avait pas d'autre manière d'assurer le succès d'une entreprise de si grande importance. L a surprise fit plus que n'aurait pu faire le plan le plus habilement concerté. L'embarras où se trouvèrent
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les régimens saxons, encore dispersés dans leurs garnisons, fut extrême. Ils ne savaient de quel côté se tourner, et la consternation fut si g é n é r a l e , qu'à peine purent-ils atteindre le camp de P i r n a , qui devait être leur point de r a l l i e ment. T e l s qu'un torrent débordé , les P r u s siens fondirent, de Irois côtés, sur eux; laci'ainte de se voir coupés ne laissa pas aux Saxons le tems de songer à leurs bagages. A i n s i , dénués des provisions les plus nécessaires à leurs subsistances , ils gravirent les rocs escarpés qui devaient leur servir d'asîle. L e premier ministre , comte de B r u h l , qui ne soupçonnait pas un pareil désastre , n'y était rien moins que p r é p a r é ; il montra d o n c , dans toute sa c o n dui t e , la plus grande irrésolution. Ainsi fut décidé, dans moins de trois s e m a i n e s , le sort que l'on avait préparé dans les murs de P o t z d a m , à la S a x e , à son souverain et à sa cour. L a Saxe entière était au pouvoir de la Prusse, et son armée , qui n'était plus que de d i x - s e p t mille hommes , étroitement c e r née. L'Europe fut saisie d'une nouvelle , dont la certitude devança la probabilité.; mais , pour o p é r e r , en fait de surprises, des prodiges de ce g e n r e , il fallait un monarque tel que F r é déric , portant sur les objets le coup-d'œil étendu du g é n i e , concevant l u i - m ê m e ses p l a n s , les méditant avec profondeur, en ordonnant j u s -
C A M P A G N E D E iy5G. 5g qu'aux moindres détails, et les exécutant e n suite avec une infatigable célérité. En d'autres pays , où tout no se fait que par les ministres, des résolutions aussi rapides sont sans e x e m p l e , ou du moins la marche compassée des conférences ministérielles en retarde tellement l'exécution , qu'il suffit de l'entreprenante activité d'un seul ennemi pour la prévenir. Voilà ce qu'on a eu occasion d'observer eu A n g l e t e r r e , à l'époque de la guerre d'Amérique , et sous le ministère de lord Nortli. Dans un siècle d'une humeur aussi guérrière et aussi turbulente que l'est celle du n ô t r e , les monarques ne devraientils pas se montrer jaloux de c o m m a n d e r , ou venus plus fins qu'ils n'étaient; e t , croyez-m'en ( i ) J'ai eu o c c a s i o n de m e p r o c u r e r u n e r e l a t i o n m a n u s c r i t e de l ' a f f a i r e de L o w o s i t z , écrite de la m a i n d u R o i . E n p a r l a n t de la b r a v o u r e
q u e ses troupes
montrè-
r e n t e n c e t t e o c c a s i o n , il dit : Par ce tour de force, 1m ce que peuvent
mes troupes.
j'ai
L ' e x p r e s s i o n française q u ' i l
e m p l o i e , est c o n s a c r é e p o u r d é s i g n e r les tours e x t r a o r d i n a i r e s et s u r n a t u r e l s , en a p p a r e n c e , qui s u p p o s e n t , chez
ceux
q u i les
f o n t , a u t a n t de v i g u e u r , q u e d ' a -
dresse. L e Roi v e u t d o n c e x p r i m e r le p l u s haut d e g r é des forces humaines.
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DE
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» >i )> »
sur ma parole , si l'on négligeait de leur opposer une artillerie f o r m i d a b l e , on ne les battrait pas sans qu'il en coûtât la vie à un très-grand nombre d'hommes (i). » La retraite du général B r o w n sur l ' E g e r , influait décisivement sur le sort des Saxons , bloqués à Pirna. Aussi , quelle ne fut pas la consternation de la cour de Dresde, qui a t t e n dait avec tant d'impatience le moment où les Autrichiens pénétreraient à travers les défilés de HofTendorf et de Giesshiibel , pour r e n dre à la Saxe son souverain et son armée ! Des évènemens inattendus préparaient alors un dénouement bien différent de celui qu'on espérait. Au lieu de cette délivrance après laquelle tous les cœurs soupiraient, on n ' e m brassait plus qu'une ombre d'espoir fugitive et trompeuse. L'état de l'armée Saxonne empirait d'un jour à l'autre. L e s faibles provisions ( i ) Frappé de cette idée , et confirmé dans son opinion , par la nombrense artillerie des Autrichiens , dans cette occasion , Frédéric augmenta la sienne, dès la campagne suivante. Il n'y a cependant aucune comparaison à faire entre cette augmentation et le train d'artillerie qui accompagna l'armée, en 1 7 7 8 . Pour prouver ce que j'avance , j'observerai , qu'en 1 7 5 6 , il ne fallut que mille sept cents chevaux pour les transports d'artillerie qui partirent de M a g d e b o u r g , et qu'il en fallut quatre mille en 1 - 7 8 .
qu'on
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qu'on avait pu f a i r e , dans une c o n ! r é e t r è s inçratc, étaient c o n s u m é e s , et le soldat aflàmrné, se trouvait réduit à une d e m i - p o r t i o n de pain. Q u e l q u e s restes misérables de troupeaux p a i s saient encore sur les r i v e s de la J o t l l e u b e , petit r u i s s e a u , c o u l a n t au p i e d de la chaîne de mont a g n e s , sur la c i m e d e laquelle le c a m p éîait situé ; mais on les tenait en réserve pour la table d u R o i . Il était d é f e n d u , sous peine de m o r t , de c o m m e t t r e le m o i n d r e larcin dans ces pâtur a g e s ; et l o r s q u e , de tems en l e m s ^ o n faisait q u e l q u e légère distribution de viande dans le c a m p , les parts étaient si petites , qu'on les r e g a r d a i t , m o i n s c o m m e des alimens, que c o m m e des délicatesses. L e s boissons spiri tueuses manq u a i e n t a b s o l u m e n t ; l'eau potable m ê m e devint enfin aussi r a r e que toutes les autres provisions. C e l l e s que q u e l q u e s paysans introduisaient quelq u e f o i s dans le c a m p , au péril de leur v i e , et g r a v i s s a n t , a v e c l e u r c h a r g e , les sentiers les plus é c a r t é s , étaient d'une effroyable cherté. D é j à l'on avait été o b l i g é de r e c o u r i r à u n e m e s u r e c r u e l l e , e n é g o r g e a n t la plus g r a n d e partie des c h e v a u x de trait qu'on avait enlevés p o u r le transport de l'artillerie et des b a g a g e s . O n n'avait q u e de la paille à donner aux c h e v a u x de c a v a l e r i e ; souvent on les v o y a i t b r o û t e r a v e c avidité q u e l q u e s b r i n s d'herbe q u i c r o i s saient entre les fentes des rochers. O n n e les
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m e n a i t , qu'une fois le j o u r , à l'abreuvoir, parce que ces pauvres bêtes aiïammées a/aient peine à gagner l F . l b e , par les sentiers droits qui y conduisaient; en un mot le mal était à son comble. Autant il surpasse toutes les descriptions que je pourrais en f a i r e , autant inon cœur se refuse à contempler longtem; une scène aussi désastreuse. J'en détourne donc tristement les regards , pour rapporter encore quelques détails peu connus concernant cette grande catastrophe. O n imagine aisément l'impression douloureuse que firent sur les Saxons les salv;s r e doublées des Prussiens pour célébrer la vetoire de Lowositz. Je ne me souviens pas d'av»ir j a mais vu de réjouissances militaires de ce j e n r e , célébrées avec plus d'appareil. O n sétudia vraiment à revêtir ce spectacle impos;nt de tout ce qui pouvait ajouter à la douleu" et à l'effroi des infortunés Saxons. L e s diveri corps qui formaient le b l o c u s , se rangèrent en ordre de bataille sur le terrein montueux qui b o r d e l'une et l'autre rive de l'Elbe ; les vallées, les villages, les forêts et les g o u f r e s , qui sép;raient les anneaux de cette grande chaîne, ajoitaient a la beauté de la décox'ation, et les échos l'aleiitour répétaient, à grand b r u i t , les nombreuses décharges. Ce jour de fête fut, sans doute, in jour t i e n lugubre pour le l'oi de Pologne et peur son
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ministre. Le chagrin n'avait fait jusqu'alors qu'effleurer légèrement l a m e du R o i ; pour la première fois il sentit vivement les dangers de sa position. Brùhl n'ignorait pas combien il serait maintenant facile de forcer les troupes aiFammées à se r e n d r e , et de perpétuelles i r r é solutions agitaient son cœur. 11 est à supposer que le Prince et le Minisire ne songeaient qu'aux moyens de se soustraire à une honteuse captivité , fallût-il tout sacrifier à leur sûre le' p e r sonnelle ; tandis que le comte Rutowsky et l'armée, pour prix de leur incorruptible fidélité, se voyaient réduits à gémir de l'obstination de la c o u r , et des suites désastreuses qui en résultaient. Chacun appréciait différemment le sort qui l'attendait dans l'avenir, selon qu'il était naturellement plus enclin à l'espoir et à la crainte. Cependant la crainte prédominait g é n é r a l e m e n t , lorsque la reine de Pologne trouva moyen d'engager le feld - maréchal Brown à hasarder encore , pour la délivrance des Saxons, une nouvelle tentative sur la rive droite de l'Elbe. L'espérance a beau nous décevoir, à peine çetle enchanteresse revient-elle sourire à nos vœux , tfue nous l'accueillons avec transport. L e bon roi Auguste et son favori furent dupes de cette illusion si naturelle à l'homme. À peina recurent-ils la nouvelle de la marche des A u F 2
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trichiens sur Fcliandau,quaussilôt leur courage, presque é t e i n t , se r a n i m a . L ' o r g u e i l l e u x e;poir d'échapper à la v i g i l a n c e des ennemis , H d e r e c o u v r e r enfin la l i b e r t é , au lieu de tomber au pouvoir du roi de P r u s s e , acquit un tel degré de vivacité dans leur esprit, qu'ils fermèrent la résolution de passer l'Elbe, de forcer , à m a i n a r m é e , quelqu'un des postes prussiers, ei d'aller se jeter entre les bras de leurs alliés. Quelque facile que l'entreprise parût à ceux qui en avaient dressé le plan , le succès s e n b l a infiniment douteux aux Généraux saxons. R u towslu , avait assez d'expérience et de connaissance du t e r r e i n , pour prouver démonstrativement l'impossibilité de l'exécution. 11 soutenait « que tout le mônde connaissant , dans » l ' a r m é e , les avantages et les inconvénieis d u » poste d e P i r n a , selon les o c c u r r e n c e s , tout » le monde serait aussi forcé d'avouer p e , » dans la conjoncture présente, il serait i n f i » n i m e n t désavantageux , et peut-être n è m e « impossible d'en sortir. 11 n'est p a s , sans doute, » i m p o s s i b l e , d i s a i t - i l , de construire un pont » au pied du Kônigstein , mais que l'on simge » à la difficulté des chemins qui conduisait à » l'Elbe, et au tems qu'il faudra pour traverser m le fleuve sur un seul pont. Sera-t-il facih en» suite de transporter l'artillerie sur la cîm; des » rocs escarpés, (jui bordent la rive oppesée ?
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)> Le local resserré de la plaine, dite Ebenheity » ne meltra-t-il pas aux opérations d'insurmoa» tables obstacles ? Compte-t-on pour rien la » force des retrarichemens et des abattis prus>1 siens , et ces défilés étroits , où un seul batail)) Ion, avec quelques canons, suffira pour ar» rèier toute une armée? Ou plutôt s e r a - t - i l » possible de triompher de tant d'obstacles réu» nis, en supposant même qu'il y ait encore une » ombre d'espoir de parvenir à en surmonter » quelques-uns? Si l'on avait eu dessein de » hasarder une aussi téméraire entreprise, il » faliait. au moins s'y résoudre à l'époque où le « courage et les forces du soldat n'étaient pas » entièrement épuisées, et choisir des chemins » moins périlleux que cenx à travers lesquels •» on veut conduire maintenant, avec tout son » bagage, une armée totalement affaiblie. Au » milieu de tant de difficultés et de périls , m quelle activité peut-on raisonnablement se » promettre de troupes affammées, et d'une ca)i valerie si mal montée? Est-ce surtout le mo» ment d'espérer le succès du projet le plus » hasardeux ? » Malgré la force de ces objections , qui trahissaient un juge compétent., l'on ne renonça point au parti que l'on avait pris, et les décisions de la cour l'emportèrent sur les solides observations d'un guerrier expérimenté. On persévéra même, avec plus d'obstination que F 3
$6 GUERRE DE SEPT ANS. jamais , dans le dessein qu'on avait formé,lorsqu'on apprit plus de détails, relativement à la marche du feld - maréchal Brown sur l i c h l e n h a y n , près Schandau. Il enli'ait dans les préparatifs dont on s'iccup a i t , pour l'exécution du nouveau plan , Remployer ^ à la construction du pont, les bateaux servant à la navigation de l'Elbe, qui se Trouvaient près Pirna. Il s'agissait seulement de leur faire remonter l'Elbe , après les avoir clargé de tous les ustensiles nécessaires à la eonsruction d'un pont de bateaux, et d'échapper à la vigilance de trois postes prussiens. Pour faire tète à ces derniers , on planta, vis-à-vis d';ux , plusieurs pièces de campagne; on choisit, pour faire avancer les bateaux ^ la nuit du 8 au g octobre. Cette nuit était extrêmement obscure ; cependant le bruit des rames réveilla l'alteition des Prussiens; et il y eut, près W a h l s t à d t . une canonnade si vive , que les bateliers , épouvantés, abandonnèrent les bateaux au couiant, ne songeant qu'à sauver leur vie. Ce contreferas r e t a r d a , de deux j o u r s , le départ de l'aimée. 11 fallut transporter, avec de grands efï'oits et beaucoup de danger , au bord du fleuve, les pontons, au lieu de bateaux. Enfin, ce fat le u , au soir, que toute l'armée sortit du c ; m p , et g a g n a , non sans beaucoup de difficulté, la rive opposée. La queue et les bagages de lVniée
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furent moins heureux ; les Prussiens les atteignirent et leur coupèrent le passage. Les S a x o n s , effrayés , rompirent le pont, et prirent quelques momens de repos dans la plaine, nommée Ebenheit, auprès du Lilienstein , attendant le signal de l'attaque, dont on était convenu avec le feld-niaréchal BroAvti. L'attente de ce dernier n'était pas moins impatiente. Dès le 1 1 , il était a r r i v é , selon sa promesse , près Lichtenhayn ; et, si l'on s'en rapporte au général W a r n e r y ( i ) , il aurait pu trèsaisérnent f o r c e r , à cette époque, le poste prussien de Scliandau, et se rapprocher des Saxons. Ce poste n'était occupé que par un très-petit détachement, aux ordres du général Meyerinck ; celui-ci, qui s'entendait supérieurement à tous les petits détails de la discipline et de la tenue, n'avait aucun des talens dont la réunion forme les bons capitaines. A l'approche des ennemis, il perdit la tête , au point de faire des fautes que les officiers qui commandaient sous ses o r dres eurent beaucoup de peine à réparer , pour prévenir les avantages qu'il donnait imprudemment à l'ennemi. Heureusement pourMeyerinclv, des circonstances favorables le mirent, pour le moment , à l'abri d'une attaque. L e s Saxons (1) Campagnes de Frédéric I I , roi de Prusse. T o m I, pag. 34 et suiv.
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n'étaient pas arrivés au jour dont on était convenu. B r o w n apprit cjue les Généraux prussiens, attentifs au moindre mouvement de ces d e r n i e r s , avaient renforcé le poste de Schandau, et pourvu la défense des a b a t t i s , au p i e i du Lihenstcin. N'ayant qu'un corps de six mille hommes pour cette expédition et le terreir. sur lequel il fallait m a n œ u v r e r , étant fort c o i p é , il se vit obligé de songer moius à l'attaque qu'à sa propre sûreté. Quelque célérité que les Généraux prus.'iens eussent mis à prévenir l'évasion des Saxons, ces mesures ne purent cependant être exécutées que le l e n J e m a i n du jour où c e u x - c i avaienl «vacué le camp de Pirna. De p l u s , le g r a n d d é tour qu'il fallait faire , et la difficulté de trav e r s e r le passage étroit du 7-icgenriiclteii. ne permirent aux renforts d'arriver que le s ) i r , fort tard, aux points qui leur avaient été a s signés. Il est vrai qu'on avait fait occuper , ¡ans le moindre d é l a i , l ' a b a t t i s , au pied du L i l c n stein , qui séparait la Ebenheil (rendez-vousd^s S a x o n s ) , du chemin conduisant à Walterscbrf. Forcade y fut envoyé à la tète de trois bataillons ; m a i s cet abattis n'était rien moins q u ' i m p é i é trable ; et il aurait été facile aux Saxons d e forcer ce poste, s'il ne leur avait fallu du tmis pour reprendre haleine , et s'ils n'avaient été obligés d'attendre le signal convenu pour l i t -
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laque. Mais tout espoir de délivrance devint chimérique, et les ressources même du désespoir furent enlevées aux Saxons, du moment où le général Retzow vint renforcer Forcade avec trois bataillons , où Leslwitz amena des renforts au corps de Schandau, et où le général "VVinterfeldt occupa le poste de W a l t e r s d o r f , avec une nombreuse infanterie et une batterie de vingt canons. Néanmoins le roi de Pologne, qui s'était retiré au Konigslein avec son ministre, fit ordonner au général Rutowsliy d'attaquer au m o ment où il en recevrait le signal. Celui - ci , convaincu de l'impossibilité absolue du succès, répondit : « qu'il ne voulait point se charger » seul de la responsabilité de l'attaque. L'en» nemi qui nous cerne, a jouta-1-il, a concentré » ici toutes ses forces; l'abattis vient d'être tel» lement renforcé la nuit dernière ( i ) , que je ne (1) C e l l e assertion était dénuée de f o n d e m e n t , mais un singulier incident occasionna l'trreur du Géuéral saxon. Le général Forcade . auquel la défense de l'abattis était confiée, avait défendu, sous des peines sévères,sans qu'on puisse trop expliquer p o u r q u o i , d'alumer du f e u , bien que la saison fût avancée et le froid très-vif dans cette contrée montueuse. Le général Retzow arrivant au commencement de la n u i t , avec sa brigade , ordonna qu'on alumât du feu pour l u i . Forcade le fit instruire de la défense qu'il avait publiée ; Retzow qui n'en pouvait dé-
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» puis nie résoudre à sacrifier , en pure perle , » la vie de tant de braves gens. L e comte Brühl n a le rang de général dans l ' a r m é e , qu'il « vienne se mettre lui-même à sa t ê t e , je p r o » mets d'être infailliblement le premier à le » suivre. » Brühl ne jugea point à propos d'accepter ce défi; il était bien plus prudent, s e lon l u i , d'attendre tranquillement au K ö n i g s tein l'issue des évènemens, que d'aller exposer au champ de l'honneur , dans la E b e n h e i t , une vie toute consacrée aux jouissances efféminées de la mollesse. 11 ordonna donc qu'on donnât les signaux convenus. Mais quelle ne fut pas sa surprise, quand il apprit qu'on n'y avait pas répondu, parce que Brown , ennuyé de tant de délais, venait de se retirer ! Dès-lors , plus d'espoir de délivrance pour mêler
le b u t , répondit : « qu'il espérait
qu'après
une
3> marche aussi pénible, on lui permettrait au moins de se 3) chauffer , d'autant plus qu'il ne voyait absolument point 33 c o m m e n t des
feux alumés
pouvaient
se trouver
en
3) contradiction a v e c le but pour lequel ils étaient envoyés 33 l'un et l'autre. » E n attendant, on avait a l u m é d é j a différons f e u x , et cet exemple trouva tant d'imitateurs que durant la nuit entière, lu forêt retentit d u b r u i t des haches. L e comte Rutowsky est convenu depuis, en ma présence, que cette grande coupe de bois l'avait conduit à c r o i r e , qu'on avait passé la nuit à renforcer l'abattis. Cette a n e c dote prouve à quel point les plus petites
circonstance»
peuvent influer sur les évènemens de la guerre,
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les Saxons. Cernes de toutes parts, teurmentés ¿"une faim dévorante , abandonnés de leurs a m i s , ils essayèrent encore de sauver l e u r l i b e r t é , au moyen d'une capitulation. L e comte Rutows^y dépêcha un officier au général W i n terfeldt ; celui-ci l'assura qu'il n'était point autorisé par son maître à capituler. Il le conduisit dans tous les postes dont l'enchaînement f o r mait le blocus de l'armée Saxonne ; il lui montra toutes les positions qu'on avait prises , et le renv o y a en lui disant : « Vous avez vu mainte» nant tout le détail de ma position ; allez-en faire la description la plus exacte au C o m t e , » et d i t e s - l u i que je lui abandonne de juger , jj en conséquence , s'il croit pouvoir nous » échapper. » Cette réponse digne de la fierté romaine , et le malheur de l'armée croissant, d'heure en heure, décidèrent R u t o w s t y à accepter toutes les conditions qu'on lui imposa , malgré l'amertume de la plupart des réponses que l'on fit aux articles de la capitulation qu'il proposa. L e s conditions, sous lesquelles l'armée S a xonne se rendit sont connues; et telle fut la cruelle catastrophe qui termina ses malheurs. Elle subsistait sur un pied honorable , depuis l'époque où les souverains de l'Europe se virent obliges d'avoir constamment des armées sur pied. Forte souvent de 40,000 hommes, elle avait élé recherchée alternativement par Charles Y 1 I
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et p a r M a r i e - T h é r è s e , el avait d o n n é , en toule occasion , des preuves de sa bravoure. Ce n'était q u e depuis le ministère de Briilil qu'elle avait été r é d u i t e à i y o o o h o m m e s , p e u considérée et mal payée. M a l g r é cela, elle s u p p o r t a , au c a m p de P i r n a , la disette et les r e vers les plus accablans , d a n s l'espoir de s i g n a l e r son zèle p o u r la p a t r i e , p a r de n o u v e a u x services , après avoir recouvré la liberté ; mais , p o u r prix de sa constance et de sa fidélité , elle ne recueillit q u e la c a p t i v i t é , et l'obligation de s'engager au service d u roi de Prusse par un serment forcé. Aussi l i s a i t - o n , sur tous les visages, l'expression de la honte et du d é p i t , lorsque les r é g i m e n s défilèrent de la E b e n h e i t , p o u r m e t t r e bas les a r m e s près du poste p r u s sien. N é a n m o i n s on ne les entendit pas m u r m u r e r , parce que telle était la t e n e u r de la capitulation. O n voyait quelques individus livrés aux convulsions intérieures d'une r a g e , q u e l'obligation de céder à la f o r c e , en p r ê t a n t u n s e r m e n t a b h o r r é , pouvait seule c o m p r i m e r . L e s Prussiens ne p u r e n t s'empêcher de c o m p â t i r a u sort des vaincus. J ' a i été témoin oculaire d e l'attendrissement avec lequel les simples soldats et plusieurs officiers de tous les rangs t é m o i gnaient à ces braves gens l'intérêt qu'ils p r e n a i e n t à l e u r triste sort , en qualité d ' h o m m e s , d e voisins et de sectateurs de la m ê m e religion.
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L'honneur est le plus puissant ressort de toutes les affections du guerrier qui connaît les obligations que son état lui impose. Le point de v u e , sousJequel il s'envisage lui-même, le porte à rendre hommage à son état, dans la p e r sonne même de son ennemi. Quand la fortune l u i prodigue ses faveurs passagères, il n'aband o n n e point son âme aux mouvemens d'un o r gueil insensé ; mais , par un sage retour sur soi même , il prend une pari sincère aux malheurs et aux humiliations des vaincus. En c o m parant ce que je viens de dire des dispositions que les Prussiens manifestèrent envers les S a xons , à ce que M. de Archenholz (i) rapporte de celles des Autrichiens , à l'égard de leurs alliés, un observateur philosophe en tirera des résultats intéressans sur le caractère des deux nations. Il ne sera pas embarrassé de décider chez laquelle des deux prédomine ou la magnanimité , ou l'orgueil. On , a reproché au roi de Prusse d'avoir obligé les régiméns Saxons^ qu'il devait envisager c o m me prisonniers de guerre, en vertu de la capitulation , à servir sous ses drapeaux ; et surtout on regarde comme un trait de mal-adresse politique, la résolution qu'il prit d'en former (i) Histoire de la guerre (le sept ans, tora. I , p. 38 ( d» l'original publié en langue allemande. )
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des régimens tout composés de naturels du pays subjugué. Quant à la première de ces o b jections, il est vrai que les Saxons étaient prisonniers de g u e r r e , et qu'en cette qualité, les principes du droit des gens n'autorisaient point à les forcer de servir dans l'armée Prussienne. Mais on sera porté à juger le roi de Prusse avec moins de rigueur , si l'on veut bien se mettre un moment à sa place. En traitant les Saxons comme prisonniers de g u e r r e , il fallait leur laisser leur solde, et les renfermer dans des places fortes; ce qui eût été infiniment onéreux , parce qu'il n'était point à présumer que le roi de Pologne put jamais les échanger , attendu qu'il n'avait point de prisonniers de guerre prussiens en sa puissance. L a paie des simples soldats seuls, car 011 avait relâché les officiers, aurait coûté annuellement, à la Prusse, au delà d'un demi - m i l l i o n , somme qui eût véritablement été prodiguée en pure perte. L e R o i ne pouvait se résoudre à un sacrifice qu'il aurait fallu s'imposer , d'après toutes les v r a i semblances, pour tout le tems .que la guerre durerait, il se v o y a i t , au contraire, obligé de profiter habilement de toutes les conjonctures un peu favorables, pour se mettre en état de résister à ses formidables ennemis. Or , c'était un avantage très-réel, de renforcer son armée d'une si grande multitude de soldais bien dis-
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ciplinés, sans avoir besoin de dépeupler ses provinces. P e u t - ê t r e aussi se r a p p e l a - 1 - i l la .maxime généralement a d o p t é e , et déjà ancienn e m e n t proclamée , par u n c o n s u l , dans le Sénat de R o m e : qu'il faut nourrir la guerre parla guerre. En conséquence de cette m a x i m e , il crut retirer, de la solde qu'il paya aux Saxons v a i n c u s , plus d'avantages qu'elle ne lui en proc u r a effectivement. Quant à la m a l - adresse politique dont on l'accuse , il y aurait assurément eu plus d e p r u d e n c e à répartir l'infanterie Saxonne dans toute l'armée Prussienne , c o m m e on le fit p a r r a p p o r t à la cavalerie. C'était aussi l'idée d u R o i ; niais le prince Maurice d ' A n h a l t - Dessau lui représenta : « que les soldats saxons, j u s » qu'ici si peu considérés et plus mal payés » encore , dépouilleraient plus aisément les » affections qui les attachaient à leur p a t r i e , » et se m o n t r e r a i e n t d o u b l e m e n t disposés à » servir le roi de P r u s s e , qui professait c o m m e )> eux la religion p r o t e s t a n t e , si on les réunis» sait en corps de troupes d'origine s a x o n n e , » au lieu de les répartir dans les divers r é g i » mens Prussiens. » Soit que F r é d é r i c fût flatté de cette o b s e r v a t i o n , soit qu'il l'appuyât de sa maxime favorite : « que tout h o m m e , obligé » de porter les a r m e s , doit être plus fier de » les porter dans l'armée Prussienne que dans
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» toute autre ; » il résolut, contre l'avis du général W i n t e r f e l d t , de former dix régimens d'infanterie, uniquement composés de S a x o n s , en leur donnant des chefs et des officiers prussiens. Peut-être aurait-il mieux atteint son but si,dans la suite, les Saxons n'avaient été soulevés et entraînés à la désertion par les menées de la cour de Dresde. On les vit m ê m e , dans plusieurs affaires, passer du côté de l ' e n n e m i , et prouver ainsi l'attachement qu'ils conservaient pour leur patrie.
CHAPITRE
CAMPAGNE
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III.
Coup-d'ccil sur l'impression que les mesureç vigoureuses de Frédéric II firent dans la cabinets des puissances coalisées.
A peine la renommée eût-elle répandu la nouvelle de l'ouverture si brusque de la campagne, de l'invasion de la Saxe, et du sort que son armée venait d'éprouver, qu'on vit se 1 assembler, de tous côtés, les sombres nuages qui annonçaient à la Prusse un orage foudroyant. Il s'étendit sur la plus grande partie de l'Allemagne , et y laissa des traces affligeantes de sa fureur. La cour de Dresde avait éprouvé trop d'humiliations, pour que les autres Puissances de l'Europe y demeurassent indifférentes ; et Marie-Thérèse ne pouvait cacher le ressentiment qu'elle éprouvait de voir tous ses vastes plans déjoués par la subite explosion de la guerre. La Saxe et l'Autriche se réunirent donc pour solliciter le prompt secours des Alliés, et pour susciter, à force d'intrigues, de nouveaux ennemis au roi de Prusse. Les lamentations de la Dauphine, fille de l'inTome /. ' G
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fortuné roi de Pologne , l'influence de Mme. de Pompadour, et les conseils du vieux maréchal de Bellisle, dont l'ambition se repaissait sans cesse de vastes projets; tels furent les ressorts que l'on fit jouer, pour porter la France à ne pass'en tenir strictement aux engageniens qu'elle avait contractés avec l'Autriche, par le traité de Versailles. La Russie promit aussi des secours, dont on fut à la vérité moins redevable au traité de Pétersbourg, qu'à la haîne personnelle d'Elisabeth pour Frédéric. Le Sénat de Suède , vendu à la France, promit d'entrer dans la ligue qui se formait, et François l , en sa qualité d'empereur et de chef de la confédération germanique, somma tous les Princes allemands de prendre les armes sans délai, pour secourir la Saxe. La cour de Vienne employa même, pour séduire les esprits faibles , les ressources les plus usées de sa politique; elle accusa le roi de Prusse de n'avoir entrepris la guerre que pbur la destruction du Catholicisme. On a peine à comprendre, de nos jours, que l'on ait pu réussir alors à donner cours à cette monnaie décriée du Fanatisme. Il paraît incroyable que l'on ait osé noircir, comme oppresseur de la dbetriné Apostolique et Romaine, le prince le plus tolérant de solu siècle , un prince assez éclairé lui - même , pour respecter chez autrui la sainte liberté de eohscience, et qui déclarait
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ouvertement : que dans ses états il était permis à tout homme de croire et de professer telle opinion qu'il jugeait à - p r o p o s , pourvu qu'il remplit fidellemenl les devoirs d'un bon citoyen. C e p e n d a n t , à l'époque où la guerre de sept ans éclata en A l l e m a g n e , on n'avait pas tort de se flatter que de pareilles insinuations e n f l a m m e r a i e n t , dans l'Empire, le zèle aveugle de p l u sieurs Princes catholiques. Marie-Thérèse ellem ê m e , princesse spirituelle, mais extrêmement L i g o t e , cédant à l'influence des directeurs de conscience , permit qu'on insérât de pareilles absurdités dans ses manifestes. Joseph I I , ce hardi réformateur, n'avait point encore étouffé en Autriche , l'hydre du fanatisme. L e s accusations intentées contre Frédéric , à la diète de l ' E m p i r e , et la conduite de l'Empereur et du cabinet de Vienne , fournirent matière a b o n dante à ses plaisanteries; il ne put empêcher cependant l'Empire de se croire intéressé à sa querelle particulière avec Marie-Thérèse. O n invita aussi les Provinces-unies et la r é p u blique de P o l o g n e , à fortifier la ligue de leur alliance; mais elles déclarèrent qu'elles avaient résolu de ne prendre aucune part aux troubles actuels de l'Europe. L a Hollande aurait cru trouver moins son compte à courir les hasards d e la g u e r r e , qu'à en tirer parti pour animer son c o m m e r c e , en p o u r v o y a n t , sous ombre G a
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de n e u t r a l i t é , aux besoins des puissances belligérantes. E t c'est ainsi que les Etats, qui préfèrent l'argent à la gloire m i l i t a i r e , s'enrichissent toujours , en pareil cas , aux dépens de leurs voisins , qu'ils laissent tranquillement s'entr'égorger et s'affaiblir mutuellement. M a l g r é l'ardeur avec laquelle les cours de V i e n n e et de Dresde pressaient ces négociations, le succès n'en fut pas aussi prompt qu'elh s l'auraient désiré. L a pénurie des finances r a lentissait l'armement de la Russie. M a r i e - T h é rèse fit payer deux millions d ecus à Elisabeth ; mais cette s o m m e , dont Louis X V avait fait l'avance , n'était rien moins que suffisante. D'ailleurs le roi de Prusse avait acheté , ou s'était assuré , à haut prix , toutes les provisions de bled qu'il put trouver dans les magasins de Pologne ; et la république , ayant jusqu'alors refusé le passage aux armées des Puissances belligérantes, tons ces divers obstacles ne pouvaient que retarder la marche de l'armée Russe. L a F r a n c e se montra beaucoup plus disposée à seconder les vues des ennemis du roi de Prusse. D'un c ô t é , Louis X V voulait se venger d.e la guerre maritime que l'Angleterre lui avait suscitée. 11 croyait parvenir à son b u t , en f a i sant pénétrer une armée en A l l e m a g n e , pour conquérir l'électorat d'Hanovre. L'Autriche profitait de son ascendant absolu sur le cabinet de
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V e r s a i l l e s , pour décider le Roi à celte mesure. Elle étaitpuissamment intéressée à voir la France transporter, sur le continent, le théâtre de la guerre , et la conquête de l'électorat d'Hanovre par les Français , lui offrait la perspective d'une diversion inquiétante pour le roi de Prusse. D'ailleurs, on crut en France qu'il fallait se hàtar de profiter des embarras que les factions opposées du Parlement suscitaient aux ministres. On supposait que l'acharnement des deux partis mettrait des entraves aux opérations sur m e r , et que la Nation anglaise en profiterait volontiers , pour refuser au Roi les subsides dont il avait besoin pour la défense de ses états en Allemagne. Le roi de Prusse avait aussi indisposé le cabinet de Versailles, en refusant de renouveler l'alliance , et l'on fut très - enclin à regarder l'invasion de la Saxe comme une violation du traité de W e s t p h a l i e j garanti par la France. Mais bien que l'on a n nonçât pompeusement le pi'Ochain départ de deux armées puissantes, prêtes à s'avancer sur les bords du R h i n , l'on n'était rien moins que préparé à exécuter promptement ces menaces ; la marche et l'entretien d'une armée française en Allemagne exigeant beaucoup de tems, et des mesures très-compliquées de prudence. Le rassemblement des contingens de l'Empire , et l'arrivée des troupes Suédoises que les G :>
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Alliés avaient prises à leur solde , ne r e n c o n traient pas moins d'obstacles. L'arrne'e formée par les c o n t i n g e n s , et à laquelle on donna le n o m d'armée d'exécution de l ' E m p i r e , s'organisait avec une lenteur prodigieuse. Il fallait former une caisse pour subvenir aux frais des opérations militaires de l ' E m p i r e , fixer les cont i n g e n s , choisir un général pour les c o m m a n der , triompher enfin des oppositions et des résistances de plusieurs Princes de l'Empire. On sait d'ailleurs combien la marche des affaires est lente à Ratisbonne. L a Suède aussi n'était rien moins que préparée à la guerre. L e parti de la cour ne négligeait rien pour traverser les délibérations du S é n a t , et le paiement des subsides se ressentait de l'épuisement des finances françaises. Ainsi la maison d'Autriche se trouvait réduite à ses propres forces, pour vider son grand procès avec la Prusse. F r é d é r i c , au c o n t r a i r e , profita, avec autant d'activité que de p r u d e n c e , du tems précieux que lui laissa l'éloignement des alliés de 11mpératrice-reine. On faisait de tout c ô t é , pour la ruine de sa m o n a r c h i e , des préparatifs v r a i ment gigantesques , et les secours qu'il attendait du ministre d'Hanovre , étaient infiniment précaires. Il pouvait calculer que tôt ou tard cinq cent mille hommes se r é u n i r a i e n t , pour , tous, fondre sur ses Etats. En faisant jouer tous les
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ressorts de sa puissance, il n'avait tout au plus que deux cent mille hommes à leur opposer. Sa situation eût été la plus critique qu'il soit possible d'imaginer, s'il n'avait trouvé, dans son expérience, dans ses talens, dans son courage et dans son incomparable armée, des ressources inépuisables contre des ennemis , dont les forces étaient presqu'en raison triplée des siennes.
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IV.
Sur la campagne en Bohême , jusqu'à la bataille de Prague, livrée le G mai iySv.
L e coup-d'œil rapide que nous venons de jeter sur la situation des Puissances coalisées, au commencement de l'année 1 7 5 7 , nous a convaincu qu'elles étaient encore, à cette é p o q u e , hors d'état de remplir leurs engagemens envers Marie-Thérèse, qui se trouvait ainsi abandonnée à ses propres forces. Il importait infiniment au roi de Prusse de profiter d'une conjoncture si favorable , pour attaquer et pour battre les Autrichiens, avant que l'intervention des Alliés l'empêchât de frapper , sans délai quelque G 4
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coup décisif. Il savait que la R u s s i e , aussi bien que la F r a n c e , ne pourraient prendre une part active à la g u e r r e , que vers la moitié de l'été. Il comptait sur l'armée que le feld - maréchal L e h w a l d commandait en P r u s s e , pour arrêter les troupes d'Elisabeth. Il espérait que le duc de C u m b e r l a n d , chargé de défendre l'éleclorat d ' H a n o v r e , avec une armée composée des troupes de plusieurs Princes allemands, signalerait , dans cette o c c a s i o n , la même valeur et les grands talens qu'il avait montrés à Culloden en 1745. Dans cette double supposition, il conçut un plan d'opérations ( 1 ) qui aurait promptcrnent ( j ) J e f u s c h a r g é d e t r a d u i r e ce p l a n d ' o p é r a t i o n s e n l a n g u e f r a n ç a i s e , p o u r l'instruction d u f e l d - m a r é c h a l K e i t h q u i n ' e n t e n d a i t p a s l'allemand. E n voici la t e n e u r e x a c t e , q u i se r é d u i s a i t à t r o i s chefs p r i n c i p a u x . 1. T o u s l e s r é g i m e n s cantonnés en Silésie et en S a x e . e n t r e n t le m ê m e j o u r en Bohême sur q u a t r e colonnes et cherchent à c o u p e r ou à r e p o u s s e r vers P r a g u e , les c o r p s A u t r i c h i e n s e n c o r e d i s p e r s é s . 2 . L e 4 m a i , toute l'armée se r a s s e m b l e p r è s P r a g u e ; si l'ennemi tient f e r m e , on l ' a t t a q u e et on le b a t . 3 . I m m é d i a t e m e n t a p r è s la prise d e P r a g u e , le feld-maréchal S c h w r i n p é n è t r e en Moravie a v e c la p l u s g r a n d e p a r t i e d e l ' a r m é e , et p o u r s u i t l'ennemi d a n s les é t a t s héréditaires d'Autriche. L e R o i c o u r t , à la tête d e 40,000 h o m m e s , a u secours des A l l i é s , et le g é n é r a l R e t z o w est c h a r g é , en c o n s é q u e n c e , d e faire, p r o v i s o i r e m e n t t o u s les a r r a n g e m e n s nécessaires p o u r la s u b s i s t a n c e d » ça corps d ' a r m é e .
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terminé la guerre , ou du moins jete' ses ennemis dans le plus cruel embarras, si l'on avait pu réussir à l'exécuter iidellement en tous points. Les alliés de la maison d'Autriche n'auraient p e u t - ê t r e pas eu le tems de figurer sur le théâtre de la g u e r r e ; e l l e - m ê m e aurait sans doute été forcée de prêter l'oreille à des p r o positions pacifiques; ainsi les projets de la f a meuse ligue eussent été déconcertés , et l'on eût épargné, à plusieurs nations, les calamités d'une guerre sanglante. Mais la providence semble se plaire quelquefois à déjouer les projets des humains. Au milieu de la navigation même la plus heureuse , il ne faut qu'un seul coup de vent pour déranger la course d'un n a v i r e , et pour mettre soudain , le pilote même le plus habile, aux prises avec la tempête qui vient soulever les flots de la mer. Bien que Frédéric eût résolu de prévenir ses ennemis, il fit semblant néanmoins d'être r é duit à se tenir simplement sur la défensive; son but était d'endormir les Généraux autrichiens, qu'il savait être résolus à attendre qu'il vint attaquer leur frontière. Le système de défense, adoplé par ces généraux, s'écartait du premier plan d'opérations que l'on avait rédigé à Vienne. L'Impératrice • reine donna lieu à ce changement , par le choix qu'elle fit d'un nouveau général,, pour commander en chef l'armée de
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Bohême. Vers la fin du mois de février, l'on avait presqu'achevé en Autriche tous les préparatifs nécessaires pour l'ouverture de la campagne. N o n - s e u l e m e n t on avait recruté et augmenté l'armée de Bohême, mais il lui arrivait encore tous les jours des renforts considérables des P a y s - B a s , de 1 Italie et de la Hongrie. On l'avait pourvue d'une artillerie f o r m i d a b l e , et de munitions en abondance. L e feld-maréchal Brown avait été choisi pour la commander en chef. Sous les ordres de ce grand capitaine, qui s'était rendu célèbre par ses campagnes en Italie , et dont la bravoure s'était signalée contre les Prussiens à L o w o s i t z , l'armée Autrichienne était incontestablement supérieure à celle du roi de Prusse. Sur la proposition de Brown J le conseil de guerre avait résolu d'ouvrir la campagne par des mesures offensives. Pour en transporter le théâtre en pays é t r a n g e r , et pour enflammer l'ardeur des Alliés, on voulait p é nétrer en Saxe, et y battre l'armce Prussienne. Brown avait fait en conséquence les meilleures dispositions. 11 avait placé ses troupes de m a nière qu'il était facile de les réunir en différentes divisions , pour entrer en Saxe , en partie par la Lusace , en partie par le P a s c o p o l , et jiour pénétrer ¿par la Morava , dans la H a u t e Silésie. Il avait formé de grands magasins à Prague et à O l m u t z , et d'autres moins c o n -
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sîdérables à Buddin et à J u n g - Buntzlau. L a formation de ces magasins sur la frontière , e t la répartition des troupes suilisait pour donner la clef de son plan. C'était un plan sage et parfaitement adapté aux circonstances. Il prouve la sagacité et les talens du Général autrichien, et le roi de Prusse s'étant également décidé pour l'offensive, il ne s'agissait plus que de disputer de célérité et d'habileté dans les manœuvres. La victoire était à ce prix. Déjà l'avide impatience du public hâtait le m o m e n t où u n e lutte si intéressante s'engagerait, lorsque le plan d'opérations, si habilement concerté à V i e n n e , fut tout-à-coup renversé. A peine le prince Charles de Lorraine f u t il arrivé des P a y s - B a s dans la capitale , que l'on vit aussitôt les débats les plus violens s'élever dans le conseil impérial de guerre. Il s'y forma deux partis opposés. L'un votait pour l'exécution du plan proposé par le feld-maréchal Brown; l'autre sacrifiait, à des vues particulières et aux intrigues de la cour, le patriotisme dont il avait fait preuve jusqu'alors. Ce dernier parti, dont le prince Charles était v r a i s e m b l a blement l'âme, l'emporta, parce qu'il proposa de mettre ce prince à la tète de toutes les armées Autrichiennes. La prédilection de MarieThérèse , pour le frère de son é p o u x , lui va'ut
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une distinction si flatteuse. Le prince Charles avait rendu son nom célèbre , dans les p r e mières campagnes de Silésie , par son audace , par sa bouillante impétuosité, et plus encore par ses mesures précipitées et par les revers qu'il avait constamment éprouvés vis-à-vis du roi de Prusse. Il n'était certainement point destitué de connaissances dans l'art militaire; mais autant la confiance de Marie-Thérèse, pour son l a v o r i , était illimitée, autant l'armée entière était-elle généralement prévenue contre lui. Il partit incessamment pour la Bohème , et substitua d'abord, aux plans d'attaque que l'on avait formés, celui d'une guerre purement défensive. On n'a jamais su s'il ne prit ce parti que par a m o u r - p r o p r e , et pour contrecarrer son p r é décesseur, ou bien s'il se conforma aux intentions de la c o u r , qui penchait à attendre l'arrivée des troupes auxiliaires. Ce qui est s û r , c'est qu'il renforça considérablement, sur toutes les frontières , les postes avancés; mais ne songea point à changer les dispositions que le plan , nouvellement adopté, rendait superflues, ou même dangereuses. Car la plupart des magasins , formés à Buntzlau et à B u d d i n , y d e meurèrent établis, et l'armée conserva son ancienne position j bien qu'il eût fallura changer, du moment où l'on ne voulait que se tenir sur la défensive. Cette faute obligea les difl'é-
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rens corps Autrichiens , qui composaient l ' a r m é e à se r e t i r e r , e u h â t e , au m o m e n t où les Pi'ussiens a p p r o c h è r e n t , clans la crainte de se voir coupés ; et l'on perdit des m a g a s i n s qui auraient pu f o u r n i r , durant trois m o i s , des m o y e n s de subsistance aux troupes. B r o w n a i m a i t trop sa patrie , p o u r ne pas s'affliger sincèrement du parti que la cour venait d e p r e n d r e , relativement au plan d'opérations d o p t il se promettait tant de s u c c è s ; mais il fut obligé de céder au t e m s , et de soumettre respectueusement ses lumières à l'ascendant irrésistible d'un prince du sang. T o u t e sa cond u i t e , jusqu'à sa m o r t h é r o ï q u e , après la b a taille d e P r a g u e , atteste qu'il n'avait d'autre a m b i t i o n , que celle de vivre et de m o u r i r en iidelle sujet. A peine F r é d é r i c fut-il instruit de la révolution j qui venait de s'opérer dans l'armée Autrichienne , qu'il se hâta de tirer parti des avantages q u e lui offrait le système adopté par son nouvel adversaire. Dans un m o m e n t si décisif, il importait essentiellement de réussir à t r o m per le prince C h a r l e s , en le confirmant d a n s l'idée que l'on se croyait trop faible pour f a i r e tête à tant d'ennemis si p u i s s a n s , et qu'on avait par conséquent pris le parti de se borner à la défensive. Frédéric connaissait trop bien le caractère du Prince , pour ne pas se flatter du
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succès des ruses qu'il mit en œuvre, et 1 événement justifia son attente. Les fausses attaques que le prince Henri et le prince Maurice eurent ordre de faire, sur la frontière de Bohême, furent conduites avec tant d'art, que l'on parvint à fortifier le prince Charles dans la haute opinion qu'il avait de la force de sa position. Il se décida même à faire défiler , deux grands détachemens de son arm ; e vers Reichenbei'ir et Eger, pour fortifier davantage ccs deux points de défense. C'était précisément ce quu Frédéric desirait. Son adversaire se livrait a u n e profonde sécurité, gage infaillible de sa perte. L e Roi se hâta donc d'exécuter son plan d'opérations, sans perdre un moment. Quelque hardi que fût en lui-même ce plan , où l'empreinte du caractère et du génie de Frédéric se reconnaissait si parfaitement, il faut néanmoins observer qu'il ne fut exécuté , dans toute son étendue, que jusqu'au 6 mai. Il n'y avait aucun doute sur le succès de l'entrée en Bohème. L e voyage dè Winterfeldt dans les montagnes de ce p a y s , avait fourni des données relatives à cette opération. Tout l'ensemble du plan et l'harmonie des moindres détails trahissaient le c o u p - d ' œ i l d'un grand maître ; il fut parfaitement adapté à la position de l'ennemi, et on l'exécuta avec la plus in-
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c r o y a b l e célérité. L e duc d ' A h r e m b e r g n'avait pas des forces suffisantes p o u r résister à la c o l o n n e que le prince M a u r i c e conduisit à travers les m o n t a g n e s , dites Erzgebirge , et il prit le parti de se retirer. L e feld - maréchal B r o w n v o u l u t d'abord se maintenir dans son poste de B u d d i n , et se renforcer par le corps d u Duc ; mais le R o i l'obligea de renoncer à l'un et à l'autre de ces d e s s e i n s , en menaçant son aîle gauche. 11 se vit donc dans la nécessité d ' a b a n d o n n e r à la hâte son c a m p r e t r a n c h é , et de se retirer a W o l l w a r n , ou s'opéra la jonction du corps d ' A h r e m b e r g avec le sien. L e comte de K ô n i g s e g g , qui campait avec 20,000 h o m m e s près R e i c h e n b e r g , à une petite distance de J u n g B u n t z l a u , fut le seul qui , ti'ès-mal-à-propos , éssaya de se défendre. Il força le duc de B e vern à s'engager avec lui dans une affaire sanglante , où K o n i g s e g g fut battu et repoussé jusques sur les bords de U s e r . Son assurance, que lui et les siens faillirent p a y e r de leur vie ou de leur liberté , tenait à des suppositions a b solumeat gratuites. H avait ordre de protéger le magasin d« Jutlg-Buntzlau ; il s'attendait aussi peu que les autres G é n é r a u x autrichiens, à une attaque générale d e la part des Prussiens ; son poste était extrêmement f o r t , et il comptait , au b e s o i n , sur l'assistance du général S e r b e l krni , posté près Kônisgratz. C e n'est qu'en
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partant de ces suppositions, que Ion peut, en quelque façon, excuser sa conduite. Comme il ne pouvait pas néanmoins ignorer la marche de l'armée de Silésie, commandée par le feldmaréchal Scliwerin , et qu'il se voyait menacé par-là de voir sa communication avec Buntzlau interrompue, ce fut une impardonnable témérité de continuer obstinément à courir les hasards d'un poste, avancé , et sans aucune espèce de soutien. Ainsi konigsegg f u t , d'un côté, la victime de ses fausses hypothèses; car le secours qu'il a t t e n d a i t des bords de l'Elbe n'étaient rien moins que certain. Serbelloni n'osait abandonner son poste , tant qu'il était e n core indécis, si ce n'était pas peut-être à lui que Schwerin en voulait ; de plus, le feld-maréchal Daun avait ordre de se joindre à lui avec le corps de troupes rassemblé en Moravie, et devait se charger du commandement. L'envie et la manie des préséances, qui dominait tous les Généraux autrichiens , contribua donc aussi' à retenir Serbelloni dans l'inaction. D'un autre côté, Konigsegg ne fut redevable de son salut qu'à un hasard heureux ; car on lui aurait infailliblement coupé le chemin de Jung-Buntzlau , et on l'aurait obligé, dans sa détresse, à se rendre à discrétion, si Schwerin n'avait pas perdu un jour entier par la pédanterie avec laquelle
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quelle Fouquet, qui commandait la seconde colonne ', régla l'ordre des marches. u L a jonction des colonnes de Schwerin avec le corps du duc de Bevern s'opéra à Buntzlau , d'où le Feld-Maréchal marcha avec toute l'armée sur Brandeis, où il voulait passer l'Elbe ; tandis que le roi de Prusse s'approcha de Prague et se campa vis-à-vis l'endroit de cette capitale, qu'on nomme le Petit Quartier. Les deux armées se joignirent à point nommé devant Prague, le 4 mai; et ce fut ainsi que Frédéric réussit à prévenir ses ennemis, et transporta le théâtre de la guerre dans l'intérieur de la Bohème , en les forçant à se retirer sous le canon de Prague. Ce coup aussi bien imaginé qu'heureusement exécuté, fait un honneur infini aux.talens militaires du R o i , et prouve surtout à quel point il avait étudié les différens postes de ses ennemis, le caractère de leurs Généraux et le pays qu'il voulait envahir. Il aurait fallu bien du malheur, ou, de la part de ses Généraux , des fautes bien g r a v e s p o u r lui faire manquer son but. Si toutes ses démarches, jusqu'à la bataille de Kollin, avaient été calculées avec la même précision mathématique , si diverses inconséquences n'avaient rendu plus d'un succès équivoques, et s'il n'avait un peu trop compté sur son bonheur et sur l'étendue de son génie, il y a toute apparence que l'Autriche Tome J. H
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eut été réduite aux dernières e x t r é m i t é s e t jamais ses Alliés n'auraient mis le pied dans le royaume de Prusse et dans les provinces de "VVestpbalie. Mais la providence voulait peutêtre mettre sa patience et ses taleusà l'épreuve du malheur, pour rehausser sa gloire. L e prince Charles de Lorraine , au contraire ^ avait sujet de se repentir d'avoir conçu une trop haute idée des forces Autrichiennes. 11 sentit qu'il s'était trompé en admettant, comme un principe indubitable, que le Roi était dans la nécessité de se borner à une guerre défensive, pour ne pas s'éloigner trop de se3 Etats, que des ennemis si puissans menaçaient d'un c o m mun accord. Il avait commis une grande faute en partageant son armée en plusieurs corps , que les mouvemens rapides et imprévus des Prussiens obligèrent à chercher leur salut dans la fuite , pour n'être point coupés ou battus l'un après l'autre , comme Kônigsegg. L a perte que le Prince eut pi-incipalement sujet de déplorer, fut celle des magasins que l'on avait formés sur la frontière , à l'époque où l'on méditait une guerre offensive , et qui pourvurent l'armée Prussienne de vivres pendant deux mois. Mais aussitôt que le Prince fut entièrement détrompé sur les ruses, au moyen desquelles Frédéric avait su l'endormir ; aussitôt qu'il vit ses projets déconcertés et le roi de
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Prusse s'avancer à grands pas, avec toutes ses forces réunies , l'urgente nécessité de se préparer à une résistance vigoureuse le tira soudain de sa profonde sécurité. Autant il avait montré de négligence jusqu'alors , autant on le vit, depuis ce moment , compasser toutes ses démarches , qui furent cependant toujours calculées d'après le système purement défensif qu'il avait adopté. Prévoyant que le roi de Prusse ne tarderait pas a tenter quelque co.up décisif, il se posta de manière à l'empêcher d'attaquer, ou du moins à lui faire acheter la victoire au prix dune grande effusion de sang. C'est pourquoi il choisit, près Prague, un camp très - avantageux , entre la montagne de Ziska et le village de K y g a , entouré d'étangs et de marais, résolu d'y attendre le corps de Konigsegg, après sa défaite, ainsi que l'arrivée du feld - maréchal Daun, à la tète de l'armée de réserve, que l'on avait rassemblée en Moravie. Le prince Charles n'avait pas tort de se féliciter du terrein qu'il avait choisi , et de croire son poste inexpugnable, supposé que le roi de Prusse commît l'imprudence de l'attaquer de front. Du reste, ce poste, réputé si bon , était vicieux et aventuré, sous tous les rapports. Non-seulement on pouvait le tourner à droite, mais il offrait ençgre au Roi l'avantage de trouver les forces H 2
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de ses ennemis concentrées en un seul point. II n'y avait qu'à les cnceindre c o m m e le chasseur e n c e i n t l e gibier, après une battue générale, pour réussir à les é c r a s e r , ou bien à les renfermer dans les murs de Prague. Ils eussent infailliblement été abîmés , si l'admirable disposition de la bataille , telle que Frédéric la conçut , et telle que nous la rapporterons b i e n t ô t , n'avait été de nature à rencontrer , dans le détail de l'exécution , des difficultés absolument insurmontables. Plusieurs Généraux autrichiens n'étaient pas de l'avis du prince Charles , sur les avantages qu'il se promettait de son poste ; ils y t r o u v a i e n t , au c o n t r a i r e , plus d'un d é f a u t , dont ils prévoyaient des conséquences fâcheuses. L e conseil de guerre s'étant assemblé, trois jours avant la b a t a i l l e , pour délibérer sur les m e sures qu'il convenait de prendre, ils déclarèrent ouvertement leur opinion ; elle fut fortement appuyée par le feld-maréchal B r o w n , que ses lumières et sou expérience élevaient au r a n g des plus illustres capitaines de son siècle. « II » vaudrait m i e u x , dit-i'l, laisser une forte gar» riison dans P r a g u e , et marcher en avant avec » toutes nos forces, pour attirer à nous le corps » de D a u n , ou bien pour l'aller joindre , selon » que les circonstances en décideront. Supposé m même q u e , par cette manoeuvre , nous ne
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» réussissions point à empêcher la jonction du )> Roi avec Schwerin, nous lui ferons du moins » perdre du tenis , et nous lui préparerons une » situation périlleuse. De cette m a n i è r e , noire » armée conserve la liberté d'agir à son gré ; » nous couvrons nos magasins et la Moravie ; » e t , à l'aide des renforts qui nous viennent » de Hongrie et des Etats héréditaires nous » serons les maîtres, ou bien d'entraver les opéj> râlions ultérieures du R o i , par des marches » et des évolutions savantes, ou de l'attaquer » avec une supériorité décidée. Avons-nous le » malheur d'être battus, ce désastre n'est point » à comparer à celui qui nous menace , si, nous » trouvant ici adossés contre Prague , nous m sommes obligés de chercher notre salut dans » une forteresse où il sera facile de nous e n » f e r m e r , e t , peut-être m ê m e , de nous affara» mer. Si la victoire, au c o n t r a i r e , seconde » nos efforts , les Prussiens , faute d'un poste » assez fort pour se défendre, perdent tous leurs » avantages actuels, et nous les obligeons même, » d'après toutes les vraisemblances , à évacuer » la Bohême. » L e prince Charles de Lorraine fut d u n avis entièrement opposé. « Q u o i ! s'écria-t-il, nous » avons déjà perdu les magasins de Buddin et » de Bunzlau ! Faut - il perdre encore » ceux de Prague ? Laisserons - nous , par H 3
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» notre retraite, cette forteresse à la merci des )> ennemis ? Ils l'assiégeront infailliblement, » ils réussiront peut-être à s'en emparer aussi » promptcment qu'en 1744» u r i e garnison nom» breuse tombera en leur pouvoir. Est-il à pro» pos de nous exposer à leur poursuite, et de » leur abandonner la Bohême ? Non ; c'est à v quoi je n'ose et ne puis consentir. L e poste » que nous occupons est t e l , qu'ils y songeront y à deux fois avant de nous attaquer. Nou , » sommes ici abondamment pourvus de vivres, » et nous pouvons attendre tranquillement, à » l'abri de 110s remparts , l'arrivée du f e l d » maréchal Dauti, et de nos puissans Alliés. » En vain Brown s'efforça de représenter au P r i n c e , que le roi de Prusse n'était rien moins qu'en mesure pour entreprendre un siège ; que Je transport de l'artillerie nécessaire prendrait du terris ; que l'exemple de ce qui s'était passé en 1744» était d'autant moins applicable à la conjoncture présente, qu'alors la Bohême était entièrement dénuée de défenseurs , tandis qu'elle se trouvait maintenant protégée par une grande armée. 11 ajoutait, qu'à moins d'être maître d e P r a g u e , le Roi ne pouvait se maintenir en Bohême; que la distance de ses magasins lui permettrait encore moins de poursuivre l'armée Autrichienne; que d'ailleurs il serait obligé de laisser un corps d'observation près P r a g u e , et
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d'affaiblir considérablement, par-là, son armée; qu'en supposant même Prague assiégée , l'on serait assez fort, après la jonction avecDaun, pour attaquer le R o i , et le forcer à lever le siège. Toutes ces considérations, appuyées des raisonnemens les plus solides, ne firent aucune impression sur l'esprit du Prince. Brown et plusieurs autres Généraux,furent navrés de l'obstination avec laquelle il persistait dans son avis. Cette obstination fut invincible , soit qu'il se crût effectivement à l'abri de tout danger dans son camp, soit qu'il eût résolu de persister, à tout p r i x , dans le système purement défensif dont il était convenu avec la cour de Vienne; soit enfin que sa fierté naturelle l'engageât à ne prendre conseil que de lui-même. Quoiqu'il en soit, il est bien sûr que le prince Charles négligea le moment le plus propice pour attaquer et écraser le roi de Prusse. Il avait passé la Mulda, le 5 mai, avec un corps d'environ seize mille hommes. 11 sa trouvait ainsi entièrement séparé de l'armée de Keith et de celle de Schwerin ; et si les Autrichiens l'eussent attaqué, sans laisser à Schwerin le tems de passer le fleuve, sa défaite était presque infaillible. "Warnei'ie ( i ) assure que le général Matern, qui commandait à Prague, avertit le ( 1 ) Campagnes de Frédéric, tom. I. pag. 94,
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prince Charles de la position hasardeuse de la faible armée du R o i , qui campait près P o d haba, et lui fit sentir combien il serait facile de l'attaquer avec succès." Ce fut de sa part une faute impardonnable , de ne pas profiter de cet avis. S'il avait réussi à se prévaloir de ses forces supérieures, pour battre le R o i , ce dernier eût rencontré les plus grandes difficultés dans sa retraite , et l'armée de Schwerin eût vraisemblablement éprouvé le même sort, en passant la Mulda. Quelle sagesse il y avait donc dans le conseil donné par Brown ! Avec un peu de résolution , rien n'eût été plus facile que d'empêcher la jonction des corps Prussiens qui s'avançaient, sans qu'il y eût de communication entr'eux, et de les exposer au danger d'être battus séparément. Un coup aussi hardi aurait peut-être décidé du succès de la campagne entière. L a disposition du R o i , pour l'attaque, était si parfaitement bien calculée, que si, après avoir heureusement opéré sa jonction avec le feld - maréchal Schwerin, il en avait retardé l'exécution, d'un jour seulement , il est trèsprobable que sa victoire eût été beaucoup plus brillante, la déroute des Autrichiens plus complète, et le succès de la bataille plus décisif par ses conséquences. Mais le 6 mai était le jour qu'il uYait £ix.é pour la sanglante bataille qu'il medi-
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tait, et il prétendait que rien ne s'opposât, dans le détail de l'exécution, à ce dessein arrêté. Le matin de ce jour , il rencontra , à une petite distance de Prossii, l'armée de Schwerin, qui avait passé la Mulda pendant la nuit. A peine eût-il abordé Schwerin , qu'il lui déclara la résolution qu'il avait formée, d'attaquer tout de suite le prince Charles, ajoutant que, pour rendre sa victoire complète, il venait d ordonner, au prince Maurice d'Anhalt, d'établir un pont de bateaux au dessus de Prague, et de passer la Mulda avec toute l'aile droite du corps de Keith, qui bloquait la partie de cette ville, nommée le Petit Quartier, pour prendre l'ennemi à revers, pendant qu'il l'attaquerait de front et en flanc. Cette résolution vigoureuse causa la plus grande surprise au vieux guerrier, bien qu'il approuvât toutes les mesures prises pour son exécution. Il représenta néanmoins au Roi : « que son armée venait de faire, m pendant la nuit, une marche très-pénible; » que le soldat était excédé de fatigue, et qu'il » y aurait peut-être encore un grand détour à » faire, avant d'en venir aux prises avec l'en» nemi ; qu'il ne connaissait pas assez le ter» rein , et n'avait encore aucune idée de la » position des Autrichiens; que ,d'ailleurs, le » Roi ignorait encore si le prince Maurice » avait exécuté l'opération, tellement combi-
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née avec celle qu'on méditait, qu'elle en déciderait le succès. Il déclara qu'il abandonnait donc au Roi de résoudre la question, s'il ne vaudrait pas mieux renvoyer l'attaque au lendemain. En prenant ce parti, on laissera au soldat le tems de réparer ses forces; on tâchera d'étudier le côté faible de l'ennemi, et l'on pourra concentrer ensuite toutes ses forces pour atteindre au but. » J,a fermeté la plus inflexible caractérisait Frédéric sur le trône et à la tête de ses armées. Quand il avait pris un parti, il ne se rétractait jamais. Aussi crut-il devoir montrer cette fermeté au feld-niaréchalj dont les propositions, quand elles contrariaient ses ordres, lui paraissaient toujours avoir un air trop magistral. «( 11 est absolument nécessaire, lui d i t - i l , d'un » ton résolu , d'attaquer dès aujourd'hui, )> quoi qu'il en coûte. Il faut battre le fer pen» dant qu'il est chaud. » Schwerin avait, à l'âge de soixante-treize ans , toute la vivacité d'un homme de trente ans. Profondément versé dans l'étude de son art, et instruit à l'école de l'expérience, il venait de tenir au Roi le langage de la plus intime conviction. C'est pourquoi , s'abandonnant à sa fougue naturelle , il enfonça son chapeau dans la tête, s'écriant: « Eh )) bien ! puisqu'il faut, et que l'on veut absolu» ment se battre aujourd'hui , je vais , sur
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l'heure, attaquer les Autrichiens,, ici même » où je les aperçois. » Il aurait infailliblement exécuté cette résolution précipitée, si le R o i , qui sentait l'impossibilité d'attaquer sur l'heure , avec succès, ne l'en eût empêché, en ordonnant à "Winterfeldt d'aller reconnaître la position des ennemis , à l'aile droite. "Winterfeldt y vole aussitôt, et revient déclarer que les ennemis donnent prise de ce côté, Mais il iitj sans le savoir, un faux rapport. Faute d'examiner assez attentivement la contrée, et ne connaissant pas parfaitement les usages du pays, il s'en rapporta trop légèrement au témoignage de ses yeux. Près du village de Sterbaholy, où se terminait la droite des A u trichiens, coulait un petit ruisseau où l'on avait pratiqué des étangs avec des vannes et des batardeaux étroits. Selon la coutume du pays, on avait fait écouler ces étangs, et l'ony avait semé de l'avoine, pour préparer de la nourriture au fretin de carpes dont on les repeuplait, immédiatement après la moisson. Cette avoine était fort belle et très-fraîche, et Winterfeldt prit les étangs marécageux, bien que verdoyans, pour des prés fer nies. Les gazons qui bordaient le ruisseau, le confirmèrent dans son opinion, et il jugea que le terrein n'offrirait aucun des obstacles que l'on y rencontra lorsqu'on voulut livrer l'attaque. L'illusion qui trompa "Winter-
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f c l d t , contribua donc, autant que la précipitation de son maître , au mauvais succès de la première attaque des Px'ussiens dans cette journée. lin dépit de ses combinaisons habiles, Frédéric aurait vu ses espérances entièrement déçues, si d'un côté, la bravoure signalée de ses troupes, et l'intrépidité de leurs chefs; de l'autre , les fautes que l'armée Autrichienne commit, après que le feld-maréchal Brown eut cté mortellement blessé, n'avaient fait pencher enfin la victoire du côte des Prussiens. On connaît la description militaire trèsexacte de cette bataille mémorable, par le général Tcmpclhof, dans son Histoire de la guerre de sept ans (i). Je me contenterai donc d'en relever les particularités les plus remarquables, en y joignant quelques réflexions et quelques observations critiques. L a victoire de Prague fut très-brillante assurément , et l'Europe étonnée dut s'attendre à en voir résulter les conséquences les plus importantes. Cette journée serait néanmoins devenue plus mémorable encore, dans les annales de la Prusse; elle serait demeurée peut-être unique en son genre, si le Roi avait moins précipité lexécution de son admirable plan de bataille. Ce plan était gigantesque, marqué a.u (i) Tom. I. pag. 1 4 4 — 1 5 3 .
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coin du génie de F r é d é r i c , et parfaitement adapté à la situation critique où il se trouvaif. Il n'avait rien moins en vue que d'écraser l'armée Autrichienne resserrée près de Prague ; il voulait forcer Marie-Thérèse à la paix. L a disposition de la bataille était si ingénieuse et si sage , q u e , d'après toutes les vraisemblances, le R o i ne se trompait pas en croyant le succès infaillible. Des militaires habiles, qui ont été témoins de cette scène sanglante , et qui en ont pesé tous les détails, assurent que tout aurait parfaitement réussi au gré des vœux de Frédéric, s'il avait donné la bataille le 7 , au lieu du 6 mai. Alors ,, disent-ils, l'illusion de Winterfeldt, ou plutôt sa condescendance extrême pour les volontés de son maître, n'aurait pas exposé l'aîle gauche des Prussiens aux difficultés d'un local peu favorable à l'attaque ; Schwerin aurait eu le tems d'étudier lui-même le terrein où il devait combattre, et il aurait pu mieux calculé sa disposition. En faisant marcher les troupes de n u i t , on n'aurait pas tiré les Autrichiens de leur profonde sécurité ( 1 ) sur le danger qui m e ( 1 ) Les Autrichiens n e s'attendaient à rien moins q u ' à une attaque de la p a r t des Prussiens. L e jour m ê m e de la bataille, ils avaient e n v o y é toute leur cavalerie au f o u r r a g e , Ce 11e f u t q u ' e n a p e r c e v a n t d i s t i n c t e m e n t , de leur c a m p , la m a r c h e des Prussiens , sur plusieurs c o l o n n e s , qu'ils se décidèrent à l o n g e r , a v e c l'infanterie de leur aile
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naçait leur aile droite; au lieu qu'en manœuvrant devant eux , en plein jour , on les força à ouvrir les yeux et à corriger leur p o sition défectueuse dont on voulait profiter. Il y aurait eu moyen aussi , en accordant le délai d'un jour , d'établir le pont de bateaux près B r a n i k , selon les ordres expédiés au prince M a u r i c e , e t , de cette manière , il n'eut pas été impossible d'exécuter le plan formidable du R o i j dans toute son étendue. Mais Frédéric I l , accoutumé à soumettre toutes ses entreprises au calcul le plus exact, avait, sans doute, mesuré le tems qu'il fallait pour transporter les pontons de Podbaba à Branik j et pour y jeter un pont sur la M u l d a , et avait cru pouvoir déterminer invariablement, en conséquence , le momentprécis de l'attaque. Cependant les ordres d'un général d'armée ne s'exécutent pas toujours si ponctuellement; et ce fut ainsi que le R o i se trompa dans celte occasion, en comptant sur le pont de Branik. Cette circonstance préserva l'aîle droite Autrichienne d'une destruction totale. M. d'Archenhôltz est dans l'erreur , quand il avance (i) qu'il n'y eut pas assez de pontons pour achever le pont. C'est uniquement aux
droite, dans la plaine a u delà de S t e r b a h o l y , e t à p l a c e r 1$ plus grande partie de leur cavalerie dans cette plaine. (X) H i s t o i r e de la g u e r r e de sept a n s , T o m , I . p i 7 8 .
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fausses mesures prises par le prince M a u r i c e , qu'il faut attribuer l'impossibilité où il se trouva d'exécuter l'ordre si décisif qu'il avait reçu. P o u r hâter l'arrivée des ponlons à Branik, il les fit venir par un chemin plus court ; mais c'était un chemin creux et étroit, à travers un rocher ; les charrettes à large voie n'y purent passer; plusieurs du moins se brisèrent. On perdit donc beaucoup de tems à retirer les autres de ce défilé étroit j et à les conduire, par une route plus praticable „ au bord du fleuve, où ils n'arrivèr e n t cependant qu'après la bataille. Au défaut d e p o n t o n s , le colonel Seydlitz, h o m m e e n treprenant , fit plusieurs tentatives pour t r a v e r ser la rivière à la nage avec sa cavalerie, mais le courant était trop rapide , et il ne roussit point à s'avancer jusqu'au milieu de la rivière. S'il n'avait manqué qu'un petit n o m b r e de bateaux pour achever le p o n t , certainement Seydlitz se serait précipité dans le fleuve pour a t teindre le rivage qui n'aurait plus été éloigné ^ et pour y remplir sa destination. Il est v r a i , et les historiens du tems c o n viennent que la précipitation, le défaut d e connaissance suffisante du terrein, l'inexpérience de quelques Généraux , des méprises sur les distances, les saillies déplacées d'une fougue impétueuse, et d'autres causes du même genre donnèrent lieu, de part et d'autre, à des f a u t e s ,
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qui tantôt r e t a r d è r e n t , et tantôt hâtèrent l'issue de la bataille. D'un autre c ô t é , il n'est pas moins incontestable q u e , dans cette journée à jamais mémorable dans les fastes de l'histoire, les soldats se distinguèrent par une valeur à toute épreuve , plusieurs généraux par leur intrépid i t é , et le R o i surtout par son attention à profiter, sans délai j des moindres fautes de l'ennemi ( i ) . L a bataille de Prague coûta la vie à deux généraux également célèbres. Schwerin termina, sur le champ de bataille, sa glorieuse c a r r i è r e ; Brown mourut des suites d'une blessure i n c u rable j dont il fut atteint au milieu du c o m b a t . Schwerin eut la satifaction, en fermant les yeux à la lumière du j o u r , de voir l'infanterie P r u s sienne , qui venait d c t r e repoussée, m a r c h e r à la charge sur ses pas. L e drapeau qu'il tenait en m a i n , et qu'il teignit de son s a n g , fut r e levé par le général Manteufel. Ce drapeau d e v i n t , pour les Prussiens, un p a l l a d i u m , à l'aspect duquel, enflammés d'une nouvelle ardeur, ils bravèrent tous dangers, et coururent à la victoire. A peine la blessure mortelle d e (I) Ce
fut ainsi, que par une belle, mais
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manœuvre , il enfonça le centre de la ligne des e n n e m i s , e t r e m p o r t a enfin, de cette m a n i è r e , une victoire c o u r a geusement disputée. Voyez T e m p e l h o f , Histoire de la g u e r r e de sept ans. T o m , I. pag. i 5 5 — X 5 6 .
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B r o w n l'obligea-t-elle à quitter le champ de b a t a i l l e , que les fautes des Généraux , qui commandaient sous ses o r d r e s , rompirent toutes les mesures défensives du grand h o m m e , et l a machine entière se d é r a n g e a , du m o m e n t o ù le ressort p r i n c i p a l , qui la faisait m o u v o i r t fut brisé. Schwçrin et B r o w n avaient b l a n c h i , l'un et l'autre, dans les a r m e s ; ils méritaient une place au rang des plus grands capitaines de leur tems , et la postérité a su rendre justice ù leur mémoire. Il y a cependant ici une o b servation intéressante à faire. Plusieurs années après la mort de Schwerin , l'empereur J o s e p h , ce digue appréciateur du vrai m é r i t e , é r i g e a , en l'honneur du Feld - maréchal prussien , un monument durable , à l'endroit même où il fut tué; tandis qu'à V i e n n e , le parti de la cour s'efforça d'imputer des fautes à B r o w n , pour disculper le prince Charles de Lorraine. T e l l e est l'influence passagère des circonstances sur la réputation des grands hommes ; mais c'est au public impartial à prononcer sur leur m é r i t e , «t tôt ou tard il rend à chacun la justice qui l u i est due. L e pont de bateaux n'ayant point été établi à tems à B r a n i k , par la faute du prince M a u rice , seize mille hommes de l'aile droite des Autrichiens, qui avait été renversée, se retirèrent dans l'intérieur de la B o h ê m e , d'où ils
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allèrent joindre le corps de Dauh ; le reste de l'armée se replia , à la hâte, sur Prague. C'était, sans doute, l'asile le plus voisin qu'elle pût chercher , pour échapper promptement au glaive du vainqueur qui la poursuivait. Plusieurs chemins conduisaient à P r a g u e , plusieurs portes s'ouvrirent aux troupes' fuyardes, et le gros canon de la forteresse servait admirablement à couvrir la retraite. M a i s , si le sort n'en avait autrement décidé , cette retraite précipitée, qui n'était que le fruit du désordre et de la terreur , aurait infailliblement amené la plus funeste catastrophe. On peut la comparer à ces remèdes que les médecins n'emploient que dans les cas où ils désespèrent ¿ e la guérison, et qui souvent tuent les malades. Il faut, au reste, avoir égard au désordre et au découragement inséparables d'une grande déroute, il faut penser, que le sahg-froid même du général le plus habile, se dément aisément ên de pareilles rencontres; et l'on excusera le prince Charles de n'avoir pas donné une autre direction à la retraite de son aîle gauche, qu'il aurait dû faire marcher sur K u t t e n b e r g , au moment où l'aîle droite tira vers 'Benneschau. Mais ce que les gens de l'art ont droit de lui reprocher, c'est de n'avoir pas suivi le conseil que le feld-maréchal B r o w n , luttant contre la mort", lui donna dans ses derniers momens.
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Il l'encouragea à prendre une résolution d é sespérée , dans une situation aussi critique que l'était la sienne, et à faire les derniers efforts p o u r se tirer de P r a g u e , dès la nuit suivante. L e Prince laissa échapper le moment propice; et ce qu'il aurait pu exécuter, à la faveur des t é n è b r e s , et pendant qu'il était encore maître d e la montagne de J i s k a , devint presqu'impossible le lendemain. Les Prussiens avaient eu le tems - d'établir le p o n t de B r a n i k , ils avaient assuré par-là , la communication d e l'armée du Roi avec celle du feld - maréchal K e i t h , et depuis la conquête de la montagne d e Jiska, Prague était'étroitement investie de toutes parts. Autant le prince Charles avait montré peu d e résolution , dans les momens du premier é t o u r d i s s e m e n t , autant il n'aspira , dans la suite , qu'à trouver une occasion de se faire j o u r à travers les postes ennemis, pour se délivrer de son étroite prison. De petites sorties qu'il fit, demeurèrent deux fois sans aucun succès. E n f i n , il crut, avoir trouvé le bon mom e n t ; il donna l'ordre du d é p a r t , et le révoqua immédiatement après. Cependant il n'avait rien négligé pour mettre la ville de Prague en état de d é f e n s e e s p é r a n t que Daun arriverait bientôt à son secours. Mais Daun n'était pas l'homme qu'il fallait au Prince; il y avair c l a
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au contraire, entr'eux un singulier contraste de caractères. L e Prince était naturellement f o u g u e u x , et la passion l'entraînait aux démarchés les plus précipitées. D a u n , au c o n t r a i r e , était d'un tempérament flegmatique, et pou;sait l'irrésolution et ta prévoyance au plus haut point qu'il soit possible d'imaginer. L'espoir du Prince aurait donc in iaill iblement été t r o m p é , si Daun n'avait reçu de V i e n n e l'ordre exprès de d é l i v r e r , a tout p r i x , l'armée resserrée dans les murs de Prague. Jusqu'ici, le plan d'opérations du R o i avait été aussi ponctuellement qu'heureusement- exécuté. Il ne s'agissait plus que de conquérir P r a g u e , pour pousser ensuite ses avantages aussi loin qu'on le desirait. M a i s - l a tournure que les affaires prirent, à la fin de la b a t a i l l e , n'entrait absolument pas dans le plan tel qu'il avait été originairement conçu. En le f o r m a n t , on s'imagina que les ennemis se retireraient dans l'intérieur de la Bohême , et ne laisseraient à Prague qu'une faible garnison. O n s'était donc flatté que le siège serait aussi facile qu'il l'avait été en 1744- Mais* l'entreprise était beaucoup plus hasardeuse dans les circonstances d'alors, et depuis que la plus grande partie de l'armée Autrichienne s'était jetée dans P r a g u e P r a g u e nest point une forteresse du premier r a n g : elle n'a point d'ouvrages extérieurs ; ses m o y e n s
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d e défense se réduisent à de simples bastions, avec un fossé et un chemin couvert. Il n'y a qu'une espèce de citadelle-, nommée le IVischerad, qui puisse opposer quelque insistance, en cas de siège dans les formes. Lorsque cette p l a c e , très - étendue , n'est défendue que par « n e petite g a r n i s o n , la,prise en esd. aussi facile, qu'elle devient ruineuse en hommes et en argent , lorsqu'elle se trouve pourvue d'un nomb r e suffisant de défenseurs. Quarante-six mille hommes , qu'elle renfermait pour lors dans son enceinte , offraient., en abondance , les moyens de rendre le siège long et difficile. L e feld - maréchal Daun rassembla une seconde armée , pour délivrer celle qui était investie , et supposé que le roi de Prusse voulût entreprendre un siège r é g u l i e r , il lui fallait une seconde a r m é e , outre celle de siège , pour empêcher Daun de venir en traverser les opérations. O r , dans la situatiou du R o i , il n'était pas facile d'aller en. même tems à ce double but. Quelques personnes ont soutenu , dans le t e m s , que le Roi serait parvenu plutôt, et plus sûrement à son b u t , si au lieu de s'occuper à investir Prague , il avait fourni , au prince Charles, l'occasion d'évacuer cette place x et s'il l'avait alors poursuivi , tandis que , dans l'intervalle , on se serait emparé de la forteI 3
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resse. Cette assertion n'est pas entièrement dénuée de vraisemblance, et je renvoie mes lecteurs au chapitre suivant, où j'entrerai, sur ce p o i n t , dans de plus grands détails. I c i , je m e b o r n e à observer q u e , selon m o i , il n'était point dans le caractère de Fiédéric de laisser échapper une a r m é e , dont il se flattait quelle allait être forcée de se rendre à discrétion. Voilà , sans d o u t e , ce qui le détermina aux mesures qu'iLprit dans la suite, toutes vacillantes qu'elles furent. L'espoir du succès n'était pas chimérique , en partant des hypothèses "que le Roi admettait. Ainsi il comptait particulièrement sur l'impossibilité où quarante-six mille hommes se trouveraient de subsister longtems daqs P r a g u e , sans épuiser bientôt leurs provisions; il pensait donc que la disette les forcerait à capituler, surtout si l'on bombardait vigoureusement la place, pour mettre le feu ailx m a gasins, et pour réduire la garnison aux d e r nières extrémités du découragement et de la famine. Il espérait aussi retenir le feld-maréchal Daun dans l'inaction , en lui opposant le duc de Bevern, à la tè^e de vingt mille h o m m e s ; résolu m ê m e , s'il le f a l l a i t , de voler à Sôn secours, ppur le renforcer et pour attaquer Dâun. Le succès sembla couronner d'abord les opérations que le Roi entreprit, en conséquence
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d e ces hypothèses. D'un côté , P r a g u e souffrait b e a u c o u p des b o m b e s et des boulets xouges qu'on y jeta ; le malheur des habitans et de la g a r n i s o n croissait de jour en j o u r , et les e s pions ( i ) que le R o i envoyait tous les jours d a n s la v i l l e , nourrissaient ses flatteuses e s p é r a n c e s , en lui rapportant que deja plusieurs m a g a s i n s étaient l'éduits en cendre , et que l ' a r m é e c o m m e n ç a i t à éprouver toutes les horreurs de la disette. D'un autre c ô t é , le feldi m a r é c h a l Daun évita soigneusement toute rencontre avec le* duc de B e v e r u , et continua sa m a r c h e r é t r o g r a d e , jusqu'à ce que les r e n f o r t s , qu'il attendait des Etats héréditaires et de la H o n g r i e , fussent arrivés. Déjà Frédéric croyait toucher au dénouement de la sanglante t r a ( i ) Un scélérat , nommé Kosebier, fameux en Prusse par ses «fcrigandages et ses cruautés , fut employé en qualité d'espion. Le Roi le fit venir de Stettin , où il expiait dans les fers ses crimes atroces. Il lui promit, sa grâce, s'il rendait de bons services en qualité d'espion. L e Roi l'envoya deux jours de suite à Prague. A force do ruSes, il réussit à y entrer et donna les renseignemens qu'on voulait avoir. Lorsqu'il reçut ordre d'y retourner le troisième jour , il représenta : « qu'après un si court in» teryalle il craignait d'être reconnu et arrêté, » — « Si » t u balances d'exécuter Hies ordres,» lui dit le Roi en M colère, je te renverrai tout de suite à Stettin, où tu ». finiras tes jours dans les fers » Kosebicr obéit, mais prit sagement le parti de np plus revenir.
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gédie ; déjà son imagination caressait l ' o r gueilleux espoir de contraindre bientôt le prince Charles à rendre les a r m e s , et à se déclarer son prisonnier; déjà il calculait le§ r é sultats de sa v i c t o i r e , lorsque Dauri, jusqu'alors si pusillanime en apparence, c o m m e n ç a , tout à coup , à jouer un rôle bien différent. Âu moment où l'on s'y attendait le moins , il s'avance jusqu'à Jinitz , avec une armée de soixante mille hommes. Il force le duc de Bevern à quitter son camp de Kuttenberg , pour échapper au danger qui le menace. Durant cinq semaines , le Feld - maréchal avait amusé le Duc , sans rien entreprendre ; il lui avait même entièrement c-chappé par sa r e traite sur Haber. Ou crut d'abord qu'il n'aLtendait que ses renforts; mais , quand il eyl reçu ces renforts considérables 3 il demeura dans la même i n a c t i o n , et il y aurait peut-être persisté longtems encore , si les ordres les plus exprès de la cour n'avaient enfin mis un terme h ses irrésolution^. On a fort souvent reproché au comte Daun cette inaction , q u i , loin de trahir un esprit pusillanime, était j au c o n t r a i r e , le résultat de ses principes et de son tempérament. Les gens de l«art, qui nous ont dépeint son caractère ( i ) , nous le représentent c o m m e un gé( I ) Le prince de S i g n e , et plusieurs autres.
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néral respectable , sattachant toujours aux r è gles , ne démentant jamais sa valeur sous le feu des ennemis. C'était à la fois, et par principe et par tempérament, q u e , dans ses délibérations, il embrassait trop d'objets , sans jeter sur l'ensemble un coup-d'œil assez prompt ; et s'enfoqçant trop dans le calcul de toutes les suites possibles d'une mesure partielle , il perdait ou négligeait souvent, par-là, le moment opportun. C'était, pour la première fois, qu'un lionime de ce caractère, accoutumé à user d'une lenteur précautionneuse dans les affaires même les moins importantes, se trouvait à la tête d'une grande armée. Il s'agissait du salut ou de l'entiere destruction de ses troupes; il y allait même des destins de la Monarchie , et tout dépendait u n i quement du parti qu'il allait prendre. Ces considérations nous expliquent assez pourquoi Daun ne se détermina qu'à des mesures qui ne lui paraissaient pas l'exposer à manquer entièrement son but. Mais , du moment où les ordres exprès de la cour le déchargèrent de toute responsabilité, il montra une "ardeur et une activité qui contrastait singulièrement avec sa conduite précédente. Il alla jusqu'à se décider à attaquer lui-même le roi de Prusse. Il envoya au prince Charles un officier , qui s'exposa aux plus grands dangers pour,pénétrer dans Prague. De concert avec le P r i n c e , il fixa le jour où lui-même at-
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taquerait le R o i , tandis que la garnison de Prague ferait une sortie générale. L a prompte résolution du roi de Prusse put seule déjouer ce grand dessein, qui produisit néanmoins, bien que sous .une autre f o r m e l ' e f f e t désiré. Les mouvemens inopinés de Daun obligèrent le Roi à se décider promptement. Il vit qu'on s'occupait plus sérieusement qu'il ne l'avait cru à délivrer Prague. Il ne jugea point à propos d'attendre le moment où ses ennemis pourraient se donner la m a i n , et où son armée se trouverait entre deux feux; mais, pour échapper à ce danger, il aurait fallu lever le siège d'une ville qu'il croyait prête à tomber en son-pouv o i r ; et ce parti lui semblait faire tort-à sa gloire, parce qu'il le privait du fruit de sa victoire et des dépenses qu'il avait faites pour s'emparer de Prague. Il ne lui restait donc autre chose à faire que de marcher à la rencontre de Daun, et d'essayer , ou bien de l'arrêter dans sa course , ou bien de le battre. C'est pourquoi il s'avança, avec un corps de dix mille homrhes, au secours du prmce de- Bevern, et opéra sa jonction avec lui à Kauerzim.'
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de Kollin , le 17 juin
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L a bataille de Jiolliir fut la première où les Autrichiens l'emportèrent sur Frédéric. Il faut attribuer à cette circonstance,et aux suites qu'une journée si malheureuse entraîna, les descriptions peu authentiques de cette bataille., que l'on trouve dans les écrits du lems. Dans la première relation que l'on publia, et que les écrivains postérieurs ont eu des raisons politiques de transcrire fidellement, on s'efforça de disculper le R o i , en attribuant le désastre de KoJJin à des évènemens fortuits. Ce f u r e n t , il est v r a i , des évènemens de ce genre qui nécessitèrent la perte de la bataille ; mais avec la différence que l'on n'aurait pas dû imputer à cerlains Généraux , des fautes qu'ils n'avaient point faites , et qu'ils n'avaient pas même eu l'idée de .commettre. Comme il s'agit ici de laits q u i , jusqu'à présent, ne sont point encore parvenus à la connaissance du public , j'espere qu'on me saura gré de la marche à laquelle je me suis astreint dans ces Mémoires, destinés à
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p r i s e n t e r un tableau caractéristique , qu'un récit détaillé ,
plutôt
des faits dont je r e t r a c e
le souvenir à mes lecteurs. Si j'insère ici u n e description détaillée de la bataille de
Kollin,
c'est q u ' a u t r e m e n t il serait impossible de la c a ractériser au n a t u r e l , v u l'enchaînement étroit de toutes les scènes qui c o m p o s e n t ce d r a m e lug o ubre. J e n'ai point assisté moi-même à la bataille dç K o l l i n , parce q u e j'étais alors e m p l o y é dans l'arméfe du" f e l d - m a r e e h a l K e i t h ; mais un d e m e s intimes amis ( i ) , qui fut t é m o i n o c u l a i r e , en qualité d aide-de-èamp d u R o i , m'a c o m m u n i q u é , a v e c le plan de la b a t a i l l e , les faits essentiels dont la connaissance nous d o n n e l a c l e f des désastres qui signalèrent une j o u r n é e si m é m o r a b l e dans les annales de B r a n d e b o u r g . A p r è s la jonction d u R o i a v e c le corps d u d u c de Biivern , qui s'opéra le 15 j u i n , et surtout après l'arrivée heureuse et tout-à-fait i n o p i n é e de la division de T r e s k o w , que l'on c r o y a i t c o u p é e et "battu-e depuis la retraite de K u t t e n r b e r g , il n'y a pas l i e u de douter que le R o i ne fût "convaincu) p a r le rapport de ses G é n é (Ij Le défunt général de Jandi, juge très-compétent à cause
de
ses t a l e n s m i l i t a i r e s
généralement
mais dont on
n'a pas osé i m p r i m e r
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les
reconnus ,
Mémoires
sur
la
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r a u x , que Daim s'avançait à g r a n d s pas sur Kut« tenbei'g. L a description que le-Duc 4ui fit de la force et des mouvemens de l'armée du -Feldm a r é c t i a l , l'engagea même à ordonner que six b a t a ' l l o n s et dix escadrons de l'armée , qui assiégeait P r â g u e , vinssent le j o i n d i e , suus les o r d r e s du prince M a u r i c e d'Anhalt. Cependant ¿1 y avait dans l'armée des o(Iicier§ de m a r q u e assez hardis pour soutenir, c o m m e un f u t ind u b i t a b l e , que la grande armée A u t r i c h i e n n e était encore i m m o b i l e dans son ancien camp , près G o l z - J e n k o , et que le duc de B e v e r n , a u m o m e n t où il fut forcé à la retraite , n'avait -
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eu 7 en tête , qu'un corps détaché, sous les o r dres de INadasty. Ils savaient m ê m e donner à cette assertion les couleurs de la v r a i s e m b l a n c e , a u point que la conduite dyi Duc paraissait dans le jour le plus défavorable. Du caractère dont était Frédéric , on i m a g i n e aisément que des bru.ts paréiis durent le flatter beaucoup. Il était convaincu que sa présence seule suffisait pour en imposer à des e n n e m i s qu'il avait battus si souvent; et il supposa , sans doute, que Daurt était instruit déjà de son a r rivée. Les détachemens ennemis qu'il a v a t vus la v e i l l e , près Zasmuk , ayant presque entièrement disparus, cette circonstance vint à l'appui 4 de son opinion • il b l â m a la retraite du duc d e Bevern , et en t é m o i g n a son ressentiment. H est
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vrai que ses reproches ne tombèrent pas personnellement sur le Duc; niais il en accabla d'autant plus impitoyablement le général Mânstein e,t le colonel Fink, .qu'il soupçonnait d'avoir surtout contribué à la retraite de Kuttenberg. Comme il fallait néanmoins dresser un plan d'opérations contre D a u n , on • l'établit sur la. supposition que l'arntée Autrichienne campait encore à Golz-Jenko. L e Roi résolut donc d e sortir de son c a m p , près Malotitz , de s'avancer de nouveau vers Kuttenberg, de tourner la gauche des ennemis , d'attaquer Daun , ou de le forcer à retourner sûr ses pas. Déjà l'on prenait les arrangemens nécessaires pour faire marcher l'armée Sur plusieurs colonnes , lorsqu'on vint, des postes avancés, porter la nouvelle que l'on voyait marcher beaucoup de cavalerie en deçà deZasmuk et derrière Schwbsutz. L e R o i , f o r tement imbu de l'idée que le feld - maréchal Daun se tenait encore immobile dans son ancien c a m p , jugea que cette marche était une simple démonstration d u général .Nadasty, et qu'il n'y avait pas lieu de s'en embarrasser beaucoup. Plusieurs militaires é c l a i r s , qui ne s'abaissaient point à de lâches adulations , essayèrent de prouver que l'assertion du Roi était destituée de fondement ; mais comme leurs représentations furent très-mal accueillies , per-
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sonne n'osa plus dirê son sentiment. Le respectable général Ziethen , quelque ménagement qu il apportât d'ailleurs dans les formes de la contradiction, fut le seul qui ne put s'empêcher de déclarer hautement, et avec la plus amèïe douleur : « qu'il prévoyait le malheur du Roi » et de son armée; malheur infaillible, parce » qu'il ne voulait pas ajouter foi aux rapports J> certains et authentiques qu'il lui avait cora» muniqués touchant les mouvemens de l'en» ne mi. » Dans ces entrefaites, Frédéric renonça pourtant à son projet de marcher sur Kutienberg. Probablement qu'ayant résolu de tourner l aîle gauche de l'ennemi, il crut avoir trouvé un chemin plus court pour parvenir «à son but. Il ordonna donc au Capitaine Gaudi, son aide-decamp , d'aller reconnaître les routes par J a n o witz et lhraslowitz, et de dresser un projet de marche sur trois colonnes ; mais il ne fut pas possible à Gaudi et aux hussards qui l'accompagnaient sous les ordres du major Belling^ de pousser au delà de Ober-Krut. Arrivés jusques-là, ils trouvèrent les forêls déjà occupées par de nombreux détachemens de Croates. Les deux officiers montèrent sur la haute tour du village , et découvrirent le camp ennemi, pose près Ginitz. Ils purent le bien observer dans toute son étendue , à l'exception de son aile
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droite qui se perdait dans un vallon. Malgré cela, on ne voulut point ajo'uter foi à leur rapport , et ils furent très-mftl accueillis l'un et l'autre , pour avoir fait une reconnaiss'ance superficielle. On ne retrouve pas l'esprit militaire du grand F r é d é r i c , dans des traits-de ce g e n r e ; et l'historien de la bataille de Rollin a plus d u n e occasion de réitérer la. même observation, avec d'autant plus de surprise , que généralement Frédéric savait apprécier, avec la plus grande exactitude , les desseins de ses ennemis , discernant toujours le vrai du» faux , et ne se fiant gucres aux apparences. Ici l'on a d'autant plus de peine à s'expliquer 'l'incroyable opiniâtreté, avec laquelle il persista dans son sentiment , que l'on sait la manière dont il s'en expliqua vis-à-Vis du prince Maurice. Lorsque ce Prince a r r i v a , le i 5 j u i n , à l'armée du R o i , avec les renforts qu'il lui a m e nait de P r a g u e , le Roi le mit au fait des a f faires; il l'assura que Daun campait encore à Goltz-Jenko 1 et que l'on allait s'avancer, vers l u i , par J a n o w i t z , pour attaquer son aîle gauche. Après quoi il ajouta ces paroles mémorables : « Si votre Altesse Royale veut que nous » demeurions amis , je la conjure de ne pas » songer, un m o m e n t , à me faire changer de » dessein. » Comme
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C o m m e il était presqu'impossible de s'imagin e r que les Autrichiens ne tenteraient pas au moins de délivrer P r a g u e , et la retraite précipitée du duc de Bevern , prouvant, avec évid e n c e , que tel était leur dessein, la conduite de Frédéric est absolument inexplicable, si l'on n'admet pas que l'inaction à laquelle Daun se condamna durant cinq semaines, et même depuis l'arrivée de ses renforts, fit croire au R o i que le Général autrichien n'osait hasarder une grande entreprise, se défiant du courage et de la discipline dune a r m é e , composée delémens si hétérogènes. Au défaut de cette supposition, l'on se trouve réduit à dire s i m p l e m e n t , que Frédéric ne put vaincre sa destinée , et que l'arrêt du sort le condamnait à voir échouer son dessein contre des évènemens fortuits. L e s fourgons de la boulangerie prussienne, arrivant de IN i m b o u r g , furent attaqués par les ennemis ; on apprit que Nadasty s'approchait de cette ville. Déjà tous ceux qui avaient c r u l'armée Autrichienne encore éloignée , c h a n geaient de langage ; déjà le général Puttkamm e r avait eu le courage de dire au R o i : K q u e , » selon l u i , il ne fallait pas aller si loin pour » chercher D a u n , attendu qu'il avait vu ses » colonnes former leur camp près K i r c h e n a u ; » et le R o i persistait encore dans son opinion 3
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cependant on renonça au projet de marcher à Fennenu par Janowitz. O n craignit d'ouvrir ainsi le chemin de Prague au général N a d a s t y , dont le corps monlanL a quinze nulle h o m m e s , aurait sufli , de concert avec le prince Charles de L o r r a i n e , pour triompher de la petite armée qui assiégeait P r a g u e , et pour délivrer les Autrichiens enfermés dans la capitale de la Bohême. L e R o i jugea donc qu'il valait mieux s'avancer à l'ennemi par K u t t e n b e r g et Suchdol. L'armée devait p a r t i r , le 17 j u i n , à la pointe, du jour-, mais le départ fut différé jusqu'à m i d i , parce que l'on voulait attendre l'arrivée des fourgons de la b o u l a n g e r i e , attaqués par l'enn e m i , et que le général Manstein venait de sauver. Mais quelle ne fut pas la surprise du R o i , lorsqu'il aperçut contre son attente , toute l'armée de D a u n , campée à la distance d'un mille ! A l o r s seulement il l'endit justice à la r e f a i t e du duc de B e v e r n , il reconnut la fidélité de ses rapports ^ concernant les m o u vemens de l'ennemi ; il vit que Daun , pour exécuter les ordres exprès qu'il avait r e ç u s , avait cherché à repousser le D u c ; q u e , pour cet e f f e t , il avait marché sur Jinitz , dans l'intention de s'avancer ensuite sur K e m e r t z i m 5 mais que j sur la nouvelle de la jonction des deux c o r p s , c o m m a n d é s , 1' un par le R.01 et l'autre
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par Bevern, il avait été contraint de s'arrêter à K i r c h e r a u , pour y attendre qu'on l'attaquât, ou pour présenter lui-même la b a t a i l l e , si les circonstances le permettaient. Frédéric alla reconnaître la position de l'ennemi ; il la trouva très - avantageuse : le front de l'armée Autrichienne, postée sur les hauteurs entre Boschutz et Neudorf, étant couvert d'un ruisseau qui avait communication avec les é t a n g s , près Swoyschutz. Il découvrit deux l i gnes et la cavalerie de réserve ; il observa que l'aîle droite, composée d'infanterie et de cavalerie, s'étendait jusques vers Chotzemitz, et que l'armée devait être d'environ soixante mille hommes. Le feld - maréchal Daun ayant occupé tout le terrein qu'il fallait traverser pour arriver à Kuttenberg, le nouveau projet de marche devint aussi ixexécutable que celui auquel on venait de renoncer; et dans la conjoncture d'alors, le parti d'attaquer l'ennemi était le seul qu'il convînt de prendre. Le Roi fît donc appeler tout de suite le duc de Bevern et le prince Maurice. Il d i t , au premier, qu'il venait de se convaincre que l'on avait toute l'armée Autrichienne en face. Le Duc n'avait point encore digéré les traitemens durs et injustes que le Roi lui avait fait essuyer. « J e le savais dès » h\er soir, répondit-il, avant vu les colonnes K 3
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» ennemies former le camp ; mais je n'ai pas » cru devoir en faire l'apport, craignant qu'on » ne me répondît, que ce ne pouvait être que » le corps de Nadasty. » Le Roi sentit que le reproche était mérité. 11 ordonna qu'on se mît incessamment en marche ; que l'on s'avançât jusqu'à Planian, qu'alors on tournât l'aîle droite des ennemis , et qu'on les attaquât le lendemain, i8 juin. Les colonnes s'ébranlèrent aussitôt; mais lavant-garde même fut forcée d'en venir aux mains, pour déloger les détachemens ennemis qui occupaient les défilés, situés en deçà de Planian, et pour frayer ainsi le chemin aux colonnes. L'armée ne posa donc qu'à sept heures du soir son camp entre Kauertzim et Weptschau. Comme ces mouvemens s'exécutaient en plein jour, et en quelque façon sous les yeux de Daun, il put aisément en conclure que le Roi méditait quelque grand coup, et que vrai* semblablement il en voulait à son aîle droite. Dans le dessein de la mettre à couvert, il profita de la nuit pour faire à sa position des changemens destinés à la rendre encore plus inexpugnable. Peu avant le coucher du soleil, on vit s'élever , au dessus du canip Autrichien, un grand nuage de poussière, qui annonçait les mouvemens de l'armée. L'obscurité qui survint, et
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l'impossibilité de faire pénétrer des patrouilles à travers la nuée de troupes qui couvraient la manoeuvre de l'ennemi, ne permirent point d ' a p p r e n d r e , au juste, ce qui se passait près Kirchenau. Il y e u t , sans doute , un grand n o m b r e de gens qui prétendirent deviner le secret de l'ennemi ; mais il n'apartint qu'aux l i o m m e s , vraiment initiés dans les mystères d e l'art, de le découvrir. Les uns soutenaient rjue Daun changeait de position; les a u t r e s , qu'il décampait à gauclie pour marcher par Zasmuk sur Prague ; quelques personnes, mais en petit n o m b r e , pensaient que le F e l d - m a r é chal se r e t i r a i t , ne voulant point courir les hasards d'une balaille. Nous avons dit p o u r quoi il était impossible de vérifier la première de ces conjectures. On découvrit, au bout de quelques heures , la fausseté de la s e c o n d e , d'après le rapport d'une patrouille que l'on envoya à Malotitz. Le Roi se décida donc pour la troisième, d'autant plus q u e , durant toute la n u i t , on ne vit point de feu dans le eamp Autrichien. A la pointe du j o u r , on n'aperçut, vis-à-vis de s o i , que quelques petits détachemens d'observation. On d o n n a , à T r e s k o w , l'ordre de les chasser, et d'occuper, pour protéger la marche de l'armée , une colline située en deçà de PlauiatK Mais à peine l'avant - garde e û t R 3
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elle fait une demi-heure de chemin , qu'elle rencontra un poste avancé de deux mille chevaux Autrichiens, q u i , à l'approche des Pruss i e n s , replia sur un corps de c a v a l e r i e , placé sur trois lignes, près Broditz. On aperçut, en m ê m e t e m s , un mouvement des troupes e n nemies j sur les montagnes près Radonim ; mais leloignement et les hauteurs interposées ne permirent pas de distinguer exactement les objets. Après que le général Ziethen eut traversé Planian , avec l avant - garde , et atteint une colline située au d e l à , on découvrit l'arm é e ennemie rangée en ordre de bataille, et prête à accepter le combat. L e fehl - maréchal Daim ayant vu les P r u s siens campés près W e p l s c h a u , il avait c r u , avec r a i s o n , que ,s'il demeurait dans son poste près Rirachenau , le R o i pourrait aisément tourner son aîle d r o i t e , appuyée contre le coteau de Radonim , et l'attaquer de la hauteur d e Ghoîzemitz qui dominait la plus grande partie de son camp. 11 avait donc jugé qu'il était absolument nécessaire de choisir un poste plus avantageux, ce qu'il avait exécuté durant la nuit. Il avait posté la cavalerie de son aîle droite sur le coteau derrière Chotzemitz -, un chemin creux très-profond en couvrait le flanc. D e ce c o t e a u , la ligne se prolongeait jusqu'à R a d o n i m , et de l à , en se recourbant un p e u ,
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elle s'étendait jusqu'à la hauteur près Boschutz. Il n'y avait point là de cavalerie, parce que le terrein coupé ne permettait pas de l'employer avec succès. Celle qui apartenait à cette aîle, était postée sur trois l i g n e s , avec les rétiniens de réserve, au centre de l'armée, dans une fort belle plaine. L'infanterie de réserve occupait le flanc de l'aile gauche, et s'étendait jusqu'au village de Swoyschutz. La première ligne était sur le penchant^ et la seconde sur le sommet des montagnes qu'elles occupaient. L a grosse cavalerie était fort avantageusement répartie sur toute l'étendue de la l i g n e ; une batterie protégeait même le front de la cavalerie à l'aije droite. En général ,Daun n'avait rien négligé pour donner à son armée la position la plus avantageuse. L a cavalerie du général Nadasty était placée entre la h a u teur de K o l l e r , et le village de Brzisti, et traversait le lvaiserweg. Elle était postée , avec de grands intervalles, de manière à présenter le front à la tête des colonnes Prussiennes. Voilà ce qui engagea le général Z/iethen à ordonner à son avant-garde , et à la division du général Freskow, qu'il avait attirée à soi de se déployer et de s'avancer en ordre de bataille , jusqu'à la grande auberge de Szlatislung, située sur le lvaiserweg. C'est là qu'il résolut d'attendre l'armée. Elle lit halte au même K 4
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e n d r o i t ; et comme l'on pouvait, de l'auberge qui est très-eleve'e, découvrir l'ensemble de la position des ennemis , le Roi s'occupa , avec beaucoup d'attention , à la reconnaître. 11 fut saisi d'étonnement, en voyant combien elle était avantageuse, et il admira l'art avec lequel Daun avait su le choisir. En l'examinant de plus près ,, il fut surtout frappé du mélange ingénieux de cavalerie et d'infanterie que l'ordre de bataille présentait. Daun s'était sagement écarté de l'ancienne méthode d e placer la cavalerie aux ailes de l'armée. Il avait montré beaucoup de talent, en choisissant les plaines , les montagnes et. les villages pour y placer l'espèce de troupes la plus adaptée au local; évitant ainsi la faute que le prince Charles avait commise, de négliger une p r é caution si importante , lorsqu'il se posta la première fois près Prague. Quoique Frédéric eût le coup-d'oeil excellent, et quelqu'exercé qu'il fût à démêler promptement les fautes d e ses adversaires, il ne put découvrir, dans toute la position du feld-maréchal D a u n , un seul endroit assez faible pour se promettre de n'y point trouver de résistance. Il balança quelque t e m s , s'il attaquerait ou s'il prendrait le parti de la retraite. Elle lui était encore o u v e r t e , mais la situation où il se trouvait plaidait en faveur de l'attaque. Autant l'entreprise était
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importante , autant fallait-il se décider p r o m p tement. Il s'agissait , surtout , de trouver un point où l'ennemi donnât prise. Après l'avoir reconnu de plus près , il de'couvrit enfin son seul côté faible. C'était le terrein qui d é b o r dait l'aile droite, et que le corps du général Nadasty occupait. 11 ne paraissait pas tout-àfait impossible de le repousser , de prendre ensuite l'armée à revers et en flanc , et de lui faire perdre ainsi tout l'avantage de sa position. Il dressa, en conséquence, un plan de bataille, que l'on peut regarder comme un chef-d'œuvre de tactique. Mais il fallait, pour l'exécuter, des troupes aussi exercées que les troupes Prussiennes, à manoeuvrer dans l'ordre oblique; et. malgré tous les désavantages du terrein , le succès aurait été infaillible , si l'on ne s'était point écarté , dans la suite, de la disposition primitive. L e Roi fit d'abord défiler à gauche la cavalerie de réserve et une partie de celle de l'aîle droite , de façon qu'il rassembla cent escadrons , y compris l'avant-garde. Il ordonna que le général Z/iethen, avec cinquante escadrons, et le général Hulsen, avec sept bataillons, formassent l'avant-garde, et que l'armée les suivît , tous les bataillons marchant sur deux colonnes. Ziethen reçut l'ordre d'attaquer le corps de Nadasty d e le repousser et de se poster sur une hauteur ,
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située derrière Kutlitz.Hulsen devait suivre cette cavalerie, en longeant le K a i s e r w e g , emporter la batterie qui se trouvait en avant de Krzeczor , occuper ensuite ce village, et surtout un bois de cliéne é c l a i r c i , qui se trouvait sur une hauteur à l'aile droite de l'ennemi , pendant que le général Ziethen continuerait à presser vivement ]\ adasty, et l'empêcherait d'inquiéter le flanc des Prussiens et de rien entreprendre dans la suite contre l'aile gauche de l'armée. Celle-ci , qui avait encore un quart de mille à faire avant d'atteindre l'aile droite de l'ennemi, avait l'ordre de laisser précéder la division de Hulsen à une distance de mille pas, et de continuer à la suivre pendant qu'elle attaquerait, de lui envoyer un renfort de q u e l ques bataillons j si la chose était nécessaire, sinon de se glisser entre Krzeczor et Kutlitz , pour gagner le bois de chêne dont nous avons fait mention, et où l'infanterie de l'aile gauche devait s'arrêter. L a cavalerie de cette a î l e , au contraire , devait s'avancer jusqu'au delà de ce b o i s , et s'y ranger en ordre de bataille; tandis qu'il était très-expressément ordonné à l'aile di-oite de l'armée de ne point dépasser le K a i s e r w e g , en se tenant tout-à-fait éloignée de l'ennemi. Les gens de l'art, qui voudront prendre la peine de s'orienter sur quelque bon plan de ,celte bataille, seront obligés de convenir que
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cette manœuvre savante était le meilleur m o y e n de placer l'armée Prussienne en ligne presque parallèle , vis-à-vis l'aîle droite de l'ennemi , qui était le seul point où il fût possible de l'attaquer. Le succès de cette manœuvre aurait enchaîné la victoii'e; tout semblait présager ce succès heureux ; le Roi n'en doutait plus : il croyait avoir trouvé la clef du poste formidable de Daun; mais la, première partie de sa belle ordonnance ^ savoir, l'attaque de Ziethen et de Hulsen , fut la seule que l'on exécuta h a bilement; et nous allons détailler les singuliers incidens qui firent échouer toute l'entreprise. T o u s les Généraux étaient encore assemblés chez le R o i , dans l'auberge de Szlatislunz, pour recevoir leurs instructions, lorsque le lieutenantcolonel Balby aperçut, d'une f e n ê t r e , u n officier Autrichien caracolant à deux cents pas de la cavalerie , qui était descendue de cheval ; il paraissait observer les mouvemens des Prussiens. On dépêcha à sa poursuite quelques hussards d'ordonnance, postés à la porte de l'auberge. Ils réussirent à l'enlever ; e t , lorsqu'il fut c o n duit en la présence du R o i , il dit : « qu'il se » nommait Kraus , qu'il était capitaine au ré» giment de G i u l a i , et qu'il avait été détaché , )> avec quelques autres officiers , pour recon» naître les forces des Prussiens. » Il ajouta : » qu'on avait reçu de Vienne l'ordre exprès
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» de délivrer P r a g u e à tout prix , et que le » R o i serait infailliblement, attaqué dès demain, » peut-être ihême aujourd'hui. » Il est possible que la captivité de cet oflieier ail été le fruit d e la célérité et de l'adresse des hussards Prussiens ; cependant on est tenté de c o n c l u r e , de sa déposition hardie , qu'il se laissa prendre à dessein, et qu'en faisant menacer le R o i de se voir attaqué par une armée si supérieure en n o m b r e à la sienne, on voulut l'engager à la retraite. Quoiqu'il en soit, rien ne put ébranler la ferme résolution que Frédéric avait prise de livrer bataille. D a u n , de son côté , n'avait pu refuser son admiration aux premières manœuvres des Prussiens. L u i et ses Généraux n'avaient pas cru que le R o i aurait la hardiesse d'attaquer leur belle armée dans une position si avantageuse, et vu la grande disproportion qui se trouvait entre leurs forces et les siennes. Ils soutenaient tous q u e , vraisemblablement, il prendrait le parti de la retraite. L e major Yeltesz ( i ) , que le F e l d maréchal honorait de toute sa confiance, c o m m e « n oflieier d'un mérite reconnu,, fut le premier qui le rendit attentif à la direction que le R o i ( l ) V o y e z l ' o u v r a g e a l l e m a n d intitulé : sur I f s rapports
qui
subsistent
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entre
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Considérations et la
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s e m b l a i t donner à la m a r c h e de ses t r o u p e s , et lui inspira quelques craintes p o u r son aîle droite. A l o r s s e u l e m e n t , D a u n sentit la nécessité d e r e n f o r c e r , de ce côté , sa position , qu'il c r o y a i t t o u t - à - f a i t i n e x p u g n a b l e . Il m o n t r a b e a u c o u p d e lalens et d'activité d a n s les m e s u r e s qu'il prit pour opposer un con'.re-poids suffisant a u x forces P r u s s i e n n e s , à l'endroit qu'elles m e naçaient. N o n - seulement il y fit m a r c h e r sa r é s e r v e et une partie d e l'infanterie qu'il t i r a d e la s e c o n d e ligne de son aîle g a u c h e , p o u r a p p u y e r en flanc l'aile d r o i t e , m a i s il r e n f o r ç a e n c o r e les postes a v a n c é s , près K r z e c z o r ; il fît o c c u p e r le bois de chêne p a r des C r o a t e s et p a r des détachemens d'infanterie a l l e m a n d e , a y a n t eu soin de pourvoir tous ces divers points d e d é f e n s e d'un n o m b r e suffisant d e canons. A p r è s ces d i v e r s p r é p a r a t i f s , il attendit l'ennemi a v e c b e a u c o u p de s a n g - f r o i d . Il était m i d i ; l'armée P r u s s i e n n e était e n c o r e i m m o b i l e aux eirvirons de S z l a t i s l u n z , en partie à c a u s e q u e la chaleur était excessive ce j o u r là , en p a r t i e p o u r attendre l'arrivée des trois b a t a i l l o n s de g r e n a d i e r s qu'on détachait de l'aile droite , e t qui devaient aller j o i n d r e le c o r p s de H ü l s e n . D a n s ces e n t r e f a i t e s , D a u n avait e u le tems d'achever ses p r é p a r a t i f s , et le c o r p s d e N a d a s t y s'était r e t i r é , en b o n o r d r e , jusqu'au delà et près de K u t l i t z . C'est là q u e , p a r t a g é
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en plusieurs divisions, il occupait le terrein, situé entre le vallon en deçà de K o l l i n et le bois de chêne dont il a déjà souvent été question. Ce fut alors que les Prussiens commencèrent de nouveau à s'ébranler. L e R o i paraissait se p r o m e t t r e , avec une entière c o n f i a n c e , le succès des mesures qu'il avait prises ; e t , en observant de plus près la position des ennemis , il dit aux personnes qui l'entouraient : par notre première attaque, que nous en » voulons à son aile droite , aura le tenis et le » loisir de s'y ine.ttre en état de défense, et » alors les obstacles, qui sont maintenant levés » en partie, iront toujours en croissant. » Mal» gré la sagesse de ces observations, le Roi les accueillit avec beaucoup de hauteur,et fît même au Duc une réponse infiniment désagréable. On annonça, dans le même moment, au R o i , les succès de Hülsen et de Ziethen. Tout le monde s'attendit alors qu'il allait donner l'ordre de se remettre en marche ; cependant il ordonna, contre l'attente générale : « que l'armée se ran» geât en ordre de bataille sur la place même » où elle avait fait halte, pour aller aux en;) nemis. » Les Généraux prussiens furent extrêmement frappés de voir le Roi s'écarter , d'une manière si surprenante j du plan dont on était convenu; et ils en furent d'autant plus affligés, qu'il était presque évident que l'on ne parviendrait point Tome /. L
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ainsi au but que l'on se proposait. L e prince Maurice j qui s'intéressait si vivement à la gloire de l'armée , eut encore le courage de réitérer ses objections. « Il est impossible, d i t - i l , que » l'attaque réussisse de ce côté-ci. L'aile gauche m de 1' arniee est cncorc beaucoup trop éloignée » du point où la disposition porte que l'on » doit faire halte. De la manière dont l'on veut » s'y p r e n d r e , il n'est plus possible de gagner » l'atle droite des Autrichiens ; et si l'on per» siste à se ranger ici en ordre de bataille 3 l'on » sera forcé d'attaquer l'ennemi de front , et » précisément à l'endroit où il est le plus avan» tageusement posté. » Au lieu de peser un avis si respectable par les motifs qui le d i c t a i e n t , le Roi réitéra simplement l'ordre de se ranger en bataille. Le Prince , qui p r é v o y a i t , en m i litaire habile, toutes les suites d'une résolution si précipitée, répondit avec dignité : « Il m'est » impossible d'obéir à cet ordre , sans manquer » à mon devoir, et sans me rendre infiniment » responsable. J'ai déjà allégué les raisons pé» remptoires qui me forcent à désespérer du » succès dé l'entreprise projetée. J e prie donc » encore une fois votre Majesté de faire con» tinuer aux colonnes leur m a r c h é , pour p a r » venir au lieu où elles pourront remplir leur h destination. » Ces nouvelles représentations, quelque fondées qu'elles fussent, provoquèrent
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le courroux du Roi. Il pousse son cheval, et Rapprochant du Prince , l'épée à la main , il lui demande d'un air menaçant : « s'il prétend » obéir, ou non ? » Ceux qui furent témoins de cette scène, craignirent que Frédéric ne se portât à des extrémités plus fâcheuses encore , pour punir le Prince d'avoir osé le contredire. Mais son obéissance forcée désarma le courroux du Monarque. De ce moment, personne n'eut le courage de hasarder la moindre o b jection, et l'armée se rangea en bataille. Seulement les quatre régi mens de cavalerie de l'aîle gauche reçurent 1 ordre de faire halte aux pieds de la hauteur de Brzisti, parce que, sêlon les propres expressions du R o i , ils étaient hors d'état d'agir pour le moment, et jusqu'il ce que l'infanterie eût gagné du terrein. Ce fut ainsi q u e , non-seulement on perdit tout le fruit que l'on avait droit de se promettre de la disposition faite à Szlatislunz, et qui était vraiment un chef-d'œuvre de l'art; niais l'inconséquence avec laquelle on rangea l'armée en bataille , fut encore le principe de tous les malheurs qui signalèrent cette journée. 'Alors on se trouva dans l'impossibilité de faire attaquer le flanc droit des Autrichiens par l'aîle gauche des Prussiens. Celle-ci se trouvait encore à une distance de deux mille cinq cents pas du boîs de chêne qui lui avait été assigné; parconL 2
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séqucnt elle ne pouvait ni appuyer Hulsen, ni tourner sous sa protection l'aîle droite des ennemis. D'un autre côté, l'aile droite des Prussiens qui f d'après la première ordonnance , devait garder Brzisti en face , se trouvait pour lors vis-à-vis du village de Brzistau. L'on s'élait si prodigieusement écarté de la teneur des instructions dressées avant la bataille , qu'au lieu de conduire l'armée, en ligne parallèle, vis-àvis l'aîle droite des ennemis, on l'avait placée en direction presque parallèle , vis-à-vis leur front, que l'on avait cependant jugé inattaquable à Szlalislunz. Le sort déplorable qui attendait les Prussiens à Kollin , parut, dès - l o r s , entièrement décidé. Daun , au contraire , dut aux paprices de la fortune , les incidens heureux qui secondèrent les efforts de son génie , et auxquels il ne pouvait guères s'attendre. Mais je me hâte de tirer le rideau sur cette scène désastreuse, après avoir détaillé les causes qui durent nécessairement produire d'aussi funestes effets. Quand on aime sa patrie, il est impossible de v o i r , d'un oeil indifférent, tant de milliers d'hommes sacrifiés en pure perte. Mais le premier devoir de l'historien est de présenter tous les faits qu'il rapporte dans leur véritable jour. 11 était deux heures après-midi, lorsque l'armée se trouva rangée dans la nouvelle position
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que le Roi lui avait donnée. Il fit aussitôt aller à l'ennemi l'aîle gauche de son infanterie. Les généraux Schoneich et Manstein , qui avaient à l'aîle droite , l'un, le commandement d'une brigade, et l'autre, celui de la cavalerie , avaient r e ç u , en même tems, l'ordre exprès de refuser entièrement à l'ennemi les troupes qu'ils commandaient , et d'éviter , à tout prix , le combat. A l o r s commença, des deux côtés, une canonnade très-vive ; mais l'on aperçut, en mèmetems , que Daun retirait la cavalerie de son aîle droite ; qu'il la remplaçait par une partie de linfanterie de la même aîle ; qu'il employait celte cavalerie à assurer le flanc de sa d r o i t e , çt qu'il remplaçait le vide occasionné , par-là dans la première l i g n e , au moyen de régimens tirés de la seconde. Nous avons déjà rapporté plus haut que Hulsen s'était heureusement acquitté de la première partie de sa commission. Il lui restait encore à occuper le bois de chêne; ce qui devenait d'autant plus indispensable, que son flanc gauche souffrait beaucoup du feu de l'infanterie A u t r i chienne, maîtresse de ce bois. Hulsen , brûlant de zèle pour ses devoirs et d'amour pour sa patrie, n'avait pas l'heureux talent de se prêter promptement aux circonstances, et il montra beaucoup de mal-adresse dans celte occasion. Il choisit, pour attaquer et en même tems pour L 3
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occuper le b o i s , deux bataillons de grenadiers , qui ne comptaient plus que cinq cents hommes. Cette petite troupe de braves réussit à déloger l'ennemi de la forêt; mais la perte qu'elle souffrit la mit hors d'état de défendre le poste i m portant qu'elle avait forcé, lorsque, dans la nuit, Daun envoya de l'infanterie toute fraîche pour le reconquérir. Nous aurons occasion de montrer plus bas combien cette circonstance influa sur la perte de la bataille. A peine l'aîle gauche des Prussiens eut-elle franchi l'espace de cinq cents pas , que le Roi s'aperçut qu'elle était hors d'état de remplir son b u t , au point où elle se trouvait. Il ordonna donc à la ligne de tirer insensiblement à gauche. 11 n'était pas facile d'exécuter ici , selon les règles de l'art, une manœuvre qui réussit trèsbien aux soldats , quand ils font simplement l'exercice en tems de paix. L'artillerie Autrichienne écrasa des rangs entiers; de l à , beaucoup de désordre dans la marche, et des lacunes si grandes, qu'il fallut quatre bataillons de la seconde ligne pour les remplir. Au moyen de cette ressource, et des efforts continuels que l'on faisait pour tirer toujours à gauche, on avait cependant gagné déjà au delà de huit cents pas de terrein ; de manière que le dernier bataillon de la première ligne dépassait un peu l'aile droite des ennemis. Après que l'on eût
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obtenu cet avantage, qui fut assez chèrement acheté, et la grande faute que l'on avait faite en rangeant prématurément l'armée en bataille, ayant été, en quelque façon, un peu réparée, il était bien naturel que le général Pennavaire quittât la hauteur de Brzlsti , où il avait été provisoirement posté, et tirât aussi, avec sa c a valerie, vers l'aile droite de l'ennemi, pour être à portée de seconder les opérations du Roi. Un général plus habile , et qui aurait bien saisi l'esprit de la disposition primitive , aurait senti q u e p u i s q u ' o n était parvenu, bien que par d'autres moyens, au but que l'on s'était proposé, c'était le moment d'agir en conséquence , de son côté, sur le terreiu qui lui avait été assigné. Mais Pennavaire demeura tranquillement sur la hauteur, où sa présence était devenue absolument inutile. L a ponctualité scrupuleuse et déplacée de Pennavaire à ne point s'écarter, malgré le changement des circonstances, des ordres qu'il avait reçus, et la faute que le général Hulsen commit, en occupant le bois de chêne par un détachement trop faible, entraînèrent les suites les plus fâcheuses. Tandis que l'aile gauche de l'armée était enfin parvenue à joindre le corps de Hulsen; tandis que l'on faisait des prodiges de valeur en assaillant l'aile droite de l'ennemi ; tandis que l'on emportait la batterie placée en L 4
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avant de la ligne Autrichienne , et que déjà les baïonnettes Prussiennes enfonçaient le régiment de S a l m , la division Autrichienne , que l'on avait déloge du bois de chêne 3 revint à la c h a r g e , renforcée de trois bataillons du flanc , attaqua le petit corps* de grenadiers, montant à quelques centaines d'hommes, auxquels on avait confié la garde du bois , les en chassa , et les força à à se retirer sur Krzeczor. Malgré cet incident funeste , q u i , joint à un second événement désastreux dont nous allons parler , décida proprement la perte de la b a taille , l'héroïque valeur des Prussiens semblait encore présager la victoire; et il y a toute a p parence q u e , dans ce m o m e n t , Daun crut la bataille p e r d u e , puisqu'on sait qu'il donna l ' o r dre de se retirer sur Suchdoll , ayant fait circuler d^ns son armée un billet, tracé en hâte avec le crayon. Heureusement pour Daun , le lieutenant-colonel des dragons de S a x e , Benkendorf, arrêta ce billet chez le général Nostitz, lorsqu'il vit l'ardeur des Prussiens se ralentir , «t leur l i g n e , manquant d ' a p p u i , se rompre ( i ) . Aussitôt que lps Autrichiens se virent de nouveau maîtres du bois de chêne, Nadasty ne tarda point à marcher en avant, Zicthen (I) V o y e z VHistoire hof, T o m . i p . 216.
de la guerre de sept ans par
Tempel-
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l'attaqua et le renversa ; mais le feu du détachement, posté dans le bois, l'empêcha., comme à, la première attaque j de poursuivre son avantage , et l'obligea même à reprendre son ancien poste. Tel était l'état des affaires à l'aîle gauche des Prussiens, lorsque le général Manstein s'avisa de tirer trois bataillons du centre de la ligne , pour aller attaquer , dans les formes, le village de Cholzemitz ,.siluc vis-à-vis de la ligne, et gardé par un fort détachement. A peine le duc de Bevern eût'-il aperçu cette manœuvre , qui était en contradiction manifeste avec les instructions qu'il avait reçues de bouche , au moment où l'on se rangea en bataille , qu'il fit ordonner à Manstein de ne point engager le combat. Celui - ci répondit qu'il agissait en vertu d'un ordre exprès, qui lui avait été porté par un Aide-de-camp du Roi (i). Cette attaque, entreprise si mal-à-propos, eut les suites les plus fâcheuses. Non - seulement Manstein rencontra de très-grands obstacles, le terrein étant désavantageux, et les ennemis opposant une résistance vigoureuse ; mais, lors même qu'il eût réussi à emporter le village, il ne put s'avancer que jusqu'au pied de la hauteur inacces( i ) On m'a a s s u r é , que le capitaine V a r e n n e avait été porteur de cet ordre.
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sible , située au delà du village. C e fut là que ses bataillons souffrirent beaucoup sous le feu de mitraille des batteries Autrichiennes , sans qu'il lui fût possible de faire usage de ses canons, ni d'atteindre le sommet de la roche escarpée. L'inconvénient qui résulta, pour l'ensemble de la bataille, de ce combat si mal entendu , fut q u e , peu à p e u , l'infanterie de l'aîle droite se trouva engagée à en venir aux mains avec l'ennemi , de façon que l'on n'eut plus un seul b a taillon à sa disposition, lorsqu'on voulut soutenir l'aile g a u c h e , succombant aux efforts p é nibles qu'elle avait faits durant l'espace de trois heures (1). L e feld-maréchal Daun,au contraire , ( i ) D'après ' l ' o r d r e
de b a t a i l l e , Manstein
commandait
l a p r e m i è r e b r i g a d e de l'aîle droite. L e s trois
bataillons
e m p l o y é s à l ' a t t a q u e d u v i l l a g e de C h o t z e m i t z a y a n t été tirés d u c e n t r e de la l i g n e , il y a a p a r e n c e
que le
Roi
choisit M a n s t e i n p o u r lui e n confier le c o m m a n d e m e n t , e s p é r a n t qu'il s i g n a l e r a i t , dans cette occasion , sa
valeur
é p r o u v é e , c o m m e à ta bataille de P r a g u e , o ù il f o r ç a l e p o s t e a v a n c é des e n h e m i s e n t r e K y g a et H o r t l o z e r s , p a r o ù i l d é c i d a la v i c t o i r e . M a n s t e i n était r e n t r é au s e r v i c e Prussien ,
qu'il
avait
quitté
autrefois pour
servir
eu
Russie. C'était un homme d'une complexion extrêmement r o b u s t e , et p a r sa v a l e u r e x t r a o r d i n a i r e , u n d i g n e é m u l e d e B a y a r d , ce f a m e u x Chevalier
sans peur. Il b r a v a i t tous
les d a n g e r s a v e c u n s a n g - f r o i d i m p e r t u r b a b l e . Il f u t blessé à Kollin. L o r s q u ' a p r è s blessés de L e u t m e n t z
cette bataille
on t r a n s p o r t a
les
à D r e s d e , sous e s c o r t e d'un r é g i -
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r e n f o r ç a i t , de m o m e n t en m o m e n t , son aile droite m e n a c é e d'un si grand péril ; il r e d o u b l a i t son feu , tandis q u e celui des Prussiens c o m mençait à l a n g u i r , leurs forces s'épuisant, et la grosse artillerie f a i s a n t , au milieu d'eux , des ravages incroyables. L e Roi o r d o n n a , à la v é rité , p o u r r e m p l i r les v i d e s , que la ligne se resserrât toujours davantage à g a u c h e ; niais il était d e v e n u absolument impossible d'exécuter u n e m a n œ u v r e pareille sous le g r a n d feu des ennemis. Enfin le m o m e n t décisif était venu. L a cavalerie d u flanc Autrichien , et u n e partie d e celle q u i était postée derrière l'aile d r o i t e , c o m m e n c e à s'ébranler. Elle semblait vouloir d o n n e r sur l'aîle gauche d u général Hulsen. P o u r s'opposer à ce m o u v e m e n t d a n g e r e u x , le R o i fait o r d o n n e r , au général P e n n a v a i r e , d e g r a v i r la h a u t e u r de Krzeczor avec sa c a v a l e r i e , et d'attaquer celle de l'ennemi. Mais il était dit q u e , d a n s celte malheureuse j o u r n é e , tous les o r d r e s seraient ou m a l compris o u exécutés à c o n t r e - sens. Au lieu de conduire sa cavalerie d r o i t au s o m m e t de la h a u t e u r , ment ci-devant Saxon , ils tombèrent en la puissance de Laudon, au passage des montagnes. Manstein fut le seul qui ne voulut point se rendre. Il se défendit contre les Croates , qui le tuèrent à coups de lance.
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et de tomber sur la cavalerie Autrichienne, qui commençait seulement à se former, Pennavaire prit, on n'a jamais su pourquoi , un détour par Brzisti j rencontra des chemins creux , et laissa le tems à l'ennemi de se ranger sur deux lignes, et de s'avancer à la rencontre des dix escadrons qui s'étaient rangés en bataille. Pennavaire, à la vérité, marcha à l'ennemi avec ces dix escadrons, sans attendre les dix autres; mais il était impossible que ce "choc réussît. Heureusement encore la cavalerie Autrichienne ne sut point profiter de son avantage, mais se relira sur sa seconde ligne, sans avoir été renversée. Les Prussiens, cependant, ne purent tirer parti de cette faute de l'ennemi, leur flanc étant exposé au feu des canons placés dans le bois de chêne, le régiment posté à l'extrémité de l'aîle gauche de cette cavalerie ayant reculé, et les autres qui n'étaient pas même tous encore rangés en bataille , ayant cru devoir imiter cet exemple. Cette singulière manœuvre, où de part et d'autre les escadrons ne renversèrent ni ne furent renversés, inspira néanmoins à la cavalerie Prussienne une terreur panique , telle que, lorsqu'on voulut peu après l'employer pour soutenir l'infanterie, les officiers essayèrent en vain de ranimer le courage de leurs cavaliers , et de les faire aller à l'ennemi. L e régiment du prince de Prusse „
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conduit par le prince Maurice, fut même tellement effrayé d'une salve générale et trèsmal-adroite qu'il essuya de la part d'une compagnie de grenadiers Autrichiens , qu'au lieu de tomber dessus, il prit la fuite, et passa sur le corps *au régiment de Bevern. L e Roi même ne réussit à faire avancer sa cavalerie que jusqu'à la portée du canon ennemi. Elle se d é banda , et prit la fuite jusques bien au delà du Kaiserweg, Cl l'on eut beaucoup de peine à la rallier. L e bi-ave colonel Seydlitz tâcha de réparer la faute de P e n n a v a i r e , en donnant sur l'ennemi avec dix escadrons, à la faveur d'une petite plaine située entre le bois de chêne et le flanc des Autrichiens. Il hacha en pièces un régiment presqu'entier ; la cavalerie voulant s'opposer à l u i , il la renversa, et tomba sur un autre régiment, auquel il enleva ses drapeaux. Mais ce coup très-hardi ne produisit pas plus d'effet que la nouvelle attaque où Ziethen réussit encore , à repousser Nadasty, pour la troisième fois. L'aile gauche de l'infanterie était alors beaucoup trop affaiblie, pour qu'on ne désespérât pas entièrement de tout succès ultérieur. Cette brave infanterie se trouvait entièrement hors d'état de repousser les e n n e m i s , dont le nombre s'accroissait à chaque instant. Elle avait donné, avec une constance vraiment
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héroïque, les preuves de la valeur la plus consommée. Presque la moitié des combattans avait péri, et ceux qui réchappèrent se voyaient entièrement abandonnés à leurs propres forces , faute de toute ressource pour les soutenir. Il y avait de grandes distances entre le's bataillons, à cause du nombre prodigieux des morts, le soldat était sans munitions de g u e r r e , et cependant il se maintenait encore sur le terrein conquis , avec une persévérance d'autant plus honorable , qu'on avait accumulé les inconséquences dans le commandement. Cette situation déplorable des Prussiens, n'échappa point à l'attention des ennemis ; léur cavalerie surtout saisit, avec a r t , le moment où elle aperçut tous les vides que la ligne des Prussiens offrait, et la répugnance de leurs escadrons à retourner à la charge. Benkendorf, le même qui avait montré tant d'intelligence en arrêtant le billet tracé au crayon, par D a u n , se jeta, avec quelques centaines de chevaux, sur une partie de la division de Hulsen. Plusieurs régimens le suivirent , et quatorze b a taillons ayant été renversés, furent en partie hachés, en partie' faits prisonniers. Les débris dispersés, de cette infanterie, se retirèrent, en désordre , vers l'aîle gauche, abandonnant leur artillerie, En vain les officiers de tous les grades s'efforçaient de les rallier. L e Roi lui-
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ï'jSj.
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même, ramena environ quarante hommes avec quelques drapeaux, et se flattant qu'une grande partie des fuyards se joindrait à lui, ¡1 fir marcher cette petite troupe, contre utie batterie, au son de la musique militaire; mais son attente fut trompée. Il fut abandonné, même par ce petit nombre de braves, à l'iustant où ils se vivent à la portée du canon. Us l'avaient suivi plus par un sentiment de respect pour sa personne, que dans l'espoir de vaincre. Frédéric ne s'aperçut point qu'ils l'avaient quitté. Seul, il continuait à s'approcher, avec sangf r o i d , de la batterie. Ses aides-de-camp craignirent qu'il n'en approchât de trop près; enfin le major Le Grand prit la parole, et lui dit: « Sire, » voulez-vous aller vous emparer seul de la » batterie? » Le Roi arrêta son cheval, porta les regards en arrière, examina la batterie avec sa lorgnette , puis s'avança au petit pas Yers l'aîle droite de son armée. Tandis que ces évènemens fâcheux se passaient à l'aîle gauche, Manstein se maintenait encore au pied de la hauteur près Chotzemitz; il ne put avancer au delà, et se borna a entretenir , pendant quelques heures, une canonnade absolument inutile. Aussitôt que Daun eut fait avancer son aile droite jusqu'au bois de éhêne, et qu'après s'être posté de nouveau sur la montagne près Krzeczor, il fit jouer,
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de tous côtes, sa grosse artillerie sur les Prussiens ; il la dirigea surtout contre les bataillons , déjà considéi'ablement affaiblis, de M a n s tein. Celui-ci, vivement poursuivi par les A u trichiens ^ dans sa r e t r a i t e , fut donc obligé de ramener ses bataillons par Chotzemitz, à l'arle droite. On n'y avait fait d'autre changement, que de tirer de la seconde ligne une partie des régimens qui la f o r m a i e n t , p o u r ' r e m p l i r le vide occasionné par l'attaque de Manstein. Lorsque le R o i vit que la bataille était perdue sans retour , il fit appeler le duc de B e vern et le prince Maurice. Il leur ordonna de faire retirer l'armée Vers N i m b o u r g ^ par l e défilé de. P l a n i a n , et de passer l'Elbe à N i m hourg. Il les précéda lj^i-même, accompagné de ses gardes - du - corps. U n e multitude de f u y a r d s des divers régimens de cavalerie , et plusieurs valets conduisant les chevaux de leurs maîtres, grossirent la troupe qui suivait le R o i . Ces gens s'étant écrié, tout à coup, qu'ils apercevaient les hussards Autrichiens, une fausse alarme se répandit généralement, et l'on se m i l à courir un demi-mille au g a l o p , jusqu'à ce qu'enfin on laissa aux chevaux le tems de reprendre haleine, lorsqu'on vit qu'il n'y avilit aucun danger à craindre. Presqu'au moment où le R o i quitta l ' a r m é e , Daun fit défiler l'infanterie de son aile gauche devant
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devant la cavalerie, il fit descendre l'une et l'autre de la hauteur de Brzesau, sous les ordres du général Esterhazy, pour attaquer les r é g i mens Prussiens de l'aile d r o i t e , qui se tenaient encore en ordre de bataille. Ceux - ci m a r chaient courageusement à la rencontre d e l'ennemi , et le combat se rétablit ici avec beaucoup de chaleur. Le duc de Bjvern , qui avait accompagné le Roi , revint aussitôt en grande hâte, il retrouva les bataillons au fort du combat le plus m e u r t r i e r , où ils montraient la plus grande valeur, bien que toute l'artillerie Autrichienne les foudroyât, et fil de grands ravages au milieu d'eux. Cependant le Duc n'ordonna point la retraite ; au contraire , il r e n v e r s a , à différentes reprises, la cavalerie qui se préparait à donner sur les Prussiens, et força même l'infanterie à se retirer jusqu'à Brzesau. Cette intrépidité prévint la ruine totale de l'armée. On eut le tems de rassembler les f u y a r d s , on rangea les bataillons au delà de Planian , et l'on se mit en marche , sur N i m b o u r g , à l'enLrée de la nuit. On ne fut absolument point inquiété dans la retraite. Daun , trop heureux d'avoir remporté la première victoire sur Frédéric , lui faisait un pont d'or. 11 était même si peu fier de ses succès, qu'il renvoya à N i m bourg les blessés que le prince Maurice avait laissés à Planian, en les faisant r e c o m m a n d e r
Tome I.
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à l'humanité du Feld - m a r é c h a l , par l'officier auquel il avait confié la garde de ces i n f o r tunés. Le général Ziethen f u t le dernier des Généraux prussiens qui resta sur le champ de b a taille. Ce grand capitaine , que la fortune se plut toujours à favoriser , demeura , jusqu'au soir, maître du terrein sur lequel il avait, trois fois, repoussé INadasly. Et ce ne fut qu'à jour tombai)', qu'il c o m m e n ç a , dans le plus bel o r dre , sa retraite par Féchmitz sur Nimbourg. Telle fut l'issue de cette bataille m é m o r a b l e , où le Roi perdit trois cent v i n g t - s i x officiers, treize mille quatre cent quarante-sept hommes tant morts que blessés et prisonniers , l'élite de son infanterie et quarante canons. N o n - s e u l e ment elle dérangea tout le plan d'opérations qu'on avait dressé à l'ouverture de la campagne, mais ou eut sujet encore d apprehender les suites fâcheuses qui en résulteraient. C'était la p r e miere fois que 1 armee Prussienne éprouvait un revers aussi accablant. Le découragement fut général, et il fallut la victoire de Leuthen , pour en effacer la profonde impression. Les malheurs de la journée de K o l l i n , auxquels on s'attendait si p e u , affectèrent m ê m e beaucoup le corps d'armee qui assiégeait Prague. On chercha a tromper le s o l d a t , en r é p a n d a n t , avec beaucoup d'éclat, la nouvelle « que le duc de
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» B e v e r n avait battu l'aile gauche do l ' e n n e m i , » et r é p a r é , p a r - l à , tous les désastres d'un j o u r » si malheureux. » M a i s on trouva peu de d u pes , l ' h o m m e ne revenant pas aisément des p r e m i è r e s impressions qui l'ont affecté , et son i m a g i n a t i o n lui peignant l'avenir des plus s o m b r e s c o u l e u r s , quand les infortunes qu'il é p r o u v e l u i laissent le tems de la réflexion ( 1 ). A u s s i les G é n é r a u x prussiens et le R o i l u i - m ê m e , p a r t a g e a i e n t - i l s bien v i v e m e n t la d o u l e u r et les appréhensions du soldat. L e s personnes qui ont v u le R o i à N i m b o u r g , où on le t r o u v a assis sur un t u y a u de f o n t a i n e , et enfoncé dans de p r o f o n d e s méditdtions , et celles qui ont eu o c casion de lui parler , i m m é d i a t e m e n t après son (1) J'étais a u q u a r t i e r - g é n é r a l d u f e l d - m a r é c h a l K e i t h , l o r s q u ' o n y r e ç u t la p r e m i è r e n o u v e l l e de la p e r t e d o la bataille et d e s circonstances q u i ' l a v a i e n t a c c o m p a g n é e . Je f u s t é m o i n d e l à c o n s t e r n a t i o n de tous les G é n é r a u x . C e s h o m m e s si fiers de leur c o u r a g e et de la d i s c i p l i n e a d m i r a b l e des Prussiens , essayaient v a i n e m e n t cher
leur
émotion.
prouva mieux que
Un
silence
de
quelques
de
ca-
minutes
11e l'auraient fait b e a u c o u p d e
dis-
c o u r s , à q u e l p o i n t l ' a c c a b l e m e n t é t a i t ' g é n é r a l et p r o fond. L e p r i n c e de P r u s s e , f r è r e d u R o i , si c o n n u p a r la
douceur
de
son
caractère, fut
é c h a p p e r des plaintes a m è r e s
le
seul q u i laissa
sur la c o n d u i t e d u
Mo-
n a r q n e . Q u e l q u e f o n d é s q u é fussent les r e p r o c h e s q u ' i l s e p e r m i t , ils lui a t t i r è r e n t , dans la s u i t e , la d i s g r â c e q u i hâta sa m o r t p r é m a t u r é e .
M
a
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retour au camp de P r a g u e , pourraient seules nous dépeindre la situation de son â m e , dans cet affreux moment. On connaît l'impétuosité du caractère de ce grand homme. On sent que sa position , alors, était vraiment désespérée, puisqu'il se v o y a i t , non - seulement privé des moyens d'exécuter ses vastes projets 3 mais r é duit même à la dure nécessité d'abandonner ses conquêtes « n Bohême. 11 était évident que la perle de cette bataille allait redoubler l'activité des ennemis qui le menaçaient de loin. S'il l'avait perdue, c'était uniquement par sa propre faute. Est-il étonnant, après cela, que son â m e ardente fût le théâtre des plus truelles agitations et d'un combat douloureux ? C'est ici le moment de réfléchir sur les opéra'ions de Frédéric , depuis la bataille de P r a gue , en abandonnant au lecteur de décider si elles répondaient au but q u i l se proposait, ou si plutôt elles n'étaient pas de nature à amener nécessairement une catasti'ophe, que l'on aurait pu prévenir en comptant un peu moins sur la fortune, toujours aveugle et toujours inconstante. Le prince Charles de Lorraine n ' i m a g i nant aucune autre ressource pour son armée , après la bataille du 6 m a i , s'était jeté dans Prague avec la plus grande partie de cette a r m é e , trop heureux de trouver un asile si prochain. 11 y avait rassemblé son infanterie, de quarante-
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13 1
quatre mille h o m m e s , et deux mille chevaux. 11 y fut étroitement investi, parce que le R o i se flattait que la disette le forcerait à se rendre. CeLte conception était sans doute hardie et f é conde. En supposant l'exécution des desseins du R o i possible, on avait lieu de compter sur une paix prochaine. Il eût été bien glorieux assurém e n t , pour F r é d é r i c , de réduire à la captivité deux armées dans l'espace de huit mois. Quelle satisfaction pour son a m o u r - p r o p r e , si l'événement avait justifié la vaste étendue de ses projets , toujours conçus en g r a n d ! Cependant il paraît q u e , dans cette occasion, le g r a n d homme c a l c u l a un peu trop s u p e r f i c i e l l e m e n t , et n'eut point assez égard aux incidens, qu'il était néanmoins possible et naturel de prévoir. Si nos lecteurs se rappellent ce que nous avons dit a u sujet de la bataille de P r a g u e , ils conviendront, du m o i n s , que l'obstination du R o i , à l i v r e r cette bataille le 6 m a i , d i m i n u a considérablement l'avantage qui pouvait en r é s u l t e r , et occasionna toutes les mesures que l'on prit dans la suite, et qui ne sont excusables qu'en p a r t i e , paila situation politique du R o i à cette époque. On savait qu'il se préparait de formidables a r m e m e n s , contre l u i , en .Russie, en F r a n c e , en Suède et dans l'Empire. M a i s , en réussissant à désarmer l ' A u t r i c h e , on pouvait se flatter d e pi'évenir les hostilités des autres Puissances coaM 5
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lisëes. Il importait donc infiniment de bien choisir le moment pour frapper , avec courage et sans délai, quelques coups décisifs.Ces principes avaient dirigé la conduite du Roi jusqu'à la bataille de Prague. Il commença à s'en écarter le jour où il livra cette bataille. Depuis la victoire qu'il y remporta , il parut compter beaucoup trop sur la fortune, oubliant ses caprices, et se permettant de mépriser beaucoup trop ses e n nemis. La résolution que le prince Charles avait été forcé de prendre, avait conduit une armée dans les murs de Prague. On savait que M a r i e Thérèse en rassemblait une seconde dans la M o r a v i e , sous les ordres du feld - maréchal Daun. 11 était à présumer que celle-ci tenterait l'impossible pour délivrer Prague. Le parti que l'on prit de bloquer cette ville , était d o n c , de tous ceux que l'on avait pu embrasser , le moins propre à accélérer le dénouement de la sanglante tragédie. Ce blocus fit traîner les opéralions en longueur; et comment le Roi put-il se flatter d'emporter si promplement la place par famine et par un b o m b a r d e m e n t , dont la grande étendue de la ville ne permettait pas qu'on se promît beaucoup d'effet? Etait-il démontré que le prince Charles ne tenterait point de se frayer un passage les armes à la main ? Ses forces n'étaient-elles pas très-suffisantes pour triompher des obstacles que les Prussiens lui opposaient,
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et qui n'étaient rien moins qu'insurmontables ? L'exemple donné en 1 7 4 2 ? p a r l e général B e l lisle, n'était - il pas très - encourageant pour le P r i n c e ? Du moins fallait-il compter qu'il attendrait les dernières extrémités, avant d'en venir à une capitulation si honteuse. Bien que les magasins fussent mal approvisionnés à P r a g u e , on venait d'apprendre, par l'exemple des Saxons , combien il dépend d'une armée investie de d i f férer le moment où elle se décide à rendre les armes. 11 n'aurait pas fallu perdre un tems si précieux, et permettre ainsi au f e l d - m a r é c h a l Daun d'organiser son a r m é e , et de s'avancer au secours des assiégés. Il ne m'appartient point de décider si l'on n'aurait pas pu choisir, dans celte conjoncture, des moyens de parvenir plus promptement au but. J e suis encore plus éloigné d'affirmer qu'il aurait été plus avantageux de fournir au prince Charles une occasion de sortir de P r a g u e , pour le réduire ensuite à l'inaction par de savantes manœuvres , et en choisissant de bons postes, pour faire, en attendant, la conquête de Prague. Ce qui me paraît néanmoins évident, c'est qu'eu ne supposant point a la r e traite des Autrichiens sur P r a g u e , et en faisant le blocus de la v i l l e , on perdit tout le fruit de la victoire que l'on venait de remporter. S u p posé même que d'après la première et belle ordonnance de bataille, on eût été vainqueur à M 4
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K o l l i n , ce nouveau triomphe ne devenait qu'un faibfe acheminement au but vers lequel on tendait. D a u n j eût-il même été battu , n'en c o n s e r vait pas moins sa supériorité sur le Roi. Dans une contrée qui lui offrait tant de postes avantag e u x , il pouvait aisément se replacer a i l l e u r s , de manière à opposer aux Prussiens une résistance formidable, sans qu'ils eussent le t r i o m p h e , si ardemment désiré, de f o r c e r a une c a pitulation l'armée de P r a g u e , qui aurait infaillib l e m e n t pris enfin la résolution de forcer le passage. Au r e s t e , l'on est réduit jusqu'ici à de simples c o n j e c t u r e s , pour expliquer l'obstination avec laquelle le R o i , malgré touLes les sages r e p r é sentations qu'on lui f i t , s'écarta, de propos d é l i b é r é , de la disposition de bataille qu'il avait l u i - m ê m e projetée, et qui était si merveilleusem e n t adaptée aux circonstances. On ne sait a b solument point ce qui put le porter à tenter une entreprise q u i l avait l u i - m ê m e jugée i x e x é c u table. Il ne s'est jamais expliqué sur ce point. Seulement il convient, dans une lettre à d'Al e m b e r t , qu'il a fait une faute en employant trop peu d'infanterie à Kollin. Quelques m i l i taires qui ont assisté à la bataille , croient : « qu'en observant de plus près la position rae» naçante des ennemis, et les mesures que tXiun » prenait pour mettre son aîle droite à couvert
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» d'une attaqué , le Roi commença à penser » qu'il serait impossible, avec une armée aussi » faible que la sienne , de battre celle des A u )> trichiensqui était du double plus fort; qu'ayant » formé le dessein de travei'ser les projets de » Daun, mais les deux armées se trouvant ino» pinément en présence, parce que Daun l a » vait prévenu, il ne voulut pas avoir la honte » de reculer; qu'ainsi il arrêta les (êtes des co» lonnes dans leur m a r c h e , et détacha seule» ment les généraux Ziethen et Hülsen, pour » attendre si ces généraux réussiraient à s'ac» quitter de leur commission ; pensant que dans » ce dernier cas, il dépendait encore de lui de m rappeler ces corps; ou que , si l'ennemi s'avi« sait de les allaquer vigoureusement, et de les » poursuivre, en quittant, pour cet effet, le » poste avantageux qu'il occupait, il pourrait » alors faire marcher ses colonnes pour l'atta» quer sur un terrein plus favorable à leux*s m évolutions. Après que Hülsen eut conquis la » batterie avancée, le village de Krzeczor, et » surtout le petit bois de chêne, Daun forti» fiant toujours son flanc aux dépens de ses » l i g n e s , le Roi c r u t , p e u t - ê t r e , qu'il serait » avantageux, d'attirer l'attention de l'ennemi » d'un autre côté, où il ne s'attendait point à » se voir attaqué. Il put espérer que la valeur » de son infanterie seconderait l'attaque de
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j) » » » » y> » » »
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H u l s e n , qui continuait à profiter de ses p r e miers avantages, et même se flatter de réussir à séparer l'aîle droite des ennemis. Et sa s i tuation étant d'ailleurs presque désespérée, ces considérations l'engagèrent, selon toute a p p a r e n c e , à ranger sou armée en bataille , à faire aller son aîle gauche à l'ennemi, et à ordonner ensuite l'attaque du village de Cliotzemitz. » Soit que l'on veuille admettre ces hypothèses, soit que Frédéric se fut effectivement flatté que la fortune l'aiderait, c o m m e à P r a g u e , à frapper un coup si h a r d i , il trouva i c i , pour son m a ï lieur, les circonstances beaucoup moins favorables. A P r a g u e , l'aîle droite du prince Charles était déjà en partie repoussée, en partie séparée de l'aile gauche ; et toute l'aîle di'oite Prussienne pouvait seconder M a n s t e i n , lorsqu'il attaqua le poste avancé près Horlotzer. Daun,au contraire, dont la ligne ne présentait aucun intervalle v i d e , était à même d'opposer, à toutes les entreprises du R o i , une défense vigoureuse , parce que le c o u r a g e , l'ordre et la discipline signalaient son a r m é e , sans compter et la bonté du poste qu'elle o c c u p a i t , et l'artillerie aussi nombreuse que bien servie, qui r é p a n d a i t , au l o i n , la terreur et la ntert. En g é n é r a l , la conduite du R o i , dans cette journée , prouve qu'une confiance excessive en la fortune et dans les ressources
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du génie, est un ccueil contre lequel les plus grands hommes même peuvent échouer.
C H A P I T R E Suites
de la bataille (juillaume
VI.
de Kollin. I.c de Prusse.
prince
L a victoire que Daun venait de remporter à Kollin , fut d'autant plus glorieuse pour lui , qu'elle était infiniment importante pour son. objet. On prodiga les éloges à ses talens; on le compara même à Fabius qui sauva la république R o m a i n e , ainsi que Daun avait sauvé la m o narchie Autrichienne, en temporisant. M a r i e Thérèse ne trouvait pas de termes assez; é n e r giques pour exprimer la reconnaissance qu'elle devait au Feld-maréchal. L'éclat de sa victoire nous paraîtra cependant moins éblouissant, si nous l'envisageons de sang-froid et sans préjugés, et nous conviendrons qu'il n'en fut pas redevable uniquement à son génie, mais encore à des circonstances purement fortuites. I n d é pendamment même des fautes que l'on a droit de reprocher aux Prussiens, dans la journée de K o l l i n , elle n'eût pas été si glorieuse pour
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D a u n , sans l'habileté de deux officiers d'un g r a d e subalterne. Ces deux hommes décidèrent d u succès, plus que toutes les savantes dispositions dont on fait honneur au Feld-maréchal. O n se rappellera qu'il fut averti par l'un du défaut essentiel de son ordonnance de bataille, et que l'autre, sans attendre les ordres du G é néral en c h e f , sut profiler ingénieusement du moment favorable pour assurer le gain de la bataille, que l'on croyait déjà perdue • nouvelle preuve que ce n'est point au nombre des a n nées de service , mais à la sagacité du c o u p d'oeil, et à la présence d'esprit, que doit se mesurer le mérite des officiers. Du champ de bataille , Frédéric se rendit eu hâte à l'armée qui assiégeait Prague. II y trouva les généraux Winterfeldt el Retzow ; il p e i g n i t , avec les plus vives c o u l e u r s , à ces deux h o m m e s qui étaient les dépositaires de ses plus secrètes pensées , le revers qu'il venait d'essuyer. F r é d é r i c , après un coup aussi i m p r é v u , ne fut point à l'abri des faiblesses de l'humanité , mais il en triompha bientôt; e t , loin de livrer son âme à un lâche découragement, on le vit prendre , sans d é l a i , les plus sages résolutions. A peine eût-il versé sa douleur dans le sein de ses deux amis à peine eût-il consacré quelques instans à méditer sur le danger de sa situation , et à se reprocher, peut-être en m ê m e
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teins, ses torts, que sa présence d'esprit et son g r a n d cœur remportèrent, et qu'on vit le m a l heur même bander les ressorts de son génie. 11 voyait que son plan d'opérations pour ceite campagne était absolument échoué. 11 étai t convaincu que les alliés de la maison d'Autriche allaient se hâter d'accomplir les d e s s e i n s , dout la politique et les inLrigucs de cour avaient , jusqu'alors retardé l'exécution. Il ne s'aveuglait point sur les dangers et sur la ruine presque infaillible qui le menaceraient, du moment où ses ennemis auraient le courage de l'attaquer à la fois de tôus côtés, en réunissant leurs forces. Il ne lui restait donc qu'à s'armer de constance, à ne hasarder aucune entreprise p r é m a t u r é e , à épier plutôt attentivement la direction que ses ennemis donneraient à leurs opérations, pour profiter de leurs moindres fautes. T e l un vieux chêne brave les aquilons sur un mont solitaire , ils courbent ses branches sans le déraciner; tel on vit Frédéric affronter l'orage qui menaçait sa tète. L a levée du siège de Prague fut le premier résultat, et le résultat le plus naturel, de la malheureuse journée de Kollin. On décampa dès le lendemain de la bataille. L ' a r m é e du R o i se retira de grand matin , sous les j e u x d e l'ennemi ; et avec la plus grande pompe m i l i taire , elle opéra sa jonction avec le duc de
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Bevern, à Lissa. Le feld-maréchal K e i t h , qui avait jusqu'alors bloqué Prague , du côté de la ville qu'on nomme le Petit-Quartier, leva le camp le même jour, mais seulement l'iprèsmidi, selon l'ordre exprès du Roi. Le prince Charles eut donc le tems de se préparer à l'inquiéter dans sa retraite. Il y réussit d'autant mieux , que Keith différa un peu trop longterns son départ, pour laisser à la colonne de son aile droite, commandée par Winterfeldt, le tems de se retirer (i). L'arrière-garde de la colonne, qui marchait sous les ordres de Keith, fut vivement attaquée ; elle perdit au delà de quatre cents hommes, morts ou blessés. Dans la nuit suivante, plus de mille déserteurs quittèrent l'armée , qui alla camper près Leutmeritz, sur la rive gauche de l'Elbe (2). Une partie de l'ar( 1 ) W i n t e r f e l d t qui n'avait point été poursuivi p a r l ' e n n e m i , avait opéré sa retraite plus proptement q u e Keith ne l'avait cru. Lorsqu'il a p e r ç u t que les A u t r i chiens attaquaient l'arrière-garde de la seconde c o l o n n e , il fît dire au M a r é c h a l , « qu'il était haut tems de songer « à se mette enfin en m a r c h e . » K e i t h piqué de v o i r qu'on ne rendait pas justice à sa bonne intention , r é pondit à l'Aide-de-camp de W i n t e r f e r l d t : cc Dites à votre » général que je n'ai craint que p o u r lui. m (2) Durant notre marche sur Leutmeritz , nous fûmes f r a p p é s d'un spectacle qui fit d'autant plus de sensation, que-tous les esprits étaient encore fortement préoccupés de la grande catastrophe de Kollin. Dans la nuit a u 2 3 au.
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D E
ce
lieu ,
camps. U n
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r,c p o s t a s u r l a r i v e o p p o s é e ,
du Roi
superbe pont de pierre, en
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lit
la
qui traverse
communication
troisième corps,
et l e
le
fleuve
des
commande
deux par
le
prince de Prusse,
m a r c h a de J u n g - B u n z l a u
sur
jNeuscldoss,
il a l l a o c c u p e r
camp
re-
tranquille
du-
tranché
L'armée rant
d'où
près
trois
le
Eohmiseh-Leipa.
Prussienne demeura mois,
dans
cette
position,
c e q u e l'on p û t d é c o u v r i r
les
tions de la g r a n d e a r m é e
Autrichienne ,
jusqu'à
véritables
intencom-
posée des d e u x c o r p s , c o m m a n d é s par le p r i n c e C h a r l e s et par D a u n . Lissa avait été l e u r p o i n t d e r é u n i o n , et le m o i s de j u i n était p r ê t à
finir,
24 j u i n , on a p e r ç u t tout-à-coup u n e centaine de grands f e u x dans les m o n t a g n e s voisines qui séparent la Bohême d e la Saxe.
L'armée q u i campait dans le voisinage
de
ces m o n t a g n e s en f u t t r è s - a l a r m é e , et c o m m e n o t r e s i tuation nous p o r t a i t naturellement à donner a u x chose» les interprétations
les plus s i n i s t r e s ,
nous p r î m e s
ces
f e u x p o u r des f e u x de g a r d e , et nous c o n j e c t u r â m e s q u e l e p r i n c e Charles avait détaché un c o r p s dans les m o n tagnes p o u r nous c o u p e r la r e t r a i t e , p e n d a n t qu'il a t t a q u e r a i t l'armée. O n d é p ê c h a donc aussitôt plusieurs p a trouilles p o u r a p p r e n d r e de quoi i l s'agissait. Mais nous fûmes bientôt rassurés , lorsque nous f û m e s informés q u e ces f e u x avaient été alumés par les habitans des m o n tagnes p o u r c é l é b r e r ,
selon l ' u s a g e , la fête
de
Saint
Jean. C e t t e aventure contribua néanmoins b e a u c o u p a u g m e n t e r le nombre des déserteurs.
à
192
CUEHRE
DE
SEPT
ANS.
avant que les deux Généraux eussent rien d é cidé sur leurs opérations ultérieures. Ils b a l a n çaient encore entre deux partis , ne sachant s'il vaudrait mieux transporter le théâtre de la guerre en S a x e , et prêter ainsi la main aux A l liés , ou bien détacher différa 11s corps pour chasser le Roi de la B o h ê m e , et tenter ensuite la conquête de la Silésie. L e s Autrichiens p a rurent d'abord diriger leurs mouvemens le long des rives de l'Elbe, du côté de la S a x e ; quand ils marchèrent ensuite du côté de Miinchengràtz, on put croire qu'ils avaient des vues sur la Silésie. M a i s autant ils auraient porté un coup mortel au R o i , en tombant sur la Saxe , de concert avec l'armée Française et celle de l'Emp i r e , autant négligèrent-ils de s'occuper sérieusement à conquérir la Silésie. Au lieu de prendre sagement ses mesures pour cet effet, le prince Charles tourna le camp du prince de P r u s s e , près L e i p a , après quoi il marcha sur Zittau et sur la Lusace. On ignore pourquoi, entre les divers plans d'opération qu'il pouvait choisir , il adopta précisément celui qui offrait, d'un côté, le moins d'avantages pour la cause comm u n e , et présentait, de l'autre ^ les plus grandes difficultés , relativement à la subsistance de l'armée. On ne comprend point qu'avec u n e armée trois fois plus f o r t e , q u e celle du prince de Prusse-, et le corps de ce dernier ayant une communication
C A M P A G N E
DE
l']^ 7 ]-
1 g3
communication si mal assurée , avec l'armée du Roi , sur les bords de l'Elbe, le Général autrichien n'ait pas essayé de forcer le poste d u prince de Prusse,à Leipa, attendu surtout, qu'en y réussissant, il aurait contraint le Roi à quitter la rive gauche du fleuve. Il est également Inconcevable, qu'après avoir soigneusement évité de s'approcher trop des Prussiens , et après leur avoir enlevé, par une attaque vigoureuse , le poste et le magasin de G a b e l , leur ayant ainsi coupé toute communication avec Zittau , le prince Charles ait pu livrer cette malheureuse ville aux flammes 3 pour en chasser un détachement, d'à-peu-près mille h o m m e s , qui s'y trouvait, afin de protéger le magasin qu'on y avait établi. Si le prince Charles n'attaqua point les Prussiens à Leipa, on peut en conclure qu'il avait ses bonnes raisons pour éviter une bataille, et qu'en se postant à Z i t t a u , il se flattait de couper toute communication au Roi avec la Silésie, dont il faciliterait, de cette m a n i è r e , la c o n quête. Quant au traitement qu'on fît éprouver à la ville de Zittau, il paraît qu'on s'y porta par des raisons purement politiques, que l'on f u t bien aise de masquer, sous l'apparente nécessité de sacrifier cette ville à la vigoureuse défense qu'y firent les Prussiens (i). Nous ne déciderons ( i ) L'industrie des habitans de Zittau excitait depuis
Tome I.
N
19 f
GUERRK
DE
S E P T
ANS.
pas jusqu'à quel point cette conjecture est fondée. Ce qui est sûr, c'est que les fautes, les irre'solutions du prince Charles, et le peu d'activité qu'il mit dans ses opérations, malgré la grande supériorité de ses forces ^ fournirent au roi de Prusse les moyens d'épuiser totalement la partie de la Bohème, dont il était encore maître, et de profiler du grand magasin de Leutmeritz, pour fournir tous les moyens de subsistance nécessaires à son armée. 11 s'obstina à se maintenir en Bohème avec toute son a r m é e , jusqu'au i 5 août. Il défendit expressément au prince de Prusse de se retirer au delà de Leipa ( i ) ; et longtems la jalousie des fabricans de Bohême. Ils voyaient de mauvais œil leur activité , la perfection et le débit do leurs marchandises. On s o u p ç o n n e donc que le prince Charles fit c o n v e r t i r c e t t e ville en un m o n c e a u de cendres, pour profiter de l'occasion qui se p r é s e n t a i t de favoriser les fabriques de B o h ê m e ,
par
c e t t e interruption , au
moins m o m e n t a n é e , de l'industrie et du oommerce
flo-
rissant des habitans de Z i t t a u . ( I ) L o r s q u e le p r i n c e de Prusse notifia a u Roi sa refaite de Neuschlofs
sur
L e i p a , en allégant
les raisons qui
l ' y avaient d é t e r m i n é , le Roi lai répondit : « D'après votre » r a p p o r t , j ' a p p r o u v e la m a r c h e de l'armée sur L e i p a ; j'es» p è r e q u e , d e ce moment,vous ne ferez plus un pas en a r ai rière , à moins de vouloir vous trouver bientôt au milieu » de la S a x e .
Quelques jours après,le R o i écrivait encore
à son frère : « Si vous continuez votre retraite plus loin , « vous serez repoussé ; au bout d'an mois, jusqu'aux portes
C A M P A G N E
D E
17^7.
IG5
le Prince ne consultant point ses Généraux, mais s'en tenant scrupuleusement aux ordres du R o i , n'osa prendre sur soi de hâter sa retraite sur Zittau. Si l'on n'avait pas commis ces fautes, et si le R o i , au moment où il pénéti'a les Vues du prince Charles sur la Lusace, était allé joindre le prince de Prusse avec la plus grande partie de son armée, pendant que le feld - maréchal Keith opérait sa retraite sur Dresde, tous les mouvemens de l'armée Autrichienne n'auraient abouti à r i e n , et ils n'auraient guères eu à se vanter de leurs exploits après le gain d'une bataille. Ce fut l'invincible opiniâtreté du R o i , à prolonger son séjour en Bohème, en dépit de tous les périls et aux d é pens des ennemis, qui favorisa leur expédition de Zittau, et attira au prince de Prusse les revers accablans dont il fut la victime. Car Frédéric voulant se maintenir dans son poste près Leutmeritz, il fallait que l'armée de son f r è r e , qui couvrait son aîle gauche, demeurât à Leipa. En reculant plus loin, elle le forçait à se retirer, avec elle, ou à passer l'Elbe. Voilà ce qui explique l'ordre si expressément donné au Prince , de ne point quitter son camp près L e i p a , et telle fut la cause nécessaire de « d e Berlin. » V o y e z l ' o u v r a g e p u b l i é à L e i p s i c en sous le titre de Recueil de lettres dit toi de Prusse.
N a
177a,'
ig6
GUERRE
DE
SEPT
ANS.
l'échec que le Prince reçut. On a eu bien tort de l'imputer à son incapacité. 11 était très-propre à commander une ai'mée , et avait prouve d é j à , dans d'autres occasions, ses talens militaires. Il y a partage d'opinions, enlre les contemporains, sur cet événement, qui fit beaucoup de bruit dans le tems, et qui mit la réputation du prince de Prusse dans un faux jour. Quelques personnes prétendent que le Prince sollicita le commandement de la troisième division de l'armée, que le Roi répugna à le lui accord e r , et que se défiant de ses talens, il lui associa Wintcrfeldt pour le diriger par ses conseils. Ces personnes ajoutent que le Prince s'en r a p porta moins à Winterfeldt qu'à ses autres G é n é r a u x , qu'il rassemblait presque tous les jours pour délibérer avec eux. D'autres soutiennent que ce furent des raisons politiques qui e n g a gèrent le Roi à confier au Prince le commandement de l'armée battue à Kollin. Ils expliq u e n t , par-là, et la première instruction donnée au Prince, en termes si vagues ( i ) , et la d é fense positive de continuer sa retraite, et le choix du favori Winterfeldt pour l'accompa(j) On trouve cette instruction dans le Recueil des lettres du Roi de Prusse , que nous avons cité plus haut , page XI. Elle est d'une ambiguïté vraiment unique , et sans signature.
CAMPAGNE
DE
*97
gner. « La journée de K o l l i n , disent les parti» sans de cette opinion, fut la première où le » Roi eut le malheur d'être battu. Il craignit » pour sa gloire plus que pour son armée et » pour ses Etats. Il pensa qu'on attribuerait » uniquement à la perte de la dernière bataille, » tous les désastres qui allaient peut-être fon» dre sur lui. Il apprit que le prince de Prusse i> s'était permis des expressions un peu fortes » sur les fautes qui occosionnèrent la perte de » la bataille , et sur les suites funestes qui en » résulteraient, selon toute apparence. 11 put v donc être bien aise de voir son frère réduit » à la situation embarrassante où il se trouva ; » se flattant que le souvenir de la malheureuse » journée de Kollin s'effacerait par-là, et que » l'on pourrait rejeter siîr un autre les désas» très dont on se voyait menacé. » Nous ne prétendons point décider entre ces deux opinions qui circulaient mystérieusement à l'époque dont nous retraçons la mémoire. Mais en supposant qu'il faille recourir à l'une des deux, pour expliquer l'événement dont il s'agit, nous ne balancerions pas de décider que la première ne mérite absolument aucune créance. L e prince de Prusse avait trop d'esprit, il connaissait trop le Roi son frère, pour ambitionner et pour solliciter le commandement de l'armée battue à Kollin ; c a r , sans compter qu'on ne pouvait N 5
198
GUERRE
DE
SEPT
ANS.
guères se flatter de r e t r o u v e r , dans le soldat, immédiatement après ce désastre, son audace et sa valeur naturelle , le Prince connaissait, sans d o u t e , l'ineffeçable jalousie qui subsiste presque toujours entre les souverains et les héritiers de leur trône. Personne n'ignore ni les malheurs qui furent le résultat inévitable de la situation du Prince, ni la dureté avec laquelle le Roi le traita l u i rriême, et les Généraux qui commandaient sons ses ordres ( 1 ). Ces derniers cm furent d'autant plus surpris, que Frédéric excepta le seul W i n terfeldt. Quant au P r i n c e , s'abandonnant à son juste courroux , il se décida promptement à quitter l'armée. Il se rendit droit, à Baulzen , après avoir écrit au Roi : « qu'il se voyait perdu » d'honneur et de réputation dans l'esprit de » son Souverain, à en juger par ses lettres et. » par le traitement inattendu qu'il lui faisait » essuyer. N'aycnt aucun reproche à me f a i r e , » ajoutait- il , ce qui m'arrive m'afflige sans w m'humilier. J'ai l'intime conviction de n'avoir (1) A peine l'avant-garde de l'armée , qui se retirait de la Bohème,sous les oidres de l'infortuné prince de Prusse, «ût-elle atteint le camp du Roi à Bautzen , qu'il fit appeler le générel Jolz, et lui dit,de l'air le plus menaçant : « Dites à tous les Généraux de l'armée de mon frère, » qu'à l'exception de Winterfeldt, ils mériteraient tous » de perdre la tête. »
C A M P A G N E
D E
17^7.
IC)y
» point agi par caprice, et de n'avoir point ac» cordé ma confiance à des gens qui en étaient j) indignes. Tous les Généraux de mon armée » me doivent ce témoignage. Je crois donc » qu'il serait superflu de prier Votre Majesté » de faire examiner ma conduite. Ce serait « une grâce, et c'est pourquoi je n'ose point » rriy attendre. Les fatigues , et plus encore » les chagrins, ont ruiné ma santé, et c'est » pour la rétablir que je me suis rendu à Bautj) zen. J'ai prié le duc de Bevern de fournir j> tous les éclaircissemens relatifs à l'état de » l'armée. Néanmoins, je supplie Votre Majesté » de croire que les malheurs, si peu mérités et » si accablans , que j'éprouve , n'affaibliront v point ,dans mon c œ u r , les sentimens que je m dois à la patrie ; en fidëlle sujet de Votre Ma» jesté, je sentirai une joie inexprimable, si le » succès couronne vos entreprises. » L e Roi fît, de sa propre main, la réponse suivante à celte lettre : « Mon cher frère, votre conduite imprudente » a considérablement dérangé mes affaires. Ce » ne sont point les ennemis, mais vos fausses » mesures , qui m'attirent tous ces désastres. » Mes Généraux sont inexcusables, ou de ne » vous avoir pas mieux conseillé, ou d'avoir » consenti à l'exécution de vos plans si mal » concertés. V o s oreilles ne sont accoutumées N4
aoo
GUERRE
DE
SEPT
ANS.
» qu'au langage de l'adulation. Daun ne vous j> a point flatté , et vous en avez vu les suites. » Dans cette triste conjoncture , il ne me •» reste qu'à prendre un parti désespéré. J'at» taquerai, et si nous ne pouvons vaincre , » nous sommes tous décidés à nous faire tuer. » J e n'accuse pas votre cœur, mais bien votre » incapacité et votre défaut de jugement » dans le choix des mesures qùil convenait » de prendre. Quand on n'a plus que peu de » jours à vivre, toute dissimulation devient » superflue. J e souhaite que vous soyez plus j) 'heureux que je ne l'ai été ^ et que tous les » malheurs et les revers que vous avez éprou» vés , vous apprennent à traiter les affaires » importantes avec plus d'application, plus de » discernement et plus de résolution. L a plus » grande partie des évènemens malheureux » que je prévois, est votre ouvrage. Vous et » vos enfans, vous en souffrirez plus que moi. » Soyez, en attendant, convaincu que je vous » ai toujours aimé, et que je mourrai avec ce » sentiment. » Votre affectionné frère , F r é d é r i c
( I ). »
A u camp près Bautzen , le i 3 J u i l l e t ,
1757.
(l) Ces lettres sont tirées du Recueil
des lettres
du
Roi
C A M P A G N E
D E
S i l'on pèse a t t e n t i v e m e n t q u e l q u e s sions
infiniment
201
expres-
caractéristiques de ces
deux
l e t t r e s , o n sera tenté d ' a d o p t e r l ' o p i n i o n g é n é r a l e m e n t a d m i s e a l o r s d a n s l ' a r m é e , et q u e d e s p e r s o n n e s q u i se d i s a i e n t initiées d a n s c e r t a i n s mystères , appuyaient fortement. Cependant le p r i n c e d e P r u s s e n e s u r v é c u t pas l o n g t e m s à son malheur.
La
d é p l o r a b l e issue d e la p r e m i è r e
c a m p a g n e , où le c o m m a n d e m e n t lui avait été c o n f i é , f u t le g e r m e d e la m a l a d i e , d o n t
ce
p r i n c e , si g é n é r a l e m e n t a i m é , à c a u s e d e s o n a f f a b i l i t é et d e toutes les q u a l i t é s é m i n e n t e s q u i l e d i s l i n os a i e n t ,' m o u r u t l ' a n n é e s u i v a n t e . Il n e m é r i t a i t a s s u r é m e n t pas les c r u e l s a f f r o n t s q u e l ' i r r é v o c a b l e arrêt d u d e s t i n , et le p l u s s i n g u l i e r c o n c o u r s d e c i r c o n s t a n c e s l u i fit e s s u y e r . A v e c u n e a r m é e d ' e n v i r o n 20,000 h o m m e s , il sut tenir t ê t e , a u delà d e trois s e m a i n e s , à la g r a n d e a r m é e A u t r i c h i e n n e , b i e n q u e la s i e n n e , si f a i b l e e n c o m p a r a i s o n , et d a n s u n e p o s i t i o n si p é r i l l e u s e , se trouvât e n c o r e a f f a i b l i e d e j o u r e n j o u r p a r l a d i s e t t e , p a r l a d é s e r t i o n et p a r d e c o n t i n u e l l e s e s c a r m o u c h e s . S'il ne quitta p o i n t le p o s t e d e B ô h m i s c h - L e i p a , ce f u t e n v e r t u d'un
ordre
e x p r è s qui l u i f u t d o n n é , m a l g r é ses r e p r é s e n tations r é i t é r é e s sur la nécessité d e p r o t é g e r l a de Prusse, p a g e s ¿ 4 et 35. Nota. L e traducteur n'ayant p u
se procurer cet ouvrage, l é s a traduites d'après la version Allemande,
202
G U E R R E
DE
S E P T
ANS.
V : lle et le m a g a s i n de Z i t t a u , et de sauver son a r m é e du péril qui la menaçait. Ce retard involontaire laissa au grince Charles plus de tems qu'il n'en f a l l a i t ; en mettant m ê m e toute la l e n teur i m a g i n a b l e dans ses opérations , pour couper aux Prussiens toute c o m m u n i c a t i o n avec Z/itlau, et pour les forcer à chercher leur salut à travers les rochers les plus escarpés. 11 est impossible de réunir ces diverses considérations , sans payer un tribut de c o m p a s s i o n à la m é m o i r e d u Prince qui fut la victime innocente du malheur des tems. Dans sa position , et v u la relation délicate qui subsistait entre lui et ses Généraux , il fit tout ce qu'on pouvait exiger de lui. L e s g e n s du métier plaidèrent sa cause m ê m e dans l'armée Autrichienne , et les troupes P r u s siennes avaient tant d'attachement et tant d e considération p o u r lui , qu'à son départ pour Dresde tous les G é n é r a u x qui avaient servi sous ses ordres , eurent la hardiesse d'aller lui f a i r e leur cour , et d'approuver le parti qu'il prenait. Personne ne s'intéressa davantage à son m a l h e u r que le d u c de Bevern. Il avait,, c o m m e le P r i n c e , encouru la d i s g r â c e du R o i ; et il était r é s o l u , à son e x e m p l e , de quitter l'armée. M a i s le B r i n c e qui savait c o m b i e n l'armée et l'Etat perdraient par la retraite d'un général aussi habile , le conjura de rester. Souffrez, disait-il à ses g é n é r a u x , que je m'immole seul pour
C A M P A G N E
D E
1757.
2o3
TOUS. Cette victima suffira vraisemblablement pour appaiser le courroux du Roi mon frère (*)•
Autant Frédéric était mécontent de la c o n duite du prince de P r u s s e , autant l'on b l â m a i t , à V i e n n e , les opérations des Généraux autrichiens, depuis la bataille de Kollin. Après celte b r i l lante victoire , la cour se flattait au moins d e contraindre le roi de Prusse à évacuer trèspromptement la Bohême. Cet espoir était d'autant plus fondé que , depuis les brillans succès du feld - maréchal Daun les Alliés de la maison d'Autriche commençaient à montrer plus d'activité qu'auparavant ; et personne n'imaginait qu'il fût possible au R o i de faire tête à tant d'ennemis aussi puissans. On était donc fort mécontent des lenteurs du prince Charles ; et bien (j) Lorsque , dans la suite, le lieutenant H a g e n , aide-de camp du Prince, vint annoncer sa mort au R o i , celui-ci lui d e m a n d a f r o i d e m e n t : De
quelle
maladie
mon frère
est-il
donc proprement mort ? Ilagen ne put contenir les sentimens douloureux que le sort du Prince lui avait inspirés. I,e
chagrin
, r é p o n d i t - i l , a abrégé
les jours
du Prince.
Le
R o i , qui le c o m p r i t , lui tourna le dos sans lui r é p l i q u e r ; mais il ne lui accorda point les prérogatives , dont les Aides-de-camp des Généraux , tués ou morts , ont c o u tume de jouir. Hagen fut renvoyé au r é g i m e n t , dont o n l'avait tiré au commencement de la g u e r r e , e t fut tué en 1762 , à l'affaire de Burkersdorf.
204
G U E R R E
DE
S E P T
ANS.
qu'il amusât le public par les exploits insignifians de quelques détachemens particuliers, aux ordres des généraux Beck, Haddick, Kleefeldt et Laudon ^ les gens de l'art n en censuraient pas moins j et avec raison, sa conduite. Ils soutenaient , « que le Prince n'avait suivi aucun » plan fixe d'opérations dans son expédition de » Zittau. » C'était, selon eux, un espoir chimérique , de prétendre réussir de cette manière à couper au Roi sa communication avec la Silésie , attendu qu'il aurait aisément trouvé moyen d'y pénétrer ^ par un détour, si son intention eût été de transporter,dans cette province, le théâtre de la guerre. On lui reprochait la destruction de Zàttau, comme une action tout-à-fait inconsidérée. « Il aurait entièrement dépendu de l u i , » disait-on , de couper aux Prussiens toute com» munication avec cette ville , et de s'emparer » du magasin qu'ils y avaient établi. Ceci eût, » en quelque façon , justifié son projet d'entrej) prendre la conquête de la Silésie, du côté j> de la Haute-Lusace ; bien que d'ailleurs ce » chemin ne fût ni le plus court ni le plus sûr , » vu le défaut total de magasins. L e s forces du » roi de Prusse étant si prodigieusement infé» rieures aux siennes., il aurait mieux fait de » détacher tout de suite, en Silésie, des bords » de l'Iser, par Frautenau et Landshut^ un » corps de 3o,ooo hommes, pour se frayer la
C A M P A G N E
D E
1757.'
-2Ô5
>1 roule de Schweidnitz, et pour conquérir cette v forterese, avant que les Prussiens eussent le » tems d'y faire entrer une garnison suffisante M pour la défendre. Quoi de plus ridicule, au » cotiirnire , de se borner à envoyer, çà et l à , » dans les montagnes,quelques parhs deCroates, » et à faire répandre en Silesie de vaines et insiv gniiiantes déclarations, par un nommé Netto)> litzky ( 1 ) ! » Tels étaient les jugemens que les gens de l'art portaient à Vienne. Ils différaient sans doute beaucoupde l'opinion qui prévalutdans le conseil de guerre que le prince Charles avait rassemblé, avant même de quitter Lissa. Il y fut conclu de chasser le R o i de la Bohême, par des manœuvres adroites, et de conquérir la Silésie, au moment où il serait forcé de faire tête aux Alliés qui allaient tomber sur lui. Il faut convenir que tous les mouvemens de l'armée Autrichienne, jusqu'à Z i t t a u , furent très-bien calculés d'après ce plan. Mais que ce plan paraît mesquin, quand on songe aux grands coups qu'une armée de 100,000 hommes aurait pu et dû frapper dans cette conjoncture ! Frédéric ayant laissé io,ooo ( hommes à Dresde, (l) Voyez l'ouvrage intitulé : Considérations ports qui subsistent
pages 390 , 391.
entre l'Autriche
et la Prusse.
sur les rapTome
II,
20Ô
g u e r r e
DE
SEPT
Ans.
sous les o r d r e s d u p r i n c e M a u r i c e , et envoyé l e général M a n t e u f e l , avec 2000 h o m m e s , e n P o m é r a n i e , à l a rencontre des S u é d o i s , il c o n c e n l r a et r a s s e m b l a , près de B a u t z e n , toutes l e s forces qui lui restaient. T o u t entier a u x m o y e n s de se tirer h e u r e u s e m e n t , s'il était possible , de sa position c r i t i q u e , trois objets absorbaient toute l'activité de son esprit. 11 s ' a g i s sait, de r é t a b l i r sa c o m m u n i c a t i o n avec la Silésie ; 2°. d ' e n g a g e r l'ennemi à se r e t i r e r en B o h è m e , o u , 3°. de lui l i v r e r une b a t a i l l e d é c i sive. L e R o i mit en œ u v r e , dans cette o c c a s i o n , toutes les ressources de l'art et de son génie ; m a i s le succès ne répondit pas à son attente,aussi c o m p l è t e m e n t qu'il l'aurait désiré. L a c o m m u nication avec l a Silésie fut rétablie , à l'instant où il fit un m o u v e m e n t p a r W e i s s e n b u r g v e r s B e r n s t a d e l et H e r w i g s d o r f . L e p r i n c e C h a r l e s n'osa plus r i s q u e r de s'éloigner de Zittau , d e p e u r que les Prussiens ne l u i fermassent l'entrée de la Bohême. L e R o i espérait que sa m a r c h e savante sur H i r s c h f e l d e n t r a î n e r a i t l a r e t r a i t e des e n n e m i s qu'il p r e n a i t à dos ; m a i s son espoir fut trompé , et le P r i n c e démêlant ses i n t e n t i o n s , changea la position qu'il avait prise v i s - à - v i s l a g r a n d e route de L o b a u , et alla occuper d e r rière le vallon de W i t g e n d o r f un poste qui passait pour le plus a v a n t a g e u x qu'il y eût d a n s toute cette conti'ée.
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DE
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C'est ¡à q u e le R o i trouva les Autrichiens , lorsqu'il eut poussé son avant-garde j u s q u ' a u x hauteurs de Fittelsdorf. N'ayant pas réussi à leur f a i r e évacuer la L u s a c e , par sa fausse m a r c h e sur Hirschfeld , il résolut de les attaquer. Il alla reconnaître le poste e n n e m i , m a i s il l e trouva trop avantageux pour réussir à les en d é l o g e r , à moins de sacrifier t o u t - à - f a i t inutilement l'élite de son infanterie. 11 fallut d o n c essayer quelque stratagème ou quelque manœuvre , pour tirer , s'il était possible , le Prince d e ce poste , en a p a r e n c e i n e x p u g n a b l e , et p o u r l a t t a q u e r ensuite sur un terrein plus f a v o r a b l e aux desseins du R o i . Contre sa c o u t u m e , il soupa en plein a i r , ce j o u r - l à , avec plusieurs d e ses Généraux. O n ne parla que du projet d'attaquer le l e n d e m a i n , et l'on en parla si haut , que les soldats et tous ceux qui se pressaient autour de la table , purent entendre de quoi il était question. On se flattait qu'il se trouverait des espions dans la foule. L'éloquence n a t u relle d e F r é d é r i c donnait tant de poids à ses discours , que tous ceux qui ne connaissaient pas les avantages d u poste v o i s i n , furent dupes de son stratagème. On défendit aux soldats d e déployer les tentes ; durant la nuit entière on entendit les canons r o u l e r , surtout du côté d e l'aîle g a u c h e , et d'après tous ces préparatifs , on se croyait généralement à la veille d e la
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journée la plus sanglante. L e s déserteurs ne manquèrent point de sonner l'alarme chez les Autrichiens ; mais le prince Charles eut assez d'esprit pour démêler les véritables intentions du Roi. Il comptait d'ailleurs,avec la plus grande assurance,sur la bonté de son poste , et sur la supériorité de ses forces. L e R o i voyant son plan déjoué, par la p r u dence du Général autrichien , résolut, dès le l e n d e m a i n , d'essayer s'il serait plus heureux en tournant ses forces contre Nadasty , qui c o m mandait en deçà de la Neisse un corps d e s tiné à couvrir l'aile droite de l'armée A u t r i chienne. Il ordonna à W i n t e r f e l d t d'établir des ponts au dessous de H i r s c h f e l d , de passer la Neisse avec 10,000 hommes , et de menacer les ennemis d'une attaque. En attendant, l'armée se rangea en bataille , pour être prête à e x é cuter avec célérité , toutes les manœuvres que les circonstances exigeraient. Winterfeldt et Nadasty en vinrent bientôt à une canonnade très-vive.Mais les renforts détachés de la grande armée mirent ce dernier en état de défendre son poste , et Frédéric eut encore le chagrin de manquer son entreprise. Ainsi la fortune se jouait de sa prudence et de son courage. Pour mettre la Silésie à c o u vert d'une invasion, et pour demeurer maître de la S a x e , le R o i n'avait qu'à livrer,avec succès une
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une seule bataille ; niais le prince Charles, supposant qu'à l'approche du prince Soubise et deHisldburgshausen, les Prussiens seraient bientôt obligés de regagner l'Elbe, évita soigneusement d'en venir aux mains avec eux. Une communication équivoque avec la Silésie, el la gloire de s'ctue présenté à la vue de l'ennemi, malgré la situation critique du m o m e n t , voilà les seuls avantages dont l"Yédéric eut à se féliciter. Mais les nouvelles, venues de Saxe, annonçant la marche J e l'armée Française, combinée avec celle de l'Empire, il eût été t r è s - i m p r u d e n t de d e meurer sans rien entreprendre dans les lieux où l'armée se trouvait. Après s'être donc arrêté deux jours encore à Tittelsdorf, et le Général autrichien ne faisant point mine de quitter son poste retranché, le Roi se retira par Bernslàdel. Il alla camper derrière la Pliessnilz, et Winterf e l d t , derrière la Wittsche , près Buhra. L e Roi se flattait q u e , dans cette position, il serait facile au duc de Bevern d'entretenir la communication avec la Silésie et d'observer la grande armée Autrichienne, pendant que luimême marcherait en S a x e , à la tête de douze mille h o m m e s , pour gagner la Saale, après s'être réuni au c a m p d'armée qu'il avait laissé à Dresde , et pour s'opposer ensuite, avec ces forces réunies, aux desseins du prince de S o u bise. Le maréchal d'Etrées venait de remporter
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une victoire sur les Alliés , près HaslenbecL L'armée Française , combinée avec celle de l'Empire , marchait sur la Thuringe. Après que le duc de Cumberland eût été repoussé jusques sur les bords de l ' E l b e , l'Autriche se flattait que les Français allaient l'aire une incursion dans la principauté de Ilalberstadt , et peutêtre même assiéger Magdebourg. Toutes ces considérations inspiraient au R o i des appréhensions d'autant plus fondées, que la ma son d'Autriche a constamment c h e r c h é , dans toutes ses g u e r r e s , à en rejeter le fardeau sur ses All i é s , pour parvenir toujours à son but avec moins de périls et à moins de frais. Il était donc absolument nécessaire, dans cette c o n j o n c t u r e , d'empêcher les ennemis de conquérir la Saxe. Il importait infiniment de tenter tous les moyens imaginables pour fermer au prince Charles le chemin de la Silésie, en l'obligeant à demeurer dans son poste actuel. En supposant que la foi*tune favorisât les mesures du R o i , il pouvait, après s'être débarrassé d'un e n n e m i , se flatter, .ou bien de tenir tête aux Autrichiens, en leur opposant toutes ses forces réunies, ou bien de les c o n t r a i n d r e , au moyen de quelques diversipns, à reprendre le chemin de la Bohème. On prétend que ce fut la grande importance de c e p r o j e t , qui décida Frédéric à envoyer W i n terfelcU k l'armée d'observation, en le chargeant
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d'instructions secrètes, qui avaient pour objet d'empêcher le duc de Bevern d'évacuer la Lusace , à moins qu'il n'y tût absolument forcé. Malheureusement pour le R o i , les évènemens que nous venons de rapporter, avaient affaibli, jusqu'à un certain point, l'intrépide assurance de ses Généraux ; et la mort de W i n t e r f e l d t , qui arriva peu de tems après f u t , dans l'histoire de ce Monarque, une époque plus sinistre que ne l'avaient été même les premiers jours qui succédèrent à la bataille de Kollin.
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VII.
Les Alliés de la maison d'Autriche commencent à paraître sur le théâtre de la. guerre. Batailles de Hastenbeck et de G-ross-Jaegersdorf.
C e f u t la bataille de Kollin qui termina les indécisions des Alliés, et leur d o n n a , en quelque façon, le signal du combat. Les Russes se disposèrent a envahir le royaume de Prusse ^ la Suède pressa son a r m e m e n t , et deux armées Françaises passèrent le Rhin. L'une était destinée à faire l'ouYertiire de la g u e r r e , que la O
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cour de Versailles avait résolu de porter sur le continent; l'autre était le corps auxiliaire que l'on avait promis à Marie-Thérèse ; il devait se joindre à l'armée de l'Empire , et opérer, de concert avec l u i , la délivrance de la Saxe. L e ministère Français fit marcher en Allemagne la première de ces deux armées, parce q u e , se voyant dans l'impossibilité de tenir tête aux Anglais sur mer , on se flattait de traverser leurs opérations dans les deux Indes, en envahissant l'électorat d'Hanovre. Quant à l'armée auxiliaire, ee furent, d'un côté, les pressantes sollicitations de Marie-Thérèse, de l'autre, les intrigues et le jeu des passions, qui la firent p a s ser en Allemagne. Les préventions de Louis X V et de son conseil, en faveur de ce plan d'opérations, l'emportèrent sur les sages représentations du cardinal de Bernis , qui le désapprouvait; et ce ministre nous offre un e x e m ple frappant de l'injustice avec laquelle les passions rejettent, et souvent même punissent les conseils les plus salutaires. L'alliance avec l'Autriche lui avait valu le chapeau de c a r d i n a l ; alors il fut disgracié, parce qu'il condamnait les résolutions de la cour. Le commandement des deux armées F r a n çaises avait été confié au maréchal d'Etrées et au prince de Soubise. D'Etrées s'était formé à l'école du maréchal de S a x e , dont il avait été
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le bras droit dans les dernières c a m p a g n e s tlu Brabant. Le vainqueur de L a w f e l d t était m o r t . Au m o m e n t où la g u e r r e d'Allemagne f u t r é ^ s o l u e , on le regretta autant qu'on l'avait dédaigné d u r a n t la p a i x , et l'on crut devoir préférer le meilleur disciple d u h é r o s , à tous les Princes du sang. La toute-puissante P o m p a d o u r elle-même approuva ce c h o i x , ou fit d u moins semblant de l ' a p p r o u v e r , p a r c e qu'il était conf o r m e au vœu du Roi et de la nation. M a i s en lui donnant son s u f f r a g e , elle c o m p t a i t , d'un côté , sur la soumission du m a r é c h a l , qui consentit à toutes les conditions qu'on lui imposa ; se laissant éblouir par l'éclat de sa nouvelle d i g n i t é ; d'un autre e n t é , le crédit illimité da la Marquise était trop b i e n affermi, pour qu'elle pût c r a i n d r e que d'Etrées osât essayer d'y porter atteinte. Elle ne pouvait a i n s i , de toutes m a n i è r e s , que gagner à sa nomination. Elle d e m e u r a maîtresse de d i r i g e r les opérations à son g r é , parce que d'Etrées, allant faire la g u e r r e à u n e distance de cent milles de la c a p i t a l e , n'avait pas eu le courage de d e m a n d e r un plein pouvoir absolu. M a i s ce f u t précisément p o u r avoir préféré sa sûreté à sa g l o i r e , qu'il exposa l'une et l'autre dans une cour où d o m i n a i e n t les cabales et l'intrigue. L'événement prouva la vérité de cette observation. D'Etrées t r o u v a une a r m é e n o m b r e u s e , O 5
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mais peu propre à pousser la guerre avec e'nergie. L'absurde influence d'uqe femme y avait introduit l'indiscipline, accompagnée du l u x e , de la désobéissance et de l'insolence. Ou venait d'ailleurs d : aigrir et de décourager l'armée Française par des réformes dures et inconsidérées ( i ) . Parmi les Généraux subordonnés au Maréchal, il y en avait plusieurs dont la naissance était plus illustre que la sienne. D'autres étaient ou des ignorans, ou des intrigans et des hommes pervers, q u i , malgré leur mauvaise volonté, comptaient sur les protecteurs puissans qu'ils avaient à Versailles. D'Etrées se chargea donc d'un rôle bien difficile. 11 a v a i t , dans son a r m é e , des ennemis plus redoutables que ceux qui l'attendaient au delà du R h i n ; et les ordres précis de la Cour mettant déjà assez d'enlraves à toutes ses entreprises, les hommes que nous venons de dépeindre s'appliquaient encore à les contrarier de toutes leurs forces. Lindocilité des soldats , et l'insolence d'un grand nombre ( I j L e c o m t e S a i n t - G e r m a i n s'était é r i g é en r é f o r m a t e u r d e l ' a r m é e F r a n ç a i s e , v o u l a n t y i n t r o d u i r e la d i s c i p l i n e a l l e m a n d e . Mais en p r o j e t a n t c e t t e r é f o r m e i m p o r t a n t e , il n ' a v a i t p o i n t assez f a i t e n t r e r l e c a r a c t è r e n a t i o n a l d a n s sescaculs,
son e n t r e p r i s e h a s a r d e u s e l u i a t t i r a d o n c la
h a î n e d e l ' a r m é e , et éprouva,
les d é s a g r é m e n s sans n o m b r e q u ' i l
l ' o b l i g è r e n t m ê m e à la q u i t t e r ,
« e r v i c e en A l l e m a g n e .
pour
prendre
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d'ofliciers, l'obligea à introduire, dans l'armee, une discipline sévère , dont la légèreté française 11e s'accommoda point. L a probité du Maréchal l'exposa au sort qu'éprouvent communément tous ceux qui essaient de réformer de grands abus. Ayant été obligé de faire pendre au delà de mille maraudeurs, en l'espace de quelques m o i s , il fut en exécration à toute l'armée. Elle éprouva , quant à sa subsistance, de grandes difficultés dans sa marche des f r o n tières du royaume aux bords du "YVeser. Cette marche fut même retardée par divers i n c i dens ( 1 ) ; et peut-être qu'il aurait eu plus de peine à passer le fleuve, sans la pusillanimité du ministère d'Hanovre, qui entravait, par son i n f l u e n c e , les opérations du duc de C u m b e r Jand. Malgré toutes les clameurs qui s'élevaient à P a r i s , contre le M a r é c h a l , qu'on accusait d'agir avec trop de lenteur, il faut néanmoins
(I) Les régimens Suisses, par e x e m p l e , qui étaient à la solde de la F r a n c e , refusèrent de passer le Rhin,
disant
que leur capitulation, a v e c la cour de Versailles, les en dispensait. A quoi bon les Suisses, Rhin,
s'ils refusent
de passer
le
répondit d'Etrées avec dépit, aux députés qu'ils lui
envoyèrent. Ils persistèrent néanmoins dans leur refus. D'Etrées fut obligé d'en faire rapport à la C o u r . O n entra en négociation a v e c les Suisses , pour donner à la capitulation une extension qui les obligeât à servir au delà du Rbin ; mais cette négociation emporta beaucoup de l e m s .
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c o n v e n i r , à sa g l o i r e , qu'il mesura ses démarchés avec beaucoup de prudence et de circonspection. Il eut soin de détacher toujours des corps particuliers pour observer l'ennemi, qui l'évitait constamment. Continuant sa marche avec l'armée pi'incipale, par levêché de P a d e r b o m , il passa le W e s e r près Holzminden , se rendit maître, moyennant cette m a r c h e , du passage étroit de F r a n c e , qui était le seul point de communication entre la vallée près W i ckensee et le W e s e r . De cette manière , et la fortune le favorisant au delà de son attente, il traversa les montagnes ainsi que le défilé près le village de H e i n e , et gagna les hauteurs près ÏJorie, qui étaient en face du camp ennemi. Maître à la fois des passages qui conduisaient à la vallée ,.et des deux rives du W e s e r , le Général français vola à la rencontre des Alliés. C o m m e ils avaient constamment cherché à l'éviter, depuis Bilefeld, comme ils n'avaient pas même essayé de lui disputer le passage des défilés les plus étroits , il se flatta qu'il n'aurait qu'à se montrer pour les contraindre à continuer leur marche rétrograde. 11 semble du moins que l'on nourrissait généralement, dans l'armée Française , cet orgueilleux espoir. A i n s i , par e x e m p l e , l e comte Broglio s'était campé s u r i » rive gauche du W e s e r , avec si peu de circonspection , qu'un Général hanovrien offrit au duc
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de Cumberland d'aller surprendre ce corps et de le précipiter dans le W e s e r , d u sommet des hauteurs qu'il occupait. Partant de Hameln , il voulait marcher de nuit sur l'ennemi , p a r F e t z e n et Amelgetzen, et ne demandait à être secondé que par un petit détachement de cavalerie légère , qu'il destinait à traverser le fleuve, gue'able en plus d'un lieu , afin de consommer ainsi la ruine des e n n e m i s , près du pont qu'ils avaient établi sur le W e s e r . Cette entreprise, conduite par un général habile et bien au fait du terréin , aurait infailliblement été très-avantageuse aux Alliés. Après la déroute du corps de Broglio , le Maréchal aurait craint pour son magasin de P a derborn,et ilauraitbalancé,peut-être,d'attaquer un ennemi qui se serait montré tout-à-coup avec tant d'énergie. Mais le duc de Cumberland r e jeta la proposition du Général hanovrien. L e ministère d'Hanovre ne songeant qu'à la sûreté de la capitale , voulait qu'on se bornât à une guerre purement défensive; et, par complaisance pour ses vues , le Duc laissa échapper une occasion si favorable de décontenancer les Français par un coup hardi. Il ne s'occupa que des moyens de renforcer , sans beaucoup de discernement, le poste qu'il avait choisi. L e s choses en étaient à ce p o i n t , quand on livra la bataille de Hastenbeck , bataille vraiment unique dans l'histoire, soit que l'on ait égard à
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ses différentes phases,ou bien à son issue. Les deux armées furent alternativement victorieuses et triomphantes.L'une et l'autre,offusquées par de simples préjugés, quittèrent le champ de bataille, sans avoir été proprement battue«. Si le duc de Çunibei land ;ivait su profiter des avantages remportés par le colonel BreinlexJjach et par le prince héréditaire de Brunsvic , personne n'aurait pu lui contester une victoire qu'il céda i m prudemment à l'ennemi. Ce fut un seul moment de précipitation qui décida du triomphe des Français. A peine d'Etrées aperçut-il son erreur , qu'il rappela ses troupes déjà en pleine retraite, et leur fit occuper de nouveau le champ de b a taille. Le Duc , au contraire , se reprocha amèrement de s'être abandonné trop aveuglément à l'impression que les premiers succès de l'ennemi avaient faite sur lui, et d'avoir pris l'alarme trop légèrement. Il regretta , mais trop lard , d'avoir cru son aîle gauche trop en sûreté, et d'avoir,en conséquence,placé troppeu d'infanterie dans la forêt nommée Deistcrwaldet sur la montagne cFOhusberg. 11 forma les résolutions inconsidérées auxquelles se décident d'ordinaire ceux qui ne consultent que le désespoir. Le sien dégénéra en une véritable apathie : il demeura sourd aux sollicitations pressantes du Prince héréditaire et de plusieurs Généraux qui le conjuraient de tenir ferme à Hameln ; et contre les
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ordres qu'il avait donnes lui-même, avant la b a t a i l l e , sur les mesures à p r e n d r e , si on venait à la p e r d r e , il laissa les colonnes de son armée c o n tinuer leur marche droit sur Miindcn. Après les heureux évènemens de cette j o u r n é e , et après la conquête de Hameln , d Etrées se flatlait de réduire bientôt tout l'électorat d'Han o v r e sous sa puissance. Mais il n'eut pas le bonheur de terminer cotte campagne au gré de ses vœux. 11 l'emportait, par sa probité e t p a r son m é r i t e , sur tous les Généraux dont l'armée Française avait alors à se glorifier; e t , à l'instant m ê m e où il c o n s a c r a i t , avec le plus grand z è l e , tous ses lalens au service de la p a t r i e , à l'instant o ù la fortune secondait ses généreux efforts 3 on lui e n l e v a i t , à Paris , le commandement de l ' a r m é e . L e duc d'Orléans , le comte M a i l l e b o i s j et l e prince Soubise étaient ses ennemis couverts. Ils aspiraient tous au commandement de la g r a n d e a r m é e d'Allemagne. Les deux premiers a v a i e n t fait tout ce qui avait dépendu d'eux pour contribuer „par leurs f a u t e s , à la perte entière de l a bataille d'Hastenbeck ; et Soubise était piqué de se voir soumis aux ordres du M a r é c h a l , bien qu'il c o m m a n d â t lui-même un corps d'armée. C o m m e ces trois personnages avaient de p u i s santes protections à la c o u r , ils parvinrent a i s é m e n t , à force d'intrigues, a u b u t qu'ils se proposaient. Pour donner une eouleur spécieuse aux
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procèdes de le liaîne et de la jalousie , il fallu! attaquer la conduite du Maréchal. Ou m u r m u rait , à Paris , du tems qu'il avait consumé à la conquête de l'électoi'at d'Hanovre ; on ne c o m prenait pas qu'il ne fût point déjà sur les r e m parts de Magdebourg. Mais on voulait bien oublier q u e , dans l'espace de trois mois , il avait pénétré des bords du Rhin aux portes d'Hanovre , conquis la Frise orientale , occupé B r è m e , a s s u jetti la Hesse 3 et mis les Alliés hors d'état de lui opposer une résistance ultérieure. On faisait semblant d'ignorer qu'un Général qui conduit une armée Française en Allemagne doit songer aux moyens de pourvoir à sa subsistance, et d'assurer sa retraite , en cas de malheny. Qu'un général d'armée est à plaindre , quand son mérite m ê m e ne lui sert pas d'égide contre les traits envenimés des vils intrigans qui assiègent le ti'ône d'un monarque indolent et sans caractère ! L'histoire de la g u e r r e de sept ans nous offre encore plusieurs exemples de l'inconstance du cabinet de Versailles , dans le choix des généraux auxquels il confiait le commandement des armées en Allemagne. Presque à chaque campagne , on le voyait passer en d'autres mains. Ces continuelles vicissitudes furent une des principales causes des revers que les armées Fi'anraises eurent à essuyer. Chaque général en chef ne conservait pas le commandement assez long-
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tems pour étudier ni la méthode de l'ennemi, ni sa propre arme'e. On ne lui laissait pas le lems de prévoir et de prévenir les ineo' v :niens inséparables d'une guerre sur territoire Allemand, Aussi les Généraux français furentiis presque constamment battus eu A l l e m a g n e , à cette époque. Plusieurs d'entr'eux expièrent, par leur r a p p e l , la perte d'une bataille , parce que les oisifs et les petits-maîtres de Paris étaient accoutumés à n'imputer les revers qu'au Général en c h e f , sans faire la moindre attention à la situation où il se trouvait avec son armée. Aucun de trois rivaux qui se disputaient l'honneur de succéder au M a r é c h a l , ne parvint à son but. L e due d'Orle'ans ne réussit point dans ses prétentions, parce qu'un gouvernement faible craignait de mettre un prince du sang à la tête des armées. L e comte Maillebois se trouvait impliqué avec le Maréchal depuis le rappel de ce d e r n i e r , dans un procès au sujet de la b a taille d'Hastenbeck, et le procès ne tourna point à l'honneur du Comte. Q u a n t à S o u b i s e , bien qu'il fût le favori de la P o m p a d o u r , il n'avait point encore la dignité de maréchal de F r a n c e , et l'on n'aurait pu lui conférer le commandement en chef sans indisposer des Généraux qui étaient ses anciens dans l'armée. L e duc de R i chelieu fut donc choisi pour remplacer un homme d'un mérite aussi consommé que le maréchal d'Etrées.
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R i c h e l i e u était un de ces mortels p r i v i l é g i e s que la f o r t u n e s e m b l e se plaire a favoriser. T o u t e s les époques de sa vie furent aussi h e u reuses que brillantes. L a bataille de Fontenoy , la défense de G ê n e s et la conquête de P o r t M a h o n avaient donné à sa réputation m i l i t a i r e un éclat , qui ne t o m b e guères en partage q u a un petit n o m b r e de m o r t e l s aussi téméraires que fortunés. Il jouissait à la C o u r d'un c r é d i t aussi rare que l'était la réunion singulière des galanteries , de l'esprit et de la m a g n i f i c e n c e qui le distingaient. O n le n o m m a i t alors l ' A l c i b i a d e de son siècle ; mais bien qu'il fut aussi c o u r a g e u x et v o l u p l u e u x que ce j e u n e A t h é nien , la c o m p a r a i s o n s e m b l e pourtant c l o c h e r un peu ; d u m o i n s est-il sûr que , si R i c h e l i e u avait v é c u sous un g o u v e r n e m e n t r é p u b l i c a i n , sa conduite inconsidérée lui aurait i n f a i l l i b l e m e n t coûté la tête. U n singulier m é l a n g e de réputation m i l i t a i r e et de b o n n e fortune , dans les c o m b a t s , joint à l'art de se c o n c i l i e r la b i e n v e i l l a n c e des p e r sonnages inconséquens q u i , avaient le g o u v e r n e m e n t des affaires en mairi , telles f u r e n t les prérogatives q u i , plus que son m é r i t e p e r s o n n e l , valurent à R i c h e l i e u l'honneur de r e m p l a c e r le p r o b e et v e r t u e u x cl'Etrées. L o r s q u ' i l arriva à l'armée , il 11e lui en coûta pas b e a u coup d'achever h e u r e u s e m e n t ce q u e son pré-r
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décesseur avait préparé, au prix de tant d'efforts pénibles.Il eut l'honneur de conclure la fameuse convention de Closter S e v e u , parce que le roi d'Angleterre, étourdi par les malheurs du duc de Curnberland , fut bien aise de prévenir l'entière conquête de son électoral;, qui aurait vraisemblablement entraîné la perte de l'armée à laquelle il en avait confié la défense. Pour cet effet il souscrivit à toutes les conditions qu'on lui imposa. Mais Richelieu agit avec tant de précipitation dans celle affaire , qu'il perdit presque entièrement de vue tout l'avantage qu'il aurait pu tirer de la consternation des Alliés. Content de n'avoir plus rien à redouter de leur part , il ne songea qu'à s'enrichir et à rétablir ses affaires entièrement dérangées par ses prodigalités. Il leva donc , avec la plus grande cruauté , des contributions énormes dans les provinces conquises. Malgré les satyres sanglantes qu'on fit contre lui , il n'eut pas honte de transporter son riche butin en France ; il y redoubla ses profusions, et les justes reproches -qu'il aurait mérités, de la part de son maître, ne vinrent jamais le troubler dans l'orgueilleuse et paisible jouissance du fruit de tant de crimes. Au reste, il est prouvé que la discipline militaire, -au rétablissement de laquelle d'Etre'es avait si péniblement réussi, se relâcha entièrement durant le court intervalle 4u commandement de
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R i c h e l i e u . L e s déprédations , autorisées p a r l'exemple du c h e f , r e c o m m e n c è r e n t , et les natioiïs les plus sauvages rougiraient des cruautés qu'on osa se permettre impunément. Tant il est vrai que le mauvais caractère d'un g é n é r a l , influe nécessairement sur la conduite des g u e r riers soumis à ses ordres. 11 n'est pas moins vrai que l'insolence , la légèreté et la d é p r a vation de R i c h e l i e u furent les causes p r i n c i pales de la décadence de l'armée Française et de l'opprobre qui vint bientôt ternir sa gloire. T a n d i s que d'Etrées battait les Alliés à H a s t e n b e c k , que R i c h e l i e u signait la convention de Closier-Seeven , que Soubise et H i l d b u r g hausen s'avançaient vers la TWuringc et q u e , par conséquent, le Roi de Prusse avait tout à craindre pour la Saxe , et pour les provinces de sa propre m o n a r c h i e , situées sur les rives de l ' E l b e , un nouvel ennemi vint le m e n a c e r , et l'occuper à l'extrémité opposée de ses Etats. C o m m e la journée de Kollin avait accéléré la réunion de l'armée Française avec celle des cercles de l'Empire , elle détermina aussi l a Russie à faire jouer tous ses ressorts contre Frédéric. Sous les ordres du général A p r a x i n , les Russes avaient pénétré en P r u s s e , par la Samogitie ; déjà ils avaient conquis M e m e l . M a î t r e s de cette forteresse, ils pouvaient s'en s e r v i r , comme d'une place d'armes , pour y transporter
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transporter les magasins qu'ils avaient formés au cœur de la Pologne ; et le port de Memel favorisait également les opérations de leurs escadres sur les cotes de la Prusse. Cette conquête était donc de la plus haute importance; et, sans elle, il eût été, sinon impossible, du moins trèsdiflicile aux Russes de pénétrer jusques dans l'intérieur du royaume. Un essaim de Tariarcs accompagnait l'armée , ravageant tout ce qui leur tombait sous la main , sans qu'il fût. au pouvoir d'Apraxin de mettre des bornes à leuiJ pillage. On venait d'achever la moisson, et cependant le Général russe se voyait réduit à compter, pour la subsistance de l'armée, plus sur ses magasins que sur la fertilité du pays. 11 rassembla toutes ses forces sur la rivé' droite du fleuve Russ, à l'endroit où il se jette dans le golfe nommé Curiseh-IIaf. Son armée montait à quatre-vingt mille hommes de troupes régulières, sans compter les essaims de Tartares qui l'accompagnaient. Elle était composée d'hommes très-vigoureux et très-propres à supporter toutes les fatigues de la guerre. Leur bravoure et leur persévérance à défendre les postes où on les plaçait, étaient à toute épreuve; niais l'armée Européenne, la moins exercée , l'emportait sur eux , dès qu'il s'agissait, d'exécuter les manœuvres même les plus difficiles." La cavalerie, surtout, n'était ni bien montée, ni dresTome I. P
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séa aux évolutions militaires. Aussi é t a i t - e l l e beaucoup plus facile à vaincre que l'infanterie, surtout quand cette dernière, d'après le fanatisme qu'on lui avait inculqué, prenait la r é solution de vaincre ou de mourir près de ses canons. U n e constance aussi inébranlable tenait en partie à la superstition, profondément enracinée chez ce peuple. C'était l'usage a l o r s , en R u s s i e , de faire prêter le serment de fidélité aux soldats, non point sous le drapeau, c o m m e dans les antres armées Européennes, mais en posant la main sur le canon. L e prêtre qui assistait à la c é r é m o n i e , promettait au s o l d a t , q u e , f û t - i l même tué près du c a n o n , il n'en ressusciterait pas moins dans sa p a t r i e , pour y g o û t e r , après sa régénération, tous les charmes d'une nouvelle existence. L a politique de P i e r r e - le - Grand avait, sans d o u t e , inventé ce dogme. 11 ne se maintint cependant que jusqu'à la bataille de Z o r n d o r f , où tant de Russes ayant été tués, on dut être surpris de n'en voir ressusciter aucun. C'est ainsi qu'il était réservé au R o i philosophe d é c l a i r e r une nation qu'il affectait de mépriser. 11 avait confié au feld-maréchal Lehwald l a défense du royaume de Prusse, mais il ne lui avait donné que vingt-deux mille hommes pour résistera la formidable armée d'Elisabeth. Celle de Lehwald était, sans doute,beaucoup trop f a i -
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ble ; m a i s , (l'un côté, la multitude de ses ennem i s ne permettait pas à Frédéric d'envoyer en Prusse une a r m é e plus n o m b r e u s e ; de l'autre, i l pensait que , m a l g r é l'inégalité du n o m lire , ses troupes triompheraient aisément des hordes indisciplinées de la Russie. C'était W i n lerfeldt qui lui avait inspiré ce préjugé, en l u i dépeignant les Rus:;es tels qu'il les avait t r o u vés en 1741, lorsqu'il fut envoyé à P é l e r s b o u r g , p o u r y travailler au succès d'une grande révolution. Il put c o n c e v o i r , à ce! le é p o q u e , une très - m a u v a i s e idée de l'armée Russe. Elle ne s'était signalée que par ses cruautés en P o l o g n e , et contre les Turcs. Au siège de D a n t z i g , et à celui d ' O c z a k o w , le feld-maréclial M u n i c h avait i n d i g n e m e n t prodigué le sang (les g u e r riers. L ' a r t i l l e r i e était peu nombreuse et m a l servie. On n'avait point encore inventé l'espèce d'obus, que l'on n o m m e obus de Schmvalof en R u s s i e , et que Ion peut r e g a r d e r comme l'une des armes les plus meurtrières que le génie destructeur de la g u e r r e ait j a m a i s imaginées, W i n t c r f e l d t crut d o n c , de bonne f o i , que l'armée Russe se trouvait encore , à l'époque où la guerre de sept ans c o m m e n ç a , précisément dans le m ê m e état où il l'avait vue a u t r e f o i s , ou bien il céda simplement au préjugé qui lui faisait croire qu'il n'y avait de vrais soldats qu'en Prusse. Quoiqu'il en s o i t , il avait parfai" P a
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tement réussi à é g a r e r , sur ce p o i n t , l'opinion de son maître. L e feld - maréchal K e i t h , qui avait passé du service d'Elisabeth dans l'armée Prussienne, vantant un j o u r , en présence du R o i , peu avant l'explosion de la guerre , la bravoure des R u s s e s , et la maniere dont ils s'étaient conduits envers leurs e n n e m i s : « L e s )) Moscovites, répondit le R.oi, en l'inlerrom» pant avec beaucoup de vivacité, ne sont que » des hordes b a r b a r e s , et absolument incapaw bles de résister à des troupes disciplinées. » Keith était trop fin courtisan pour combattre l'opinion du Roi. « Votre Majesté aura vraisenv )) blablement occasion d'apprendre à connaître » de plus près ces barbares. » T e l l e fut Ja r é ponse laconique qu'il fit au R o i , avec tout l'impertubable sang-froid d'un Anglais. Indépendamment de son mépris pour l'es R u s s e s , Frédéric comptait aussi, et peut-être beaucoup t r o p , sur l'influence qu'il se promettait à Pétersbourg, des dispositions favorables du Grand-Duc. 11 ne îvdoutàit donc guères l'armée d'Elisabeth, et l'on peut s'expliquer, parl à , l'ordre exprès qu'il donna au feld-maréchal Lehwald , de se tenir simplement sur la d é fensive , de ne point s'avancer au delà d l n sterbourg , et d'opposer seulement sa cavalerie légère aux incursions des Cosaques et des K a l muques. Mais les pressantes sollicitations , les
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intrigues des cours de Vienne et de Versailles, et plus encore, la haine personnelle d'Elisabeth pour Frédéric, l'emporlèrent enfin sur l'impuissante faction prussienne à Pétersbourg. L'ordre de conquérir le royaume de Prusse fut donné à Apraxin ; mais, comme il ne parvint que vers la fin du mois d'août à rassembler toute son armée sur les bords du B r e g e l , Lehwald demeura aussi dans l'inaction, durant ce long espace de tems , jusqu'à ce qu'enfin l'approche des ennemis l'obligea à lever son camp d'InSterbourg,et à se retirer jusqu'à Wehlau. Frédéric vit alors que l'impératrice de Russie songeait sérieusement à conquérir la Prusse. Il 11'était plus tems d'exécuter le projet qu'on avait e u , de détruire le grand magasin des Russes à Kaun en Pologne. Il f a l l u t , a l o r s , se r é soudre à frapper quelque grand coup, pour décider le sort de la Prusse. Le Roi ordonna d o n c , à L e h w a l d , d'attaquer leç Russes, et de les chasser du royaume. Le feld- maréchal se hàla d'obéir, Apraxin venait de passer le Bregel : à peine s'était-il campé dans un bois, au bord du ruisseau d'Auxine, que les Prussiens traversèrent ce même ruisseau, et v i n rent établir leur c a m p , dont une forêt épaisse dérobait la vue à l'ennemi. L e h w a l d avait blanchi dans les armes. Il avait donné, en plus d'une occasion, des preuP 5
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guerre
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ves do sa bravonre personnelle dans les p r e mières c a m p a g n e s de Silésie ; mais un excellent officier n'est pas toujours un bon général d'armée , surtout q u a n d Son esprit commence à ressentir les atteintes de l a vieillesse, Le Roi connaissait la fidélité e t ' l e zèle du f c k l - m a r é c h a l , mais il appréhendait les suites de la l'aiblesse inséparable de son âge avancé. Il lui associa donc le major Goltz, un de ses aides-dec a m p , h o m m e d'un t r è s - g r a n d m é r i t e , pour l'assister de ses conseils. Goltz l i t , il est v r a i , tout ce qui était en son pouvoir pour s'acquitter de la c o m m i s ion dont il était c h a r g é ; mais c'était une commission bien ingrate , et p r e s que inexécutable. Quoi de plus difficile en effet, que de réussir à d i r i g e r les opérations d'un général d'armée , q u a n d il faut c o m b a t t r e , à l a f o i s , et les p r é j u g é s , surtout ceux du r a n g , et l'influence des favoris , et la mésintelligence entre les chefs! On voit souvent le conseiller m ê m e le plus p r u d e n t , échouer en pareil c a s ; et tel fut aussi le sort que Goltz éprouva. L a disproportion, entre les deux a r m é e s , lui paraissait aussi attrayante que la situation du r o y a u m e de Prusse lui semblait critique à tous égards. L e R o i lui en voulait d ' a v o i r , en quelque f a ç o n , favorisé les progrès d'Apraxin , en négligeant de détruire ses m a g a s i n s en P o l o gne. Goltz, au c o n t r a i r e , savait que cette eu-^
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treprise eiit éié aussi infructueuse que l'avaient été toutes ses tentatives, pour influez' sur l ' o pinion de plusieurs Généraux , et pour mettre de la suite et de l'harmonie dans leurs opérations. Toutes ces considérations portaient le désespoir dans son âme. P e u de jours avant la bataille de G r o s s - J a e g e r n d o r f , il se p l a i g n i t , dans la dernière lettre qu'il é c r i v i t , du sort malheureux auquel il avait été condamné. « I l » ne me reste plus autre chose à faire ( c'est » ainsi qu'il termine sa lettre ) que de s a c r i » fier glorieusement nies jours à la p a t r i e , si » je veux quitter avec honneur un m o n d e , où » le but auquel je dois atteindre surpasse mes )> forces. » 11 exécuta courageusement cette résolution 5 car voyant la bataille perdue , il s'exposa , de s a n g - f r o i d , au plus grand feu des e n n e m i s . U n boulet de canon vint exaucer ses v œ u x , et terminer les jours d'un h o m m e , d i g n e , par sa probité, sa v a l e u r , ses connaissances et ses talens, d'un sort plus heureux. Indépendamment de ces réflexions , pour s'expliquer les malheurs dont la b r a v o u r e des Prussiens ne put les garantir à G r o s s - J œ g e r n d o r f , il suffit de peser attentivement les d i f férentes fautes qui entraînèrent leur déroute. L e l r w a l d partant de l'idée qu'il fallait nécessairement attaquer ici les ennemis , envoya le g é néral S c h o r l e m m e r p o u r les reconnaître. U n e
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fausse a l a r m e l'engagea à le suivre avec quelques petits délachemens pour l'appuyer. Ce fut encore un mesenlendu qui porta le reste de l'armée à se mettre en m o u v e m e n t , à traverser la forêt et à se r a n g e r en bataille au moment où elle en sortit. L e l r w a l d , croyant que le jouim a r q u e pour la victoire n'était pas encore venu , se hâta de r a m e n e r l'armée au camp. S c l i o r l e m m e r n'avait été à m i m e ni de reconnaître la position des ennemis dans toute son étendue , ni de l'apprécier. En conséquence de son rapport , on résolut d'attaquer leur aile g a u c h e ; on dressa l'ordonnance de la b a t a i l l e ; on la répandit en donnant l ' o r d r e , comme s'il eût éLé question d'une manœuvre d'exercice à exécuter en pleine paix ; on fixa le jour suivant pour la bataille. L e s mouvemens des Prussiens réveillèrent l'attention d'Apraxin , et peut-être m ê m e des déserteurs l'instruisirent-ils de leurs projets. Il changea donc sa position durant l a nuit. Lelrwald , voyant son plan de bataille entièrement dérangé , en fut tout déconcerté , et de là naquirent les désordres ( i ) qui cause-? r.ent le m a l h e u r de cette journée. ( l ) Ainsi, p a r e x e m p l e , au milieu de la b a t a i l l e , la seconde ligne Prusienne l i r a sur la p r e m i è r e , trompée p a r la f u m é e qui s'élevait a u dessus de d e u x villages , q u e }es Russes ayaient i n c e n d i é s , et par la v a p e u r condensé^
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Quelque meurtrière que fût la bataille d e Gross - j i f i g c r n d o r f , elle ne fut pourtant pas déc sive. L a défaite tourna aussi p e u à la honte des Prussiens que la victoire à l'avantage des Puisses. S i l'on considère la disproportion qu'il y avait} quant au n o m b r e , entre la petite armée de L e W a l d , et 1' armée si nombreuse du f e l d niaréclial Apraxin , si l'on pèse tous les avantages de ce dernier , 011 conviendra que le plus fort dut nécessairement ici l'emporter sur le plus f a i b l e , bien qu'il soit indubitable , d'un autre côté, que L e h w a l d ait alternativement outré , lanlôt la circonspection, tantôt la p r é c i p i tation. Peut-être qu'il aurait combattu avec plus de s u c c è s , si profilant du m o u v e m e n t fortuit qui entraîna son armée sur ses pas , à l'instant où il allait reconnaître l'ennemi , il eût i n o p i nément .attaqué les R u s s e s , au moment où ils s'y attendaient le moins. Peut-être aussi eut-il été à propos de leur présenter la bataille p e n dant qu'ils étaient en marche ; c o m m e ils mettaient beaucoup de lenteur à déployer leurs colonnes , il y a toute apparence que les Prussiens, en dépit de leur petit nombre , eussent été redevables du triomphe à la précision et à la cède la p o u d r e à canon , qu'un b r o u i l l a r d épais et la f o r ê t où. l'on se bfiltait,empêchaient de se dissiper. Cette m é p r i s e contribua b e a u c o u p à a u g m e n t e r le t r o u b l e général.
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lérité de leurs manœuvres- Mais il y aurait de l'injuslice à reprocher au Général prussien de n'avoir pas mis cette circonstance à profit, attendu que l'on connaissait alors trop peu les Eusses et l'organisation de leur armée. On est plus fondé à imputer ses démarches précipitées à la ponctualité trop scrupuleuse avec laquelle il exécuta les ordres du Roi. Quelques personnes ont observé que cette ponctualité scrupuleuse à l'excès, caractérise, dans l'armée Prussienne, les Généraux dont lesrégimens sont en garnison dans la province , plus que ceux de l a capitale et des environs. En supposant que celte observation fût fondée , il ne serait pas difficile d'expliquer le fait. Les Souverains de la Prusse se montrent rarement dans les provinces éloignées du centre de l a monarchie ; ils croient peut-être devoir r traiter les Généraux avec plus d'austérité , pour l e s rendre d'autant plus attentifs à exécuter fidellement leurs ordres ; les Généraux , au contraire , qui ont plus d'occasions d approcher le Monarque , sont plus à même- d'étudier son caractère et d'agir en conséquence. Le Roi avait, sans doute, ordonné à Lebwald de battre les Russes ; mais , quanta l'exécution, quant aux choix du moment favorable pour frapper un grand coup avec des forces si disproportionnées, Frédéric avait dû s'en l'apporter uniquement aux talens du Général, dans l'impossibilité de rien statuer
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sur tons ces p o i n t s , à la g r a n d e distance où il se trouvait cie la Prusse. 11 paraît donc évident que , maigre la valeur des Prussiens , ils durent succomber dans cette occasion , parce que les talons de leur chef ne répondirent point à sa bonne volonté. Après la perte de celle bataille , il y avait toute apparence que le r o y a u m e de Prusse allait tomber au pouvoir des ennemis. M a i s cette a p parence fut trompeuse et démentie par l'événement. A l'instant où tout le monde était c u rieux d'apprendre la nouvelle des progrès ultérieurs du général Russe , il repassa soudain le P r e g e l , et quitta la Prusse , avec beaucoup plus de célérité qu'il n'en avait mis à la c o n quérir. l i a ville de M e m e l fut la seule du r o y a u m e dont il d e m e u r a maître. I/Europe étonnée , ne comprit rien à un événement aussi imprévu. Les cours de V i e n n e et de Versailles ne purent cacher le dépit qu'elles en r e s s e n t a i e n t ; et la hardiesse du p u b l i c s'épuisa en conjectures opposées. B i e n t ô t , c e p e n d a n t , on eut le mot de l'énigme. L ' i m p é ratrice Elisabeth était tombée dangereusement malade. Ses f o r c e s , entièrement épuisées par le débordement de ses m œ u r s , présageaient sa mort prochaine. L'attachement du g r a n d - d u c P i e r r e pour le roi de P r u s s e , l u i faisait prendre le plus tendre intérêt a u sort de ce M o n a r q u e ;
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ce fut lui qui engagea Bestuschef à rappeler promptement l'armée. Malgré la haine du Chancelier pour Frédéric", il crut qu'il était de son propre intérêt de complaire à l'héritier du trône , plutôt qu'à l'impératrice expirante. Il changea donc tout-à-coup de système , et eut la hardisse de rappeler Apraxin. Dans d'autres circonstances , ce trait de despotisme n'aurait apporté aucune atteinte au pouvoir, trop bien établi du Ministre ; alors , il en devint la victime. Le fameux chevalier d'Eon , alors attaché à l'ambassade française à P é t e r s b o u r g , trouva moyen de pénétrer le secret de Bestusc h e f , et l'impératrice Elisabeth, s'étant rétablie, contre toute attente, d'Eon fut l'instrument de la disgrâce du Ministre. Tel fut le singulier cours des destinées de la Prusse. La fortune souriant de nouveau à F r é déric , dissipa les alarmes que lui donnaient le sort de son royaume de Prusse , à l'instant même où il avait besoin d'une a r m é e , pour chasser les Suédois de son pays. Comme il n'avait pas eu les moyens d'opposer à ce nouvel e n n e m i , une résistance suffisante, les troupes Suédoises s'étaient répandues dans la Poméranie et dans la Marche-Ukraine,où elles vivaient aux dépens de ces provinces ; mais à peine l'avant-warde de l'armée de Lehwald vint-elle o
à se m o n t r e r , que les Suédois se retirèrent pré»
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cipitamment à S t r a l s u n d , où ils demeurèrent dans l'inaction la plus complète , jusqu'au m o i s d e juin de l'année suivante.
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Campagne des Prussiens , contre l'armée Française ,combinée avec celle des cerclas de l'Empire. Bataille de Rossbach.
L a convention de C l o s t e r - S e e v e n , que le roi d'Angleterre s était vu forcé de c o n c l u r e , était entièrement contraire aux intérêts du roi de P r u s s e ; elle semblait m ê m e augmenter les périls qui le menaçaient de lotîtes parts. L'arm é e du duc de C u m b e r l a n d avait servi de boulevart aux provinces P r u s s i e n n e s , situées sur les bords de l ' E l b e , qu'elle mettait à l'abri des incursions de l'armée Française. A l o r s , rien n'empêchait le duc de Richelieu de diriger ses opérations contre la principauté d'Halberstadt et le duché de M a g d e b o u r g , et de tendre la m a i n au prince de S o u b i s e , qui, de concert avec les troupes de l ' E m p i r e , volait au secours de la Saxe. Déjà ces deux armées avaient opéré leur, j o n c t i o u , aux environs d'Er-
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f u r t ; déjà l'empereur François I". avait mis le roi de Prusse au ban de l'Empire, et. donné le nom formidable d'armée d exéculion , aux troupes des Princes allemands, que le prince de Hildburgshausen commandait, en qualité de feld-maréchal de l'Empire ; déjà l'orgueil du cabinet de "Vienne caressait le dessein de prononcer définitivement sur le sort de Frédéric, dans une assemblée des Princes de l'Empire ; déjà l'armée combinée s'était avancée jusqu'à Gotha et à W c i m a r , et levait des contributions exorbitantes , dans la ville de Halle et dans le cercle de la Saale ; déjà Richelieu avait détaché, dans la principauté d'Halberstàdt, un petit corps d'armée, commandé par le duc d'Ayen; déjà il poussait ses incursions jusques sous le glacis de Magdebourg, pendant que le roi de Prusse se trouvait encore aux confins de la Haute-Lusace , espérant en , vain , de forcer les Généraux autrichiens à une bataille, et de les repousser en Bohême, après les avoir battus. Jamais les affaires du Roi n'avaient encore été désespérées à ce point. La perte de la Saxe, et celle du duché de Magdebourg, semblait inévitable, s'il se décidait à agir lui-même avee vigueur en Silésie. Cette dernière province se trouvait exposée au plus grand danger, s'il volait ?u secours de la Saxe et de Magdebourg. L'Eu-
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rope entière avait les j e u x sur lui, et la curiosité du public attendait , avec la plus vive impatience, le dénouement de celte tragédie* Frédéric sembla pressentir l u i - m ê m e que sa ruine était absolument inévitable, et il résolut de ne point y survivre , du moins trouve-t-on quelques traces de cette résolution , dans les lettres qu'il écrivit à cette époque (1). « Ma chère m sœur, d i t - i l à la margrave de Bareilh , il » n'y a de port et d'asile pour moi, que dans » les bras de la mort. » Voici comment ¡1 s exprime dans une autre lettre au marquis d'Argens. « Semblable à ces infortunés que l'on a » chargés de fers, et qui ^ las de lutter contre le « sort, échappent à la vigilance dç leurs houry> reaux, et brisent noblement la chaîne qui » les retient, moi aussi, je romprai, peu m'im» porte par quels moyens ^ les liens malheu» reux et fragiles q u i , depuis trop longtems, » attachent mon esprit à ce corps tout rongé » de chagrins. » il termina de même sa f a meuse épître à Voltaire, en lui disant: « qu'à » la veille du naufrage, il ne lui reste qu'à bra» ver courageusement la tempête, à penser à » vivre et à mourir en Roi. » Telle était la façon de penser de Frédéric, à cette époque, ( i ) Elles se trouvent dans le recueil de ses Œ u v r e s , publié après sa mort.
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où chaque joui- contribuait à combler la me-* sure de ses infortunes. Accoutumé jusqu'alors à triompber glorieusement de ses ennemis , sa situation présente l'accablait, au point qu'il craignait lui-même d'y succomber. L a singulière résolution d'abréger ses j o u r s , était-elle le fruit des m a x i m e s du stoïcisme qu'il avait puisées dans les ouvrages des anciens philosophes? V o u l a i t - i l sérieusement imiter les Caton et les B r u t u s ? Ou b i e n , celte résolution ne tenait-elle qu'au dépit qu'il ressentait, de ne pouvoir exécuter ses plans, et h u m i l i e r , à son g r é , les ennemis qui avaient conspiré sa perte ? Ou ce l a n g a g e n ' é t a i t - i l , peut-être , que celui de l ' e n thousiasme poétique, dans un transport passager de mélancolie ? Ce sont autant de questions qu'il n'appartient à aucun historien de r é s o u dre , d'après l'analyse même la plus exacte d u caractère de Frédéric. Chacune de ces différentes.causes pul influer sur la résolution que ce Prince manifesta alors. Il faisait profession d'admirer les héros d e l'aptiquité , et surtout ceux qui s'étaient d i s tingués par leur constance inébranlable dans le malheur. L e dépit qu'il ressentait, à l'idée de succomber dans la lutte, où il se trouvait e n g a g é , devait dégénérer en désespoir, dans une âme aussi profondément ambitieuse que l a sienne. En qualité de poète,, il était tout naturel
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naturel qu'il cherchât à embellir ses vers par le choix des images les plus nobles et les plus fo rtcs. Nous ne déciderons pas quel fut, entre ces divers motifs, celui qui détermina Frédéric à ne point survivre aux malheurs qui le menaçaient ; nous venons d'observer qu'ils purent tous influer sur sa résolution ; d'ailleurs il n'est pas étonnant qu'une mort volontaire lui parût plus excusable que digne de condamnation; il l'envisageait comme la marque d'une âme forte et courageuse. Toujours est-il sur que ses connaissances littéraires et son amour pour les sciences ^ qu'il cultiva même au bruit des armes , contribuèrent beaucoup à adoucir ses chagrins. Son esprit, aiguisé par l'étude, appréciait toujours, avec beaucoup de discernement, et les dangers de sa position et les moyens de l'améliorer. L'étude lui inspirait ce calme avec lequel il allait à la rencontre des évènemens. Il était, en même - teins, assez maîti'e de l u i même pour dérober ses appréhensions et ses chagrins à ceux qui l'approchaient , et pour affecter la sérénité, la gaîté m ê m e , dans les momens où son âme était en proie aux agitations les plus dévorantes. Ses soldats, ses généraux , ses amis les plus intimes, ne s'apercevaient point de son abattement, alors même qu'il désespérait , au fond de son cœur , du succès de ses entreprises. Il possédait surtout Tome I. Q
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l'art de nourrir 1 ambition de ses officiers , et le courage de ses soldats, dans les s ¡.nations même les plus désespérées. L a coiifiar.ce qu'il savait inspirer était si grande, que, du moment où il marchait à la tète des bataillons, 'oui le monde t r a v a i l les périls les plus éminens. J a mais ïl ne rampa devant ses alliés . lors même qu'il avait le besoin le plus indispensable de leur secours. T e l était le respect qu'il leur inspirait, qu'après la convention de Closler-Seeven, et lorsqi:'en la reprochant au roi d'Angleterre, il le somma , fièrement de ne point commettre une lâcheté en l'abandonnant; le Ministère anglais, comptant sur quelque retour leureux de fortune , chercha mille prétextes peur différer la ratification de celle convention si peu honorable. Dans une conjonctui'e si critique , le R o i dressa un nouveau plan d'opérations. 11 jugea' que les Autrichiens ne feraient pas de grands progrès en Silésie, avant de s'être prociré une place d'armes dans cette province. 11 se flattait que le siège de Sclrweidnitz ^ par où ils c o m menceraient vraisemblablement leurs opérations , les occuperait durant quelque tens. U n e arpiée médiocrement nombreuse , et retranchée dans des postes avantageux, lui paraissait suffisante pour réduire les ennemis à l'imction, jusqu'à ce qu'il ev^t réussi à délivrer la Saxe ,
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et le duché de Magdebourg, du danger qui les menaçait. 11 résolut donc d'agir, surtout avec vigueur, contre les Français, et contre les troupes de l'Empire. Il laissa, près Gôrlilz, le duc de Bevern avec une armée de cinquante - six mille hommes, pour observer la grande anne'e Autrichienne. Lui-même partit de Bernstedel, à la tôle d'un corps de douze mille hommes, et dirigea sa m a r c h e , avec la plus grande c é lérité , vers Dresde. Le prince Maurice , qui commandait dix mille hommes 3 s'y joignit à lui. Avec cette peLile armée, il gagna les bords de la S a a l e , par Dobeln, GrLnma et Pegan. Il passa la Saale prcs Kôsen ; chassa les partis détachés du corps de Laudon , qui infestaient la contree ; s avança, par Naumburg et W e i m a r , jusqu'à Erfurth , ët fît occuper Golha par un détachement de cavalerie que le général Seydlitz commandait. A son approche, les ennemis se retirèrent de tous côtés, et se postèrent enfin près Eisenach. L e Roi n'ayant point de magasins dans cette contrée, il eût été d'autant moins à propos de continuer à y poursuivre les ennemis , qu'en le faisant on se fût trop éloigné de la Saxe et des bords de l'Elbe. Frédéric se contenta donc d'avoir prouvé aux ennemis la possibilité de les atteindre, du fond même de la Haute-Lusace, et ne songea qu'à pourvoir à la sûreté de ses propres Etats. Il Q*
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envoya le duc Ferdinand de Brunsvc , avec quatre mille h o m m e s , dans la principauté de Halbersladt , pour la soustraire au oug des Français. L e prince Maurice fut déaché en S a x e , à la tète de huit mille hommes, pour observer les mouvemcns des Autrichims, entre la Mulda et l'Elbe. N e conservant aiisi qu'un corps de dix mille h o m m e s , il demeira h a r diment près Erfurth , pour attendre quelles seraient les entreprises ultérieures de l'armée combinée. Frédéric ne fut pas longtems dans 'incertitude à ce sujet. A peine Soubise fût-il informé du départ des détachemens Prussiens , qu'il reprit bientôt courage , dans l'espoir se signaler par quelque brillant exploit , rontre la petite armee qu'il avait en tète. Ses premières opérations furent dirigées vers Gotha. Ce fut l à , qu'on livra,cinq jours après, le fameux combat dont M . d'Archenhollz ( i ) fait une deicription si pittoresque , et qui couvrit à la fos le g é néral prussien Seydlitz de tant de goire , et le Général français d'un si grand ridicule. Seydlitz m o n t r a , pour la première 'ois,dans occasion, sa grande capacité daml'art des combats. Il y avait presque de la témérLé à vouCette
( i ) Histoire de la g u e r r e de sept ans. T o n I ,
j 6 5 , 166.
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loir surprendre, avec quinze cents chevaux, une ville défendue par des canons et par des troupes d'infanterie. Cependant cette expédition prouve que l'audace est souvent couronnée de succès , quand elle n'est point aveugle , et quand le guerrier qui s'y laisse emporter , sait profiter des circonstances et des occasions. Seydlitz semblait être né pour le métier de partisan et de général d'armée. Il avait servi alternativement dans tous les difï'érens corps dont la cavalerie se compose ; il connaissait donc la meilleure manit^re d'employer chacun d'eux. Il était personnellement brave ; il avait le coup-d'ocil excellent, choisissait, avec un discernement admirable , les manœuvres les plus adaptées aux circonstances, et les exécutait avec beaucoup de célérité. Comme ces qualités le distingaient entre tous les Généraux , il savait de même se concilier l'amour de ses inférieurs, par son affabilité , par sa répugnance à faire des m a l h e u reux , par son empressement à reconnaître et à récompenser le mérite. Il a immortalisé son nom en plus d'une rencontre , niais surtout dans les batailles de Rossbach et de Zorndorf. Sa mort a privé la Prusse de l'un des plus grands capitaines du siècle. Bien qu'il ait formé à son école d'excellens officiers, la gloire du maître l'emportera néanmoins toujours sur celle de ses disciples , autant que le génie , ce don précieux Q 5
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de la nature , l'emporte sur le travail et sur l'art. Après l'affaire de Gotha , le Roi ne s'arrêta pas Iongtems aux environs d'Erfurth , mais il se retira jusques derrière Buttstädt, sans que l'armée combinée osât néanmoins descendre des montagnes près Eisenach. Seulement elle occupa de nouveau ld ville de GoLha. Dans ces entrefaites , le duc Ferdinand de B r u n s vic avait chassé les Français du pays d'IIalherstadt. Mais Richelieu s'avançantà la tète de trente mille hommes , le Duc fut obligé de se retirer jusqu'à W a n z l e b e n , pour se rapprocher de Magdebourg. L a province , dont celte ville est la capitale , se trouvait en d a n g e r , et la forteresse même semblait menacée d'un siège. !Le duc Ferdinand n'avait pas assez de forces pour défendre à la f o i s , et la province, et la forteresse , supposé que les ennemis eussent poussé vigoureusement leurs opérations ; m a i s , c o h t r e toute attente, il ne fut point attaque dans son poste de W a n z l e b e n , bien qu'il eût dépendu de Richelieu de l'enfermer dans l'enceinte de Magdebourg , et de mettre ensuite toute la province à contribution. C o m m e l'on connaissait l'insatiable avidité de R i c h e l i e u , qui n e c h e r chait qu'à s'enrichir aux dépens de l ' e n n e m i , l'on ne comprenait pas qu'il pût négliger une si excellente occasion de la satisfaire. Quelques
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personnes onl avancé, dans le t e m s , et l'on est effectivement tenté de croire que F r é d é r i c sut e m p l o y e r des mesures efficaces pour engager le Duc à demeurer .pendant quelque tems , dans l'inaction. Ce qui rend cette conjecturé v r a i semblable,c'est que le R o i ne négligeait^dans les occasions importantes , aucun m o y e n , de q u e l que nature qu'il f u t , au moment où il s a g i s sait du salut de l'état. L a conduite précédente de Richelieu lui permit d'ailleurs d'espérer qu j] réussirait à l ' e n d o r m i r , en employant des m o y e n s de corruption. Enfin , f e u le général R e t z o w m'a assuré que le colonel Balby fut emp l o y é , à l'ombre d'un déguisement,dans la n é g o ciation secrète dont il s ' a g i t , ajoutant que R i chelieu avait poussé la complaisance jusqu'à promettre qu'il n'attaquerait p o i n t , dans cette campague,les Etats du roi de P r u s s e , m o y e n nant qu'ont lui payât la somme de cent mille ecus , et qu'on lui permit de répandre des p l a cards de sauve-garde dans le plat-pays (1). A u m o y e n de cet a c c o m m o d e m e n t , le R o i avait pourvu , en quelque façon , à la sûreté de ( ' ) A p r è s la p a i x de H u b e r t s b o u r g , j'ai eu occasion d e voir même
quelques-uns
de
ces
placards
dans le cercle de J e r i s h o w ,
de qui
sauve-garde , fait partie
du
d u c h é de M n g d e b o u r g et qui est situé sur la rive droile de I E l b e . L e s seigneurs
les conservaient dans leurs a r -
c h i v e s , c o m m e dos pièces curieuses.
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ses provinces , situées sur les bords i e l'Elbe j mais la Saxe n'en demeurait pas moins exposée au danger d'une invasion. Richelieu venait de renforcer l'armée Française,combinée avec celle de l'Empire, en y envoyant un détachement considérable de ses meilleures troupes. Elle se disposait à s'approcher de la Saale , a i moment môme où le R o i avait été obligé de voler à Forg a n , p o u r essayer de couper la retraite au g é néral autrichien Iladdik q u i , par ui coup dê main Irès-hardi, s'était avancé jusqu'à Berlin ; Mais Haddik échappa au Roi avec les contributions qu'il avait levées à Berlin , sais oublier les vingt-quatre paires de gants qui: destinait à l'Impératrice ( i ) . Lorsque le R o i quitta la Thuringe pour aller punir Haddik de son expédition si liardie, il laissa le feld-maréchal Keitli sur les bords de la Saale , lui confiant la défense de la Saxe. Mais le R o i n'ayant plus lui-même que dix mille (I) On prétend exprès,
qu'on
lui joua le tour dt ne choisir
que des gants
faits sur la forme de la main
gauche. Les marchands les
lui envoyèrent tout empa-
q u e t é s , afin qu'il ne s'aperçût point de cette malice. Si l ' a n e c d o t e , que l'on m'a g a r a n t i e , est v r a i e , l'hnpératrice accuiellit, sans doute fort mal, le présent de Haddik, et les Berlinois purent se féliciter d'avoir réussi à se venger un peu , par cette
petite ruse ,
qu'ils avaient souffertes.
de toutes
les vexations
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h o m m e s à sa disposition } il ne put en céder que la moitié à Keilh. Ce petit corps était insuffisant pour tenir la c a m p a g n e , et pour d é f e n dre les bords de la Saale. Keitïi le p a r t a g e a donc en trois divisions. Il en destina deux à occuper Mersebourg et W e i s s e n f e l s , et se rendit à L e i p s i c j à la tète de la troisième. Soulnse et Ilildburgshausen profitèrent de l'absence du R o i , pour sortir de leur retraite près Eisenach. On avait beaucoup exagéré l'importance de l'expédition du général Haddik. Ou se flattait que les S u é d o i s , d'intelligence avec l u i , tomberaient j du côlé opposé , sur les Etats du roi de Prusse , et que ce dernier se trouverait ainsi dans la situation la plus e m b a r r a s sante. T e l s furent^, sans doute, les motifs qui e n gagèrent Soubise et Hildburgshausen à e n t r e prendre enfin la délivrance de la Saxe , bien que la saison fût déjà très-avancée. L'armée de l'Empire m a r c h a sur W e i s s e n f e l s , l'armée F r a n çaise sur Mersebourg. L e général Retzow qui commandait à W e i s s e n f e l s , fut a v e r i i , p a r un espion,que huit mille hommes l'attaqueraient le lendemain , et que l'on s'était emparé déjà ; dans cette intention , du défilé près Rippach sur la route de Leipsic. Il sortit donc , à la dérobée,, de la v i l l e , avec le détachement qui était sous ses o r d r e s , prit un détour le long de la S a a l e , et j o i g n i t , h e u r e u s e m e n t , le feld - maréchal
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K e i l h , qui venait de rappeler aussi la garnison de Mersebourg , pour renforcer son armée. L e prince de Hildhurgshausen s'approcha de L e i p sic , et fit sommer la garnison de se rendre à discrétion. Soubise, d'un autre côté , passait la Sa a le. Leipsic n'est point un poste tenable contre un ennemi qui l'attaque sérieusement : cependant, l'honneur des armes Prussiennes exigeait que l'on refusât la capitulation , et qu'on se montrât disposé à se faire enterrer sous les ruines de la place , plutôt que de la rendre. Keitli savait très-bien , qu'en donnant cette réponse , il tenait simplement le langage usité en pareil cas ; il ignorait absolument si le Roi trouverait moyen de lui porter, à tems, les secours dont il avait besoin ; c'est pourquoi il tâcha de suppléer , par la ruse, à son i m puissance. 11 savait combien les habitans de Leipsic attachaient de prix à la conservation des beaux jardins, et des maisons splendides qui décorent les faubourgs de cette ville. Il fît donc appeler les magistrats: « Messieurs , leur » dit-il , avec toute la fierté britannique , le » prince de Hildhurgshausen m'a'fait sommer » de me rendre à discrétion. Plutôt que de » me déshonorer par une telle lâcheté , je sa)i criiierai jusqu'au dernier de mes soldats , sans » m'épargner moi-même 3 dût même la ville
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» de Leipsic être minée de fond en comble. » J e dois donc vous avertir, qu'au premier mou» ventent de l'ennemi pour «l'attaquer, je ferai » mettre le feu à tous les faubourgs de la ville. » J e suis au désespoir , sans doute , de vous » causer ce chagrin , et je vous l'épargnerais » volontiers , si la position où je me trouve , » ne m e forçait à surmonter mes répugnances. » Effrayes de celte menace , les Magistrats e n voyèrent aussitôt des députés au camp ennemi , et à force de sollicitations et de présens , ils déterminèrent Ilildburgsliausen à demeurer dans l'inaction; laissant ainsi à Frédéric le tems d'accourir à Leipsic, après son expédition dans la Basse - Lusace. L e R o i n'avait pas cru qu'une armée , qui avait montré jusques-là si peu d'énergie , aurait le courage d'entreprendre des conquêtes à la fin du mois d'octobre : aussi s'imagina-t-il que Keith e x a g é r a i t , dans ses rapports, le danger de sa situation. De retour à Leipsic , il lui dit ironiquement : « Hé bien ! monsieur de » Hildburgshausen vous a - t - i l déjà mangé ? » - IV on , Sire , répondit froidement FEcossais , » mais il en était bien près , si je n'avais su » prendre m o n parti. » Frédéric s'informa ensuite , dans le plus grand d é t a i l , de tout ce qui s'était passé ; e t , lorsqu'il apprit que les postes avancés de l'ennemi se trouvaient à une très-
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petite distance des faubourgs de la ville , il les en fit chasser le même jour. L'armée ennemie se décida alors à repasser la Saale. Les Français allèrent camper près de Mersebourg , les troupes de l'Empire près Weissenfels.. et p l a cèrent de fortes garnisons dans ces deux villes et dans celle de Halle. Cette position annonçait, de la part des enn e m i s , le dessein de se maintenir sur le bords de la Saale. Le Roi devait s'y opposer , ne pouvant permettre qu'ils prissent leurs quartiers d hiver si près des frontières de la Saxe. Bien que l'élaL des affaires en Sile'sie y rendît sa présence absolument nécessaire , il crut devoir forcer Hildburgshausen et. Soubise à se retirer dans l'intérieur de l a ï h u r i n g e , pour se trouver maître ensuite d'aller , sans aucun risque , au secours du duc de Bevern, qui se trouvait dans une situation extrêmement périlleuse. 11 partit donc de Leipsic , ordonna au prince Maurice et au duc Ferdinand de le rejoindre , et r a s sembla son armée près Altranstädt. Elle ne montait cependant qu'à vingt-mille hommes, à la tête desquels il s'avança contre une armée trois fois plus nombreuse que la sienne. 11 marcha lui - même , avec l'avant - garde , à Weissensfels, pénétra dans la ville ; etles troupes de l'Empire ayant pris la fuite , il fît prisonniers tous ceux qui n'eurent pas le teras d'atteindre
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le pont qui traversait la Saale , et qu'oïl s'était t r o p pressé d'incendier. Le beau monument d'architecture , bâti d'après le modèle du pont couvert de Forgan , fut entièrement réduit eu cendres ; la garnison ayant eu soin d'y porter beaucoup de p.ùlle , des cercles goudronnés, et toutes les (haridelles que l'on put rassembler dans la ville , si bien que , dans moins de cinq minutes, tout le pont se trouva en feu. Cette circonstance engagea le Roi à faire marcher , vers Mersebourg , la colonne que le feld - maréchal Keith commandait. 11 y trouva le pont rompu , et quatorze bataillons prêts à défendre le passage de la Saale , sous les ordres d u duc de Broglio. On avait également brisé le pont près Halle ; et comme le Roi avait résolu de passer la Saale, sur l'un de ces divers points , il détacha un corps à Halle pour préparer le pont , pendant que l'on en établit un autre sous Weissenfels. Alors l'ennemi se décida à quitter les bords du fleuve , et à se réunir, dans un m ê m e c a m p , derrière le ruisseau de Micheln. Aussitôt l'armée Prussienne passa la Saale , sur trois points différens , et se rassembla près Braunsdor f. Le jour était sur son déclin , lorsqu'on se trouva dans le voisinage de l'ennemi 3 cependant le Roi alla tout de suite le reconnaître, et trouva que sou aîle droite était en prise. Il résolut donc
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de l'attaquer ; mais , lorsqu'il eut gagné, le lendemain matin, avec lavant-garde , l e s hauteurs de Sehortaw , il s'aperçut que les ennemis avaient échangé leur mauvaise position de la veille contre une position beaucoup plus avantageuse, et qu'ils avaient garni leur front de r e tranchemens. L'attaque qu'il méditait lui parut inexécutable ; il se retira et alla occuper un camp avantageux et bien fortifié, entre Bedra etRossbach. Les Français iiiquie'tèrentsa marche par une faible canonnade. Frédéric , voyant qu'il n'y avait plus moyen de forcer , avec a v a n t a g e , les ennemis à une bataille décisive , résolut de se retirer en Silésie. Il espérait que la Saxe serait à l'abri de nouvelles incursions ; se flattant, qu'aux approches de l'hiver, les Français efféminés songeraient moius à hasarder quelque expédition , qu'à s'assurer de bons quartiers. Il y a aparence que telle était effectivement leur intention, et qu'ils croyaient au Roi plus de forces q autrement ils auraient mis plus de persévérance à lui disputer le passage de la Saale. On ne peut excuser, que par-là,leur négligence e tl insouciance avec laquelle ils n'avaient pas seulement essayé d'attaquer et de battre , avec des forces si décidément supérieures , quelqu'une des colonnes Prussiennes , bien qu'elles fussent assez isolées dansleur marche. Ce fut seulement,
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q u a n d ils virenl à quel point l'armée Prussienne était faible , qu'ils prirent courage espérant qu'avec trois fois plus de monde , il serait aisé de l'enfermer et de l'anéantir. Craignant de manquer leur coup, ils se hâtèrent d'exécuter le dessein qu'ils venaient de former avec tant de précipitation. Saint-Germain d e m e u r a , avec six mille hommes, près Grost , vis-à-vis du camp de Rossbach , pour couper , aux Prussiens, toute communication avec M e r s e b o u r g , supposé qu'ils voulussent diriger leur retraite de ce côté. Le reste de l'armée marcha à droite, pour tourner, par Buttstädt, l'aile gauche du R o i , lui tomber à d o s , et lui fermer aussi, de cette m a n i è r e , le chemin de Weissenfels. Voilà comment ils s'imaginaient comprimer la petite armée du Roi. L e succès de cette opération leur paraissait même tellement infaillible, que l'on annonçait d é j à , à P a r i s , la prochaine captivité de F r é déric ; forfanterie qui peint au naturel la l é gèreté française. Mais la sécurité même des Généraux de l'armée combinée, leur fît commettre des fautes qui entraînèrent bientôt les suites les plus désastreuses. Déjà le roi de Prusse s'occupait des préparatifs de sa retraite vers Mersebourg ; déjà l'ordre était donné de lever le camp durant la n u i t , lorsqu'on vint lui rapporter les mou-
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vemens que l'on apercevait dans le camp ennemi. Quelque positifs que fussent ces r a p ports, il ne sembla pas y faire grande attention. Ceux, des vedettes confirmant de plus en p l u s , vers m i d i , la même nouvelle, ne l'empêchèrent pas de se mettre tranquillement à table. Les Généraux qui y étaient invités, ne comprenaient rien à cet extrême sang - froid de Frédéric; le vigilant Seydlitz envoya m ê m e , par ses aides-de-camp, à la cavalerie, l'ordre de seller les chevaux, et le soldat qui apercevait distinctement la marche des F r a n ç a i s , quitta son diner pour se préparer au combat. J e ne crois pas néanmoins me t r o m p e r , en allégant les causes suivantes de l'incompréhensible apathie que le Roi affecta dans cette occasion. Dans la position où il était, il ne pouvait opérer sa retraite que par Mersebourg; m a i s , a u tant il était facile de l'exécuter de n u i t , autant il aurait été dangereux de l'entreprendre en plein j o u r , et sous les yeux d'un ennemi qui s'avançait avec des forces si considérables. Saint-Germain n'aurait eu qu'à tourner à gauche , pour couper aux Prussiens le chemin d e la Saale. 11 y a donc aparence , qu'au défaut de tout autre moyen de salut, le Roi affecta la plus grande tranquillité, pour ne pas décourager sa petite armée par des mesures précipitées.
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pitées. Plein de confiance en la discipline de ses troupes, il se proposait vraisemblablement de faire usage, en cette occasion, d'une de ses manœuvres favorites, qui consistait à attaquer l'ennemi en pleine marche, et à profiter de sa surprise pour le mettre en d. route. Autant cette résolution était hardie , autant elle fut heureusement exécutée. A peine les tètes des colonnes ennemies avaient-elL-s atteint Buttsladt, que Frédéric se réveilla soudain de son apparenLe léthargie. Le sang-frqid qu'il avait affi'Cté jusqu'alors, fit place , loul-à- est considérablement affaibli. Noire artillerie » l'emporte de beaucoup sur la leur. Nos sol» dats sont animés d'une noble ardeur, et il » suflira de nous montrer , pour disperser et » terrasser nos ennemis. Nous pousserons nos » quartiers d'hiver jusques sur les frontières du » Brandebourg, et nous répandrons la terreur » jusques dans l'enceinte des murs de Berlin. » Ces propos exagérés de l'adulation , qui retentissaient tous les jours aux oreilles du P r i n c e , et qu'on répétait, à sa t a b l e , avec un r e d o u blement d'énergie, firent tant dimpression sur son â m e , naturellement ardente, qu'en dépit de la prudence et des sages conseils de D a u n ,
(i) C'est ainsi que les Autrichiens nommaient a l o r s , p a r dérision, l'armée Prussienne.
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Zo'J
i l se d é c i d a à m a r c h e r à la r e n c o n t r e d u R o i (1). Plusieurs écrivains d u tenis r e p r o c h e n t au p r i n c e Charles d'avoir pris le parti d'attaq u e r les P r u s s i e n s , tandis qu'il aurait été beauc o u p plus prudent de les attendre dans le c a m p r e t r a n c h é derrière la L o h e . M a i s la p r é p o n d é r a n c e de ses f o r c e s , et le succès de ses a r m e s , l'espèce d'opprobre dont une a r m é e si puissante se seraif c o u v e r t e , en redoutant la petite arm é e P r u s s i e n n e , au point de n'oser sortir d e ses retranchetnens i n e x p u g n a b l e s , enfin le g r a n d a v a n t a g e qu'il y a toujours à être le p r e m i e r a t t a q u a n t , ne sont-ce pas autant de c i r c o n s t a n ces q u i j u s t i f i e n t , jusqu'à un certain p o i n t , la c o n d u i t e du P r i n c e ? L a d e r n i è r e v i c t o i r e , tous les c h a n g e m e n s heui'eux qui v e n a i e n t de s'opérer dans sa s i t u a t i o n , et surtout le désir de d é c i d e r p r o m p t e m e n t le sort de la S i l é s i e , l'aut o r i s a i e n t , sans c o n t r e d i t , à m a r c h e r à la renc o n t r e des e n n e m i s , p o u r les mettre e n t i è r e inent hors d'état de traverser ses desseins ultérieurs. C e q u e l'on a d r o i t de lui r e p r o c h e r , c'est d'avoir m a l e x é c u t é son p l a n , et de s'être attiré , p a r - l à , les plus g r a n d s malheurs. I n s -
(i) V o y e z l'ouvrage intitulé : Considérations sur les rapports qui subsistent
entre l'Autriche
et la Prusse,
pag.419. Y
2
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truit de la marche forcée du R o i , et de celle du géne'ral Zietlien sur P a r c h w i t z , il aurait dû se mettre en mouvement beaucoup plutôt qu'il ne fit, afin d'empêcher leur jonction. 11 y e u t , au c o n t r a i r e , trop de lenteur dans sa m a r c h e , v e r s l e petit ruisseau de Schweidnitz. L a seconde f a u t e , t r è s - g r a v e et tout-à-fait impardonnable , qu'il commit contre toutes les règles de la tactiq u e , fut d'envoyer sa boulangerie à N e u m a r k t avec l'avant - garde , sans songer au d a n g e r qu'elle courait d'être enlevée par les P r u s s i e n s , q u i , grâces à l'imprudence du P r i n c e , s'en emparèrent effectivement. On a sujet de l u i r e p r o c h e r , comme une troisième f a u t e , d'avoir, renoncé au plan d'attaque , pour se tenir simplement sur la défensive, au p r e m i e r înom'ent o ù , contre toute a t t e n t e , il aperçut l'armée P r u s sienne. 11 p e r d i t , p a r - l à , tous les avantages qu'une bonne disposition lui aurait i n f a i l l i b l e ment procurés. 11 commit une dernière faute , en se laissant entraîner, à de fausses m e s u r e s , par les savantes manœuvres de F r é d é r i c , et p a r les clameurs de ce même Luchesy, q u i , peu aup a r a v a n t , avait affecté tant de mépris pour les Prussiens. Ces mesures eurent l'incoiiyé^ient d'affaiblir sa position , et de lui enlever tout le fruit qu'il pouvait en retirer. T e l l e s sont les méprises qui échappèrent, coup sur c o u p , au prince C h a r l e s , et qui lui devinrent plus f u -
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«estes q u e la résolution à laquelle 011 a i m p u t é tous ses malheurs. F r é d é r i c sut en profiter a v e c b e a u c o u p d'art. A i n s i la s é c u r i t é , l'indécision et l ' i m p r é v o y a n c e du prince C h a r l e s , valurent au roi de Prusse une victoire é c l a t a n t e , e t à l'armée A u t r i c h i e n n e une déroule sans e x e m p l e , dans l'histoire m o d e r n e . Ce f u t seulement, après s'être e m p a r é du poste de N e u m a r k t et de la b o u l a n g e r i e A u t r i c h i e n n e , que le R o i apprit q u e l'armée d u prince C h a r l e s avait quitté son c a m p près B r e s l a u , qu'elle avait passé le petit ruisseau de S c h w e i d n i t z , et m a r chait à sa r e n c o n t r e . C e s nouvelles lui p a r u r e n t i n c r o y a b l e s , à en j u g e r d'après la conduite o r d i n a i r e de ses ennemis. Q u q n d il se représentait le p r i n c e C h a r l e s dans la p l a i n e , et sur le point de l ' a t t a q u e r , il v o y a i t , à n'en plus d o u t e r , qu'enivré de ses s u c c è s , le P r i n c e allait jusqu'à m é p r i s e r son adversaire. Se félicitant de n'avoir plus à r e d o u t e r les grands périls dont il se c r o y a i t m e n a c é , il p r i t , à b o n a u g u r e , la d é m a r c h e inattendue de ses ennemis. A u m o m e n t o ù il e n r e ç u t la n o u v e l l e , il était sur le point de d o n n e r l'ordre à ses G é n é r a u x . Il entra dans la c h a m b r e où ils étaient r a s s e m b l é s , avec uh air riant et g r a c i e u x , dont ils f u r e n t tous e x t r ê m e m e n t f r a p p é s , et se tournant d u côté du p r i n c e F r a n ç o i s d e B r u n s v i c . « L e r e n a r d , )) lui d i t - i l , est sorti de sa tanière , et je v a i s , à y r,
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» l'instant, le punir de sa témérité. » Aussitôt il ordonna que l'armée se mît en mouvement, aux approches de la n u i t , et qu'on lui annonçât que l ' e n n e m i , ayant eu la hardiesse de se montrer dans la plaine, il avait résolu de l'attaquer le lendemain. C'est le propre des grandes passions et des grands dangers, de plonger l a m e dans un état de stupeur et d'engourdissement, où elle perd tout-à-falt le sentiment de ses forces. Quand ensuite elle vient à le recouvrer, il se manifeste avec un renouvellement d'énergie. C'est alors qu'on la voit bander tous les ressorts de son a c t i v i t é , et proportionner le courage à l'urgence du péril. Telle é t a i t , dans ce m o m e n t , îa situation du prince Charles. L'aventure de INeumarkt l'avait beaucoup affecté. Sans compter que les Prussiens lui avaient causé une perte fort sensible, en enlevant sa boulangerie j il était persuadé , alors , qu'ils allaient l'attaquer à la première rencontre. Tout son plan d'opérations était dérangé p a r - l à . Livré aux plus grandes inquiétudes sur le dénouement qui se préparait, il ne savait à quel parti se résoudre, pour sortir, avec honneur^ de celte lutte décisive. L'indécision qui régnait dans le camp Autriehien , alla toujours en croissant, à mesure que les Prussiens gagnaient du terrein. Elle parvint à son comble, lorsqu'on apprit la
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mauvaise issue de l'affaire près Borna. L'on convint enfin de se tenir sur la défensive, au lieu d'exécuter le plan d'attaque que l'on avait projeté. Les Autrichiens s'entendaient parfaitement bien à poster leurs troupes. On ne saurait comparer, sans doute, le poste qu'ils choisirent, dans cette occasion , entre la forêt de rsieperh et l'étang près Gohlau, à ceux de Kollin et de "Witgendorf. 11 faut, néanmoins, avouer que leurs Généraux surent mettre à profit , avec beaucoup de discernement , tous les avantages qu'un terreinuni offrait, et qu'ils ne négligèrent aucune précaution pour accabler les Prussiens du poids de leur supériorité. L e seul reproche qu'on peut leur faire, c'est d'avoir placé leurs troupes sur un front trop étendu ( i ) , ce qui diminua l'intensité de leurs forces, et d'avoir choisi les contingens de Bavière et du W u r t e m b e r g , pour couvrir leur aîle gauche, au lieu d'y employer des troupes nationales. Telle était la situation des deux armées, avant le j o u r , et dans la journée même où se livra cette fameuse bataille de Leutlien, qui décida du sort de la Silésie , autant qu'elle immortalisa le nom de Frédéric. Pour demeurer fidelle à mon plan , j'en omets les détails : M. d ' A r c h e n h o l t z en a fait un tableau fort ( I ) Il avait un mille d'Allemagne en étendue.
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4
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GUERRE
DE
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animé ( i ) , et l'on en trouve une description militaire très - détaille'e , dans l'ouvrage de M. de Pempelhof(i). Ce dernier joint à sa description un plan de la bataille , que je recommande à ceux de mes lecteurs qui voudront saisir l'ensemble des circonstances locales dans lesquelles elle eut lieu. Je vais rapporter cependant quelques particularités relatives à cette journée mémorable , qui n'ont point encore été publiées et dont j'ai été témoin oculaire. Déjà le corps de Nadasly, destiné à couvrir l'aile gauche de l'armée A u t r i c h i e n n e é t a i t renversé ; l'aîle gauche elle-même se trouvait déjà repoussée jusqu'au village de Leuthen : elle se défendait encore avec beaucoup d'acharnement , lorsqu'au moyen d'une évolution faite à propos , l'aîle droite des ennemis s'efforça de soutenir ce poste vivement attaqué. Elle s'était placée immédiatement au dessus de Leuthen , et sa grosse artillerie commençait à foudroyer le flanc gauche des Prussiens qui continuaient leur marche. Ce f u t j e moment où ils se virent toutà-coup exposés à un péril éminent. D'après la disposition de la bataille, les Prussiens devaient constamment refuser leur gauche ; maij celle( l) Histoire
de la guerre de sept ans,
(2) Histoire
de la guerre de sept ans ,
tom. I p. 207, 2 l 3 . tome I , p .
33o. On y trouve aussi le plan de la bataille.
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ci venait de se trouver insensiblement rapprochée des Impériaux par une suite de leur évolution. Jusques-là le flanc gauche des Prussiens avait été hors de la portée du canon ennemi: il ne s'attendait donc pas à la décharge qu'il suhit tout-à-coup. Une terreur panique s'empara de six bataillons qui se mirent à reculer sans aucune nécessité , pour aller se réfugier à l'abri d'un édifice voisin, nommé ficecMfl«ii(i). L e général Retzow , qui commandait la gauche, indigné de ce trait de lâcheté, fît l'impossible pour rallier les fuyards: mais, ni les injures , ni les châtimcns , ni les sollicitations des officiers ne purent les arrêter , et l'on désespérait absolument de rétablir l'ordre. Aussitôt, et sans balancer, le premier Àide-de-camp du Général ( 2 ) , vole à la secoude ligne , mais n'y trouve plus qu'un seul bataillon ; tous les autres étant e m ployés déjà à appuyer l'attaque que l'aile droite des Prussiens livrait dans ce moment. Il conduit ce bataillon à travers les flots des f u y a r d s , q u i , tout étonnés de cette rencontre , lui font place. Il va rejoindre les bataillons de la ligne qui n'avaient point quitté leur poste , et ordonne à celui qu'il amène de faire feu. Son sang(1) On nomme ainsi en S i l é s i e , certaines maisons d e s tinées à sécher e t à tailler le c h a n v r e , et que l'on bâtit en pleine c a m p a g n e , de p e u r d'incendies. (2) L e lieutenant R e t z o w .
3l4
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ANS.
froid ranime le courage des régimens ; honteux d'avoir pu flétrir leur honneur par une inconcevable pusillanimité , ils reviennent se ranger sous leurs drapeaux ; et le général Retzow eut la satisfaction de voir toute sa ligue garder ses r a n g s , à l'instant où la conquête de L e u then devint le gage de la victoire. L e s ténèbres de la nuit favorisèrent la fuite des Autrichiens, et Nadasty protégea fort habilement leur retraite. Mais le R o i , non content d'être demeuré maiirc du champ de bataille , s'avança encore jusqu'à Lissa , à la tête de quelques escadrons de cavalerie, et d'un petit détachement de grenadiers , pour s'y assurer le passage du ruisseau de Schweidnitz , et pour empêcher les ennemis de jeter des troupes sur l'autre bord. Pour entretenir la terreur chez les vaincus , les Prussiens firent de tems à autre quelques décharges, jusqu'à ce qu'ils e u s sent gagné le pont près Lissa. Y étant arrivés , ils furent accueillis par une salve de mousquel e r i e , que le R o i fit bientôt c e s s e r , en faisant approcher son ariillerie du pont , avec ordre de tirer tant qu'il y aurait de la poudre , et en faisant jeter des pelotions d'infanterie dans les maisons , où l'on tirait encore des fenêtres. O n fit main-basse sur tous ceux qui essayèrent d é se défendre. Alors le R o i entra dans Lissa y et se rendit au château du' lieu , dont il fit son
c a m p a g n e
DE
1757.
5I5
q u a r t i e r - g é n é r a l ; mais ce château était rempli d'une multitude d'officiers et de soldats blessés et fugitifs, qui s'étaient retirés dans tous les appartemens et jusque sur les escaliers du château, pour y goûter un peu de repos. Accompagné seulement de quelques-uns de ses aides-de-camp, Fi'édéric traversa leurs rangs , et leur souhaita une bonne nuit. Leur consternation fut générale en apercevant le Monarque vainqueur j dans ce lieu même où ils croyaient avoir trouvé un asile. Ils n'admirèrent pas moins le courage intrépide du Roi : tous les regards étaient fixés sur l u i , comme sur un demi-dieu ; ets'éloignant respectueusement , ils lui abandonnèrent le château. L'armée toute entière suivit immédiatement le R o i , sans en avoir reçu l'ordre exprès. T o u t le monde réfléchissant sur les dangers auxquels on avait eu le bonheur d'échapper dans cette sanglante journée , il r é g n a i t , durant la m a r che , un silence profond. Tout-à-coup un grenadier l'interrompit en entonnant un cantique sur un air généralement connu en Allemagne. Aussitôt vingt-cinq mille hommes , comme tirés d'un sommeil profond , se livrent u n a n i m e m e n t au sentiment de gratitude qu'ils devaient à l'Etre-suprême , et toutes les voix se réunissent, pour chanter, d'un bout à l'autre,l'hymne sacrée. Le silence, l'obscurité de la n u i t , joint au fré-
3l6
GUERRE DE SEPT ANS.
missement dont il était impossible de se défendre , sur un champ de bataille où l'on foulait à chaque pas un cadavre , tout concourut à inspirer , durant cet acte religieux , une émotion qu'il serait difficile de rendre. Les malheureux même q u i , jusqu'à ce moment , avaient fait retentir de leurs gémissemens, le théâtre de leurs souffrances , sur lequel ils étaient tristement étendus , oublièrent, pour quelques momens , leurs cuisantes douleurs : on les entendit prendre part au sacrifice de louanges, que les vainqueurs offraient, en cet instant, à la Divinité. U n e nouvelle ardeur s'empara des guerriers épuisés de fatigues ; de toutes parts on n'entendait que des acclamations , et des cris de joie. Ces acclamations furent bientôt interrompues par le bruit de la canonnade près Lissa ; alors ces braves guerriers se hâtèrent , à l ' e n v i , d e voler au secours du Roi. La bataille de Leuthen est unique dans son genre. L'histoire ancienne rapporte, il est vrai, que cinq cent .mille Perses furent battus à Marathon par dix mille guerriers choisis, ayant un Milliade à leur tête. 11 est vrai , qu'à INarva Charles XII , ce monarque aussi intrépide qu'heureux, triompha de q u a t r e - v i n g t mille Russes , avec une armée de huit mille hommes, Cependant, si l'on a égard aux circonstances qui accompagnèrent ces batailles , et d'autres
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5 l'J
combats du même genre , ainsi qu'à leurs r é sultais j on ne saurait les comparer à celle de Leuthen. Les Perses et les Russes étaient des barbares qui n'entendaient point la tactique. I c i , au coniraire, les Prussiens eurent à combattre des soldats aguerris , et des généraux habiles , dont ils avaient éprouvé la valeur en plus d u n e rencontre. Ce fut dans cette journée que Frédéric prouva surtout, avec combien de sagacité il avait su perfectionner l'art de la guerre , et former son armée à des manœuvres absolument neuves. Il s'écoulera plus d'un siècle, p e u t - ê t r e , avant que les annales de l'histoire offrent un modèle aussi accompli de tactique ; et cette bataille fait vraiment époque dans la science des combats, l'inventeur du système de l'ordre oblique et de la nouvelle méthode d'attaque, dirrigée d'après cet ordre, en ayant tiré pai ti à L e u t h e n , avec beaucoup de discernement. Les résultats de cette fameuse bataille furent désastreux pour l'armée Autrichienne. Jamais Frédéric n'avait mis autant d'activité à profiter des faveurs de la fortune , que dans cette occasion où elle se réconcilia si bien avec lui. 11 sut mettre le désordre parmi les troupes des ennemis, au point que la cavalerie de son aîle gauche fit prisonniers des bataillons entiers, et qu'un grand nombre d'Autrichiens , succombant au diîpit ou a la fatigue , demeurerent
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GUERRE
DE
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en deçà du ruisseau de Schweidnitz , et se rendirent aux premières patrouilles Prussiennes qu'ils rencontrèrent. De là vient le nombre p r o digieux de prisonniers qu'on fit clans cette journée. On en compta au delà de vingt et un mille. Les chefs de l'armée Impériale semblèrent eux-mêmes avoir perdu la tète. Autrement ils n'auraient pas négligé de sauver tous les bagages qui se trouvaient en deçà du f l e u v e , une grande quantité de munitions , et la caisse militaire , bien qu'il eussent encore les moyens de h a sarder, avec succès, quelque tentative à ce sujet, le lendemain de la bataille. L e Prince de L o r r a i n e , peu auparavant si fier de ses victoires , rassembla en hâte les débris de son armée battue, et quitta promptement une province où il se flattait , avec tant de sécurité , de prendre ses quartiers d hiver , et qui pour lors ne lui présentait que la douloureuse image de ses perles. Il précipita sa retraite en Bohême. Malgré les approches de l'hiver, le Roi fit assiéger Breslau. L a ville capitula au bout de quelques jours ; la petite armée Autrichienne, renfermée dans son enceinte ( i ) , fut faite prisonnière, et à l'exception
( i ) Ce fut une très-grande inconséquence de la part du prince Charles , qui ne pouvait pas ignorer que le Roi se hâterait de reconquérir la ville de Breslau, où il.n'avait pas une longue résistance à craindre, d'y laisser avec une
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^ S j .
3ig
d e S c h w e i d n i t z , la Silésie entière se trouva de n o u v e a u soumise au sceptre Prussien. A i n s i se termina la campagne de 1757 , si f é c o n d e en grands évènemens. O n n'en trouve a u c u n e , dans l'histoire ancienne ni m o d e r n e , où il y ait eu autant de batailles livrées, et autant de sang répandu. On peut avancer , sans la m o i n d r e exagération, qu'elle coûta la vie à plus d e d e u x cent mille hommes , tant blessés que morts de maladies. Triste souvenir pour la postérité de ceux dont les parens, ou les proches , sacrifièrent volontaii'ement leurs jours dans cette grande et sanglante querelle de leurs M o n a r q u e s , où il s'agissait moins de défendre son existence , ou ses droits légitimes , que de satisfaire des sentimens de jalousie, d'animosité personnelle , et d'assurer , par une politique m a l entendue , des conquêtes injustes ! L e feu dévorant de la guerre , alumé par l ' a m bition des Souverains , avait gagné déjà la plus grande partie de l'Allemagne , le royaume de P r u s s e , et les deux Indes. Plus d'un demi-million de guerriers avaient eu les armes en main. Ils avaient teint réciproquement leurs épées de
g a r n i s o n de d o u z e mille h o m m e s , c i n q m i l l e b l e s s é s ; faiblissant i n u t i l e m e n t ,
af-
p a r - l à son a r m é e , et l i v r a n t de
gaît'é de cœur u n si g r a n d n o m b r e de prisonniers a u p o u voir de l'ennemi.
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ANS.
sang humain , foulé aux pieds les cadavres de leurs a m i s , et de leurs e n n e m i s , entremêlé les chants de la victoire aux accens plaintifs de leurs frères mourans , et marqué leur passage, en tous lieux , p a r le carnage et la destruction. L e paisible habitant des villes et des campagnes , tremble à l'aspect de ces abominations ; les amis de l'humanité compatissent vivement aux i n fortunes des malheureuses victimes de la guerre, et les philosophes ne peuvent en concilier les horreurs avec les principes de la morale. Néanm o i n s , on verra ce fléau destructeur se p r o m e n e r , d'un siècle à l'autre , sur la terre , tant que les Souverains seront frappés de la manie des conquêtes ; tant que les spéculations m e r cantiles inspireront aux nations le désir d'étendre leur c o m m e r c e , et tant que le vain fantôme de l'équilibre c o n t i n u e r a , sous toutes sortes de formes différentes,à troubler le repos de l'Europe. En attendant , il est impossible de suivre, impartialement , l'histoire de cette première c a m p a g n e , depuis son ouverture , jusqu'à son dénouement , sans être étonné des révolutions , et des caprices du sort , dont elle nous offre un si frappant exemple. Autant il est indubitable que Marie-Thérèse aurait été forcée de demander la paix , si Frédéric avait pu venir à bout de ses desseins hardis, autant la perte
de
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rie ce dernier semblait-elle infaillible ,• après la journée de Kollin ; il n'aurait pu que succomber sous le poids de ses malheurs , et sous le nombre de ses ennemis , si ces derniers avaient su se prévaloir de leurs avantages. Cependant, après qu'il eut éprouvé de grands revers, la Providence suscita tout-à-coup des é\eneinens inattendus et favorables , et il se trouva , en finissant la campagne , à-pcu-prcs dans la même situation qu'à son ouve ture. Cependant il faut a v o u e r , à sa gloire, qu'il épuisa les res-ources du g é n i e , et de la politique , pour profiter des fautes de ses ennemis , qu'il sut enchaîner la fortune, et que si elle contribua à confondre les projets de ses adversaire - les plus acharnés j il fut aussi redevable , en grande partie de ses succès , à ses talens militaires. Le public ne s'attendait pas à un dénouement si heureux , et qui surpassa même l'attente des plus zélés palriotes Prussiens. L'Univers admira les exploits du Monarque , et l'Europe entière lui d é c e r n a , à juste titre 3 l'épithète devenue inséparable du nom de Frédéric.
Tome I.
X
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Etat
ANS.
XI.
des puissances belligérantes , au commencement de Vannée 1758.
de la campagne de fut d'autant plus inattendue , qu'elle démentit absolument tous les calèuls de la politique. L a maison d'Autriche , qui était l a m e de la ligue formée contre le R o i de P r u s s e , se flattait, trois mois avant la catastrophe que nous venons de rapporter, de réduire Frédéric à la condition des premiers électeurs de la maison de Braudebourg. Cet espoir fut cruellement trompé: la seule bataille de Ijcuthen, et la vigueur avec laquelle Frédéric sut en pousser les résultats , fit subir à l'armée A u trichienne une diminution , que l'on croirait exagérée , s'il ne fallait s'en rapporter au t é moignage impartial de quelques écrivains du tems (1). On l'amena l'armée en Bohême , et L'ISSUE
( i ) L ' a u t e u r de l ' o u v r a g e intitulé .• Considérations rapports
qui
subsistent
entre
F Autriche
et la
Prusse
sur
les
, qui
s e r v a i t l u i - m ê m e alors dans l'armée Impériale , a s s u r e q u e , d ' a p r è s u n e liste p r é s e n t é e près de Schweidnitz , a u feldm a r é c h a l D a u n , l'on n e r a m e n a e n B o h ê m e q u e d i x - s e p t
C A M P A G N E
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3a3
M a r i e - T h é r è s e , ne renonçant point à son p r o j e t f a v o r i de reconquérir la Silésie , se vit o b l i g é e de r a s s e m b l e r de nouvelles f o r c e s p o u r u n e s e c o n d e c a m p a g n e . Il s e m b l e q u e , dai s l a situation o ù elle se t r o u v a i t , elle aurait d û des i r e r l a paix , et prêter l'oreille aux propositions désintéressées que !e v a i n q u e u r de L e u t h e n eut la générosité de lui faire , p a r l'entremise d u p r i n c e L o b k o w i t z ( i ) . M a i s q u a n d les S o u v e r a i n s lie consultent que leurs passions , ils sont d'ordinaire sourds aux conseds de la prudence. O r , la p l u p a r t d u t e m s , ils s'abandonnent a v e u g l é m e n t à l'intérêt , aux p r é j u g é s , aux c íipriccs « et plus souvent encore , ils sont la dupe des vues particulières d e leurs Ministres , et des flatteurs
mille hommes , tandis que l'armée qui avait c o m b a t t u en Silésie , m o n t a i t à q u a t r e - v i n g t m i l l e h o m m e s .
Voyez
l'ou-
v r a g e q u e n o u s c i t o n s , t o m e I I , p. 441( i ) L e p r i n c e L o b k o w i t z avait été fait prisonnier par les P r u s s i e n s ; o n l ' e n v o y a , s u r sa p a r o l e , à V i e n n e , p o u r f a i r e , de la p a r t d u R o i , des p r o p o s i t i o n s é q u i t a b l e s
de
p a i x , à l ' I m p é r a t r i c e - R e i n e . Il f u t a u p r è s d e l l e l ' i n t e r p r è t e d u désir s i n c è r e q u e F r é d é r i c a v a i t de se r é c o n c i l i e r a v e c elle,
d ' u n e m a n i è r e a v a n t a g e u s e p o u r les d e u x
m a i s il n e p u t r i e n g a g n e r s u r s o n e s p r i t , p a r c e
partis; qu'on
a v a i t eu b i e n soin de lui c a c h e r t o u t e l ' é t e n d u e des p e r t e s q u e l'on v e n a i t d e f a i r e , c e q u i l u i i n s p i r a i t u n e r é p u g n a n c e i n v i n c i b l e à c o n c l u r e la p a i x , sans l ' i n t e r v e n t i o n d e ses Alliés.
X
2
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DE
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qui les entourent ( i ) : ils méconnaissent alors leurs véritables intérêts , pour ne se repaître que de chimères trompeuses. Telle était la situation de la monarchie Autrichienne, Il eût é t é , sans conlredit , bien à souhaiter, pour le repos de l ' A l l e m a g n e , que l'on n'eût point caché à Marie-Thérèse le déiail affligeant des évènemens malheureux qui venaient de se passer. Elle en aurait été plus disposée à u'i accommodement , m a l g r é les influences étrangères qui la poussaient à continuer l a guerre. L a G o u r d e V e r s a i l l e s , m i e u x instruite que l'Impératrice-Reine, des malheurs qu'elle avait éprouvés coup sur coup en Silésie craignit q u e son courage n'en fût ébranlé. 11 était de l'intérêt de Louis X V qu'elle ne se décidât point à conclure une paix séparée , qui aurait réduit (i l O n rafina vraiment sur les m o y e n s d'adoucir , a u x y e u x du p u b l i c , el surtout de la C o u r , l ' e f f r a j ' a n t e i m a g e d e la dernière catastrophe. On répandit un plan fort bien destiné
mais
plaisir , toutes exagérer
très-infidelle de la bataille. On inventa à sortes
ridiculement
de
fables , deslinées en partie à
les forces du roi de Prusse à L e u -
t h e n , en partie à sauver l'honneur du p r i n c e de L o r r a i n e , en attribuant à l'impérieuse nécessité des circonstances l'issue et les suites de la bataille. V o y e z Considérations
las rapports
qui
subsistent
tome. I I , p. 4 4 1 , 4 4 3 .
entre
l'Autriche
et
la
sur
Prusse,
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M
P
A
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N
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5/.
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la F r a n c e à combattre seule contre l'Angleterre, et c o n t r e le R o i de Prusse. On s'occupa donc à l e m s des moyens de prévenir un si grand malheur. L'Envoyé de France , à la Cour de V i e n n e , reçut des instructions portant qu'il eut à traverser , de toutes ses f o r c e s , tout projet de réconciliation entre l'Autriche et la PrusseO n ne manquait pas d'argumens pour engager l'Impératrice à continuer la guerre. On lui r e présentait qu'après tout il était possible d'obtenir e n c ô r e l'intervention active du cabinet de P é tershourg. On lui faisait un tableau exagéré de la politique insidieuse et remuante du roi de Prusse , dont le seul but était d'agrandir sa monarchie aux dépens de ses voisins. On prouvait que Frédéric , en dépit de ses talens et de son activité ,[ se verrait, tôt ou tard , n é c e s sairement dénué des moyens de résister à tant d'ennemis qui conjuraient sa perle. On soutenait que les Alliés n'avaient qu'à mettre plus de prudence et d'aclivité dans leurs opérations, pour assurer le triomphe cle la maison d'Aut r i c h e , et pour enlever , à j a m a i s , au rival de sa puissance , les moyens de lui nuire. Mais on n'aurait pas eu besoin de déployer tant d'éloquence pour parvenir au but que l'on se proposait. Aveuglée sur l'état de ses affaires , l ' I m pératrice se croy ait encore des forces suffisantes pour exécuter infailliblement,dans une seconde X 3
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DE
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c a m p a g n e , le projet de reconquérir la Silésie. On rejeta donc les propositions du prince Lobkowitz , avec tout l'orgueil qu'on aurait pu m o n l r e r si Frédéric eût été battu à Leuthen. L ' I m p é r a t r i c e - R e i n e résolut de l e v e r , pour l a campagne suivante, trois armées différentes, composées de troupes régulières, et de plus, un corps de quarante m i l l e insurgens ; niais on ne savait point encore à qui elle en confierait le commandement. Elle persistait à en charger le prince Charles de L o r r a i n e , son favori. M a i s ce Prince avait perdu la confiance du p u b l i c , dep uis la malheureuse bataille de Leuthen. Dépité de cette défaveur g é n é r a l e , e t du caprice de la fortune qui semblait le condamne;- à être constamment b^ttu , du moment où il avait Frédéric en tète, il se décida à quitter l ' a r m é e , et à s'éloigner m ê m e de la Cour. L'envie et la cabale avaient également écarté le brave f e l d rnaréchal ¡Nadasty. M a i s quelques sujets de mécontentement qu'on lui eût donnés, il n'en prouva pas moins le patriotisme le plus g é n é r e u x , au moment où les insurgens de Hongrie furent sommés de m a r c h e r au secours de l'Impératrice. Serbelloni , l'un de ceux qui , avant l a bataille de L e u t h e n , avaient conseillé au prince Charles de ne point sortir du camp retranché d e r r i è r e la L o h e , n'avait aucune protection à la Cour. L'honneur de c o m m a n d e r les troupes
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était donc réservé au feld-maréchal Daun. La Cour persistait à regarder le vainqueur de Kollin c o m m e le sauveur de l'Etat, quoiqu'il eût été plus redevable à la fortune qu'à ses t a l e n s , de ce titre glorieux. Contre l'avis des bons m i litaires 3 011 le croyait seul capable de dompter la valeur de Frédéric , et l'on préféra le Fabius Allemand , à des généraux plus entreprenans , et plus actifs , parce que l'on n'avait p a s , en ces derniers, une confiance aussi illimitée. C'est ainsi que les Souverains ne sont pas à l'abri des préjugés du vulgaire, qui a coutume de faire des succès d'un général d'armée , la mesure de son mérite. D a u n ne justifia pas entièrement la liante opinion que l'on avait eu de ses talens , et de sa capacité ; et tous les exploits , dont on fit dans la suite honneur à son génie , furent , en grande partie , l'ouvrage de ceux qui le dirigèrent par leurs conseils. Marie-Thérèse s'occupa , en même tems , à resserrer l'alliance qu'elle avait contractée avec les cabinets de Petersbourg et de Versailles , et à concerter, avec ces Cours, un nouveau plan d'opérations. L'Impératrice Elisabeth était plus disposée que jamais à mettre sur pied une armée formidable , depuis que les ruses de la célèbre amazone d'Eon lui avaient dévoilé le mystère de la cabale , dont nous avons vu les intrigues faire perdre à la Russie tout le fruit de sa cam-
x4
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pagne en Prusse. La découverte de cette cabale venait d'occasionner une grande révolution dans le ministère de Russie. Le grand chancelier Bestuschef ayant été exilé, le comte "VVoronzon lui avait succédé, et la Cour de Vienne gagna beaucoup à ce changement. Le général Fermor fut placé à la tête de l'armée , et on lui donna l'ordre exprès d'aller incessamment envahir le royaume de Prusse. 11 y réussit d'autant plus aisément, qu'après la retraite inattendue d'Apraxin, on avait employé, contre les Suédois, l'armée Prussienne que ce général avait eu à combattre. Fermor ne trouvant point de r é sistance, parvint, avant la fin du mois de janvier de l'année 1768 , à subjuguer tout l e royaume de Prusse. L a France promit également à la Cour de Vienne que , dans la campagne prochaine , elle soutiendrait avec le plus grand zèle, les intérêts de la cause commune. Elle s'engagea à continuer les subsides qu'elle payait à la Russie , à compléter son armée en Allemagne,et à remplacer, par un autre général, celui qui était en ce moment chargé de la commander en chef. Toutes ces mesures étaient absolument nécessaires , d l'on voulait parvenir au but que l'on se proposait. L'intérêt même de la cour de Versailles lui commandait ces .sacrifices ; et s'imaginant à tort que son influence seule avait décidé Marie-
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T h é i è r e à continuel" la g u e r r e , elle -se crut d o u b l e m e n t obligée à faire les derniers efforts, pour donner une attitude respectable à son a r m é e d'Allemagne , dont la perle montait i n f a i l l i b l e m e n t à cinquante m i l l e hommes. On r a p p e l a le duc de R i c h e l i e u , dont les concussions et la mauvaise conduite avaient fait b e a u c o u p de bruit à P a n s . I.e comie de Clerm o n t , prince du sang, ecclésiastique, m a i s favori de la Pompadour , succéda à R i c h e l i e u , e l o n l u i recoïhmanda fortement de rétablir la d i s cipline parmi les troupes. M a i s ce travail et l e commandement habile d'une p.rmée tout-àfait d é s o r g a n i s é e , surpassaient les forces d'un prince qui avait échangé , par pure c o m p l a i sance , la chasuble contre la cuirasse. 11 s'opéra a u s s i , bientôt après , un changement important dans le ministère français. L e cardinal Bernis qui , pour complaire à la favorite , avait mis tant de chaleur à conclure le traité de V e r sailles ( i ) , commença à s'apercevoir combien ce traité était contraire aux véritables intérêts de la France. Il souhaita donc de réparer sa faute ; mais la première tentative qu'il fit pour cet eft'ot, entraîna sa chute. L e comte Stainville , alors envoyé.de France à la cour de V i e n n e , fut appelé au ministère. L e favori 3 qu'on dé( i j Ce irailé avait été signé le I e r . mai 1 7 5 6 .
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cora du titre de duc de Choiseul , et qui ëtaii entièrement dévoué à la maison d'Autriche , prouva bientôt, par sa toute-puissance, c o m b i e n il l'emportait, par ses talens, et par l'énergie de son caractère , sur un Monarque effeminé , et sur les vils courtisans qui l'entouraient. Cependant la guerre jusqu'alors, avait coûté déjà des sommes énormes à la F r a n c e , et les financiers ne savaient où prendre celles qu'exigeait la nouvelle campagne. Louis X V s'obstinait à continuer, avec énergie, la guerre en A l l e m a g n e , bien qu'elle tournât plus au profit de l'Autriche , qu'à l'avantage des Français. On se vit doncobligé de négliger la marine , l'état des finances ne permettant pas de faire à la fois de grands arméniens sur terre et sur mer. L e s Suédois , vendus a la F r a n c e , et les P r i n ces de l'Empire , par obéissance pour le C h e f de la confédération germanique, se montraient fort bien disposés en faveur de l'Autriche, mais les uns et les autres étaient réduits à j o u e r , sur le théâlre des c o m b a t s , un rôle très subalterne. Ils y figuraient pour augmenter l'éclat de la représentation, plutôt que pour contribuer au dénouement de la pièce. L e roi de Prusse ne perdit pas de t e m s , et ne négligea aucunes mesures pour se mettre en état de défense contre ses formidables e n nemis. L a campagne précédente lui avait coulé
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b e a u c o u p de monde. Il est incontestable qu'il acheta ses victoires fort cher ; qu'il perdit presq u e la moitié de son infanterie dans les b a tailles de Kollin et de B r e s l a u ; qu'à la suite des autres revers qu'il é p r o u v a , son armée fut considérablement d i m i n u é e par la désertion; que les marches continuelles et fatigantes y causèrent beaucoup de m a l a d i e s ; qu'un m a l é p i d é m i q u e emporta un t r è s - g r a n d nombre d e soldats, et qu'ainsi ses a r m é e s ne comptaient plus que la moitié des conibattans dont elles étaient composées, à l'ouverture de la guerre ( i ) . M a i s , quelque g r a n d e que fût cette perte , a u bout de trois mois les r é g i m e n s se retrouvèrent a u c o m p l e t , tant par les enrôlemens volontaires des prisonniers de guerre et des d é s e r t e u r s , qu'au m o y e n de la levée des conscrits dans l'intérieur du pays. On forma aussi quatre nouveaux bataillons de compagnies franches. Il est vrai que ce n'étaient plus ces mêmes P r u s s i e n s , avec lesquels Frédéric commença la g u e r r e en 1756. Les soldats n'étaient ni si choisis, ni si aguerris. On ne pouvait guères compter sur les prisonniers et sur les déserteurs Autrichiens; (ij W a r n e r y avance que 1 armée composée au commencement de la guerre, de 125,OOO. hommes , n'en comptait plus que 40,000 , à la fin de la campagne de 1757. Mais on sait que cet auteur se plaît à exagérer les choses , Voyez Campagne de Frédéric, tome II , p. 223.
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et quant aux nouveaux conscrits , c'étaient de jeunes gens sans e x p é r i e n c e ; mais on avait encore plusieurs Généraux et plusieurs Officiers qui s'étaient formés à l'école de F r é d é r i c . M a l g r é tous les grands efforts de ce M o n a r que , sa situation était beaucoup plus c r i t i q u e , qu'elle ne l'avait été à l'ouverture de la c a m pagne de 1 7 5 7 . A cette dernière époque , les Russes n'avaient point passé les frontières de la P o l o g n e , ni les Français la barrière du R h i n ; les Suédois n'avaient point encore mis d'armée sur pied , et les Princes de l'Empire s'occupaient lentement à organiser leurs conlingens ; F r é déric n'avait perdu aucune des provinces de sa m o n a r c h i e , il en percevait tous les r e v e n u s , il en tirait des hommes et des vivres. M a i s alors les choses avaient bien changé de face : la Russie était maîtresse du r o y a u m e de P r u s s e , et la F r a n c e , des provinces situées en deçà du W e s e r . L e s sommes que le R o i en retirait a n n u e l l e m e n t , ne se versaient plus dans ses caisses. L a guerre lui avait coûté déjà trente m i l lions. L a Silésie , le duché de M a g d e b o u r g , la P o m é r a n i e , la principauté d ' A l b e i s t a d t , et la V i e i l l e M a r c h e avaient souffert plus ou moins des invasions ou des incursions ennemies. L e s alliés de la maison d'Autriche s'étaient considérablement rapprochés du théâtre de la g u e r r e , et se trouvaient, par conséquent, en état d'exé-!
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c u l e r , avec plus de promptitude et de célérité, leurs plans d'opérations. L e R o i , au c o n t r a i r e , se voyait obligé, p a r - l à , de tenir tète à leurs f o r c e s , plus concentrées qu'auparavant. Ce changement de conjonctures mit le R o i dans la nécessité de prendre les mesures les plus précises j pour affronter tant de périls, et pour s o r t i r , h o n o r a b l e m e n t , d'une lulte dont il était impossible de prévoir le terme. L e roi d'Angleterre était, encore son a l l i é , et le seul qu'il e û t ; m a i s , jusqu'alors, le Parlement s'était montré assez avare de ses secours. T o u t e l'attention de la nation se portait sur la guerre m a r i t i m e , et sur la conquête des Colonies françaises dans les deux Indes. Dans le cours de l'année qui venait de s'écouler, elle avait accordé des subsides de douze millions livres s t e r l i n g , pour l'équipement des flottes, et cependant les opérations sur mer n'avaient pas eu le succès que l'on s'en était promis. Les membres du P a r lement attachaient bien plus d'importance à leurs d é b a t s , qu'au choix dé généraux habiles et dignes de commander les flottes. L'expédition de l'amiral Holburne et de lord Caudon , dans l'Amérique septentrionale, fut aussi i n fructueuse que celle que l'on entreprit, d'un air si important et si m y s t é r i e u x , contre les îles d'Aix et de R o c h e f o r t , quoique cctte dernière entreprise eût coûté un demi-million de livres
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sterling. M a l g r é tout le m é c o n t e n t e m e n t , et tous les m u r m u r e s q u e ces é v è n e m e n s f â c h e u x excitèrent au sein d'une nation si jalouse de son e m p i r e sur les m e r s , ils servirent n é a n m o i n s d ' a i g u i l l o n a u x M i n i s t r e s , et les e n g a gèrent à r é p a r e r , d a n s la c a m p a g n e qui allait s'ouv r i r , les fautes de l e u r s Généraux. L a faction du duc de C u m b e r l a n d avait b e a u c o u p perdu de son i n f l u e n c e , depuis la honteuse c o n v e n t o n de C l o s t e r - S e e v e n . Pitt était devenu p r e m i e r m i nistre , et ce g r a n d h o m m e connaissait bien m i e u x que son prédécesseur les véritables i n térêts de l ' A n g l e t e r r e . C o m m e son éloquence entraînait tous les c œ u r s , il eut le r a r e bonheur de se c o n c i l i e r tous les esprits dans les d e u x c h a m b r e s du P a r l e m e n t , et de disposer l a nation à continuer la g u e r r e sur le continent. L e s victoires de Rossbach et de L e u t h e n , et' les facilités que l'on t r o u v a , en c o n s é q u e n c e , pour repousser provisoirement les F r a n ç a i s , a u delà des rives de l ' A l l e r , contribuèrent b e a u c o u p à f a i r e u n e sensation très-forte en A n g l e t e r r e . F r é d é r i c et Pitt furent à la fois les idoles de l a nation. On p a r l a i t du roi de Prusse avec le plus g r a n d e n t h o u s i a s m e , on s'intéressait-plus v i v e m e n t à son s o r t , depuis que l'on a v a i t été témoin de la constance i n é b r a n l a b l e avec l a q u e l l e il avait su se t i r e r , en dépit de tous les p é r i l s , d'une s i t u a t i o n , en a p p a r e n c e ,
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tout-à-fait désespérée. L'on convenait que la nation se couvrirait d'opprobre , en a b a n d o n nant un allié si actif; dans la chaleur de l'enthousiasme général , le Parlement résolut de faire passer en Allemagne une armée de douze mille h o m m e s , et décréta cent et dix mille livres sterling, pour l'armée d'Hanovre. En m ê m e tems on accorda, de nouveau, douze millions livres sterling pour les autres a r m e m e n s ; et comme l'on avait résolu de resserrer l'alliance avec la P r u s s e , on assigna à Frédéric un subside annuel de six cent soixante - dix mille livres s t e r l i n g , tant que la guerre durer a i t , l e Roi s'engageant, de son côté, à envoyer quinze escadrons à l'armée des Alliés. Quelque avantageux que ce subside fut poulie Roi il ne l'indemnisait néanmoins que trèsimparfaitement des frais qu'une nouvelle campagne exigeait. Sans compter les douze millions que le t r é s o r d é s i g n é sous le nom de petittresor, contenait en i 6 5 6 , et qu'il avait fallu dépenser, en grande p a r t i e , pour les premiers préparatifs de g u e r r e , on avait déjà puisé dans le grand t r é s o r , pour subvenir aux frais de deux campagnes. A peine pouvait-il suffire aux dépenses d'une troisième; en admettant que les revenus de la Saxe avaient dédommagé le Roi de ce qu'il avait perdu par l'invasion du royaume de Prusse , et des provinces de W e s t -
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pbalie. O r , c o m m e il élait i m p o s s i b l e (le prévoir jusqu'à quel point la g u e r r e se prolongerait , F r é d é r i c se vit dans la nécessité de se m é n a g e r encore d'autres r e s s o u r c e s , p o u r triompher de ses e n n e m i s , sans o p p r i m e r ses s u jets (1). On i m p o s a d o n c à la S a x e des livrai(t) Il est prouvé qu'à celle époque Frédéric n'imposa point de contribution extraordinnire à ses v a s s a u x ,'pour subvenir a u x frais de la guerre. U s e contenta d'exiger d ' e u x , dans les anciennes provinces de la Monarchie . a u lieu d e l'impôt annuel de guerre dont les terres nobles étaient chargées et qui remontait aux tems de la féodalité , l'avance d u capital de cette coiitiibuiion,évaluée a u taux de q u a t r e pour cent. Peu de tems après la paix de H n b e r s t b o u r g , on restitua ce capital aux possesseurs de terres nobles; mais il leur fut p a y é en frédérics d'or , tels qu'ils circulaient immédiatement après la paix , sous le nom de FrédéricÎmoyens ; et quant à l'agio , on le fixa d'après la valeur des anciennes monnaies-d'or. Durant les dernières années de la g u e r r e , les p o s s e s seurs de t e r r e , aussi bien que les s u j e t s , furent tenus de faire livraison de farine pour les magasins. On ne leur p a y a i t que tren te-six écus pour chaque muid . bien que le prix c o u rant du seigle fût alors de cent quarante-quatre à cent soixante-huit écus par mnid. Cependant cette imposition ne fut pas aussi onéreusequ'on serait tenté de le c r o i r e , p a r c e que , vu l'abondance des mauvaises espèces qui circulaient: alors,et vu l'ignorance où l'on était relativement à leur' valeur intrinsèque , le p r i « de plusieurs denrées de p r e mière nécessité ne haussa point proportionnellement à L'augmentation du prix des blés.
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sons extraordinaires eu blés , en chevaux et en hommes. On exigea du duché de Mecklenbourg une contribution de deux millions quatre cent mille écus, parce que le Duc avait donné passage, par son pays, aux troupes Suédoises, auxquelles néanmoins il était hors d'état de résister. Enfin, on fit frapper, à Léipsic, quelques millions d'écus en demi-florins, marqués au coin de la Saxe , dont la valeur intrinsèque était de vingt pour cent inférieure au titre des monnaies d'argent du Brandebourg , connu sous le nom de titre de graurmaini. A lépoque dont nous parlons, on ne fit usage de ces mauvaises pièces que pour la solde de l'armée, attendu que, de cette manière , elles ne circulaient presque qu'en pays ennemi ; mais les besoins du Roi augmentant dans la suite avec les dangers de sa situation, il se vit obligé de faire battre, d'année en année, des monnaies de moindre aloi. Les demi-florins de Saxe se trouvèrentj dans peu, de quarante, et enfin de soixante-deux et demi pour cent, inférieurs aux anciennes monnaies d'argent. Les gros de Saxe, les pièces de quatre gros de Berenbourg,et les petites pièces de monnaie polonaise, connues sous le nom de tympf, perdirent jusqu'à soixante-quinze pour cent en valeur intrinsèque. Tome
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L'on a souvent blâmé cette ope'ration du R o i , et le public osa même lui donner la qualification de faux-monnoyeur. Sans doute qu'il est assez difficile de concilier l'opération dont il s'agit, avec la sévérité des obligations imposées à un monarque ; et cependant l'exemple que Frédéric donna i c i , n'est pas unique dans l'histoire : d'autres Souverains ont fait la même chose en petit. Cette mesure paraît surtout très - rigoureuse, quand on pense que le Roi l'employa à l'égard de son armée, au moment où ses fidelles guerriers lui prodiguaient leur sang et leur vie ( i ) . Mais que l'on se mette à la place de Frédéric : ne pouvant prévoir combien la guerre durerait, il savait que son trésor seul ne le mettrait pas en état d'en supporter les frais. En politique habile, il calculait que les moyens de résistance lui manqueraient, avant que ses ennemis se trouvassent dénués de facultés pour travailler à sa perte , et il ne se trompait pas, en avançant que celui qui a le dernier ecu en poche, est toujours sûr de faire une paix honorable. D'après (I) Dans les dernières années de la g u e r r e dè sept ans , o ù le p r i x des commestibles avait déjà c o n s i d é r a b l e m e n t h a u s s é , le soldat a u q u e l on donnait espèces
de
sa paie en petites
mauvaise monnaie , ne recevait que la v a -
leur intrinsèque de d e u x gros tous les cinq jours , a u lieu de huit gros qu'il aurait dû recevoir.
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ces considérations, il dut songer de bonne heure à se ménager des ressources ( i ). S'étant donc arrangé de manière à avoir toujours dans ses coffres les sommes nécessaires pour subvenir aux frais d'une campagne entière, il se flattait de résister, jusqu'au b o u t , à ses ennemis. Ainsi ce fut l'impérieuse nécessité seule qui lui arracha une opération de f i n a n c e , sans contredit très-violente ; des mesures plus d o u c e s , et de simples palliatifs, ne convenant point à sa situation. Il s'y crut d'autant plus autorisé, dans la conjoncture où il était, qu'il fît circuler, à m a i n - a r m é e , chez l'ennen}i, les espèces décriées , et employa toutes les mesures possibles pour en arrêter la circulation dans ses propres Etats. C'est donc uniquement à ses voisins, et non à ses sujets, qu'il voulait porter coup, bien que nous ne prétendions point justifier par-là un procédé qui n'est excusable que par l'intention du R o i , lequel cependant n'atteignit pas entièrement le but qu'il se proposait. Si la cam( i ) Des personnes dignes de foi m'ont assuré, q u e , dans cette intention et pour boucher les sources où ses ennemis pourraient puiser , le Roi emprunta des sommes considérables dans les pays é t r a n g e r s , à l'époque même où il résolut d'entreprendre la guerre. On ajoute qu'il en p a y a régulièrement les intérêts, sans toucher à ces
capitaux
qu'il tenait toujours en réserve. Si le fait est v r a i , on a sujet d'admirer la profonde sagesse de Frédéric,
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pagne de 1758 eût été la dernière, les espèces décriées auraient été beaucoup moins nuisibles qu'elles ne le devinrent, la perte serait tombée uniquement sur les rentiers. M a i s , dans la suite, cette monnaie décriée fut presque la seule qui eut cours ; elle se multiplia de plus en plus, sa valeur intrinsèque diminua toujours davantage , et le Roi même , pour soutenir le crédit de sa fausse monnaie, fut obligé de l'accepter en paiement dans ses propres caisses, de façon que ses Etats en furent i n o n d e s . L ' a g i o que les J u i f s payaient à ceux qui échangeaient contre la mauvaise monnaie, des pièces d'or et d'argent de bon a l o i , n'était jamais proportionné à la valeur intrinsèque de ces dernières ; c e pendant, et les riches et les pauvres cédèrent à la tentation illusoire d'accumuler des richesses imaginaires. Tous ceux qui possédaient une grande quantité de numéraire en mauvaises espèces, se croyaient opulens, et ce vertige ne se dissipa qu'à l'cpoque de la réduction des monnaies. Alors on eut tout le tems de se repentir de sa crédulité , et les rentiers qui n'avaient pas eu soin de convertir, à tems, leurs capitaux en pièces d'or de bon a l o i , perdirent une grande partie de leur fortune imaginaire. Cette l'évolution fut accablante, et le devint encore davantage , lorsqu'en 1763 , après la paix de Iluberstbourg , le Roi lit frapper, et
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mit en circulation des espèces d'argent, un peu moins mauvaises, à la vérité, mais qui subirent, un an après, une nouvelle réduction , quand on publia l'ordonnance relative au titre d'alors des monnaies du Brandebourg. Plusieurs familles essuyèrent des pertes considérables, le crédit de la nation éprouva une violente secousse , qui fut suivie d'une multitude de procès et de banqueroutes. Cette esquisse rapide de l'état des Puissances belligérantes , suffira pour mettre mes lecteurs à même de juger de l'acharnement avec lequel les parties contractantes du traité de Pétersbourg, ti'availlaient à l'accomplissement de leurs desseins et de la grande adresse , de la prudence consommée qui présidèrent à toutes les démarches du roi de Prusse, dans une conjoncture si délicate. Combien l'Europe a u rait eu sujet de se féliciter, si la campagne de 1758, dont nous allons tracer un tableau caractéristique, eût pu mettre un terme à cette guerre! Mais la Providence réservait encore à Frédéric de grandes épreuves; et malgré tous les adoucissemens que les révolutions de Russie, et l'épuisement de la France apportèrent à sa situation, il n'en demeure pas moins vrai que ce fut la détresse seule des finances qui contraignit enfin l'Autriche à poser les armes. Y 5
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Campagne des Prussiens en Moravie, le cours de l'année 1758. Issue de campagne.
dans cette
-L AN DIS que les Puissances belligérantes s'occupaient encore à faire les préparatifs de la nouvelle campagne ; tandis qu'elles n'avaient point encore a dérange tout le plan d'opérations du comte » Daun ; il est vrai qu'elle le force à quitter la » Bohême pour voler au secours de la Moravie j; » il est vrai encore que l'on ajoute par-là à » l'intervalle qui le sépare des Russes ; mais , •» tôt ou t a r d , le Roi se verra pourtant enfin
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» obligé d'en venir aux mains aveG ces d e r n i e r s ; » et alors il faudra franchir un espace de » quatre - vingls milles , opéi'er sa retraite v à travers un pays qui prête si m e r v e i l l e u » sèment à toutes les chicanes que l'ennemi » pourra multiplier avec succès , à l a i d e » de ses troupes légères , supérieures à celles » du R o i ; et les provinces héréditaires de la » M o n a r c h i e tomberont , en attendant , faute » de secours , au pouvoir de l'ennemi. » L ' é vénement a p l e i n e m e n t justifié cette opinion , et l'on assure que quelques - uns des G é n é r a u x du R o i essayèrent de c o m b a t t r e son projet. M a i s F r é d é r i c répugnait j par système , aux opérations purement défensives ; il soutenait » que , pour traverser les desseins de l ' e n n e m i , i> il fallait lui donner de l'occupation dans son » propre pays. D ' a i l l e u r s , ajoutait-il, un général » d'armée doit toujours donner quelque chose m au hasard dans ses entreprises , et c o m p t e r » un p e u , dans ses calculs, sur les coups de for« tune. E n un m o t , il soutenait que , d'après )i son intime conviction , la résolution qu'il » avait prise é t a i t , de toutes celles q u i l eût pu j) former,, la plus adaptée aux circonstances. » L'on ne tarda d o n c point à se mettre en m a r c h e pour la M o r a v i e . P o u r arriver de Landsliut à la plaine d'Olmulz, l'armée du R o i avait trente milles à faire ,
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celle des Autrichiens n'en avait que seize à franchir. Il était donc de la plus haute i m portance de cacher au feld-maréchal Daun le but que l'on se proposait et d'assaillir O l m u t z , avant qu'il fût en état de m a r c h e r , avec toute son a r m é e , au secours de cette forteresse. Dans cette intention , l'armée du Roi se retira des montagnes dans la plaine de Schweidnitz. Le g é n é r a l Ziethen d e m e u r a , avec un corps de q u a t r e m i l l e hommes , dans les environs de L a n d s h u t , pour mettre les montagnes à l'abri de toute incursion. L e général Fouquet , qui s'était avancé déjà , avec son corps , jusqu'à B r a u n a u en Bohême , rentra dans le comté de Glatz , et le Roi m a r c h a en diligence , avec l ' a v a n t - g a r d e , à Neisse , où l'armée le suivit sous les ordres du f e l d - m a r é c h a l Keith. On fit aussitôt de grandes réparations sur la route qui conduisait de Neisse à Giatz. On eut soin de ï'épandre que le g r a n d convoi de farine et de vivres , qui montait à quelques m i l l i e r s de c h a r i o t s , était destiné à l'approvisionnement de Glatz. L e Roi l u i - m ê m e se rendit dans cette ville , il fît une reconnaissance sur la frontière de Bohême , et e x a m i n a difFérens postes avec une attention , qui semblait annoncer de sa part quelque g r a n d e t m y s t é r i e u x dessein. Tous ces divers mouvemens de l'armée P r u s sienne n'échappèrent point à la v i g i l a n c e du
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feld-maréchal Daun ; mais , de toutes les e n treprises auxquelles on pouvait s'attendre , de la part d'un ennemi aussi actif que le roi de P r u s s e , l'expédition en Moravie était sûrement la moins facile à prévoir ; car,sans compter les grandes difficultés qui en étaient inséparables , et le danger qu'il y avait à "¡s'éloigner si fort du centre de la ligne d'opérations , Daun savait à quel point Olmutz se trouvait en état de défense , et il regardait cette place c o m m e le rempart de toute la province. Il regarda donc toutes les démonstrations du R o i c o m m e autant de stratagèmes destinés à l'attirer hors du poste avantageux qu'il occupait , afin d'entrer plus facilement en Bohême. Il se rappelait la position embarrassante où le feld - maréchal B r o w n s'était trouvé à l'ouverture de la campagne p r é cédente , pour avoir été la dupe d'un artifice du même genre. L a circonspection naturelle de son caractère le porta donc à ' prendre la résolution ferme et inébranlable de se maintenir dans le poste qu il avait choisi. INe songeant qu'à défendre aux Prussiens l'entrée en Bohème , il prit ses mesures avec beaucoup de discernement et en habile militaire. Tandis que Daun , prenant ainsi le change , se retranchait , pour plus de sûreté , dans un camp inexpugnable près Scalitz , et postait à Nacliod, à Levin, à P r a u t e n a u , à G r u l i c h , divers
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corps destinés à protéger ce camp ; tandis qu'il s'amusait à décorer des marques du nouvel ordre militaire de Marie - Thérèse , les chevaliers nommés par l'Impératrice , s'astreignant à tous les détails du cérémonial autrichien, et donnant à cette occasion des fêtes brillantes, le roi de Prusse volait en Moldavie par Neustadt , J a e gerndorf et Troppau, Déjà il avait repoussé de la Haute-Silésie le général de Ville ; deja il passait la Morava , et gravissait la montagne de Nickelsberg,lorsqueDaun reçutles premières nouvelles de la marche inattendue des Prussiens. Dans les premiers momens de son extrême surprise , il ne voulut point y ajouter foi. Mais les rapports qui lui arrivaient de toutes parts ne lui permettant plus d'en d o u t e r , il se vit forcé de régler ses mesures en conséquence de celles de l'ennemi, quelque dépit qu'il ressentît d'avoir prodigué tant de tems et tant d'art pour des préparatifs devenus inutiles par l'événement. Il partit de Scalitz à la tête de son armée , et la conduisit, par W o d i r a d e t C h o z e , au camp retranché près Leitomischl.il y avait dans cette ville , située sur les confins de la Moravie , un magasin qui assurait pour quelque tems la subsistance de son armée. Mais au lieu de pousser tout de suite en a v a n t , et de devancer les Prussiens dans la plaine d'Olmutz , il fit h a l t e , et se contenta de faire observer les mouvemens
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d e l'ennemi , par les généraux J a n u s et L a u d o n . Il semble donc qu'alors m ê m e il ne croyait pas que les Prussiens eussent effectivement l'intention d'assiéger O l m u t z ; il s'imaginait q u e l e u r m a r c h e en M o r a v i e n'avait eu d'autre b u t q u e d e l e c o n t r a i n d r e à quitter le poste avantageux qu'il occupait sur lçs b o r d s de l'Aupa , et de se faciliter ainsi l'entrée en Bohême. T a n t il est vrai q u e , m ê m e dans le c a m p Autrichien , on avait peine à se convaincre que le R o i d« Prusse eût pu f o r m e r sérieusement une entreprise que l'on r e g a r d a i t , d'après les principes de tactique g é n é r a l e m e n t adoptés alors , c o m m e u n e simple charlatanerie militaire. On ne sait pas au reste si Frédéric l u i - m ê m e , m a l g r é toute l'importance que l'on mettait à cette expédition , s'en promettait d'autres a v a n tages que ceux qui se trouvent attachés à u n e simple incursion en pays ennemi. Du m o i n s s'exprime - t - il là-dessus , dans une lettre au m a r q u i s d'Argens , de m a n i è r e à faire p r é s u m e r qu'il n'entra en M o r a v i e que p o u r faire diversion. « N o u s cherchons les a v e n t u r e s , d i t - i l ; » j'ai fait trotter M . D a u n de Bohême en M o « ravie. E n u n m o t , nous nous battrons jusqu'à )> ce que ces m a u d i t s Autrichiens se décident à » faire la paix ( i ) . » ( l ) V o y e z Correspondance aucc le marquis
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Frédéric,jugeant les autres d'après lui-même, eut à peine appris la nouvelle de l'arrivée de Dauu à Leitomischl, qu'il s'attendit à le voir pousser sa marche plus loin, pour accourir au secours d'Olmulz. L'insouciance apparente du Feld-maréclial lui parut inexplicable ; car il était impossible qu'il n'eut pas été instruit des grands préparatifs que l'on avait laits à Neisse. Ses troupes légères étaient si bien exercées à aller à la découverte des ennemis, et les habitans de la Haute-Silésie étaient trop autrichiens dans 1 ame , pour que le Roi pût se ilatler que ses véritables desseins fussent encore un secret ; et,à moins de supposer que Daun s'aveugla sur l'importance de l'expédilion prussienne , l'on ne comprend pas qu'il ait pu être si mal informé de ce qui se passait, ou s'obstiner à faire si peu d'attention aux avis qu'il reçut infailliblement. L'armée que le Roi conduisait en Moravie, n'était que de trente-huit mille hommes. Cependant il la posta si avantageusement sur les bords de la Morava , qu'elle couvrait tous les chemins qui conduisaient de Silésie en Moravie , et qu'il était facile d'en concentrer en peu de tem.s les différentes divisions, du moment où la chose deviendrait nécessaire , sans perdre de vue le but principal, qui était de bloquer Olmutz. Ce fi.t clans cette position que Tome I. Z
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le Roi attendit l'arrivée du général F o u q u e t , qui escortait l'artillerie de siège , les munitions de guerre, et un très-grand convoi de vivres. L'escorte el, le convoi arrivèrent heureusement. sous les murs d'Olmutz , sans avoir été inquiétés par l'ennemi. Mais cet événement fut en quelque façon le signal qui tira Daun de l'inaction où il était demeuré jusqu'alors. L e bandeau tomba de dessus ses y e u x , au moment où il vit son attente si complètement trompée. Il sentit la nécessité de se rapprocher de la forteresse , pour le siège de laquelle les ennemis faisaient des préparatifs si sérieux. P o u r cet effet, il se retrancha dans le camp près Gewitz; niais, demeurant iidelle à son s y s t è m e , il posta en avant quelques corps détachés , pour se mettre à l'abri de toute surprise. De cette manière , il se trouvait considérablement rapproché du R o i . Obligeant les Prussiens à se concentrer , il leur coupa tous les vivres qu'ils auraient pu tirer de l'intérieur de la M o r a v i e , et les exposa au danger de se v o i r attaqués par des forces très - supérieures , et peut-être même battus en détail. Il 11e fallait presqu'à Daun que vingt-quatre heures pour se trouver en face de l'armée du Roi. Il a v a i t , de son coté, la supériorité du n o m b r e ; l'armée du R o i , assez faible comparativement à la s i e n n e , occupait des camps détachés, sur un« étendue
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de trois milles, depuis Prosnitz jusqu'à N e u s tadt;ces divers camps n'avaient ensemble qu'une communication peu assurée. Toutes ces circonstances, jointes au voisinage de la forteresse, et aux dispositions favorables des habitans , mettaient Daun à m ê m e , pour peu que la fortune le favorisât , de frapper un coup décisif pour empêcher le siège dont les Prussiens menaçaient Olmutz, et pour terminer ainsi trèsglorieusement la campagne de Moravie. L e Roi se serait trouvé dans la position la plus embarrassante, et s'il avait été battu , la r e traite eût été infiniment difficile. Mais l'excessive circonspection de Daun ne lui permit pas de hasarder une entreprise à laquelle, selon l u i , il serait toujours tems d'en venir, si l'on ne réussissait pas à parvenir, par d'autres m o y e n s , au but que l'on se proposait. S e m blable à un médecin timide, il voulait essayer d'abord les remèdes doux , et n'employer les plus violens qu'à la dernière extrémité. Il comptait surtout sur les grandes difficultés que les Prussiens trouveraient à se procurer des vivres , sur les moyens de défense dont la forteresse était si bien pourvue, et sur l'habileté du g é néral de Marschall qui était commandant de la place. Ce général habile justifia pleinement , par sa conduite prudente durant le siège, la conZ a
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fiance que ses talens avaient inspirée. Mais indépendamment du courage et de l'activité avec laquelle il résista, indépendamment de la sagesse de ses mesures et de sa fécondité en inventions, pour traverser et retarder les travaux des Assiégeans, il se trouvait aussi dans une position, à tous é g a r d s , infiniment avantageuse. Olmutz est situé dans une belle plaine , entre deux petites rivières, la Powallta et la Morava. Cette dernière, qui prend sa source dans les montagnes dites Schnccberge, sur les frontières du comté de Glatz, est pourvue d'écluses, au moyen desquelles il est facile d'inonder la contrée adjacente. Olmutz était une des meilleures forteresses des états héréditaires d'Autriche, et l'une de celles dont on avait eu le plus de soin d'entretenir les ouvrages. L e général de Ville y avait jeté toute son infanterie, lors de sa r e traite de la Haute - Silésie -, la garnison était donc de huit mille hommes. L a place était suffisamment munie de canons de tous genres, çt de toutes les provisions nécessaires, et l'on trouvait à sa portée, dans les forèls voisines , tous les matériaux requis pour travailler aux fortifications. A peine les Prussiens f u r e n t - i l s entrés en M o r a v i e , que Marschall sut se prévaloir de tous ces avantages. 11 mit beaucoup d'activité à réparer les o-uvrages e n d o m m a g é s , et à en.construire habilement de nouveaux. 11 tira
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des villages voisins le bétail et tous les vivres dont il avait besoin ; et lorsqu'il aperçut qu'on se pré* parait sérieusement à assiéger la p l a c e , il fît en partie raser, en partie incendier les f a u b o u r g s , et lâcha les écluses du côté de la f o r teresse où est situé le cloître de Hradisch. Ayant ainsi pris ses mesures , il attendit, de pied ferme , l'attaque formidable des Prussiens. C e u x - c i , de leur côté, montrèrent la plus grande activité. Le f e l d - m a r é c h a l K e i t h , a u quel le Roi avait confié le commandement de l'armée de siège , fit., en grande diligence, tous les préparatifs relatifs à l'ouverture de la tranchée. 11 fit tracer une ligne de circonvallation autour de son c a m p , et il établit des ponts sutla M o r a v a , pour entretenir sa cOrtimunication avec le corps du général M a y e r , qui devait, investir la place du côté du cloître de Hradisch. Mais la circonvallation n'avait point été p r a tiquée d'après toutes les règles de l'art, et elle n'était pas suffisamment défendue; et quant au corps du général M a y e r , il était beaucoup trop faible pour couper aux Assiégés toute communication avec l'armée de Daun. A l'époque dont nous parlons, les Prussiens étaient encore en arrière d'un demi-siècle dans l'art de la fortification , que d'autres nations , et surtout les Français, avaient poussé à un haut degré d é perfection. Ils étaient p e u t - ê t r e trop fiers de Z 5
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leur bravoure naturelle pour attacher beaucoup de prix à ces moyens de défense. De plus, l'armée du Roi était trop faible pour investir complètement Olmutz, et faire tête , en même tems, à un ennemi supérieur en nombre. L'on ne put donc réussir à empêcher Marshall d'entretenir une correspondance avec D a u n , d'ititroduire des vivres dans la p l a c e , d'y faire arriver des ingénieurs , des artilleurs dont il n'était pas suffisamment p o u r v u , et m ê m e , à différentes reprises, un renfort de douze cents hommes. On ouvrit la tranchée dans la nuit du 27 au 28 mai, et le siège continua jusqu'au premier juillet. On en trouve le journal dans les écrits du tems ; c'est pourquoi je me bornerai à en toucher légèrement les particularités essentielles , et à prouver q u e , du côté des Prussiens, on fit autant de fautes que le commandant d'Olmutz montra d'habileté. 11 n'y avait pas assez d'harmonie entre les Généraux prussiens qui furent employés au siège. L e feld-maréchal Keilh avait passé, peu avant l'ouverture de la-guerre , du service Russe dans l'armée Prussienne. Il serait injuste de contester les talens militaires , et la bravoure héroïque de cet excellent homme, dont je révère encore la mémoire ; le sang-froid naturel aux Ecossais , ses compatriotes, rehaussait, au
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contraire, sa valeur, et il s'était formé, dans l'art des combats, à l'école du célèbre Munnich. Mais il semble que sa qualité d'étranger le priva d'un avantage qu'un général d'armée 11e saurait néanmoins trop ambitionner, eu ne lui permettant pas de se concilier une confiance sans bornes de la part des Officiers qui commandaient sous lui. Ils étaient accoutumés à avoir pour chefs des compatriotes, qui, servant dans l'armée depuis leur première jeunesse, y avaient passé par tous les grades. Le général Fouquet commandait sous les ordres de Keith. Ce général possédait, au degré le plus éminent, toutes les qualités d'un grand capitaine. Il donna, dans la guerre de sept ans, des marques de sa capacité et de sa bravoure personnelles, auxquelles il fut redevable de l'entière confiance dont le Roi l'honora jusqu'à sa mort. Mais on pouvait lui reprocher un peu trop de pédanterie dans la tactique, et la roideur de son caractère le portait à préférer toujours ses opinions à celles d'autrui. L e colonel Bal'by qui dirigeait le siège, en qualité d'ingénieur, venait, à la vérité, de conduire heureuSemeut celui de Sclnveidnitz ; il avait assisté , en qualité de volontaire, à celui de Berg-Op-Zoom en 1747 > e t l'on ne pouvait lui refuser beaucoup de connaissances, Z 4
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dans la théorie de son art; mais il tenait beaucoup trop aux anciennes méthodes, et quand il avait embrassé une opinion , f û t - e l l e même bâtie sur des hypothèses absolument fausses, il n'en démordait pas. P a r m i les vingl-deux Ingénieurs qui lui étaient subordonnés, il y en avait de très-habiles; mais ils n'avaient pas encore été dans le cas de signaler leurs talens dans des occasions importantes; et ils furent obligés , ainsi que les plus habiles Officiers d'artillerie, d'obéir aveuglément aux ordres de Balby. T e l était le caractère des trois personnages chargés des premiers rôles au siège d'Olmutz, dont l'issue, heureuse ou malheureuse, dépendait de leur bonne h a r m o n i e , ou de leur mésintelligence. Des hommes d'humeurs si différentes devaient se trouver , a t o u t m o m e n t , en conflit d'opinions , et l'on comprend que toute l'autorité et toute l'habileté du F e l d - m a r é c h a l , ne furént pas suffisantes pour réparer les fautes que Balby faisait par opiniâtreté , et que-Fouquet approuvait souvent par un effet de son a t tachement. scrupuleux à ne jamais s'écarter des formalités. J e ne relèverai ici que les fautes les plus- graves que l'on c o m m i t , attendu que Ce furent elles qui en oecasiotmerent de plus importantes e n c o r e , el-qui firent tirer le siège en longueur. Après qUe l'on fut convenu d'assiéger Olmutz
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«lu côté de la porte de Sainte-Thérèse, on choisit pour centre de la première parallèle, un chemin creux dont la longueur était de quelques centaines de pas , et qui traversait la montagne nommé Tafelberg. On crut faciliter, de cette manière, le travail de la première nuit, et Balby supposait que Ion pourrait profiter de la montagne , pour établir avantageusement les batteries d'enlilade. Bien que celte première parallèle eût été placée, contre toutes les règles de l'art, 3 Une distance de quinze cents pas de la place, cette faute eut été excusable , si l'on avait envisagé simplement cette tranchée comme une place d'armes, de laquelle on pourrait partir pour continuer lçs travaux avec plus de sûreté. Mais , comme le tems avait consacré l'ancienne méthode de placer dans la première parallèle les batteries d'enfilade, 011 crut qu'il ne fallait pas s'écarter de cet usage, et l'on y dressa les six premières batteries. On les fit d'abord jouer avec beaucoup de vivacité, sans examiner auparavant si elles n'étaient pas à une trop grande distance pour battre le canon ennemi en ricochets, en ruinant tout ce qui se rencontrait dans l'enfilade. Après que l'on eut prodigué , sans fruit, beaucoup de munitions , et mis beaucoup de canons hors d'état de servir, en leur donnant de trop fortes charges, 011 s'aperçut de la grande méprise où l'on était tombé, mais il était mal-
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heureusement trop tard. Marshall, au contraire, l'eût à peine remarquée, qu'il commença aussitôt à ménager très - prudemment sa poudre. On en fut surpris , on s'épuisa en interprétations pour expliquer une mesure si sage, et quelques personnes peu clair voyantes en conclurent, avec beaucoup de satisfaction , que la forteresse était dénuée d'artillerie et de munitions ( i ) . Le ftld-maréchal Keith qui avait déjà assisté à plus d'un siège , fut le premier à s'apercevoir de la faute que l'on avait commise. 11 insisla sur la nécessité de pousser les travaux plus en avant et de l'approcher ensuite l'artillerie de la forteresse. Balby était beaucoup trop entêté de ses préjugés pour céder. Cela donna lieu à une dispute , qui ne se termina que par l'intervention personnelle du Roi. 11 ordonna expressément à Balby d'ouvrir une seconde parallèle. Celui-ci fut obligé d'obéir , mais il lit une nouvelle faute , qu'il remarqua lorsqu'il était trop tard pour la réparer. Sa seconde parallèle était précisément en f a c e , et à portée des ouvrages (i) Ce qui vint à l'appui de cette singulière assertion, c'est que Marsfiall, pour répondre, au moins en q u e l q u e f a ç o n , à la b r u y a n t e artillerie des Prussiens . c o m m e n ç a d'abord par leur lancer des boulets de marbre , qui étaient sans doute un résidu de la guerre de trente ans j réservant ses boulets de fer pour en faire un meilleur usage.
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que Marshall avait construits dans les îles de la Powallta. Ces ouvrages avaient beaucoup de profondeur, et leur feu redoutable enfilait une grande partie de la parallèle , tellement que l'on fut obligé d'y pratiquer des traverses. Ces graves inadvertances prolongèrent beaucoup la durée du siège : elles obligèrent à redoubler de soins et d'art dans les travaux ; mais, si 011 les eût évitées ,011 aurait gagné beaucoup t de teips, et le siège eût été moins ruineux et moins meurtrier. L e Roi fît les reproches les plus amers au colonel Balby ; mais ce dernier était trop obstiné pour revenir de ses préjug é s , et lit même mine (le résister, lorsqu'on voulut transporter les canons du Tafelberg dans les nouvelles batteries de la seconde parallèle. Celles-ci ¡firent beaucoup plus d'effet; mais on avait déjà prodigué trop de munitions sur le T a f e l b e r g , et l'on fut obligé d'en devenir plus économe, pour ne pas consumer toutes ses provisions aux travaux de la sape , avant l'arrivée du convoi qu'on attendait de Neisse. On calcula donc combien on pouvait faire de décharges par j o u r , et le convoi arrivant quelques jours plus tard que l'on avait espéré, on se vit encore obligé d'en diminuer le nombre. Tant d'inconséquences, darfs la conduite du siège , durent multiplier les obstacles que les Prussiens rencontrèrent à continuer leuis ou-
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vrages, et laisser aux Assiégés tout le tems de réparer à leur aise les ouvrages endommagés. Aussi à peine le Roi se vit-il obligé de lever le siège que l'on en découvrit à peine quelques faibles traces dans Olmutz. Néanmoins les Assiégeans étaient p a r v e n u s , avec les plus grands périls et par d'incroyables efforts , à pousser la sape jusqu'au glacis de la forteresse , et ils travaillaient à la troisième parallèle , avant que le feld-maréchal Daun eût pris des mesures vigoureuses pour délivrer Olmutz. 11 était dem e u r é immobile jusques-là , dans son camp de JewitZjCt il n'avait hasardé aucune démarche décisive, quoiqu'il eût les plus grands avantages de son côté et bien qu'il dépendit absolument de lui d'attaquer le Roi et de le forcer à lever le siège. Peut-être clut-il qu'il était superflu de courir le moindre danger pour aller au secours d'une forteresse qui avait tous les moyens de résister à une a t t a q u e , où l'on observait si mal les règles de l'art, d'autant plus qu'elle ne représentait point encore les atteintes d e la disette. 11 n'avait absolument rien à craindre dans le camp retranché qu'il occupait ; ses corps détachés obligeaient , au cont r a i r e , les Prussiens à se concentrer, tellement , qu'ils avaient toutes les peines du monde à se procurer des moyens de subsistance; on ne sait pas même trop comment ils auraient fait
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pour nourrir les chevaux de la cavalerie et de bagage , si les campagnes n'avaient été couvertes de blés en épis. Hors la f a r i n e , le riz et le bétail qu'ils avaient transportés en Moravie , ils furent obligés de tirer toute leur subsistance de Silésie, parce que les naturels du pays , très-attachés à leur souveraine , n'étaient rien moins que disposés à leur fournir des vivres, même à prix d'argent. Le petit nombre de vivandiers qui traversaient les montagnes, aux risques de tout p e r d r e , vendaient leurs denrées excessivement cher ( i ) . Aussitôt que le feld-maréchal Daun fut informé des évènemens du siège , et surtout de l'arrivée du convoi que les Prussiens attendaient de Neisse , il crut que le moment était enfin arrivé de marcher au secours d'Olmutz. P o u r opérer la délivrance de la forteresse , il fajlait ou bien attaquer le Roi dans son poste près Prostnitz, ou bien intercepter le convoi. 11 se ( i ) Ainsi l'on p a y a i t u n é c u et seize gros de la livre d e c a f é , n n écu. et d o u z e gros de la livre de s u c r e , un é c u et d o u z e g r o s , jusqu'à d e u x é c u s , de la p i n t e du p l u s mauvais vin de F r a n c e et de B a s s e - H o n g r i e , seize à d i x huit gros d'une p i n t e d ' e a u - d e - v i e , et ainsi de toutes l e s autres denrées e n proportion. On s'estimait trop h e u r e u x de pouvoir se p r o c u r e r les choses de première n é c e s s i t é , ë n les p a y a n t m ê m e c i n q fois au delà de la valeur ordinaire.
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décida pour ce dernier parti , moins hasardeux que le premier , et qui le conduisait également son but. Il était indubitable, que si le Roi ne parvenait point à introduire dans son camp les trois cents chariots chargés d'argent, de m u n i tions de guerre et de vivres, il serait obligé de lever le siège , et de se retirer en Bohème. D'ailleurs, tout concourait à faciliter la conquête du transport , et la multitude de défilés qu'il avait traverser, et la grande étendue de terrein , que tant de chariots occupaient et la nature de ce terrein , dont les inonlagnes et les forêts , en couvrant la marche des corps destinés à intercepter le convoi , se prêtaient aussi singulièrement aux embuscades, et la fidélité des naturels du pays , qui non-seulement rendirent de très-bons services , en qualité d'espions , mais favorisèrent, même à mainarmée , l'attaque du convoi. Les succès deDaun , et la perte des Prussiens semblaient donc i n faillibles. 11 s'agissait seulement de bien prendre et de bien cacher ses mesures. On sait que Daun signala sa prudence dans cette expédition , qu'il y employa vingt mille hommes, conduits par ses plus habiles généraux, et qu'il réussit à disperser et à conquérir tout le convoi Prussien , en donnant le change au Roi. Mais ce qui 'est moins connu , c'est que Frédéric vit sou attente , d'autant plus trompée
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dans cette occasion , qu'il avait cru Daun a b solument oblige à livrer bataille pour sauver Olmutz. La nuée des troupes légères de l'ennemi ne permit point aux patrouilles P r u s siennes de s'aventurer fort loin du camp ; et l'enthousiasme des habitans de la M o r a v i e , pour la cause de leur Souveraine , rendit inutiles tous les moyens de corruption que l'on prodiga pour s'assurer des espions fidelles, de façon que les avis qu'on r e ç u t , concernant les mouvemens des Autrichiens , étaient toujours incertains et souvent faux. Du moins est-il sûr que le Roi ignora tout-à-fait la marche du corps de Zischkovvitz , qui était le plus nombreux de ceux que Dauu avait détachés pour intercepter le convoi. Il crut que l'escorte de neuf mille hommes , commandée par le colonel Mosel , serait suffisante pour résister à toutes les attaques du général Laudon , si l'on envoyait Ziethen , avec quatre mille h o m m e s , à la rencontre du convoi. Le Roi apprit donc trop tard le danger dont ce convoi était menacé , et envoya trop tard à son secours le général Retzow , avecson corps qui campait sur les rives de la Fistritz. L e coup était p o r t é , le convoi p e r d u , et toutes les avenues des montagnes occupées ,'avant que Retzow eût pu faire au delà d'un mille de chemin, d e général , pour n'être pas coupé , fut donc obligé de précipiter sa retraite, et à peine avai l-il
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gagné le pont établi pour entretenir sa communication avec l'armée de siège, qu'un corps détaché par Daun , à sa poursuite , voulut e m pêcher son arrière-garde de rompre ce pont. Le Roi fut doublement affecté de la perte douloureuse qu'il venait d'essuyer. Sans compter qu'une division de son armée se trouvait abîmée ou dispersée , sans compter que des munitions précieuses de g u e r r e , et une provision très-considérable de farine étaient tombées au pouvoir des ennemis, Daun avait entièrement assuré sa libre communication avec Olmutz, par sa marche sur Gross-Teinitz. La perte du convoi ne permit pas de continuer le siège. Vingt-cinq mille Autrichiens occupaient les avenues des m o n tagnes qui conduisent en Silésie, et Frédéric se trouvait dans un pays où les vivres allaient lui manquer. Il était donc de la plus haute i m portance de prendre promptement son p a r t i , pour ne pas laisser aux ennemis le tems de cerner l'armée qui se serait alors vue réduite à se frayer un passage les armes à la main. Il fut donc aussitôt décidé qu'on lèverait le siège. Le feld-maréchal Keith y r-éussit avec un bonheur singulier ; car le Cammandant d'Olmutz ne profita' point de ses avantages. Rien n'aurait été plus facile , s'il l'avait v o u l u , que d'inquiéter les Prussiens dans leur retraite , et de s'emparer même , au moyen d'une softie vigoureuse de presque
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presque toute l'artillerie de siège. On ne sait si Marschall appréhendaquelque coup de désespoir d e l à part des Prussiens, ou si des considérations d'humanité' l'engagèrent à pre'venir une nouvelle effusion de sang humain ; toujours e s t - i l sur qu'il ne fil rien pour traverser la levée du siège. Les Croates, postés dans le chemin creux, vinrent lui en porter la nouvelle, et s'offrirent à poursuivre vigoureusement l'arrière-garde de l'ennemi. Il s'y opposa, et l'on rapporte qu'il répondit à l'Ollicier qui était venu lui faire ce rapport et cette proposition : » Ces gens ont eu assez » de mal à souffrir ; laissez-les tranquillement » partir. » Ce fut ainsi qu'échoua l'expédition de Moravie, qui , d'après les circonstances que nous avons rapportées , ne pouvait guère avoir une issue plus heureuse , si l'on s'en rapporte au jugement des militaires les plus habiles et les plus i m partiaux. Le siège dOlmutz avait occasionné des frais fort considérables ; la perte en hommes, en canons, en munitions de guerre et de bouche , fut très-grande. On avait prodigué tant de ressources précieuses, sans en retirer le moindre avantage , et il s'agissait alors , dans la position très-critique où l'on se trouvait, de se décider sur le choix des meilleures mesures à prendre pour retirer de la Moravie l'armée que l'on y avait assez imprudemment engagée , et
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le ntfmbreux bagage qui la suivait. L e problème était aussi important que difficile à résoudre. Frédéric , dont on avait osé blâmer assez généralement la conduite dans cette expédition, sut commander l'admiration par les expédiens qu'il imagina. J a m a i s il ne se montrait plus grand à la tèle de ses a r m é e s , qu'au moment où elles avaient éprouvé des revers accablans. L e parti delà retraite était devenu absolument nécessaire ; mais on ne savait encore quel chemin l'on prendrait. D a u n s'étant posté près Gross-Teinitz, et les généraux Laudon et Zischkowilz dans les m o n t a g n e s , il était impossible de passer la Morava pour se rendre à Troppau. L a route de Glatz par Ausse et Altsladt était trop hérissée de hautes montagnes et de défilés, pour qu'il fût à propos de la choisir. Des deux côtés la perte de l'armée , dont l'artillerie de siège et les bagages encombraient la m a r c h e , semblait inévitable, pour peu que l ' e n n e m i , dont on était si p r è s , voulût mettre d'activité dans la poursuite. Il n'y avait donc rien de mieux à faire que de tenter le passage en Bohême par Zwittau et L e i t o m i s c h l , de s'emparer de K ô n i g s g r à t z , et de marcher'de là en Silésie. Sans doute que ce projet de marche offrait aussi de grandes difïicultés. L a principale était de donner une bonne escorte à plus de quatre mille charriots, et de pourvoir à la subsistance de l'armée ;
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m a i s , dans la position du R o i , ce parli était néanmoins le plus avantageux qu'il pût prendre. L a position de l'armée A u t r i c h i e n n e , derrière O l m u t z , permettait au R o i de gagner quelques marches sur elle; il y avait moins de diflicultés locales à vaincre sur la route de Bohême ; ce royaume était presque dégarni de troupes; il y avait à Leutomischl et à Konigsgràtz des m a gasins , d'où l'on pouvait tirer des moyens de subsistance pour l'armée. Sans compter que de celle manière le R o i déchargeait la Silésie du fardeau de la guerre , et en transportait le théâtre dans la Bohême , se trouvant m a î t r e , s'il gagnait les bords de l'Elbe, de s'y maintenir, et d'y subsister aux dépens de l ' e n n e m i , aussi longtems que les circonstances le lui p e r m e t traient. Pour assurer la réussite de ce projet , il importait infiniment au R o i de cacher ses véritables intentions au feld-maréchal Daun , de détourner son attention sur d'autres objets , de peur qu'il n'opposât des difficultés peut-être insurmontables à la marche en Bohême. O n connaît le stratagème dont le R o i se servit (1) L e Roi e x p é d i a un chasseur ,
a u q u e l on r e m i t des
lettres adressées a u c o m m a n d a n t de Neisse , p o r t a n t qu'il eût à p r é p a r e r d u pain et des f o u r r a g e s p o u r l ' a r m é e , qui allait se m e t t r e e n m a r c h e p a r T r o p p a u . On o r d o n n a à c e c h a s s e u r de t é m o i g n e r sur l a r o u t e des c r a i n t e s simulées de s ' é g a r e r , afin de faire n a î t r e p a r - l à le s o u p ç o n qu'il était
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pour donner le change à D a u n , et qui réussit si bien , que Daun 11e songea qu'à occuper les avenues des montagnes , de manière à retirer les plus grands avantages de la retraite des Prussiens par Troppau. Déjà il carressait l'espoir flatteur , sinon d'écraser entièrement l'armée du R o i , du moins de la mettre hors d'activité pour tout le reste de l'été, et de terminer ainsi la campagne glorieusement et à peu de frais , lorsqu'il se vit la dupe des ruses du R o i , comme; celui - ci l'avait été tout récemment des a r tifices par lesquels Daun lui avait donné le change sur les mouvemens de son armée près Olmutz. Lorsque le R o i vit que Daun ne s'occupait qu'à lui disputer le passage des montagnes de Silésie ^ il rassembla les Généraux , et les Ofiiciers de l'état-major. Il leur fit, avec son éloquence o r d i n a i r e , le tableau des malheurs qu'il venait d'éprouver. Il ne leur déguisa point les dangers auxquels ils allaient v r a i s e m b l a blement encore être exposés , et les somma de lui donner des preuves nouvelles de leur courage, dans une occasion où le salut de l'armée exigeait les mesures les plus vigoureuses. p o r t e u r de dépêches très-importantes. E f f e c t i v e m e n t les habitans des m o n t a g n e s donnèrout dans ce p i è g e , ils s ' e m parèrent d u chasseur et le conduisirent a u f e l d - m a r é c h a l Daun , entre les mains d u q u e l les fausses-dépêches t o m b è r e n t ainsi.
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F r é d é r i c dirigea la m a r c h e de l'armée jusqu'à K ò n i g s g r à t z , avec u n e précision a d m i r a b l e . Il se m a i n t i n t , avec u n e résolution v r a i m e n t hér o ï q u e , sous les yeux de l ' e n n e m i , e n t r e l'Elbe et les m o n t a g n e s de Sile'sie. D u r a n t q u a t r e s e m a i n e s , il fit subsister son a r m é e aux dépens d e l'ennemi. E n f i n , cédant au p o u v o i r des c i r constances qui r e n d a i e n t sa présence nécessaire e n d'autres lieux ,il o p é r a , en maître , sa r e t r a i l e sur Landshul. O11 t r o u v e , sur tous ces p o i n t s , les détails les plus satistaisans dans Y Histoire de la guerre de sept ans, par M . 7 ' e r n p e l h o f ( 1 ). J e m e b o r n e r a i d o n c à relever q u e l q u e s - u n e s des particularités les plus caractéristiques de cette entreprise. L e R o i ayant g a g n é quelques m a r c h e s sur les A u t r i c h i e n s , et posté avec b e a u c o u p d ' a r t ses corps d é t a c h é s , il avait réussi à c o n d u i r e en toute sûreté , jusqu'à T r i e b a u , u n gros bagage d'environ q u a t r e mille charriols. Ce f u t alors que l'on c o m m e n ç a à é p r o u v e r , de j o u r en j o u r , des difficultés toujours croissantes. L e général B u c c o w avait occupé le défilé de Schrinh e n g s t , sur la r o u t e de T r i e b a u à Z w i t t a u , après en avoir e m b a r r a s s é le c h e m i n p a r d e g r a n d s abattis d'arbres. Les généraux L a u d o n et Zischkowitz côtoyèrent c o n s t a m m e n t le con(1) Tome II, pag. 139, 189.
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v o i , l e long des frontières du comté de Glatz, et le général Lascy poursuivit, de fort p r è s , les Prussiens avec son corps de grenadiers et de carabiniers. Sur ces entrefaites , le feldmaréchal K e i t h , qui était chargé d'eseorter le convoi , tomba malade. L'asthme dont il était fort tourmenté, dans son âge très-avancé 3 l'obligea à garder le l i t , et Fouquet prit le commandement à sa place. U n nouveau chef aime d'ordinaire à se signaler par de nouveaux arrangemens; et F o u q u e t , q u i , c o m m e nous l'avons observé, poussait l'exactitude, dans la tactique , jusqu'à la pédanterie, n'était pas homme à sacrifier ses opinions aux mesures adoptées par un autre. Il ordonna que trente - trois bataillons, deux compagnies de m i n e u r s , trois bataillons de compagnies franches, v i n g t - u n escadrons de cavalerie, et quinze escadrons de hussards e s cortassent les quatre mille c h a i r i o t s , et les conduisissent, en toute sûreté , jusqu'à Kônigsgràtz. De cetle m a n i è r e , ils formaient une iile trop longue pour marcher de conserve sur la m ê m e route. Il divisa donc ce corps en trois délachetnens, qui devaient p a r t i r , l'un après l ' a u t r e , dans l'espace de trois j o u r s , afin de ne point entraver x'éciproquement leur marche. L a division se fît avec la plus scrupuleuse exactitude arithmétique. Chaque file était de treize cent
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trente-trois charriots , et l'on répartit e x a c t e ment entr'elles la gi'osse artillerie,les pontons ^ les fourgons pour les vivres et les bagages. On donna pour escorte , à chacune de ces trois files, onze bataillons, deux tiers d'une c o m pagnie de mineux-s , un bataillon de compagnies f r a n c h e s , sept escadrons de c a v a l e r i e , et cinq de hussards. Fouquet marchait à la tète de la p r e m i è r e c o l o n n e , le comte W i e d conduisait la seconde , R e t z o w la troisième, et c'est dans cet ordre que les trois divisions devaient partir de T r i e b a u le 6 , le 7 et le 8 juillet. L a méthode de répartir un gros hagage en plusieurs divisions, afin d'en faciliter la marche, est d'autant moins à blâmer , qu'entre les diverses jonctions d'un général d'armée, celle d'escorter, sous les y e u x de l'ennemi, une multitude de charriots , et de les faire parvenir heureusement au terme de leur r o u t e , est assurément l'une des plus importantes et des plus épineuses. Fouquet avait suivi cetle méthode avec beaucoup de s u c c è s , lorsqu'il conduisit l'artillerie de siège de Neisse en M o r a v i e ; mais alors il n'y avait pas d'ennemi qui l'inquiétât; il dépendait de lui de prendre tel chemin qu'il jugeait à p r o p o s , et l'armée du R o i protégeait sa marche. Alors il se trouvait dans des circonstances diamétralement opposées. Frédéric avait pris les devans avec une partie de son Aa 4
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a r m é e , pour se f r a y e r une issue; il 11'y avait qu'un seul chemin à prendre ; pour n'être point obligé de forcer le défilé de Schönhengst , il fallut prendre un détour par K r o n a u ; les trois jours passés à T r i e b a u étaient plus que suffisans pour rapprocher des Prussiens et Lascy qui était en pleine m a r c h e , et le circonspect Daun l u i - m ê m e , avec toute; ses forces. Buccow, Laudon et Zischkowitz côtoyèrent les flancs du petit corps de Fouquet durant toute sa m a r c h e , à la queue de l'armée qui avait déjà évacué la Moravie. L'ordre avec lequel il marcha aurait néanmoins été avantageux, s il avait eu la p r é caution de ne point surcharger de plus de treize cents charriots, la troisième et dernière division, q u i , formant à la lettre larrière-garde de toute l'armée, devait s'attendre, d'un moment à l'aut r e , à en venir aux mains avec des ennemis fort supérieurs. C'est la première faute que nous croyons pouvoir reprocher à F o u q u e t , c o m m e une suite de son extrême entêtement à persister dans ses idées. L a première division ayant atteint le défilé près K r e n a u , et Forcade ayant quitté, à son approche, les hauteurs de J ü h n s dorf qu'il occupait depuis si longtems , pour aller rejoindre le R o i , Fouquet fît une seconde faute en négligeant de faire occuper de nouveau ces hauteurs. Celle circonstance, et le délai beaucoup trop long du départ des deux pre->
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mîères divisions, permirent à Buccow de se glisser dans les forêts qui entourent le défilé, et Lascy eut le tems de s'emparer des h a u t e u r s de Jolinsdorf. P a r bonheur que Retzow f u t i n f o r m é de l'approche des e n n e m i s , et surtout de leurs corps dé lâches. 11 eut donc la p r u d e n c e de ne point s u i v r e , h la lettre , les ordres de Fouquet , mais de marcher immédiatement à la suite de la seconde division , qui précédait la sienne. 11 a r r i v a , de celle m a n i è r e , que l a r rière-gavde d u comte YVied, et l ' a v a n t - g a r d e de R e t z o w , se trouvèrent précisément en face d e K r e n a u , lorsque les Croates commencèrent a faire grand feu sur les charriots qui t r a v e r saient le défilé, pendant que Lascy faisait jouer, d u s o m m e t de la hauteur de Jolinsdorf, les canons d'une batterie sur les bataillons P r u s s i e n s , et postait huit compagnies de grenadiers dans le village de K r e n a u . La troisième division aurait donc été infailliblement coupée , si Retzow s'était astreint à suivre littéralement les ordres de Fouquet. Mais, grâce au parti qu'il prit sa division ne d e m e u r a séparée des autres que pendant le court espace de tems qu'il fallut pour chasser l'ennemi de la forêt et du v i l l a g e , pour nettoyer le défilé, incendier le village, et déconcerter Lascy p a r la célérité avec laquelle 011 exécuta ces résolutions vigoureuses. Il y eut, néanmoins, au delà
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de deux cents hommes tues ou blessés dans cette affaire. Retzow s'opposa, avec beaucoup de ferm e t é , aux tentatives ultérieures des ennemis, pour enlever le transport. Il gagna Zwittau sans avoir perdu un seul charriot de conséquence , ayant mesuré toutes ses démarches avec une prudence qui lui fit beaucoup d'honneur. Lorsqu'il m'envoya au feld-maréchal Keith, à Z/vviUau , pour lui annoncer l'arrivée de la troisième division, ( Fouquet ayant déjà pris les devans, avec la sienne, pour marcher sur LeitomisclU ) je trouvai le respectable vieillard encore obligé de garder le lit. Après que je lui eus rapporté, en détail, les évènemens de la veille : « Je félicite le général Retzow, me ré» pondit-il avec émotion, de s'être si bien tiré » d'affaire. J'ai prévu les inconvénietis qui ré» sulteraient de la disposition donnée à Trie» b a u , qui, je vous assure, n'a pas été de mon » aveu. J'avoue que je vous comptais perdus, » si le maréchal Daun avait témoigné autant » de vigueur que ses Généraux de sagacité. » Les chemins sont plus plains et plus unis de Zwittau jusqu'à Leitomischl, et quand on a passé le défilé de Nickel, les charriots roulent avec plus de rapidité sur la chaussée qu'on nomme Kaiserweg.C'est l'empereur Charles VI qui l'a fait construire , à grands frais , depuis Prague. Elle est par-tout un peu élevée, et dans
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les bas-fonds , elle l'est (le plusieurs pieds au dessus du terrein adjacent. On y a pratiqué des ponts voûtés ,pour faciliter l'écoulement des e a u x , en cas de pluie et d'inondation. A côté d e l à chaussée est un chemin qu'on nomme Sontmerweg, et qui était fort praticable dans la saison où l'on était. Bien que d'après la disposition de Fouquet,les deux dernières divisions dussent marcher, l'une à la suite de l'autre, dans l'ordre prescrit, Retzow se voyant serré de près par Lascy, se ¡prévalut si bien du chemin dont nous venons de p a r l e r , que, durant une grande partie de la marche, il côtoya la division du comte W i e d , et arriva presqu'en même tems que lui à LeitoniischI, sans que l'ennemi eût pu l'atteindre. Lorsque Fouquet vint à la rencontre de la seconde division, et aperçut en même tems, à côté d'elle, la tète de la troisième, il fut mécontent du changement que l'on s'était permis de faire à sa disposition. C'était un homme d'une humeur fâcheuse, et il n'aurait pas manqué de faire un crime à Retzow de sa conduite, si le parti auquel ce dernier s'était décidé n'avait été évidemment plus adapté aux circonstances, que la disposition dont il s'était écarté. Contenant donc son dépit, il se borna à demander ironiquement à Retzow : « Eh! d'où venez-vous, » mon Général? » « Par le grand chemin, votre
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:» Excellence, lui répondit laconiquement R e t » zow. )> Il y a cependant aparence que Fouquet mit dans un faux j o u r , auprès du R o i , la conduite de R e l z o w ; car ce dernier s'étant distingué peu apivs dans l'affaire de Ilolitz ( i ) , le Roi ne lui en témoigna aucune satisfaction, et 1 accueillit même un peu froidement. L e s mauvaises impressions qu'on avait données au Roi de la conduite du Général, s'effacèrent néanmoins bientôt après, quand il en fut mieux informé, et surtout quand ii vit avec combien d'il ab il elé Retzow couvrit l'aîle droite de l'ai'— mée^ à travers les montagnes les plus escarpées, lors de sa retraite de Bohème. Le procédé de Fouquet prouve à quel point les passions e m pêchent souvent les hommes de rendre justice au mérite. Au reste , quoique l'on eût généralement blâmé l'expédition de Moravie comme une entreprise très-inconséquente , bien qu'elle n'eût pas été justifiée par l'événement, et qu'elle e û t , au contraire, exposé le Roi aux plus grands dangers, sa retraite en S i l é s i e , par la Bohême, en fut d'autant plus honorable pour lui • elle (i) On trouve une description t r è s - e x a c t e de cette a f f a i r e ôans le tome II , ( p . 1 6 4 , 168 ) de
b o u t o n s d e m o n u n i f o r m e , c o m m e c ' é t a i t sa c o u t u m e » q u a n d il s ' o u v r a i t à q u e l q u ' u n . V o u s v e r r e z
comment
j ' a t t r a p e r a i D a u n ; t o u t ce q u i m ' a f f l i g e , c'est q u e c e t t e » j o u r n é e c o û t e la vie à t a n t de b r a v e s g e n s . ¡1 L a l o u a n g e flatteuse
q u i m ' é c h a p p a s e m b l a faire p l a i s i r a u R o i .
plus grands monarques sont hommes
y
Les
après t o u t . Il m e
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Autant Daun avait mis d'art à faire les préparatifs de la surprise de Hochkirch , autant il l'avait heureusement exécutée; autant il n é g l i gea de mettre sa victoire à profit. Il ne se hasarda point à faire un pas au delà du défilé de Dresa. 11 se contenta de poster un corps nombreux sur le champ de bataille ; il envoya le prince de Durlach à Gradilz, en deçà de la rivière de Lôbau , et ramena son armée dans l'ancien camp qu'elle occupait près Kitllilz (1). Il ne méritait pas sa victoire de Hochkirch , dont les c o n g é d i a de la m a n i è r e la p l u s gracieuse , a p r è s m ' a v o i r d o n n é ses o r d r e s avec u n e p r é s e n c e d'esprit q u e je n e p u s m e lasser d ' a d m i r e r . Je n e m ' a t t e n d a i s pas n é a n m o i n s , p o u r dire îa v é r i t é , à ê t r e sitôt t é m o i n des m e r » Veilles qu'il m ' a v a i t a n n o n c é e s . (1) Si Daun ne p o u r s u i v i t pas l ' a r m é e P r u s s i e n n e , il e s t c e r t a i n q u e la position m e n a ç a n t e de R e t z o w sur la h a u t e u r près B e l g e r n . c o n t r i b u a b e a u c o u p à l e n d é t o u r n e r , A r e m b e r g , q u i était à u n e très-petite distance do c e corps , et q u i aurait a i s é m e n t p u l ' a t t a q u e r de c o n c e r t a v e c le p r i n c e de D u r l a c h , a l u i - m ê m e a v o u é à des G e n t i l s h o m m e s saxons , de qui je tiens le fait , q u e ce f u t l a b o n n e c o n t e n a n c e de R e t z o w q u i l ' e m p ê c h a d e p o u s ser ses a v a n t a g e s . L e p r i n c e H e n r i de Prusse a i m m o r t a lisé cet é v é n e m e n t et la gloire d u g é n é r a l R e t z o w , sur l ' o b é l i s q u e q u il a fait ériger à R h e i n s b e r g , e n m é m o i r e d u p r i n c e A u g u s t e - G u i l l a u m e , son f r è r e , et de p l u s i e u r s G é n é r a u x p r u s s i e n s . R e t z o w est d u n o m b r e , e t l'on a g r a v é , à côté de son n o m , l ' i n s c r i p t i o n suivante : Lieutenant général qui sauva l'armée à la journée de Hochkirch,
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suites demeurèrent si fort au dessous de la réputation qu'elle lui fit j et des éloges qu'elle lui attira. 11 sembla ne sortir un m o m e n t , et c o m m e par impulsion, de son atmosphère, que pour céder bientôt à la force irrésistible d'attraction qui l'y replongea. Il y aurait un parallèle intéressant à établir entre la bataille de Hochkirch et celle de Steink e r k e , livrée le 3 août 1693. Daun trompa Frédéric par une ruse semblable à celle que le roi Guillaume employa pour tromper le duc de L u x e m b o u r g , auquel il fit donner de faux avis par un espion fiançais, dont il s'était emparé. L e roi de Prusse et Luxembourg étaient l'un et l'autre dans les bras du s o m m e i l , lorsque les ennemis vinrent surprendre leurs camps; mais , au sein de la plus grande confusion , le Général français se créa un nouveau champ de bataille, chassa les Anglais des postes les plus avantageux, et Boufïïers étant venu à son secours avec un petit détachement qui attaqua l'ennemi, Luxembourg eut l'honneur de vaincre dans des circonstances où il eût été assez glorieux pour lui de n'être point battu. F r é d é r i c , au contraire, eut le dessous, parce qu'il persista à ne point quitter un champ de bataille très-mal choisi. Retzow ne put pas attaquer comme Boufïïers , parce que le sort des Prussiens était déjà décidé lorsqu'il arriva. 11 couvrit, cependant, d'une manière tresFf 4
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honorable pour lui, la retraite du Roi,et prévint l'entière destruction de son armée. Guillaume et Frédéric trouvèrent assez de ressources dans leur génie pour se rendre redoutables à l'ennemi , même après leur défaite. Daun, au contraire, profita aussi peu que Luxembourg de sa victoire, {^es femmes, daus leurs négligés du matin , portèrent à Paris des mouchoirs de cou à la Steinkerke j en mémoire de la surprise du camp français. On ne s'avisa point à Berlin de porter des mouchoirs à la Hochkircli, et l'on n'eut pas tort.
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heureuses
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de la malheureuse de Ilochkirch.
bataille
F R É D É R I C fut sans doute bien cruellement puni de l'obstination avec laquelle il s'était campé si mal-à-propos sous les yeux de l'ennemi. Mais s'il parut grand après la bataille de Leuthen, on n'eut pas moins sujet de l'admirer après la surprise de Hochkirch, Dans la situation désespérée où il se trouvait avant la victoire de Leuthen, il ne fut redevable de son salut qu'à la résolu-
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tion qu'il prit de vaincre ou de m o u r i r , résolution généreuse , et que la fortune s e c o n d a si L i e n . S'il parvint à déjouer les desseins d e ses enn e m i s après le désastre de Hochkirch , ce ne fut q u a f o r c e de constance , de sagesse et d'activité. E n comparant, attentivement ces deux é p o q u e s , on est tenté de trouver le héros plus g r a n d après s a défaite qu'après son triomphe. S o n câline philosophique , et le sang-froid avec lequel il conçut et exécuta les mesures qui sauvèrent son a r m é e , sont des preuves non équivoques d e l'énergie d e sa g r a n d e âme. On a peine à c o n c e v o i r , qu'à la tête de ses a r m é e s et dans un m o m e n t si c r i t i q u e , il ait pu trouver le loisir d e sacrifier aux M u s e s et de s'égayer avec ses amis (i). ( i ) M. de C a t , lecteur du R o i , «'étant rendu chez lui un soir . il le trouva occupé à lire un sermon de Bourdaloue. Il venait de recevoir la nouvelle d u décès de s a soeur f a v o r i t e , la margrave de Bareith. Cat qui savait combien cette triste nouvelle agravait les chagrins d e son maître , s attendait à le trouver inconsolable. « Votre jj Majesté donne dans la dévotion ! dit-il a u R o i , p o u r *> l'égayer un m o m e n t , » Frédéric ne r é p l i q u a point ; mais le lecteur se présentant le lendemain à l'heure a c c o u tumée , il lui donna un rouleau de papiers à r e b o r d s n o i r s , en lui disant de l'empocher. Q u e l l e f u t la surprise de Cat , en voyant que c'était un sermon très-éloquent , et tout-à-fait adapté aux circonstances , q u e le Roi avait c o m p o s é sur un texte tiré de la Dible! T o u c h a
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Daun, au lieu de mettre sa victoire à profit, ne s'occupa, dans 1 ivresse du succès, qua expédier des couriers, pour en porter la nouvelle à V i e n n e , aux Alliés et aux Généraux qui commandaient leurs armées. Ce n'étaient que réjouissances et fêtes brillantes dans le camp A u trichien. L'Impératrice - reine lui écrivit une lettre très - flatteuse. Le pape , Clément XIII , rendit à sa valeur un singulier hommage ( i ) . d e la situation d u R o i , Cnt c r u t devoir lui offrir quelq u e s consolations et lui m o n t r e r , dans le l o i n t a i n , des perspectives heureuses. F r é d é r i c le remercia de l'attac h e m e n t qu il lui témoignait , et l'assura qu'il ne négligerait rien p o u r se tirer d ' u n si mauvais pas. « F.n t o u t » c a s , ajouta-t-il c e p e n d a n t , j'ai de quoi finir la t r a g é » die. » Cette a n e c d o t e , q u e je tiens de f e u M. de C n t l u i - m ê m e , semble justifier l'assertion de ceux qui p r é t e n d e n t q u e , d u r a n t la g u e r r e de Silésie , le R o i p o r t a t o u j o u r s du poison sur soi. Dans ce c a s , son i n t e n t i o n était s û r e m e n t de ne s'en servir q u e s'il avait le m a l h e u r d ' ê t r e fait prisonnier. Il savait à quel haut prix on m e t t r a i t sa délivrance ; et l'on sera d ' a u t a n t p l u s p o r t é à croire q u ' e n t e r m i n a n t ses j o u r s , il a u r a i t eu p o u r b u t de p r é venir le d é m e m b r e m e n t de ses Etats , s'il est vrai ( c o m m e on l'assure ) qn'il ait c o n j u r é le prince H e n r i , t u t e u r d e l'héritier présomptif de la c o u r o n n e , de n ' e n t e n d r e , en pareil cas, à aucun accommodement. ( i ) Le Pape envoya au F e l d - m a r é c h a l u n chapeau et « n e épée bénits , et p r ê t a ainsi a u x dérisions de l'Europe. Dans les siècles de la s u p e r s t i t i o n , les Papes alors t o u t p u i s s a n s , avaient c o u t u m e de r é c o m p e n s e r , p i t ' d e s dis-
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En un m o t , le Feld-maréchal était parvenu au comble de la gloire, et se Ldicitait, sans doute, declipser et les Fernior et les Clermont. Sa conduite conlraslait néanmoins singulièrement avec celle qu'aurait t e n u , à sa p l a c e , un capitaine plus habile et plus empressé à recueillir , à force d'activité, les fruits de sa victoire. Daun , au contraire, retranchait soigneusement son c a m p , c o m m e s'il eût été battu ; il ne songeait ni à s'emparer de Bautzen et de la boulangerie prussienne qui s'y trouvait, ni a empêcher la j o n c tion de l'armée du R o i à celle du prince Henri* L e succès de ces entreprises eût néanmoins été infaillible , tanl les forces des Autrichiens étaient supérieures à celles du R o i . Frédéric avait rallié sur le Spitzberg, au delà de K l e i n - B a u t z e n , les débris de l'armée b a t t u e , qui s'étaient joints au corps de R e t z o w ; et quoique ce poste fût très - avantageux , il n'offrait, qu'un faible dédommagement pour toutes les pertes que l'on venait d'éprouver. On n'apercevait plus que dans le lointain la perspective naguères si prochaine de délivrer la Silésie et tinctions de ce g e n r e , les généraux qui avec succès contre les Infidèles.
combattaient
Au reste , l é p é e et le
chapeau bénits ne portèrent pas grand bonheur à Daun ; car la victoire de Hochkirch fut la dernière qu'il r e m porta sur le très-hérétique roi de Prusse.
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la forteresse de N e i s s e ; et p o u r peu que Daun e û t fait son devoir , l'on se serait vu obligé d'évacuer m ê m e la Saxe. Mais la constance d e F r é d é r i c triompha de tous les obstacles, et la f o r t u n e , sa plus iidclle alliée , lui p r o d i g a e n c o r e des f a v e u r s , dont il sut profiter. Il s'occupa, avant toutes choses, à r é p a r e r en quelque façon les pertes très-considérables qu'il avait f a i t e s , et à approvisionner son a r m é e , d e m a n i è r e qu'elle se trouvât à l'abri de la disette , jusqu'à l'époque où l'on p o u r r a i t gagner les prem i e r s magasins de Silésie. L ' a r m é e de son f r è r e e t le magasin de Dresde lui offraient de g r a n d e s ressources. îl ordonna donc au prince H e n r i de le joindre avec six mille h o m m e s d ' i n f a n t e r i e , d o u z e pièces de gros canon , tin grand convoi d e munitions de guerre et une provision de f a r i n e p o u r dix-huit jours. En attendant il prit la résolution de tourner la grande arméô e n n e m i e , d e s'emparer de Gôrlitz, et de voler par-là e n Silésie au secours de INerse. Cetie m a r c h e s a v a n t e offrait néanmoins bien des difficultés à v a i n c r e , et le carnp retranché que D a u n o c c u pait sous les yeux du Roi entre Belgern et J e n l o w i t z , n'était pas l'obstacle le plus facile à surm o n t e r . l e G nérnl autrichien r e g a r d a i t sans d o u t e ce c a m p c o m m e un;: barrière i n s u r m o n t a b l e , qui fermait au Roi le c h e m i n de la S i lésie. 11 connaissait à la vérité la f o u g u e i m p é -
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t u e u s e du Monarque , et devait s'attendre e n r o ! iséquence quelque ténia'ive de sa p a r t , p o u r le repousser de la roule de (idi-litz, qu'il c r o y a i t a v o i r entièrement barrée aux Prussiens. Il s'était p i v p a r é , d a n ; cette supposition , à leur opposer u n e résistance vigoureuse. Ou voit par une l e t t r e qu'il écrivit au général I l a r s c l i , c o m b i e n il é t a i t s û r de son fait. « Continuez t r a n q u i l l e m e n t , l u i » d i t - i l , le siège de Aeisse , j e serre le R o i d e » près , et s'il ose essayer de m'ai l a q u e r , je vous » réponds du succès. » C o m b i e n l'événement dénif.-ntit, et ses préjugés et sa profonde s é c u r i t é ! (Quelque critique que fut la situation du R o i , q u i se trouvait dans l'alternative de s a u v e r N e i s s e e n perdant Dresde , ou de conserver cette d e r n i è r e ville aux dépens de la première , il y aurait eu trop de témérité à attaquer le poste si b i e n fortifié des ennemis. Ce n'était absolument pas l e m o m e n t de prétendre donner un pendant à la b a t a i l l e de L e u t h e n . O n s'était vu dans l'absolue ne'cessité de frapper à L e u t h e n un coup hardi et d é c i s i f ; et le prince Charles de L o r r a i n e y avait facilité le t r i o m p h e de l'armée victorieuse à R o s s b a c h j e n venant à sa r e n c o n t r e dans l a plaine. M a i s i c i , c o m m e à K o l l i n , les A u t r i chiens o c c u p a i e n t un c a m p fortifié par la n a ture el par l ' a r t , défendu par une prodigieuse quantité de gros c a n o n s , et dont les deux aîles étaient appuyées par les corps détachés des g é -
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ANS.
néraux L a n d o n et W e h l a . L e R o i n'avait à opposer à ces moyens gigantesques de defense, qu'une armée a f f a i b l i e , et dont la grande moitié venait d e l r e battue -, d'ailleur-s il était absolument impossible de cacher ses mouvemens aux ennemis , à la petite distance où ils se t r o u vaient. N'aurait-on pas eu raison de blâmer Fréd é r i c , s'il avait eu l'imprudence d'exposer à un risque si évident., et ses lauriers et ses Etats, tandis qu'à force d'art et de génie , il était le maître de se ménager des ressources moins h a sardeuses? Il sut démêler ces ressources , et les employer avec une sagesse qui expia m e r v e i l leusement ses fautes précédentes. C o m m e , d'un c ô t é , la conquête de Neisse pouvait conduire les Autrichiens à se rendre maîtres de Cosel et de toute la Haute - Silésie , de même après le départ du prince H e n r i , le corps qu'il laissa près J a m i c h , sous les ordres du général F i n k , était trop faible pour défendre Dresde et la S a x e , du moment où les Prussiens s'éloignaient des bords de l'Elbe. Supposé même que le R o i réussît à gagner Görlitz et les rives de la Q u e i s s , avant que Daun eût le tems de l'y devancer , il était à présumer que ce g é n é r a l , qui allait toujours au plus s û r , ferait, sinon avec toutes ses forces , du moins avec des forces trèsimposantes j quelque tentative pour conquérir Dresde et la Saxe. Dans cette alternative, très-
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lj5S.
embarrassante, il était assez difficile de choisir entre deux maux le moins grand. Le R o i pesa avec sa sagacité ordinaire les dangers qui m e naçaient d'un côté lu Saxe , et de l'autre laSilcsie. 11 se décida à se rendre lui - même dans c e l t e dernière province, et fit marcher au secours de la Saxe l'armée que le comte Dolina c o m m a n dait en P o m é r a n i e , ainsi que le corps qui était posté dans la Marche-LTekeraine, sous les ordres du général "VVodel, bien que les Russes et les Suédois ne §G déposassent point encore à prendre leurs quartiers d'hiver. Ou fut très-élonné de cette résolution, qui semblait exposer les M a r c h e s et Berlin m i m e aux plus grands dangers. Il y a cependant lieu de croire que le R o i eut ses bonnes raisons pour s'y décider. Il avait apparemment quelque certitude touchant la r e traite prochaine des Russes en Pologne ; p e u t être même avait-il fait jouer quelqu'un de ces ressorts mystérieux qui contribuent souvent à désorganiser les grandes coalitions. Soit qu'il pût compter avec assurante sur le départ des R u s s e s , soit qu'il s abandonnât à la f o r t u n e , il n'en est pas moins vrai que ce fut l'entrée toutà-fait inopinée du comte Dohna en S a x e , qui mit celte province à l'abri des hostilités. Comme la marche sur Gôrlitz exigeait la plus grande célérité, et dans la nécessité où l'on se trouvait de se frayer, à main a r m é e , la route
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DE
SEPT
ANS,
de la S i l é s i e , il fallait se débarrasser de tout c e qui aurait pu retarder cette marche. 11 était aussi de la plus grande importance de faire défiler les différentes colonnes de manière à cacher ses desseins aux ennemis, jusqu'au moment où il serait trop tard pour les traverser. Pour cet effet on envoya les bagages , et tout le train de l'armée à Hoyerswerda ; les blessés furent transportés à Glogau. On avait donc l'air de vouloir se retirer du côté de cette ville. Tous ces divers mouvemens ne demeurèrent point cachés au feld - maréchal Daun ; mais, c o m m e ils étaient r é t r o g r a d e s , et dirigés vers la Basse-Lusace „ il crut que l'armée du R o i allait s'y r e t i r e r , et marcher de là sur Glogau. I l ne demandait pas m i e u x , dans l'espoir de réussir enfin, à tomber sur Dresde avec toutçs ses forces. Sans compter que l'on est disposé à croire les choses que l'on souhaite, Daun s'imaginait qne la situation à laquelle il avait réduit le Roi,, ne lui laissait absolument d'autre ressource que celle-là. T e l l e f u t , sans doute, la cause de l'extrême apathie avec laquelle il vit partir les Prussiens. Après une grande v i c t o i r e , il avait laissé échappai' l'occasion de les attaquer et de les écraser entièrement. 11 montra la même i n d o l e n c e , en n'opposant aucun o b s tacle à leur d é p a r t , dans la vue d'exécuter, avec plus de sûreté, une entreprise purement accessoire ,
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soire, dont il aurai l toujours eu le tems de venir à b o u t , et à laquelle il 11e devait pas même songer, tant qu'il y avait des coups plus importans et plus décisifs à frapper. Cependant on s'occupait, dans le camp Prussien , à dresser la disposition relative à l'ordre dans lequel les colonnes devaient marcher, et aux chemins que chacune d'elles devait prendre. Cette marche était de nature à exiger beaucoup de prudence et de circonspection. On se voyait oblige de lever le camp sous les yeux de l'ennemi; il importait de tromper la vigilance des aîles Autrichiennes et des postes avancés, jusqu'à ce que l'ont eût passé la petite Sprée et la rivière de L ô b a u ; tout était perdu si l'ennemi pénétrait le mystérieux dessein du Roi ; et cependant il était bien difficile de reconnaître exactement les chemins, ainsi que les ponts et les gués de la S p r é e , sans donner l'éveil aux Autrichiens. L e succès de l'entreprise projetée., dépendait de la sagesse des mesures à prendre pour triompher de tous ces obstacles. C'était proprement l'affaire du Maréchal-général-deslogis, et Marwitz (1) était revêtu de cet emploi ; ( 1 ) M a r w i t z se distingait p a r ses singularités. nière d é p e n s e r
et d ' a g i r ,
p o r t a i e n t l'empreinte de la bisarrerie de son Il ne m a n q u a i t pas d'esprit n a t u r e l ,
Tome I.
Sa
ma-
ainsi que son genre de vie , caractère.
et le Roi lui a y a n t
Gg
/(GG
G U E R R E
DE
S E P T
ANS.
m a i s le R o i mécontent de la résistance opiniâtre qu'il s'était p e r m i s e lors du c a m p e m e n t de Hochl u r c l i , o r d o n n a à R e t z o w de f a i r e la disposition d e la m a r c h e des troupes. C e général souffrait déjà b e a u c o u p de la m a l a d i e dont il m o u r u t p e u d e tems après ( i ) . Cependant il s'acquitta de fuit l'honneur de l'admettre dans sa société , il y avait acquis quelque culture et quelques connaissances. M a r witz était alors lieutenant aux gardes. Son extérieur a g r é a b l e , l'amour qu il affectait pour les s c i e n c e s , et j e n e sais quelle prévention favorable du M o n a r q u e lui avaient attiré ses bonnes grâces. Il s'entretenait souvent a v e c lui , il prenait plaisir à l'instruire , lui donnait des livres , et mettait ensuite son j u g e m e n t à l'épreuve. Marw i t z était trop esclave de ses plaisirs pour s'enfoncer dans l ' é t u d e ; il mettait de côté les ouvrages dont le Roi lui r e c o m m a n d a i t la lecture , apprenait p a r cœur q u e l q u e article du dictionnaire d e Bayle avant de se rendre chez le Roi . et savait ensuite faire tomber la conversation sur les objets auxquels il s'était p r é p a r é , et dont il parlait a l o r s avec toute l'érudition et toute la sagacité d'un Bayle. F r é d é r i c , ne se doutant point des ruses de son j e u n e é l è v e , c o n ç u t de lui la plus haute opinion. Pour donner à mes lecteurs une idée des singularités de Marwitz , il suffit de leur citer son p a r a d o x e favori : « L e plus g r a n d m a l » heur qui puisse arriver à un homme , d i s a i t - i l , c'est » d'avoir un ami. » (1) L e lieutenant-général de R e t z o w était originaire d'une ancienne famille du B r a n d e b o u r g , dont la noblesse d a t e des Croisades, Il fit ses premières études dans la ville de B r a n d e b o u r g , a u collège du C h a p i t r e , et entra dans l'armée dès l'âge de seize ans. D a n s le c o u r s des
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c e t t e c o m m i s s i o n , et d e c o n c e r t a v e c son p r e m i e r a i d e - d e - c a m p , il dressa le p l a n de la m a r c h e
p r e m i è r e s c a m p a g n e s d e S i l é s i e , il s'était d é j à d i s t i n g u é en p l u s i e u r s r e n c o n t r e s , e t s u r t o u t e n 1 7 4 2 , p a r la b e l l e d é f e n s e d u m a g a s i n de P a r d u b i t z
en B o h ê m e .
de
1745 ,
Dresde
a y a n t été c o n c l u e
en
le
La
Iloi
R e t z o w à P o t s d a m . et lui c o n f i a le b a t a i l l o n d i e r s , Taisant p a r t i e des g a r d e s . dignité d'Intendant des colonies
Il l'éleva
paix
appela
de g r e n a -
ensuite
à la
d e l ' a r m é e , et lui c o n f i a l ' i n s p e c t i o n
de m a n u f a c t u r i e r s ,
fondées
aux
d e P o s t d a m , c e l l e d e la m a i s o n des o r p h e l i n s é t a b l i e d a n s la m ê m e v i l l e ,
environs
militaires,
celle du g and hôtel dfS In-
v a l i d e s et de la b e l l e f a b r i q u e d e d r a p
pour l'année
à
Berlin. Les m a n u f a c t u r e s d'or et d ' a r g e n t ,
e t enfin t o u t e »
les monnaies du
mises
sous sa
infatigable
activité
direction.
pays furent
Il s ' a c q u i t t a a v e c
d e tous ces t r a v a u x ,
également la
plus
dont plusieurs étaient entièrement
l i o r s d e sa s p b è r e , et s u p p o s a i e n t des c o n n a i s s a n c e s q u e s a p r e m i è r e é d u c a t i o n ne lui a v a i t p o i n t s u p p l é a p a r sa g r a n d e a p p l i c a t i o n . son petit
CoJbert.
plaire. Ami
d o n n é e s . Il
y
F r é d é r i c le n o m m a i t
C'était un homme d'une probité e x e m -
fidelle,
bon père , tendre é p o u x , sujet obéis-
sant., j u s q u ' a u s c r u p u l e , a u x v o l o n t é s d ' u n m a î t r e , q u i n e l'était pas toujours
assez d e ses p a s s i o n s ,
Retzow
s'est
é r i g é d a n s le c œ u r d e ses a m i s u n m o n u m e n t i n d e s t r u c t i b l e . A p r è s la b a t a i l l e de H o c h k i r c h , il f u t a t t a q u é d e l a d y s s e n t e r i e . L e c h a g r i n qu'il ressentit d'avoir été mis a u x a r r ê t s si i n j u s t e m e n t , vie,
joint a u x
fatigues
m a l . Il d e m a n d a porter à Dresde ,
au
et p o u r
la p r e m i è r e
des m a r c h e s ,
fois
en
empirèrent
sa son
I\oi l a p e r m i s s i o n d e se f a i r e t r a n s -
mais elle ne fut p o i n t a c c o r d é e , p a r -
ee q u e le R o i r é p u g n a i t à d e m a n d e r p o u r l u i u n
Gg
2
passe-
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GUERRE
DE
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ANS.
en militaire habile et expérimenté. Celle marche fut l'une des plus s a v a n t e s , des plus r é g u lières et des plus heureuses dont l'histoire de la guerre de sept ans fasse mention. L ' a r i n c e , m a r c h a n t sur deux colonnes, partit ïe soir à dix heures, t r a v e r s a , pendant la n u i t , la Sprée et la rivière de Lôbau , et arriva le l e n d e m a i n , moyennant une c o n t r e - m a r c h e , au can:p près Mersdorf. L e prince Henri forma 1 arrière-garde avec environ huit mille hommes, et ne se vit exposé à aucune poursuite sérieuse de la pari des ennemis. 11 faisait grand jour le l e n d e m a i n , lorsque Daun apprit que les Prussiens avaient levé le camp. Se félicitant,sans doute, au fond du ¿ocur, de voir le Roi prendre la route de G l o g a u , il se contenta de faire poursuivre le prince H e n r i par un très-petit détachement de Croates et de Hussards , sous les ordres du général C a r a m e l l i . Ils l'accompagnèrent moins dans l'intention de retarder sa m a r c h e , que pour en découvrir la direction. Quel ne fut pas l'étonnemenl du Feldraaréchal , lorsqu'il s'aperçut, le l e n d e m a i n , que toute l'armée Prussienne venait de se posp o r t à D a u n . Les médecins assurèrent que son mal n'était pas incurable ¡mais, se v o y a n t obligé de suivre la colonne d u - p r i n c e Henri à travers les montagnes jusqu'à S c h w e i d nitz , il y arriva a g o n i s a n t , et y m o u r u t l e lendemain.
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ter à dos de la s i e n n e , et se trouvait entièrem . ni maîtresse du g r a n d chemin de Gorlilz ! Terrassé d'un coup aussi o p i n e , il v i l les emb a r r a s de sa situation croître d'heure en heure. Plus d'espoir d'arrêter le R o i , et se v o y a n t , au contraire, menacé l u i - m ê m e de perdre sa l i b r e communication avec le magasin de Z/ittau , i l ne sut à quel partit se résoudre. Ce fut alors qu'il se reprocha son excessive sécurité , son indolence , et la grande faute qu'il avait c o m mise de mépriser sou ennemi. Il détacha, cep e n d a n t , vers R e i c h e m b a c h , un petit corps commandé par les généraux L a s c y et A r e m b e r g , pour observer la marche du Roi. A peine ceux-ci le virent-ils campé à U l l e r s d o r f , qu'ils devinèrent sou projet. Ils se hâtèrent donc d e g a g n e r les hauteurs de L a n d e s - K r o n e , et d'occuper Gorlilz avant que les Prussiens eusseut le tems de s'emparer de ces deux postes. C'était une résolution fort s a g e , et qui fait honneur à ces Généraux ; m a i s , pour qu'elle devînt v r a i ment funeste aux P r u s i e n s , i l aurait fallu q u e Daun eût secondé cette a v a n t - g a r d e , sans p e r dre un moment. M a i s il ne partit que le l e n d e m a i n à la tête-de son a r m é e , et lorsqu'il eut atteint la montagne dite L a n d e s - K r o n c , le R o i se trouvait déjà maître de Gôrlitz, après un. combat très-vif, où la cavalerie du général autrichien Ayasassas avait beaucoup souffert. Gg 3
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Ce fut ainsi que Frédéric exe'cuta une entreprise digne de figurer à coté des marches les plus savantes des plus illustres capitaines. Elle lit échouer tous les vasles projets de D a u n , et éclipsa la gloire dont la victoire de Hochlurch l'avait couvert. A la v é r i i é , il conduisit aussi toute son armce aux environs de Gôrlitz; mais au lieu de se prévaloir de sa prépondérance , pour arracher au Roi les avantages qu'il avait su se procurer avec tant d'art, il se contenta déposer son camp sur la montagne de Lau'lesK r o n e , entre le Buchbcrg et l'étang de M a r Iverdorl". Il ajouta des retranchemens à ce c a m p , déjà fortifié par la nature, et il le pourvut d'une nombreuse arLillerie. Dans ce poste très-avantageux , il nourrit encore l'espoir d'arrêter le R o i , jusqu'à ce que le général Harscli eût c o n quis Neisse. Il était bien à présumer, sans doute, que Frédéric ne tarderait pas à entrer en Silésie; mais Daun se flattait d'inquiéter, et par c o n séquent de retarder sa m a r c h e , en le faisant poursuivre par plusieurs corps détachés. P o u r cet e f f e t , il chargea les généraux YVelha et Laudon de susciter autant d'obstacles qu'il serait possible aux Prussiens, et de serrer leur arrière - garde de près. L u i - m ê m e se proposa d'appuyer ces opérations , et d'aller ensuite s'emparer de Dresde, par un coup de main. C o m m e le Feld-niare'chal voulait, à tout p r i x ,
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éviter une bataille, 011 ne peut s'empêcher d'ap-. prouver les mesures qu'il choisit, et il y a toute aparence qu il serait parvenu à son but principal , qui était de favoriser fe siège de Neisse, si le roi de Prusse avait eu moins de résolution et d'énergie. Mais il passa la Neisse et la Queiss, sans grand délai, ni perte; et Quoique son a r rière - garde fût presque continuellement aux prises avec l'ennemi. Il la commanda même en personne au passage de la Queiss, et se retira avec autant d'ordre que Laudon mit de p r u dence et d'habileté dans la poursuite. L'un m a nœuvra avec beaucoup d'art, et l'autre ne se laissa entraîner, par la chaleur du combat, a aucune démarche inconsidérée. Dès que toute l'armée Prussienne eut passé la Queiss, le Roi se sépara de son frère. 11 v o l a , avec vingt mille hommes, au secours de Neisse. L e prince Henri traversa les montagnes à la tête de quinze mille combattans, pour aller remplacer, au poste de Landshut, Fouquet qui joignit le Roi. Frédéric ayant atteint Schweidnitz, se trouva à même de s'approvisionner en pain pour continuer sa marche vers Neisse; il craignit, néanmoins, de voir son armée en proie à la disette, se rappelant qu'il avait expressément ordonné, à Schlaberndorf son ministre en S i l é s i e , de vider tous les magasins qui se trouvaient dans Gg 4
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l a H a u t e - S i l é s i e , et en deçà de la Neisse, lui déclarant q u e , si pendant que cette province se trouvait exposée aux incursions des e n n e m i s , ils s'emparaient de ses m a g a s i n s , sa tête en répondrait. Quelque positif que fût cet o r d r e , et m a l g r é le danger que le Ministre c o u r a i t , en 11e l'exécutant point à la l e t t r e , il avait cependant eu la prudence de le modifier jusqu'à un certain p o i n t , et d'en saisir plutôL l'esprit. L'entrée du gén é r a l H a r s c h j dans la Haute-Silésie, et les grands préparatifs qui se faisaient en M o r a v i e , p r o u vaient que l'on en voulait à Neisse. O r , il était à supposer que le Roi tenterait l'impossible pour sauver cette place. Ses opérations eussent été au m o i n s retardées , si Schlaberndorf avait fait v i d e r les m a g a s i n s , et transporter à Sclrvveidnitz, ou à Breslau les munitions qu'ils renfermaient. Il eut donc le courage de les y laisser, s'exposant ainsi l u i - m ê m e au plus g r a n d danger ; mais se flattant que l'événement justifierait sa conduite. Dans l'embarras où le Roi se t r o u v a i t , il fit appeler S c h l a b e r n d o r f , et lui demanda quelles mesures il comptait prendre pour approvisionner l'armée , attendu qu'il importait d'accélérer extrêmement sa m a r c h e ? L e respectable M i nistre r é p o n d i t , avec autant de calme que d e modestie : « J ' a i m é r i t é , S i r e , de perdre l a » tête, n'ayant point obéi aux ordres exprès d e » V o t r e Majesté. J e me soumets au c h â t i m e n t
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» q u e j'ai mérite ; mais je g a r a n t i s , à V o t r e Ma>j j e s l é , que l'armée trouvera sur la route tout » ce qui est nécessaire à sa subsistance. Les ma» g a s i n s , en deçà de la N e i s s c , sont encore pré» cisément dans le m ê m e état où ils se t r o u » valent lorsque l'ordre de les v i d e r m e lut » d o n n é ; mais voyant les préparatifs de siège » q u e le général Harscli faisait , je n'ai pas » d o u t é un m o m e n t que V o t r e Majesté ne vint » au secours de cette forteresse. J e crus d o n c )> qu'il valait mieux a b a n d o n n e r ces petits d é » pois à leur s o r t , que de ne pas c o n t r i b u e r , » autant qu'il d é p e n d a i t de m o i , au salut d e » la place. A u c u n d'eux 11'esl tombé au pouvoir » des ennemis. J e n'en ai pas moins agi contre » m o n d e v o i r , et m a vie est entre les m a i n s » de V o t r e Majesté. » L e R o i , touché d u p a triotisme d'un Ministre qui n'avait pas c r a i n t d'exposer ses j o u r s , a f i n - d e favoriser u n e entreprise e n c o r e i n c e r t a i n e , l ' e m b r a s s a , le r e m e r c i a de ses p r u d e n t e s sollicitudes, le n o m m a le libérateur de la Silésie, l'assura de toute sa bienveillance , et t r o p heureux d'échapper aux e m b a r r a s qu'il p r é v o y a i t , il continua r a p i d e m e n t sa m a r c h e ( i ) . (1) E n t r e t o u s les m i n i s t r e s a u x q u e l s F r é d é r i c confia la direction des f i n a n c e s , S c h l a b e r n d o r f se distinga p a r ses talsns et p a r son activité. Il possédait a u d e g r é le
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Cependant le siege de Neisse avançait à grands pas. Depuis le 26 octobre où Harsch avait o u pius ¿minent toutes les connaissances que son poste exigeait. Il joignait à beaucoup de jugement une application infatigable , et la nature semblait l'avoir destiné à l'emploi dont il fut honoré. Il fut le séul ministre q u i , durant la guerre de sept a n s , p e r ç u t , sans déficit, les revenus de sa province. La Silésie tomba , à différentes reprises, au pouvoir des ennemis , et cependant elle ne fut jamais arriérée dans ses perceptions. On ne saurait faire un plus bel éloge des talens du Ministre. On lui reproche d'avoir sacrifié souvent les privilèges et le bien-être des hahitans aux intérêts du Souverain, Il manifesta déjà cette disposition , lorsqu'il était à la tele de la chambre de guerre et des domaines de Mngdebourg , en qualité de président. Ce fut lui qui enleva aux Etpts de cette province plusieurs privilèges dont ils jouissaient constitutionnellement, et qu'ils n'ont jamais recouvrés depuis. Ce penchant a u despotisme lui attira la haiiie de tous ceux qui en souffrirent. Il déploya le même .caractère en Silésie; il y usa de quelques ménagrmens au commencement de son administration ; mais il en garda beaucoup moins depuis la paix de Hubertsbourg, et lorsqu'il se crut toul-à-fait sur des bonnes graces du Roi. Sa conduite révolta les Etats dans un tems où ils se ressentaient encore si cruellement des calamités de la guerre , et où la Silésie se voyait menacée d une banqueroute générale. Schlaberndorf tomba en disgrace. Le Roi ne lui cacha point son mécontentement, et le dépit que le Ministre en ressentit accéléra sa mort. Peu avant de m o u r i r , il écrivit au Roi «n ces termes : a J'ai eu le malheur d'encourir la disgrace v de Votre Majesté, et je 11e survivrai pas longteins à
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vert la tranchée vis-à-vis le fort de Prusse il avait, dans l'espace de cinq j o u r s , tire la s e c o n d e parallèle, et achevé d'en dresser les batteries. Il n'était plus q u a une distance de c e n t cinquante pas du c h e m i n c o u v e r t , lorsqu'il reçut la nouvelle que le R o i marchait en Silésie. Il ordonna aussi lot qu'on enlevai l'artillerie d e siège ; et après avoir attiré à soi le renfort c o m m a n d é par YVied, que Daun lui avait e n v o y é , ainsi que le corps a u général Kaluolvy, poste jusqu'alors près Frautenau, il donna à son c a m p une position qui semblait annoncer qu'il était résolu à attendre , de pied ferme , l'arrivée des Prussiens. Le R o i continua donc sa m a r c h e , opéra sa jonction a v e c le corps du général F o u » mon désespoir ; je sens que ma fin a p p r o c h e , et je n e « serai peut-être plus , au moment où. Votre Majes'é o u j> vrira ma lettre. Mais s'il faut que j'emporte au tombeau j) le cruel chagrin d'avoir déplu à mon Roi. j'ai du moins » la consolation d'avoir sacrifié ma vie entière aux intérêts » de V o t r e M a j e s t é , etc. » Frédéric connaissait toute l'importance des services q u e Schlaberndorf lui avait rendus. Il voulut lui ménager quelques consolations a u bord de la t o m b e , et l'assura d u retour de ses bonnes grâces : mais il était trop t a r d , et Schlaberndorf n'était plus lorsque la réponse gracieuse du Roi arriva à Dreslau» Ainsi mourut un grand liomme , 2 8
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wehr, pour tomber sur les divisions d'Oberg et de Sporken, et pour les écraser. Le Duc, au contraire , pouvait, à la faveur des bocages, dérober sa division aux regards de l'ennemi, jusqu'au moment de l'attaque ; et quant à l'attaque elle-même, il y avait tant d'harmonie dans le plan du Duc , que le succès semblait infaillible. De son côté ilyavaitdonc beaucoup à gagner, si l'on exécutait bien sa disposition, et très-peu de risque à courir dans le cas où il rencontrerait une trop forte résistance ; car le seul corps qu'il commandait aurait été exposé à souffrir quelque dommage; les deux autres demeuraient intactes, et il conservait à tout événement des forces suffisantes pour se maintenir en présence des ennemis , jusqu'à l'arrivée des troupes auxiliaires Anglaises. Cependant il y avait bien des obstacles à vaincre, avant que de parvenir au but que l'on se proposait ; ces obstacles allèrent toujours en croissant, du moment où le D u c , arrivé à Sanct-Antonius, tourna à droite. Ses colonnes furent obligées de se frayer le chemin à travers des bocages épais, et de défiler souvent un à un parles portes des maisons et des cabanes qu'elles trouvèrent sui: leur route ; la cavalerie eut à tout moment des fossés et des haies à franchir. Enfin on arriva au défilé de Bersellsbaum , où les soldats furent forcés de marcher un à un à côté des canons. 11 aurait été bien difficile de traverser heureusement
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5 n g
heureusement un terrein si p r o d i g i e u s e m e n t c o u p é , si l'on avait eu eu tête un e n n e m i m o i n s insouciant que ne l'était Clermont.S'il n'avait été i n t i m e m e n t convaincu que son flanc était i n e x p u g n a b l e , si par conséquent il n'avait été uniquem e n t occupé a p r e v e n i r le succès d'une attaque de f r o n t , si m ê m e il n'avait retire; du village d ' A n r a d t la légion Royale , qu'on y avait si sagement postée, le D u c se serait trouvé dans l'impossibilité absolue d'exécuter mystérieusement, et avec tant de gloire , la seule manœuvre à l'aide de laquelle il y avait m o y e n d'arriver au point sur lequel il voulait diriger son attaque. L a surprise de Clermont fut e x t r ê m e , q u a n d il sembla deviner l'intention du Duc. C o m m e il avait cru son aile gauche à l'abri de toute attaq u e , il a d m i r a l'audace de son adversaire , autant qu'il se r e p r o c h a son insouciance, et la faute capitale dont il s'était rendu coupable en dégarnissant le village d'Anradt. L a présence de l'ennemi réveilla cependant l'activité du G é néral français. Il ordonna à S a i n t - G e r m a i n de voler au secours de l'aile g a u c h e , à la tête d e quinze bataillons et de trente escadrons. L'avantage du terrein était encore de son c ô t é , et les Alliés , après tant de fatigues, n'avaient pas encore fait des progrès bien marqués. A l a faveur d u t e r r e i n , et graces à l'habileté du comte SaintG e r m a i n , les Français opposèrent à l'ennemi
Tome I.
'
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une résistance vigoureuse. Si le Duc remporta néanmoins une victoire c o m p l è t e , il en fut re* devable à son excellente disposition , à la b r a voure extraordinaire de ses troupes, et aux perfides conseils de M o r t a g n e , que Clermont eut l'imprudence de suivre. Mortagne voulant p e r dre S a i n t - G e r m a i n , son rival ( 1 ) , avait conseillé à Clermont de retirer son armée du champ de bataille, au moment même où Saint-Germain demandait des renforts, et où le général O b e r g , profitant des mouvemens incertains de l'ennemi j forçait le passage du b o u l e v a r t , dit Landwehr. Les Français perdirent sept mille hommes de leurs meilleures troupes, et le duc Ferdinand ayant su profiter de sa vicloire , ils perdirent encore leurs magasins de N u y s , de R ô r m o n d e et la forteresse de Dusseldorf, qui capitula après avoir opposé une courte résistance au général Wangenheim. Tous ces malheurs entraînèrent la destitution de C l e r m o n t , dont on reconnut enfin l'inca( i ) V o y e z l ' o u v r a g e a l l e m a n d i n t i t u l é : Portrait néraux français
qui ont servi en Allemagne
de sept ans, p a g . Jl.
durant
des la
Gé-
guerre
L e s trahisons et les i n t r i g u e s d e M o r -
t a g n e f u r e n t à la v é r i t é d é v o i l é e s , mais il n e s u b i t p a s l e c h â t i m e n t q u ' i l a u r a i t m é r i t é ; il en f u t q u i t t e p o u r
de
s i m p l e s r é p r i m a n d e s . C'est q u ' i l a v a i t de p u i s s a n t e s p r o t e c t i o n s à la C o u r , t a n d i s q u e S a i n t - G e r m a i n n ' e n a r a i t aucune.
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pacité. L e maréchal de Belle-Isle, ministre d e la g u e r r e , était extrêmement mécontent de sa conduite , et profita des premiersnio mens du dépit que la déroute de Crefelt inspira à Louis X V , et de la généreuse résolution du Dauphin , q u i s'offrit à p r e n d r e lui-même le c o m m a n d e m e n t d e l'armée. Belle-Isle réussit à triompher dans cette r e n c o n t r e du crédit de la P o t n p a d o u r 5 il obtint d u R o i la nomination du lieutenantgénéral m a r q u i s de Contades, qui partit incess a m m e n t pour l'Allemagne. Le brillant exploit d u duc F e r d i n a n d le plaça au r a n g des héros. Instruit, à l'école des plus fameux capitaines dont l'histoire a consacré les noms , il se m o n t r a d i g n e de servir à son tour de modèle à la postérité. L e b r u i t de sa v i c t o i r e , et des moyens par lesquels il avait su l'obtenir , étonna l'Europe e n t i è r e , et les gens de l'art furent obligés de convenir que la bataille de Crefelt était sans exemple. Londres retentit des éloges du g u e r r i e r qui avait r e n d u des services si essentiels au roi d ' A n g l e t e r r e en Allemagne. Dans les transports de gratitude q u e l'on éprouva, on reconnut l'obligation de lui accorder tous les secours dont il avait besoin. L a cour et ses pairtisans souhaitaient d'envoyer dix-huit mille h o m m e s en Allemagne ; et quoique l'opposition e n réduisît le n o m b r e à douze mille , ce r e n f o r t , composé de troupes choisies, fut infiniment avantageux aux L1 a
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Alliés , et la nation Anglaise s'empressa à payer les subsides que le Roi demanda pour l'entretien de ces troupes. Cet empressement tenait aux succès dont les armes de l'Angleterre avaient été couronnées dans les quatre parties du globe. Cette époque étai t la plus brillante qu'elle comptât depuis le commencement de la guerre. C e p e n d a n t , malgré la diligence avec laquelle on pressa l'embarquement des renforts, le duc Ferdinand s'était vu obligé à repasser le Rhin , avant leur arrivée à E m d e n . l l s'était à la vérité avancé jusqu'à Juliers, et avait poussé ses conquêtes aussi loin que la faiblesse de son armée le permit ; il se trouvait en possession d'une étendue de pays suffisante pour fournir abondamment à la subsistance de ses troupes ; mais malgré tous ses avantages, il n e pouvait qu'être infiniment gêné dans ses opérations, tant que les forteresses de Wesel et de Gueldres se trouvaient au pouvoir de l'ennemi. P o u r être maître des deux rives du R h i n , et pouvoir agir à son gré sur l'une ou sur l ' a u t r e , en cas de m a l h e u r , il fallait de toute nécessité qu'il s'emparât de Wesel. Mais il aurait élé trèsdifficile d'en former le siège, tant à raison de l'éloignement des magasins, qu'à cause de la faiblesse de son armée. 11 fallut même renoncer entièrement à ce p r o j e t , la fortune setant t o u t à-coup réconciliée avec les Français, et des inci-
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dens fâcheux l'ayant forcé de ne songer qu'à sa propre sûreté et à celle du pays d'Hanovre. L/arrivce du nouveau Général en chef avait ranimé le courage des Français. C o n t a d e s , l'un des meilleurs disciples du maréchal de S a x e , avait la réputation d'un officier habile ; ayant assisté à toutes les campagnes des armées F r a n çaises , depuis l'espace de vingt-quatre a n s , il avait eu occasion d'étendre ses connaissances militaires ; sa nomination était l'ouvrage du maréchal de Belle-Isle, qui jouissait d'une grande considération dans l'armée ; on espérait qu'il réparerait les fautes de ses prédécesseurs, et qu'il vengerait la nation : o r , il n'en fallait pas davantage pour exciter l'effervescence du soldat F r a n ç a i s , et pour le tirer du découragement auquel il s'était abandonné sous les ordres d'un Richelieu et d'un Clermont. Belle-Isle, justement indigné de la décadence de l'armée, ne négligea rien de son côté pour la mettre en état de reparaître avec honneur sur le théâtre de la guerre. Il lui importait infiniment de justifier le choix qu'il avait f a i t , en dépit de la cabalePour cet effet il porta le nombre des combaltans à quatre-vingt mille hommes, et ordonna e x pressément à Soubise de rassembler à H a n a u les troupes qu'il c o m m a n d a i t , de reconquérir la Hesse , et de faire jour par cette diversion à l'armée principale. L1 3
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Contades voulant se montrer digne de la confiance dont il avait été honoré, renonça au système purement défensif que ses prédécesseurs avaient adopté ; il résolut de se mettre sur l'offensive , pour couper au Duc , dont les forces étaient inférieures de beaucoup aux siennes , toute communication avec la M e u s e , et le f o r cer ainsi à abandonner ses conquêtes. Néanmoins il forma d'abord le dessein d'éviter une bataille autant qu'il serait possible , parce que dans la situation où il se trouvait 3 il risquait infiniment plus que l'ennemi à avoir le dessous. Il espérait d'ailleurs que les mouvemens de Soubise forceraient bientôt le Duc à repasser le R h i n , pour mettre la Westphalie et le pays de H a n o vre à couvert d'une invasion. 11 voulait attendre ce moment pour se mettre à la poursuite des Alliés, et les inquiéter au passage du Rhin. 11 leva pour cet eiFet son c a m p près Cologne , et alla camper sur les bords de la Erft. L e D u c , traversant ce fleuve , marcha à sa rencontre ; mais le trouvant trop bien posté pour l'attaquer, il se retira jusqu'à Nuys. Il opéra sa retraite avec tant d ' o r d r e , que le duc d ' A r m a n l i è r e s , détaché par Contades pour serrer de près son a r r i è r e - g a r d e , se vit repoussé avec perte, les Français ayant m ê m e perdu à cette occasion un poste avantageux qu'ils occupaient sur les bords de l'Erft.
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L'auteur anonyme d'une brochure française (i) blâme le marquis de Contades de « avoir pas f o r c é , dans celte occasion, le Duc d'en venir aux mains , et de ne l'avoir point battu ; il ajoute même que plusieurs Généraux j et surtout le duc d e F i t z - J a m e s , sollicitèrent leur chef de tombfer sur les Alliés avec toutes ses forces, il est v r a i , d'un côté , que ceux-ci ayant un fleuve à passer dans leur retraite, cette circonstance aurait pu autoriser, de la part des Français, supérieurs eu n o m b r e , une démarche si hasardeuse; cependant Contades n'eut pas tort d'y répugner. Car quoiqu'il eût pris l'offensive, la prudence exigeait qu'il cherchât à régénérer et à ranimer ses, troupes, entièrement découragées par les revers précédens , avant de risquer à la fois, et sa gloire et de grandes entreprises. Partant de la supposition que les opérations de Soubise , dans la Hesse , lui fourniraient bientôt des occasions plus favorables de se distinguer, il dut conclure de l'affaire même qui venait d'avoir lieu sur les bords de la E r f t , qu'il y aurait de l'imprudence à se mesurer à la légère avec un ennemi si déterminé. 11 persista donc dans sa ré* solution d'éviter une bataille, et les Alliés ayant
(I ) Galerie des Aristocrates militaires et à l'article : Maréchal de Contades.
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dirigé leur marche par Rormonde à Hellenrot sur la Meuse, il ne les inquiéta nullement. Ge fut là que le duc Ferdinand recul la nouvelle des mouvemens du prince Soubise, et de la malheureuse affaire près Sangerhausen. L'armée de Soubise était proprement destinée h marcher en Bohême, pour remplir les engagemens du traité de Versailles. Mais les malheurs de la journée de Crefelt avaient engagé le Ministère français à s'en servir auparavant pour réparer les suites de l'échec que l'armée principale avait reçu. Pour cet effet, Soubise avait ordre de reconquérir la Hesse, et de menacer lélectorat d'Hanovre d'une invasion. L e prince d'Isenbourg, que le Duc avait laissé avec environ cinq mille hommes pour défendre la Hesse, se trouva hors d'état de résister aux Français. Ayant même très - inconsidérément quitté le poste avantageux qu'il occupait, pour aller attaquer les forces très-supérieures de l'ennemi , il fut totalement battu , et obligé de rallier ses troupes sous le canon de Hameln. S o u bise reprit possession de la Hesse , et ce m a l heureux pays, qui avait été déjà si mallraté par Richelieu, eut doublement à gémir sous la verge de ses oppresseurs. En vain les Etats s'efl'orcèrent-ils d'obtenir une capitulation pour la province , Contactes accueillit leurs offres avec d é rision. Il ne faisait que suivre les ordres de Belle-
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Isle ; et c o m m e il y a toujours p a r m i les n a t i o n s , m ê m e les plus civilisées, b e a u c o u p d ' h o m m e s qui t r o u v e n t un plaisir cruel à abuser du p o u v o i r d o n t ils sont r e v ê t u s , on vit dans cette o c c a sion l'intendant d e l'armée f r a n ç a i s e , le b a r b a r e F o u l o n ( i ) , se signaler par des c r u a u t é s , dont le détail affreux révolte l'humanité. ( l ) I l n e f u t p u n i q u ' a u b o u t de t r e n t e a n s d e s de lèse-humanité,
d o n t il se
rendit c o u p a b l e
crimes dans
la
H e s s e . I l a v a t t a c q u i s des ricbesses i m m e n s e s , l e c r é d i t d e s e s p r o t e c t e u r s l ' a v a i t m ê m e é l e v é j u s q u ' a u r a n g de c o n s e i l l e r d ' é t a t e t de m i n i s t r e , l o r s q u ' i l f u t , le 22
juillet
1 7 8 9 , l ' u n e d e s p r e m i è r e s v i c t i m e s de l a r é v o l u t i o n f r a n ç a i s e . L e p e u p l e n e lui p a r d o n n a i t p a s l e s
concussions
q u ' i l a v a i t c o m m i s e s e n d i f f é r e n t e s p r o v i n c e s d o n t il a v a i t é t é i n t e n d a n t ; o n c o n s e r v a i t s u r t o u t le s o u v e n i r de l ' h o r rible menace
qu'il avait faite,
manger du foin,
si jamais
p e r à la v e n g e a n c e
d'apprendre
il devenait
ministre.
au peuple
à
Pour échap-
n a t i o n a l e , F o u l o n s'était r e t i r é et se
tenait caché à V i r v - s u r - O r g e .
O n l'y d é c o u v r i t , on
le
t r a î n a à P a r i s , o n l e c o n d u i s i t à l ' H ô t e l de la C o m m u n e , o n l'y a c c a b l a d e m a u v a i s t r a i t e m e n s , e n f i n o n l e p e n d i t pn p l a c e d e G r è v e à la f a m e u s e l a n t e r n e . L e s s p e c t a t e u r s f u r i e u x l ' e n a r r a c h è r e n t p a r les p i e d s , l u i c o u p è r e n t la t ê t e , qu'ils p l a n t è r e n t sur u n e p i q u e a p r è s l u i a v o i r r e m p l i la b o u c h e d e f o i n ; l'on p r o m e n a c e t t e t ê t e et le c a d a v r e n u d d e c e m o n s t r e d a n s les r u e s de la C a p i t a l e .
Ce fut
p o u r les H e s s o i s u n d é d o m m a g e m e n t t a r d i f d e s t o u r m e n s biouis q u e l e b a r b a r e l e u r a v a i t fait e s s u y e r . Il s'est i m mortalisé
chez
eux,
ainsi
que
le m a j o r
prussien
Dyherrn s'immortalisa durant cette guerre à Leipsic,
de
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GUERRE
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En d'autres conjonctures , l'affaire de S a n gei^hausen aurait moins influé sur la situation des Alliés. Ce n'était qu'une é g r a t i g n u r e , en comparaison de la sanglante plaie de Crefelt ; mais la position du duc Ferdinand en deçà du R h i n en devint très-critique. Il était à supposer d'un côté que Soubise pousserait ses conquêtes, et que s'il ne rencontrait point de résistance j il marcherait droit sur Hanovre. D'un autre côté , Contades venait de changer son premier p l a n , qui avait été de couper aux Alliés toute communication avec la Meuse. F i e r des a v a n tages que les Français avaient remportés dans la Hesse > il se proposait alors de repousser les ennemis au delà du R h i n , et de les obliger à chercher un asile dans le petit coin de tei're qui sépare ce fleuve de la Meuse. L e Duc se trouva donc dans l'alternative d'attaquer l'ennemi ou de passer le Rhin ; l'un et l'autre de ces deux partis lui offrant les plus grands obstacles à v a i n c r e , le Général français évita plus que jamais toute occasion d'en venir aux mains. Imitant le flegme de D a u n , il s'appliqua à choisir des postes inattaquables, et quant au passage du R h i n , les Allemands devaient s'attendre à y rencontrer les plus grandes difficultés , à raison des pluies qui avaient fait déborder ce fleuve. L'inondation était surtout très-forte dans la contrée de R e e s où l'on avait établi le pont de
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b a t e a u x , et le passage était inexécutables de c e côté. Contades avait fait passer le R h i n à dix mille hommes commandés par M . de Chevert, pour enlever le général I m h o f auquel la garde du pont de bateaux près M e e r avait été confiée, et pour détruire ce pont. Pour empêcher le Duc d'y -envoyer des r e n f o r t s , Contades l u i - m ê m e s'était avancé à la tète de son armée jusqu'à la petite rivière de Niers, que les Alliés avaient à passer pour se rapprocher du Rhin. L e Duc avait donc alors à combattre à la lois et le plus perfide des élémens et un adversaire beaucoup plus actif et plus habile que Clermont. S i le succès avait couronné les mesures du G é néral français,"le Duc se serait trouvé dans la situation la plus embarrassante j et faute de pontons pour traverser la M e u s e , il aurait été vraisemblablement réduit aux dernières extrémités du désespoir. D'où il résulte évidemment qu'en adoptant de tous les plans d'opérations le plus périlleux „ les Alliés n'avaient point assez mûrement pesé les difficultés que la b a r rière du R h i n , assez imprudemment f r a n c h i e , opposerait à leur retraite. Cependant le Duc réussit à se tirer bientôt d'un si mauvais p a s , grâces à son intrépidité et à la bravoure du général Imhof. Chevert s'acquitta de sa commission plutôt en brave soldat qu'en bon capitaine. Au lieu d'employer
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une partie de son corps à détruire le p o n t , pendant que l'autre menacerait le général I m h o f , il crut devoir commencer par battre ce dernier, pour remplir ensuite le but principal de son expédition. On ne peut qu'approuver et son ordre de bataille et le dessein qu'il avait de couper aux Alliés toute communication avec R e e s ; mais Imliof prévint l'attaque ennemie et tomba sur l'aile gauche de Chevert au moment où elle s'occupait à franchir un terrein pénible qui se trouvait en face du camp. 11 la renversa , il obligea les Français à prendre la fuite et leur perle fut assez considérable. L e D u c , en attendant , s'était mis en marche avec son armée pour devancer Contades sur les bords de la Niers. L e général Chabot avait occupé déjà toutes les hauteurs et tous les défilés aux environs de Bruggen, et il fallut détacher le prince héréditaire de Brunsvic pour l'attaquer et le repousser de poste en poste. Cependant, le Duc réussit à gagner l a plaine située entre W a l d m u h l et Dolmen, avant que Contades eût pu s'y établir. Ce coup hardi valait une victoire. L e Général français en fut déconcerté ; et c o m m e il était fermement r é solu à ne point risquer à la légère sa réputation, il se retira même jusqu'à G l a d e b a c h , bien convaincu que les Alliés ne tarderaient pas à quitter la rive gauche du R h i n . L a savante et courageuse marche du D u c , la
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tentative infructueuse de Chevert et 1 impression que l'une et l'autre firent sur Contactas qui venait detre élevé à la dignité de maréchal de F r a n c e , avaient rétabli la communication des Alliés avec le Rhin. Ils se hâtèrent d'en gagner les bords et passèrent le fleuve sur les ponts établis près E m m e r i c h , sans rencontrer d'obstacles ultérieurs. Le corps auxiliaire Anglais se joignit à eux dans l'évêché de Munster. Contades passa également le Rhin près Dusseldorf, et se campa sur les bords de la Lippe. Telle fut l'issue de la campagne du duc F e r dinand sur la rive gauche du Rhin ; campagne hasardeuse et qui fait beaucoup d'honneur à ses talens. En dépit de tous les obstacles qu'il r e n contra et que l'on pouvait aisément prévoir, il sut malgré la grande infériorité de ses forces, conserver sur ses adversaires et même sur les talens et sur l'activité de Contades, une p r é pondérance dont il ne fut redevable qu'à la fécondité de son génie. La Westphalie étant de nouveau le théâtre de la g u e r r e , il fallut adapter les plans d'opérations au changement de circonstances. Malgré les renforts qui lui étaient venus d'Angleterre, le duc Ferdinand ne se vit pas moins obligé de se tenir simplement sur la défensive : la prudence exigeait qu'il étudiât les dispositions et la tactique de ses nouvelles troupes, ainsi que
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le caractère de leurs Généraux, et qu'il s'efforçât à se concilier leur confiance avant que de les faire agir sur le sol étranger où Ton venait de les transplanter. D'ailleurs, il s'agissait pour lors de tenir tète à la fois à deux grandes armées Françaises. Celle du maréchal Contades était dans le voisinage du Duc; celle de Souhise avait fait de grands progrès dans la Hesse. Il importait donc également et d'observer la première de ces armées, et de mettre la Westplialie et le pays d'Hanovre à couvert des invasions dont la seconde les menaçait. La situation du Duc ne lui permettait absolument pas d agir offensivement, ce qu'il aurait sans doute préféré à l'exemple de Frédéric, son maître et son modèle. Il n'en montra pas moins la plus grande vigilance et l'activité la plus infatigable dans toutes les occasions où il s'agissait de prévenir les desseins de ses ennemis, ou de profiter de leurs fautes. Quelque empresssement que Contades montrât à réparer celles de ses prédécesseurs, il crut cependant devoir réprimer le désir de se distinguer par quelque grand exploit, jusqu'à ce que l'armée du prince de Soubise ayant gagné par l'évêché de Paderborn les environs de Lippsladt, se fût rapprochée de lui. Le flegme et là circonspection dirigèrent ses premiers pas en Westplialie , et les deux armées demeurèrent dans l'inaction sur les bords de la Lippe.
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Soubise , au contraire, montra tout-à-conp une activité qui contrastait assez singulièrement avec son indolence depuis l'affaire de S a n g e r hausen. Il reçut et exécuta l'ordre de s'avancer jusqu'à W a r b o u r g sur la D y m e l , et ses troupes légères poussaient leurs incursions jusqu'à P a derborn et Lippstadt. Mais le général Oberg s'y étant montré pour défendre cette contrée, Soubise renonça tout de suite à opérer sa jonction avec le maréchal de Gontades, e t re'sol ut d'envahir l'électorat d'Hanovre. On ne sait s'il crut engager par-là le duc Ferdinand à quitter Ils bords de la Lippe pour se rapprocher du W e s e r , et s'il entreprit cette diversion dans le dessein de favoriser les opérations de Contades ; ou , si répugnant à combattre sous les ordres du M a r é c h a l , il céda au désir de s'illustrer davantage par l'expédition de Hanovre ^ quoiqu'il en s o i t , il s'avança avec la plus grande célérité vers Nordh e i m , envoya quelques détachemens de troupes légères jusqu'aux portes de H a n o v r e , et mit le plat pays à contribution. Malgré la rapidité et la sagesse avec laquelle Soubise conçut et exécuta le plan de cette e x pédition, il manqua néanmoins son but. S o n entreprise aurait même pu entraîner pour lui des suites fâcheuses, si l'on avait mis plus de diligence à obéir aux ordres du duc Ferdinand. JLoin de s'alarmer de la marche des Français sur
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Hanovre, il forma lui-même, avec son attention ordinaire, à profiter des occasions où i'ennerni donnait prise sur soi, le dessein de teriler une irruption dans la Hesse et de conquérir Cassel par un coup de main. Ce projet était parfaitement bien imaginé, et les circonstances les plus favorables se réunissaient pour en présager l'heureuse issue. On y reconnaissait le système de Frédéric , qui lors même qu'il agissait-défensivement, cherchait à traverser, par des diversions hardies, les entreprises de ses ennemis. L e moment était singulièrement propice. Cassel était le magasin général où l'armée de Soubise avait mis en dépôt toutes ses provisions de guerre. Un petit corps que le général Français avait laissé près W a r b o u r g , sons les ordres du marquis de Mesnil, était hors d'état d'opposér aux Alliés une longue résistance. 11 ne fallait que deux marches au général O b e r g , qui fut chargé de conduire celte entreprise , pour arriver à Cassel et pour surprendre la faible garnison de cette ville, avant que Soubise pût venir à son secours. Supposé que l'on ne manquât point un coup si décisif, ou que l'on vînt seulement à bout d'occuper les défilés étroits de Munden et de "Witzenhausen, l'armée de Soubise se trouvait privée de toute communication avec ses m a gasins, et sa jonction avec Contades devenait impossible ou du moins extrêmement difficile. Mais
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Mais il est rare que tous les ordres d'un G e neral en chef s'exécutent toujours ponctuellement et avec précision; et le hasard ou la maladresse des Généraux en sous-ordre, fait souvent échouer les opérations concertées avec le plus d'art. Voilà précisément ce qui arriva dans cette occasion. Oberg donna, à la vérité, le change au prince de Soubise , en feignant de diriger sa marche du côté du W e s e r ; il l'engagea même, p a r - l à , à se retirer jusqu'à Gotting u e , et à attirer à soi une partie du corps de du Mesnil,- et cependant les Alliés manquèrent leur coup. Oberg marcha trop lentement au b u t , tandis qu'il n'y avait que la plus grande célérité qui pûl l'y conduire. Les Français se prévalurent de ses délais , pour rentrer dans Cassel, et pour établir , en hâte , uti camp retranché entre cette ville et le Weissenstein. On se vit donc obligé , de part et d'autre, d'abandonner des entreprises, dont l'on s'était promis les plus grands avantages. L e génie de Ferdinand avait imaginé un excellent contre-poids aux desseins ambitieux de Soubise, mais il perdit, par la faute du général Oberg, tout le fruit du plan qu'il avait si habilement conçu. Soubise, de son côté, fut contraint de sacrifier le sien à l'urgence des circonstances; et l'on se retrouva réciproquement, à-peu-près dans la même situation où l'on était avant d'essayer ces expédiTome I. Mm
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l i o n s i n f r u c t u e u s e s . O n se b o r n a , p e n d a n t q u e l que tems,
à s ' o b s e r v e r m u t u e l l e m e n t , et l ' o n
n ' a v a i t , des d e u x c ô t é s , rien de m i e u x à faire. O b e r g n ' a v a i t q u ' à se m a i n t e n i r d a n s s o n p o s t e avantageux,
aux environs
de
Hohenkirchen,
e n t r e la f o r ê t d e H a b i c h l s w a l d et c e l l e d e R e i n h a r d s w a l d , p o u r e m p ê c h e r les e n n e m i s d e
for-
m e r q u e l q u e e n t r e p r i s e c o n t r e H a n o v r e ; il c r u t d o n c qu'il n'était p o i n t à p r o p o s d ' a t t a q u e r les Français dans leurs retrancliemens. Sbubise att e n d i t d e m ê m e , p o u r se m e s u r e r a v e c l e s A l l i é s , le r e n f o r t de v i n g t m i l l e h o m m e s q u e C o n t a d e s lui p r o m e t t a i t ( 1 ) .
(i) Ce corps auxiliaire , commandé par le général C h e v e r t , était en partie composé de la plupart des régimens Saxons qui venaient de renforcer l'armée Française. On avait formé ces régimeus des naturels del'électoratde S a x e , qui avaient été forcés , en 1 7 5 6 , lors de la capitulation de Liliensten , à servir sous les drapeaux Prussiens. Dès-lors , l'animosité de la reine de Pologne avait essayé de les engager au p a r j u r e ; elle Les porta depuis, par ses r u s e s , à la révolte et à la sédition. L a plupart d'entr'eux avait quitté les drapeaux Prussiens, e t , conformément aux instructions qu'on leur avait données , ils s'étaient rendus en Hongrie , où. l'on s'occupa à les i-éorganiser. L e nombre des soldats qui désertèrent fut si g r a n d , que l'on put en former douze régimens; mais comme il fallait du tems pour les équiper et pour les a r m e r , et comme l'on m a n quait surtout d'officiers , ce corps 11e faisait et la prompte arrivée du duc Ferdinand traversa leurs desseins. Quoique la diversion de l'armée Française du côté de Munster eût obligé Ferdinand à quitter son poste avantageux sur les bords de l'Asse , pour voler au secours de ses magasins, l'hiver vint cependant terminer la campagne de Westphàlie. Contàdes avait vu tous ses projets échouer ; il n'avait pu se procurer aucun poste de conséquence en deçà du R h i n ; la saison était trop avancée pbur essayer de nouvelles tentatives à cet é g a r d ; il ne lui restait donc d'autre parti à prendre que de faire repasser le R h i n à son armée , pour aller prendre ses quartiers d'hiver entre le Rhin et la Meuse. Après sa r e t r a i t e , Soubise ne se crut plus en sûreté dans la H e s s e ; il évacua également cettfe Province et se décida à hiverner sur les bords du R h i n et du Mein. Ce fut ainsi que le duc Ferdinand termina glorieusement une campagne très - hasardeuse et très-pénible. Il n'avait pas e u , à la v é r i t é , de forces suffisantes pour continuer les ope'raMm
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G U E R R E
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tions offensives p a r lesquelles il avait de'bute' ; et les G é n é r a u x d e son A r m é e s'étaient laissé battre à deux reprises. C e p e n d a n t il avait touj o u r s enlevé aux e n n e m i s , p a r la s a g e s s e et l a célérité d e ses m o u v e m e n s , le fruit d e leurs victoires. 11 était d e m e u r é m a î t r e des p r o v i n ces qu'il avait, r e c o n q u i s e s , et il alla p r e n d r e ses quartiers d'hiver dans les m ê m e s lieux o ù il avait hiverné après avoir r e p o u s s é C l e r m o n t a u d e l à d u Rhin. D'un autre côté , C o n t a d e s a v a i t , s a n s d o u t e , v e n g é jusqu'à un certain p o i n t , p a r ses t a l e n s , l'honneur F r a n ç a i s , q u e la p u sillanimité de ses p r é d é c e s s e u r s avait si étrang e m e n t c o m p r o m i s . S o n activité avait contraslé a v e c leur honteuse i n d o l e n c e -, en un m o t , il s'était c o n d u i t avec b e a u c o u p d e s a g e s s e , b i e n qu'on ait sujet de lui r e p r o c h e r une c i r c o n s pection peut-être excessive. S o u b i s e avait eu d e m ê m e le bonheur d e r é p a r e r , au m o y e n d e d e u x victoires sans doute assez f a c i l e s , le tort q u e la journée de R o s s b a c h avait fait à sa réputation. 11 n'y a c e p e n d a n t a u c u n e c o m p a r a i son à f a i r e entre tous ces exploits des G é n é r a u x français et les r a r e s efforts d e g é n i e , au p r i x d e s q u e l s le d u c de B r u n s v i c acheta ses succès h o n o r a b l e s . A u r e s t e , ce f u r e n t et la j a l o u s i e q u i r é g n a i t entre les G é n é r a u x et les c a b a l e s de la C o u r qui contribuèrent b e a u c o u p à e n traver les opérations de l'armée F r a n ç a i s e et a
COMPARAISON DE I 757 E T D E iy58. 555 remettre en equilibre la balance que la honteuse convention de Closter-Seeven avait fait pencher, en 1767 , au détriment des Alliés.
C H A P I T R E Comparaison
X V I I I .
des Campagnes de 1757 et de 17^8, en Allemagne.
E n réfléchissant sur les deux campagnes de 1757 et de 1 7 5 8 , en Allemagne 3 et en les comparant l'une avec l'autre, on trouve entr'elles une différence très - marquée. Pour se l'expliquer, il suffit de faire attention à la grande diversité des conjonctures dans ces deux époques et au caractère des Généraux q u i , dans l'une et dans l'autre, se trouvèrent à la tête des armées. On ne sera point étonné alors que la première de ces campagnes ait été tx'ès-sanglante et que les parties belligérenles aient montré beaucoup plus de circonspection dans la seconde. Les armées qui parurent sur le théâtre de la guerre , en 1757 ^ étaient composées de soldats que l'on avait exercés avec beaucoup d'art et de soin, durant dix années de paix, à toutes les évolutions militaires. L a lac-
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tique avait fait durant cette époque de très-grands progrès, et les Puissances de l'Europe s'étaient mutuellement enrichies de leurs découvertes et de leurs réformes dans la science des combatsLes Généraux qui commandèrent en étaient, la plupart, des hommes bouillans, et plusieurs d'entr'eux avaient fait leurs premières armes dans les guerres précédentes, à l'école des plus grands maîtres -, ils brûlaient du desir de se distinguer à leur tour, et ils en d e venaient plus entreprenans. Ces deux circonstances réunies devaient nécessairement produire une plus grande activité dans les armées. Ainsi l'on vit les Brown, les Charles de Lorraine les d'Etre'es, les Schwerin , les Winterfeldt et surtout Frédéric - le - Grand paraître sur la scène avec tout l'éclat des héros. Secondés par la bravoure de leurs soldats , qu'aucun revers n'avait encore découragé, ces illustres capitaines livrèrent bataille sur bataille ; ils répandirent sans pitié des floïs de s a n g , pour triompher, par des chocs violens, des résistances qu'ils rencontraient. Des efforts aussi extraordinaires ne pouvaient durer longtems. L e frottement excessif des roués principales d'une machine en arrête souvent le jeu. L a plus grande partie des soldats exercés au métier de la guerre , et plusieurs Officiers d'un mérite consommé furent les victimes du furieux
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acharnement des deux partis, des lois impérieuses de la nécessité et de la fougue des G é néraux. On eut peine à réparer daussi grandes pertes. L'inexpérience des nouvelles recrues, la perspective de plus d'une campagne à soutenir, le caractère moins ardent des nouveaux chefs, telles furent les causes qui motivèrent les ménagemens dont on usa désormais à l'égard des troupes. Aux mesures vigoureuses succéda la circonspection, dont on avait jusqu'alors m é connu la nécessite. Aussi la Campagne de 1758 ofïre-t-clle, plus que la précédente, des plans d'opérations prudemment digérés et concertés avec a r t , des mouvemens étudies, des démarches mesurées. Ce fut en employant ces moyens, en choisissant des postes avantageux, en faisant des marches rapides et savantes que l'on déconcerta mutuellement les plans les plus vastes et que Ton parvint à se tenir en équilibreL e caractère même des Généraux sembla se plier aux circonstances. Ainsi Daun, à force de temporiser, échappa aux périls dont il se vit plus d'une fois menacé, mais il n'osa jamais mettre à profit la supériorité de ses forces.Maître dans l'art de camper, il modéra souvent la fougue du roi de Prusse devenue moins impétueuse comme aussi, d'un autre côté, l'extrême circonspection de Daun porta Frédéric à faire jouer tous les ressorts de son génie pour en triompher.
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Ainsi l'on admire le prince Henri de Prusse, quand, avec des forces très-disproportionnées à celles de l'ennemi, il tient en bride une armée plus nombreuse du double que la sienne , et réussit habilement à sauver la Saxe qui semblait devoir infailliblement tomber au pouvoir des Autrichiens. Ainsi, le duc Ferdinand de Brunsvic , à la têle d'une armée qui venait d'éprouver les plus cruelles humiliations, arrache aux ennemis toutes leurs conquêtes en dépit des f i i mats , les poursuit et les bat au delà du RhinForcé par la grande supériorité des troupes Françaises en nombre , de repasser ce fleuve, il donne sur les bords de la Lippe l'exemple de la guerre défensive la mieux conduite, bien que ses G é néraux se laissent battre à deux icprlses. Ainsi Fermor dispute longlems à Frédéric la victoire de Zorndorf, par des prodiges de valeur bien propres à déraciner les préjuges de ceux qui méprisaient sa nation; mais,permettant à ses troupes des cruautés qui révoltent l'humanité, il se prive lui-même par-là des moyens de subsistance qu'il aurait pu tirer des provinces qu'il avait conquises, et se voit obligé de suspendre ses opérations et de quitter le théâtre de la guerre au moment où sa présence pouvait y devenir plus efficace que jamais. Ainsi Frédéric lui-même , moins fier de la bravoure et de la discipline de ses troupes, n'attaque plus les ennemis avec la
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même impétuosité qu'à Prague, à Kollin et à Leulhen. Mais,après son expédition infructueuser en Moravie, il traverse la Bohême en dépit de la nombreuse armée qui le poursuit et l'inquiète, opérant cette retraite qui le dispute à la fameuse retraite des Dix-mille. Il vole vers la nouvelle Marche pour y faire aux Russes une sanglante plaie. Il retourne avec la même célérité en Saxe, au secours de son frère. Après la défaite de Hoclikirch, il brave son vainqueur avec une poignée de gens. Il déjoue tous ses projets par les efforts de génie les plus étonnans. 11 met et la Silésie et la Saxe à l'abri de tout danger; et, à la fin de la campagne , il se trouve maître de ces mêmes provinces, dont il était parti pour donner l'essor à ses opérations. Il est assez difficile de décider laquelle de ces deux campagnes fait le plus d'honneur à Frédéric. Tel qu'un géant indomptable, il écrase ses ennemis dans la première. Athlète très-adroit, il ne s'occupe dans la seconde qu'à parer les coups mortels de son adversaire ou à profiter de ses fautes. Où montra-t-il le plus de grandeur? C'est une question sur laquelle mes lecteurs prononceront chacun d'après les principes qu'ils auront adoptés sur le véritable héroïsme, sur l'esprit de conquêtes, sur l'empire des passions et sur ce qu'on a coutume d'appeler raison d'Etat. Je m'abstiendrai donc d'énoncer mon jugement,
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qui pourrait êlre suspect de partialité, quelque effort que je fisse pour me soustraire à l'influence d e s préjuges. Si l'on m e demandait cependant le résultat de mes réflexions sur celte question i n téressante , je dirais que Frédéric fit voir en 1757 ses titres à la qualité de héros, dans le sens ordinaire que l'on attache à ce m o t , et qu'il déploya d a v a n t a g e , dans le cours de l'année suivante, les talens d'un capitaine prudent et d'un politique habile. J'abandonne au reste à l'historien philosophe du dix-huitième siècle de décider si le rôle que les conjonctures forcèrent Frédéric à jouer en 1 7 5 8 , était plus analogue que celui de héros à son caractère p r o p r e , et jusqu'à quel point les gens de l'art sont autorisés à censurer sa conduite dans cette dernicre camjMgne. Les d e m i - d i e u x de la terre ont droit à l'admiration d u vulgaire des h o m m e s , quelle que soit la s i tuation où ils se t r o u v e n t , surtout quand ils ont eu le bonheur de réparer , à force de g é n i e , les fautes auxquelles la passion les avait e n traînés. T e l s furent les principaux incidens de la grande t r a g é d i e , dont le continent de l'Europe f u t le théâtre en 1 7 5 8 , et tel le caractère des acteurs qu'on y vit jouer les premiers rôles. Ixes Provinces allemandes furent plus ou moins d é vastées et maltraitées, depuis les bords du Rhin jusqu'à ceux de l ' O d ç r , des rives de la Morava
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jusqu'aux bords de la Baltique. L e sang ruisselait par-tout dans les campagnes de la G e r m a n i e , par-tout elles étaient jonchées de cadavres. Des compatriotes se faisaientmutuellement laguerrej et,comme si c'eût été trop peii de leur acharnement réciproque pour ensanglanter leur commune patrie, ils appelèrent à leur secours des cohortes étrangères et même des peuplades barbares, afin qu'elles les aidassent à s'entr'égorger.
tin
du tome
premier.