Négation et performance linguistique [Reprint 2019 ed.] 9783110810226, 9789027964427


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French Pages 134 [136] Year 1976

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Table of contents :
INTRODUCTION GENERALE
1. LA NEGATION LINGUISTIQUE
2. ETUDES PSYCHOLINGUISTIQUES DE LA NEGATION
3. ACQUISITION DE LA NEGATION
4. TRAITEMENT DE NEGATIONS SYNTAXIQUES ET LEXICALES
NOTES
CONCLUSION
ANNEXE I
ANNEXE II
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
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Négation et performance linguistique [Reprint 2019 ed.]
 9783110810226, 9789027964427

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Négation et performance linguistique

ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES

Connaissance et langage 4

MOUTON • PARIS • LA HAYE

BÉNÉDICTE DE BOYSSON-BARDIES

Négation et performance linguistique

MOUTON • PARIS • LA HAYE

Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique

© 1976, Mouton & Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales ISBN: 2-7193-0416-6 (Mouton) 2-7132-0026-1 (EHESS) Couverture de Jurriaan Schrofer Imprimé en Hollande

Qu'est-ce qu'une chose qui pense ? C'est une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas. Descartes, Méditations III.

INTRODUCTION GENERALE

La négation est un "acte de l'esprit qui consiste à nier, à rejeter un rapport, une proposition, une existence ; expression de cet acte" (Petit Robert). La négation est donc une opération intellectuelle. L'esprit après avoir analysé le domaine auquel se réfère un rapport, une proposition, une existence, conclut qu'il rejette ce rapport, cette proposition ou nie cette existence. C'est donc par opposition à une "affirmation" réelle ou virtuelle que se pose la négation et toute affirmation réelle ou virtuelle peut donner lieu à une négation. La définition du Petit Robert laisse entrevoir la pluralité des aspects liés à cette opération. En effet, si l'on approfondit cette définition nous trouvons dans le Larousse au terme "nier" : "Déclarer que quelque chose est faux ou n'existe pas", et dans le Petit Robert, au terme "rejeter" : a) jeter en sens inverse (ce qu'on a reçu, ce qu'on a pris) ; b) ne pas admettre.. .refuser.. .exclure." Les traductions comportementales de l'opération de négation peuvent se réaliser de plusieurs façons. Nous ne retiendrons pas les expressions par des gestes de refus ou de rejet ni les conduites d'exclusion bien qu'elles jouent un rôle important dans toute communication et particulièrement au cours de l'acquisition du langage. Nous nous intéresserons aux traductions verbales de l'opération de négation et à leur mode de fonctionnement. Plus spécialement, nous étudierons certains aspects de la négation verbale avec des processus d'acquisition, de mémorisation et de compréhension. Au niveau de la parole le fait même d'énoncer un fait, une relation, leur donne un statut formel d'une assertion. La négation linguistique va donc consister en une transformation de ce qui est énoncé . Cette transformation va se faire au moyen d'opérateurs marqués en surface dans la phrase. Il y a dans la langue plusieurs opérateurs et plusieurs procédures de négation. Le passage d'une opération à un résultat est du domaine psychologique comme le sont les processus par lesquels les sujets traitent l'information. Cependant, pour étudier comment les usagers de la langue perçoivent, comprennent ou produisent des énoncés négatifs, il est d'abord nécessaire d'étudier les formes que doivent ou peuvent prendre les réalisations verbales. Pour cela, l'appui des analyses linguistiques est indispensable. En effet, la seule position ou forme de l'élément négatif de la phrase n'est qu'un indice. Les divers aspects de la signification ne sont pas liés seulement aux items utilisés mais à la structure de la 7

phrase dans laquelle ils se trouvent. Il est donc nécessaire de disposer, pour étudier le comportement des sujets en face d'énoncés négatifs, d'analyses permettant d'avoir des hypothèses sur le matériel en tant que structure organisée. Le plus souvent, les théories dont nous disposons ne permettent que d'avoir des modèles incomplets. C'est cependant à partir de ces modèles que nous étudierons le comportement des usagers de la langue. "Les linguistes proposent des modèles abstraits, généraux et incomplets, il appartient dans la mesure du possible aux psychologues d'en dégager les hypothèses permettant d'établir la congruence des phénomènes observés dans le comportement verbal des locuteurs avec ces hypothèses" (F. Bresson). Nous poserons dans ce cadre le problème de l'étude de certains aspects de la négation telle qu'elle se réalise dans le langage par et pour les usagers de la langue.

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1. LA NEGATION LINGUISTIQUE

1 . 1 . DOMAINE DE LA NEGATION LINGUISTIQUE

Le domaine de la négation est vaste et difficile à cerner. En tant qu'opération, la négation est marquée (1) dans toutes les langues. Dans toutes les langues, il existe une ou plusieurs possibilités formelles pour exprimer qu'une chose est fausse, qu'elle n'est pas, qu'elle est autre ou qu'on la rejette. En français, il existe à côté de la marque spécifique, n e . . .pas d'autres marques utilisées soit pour traduire la négation dans certaines conditions soit pour traduire certains aspects ou certaines conditions d'emploi de la négation. Cependant d'autres types d'énoncés dont l'interprétation doit être négative n'ont en surface aucune marque négative morpho-syntaxique ou lexicale. - Certaines formes interrogatives (2) : "Le sais-je ? " - Les expressions du doute : "Peut-être viendra-t-elle demain" impliquent des présupposés négatifs, c'est-à-dire, des négations incluses en constituants dans le contenu de cet énoncé. Ces présupposés sont à l'origine de l'indétermination exprimée : "Le sais-je" signifie : - Peut-être je le sais, - Peut-être je ne le sais pas. L'interrogation ne peut d'ailleurs être étudiée indépendamment de la négation avec laquelle elle a fondamentalement la même structure. Avec l'ironie, par exemple, on se trouve en face d'un énoncé affirmatif qui est sémantiquement négatif. Il y a d'autres formes où seule l'intonation exprime l'intention de dire le contraire : "C'est malin ce que vous avez fait là". Nous ne développerons pas ces "types" de négation. Mais il faut poser que le domaine de la négation dans le langage ne recouvre pas celui des seules phrases syntaxiquement (3) ou "lexicalement" (4) négatives, elle couvre tous les énoncés qui ont une valeur négative et/ou une valeur indéterminée.

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1.2. ROLE DES THEORIES LINGUISTIQUES

1.2.1. Les types d'analyses On peut aborder l'étude de la négation de façon descriptive, distributionnelle. Dans ce cas, l'objet d'étude sont les marques qui indiquent la négativité d'une phrase. Ces marques sont étudiées pour et en fonction de toutes les possibilités grammaticales de leur occurrence. Cependant les éléments de surface rendent compte par leur fonction, leur position, leurs relations avec les autres éléments de surface de relations sémantiques et logiques sous-jacentes. Il est donc nécessaire non seulement de disposer d'un catalogue descriptif du matériel et de sa distribution mais d'avoir des hypothèses sur le fonctionnement du système en tant que totalité organisée. Ces hypothèses dépendent d'analyses théoriques. Nous suivrons celles des grammaires génératives car ces grammaires ne restent pas neutres, au contraire des grammaires distributionnelles ou statistiques, vis-à-vis des structures sous-jacentes (5). Elles permettent non seulement d'avoir une description de surface, mais des indications sur ce qui s'est passé au niveau de la structure de base et dans l'histoire dérivationnelle. 1.2.2. L'intérêt des analyses théoriques et leurs limites Avant d'étudier le rôle des indices négatifs, il semble indispensable de présenter les analyses théoriques qui permettent de justifier le statut et le rôle de ces indices. L'opérateur de négation linguistique n'est pas, comme pour la négation logique, un opérateur unaire. Il y a plusieurs types de négateurs. Si l'opérateur n e . . .pas est un opérateur relativement simple et induisant une négation propositionnelle sans présuppositions spécifiques, il n'en est pas de même pour les autres opérateurs de négation tel que : plus, jamais, personne, etc. L'analyse en surface des marques négatives doit donc être nécessairement dépendante de l'analyse de la fonction et de la portée de ces indices. L'étude des négations non prédicatives, par exemple, est particulièrement liée à la portée (scope) de la négation. Il faut étudier les marques au niveau de la surface de façon à ce qu'elles puissent indiquer la structure de base et l'histoire dérivationnelle. Cependant, sous la diversité des relations de surface et sous la diversité des rôles, il faut rendre compte de l'unité des marques en tant qu'opérateurs de négation. L'unité fonctionnelle est de rendre négative la phrase. Cette unité doit pouvoir se définir par des critères sémantiques et syntaxiques et une théorie pertinente doit en rendre compte. Dans cette optique, le rôle d'une théorie pertinente est d'apparier les structures de surface avec leurs significations pour permettre de dégager la valeur 10

et le rôle fonctionnel des marques négatives. Parmi les approches théoriques, aucune ne donne de réponses satisfaisantes à l'ensemble des problèmes. Les études sont plus ou moins partielles et déterminées par des buts plus ou moins restreints et des critères d'analyses plus ou moins sélectifs. Ainsi le problème des présupposés particulièrement pertinents pour rendre compte du choix nécessaire par le locuteur de certains types de négations lexicales ou non propositionnelles n'a pas encore été systématiquement étudié. Il en est de même pour le rôle de la portée de la négation, et pour les problèmes d'aspect liés à certaines négations. En fait, il n'y a pas actuellement en linguistique de théorie permettant de relier les diverses formes négatives aux conditions d'emploi de la négation. Or, tout modèle proposé qui ne prend pas en considération la liaison des règles et de la signification au sens le plus large du terme c'est-à-dire incluant les contextes^ ne peut être qu'incomplet. Nous nous proposons de présenter d'abord plusieurs approches qui donnent quelques lumières sur les points que nous venons de soulever.

1 . 3 . LA TRANSFORMATION NEGATIVE DANS LES GRAMMAIRES GENERATIVES 1 . 3 . 1 . La transformation négative Dans le cadre de la grammaire transformationnelle présentée par Chomsky en 1957, une phrase syntaxiquement négative est considérée comme ayant été transformée par rapport à un énoncé minimal. Cet énoncé minimal est une phrase simple, active, déclarative, c'est-à-dire une phrase de la langue, issue d'une phrase noyau sur laquelle ont été appliquées les seules transformations obligatoires. Une transformation est alors une "règle qui s'applique à une séquence ayant une structure syntagmatique donnée pour la convertir en une nouvelle séquence ayant une structure syntagmatique dérivée" (6). Une transformation qui peut inclure un nombre considérable de règles à appliquer dans un ordre déterminé a donc pour fonction de "spécifier les positions structurelles et les différences entre symboles". 1 . 3 . 2 . La transformation négative dans la théorie non révisée Dans un premier stade, celui de Syntactic structures, N. Chomsky (1957) distingue les transformations obligatoires qui s'appliquent nécessairement aux suites sous-jacentes pour en faire des phrases de la langue et les transformations facultatives ou particulières qui 11

ne s'appliquent que pour obtenir des phrases dérivées. Celles-ci sont donc des phrases issues de séquences sous-jacentes à une ou plusieurs phrases noyaux par une ou plusieurs transformations successives. Les phrases négatives sont des phrases dérivées. Elles mettent en jeu une transformation facultative et des transformations obligatoires. La partie facultative inclut la série de choix possibles pour produire une phrase négative, la partie obligatoire est la "machinerie automatique" pour que cette phrase soit un énoncé grammatical. Dans cette optique le traitement transformationnel de la négation a pour but d'insérer l'élément négatif dans la structure de surface : soit, pour l'anglais, d'insérer le morphème "not" en surface. Etant donnée une séquence ayant une description structurelle de la forme : a) SN - C - N ou SN —> syntagme nominal (7) b) SN - C - + M V —> verbe c) SN - C + have M —» verbe modal d) SN - C + be + C —» temps la transformation négative ajoute "not" après les 2 segments de la séquence, soit : Xj - X 2 + n't + X g X 1 " X2 " X3 Une séquence terminale du type c) : The boys . 0 + have . en + come (8) se réécrira : The boys . 0 + have + n't + en + come d'où : The boys haven't come La transformation négative facultative est donc suivie de transformations obligatoires qui convertissent la suite en énoncé de la langue. Parmi les transformations obligatoires la transformation affixe (9), appliquée aux éléments terminaux en tant qu'affixe de verbe, permet l'introduction de l'auxiliaire. Lorsque la transformation affixe est bloquée, des règles supplémentaires obligatoires introduisent la transformation "do" (10). Ainsi pour : John - S - come il y aura transformation obligatoire "do" pour obtenir : John doesn't come L'application de ces règles doit permettre d'engendrer toutes les phrases négatives grammaticales en anglais et rien que celles-là.

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1.3.3. Les objections à cette formulation Cependant cette formulation a soulevé plusieurs types d'objections. Premièrement, il s'est avéré que certaines phrases négatives et particulièrement les négations prédicatives ne pouvaient être engendrées par ce type de règle. Deuxièmement, il a paru qu'il y avait incompatibilité entre cette formulation et l'idée que les transformations ne modifient pas l'interprétation sémantique de la phrase. En effet, en théorie seules les relations entre les suites syntagmatiques de la base et le lexique servent à l'interprétation sémantique de la phrase. L'introduction de la négation au niveau de la transformation modifie de façon fondamentale le sens des suites syntagmatiques et donc l'interprétation sémantique . O. Jespersen, Z. Harris et la plupart des théoriciens avaient défendu la conception qui veut que les transformations ne modifient pas le sens des suites sous-jacentes auxquelles elles s'appliquent. Pour les psycholinguistes qui ont travaillé à partir des analyses de N. Chomsky, cette position semblait essentielle pour permettre d'attribuer aux transformations subies et non à la différence de contenu les comportements des sujets en face de phrases noyaux ou de phrases dérivées. 1.3.4. Deuxième formulation de la transformation négative Les reformulations de la transformation négative, R. Lees (1960), E. Klima (1964), J. Katz (1964), N. Chomsky (1965) aboutissent à ce que les transformations ne contribuent plus à l'interprétation sémantique des phrases. Nous suivrons l'analyse faite pour l'anglais par E. Klima, nous en verrons ensuite l'application en français. A. Dans cette analyse la négation n'est plus introduite par une transformation facultative mais par un constituant Neg. Ce constituant est facultativement introduit à la base par des règles syntagmatiques. Une fois le constituant Neg introduit, une série de transformations obligatoires va rendre compte des diverses possibilités du placement de l'élément négatif en surface. La négation est donc marquée par un constituant Neg à la base, et ce constituant peut figurer dans un ou plusieurs indicateurs syntagmatiques sous-jacents. B. E. Klima cherche à rendre compte des différents types de négations. Les bases de son analyse sont principalement syntaxiques, c'est-à-dire que la négativité y est définie en fonction de critères syntaxiques tels que la construction avec either. la tag-question (11), ou la construction avec des indéfinis comme any, anyone, anything. Les critères syntaxiques sur lesquels s'appuient E. Klima lui permettent de traiter le cas des adverbes négatifs, des quantifica13

teurs négatifs et des termes "adversatifs". En effet, puisque ces éléments, comme not, demandent des constructions avec either et non la construction avec neither qui est de règle dans le cas de phrases affirmatives, il peuvent être définis comme négatifs. E. Klima traite également les adjectifs négativement préfixés en remarquant que cette préfixation est à l'origine des conséquences syntaxiques qui les séparent des adjectifs non préfixés . Ainsi dans les phrases avec des quantificateurs, on trouve un indéfini lorsqu'il y a adjectif préfixé : John was not capable of doing any more (12) John was incapable of doing any more 'John was capable of doing more John was capable of doing any more Il en est de même pour des adjectifs marqués qui sont des adversatifs : * He would be stupid to take any more He would be smart to take any more He would be smart to take some more (13) Mais les adjectifs préfixés ne demandent pas de construction avec either et ne nécessitent pas de tag-question affirmative. Ceci parce que les adjectifs marqués tels que reluctant (hésitant), stupid (stupide), etc., s'ils contiennent des traits syntactico-sémantiques négatifs, ne produisent pas des négations propositionnelles. C. Les dérivations : dans tous les cas le constituant Neg est de même nature mais l'histoire de sa dérivation est différente dans le cas de négation syntagmatique, de préfixation négative ou de verbe "adversatif". La portée (scope) de la négation ne porte que sur les constituants qui sont "en construction" avec le constituant Neg. Par "en construction avec" E.Klima entend "qui est dominé par la branche dominant le noeud auquel est attaché l'autre constituant". Soit l'arbre : z

Y n'est pas en construction avec Xg puisqu'il n'est pas dominé par X^ ; Xg et X^ sont en construction avec Xg qui les domine. Pour la négation, il y a négation propositionnelle lorsque le constituant Neg est en construction avec le NP et le VP soit

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(Neg)

NP

Pred

dans ce cas, Neg est aussi indépendant des autres constituants. Une règle de placement l'amène à sa place, soit en position pré-verbale, dans la structure de surface. C'est la dérivation pour une phrase telle que : Adam n'a pas mangé la pomme. Dans la négation de terme, le constituant est attaché à un noeud inférieur et la négation ne porte que sur ce syntagme dominé.

NP

Pred

^NP

V

/ Neg

\

N

Les seuls constituants "en construction" avec Neg rentrent dans le champ de la négation : Cai'n est un non-violent Dans le cas de verbes adversatifs, l'opérateur de négation est inscrit à la base devant le verbe dont il représente une part de la spécification grammaticale et sémantique. Cet opérateur est le même constituant Neg qui marque à la base les phrases avec ne.. .pas et les formes préfixées, mais au cours de la dérivation irëst absorbé et non relocalisé en surface : Soit une phrase comme : Noé refusa l'évidence p^ NP

Pred (Neg +

V)

^ N P

Nous n'examinerons pas tous les cas. E. Klima pense ainsi rendre compte de toute la famille des phrases négatives telles que par exemple : Les insensés n'ont pas tenu compte de leurs erreurs Nul insensé ne tient compte de ses erreurs Jamais les insensés ne tiennent compte de leurs erreurs Les insensés sont incapables de tenir compte de leurs erreurs Les insensés omettent de tenir compte de leurs erreurs Ces phrases ont toutes, à la base, un même constituant Neg mais

la forme et la portée de cet élément dépendent des constituants en construction avec Neg dans la structure constituante de chacune des phrases. Nous aurons l'occasion de revenir sur des points d'analyse particulier en examinant les différentes formes négatives. 1 . 3 . 5 . La transformation négative en français Avant de présenter les récentes interprétations de la négation ; il paraît nécessaire de voir quelle serait en français une analyse proche de celles de R. Lees et E. Klima. Nous nous référerons au travail de N. Ruwet (1968). N. Ruwet fait remarquer l'inadéquation pour le français de la formulation qui consisterait à insérer en surface le formant n e . . -pas à l'aide d'une transformation facultative puis à appliquer la Transi ormation (Aff) qui engendrerait la phrase négative à partir de la phrase noyau. Cette formulation ne peut rendre compte de nombreuses phrases négatives complexes. Par contre si, comme dans la formulation de E. Klima, la négation est facultativement représentée à la base par Neg et amenée en surface à l'aide de règles transformationnelles obligatoires qui dépendent de la place de Neg à la base, on peut rendre compte de différences telles que : Il peut ne pas y croire Il peut n'y pas croire Il peut n'y croire pas Il admet n'y croire pas 11 admet ne pas y croire et d'un certain nombre d'autres phrases négatives. On maintient dans ce cas la solidarité des éléments ne.. .pas. La transformation négative peut être reformulée ainsi ; une fois Neg choisi on peut avoir : - soit une suite : X - (Neg) - TPS - (Adv) - Y - ^ l - n e - 3 - p a s + 4 - 5 1 2 3 4 où X et Y représentent des suites quelconques d'éléments et où TPS + inf. Cette transformation obligatoire permettrait d'engendrer une phrase telle que : Adam nie mangera pas la pomme - soit une suite du type : X - Neg - Y —» 1 - ne + pas - 3 et des règles permettant d'engendrer des phrases telles que : Il peut ne pas croire

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1 . 3 . 6 . Evolution actuelle Il semble cependant que l'analyse de E. Klima ne soit pas suffisante pour rendre compte de certains problèmes posés par les phrases négatives avec quantificateurs et par les relations entre le passif et l'actif de ces phrases. Cette analyse, où est maintenue l'idée que seules les structures profondes servent à l'interprétation sémantique de la phrase, rend difficilement compte des aspects de la signification liés à la portée de la négation, aux présuppositions et au focus. Si nous prenons des phrases telles que : a) Pas une seule flèche n'atteignit la cible b) Une seule flèche n'atteignit pas la cible c) Peu de flèches atteignirent la cible d) Beaucoup de flèches n'atteignirent pas la cible elles ont un sens différent dont ne peut rendre compte la structure de base. La relation entre le passif et l'actif de ces phrases montre que l'ordre de surface des quantificateurs et de la négation joue un rôle déterminant pour le sens. Le passif change la signification d'une phrase active négative avec quantificateur : "La cible ne fut pas atteinte par beaucoup de flèches" a le "même" sens que c) et non pas que d) dont elle est le passif. L'interférence du modal et de la négation pose le même type de problèmes. Jackendoff (1969) en présentant sa "théorie interprétative de la négation" pense que si l'on veut rendre compte de diverses formes de la négation sans perdre la valeur informationnelle de celle-ci et tout particulièrement de celle qui dépend de sa portée (scope), il est nécessaire d'abandonner l'idée que les transformations ne changent pas le sens de la phrase. Il maintient que la structure de surface, déterminant en partie la portée des éléments logiques, doit être pertinente et que beaucoup de phénomènes sémantiques nécessitent d'être interprétés en termes de traits dans la structure de surface. Le rôle de l'intonation par exemple, peut et doit être décisif. "Pierre est en train d'aménager l'électricité, j'ai peur que quelqu'un d'autre le fasse" signifie lorsque l'accent est mis sur "j'ai peur" : "j'ai peur que quelqu'un d'autre que moi arrange l'électricité". Alors que si l'accent est mis sur "quelqu'un d'autre" le locuteur parle de sa peur que "quelqu'un d'autre que Pierre" n'arrange l'électricité . Dans le cas de la négation, lorsque l'élément négatif n'est pas joint à l'élément verbal, le rôle des pré suppositions et celui du champ verbal de la négation sont particulièrement importants. Jackendoff propose donc : a) Que la négation soit engendrée comme un morphème ou comme un trait d'union lexical dans la structure de surface. b) Que Neg ainsi engendré sur un NP, un adverbe, un auxiliaire soit monté au noeud indiquant la portée de cette négation. 17

c) Qu'une règle d'interprétation de la portée (scope-rule) indique la forme logique de la phrase à partir de la structure de surface. Cette règle qui est une règle sémantique n'a pas pour but de modifier la structure de surface mais de donner à partir des structures profondes, des structures superficielles et de l'histoire de la dérivation, l'interprétation sémantique de la phrase. La difficulté des doubles et des triples négations peut ainsi s'expliquer par le nombre de noeuds auxquels la négation est attachée. Il serait possible de changer la signification d'une phrase en modifiant les syntagmes inclus dans le champ de la négation soit en "montant" Neg dans l'indicateur syntagmatique, soit en laissant Neg et en changeant le matériel du constituant. C'est ce qui se passe dans certains cas de passivation. R. Jackendoff pense qu'ainsi sa théorie rend mieux compte des négations non prédicatives et des phrases négatives avec quantificateurs lorsqu'elles sont "passivisées". N. Chomsky (1970) reconnaît, à la suite de ces analyses, que les constructions de la base n'expriment pas toutes les propriétés sémantiques des phrases. Les aspects de la signification liée aux problèmes de "portée", de présupposition, de thématisation, de topic-comment (thème-commentaire) sont déterminés, au moins partiellement, par des propriétés de la structure de surface et des swallow structures (structures peu profondes). Il admet donc qu'il faille modifier la théorie standard pour restreindre la contribution de la base à l'inteiprétation sémantique. Cette nécessité est particulièrement évidente pour la négation. Pour Chomsky l'élément négatif joue un rôle déterminant vis-à-vis de ce qui est présupposé au même titre que vis-à-vis de ce qui est asserté. Cependant, N. Chomsky n'estime pas nécessaire pour rendre compte de cela de compliquer les structures de base (14). Une vue comme celle de Jackendoff lui semble résoudre un certain nombre de problèmes sans remettre en cause le système. Autrement dit, les arguments qui mettent en valeur le rôle des champs et des présuppositions laissent inaffectée l'hypothèse que l'interprétation sémantique est principalement donnée par les relations de la structure profonde, quoique certains aspects de la surface doivent jouer un rôle dans l'interprétation sémantique.

1.4. LES MARQUES DE LA NEGATION

1.4.1. Les opérateurs de négation Nous réserverons le nom d'opérateurs de négation aux marques qui sont l'indice d'une transformation négative. Appliquées à une classe d'énoncés X ces marques les transforment régulièrement en classe 18

d'énoncés Y. A côté de ces marques explicites, on peut relever des marques implicites de négation sémantique. Ces marques n'impliquent pas une transformation telle que nous l'avons définie - elles indiquent que certains termes sont en relation d'opposition avec d'autres termes. Dans l'étude sur l'acquisition de la négation (3e chapitre), nous nous sommes efforcés de tenir compte de tous les types de négation explicites ou implicites. Par contre dans les expériences présentées dans le 4e chapitre, nous avons particulièrement étudié le rôle : a) de la négation syntaxique avec ne^.. .pas, b) de la négation due à des verbes opérateurs, c) de la négation implicite donnée par des verbes inverses non préfixés. 1 . 4 . 1 . 1 . En français, la marque spécifique de la négation est ne.. .pas. Elle indique que l'état ou la relation présenté par le verbe est faux, n'est pas ou n'est pas celui indiqué. A côté de n e . . .pas, existent ne.. .plus, n e . . .jamais, etc., utilisés pour traduire certains aspects de la négation ou pour rendre compte de certaines conditions d'emploi de la négation. N e . . .plus se distingue de n e . . .pas par un trait lié à la durée, il y a obligatoirement sous-jacenr à l'emploi de plus la présupposition que ce qui est nié a été effectivement auparavant. Jamais, guère ont aussi des présupposés spécifiques liés à la durée, à la quantification. Avec ne.. .jamais il y a parcours temporel et négation de l'opération que recouvre jamais (15). 1 . 4 . 1 . 2 . Les verbes à négation inhérente. Dans la grammaire de Port-Royal, le verbe marque "le donné pour vrai" en joignant deux termes qu'il affirme, il est donc défini comme un mot dont le principal usage est de "signifier l'affirmation". Certains verbes ont pour référence d'indiquer qu'une relation entre les termes qu'ils relient ou introduisent n'est pas ou est fausse. Ces verbes tels que nier, douter sont des "opérateurs de négation". Dans la terminologie de E. Klima ils sont classés comme verbes à négation "inhérente". Au plan de la réalisation verbale, ces verbes ont, comme tous les verbes, une valeur d'affirmation mais leur valeur référentielle contient une négation. La relation posée est l'affirmation d'une négation . Lorsque nous parlons de verbes à "négation inhérente ', il est indispensable de délimiter les verbes qui sont en eux-mêmes une forme négative et les verbes qui indiquent l'inversion d'un processus ou le contraire d'un état. Les verbes à négation inhérente selon l'analyse transiormationnelle que nous avons présentée sont marqués à la base comme : (Neg + verbe) et Neg est "absorbé" par le verbe au cours de la dérivation. Le constituant Neg est alors partie inhérente du verbe dont il représente une part de la spécification grammaticale et sémantique. Ces verbes sont des opérateurs qui inversent la valeur de l'énon19

cé qu'ils introduisent : Je dis que vous êtes allé écouter ce discours Je nie que vous soyez allé écouter ce discours Les verbes à négation inhérente sont des verbes performatifs classés par la grammaire classique sous la rubrique de verbe de volition ou de cognition. On trouve des justifications sémantiques et syntaxiques à la position qui veut que ces verbes soient de formes négatives. A) Sur le plan sémantique. On définit généralement la catégorie d'une expression comme celle de l'ensemble de toutes les expressions auxquelles elle est substituable. Les verbes à négations inhérentes peuvent être substitués soit à des verbes avec préfixes négatifs soit à des verbes syntaxiquement niés (ces deux classes étant affectées par des marques négatives) soit à des verbes faisant eux aussi partie de la classe des verbes à négation inhérente (16). D'autre part, un verbe cognitif à négation inhérente peut équivaloir à une négation syntaxique du fait, située dans la subordonnée : Tous affirmèrent qu'il n'était pas le fils de Zeus Tous nièrent qu'il soit le fils de Zeus Tous démentirent qu'il était le fils de Zeus de même croire que ne.. .pas, ne pas croire, peut se substituer à douter. B) Sur le plan syntaxique. Un certain nombre d'arguments viennent appuyer la thèse de "verbes à négation inhérente". En effet, les traits contextuels - traits syntaxiques - liés aux traits sémantiques inhérents exigent, pour les verbes performatifs négatifs, des types de complémentations comparables à celles que demande la transformation négative. 1 . 4 . 2 . Les marques non transformationnelles 1 . 4 . 2 . 1 . Le statut des termes en opposition. Nous n'avons traité jusqu'alors que des marques négatives explicites ou inhérentes issues d'un constituant faisant partie en tant que tel de la structure de base. Selon J . Fodor et J . Katz (1963), les mots ne doivent pas être traités comme des "tout" mais comme une "composition" de marques sémantiques et syntaxiques ; les marques sémantiques spécifient quelque chose à propos de la signification de l'item lexical. Dans ce cadre, les termes de paires antonymes peuvent être considérées comme ayant les mêmes entrées, les mêmes marqueurs dans le dictionnaire subjectif, avec cependant pour le terme "négatif" ou "marqué" un trait supplémentaire indiquant la polarité. La nature de la relation conceptuelle entre des adjectifs opposés, par exemple, serait due au trait supplémentaire de l'adjectif négatif (17). Les énoncés en opposition posent des problèmes nouveaux. Leur valeur est relationnelle. Il ne s'agit pas de négation introduite transformationnellement mais du rôle de termes dont l'un possède un trait 20

qui l'oppose sur un continuum de valeur ou d'action à un autre terme. Ces formes ne peuvent donc être traitées au même titre que les autres formes négatives. On peut d'ailleurs discuter sur la "négation" introduite par ces termes. Le contraire ou l'inversion d'un procès ne sont pas des négations au même titre que l'annulation. Cependant, au point de vue sémantique, le contraire et l'inversion ne peuvent être exclus d'une étude sur la négation. De plus, des critères de substitution justifient l'étude des adjectifs antonymes et des verbes inverses ou contraires dans le cadre de la négation. Cependant, la forme de négation qu'ils introduisent est qualitativement différente de la négation transformationnelle. Nous ne traiterons pas le cas des adjectifs sur lesquels ont porté un grand nombre d'études théoriques ou expérimentales. Nous allons présenter le cas des verbes que dans la suite de cet ouvrage nous appellerons "verbes sémantiquement négatifs". Ces verbes indiquent un état "négatif" ou l'inversion d'un procès. Ce ne sont pas des opérateurs de négation. 1 . 4 . 2 . 2 . Les verbes inverses et les verbes contraires. Ces verbes diffèrent des verbes à négation inhérente en ce sens qu'ils ne sont pas des "opérateurs". Ils n'inversent pas la valeurs de la clause qu'ils introduisent : Il sait que Pierre est parti Il ignore que Pierre est parti dans les 2 cas : "Pierre est parti". Ils n'introduisent pas de contraintes syntaxiques comme la forme subjonctive pour le verbe de la subordonnée : Il sait que tu viens Il ignore que tu viens La distinction entre les verbes inverses et les verbes contraires s'appuie sur des problèmes liés à l'état et au procès. A) Les verbes contraires. La négation d'état donne un autre état contraire du premier ; elle peut se faire avec un opérateur ou un lexème : Il aime - Il n'aime pas - Il hait Les verbes contraires sont les lexèmes verbaux qui expriment un état contraire d'un item verbal, état considéré comme négatif par rapport à l'état opposé. L'analyse des verbes d'état se rapproche de celle des adjectifs. Si on applique au verbe contraire V^ la négation on obtient l'état défini par V : Il n'ignore pas = Il sait Il y a cependant des nuances qui justifient l'emploi d'une double négation à la place d'une affirmation simple : Va, je ne te hais point (Racine) B) Les verbes inverses. Il y a deux façons de nier un procès : 21

- Premièrement, on peut appliquer, comme dans la négation d'état, un opérateur de négation. C'est la procédure transformationnelle. - Deuxièmement, on peut exprimer l'inverse de ce procès, c'està-dire utiliser un verbe V_ ^ indiquant une action annulant l'action décrite par un verbe Vj. Ce verbe est un verbe inverse. L'action ramenant une situation obtenue à une situation de départ peut être due à des verbes préfixés en dé. Dans ce cas elle se marque par des procédés transformationnels. Mais elle peut également s'exprimer par des items verbaux n'ayant aucune marque négative en surface ni aucune des caractéristiques des verbes à négation inhérente . Ces items verbaux, que nous appellerons les verbes inverses, indiquent une annulation par procédé de reversion : ouvrir /fermer allumer/ éteindre mettre/ôter, enlever unir/séparer donner/retenir Le type de négation dépendant des verbes inverses est lié à l'aspect. Lorsque l'action est envisagée dans l'instant ces verbes ont des relations inverses : J'ai ouvert fait passer de "l'état fermé" à "l'état ouvert" J'ai fermé fait passer de "l'état ouvert" à "l'état fermé" Lorsque les verbes inverses sont employés en statifs ils ont entre eux des rapports contradictoires comme ceux des verbes contraires ou des adjectifs polaires. 1 . 4 . 2 . 3 . Les relations entre les verbes inverses. Les relations entre les verbes inverses préfixés sont constantes, cela justifie leur séparation d'avec les verbes inverses non préfixés. Un verbe préfixé présuppose toujours l'état résultant de l'action indiquée par le verbe non préfixé : Pour décharger X il faut que X ait été chargé Pour découvrir X il faut que X ait été couvert L'analyse des verbes inverses non préfixés montre qu'au contraire, on peut trouver plusieurs types de relations entre les couples. Premièrement, le verbe "négatif" peut impliquer que soit présupposée l'action indiquée par le verbe positif. Nous retombons là dans un cas analogue à celui des verbes préfixés : Pour enlever X il faut que X ait été mis Dans un deuxième cas le verbe "négatif" et le verbe "positif" sont tous deux marqués par rapport à un verbe neutre, ils ont alors les mêmes présuppositions : Pour oublier X il faut avoir su X Pour se rappeler X il faut avoir su X 22

Enfin, dans certains cas le verbe "positif" implique un état résultant du verbe à valeur négative. Ce cas est plus complexe et moins fréquent (18) : Pour trouver X il faut que X ait été perdu Il est donc difficile de suivre C. Fillmore (1968) lorsqu'il avance que le verbe inverse "négatif" est le verbe "positif" plus une marque supplémentaire. Cette position ne pourrait être soutenue que pour les verbes préfixés. Pour les autres il n'y a certainement pas simple addition d'un trait sur un verbe positif mais une composition de différentes modalités aspectuelles qui vient se surimposer à l'inversion d'un procès marqué dans l'un des verbes par un trait sémantique. Le verbe de référence peut être soit le verbe "positif" soit un verbe neutre.

NOTES 1. La marque peut n'être qu'une intonation systématique comme dans la langue peulh. 2. En chinois, l'interrogation alternative s'exprime habituellement par la répétition du verbe avec une négation, soit V + Neg + V (A. Rygaloff "Négation et antynomie", Journal de psychologie normale et pathologique, 3, 1958, p. 135). 3. Par syntaxe, nous entendons l'ensemble des règles qui concernent le rôle et les relations des mots dans les p h r a s e s . 4. Par lexique nous entendons les unités de signification en tant que composantes internes de la forme linguistique. 5. N. Chomsky distingue deux niveaux de structure de la langue, le premier niveau ou niveau sous-jacent est celui de la structure profonde des phras e s . Ce niveau est abstrait et sert pour rendre compte de l'interprétation sémantique de la p h r a s e . Le second niveau est celui de la structure de surface qui rend compte de la structure de la phrase telle qu'elle apparaît comme é noncé physiquement décelable. Toutes variations entre la structure de base et la structure de surface sont dues à des opérations qui sont dites "de t r a n s formation". 6. N. Chomsky, Syntactic structures. 1957, traduction française : Struct u r e s syntaxiques, P a r i s , 1969, p. 50. 7. La flèche indique une règle de r é é c r i t u r e . 8. Nous laisserons en anglais les phrases sur lesquelles les analyses ont été faites au cours des études sur la négation en anglais. Nous en donnerons la traduction et/ou l'équivalence chaque fois qu'il en s e r a nécessaire pour l'intelligence du texte. 9. Transformation affixe : analyse structurelle X - Aff - V - Y changement structurel X^ - Xg - Xg - X^ —> X^ - Xg - Xg - X^ 10. Transformation adjonction de "do" : analyse structurelle / Aff changement structurel X^ - Xg —» X^ - do - Xg 11. L'interrogation du type "n'est-ce pas" en français est au négatif en anglais quand elle suit une phrase affirmative ou à l'affirmatif quand elle suit une phrase négative. 12. Les t e r m e s "adversatifs" sont ceux qui contenant un trait syntaxicosémantique tel (+ Affect), ont le même effet que les items avec des préfixes négatifs. 23

13. Chaque fois que cela est possible nous donnerons des exemples de phrases en français dont la construction suit des règles équivalentes. Nous laisserons les exemples en anglais lorsque ce sont les phrases sur lesquelles ont travaillé les auteurs anglais et lorsque les constructions n'ont pas d'équivalent en français. 14. Cette position est celle des théoriciens de la sémantique générative. 15. Catherine Fuchs, Contributions préliminaires à la grammaire de reconnaissance du français, thèse de doctorat de 3e cycle, 1971. 16. On peut signaler dès maintenant que cet argument ne joue pas pour les verbes "inverses", qui ne sont substituables aux verbes positifs syntaxiquement négatifs que dans la négation de l'état et non dans celle de procès. 17. Nous appellerons "traits sémantiquement négatifs" les traits qui marquent le verbe ou l'adjectif à valeur négative dans des couples d'inverses ou de contraires. 18. J . L . Borges, "TlOn U Q barOrbis Tertius", Fictions, "Ils répétèrent que c'était une duperie verbale fondée sur l'emploi téméraire de deux néologismes non autorisés par l'usage et étrangers à toute pensée sérieuse : les verbes trouver et perdre qui comportaient une pétition de principe parce qu'ils présupposaient l'identité des pièces."

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2. ETUDES PSYCHOLINGUISTIQUES DE LA NEGATION

2.1. INTRODUCTION

Historiquement, les premières études sur les énoncés négatifs ont été liées aux travaux effectués sur la formation de concept et sur les solutions de problèmes. En effet, il est apparu que la présentation d'exemples négatifs d'un concept rendait plus difficile l'appréhension de ce concept. A la suite des travaux de K. Smoke (1933), des auteurs parmi lesquels C. Hovland et W. Weiss (1953), J. Bruner, S. Goodnow et G. Austin (1956), J. Huttenlocher (1962), ont entrepris des recherches systématiques sur ce problème. Dans ces tâches de solution de problèmes ou de formation de concepts qui mettent en jeu aussi bien un codage linguistique, il est apparu qu'à niveau d'information égale, la tâche des sujets recevant des énoncés positifs est facilitée par rapport à celle des sujets recevant des énoncés négatifs. Il semble donc que le taux d'information fourni ne soit pas en cause mais le mode sur lequel cette information est fournie. Cela a suggéré à C. Hovland l'hypothèse que le codage de l'information se ferait sous forme de "possibilités". Chaque exemple supplémentaire donné permettrait alors d'éliminer une partie des "possibilités" en jeu. S'il en est ainsi, un exemple présenté sous forme négative oblige le sujet à une "traduction" en forme affirmative afin de rendre cet exemple congruent avec les "possibilités" préalablement élaborées sous forme affirmative. L'hypothèse de la nécessité d'une conversion de l'énoncé négatif en une forme affirmative, lors du codage, a été à la base de presque toutes les recherches effectuées mais cette hypothèse a été posée dans le cadre de problématiques très diverses. Les chercheurs ont essayé de déterminer pourquoi le traitement des phrases négatives présentait des problèmes. Les uns se sont intéressés à la nature générique de l'opération de négation et ont cherché à expliquer par la transformation linguistique elle-même, les conséquences au niveau du fonctionnement psycholinguistique ; les autres se sont davantage centrés sur les problèmes de la nature de l'opération de négation, et sur les problèmes posés par son fonctionnement au niveau de la communication. La plupart de ces travaux ont été faits dans une optique très limitée par rapport aux facteurs en jeu. C'est pourquoi une coupure nette entre les diverses tendances de recherche est largement arbitraire ; elle est cependant nécessaire pour nous 25

permettre de traiter les travaux qui ont eu lieu depuis 1960. Nous verrons d'abord les études portant sur la nature générique de la négation et sur l'évolution des positions qui, partant de recherches sur la "réalité psychologique" de la transformation négative, aboutissent à l'étude des négations sémantiques. Nous verrons ensuite les études sur le rôle fonctionnel de la négation, ces études sont actuellement très restreintes. Entre les deux nous présenterons des modèles qui procèdent des études sur la vérification des phrases dans lesquelles les sujets ont à comparer et juger deux situations successives. 2.2. ETUDES SUR LA "REALITE PSYCHOLOGIQUE" DE LA TRANSFORMATION NEGATIVE Une des approches essentielles pour expliquer les données de performance est liée aux positions théoriques de N. Chomsky. En effet, les psycholinguistes se sont immédiatement intéressés aux notions abstraites exposées dans Syntactic structures. Fondé sur l'idée "qu'une théorie linguistique a une réalité psychologique quand on peut démontrer que la dite grammaire est une partie intégrante de la performance" (J. Mehler, 1967), il s'est développé un courant de recherche se proposant de démontrer et de mesurer l'adéquation des notions introduites par N. Chomsky avec les données de performance. Dans Syntactic structures la phrase négative présente, parce qu'elle a subi des transformations non obligatoires, une complexité syntaxique plus grande que la phrase affirmative. Les psycholinguistes ont pensé que cette complexité doit nécessairement être co-reliée à des variations de comportement lors de la compréhension, la production et la mémorisation des phrases. La difficulté des phrases négatives n'est donc, dans cette optique, plus liée aux implications logiques ou type d'information que ces phrases véhiculent mais relève de leur dérivation. Cette problématique a été à l'origine des expériences de G. Miller (1962), J . Mehler (1963) (1), L . E . McMahon (1963) (2), H. Savin et E. Perchonock (1965) (3), P. Gough (1965) (4). A partir des recherches effectuées on a pu avancer que : 1) Lors de la mémorisation de phrases isolées, il y a des effets systématiques liés à la forme syntaxique des phrases stimulus. Ces effets concordent avec l'idée que les phrases sont codées sous la forme d'une phrase "noyau" à laquelle s'ajoutent les marques syntaxiques pertinentes pour indiquer les transformations facultatives nécessaires à la dérivation de la phrase mémorisée (5). Ainsi pour une phrase négative, le codage se fait sous une forme affirmative avec une indication supplémentaire qui marque la forme négative. 2) En compréhension, le nombre des transformations facultatives subies par une phrase influe sur les performances des sujets lors de 26

processus de vérification. Les données de performances n'infirment pas les grammaires transformationnelles et certains auteurs, tel que F . Gough ont été jusqu'à affirmer que la complexité psychologique d'une phrase (mesurée par le temps mis pour vérifier cette phrase) serait une fonction linéaire du nombre de transformations appliquées à cette phrase. Cependant cette position ne peut être soutenue. En effet : a) Les ordres prédits par la grammaire transformationnelle ne coïncident pas toujours avec ceux des données expérimentales. Ainsi, dans certaines tâches de compréhension, les temps de latence pour répondre à des phrases négatives sont plus longs que les temps de latence pour les phrases passives. Selon les analyses transformationnelles, les phrases passives devraient être plus difficiles. b) Les règles grammaticales ne sont pas seules en jeu, le lexique interfère avec la forme syntaxique (L. McMahon 1963). c) Les données obtenues ne sont pas stables sous toutes les conditions. Il est nécessaire de tenir compte de la nature de la tâche, de l'âge des sujets, etc. d) Enfin, les résultats obtenus ne sont valables que dans les limites étroites d'une utilisation particulière du langage, en fait pour des phrases isolées. L'abandon d'une interprétation à un niveau purement syntaxique de la complexité des phrases négatives s'imposait d'autant plus qu'une évolution dans le domaine théorique affaiblissait la notion des transformations facultatives. Les principaux auteurs ont donc infléchi leur ligne de recherche en remarquant que les travaux réalisés avaient cependant permis de montrer l'importance, dans la mémorisation des phrases et pour leur vérification, de là forme logique minimale (6) de ces phrases. En concluant que c'est sous une forme signifiante minimale que les sujets codent le matériel, on écartait une première erreur qui avait été de confondre cette forme logique avec la "phrase noyau" (phrase envisagée sous un angle purement syntaxique) sans tenir compte du composant sémantique c'est-à-dire des items lexicaux, de leurs relations logiques au niveau de la base et des règles de projections (7). Une erreur d'un autre niveau a consisté en la généralisation abusive d'un modèle présenté pour rendre compte de la mémorisation de phrases. La part des processus spécifiques en jeu dans les diverses modalités de réalisations linguistiques se trouvait éliminée. 2 . 3 . LE CODAGE DU SENS Le lexique est un des composants de forme abstraite, c'est dire que les traits syntaxico-sémantiques qui définissent un terme sont inclus dans la forme minimale. Ils doivent donc influer, au même titre que les marques syntaxiques, sur le comportement verbal. La forme logique minimale codée par les sujets est une forme signifiante. 27

Une des première expériences permettant de voir le rôle du sens d'une phrase en le libérant de variation sur le seul paramètre syntaxique est celle de S. Fillembaum (1966). Celui-ci étudie les variables sémantiques en sélectionnant des phrases qui ont des significations identiques (ou très proches) avec des réalisations de surface différentes. Ainsi une phrase syntaxiquement négative telle que : "le pompier n'est pas mort", a le même sens et une forme différente que la phrase affirmative : "le pompier est vivant". En variant la forme syntaxique et en substituant des termes antonymes, on obtient des phrases qui ont les mêmes significations à travers différentes réalisations. Les résultats indiquent, dans une tâche de reconnaissance, que les sujets font plus d'erreurs qui préservent la signification que d'erreurs allant dans le sens d'une simplification syntaxique ; les phrases affirmatives sont cependant favorisées lorsqu'elles peuvent être utilisées à la place de phrases négatives. La tendance au codage du sens n'est pas un phénomène surprenant, il permet une réduction rapide et rentable de l'information reçue. Dans un cadre expérimental où les formes négatives sont "gratuites ", c'est-à-dire qu'elles sont imposées par le dessin expérimental et non nécessitées par le contexte linguistique ou situationnel, le sujet a intérêt à retenir l'information sous sa forme la moins lourde. Dans cette expérience, il est certain qu'une phrase comme "le pompier est vivant" est plus simple que la phrase "le pompier n'est pas mort". Cependant, le codage de la forme, nécessaire au sens, peut être favorisé dans certaines situations. Les sujets n'utiliseront pas le même codage pour une phrase doublement négative dans un contexte expérimental et pour l'énoncé doublement négatif inséré dans une série énonciative avec sa modalité nécessaire. Avec une expérience très semblable à celle de S. Fillembaum, P . C . Wason et E. Cornish (1970) ont obtenu des résultats moins favorables à l'idée d'un codage uniquement sémantique ; il est évident que l'on peut, dans une certaine mesure, induire expérimentalement certains types de mémorisation. 2.4. ROLE DES ITEMS LEXICAUX Le rôle de l'item lexical, en tant qu'indice de négativité ou de connotation négative, a été peu étudié. L. McMahon (1963) remarquait, en vérifiant l'effet des transformations facultatives, qu'un terme comme never (jamais) influait sur les performances des sujets. Il en concluait que même non transformationnelle la négation peut accroître les temps de latence. Cependant E. Klima (1964) rendant compte des adverbes négatifs tels que never en indique l'origine transformationnelle et montre qu'ils sont marqués à la base comme les négations syntaxiques. D'autres expérimentateurs se sont proposé d'étudier les effets de termes négatifs d'origine transformationnelle. H. Olds (1968) (8), S. Jones (1966) (9), 28

A. Sherman (1970) (10) ont relevé des effets comparables pour des phrases syntaxiquement négatives et des phrases contenant un terme négatif d'origine transformationnelle. Cependant, on obtient également des variations dans le comportement lorsqu'on présente des phrases qui contiennent les termes marqués de couples à relations antonymes. On comprend dans ces conditions qu'il faille modifier l'approche tendant à rapporter à la transformation issue d'un opérateur de négation la responsabilité des effets remarqués avec les phrases négatives. Les termes antonymes étudiés - qui peuvent s'opposer sur des continuum de valeur objective ou de valeur subjective - ne semblent cependant pas donner lieu aux mêmes effets que les négations syntaxiques. Il existe une hiérarchie dans les effets (H. Clark 1970). Le rôle des adjectifs contraires est moindre que celui des adjectifs préfixés et n'est vraiment significatif que dans les cas où ces adjectifs se trouvent dans des phrases déjà négatives (A. Sherman 1970). La diversité du statut et des fonctions des négations se reflète au niveau des performances. Dans quelle mesure peut-on interpréter ces résultats ? A. Sherman propose une analyse en termes "d'incertitude de sens". Cette notion se rapprocherait de celle de la portée (scope) de la négation. Plus la portée de la négation serait importante, plus la phrase serait difficile à traiter parce que serait laissé plus indéterminé ce sur quoi porte la négation. Nous verrons avec les analyses de H. Clark l'ambiguïté de cette position qui confond la portée syntaxique de la négation et ses incidences sémantiques. Nous pouvons rapprocher des études sur les termes sémantiquement négatifs la recherche de E. Eifermann (1961). Celle-ci pense que la difficulté induite par la négation relève plus de la connotation prohibitive de l'opérateur de négation que de sa fonction logique ou que de la forme de la phrase. Il semble - d'après la comparaison des deux opérateurs de négation en hébreu - qu'une connotation péjorative induise à des effets plus importants. 2 . 5 . H. CLARK : LES PROPRIETES PSYCHOLOGIQUES DES NEGATIONS

Nous présenterons ici la tentative de H. Clark pour traiter la négation de façon "uniaire". Après avoir tenté d'établir expérimentalement une hiérarchie des différentes négations, H. Clark propose de séparer les négations explicites dues à des marques négatives et les négations implicites dues, par exemple, à des termes antonymes. Pour chacun de ces groupes il distingue, d'autre part, les négations qui s'appliquent à la proposition toute entière et celles qui "quantifient" cette proposition. H. Clark entend par là les négations qui ne portent que sur une partie de la proposition. Pour H. Clark, il y a utilisation de négations explicites lorsque 29

l'on veut dénier des "croyances" positives d'un interlocuteur, alors qu'il y a utilisation de négations implicites lorsqu'il s'agit de confirmer les "croyances" négatives de cet interlocuteur. Ainsi, si je pense que mon interlocuteur croit que "Jean est là", j'indiquerais que cela n'est pas vrai en disant : a : "Jean n'est pas là" que H. Clark analyse : a' : (il est faux (de supposer (que Jean est là))) Par contre, si je pense que mon interlocuteur croit que "Jean n'est pas là" je dirais : b : Jean est absent Soit : b' : (il est vrai (de supposer (qu'il est faux ( que Jean soit là)))) Ainsi les négations explicites nieraient vraiment alors que les négations implicites ne feraient, en fait, que confirmer des présomptions négatives. Les résultats expérimentaux de H. Clark montrent que si les deux types de négations rendent des phrases plus complexes à vérifier que les phrases affirmatives, les négations explicites sont nettement plus difficiles que les négations implicites. Les explications de H. Clark portent sur plusieurs niveaux. Les négations explicites seraient plus difficiles parce qu'elles seules nieraient vraiment et parce que leur portée serait plus "grande". Si nous reprenons le parenthésage proposé pour les phrases a et b nous voyons en effet que dans a', il est faux que porte sur (de supposer que Jean est là), alors que dans b', il est faux que ne porte que sur (Jean est là). Avec cette interprétation, H. Clark pose des problèmes sémantiques au niveau de la pragmatique et réciproquement sans distinguer clairement les niveaux d'étude. Si on reste au niveau des présomptions subjectives on ne voit pas ce qui permet de les faire rentrer dans une analyse de la portée de la négation. Le parenthésage proposé par H. Clark doit être général puisqu'il doit rendre compte du traitement des négations explicites et implicites. Or ce parenthésage dépend d'une analyse de "suppositions" dont le statut n'est ni défini ni facilement définissable. Rien ne permet de confondre avec les présupposés des phrases, les présomptions de ce que l'interlocuteur est censé penser pour que le locuteur produise un type spécial de phrase. Si les aspects présuppositionnels d'un énoncé incluent les conditions qui doivent être satisfaites pour que cet énoncé soit dans sa totalité une déclaration valable, aucune des conditions avancées par Clark n'est de cette nature. Dans cette étude, le problème de la portée de la négation est lié à un parenthésage arbitraire qui prend en considération les "suppositions". Cette question pourrait être plus valablement défendue. Une autre critique porte sur la problématique expérimentale qui fonde ces interprétations. Nous en parlerons plus en détail au paragraphe suivant, en présentant les expériences qui lient l'étude de la 30

compréhension et du traitement des phrases à la vérification de ces phrases en fonction d'un réfèrent les rendant vraies ou fausses. Cependant il faut dès maintenant indiquer les limites de cette technique qui met en jeu les rapports d'une proposition et de son réfèrent et non pas, comme on a pu le donner à penser, les rapports d'un énoncé et de son champ d'existence et de validité.

2 . 6 . ETUDES SUR LA VERIFICATION DES PHRASES NEGATIVES

Les expériences dont nous allons parler ont lié le problème du traitement des phrases négatives à celui du vrai et du faux par des techniques expérimentales où les sujets doivent soit produire, soit vérifier des phrases en fonction d'un réfèrent. Dans toutes les situations que nous allons présenter, les sujets ont à reconnaître, évaluer, comparer et juger deux situations successives : une phrase et un "événement" du monde réel. Après comparaison, le processus se termine par une décision et une réponse. Ces expériences ont toujours porté sur la vérification de phrases isolées. Ce sont ces types d'expériences qui justifient les modèles de la négation dont nous parlerons ensuite. P . C . Wason (1959) a mesuré le temps mis pour compléter des phrases affirmatives ou négatives de façon à les rendre vraies ou fausses en fonction d'une situation objective. Quatre combinaisons sont possibles : les phrases affirmatives vraies, les phrases négatives vraies, les phrases affirmatives fausses et les phrases négatives fausses. Les phrases affirmatives vraies et négatives fausses fournissent une inférence valide sur ce qu'est la situation, les phrases affirmatives fausses et négatives vraies sur ce que n'est pas la situation. L'auteur obtient les résultats suivants (temps moyen, en secondes, pour compléter les phrases) : Phrase affirmative vraie 8.99 Phrase affirmative fausse 11.09 Phrase négative vraie 12. 58 Phrase négative fausse 15.17 Il trouve que la forme et la vérité sont additives dans leurs effets. En effet, les processus en jeu sont de 2 sortes. Tout d'abord ceux qui sont liés à la forme syntaxique : lorsque la phrase est négative le sujet doit la convertir en affirmative pour pouvoir la "comparer" au réfèrent. Ensuite ceux qui dépendent de l'accord ou du désaccord avec l'image : si il y a désaccord la réponse devrait être plus lente (T. Trabasso 1971). Il est nécessaire d'inverser la réponse, que celle-ci soit ou non en accord avec l'image, lorsque la phrase est négative puisque la vérification est faite à partir d'un codage positif. L'ordre obtenu par P . Wason (1959-1961) et par L. McMahon 31

(1963) n'a pas toujours été retrouvé. P.C. Wason et Jones (1963), P. Gough, P. Slobin (1964), R. Wales et R. Grieve (1970), H. Clark (1971), T. Trabasso (1971) remarquent que les phrases négatives fausses sont plus faciles à vérifier que ne le sont les phrases négatives vraies. La divergence de résultats peut venir soit de la tâche demandée soit du matériel linguistique utilisé et des processus en jeu. A) McMahon (1963) et T. Trabasso (1971) remarquent que si l'on présente le réfèrent objectif avant de présenter la phrase à vérifier, les phrases négatives fausses sont vérifiées plus rapidement. Au niveau de la tâche demandée D. McNeill (1966) fait remarquer qu'il n'y a pas symétrie dans la valeur de la fausseté et de la vérité pour les phrases affirmatives et négatives. Lorsqu'une phrase "est" la description d'une image, la nier implique une négation d'existence. En revanche quand la tâche consiste à juger de la véracité des phrases, un jugement de fausseté implique une négation de la vérité. Ces deux types de négation sont différents. Les interactions révèlent la difficulté de combiner l'affirmation avec le déni. Dans ces conditions, les jugements positifs de vérité doivent être plus faciles pour les phrases affirmatives vis-à-vis de l'existence tandis que les jugements négatifs de vérité sont facilités par des phrases négatives au point de vue de l'existence. Il est possible d'expliquer ainsi que les phrases fausses négatives soient favorisées vis-à-vis des vraies négatives. B) Cependant, il semble surtout que les résultats obtenus dépendent des possibilités de codage des phrases. Lorsqu'il s'agit de phrases négatives avec un terme antonyme, le sujet a la possibilité de les convertir en phrases affirmatives en substituant au terme nié son antonyme. Ce processus ne peut être utilisé pour toutes les phrases négatives. Les divergences remarquées tiendraient donc au type de codage qu'adoptent les sujets. P.C. Wason et S. Jones (1963) ont remarqué que les résultats obtenus dépendent des heuristiques que les sujets disent avoir suivies. Ainsi, quand la stratégie suivie est l'inversion du prédicat, les phrases négatives vraies sont plus faciles à vérifier, lorsque les sujets n'adoptent pas cette stratégie, ces phrases sont plus difficiles à vérifier que les négatives fausses. Une expérience de T. Trabasso (1971) où l'auteur a étudié séparément les temps de codage et ceux de vérification, indique que les négations affectent particulièrement les temps de codage et influent peu sur les temps de vérification. Cela appuie les hypothèses qui posent que les phrases négatives sont codées sous forme affirmative.

2.7. LES REPRESENTATIONS SCHEMATIQUES

Les modèles proposés sont en fait des représentations schématiques du traitement des phrases négatives. Dans les modèles de P. Wason 32

(1961), H. Clark (1970), T. Trabasso (1971), les deux opérations de base sont : - le codage du matériel sous une forme telle qu'il puisse être comparé, - la comparaison des représentations codées. Tous les auteurs proposent un codage sous forme affirmative. C'est la seule forme qui puisse autoriser une recherche comparative directe avec les événements du monde extérieur. H. Clark (1970) présente "The true model of négation" (Le vrai modèle de la négation) qui doit permettre de traiter toutes les phrases négatives. Il le complète cependant en présentant des méthodes de conversion qui peuvent être uniquement utilisées lorsqu'il y a possibilité de convertir une phrase négative en une phrase affirmative par inversion du prédicat. L'utilisation alternative de l'une ou l'autre méthode doit rendre compte de la différence des temps que l'on remarque dans la vérification des phrases négatives vraies et des phrases négatives fausses. "The true model of négation" comprend quatre étapes. Premièrement, on recode la phrase négative dans une structure de base universelle "la comparaison n'opère ni sur les structures de surface ni sur des représentations ininterprétées, il y a traduction nécessaire dans une structure de base universelle qui n'est celle d'aucune théorie linguistique mais de toutes" (H.. Clark, 1971). Cette structure de base est enchâssée dans une suite indiquant qu'il est faux q u e . . . Par exemple pour la phrase "A n'est pas au-dessus de B" la représentation serait : Il est faux que (A au-dessus de B) où il est faux que est l'enchâssante et A au-dessus de B est l'enchâssée. Deuxièmement, il y a codage de l'image à vérifier sous une même forme c'est-à-dire avec les mêmes termes. Les deux imputs doivent avoir des représentations congruentes. Par exemple l'image de référence représentant A au-dessus de B serait codée : (A au-dessus de B). Troisièmement, on compare les deux représentations. C'est à cette étape qu'ont lieu les opérations mentales qui doivent amener à constater un accord ou un désaccord entre les deux représentations après comparaison des suites enchâssées et enchâssantes de ces représentations. Ces opérations incluent les processus suivants : A) Comparer la proposition enchâssée de la phrase et de l'image. a) Si elles concordent : aller en 2. b) Si elles ne concordent pas : aller en 1 a). 1 a) Changer la valeur de l'index de vérité en la valeur opposée et aller en 2. B) Comparer la suite enchâssante de la phrase et de l'image. a) Si elles concordent : arrêter. b) Si elles ne concordent pas : aller en 2 a. 2 a) Changer la valeur de l'index de vérité en son opposé puis arrêter. 33

A la quatrième étape il y a uniquement traduction de la réponse trouvée en réponse de forme appropriée Les quatre étapes se succèdent, elles sont constantes, la troisième prend d'autant plus de temps qu'il y a plus d'opérations à effectuer. Les réserves que l'on peut faire sont nombreuses et se situent à des niveaux différents. H. Clark propose ce schéma sans en donner le modèle d'utilisation, sans en proposer les règles d'usage. Il ne dit pas comment, par exemple, on passe à une représentation supérieure à la première étape. De plus il considère ce modèle comme valable pour le traitement de toutes les négations. En effet, si dans certains cas, les sujets utilisent la méthode de conversion il n'en reste pas moins vrai pour H. Clark que "The true model" est le modèle général puisqu'il est utilisable dans tous les cas. Les justifications expérimentales sur lesquelles H. Clark s'appuie ne touchent qu'un domaine très étroit. Il est pour le moins hasardeux de généraliser les processus en jeu dans la vérification de la concordance ou de la non-concordance d'une proposition et de son réfèrent à un modèle devant rendre compte de la compréhension de tous les énoncés négatifs. Le domaine associé pour un énoncé de la langue ne peut être arbitrairement réduit. Le schéma proposé ne peut rendre compte des modalités propres à certains énoncés négatifs, pour reprendre un exemple typique nous dirons que les doubles négations ne peuvent être vraiment traitées selon ce schéma. T. Trabasso, H. Rollins et E. Shaughessy (1971) proposent un modèle plus approfondi et restent prudents en spécifiant que ce modèle ne peut rendre compte que des processus en jeu lorsqu'il y a traitement de deux inputs successifs dans des situations de résolution de problèmes ou des tâches de vérification. En s'appuyant sur toute une série d'expériences et en particulier sur des expériences avec des connectifs et des disjonctifs, T. Trabasso avance qu'il y a un processus séquentiel de l'information. Ce processus consiste en une recherche séquentielle de l'adéquation entre l'exemple codé et la représentation codée du concept. Les phases successives sont les suivantes : 1) Codage du matériel de façon à ce qu'il puisse être comparé. Le contenu de l'input est représenté sous forme affirmative. Les phrases négatives qui incluent des valeurs binaires peuvent être converties par inversion du prédicat. Cette transformation a lieu avant le processus de vérification. Les phrases négatives dont le prédicat ne peut être inversé sont codées sous forme affirmative avec adjonction d'un indice qui amènera le changement nécessaire de la réponse. C'est principalement le temps mis pour ce codage qui rend les phrases négatives plus longues à vérifier que les phrases affirmatives. Le stade du codage et celui de la vérification sont distincts. Ce n'est que lorsque les données se présentent sous forme adéquate que commence la vérification. 2) Recherche de l'identité entre les représentations codées des exemples ou de l'exemple et du concept : le processus est séquentiel. La comparaison se fait en série avec des temps de départ différents pour les phrases avec connectifs ou avec disjonctifs. Lorsque la nature logique du matériel à vérifier ne permet pas au suj et de se donner des règles d'arrêt, celui-ci effectue une recherche 34

exhaustive. Cependant ce type de recherche représente l'exception. T. Trabasso pense que les sujets adoptent des arbres minimaux pour tous les connectifs qui permettent une recherche avec règle d'arrêt. Quand ces sujets doivent faire des recherches exhaustives, comme dans le cas de règles biconditionnelles ou des disjonctifs exclusifs par exemple, les temps de réaction augmentent avec le nombre des différences et des changements. Les auteurs rejettent l'idée d'un modèle de traitement parallèle ; ils estiment que les résultats empiriques ne concordent pas avec les prédictions de ce modèle. Cependant, ils admettent qu'il puisse y avoir des recouvrements partiels dans les recherches en série. A partir de ce modèle, T. Trabasso analyse les résultats expérimentaux portant sur la vérification de phrases négatives, et considère comme prouvé que la recherche des différences entre les représentations codées prend plus de temps que la détection de leur concordance (11). L'analyse se présente ainsi : A) Dans le cas d'alternatives non binaires : - La phrase affirmative vraie peut être directement codée, et sa vérification est rapide puisqu'il s'agit de trouver une identité. - Les phrases affirmatives fausses sont plus longues à vérifier puisque la non-identité allonge le temps de vérification. - Les négatives vraies demandent un codage à l'affirmatif plus une vérification de la non-identité donc une recherche longue enfin elles exigent une inversion de la réponse. - Les négatives fausses demandent également un codage à l'affirmatif mais on peut obtenir plus vite la réponse puisqu'il s'agit de trouver l'identité. Elles sont donc vérifiées plus rapidement que les vraies négatives. B) Dans le cas d'alternatives binaires, si les phrases affirmatives restent toujours plus facile à vérifier, la phrase négative fausse devient plus difficile que la négative vraie. En effet, pour celle-ci, seule est nécessaire l'opération de conversion qui précède la vérification. Les phrases négatives fausses exigent, en plus de cette opération, une recherche de non-identité. Ces modèles ou plutôt ces représentations schématiques présentent un certain intérêt pour rendre compte de la vérification d'hypothèses présentées sous formes d'exemples et se rapportant à des référents. C'est dans ce cas qu'on a pu parler de modèles pour des résolutions de problèmes avec exemples négatifs ou de modèles pour la vérification de représentations successives.

2 . 8 . RECHERCHES SUR LE ROLE FONCTIONNEL DE LA NEGATION

Toutes les analyses montrent des différences de comportements systématiques face à des énoncés positifs ou négatifs. Si le mode de transmission par phrases négatives est lourd et complexe quelles 35

sont les situations où l'on a recours à lui ? La nécessité de rejeter, réfuter, contredire implique la production de phrases négatives. La compréhenson de ces phrases requiert alors, de la part de l'auditeur, une évaluation de ces énoncés en référence à un champ positif sur lequel joue la négation. Il serait donc intéressant d'étudier les équivalences ou non-équivalences psychologiques des énoncés en fonction des contextes cognitifs ou situationnels dans lesquels ils se produisent. Mais on rejoint là des analyses dans des discours et aucune approche n'a été vraiment satisfaisante en psycholinguistique dans ce domaine. Il a été relevé que, dans les situations expérimentales que nous avons passées en revue, les phrases négatives n'ont aucune utilité. Nous entendons par là que la forme négative n'est nécessitée par aucun contexte, par aucun présupposé. Les sujets peuvent donc en tirer l'impression que, s'il n'est pas faux dans le cadre de la tâche proposée, l'énoncé négatif est moins naturel, peut-être inapproprié et par là même il soulève des difficultés. Ce point est à l'origine de la plupart des ambiguïtés dans les recherches sur la négation. En prenant conscience que la négation est une opération ayant un rôle spécifique dans le langage, P. Wason a voulu étudier les situations qui facilitent cette opération : "La négation est une opération sur les phrases et elle est évidemment plus complexe que l'on ne l'avait d'abord pensé. Il semble que la meilleure stratégie pour rechercher la fonction de l'opération de négation est d'explorer les variables qui ont un effet spécifique sur la capacité des sujets à utiliser cette opération..." (J. Greene et P. Wason 1970). P. Wason (1965) a abordé ce problème en proposant "the exceptionality hypothesis" (l'hypothèse de l'exception à la classe). Etant donné un ensemble homogène servant de réfèrent, un énoncé négatif sera d'autant plus naturel, et donc facile à comprendre, qu'il aura pour fonction de marquer la non-appartenance d'un élément, ou d'un nombre restreint d'éléments à l'ensemble. Ainsi les sujets coderaient d'une façon spéciale l'élément non homogène. P. Wason vérifie expérimentalement cette hypothèse et trouve, en effet, une facilitation de la négation lorsque c'est l'item exceptionnel qui est décrit de façon négative, c'est-à-dire lorsque cet item est décrit comme ne possédant pas la propriété de la classe. On doit cependant faire plusieurs réserves. Si il est intéressant de penser à un codage spécial conduisant à des traitements différents pour des items exceptionnels, on aimerait savoir quel type de codage est utilisé, et cela P. Wason ne le dit pas. Dans ces expériences, P. Wason présente des classes en terme d'extension et rien ne nous autorise à penser que, dans le langage naturel, les classes en extension servent de réfèrent habituel. On ne peut ajrtribuer à l'extension ce qui revient en fait à la compréhension d'un concept. Si je dis "Jean n'est pas drôle" cela n'indique pas que la classe des hommes ait la propriété d'être drôle et que Jean soit un sujet exceptionnel, cela n'indique pas non plus que Jean soit dans un état exceptionnel par rapport à son état habituel. On peut aussi critiquer la présentation de P. Wason en arguant comme H. Clark, que ce n'est pas l'exceptionnalité dans un contexte 36

de référence qui est ici en jeu mais simplement la plausibilité d'une phrase négative dans un contexte général. Cela ramène à formuler "the exceptionality hypothesis" sous mie forme anodine "une phrase négative est plus simple si l'on peut penser qu'il est plus plausible d'utiliser cette phrase en fonction du contexte". Dans une même ligne de recherche, J . Greene (1970) (12), a montré que la présentation de phrases négatives dans un cadre où elles ont pour rôle effectif de réfuter un argument précédent, facilitait leur compréhension. Le sens d'une phrase est plus difficile à extraire lorsque la négation est gratuite que lorsqu'elle est utilisée dans sa fonction naturelle de contradiction. Cependant le dessin expérimental de J . Greene paraît léger par rapport aux problèmes posés. Quant aux recherches de R. Wales et R. Grieve (1969), elles se rapportent plus aux problèmes posés par la détection de différences qu'à la négation. La fonction de la négation est, d'autre part, liée au type de négation utilisée et aux propriétés sémantiques de la phrase. Nous avons cherché avec Peter Carey (1971) à étudier les fonctions et la portée de différentes négations. L'expérience a consisté à présenter à des sujets anglais et français des phrases négatives. Les sujets devaient demander la première question qui leur venait à l'esprit pour mieux comprendre la situation exprimée par ces phrases. L'analyse portait sur la distribution des questions posées et sur leur contenu sémantique. Les phrases expérimentales sont composées de deux propositions : la première avec un verbe opérateur (ex. : affirmer que/ nier que) introduit une subordonnée au passé avec un sujet animé, un objet concret ou abstrait (ces syntagmes nominaux étant introduits ar un démonstratif) et un verbe à contenu soit positif, soit négatif ex. : mettre/enlever). Les subordonnées peuvent être soit affirmatives, soit négatives, soit à l'actif, soit au passif. Dans cette première expérience, nous n'avons pas fait varier le type de relations entre sujet et objet : l'agent agit sur un objet indépendant . Les données en français comme en anglais montrent que les négations performatives et syntaxiques conduisent à une remise en cause du sujet logique, plus exactement à une remise en cause de l'identité de l'actant. Par contre lorsque le verbe de la subordonnée est un verbe à trait sémantique négatif c'est le procès qui est mis en question. Il apparaît que la seule définition de la portée de la négation en terme de structure de surface n'est pas pertinente et qu'il faut retenir une interprétation en terme de présupposés. Si l'on exclut les cas où la forme grammaticale favorise l'appréhension des présupposés et les cas où ils sont donnés par le contexte, on peut penser qu'un rôle essentiel va être joué dans l'interprétation de la phrase par les relations induites entre sujet/objet à partir du verbe. Dans une seconde expérience, nous avons fait varier les relations sémantiques des énoncés dans lesquels opéraient les négatifs. Dans un cas l'agent est à l'origine d'une relation ou l'objet le qualifie : Ce directeur a pris cette décision : ce directeur a décidé Dans un deuxième cas, l'agent est à l'origine d'une action qui le qualifie :

?

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Cet homme a écrit ce livre : cet écrivain Enfin dans le troisième cas, nous avons repris les phrases ou l'agent agit sur un objet indépendant : Ce bûcheron a abattu cet arbre Les mêmes trois variables négatives que dans la première expérience opèrent sur ces formes de bases. Les résultats, en anglais et en français, montrent que les variations dues aux relations internes et aux structures syntaxiques sont concommitantes dans les deux langues. Quand il n'y a pas de relations spéciales entre SVO, l'identité de l'agent est préférentiellement remise en cause, et il en est de même lorsque l'agent est à l'origine d'une action qui le qualifie. Par contre lorsque l'objet qualifie l'action effectuée par l'agent, les questions portent plus sur l'objet logique sous la forme d'une demande de spécification de cet objet. Cela confirme le rôle, au delà des facteurs syntaxiques.de la représentation des énoncés. La négation n'est pas explicable par un opérateur unique, mais par des facteurs syntaxico-sémantiques. Le rôle fonctionnel des différentes négations doit se retrouver dans les processus de traitement de l'information et non seulement au niveau du codage. Toutes les relations signifiantes de la forme minimale doivent influer sur les opérations qui suivent. Cependant nous ne sommes pas à même de proposer des hypothèses différentielles sur la manière dont pourraient se faire les calculs et sur quoi ils porteraient suivant à la fois le type de négation utilisée et la nature du contenu à nier. Le rôle des négations peut également varier de façon génétique. Quoique nous n'abordions pas ici le domaine génétique nous devons mentionner une expérience de C. Jakubowicz (1971). L'auteur montre qu'un même type de négation peut donner lieu à une "compréhension" différente suivant l'âge. Elle propose à des enfants des tâches consistant à mimer des phrases négatives. Les résultats montrent que la négation porte sur des groupes de syntagmes différents en fonction : a) de l'âge des enfants b) de la structure des phrases, c) du type du verbe utilisé. Les jeunes enfants ont tendance à nier ce qui n'est pas perceptivement présent, les enfants plus âgés font porter la négation sur l'acteur enfin les plus grands enfants "nient" le verbe en lui substituant un autre verbe. 2 . 9 . LE ROLE DES HEURISTIQUES PERCEPTIVES Il a été peu tenu compte de facteurs dépendant de processus psychologiques telles les heuristiques perceptives utilisées par les sujets dans le domaine cognitif comme dans le domaine linguistique. Dans

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la plupart des expériences présentées, il a été admis qu'il pouvait y avoir des difficultés lors du codage des négations, particulièrement si celles-ci étaient multiples. T. Bever (1969) montre que les conditions d'appréhension des marques négatives et de leur portée peuvent poser des problèmes préliminaires aux processus étudiés. Comprendre une phrase implique un étiquetage de cette phrase avec sa fonction logique. Les sujets ont des stratégies de projection (mapping) du donné perceptif et des règles d'usage pour utiliser ces projections. Lorsque les stimulus sont complexes les stratégies habituelles se heurtent à des obstacles. T. Bever analyse une phrase à trois négations et montre que la double fonction du second opérateur de négation rend très difficile l'appréhension de sa portée. Jean n'a pas demandé à Paul de ne pas dire qu'il ne partait pas. Le second ne.. .pas est à la fois dans le champ de la première négation et opérateur sur la troisième négation. Cette suite est donc perceptivement complexe comme toutes celles où, dans un système clos, un stimulus a deux fonctions opposées à la fois. Des approches de ce type pourraient permettre d'aborder les problèmes des méthodes d'utilisation des schémas proposés par les linguistes ou les psychologues. Mais cette position rend conscient du fait que fort peu a été fait dans ce domaine.

2.10. CONCLUSION

Ce rapide survol de la partie non génétique des travaux portant sur la négation n'est pas très encourageant. La nécessaire réduction exigée par les techniques expérimentales n'a pas permis d'études qui soient à la fois assez précises et assez générales pour rendre compte du fonctionnement des différents types de négation dans le comportement verbal. L'analyse des énoncés dans des "faits d'emplois" est éliminée et une délimitation s'impose qui entraîîie un appauvrissement du matériel étudié, une exclusion des paramètres de type sémantique ou pragmatique et finalement une mise entre parenthèses des fonctions naturelles et spécifiques des négations étudiées. Le matériel a été appauvri : la plupart des auteurs ont proposé des phrases isolées de type sujet-verbe-objet. Les thématisations, les aspects, les modes n'ont pas été examinés, pas plus que les relations entre les sujets-verbes-objets de phrases. Or nous pensons que le statut des relations sur lesquelles portent les négations interfère avec le choix de celles-ci et leur maniement. Mais le problème du "choix" n'a pas été non plus abordé. Les travaux ont donc principalement porté sur les "effets" des constructions négatives en analysant le rôle des règles et des élé39

ments qui les composaient et ont permis de déterminer que les types de négations étudiés pouvaient influer de diverses façons sur les processus mnémoniques, sur la compréhension, sur la perception. Ces études ont également permis de proposer des hypothèses sur les processus en jeu dans le traitement des phrases négatives. Par ce biais ont été abordés les problèmes du fonctionnement de l'opération et de son domaine. Il reste un champ de recherches très vaste. Mais le domaine de la négation est lui-même si vaste, ses frontières en sont si peu délimitées que l'on devrait dire qu'il peut presque se confondre avec celui de la psycholinguistique. Les travaux que nous avons effectués doivent à ceux qui les ont précédés des hypothèses et des méthodes. Dans une optique expérimentale, nous avons essayé d'étudier la mémorisation et la compréhension de trois types de négation. La négation syntaxique avec ne.. .pas déjà fort étudié, mais qui sert de référence. La négation sémantique donnée par des verbes à traits sémantiques négatifs pour lesquels nous ne connaissons pas d'études (Expériences n et in) et la négation due à des verbes à négation inhérente qui n'avaient non plus pas fait l'objet d'études expérimentales (Expérience IV et V). Nous avons cherché à aborder le problème de la "compréhension" sans le lier à celui de la vérité et de la fausseté des phrases pour essayer, dans des situations de choix, de ne pas réduire la tâche à une simple tâche de vérification (Expérience IV et V). Le rôle des présupposés a été abordé dans l'étude des phrases permissives (Expériences IV et V, analyse des phrases permissives). Nous avons essayé de tenir compte, particulièrement dans l'étude de l'acquisition, des contextes dans lequel apparaissaient les formes négatives de façon à définir leur statut sémantique. Dans l'Expérience I nous nous sommes efforcée de relier le statut du fait à nier aux modes de transmissions et nous avons cherché à déterminer les formes utilisées pour nier la présence, l'appartenance, un état, un procès. NOTES 1. L'expérience de J . Mehler consiste à faire mémoriser une liste de 8 phrases ayant subi des transformations facultatives. La liste est présentée 5 fois et les sujets donnent un rappel après chaque présentation. 2. L . E . McMahon relève les temps de réponses et le nombre d'erreurs au cours d'une tâche de vérification de phrases du type : 7 suit toujours 5 7 ne suit jamais 5 7 n'est pas précédé de 5. 3. La technique de H. Savin et E. Perchonock consiste à mesurer la "place" prise en mémoire par des phrases. Les auteurs font l'hypothèse que plus une phrase a subi de transformations plus elle occupera une grande "place" en mémoire. Cet espace ne sera donc plus disponible pour la mémorisation d'un autre matériel. Le nombre de mots qu'un sujet peut mémoriser après les différents types de phrases sert de mesure à l'espace pris en mémoire pour chaque type de phrases.

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4. P . Gough utilise une procédure typique dans les expériences sur la vit e s s e de compréhension, il demande au sujet de vérifier sur des images la véracité des phrases présentées. 5. Avec l'hypothèse du codage J . Mehler (1963-1965) pose que la structur e de base est codée indépendamment des transformations facultatives. "Les indexations de ces transformations sont indépendantes les unes des autres et elles ont une vie beaucoup plus courte que celle de la structure de base". 6. Nous reprenons la terminologie de T. Bever (1970). 7. Nous ne discuterons pas ici des problèmes que pose la formulation du composant sémantique. 8. H. Olds remarque que des instructions données avec unless (à moins que) sont plus difficiles à comprendre que celles données avec i f . . .not ( s i . . . ne pas), toutes deux étant plus difficiles que les instructions avec if (si). 9. S. Jones trouve que l'utilisation du t e r m e except (excepté) accroît la difficulté d'une consigne comme le fait une consigne avec n e . . . p a s . 10. A. Sherman utilise une technique qui consiste à m e s u r e r les vitesses et l'acuité avec laquelle les sujets déterminent si des p h r a s e s sont "raisonnables" ou non. Il utilise des négations syntaxiques et lexicales, ces dernièr e s d'origine transformationnelle ou non. 11. T. Trabasso pense avoir établi expérimentalement que la recherche d'une non-identité était plus longue que la recherche d'une identité. La p r e mière demande en effet une recherche exhaustive. Cependant il faut faire des r é s e r v e s . Lorsqu'il y a des quantificateurs, la recherche de la non-identité peut être plus rapide: Tous les A sont B est vérifié plus rapidement lorsqu'il y a non- identité. 12. J . Greene (1970) présente aux sujets des p a i r e s de phrases et mesur e le temps mis pour dire si ces phrases ont ou non "le même sens". Soit des ' ' ;iies q u e : c ) x dépasse y d) y ne dépasse pas x b) est reconnu différent de a) plus rapidement que d) n'est reconnu équivalente à c). On remarque que d) peut signifier que y est égal à x, la phrase d) n'a donc pas forcément "le même sens" que c).

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3. ACQUISITION DE LA NEGATION

3 . 1 . ASPECTS GENERAUX DE L'ACQUISITION DE LA NEGATION L'acquisition des formes que nous incluons dans les formes négatives, c'est-à-dire les formes syntaxiques et lexicales servant à exprimer la non-existence, le refus, le déni, etc., est étroitement liée à l'acquisition du langage en général. Les études faites ont toutes fait remarquer : a) la précocité de l'apparition des éléments négatifs : l'enfant utilise des éléments négatifs très peu après l'émission des premiers mots ; b) la généralité et la régularité des formes utilisées pour nier. Il y a une grande similarité, pour tous les enfants d'une même communauté linguistique du type d'opérateurs de négation utilisé et des contextes dans lesquels ils sont utilisés. On peut penser qu'il existe pour la négation et à l'intérieur du langage, un sous-système d'opérations productif. Ce sous-système commencerait à fonctionner dès le début de l'acquisition. 3 . 1 . 1 . Problème de "l'équipement inné" La précocité et la rapidité avec laquelle les enfants apprennent à parler, la constance de l'ordre d'acquisition des formes à l'intérieur du même groupe linguistique, l'uniformité des grammaires obtenues, ont frappé tous les auteurs qui se sont penchés sur l'acquisition du langage. Il semble nécessaire de postuler, pour que se fasse cette acquisition, des structures innées qui permettent la connaissance acquise et en déterminent la forme. Le problème de l'acquisition a été abordé de deux manières. Pour les empiristes, la structure nécessaire se limite à certains mécanismes périphériques d'organisation, auquel on doit joindre des principes inductifs qui peuvent être très simples. Ce dispositif, selon eux, permettrait une analyse préliminaire grâce aux mécanismes périphériques. Aussi, une information de type sensorielle serait associée par des principes de généralisations inductives aux traits observables des énoncés et ces associations permettraient de déterminer la grammaire d'une langue. Les seules opérations inductives requises sont élémentaires (du type classification, segmentation, 42

association, etc.)- Pour les empiristes, presque tout est donc à acquérir, seules quelques procédures d'acquisition de la connaissance sont innées : ce sont les procédures nécessaires pour déterminer les restrictions sur les grammaires possibles à travers les données des traits observables. L'acquisition se fait donc à travers une analyse de l'expérience. En presque complète dualité, les nativistes postulent un dispositif inné très complet. Pour N. Chomsky, qui se trouve ainsi dans la tradition rationaliste, ce sont les idées et les principes innés de divers types qui déterminent la forme nécessaire du langage et de la représentation des règles de la langue. Les propriétés intrinsèques du système d'acquisition consistent en divers universaux de forme et de substance qui fournissent le schéma à appliquer aux données. Celles-ci sont la matière brute d'où, par raisonnement déductif, l'enfant extraira ce qui est nécessaire pour remplir le cadre inné. Il y a, pour le langage, une période critique où doit se faire cette maturation et ce travail déductif. On voit l'importance que ces positions théoriques peuvent avoir sur les problématiques. Cependant, il nous semble difficile à l'heure actuelle, même si l'on est séduit par la présentation de N. Chomsky, de déterminer les capacités intrinsèques d'un organisme. Nous nous sommes donc surtout attachés à relever les systèmes que l'enfant atteint et à analyser leur émergence. C'est dans cette optique que nous avons recueilli et étudié le corpus des énoncés négatifs d'un enfant de 22 mois, et expérimenté avec de jeunes enfants. 3.1.2. Problème du corpus L'analyse du corpus d'un enfant permet l'étude des énoncés de cet enfant dans le cadre de sa vie quotidienne, mais cette étude pose des problèmes de recueil, de transcription, de segmentation et d'analyse (1). Ceux-ci ne sont pas indépendants des hypothèses faites sur le développement cognitif de l'enfant et ne sont pas non plus indépendants d'hypothèses que, nous, adultes, faisons sur la façon dont l'enfant analyse l'environnement. L'étude de l'acquisition sur corpus dépend également de la formulation des problèmes posés par cette acquisition. La méthode génétique se propose d'indiquer les étapes qui doivent nécessairement se retrouver chez tous les enfants pour que le système linguistique parvienne à son terme. La détermination des étapes, et leur fonctionnement, peuvent dépendre des critères choisis. Ceux-ci peuvent être purement syntaxiques, s'appuyer sur les relations entre la syntaxe et le contenu, ou être liés à la constitution d'opérations cognitives. Il est certain qu'une étude complète doit inclure tous les aspects, mais on peut choisir dans certaines optiques méthodologiques de limiter les critères sur lesquels s'appuient les études.

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3 . 1 . 3 . Quelques méthodes d'analyse des corpus 3 . 1 . 3 . 1 . Méthodes distributionnelles. M. Braine (1963), R. Brown et C. Fraser (1964), S. Ervin et G. Millier (1964) ont appuyé leur analyse sur des critères statistiques et distributionnels. La classification des monèmes se fait en fonction de leur place (par exemple antéposition ou postposition des éléments), leur ordre, leur fréquence. Certains choix peuvent privilégier un ou plusieurs de ces critères . Tous ces critères ont pour avantage de réduire au maximum la subjectivité de l'adulte, en éliminant par exemple la projection des catégories morphologiques. En fait, au delà des phrases de deux mots, il s'avère impossible de ne pas tenir compte des catégories et des règles de la grammaire adulte. En effet, l'ordre conduit à une trop grande dispersion et, si l'on veut raffiner on est amené à faire des hypothèses pour classer les mots en catégories. Cette méthode a cependant permis à R. Brown et U. Bellugi de dégager deux classes de mots. Certains mots seraient des mots "pivots" c'est-à-dire des mots fréquemment utilisés et entrant régulièrement en combinaison avec un grand nombre de termes ; ces mots sont dits "opérateurs". Ils ont un rôle fonctionnel à l'origine de patterns spécifiques pour un stade donné et dans l'évolution. Les autres mots appartiennent à la classe des mots open (ouverts) ; ils font partie d'une classe ouverte s'accroissant rapidement et comprenant de nombreux termes qui ne sont pas fonctionnels (2). A partir de cette classification, les auteurs dégagent deux types d'énoncés dans le langage enfantin : des constructions - mot pivot + mot de la classe ouverte - et des constructions - mot de la classe ouverte + mot de la classe ouverte. Il y aurait donc dès le début du langage un système de règles résultant d'un processus grammatical. Cependant, cette analyse s'appuie sur des structures superficielles et, comme nous le verrons, il ne nous semble pas possible de décrire les structures superficielles sans faire des hypothèses fortes sur le sens de l'énoncé. En effet, aux mêmes structures en surface peuvent correspondre différentes relations sous-jacentes et les règles reliant les structures de base aux structures de surface sont alors différentes. 3 . 1 . 3 . 2 . Méthodes transformationnelles. La notion de transformation a également servi pour l'analyse des corpus enfantins (P. Menyuk 1964), R. Brown et C. Hanlon (196 8) ont fait l'hypothèse que la structuration de la langue croît chez l'enfant à partir de ce qui est le moins complexe dans la grammaire. La complexité étant dans leur optique - directement proportionnelle au nombre des transformations "facultatives" incluses dans la phrase. Ils ont examiné les données fournies par le corpus de trois enfants en regardant l'ordre d'émergence des phrases en fonction de leur complexité dérivationnelle. Nous n'entrerons pas dans le détail de ces analyses qui tiennent compte du fait qu'on ne peut donner à toutes les règles le

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même "poids". Les résultats sont intéressants et vont dans le sens de l'hypothèse faite ; on peut remarquer cependant que les prédictions obtenues avec l'hypothèse de la "derivational theory of complexity" le seraient également avec l'hypothèse que les enfants emploient d'abord les formes les plus fréquentes dans le discours parental. Le fait que les formes non grammaticales sont les mêmes pour un grand nombre d'enfants implique une structure de départ et des processus assez constants pour justifier ce type de méthode. Nous nous rapporterons plus spécialement au cours de nos analyses aux études de U. Bellugi (1967) et de L. Bloom (1970). L'étude sur la négation entreprise par U. Bellugi s'appuie sur des facteurs distributionnels. L'auteur cherche à analyser l'évolution des structures syntaxiques négatives qui doivent conduire à des phrases négatives grammaticales. Mais la description de U. Bellugi ne prend en considération que le développement des formes syntaxiques. L'étude de L. Bloom n'est pas axée seulement sur les formes négatives quoique celles-ci fassent l'objet d'une analyse particulièrement détaillée. Les formes syntaxiques sont analysées en fonction de la catégorie sémantique de l'énoncé. En effet les aspects sémantiques et cognitifs de la négation paraissent essentiels à l'auteur pour décrire la syntaxe. 3.2. ETUDE DU CORPUS D'EMMANUELLE 3.2.1. Principes d'analyse 3.2.1.1. Analyse syntaxique. Les analyses distributionnelles ou statistiques ne peuvent rendre compte que des seules structures de surface, et cela de façon équivoque. En effet, un énoncé composé de deux monèmes : bébé chapeau peut être la réalisation de surface de structures sous-jacentes différentes ; il peut "signifier" par exemple : Bébé a un chapeau Bébé veut un chapeau C'est le chapeau de bébé Où est le chapeau de bébé, etc. Il est donc indispensable pour décrire et expliquer cette réalisation d'avoir des hypothèses sur la structure sous-jacente qui en détermine le sens. Le rôle des marques supra-segmentales - comme l'intonation peut aider mais il n'est pas déterminant (3). Le recours au contexte est nécessaire, mais il n'est pas toujours suffisant. 45

Si des relations sémantiques différentes peuvent être rendues par une même combinaison d'éléments de surface, il est nécessaire d'intégrer l'extralinguistique dans l'analyse des énoncés des enfants pour essayer de déterminer les grammaires enfantines. C'est seulement lorsqu'on a attribué un "sens" à une phrase que l'on peut en déterminer la structure et les règles appliquées. Mais cette méthode réintroduit la subjectivité de l'adulte au niveau où les analyses distributionnelles essayaient de l'écarter. Nous ferons nos analyses en tenant compte : a) De la structure de surface : distribution, ordre, etc. b) De la catégorie sémantique de l'énoncé en fonction du contexte situationnel chaque fois que cela est possible. 3.2.1.2. Le lexique. Pour voir comment se réalisent dans les structures de surface les structures sous-jacentes avec les relations grammaticales et sémantiques qu'elles indiquent, il faut tenir compte des items (4) et des combinaisons d'items. Les items - si l'on admet l'analyse de J . Katz et J . Fodor (1963)peuventêtre caractérisés par des traits inhérents, c'est-à-dire sémantiques, et des traits contextuels, c'est-à-dire syntaxiques. Ces traits vont devoir être pris en considération pour rendre compte de l'absence ou de l'archai'sme de certaines formes par rapport à d'autres. En effet, certains traits inhérents impliquent des relations qui interfèrent avec des règles syntaxiques. Aussi, il est peut-être intéressant de relever les mots avec lesquels un opérateur, de négation par exemple, n'apparaît pas combiné, selon les stades où se trouve l'enfant. Nous tiendrons donc compte des possibilités de combinaison des opérateurs de négation en relevant, non seulement leur place dans l'énoncé, mais les catégories avec lesquelles ils sont utilisés, et celles avec lesquelles on ne les trouve pas combinés. 3.2.2. Recueil des données Les données ont été recueillies au cours de séances de quinze à vingt minutes, échelonnées sur un mois. Il y a eu quatorze séances. Les premiers enregistrements ont été effectués quand Emmanuelle a 1 an 9 mois et 20 jours, et les derniers à 1 an 10 mois et 21 jours. Les séances d'enregistrement ont eu lieu à différentes heures de la journée de façon à profiter de situations offrant des stimuli variés : repas, bains, jeux avec des adultes, jeux avec d'autres enfants. Dans certaines séances, nous avons stimulé l'enfant en lui posant des questions, en jouant avec elle, dans d'autres nous nous bornions à enregistrer les_émissions spontanées. Dans le corpus présenté, nous avons donné chaque fois qu'il y a lieu, l'énoncé adulte précédant celui de l'enfant, dans les autres cas nous décrivons la situation. Emmanuelle a, à l'époque, une soeur de 21 mois plus âgée qu'elle. C'est la période des vacances elle est à la campagne, entourée de nombreux enfants et adultes.

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3 . 2 . 3 . Traitement des données Les données sont présentées en ordre de recueil (5). Nous n'avons pas utilisé de notation phonétique pour réécrire les mots non ambigus et de plus nous avons rétabli la prononciation pour les substantifs déformés quand l'interprétation n'en est en aucune façon équivoque. Des mots comme : chandail musique yaourt tortue sont en effet prononcés de façon déformée ou tronquée : musique / sic / tortue / totu / yaourt / aut / Par contre, nous utilisons la notation phonétique lorsqu'il y a plusieurs possibilités d'interprétation ou qu'il s'agit de particule au contenu non différenciable. La particule pivot (6) / a / qui joue un rôle très important n'est pas assimilable dans tous les cas à une forme a issue du verbe a.voir ou à la préposition à, ou à un article un ou la déformé. Il semble bien que cette particule, antéposée dans la structure de surface recouvre au début toutes ces possibilités. Nous écrirons donc / a / chaque fois que nous trouverons cette particule même si elle paraît employée de façon productive (7) et non ambiguë en préposition. (Emmanuelle pique sa soeur oh, pique / a / Cécile avec une plume) Nous ne prendrons donc pas de position a priori sur la fonction du / a / pivot que nous trouvons dans : / a / peut pas / a / tombé / a / pas bon / a / crayon / a / pas là même si l'évolution postérieure nous permet des hypothèses. Il en sera de même pour la forme / e / et pour les formes "interrogatives" /u j i/, / a j i / . Nous avons relevé au cours de ces enregistrements 149 énoncés différents. Plusieurs de ces énoncés ont été répétés un grand nombre de fois. C'est le cas des formes telles que : / a la/ / e la/ / a pa la/ (15 fois)

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Par énoncés différents, il faut entendre les énoncés où change soit la combinatoire des éléments, soit le lexique. Par exemple : / a / pas toto est considéré comme différent de / a / pas là toto / a / tombé est considéré comme différent de / e / tombé / a / pas toto est considéré comme différent de / a / pas toc toc Mais les répétitions d'une même forme avec un même lexique n'ont pas été incluses dans le décompte ci-dessus. La longueur des énoncés varie de un monème à cinq monèmes. Nous avons obtenu vingt-six énoncés syntaxiquement négatifs de type différent et douze énoncés précédés de "non" - ces énoncés reprenant de façon contraire ou contradictoire une phrase précédemment émise par un tiers. Au cours du mois, il s'est produit une évolution dans le langage d'Emmanuelle et l'on peut distinguer - sur des critères que nous allons expliciter en analysant les énoncés - deux niveaux. Nous nous référons au niveau I et au niveau H, étant bien entendu que ces niveaux n'ont qu'une valeur relative à l'évolution des énoncés d'Emmanuelle entre 21 et 22 mois. 3 . 2 . 4 . Analyse des données 3 . 2 . 4 . 1 . Niveau I : Définition des critères. Le premier niveau se caractérise par le fait qu'on ne trouve pas de façon productive, c'està-dire utilisé avec plusieurs monèmes différents : - de forme c'est /se/ - de forme y a pas et qu'on ne trouve pas dans le cas d'énoncés négatifs - de pronoms personnels - de sujets - de déterminants C'est l'émergence de ces formes dans un laps de temps très court qui indique un niveau II se caractérisant par d'autres acquisitions que nous examinerons plus en détail. 3 . 2 . 4 . 2 . Forme et contenu des énoncés négatifs du niveau I. On trouve 4 sortes d'énoncés négatifs : a) P (8) > Neg b) P » Neg + SN c) P > Modal + Neg d) P » Non + (P) A) Dans P » Neg non 8 fois 4 fois / a / pas 8 fois / a / pas là / a / plus 1 fois pas la 1 fois

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- Non se trouve uniquement en réponse. - Les éléments négatifs / a pa/, / a p a la/, qui se présentent sous des formes composées, se trouvent soit isolément soit dans des phrases. Ces éléments se présentent sous des formes phonétiquement complexes et pourraient être analysés comme des énoncés complexes où / a / correspondrait à une forme verbale issue du verbe avoir. Le fait que pas soit employé seul dans la négation verbale à ce stade nous permet en effet de dire que cet élément est non équivoque et peut être analysé comme élément négatif stable. De même l'élément / l a / est utilisé en "désignateur" seul ou en combinaison dans des formes affirmatives ou négatives. Par contre, on retrouve - comme on l'a déjà mentionné - / a / dans des énoncés qu'on ne peut décrire sans ambiguïté et cela ne nous permet pas de dire que l'enfant nie avec un élément complexe composé de (9) : avoir + Neg + (là) ou (Y) avoir. Dans les énoncés d'Emmanuelle, l'élément négatif le plus productif est / a / pas. Cet élément est fréquemment combiné avec là. / a / est toujours en première position. On ne trouve aucune dérogation dans le corpus d'Emmanuelle. Contenu : ces éléments sont utilisés isolément pour dire qu'une chose n'est pas là ou a disparu. Non est utilisé pour rejeter ou dénier. B) P > Neg + N Les mêmes éléments négatifs sous les formes / a / pas (10) / a / pas là /la/ plus (une fois) L'élément négatif est toujours en première position dans la structure de surface. On ne le trouve qu'avec un monème : substantif ou un nom propre.

/a/ /a/

pas

chandail

pas là

ours auto Mamie

/ l a / plus

musique

On ne trouve devant les substantifs aucun article tel que un, le ni aucune particule telle que / a / , / e / . Le fait que l'on trouve : / a pa la/ toto 49

malgré les fortes présomptions pour interpréter / l a / en désignateur, ne permet pas de dire de façon absolue qu'on ne trouve aucun déterminant dans les formes négatives au premier niveau. On remarque donc une négation directe d'une forme nominale par un élément négatif incluant pas ou plus. Contenu : si l'on regarde les contextes dans lesquels sont produites les formes de surface Neg + N, on voit que ces négations correspondent à l'expression d'une absence. L'enfant signale qu'une personne ou qu'un objet, qui se trouvait présent quelques instants auparavant, n'est plus visible (présent). Le "quelques instants" auparavant peut être, surtout s'il s'agit de personnes ou de personnes bien connues de l'enfant, assez extensible. Par contre, les énoncés obtenus à propos d'animaux ou d'objets l'ont été dans des situations où l'animal venait de partir, où l'objet venait d'être caché. Il faut analyser de plus près l'énoncé plus complexe que l'on trouve à la fin de ce stade : / l a / plus musique C'est la première fois qu'Emmanuelle emploie plus combiné avec un autre terme. Cet énoncé indique en fait que le magnétophone ne tourne plus ; mais le magnétophone est toujours là. Il n'y a donc pas négation d'une présence mais négation d'un mouvement. Le magnétophone - servant à enregistrer - ne produisait aucun son, le mot "musique" sert donc à désigner l'appareil en marche. L'opérateur plus est bien utilisé pour signaler un arrêt et non pas une disparition simple. La structure de surface " / l a / plus musique" peut donc correspondre à une structure profonde différente de celle des énoncés de type / a / pas + N. Dès cet âge, il semble que les différents symboles négatifs ne se séparent pas pour Emmanuelle de l'expérience immédiate qu'elle a des situations. C) P » Modal + Neg Neg > pas vouloir Modal > pouvoir - Dans ce cas, l'élément négatif est toujours : pas. - Pas est toujours situé après le verbe. - Le verbe est toujours un verbe modal. (11) - On ne trouve jamais de sujet exprimé. - Les particules / a / et / l a / peuvent précéder le verbe : / a / peux pas (2 fois) /la/ peux pas (2 fois) Contenu : on trouve une fois "veux pas" qui est l'expression d'un refus, et cinq fois "peux pas" qui exprime une impossibilité. Cette expression est du même type sémantique que les négations d'existence. Le sujet non exprimé est en fait le locuteur. La négation est liée à l'état d'Emmanuelle.

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non + (P) D) P où non a la double fonction : - de rejeter une éventualité ou un énoncé précédemment émis par un tiers ; - d'introduire une phrase affirmative ou négative qui reprend de façon opposée ou contradictoire l'énoncé précédent ou qui applique une propriété contraire au sujet de cet énoncé. Il est particulièrement intéressant de voir que la distinction entre non anaphorique et pas en opérateur de négation de phrase est très précoce. U. Bellugi et L. Bloom se sont heurtées au problème d'avoir à distinguer - sur des bases sémantiques ou syntaxiques - les no ou not correspondant à non et ceux correspondant à pas ; en effet, la même forme est utilisée en anglais et au premier stade, on trouve les deux occurrences entête de la phrase. Non n'est jamais utilisé par Emmanuelle comme élément négatif modifiant la phrase qu'il précède. Tous les exemples le prouvent dès le niveau I Donne-moi tout ? non, veux tout non, encore joue (On veut lui prendre ses jouets) non, au cou Tu as bobo aux cheveux Au premier niveau nous ne trouvons que trois énoncés de ce type. Tous sont affirmatifs et tous trois sont plus évolués que les énoncés négatifs correspondants. En effet, on y trouve des déterminants et un verbe non modal, alors que l'on n'a, à ce niveau, aucun exemple de l'utilisation de déterminants dans des phrases négatives (12) et aucune utilisation d'un verbe non modal nié. Contenu : les trois phrases ont pour fonction d'expliciter un déni (13) ou des refus. Elles se distinguent donc des phrases avec les opérateurs / a / pas, / a / pas là qui signalent la non-existence, et de / l a / plus qui signale la non-existence sous forme de cessation d'un procès. 3 . 2 . 4 . 3 . Comparaison avec les énoncés affirmatifs et interrogatifs au niveau I. Les productions affirmatives montrent des structures de surface moins archai'ques. Niveau I : Comparaison d'énoncés négatifs, tifs émis au cours de mêmes séances Enoncés négatifs Enoncés affirmatifs / a / pas / a / là / a / pas là là / i / / e / loulours / a / pas loulours / e / la le loulours / a / pas là toto / l e / là veux pas veux un bonbon mamie / a / plus musique je vois le chat / a / peux pas / i / / a / tombé le camion non, gentil donne regarde

affirmatifs et interrogaEnoncés interrogatifs / a le / / a l e / le loulours

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Enoncés négatifs

Enoncés affirmatifs Enoncés interrogatifs / e / gentille/gentille la tortue / e / tousse Bénédicte / e / tourne regarde /e/tourne ça tourne là

On remarque dans les énoncés affirmatifs : - la présence de déterminants ; - l'emploi de la forme / e / à la place de / a / dans des énoncés demandant le verbe être- On ne trouve jamais / e / dans des énoncés négatifs à ce niveau ; - l'emploi de pronoms sujets ; - la présence de formes verbales avec sujets postposés ; - la présence de verbes sous une forme impérative. Il semble donc que l'opérateur de négation, ajoutant à la complexité de la phrase, oblige l'enfant à omettre certains constituants. Cette différence entre les énoncés négatifs et affirmatifs a été remarquée par les auteurs qui ont étudié les enfants de langue anglaise (U. Bellugi, L. Bloom et D. Slobin). Ces auteurs signalent des suppressions de sujets par exemple, dans des phrases avec un opérateur de négation. La longueur moyenne des énoncés négatifs est inférieure à celle des énoncés affirmatifs. La variété des types d'énoncés est moindre. Niveau II 1) Forme des énoncés négatifs. Les éléments négatifs sont les mêmes, mais on trouve en plus : y a pas la A) P » Neg + SN (14) Neg • / a / pas / a / pas là y a pas là SN > (Det) + N A') P > Adv + Neg + SN Adv » encore Neg > / a / plus SN » Det + N L'élément négatif reste, sauf lorsqu'il y a négation d'un verbe modal, le plus souvent en première position. Il y a une exception, avec la phrase "encore la plus la beurre", qui appuie l'hypothèse que nous avions faite selon laquelle / l a / plus correspondrait à une opération différente. Il y aurait introduction d'une structure plus complexe par des règles différentes de celles qui génèrent à ce stade les phrases négatives du type / a / pas + N.

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Les noms peuvent être précédés par un déterminant. On trouve trois cas indiscutables et il est remarquable de voir que deux d'entre eux se trouvent dans des énoncés évolués : y a pas là la balle (1 fois) encore la plus la beurre (1 fois) Il semble bien qu'il ne s'agisse pas seulement d'un "ajout" de rè gles pour arriver à une production plus grammaticale au sens de l'adulte, mais qu'il y ait utilisation différente de l'opérateur de négation et de sa syntaxe. On se trouve devant le problème de la composition de règles qui entraîne des modifications non forcément déterminées par l'une ou l'autre règle appliquée seule. La première phrase montre qu'il semble justifié de traiter / l a / en "désignateur' lié à / a / ou / a / pas dans le cas des éléments négatifs précédant un substantif, et non comme un déterminant de ce substantif. On retrouve d'autres énoncés de ce type / a / pas là le beurre L'apparition de y a pas - lié au fait que dès le premier stade on trouve / e / dans les énoncés affirmatifs comparables aux énoncés négatifs introduits par / a / - permet de reposer les hypothèses sur le rôle de / a / . Celui-ci semble bien - dans l'élément négatif - être un élément verbal signalant l'existence ou l'état à nier. B) P Adv

> (Adv) Neg + Adj > encore

•M™ Neg

» /'p¡a¿/ *pas

C'est une forme nouvelle, on y trouve l'opérateur pas utilisé seul mais antéposé devant l'adjectif à nier. On trouve également une intégration de l'élément négatif dans la phrase par antéposition d'un adverbe. C'est la même construction que l'on trouve dans A') mais ici elle est moins discutable : Encore pas bon Cette expression correspond à un déni, au refus de reconnaître une qualité, une propriété. On peut rapprocher le fait que l'extraction de propriété soit postérieure à la constitution de l'objet perma nent de l'émergence plus tardive d'un type de négation syntaxique plus évolué. Il faut remarquer qu'on trouve une forme lexicale de déni de propriété au premier niveau chez Emmanuelle. Il est méchant ? non, gentil (2 fois) C) P » V + Neg (+ Inf) (15) Neg » pas v pouvoir * vouloir Il n'y a donc pas, à ce stade, augmentation de la classe des ver bes utilisés dans des phrases négatives. On trouve cependant une

nouvelle forme : peux pas (at)traper c'est-à-dire que le modal est utilisé comme intermédiaire pour nier. Cette forme est très productive chez tous les enfants aux stades postérieurs. L'intermédiaire d'un auxilliaire ou d'un modal qui n'est pas nécessaire en français est la forme grammaticale en anglais. U. Bellugi a signalé que les modaux apparaissent d'abord sous la forme négative dans le corpus de très jeunes enfants. Il est intéressant de voir qu'il semble en être de même chez certains enfants francophones. Emmanuelle répète, au cours d'un jeu de cache-cache, un énoncé adulte : (re)garde pas Cécile qu'elle comprend manifestement, mais on ne trouve aucune phrase avec une négation portant sur un verbe autre que les auxiliaires ou les modaux. D) P » non + (P) A ce stade, on trouve sept énoncés de ce type : six sont affirmatifs, un est négatif, cinq expriment un fait de même nature mais de sens contraire à celui proposé par l'expérimentateur. Nous les traiterons avec les négations lexicales. Par contre, l'énoncé négatif est particulièrement intéressant, répondant à un "au revoir" dit par un adulte partant ; Emmanuelle répond Non, au revoir pas Il semble bien qu'au revoir fonctionne comme un verbe. Emmanuelle ne nie pas ici "l'existence" d'un "aurevoir", mais exprime le refus de dire ou que l'on dise au revoir. Pour cela elle utilise une forme de surface qui est à rapprocher des formes avec vouloir et pouvoir. Négations lexicales Nous pouvons analyser sous cette rubrique : a) les productions affirmatives qui suivent "non" ; b) des productions à connotation négative qu'Emmanuelle substitue à des productions avec des éléments négatifs. Premièrement, nous trouvons des cas où Emmanuelle rétablit des négations par des termes opposés à valeur positive : C'est fini ? non, y a encore Il est méchant ? non, gentil C'est pas chaud ? non, / e / bon Les oppositions se font sur différents plans. Il faut remarquer les adjectifs de paires antonymes : méchant - gentil, où l'adjectif non marqué est substitué à l'adjectif marqué. L'adjectif non marqué bon est substitué à un adjectif nié : dans ce dernier cas, on peut penser que bon est utilisé en norme, c'est-à-dire ici comme signifiant 54

ni chaud ni froid. La première phrase montre que fini est compris correctement comme : ne plus y en avoir. Spontanément, Emmanuelle au cours de jeux ou de répétitions substitue certains énoncés qui ont, semble-t-il, la même valeur pour elle. On note, au cours de jeux de cache-cache... des énoncés qui s'enchafhent : là caché, / a / pas là, voilà, là derrière parti, / a / pas là / a / pas là, dehors Il semble donc que pour Emmanuelle ces formes soient commutables. On trouve des reprises du même genre quand Emmanuelle répond à des phrases prononcées par des adultes : La tortue est partie ? / a / pas là tortue 2) Comparaison avec les énoncés affirmatifs et interrogatifs Enoncés négatifs Enoncés affirmatifs Enoncés interrogatifs Non, au revoir pas / a / pas /la/ tortue loulours /le/ gentil / a / pas / l a / loulours il est là loulours / a j e/ loulours ? elle pique Cécile elle pique / a / jambe pas bon / e / bon / a / «pas bon / s e / bon le yaourt mamie encore pas bon la plus encore peu plus (pour redemander de l'eaij) y a un bonbon y a pas la balle je bois peux pas attraper le chat / i / joue la balle /a j i e/ mamie le entend elle parle yaourt non, n'y a encore encore / l a / plus la beurre mange ma beurre le cuiller On trouve, dans les énoncés déclaratifs, des formes productives absentes ou rares dans les énoncés négatifs. - Si il y a utilisation de déterminants dans des phrases négatives, on ne le trouve que deux fois de façon non équivoque et c'est toujours la. Alors que dans les phrases affirmatives plusieurs articles et pronoms sont représentés : le, la, un, ma, mais la marque de genre n'est pas stable. - On ne trouve pas de sujets pronoms dans les formes négatives 55

alors qu'Emmanuelle emploie : je, il, elle, dans les phrases affirmatives. A ce stade presque tous les verbes autres que les auxiliaires sont précédés d'un pronom ; celui-ci double souvent un syntagme nominal sujet placé en fin d'énoncé (sauf deux fois au début de l'énoncé). 3 . 2 . 5 . Interprétation des données Nous allons d'abord regarder quel a été, au cours du mois d'enregistrement, sur le plan syntaxico-sémantique l'évolution des négations chez Emmanuelle puis présenter un "état" du système négatif chez un enfant de 22 mois. 3 . 2 . 5.1. Evolution sur le plan syntaxico-sémantique. Sur le plan syntaxique, l'évolution chez Emmanuelle entre 21 et 22 mois se traduit par la diversification des formes négatives utilisées et par leur intégration dans les phrases de plus en plus complexes mettant en jeu un nombre plus important de règles syntaxiques. Les premières productions sont du type mot pivot + mot de la classe ouverte ou mot de la classe ouverte + mot pivot. Un élément négatif est donc juxtaposé soit à un syntagme nominal soit à un syntagme verbal. Le fait que l'élément négatif varie et soit utilisé différemment suivant qu'il s'agit d'un syntagme nominal ou d'un syntagme verbal, est l'indice d'un sous-système de règles précoce. On ne peut traduire par une règle du type : opérateur de négation + élément à nier, un système où l'ordre de la phrase et le type de l'opérateur de négation diffèrent d'après la catégorie syntaxique et/ou d'après la catégorie sémantique des formes à nier. Cela se confirme par le fait que l'évolution se fait par l'accroissement de la classe des formes négatives utilisées et des nouvelles possibilités sémantico-cognitives d'utilisation. Au niveau I nous avons donc trouvé des énoncés : a) P

» Neg + SN

b) P

» SV + Neg

c) P

> Neg + P

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SN Neg

»N » / a / pas / l a / plus SV » pouvoir vouloir Neg » pas Neg » non où P est une phrase affirmative ou négative

Au niveau II : » Det + N Adj Neg > / a / pas y a pas Adv > encore a') P > Adv + neg + SN Neg » / l a / plus SN >• Det + N > encore b) P > (Adv) + Neg + Adj Adv Neg > / a / pas pas Adj » bon SV > vouloir c) P > SV + Neg pouvoir pouvoir + infinitif (en répétition : regarder) Neg » pas où P peut être affirmative ou néd) P > Neg + P gative Neg » non On ne trouve cette forme qu'une fois. a) P

» Neg + SN

SN

Nous voyons donc qu'au niveau II il y a progrès. a) La complexité syntaxique générale de la phrase négative augmente. Certaines phrases ont des sujets grammaticaux et l'on remarque la présence de déterminants et d'adverbes que l'on ne trouvait au premier niveau, que dans des phrases affirmatives. On ne trouve cependant pas encore appliquées des règles de dépendance telles que l'emploi de l'indéfini avec les formes syntaxiquement négatives. On ne relève aucun pronom dans les formes verbales négatives . b) On trouve la négation d'une nouvelle catégorie : celle des propriétés. c) La classe des opérateurs de négation se modifie ; aux opérateurs déjà utilisés l'enfant ajoute y a pas qui est une forme adulte. Cependant il n'y a pas encore disparition des formes non grammaticales telles que / a / p a s / , / a / pas là. d) Il faut remarquer que les formes négatives qui émergent plus tardivement plus, y a pas sont employées dans des énoncés plus complets que les formes primitives. Lorsqu'Emmanuelle utilise y a pas pour les premières fois, elle ne supprime pas le déterminant du substantif comme il est de règle jusqu'ici, lorsqu'elle emploie / a / pas + N. Il nous semble certain que l'acquisiton ne peut être étudiée en fonction d'un développement du langage basé sur un simple ajout de règles ; il y a un problème de composition de règles qui est essentiel. Nous faisons l'hypothèse générale que la négation rend plus difficile la production des phra-

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ses parce que l'enfant doit prendre en considération à la fois des relations inhérentes plus complexes et un nombre de règles de transformations plus grand. Mais il est possible que certaines acquisitions rendent plus facile la génération des phrases parce que ces formes sont plus aptes à représenter les relations inhérentes entre les constituants et donc facilitent certaines approches de type cognitif. Nous avons signalé que la distribution syntaxique des opérateurs de négations qui sont, dès le premier niveau chez Emmanuelle, multiples, est liée à la sémantique c'est-à-dire que l'on trouve une répartition non restrictive d'opérateurs différents en fonction des catégories sémantiques de la négation. Nous allons donc être amenés à lier l'évolution sur le plan syntaxique et sur le plan sémantique. La plupart des énoncés négatifs d'Emmanuelle ont pour fonction d'indiquer qu'une personne ou une chose n'est plus présente. La constitution de l'objet permanent est antérieur aux premières formes de langage. Lorsque l'enfant commence à parler, il est en possession d'un système ayant trait aux actions et à leurs transformations. L'expression de ces transformations (présence/absence) va se faire soit au moyen des formes archaïques correspondant à l'application des premières règles apparentes : formes pivot + nucleus, soit avec un système qui dès le départ a l'avantage d'être le même que chez l'adulte et qui est le système lexical. Les deux systèmes coexistent chez les enfants avec prédominance de l'utilisation de l'un ou de l'autre. Pour la négation de la présence ("non-existence" selon la terminologie de D. McNeill ou de L . Bloom) on trouve donc des formes syntaxiquement négatives et des formes lexicalement négatives telles que "parti". Les termes syntaxiquement négatifs ne sont pas chez Emmanuelle identiques selon qu'il s'agit : a) de la non-présence d'une personne ou d'une chose qui, peu de temps auparavant, se trouvait dans le champ visuel de l'enfant ; b) de la cessation d'un procès en liaison avec une personne ou une chose encore dans le champ visuel. Au premier niveau on a trouvé deux formes " / l a / plus" ; dans ces cas, le substantif nié n'est ni un objet ni une personne physiquement stable : Quel est le bruit là haut ? / a / toc-toc là haut - un - deux (Le bruit s'arrête) / l a / plus (Le magnétophone s'arrête / l a / plus musique de tourner. Le magnétophone enregistrant ne produit aucun son : Emmanuelle l'appelle musique "dans son action de marcher".) Au deuxième niveau " / l a / plus" est lié à l'emploi de encore indiquant bien qu'il y a un continuum, où encore marque un point de repère temporel. On pourrait interpréter ainsi l'énoncé : encore la plus le beurre

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où Emmanuelle indique qu'elle a mangé le morceau de beurre flottant sur sa soupe et qui venait d'être rajouté après qu'elle ait déjà mangé le premier ou qu'il ait fondu. Dans le second cas l'énoncé suit une interrogation d'Emmanuelle : / l a / encore un peu ? / l a / plus Y a pas de apparaît plus tardivement. On pourrait faire l'hypothèse u il n'est pas aussi immédiatement lié à l'absence d'un objet que a / pas là, mais renvoie à la catégorie absente. Rien dans les énonces nous permet cependant d'avancer cela. Emmanuelle n'emploie y a pas qu'une seule fois et avec la et non de^ 3 . 2 . 5 . 2 . La système négatif. L'opérateur de négation n'est postposé qu'avec des verbes pleins, des verbes modaux et la forme "au revoir p a s " qui peut être analysée en forme verbale. Au premier niveau on ne trouve que vouloir et pouvoir dans les syntagmes verbaux niés. Ces verbes ont un statut différent mais dans les deux cas, on remarque que la négation est liée à un état du sujet et non à une situation extérieure. Vouloir lorsqu'il est nié sert à exprimer le refus. S// < O (16) On trouve vouloir dès le niveau I sous la forme affirmative ou dans des énoncés introduits par non. On ne trouve pas d'exemples de vouloir au négatif combiné avec un verbe à l'infinitif. L'utilisation de pouvoir correspond à une catégorie sémantique différente. Il est utilisé pour une prise en charge subjective par le sujet d'une non-réalisation, en cela il est comparable áux négations "d'existence". Il est lié à une finalité : c'est la non-réalisation de ce que le sujet veut faire : S// » O Pouvoir n'est utilisé que sous la forme négative (17) et, dès le niveau H, on le trouve utilisé en auxiliaire avec un infinitif. Cette dernière forme sera particulièrement productive. Vers 3 ans (18), les négations de réalisation d'action vont se faire avec l'intermédiaire de l'auxiliaire pouvoir combiné ou non avec faire. On ne trouve pas de négation spontanée de verbe mais Emmanuelle répète deux fois, au cours d'un jeu, un énoncé adulte qui correspond à une interdiction (19) : S » X // > O Nous avons donc un système assez complet de négation de relations avec : (Je) ne peux pas S // >O J e ne veux pas S // < O Ne fait pas S > X // » O Des formes comme "non, / e / bon", vont se rapprocher à la fois de la négation prédicative (prédicat existentiel) et des négations de refus (refus de la propriété) pour donner la catégorie des négations 59

lexicales du type : c'est mauvais Le lexique utilisé pour l'affirmation du contraire est trop restreint pour que nous puissions le classer. Cependant on trouve des oppositions de formes verbales : donner tout/vouloir tout partir/ être là être là/partir et des oppositions d'adjectifs : méchant/gentil chaud/bon L'opposition chaud/bon pose le problème de la norme sur l'échelle de valeur chaud/froid ; cette norme est subjective pour Emmanuelle. Il en serait de même, dans ce cas, pour nombre d'adultes. Nous devons signaler que la classe des adjectifs croît beaucoup au niveau II ainsi que celle des participes, il y a ainsi plus de possibilités d'énoncés contradictoires. Dès le niveau I sous la forme non + P on trouve le refus d'une phrase. Sous cette forme le déni est, quoique moins fréquent, contemporain de la "non-existence" et du refus. Nous pensons donc qu'il ya : Négations directes : constaX n'est pas là tations d'état. Je ne peux pas Non, c'est X Indirectes : Négation de reCe n'est pas X qui lations entre deux objets X ne fait pas cela extérieurs. X n'est pas un Y Mais pour ces dernières, nous trouvons plutôt des indices qu'un système réellement productif sous une forme syntaxiquement négative. 3.2.6. Comparaison avec les enfants de langue anglaise Il est intéressant de comparer l'évolution des formes négatives chez Emmanuelle avec les données recueillies sur des enfants du même âge par U. Bellugi et L. Bloom. U. Bellugi a étudié le développement des formes syntaxiques négatives dans le corpus de trois enfants. Ces enfants sont âgés durant la période A, c'est-à-dire au premier stade, de 19 à 29 mois. La longueur des énoncés est de 1.7 à 2.0. L. Bloom a également étudié le corpus de trois enfants, elle a découpé la période d'apprentissage en stades plus fins. D'après la longueur moyenne des énoncés, les niveaux I, II, ni, IV correspondent à des âges de 19 à 24 mois. Ces stades recouvrent la période A de Bellugi et les niveaux I et II d'Emmanuelle. Il faut remarquer que les stades ne sont pas établis seulement d'après la longueur moyenne des énoncés, qui n'est qu'un 60

indice, mais sont définis en fonction de critères syntaxiques et sémantiques . U. Bellugi s'est interressée à l'acquisition du système qui soustend la génération des phrases. Pour cela, elle a étudié l'évolution des structures grammaticales typiques et communes aux enfants. La négation au stade A se présente comme un élément extérieur, le plus souvent antéposé devant un nucleus (énoncé à nier) soit : not + (nucleus) no Not et no sont des opérateurs. U. Bellugi considère cette structure syntaxique comme une structure spécifiquement enfantine et indépendante du modèle adulte. L'évolution va amener à transporter l'opérateur de négation en position interne et à appliquer progressivement les règles de la transformation négative. Les deux formes simples invariantes vont être progressivement remplacées par des formes plus complexes avec un plus grand nombre de règles en jeu jusqu'à ce que le système total soit acquis. La régularité des types de production et des erreurs à chaque stade semble indiquer que le système du langage est acquis par un même processus pour tous les enfants. Dès le stade B l'enfant est crédité d'un sous-système grammatical qui, par de nombreux indices, indique la façon et l'ordre dont sont acquises les solutions transformationnelles du système grammatical complet. L. Bloom critique partiellement le point de vue de U. Bellugi. Elle avance que l'analyse des productions des jeunes enfants laisse penser qu'il n'y a pas un seul type de structure et de développement pour tous les enfants. Elle récuse qu'il y ait au premier stade une forme non reliée à la grammaire adulte et qui soit spécifique aux enfants. Elle pense que, dès le départ, le système de la négation "est plus semblable au modèle adulte qu'il n'en est différent". Seul le fait que ce système serait plus simple, plus fragmenté et plus "généralisé, expliquerait les structures de surface semblables. L. Bloom remarque chez les jeunes enfants la construction, signalée par U. Bellugi, d'un opérateur de négation antéposé devant un syntagme nominal ou verbal. Cependant, il y a chez certains enfants, dès le début, inclusion de l'opérateur dans la phrase. En effet, l'élément négatif ne précède jamais un sujet si bien que, soit celui-ci est absent dans les phrases négatives (ce que nous avons remarqué pour Emmanuelle), soit l'opérateur de négation suit le sujet (ce que nous n'avons jamais trouvé aux niveaux I et II d'Emmanuelle). En remarquant d'autres différences dans la construction des énoncés positifs et négatifs, elle conclut que les phrases négatives ne peuvent être considérées comme des phrases affirmatives avec un opérateur de négation antéposé . L.. Bloom pense que l'élément négatif "est intrinsèque à la structure de la phrase". Le système de négation dans la grammaire de l'enfant ne diffère donc du système adulte que par son immaturité. La prise en considération de la sémantique des énoncés permet 61

à L . Bloom de distinguer le not anaphorique de l'opérateur no ou not antéposé et de montrer que la structure de l'énoncé est alors différente et justifie l'interprétation précédente d'un opérateur intrinsèque . Le système négatif tel qu'il apparaît chez Emmanuelle entre 21 et 22 mois paraît appuyer cette interprétation. Le fait que le non anaphorique soit nettement différencié du pas opérateur, lève certaines ambiguïtés qui n'avaient pas échappe a L. Bloom. Les phrases introduites par non, sont différentes des phrases précédées par un opérateur de négation, confirmant que celui-ci n'est pas simplement juxtaposé à un nucleus mais est intrinsèque à la phrase. Avec Emmanuelle, nous avons établi que l'utilisation différente des opérateurs / a / pas, / a / pas là antéposés à des syntagmes nominaux et de l'opérateur pas postposé à un syntagme verbal montre un système grammatical différencié et non pas un système spécifiquement enfantin indépendant du système adulte. Un autre point permet des rapprochements intéressants. Il s'agit de la forme / a / plus ou / l a / plus trouvée chez Emmanuelle et de la forme no more particulièrement productive chez un des enfants étudiés par L. Bloom. Celle-ci relève à côté de no qui est le premier opérateur de négation un opérateur no more qui apparaît un peu plus tard. Il est intéressant de remarquer que des premier^ emplois pour Eric de no more sont sous la forme'no more noise (plus de bruit). La première forme trouvée chez Emmanuelle est " / l a / plus musique". Les deux termes niés avec plus étant proches et "abstraits" en comparaison des autres substantifs niés. L'interprétation de cet énoncé, plusieurs fois répété, pose un problème à L. Bloom. Nous l'avons interprété comme indiquant la cessation d'un procès et non pas la "non-existence" d'un objet. Au stade suivant, toujours pour Eric, no more apparaît en construction avec des syntagmes nominaux alors que no se combine avec des formes prédicatives. A ce stade L. Bloom analyse des énoncés avec no more comme signalant la "non-existence" (20) d'un réfèrent suivant sa "récurrence" après "une non-existence". L. Bloom analyse la négation avec les trois catégories sémantiques fonctionnelles de "non-existence" (avec réfèrent hors du contexte), de rejet (avec réfèrent existant dans le contexte) et déni (énoncé négatif disant qu'une phrase ifest pas "vraie"). (21) Les énoncés les plus précoces expriment la non-existence. Le refus, fréquemment exprimé par un non isolé, donne lieu à des énoncés moins fréquents et les phrases négatives exprimant le déni sont plus tardives et plus r a r e s . Il est certain que le déni qui entraîne en principe un énoncé alternatif positif, doit être plus difficile à manier. Mais il semble que sous la forme non + (phrase), le déni soit très précoce dans le cas d'Emmanuelle etfréquent puisqu'on trouve douzeénoncés de ce type. Le lexique en possession de l'enfant lui permet, dès les premiers stades, l'affirmation du contraire. Sous cette forme le déni est contemporain de la négation "d'existence". On ne trouve pas chez Emmanuelle, et on ne trouve que plus tard chez les enfants anglophones, la forme ce n'est pas un X. La forme c'est un est elle-même tardive 62

(au deuxième niveau seulement chez Emmanuelle). Il nous semble nécessaire de séparer les énoncés du type non, c'est / y / o ù " Y " est le contraire du"X" nié, des phrases où l'on nie une qualité et celles où l'on nie l'appartenance à une classe avec un énoncé négatif. Ces énoncés n'ont pas le même statut et les derniers sont en effet plus tardifs. Il en est naturellement de même pour les formes complètes où l'on trouve la proposition négative et l'alternative positive. Chez Emmanuelle nous avons vu qu'on trouve représenté "non", avec un adjectif contraire ou un procès contraire mais aucun énoncé négatif complet avec alternatif positif.

3 . 3 . QUELQUES DONNEES EXPERIMENTALES SUR LA NEGATION CHEZ L'ENFANT DE 1 AN 10 MOIS A 3 ANS 6 MOIS 3 . 3 . 1 . Présentation de l'Expérience I L'analyse du corpus d'Emmanuelle nous donnait à penser que dès le début du langage, les formes syntaxiques utilisées en négation par l'enfant étaient différenciées en fonction des catégories sémantiques. L'expérience que nous allons présenter a été faite pour vérifier ce fait. Nous avons voulu voir : - Si pour tous les enfants le type de négation en jeu déterminait des productions syntaxiques différentes ; - et quelle était dans ce cas l'évolution des différentes formes. Pour cela nous avons expérimenté auprès de vingt-quatre enfants de 22 mois à 3 ans et demi. Il est difficile de concilier, avec des enfants de cet âge, une certaine rigueur expérimentale et la liberté nécessaire pour que les jeunes enfants ne soient pas inhibés. Nous avons donc choisi un cadre expérimental mais agi souplement avec chacun des enfants suivant le contexte immédiat. Dans des situations contrôlées et relativement contraignantes, on doit obtenir des enfants, des réponses comparables et dont le champ de variation couvre en partie le champ des réponses possibles au point de vue syntaxe, lexique et sémantique. On peut espérer, en répétant les mêmes stimuli - pour un même enfant et pour tous les enfants - obtenir un certain "type" de réponse c'est-à-dire une classe de réponses stables en fonction d'une classe de stimuli. Dans ce cas les variations systématiques et générales des productions, pour les mêmes stimuli, peuvent être attribuées à une évolution du langage. En revanche les variations systématiques - que l'on retrouve chez plusieurs enfants - en liaison avec les variations des stimuli peuvent être attribuées à la nature des stimuli et aux relations qu'ils impliquent. La comparaison des énoncés suivant le type de stimuli, l'évolution de ces énoncés, les résitances et les persévérations peuvent nous apporter des informations intéressantes. 63

On a choisi une série de jeux devant provoquer plusieurs types d'énoncés affirmatifs et négatifs (22). 3 . 3 . 1 . 1 . Hypothèses. On peut faire l'hypothèse que : A) Les négations se rapportant à la présence d'un objet ou d'une personne seront plus précoces, particulièrement lorsqu'on se trouvera dans une situation récurrente. La négation de présence suppose acquise la permanence de l'objet, celle-ci est acquise avant que l'enfant commence à parler (2 3). Cette négation ne nécessite que l'application d'un opérateur de négation sur un terme ou une proposition établissant l'existence. B) La négation de relations, au niveau le plus simple peut être représentée par la négation d'attribution ou de propriété. Cette négation suppose l'établissement de l'existence de deux termes et de la relation : x possède y, ou : y est attribué à x. Lorsque l'objet attribué est détachable - et n'est donc pas une propriété intrinsèque de l'objet possédant - la négation d'attribution devrait être légèrement postérieure à la négation de présence. C) La négation portant sur un procès ou sur un état implique celle d'une fonction, et devrait être plus tardive. 3 . 3 . 1 . 2 . Matériel et procédure. Les enfants ont passé, en principe dans le même ordre, cinq épreuves. En fait, si la première épreuve a toujours été passée en premier, la résistance des enfants à l'un ou l'autre jeu nous a parfois amené à changer l'ordre ou à abandonner l'une des épreuves. Jeu 1. C'est la répétition de phrases affirmatives et négatives construites autour de être + pp et avoir + SN. Etre + pp est la forme stative correspondant à la forme active avoir + cpl. d'objet. Matériel : nous avons utilisé les deux phrases minimales avec être et avoir pour exprimer un même signifié. Sous une forme affirmative ou négative ces phrases servent à décrire un matériel qui consiste en des jetons avec ou sans trou. Le choix du matériel a été fait en considérant que certaines notions topologiques sont acquises plus rapidement que les couleurs ou les formes. Procédure : on présente aux enfants les jetons et on leur décrit le matériel en s'assurant qu'ils comprennent le mot trou et savent distinguer un jeton troué d'un jeton non troué. Ensuite on leur passe les jetons un à un en leur demandant de "dire la même chose". Le jeu consiste donc à donner à l'enfant un jeton troué en lui disant soit : C'est troué Il a un trou Y a un trou ou un jeton non troué en disant : Ce n'est pas troué Il n'a pas de trou Y a pas de trou 64

On enregistre la répétition de l'enfant. Cette méthode permet de minimiser le rôle de la mémoire et de se rapprocher de la production spontanée. En effet quand, en face d'un jeton non troué, l'enfant répète la phrase stimulus en laissant tomber la négation ou en modifiant l'énoncé, on peut penser que le type de négation à répéter est peu productif. Jeu 2 : cache-cache. Pour obtenir des énoncés ayant trait à la présence ou à l'absence d'objets, nous avons utilisé un jeu de cachecache. Le type d'énoncé induit par ce jeu doit être : Il est là II n'est pas là C'est là Ce n'est pas là Y a un X Y a pas de X, etc. Des petits jouets représentants des jouets "animés" (petit cheval, poupées) ou "inanimés" (cubes), sont montrés aux enfants, ceux-ci les nomment et jouent avec. a) L'expérimentateur fait verbaliser sur la présence en posant des questions. Où est le X ? Qu'est-ce qu'il y a ? b) L'expérimentateur cache et fait réapparaître les objets (animés et inanimés) plusieurs fois de suite en attendant les productions spontanées. Jeu 3. Pour obtenir des négations "d'attribution", on montre à l'enfant deux poupées. L'expérimentateur et l'enfant examinent ce que porte chacune d'elle. Pour inciter l'enfant à parler, l'expérimentateur peut comparer les deux poupées et poser des questions. Celle-là a un chapeau et celui-là ? Cependant toutes les verbalisations n'ont pas été obtenues par comparaison, les enfants décrivent spontanément les poupées en faisant remarquer les particularités de chacune d'elles. Le jeu doit induire des phrases portant sur l'affirmation ou la négation du verbe avoir par l'enfant. Il permet de voir l'évolution des dépendances liées à la négation (les articles par exemple). Jeu 4. Pour essayer d'obtenir des négations portant sur des procès ou des états, l'expérimentateur présente à l'enfant des petites scènes. L'enfant peut commenter soit en décrivant l'action soit en constatant le résultat de l'action. Les négations peuvent donc porter préférentiellement sur le verbe d'état ou sur le verbe factitif. Rentrent aussi en jeu la classe des sujets : (ceux-ci peuvent appartenir à la classe des animés ou à la classe des inanimés), et les relations a vec les catégories de verbes. Nous avons présenté les scènes suivantes : - Une poupée fille pousse une poupée garçon et la fait tomber/ne la fait pas tomber. On mime deux fois chaque scène en inversant le 65

le rôle de la fille et du garçon. ) - Une poupée pousse un cube et le fait tomber/ne le fait pas tomber. - Un cube pousse la poupée et la fait tomber/ne la fait pas tomber. - Un cube pousse un autre cube et le fait tomber/et ne le fait pas tomber. On commence par mimer les scènes où les objets tombent de façon à établir, entre ces situations et celles où les objets ne tombent pas, la relation nécessaire à l'obtention d'énoncés négatifs. Jeu 5. On présente à l'enfant des objets soit : a) avec des qualités opposées sur des continuums tels que taille, température, poids ; b) présentant une différence portant sur un critère tel que la couleur ; c) dans des positions différentes. L'expérimentateur montre un des objets en disant : Celui-là est grand et celui-là ? Celui-là est rouge et celui-là ? Celui-là est couché et celui-là ? etc. On pose également la question sur l'objet opposé : Celui-là est petit et celui-là ?, etc. Sujets : Nous avons vu vingt-quatre enfants d'une crèche (24) des environs de Paris. Les enfants ont entre 22 et 41 mois. 3 . 3 . 1 . 3 . Critère de l'évolution. Nous avons classé les résultats obtenus en quatre types de productions linguistiques définissant ainsi quatre niveaux génétiques. Ces quatre niveaux correspondent, comme nous le verrons, à une évolution qualitative comme quantitative dans les énoncés produits. Remarquons cependant que ces évolutions sont également fonction de la tâche présentée. A) Evolution quantitative. L'un des critères pour l'évolution génétique est le nombre d'énoncés. On remarque d'abord un accroissement du nombre des énoncés portant sur la présence et l'absence d'un objet préalablement dans le champ visuel (cette évolution se fait entre les niveaux A et B). Ensuite l'accroissement se produit dans la situation où il s'agit de constater la présence ou l'absence d'une propriété détachable d'un objet (il marque le passage du niveau B au niveau C). Il faut attendre le niveau D pour recueillir de nombreux énoncés marquant le procès ou le résultat d'un procès (25). B) Evolution qualitative. Les critères définissant l'évolution qualitative sont plus nombreux et variés. On les a regroupés sous quatre rubriques. L'utilisation que nous faisons de ces critères est essentiellement fondée sur le décalage qu'ils introduisent entre les énoncés affirmatifs et négatifs. Ces critères sont : - le nombre de règles d'expansion à la structure de base, - le type de règles utilisées, 66

- les propriétés des morphèmes utilisés, - les omissions et erreurs systématiques. 3 . 3 . 2 . Analyse des résultats 3 . 3 . 2 . 1 . Niveau A A) Description des données Jeu 1. Aucune répétition autre que celle du mot trou n'a été obtenue Jeu 2. Seule l'opposition présence/absence a donné lieu à des productions linguistiques chez tous les enfants. Les formes affirmatives et négatives sont du même type que celles trouvées dans le corpus d'Emmanuelle. Les phrases affirmatives sont de type P + O (mot pivot + mot de la classe ouverte). Les pivots sont les particules / a / ou / e / / l e / suivies de là^. / e / représente sans doute est du verbe être mais cette décision ne peut être prise qu'au vu des productions postérieures Ces particules servent d'opérateurs ; soit elles se combinent avec un substantif (non introduit par un déterminant) soit elles sont utilisées seules. / a / là /e/là / l e / là a / l e / là Les formes négatives sont toujours introduites par / a / : / a / pas / a / pas là / a / plus On trouve un substantif avec pas : "pas dada". Des formes affirmatives indiquant l'absence ont été utilisées par trois enfants dont deux ont également utilisé des formes négatives. Les énoncés dans ce cas sont soit "parti", soit "parti" combiné avec le pivot / a / là indiquant la présence : / a / la parti Jeu 3. On trouve : a) des énoncés affirmatifs de type P + O ; b) des énoncés de type thème-commentaire ; c) une négation "/a/ pas", qui est plutôt du type "absence". Dans les autres épreuves les enfants de ce stade ont les comportements suivants : ils ne répètent pas la négation dans les phrases à répéter et semblent ne pas comprendre certaines demandes négatives :

Donne-moi un qui n'a pas de trou

(l'enfant tend un jeton troué en disant " / l a / t r o u " . ) (Ces enfants peuvent t r i e r les jetons troués et non troués en les nommant. )

B) Analyse des données. Le fait que / e / est soit utilisé au lieu de / a / dans les phrases affirmatives semble indiquer une qualité supérieure des productions affirmatives mais les enfants n'emploient pas ici, pour produire des phrases ayant trait à la présence, plus de règles d'expansion que dans les énoncés négatifs. Les quatre enfants que l'on trouve à ce niveau sont t r è s jeunes et l'expérimentation difficile dans ce cas, ne nous permet pas de t i r e r beaucoup de conclusions. Les enfants de 2.0 sont capables de produire des énoncés plus complexes dans un contexte familier. Il est intéressant de voir que des productions ont été obtenues seulement pour le jeu 1 et le jeu 2 avec uniquement des productions affirmatives pour le jeu 2. Seule, donc la négation de la présence paraît ne pas être trop inhabituelle à cet âge. Les autres données ne nous apprennent rien qui puissent compléter ou infirmer l'analyse du corpus d'Emmanuelle. 3 . 3 . 2 . 2 . Niveau B A) Description des données Jeu 1. Les enfants ne répètent pas mot à mot. Ils utilisent des formes spécifiques représentatives de leur niveau génétique linguistique. Dans les phrases affirmatives ils omettent le pronom et génèrent une forme verbale avec un syntagme nominal. L'article n'est généralement pas omis. Par exemple, on obtient en répétition de : Il a un trou a un trou Il y a un trou y a un trou C'est troué troué Pour les phrases négatives les enfants juxtaposent un opérateur de négation du type / a / pas avec le nom. Il n'a pas de trou a pas de trou Il y a un trou / l a / pas un trou Ce n'est pas troué pas troué Tous les enfants (sauf un) répètent au moins une forme négative. Jeu 2. La présence qui était indiquée au niveau A par l'introducteur / a / et le localisateur là donne lieu à des productions régulières qui se centrent autour de être là : est là l'est dedans est dedans 68

il est là elle est là dedans Il y a omission fréquente du pronom. L'absence est indiquée soit par des formes sémantiquement négatives soit par des phrases syntaxiquement négatives. Pour les phrases sémantiquement négatives l'auxiliaire être se substitue à l'introducteur / a / que l'on trouvait au niveau A. Il y a fréquemment adjonction d'un sujet, soit sous la forme d'un pronom soit sous celle d'un syntagme nominal postposé. Le lexique est limité ; on trouve "parti" et 1 fois "caché" : l'a parti l'est parti est parti le cheval il est parti l'est caché là Dans les phrases syntaxiquement négatives il y a persistance de l'élément introducteur / a / . On ne trouve, à ce stade, aucune négation avec être. L'opérateur de négation peut être pas ou plus presque toujours introduit par / a / ou / l a / . On commence à trouver des formes plus complexes avec sujet (topic) postposé. Il faut parler plus de phrases thème + modification que de phrases P + O : / a / pas là / l a / pas là dada pas le cheval / l a / plus poupée Jeu 3. a) révolution entre le niveau A et B pour les phrases affirmatives produites au cours du jeu 3 est très nette. Les énoncés sont plus nombreux et il peut y avoir génération de phrases avec un syntagme nominal et un syntagme verbal : elle a chapeau là elle a la pipe Cependant ces énoncés sont rares et les omissions sont de règle. Il y a souvent omission d'une catégorie majeure comme celle du pronom : a chapeau met chapeau ou de l'objet : il a On remarque l'omission presque systématique des articles : elle a pieds l'a chapeau Quand l'article est présent, il y a utilisation plus fréquente d'un indéfini. Un certain nombre de productions posent des problèmes : l'a un chapeau 69

On ne peut affirmer que JV en tête de la phrase est une contraction de il ou de elle. On ne trouve ces formes que chez des enfants qui n'utilisent pas, par ailleurs, de formes complètes. b) Les énoncés sémantiquement négatifs sont rares : est tombé enlevé culotte la casquette, elle est tombée c) Les formes syntaxiquement négatives sont, dans ce jeu, aussi systématiquement plus archai'ques : - le pronom est omis (1 exception) - l'article est omis (1 exception) Deux formes sont particulièrement productives et sont utilisées par presque tous les enfants. a pas chapeau pas chapeau On a trouvé chez un enfant une forme telle que " / l a / pas met chaussures" qui ne rentre dans aucune catégorie. Jeu 4. La production est très pauvre. On ne trouve que des énoncés déclaratifs. Les variations entre l'action réalisée, l'action "non réalisée" (26) et l'état sont indiquées par des changements lexicaux. la poupée pousse celui-là il a renversé poum / a / le monsieur l'a fait la poupée là elle est tombée Jeu 5. Dans l'épreuve de polarité seul grand/petit est parfois réussi. B) Analyse des données. D'une manière générale on peut dire qu'à ce niveau, l'opposition présence-absence donne lieu à des productions négatives systématiques. L'analyse des productions affirmatives montre la présence des deux catégories (sujets et prédicats) avec omission des déterminants. JEU 2

JEU 1

être

70



elle

On trouve cependant des réductions avec omission d'une des catégories majeures : le sujet de la phrase. Mais il y a une nette réorganisation vers un type d'énoncé canonique avec sujet et prédicat. Les formes négatives restent nettement plus archaïques. Elles paraissent être une juxtaposition de l'opérateur de négation précédé de l'élément introducteur / a / et, soit d'un syntagme nominal avec omission du déterminant soit du localisateur là. On peut proposer deux interprétations, - Soit 1)

Une transformation amène pas derrière a qui est, dans ce cas, le verbe avoir. -Soit 2) On peut considérer / a / comme un simple élément introducteur. Dans ce cas, on a une phrase de type : "thème-commentaire" : a pas là dada poupée etc. On ne trouve, à ce niveau, aucune négation du verbe être, que ce soit sous la forme être là ou sous la forme d'un auxiliaire. Pour la négation d'appartenance, il pourrait y avoir réduction linéaire avec omission systématique de la même catégorie majeure : celle du sujet

Pas est inséré après a. par une transformation. Cette transformation étant "coûteuse", les formes les plus récemment acquises et les moins nécessaires, comme par exemple le pronom, tombent. Cependant le polymorphisme de / a / nous oblige à être prudents et nous pourrions nous trouver ici aussi devant une phrase "thème 71

commentaire" où / a / serait un simple introducteur. Au jeu 4 on ne trouve que des phrases déclaratives et les productions sont trop pauvres pour que l'on puisse analyser leur place dans le cadre d'une évolution de la syntaxe. On peut remarquer que les premières indications d'un procès, de son aboutissement ou de son non-aboutissement se font par des procédés lexicaux. elle pousse elle est tombée Si l'enfant porte son attention sur le sujet, le verbe utilisé est pousser qui décrit l'action faite par le sujet. Si l'attention se porte sur l'objet le verbe utilisé est tomber qui décrit l'état. Lorsque l'état n'est pas réalisé l'enfant ne décrit pas l'action par rapport à l'objet : on n'a pas trouvé de phrases passives ni de phrases indiquant l'état non réalisé ou l'action qui n'arrive pas à aboutir ; d'où l'absence de phrases négatives. 3 . 3 . 2 . 3 . Niveau C A) Description des données Jeu 1. Les enfants répètent les phrases négatives. On trouve cependant des omissions : celle de l'article indéfini plus spécialement, des substitutions : article défini et des modifications de formes : "Ce n'est pas troué" est répété "y a pas un trou". La phrase "ce n'est pas troué" est celle qui pose le plus de problèmes : sur douze répétitions (deux par enfants) il n'y a qu'une répétition correcte. Jeu 2. L'évolution des formes affirmatives se marque : a) par l'utilisation de y a et de c'est ; b) par la régularisation de l'ordre sujet-verbe-objet. On trouve également des phrases du type Pro + V + Objet + SN où le SN est le thème (topic) postposé : il est là le cheval est là y a un cheval c'est un cheval l'est là le cheval Pour les formes sémantiquement négatives il y a accroissement de la classe des participes employés en négation lexicale d'être là : il est tombé il est parti est caché il est enlevé Le fait le plus important est l'apparition de la négation d'être qui émerge en même temps que les formes y a pas, y a plus : il est pas là est pas là dedans ma main y a plus 72

non, y en a pas y a plus de poupée Il y a encore des réductions mais elles ne sont pas plus fréquentes que dans les formes affirmatives. L'article indéfini est assez souvent employé mais on trouve encore un au lieu de de. Jeu 3. La situation 3 est particulièrement productive à ce niveau. Les formes affirmatives sont nombreuses et variées : il a un tricot l'a chapeau en a la bouche l'en a des chaussons met son chapeau la petite fille On remarque encore des réductions : absence de pronom, mais elles sont rares. Par contre on trouve des redondances : la forme en a + objet est fréquente : l'en a une culotte ma poupée Les phrases négatives ne diffèrent pas au point de vue construction des phrases affirmatives : celle-ci l'en a pas des souliers elle a pas de tricot l'a pas d'chapeau celui-là n'en a pas des cheveux elle a pas de tricot elle a un gilet elle a pas une pipe Il n'y a pas de réduction, l'on remarque beaucoup de formes redondantes (en a + objet) et l'emploi d'articles indéfinis. Jeu 4. Il y a accroissement très net du nombre et de la variété des expressions affirmatives. 1) Les phrases indiquant l'action faite sont de deux types : a) Indication d'un procès avec des verbes tels que pousser frapper piquer. La classe des verbes utilisés, dans ce cas, augmente. Il n'y a de différence entre l'action faite par un animé vers un inanimé ou par un inanimé vers un animé que pour le nombre de productions obtenues dans chacune des situations. b) Indication de la participation du sujet à la réalisation d'un état avec l'intermédiaire du factitif faire : "l'a fait tomber petit garçon" où petit garçon est l'actant ; "l'a fait tomber le cube" où le cube est le patient. 2) Les phrases affirmatives indiquant l'état sont du type être + pp avec souvent sujet postposé. Il faut remarquer à ce niveau une forme très fréquente impossible à interpréter : il a tombé S'agit-il d'une phrase factitive du type "il a fait tomber" avec omission de faire ou de l'emploi de l'auxiliaire avoir à la place de être ? Phrases négatives. Ilyapeu de productions négatives (2 seulement) : 73

elle est pas tombée non pas tombée Jeu 5. Les enfants donnent plusieurs polarités : petit grand gros petit froid chaud chaud (ou c'est pas froid) froid petit lourd En général, les enfants ne donnent que très peu de réponses avec opérateurs, ils utilisent un nouveau lexème qui n'est pas toujours l'opposé du couple. Lorsqu'il s'agit de couleur les réponses se répartissent plutôt sur des couleurs différentes. Pour "nier" qu'un jeton est rouge les enfants disent bleu, vert, y a pas de rouge ça (1 fois ). B) Analyse des données. Il y a une évolution très nette dans les productions linguistiques entre les niveaux B et C. Au niveau C, il n'y a pas de différences entre les formes déclaratives et les formes négatives pour les jeux 2 et 3. La négation de la présence et celle de la propriété n'introduisent pas une complexité cognitive et linguistique telle qu'elle oblige l'enfant à régresser à des formes plus simpies. La construction, la variété, le nombre des dépendances comme le nombre des énoncés sont comparables pour les formes affirmatives et négatives. On trouve ainsi un énoncé négatif complet avec alternative. Cet énoncé, quoique unique, montre bien l'équivalence de la performance pour les deux formes : elle n'a pas de tricot, elle a un gilet Jeu 4. Il y a développement de la production affirmative pour l'expression du procès et de l'état. L'indication d'une action effectuée devant l'enfant et/ou de l'état obtenu par cette action, est exprimé avec des formes verbales indiquant un accompli : elle a tapé l'a touché elle a frappé La forme si fréquente "elle a tombé" pourrait être une généralisation des cas précédents. On ne trouve qu'un verbe au présent. Lorsque l'action n'est pas suivie d'effet (par exemple lorsqu'une poupée ne fait pas tomber l'autre) les enfants utilisent des formes telles que : pousser, frapper plutôt que des formes négatives. Lorsque l'action est suivie d'eflet, l'enfant utilise : il/elle fait tomber il/elle est tombée avec changement d'auxiliaire pour indiquer si l'action est envisagée du côté de l'actant ou du patient. 74

Le fait qu'il n'y a à peu près pas de productions négatives à ce niveau peut s'analyser soit comme : 1) les enfants n'établissent pas de relations entre les deux situations, celle où la poupée tombe et celle où la poupée ne tombe pas ; 2) l'enfant est capable d'exprimer un nouveau type de relations internes à chacune des situations mais les exprime d'abord avec des phrases déclaratives plus simples à engendrer et reflétant des opérations cognitives moins complexes. La négation est le rejet, le refus, l'énonciation de la non-existence de relations ou d'états d'un certain type. Il paraît donc nécessaire que l'enfant soit d'abord apte à extraire ce type de relation et à verbaliser sur leur présence avant de pouvoir faire sur elles des transformations cognitives et/ou linguistiques. 3 . 3 . 2 . 4 . Niveau D Description et analyse des données Jeu 1. Les enfants répètent correctement les phrases. Jeu 2. Les productions sont moins nombreuses, les enfants se désintéressent vite de ce jeu. Les formes affirmatives se diversifient : - c'est dans la boîte c'est un cheval y en a des fois. . . il est dans la main y a le cube dans la boîte La localisation est spécifiée : ce n'est plus la présence qui est indiquée par opposition à l'absence mais la présence à un certain endroit. On trouve encore des formes avec là, : il est là, le cheval mais elles tendent à disparaître. La classe des termes indiquant l'absence augmente : elle s'en va il est sorti il est perdu Les formes négatives sont presque toutes construites avec plus. Il y a donc indication d'une cessation d'état (de présence) et non plus seulement d'une absence. La récurrence de la situation est perçue : y en a plus y a plus rien du tout Enfin, il y a utilisation d'indéterminé : plus de vache Jeu 3. Les productions affirmatives et négatives sont plus nombreuses. Elles sont la plupart du temps syntaxiquement correctes. On 75

ne remarque pas d'erreur sur le genre et le nombre pour les articles. Par contre les redondances sont fréquentes comme au niveau C. Les enfants antéposent un complément d'objet direct sous forme de pronom personnel et répètent après le verbe, sous forme de SN, ce complément d'objet direct : il l'a la pipe l'en a pas la pipe de même il y a répétition du sujet : elle est enlevée la pipe Plus que des erreurs, il semble que ces formes soient dues à des mises en valeur systématiques des thèmes : les chevaux ça a des pattes c'est la poupée qui l'a eu On retrouve cela dans le jeu 4 : la poupée, elle est cognée Dans les productions négatives on trouve certaines erreurs sur les déterminants : ça a pas des robes l'a plus chapeau Cependant il y a des phrases tout à fait grammaticales : Elle n'a pas de pipe Jeu 4. Le jeu 4 permet mieux de voir l'évolution entre le niveau C et le niveau D. Il y a un net accroissement de quantité et de qualité des phrases produites et il y a des productions syntaxiquement négatives. Phrases affirmatives indiquant l'action : il y a généralisation de la forme faire + tomber, le factitif marque la participation du sujet. Il indique l'action du sujet sur un objet qui sera dans l'état indiqué par le verbe à la fin de l'action, cette forme est donc la plus complète lorsqu'il s'agit de décrire la scène mimée où l'objet poussé tombe. Les enfants utilisent aussi faire de façon redondante avec des verbes indiquant déjà un procès tel que pousser : il fait pousser Il y a accroissement de la classe des verbes utilisés pour indiquer le procès. L'enfant utilise divers verbes pour indiquer les procès, les états, et des temps différents pour indiquer l'accompli et le non-accompli : elle prend à ses mains elle pousse le bonhomme il cogne il tombe il est tombé

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Chaque enfant utilise plusieurs formes différentes pour décrire l'action. Ces diverses productions sont substituées les unes aux autres pendant le jeu. Les productions factitives sont plus fréquentes pour décrire l'action d'un animé, alors que les productions indiquant l'état sont plus fréquentes lorsqu'il y a objet inanimé. Lorsque l'actant est un inanimé, il y a très peu de production. C'est le premier niveau où l'on se trouve des productions négatives systématiques pour ce jeu. Cependant les phrases négatives sont beaucoup moins nombreuses que les phrases affirmatives. Les négations du procès sont le plus souvent construites avec pouvoir et faire : elle peut pas la pousser elle peut pas faire tomber il peut pas Il n'y a que deux exemples sans intermédiaire de la modalité parmi les phrases négatives indiquant la négation d'un procès c'est "il tombe pas" (action vue du point de vue de l'objet). On trouve également des négations d'état. On remarque l'absence du pronom dans deux cas sur trois,l'enfant nie la propriété : pas tombé 3 . 3 . 3 . Conclusion Les quatre niveaux que l'on a définis à partir des productions d'enfants de 1 an 10 mois à 3 ans 6 mois, montrent une évolution de la négation du point de vue syntaxique et sémantique en relation avec le développement cognitif. La constitution du contenu est particulièrement mise en valeur par l'évolution des productions pour les différentes situations proposées. Nous voyons que l'émergence des formes négatives se fait en fonction de la catégorie sémantique des énoncés. L'utilisation de certaines formes ou de certains termes est liée à la possibilité d'extraction des relations ou des propriétés dont ils doivent rendre compte. Il faut tout d'abord que l'enfant soit capable d'analyser les relations internes de la situation présentée pour pouvoir ensuite les verbaliser. L'indication de l'absence est d'abord exprimée sous une forme syntaxiquement ou lexicalement négative. La permanence de l'objet est établie avant les premières verbalisations, il n'y a donc pas de problèmes pour appréhender la présence ou l'absence d'un objet dans un champ perceptif. L'abstraction des propriétés des objets et de leurs relations est plus tardive. Dans notre expérience la négation d'appartenance (avoir-n'avoir pas) n'est acquise de façon productive qu'au niveau B. Lorsque les opérations nécessaires à l'extraction des relations sont plus complexes, les productions n'apparaissent que plus tard. C'est ainsi qu'on ne trouve qu'aux niveaux C et D la négation d'états non réalisés et celle des relations entre procès. L'évolution syntaxique se manifeste dans la forme des productions 77

à l'intérieur de chaque situation. Le nombre de règles utilisées par l'enfant et leur diversité augmentent du niveau A au niveau D. Aux productions de type Neg + nucleus, se substituent des formes où les règles engendrent pas à la place que celui- ci doit occuper dans la structure de surface. Les phrases produites tendent à être complètes et comportent des indications du sujet et de l'objet. On trouve des redondances en particulier la répétition du sujet en thème à la fin de la phrase. L'évolution des formes lexicales consiste en l'accroissement de la classe des termes que l'enfant substitue aux énoncés négatifs. Les enfants utilisent tantôt des formes avec opérateurs tantôt des formes lexicales. Ceci tend à montrer qu'ils tiennent compte de l'équivalence des systèmes dans des situations données. L'utilisation des formes lexicales est également liée au statut des faits à nier. Dans le jeu 4, on trouve un grand nombre de termes différents pour indiquer l'état non réalisé. Leur utilisation précède la possibilité d'exprimer, avec des phrases syntaxiquement négatives, la non-réalisation de cet état. Nous devons signaler que les productions affirmatives exprimant les différents types de relation ou d'états, sont toujours plus précoces et moins archaïques que les productions négatives. D'autre part, il semble que l'enfant ne réutilise pas nécessairement son catalogue de formes lorsqu'il exprime de nouvelles fonctions sémantiques. Les productions qui émergent tard (celles qu'induisent le jeu 4) à cause du statut des relations qu'elles expriment ne sont pas en général aussi archaïques que les productions du niveau A. L'acquisition de la négation, comme celle du langage, dépend du développement d'un système de règles. Ce développement est lié au développement d'un sous-système de génération des opérateurs. C'est dans des limites fixées par les opérations possibles sur le monde extérieur que ces systèmes peuvent fonctionner de façon productive.

NOTES 1. M. Coyaud, "Le problème des grammaires du langage enfantin", La linguistique, Paris, 1967. 2. Les mots fonctionnels sont les termes relationnels qui dépendent d'autres mots ou du contexte pour faire référence. Les substantifs ont un statut lexical indépendant car ils font référence indépendamment des autres mots. 3. Le fait que chez de nombreux petits enfants l'intonation se relève systématiquement en fin de phrase, ne permet pas de dire si il y a phrase interrogative lorsqu'il y a présence de cette marque. 4. Nous emploierons le terme "item" pour ne pas faire d'hypothèses sur le sens. 5. Les énoncés négatifs du corpus recueilli sont présentés en Annexe I. 6. On appelle cette particule "pivot" parce qu'elle est combinable et combinée avec un grand nombre de syntagmes différents. 7. Nous disons qu'une forme utilisée plusieurs fois dans le corpus avec différents formants est une forme productive. 78

8. P phrase Neg élément négatif SN Syntagme nominal 9. Il faut remarquer que la forme négative /a/ pas est très habituelle chez tous les jeunes enfants comme nous le verrons dans l'Expérience I . 10. seul /a/ sera écrit dorénavant en écriture phonétique puisque pas est non ambigu. La sera réécrit /la/ lorsqu'il peut être ambigu, c'est-à-dire lorsqu'il pourrait être interprété comme un article, comme il a ou comme un désignateur. 11. Cela n'est exact que parce que nous avons décidé de considérer la f o r me /a/ pas comme un élément négatif et non comme une négation du verbe avoir. Dans le cas contraire, la forme de surface serait la même pour les verbes modaux et avoir - y avoir, mais il y aurait, avec ces derniers, des énoncés plus complexes avec syntagme nominal postposé. 12. Avec les réserves habituelles sur la forme /a/. 13. Par déni nous entendons refus d'un énoncé ou d'un fait. 14. Det : déterminant Adv : adverbe 15. V : verbe Inf : infinitif Adj : adjectif. 16. La flèche indique la relation entre S (le locuteur-sujet) et O (l'objet). 17. U. Bellugi avait remarqué, qu'en anglais, l'auxiliaire était employé d'abord à la forme négative, avant d'être utilisé à la forme affirmative. 18. Voir Expérience I. 19. "Ne regarde pas", "Ne regarde pas Cécile", Cécile étant la personne à laquelle s'adresse l'ordre. 20. Le terme est celui utilisé par L . Bloom, et auparavant par D. McNeill. Pour nous, nous avons utilisé présence-absence dans l'analyse du corpus d'Emmanuelle puisque d'une part nous savons acquise la permanence de l'objet et que la cessation d'un procès ou la non-réalisation d'un procès ne sont que des sous-catégories de cette classe de négation. 21. On peut se rapporter à une analyse de D. McNeill et McNeill (1966) mettant en lumière une évolution semblable chez des enfants japonais. En japonais il y a des opérateurs distincts d'après les catégories sémantiques et les enfants les acquièrent dans un ordre comparable. Il y a cependant une inversion dans les résultats de McNeill et ceux de L . Bloom entre l'émergence des formes de déni et des négations du type "je ne veux pas". 22. L'analyse des énoncés négatifs et de leur évolution sera toujours faite en parallèle avec celles des énoncés affirmatifs. Les relations entre les 2 formes présentent des variations indispensables pour l'étude des énoncés négatifs. 23. J. Piaget, La construction du réel chez l'enfant, Neuchâtel, 1941. T . Bower "The object in the world of the infant", Scientific American, octobre 1971, p. 30-38. 24. Nous remercions Madame Lezine qui nous a accueilli pour cette expérience . 25. Il faut remarquer qu'au niveau D le nombre d'énoncés pour le jeu 2 (présence-absence) décroît, les enfants de ce stade se lassant d'une tâche trop simple et trop répétitive. 26. Dans ce cadre expérimental.

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4. TRAITEMENT DE NEGATIONS SYNTAXIQUES ET LEXICALES

4.1. PRESENTATION DES EXPERIENCES Les Expériences H, III, IV, V ont été faites pour déterminer si les formes de négation liées aux verbes en tant qu'items lexicaux agissent sur la mémorisation et la vitesse de compréhension des phrases comme le fait la négation avec n e . . .pas. La signification d'une phrase est donnée par la structure syntaxique et par la valeur lexicale des mots. Les expériences présentées au chapitre II ont montré qu'une phrase syntaxique ment négative était plus complexe à comprendre et à mémoriser que son équivalent à l'affirmatif - cela en dehors de contextes fonctionnels spéciaux. Nous voulons voir si un verbe opérateur et/ou des verbes à trait sémantique négatif agissent également sur la vitesse de compréhension et sur la mémorisation par rapport à des verbes non marqués. Nous voulons étudier également l'effet de l'interaction de ces négations. Dans une première expérience (Expérience II), on a utilisé une technique de mémorisation pour comparer l'effet des verbes à trait sémantique négatif (verbes TSN) et l'effet de la négation syntaxique. Cette expérience a été faite avec de jeunes enfants. Un contrôle chez les adultes (Expérience ni) peut être trouvé dans l'Expérience ffl dont la problématique s'éloigne toutefois légèrement de cette question. Dans l'Expérience IV, nous avons utilisé une technique de temps de latence pour tester la compréhension de phrases chez les adultes. Les phrases sont affirmatives ou négatives. Les types de négation étudiés sont : la négation avec ne. . .pas, la négation due à un verbe performatif à négation inhérente^ la négation due à un verbe avec trait sémantique négatif (TSN). La combinaison de ces négations permet d'étudier l'effet du nombre de négations et leur interaction. Dans l'expérience V, nous avons employé un matériel identique pour tester la compréhension de phrases négatives chez les enfants de 6 à 7 ans. Une procédure différente a permis d'étudier plus p a r ticulièrement les stratégies de réponse des sujets. Dans un dernier chapitre, on a analysé les réponses à des phrases permissives (1) présentées lors des Expériences IV et V. La négation syntaxique d'un verbe performatif peut amener l'indétermination de l'état de fait indiqué par la subordonnée. Lorsque les phrases présentées comportent plusieurs négations, les réponses des sujets permettent d'étudier les processus de calcul des phrases. 80

4.2 EXPERIENCE II 4 . 2 . 1 . But de l'expérience et hypothèses Les données recueillies au cours de l'Expérience I et dans l'analyse du corpus d'Emmanuelle, nous ont montré que l'usage de la transformation négative chez les jeunes enfants de 1.10 à 3 • 6 ans est lié à certains traits du verbe utilisé dans la phrase. Il nous a semblé intéressant d'approfondir ce point expérimentalement. En classant les verbes utilisés par les enfants, on voit que ceux-ci emploient des verbes qui ont un trait sémantique négatif et des verbes dans lesquels ce trait est absent. Les premiers sont employés dans des phrases syntaxiquement affirmatives que les enfants substituent fréquemment à des phrases syntaxiquement négatives. Ces verbes, que nous avons appelé verbes à trait sémantique négatif, indiquent, en tant qu'unité lexicale dans une phrase affirmative, l'inversion d'une action positive ou le contraire d'un état positif et donc une absence, un manque ou une disparition. Nous avons étudié dans cette première expérience deux types de négation : la négation syntaxique indiquée par ne.. -pas, et le type de négation lexicale due à la nature du verbe utilisé soit à des verbes à trait sémantique négatif. Les verbes choisis sont : enlever. Oter. perdre, oublier. Nous avons procédé à une épreuve de mémoire avec rappel immédiat pour tester/si le rappel diffère lorsqu'on présente des phrases syntaxiquement affirmatives et des phrases syntaxiquement négatives avec des verbes à valeur lexicale positive ou négative. L'utilisation d'une épreuve de mémoire peut se justifier si l'on admet - à la suite des résultats obtenus par de nombreux expérimentateurs (J. Mehler 1963, S. Fillembaum 1966, S. de Schonen 1970) que la représentation en mémoire d'une phrase est liée aux différents types de relations de la signification. Dans ce cas, on peut étudier les problèmes rencontrés par les sujets pour mémoriser un message dont le contenu a subi une transformation. Le nombre de phrases omises ou répétées de façon erronée lors du rappel peut être une mesure de la difficulté rencontrée par les sujets lors du codage et du rappel. En ce qui concerne les structures sous-jacentes, il est évident que la distribution des erreurs ou des omissions ne permet pas de révéler les similitudes des structures. Nous ne faisons donc aucune hypothèse supplémentaire sur les propriétés de la négation lexicale par rapport à celles de la négation syntaxique. Dans cette expérience, nos hypothèses posent que les phrases affirmatives donneront lieu à plus de rappels corrects que les phrases négatives, et que parmi les phrases négatives celles qui sont à la fois syntaxiquement et lexicalement négatives seraient plus difficiles que celles n'incluant qu'un seul type de négation.

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4 . 2 . 2 . Technique et matériel Sujets. NDUS avons examiné soixante-huit enfants (trente-sept filles, trente et un garçon) d'écoles maternelles privées de Paris, dix-sept enfants par tranches d'âges de 6 mois, depuis 42 mois jusqu'à 67 mois, soit : de 42 mois à 47 mois de 48 mois à 53 mois de 54 mois à 59 mois de 60 mois à 67 mois Ces enfants appartiennent à des familles de niveau socio-économique homogène assez élevé. Nous avons choisi quatre verbes lexicalement positifs : mettre, manger, laver, prendre ; et quatre verbes lexicalement négatifs : oublier, ôter, enlever, perdre. Avec ces verbes, seize phrases, de neuf syllabes chacune, ont été construites. Ces phrases sont, du point de vue syntaxique, soit affirmatives, soit négatives : chaque verbe étant employé une fois dans une phrase affirmative A et une fois dans une phrase négative N. Dans la notation adoptée ici, les types de phrases sont désignés par un groupe de quatre lettres : la première et la seconde indiquent la forme syntaxique (syntaxe affirmative ou syntaxe négative), la troisième et la quatrième lettres caractérisent le trait sémantique du verbe (verbe positif ou verbe négatif). Ainsi, SAVN désigne les phrases de forme affirmative avec verbe négatif, SNVP les phrases de forme négative avec verbe positif, etc. Afin de ne pas présenter un trop grand nombre de phrases aux enfants, les seize phrases ont été séparées en quatre groupes de quatre phrases (voir Annexe II). Chaque groupe est composé des quatre types de phrases suivantes : Syntaxe Verbe 1 phrase affirmative avec verbe positif A(ffirmative) P(ositif) 1 phrase affirmative avec verbe négatif A N 1 phrase négative avec verbe positif P N 1 phrase négative avec verbe négatif N N Exemple : la dame a lavé le tablier SA VP le bébé ne prend pas le biscuit SN VP le garçon a perdu son bonnet SA VN la fille n'enlève pas son chandail SN VN Procédure et consigne- On donne comme consigne à l'enfant : Je vais te raconter une petite histoire, tu vas bien l'écouter et quand j'aurai fini, je te dirai "à toi" et tu me diras tout ce dont tu te souviens. Pour être sûr que l'enfant a bien compris on lui fait répéter une 82

phrase proposée comme exemple. On présente alors successivement à chaque enfant deux groupes de quatre phrases. Immédiatement après chaque présentation d'un groupe de quatre phrases on demande le rappel. Les phrases sont lues avec le moins d'intonation possible. On laisse une seconde d'intervalle entre chaque phrase. A la fin on dit à l'enfant : A toi, dis tout ce dont tu te souviens. Après la présentation du premier groupe, on dit à l'enfant : Maintenant je vais te redire une autre petite histoire, et on procède de même. 4 . 2 . 3 . Résultats Le tableau I donne les résultats obtenus. Les figures 1 et 2 montrent le pourcentage de réponses correctes par groupe d'âge. Tableau I. Résultats globaux pour l'ensemble des réponses Phrases Phrases Phrases Total M+ présentées correctes correctes erreurs00 avec M + ° sans M + 115 115 5 0 SAVP 136 70 SAVN 136 70 7 0 79 91 SNVP 136 16 12 SNVN 136 40 47 15 7

Oublis 0 0 0 16 59 29 74

° M + : indique les phrases répétées avec ajout d'un verbe modal. La forme syntaxique et l'item verbal ne sont pas changés par rapport à la0 phrase stimulus. ° Les e r r e u r s sont les répétitions où, soit la forme syntaxique soit l'item verbal a été inversé. 000 Les oublis indiquent les phrases non évoquées lors du rappel. Par réponses correctes, nous entendons les réponses où ni la structure syntaxique, ni la valeur du trait positif/négatif du verbe ne sont changés. Les substitutions de verbes ou autres mots et les variations de temps ne sont pas comptées comme des e r r e u r s , lorsqu'elles n'affectent pas ces valeurs. Par exemple, une substitution du type : Le chien a bu son déjeuner pour : Le chien a mangé son déjeuner n'est pas comptée comme erreur. En revanche : La fille a mis son chandail pour : La fille a Oté son chandail 83

Figure 1. Réponses correctes (modalisations non comprises)

Figure 2. Phrases correctes, y compris les modalisations n'altérant pas le sens de la phrase

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ou Le papa a mis sa cravate pour : Le papa n'a pas mis sa cravate sont comptées comme e r r e u r s . Nous avons d'autre part inventorié les modalisations telles que : Le chien ne veut pas manger son beefsteak au lieu de : Le chien n'a pas mangé son beefsteak La figure 2 montre le pourcentage de réponses correctes affectées de modalisations qui conservent aux phrases-stimuli leur même signification. (Nous parlons en ce cas de modalisations correctes.) L'analyse de ces résultats montre que les phrases SAVP sont correctement rappelées à tous les âges avec une fréquence égale ou supérieure à 80 %. La courbe des réponses correctes indique que le rappel des SAVP, pour tous les groupes d'âge, est supérieur à celui de tous les autres types de phrases. Les négations lexicales et les négations syntaxiques rendent plus difficile le rappel. La courbe pour le rappel SNVP va de 53 % min. à 65 % max. et celle du rappel des SAVN de 41 % à 65 %. Les différences de performances entre groupes d'âge n'étant pas significatives, nous commentons désormais les résultats de façon globale. La combinaison de la négation lexicale et de la négation syntaxique accroît encore les difficultés de rappel. Nous voyons que les phrases de type SNVN même en comptant parmi les bonnes réponses les modalisations correctes, ne sont correctement rappelées qu'entre 26 % et 32 %pour les différents groupes. Si nous comparons le taux de rappel le plus faible pour les SAVP et le taux de rappel le plus fort pour les SNVN, nous trouvons dans les performances des enfants, une différence significative : X 2 = 12 1 dl p

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néral de décisions en fonction des présuppositions. D'autre part, le nombre des erreurs trouvées au cours de l'Expérience IV pour la phrase avec trois négations était de 14 sur 24 réponses. Ici nous trouvons pour la phrase avec trois négations un accord de 75 % des sujets, cela peut renforcer l'idée que les sujets ayant pris conscience de la valeur permissive donnée par la première proposition, n'ont pas traité cette phrase comme une phrase complexe à trois négations. Le résultat le plus intéressant est cependant fourni par la comparaison des réponses données par les adultes avec celles des enfants. Alors que les données des Expériences IV et V étaient comparables, on voit ici qu'il y a un traitement différent pour les phrases 3 et 4. Nous pensons que les enfants n'ont pas compris la valeur permissive de la phrase et ont, eux, calculé leur réponse d'après le nombre de négations. Lorsque la phrase présente deux négations, il y a erreur dans le calcul. Cette erreur est systématique dans le cas de la phrase avec trois négations. Le pourcentage des réponses se distribue de façon égale sur les deux images pour la phrase avec une négation syntaxique, dans chacune des propositions. Si on rapproche cette donnée du résultat obtenu dans l'Expérience V pour les phrases avec deux négations interpropositionnelles, on s'aperçoit que pour celles-ci nous obtenions de 8 à 15 erreurs sur 22 réponses (tableau VI). Pour les phrases avec trois négations, nous obtenions 15 et 17 erreurs sur 22 réponses. L'hypothèse d'un essai de traitement de ces phrases par un calcul des négations ne peut être infirmée pour les enfants. Dans le cas d'un matériel relativement complexe où la négation n'a pas son rôle fonctionnel usuel, on peut avancer qu'il y a des heuristiques de traitement non pertinentes chez les enfants. Le rôle des indices syntaxiques paraît être très important et il est possible que certaines combinaisons du lexique et de la syntaxe ne soient pas comprises quand elles annulent la valeur de l'indice syntaxique. Quant à la possibilité de combiner les négations, nous avons vu qu'elle n'est pas acquise, dans tous les cas, à 6 ans lorsqu'il s'agit de deux négations syntaxiques. Nous pensons qu'un matériel de ce type peut être très utile pour l'étude des processus par lesquels les usagers de la langue traitent l'information transmise. Pour les adultes, si l'information transmise est liée à la structure syntaxique et aux caractéristiques des items utilisés pour le transmettre, ce n'est pas uniquement de façon "ponctuelle" mais d'une façon qui n'est pas indépendante des possibilités de paraphrases non utilisées pour la transmission de cette information. Nous rejoignons là le problème du choix de l'énoncé en liaison avec les pré suppositions nécessaires pour que la phrase choisie transmette l'information. Le problème du comportement linguistique déborde celui de l'analyse des formes syntaxiques et celui de l'étude des items lexicaux en ce sens que le rôle fonctionnel de chacun d'eux est lié à la classe des énoncés paradigmatiques non choisis.

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NOTES 1. Nous appelons phrases permissives les phrases pour lesquelles l'énonciation lève toute contrainte au sujet de la conduite à adopter par rapport à l'état de fait présenté. 2. Les phrases oubliées sont les phrases non redites - même partiellement - lors du rappel. 3. Par là, nous entendons le sens de la relation entre le sujet et l'objet, donnée par le verbe en tant qu'item lexical. Le fléchage normal d'une phrase est sujet—.verbe—»objet où les flèches indiquent le sens de l'action. Le verbe recevoir par exemple inverse le fléchage normal. 4. Le sujet parle de négation interpropositionnelle. 5. Entre parenthèses nous avons donné la valeur de la première proposition quel que soit le type de négation. Ainsi, "je veux" et "je demande" sont indiqués (+) ; "je ne veux pas" et "je refuse" (-). Les signes suivants indiquent, le premier la forme syntaxique et le second la valeur du verbe de la subordonnée. 6. Nous reprenons la notation : syntaxe et verbe de la première proposition suivie de syntaxe et verbe de la seconde proposition. 7. La technique expérimentale est celle décrite dans les Expériences IV (adultes) et V (enfants). Les phrases permissives sont : 1. Je ne demande pas que Pierre mette son manteau 2. J e ne demande pas que Pierre enlève son chapeau 3. J e ne refuse pas que Pierre mette son écharpe 4. J e ne refuse pas que Pierre enlève son chapeau. 8. La consigne spécifiait qu'il était possible d'indiquer les deux images si l'on pensait que toutes deux étaient valables, le sujet n'avait pour cela qu'à appuyer sur les deux clefs de Morse. 9. Nous pouvons nous référer dans le cas de cette expérience à l'étude des relations entre verbes inverses pour voir le verbe marqué présupposer l'état indiqué par le verbe non marqué.

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CONCLUSION

Je me suis proposé d'étudier certains aspects de l'interaction de la négation verbale avec les processus d'acquisition, de mémorisation et de compréhension du langage. Pour ce faire, on a utilisé deux modes d'approche : d'abord une approche expérimentale en étudiant l'effet de paramètres syntaxiques et lexicaux dans la mémorisation et la compréhension d'un certain nombre de phrases ; ensuite une approche génétique. Les expériences conduites ont apporté des données de performance sur la façon dont la connaissance du langage se réalise dans le comportement linguistique. En effet, les mécanismes qui se trouvent à l'origine des performances incluent des heuristiques liées à des processus psychologiques. L'approche génétique, elle, permet de voir les liens qui existent entre les mécanismes générateurs et la compétence. Elle rend possible l'étude de ce qui peut se réaliser et, au contraire, de ce qui ne peut pas se réaliser, de ce qui, au cours des étapes de l'acquisition, peut être exprimé et de ce qui ne peut pas l ' ê t r e . Les deux modes d'approche entraînent une différence de niveau dans les conclusions que l'on peut tirer des différentes données obtenues. Il convient d'abord de replacer ies données expérimentales (Expériences II, in, IV, V) dans le cadre d'une problématique plus générale, qui permettrait de définir les limites des résultats obtenus mais aussi, ce qu'ils apportent à l'étude de la négation verbale. Les paramètres étudiés ont été définis à partir de théories linguistiques qui ont permis de spécifier les règles gouvernant la génération des trois négations choisies. Deux de ces négations résultent de la présence, à la base, d'un opérateur (Neg). Celui-ci est marqué en surface, soit par un indice spécifique - n e . . .pas - soit par un verbe à négation inhérente, lequel indique qu'il "Faut inverser la valeur de la phrase régie par lui. La troisième négation résulte, non pas d'un opérateur induisant une transformation, mais de la présence d'un verbe qui appartient à un couple de verbes ayant entre eux des relations d'opposition ou d'inversion. On a appelé ce verbe, qui est le verbe marqué du couple : verbe à trait sémantique négatif. En ce qui concerne les négations transformationnelles (c'est-à-dire les négations du premier type dues à un opérateur de négation), on est parti de l'hypothèse que les performances baisseraient lorsque les é noncés impliquent des règles supplémentaires. Dans ce cas, le comportement serait "expliqué" par les structures linguistiques. Il est 114

clair qu'une telle présentation conduit à assimiler les règles linguistiques à des règles psychologiques. Le comportement verbal est du domaine de la psychologie et il n'y a aucune raison de le réduire au seul jeu des règles linguistiques. Il est permis de penser que les structures de la langue reflètent certains processus cognitifs ou sont liés à certaines heuristiques perceptives. Mais on ne peut en aucun cas réduire à ces structures les processus de comportement qui jouent dans la communication. On reviendra sur ce problème avec les données génétiques. C'est donc dans des situations expérimentales qui "réduisent" ou "ignorent" le rôle de certains paramètres que je pense avoir mis en évidence les résultats suivants : A) Les performances des sujets qui mémorisent ou traitent des informations sont dépendantes des variables syntaxiques et lexicales. B) Le pourcentage de rappels corrects, dans la mémorisation de phrases (Expérience II), est moins élevé lorsque celles-ci comportent une négation des deux premiers types : opération ou verbe à trait sémantique négatif ; par contre le pourcentage est meilleur pour des phrases affirmatives. L'interaction de négations rend les phrases encore plus difficiles à mémoriser. L'Expérience III donne des résultats semblables chez les adultes. C) La codification en mémoire d'une phrase syntaxiquement négative se fait avec un indice supplémentaire ; il en est de même, semble-t-il, lorsque le verbe de la phrase est un verbe à trait sémantique négatif. Les deux types de négations paraissent entraîner une organisation différente de la mémorisation : en effet, les phrases syntaxiquement négatives donnent lieu à un pourcentage plus important de rappels erronés, les phrases lexicalement négatives à plus d'omissions. D) La présence de négations dans une phrase rend le calcul de cette phrase plus complexe (Expérience III). Il n'y a pas, cependant, augmentation significative du temps de réponse dans le cas de la présence d'une seule négation ; qu'elle soit due à un opérateur du type n e . . .pas ou à un verbe à trait sémantique négatif. Par contre, l'effet de renonciation négative résultant d'un verbe à négation inhérente, est plus important. L'interaction de deux types de négations rend les phrases significativement plus difficiles à comprendre. Le temps de réponse est plus long pour l'interaction d'un verbe performatif que pour l'interaction d'une négation syntaxique et d'un verbe à trait sémantique . Bien entendu, lorsqu'une phrase présentée à un sujet comporte les trois types de négation étudiés ci-dessus, le nombre d ' e r r e u r s est particulièrement important. E) Les mêmes résultats sont obtenus pour les expériences faites avec des enfants de 6 à 7 ans. F) L'analyse d'une part des résultats, d'autre part des heuristiques des sujets (Expériences III et IV) permet d'émettre l'hypothèse d'un processus séquentiel. En effet, pour arriver à traiter une phrase comportant un verbe performatif négatif qui introduit une complétive affirmative, le sujet doit effectuer cette séquence d'opérations : - extraire du verbe de la première proposition la négation inhérente ; 115

- coder cette première proposition sous la forme affirmative en y ajoutant un indice négatif ; - coder la deuxième proposition ; - retourner en arrière pour "rechercher" l'indice négatif ; - ajouter à la deuxième proposition l'indice négatif ; - vérifier la valeur de l'énoncé affirmatif ; - inverser cette valeur. Si le verbe performatif est affirmatif, et par conséquent ne change pas la valeur des faits suivants, il n'est pas nécessaire de retourner en arrière pour transférer sa valeur sur la proposition qui suit. Il en est de même lorsque la négation se trouve dans la subordonnée. Ce schéma parait expliquer les résultats que nous avons obtenus et l'ordre de difficultés des phrases. On trouve une séquence semblable lorsque la phrase comporte des négations interpropositionnelles ; les opérations sont alors les suivantes : a) extraire la négation de la première proposition ; b) coder sous forme affirmative avec l'adjonction d'un indice négatif ; c) extraire la négation de la deuxième proposition ; d) coder sous forme affirmative plus un indice négatif ; e) retourner en arrière pour rechercher l'indice négatif de la première proposition ; f) reporter cet indice négatif sur la deuxième proposition ; g) vérifier la forme affirmative de la deuxième proposition ; h) combiner les deux indices négatifs ; i) appliquer le résultat de h) qui indique qu'il n'y a pas lieu de changer la valeur obtenue en g). L'opération exigée en h) pose de nombreux problèmes, particulièrement aux enfants. Ceux-ci, en interprétant les phrases à vérifier, redisent la première proposition sous la forme affirmative et font porter ensuite la négation sur la deuxième proposition. Lorsque celle-ci est par elle-même négative, il leur est très difficile de combiner les deux négations et le nombre de leurs réponses erronées est important. Cependant, on pense qu'il faut replacer ces processus dans un cadre plus général. La compréhension de phrases négatives doit poser trois principaux problèmes dont seuls quelques aspects ont été abordés dans les situations expérimentales. 1) L'extraction de la négation : au delà des problèmes psychologiques et perceptifs qui peuvent se poser (T. Bever 1970), on peut penser que la forme signifiante codée n'est pas la même suivant les indices négatifs de la surface. 2) La détermination de la portée de cette négation : cela revient à spécifier partiellement sa fonction. La portée de la négation n'est pas la même suivant que cette négation est une négation de terme ou une négation propositionnelle. Dans un cas, elle porte de façon non équivoque sur un élément, dans l'autre cas, elle porte sur la proposition et c'est la totalité de la relation exprimée qui est niée. Les fonctions des divers types de négations varient et diffèrent aussi suivant les relations de contenu des énoncés. Il semble acquis que l'incidence de la négation est d'autant moins définie que sa portée est grande. De cela il peut découler que le traitement en sera d'autant plus difficile pour les auditeurs. 116

3) Il y a "recombinaison" de valeurs obtenues et non simplement "addition" : l'hypothèse d'annulation ou d'additivité de deux négations par exemple ne peut être soutenue. Une phrase doublement négative est "plus" ou "autre chose" que la phrase affirmative qui lui correspondrait . C'est dans cette optique qu'il faudrait reprendre les modèles pour libérer le jeu des formes d'expressions et analyser les effets sur un comportement linguistique non indépendant des facteurs pragmatiques L'analyse génétique présentée complète d'une certaine façon l'étude expérimentale. Elle permet de rester dans la dimension de langue naturelle avec, comme limitations, celles que notre subjectivité d'adulte impose sur le "découpage" du monde élaboré par l'enfant. C'est pourquoi il semble indispensable d'obtenir, même dans le cadre d'une problématique nécessairement appauvrie, des données expérimentales pour étayer les hypothèses que permet de poser l'étude génétique. Cependant il est aussi nécessaire d'élargir les perspectives expérimentales, non qu'il s'agisse de multiplier les recherches mais plutôt d'accepter de réintroduire les aspects qui sont liés aux modalités d'utilisation des différentes formes syntaxiques et lexicales ; l'étude des situations permissives, celle de portée des négations dans différents contextes linguistiques doit permettre d'aborder ce domaine. La conceptualisation par opposition On peut définir le système négatif comme partie de la classe des relations constitutives de la conceptualisation par opposition. En effet, le système négatif se détermine toujours en opposition à un réfèrent positif. Les divers aspects de la négation sont l'expression de différents systèmes d'opposition : opposition entre l'existence et la nonexistence, entre le vrai et le faux, entre le refus et l'acceptation. De plus, certains aspects de la négation expriment des oppositions entre des propriétés d'objets ou des relations. Ces couples d'oppositions font tous partie du système négatif avec des statuts et des propriétés combinatoires différentes. La négation occupe donc une place spéciale dans la conceptualisation par opposition. Celle-ci joue dans l'histoire de la pensée, un rôle très important. Au cours des siècles, de nombreuses civilisations, de nombreuses théories scientifiques ont basé leur conception du monde sur des oppositions binaires. Le Yin et Yang des Chinois, la religion des Mazdéens, la physique d'Aristote en sont quelques exemples particulièrement caractéristiques. C. Lévi-Strauss (1962) a montré le rôle des structures oppositionnelles dans La pensée sauvage. Si ce type d'opposition ne fonde plus la science actuelle, on le retrouve néanmoins dans d'importantes analyses appuyées sur un système général de dichotomie, par exemple, celui de R. Jakobson et M. Halle en phonétique. Dans une perspective génétique, H. Wallon (1945) a mis en relief la conceptualisation privilégiée par couple de contraires, en insistant sur le fait que, chez les très jeunes enfants, le couplage est constitutif des éléments qui le composent. On peut donc penser à un sys117

tème intrinsèque ou très précoce de mise en relation pour structurer l'acquisition des concepts et du langage. On remarque à la suite de D. McNeill (1970) et L. Bloom (1970), la rapidité du développement sémantique lié à la négation à côté du développement sémantique en général. Au niveau du langage, les marques négatives qui correspondent à des opérateurs sont des indices spécifiques dont le rôle est d'indiquer la nécessité de l'opération de négation. Ce type d'opérateur peut être considéré comme un universel linguistique qui reflète une loi cognitive générale. En revanche, on peut se poser la question de savoir quel est le statut des traits sémantiques négatifs. M. Bierwich (1967) pense que ces traits représentent certaines propriétés innées de l'organisme humain. L'universalité des traits serait un fait constituant de la capacité innée au langage au même titre que l'universalité des règles d'inférence est un fait constituant de cette capacité. Plus spécialement, le concept d'antinomie pour les propriétés sur certaines dimensions comme celui de l'opposition entre le vrai et le faux, l'être et le non-être, pourrait alors être envisagé comme partie constituante de l'équipement qui permet l'acquisition du langage. Cela permettrait de mieux comprendre la rapidité du développement sémantique de la négation et le jeu des alternatives entre les formes lexicales et syntaxiques. La sémantique et l'acquisition La sémantique reflète les correspondances entre le domaine cognitif et la structure linguistique. Elle n'est pas indépendante du comportement en tant qu'ensemble de processus psychologiques. Comme la grammaire, elle peut et doit nous servir de "fil conducteur" pour l'analyse de l'acquisition linguistique. En regardant l'ordre sémantique d'opposition des énoncés négatifs, on a vu que le développement syntaxique en est fonction. Jusqu'ici, les recherches se sont plutôt centrées sur les régularités qui caractérisaient l'acquisition. Les travaux de R. Brown, U. Bellugi, qui ont eu pour but de mettre en évidence l'ordre d'acquisition des règles syntaxiques caractérisant les grammaires adultes ne peuvent apporter que des données partielles. Aucun fait n'autorise à penser que les capacités cognitives innées sont limitées à des capacités grammaticales, comme rien n'autorise à réduire les règles psychologiques à des règles linguistiques. Au contraire, on doit postuler des structures plus générales dans un cadre général de développement. Le problème dépasse certes cette étude mais il semble qu'au moins une prise en considération attentive du développement sémantique par l'identification des systèmes que l'enfant peut atteindre facilement, peut permettre d'avancer quelques hypothèses, soit sur certains universaux qui pourraient faire partie de la capacité cognitive intrinsèque, soit sur le développement cognitif avec construction de ces univer saux. Que peut-on trouver dans l'acquisition de la négation ? Si l'on fait l'hypothèse qu'il y a "reflet" dans les structures synta118

xiques et dans le comportement linguistique, des structures cognitives générales intrinsèques et "construites" dans la première année de la vie, que peut-on trouver dans les premières productions négatives des enfants, pour montrer les liens d'interdépendance de l'acquisition linguistique et du développement cognitif ? Avant de pouvoir l'exprimer, l'enfant commence à organiser son expérience du monde. La "construction" de la permanence de l'objet (1), par exemple, avec le système de relations qui en dépend, précède la possibilité linguistique d'exprimer la présence ou l'absence de cet objet. Quelles sont dans cette optique les constatations que l'on peut avancer à partir des travaux antérieurs et de notre travail, constatations dont, bien entendu, certaines demandent encore à être systématiquement vérifiées et approfondies ? A) Le développement des formes négatives se fait dans un ordre sémantique stable dans différentes langues où les systèmes grammaticaux ont des réalisations diverses. On a vu que lorsqu'un enfant est capable de mettre certaines relations entre les données de l'environnement, il les exprime d'abord sous forme affirmative. Ce n'est qu'après qu'il sera capable d'utiliser la forme négative pour indiquer une absence de ces relations ou des antinomies. B) Il y a, dès le très jeune âge, un sous-système fonctionnel pour la négation. Il ne semble pas qu'il y ait, comme l'avançait U. Bellugi, un système unique spécifiquement enfantin. On remarque, à 22 mois chez Emmanuelle, à côté de l'opérateur antéposé devant un syntagme nominal, pour exprimer la non-présence, un opérateur postposé avec un verbe modal pour exprimer le refus et un non anaphorique pour introduire le déni sous une forme lexicalement négative. Il y a diversité des opérateurs utilisés ; il semble que l'enfant puisse, par exemple, lier la non-présence à la durée en utilisant plus. Cette utilisation ne semble pas aléatoire. Elle semble correspondre à une catégorie sémantiquement définissable : la cessation d'un procès. C) Lorsqu'un enfant est capable de nier certains états ou certaines relations, on remarque une simultanéité dans l'apparition de l'utilisation d'opérateurs et de l'usage de termes lexicaux qui sont les équivalents sémantiques de la négation syntaxique dans ce domaine. Au même âge, l'enfant est capable de substituer, en face d'une même situation, à une négation syntaxique un terme sémantiquement équivalent. Il est donc capable d'alternatives jouant sur des isomorphismes entre les formes syntaxiques et les formes lexicales. Mais il faudrait, pour mieux interpréter ce point essentiel, continuer les recherches sur les données sémantiques. D) On trouve deux types de limitations dans les énoncés : les limitations dues à un "non-emploi" des règles nécessaires à la génération de phrases entièrement grammaticales et les limitations sémantiques. Même lorsqu'il est capable d'utiliser un opérateur de négation, l'enfant ne nie pas dans certaines situations. L'utilisation des diverses modalités de la négation dépend des propriétés et des relations de l'objet auquel elles doivent s'appliquer. Il est donc nécessaire que l'enfant sache préalablement extraire ces propriétés. Or, 119

si l'on a vu que l'identité et la permanence de l'objet étaient établies avant le début du langage, l'on ne sait presque rien sur l'acquisition de la capacité à extraire des propriétés, sur celle à établir des relations entre plusieurs objets ou à déterminer les types de procès que l'objet peut supporter. Ces capacités ne peuvent se définir sur l'objet qu'après l'établissement de son existence en tant qu'objet permanent. Dans l'acquisition, on a vu que la négation de l'existence était la première forme productive rencontrée. La négation de relation d'appartenance (cf. Expérience II), celle de propriété, celle du procès n'apparaissent qu'ultérieurement dans la production. Les formes affirmatives s'acquièrent également dans cet ordre et précèdent toujours les formes négatives. L'identification des systèmes que l'enfant peut atteindre avant 2 ou 3 ans est indispensable soit pour déterminer la composante innée, si l'on replace dans une perspective résolument innéiste, soit pour comprendre la génétique "des activités cognitives et de l'organisation générale des actions" à leur début, si l'on se place dans une perspective piagetienne (2). Mais les recherches sur cette étape sont encore trop peu précises pour que l'on puisse analyser l'articulation du langage et de la pensée chez de très jeunes enfants. Cependant, il est tentant d'essayer de mettre en évidence les limitations sémantiques et cognitives à l'opération de négation.

NOTES 1. J. Piaget, La construction du réel chez l'enfant, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1950. 2. Il est intéressant de voir comme l'indique H. Sinclair de Zwart (1968) que dans le langage de l'enfant à la fin du stade sensori-moteur, on trouve présents les noms et les verbes. C'est-à-dire ce qui peut être en relation avec l'établissement de la permanence des objets physiques et de leurs déplacements. 120

ANNEXE I

EXPERIENCE I Corpus d'Emmanuelle - Enoncés négatifs (suivant l'ordre de recueil) Description du contexte

Productions d'Emmanuelle

Premier niveau (Jeux de cache-cache : divers / a / pas objets sont cachés et montrés.) / a / pas Il n'y a pas de quoi ? / a / pas loulours L'ours est méchant ? non gentil / a / pas / l a / toto / a / pas là (quatre fois au cours de cette séance.) (Emmanuelle essaie d'empiler / l a / peux pas des jetons. ) Où as-tu été aujourd'hui ? / a / pas là Le chat est là / a / p a s . Dehors Montre-moi ça / a / peux pas, / a / peux pas C'est Thierry ? non / e / là Mamie (Emmanuelle cherche son chan/ a / pas / l a / chandail dail ; c'est un chandail pour le soir elle ne le met que pour dormir. ) / a / pas / l a / dodo (Emmanuelle essaie d'attraper oh / l a / peux pas des jetons.) (Jeux de cache-cache, on prend / a / pas la loulours / l a / derrière, l'ours, on le cache et on le fait / l a / caché, / l a / pas. Voilà, / a h / réapparaître très vite.) oui, / a / là. Derrière, peux pas, bon, / a / là / a / loulours (Cache-cache avec sa soeur.) (re) garde pas Cécile / a / coucou Ne regarde pas Cécile / a / pas / a / coucou / a / pas là Ne regarde pas Cécile (re) garde pas (Diverses circonstances.) C'est pas chaud non / e / bon 121

(Emmanuelle demande qu'on racle le pot de yaourt. ) Oh, regarde on a oublié de prendre du sucre, il n'y en a plus (Emmanuelle joue avec un chat et une balle. ) Il est parti ? (Dîner. Deux séances) (L'expérimentateur voit que l ' a s siette n'est pas vide mais il cherche à induire des négations. ) Tu as fini ? Tu as fini maintenant ? C'est fini ? C'est pour moi, ça ? (Il y a un bruit au p r e m i e r . ) Quel est le bruit là-haut ? (Emmanuelle veut descendre d'un banc.) (On lui demande des jetons. ) Donne-moi tout. Encore un. Où est Hélène ? (Emmanuelle tape sa soeur qui lui rend doucement. ) (On parle d'un enfant.) Il est méchant (Le magnétophone s ' a r r ê t e de tourner.) Il y a du bruit là-haut ? (On veut lui prendre des jouets.) Tu m'en donnes ? Tu as bobo aux cheveux ? Tu as bobo au cou ? Tu veux faire dodo ?

/ l a / encore un peu ? / l a / plus attrape Mamie. Peux pas ( a t t r a per y a pas là le balle / i / joue /ah p a r t i / non /non/ là

/ a / pas là le beurre non / n / v a encore encore / l a / plus la beurre non y a encore non moi moi veux veux / a / veux / a / toc toc là-haut. Un, deux, / l a / plus / a / peux pas non, non, veux tout Deux, trois, / a / peux pas / a / pas là non," veux pas non, gentil oh / l a / plus musique non non, encore joue non non, au cou non (elle se met à rire) non

Deuxième niveau (Dans le jardin.) La tortue est partie ? Au revoir (Emmanuelle mange des mûres au début elle aime puis elle est gênée par les graines et fait la grimace. ) 122

/ a / pas / l a / tortue non, au revoir pas bon bon encore p a s b o n / a / pas bon pas bon / a / pas bon pas bon

C'est pas bon ?

/ l a / pas bon / e / bon non / a / pas bon encore pas bon (incompréhensible) encore pas bon (1) non, un gâteau / un gâteau un gâteau Mamie

Dis-moi "Au revoir" (Au dîner) C'est de la soupe ? C'est mauvais ça ? C'est bon ? Tu veux de la confiture

non / a / le le le yaourt non non pas bon la confiture yaourt / l a / peu peu Mamie

Corpus d'Emmanuelle. Enoncés précédés par "non" Productions d'Emmanuelle Premier niveau C'est Thierry ? non / e / la Mamie (On joue avec des jetons. ) Donne-moi tout non veux tout (Sa soeur veut lui rendre une non, veux pas tape.) (On veut lui prendre ses jouets.) non, encore joue (Emmanuelle touche ses cheveux et grimace.) Tu as bobo aux cheveux ? non, au cou (On parle du chat. ) Il est méchant ? non, gentil (On parle d'un enfant.) Il est méchant ? non, gentil Description du contexte

Deuxième niveau (Emmanuelle dîne. Plusieurs séances.) Tu as fini de dîner ? Tu as fini C'est de la soupe ? C'est pas chaud ? (Jeux avec le chat. ) Au revoir C'est pour moi, ça ?

non n'y non y a non / a / non / e /

a encore encore le le le yaourt bon

non au revoir pas non moi moi

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ANNEXE II

EXPERIENCE II Phrases utilisées pour les expériences II, IV et V Nous avons présenté les phrases suivantes dans des ordres balancés : Syntaxe Verbe La dame a lavé le tablier P A Le bébé ne prend pas le biscuit P N Le garçon a perdu son bonnet A N La fille n'enlève pas son chandail N N Le chien a mangé son déjeuner A P Le papa n'a pas mis sa cravate N P La dame a oublié son chapeau A N La fille n'a pas ôté ses souliers N N Le bébé a pris son déjeuner A P La dame n'a pas lavé la serviette N P La fille a enlevé son chandail A N Le garçon n'a pas perdu son gant N N Le papa a mis son anorak A P Le chien n'a pas mangé le beefsteak N P La fille a Ot é son tablier A N La dame n'a pas oublié son sac N N Chaque enfant reçoit deux groupes de phrases donc deux exemples de chaque type de phrases. La moitié des enfants ont reçu les huit premières phrases du Tableau I et l'autre moitié les huit dernières phrases.

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EXPERIENCE IV 1ère proposition Synt. Lex. + +

1. Je demande que P i e r r e mette son chapeau 2. Je demande que P i e r r e ne mette pas son chapeau 3. J'exige que P i e r r e Ote son écharpe 4. Je refuse que P i e r r e ait sa pipe 5. J'exige que P i e r r e n'ôte pas son écharpe 6. J'interdis que P i e r r e n'ait pas sa pipe 7. Je refuse que P i e r r e enlève son chapeau 8. J'interdis que P i e r r e n'enlève pas son manteau 9. Je ne demande pas que P i e r r e mette son chapeau 10. Je n'exige pas que P i e r r e ôte son écharpe 11. Je n'interdis pas que P i e r r e ait sa pipe 12. Je ne refuse pas que P i e r r e enlève son manteau

2ème proposition Synt. Lex. +

+

+

+

+

+

+

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+

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+ +

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+ +

EXPERIENCE V J ' a i demandé que P i e r r e mette son chapeau J ' a i demandé que P i e r r e ne mette pas son écharpe J ' a i demandé que P i e r r e enlève son manteau J ' a i demandé que P i e r r e n'enlève pas son manteau J ' a i refusé que P i e r r e mette son manteau J ' a i refusé que P i e r r e ne mette pas son chalpeau J ' a i refusé que P i e r r e enlève son écharpe J ' a i refusé que P i e r r e n'enlève pas son chapeau Je veux que P i e r r e mette son manteau Je veux que P i e r r e ne mette pas son écharpe Je veux que P i e r r e enlève son chapeau Je veux que P i e r r e n'enlève pas son écharpe 125

Je Je Je Je

ne ne ne ne

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veux veux veux veux

pas pas pas pas

que que que que

Pierre Pierre Pierre Pierre

mette son écharpe ne mette pas son manteau enlève son écharpe n'enlève pas son chapeau

BIBLIOGRAPHIE

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TABLE DES MATIERES

Introduction générale 1. La négation linguistique 1.1. Domaine de la négation linguistique 1 . 2 . Rôle des théories linguistiques 1 . 2 . 1 . Les types d'analyses 1 . 2 . 2 . L'intérêt des analyses théoriques et leurs limites 1.3. La transformation négative dans les grammaires génératives 1 . 3 . 1 . La transformation négative 1 . 3 . 2 . La transformation négative dans la théorie non révisée 1 . 3 . 3 . Les objections à cette formulation 1 . 3 . 4 . Deuxième formulation de la transformation négative 1 . 3 . 5 . La transformation négative en français 1 . 3 . 6 . Evolution actuelle 1.4. Les marques de la négation 1 . 4 . 1 . Les opérateurs de négation 1 . 4 . 2 . Les marques non transformationnelles 2. Etudes psycholinguistiques de la négation 2 . 1 . Introduction 2 . 2 . Etudes sur la "réalité psychologique" de la transformation négative 2 . 3 . Le codage du sens 2 . 4 . Rôle des items lexicaux 2 . 5 . H. Clark : les propriétés psychologiques des négations 2 . 6 . Etudes sur la vérification des phrases négatives 2 . 7 . Les représentations schématiques 2 . 8 . Recherches sur le rôle fonctionnel de la négation 2 . 9 . Le rôle des heuristiques perceptives 2 . 1 0 . Conclusion 3. Acquisition de la négation 3 . 1 . Aspects généraux de l'acquisition de la négation 3 . 1 . 1 . Problème de "l'équipement inné" 3 . 1 . 2 . Problème du corpus

7 9 9 10 10 10 11 11 11 13 13 16 17 18 18 20 25 25 26 27 28 29 31 32 35 38 39 42 42 42 43 133

3 . 1 . 3 . Quelques méthodes d'analyse des corpus 3.2. Etude du corpus d'Emmanuelle 3.2.1. Principes d'analyse 3 . 2 . 2 . Recueil des données 3 . 2 . 3 . Traitement des données 3 . 2 . 4 . Analyse des données 3 . 2 . 5 . Interprétation des données 3 . 2 . 6 . Comparaison avec les enfants de langue anglaise 3.3. Quelques données expérimentales sur la négation chez l'enfant de 1 an 10 mois à 3 ans 6 mois 3 . 3 . 1 . Présentation de l'Expérience I 3 . 3 . 2 . Analyse des résultats 3 . 3 . 3 . Conclusion 4. Traitement de négations syntaxiques et lexicales 4.1. Présentation des expériences 4.2. Expérience II 4 . 2 . 1 . But de l'expérience et hypothèses 4 . 2 . 2 . Technique et matériel 4 . 2 . 3 . Résultats 4 . 2 . 4 . Discussion 4.3. Expérience m 4 . 3 . 1 . Hypothèses 4 . 3 . 2 . Technique 4.3.3. Analyse des résultats 4.4. Expérience IV 4 . 4 . 1 . Hypothèses 4 . 4 . 2 . Technique 4.4.3. Analyse des résultats 4 . 4 . 4 . Heuristiques des sujets 4 . 4 . 5 . Discussion 4 . 4 . 6 . Conclusion 4.5. Expérience V 4 . 5 . 1 . Hypothèses 4 . 5 . 2 . Technique 4 . 5 . 3 . Analyse des résultats 4.5.4. Heuristiques des sujets 4 . 5 . 5 . Conclusion 4.6. Analyses des phrases permissives présentées lors des expériences IV et V 4 . 6 . 1 . Hypothèses 4 . 6 . 2 . Analyse des résultats et discussion

44 45 45 46 47 48 56 60 63 63 67 77 80 80 81 81 82 83 87 88 88 88 89 92 92 93 95 98 99 100 101 101 101 102 106 108 109 109 110

Conclusion

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Annexe I

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Annexe II

124

Bibliographie

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