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Les miracles de saint Étienne
HAGIOLOGIA Études sur la Sainteté en Occident – Studies on Western Sainthood
Volume 5
Comité de Rédaction – Editorial Board HAGIOLOGIA Belgische Werkgroep voor Hagiologisch Onderzoek Atelier Belge d’Études sur la Sainteté P. Bertrand J. Deploige K. Heene A.-M. Helvétius X. Hermand M. Trigalet
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FHG 2006
Les miracles de saint Étienne Recherches sur le recueil pseudo-augustinien (BHL 7860-7861) avec édition critique, traduction et commentaire
Études du Groupe de recherches sur l’Afrique Antique
réunies et éditées par
Jean Meyers
FHG 2006
© F H G – Turnhout (Belgium) All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher. D/2006/0095/120 ISBN 978-2-503-52422-1
Avant-propos Largement utilisé au Moyen Âge à des fins pastorales et à des fins d’édification dans les monastères, si l’on en juge par le nombre des manuscrits que nous avons pu recenser, le recueil dont nous proposons aujourd’hui l’étude et qui apparaît en général sous le titre de De miraculis sancti Stephani protomartyris libri duo, n’a pas suscité depuis quelques siècles un grand intérêt chez les exégètes et les chercheurs, aussi bien en France qu’ailleurs. Il a été annexé aux manuscrits des œuvres de saint Augustin ; ainsi sauvé de l’oubli, il a été publié dans la Patrologia latina de J.-P. Migne. Sa dernière édition avec traduction en français par X. Charpentier remonte au xixe siècle, et l’auteur s’y est essentiellement appuyé sur le manuscrit dit « de Fleury », ouvrage d’un homme cultivé et enclin, nous a-t-il semblé, à corriger tout ce qu’il jugeait être erreur de copiste. C’est pourquoi notre groupe de recherches, qui réunit historiens et latinistes et consacre son activité à l’étude de monuments littéraires de l’Afrique romaine, a pensé qu’il serait utile, pour une meilleure connaissance du christianisme africain du début du ve siècle et du culte des reliques dans l’Occident latin, d’en donner une nouvelle édition. Même si la rédaction de l’apparat critique avait été confiée à Paul Force et Jean Meyers, la collation des manuscrits et l’établissement du texte sont l’œuvre collective du groupe. Cette édition comporte, outre le texte établi et sa traduction accompagnée de notes, une série d’études particulières, proposées par les membres du groupe comme par des chercheurs extérieurs, français ou étrangers, dont nos collègues tunisiens Fethi Bejaoui et Taher Ghalia et les regrettés Yvette Duval, Monseigneur Victor Saxer et Serge Lancel, qui nous ont malheureusement quittés, ainsi que notre ami Paul Force, avant la publication de ce travail. Notre collègue Claude Lepelley a bien voulu aussi rédiger pour nous un certain nombre de notes à la traduction, signalées par l’indication de son nom entre crochets droits. La plupart de ces études sont issues des exposés qui eurent lieu, voici quelques années, à l’université Paul-Valéry lors d’une table ronde sur le De miraculis sancti Stephani.
avant-propos
L’ouvrage, écrit à la demande de l’évêque Evodius, ami et correspondant d’Augustin, par un clerc d’Uzalis, petite cité d’Afrique proconsulaire qu’on a pu situer définitivement au nord de Carthage, près de Bizerte, relate en deux livres au ton différent les miracles opérés par des reliques du protomartyr à leur arrivée dans la ville. Il nous a paru présenter plusieurs centres d’intérêt. D’un point de vue littéraire, c’est un des premiers exemples du genre hagiographique du libellus miraculorum, promis à un immense développement au moyen âge ; d’un point de vue théologique, il présente une conception du miracle assez différente de celle d’Augustin et, d’un point de vue historique, il révèle l’état d’esprit des clercs dans une communauté chrétienne d’Afrique contemporaine de l’évêque d’Hippone. Il donne aussi de précieux renseignements sur la vie et le langage des couches modestes de la population dans une petite cité africaine, et sur certains aspects de la société aristocratique de Carthage à la veille de l’invasion vandale. Nous avons donc cherché dans ce volume à montrer tout l’intérêt que présente le De miraculis pour l’histoire des mentalités et pour l’histoire sociale de l’Afrique tardive et à éclairer aussi le rôle qu’ont tenu les miracula post mortem dans la théologie du miracle, dans la diffusion du culte des saints et dans la formation des genres hagiographiques. Pour des raisons diverses, ce livre est resté longtemps en souffrance avant d’être repris récemment. La préparation du manuscrit doit beaucoup au travail de Véronique Krings, et sa mise au point définitive aux soins d’Andrée et Jean Meyers. Le Graa leur est à tous trois redevable, spécialement à Jean Meyers, qui a bien voulu assumer aussi la responsabilité d’éditer ce volume. Nous tenons aussi à remercier chaleureusement le comité de rédaction d’Hagiologia, qui a accepté de publier notre travail dans cette collection, et tout spécialement Luc Jocqué, qui en a suivi de près l’édition avec un soin constant et minutieux. Nous serions heureux que notre ouvrage soit utile à tous ceux qui s’intéressent à l’hagiographie et à l’histoire de l’Afrique romaine.
Abréviations AAA AB AE AntAfr AnTard CahTun BCTH BHG BHL BHO BLE BSNAF CC CEFR CIL CRAI Ét. Aug. IAM 2
S. Gsell, Atlas archéologique de l’Algérie, Alger-Paris, 1911 Analecta Bollandiana L’Année Épigraphique Antiquités africaines Antiquités Tardives Les Cahiers de Tunisie Bulletin Archéologique du Comité des Travaux Historiques Bibliotheca hagiographica graeca Bibliotheca hagiographica latina Bibliotheca hagiographica orientalis Bulletin de littérature ecclésiastique Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France Corpus Christianorum Collection de l’École Française de Rome Corpus Inscriptionum Latinarum Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Collection des Études Augustiniennes M. Euzennat, J. Marion & J. Gascou, Inscriptions antiques du Maroc, t. 2, Inscriptions latines, Paris, 1982 ILAlg I S. Gsell, Inscriptions latines de l’Algérie I, Paris, 1922 ILAlg II H.-G. Pflaum, Inscriptions latines de l’Algérie II/1, Paris, 1957 ; II/2, Alger, 1976 ILS H. Dessau, Inscriptiones Latinae selectae I-III, Berlin, 1892-1916 IRHT Institut de recherches et d’histoire des textes (Paris) IRT J. M. Reynolds & J. B. Ward-Perkins, Inscriptions of Roman Tripolitania, Rome-Londres, 1952 et PBSR 23 (1955) p. 124-147 Niedermann M. Niedermann, Précis de phonétique historique du latin, Paris, 19594 PBSR Papers of the British School at Rome PG J.-P. Migne, Patrologia Graeca PL J.-P. Migne, Patrologia Latina PLRE I-II A. H. M. Jones, J. R. Martindale & J. Morris, The Prosopography of the Later Roman Empire I A.D. 260-395 ; II, A.D. 395-527, Cambridge, 19711980 PO Patrologia orientalis
RAC RAfr RB REAug RIL SC Xenia
abréviations
Rivista di Archeologia Cristiana Revue Africaine Revue Bénédictine Revue des Études Augustiniennes J.-B. Chabot, Recueil des Inscriptions Libyques, Paris, 1940-1941 Sources chrétiennes Xenia. Recherches franco-tunisiennes sur la mosaïque antique (CEFR, 125), t. I, Rome, 1990
Première partie
Les reliques du protomartyr et son culte
chapitre premier
De la découverte des reliques à la composition du De miraculis* Le Groupe de recherches sur l’Afrique Antique Les premières découvertes et les premières manifestations du culte des reliques d’Étienne à Jérusalem et en Afrique du Nord sont très étroitement liées à l’histoire des tensions entre l’Orient et l’Occident, à l’histoire des invasions qu’a subies l’Europe, et à l’histoire du pélagianisme. Aussi nous faut-il retracer d’abord dans ses grandes lignes le cadre historique dans lequel s’est produite l’« invention » de 415, et la composition du recueil De miraculis ; en effet, la découverte, le voyage des reliques et les événements extérieurs sont totalement imbriqués les uns dans les autres. En 411, se tint à Carthage la grande confrontation entre catholiques et donatistes qui, en principe, mit fin au schisme. Le débat avait laissé en suspens des questions de fond, en particulier la question du baptême : les donatistes soutiennent que la validité du sacrement est liée à la qualité du ministre qui le confère. Or cette question du baptême va resurgir au même moment, mais du fait d’un pélagien. Tout occupé par la réunion avec les donatistes, Augustin n’a guère le temps d’accorder de l’importance aux rencontres rapides qu’il dit avoir La présentation que nous faisons ici a très largement utilisé des notes prises au cours de deux exposés faits par M. Chalon, dont nous espérons ne pas avoir trahi la pensée et est redevable pour la mise en forme au travail de P. Force, qui s’est appuyé également sur les travaux de Mgr V. Saxer, Morts, martyrs, reliques en Afrique chrétienne aux premiers siècles. Les témoignages de Tertullien, Cyprien et Augustin à la lumière de l’archéologie africaine, Paris, 1980 (Théologie historique, 55), spéc. p. 245-270 ; S. Lancel, Saint Augustin, Paris, 1989 (notamment les chapitres XXII et XXVIII) ; É. Demougeot, « L’évêque Sévère de Minorque et les Juifs de Minorque au ve siècle », dans Majorque, Languedoc et Roussillon de l’Antiquité à nos jours, Montpellier, 1982, p. 1-34 et S. Vanderlinden, « Reuelatio Sancti Stephani (BHL 7850-6) », Revue des Études Byzantines, 4 (1946), p. 178-217. On pourra aussi consulter J. Martin, « Die revelatio s. Stephani und Verwandtes », Historisches Jahrbuch, 77 (1958), p. 419-433. Cf. la communication de Mgr Saxer qui montre la liaison entre les références à saint Étienne ou les sermons prononcés à l’occasion de sa fête et la lutte contre les hérésies : le gnosticisme au temps d’Irénée, les patripassianistes pour Tertullien, les pneumatomaques et les ariens pour Grégoire de Nysse, les ariens encore pour Amphiloque d’Iconium, le sabellanisme pour Astérius d’Amasée. *
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première partie
eues avec le moine britannique Pélage sur le problème de la grâce. Pélage était de ceux qui avaient fui Rome à l’automne 410, lors de l’arrivée d’Alaric. Mais sa réputation l’avait précédé : sa haute stature et sa corpulence (Scottorum pultibus praegrauatus, disait de lui Jérôme) faisaient de lui quelqu’un qu’on ne pouvait oublier. Quand il vint à Hippone, il n’a pu rencontrer Augustin absent de sa ville ; mais l’évêque lui avait fait parvenir un petit mot cordial par lequel il lui faisait savoir qu’il souhaitait le rencontrer. Parti dans sa maison de campagne, Augustin n’avait pas davantage pu rencontrer le prêtre minorquin Consentius, dont la lettre 12* des nouvelles lettres d’Augustin publiées par J. Divjak, est capitale pour la datation de la lettre-encyclique de Sévère de Minorque sur les reliques de saint Étienne, comme nous allons le voir. Quand Augustin fut disposé à recevoir Pélage, celui-ci avait déjà quitté l’Afrique pour Jérusalem. Il y fut bien reçu par l’évêque Jean ; sachant le grec, ce moine occidental se fit apprécier par le clergé de Jérusalem, et par la communauté monastique du mont des Oliviers, où purent jouer aussi les liens d’amitié qu’il avait tressés à Rome, notamment avec la gens des Anicii. En revanche, les Latins de Bethléem, auxquels il se garda de se joindre, le regardèrent avec défiance. Entre temps, Pélage avait laissé à Carthage son principal disciple, le moine romain Célestius – homme remarquablement intelligent, dira de lui Augustin. Ce dernier était choqué par les opinions que Célestius soutenait sur le baptême administré aux enfants en bas âge : il professait en effet, non sans quelque succès, la thèse qu’ils ne pouvaient être baptisés in remissionem peccatorum, puisque eux-mêmes n’avaient pas commis de péchés. Au sein du clergé de Carthage, la riposte fut menée par un autre occidental réfugié là, Paulin, un diacre de Milan, disciple de saint Ambroise, dont il écrivit la biographie vraisemblablement peu après. Un tribunal ecclésiastique se réunit sous la présidence de l’évêque de Carthage, Aurelius, vers la fin de 411 ; malgré ses reculs, et ses efforts pour mettre l’entourage de Jérôme de son côté, Célestius fut condamné pour un faisceau de ses thèses, déjà pélagiennes, rassemblé par Paulin. Il disparut de Carthage, où il avait vainement cherché à se faire agréger au clergé, passa en Sicile et on le retrouvera prêtre à Éphèse. En 415, tandis qu’Augustin travaille à son traité sur la Trinité, il répond en même temps à diverses questions qui lui ont été posées. Il est notamment interrogé par un prêtre espagnol, Orose, qui avait fui son pays natal trois ou In Ieremiam, Prol. 4 ; cf. Orose, Apol. 2, 5. De gestis Pelagii XXII, 46. Contra duas Epistulas Pelagii II, 5. Cf. P. Force, « La spiritualité des Miracles de saint Étienne », Studia patristica, 30 (1997), p. 189 ; ajouter à la bibliographie d’Augustin, les Libri de baptismo paruulorum, de 411, et G. Bonner, « Baptismus paruulorum », dans Augustinus Lexicon, t. I, 1994, col. 593-594.
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quatre ans auparavant en échappant de peu à la mort. Le jeune homme, ainsi que le nommera Augustin, interroge l’évêque sur la question de la grâce qui préoccupe les évêques espagnols, mais aussi sur le priscillianisme et l’origénisme ; il soumet à Augustin des idées d’Origène sur la préexistence de l’âme. En fait, Orose avait pour but d’atteindre Jérusalem. Aussi Augustin l’engageat-il à défendre la Palestine contre les évêques qu’il soupçonnait d’accueillir Pélage avec complaisance. Le prêtre espagnol partit donc avec un dossier antipélagien pour Bethléem, où il pourrait soumettre à Jérôme ses questions sur l’origine de l’âme. Voilà donc Jérôme, déjà dressé contre le pélagianisme dans lequel il voit la doctrine honnie de l’apatheia, conforté dans son attitude par Orose, le messager d’Augustin. Autour de lui se trouvent plusieurs clercs latins, dont un certain Avitus, lui-même originaire du diocèse de Braga, auteur du récit des noces du roi wisigoth Athaulf et de Gallia Placidia célébrées à Narbonne. À ces Espagnols, il faut ajouter deux évêques venus du sud de la Gaule, Héros, évêque d’Arles, un des disciples de saint Martin, et Lazare, évêque d’Aix, qui avaient été déposés pour avoir pris le parti de l’usurpateur Constantin III, lequel avait fondé un empire occidental pour contenir les Germains : la victoire d’Honorius sur Constantin avait contraint nos deux évêques à l’exil et les avaient fait fuir vers Bethléem10. Nous serions bien tentés de voir en eux les deux évêques Orose, Hist. II, 20, 6-7. Augustin lui répondra par un traité visant les Origénistes, Ad Orosium, contra priscillanistas et origenistas (PL 42, col. 669-678). Il devait emporter le premier travail antipélagien d’Augustin, le De Peccatorum meritis et remissione, et peut-être le De Spiritu et Littera. L’espagnol Théodose, marié avec Aelia Flacilla, elle aussi espagnole, avait amené à la cour de Constantinople tout un groupe d’Espagnols ; depuis, il semble que se soient trouvés des Espagnols, implantés ou de passage, en Orient, y compris en Palestine. Mélanie l’Ancienne, qui avait fondé le couvent du mont des Oliviers, est elle aussi d’origine espagnole par sa mère. Il y a en Orient plusieurs Avitus d’origine espagnole ; il n’est pas toujours aisé de les distinguer. 10 Sur Constantin III, voir É. Demougeot, « Constantin III l’empereur d’Arles », dans Hommages à André Dupont, Montpellier, 1974, p. 83-125 (= L’Empire romain et les Barbares d’Occident, Paris, 1988, p. 171-213). La vie de ces deux évêques provençaux est des plus agitées : aventuriers en quête d’un siège épiscopal ? si nous suivons le pape Zosime (CSEL 21, p. 104) ; créatures de l’empereur Constantin III ? ce qui est plus certain. Ils ont fréquenté Noirmoutiers. Lazare, accusateur du successeur de saint Martin, a été ordonné dans des conditions suspectes ; il est amené à fuir avec son compagnon Héros d’Arles. Héros, lui aussi installé par Constantin III dans des conditions peu canoniques, accueillit l’empereur vaincu et déchu dans sa cathédrale, fit de lui un prêtre pour le protéger, ce qui n’empêcha pas Constantin d’être arrêté dès sa sortie de l’église, emmené en Italie et exécuté. Mgr É. Griffe, qui nous raconte leurs aventures (La Gaule chrétienne à l’époque romaine, Paris, 1966, t. II, p. 236-338 et 252-256), est « surpris » de les voir en Palestine. Peut-être fuyant la fureur d’Honorius et de ses troupes, ont-ils pris le premier bateau en partance, comme l’avaient fait tant de réfugiés de 410. Une autre preuve des liens du midi de la Gaule avec Jérusalem est fournie par un document archéologique : un petit édifice de marbre qui représente au 1/6 le Saint Sépulchre et daté de la fin du ive - début du ve siècle, réalisé vraisemblablement d’après le dessin soigné d’un pèlerin, est conservé au musée de Nar
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première partie
avertis de l’activité de Jérôme par suite de l’affaire de Vigilance, qui avait touché le midi de la Gaule : Sulpice Sévère, biographe de Martin, dont les œuvres apparaissent parfois dans nos manuscrits à côté du dossier de saint Étienne11, a pu servir d’intermédiaire. Or tout ce monde – et ce n’est pas un des moindres paradoxes de notre affaire – sera directement intéressé par la découverte et la propagation des reliques de saint Étienne et le désir de promouvoir son culte. Nos Occidentaux engagés dans la lutte antipélagienne n’auront de cesse de faire parvenir ou d’apporter des reliques du protomartyr dans leurs diocèses respectifs. Bref, on rencontre solidement implanté à Bethléem tout un groupe latin occidental, appuyé ou même animé par Augustin, qui a des prolongements en Gaule et en Espagne, voire à Rome comme on va le constater. Tout ce monde est décidé à lutter contre Pélage accueilli par l’évêque Jean. Or Jérôme ne va pas prendre la tête de ces attaques. Affaire de caractère, comme on l’a dit ? Cela semble peu probable : on n’a que trop tendance à spéculer sur le mauvais caractère de Jérôme ! Il nous semble plus vraisemblable que, de la même façon qu’Augustin, s’il attaque sa doctrine, veut ménager la personne même de Pélage, Jérôme, qui s’est réconcilié une bonne fois avec Jean de Jérusalem (en 397 !), n’a pas voulu attaquer de front celui qui était son évêque et a voulu laisser en première ligne des prêtres issus de diocèses étrangers au sien. Cela sera encore plus sensible dans l’affaire des reliques12, mais cela n’empêche pas Jérôme d’attaquer son ancien ami dans sa lettre adressée à Ctésiphon, un protecteur de Pélage, et de composer son Dialogue contre les Pélagiens. Orose persuade Jean de réunir un synode pour condamner le moine britannique. Il présente le dossier augustinien qu’il a apporté d’Hippone, mais sa mauvaise connaissance du grec et la maladresse des traducteurs fait qu’il le défend mal. Cependant, les « bonnes feuilles » du Dialogue de Jérôme commencent à circuler, et les deux provençaux en exil font état de la mission et de l’autorité qu’ils avaient reçues de l’évêque de Rome Innocent et dénoncent Pélage devant le métropolite Euloge de Césarée13. bonne, cf A. Bonnery, « L’édifice du Saint Sépulchre de Narbonne. Recherches sur l’iconographie de l’Anastasis », Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, 22 (1991), p. 7-34 (= Jérusalem, symboles et représentations dans l’Occident médiéval, Paris, 1988, p. 189-190). 11 Faut-il y voir une confusion avec le Sévère de Minorque ? 12 Jérôme était trop intelligent pour ne pas se rendre compte que, sur le plan canonique, l’affaire était mal engagée ; il préférait combattre Pélage sur le plan de la théologie, puis faire condamner ce moine itinérant occidental par un concile occidental. Peut-être aussi se méfiait-il de ses récents alliés, qui étaient, semble-t-il, de saints hommes, mais à la réputation un peu sulfureuse. 13 Un libelle a été rédigé par nos deux évêques gaulois ; étaient-ils conviés au concile ? Ils ne figurent pas sur les listes du concile, auquel ils étaient au moins absents tous deux. Mais ils étaient encore évêques, car ce n’est qu’en 417 que le pape Zosime les refusa à sa communion en constatant qu’ils avaient renoncé à leurs sièges (lettre de Zosime, Magnum pondus, Jaffé, 329) ;
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Celui-ci va présider un synode qui s’ouvre le 20 décembre 415 à Diospolis (Lydda)14. Les accusateurs présentent mal leurs attaques. Il faut dire aussi que les questions agitées ici buttent sur des problèmes de langue. Si la langue officielle en politique est le latin, la langue de l’Église est le grec et les discussions théologiques se font en grec. Il y a certes des traducteurs : Orose, venu discuter avec Jean de Jérusalem, maîtrise mal le grec et il est souvent desservi par ces traducteurs. Or il accuse Pélage devant une assemblée formée uniquement d’Orientaux alors que le groupe de Bethléem est lui formé essentiellement de Latins, dont la plupart savent le grec15. L’inventeur des reliques, Lucien, parle syriaque et c’est en syriaque qu’il a dû s’adresser à Jean de Jérusalem, tout en souhaitant que sa découverte fût connue du monde latin occidental. Pour cela il intervient auprès d’Avitus de Braga, qui ne se privera pas de dire et d’écrire que c’est en réponse à son insistance que Lucien a fait son récit ! Bref, devant ce lamentable synode, Pélage feint de se désolidariser de son disciple Célestius, en reconnaissant la nécessité de la grâce, et, à la grande fureur de Jérôme, les Occidentaux sont déboutés. Nous laisserons là l’affaire pélagienne, car c’est au milieu de ce synode que vont être découvertes les reliques de saint Étienne. Un jour où l’évêque Jean était absent du synode, on apprend qu’un prêtre appelé Lucien, desservant du village de Kaphar Gamala16, a découvert, à la suite d’une vision, les tombeaux d’Étienne, de Gamaliel et de Nicomède. Nous possédons beaucoup de recensions du récit de cette découverte : deux latines, trois grecques, deux syriaques, une arménienne, une géorgienne, et une éthiopienne17. Lucien a lui-même raconté son aventure à Avitus, ce prêtre de Braga que nous avons rencontré plus haut. Curé de Kaphar Gamala18, Lucien parlait normalement le syriaque, mais il savait aussi un peu de grec, puisqu’il a dicté lui-même son récit en grec à Avitus, lequel l’a traduit en latin. C’est cette version qui a été envoyée en Occident et c’est par elle que s’est aussi répandue la nouvelle. On notera aussi que certains mots de l’autre version collationnée par S. Vanderlinden ont été conservés en syriaque pour Jean de Jérusalem, ce qui
on retrouve cependant peu après Lazare ordonnant un évêque à Marseille puis se retirant à Saint-Victor auprès de Cassien (cf. son inscription funéraire dans DACL, t. VIII, 2056), qui était peut-être revenu de Bethléem avec lui. 14 Voir la lettre d’Augustin à Jean pour lui demander les Actes du concile (PL 33, col. 776). Les Actes sont dans le De gestis Pelagii d’Augustin (PL 44, col. 319-360 ; = CSEL 42). 15 Certains sont depuis de longues années en Orient, sauf les deux évêques provençaux : la maladie de l’un d’entre eux invoquée pour ne pas être à Diospolis était peut-être « diplomatique ». 16 Le village de la chamelle ou la villa de Gamaliel ? 17 Cf. S. Vanderlinden, « Reuelatio» ; J. Martin, « Die revelatio ». 18 À placer à Djennâla à 20 km au nord de Jérusalem (d’après le P. Abel, Revue biblique, 1919, p. 244-246 et 1924, p. 235-243) ; cf. S. Vanderlinden, « Reuelatio », p. 179, n. 7.
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nous prouve bien, ainsi que l’a montré le P. Alexandre Olivar d’après Égérie, que Jean était bilingue, même s’il ne prêchait qu’en grec19. L’autre version latine (B), faite d’après un original grec disparu, serait la version officielle de Jérusalem, faite sur l’ordre de l’évêque Jean20. Elle est par moments plus riche de détails que la première, et donne des informations plus favorables à Jean et à l’Église de Jérusalem. Notre présentation des événements sera faite surtout à partir de la traduction d’Avitus. Il est cependant curieux que ce soit à un Occidental, certes utriusque linguae peritus, que le prêtre Lucien ait confié son récit en grec. Il est a priori peu vraisemblable qu’il ait d’emblée mesuré les implications de sa découverte pour les milieux occidentaux de Palestine et les problèmes théologiques qui y seraient liés. Le prêtre Lucien a eu trois visions21, trois vendredis de suite, les 3, 10 et 17 décembre : au début de la nuit, alors qu’il était semiuigilans dans la sacristie où il dormait habituellement, lui était apparu un grand vieillard, vêtu d’une robe blanche, une verge d’or à la main, et qui portait des bijoux en forme de croix. Ce dernier lui ordonna d’aller trouver son évêque et de lui indiquer le monument où il était enfermé avec trois autres compagnons. Il ajouta que l’ouverture de ce monument correspondrait à une intervention de la Sainte Trinité sur le monde, qui était tous les jours en danger. Constatons qu’est affirmée dès l’abord la liaison entre la découverte des reliques et la situation de la chrétienté. À cela s’ajoute, thème commun de ce genre de vision, que Lucien a été spécialement choisi pour transmettre ce message à Jean ; « je n’aurais pas eu de mal à trouver des prêtres aussi saints que toi », lui dira en substance la voix, quinze jours après, devant ses hésitations. Mais revenons au détail de la vision. Le vieillard se présente ; il est Gamaliel, le docteur de la loi « respecté de tout le peuple », le maître de Paul qui avait défendu les Apôtres devant le Sanhédrin22. Au péril de sa vie, ajoute le vieillard, il a enterré saint Étienne dans une villa à vingt milles de Jérusalem, et, dans le même monument, il a placé Nicomède23, puis son propre fils, Abi Il devait avoir un traducteur pour ses sermons dominicaux, comme Jean Chrysostome à Antioche. Les Catéchèses ont pu aussi être traduites en syriaque, suivant les besoins. Cf. A. Olivar, La predicacion cristiana antiqua, Barcelone, 1991, p. 893. 20 J. Martin, « Die revelatio » n’est pas du même avis. Selon lui, les deux versions latines du récit fait par Lucien ont été vraisemblablement rédigées d’après une traduction latine plus ancienne et en se référant parfois au texte grec. 21 Nous résumons le récit décrit dans H. Leclercq, DACL, t. V, col. 631-670. Lucien donne la date de la révélation avec la mention des consulats d’Honorius et de Théodose. La date est attestée par Hydace, Chron., 58 (éd. Tranoy, t. I, p. 120) ; Marcellin, Chron. Ad a. 415, 2 (MGH, Auctores antiquissimi, t. XI, Chron. Min., p. 72) ; et la chronique Consularia Constantinopolitana a. 415 (Ibid., t. IX, Chron. Min., I, p. 246). 22 Ac. V, 34-39. 23 Jn 3. 19
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bas, mort chrétien à vingt ans, et pas autrement connu, sinon par un apocryphe géorgien. Lucien ayant demandé à Gamaliel où se trouve ce tombeau, il lui est répondu qu’il est dans le jardin d’une maison de campagne lui ayant appartenu24. Sa femme et son fils aîné n’étant pas devenus chrétiens ont été enterrés ailleurs. Lucien s’éveille, jeûne et, suivant en cela une tradition des prophètes25, se met à prier pour obtenir une confirmation de sa vision et pour être sûr qu’elle vient de Dieu. Le vendredi suivant, deuxième vision : le vieillard étincelant dépose devant lui quatre corbeilles, trois en or et une en argent. Les premières contiennent des roses blanches et rouges, symbolisant Étienne et les martyrs de la foi ; la dernière est là pour symboliser Abibas, qui fut docteur de la loi26. Le vendredi 17, troisième vision : Gamaliel, furieux, passe aux menaces. Alors se déroule une vision au second degré suivant un procédé qui se retrouvera dans le De miraculis27. Lucien se voit faire son rapport devant son évêque. Celui-ci lui dit28 : « il y a dans le terrain un grand bœuf de labour et de trait ; je vais venir et emmener avec moi le bœuf. Je te laisserai le champ avec les fruits ». Lucien ne comprend pas trop. Pour le P. Abel29, il y a là une allusion aux besoins « dans lesquels se trouve l’évêque par suite de ses grandes dépenses ». La découverte d’Étienne devait aider l’Église de Jérusalem, et « Lucien aurait les deux petits bœufs (Gamaliel et Nicomède) pour attirer quelques revenus à la paroisse de Kaphar Gamala ». Faut-il faire entrer si tôt Jean dans des perspectives qui seront certes plus tard celles de découvreurs de reliques30 ? Une fois réveillé, Lucien va enfin trouver son évêque et lui raconte ses trois visions. Jean le charge alors de faire des fouilles. Et comme celles-ci sont au début infructueuses, Gamaliel apparaît dans une vision le 20 décembre à un moine du village – Lucien avait donc mis son clergé dans la confidence –, et
In meo prastio, et Gamaliel ajoute la signification du mot : proasteivw. Cf. I Sam. 3, 1-10. 26 Deuterwvth" tou` novmou, mot rare d’origine palestinienne attesté chez Jérôme, In Habacuc 2 (PL 25, col. 1301 ; rééd. dans CC 76 A, p. 579-654). 27 Cf. I, 7, l’histoire du prêtre Zumurus, qui avait négligé les avertissements, venus d’en haut, d’avoir à aller trouver son évêque. 28 Version B. 29 M. Abel, Histoire de la Palestine, t. II, Paris, 1952, p. 306. 30 Mais Sozomène, H.E. IX, 17, annonçant qu’il va traiter de la découverte des reliques du prophète Zacharie et de celles d’Étienne, décrit abondamment l’invention des reliques de Zacharie, en un endroit où fut édifiée une somptueuse basilique, centre important de pèlerinage près d’Eleutéropolis, lieu où avaient été « inventées » quelque vingt ans plus tôt, des reliques de Michée et d’Habacuc. Cette découverte, vers 415, a été interprétée comme « la preuve éclatante de la protection divine » accordée à Théodose II et à Honorius après leur victoire sur Constantin III (cf. É. Demougeot, L’Empire romain, p. 175). Les découvertes de reliques sont aussi un avantage pour l’État ! Mais Sozomène passe sous silence la découverte des reliques d’Étienne, peut-être pour laisser la place libre à Lucien-Avitus. 24 25
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lui précise, en syriaque évidemment, l’endroit où est la sépulture31. On trouve trois coffres, thecae, avec trois noms gravés : CELIHEL (= Stephanus Dei), NASOAM (= Nicomède) et GAMALIEL. On nous précise que c’est Jean qui a traduit les inscriptions que Lucien n’avait que lues. Alors, la découverte faite, Lucien se précipite à Lydda où se tient le concile et où se trouve Jean. Toutes affaires cessantes, l’évêque de Jérusalem, interrompant vraisemblablement les discussions sur le pélagianisme, prend avec lui Eutomus, évêque de Sébaste, et Eleuthère, de Jéricho32. Les trois évêques arrivent devant les sépultures conduits par Lucien. Du coffret contenant les restes d’Étienne se dégage une suave odeur. Jean fait alors (le 26 décembre, date qui deviendra une des deux fêtes d’Étienne) transférer les reliques d’Étienne à Jérusalem, et les fait déposer dans la basilique de la Sainte-Sion, naguère (vers 383) visitée par la pèlerine Égérie. Elles seront plus tard, en 439, déplacées hors les Murs, au nord de la ville, à côté de l’actuel couvent Saint-Étienne. Fort de cette authentification des reliques et de leur installation dans son siège épiscopal33, Jean revient à Diospolis, persuadé que cette invention surnaturelle va conforter son attitude compréhensive à l’égard de Pélage. On ne peut s’empêcher de faire un rapprochement avec les premières inventions de reliques de Gervais et Protais à Milan, qui avaient conforté Ambroise dans son attitude à l’égard des Ariens. On est cependant frappé du silence de Jérôme. Il est évidemment difficile de tirer parti d’un argument a silentio. Cependant, on ne trouve chez le moine de Bethléem aucune référence à la découverte des reliques de saint Étienne, ni aux miracles qu’elles ont provoquées. Sa mort est certes de peu postérieure aux événements retracés par Sévère de Minorque34 ; mais durant cette période, le vieux moine n’a cessé d’écrire, dans toutes les directions, notamment à Rome, en se déchaînant sans cesse contre Pélage et Célestius. Plusieurs de ses lettres ont certes pu disparaître, mais on ne saurait oublier que son Dialogue contre les Pélagiens a été (inutilement !) connu au moment même
Avitus donne le mot syriaque, le mot grec, sa transcription latine, et, en latin, la signification exacte du mot syriaque. 32 Ces noms sont confirmés par Augustin dans sa liste des membres du concile ; cf. supra n. 14. 33 Où les a-t-on mises ? On pourrait être tenté de dire sur son siège, dans son église, comme l’a fait Evodius dans le De miraculis (I, 3, 4 : in loco absidae super cathedram uelatam) : lieu difficile à expliquer, sinon qu’il développe le sens symbolique de la cathèdre, centre géographique de l’église (abside), mais aussi lieu essentiel pour l’évêque, puisque la tâche essentielle de l’évêque est la prédication. Jean pensait-il déjà à la fin heureuse du concile, de même que le nom de l’église d’Uzalis, Restituta, montre la valeur théologique du transfert de reliques qui y est fait ? Il faut songer constamment aux gestes qui accompagnent les reliques et à la situation de l’Église du lieu. 34 18 ou 30 mois, selon qu’on suive la chronologie de Cavallera ou celle de Kelly pour la mort de Jérôme. 31
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du concile de Diospolis, et que ses dernières lettres sont tout aussi virulentes, même s’il se plaint de ses maladies et de son deuil35. De la part du pourfendeur de Vigilance, du promoteur du culte des reliques en Occident avec son ami Paulin de Nole, de celui qui avait rappelé l’importance de l’importation des reliques à Constantinople36, cette absence totale d’allusion dans ses écrits contemporains rédigés à Bethléem a de quoi surprendre37. On peut penser qu’il n’a pas voulu reprendre une querelle contre Jean, qui est mort le 10 janvier 417 et dont l’irénisme s’était d’ailleurs manifesté alors : au moment où commençaient de circuler les reliques de saint Étienne, les monastères de Bethléem furent l’objet d’attaques de la part de moines pélagiens armés. Leurs bâtiments incendiés, les moines occidentaux de Bethléem durent se réfugier dans des tours de garde. Jean de Jérusalem, qui avait été incapable de protéger ses moines de bandes agissant avec la complicité de Pélage, fut tancé par l’évêque de Rome, Innocent38, averti par Augustin et Eustochium qui ne manquait pas d’appuis à Rome, tandis que Jérôme dans une lettre d’un ton mesuré, disait préférer « changer de demeure plutôt que d’orthodoxie39 ». Quant à Orose, dont on n’est pas certain qu’il soit repassé par Bethléem, ce qui serait pourtant vraisemblable, puisqu’il avait servi de lien entre Augustin et Jérôme, il se préparait après l’échec de Diospolis, à revenir à Hippone, où le rappelait Augustin40. Orose quitta la Palestine en emportant les Actes de Diospolis, qu’utilisera Augustin, et quelques sachets de reliques de saint Étienne qu’il comptait apporter à l’évêque Balconius de Braga. Cette mission lui avait été confiée par Avitus, qui n’avait pas cessé d’être en relation avec son évêque. Il emportait aussi une lettre d’Avitus à Balconius, que l’on retrouve fréquemment dans le dossier Saint Étienne des manuscrits. Le prêtre galicien regrettait La mort d’Eustochium. On peut rappeler les transferts de reliques loués par Jérôme dans son Contre Vigilance 5 (PL 23, col. 342), en 406 : « A-t-il été sacrilège, l’empereur Constantin quand il a transféré à Constantinople les reliques d’André, de Luc et de Timothée, devant lesquelles rugissent les démons (...). Sacrilège aussi l’Auguste Arcadius qui récemment a transféré Samuel de Judée en Thrace si longtemps après sa mort ? Faut-il juger sacrilèges tous ces évêques qui ont transporté cette chose méprisable, une poussière de cendres, dans un vase d’or enveloppé de soie ? (...) Pourquoi, selon toi, ces foules ininterrompues, en bataillons serrés, depuis la Palestine jusqu’à la Chalcédoine ? » Devant cette réquisition de reliques ramenées d’un peu partout, on songe que l’évêque Exupère de Toulouse, vers 408, a cru devoir demander à l’empereur l’autorisation de déplacer de quelques mètres les restes de saint Saturnin. 37 Il est facile de citer le proverbe utilisé, dans l’épître 117, 1, multo plura tacendo quam loquendo significarem et de lui objecter ce qu’il ajoute quelques lignes plus bas, incongruum est latere corpore, et lingua per orbem uagari (éd. Labourt, VI, p. 76). 38 La lettre du pape Innocent a dû arriver après la mort de Jean. 39 Ep. 138, 1. Cette formule semble montrer qu’on avait proposé aux gens de Bethléem d’être accueillis ailleurs, dans des monastères de Jérusalem ; Jérôme s’y serait senti devenir pélagien. 40 Ep. 166. 35
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de ne pouvoir revenir en Espagne et espérait obtenir son pardon en signalant le rôle qu’il avait tenu dans la découverte des reliques ; il décrivait minutieusement le contenu du sachet des ossements d’Étienne qu’il avait confié à Orose à l’intention de son diocèse41. Avitus lui-même garda des reliques pour en apporter en Espagne. Orose était donc présent au concile de Carthage en 416. Il y présenta les lettres écrites par les deux évêques provençaux exilés à Jérusalem. Les évêques africains se scandalisèrent de l’absolution donnée à Pélage à Jérusalem et en référèrent à Innocent à Rome. De là, Orose qui avait dû apporter le Dialogue de Jérôme maintenant terminé, se rendit vraisemblablement à Hippone42. C’est alors qu’il écrivit, en 417 ou 418, son Histoire contre les païens. À ce moment-là, il n’est nullement question des reliques. Nous devons convenir que commencent alors quelques mois assez obscurs pour l’histoire de nos reliques : la multiplicité des échanges entre la Palestine, l’Afrique, l’Italie, la présence des invasions qui à la fois limitent et fixent les itinéraires43, sans oublier les périodes – pas toujours contraignantes – du mare clausum, les imprécisions des dates et des noms, tout cela fait qu’il n’est pas toujours aisé d’avoir des certitudes. Essayons de distinguer ce que nous savons de ce qui est probable. En février 418, des reliques de saint Étienne sont à Minorque, comme nous l’apprend la lettre de Sévère dont nous allons parler. Elles y ont été apportées par un presbyter quidam sanctitate praecipuus venu de Jérusalem et qui avait l’intention de gagner l’Espagne. Il s’arrêta à Magona, escale courante entre Ostie et Tarragone, au moment où deux Juifs cités par Sévère, chassés d’Espagne par les Wisigoths, vinrent eux-mêmes se réfugier à Minorque. On pense généralement que ce prêtre est Orose dont le travail n’avait pas été apprécié par Augustin44. E. Demougeot45 émet l’hypothèse qu’Orose serait allé en Italie combattre les Pélagiens à la demande d’Augustin, alors que le nouveau pape Zosime, vieil ami de Jérôme, était, lui, contrairement à son prédécesseur Innocent, favorable aux idées de Pélage. Puis en route pour l’Espagne, il se serait arrêté à Magona. Cela suppose une assimilation entre le quidam presbyter de Sévère et Orose, mais aussi un périple assez long des reliques avant qu’elles n’aient été données à l’évêque de Minorque, nouveau dans sa charge. On a aussi supposé qu’Orose Ep. Auiti 8 : puluuerem carnis atque neruorum, et, quod fidelius certiusque credendum est, ossa solida atque manifesta. 42 Cf. la lettre 476 d’Augustin qui prévoit son retour. 43 Cf. É. Demougeot, L’Empire romain, sur les mouvements de troupes en Occident. 44 Dans la Cité de Dieu, Augustin utilise le travail d’Orose en le critiquant et en le rectifiant. 45 É. Demougeot, « L’évêque Sévère », p. 20. 41
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avait distribué des reliques et en aurait retrouvé à Rome avant de partir vers les Baléares46. Enfin, certains ont supposé un ordre différent pour le périple des reliques : Palestine, Minorque, Espagne, Afrique. Le fait est que rien n’est certain entre mai 416 et février 418. En tout cas, l’évêque Sévère de Minorque reçoit un paquet de reliques en 418. Nous le savons par une lettre circulaire qu’il adresse à ses confrères et à tous les chrétiens. Cette lettre, dont le début est imité du rapport de Lucien, ce qui laisse entendre que ledit rapport dans la traduction d’Avitus avait circulé avec les reliques, a fait l’objet d’une récente édition critique avec sa traduction en catalan47. Ce texte important et singulier qui relate les uirtutes accomplies à Minorque par les reliques, la conversion en huit jours de 640 Juifs, pose de nombreux problèmes que J. Amengual y Batle s’est efforcé d’éclairer dans son commentaire. Des spécialistes de l’histoire des Juifs d’Occident, notamment B. Blumenkranz, ont mis en doute l’authenticité du document dans lequel ils voient le reflet de l’état d’esprit violemment anti-juif de la cour du roi wisigoth de Tolède au viie siècle : la discussion entre Juifs et Chrétiens, sous forme de controverse publique, leur semble anachronique ; la contrainte exercée sur des Juifs citoyens romains – se convertir ou partir – paraît singulière ; une sentence d’exil ne peut être collective, à moins que les Juifs ne se soient livrés à une seditio. Cependant les arguments en faveur de l’authenticité semblent prévaloir : la date est correctement donnée par un post-consulat, fait normal puisque les consulats d’Honorius et de Théodose II ne furent publiés que trois mois après les événements ; des émeutes anti-juives liées aux reliques ne sont pas invraisemblables : à Édesse, l’évêque Rabula avait confisqué la synagogue pour en faire une église consacrée à saint Étienne ; il y eut des violences exercées contre des synagogues en 41948. Mais surtout, dans les nouvelles lettres d’Augustin publiées par J. Divjak se trouve la lettre 12* de Consentius, qui date son installation aux Baléares de l’époque « où se produisirent des faits merveilleux (...), qui ont été racontés par l’évêque Sévère ». Actuellement, les commenta-
Cf. J. Wankenne - B. Hambenne, « La lettre-encyclique de Sévère de Minorque au début du Authenticité de l’écrit et présentation de l’auteur », RB, 97 (1987), p. 13-27. Sur cette lettre, cf. aussi J. Fontaine, « Une polémique stylistique instructive dans une ‘lettre encyclique’ de Sévère de Minorque », dans Mélanges Antoon Bastiaensen, Steenbrugge, 1991, p. 119-135. 47 J. Amengual y Batle, Els origens del cristianismo a les Balears i el seu desenvolupment fins a l’època musulmana, Majorque, 1991, t. II, p. 10-65. Anciennes éditions dans PL 20, col. 736-746 (texte du cardinal Baronius, xvie siècle) et dans G. Segui Vidal, La carta enciclica del Obispo Severo, Estudio critico de su autenticidad e integridad, con un bosquejo del cristianismo balear anterior al siglo viiie, Majorque, 1937. 48 É. Demougeot, « L’évêque Sévère », p. 21. 46
ve siècle.
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teurs, notamment le P. Wankenne49, voient dans la lettre de Consentius une confirmation de l’authenticité de la lettre de Sévère50. Si les événements de Magona, à Minorque, peuvent être correctement datés, on ne sait quand fut composée la lettre de Sévère. Sa rédaction a dû prendre quelque temps, surtout si, comme nous le pensons, il a voulu faire le travail lui-même en écartant quelque clerc industrieux qui aurait été disposé à composer le récit des faits, en l’occurrence Consentius qui laisse entendre qu’il avait lui-même préparé un texte concernant les Juifs51. La lecture de la lettre de Sévère montre qu’il n’y a aucun rapport entre l’action des reliques aux Baléares et les miracles décrits dans notre récit. À Minorque, il y a une communauté juive puissante, bien installée dans la cité : le chef de cette communauté, Théodoros, est le patron et le defensor de la cité. L’arrivée des reliques met brusquement fin à une cœxistence harmonieuse entre les deux communautés. En suscitant chez les chrétiens la volonté de convertir les Juifs, elles substituent l’odium à la familiaris consuetudo. Le De miraculis, lui, présente une suite de récits, et surtout de guérisons miraculeuses. Vers la même époque, sans que nous puissions préciser davantage, des reliques d’Étienne ont été apportées à Uzalis. Elles se trouvent entre les mains de prêtres et de religieux, des ascètes menant la vie commune à la façon des Pères du désert. L’évêque et son entourage ne sont pas, au début, au courant de cette arrivée. En revanche, les langues se délient. Si l’on en croit notre récit, les moines avaient personnellement reçu les reliques de confrères orientaux qu’ils devaient donc nécessairement connaître. Une moniale, informée, émet des doutes sur l’« authenticité » de ces reliques (I, 1, 9-11) : le ut uenire adsolet (I, 1, 10) de notre récit porte témoignage sur un courant de défiance à l’égard du culte des reliques. Telle aurait pu être l’attitude d’Augustin quelques années auparavant. Et si nous remontons plus haut, la réaction de Vigilance ne fut pas une réaction isolée et momentanée52. Cependant, un songe persuada la moniale du pouvoir magique de ces restes, mais cette fois-ci, sur la suggestion d’un prêtre, ce qui authentifie l’action divine des reliques. Or ce prêtre « est celui qui est venu récemment d’Orient avec les reliques ». Il est alors bien tentant de voir en lui, une fois de plus, Orose, mais ce n’est pas certain, si Orose a séjourné quelque temps en Italie. Bibl. Aug., 46B, p. 91. Cf. J.-P. Weiss, « Consentius, un écrivain espagnol témoin de son temps », dans Mots chiffrés et déchiffrés. Hommages offerts à Étienne Brunet, Paris, 1998, p. 707-732. 51 Ep. cit., 13. 52 Cf. D. G. Hunter, « Vigilance of Calagurris and Vitricius of Rouen : Ascetics, Relics and Clerics in Late Roman Gaul », Journal of Early Christian Studies, 7 (1999), p. 401-430. 49 50
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Rien ne prouve non plus que ces reliques soient passées par Minorque pour aller à Uzalis. On pourrait aussi penser à un autre envoi de reliques plus tardif que le premier, Lucien (avec Avitus) en ayant gardé par devers lui. Et Jean a-til conservé la totalité de ce qu’il a déposé à Sainte-Sion ? Son successeur, Praylus, enverra une main d’Étienne à l’impératrice Pulchérie. Le cheminement des reliques dans la ville d’Uzalis n’est pas non plus absolument évident : une partie des reliques semble avoir été solennellement transférée dans la cathédrale (I, 7), mais nous apprenons ensuite que l’évêque a décidé de rassembler toutes les reliques dans sa cathédrale, après avoir eu l’intention d’en transférer une partie dans l’église du Promontoire (I, 7, 3-5). Il semble donc qu’elles étaient d’abord dans le monastère, puis qu’une partie a été transférée dans le lieu saint qu’était la memoria de Félix et Gennadius, avant que tout ne soit transféré à la cathédrale dans un coffret d’argent (I, 8). On constate donc que les reliques sont arrivées à Uzalis vraisemblablement en plusieurs sachets, que ce sont des communautés religieuses, et non l’évêque, qui en ont été les premiers destinataires, et que tout ce mouvement a été une affaire privée. Cependant, le jour où une partie d’entre elles a été apportée à l’église (I, 2, 36-45), on y a assisté à la lecture (sur les instructions d’Evodius, certainement) de la lettre de Sévère de Minorque qui venait d’arriver. Cette lettre suivait de quarante jours l’arrivée des reliques, ce qui justifie notre supposition que ces reliques ne venaient pas de Minorque. Elle était adressée d’abord à l’évêque (beatitudo uestra), puis devait toucher l’ensemble de l’Église (ad omnem ecclesiam), ce qui explique l’attitude de l’évêque. Il reste que cette lecture faite en tête des lectures canoniques pose un problème liturgique analogue à la place de la lecture des Actes des Martyrs dans les cérémonies religieuses, vraisemblablement entre la lecture de l’Écriture et le sermon qui commente le récit miraculeux53. À quelle époque fut construite la memoria devenue, le De miraculis le prouve, un centre de pèlerinage ? Elle a dû succéder à un bâtiment plus simple signalé en I, 7. Autour de 420, pense Mgr Saxer54. Il semble qu’il ne faille pas trop éloigner la date de cette construction des premiers miracles qui se sont produits à Uzalis et qui y ont amené des pèlerins. Notre texte suppose une memoria achevée.
C’est la tradition africaine. Cf. B. De Gaiffier, « La lecture des Actes des martyrs dans la prière liturgique en Occident. À propos du passionnaire hispanique », AB, 72 (1954), p. 144 ; V. Saxer, Morts, martyrs, reliques, p. 201. Aujourd’hui, chaque année, le jour de la Commémoration de saint Saturnin en la basilique Saint-Sernin de Toulouse, la lecture des Actes du martyre est faite avant l’office et est détachée de la synaxe : c’est la tradition romaine. 54 V. Saxer, Morts, martyrs, reliques, p. 331. 53
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Quant à la date de composition du recueil, nous en sommes là encore réduits à des conjectures. Les faits miraculeux se sont étagés sur plusieurs mois. Se demander s’il y a eu plusieurs ou plutôt, comme nous le croyons, un seul rédacteur, dépasserait les limites de notre propos. Mais il semble bien que la composition de chacun de ces deux livres ait été séparée dans le temps. Le travail a été fait sur l’ordre d’Evodius (I, Prol. 3). Il a dû être demandé à un moine du monastère qui avait reçu les reliques. Le récit présente un choix fait par le rédacteur ou l’évêque (II, 5, 105-107) parmi beaucoup de faits miraculeux, à moins que nous n’ayons dans cette phrase un topos emprunté à la fin de l’Évangile de Jean. Peut-être Augustin nous aide-t-il à proposer une date. On constate que les procédés décrits dans le livre II sont analogues à ceux qu’a utilisés Augustin à propos des miracles décrits dans ses sermons ou dans le livre XXII de la Cité de Dieu. Si la memoria d’Uzalis était la plus ancienne d’Afrique, et si la liturgie faite autour des récits de miracles a pu commencer assez tôt, la coutume de rédiger des libelli est bien postérieure. Mgr Saxer fait remarquer que les « interventions d’Augustin auprès d’Evodius ont donné le branle à la rédaction du recueil d’Uzalis55 ». Nous nous rangeons à son avis et supposons une date postérieure à l’été 424. Dans ce cas, il faut admettre que les récits de miracles ont circulé oralement, et ont été diffusés avec assez de célérité et de précision pour amener des pèlerins et des malades à Uzalis en peu de temps. Ils sont connus, par exemple, du haut fonctionnaire des finances de Carthage (70 km d’Uzalis) accusé de prévarication, semble-t-il (II, 5). Peut-être la conjonction entre un sermon d’Augustin et un de nos miracles pourrait-elle nous aider à préciser. Le miracle relaté en I, 15 est celui d’un jeune catéchumène mort sans baptême et rappelé à la vie pour être baptisé. On sait combien ce problème du pédobaptisme a préoccupé Augustin, notamment à propos de l’affaire pélagienne. Étant donnée la façon dont notre recueil a été composé, on peut supposer que ce texte a été ajouté à la fin du livre I, fait de brefs récits, pour des raisons théologiques. Or ce miracle est décrit par Augustin dans son sermon 324, prononcé le mercredi de Pâques 42556. À cette époque, Jean de Jérusalem est mort depuis huit ans, Jérôme depuis six ans, et nous ne savons plus rien de Pélage, excommunié par Zosime en 418. La memoria construite à Hippone par Eraclius, ornée de mosaïques représentant la mort d’Étienne et de vers écrits par Augustin57, a dû être élevée à peu
V. Saxer, Morts, martyrs, reliques, p. 270. Cf. V. Saxer, Morts, martyrs, reliques, p. 255. Rappelons que J. Martin, « Die revelatio » situe lui aussi la composition du De miraculis après la publication des sermons augustiniens. 57 Serm. 316, 5. 55 56
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près à la même époque. Elle a été dédicacée pendant l’été 425. Nous ne savons pas si la publication du De miraculis a amené davantage de pèlerins à Uzalis et contraint le clergé à construire une hôtellerie, comme ce fut le cas à Hippone près de la memoria de saint Étienne. Notons d’ailleurs que Paul et Palladia, ces deux malades originaires de Cappadoce guéris à Hippone, étaient allés prier à Ancône (où la memoria d’Étienne existait avant les événements de Jérusalem) et à Uzalis, comme nous en informe Augustin lui-même58 : il n’est pas peu fier de constater que le bénéfice spirituel de ces miracles a touché Hippone plutôt que la cité de son vieux camarade Evodius. Nos miracles seront désormais rapprochés de ceux qui ont été décrits par Augustin. À voir la minceur de leur tradition manuscrite, leur quasi absence des lectionnaires, il ne semble pas qu’ils aient été très connus. La plus grande partie de l’iconographie de saint Étienne ne se fondant pas sur les Actes des Apôtres sera tributaire d’autres miracles médiévaux, mais cela est l’objet d’une autre étude. L’histoire des reliques est aussi à faire, si elle est possible. Les cathédrales consacrées à saint Étienne, une vingtaine en France59, ont-elles reçu des fragments de reliques après le passage des Croisés en Orient lors de la quatrième Croisade? Le Groupe laisse le mot de la fin à P. Force, qui note que sous le pape saint Léon, quelque quarante ans plus tard, une Romaine, Démétriade, issue de la gens des Anicii, fit construire une basilique à saint Étienne sur la Voie Latine, dans ses domaines. Or, quand, jeune fille de vingt ans exilée à Carthage en 413, elle avait fait vœu de se consacrer à Dieu et avait reçu le voile du primat Aurelius, sa mère avait demandé aux plus grands maîtres spirituels de son temps (elle leur était liée par l’amitié) d’écrire une lettre de direction à la jeune fille : il s’agissait d’Augustin, d’Innocent, de Pélage et de Jérôme. Il nous plaît d’imaginer qu’au milieu du ve siècle, Démétriade relisant leurs lettres, ils étaient réconciliés sous le patronage de saint Étienne !
Ciu., XXII, 8, 22. Besançon, Châlons sur Saône, Châlons sur Marne, Bourges, Clermont, Metz, Tours, Marseille, Agde, Agen, Arles, Auxerre, Cahors, Fréjus, Limoges, Meaux, Saint-Brieuc, Sens, Toul, Toulouse (nous avons aussi noté d’anciennes cathédrales). 58 59
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Le culte des saints en Afrique. État des recherches Fathi Bejaoui Le culte des saints de l’Afrique chrétienne est un thème qui a été au cœur des principaux travaux de recherche de Mme Yvette Duval et auquel elle a consacré un ouvrage majeur, le fameux Loca sanctorum, devenu depuis sa publication en 1982 un livre de référence pour les spécialistes de la période. Mais depuis, quelques découvertes ont eu lieu et ne concernent que le territoire actuel de la Tunisie. Elles sont toutes relatives au culte de saints déjà connus en Afrique, en l’occurrence, les apôtres Pierre et Paul, Sébastien et Isidore. Mais outre ces saints connus et identifiés grâce aux inscriptions qui accompagnent généralement leurs reliques ou signalent un monument religieux qui leur est consacré, nous avons également un certain nombre de cas où ces inscriptions sont absentes ou en partie illisibles, ce qui empêche toute identification du saint. 1. Les apôtres Pierre et Paul Il serait peut-être intéressant de rappeler que la ferveur des Africains pour le culte des apôtres, qui n’est plus à démontrer depuis l’étude de Mme Duval, trouve son reflet non seulement dans les textes épigraphiques mais aussi sur d’autres types de supports principalement sur la céramique sigillée de fabrication africaine, où nous avons sur quelques fragments de plats rectangulaires, objets à usage quotidien, et sur une gourde ou peut-être une bouteille de pèlerinage, la représentation de Pierre et de Paul avec à chaque fois leur nom gravé sur l’objet (fig. 1).
Y. Duval, Loca sanctorum Africae. Le culte des martyrs en Afrique du ive au viie siècle, Rome, 1982 (CEFR). F. Bejaoui, « Pierre et Paul sur de nouveaux fragments de céramique africaine provenant de la région de Kairouan », RAC, 60 (1984) p. 45-62 ; Id., Céramique et religion chrétienne, les thèmes bibliques sur la sigillée africaine, Tunis, 1997, p. 26 et p. 100 sqq., n. 47, 48, 49, 50, 51 avec fig. Ces objets sont une production de la fin du ive et de la première moitié du ve siècle.
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Considéré à tort, comme cela a été déjà signalé d’abord par P. A. Février et ensuite par Y. Duval, comme étant plus populaire en Numidie qu’ailleurs en Afrique, le culte des deux apôtres a laissé des témoignages qui ne cessent de se multiplier au gré des découvertes et des différentes campagnes de prospection. Et c’est ainsi qu’en Byzacène et en Proconsulaire trois nouvelles inscriptions ont été répertoriées dans des contextes archéologiques différents. a. Sufetula En Byzacène, et plus exactement à Sufetula, où on a déjà rencontré le nom de l’apôtre Pierre gravé sur une croix de lustre datant de l’époque byzantine, un fragment d’une petite dalle inscrite a été retrouvé au cours de la campagne de nettoyage de l’une des 6 églises que compte le site. Il s’agit de celle qui fut construite sur un monument à portiques dans le voisinage immédiat de l’angle nord du forum (fig. 2). C’est précisément dans cet édifice qu’a été découvert, au niveau de la travée VII, un caisson à reliques de type rectangulaire sans couvercle, qu’on suggérerait de reconnaître dans cette dalle nouvellement découverte qui fait environ 0,11 m de long sur 0,09 de large et sur laquelle on lit sur deux lignes (fig. 3 et fig. 4) : nc reliquias ni petri pau
On développera comme suit : [hi]nc reliquias [n(ostri)] | [domi]ni Petri Pau[lique]
Ce qui rapprocherait ce texte de celui qu’on connaissait déjà sur une dalle de Carthage, où nous avons également l’emploi de l’accusatif reliquias Petri et Pauli pour reliquiae, ce qui laisse supposer que nous sommes dans les deux cas en présence d’un dépôt de reliques des apôtres romains dans une église qui daterait de la fin du ve siècle mais qui a connu des remaniements d’ensemble au vie siècle.
P. A. Février, « Martyrs, polémique et politique en Afrique aux ive-ve siècles », Revue d’histoire et civilisation du Maghreb, 1 (1966), p. 8-18. Y. Duval, Loca sanctorum. N. Duval, « Luminaire chrétien de Sbeïtla et de Salone », BSNAF (1962) p. 52-63 ; Y. Duval, Loca sanctorum, notice 35, p. 79 sqq. N. Duval, Recherches archéologiques à Sbeïtla, t. I, Les basiliques de Sbeïtla à deux sanctuaires opposés, Rome, 1971 (CEFR), p. 325 sqq. ; F. Bejaoui, Sbeïtla, l’antique Sufetula, Tunis, 1994, p. 46. Pour les nouvelles fouilles effectuées dans ce secteur, F. Bejaoui, « Nouvelles données archéologiques à Sbeïtla », Africa, 14 (1996), p. 37-63. F. Bejaoui, « Quelques nouveautés de l’épigraphie chrétienne de Tunisie », L’Africa romana, 10 (1993), p. 681, pl. VI, a (d’où AE, 1993, 1713).
chapitre ii - le culte des saints en afrique
Carte avec les principaux témoignages épigraphiques et archéologiques des cultes des saints en Afrique (Proconsulaire et Byzacène), d’après Y. Duval. Les croix correspondent aux nouvelles découvertes.
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b. Thuburnica Le deuxième témoignage relatif à ces deux saints est celui que nous fournit un autre fragment d’inscription découvert dans l’ouest de la Proconsulaire, région qui n’a fourni jusque-là que la mention du nom de l’apôtre Pierre sur deux éléments d’arcade de l’église de Dar el Kous au Kef. Ce nouveau témoignage a été découvert sur le site de Thuburnica sur la frontière tuniso-algérienne, et consiste en un texte gravé sur une frise en bas d’un élément d’architecture qui fait 0,66 m de longueur sur 0,63 m de profondeur et affectant une forme courbe et où apparaît (fig. 5 et fig. 6) : tri et Pau pour (Pe)tri et Pau(li).
Le monument auquel appartenait cet élément d’architecture n’a pas été retrouvé, mais il s’agit sans doute d’un édifice de culte chrétien dont aucun exemple n’a été repéré jusque-là sur ce site10. c. Lala Massaouda (région d’El Ksour) Le troisième document relatif au culte de Pierre et Paul a été retrouvé, il y a quelques années, par notre collègue Sadok Ben Baaziz dans le cadre de ses travaux de recherche dans la région de Oued el Htab11 et précisément au lieu dit Lala Massaouda, une grande ferme ou un bourg antique situé entre Makthar et El Ksour sur la route moderne du Kef12. Il s’agit d’un texte qui a été gravé sur un bloc appartenant à la face interne d’un mur de la cella d’un templemausolée aménagé sur la rive droite de l’Oued Oum Larouk et partiellement conservé (fig. 7 et fig. 8)13. L’emplacement du bloc de pierre où le texte a été gravé après coup rendait l’inscription lisible seulement de l’intérieur de cette cella (fig. 9). Ainsi on lit sur deux lignes (fig. 10)14 : hic memoria sci petri et pauli (tilde d’abréviation sur sci).
Dalle de Carthage, cf. Y. Duval, Loca sanctorum, notice 1, p. 5. Y. Duval, Loca sanctorum, notices 44-46, p. 96. 10 F. Bejaoui, « Quelques nouveautés », p. 681, pl. VI, b (AE, 1993, 1760). 11 S. Ben Baaziz, Rohia et le Sraa Ouertane dans l’Antiquité, Tunis, INP, 2000, p. 37-38 et p. 364365. 12 Atlas archéologique de la Tunisie, Quadrillage Lambert, feuille El Ksour (285 N-416 E). 13 Le bloc était en place au moment de la découverte par S. Ben Baaziz, que je tiens à remercier pour m’avoir signalé cet important document encore inédit. 14 Les dimensions actuelles du bloc sont de 1,16 m de longueur, 0,50 m d’épaisseur et de 0,43 m de hauteur, les lettres ayant une moyenne de 0,08 m de hauteur.
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On développera cette inscription comme suit : hic memoria / s(an)c(t)i petri et pauli
Memoria désignerait probablement ici le reliquaire se trouvant dans ce lieu ou pourrait également concerner l’installation martyriale ou le monument luimême qui est ici ce temple-mausolée15. Mais l’état actuel de cet édifice, à l’origine païen, n’a pas permis de retrouver les reliques ou le reliquaire supposés avoir été abrités dans cet espace à un moment donné. Mais il est assez intéressant de constater que de nos jours encore ce lieu est vénéré par les habitants de la région, non parce qu’il y est question du souvenir des apôtres romains mais la vénération concerne plutôt Lala Massaouda, c’est-à-dire la Sainte Massouda, certainement une sainte musulmane locale dont la vénération est encore vivace de nos jours. On a pu constater la présence de cierges dans une petite niche, anciennement creusée, dans l’un des murs latéraux de la cella, celui qui est justement le plus près de l’emplacement initial du bloc portant l’inscription. Du reste, la feuillure remarquée sur les quatre côtés de cette niche laisse croire que celle-ci se fermait à l’aide d’une petite dalle, aujourd’hui disparue (fig. 11 et fig. 12). Ainsi on pourrait se demander, à titre hypothétique, si cette niche ne serait pas celle que signale l’inscription ? Dans tous les cas ce lieu précis, temple-mausolée, a bien été, et est toujours, un monument sacré pour trois croyances différentes : paganisme, christianisme et enfin Islam. 2. Isidore et Sébastien Le deuxième témoignage d’un culte de saints étrangers à l’Afrique qu’on a pu identifier ces dernières années sur un autre site de la Proconsulaire est celui des saints Isidore et Sébastien. C’est à Ammaedara dans un édifice à l’architecture complexe16 installé sur l’importante voie antique qui reliait cette grande cité à Thelepte, qu’on a découvert à l’intérieur d’un enclos, deux dalles inscrites portant à quelques détails près le même texte relatif au procès verbal de dépôt de reliques des saints Sébastien et Isidore (fig. 13 et fig. 14). La cérémonie présidée par un évêque dénommé Iaquinto a eu lieu les subdie du jour des xiiie kalendes de février : subdie XIII Kalendas Februarias.
F. Bejaoui, « Une nouvelle découverte d’époque byzantine à Haïdra », L’Africa romana, 11 (1996), p. 1385-1390. 16 L’étude complète de cettte inscription est en cours, par Mme Z. Ben Abdallah, auteur de la découverte de ces deux dalles. 15
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Cette découverte nous impose deux remarques : – La première est relative au culte même de ces deux saints qui est très rare en Afrique. Celui d’Isidore est signalé deux fois : sur une dalle de reliquaire de Henchir Jalta dans la région de Mateur à environ 65 km au nord-ouest de Carthage, où nous avons également un procès-verbal de déposition de reliques qui se limite à la date de la cérémonie17. La seconde fois, à Guelma en Algérie, Isidore est associé à d’autres saints (ceux de la Massa Candida, Martin, Romain...) sur une dalle portant, non un procès-verbal de dépôt de reliques, mais une simple annonce de l’existence de celles-ci18. Quant à Sébastien, son culte n’était connu jusque là qu’à Henchir el Fellous dans la région de TeboursoukDougga où nous avons sur une dalle en calcaire le procès-verbal de dépôt des reliques du saint associé à Ménas, semble-t-il19. Enfin leur culte n’a été introduit en Afrique qu’à l’époque byzantine comme l’a déjà précisé l’étude de Mme Yvette Duval, ce que confirme par ailleurs une épitaphe retrouvée dans l’une des pièces du bâtiment qui utilise comme moyen de datation non seulement l’indiction20 mais également l’année de règne d’un empereur, en l’occurrence la quatrième année du règne de Justin II : anno IIII domini Iustini imperatoris, ce qui correspondrait ainsi aux années 568-569 (fig. 15). – La deuxième remarque concerne la date du dépôt des reliques telle qu’elle est précisée sur le procès-verbal, où on choisit volontairement d’organiser la cérémonie le jour anniversaire du martyre ou du natalis de Sébastien puisque subdie kalendas februarias, qui correspond au 20 janvier, est bien le jour de fête de ce martyr tel qu’il est fixé sur le calendrier de Carthage21. En outre, très peu de procès-verbaux africains ont recours à cette pratique et à ce lien qui n’est évidemment pas fortuit et semble s’expliquer par un « souci de prolonger et surtout de répandre par la diffusion des reliques, le culte rendu primitivement aux martyrs sur leurs sépultures22 ».
Y. Duval, Loca sanctorum, notices 14 et 85, p. 668 sq. Pour Isidore de Guelma, cf. ibid. 19 Henchir el Fellous, cf. Y. Duval, Loca sanctorum, notices 21, p. 44 sqq. 20 Pour l’indiction, cf. N. Duval, « Le système de datation dans l’est de l’Afrique du nord à la fin de l’Antiquité et à l’époque byzantine », Ktema, 18 (1983), p. 189-211. Il s’agit d’une mise à jour d’une étude datant de 1975 (1979) consécutive à des découvertes plus récentes, à El Gousset (région de Thélepte) et à El Ounaïssia (cf. infra). 21 Pour la fête de saint Sébastien, cf. F. Bejaoui, « Une nouvelle découverte d’ép. byzantine ». 22 Y. Duval, Loca sanctorum, p. 562. Ailleurs qu’en Afrique : en Espagne par exemple et, pour la série tardive, il arrive, mais pas de façon systématique, que la cérémonie de déposition coïncide, ou qu’on la fasse coïncider, au dimanche, et cela pour des raisons évidentes, cf. Y. Duval, « Projet d’enquête sur l’épigraphie martyriale en Espagne romaine, visigothique (et byzantine) », CCSL, 1 (1993), p. 182. 17 18
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3. Les reliquaires anonymes Le second type de découvertes qui intéresse cette mise au point est celle qui concerne les reliquaires ou les caissons à reliques qui n’ont pu être identifiés faute d’inscription, mais dont on a la certitude du contexte de trouvaille. C’est la Byzacène qui nous en fournit le plus grand nombre : à El Gousset, à Sidi Ali Ben Aoun, et enfin à Kasr el Baroud. a. El Gousset C’est sur ce site23, situé à mi-chemin entre Ammaedara et Thélepte, qu’on a retrouvé lors de la fouille d’une pièce annexe de l’église (fig. 16 et fig. 17), un coffret à reliques en pierre calcaire sans couvercle, posé sur une large dalle au dessous de laquelle deux autres reliquaires encastrés dans le sol ont pu être découverts (fig. 18 et fig. 19). Si les saints auxquels cet espace a été consacré nous resteront sans doute à jamais inconnus, on sait par contre qu’il s’agit d’une chapelle ouverte sur le bas-côté sud-est de l’église et qui est en même temps placée au milieu d’une série d’autres pièces alignées le long de cette même partie de l’édifice de culte. Par ailleurs, la date de l’aménagement de cet espace nous est connue grâce au texte inscrit sur deux éléments d’un arc, celui qui marquait l’entrée vers la chapelle, découvert écroulé près du seuil, et on y lit (fig. 20 et fig. 21) : première pierre : annobicesi/niregista deuxième pierre : movidom/samundi
qu’on développera en : anno vicesimo vi dom/ni (ou dom(i)ni) regis Tasamundi (pour T(r)asamundi)
ce qui correspond à la vingt-sixième année du règne du roi vandale Thrasamund, à savoir l’année 521. Enfin, on peut croire que le caisson à reliques posé sur la dalle est plutôt de l’époque byzantine contrairement à ceux encastrés dans le sol qui seraient tout naturellement plus anciens, mais sans toutefois pouvoir prouver cette hypothèse.
Sur le site d’El Gousset, cf. F. Bejaoui, « Une église d’époque vandale à Henchir el Gousset », Africa, 13 (1995), p. 101-137. 23
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b. Sidi Ali Ben Aoun Le second exemple de reliquaire non identifié est celui découvert à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Thelepte au lieu dit El Ounaïssia24, où on a fouillé ces dernières années, en plein cœur d’un site rural, une église de petites dimensions de type presque carré puisqu’elle fait environ 7,50 m de côté (fig. 22). Et c’est au niveau de la troisième travée à l’opposé du presbyterium qu’on a pu dégager un pavement de mosaïque représentant des cerfs affrontés de part et d’autre d’un canthare, devant lequel a été placé un caisson à reliques en calcaire couvert d’une petite plaque carrée décorée de l’Alpha et de l’Oméga (fig. 23 et fig. 24). Le type même de la mosaïque, avec un remplissage quasisystématique du pavement par des croix ou des motifs floraux, suggère une basse époque byzantine. Enfin, il est intéressant de signaler qu’on a pu dégager dans cette église une inscription réemployée, texte contre le mur, portant l’épitaphe du diaconus Lucinianus décédé la septième année du règne du roi vandale Gunthamund, correspondant ainsi à l’an 49125. c. Henchir el Baroud (Thagamuta) Il s’agit dans ce cas précis d’un caisson à reliques portant une inscription mais dont la lecture complète n’a pas été possible à cause de son état de conservation, et c’est la raison pour laquelle on a préféré le classer dans la catégorie des reliquaires anonymes. Le caisson en question a été découvert au lieu dit Henchir el Baroud26, l’antique Thagamuta, une agglomération urbaine située à une vingtaine de kilomètres de Sufetula, au cours de la fouille du presbyterium (fig. 25). Le reliquaire en pierre calcaire porte sur l’une des faces une inscription dont le texte est réparti tout autour de la cavité où s’encastrait le couvercle (fig. 26). L’écaillement d’une grande partie du texte réparti sur plus d’une dizaine de lignes en a empêché la lecture complète mais on a pu reconnaître l’emploi de memoria sur la première ligne ainsi que indictione quarta (...) sur la dernière ligne. Nous sommes donc encore une fois en pleine période byzantine.
Sur ce site, cf. F. Bejaoui, « Une nouvelle découverte d’époque chrétienne en Tunisie », L’Africa romana, 8 (1991), p. 299-303. 25 Ibid., p. 302. 26 Sur le site de Kassr el Baroud (Thagamuta), cf. F. Bejaoui, « Documents d’archéologie et d’épigraphie paléo-chrétiennes récemment découverts en Tunisie dans la région de Jilma », dans CRAI, 1990, p. 256-279. 24
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Conclusion Cette brève étude n’avait pas la prétention de présenter ni d’apporter de nouvelles analyses concernant le culte des martyrs en Afrique, Mme Yvette Duval l’a déjà fait. Il s’agissait plutôt d’un complément « d’information » et surtout d’une confirmation de l’importance et de l’omniprésence du culte des martyrs, ou peut-être de simples saints locaux ailleurs que dans les grandes cités antiques connues. Ce fait, nous le devons non seulement aux découvertes fortuites et à celles qui sont programmées, mais également aux différentes campagnes de prospections qui se multiplient sur le territoire tunisien.
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Aux origines du culte de saint Étienne protomartyr. La préhistoire de la révélation de ses reliques Mgr Victor Saxer L’invention des reliques de saint Étienne, faite en 415 par le prêtre Lucien de Cafar Gamala, fut le détonateur d’une véritable explosion de son culte qui s’étendit à toute la chrétienté antique. En témoignent deux sortes de faits. C’est d’abord le récit que fit de la découverte Lucien lui-même et dont l’original grec (BHG 1649) fut traduit sur-le-champ en latin (BHL 7851-56) et rapidement en syriaque (BHO 1087), en arménien (BHO 1088) et en géorgien (PO XIX, 64770). À leur tour, les reliques furent très vite diffusées de Jérusalem jusqu’en Extrême-Occident : témoins Avit de Braga et Paul Orose. Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai écrit il y a dix-huit ans sur l’importation des reliques et du culte d’Étienne en Afrique, à Uzalis et à Hippone, grâce précisément aux bons offices d’Orose et à l’intervention de saint Augustin. Je voudrais au contraire me pencher brièvement sur les origines de ce culte, avant que l’invention de 415 ne lui fasse prendre son envol. La rareté des informations sur la période primitive confirme a contrario l’importance de la découverte de Lucien. Toutefois, pour rares qu’elles soient, elles se multiplient notablement vers la fin du ive siècle. Aussi bien l’invention n’est-elle pas une création ex nihilo et il est possible d’esquisser une certaine périodisation en distinguant, dans les origines, les trois premiers siècles de la période terminale que je viens d’indiquer. Cette distinction guidera mon développement.
V. Saxer, Morts, martyrs et reliques, p. 245-278. Pour un aperçu général de l’hagiographie en Afrique latine, cf. aussi V. Saxer, « Afrique latine », dans Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident des origines à 1550, éd. G. Philippart, t. I, Turnhout, Brepols, 1994, p. 25-95.
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1. Les témoignages des trois premiers siècles a. Les Actes des apôtres Parmi les témoignages primitifs, le plus ancien est, comme on le sait, le récit de la mort d’Étienne dans les Actes des apôtres. Il faut y ajouter deux allusions à son martyre dans le même livre biblique. Ces trois passages sont les seuls qui concernent Étienne dans tout le Nouveau Testament. Le récit des Actes, chapitres 6-7 et 8, 1-2, contient tout ce que nous savons d’Étienne. Je rappelle les faits. Choisi avec six autres pour le « service des tables » (Ac. 6, 5), il se comporte vite comme leur chef. Son action lui attire l’hostilité de ceux qui, dans la petite communauté chrétienne du début, non encore détachée du judaïsme – ce qui explique l’intervention des Juifs –, restaient attachés aux usages qui leur étaient communs avec ces derniers, fidèles à la Loi de Moïse. La tension s’aggrava au point qu’un procès fut intenté à Étienne devant le Sanhédrin, où de faux témoins l’accusèrent de projets subversifs contre le Temple. Il prit lui-même sa défense qui se termina par une virulente invective contre les « cous raides et les cœurs et les oreilles incirconcis » des Juifs. Il mit le comble à leur fureur en déclarant voir le Christ « fils de l’homme debout à la droite de Dieu » (Ac. 7, 55-56). Déclaration semblable à celle du Christ (Mt. 26, 64 et par.) et blasphématoire aux yeux des Juifs. Comme au Christ, elle lui valut la mort. Cependant, à la différence du Christ crucifié selon la coutume romaine, Étienne fut lapidé à la manière juive et en dehors de toute intervention romaine. Voilà pour les faits. Arrêtons-nous un instant au récit qui les rapporte pour noter qu’Étienne n’y porte pas le titre de diacre qu’on aimera lui donner plus tard, même si le service des tables y est appelé « diaconie ». De plus, il convient de replacer le récit dans la tradition hagiographique juive et chrétienne. De nouveau, je dois me contenter de résumer ici ce que j’ai déjà écrit ailleurs. Les plus anciens récits qui nous soient parvenus de cette tradition concernent les martyrs juifs de la persécution d’Antiochus Épiphane. Celle, relativement sobre, du livre canonique 2 M. 6, 18-31 ; 7, 1-41, est amplifiée par l’apocryphe 4 M. Les écrits néo-testamentaires de la mort du Christ et d’Étienne sont à interpréter en fonction du thème de la fidélité de l’envoyé au message dont il est le témoin
V. Saxer, Atti dei martiri dei primi tre secoli, Padoue, 1984, p. 19-23 ; Id., Bible et hagiographie. Textes et thèmes bibliques dans les Actes des martyrs authentiques des premiers siècles, Berne-Francfort-s. Main-New York, 1986, p. 15-16. O. Perler, « Das vierte Makkabërbuch, Ignatius von Antiochien und die ältesten Martyrer berichte », RAC, 25 (1949), p. 47-72.
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(mavrtu"). Bien plus, pour les chrétiens, c’est le Christ le modèle auquel ils se conforment désormais, quand ils sont dans l’obligation de porter témoignage eux aussi. C’est pourquoi les dernières paroles d’Étienne rappellent celles du Christ. L’hagiographe chrétien exploite à son tour la ressemblance des situations, si bien que dès le départ il est en possession d’un canevas biblique sur lequel il brodera ses variations. Il faut s’arrêter à un dernier détail du récit de la mort d’Étienne, qui s’achève par l’ensevelissement du martyr. Car, pendant que Saul ravageait l’Église, « des hommes pieux ensevelirent Étienne et firent sur lui de grandes lamentations » (Ac. 8, 2). Ils suivent ainsi l’usage du temps et il n’y a en lui aucune trace de culte. Celui-ci n’apparaîtra que plus tard. Restent les deux allusions des Actes qui ont été annoncées plus haut. Elles ont avant tout valeur de référence pour situer dans le temps la persécution dont la mort du protomartyr a été le premier acte. Dans cette perspective se place en effet la première allusion dans laquelle le rédacteur des Actes établit une succession chronologique immédiate entre la mort d’Étienne et la fondation des premières chrétientés « en Phénicie, à Chypre et à Antioche » (Ac. 11, 19). Plus intéressante est la deuxième allusion. Elle émane de Paul dans sa harangue aux Juifs de Jérusalem après son dernier voyage missionnaire et avant son appel à la juridiction impériale. Il leur rapporte alors, en écho à Ac. 7, 58 et 8, 1, les paroles qu’il avait dites au Christ dans une extase (Ac. 22, 20) : « Quand on répandait le sang de ton témoin Étienne (tou§ mavrturo" sou§), j’étais là, moi aussi, d’accord avec ceux qui le tuaient, et je gardais leurs vêtements. » Ce passage nous importe, non pas seulement parce que Paul rappelle un souvenir qui paraît l’avoir profondément marqué, mais surtout à cause de l’emploi du mot mavrtu", témoin, pour qualifier Étienne. Nous retrouvons plusieurs fois ce mot avec le même sens dans l’Apocalypse : il y désigne un martyr de Pergame inconnu par ailleurs, Antipas, « témoin fidèle » (Ap. 2, 13), et surtout le Christ en personne, lui aussi et d’abord « le témoin fidèle, le premier-né des morts et le souverain des rois de la terre » (Ap. 1, 5), ou encore « le témoin fidèle et vrai, le Principe des créatures de Dieu » (Ap. 3, 14). Qu’y a-t-il donc de commun entre les témoignages du Christ, d’Étienne et d’Antipas ? La mission propre de Jésus fut de « rendre témoignage à la vérité » (Jn 18, 37), ce qu’il fit devant Pilate (1 Tm. 6, 13) et qui le conduisit à la mort. C’est pourquoi il est le prototype du « martyr » chrétien. Car ce dernier à son tour est appelé à propager le message du Christ jusqu’à la mort, fût-elle sanglante (Ac. 17, 6). C’est même la fidélité à sa mission qui lui vaudra d’être persécuté et mis à mort par le dragon (Ap. 12, 17). Ainsi, dès le dernier livre du Nouveau Testament, « l’idée de marturiva (qui signifie au
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épart témoignage) commence à recevoir une coloration martyrologique » au d sens de témoignage par mort violente. Bref, dans la littérature néo-testamentaire, Étienne est « martyr » au sens de témoin du Christ et par imitation de son exemple de fidélité à la mission reçue de Dieu. Ce témoignage, il l’a donné jusque dans et par sa mort. b. Irénée et Tertullien Avant le ive siècle, on ne connaît que deux auteurs chrétiens qui aient parlé d’Étienne, Irénée et Tertullien, et ils l’ont fait chaque fois en référence au récit des Actes. Voici d’abord le texte d’Irénée de Lyon dont j’emprunte la traduction aux « Sources chrétiennes » : « De même encore Étienne, qui fut choisi par les apôtres comme premier diacre et qui, le premier aussi de tous les hommes, suivit les traces du martyre du Seigneur, ayant été mis à mort le premier pour avoir confessé le Christ, parlait hardiment au milieu du peuple et l’enseignait. [Suit alors la citation d’Ac. 7, 2-8, puis Irénée continue]. Le reste des paroles d’Étienne annonce le même Dieu qui fut avec Joseph et les patriarches et qui s’entretint avec Moïse. »
Dans la dernière phrase de la citation, Irénée exprime l’idée qui commande son traité contre les hérétiques. Ceux-ci sont les gnostiques pour qui il y a, entre l’Être suprême et les hommes, toute une hiérarchie de divinités intermédiaires. L’évêque de Lyon défend en revanche l’unicité de Dieu, qui est celui des patriarches, de Moïse et d’Étienne. Or ce qui nous intéresse dans le texte, c’est ce qui y est dit d’Étienne : il est le premier en tout, comme diacre, comme martyr et comme ayant confessé la divinité du Christ. Pour le montrer, Irénée cite un extrait du discours d’Étienne. Notons à ce propos que le mot martyr n’a pas encore son correspondant confesseur pour désigner le témoin qui n’a pas versé le sang du témoignage. C’est pourquoi Irénée partage le même vocabulaire et la même théologie du martyre et de la confession que les martyrs lyonnais de 177. Mais chez lui, pas plus que chez ses concitoyens martyrs, il n’est explicitement question de leur rendre un culte posthume. Sur ce point, la portée de ses paroles sur Étienne reste négative. Il en est de même des trois passages de Tertullien dans lesquels Étienne paraît chaque fois selon le point de vue particulier du traité où il est mis en
Theologisches Wörterbuch zum Neuen Testament, t. IV, Stuttgart, 1953, p. 511, cité par V. Saxer, Bible et hagiographie, p. 204, passage auquel je renvoie pour tout le paragraphe précédent. Irénée, Contre les hérésies III, 12, 10 (SC 211, p. 225-227). Saxer, Bible et hagiographie, p. 59-64 et 203-204.
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scène. Le premier se lit dans le De patientia 14, où, à la suite du prophète Isaïe, le martyr est présenté comme un exemple de patience : His patientiae uiribus secatur Isaias et de Domino non tacet, lapidatur Stephanus et ueniam hostibus suis postulatur. « Dans ce grand effort de patience, Isaïe est scié sans cesser de parler du Seigneur, Étienne est lapidé tout en demandant le pardon pour ses ennemis. »
Une deuxième fois Tertullien l’évoque vers 210-212 dans son livre Sur la résurrection de la chair, dans lequel l’Africain évoque l’attitude d’Étienne tombé sur ses genoux sous les pierres qu’on lui jetait. Il n’empêche que son corps était promis à la résurrection : Sic et Stephanus angelicum iam fastigium induerat, sed non alia genua lapidationi succiderant. « Étienne avait déjà gravi le degré des anges, pourtant c’est sur ses propres genoux qu’il avait succombé à la lapidation. »
Le troisième et dernier passage est dans le traité Contre Praxéas écrit vers 213, avec une allusion précise à Ac. 7, 55-56 : Hunc [Christum] uidet Stephanus cum lapidatur, adhuc stantem ad dexteram Dei, ut exinde sessurum, donec ponat illi Pater omnes inimicos sub pedibus eius. « C’est ce Christ que vit Étienne pendant qu’on le lapidait : il était debout à la droite de Dieu, pour venir y siéger, jusqu’à ce que le Père eût mis tous ses ennemis sous ses pieds. »
Quelle que soit donc la cause dans laquelle Tertullien appelle Étienne à la barre des témoins, il ne lui demande d’abord jamais, à la différence d’Irénée, d’apporter son témoignage sur la question du martyre, ni surtout sur le culte des martyrs. Le protomartyr est simplement le premier témoin de la foi chrétienne, quels que soient les aspects sur lesquels Tertullien polémique avec ses adversaires. En particulier, comme déjà Irénée dont il adopte et adapte le projet, Tertullien témoigne de la divinité du Christ, inséparable de celle du Père. 2. La multiplication des témoignages au ive-ve siècle L’apparition et la multiplication des témoignages d’un culte rendu à saint Étienne se placent dans le dernier quart du ive et les deux premières décennies du ve siècle.
PL 2, 924C. PL 2, 219B.
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a. Le Martyrologue syriaque de 411 et son modèle grec Ce document repose sur un homologue grec, composé sans doute à Nicomédie peu après 363 et la persécution de Julien l’Apostat. Louis Duchesne a republié le document syriaque en l’accompagnant d’une rétroversion en grec et d’une traduction latine. On y lit le 26 décembre en traduction française : « À Jérusalem, [fête] de saint Étienne premier martyr diacre et apôtre10. »
Or cette mention s’insère dans le contexte héortologique suivant selon le même document syriaque : Décembre 25, Noël. 26, saint Étienne. 27, saints Jacques et Jean. 28, saints Pierre et Paul11.
Et Duchesne d’ajouter que ces dates sont toutes arbitraires, car, y compris la fête de Noël, elles ne reposent sur aucune tradition historique primitive. Le texte montre un recoupement concernant la mort de Jacques, fils de Zébédée, décapité sous Hérode au temps de Pâques et non en hiver (Ac. 12, 1-5). Toutefois, il reste que dans le dernier tiers du ive siècle le 26 décembre figure comme fête à célébrer dans un document martyrologique. En ce temps-là donc saint Étienne était l’objet d’un culte liturgique. Ce que confirment quelques autres textes de l’époque immédiatement suivante. b. Les Constitutions apostoliques Les Constitutions apostoliques proviennent sans doute d’Antioche dans les années 380-390 et fournissent à leur tour un témoignage sur cette célébration ; conformément à la fiction littéraire qui les caractérise, elles prétendent rattacher l’usage aux apôtres eux-mêmes : « [Les chrétiens] chômeront le jour du premier martyr, Étienne, et des autres saints martyrs qui ont préféré le Christ à leur propre vie12. »
R. Aigrain, L’hagiographie, ses sources, ses méthodes, son histoire, Paris, 1953, p. 24-25. Martyrologium hieronymianum ad fidem codicum adiectis prolegomenis, ed. I. B. De Rossi -L. Duchesne (Acta Sanctorum Novembris t. I, Pars I, Bruxellis, 1894), p. LII. Le mot martyr y est rendu en grec, non par la forme classique mavrtu", mais par mavrtur qui n’est pas attestée dans A Patristic Greek Lexicon, de G. W. H. Lampe, 5e éd., Oxford, 1978, p. 830-833. 11 L. Duchesne, Origines du culte chrétien, 5e éd., Paris, 1925, p. 281. Je n’entre pas dans les vicissitudes de ces mentions (voir ibid., p. 282-284), car elles dépassent la limite chronologique de 415, année de l’invention des reliques de saint Étienne. 12 Const. Apost. VIII, 33, 9, Th;n hJmevran Stefavnou tou § prwtomavrturo" ajrgeivtwsan kai; tw~n loipw~n aJgivwn martuvrwn tw~n protimhsavntwn Cristo;n th§" eJautw~n zwh~" (éd.
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L’éditeur ajoute en note : « Saint Étienne est souvent nommé (II, 49, 3 ; V, 8, 1 ; VI, 30, 10 ; VIII, 18, 2 ; VIII, 46, 10). Aussi le P. Botte s’était-il demandé si les Constitutions apostoliques n’avaient pas été rédigées après l’invention des reliques du saint diacre. Mais la faveur dont il jouit auprès du compilateur s’expliquerait plutôt par l’intérêt de sa vision céleste et son obéissance exemplaire13. » Les textes ici rassemblés infirment en effet la position de Dom Botte et confirment l’existence d’une fête dont les Constitutions relèvent ici l’impact sociologique en la prescrivant comme chômée. c. Quelques Pères cappadociens Vers la fin du ive siècle, trois Pères cappadociens consacrèrent des homélies à la fête du 26 décembre : Grégoire de Nysse, Amphiloque d’Iconium et Astérius d’Amasée14 et en confirment la célébration liturgique dans leur ville. Hésychius de Jérusalem en fit autant dans la Ville Sainte, mais son témoignage tombe en dehors de notre chronologie, car son activité est attestée entre 412 et 450 et son témoignage tombe probablement après l’invention des reliques15. Enfin Égérie, si elle relève de nombreuses fêtes dans le « Journal de (son) voyage » en Terre Sainte vers les années 381-384, reste significativement muette sur saint Étienne dont le nom ne paraît nulle part dans son opuscule16. Grégoire de Nysse prononça deux sermons en l’honneur du protomartyr les 26 et 27 décembre 38617. Il fixe en effet le premier au lendemain de Noël et le second au surlendemain. La succession des fêtes de Noël et du protomartyr lui donne l’occasion de développer un thème qui sera souvent repris par la suite et auquel saint Augustin a donné l’expression la mieux connue. Il joue ensuite avec le sens du mot stephanos couronne et du nom propre Stephanos. Il marque aussi le lien de cause à effet entre la mort d’Étienne et la diffusion première du christianisme en Samarie, en Égypte, en Syrie, en Perse et Mésopotamie, en Illyrie et en Macédoine, en Italie et en Gaule. Tel est le commentaire du premier sermon. Le second commence par la comparaison de la couronne de saint Étienne, faite des fruits de l’Église, avec la couronne d’épines du Christ, M. Metzger, SC 336, p. 242-243). 13 Ibid., p. 243. 14 Sur ces trois Pères cappadociens, voir J. Quasten, Initiation aux Pères de l’Église, Trad. par J. Laporte, t. III, Paris, 1963, p. 406 (Grég. Nyss.), 424 (Amphil.), 426-427 (Astér. Amas.). 15 Je cite pour mémoire son panégyrique de saint Étienne, qui passe pour son plus beau discours, conservé dans un manuscrit du viiie siècle, le Sinaiticus graecus 493. Hésychius y affirme qu’à Jérusalem la fête se célébrait le 27 décembre, que le protomartyr était la gloire de la ville et celle-ci, l’autel de son sacrifice. Voir A. Wenger, « Hésychius de Jérusalem. Les homélies grecques inédites d’Hésychius », REAug, 2 (1956), p. 458-461. 16 Sur Égérie, voir l’édition de son « Journal» par P. Maraval (SC 296). 17 PG 46, col. 701-722, 721-736.
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tressée avec ceux du judaïsme. Puis il continue avec un long commentaire du récit des Actes, destiné à montrer qu’Étienne a imité le Christ en tout, jusque dans ses paroles. Ce qui distingue cependant les deux discours, c’est que, le second ayant été prononcé le 27 décembre, le prédicateur y fait aussi une place aux saints du jour et à ceux du lendemain, Pierre et Paul d’un côté, Jacques et Jean de l’autre18. En outre, dans les deux sermons, Grégoire polémique avec les hérétiques du temps, les pneumatomaques ou ennemis de l’Esprit-Saint d’une part, les christomaques (c’est-à-dire les partisans d’Arius) ou ennemis du Christ de l’autre. L’occasion lui en est chaque fois donnée par la vision d’Étienne, apercevant le Christ à côté de Dieu. Les pneumatomaques en tiraient argument contre la divinité du Saint-Esprit, absent de la vision, et contre celle du Christ, debout à la droite de Dieu et non pas assis sur son trône avec lui. Mais l’intérêt le plus immédiat du deuxième sermon pour notre propos est dans sa péroraison dans laquelle Grégoire de Nysse montre comment il souhaite que la fête des saints soit célébrée par les fidèles : « Nous qui communions à la mémoire des saints, nous deviendrons dignes d’eux, si nous imitons leurs vertus et rivalisons avec elles, non en célébrant leurs actes en paroles, mais en embrassant de cœur leur vie de telle sorte que nous ne souffrions pas de jamais la perdre de vue. Si nous sommes en effet vraiment leurs disciples, ce n’est pas une célébration de leur fête irréfléchie et routinière qui le montrera, mais une religieuse piété, une même règle de vie et la ressemblance de nos mœurs avec les leurs. Tu vénères la mémoire des martyrs, vénère aussi leur propos, car nous entrons vraiment en communion avec la mémoire des saints, si nous suivons les règles de leur vie19. »
Amphiloque d’Iconium fut évêque de cette ville de Cappadoce, l’actuelle Konieh en Turquie, de 374 jusqu’après 394 et se trouve donc être le contemporain de Grégoire de Nysse. Il tint son homélie sur saint Étienne un 26 décembre en partant du texte que Mt. 26, 39 applique au Christ : « Père, si cela est possible, que ce calice passe loin de moi20. » Déjà Théodoret de Cyr, le pape Gélase Ier et Facundus d’Hermiane connaissaient l’homélie sous son nom. Comme son ami de Nysse, Amphiloque profita de son sermon pour répondre à la théologie arienne d’Eunomius. Son argumentation s’adresse à un public populaire, car elle développe le thème de l’incarnation cachant la divinité du
Pour ces occurrences, voir Duchesne, Origines, p. 282-284. PG 46, 736A. 20 Publiée par K. Holl, Amphilochius von Ikonium in seinem Verhältnis zu den grossen Kappadoziern, Tübingen, 1904, p. 91-102. 18 19
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Christ sous le voile de l’humanité comme un piège tendu au démon pour réaliser à ses dépens la rédemption de l’homme21. Le dernier prédicateur à prendre en considération avant 415 est Astérius d’Amasée, lui aussi évêque dans le Pont et contemporain d’Amphiloque. Il exerça son ministère avant et après 400 et son homélie sur saint Étienne développait des thèmes analogues à ceux des grands Cappadociens22. Comme Grégoire de Nysse, il commence par expliquer la succession des fêtes du Seigneur et du serviteur. Il devance ainsi saint Augustin sur ce point. En le nommant ensuite premier martyr, il compare Étienne à Abel, la première victime d’une jalousie fratricide. Puis, mettant le diacre au même niveau que les apôtres, il demande à ces derniers de lui pardonner cette liberté : « Ne t’indigne pas contre moi, Pierre ; ne le prends pas mal, Jacques ; supporte-moi, Jean, si je place Étienne à votre rang, voire si je parais lui accorder plus d’honneur qu’aux mérites de vos vertus23. »
La comparaison continue avec l’apôtre Paul pour qui l’apparition du Christ sur le chemin de Damas équivaut à la Transfiguration à laquelle avaient assisté les trois apôtres précédents. À la fin, l’orateur place lui aussi un développement théologique, mais il s’en prend au sabellianisme « venu d’Afrique » qui confondait les trois personnes divines et refusait au Saint-Esprit une existence propre : « Tu vois au contraire, dit-il à son auditoire, que la Sainte-Écriture nous a présenté d’une manière claire et distincte la personne du Saint-Esprit24. »
En observant donc la succession chronologique des témoignages interrogés, nous remarquons d’abord leur discontinuité : le récit des Actes est du ier siècle ; ceux d’Irénée et de Tertullien du iie-iiie, l’un sans doute dépendant de l’autre, le premier d’une vingtaine d’années avant, le second, des deux premières décennies après l’an 200. Puis, c’est le silence jusqu’au dernier tiers du ive siècle où s’accumulent, si l’on peut dire, sur une trentaine d’années les cinq témoignages restants sur les huit que nous avons répertoriés. Il ne faut donc pas exagérer l’importance des uns par rapport aux autres. Il n’empêche que deux constatations s’imposent : d’une part le vide de presque tout le iie siècle avant Irénée et surtout l’absence totale de témoignages entre Tertullien et le Martyrologue grec, modèle du syriaque de 411 ; d’autre part et à titre de comparaison, la floraison 21 J. Rivière, « Contribution au dossier des ‘Cur Deus homo’ populaires. Une homélie de saint Amphiloque d’Iconium », BLE, 46 (1945), p. 387-424. 22 PG 40, 337-352. 23 Ibid., 340C. 24 Ibid., 352BC.
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des témoignages après 363 et avant 415. Dans ces conditions, toutes relatives, on peut parler de la fin du ive siècle comme d’une période d’incubation où se prépare la révélation des reliques à cette dernière date. Il convient ensuite de peser exactement la valeur de ces témoignages. Le récit des Actes est le récit fondateur de tout le développement futur et c’est à lui que tous se réfèrent après, y compris d’ailleurs le récit de l’invention luimême. Tous les auteurs le commentent et extraient des Actes tel détail en fonction des problèmes théologiques de leur époque : gnosticisme chez Irénée, patripassianisme de Praxéas chez Tertullien, arianisme et dérivés chez les Cappadociens. Seul Astérius d’Amasée s’en prend à un sabellianisme fossile ou rediuiuus. Seuls aussi les témoignages de la fin du ive siècle attestent le culte du protomartyr. Mais alors ils sont sans ambiguité dès le début et montrent un calendrier liturgique en voie de se constituer selon la forme qui sera courante en Orient. À ce moment-là, la germination est arrivée à son terme et va porter son fruit dans la découverte des reliques de saint Étienne.
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Le culte des reliques en Occident à la lumière du De miraculis Yvette Duval Je n’aborderai pas le problème complexe du transport, depuis la Palestine, des reliques du protomartyr par le prêtre Orose ; quant aux divers édifices qui ont abrité les restes saints dans la ville d’Uzalis et ses environs, j’en ai dressé ailleurs la topographie. L’objet de la présente étude sera tout d’abord, à travers le premier livre des Miracles d’Étienne, la nature de la relique apportée à Uzalis, en la confrontant à ce que nous pouvons savoir, par les textes et les découvertes archéologiques, du contenu des autres dépôts africains et plus largement occidentaux. Puis j’analyserai les moyens et les modes des transports successifs, dans la ville et ses environs, des restes d’Étienne – dans les visions des fidèles et dans la réalité –, en comparant les descriptions du De miraculis à nos autres sources sur les cérémonies et rituels de transferts et d’adventus en cette même époque ; pour les dépositions des reliques sous l’autel, les inscriptions liées aux saints dépôts viennent éclairer les quelques verbes allusifs du traité d’Uzalis. Enfin, les nombreuses évocations, dans l’ensemble du recueil, de guérisons miraculeuses (et d’autres bienfaits plus matériels) portent témoignage de l’attitude des pèlerins envers la relique et, partant, de la conception qu’ils se font de sa uirtus : les descriptions souvent imagées de leurs faits et gestes permet Mes collègues du Graa traitent savamment de ce problème dans le présent volume (Chap. I, 1). On peut aussi se reporter à l’étude de V. Gauge, « Les routes d’Orose et les reliques d’Étienne », CCSL, 6 (1998) p. 265-286, pour le rôle du prêtre espagnol et les différents trajets qu’il a pu emprunter pour rejoindre Minorque, l’Afrique et la Péninsule ibérique. Pour la topographie chrétienne d’Uzalis et ses environs, voir mon autre article dans ce volume (Chap. II, 2, cité « Monuments »). J’avais consacré, dans Y. Duval, Loca sanctorum, quelques pages au culte d’Étienne en Afrique, chap. V pour le culte des reliques en général et, pour Étienne, p. 624-632 (pour leur présence à Uzalis, p. 626-627), avec une carte de la répartition de ses reliques dans toutes les provinces africaines (après la p. 670). J’en reprends ici plus longuement l’étude car la relecture attentive du traité dédié à Evodius et surtout les échanges avec mes collègues de Montpellier, qui en ont établi la traduction, m’amènent à compléter et nuancer mes premières remarques, et à enrichir l’analyse que l’on peut tirer de cette source insigne.
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tent de définir les modalités du culte voué aux restes saints – où les pèlerins recherchent une proximité étroite avec le reliquaire, et tout autant avec les diverses reliques de contact recueillies sur le saint dépôt ou auprès de lui. Or, les guérisons s’accompagnent toutes d’apparitions du saint, avant, pendant ou après le miracle. Cette étude est certes fondée sur le traité dédié à Evodius d’Uzalis, mais elle s’efforce de prendre en compte les autres sources littéraires contemporaines – telles les allusions d’Augustin au culte du protomartyr dans son entourage proche, autour d’Hippone et de Carthage, et aussi certaines descriptions plus poétiques d’Ambroise, Victrice de Rouen ou Paulin de Nole concernant le culte rendu à d’autres martyrs à travers leurs restes – ; mais elle utilise également les apports de l’épigraphie, en particulier pour préciser le rôle des évêques dans les diverses cérémonies liées aux reliques. 1. De la nature des reliques Dès le premier chapitre du livre I, on apprend qu’une servante consacrée à Dieu (sacra famula Dei) entendit parler un jour de l’arrivée de reliques d’Étienne à Uzalis, mais elle douta de leur authenticité. Or la nuit suivante lui apparut en songe « une ampoule contenant comme des gouttes de sang et des sortes d’épis comme s’il s’agissait d’os » (ampulla quaedam eidem demonstratur, intra se habens sanguinis quamdam aspersionem et aristarum quasi ossuum significationem, I, 1, 12-14). Quand le songe se réalise par la suite (postea, I, 1, 20), le récit ne détaille pas à nouveau le contenu de l’ampoule, il précise seulement qu’il était bien identique à celui de la vision : ampullam sicut oculis suis uidit ancilla Dei in somnii reuelatione, sic inter manus suas accepit postea sacerdos Dei in ipsius rei manifestatione. Or la description des reliques dans la vision frappe à la fois par son imprécision voulue – qui use de termes abstraits et de comparaisons –, et par l’allusion néanmoins à deux reliques vraies, du sang et des os du protomartyr, bien qu’elles ne soient pas décrites réellement comme telles. Ainsi, sanguinis aspersio (I, 1, 13) dépeint les traces laissées dans l’ampoule par le geste de verser du sang à l’intérieur ; plus abstraite encore l’expression aristarum quasi ossuum significatio (I, 1, 13-14), surtout pour ce dernier mot qui désigne un signe, un symbole : comme on est dans une vision, il évoque plus une image qu’une réalité. Quant aux épis, ils sont destinés à figurer (quasi) des os fins et longs ou même des esquilles. Une évocation aussi difficultueuse des I, 1, 18-20 : « l’ampoule, telle que la servante de Dieu la vit de ses yeux dans la révélation d’un songe, telle le pontife de Dieu la reçut ensuite entre ses mains dans la réalité des faits ». Je suis la traduction proposée par l’équipe de Montpellier, ne la modifiant parfois que très légèrement. Sur le transport et la déposition des reliques « entre les mains » de l’évêque, voir plus loin.
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reliques offertes à Uzalis ne peut être élucidée qu’en la replaçant dans son contexte de temps et de lieu. Il me faut préciser tout d’abord que je n’entrerai pas ici dans le débat sur les dates relatives du De miraculis d’une part, et des diverses sources augustiniennes concernant l’arrivée en Afrique et les miracles des reliques d’Étienne d’autre part, le problème étant de savoir si le recueil d’Uzalis est nourri des sermons et du De civitate Dei d’Augustin ou si au contraire il en est la source : de toute façon, ces textes se situent au début ou au cours du deuxième quart du ve siècle (sans doute dans la troisième décennie de ce siècle). L’important est surtout qu’ils s’inscrivent tous dans un contexte occidental, à une époque et dans une aire géographique où, selon la règle imposée par la loi romaine (consuetudo romana), il est interdit de dépecer les corps des martyrs, contrairement à ce qui commence à se pratiquer dans la partie orientale de la Chrétienté. Au demeurant, on sait par plusieurs sources hagiographiques que le sang des martyrs a représenté très tôt une relique « vraie » qui a circulé en Occident dans la mesure où l’on pouvait prélever cette composante emblématique des saints corps sans porter atteinte à leur intégrité. Plusieurs Passions ou sermons mentionnent en effet du sang recueilli au cours du martyre : les fidèles qui accompagnaient les saints au moment de leur mise à mort plaçaient sur leurs blessures des linges, des objets ou du plâtre, ou prélevaient au lieu de leur supplice un peu de la terre qui s’était imbibée du sang répandu. On connaît l’exemple de l’anneau trempé dans le sang de Saturus, l’un des compagnons de Perpétue, celui des linges jetés devant Cyprien ou posés sur les blessures de Vincent, au moment de leur supplice, enfin celui du plâtre imbibé du sang des milanais cité dans un sermon de Gaudence de Brescia ; de même, dans le De laude sanctorum, Victrice de Rouen décrit les reliques de Gervais et Protais rapportées de Milan comme cruor et limus. D’ailleurs deux inscriptions africaines annoncent la relique par le mot cruor qui désigne le sang versé : depositio cruoris sanctorum martyrum à Rouffach, de cruore Eusebi martyris à Tigzirt. Il est cependant peu probable qu’il s’agisse réellement dans ces deux dépôts de Cf. Y. Duval, Loca sanctorum, p. 626, n. 94 sur ce débat, et p. 624, n. 80 pour la thèse de J. Martin, « Die revelatio », qui situe le De miraculis postérieurement à Augustin. Par commodité, je renvoie là encore à Y. Duval, Loca sanctorum, p. 549 (voir surtout les notes) pour l’application stricte en Occident de la consuetudo romana. Cf. pour Saturus, Passio s. Perpetuae 21, 5, pour Cyprien Acta proconsularia, 5, et le poème de Prudence pour Vincent de Saragosse (cf. infra, n. 25) ; pour les milanais, Serm. 17 de Gaudence de Brescia (PL 20, col. 963 A). Dans le De laude sanctorum 10 (CC, 64, p. 84), l’expression cruor et limus doit s’entendre au sens de terra cum sanguine permixta, selon l’index (ibid., p. 445). Y. Duval, Loca sanctorum, notices 117 (Rouffach = Castellum Elephantum en Numidie) et 166 (Tigzirt, en Maurétanie Césarienne). Cf. aussi Y. Duval, Loca sanctorum, p. 549.
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sang à l’état liquide : les reliques de Rouffach sont celles d’un groupe de martyrs locaux dont le sang a pu être recueilli sur place, soit sur des linges, soit dans de la terre ou du plâtre ; le martyr de Tigzirt, Eusebius, est sans doute un saint oriental dont une relique du même type a dû parvenir en Afrique : en effet on n’aurait pas gardé le terme cruor s’il s’agissait d’une relique au second degré, obtenue par contact avec une relique de sang. Dans le cas du protomartyr dont le corps fut « réinventé » quatre siècles après sa mort, la sanguinis aspersio qu’annonce le récit d’Uzalis est doublement invraisembable (ou plutôt miraculeuse) : le terme aspersio suppose en effet que le sang ait été recueilli à l’état liquide au moment de la lapidation, et surtout qu’il ait gardé durant des siècles cette forme liquide pour avoir pu être versé dans l’ampulla apportée par Orose. Au demeurant, cet état miraculeusement conservé de la relique d’Étienne pouvait passer dans le cours du récit dans la mesure où, comme on l’a vu plus haut, la seule description physique de ces traces de sang liquide prend place dans le songe de la sainte femme. Quant aux os, quelque partie aurait certes pu en être prélevée sur le corps retrouvé du protomartyr, mais le récit évite soigneusement d’évoquer un tel acte qui eût été illégal en Occident, en remplaçant les éclats d’os fins et longs par l’image des épis (aristae quasi ossa). Cependant, lors du transfert de l’ampoule vers la basilique urbaine, la relique est clairement présentée comme une portion du corps du martyr dans laquelle on doit reconnaître le jeune enfant de la vision (I, 2, 25-26 : In sui quippe corporis portione paruulus ille confessor Christi cognoscitur ; j’y reviens plus loin). J’en terminerai avec ce problème de la nature des reliques diffusées en Occident par deux remarques : d’une part, chez Augustin, les reliques d’Étienne souvent mentionnées sont désignées par l’un des deux termes génériques, memoria/ae ou reliquiae. En une seule occasion l’évêque annonce que le reste du protomartyr consiste en une poignée de poussière, qu’il désigne aussi comme de la cendre : cette poussière pourrait certes représenter une relique « vraie », prélevée au tombeau du saint en Palestine, mais il peut aussi s’agir d’une relique Contrairement à aspersio, le choix du terme ampulla n’est pas en lui-même une indication sur l’état liquide du sang d’Étienne : le mot désigne un petit récipient – en terre ou parfois en verre, en forme de disque rond et plat surmonté d’un petit goulot – où les pèlerins enfermaient les souvenirs saints de leur voyage qui pouvaient être liquides (eau, huile), mais aussi solides, comme de la terre ou des cendres. Cf. Y. Duval, Loca sanctorum, p. 661-662, à propos des ampoules en terre cuite de saint Ménas découvertes à Carthage et Hippone, décorées de thèmes liés au martyr égyptien sur les deux faces du disque. Il s’agit d’une relique d’Étienne que le diacre Eraclius dépose entre ses mains à Hippone : Serm. 317, 1, exiguus puluis tantum populum congregauit, cinis latet, beneficia patent (« un peu de poussière a rassemblé une si grande foule ; les cendres sont cachées, les bienfaits évidents »). Les autres sources augustiniennes qui ne décrivent pas la relique sont répertoriées dans Y. Duval, Loca sanctorum, p. 545-546.
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dite « secondaire », obtenue par contact, comme par exemple celle recueillie auprès du reliquaire d’Uzalis qui guérit un paralytique10. D’autre part, il faut souligner surtout que l’analyse du contenu des reliquaires trouvés en Afrique, quand elle a été pratiquée, n’a révélé la présence que de terre ou de cendre, mêlées dans de rares cas de fragments de tissu ou de fils d’or, sans qu’on n’ait jamais pu identifier de restes physiques. De plus, dans le corpus africain, les rares reliques « vraies » dont la nature est précisée dans l’inscription qui les signale (sang de martyr, ou bois de la croix, terre de Bethléem), ont été déposées au cours du ive siècle (au ve pour celle d’Eusebius à Tigzirt ?) ; après cette période, les dépôts ne semblent renfermer que des reliques au second degré, terre, étoffes ou huile ayant été mises au contact de restes saints : mais on note que ce type de reliques est désigné comme chez Augustin par les mots memoriae ou reliquiae, et non par des termes descriptifs tels brandea ou palliola dont usent les textes littéraires, sans doute parce que près des reliquaires, une telle précision dévaloriserait le dépôt11. D’ailleurs les miracles opérés par Étienne à Uzalis sont dus pour un petit nombre directement à la relique apportée de Palestine ; au contraire, les plus nombreux sont obtenus par l’intermédiaire de reliques secondaires obtenues par contact avec le reliquaire, ou même sans aucun support matériel, par l’invocation fervente du nom du martyr proche, devenu « médecin », protecteur des fidèles : j’y reviens plus loin. 2. Transferts et adventus des reliques d’Uzalis Le premier livre du De miraculis rapporte trois transferts des reliques du protomartyr (tout ou partie) entre différents édifices de la ville et ses environs12. En premier lieu, les restes déposés à leur arrivée dans le sanctuaire suburbain des martyrs Félix et Gennadius sont transportés d’ensemble dans l’ecclesia urbaine, la basilique épiscopale d’Uzalis. Deux récits de l’événement s’enchaînent : d’abord une virgo sacra, qui se rendait au dit sanctuaire des martyrs, eut la vision d’une grande procession conduisant un jeune garçon vêtu de blanc vers l’ecclesia, où ce dernier révèle son identité de martyr (I, 2, 3-12) ; quand plus tard la vision se réalise, le jeune garçon est remplacé par les reliques dans le cortège qui emprunte la même route (I, 2, 19-24). Dans un second temps, l’évêque décide de transférer une partie des restes d’Étienne de la basilique vers
Voir plus loin à propos de la guérison miraculeuse du paralytique d’Utique frotté avec de la poussière rapportée d’Uzalis par sa mère (I, 12). 11 Sur la nature des restes trouvés à l’intérieur des dépôts africains, et sur les noms qui les désignent dans les inscriptions, cf. Y. Duval, Loca sanctorum, p. 549-550 et p. 559-561. 12 Voir « Monuments » (Chap. II, 2) pour la localisation de ces édifices cultuels et les itinéraires empruntés pour les transferts des reliques. 10
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une église dite du Promontoire : deux prêtres de son clergé en eurent la révélation et l’un d’eux, dans sa vision, tenta en vain de s’opposer au transfert (I, 7, 5-17) ; deux jours plus tard, quand l’évêque s’apprête à réaliser le transport, un mouvement de foule fait échouer son projet (I, 7, 18-27). Or, le peuple des Uzaliens rassemblé à cette occasion obtient alors, dans la foulée, le retour dans la memoria d’une partie des reliques que l’évêque avait indûment déposée dans son monastère proche13, ce qui occasionne donc un troisième transfert. Lors de la première translation des reliques du suburbium vers la basilique urbaine, le jeune garçon vêtu de blanc apparaît comme le centre, le point focal de la cérémonie dans la vision annonciatrice (I, 2, 6-9, voir ci-dessus) ; mais dans la réalisation qui suit quarante jours plus tard, c’est l’évêque porteur du reliquaire qui tient le rôle principal : cependant le récit précise aussitôt que, dans la « portion de son corps » – c’est-à-dire la relique que l’évêque tient dans son giron comme un jeune enfant –, on reconnaît Étienne lui-même (I, 2, 2526 : In sui quippe corporis portione paruulus ille confessor Christi cognoscitur). Et en effet, ce premier transfert est dépeint avec tous les caractères d’une entrée triomphale du protomartyr dans la ville qu’il va investir de sa uirtus. Les deux récits, celui de la vision de la vierge puis celui de la translation réelle, décrivent en écho une procession où la foule est innombrable, où les assistants témoignent de leur joie en chantant cantiques et psaumes, où cierges et lampes brillent et resplendissent14 : cortège immense, chants de joie, éclat des lumières sont des traits communs aux adventus des triomphateurs15. Et, comme dans les triomphes, l’évêque entouré de la foule est assis dans une « voiture », comme le chef de guerre vainqueur trône dans le char triomphal. Cependant, contrairement à d’autres récits célèbres de translations de reliques, plus littéraires et souvent poétiques – où la foule, les vêtements, les lumières et surtout le char sont empreints d’une aura de gloire –, l’adventus d’Étienne à Uzalis est certes dépeint selon les conventions du genre hagiographique, mais les descriptions restent vagues, répétitives et sans aucune poésie malgré la solennité de la céré-
I, 7, 24-27 et I, 8, 3-4 : de monasterii habitaculo. Je renvoie à « Monuments » (Chap. II, 2) pour l’analyse des liens topographiques avec l’ecclesia de la memoria d’une part et du monastère de l’autre. 14 Cf. pour la vision, I, 2, 6-8 : innumeros populos gaudentes sane atque psallentes, cereos et luminaria cum grandi celebritate gestantes ; pour le cortège réel, I, 2, 22-23 : cantantes atque psallentes cum immensae multitudinis choris, et 31-32, cereis luminaribusque omnia splendebant atque fulgebant. 15 Les triomphateurs, vainqueurs à la guerre, sont personnifiés par les empereurs à partir d’Auguste : sur les sources littéraires évoquant ces cortèges triomphaux et leur transposition chrétienne, cf. P. Dufraigne, Adventus Augusti, Adventus Christi, Paris, 1994 (Ét. Aug.), chap. X, surtout p. 297-318 (« L’adventus et la translation des reliques »). Les transports qui interviennent ensuite d’une partie des reliques depuis la basilique d’Uzalis ne revêtent pas les mêmes formes, car il ne s’agit plus de l’adventus d’Étienne dans la ville. 13
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monie, témoignant sans doute par là d’une certaine « rusticité » (du point de vue de la langue, sermo rusticus) des auteurs du De miraculis. Ainsi, pour ne prendre que quelques exemples, les deux récits (en vision et en réalité) du premier transfert des reliques vers l’ecclesia répètent à l’envi que la multitude est immense16, mais elle y reste anonyme, sans la moindre précision sur ceux qui la composent. Au contraire, quand Victrice de Rouen décrit l’arrivée dans sa ville du deuxième lot de reliques en provenance de Milan en 396, il énumère en détail les divers groupes constituant le cortège, clercs, moines, vierges et veuves, car l’éclat de la cérémonie se trouve rehaussé par leur sainteté autant que par leur nombre17. Autre notation réaliste dans le Carmen 19 de Paulin de Nole qui décrit longuement divers transferts de reliques à travers la chrétienté, en particulier celles des apôtres vers Constantinople : l’auteur y fait des allusions rapides au zèle et à la fatigue de ceux qui véhiculent les saints dépôts18 ; il précise même qu’en récompense de leur labeur leur est accordé le droit d’emporter chez eux des reliques19. L’évocation des lumières dans la procession d’Uzalis apparaît de même particulièrement pauvre : les récits se contentent de citer par deux fois, avec un réalisme plat, les porteurs de torches et luminaires qui brûlent, tandis que Victrice file la métaphore de la clarté lumineuse qui irradie des reliques et dissipe les ténèbres20. Mais c’est surtout pour le char où reposent les reliques, élément essentiel du cortège triomphal, que le traité d’Uzalis surprend par sa modestie : de l’évêque portant les restes insignes du protomartyr sur les genoux, le récit dit simplement qu’il est assis dans une « voiture » (I, 2, 24-25 : portabantur autem sancti episcopi gremio residentis uehiculo sanctae reliquiae).
Les phrases annonçant cette multitude sont citées supra, n. 14, comme pour les lumières que j’évoque plus bas. 17 Dans le De laude sanctorum, Victrice énumère d’abord dans le cortège les membres du clergé : presbyteri et diacones et omnis uobis cotidiano famulatu cognitus minister occurrit (Laud. 2 ; CC, 64, p. 72, l. 19-20), et plus loin la multitude des moines, des enfants innocents, des vierges et des veuves (Laud. 3 ; CC, 64, p. 73, l. 11-15 : monachorum ..., innocentium puerorum ..., deuotarum inlibatarumque uirginum ... continensium et uiduarum ...). 18 Paolino di Nola, I Carmi, vol. 1, a cura di Andrea Ruggiero, Naples, 1996. Le Carmen 19 compte 730 vers (ibid., p. 349-405) : v. 348-349, requies fuit uectantibus illos sacratos cineres, et v. 354, copia fidis tunc comitum studiis (p. 376-377). Ce long poème est daté de 405. 19 Je pense qu’il s’agit sans doute de pignora, reliques obtenues au contact des reliquaires que ces hommes accompagnent, et non – comme l’entend P. Dufraigne, Adventus Augusti, p. 298 – de « fragments de reliques ». 20 Mir. I, 2, 7-8 : cereos et luminaria cum grandi celebritate gestantes (populos) ; et 31-32, cereis luminaribusque omnia splendebant atque fulgebant. Victrice, Laud. 5 (CC 64, p. 76, l. 10-11) : illos ... qui perpetuo paradisi uere gaudent, clara luce, nullis nubibus turbidi, illos plantis terite, illos adsultibus fatigate ; et 12 (CC 64, p. 90, l. 37-42) : gratulamur, carissimi, quotiens uidemus tenebras luce discussas. Cur non effusius in gaudia proruamus cum cernamus salutarium aeternorumque luminum iubar adlatum ? 16
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Or ce uehiculum uzalien n’est pas autrement valorisé, ni même décrit : peutêtre doit-on y voir le signe qu’il s’agissait dans la réalité, et malgré la solennité de la cérémonie, d’un chariot banal et modeste. Mais le choix de ce terme neutre est aussi la preuve que les auteurs du De miraculis n’ont sans doute pas cherché à (pas su) établir un parallèle entre le char du triomphateur et le véhicule porteur des restes saints ; or un tel parallèle est au contraire le thème central des autres sources où sont décrits des transferts de reliques21. De ce point de vue, je m’en tiendrai à un seul exemple, car il apparaît particulièrement intéressant à plusieurs égards : il s’agit de l’hymne 10 d’Ambroise où l’évêque dépeint l’adventus dans sa ville des corps de Victor, Félix et Nabor, militaires africains martyrisés sous Diocletien22. Les deux dernières strophes, 7 et 8 (= vers 25 à 32), résument avec vigueur leur passion à Lodi et leur « retour » triomphal à Milan : Scutum uiro sua est fides et mors triumphus, quem inuidens nobis tyrannus ad oppidum Laudense misit martyres. Sed reddiderunt hostias, rapti quadrigis corpora, reuecti in ora principum plaustri triumphalis modo.
G. Nauroy met une ponctuation forte après hostias (un point virgule), et traduit ainsi : « Sa foi est bouclier du brave, la mort son triomphe ; un tyran qui nous l’enviait les envoya subir le martyre à Lodi. Mais on a rendu ces victimes ; leurs corps, enlevés en quadriges, reviennent sous les yeux des princes comme sur un char triomphal. » On peut regretter que cette belle traduction ne conserve pas martyres, qui clôt le v. 28, comme sujet des verbes reddiderunt, rapti et reuecti, car cette construction, qui s’impose grammaticalement, est essentielle pour le sens, c’est-à-dire dans la conjoncture pour l’arrière-pensée d’Ambroise23. Ce sujet de tous les verbes de la strophe 8 est destiné à marquer le rôle des martyrs qui « rendent », de leur propre initiative, leurs dépouilles Le Carmen 19 de Paulin de Nole que j’évoque plus haut nomme le char rheda (v. 346), d’un terme gaulois qui désigne un chariot à quatre roues, mais qui a pris aussi le sens de carrosse dès l’époque classique (chez Cicéron et Horace, cf. Gaffiot-Flobert). De toute façon la rareté du mot, sans doute choisi pour les besoins de la métrique, lui confère une connotation poétique, que le uehiculum d’Uzalis ne possède pas. 22 Hymne 10, traduite et commentée par G. Nauroy, dans Ambroise de Milan, Hymnes, dir. J. Fontaine, Paris, 1992, p. 445-483. 23 G. Nauroy, « Hymne 10 », p. 479-480, souligne pourtant que martyres est le sujet de reddiderunt, et que « la restitution de reliques est imputée aux martyrs eux-mêmes » ; mais sa traduction, qui a privilégié l’élégance avec succès, et surtout sa ponctuation au v. 29 rompent le mouvement du texte. 21
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à Milan : en effet, seuls les corps sont disputés entre les deux villes, d’où leur enlèvement de force (rapti) par les martyrs eux-mêmes24. Ainsi les strophes 7 et 8, qui se trouvent liées l’une à l’autre par martyres, expriment clairement que malgré leur passion à Lodi, les trois soldats appartiennent à Milan, ce pourquoi ils y ont fait retour de leurs corps volontairement. C’est en effet dans cette ville qu’ils servaient dans l’armée, ce qui leur a valu d’être poursuivis et mis à mort et, précise Ambroise, seule la jalousie du tyran à l’égard de « notre » ville les a « envoyés » périr ailleurs : nobis après inuidens marque avec netteté l’hostilité du persécuteur qui aurait choisi de priver des trois martyrs les Milanais qui de ce fait les revendiquent comme les leurs. On connaît bien d’autres martyrs que se disputent ainsi plusieurs villes, celle où ils ont vécu leur foi s’opposant aux prétentions de celle où ils ont été amenés par le hasard des tribunaux à subir leurs passions25. C’est ce contexte qui explique les verbes reddiderunt et reuecti, et surtout rapti, qui marque une certaine violence à l’égard de la communauté de Lodi, qui possédait et sans doute s’efforçait de garder les corps, indûment aux yeux de l’évêque de Milan et des siens. Pour en revenir plus précisément au moyen de transport des saintes reliques, on voit que l’hymne d’Ambroise évoque des chars d’apparat, les quadriges qui sont ici de surcroît comparés au char du triomphe : ainsi, malgré l’alliance qui peut surprendre des deux termes plaustrum et triumphale26, la strophe 8 dépeint clairement le retour dans leur cité de triomphateurs, vainqueurs ici certes de la mort en tant que témoins du Christ, mais aussi de l’inuidia du tyran et même de l’usurpation des corps par les chrétiens de Lodi (ce dont témoignent les trois verbes). En comparaison, le uehiculum d’Uzalis apparaît bien peu glorieux ; peutêtre reflète-t-il la réalité de la situation des chrétiens dans la petite ville qui, modeste et surprise de l’arrivée des prestigieuses reliques d’Étienne27, ne pouvait mettre à la disposition de son évêque qu’un chariot anonyme. Et d’ailleurs, pour le second transport qu’il prévoit, celui d’une partie des reliques vers l’église du Promontoire, l’évêque fait préparer probablement le même uehiculum, sans autre G. Nauroy, « Hymne 10 », analyse corpora comme un accusatif de relation (« quant à leurs corps ») ; d’autre part, reuecti (« voiturés en retour », ou plutôt « ramenés en voiture ») est destiné à concrétiser le contenu de reddiderunt. 25 Le cas le plus célèbre est celui du diacre espagnol Vincent, né à Huesca, vivant sa foi à Saragosse et martyrisé à Valencia, qui est revendiqué par plusieurs villes en Espagne et surtout par Saragosse bien qu’il n’y ait pas subi la passion : cf. Prudence, Peristephanon, passim et spéc. hymnes 4 et surtout 5. 26 Sur ces différents noms de véhicules, on doit se reporter à l’étude nourrie de G. Nauroy, « Hymne 10 », p. 480-481 pour les quadriges, p. 483 pour le plaustrum. Le choix de ce dernier mot, là où l’on en attendrait d’autres plus nobles – comme currus utilisé ailleurs par Ambroise (Luc. X, 109) – s’explique probablement ici aussi par les impératifs de la métrique. 27 Mir. I, 1, 3-4 : nullus saltem rumor esse potuisset quo ad nos indignos sancti Stephani ... reliquiae uenturae essent ... 24
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précision (I, 7, 18-20 : cum iam praecedente die uehiculum pararetur ut cum parte reliquiarum episcopus profisciretur). Ainsi, contrairement à la capitale milanaise, la cité ne possédait pas de quadriges, non plus que de chantres capables d’ennoblir la réalité. Au demeurant, du moins pour les translations longues entre suburbium et cité (qu’il s’agisse du sanctuaire de Félix et Gennadius ou de l’église du Promontoire)28, l’évêque portant le reliquaire est monté sur une voiture, tandis que le cortège s’avance à pied : cette position est certes destinée à glorifier le martyr dont le reste saint se trouve ainsi comme le triomphateur sur son char ; mais elle témoigne aussi de l’importance du rôle du prélat dans le culte des reliques. Il a seul la maîtrise et la disposition du saint dépôt dans sa cité : et en effet, pour le transport d’une partie des reliques d’Étienne entre le monastère épiscopal et la memoria, si aucun véhicule n’est prévu puisque les édifices appartiennent sans doute à un même ensemble, c’est néanmoins dans les mains du pontife que la translation se fait (I, 8, 5-6 : manibus sacerdotis ad ecclesiam portaretur). On note d’ailleurs que ce transfert à pied n’en revêt pas moins les caractères d’une procession (modestement) triomphale : foule immense en liesse chantant en chœur des hymnes harmonieux (I, 8, 4-5 : cum ingenti celebritatis exultatione et hymnorum choris resonantibus dulci modulatione). 3. Sur les dépositions de reliques D’ailleurs l’épigraphie atteste le rôle réservé à l’évêque dans les dépositions de reliques, qui se trouvent de facto liées à des apports nouveaux : en effet – pour des époques plus tardives, il est vrai, surtout à partir du vie siècle –, les inscriptions annoncent clairement que les dépositions se font per manus episcopi29. Il est vraisemblable qu’à Uzalis, le prélat qui préside seul à la translation des reliques, tout ou partie, est aussi celui qui les dépose, à l’arrivée dans leur nouveau lieu ; cependant ce geste rituel n’est guère décrit dans le De miraculis, probablement parce que cet aspect du rôle de l’évêque allait de soi. Le sanctuaire de Félix et Gennadius est désigné par la formule, locum antiquorum martyrum in suburbio ciuitatis constitutorum (I, 2, 3-4) : le verbe constituere n’appartient pas au formulaire des dépositions en Occident30, il signifie que les
28 Pour les localisations de ces deux églises, comme pour celle du monastère épiscopal, on voudra bien se reporter à « Monuments » (Chap. II, 2). 29 Y. Duval, Loca sanctorum, chap. V, surtout p. 572-574. Voir en particulier, p. 564-567 les verbes décrivant le geste de la déposition et le rôle de l’évêque. 30 En Afrique comme en Gaule ou en Italie, les reliques sont positae ou depositae, elles sont conditae ou reconditae en Espagne : sur ce formulaire, cf. Diehl, ILCV, index XII, à ces verbes, et Y. Duval, Loca sanctorum, p. 564-567 ; on peut aussi consulter Y. Duval, « Projet d’enquête sur l’épigraphie martyriale en Espagne romaine, visigothique (et byzantine) », AnTard, 1 (1993), p. 173-206.
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martyrs sont établis en ce lieu ; on en pourrait déduire que les reliques des deux martyrs locaux correspondent ici à leurs inhumations31. À vrai dire, le choix de ce verbe s’explique peut-être aussi par la volonté d’affirmer que le sanctuaire appartient aux deux martyrs, et que donc la relique du protomartyr ne saurait y rester durablement. Au demeurant, aucun verbe n’évoque la déposition même provisoire de cette dernière dans le sanctuaire : cet aspect des faits n’a manifestement pas intéressé les rédacteurs du traité. Au contraire, le geste du prélat qui s’empare du saint dépôt pour le transférer en ville est dépeint par l’expression susceptis ibi reliquis (I, 2, 21) : le verbe suscipere désigne d’abord le mouvement de soulever – ce qui supposerait que la relique était déposée à un niveau bas, au sol (ou même enfouie ?) – ; mais il implique en même temps l’idée de prendre en charge, car c’est le terme juridique qui marque le geste du père soulevant son nouveau-né pour le reconnaître et l’assumer comme son fils32. Or cette image et cette idée se prolongent dans l’attitude de l’évêque, qui est décrit portant sur ses genoux, gremio, le reliquaire dans lequel on reconnaît le petit enfant, ille paruulus, apparu à la vierge dans sa vision (I, 2, 24-26, voir supra). Or, à la fin du voyage, le texte signale l’entrée des reliques dans l’ecclesia (ingressae sunt ecclesiam beati Stephani sanctae reliquiae, ligne 38), puis leur situation sur la chaire où elles se trouvent « installées » (cum ... super cathedram uelatam essent reliquiae constitutae, I, 3, 3-5) ; mais entre les deux moments, aucune allusion (aucun verbe) ne renvoie à la déposition rituelle qui a dû être assurée par l’évêque dans la mesure où la cathedra uelata est un lieu saint entre tous et où la relique y opère un premier miracle ; et surtout elle y a été déposée pour un temps forcément long, le temps nécessaire pour que soit édifiée la memoria33. Et de même, quand les reliques sont transportées de la chaire épiscopale dans la memoria proche qui est leur loculus définitif, ni leur translation ni leur déposition dans le nouvel édicule ne sont évoquées34. Par la suite, quand l’évêque envisage d’en déposer une partie dans l’église du Promontoire, le récit annonce (I, 7, 3-4) de eiusdem sancti reliquiis aliquam partem disposuerat trans Le verbe apparaît en effet dans le formulaire funéraire pour désigner surtout la construction du tombeau, mais aussi « l’établissement » du mort dans son tombeau : cf. Diehl, ILCV, index XII, s. u., et par exemple ibid., 3640, Flauia Albula bonae memoriae in eo sartofago constituta (à Timgad). 32 Cf. Diehl, ILCV, index VII, s. u. Sur ce sens complexe de suscipere, je renvoie par commodité aux exemples analysés dans Y. Duval, Auprès des saints, corps et âmes. L’inhumation « ad sanctos » dans la chrétienté d’Orient et d’Occident du iiie au viie siècle, Paris, 1988 (Ét. Aug.), passim et surtout p. 187-189. 33 Sur tous ces aspects liés à la chaire épiscopale, voir « Monuments » (Chap. II, 2). 34 La memoria est mentionnée pour la première fois en I, 5, 12-13, à l’occasion du premier miracle qui s’y produit, mais les phrases qui précèdent ne font aucune allusion au transport du reliquaire et à sa nouvelle déposition. 31
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ferre et in Promontoriensi ecclesia collocare : le verbe collocare décrit la localisation des reliques placées dans une autre église, pas à proprement parler une cérémonie de déposition. Il s’emploie d’ailleurs surtout à propos de tombeaux préparés pour des défunts35 ; certes une inscription romaine de Saint-Pancrace, datée entre 625 et 638, rapporte que le pape Honorius plaça le corps du martyr dans un lieu nouveau, après avoir reconstruit sa basilique en ruines (loco proprio collocauit, ILCV, 1786) : mais là encore le verbe évoque l’édification d’un sépulcre, non un rituel de déposition de la relique. Cependant, à la fin du chapitre 7 du De miraculis (I, 7, 24-27), le peuple adjure l’évêque de rapporter dans la memoria la partie des reliques d’Étienne qui en avait été distraite et placée dans le monastère, comme on l’apprend au chapitre suivant (I, 8, 3-6) qui décrit ce retour des restes saints dans les mains de l’évêque avançant à pied au milieu de la foule. Or, dans la phrase qui rapporte le souhait populaire de voir regroupées les deux parties des reliques apparaît la seule allusion probable à une cérémonie de déposition : in eodem memoriae loco ubi iam pars fuerat reliquiarum primitus collocata, ibi et alia pars similiter reponeretur (I, 7, 26-27). Le verbe collocari, joint à in eodem loco évoque bien là encore une simple localisation ; au contraire, reponeretur représente, comme tous les composés de poni (voir positae, depositae reliquiae), un des termes en usage pour décrire le geste rituel de l’évêque déposant la relique : il s’agit ici d’une « re-déposition », réitération de la cérémonie initiale puisque les reliques rapportées du monastère reviennent dans le loculus « primitivement » prévu pour elles. Au demeurant, dans son ensemble, le traité centré sur les miracles procurés par Étienne ne s’est guère intéressé aux cérémonies liées aux reliques : certes les transferts sont évoqués (mais platement, à l’aide de topoi) dans la mesure où leur éclat participe du miracle, mais les dépositions en elles-mêmes n’ont aucune place dans le récit. 4. Les miracles opérés par Étienne Les récits du De miraculis attestent que le pouvoir miraculeux de la relique d’Étienne agit aussi bien directement, dans la memoria d’Uzalis, qu’au travers de reliques secondaires qui sont certes obtenues au contact du reliquaire, mais dont l’efficacité rayonne hors de la memoria, dans la ville ou même dans des cités éloignées. Et surtout, dans de nombreux cas, le protomartyr intervient hors de toute relique, dans les prisons pour faire tomber les liens, par des apparitions dans la chambre de malades qu’il guérit ou de morts qu’il ressuscite : le miracle est alors obtenu non par un contact matériel avec des reliques, mais Cf. Diehl, ILCV, index XII, plusieurs exemples s. u.
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par la foi des « solliciteurs » qui se traduit à la fois dans leurs prières ferventes et par l’invocation du saint nom. Enfin, si les premières interventions miraculeuses d’Étienne (et les plus spectaculaires) se situent au plus près de sa relique apportée par Orose, et donc auprès de (ou dans) la memoria36, cependant certains miracles s’opèrent dans ce même lieu, par l’intermédiaire soit de reliques secondaires, soit d’apparitions du saint (donc sans que le miraculé soit en contact avec le reliquaire lui-même) ; mais on note aussi que ces mêmes reliques secondaires et apparitions agissent efficacement parfois très loin de la memoria. Au demeurant, et quoi qu’il en soit de ces variations dans les circonstances et le contexte des miracles, il est évident que les prières et invocations qui les suscitent se portent sur le protomartyr parce qu’il a investi la cité par la présence de ses restes saints : le rôle de la memoria reste donc central dans le traité d’Uzalis, même pour les miracles qui ne sont pas directement liés à l’action de reliques, et pour ceux qui s’opèrent à très grande distance. a. Les miracles par contact avec le reliquaire ou avec une relique secondaire Les miracles de guérison les plus frappants pour les fidèles sont ceux qui se réalisent quand le malade (ou plus précisément la partie de son corps atteinte) parvient à un contact direct avec la cassette contenant les reliques : ainsi pour l’aveugle qui se saisit de force de la capsella d’argent, lors d’un transfert où l’évêque qui s’avance à pied la porte entre ses mains37. De même Megetia, jeune femme de Carthage en pèlerinage à Uzalis, appuie si fortement sa tête contre la memoria que les petites portes (ostiola) qui ferment le loculus cèdent et s’ouvrent38 : elle peut alors « voir et toucher la main qui soigne sa bouche » en posant sa tête directement sur le reliquaire, et elle en ressort guérie d’une disgrâce qui avait été réfractaire aux soins des plus grands médecins de la capitale39. À partir du moment où celle-ci est édifiée en relation avec l’ecclesia d’Uzalis : on peut se reporter à « Monuments » (Chap. II, 2) pour l’étude des liens topographiques entre ces deux édifices, et aussi pour le fait que la relique n’agit qu’à partir du moment où elle est entrée dans la ville (les miracles antérieurs sont liés à des apparitions du saint). 37 I, 8, 6-7 : ecce quidam caecus apprehendens capsellam argenteam ... cœpit fortissima fide regno caelorum uim facere. Sur ce transfert d’une partie des reliques qui, du monastère, fait retour à la memoria, voir ci-dessus. 38 Cf. dans « Monuments » (Chap. II, 2) la description de la memoria d’Étienne à la lumière des divers miracles, et de celui-ci en particulier. Voir surtout le parallèle que l’on peut établir avec la memoria de saint Domnus dans la nécropole de Manastirine à Salone, qui illustre le récit d’Uzalis car on y voit la trace de gonds et de portes ayant fermé la logette du reliquaire située en haut de l’édicule. 39 II, 2, 224-229. Je reviens un peu plus loin sur les reliques secondaires qui ont d’abord guéri les maladies complexes de cette noble Carthaginoise. 36
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Cependant, près de la memoria ou plus souvent loin d’elle – parfois à grande distance, dans une autre ville –, certaines guérisons s’obtiennent par l’intermédiaire de reliques « secondaires », poussière, huile, linges qui se trouvent sanctifiés parce qu’ils ont été mis pendant un temps au contact du reliquaire lui-même. Ainsi lors du premier miracle, une femme aveugle applique sur ses yeux le voile qui couvre la relique, et après de longues prières, elle recouvre la vue dans la nuit qui suit40. De même, un infirme d’Utique est à la fois paralysé et muet (comme le pèlerin d’Hippo Zaritus, voir infra) : sa mère le frotte avec de la poussière rapportée d’Uzalis, ce qui guérit ses jambes ; il peut alors se rendre lui-même à la memoria d’Étienne, passe la manche de sa tunique (il n’avait pas de mouchoir ...) par la claire voie de la fenestella confessionis, puis touche sa langue de ce linge ainsi sanctifié, ce qui libère sa parole (I, 12, 1215)41. Le cas le plus complexe est celui de Megetia, jeune clarissima femina de Carthage qui se trouve à la fois enceinte d’un enfant mort, paralysée et défigurée (voir plus haut, II, 2). Sa mère se rend en pèlerinage à Uzalis, et rapporte de la memoria du protomartyr de l’huile sanctifiée dont elle oint le corps de sa fille42, en même temps qu’elle entoure sa poitrine du linge « témoin de ses prières, et mouillé de ses larmes et sa sueur » : il s’agit donc d’une relique au second degré pour l’huile, mais le linge n’est sanctifié que par la seule douleur (et ferveur) de la pieuse femme liées à Étienne dans la mesure où elles se sont exprimées dans le cadre de sa memoria. Or à Carthage, la malade commence par manger du pain trempé dans l’huile sainte, ne prenant qu’ensuite les autres aliments : la relique guérit ainsi son organisme interne par un contact intime et charnel. La jeune femme finit par accoucher, mais elle reste défigurée (ce qui est gênant vu son rang social, précise avec insistance le récit hagiographique, II, 2, 20-24). C’est alors seulement qu’elle se rend à Uzalis et parvient à poser son visage défiguré sur le reliquaire, après avoir forcé les petites portes du loculus (voir supra) : c’est ce contact avec la relique « première » du protomartyr qui lui apporte enfin la guérison définitive, mais celle-ci a été préparée par les miracles opérés certes loin de la memoria, mais grâce à des objets et produits sanctifiés par sa uirtus (et aussi par les larmes et la sueur, la douleur de la mère). I, 3, 14-25. Il s’agit du linge qui recouvre la cathedra uelata où fut déposée la relique du protomartyr en attendant la construction de la memoria. Voir « Monuments » (Chap. II, 2), à propos de la cathèdre dans l’ecclesia. 41 Sur les fenêtres ajourées qui permettent de voir et éventuellement toucher le reliquaire, je renvoie à la description de la memoria dans « Monuments » (Chap. II, 2). 42 Sur cette huile vraisemblablement prélevée dans les lampes qui brûlent près du reliquaire d’Étienne – mais d’autres hypothèses sont possibles –, cf. « Monuments » (Chap. II, 2). La mère de Megetia est chrétienne, contrairement à son père et son mari. 40
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Or, de la même façon, des miracles procurant des bienfaits purement matériels se réalisent à distance, par l’intermédiaire de reliques secondaires. Ainsi le propriétaire d’une cave, désespéré de ce que toute sa production de vin se trouvait gâtée, reçut de Dieu l’inspiration du remède à son malheur : il devait prélever une petite quantité de ce vin dans un petit flacon et le faire apporter à la memoria du saint « pour qu’il soit béni » (II, 3, 38-40 : lagunculam ... ad beati memoriam benedicendam diluculo deportaret). Ainsi fut fait : un serviteur « emplit un flacon, courut, l’appliqua, le rapporta » (II, 3, 48-49 : lagenam ... hausit, perrexit, apposuit, reportauit) ; le contenu en fut alors réparti dans les deux cents cuves de vin « perdu » (II, 3, 46 : vina perdita), et il rendit à tout le breuvage sa couleur et son goût43. Le verbe apposuit, sans complément, indique seul comment est obtenu le vin sanctifié, qui devient une relique secondaire, génératrice de miracle : il faut sans doute entendre que, pour obtenir que le liquide soit apuré par la bénédiction divine (benedicendam), la fiole n’a pas seulement été plaquée contre un des murs de l’édifice consacré à Étienne ; elle a plus probablement été mise au contact sinon du reliquaire même, du moins du loculus où il était enfermé, comme l’attestent à la fois les miracles de guérison de Megetia et du muet d’Hippo Zaritus (voir plus haut l’ouverture des ostiola et l’accès par la fenestella). L’essentiel est que le contenu forcément important de chacune des très nombreuses cuves fut ensuite régénéré par quelques gouttes de ce vin sanctifié (II, 3, 49 : uasisque singulis permodicum quid contribuit), témoignant ainsi de la puissance de la relique qui, à son tour, agit par le contact – soit ici en se mêlant au liquide auquel elle doit imprimer sa uirtus. On perçoit, à travers ces miracles d’Étienne à Uzalis comme ceux d’autres martyrs, que les reliques exercent leur uirtus par le contact direct avec les futurs miraculés pour qui elles interviennent : ce pouvoir quasi magique est, aux yeux des fidèles qui sollicitent l’aide des saints, une des vertus essentielles attribuées à leurs « restes » (tombes, reliques, ou toute trace de leur vie et surtout de leur passion) laissés sur cette terre après leur mort. Cette croyance explique en effet les aspects physiques du culte des reliques44, la nécessité de les toucher pour qu’opère leur pouvoir miraculeux45, qu’il s’agisse, comme on l’a vu, de reliques II, 3, 34-56. J’aborde ce miracle dans « Monuments » (Chap. II, 2), à propos de la charge symbolique de la memoria, considérée par le vigneron désespéré comme un port et un lieu d’asile. 44 Ce culte est bien structuré en Afrique à l’époque du De miraculis (Y. Duval, Loca sanctorum, chap. V). Pour l’analyse du pouvoir des reliques par le contact, surtout dans la pratique des sépultures tout près des restes saints, voir note suivante. 45 On retrouve cette même croyance que l’intercession des saints passe par les corps dans la pratique très populaire de l’inhumation ad sanctos où le corps du défunt est placé dans la proximité la plus étroite possible avec la tombe sainte ou le reliquaire. Je ne m’étendrai pas ici sur 43
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au premier ou au second degré. On connaît en effet, à une époque proche du De miraculis, les exemples célèbres de fidèles privilégiés qui, possédant personnellement des reliques, les gardent sur eux pour s’en assurer la protection grâce à un contact permanent : ainsi la sœur de Gregoire de Nysse, Macrine, porte au cou une croix de fer et au doigt un anneau renfermant du bois de la Croix ; Germain d’Auxerre garde une capsella « contre son flanc », adhaerentem lateri suo capsulam cum sanctorum reliquiis ; à une époque plus tardive, la mère de Grégoire de Tours porte de même colo adpensa des pignora que lui-même recueille par la suite et qu’il place sur sa poitrine, in sinu46. Les fidèles plus humbles qui ne possèdent pas de restes saints viennent au contact de la relique dans les sanctuaires martyriaux, où ils peuvent de surcroît se procurer des reliques secondaires qu’ils emportent, comme font les pèlerins au retour de leurs voyages. b. Apparitions et invocations, dans l’aire de la memoria ou ailleurs Plusieurs guérisons et même une résurrection se situent à la memoria, à sa porte, sur son seuil, à son pied, mais sans contact avec le reliquaire qui est manifestement placé en hauteur dans l’édicule47. Il en va ainsi pour la guérison du paralytique d’Hippo Zaritus, muet de surcroît, nommé Restitutus : transporté à la memoria d’Uzalis, il y a séjourné huit mois, couché à même la mosaïque du sol, avant que le protomartyr ne le guérisse complètement ; or il est peu à peu sauvé par des apparitions successives du saint qui l’accompagnent dans ses progrès, sans jamais atteindre à la relique elle-même (I, 11)48. De même, Donatianus, un aveugle de Pisa se rend « au poste du très puissant médecin » (I, 13, 3-4 : ad stationem potentissimi medici Stephani), et là il frappe avec la confiance de la foi (I, 13, 4-5 : ibidemque pulsans fidei pietate) jusqu’à ce que, au huitième jour, ses yeux retrouvent la lumière « grâce à sa foi » (I, 13, 7 : per fidem lumen oculorum accepit). Ce récit est certes allusif, en particulier on ne sait si l’infirme frappe à la porte de l’ecclesia (c’est le moins probable), à celle de la memoria – qui en tant qu’édifice serait donc séparée de la basilique par une fermeture –, ou encore aux petites portes du loculus, les ostiola que Megetia réussit à faire céder (voir supra). Cependant, malgré ces incertitudes, cette forme du culte des reliques car elle n’apparaît pas dans le De miraculis ; on voudra bien se reporter à Y. Duval, Auprès des saints. 46 Voir les références à ces diverses sources dans Y. Duval, Auprès des saints, p. 120-121. 47 Là encore, je renvoie à « Monuments » (Chap. II, 2) pour la structure de la memoria, et aussi pour la charge de uirtus qui habite tout l’espace. 48 Les apparitions du protomartyr à l’intérieur de la memoria s’expliquent ici parce que le paralytique ne peut se mouvoir pour approcher le reliquaire. C’est pour la même raison que le saint apparaît au barbier qui s’était cassé le pied, mais dans sa maison (I, 4, voir infra).
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il est clair que le pèlerin n’a pas eu accès au reliquaire, et que le miracle se réalise per fidem, par la ferveur de sa foi. Quant à l’enfant mort catéchumène, il est jeté par sa mère « devant » la memoria pour qu’Étienne le lui rende vivant (I, 15, 5-6 : ante ipsam memoriam gloriosi Stephani fuerat proiectus) : l’enfant ressuscite le temps de recevoir le baptême, mais le miracle s’accomplit par la grâce à la fois du lieu – la memoria – et des prières de la mère, sans contact direct du petit corps avec la relique. De tels miracles s’expliquent par le fait que la uirtus de la relique agit dans toute l’aire de la memoria qu’elle emplit de son pouvoir bienfaisant ; c’est pourquoi, dès que les pèlerins approchent ou passent le seuil (limina) de la memoria, ils accèdent à cette bienfaisance, pour peu qu’ils arrivent et entrent avec une foi fervente. Ainsi, lors de son premier pèlerinage à Uzalis, alors que sa fille à Carthage est encore en proie à tous ses maux et en danger de mort, la mère de Megetia s’arrête au seuil de la memoria où elle se prosterne en prières mêlées de larmes (II, 2, 59-60 : ante limina gloriosi martyris prostrata effusos sui cordis dolores expresserit). Et quand plus tard elle y conduit sa fille pour la première fois, les deux femmes commencent de même par prier en pleurant sur le seuil du sanctuaire (II, 2, 159-160 : ante sacrata ipsius limina prostratae, die noctuque flentes) : ce n’est que douze jours plus tard, et après une apparition du martyr, que Megetia passe ce seuil et parvient à toucher le reliquaire qui la délivre de son mal (voir ci-dessus les miracles successifs de guérison dont bénéficie la noble Carthaginoise). J’en terminerai avec les miracles d’Étienne en soulignant que le martyr agit aussi à distance de la memoria, par ses apparitions : mais celles-ci sont évidemment une réponse aux prières des fidèles qui sollicitent son intercession à cause de la présence et du rayonnement de sa relique dans la ville. Ces apparitions sont particulièrement nombreuses dans le De miraculis, et pour la plupart elles se situent dans la maison – voire dans la chambre de souffrances du futur miraculé – dans la mesure même où il est dans l’incapacité d’être transporté auprès du reliquaire. Ainsi, le saint apparaît, majestueux dans sa tunique blanche, près du lit du barbier Concordius qui s’était cassé le pied, pour annoncer au malade – torturé de douleurs, mais priant avec ferveur – sa guérison soudaine : surge, saluus factus es (I, 4, 4-5 et 25-31). Le miracle de la résurrection de Dativus, un Uzalien mort écrasé par l’effondrement de sa maison est plus complexe (I, 6) : le mort est transporté pour ses funérailles dans une maison voisine ; or sa femme court se prosterner à la memoria, assiégeant le martyr de prières instantes, tandis que ceux qui veillent le corps invoquent son saint nom (nomen uenerandi martyris inuocantium, I, 6, 10). Le mort se met peu à peu à s’éveiller et « revient parmi les vivants » ; il
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raconte alors que, tant qu’il était entre les morts, il a eu la vision d’un jeune diacre vêtu d’une robe blanche éclatante, qui, après que le mort eût « redonné » le Symbole (il lui ordonne redde), lui a annoncé Surge, iam saluus (I, 6, 26). On retrouve dans ce miracle les mêmes éléments que dans l’apparition précédente du protomartyr auprès de Concordius blessé au pied : même apparence physique du saint, mêmes injonctions pour annoncer aux miraculés la fin de leurs tourments. Cependant, dans les faits, l’apparition que voit Dativus se conjugue ici à deux traits nouveaux particulièrement intéressants : d’une part, le miracle proprement dit – la résurrection d’entre les morts – est obtenu par personnes interposées, puisque ce sont les vivants, sa femme et les amis qui le veillent, qui sollicitent l’intercession du saint pour le mort dont la prière (le Symbole qu’il récite) ne fait que s’ajouter aux leurs ; d’autre part et surtout, il faut noter le rôle joué dans ce miracle par l’invocation du nom du martyr au cours des prières de veille auprès du mort. Or la libération des deux prisonniers dont les chaînes tombent par miracle est également obtenue par l’invocation du nom du martyr : leurs demandes à Étienne pour qu’il exauce leurs vœux sont en effet exprimées par des verbes d’appel, de clameur plus que de prières, inuocabat et exclamaret (I, 9, 5 et 13). On voit en effet apparaître à la date du traité d’Uzalis les attestations d’un culte rendu aux saints par la seule invocation de leurs nomina : j’ai été amenée à étudier longuement ce culte des saints noms à travers les inscriptions martyrologiques d’Afrique49. Je rappelle à ce propos que le terme nomina, qui se rencontre dans certains de ces textes épigraphiques, en tête de listes de saints, n’est pas un des mots désignant les reliques, comme on le croyait depuis Monceaux : il introduit bien les « noms » qui suivent. C’est pourquoi l’on grave dans la pierre des listes de saints, comme des prières perennisées adressées aux protecteurs par l’invocation de leurs noms : on lit ainsi, par exemple, des pages du férial local sur une colonne d’une église à Carmona, en Espagne ; et, en Afrique, des listes de martyrs répétées sur divers supports de pierre semblent des invocations en forme de litanies50. La longue guérison miraculeuse de Megetia est scandée par des apparitions venant corroborer la uirtus des diverses reliques qui la soulagent d’un mal après l’autre (II, 2, voir ci-dessus). Dans une prière surprenante, sa mère qui est en pèlerinage à la memoria d’Uzalis implore du saint qu’il soit présent à Carthage, auprès de sa fille (II, 2, 62-63 : Hic te ego planctibus oro, illic te ancilla tua praesentem medicum sentiat imploro) : cette présence bienfaisante ne peut se réaliser Voir Y. Duval, Loca sanctorum, chap. VII, avec l’analyse des exemples africains. Pour la colonne de Carmona, près de Séville, cf. Y. Duval, « Projet d’enquête » ; et pour les ex-votos africains, Y. Duval, Loca sanctorum. 49 50
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que sous la forme d’une apparition du martyr à la jeune malade, apparition destinée à la réconforter. D’ailleurs, quand bien plus tard Megetia put se rendre à Uzalis, elle eut en effet en songe, dans la nuit, la vision que sa mère avait implorée pour elle : un homme en habit de diacre lui apparut qu’elle prit pour un médecin « spirituel », et elle lui demanda de soigner sa bouche (II, 2, 179183). Enfin, après sa guérison totale, alors qu’elle était à Carthage, elle eut une nuit en songe la vision de la memoria d’Uzalis et du martyr (en beau jeune homme lumineux, monté sur un superbe cheval, précédé d’un cortège splendide et entouré d’innombrables flambeaux : cortège triomphal). Or, le jeune homme lui dédiait la lumière en lui demandant de la prendre en charge (II, 2, 279-280 : ad te pertinet ista lux, Megetia, suscipe illam) : la lumière symbolisait sa guérison miraculeuse, mais aussi ses devoirs nouveaux. Cette apparition rappelle en effet à la jeune femme qu’elle est désormais redevable envers la lumière qu’elle a reçue51 et qui est la grâce divine – manifestée dans sa guérison, mais aussi dans la piété plus fervente de ses amies et surtout dans la conversion de ses proches qui étaient encore païen (son père, puis son mari, II, 2, 140-156 et 254-264). Enfin, l’ultime miracle rapporté dans le recueil d’Uzalis est celui qui évite à Florentius, trésorier-payeur à Carthage, la terrible condamnation qui le menaçait au tribunal du proconsul. Or, en réponse aux prières incessantes à Étienne dont l’accusé invoque le nom (II, 5, 34, orare et invocare), le martyr dans une apparition miraculeuse prend la place du conseiller du juge, transformant par là le tour des événements (II, 5, 36-52 et 66-70 : le juge en devient un père pour le trésorier ...). Une fois sauvé, l’homme voit en songe la nuit suivante son libérateur sous la forme d’un jeune homme vêtu de lumière. Comme pour Megetia, le saint réapparaît après le miracle salvateur pour indiquer au miraculé la voie, ici le pèlerinage immédiat à Uzalis (II, 5, 83-104). Pour en terminer avec les apparitions, il faut mettre à part, car il présente un caractère tout à fait particulier, le récit concernant Rusticianus, un boucher d’Uzalis désespéré de ne pas voir son fils rentrer d’un voyage d’affaires (I, 14). Apprenant que le jeune homme a été tué par des brigands avec son serviteur, le père cesse de se nourrir, « écrasé sous les ténèbres du chagrin » (I, 14, 1013). Or le saint se présente à lui la même nuit pour le rassurer sur le sort des deux voyageurs : cependant le récit n’annonce pas que cette apparition répond à des invocations ou à des prières du boucher, il évoque seulement, à travers sa souffrance intense, son amour paternel. Et surtout, après le retour annoncé
Sur le sens complexe de suscipere, prendre en charge, en responsabilité, voir supra n. 32, à propos des dépositions de reliques.
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du fils (avec son serviteur et les porcs qu’il a réussi à acheter), aucune mention n’est faite d’une action de grâces du père ni d’un pèlerinage à la memoria, bien que le protomartyr ait dévoilé à l’homme son identité. À vrai dire, ce récit original dans le contexte veut témoigner de la bonté gratuite du saint : en effet, son apparition n’est ni appelée (provoquée) ni saluée par le boucher ; et d’ailleurs elle lui apporte une consolation, une assurance, elle n’annonce ni ne provoque un véritable miracle en ce qui concerne le sort du voyage (survie des voyageurs et réussite commerciale). Le seul vrai miracle réside en fait dans la sollicitude spontanée d’Étienne qui aime et aide les plus humbles, prenant en charge même leurs problèmes purement matériels. Conclusion On voit la richesse du traité d’Uzalis qui vient éclairer et illustrer ce que l’on peut savoir à la fois de la nature des reliques qui circulent en Occident dans le deuxième quart du ve siècle, et des formes du culte désormais bien structuré qui leur est rendu. Les reliques apportées par Orose « ressemblent » à des parties du corps pour les os, mais il n’est surtout pas dit qu’elles en soient ; en ce qui concerne le sang, qui ne pouvait pas avoir laissé les traces de gouttes qu’annonce la description de l’ampoule contenant les restes saints, sa forme liquide après plus de quatre siècles voulait évidemment dépeindre une situation miraculeuse. Cependant on a vu que le sang répandu par les martyrs (cruor) était souvent conservé et transmis non certes à l’état liquide, mais imprégnant divers supports. Dans les nombreux récits de miracles obtenus auprès du reliquaire ou à travers des reliques de contact, le De miraculis apporte quelques remarquables illustrations du rôle que la « piété vécue » des fidèles accordait aux corps dans l’économie du salut : la plupart des miracles de guérison passent en effet par le contact étroit entre le corps malade et la relique ou l’objet sanctifié ; mais le retour à la santé physique s’accompagne toujours de prières et d’invocations, conduisant à une foi plus fervente du miraculé et de son entourage, et donc au salut des âmes. C’est en effet par le toucher d’une relique (« vraie » ou au second degré) qu’adviennent les guérisons les plus difficiles, comme par exemple les lents retours à la santé de Megetia ; bien plus, dans son cas, le vecteur du miracle ne se limite pas au contact par la peau, on a vu qu’elle ingère l’huile sanctifiée pour purifier son organisme de l’intérieur. Ainsi, dans la « piété vécue » (pour ne pas parler de piété populaire, car ces croyances sont partagées par les clercs et les évêques), est attribué aux reliques un pouvoir quasi magique de régénérer les corps des vivants comme éventuellement de les ressusciter en ce monde ; mais, dans les inhumations ad sanctos, le rôle du reste saint auprès
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duquel est placée la tombe est de protéger les corps des morts en vue de leur resurrection finale, au Jugement dernier52. Cependant le sens du merveilleux s’alimente plus directement encore des apparitions qui présentent Étienne en habit de diacre, humain et compatissant, mais auréolé de gloire et de lumière. En effet, le traité est destiné à l’édification des fidèles, comme l’indiquent à la fois le prologue du premier livre et, au cours des récits, les nombreuses allusions aux lectures des miracles faites dans l’ecclesia et aux présentations des miraculés au milieu de l’assemblée du peuple de Dieu53. Cette destination première de l’ouvrage en explique le ton, à la fois quotidien et familier, et en même temps hagiographique ; elle justifie en particulier la grande place faite dans les miracles aux apparitions du protomartyr, et aux descriptions récurrentes de sa beauté fondée sur sa jeunesse, sur la blancheur de sa tunique qui reflète celle de son âme, laquelle rayonne aussi dans la lumière qui l’entoure. C’est aussi pour cette même raison, l’édification des fidèles, que les diverses translations des reliques sont racontées (parfois longuement, même si c’est avec maladresse et pauvreté de style) comme des triomphes et des adventus ; au contraire, les dépositions des dites reliques – sous un autel dans le sanctuaire suburbain, sur la cathèdre voilée de la basilique, et surtout ensuite dans la memoria – ne sont jamais décrites et pratiquement pas évoquées : il s’agit en effet de cérémonies purement liturgiques qui ne pouvaient donner lieu ni à une pompe bruyante et spectaculaire ni à une liesse populaire, comme dans les rues et sur les routes, lors des transferts. On note enfin que les miracles ont le plus souvent un déroulement privé : ils sont réalisés dans le cadre familial, et ils donnent lieu – avant, pendant et/ou après la guérison – à des pèlerinages individuels, ou en petits groupes comme ceux de Megetia et sa mère entourées de « saintes femmes », leurs amies et servantes. Cependant le traité signale une fois l’existence de pèlerinages de masse qui regroupent des foules en liesse dans la basilique d’Uzalis au jour de la fête du protomartyr54 : on sait par les sermons des prédicateurs et en particulier ceux d’Augustin en l’honneur des martyrs, que lors des natalicia, la foule des fidèles s’assemble dans les églises renfermant les restes, tombe ou reliques, du saint fêté pour commémorer sa naissance à la vie éternelle. Ces célébrations sont à l’époque du De miraculis une des formes les plus populaires (et régulières) du culte rendu aux martyrs, puis aux saints, au plus près des traces de leur passage sur cette terre. Cet aspect du culte des reliques, présent chez Augustin, n’apparaît pas à Uzalis : cf. Y. Duval, Auprès des saints. 53 Sur ces lectures et la présentation des miraculés dans l’abside ou dans le quadratum populi, on voudra bien se reporter à « Monuments » (Chap. II, 2) pour les analyses des différents récits. 54 J’ai étudié les pèlerinages dans « Monuments » (Chap. II, 2) : voir la conclusion. 52
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Saint Augustin et le miracle Serge Lancel C’est beaucoup de présomption que de prétendre aborder en quelques pages un sujet aussi riche que l’attitude de saint Augustin devant le miracle. On ne peut ignorer qu’il y a sur son cheminement à cet égard toute une bibliographie qui s’est constituée principalement dans la première moitié de notre siècle, en particulier nourrie par les travaux du P. De Vooght dans les années trente. On pourrait estimer que tout a été dit sur la question, et par exemple l’on constate que lors du grand congrès augustinien tenu en 1954 à l’occasion du seizième centenaire de la naissance d’Augustin, personne n’a jugé bon de la reprendre : on ne trouvera rien sur ce thème dans les trois gros volumes d’Augustinus Magister. Depuis, et surtout dans les deux dernières décennies, le corpus des textes augustiniens s’est accru, avec la découverte des nouvelles lettres il y aura bientôt vingt ans et celle plus récente encore des nouveaux sermons mis au jour par François Dolbeau et commodément rassemblés par lui55, en attendant l’édition traduite et commentée en préparation pour la Bibliothèque Augustinienne. Mais ni l’une ni l’autre de ces deux séries de textes n’apportent du nouveau sur les positions d’Augustin face au miracle. On pourrait donc considérer raisonnablement qu’il n’y a nulle urgence, ni aucune justification à revenir ici sur ce sujet. Mais tous ceux qui sont présents savent comme moi – et souvent beaucoup mieux que moi – l’ancienneté et l’étroitesse des liens qui unissaient Augustin et Evodius, l’implication de ce dernier, au temps de leur commune jeunesse, dans la rédaction du De quantitate animae et surtout du De libero arbitrio, leur correspondance longue et nourrie, et surtout enfin la façon dont les reliques de saint Étienne ont rapproché l’évêque d’Hippone d’un vieux compagnon devenu l’un de ses plus anciens collè-
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gues dans l’épiscopat. Augustin n’avait jamais perdu de vue Evodius, mais on constate tout de même un resserrement des liens entre Hippone et Uzalis à partir du début des années 420, et plus particulièrement en 426. Cette annéelà, qui est aussi celle de la phase terminale de la rédaction de la Cité de Dieu, il y eut autre chose que la « pieuse exploitation » des reliques de saint Étienne, commune à Uzalis, Hippone et Calama, et aussi à d’autres sièges non mentionnés précisément, pour rapprocher encore les deux évêques : au printemps 426, Augustin a perdu un ami très cher en la personne de Severus de Milev. Des compagnons de sa jeunesse, il ne lui reste plus qu’Alypius et Evodius, les deux amis, les deux compatriotes qui étaient à ses côtés au chevet de Monique morte à Ostie en août 387. Il ne semble pourtant pas qu’Augustin ait revu Evodius – du moins chez ce dernier, à Uzalis –, après un dernier passage à Uzalis qu’on peut sans doute dater de 42456, et auquel il est fait allusion dans un texte de la Cité de Dieu : un texte important, soit dit en passant, car Augustin y affirme qu’à la date de ce passage chez Evodius on n’y avait apparemment pas encore pris l’habitude de rédiger des libelli miraculorum consignant les miracles qui s’y produisaient pourtant depuis déjà quelque temps57. Il y a donc bien des raisons, à l’occasion d’un colloque qui se propose de scruter des relations de miracles survenus à Uzalis, et enregistrés à l’instigation d’Evodius, de revenir, même rapidement, sur le cheminement à l’égard du miracle de l’évêque d’Hippone, témoin de ces miracles d’abord auprès d’Evodius, puis chez Possidius à Calama et enfin dans sa propre cité épiscopale. On sait que c’est une question sur laquelle Augustin est resté assez longtemps sensiblement en retrait par rapport à la sensibilité religieuse de son temps. Il s’est exprimé une première fois sur le sujet à l’époque de sa retraite à Thagaste, en 390, dans cette première synthèse provisoire de sa pensée religieuse qu’est le De uera religione, adressé à Romanianus. On y lit que les premiers chrétiens se sont laissés guider par les « miracles visibles », la seule voie possible pour eux ; mais, qu’« une fois l’Église catholique répandue et établie sur toute la terre, Dieu n’a pas laissé ces miracles continuer jusqu’à nos jours, de crainte que notre esprit ne s’arrêtât au visible et que, s’habituant à eux, l’humanité ne perdît l’ardeur qu’ils lui avaient communiquée dans leur nouveauté58 ».
Cf. O. Perler - J.-L. Maier, Les voyages de saint Augustin, Paris, 1969 (Ét. Aug.), p. 373-380. Ciu. XX, 8, 22, Sed libellorum dandorum ibi (scilicet Vzali) non est vel potius non fuit ; nam fortasse nunc esse iam cœpit. Cum enim nuper illic essemus ... Et Augustin d’ajouter qu’à la date de ce nuper (424, mais peut-être avant) il avait, répondant en cela au désir exprimé par Evodius, exhorté la clarissime Petronia de faire un compte rendu de sa guérison miraculeuse. 58 Ver. XXV, 47. 56 57
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Deux ou trois ans plus tard, dans un autre texte, daté des débuts de la prêtrise, le De utilitate credendi, de ton missionnaire lui aussi, puisqu’il était également adressé à un ami, Honoratus, demeuré dans le manichéisme comme Romanianus, Augustin est revenu un peu plus longuement sur le miracle. Il est significatif de son attitude d’alors qu’il aborde le phénomène miraculeux dans la perspective de la dialectique de la raison et de la foi, de l’intelligere et du credere, plus précisément dans une analyse de l’autorité (auctoritas), si indispensable pour ébranler les simples, dont naturellement il prend soin d’ajouter qu’Honoratus ne fait pas partie. Or, dit Augustin, l’autorité qui s’impose aux simples use de deux moyens pour les toucher : les miracles, d’une part, et d’autre part le grand nombre de ceux qui s’y soumettent, autrement dit le consentement universel. Laissant de côté le consentement universel, il donne alors du miracle une définition qu’on peut dire entièrement subjective, en tout cas non théologique : « J’appelle miracle, dit-il, tout événement insolite qui manifestement surpasse l’attente ou les capacités de ceux qu’il étonne. » On en distinguera, continue-t-il, de deux sortes : les uns ne provoquent que l’étonnement (par exemple un homme qui vole dans les airs ou qui marche sur les eaux) ; les autres inspirent en outre reconnaissance et sympathie (ce sont les miracles de guérison ou de résurrection). Et il conclut une évocation rapide des miracles évangéliques en disant qu’« une autorité divine touchait, pour les tourner vers elle, les âmes égarées des mortels ». Là-dessus, dans la convention du quasi-dialogue qui est celle de ce texte, Honoratus pose la question : « Pourquoi n’en est-il plus ainsi ? » Réponse : « Parce que ces miracles ne toucheraient personne s’ils n’étaient étonnants ; et ils ne seraient pas étonnants s’ils étaient habituels59. » Ainsi, ce que ce texte de 391/392 retient surtout dans le miracle, c’est son effet d’impact à la fois émotionnel et mental. Au choc qu’il donne, et que des répétitions trop fréquentes émousseraient, l’auteur du De utilitate credendi préfère, à l’usage de l’aspirant à la foi, une préparation morale efficace. Il restera pendant de longues années dans ces dispositions d’esprit. En témoigne un sermon malaisément datable, mais que des points de contact textuels avec l’un des nouveaux sermons Dolbeau60 permet de dater par rapport à lui autour de 397. Dans ce sermon, Augustin dit que « le Christ n’a pas fait de miracles pour faire des miracles, mais avec la volonté, en frappant d’étonnement ceux qui les verraient, de faire découvrir leur vrai sens à ceux qui les comprendraient61 ». Ainsi, le miracle avait eu des occasions d’exercer sa fonction, exceptionnelle et Vtil. cred. XVI, 34. Sermon Dolbeau 17, 1 (Mayence 48, 1), dans F. Dolbeau, Vingt-six sermons, p. 141. Serm. 98, 3.
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sans doute maintenant dépassée, dans la dialectique de la raison et de la foi. Un bref passage du De catechizandis rudibus, écrit vers 400, est bien représentatif de cette attitude d’Augustin alors : il conseillera au pasteur à qui venait de se confier un néophyte attiré à la religion par un miracle ou quelque songe de ne pas tarder à l’engager sur « la voie plus solide des Écritures62 ». Au songe et au miracle, Augustin dans ce texte joignait l’avertissement divin : pensait-il alors à celui dont il avait bénéficié lui-même dans le jardin de Milan en août 386 ? Nous savons tous pour avoir lu les Confessions qu’il a entendu comme une admonition divine ce tolle, lege qui lui a fait lire le texte de saint Paul à l’endroit même (Rom. 13, 13-14) où avec la mise en garde de satisfaire la chair en ses convoitises se situait pour lui le message le mieux adapté et le plus fort63. En cela l’admonition reçue au jardin de Milan pouvait être tenue par lui pour un « miracle personnel » comparable à celui dont saint Paul luimême avait bénéficié sur le chemin de Damas. Et pourtant je ne vous apprendrai rien si j’ajoute que les commentateurs se sont bien souvent évertués à « lisser » l’événement au maximum, de manière à n’y rien laisser à l’actif du miracle. Même et peut-être surtout P. Courcelle, dont on peut lire le commentaire suivant : « Le codex des Épîtres ne s’est ouvert à cette page ni par hasard, ni par sortilegium, (mais) simplement parce qu’Augustin était à ce point de sa lecture lorsque la visite de Ponticianus l’interrompit64. » Mais même cette lecture « positiviste » ne gomme pas tout à fait l’aspect miraculeux de l’événement. Nous savons aussi, pour être allé un peu plus loin dans la lecture des Confessions, qu’à l’époque où il était dans la phase terminale de la rédaction du livre, vers 400, il lui arrivait de soupirer encore après le secours divin, en s’en accusant comme d’une faiblesse, et même comme d’une perverse complaisance dans une tentation diabolique. Nous lisons ainsi au livre X : « Un signe de toi, Seigneur, à qui je dois un humble et modeste service, que de machinations n’ourdit pas en moi l’ennemi pour me suggérer de te le demander65 ! » Mais si le mystique en lui, comme l’a bien montré André Mandouze66, souffrait toujours d’être en manque de Dieu, au point de persévérer parfois dans sa demande d’admonition personnelle, le pasteur en face de ses fidèles restait vis-à-vis du miracle sur la même ligne. Dans un sermon prêché vers 400 – et donc contemporain des derniers livres des Confessions –, l’évêque répondait Catech. 10. Conf. VIII, 29. 64 P. Courcelle, Les Confessions de saint Augustin dans la tradition littéraire. Antécédents et postérité, Paris, 1963 (Ét. Aug.), p. 194. 65 Conf., X 56. C’est presque déjà du Bernanos, avec tout de même une moindre présence du Malin et sans les terribles mortifications de l’abbé Donissan. 66 Cf. A. Mandouze, Saint Augustin. L’aventure de la raison et de la grâce, Paris, 1968 (Ét. Aug.), p. 674-675. 62 63
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à ses auditeurs qui constataient comme lui le tarissement des cures miraculeuses et des glorieuses résurrections des temps évangéliques et qui semblaient le regretter. Elles avaient été, concédait-il, une invitation à croire, mais il ajoutait que le Seigneur donnait maintenant aux croyants le spectacle de guérisons et de résurrections encore plus merveilleuses. « Aujourd’hui, disait-il, les cadavres ne ressuscitent plus, mais on voit reprendre vie des âmes qui gisaient naguère dans des cadavres vivants67 ! » Les ouailles de l’évêque devaient tout de même penser qu’en termes de spectacle, elles y perdaient. Augustin avait besoin de compléter son analyse du miracle. Il l’avait d’abord situé principalement par rapport à la perception de celui qui en était témoin, et du choc qu’il en recevait, sans le resituer dans l’ordre de la nature et de la création. C’était, on l’a vu, une définition subjective. Or la pleine acceptation du miracle passait par une réflexion sur son statut ontologique. En l’espace de quelques années, entre 405 et 410/412, l’élaboration des grandes œuvres théologiques lui donna l’occasion de reprendre plus au fond ce problème majeur de la foi. Au livre III du De Trinitate, il partait des prodiges de l’Ancien Testament : quand Dieu transforme le bâton de Moïse en un serpent qui redeviendra bâton quand Moïse le reprendra en main, pour se transformer de nouveau en serpent aux pieds de Pharaon (Ex. 4, 4 et 7, 10), ce prodige est un miracle aux yeux du chrétien puisque c’est Dieu qui en est l’auteur. Ce n’est pourtant qu’une transformation de la matière – nous dirions un jeu de combinaisons moléculaires –, en soi banale, comme la nature en prodigue perpétuellement. Mais le merveilleux tient ici à ce que la matière révèle sa plasticité avec une rapidité et une souplesse inhabituelles et selon des modalités inusitées. Augustin dira que le merveilleux ne sort pas de l’ordre des choses, mais qu’il s’y insère selon un processus si inaccoutumé qu’on crie au miracle68. Le « surnaturel » n’est autre que ce raccourci si éminemment remarquable du fait de son exceptionnelle rareté, laquelle en vient ainsi à occulter le perpétuel miracle, quotidiennement renouvelé, de la création, que l’accoutumance finit par nous faire perdre de vue69. On ne s’étonne cependant pas de constater que c’est surtout dans le cadre de sa réflexion sur la création que l’évêque a précisé sa vision du miracle. Dans son Traité sur la Genèse selon la lettre, il reprend le problème d’abord au point où il l’avait laissé dans le texte du De Trinitate qu’on vient de voir. Selon ce que
Serm. 88, 2 et 3. Trin. III, 11. 69 C’est une idée fréquemment exprimée par Augustin : cf. Serm. 247, 2 (daté de 400) et un passage de la fameuse lettre à Volusianus : Ep. 137, 10. 67 68
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nous appelons les lois de la biologie, il faut du temps et la combinaison de maints processus pour que l’eau aspirée par les racines de la vigne gonfle les grappes, pour que leur jus se fasse vin dans les chais du vigneron, pour que ce vin vieillisse avant de devenir la boisson que nous aimons. Mais, comme dans le cas du bâton changé en serpent, aux noces de Cana un « admirable raccourci » a permis à Jésus de contracter en un geste ponctuel les lents mécanismes de la nature70. Le recours explicatif à ce raccourci (compendium) pose du même coup le problème du temps dans le processus de la création. Le créateur du temps a-t-il besoin de temps ? se demande Augustin. Oui, dans le cours ordinaire des choses, suivant les chaînes de la causalité habituelle. Mais, dit-il, il faut admettre que Dieu, à l’origine de sa création, a établi des « raisons causales » – causales rationes – qui fonctionnent selon une double potentialité : les unes selon un devenir et un développement progressif – c’est l’ordre naturel, le seul que les hommes connaissent –, les autres échappant au temps et dépendant de la souveraine maîtrise que le créateur continue d’exercer sur la causalité naturelle71. Il y reviendra plus tard, plus loin dans le même texte, pour développer en outre cette idée que dans cet univers créé par lui gros des causes des êtres à venir, Dieu s’est réservé, non seulement d’accélérer à son gré le cours naturel des choses, mais aussi de pouvoir, au-dessus ou en marge de cette « nature habituelle », tirer de sa création des effets autres que ceux qui sont inclus dans ce que l’évêque appelle maintenant des « raisons séminales » (seminales rationes)72. Si l’ânesse de Balaam se met à parler (Nb. 22, 28), ce n’est pas en raison d’une causalité naturelle, mais bien en raison d’une causalité surnaturelle ou transcendante qui double la première. « Dieu a donc, cachées en lui, les causes de certains faits qu’il n’a pas déposées dans les choses créées, et il actualise ces causes non par l’action de cette providence par laquelle il a fait que les natures soient, mais par l’action en vue de laquelle il régit, comme il le veut, ces natures qu’il a créées, comme il l’a voulu73. » Là était le mécanisme divin du miracle et Augustin ne pouvait surprendre ses lecteurs en ajoutant à la suite que « de ce mode d’action relevait aussi la grâce, qui sauve les pécheurs ». Le miracle n’est donc pas un phénomène erratique échappant à toute rationalité. Il a désormais pour Augustin une assise théologique ferme. Mais son Gen. litt. VI, 24, Cum aquam miro compendio conuertit in uinum, commentant Jean 2, 9. Soit dit en passant, saint Étienne a fait plus fort – dans la mesure où son intervention va à contrecourant de l’ordre naturel – que Jésus en retransformant en un vin buvable l’abominable liquide qui stagnait dans les cuves de Donatus : Mir II, 3. 71 Gen. litt. VI, 25. 72 Ibid. IX, 32. 73 Ibid. IX, 33. 70
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impact sur le cœur des hommes demeure toujours aussi fort, car par cette sortie hors de l’ordre naturel qui leur est seul connu, Dieu fait irruption parmi eux. Augustin écrira au livre XVI de la Cité de Dieu : « Dieu est toujours partout tout entier, mais on dit qu’il descend quand il accomplit sur terre un acte qui, accompli miraculeusement en dehors du cours naturel de la vie, révèle en quelque sorte sa présence74. » Quand il dicta ces lignes, vers 420, l’évêque avait subi – ou allait subir75 – le choc (le mot n’est pas trop fort) de la première vague des miracles survenus en Afrique à la suite de la diffusion des reliques de saint Étienne. Sa longue réflexion sur le fait miraculeux l’avait préparé à les intégrer dans sa pratique pastorale, à accueillir en sa propre église, dans une chapelle aménagée à cette fin par celui qui devait lui succéder, le diacre Eraclius, une petite partie des restes qui avaient d’abord fait chez Evodius, à Uzalis, la preuve de leur merveilleux pouvoir. Car ce n’est pas dénigrer le vieux compagnon de sa jeunesse, le complice du Traité du libre arbitre, le questionneur infatigable et un peu brouillon qui harcelait l’évêque d’Hippone avec ses lettres parfois un peu naïves76 que de dire qu’il avait trouvé sa voie – de méchantes langues auraient dit un filon – avec la pieuse exploitation de cette importation palestinienne. À lui, plus encore qu’à Paulin de Nole, conviendrait le titre d’impresario dont a voulu ces dernières années décorer les évêques de ce temps qui avaient le plus trempé dans ce genre de « commerce », sur la base d’une analyse sociologique qui, au moins pour ce qui est de l’Afrique, manque un peu d’aliments77. On s’explique mieux ainsi le catalogue de faits miraculeux inséré à première vue de façon abrupte dans le livre terminal de la Cité de Dieu, où il vient de fait couper une longue démonstration axée sur la défense du dogme de la résurrection de la chair. Nous ne sommes pourtant pas hors du sujet : quand Palladia se relève guérie après avoir prié accoudée au chancel qui sépare de la foule le reliquaire de saint Étienne78, elle atteste que le doigt de Dieu l’a touchée, pratiquant à son bénéfice l’exercice de sa causalité transcendante, ce qui est le plus éclatant témoignage en faveur de la foi. La relique en soi – un petit peu de poudre d’os – n’est rien que le medium qui par sa présence exalte la ferveur du fidèle ; c’est son oraison, c’est celle des croyants qui l’entourent qui favorise, Ciu. XVI, 5. Orose a rapporté de Palestine les reliques de saint Étienne en 416 : elles sont révélées à Minorque début février 418 ; elles l’étaient sans doute déjà en Afrique où il avait passé dix-huit mois à son retour de la Terre Sainte, mais nous manquons d’éléments chronologiques pour dater plus précisément leur implantation probablement d’abord à Uzalis. 76 Voir par exemple la lettre 158 dans le corpus augustinien. 77 Cf. P. Brown, Le culte des saints. Son essor et sa fonction dans la chrétienté latine, Traduit de l’anglais par Aline Rousselle, Paris, 1984, p. 54-69. 78 Ciu. XXII, 8, 22. 74 75
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sinon suscite, le déclenchement d’une causalité surnaturelle. Mais c’est Dieu qui a donné la relique et c’est lui qui fait le miracle. Il n’en demeure pas moins vrai qu’il avait fallu de longues années de réflexion théologique pour amener Augustin à intégrer le miracle dans son apologétique. Peut-être, comme on l’a pensé, y a-t-il été aussi incité par la pression accrue que faisait peser en ce sens dans les communautés catholiques, chez lui à Hippone comme ailleurs, la réception, après 411, des foules de fidèles venues du donatisme, chez qui le culte des martyrs avait toujours eu une plus forte audience et un plus grand développement79. Ce qui est sûr, c’est que la comparaison de deux textes donne la mesure du changement de perspectives à près de trente ans de distance. On se souvient de la position, assez nettement en retrait vis-à-vis du miracle, qui était celle du jeune évêque adressant vers 400 à Deogratias sa Catéchèse des débutants80. En 428/429, Augustin écrivait à Alypius sa dernière lettre de nous connue – c’est la lettre 227, ad senem Alypium. À son ami maintenant devenu du fait de l’ancienneté – il l’avait précédé de quelques mois dans l’épiscopat – primat de la province de Numidie, il annonçait de bonnes nouvelles (il n’y en avait pas tellement, en ces années-là) : trois conversions, et non des moindres ; outre Gavinianus, dont nous ne savons rien que l’affection que lui portait Augustin, avaient été baptisés à Pâques le comte Peregrinus et un médecin-chef (archiater) du nom de Dioscorus. C’était ce dernier surtout qui retenait l’attention de l’évêque : pour venir à bout des résistances de cet esprit fort, il avait fallu une cascade de miracles et de cœrcitions divines. Dioscorus avait fait vœu de se faire chrétien si sa fille, malade, était sauvée. Elle le fut, mais oublieux de son vœu le père avait été frappé de cécité. Il s’engagea, par une nouvelle promesse, à s’acquitter de la première s’il recouvrait la vue. Ce qui se produisit et il s’exécuta, mais seulement à moitié : négligence ou mauvaise volonté, il n’avait pas appris le symbole de foi et n’avait donc pu le réciter : une attaque de paralysie presque générale en avait été la sanction. Dioscorus dut venir à résipiscence, reconnaître sa faute, déclarer par écrit qu’il savait maintenant le Credo par cœur ; il recouvra l’usage de ses membres mais non celui de sa langue qui, démentant – dit Augustin – la bonté naturelle de son cœur, l’avait porté tant de fois à des railleries sacrilèges contre les chrétiens. On voit ainsi que sur ses vieux jours l’évêque misait de plus en Cf. en ce sens V. Saxer, « Das Problem der Kultrezeption, illustriert am Beispiel des afrikanischen Reliquienskults zur Zeit des hl. Augustinus », dans Antikerezeption, Antikeverhältnis, Antikebegegnungen. Vergangenheit und Gegenwart. Eine Aufsatzsammlung, éd. J. Dummer - M. Kunze, Stendal, 1983 (1988) p. 101-112. 80 Catech. 10. Significative aussi de l’évolution est la façon dont l’évêque corrige dans Retract. I, 13, 7 et I, 14, 5 ce qu’il avait dit du miracle respectivement en Ver. XXV, 47 et Vtil. cred. XVI, 34. 79
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plus, pour engranger des conversions, sur la causalité surnaturelle d’un Dieu qui se mettait parfois à ressembler au terrible Iahvé de l’Ancien Testament. On aurait beaucoup étonné Augustin si on lui avait dit en sa jeunesse qu’il mourrait dans la dépouille d’un faiseur de miracles. C’est pourtant ce qui se produisit si l’on en croit une des dernières images que Possidius a laissées de son héros. On connaît l’anecdote de la Vita Augustini (XXIX, 5) : au troisième mois du siège d’Hippone, l’évêque fut pris de fièvres ; il se retira dans sa chambre et n’en bougea plus. Il vit un jour arriver à son chevet une personne bien mal en point qu’accompagnait un parent et il s’entendit prier de lui faire l’imposition de la main pour la guérir. Il répondit d’abord que s’il avait un tel pouvoir, il serait le premier à en tirer bénéfice ; mais comme le visiteur insistait en lui disant avoir été avisé en songe d’aller trouver l’évêque pour obtenir de lui une guérison, il s’exécuta. Et Possidius ajoute que le malade s’en alla guéri. Car pour l’évêque de Calama, qu’on sait par Augustin lui-même81 avoir devancé son maître dans l’organisation du culte de saint Étienne dans sa propre ville épiscopale, le saint faisait plus que se profiler derrière l’évêque mourant. Il ne faisait pas de doute pour lui qu’Augustin fût capable d’être, même ante mortem, même privé du sceau glorieux du martyre, l’agent miséricordieux de la causalité surnaturelle de Dieu. Cette idée était demeurée pourtant bien étrangère à l’intéressé, pour qui le miracle était du domaine exclusif de Dieu et de ses anges, et dont seuls les saints martyrs pouvaient être les intercesseurs, selon des modalités qui dépassaient les forces de son intelligence, comme il l’avait écrit vers 421 à Paulin de Nole82.
Ciu. XXII, 8, 21 in fine. Cur. 20.
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Deuxième partie
Autour d’Uzalis
chapitre premier
Le site d’Uzalis : recherches récentes en archéologie et en épigraphie∗ Taher Ghalia 1. Historique des découvertes et des investigations La ville d’El Aliya, actuel chef-lieu de délégation, est à l’origine un village à vocation rurale, fondé par une communauté d’émigrés morisques-andalous fuyant l’Espagne, après l’édit d’expulsion de Philippe II en 1608. Le site (fig. 27), accroché au flanc du Jebel Hakaima, jouit d’une position remarquablement perchée (295 m) permettant de dominer aussi bien l’étendue de la vallée d’El Khétemine que le lac de Bizerte (l’antique Hipponensis lacus). Un tel choix, du reste décidé par le pouvoir turc ottoman (Othman Dey et son vassal Yusuf), répondait aux besoins d’une population très soucieuse de sa sécurité dans un environnement qui n’était pas encore voué à sa cause. Une inscription dédicatoire placée au dessus du mihrab du sahn (= cour) de la vieille mosquée d’El Aliya nous révèle la date de sa fondation (1016 de l’Hégire :160708) qui correspond exactement à la date de l’arrivée massive des émigrés andalous (80000 familles). S’agissant de la présence de vestiges antiques sur le site, aucune indication probante n’a pu être donnée par les voyageurs ayant visité El Aliya depuis le xviiie siècle en particulier Peysonnel et Guérin ; de même l’Atlas archéologique ne donne que de maigres renseignements sur le site. À la fin des années 60, Cette étude a fait aussi l’objet d’un exposé à Paris en mars 2000 devant les membres de la « défunte » commission d’Afrique du nord du comité des travaux historiques. A. Daouetli, « Inscriptions à la mosquée andalouse d’El-Aliya », dans Études sur les morisques andalous en Tunisie, éd. S.-M. Zbiss et alii, Tunis, INAA, 1983, p. 288. Ibid., p. 290. Ibid., p. 289. J. A. Peysonnel, Voyage dans les Régences de Tunis et d’Alger, Paris, 1986, p. 151. V. Guérin, Voyage archéologique dans la Régence de Tunis, t. II, Paris, 1862, p. 18. Atlas archéologique de la Tunisie, feuille au 1/50000 de Porto Farina, n° 7. ∗
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une prospection rapide d’El Aliya par L. Maurin et J. Peyras a permis de constater que la ville moderne recouvre des vestiges antiques enterrés sous de puissantes couches de remblais. Il a fallu attendre le début des années 70 pour enregistrer une découverte archéologique d’importance. Elle a eu lieu au centre ville lors des travaux de mise en place des trottoirs de l’avenue principale de la commune. Il s’agit d’un pavement de mosaïque polychrome figuré dont l’état lacunaire n’a pas permis aux auteurs du Corpus des mosaïques de Tunisie d’en reconstituer la composition. 2. Édifice romain à mosaïques de la place du 7 Novembre 1987 J’en viens maintenant aux découvertes récentes. Au cours du mois de septembre 1994, la municipalité d’El Aliya engagea des travaux d’aménagement d’un espace triangulaire situé en contrebas de la rue en pente, menant à la ville haute andalouse. L’objectif était de créer un espace vert et d’y ériger une horloge et une fontaine publique, dans le cadre d’un programme national visant l’embellissement des villes. Ces travaux réalisés rapidement devaient être clôturés au bout de deux mois. La mise en place d’une clôture en béton de ciment a eu vite fait de mettre à nu une épaisse couche archéologique comportant des tessons de céramique commune et des fragments de carreaux de terre cuite tardifs. L’existence de ce matériel nous a été personnellement signalé par un architecte de l’I.N.P. natif d’El Aliya. À la suite de cette information, la Division de recensement et des études au sein de l’I.N.P. me chargea de me mettre en contact avec les promoteurs du projet, en vue d’un arrêt momentané des travaux en vertu des lois et des règlements de protection du Patrimoine. Puis, elle me confia le soin de conduire une fouille de sauvetage dans des délais malheureusement trop courts, sur un terrain nu appartenant à la commune, qui a échappé à la construction compte tenu de sa taille réduite et de sa position dans un carrefour situé à la jonction de deux grandes artères de la ville. Les travaux de cette fouille de sauvetage ont duré un mois. Ils ont permis de découvrir une partie d’un édifice domestique d’époque romaine auquel était accolé un égout servant à l’écoulement des eaux. Ces vestiges s’étendent sur le flanc sud de la colline marqué par une imposante couche de rocher vierge, qui
L. Maurin - J. Peyras, « Vzalitana. La région de l’Asarine dans l’Antiquité », CahTun, 19 (1971), p. 49-50. Corpus des mosaïques de Tunisie, Tunis, 1976, I, 3, n° 317, p. 59-60, pl. XXXVI, XXXVII et XLIV. M. Mahfoudh Limam dont le mérite était d’avoir alerté les autorités régionales pour demander un arrêt momentané des travaux.
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Plan de la maison (ive s. ap. J.-C.) découverte à El Aliya (T. Ghalia)
affleure, dans une zone qui se trouve extra muros par rapport au noyau urbain andalou. L’examen de la couche archéologique d’abandon a permis de constater l’existence d’un important lot de carreaux de terre cuite tardo-chrétiens et de fragments de mosaïques funéraires appartenant à un monument (église ou nécropole) de date tardive (vie siècle), dont la destruction pourrait coïncider avec l’installation de la communauté andalouse sur le site. Toutefois l’élément majeur de cette campagne archéologique est la découverte, à 1,20 m au dessous du sol actuel, d’un tapis de mosaïque. D’exécution soignée, cette mosaïque polychrome présente une iconographie riche d’ensei-
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gnements. La surface conservée est de 20 m2. Le tapis est régi par un quadrillage de bandes tressées accueillant des pseudo-emblemata, bordés tantôt par des grecques fractionnées, tantôt par des chevrons. Ils portent des images de victuailles (fruits, poissons et crustacés, volailles et gibier) (fig. 28-32) accompagnés d’un buste humain que l’on peut identifier comme une représentation du « Printemps ». Ces panneaux, dont vingt-huit sont conservés, enserrent un tableau central figuré très fragmentaire, où se reconnaît la figure d’une sphère habitée par un volatile et un félin et accostée par l’image d’un triton (fig. 33). La disposition des panneaux carrés en U conduit à identifier l’espace comme un triclinium appartenant vraisemblablement à une maison, dont la majeure partie se trouve sous la route et les bâtisses modernes attenantes (fig. 34). Ces images des présents d’hospitalité ou de dons offerts aux convives éternisent par la mosaïque de sol le faste des réceptions données par le maître des lieux10. Sur ce document d’El Aliya, ce thème des xenia est associé aux saisons et à l’image de l’univers selon un schéma iconographique très élaboré, qu’on retrouve sur nombre de documents étudiés notamment par J.-P. Darmon11. Dans ces compositions savantes, l’ordonnateur met en exergue la permanence des productions et des êtres liées aux saisons, dans un univers éternellement vivant et revivifié, comme cela est affirmé dans l’inscription du triclinium du palais supposé de Théodoric : svme quod avtvmnvs qvod
/
ver qvod brvma qvod estas
/
alternis reparant et
/
toto creantvr in orbe
« Prends ce que l’Automne, ce que le Printemps, ce que l’Hiver, ce que l’Été produisent tour à tour, et ce qui est créé dans tout l’univers12. »
Rappelons enfin que cette mosaïque complète le pavement découvert à la fin des années 60, dont la date proposée par les éditeurs du corpus d’Utique, soit le iiie siècle, est à rajeunir13. Cela s’impose à la fois en fonction du contexte archéologique tardif donné par la couche d’abandon et par référence aux parallèles appartenant à la production de Carthage des ive-ve siècles14. Pour cette chronologie, je ne manquerai pas d’effectuer des sondages pour la préciser
J.-P. Darmon, « En guise de conclusion : propositions pour une sémantique des xenia », dans Xenia, p. 109. 11 Ibid., p. 110-112. 12 F. Berti, Mosaici antichi in Italia, regione oltova, Ravenna, t. I, Rome, 1978, p. 170, n° 60, pl. XLIX, et l’analyse de Darmon, « En guise de conclusion », p. 108-109. 13 Ibid., p. 60 14 W. Ben Osman, « Mosaïques à xenia de Carthage », dans Xenia, p. 43-49, pl. IX-XI. 10
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davantage à l’occasion de la dépose tant de la partie de la mosaïque que je viens de présenter que celle du fragment recouvert par le trottoir. 3. Localisation d’Uzalis à El Aliya À la fin du xviie siècle, un prêtre espagnol, le père Francisco de Ximénez, administrateur d’un hôpital des esclaves à Tunis, visita El Aliya dans le cadre de son enquête, pour le compte du Roi d’Espagne, portant sur les groupes ethniques vivant dans le royaume de Tunis15. Il a pu lire une inscription latine mutilée remployée dans la construction d’un moulin à farine qui se trouvait à quelques mètres de la mosquée autour de laquelle s’est développé le village andalou16. Le texte, aujourd’hui disparu, semble attester le nom de la cité antique sur laquelle s’est développé le tissu urbain andalou. Il s’agit de Cotuza pour l’inventeur17, corrigé en Col(oniae) Uzal(itanae) sacrae successivement par le Père A. L. Delattre18 et Schmidt19. Cette correction a été jugée hypothétique par nombre de chercheurs20. Elle a permis toutefois d’envisager qu’il s’agisse de l’antique Uzalis, une des sept cités libres mentionnées par la loi agraire de 111 av. J.-C.21 et attestée dans un texte de saint Augustin22. Récemment une base inscrite (fig. 35) sur ses quatre côtés a été découverte dans un petit champ agricole se trouvant dans la partie basse de la ville actuelle non loin de la voie menant à la localité de Metline23. Le texte analysé par M. Beschaouch porte indubitablement à la première ligne COL VZ[ ] et permet de localiser avec certitude Uzalis à El Aliya24. Il résout définitivement le pro-
F. Ximénez, Colonia Trinidad de Tùnez, éd. I Bauer Landauer, Tetouéan, 1934. Le monument a malheureusement disparu il y a une trentaine d’années. À son emplacement se trouve actuellement une demeure moderne. 17 Ximénez cité par M. Epalza, « Nouveaux documents sur les Andalous de Tunisie au début du xviie siècle », dans Études sur les morisques andalous, p. 79. 18 A. L. Delattre, dans CRAI, 1888, p. 22. 19 CIL VIII, 14931. 20 Notamment Maurin - Peyras, « Vzalitana », p. 45-46. 21 C. Lepelley, Les cités de l’Afrique romaine au Bas-Empire, t. II, Paris, 1979, p. 246-247 ; Pline, Hist. nat., t. V, éd. J. Desanges, Paris, 1980, p. 300. 22 Augustin, Ciu. XXVII, 8, 22 : Vzali etiam quae colonia Vticae uicina est. 23 La découverte date d’août 1997. Elle m’a été signalée par l’A.S.M. d’El Aliya. 24 Séance du CTHS du 15 mars 1999 sur El Aliya-Uzalis. Le texte mentionne la col(onia) Vz[alis] et, semble-t-il, un cur(ator) … ciuis patronus, cf. A. Beschaouch, « Sur la fixation à El-Alia, non loin d’Utique, de l’emplacement d’Uzalis, cité d’accueil des premières reliques, en Occident, du proto martyr saint Étienne », dans CRAI, 2001, p. 1225-1532 (AE, 2001, 2078). 15 16
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blème d’identification du toponyme du site, qui a fait couler beaucoup d’encre depuis le siècle dernier et jusqu’à une date récente25. Cette cité était particulièrement importante à la fin de l’Antiquité à en croire les sources et semble avoir supplanté Utique en tant que métropole régionale tant sur le plan économique que religieux26. Elle était le lieu où fut élevée la memoria consacrée aux reliques du protomartyr saint Étienne, dont l’impact a été considérable pour la propagation de la Foi. Car ce lieu saint où s’opérèrent une série de miracles était l’objet de dévotion et de ferveur de la part des communautés chrétiennes d’Uzalis27 et des cités voisines, dont certaines n’ont pas encore été localisées par l’épigraphie28. 4. Approche et valorisation du site d’El Aliya-Uzalis Par ailleurs, dans un but de mise en valeur et de valorisation, l’I.N.P. a pu conserver in situ l’ensemble musival que je viens d’analyser (fig. 32-33). Il a réussi à l’intégrer dans le projet de la municipalité et à le réaliser avec le concours de l’Agence de la mise en valeur du Patrimoine et de la promotion culturelle. La création d’un musée de plein air au centre ville, tout de suite après l’achèvement des fouilles29, grâce au dévouement de l’architecte de l’I.N.P. et de son équipe30, a donc constitué un facteur de réconciliation pour les habitants d’El Aliya avec le patrimoine de leur cité et le point de départ d’une coopération fructueuse entre l’I.N.P., la commune et l’Association de sauvegarde de la médina récemment créée31. Du reste, c’est grâce à cette O.N.G. que plusieurs éléments antiques qui se trouvaient dans les maisons et propriétés des particuliers d’El Aliya ont pu être sauvegardés et inventoriés. Je cite notamment des éléments d’entablement et une statue de la déesse Fortuna ou de la Tyché de la ville32.
25 En dernier lieu, N. Ferchiou, « Recherches sur la toponymie de la basse Vallée de la Medjerda (région d’Utique-Bizerte) », Africa, 13 (1995), p. 89-90. 26 Utique, dont la baie a été comblée à la fin de l’Antiquité à la suite du changement du lit du fleuve Mejerda (Bagrada) : F. Chelbi, R. Paskoff, P. Trousset, « La baie d’Utique et son évolution depuis l’Antiquité : une évaluation géoarchéologique », AntAfr, 31 (1995), p. 7-51. 27 V. Saxer, Morts, martyrs, reliques, p. 246-254 28 II s’agit de Phisi qui pourrait être localisé à Bechateur (feuille de Bizerte au 1/50000) : S. Lancel, Actes de la conférence de Carthage en 411, IV (SC, 373), p. 1145-1147. Quant à Membrone, elle est localisée à Sidi Ahed Boufarès où fut identifié un baptistère attenant à une basilique (travaux de recherche personnelle en cours). Pour le site, F. Chelbi, « Prospection archéologique dans la région de Bizerte », REPPAL, 3 (1987), p. 78-79. 29 La clôture des travaux date de mars 1995. 30 Mme H. Sakka, concepteur du projet de couverture des mosaïques. 31 Cette O.N.G. est particulièrement active dans les interventions opérées par l’I.N.P. sur les monuments islamiques de la ville. 32 L’œuvre en marbre serait datable entre le iie et le iiie siècle ap. J.-C.
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Situation géographique d’Uzalis
Il est opportun de souligner l’importance de ces découvertes pour une première approche du patrimoine de cette cité antique qu’on croyait perdu à jamais, sous le poids de l’extension urbaine galopante. Elles augurent, je l’espère, la conduite de prochains travaux d’investigations susceptibles de nous éclairer sur les phases d’occupation d’Uzalis depuis l’époque pré-romaine, et d’en préciser la topographie33.
Surtout dans la ville basse d’El Aliya où les traces de la ville romaine peuvent être identifiées.
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Chapitre II
Les monuments du culte d’Étienne à Uzalis Yvette Duval Les livres des miracles sont, parmi les écrits de la littérature hagiographique, les plus riches en notations topographiques, ce qui se conçoit aisément puisqu’ils évoquent les cheminements des pèlerins – futurs miraculés – vers les lieux où opère la uirtus du saint. C’est ainsi que les deux livres des miracles de saint Étienne permettent de situer les édifices successifs d’Uzalis où fut transportée et déposée la relique du protomartyr, et de tracer ainsi la topographie chrétienne de la ville et de ses environs au début du ve siècle. Et surtout, ils évoquent avec une précision unique, à travers les gestes et attitudes des pèlerins, l’organisation matérielle de la memoria édifiée dans la cathédrale urbaine pour abriter la précieuse relique. Mais le récit mentionne aussi au passage quelques lieux publics civils : dans la petite ville même, la prison et les thermes publics où Étienne se manifeste pour délivrer les prisonniers de leurs chaînes (I, 9 et 10), le marché (II, 4), mais aussi, à propos de l’aide apportée par le saint à un trésorier de Carthage, le forum et la salle d’audience du proconsul au tribunal de la capitale (II, 5). Cependant, le pouvoir du protomartyr se manifeste plus souvent dans les édifices privés, dans les maisons ou sur les lieux de travail des bénéficiaires, tant à Uzalis même (I, 3 ; 4 ; 6 ; 14 : guérisons de malades ou réveil des morts dans leurs chambres ; II, 3 : régénération du vin gâté dans la cave) que dans les autres villes d’où les pèlerins viennent invoquer l’aide d’Étienne en faveur d’un des leurs (le paralysé d’Utique I, 12 ; la double infirme de Carthage II, 2). Néanmoins on doit noter que tous les miracles proprement dits, qu’ils se produisent auprès du reliquaire ou à distance, ne surviennent qu’après l’entrée Augustin mentionne à plusieurs reprises la relique d’Uzalis et les miracles auprès de la memoria d’Étienne, mais sans la décrire (surtout dans Civ. XXII, 8, 22 ; cf. Y. Duval, Loca sanctorum, p. 624-626). Voir infra sur la memoria mentionnée pour la première fois dans le De miraculis I, 5. Si elle n’est pas incluse dans la cathédrale, du moins est-elle située auprès de l’édifice et en relation avec lui, ouverte sur son espace.
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des restes d’Étienne dans la ville même d’Uzalis : en effet, c’est seulement à partir du moment où la sainte relique a trouvé sa place définitive dans l’église urbaine (I, 3) que s’opèrent ses bienfaits visibles par tous. Au contraire, auparavant, tant que la relique du martyr est déposée hors de la ville, dans un sanctuaire martyrial du suburbium, elle ne suscite pas de miracles nés du contact avec elle (I, 2 et 4) : le saint ne se manifeste alors aux fidèles que par des visions et des apparitions individuelles, souvent en songe. Cette gradation dans l’introduction du culte du protomartyr à Uzalis et de ses miracles semble connaître une exception, mais qui n’est qu’apparente : en effet, tandis que sa relique est encore hors les murs, le saint guérit dans sa maison un barbier uzalien qui s’était cassé le pied (I, 4). Mais le miraculé entreprend alors à pied le trajet depuis le sanctuaire suburbain jusqu’à l’église urbaine pour y glorifier Dieu, mais aussi « son ami », nom qui désigne le protomartyr dont pourtant les restes ne sont pas encore déposés dans l’ecclesia : ainsi le cheminement du barbier préfigure en fait le transfert d’Étienne dans la ville ; et d’ailleurs ce récit représente, dans le recueil De miraculis, un retour en arrière car les deux récits précédents, I, 2 et 3, évoquaient déjà le transport de la relique et son entrée dans la basilique urbaine. 1. Les édifices secondaires a. Le sanctuaire suburbain de Félix et Gennadius Le De miraculis évoque à l’occasion de deux récits (I, 2 et 4) ce lieu de culte aux environs d’Uzalis. Le sanctuaire qui abrite d’abord (provisoirement, voir plus bas) la relique d’Étienne est situé in suburbio ciuitatis (I, 2, 3-4) ; c’est une église de campagne (in agro, I, 2, 18) qui semble assez distante de la ville puisque le trajet est décrit comme représentant une épreuve pour ceux qui s’y rendent comme le barbier guéri du pied (propter itineris longitudinem, I, 4, 36). D’autre part, elle est reliée à Uzalis par deux voies possibles qui sont mention Contrairement aux apparitions et visions réservées au seul fidèle visité par le saint (I, 1 ; 2 et 4). Le miracle quant à lui s’opère par contact avec la relique, au premier degré quand le miraculé se déplace, au second degré quand un proche lui apporte sur son lieu de souffrances (sa maison, dans sa ville) une relique obtenue en touchant le reliquaire ; cependant, dans la plupart de ces cas, le miraculé se rend ensuite en personne auprès du saint. À noter d’autre part que l’invocation fervente du nom du saint suffit à faire tomber les chaînes des prisonniers (I, 9 et 10). J’y reviens plus loin, mais sur ce problème des différents modes d’intercession du saint à travers ses reliques, je renvoie surtout à Y. Duval, « Les Saints protecteurs ici-bas et dans l’au-delà. L’intercession dans l’Antiquité classique », dans L’intercession du Moyen Âge à l’époque moderne. Autour d’une pratique sociale, éd. J.-M. Moeglin, Paris, EPHE, 2004, p. 17-39. C’est en effet seulement après le pèlerinage du barbier, portant son fils sur ses épaules, du suburbium vers l’ecclesia, que les reliques furent déposées en ville (Post haec, reliquis sanctis in ecclesia ... collocatis, I, 4, 40-41).
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nées lors de la vision d’une uirgo sacra (I, 2, 5-6) : il existe une route directe, mais c’est un chemin détourné et sinueux (uia deuia et flexuosa), sans doute plus difficile, qu’empruntent aussi bien les pèlerins (en songe pour la vierge, I, 2, 4-6 ; en vrai pour le barbier, I, 4, 36) que le cortège qui par la suite rapporte la relique du protomartyr dans la ville (per illam uero uiam quae puellae monstrata est, I, 2, 23-24). Or dans cette dernière circonstance particulièrement solennelle, le choix du chemin sinueux ne laisse pas de surprendre car, dans la procession qui accompagne les saints restes, la foule est nombreuse (cum immensae multitudinis choris, I, 2, 22-23) autour de l’évêque assis dans une voiture. On comprend mal en particulier que le uehiculum n’ait pas emprunté la route habituelle plus aisée (uia qua de ciuitate pergi adsolet compendio, I, 2, 5), sauf à admettre que le saint apparu à une vierge (I, 2, 3-12) ait voulu, en indiquant la route à emprunter, imposer aux fidèles une épreuve en accroissant la difficulté du trajet. Dans ce sanctuaire près d’Uzalis, la relique d’Étienne avait rejoint dans un premier temps celles des saints Félix et Gennadius ; ces derniers représentent certainement un couple de martyrs locaux, qui sont fêtés ensemble le 16 mai. L’édifice marquait sinon leurs tombes, du moins le lieu de leur passion commune où furent recueillies leurs reliques dont le De miraculis précise qu’elles étaient déposées là depuis longtemps (locum antiquorum martyrum, I, 2, 3) : en effet, les deux martyrs sont probablement des victimes de la persécution de Dioclétien. Ainsi, la relique du protomartyr fraîchement arrivée est abritée dans ce sanctuaire de campagne où les deux saints du lieu sont honorés depuis au moins un siècle : la mention de cette antériorité est sans doute destinée à exprimer que le séjour d’Étienne comme hôte des occupants précédents du sanctuaire ne saurait être que transitoire, qu’il s’agit d’une solution provisoire pour faire face à la présence inattendue et imprévisible des insignes reliques. Aussi la nécessité s’impose-t-elle rapidement à l’évêque et aux fidèles de les transférer vers le lieu le plus prestigieux de la ville – la cathédrale –, et dans une memoria digne du protomartyr et qui soit réservée à ses seuls restes (I, 7, 24-27). b. L’église du Promontoire Mais avant d’aborder la description de cet écrin destiné à Étienne où s’opèrent les plus grands miracles de guérisons, on peut évoquer rapidement les Acta Sanctorum, mai, III, 572. Gennadius n’est pas connu par d’autres sources et, vu le contexte, le Félix d’Uzalis appartient à un couple local. Sur le voyage d’Orose apportant en Occident les reliques d’Étienne découvertes en 415, voir Y. Duval, Loca sanctorum, et en dernier lieu, V. Gauge, « Les routes d’Orose ».
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autres lieux de culte uzaliens auxquels le livre des miracles fait quelques allusions, parfois peu claires d’ailleurs. D’une part, au chapitre 7 du premier livre est évoquée une « église du Promontoire » – dont le toponyme désigne l’emplacement – parce que l’évêque projetait d’y placer une partie des reliques prises dans l’ecclesia de la ville (uenerabilis episcopus noster de eiusdem sancti reliquiis aliquam partem disposuerat transferre et in Promontoriensi ecclesia collocare, I, 7, 3-4) ; mais une foule immense d’Uzaliens s’oppose à ce projet en se portant à grand tumulte à la cathédrale pour empêcher cette division des restes d’Étienne. On sait seulement qu’un uehiculum avait été préparé la veille pour le transfert, signe sans doute que l’église du Promontoire se situait à une certaine distance de l’ecclesia, sans doute hors de la ville : en effet, on verra plus loin que les reliques déposées dans le monastère proche de l’ecclesia sont transportées dans la memoria par l’évêque à pied. Et d’ailleurs les Uzaliens font promettre à ce dernier qu’il n’enlèverait rien des reliques à la cité (nihil se reliquiarum de ciuitate ablaturum esse, I, 7, 24), signe que le Promontoire se situe bien hors de la ville proprement dite. D’autre part, au chapitre suivant, une phrase – qui dans le déroulement des premiers chapitres apparaît obscure – rapporte que le même jour, la partie des reliques contenue dans l’habitaculum monasterii fut transportée par l’évêque dans l’ecclesia (Sane eodem quo agebantur die, cum pars ipsa reliquiarum de monasterii habitaculo prolata ... manibus sacerdotis ad ecclesiam portaretur ..., I, 8, 3-6). Or il n’avait pas été question jusque-là de la présence de reliques ailleurs que dans la memoria. Cependant cette mention éclaire la demande des fidèles au chapitre précédent : en effet, en même temps qu’il renonce au transfert dans l’église du Promontoire, l’évêque s’engage à réunir en un seul et même lieu toutes les reliques d’Étienne et à en déposer « l’autre partie » dans la memoria de l’ecclesia (simulque reliquiae in unum congregarentur, in eodem memoriae loco ubi iam pars fuerat reliquiarum primitus collocata, ibi et alia pars similiter reponeretur, I, 7, 25-27). Le prélat s’exécute le jour même en transférant cette autre partie des restes saints déposés (indûment, aux yeux des Uzaliens) dans le monastère. c. Le monastère épiscopal Jusqu’à la fin du chapitre 7, le De miraculis ne fait aucune mention de cette partition des reliques, qui, d’après le chapitre 2, étaient toutes passées d’en Le Promontoire est le nom d’un lieu-dit sans doute proche de la ville, comme le lieu appelé Memblone où apparemment vivait un certain Semno, sous-diacre de l’église d’Uzalis (II, 4, 44-48). Un miracle de guérison d’un aveugle se produisit pendant le transfert.
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semble du sanctuaire de Félix et Gennadius à la cathédrale. D’autre part, la précision (d’ailleurs fallacieuse) in eodem memoriae loco ubi iam pars fuerat reliquiarum primitus collocata (I, 7, 26-27) semble prouver, d’après le contexte de la phrase, que le dépôt au monastère a suivi la construction de la memoria ; ce récit atteste aussi que la tentative de partition des restes saints pour fournir en reliques l’église du Promontoire avait donc eu un précédent. Or de ce monastère d’Uzalis, il est à nouveau question au tout dernier chapitre du traité : un certain Florentius, trésorier-payeur à Carthage, lavé par l’intercession d’Étienne d’une accusation infamante qui pouvait lui valoir la peine de mort, partit seul pour Uzalis afin de rendre grâces à Dieu et à « l’ami de Dieu » (II, 5, 86) ; il se présenta d’abord devant la memoria (beati martyris limina humili pietate ingressus et pauimento substratus, II, 5, 99-100), puis il entra dans le monastère où il fut accueilli par l’évêque et le chœur des moines auxquels il rapporte l’intervention miraculeuse d’Étienne (monasteria quoque ingressus uenerabili episcopo simulque seruorum Dei ad se concurrenti choro omnia haec enarrauit, II, 5, 101-102). À la lumière de ce récit, il est clair que le monastère d’Uzalis est lié à la cathédrale puisque le pèlerin passe d’un édifice à l’autre et qu’il est accueilli dans le second par l’évêque lui-même ; il s’agit d’un monastère épiscopal comme ceux créés à l’instigation d’Augustin pour permettre à l’évêque d’y poursuivre sa vie d’ascète et surtout pour y préparer et former les cadres nécessaires au clergé africain10. Ce lien avec l’évêque explique que l’Uzalien (Evodius lui-même, sans doute) se soit autorisé à prélever dans la memoria une part de la relique pour l’autel de l’oratoire de son monastère tout proche. Je rappelle d’ailleurs que le retour à la memoria de la dite relique – tel qu’il est décrit en I, 8, 3-7 – se fait dans les mains de l’évêque, mais à pied puisqu’il n’est pas fait mention d’un uehiculum comme celui utilisé d’abord pour le transfert depuis le sanctuaire de Félix et Gennadius et ensuite celui préparé pour le voyage vers l’église du Promontoire (voir ci-dessus) : monastère et cathédrale sont donc tout proches à Uzalis, sans doute liés. 2. La cathédrale d’Uzalis et ses aménagements Dans un premier temps, les reliques du protomartyr rapportées du sanctuaire suburbain de Félix et Gennadius furent déposées dans l’ecclesia (sur la Je reviens plus bas sur la déposition en deux temps des reliques dans l’ecclesia, d’abord sur la cathèdre, puis dans la memoria. Puisque les reliques furent déposées d’abord (primitus) non dans la basilique, mais dans le sanctuaire suburbain de Félix et Gennadius. 10 Voir Y. Duval, dans Histoire du Christianisme, t. II, Naissance d’une chrétienté, dir. C. et L. Pietri, 1995, p. 799sq. (surtout p. 801 et 806-807 pour le monastère épiscopal créé par Augustin à Hippone et pour ceux d’Alypius à Thagaste et d’Evodius à Uzalis).
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cathèdre, voir infra), en attendant l’aménagement d’une memoria érigée sans doute dans l’église même, ou au moins en relation étroite avec elle puisque les pèlerinages et miracles évoquent en même temps l’un et l’autre édifices. Aussi le recueil livre-t-il certains détails éclairants sur l’organisation des espaces dans la cathédrale d’Uzalis. Le nom et l’histoire de l’édifice nous sont livrés dans la conclusion du récit du transfert avorté d’une partie des reliques vers l’église du Promontoire (voir plus haut, à propos de cette église). Comme bien des cathédrales africaines au cours des affrontements du ive siècle, la basilique avait été usurpée par la faction des Donatistes, puis elle fut ensuite rendue à l’Église de l’Unité, celle des Catholiques auxquels elle appartient au moment du miracle ; d’où, conclut le récit, son nom, Restituta (in ecclesia hoc agebatur quae primitus a Donatistarum diuisione usurpata, postea in hodiernum unitati catholicae est restituta. Vnde etiam uocabulum sumpsit ut ecclesia Restituta appellari meruerit, I, 7, 31-34)11. De l’édifice lui-même, le De miraculis évoque ou décrit quelques éléments liturgiques essentiels, dont la chaire épiscopale située dans une abside surélevée et un pupitre haut d’où se font les lectures. a. Le pulpitum et la cathèdre dans l’abside D’abord dans la vision de la vierge (I, 2) qui préfigure le transfert des reliques d’Étienne, et ensuite dès l’arrivée effective des restes saints en ville, le récit mentionne un pulpitum, sur lequel le lecteur12 est hissé pour être entendu de toute la foule : du jeune homme représentant le protomartyr, il est dit (I, 2, 10) supra pulpitum eleuassent, et plus loin (I, 2, 34-35), puella confessorem illum in pulpitum leuatum fuisse conspexerat ; puis, à propos de l’epistola envoyée par Sévère de Minorque (I, 2, 40-41), de pulpito in auribus Ecclesiae cum ingenti fauore recitata est. Or un emplacement réservé au lecteur est attesté dans les églises africaines au moins dès le milieu du iiie siècle : ainsi par exemple, dans la lettre adressée à son clergé et à son peuple pour justifier la nomination du confesseur Celerinus comme lecteur, Cyprien évoque les lectures quotidiennes13 faites par
Cependant cette étymologie du nom (qui est aussi celui de l’église primatiale de Carthage) n’est pas totalement assurée, même si elle permet d’introduire ici la mention de la victoire de l’Unité sur les schismatiques qui avaient dominé la ville puisqu’ils occupaient la basilique : voir Y. Duval, Loca sanctorum, p. 685, à propos de la Basilica Restituta de Carthage. 12 Il s’agit de la vision d’abord du saint lui-même apparu à la vierge sous la forme d’un jeune homme, puis d’un lecteur qui lit la lettre de Sévère de Minorque rapportant la conversion des Juifs de l’île grâce à l’intervention d’Étienne. Autre mention du pupitre à propos de la lecture des miracles d’Étienne : II, 1, 6, de pulpito recitarentur. 13 Ep. 39, 4, 1 : Vox Dominum confessa in his cottidie quae Dominus locutus est audiatur. Voir à propos du pulpitum, Y. Duval, Chrétiens d’Afrique à l’aube de la paix constantinienne. Les premiers échos de la grande persécution, Paris, 2000 (Ét. Aug.), surtout p. 298-299 et 393-395. 11
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ce clerc hissé en un lieu visible de tout le peuple14. Or cette lettre ne décrit pas un meuble, mais un emplacement dans l’église sur lequel le lecteur prend place (super pulpitum), il s’agit d’un espace surélevé, d’une estrade15. Toutefois, chez Cyprien comme dans le De miraculis, le mot semble désigner certes une plateforme haute dans l’église sur laquelle le lecteur prend place, mais aussi sans doute le meuble qui à cet endroit supporte le livre. D’ailleurs le mot pulpitum prend clairement ce sens de meuble dans un des nouveaux sermons d’Augustin daté de la première décennie du ve siècle (s. Dolbeau 2 = Mayence 5, De obœdientia 23) : ses auditeurs, dans l’église de Carthage où l’évêque d’Hippone prêchait la veille, lui avaient demandé de transporter plus près d’eux son « pupitre » car ils ne pouvaient l’entendre (pulpitum de loco ad locum transferre). Ainsi, plutôt qu’une estrade fixe, la phrase évoque ici soit une table soit un lutrin16. Au demeurant, dans le De miraculis, les verbes eleuassent et leuatum fuisse (I, 2, 10 et 35, cités plus haut) attestent que ce pupitre ou lutrin était placé en élévation dans l’église. Le recueil montre que, comme dans la plupart des églises africaines connues par l’archéologie, l’abside de la basilique d’Uzalis était surélevée et on y accédait en montant quelques marches : le premier miracle accompli par Étienne dans la ville17 fut celui de la femme aveugle qui avait recouvré la vue en appliquant sur ses yeux le voile couvrant les reliques déposées sur la cathèdre (I, 3, 14-16, voir plus loin) ; aussi, quand par la suite le lecteur lisait au pulpitum le récit de sa guérison, on exhibait la miraculée qui montait seule les degrés de l’abside pour être vue de toute l’assemblée (ipsa per se etiam gradus absidae conscendens, uniuersis eminus conspicienda adstabat, II, 1, 21-22). Il apparaît d’ailleurs que le tribunal ecclesiae dans la lettre de Cyprien citée plus haut (Ep. 39, 4, 1) semble devoir s’entendre comme l’abside de l’église, ce qui dans ce cas situerait le lutrin dans cet endroit surélevé de l’édifice ; une telle organisation expliquerait Ep. 39, 4, 1 : quid aliud quam super pulpitum id est super tribunal ecclesiae oportebat imponi ut loci altioris celsitate subnixus et plebi universae ... conspicuus, etc. Voir aussi la métaphore, Ep. 39, 5, 2 : oportebat lucernam super candelabrum poni unde omnibus luceat, et gloriosos vultus in loco altiore constitui, etc. Cf. de même Ep. 38, à propos d’Aurelius, un autre lecteur nommé comme Celerinus après avoir été confesseur. 15 Ce n’est pas ici le lieu de commenter plus longuement ces allusions de Cyprien. Je renvoie à l’article détaillé de N. Duval, « Commentaire topographique et archéologique de sept dossiers des nouveaux sermons », dans Augustin prédicateur (395-411) : actes du colloque international de Chantilly (5-7 septembre 1996), éd. G. Madec, Paris, Ét. Aug., 1998 (Collection des Études Augustiniennes. Série Antiquité, 159), 1998, p. 171-214 : les lettres de Cyprien et le problème du pulpitum sont étudiés dans le troisième de ces dossiers, « Le pulpitum d’Augustin à Carthage et le problème de l’ambon en Afrique » (p. 179-190). 16 Il s’agit de toute façon d’un meuble « léger et facilement transportable », comme le souligne N. Duval, « Commentaire topographique », p. 183. 17 Cf. I, 3, 42-43 : primum notissimumque apud nos in adventu sanctarum reliquiarum opus, et II, 1, 17 : primitus. 14
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d’autre part l’allusion d’Augustin (citée plus haut) auquel ses auditeurs demandaient de s’avancer de l’abside dans la nef pour se rapprocher du peuple. Au demeurant, le meuble essentiel de l’abside est la chaire épiscopale qui manifeste le pouvoir de l’évêque18. Il n’est pas inutile de rappeler à ce sujet les longs débats de Cyprien avec Rome à propos de ce que représente la cathedra Petri : le Carthaginois soutient qu’elle est la source des pouvoirs de tous les évêques et ne confère aucun primat d’honneur ni de pouvoir supérieur à celui de Rome, et que dans chaque édifice de culte, elle symbolise à la fois l’autorité épiscopale et l’unité de l’Église19. Or la cathèdre d’Uzalis reçoit les reliques d’Étienne en attendant la construction de la memoria consacrée au protomartyr. Cette utilisation de la chaire épiscopale est à rapprocher d’un certain nombre de représentations iconographiques ou de mentions textuelles dans lesquelles un trône (souvent une chaire voilée, cathedra uelata, voir infra) accueille non un reliquaire, mais les Écritures20 : de telles scènes qui unissent le Livre saint et le trône épiscopal sont certes purement symboliques, elles figurent l’enseignement ou la prééminence de la loi divine. Cependant, dans les Actes de la purgatio de Félix d’Abthugni, l’accusateur de l’évêque, Ingentius, évoque sans risquer d’être démenti la présence réelle, lors de la grande persécution, de livres dans la cathèdre de sa ville21. D’autre part, un détail des Actes de Gallonius ; et des martyrs de Thimida Regia pourrait évoquer, à la même date, le même type d’organisation que celui dépeint par Ingentius : sommé par le proconsul Anullinus d’indiquer où sont les écritures abominables pour qu’elles soient brûlées (§ 12), Gallonius répond par deux fois qu’il les a cachées là où personne ne le sait, sauf lui, puis il ajoute qu’il ne peut pas les produire car il les a envoyées dans les cieux (In secreto loco eas habeo, id est in caelis illas praemisi, § 28). On peut penser que les cieux évoquent sans le nommer un endroit (ou un meuble) saint entre tous où les livres sont en lieu sûr et, bien que l’image du Ciel semblerait renvoyer plutôt à l’autel, on doit aussi envisager que l’allusion puisse désigner la chaire épiscopale, en rapprochant le lieu saint évoqué par Gallonius de la situation des livres à Abthugni.
Ainsi chez Cyprien et dans les sources grecques de la même époque où elle prend le nom prestigieux de thronos : Eusèbe de Césarée (H. E. I, 7, 30) désigne la cathèdre de Paul de Samosathe (dans les années 270) comme un thronos upsèlos, trône très élevé. 19 Voir surtout De unitate 4 et 6. Cf. sur ce que représente la chaire, l’article de V. Saxer, « Cattedra », dans Dizionario patristico, 1983, col. 633-636 (avec la bibliographie). 20 Sur ces scènes symboliques, voir H. Leclercq, « Chaire épiscopale », dans DACL, col. 40, et aussi « Étimasie », surtout col. 672-673. 21 Cf. Y. Duval, Chrétiens d’Afrique, chap. 6 et p. 387-388. Pour les Actes de Gallonius publiés par P. Chiesa, voir AB 114 (1996) p. 241-268. 18
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Pour en revenir au cas d’Uzalis, la même symbolique de la cathèdre investie de sainteté – en dehors de son rôle utilitaire de siège pour l’évêque – peut expliquer que celle de la basilique, et non l’autel, ait été choisie pour recevoir provisoirement les reliques du protomartyr. D’ailleurs, la cathedra apparaît aussi en tant qu’image du trône divin sur certains sarcophages du ive siècle, où Dieu lui-même est représenté trônant sur une chaise à dossier, parfois en vannerie, mais drapée (cathedra uelata) et dotée d’un suppedaneum sur lequel reposent les pieds : ainsi par exemple sur le sarcophage de Rome dit « dogmatique » et sur celui d’Arles trouvé à Trinquetaille en 197422. L’utilisation de la chaire d’Uzalis pour accueillir les reliques prestigieuses du protomartyr atteste une fois de plus que ce meuble, certes de pouvoir et d’apparat, est aussi un lieu saint, au même titre que l’autel où sont ensuite déposés les restes d’Étienne. Or ces restes saints opèrent un premier miracle, tandis qu’ils sont placés sur la « chaire voilée » (in loco absidae super cathedram uelatam essent reliquiae constitutae, I, 3, 4-5)23 : le contact sur les yeux d’une aveugle du voile qui recouvre cathèdre et reliques commence à rendre à la femme la vue (I, 3, 14-17) ; mais la miraculée ne guérit totalement de sa cécité qu’après une nuit de prières et surtout d’invocation du nom du glorieux martyr24. Cette guérison relatée en I, 3 est le seul miracle clairement situé dans la période transitoire, avant que les reliques ne rejoignent leur séjour définitif, la memoria où s’opèrent tous les autres miracles rapportés dans la suite du recueil25. b. La memoria d’Étienne Ce lieu où s’exerce de manière éclatante la uirtus du saint est décrit avec des détails précis, particulièrement évocateurs d’installations que l’archéologie 22 Cf. pour le sarcophage de Rome, J. Wilpert, I sarcophagi christiani antiqui, t. II, 1930, p. 241-243 et pl. 152-154 ; et pour celui d’Arles, J. M. Rouquette, dans CRAI, 1974, p. 254-277, et Y. Christe, dans Journal des savants, 1975, p. 76-80. Les sources qui évoquent et illustrent cette équivalence symbolique du trône divin et de la cathèdre sont à la fois nombreuses et très anciennes dans les textes : je renvoie au regroupement commode de ces sources dans Leclercq, « Chaire épiscopale », dans DACL, surtout col. 38-40. 23 Sur les mentions de la cathedra velata ou lineata, où le voile est réservé au siège de l’évêque, voir les nombreuses occurrences regroupées par H. Leclercq (DACL, ibid.) dont plusieurs présentent l’intérêt de dater d’avant la paix de l’Église. Cf. aussi supra les représentations du trône divin sur les sarcophages du ive siècle. 24 I, 3, 14-24. Le miracle s’accomplit à la fois par la relique de contact que constitue la palla de la chaire voilée et par l’invocation du saint nom. Sur ces différents modes et moyens de susciter l’intercession des saints, voir Y. Duval, « Les Saints protecteurs ». 25 Quant à la guérison de l’homme qui s’était cassé le pied, relatée au chapitre suivant (I, 4), elle représente un retour en arrière par rapport à l’entrée des reliques dans la ville puisque le miraculé en rend grâces au sanctuaire suburbain « des martyrs » (I, 4, 35) avant de revenir prier dans la basilique urbaine, préfigurant ainsi le transfert prochain des reliques d’Étienne vers la cathédrale (I, 4, 38-43) : voir ci-dessus, à propos du sanctuaire de Félix et Gennadius.
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permet d’illustrer. L’édifice réservé à la relique est mentionné dès le chapitre 5 sous le nom de memoria : le mot désigne ici sans ambages une construction destinée à abriter la relique pour l’exposer au culte ; mais on sait que le terme peut s’appliquer entre autres à la fois à la relique elle-même et à toute forme de monument – du reliquaire à la chapelle-martyrium – consacré au souvenir du saint26. La memoria du protomartyr à Uzalis représente un édicule (dont nous verrons plus loin les caractéristiques) construit soit à l’intérieur de la basilique, soit au moins en relation étroite avec cette dernière comme le précise le récit, à l’occasion de certains miracles relatés à partir du chapitre 6 du livre I. Ainsi, par exemple, la foule qui veut empêcher le transfert d’une partie des reliques à l’église du Promontoire se porte vers l’ecclesia d’où l’évêque devait partir et qui est la Restituta, la cathédrale de la ville (I, 7, 18-21 et 28-34) ; il est dit de même que les reliques du monastère qui doivent rejoindre celles déposées dans la memoria sont transférées ad ecclesiam (I, 7, 25-26 et I, 8, 3-6) ; enfin la foule des Uzaliens qui fuit le dragon apparu le jour du marché se réfugie ad gremium ecclesiae matris et là, se prosterne devant la memoria du saint (II, 4, 32-34). Il est clair que le monument abritant la relique fait partie de la basilique urbaine et les pèlerins se rendent à l’ecclesia de la ville et y entrent pour invoquer et obtenir l’aide du saint par l’action de sa relique. D’après la description qui est faite des mouvements des miraculés pour atteindre le « lieu des saintes reliques » (in sacratarum reliquiarum loco, II, 2, 54), d’après l’évocation des sols qui environnent ce « lieu » et des gestes de certains pèlerins pour entrer en contact direct avec les restes saints, il appert que le nom de memoria est ici donné à un édicule surélevé, entouré d’une mosaïque et doté à la fois de petites portes ouvrant sur le reliquaire proprement dit et d’une fenestella, claire voie à travers laquelle on peut voir et même toucher la relique dans son loculus. En effet, le paralytique d’Hippo Zaritus, après être resté couché pendant vingt jours à même la mosaïque auprès de la memoria, reçoit en songe l’ordre de « monter » à celle-ci, ut ad locum memoriae suis pedibus ascenderet (I, 11, 12) ; la relique est donc déposée en hauteur, sur un édicule entouré d’un pavement sur lequel se prosterne aussi le dispensator pecuniae publicae de Carthage, libéré des dangers de son procès (beati martyris limina humili pietate ingressus et pauimento substratus, II, 5, 99-100). Ce « seuil du Ce souvenir est concrétisé ici par la relique, mais il peut être lié au lieu de la passion, sans déposition de relique. Sur ce problème riche et complexe des sens de memoria, je renvoie à Y. Duval, Loca sanctorum, passim et surtout p. 753-755, et aussi à mon compte rendu de Saxer, Morts, martyrs, reliques, dans Bonner Jahrbücher 183 (1983) p. 833-846 (p. 838). Ce lien du monument avec le souvenir du martyr conduit souvent à traduire memoria par mémorial ; cependant, à cause de la connotation de « monument aux morts » que ce terme a acquise dans le monde contemporain – et qui ne correspond en rien au culte rendu aux saints en souvenir de leur passage sur cette terre –, je choisis de garder le mot latin. 26
chapitre ii - les monuments du culte d’étienne à Uzalis
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martyr » est également évoqué par deux fois lors des pèlerinages à Uzalis, depuis Carthage, de Vitula et sa fille Megetia : ante limina gloriosi martyris prostrata (II, 2, 59) et ante sacrata ipsius limina prostratae (II, 2, 159). On peut comprendre qu’il s’agit du seuil de la basilique elle-même qui contient la memoria, mais il est aussi possible que l’édicule contenant le reliquaire ait été placé dans une salle ou une exèdre ouvrant sur la Restituta, une sorte de « chapelle » latérale comme on en connaît en Afrique à la même époque : on songe par exemple, dans la grande basilique de pèlerinage de Tebessa, à la chapelle triconque ouverte sur le collatéral droit dont la première inscription martyriale, sans doute en l’honneur de Crispine et de ses compagnons, remonterait au ive siècle27. Dans cette hypothèse, le nom de memoria pourrait s’appliquer à l’ensemble de l’espace, à une salle, et non au seul édicule abritant la relique dans sa partie haute (voir supra). Quoi qu’il en soit, le reliquaire lui-même, bien que surélevé dans la memoria, reste visible par des ouvertures. Ainsi, l’infirme d’Utique – guéri de sa paralysie grâce à la poussière recueillie par sa mère à la memoria d’Étienne, mais n’ayant pas encore recouvré la parole –, vient à Uzalis prier « pour que sa langue soit libérée » ; là, il introduit la manche de sa tunique (car il n’avait pas de mouchoir ...) par la fenestella memoriae ad interiora loca reliquiarum, puis il retire sa main et porte la manche à sa bouche pour en toucher sa langue desséchée qui retrouve sa vitalité (I, 12, 12-15). La langue malade est donc guérie grâce à l’étoffe qui s’est elle-même chargée de uirtus par le contact avec la relique, comme la poussière, sans doute grattée sur la pierre de l’édicule, qui avait guéri l’infirme de sa paralysie28. Quant aux fenestellae confessionis, on en connaît de nombreux exemples en Afrique : il s’agit de « tresennes » – fines dalles de pierre ou de marbre fixées aux fenêtres et largement découpées pour laisser passer la lumière –, qui sont ici placées sur un des côtés de l’édicule enfermant le reliquaire : ces fenêtres à claire voie, mais verrouillées ou même scellées, permettaient aux visiteurs de voir et même, à travers les trous, de toucher le saint dépôt sans pouvoir porter atteinte à son intégrité. D’autre part, la matrone de Carthage, Megetia, venue prier le saint avec sa mère, s’appuie si fortement sur les petites portes (ostiola) de la memoria que celles-ci cèdent et s’ouvrent, permettant à la suppliante de poser directement sa tête sur le reliquaire : dum orat ad locum sacratae memoriae, pulsans fidei pietate, non solum affectu cordis, uerum etiam motu corporis, ipsa ostiola memoriae impulsa patefecit, ac uim faciens regno Dei, caput interius intromisit et super cubile sanctarum reliquiarum confixit Cf. Y. Duval, Loca sanctorum, notice 57 et p. 693-695 et 715. Sur ces reliques au second degré, voir Y. Duval, Loca sanctorum et Ead., « Les Saints protecteurs ».
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lacrimisque suis omnia illic lauit atque rigauit (II, 2, 222-226). On connaît ce type d’installation dont on trouve par exemple une illustration exacte dans la memoria de saint Domnio dans le cimetière de Manastirine à Salone : il s’agit d’un petit édicule placé dans le transept de la basilique, et qui garde – à l’entrée du loculus contenant le reliquaire – la trace de deux petites portes s’ouvrant vers l’intérieur pour accéder à la relique29. Je reprendrai plus longuement ailleurs30 ce que nous décrit le De miraculis, à la fois sur la charge symbolique de cette memoria d’Étienne à Uzalis – lieu de pèlerinage, mais aussi asile et port, objet de songes et d’apparitions – et surtout sur les diverses formes de reliques au second degré qui en sont issues et sur leur pouvoir miraculeux : ainsi la poussière prélevée sur l’édicule dont le contact guérit le paralysé d’Utique ; les linges mouillés des pleurs répandus par la mère de Megetia à la memoria d’Étienne, linges dont elle frotte ensuite sa fille malade restée à Carthage ; l’huile sanctifiée enfin – provenant soit du contact avec le reliquaire31, soit des lampes brûlant à la memoria – dont les malades sont oints (II, 2, 74-76 et 87) ou même nourris par du pain trempé dans cette huile (II, 2, 274). Pour la topographie chrétienne d’Uzalis, le recueil des miracles du protomartyr permet de cerner, dans ce modeste siège épiscopal, au début du ve siècle, l’existence d’édifices de culte de types variés : un sanctuaire dédié à des martyrs locaux comme on en connaît de nombreux en Afrique, situé sans doute, puisqu’il s’agit ici d’une église suburbaine, sur leurs tombes mêmes ou au moins au lieu de leur passion ; un autre édifice de culte désigné par sa localisation au Promontoire, ce qui signifierait qu’il ne tenait pas son vocable de reliques déposées sous l’autel, il s’agirait d’une église de quartier (« paroisse ») ; enfin la basilique de l’évêque où se déroulent les lectures du livre des miracles et qui abrite le prestigieux reliquaire, enfermé mais visible et accessible dans la memoria d’Étienne.
Voir pour plus de détails N. Duval et alii, Salona III, Rome, 2000 (CEFR), p. 414-428 : il s’agit à Manastirine du corps (réduit) du martyr. 30 Dans Y. Duval, « Les Saints protecteurs ». 31 Comme dans les coffrets de pierre de Syrie qui comportent un trou, en haut, par lequel on verse sur le reliquaire lui-même de l’huile qui est ensuite recueillie par un autre trou en bas. On trouve quelques beaux spécimens de tels coffrets par exemple au musée d’Apamée, mais on n’en connaît guère de ce type en Afrique ; aussi l’huile sanctifiée d’Uzalis pourrait provenir soit d’une petite fiole mise en contact avec le reliquaire à travers la fenestella mentionnée ci-dessus, soit plus probablement du luminaire de la memoria. 29
chapitre iii
Onomastique et société à Uzalis (Onomastica Africana xiv) Jean-Marie Lassère La liste des noms qu’on récolte dans les deux livres du De miraculis est très réduite (à peine 23) et se réduit encore si l’on écarte les noms de la famille de Megetia et ceux de quatre autres Carthaginois, ainsi que ceux de Donatus, l’aveugle de la Pisitana ciuitas, et de Restitutus, le faber ferrarius d’Hippo Zarrhytus ; on se trouve alors devant une toute petite collection de 12 noms et l’on est un moment tenté d’abandonner toute réflexion, tant on est parfois porté à n’accorder de valeur qu’aux grands nombres. Mais on se dit aussi que l’échantillon a en revanche un double avantage : il est d’abord parfaitement daté, ce qui n’est pas toujours le cas quand la liste est dressée d’après le texte des épitaphes récoltées sur un site, une difficulté qui a été souvent et justement signalée ; il est même parfaitement homogène en ce sens que tous les individus mentionnés ont vécu au même moment en cet endroit, dans la mesure où l’auteur anonyme nous affirme, dans les deux prologues, mais surtout dans celui du second livre, que ceux de leurs contemporains qui les connaissaient bien ont pu les voir et les entendre témoigner. La liste qu’on peut dresser est la suivante : Concordius, barbier (tonsor) (I, 4) Datiuus, sans profession indiquée (I, 6) Donatus, honestus uir, vigneron (II, 3) Donatus, prêtre (I, 7) Euodius, évêque d’Uzalis (Aug., Serm. 123, 3), dédicataire de l’œuvre (I, prologue) Firmus, prêtre (II, 5) On sait qu’à cette époque, honestus n’a plus qu’un sens purement moral, comme le montre A. Chastagnol, La terza età dell’epigrafia, Colloquio DIEGL Borghesi 86, Faenza, 1988 (Epigrafia e Antichità, 9), p. 47.
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Hilara, boulangère (panaria) (I, 3) Rusticianus, boucher (lanius) (I, 14) Rusticus, praefectorum numerarius (II, 3) Semno, diacre (II, 4) Vzalensis, notable (honoratus uir et primarius ciuitatis) (I, 14) Zumurus, prêtre (I, 7)
Augustin a consacré deux sermons aux miracles d’Uzalis et raconte celui du jeune catéchumène rappelé à la vie (De miraculis I, 15) mais sans apporter les noms des protagonistes (que ne donne pas non plus l’auteur du De miraculis) ; dans le dernier livre de La Cité de Dieu, il revient sur les miracles d’Uzalis, mais il ne rapporte en la personnalisant qu’une guérison, celle de Petronia ; malheureusement pour nous, il s’agit d’une aristocrate de Carthage, « où elle réside et … où elle est très connue », écrit-il. En revanche, dans le même passage, il raconte la guérison d’un autre Carthaginois, Innocentius, qui était visité, durant sa maladie, par le prédécesseur d’Evodius à Uzalis, l’évêque Saturninus. On sait aussi que, quelques années plus tôt, l’évêque donatiste d’Uzalis, rival d’Evodius, et qui était présent à la conférence de Carthage en 411 s’appelait Félix ; notre liste uzalienne est donc portée à quatorze anthroponymes. Me faisant à un certain moment l’avocat du diable, j’ai été tenté par ce genre de réserve : l’auteur énumère des miracles banals, comme la guérison de l’aveugle ou celle du paralytique, ou d’autres faits divers tout aussi quotidiens, qu’on rencontre à profusion dans ce genre de littérature. Ne les avait-il pas puisés dans une sorte de recueil informel, et personnalisés par leur attribution à des individus fictifs pourvus de noms tirés non pas de son imagination, mais d’un onomasticon courant de son temps ? J’ai renoncé à cette position « hypercritique », persuadé d’abord par les arguments de J.-N. Michaud, puis parce que
Augustin, Serm. 123 et 124 (PL 38, col. 1445-1447). Augustin, Ciu. XXII, 8. On notera cependant qu’elle a des biens dans la basse vallée du Bagrada. L’assimilation entre Petronia et Megetia, proposée par Lenain de Tillemont, ne peut se soutenir car la maladie et les traitements sont différents. Ciu. XXII, 8 : Visitabant eum cotidie sancti uiri, episcopus tunc Vzalensis, beatae memoriae Saturninus et presbyter Gulosus ac diaconi Carthaginensis ecclesiae. On peut certes se poser une première question sur l’origine de Saturninus et des autres prêtres : sont-ils de la cité d’Uzalis, ou y sont-ils venus pour y exercer leur ministère ? Fausse question, ils font partie de la communauté ; on ne pourrait pas davantage affirmer que les autres personnages sont bien uzaliens. Et une seconde question : ces évêques ont-ils changé de nom lors de leur intronisation, comme on en a des exemples ? C’est également une fausse question dans cette étude dont le sujet est purement onomastique. Actes de la Conf. I, 204, 13 ; A. Mandouze, Prosopographie, Félix 52. On observe parfois un troublant parallélisme du récit avec certains textes bibliques. Voir les remarques d’A. Fraisse (Chap. III, 4).
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l’étude de ce petit échantillon et sa comparaison avec quelques autres m’ont convaincu de son intérêt. Un autre reproche qu’on peut être tenté de faire à l’échantillon est de n’être pas représentatif de toute la société d’Uzalis. On peut en effet craindre que seuls deux milieux soient représentés, les clercs et le petit peuple chrétien, et que deux catégories au moins n’y figurent pas ou très peu, les païens et les notables. Crainte probablement excessive, si l’on admet que les païens, pour commencer par eux, n’étaient sans doute plus très nombreux à cette date dans les régions rurales du nord de l’Africa (le De miraculis n’y fait qu’une brève allusion, assez conventionnelle) ; de toute façon il est certain, comme on peut le voir en d’autres communautés, qu’il n’y a pas de frontière onomastique entre les deux groupes. N. Duval a constaté qu’en Afrique 15 à 20% seulement des noms des chrétiens sont spécifiques et sont perdus dans la masse des noms païens christianisés par leur attribution à des fidèles qui sont devenus des phares de leur communauté, par exemple par le martyre ; Félix en est un bon exemple à Uzalis même, où sont honorés les saints Félix et Gennadius qui y avaient souffert en 304. La conversion des Africains qui avaient conservé des noms théophores païens a ainsi assuré le succès de ces noms dans les milieux chrétiens. Le contexte culturel, de tradition sémitique, est aussi d’un grand poids car il entraîne la vogue de ces noms indéclinables que I. Kajanto a appelés des sentence-names10 : ils résument une phrase au caractère sacré. Ce n’est finalement, pense-t-on, qu’au ve siècle, c’est-à-dire celui où sont rédigés nos deux livres, qu’une spécificité de l’onomastique chrétienne apparaît ; on admet en général qu’elle se manifeste d’abord dans les milieux cléricaux. Voilà deux questions que l’on se reposera plus loin. Quant à la rareté des notables municipaux dans la liste (ils ne sont représentés que par le Dominus Vzalensis), elle est peut-être plus apparente que réelle, et de toute manière peu visible par l’onomastique. Il faut en effet se dire qu’en une petite cité comme Uzalis le cens décurional devait être peu élevé et que les curiales ne pouvaient guère être qu’issus du petit peuple ; c’est du moins ce qu’inspire une comparaison avec Abthugni un siècle plus tôt : les Acta purgationis Felicis episcopi Autumnitani11 (ou Abthugnitani) présentent l’un des deux Mir. II, 2, 163-167. N. Duval, « Observations sur l’onomastique dans les inscriptions chrétiennes d’Afrique du nord », dans L’onomastique latine (Paris, 13-15 oct. 1975), Paris, CNRS, 1977 (Colloques internationaux du CNRS, 564), p. 447-456 (voir p. 453 ; d’après les inscr. de Carthage, Mactar et Haïdra). Mir. I, 2, 4. 10 I. Kajanto, Onomastic Studies in the Early Christian Inscriptions of Rome and Carthage, Helsinki, 1963 (Acta Instituti Romani Finlandiae, II, 1), p. 101-103. On n’en relève pas à Uzalis. 11 Éd. J.-L. Maier, Le Dossier du Donatisme, I, Berlin, 1987, doc. n 22.
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duumvirs en charge en 303 dans la cité, Alfius Caecilianus. Ce notable, tisserand de son métier (il indique qu’il a dû aller à la ville voisine de Zama pour acheter du lin12), explique qu’on est venu le trouver chez lui au moment où il déjeûnait avec ses ouvriers (prandebam cum operarios13). On peut extrapoler et estimer que dans cette autre petite bourgade qu’est l’Uzalis du début du ve siècle les notables sont des artisans ou des paysans que rien ne distingue du populus, en particulier leurs noms. J’espère avoir ainsi levé les plus grosses hypothèques qui pèsent sur notre liste. Uzalis pouvait se ranger dans le groupe des petites cités fortes d’un millier d’habitants14. Nous en connaissons environ 1,4 %. C’est une proportion faible, mais raisonnable par comparaison avec ce qui se fait dans les instituts de sondage actuels. Il convient évidemment de classer ce petit matériel onomastique, fait de noms uniques, comme l’usage en est devenu général au ive siècle, non seulement dans les sources « littéraires », mais aussi dans l’épigraphie, en atteignant d’abord les milieux populaires15. Les principales rubriques où l’on répartit ces noms sont au nombre de cinq : a. Les noms libyques Un seul dans la liste, Zumurus, qui est probablement hapax dans les sources latines (épigraphiques ou manuscrites)16 ; G. Camps ne l’a pas répertorié dans la liste qu’il a naguère donnée17, mais dont on croit savoir qu’il lui prépa Acta purgationis 4. Acta purgationis 8. Bien qu’elle soit reliée à Carthage par une route suffisamment importante et carossable pour que Megetia malade et sa mère l’empruntent, Uzalis ne figure pas sur la Table de Peutinger, alors que Memblone y est porté, à 6 milles d’Utique et à 30 d’Hippo Diarrhytus. 15 Le document le plus éloquent est une inscription de Timgad (I.L.S., 9294, revue AE, 1987, 1075) de la fin du ive siècle qui montre bien qu’il y a une onomastique pour chaque catégorie sociale : le flamine perpétuel de la cité, qui est un chevalier, P. Sittius Optatus, porte encore des tria nomina ; les sacerdotes n’ont que des duo nomina, un gentilice et un cognomen ; enfin les desservants du culte, canistrarii et sacrati, ne sont, à l’exception de deux d’entre eux, connus que par un nom unique. Il y a donc des exceptions à la mode courante du nom unique, mais elles sont peu nombreuses, sauf à Altava où les tria nomina se maintiennent très tardivement, peut-être, a-t-on pensé, à cause de la situation très isolée de cette cité qui serait une sorte de conservatoire romain dans une Maurétanie qui retrouvait ailleurs des caractères traditionnels. J’ai étudié l’onomastique d’Altava dans « Onomastica Africana XV. Onomastique et romanisation à Altava à la fin de l’Antiquité », dans Romanité et cité chrétienne. Mélanges Y. Duval, Paris, 2000, p. 119-125. 16 Les manuscrits donnent diverses leçons : Zumurus A B C D ; Zumyrus M ; Zumurius L ; celles-ci ne diffèrent que par la graphie y pour u ou par une suffixation différente ; Zurumius V Z pourrait transcrire un autre nom libyque, voir note suivante ; Zurius F L et Zuirus P sont des haplographies. 17 G. Camps, « Liste onomastique libyque d’après les sources latines », Reppal, 7-8 (1992-1993), p. 39-73. La forme Zurumius (pourtant donnée par V et Z), attestée comme signum à Sigus (CIL 12 13 14
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rait une suite. Ce nom est peut-être le ZMRIVN de R.I.L., 20 (Mactar), avec pour féminin TZMR (R.I.L., 580, région de Souk Arrhas) ; la première forme est acceptée comme telle par K. Jongeling18. S’agit-il de la racine ZMR, « pouvoir, endurer, supporter », reconnue par S. Chaker comme effectivement présente dans l’onomastique berbère antique et médiévale19 ? Ce n’est pas à moi de répondre. b. Les noms directement transcrits du punique Je n’en vois aucun à Uzalis, ce qui reste un peu surprenant dans une cité qui s’élevait dans le vieux pays punique. On sait que les chrétiens n’ont pas renoncé à ces noms comme le prouvent divers Miggin, Iulius Baric, clericus de Thamugadi sous Julien, Mettum (pour Metthun), episcopus Cannensis vers 345, etc.20 Mais ces noms semblent tombés dans l’oubli à Uzalis. c. Les noms qui, sous une forme latine, sont en fait des traductions du punique On a certes parfois fait preuve d’imprudence dans leur identification. Ce ne peut être le cas pour deux d’entre eux dans notre liste, Datiuus et Donatus (le second attesté deux fois ; on peut en rapprocher le Donatianus de Pisa). Ils dérivent d’une racine sémitique, YTN, bien connue pour avoir servi à la composition de noms théophores carthaginois qui exprimaient l’idée que la naissance de ceux qui les portent avait été le bienfait d’une divinité : Iattanbal, Baliato, « BaÔal a donné », ou, sous une forme hypocoristique, Matan, Muttun, « Il a donné », qui ont précisément été traduits par Donatus ou Datiuus. Avec moins de certitude on peut inscrire le nom de l’évêque Saturninus dans la même rubrique, en le rapportant évidemment au culte de BaÔal Saturne, ainsi
VIII, 5737 = I.L.Alg., II, 6568) ne doit pas être confondue avec notre nom car elle correspond à l’anthroponyme libyque Zruma(n), connu par exemple par l’inscription des iuuenes de Mactar. 18 K. Jongeling, North African Names from Latin Sources, Leyde, 1994, dans l’index de la p. 206. 19 S. Chaker, « Onomastique berbère ancienne (Antiquité, Moyen Âge), rupture et continuité », dans Histoire et Archéologie de l’Afrique du Nord, IIe Colloque international (Grenoble, 5-9 avril, 1983), Éd. du C.T.H.S., 1985, p. 486 et 490-491. S. Chaker ne donne malheureusement que des références générales à Ibn Khaldûn et à El-Bekri. Peut-être s’agit-il de l’Izmerten cité dans l’Histoire des Berbères, Trad. de Slane, II, p. 186. 20 Contre l’avis de certains, mais en accord avec K. Jongeling, North African Names, p. 95, j’ajouterai à la liste le nom Milic(h)us, porté par un évêque de l’Hr el-Baroud (AE, 1992, 1772). C’est peut-être le Milicus episcopus Tagamutensis des Actes de la Conférence de 411, I, 126, 130 (éd. S. Lancel, SC 195, p. 726). K. Jongeling rappelle que le nom Milichus est utilisé par Silius Italicus, Punica III, 104, dans un contexte punico-ibérique : noter que Milichus, « à la ressemblance de son père, portait deux cornes sur son front » (cornigeram attollens genitoris imagine frontem). Une descendante de Milichus s’appelle Imilcè (ibid. et IV, 775), à rapprocher sans doute du punique Himilco.
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que celui du donatiste Félix : de tous les cognomina attestés en Afrique, Félix est de loin le plus fréquent ; il semble lié au vœu de bonheur qui est fréquemment exprimé dans les civilisations sémitiques. Ces noms certes sont attestés en dehors de l’Afrique, et jusqu’en Italie par exemple, mais, outre qu’on ne peut apprécier comment ils y ont été apportés, leur particulière fréquence en Afrique est un indice qu’on ne peut négliger21. d. Les noms qu’on peut considérer comme latins Quatre sont connus ici, Concordius22, Firmus, Hilara, Rusticus (et Rusticianus, son dérivé, selon une mode très fréquente à la fin de l’antiquité). Mais on peut en ajouter un cinquième, bien qu’il soit forgé sur une racine vraisemblablement libyque, celui du notable Vzalensis. On pourrait lui reconnaître une allure un peu artificielle en ce sens qu’il est porté par un Uzalien particulièrement en vue, puisqu’il fait non seulement partie des honorati de la cité, mais même des primarii qui en sont l’élite23. Sa notoriété est telle que son origine est naturellement bien connue de ses concitoyens, et il n’avait donc pas besoin de la rappeler dans son état-civil. On aurait cependant tort de suspecter une invention de l’auteur pour la commodité de sa démonstration, car le fait a des antécédents indubitables : je citerai seulement pour preuve l’épigraphie de Theveste, où l’on relève quatre fois le cognomen Theuestinus24. Il est donc bien attesté qu’on forgeait communément, dès le Haut Empire, un anthroponyme sur le nom de la cité où vit le personnage à qui on le donnait. Mais on peut faire la même remarque à une époque beaucoup plus tardive à Altaua où l’on connaît un Altaue(n)s(is) et une Altauessa qui font écho à notre Vzalensis. Cette formation des cognomina sur des toponymes est attestée en Italie dès la République (qu’on pense par exemple à Roscius Amerinus). On peut donc ranger Vzalensis dans la catégorie des noms latins. e. Noms d’origine grecque Il y a enfin deux noms d’origine grecque. Le premier, celui de l’évêque Euodius, ne présente aucune difficulté ; il est suffixé sur Eujodeuv". Mais il n’est pas attesté en Afrique. Le second nom, Semno, avait fait l’objet d’une erreur Voir la note suivante et la note 31. Ce nom n’est pas très fréquent en Afrique : la forme masculine est attestée 4 fois seulement au CIL VIII, mais 20 fois au féminin ; rien de commun avec Saturninus (725 et 345 fois), Donatus (322 et 135 fois) ou Datiuus (30 et 37) ; pour les autres noms : Firmus, 39 et 4 ; Hilarus, 36 et 23 ; Rusticus, 81 et 44. 23 Les primarii, appelés aussi principales, sont ceux qui, après la curatèle de cité, ont géré le flaminat perpétuel, voir A. Chastagnol, L’album municipal de Timgad, Bonn, 1978, p. 30. 24 I.L.Alg., I, 3105, 3316, 3471 bis ; A.E., 1995, 1719. 21 22
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d’interprétation des premiers éditeurs, qui l’avaient accolé à la conjonction dum qui suit et lisaient : subdiaconum nostrum, nomine Sennodum, in loco Memblonitano ultro conuenit… Cette lecture reproduite par l’édition des Mauristes, puis par la Patrologie, a été acceptée par les meilleures encyclopédies25, bien que le nom Sennodus soit tout à fait inconnu et difficile à expliquer. Le collationnement des manuscrits impose en fait de séparer les deux mots et de lire Semno, qui est une forme pour Semnus, autre nom d’origine grecque (Semno"), bien attesté à Rome26, mais une seule fois en Afrique, ou plutôt en Maurétanie Césarienne27. On peut classer ainsi ces douze noms dans les cinq catégories précitées, d’après leur fréquence effective : noms latins (6), soit presque la moitié ; un peu plus d’un tiers de noms traduits du punique (5) ; deux noms grecs et un seul nom libyque ; aucun nom punique simplement translittéré. Ce classement est un peu différent de celui que j’ai obtenu ailleurs, et en faisant porter l’étude sur des séries à la fois plus homogènes et beaucoup plus fournies car étendues à toute l’Afrique depuis le Haut-Empire, celles des noms théophores des païens28 : pour ceux-là, c’est la catégorie des noms romano-africains, traduits du punique en latin, qui est la mieux représentée. On peut évidemment se demander si la différence qu’offre la liste d’Uzalis n’est pas due à sa brièveté. Peut-être. Mais peut-être aussi à sa date, ou au caractère plus général des noms qu’elle renferme : en dehors des noms à signification religieuse, pour lesquels les païens d’Afrique se montrent fidèles à leurs traditions, il se constate que la latinité continue de s’affirmer dans l’onomastique de l’Afrique chrétienne du Bas-Empire. En effet, on a plus haut fait allusion à la spécificité tardive de l’onomastique chrétienne, qui apparaîtrait d’abord dans les milieux cléricaux29. Le matériel onomastique d’Uzalis fait connaître pour ce groupe les noms des évêques Euodius30, Félix31
A. Mandouze, Prosopographie Chrétienne du Bas-Empire, Paris, 1982, s.v. H. Solin, Die griechischen Personennamen in Rom. Ein Namenbuch, t. II, Berlin - New York, 1982, p. 776-777 : 21 attestations à Rome, plus 35 du féminin Semne, à quoi s’ajoutent deux Semniani. 27 CIL VIII, 21101, Césarée de Maurétanie, pierre funéraire élevé par un sy(m)p(h)oniacus (esclave musicien) du nom de Semnos. 28 J.-M. Lassère, « Onomastica Africana XIII. Sur les catégories de cognomina : l’exemple des noms théophores », Africa, 20 (2004), p. 135-141. 29 C. Piétri, « Remarques sur l’onomastique chrétienne de Rome », dans L’onomastique latine, p. 444. 30 Dérivé du nom Euodos, qui est « de bon augure » (I. Kajanto, Onomastic Studies, p. 87), ce nom était celui du premier évêque d’Antioche (Eusèbe, H. E. 3, 22, cité par I. Kajanto). 31 Également un nom de bon augure et fréquent dans les milieux populaires (I. Kajanto, Onomastic Studies, p. 87 et 121), c’est aussi, on l’a dit plus haut, le nom d’un des premiers martyrs (I. Kajanto, Onomastic Studies, p. 97). 25
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et Saturninus32, des trois prêtres, Donatus, Firmus et Zumurus, et celui du diacre Semno ; on peut constater qu’aucun d’entre eux ne révèle une inspiration nettement chrétienne. Qu’en est-il, à titre de comparaison, dans d’autres communautés chrétiennes connues par l’épigraphie ? Bien entendu il est hors de question de confronter les enseignements d’Uzalis avec ceux de Carthage, métropole peuplée et cosmopolite, ou d’autres villes importantes33 : on ne peut utilement comparer que ce qui est comparable. Mais quelques exemples de communautés plus réduites s’offrent à nous comme des « coupes » relativement bien datées (je reprends ici une heureuse expression de N. Duval34). Et tout d’abord celui de certaines des épitaphes de l’église « du prêtre Félix », au nord de Kélibia, qui est la basilique cimétériale d’une petite bourgade au nom inconnu, qui se situait aussi dans le vieux pays punique. Elles ont été publiées et étudiées par N. Duval35 qui distingue deux séries qui se suivent chronologiquement. Ce sont les premières (du type I), datées par l’éditeur d’entre 350 et 45036, qui seules nous intéresseront ici car elles sont en gros contemporaines de nos Uzaliens. Elles nous font connaître 31 personnages (dont quelques homonymes : il y a trois Félix). Ils portent dans une forte majorité (20) des noms latins ; on relève ensuite 2 noms « romano-africains » repris du punique, et en fait 5 car on inscrira comme à Uzalis les 3 Félix dans cette série ; trois noms qui dérivent peut-être d’un ethnique libyen ; deux noms grecs et enfin un nom qu’on hésite à classer. Autre petite collection, celle de la bourgade de Belalis Maior, à l’orée des pays numides, qui n’a livré qu’une douzaine d’inscriptions chrétiennes, dont on doit encore retrancher quelques textes d’époque visiblement byzantine ; restent à peine sept noms, quatre latins, un probablement romano-africain, Vincemalos, qui jusqu’ici n’est guère connu qu’en Afrique37, un nom punique et un nom grec. On comparera à ces résultats ceux que nous livre une petite communauté rurale de Numidie, dont le cimetière a été retrouvé au Jebel Nif el-Nsir ; elle était installée auprès de la voie qui allait de Cirta à Lambèse. Les
I. Kajanto, Onomastic Studies, p. 64, rappelle que le suffixe -inus signifie : qui appartient à … ; cf. Iouinus et, spécifiquement chrétien, Domninus, voir ibid., p. 100 ; 105. Saturninus est fréquent chez les chrétiens (I. Kajanto, Onomastic Studies, p. 87). 33 J’ai en particulier rejeté (malgré certaine incitation) l’exemple de Sufetula, qui est à la fin de l’antiquité une « capitale de l’huile», en tout cas une capitale régionale. 34 Cf. L’onomastique latine, p. 449. 35 J. Cintas - N. Duval, « L’église du prêtre Félix (région de Kélibia) », Karthago, 9 (1958), p. 155265. 36 N. Duval, « Observations sur l’onomastique », p. 242-243. 37 CIL VIII, 14017 ; 23325 ; 25300 a ; N. Duval m’en signale pourtant une attestation à Rome. Le consul d’Orient pour 453 était Iohannes Vincomalus. Faut-il voir dans ce nom un sentencename ? 32
chapitre iiI - onomastique et société à uzalis
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épitaphes en ont été publiées par F. Logeart38. Elles ont été retrouvées au nombre d’une soixantaine en trois endroits voisins, mais distincts, certaines ayant pu être déplacées pour la construction de masures qui étaient en ruines en 1938. La particularité de ces épitaphes est qu’elle usent du mot r(edditio), rare ailleurs, pour désigner le décès ; il est suivi d’un nom au génitif et d’une date. L. Leschi a jugé ces textes datables du ive ou du ve siècle ; aucun en effet ne porte la mention d’une indiction. Cinquante-et-un noms sont lisibles ou peuvent être restitués. Le décompte en est : 29 noms latins ; 11 noms romanoafricains (en y incorporant deux Félix) ; 2 noms libyens (Sammac et Misac) ; 3 noms puniques, [Be]rect(h), Miggin et M(u)t(un ?) et un nom grec, [Pa]nfila ; il y a en outre cinq noms mal connus ou mal gravés. Dans la comparaison générale qu’on propose maintenant, les chiffres n’ont guère de signification, puisqu’au départ les listes onomastiques sont très inégalement fournies. Raisonnablement, on ne peut faire qu’un classement des divers groupes sur chaque site : Uzalis latins romano-afr. grecs libyques (punique : 0)
Kélibia Belalis Maior latins latins romano-afr. romano-afr. libyques (?) grec grecs punique ?
Dj. Nif en-Nsir latins romano-afr puniques libyques grec
Une première remarque s’impose : ces classements offrent un évident parallélisme, avec dans l’ordre les noms latins (parmi lesquels les noms composés, du type Bonifatius, sont encore rares), puis romano-africains. Le grec vient deux fois en troisième lieu, mais il est représenté dans toutes les collections39. Sans doute s’agit-il souvent de noms entrés depuis longtemps dans l’onomastique romaine40 – encore qu’Euodius et Semno soient très peu attestés. Mais 38 F. Logeart, « Les épitaphes funéraires chrétiennes du Djebel Nif en-Nser (commune mixte d’Aïn Mlila) », Revue Africaine, 84 (1940), p. 5-29, suivi de L. Leschi, « À propos des épitaphes funéraires chrétiennes du Djebel Nif en-Nser », p. 30-35. La localisation est approximativement A.A.A., XVII, 441. 39 Une perturbation est apportée à ce schéma par les inscriptions d’Altaua, beaucoup plus nombreuses, où les noms libyques sont en nombre assez grand pour se hisser à la deuxième place, mais ceci peut paraître normal dans une région aussi occidentale, c’est-à-dire où les traditions locales ont été moins influencées par Carthage. 40 Ce qui n’est pas le cas, au contraire, de Megetia (De Miraculis, II, 2). Ce nom n’est pas inconnu dans l’épigraphie africaine : il est d’abord porté par Q. Thersius Crispinus Megethius, légat de Numidie proconsulaire en 407-408 (I.L.Alg. I, 263, Calama ; 2108, Madaure ; PLRE II, p. 752), qui est donc un contemporain de la carthaginoise guérie par saint Étienne ; mais ce n’est probablement pas un Africain. C’est en revanche le signum d’un décurion de Sidi Abd-el-Basset (CIL VIII, 14343), dans la région de Mateur, dans le nord de la Proconsulaire. D’autres personnages le portent en Orient et en Italie, voir PLRE, I et II. Formé sur mevgeqo", il signale la grandeur
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cette « source » – à peu près partout représentée – est d’autant plus remarquable qu’on note, à peu près partout aussi, l’effacement de l’onomastique punique et libyque. On observe également – c’est peut-être la première manifestation d’une onomastique plus spécifiquement chrétienne dans les campagnes et les petites cités africaines – une désaffection sensible pour les anciens noms théophores traduits du punique, ce qui avait été déjà remarqué sur d’autres sites plus importants ; il n’est pas sans intérêt de le constater aussi dans d’autres milieux, ruraux ceux-là et toujours plus traditionnels. La comparaison en tous cas plaide en faveur de la crédibilité de l’échantillon uzalien, ce qui est d’autant plus remarquable que l’essentiel de cette petite liste nous a été transmis par un auteur anonyme qui avait des préoccupations tout à fait éloignées de notre propos ; on peut en dire autant de l’auteur de la Cité de Dieu et des logographes de Carthage en 411. On peut donc considérer que nous avons une assez bonne idée des préférences onomastiques de la société d’Uzalis, qui en fait ne se distingue guère des autres. On peut ajouter que cette liste, malgré sa brièveté, enrichit notre connaissance de l’onomastique romanoafricaine, puisque trois noms (presque un cinquième du total) sont nouvellement attestés dans l’Africa du Bas-Empire, Semno, Vzalensis et Zumurus.
morale, cf. H. Wuilleumier, « Étude historique sur l’emploi et la signification des signa », Mém. Acad. Inscr., 13 (1932), p. 601.
chapitre iv
La vie quotidienne à Uzalis* Christine Hamdoune L’auteur du De miraculis a pour préoccupation essentielle d’édifier les fidèles par la relation des miracles accomplis à Uzalis depuis l’arrivée des reliques de saint Étienne. Mais il écrit également une véritable chronique de la vie quotidienne dans une petite cité africaine au début du ve siècle. En effet, pour montrer l’actualité et l’efficacité des miracles, il confronte constamment le monde terrestre et le monde divin et ancre solidement les faits miraculeux dans l’espace et dans les cadres sociaux d’Uzalis. Ainsi il projette, dans les visions et les songes inspirés par Dieu, les lieux et les personnages familiers de la cité ou bien il replace l’intervention miraculeuse dans un contexte précis inscrit dans la réalité de la cité. De ce fait, l’auteur restitue des scènes vécues saisies sur le vif, « des instantanés » de la vie de la cité dans sa diversité sociale et humaine et esquisse parfois une étude psychologique des habitants présentés dans leurs occupations et avec leurs préoccupations familiales ou professionnelles et leurs problèmes de santé. D’emblée cependant, une réserve s’impose : le texte est avant tout une chronique de la communauté chrétienne. Faut-il considérer que tous les habitants de la cité étaient chrétiens contrairement à la situation de Carthage où subsiste une communauté païenne dynamique qui apparaît d’ailleurs dans le récit de Megetia (II, 2) chrétienne dans une famille de notables carthaginois païens. On peut penser qu’à Uzalis il restait encore des païens en s’appuyant sur le récit du séjour de Megetia et de sa mère Vitula à la memoria de saint Je remercie J.-M. Lassère pour ses conseils et ses indications et C. Chandezon, qui a bien voulu relire ce travail. C. Lepelley, Les cités de l’Afrique, t. II, p. 40 : « il existe au début du ve siècle un groupe d’aristocrates lettrés qui participaient à la réaction païenne et conservaient la tradition du cercle sénatorial romain de Symmaque », renforcé encore par des sénateurs romains réfugiés en Afrique après le sac de Rome en 410. Ils sont toujours actifs en 421 comme le montre l’affaire du temple de Caelestis. *
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Étienne qu’elles sont venues supplier d’apporter la guérison à Megetia. Elles sont en butte aux quolibets des païens. Mais c’est la seule indication ; les païens n’apparaissent jamais dans les autres évocations de la vie quotidienne d’Uzalis. Les indications du texte permettent de cerner le cadre général de la vie de la cité, de dégager la diversité des milieux sociaux en insistant sur la place des femmes qui jouent un rôle important dans les différents récits. La description du cadre géographique s’avère, à première lecture, décevante : l’auteur ne fournit aucun détail précis sur le site ou l’aspect de la ville, mais un examen plus attentif des allusions, indispensables pour garantir la véracité et l’actualité des miracles, permet de planter un décor, certes allusif, mais suffisamment explicite pour les habitants d’Uzalis auxquels étaient lus ces récits. Ainsi le texte évoque tantôt divers points du territoire de la cité et donc aborde les rapports ville/campagne, tantôt le cadre urbain mais aussi le cadre temporel qui structurent la vie de la communauté. Les remarques d’ordre topographique mettent l’accent sur la localisation des lieux du culte chrétien, la memoria des saints Félix et Gennadius (I, 2, 4), l’église du promontoire (I, 7, 4) et l’église restituta où se situe la memoria dans la ville même (I, 7, 33). Les deux premiers sont au contraire extérieurs à la ville : l’église du promontoire, comme son nom l’indique, est à situer près d’un cap, peut-être le Promuntorium pulchrum des Anciens. La memoria des martyrs est elle aussi extérieure à la ville, in suburbio ciuitatis (I, 2, 3-4), à une certaine distance (I, 4, 36 : le barbier après la guérison de la fracture de son pied fait un long chemin pour y arriver), visible de la campagne environnante, in agro (I, 2, 18), ce qui correspond à une réalité souvent attestée par l’archéologie et aux exigence de la règle de vie suivie par la communauté monastique installée là. Deux chemins au moins le relient à la ville (I, 2, 5-6), l’un direct et l’autre beaucoup plus sinueux. Le territoire de la cité apparaît au demeurant fort exigu. La ville d’Utique n’est qu’à 18 km (12 MP, I, 12, 8) vers le sud-ouest. Une grande partie de la population se rassemble donc dans la ville mais pas sa totalité, comme le montre l’allusion aux habitants qui voient se lever une étoile au-dessus de la memo II, 2, 166 : dicebatur ab inimicis fidei nostrae. Uzalis correspond à la petite ville d’El Alia ; cf. CIL VIII, 1204 = 14331, curator reipublicae col(oniae) Uzal(iensium) sacrae et AE, 2001, 2078. Le ras Terfa ou Zebib pour L. Maurin - J. Peyras, « Vzalitana », CahTun, 19 (1971), p. 48 ; le cap Farina ou Sidi Ali Mekki pour V. Saxer, Morts, martyrs, reliques, p. 258. Ce sentier est emprunté par la procession qui accompagne le transfert des reliques et qui regroupe l’ensemble de la communauté (chrétiens de la ville et de la campagne) ; cette procession prend une valeur symbolique en attestant de la symbiose étroite entre la ville et la campagne sur le plan religieux.
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ria des martyrs (I, 2, 17-18) et l’existence d’un lieu dit Memblone, cité deux fois (I, 5, 3 et II, 4, 46-47), que l’on localise dans les confins méridionaux du territoire. L’exiguïté du territoire explique la symbiose étroite ville/campagne très fréquente dans le monde méditerranéen : deux récits concernent des personnages qui vivent à la ville mais possèdent des biens à la campagne : le boucheréleveur et le propriétaire viticole. Le premier (I, 14), même si le texte ne le précise pas, doit disposer d’un domaine pour parquer et nourrir un cheptel que vient grossir l’arrivée de 44 nouvelles bêtes ; il débite sa viande de porc dans une boutique de la ville. Le propriétaire viticole se rend à plusieurs reprises dans son domaine, situé dans les environs de la ville, in fundo suburbano cum loco et nomine uocitato (II, 3, 7-8). Là encore, la situation est classique : autour des murailles de la ville, se développe une zone agricole très intensive, de jardins et de vergers. Il y a construit une cave pour conserver un vin d’excellente réputation. L’auteur semble s’inspirer des écrits des agronomes latins pour développer un récit très bien documenté. La notation de deux cents cuves (I, I, 3, 20-21 : omniumque uasorum, id est ferme ducentorum) peut donner une idée de la taille du domaine, bien que la capacité des dolia ou des seriae qui servaient de cuves soit très variable. Comme il s’agit de la production d’un vin de qualité, il est probable que le propriétaire, prévoyant, a préféré répartir sa récolte dans des cuves plus petites et plus nombreuses pour minimiser les risques de pertes éventuelles. C’est ce que montre sa première réaction : la perte d’une seule cuve ne le tracasse guère. Il convient donc de penser à des jarres de type seriae ou des dolia de petite taille. En reprenant les données de Caton V. Saxer, Morts, martyrs, reliques, p. 248 : Sidi Mohammed Fares ou Aousdja à 10 km au sud d’El Alia. Cf. Table de Peutinger : Memblone situé à 6 MP d’Utique sur la route qui par la côte va d’Hippone à Carthage. On trouve la mention Memplotinatus locus dans une lettre d’Evodius à Augustin (Ep. 158). Cf. J.-M. Lassère, « Miracles et vie économique en Afrique au ve siècle », L’Africa romana, 8 (1991), p. 305-312. C’est le résultat d’une sélection des cépages dans une région où la culture de la vigne est fort ancienne [cf. Diodore XX, 8, 4 et R. Lequément, « Le vin africain à l’époque impériale », AntAfr, 16 (1980), p. 185-193] mais aussi des efforts consentis pour assurer un vieillissement, gage de la qualité : cf. Columelle, Rust. III, 21, 6, atque ideo necessitas cogit agricolam musti annonam experiri, cum plurimum pretio accedat, si uenditio uel in annum uel in aestatem certe differri possit (« en conséquence, l’agriculteur se trouve dans l’obligation de mettre son vin nouveau sur le marché, alors qu’il atteindrait un prix bien meilleur si la vente pouvait être différée jusqu’à l’année suivante ou au moins jusqu’à l’été »). Cf. Varron, R. I, 22. De nos jours encore, le raisin est cultivé dans la région d’El Alia. Ces deux sortes de jarres se trouvaient souvent associées dans les caves (Columelle, Rust. XII, 28) : les gros dolia, souvent à moitié enfouis dans le sol pour assurer une meilleure conservation du vin, contenaient 780 l de vin. Palladius avance une capacité moindre de 625 l. Les seriae, au fond pointu fiché dans le sable de la cave, contiennent 182 l toujours selon Columelle (Rust. XII, 28).
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et Columelle sur les rendements moyens des vignobles italiens, on arrive à proposer une estimation de 10 à 25 ha pour ce domaine10. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une grande exploitation. La symbiose ville/campagne apparaît enfin avec la mention de la tenue d’un marché périodique, nundinae (II, 4, 5). Or en Afrique, toutes les attestations épigraphiques ou littéraires11 de ce mot font référence à des marchés périodiques ruraux dont les cycles viennent rythmer la vie des paysans et dont les lieux d’implantation, domaines (saltus) ou villages (uici), sont en rapport avec les données de l’habitat rural. La mention de nundinae dans la ville d’Uzalis vient confirmer qu’il existait en Afrique aussi des marchés périodiques urbains sur le modèle de ceux attestés dans les villes italiennes. La « foire » d’Uzalis se tient sur la place du marché habituel (II, 4, 27 mercatus). Si le lieu ne distingue pas les deux types de marché, ce sont les activités qui font la différence. On peut avancer que les nundinae réunissent davantage de monde, notamment des marchands extérieurs à la cité et de colporteurs dont certains allaient de foire en foire (cf. II, 4, 45-46). La description du trouble qui s’empare des esprits à la vue du dragon est ainsi l’occasion pour l’auteur de préciser que les échanges portent sur des denrées alimentaires, produits maraîchers et denrées plus rares et moins périssables mais aussi sur des produits artisanaux comme les vêtements. La ville apparaît ainsi comme un centre de consommation et de redistribution des produits finis pour les campagnards. Cet aperçu montre que la ville est active et prospère et que ses relations économiques dépassent le cadre territorial de la cité puisque le boucher-éleveur Pour une estimation haute, cf. R. Lequément, « Le vin africain », p. 188, qui propose 50 ha. Pour le calcul des rendements, Columelle avance 30 à 40 amphores/jugère soit 30 à 40 hl/ha (III, 3) et Caton préconise le chiffre moyen de production de 832 hl pour un domaine de 100 jugères. En considérant des dolia de 625 l, la production s’est élevée à 1250 hl soit une superficie de 35 à 40 ha ; si l’on prend des seriae de 182 l, la production retombe à 364 hl soit une superficie de 9 à 12 ha. En mélangeant dolia et seriae pour conserver la production, on atteint une superficie intermédiaire de 22 à 27 ha, ce qui paraît le plus acceptable. Cf. J.-P. Brun, Archéologie du vin et de l’huile dans l’Empire romain, Paris, 2004, p. 200-204. 11 Pour la documentation épigraphique, cf. H. Pavis d’Escurac, « Nundinae et vie rurale dans l’Afrique romaine », BCTH, 17 (1984), p. 251-258 ; pour la documentation littéraire, Tertullien, Apol. 42, 3, Itaque non sine foro, non sine macello, non sine balneis, tabernis, officinis, stabulis, nundinis uestris ceterisque commerciis habitamus hoc saeculum (« C’est pourquoi, sans laisser de fréquenter votre forum, votre marché, vos bains, vos boutiques, vos magasins, vos hôtelleries, vos foires et les autres lieux de commerce, nous habitons ce monde avec vous »). Et surtout Optat de Milev, quand il évoque les troubles semés dans les campagnes par les circoncellions, III, 4, 2, et cum ad Bagaiensem ciuitatem proximarent, tunc alter Donatus ... praecones per uicina loca et per omnes nundinas misit, circumcelliones agonisticos, ad praedictum locum ut concurrerent inuitauit (« et comme ils approchaient de la cité de Bagaï, l’autre Donat ... envoya des messagers dans le voisinage et dans tous les marchés et, faisant appel aux circoncellions belliqueux, il les invita à se rassembler au lieu indiqué ») ; III, 6, tunc Taurinus, ... ire militem iussit armatum per nundinas ubi circumcellionum furor uagari consueuerat (« alors Taurinus ... ordonna à l’armée d’aller dans les marchés, là où la fureur des circoncellions avait coutume de se manifester »). 10
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a noué des liens commerciaux et financiers suivis à plus de 300 km d’Uzalis (I, 14, 4-6)12 ; le propriétaire viticole vend à un très bon prix sa production, sans doute sur le marché de Carthage13. Il est aussi question d’un habitant de Memblone absent depuis trois ans, et l’on peut penser à un voyage professionnel d’un paysan ou d’un marchand tout comme celui qui amène dans le même lieu un marchand inconnu (II, 4, 45-46). Les hommes donc circulent fréquemment14 et, dans ce contexte, il faut se garder de surestimer la mention des brigands qui entretiendraient un climat d’insécurité. Le brigandage est un mal endémique dans l’Antiquité15 et un risque somme toute banal pour tout voyageur de cette époque. Le dynamisme de cette modeste cité vient confirmer les propos du moine Salvien sur la prospérité commerciale et monétaire de l’Afrique à la veille de l’invasion vandale. Mais le texte du De miraculis est particulièrement intéressant en évoquant des activités économiques qui ne figurent pas parmi les productions majeures de l’Afrique, blé et huile, mais parmi celles qui dynamisent les échanges locaux et régionaux16. Les renseignements sur le paysage urbain sont d’une affligeante banalité et s’ils suffisaient aux lecteurs d’Uzalis, ils ne nous donnent aucune idée précise sur la topographie de la ville. L’auteur insiste avant tout sur l’espace public et les centres de sociabilité urbaine christianisés. Les édifices publics appartiennent à l’équipement obligatoire de toute cité : la porte monumentale mentionnée dans l’épisode du dragon (II, 4, 56) ne permet pas de conclure à l’existence de murailles car elle apparaît dans un contexte de représentation iconographique inspirée directement du triomphe impérial ; l’auteur évoque le théâtre (I, 3, 28), qui par sa masse devait dominer la cité et que l’aveugle distingue pour cette raison au début de sa guérison ; les thermes publics (I, 10), un seul éta Cf. J.-M. Lassère, « Miracles et vie économique » : il envoie son fils peut-être dans la région cirtéenne où les forêts de chêne favorisaient l’essor de l’élevage porcin, et ce dernier ramène en sus 20000 folles. 13 R. Billard, La vigne dans l’Antiquité, Lyon, 1913 (réimpr. 1997), note que de nombreuses amphores retrouvées à Carthage témoignent de l’importation de vins italiens et grecs mais aussi quelquefois de la consommation de bons vins régionaux (amphores estampillées du domaine de Gerilianus). Le marché de consommation de Carthage offre donc des débouchés importants. Cf. AE 1993, 1751, a-c : marques sur amphores de Carthage portant des dates consulaires de mise en amphores. 14 Et pas seulement pour des raisons économiques : de nombreux malades viennent en pèlerinage à Uzalis depuis Utique (I, 12), Hippone (I, 11), Pisa (I, 13) et Carthage à 70 km au sud (II, 2). 15 Cf. CIL VIII, 18122, monument de Nonius Datus et IAM2, 307, le décret des décurions de Sala. 16 La vigne est considérée en Afrique comme une culture secondaire, destinée avant tout à assurer l’autosuffisance. La taille du vignoble de Donatus montre que le vin faisait l’objet d’une commercialisation au moins locale. Le vin africain semble avoir été importé à Rome à partir du iiie siècle mais au départ de la Césarienne : cf. R. Lequément, « Le vin africain ». 12
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blissement dans la ville, mais qui fonctionne fort bien puisqu’il est question de l’étuve, caldarium, avec la mention de la vapeur brûlante et de la piscine17 ; la prison publique (I, 9) enfin. Mais on note l’absence de la mention du forum considéré comme un des bastions de la religion païenne18, et c’est le marché (II, 4) qui est présenté comme le lieu de rassemblement de la population. La boulangerie (I, 3) est située par rapport au théâtre et aux rues dallées (plateae)19. Le plus souvent les lieux sont simplement cités ; parfois ils servent de décor au miracle et le texte devient alors très évocateur de la société de ce temps. Ainsi, la mention de l’effondrement d’une maison (I, 6, 4) ne nous renseigne pas sur l’allure de l’habitat urbain de cette époque mais sur la précarité de certaines constructions20. Toutes les notations sur le traitement réservé aux prisonniers en détention préventive (I, 9 et 10)21 reflètent les dispositions prises par les empereurs chrétiens soucieux d’humaniser un peu la législation carcérale et, derrière chaque allusion, on trouve une référence dans le Code Théodosien : la mention des chaînes (catenae) témoigne soit de la gravité de l’accusation soit de la modestie du statut social ; la sévérité de l’enchaînement, y compris au bain, semble contrevenir à la loi22, mais s’explique par la crainte du gardien d’être rendu responsable d’une évasion éventuelle causée par sa négligence (il vérifie les chaînes du second prisonnier) et de subir le châtiment encouru par l’accusé23 ; la conduite des prisonniers aux bains est également prévue par la loi comme le montre un rescrit de 40924.
Les thermes constituent le monument qui témoigne de la capacité de la cité à maintenir en état son patrimoine et de la vigueur de la ville au ve siècle Cf. Y. Thébert, « Permanences et mutations des espaces urbains dans les villes de l’Afrique du Nord orientale. De la cité antique à la cité médiévale », CahTun, 34 (1986), p. 38 et Id., Thermes romains d’Afrique du Nord et leur contexte méditerranéen, Rome, 2003, p. 415-418. 18 Ibid., p. 38. 19 C. Lepelley, Les cités de l’Afrique, t. I, p. 296, traduit le mot plateae par places ou rues bordées de portiques. Si tel est le cas, on peut penser que la boulangerie est au cœur de la cité. 20 Cf. les fouilles de Dchar Jdid : le quartier de la ville de Zilil, près de Tanger, occupé au ive et ve siècle est composé de maisons construites en matériaux divers souvent de récupération, petites et mal construites de part et d’autres de rues dallées. 21 Les expressions custodia (I, 9, 3) et praepositus custodiae (I, 9, 6-7) font référence à ce type d’emprisonnement. 22 C. Th., IX 3, 1, rescrit de Constantin du 31 décembre 320, imposant de ne pas charger les prisonniers de chaînes trop resserrées : prolixiorae catenae. 23 C. Th., IX 3, 5, rescrit de Valentinien, Valens et Gratien du 13 juillet 371. 24 C. Th., IX 3, 7, rescrit de Théodose du 25 janvier 409 : par cette loi, l’empereur ordonne aux juges de s’assurer que les prisonniers peuvent sortir le dimanche, que des prêtres subviennent à la nourriture des prisonniers les plus démunis et qu’ils soient conduits au bain, et puissent accomplir leurs devoirs religieux, sous peine d’amende pour les juges qui n’appliquent pas ces mesures : uictualem substantiam non habentibus faciant ministrari, libellis duobus aut tribus diurnis uel quot existimauerint commentarienses decretis, quorum sumptibus proficiant alimoniae pauperum. Quos ad lauacrum sub fida custodia duci oportet ; multa iudicibus uiginti librarum auri et officiis eorum eiusdem ponderis constituta, ordinibus quoque trium librarum auri multa proposita, si saluberrime sta17
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Les repères temporels sont tout aussi flous25. Le temps qui rythme la vie des habitants d’Uzalis est celui du calendrier chrétien : il est fait mention de la fête de Pâques (II, 2, 265) et de toutes les cérémonies des jours de fête, en particulier celles qui commémorent l’anniversaire des martyrs comme saint Cyprien à Carthage, le 14 septembre, dans le quartier des Mappalia (II, 2, 267268) ou celles du dimanche. Ce qui frappe, c’est la longueur de ces cérémonies : ainsi le transfert des reliques (I, 2) donne lieu à une messe célébrée à la memoria des martyrs (« les sacrements célébrés »), puis à une longue procession jusqu’à l’église de la ville où a lieu une nouvelle célébration, pendant laquelle interviennent des miraculés qui racontent leur expérience26. Mais le texte témoigne aussi de la superposition de deux calendriers religieux en laissant apparaître des vestiges du calendrier païen. Le retour du fils de l’éleveur-boucher se produit le « jour des Romaines de la cité », die Romanarum ciuitatis (I, 14, 24). Il y a là une allusion aux Matronalia du 1er mars. Cette fête, célébrée par les chrétiens au iiie siècle d’après Tertullien27 qui s’en indigne, est encore connue au ve siècle : Ausone28 la décrit et la date sans la nommer29. Le même processus s’observe, avec un décalage, pour les Saturnalia : encore citées par Ausone30, elles ne sont plus mentionnées dans le calendrier de Polemius Silvus, daté de 448-449 (CIL I, p. 339), que sous le nom de fête des esclaves. On retrouve donc, dans le De miraculis, la démarche propre aux auteurs du ve siècle de recourir à une périphrase pour désigner une fête païenne avec l’expression les « Romaines de la cité » à la place de matrones. Même si elles ont perdu tout lien avec le culte31, les feralia romaines sont encore présen-
tuta contempserit. Nec deerit antistitum Christianae religionis cura laudabilis, quae ad obseruationem constituti iudicis hanc ingerat monitionem. 25 Sur la chronologie des miracles, cf. V. Saxer, Morts, martyrs, reliques, p. 251. 26 Ibid., p. 252. 27 Tertullien, Idol. XIV, 6, Nobis, quibus sabbata extranea sunt et numeniae et feriae a deo aliquando dilectae, Saturnalia, et Ianuriae et Brumae et Matronales frequentantur, munera commeant, strenae, consonant lusus, conuiuia constrepunt. 28 Ausone, De Feriis Romanis 7-8, Matronae quae sacra colant pro laude uirorum, / Mauortis primi cum rediere dies (« Et les cérémonies pieuses des matrones en l’honneur des héros au retour des premiers jours de mars »). 29 Le calendrier de 354 de Philocalus Status (CIL I, p. 338) mentionne le premier mars comme jour de fête, Natalis Martis, mais ne nomme pas les Matronalia. Cf. H. Stern, Le calendrier de 354, Paris, 1953. Le 1er mars ne figure plus parmi les sept fêtes encore autorisées par le calendrier campanien de 387 (ILS 4918). 30 Ausone, De feriis Romanis 14-15, uel Saturnalia dicam/ festaque seruorum cum famulantur heri (« faut-il dire ... ou les Saturnales, fête des esclaves qui sont maîtres à leur tour »). 31 Cf. la législation des empereurs pour imposer le rythme du calendrier chrétien et le substituer au temps païen. C. Th. II, 8, 22, rescrit d’Arcadius et d’Honorius au gouverneur de Paphlagonie du 3 juillet 399 réitérant l’interdiction de célébrer les fêtes païennes, sollemnes paganorum superstitionis dies inter feriatos non haberi olim lege reminiscimur imperasse.
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tes dans les mentalités32. Le retour du fils à la fin de l’hiver s’inscrit ainsi dans un contexte précis : le transport des animaux devait être plus aisé en cette saison où les températures sont plus clémentes qu’au printemps qui connaît des températures parfois très élevées33. D’autres allusions au calendrier des saisons qui déterminent les déplacements sont plus explicites : ainsi, l’hiver que passe le paralytique d’Hippo Zaritus allongé sur la mosaïque de la memoria (I, 11, 7-8), les chaleurs de l’été qui imposent certaines contraintes d’horaire ou des haltes obligatoires pendant les voyages de Vitula et de Megetia (II, 2, 242-243). Ce calendrier détermine également certaines activités économiques, comme les nundinae dont la périodicité en Afrique semble avoir varié dans l’année entre 12 et 18 jours selon les saisons34. Le viticulteur vient goûter son vin sans doute au printemps35 : après la période de fermentation et de vieillissement dans une cave bien aérée, le propriétaire faisait procéder à l’ouverture des cuves pour juger de la qualité de la production en demandant l’avis d’un dégustateur. Le texte insiste sur la solidarité des membres de la communauté chrétienne et l’universalité des miracles qui font défiler tout le peuple de Dieu dans le sanctuaire des reliques. Il offre l’image de relations sociales idéales dans les cérémonies organisées autour des reliques et il montre l’unanimité autour du patron de la cité sensible dans la volonté de la communauté d’éviter la dispersion de ses reliques. Mais, à travers les différents miracles36, les réalités sociales de l’époque apparaissent : stratification sociale très marquée par la distance qui sépare les honestiores des humiliores, rôle du populus dans la cité, place particulière des clercs. Les notables d’Uzalis sont peu présents. Il n’est fait nulle mention des curiales ou des magistrats de la cité. Incidemment, apparaît cependant un honestior dont saint Étienne a pris l’aspect et qui est qualifié de honoratus et primarius ciuitatis uir (I, 14, 12-14) : il s’agit donc d’un des premiers personnages de la
C. Th. XVI, 10, 17, rescrit d’Honorius et d’Arcadius au proconsul d’Afrique du 20 août 399 qui renouvelle l’interdiction des rites païens mais autorise les manifestations festives selon la volonté des communautés, ... unde absque ullo sacrificio atque ulla superstitione damnabili exhiberi populo uoluptates secundum ueterem consuetudinem, iniri etiam festa conuiuia, si quando exigunt publica uota, decernimus. 33 La chaleur estivale ralentit les déplacements : cf. Vitula qui évite de voyager aux heures chaudes ; cf. aussi la halte des deux femmes au bain pour se rafraîchir. 34 B. D. Shaw, « Rural Markets in North Africa and the Political Economy of the Roman Empire », AntAfr, 17 (1981), p. 37-84 et notamment p. 74-75 pour le calendrier des nundinae. 35 Le calendrier des opérations de vinification, fermentation, conservation soutirage et de vente du vin pour en obtenir le meilleur prix est bien connu par les agronomes latins, Caton, Agr. 26 et Columelle, Rust. XII, 28-30. Cf. R. Billard, La vigne, p. 486-7 notamment. 36 Dans cette partie, on ne retient que les personnages d’Uzalis, en excluant Megetia. 32
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curie et qui « aurait reçu un titre honoraire de l’empereur » selon C. Lepelley37. L’interprétation de ces termes qu’A. Chastagnol38 a proposée dans son étude de l’Album de Timgad est mieux adaptée au contexte d’Uzalis. Les honorati constituent les membres d’honneur de la curie ; à Timgad, treize sur quatorze sont des notables locaux qui ont eu accès à ce rang après avoir accompli toutes les charges municipales et qui jouent donc le rôle de conseillers. A. Chastagnol les distingue du groupe des principales ou primarii, qui réunit l’élite dirigeante de la curie, et l’identifie à Timgad à la catégorie des flamines perpétuels. On peut penser que ce personnage était un patron de la cité compte tenu du rôle de patron que joue saint Étienne. Le propriétaire viticole (II, 3) est à ranger également parmi les notables de la cité par la dignité de son rang et sa richesse. La première est précisée par l’épithète honestissimus mais aussi par la fonction qu’exerce son fils, devenu comptable des préfets, praefectorum numerarius. Il est donc attaché aux bureaux des services de l’annone sans doute à Carthage. Comme beaucoup de fils de curiales, il s’est dirigé vers l’administration impériale : les services impériaux trouvaient là un vivier de fonctionnaires ayant l’instruction nécessaire mais aussi une expérience de la gestion puisque leur état les contraignait à l’exercice des responsabilités municipales. La fonction du fils accroît le prestige du père et l’éloge de ses qualités fait écho là encore à une loi39 : les habitants d’Uzalis pensaient que la fonction du fils de Donatus aurait des conséquences avantageuses pour leur cité. Sa richesse foncière, indispensable pour être un notable dans la cité, est enviable : le personnage possède une domus en ville et un domaine à la campagne et dispose d’un personnel spécialisé. Évaluer les revenus qu’il tire de sa production est pratiquement impossible faute de repère40. L’édit de Dioclétien, mais il est bien antérieur, distingue 4 prix différents pour le vin : 8 deniers le setier (0,54 l) pour le vin paysan (uinum rusticum) et 30 pour le grand cru comme le Falerne. Entre les deux, le vin de qualité auquel se rattache la production de Donatus vaut entre 16 et 24 deniers le setier. Le vin de qualité reste sans doute une denrée chère et l’on comprend les lamentations du propriétaire devant l’ampleur des dégâts. D’après la description de l’auteur, on peut penser que le vin est touché par deux maladies très souvent évoquées par les C. Lepelley, Les cités de l’Afrique, t. II, p. 246-247. A. Chastagnol, L’album municipal, p. 30. 39 C. Th. VII, 2, 2, loi de Gratien de 385 au préfet du prétoire d’Italie à propos de l’Afrique qui rappelle l’interdiction de recruter les officiales parmi les décurions et dénonce la pratique de certaines curies qui falsifient les acta pour permettre à certains de leurs membres d’entrer dans les bureaux provinciaux où ils auraient ainsi l’occasion de favoriser leur patrie d’origine. 40 Si l’on trouve quelques indications de prix pour l’huile et la viande de porc dans le Code Théodosien, il n’en va pas de même pour le vin ; les lois XI, 2, 2 et 3 fixent les conditions d’approvisionnement de la capitale mais sans précision chiffrée. 37 38
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agronomes latins : le uinum acertum et le uinum quod mucet uel muescit41. Les deux maladies sont ici réunies pour donner plus de force au miracle. Le boucher est lui aussi nanti sur le plan matériel : il manie des sommes d’argent relativement importantes et a des serviteurs, mais c’est un humble par la modestie de ses origines dont témoigne son vocabulaire familier. C’est un boucher devenu maquignon, enrichi dans le commerce de la boucherie et que l’on voit investir dans l’élevage et donc la terre. S’il n’a pas la dignité de la naissance, il peut cependant avoir accédé à la curie locale car, dans les petites cités, il y avait peu de différence entre le populus et les curiales42. La boulangère a pignon sur rue : elle est présentée comme une personne à la réputation solide auprès de ses concitoyens. Il est vrai que sa profession figure parmi les plus honorables des métiers de l’artisanat et la construction d’un four représentait un certain investissement. Elle est sans doute veuve (il est question de son fils mais pas de son mari). Ces deux exemples reflètent une constante que l’on trouve dans les sociétés urbaines méditerranéennes. Le commerce de bouche est source de profit et d’enrichissement par rapport à d’autres métiers artisanaux comme celui de barbier. Les plus humbles sont représentés par les prisonniers (I, 9 et 10), peut-être incarcérés pour dette, et le barbier (I, 4). L’accident de ce dernier a des conséquences dramatiques car il ne peut plus travailler. Il est veuf car il n’est question que de ses enfants et de l’inquiétude qui le taraude sur leur sort à venir. L’accent est mis sur la précarité de sa condition. La guérison du barbier et la libération des prisonniers sont les seuls récits où apparaissent vraiment la détresse sociale et les risques de marginalisation. La crainte d’un avenir sombre pour ses enfants qu’exprime le barbier fait écho à la misère de certains parents contraints par la dureté des conditions de vendre « à temps » le travail de leurs enfants, pueros uendere uel locare, très souvent vendus alors comme esclaves en Orient43. La solidarité entre les membres de la communauté chrétienne est plusieurs fois soulignée. Mais cette solidarité s’inscrit aussi dans la continuité des rela-
Cf. Caton 148, qui recommandait que le vin livré à l’acheteur neque aceat neque muceat mais aussi Dig. XVIII, 6, 4, uinum acertum uel mucidum. Augustin, dans l’une de ses lettres à Romulus d’Hippone (Ep. 247), évoque le « vin qui aigrit ». Sur les maladies du vin, cf. Billard, La vigne, p. 532-534 : le vin peut tourner au vinaigre mais aussi graisser : sous l’effet d’un microbe, le vin s’épaissit, prend une consistance mucilagineuse qui rend le vin impropre à la consommation. 42 Cf. Acta purgationis Felicis : Caecilianus, duumvir d’Abthugni en 303, est artisan. Cf. C. Lepelley, Les cités de l’Afrique, t. II, p. 272-273. 43 Cf. Augustin, Ep. 8, 10-24, où il s’indigne de cette pratique. Pour une interprétation de ces textes dans un sens très pessimiste sur la situation économique et sociale en Afrique au ve siècle, cf. C. Gebbia, « Schiavitù e realtà africana nelle nuove lettere di s. Agostino », L’Africa romana, 4 (1987), p. 217-227. 41
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tions sociales antérieures, celles de voisinage dans le cas de la boulangère qui se fait conduire par une voisine à la memoria (I, 3, 6) ou celles d’associations à caractère religieux qui s’occupent notamment des funérailles, collèges ou curies, dans le cas des funérailles du malheureux propriétaire écrasé par l’effondrement de sa maison (I, 6). Bien plus, on est en droit de considérer que le comportement collectif de la communauté chrétienne est parfois représenté comme une transposition sur le plan religieux de la réalité institutionnelle de la cité et de la vitalité du populus, ce qui est aussi perceptible dans certains écrits de saint Augustin : – au moment du transfert des reliques (I, 2), la foule marque son enthousiasme par des acclamations réitérées sur le modèle des acclamations rituelles qui accompagnaient l’aduentus de l’empereur lors de ses entrées solennelles ou qui, dans les assemblées, reflétaient le degré de popularité nécessaire pour obtenir un honneur44. Il s’agit pour la communauté de bien marquer que saint Étienne est devenu le patron et le protecteur de la cité. – quand l’évêque désire transférer ailleurs les reliques du saint (I, 7), il provoque une véritable émeute (tumultus et clamor magnus, I, 7, 21) dans laquelle il convient de voir un mode de l’expression du mécontentement populaire contre des dirigeants responsables de mesures désavouées par la violence d’une manifestation45. Le peuple apparaît là comme un groupe de pression efficace dont les magistrats ou décurions, jugés indignes de leur charge ou incapables de répondre aux attentes du peuple, subissent les conséquences. Ces mouvements pouvaient être relativement fréquents comme le montrent des inscriptions de Lepcis Magna du ive siècle qui précisent que la décision de l’honneur mentionné est le fait du « suffrage du peuple très paisible »46. Les clercs constituent une catégorie à part. L’évêque47, malgré l’épisode du transfert des reliques pendant lequel il est contesté (I, 7), est toujours présenté Cf. C. Lepelley, Les cités de l’Afrique, t. I, p. 146-147. Un papyrus d’Oxyrhynchos rassemble les minutes d’une telle assemblée populaire réunie sous Dioclétien pour désigner un dignitaire. Cf. aussi Augustin, Ep. 213 de 426 dans laquelle il rappelle la réunion du peuple d’Hippone pour entériner la désignation d’Eraclius qu’Augustin a choisi comme successeur. Le sténographe avait noté toutes les acclamations du peuple : « longue vie à Augustin ! C’est digne et juste ! Il le mérite bien ! Il est bien digne ! Nous rendons grâce à ton jugement ! Qu’il en soit ainsi ! bis ! Exauce-nous Christ, protège Eraclius (prononcé 80 fois) ! C’est toi notre père, c’est toi notre évêque ! ». 45 Cf. Augustin, Ep. 125 et 126 : Augustin rapporte le tumulte suscité dans l’église d’Hippone pour forcer Pinien, mari de Mélanie la jeune, à devenir, malgré lui, prêtre en 410. 46 IRT 564 et 574. Cf. F. Jacques, Les cités de l’Occident romain, Paris, 1990, p. 104. La violence du peuple transposée en violence contre l’évêque est ici théologiquement justifiée par le miracle suivant, l’aveugle guéri par son geste violent pour s’approcher des reliques. 47 Evodius, né à Thagaste, comme Augustin, l’avait accompagné en Italie ; membre de la communauté d’Hippone, il est choisi comme évêque d’Uzalis entre 399 et 401. 44
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avec beaucoup de respect comme le guide spirituel de la communauté : il se déplace en voiture, occupe la place d’honneur dans l’église, préside les cérémonies et contrôle tous les aspects de la vie de la communauté (I, 13, 8-13 : il demande une explication de son offrande à l’aveugle de Pisa). Evodius est assisté par au moins trois prêtres (Zumurus et Donatus, I, 7, 6 et 11) et Firmus (II, 5, 91) et des diacres (II, 2, 181) et un sous-diacre à Memblone (Semno, II, 4, 46). Le texte mentionne aussi le lecteur (II, 1, 17)48. Une communauté monastique groupée autour de l’évêque (II, 5, 101-102) forme un monastère épiscopal, sur le modèle de ceux qu’Augustin contribua à créer en leur proposant un modèle de règle de vie et d’études pour aboutir à un recrutement de diacres et de prêtres mieux formés spirituellement et intellectuellement. Cette communauté est à distinguer de celle qui est installée hors de la ville, près de la memoria des martyrs pour obéir au principe de la vie en dehors du monde et qui comprend aussi des moniales (I, 1). La place tenue par les femmes dans la communauté chrétienne, à Uzalis mais aussi à Carthage dénote l’importance plus grande qui leur est faite dans la société chrétienne. Le culte des saints offrait plus particulièrement un biais pour rassembler les femmes et les pauvres sous la direction de l’évêque afin de façonner de nouvelles solidarités dans la ville antique tardive. Les femmes en tant que groupe social sont donc associées à toutes les manifestations religieuses (cérémonies dans la basilique et processions), bien que leur place soit déterminée par le principe toujours en vigueur de la séparation des sexes. Prises individuellement, les femmes jouent aussi un rôle très actif dans les miracles en fonction de leur personnalité et de leur place dans la communauté : I, 1 et 2 rôle de la vision prémonitoire de deux vierges dans l’installation des reliques ; I, 3 guérison de la boulangère Hilara ; I, 5 retour du mari de la femme de Memblone désespérée par la longueur de son absence ; I, 6 intervention de la femme du propriétaire écrasé par l’effondrement de sa maison ; I, 15 le désespoir de la mère d’un enfant mort sans avoir été baptisé ; I, 12 intervention de la mère d’un paralytique d’Utique ; II, 2 histoire de Vitula et Megetia qui, contrairement à toutes les autres femmes, appartiennent par leur milieu social au groupe des honestiores.
Les lecteurs sont attestés par de nombreuses épitaphes qui permettent de constater qu’il s’agissait souvent, mais pas exclusivement, de jeunes garçons élevés par l’Église. Ils ont fait leurs classes chez un grammairien et, connaissant l’art de la déclamation, ils peuvent lire les textes aux fidèles. 48
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À travers tous ces épisodes, les femmes peuvent être étudiées sous trois angles : le rôle des groupes à vocation particulière, celui des femmes d’Uzalis et enfin ce que nous apprend l’histoire de Megetia sur les chrétiennes de haut rang de Carthage. Les vierges constituent un véritable ordo : le terme employé pour les désigner, celui de vierge consacrée, fait référence à la cérémonie de consécration, dont Optat de Milev a laissé une description (VI, 4, 1), au cours de laquelle elles revêtaient un voile. Il n’existe pas de condition d’âge : au cours d’une halte sur le chemin du retour vers Carthage, Vitula et Megetia (II, 2, 242-251) sont reçues par une de leurs amies, païenne mais entourée de chrétiennes, dont une jeune vierge Helpidiana qu’elle appelle « ma petite ». Mais il faut une décision de l’évêque pour entériner l’engagement de la femme à vivre dans la chasteté. Dès lors, elle occupe une place à part dans la communauté soit qu’elle choisisse de vivre en dehors du monde dans un monastère (I, 1), soit qu’elle continue à occuper sa place dans le monde, comme le montre l’exemple précédent : la jeune Helpidiana est une servante. Au début du récit, les visions de deux vierges préfigurent l’installation des reliques dans la cité et ces femmes apparaissent alors comme les intermédiaires privilégiés que le saint choisit pour faire passer ses messages. Les veuves constituent elles aussi un ordo dans la société laïque. Elles doivent s’engager à mener une vie exemplaire et ne peuvent habiter avec d’autres que leurs parents : la boulangère vit avec son fils et la femme de Memblone est en plein désarroi. Très souvent, elles se dévouent pour la communauté, comme la femme pieuse qui accompagne l’aveugle jusqu’à la memoria (I, 3, 11-13) ; elles assistent malades, infirmes et pauvres. La place d’une veuve n’est pas toujours facile à assumer comme le montre la comparaison entre la boulangère et la femme de Memblone dont les tourments témoignent à la fois des problèmes matériels que les veuves peuvent connaître mais aussi des problèmes psychologiques et moraux auxquels elles se heurtent. Ces deux exemples montrent que les femmes d’Uzalis sont très souvent à l’origine des miracles, soit par leurs démarches directes pour supplier le saint d’exaucer ce qu’elles demandent pour elles-mêmes ou pour leurs proches, en tant qu’épouses ou mères, soit par leur rôle d’intermédiaires dans le processus du miracle par le biais de visions prophétiques ou thaumaturges. Elles témoignent souvent publiquement de la réalité des miracles en présence des fidèles en racontant les faits : c’est une intervention directe dans la vie publique qui rehausse leur place dans la société. Pour obtenir que le saint les écoute, elles emploient les prières, les supplications, les larmes très souvent. Deux cas sont particulièrement intéressants en montrant deux personnalités très contrastées
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qui illustrent la diversité de la situation de la femme variable en fonction de sa place dans la société et de la force de son caractère. Hilara, la boulangère (I, 3), est présentée comme une maîtresse femme : c’est elle qui prend l’initiative de consulter directement le saint. Sa personnalité affirmée se traduit par la force de ses convictions dans un contexte encore marqué par le scepticisme ambiant car les reliques viennent juste d’arriver à Uzalis. D’autres détails confirment cette force de caractère : son état de boulangère témoigne de la capacité à reprendre en main l’affaire après la mort de son mari, malgré la présence de son fils qui doit avoir atteint l’âge d’homme d’après la manière dont il s’adresse à Hilara. Elle prend de nombreuses initiatives : elle va à la memoria, met le voile sur ses yeux et va ensuite témoigner à l’église. Le contraste est grand quand on compare son histoire avec celle de la femme de Memblone (I, 5). Sans doute ne s’agit-il pas du même milieu social : on est à la campagne, et rien de plus n’est dit sur cette femme sinon l’allusion à une totale solitude. Elle est un véritable stéréotype de l’image de la femme telle qu’elle est souvent mise en avant par les pères de l’Église, un être faible, inconstant et pusillanime en proie aux doutes les plus profonds sur la conduite à tenir face à un avenir menacé par la pauvreté, tenaillée par la tentation de la chair, mais craignant de perdre sa réputation dans un contexte social très étroit. La démarche ne vient pas d’elle. Influençable, elle est poussée par des voisins ou les clercs du lieu, a quibusdam instigata atque cohortata (I, 5, 12). Elle ne vient pas témoigner à Uzalis du miracle. Les femmes de Carthage occupent une place importante dans le livre II avec le long récit de l’histoire de Megetia qui apporte bon nombre de renseignements sur la condition des femmes appartenant à l’élite de la société africaine et qui s’écarte donc de la présentation des femmes d’Uzalis. La longueur inhabituelle du récit apparaît un peu comme une réponse aux préoccupations d’Augustin qui s’indignait du fait que la guérison miraculeuse de la noble Innocentia, atteinte d’un cancer au sein, fût restée inconnue49. Le miracle de Megetia était d’autant plus important qu’il touchait les cercles païens de Carthage amenés ainsi à reconnaître la puissance de Dieu. Le récit s’organise donc en plusieurs épisodes successifs : après la présentation de Megetia dans 49 Augustin, Ciu. XXII, 8, 4, uehementer stomacharer in illa ciuitate atque in illa persona non utique obscura factum tam ingens miraculum sic latere ... et quia breuiter ab ea quaesiueram, feci ut, illis audientibus multumque mirantibus et glorificantibus Deum, totum ex ordine, quem ad modum gestum fuerit, indicaret (« je fus vivement indigné qu’un si grand miracle accompli en pleine Carthage et en faveur d’une personne de haute classe, restât si complètement inconnu ... Et comme je ne lui avais demandé d’abord qu’un bref résumé, je fis en sorte qu’en présence de ces dames qui, saisies d’admiration, glorifiaient Dieu, elle exposât point par point comment tout s’était passé »).
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son contexte social, l’auteur s’attarde sur la description des symptômes apparents des maladies de Megetia (une grossesse pathologique doublée d’une luxation de l’articulation temporo-maxillaire) et sur l’impuissance des médecins appelés à son chevet. Une première démarche de Vitula, la mère de Megetia, auprès du patron d’Uzalis conduit à la délivrance de Megetia qui survit à l’expulsion du fœtus mort depuis plusieurs mois. Suit une longue période d’atermoiements et de nouvelles consultations médicales toutes aussi vaines, au terme de laquelle Vitula entreprend avec sa fille une deuxième démarche à Uzalis. Megetia au cours d’un songe prend conscience d’une faute oubliée et peu à peu guérit. Les différentes étapes de sa guérison sont marquées par la conversion de son père puis de son époux. Megetia est sans doute une très jeune femme, bien que le texte ne le précise pas. Elle a des réactions malicieuses quand elle taquine son mari en feignant de ne pas l’entendre quand il constate sa guérison ou quand elle soigne son arrivée à la fête de saint Cyprien aux Mappalia pour jouir de l’effet de surprise sur ses amies. Si l’âge au mariage chez les chrétiens tend à être plus tardif, il est encore très précoce dans les hautes classes50 et surtout dans les milieux païens : c’est le père qui décide du choix du futur époux. Cette extrême jeunesse est peut-être l’une des causes de la pathologie de la grossesse de Megetia, pathologie dont les premiers signes apparaissent vers le quatrième mois. Les médecins grecs et romains, Soranos en particulier, s’étaient penchés sur les problèmes que posaient les grossesses précoces inconsciemment mal acceptées par des organismes qui n’étaient pas prêts à assumer une telle fonction51, d’autant plus que la grossesse est considérée comme une longue maladie52. Pour Megetia devaient s’ajouter les déchirements entre ses convictions religieuses et l’obéissance filiale aux volontés de son père. La personnalité de la jeune femme s’affirme d’ailleurs au fil des épreuves. Très soumise au départ aux volontés de son père et à l’influence de sa mère à la personnalité très forte53, elle prend peu à peu sa vie en main, signe de maturité. La personnalité de ces deux femmes montre que la soumission totale aux volontés du chef de famille n’était pas
C. Carletti, « Aspetti biometrici del matrimonio nelle iscrizioni cristiane di Roma », Augustinianum, 17 (1977), p. 39-51. Cf. le cas de Mélanie mariée à 14 ans à son cousin Pinien. 51 Soranos, Gynécologie I, 32 : « il serait dangereux que la semence déposée dans une matrice encore trop petite y déclenche la conception » et I, 33 : « la première apparition des règles a lieu en général vers la quatorzième année : c’est là réellement un signe naturel marquant l’époque où peut se faire la défloration. Mais celle-ci offre des dangers pour plusieurs années encore ... Il vaut mieux attendre que l’organe où se crée la vie soit prêt à supporter la conception ». 52 D. Gourevitch, Le mal d’être femme, Paris, 1984, p. 149-153, qui cite Soranos. 53 Elle prend l’initiative d’aller seule à Uzalis, puis de soigner sa fille ; elle convoque le médecin et obtient de lui l’aveu de son impuissance ; elle convainc son mari et son gendre de la laisser conduire Megetia à Uzalis. 50
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deuxième partie
toujours de mise. Ainsi Vitula impose-t-elle à son mari et à son gendre sa décision de partir à Uzalis et les hommes s’inclinent à tel point qu’elle est qualifiée d’âme virile, ce qui est le plus bel éloge que l’on puisse faire à une femme dans l’Antiquité et pas seulement chez les pères de l’Église. Les deux femmes appartiennent à la plus haute société de Carthage. Le rang du père, un sénateur, n’est précisé qu’au moment de sa conversion. Mais dès les premières lignes, l’auteur avait précisé la dignité de la naissance et la richesse de Megetia ainsi que la complexité de sa situation de chrétienne en milieu païen. La description des symptômes permet de dégager à quel point, dans le milieu de Megetia, l’image de la personne renvoyée par le corps est importante pour les relations sociales : son infirmité la prive de la dignité physique, reflet de sa dignité morale et surtout sociale et lui interdit de remplir ses devoirs de représentation (II, 2, 16-23), elle devient un objet de curiosité quelque peu malsaine et mal intentionnée pour les femmes de son milieu (II, 2, 244-245). Les deux femmes, par leur comportement d’humilité devant la memoria, renoncent en quelque sorte à leur rang d’honestiores et à l’attitude de fierté qui en découle ; l’auteur oppose la condition sociale de ces « nobles dames » et leur attitude : « pleurant et gémissant tout le jour, hideuses sous la cendre et le cilice », elles passent alors du côté des humiliores. Leur statut social explique la présence de nombreux médecins au chevet de Megetia54. Ces médecins sont soit des médecins privés soit des archiâtres, nommés et appointés par les cités pour assurer gratuitement les soins aux malades55. On sait qu’à Carthage, au début du ve siècle, existait une école de médecine très réputée autour de Vindicianus (qui fut aussi proconsul d’Afrique et ami d’Augustin) et de ses disciples56. L’un d’eux, Félix, est cité avec beaucoup
Cf. Augustin, Ciu. XXII, 8, 3 : un grand nombre de médecins s’empresse autour du noble Innocentius souffrant de multiples fistules. C’est là l’application du principe d’Hippocrate, Préceptes 8 : « le relâchement et l’aggravation chez le malade requièrent une assistance médicale proportionnelle. Il n’y a aucune disgrâce si un médecin embarrassé dans quelque occasion auprès d’un malade et ne voyant pas clair ... réclame la venue d’autres médecins avec qui il consultera sur le cas actuel et qui s’associeront à lui pour trouver le secours ». 55 En échange, ils étaient dispensés, eux et leurs familles, des munera. Le Code Théodosien X, 43, 5, précise que les curies pouvaient les révoquer en cas de manquements à leurs devoirs. À Rome, il y avait quatorze archiâtres. On ne sait si Uzalis disposait d’un tel médecin. Ces médecins publics chargés des soins des pauvres dans les cités d’Occident sont encore mentionnés au milieu du vie siècle (cf. AE, 1989, 165, Capoue, entre 542 et 565) ; à leur sujet, voir V. Nutton, « Archiatri and the medical Profession in Antiquity », PBSC, 45 (1977) p. 191-226. 56 G. Sabbah, « Notes sur les auteurs médicaux africains dans l’Antiquité tardive, ive-ve siècles », Recherches et travaux de l’Université Stendhal, 54 (1998), p. 131-150, notamment p. 147 : l’école africaine se caractérisait par sa fidélité à l’enseignement des médecins grecs considérés comme les « sources vives du savoir médical ». La prospérité de cette école est liée à la situation de l’Afrique, sa prospérité, au rôle de Vindicianus et à la connaissance du grec ; toutes ces conditions ont fait de l’Afrique un conservatoire de la médecine antique. 54
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de respect dans le texte. Récemment, G. Sabbah57 a émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir de Cassius Félix, originaire de Cirta et auteur d’ouvrages de médecine notamment le Breuiloquium publié en 447 dans lequel il résume son expérience de médecin en la plaçant sous l’autorité divine, comme le montre dans l’introduction, l’expression, omnipotentis Dei nutu. Or, dans le De miraculis, le médecin Félix répond à Vitula fideliter, « en toute bonne foi », réponse à la fois de médecin honnête et de chrétien. Or Cassius Félix est le seul des grands médecins du ve siècle à affirmer sa foi chrétienne. Il est décrit comme un digne représentant de sa profession et fait preuve d’une grande honnêteté à l’égard de Vitula, respectant ainsi les principes énoncés par Hippocrate dont on trouve un écho chez Augustin58. Mais l’originalité du texte des miracles est de nous transmettre un exemple de dialogue entre médecin et parents d’un patient jugé incurable. Les propos de Félix sont imprégnés de telles convictions et c’est au nom de ces principes qu’il accepte le recours au médecin divin après avoir reconnu l’impuissance de la médecine humaine59 en distinguant très nettement les deux sphères et en insistant sur le rôle de Vitula : « Cette guérison, le Dieu tout puissant en qui tu crois peut l’accomplir, mais n’attends rien de nous60. » On passe à une méthode qui n’a pas les mêmes limites que la médecine traditionnelle. La maladie de Megetia était-elle incurable ? Une opération eût été sans doute nécessaire avec un risque d’échec, comme dans le cas des exemples de fractures mal réduites évoqués par Augustin, qui pouvait faire reculer le médecin surtout s’il prend en considération la situation sociale de sa patiente. Enfin la famille de Megetia n’hésite pas à recourir à la magie pourtant interdite sur la pression des médecins officiels depuis le règne de Caracalla. L’auteur du De miraculis insiste bien : ce sont les parents païens de Megetia qui Ibid., p. 141. Augustin, Ciu. XXII, 8, 4, à propos d’Innocentia : ut aliquanto diutius homo uivat, tamen inde morte quamlibet tardius adfutura, secundum Hippocratis ut ferunt sententiam omnis est omittenda curatio. Hoc illa a perito medico et suae domui familiarissimo acceperat et ad solum Deum se orando conuerterat (« pour prolonger quelque peu la vie, sans guère reculer de beaucoup le délai de la mort, on doit d’après le conseil d’Hippocrate, s’abstenir de toute médication. C’est ce que la dame avait appris d’un habile médecin, ami intime de la famille »). Cf. D. Gourévitch, « Déontologie médicale : quelques problèmes », MEFR, 81 (1969), p. 519-536, qui cite Hippocrate, De art. 14 : « la médecine s’abstient avec raison de toucher aux maladies peu susceptibles de guérison, ou bien y touchant, elle ne commet aucune faute » et Maladies I, 6 : « le médecin doit mener à bien dans le traitement les choses faisables, discerner celles qui ne le sont pas, et en ce cas procurer au patient toute l’amélioration compatible avec la liaison qu’il porte ». 59 Hippocrate, Bienséances 6 : « devant les dieux, les médecins s’inclinent car la médecine n’a pas une puissance qui surabonde ». 60 II, 2, 3 : hoc omnipotenti Deo licet facere, cui credis ; nam nihil speres ex nobis. On ne peut en conclure que le médecin est païen. Il se dissocie nettement de la démarche de Vitula car elle ne peut l’engager en tant que médecin et il n’a pas à faire intervenir ses convictions religieuses personnelles. 57 58
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deuxième partie
prennent la décision de « s’adresser aux sortilèges des démons et autres vaines inventions de la superstition », car la maladie de Megetia pouvaient leur apparaître comme un cas de possession démoniaque. On retrouve là encore un écho augustinien puisque l’évêque d’Hippone a souvent mis en garde dans ses sermons les chrétiens contre les pratiques superstitieuses très répandues en Afrique, y compris dans la communauté chrétienne61, particulièrement pour lutter contre la maladie. Cette étude aura peut-être permis de mesurer la valeur documentaire du De miraculis. Si le tableau de la « vie quotidienne » à Uzalis qu’il permet de dresser reste très lacunaire, car le propos de l’ouvrage n’y permet que des allusions, il n’en atteste pas moins de la vitalité de la civilisation urbaine en Afrique à la veille de l’invasion vandale liée à la prospérité économique de la région, telle qu’elle ressort également des remarques d’Augustin sur les realia de son temps.
Cf. N. Benseddik, « La pratique médicale en Afrique au temps d’Augustin », L’Africa romana, 6 (1989), p. 663-682.
61
Troisième partie
Le De miraculis sancti Stephani
chapitre premier
La langue du De miraculis Michel Griffe Il y a deux bonnes raisons d’être attentif à la langue du De miraculis. D’abord, comme leur auteur est inconnu, nous pouvons espérer d’une analyse linguistique sinon des révélations sur son identité, au moins des indications sur son style, sa culture, sa personnalité d’écrivain. D’autre part, la question de la langue est explicitement posée dans l’ouvrage lui-même. En effet, dans la préface du livre I, l’auteur expose les règles de rhétorique qu’il s’est imposées : il ne faut pas « en rajouter » (exaggerare, I, 1, 13) ni sur le fond, ni sur la forme (nec ingenio et lingua, I, 1, 12-13), les tromperies sur le fond (mendaciorum fucus, I, 1, 15) étant naturellement plus graves que les effets de style superflus (uerborum pompa, I, 1, 15). La vérité sera le seul souci du rédacteur. Les paroles des témoins devront être rapportées au plus près de la lettre des témoignages (ipsorum quoque hominum uerba sicut ab eis dicta sunt, simpliciter ponere non debeamus erubescere, I, 1, 16-17). Ce dernier impératif nous a valu un ensemble rarissime de citations en sermo quotidianus des acteurs et témoins des miracles, matière infiniment précieuse pour les historiens du latin tardif et des langues romanes. Ces textes ont été étudiés par J. Meyers à l’occasion d’un colloque en Sorbonne de juin 1994 consacré aux structures de l’oralité en latin. On laissera donc ici de côté cet aspect-là du De miraculis pour s’intéresser plus spécialement au style propre de l’auteur.
Cf. J. Meyers, « Le De miraculis sancti Stephani. Un témoignage précieux sur l’oralité africaine au ve siècle », dans Les structures de l’oralité en latin (Lingua Latina, 4), Colloque du Centre Alfred Ernout (Université de Paris IV, 2, 3 et 4 juin 1994), éd. J. Dangel - C. Moussy, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1996, p. 109-117. Sur cet aspect, on pourra se reporter aussi à M. Griffe, « L’oralité dans les Miracles de saint Étienne, un test : l’étude de la subordination par Vt », dans Les structures de l’oralité en latin, éd. J. Dangel - C. Moussy, p. 119-130.
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troisième partie
1. Orthographe et phonétique Il serait imprudent de tirer des conclusions hâtives sur l’orthographe de l’auteur à partir des manuscrits, car, comme tous les textes de l’antiquité, à l’exception des inscriptions autographes, nous ne possédons pas les originaux, lesquels n’ont peut-être jamais existé puisque la pratique courante de l’époque était de dicter. Nous ne connaissons que des copies ou des copies de copies. Il est probable que les manuscrits donnent le plus souvent une image de l’orthographe propre des scribes. Toutefois, leur accord permet, dans certains cas, d’aboutir à des conclusions intéressantes. Ainsi, la diphtongue -ae est presque toujours conservée, avec des variantes, dans les mots d’usage courant et dans les désinences, mais elle est unanimement monophtonguée en -e dans quelques mots rares, tel tetram (II, 4, 1) ; cette unanimité a toutes chances de refléter l’orthographe initiale du texte, puisque les scribes ne disposaient plus du secours de leur culture grammaticale ou lexicale habituelle. De même la diphtongue -œ- a été conservée dans cœpit pour éviter la confusion avec cepit, mais éliminée dans lagena, « bouteille » (II, 3, 48). Au total, les orthographes non classiques attestées par l’ensemble des témoins se comptent sur les doigts d’une seule main. Le livre I n’en offre qu’une seule : lethali pour letali (I, 15, 13) et encore faut-il savoir que cette graphie existait déjà à l’époque classique : elle s’explique par un rapprochement erroné avec le grec lhvqh et apparaît donc plutôt comme une référence savante que comme un vulgarisme. Tous les manuscrits (sauf LS) s’accordent sur l’orthographe ditioni au lieu de dicioni, « autorité » en II, 5, 11, preuve de la prononciation palatalisée [ditsjoni]. En II, 2, 144, on trouve cereoferarium pour ceroferarium, « chandelier ». Ce mot très tardif présente un grand nombre de variantes dans les textes chrétiens, qui explique ici les hésitations de certains copistes : cereferale, cereofalum, ceriforus, cerofarium, cerostatum. La leçon promontoriensi au lieu de promuntoriensi dans plusieurs manuscrits en I, 7, 1 n’est guère significative. Le mot est dérivé de promontorium, « promontoire ». L’orthographe normale est promuntorium (cf. Niedermann, Phonétique historique du latin, Klincksieck, p. 27), mais promontorium se rencontre déjà à l’époque classique par suite d’un rapprochement étymologique populaire avec mons, montis, « montagne ». Quant à la forme promunctorium, on ne la trouve qu’à basse époque et elle s’explique par une étymologie encore plus douteuse à partir de mungere, « moucher ». Sous diverses formes, la voyelle u Voir Ernout - Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine. Histoire des mots, 4e éd., Paris, 1959-1960, p. 114a.
chapitre premier - la langue du de miraculis
133
est attestée par une majorité de manuscrits, et il est donc probable que le texte primitif a comporté promunctorium ou promuntorium ! Un seul manuscrit (S) donne la version misserat au lieu de miserat en I, 14, 5. On note une hésitation en I, 12, 13 sur fenestella, « petite fenêtre », qui est écrit selon les cas fenestrella (AB2), ou fenestra (FLP). Là encore on comprend aisément : il s’agit d’un mot rare formé pourtant de manière régulière sur le modèle fratellus de frater (< *frater-los) ou patella sur patera (< *pater-la) avec assimilation du r, le principe de composition n’était plus compris des scribes. Les noms propres sont beaucoup plus mal traités que les noms communs : les scribes ont été visiblement gênés pour transcrire les toponymes locaux. Si on peut comprendre que Zumurus (I, 7, 6) ait pu être interprété Zumirus, Zurumus, Zumurius, Zurius à cause des nombreux jambages, Mapilia pour Mappalia (II, 2, 268) s’explique moins bien (erreur de dictée ?). Aucun manuscrit ne donne l’orthographe correcte de Hipponensis (I, 11, 1), l’adjectif formé sur le nom de l’évêché de saint Augustin : les scribes, de toute évidence, ne connaissaient pas l’Afrique. Il faut se rendre à l’évidence, l’orthographe du De miraculis est presque partout classique, même dans les citations en langue vulgaire. Nous avions été très contents Jean Meyers et moi-même de découvrir une forme syncopée domne pour domine, vocatif de dominus dans le discours du boucher Rusticanus (I, 14, 16). Las ! il s’agissait d’une erreur des premiers éditeurs ! Aucun manuscrit ne confirme la leçon. On trouve bien domni pour domini en II, 4, 12, attesté par cinq manuscrits, mais il s’agit d’un passage où l’auteur parle en son nom propre et non d’une citation en langue vulgaire ! 2. La morphologie On relève dans le De miraculis un certain nombre de phénomènes bien connus des spécialistes du latin tardif : – emploi des formes verbales composées pour les simples : ad-solere (I, 2, 5), demonstrare (I, prol, 25 ; I, 4, 44 ; II, 1, 31 ; II, 2, 236, 260), sub-sequi (I, 4, 20 ; II, 4, 76), ob-dormire (I, 4, 8 ; I, 4, 32), de-relinquere (I, 4, 21 et 37), re-ticere (I, 3, 18 et I, 4, 49), de-fraudare (I, 4, 51 et II, 1, 42), de-nuntiare (I, 11, 18), ad-implere (I, 11, 18 et II, 3, 27), ad-uolare (I, 5, 13 et II, 2, 85), con-uolare (I, 12, 4 et II, 4, 33), cor-rogare (II, 2, 110), per-ferre (I, 7, 9 et II, 2, 122), dis-cedere (I, 3, 17 ; I, 4, 20 ; II, 2, 132, 208, 273 ; II, 3, 41), ex-orare (II, 2, 156), per-sentire (II, 2, 229 et II, 5, 29), ad-iuuare (II, 1, 44 ; II, 2, 56 et II, 5, 8) ... – emploi de formes nominales composées pour les simples : de-gustator (II, 3, 14) et praegustator (II, 3, 38) pour gustator ...
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troisième partie
– emploi de formes pronominales ou adverbiales composées au lieu des simples : semetipsa (II, 5, 34 et 88) pour se, sibimet pour sibi (I, 1, 8 ; I, 5, 10 ; I, 7, 12 ; I, 11, 10 ; I, 14, 12 ; I, 15, 24 ; II, 2, 144, 146, 157, 193, 200, 239, 247, 287 ; II, 5, 37 et 46) – diminutifs : aliquantulum pour aliquantum (I, 2, 6 ; I, 6, 12 ; I, 11, 13 ; II, 5, 78), paruulus pour paruus (I, 2, 8, 10, 25, 26, 27 ; I, 4, 6 ; I, 15, 4, 10, 12, 16), infantulus pour infans (I, 2, 27), pusillus pour pusus (I, 2, 28 ; I, 4, 8) – nominatif au lieu du vocatif : domine meus pour domine mi (I, 14, 16) – parfaits et plus-que-parfaits formés avec des perfectum de esse : reuersi fuissent (I, 14, 6) pour reuersi essent, fuerat curatus (II, 1, 25) pour erat curatus, fuerit aggressa (II, 2, 58-59) pour sit aggressa, fuerat exoratus (II, 2, 156), tabefactum fuerat (II, 2, 31-32) – infectums passifs analytiques : significata erat (II, 2, 80) pour significabatur – infinitif présent passif analytique : celata esse (II, 2, 15) pour celari
On ne peut pas dire que ces vulgarismes soient plus fréquents ici que chez les auteurs chrétiens de la même époque. On notera même quelques hypercorrections ou archaïsmes : le parfait cœpere pour cœperunt (II, 2, 98), le parfait adiuta pour adiuuata (II, 2, 31) présent dans une seule variante, l’ellipse de la copule esse : productus (est) en II, 1, 26, exhibitum (est) en II, 1, 8. 3. Syntaxe C’est dans ce domaine que se révèlent le plus clairement les traits de langue tardifs, souvent par influence biblique. a. Emploi des cas Les prépositions remplacent les cas : – tendance à renforcer l’ablatif de moyen avec la préposition cum : cum hilaritate (I, Prol., 25), cum celeritate ac solemnitate (I, 4, 40) – de + abl. au lieu du génitif : silices de platea (I, 3, 26), « les pavés de la place » ; de reliquiis ... verbum (I, 1, 27-28), « l’évocation des reliques » ; de filia compotem (II, 2, 56), « en possession de sa fille » ; luctus de filia (II, 2, 68), « le deuil de ma fille » – per + acc. au lieu de l’ablatif pour le complément d’agent : uisitatur per somnium Megetia (II, 2, 180), « Megetia est visitée par un songe »
Voir J. Finaert, L’évolution littéraire de saint Augustin, Paris, Les Belles Lettres, 1939.
chapitre premier - la langue du de miraculis
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b. Syntaxe des pronoms On note un brouillage des démonstratifs : – iste employé pour hic : isti parietes (I, 3, 25), « ces cloisons devant moi » (l’ancien aveugle découvre les objets qui l’entourent) ; voir aussi I, 4, 20 ; I, 14, 18 ; II, 1, 41 ... – ille employé comme anaphorique à la place de is : 39 exemples dans l’épisode de Megetia. – ipse envahit le domaine de is : ipse respondit (I, 7, 15-16), « il répondit » ; ipsius utar simplicibus uerbis (I, 14, 15), « je citerai ses humbles paroles » – ipse remplace idem : illa ipsa nocte (II, 2, 143), « cette même nuit » – ipse s’emploie comme pronom personnel : scis ipse qualibus causis laboret Megetia (II, 2, 63), « tu sais toi pour quelles raisons Megetia souffre ». Il y en a 22 exemples dans l’histoire de Megetia. – suus pour eius : et dixit filius suus (I, 3, 26)
c. Emploi des modes – non + subj. présent pour exprimer la défense : non indignemini (I, Prol., 30) – absence d’attraction modale : permittite et nobis ut faciamus et nos quod expedit nobis (II, 2, 126) – indicatif dans l’interrogation indirecte : nondum perciperet quae sunt spiritus Dei (I, 3, 31), mais subjonctif à la ligne suivante (32) : ignorans quod olim praedictum esset (+ quod au lieu de quid). – infinitif de narration fréquent : Tum illum ad se accessisse ac sibi dixisse ... (I, 6, 20), on notera cependant que le sujet est à l’accusatif et le temps employé l’infinitif parfait, contrairement à la syntaxe classique. – participe présent très fréquemment employé en rallonge, souvent pour introduire une citation : Quoniam santus Raphaelus Angelus nos hortari dignatur ut opera Dei non tam in abdito collocemus quam potius pro dei gloria in aperto pabdamus monens et dicens : « Sacramentum regis ... » (I, Prol. 2-4)
d. Construction des verbes – aestimare + dat. : « estimer à l’égal de » I, 3, 7 – audire quod + ind.: I, 14, 16 – credere in + acc.: « croire en » II, 2, 127 – credere quia : II, 2, 67 – cumulare gaudium : « être rempli de joie » au lieu de cumulari gaudio I, 8, 9 – dicere quia : II, 2, 103 – disponere + inf. : « décider de » I, 7, 4 – dubitare an au lieu de dubitare an non : Dubitas an martyr paruulus sit ?, « Doutes-tu que le martyr soit un petit garçon ? » I, 2, 26-27
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troisième partie
– esse de + abl. : « appartenir à » dans le discours de l’aveugle I, 3, 25 – facere + prop. inf. : « faire semblant de » I, 3, 29 – fides adfuit ut : « croire que » I, 10, 4 – ignorare quia : I, 9, 10 – implorare + subj. seul : II, 2, 63 – inspirare ut + subj. : « inspirer à quelqu’un de ... » II, 2, 52-53 – longum est + prop. inf. : « il est long de » I, 4, 45-46 – noscere quia : II, 2, 151 – operari + accusatif : « opérer (des miracles) » I, Prol. 9-10 – placet impers. au pluriel : magis placent bonis, « il plaît plus aux honnêtes gens » I, Prol. 18 – putare quod + subj. : I, 3, 26 – scire quod (quia) : I, 14, 21 ; II, 2, 153… – scire si + ind. : I, 1, 11 – ualere + inf. : « pouvoir faire qq chose », II, 2, 122 ; II, 2, 131…
e. Prépositions – de + abl. à valeur partitive : et dabo de spiritu meo (I, 2, 14) – super + acc. au lieu de in + acc. : super pauimentum, « sur le dallage » (I, 11, 8) – in + abl. au lieu de in + acc. : Flexis itaque illis in hac sententia II, 2, 133
f. Conjonctions de subordinations – quo « afin que » sans comparatif : I, Prol. 11-12 ; I, 7, 24-25 – eo quod complétif : I, 7, 11 retulisse eo quod ... uiderit, « il avait fait un rapport comme quoi il avait vu », et également I, 14, 7-8 amico suo argui et increpari cœpit eo quod filium suum ... in tam longinquam regionem mittere uoluisset, « il reprocha à son ami d’avoir voulu ... » – dum « pendant que » avec le subj. : I, 5, 7 ; II, 2, 21-22 – sicut introduisant une incise portant sur la valeur de vérité de la proposition (en syntaxe classique, c’est toujours ut qui est employé dans ce cas, jamais sicut ou uelut) : Pontius credet in Christo sicut confido de Christo meo (II, 2, 151-152), non pas « Pontius croira en Christ comme j’y crois », mais « Pontius croira en Christ, aussi vrai que je crois en Christ. » – mox ut + ind. « dès que » : II, 2, 183
g. Syntaxe de ut Il nous a paru intéressant d’étudier l’usage de la conjonction ut qui a disparu de toutes les langues romanes. Nous avons comparé avec deux autres textes : les Catilinaires de Cicéron et la Peregrinatio Egeriae.
Pour plus de détails sur ce point, on se reportera à l’article cité à la n. 2.
137
chapitre premier - la langue du de miraculis Tableau n° 1 Nombre de mots
Nombre de ut
Réduction
Cicéron
12730
122
91
Egérie
18500
187
95
Miracles
9500
116
116
Totaux
40730
425
302
Pour tenir compte de la différence de longueur des trois textes, il était nécessaire d’appliquer aux Catilinaires et à la Peregrinatio un cœfficient réducteur qui s’élève respectivement à 0,746 et 0,51. C’est donc à partir d’effectifs ramenés à l’identique que nous avons constitué le tableau n° 2. Il en sera de même pour les autres histogrammes. Tableau n° 2 120 100 80 60 40 20 0 Cicéron
Egérie
Miracles
Le résultat est inattendu : alors que les grammaires historiques des langues Le résultat est inattendu : alorstoutes que toutes les grammaires historiques des romaneslangues expliquent que ut disparaît au profit de quod, de quia et d’autres conjonctions, romanes expliquent que ut disparaît au profit de quod, de quia et on constate au contraire dans nos deux textes tardifs undans accroissement de l’usage d’autres conjonctions, on constate au contraire nos deux textes tardifsde unut. Cette tendance n’a rien de fortuit ; des sondages pratiqués chez Grégoire de Tours accroissement de l’usage de ut. Cette tendance n’a rien de fortuit ; des sondages e e e (deuxième moitié du VI Grégoire siècle) etde Dhuoda IX visiècle) pratiqués chez Tours (première (deuxièmemoitié moitiédudu siècle)laetconfirment Dhuoda : on compte 556 exemples les laHistoriae VII-X on et 315 dans556 le Liber manualis. (première moitié de duutixedans siècle) confirment : compte exemples de ut Ondans voitles même que l’auteur anonyme des Miracles tient en particulière affection Historiae vii-x et 315 dans le Liber manualis. les subordonnées parmême ut. Elles dans certains passages et notamment dansaf-les On voit que abondent l’auteur anonyme des Miracles tient en particulière lignes dufection prologue où il affiche son parti pris stylistique : on y compte 3 ut, 2 les subordonnées par ut. Elles abondent dans certains passages etquo, no- 1 prout et 1 sicut : tamment dans les lignes du prologue où il affiche son parti pris stylistique : on y compte 3 ut, 2 quo, 1 prout et 1 sicut :
Propterea, beatissime Papa Euodi, iussis paternitatis tuae studiose obtemperare curaui, non tam fisus uiribus meis quam adiutus gratia Dei et sanctis orationibus tuis : ut ea quae per patronum nostrum Stephanum primum Martyrem suum operatus est apud nos Christus, et adhuc operare dignatur, non maliuola taciturnitate supprimere quo ceteri fraudarentur, sed magis pia deuotione narrare, quo amici Dei gloria fraternis auribus intimetur ; nec ingenio et lingua aliqua quasi exaggerare praeualentes, sed ipsarum rerum ueritatem, prout Deus donauerit, fideliter explicare cupientes, ut ipsa nostra narratio non tam uerborum pompam audeat quaerere, sed potius mendaciorum fucum studeat declinare ; ita ut ubicumque res postulauerit, ipsorum quoque hominum uerba,
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Propterea, beatissime Papa Euodi, iussis paternitatis tuae studiose obtemperare curaui, non tam fisus uiribus meis quam adiutus gratia Dei et sanctis orationibus tuis : ut ea quae per patronum nostrum Stephanum primum Martyrem suum operatus est apud nos Christus, et adhuc operare dignatur, non maliuola taciturnitate supprimere quo ceteri fraudarentur, sed magis pia deuotione narrare, quo amici Dei gloria fraternis auribus intimetur ; nec ingenio et lingua aliqua quasi exaggerare praeualentes, sed ipsarum rerum ueritatem, prout Deus donauerit, fideliter explicare cupientes, ut ipsa nostra narratio non tam uerborum pompam audeat quaerere, sed potius mendaciorum fucum studeat declinare ; ita ut ubicumque res postulauerit, ipsorum quoque hominum uerba, sicut ab eis dicta sunt, simpliciter ponere non debeamus erubescere. (I, Prol. 7-16)
h. Les comparatives Tableau n° 3
Cicéron Egérie Miracles
ut
sicut, uelut
12,7 (17réels)
1,5 (2)
14 (28)
27,5 (55)
16
38
Tableau n° 4 60 ut
sicut
50 40 30 20 10 0 Cicéron
Egérie
Miracles
Les comparatives à l’époque tardive sont caratérisées par un emploi très fréquent des composés de ut:tardive essentiellement sicut et quelques de fréquent Les comparatives à l’époque sont caratérisées par un exemples emploi très uelut. de ut: essentiellement sicut et quelques exemples de uelut. des composés L’abondance comparativesest estmoins moins due raisons stylistiques qu’à qu’à la L’abondance des des comparatives dueà àdesdes raisons stylistiques la nature argumentative du texte. L’auteur s’attache certes à faire un récit minature argumentative du texte. L’auteur s’attache certes à faire un récit minutieux des nutieux des miracles, mais surtout à en démontrer la vérité. Les miracles se miracles, mais surtout à en démontrer la vérité. Les miracles se produisent toujours en produisent en préalable conformitésouvent avec une annonce sous conformité avec unetoujours annonce sous formepréalable de rêve souvent : forme de rêve : Hoc, sicut reuelatum est, ita post diem tertium impletum est. (I, 7, 18) « Et, deux jours après, la révélation s’accomplit exactement. »
Le verbe reuelare n’est pas employé au hasard, car, selon l’auteur, il s’agit de la réplique d’une révélation biblique comme il le proclame à deux reprises, en I, 1, 25 et en II, 1, 12-15 :
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Hoc, sicut reuelatum est, ita post diem tertium impletum est. (I, 7, 18) « Et, deux jours après, la révélation s’accomplit exactement. »
Le verbe reuelare n’est pas employé au hasard, car, selon l’auteur, il s’agit de la réplique d’une révélation biblique comme il le proclame à deux reprises, en I, 1, 25 et en II, 1, 12-15 : Vnde factum est ut, dum ipse uirtutes Dei uestris auribus primitus per lectionem intimarentur, etiam uisibus uestris oculata fide praesentarentur, ut illud in uobis quod in Psalmo scriptum est compleretur : « Sicut audiuimus, ita et uidimus. » (II, 1) « En conséquence les effets de la puissance divine, qui d’abord entrèrent dans vos oreilles par la lecture, furent présentés aussi à vos regards, avec le crédit que mérite ce qu’on voit. En vous donc s’accomplit ce qui est écrit dans le psaume : ‘Ce que nous avons entendu, nous l’avons vu aussi.’ » (Ps. 47)
À cette cohérence de l’action divine correspond une cohérence de l’action humaine chez les personnages inspirés par la foi : Ecce uidet illam sicut illi promiserat, ad sanctum Stephanum accedentem et pro se rogantem ac dicentem his uerbis ... (I, 4, 21-23) « Alors il la voit, comme elle le lui avait promis, aller trouver saint Étienne et le prier pour lui en disant ... »
À cette cohérence de l’action divine et humaine correspond celle du narrateur. D’où la prolifération des incises comme : ut credimus, ut diximus, ut dicere cœperam, ut scriptum est ... Nunc ergo, sicut promisimus, ad notiora miracula ueniamus. (I, 3, 3) « Venons-en donc maintenant, comme nous l’avons promis, à des miracles plus connus. »
4. Ordre des mots Jean Meyers avait noté dans les citations la prédominance de l’ordre des mots roman : sujet-verbe-compléments. Ainsi en I, 4, 23-24 (c’est le barbier Concordius qui parle) : Rogo te per sanctitatem tuam, cura illum, miserere illi, miserere filiis eius, libera hominem innocentem de tribulatione sua, qui se traduit mot à mot en français : « Je te prie, par ta sainteté, guéris-le ; aie pitié de lui, aie pitié de ses enfants, délivre un innocent de l’épreuve qui est la sienne. » On retrouve aussi fréquemment l’ordre roman dans des bouches plus distinguées comme celle de Vitula en II, 2, 174-175 : Quod promisi uiro eius pagano de te, imple propter te, « Ce que j’ai promis à son mari païen en ton nom, réalisele pour ton nom. »
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On remarquera aussi que le verbe de la subordonnée qui dans la langue classique se trouve à la fin dans plus de 95 % des cas est ici en milieu de proposition. Dans les parties où l’auteur s’exprime en son nom propre, l’ordre des mots est plus classique, les phrases plus longues. On note même souvent une certaine recherche, qui se traduit par des figures parfois à la limite de l’obscurité, ainsi en II, 2, 71-74 : His et horum similibus multis affatibus ubi satis uisa est sibi idoneum instruxisse aduocatum Stephanum sanctum apud iudicem Christum, propere ad reuisendam filiam, unam et solam suam maximam curam, mater parturibunda reuertitur. « Lorsqu’elle crut avoir, par ces paroles et d’autres du même ordre, suffisamment informé saint Étienne pour qu’il soit pour elle auprès du Christ-juge un avocat compétent, la mère, prête pour l’accouchement, se hâta d’aller retrouver sa fille, le seul et unique objet de son tourment. »
Après un long ablatif absolu comme l’auteur les affectionne, le complément du verbe de mouvement reuertitur se présente sous forme d’un tour prépositionnel avec ad + nom à l’accusatif déterminé par un adjectif verbal, puis une longue apposition à ce complément (unam et solam suam maximam curam), ensuite le sujet (mater), précisé par un adjectif (parturibunda) qui a surpris plusieurs copistes, qui l’ont raccroché à filiam, malgré une position assez surprenante au regard des habitudes classiques. La tmèse complexe que suppose cette construction et qui peut sembler étrange n’est pourtant pas étrangère au style du texte. Cette sorte de tmèse revient en effet comme un véritable tic de langage, notamment dans l’histoire de Megetia. La plus extravagante se trouve en II, 2, 222-223 : Duodecimo igitur die ex quo cum sua ad amicum dei Megetia uenerat matre ..., « Le douzième jour après son arrivée en compagnie de sa mère auprès de l’ami de Dieu, Megetia ... » ; l’adjectif se trouve séparé du nom auquel il se rapporte par cinq mots qui n’appartiennent pas au même syntagme. L’auteur veut de toute évidence prouver sa virtuosité. Il n’y réussit ici qu’aux dépens de la clarté et de l’élégance. 5. Vocabulaire Le vocabulaire est particulièrement révélateur de la culture de l’auteur, de ses modèles et de ses lectures. Le lexique de notre anonyme appartient à plusieurs registres :
Sur celui-ci, voir la note qui accompagne la traduction.
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a. Le vocabulaire tardif courant portare pour ferre (I, 8, 5 ; I, 11, 7) ; infans pour puer (I, 3, 25 ; II, 2, 251) ; femina pour mulier (I, 4, 14 ; II, 2, 4, 13, 54, 58, 127, 131, 164, 267, et II, 5, 63) ; grandis pour magnus (I, 2, 7 ; II, 1, 16 ; II, 4, 62 et 72) ; uocabulum pour nomen (I, 7, 33 ; 1, 11, 3 ; II, 2, 6 et 136) ; finire, « terminer » (I, 4, 30 et II, 5, 98)
b. Vocabulaire familier Surtout dans les citations, mais pas exclusivement Dimittere, « laisser tomber (quelqu’un) » (I, 4, 21) ; se ducere, « se tirer » (I, 4, 21) ; alapa, « gifle » (I, 7, 10)
c. Vocabulaire chrétien oratio (I, Prol. 29 ...), martyr (I, 2, 3, 12, 20, 27, 36, 45 ; I, 13, 9…), ecclesia (I, 3, 38 ; I, 4, 18, 40 ; I, 7, 4, 21, 33 ; II, 1, 4, 19, 35…), sacratus (I, 7, 29 ; II, 2, 54, 87, 159, 223, 265 ; II, 4, 33), gentilitas (II, 2, 40), unitas (I, 7, 32 ; II, 1, 30), Dominus (passim), etc.
d. Termes archaïques ou poétiques pestifer, « pestilentiel » (II, 2, 38) ; affatus, « parole » (II, 2, 71) ; nata, « fille » (II, 2, 86) ; satagere, « se donner du mal » (II, 2, 105) ; uitiare, « rendre deffectueux » (II, 2, 216) ; turpare, « souiller » (II, 2, 19) ; remeare, « revenir » (I, 4, 11)
e. Mots rares employés par Quintilien corrector, « redresseur » (II, 2, 27) ; credulitas, « disposition à croire » (II, 2, 142 / Instit. 5, 3, 7)
f. Mots rares employés par saint Augustin pressura, « ennui » (I, 4, 13) ; exaggerare, « exagérer » (I, Prol. 13 / De doctrina Christiana 4, 12, 27) ; euoluere, « dérouler le temps » (II, 2, 101 / Serm. 9, 2) ; inuidentia, « malveillance » (I, Prol. 6 / Contr. Parm. ep. 3, 5, 25 ; Ep. 140, 54)
Au total le vocabulaire, étendu et recherché, apparaît comme celui d’un homme cultivé, familier de la rhétorique classique. Cette impression est confirmée par deux réminiscences, l’une cicéronienne, l’autre augustinienne.
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6. Les réminiscences a. Cicéron De suppl. 121 : Quis tam ... fuit ferreus, qui tam inhumanus qui non ... commoueretur. Ecquis fuit quin lacrimaret ? « Qui fut si inflexible, si inhumain pour ne pas être bouleversé ... Y eut-il quelqu’un pour ne pas fondre en larmes ? »
Le texte de Cicéron évoque l’exécution sommaire des capitaines de la flotte vaincue et brûlée à Hélore. Le passage est suivi d’une vigoureuse altercation contre le préteur félon. Dans le registre pathétique, il s’agit d’un morceau d’anthologie que tous les écoliers devaient connaître par cœur. On ne s’étonnera donc pas d’en retrouver l’écho dans le De miraculis (II, 1, 33-34) : Quis tunc durus ac ferreus non in lacrimas erupit ? « Qui eut le cœur assez dur et inflexible pour ne pas fondre en larmes ? »
Cependant, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que la ressemblance entre les deux textes va au-delà du simple rapport formel entre une citation et son original. L’argumentation cicéronienne repose en effet sur la présence physique de témoins qui ont survécu parce qu’ils avaient été faits prisonniers par les pirates. De son côté, l’auteur du De miraculis insiste sur la coïncidence entre la lecture des récits de miracles et la présence effective des miraculés (II, 1, 8-12) : Vt post recitationem diuinorum operum atque gestorum, ipsarum etiam personarum in quibus illa mirabilia facta, quaecumque in praesenti reperiri potuerunt, demonstratio perspicua et professio propria, non solum scriptis nostris testimonium perhiberent, uerum etiam oculis aspectibusque uestris fidem ueritatis ingererent. « Après la lecture des œuvres et des hauts faits de Dieu, les personnes ellesmêmes en qui ces miracles avaient été accomplis, toutes celles qu’on put trouver sur place, par la preuve évidente qu’elles apportaient et leurs déclarations personnelles, non seulement témoignèrent pour nos écrits mais apportèrent aussi à vos yeux attentifs la preuve que tout cela était vrai. »
La citation prouve une connaissance en profondeur du texte cicéronien et suppose donc une formation très sérieuse à la rhétorique. b. Augustin De doctrina christiana IV, 12, 32 : Ipsa hora iam ut dicat accedens, priusquam exserat proferentem linguam, ad deum leuet animam sitientem ut eructet quod biberit uel quod impleuit fundat. J’utilise la nouvelle édition de la Bibliothèque Augustinienne, Introduction et traduction de M. Moreau, notes complémentaires I. Bochet et G. Madec, Paris, 1997, p. 366.
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« Le moment de parler approchant, avant qu’il tire une langue proférante, qu’il élève vers Dieu une âme brûlante de soif afin de régurgiter ce qu’il aura bu et répande ce dont il se sera rempli. » Mir. I, Prol. 22-23 : Ipsa quippe uirtutum miracula nullo humanae linguae praeconio indigent, iam ubique per se sonantem exserunt tubam. « Les merveilles de la puissance divine n’ont nul besoin de l’amplification de la langue humaine, elles sortent une trompette sonnant toute seule. »
L’expression exserere linguam est relativement courante en latin au sens de « tirer la langue » (cf. Liv. 7, 10, 5), mais l’accompagnement d’un participe présent linguam proferentem, « une langue proférante », pour dire « prendre la parole », est sans autre exemple dans la littérature latine. Elle s’explique dans le texte de saint Augustin par le parallèle avec leuet animam sitientem dans la suite de la phrase, qui est construite sur le même schéma syntaxique : verbe au subj. + objet à l’acc. + part présent en fonction d’épithète. La répétition constitue une figure de rhétorique cataloguée par les anciens sous le nom d’anadiplose. Il nous semble que l’expression exserere tubam per se sonantem dans le De miraculis ne peut s’expliquer que par référence au texte d’Augustin. Trois arguments plaident dans ce sens. Le premier est l’emploi de exserere, « sortir de », avec tuba. S’il est naturel qu’on « tire » la langue de la bouche, l’emploi de ce verbe avec tuba est inconcevable : de quoi pouvait-on « tirer » un instrument qui devait mesurer plus d’un mètre de long ? Le second repose sur la présence d’un participe présent à côté du substantif, qui s’explique chez Augustin par la figure de rhétorique, mais paraît bien étrangement immotivée dans le De miraculis. Nous voyons un troisième indice dans l’argumentation même. En effet, dans les lignes qui précèdent l’extrait, saint Augustin, conformément à sa doctrine, défend l’utilité de la rhétorique pour le prédicateur. La formule du De miraculis, pour sa part, s’insère dans un passage où l’auteur prend une position diamétralement opposée, niant la nécessité de la rhétorique pour faire connaître les miracles qui se font connaître par eux-mêmes, comme la trompe qui selon la tradition signalait dans le brouillard le phare d’Alexandrie aux navires égarés. Cette hostilité à l’égard de la rhétorique n’est pas seulement une conviction propre à l’auteur. I. Bochet et G. Madec signalent l’existence en Afrique de milieux charismatiques qui contestaient l’utilité de la culture pour expliquer l’Écriture. C’est à ces opposants qu’on devrait notamment le ton polémique du prologue du De doctrina. Il est probable que la question des miracles a dû jouer
De doctrina christiana (Bibliothèque augustinienne), Paris, 1997, p. 429-432.
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un rôle important dans ces débats internes à l’Église africaine : les miracles agissent comme une prédication silencieuse (tacita praedicatione, II, 1, 23-24) ou comme une trompette qui sonne toute seule. Nous savons en effet que saint Augustin était, au début tout au moins, assez hostile aux miracles. Son point de vue a évolué par la suite, comme en témoigne la Cité de Dieu. Dans cette perspective, les développements du prologue du livre I du De miraculis sur l’authenticité de la parole prennent un relief beaucoup plus intéressant. Par ailleurs, notre hypothèse ne serait pas sans conséquence sur la chronologie du De miraculis, car le De doctrina christiana dans sa version complète avec le livre IV date de 427-428 et précède de deux ou trois ans seulement la prise d’Hippone par les Vandales et la mort de saint Augustin. Il est postérieur à la publication de la Cité de Dieu. On expliquerait plus facilement que saint Augustin ne fasse aucune allusion au De miraculis dans ce dernier ouvrage puisque il serait postérieur au De doctrina. Il faut toutefois rester prudent, car le prologue du livre I du De miraculis a pu être rédigé au moment de la publication de l’ensemble des deux livres, longtemps après les premiers récits qui semblent contemporains de l’arrivée des reliques à Uzalis si l’on en croit l’auteur. Lui-même précise qu’il y a eu plusieurs rédactions à des époques différentes et par des témoins différents. Le recueil n’était pas achevé dans l’esprit de son auteur puisqu’il annonce un troisième livre qui n’a pas vu le jour ou qui a été perdu. L’invasion vandale pourrait fournir une explication suffisante à l’absence de ce troisième livre : les débats théologiques ont dû être tôt relégués au dernier rang des préoccupations des contemporains. L’analyse linguistique du De miraculis éclaire singulièrement la personnalité de leur auteur : en dépit de ses protestations d’humilité et de simplicité, c’est un homme cultivé qui connaît bien la littérature classique et les auteurs chrétiens, il a une excellente formation rhétorique, usant et abusant des figures. Il pratique une dialectique méticuleuse, toujours soucieux de ne rien laisser dans l’imprécision. En outre, si on nous suit dans notre interprétation de I, Prol. 22-23, on peut ajouter que, proche des milieux charismatiques africains, l’auteur anonyme aurait pris part aux discussions locales sur l’enseignement chrétien.
chapitre ii
Les citations bibliques dans le De miraculis Jean Meyers Les références à la Bible dans le De miraculis sont multiples et variées et leur étude pouvait être abordée selon bien des points de vue. J’aurais pu, par exemple, m’intéresser au texte utilisé par l’auteur, rechercher à travers l’imprégnation scripturaire des indications sur sa culture biblique ou encore évaluer dans son écriture le poids de la stylisation scipturaire. Mon propos sera tout autre et beaucoup plus limité. D’une part, je ne me suis intéressé qu’aux citations explicites, même si à l’occasion, je ferai allusion aussi à l’un ou l’autre emprunt implicite, et d’autre part, je n’ai envisagé les citations que du point de vue de leur fonction dans l’œuvre, afin de déterminer quel pouvait être le rôle de renvois explicites au niveau du contenu. Pour étudier les citations selon leur fonction, je suis parti des catégories fonctionnelles établies par M. Van Uytfanghe dans sa thèse sur l’hagiographie mérovingienne, qui repose sur un corpus de 19 textes datés de la période de 600 à 750, mais qui recourt aussi, comparativement, à un corpus secondaire de 21 Vitae, dont la datation mérovingienne n’est pas bien assurée, et de 24 textes hagiographiques antérieurs à 600. Le savant gantois, sans nier qu’une telle classification n’est pas nécessairement exhaustive et que des recoupements et des cas limite sont inévitables, a ainsi distingué les six catégories fonctionnelles suivantes : 1. les typologies nominatives, qui rattachent le saint ou un tiers à un personnage ou à un événement scripturaire ;
On trouvera quelques renseignements sur ce point dans l’annexe I, bien que ce ne soit pas l’objet de cette étude. M. van Uytfanghe, Stylisation biblique et condition humaine dans l’hagiographie mérovingienne [600-750], Bruxelles, 1987 (Verhandelingen van de Koninklijke Akademie voor Wetenschappen, Letteren en Schone Kunsten van België. Klasse der Letteren, Jaargang 49, n° 120), p. 17-42 (chap. : « Le recours explicite à la Bible »).
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troisième partie
2. les citations garantes de la (ré)actualisation de l’Écriture, par lesquelles les hagiographes affirment leur conviction que les faits salvifiques du passé garantissent une intervention semblable de Dieu dans le présent et le futur ; 3. les citations qui montrent l’accomplissement de paroles scripturaires dans la vie du saint ; 4. les références exemplaires et normatives, qui révèlent une observance active des préceptes bibliques par le saint ou par un tiers ; 5. les emplois justificatifs de l’Écriture visant à justifier ou à légitimer certains faits ou certains comportements ; 6. l’énonciation d’idées, de concepts ou de sentiments au moyen de citations scripturaires.
À partir de cette classification, j’ai donc réparti les citations bibliques de notre texte selon leurs différentes fonctions (cf. le tableau en annexe). Chaque catégorie, de manière très inégale – nous reviendrons plus loin sur cet aspect –, est représentée. Ainsi, la citation Benedictus qui uenit in nomine Domini (Ps. 117, 26), qui est « dans toutes les bouches » lors de la procession des reliques en I, 2, 29, traduit la liesse et la joie populaires devant l’arrivée des reliques à Uzalis, mais il s’y greffe aussi de manière indirecte une typologie nominative, dans la mesure où la citation, que l’exégèse appliquait au Christ, présente Étienne comme un alter Christus. Il n’est pas surprenant que cette typologie nominative soit la seule de notre texte (cette catégorie, comme l’a montré M. Van Uytfanghe, est très faiblement représentée), ni qu’elle soit indirecte, car les hagiographes, généralement réservés en matière de typologies trop explicites, le sont encore plus lorsqu’il s’agit du thème du saint « nouveau Christ ». En I, 4, 42, lorsque les reliques furent placées solennellement dans l’église, le peuple chanta le Ps. 47, 10 : « O Dieu, nous avons reçu ta miséricorde au milieu de ton temple ». La référence traduit ici aussi le sentiment qu’ont les fidèles d’avoir bénéficié de la grâce divine, mais on notera qu’elle sert également à garantir la réalité des signes reçus par le peuple d’Uzalis, comme le prouve avec lyrisme la suite immédiate du texte : « Dès lors quels rassemblements de gens venus de partout! Les grandes grâces qui furent accordées et le sont encore tous les jours, les grands miracles qui se sont manifestés, tous les aveugles qui ont vu, tous les paralytiques qui ont recouvré la santé, tous ceux qui ont été guéris de maladies et de souffrances de toutes sortes et les morts même qui se sont relevés, tout cela serait pour
M. van Uytfanghe, Stylisation biblique, p. 20. Même si ce thème est omniprésent dans l’hagiographie mais de manière implicite et discrète, cf. M. van Uytfanghe, Stylisation biblique, p. 71-102.
chapitre ii - citations bibliques
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nous trop long et presque impossible à garder en mémoire, à raconter, à écrire… » (I, 4, 42-47)
Notre texte offre aussi quelques cas de références exemplaires et normatives. En I, 3, 7-8, l’assurance de la boulangère Hilara, persuadée que sa foi lui rendra la vue, trouve son fondement « antinomique » dans le verset de Jacques 1, 6 : « celui qui hésite est comme les vagues de la mer que le vent agite et fait aller en tous sens. » Dans le récit de la guérison de Megetia, les deux citations des Psaumes (Domini est salus, Ps. 3, 9 et Homines et iumenta saluos facies, Domine, Ps. 35, 7), en II, 2, 47-48, expliquent le comportement éclairé de Megetia et de sa mère, opposé ici à l’aveugle obstination des hommes de la famille que leur paganisme égare encore et qui croient pouvoir guérir Megetia en recourant à la médecine et aux sortilèges. De la même manière, en II, 2, 212-213, quand Megetia raconte le songe où saint Étienne lui a enjoint de tuer un dragon qui volait au-dessus de sa tête et qu’elle se remémore soudain un péché, elle se confesse aussitôt comme David, « qui reconnut sa faute et ne cacha point son iniquité » (Ps. 31, 5). D’une certaine façon, ces exemples de références normatives s’apparentent également aux emplois justificatifs de l’Écriture dans la mesure où les versets bibliques justifient aussi la conduite des personnages du recueil, mais il m’a semblé que la fonction normative était celle qui en premier donnait le ton dans les passages qui viennent d’être cités. Par contre, même si on pouvait songer à les classer parmi les références exemplaires, les deux citations du prologue initial relèvent davantage, me semble-t-il, de l’emploi justificatif de l’Écriture. Notre auteur y explique les raisons qui l’ont poussé à écrire son recueil : on ne doit pas refuser « de proclamer pour l’édification d’autrui ce qu’on sait » et cette justification trouve appui sur un passage de Tobie (12, 7) : « le secret du roi, il est bien de le cacher, mais les œuvres de Dieu, c’est lui rendre hommage que de les révéler et les faire connaître » (I, Prol. 4-5) et sur une parole « terrible » de Luc (19, 40) : « si vous vous taisez, les pierres hurleront » (I, Prol. 26). Ces deux citations à l’entrée du recueil et encadrant le prologue me paraissent extrêmement significatives. En effet, elles révèlent le besoin qu’éprouve l’auteur de légitimer la rédaction de son recueil et, partant, laissent sous-entendre qu’il s’attendait éventuellement à une certaine forme d’opposition. Notre texte s’inscrit donc dans la question depuis longtemps controversée de savoir si le temps des miracles était révolu. Ce débat a évidemment eu des répercussions sur Sur cette question, cf. M. van Uytfanghe, « La controverse biblique et patristique autour du miracle, et ses répercussions sur l’hagiographie dans l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge latin », dans Hagiographies, cultures et Sociétés, ive-xiie siècles, Actes du colloque organisé à Nanterre et à Paris (2-5 mai 1979), Paris, 1981 (Ét. Aug.), p. 205-233.
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troisième partie
l’hagiographie, et l’on en trouve, par exemple, l’écho dans la Passion de sainte Perpétue et de ses compagnons, martyrisés à Carthage le 7 mars de l’an 203, sous Septime Sévère, dont le prologue n’est pas très éloigné du nôtre : « Les exemples de foi de nos pères, qui attestent la grâce de Dieu et édifient les hommes, ont soigneusement été consignés par écrit. Leur lecture, qui évoque ces hauts faits, rend gloire à Dieu et réconforte l’homme. Pourquoi ne pas noter également les exemples nouveaux qui présentent les mêmes avantages? À leur tour, ces faits nouveaux deviendront anciens ; ils seront nécessaires à la postérité, même si aujourd’hui on leur attribue une moindre autorité, à cause de l’engouement pour l’Antiquité. Qu’ils ouvrent donc les yeux, ceux qui apprécient d’après le nombre des générations la puissance toujours identique d’un même Esprit-Saint! Bien mieux, il faudrait faire plus grand cas des prodiges récents, puisqu’ils sont les derniers en date et que la grâce doit s’épancher toujours de plus en plus dans les derniers temps du monde. ‘Dans les derniers jours, dit le Seigneur, je répandrai mon Esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles prophétiseront. Oui, je répandrai mon Esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes ; les jeunes gens auront des visions et les vieillards des songes [Jl 2, 28].’ Voilà pourquoi nous acceptons les prophéties et les visions nouvelles que Dieu nous a promises. Nous les honorons comme les autres manifestations de l’Esprit, qui servent l’Église. Ce même Esprit a été envoyé à l’Église pour dispenser tous les dons, dans la mesure où le Seigneur les distribue à chacun de nous. Il est donc nécessaire de mettre par écrit toutes ces merveilles et de les faire lire pour la gloire de Dieu. De la sorte nous ne serons ni pusillanimes, ni méfiants à l’égard de la grâce ; nous n’irons pas nous imaginer que seuls les Anciens avaient reçu la grâce divine, soit dans les martyrs soit dans les révélations. Dieu accomplit toujours ses promesses, pour servir de témoignage aux incroyants, de soutien aux fidèles. »
De la même manière, la Passion de Montanus, de Lucius et de leurs compagnons, martyrisés aussi à Carthage, un demi-siècle plus tard en 259, sous Valérien, se termine sur un appel à ne pas négliger les « nouveaux exemples » de la grâce divine : « O glorieux enseignements des martyrs! Gestes sublimes des témoins de Dieu! À bon droit le souvenir en est conservé pour la postérité. Les exemples anciens nous ont servi de modèles ; tirons aussi notre profit des exemples nouveaux. »
Ces deux textes sont cités par M. van Uytfanghe, « L’empreinte biblique sur la plus ancienne hagiographie occidentale », dans Le monde latin antique et la Bible, éd. J. Fontaine - C. Pietri, Paris, 1985 (Bible de tous les temps, II) p. 565-611 (ici, p. 566-567) dans la traduction de A. G. Hamamm (Les premiers martyrs de l’Église, Paris, 1979, p. 70-71 et p. 139).
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Certes, notre texte est assez éloigné dans le temps de ces deux Passions, qui remontent à une époque où les réticences à considérer l’hagiographie comme un « complément à l’Écriture » s’expliquaient en partie peut-être par l’éclosion, à partir du iie siècle, d’Évangiles et d’Actes apocryphes des apôtres. Mais la position d’abord hostile d’Augustin vis-à-vis des miracles contemporains prouve à elle seule que notre auteur devait lui aussi s’attendre à rencontrer des adversaires. Par ailleurs, au vie siècle en Afrique, alors qu’en Gaule, à la même époque, on assiste au triomphe quasi définitif, dans l’hagiographie, du courant favorable au miracle, la Vita Fulgentii de Ferrand de Carthage (après 535) rejette encore les mirabilia comme dangereux à cause de la iactantia qu’ils peuvent provoquer chez le thaumaturge. Je crois donc que les deux citations justificatives du prologue, loin d’être des fioritures de style ou de rhétorique, ancrent d’emblée le recueil à l’histoire du salut et assimilent aux anciens exempla les noua fidei exempla d’Uzalis. Ainsi, l’œuvre aurait également été conçue comme une pièce à verser au débat controversé du miracle moderne, et c’est ce que prouvent, à mon avis, les 20 citations bibliques dont je n’ai pas encore parlé, autrement dit la grosse majorité des références scripturaires. Celles-ci soulignent en effet la conviction du rédacteur que tous les faits miraculeux survenus grâce aux reliques de saint Étienne sont garantis par l’Écriture. Trois d’entre elles montrent des paroles scripturaires accomplies dans les événements qui se sont produits. Ainsi, en I, 4, 34, le barbier Concordius, qui était « cloué au lit depuis longtemps » à la suite d’un pied cassé et qui guérit subitement, « accomplit les termes mêmes de la prophétie » d’Isaïe 35, 6 (Verbum illud prophetiae impleuit) : « Et le boiteux bondira comme le cerf. » En I, 12, 19, dans la guérison de l’infirme d’Utique, qui retrouve l’usage de ses jam-
Sur la position d’Augustin, cf. D. P. De Vooght, « La notion philosophique du miracle chez saint Augustin », Recherches de Théologie ancienne et médiévale, 10 (1938), p. 317-343 ; Id., « Les miracles dans la vie de saint Augustin », Ibid., 11 (1939), p. 5-16 ; Id., « La théologie du miracle selon saint Augustin », Ibid., 11 (1939), p. 197-222 ; J. A. Mourant, « Augustine on Miracles », Augustinian Studies, 4 (1973), p. 103-127 ; et, bien sûr, l’article de S. Lancel dans ce volume. Cf. M. van Uytfanghe, « La controverse biblique », p. 216-217. L’idée de la cessation des miracles est un courant dont on trouve d’ailleurs encore des traces dans le haut Moyen Âge, cf. M. van Uytfanghe, « Le culte des saints et l’hagiographie : les avatars d’une relation ambiguë », dans Santi e Demoni nell’alto mediœvo occidentale (Secoli v-xi), Spolète, 1989 (Settimane di Studio del Centro italiano di studi sull’alto mediœvo, 36) p. 155-204 (ici, p. 182-184). Sur l’habitude de justifier la confiance en Dieu par les souvenirs du passé d’Israël, cf. outre l’ouvrage de M. van Uytfanghe cité à la n. 2, son article « La Bible dans la ‘Vie de saint Séverin’ d’Eugippius. Quelques typologies bibliques dans un document historique », Latomus, 33 (1974), p. 324-352 (ici, p. 325-328).
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bes et de sa langue, se trouve accomplie la même prophétie d’Isaïe (illa suppleta est prophetia), où il est dit aussi : « Et la langue des muets sera libérée10. » Enfin, quand Vitula et Megetia quittent Carthage pour aller pleurer et gémir nuit et jour à la memoria du martyr, ces « nobles dames » accomplissent en la revivant (susceperunt) la parole du Ps. 41, 4 (II, 2, 162-163) : « Mes larmes sont mon pain, jour et nuit, tandis qu’on me dit tous les jours : Où est-il, ton Dieu? » Les verbes implere, supplere, suscipere, présents dans ces passages, expriment clairement la pensée que l’Écriture est ainsi « accomplie » dans la vie des personnages. Toutefois, on ne peut nier que les paroles bibliques servent en même temps à garantir les faits qu’elles préfigurent11. Les trois références que je viens d’évoquer s’apparentent donc aussi à celles qui sont les plus nombreuses et dont la fonction est de garantir la réalité des miracles contemporains opérés par l’entremise des reliques. C’est la catégorie la mieux représentée, celle dont la présence traverse tout le recueil et qui, du point de vue argumentatif, prolonge le plus clairement les justifications du prologue. On le voit sans peine dans les deux premiers chapitres introductifs du livre I, dans lesquelles deux visions prémonitoires viennent confirmer que les reliques arrivées à Uzalis sont bien des reliques authentiques du martyr Étienne. Dans le premier, une femme consacrée à Dieu voit en songe une ampoule contenant comme des gouttes de sang et des épis faisant penser à des os, mais devant son scepticisme, un prêtre met l’ampoule dans la bouche d’un moine qui vomit aussitôt des flammes par les oreilles et par les yeux. C’est la préfiguration de la prédication sur les reliques d’Étienne qui allait enflammer du feu de la lumière divine le corps unique de l’Église, pour que tous puissent dire, réactualisant ainsi la parole du Ps. 47, 9 (I, 1, 25) : « Sicut audiuimus, ita et uidimus. » La citation scripturaire vient donc garantir le fait que les fidèles d’Uzalis seront non seulement les auditeurs mais aussi les spectateurs de la grâce divine. La même référence est d’ailleurs réutilisée dans le prologue du livre II, qui rappelle la lecture du premier livre dans l’Église d’Uzalis, lecture confirmée par les miraculés eux-mêmes présents à l’office au cours duquel fut L’auteur ne cite ici que la seconde partie du verset, puisque la première tunc saliet sicut ceruus claudus a déjà été rappelée dans l’épisode du barbier. Ce détail suggère que notre auteur a accompli au moins un travail de rédaction sur l’ensemble du recueil, même si celui-ci semble parfois réunir des récits de provenance et de ton divers (cf. aussi mes remarques, infra). 11 Dans l’article que j’avais publié à propos de la parution de M. van Uytfanghe, Stylisation biblique [cf. J. Meyers, « L’hagiographie mérovigienne ou l’autoconscience du siècle des saints », Revue du moyen âge latin, 43 (1987), p. 131-138], j’avais noté combien la frontière était difficile à situer entre la catégorie des citations accomplissant l’Écriture et celles qui étaient garantes de sa (ré)actualisation, et j’avais attiré l’attention sur le fait que dans son article sur « L’empreinte biblique » (p. 573), M. Van Uytfanghe regroupait apparemment ces deux catégories en une seule. 10
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accompli (compleretur), cette fois, la même parole (II, 1, 14-15) : « Sicut audiuimus, ita et uidimus. » « De fait, en un si grand événement », poursuit le texte (II, 1, 15-16)12, « s’offrait de la gloire céleste le spectacle grandiose. » Dans le chapitre 2, une étoile apparaît à l’endroit où reposent les martyrs Félix et Gennadius et une vierge consacrée rêve d’un cortège immense accompagnant un jeune homme acclamé par la foule comme un confesseur du Christ, ce qui préfigure bien entendu la procession solennelle des reliques du sanctuaire à l’Église. Ici aussi, l’apparition de l’étoile et la vision se trouvent garanties par un long passage de Joël (2, 28-29) : « Voici que vont venir les jours, dit le Seigneur, et je ferai descendre mon Esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes gens auront des visions, et vos anciens des songes. Et sur mes serviteurs et sur mes servantes je répandrai mon Esprit et je ferai apparaître des signes en haut dans le ciel et en bas sur la terre. » (I, 2, 12-17)
L’importance de cette référence est très nette : c’est la plus longue du recueil, elle se situe au début du premier livre avant que l’auteur n’aborde « des miracles plus connus » (notiora miracula, I, 3, 3), et c’est le même passage qu’invoque la Passio Perpetuae dans son prologue pour prouver qu’il peut exister aussi des signes nouveaux et contemporains13. Dans la suite, l’auteur, chaque fois qu’il le pourra, garantira donc les signes nouveaux produits à Uzalis par des références scripturaires. Ainsi, quand la boulangère Hilara retrouve la vue, son fils la soupçonne d’avoir simulé la cécité parce qu’il ignore la prophétie d’Isaïe 35, 5 : Tunc aperientur oculi caecorum (I, 3, 32), caution accordée au miracle et que renforcent encore les deux cantiques chantés par Hilara en remerciement (I, 3, 35-36) : « Tu seras la lumière de ma lampe, Seigneur mon Dieu, tu seras la lumière dans mes ténèbres! » (Ps. 18, 29) et « Toi qui as envoyé une lumière merveilleuse du haut des montagnes éternelles. » (Ps. 75, 5) Si le barbier Concordius, dans son sommeil, a un songe qui annonce sa guérison (I, 4, 8-9), c’est parce que « ne sommeille ni ne dort celui qui protège Israël14 » (Ps. 120, 4), « qui a créé le petit comme le grand et qui prend soin de tous également » (Sg. 6, 8). Si l’aveugle du chapitre 8 retrouve la vue en s’emparant avec audace du coffret renfermant les reliques d’Étienne, c’est parce que, comme l’a garanti Matthieu (11, 10), « ceux qui font violence au royaume des cieux, s’en emparent » (I, 8, 8). Quand un prisonnier est miraculeusement L’exemple des deux emplois du Ps. 47, 9 montre bien le lien entre les citations accomplissant des paroles de l’Écriture et les citations garantes de leur (ré)actualisation (cf. n. 11). 13 Cf. supra. 14 Même citation avec la même fonction en II, 2, 50-51. 12
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libéré de ses chaînes, le gardien n’ose pas les lui remettre, mais resserre en vain celles d’un autre parce qu’il ne savait pas, comme le dit Paul (2 Tm. 2, 9) que « l’on n’enchaîne point la parole de Dieu » (I, 9, 11). Dans l’épisode du dragon, l’auteur cite et commente longuement (II, 4, 8-21) le verset 7 du Ps. 148 (« Louez le Seigneur depuis la terre, dragons et vous tous, abîmes, feu, grêle, neige, glace et vents de tempête, qui accomplissez sa parole »), parce qu’il veut garantir le caractère miraculeux de cette apparition que l’on pourrait prendre pour un phénomène fortuit ou accidentel, « comme le croient les savants sans savoir » (sicut insipienter sapientes putant, II, 4, 17-18). Dans l’épisode du trésorier payeur de Carthage, Florentius (II, 5), sur lequel pèse une accusation qui pourrait lui valoir la peine de mort, l’apparition miraculeuse d’Étienne qui intervient pour fléchir le proconsul est garantie par quatre citations, sans doute parce que le revirement du proconsul pourrait ici aussi sembler fortuit et banal. Mais il est bien dit dans l’Écriture (Ps. 33, 8) que « l’ange du Seigneur entourera ceux qui le craignent, et [qu’] il les délivrera » (II, 5, 26-27), que Dieu est celui qui « domine la puissance de la mer », qui « apaise l’agitation de ses flots » (Ps. 88, 10 ; II, 5, 55-56), qu’il est celui « qui commande aux vents et à la mer [qui] lui obéissent » (Mt. 8, 27 ; Lc 8, 25 ; II, 5, 57-58) et enfin que « le cœur du roi, dans la main du Seigneur, est comme une eau courante [et qu’] il le force à aller du côté qu’il veut » (Pr. 21, 1 ; II, 5, 59-60). L’Écriture est donc bien garante de l’aspect miraculeux de la délivrance de Florentius. La prépondérance des citations garantes de la (ré)actualisation des Écritures et le fait que dans la plupart des autres références se greffe aussi à leur fonction première une fonction secondaire de garantie scripturaire montrent clairement que la présence biblique dans le recueil a pour but principal de prouver que la Révélation de Dieu n’est pas close et que les anciens signes garantissent les nouveaux. À travers le saint, ici à travers ses reliques, Dieu continue donc à accomplir les mirabilia qu’il a accomplis jadis par les patriarches et les prophètes, puis par son fils et ses apôtres. Le recueil est donc conçu comme un réactualisation de l’Écriture. C’est la raison pour laquelle il s’appuie essentiellement sur le témoignage de l’Ancien Testament, comme les Évangiles qui accomplissent bien des prophéties vétérotestamentaires et dont les signes sont aussi garantis par d’anciennes paroles scripturaires. Notre De miraculis, complément des Évangiles, ne pouvait donc s’appuyer comme eux que sur l’Ancien Testament, tout en suggérant par une stylisation implicite et discrète qu’Étienne s’apparente à un alter Christus et son recueil de miracles à un alterum euangelium. Cette présence scripturaire donne à notre texte un ton très différent
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du ton adopté par Augustin au livre xxii de La cité de Dieu. Dans ses récits de miracles, Augustin ne cite pas la Bible : ce qu’il recherche avant tout, c’est un « brevet d’authenticité » du miracle ; il faut que celui-ci soit consigné par le miraculé lui-même ou, en tout cas, sous sa dictée. Or si notre auteur veille lui aussi à authentifier le miracle, il cherche également à lui fournir un « brevet de garantie scripturaire », ce qui donne à son recueil une dimension que n’ont pas les pages d’Augustin. Malgré la volonté très nette qu’a notre auteur de donner à son texte le poids d’une preuve dans la polémique autour du miracle moderne, il ne force jamais son argumentation scripturaire et il ne sature pas son recueil de citations. Quand les nouveaux signes ne lui semblent ni annoncés, ni garantis par l’Écriture, les références bibliques font défaut : c’est le cas dans les chapitres I, 5 ou I, 14, où des gens disparus depuis longtemps réapparaissent subitement, ou dans le chapitre I, 7, où le saint fait échouer la prétention qu’avait l’évêque de transférer ses reliques. Quand des miracles identiques se reproduisent, les garanties scripturaires ne sont pas répétées. Ainsi, le chapitre I, 10, dans lequel un prisonnier voit tomber ses chaînes, se rattache directement au chapitre 9, où l’auteur a rappelé que « l’on n’enchaîne pas la parole de Dieu » (I, 9, 11). En I, 11, le récit de la guérison du paralytique Restitutus, qui retrouve l’usage de ses jambes et de sa langue, ne comporte aucune citation, parce que le chapitre 12, qui narre un cas similaire, rappelle l’antique prophétie d’Isaïe 35, 6 : « Et la langue des muets sera libérée » (I, 12, 19), verset dont la première partie, accomplie aussi ici, n’est pas rappelée parce qu’elle l’a été dans le chapitre 4 (I, 4, 34) : « Et le boiteux bondira comme le cerf. » En I, 13, où l’aveugle de Pisita, Donatianus, retrouve la vue, il n’y a aucune référence biblique parce que la guérison similaire de la boulangère Hilara narrée plus haut (I, 3) a déjà été garantie par trois citations. Enfin, là où les miracles racontés rappellent par eux-mêmes des miracles du Christ, comme dans les résurrections de Datiuus (I, 6) et du catéchumène (I, 15), ou comme dans l’histoire de Donatus dont le vin complètement gâté retrouva soudain sa qualité (II, 3), l’auteur se refuse manifestement à insister par d’éventuelles citations explicites sur les rapprochements possibles avec les Évangiles. Il y a ici, je crois, la même réserve, le même scrupule qu’ont tous les hagiographes à rapprocher trop explicitement le saint du Christ. Pour terminer, il me reste à faire une remarque sur la répartition du nombre de citations par livre. Elles sont un peu plus nombreuses dans le livre I, mais surtout, si l’on tient compte du fait que sur les six références garantissant la (ré)actualisation de l’Écriture dans le livre II, quatre se trouvent concentrées dans le seul chapitre 5, on s’aperçoit que la volonté de garantir les signes nou-
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veaux par des paroles scripturaires se fait beaucoup plus discrète dans le deuxième livre, sauf dans l’épisode du dragon et du trésorier payeur. S’il y a bien un seul auteur à l’ensemble du recueil, ce qui est à mon sens l’hypothèse la plus vraisemblable, cela semble suggérer que la rédaction et la lecture du livre I ont pu faire baisser à Uzalis le nombre des sceptiques devant les miracles contemporains et du même coup rendre moins nécessaire l’argumentation scripturaire, ce qui aurait ainsi permis à notre hagiographe d’entreprendre dans le second livre un récit beaucoup plus circonstancié et beaucoup plus littéraire que dans le premier livre. Il y aurait peut-être là l’indice qu’à Uzalis, les fidèles furent moins indifférents à la lecture des libelli miraculorum que ne le furent en général, si l’on en croit Augustin, les fidèles d’Afrique15.
Voir à ce sujet le texte d’Augustin que cite et que commente H. Delehaye, « Les premiers ‘libelli miraculorum’ », AB, 29 (1910), p. 427-434 (ici, p. 432, et surtout p. 434). Sur le genre du recueil de miracles, cf. aussi H. Delehaye, « Les recueils antiques des Miracles des Saints. II. Les recueils latins », AB, 43 (1925), p. 427-434 et Id., Les orgines du culte des martyrs, 2e éd. revue, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1933 (Subsidia hagiographica, 20), p. 122-131. Le vieil article de M. Harnack, « Das ursprüngliche Motiv der Abfassung von Märtyrer- und Heilungsakten in der Kirche », dans Sitzungsberichte der k. Preussischen Akademie der Wissenschaften, 1910, p. 106-125, ne tient compte que du chap. xxii, 8 du De civitate Dei et néglige notre De miraculis. 15
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ANNEXES 1. Relevé des citations scripturaires dans le De miraculis Le texte de la Vulgate est celui de la 4e édition de la Biblia Sacra iuxta uulgatam uersionem, éd. R. Weber, Stuttgart, 1994, avec pour les Psaumes la version de la Septante (LXX = iuxta Septuaginta), et celle traduite de l’hébreu (H = iuxta Hebraicos). Le texte de la Vetus latina (VL) est, pour les Évangiles, celui de A. Jülicher, Itala. Das neue Testament in Altlateinischer Überlieferung, Durchgesehen und zum Druck besorgt von W. Matzkow und K. Aland, Berlin, 1938-1970, pour les Épîtres, les livres d’Isaïe et de La Sagesse, celui de la Vetus Latina. Die reste der altlateinischen Bibel, nach Petrus Sabatier neu gesammelt und in Verbindung mit der Heidelberger Akademie der Wissenschaften, herausgegeben von der Erzabtei Beuron, Freiburg, et pour le reste, celui de P. Sabatier, Bibliorum sacrorum latinae uersiones antiquae seu Vetus italica ..., Reims, 1743-1749 (réimpr., Turnhout, 1976). On trouvera enfin, quand il cite les mêmes passages, la version d’Augustin d’après A.-M. La Bonnardière, Biblia Augustiniana, Paris, 1960 sqq. (Ét. Aug.).
Livre I Prologue (4-5 ; 26) Tb. 12, 7 Mir. Sacramentum regis bonum est abscondere, opera autem Dei reuelare et confiteri honorificum est VL Sacramentum regis bonum est abscondere, opera autem Dei reuelare et confiteri honorificum est Aug. Sacramentum regis bonum est abscondere, opera autem Dei reuelare honorificum est Vulg. Sacramentum regis abscondere bonum est, opera autem Dei reuelare et confiteri honorificum est Lc 19, 40 Mir. Si uos tacebitis, lapides clamabunt VL Si isti tacebunt, lapides clamabunt (Afra) VL Si isti tacuerint, lapides clamabunt (Itala) Vulg. Si hii tacuerint, lapides clamabunt
Chapitre 1 (25) Ps. 47 (48), 9 Mir. Sicut audiuimus, ita et uidimus (cf. aussi en II, 1) VL Sicut audiuimus, ita uidimus LXX Sicut audiuimus, sic uidimus H Sicut audiuimus, ita uidimus
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Chapitre 2 (13-17 ; 29) Jl 2, 28-29 Mir. Ecce dies uenient et dabo de spiritu meo super omnem carnem, et prophetabunt filii uestri et filiae uestrae, et iuuenes uisiones uidebunt, et senes somnia somniabunt ; et super seruos meos et ancillas meas effundam de Spiritu meo ; et dabo signa in caelo sursum et in terra deorsum VL et erit post haec effundam de spiritu meo super omnem carnem et prophetabunt filii uestri et filiae uestrae, et senes uestri somnia somniabunt, et iuvenes vestri visiones videbunt, et super seruos meos et super ancillas meas in diebus illis effundam de spiritu meo Aug. et erit post haec, et effundam de spiritu meo super omnem carnem et prophetabunt filii uestri et filiae uestrae, et seniores uestri somnia somniabunt, et iuvenes vestri visa videbunt, et quidem in seruos et ancillas meas in illis diebus effundam de spiritu meo Vulg. et erit post haec, effundam spiritum meum super omnem carnem et prophetabunt filii uestri et filiae uestrae, senes uestri somnia somniabunt, et iuvenes vestri visiones videbunt, sed et super seruos et ancillas effundam spiritum meum ; et dabo prodigia in caelo et in terra Ps. 117 (118), 26 Mir. Benedictus qui uenit in nomine Domini VL Benedictus qui uenit in nomine Domini LXX Benedictus qui uenturus est in nomine Domini H Benedictus qui uenit in nomine Domini
Chapitre 3 (7-8 ; 32 ; 35-36 ; 36) Jc. 1, 6 Mir. Qui enim haesitat, aestimabitur tempestati maris, quae a uento mouetur et circumfertur VL Qui autem dubitat similis est fluctui maris, qui a uento mouetur et circumfertur Vulg. Qui enim haesitat similis est fluctui maris, qui a uento mouetur et circumfertur Is. 35, 5 Mir. Tunc aperientur oculi caecorum VL Tunc aperientur oculi caecorum16 Vulg. Tunc aperientur oculi caecorum Ps. 18 (19), 29 Mir. Tu illuminabis lucernam meam, Domine, Deus meus, illuminabis tenebras meas VL Quoniam tu illuminas lucernam meam, Domine, Deus meus, inlumina tenebras meas LXX Quoniam tu inluminas lucernam meam, Domine, Deus meus, inluminas tenebras meas
Les anciennes versions présentent des variantes, mais celle-ci est conforme au texte ayant cours en Afrique au iiie siècle, notamment à celui de l’Ad Quirinum et des autres œuvres de Cyprien. 16
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Quia tu inluminabis lucernam meam, Domine, Deus meus, inlustrabis tenebras meas
Ps. 75 (76), 5 Mir. Illuminans tu mirabiliter a montibus aeternis VL Illuminans tu mirifice a montibus aeternis LXX Illuminas tu mirabiliter de montibus aeternis H Lumen tu es magnifice a montibus captiuitatis
Chapitre 4 (8 ; 8-9 ; 34 ; 42) Ps. 120, 4 Mir. sed non illo dormitante neque obdormiente qui custodit Israël VL ecce non dormitauit neque obdormiet qui custodit Israël LXX ecce non dormitabit neque dormiet qui custodit Israël H ecce non dormitabit neque dormiet qui custodiet Israël Sg. 6, 8 Mir. qui pusillum et magnum fecit, et aequaliter est illi cura pro omnibus VL quoniam pusillum et magnum ipse fecit, et aequaliter cura est illi de omnibus Vulg. quoniam pusillum et magnum ipse fecit, et aequaliter cura est illi pro omnibus Is. 35, 6 Mir. Et claudus saliet sicut ceruus VL Tunc saliet clodus sicut ceruus (Afra) Vulg. Tunc saliet sicut ceruus claudus Ps. 47 (48), 10 Mir. Suscepimus Deus misericordiam tuam in medio templi tui VL Suscepimus Deus misericordiam tuam in medio plebis tuae LXX Suscepimus Deus misericordiam tuam in medio templi tui H Aestimauimus Deus misericordiam tuam in medio templi tui
Chapitre 8 (8) Mt. 11, 10 Mir. qui uim faciunt, diripiunt illud VL qui uim faciunt, diripiunt illud (Afra)17 Vulg. et uiolenti rapiunt illud
Chapitre 9 (11) 2 Tm. 2, 9 Mir. sermo Dei non est alligatus VL sermo Dei non est adligatus Aug. sermo Dei non est adligatus Vulg. uerbum Dei non est alligatum
L’Itala a le même texte, mais à côté de nombreuses variantes (cogentes, qui cogunt, vim facientes, violenti). 17
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Chapitre 12 (19) Is. 35, 6 Mir. Et plana erit lingua mutorum VL Et plana erit lingua mutorum Vulg. Et aperta erit lingua mutorum
Livre II Chapitre 1 (14-15) Ps. 47 (48), 9 Mir. Sicut audiuimus, ita et uidimus cf. I, 1
Chapitre 2 (47 ; 47-48 ; 50-51 ; 162-163 ; 212-213) Ps. 3, 9 Mir. Domini est salus VL Domini est salus LXX Domini est salus H Domini est salus Ps. 35, 7 Mir. Homines et iumenta saluos facies Domine VL Homines et iumenta saluos facies Domine LXX Homines et iumenta saluabis Domine H Homines et iumenta saluos facies Domine Ps. 120, 4 cf. I, 4 Ps. 41 (42), 4 Mir. Fuerunt mihi lacrimae meae panis die ac nocte, dum dicitur mihi quotidie : Vbi est Deus tuus ? VL Fuerunt mihi lacrimae meae panes die ac nocte, dum dicitur mihi quotidie : Vbi est Deus tuus ? LXX Fuerunt mihi lacrimae meae panis die ac nocte, dum dicitur mihi quotidie : Vbi est Deus tuus ? H Fuerunt mihi lacrimae meae panis per diem et noctem cum diceretur mihi tota die : Vbi est Deus tuus ? Ps. 31 (32), 5 Mir. delictum suum agnouit, et iniustitiam suam non operuit VL delictum meum tibi cognitum feci, et iniustitiam meam non abscondi LXX delictum meum cognitum tibi feci, et iniustitiam meam non abscondi H peccatum meum notum facio tibi, et iniquitatem meam non abscondo
Chapitre 4 (10-12) Ps. 148, 7 Mir. Laudate Dominum de terra, dracones et omnes abyssi, grando, nix, glacies, spiritus tempestatis quae faciunt uerbum eius
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VL
Laudate Dominum de terra, dracones et omnes abyssi, grando, nix, glacies, spiritus procellarum quae faciunt uerbum eius LXX Laudate Dominum de terra, dracones et omnes abyssi, ignis, grando, nix, glacies, spiritus procellarum quae faciunt uerbum eius H Laudate Dominum de terra dracones et omnes abyssi, ignis et grando, nix, glacies, uentus turbo quae facitis sermonem eius
Chapitre 5 (26-27 ; 55-56 ; 57-58 ; 59-60) Ps. 33 (34), 8 Mir. immittet Angelus Domini in circuitu timentium eum, et seruet eos VL immittet Angelus Domini in circuitu timentium eum, et eruet eos LXX uallabit Angelus Domini in circuitu timentium eum et erepiet eos H circumdat Angelus Domini in gyro timentium eum et eruet eos Ps. 88, 10 Mir. Tu dominaris potestati maris, motum autem fluctuum eius tu mitigas VL Tu dominaris potestatis maris, motum autem fluctuum eius tu mitigas LXX Tu dominaris potestatis maris, motum autem fluctuum eius tu mitigas H Tu dominaris superbiae maris et elationes gurgitum eius tu comprimis Lc 8, 25 (Mt. 8, 27) Mir. Qualis est qui imperat uentis et mari, et obediunt ei ? Luc VL Quisnam est hic qui et uentis imperat et aquae obaudiunt illi ? (Afra) VL Quis est hic quod ventis imperat et mari et obaudiunt ei ? (Itala) Vulg. Quis putas hic est quia et uentis imperat et mari, et obœdiunt ei ? Matthieu VL Quantus hic est quod et mare et uenti obaudientes ? (Afra) VL Qualis est hic quod (quoniam, quia) uenti et mare obaudiunt eum (ipsi, ei ? (Itala) Vulg. Qualis est quia et uenti et mare obediunt ei ? Pr. 21, 1 Mir. Cor regis in manu Domini, sicut aqua decurrens, quocumque uoluerit, illuc detorquet eum Aug. Sicut impetus aquae, sic cor regis in manu Dei ; quocumque uoluerit, declinabit illud VL Sicut impetus aquae, sic cor regis in manu Dei ; quocunque uoluerit, declinabit illud Vulg. Sicut divisiones aquarum, ita cor regis in manu Domini, quocumque uoluerit, inclinabit illud
160
troisième partie
2. Tableaux des citations scripturaires a. Répartition par livres et chapitres Livre I
A.T.
N.T.
Total
Prologue
1
1
2
chapitre 1
1
/
1
chapitre 2
2
/
2
chapitre 3
3
1
4
chapitre 4
4
/
4
chapitre 8
/
1
1
chapitre 9
/
1
1
chapitre 12
1
/
1
Sous-total
12
4
16
Livre II
A.T.
N.T.
Total
Prologue (1)
1
/
1
chapitre 2
5
/
5
chapitre 3
/
/
/
chapitre 4
1
/
1
chapitre 5
3
1
4
Sous-total
10
1
11
total
22
5
27
b. Répartition par livres de la Bible A.T.
Livre I
Livre II
Total
Psaumes
6
9
15
Isaïe
3
/
3
Tobie
1
/
1
Joël
1
/
1
Proverbes
/
1
1
Sagesse
1
/
1
Sous-total
12
10
22
161
chapitre ii - citations bibliques N.T.
Livre I
Livre II
Total
Matthieu
1
1
2
Luc
1
/
1
Jacques
1
/
1
Paul
1
/
1
Sous-total
4
1
5
total
16
11
27
c. Tableau des citations d’après leurs fonctions Catégories fonctionnelles
Total Livre I Réf. bibliques
Livre II
Réf. bibliques
typologie nominative
[1]
[1]
[Ps. 117, 26]
/
/
garantie de (ré)actualisation
15
9
Ps. 47, 9 ; Jl 2, 28-29 ; Is. 35, 5 ; Ps. 18, 29 ; Ps. 75, 5 ; Ps. 120, 4 ; Sg. 6, 8 ; Mt. 11, 10 ; 2 Tm. 2, 9
6
Ps. 120, 4 ; Ps. 148, 7 ; Ps. 33, 8 ; Ps. 88, 10 ; Mt. 8, 27 ; Pr. 21, 1
accomplissement de paroles scripturaires
4
2
Is. 35, 6 ; Is. 35, 6
2
Ps. 47, 9 ; Ps. 41, 4
références exemplaires et normatives
4
1
Jc. 1, 6
3
Ps. 3, 9 ; Ps. 35, 7 ; Ps. 31, 5
emplois justificatifs de l’Écriture
2
1
Tb. 12, 7 ; Lc 19, 40
/
énonciation d’idées, de concepts ou de sentiments
2
2
Ps. 117, 26 ; Ps. 47, 10
/
Les crochets indiquent une référence prise en compte pour une fonction secondaire, mais comptabilisée ailleurs en vertu de sa fonction principale.
chapitre iii
Thèmes et structures du récit Georges Devallet Parler des « miracles de saint Étienne », en reprenant le titre même du recueil, c’est poser après bien d’autres le problème de l’origine du miracle et de la puissance des reliques, car seul Dieu peut opérer ces mirabilia. L’auteur, en bon théologien, prendra donc bien soin de toujours lier l’action de saint Étienne à la puissance divine et de présenter le « premier martyr » non comme l’opérateur des miracles, ce qui serait de la magie, mais comme l’ami de Dieu, puissant avocat et intercesseur privilégié. Dès le début de son ouvrage, il annonce qu’il va relater ea quae per patronum nostrum Stephanum primum martyrem suum operatus est apud nos Christus ; dans l’épisode du dragon, il précise que la cité a été libérée par un auctor et un liberator, le premier terme renvoyant à l’origine de l’autorité et le second à l’agent de la performance ; et s’il signale que la boulangère Hilara invoque le nom d’Étienne, il s’empresse d’ajouter qu’« elle n’omettait pas non plus celui du Christ ». Mais les miraculés dont les propos sont cités (parfois littéralement, semblet-il) ne sont pas des théologiens, et beaucoup d’entre eux (mais non tous) semblent tentés d’en appeler directement aux uirtutes du saint, et de lui attribuer pouvoir et mérite de leur guérison. L’auteur lui-même hésite parfois, et Seuls les passages qui ont semblé les plus probants (et dont les termes les plus importants ont été mis en caractères gras) sont cités dans le texte ou les notes. I, Prol. 9-10. II, 4, 62-63 : quo scilicet auctore quoue liberatore draco ille extinctus est hostisque deuictus ; I, 5, 10-12 : potentissimi aduocati Stephani implorare debere patrocinia, non sine diuina prouidentia … I, 3, 17-18 : gloriosi martyris nomen nunc corde, nunc ore precando, etiam Christum Dominum non reticebat. La tentation est d’autant plus grande que la guérison a parfois lieu grâce à de simples reliques de contact (comme pour la boulangère Hilara qui, en I, 3, 14-15, recouvre ses yeux éteints du voile qui couvrait les reliques), ou le paralytique muet de I, 12, à qui sa mère apporte un peu de poussière pris à la memoria du saint, et qui ensuite redevenu ingambe, projette sa manche jusqu’à la capsella des reliques pour l’appliquer sur sa langue ; mais Étienne apparaît aussi en personne (I, 4), sous les traits d’un enfant (I, 2), d’un jeune homme (I, 11), ou même ceux d’un
164
troisième partie
certains passages restent ambigus dans ce domaine. En fait, le récit des miracles opérés à Uzalis par les reliques de saint Étienne nous fait entrer dans un monde de signes : les reliques de contact participent aux vertus des ossements, qui représentent le saint dont les apparitions manifestent la présence, et les miracles eux-mêmes sont des signes de la force d’intercession du « premier témoin du Christ » mais aussi – et surtout – de la puissance de Dieu et de sa bonté. Car ces grâces, au-delà du soulagement qu’elles apportent aux bénéficiaires, ont pour fin principale l’édification des chrétiens d’Uzalis et d’ailleurs, et la laus Dei. On pourrait de ce fait proposer d’appliquer à ce monde de signes les méthodes de l’analyse du récit, et d’en examiner la progression narrative, mais aussi les grands systèmes de valeurs qui structurent le monde qu’instaurent les miracles à Uzalis. 1. La conduite du récit a. Les actants L’analyse narrative postule que tout récit narre une transformation entre un état initial et un état final antithétique. Elle appelle « actants » les forces (abstraites ou réalisées dans des personnages) grâce auxquelles le récit progresse, par phases logiques successives : elle y distingue un Destinateur, qui fixe le système des valeurs mises en œuvre, le Sujet, responsable de cette mise en œuvre, l’Objet de l’action engagée, et le Destinataire de cette action, à la fois bénéficiaire de cette Performance et chargé d’en reconnaître et d’en proclamer la valeur, opération appelée Sanction.
notable (I, 14), ou d’un assesseur du proconsul (II, 5). – En I, 4, 18-19, la femme apparue au blessé lui promet l’action de saint Étienne : modo, inquit, accedo ad sanctum Stephanum, et sanum te faciet. Aux lignes 26-29, l’homme voit le saint apparaître devant lui, et il lui demande une guérison directe, (mais en prenant soin de l’appeler « ami de Dieu ») : Carus Christi amicus, cura me. L’apparition lui répond : « Surge, saluus factus es » (l. 31), et, de fait, le blessé se met à marcher. Cf. notamment I, 2, 41-42 (lettre de Sévère de Minorque) quae continebat gloriosi sancti Stephani uirtutes quas ... perfecerat per praesentiam reliquiarum suarum. I, 2, 46-48 : Verum haec dicta sint ut commendare fratribus aliquo modo possemus, quam non utcumque et temere, sed diuina dignatione ad nos quamtumlibet homines peccatores sanctae istae reliquiae uideantur peruenisse. Cf. I, 4, 40-45 : Post haec, reliquiis sanctis in ecclesia cum ingenti celebritate ac sollemnitate collocatis, tanquam proposita statione diuinae medicinae (unde cantauimus : « Suscepimus Deus misericordiam tuam in medio templi tui »), quanti ex illo multitudinis undique concursus fieri cœpere ! Quanta beneficia fuerint collata et quotidie conferantur, quanta miracula demonstrata, quot caeci illuminati, paralytici sanati, quanti uariis morbis passionibusque curati, sed et mortui suscitati… ; et I, 8, 8-9 : Vnde universae ecclesiae Christus non modicum gaudium cumulauit. – Dans l’épisode du dragon (II, 4) les habitants de la cité sauvée deviennent le signe de toute l’humanité. – Cf. aussi I, 3, 39 : laudes Dei et amici Dei non abscondit.
chapitre iiI - thèmes et structures du récit
165
Ces distinctions rendent compte ici de la différence entre le statut de Dieu et du Christ, qui sont en position de Destinateurs, et celui d’Étienne, sujet opérateur, à qui ses mérites et sa force de conviction valent « délégation » pour l’accomplissement du miracle. Quant aux bénéficiaires de la transformation, ce sont évidemment d’abord chacun des individus affectés par les miracles, mais aussi la communauté toute entière, et par la proclamation muette qu’est le tacitum praeconium, l’univers tout entier. b. Les phases du récit Les phases de la narration reprennent les grandes articulations classiques : le miracle n’aurait pas de raison d’être sans un manque (le mal physique ou moral dont souffre le patient) ; mais ce futur bénéficiaire devra se montrer un sujet compétent, c’est-à-dire acquérir les qualifications qui lui vaudront d’être miraculé : c’est pourquoi le texte insiste toujours sur les deux aspects de la foi en Dieu et de la confiance en saint Étienne ; à l’un comme à l’autre sont adressées des prières ferventes, parfois même avec une insistance qui, selon la parole de l’Évangile, « force la porte du Royaume des Cieux ». Et l’on voit bien que lorsque tel personnage hésite devant l’ordre qui lui est adressé, ou même le refuse, il est morigéné ou puni10. Et c’est seulement lorsque le sujet aura acquis cette compétence que pourra intervenir, immédiatement ou sur le moyen terme, le miracle lui-même, la performance qui mettra fin au manque. Mais il serait inadmissible que le miracle reste inconnu : ce serait le vider, par ingratitude, de sa fonction primordiale d’évangélisation. Aussi les miraculés auront-ils grand soin de proclamer leur reconnaissance, entraînant dans l’action de grâces toute leur communauté. À un niveau plus large, c’est ce qui fait à l’auteur du recueil un devoir de fixer par écrit les événements dont la puissance divine a bien voulu faire bénéficier la communauté d’Uzalis : opera Dei non tam in abdito [collocare] quam potius pro Dei gloria in aperto [pandere] en citant le prophète Tobie : « Sacramentum regis bonum est abscondere, opera autem Dei reuelare et confiteri honorificum est11. » À bien les examiner, ces récits se développeront donc en deux programmes, explicites, quoique d’importance inégale, dans la plupart des chapitres du re Cf. notamment I, 3, 8-9 : (Hilara) itaque in fide roborata et in spe percipiendi luminis confirmata, ac diuinae gratiae amore inflammata ; I, 4, 16-17 : Vnde etiam fiduciam impetrandi accipiens precibus insistebat ; I, 6, 8-9 : Ibidemque dum illa aliquandiu ad aures amici Dei fide pulsaret, precibus insisteret ; I, 8, 6-7 : quidam caecus ... cœpit fortissima fide regno caelorum uim facere ; I, 10, 3-5 : alio item uincto ... adfuit fides ut amici Dei opem imploraret. 10 Ainsi le prêtre Zumurus (I, 7), qui néglige d’aller dissuader l’évêque de transférer les reliques, malgré un avertissement reçu en songe. 11 I, Prol. 2-5.
166
troisième partie
cueil : le premier voit la suppression du manque initial, au profit de ceux qui ont su placer leur confiance en saint Étienne ; mais le second, qui ne semble pas le moins important dans l’intention de l’auteur, est celui où le miraculé, bénéficiaire du premier programme, passe le plus souvent en position de sujet : en proclamant sa libération et la gloire de Dieu, il contribue à l’édification de la communauté et à la conversion des incroyants, et c’est alors que le destinataire devient l’univers tout entier. Cet aspect devient même le plus important dans l’épisode du dragon, où le « miracle » de la disparition du « monstre de feu » n’est que le prétexte à l’instruction de la communauté d’Uzalis, elle-même signe de toute l’humanité. Cette position de « Destinateur délégué » qu’occupe Saint Étienne dans le recueil explique qu’il apparaisse souvent comme une figure du Christ : les noces de Cana sont en filigrane du miracle du vin régénéré, et c’est avec la Croix qu’il chasse le dragon et en libére la ville12 ; comme le Christ pour Lazare, il ressuscite un mort après sa confession de foi et guérit un paralytique par la formule même de l’évangile, etc.13 2. Les deux ordres dans le De miraculis Cette relation étroite qui unit notre texte à l’Écriture sainte (ce que nous avons proposé d’appeler son « ancrage scripturaire »), si elle est explicite dans les citations, notamment celles, les plus nombreuses, tirées de l’Ancien Testament, est moins visible, mais à mon sens plus importante, plus profonde et plus constante, dans la structure même des récits, jusqu’à la succession des thèmes dans les premiers chapitres (le précurseur, l’aveugle, le boiteux). Elle a aussi pour corollaire de structurer la thématique du recueil autour de deux systèmes de valeurs qui sont mis en opposition : celui du monde et celui de Dieu. Avec un sens très sûr de la construction sémantique, l’auteur donne cette indication dès le début de son ouvrage, par la citation de Tobie déjà signalée et qui oppose « le secret du roi » aux « œuvres de Dieu ». Ces œuvres de Dieu, porteuses des valeurs de l’univers divin, toujours présentées comme plus fortes que les valeurs du monde14, concernent aussi bien l’état physique des bénéficiaires (guérisons) que leur état affectif, ou leur vie matérielle ; elles touchent aussi, et de façon plus surprenante, à l’organisation sociale de la communauté,
II, 3 (le vin régénéré) ; II, 4 (le dragon). I, 6 (le gisant ressuscité) ; cf. I, 4, 31, avec une formule très proche (Surge, saluus factus es). I, 3, 31 : Nec mirum si animalis homo nondum perciperet quae sunt Spiritus Dei.
12 13
14
chapitre iiI - thèmes et structures du récit
167
qu’elles concernent bien au-delà des individus qui ont mérité par leur foi de recevoir une grâce insigne. a. Les guérisons C’est le domaine typique où l’on voit les moyens humains (médecins, remèdes et même magiciens et incantations) impuissants devant le mal. Comme d’autres thaumaturges antérieurs, saint Étienne est appelé « archiâtre » (I, 13, 13), il ouvre « une sorte de dispensaire divin15 ». L’aveugle du livre I voit d’abord « avec les yeux de son cœur16 », Megetia, que médecins et magiciens sont impuissants à guérir17, doit d’abord soigner son âme avant de pouvoir obtenir la guérison de son corps, car son mal physique est en fait le résultat d’un péché, une souillure de l’âme18. Mieux encore, la guérison de certains patients suit un processus totalement opposé à celui de la médecine classique : le paralytique de I, 11 reste couché longuement sur le pavé froid, ce qui, dit notre auteur, est parfaitement déconseillé dans ce genre d’infirmités19 ! Les intercessions d’Étienne vont jusqu’à ressusciter les morts ou ceux qu’on croyait tels20. b. Le domaine affectif Les miracles guérissent aussi la misère morale : ainsi de l’épouse sans nouvelles de son mari et tentée de se remarier (I, 5) : saint Étienne lui annonce le retour de l’époux, préservant ainsi la chasteté du mariage, et montrant aussi « combien l’ami de Dieu avait souci d’une âme en péril21 ». De même, le père désespéré d’être sans nouvelles de son fils (I, I4) est rassuré en songe par saint Étienne lui-même, qui prend soin de se faire reconnaître22. On y ajoutera que la misère de Megetia est autant morale que physique, son infirmité lui rendant toute vie sociale impossible23.
I, 4, 41 : tamquam proposita statione diuinae medicinae ... I, 4, 12-14 : in angustiis pressurarum suarum, non humanum, sed solius Dei debere quaerere auxilium et I, 3, 10-11 : impedientibus carnis oculis, corpore appropinquare non poterat, sed lucentibus oculis cordis spiritu iam peruenerat. 17 II, 2, 24-27. 18 II, 2, 27-29. Cf. aussi le passage sur la déformation du visage (II, 2, 10-20). 19 I, 11, 8-9 : utique contrarium huiusmodi infirmitatibus esse solet. 20 I, 4, 45 : sed et mortui suscitati. 21 I, 5, 15-16 : amico Dei quanta fuerit animae periclitantis cura… 22 I, 14, 19-20 : Vzalensis sum, sed non sum ipse quem putas. Ego enim sum Stephanus. 23 II, 2, 20-22. 15 16
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troisième partie
c. La hiérarchie sociale L’opposition entre les deux ordres peut également rendre compte de trois épisodes qui ne laissent pas de surprendre au premier abord : – aux chapitres 9 et 10 du livre I, des gens emprisonnés sans que nous sachions pourquoi se trouvent soudain libérés grâce à notre saint ; – surtout, au dernier chapitre du recueil (II, 5), le trésorier-payeur de Carthage risque sa tête devant le tribunal d’un proconsul violemment irrité contre lui ; il fallait bien que la faute fût grave, pour que la peine encourue le soit aussi. Or rien ne nous en est dit ! Il semble que le plus vraisemblable soit de supposer une offense de maiestate, ce qui justifierait la menace sur la vie de l’accusé, mais s’accorde aussi parfaitement avec notre propos : à l’ordre judiciaire des hommes s’oppose la miséricorde de Dieu, et celle-ci est plus forte que celui-là. Mais il y a mieux : à l’intérieur même des structures hiérarchiques de l’Église, la collectivité l’emporte sur son évêque (I, 7, le transfert avorté des reliques) et l’on sait que ce sont les humiliores, plus que les nobiliores, qui sont l’objet de la sollicitude de celui qui « a créé le petit comme le grand24 » et des intercessions de son Ami. d. La vie et la mort Les guérisons, les résurrections tendraient à faire penser que la vie, son maintien ou sa restitution, sont des valeurs qui appartiennent en propre à l’univers divin. Cela est vrai, mais dans une perspective hiérarchisée : dans le recueil, l’Ami de Dieu est soucieux de la vie matérielle du peuple, comme on le voit dans une des nombreuses interventions personnelles de l’auteur, en II, 4 (le dragon) : « qui songerait », s’écrie-t-il, « à gagner de l’argent quand un grand danger menace sa vie, ou même à se nourrir quand il voit arriver la mort, ou à se vêtir25 », etc. Ainsi se dessine une hiérarchie des contraintes de la condition humaine, de lucrum à uita, en passant par uictus et uestis. Cette hiérarchie s’inverse dans le monde des valeurs divines, comme on le voit dans le dernier épisode du livre I, lui aussi paradoxal en apparence, où un petit enfant mort catéchumène est ramené à la vie, mais seulement pour la brève durée qui lui permettra de recevoir le baptême. À l’échelle précédente, il faut donc ajouter un dernier degré, le plus haut : plus que la vie terrestre, c’est la vie éternelle (salus) qui justifie la présence de l’homme sur la terre.
I, 4, 8-9 : qui pusillum et magnum fecit, et aequaliter illi cura est pro omnibus. II, 4, 29-31 : Quis enim tunc quaereret lucra pecuniae in tanto discrimine damna deplorans animae ? Aut quis cogitaret uel corporis uictum, formidans uitae suae ultimum occasum ? Quis porro cuperet uestem, metu mortis amittens mentem ?
24 25
chapitre iiI - thèmes et structures du récit
169
La confrontation conflictuelle fait donc apparaître l’inversion de la hiérarchie. e. Rhétorique et vérité Du même coup s’explique un des aspects du refus de la rhétorique affirmé dans le prologue. La rhétorique est comme le vêtement de la parole, elle appartient au monde profane, alors que la parole nue est un premier stade de la connaissance du monde divin. Elle doit proclamer la laus Dei et rendre grâce. Bien plus, c’est par le canal de la vue que s’accomplira le mieux cette glorification de Dieu et de son Ami. C’est le tacitum praeconium, les faits parlent d’euxmêmes, ce qui justifie la citation (répétée) de l’Écriture : « Vt audiuimus, ita et uidimus26 » (et peut-être faut-il donner ici au verbe audire son sens d’entendre dire). Ce monde est donc bien avant tout un monde de signes : les visions sont signes de l’événement, mais l’événement lui-même est signe de la puissance de Dieu sur l’Univers, et plusieurs épisodes du recueil ressortissent nettement à ce double aspect grâce à une double interprétation : entre la vision et le miracle, puis entre le miracle et sa signification, non plus seulement pour le (ou la) bénéficiaire, mais pour toute la communauté. L’épisode du dragon (II, 4) est particulièrement révélateur de cette structure, puisque le signe menaçant apparu dans le ciel et dissipé ensuite reçoit sa pleine signification dans l’épisode du voile qui suit immédiatement. Cette succession évoque un modèle christique : annonce, réalisation, Rédemption, évangélisation et laus Dei. On en trouve une mention explicite à la fin de cet épisode exemplaire. À la question qui clôt le chapitre 3 du livre II : « et quid tandem Deo pro eius tantis beneficiis exhibetur aut redditur ? » (l. 57-58), répond, en clôture parallèle, la fin du chapitre suivant (II, 4, 81-83) : Hoc ergo modo ciuitate nostra a tanto primitus periculo liberata, ac postea tali per congruentem picturam ueli admonitione instructa et illuminata, gemino miraculo est omnis pia anima in Dei gloria exhilarata : « Voilà comment notre cité fut d’abord délivrée d’un si grand péril, puis édifiée et illuminée par l’explication que donne l’image concordante de la toile. Et devant ce double miracle, toute âme pieuse exulta de joie dans la gloire de Dieu. » C’est dans cette perspective que certains « deuxièmes miracles » peuvent être dits « plus admirables encore », et que la libération d’Uzalis (ciuitas nostra) est signe de la délivrance de tout être humain qui croit (omnis pia anima) et qui se trouve, une fois reconnue la puissance de Dieu (instructa et illuminata), transportée dans la joie céleste (ex-hilarata in Dei gloria). I, 1, 25 et II, 1, 14-15.
26
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La fin essentielle de l’ouvrage est donc de montrer les signes et les voies d’une accession au monde des valeurs du Royaume de Dieu par la reconnaissance de la main du Seigneur, dans le cosmos, chez les grands de ce monde, mais aussi chez les plus humbles, ceux dont il est dit dans l’Évangile qu’on les a visités lorsqu’ils étaient malades ou en prison, ceux qui se sont trouvés, grâce à leur confiance à toute épreuve en Dieu, en son Fils et en saint Étienne, aidés dans tous les domaines de la vie, du quotidien (utilitates, II, 3, 57-58) aux situations de plus grande détresse physique et morale, afin qu’eux-mêmes, leurs frères et tous les lecteurs de ce libellus rendent grâce, ad maiorem Dei gloriam.
chapitre iv
Pour une typologie des récits de miracles dans le De miraculis∗ Anne Fraïsse Lorsqu’on aborde les deux livres des miracles de saint Étienne, on a d’abord l’impression d’un désordre qui peut laisser croire que ce récit est seulement la réunion disparate d’épisodes variés dont le seul lien serait l’intervention miraculeuse du saint ; la difficulté que l’on a à trouver un plan ou une organisation logique renforce cette impression première. Pourtant devant les rappels, les échos, et de sens et d’expression tout au long de l’ouvrage et en particulier dans les deux prologues, il est clair que l’auteur a une vision d’ensemble et un but précis. 1. Une impression générale de désordre Il n’y a pas, a priori, d’ordre purement chronologique ni d’unité de lieu, malgré la proximité des reliques et l’actualité de leur arrivée. On peut rechercher un parallélisme avec l’ordre des évangiles : pour le livre I, les deux premiers épisodes annonciateurs peuvent représenter la prédication de Jean-Baptiste ; ils sont suivis de guérisons caractéristiques (aveugles, paralytiques, malades) ; deux épisodes centraux (I, 5-6) illustrent plus précisément l’efficacité de la prière, puis une autre série de miracles s’achève sur la résurrection du jeune catéchumène dont on comprend aisément la place finale. Certes, cette organisation est justifiable mais, semble-t-il, inapplicable au livre II, où les épisodes moins nombreux et plus longs n’ont pas la même unité de récit. Pas d’unité non plus chez les bénéficiaires, consacrés (vierges, évêque) ou laïcs, petites gens du livre I (boulangère, barbier, veuves, forgeron) ou notables du livre II (femme de la haute société, propriétaire vinicole, comptable de ∗
Je remercie Jean Meyers qui a bien voulu relire cette étude et me suggérer plusieurs améliorations dont j’ai tenu compte.
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troisième partie
Carthage) et même foule entière dans l’épisode du dragon (II, 4). Et, bien qu’ils soient tous chrétiens, leur degré de foi et de confiance avant le miracle varie extrêmement : on trouve chez eux aussi bien scepticisme, désinvolture ou doute que confiance absolue et foi audacieuse. Si certains de ces miracles répondent à une demande pressante comme celle de l’aveugle, qui va frapper sans se lasser « au dispensaire du médecin Étienne » (pulsans fidei pietate, I, 13, 4), ou de la mère du catéchumène, qui elle aussi va frapper « aux oreilles de l’ami de Dieu » (pulsaret fide pietatis, I, 15, 7), Florentius le comptable a tellement peur qu’il en oublie de prier jusqu’au moment où il en reçoit le commandement (II, 5, 32) : « Invoca sanctum Stephanum. » Quant aux miracles, ils sont variés : qu’y a-t-il de commun entre le vin bonifié, les malades guéris, le retour des disparus, la libération du comptable ou des prisonniers ? Cependant deux grandes catégories apparaissent : les guérisons et les songes réalisés et elles permettent de dégager une unité de sens. 2. Nature du miracle En effet ces deux catégories, dans leurs différences mêmes, permettent de préciser ce qu’est pour l’auteur la nature puis la fonction du miracle. a. Valeur significative du miracle Le miracle témoigne de la puissance de Dieu, des effets de cette puissance, ipsae uirtutes, dit le prologue du livre II en une phrase très significative : « Et, ainsi, alors que les effets de la puissance divine entraient d’abord en vos oreilles par la lecture et s’imposaient aussi à vos regards avec le crédit que Cf. I, 1, 10-11 (non facile credidit) : « selon une réaction commune, elle ne voulut pas y croire et se mit à dire en elle-même : ‘et qui sait si ce sont vraiment des reliques de martyrs’ ». Cf. I, 7, 9-10 (neglegenter) : « Ce prêtre avait traité à la légère l’avertissement et n’était pas allé informer l’évêque. » Cf. I, 4, 21 (pendant l’accomplissement du miracle) : « Tu me laisses tomber et tu te tires », mais même après I, 4, 35 : « Il crut avoir encore besoin de s’appuyer sur un bâton. » On notera que ce scepticisme devant le miracle est une donnée ancienne de l’hagiographie, qui se retrouve ensuite jusque dans le haut Moyen Âge : cf. à ce sujet, F. Graus, Volk, Herrscher und Heiliger im Reich der Merowinger, Prague, 1965, p. 451-455 (« Zweifel an Heiligen und Wunderberichten ») ; M. Van Uytfanghe, « La controverse biblique et patristique autour du miracle, et ses répercussions sur l’hagiographie dans l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge latin », dans Hagiographies, cultures et Sociétés, ive-xiie siècles, Actes du colloque organisé à Nanterre et à Paris (2-5 mai 1979), Paris, 1981 (Ét. Aug.), p. 205-233 ; Id., « Pertinence et statut du miracle dans l’hagiographie mérovingienne (600-750), dans Miracle et Karãma. Hagiographies médiévales comparées, éd. D. Aigle, Turnhout, Brepols, 2000 p. 67-144, spéc. p. 74-81 (« Échos d’un débat du passé ») Cf. I, 3, 5-6 : (nulla dubitatione) : « Hilaria était poussée par sa confiance dans l’immense gloire du martyr et tout à fait inaccessible aux flottements des sceptiques. » Cf. I, 8, 7 (fortissima fide) : « Il entreprit avec une foi intrépide de faire violence au royaume des cieux. »
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mérite ce qu’on voit, fut accompli en vous ce qui est écrit dans les Psaumes : « ce que nous avons entendu, nous l’avons vu aussi. » (II, 1, 12-15)
Il s’agit là d’une définition fort précise des critères du miracle : effet de la puissance divine, il doit être prouvé par la réalité des faits (« le crédit que mérite ce qu’on voit ») et par le témoignage des Écritures (« ce qui est écrit dans les Psaumes »), qui sont en quelque sorte la double preuve de l’authenticité du miracle : ils « font la preuve de la vérité », dit l’auteur dans ce même prologue (fidem veritatis ingererent, II, 1, 12). Ainsi à deux objections, exprimées clairement dans l’épisode du dragon (« c’est un hasard » ; « c’est de l’étrange, du ‘jamais vu’ ») répondent deux preuves. D’une part, celle de la réalité, qui se manifeste souvent par correspondance entre songe et réalité : ainsi, la dernière phrase du chapitre I, 2 est une réponse précise à l’idée de hasard : « Que tout cela soit dit pour nous donner le moyen de bien faire comprendre à nos frères à quel point ce n’est pas le hasard ni les circonstances, mais la bienveillance divine qui, visiblement, a porté chez nous, malgré tous nos péchés, ces saintes reliques. » (I, 2, 46-48)
La preuve de la réalité peut aussi se manifester par une guérison qui était impossible sur un plan humain. En II, 2, 112-113, le médecin affirme à la mère de Megetia : « Ta fille ne peut absolument pas être guérie de ce mal », et il annonce l’intervention divine seule capable de guérir Megetia (II, 2, 118-119) : « Cette guérison, le Dieu tout puissant en qui tu crois peut l’accomplir mais n’attends rien de nous. » Dans l’église d’Uzalis, les fidèles reçoivent de Dieu les preuves tangibles de la guérison miraculeuse d’un paralytique, pourtant attestée publiquement de façon concrète : « La louange de Dieu qu’on venait de proclamer, il la confirmait par des preuves pour ainsi dire tangibles, tous ses membres que la guérison avait rétablis comme avant. » (II, 1, 27-28)
À côté de la preuve de la réalité, s’ajoute aussi la preuve des Écritures apportée non pas seulement par les passages cités explicitement tout au long du Cf. II, 4, 17-18 : « Contrairement à ce que pensent les savants sans savoir, ces phénomènes ne sont ni fortuits ni accidentels (casu et fortuitu fieri »). » Cf. II, 4, 8-10 : « Ce genre d’apparition ne doit pas être tenu pour insolite ni nouveau (insolitum et nouum) : il fait partie de la tradition populaire et il est même attesté par la sainte Écriture. » Cf. des expressions comme « dans la réalité des faits » (I, 1, 20), « préfigurait exactement » (I, 1, 23), « n’était pas sans signification » (I, 1, 25-27), « On ne peut dire sans admiration à quel point cette vision aussi fut confirmée par les faits » (I, 2, 12-13), « l’accomplissement de la seconde vision » (I, 2, 19), « Cette partie aussi de la vision, veuillez accorder toute votre attention à la façon dont elle s’est accomplie par les soins de Dieu » (I, 2, 36-37).
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texte ou les références explicites aux miracles du Christ10, mais par un ancrage évangélique plus subtil qui donne sens et unité au texte. Cette double approche réalité-Écritures nous permet d’expliquer la disparité des récits de guérison, tantôt très courts et relatant une guérison instantanée, sans précision, tantôt très détaillés pour des guérisons différées. Au lieu d’y voir le reflet de personnalités différentes transparaissant dans des témoignages plus ou moins bavards, on peut retrouver très nettement dans ces récits la volonté de donner cette double preuve. b. Les preuves tangibles En effet, les récits les plus longs sont extrêmement réalistes dans la description de la maladie et des étapes de la guérison au point qu’on peut poser un diagnostic médical assez précis ; ainsi la boulangère en I, 3 retrouve la vue par étapes médicalement fort crédibles, même si la cause n’en est pas ordinaire. Quand « elle se mit à recouvrer progressivement la vue » (I, 3, 23), elle voit d’abord le contour de gros objets : les dalles de la place, puis les lumières, la lune qui brille et, à la fin du témoignage, elle marche seule sans guide. Dans le chapitre I, 6, où un homme écrasé dans l’effondrement de sa maison reprend conscience et raconte une vision, on peut reconnaître, par certains détails, les récits de mort imminente souvent liés à des situations d’écrasement de la cage thoracique : vision des morts dans un environnement lumineux, puis disparition des morts et retour vers les vivants11. En I, 11, le paralytique, encore jeune, souffre visiblement d’une hémiplégie droite avec troubles du langage, séquelles vraisemblables d’une attaque cérébrale ayant lésé le côté gauche du cerveau, centre de la parole. Au bout de quatre mois, il retrouve partiellement l’usage de ses jambes et de la parole avant guérison complète. Sur ces citations scripturaires explicites, cf. l’article de J. Meyers dans ce volume. Cf. par ex. II, 3, 43-46 : « Seigneur Jésus-Christ qui as changé l’eau en vin, c’est toi qui maintenant encore, par l’action de ton ami saint Étienne, as rendu à un vin gâté son état antérieur. » 11 Les rapports entre les récits modernes et anciens de mort imminente ont été soulignés avant nous par d’autres, en particulier par M. Van Uytfanghe, « Les Visiones du très haut Moyen Âge et les récentes ‘expériences de mort temporaire’. Sens ou non-sens d’une comparaison. Première partie », dans Aeuum inter utrumque. Mélanges offerts à Gabriel Sanders, professeur émérite à l’Université de Gand, Steenbrugge - Den Haag, 1991 (Instrumenta Patristica, 23), p. 447-481 et « Les Visiones du très haut Moyen Âge et les récentes ‘expériences de mort temporaire’. Sens ou nonsens d’une comparaison. Deuxième partie », Sacris Erudiri, 33 (1992-1993), p. 135-182. Voir aussi C. Zalesky, Otherworld Journeys, Accounts of Near-Death Experience in Medieval and Modern Times, New York-Oxford, Oxford University Press, 1987. Le bel ouvrage de C. Carozzi, Le voyage de l’âme dans l’au-delà d’après la littérature latine (ve-xiiie siècle), Rome, Palais Farnèse, 1994 (École française de Rome, 189), a une optique différente.
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L’exemple le plus caractéristique est celui de Megetia souffrant d’un double mal décrit avec minutie et qui s’apparente à une toxémie gravidique et à une luxation de la mâchoire consécutive aux vomissements : « Alors qu’elle était enceinte, au quatrième mois de sa grossesse, elle commença, sans qu’on sût pourquoi, par éprouver des nausées et par rendre, puis, à force de subir des crampes d’estomac, des distensions de la bouche et des vomissements spasmodiques, elle en vint, à la suite d’une paralysie, à être horriblement défigurée : les axes de sa mâchoire et de sa gorge avaient été chassés de leurs logements, sa bouche tombait et elle ne pouvait absolument pas la refermer et la remettre à sa place ; elle eût été incapable de garder le contrôle normal des mouvements de son palais et de sa langue, pas plus pour rejeter de sa bouche que pour y faire entrer quoi que ce soit. » (II, 2, 6-13)
Sa guérison se fera aussi par étapes : d’abord avortement spontané vers le huitième mois de l’enfant mort dès le quatrième mois et fin de l’infection de ses entrailles, puis plus d’un an après disparition de la paralysie déformante du visage. Tous ces exemples insistent sur la réalité du mal dûment constaté12, sur l’impuissance des médecins13 et sur la réalité de la guérison, tout aussi effective malgré un traitement parfois nuisible au mal14. c. L’ancrage scripturaire Au contraire, certaines guérisons de même nature, souvent juxtaposées (I, 3 ; I, 8 et I, 13 : guérisons d’aveugles ; I, 11 et I, 12 : guérisons de paralysés) présentent des caractéristiques opposées ; elles sont instantanées, sans précision sur le nom, la qualité ou la maladie circonstanciée du miraculé. En I, 8, un aveugle « recouvra aussitôt la vue » ; en I, 12, un paralytique est guéri. Ces récits plus succincts mettent en évidence la prépondérance de la deuxième preuve du miracle : son ancrage scripturaire. Le miracle est la réalisation actuelle de la puissance du Christ toujours à l’œuvre dans le monde, comme le rappelle le prologue du livre I :
Cf. par ex. I, 3, 33 : « Cette femme qui n’avait pas simulé sa cécité passée ». Cf. par ex. II, 2, 103-106 : « Tous les soins donnés à la jeune femme, pour laquelle on les voyait s’agiter en efforts infructueux ne faisaient que prolonger la maladie et reculer la guérison. » 14 Cf. par ex. I, 11, 7-9 : « Il demeura couché en cet endroit une grande partie de l’hiver, en prières, supportant les rigueurs du froid à même la mosaïque du sol, ce qui est, en général, tout à fait contre-indiqué pour ce genre de malade. » 12 13
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« Les œuvres que par l’intermédiaire de notre patron Étienne, le premier de ses martyrs, le Christ a accomplies parmi nous et qu’il veut bien encore accomplir. » (I, Prol. 9-10)
Les gestes ou les paroles qui précèdent le miracle reprennent les situations des miracles accomplis par le Christ. L’aveugle envoyé à la piscine de Siloé fut guéri après que Jésus lui eut mis de la poussière mêlée de salive sur les yeux, l’hémoroïsse après avoir touché le manteau de Jésus, de même le contact avec les reliques provoque la guérison : Hilara s’applique sur les yeux un voile préalablement posé sur les reliques (I, 3, 14-16), la mère de l’infirme recueille de la poussière pour la répandre sur son fils (I, 12, 5-7). Lui-même, « dégageant ensuite une manche de sa tunique, car il n’avait pas de mouchoir, il se mit à la diriger en passant la main à travers la petite fenêtre du mémorial jusqu’à l’endroit, à l’intérieur où étaient les saintes reliques, puis il ramenait sa main en arrière et portait le tissu à sa bouche » (I, 12, 12-14). Les paroles sont parfois celles du Christ (« Lève-toi, tu es guéri », I, 4, 31), mais en d’autres endroits le miracle est précédé d’une question qui rappelle l’interrogation de Jésus à ses disciples (« Mais dis-moi, qui suis-je moi ? », I, 14, 18), est lié à une restitution du symbole, redemandé trois fois (I, 6, 20-26), ou aux rites du baptême (I, 615 ; I, 15). Plus profondément, dans la trame du récit se retrouvent des éléments de l’Évangile. La rencontre de Florentius (II, 5, 87-94) avec un prêtre sur la route du sanctuaire, après un événement extraordinaire qui n’est pas encore compris, évoque l’épisode des pèlerins d’Emmaüs (Lc 24, 13-37). Certains passages de Marc, en particulier, même sans citation exacte, trouvent des échos qui ne peuvent être coïncidences : ainsi la femme atteinte d’un flux de sang (Mc 4, 25), femme qui « depuis douze années avait beaucoup souffert du fait de nombreux médecins et avait dépensé tout son avoir sans aucun profit mais allait plutôt de mal en pis » ressemble bien à Megetia : « Comme les soins donnés à la jeune femme pour laquelle on les voyait s’agiter en efforts infructueux ne faisaient que prolonger la maladie et reculer la guérison ... » (II, 2, 103-106)
Quant au dialogue de la boulangère aveugle avec son fils (I, 3, 22-28), il s’apparente par son style familier et par la découverte naïve et progressive du monde qui l’entoure à celui de l’aveugle de Bethsaïde avec Jésus (Mc 8, 22) : Sur ce chap. 6, on lira les articles de P. Force, « Place et signification de la redditio symboli dans l’initiation chrétienne des premiers siècles de l’Église (À propos de De miraculis sancti Stephani I, 6) », dans L’initiation. Les rites d’adolescence et les mystères, Actes du colloque international de Montpellier (11-14 avril 1991), éd. A. Moreau, t. I, Montpellier, Univ. Paul-Valéry, 1992, p. 293304 et « La spiritualité des Miracles de saint Étienne ». 15
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« Après lui avoir mis de la salive sur les yeux et lui avoir imposé les mains, il lui demandait : ‘Aperçois-tu quelque chose ?’ Et l’autre qui commençait à voir de répondre : ‘J’aperçois les gens, c’est comme si c’était des arbres que je les vois marcher’. Après cela il mit de nouveau ses mains sur les yeux de l’aveugle et celui-ci vit clair et fut rétabli, et il voyait tout nettement de loin. »
L’auteur, à plusieurs reprises, annonce ce lien très profond ; il cite le plus souvent l’Ancien Testament (« Alors s’ouvriront les yeux des aveugles », I, 3, 32), mais c’est pour placer son récit dans une forme de parallèle avec le Nouveau Testament. Les guérisons des aveugles et des paralytiques, qui servaient au Christ de réponse à Jean, parce qu’elles réalisaient cette ancienne prophétie d’Isaïe et le révélaient comme Messie16, ont ce même rôle dans le prologue du livre II, lorsque viennent témoigner les miraculés : « Et ainsi, lorsque les effets de la puissance divine entraient d’abord en vos oreilles par la lecture, et s’imposaient bientôt à vos regards avec le crédit que mérite ce qu’on voit, fut accompli en vous ce qui est écrit dans les Psaumes : « Ce que nous avons entendu, nous l’avons vu aussi. » (II, 1, 12-15)
Le Christ, à l’œuvre dans le monde par l’intermédiaire de son premier martyr, réactualise la même prophétie, confirmant une vérité qui n’a ni lieu ni temps. Et dans l’épisode de joie et de foi devant ces témoignages17, nous retrouvons le récit de Mt. 15, 31 : « Et les foules de s’émerveiller en voyant ces muets qui parlaient, ces estropiés qui redevenaient valides, ces boiteux qui marchaient et ces aveugles qui recouvraient la vue ; et ils rendirent gloire au Dieu d’Israël. »
Enfin, l’aveugle du chapitre I, 8, « qui entreprit avec une foi intrépide de faire violence au royaume des cieux », et celui du chapitre I, 13, « qui frappe sans se lasser », obéissent au commandement : « Demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira » (Mt. 7, 7), selon 16 Cf. Mt. I, 5 : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient et les boiteux marchent. » 17 I, 4, 42-45 : « Dès lors quels rassemblements de gens venus de partout ! Les grandes grâces qui furent accordées et le sont encore tous les jours, les grands miracles qui se sont manifestés, tous les aveugles qui ont vu, tous les paralytiques qui ont recouvré la santé, tous ceux qui ont été guéris de maladies et de souffrances de toutes sortes (et les morts même qui se sont relevés), tout cela serait pour nous trop long et presque impossible à garder en mémoire, à raconter, à écrire. » On a ici un bel exemple de ce que M. Van Uytfanghe, « Pertinence et statut du miracle » appelle la « ‘dynamique miraculeuse’ qui, une fois lancée, faisait en sorte que le mouvement s’entretenait de lui-même : les miracles déjà proclamés attirent les patients et conduisent à consigner par écrit les nouveaux miracles » (p. 80, n. 107) ; cf. aussi sur cette ‘dynamique miraculeuse’, V. Déroche, « Pourquoi écrivait-on des recueils de miracles ? L’exemple des Miracles de saint Artémios », dans Les saints et leurs sanctuaires à Byzance : textes, images, monuments (Byzantina Sorbonensia, 11), éd. C. Jolivet-Lévy, M. Kaplan, J.-P. Sodini, Paris, 1993, p. 95-116, spéc. p. 100-101 et n. 16.
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les termes mêmes de l’Évangile (Mt. 11, 10), et renouvellent la parabole du juge inique et de la veuve importune (Lc 18, 1-8). Les symboles eux-mêmes sont perpétuelles réminiscences : le feu de Dieu qui épure (I, 1), le sentier étroit du songe de l’estropié (I, 4), seul chemin du salut, les chaînes dont sont délivrés le muet (I, 12) et l’enfant catéchumène (I, 15). On pourrait multiplier les exemples mais il est plus intéressant de voir que derrière ce double aspect du miracle ancré et dans la réalité et dans l’Écriture, se dessinent les fonctions que l’auteur lui attribue. 3. Fonctions du miracle L’épisode du dragon (II, 4) est un bon exemple pour mettre en évidence ces fonctions. Les fidèles admirent sur la toile qui vient confirmer le miracle « le créateur et le libérateur par lesquels avait été anéanti ce dragon et vaincu l’ennemi » (quo scilicet auctore quoue liberatore draco ille extinctus et hostisque deuictus, II, 4, 62-63). Le miracle ici se subdivise en deux pans : l’un concret (liberatore, draco ille, extinctus), l’autre théologique, dont le premier aspect est la réalisation dans le monde (auctore, hostis, devictus). Cette dualité imprègne tout le texte. Ainsi dans la phrase Per amicum suum, Deus liberavit istam ciuitatem et grandem a nobis depulit pestem en II, 4, 71-72, on retrouve le niveau terrestre (per amicum, liberauit, ciuitatem) et le niveau théologique (Deus, depulit, pestem). Le récit passe ensuite de l’aspect très concret du miracle18 à son sens théologique : Ecce Crucis tropaeum per quod uestrum uicistis inimicum. (II, 4, 80) « Et voici le trophée de la Croix par lequel vous avez vaincu votre ennemi. »
Le miracle du dragon, comme chaque miracle, a une fonction de révélation de la puissance du Christ et de sa victoire sur le diable, que souligne la fin du récit, et cela dans une perspective de rédemption (liberata) et d’évangélisation (instructa, illuminata, exhilarata) : « Voilà donc comment notre cité fut d’abord délivrée d’un si grand péril, puis édifiée et illuminée par l’explication que donne l’image fidèle du voile. Et, devant ce double miracle, toute âme pieuse exulta de joie dans la gloire de Dieu. » (II, 4, 81-83)
18 Cf. II, 4, 78-79 : Ecce draconem de uestra ciuitate cernitis fugatum et expulsum, ecce conterentem caput eius primum martyrem meum, « Ici, vous voyez le dragon mis en fuite et chassé de votre ville, là mon premier martyre lui écrase la tête ».
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Ces fonctions du miracle sont aussi analysées dans le prologue du livre I. Manifestation de Dieu, le miracle appelle à une reconnaissance de l’homme, à la foi et à une proclamation : « Car, si l’on manifeste un scepticisme coupable quand on n’ajoute pas foi à ce qu’on sait, on obéit à un égoïsme jaloux quand on refuse de proclamer pour l’édification d’autrui ce qu’on sait. » (I, Prol. 5-6)
Signe d’authenticité de la mission divine de saint Étienne, le miracle marque la présence de Dieu dans le temps et son amour pour l’humanité (ea quae per patronum nostrum Stephanum primum martyrem suum operatus est apud nos Christus et adhuc operari dignatur, I, Prol. 9-10). Si le miracle a une fonction d’édification évidente19, il est surtout la trace visible d’une mutation profonde qui, en Jésus-Christ, touche l’homme et l’univers. Ainsi dans l’épisode du dragon, la vie quotidienne brusquement révèle son aspect dérisoire en comparaison du salut20. C’est un choc « qui suscite dans l’homme une sorte de tension entre son attachement à la terre, signe de sa condition présente et la réalité de sa condition future et définitive21 ». Aussi s’accompagne-t-il d’une régénération de l’âme dont la guérison physique devient un symbole22. C’est aussi le sens du songe de Megetia et du dragon qu’elle combat : « Il fallait guérir ce que son âme cachait de vicié et alors seulement serait ainsi guéri ce que son corps montrait d’abîmé. » (II, 2, 215-216)
Le miracle enfin appelle l’homme à une réflexion sur sa condition future et sur le sens ultime de son existence. L’épisode de l’enfant catéchumène (I, 15) permet de mieux comprendre la notion de miracle, l’aspect terrestre s’effaçant complètement devant la vie éternelle : « Car, s’il recouvra la vie pour un temps insignifiant, ce fut assurément pour ne pas mourir à jamais, s’il lui fut donné de mourir temporairement, ce fut pour jouir de la vie éternelle. » (I, 15, 16-18) Cf. I, 10, 6-7 : « Tous les témoins sans exception se mirent à glorifier le Christ et son premier confesseur » ; I, 9, 14 : « Il proclama par son témoignage les œuvres de Dieu » ; I, 11, 19 : « Comme lui-même l’a proclamé pour la gloire de Dieu. » 20 II, 4, 29-30 : « Qui, en effet chercherait à gagner de l’argent quand un si grand danger lui fait craindre de perdre son salut ? » 21 R. Latourelle, « Miracle », dans Dictionnaire de Spiritualité, col. 1283. 22 Cf. I, 3, 19-20 : ad euincendas caecitatis tenebras… pugnabat, « elle luttait pour triompher des ténèbres de sa cécité » ; I, 3, 16-17 : iam luce fidei irradiata, « la foi déjà l’illuminait toute entière » ; I, 13, 12-13 : etiam ore confessus est quod et corde et corpore spiritali archiatro curante illuminatus redditus est, « de sa bouche aussi, il témoigna qu’il avait recouvré la lumière de l’âme et du corps grâce aux soins du grand médecin spirituel. » 19
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Si le miracle est ainsi source d’une exultation partagée23, c’est que, comme l’explique le livre II au chapitre 1, il représente sur cette terre, la réalité de l’audelà24. Loin d’être un assemblage disparate de témoignages, c’est donc autour d’une véritable définition du miracle que se construit le recueil sur les miracles d’Étienne. Appel de Dieu dans notre monde, il s’inscrit dans l’histoire du salut et témoigne de l’accomplissement promis à l’homme. L’auteur en a pleinement conscience et tant par la minutie et le réalisme des témoignages25, tant par la volonté de lier ces témoignages aux Écritures, ce texte appartient à une tradition africaine et orthodoxe qui, de Cyprien à Augustin, s’interroge sur le sens et l’actualité des miracles, et il diffère des récits purement légendaires que sont souvent les vies de saints26.
Cf. I, 8, 8-9 : « Le Christ combla d’une joie sans bornes l’Église tout entière » ; II, 2, 300-301 : « sous les yeux de toute notre Église qui participait à sa joie ». Cf. II, 1, 15-16 : « en un si grand événement s’offrait de la gloire céleste le spectacle grandiose. » 25 Dans son éd. de la Vita Martini (SC 133), J. Fontaine avait réparti les miracles présents chez Sulpice Sévère en quatre catégories (T. I, Paris, Cerf, 1967 [réimpr. 2004], p. 198-203) : 1. miracles « objectifs » et « évangéliques » (« les plus difficilement contestables », p. 199: résurrections, guérisons, exorcismes) ; 2. miracles « coïncidences » (« la constatation de tels miracles procède à l’interprétation ‘providentielle’, par la conscience religieuse des assistants », p. 200) ; 3. miracles « folkloriques » (miracles légendaires, « merveilleux de pure fiction », p. 201) ; 4. miracles « littéraires » (« invention gratuite et personnelle de Sulpice », p. 202). Comme on a pu le voir, notre texte ne comprend pas de miracles des catégories 3 et 4, une absence normalement caractéristique d’un recueil de miracles selon M. Heinzelmann, « Une source de base de la littérature hagiographique latine : le recueil de miracles », dans Hagiographie, culture et sociétés, 1981, p. 257, n. 116. 26 Sur la dimension légendaire de certaines vies de saints, voir les ouvrages classiques de H. Delehaye, Les légendes hagiographiques, 4e éd., Bruxelles, Société des Bollandistes, 1955 (Subsidia Hagiographica, 18), (réimpr. 1973) et Les Passions des martyrs et les genres littéraires, 2e éd, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1966 (Subsidia hagiographica, 13b). 23
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Verum et Velum : le miracle et l’image du miracle Jean-Noël Michaud Parmi les 19 récits de miracles recueillis dans les deux livres du De miraculis, il m’a paru intéressant d’étudier celui qui occupe le chapitre 4 du livre II, l’avant-dernier récit de l’ouvrage et le dernier qui soit situé à Uzalis : dans cette cité, un jour de marché, un dragon menaçant apparaît dans le ciel, la foule prise de panique se réfugie dans la cathédrale, devant la memoria de saint Étienne, et le dragon disparaît. Le lendemain, une image de provenance mystérieuse donne aux habitants d’Uzalis le sens de ce qu’ils ont vécu la veille, et « toute âme pieuse exulte de joie dans la gloire de Dieu », est omnis pia anima in Dei gloria exhilarata (II, 4, 83). Il y a, me semble-t-il, trois raisons de s’intéresser à ce récit en particulier : l’histoire du dragon apparu dans le ciel d’Uzalis et le processus d’interprétation que l’auteur développe dans son récit se comprennent mal si l’on ne voit pas qu’ils supposent un respect scrupuleux de la réalité, un respect dont j’ai essayé de montrer dans le chapitre suivant, d’une façon qui paraîtra peut-être paradoxale, qu’il caractérisait constamment l’auteur du De miraculis. D’autre part, dans ce récit, s’épanouit en se transformant, un processus de pensée, esquissé dès le début de l’ouvrage, celui qui est résumé au chapitre I, 1, dans l’expression du Psalmiste : Sicut audiuimus, ita et uidimus (Ps 47 [48], 9). Enfin, c’est le 3e et dernier récit dans lequel le héros de l’histoire est non pas un individu ou deux, mais la collectivité des habitants d’Uzalis. Donc, un jour de marché, à Uzalis, in nostra ciuitate, en plein midi, apparaît dans le ciel, au-dessus de la foule tout occupée à vendre et à acheter, un dragon ou du moins l’avant-train d’un dragon, un dragon igneus, flammeus. Faut-il comprendre qu’il crache des flammes ou qu’il a la couleur de la flamme ou encore, et c’est ce qui paraît le plus probable, qu’il a par nature quelque chose à voir avec le feu ? Il dirige vers la terre une gueule menaçante. La foule, épouvantée, fuit bientôt en tous sens. Beaucoup de gens se précipitent vers l’église, auprès de la memoria de saint Étienne, leur supplication obtient que le martyr
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unisse sa prière à la leur et intercède pour eux. Peu à peu, le dragon disparaît (discuti et propelli, II, 4, 39) et le ciel redevient serein. Dans les perspectives de l’auteur, il n’est sans doute pas indifférent que le miracle se produise un jour de marché. La nourriture (corporis uictus) et le vêtement (uestis) des êtres humains, les relations commerciales qui permettent de se les procurer (pecuniae lucra) sont des choses importantes pour lesquelles l’auteur n’éprouve nul mépris : Hilara, la première miraculée, est boulangère (I, 3), puis viennent Concordius (I, 4) qui est barbier, Restitutus de Bizerte qui est forgeron (I, 11), Rusticianus boucher (I, 14), Donatus gros propriétaire viticole (II, 3), Florentius comptable (II, 5). C’est souvent leur famille la plus proche qui les préoccupe : le barbier Concordius, cloué au lit, se demande de quoi vont vivre ses enfants, Rusticianus a envoyé son fils et son serviteur dans une expédition dont il espérait un profit qui l’a empêché peut-être de songer au risque. Le reproche d’un ami lui fait brusquement prendre conscience qu’il a, dans l’espoir d’un gain, mis en danger la vie de son fils. Saint Étienne ressemble à notre auteur : il rassure Rusticianus en lui apprenant que son fils et son serviteur reviennent sains et saufs mais il juge bon d’ajouter qu’ils ramènent porcos numero quadraginta quatuor omnes electos, « quarante-quatre porcs, tous sélectionnés », et qu’on leur a confié près de 20.000 folles. Cette précision ne paraît oiseuse ni à Rusticianus, ni à notre auteur, ni à saint Étienne. Si le narrateur insiste sur le détail de ces prédictions exactement réalisées, c’est que leur précision les rend plus étonnantes encore, mais c’est aussi qu’il ne voit rien de sordide à ce que le saint s’intéresse au compte en banque d’un homme, de même qu’il ne considère pas comme un miracle subalterne la transformation d’une piquette en un très bon vin (II, 3). Il expose les soucis de Donatus le viticulteur en homme qui comprend ce genre de préoccupations et qui ne les tient pas pour médiocres. Il n’oublie pas que le Gardien d’Israël pusillum et magnum fecit, « a créé le petit et le grand » (I, 4, 8-9 – citation de Sg. 6, 8). Ne faudrait-il pas rapprocher l’attention dont il témoigne à l’égard du commerce le plus modeste et des agents de la vie économique locale de sa sévérité ou du moins de son peu d’indulgence pour les puissants ? J’aurais tendance à le penser. Le lien n’est pas douteux, je crois, entre la langue populaire des citations et le milieu du petit commerce de la cité où se déroule un si grand nombre de miracles, entre ce milieu et le sens du réel qui me paraît caractériser l’ensemble de l’ouvrage. On pourrait d’ailleurs se demander si nous n’avons pas là des indices convergents sur l’origine sociale de l’auteur. Toute question d’envergure intellectuelle et de talent mise à part, un aristocrate comme Ambroise, un intellectuel comme Augustin auraient-ils le même regard sur les événements d’Uzalis ? Assurément, dans l’histoire de Megetia (II, 2), si l’auteur est sévère pour Pontius, le père de la jeune femme, pour Avitanus, son beau-père et pour Audentius, son mari, s’il met une maligne insistance à souligner leurs vains appels à une thérapeutique humaine, s’il les suggère bien penauds devant l’algarade de Vitula (II, 2, 130-132), c’est parce qu’ils sont adhuc erroribus
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C’est aussi parce que le miracle a lieu un jour de marché que le bénéficiaire en est non plus un individu mais une collectivité. D’ordinaire, le héros de l’histoire est unique, Hilara, Concordius, d’autres encore dont l’auteur donne ou ne donne pas le nom. Ce n’est pas cependant la première fois que la communauté d’Uzalis apparaît, en dehors des conclusions d’histoire où un groupe plus ou moins vaste apprend le miracle et partage la joie et l’action de grâces du miraculé. En I, 1, la foule des fidèles accompagne l’évêque qui transporte les reliques (ou plus probablement une partie d’entre elles) du sanctuaire des martyrs à la cathédrale. Au chapitre 7 du même livre, elle s’oppose à la volonté de l’évêque de transférer une partie des reliques hors de la cathédrale. Dans le prologue du livre II, après avoir écouté la lecture des récits de miracles, elle s’associe à la joie des miraculés. Le rapprochement de ces divers passages dans lesquels la foule joue un rôle suggère une progression : en I, 7, lorsque la foule, d’une façon obscure et sans voir vraiment la portée de son geste, s’oppose à la dispersion des reliques, elle apparaît comme l’instrument inconscient de l’Esprit Saint et c’est l’auteur, non la collectivité elle-même, qui voit dans sa réaction une volonté d’unité dans les lieux mêmes où s’était manifestée la division donatiste (I, 7, 30-34). Dans le prologue du II, en toute clarté la foule devient le témoin enthousiaste de miracles, actualisés par la présence des miraculés mais qui, de fait, appartiennent au passé et dont elle ne bénéficie encore que par gentilitatis adstricti (II, 2, 40). Il en va peut-être de même, bien qu’il ne le précise pas, pour le proconsul de l’histoire de Florentius (II, 5) : capricieux, capable de vouloir la mort d’un homme pour une raison que nul ne connaît (irati nescio unde Proconsulis, II, 5, 13). Avec un cynisme candide, l’auteur ne donne à Pontius son titre de sénateur que lors de sa conversion : nomine Pontio, senatoriae dignitatis uiro ..., « il s’appelait Pontius et avait la dignité sénatoriale et il est digne, lorsque nous nous mettons à parler de la foi de quelqu’un dans le Christ, de commencer aussi par citer son nom en mentionnant, comme il se doit, sa qualité » (II, 2, 135-137). N’est-il pas un peu étrange que l’auteur ne dise pas un mot du motif de la condamnation des prisonniers dont les chaînes tombent, qu’il ne semble pas le moins du monde choqué par la claque que reçoit le prêtre Zumurus (I, 7, 10), même si l’on tient compte d’une sorte d’espièglerie enfantine dont nous avons noté les signes ailleurs ? Est-il sûr qu’un évêque de notre si libérale époque entendrait rappeler, sans déplaisir, de pulpito, qu’il a dû battre en retraite devant une foule qui semble avoir été nettement plus en communication avec l’Esprit Saint que lui-même ? On peut penser que notre auteur ne devait pas être étouffé par un excès de révérence à l’égard de l’autorité. On peut aussi voir dans cette attitude, malgré l’écart temporel, la mentalité d’une petite cité qui n’éprouve pas une grande sympathie pour les autorités provinciales, telle qu’elle apparaît dans l’histoire du dauphin de Bizerte chez Pline le Jeune (Ep. IX, 33, 10). D’ailleurs, si l’histoire de Megetia est développée au point de constituer un ensemble quasi autonome, il ne faut peut-être pas en chercher la raison directe dans le milieu social auquel la jeune femme appartient. La façon dont l’auteur la présente nobilis genere, nobilior Christi fide ... diues in saeculo, ditior in Deo (II, 2, 4-5) n’est peut-être pas un simple jeu sur les mots. On doit sans doute au milieu social de Megetia, aux filles consacrées qui l’entourent, les détails que l’auteur connaît sur son histoire et qui lui permettent de manifester un réel talent à croquer une expression, une attitude, mais il manifeste aussi une claire volonté d’opposer le monde des femmes, leur foi et leur énergie aux hommes qui ont le pouvoir, la compétence apparente et qu’ils présentent presque constamment dans une situation proche du ridicule.
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sympathie. Dans l’histoire du dragon, elle est bénéficiaire et sujet de l’histoire. Il y a cependant, pour l’auteur, un lien entre les deux événements, car chaque fois, nous dit-il, se produit un second miracle, plus miraculeux que le premier : alio quodam maiori miraculo mirabiliora ipsa mirabilia reddebantur (II, 1, 32-33) et ad haec accedit etiam aliud quiddam ex hoc ipso miraculo mirabilius (II, 4, 42), reprise qui ne doit sans doute rien au hasard. L’auteur insiste sur le caractère collectif du héros : « Tous ceux (omnium) qui étaient là dans l’attente et la stupéfaction (l. 2425) ... aussi les gens (turba popularis) se mirent-ils à fuir en désordre (l. 2526) ... la foule courut en masse (multitudinis) ... au pied de la memoria, ... étaient prosternées ... des personnes de tout âge et des deux sexes (diuersa aetas, dispar quoque sexus) (l. 32-34) ... les fidèles de tout âge, hommes et femmes (omnis aetas omnisque sexus) se mirent à contempler et à admirer un spectacle grandiose (l. 61-62) ... ce qu’on croyait sur l’événement de la veille se trouvait confirmé dans tous les esprits (in animis omnium) (l. 63-64) ... il n’y avait plus rien d’autre sur toutes les lèvres (a cunctis) que ces seuls mots (l. 70-71) ... devant ce double miracle, toute âme pieuse (omnis pia anima) exulta de joie (l. 82-83). »
Entre le caractère collectif du héros, souligné avec tant d’insistance, et l’intérêt porté aux réalités économiques, aux échanges qui permettent d’assurer la subsistance, existe un lien clair : les hommes sont des êtres fragiles (miseri mortales) qui doivent nécessairement songer à se nourrir et à se vêtir : corporis uictum ... uestem ... Qu’ils soient dans une incessante activité (pecuniae lucra) pour se nourrir ou se vêtir ou que l’urgence du danger les contraigne à oublier nourriture, vêtement, profit pour sauver leur vie, ils sont toujours miseri mortales. Sans qu’un terme particulier implique une vision de la cité depuis le haut, le spectacle des besogneuses fourmis que sont les hommes, brusquement affolés par le terrible danger qui les surplombe, le début du chapitre, tout entier tourné vers l’abysse du ciel, l’infini de l’espace ténébreux, caliginosi aeris immensitas, suggèrent une vision d’en haut. En même temps que l’auteur insiste sur l’extension de la communauté d’Uzalis, il la confond peu à peu avec l’humanité tout entière, comme le montre au sommet du chapitre le discours sans paroles que Dieu adresse à l’humanité par l’intermédiaire de l’image sur le voile : Et re uera Dei fuit ad homines quaedam illa allocutio in uelo tacite significantis et dicentis : « O miseri mortales ... » (l. 72-73), mais cette transformation a été préparée dès la description de la panique : pro sola tantum homines metuebant uita (l. 28). Ainsi, la petite communauté d’Uzalis est comme toute communauté humaine constamment affairée, constamment active pour protéger la vie de ses membres, une vie fragile
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et qui apparaît plus fragile en présence d’un danger terrible, d’une menace de mort immédiate. Cependant, si la communauté particulière d’Uzalis apparaît peu à peu comme l’humanité tout entière, cela tient surtout à un autre élément. L’auteur pressent chez ses lecteurs une objection à son récit : l’apparition d’un dragon est quelque chose d’insolitum et nouum et il répond en faisant appel aux connaissances de tous : notitia popularis et à l’autorité de l’Écriture Sainte qui cite les dragons parmi les êtres qui se manifestent dans les abîmes, abîmes dont il précise ensuite qu’ils ne désignent pas seulement la profondeur insondable des mers mais aussi, dans les hauteurs, l’infini de l’espace ténébreux. La citation du psaume 148 et le commentaire explicatif qu’en fait l’auteur sont de grande conséquence : l’apparition du dragon et peut-être plus encore le commentaire qui l’accompagne changent brutalement les dimensions du cadre dans lequel se situe l’histoire. Certes, quelques-uns des récits de miracles nous éloignaient un peu d’Uzalis. Certains des miraculés viennent des cités voisines : Hippo Zarite, Utique, Pisa. Une bonne partie de l’histoire de Megetia se déroule à Carthage, et c’est à Carthage que Florentius se voit miraculeusement sauvé par saint Étienne. Le mari de la femme de Memblone (I, 5) est parti en voyage depuis trois ans, le boucher Rusticianus a envoyé son fils et un serviteur dans une région très éloignée, ad ducenta milia passuum, près de 300 km. Mais aucune image concrète ne s’attache à ces voyages, qui ne sont qu’absence et danger potentiel. Ici, l’élargissement de la perspective est d’une tout autre nature : les abîmes de la mer et ceux du ciel dépassent infiniment l’homme, si bien que tout naturellement, face à l’aquarum inaestimabilis profunditas et à la caliginosi aeris immensitas, l’humble cité africaine d’Uzalis devient l’humanité tout entière, face au double abîme de l’univers, abîme d’en haut et abîme d’en bas, où l’homme n’a pas sa place. Ce changement est un signe, parmi d’autres, qui suggère que l’histoire du dragon occupe une position privilégiée dans l’ensemble des récits du De miraculis et dans la pensée de l’auteur. On notera en effet que la citation qui provoque l’élargissement des perspectives porte aussi sur le thème de la tacita praedicatio, de la proclamation sans parole, dont j’ai essayé de montrer qu’elle était au cœur de la théologie de l’auteur. S’il est vrai que nous touchons à ce qui constitue son horizon intellectuel (dont on voit bien l’origine biblique), nous tenons peut-être l’explication d’une particularité troublante du De miraculis : la place réduite qu’y tient le Nouveau Testament, en apparence du moins. Nous en avons conclu, que saint Étienne à Uzalis, c’est À l’origine, le commentaire sur les deux sens possibles du mot abyssus, abîme de la mer mais aussi abîme du ciel (II, 4, 13-21), est rendu nécessaire par le fait que les prétendus dragons aériens sont dans le psaume des monstres marins.
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l’actualisation de l’évangile et qu’il n’y avait pas lieu de se référer à l’évangile comme histoire passée car il était et reste présent. On peut expliquer de la même façon l’absence de toute allusion à l’histoire de l’homme Étienne, telle qu’elle apparaît dans les Actes. L’élargissement de la perspective aux dimensions du cosmos a pour conséquence l’abolition du temps, comme si dans l’esprit de l’auteur, temps et espace étaient une sorte de continuum homogène tel que lorsque l’espace prend toute la place, il n’en reste plus pour le temps. Nous verrons d’ailleurs que cette sorte d’abolition du temps a une grande importance dans l’histoire particulière qui nous occupe, on peut même dire qu’elle seule rend possible l’interprétation de l’image représentée sur le voile. La citation du Psaume 148 permet de mettre en place deux éléments qui joueront un rôle fort important dans la 2e partie de l’histoire : la louange sans paroles qu’adressent au Seigneur les forces cosmiques prépare le discours silencieux que sera la peinture sur le voile et la présentation de la communauté d’Uzalis comme l’humanité tout entière. L’auteur suppose que son récit va provoquer une réaction de scepticisme et entend répondre à ce scepticisme par une référence à l’Écriture sainte. Ce n’est pas la première fois que l’auteur mentionne une réaction d’incrédulité. Dans le premier des miracles racontés, en I, 1, 11, au scepticisme non formulé de la servante de Dieu, témoin d’une conversation entre clercs sur les reliques (Et quis scit si uere martyrum sunt reliquiae ?) répondait une vision nocturne qui authentifiait les reliques. Ici, cependant, ce ne sont pas les bénéficiaires du miracle qui se montrent incrédules, c’est l’auteur qui suppose cette réaction chez le lecteur. Les objections que suscite l’apparition du dragon ne sont donc pas un élément du récit, une étape narrative, elles sont un élément de l’énonciation plutôt que de l’énoncé. Elles jouent un rôle non dans le récit mais dans l’interprétation que l’auteur en fait. Il est d’ailleurs fort difficile de préciser en quoi consiste l’objection. En apparence, il n’y en a qu’une seule : l’apparition d’un dragon uidetur insolitum et nouum, « paraît insolite et nouvelle » (l. 8-9), c’est-à-dire sans précédent et l’auteur réfute l’objection en faisant appel aux connaissances populaires et à l’autorité de l’Écriture Sainte. On se demande ce qu’il faut entendre par notitia popularis (l. 9). Comme ce point ne paraît pas développé, on n’a guère pour éclairer l’expression que le rapprochement avec la réflexion qui se trouve dans la 2e partie du récit à propos des anges : neque enim uel hoc inauditum atque inexpertum est, siue religioni christianae siue notitiae humanae (l. 50-51), « dans la religion du Christ comme dans le savoir des hommes ». Le rapprochement paraît d’autant plus fondé qu’inauditum atque inexpertum évoque de bien près insolitum et nouum. L’idée de notitia humana, tout comme celle de notitia popularis, regroupe toutes les expériences et les connaissances qui ne viennent pas du donné révélé. Aux sceptiques qui refuseront de croire à une histoire de
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dragon, parce que les dragons n’existent pas, l’auteur répond en disant qu’ils existent, puisqu’ils apparaissent dans de nombreux récits et qu’ils sont mentionnés dans l’Écriture Sainte. À la citation scripturaire, il ajoute un commentaire sur le mot abyssus qui explique que le dragon est un être ou un phénomène céleste et qu’il obéit à la volonté de Dieu : quae faciunt uerbum eius (l. 20-21). Ceci lui permet d’envisager une seconde objection, celle des insipienter sapientes, « des savants sans savoir » (l. 17-18) pour qui les phénomènes célestes sont l’effet du hasard (casu et fortuitu fieri). Il est donc absurde de leur supposer une signification. Il y a en fait deux objections qui aboutissent à la même conclusion : il ne s’est rien passé de miraculeux dans le ciel au dessus du marché d’Uzalis, mais les premiers ajoutent : parce que les dragons n’existent pas, les seconds, parce que les phénomènes célestes sont l’effet du hasard et que l’apparition du dragon, étant l’effet du hasard, ne peut avoir aucun sens. La façon dont sont exposées ces deux objections et dont il y est répondu pose toute une série de questions dont il est difficile de savoir si l’auteur les a vues ou non, s’il les a considérées comme négligeables ou s’il les a négligées pour des raisons de stratégie argumentative : – tout d’abord, que faut-il mettre derrière l’expression notitia popularis ? Faut-il l’assimiler purement et simplement à notitia humana et croire que l’auteur entend par là les connaissances en général qui sont indépendantes de la révélation ou penser que le dragon renvoie à l’univers de la mythologie et que les objecteurs mentionnés sont des personnes supposées choquées de voir apparaître dans un miracle chrétien un animal fantastique dont la place est dans les récits mythologiques ? Cette interprétation paraît d’autant plus tentante que l’apparition du dragon se produit hora iam meridiana, « à midi passé » (l. 5), une heure, comme chacun sait, particulièrement favorable aux apparitions terrifiques et démoniaques : le biblique démon de midi renvoie à une très longue et très riche tradition folklorique. Mais il n’est pas sûr du tout que cette opposition moderne ait un sens pour l’auteur et qu’il distingue le démoniaque païen et le démoniaque biblique. On est cependant en droit de penser qu’en citant le texte qui affirme l’obéissance à Dieu de tous les êtres, il a, entre autres, l’intention de répondre à l’objection. – Comment l’auteur comprend-il l’objection des insipienter sapientes et l’affirmation que l’apparition d’un dragon est l’effet du hasard ? Faut-il entendre : les dragons existent mais leur apparition n’a aucun sens particulier ou bien : on peut voir dans le ciel une apparence de dragon mais c’est l’effet de l’assemblage hasardeux des nuages ? Il n’est rien de plus commun que de voir dans les prodigieux édifices de nuages qu’offre quelquefois le ciel d’Afrique du nord des palais féeriques, des paysages fantastiques, les images animales les plus
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cocasses ou les plus effrayantes. Malgré les apparences, il n’est pas sûr que ces questions soient aussi anachroniques et donc impertinentes qu’elles en ont l’air. C’est du moins ce que peut donner à penser la façon dont l’auteur a interprété le second miracle. – Dans l’explication de l’image mystérieuse qui constitue la 2e partie du chapitre, le dragon sera appelé serpens noxius, hostis, uestrum inimicum (l. 57, 63, 80). Il sera donc clairement assimilé au diable, au serpent de la Genèse, dans la ligne de l’Apocalypse (12 et 20) : et proiectus ille draco magnus, serpens antiquus, qui uocatur diabolus, et Satanas, qui seducit uniuersum orbem. Mais estil légitime de mettre sur le même plan les dragons du Psaume 148, le serpent de la Genèse, le dragon de l’Apocalypse et celui du De miraculis ? Peut-on dire par exemple que le serpent de la Genèse loue le Seigneur ou même qu’il accomplit la Parole de Dieu ? Nous n’avons évoqué jusqu’à présent que la première partie du chapitre mais en réalité, l’histoire n’est pas finie. Au miracle que constitue la délivrance de la foule s’ajoute, pour parler comme notre auteur, un second miracle, plus miraculeux que le premier : accedit aliud quiddam ipso miraculo mirabilius (l. 42). Le lendemain du jour où le dragon est apparu dans le ciel, en un lieu appelé Memblone qui a déjà été le théâtre d’une intervention de saint Étienne, un marchand totalement inconnu (peut-être s’agit-il d’un ange) remet à Semno, sous-diacre d’Uzalis, une toile, une image peinte qui représente, peut-être en plusieurs scènes à la façon d’une bande dessinée, d’un côté Étienne frappant à la porte d’une cité avec le pied de la croix qu’il porte sur l’épaule, de l’autre côté, un dragon, serpens noxius, qui s’enfuit de la cité et que le pied du martyr du Christ écrase. Ce voile est rapporté à Uzalis et suspendu devant la memoria du saint pour l’édification des fidèles. À première lecture, on peut avoir l’impression que le caractère miraculeux de ce second épisode tient selon l’auteur à l’origine mystérieuse du voile. Le marchand est inconnu dans la région et l’auteur envisage la possibilité qu’il soit un ange, si du moins nous avons bien interprété la phrase passablement obscure : credendum est enim quia angelus homo (l. 49-50), et esquisse pour appuyer cette hypothèse une argumentation qui ressemble de très près à celle qu’il utilise pour rendre acceptable l’histoire de l’apparition d’un dragon dans le ciel. Il me semble cependant que la ressemblance s’arrête là et que l’origine mystérieuse de l’image qui a quelque chose d’assez nettement byzantin est une fausse piste, parce qu’elle ne joue en fait aucun rôle dans l’interprétation du miracle. Quand j’ai exposé aux membres de notre groupe les idées développées ici, l’un d’entre nous a posé la question suivante : comment les habitants d’Uzalis savent-ils que le martyr triomphant du dragon est Étienne ? Et j’ajouterai :
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comment savent-ils que la cité peinte est bien Uzalis ? Si l’auteur était un pur et simple affabulateur, il lui aurait été facile de prétendre que la peinture comportait une inscription qui rendait l’identification indiscutable. On doit voir dans le refus de telles facilités un des signes du respect du réel que revendique l’auteur et comprendre ainsi ce qu’il veut dire quand il affirme qu’il s’interdit « d’en rajouter » (I, Prol. 13). On peut aussi supposer qu’un détail de la peinture permettait d’identifier le martyr et Uzalis. Mais ce serait une supposition gratuite et inutile car le texte met en place un dispositif d’interprétation qui n’aurait aucun sens si la peinture représentait Uzalis et non une cité quelconque. Je crois donc que nous avons eu raison de traduire crucis cuspide portam ciuitatis uidebatur pulsare : « avec la pointe de cette croix on le voyait frapper la porte d’une cité » (l. 55-56). On ferait fausse route en pensant que le second miracle relève d’un merveilleux extérieur. L’auteur explique clairement ce que la peinture du voile ajoute au miracle du dragon : les humains vont passer de l’ignorance (ignara) à la pleine connaissance (edocta). La conclusion du chapitre revient sur la même idée et la précise : Uzalis a été libérée d’un immense danger, le premier jour : a tanto primitus periculo liberata (l. 81), mais par le voile peint, elle a été instructa et illuminata « édifiée et illuminée » (l. 82) ; le double miracle fait que toute âme pieuse est in gloria Dei exhilarata (l. 83). Le progrès d’un miracle à l’autre est déjà souligné dans le discours silencieux que Dieu adresse aux hommes par l’intermédiaire de l’image représentée sur le voile : istius ueli figuratione intelligite atque gaudete (l. 75-76). On peut supposer qu’il y a un progrès dans la joie, de la laetitia de la délivrance au gaudium de l’intelligence. La toute puissance divine est pleine de miséricorde mais à la miséricorde elle ajoute encore quelque chose : elle ne se contente pas de sauver du danger celui qui appelle au secours mais elle le fait entrer dans la connaissance, une connaissance qui n’est pas réservée aux intellectuels et aux savants, car elle passe par l’intermédiaire d’une image que tout le monde peut voir et comprendre. Le premier miracle, c’est que les hommes sont sauvés, le second, c’est que les âmes pieuses apprennent de quoi elles sont sauvées et qui les sauve. La toile peinte, qui se suffit à elle-même et dont le discours n’a pas besoin d’éloquence, fait découvrir à l’âme pieuse de quel amour elle est aimée et lui permet ainsi d’entrer dans la béatitude éternelle, celle qu’expriment dans l’ouvrage les termes de la famille d’hilaritas : in gloria Dei exhilarata. Le commentaire du second miracle ne se contente pas de cette affirmation, il effectue une opération qui conduit à cette conclusion et cette opération ressemble beaucoup au commentaire que l’auteur faisait de la cérémonie évoquée dans le prologue du livre II. Les points de rencontre entre les deux chapitres sont en effet nombreux et frappants. Nous avons déjà noté que dans les deux
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cas, la 2e partie du texte est introduite par la même idée et les mêmes expressions. Dans les deux cas, à un miracle succède un miracle plus grand encore. Dans les deux cas, les acteurs ressentent une joie immense et brûlante. Dans les deux chapitres, on trouve des termes de la famille de testis. La scène qui se déroule dans l’église comme la peinture sur le voile sont qualifiées de spectaculum grande (II, 1, 15-16 ; 4, 62). Enfin, chaque fois, l’accent est mis sur la concordance entre deux expériences : en II, 1, concordi unitate (l. 30), en II, 4, concurrebat (l. 65), congruentia (l. 67), congruentem (l. 82). En II, 1, l’auditeur, devenu spectateur, peut constater l’accord entre ce qu’il a entendu (les récits de miracles) et ce qu’il voit (les miraculés), qui constitue une tacita praedicatio (l. 23-24). Ainsi s’accomplit ce que dit le psaume 48 : sicut audiuimus, ita et uidimus (l. 14-15). La même citation avait déjà été utilisée dans le 1er chapitre du livre I (l. 25). Il est à vrai dire très difficile de préciser dans ce passage ce que la citation entend résumer : la servante de Dieu voit en rêve l’ampoule qui contient les reliques et c’est précisément cette ampoule que tiendra dans ses mains l’évêque. Elle éprouve des doutes à la pensée des reliques ; la vue des reliques provoquera les mêmes doutes chez quelques-uns. Elle voit en rêve un prêtre mettant l’ampoule dans la bouche d’un moine dont les oreilles et les yeux vomissent alors des flammes. Dans la réalité, ceux qui prêchent sur les saintes reliques sont embrasés d’un feu sacré. La phrase sicut audiuimus, ita et uidimus ne s’applique donc que de façon approximative aux événements que raconte l’auteur, alors que le prologue du livre II l’illustre avec une particulière pertinence. En fait, la citation, la première fois qu’elle est énoncée, coïncide en partie mais en partie seulement avec une démarche familière à l’auteur : souligner le lien entre l’annonce et la réalisation, la promesse et son accomplissement, la vision et la réalité. Il adore pouvoir dire avec une satisfaction candide : hoc quomodo re ipsa manifestum sit dignanter accipite (I, 1, 18). On retrouve la même articulation dans le double miracle de notre chapitre mais ici, la même démarche, le même processus logique aboutit à renverser le rapport entre ce qui apparaît comme la réalité (res, uerum) du miracle et ce qui apparaît d’abord comme l’image du miracle (uelum). C’est que la foule a vécu, le premier jour, sa peur et sa délivrance d’une façon un peu animale ; elle va vite se remettre de l’intense terreur qu’elle a éprouvée ou bien, de manière très En II, 1, 32-33 : ut alio quodam maiori miraculo mirabiliora ipsa mirabilia redderentur ; et en II, 4, 42 : ad haec accedit etiam aliud quiddam ipso miraculo mirabilius. En II, 1 : admirantibus et congratulantibus (l. 20), cum totius ecclesiae magno gaudio (l. 26-27), gratulationis, exultatio (l. 36-37) ; en II, 4 : stupor pariterque amor, admiratio et gratulatio accendebatur (l. 69-70), gaudete (l. 76), gemino miraculo est omnis pia anima in Dei gloria exhilarata (l. 82-83). En II, 1 : attestatio (l. 5), testimonium (l. 11), fidelium testium (l. 23), contestans (l. 26) ; en II, 4 : attestatio (l. 64).
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humaine, même après s’être confiée à la protection de saint Étienne, elle se prépare à oublier le rôle que saint Étienne a joué ou à douter, dans la sécurité retrouvée, de ce rôle. Le voile lui montre ce qui s’est réellement passé. Alors, elle n’est plus seulement liberata, elle est instructa et illuminata. On n’a aucun mal à comprendre que, dans la cérémonie du prologue, les récits de miracles, sans la participation des miraculés, auraient été simplement des histoires sans force véritable. Mais la présence des miraculés est la réalité (uident) qui actualise ce que les histoires racontaient (audierunt). Dans l’histoire du dragon, c’est l’inverse : la réalité vécue et vue, c’est le dragon apparaissant dans le ciel, puis disparaissant, et cette apparition manifeste d’abord ce que la peinture expliquera ensuite. Pourtant, c’est sur la peinture qu’est porté le jugement de vérité. Il suffit de reprendre le commentaire dans sa continuité pour voir que ce qui qualifiait dans le prologue le spectacle des miraculés qualifie maintenant la peinture : c’est elle qui est attestatio. Le spectaculum grande du prologue, c’était la réalité de l’aveugle ou de l’infirme guéri ; dans le chapitre 4, c’est la peinture. Et insensiblement, uerum qui s’applique d’abord à l’apparition (hoc iam credibilius tenebatur in uero, l. 65) s’applique ensuite de façon équivoque à une proposition dont on ne sait d’abord si elle concerne l’apparition ou la peinture (uere quia per amicum suum Deus istam liberauit ciuitatem, l. 71), puis concerne clairement le voile (et reuera Dei fuit ad homines quaedem illa allocutio in uelo, l. 72-73). Enfin, Hilara guérie, debout en haut de l’abside, tacita quadam praedicatione proclamabat (II, 1, 23-24). C’est maintenant le rôle de la peinture : Dei … quaedam illa allocutio in uelo tacite significantis (l. 72-73). S’il est assuré que, d’une façon paradoxale, l’opération accomplie par ce chapitre consiste à faire passer la vérité de ce qui a été vécu par les habitants d’Uzalis (uerum) à ce qui est par définition apparence et image (uelum), un certain nombre des questions que posent le récit et son commentaire trouvent une réponse. Tout d’abord, la scène peinte sur la toile est destinée aux habitants d’Uzalis et cela n’a rien à voir avec le mystère de son origine qui ne joue en fait aucun rôle. Il n’y a pas lieu non plus de supposer une marque quelconque qui permettrait d’identifier Uzalis ou saint Étienne. Les habitants d’Uzalis sont l’humanité et la cité d’Uzalis est la cité des hommes. Et l’humanité ayant fait appel hier à saint Étienne pour délivrer du dragon la cité des hommes, une peinture qui représente un martyr délivrant du dragon une cité humaine ne peut représenter que saint Étienne délivrant Uzalis.
Plus exactement une peinture qui représente le Christ portant la croix glorieuse ou tout personnage conformé au Christ, archange, martyr ou empereur.
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Si l’image du 2e jour est la réalité, alors l’apparition du dragon le premier jour est une vision ou un message. Elle joue le rôle du rêve dans l’histoire de la servante de Dieu (I, 1). Nous nous étions demandé s’il n’y avait pas, de la part de l’auteur, quelque contradiction à appliquer au serpent de la Genèse ou au dragon de l’Apocalypse ce que le psaume 148 dit des dragons qui faciunt uerbum Dei. Mais, si le dragon dans le ciel est lui-même image du Malin, de la situation du Malin par rapport aux hommes, alors dans cette mesure même le dragon de l’apparition est messager de Dieu. On peut dire de lui : facit uerbum Dei. Si donc le dragon est messager de Dieu, il n’y a aucun besoin qu’il soit un vrai dragon en chair et en os, si j’ose dire. Ce qui est miraculeux, c’est que la foule discerne dans le ciel un dragon menaçant. Dans ces conditions, on ne s’étonnera pas que plusieurs des expressions employées pour désigner les mouvements du dragon et sa disparition donnent à penser que le dragon n’a aucun mouvement propre ni aucune autonomie. Enfin, nous nous étions étonnés que l’auteur ne paraisse pas envisager l’hypothèse que le dragon soit un produit de l’imagination des habitants d’Uzalis. C’est que le dragon est un signe et le signe d’une réalité, et, comme signe, il fait partie d’un message. Se demander si le dragon est réel ou non, c’est croire que le contenu d’un message, le signifié, dépend de la matière des signes qui le constituent, le signifiant. En ce sens, peu importe que le dragon soit réel ou pas, cela ne concerne que la matière du message. Mais, d’un autre côté, le dragon renvoie à la réalité du mal. Comme tel, il cherche à détruire l’homme. Dire qu’il n’est qu’une image, ce serait dire que le mal est une image. Or, le mal n’est pas une image, le danger que court l’humanité n’est pas imaginaire et ce n’est pas d’un péril imaginaire que la croix du Christ a délivré l’humanité. Si nous pouvions objecter à l’auteur que les habitants d’Uzalis ont été victimes d’une hallucination collective, il nous demanderait comment qualifier une hallucination qui fait voir la réalité.
Cum aliquandiu huc atque illuc motus aer ferret atque deferret (l. 23) ; discuti atque propelli (l. 39).
chapitre vi
Vérité des faits ou maquillages menteurs dans le De miraculis Jean-Noël Michaud
La place qu’occupent le langage parlé, les expressions et les tournures syntaxiques de la langue de tous les jours dans le De miraculis constitue pour nous l’un des aspects les plus originaux et les plus intéressants de l’œuvre. Ces propos ont pour les historiens de la langue un intérêt évident, mais ils peuvent aussi susciter une interrogation d’une nature différente : s’agit-il de la reprise, sinon littérale, du moins fidèle des paroles prononcées par des personnes réelles ou sommes-nous en présence de propos imaginaires, produits d’un jeu littéraire comparable à celui d’un romancier ou d’un dramaturge qui ferait parler un personnage sorti de son imagination. Dans le premier cas, l’auteur (ou l’inconnu dont il reprend le rapport) a entendu réellement Hilara relater ce qu’a dit son fils lorsqu’elle a pris conscience, en s’avançant sur le pas de sa porte, qu’elle voyait les pavés de la rue et la lune au-dessus du théâtre : « Quare te faciebas non uidere ? » (I, 3, 29), tournure dont nous avons essayé de rendre le style très familier en traduisant : « Et pourquoi tu faisais comme si tu voyais pas ? » Dans le second cas, l’auteur imagine ce qu’a pu dire ou ce qu’aurait pu dire dans une situation comparable le fils d’une boulangère. Il prête à un personnage réel ou imaginaire un vocabulaire et une syntaxe destinées à faire vrai. Dans la mesure où le résultat de ces deux démarches peut être exactement le même, le linguiste peut ne pas s’arrêter à ce genre de questions et étudier la tournure populaire comme un témoignage sur la langue parlée dans les milieux modestes d’Afrique au début du ve siècle après Jésus-Christ. En un sens, peu importe alors qu’il s’agisse de l’enregistrement fidèle de propos réellement tenus ou de « l’effet de réel » recherché par un auteur d’imagination qui s’inspire d’une langue parlée qu’il connaît bien, comme par exemple le Pétrone du Satyricon. Mais pour celui qui se préoccupe de la logique, de la cohérence interne de l’œuvre et à sa suite pour l’historien qui voudra évaluer la valeur du docu-
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ment, la question est importante. A-t-il affaire au témoignage sur la réalité d’un honnête journaliste ou à l’habile imitation, au subtil mensonge d’un romancier soucieux de réalisme ? À cette question l’auteur répond dès le prologue du Ier livre : aux effets de style (lingua aliquid quasi exaggerare, l. 13), aux mots pompeux (uerborum pompam, l. 15), aux maquillages trompeurs (mendaciorum fucum, l. 15), aux mensonges énoncés dans un style élégant et fleuri (falsa [uerbis] politis et ornatis, l. 19), il oppose avec une insistance pesante la vérité des faits (ipsarum rerum ueritatem, l. 13) et les paroles vraies (uera, l. 18). Cette volonté affichée de sincérité porte tout particulièrement sur les paroles des personnes qui paraîtront dans les récits : « En conséquence, partout où le sujet le demandera, ce sont les mots des acteurs eux-mêmes, tels quels, que nous devrons citer tout simplement sans en rougir. » (I, 1, 16-17)
Mais ces protestations de simplicité paraissent au moment même démenties par l’apprêt rhétorique, la recherche évidente des parallélismes, des tournures comparatives, des assonances, le goût des longues phrases, si longues qu’il arrive à l’auteur d’en oublier le début en cours de route. On est donc tenté de ne pas prendre au sérieux ce passage qui a tout l’air d’un stratagème rhétorique, d’un de ces lieux communs, si convenus que nul ne peut, sans une grande naïveté, lui accorder véritablement crédit. Il faut pourtant dépasser la réaction de scepticisme amusé que provoque un lieu commun apparemment bien banal. Quand l’auteur parle de simplicité, de refus de la pompe et des maquillages trompeurs, il donne l’impression de penser à son style en général et il est trop évident qu’il apporte un démenti à ses propos, dans le moment même où il les formule et en cela, il est lui-même prisonnier du lieu commun qu’il développe mais on voit bien qu’au delà d’un langage convenu, il songe de façon précise aux passages dans lesquels seront citées les paroles mêmes des acteurs de ses récits : « Partout où le sujet le demandera, ce sont les mots des acteurs eux-mêmes, tels quels, que nous devrons citer tout simplement sans en rougir. » (I, 1, 1617)
Il accorde à ce souci de rapporter les paroles exactes (ipsorum hominum uerba) tant d’importance qu’il y revient dans la dernière phrase du prologue : « et pour ce qu’il peut y avoir de vulgaire dans notre expression, ne nous en veuillez pas, mais laissez-vous charmer pour la seule raison qu’elle est vraie. » (I, 1, 29-30)
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Là encore, on peut avoir l’impression que l’auteur appelle à l’indulgence et met en cause de façon générale ses qualités d’écrivain mais on voit très vite qu’il ne s’agit pas de cela et qu’il songe seulement aux paroles rapportées. S’il arrive à son expression d’être vulgaire (rusticiter profertur, l. 29), c’est qu’elle est soumise à la vérité (ueraciter dicitur, l. 30). Il y reviendra d’ailleurs dans l’histoire du boucher Rusticianus, lorsqu’il rapportera le dialogue rêvé entre le mystérieux Dominus Vzalensis et le brave homme : « L’autre répondit : je le cite dans son langage familier (ut ipsius utar simplicibus uerbis) » (I, 14, 15-16). Il cite tout simplement (simpliciter ponere I, 1, 17) les paroles familières (simplicia uerba I, 14, 15-16) de certains des acteurs de ses récits. Examinons d’un peu plus près le prologue du IIe livre. Il évoque de façon extrêmement précise et vivante une cérémonie dans l’église d’Uzalis au cours de laquelle sont lues les relations de plusieurs miracles accomplis à Uzalis par l’intercession de saint Étienne. Après chaque récit, on repère dans l’assistance la personne qui a bénéficié du miracle, on la pousse en avant, on la fait monter dans l’abside et le spectacle de la miraculée ou du miraculé provoque dans l’assistance une ferveur enthousiaste. Cela fait penser à la réaction de la foule des fidèles d’Hippone telle que les sermons de saint Augustin permettent de l’entrevoir, au moment de la guérison miraculeuse de Paul, puis de Palladia de Césarée. On pourrait d’abord croire que le lecteur lit de pulpito des libelli, procès-verbaux de miracles tels que saint Augustin les fait enregistrer sous la dictée des miraculés, les mêmes libelli qui permettraient à l’auteur de rédiger l’ouvrage que nous lisons. Mais il n’en est rien et le texte tel qu’il est lu depuis le pupitre est très précisément le livre I du De miraculis, sous la forme même où nous l’avons conservé. En effet, dans la conclusion du livre I, nous avons appris qu’il avait été composé pour être lu lors des cérémonies qui solennisent un jour de fête dédié à saint Étienne : « dans un nombre important et presque infini de miracles, nous venons d’en choisir quelques-uns, pour ne pas risquer maintenant de lasser un auditoire venu de loin à l’occasion de la fête du martyr. » (I, 15, 19-21)
On ne peut préciser autant qu’on le souhaiterait à quel moment se déroule la cérémonie dans l’église d’Uzalis au cours de laquelle sont lues les relations de plusieurs miracles accomplis en cette cité par l’intercession de saint Étienne. S’agit-il de la fête, du natalis de saint Étienne, le 26 décembre, ou encore de l’anniversaire de la déposition des reliques dans la cathédrale qui est sans doute le cadre de la cérémonie décrite ou encore d’une autre fête dédiée à saint Étienne ? À Carthage par exemple, il y en avait quatre au cours de l’année liturgique. Il paraît impossible de répondre à cette question, tout comme de fixer l’année où la cérémonie évoquée a eu lieu. Les seules indications données : ante
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hoc tempus (II, 1, 5-6) et eorum qui illo tempore adfuerant (II, 1, 40-41) demeurent bien vagues. En revanche, il n’y a aucun doute que les nonnulla…miracula fideliter descripta et publica approbatione comprobata (l. 4-5), les scripta nostra (l. 10-11) sont le livre I du De miraculis que l’auteur a écrit pour qu’il soit lu à haute voix de pulpito par un lecteur. S’il était besoin d’une confirmation, on notera que les deux miracles cités à titre d’exemples, celui de la femme aveugle et celui de l’infirme, sont les deux premiers que raconte le livre I, l’histoire de la boulangère Hilara, puis celle du barbier Concordius (I, 3 et I, 4) ; ils sont racontés au livre I et cités dans le prologue du livre II, chaque fois dans un ordre contraire à la chronologie, puisque Concordius a été guéri avant le transfert des reliques dans la cathédrale, Hilara le soir qui suivit leur transport. En un certain sens, le prologue du livre II invite le lecteur à se retourner vers ce qu’il vient de lire et qu’il a parcouru comme l’ouvrage d’un auteur solitaire destiné à un lecteur individuel. Il découvre alors que le livre I a été écrit pour être comme la partition d’une cérémonie qui réunissait toute une communauté dans un extraordinaire élan de piété, d’enthousiasme et d’exaltation. L’auteur qui est en même temps le témoin de la cérémonie en a été si profondément bouleversé qu’il n’hésite pas à voir dans la cérémonie elle-même un nouveau miracle : « un nouveau miracle plus impressionnant rendait plus miraculeux les miracles eux-mêmes » (alio quodam maiori miraculo mirabiliora ipsa mirabilia reddebantur, l. 32-33). On se tromperait, je crois, si l’on se bornait à considérer cette réflexion comme un simple jeu rhétorique sur le vocabulaire et les allitérations. Les constatations précédentes font ressortir une nette différence entre le premier et le second livre. Le premier est mis clairement sous le signe de l’obéissance, pro recipienda obœdientiae mercede (I, Prol. 24), expression reprise dans la conclusion du dernier chapitre (paternae obœdientiae mercedem, I, 15, 27), en même temps qu’un certain nombre d’autres idées et tournures. Ainsi, quasi aliquid nos gloriae beato martyri uideamur praestare, quando quidem illi nec tacendo demere nec loquendo quidquam possimus conferre (I, Prol. 20-22) est repris au chapitre 15 : (uirtutes) quae non indigent humanae linguae facultate quoniam praeualent diuinae potentiae perspicua ueritate (I, 15, 24-25), et encore nostram deuotionem ad fratrum aedificationem (I, Prol. 23-24) à quoi répond deuotionem Cum igitur eiusdem diei uespere in loco absidae super cathedram uelatam essent reliquiae constitutae (I, 3, 2). Concordius, au matin de sa guérison, se rend là où les reliques se trouvent déposées (ubi eaedem reliquiae susceptae sunt), puis il va à l’église (I, 4, 14). Sa guérison se situe donc avant le transfert des reliques à la cathédrale, alors que la guérison d’Hilara a lieu la nuit qui suit le transfert. L’interversion peut s’expliquer par le souvenir d’Isaïe 35, 5-6, cité en I, 3, 12, dans l’histoire du barbier, et encore en I, 12, 7 : « Voici votre Dieu ... il vient lui-même vous sauver. Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et les oreilles des sourds s’ouvriront ; alors le boiteux bondira comme un cerf et la langue du muet poussera des cris de joie ... »
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nostram ad aedificationem fratrum (I, 15, 26). On ne retrouve rien de tel dans le second livre : l’auteur n’écrit plus pour obéir à son évêque un texte qui serait destiné à la lecture publique. Il veut offrir à ceux qui ont assisté à la cérémonie la possibilité de revivre un moment très fort et le faire découvrir à ceux qui ne l’ont pas vécu : « raviver le souvenir de ceux qui y ont alors assisté et aussi ne pas refuser une connaissance complète à ceux qui les avaient ignorés » (II, 1, 40-42). Mais il a aussi noté (II, 1, 43) qu’un très grand nombre de pieuses personnes ont attrapé au vol (rapta) les récits qui leur étaient lus et les ont soigneusement consignés (descripta) avec leur dénouement (cum clausula sua). C’est ce besoin de garder une trace écrite de ce qui a été raconté qui conduit l’auteur à écrire le second livre et sans doute aussi à diffuser le texte du premier. De cette différence, le livre II semble bien porter la trace : une histoire longue et détaillée comme celle de Megetia paraît se prêter davantage à une lecture individuelle qu’à la récitation devant une assemblée, on ne trouve plus aucune indication liée à une chronologie des événements survenus à Uzalis comme dans le premier livre. Rien enfin ne lie l’ensemble des récits du livre II comme le prologue et la conclusion lient ceux du livre I. On dirait que l’auteur arrête sa sélection pour s’en tenir à une longueur raisonnable. Il annonce un IIIe livre, et dans ce IIIe livre, si nous l’avons bien compris, il racontera de nouveaux miracles qui sont déjà relatés dans des opuscules particuliers : quae singulorum quorumque libellis etiam propriis continentur (II, 5, 107-108). Nous ignorons si ce IIIe livre a été écrit et s’est perdu ou s’il n’a jamais été écrit, pour des raisons que nous ignorons ou parce que l’existence de monographies le rendait désormais inutile. Quoi qu’il en soit, c’est la première fois que sont mentionnés des documents écrits qui serviraient de source à un libellus de miraculis. Ces monographies paraissent très proches de ce qu’a souhaité saint Augustin et de la pratique qu’il a encouragée à Hippone et partout où il pouvait en recommander l’usage. C’est ainsi qu’il demande à Paul de Césarée de rédiger ou de dicter ce qu’il a raconté devant l’assemblée des fidèles d’Hippone10. Dans le De Ciuitate Dei, il dénombre avec joie les récits de miracles qui ont été consignés et déplore que la mémoire de tant d’autres se perde11. On peut voir l’effet de ses conseils dans la mention finale que notre auteur fait de monographies de miracles. On peut aussi établir un lien entre ces monographies et le passage où, parlant des miracles de saint Étienne à Uzalis, Augustin note qu’on ne les a pas enregistrés
Augustin, Serm. 321-323. De quibus libelli dati sunt, qui recitarentur in populis. Id namque fieri uoluimus, cum uideremus antiquis similia diuinarum signa uirtutum etiam nostris temporibus frequentari et ea non debere multorum notitiae deperire (Ciu. XXII, 8, 21). 10 11
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par écrit et croit savoir qu’on commence à le faire12. Mais la question la plus importante, me semble-t-il, est de se demander s’il est possible de supposer à l’origine du De miraculis, tel que nous le lisons, des libelli particuliers qui auraient constitué la source de l’ouvrage. Il pourrait paraître raisonnable de répondre par l’affirmative mais pour quelle raison, l’auteur jugerait-il bon de nous signaler in fine qu’il a l’intention de regrouper les récits de miracles dont existent déjà des récits particuliers, s’il en allait de même pour les récits que contiennent les livres I et II ? D’autre part, il ne mentionne nulle part l’existence d’un document écrit à propos d’aucun des miracles qu’il raconte. Ce silence est d’autant plus étonnant que les miraculés d’Uzalis ne marquent aucune tendance à faire de la « rétention d’information », bien au contraire. Leur réaction spontanée est d’aller aussitôt informer de ce qui leur est arrivé leurs proches, les personnes qu’ils rencontrent, toute la communauté. Ainsi Hilara ad ecclesiam ... sola perrexit et quid in se mirabiliter gestum fuisset congratulantibus et admirantibus fidelibus enarrauit13. Concordius in ecclesiam uenit et gloriam Dei atque amici eius perspicua sanitatis attestatione praedicauit14. Dativus, reprenant conscience après être passé pour mort, narrare cœpit quae animae suae reuelata fuissent15. Le paralytique de Bizerte ipse in gloriam Dei confessus est16. Pour l’aveugle anonyme guéri en touchant la châsse dans laquelle on transportait les reliques du monastère à la cathédrale et pour le prisonnier dont les chaînes sont brusquement tombées, il est clair qu’ils ne cherchent pas à dissimuler ce qui vient de leur arriver car, chaque fois, les assistants se réjouissent et chantent la gloire de Dieu et de saint Étienne. L’aveugle Donatianus de Pisa n’avait peut-être pas spontanément raconté son histoire mais le candélabre d’argent qu’il offre en action de grâces, attire l’attention sur lui, l’évêque l’interroge et astante uniuersa ecclesia etiam ore confessus est quod et corde et corpore ... illuminatus redditus est17. Rien, nulle part, n’indique que les miracles rapportés dans le De miraculis aient donné lieu à une relation écrite. C’est évidemment l’évêque qui a chargé notre auteur de mettre par écrit les miracles de saint Étienne, mais il ne semble pas avoir demandé lui-même aux miraculés autre chose qu’une relation orale et publique de leur aventure : il apparaît deux fois dans ce rôle, une première Ciu. XXII, 8, 22. I, 3, 38-41 : « Hilara alla, toute seule, jusqu’à l’église ... elle fit aux fidèles émerveillés qui partageaient sa joie un récit complet du miracle qui s’était opéré en elle. ». 14 I, 4, 38-39 : « il se rendit à l’église et proclama la gloire de Dieu et celle de son ami par le témoignage évident de sa guérison. » 15 I, 6, 15 : « il se mit à raconter ce qui avait été révélé à son âme. » 16 I, 11, 19 : « et comme lui-même l’a proclamé pour la gloire de Dieu. » 17 I, 13, 12-13 : « alors, devant toute l’assemblée, de sa bouche aussi il témoigna qu’il avait recouvré la lumière de l’âme et du corps ... » 12 13
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fois que nous venons de citer (et le texte précise bien : Donatianus ore confessus est, I, 13, 12), une seconde fois à la fin de la dernière histoire ; Florentius, sans doute conduit par le prêtre qu’il a rencontré en venant de Carthage et à qui il a rapporté son histoire de bout en bout (ab ipso rei gestae exordio, II, 5, 96), raconte devant l’évêque et la communauté monastique qui l’entoure, tout ce qui lui est arrivé : omnia haec enarrauit (l. 102); mais là encore, aucune allusion à une relation écrite. La seule histoire pour laquelle on pourrait supposer une source écrite, bien qu’il n’en soit fait nulle mention, est celle de Megetia, à cause de sa longueur et aussi de la précision des notations médicales. Mais après tout, si l’auteur tient son information des intéressées elles-mêmes, Megetia et Vitula, on peut supposer qu’elles ont un souvenir précis de ce que la jeune femme a vécu et de ce que les médecins leur ont dit. Il n’y a rien dans tout cela qui soit incompatible, bien au contraire, avec ce que nous apprend saint Augustin : jusqu’à une date proche de 425, à Uzalis, on n’enregistrait pas par écrit les miracles dus à l’intercession de saint Étienne18. Il y a en revanche un élément troublant. Saint Augustin nous fait connaître pourquoi il a été conduit à recommander que les bénéficiaires d’un miracle relatent par écrit la grâce dont ils ont bénéficié. Il a été choqué en effet de voir avec quelle rapidité le souvenir des miracles se perdait, plus choqué encore que l’entourage même d’une miraculée ignore ce qui lui était arrivé19. Or, le De miraculis laisse une impression exactement inverse : les miraculés ne gardent pas pour eux ce qui leur est arrivé, ils n’ont rien de plus pressé que de le raconter à autrui et toute la communauté participe à leur joie avec une intense ferveur. Cette ferveur apparaît durable : à coup sûr, la cérémonie décrite dans le prologue du livre II implique que les miraculés, même les deux premiers, sont encore vivants mais on peut supposer, malgré le vague des indications, que plusieurs années se sont écoulées depuis les premiers miracles. L’enthousiasme et la ferveur n’en paraissent nullement attiédis. Faut-il penser que le petit peuple d’Uzalis n’a pas les mêmes réactions que l’aristocratie de Carthage dont fait partie Innocentia20 ? Il est vrai qu’on devine, dans le petit monde d’Uzalis, une spontanéité, une chaleur humaine très méditerranéennes, alors que Vitula, qui apparaît comme une maîtresse femme, et Megetia appartiennent à l’aristocratie carthaginoise. Si Megetia garde d’abord Ciu. XXII, 8, 22 : sed libellorum dandorum ibi consuetudo non est uel potius non fuit ; nam fortasse nunc esse iam cœpit. 19 C’est le cas de la noble carthaginoise Innocentia : Hoc ego cum audissem et uehementer stomacharer in illa ciuitate atque in illa persona non utique obscura factum tam ingens miraculum sic latere ... (Ciu. XXII, 8, 4). 20 J. Meyers fait, dans la conclusion de son article sur les citations scripturaires, une remarque du même genre (cf. Chap. III, 2). 18
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secrète la guérison de son visage, c’est l’effet d’une malice enfantine et non d’une volonté de taire sa guérison. Elle cherche au contraire à en rendre plus frappante la révélation21. Faut-il supposer qu’Augustin, qui a eu du chemin à faire pour intégrer les miracles non évangéliques dans sa théologie, est beaucoup plus sensible au risque de voir disparaître le souvenir d’un miracle que d’autres, dans l’esprit desquels le miracle trouve naturellement sa place comme la réponse à la fois extraordinaire et normale du Créateur à la prière obstinée de la créature ? Rien n’indique donc qu’il y ait, pour aucun des récits du premier comme du second livre, un document écrit, intermédiaire entre l’événement et sa relation dans le De miraculis. On pourra trouver l’argument a silentio un peu faible. Il paraît possible de le renforcer par la remarque suivante : à trois reprises, l’auteur nous précise qu’il était lui-même présent lors d’événements liés aux miracles : il a participé à la procession de translation des reliques (I, 2, 23 : ad ciuitatem regredi cœpimus), il était présent à la cérémonie qui a suivi (nos etiam intrauimus ecclesiam, l. 33) et à la lecture de la lettre de l’évêque Sévère de Minorque (epistula ad nos quoque delata, l. 39). Il a entendu le paralytique Restitutus de Bizerte raconter sa guérison, il l’a vu rentrer chez lui sur ses jambes (I, 11, 18-19) : sicut et nostra conscientia testis est. Il était là enfin lorsque Florentius, après avoir rendu grâce, prosterné sur le pavement, au Christ et à son bienheureux ami, s’est rendu au monastère épiscopal : « il entra aussitôt dans le monastère où il raconta tout en détail au vénérable évêque et au chœur des serviteurs de Dieu accourus autour de lui. Et nous aussi ... il nous a transportés d’allégresse – et nos quoque secum alacriter excitauit. » (II, 5, 101-104)
Ces nos sont de vrais pluriels et désignent la collectivité des chrétiens d’Uzalis, mais il n’y a aucune raison de ne pas y inclure l’auteur et de toute façon, dans et nostra conscientia testis est (I, 11, 18-19), nostra semble bien renvoyer à l’auteur et à lui seul. Il est donc légitime de penser que le religieux qui écrit ce livre n’est pas simplement le compilateur de récits déjà consignés par écrit22, il n’est pas un homme de bibliothèque qui emprunterait à des libelli supposés les expressions savoureuses et notées sur le vif, si caractéristiques et si intéressantes pour II, 2, 292-295 : quas ubi de se aliquandiu tristes esse permisit, subito illo a facie uelamento ablato et uultu suo demonstrato ait : « Ecce uos videte quid in me Deus dignatus est perficere : et una mecum gaudete, et ipsi Domino pro me gratias agite. » 22 On comprendrait mal qu’il dise impossibles à retenir de mémoire les particularités de chaque récit, s’il disposait d’une relation écrite pour chacun d’eux : longum est nobis et paene impossibile uniuersa uel memoria retinere, uel sermone digerere, uel stilo mandare, cum unumquodque miraculum sui generis quamdam historiam habere noscatur (I, 4, 45-48). 21
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nous23. C’est lui qui les a entendues et notées avec une attention au réel et ce sens de la vie dont témoigne l’évocation de la cérémonie qui est le sujet du prologue du livre II. On peut en tout cas le supposer et peut-être montrer que cette hypothèse est dans la logique de ce que l’auteur a vécu et de ce qu’il pense. En effet, le prologue du livre II n’a pas seulement un intérêt documentaire : nous faire vivre un moment particulièrement fort, particulièrement intense d’une célébration liturgique. Il nous découvre la « situation de discours » du livre I et nous permet de deviner que cette célébration a été pour l’auteur, comme pour les autres participants et plus que pour eux, une expérience hors du commun. Il ne lit pas lui-même le texte qu’il a écrit ; comme tous les membres de l’assemblée, il entend raconter les hauts faits de Dieu, accomplis par l’intercession de saint Étienne, il voit ces hauts faits actualisés par la présence de certains de ceux qui en ont été les bénéficiaires, il partage la ferveur enthousiaste de la foule des fidèles, expérience bouleversante pour lui comme sans doute pour tous les assistants. Mais, en même temps, il est autre chose qu’un assistant, il est aussi l’auteur de ce qui est lu de pulpito. Il sait bien que les mots qu’il a employés pour dire les œuvres de Dieu ne sont pas indifférents, que le choix qu’il a fait de mettre l’accent sur tel ou tel aspect d’un miracle n’est pas sans influence sur les réactions des fidèles – et c’est bien pour cela que son évêque lui a demandé d’écrire. Devant le dialogue entre l’Église et son Seigneur, si profond, si intime, si secret que les auteurs sacrés ne peuvent lui trouver d’analogue que dans la relation de l’épouse à l’époux, il est pénétré d’une totale humilité, il est le paranymphe, l’ami de l’Époux dont parle Jean-Baptiste : « Qui a l’épouse est l’époux ; mais l’ami de l’époux qui se tient près de lui et l’entend, est ravi de joie à la voix de l’époux. C’est là ma joie et elle est parfaite. Il faut que lui croisse et que moi, je diminue24. » On peut se demander pourquoi les personnages des récits sont, les uns nommés et situés par leur métier, alors que d’autres restent anonymes. Pour les prisonniers des chap. 9 et 10, on peut penser à un souci charitable de discrétion. Si la sacra famula Dei (l. 9-10) sceptique du chap. I, 1, que j’imagine – à vrai dire un peu gratuitement – d’âge canonique, si l’alia uirgo sacra (l. 3) du chap. I, 2, que j’imagine jeune – tout aussi gratuitement, demeurent anonymes, tout comme l’auteur, cela peut relever de la discrétion qui sied à un religieux. Mais pourquoi le prêtre et le moine du chapitre 1 ne sont-ils pas nommés, tandis que le prêtre Zumurus qui reçoit une gifle en pleine figure, dans un rêve il est vrai, pourquoi le prêtre Donatus dans le même chapitre sont-ils nommément désignés ? Ne serait-ce pas que l’auteur lui-même était l’un de ces serui Dei qui discutaient des reliques, à un moment où seul un petit groupe de clercs en connaissait la présence à Uzalis ? Hypothèse évidemment invérifiable. Quant aux autres miraculés qui ne sont pas nommés, comme l’aveugle qui est guéri en touchant le reliquaire (I, 8), comme plusieurs miraculés qui ne sont pas d’Uzalis, ne peut-on pas penser que l’auteur ne les nomme pas, parce qu’il ignorait leur nom ? En tout cas, il est difficile de croire qu’il ait pu avoir en main un libellus qui racontait un miracle sans donner le nom du miraculé. 24 Jn 3, 27-30 (trad. Osty). 23
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Si l’on veut bien relire à partir de cette expérience ce que l’auteur disait dans le prologue du livre I, on verra que le refus affiché des maquillages menteurs est tout autre chose qu’une introduction conventionnelle et qui n’engage à rien25. On verra aussi que le respect du réel est au cœur même de la théologie de l’auteur. En effet, le refus des maquillages menteurs n’est pas justifié par une incapacité réelle ou prétendue. Il n’y a pas ici d’humilité littéraire et, si l’auteur se dit peccator ultimus, cela n’a rien à voir avec ses éventuelles capacités d’écrivain. Il justifie son attitude par deux raisons essentielles : 1) « En eux-mêmes, les miracles n’ont nul besoin d’être proclamés (nullo praeconio) par la parole humaine » – idée reprise au chapitre 15 : « les manifestations miraculeuses ... n’ont besoin de personne pour se faire connaître (ad praedicationem sui), elles ne requièrent nullement le secours de la parole humaine, puisqu’elles s’imposent par la vérité éclatante de la puissance de Dieu. » 2) Si l’auteur écrit, c’est par esprit d’obéissance, pour montrer son dévouement à l’édification de ses frères, idées exprimées dans le prologue et reprises dans la conclusion du chapitre 15, et enfin par crainte d’une menace, celle qu’exprime la parole de l’Écriture : Si uos tacebitis, lapides clamabunt. Nous avions d’abord traduit nullo humanae linguae praeconio ainsi : « les miracles n’ont nul besoin de l’amplification de la parole humaine », mais il est clair que ce qui est en cause ici est bien autre chose que le volume plus ou moins grand de la parole. Les miracles n’ont pas besoin de parole pour dire et proclamer la toute puissance et la tendresse divines. Le tacitum praeconium ou la tacita praedicatio n’est sûrement pas sans lien avec le hurlement des pierres dans la citation de saint Luc. La phrase est légèrement modifiée pour l’adapter au contexte mais le sens n’en est pas changé. Jésus, Messie pacifique, monté sur un ânon, le petit d’une ânesse, quitte au matin du jour que nous appelons des Rameaux, le mont des Oliviers. La foule des disciples qui le suit « se met à louer Dieu d’une voix forte pour tous les miracles qu’ils avaient vus. Ils disaient : Béni soit celui qui vient, lui, le Roi, au nom du Seigneur ! paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » Alors les Pharisiens demandent à Jésus de faire taire tous ses disciples « et il répondit : je vous le dis ; si eux se taisent, les pierres crieront26. » Notre auteur commente la citation ainsi : quod ab ipso Domino terribiliter dictum esse (I, Prol. 25-26). Il est vrai que le contexte du
C’est aussi – dans une perspective littéraire qui, certes, n’est pas uniquement la nôtre ici – ce qu’a montré clairement Jean Meyers dans son article sur l’oralité dans le De miraculis : cf. J. Meyers, « Le De miraculis », spéc. p. 110-112. 26 Lc 19, 40. 25
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passage est nettement apocalyptique : aussitôt après, au moment où, depuis le mont des Oliviers, le Christ découvre le Temple, il prononce les pathétiques et terribles lamentations sur Jérusalem et sur le Temple, dont il ne restera pas pierre sur pierre. Un peu plus loin, il sera question de la pierre d’angle ou plutôt de faîte, rejetée par les bâtisseurs, une pierre qui fracassera ceux qui tomberont sur elle et qui écrasera ceux sur qui elle tombera. Tout ceci explique sans doute terribiliter mais peut-être, sinon dans le contexte évangélique, du moins dans le De miraculis, faut-il rapprocher le hurlement des pierres de la proclamation sans paroles que constituent les miracles et plus largement de la tacita praedicatio de la Création, langage silencieux du monde qui est réponse de l’univers à l’amour de Dieu : « Les cieux racontent la gloire de Dieu et le firmament fait connaître l’œuvre de ses mains ; le jour au jour en redit le message et la nuit l’apprend à la nuit. Ce ne sont ni mots ni paroles ni voix qu’on puisse entendre ; par toute la terre résonne leur écho, jusqu’aux confins du monde leurs accents27 ? »
Dieu, dans sa toute puissance, n’a pas besoin des hommes et les aime d’un amour qui ne peut être que totalement gratuit. Il n’a pas besoin, comme un souverain de la terre, d’avoir à son service des panégyristes qui diront sa gloire et, en la disant, la feront être. Les hommes au contraire ont besoin de Dieu parce qu’ils sont des créatures et qu’il ne peuvent réaliser leur nature qu’en chantant les louanges de Dieu. S’ils ne le font pas, c’est eux-mêmes qu’ils mutilent et leur silence étouffe le chant silencieux du monde : Laudate Dominum de caelis ... laudate eum, sol et luna, laudate eum, omnes stellae et lumen, dit le psaume 148, dont l’auteur cite et commente un passage dans le récit de l’apparition du dragon au dessus du marché d’Uzalis (II, 4, 10-12). Alors, le silence contre nature de l’homme provoquerait le cri des pierres et ce cri serait terrible, car il annoncerait que l’homme est perdu. Ainsi pourrait être résolue l’apparente contradiction entre les principes proclamés par l’auteur et ce qu’il nous semble faire. Il affirme que les œuvres de Dieu n’ont nul besoin des ressources de la parole humaine : per se sonantem exserunt tubam (I, Prol. 23), « elles embouchent des trompettes qui sonnent toutes seules ». En même temps, il met dans ses récits toutes les ressources de son intelligence et de son éloquence et peu importe ici que son intelligence nous paraisse quelquefois trop subtile, son éloquence lourde et empesée : il est clair qu’il consacre à son entreprise tous ses soins, toutes ses forces et le langage qu’avec son temps et son milieu il juge le plus convenable et le plus beau.
Ps. 19 (Vulg. 18) : Caeli enarrant gloriam Dei.
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Dans la perspective qui est la sienne, il n’y a nulle contradiction : c’est à l’homme qu’il s’adresse, l’homme fragile dont l’intelligence est obscurcie et le cœur endurci, l’homme qui est aveugle comme la boulangère Hilara, boiteux comme le barbier Concordius, enchaîné comme les prisonniers, soumis à l’inquiétude comme la femme qui n’a plus de nouvelles de son mari depuis trois ans et à la mort comme le petit enfant catéchumène, l’homme dont toutes les misères physiques, comme celles de Megetia, ne sont que la face visible de sa misère spirituelle28. Pour réorienter l’homme vers Dieu, l’auteur doit déployer toutes les ressources de l’intelligence et de l’art. Ce faisant, il réalisera sa vocation d’homme mais, devant cette mission, comment n’éprouverait-il pas sa propre insuffisance, sa propre misère, comment ne se sentirait-il pas peccator ultimus ? Mais aux circonstances mêmes des récits miraculeux, il n’ajoute rien, il « n’en rajoute pas29 » : de même qu’il respecte le langage des héros de ses histoires, tel qu’il l’a entendu (si du moins on veut bien avec moi voir en lui un témoin direct de certains des miracles qu’il raconte et un auditeur immédiat des miraculés), il ne cherchera en aucune façon à rajouter du miraculeux au miraculeux. Le faire ne serait pas seulement masquer la réalité sub fuco mendaciorum, « sous le maquillage des mensonges », ce serait blasphémer en prétendant qu’un homme peut ajouter quelque chose à la gloire de Dieu, ce serait remplacer le Dieu unique et transcendant par une idole peinte. Si l’auteur semble appartenir à la catégorie des croyants dans l’univers de qui le miracle trouve naturellement sa place, cela n’implique pas nécessairement chez lui la tendance à prendre des vessies pour des lanternes. L’auteur du De miraculis, qui est si à l’aise devant le miraculeux, a en même temps, comme les âmes simples, un sens très fort, très terrien du réel. Ce respect du réel n’est pas seulement une tendance naturelle, mais aussi une conviction théologique profonde, nourrie d’une méditation centrée sur les psaumes de louange, le psaume 19 et le psaume 148 en particulier : le réel créé par Dieu chante sa gloire. Ainsi celui qui ne respecte pas le réel et qui prétend y substituer les II, 2, 215-217 : Sanandum quippe erat quod uitiatum latebat in mente, ut sic demum sanaretur et quod deprauatum cernebatur in corpore. 29 I, Prol. 12-13 : nec ingenio et lingua aliquid quasi exaggerare praeualentes. Et pourtant, on pourrait être aisément persuadé du contraire à écouter ce que dit l’auteur lui-même, lorsqu’à plusieurs reprises il annonce qu’il va raconter un miracle encore plus miraculeux que le précédent. C’est en particulier le cas dans le prologue du livre II et dans le chap. 4 du même livre, mais justement, à y regarder d’un peu près comme nous l’avons fait pour le chap. 4, on découvre que le nouveau miracle, plus grand que le miracle précédent, n’est nullement un fait plus extraordinaire mais un regard nouveau sur ce qui a été vécu, une perception plus claire de la grâce de Dieu. Lorsque s’offre à lui la possibilité d’en rajouter comme dans le cas du voile mystérieux remis à un diacre d’Uzalis par un inconnu, il ne tire strictement rien de l’origine du voile. C’est exactement le contraire de ce que serait une surenchère dans le merveilleux. 28
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cosmétiques de son imagination est en quelque façon un blasphémateur. Si notre auteur n’affabule pas, ce n’est pas par une méfiance anachronique de positiviste mais pour des raisons qui tiennent à sa foi30. C’est pourquoi voir dans les récits du De miraculis une forgerie, l’œuvre romanesque d’un hagiographe tardif et peu scrupuleux, me paraît incompatible non seulement avec ce que dit le De miraculis, mais aussi avec ce qu’il nous permet d’entrevoir de sa pensée théologique et de sa foi. Dire cela n’implique pas qu’on admette la possibilité du miracle au sens que notre temps donne à ce mot (phénomène impossible à expliquer par les données actuelles de la science) – sens au demeurant très contestable. À vrai dire, le respect du réel dont témoigne l’œuvre est tel qu’il fournit au sceptique tout ce qu’il faut pour démontrer que les miracles racontés n’en sont pas. On peut toujours, il est vrai, imaginer que l’auteur est un subtil menteur qui ne se contente pas de mentir mais nous démontre en même temps qu’il ne peut pas mentir, mais ce serait là à mes yeux un jeu méthodologique aussi gratuit que les vaines subtilités d’un roman de John Le Carré ou, si l’on préfère une référence plus académique, que le malin génie de Descartes.
Tout cela au demeurant, qui a l’air si sérieux, ne l’empêche nullement d’avoir un goût certain pour le quiproquo et la mystification : Megetia s’amuse à tromper ses amies dévorées de curiosité en leur laissant croire qu’elle n’est toujours pas guérie. Je ne suis pas sûr qu’en soupçonnant – à tort – sa mère guérie de lui avoir joué la comédie (quare te faciebas non uidere ?, I, 3, 29), le fils de la boulangère Hilara ne se souvienne pas d’avoir été précédemment victime de quelque comédie maternelle. C’est que l’exemple vient de haut. Le bienheureux Étienne, témoignant ainsi de l’hilaritas des élus, met le pauvre Dativus dans l’embarras en exigeant de lui de façon énigmatique : redde quod accepisti (I, 6, 20). Ne s’amuse-t-il pas aussi en apparaissant à Rusticianus sous l’apparence d’un grand notable d’Uzalis ou en déclarant doctement à Megetia : « pour guérir ta bouche, il faut soigner tes yeux » (II, 2, 215) ? Le lecteur sérieux se scandalisera de la vision qui apparaît à Concordius, une femme majestueuse qui lui fait voir une figue, « afin que sa douceur lui fit sentir la suavité de la grâce de l’Esprit ». Ne peut-on pas y voir un goût enfantin et populaire de la devinette ? Dieu lui-même est un enfant. En tout cas, celui qui a un peu fréquenté le milieu des clercs et entendu quelques bonnes blagues de séminaire sera bien persuadé qu’on ne devait pas évoquer, sans un sourire, la vigoureuse claque reçue par le prêtre Zumurus, dont l’auteur nous signale comme par hasard qu’il était maturioris aetatis (I, 7, 6). 30
chapitre vii
La tradition manuscrite du De miraculis* Jean Meyers 1. Description des manuscrits Notre édition repose sur la collation des 21 manuscrits suivants : F G P L V Z
Orléans, Bibliothèque municipale 337, f° 16-82 Orléans, Bibliothèque municipale 197, f° 8-11 Paris, Bibliothèque Nationale, Lat. 12606, f° 1 et 182 Vatican, Lat. 1188, f° 91-100 Vatican, Palatinus 856, f° 16-23 Wolfenbüttel, Herzog August Bibl. 2738, f° 31-35
ixe-xe
M N R B O T
Châlons-sur-Marne, Bibliothèque municipale 73, f° 19-38 Paris, Bibliothèque Nationale, Lat. 3822, f° 41-76 Paris, Bibliothèque Nationale, Lat. 10844, f° 44-75 Bruxelles, Bibliothèque Royale, II, 973, f° 83-104 Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 21585, f° 59-84 Bruxelles, Bibliothèque Royale 12131-50 (2156), f° 151-157
xie
xe xiie xve xe xiie
xie-xiie xie xie xie xiie-xiiie
A Valenciennes, Bibliothèque municipale 517, f° 16-28 H Rouen, Bibliothèque municipale 1389 (U 35), f° 82-86 S Cambrai, Bibliothèque municipale 846, f° 75-99
xie
C Cambrai, Bibliothèque municipale 856, f° 36-52 D Douai, Bibliothèque municipale 842, f° 112-130
xiiie
xie-xiie xie
xiie
* Je tiens à remercier vivement, en mon nom et en celui du GRAA, mon amie Veronika von Büren, qui a bien voulu nous apporter une aide précieuse, notamment en me guidant à l’IRHT et en relisant entièrement ce chapitre. Celui-ci aurait dû initialement être rédigé par notre collègue Paul Force, qui s’était chargé de rechercher les témoins et d’en faire une première collation, mais qui, pour des raisons diverses, n’avait pu achever son travail. C’est donc moi qui l’ai repris en m’appuyant bien sûr sur les premières recherches de Paul Force et en collationnant seul les manuscrits T, H, K, I et une partie de G. J’ai mis plusieurs fois à profit le précieux site de la Bibliotheca hagiographica Latina Manuscripta de l’Université Catholique de Louvain (http://bhlms.fltr.ucl.ac.be).
208 K I E J
troisième partie
St-Omer, Bibliothèque municipale 715 (II), f° 145-155 St-Omer, Bibliothèque municipale 716 (VI), f° 47-55 Douai, Bibliothèque municipale 837, f° 146-155 Paris, Bibliothèque Nationale, Lat. 5296 B, f° 344-367
xiie xiiie xiie xiiie
a. Le groupe α (FGPLVZ) F Orléans, Bibliothèque municipale 337 (285) Parchemin, 142 feuillets (cm 25,5 × 18,3) ; ixe-xe s. Le manuscrit d’Orléans, Bibl. municipale 337 (285) est le plus ancien témoin, probablement écrit à l’abbaye de Fleury-sur-Loire, puisque deux notes font allusion à l’appartenance au monastère Saint-Benoît-sur-Loire, l’une, presque effacée en haut du f. 1 Ex libris monasterii Sancti Benedicti Floriacensis, l’autre au f. 141, d’une main du xve s. (?) hic est liber Sancti Benedicti. Selon J. van der Straeten, ce manuscrit devait faire corps autrefois avec le ms. Orléans 323, comme en témoignent le format et l’écriture (19 lignes à la page) et un bref index au f. 142 qui renvoie à des textes du ms. 323. Ce manuscrit ne contient que des textes relatifs à saint Étienne et saint Jean l’Évangéliste. Le De miraculis y est intégré à un lectionnaire assez riche sur Étienne : on y trouve en effet l’Epistula de reuelatione corporis Stephani du prêtre de Caphar Gamala, Lucien (BHL 7851), des extraits du De ratione temporum de Bède concernant la découverte des reliques d’Étienne et le récit de Lucien, notre texte sur les miracles d’Uzalis (f. 16-82), suivi de plusieurs sermons sur saint Étienne (BHL 7872d), dus à Césaire d’Arles, à Fulgence de Ruspe et à Augustin. L’ensemble forme ainsi une « monographie » sur le protomartyr qui pouvait servir à l’édification des fidèles, mais aussi alimenter les lectures aux offices, au réfectoire, à la collation, etc. En marge du f. 16, une main qu’É. Pellegrin date du xiie s. a d’ailleurs écrit, à propos des Miracula s. Stephani, la note encadrée d’un trait rouge : Hic legitur ad prandium in crastinum nathalis domini. Bibliographie : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. XII, Paris, 1889, p. 181-182 ; É. Pellegrin, « Notes sur quelques recueils de vies de saints utilisés à Fleury-sur-Loire », Bulletin d’Information de l’IRHT, 12 (1963), p. 26-
C’est le nom qu’avait pris l’abbaye de Fleury, quand elle reçut vers 675 les reliques de saint Benoît, transférées du Mont-Cassin par un de ses moines. Ce sermon (éd. PL 41, col. 833-854) intègre en outre un long extrait des chap. 8 et 9 du livre XXII du De civitate Dei, dans lesquels Augustin parle lui aussi des miracles opérés à Uzalis. Le sermon Dominus et Salvator (f. 107-113) n’est cependant pas d’Augustin, mais de Césaire d’Arles, cf. à ce sujet J.-P. Bouhot, « Le sermon Dominus et Salvator, première forme dérivée d’un sermon perdu de saint Césaire », Revue Bénédictine, 80 (1970), p. 201-212.
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27 ; J. van der Straeten, Les manuscrits hagiographiques d’Orléans, Tours et Angers, Bruxelles, 1982 (Subsidia Hagiographica, 64), p. 65-66 (et p. 19) ; J. Meyers, « Un copiste carolingien au travail. Remarques sur le texte du De miraculis sancti Stephani dans le manuscrit d’Orléans, Bibl. municipale 337 (285) », dans Hommages à Carl Deroux, t. V, Christianisme et Moyen Âge, Néo-latin et survivance de la latinité, Bruxelles, 2003 (Latomus, 279), p. 184-195
G Orléans, Bibliothèque municipale 197 (174) Parchemin, 214 feuillets à 2 colonnes (cm 33,4 × 25,8) ; xe s. Ce manuscrit hagiographique provient également de Fleury, comme l’attestent plusieurs notes, dont une du xiie siècle au milieu du f. 10 Liber sancti Benedicti Floriacensis ; il est composé de quatre parties réunies au moins depuis le xiie siècle d’après la table inscrite à la p. 12, sur un espace laissé libre à la fin de la première partie, qui est consacrée à Étienne (f. 1-11). Cette partie, que précèdent trois sermons, l’un de Fulgence (f. 1-4), l’autre de Maximin (f. 4-6), le troisième d’un Ps.-Augustin (f. 7), ne contient aux feuillets 8-11 que 7 chapitres du premier livre des Miracles (dans l’ordre suivant : chap. 6, 4, 5, 11, 12, 9, 10), ainsi que les premiers mots du chapitre I, 15. Il s’agit donc là d’un dossier nettement moins riche sur Étienne, qui n’est ici qu’un des nombreux saints qui font le sujet de ce légendier. Bibliographie : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. XII, Paris, 1889, p. 102-104 ; É. Pellegrin, « Notes sur quelques recueils de vies de saints utilisés à Fleury-sur-Loire », Bulletin d’Information de l’IRHT, 12 (1963), p. 18 ; J. van der Straeten, Les manuscrits hagiographiques, p. 44-47
P Paris, Bibliothèque Nationale, Lat. 12606 (Fleury 143 ; Saint-Germain-des-Prés prius 627, recentius 499) Parchemin, 182 feuillets sur 2 colonnes (cm 30,9 × 22,3) ; xiie s. Ce volume est un recueil de vies de saints et de sermons pour les fêtes de ces saints, rangés selon l’ordre liturgique. Une note (Ex monasterio Floriacensi), en haut du f. 1, par Dom Anselme Le Michel († après 1647), suggère qu’il provient de Fleury-sur-Loire. Cette origine, que conforte notre stemma, est incertaine d’après Mostert ; pourtant, le manuscrit est certainement passé par Fleury avant d’être transporté par les Mauristes à Saint-Germain-des-Prés, d’où il passa à la Bibliothèque nationale pendant la Révolution. Par ailleurs, comme l’a montré É. Pellegrin, le contenu de ce lectionnaire hagiographique suggère aussi qu’il a été écrit à Fleury et que plusieurs textes ont été copiés d’après d’anciens manuscrits de Fleury, notamment d’après le ms. Orléans 196 (173). Le manuscrit P a été démembré, comme de nombreux codices de Fleury, auxquels des humanistes comme Pierre Daniel ou Jean Dubois ont arraché des
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troisième partie
parties. À l’origine, le volume devait avoir au moins 243 ff sans tenir compte de celui ou ceux qui manquent à la fin. É. Pellegrin a d’ailleurs retrouvé deux fragments épars de ce codex, l’un dans le ms. Vat. Reg. lat. 301, f. 55-56, l’autre dans le ms. Rome Bibl. Vallicelliana G 98 (V) contenant aux f. 10-24 plusieurs vies de saints qui proviennent vraisemblablement du scriptorium de Fleury. Ce démembrement du manuscrit explique sans doute aussi que les premiers chapitres (1-5) du livre I du De miraculis se trouvent au f. 182, qu’il faut en fait remettre au début du volume en le retournant (tout comme le f. 181 doit être replacé entre les f. 93 et 94 et le f. 111 entre les f. 67 et 68). À côté des extraits du De miraculis, le volume offre aussi la translation du corps d’Étienne à Constantinople (BHL 7857-7858, f. 73 et f. 54), la lettre d’Avit (BHL 7850) et le récit de Lucien (BHL 7851, f. 73-74 et f. 1). Bibliographie : L. Delisle, Inventaire des manuscrits conservés à la Bibliothèque impériale sous les n° 8823-11503 du fonds latin, Paris, Bibl. Nat., p. 373-374 ; Catalogus codicum hagiographicorum latinorum antiquiorum saeculo xvi qui asservantur in Bibliotheca Nationali Parisiensi, t. III, Bruxelles, 1893, p. 142-150 ; F. Dolbeau, « Anciens possesseurs de manuscrits hagiographiques latins conservés à la Bibliothèque Nationale de Paris », Revue d’Histoire des Textes, 9 (1979), p. 224 ; É. Pellegrin, « Membra disiecta Floriacensia II », dans Miscellanea codicologica F. Masai dicata, Gand, 1979 (Publ. de Scriptorium, 8), p. 83-103 ; Ead.,« La tradition des textes classiques latins à l’abbaye de Fleury-sur-Loire », Revue d’Histoire des Textes, 14-15 (1984-5), p. 155-167 ; Ead., « Nouveaux fragments du lectionnaire hagiographique de Fleury : Paris, Bibl. nat. lat. 12606 », Scriptorium, 39 (1985), p. 269-274 ; M. Mostert, The Library of Fleury. A Provisional List of Manuscripts, Hilversum, 1989 (Middeleeuwse Studies en Bronnen, 3), p. 231 ; J.-C. Poulin, « Les dossiers des saints Lunaire et Paul Aurélien (Province de Bretagne) » [SHG IX], dans M. Heinzelmann (dir.), L’hagiographie du haut moyen âge en Gaule du Nord. Manuscrits, textes et centres de production, Stuttgart, 2001 (Beihefte der Francia, 52), p. 236 (et p. 240)
L Vatican, Latinus 1188 (234) Parchemin, 226 feuillets à 2 colonnes (cm 37,2 × 26) ; xve s. Ce manuscrit hagiographique, dont l’origine est inconnue, contient toute une série de vies de saints, de passions, de récits de translation, parmi lesquels figure une collection de textes sur Étienne assez développée, constituée de la lettre d’Avit (BHL 7850), de la Revelatio de Lucien (BHL 7854-7855), de la relation de la translation du corps d’Étienne de Jérusalem à Constantinople (BHL 7858), de la lettre de Sévère de Minorque (BHL 7859), et enfin des deux livres du De miraculis (f. 91-100), suivis des sermons 320-324 d’Augustin (BHL 7868-7872). Bibliographie : A. Poncelet, Catalogus codicum hagiographicorum Latinorum Bibliothecae Vaticanae, Bruxelles, 1910, p. 280
chapitre viI - la tradition manuscrite
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V Vatican, Palatinus 856 Parchemin, 24 feuillets (cm 25,1 × 19,9) ; xe s. Dans ce petit livret hagiographique lui aussi d’origine inconnue, figurent la lettre de Sévère de Minorque sur les miracles opérés sur l’île par les reliques d’Étienne en 418 (BHL 7859), puis le livre I des Miracula (f. 16-23), suivi du chapitre trois du livre II (f. 23-24). Bibliographie : H. Stevenson Iunior – I. B. de Rossi, Codices Palatini Latini Bibliothecae Vaticanae, t. I, Rome, Vatican, 1886, p. 305 ; A. Poncelet, Catalogus codicum hagiographicorum Latinorum Bibliothecae Vaticanae, Bruxelles, 1910, p. 280
Z Wolfenbüttel, Herzog August Bibl. 2738 (Guelferbytanus 76.14) Parchemin et papier, 184 feuillets sur 2 colonnes (cm 29 × 30 - 29 × 22 pour la partie en papier) ; xiie et xve s. Ce manuscrit contient une partie en papier du xve siècle (1404), avec des écrits sur l’histoire de l’Église, en particulier des textes d’Heinrich von Langenstein (f. 65-186, le f. 64 étant resté blanc). La partie en parchemin, dont l’origine est inconnue, est de différentes mains et comprend plusieurs omissions, indiquées dans le texte par des signes de renvoi et comblées apparemment par le réviseur sur des bandes de parchemin cousues en bas de page. Cette partie transmet un recueil de vitae, parmi lesquelles figure un dossier sur Étienne. Le livre I du De miraculis et quelques extraits du livre II y sont transmis au f. 31-34 après la lettre d’Avit (BHL 7850), le De translatione s. Stephani (BHL 7858) et la lettre de Sévère (BHL 7859). Les trois premiers quaternions (f. 1-24) forment un ensemble messin et toulois, comprenant, comme le note M. Goullet, à la suite de Pertz (MGH, SS, IV, p. 253), un certain nombre de textes communs à Paris, BNF 5294, qui a appartenu à l’abbaye Saint-Symphorien de Metz et a été confectionné pour l’abbé Constantin qui dirigea l’abbaye de 1005 à 1047/48 environ : les vies des évêques de Metz Thierry (par Sigebert de Gembloux), Gœry, Cloud, Adalbéron et des saints toulois Romaric, Amé et Adelphe. D’après Pertz et Goullet, le réviseur du Wolfenbüttel pourrait avoir été Sigebert, qui fut aussi professeur à Metz. Bibliographie : Kataloge der Herzog-August-Bibliothek Wolfenbüttel, t. VI, Die Auguste ischen handschriften (beschrieben von O. von Heinemann), 3, Frankfurt am Main, 1966, p. 397-399 ; M. Goullet, Adsonis Dervensis opera hagiographica, Turnhout, Brepols, 2003 (CCCM, 198), p. 109-110
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troisième partie
b. Le groupe δ (MNRBOT) M Châlons-sur-Marne (auj. Châlons-en-Champagne), Bibliothèque municipale 73 (81) Parchemin, 202 feuillets (cm 33 × 24,5) ; xie s. Ce manuscrit provient de l’abbaye de Saint-Pierre-aux-Monts de Châlonssur-Marne. Il est d’ailleurs mentionné sous le titre de Liber miraculorum sancti Stephani (titre qu’on peut lire aux f. 1 et 202) dans le catalogue de l’abbaye datant de 1228, découvert et édité par P. Ulrich. En raison de la présence au verso du f. 3 d’un texte ajouté par le copiste et qui raconte le récit d’un miracle survenu le 21 février 1051 (Res miraculo digna nostris temporibus gesta), Ch. Samaran et R. Marichal ont proposé de dater le volume d’avant 1051. Il s’agit d’un lectionnaire divisé en deux grandes sections, couvrant l’une le sanctoral (f. 4-136) et l’autre le temporal (f. 136-201). La moitié de la première partie est consacrée à Étienne, patron de la cathédrale de Châlons, et l’on y trouve donc le Liber de miraculis (f. 19-38), précédé de la lettre d’Avit (BHL 7850), transmise sans la révélation de Lucien (qu’il faut aller chercher, dit le copiste, dans un autre volume [Require in alio libro, f. 19v]) et suivi des sermons 320-324 d’Augustin (BHL 7868-7871) et de la Relatio translationis Constantinopolim (BHL 7858). Comme le Douai 837 d’Anchin (ms. E), ce manuscrit garde une trace du sermonnaire carolingien de Beaune (sermons 8, 103 et 104 de la collection). Un des copistes du volume a laissé, dans la marge de droite du f. 1, la note : oro ut quicumque hunc librum revolveris, Ful// peccatoris benigne memineris, dans laquelle la fin du nom a été grattée et remplacée par les deux syllabes « cradi », comme c’est le cas aussi dans les ms. Châlons 53 et 54 copiés par le même scribe. Bibliographie : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. III, Paris, 1885, p. 31-32 ; Ch. Samaran – R. Marichal, Catalogue des manuscrits en écriture latine portant des indications de date, de lieu ou de copiste, Paris, t. V, 1965, p. 31 ; G. Philippart, « Manuscrits hagiographiques de Châlons-sur-Marne », AB, 89 (1971), p. 92-96 ; R. Étaix, « Le sermonnaire carolingien de Beaune », Revue des Études Augustiniennes, 25 (1979), p. 130 ; R. Étaix - B. De Vregille, « Le ‘libellus’ bisontin du xie siècle pour les fêtes de saint Étienne », dans Mélanges offerts à B. De Gaiffier et Fr. Halkin, Bruxelles, 1982 (AB, 100), p. 593-595
P. Ulrich, La bibliothèque de l’abbaye de Saint-Pierre-aux-Monts de Châlons-sur-Marne au xiiie siècle, Châlons, 1954, p. 43.
chapitre viI - la tradition manuscrite
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N Paris, Bibliothèque Nationale, Lat. 3822 Parchemin, 147 feuillets sur 2 colonnes (cm 28 × 21,5) ; xie s. Comme l’indique une note au recto du f. 146 (Ex libris Johannis Bapt. Lud. Gastonis de Noailles Abbatis de Alto Fonte), le manuscrit a appartenu à l’abbé de Haute-Fontaine, Gaston de Noailles, évêque de Châlons de 1695 à 1720. Sur un autre de ses manuscrits (Paris, B.N., Lat. 5605), Gaston de Noailles a indiqué qu’il l’avait racheté de ce qui restait de la bibliothèque cathédrale de Châlons (... hoc manuscriptum ... ex bibliothecae capituli Catalaunensis ruinis pecunia eripui anno 1686). Comme l’a suggéré Fr. Dolbeau (puis à sa suite, R. Étaix et B. de Vregille), il est donc probable que notre manuscrit 3822 provienne lui aussi de la cathédrale de Châlons-sur-Marne, ce que semblent bien confirmer la décoration et le parallélisme étroit avec les manuscrits 66 et 73 de la Bibliothèque Municipale de Châlons. On remarquera enfin que le volume est un lectionnaire de l’office regroupant les textes utilisés pour les fêtes des trois diacres martyrs les plus célèbres : Étienne (f. 1-101), Vincent (f. 102-111) et Laurent (f. 111-115). Or le premier patron de la cathédrale de Châlons, avant qu’elle ne soit dédiée à Étienne sous Charles-le-Chauve, était saint Vincent. Dans la partie consacrée au protomartyr, ce libellus de la cathédrale de Châlons rassemble, en les complétant, les mêmes textes que dans le manuscrit de Saint-Pierre-aux-Monts : lettre d’Avit, transmise ici avec la révélation de Lucien (BHL 7850-7851), Liber de miraculis aux f. 41-76, puis sermons 320-324 d’Augustin (BHL 7868-7872), récit de la translation à Constantinople (78577858) et extraits de la Cité de Dieu (BHL 7866). Cependant, contrairement à ce qu’ont supposé R. Étaix et B. de Vregille, nous ne croyons pas que le Paris 3822 soit une copie partielle du Châlons 73 (ms. M), mais que ces deux codices remontent, pour le légendier sur Étienne, à un même modèle (cf. infra). Quelques formes archaïques de l’écriture ont souvent fait dater le manuscrit du xe s., mais il convient de le replacer au xie s. comme tous les témoins du libellus bisontin. Bibliographie : Catalogus codicum hagiographicorum latinorum antiquiorum saeculo xvi qui asservantur in Bibliotheca Nationali Parisiensi, t. I, Bruxelles, 1889, p. 373-374 ; F. Dolbeau, « Anciens possesseurs de manuscrits hagiographiques latins conservés à la Bibliothèque Nationale de Paris », Revue d’Histoire des Textes, 9 (1979), p. 194 ; R. Étaix – B. De Vregille, « Le ‘libellus’ bisontin du xie siècle pour les fêtes de saint Étienne », dans Mélanges offerts à B. De Gaiffier et Fr. Halkin, Bruxelles, 1982 (AB, 100), p. 595-597 ; Catalogue général des manuscrits latins de la Bibliothèque Nationale, t. VII, Paris, 1988, p. 414-415
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R Paris, Bibliothèque Nationale, Lat. 10844 Parchemin, 81 feuillets (cm 21,2 × 14,8) ; xie s. (sauf le f. 1 du xiie s.) Ce volume est un témoin du libellus qui était en usage à Besançon au xie s. et était consacré au protomartyr Étienne, patron du diocèse et titulaire de l’église construite par l’archevêque Hugues Ier de Salins (1031-1066). Ce libellus est riche en sermons patristiques et en légendes bisontines relatives aux origines du culte d’Étienne dans la cité au ive siècle (visite de sainte Hélène) et au ve siècle (translation du bras du protomartyr sous Théodose ii [BHL 7873]). Les textes sur Étienne s’y présentent (sauf vers la fin) dans le même ordre que dans le libellus de Weihenstephan (ms. O) : révélation de Lucien (BHL 7851), translation d’un bras à Besançon (BHL 7873), lettre d’Avit (BHL 7850), Liber de miraculis (f. 44-75), suivi de divers textes d’Augustin (sermons 320, 321, 322 [BHL 7868-7870 et 7863] et Cité de Dieu 22, 8-9 [= BHL 7866]). Seul le texte fort suspect sur la translation du corps d’Étienne à Constantinople qui s’insère dans la collection de Weihenstephan (n° 35) a disparu. Le premier feuillet contient une lettre d’envoi, certainement primitive, mais qui a été jointe ultérieurement au manuscrit et qui indique que le volume a été transcrit à Besançon pour répondre à une demande du chapitre de Saint-Étienne de Metz (un ex-libris ancien au f. 81r avec 3 ou 4 mots grattés pourrait convenir à la cathédrale Saint-Étienne de Metz, mais aussi à l’abbaye de Saint-Arnoul). L’adresse a été tronquée et l’initiale du nom de l’archevêque de Besançon, H., a faussement été développée en Henricus. C’est donc sous le titre d’Epistola Henrici episcopi Vesontionensis que cette lettre a été éditée par les auteurs du Catal. cod. hag. (p. 599), qui signalaient toutefois qu’on ne connaît aucun archevêque de Besançon du nom d’Henri. En fait, le manuscrit pouvant être daté de 1060, l’archevêque en question doit donc être Hugues de Salins († 1066). Bibliographie : L. Delisle, Inventaire des manuscrits conservés à la Bibliothèque impériale sous les n° 8823-11503 du fonds latin, Paris, Bibl. Nat., p. 205 ; Catalogus codicum hagiographicorum latinorum antiquiorum saeculo xvi qui asservantur in Bibliotheca Nationali Parisiensi, t. II, Bruxelles, 1890, p. 597-599 ; F. Dolbeau, « Anciens possesseurs de manuscrits hagiographiques latins conservés à la Bibliothèque Nationale de Paris », Revue d’Histoire des Textes, 9 (1979), p. 218 ; B. de Vregille, Hugues de Salins, archevêque de Besançon, 1031-1066, Besançon, 1981, p. 381 et pl. XXIX ; R. Étaix – B. De Vregille, « Le ‘libellus’ bisontin du xie siècle pour les fêtes de saint Étienne », dans Mélanges offerts à B. De Gaiffier et Fr. Halkin, Bruxelles, 1982 (AB, 100), p. 591-593
Libellus désigne ici un manuscrit hagiographique ayant la particularité de rassembler des textes consacrés à un seul et même saint ou à une certaine catégorie de saints, peu nombreux. Sur ces libelli, cf. G. Philippart, Les légendiers latins et autres manuscrits hagiographiques, Turnhout, 1977 (Typologie des sources du moyen âge occidental, 24-25), p. 99-101.
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B Bruxelles, Bibliothèque Royale, II 973 (Philipps 364) Parchemin, 130 feuillets (cm 27 × 18,9) ; xie s. Ce manuscrit, acquis par la Bibliothèque Royale de Belgique en 1888, provient de l’abbaye de Saint-Ghislain dans le Hainaut, comme l’indiquent deux ex-libris (f. 1 Liber sancti Gilleni et f. 122 Liber sancti Gysleni). Le volume, copié par diverses mains du xie siècle, est un recueil de vies de saints variés, dans lequel figure un riche dossier sur Étienne (f. 68-115), qui a été complété au xiie s. par l’adjonction d’un cahier provenant d’un autre manuscrit et contenant la lettre de Sévère de Minorque (f. 116-122). Le De miraculis occupe les f. 83-104 et est entouré des mêmes textes que dans les autres témoins du libellus bisontin (lettre d’Avit [BHL 7850], De miraculis, extraits de la Cité de Dieu [BHL 7866] et sermons 320-322 d’Augustin [BHL 7868-7870], dossier auquel il a ajouté à la fin du volume la lettre de Sévère). Comme le libellus de Munich (ms. O), il transmet aussi (f. 71-74) le récit de la translation à Constantinople (BHL 7858), mais qu’il a déplacé dans un autre contexte et inséré entre la révélation de Lucien (BHL 7852-7851) et la translation d’un bras à Besançon (BHL 7873). Selon R. Étaix et B. de Vregille, cette disposition le rapproche du Paris 10844, qui avait supprimé du dossier sur les miracles d’Étienne le texte de la translation à Constantinople. Bibliographie : Catalogus codicum hagiographicorum Bibliothecae Regiae Bruxellensis, Pars I Codices Latini membranei, t. II, Bruxelles, 1889, p. 458-460 ; J. van den Gheyn, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque Royale de Belgique, t. V, Bruxelles, 1905, p. 271272 ; R. Étaix – B. De Vregille, « Le ‘libellus’ bisontin du xie siècle pour les fêtes de saint Étienne », dans Mélanges offerts à B. De Gaiffier et Fr. Halkin, Bruxelles, 1982 (AB, 100), p. 599-600
O Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 21585 Parchemin, 96 feuillets (cm 21,5 × 15) ; xie s. Ce manuscrit est l’exemplaire le plus complet et le plus précieux du libellus bisontin. Il comprend, dans une partie réservée aux miracles opérés par le saint (f. 45-93), les deux livres de notre De miraculis (f. 59-84), précédés de la lettre d’Avit (BHL 7850) et suivis de divers passages d’Augustin (sermons 320, 321, 322 et Cité de Dieu 22, 8-9 [= BHL 7866]) et du récit de la translation à Constantinople. Le volume a appartenu à l’abbaye de Weihenstephan, mais, comme l’ont montré R. Étaix et B. de Vregille, le libellus n’a pas été constitué pour elle. Toute une série d’indices, dont la présence d’une prière finale à saint Étienne, Sancte Stephane, martyr Christi piissime, qui n’est transmise que par deux autres témoins, exécutés pour l’usage personnel de l’archevêque de Besançon, Hugues de Salins, son sacramentaire (Paris, BN, lat. 10500) et son pontifical (Montpel-
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lier, Fac. de méd. 303), prouve que le volume est d’origine bisontine et suggère qu’il pourrait s’agir d’un exemplaire de luxe exécuté pour l’usage de SaintÉtienne de Besançon. Il aurait quitté la ville pour émigrer en Bavière entre la fin du xie et le xiiie siècle, époque où il reçut sa reliure précieuse, faite d’un ais de bois dont le plat supérieur est recouvert d’une feuille d’argent repoussé et décoré de figures de la Vierge et des huit principales vertus, avec au centre une plaque d’ivoire représentant Étienne, ornée de quatre pierres. La face interne du plat supérieur de la reliure est creusée de dix compartiments rectangulaires qui ont renfermé des reliques, tandis que le plat inférieur est recouvert d’un tissu de soie rouge à animaux affrontés, d’origine byzantine. Bibliographie : C. Halm – G. Meyer, Catalogus codicum manu scriptorum Bibliothecae Regiae Monacensis, t. IV, Pars 4, Wiesbaden, 1969 (1ère éd., Munich, 1881), p. 9 ; Catalogus codicum hagiographicorum latinorum antiquiorum saeculo xvi qui asservantur in Bibliotheca Nationali Parisiensi, t. III, Bruxelles, 1893, p. 142-150 ; R. Étaix – B. De Vregille, « Le ‘libellus’ bisontin du xie siècle pour les fêtes de saint Étienne », dans Mélanges offerts à B. De Gaiffier et Fr. Halkin, Bruxelles, 1982 (AB, 100), p. 584-591
T Bruxelles, Bibliothèque Royale 12131-50 (2156) Parchemin, 166 feuillets (13,9 × 9,7) ; xiie-xiiie s. Ce volume de petit format contient essentiellement des récits de miracles. Aux f. 151-157 figure une version abrégée de notre recueil, sous le titre Miracula beati Stephani prothomartyris, à laquelle sont rattachés les chapitres 10-17 de la Cité de Dieu (BHL 7863). Cet ensemble est suivi de la relation de la translation du corps d’Étienne à Constantinople (BHL 7858). Le texte des Miracles est ici profondément remanié dans le sens de la brevitas, et il ne retient du livre II que les chapitres 4 et 5 et un seul paragraphe de la longue histoire de Megetia, qui perd ici toute sa richesse. Le manuscrit provient de l’abbaye Saint-Jacques à Liège, comme l’indique la note d’une main ancienne au f. 1v : liber [cœno]bii S. Jacobi Leodiensis. Bibliographie : Catalogus codicum hagiographicorum Bibliothecae Regiae Bruxellensis, Pars I Codices Latini membranei, t. II, Bruxelles, 1889, p. 406-408
c. Le groupe β (AHS) A Valenciennes, Bibliothèque Municipale 517 (471 E) Parchemin, 208 feuillets (cm 27,8 × 19,6) ; xie s. Ce codex, originaire de l’abbaye de Saint-Amand, regroupe diverses vies de saints, mais aussi plusieurs traités de théologie, spécialement des écrits de
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Pierre Damien. Il est apparenté à trois autres manuscrits (Paris, BN lat. 13376, ixe s. de Saint-Germain-des-Prés ; Charleville 202, tome 9, xiie s., venu de Signy, et Londres, BM add. 17292, xiie s., ayant appartenu autrefois à l’abbaye du Parc à Louvain) qui transmettent un recueil antique de sermons d’Augustin dont il ne reste plus dans A que l’index. Le De miraculis occupe les f. 16-28, mais il manque la fin du livre I et l’essentiel du livre II (le texte s’interrompt brusquement au chap. 14 pour ne reprendre qu’au milieu du dernier chap. en II, 5). Bibliographie : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. XXV, Paris, 1894, p. 418 ; D. de Bruyne, « Une lettre inédite de s. Pierre Damien », Revue Bénédictine, 31 (1914-1919), p. 92-93 ; C. Lambot, « Collection antique des sermons de s. Augustin », Revue Bénédictine, 57 (1947), p. 89-108
H Rouen, Bibliothèque municipale 1389 (U 35) Parchemin, 154 feuillets (cm 31,5 × 22) ; xie-xiie s. Ce manuscrit hagiographique, qui a perdu plusieurs folios au début et à la fin des cahiers, comprend 63 textes (essentiellement des vies et des passions), dont une partie (f. 76-86) est consacrée à Étienne : celle-ci contient la lettre d’Avit (BHL 7850), des extraits de Bède à propos de la révélation de saint Étienne (=PL 90, 559-60), le récit de Lucien (BHL 7851), celui de la translation à Constantinople (BHL 7858), suivi au folio 80v de passages d’Augustin (BHL 7866), introduits par l’incipit : Miracula sancti Stephani prothomartyris quae beatus descripsit Augustinus. Des extraits du De miraculis (82r-86r) sont reliés à ces passages augustiniens sans aucune séparation (I, 4-15 et II, 3-4) et sont ainsi suivis de l’explicit : Expliciunt miracula beati Stephani prothomartyris edita a beato Augustino episcopo. Le volume a appartenu à l’abbaye de Saint-Ouen (comme l’atteste une main moderne au f. 1 De l’Abbaie de St. Ouen), mais Avril y voit un produit normand de Saint-Évroul et reconnaît dans les cinq lignes ajoutées à la fin de la vie de Barnabé (f. 99v) la main d’Orderic Vital (1075-1142), qui fut moine à SaintÉvroul. Le manuscrit est daté du xiie siècle par le Catalogue général, par A. Poncelet et G. Nortier, mais de la fin du xie par F. Avril et M.-C. Garand. Bibliographie : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. I, Paris, 1886, p. 368-371 ; A. Poncelet, « Catalogus codicum hagiographicorum latinorum bibliothecae publicae Rotomagensis », AB, 23 (1904), p. 177-181 ; G. Nortier, Les bibliothèques médiévales des abbayes bénédictines de Normandie, Caen, 1966, p. 189 (et 237) ; F. Avril, Manuscrits normands, xie-xiiie s. : [exposition] février-mars 1975, Musée des beaux-arts, Rouen, 1975, p. 68-69 ; M.-C. Garand et al., Catalogue des manuscrits en écriture latine portant des indications de date, de lieu ou de copiste, t. VII :
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Ouest de la France et Pays de Loire, Paris, 1984, p. 582 ; J. Howe, « The Hagiography of Saint-Wandrille (Fontenelle) (Province of Haute-Normandie) » [SHG VIII], dans M. Heinzelmann (dir.), L’hagiographie du haut moyen âge, 2001, p. 176
S Cambrai, Bibliothèque municipale 846 (751) Parchemin, 144 feuillets (cm 18,7 × 11,7) ; xie s. Ce manuscrit hagiographique comprend plusieurs vies de saints (il s’ouvre notamment sur les vies des saints de l’abbaye de Fontenelle, Wulframn, Wandrille et Ansbert) et une collection de textes sur Étienne constituée du De miraculis (L. I et partie du L. II ; f. 75-99), de la lettre de Sévère de Minorque, de la translation du corps de saint Étienne et de divers sermons d’Augustin (sermons 320-324 ; BHL 7868-7872). Le volume est originaire du Saint-Sépulcre de Cambrai (une note d’une main du xviie s. indique au f. 1 Bibl. S. Sepul. Camer.) : sa fondation remontant à 1064, le manuscrit doit sans doute être du dernier tiers du xie s. Bibliographie : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. XVII, Paris, 1891, p. 327-329 ; V. Saxer, « Miracula beate Marie Magdalene Vizeliaci facta. Étude de la tradition manuscrite », dans Bulletin philologique et historique du Comité des travaux historiques, 1959, p. 69-82 ; Id., Le dossier vézelien de Marie Madeleine. Invention et translation des reliques en 1265-1267. Contribution à l’histoire du culte de la sainte à Vézelay à l’apogée du moyen âge, Bruxelles, 1975 (Subsidia Hagiographica, 57), p. 197 ; J. Howe, « The Hagiography of Saint-Wandrille (Fontenelle) (Province of Haute-Normandie) » [SHG VIII], dans M. Heinzelmann (dir.), L’hagiographie du haut moyen âge, 2001, p. 135 (et p. 155, 175)
d. Le groupe ε (CDIEJ) C Cambrai, Bibliothèque municipale 856 (760) Parchemin, 236 feuillets à 2 colonnes (cm 42,7 × 29,4) ; xiiie s. Dans ce manuscrit hagiographique de Saint-Aubert de Cambrai, le De miraculis (f. 36-52) est suivi d’un liber tertius de miraculis per orationes b. martyris, constitué des sermons 320-322 d’Augustin (BHL 7868-7870), de la lettre de Sévère et du récit de la translation du corps d’Étienne à Constantinople. Ce volume fait partie des codices qui transmettent – encore que le Cambrai 856 n’en contienne qu’une forme sélective – le ‘legendarium Flandrense’, une collection de vies de saints propres à des manuscrits de Flandre et de la France du nord, mise jadis en évidence par Levison et dont l’histoire a été précisée plus récemment par F. Dolbeau. Bibliographie : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. XVII, Paris, 1891, p. 334-337 ; F. Dolbeau, « Nouvelles recherches sur le ‘legendarium Flandrense’ », Recherches Augustiniennes, 16 (1981), p. 441-442
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D Douai, Bibliothèque municipale 842 Parchemin, 173 feuillets (cm 29,5 × 20,5) ; xiie s (xiie-xiiie s. pour les f. 8-47 et xiiie s. f. 2-6). Ce manuscrit contient un recueil de vies de saints, mais aussi plusieurs textes sur l’histoire des rois Vandales, Suèves, Goths, Francs, etc. Nos miracles occupent les f. 112-130 et sont suivis d’un Liber tertius [de miraculis], qui correspond en fait aux sermons 320-322 d’Augustin (BHL 7868-7870). Le volume, en écriture minuscule gothique de 30 à 40 lignes avec des majuscules en rouge ou en vert, provient de l’abbaye de Marchiennes. On y trouve d’ailleurs en tête une table des matières écrite de la main du moine de Marchiennes, Raphaël de Beauchamps, qui l’utilisa pour sa succession des rois d’Espagne dans ses Historiae Franco-merovingicae synopsis, Douai, 1623. Bibliographie : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. VI, Paris, 1878, p. 586-588 ; Catalogus codicum hagiographicorum latinorum Bibliothecae publicae Duacensis, Bruxelles, 1901 (AB, 20), p. 398-400
K Saint-Omer, Bibliothèque municipale 715 (tome II) Parchemin, 177 feuillets sur 2 colonnes (cm 49 × 32) ; xiie s. Ce codex est un des quatre tomes (dont le premier est aujourd’hui perdu) d’un riche légendier de Saint-Omer. Il porte au f. 2 la note d’une main du xviie siècle : Ex bibliotheca ecclesiae S. Audomari. Il comprend 56 textes qui sont presque tous des passions. Aux f. 142-158 est transmis un dossier sur saint Étienne, comprenant la lettre d’Avit (BHL 7850), le récit de Lucien (BHL 7851) et un De miraculis S. Stephani protomartyris, composé des deux livres de notre texte (f. 145-155), suivis, sans transition, des sermons 320-322 d’Augustin (BHL 7868-7870) et du récit de la translation à Constantinople (BHL 7858). Bibliographie : R. Lechat, « Catalogus codicum hagiographicorum latinorum bibliothecae publicae Audomaropolitanae », AB, 47 (1929), p. 258-261 ; F. Dolbeau, « Le tome perdu du légendier de Saint-Omer reconstitué grâce aux Collectanea Bollandiana », AB, 93 (1975), p. 363-368
I Saint-Omer, Bibliothèque municipale 716 (tome VI, coté vol. 5) Parchemin, 140 feuillets sur 2 colonnes (cm 48 × 32,7) ; xiiie s. Ce recueil de vies et de passions est un des cinq tomes survivants d’un grand légendier qui appartint à l’abbaye cistercienne de Clairmarais et qui devait à l’origine comporter 9 tomes. Levison avait proposé de situer l’origine de cette collection dans le monastère de Dunes en Flandres, mais Fr. Dolbeau, avec des arguments solides, a montré que le légendier de Claimarais dépendrait plutôt de la riche bibliothèque de Saint-Bertin.
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troisième partie
Sur les 42 textes que comprend le manuscrit, 5 sont consacrés à Étienne (f. 44-57) : la lettre d’Avit (BHL 7850), le récit de Lucien (BHL 7851), celui de la translation à Constantinople (BHL 7858), les deux livres du De miraculis, suivis, sans transition, des sermons 320-322 d’Augustin (BHL 7868-7870) et, enfin, la relation de la translation du corps du protomartyr de Constantinople à Rome (BHL 7878, 7880, 7880a, 7879). Bibliographie : W. Levison, Catalogus codicum hagiographicorum, MGH, SRM VII, 1920, p. 542-544 et 674-677 ; R. Lechat, « Catalogus codicum hagiographicorum latinorum bibliothecae publicae Audomaropolitanae », AB, 47 (1929), p. 272-275 ; F. Dolbeau, « Le légendier de l’abbaye cistercienne de Clairmarais », AB, 91 (1973), p. 273-286
E Douai, Bibliothèque municipale 837 Parchemin, 191 feuillets sur 2 colonnes (cm 50 × 33) ; xiie s. Ce manuscrit hagiographique a subi avec le temps usure et dommages : il lui manque ainsi quelques folios dont l’ordre a été d’ailleurs considérablement perturbé, mais peut être rétabli grâce à l’index qui se trouve en tête du volume. Il transmet aux f. 141-155 tout un légendier sur Étienne : Epistola Aviti (BHL 7850), Epistola Luciani presbyteri de revelatione (BHL 7851), les deux livres du De miraculis (f. 145-153), suivis, comme dans le Douai 842, d’un Liber tertius constitué des sermons 320-322 d’Augustin (BHL 7868-7870) et du récit de la translation du corps d’Étienne de Jérusalem à Constantinople (BHL 7858). Le codex provient de l’abbaye d’Anchin. Il reprend aux f. 171-172 un sermon In natale sancti Laurentii, qui appartient au sermonaire carolingien de Beaune (n° 103 de la collection, qui se retrouve aussi avec les n° 8 et 104 dans le ms de Châlons-sur-Marne, BM 73) dont on connaît un seul exemplaire, incomplet et tardif, le Paris, BN lat. 3794, composé de 21 quaternions, avec écriture de style allemand du xiie s. D’après Levison et Howe, ce manuscrit et le suivant (Paris, BNF 5296 B) descendent d’un ancêtre commun qui serait à l’origine de la collection sur Wandrille composée à Saint-Bertin et transmise par le manuscrit Saint-Omer, BM 764 (f. 1-52). D’après le Catalogue général, ce manuscrit et le Douai 842 (ms. D) ont été utilisés par les Bollandistes. Bibliographie : Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, t. VI, Paris, 1878, p. 572-576 ; Catalogus codicum hagiographicorum latinorum Bibliothecae publicae Duacensis, Bruxelles (AB, 20), 1901, p. 384-389 ; W. Levison, « Kleine Beiträge zu Quellen der fränkischen Geschichte. IV – Die Vision Kaiser Karls III. », Neues Archiv, 27 (1902), p. 499-501 ; R. Étaix, « Le sermonnaire carolingien de Beaune », Revue des Études Augustiniennes, 25 (1979) p. 130 ; J. Howe, « The Hagio-
chapitre viI - la tradition manuscrite
221
graphy of Saint-Wandrille (Fontenelle) (Province of Haute-Normandie) » [SHG VIII], dans M. Heinzelmann (dir.), L’hagiographie du haut moyen âge, 2001, p. 174
J Paris, Bibliothèque Nationale, Lat. 5296 B (Bigotianus 172, Regius 3654.3) Parchemin, 399 feuillets sur 2 colonnes (cm 39 × 28,5) ; xiiie s. Ce manuscrit hagiographique très riche a d’abord été attribué à l’abbaye de Saint-Wandrille par J. Laporte et, à sa suite, par G. Nortier. Cependant, Fr. Dolbeau (et, à sa suite, J. Howe) a montré que cette provenance était d’autant plus douteuse que la vie de saint Wandrille (f. 150 et 159-171) est coupée en deux dans ce volume par l’insertion d’un livret consacré à Marie Madeleine (f. 151-158). Plusieurs indices dans les annotations concernant sainte Lewinne et saint Winoc, ainsi qu’une note marginale du xve siècle en flamand situent plutôt l’origine du codex en Flandres, ce qui semble beaucoup mieux s’accorder avec notre stemma qui le rapproche très nettement des trois manuscrits qui précèdent et qui proviennent tous trois du nord-ouest de la France. Le volume comprend par ailleurs une série de textes, dont la Visio Karoli, qui se trouvent aussi dans le Saint-Omer, BM 764, du xe siècle et originaire de Saint-Bertin. D’après le texte de la Visio Karoli, W. Levison a avancé que cette partie du Parisinus n’était pas une copie du manuscrit de Saint-Omer, mais qu’elle devait remonter à un ancêtre commun existant déjà à Saint-Bertin aux alentours de 900. La présence de textes hagiographiques de Saint-Wandrille dans le nord est d’autant moins surprenante que les moines de Fontenelle, fuyant les Normands en 858, se sont réfugiés dans la région de Boulogne, donc non loin de Saint-Bertin, et qu’en 944 des reliques des saints Wandrille et Ansbert furent transportées à Gand. Le volume transmet les Miracles aux f. 344-367, suivis des sermons 320322 d’Augustin (BHL 7868-7870, f. 367-369). Il contient aussi, un peu plus haut (f. 304-313) et séparés de nos miracles par quelques textes, la lettre d’Avit (BHL 7850), la révélation de Lucien (BHL 7853) et la relation de la translation à Constantinople (BHL 7857-7858). Bibliographie : Catalogus codicum hagiographicorum latinorum antiquiorum saeculo xvi qui asservantur in Bibliotheca Nationali Parisiensi, t. I, Bruxelles, 1889, p. 585-591 ; W. Levison, « Zur Textgeschichte der Vision Kaiser Karls III. », Neues Archiv, 27 (1902), p. 493-502 (spéc. 498-499) ; J. Laporte, « L’ordo lectionum, les us et la bibliothèque de l’abbaye Saint-Wandrille au xive s. », Revue Mabillon, 28 (1938), p. 18-19 ; G. Nortier, Les bibliothèques médiévales des abbayes bénédictines de Normandie, Caen, 1966, p. 181 [rééd. à cet endroit d’un article sur « La Bibliothèque de l’Abbaye de SaintWandrille » paru dans la Revue Mabillon, 193 (1958), p. 165-175] ; F. Dolbeau, « Anciens possesseurs de manuscrits hagiographiques latins conservés à la Bibliothèque Nationale de Paris », Revue d’Histoire des Textes, 9 (1979), p. 199 ; J. Howe, « The
222
troisième partie
Hagiography of Saint-Wandrille (Fontenelle) (Province of Haute-Normandie) » [SHG VIII], dans M. Heinzelmann (dir.), L’hagiographie du haut moyen âge, 2001, p. 176 (et p. 183-184)
2. Classement des manuscrits Sur les 21 manuscrits décrits ci-dessus, 13 sont complets (FL MNRBO CDKIEJ) ; tous les autres présentent des lacunes plus ou moins longues ou nombreuses, surtout dans le livre II, comme on pourra le constater dans le tableau suivant, où les croix indiquent les chapitres manquant (X) ou lacunaires (x) ; dans ce dernier cas, on trouvera mention du paragraphe et du premier mot à partir duquel la lacune s’arrête (]) ou commence ([) : Tableau des manuscrits lacunaires a) Livre I Prol.
1
2
3
G
X
X
X
X
P
X
X
X
X
H
X
X
X
X
T
X
4
5
X
6
7
8
X
X
9
10
11
12
13
14
15
X
X
x1
x3
X
x2
A
b) Livre II 1
2
3
4
5
G
X
X
X
X
X
P
X
X
X
X
X
V
X
X
X
X
Z
X
x
X
X
H
X
X
X
A
X
X
x6
T
X
x7
S
4
x
8
x
5
X x9
X
1 Lacune à partir de la ligne 6 gloriosi test [(is ?). 2 Lacune jusqu’à la ligne 8 propo]netur. 3 Lacune à partir de la ligne 20 [es. 4 Lacune jusqu’à la ligne 196 exsiliens]. 5 Lacune à partir de la ligne 35 [uelificante. 6 Lacune à partir de la ligne 71 [dispensatore. 7 Le ms. ne retient en fait du chap. II, 2 que les lignes 222-233 du paragraphe 6. 8 Lacune jusqu’à la ligne 16 frons]. 9 Lacune à partir de la ligne 22 [flammantem.
chapitre viI - la tradition manuscrite
223
Il est clair que ces nombreuses lacunes ne sont pas toutes accidentelles, mais s’expliquent pour la plupart par le fait que notre texte appartient à l’ensemble des textes mouvants qui connaissent au moyen âge des réécritures, des adaptations et des remaniements plus ou moins importants. Ceci est particulièrement évident avec la version abrégée de T et avec les traitements divers du livre II, si différent du livre I par la longueur de certains de ses récits, en particulier celui de Megetia au chapitre 2, longueur qui a dû pousser plusieurs copistes à négliger ou du moins à alléger un livre qui ne cadrait sans doute pas avec le public visé ou avec l’usage prévu du Liber de miraculis. On sait de toute façon qu’à côté des légendiers proprement dits, regroupant des textes complets, sont apparus dès le viiie siècle des légendiers abrégés ou abbreviationes, c’est-àdire des recueils de textes délibérément tronqués qui se sont multipliés du ixe au xiiie siècle et ont très vite supplanté les recueils traditionnels jugés encombrants. Pour déterminer les familles de manuscrits, ces lacunes sont donc peu sig nificatives. L’examen des omissions, additions, transpositions et variantes communes l’est bien davantage. Il permet dans un premier temps de distinguer clairement deux grands groupes. Les manuscrits FGPLVZ (α) présentent en effet un grand nombre de caractéristiques communes contre le reste de la tradition (MNRBO AHS CDKIEJ), notamment : – des additions I, 4, 6 II, 1, 30 II, 2, 5 II, 2, 127 II, 2, 184
[paruulorum] filiorum add. α [concordi] inter se add. α [deo] clara mundo clarior mundi domino add. α [credo] ego add. α [non] est add. α
Sur ce point, on lira la thèse d’habilitation de M. Goullet, Écriture et réécriture hagiographiques. Essai sur les réécritures de Vies de saints dans l’Occident latin médiéval (viiie-xiiie s.), Turnhout, Brepols, 2005 (Hagiologia, 4), qui montre combien les textes hagiographiques sont des textes « vivants ». Cf. aussi son article intitulé « Vers une typologie des réécritures hagiographiques, à partir de quelques exemples du Nord-Est de la France. Avec une édition synoptique des deux Vies de saint Èvre de Toul », dans La réécriture hagiographique dans l’Occident médiéval. Transformations formelles et idéologiques, dir. M. Goullet - M. Heinzelmann, Jan Thorbecke Verlag, 2003 (Beihefte der Francia, 58), p. 109-144. À ce sujet, cf. F. Dolbeau, « Notes sur l’organisation interne des légendiers latins », dans Hagiographie, culture et sociétés, 1981, p. 11-31, spéc. p. 12-13. Nous avons délibérément écarté de cet examen les titres de chapitres, matière trop mouvante à nos yeux pour permettre d’asseoir des conclusions totalement fiables. Nous écartons aussi, dans un premier temps et pour des raisons évidentes, la version abrégée de T. Sauf pour les transpositions, additions ou omissions, les unités critiques ne sont pas ici présentées comme dans notre apparat : pour faire ressortir les variantes des groupes ou des manuscrits concernés, nous les avons systématiquement mises en tête (sans que cela soit nécessairement les leçons retenues dans notre édition) et fait suivre des autres leçons présentées entre parenthèses.
224 II, 2, 198 II, 2, 240
troisième partie
et de hoc se rursum [uisitari] add. α [uisendum] festinanter add. α
– des transpositions I, 1, 25 I, 1, 32 I, 6, 5 I, 15, 4 II, 2, 53 II, 2, 86 II, 2, 276
merito omnes dicerent transp. α (omnes merito dicerent cett. codd.) uisionem referre transp. α (proferre uisionem cett. codd.) cui Datiuus nomen est [erat G] transp. α (cui nomen est D. H cui nomen D. est cett. codd.) paruulus filius transp. α amici sui domini transp. α (domini amici sui cett. codd.) Carthaginem uenit transp. α (peruenit C. cett. codd.) speciosum illum iuuenem transp. α (iuuenem illum speciosum cett. codd.)
– des omissions
I, 4, 24 sua om. α II, 2, 4 femina om. α II, 2, 4 fuit om. α II, 2, 165 uerbis om. α et surtout le texte qui, dans les autres manuscrits, précède le chap. 1 du livre I : Textus divinorum operum quae ostensa sunt per beati protomartyris Stephani venerabile meritum mandata quoque notitiae fidelium ab Euodio in ecclesia Vzali cuius urbis pontificatum administrabat sacerdos dignissimus, Aurelio tunc temporis Augustino apud Hipponem dominicae sationis dispensationis constituto om. α
– des mots ou des passages omis par tous les autres manuscrits I, 3, 31-37 I, 3, 43 I, 4, 38-39 I, 5, 5 I, 14, 10 I, 15, 10-11 II, 3, 6
nec mirum – illuminata α (om. cett. codd.) opus illuxit α (om. cett. codd.) in ecclesiam – praedicauit α (om. cett. codd.) uariisque α (om. cett. codd.) lugensque α (om. cett. codd.) lamentantis et uociferantis dolorem et clamorem α (lamentantis dolorem H KI om. cett. codd.) honestus α (om. cett. codd.)
– enfin des variantes communes contre le reste des manuscrits I, 1, 21 I, 1, 24 I, 3, 39 I, 3, 42 I, 4, 19 I, 4, 21 I, 5, 4
declarauit α (manifestauit cett. codd.) caritatis α [T] (claritatis cett. codd.) decente α (ducente cett. codd.) notissimumque α (notum est cett. codd.) facit α (faciet cett. codd.) post eam α (postea cett. codd.) quo α (quod cett. codd.)
chapitre viI - la tradition manuscrite
I, 6, 18 I, 14, 25 II, 1, 4 II, 1, 46 II, 2, 24-26 II, 2, 31 II, 2, 170 II, 2, 185 II, 2, 286 II, 5, 41 II, 5, 51 II, 5, 75 II, 5, 101
225
discedite α (recedite cett. codd.) reuelata sunt α (uidit cett. codd.) [ecclesiae] nonnulla α (cum cett. codd.) mirabiliter α (mirabilia cett. codd.) ingenio...conferri α (ingenium...conferre cett. codd.) ac α (aut cett. codd.) tradas α (tradens cett. codd.) supra α (super cett. codd.) laetitia α (in laetitiam cett. codd.) quo α (hoc cett. codd.) non α (nec cett. codd.) exutam α (exuta cett. codd.) monasterium α (monasteria cett. codd.)
a. Le groupe FGPL VZ (α) Dans ce groupe, le manuscrit tardif L, qui est complet, ne peut avoir été copié sur V, G, P ou Z, qui sont lacunaires. Seul F pourrait être son modèle, mais les deux manuscrits s’opposent sur un grand nombre de variantes, dont voici quelques exemples, que l’on pourrait multiplier à loisir : I, Prol. 2 I, Prol. 7 I, Prol. 7 I, 2, 5 I, 3, 24 I, 3, 24 I, 4, 24 I, 4, 39 I, 4, 40 I, 4, 51 I, 6, 6-7 II, 1, 8 II, 1, 22 II, 2, 111
archangelus L (angelus F) pater L (papa F) Hermodi L (Euodi F) pergi adsolet compendiose L (compendio pergi adsolet sed F) decerneret L (discerneret F) uocauit L (appellauit F) filiis L (filiorum F) eius L (dei F) celebritate ac sollemnitate L (celebritate F) subtrahamus L (defraudemus F) eiusdem mariti tanto dolore L (eiusdem mariti sui tanto luctu F) post recitationem L (pro recitatione F) in se diuinae gratiae L (diuinae in se gratiae F) uiuat potestne L (tibi uidetur posse F)
F a par ailleurs plusieurs omissions qu’on ne retrouve pas dans L et dont voici quelques exemples parmi les plus significatifs : I, 3, 20 I, 3, 39 I, 4, 29 I, 9, 12
adiuuante om. F perrexit om. F miserere mihi om. F uocibus et om. F
226 I, 14, 15 II, 1, 33 II, 2, 152 II, 2, 230 II, 2, 287 II, 3, 16
troisième partie
ut ipsius utar om. F mirabiliora ipsa om. F sicut confido de Christo meo om. F et cum illa om. F et in laudem Dei eruperunt om. F nam praeter om. F
On notera enfin que le manuscrit L s’oppose assez souvent à son groupe en partageant des variantes avec l’autre groupe, signe d’une contamination entre les deux dont son exemplaire ou lui-même est responsable : I, Prol. 11-12 I, Prol. 18 I, Prol. 23 I, Prol. 25 I, 1, 3 I, 1, 11 I, 1, 21 I, 2, 13 I, 2, 18 I, 2, 19 I, 2, 31 I, 2, 36 I, 3, 12 I, 3, 23 I, 3, 29 I, 3, 38 I, 7, 13 I, 7, 18 I, 11, 8-9 I, 11, 9 I, 11, 11 I, 13, 6 I, 14, 6 I, 14, 11 I, 14, 13 I, 14, 21
supprimerem...narrarem FVZ (supprimere...narrare L cum cett. codd.) [bonis] ac FVZ (et L cum cett. codd.) per se tonantem FVZ (personantem L cum cett. codd.) uoluimus FVZ (uolumus L cum cett. codd.) domini FVZ (sancti L cum cett. codd. [sancti domini S]) tacito FVZ (tacite L cum S MN BR DJ2) prius dubitationem in se FVZ (dubitationem prius in se L cum cett. codd. [dubitationem in se prius B]) praedictum FVZ (dictum L cum cett. codd.) cucurrisse FVZ (occurrisse L cum cett. codd.) incipiamus FVZ (incipiam L cum cett. codd.) quis enim benedictus uenit in nomine domini nisi confessor christi FVZ (om. L cum cett. codd.) dignamini FVZ (dignemini L cum cett. codd.) et se illuc duceret FVZ (om. L cum cett. codd.) cœpit lumen FVZ[B] (lumen cœpit transp. L cum cett. codd.) eius FVZ (suus L cum cett. codd.) sola FVZ (om. L cum cett. codd.) palla FPVZ [AB] (pallam L cum cett. codd.) quod FPVZ (hoc L cum cett. codd.) quod utique esse solet contrarium huiusmodi infirmitatibus esse solet FPVZ (quod utique contrarium huiusmodi infirmitatibus esse solet transp. L cum cett. codd.) noctu FGPVZ (nocte L cum cett. codd.) illo FGPVZ (ipso L cum cett. codd.) numero FPVZ (numerum L cum cett. codd.) dies complures transacti essent FPVZ (cum plures transacti essent dies transp. L complures transacti essent [essent transacti C] dies cett. codd.) eum nox FPVZ (nox eum transp. L cum cett. codd.) honorati FPVZ (honorii L cum cett. codd.) tuo L cum cett. codd. (om. FPVZ)
chapitre viI - la tradition manuscrite
I, 14, 22 I, 15, 25 I, 15, 27 I, 15, 28 I, 15, 28 I, 15, 28-29 I, 15, 29 II, 1, 8 II, 2, 201 II, 2, 210 II, 2, 232 II, 2, 234 II, 2, 234 II, 2, 237 II, 2, 253 II, 2, 263 II, 2, 266
227
creditam pecuniam FPVZ [J] (pecuniam creditam transp. L cum cett. codd.) perspicua ueritate FPVZ [uirtute B s.l.] (om. L cum cett. codd.) mercedem FPVZ (mercede L cum cett. codd.) recipere FPVZ (om. L cum cett. codd.) benedictionem FPVZ (benedictione L cum cett. codd.) diuina misericordia FPVZ (-nam -iam L cum cett. codd.) possemus FPVZ (possimus L cum cett. codd.) pro recitatione F (post recitationem L cum cett. codd.) uero L cum cett. codd. (om. FZ) et sanctissimis L cum cett. codd. (om. FZ) dominum FZ (deum L cum cett. codd.) [sed] ut FZ (om. L cum cett. codd.) ad finem [fidem F] gestae rei FZ (gestae rei ad finem transp. L cum cett. codd.) [nam] cum FZ (om. L cum cett. codd.) perfecte FZ (perfecta L cum cett. codd.) crede FZ (credes L cum cett. codd. [credis D]) et [ecce]FZ (om. L cum cett. codd.)
Dans trois passages, il nous semble que L mêle délibérément les deux traditions. Ainsi, en I, 8, 4, où FPVZ ont exultatione et hymnorum choris resonantibus et tous les autres celebritate et hymnorum choris resonante [resonantibus BO], L écrit celebritate ac exultatione et hymnorum choris resonante. En I, 11, 6, où FPVZ ont gloriosi martyris (G a uenerandi m.) et les autres sancti [beati A] Stephani, L écrit sancti martyris. Enfin, en II, 2, 65, où F présente la leçon tabefacta et paralysi dissoluta et uisceribus putrefacta face à et paralysi dissoluta et uisceribus tabefacta dans tous les autres manuscrits, L reprend le début de F et la fin des autres manuscrits, ce qui donne le texte curieux tabefacta et paralysi dissoluta et uisceribus tabefacta. Z ne peut pas être une copie de P, puisqu’il a une partie du livre II absent dans P, et P n’est pas une copie de Z, car il y a dans Z plusieurs omissions qui ne se retrouvent pas dans P : I, 6, 22 I, 7, 7 I, 7, 19 I, 7, 3 I, 7, 29 I, 11, 17 I, 12, 10 I, 12, 17-18 I, 12, 18
ne om. Z quod – retulit om. Z die om. Z et om. Z reliquiarum om. Z quo – repedaret om. Z propria om. Z et loquendi – recepit om. Z est om. Z
228 I, 13, 12-13 I, 14, 16
troisième partie
quod – redditus om. Z per bonitatem tuam om. Z
ZP ne peuvent avoir été copiés sur G, qui n’a que sept chapitres du Livre I. Z ne peut pas non plus avoir été copié sur V, puisque Z a une partie du chapitre 2 du livre II, qui n’est pas dans V. P, en revanche, aurait pu être une copie de V, mais il y a plusieurs omissions dans V qui ne se retrouvent pas dans P : I, 6, 13 I, 6, 12 I, 6, 20 I, 7, 23 I, 7, 24-27 I, 7, 31 I, 7, 32 I, 8, 7 I, 12, 18 I, 14, 5 I, 14, 7 I, 14, 8 II, 14, 18
et om. V diei om. V illum om. V etiam om. V quo – reponeretur om. V quae primitus om. V in – catholicae om. V portio om. V est om. V fere om. V cœpit om. V iam om. V iste om. V
G n’est pas une copie de V puisque G ne partage pas plusieurs omissions de V : I, 4, 8 I, 4, 26 I, 4, 28 I, 6, 13 I, 6, 12 I, 6, 20
qui custodit Israel om. V amictum om. V de tribulatione om. V et om. V diei om. V illum om. V
G partage avec F beaucoup de caractéristiques : I, 4, 8 I, 4, 12 I, 4, 15 I, 4, 15 I, 4, 15 I, 4, 24 I, 4, 39 I, 6, 17 I, 6, 23 I, 9, 12 I, 9, 5
in [illo] add. FG ei om. FG reuerendi uisus FG et om. FG fecit FG (fici traderet [f. tradere V] cett. codd.) filiorum FG (filiis LVZ) dei FG (eius LVZ) candidata FG (candida cett. codd.) se om. FG [P] uocibus et om. FG [P] ecce uero FG [P] (et ecce LV ecce cett. codd.)
chapitre viI - la tradition manuscrite
I, 11, 17 I, 11, 18-19
229
ei om. FG [P] ut ipse gloriam Dei confessus est FG (sicut et nostra conscientia testis est et ipse in gloriam Dei confessus est cett. codd.)
Cependant, G ne semble pas avoir été directement copié sur F, car il n’a pas l’omission de miserere mihi que présente F en I, 4, 29, et il comprend aussi beaucoup de transpositions, d’additions et même de réécritures plus profondes qui lui sont propres et dont voici les exemples les plus frappants : I, 4, 9 I, 4, 18 I, 4, 20 I, 4, 23 I, 4, 28 I, 4, 35 I, 4, 45 I, 4, 46-47 I, 4, 49 I, 5, 3 I, 6, 4 I, 6, 4 I, 6, 24 I, 10, 5 I, 11, 5 I, 11, 6 I, 11, 12 I, 12, 4
illi cura est transp. G (est illi cura F) inquit modo transp. G subsecuta est transp. G gloriose miles Christi Stephane per multiplicem sanctitatis tuae pietatem G (per sanctitatem tuam cett. codd.) carus Dei dilectusque amicus G (carus Christi amicus F) martyri glorioso G (martyribus F) longum itaque nobis est G (longum est nobis cett. codd.) [uniuersa] beati prothomartyris Christi Stephani miracula add. G [notiora] ad honorem sancti martyris reuerendum propalare pia actione satagimus add. G quaedam igitur Memblonitani loci mulier transp. G (igitur Memblonitani loci mulier cett. codd.) quodam igitur tempore in Vzalensi ciuitate G (per idem tempus in nostra ciuitate cett. codd.) hominem uero opprimens contriuit G (hominem oppresserat cett. codd.) etiam et orationem dominicam si iubes reddo G (si iubes et orationem dominicam reddo cett. codd.) [dei] potentissimi add. G gloriosi prothotestis Christi Stephani G (beati Stephani cett. codd.) uenerandi martyris G (gloriosi m. FPVZ sancti m. L beati St. A sancti stephani cett. codd.) ad locum saepe dicti martyris ut G (ut ad locum memoriae cett. codd.) saepius nominandi domni Stephani G (sancti Stephani cett. codd.)
Enfin, V ne peut pas non plus dériver directement de F, puisqu’il ne présente pas les omissions suivantes : I, 3, 20 I, 3, 39 I, 4, 29
adiuuante om. F perrexit om. F miserere mihi om. F
230 I, 9, 12 I, 14, 15 II, 3, 16
troisième partie
uocibus et om. F ut ipsius utar om. F nam praeter om. F
Même chose pour P qui ne partage les omissions avec F qu’en I, 9, 12 (uocibus et) et en I, 14, 15 (ut ipsius utar) et pour Z qui n’a aucune des omissions que F présente au livre I, ni celles qu’il fait aux chapitres 2 et 3 du livre II : II, 2, 152 II, 2, 230 II, 2, 287 II, 3, 16
sicut confido de Christo meo om. F et cum illa om. F et in laudem Dei eruperunt om. F nam praeter om. F
Dans ce groupe, on notera enfin que VZ sont manifestement apparentés comme le montre un grand nombre de variantes qu’ils partagent contre tous les autres manuscrits ou contre ceux du groupe α : I, Prol. 8 I, Prol. 12 I, 1, 15 I, 1, 28 I, 2, 31 I, 2, 48 I, 3, 11 I, 3, 14 I, 4, 9 I, 4, 27 I, 4, 28 I, 5, 8 I, 6, 9 I, 6, 12 I, 6, 18 I, 6, 22 I, 7, 6 I, 7, 10 I, 7, 14 I, 7, 24 I, 7, 30 I, 7, 31 I, 12, 18 I, 13, 11 I, 15, 22
in [gratia dei] add. VZ intimaretur VZ (intimetur cett. codd.) probantur VZ [CD] (probentur cett. codd.) quos VZ (quas cett. codd.) alterum confessor Christi om. VZ et [sanctae istae] add. VZ rogabat VZ (rogauit cett. codd.) ducta VZ (deducta cett. codd.) ad VZ (in cett. codd.) ut [egenus] add. VZ carus amicus Christi VZ (carus dei dilectusque amicus G care Christi amice F R2 carus Christi amicus cett. codd.) solitudo VZ (sollicitudo cett. codd.) fidei [fideli Z] fide VZ (fide cett. codd. [om. AO]) aliquantum VZ (aliquantulum FLGP) iubentem ac dicentem VZ (-e ac -e cett. codd.) ne om. VZ zurumius VZ (zuirus FP zumurius L) faciem VZ (facie cett. codd.) hic VZ (id FLP) quod VZ (quo FLP) postulabatur VZ (reportabatur FP portabatur cett. codd.) diuisioni VZ (diuisionis FLP) completa VZ (suppleta cett. codd.) educeret Z ediceret V (diceret cett. codd.) prolixissimum VZ (prolixum cett. codd.)
chapitre viI - la tradition manuscrite
231
Cette classe de manuscrits doit selon toute vraisemblance remonter à un exemplaire orléanais, peut-être originaire de l’abbaye de Fleury-sur-Loire, d’où proviennent F, G et P. Vu le nombre de caractéristiques relevant du latin parlé que le manuscrit carolingien F tout spécialement corrige, on peut supposer que l’ancêtre commun était un libellus pré-carolingien10, les livrets réservés à un saint étant probablement la forme la plus ancienne du manuscrit hagiographique11. Dès cet ancêtre pré-carolingien, nos miracles devaient sans doute être déjà accompagnés d’une partie au moins des textes sur Étienne que l’on retrouve dans la plupart de nos témoins (lettre d’Avit, révélation de Lucien, translation à Constantinople, lettre de Sévère, sermons d’Augustin) : on sait en effet que la tâche des hagiographes, dans la collecte de leur documentation, s’apparentait à celle des historiographes12 et que les recueils de miracles, aux viie et viiie siècles, n’étaient presque jamais transmis seuls, mais intégrés à d’autres récits, notamment à la biographie du saint ou à des récits de translations, lesquelles ont favorisé largement la prospérité des recueils de miracles13. Une copie de ce libellus sera ensuite passée dans la région de Metz (peutêtre à Saint-Symphorien), où il faut situer le manuscrit Z, qui est si proche du Paris BNF 5294, originaire de l’abbaye messine de Saint-Symphorien et qui fut peut-être révisé à Metz par Sigebert de Gembloux, ainsi que le manuscrit V, qui dérive de la même copie. Par contre, rien ne permet de deviner comment L, qui a disposé aussi d’un exemplaire relié à l’autre classe de manuscrits, se rattachait au même groupe. b. Le groupe AHS MNRBO[T] CDKIEJ L’autre groupe peut être clairement réparti en 3 familles : AHS (β), MNRBO[T] (δ), CDKIEJ (ε).
On notera que le protomartyr a été honoré dans le diocèse d’Orléans dès le très haut Moyen Âge ; d’après une tradition carolingienne, c’est à lui qu’aurait été dédiée dès sa fondation par Clovis au vie siècle l’abbaye de Micy (cf. Th. Head, Hagiography and the Cult of Saints. The Diocese of Orléans, 800-1200, Cambridge University Press, 1990, p. 202 et 231). 11 Cf. F. Dolbeau, « Notes sur l’organisation interne des légendiers latins », dans Hagiographie, culture et sociétés, p. 11-31, spéc. p. 12. 12 Voir par ex. F. Dolbeau, « Les hagiographes au travail : collecte et traitement des documents écrits (ixe-xiie siècles). Avec annexe : Une discussion chronologique du xiie siècle (édition de BHL 5824e) », dans Manuscrits hagiographiques et travail des hagiographes, éd. M. Heinzelmann, Sigmaringen, 1992 (Beihefte der Francia, 24), p. 49-76. 13 On lira à ce sujet M. Heinzelmann, « Une source de base de la littérature hagiographique latine : le recueil de miracles », dans Hagiographie, culture et sociétés, p. 235-259, spéc. p. 244246. 10
232
troisième partie
– La famille β AS, puis AHS (β) ont en commun les variantes suivantes : I, Prol. 11 I, Prol. 12 I, Prol. 30 I, 1, 12 I, 1, 27-28 I, 2, 15-17 I, 2, 24 I, 2, 25 I, 2, 27 I, 2, 28 I, 3, 3 I, 3, 5 I, 10, 5 I, 14, 18
fraudentur β [C] (fraudarentur cett. codd.) fraternitatis β [C] (fraternis cett. codd.) [delectemini] explicit prologus add. β [CIJ] somnum β (somnium cett. codd.) inane – ponens om. β et super – deorsum om. et scrips. et reliqua β [BM] autem om. β [L] ipse β (ille cett. codd. [om. J]) paruulus β (infantulus cett. codd.) est om. β [L] maiora β (notiora cett. codd.) hilara nomine transp. β ipsi β [FLP K] (ipsae cett. codd.) inquit [ait FB] om. β
H s’oppose cependant assez souvent à AS : I, 4, 20 I, 4, 23 I, 4, 28 I, 4, 37 I, 4, 40 I, 4, 48 I, 5, 5 I, 6, 11 I, 6, 26 I, 7, 23 I, 7, 26 I, 9, 14 I, 12, 4 I, 12, 19 II, 4, 6
ipse H CD (iste AS cum cett. codd.) ac dicentem om. AS care Christi amice H F R2 (carus C. amicus AS) baculum om. AS (add. A in mg.) honore AS (celebritate ac solemnitate LVZ celebritate H cum cett. codd.) denique AS (de quibus H cum cett. codd.) ancipite AS (-ti H cum cett. codd.) mouere corpus transp. SA [G] sanus...sanus AS [B] (saluus...saluus H cum cett. codd.) etiam om. AS [V] loco memoriae transp. AS narrauit confitendo transp. AS ad memoriam sancti Stephani transp. AS plena AS [K] (aperta A2 plana H cum cett. codd.) tetram et om. AS
Enfin, quand A et S se séparent, H suit le plus souvent A : I, 4, 14 I, 7, 8 I, 4, 35 I, 7, 3 I, 7, 20 I, 12, 6
reuerendam uisu SH [LV K] (reuerenti uisu A [B ε]) [ne] id add. SH eiusdem AH (eaedem S cum cett. codd. [eidem B]) reliquiis AH cum cett. codd. (reliquias S) huius rei AH (huiusce rei S) reuertens S ([reuertens]que add. AH)
chapitre viI - la tradition manuscrite
I, 14, 5 II, 3, 16 II, 4, 35
233
cum numeratis AH (connumeratis S cum cett. codd. [numeratis L]) teterrimum A (versandum S cum cett. codd. uexandum H) domni AH [MB] (domini S cum cett. codd.)
On notera aussi qu’en II, 4, 73, qui manque dans S, H est le seul manuscrit à avoir avec A la bonne leçon uelo tacite (uelocitate δ ε uelo tacita α) A ayant des parties absentes dans S et S ayant des parties absentes dans A, ils ne peuvent avoir été copiés l’un sur l’autre. Quant à H, il n’a été copié ni sur S (puisqu’il a le chapitre II, 3 omis par S), ni sur A (puisqu’il a en totalité le dernier chapitre du livre I lacunaire dans A). S et A doivent donc remonter à un exemplaire commun, originaire de la région de Cambrai ou de Valenciennes, puisque A provient de l’abbaye de Saint-Amand et S du Saint-Sépulcre de Cambrai. Un peu plus tard, une autre copie, très proche du modèle de A, s’est retrouvée à Saint-Évroul. – La famille δ MNR BO[T] (δ) ont en commun les variantes suivantes : famula dei δ [Z] (sacra famula dei β eV etiam mulier sacra famula dei FL) I, 4, 14 reuerenti om. δ [rest. B2] I, 4, 23 et δ [G CJ] (ac cett. codd.) I, 5, 7 et in quod δ [LV CKIJ] (et quod S DE et quo A et in quo Z quo [ex quos] F ex quo G) I, 6, 20 illum om. δ [V] I, 7, 8 faceret δ (perficeret cett. codd.) I, 15, 30 in fine finit liber primus δ [KDE] II, 1, 8 [exhibitum] fuisse add. δ [α S] II, 2, 27 correptore δ (correctore α β C redemptore DKEJ) II, 2, 117 paralysis δ [F] (paralysi cett. codd.) II, 2, 125 [sicut] nunc add. δ II, 2, 151 in om. δ II, 2, 152 significauit mihi transp. δ II, 2, 161 hominibus om. δ II, 2, 187 uolantem δ (uolitantem cett. codd.) II, 2, 193 experrecta δ [S] (expergefacta ε expergita L excitata F) II, 2, 204 illa respondit δ (et illa retulit F illa retulit cett. codd.) II, 2, 243-244 cognita Megetia et δ [ε] (cognitae Megetiae et S cognata Megetiae F cognita Megetiae Z coniuge Megetiae L) II, 2, 250 sese conuertit δ [F S K] (se secum uertit L sese uertit Z conuertit sese ε) I, 1, 9
234 II, 2, 263 II, 2, 268 II, 2, 281 II, 3, 50-51
troisième partie
[marito] suo add. δ mapilia δ [S DKE] (mappalia α IJ mappaliam C) experrecta δ [F S] (expergefacta ε Z expergita L) ministerii conscium ministrum δ (misteriique conscium ministrum A misterii conscium ministrumque F S J ministerii conscium ministrumque cett. codd.)
Dans la famille δ, MNR sont manifestement apparentés et s’accordent 23 fois sur des variantes contre BO : I, 4, 16 I, 4, 33 I, 6, 12 I, 7, 26 I, 8, 4 I, 9, 8 I, 14, 18 I, 14, 25-26 II, 1, 30 II, 2, 62 II, 2, 278 II, 3, 6 II, 3, 10 II, 3, 10 II, 3, 20 II, 4, 13 II, 4, 43 II, 4, 48 II, 4, 63 II, 4, 78-79 II, 5, 43 II, 5, 43 II, 5, 96
spiritalis MNR [F] (spiritualis BO cett. codd.) lectulum MNR (lectum BO) aliquantum MNR [cett. codd.] (aliquantulum BO) fuerat pars transp. BO celebritate et hymnorum choris resonante MNR (celebritate et hymnorum choris resonantibus BO) ei custos transp. BO qui MNR [cett. codd.] (quis BO [L A]) completa sunt re ipsa transp. BO mirabiliter om. BO [rest. B2 in mg.] ego om. BO praecedens ei MNR (praecedentes eum BO) homo dicitur transp. BO repositos MNR (reconditos BO) lucrorum MNR (lucrum BO) circumiri MNR (circuiri BO) aquarum om. BO [rest. B2 in mg.] in [omnibus] om. BO [rest. B2 in mg.] memoratus est NR memoratum esset M [A] (memoratum fuisset BO) [deuictus] est add. MNR [AH] ecce – inimicum om. BO se MNR [B2] (sese BO) adsidere MR adsistere N (sedare BO) gaudium om. BO [rest. B2 in mg.]
N ne peut être une simple copie de M. À la place de la phrase, présente dans N, et super seruos meos et ancillas meas effundam de spiritu meo ; et dabo signa in caelo sursum et in terra deorsum (I, 2, 15-17), M n’a que les mots et reliqua. Évidemment, N aurait pu rétablir la phrase de mémoire puisqu’il s’agit d’une citation biblique (Joël 2, 29), mais il y a d’autres indices dans des variantes de M qu’on ne retrouve pas dans N : I, Prol. 27 I, 1, 15
audire haec transp. M [B] proferente M (praesente N cett. codd.)
chapitre viI - la tradition manuscrite
I, 1, 12 I, 1, 26 I, 2, 42 I, 6, 16 I, 11, 14 I, 15, 4 II, 2, 48 II, 2, 301 II, 5, 81 II, 5, 105
235
sequente M [B] (sequenti N cett. codd.) hos M (os N cett. codd.) salute M [LS] (salutem N cett. codd.) circumdatum fuisse transp. M plenam adhuc M [B] (nondum adhuc plenam N) mortuus cathecumenus transp. M [B] prorsus om. M [B rest. B2 in mg.] gaudentis M [B] (congaudentis N cett. codd. [B2]) nominatim om. M [haec] ita add. M [B ε]
N ne peut pas non plus être une copie de R, R ayant quelques omissions qui ne se retrouvent pas dans N : I, 3, 8 II, 2, 273 II, 2, 295 II, 4, 56-57
roborata – percipiendi om. R at – discessit om. R dominum om. R ex qua – amico om. R [O]
et, surtout, plusieurs variantes qui suggèrent que R a eu aussi en mains un manuscrit proche de BO, car il s’accorde, contre MN, 11 fois avec BO, ainsi que 2 fois avec O et 2 fois avec B : II, 1, 4 II, 2, 283 II, 4, 33 I, 5, 6 II, 2, 75 I, 14, 4 II, 1, 38 II, 2, 184 II, 2, 186 II, 2, 196 II, 3, 53 I, 14, 20 II, 1, 13 II, 4, 56-57 II, 1, 40 II, 4, 78
uzulensis BRO (uzalensis MN [B2 cett. codd.]) ancillulas BRO [FZ] (ancillas MN [ε LS]) conuolauit dei patris transp. BRO [ε] sincero BRO (incerto MN [B2 cett. codd.]) memoria martyris BRO [cett. codd.] (martyris memoria transp. MN [CD]) rustianus BRO (rusticanus MN [B2 cett. codd.]) penetrabat BRO [cett. codd.] (penetrabatur MN) sursum BRO [cett. codd.] (rursum MN [S]) oculos erigens BRO [cett. codd.] (erigens oculos transp. MN [C]) euigilauit BRO [cett. codd.] (uigilauit MN [S]) gustu BRO (gustatu MN [L]) enim om. BRO [B2 rest. in mg.] etiam uisibilis RO (et iam uisibus BMN [cett. codd.]) ex qua – amico om. R [O] sine quia BR (siue quia MNO) [meum] notas mecum add. BR [del. B2]
B est presque toujours en accord avec O, mais il n’a pas été copié sur lui, puisqu’il a l’addition eius notas mecum (II, 4, 78) qu’il partage seul avec R et qui doit sans doute remonter à un modèle commun. Par ailleurs, B partage avec O beaucoup d’omissions, mais il restitue presque toujours, après coup, le ou les
236
troisième partie
mots omis : I, Prol. 13 II, 1, 30 II, 2, 62 II, 4, 13 II, 4, 43 II, 4, 78-80 II, 5, 96
rerum om. BO [rest. B2 in mg.] mirabiliter om. BO [rest. B2 in mg.] ego om. BO aquarum om. BO [rest. B2 s.l.] in [omnibus] om. BO [rest. B2] ecce – inimicum om. BO gaudium om. BO [rest. B2]
Ceci nous incite à penser que B, qui se corrige toujours avec beaucoup de soin, a dû revoir son texte avec un manuscrit différent de son modèle et proche de la famille ε, plus spécialement de CD, comme le suggèrent les cas suivants : I, 3, 25 I, 4, 14 I, 7, 16 I, 7, 132 II, 7, 30 I, 10, 3 I, 15, 7 II, 2, 24 II, 2, 72 II, 2, 95 II, 2, 110 II, 4, 37 II, 4, 46 II, 5, 12 II, 5, 32 II, 5, 100
nonne B2 CDIEJ [V] (non B cett. codd. [num F2]) reuerenti uisu B2 CDIEJ [A] (reuerendi uisus FG reuerendam uisu LV SH K reuerenti om. δ) hoc BC (hic cett. codd.) usque [in] add. B CDI [M] id eo factum [credo] add. B s.l. CDIE autem B CDKI (item cett. codd. [quidem A]) perculsa B C (percussa cett. codd.) manducare B CDKI (mandare FL R2 mandere cett. codd.) sanctum Stephanum transp. B CE periculosae B2 D (perucolosissimae C periculosissimae B cett. codd.) ad se ipsam corrogauit transp. B CDK ille draco B2] CDIEJ (illius cerulei globus B cett. codd.) sennodum B2 ε (sanctum nodum B semmo dum L seminodum R semmodum F MNO semodii A)14 inseruiunt B C (deseruiunt cett. codd.) dicentem et admonentem B2 CD2 (dicens et admonens B D cett. codd.) prostratus B2 CDIEJ (substractus B substratus F MNRO K subtratus S subtractus L)
Enfin, on peut se demander si B n’a pas eu aussi entre les mains un manuscrit proche de A, avec lequel il est le seul à partager quelques variantes caractéristiques : I, 6, 26 I, 6, 26
dixit B2 A (dictum est cett. codd.) factus B A [L] (effectus cett. codd.)
La bonne leçon, que nous avons reconstituée par conjecture, est (subdiaconum nostrum nomine) Semno, dum ... 14
chapitre viI - la tradition manuscrite
I, 7, 24 I, 9, 6 I, 12, 6 I, 12, 13 I, 14, 10 I, 14, 11
237
demum [ut] add. B2 s.l. A [Christi carum] amicum add. B2 s.l. A [reuertens]-que add. B2 A fenestrellam B2 A (fenestram FL P H fenestellam B cett. codd.) perculsus B A (percussus cett. codd.) [lacrimis]-que add. B A
Trois de ces cinq manuscrits (R, B, O) sont liés aux entreprises hagiographiques de l’archevêque de Besançon Hugues de Salins (1031-1066), qui s’est employé à mettre en valeur les figures et les légendes des martyrs liés à l’évêché et sous lequel eut lieu la reconstruction de l’église Saint-Étienne de Besançon, inaugurée le 3 octobre 1050 par le pape Léon IX qui y déposa un bras de saint Étienne. Ils transmettent un libellus bisontin consacré au protomartyr : deux ont été transcrits, à Besançon même, l’un à l’intention du chapitre de la cathédrale Saint-Étienne de Metz (R), l’autre pour l’usage de Saint-Étienne de Besançon (O), exemplaire qui est ensuite passé en Bavière entre la fin du xie et le xiiie siècle. Le troisième (B) est un légendier de l’abbaye de Saint-Ghislain dans le Hainaut, dans lequel le libellus bisontin est entré, en partie du moins. B et O doivent remonter à un ancêtre commun, mais B a utilisé aussi pour les miracles deux autres textes, l’un proche de la famille ε et l’autre proche de A, originaire de Saint-Amand. R a sans doute utilisé aussi cet ancêtre ; il n’a cependant pas été copié sur lui, mais sur un modèle identique ou proche de celui de M et N. Cette collection bisontine en effet n’a pas été constituée entièrement à Besançon. Elle dérive en fait, comme l’ont montré R. Étaix et B. de Vregille, d’une autre collection confectionnée à Châlons-sur-Marne, dont la cathédrale est dédiée aussi à Étienne ; c’est celle qui subsiste dans le manuscrit de l’abbaye de Saint-Pierre-aux-Monts (M) et dans le Paris BNF 3822 (N), copié à l’usage de la cathédrale de Châlons. R. Étaix et B. de Vregille, à partir d’un ensemble de rapprochements assez significatifs, ont même suggéré que le libellus bisontin dépendait peut-être directement du lectionnaire de Saint-Pierre. Notre analyse des variantes communes ne nous a pas permis de confirmer cette hypothèse, en ce qui concerne en tout cas le De miraculis, et nous incite plutôt à penser que l’ensemble des caractéristiques qui rapprochent nos témoins remontent à un modèle commun du recueil châlonnais. C’est à ce groupe que se rattache manifestement la version abrégée de T, qui s’accorde en effet presque toujours avec lui et en particulier avec B, seul manuscrit originaire de Belgique comme T (l’un est de Saint-Ghislain en Hainaut, l’autre de Saint-Jacques à Liège) : il est plus que probable d’ailleurs que T dérive directement de B, puisqu’il partage avec lui un très grand nombre de
238
troisième partie
variantes et notamment la quasi-totalité de ses corrections, comme on en jugera à partir du relevé suivant : I, 1, 11 I, 2, 7 I, 3, 7 I, 3, 17 I, 3, 20 I, 3, 25 I, 3, 30 I, 6, 19 I, 6, 24 I, 6, 26 I, 6, 26 I, 7, 4 I, 7, 11 I, 7, 23 I, 7, 24 I, 7, 26 I, 7, 27 I, 7, 30 I, 7, 32 I, 7, 33 I, 9, 6 I, 12, 6 I, 12, 13 I, 14, 11 I, 14, 18 I, 14, 21 II, 4, 15 II, 4, 37 II, 4, 48 II, 4, 66 II, 5, 15 II, 5, 32 II, 5, 40 II, 5, 43-44 II, 5, 62
martyris TB A Z (martyrum cett. codd.) et cerea TB2 A (cereos et FLZ et ceteros de cereos atque V) similis [aestimabitur] add. TB A2 nunc ore nunc corde precando TB M C (n. o. n. c. predicando β Z D non o. non c. precando L non o. non c. deprecando F non o. loquendo non c. tacendo V J) pugnaret TB A2 (pugnabat cett. codd.) nonne TB2 V CDIEJ (non cett. codd.) fuisset TB (esset cett. codd.) illas mortuorum effigies TB2 A F (illas mortuorum V illas mortuorum turbas cett. codd.) reddam TB (reddo cett. codd.) sanus...sanus TB β (saluus...saluus cett. codd.) dixit TB2 A (dictum est cett. codd.) transferre TB2 s.l. O C (om. cett. codd.) [nomine] fertur add. TB turmis TBO (turbis cett. codd.) [demum] ut add. TB2 s.l. A fuerat pars transp. TBO etiam TB (ut L et cett. codd.) id eo factum [credo] add. TB2 s.l. CDIE usque [in] add. TBM CD et – meruit TB L β D (ut – meruit C ut – meruerit cett. codd.) [carum] amicum add. TB2 s.l. A [reuertens]-que add. TB2 A fenestrellam TB2 A [lacrimis]-que add. TB A quis TBO A L (qui cett. codd.) eis TB L (illi S M J illis cett. codd.) puluere TBRO (pallore S pauore MN H uapore F torpore L) ille draco TB2 CDIEJ (illius cerulei globus cett. codd.) memoratum (-tus T) fuisset TBO (-tus esset H K -tum esse L tum esset A M esse F -tus est cett. codd.) [pridie] gestum add. TB2 s.l. CDIEJ parebat TB2 (parabat β δ ε petebat L imperabat ex perabat F2) dicentem et admonentem TB2 CD2 (dicens et admonens cett. codd.) effulgeret TB2 (fulgebat F S apparebat J effulgebat cett. codd.) iudicia sedare TBO (iudici adsistere [adsidere] cett. codd.) de assueri TB M2 s.l. (de artaxersis L NRO de altarsersis F detraxeris S K de tracata A)
chapitre viI - la tradition manuscrite
II, 5, 68 II, 5, 100
239
sed TB2 R ε (om. cett. codd.) prostratus TB2 CDIEJ (substratus F MNRO K subtratus S substractus B subtractus L)
– La famille ε CDKI EJ (ε) ont en commun les variantes suivantes, dont K seul, comme nous allons le voir, se démarque régulièrement : sunt CDI EJ [BRO] (sint K cett. codd.) sanctis om. ε resuscitati CDI EJ (suscitati K cett. codd.) in embloniturna ε (membloniturna K2 memplonitani FG membronitani A mebronitani S memblonitani cett. codd.) I, 6, 11 in quo iacebat loco CDI EJ [loco om. I] (ubi iacebat K cett. codd.) I, 8, 3 illa ε (ipsa cett. codd.) I, 11, 12 accederet ε [K2] (accenderet K ascenderet cett. codd.) I, 14, 4 ubilanius ε (lanius cett. codd. [laneus FP]) II, 1, 6 publico CDI EJ (puplito K pulpito cett. codd.) II, 1, 30 ipsae res transp. CDI EJ (res ipsae K cett. codd.) II, 1, 33 miracula CDI EJ (mirabilia K cett. codd.) II, 1, 35 quanta – fuit om. ε II, 1, 46 domini [Stephani] om. CDI EJ(domni K) II, 2, 10 atque corrigere om. CDI EJ [F] II, 2, 12 atque CDI EJ (ac K cett. codd.) II, 2, 32 rem ε (causam cett. codd.) II, 2, 93 fideliter om. ε II, 2, 101-107 patientia – ostenderetur om. ε II, 2, 126 quae expediunt CDI EJ (quod expedit K cett. codd.) II, 2, 142 instruxerat ε (inseruerat cett. codd.) II, 2, 160 nec om. CDI EJ [nec–erubescentes om. IJ] II, 2, 173 erubescere eos transp. CDI EJ (eos…erubescere eos K) II, 2, 173 ex [eius] om. ε II, 2, 174 eius uiro transp. ε [O] II, 2, 177 curetur ε (corrigatur cett. codd.) II, 2, 196 expergefacta ε (expergita L exercitata F experrecta cett. codd.) II, 2, 225 intromisit interius transp. ε II, 2, 236 quod CDI EJ (quid K cett. codd.) II, 2, 238 sancti ε (beati cett. codd.) II, 2, 250 conuertit sese ε (sese conuertit F S δ se secum uertit L sese uertit Z) II, 2, 256 cum ε (dum cett. codd.) II, 2, 256 quadam ε (quodam K2 cett. codd.) II, 2, 258 ei om. ε [M] I, 2, 46 I, 4, 40 I, 4, 45 I, 5, 3
240
troisième partie
beato ε [S] (beatissimo cett. codd.) expergefacta ε [Z] (expergita L experrecta cett. codd.) lectum suum transp. ε [Z] insedit possessoris transp. ε domine ε (domine Iesu Christe cett. codd. [summe domine Iesu F]) II, 4, 15 atque puluere… atque crassescere om. ε II, 4, 35 opportune CDI EJ (idonei K cett. codd. [idoneis A2]) II, 4, 35 euocati om. CDI EJ (aduocati F B euoti K euocati cett. codd.) II, 4, 37 ille draco CDI EJ [B2] (illius cerulei globus K cett. codd.) II, 4, 46 sennodum CDI EJ [B2] semnnodum K (sanctum nodum B semmo dum L seminodum R semmodum F MN semodii A) II, 4, 50 [angelus] et add. CDI EJ [A] II, 4, 53 e cera om. CDI EJ II, 4, 61 profecto om CDI EJ (del. B2) II, 4, 61 [cœpit] tanquam add. CDI EJ II, 4, 66 illud om. ε II, 4, 66 [pridie] gestum add. CDI EJ (B2T) II, 4, 72 illa om. ε II, 5, 13 irati om. ε II, 5, 17 multorum om. CDI EJ II, 5, 21 nec de quo diceret om. CDI EJ II, 5, 33 recreato animo confortatus CDI EJ [animo recreato transp. I] (retracto animo recreatus K cett. codd.) II, 5, 37 sibi ε (sibimet cett. codd.) II, 5, 39 nota antea transp. ε II, 5, 58 est om. ε II, 5, 59 sacrae ε (tuae cett. codd.) II, 5, 62 de artaxerxis om. CDI EJ II, 5, 64 dedisti ε (prodidisti cett. codd. [prodisti A]) II, 5, 68 sed add. CDI EJ[ B2 R] II, 5, 78 reuersus est transp. ε II, 5, 79 acciderit ε [O] (inciderit cett. codd.) II, 5, 84 sanctum om. ε II, 5, 87 urbem ε (ciuitatem cett. codd.) II, 5, 89 in itinere om. ε II, 5, 93 etiam se transp. CDI EJ [L] II, 5, 98 ordinem ε (ordine cett. codd.) II, 5, 100 prostratus CDI EJ (substratus K F MNR) II, 5, 102 narrauit CDI EJ [O] (enarrauit K cett. codd.) II, 5, 105-106 rariora – secretis om. CDI EJ II, 5, 106 noster om. CDI EJ II, 2, 267 II, 2, 281 II, 2, 283 II, 3, 37 II, 3, 44
chapitre viI - la tradition manuscrite
241
Comme le montrent les exemples qui suivent, DKIEJ s’opposent si souvent à C qu’ils doivent tous quatre remonter à un intermédiaire différent du modèle de C : I, Prol. 12 I, 2, 40 I, 2, 46 I, 3, 7 I, 3, 14 I, 3, 16 I, 3, 20 I, 4, 20 I, 4, 51 I, 5, 9 I, 6, 7 I, 6, 14 I, 7, 5 I, 7, 16 I, 9, 13 I, 15, 4 I, 15, 23 II, 1, 14 II, 2, 7 II, 2, 10 II, 2, 14 II, 2, 27 II, 2, 38 II, 2, 38 II, 2, 48 II, 2, 66 II, 2, 73 II, 2, 83 II, 2, 88 II, 2, 97 II, 2, 110 II, 2, 111 II, 2, 141 II, 2, 194 II, 2, 216 II, 2, 227 II, 2, 234 II, 2, 239
fraternis DKIEJ [cett. codd.] (fraternitatis C) auribus DKIEJ cett. codd. (aures C) fratribus DKIEJ cett. codd. (fratres C) apostolus iacobus transp. DKIEJ auxilio DKIEJ cett. codd. (officio C) applicauit DKIEJ (applicuit C) aduersus DKIEJ (-sum C) atque DKIEJ cett. codd. (et C) studium DKIEJ (studia C) poneretur DKIEJ (ponerentur C) gloriosi Stephani DKIEJ (sancti stephani C) dei DKIEJ cett. codd. (domini C) fere DKIEJ (ferme C) hic DKIEJ cett. codd. (hoc C[B]) exclamaret DKIEJ cett. codd. (exoraret C) mortuus catechumenus transp. DKIEJ clarissimas notissimasque DKIEJ cett. codd. [cl. om. L] (notissimas clarissimasque C) psalmis DKIEJ (-o C) nausiando DKIEJ (-seando C) arteriorum DKIEJ (-iarum C) atque DKIEJ (et C) redemptore DKIEJ (correctore C) incesserat DKIEJ cett. codd. (intercesserat C) pestifer a DKIEJ cett. codd. (pestifera C [F]) dignatur DKIEJ (dignatus est C) expleto DKIEJ cett. codd. (completo C) parturibunda DKIEJ cett. codd. (-dam C) matri DKIEJ cett. codd. (matris C) pectori DKIEJ cett. codd. (corpori C) paterque DKIEJ cett. codd. (et pater C) unicae ipsius DKIE cett. codd. (filiae suae unicae C) si unica DKIE cett. codd. (sic unica C [F S]) honorabilis DKIEJ cett. codd. (uenerabilis C) exercita DKIEJ cett. codd. (exercitata C) uitiatum DKIEJ (uitiosum C) contribulatis DKIEJ (contritis C) ueniamus DKIEJ cett. codd. (perueniamus C) honorabilis DKIEJ cett. codd. (uenerabilis C)
242 II, 2, 243 II, 2, 296 II, 2, 296-297 II, 3, 39 II, 3, 57 II, 4, 6 II, 4, 14 II, 4, 27 II, 4, 71 II, 5, 12 II, 5, 43 II, 5, 67
troisième partie
infideli DKIEJ (fideli ex inf-corr. C) osculis DKIEJ (oculis C [M]) una cum ea omnes DKIEJ (omnes una C) uasorum illorum DKI illorum uasorum EJ cett. codd. (u. suorum C) digna DKIEJ (diuina C) turbinem DKIEJ (turbidi- C) suspicimus DKIEJ (suscipi- C) perturbatusque DKIEJ (atque perturbatus C) liberauit DKIEJ cett. codd. (liberauerit C) deseruiunt DKIEJ cett. codd. (inseruiunt C [B]) oculata fide DKIEJ (occultata sede C) [filium] suum add. C
On ajoutera à cela les deux omissions que DKIEJ ne partagent pas avec C et, surtout, les nombreuses transpositions de ce dernier : I, 7, 4 II, 2, 6 I, Prol. 6 I, 2, 8 I, 2, 31 I, 2, 38 I, 2, 39 I, 3, 3 I, 3, 9-10 I, 3, 18 I, 3, 22 I, 4, 6 I, 4, 10-11 I, 4, 21 I, 5, 5 I, 7, 5 I, 7, 6 I, 7, 19 I, 7, 21 I, 9, 6 I, 14, 6 II, 2, 35 II, 2, 69 II, 2, 89 II, 2, 98 II, 2, 101 II, 2, 123 II, 2, 134
transferre om. DKIEJ et pater om. DKIEJ inuidentiae ita transp. C candidatum quemdam transp. C sicut ostensum erat puellae transp. C reliquiae sanctae transp. C [Z] quoque ad nos transp. C [O] sicut promisimus miracula transp. C reliquiae erant transp. C Christum dominum transp. C [K] noctis aliquid transp. C eum hinc transp. C [G] esset nulla sibi facultas remeandi transp. C dolens derelinqui transp. C opinionibus de coniuge transp. C tertium fere ante diem transp. C nomine Zumurus transp. C die praecedente transp. C magnus et clamor transp. C et unus eorum transp. C complures essent transacti dies transp. C uiuendi quidem transp. C reuertens festinanter transp. C [O] praegnantibus mulieribus transp. C uerique eius martyris transp. C euoluti si erant transp. C fructus salutis filiae transp. C pagano adhuc transp. C
chapitre viI - la tradition manuscrite
II, 2, 181 II, 2, 186 II, 2, 273 II, 2, 276 II, 2, 286 II, 2, 297 II, 3, 25 II, 3, 34 II, 3, 47 II, 4, 14 II, 4, 30 II, 4, 81 II, 5, 25 II, 5, 26 II, 5, 27 II, 5, 30 II, 5, 53
243
uirum uisu transp. C [M] erigens oculos transp. C [MN] illa ubi transp. C beati Stephani martyris transp. C [F] omnes pariter in laetitiam transp. C perrexerunt cum ea transp. C fere ut dixi transp. C [F] in talibus anima maeroribus transp. C iussa fidelia transp. C aeris caliginosi transp. C cogitaret quis transp. C periculo primitus transp. C [A2] deus dominus transp. C suum angelum transp. C dispensator ille transp. C unum uelut transp. C decantari misericordia transp. C
Malgré cette séparation évidente entre DKIEJ et C, C partage pourtant avec D, K et I quelques variantes qui laissent penser que D, K et I remontent à un modèle plus proche de C que ne le fut celui de EJ : I, 1, 3 I, 1, 6 I, 3, 17 I, 4, 46-47 I, 7, 33 I, 11, 12 I, 14, 24 I, 15, 4 II, 2, 6 II, 2, 24 II, 2, 109 II, 2, 112 II, 2, 112 II, 2, 113 II, 2, 148 II, 2, 177 II, 3, 44 II, 4, 17
sancti CDKI (domini EJ) anteriore tempore CKI -ribus -ribus D (priore tempore EJ) nunc ore nunc corde precando [predicando D] CDKI (non ore loquendo non corde tacendo EJ [corde om. J]) uniuersa [om. I] enarrare cum CDI unicum K (uniuersa uel memoria retinere uel sermone digerere uel stilo mandare cum EJ cett. codd.) meruit CDKI (meruerit EJ) iussum CDKI (uisum EJ) romanorum CDKI (-narum EJ) mortuus catechumenus transp. CDKI [maritus] et add. CDKI manducare CDKI (mandere EJ) atque amicum CDKI (atque amicissimum EJ cett. codd.) quia – constringere post posse transp. CDKI inquit om. CDKI de hac causa penitus transp. CDKI expergefacta CDKI (experrecta EJ) sanitas CDKI (salus EJ) ipse nunc C ipse nunc et CDI ipse tunc et K (ipse tunc etiam EJ) insipienter [-tes K] sapientes [-ter D] putant CDKI (insipientes putant EJ)
244 II, 4, 27 II, 5, 9 II, 5, 85
troisième partie
est om. CDKI Carthaginensis CDKI (Carthaginiensis EJ) eleuatus est C est eleuatus DKI (est subleuatus EJ)
Si E et J sont manifestement apparentés, E ne semble pas avoir servi de modèle à J. D’une part, l’organisation du légendier sur Étienne dans le ms. J n’est pas la même que dans le ms. E (cf. supra), et d’autre part, quelques variantes séparent les deux manuscrits : I, 1, 45 I, 3, 4 I, 3, 19 I, 4, 23 I, 5, 7 I, 6, 22 I, 7, 31 I, 8, 3 I, 12, 10 II, 1, 42 II, 2, 62 II, 2, 77-78 II, 4, 46 II, 4, 78 II, 5, 44
in om. E uelatam cathedram transp. J [I] intra ipsos quoque E (et intra ipsos J [CDI]) et J [C] (ac I [DKIE]) et in quod J [CKI] (et quod E [D]) nunc E (ne J [CDKI]) quia J (quod E [CDI]) mane J (sane E [CDKI]) recepta J [C] (percepta E [DKI]) defraudandam J [CI] (-dandum E [DK]) ego E (ergo J [CDKI]) in uia cum declinandorum – urebat secessisset subito E [C] (in uia declinandorum – urebat subito J [DI]) memblonitano J [K] (memblotutano E [CK2I]) eius E (meum J [CDI]) quod J[K] (quo E [CDI])
Enfin D n’a pu servir de modèle à I, comme l’indiquent les variantes suivantes et spécialement plusieurs omisions de D que ne commet pas I : I, 1, 11 I, 1, 15 I, 4, 23 I, 11, 17 I, 15, 9-10 II, 2, 15 II, 2, 39 II, 2, 112 II, 2, 292 II, 2, 298
tacite D (tacita I [CKEJ]) est om. D te per om. D domum om. D [C] lamentantis dolorem om. D utique om. D reuebatur D (exuebatur I [CEJ]) inquit om. D [C] a om. D etiam om. D
Les manuscrits K et I sont manifestement très proches et partagent un certain nombre de caractéristiques : I, 2, 15-17 I, 2, 48
et reliqua KI (filii – deorsum CDEJ) sanctae istae om. KI
chapitre viI - la tradition manuscrite
245
filiis KI (filiorum CDEJ) curati KI D (sanati CEJ) se latus aeger KI C2 (in se latus aeger DEJ se latus aegra C) percussa KI D (perculsa CEJ) interposito om. KI et – meruit KI D (ut – meruit C ut – meruerit EJ) nondum plenam adhuc KI (plenam adhuc D nondum plenam C nondum adhuc plenam EJ) I, 11, 15 [fuisse] ait om. KI I, 15, 9-10 lamentantis [-tatis K] dolorem KI (om. CDEJ) I, 15, 12 baptismum paruulo traditur KI (-mus p. tr. EJ –mum p. tradit CD) I, 15, 14 spirituales KI (spiritales CDEJ) II, 1, 32 proferebatur KI (praeferebatur CDEJ) II, 2, 54 Carthaginiensi KI (Carthaginensi CDEJ) II, 2, 254-255 respondit illi mulierculae KI (illi m. r. transp. CDEJ) II, 3, 28-29 in ipsa apotheca perpessus KI (in ipsa p. ap. transp. CDEJ) II, 5, 3 domni KI (domini CDEJ)
I, 4, 24 I, 4, 45 I, 5, 7 I, 6, 7 I, 7, 23 I, 7, 33 I, 11, 14
Toutefois, K ne peut être le modèle de I, car il présente trop de variantes par rapport à lui et, surtout, il fournit de toute évidence un texte contaminé avec un manuscrit d’une autre famille, comme le suggèrent les passages très nombreux où K se sépare de CDIEJ : I, 2, 8 I, 2, 46 I, 3, 25 I, 4, 14-15 I, 4, 45 I, 5, 11 I, 6, 11 I, 7, 30 I, 8, 7 I, 9, 3 I, 10, 5 I, 11, 5 I, 12, 19 II, 1, 30 II, 1, 33 II, 1, 37 II, 1, 40 II, 1, 46
paruulum K [cett. codd.] (om. CDIEJ) sint K [β FVZ MNR] (sunt CDIEJ [L BRO]) non K [β FLVZ δ] (nonne CDIEJ [V B2]) reuerendam uisu non K [HS LV] (reuerenti uisu CDIEJ [A B2]) suscitati K [β cett. codd. ] (resuscitati CDIEJ) implorari K [S L MNRB] (implorare CDIEJ [cett. codd.]) ubi iacebat K [β cett. codd.] (in quo iacebat loco [loco om. I] CDIEJ) credo K [β cett. codd.] (id eo factum [credo] add. CDIEJ) uim [facere] om. K [H] eorum unus K [AS cett. codd.] (unus eorum H et eorum unus DIEJ et unus eorum C) ipsi K [β FLP] (ipsae CDIEJ [cett. codd.]) umbra K (uerba CDIEJ [cett. codd.]) plena K [AS] (plana CDIEJ [cett. codd.]) res ipsae K [S cett. codd.] (ipsae res transp. CDIEJ) mirabilia K [S cett. codd.] (miracula CDIEJ) maior quoque K [S cett. codd.] (quoque maior transp. CDIEJ) siue quia K [S MNO] (quia sine CDIEJ) domni K [domini S cett. codd.] (om. CDIEJ)
246
troisième partie
atque corrigere K [cett. codd.] (om. CDIEJ) ac K [cett. codd.] (atque CDIEJ) mulieres uiris K [cett. codd.] (uiris mulieres transp. CDIEJ) quod expedit K [S cett. codd.] (quae expediunt CDIEJ) se K [S cett. codd.] (om. CDIEJ) quid K [S cett. codd.] (quod CDIEJ) et quantum ualuit K [S MB] (om. CDIEJ [cett. codd.]) sese conuertit K [S F δ] (conuertit sese transp. CDIEJ) quodam K2 [S cett. codd.] (quadam K CDIEJ) suum lectum K [S L] (lectum suum transp. CDIEJ) gustatu K [L MN] (gustu CDIEJ [cett. codd.]) insipientes sapientes putant K [H] (-ter –tes p. CI –ter –ter p. D insipientes p. EJ) II, 4, 35 idonei K [AH cett. codd. ] (idoneis A2 CDIEJ) II, 4, 35 euoti K [euocati AH cett. codd. aduocati F B] (om. CDIEJ) II, 4, 37 illius cerulei globus K [AH cett. codd.] (ille draco CDIEJ [B2]) II, 4, 50 [angelus] et add. CDIEJ II, 4, 53 e(x) cera K [AH δ] (om. CDIEJ) II, 4, 61 profecto K [AH cett. codd.] (om. CDIEJ [V B2]) II, 4, 61 [cœpit] tamquam add. CDIEJ II, 4, 64 uel sequentis K [AH δ] (uel om. CDIEJ) II, 4, 66 illud K [AH cett. codd.] (om. CDIEJ) II, 4, 66 [pridie] gestum add. CDIEJ II, 4, 72 illa K [AH cett. codd.] (om. CDIEJ) II, 5, 17 multorum K [AS cett. codd.] (om. CDIEJ) II, 5, 21 nec de quo diceret K [AS cett. codd.] (om. CDIEJ) II, 5, 28 terribili K [S M] (terribilis CDIEJ [A cett. codd.]) II, 5, 32-34 retracto animo recreatus K [AS cett. codd.] (recreato animo [animo recreato transp. I] confortatus CDI EJ) II, 5, 55 potestatis K [AS δ] (potestati CDIEJ) II, 5, 62 detraxeris K [S] (om. CDIEJ) II, 5, 81 a quo K [S cett. codd.] (atque CDIEJ) II, 5, 93 se etiam K [S cett. codd.) (etiam se transp. CDIEJ [L]) II, 5, 100 substratus K [F MNR subtratus S] (prostratus CDIEJ) II, 5, 105-106 rario – secretis K [S cett. codd.] (om. CDIEJ) II, 5, 106 pater K [noster cett. codd.] (om. CDIEJ) II, 5, 106 tardis tardus K [S MNRO] (tardus S2 C om. DIEJ) II, 2, 11 II, 2, 12 II, 2, 122 II, 2, 126 II, 2, 150 II, 2, 236 II, 2, 246-247 II, 2, 250 II, 2, 256 II, 2, 283 II, 3, 53 II, 4, 17
Comme on peut le voir à partir des exemples qui précèdent, K a manifestement un texte contaminé que l’on ne retrouve pas dans I. S’il est difficile de déterminer avec certitude à quelle autre branche il se rattache, c’est sans doute parce qu’il s’agit de la famille β, dont nous n’avons que trois manuscrits lacunaires. Il est en tout cas presque toujours en accord avec l’un ou l’autre manus-
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crit de cette famille, avec laquelle il partage seul quelques leçons isolées (cf. I, 12, 19 plena ; II, 4, 17 insipientes sapientes putant ; II, 5, 62 detraxeris). I ne peut donc dépendre directement de K, mais il peut avoir été copié sur un exemplaire semblable à celui que K ou son modèle a contaminé avec un manuscrit de la famille β. Les six manuscrits CDKI EJ dérivent donc tous d’un ancêtre commun qu’il convient de situer dans le Nord-Ouest de la France (C provient de Saint-Aubert de Cambrai, D de l’abbaye de Marchiennes, K de Saint-Omer, I de Saint-Bertin, E de l’abbaye d’Anchin et J de Flandres, comme l’avait bien supposé Fr. Dolbeau, et non de Saint-Wandrille). À la suite des deux livres du De miraculis, l’ancêtre de ces six manuscrits devait sans doute déjà transmettre, comme eux, un complément constitué des sermons 320-322 d’Augustin, auquel C, D et E donnent le titre de Liber tertius. C’est à partir de témoins de cette famille (peutêtre C et/ou D) que les Bénédictins ont édité jadis le texte. L’ancêtre commun à la classe des manuscrits MNR BO[T], SAH et CDKI EJ doit être à notre avis un exemplaire plus récent que celui de la classe α. Tous ces manuscrits, sauf T qui a omis le prologue, comportent en effet, entre le prologue et le chapitre I, un texte de quelques lignes qui n’est ni un titre, ni une introduction, mais une sorte d’avant-propos : Textus divinorum operum quae ostensa sunt per beati protomartyris Stephani venerabile meritum mandata quoque notitiae fidelium ab Evodio in ecclesia Uzali cuius urbis pontificatum administrabat sacerdos dignissimus, Aurelio tunc temporis Augustino apud Hipponem dominicae sationis dispensationis constituto.
Ces lignes ne figurant dans aucun manuscrit de la classe α, il est probable qu’elles ne remontent pas à l’origine de la collection, mais qu’elles sont le fait d’un éditeur savant, qui connaissait d’une part le gentilice d’Augustin, transmis par très peu de textes, et d’autre part les pressions augustiniennes exercées sur Evodius et qui aura voulu, après le prologue évoquant la figure d’Evodius, souligner la responsabilité de l’évêque d’Uzalis dans la composition et la diffusion du recueil. Il y a là les signes d’une érudition qui a toutes les chances d’être carolingienne15. Notre regretté collègue P. Force était d’un avis contraire. Selon lui, ce texte remonterait à l’origine de la collection, l’allusion aux pressions augustiniennes supposant un auteur contemporain des faits. Par ailleurs, la mention Aurelio Augustino lui semblait faire difficulté à cause de la rareté du gentilice d’Augustin et en raison du tunc temporis qui sépare Aurelio et Augustino. Les textes contemporains associant souvent Augustin et son ami Aurèle de Carthage, P. Force proposait de corriger Aurelio tunc temporis , Augustino apud Hipponem et supposait que quelque scribe, connaissant le gentilice d’Augustin, mais à qui Aurèle ne disait rien, avait supprimé la mention de l’évêque de Carthage. La conjecture est évidemment subtile, 15
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On ajoutera enfin que, contrairement aux manuscrits du groupe α, les manuscrits de cette classe présentent des titres de chapitre au livre I, dans lesquels nous voyons un autre signe d’un remaniement éditorial ne remontant pas non plus à l’original16. 3. Conclusion, stemma codicum et principes d’édition D’après ce qui précède, on peut séparer les manuscrits en deux grands groupes et dresser le stemma suivant : De miraculis
α
(Fleury) ixe
F xe
G
δ
(Metz?)
(Chalons)
M
R
B O
N P
xve
Z
A
S H K
T C
xiiie
ε
(nord-ouest)
V
xie
xiie
β
(Cambrai, Valenciennes)
E
D I
J
L
Pour ne pas trop multiplier les sigles grecs et éviter de rendre l’apparat illisible, nous n’avons rassemblé sous ceux-ci que la classe α et les trois familles β, δ, ε sans distinguer les sous-familles VZ, BO ou encore DKI ou EJ. Nous n’avons pas non plus donné de sigle au sous-archétype de β, δ, ε dans la mesure mais elle n’a malheureusement aucun appui dans la tradition manuscrite, ce qui a poussé le groupe à la rejeter. 16 C’est la raison pour laquelle nous avons édité, entre crochets droits, tous les titres de chapitres, dont certains sont d’ailleurs de la main des éditeurs modernes.
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où les manuscrits de ce groupe sont beaucoup moins souvent en accord que ceux du groupe α. On sait que depuis un certain temps, l’édition des textes aussi bien anciens que médiévaux est au centre d’un vif débat qui n’est sans doute pas près d’être clos17. Non seulement, l’édition critique est parfois regardée aujourd’hui comme un mythe18, mais en outre, devant la « mouvance » particulière du texte hagiographique, beaucoup ont trouvé une raison supplémentaire de renoncer à l’effort de tracer un stemme et à l’ambition de fournir un texte utopiquement « pur »19. Nous croyons pourtant que la constitution des stemmes peut seule rendre compte de la réception du texte et de la pratique médiévale des éditeurs et des scribes20. Par ailleurs, comme l’a écrit Guy Philippart, « la mode, la paresse, les désillusions ou l’ignorance poussent aujourd’hui beaucoup d’historiens à dénigrer le travail des philologues, dits d’‘autrefois’, qui avaient la prétention de reconstituer l’archétype perdu, voire l’original, et n’auraient abouti le plus souvent qu’à des reconstitutions incertaines ou simplement fantaisistes21. » Notre édition est donc une édition traditionnelle dans laquelle nous avons voulu fournir le plus de renseignements possibles et l’essentiel des variantes en apparat pour servir à la fois à l’histoire du texte, à l’étude du latin et du travail des copistes et pour permettre aux chercheurs de déterminer, chez les utilisateurs du De miraculis, de quelle famille ou éventuellement de quel manuscrit ils se sont servis. Nous avons donc refusé l’eliminatio codicum drastique que pratiquent volontiers les éditeurs de textes classiques, ce qui nous a permis de retenir dans l’apparat critique le plus de variantes possibles. Notre texte repose ainsi sur la
Voir, par exemple, le volume collectif édité par J. Hamesse, Les problèmes posés par l’édition critique des textes anciens et médiévaux, Louvain-la-Neuve, 1992 (Textes, études, congrès, 13). 18 Cf. notamment C. Sirat, « Les éditions critiques : un mythe ? », dans J. Hamesse (éd.), Les problèmes posés par l’édition, p. 159-171. 19 Jadis, H. Delehaye, Les Passions des martyrs et les genres littéraires, Bruxelles, 2e éd., 1966 (Subsidia hagiographica, 13b), p. 272, écrivait déjà : « On ne peut que s’étonner (...) d’entendre certains érudits réclamer, à propos de vieux textes hagiographiques, le tableau généalogique des manuscrits ou l’arbre de descendance, et de parler de la recherche de l’archétype. » 20 C’est ce qu’a rappelé récemment M. Goullet, Écriture et réécriture hagiographiques, spéc. p. 241-244. On lira aussi (en essayant de ne pas se laisser décourager par ses exigences) le remarquable petit livre de R. B. C. Huygens, Ars edendi. Introduction pratique à l’édition des textes latins du moyen âge, Turnhout, Brepols, 2001, qui écrit p. 28 : « Plus vous étudiez de manuscrits et plus vous vous rendrez compte combien, et par qui, un texte était lu, et pour quelle raison, et à quel groupe d’intéressés l’auteur a dû sa renommée ou même sa survie ... Si vous parvenez à établir de tels détails, vous aurez en même temps apporté une contribution à l’histoire de la vie intellectuelle du Moyen âge. » 21 G. Philippart, « Le manuscrit hagiographique latin comme gisement documentaire. Un parcours dans les Analecta Bollandiana de 1960 à 1989 », dans M. Heinzelmann (éd.), Manuscrits hagiographiques, p. 31. 17
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collation des 21 manuscrits22 ; toutefois, nous n’avons tenu compte dans l’apparat qu’exceptionnellement du manuscrit T, dans la mesure où il s’agit d’une version abrégée du De miraculis, rédigée à partir du manuscrit B23. Il n’apparaît donc dans notre apparat qu’à de rares occasions, spécialement pour conforter des leçons minoritaires que nous avons pourtant privilégiées ou pour montrer sa parenté étroite avec B. Aucune des deux classes que nous avons distinguées ne nous est apparue supérieure à l’autre et le critère de l’ancienneté de F et V ne nous a pas semblé pouvoir justifier qu’on les suive plus que les autres dans la mesure où il s’agit de manuscrits carolingiens très correcteurs, qui gomment volontiers les traits caractéristiques du latin « vulgaire » présents dans notre texte24. On sait d’ailleurs aujourd’hui qu’il est souvent dangereux de privilégier, sur le seul critère de leur ancienneté, les manuscrits carolingiens dans la mesure où l’on a beaucoup copié à l’époque carolingienne, « ce qui accélère la dégradation » des textes25. Nous avons donc, en cas de désaccord entre les manuscrits, choisi de suivre, chaque fois que cela était possible, les leçons représentées dans des manuscrits des deux grandes classes (en privilégiant d’abord les accords entre α et une ou deux familles de l’autre classe, puis les accords entre des sous-familles de chaque classe, enfin, à défaut les accords entre des manuscrits isolés de chacune des classes). Lorsque les deux grands groupes s’opposent, nous avons retenu les leçons expliquant au mieux, selon les mécanismes de la faute ou de la correction, les variantes de l’autre groupe. Nous n’avons évidemment pas caressé l’illusion de parvenir ainsi à recomposer l’archétype original du De miraculis, mais à approcher au moins de ce que devait être l’archétype pré-carolingien auquel remonte la tradition manuscrite médiévale. Notre apparat, conforme aux normes des éditions du Corpus christianorum, est un apparat négatif, mais qui reprend en début de chaque unité critique la Nous avons renoncé à un manuscrit du Mont Cassin (Montecassino 12, xie s.) dont nous n’avons jamais pu obtenir le microfilm. 23 Nous aurions pu être tentés de l’éliminer purement et simplement en tant que codex descriptus de B, mais il s’agit en fait plutôt d’une réécriture et l’on sait de toute façon aujourd’hui qu’il ne faut pas rejeter systématiquement les codices descripti. On lira à ce sujet les intéressantes remarques de L. E. Boyle, « ‘Epistulae venerunt parum dulces’. La place de la codicologie dans l’édition des textes latins médiévaux », dans J. Hamesse (éd.), Les problèmes posés par l’édition, p. 207-222, qui écrit notamment (p. 217) : « Le ‘codex descriptus’ peut avoir été en possession d’un chercheur de valeur ayant eu accès à des manuscrits ou à des témoignages qui n’existent plus et dont il a extrait des notes ou relevé des lectures différentes. Lors d’un examen codicologique soigneux, elles peuvent prouver qu’elles véhiculent des conjectures ou des lectures qui ne peuvent pas être négligées. » C’est bien le cas de T. 24 À ce sujet, cf. l’article de J. Meyers, « Un copiste carolingien au travail ». La plupart des remarques qui y sont faites sur le copiste de F ou à peu près pourrait aussi bien s’appliquer au copiste de V. 25 P. Bourgain - F. Viellard, Conseils pour l’édition des textes médiévaux. Fascicule III : textes littéraires, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, École nationale des chartes, 2002, p. 12. 22
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leçon retenue, sauf dans les cas d’additions, d’omissions et de transpositions. Nous y avons aussi intégré les lectures des premiers éditeurs du texte (ed.) afin de faciliter la comparaison entre notre édition et celle des Mauristes reproduite dans la Patrologie (PL 41, col. 833-85426). En ce qui concerne l’orthographe, n’ayant pris aucun codex comme manuscrit de base, nous avons décidé de ce fait de la normaliser, mais sans jamais toucher aux graphies non classiques présentes dans l’ensemble des manuscrits.
Il s’agit du texte publié en 1685 dans la grande édition bénédictine des œuvres d’Augustin, t. VII, en appendice à la Cité de Dieu. Ce texte a été repris aussi, avec une traduction de Charpentier, dans les Œuvres complètes de saint Augustin, t. XXV, Paris, 1870, p. 162-192. Nous n’avons pas vu les trois éditions antérieures (Louvain 1564, Louvain 1576 et Cologne 1618) mentionnées dans la BHL. Quant à la nouvelle édition de J. Hillgarth annoncée dans la Clavis Patrum Latinorum (Bruges, 1961, n. 391), elle n’a à notre connaissance jamais vu le jour. 26
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Quatrième partie
De miraculis sancti Stephani libri duo (Texte latin et traduction)
conspectvs siglorvm F Orléans, Bibliothèque municipale 337, f° 16-82 G Orléans, Bibliothèque municipale 197, f° 8-11 P Paris, Bibliothèque Nationale, Lat. 12606, f° 1 et 182 L Vatican, Lat. 1188, f° 91-100 V Vatican, Palatinus 856, f° 16-23 Z Wolfenbüttel, Herzog August Bibl. 2738, f° 31-35
ixe-xe
M Châlons-sur-Marne, Bibliothèque municipale 73, f° 19-38 N Paris, Bibliothèque Nationale, Lat. 3822, f° 41-76 R Paris, Bibliothèque Nationale, Lat. 10844, f° 44-75 B Bruxelles, Bibliothèque Royale, II, 973, f° 83-104 O Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 21585, f° 59-84 [T Bruxelles, Bibliothèque Royale 12131-50 (2156), f° 151-157
xie
A Valenciennes, Bibliothèque municipale 517, f° 16-28 H Rouen, Bibliothèque municipale 1389 (U 35), f° 82-86 S Cambrai, Bibliothèque municipale 846, f° 75-99
xie
C Cambrai, Bibliothèque municipale 856, f° 36-52 D Douai, Bibliothèque municipale 842, f° 112-130 K St-Omer, Bibliothèque municipale 715 (II), f° 145-155 I St-Omer, Bibliothèque municipale 716 (VI), f° 47-55 E Douai, Bibliothèque municipale 837, f° 146-155 J Paris, Bibliothèque Nationale, Lat. 5296 B, f° 344-367
xiiie
ed. Migne, PL 41, col. 833-854 a b d e
consensus codicum FGPLVZ consensus codicum AHS consensus codicum MNR BO [T] consensus codicum CDKI EJ
cett. ceteri codices codd. codices omnes A2, B2, C2, etc. emendationes manu scriptoris Apc, Bpc, Cpc, etc. emendationes posteriores Aac, Bac, Cac, etc. lectiones ante emendationem
xe xiie xve xe xiie
xie-xiie xie xie xie xiie-xiiie]
xie-xiie xie
xiie xiie xiiie xiie xiiie
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quatrième partie
LIBER PRIMVS [Prologvs]
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Quoniam sanctus Raphael angelus nos adhortari dignatur ut opera Dei non tam in abdito collocemus quam potius pro Dei gloria in aperto pandamus, monens et dicens : Sacramentum regis bonum est abscondere, opera autem Dei reuelare et confiteri honorificum est, quia, sicut cognitis fidem non adhibere infidelitatis est, ita inuidentiae est in aedificationem aliorum nolle cognita praedicare, propterea, beatissime Papa Euodi, iussis paternitatis tuae studiose obtemperare curaui, non tam fisus uiribus meis quam adiutus, gratia Dei, sanctis orationibus tuis ; ut ea quae per patronum nostrum Stephanum primum martyrem suum operatus est apud nos Christus et adhuc operari dignatur, non maliuola taciturnitate supprimerem quo ceteri fraudarentur, sed magis pia deuotione narrarem, quo amici Dei gloria fraternis auribus intimetur ; nec ingenio et lingua aliquid quasi exaggerare praeualentes, sed ipsarum rerum ueritatem, prout Deus donauerit, fideliter explicare cupientes, ut ipsa nostra narratio non tam uerborum pompam audeat quaerere, sed potius mendaciorum fucum studeat declinare, ita ut ubicumque res postulauerit, ipsorum quoque hominum uerba, sicut ab eis dicta sunt, simpliciter ponere non debeamus erubescere. Magis enim placent bonis et religiosis quaecumque dicuntur uera, etiam uitiosis uerbis, quam falsa politis et ornatis. Sane non ob hoc nos quispiam arbitretur uoluisse ista narrare, quasi aliquid nos gloriae beato martyri uideamur praes-
4-5 Sacramentum – est] Tb. 12, 6-7 I, Prol. FLVZ AS δ ε 1 Titulus abest in B E incipit prologus in libro miraculorum sancti stephani prothomartyris apud urbem uzalem gestorum S C (fort. VF) prologus miraculorum sancti stephani A incipit de mirabilibus s. stephani prothomartyris L incipit prologus in miraculis s. stephani prothomartyris D prologus in libros martyris s. stephani MN in (?) libros de miraculis sci stephani prothomartiris christi euodii episcopi uzalensis Z prologus in libro miraculorum s.s. R prologus in libro miraculorum s.s. prothomartiris O prologus de miraculis s. [sci K] stephani prothomartiris [christi add. I] KI 2 angelus] arch- LV 3 abdito] codd. abscondito ed. quam] quin V2 4 monens et om. Z dei om. Z 5 est om. Z 6 inuidentiae ita transp. C praedicare] manifestare Z 7 papa] pater L euodi] euuodi K euodius V hermodi L obtemperare studiose transp. A 8 fisus] fidus F gratia dei sanctis om. L in [gratia dei] add. VZ [dei] et add. A2 E in mg. B2 s.l. ed. sanctis] -i K 10 apud nos christus operatus est transp. C 11-12 supprimerem...narrarem (narrarem ex narrem F2)] supprimere...narrare L β δ ε ed. 11 fraudarentur] -dentur β C 12 amici] amicis Z2 fraternis] -nis ex -nas Z2 -nitatis β C intimetur] intimaretur VZ nec ex non V2 13 aliquid] codd. ( aliqui J) aliqua ed. quasi om. V rerum om. BO rest. in mg. B2 ueritatem] uarietatem N 14 explicare] explorare O 15 pompam om. L studeat] studeant O 16 postulauerit ex -laret M2 18 et] ac FVZ ed. 19 et] ac Z [ornatis] uerbis add. ed. 19-20 sane – praestare om. L 19 arbitretur add. in mg. B 20 uoluisse om. Z ista uoluisse narrare transp. A
de miraculis sancti stephani libri duo
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Livre premier [Prologue] L’ange saint Raphaël veut bien nous inciter à ne pas garder les œuvres de Dieu dans le secret, mais bien plutôt à les faire paraître au grand jour pour la gloire de Dieu, quand il nous dit comme un avertissement : « Le secret du roi, il est bon de le cacher, mais les œuvres de Dieu, c’est un honneur de les révéler et de les faire connaître1 » ; car, si l’on manifeste un scepticisme coupable quand on n’ajoute pas foi à ce qu’on sait, on obéit à un égoïsme jaloux quand on refuse de proclamer ce qu’on sait pour l’édification d’autrui ; et c’est pourquoi, bienheureux Père Evodius2, j’ai mis tous mes soins à obéir aux ordres de ta Paternité, en plaçant ma confiance bien moins dans mes forces que dans l’aide, par la grâce de Dieu, de tes saintes prières : les œuvres que par l’intermédiaire de notre patron Étienne, le premier de ses martyrs3, le Christ a accomplies parmi nous et qu’il veut bien encore accomplir, je ne les étoufferai pas sous le silence par une malveillance qui en priverait les autres ; j’aime mieux en faire le récit par une pieuse dévotion, afin que mes paroles fassent entrer dans le cœur de mes frères la gloire d’un ami de Dieu, sans prétendre en rajouter, si j’ose dire, grâce au talent et à des effets de style, mais en désirant exposer fidèlement la vérité des faits eux-mêmes, dans la mesure des capacités que Dieu nous accordera, si bien que notre récit se gardera d’utiliser des mots pompeux, et s’appliquera plutôt à éviter les maquillages menteurs. En conséquence, partout où le sujet le demandera, ce sont les mots des acteurs eux-mêmes, tels quels, que nous devrons citer tout simplement, sans en rougir4. Les hommes honnêtes et religieux préfèrent en effet dans tous les cas les paroles vraies, même si l’expression en est fautive, aux mensonges, énoncés dans un style élégant et fleuri. Que personne surtout n’aille s’imaginer que, si nous avons entrepris ce récit, c’est avec l’idée qu’on nous verrait donner un surcroît de gloire au bienheureux martyr, puisque notre
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quatrième partie
tare, quando quidem illi nec tacendo demere nec loquendo quidquam possimus conferre. Ipsa quippe uirtutum miracula nullo humanae linguae praeconio indigent, iam ubique per se sonantem exserunt tubam ; sed tantum nostram deuotionem ad fratrum aedificationem pro recipienda oboedientiae mercede cum hilaritate uolumus demonstrare, metuentes quoque quod ab ipso Domino legimus terribiliter dictum esse : Si uos tacebitis, lapides clamabunt. Quaeso autem etiam uos omnes, quotquot haec audire uel legere pie ac religiose uolueritis, ut huius peccatoris ultimi qui hoc in nomine Domini scripsi, semper in sanctis orationibus uestris meminisse dignemini. Et si quid a nobis rusticiter profertur, non indignemini, sed tantum quia ueraciter dicitur, delectemini.
Capvt primvm [De ampulla sanguinis famulae Dei per somnium ostensa]
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Cum igitur adhuc nullus saltem rumor esse potuisset quo ad nos indignos sancti Stephani in martyrio primi Confessoris Christi reliquiae uenturae essent, non enim hoc fieri posse aut in cogitatione habebamus aut suspicari poteramus, ecce iam ex anteriori tempore coepit idem gloriosus quibusdam apud nos sanctis animis se ipsum reuelare. Nam cum quodam loco uel die sermo supradictarum reliquiarum ab his seruis Dei fieret, qui easdem sibimet de Orientis partibus missas nobis nescientibus haberent, adfuit in sermone quaedam sacra famula
23 per se – tubam] cf. Aug., Doctr. IV, 12, 32 ( ?) 26 Si – clamabunt] Lc. 19, 40 21 possimus] possumus α J (corr. J2) 22 indigent iam] indigentia VZ indigentia iam FL 23 per se sonantem] scripsimus per se tonantem FVZ personantem L β δ ε ed. exserunt] exere L 24 ad fratrum aedificationem] ad futuram aed. J (corr. J2) uel aed. R om. L 25 hilaritate] humilitate DIJE ed. uolumus] uoluimus FVZ ipso om. A 26 dictum esse terribiliter transp. V esse om. Z quia [si] add. Z lapides add. in mg. Z 27 etiam om. F ed. haec om. L audire haec transp. BM uolueritis pie ac religiose transp. Z 28 scripsi] scripsit KIJE in sanctis (sanctis ex universis S2) orationibus uestris] in uniuersis s. orat. A uniu. orat. C 29 et] ut S C 30 quia...dicitur] his (s.l.) quae...dicuntur F quia dicitur et delectemini uer. transp. C in fine explicit prologus add. β CIJ finit prologus add. M O KDE Caput 1 FLVZ AS δ ε 1 Incipit abest in α textus diuinorum operum quae ostensa sunt per beati prothomartyris (proto- KD) Stephani (st. pr. transp. C) uenerabile meritum, mandata quoque notitiae fidelium ab euodio in ecclesia uzali (uzalensi A), cuius (urbis add. M KDI ed.) pontificatum administrabat (amm- B I) sacerdos (pontifex E) dignissimus, aurelio (-lius DIJE) tunc temporis augustino (-nus DJE) apud hipponem dominicae sationis dispensatore (dispensationis D) constituto add. δ β ε 2 Titulus abest in codd. 3 cum] dum LM igitur] utique apud nos V adhuc om. V N post rumor transp. BM ed. quo] qd F ad] apud V indignos om. V 4 sancti] domini FVZ JE s. domini S in om. V A E 5 aut in cogitatione add. in mg. V 6 iam om. ed. anteriori tempore] -ribus -ribus Z β D -re -re F S2 MN CKI priore tempore EJ quibusdam om. L 7 ipsum om. C die uel loco transp. B sermo om. A 8 seruis (iter. K ut uid.)] sermo A sibi [sibimet] add. B de] ab Z 9 nobis iter. L haberent] codd. habebant ed. [quaedam] etiam add. FVZ E ed. sacra famula dei] famula dei Z δ etiam mulier sacra famula dei FL ed.
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silence ne saurait en rien la diminuer ni nos paroles l’accroître. En eux-mêmes les miracles, effets de la puissance divine, n’ont nul besoin d’être proclamés par la parole humaine5, déjà partout ils font résonner d’elle-même la trompette6. Ce que nous voulons simplement montrer, afin de recevoir le salaire de félicité que mérite l’obéissance, c’est notre dévouement à l’édification de nos frères7. Nous ne lisons pas non plus sans crainte la parole terrible du Seigneur lui-même : « Si vous vous taisez, les pierres hur leront. » Et puis, je vous en prie, vous tous qui, dans la piété et la ferveur, souhaiterez écouter ou lire ces récits, veuillez vous souvenir toujours dans vos saintes prières du dernier des pécheurs que je suis, moi qui ai écrit cet ouvrage au nom du Seigneur. Et pour ce qu’il peut y avoir de vulgaire dans notre expression, ne nous en veuillez pas, mais laissez-la vous charmer pour la seule raison qu’elle est vraie. Chapitre 1 [Une servante de Dieu voit apparaître en songe une ampoule de sang.] Donc, à un moment où ne pouvait pas encore avoir circulé même le moindre bruit qu’allaient venir chez nous, qui en sommes indignes, les reliques de saint Étienne, premier confesseur du Christ dans le martyre (en effet, nous ne pouvions ni penser ni soupçonner que cela pût arriver), voici que, devançant les événements, ce glorieux martyr commença à se révéler lui-même à quelques âmes saintes parmi nous. En effet un jour où, quelque part, ces reliques faisaient l’objet de la conversation entre les serviteurs de Dieu à qui elles avaient été envoyées personnellement d’Orient et qui les possédaient sans que nous le sachions, assistait à la conversation une femme consacrée8
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Dei, quae ubi hoc audiuit, ut euenire adsolet, non facile credidit, et apud semet ipsam tacite dicere coepit : « Et quis scit si uere martyrum sunt reliquiae ? » Statim sequenti nocte per somnium ampulla quaedam eidem demonstratur, intra se habens sanguinis quamdam aspersionem et aristarum quasi ossuum significationem, quam presbyter quidam manu tenens germano eius monacho illa praesente locutus est dicens : « Vis scire quomodo martyrum probentur reliquiae ? » Quo dicto, ampullam eius ori injecit, et mox flamma ignis per aures eius atque oculos euomi coepit. Hoc quomodo re ipsa manifestum sit dignanter accipite. Ampullam sicut oculis suis uidit ancilla Dei in somnii reuelatione, sic inter manus suas accepit postea sacerdos Dei in ipsius rei manifestatione. Et quod illa quamdam dubitationem prius in se habuit, eamdem nunc in quibusdam res ipsa manifestauit. Quod deinde ignis per ampullam aures atque oculos comprehendit, quid aliud tunc praesignauit nisi quod praedicatio sanctarum reliquiarum perueniens ad os monachorum, unum corpus Ecclesiae per auditum atque uisum claritatis Dei igne succendit, ut omnes merito dicerent : Sicut audiuimus, ita et uidimus. Nec quod ille presbyter apparuit qui ad os monachi ampullam applicuit quae ignem emisit, inane fuit. Is enim erat qui, nuper ex Oriente rediens et de sanctis reliquiis quas illic uiderat in ore seruorum Dei uerbum ponens, quasi ampullam admouit et sancto igne succendit. Sed iam uellem ad euidentiora et manifestiora patroni nostri Stephani transire miracula, nisi ad rem pertinere existimarem alteram adhuc Sanctitati uestrae proferre uisionem. Quam peto ut patienter et, sicut arbitror, non infructuose audire dignemini.
25 Sicut – uidimus] Ps. 47 (48), 9 10 ut] aut K 11 tacite] -ta CKIJ (corr. J2) E -to FVZ om. A O et om. Z martyrum] -ris A Z (corr. Z2) BT uere – reliquiae] uere rel. mart. sint Z 12 statim om. V [statim] autem add. F ed. sequenti] sequente β BM somnium] somnum β ampulla quaedam eidem demonstratur] amp. qu. eiusdem dem. DKJE amp. qu. ei dem. A ostensa est ei ampulla quaedam V 13 ossuum] ossium L RB I ossum Z R2 15 praesente] proferente M est om. D dicens om. VZ probentur] -bantur VZ CD probentur martyrum transp. A 16 dicto ex dictu V2 ori eius transp. S L V (qui eius iter.) eius iniecit ori transp. DI 18 re ipsa manifestum sit] res ipsa manifesta sit L postea re ipsa manifestum sit V re ipsa postea manifestum sit Z res ipsa manifestata sit F ed. ampullam] -a Z suis oculis transp. A 19 in om. A 20 in ipsius manifestatione rei transp. C rei] regi K illa quamdam] aliquantam L 21 post in se transp. prius B et ante dubitationem FVZ ipsa om. DIJ manifestauit] declarauit α ed. 22 deinde] denique I ignis] ardente igne F igne ed. 23 tunc om. AC 24 claritatis] caritatis α 25 merito omnes dicerent transp. α dicerent] dicent C 26 os] hos M quae] qui C quae ignem emisit] quae emisit igne O om. Z 27 inane om. O 27-28 inane – ponens om. β 28 quas] quos VZ illic] illuc RBO 29 admouit] amouit F (corr. Fpc) succendit] ac- β 30 manifestiora] -tatiora K patroni stephani transire add. in mg. V nostri om. FLV ed. sancti [stephani] add. Z 31 existimarem pertinere transp. A existimarem ex aestimarem A2 32 proferre uisionem] uis. referre α 32-33 quam – dignemini om. Z N J (add. J2 infra pag.)
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au service de Dieu. En entendant ce dont on parlait, selon une réaction commune, elle ne voulut pas y croire et se mit à dire silencieusement en elle-même : « Et qui sait si ce sont vraiment des reliques de martyrs ? » Or, dès la nuit suivante, apparaît en songe à cette même femme une ampoule qui contenait comme des gouttes de sang et des sortes d’épis qui faisaient penser à des os. Un prêtre la tenait dans sa main et s’adressa à un moine, le frère de la femme, en lui disant devant elle : « Tu veux savoir comment on authentifie les reliques des martyrs ? » Après quoi il lui mit l’ampoule dans la bouche, et aussitôt le moine se mit à vomir des flammes par les oreilles et par les yeux. Ayez la bonté d’écouter comment tout cela se réalisa dans les faits. L’ampoule, telle que la servante de Dieu l’eut sous les yeux dans la révélation d’un songe, telle le pontife de Dieu la reçut ensuite entre ses mains dans la réalité des faits. Et les doutes qu’elle éprouva d’abord se retrouvèrent depuis chez quelques-uns quand les mêmes faits se réalisèrent. Le feu que l’ampoule communiqua ensuite aux oreilles et aux yeux ne préfigurait alors rien d’autre que l’annonce des saintes reliques, gagnant la bouche des moines et enflammant du feu de la lumière divine, par l’ouïe et la vue, le corps unique de l’Église, pour que tous puissent dire avec raison : « Ce que nous avons entendu, nous l’avons vu aussi. » Et même l’apparition du prêtre qui appliqua sur la bouche du moine l’ampoule qui fit naître des flammes n’était pas sans signification. C’était en effet le prêtre récemment revenu d’Orient qui, en plaçant dans la bouche des serviteurs de Dieu le discours sur les saintes reliques qu’il avait vues là bas, approcha en quelque sorte l’ampoule de leurs lèvres, et les embrasa d’un feu sacré9. Je passerais volontiers dès à présent à des miracles plus visibles et plus manifestes d’Étienne, notre patron, si je ne pensais qu’il appartient à mon sujet de rapporter encore à votre Sainteté une seconde vision. Je vous prie d’avoir la bonté de l’écouter : votre patience, j’en suis sûr, aura sa récompense.
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Capvt secvndvm [Vbi uirgini sanctus Stephanus apparuit]
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Alia autem uirgo sacra ad locum antiquorum martyrum in suburbio ciuitatis constitutorum, qui Felix et Gennadius nuncupantur, uidebatur sibi iter facere per somnium, non ea uia qua de ciuitate pergi adsolet compendio, sed aliquantulum deuia et flexuosa. Per hanc uidet aduentare innumeros populos gaudentes sane atque psallentes, cereos et luminaria cum grandi celebritate gestantes, et quasi quemdam candidatum paruulum comitantes, eique iteratis uocibus inclamantes : « Confessor Christi, confessor Christi. » Quem cum ad ecclesiam perduxissent, atque supra pulpitum eleuassent, uidet eumdem par uulum subito manus extendisse et ore proprio populis dixisse : « Ecce habetis martyrem. » Mirabile dictu est quanta huius quoque uisionis ueritas consecuta est ! Nec immerito olim per prophetam diuina uoce dictum est : Ecce dies uenient, dicit Dominus, et dabo de spiritu meo super omnem carnem, et prophetabunt filii uestri et filiae uestrae, et iuuenes uestri uisiones uidebunt, et senes uestri somnia somniabunt ; et super seruos meos et ancillas meas effundam de Spiritu meo ; et dabo signa in caelo sursum et in terra deorsum. Vnde etiam stella ad locum supradictorum martyrum ab his qui tunc in agro fuerunt occurrisse refertur. Iam, si placet, secundae uisionis fructum incipiam ostendere. Igitur post quadraginta ferme dies ex quo ista reuelata sunt, in loco memoratorum martyrum quo illa pergentem se uiderat, susceptis ibi reliquiis, atque sacramentis fidelium celebratis, exinde cantantes atque psallentes cum immensae multitudinis choris, ad ciuitatem regredi coepimus per illam uero uiam quae puellae monstrata est ; portabantur autem sancti episcopi gremio residentis uehiculo
13-17 Ecce – deorsum] Jl 2, 28-29
Caput 2 FLVZ AS δ ε 2 Titulus abest in α item [ubi] add. S MN uirgini om. D s. s. apparuit uirgini transp. KIEJ 4 gennadius] gennarius Z nuncupantur] dicuntur Z 5 pergi adsolet compendio sed] scripsimus p. ads. compendiose L ut uid p. ads. compendiosa sed AB2 compendio p. ads. sed FV ed. compendio p. solet sed Z p. ads. compendiosa S MNR ε 6 innumeros aduentare pop. transp. A 7 cereos et] et cerea AB2T et ceteros δ ε cereos atque V et cereos et ed. 8 candidatum quemdam transp. C paruulum candidatum transp. V paruulum om. CDIEJ 10 perduxissent] pro- K perduxissent...eleuassent ex -sset B2 11 ore] ori S proprio] codd. proximo ed. 12 dictu] dictum F MNRO J 13 dictum] prae- FVZ ed. uenient] ueniunt FZ ε ed. 14 de spiritu meo] spiritum meum L 15-17 filii – deorsum] filii – somniabunt et reliqua β MB et reliqua KI 15 uestri [iuuenes] om. FV uestri3 om. F post somniabunt transp. VZ somnia om. V 16 quidem [super] add. L 17 [et] prodigia add. L etiam] et iam K et Z CD 18 fuerunt] -rant FZ erant V occurrisse] cucurrisse FVZ refertur] dicitur β B [refertur] item unde supra add. RBO 19 iam] nam S MNR O CDKI EJ incipiam] -iamus FVZ 20 ferme quadraginta transp. L loco] locum F memoratorum ex -to F2 S2 [martyrum] nostrorum add. ed. 21 quo] quod F uiderat ex uideret J2 ibi om. V 22 psallentes atque cantantes transp. RBO 22-23 immensae multitudinis choris ad ciuitatem] immensa multitudine foris ciuitatem F 24 autem om. L β residentis] sedentis Z
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Chapitre 2 [Saint Étienne apparaît à une vierge.] Une autre vierge consacrée eut un songe où elle se voyait en train de se rendre au sanctuaire où sont déposés depuis longtemps, dans la banlieue de la ville, les martyrs qui ont nom Félix et Gennadius10. Elle ne s’y rendait pas par l’habituel chemin direct depuis la ville, mais par un autre, un peu détourné et sinueux. Sur ce chemin elle vit venir une foule innombrable qui chantait des psaumes avec une grande joie. L’immense cortège portait des cierges et des lampes, et lui parut faire escorte à un tout jeune garçon de blanc vêtu, en lui adressant cette acclamation réitérée : « Confesseur du Christ, confesseur du Christ ! » Lorsqu’on eut conduit le jeune garçon jusqu’à l’église et qu’on l’eut élevé au pupitre11, elle le voit tendre soudain les mains et dire lui-même à la foule : « Voici que vous avez un martyr ! » On ne peut dire sans admiration combien cette vision aussi s’est vérifiée. Ce n’est pas sans raison que jadis la voix de Dieu parlant par le prophète déclara : « Voici que vont venir les jours, dit le Seigneur, et je ferai descendre mon Esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes gens auront des visions, et vos anciens des songes. Et sur mes serviteurs et sur mes servantes je répandrai mon Esprit et je ferai apparaître des signes en haut dans le ciel et en bas sur la terre. » Et de fait, à l’endroit où reposent ces martyrs, une étoile apparut, à ce que rapportent ceux qui se trouvaient alors dans la campagne. À présent, si vous le voulez bien, je vais montrer l’accomplissement de la seconde vision. Donc, environ quarante jours après cette révélation, nous étions au sanctuaire de ces martyrs, vers lequel la vierge s’était vu faire route. Les reliques y furent prises et le sacrement des fidèles célébré, puis, en chantant des cantiques et des psaumes auxquels s’unissait une foule immense, nous commençâmes à revenir vers la ville, précisément par cette route qui était apparue à la vierge. Et sur les genoux de notre saint évêque, assis dans une voiture, étaient portées les saintes reliques : elles correspon-
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sanctae reliquiae, uelut ille paruulus candidatus qui ab illa fuerat uisus. In sui quippe corporis portione paruulus ille confessor Christi cognoscitur. Dubitas an martyr paruulus sit ? Nonne propter innocentiam infantulus, propter humilitatem pusillus est ? Ipse denique hymnus qui ore uniuersi populi cantabatur, id est : Benedictus qui uenit in nomine Domini, quid aliud, dum repetita uoce cantaretur, significasse intelligitur nisi quod illa audiente dicebatur : « Confessor Christi, confessor Christi ? » Iam uero, sicut puellae ostensum erat, ita cereis luminaribusque omnia splendebant atque fulgebant. Eamdem quoque, quam illa per uisionem uiderat, nos etiam intrauimus ecclesiam. Vnum aliquid ultimum de omni uisione iam restat, quod puella confessorem illum in pulpitum leuatum fuisse conspexerat, et extensis manibus dicentem populis audierat : « Ecce habetis martyrem. » Hoc quoque qualiter impletum sit diuina procuratione attentius dignemini accipere. Eodem namque die quo ingressae sunt ecclesiam beati Stephani sanctae reliquiae, in ipso principio canonicarum lectionum, epistola ad nos quoque delata cuiusdam sancti episcopi, Seueri nomine, Minoricensis insulae, de pulpito in auribus Ecclesiae cum ingenti fauore recitata est, quae continebat gloriosi Stephani uirtutes quas in insula memorata per praesentiam reliquiarum suarum in salutem omnium illic credentium perfecerat Iudaeorum, unde ex hac recitatione talium factorum suorum tamquam extensione manuum suarum acclamantibus et exultantibus fidelibus ipse dicere uideretur : « Ecce habetis martyrem. » Verum haec dicta sint ut commendare fratribus aliquo modo possemus, quam non utcumque et temere, sed diuina dignatione ad nos quamtumlibet homines peccatores sanctae istae reliquiae uideantur peruenisse.
29 Benedictus – Domini] Ps. 117 (118), 26 25 ille] ipse β om. J 25-26 candidatus – paruulus ille om. Z 25 fuerat uisus] uisus erat V sui] uiuius F 26 quippe om. V cognoscitur confessor christi transp. CI ed. 27 [sit] qui etiam pauper spiritu sit add. V Z (qui sit omisit) propter inn. inf. om. R (add. in mg. R2) infantulus] paruulus β 28 est om. L β 29 id est om. L dum] cum F 30 cantaretur] caneretur Z 31 confessor christi2 om. VZ [christi] quis enim benedictus uenit in nomine domini nisi confessor christi add. FVZ sicut ostensum erat puellae transp. C ed. ostensum ex -ndum V2 32 luminaribusque] luminaribus V luminibusque Z omnia splendebant atque] om. LV β δ ε ed. 33 nos] non KD (corr. D2) 35 pulpitum] pulpito A leuatum] e- Z fuisse] esse F 36 qualiter] quomodo V (corr. V2) Z 37 attentius] F attentus V ad tempus A ed. om. cett. dignemini] dignamini FVZ ed. eodem namque die quo] eadem nq. die qua L eodem nq. die in quo F ed. eodem nq. qua KD eodem quoque die quo Z 38 sunt] sint A2 ut uidetur R E ed. sanctae reliquiae] r. s. C Z reliquiae F ed. 39 quoque ad nos transp. O C 40 insulae – auribus om. L in om. C auribus] aures C ed. 41 est om. L prothomartiris [stephani] add. Z in om. CF 42 praesentiam] -tiarum S salutem] -te L M S 43 iudaeorum om. A 44 tanquam in ras. S acclamantibus] ac cl- K 45-46 martyrem uerum; haec interp. F 46 sint] sunt L RBO CDIEJ fratribus] -tres C 47 quam] ut F et om. FV quantumlibet] quilibet L 48 [peccatores] sancti stephani add. F (ex sanctae istae ut uid.) ed. sanctae istae] et s. ist. VZ reliquiae ipsae B om. KI
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daient au tout jeune garçon de blanc vêtu que la jeune fille avait vu. En fait, on reconnaît le tout jeune confesseur du Christ dans ce fragment de son corps. Tu doutes que le martyr soit un petit garçon ? N’est-il pas par son innocence un petit enfant, par son humilité un tout petit ? Enfin, l’hymne même qui était dans toutes les bouches : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! », ce chant qu’on reprenait en chœur, quel sens lui donner sinon celui de l’acclamation qu’elle avait entendue : « Confesseur du Christ, confesseur du Christ ! » ? Et puis, comme cela était apparu à la vierge, tout brillait et resplendissait de cierges et de lampes. Et c’est dans l’église qu’elle avait vue dans sa vision que nous entrâmes nous aussi. De l’ensemble de la vision, il reste un dernier point : la vierge avait vu le confesseur élevé au pupitre, et elle l’avait entendu dire à la foule, les mains étendues : « Voici que vous avez un martyr ! » Cette partie aussi de la vision, veuillez accorder toute votre attention à la façon dont elle s’est accomplie par les soins de Dieu. En effet, le jour même où entrèrent dans l’église les reliques du bienheureux Étienne, à l’instant où l’on commençait les lectures canoniques, une lettre12 que nous avions reçue nous aussi d’un saint évêque, Sévère, de l’île de Minorque, fut lue du pupitre à toute l’assemblée qui l’entendit dans l’enthousiasme. Elle disait les miracles du glorieux Étienne, qu’il avait accomplis dans cette île, grâce à la présence de ses reliques, pour le salut de tous les Juifs du lieu, en les amenant à la foi. Ainsi, par la narration des hauts faits du martyr, comme par le geste de ses mains tendues, Étienne semblait dire aux fidèles qui l’acclamaient avec des cris de joie : « Voici que vous avez un martyr ! » Mais puissions-nous avoir dit tout cela pour nous donner le moyen de bien faire comprendre à nos frères à quel point ce n’est pas le hasard ni les circonstances, mais la condescendance divine qui, visiblement, a porté chez nous, malgré tous nos péchés, ces saintes reliques.
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Capvt tertivm [De muliere caeca, quae pallam cum reliquiis contigit et uisum recepit]
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Nunc ergo, sicut promisimus, ad notiora miracula ueniamus. Cum igitur eiusdem diei uespere in loco absidae super cathedram uelatam essent reliquiae constitutae, mulier quaedam nomine Hilara oculis capta, ciuibus nota panaria, excitata tantae gloriae martyris fide, et nulla incredulitatis dubitatione fluctuans – Qui enim haesitat, inquit Iacobus apostolus, aestimabitur tempestati maris, quae a uento mouetur et circumfertur – haec itaque in fide roborata et in spe percipiendi luminis confirmata, ac diuinae gratiae amore inflammata, ad locum ubi erant reliquiae, quo ipsa per se, impedientibus carnis oculis, corpore appropinquare non poterat, sed lucentibus oculis cordis spiritu iam peruenerat. Rogauit quamdam feminam religiosam ut sibi manum daret, et se illuc duceret unde lucem se recepturam esse confideret. Quo cum alienae manus auxilio deducta fuisset, pallam super reliquias positam manu errabunda comprehendit, statimque suis utrisque luminibus applicauit ; atque exinde nondum quidem corpore illuminata, sed iam luce fidei irradiata discessit. Nam gloriosi martyris nomen nunc ore, nunc corde precando, etiam Christum Dominum non reticebat. Quae cum domum suam fuisset reducta, et intra ipsos domesticos parietes ad euincendas caecitatis tenebras, quasi aduersus Amalech hostem, adiuuante Iesu, continuata oratione pugnabat.
7-8 Qui – circumfertur] Jc. I,6 20 quasi – Amalech] cf. Ex. 17 Caput 3 FLVZ AS δ ε 2 Titulus abest in α cap. IIII add. BC pallam reliquiarum A R2 palam reliquiis R recepit] attigit EJ 3 sicut promisimus post miracula transp. C notiora] noticiora K maiora β nunc – ueniamus finis est praecedentis capituli in Z igitur om. V 4 eiusdem] eius L uelatam cathedram transp. IJ 5 mulier quaedam om. V hilara] hylara CL ylara β M DKI hilaria V hylaria Z B hilara nomine transp. β et [ciuibus] add. L 6 excitata] excita R2 tantae gloriae] tanta gloria V martyris fide] fide martyrum L fluctuans dubitatione transp. FLZ ed. 7 apostolus iacobus transp. DKIEJ ed apostolus om. Z similis [aestimabitur] add. A2 BT 8 in1 om. L roborata – percipiendi om. R percipiendi] rec- B 9-10 reliquiae erant transp. C 10 quo] quomodo K oculis om. Z appropinquare iter. K et del. K2 11 cordis ex carnis S2 V2 rogauit] -abat VZ 12 et se illuc duceret om. L β δ ε 13 se lucem transp. F recepturam] perc- FVZ confideret] conf. uel speraret BO speraret M (confideret add. in mg. M2) uel confideret speraret R 14 auxilio] officio C deducta] ducta VZ reliquias] -iam V 15 [statim]que om. D utrisque suis transp. CI luminibus utrisque transp. A 16 applicauit] applicuit β MNBO C 17 irradiata] radiata FLV irrata S (corr. S2) gloriosi ex -sa A2 17-18 nunc ore nunc corde precando] n. o. n. c. predicando β Z D non o. non c. pr. L non o. non c. deprecando F (qui alterum non del.) non o. loquendo non c. tacendo V EJ (corde om. J) 18 nec [christum] add. A christum dominum christum transp. S MNR BO DI EJ non om. α S M add. in mg. B2 cum] dum A 19 reducta fuisset transp. A et intra ipsos] intrauit quoque ipsos L intra ipsos quoque FVZ E ed. 20 aduersus] -sum C amalech] -lechc B adiuuante] -tem Z om. F ed. iesu adiuuante transp. V illum [continuata] add. J oratione ex operatione A2 pugnabat in pugnaret A2 ut uid. BT
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Chapitre 3 [Une aveugle touche le voile posé sur les reliques et recouvre la vue.] Venons-en donc maintenant, comme nous l’avons promis, à des miracles plus connus. Le soir du même jour, comme les reliques avaient été installées dans l’abside, sur la chaire recouverte d’un voile13, une femme privée de la vue, nommée Hilara14, boulangère bien connue dans la cité, était poussée par sa confiance dans l’immense gloire du martyr, et tout à fait inaccessible aux flottements du scepticisme. « Car, dit l’apôtre Jacques, celui qui hésite est à comparer aux vagues de la mer que le vent agite et fait aller en tous sens. » Cette femme donc, puisant sa force dans la foi, pleine d’un ferme espoir de voir la lumière, brûlait de l’amour que donne la grâce de Dieu, et si, par la faute de ses yeux de chair elle ne pouvait seule, par ses propres moyens, s’approcher physiquement de l’endroit où étaient les reliques, elle y était déjà parvenue spirituellement à la lumière des yeux de son cœur. Elle demanda à une pieuse femme de lui donner la main et de la conduire à l’endroit d’où elle était sûre de recevoir la lumière. Après y avoir été amenée grâce à la main d’autrui, elle saisit en tâtonnant le voile posé sur les reliques et l’appliqua aussitôt sur ses deux yeux. Puis elle s’en alla ; et si physiquement elle n’avait pas encore retrouvé la lumière, elle était déjà illuminée par le rayonnement de la foi. Car elle invoquait, tantôt à haute voix, tantôt dans son cœur, le nom du glorieux martyr, sans passer sous silence le Christ notre Seigneur. Reconduite chez elle, elle continuait à se battre à l’intérieur des murs de sa maison, avec l’aide de Jésus, en priant sans cesse comme dans le combat contre Amalech, pour triompher des ténèbres de sa cécité.
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Parum aliquid noctis transierat cum ecce mulier ostii sui limen egressa paulatim lumen coepit recipere, ita ut et parietes contra positos aspiceret et silices platearum uisu discerneret. Statimque filium suum appellauit, atque his uerbis alloqui coepit : « Fili, non isti parietes de domo infantis uillici sunt ? Ecce et silices de platea. » Et dixit ei filius suus : « Vt quid mentiris ? », putans quod illa tentando id diceret, non uidendo. Iterum leuans oculos ad caelum dixit : « Ecce uideo, inquit, et lunam super theatrum adhuc dimidiam. » Dixitque ei filius suus : « Quare te faciebas non uidere ? », quasi nunquam antea mater caeca fuisset, sed potius caecitatem finxisset. Nec mirum si animalis homo nondum perciperet quae sunt Spiritus Dei, ignorans quod olim praedictum esset : Tunc aperientur oculi caecorum. Verum illa non simulatae pristinae caecitatis, ut filius putabat, sed conscia perceptae nouae lucis, ut ueritas habebat, amico Christi gratias agebat quoniam non frustra Deo cantabat : Tu illuminabis lucernam meam, Domine, Deus meus, illuminabis tenebras meas et : Illuminans tu mirabiliter a montibus aeternis quae sic de montibus aeternis exaudita et illuminata. lla autem altera die mane ad ecclesiam sola, nullo alio comitante, sed proprio lumine ducente, perrexit, laudes Dei et amici Dei non abscondit, quid in se mirabiliter gestum fuisset congratulantibus et admirantibus fidelibus enarrauit. Hoc ergo primum notissimumque apud nos in aduentu sanctarum reliquiarum opus illuxit.
31 animalis – Dei] 1 Co. 2, 14 32 Tunc – caecorum] Is. 35, 6 35-36 Tu – meas] Ps. 18 (19), 29 36 Illuminans – aeternis] Ps. 75 (76), 5 22 noctis aliquid transp. C 23 coepit lumen transp. FVZ β ed. 23-24 ita – discerneret om. Z 23 et1 om. F S O C 24 platearum] plateae FV ed. discerneret] decerneret L appellauit] uocauit L 25 non] num F2 nonne V B2T CDIEJ ed. parietes] -rientes S uillici] inlicita A 27 illa om. C id] hoc V leuans ex lauans R2 dixit om. ed. 28 inquit om. B [dixit]que om. C 29 suus] eius FVZ ed. faciebas te transp. L mater antea transp. S [mater] eius add. FVZ ed. 30 caeca] caecata F finxisset] fix- K 31-37 nec mirum – illuminata om. β δ ε 31 perciperet] percepit ex perpcit (pepercit ?) L2 ea [quae] add. L spiritus om. Z 33 conscia percepta] consciencia percepta L2 consciencia om. V 34 christi] dei in mg.V quoniam] quod Z 35 deo cantabat] deo cantauerat F ed. decantauerat L illuminabis2] -na LV 36 quae sic de montibus om. L de FZ : a V 37 exaudita] -tu Z [exaudita] sit add. F s.l. [illuminata] est add. V 38 illa autem altera die] altera die FLZ ed. altera autem die V sola om. L β δ ε 39 ducente] de- α perrexit om. F [laudes] dei om. CDKJ dei laudes transp. N 40 mirabiliter om. Z gestum] factum Z admirantibus] mirantibus A 42 notissimumque] notum est β δ ε 43 opus illuxit] om. β δ ε
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Une petite partie de la nuit s’était écoulée ; et voici que cette femme, sortie sur le seuil de sa porte, se mit à recouvrer progressivement la vue, si bien qu’elle apercevait les murs d’en face et qu’elle distinguait aussi les dalles des rues. Aussitôt, elle appela son fils et se mit à lui dire : « Fils, ces murs, ce sont pas ceux de la maison du petit du gérant15 ? Et là, mais c’est les dalles de la rue ! » Et son fils répondit : « Qu’est-ce que tu as à mentir ? », pensant qu’elle lui disait cela par provocation et non pas en voyant vraiment. Elle leva les yeux vers le ciel et reprit : « Ah, c’est que je vois aussi la lune au-dessus du théâtre ! Elle n’est qu’à moitié pleine ! » Et son fils lui dit : « Et pourquoi tu faisais comme si tu voyais pas ? », pensant que sa mère n’avait jamais été aveugle par le passé, mais avait seulement feint de l’être. Il n’est pas étonnant qu’un homme, être de chair16, n’ait pu encore percevoir ce qui relève de l’Esprit de Dieu, car il ignorait l’ancienne prophétie : « Alors s’ouvriront les yeux des aveugles. » Mais cette femme, qui savait bien qu’elle n’avait pas simulé sa cécité passée, comme le pensait son fils, et qui se rendait compte qu’elle avait reçu une lumière nouvelle, comme cela était en vérité, rendait grâces à l’ami du Christ, car ce n’était pas en vain qu’elle adressait à Dieu ce cantique : « Tu seras la lumière de ma lampe, Seigneur mon Dieu, tu seras la lumière dans mes ténèbres ! », et aussi « Toi qui envoies une lumière merveilleuse du haut des montagnes éternelles. » Et c’est bien du haut des montagnes éternelles que la lumière lui avait été donnée en réponse à sa prière. Le lendemain matin, toute seule, sans personne pour l’accompagner, sans autre guide que la lumière de ses yeux, elle alla jusqu’à l’église, et elle ne garda pas pour elle ses louanges envers Dieu et envers l’ami de Dieu ; elle fit aux fidèles émerveillés qui partageaient sa joie un récit complet du miracle qui s’était opéré en elle. Ainsi resplendit la première et la plus connue des œuvres accomplies chez nous à l’arrivée des saintes reliques.
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Capvt qvartvm [De homine qui cadens pedem fregerat et saluus factus est, et de multis qui a uariis morbis curati sunt] 5
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Per idem tempus quidam ciuitatis tonsor, qui Concordius uocabatur, pedem cadendo fregerat. Is diu lecto decumbens, uariis doloribus cruciabatur. Cum hinc eum paupertatis cogitatio, inde paruulorum sollicitudo in tanto casus sui maerore positum maceraret, ecce quadam nocte, ipso quidem dormiente, sed non illo dormitante neque obdormiente qui custodit Israël, qui pusillum et magnum fecit, et aequaliter illi cura est pro omnibus, uidet per somnium perductum se in arduum quemdam angustumque cuiusdam montis ascensum, unde nulla esset sibi facultas remeandi, nullus exitus euadendi. Ex quo quid aliud demonstrabatur ei quam ut sciret atque intellegeret, in angustiis pressurarum suarum, non humanum, sed solius Dei debere quaerere auxilium ? Namque apparuisse sibi ait quamdam reuerenti uisu feminam, quae sibi sic afflicto et dolorum amaritudine repleto speciem fici traderet, per cuius dulcedinis significationem spiritualis gratiae perciperet suauitatem. Vnde etiam fiduciam impetrandi accipiens precibus insistebat, et sanitatem ab ea petebat. At illa, quae typum procul dubio gestabat Ecclesiae : « Modo, inquit, accedo ad sanctum Stephanum, et faciet te sanum. »
8 non – Israël] Ps. 120, 4 8-9 qui – omnibus] Sg. 6, 8 Caput 4 FGLVZ β δ ε 2-3 Titulus abest in α cap. V add. S 2 homine] illo DKIE tonsore M de homine – est et om. R. cadens om. KIE [pedem] sibi add. O [cadens] in terra add. N fregerat] fregit DKIEJ saluus factus est] sanatus est DKI 3 a om.O DKIJE 4 Hic incipit H per idem tempus] quodam tempore H uocabatur] uocitatur F dicebatur Z 5 decumbens] decumbans S recumbans A cum [itaque] add. G 6 hinc eum] hec ineum H eum hinc transp. C G [paruulorum] filiorum add. α ed. [sollicitudo] eum add. C 7 maerore] dolore Z 8 in [illo] add. FG neque obdormiente om. G qui custodit israel om. V 8-9 qui pusillum – pro omnibus om. G fecit et magnum transp. Z 9 cui [aequaliter] add. Z illi om. Z cura est illi transp. LV CI est illi cura F cura illi est O uidet] -dit L perductum] dep- Z2 in] ad VZ 10 [arduum] locum add. L quemdam ex quamdam H2 angustumque] et angustum FGZ atque angustum V 10-11 unde – euadendi om. L nulla esset sibi fac. rem.] nulla sibi esset fac. rem. G N ed. esset nulla sibi fac. rem. C nulla esset fac. rem. sibi A nulla sibi fac. esset rem. Z esset sibi fac. rem. V nulla add. V2 s.l. 11 [nullus]que add. G 12 ex quo] ex hinc A demonstrabatur] -stratur β ei ante aliud transp. H om. FG 13 debere] -ri ed. -ret Z (corr. Z2) 14 namque] nam quod L 14-15 ait – sibi om. Z (signum lacunae s.l. et in mg. scrips. Z2) reuerenti uisu] -ndi uisus FG ed. -ndam uisu LV SH K reuerenti om. δ 15 et om. FG fici traderet] fici tradere V fecit FG per...significationem] pro... significatione O 15-16 per – perciperet om. H 16 spiritualis] -talis F MN R spiritalo G 17 precibus ex pedibus A2 insistebat] instabat V ea ex illa A2 petebat] app- L 18 [dubio] scilicet add. G gestebat ex gestabat V2 inquit modo transp. G accedo] -de L ed. 19 sanctum] dominum gloriosum G faciet] facit α
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Chapitre 4 [Rétablissement d’un homme qui s’était cassé le pied en tombant, et guérison de beaucoup d’autres personnes atteintes de maladies diverses] Vers la même époque, un barbier de la ville, appelé Concordius, s’était cassé le pied en tombant. Cloué au lit depuis longtemps, il était torturé par des douleurs de toute sorte. Comme la pensée de sa pauvreté, ajoutée au souci que lui causaient ses jeunes enfants, le rongeait, dans la triste situation où son accident le plaçait, voici qu’une nuit, alors qu’il dort, lui, mais que « ne sommeille ni ne dort celui qui protège Israël, qui a créé le petit comme le grand, et qui prend soin de tous également », cet homme se voit en songe mené vers le sommet d’une montagne par un passage raide et étroit, où il n’avait ni possibilité de faire demi-tour, ni chemin pour continuer. Et que montrait donc ce songe, sinon qu’il devait pleinement comprendre que, coincé dans ce passage où son malheur l’écrasait, il lui fallait chercher du secours, non auprès des hommes, mais auprès de Dieu seul ? Il raconta en effet que lui était apparue une femme d’aspect majestueux, qui, alors qu’il était plein de douleur et d’amertume à cause de ses souffrances, lui tendait dans son rêve une figue, afin que sa douceur lui fît sentir la suavité d’une grâce spirituelle. Tirant de là la conviction d’être exaucé, il priait avec ferveur et demandait à la femme sa guérison. Mais elle, qui était à l’évidence la figure de l’Église, lui dit : « Je vais tout de suite trouver saint Étienne, et il va te guérir. »
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Quod dictum facti fides est subsecuta : nam cum illa discederet atque iste post eam derelinqui se dolens diceret : « Dimittis me et ducis te ? », ecce uidet illam sicut illi promiserat, ad sanctum Stephanum accedentem et pro se rogan tem ac dicentem his uerbis : « Rogo te per sanctitatem tuam, cura illum ; mise rere illi, miserere filiis eius, libera hominem innocentem de tribulatione sua. » Tum illum qui rogabatur uidit ad se atque ad cubiculum in quo iacebat ingre dientem, amictum ueste candida, specie decora. Quem mox ut agnouit, ut ae grotus medicum, egenus copiosum, supplex patronum, his uerbis cum lacrimis rogabat dicens : « Carus Christi amicus, cura me, libera me de tribulatione, miserere mihi, miserere filiis meis. » Vix precator uerba finierat et iam precum exauditor precibus respondebat, dicens : « Surge, saluus factus es. » At ille statim in sermone iubentis, tamquam qui obdormiens corpore, sed uigilans spiritu audisset, continuo de lecto exiliuit, et ante lectulum suum firmis gressibus incedere coepit, ac sic uerbum illud prophetiae impleuit : Et claudus saliet sicut ceruus. Deinde mane surgit, uotaque sua martyribus, ubi eaedem reliquiae susceptae sunt, reddere properauit. Quo propter itineris longitudinem baculo adhuc innitendum esse putauit. Vbi post quam diu orauit, cereos accendit, baculum dereliquit, atque exinde filium paruulum collo sustinens repedauit ; in ecclesiam uenit, et gloriam Dei atque amici eius perspicua sanitatis attestatione praedicauit. Post haec, reliquiis sanctis in ecclesia cum ingenti celebritate ac sollemnitate collocatis, tanquam proposita statione diuinae medicinae (unde cantauimus : 34 Et – ceruus] Is. 35,6
20 facti] -is A subsecuta est transp. G I secuta est O atque] et C ed. iste] ipse CD H ed. 21 post eam] postea β δ ε derelinqui se] relinqui se FGV ed. se reliquisse Z dolens ante derelinqui transp. C 22 ad sanctum] ad honorandum christi testem G 23 ac] et G δ CJ ac dicentem om. AS his uerbis post rogantem transp. G rogo te om. V te per om. D per sanctitatem tuam] gloriose miles christi stephane per multiplicem sanctitatis tuae pietatem G illum] eum C mi serere illi] om. GLZ β δ ε 24 filiis] filiorum FG CDEJ sua om. α 25 tum] tunc VL 25-28 tum – tribulatione add. C in mg. 25 uidit] -det LZ [ad se] uenientem add. G uenire add. H ad2] in LGV 26 amictum om. V specie] facie G decora] -rata A ut1] rest. B2 F2 J2 om. cett. ut2 del. F2 27 ut [egenus] add. VZ 28 carus christi amicus] car. am. christi VZ car. dei dilectusque am. G care christi amice F H R2 de tribulatione om. V 29 [miserere1] itaque add. G miserere mihi om. F mihi] mei GVZ filiis meis] filiorum meorum G 30 uix] uixdum G precator] pecca tor R 31 sermone] -em H 32 audisset] uidisset G 33 lectulum] lectum L (corr. L2) Z BO β ε ed. ac om. G sic] si Z H (corr. H2) [sic] ergo add. G illud om. M rest. M2 34 surgit] surgens G R (corr. R2) [uota]que om. G 35 martyribus] martyri β B martyri glorioso G ubi – sunt om. G eaedem] eiusdem AH eidem B sunt susceptae transp. A properauit ex prorauit M2 quo om. G 36 itineris longitudinem] long. uero iti. G adhuc om. O innitendum ex intendendum V2 37 diu orauit] deuestit Z baculum om. AS rest. in mg. A2 filium om. Z 38-39 in ecclesiam – praedicauit om. β δ ε 39 eius] dei FG perspicua om. ed. sanitatis] sanctitatis eius V 40-45 post haec – suscitati om. G 40 sanctis om. ε ed. ecclesia] -am GL V (corr. V2) MNR ε celebritate ac solemnitate] celebritate FG H δ ε honore AS 41 collocatis] constitutis Z diuinae om. GL β δ ε unde] inde G β δ ε om. L
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Cette parole trouva bientôt sa confirmation dans les faits. En effet, comme elle s’éloignait, et que le malheureux, navré d’être ainsi abandonné, lui disait : « Tu me laisses tomber et tu te tires17 ! », alors il la voit, comme elle le lui avait promis, aller trouver saint Étienne et le prier pour lui en disant : « Je te le demande, par ta sainteté, guéris-le ; aie pitié de lui, aie pitié de ses enfants, délivre un innocent de l’épreuve qu’il traverse. » Alors il vit celui que l’on priait s’approcher de lui dans la chambre où il était couché, il avait dans sa tunique blanche un air majestueux. Dès qu’il le reconnut, comme le malade devant un médecin, le pauvre devant un riche, le suppliant devant un protecteur, il lui adressait en pleurant cette prière : « Ami bien-aimé du Christ, guéris-moi, délivre-moi de l’épreuve, aie pitié de moi, aie pitié de mes enfants. » À peine avait-il formulé sa prière que celui qui écoute les prières l’avait exaucé en lui disant : « Lève-toi, tu es guéri ! » Et en même temps qu’il recevait cet ordre, comme un homme dont le corps est plongé dans le sommeil mais dont l’esprit, resté éveillé, aurait tout entendu, il sauta sur-le-champ à bas de sa couche, et devant son lit se mit à marcher d’un pas ferme, accomplissant ainsi les termes de la prophétie : « Et le boiteux bondira comme le cerf. » Le matin suivant, il se lève, et se hâte d’aller s’acquitter de sa dette auprès des martyrs, là où avaient été accueillies les reliques d’Étienne. Mais, comme le trajet était long, il crut avoir encore besoin de s’appuyer sur un bâton. Arrivé à destination, il resta longtemps en prières, fit brûler des cierges, laissa là son bâton, et repartit en marchant et en portant son jeune fils sur les épaules. Il se rendit à l’église et proclama la gloire de Dieu et celle de son ami par le témoignage évident de sa guérison. Après cela, lorsqu’on eut placé solennellement, au milieu d’une grande affluence, les saintes reliques dans l’église, ce fut comme si l’on y avait ouvert un dispensaire
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quatrième partie
Suscepimus Deus misericordiam tuam in medio templi tui), quanti ex illo multitudinis undique concursus fieri coepere ! Quanta beneficia fuerint collata et quotidie conferantur, quanta miracula demonstrata, quot caeci illuminati, paralytici sanati, quanti uariis morbis passionibusque curati, sed et mortui suscitati, longum est nobis et paene impossibile uniuersa uel memoria retinere, uel sermone digerere, uel stilo mandare, cum unumquodque miraculum sui generis quamdam historiam habere noscatur. De quibus tamen omnibus quae neque explicare possumus, neque penitus reticere debemus, pauciora quaeque et notiora elegimus, ut neque fastidientium aures inundemus, neque diligentium studium defraudemus.
Capvt qvintvm [De muliere quae pro marito suo sanctum Stephanum inuocauit et exaudita est]
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Igitur Memblonitani loci mulier quaedam diu peregrinantis mariti nec de morte certa, nec de uita secura, cum triennii ferme tempus emensum esset, quo illa diuersis uariisque de coniuge opinionibus exagitata in ancipiti et dubio uitae suae statu fuisset collocata, fluctuabat ex incerto pendens muliebris animus, et in quod se latus aeger proiiceret ignorabat, dum hinc nuptiae suaderentur, paupertas proponeretur, sollicitudo ingereretur, fragilitas carnis insidiaretur ; rursum ex alia parte castitas, maritus, fama, religio ante oculos poneretur. 42 Suscepimus – tui] Ps. 47 (48), 10 42 deus suscepimus transp. F [illo] die add. V ed. 43 concursus] excursus L fieri] fidei V collata ex collocata D2 44 conferantur] ferantur A ante miracula transp. beneficia D 45 sanati] curati DKI H suscitati] resusc- CDI EJ longum nobis est transp. et post longum add. itaque G 46 e [nobis] add. K impossibile] in possessibile K 46-47 uniuersa – mandare (commen- V) cum] uniuersa enarrare cum CD enarrare cum I unicum K [uniuersa] beati prothomartyris christi stephani miracula add. G 47 unumquodque] uni- K 48 habere quamdam historiam noscatur transp. A de quibus] denique AS 49 reticere ex recitare L2 quaeque ex neque K2 notiora] noticiora Z O noti//ora R [notiora] ad honorem sancti martyris reuerendum propalare pia actione satagimus add. G 50 elegimus] -gere H 51 studium] -ia AC defraudemus] subtrahamus L Caput 5 FLGP (partim) V Z β δ ε 2 Titulus abest in α H suo om. KIE et exaudita exiit O de quadam quae EJ 3 quaedam igitur mem. loci mulier transp. G memblonitani] memplonitani F ed. membronitani A mebronitani S memblonitati G in embloniturna (membloniturna K2) ε loco ex loci C2 peregrinantis diu transp. I 4 de] dum Z esset] fuisset BT quo] quod β δ ε 5 [illa] diu add. R diuersis] diueruis K uariisque om. β δ ε. ed. opinionibus de coniuge transp. C ed. exagitata] -itura K ancipiti] -e AS 6 collocata ex collata B2 incerto] sincero R B (corr. B2) O muliebris] -lieris β NR BO CDKI J 7 et in quod] et quod DE S et in quo Z et quo A quo (ex quos) F ex quo G in [se] add. JD E se latus aeger] in se latus aeger DEJ (quo)s elatus F (quo se latus corr F2) se latus aegra C (corr. C2) ed. se latere aeger G nuptiae suaderentur] ad nuptias suaderetur G 8 [proponeretur] tandem inter huius modi sibimet add. Z del. Z2 ab [propo]neretur incipit P sollicitudo] solitudo V Z 9 maritus] -ti Z poneretur] ponerentur C F2G
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divin, et c’est pourquoi nous avons chanté : « Ô Dieu, nous avons reçu ta miséricorde au milieu de ton temple. » Dès lors quels rassemblements de gens venus de partout ! Les grandes grâces qui furent accordées et le sont encore tous les jours, les grands miracles qui se sont manifestés, tous les aveugles qui ont vu, tous les paralytiques qui ont recouvré la santé, tous ceux qui ont été guéris de maladies et de souffrances de toutes sortes (et les morts même qui se sont relevés), tout cela serait pour nous trop long et presque impossible à garder en mémoire, à raconter, à écrire, puisque, on le sait bien, chaque miracle a une histoire qui lui est propre. Mais, parmi tous ces miracles, que nous ne pouvons développer ni ne devons complètement passer sous silence, nous avons fait un choix restreint des plus connus, pour éviter de rebattre les oreilles de ceux qui se fatiguent vite, et de décevoir l’attente de ceux que cela passionne. Chapitre 5 [Une femme prie saint Étienne pour son mari, et elle est exaucée.] Or donc, une femme de l’endroit appelé Membloné18, dont le mari était parti depuis longtemps en voyage, ne pouvait ni savoir s’il était mort, ni être rassurée sur son sort. Près de trois ans s’étaient écoulés, et, pendant tout ce temps, tiraillée entre des pensées différentes et contradictoires sur le sort de son mari, elle s’était trouvée dans une situation ambiguë et incertaine ; son esprit de femme flottait, en proie au doute, et, dans son malaise, ne savait de quel côté se tourner : d’une part, elle était tentée de se remarier, elle voyait devant elle la pauvreté, une accumulation de soucis, elle se sentait en butte aux faiblesses de la chair. De l’autre côté, la chasteté, son mari, sa réputation, la religion, se présentaient à ses yeux. À la fin, dans le tourbillon de telles
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Tandem inter huiusmodi sibimet repugnantium cogitationum aestus, potentissimi aduocati Stephani implorare debere patrocinia, non sine diuina prouidentia est a quibusdam instigata atque cohortata. Namque ad eius memoriam supplex aduolauit, ibique se cum lacrimis strauit. Et dum orat audire meruit : « Maritus tuus uenit. » Propere illa domum rediit, et maritum incolumem inuenit. Ita et coniugii castitas custodita, et amico Dei quanta fuerit animae periclitantis cura cognitum factum est in Dei mirabili gratia. Capvt sextvm [De homine quem collapsa domus oppresserat, cuius coniuge orante sanctum Stephanum uiuus inuentus est]
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Per idem tempus in nostra ciuitate quaedam domus ruina collapsa hominem oppresserat, cui nomen Datiuus est. Cuius exinde erutum corpus et ad uicinam domum translatum, funeris obsequio plangebatur. Proinde iugalis eiusdem, mariti sui tanto luctu perculsa, ad memoriam gloriosi Stephani pro uita mariti cum lacrimis se prostratura perrexit. Ibidemque dum illa aliquandiu ad aures amici Dei fide pulsaret, precibus insisteret, ecce repente in conspectu plangentium funeri circumstantium et nomen uenerandi martyris inuocantium, uir eius ubi iacebat aperire oculos et corpus mouere, uidentibus et mirantibus omnibus qui aderant, coepit ; ac deinde post aliquantulum eiusdem diei spatium emensum ad uiuos rediens et in se residens, ad illum cuius domus erat dixit : « Beatus es, frater, quoniam hodie angelus Dei domum tuam intrauit. » 10 huiusmodi] huiuscemodi ε ed. cogitationum repugnantium transp. P cogitationum om. L 11 implorare] -rari L S MN BR K 11-12 est prouidentia transp. A 12 a quibusdam om. A cohortata] cohartata S J (corr. J2) coartata Z coornata O namque] nam quod L supplex om. O 13 orat] oraret L 14 maritus ex meritus R2 [uenit] propere. Illa interp. F 15 [coniugii] est add. A [castitas] est add. B fuerit] fecerit V 16 mirabili] mirabilis A Caput 6 α β δ ε 2-3 Titulus abest in α H 2 quodam [homine] add. DJ coniuge s. st. orante u. inuenitur cap. VII S 2-3 de h. q. c. d. oppressit et per sanctum stephanum ressuscitatus est BO (oppresserat O) de quodam q. c. d. o. c. c. s. st. inuocauit u. i. e. DKIE de muliere quem marito suo sanctum stephanum inuocauit et exaudita est C de h. q. c. d. oppressit c. c. s. s. orante u. i. e. A 4 per – ciuitate] quodam igitur tempore in uzalensi ciuitate G [collapsa] uero add. G est add. H (del. H2) hominem oppresserat] hominem uero opprimens contriuit G 5 cui nomen est datiuus transp. H cui datiuus nomen est (erat G) transp. α est] erat AG corpus erutum transp. H erutum] erectum FP OB2G ereptum A (corr. A2) tritum B eruptum S 6 translatum] translatus L 6-7 eiusdem – luctu] eius de tanto mariti (ex marito) luctu V eiusdem mariti tanto dolore L 7 tanto om. G perculsa] percussa α HS M O DKI J gloriosi stephani] gloriosissimi st. H sancti st. C gloriosi prothomartyris st. G pro uita ex prothomartyris V2 8 ibidemque] ibidem FP ε ed. om. G [dum] itaque add. G 9 fide] fidei fide V fideli fide Z fide om. A (rest. A2) O 10 ac [funeri] add. FP circumstantium] circumas- I 11 ubi iacebat] in quo iac. I in quo iac. loco CDEJ ed. et1 om. V mouere corpus transp. AS G 12 ac deinde] d. uel G ac inde L aliquantulum] aliquantum VZ SH MN R ε diei om. V 13 et om. V S MN B et in se residens] in se residens V residens Z rediens F (corr. F2) S L δ in se rediens H ad se revertens G om. A ε 14 quoniam] quia V dei] domini C tuam om. B rest. s.l. B2
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pensées contradictoires, elle se résolut sur les conseils pressants de quelques personnes, – et la providence divine n’y fut pas pour rien – à solliciter la protection d’Étienne, ce si puissant avocat. Elle courut donc en suppliante à la memoria du martyr, et s’y prosterna en pleurant. Et sa prière lui valut d’entendre : « Ton mari est arrivé. » Elle rentra vite chez elle et y trouva son mari en parfaite santé. Ainsi fut préservée la chasteté du mariage, et en même temps la grâce miraculeuse de Dieu fit connaître combien l’ami de Dieu avait souci d’une âme en péril. Chapitre 6 [Un homme avait été écrasé par l’effondrement de sa maison ; sa femme prie saint Étienne, et il est retrouvé vivant.] Vers la même époque, dans notre cité, une maison s’était effondrée et avait écrasé un homme qui s’appelle Dativus. Son corps avait été dégagé, transporté dans une maison voisine, et on en était aux lamentations rituelles des funérailles. Alors l’épouse de cet homme, bouleversée par la perte cruelle de son mari, courut se prosterner en pleurant à la memoria du glorieux Étienne pour lui demander la vie de son mari. Là, elle avait un long moment frappé aux oreilles de l’ami de Dieu avec foi, l’assiégeant de prières instantes ; et voici que brusquement, en présence de ceux qui pleuraient autour du corps et qui invoquaient le nom du vénérable martyr, le mari, là où il était étendu, se mit à ouvrir les yeux et à bouger, sous les regards émerveillés de toute l’assistance ; puis, lorsque se fut écoulée une bonne partie de la journée, il revint parmi les vivants, reprit ses esprits, et dit à l’homme chez qui il était : « Heureux es-tu, mon frère, car aujourd’hui l’ange de Dieu est entré dans ta maison. »
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Et narrare coepit quae animae suae reuelata fuissent. Dixit enim multitudine mortuorum se fuisse circumdatum, quorum alios agnouisset, alios ignorasset. Deinde quodam ingresso iuuene, candida ueste nitente, habitum diaconi praeferente, et potestatis imperio iubente ac dicente illis mortuis : « Recedite », statim illas mortuorum turbas non comparuisse. Tum illum ad se accessisse, ac sibi dixisse : « Redde quod accepisti ! » Et se non intelligente, iterum illum repetisse : « Redde quod accepisti ! » Sed et tertio ut redderet similiter imperatum sibi ab eo fuisse, seque respondisse : « Ne symbolum iubes ut reddam ? » Et illo dicente : « Redde », se ex ordine symbolum reddidisse et adiecisse : « Si iubes, et orationem Dominicam reddo », atque illo annuente reddidit. Tunc ille signo salutari cor iacentis signauit, eique dixit : « Surge, iam saluus. » Et surgens, sicut dictum est, saluus effectus est.
Capvt septimvm [Vbi prohibuit sanctus episcopum ne reliquias suas transferre praesumeret]
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Eodem tempore uenerabilis episcopus noster de eiusdem sancti reliquiis aliquam partem disposuerat transferre et in Promontoriensi ecclesia collocare. Dies etiam quo id fieret statutus erat. Ecce ante diem fere tertium quidam ecclesiae nostrae presbyteri duo, quorum unus maturioris aetatis, Zumurus nomine, admonetur, quod ipse postmodum retulit, ut ad episcopum mane perge-
26 surge – saluus] Lc. 17, 19 16 circumdatum fuisse transp. M [agnouisset] et add. H et ipse add. J in mg. ignorasset ex aret J2 17 candida] candidata FG nitente] nitentem Z intente L 18 potestatis] codd. pietatis ed. iubente ac dicente] -em ac -em VZ recedite] discedite α 19 illas mortuorum turbas] turbas om. S illas mort. effigies A B2T F illis m. V 20 illum om. V δ 20-21 et se – accepisti om. L ε 21 intelligente] intelexisse H illum om. H rest. H2 22 [similiter] ei add. L ab eo imperatum transp. G sibi imp. transp. O 7 fuisse] -et K ne] iubesne G num FP S N nunc E om. VZ 23 ut reddam symbolum transp. G se] seque Z om. FGP 24-25 reddidisse – reddidit om. J rest. J2 24 reddidisse] reddisse I si – reddo] etiam et orat. dom. si iubes reddo G reddo] reddam BT 25 [illo] uero add. G annuente] adnuntiante F ille] illo J illi R salutari] -ris S iacentis cor transp. L iacentis] codd. -ti ed. 26 saluus...saluus] sanus...sanus AS B surgens om. C sicut] sic S dictum est] dixit AB2T effectus] factus AL B Caput 7 FLPVZ β δ ε 2 Titulus abest in α H ne] ut I transferre praes. suas transp. B O cap VIII add. S 3 eodem] eo O [eodem] quoque add. Z eiusdem sancti] e. sanctis DI eisdem sanctis FVZ JE eius sanctis H reliquiis] -ias S 4 transferre om. α β MNR B(rest. B2 s.l.) DKI EJ ed. et] ut H om. Z ed. promontoriensi] promuntoriensi N V CDKJE promunturiensi Z H promunctoriensi L I promutorensi S promutuensi FP collocare] -ret H 5 etiam] enim CD [ecce] autem add. Z fere] ferme C om. H tertium fere ante diem transp. C quidam] -dem Z 6 duo ante quidam (-dem) transp. Z ante presbyteri transp. H maturioris] matuoris K zumurus] zumyrus M (corr. M2) zurumius VZ zumurius L zuirus PF nomine zum. transp. C 7 quod – retulit om. Z
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Et il se mit à raconter ce qui avait été révélé à son âme. Il dit qu’il s’était trouvé entouré de la foule des morts ; il en reconnaissait certains, et d’autres pas. Puis était entré un jeune homme à la robe d’un blanc éclatant ; il avait la tenue d’un diacre ; avec une autorité souveraine, il donna aux morts cet ordre : « Retirez-vous ! », et aussitôt cette foule des morts disparut. Alors le jeune homme s’était approché de lui et lui avait dit : « Redonne ce que tu as reçu ! » Comme il ne comprenait pas, l’autre avait répété : « Redonne ce que tu as reçu ! » Une troisième fois, dans les mêmes termes, le jeune homme lui avait commandé : « Redonne ! », et il avait alors répondu : « C’est bien le Symbole que tu me commandes de redonner19 ? » Et l’autre ayant dit « Redonne ! », il avait redonné le Symbole point par point, et ajouté : « Si tu le veux, je redonne aussi l’Oraison dominicale. » L’autre acquiesça de la tête, et il la redonna. Alors le diacre fit sur le cœur du gisant le signe du salut et lui dit : « Lève-toi, tu es guéri. » Et, comme il a été dit, Dativus se leva et fut guéri.20 Chapitre 7 [Le saint fait échouer la prétention qu’avait l’évêque de transférer ses reliques.] À la même époque, notre vénérable évêque avait pris des dispositions pour transférer une partie des reliques de ce même saint et les placer dans l’église du Promontoire21. Le jour où cela devait se faire était même fixé. Or voici ce qui arriva deux jours à peu près avant cette date à deux prêtres de notre église ; l’un d’eux, qui était d’âge mûr et s’appelait Zumurus22, reçut cet avertissement qu’il révéla par la suite : il devait aller le matin même trouver l’évêque et lui dire de renoncer à ce qu’il avait décidé de
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ret eique diceret ne perficeret quod de parte reliquiarum facere disposuisset. Quod cum memoratus presbyter neglegenter habuisset nec ad episcopum pertulisset, secunda uice et grauiter arguitur, et alapa illisa in facie uerberatur. Alium autem presbyterum Donatum nomine retulisse eo quod in ipso loco memoriae eumdem episcopum nostrum uiderit sibimet e diuerso adstantem et sacramenta niuei candoris in palla manibus et collo gestantem. Quem protinus appellans constanter dixit : « Pone hic quod portas. » Cumque ab alio in sinistra episcopi stante presbytero sibimet diceretur : « Et quis illud portabit ? » Ipse respondit : « Quid ad te ? Modo hic quod ab episcopo portatur loco suo reponatur ! » Hoc, sicut reuelatum est, ita post diem tertium impletum est. Namque cum iam praecedente die uehiculum pararetur, ut cum parte reliquiarum episcopus proficisceretur, repente huiusce rei fama per ciuitatem diuulgata, immensa ad ecclesiam multitudo confluxit. Tumultus et clamor magnus fieri coepit, zelus fidei et amor amici Dei omnes accendit. Circumdatur episcopus stipantibus turbis, rogatur, tenetur, non ante dimittitur quam sacramento etiam interposito nihil se reliquiarum de ciuitate ablaturum esse polliceretur, quo ita demum illa populi pro zelo fidei tempestas placaretur, simulque reliquiae in unum congregarentur, in eodem memoriae loco ubi iam pars fuerat reliquiarum primitus collocata, ibi et alia pars similiter reponeretur. Donatus presbyter per somnium sacramenta portantem episcopum, hoc est sacratarum reliquiarum portionem gestantem, compellere, sicut dictum est, uidebatur, ut loco suo reponeretur quod ab eodem portabatur, credo, ne ullus diuisionis locus daretur, maxime quia in ecclesia hoc agebatur quae primitus a 8 [ne] id add. SH δ CDKIE perficeret] faceret δ disposuisset] -suerat Z 9 negl. mem. presb. transp. S nec] ne S 10 et1 om. Z illisa] illapsa O facie] faciem V Z ed. 11 donatum] co- D [nomine] fertur add. BT eo] om. AP ed. id F 12 eumdem] eiusdem IJ 13 palla] -am L HS MNR α protinus add. J in mg. 14 appellans] uocans L dixit] ait V dixit constanter transp. O hic] id FLP ab om. FP alio ex illo B2 15 quis] quid FP illud] illum L alius CD aliud KIJ portabit] -auit FV (corr. V2) -abat Z2 ipse] ille H om. O 16 quid] codd. quod ed. hic] hoc B C reponatur loco suo transp. V reponatur] dep- Z ponatur V (corr. V2) 18 hoc] quod FPVZ ed. diem om. L namque] nam P 19 die praecedente transp. C die om. Z 20 huiusce rei] huius cerei R (corr. R2) huius rei LZ AH CJ (corr. J2) per ciuitatem diuulgata] diuulgatur p. c. H 21 confluxit multitudo transp. AZ magnus et clamor transp. C 22 circumdatur] -tus FP 23 turbis] turmis BTO et [tenetur] add. FP M non] nec FP M ed. etiam om. V AS interposito etiam transp. D interposito om. KI 24 esse om. A polliceretur] -cetur LM 24-27 quo – reponeretur om. V 24 quo] quod Z β RB α (corr. E2) ita demum om. P [demum] ut add. A. E2 s.l. T 25 [tempestas] tandem add. P L K in unum reliquiae transp. H post congregarentur iter. in unum H 26 loco memoriae transp. AS pars iam transp. L fuerat pars transp. BTO reliquiarum ex. -quiis J2 27 ibi] ubi L et] etiam BT ut L om. Z [ibi et] iam add. O pars alia transp. O 28 est] etiam L 29 sacratarum] om. J (rest. J2) sacramentarum K sacrarum R (corr. R2) H reliquiarum om. Z sicut] ut V sic O sicut – est ante compellere transp. H 30 loco suo] locum suum H in [loco] add. FP reponeretur] ponV portabatur] postulabatur VZ reportabatur FP MB (corr. B2) quod – portabatur om. J rest. J2 id eo factum [credo] add. B2 s.l. T CDIE ed. 31 diuisionis] -ni VZ D (corr. D2)J maxime om. V quia] quod CDKIE ea [ecclesia] add. VZ J eadem add. FP quae primitus om. V
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faire d’une partie des reliques. Comme ce prêtre avait traité à la légère l’avertissement, et n’était pas allé informer l’évêque, il a droit à une nouvelle semonce, énergique, et reçoit une gifle en pleine figure. Quant à l’autre prêtre, nommé Donatus, on a de lui un rapport comme quoi il avait vu, à l’endroit même de la memoria, notre évêque debout, qui lui faisait face et tenait de ses mains des objets sacrés dans un châle d’une blancheur éclatante tombant de ses épaules. L’interpellant aussitôt, il lui dit avec fermeté : « Dépose ici ce que tu portes ! » Alors un autre prêtre, debout à la gauche de l’évêque, rétorqua : « Et qui va porter cela ? » Donatus répondit : « ça te regarde ? L’important, c’est que ce que tient l’évêque soit remis ici à sa place. » Cette révélation, deux jours après, s’accomplit exactement. En effet, comme on préparait pour le lendemain un véhicule afin que l’évêque puisse s’en aller avec une partie des reliques, le bruit de ces préparatifs se répandit soudain dans la ville et une foule immense afflua vers l’église. Le désordre et les cris commencent : le zèle de la foi et l’amour pour l’ami de Dieu les enflamment tous. La foule entoure l’évêque en le serrant de près, l’adjure, le retient, ne le laisse pas partir avant d’avoir reçu de lui la promesse – et sous serment – qu’il n’enlèverait rien des reliques à la cité : pour finir d’apaiser ce soulèvement dû à un élan de foi dans le peuple, et réunir en un seul et même lieu toutes les reliques, il fallait également replacer l’autre partie des reliques dans la memoria, à l’endroit même où une partie d’entre elles avait été déposée dès l’origine23. Dans le songe où l’évêque portait des objets sacrés, c’est-à-dire tenait une partie des saintes reliques, si celui qui l’obligeait, comme on l’a dit, à remettre en place ce qu’il était en train d’emporter était le prêtre Donatus, c’était, j’en suis convaincu, pour qu’on ne donnât pas un lieu à la division ; d’autant plus que cela se passait dans une église que la division donatiste s’était auparavant appropriée et qui fut ensuite restituée
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Donatistarum diuisione usurpata, postea in hodiernum unitati Catholicae est restituta. Vnde etiam uocabulum sumpsit, ut ecclesia Restituta appellari meruerit. Capvt octavvm [De caeco qui capsellam reliquiarum tetigit et uisum recepit]
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Sane eodem quo haec agebantur die, cum iam pars ipsa reliquiarum de monasterii habitaculo prolata cum ingenti celebritatis exultatione et hymnorum choris resonantibus dulci modulatione manibus sacerdotis ad ecclesiam portaretur, ecce quidam caecus apprehendens capsellam argenteam, in qua erat reliquiarum portio memorata, coepit fortissima fide regno caelorum uim facere. Et quia qui uim faciunt, diripiunt illud, continuo lumen recepit. Vnde uniuersae ecclesiae Christus non modicum gaudium cumulauit.
Capvt nonvm [De duobus catenatis per gloriosissimum Stephanum liberatis]
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Item cum quidam in custodia publica catenarum nexibus uincti districtius haberentur, eorum unus cruciatu poenae ac dolore compunctus, sanctum Stephanum Christi carum in auxilium inuocabat. Ecce inter lacrimas uocesque eiulantis, subito de manibus eius corruere catenae. Quo facto cum praeposito custodiae solutus ultro se ipsum ingessisset, et rem tanti miraculi confessus
8 qui – illud] Mt. 11, 10
32 [usurpata] et add. LV in – catholicae om. V usque [in] add. M BT CDI ante unitati del. inuitati L 33 etiam] et Z uocabulum] nomen Z ut – meruerit] et – meruit L β BT DKI ut – meruit C Caput 8 FLPVZ β δ ε 2 Titulus abest in α AH c. VIIII add. S caeco] eo O capsellam] capsulam IEJ [uisum] continuo add. O 3 sane] mane IJ quo om. D haec om. L cum] om. LP β δ ε iam om. F ed. ipsa] illa ε 4 celebritatis (ex -tates V2) exultatione et hymnorum choris resonantibus] celebritate ac exultatione et hymnorum choris resonante L celebritate et hymnorum choris resonante β MN R ε celebritate et hymnorum choris resonantibus BO 6 capsellam] capsulam I erat post memorata add. s.l. H2 7 portio om. V uim [facere] om. H K 8 uniuersae add. V2 in mg. 9 [ecclesiae] suae add. FPV ed. Caput 9 α β δ ε 2 Titulus abest in α AH 3 item om. G [custodia] positis add. G 4 haberentur] tenerentur L eorum unus] unus eorum H et eor. un. DIEJ et un. eor. C 5 [carum] stephanum add. O amicum add. A et s.l B2T inuocabat] inuocaret C inuitabat V (corr. V2) ecce] et ecce LV ecce uero FGP ed. 6 eiulantis] euigilantis L 7 se ipsum om. V add. V2 in mg. ingessisset] iniecisset O tanti om. L
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à l’unité catholique, à qui elle appartient encore aujourd’hui. C’est de là que l’église a tiré son nom, si bien qu’elle est appelée à juste titre Restituta.
Chapitre 8 [Un aveugle touche le coffret des reliques et recouvre la vue.] Le jour même où ces événements se déroulaient, la partie des reliques abritée dans le monastère était transférée vers l’église dans les mains du pontife qui les portait, au milieu d’une foule en liesse qui chantait en chœur des hymnes harmonieusement modulés ; et voici qu’un aveugle, saisissant le coffret d’argent qui renfermait la part déjà mentionnée des reliques, entreprit avec une foi intrépide de faire violence au royaume des cieux. Et parce que « ceux qui lui font violence s’en emparent », il recouvra aussitôt la vue. Ainsi le Christ combla d’une joie sans borne l’Église tout entière. Chapitre 9 [Deux prisonniers sont libérés de leurs chaînes par le glorieux Étienne.] De même, comme on gardait dans la prison publique, avec une particulière sévérité, des prisonniers entravés par plusieurs tours de chaînes24, l’un d’eux, taraudé par la douleur atroce de son châtiment, appelait à l’aide saint Étienne, aimé du Christ. Voici qu’au milieu de ses larmes et de ses plaintes, tout à coup, de ses mains, les chaînes tombèrent. Aussitôt, il se présenta de lui-même, libéré de ses chaînes, au responsable de la prison, et témoigna de la réalité de ce si grand miracle. Le gardien n’osa pas lui
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quatrième partie
fuisset, non ausus est custos rursum ei uincula inicere, sed plane ex hoc quasi cautior et sollicitior effectus alium pariter uinctum arctius fortiusque constrinxit ; quasi diuinae potentiae possit esse quidquam insolubile, ignorans quia sermo Dei non est alligatus. Verum cum ille simili uinculorum asperitate compulsus ad eumdem tanti miraculi auctorem talibus, sicut socius eius, uocibus et fletibus suppliciter exclamaret, et ipse quoque exaudiri meruit, et similiter catenis resolutis opera Dei confitendo narrauit. Capvt decimvm [De reo soluto et per meritum sancti Stephani sanato]
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Alio item uincto cum in thermis publicis uapore caloris catenarum uulnera intumescerent, et grauissimum dolorem eidem concitarent, adfuit fides ut amici Dei opem imploraret. Qui cum ad piscinalem egressus esset, subito etiam ipsi catenae ceciderunt, et omnes, quotquot uiderunt, Christum atque eius primum confessorem Stephanum magnificare coeperunt. Capvt vndecimvm [Vbi paralyticus meruit sanitatem]
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Paralyticus territorii Hipponensis Zaritorum, uocabulo Restitutus, faber ferrarius, is per plurimum tempus lecto decumbens, non pedibus poterat incedere, non linguam in uerba resoluere. Tandem beati Stephani ad se fama perlata, 11 sermo – alligatus] 2 Tm. 2, 9 14 opera – narrauit ] cf. Ps. 118 (117), 17
8 est ausus transp. ed. ei ante custos transp. BO inicere] ingerere (ex ingerrere) V 9 sollicitior] sollicior R pariter] fortiter G arctius] artius I arcius G H K fortiusque] strictiusque G constrinxit ex -strixit F2 10 [quasi] uero add. L V possit esse] posset esse FGPV esset Z quidquam [quic-] ante posset transp. G 11 sermo...alligatus] uerbum...alligatum V (cum Vulg.) ille om. N simili] -e K uinculorum om. O 12 miraculi ex -lo G2 uocibus et om. FGP 13 in [fletibus] add. G exclamaret] exoraret C et2 om. FGVZ ed. exaudiri ex exaudire R2 14 resolutis] -tus G narrauit confitendo transp. AS narrauit] en- CDI Caput 10 α β δ ε 2 Titulus abest in α AH meritum] merita DKI merito S (corr. S2) de reo soluto et a s.s. sanato O cap. XI add. S 3 item] autem B CDKI quidem A in t(h)ermis] intermis FGPVZ β δ DKE J 4 eidem om. LV fides] fide A (corr. A2) dies V sanctus dies Z 5 [dei] potentissimi add. G piscinalem] piscina V ipsi] ipsae GVZ δ CDI EJ 6 primum eius transp. A 7 magnificare] glorificare Z Caput 11 α β δ ε 2 Titulus abest in α AH cap. XII add. CS meruit sanitatem] sanitatem recepit DKIJE 3 [paraliticus] quidam add. G territorii] -ium O hipponensis] scripsimus cum ed. hypponiensis BVZ ypponiensis HS M RO KI ipponiensis FGP CD ypponensis Z N K2EJ yponiensis A L zaritorum om. G CIEJ restitutus] resti FP 4 is om. FGPVZ β ε plurimum] multum A decumbens] decubans A decubens M pedibus om. GZ AH δ ε 5 uerba] umbra K ut uid. beati stephani] gloriosi prothotestis christi stephani G
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remettre ses fers, mais en homme rendu assurément plus prudent et plus vigilant par l’incident, il rajusta et resserra les liens d’un autre prisonnier qui était pareillement entravé, comme s’il y avait rien que la puissance divine ne puisse dénouer ! Il ne savait pas qu’« on n’enchaîne pas la parole de Dieu ». L’homme poussé à bout, comme l’autre, par la dureté des liens, s’adressa en suppliant à l’auteur25 d’un si grand miracle avec les mêmes plaintes et les mêmes larmes que son compagnon : il mérita à son tour d’être exaucé et, lui aussi délivré de ses chaînes, il proclama par son témoignage les œuvres de Dieu. Chapitre 10 [Un accusé délivré et guéri par les mérites de saint Étienne] De même, dans les thermes publics, un autre prisonnier, sentant les blessures dues à ses chaînes enfler sous l’effet de la vapeur brûlante et provoquer une douleur insupportable, eut la foi d’implorer le secours de l’ami de Dieu. Comme il gagnait le bain froid, soudain, il vit lui aussi tomber ses chaînes et tous les témoins, sans exception, se mirent à glorifier le Christ et son premier confesseur, Étienne. Chapitre 11 [Un paralytique obtient sa guérison.] Un paralytique du territoire d’Hippo Zaritus, nommé Restitutus26, artisan forgeron, ne quittait presque plus son lit ; ses jambes ne pouvaient le porter, ni sa langue articuler les mots. Enfin, il entendit parler du bienheureux Étienne ; il se mit alors à demander à ses parents par signes, comme il pouvait, qu’on le transportât auprès de la memoria du glorieux martyr. Lorsque ce fut fait, il demeura couché en cet endroit une
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quatrième partie
parentes proprios nutu quo poterat hortabatur ut ad memoriam gloriosi martyris portaretur. Quo facto, dum ibidem hiemis multo tempore in tanta frigoris asperitate super pauimentum tesselae iaceret in oratione, quod utique contrarium huiusmodi infirmitatibus esse solet, fere uicesima die per somnium noctu apparuisse sibimet indicauit quemdam iuuenili forma praeditum, speciosa etiam ueste et habitu decorum, seque tunc ab illo accersitum, sibique esse iussum ut ad locum memoriae suis pedibus ascenderet ; et ex illo coepisse paulatim gressum et linguam ad propria officia aliquantulum reuocare. Cumque quartus mensis fuisset emensus, eo quod nondum adhuc plenam receperat sanitatem, cogitare coepit ad propria remeare ; seque tunc admonitum fuisse ait, sibique dictum esse ne festinare uellet, sed adhuc quatuor menses expectare deberet quo tunc domum suam suis pedibus repedaret. Quod omnino sicut ei promissum est, ita die et tempore denuntiato adimpletum est. Nam sicut et nostra conscientia testis est, et ipse in gloriam Dei confessus est, et pedibus suis ad propria remeauit, et ore proprio uerba distinctius pronuntiare iam coepit. Capvt dvodecimvm [Vbi quidam a paralysi pedum et linguae liberatus est]
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Quidam de ciuitate Vticensi paralysi pedibus et lingua implicatus lecto detinebatur. Cuius mater ad sancti Stephani memoriam fide firmissima conuolauit, secumque postquam filii sui causam optimo aduocato commisit, exinde aliquid pulueris pro sanctificatione abstulit ; reuertens domum filio iacenti ad6 proprios] proprio FGP gloriosi martyris] uenerandi m. G sancti m. L beati st. A sancti stephani HS δ ε 7 portaretur] super rasuram portabatur A2 (fortasse portaretur A) tempore multo transp. G 8 tesselae] -a V eccle C in oratione] in orationem G 8-9 quod utique esse solet contrarium transp. FGPVZ 9 huiusmodi] istius- FGLPZ solet om. L fere] ferme V noctu] nocte L α β δ ε 10 sibimet apparuisse transp. L iuuenili] -nali K -nilis G ut uid. (corr. G2) om. O 10-11 speciosa etiam ueste et habitu decorum] speciosae etiam uestis d. S speciosae uestis h. d. V specie etiam uestis h. d. A speciosae etiam uestis h. d. LZ H δ ε 11 illo] ipso L AH δ ε 12 iussum] iustum L uisum EJ (corr. J2) ut ad locum memoriae] ad l. saepe dicti martyris ut G ut om. P ascenderet] accenderet K (corr. K2) accederet ε ed. et om. L MRO K [illo] die add. V coepisse] -et F cepisset AP 14 fuisset mensis transp. Z emensus] exemptus GL V (in mg.) Z exemtus F eo quod] ex quo F nondum adhuc plenam] nondum plenam adhuc (adhuc s.l. H) H KI non adhuc L plenam adhuc M B D nondum plenam AC 15 tunc om. H [fuisse] ait om. G KI 16 dictum esse om. L [quatuor] alios add. GP 16-17 expectare deberet] exspectaret A 17 quo – repedaret om. Z quo] quia C qui DI [tunc] demum add. G domum om. LV CD suis] propriis C ed. pedibus ex precibus J2 ei om. FGP 18-19 sicut – confessus est] ut ipse gloriam Dei confessus est FG 20 proprio om. FGP iam om. FGPZ ed. pronuntiare...coepit] pronuntiauit Z Caput 12 FG [partim] LPVZ β δ ε 2 Titulus abest in α B H cap. XIII add. CS a om. MS K linguae et pedum transp. ed. 3 quidam ante paralisi transp. G de] ex FGPV itaque [uzalensi] add. G 4 ad mem. s. s. transp. AS sancti stephani] saepius nominandi domni stephani G 5 secumque postquam] postquam ergo secum G filii sui] fidei suae L (corr. L2) sui filii IJ 6 et [reuertens] add. FP ed. quae add. G [reuertens]-que add. B2T AH domum reuertens transp. G [domum] suam add. V
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grande partie de l’hiver, en prières, supportant les rigueurs du froid à même la mosaïque du sol, ce qui est en général tout à fait contre-indiqué pour ce genre de maladies. Il déclara que, vers le vingtième jour, il avait eu la nuit en rêve une apparition : celle d’un homme d’une beauté juvénile, magnifiquement vêtu, à l’allure majestueuse, qui l’appela à lui et lui ordonna de se dresser sur ses jambes pour monter au lieu même de la memoria ; à partir de ce moment, il avait progressivement retrouvé l’usage partiel de ses jambes et de la parole. Au bout de quatre mois, du fait qu’il n’avait toujours pas pleinement recouvré la santé, il commença à penser à retourner chez lui. C’est alors, dit-il, qu’il avait reçu un avertissement : on lui avait enjoint de ne pas se presser ; il devait attendre quatre autres mois pour retourner alors chez lui sur ses jambes. Cette promesse, exactement comme elle lui avait été faite, se trouva réalisée au jour et au moment annoncés. Car, comme nous en témoignons en toute connaissance, et comme lui-même l’a proclamé pour la gloire de Dieu, il rentra chez lui sur ses jambes, et sa bouche se mit à articuler désormais distinctement. Chapitre 12 [Un infirme retrouve l’usage de ses jambes et de sa langue.] Un habitant d’Utique qui était paralysé des jambes et avait perdu l’usage de sa langue était cloué au lit. Sa mère se précipita avec une foi très assurée à la memoria de saint Étienne, confia sa cause et celle de son fils au meilleur des avocats, puis recueillit un peu de poussière pour son pouvoir sanctifiant ; retournant à la maison, elle l’appli-
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hibuit. Ex quo ille mox sanitatis beneficium sentiens de lecto surrexit, et non solum pedibus suis ambulare coepit, sed etiam per duodecim millia passuum proprio gressu ad beati martyris memoriam peruenit, gratias in corde suo agens pedum sanitate percepta, sed adhuc preces fundens de propria lingua soluenda. Proinde exuens sibi manicam tunicae suae, eo quod orarium non haberet, per fenestellam memoriae ad interiora loca sanctarum reliquiarum manu iniecta mittebat, atque inde rursum dexteram reducens ori suo admouebat, et linguam contingendo paulatim nodos loquendi gratia fidei resoluebat. Hoc enim saepius faciendo, tanquam salutares cibos de caelesti assumens cellario aegrotanti suo adhibuit membro. Vnde arentem linguam refecit, et loquendi officium adiutus Dei gratia idoneum recepit ; ac sic in utrisque illa suppleta est prophetia per quam olim dictum est : Et plana erit lingua mutorum.
Capvt tertivm decimvm [Vbi caecus Pisitanus lumen recepit oculorum]
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Caecus etiam quidam Pisitanae ciuitatis, cui uocabulum est Donatianus, ad stationem potentissimi medici Stephani aduenit, ibidemque pulsans fidei pietate, die octauo, tanquam Dominicae resurrectionis sacramento, quae facta est a die quidem Passionis tertio, sed in dierum numero post sabbatum octauo, eo die, ut dixi, per fidem lumen oculorum recepit, quando lucem mentium uniuer-
19 Et – mutorum] Is. 35, 6
7 mox ille transp. ed. sanitatis ex sanctitatis B2 et om. V non solum add. in mg. V 9 beati] honorandi G agens om. V 10 pedum sanitate] de ped. san. GV ped. de san. FPZ ed. percepta] recepta A CJ 10-19 sed adhuc – mutorum om. G 10 adhuc preces fundens] et hic preces infundens F et hic pr. fundens P preces fundens post soluenda transp. V propria] -io J om. Z 12 exuens] exiens H orarium] erarium A rorarium L 13 fenestellam] fenestram FLP H fenestrellam AB2T [fenestram] exuens add. L sanctarum om. H manu iniecta] -um -am A 14 atque] adque F reducens] rediens L admouebat] amouebat L ammouebat MS 15 contingendo ex -guendo B2 fidei iter. L resoluebat] persoluebat β δ ε persoluenda L 16 salutares] -e K assumens] sumens Z 17 membro add. in mg. V 17-18 et loquendi – recepit om. Z 18 gratia dei recepit idoneum transp. A illa post est transp. H suppleta] completa V Z est om. V 19 et om. FP plana] plena A (aperta A2) S K [mutorum] nunc saliet sicut ceruus claudus add. A (= Is. 35, 6) Caput 13 FLPVZ β δ ε 2 Titulus abest in α H cap. XIIII add. CS de caeco per merita sancti stephani illuminato DKIEJ 3 etiam om. L pisitanae] positane L cui] cuius F 4 stephani medici transp. L beati [stephani] add. A ibidemque] idemque A ibique Z ibidenique ed. 5 dominicae om. A 5-6 quae – tertio] quae facta est die (in mg.) quidem dominicae res. tertio V facta est quidem a die O 6 numero] -rum L (post sabbatum transp. numerum L) β δ ε octauo] VIII F non legitur S eo om. A 7 recepit] recipit K (corr. K2) accepit L lucem] lumen V [mentium] add. omnis L
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qua sur son fils couché. Celui-ci ne tarda pas à en ressentir les effets bénéfiques sur sa santé : il se leva de son lit, et non seulement se mit à marcher sur ses jambes, mais encore fit par ses propres moyens une marche de douze mille pas jusqu’à la memoria du bienheureux martyr, le cœur plein d’actions de grâces après la guérison de ses jambes, mais faisant encore des prières pour que sa langue soit libérée. Dégageant ensuite une manche de sa tunique, car il n’avait pas de mouchoir, il la dirigeait, en passant la main à travers la fenêtre de la memoria27, jusqu’à l’endroit, à l’intérieur, où étaient les saintes reliques, puis il ramenait sa main en arrière, et portait le tissu à sa bouche ; en touchant sa langue, il libérait peu à peu sa parole de ses liens par la grâce de sa foi. En répétant son geste, ce fut comme s’il mettait sur sa langue malade une nourriture de salut puisée dans un cellier divin. Ce faisant, il guérit sa langue desséchée, et retrouva une élocution normale avec l’aide de la grâce de Dieu. Ainsi dans ces deux cas s’est accomplie l’antique prophétie où il est dit : « Et la langue des muets sera libérée. » Chapitre 13 [Un aveugle de Pisa retrouve la vue.] Il y eut aussi un aveugle de la cité de Pisa28 du nom de Donatianus, qui se rendit au dispensaire du très puissant médecin Étienne. Là il frappa sans se lasser, avec la confiance de la foi, et au huitième jour29, comme au jour où l’on célèbre la Résurrection du Seigneur (elle eut lieu, certes, le troisième jour après sa Passion, mais dans l’ordre des jours le huitième après le sabbat), au jour que j’ai dit, il retrouva, grâce à sa foi, la lumière de ses yeux quand le monde entier reçut par la Résurrection du Seigneur
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sus mundus per Domini Resurrectionem excepit. Qui, cum uota sua cupiens sancto martyri reddere, argenteam offerret pro sua deuotione candelam (nec immerito candelam offerebat, qui lumen receperat), is accersitus a uenerabili episcopo, atque interrogatus ut diceret quid sibi praestitum esset, quare illud donum offerret, astante uniuersa ecclesia etiam ore confessus est quod et corde et corpore spiritali archiatro curante illuminatus redditus est. Capvt qvartvm decimvm [Vbi cuidam sanctus Stephanus apparuit, qui audierat filium suum a latronibus interfectum]
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Lanius nostrae ciuitatis nomine Rusticianus, filium suum cum alio homine suo porcos mercatum connumeratis solidis miserat fere ad ducenta milia passuum, cumque complures transacti essent dies, neque illi adhuc reuersi fuissent, a quodam amico suo argui et increpari coepit eo quod filium suum et hominem suum in tam longinquam regionem mittere uoluisset, quos iam a latronibus occisos esse dicebat. Quo audito, ille quasi miserabili luctu percussus domum flens lugensque regressus est. Lacrimis pro cibo toto pastus est die. Interea cum sic nox eum oppressum maeroris tenebris inuenisset, ecce per somnium uidet sibimet apparere quemdam decorum iuuenem, cuiusdam honorati et primarii ciuitatis uiri, nomine Vzalensis, uultum habitumque praeferentem, eumque hilari facie
11 Lacrimis – die] Ps. 41 (42), 4
8 mundus] orbis H mundus uniuersus transp. L excepit] recepit V 9 pro sua deuot. off. transp. CDE 10 lumen ex lucem K2 receperat] perc- LZ β ε a uenerabili] ab enarrabili F 11 ei [diceret] add. FP diceret] ediceret V educeret Z praestitum] prestum K esset] est LZ β MNR O ε 12-13 quod – redditus est om. Z 13 spiritali] -tuali BO H DKIEJ archiatro] architro V aratro A (corr. A2) illuminatus redditus est] ill. est red. transp. L illuminatus est A in lumine curatus est F (in lumin||||e fortasse ex in luminatus) P illuminante redditus est H Caput 14 FLPVZ A(partim) SH δ ε 2-3 Titulus abest in α 2 cap. XV add. CS post stephanus transp. cuidam DE 3 interfectum] occisum DE 4 lanius] laneus FP ubilanius ε ed. suo [nomine] add. D rusticianus] rusticanus C ed. rustianus R B (corr. B2) O filium suum om. O suum om. B rest. B2 5 mercatum] mercatos R connumeratis] cum numeratis AH numeratis L miserat] misserat S fere om. LV 6 complures] cum plures L K plures H compl. essent transacti dies transp. C dies compl. trans. essent transp. FPVZ neque – fuissent om. FP illi] illo Z 7 [suo] dictus est add. A s.l. argui et increpari coepit] -itur et -atur V dictus est argui et inc. A suum om. A 8 iam om. V 9 occisos esse dicebat] esse occ. eos dic. A occ. se dixit audisse F ed. occ. esse dixisset LZ esse dixisset V occ. esse dicetur S 10 ex [miserabili] add. L miserabili] mirabili FPZ A (corr. A2) percussus] perculsus AB lugensque] om. β δ ε 11 regressus] reuersus FP [lacrimis]-que add. ABT toto] -a P A ed. toto (-a P) ante die transp. F P eum nox transp. FPVZ 12 uidet] uidit V 13 quemdam om. J decorum] doc- I cuiusdam] cuius DKE honorati] honorii L β δ ε et om. β 14 uiri om. V praeferentem] preferen ipsi tem A proferentem L facie] uultu L
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la lumière des âmes. Comme il voulait s’acquitter de sa dette envers le saint martyr en lui offrant par dévotion un candélabre d’argent (et ce n’était pas sans raison qu’il offrait un candélabre, lui qui avait retrouvé la lumière), il fut convoqué par notre vénérable évêque et prié de dire ce qui lui avait été accordé et pourquoi il offrait ce présent. Alors, devant toute l’assemblée, de sa bouche aussi il témoigna qu’il avait recouvré la lumière de l’âme et du corps grâce aux soins du grand médecin spirituel. Chapitre 14 [Apparition de saint Étienne à un homme qui avait entendu dire que son fils avait été tué par des brigands] Un boucher de notre cité nommé Rusticianus avait envoyé son fils accompagné d’un de ses serviteurs à près de deux cents milles, avec une somme en solidi30 pour acheter des porcs. Comme bien des jours s’étaient écoulés et qu’ils n’étaient toujours pas revenus, un de ses amis le prit à parti et lui reprocha d’avoir eu l’idée d’envoyer son fils et son serviteur dans une région aussi éloignée ; il disait que, depuis le temps, ils avaient été tués par des brigands. À ces mots, notre homme, comme sous le coup d’un deuil tragique, revint chez lui en pleurant et en gémissant. Tout le jour, il ne se nourrit que de larmes. La nuit le trouva dans cet état, écrasé sous les ténèbres du chagrin ; alors, dans son sommeil, voici qu’apparaît à ses yeux un homme jeune et beau, qui avait les traits et la tenue d’un des notables du plus haut rang dans la cité31, qui avait pour nom d’Uzalis32, et qui
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sibi dixisse : « Quid ploras ? » respondisse autem se, ut ipsius utar simplicibus uerbis : « Domine meus, per bonitatem tuam ideo ploro quia audiui quod homo meus et filius meus occisi sunt. » At ille consolans eum ait illi : « Non sunt occisi. Tamen qui sum ego ? », inquit ; iste respondit : « Dominus meus Vzalensis ». « Bene, ait ille, dixisti, quia Vzalensis sum, sed non sum ipse quem putas. Ego enim sum Stephanus. Sane unde tristis es de filio tuo et de homine tuo, scias quod iam huc habent redeuntes faciem. Nam dedisti illis solidos uiginti quinque, insuper autem acceperunt pecuniam creditam prope uiginti millia folles, et adducunt secum porcos numero quadraginta quatuor omnes electos. Venient autem die Romanarum ciuitatis, hora prima. » Haec itaque omnia, sicut per somnium reuelata sunt, ita postea re ipsa completa sunt. Namque et homines incolumes reuersi, et porci tot numero adducti, et summa pecuniae creditae eadem inuenta, et dies horaque aduentus illorum praedicta sine ullo prorsus errore est consecuta.
Capvt qvintvm decimvm [De paruulo qui cathecumenus mortuus est, et meritis sancti Stephani matri uiuus restitutus est] 5
Cuiusdam mulieris filius paruulus catechumenus mortuus erat. Qui matris portatus manibus cum ingenti eiulatu et miserabili uociferatione ante ipsam memoriam gloriosi Stephani fuerat proiectus, tradens illi mortuum ut ab eo reciperet uiuum. Cumque ad aures amici Dei pulsaret fide pietatis, percussa 15 dixisse] -sset C [quid ploras] homo add. Z [se] et dixisse add. C ut ipsius utar om. FP simplicibus] supplicibus FP 16 domine] -us V meus] deus CL per bonitatem tuam om. Z 16-17 fil. m. et h. m. transp. O 18 qui] quis L BTO A inquit] ait FP ed. om. β iste] ille C F2s.l. ed. om. V respondit iste (ille P) transp. FP 19 ipse] ille LZ C 20 enim om. RBO (add. B2 in mg.) post sane unde desinit A de [homine] om. FVPL DKI 21 tuo om. FPVZ quod] quia O redeuntes] -tis F D illis] illi M S KIJ eis L BT solidos] -o L 21-22 uiginti quinque] uig. duo V 22 autem insuper transp. H creditam pecuniam transp. FPVZ J ed. 23 folles] foleres L porcos secum transp. H 24 die] diei IJ romanarum] -orum CDKI H non legitur P 25 somnium] somnum S reuelata sunt] uidit β δ ε 25-26 re ipsa completa sunt] c. s. re i. transp. BO res i. c. est L 26 incolumes reuersi] i. r. sunt FP sunt i. r. V i. sunt reuersi B 27 pecuniae ex peccaniae K2 creditae] -a V horaque] et hora L 28 prorsus om. V consecuta] secuta IJ Caput 15 FG [partim] LPVZ SH δ ε 2-3 Titulus abest in α d. p. qui c. decesserat cuius mater ante memoriam sancti stephani proiecit et uiuum recepit C de p. q. c. – proiecit et uiuum suscepit NR S de p. q. c. decesserat, cuius mater ante m. s. s. prostrata uiuum recepit BO de p. q.c. decessit (discessit I) quem mater – proiciens uiuum recepit DKIEJ paruulus cathecumenus decesserat cuius mater ante memoriam sancti Stephani proiecit et uiuus fuit M cap. XVI add. S de p. q. c. mortuus est et meritis sancti stephani uiuus restitutus est ed. 4 paruulus filius transp. α catechumenus mortuus] mort. cat. transp. MB S CDKI defunctus G 4-5 manibus matris portatus transp. V 6 post gloriosi add. test[is ?] et explicit G fuerat] fuit FP ed. tradens illi] tradens illum F H tradente illa F2 P tradentis illi B2 eo] illo V 7 reciperet ab eo transp. I cumque] quae cum FPVZ percussa] perculsa BC
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lui disait, le visage rayonnant : « Pourquoi pleures-tu ? » L’autre répondit (je le cite dans son langage familier) : « Monsieur, sauf votre respect, je pleure parce que j’ai entendu dire que mon serviteur et mon fils ont été tués. » Alors l’autre le consola en lui disant : « Ils n’ont pas été tués. Mais, au fait, qui suis-je, moi33 ? » L’homme répondit : « Monsieur d’Uzalis. » « Bien dit, répliqua l’autre, car je suis bien d’Uzalis, mais non pas celui auquel tu penses : je suis Étienne. Eh bien, puisque tu es triste du sort de ton fils et de ton serviteur, apprends que déjà ils reviennent, ils ont la face tournée vers ce lieu-ci34. Tu leur as donné vingt-cinq solidi, mais, en outre, on leur a confié une somme approchant les vingt mille folles, et ils amènent avec eux quarante-quatre porcs, tous sélectionnés. Ils arriveront le jour de la fête des Romaines de la cité35, à la première heure. » Et tout, exactement comme cela avait été révélé par le songe, s’accomplit par la suite dans la réalité. Car les hommes revinrent sains et saufs, ils amenèrent le nombre exact de porcs, la somme à eux confiée se trouva être du montant indiqué, et ils arrivèrent sans faute au jour et à l’heure annoncés36. Chapitre 15 [Un petit enfant mort catéchumène est rendu vivant à sa mère grâce aux mérites de saint Étienne.] Une femme avait un petit enfant qui mourut catéchumène. Sa mère l’avait pris dans ses bras et, avec des gémissements impressionnants et des hurlements à faire pitié, elle était allée le jeter au pied de la memoria du glorieux Étienne, en le lui donnant mort37 pour qu’il le lui rendît vivant. Et elle frappait aux oreilles de l’ami de Dieu avec
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duplici luctu orbitatis, quod et in praesenti uita filium perdidisset, et in futura, utpote sine gratia baptismi, saluum habere non posset, ecce inter diu lamentantis et uociferantis dolorem et clamorem miserae matris, repente paruulo spiritus redditur, uita tribuitur, uox uiuenti conceditur. Continuo presbyter accersitur, baptismus paruulo traditur, sacramenta complentur, atque ita a peccatorum lethali catena anima liberata, statim etiam mortalis carnis uinculo exuitur, et ad Dei spiritales amplexus summa celeritate liberata dimittitur. Ita et matri non modica consolatione concessa gaudere de redempto filio datur, et paruulo salus uera conceditur. Qui profecto ob hoc ad modicum uitam recepit, ne in aeternum moreretur ; ob hoc ad tempus mori meruit, ut uita perpetua frueretur. Haec interim de multis et paene infinitis miracula pauciora decerpsimus, ne in praesenti auditoribus propter festiuitatem martyris de longinquo aduenientibus forsitan oneri esse possemus. Ceterum quod nobis difficillimum est, si omnia recordari ac recensere, ut superius dictum est, uellemus, librum prolixum faceremus. Ipsas enim clarissimas notissimasque uirtutes ad praedicationem sui sibimet sufficere existimamus, quae non indigent humanae linguae facultate, quoniam praeualent diuinae potentiae perspicua ueritate ; uerumtamen deuotionem nostram ad aedificationem fratrum in nomine Christi ex aliqua parte exhibere uoluimus, ut paternae oboedientiae mercedem orationibus uestris recipere et gloriosi Stephani primi testis Christi benedictione fauente, diuinam misericordiam possemus impetrare. Per Christum Dominum nostrum, cui est honor et gloria in saecula saeculorum. Amen
8 et1 om. S 9 utpote om. J [saluum] eum add. LV filium eius add. Z diu inter transp. B 9-10 lamentantis et uociferantis dolorem et clamorem] lamentantis (-tatis K) dolorem H KI om. S δ CD EJ paruulo] ferentis paruulum FP 11 ei [redditur] add. P uiuenti] uiuentis FP uiuendi S 12 accersitur] -tus CDK baptismus paruulo traditur] -mum p. tr. H KI -mum p. tradit CD -mum p. tradidit L a om. L SH B CDKI 13 lethali om. V liberata anima transp. V [liberata] est add. L 14 ad dei] addi V spiritales] -tuales V B H DKI liberata dimittitur] leta admittitur V liberata. Dimittitur interp. Z ita et] ita ut V 15 matri om. LP β δ ε consolatione] consulationem Z [concessa] est add. Z redempto] reddito FP ed. 16 ob] ab FP ad modicum] admodum P 17 ne – meruit om. J rest. J2 in mg. 19 miracula] miraculis FP decerpsimus] di- V 21 ceterum] et ut etiam V et etiam Z 22 recensere] -seri F -sari P uellemus] uoluissemus V prolixum] prolixissimum VZ 23 enim om. H clarissimas notissimasque] notissimas clarissimasque C ed. nouissimasque L 24 existimamus] -auimus IJ -emus OB (corr. B2) non indigent om. I indigent] -gebant L -gebat H 25 facultate] -tem FV H praeualent] -let L diuinae potentiae] -a -a L perspicua ueritate] uirtute B s.l. om. L β MNR O ε 26 ad] ob V aedificationem] -num K efficationem H (corr. H2) 27 uoluimus] uolumus FPL D mercedem] –cede L β δ ε 28 recipere om. L β δ ε benedictione] : -nem FPVZ fauente] -tem Z 28-29 diuinam misericordiam] -a -ia FPVZ 29 possemus] possimus L β δ ε 30 et gloria om. V add. V2 [gloria] et potestas add. V2 amen om. MN hic desinit V usque ad II,3 post amen add. explicit liber I de miraculis sancti stephani LS finit liber primus δ DKE explicit liber primus FZ CIJ (post primus add. euodii Zpc)
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une dévotion confiante, car elle était doublement bouleversée par cette perte, puisque, dans cette vie, elle avait perdu son fils, et que dans la vie future, comme il était mort sans la grâce du baptême, elle ne pouvait le tenir pour sauvé. Or pendant que la malheureuse mère ne cessait de crier sa plainte et de hurler sa douleur, voici que soudain le souffle est rendu à l’enfant, la vie lui est donnée, et, avec la vie, la parole lui est accordée. Sur-le-champ, on va chercher un prêtre, on donne le baptême à l’enfant, on accomplit tous les rites, et, ainsi libérée de la chaîne mortelle des péchés, son âme est du même coup dépouillée des liens de la chair périssable et, libre, s’élance d’un trait vers les embrassements spirituels de Dieu. Ainsi à la mère est accordée une consolation qui n’est pas insignifiante : il lui est donné de se réjouir que son fils soit racheté, et à l’enfant est accordé le salut véritable. Car s’il recouvra la vie pour un temps insignifiant, ce fut assurément pour ne pas mourir à jamais ; s’il lui fut donné de mourir temporairement38, ce fut pour jouir de la vie éternelle39. Dans un nombre important et presque infini de miracles, nous venons d’en choisir quelques-uns, pour ne pas risquer maintenant de lasser un auditoire venu de loin à l’occasion de la fête du martyr. D’autre part, et c’est pour nous la grande difficulté, si nous voulions tout consigner, tout recenser, nous ferions, comme nous l’avons dit plus haut40, un livre trop étendu. En réalité41, nous estimons que les manifestations miraculeuses, qui sont très remarquables et très notoires par elles-mêmes, n’ont besoin de personne pour se faire connaître, elles ne requièrent nullement le secours de la parole de l’homme, puisqu’elles s’imposent par la vérité éclatante de la puissance de Dieu. Mais nous n’en avons pas moins voulu, à partir d’un choix, montrer notre zèle pour l’édification de nos frères, au nom du Christ, afin de recevoir, par vos prières, le salaire de l’obéissance filiale, et d’obtenir, grâce à la miséricorde divine, la bénédiction du glorieux Étienne, premier témoin du Christ. Par le Christ notre Seigneur, à qui vont honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen.
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LIBER SECVNDVS Capvt primvm [Allocvtio ad popvlvm]
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Bene mecum recolit Caritas uestra, sanctissimi patres et fratres, quod cum in conuentu nostrae huius Vzalensis Ecclesiae nonnula domini Stephani primi martyris Christi miracula fideliter descripta et publica attestatione comprobata, ante hoc tempus uobis qui adfuistis de pulpito recitarentur, hoc quoque plenissimae gratulationis munus, ipso amico Dei, ut credimus, procurante, Dilectioni uestrae exhibitum, ut post recitationem diuinorum operum atque gestorum, ipsarum etiam personarum in quibus illa mirabilia facta, quaecumque in praesenti reperiri potuerunt, demonstratio perspicua et professio propria, non solum scriptis nostris testimonium perhiberent, uerum etiam oculis aspectibusque uestris fidem ueritatis ingererent. Vnde factum est ut, dum ipsae uirtutes Dei uestris auribus primitus per lectionem intimarentur et iam uisibus uestris oculata fide praesentarentur, illud in uobis quod in Psalmis scriptum est compleretur : Sicut audiuimus, ita et uidimus. Erat quippe in tanta re caelestis gloriae spectaculum grande. Vbi enim pronuntiauerat lector quamlibet historiam, uerbi gratia primitus de quadam caeca, postea illuminata, statim terminato sermone haec eadem persona requisita in populo et inuenta, et in medium omnis Ecclesiae producta, admirantibus et congratulantibus uidebatur sola iam sine ullo comite ac duce, sicut prius solebat, incedere, ipsaque per se etiam gradus absidae conscendens, uniuersis eminus conspicienda adstabat, et testimonium in se diuinae gratiae, 15 Sicut – uidimus] Ps. 47 (48), 9 II, Caput 1 FL S δ ε 1-2 Titulus abest in α M 2 allocutio ad populum] allocutio ad populum de uirtutibus sancti D E incipit liber secundus. Allocutio S NR J incipit secundus allocutio O secundus liber euodii Z incipit secundus [liber] B incipit liber secundus euodii L in mg. incipit liber II (scds) I allocutio de libro altero ad praecedentem adiungendo ed. 3 caritas] codd. sanctitas ed.. fratres et patres transp. O cum om. I 4 uzalensis] uzul- RB (corr. B2) O nonnulla] cum S δ ε ed. domini] sancti L 5 publica attestatione] pubplica attent- K 6 pulpito] publico ε ed. 7 dei ut credimus om. O 8 [exhibitum] fuisse add. α S δ post recitationem] pro recitatione F gestorum] -tarum F 9 etiam] et iam K illa] alia ed. mirabilia] miracula R 10 perspicua] praecipua F professio] conf- I 11-12 perhiberent...ingererent (ingesserent R)] -ret...-ret F 12 uestris] nostris L B 13 lectionem] dilectionem L et iam uisibus] etiam u. I etiam uisibilis RO 14 o(c)culata] osculata O ut [illud] add. ed. psalmis] -mo C ed. compleretur] completur L 19 et in medium] in mediumque F in medioque L 20 a cunctis [admirantibus] add. F congratulantibus] gratulantibus L sola om. F J et rest. J2 in mg 21 sicut – ipsaque om. J et rest. J2 in mg. etiam per se transp. C ed. 22 diuinae in se gratiae transp. F
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Livre second Chapitre 1 [Allocution au peuple] Pères et frères très saints, Votre Charité se rappelle très bien, tout comme moi, le moment passé où on lisait au pupitre, dans l’assemblée de notre Église d’Uzalis, en votre présence, quelques-uns des miracles du seigneur Étienne, premier martyr du Christ, consignés avec fidélité et certifiés par des témoignages publics42 ; c’est alors que, grâce à l’aide, nous le croyons, de l’ami de Dieu lui-même, Votre Dilection reçut de surcroît une faveur manifeste, digne des plus ardentes actions de grâces : après la lecture des œuvres et des hauts faits de Dieu, les personnes elles-mêmes en qui ces miracles avaient été accomplis, toutes celles qu’on put trouver sur place, par la preuve évidente qu’elles apportaient et leurs déclarations personnelles, non seulement témoignèrent pour nos écrits mais apportèrent aussi à vos yeux attentifs la preuve que tout cela était vrai. Et ainsi, alors que les effets de la puissance divine entraient d’abord en vos oreilles par la lecture, et s’imposaient bientôt à vos regards avec le crédit que mérite ce qu’on voit, fut accompli en vous ce qui est écrit dans les Psaumes : « Ce que nous avons entendu, nous l’avons vu aussi. » De fait, en un si grand événement, s’offrait de la gloire céleste le spectacle grandiose. En effet, lorsque le lecteur avait achevé l’un des récits, par exemple, pour commencer par le premier, celui d’une femme aveugle43 qui recouvre la vue, à peine la dernière parole prononcée on cherchait l’intéressée dans la foule, on la trouvait, on la faisait venir au beau milieu de l’église. On était rempli d’admiration et on partageait sa joie en la voyant s’avancer seule, sans que nul désormais ne l’accompagne ni ne la guide comme auparavant. Elle montait les degrés de l’abside sans aide aucune, elle se tenait là pour que tous puissent la voir de loin et ses yeux dans leur éclat retrouvé proclamaient l’action en elle de la grâce divine comme des témoins fidèles qui prêchaient
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ipsorum suorum illuminatione oculorum ueluti fidelium testium tacita quadam praedicatione proclamabat. Item cum de paralytico sanato multis antea cognito praecessit lectio, continuo idem qui ab eiusmodi infirmitate fuerat curatus, similiter productus e populo propriis gradiens passibus, cum totius ecclesiae magno gaudio cernebatur, praeconia diuinae laudis quibusdam contestans palpabilibus documentis, ipsis sanatis sui corporis integris membris. Dum haec ita gererentur dumque uno eodemque tempore singulis quoque conscriptis etiam res ipsae mirabiliter concordi unitate coirent, profecto putares non tam praeterita narrari quam potius praesentia demonstrari. Ita enim quod sermone praeferebatur, statim etiam ipso praesenti opere cernebatur, ut alio quodam maiori miraculo mirabiliora ipsa mirabilia redderentur. Quis tunc durus ac ferreus non in lacrimas erupit, non ad pietatem humilitatemque defluxit ? Quanta qualisque confirmatio et aedificatio ipsius fidei omnisque Ecclesiae fuit ! Quis unquam digno praeconio loqui possit ? Fiebat clamor gratulationis in auditu lectionis ; rursum maior quoque exultatio excitabatur in aspectu uisionis ; ac sic per auditum et uisum penetrabat flamma diuini amoris omnis tunc cor hominis. Haec autem siue quia silentio praeterire non potui, propter eorum qui illo tempore adfuerant memoriam renouandam, siue eorum quos ista latebant nequaquam scientiam defraudandam, et quia illa ipsa continuo quae recitata sunt, statim etiam a religiosis plurimis cum clausula sua rapta atque descripta sunt, idcirco ad alia quae consecuta sunt narranda hinc, adiuuante Domino, quasi libelli secundi exordium sumpsimus. Referam igitur uobis, carissimi, in adiutorio Domini nostri Iesu Christi, adhuc domini Stephani patroni communis mirabilia gestae rei multisque bene notissimam, in laudem et gloriam Dei, memorabilem historiam.
33-34 Quis – erupit] cf. Cic., De suppl. 121 (?)
23 illuminatione] illuminatio F oculorum illuminatione transp. IJ 24 de paralytico sanato cum transp. C ed. [multis] etiam add. N R E 25 praecessit] -cessisset F qui ex quo D2 curatus ex furatus J2 26 [productus] est add. CDK e om. K passibus] gressibus L 27 quibusdam om. O 28 sanatis] sanatus L 29 haec om. F ita] itaque C ed. singulis] per singulis F2 30 conscriptis] cum scriptis F ipsae res transp. CDIEJ ed. res ex rex K2 mirabiliter om. BO rest. B2 in mg [concordi] inter se add. α unitate] -i K 32 praeferebatur] pro- L KI praesenti ex praesente S2 33 maiori] maiore F mirabiliora ipsa om. F mirabilia] miracula CDIEJ ed. tunc] tam C ed. 35 quanta – fuit om. ε ed. 36 loqui] eloqui F 37 quoque maior transp. CDIEJ ed. 38 penetrabat] -batur MN 40 siue quia] sine quia BR quia sine Bpc CDIEJ ed. eorum] illorum B illo] eo B 41 [siue] propter add. F 42 defraudandam] -dum MN DKE [defraudandam] putaui add. L 43 religiosis] -gionis K rapta] recepta L capta ed.. rapta atque descripta sunt] r. sunt a. d. transp. CD r. sunt atque d. sunt KIE J2 in mg. 44 consecuta] secuta C narranda] e- F hinc] hunc F adiuuante] iuuante F 45 in om. ed. 46 nostri om. F domini2] domni K om. CDIEJ ed. mirabilia] mirabiliter α
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sans paroles. De la même façon, aussitôt après la lecture de l’histoire du paralytique que beaucoup avaient connu avant sa guérison, celui qui avait été délivré de l’infirmité en question était lui aussi tiré de la foule, s’avançait sur ses jambes, et toute l’Église en le voyant était remplie de joie. La louange de Dieu qu’on venait de proclamer, il la confirmait par des preuves pour ainsi dire tangibles : tous ses membres que la guérison avait rétablis comme avant. Tandis que tout cela se passait ainsi et qu’en un seul et même temps la réalité ellemême coïncidait avec chacun des rapports écrits dans une unité miraculeusement parfaite, on avait vraiment l’impression, moins d’écouter le récit d’événements passés que de voir se dérouler les événements au présent. En effet, ce qui était d’abord exprimé par la parole était aussitôt mis sous les yeux dans sa réalisation, si bien qu’un nouveau miracle plus impressionnant rendait plus miraculeux les miracles eux-mêmes44. S’estil trouvé alors un cœur dur, un cœur de fer45, pour ne pas éclater en sanglots, pour ne pas s’abandonner à une humble ferveur ? Combien furent affermies, à quel point furent édifiées et la foi et toute l’église ! De tout cela, qui pourrait jamais être le digne héraut ? C’étaient des cris joyeux de reconnaissance quand on écoutait la lecture, et l’allégresse reprenait, encore plus grande, quand on voyait le spectacle ; ainsi l’ouïe et la vue faisaient alors entrer la flamme de l’amour divin dans le cœur de tout homme. À la fois parce que je n’ai pu passer sous silence ces événements dans mon désir de raviver les souvenirs de ceux qui y avaient alors assisté, et aussi pour ne pas en refuser une connaissance complète à ceux qui les avaient ignorés, et puisque ces récits qui ont été l’un après l’autre proclamés ont été aussitôt enregistrés et consignés avec leur dénouement par un très grand nombre de personnes pieuses, nous sommes donc partis de là pour raconter d’autres miracles qui ont eu lieu ensuite, et nous en avons fait, avec l’aide de Dieu, l’exorde de notre second livre. Aussi vais-je rapporter pour vous, qui m’êtes très chers, avec le secours de Notre Seigneur Jésus Christ, les hauts faits merveilleux qu’a accomplis jusqu’à ce jour le seigneur Étienne, notre commun patron, histoire que bien des gens connaissent, mais dont il faut perpétuer la mémoire pour la louange et la gloire de Dieu.
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Capvt secvndvm [De Megetia, quae paralysi fuerat percussa, quae inter medicorum manus defecerat, et currens ad sanctum Stephanum a duplici infirmitate liberata est] 5
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1. Carthaginensis quaedam femina ciuitatis fuit, nobilis genere, nobilior Christi fide, Megetia nomine, diues in saeculo, ditior in Deo, cui christiana mater erat uocabulo Vitula ; pagani autem erant maritus, socer et pater. Haec cum in utero haberet quarto mense conceptus sui, nescio unde nausiando prius ac reiiciendo, dum frequentius pateretur stomachi concussionem orisque distensionem et uomitus prouocationem, in prauitatem pestemque paralysis causa perducta est, ita ut exclusis a locis suis ipsis cardinibus dentium et arteriorum, nequaquam posset dilapsa ora constringere atque corrigere neque peruios atque integros motus palati ac linguae ad aliquid uel ore emittendum, uel in os recipiendum potuisset habere. Remanserat in femina pia et pudorata deformis quidam atque aduersandus aspectus, et ibi uitii macula corpori erat infixa ubi utique nequaquam posset esse celata. Facies quippe erat de qua quidam dixerat : « Frons hominem praefert », quae tegi sine dedecore non potest. Ceterorum namque membrorum cum aliquo uitio officia praepediuntur, nonnulla industria ruboris subtrahuntur ; at uero cum ipse hominis uultus aliqua fuerit foeditate turpatus, quidquid propter uerecundiam tegminis adhibetur, ipsa uerecundia magis augetur. Quid ergo faceret nobilis matrona, uelamento abscondens ora uitiata, dum uenientibus salutatum ad se aeque aliis nobilibus feminis, aut osculum dare, aut sermonem conferre, ipsius uitae societas atque humanitas compulisset, ut taceam de cibo et potu, quod uix aegre poterat manducare uel haurire ? Namque ingenium industriaque medicorum diu multumque circa eam frustra laborantium, non
7 in – haberet] cf. 2 R. 4, 16 ; Ruth 1, 11 ; Mt. 1, 18 ; 1, 23 ; 1 Thess. 5, 3 ; Apoc. 12, 2 16 Frons – hominem] Verg., Aen. 10, 211 Caput 2 FLZ (partim) S (partim) δ ε 2-3 Titulus abest in FL 3 currens] de- δ liberata] codd. curata ed. est liberata transp. B 2-3 de megetia quae orationibus matris suae uocabulo uitulae et meritis sancti stephani a paralysi sanata est DIE 4 carthaginensis] -niensis MNR O KI EJ ciuitatis quaedam femina transp. F DK ed. c. f. q. transp. I f.q.c. transp. J femina om. α ed. fuit om. α 5 fide christi transp. M B [deo] clara mundo clarior mundi domino add. α 6 erat om. B (rest. B2) α M uocabulo] nomine CI ed. [maritus] et add. CDKI ed. et pater om. DKIEJ 7 sui] ui F nausiando] nauseando C ed. 8 ac] aut D 9 causa om. F 10 arteriorum] arteriarum C ed. 11 ora ex bra K2 atque corrigere om. F CDIEJ ed. peruios] per uios K per dubios F 12 palati motus transp. ed. ac] atque CDIEJ emittendum] adm- F 13 potuisset om. ed. 14 atque] et C infixa] inflicta F 15 utique om. D esse ex -et K2 celata] -tum F 16 ab hominem incipit S 17 dedecore ex decore F2 18 ruboris] -ri F I ed. 19 hominis om. ed. foeditate M2 non legitur M turpatus] turbatus S D 22 aeque aliis] aequalibus F feminis ex –nibus K2 24 aegre] egere S om. L manducare] mandare FL R2 mandere MNR O EJ haurire ex aurire B2 24-26 ingenium... conferre] ingenio...conferri α 25 laborantium frustra transp. C ed.
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Chapitre 2 [Histoire de Megetia, qui, atteinte d’une paralysie, dépérissait depuis longtemps entre les mains des médecins : elle courut vers saint Étienne, et fut guérie d’une double infirmité.] 1. Il y avait une femme de Carthage, noble par ses origines et plus noble encore par sa foi dans le Christ, qui s’appelait Megetia46. Elle était riche dans le monde et plus riche encore en Dieu. Sa mère était chrétienne et s’appelait Vitula, mais son mari était païen, son beau-père et son père aussi. Alors qu’elle était enceinte47, au quatrième mois de sa grossesse, elle commença, on ne sait pourquoi, par éprouver des nausées et par rendre, puis, à force de subir des crampes d’estomac, des distensions de la bouche et des vomissements spasmodiques, elle en vint, à la suite d’une paralysie, à être horriblement défigurée : les axes de sa mâchoire et les conduits de sa gorge avaient été chassés de leur place, sa bouche tombait et elle ne pouvait absolument pas la refermer et la remettre à sa place ; elle eût été incapable de garder le contrôle normal des mouvements de son palais et de sa langue, pas plus pour rejeter quelque chose de sa bouche que pour l’y faire entrer. Ainsi, une laideur repoussante affligeait cette femme pieuse et réservée, et son corps portait une marque honteuse, imprimée à l’endroit où il était tout à fait impossible de la dissimuler. Elle se trouvait en effet sur sa figure, dont quelqu’un a dit : « Le visage révèle l’homme48 », visage qu’on ne peut cacher sans se déshonorer. De fait, lorsqu’un défaut empêche les autres parties du corps de remplir leur fonction, il est des ruses qui permettent de les dissimuler et d’échapper à la honte. Mais lorsque c’est le visage lui-même qui est souillé par une infirmité, plus on cherche à la dissimuler par honte, et plus la honte augmente. Que pouvait donc faire une noble dame qui cachait derrière un voile ses traits déformés, alors que les règles sociales et humaines lui faisaient un devoir, quand d’autres femmes, nobles comme elle, venaient lui rendre visite, de leur donner un baiser ou d’engager la conversation avec elles, et je ne parle pas des aliments et des boissons, puisqu’elle avait toutes les peines du monde à manger et à boire ? Non seulement le talent et le zèle des médecins qui se dépensaient vainement autour d’elle en efforts incessants et multiples ne pouvaient
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solum nihil salutis ei conferre poterat, uerum etiam in deterius cotidie causa pergebat. Nec immerito : ab illo enim conditore et correctore omnis naturae Deo nondum in illa reformabatur, quod non nisi eius uirtute formatur, cuius censura omne hominis corpus et disciplina constringitur et medicina laxatur. Tali igitur confecta maerore ac dolore, nec quorumcumque remediorum aut medicamentorum ullo adiuta leuamine, fere iam sexto mense, tabefactum fuerat delicatae corpus animusque puellae. Ob quam causam etiam illud quod gestabat a uitali spiritu iam destitutum intra saepta uiscerum retinebat emortuum. Ita cum prius sub uno paralysi uitio iam ipsa uita horreret, accessit aliud grauius et periculosius, unde nec ipsa quidem uiuendi possibilitas remaneret. Nam si puella sic defecerat sub uitiosi oris labore, quomodo posset uiuere cum mortuorum uiscerum collapsione ? Septimus mensis incesserat, non uultus pestifera prauitate exuebatur, non aluus onere mortuo releuabatur. Pontius uero Megetiae pater, socer autem Auitianus, et maritus Audentius, utpote adhuc erroribus gentilitatis adstricti, quicquid non solum per industriam medicorum, uerum etiam per artes daemoniorum ac superstitiosarum figmenta uanitatum, quasi pro uita intermorientis Megetiae poterant attentare, frustra omnino atque inaniter desudabant. Sed, error infelix, quid saluti humanae crederes te posse conferre, quam studuisti semper auferre ? Refellit te uox ueritatis in sacratissimis Psalmis, contestans generaliter et breuiter, a quo uere sit omnis salus animae corporisque, dicens : Domini est salus. Soli enim Deo recte cantatur : Homines et iumenta saluos facies, Domine. Qui dignatus est creare, ipse prorsus dignatus est et sanare. 2. Proinde illis memoratis personis diu in talibus frustra laborantibus, et non corpore, sed corde dormitantibus, ecce Deus ille magister qui non dormit neque dormitat, qui custodit Israël, ipse, inquam, Dominus cui cura est pro omnibus, religiosam Vitulam Megetiae matrem fidei calore succendit, atque ut ad domini amici sui Stephani suffragium accurreret inspirauit.
47 Domini – salus] Ps. 3, 9 47-48 Homines – Domine] Ps. 35, 7 50-51 qui – Israël] Ps. 120, 4 26 cotidie om. ed 27 immerito] in merito K correctore] correptore δ redemptore DK2IJE ed. rem K 28 quod – formatur om. F 30 quorumcumque] quorumque F S M B DI remediorum] mediorum J (corr. J2) medicorum F 31 aut] ac α adiuta] adiuuata C 32 causam] rem ε ed. 33 [uiscerum] iam add. C 34 paralysi] -sis FL2 35 uiuendi quidem transp. C 37 collapsione] dilapsione F non lapsione K 38 incesserat] interces- C pestifera] pestifer a L S δ DKI EJ ed. 38-39 non – releuabatur om. F 39 releuabatur] relelabatur B (corr. B2) reuelabatur M reuebatur D reuelebatur O exuebatur CKIEJ ed. 40 audentius] aduentius C ed. utpote] ut postea F gentilitatis erroribus transp. ed. adstricti] obstricti F astrictus J 43 desudabant] insud- B 44 te crederes transp. ed. 45 refellit] repellit F contestans] contenta L 48 prorsus om. M B rest. B2 dignatus est] dignatur FLZ S MNR O DKI EJ et om. S 49 personis memoratis transp. S 50 non corde, sed corpore transp. L dormitantibus ex -mientibus J2 51 neque] nec L ipse inquam dominus] ipse inquam deus CDKIE ipse deus inquam ed. inquam deus ipse O 52 fidei] fideli S ed. [atque] id add. D ut om. F I 53 amici sui domini transp. α accurreret] occurreret L
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rien pour la guérir mais son état ne faisait qu’empirer de jour en jour. Et ce n’était pas sans raison : en effet, Dieu, qui crée tout ce qui existe et le restaure, ne réformait pas encore en elle ce qui n’est formé que par sa puissance. Il a sous son contrôle tout le corps humain : il le contraint par sa discipline, il le libère par sa médecine. Ainsi donc, elle était épuisée par la tristesse et la douleur : aucun remède, aucun traitement ne lui procuraient le moindre soulagement. Au sixième mois ou à peu près, la fragile jeune femme s’était vidée de ses forces physiques et morales. Par suite, ce qu’elle portait était désormais privé du souffle de la vie et elle le gardait mort, enfermé dans ses entrailles. Ainsi, aux ravages de la paralysie qui suffisaient déjà à mettre en danger sa vie, vint s’ajouter un mal plus grave et plus dangereux qui ne lui laissait même pas la possibilité de vivre. Car, si l’état de la jeune femme s’était à ce point dégradé sous l’effet du mal qui déformait son visage, comment pouvait-elle vivre avec le poids de ses entrailles mortes ? Elle entrait dans son septième mois, et son visage n’était pas libéré de sa difformité repoussante, son ventre n’était pas délivré du poids mort qu’il portait. De leur côté, Pontius, le père de Megetia, Avitianus son beau-père, Audentius son mari, en hommes qui étaient encore ligotés par les erreurs du paganisme, transpiraient en pure perte à tenter tout ce qu’ils pouvaient, en recourant non seulement au zèle des médecins mais aussi aux sortilèges des démons et autres vaines inventions de la superstition, comme s’ils pouvaient faire quelque chose pour la vie de Megetia à l’agonie. Mais crois-tu, Erreur funeste, pouvoir contribuer au salut de l’homme que tu t’es depuis toujours efforcée d’empêcher ? La voix de la Vérité te confond dans les Psaumes très saints, quand elle affirme en une formule aussi brève qu’universelle de qui, en vérité, vient toute guérison de l’âme comme du corps : « C’est du Seigneur que vient le salut. » En effet, c’est pour Dieu seul qu’il est juste de chanter : « Les hommes et les animaux, tu les sauveras, Seigneur. » Celui qui a daigné créer, celui-là a daigné aussi guérir. 2. Alors donc que les personnages dont nous avons parlé se donnaient depuis longtemps tout ce mal en pure perte, et sommeillaient dans leur cœur, sinon dans leur corps, voici que Dieu, le maître « qui ne sommeille ni ne somnole, qui veille sur Israël », le Seigneur lui-même, dis-je, qui a souci de tous, enflamma la pieuse Vitula, la mère de Megetia, du feu de la foi, et lui inspira la pensée de courir demander l’appui de l’ami de Dieu, le seigneur Étienne.
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Quam, ubi benedicta femina in sacratarum reliquiarum loco de Carthaginensi urbe ad Vzalensem profecta est, misericordissimo sinu misericors Dominus et miserator excepit, exaudiuit, adiuuit, atque de filia compotem fecit, ac de diabolo aduersario superato uictricem triumphare permisit. Dici non potest quibus illa pia femina amicum Dei flebilibus uocibus fuerit aggressa, et quanta cum miseratione ante limina gloriosi martyris prostrata effusos sui cordis dolores expresserit, in haec uerba prorumpens : « Domine Stephane, Christi amice, subueni matri miserae ad te confugienti pro salute periclitantis filiae. Hic te ego planctibus oro, illic te ancilla tua praesentem medicum sentiat imploro. Scis ipse qualibus causis laboret Megetia, et in quo uitae discrimine sit constituta. Ecce enim ex quanto tempore iacet, misera toto corpore, et paralysi dissoluta, et uisceribus tabefacta. Proximum est autem ut, septimo mense expleto, comprehendatur ab octauo. Omnes desperant de salute Megetiae : ego quae ad Christum et ad te eius amicum confugi, credo quia talis luctus de filia non imponetur capiti meo. Peto autem et rogo ut, cum hinc a corona tua festinanter reuertens ad ancillam tuam proficisci coepero, recreetur anima mea de filia aliquo nuntio bono. » His et horum similibus multis affatibus ubi satis uisa est sibi idoneum instruxisse aduocatum Stephanum sanctum apud iudicem Christum, propere ad reuisendam filiam, unam et solam suam maximam curam, mater parturibunda reuertitur. Oleum tamen sanctificatum et orarium uel sudarium, orationum suarum sudorumque pro salute filiae laborantis testimonium, a beati memoria martyris secum pariter reportabat. Ecce igitur in uia declinandorum aestuum gratia (nam aestiuum tempus erat, quo igneus sol terras urebat), subito adueniente nuntio accepit litteras a
55-56 misericors – miserator] Ps. 85,15 54-55 benedicta femina...profecta est] -tam -nam...-tam F carthaginensi] -niensi F M KI 55 misericordissimo sinu misericors dominus] m. s. misericordissimus d. K misericordissimus dominus O CDI ed. dominus] deus F 56 [excepit] atque add. B atque [exaudiuit] add. O adiuuit om. L atque] uotique sui F de [diabolo] om. F 57 triumphare] triumphum facere F permisit] pro- R 58 quibus ex qui B2 flebilibus] fidelibus I fuerit] fuerat KI 59 effusos ex -so B2 60 expresserit] - sit C domine] domne K 61 miserae] miserere F 62 ego] ergo CDKIJ ed. om. BO per [medicum] add. K et del. K2 medicum] medicinam B 63 laboret] laboro et F et om. F 64 iacet] iaceat F 65 et paralysi dissoluta et uisceribus tabefacta] tabefacta et par. diss. et uisc. tab. L tabefacta et par. diss. et uisc. putrefacta F [tabefacta] eras add. C2 proximum] primum D autem est transp. L 66 expleto] completo C ed. 67 ad [te] om. CDI ed. te om. F amicum eius transp. F eius om. C ed. 68 meo capiti transp. B 69 corona tua] caro nato F reuertens festinanter transp. C O ed. reuertens] reuertes L 70 de filia om. S 72 instruxisse] constr- L sanctum stephanum transp. B CE ed. 73 maximam curam] -a -a F parturibunda] -dam C (uide notam) 74 et] ut S uel ex ut L2 75 sudorumque] sudoremque F sudorque D martyris memoria transp. MN CDKI ed. 77-78 in uia declinandorum (declinandi F2) – urebat subito] in uia cum declinandorum – urebat secessiset subito CE ed. 78 [litteras] sibimet add. F
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Lorsque cette femme bénie fut partie de la ville de Carthage pour celle d’Uzalis, et se trouva dans le lieu des saintes reliques49, Dieu, qui est pitié et miséricorde, l’accueillit en son sein très miséricordieux, l’écouta, la secourut, lui donna pouvoir sur sa fille50 et lui accorda le triomphe de la victoire sur le diable, l’ennemi terrassé. On ne peut dire de quelles paroles mêlées de larmes cette pieuse femme assaillit l’ami de Dieu, et avec quelles attitudes pathétiques, prosternée sur le seuil du glorieux martyr, elle laissa s’épancher la souffrance de son cœur, en disant avec véhémence : « Seigneur Étienne, ami du Christ, viens au secours d’une mère en détresse qui se réfugie auprès de toi pour que tu guérisses sa fille qui va mourir. À toi, ici, j’adresse mes prières et mes larmes ; toi, je t’en supplie, là-bas, fais sentir à ta servante que tu es auprès d’elle pour la guérir. Tu sais bien, toi, pourquoi Megetia souffre, et dans quel péril de mort elle se trouve. Depuis tout ce temps qu’elle est alitée, son corps n’est que souffrance, car la paralysie l’a rendue impotente et ses entrailles sont un foyer d’infection. Or, très bientôt, après avoir fini son septième mois, elle va se trouver aux prises avec le huitième. Tout le monde désespère de la voir guérir, mais moi, qui suis venue me réfugier auprès du Christ et de toi, son ami, je suis sûre qu’un si grand deuil ne me frappera pas dans ma fille. Je te le demande donc en suppliant : lorsque, quittant ce lieu où brille ta couronne51, je me serai mise en route pour rejoindre en hâte ta servante, fais-moi revivre par une bonne nouvelle à son sujet. » Lorsqu’elle crut avoir, par ces paroles et d’autres du même ordre, bien établi saint Étienne comme avocat compétent52 auprès du Christ-juge, la mère, prête pour l’accouchement53, se hâte d’aller retrouver sa fille, seul et unique objet de son tourment. Elle emportait cependant avec elle, de la memoria du bienheureux martyr, de l’huile sanctifiée et le linge, la serviette, témoin de ses prières54 et de ses sueurs pour la guérison de sa fille souffrante. Or, comme elle était en route de manière à éviter les grosses chaleurs (car on se trouvait en été et un soleil de feu brûlait les terres), un messager arriva soudain et elle
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uiro suo de Carthagine directas, sicuti suis precibus postulauerat, et sicut postulauerat acceperat, in quibus proxime futura liberatio filiae significata erat. Nam mensem octauum altera die ingressura filia dicebatur, aliquantulum tamen uegetior esse, et sua iam partuum signa praecedere, et bono animo illam de filia esse debere. Quod totum religiosae Vitulae matri non ore humano sed diuino oraculo nuntiabatur. His igitur primis uotorum suorum releuata mater auspiciis perniciter aduolauit. Quae ubi peruenit Carthaginem, suamque natam in ipso suae uitae positam inuenit articulo, statim sacrato oleo filiae membra perunxit, sudarium quoque amplexandum pectori tradidit. Quo facto, rediuiua Megetia uteri sui partu exonerata, octaui mensis ingressa mulieribus praegnantibus tremenda limina ab ipsa mortis regia rursum auris est uitalibus restituta. Sic itaque una lethali causa dispuncta, archiatro caelesti protinus altera curanda restabat. Quod ut iamiamque fieret, fida mater Vitula filiam liberatam ad illam uitalis fontis uenam, unde haustum aegrae suae caeleste poculum fideliter attulerat salubriterque infuderat, secum reducere cupiebat. Sed nondum recuperatae uires Megetiae post laborem periculosissimae enixionis suae alterum itineris subire laborem minime permittebant. 3. Interea uir, socer paterque puellae nihilo adhuc permoti in laudem Dei ueri eiusque martyris primi de tam desperabili causa uteri, rursus coepere ob eiusdem curandam reliquam ualetudinem, id est uitiosi oris prauitatem, illa hominum remedia erroresque consulere, et longas moras temporum frustra conterere. Namque annus integer et aliquot fere menses sic euoluti erant. Patientia quippe ac prudentia diuina id cum illis hominibus errantibus agebat ut illud quod superius dictum est, quia non hominis sed Domini est salus, incredulis credendum per illas moras temporum inculcaretur, ut cum puellae cura 90 auris uitalibus] cf. Lucr. 3, 405 ; 577 ; 5, 857 ; 6, 1227 (uide notam)
79 sicuti] sicut in F sicut ed. precibus suis transp. ed. 79-80 et sicut postulauerat (postularat F) acceperat] acceperat L D (del. D2) om. IE 81 ingressura] -sa S tamen del. F2 82 sua] codd. sui ed. partuum] partum F B2 D partus D2 ed. praecedere] succedere L bono ex bona C2 83 [filia] sua add. L matri] matris C ed. 84 nuntiabatur] manifestabatur F 85 his ex hic B2 releuata] reuelata F S N BR 86 peruenit carthaginem] carth- uenit α 86-87 ipso uitae suae art. pos. inuenit transp. ed. positam inuenit om. J 87 perunxit membra transp. S 88 amplexandum] dam S ad amplexandum IJ pectori] corpori C 89 mulieribus] muliebribus S M praegnantibus mulieribus transp. C ed. 90 rursum] rursus C ed. est om. L restituta] restaurata I 92 restabat ex restaurabat K2 iamiamque] iam L F fida] fide L pia F 93 illam om. ed. aegrae suae haustum transp. DKIE ed. fideliter om. ε ed. 94 secum ex secundum F2 95 periculosissimae] periculosae B2 D ed. perucolosissimae C enixionis ex -osis J2 96 subire ex subuenire C2 permittebant] permittebat F (corr. F2) S 97 paterque] et pater C 98 ueri om. F uerique eius martyris transp. C ed. desperabili] miserabili CJE ed. rursus] rursum C ed. rursumque D coepere] coeperunt D 98-99 ob eiusdem] ab eisdem F 99 eius [ualetudinem] add. L id est] idem K prauitatem] -tatis F illa om. F 100 hominum] -nibus F [errores]que om. I 101 euoluti sic erant transp. C ed. 101-107 patientia – ostenderetur om. ε ed. 102 prudentia] prouidentia R
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reçut de lui une lettre envoyée de Carthage par son mari : c’était la nouvelle qu’elle avait demandée dans ses prières et qu’elle recevait dans les termes où elle l’avait demandée. La lettre annonçait que la délivrance de sa fille était toute proche ; elle disait que sa fille, qui devait entrer le lendemain dans son huitième mois, avait pourtant un peu plus de forces, et que les signes annonciateurs d’un accouchement se manifestaient : elle devait donc reprendre espoir pour l’état de sa fille. Et tout cela était annoncé à la mère, la pieuse Vitula, non par une bouche d’homme, mais par une parole de Dieu. Réconfortée par ces premiers signes du succès de ses prières, la mère, pleine d’ardeur, repartit rapidement. Arrivée à Carthage, elle trouva son enfant véritablement entre la vie et la mort55 ; alors, aussitôt, elle lui frotta le corps avec l’huile bénite et lui donna aussi la serviette à passer autour de sa poitrine. Après cela, Megetia revint à la vie, elle fut délivrée du fardeau de son ventre alors qu’elle franchissait le seuil du huitième mois, si redouté des femmes enceintes ; elle quitta le royaume de la mort pour retrouver le souffle de la vie56. Ainsi donc, la première affection, celle qui menaçait sa vie, avait été éliminée, mais il restait au grand médecin céleste à continuer par la guérison de la seconde. Et, pour que cela se fasse vite, sa mère Vitula, pleine de foi, souhaitait ramener avec elle sa fille, désormais libérée, à la fontaine de vie où elle avait puisé pour sa chère malade une coupe céleste qu’elle lui avait apportée avec foi et fait boire afin de la guérir. Mais, après l’épreuve d’un si dangereux accouchement, Megetia n’avait pas encore repris assez de forces, et ne pouvait absolument pas affronter une nouvelle épreuve, celle d’un voyage. 3. Pendant ce temps, le mari, le beau-père et le père de la jeune femme, qui n’avaient nullement encore été poussés à glorifier le vrai Dieu et son premier martyr après une si désespérante grossesse, recommencèrent, en voulant la guérir de l’affection qui restait, c’est-à-dire du mal qui lui tordait la bouche, à faire appel aux remèdes des hommes et à leurs erreurs et perdirent en vain beaucoup de temps. De fait, une année entière et quelques mois s’étaient passés ainsi. Dieu, dans sa patience et sa sagesse, agissait ainsi envers ces hommes égarés pour contraindre ces incroyants, à force de temps perdu, à croire à ce qui a été dit plus haut : que le salut vient non des hommes,
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pro qua illi satagere uidebantur nihil proficientibus eorum conatibus differtur ac protenditur, ipsis sectatoribus suis error suus deridendus atque abiciendus ostenderetur. Tandem fidelis mater Vitula archiatrum quemdam Felicem nomine Carthaginensis ciuitatis, fidelissimum prae ceteris atque amicissimum domus suae, corrogauit ad se ipsam, ac super salutem unicae ipsius obtestando constrinxit, dicens : « Sic unica filia tua uiuat, potestne curari Megetia de paralysi ista, an non ? » Tum ille : « Quia sic, inquit, me uoluisti constringere, fideliter dico filiam tuam penitus de hac causa curari non posse. Ipsa, inquit, iunctura quasi carri, ubi oris et maxillarum quaedam retinacula continentur, exclusa est a locis suis. » Cui respondens mater Vitula, fidei suae stabilitate fundata, continuo retulit dicens : « Ego non sic credo de Christo meo, quia sic relinquetur filia mea in hoc tanto paralysi malo. » At ille fidei firmitatem ualde admirans in femina : « Hoc, inquit, omnipotenti Deo licet facere, cui credis ; nam nihil speres ex nobis. » Quibus religiosa Vitula auditis, dimisso a se archiatro, assumens secum Megetiam suam adiit uirum suum et uirum filiae suae, ac, pio inflammata dolore, sic fari exorsa est : « Acquieuimus, inquit, uobis miserae usque nunc, nec resistere mulieres uiris ualuimus ; diu uestras pertulimus uoluntates, ex quibus nullus salutis filiae fructus, nullus cessit effectus, ita ut ecce per annum et quot excurrunt amplius menses inter manus medicorum corpus filiae meae tantummodo fatigetur, nec omnino, sicut uidetis, aliquid proficiendo sanetur. Rogo, aliquando permittite et nobis ut faciamus et nos quod expedit nobis : eamus et nos ad medicum nostrum. Credo in illum, quia qui noluit Megetiam cum suo partu mortuo mori, ipse etiam eam faciet sano uultu suo inter homines conuersari. » His atque huiuscemodi querimoniis deploratis iustis ac ueris, nequaquam illi uiri tali feminae uirili animo indutae ualuerunt resistere. Maluerunt sponte cedere quam quolibet alio iudicante uicti discedere. 105 satagere] idagare F 106 [suis] et add. F 108 carthaginensis] -iensis F M K 109 post fidelissimum transp. domus suae B atque amicissimum] atque -cum CDK amicum I post amicissimum transp. prae ceteris B 110 ad se ipsam corrogauit transp. B CDK unicae ipsius] filiae suae unicae C eum [obtestando] add. F constrinxit] -struxit K 111 sic unica] si unica F2 L δ DKI EJ tua] mea F uiuat potestne] tibi uidetur posse F 112 quia – constringere post posse transp. CDKI inquit om. CDKI ed. 113 de hac causa penitus transp. CDKI ed. ipsa inquit] ipsa enim in quid F 113-114 quasi carri del. F2 114 retinacula quaedam transp. ed. 115 fundata] firmata B 116 de] codd. in ed. quia] quod L relinquetur] -atur F derelinquetur O 117 paralysi] -sis F δ ed. in femina] feminae F 118 credis] creditis S 119 ex nobis om. J rest. J2 in mg. religiosa ex -sis B2 120 suam om. J rest. J2 ad [uirum] add. I 121 fari] uarie F inquit om. F S 122 resistere ex restetere K2 ut uid. uiris mulieres transp. CDIEJ ed. 123 salutis] -ti F fructus salutis filiae transp. C ed. filiae om. L 124 quot] qui F 125 [sicut] nunc add. δ proficiendo] per- ed. sanetur ex sanatur J2 126 [rogo] et add. S et2 om. L quod expedit] quae expediunt CDIEJ ed. 127 [credo] ego add. α qui om. F 128 etiam post faciet tranps. F eam om. B J rest. B2 J2 faciet] -cit S fecit K om. E rest. E2 sano] cum sano F om. J rest. J2 130 atque] itaque D huiuscemodi] huiusmodi F C 131 indutae] -o O ualuerunt] ualentes F 132 cedere] credere S B (corr. B2) O alio uicti iudicante transp. S
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mais du Seigneur ; et, comme les soins donnés à la jeune femme, pour lesquels on les voyait s’agiter en efforts infructueux, ne faisaient que prolonger la maladie et reculer la guérison, il serait bien clair, même pour les tenants de leur erreur, que leur égarement était ridicule et insoutenable. À la fin, Vitula, en mère pleine de foi, fit appeler chez elle un certain Félix, grandmédecin de la cité de Carthage57, digne de foi entre tous et, de plus, très ami de sa maison, et, en l’adjurant par la vie de sa fille unique, elle lui dit pour le contraindre à répondre : « Sur la vie de ta fille unique58, est-ce que Megetia peut être guérie de sa paralysie, oui ou non ? » Alors l’autre : « Puisque tu as choisi ce moyen de contrainte, je te le dis en toute bonne foi, ta fille ne peut absolument pas être guérie de ce mal. Comme pour un chariot, l’articulation où s’attachent les courroies de la bouche et des mâchoires est sortie de son logement59. » En réponse, Vitula, mère forte de sa foi inébranlable, lui rétorqua : « Je ne crois pas que le Christ qui est le mien puisse abandonner ma fille à cette épouvantable paralysie. » Le médecin, plein d’admiration pour une foi si ferme chez une femme, lui dit : « Cette guérison, le Dieu tout-puissant en qui tu crois peut l’accomplir, mais n’attends rien de nous. » Devant de tels propos, la pieuse Vitula renvoya le grand-médecin, prit avec elle sa fille Megetia et alla trouver son mari et le mari de celle-ci, et, enflammée d’une juste douleur, se mit à tenir ce discours : « Jusqu’à présent nous vous avons laissés faire, pour notre malheur ! Pauvres femmes, nous n’avons jamais eu la force de vous résister à vous, les hommes ; longtemps nous avons supporté vos exigences sans y gagner la guérison de notre fille, sans la moindre amélioration ! Voilà un an et plusieurs mois que le corps de ma fille ne fait que s’affaiblir entre les mains des médecins et, comme vous le voyez, sans le moindre profit pour sa santé. Alors, s’il vous plaît, laissez-nous, nous aussi, pour une fois, agir à notre idée : allons à notre tour trouver notre propre médecin. Je crois en lui : s’il n’a pas voulu que Megetia meure en même temps que le fruit mort de ses entrailles, il permettra aussi qu’elle vive au milieu des hommes avec un visage normal. » Après avoir entendu exhaler ces plaintes et bien d’autres, justes et fondées, les hommes furent totalement incapables de résister à une femme animée d’une détermination aussi virile. Il préférèrent plier spontanément plutôt que de se replier vaincus par le jugement de quelqu’un d’autre.
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4. Flexis itaque illis in hac sententia matris Vitulae, marito scilicet simulque patre Megetiae, sed marito quidem adhuc pagano, patre uero iam christiano catechumeno effecto, nomine Pontio, senatoriae dignitatis uiro, dignum est ut cuius fidem in Christum coepimus pronuntiare, eius quoque uocabulum iam incipiamus cum debito honore pariter nominare, qui sane quemadmodum initiatus christiano nomine fuerit, quoniam locus uidetur exigere, minime nos pigebit aperire. Quando enim religiosa Vitula, nondum de partus periculo liberata Megetia, ad amicum Dei fuerat profecta, ibi in suis precibus etiam de huius uiri sui honorabilis Pontii credulitate inseruerat, ut ille imbueretur fide ac nomine christiano. Quod sane eidem illa ipsa nocte tali est uisione reuelatum. Visa est quippe sibimet uidere iuxta ipsam beati martyris memoriam duo cereoferaria luminosa pariter igne flammantia, ibidemque assistente secum atque apparente memorato Pontio uiro suo, sibimet dictum fuisse : « Vitula, melius lucet cereoferarium nostrum : unde uolo scias me posuisse iam iugulos. » Quo uiso auditoque, religiosa Vitula, somnio experrecta et mane facto oratione suppleta, hoc ipsum quod in somnis uiderat quibusdam ancillis Dei enarrare coepit. Et prior ipsa somnium suum interpretata respondit, dicens ad memoratas circumstantes se uirgines sacras : « Nouerit Sanctitas uestra quia cito Pontius credet in Christo, sicut confido de Christo meo. Nam hoc est quod per somnium mihi significauit, dicens : ‘Volo scias, Vitula, quia posui iam iugulos’, non utique nisi sub iugo Christi. » Sic ergo honorabilis Pontius effectus, primum ut dixi, catechumenus christianus sequenti anno, iisdem diebus quibus a religiosa Vitula beatus Stephanus pro salute mariti aeterna fuerat exoratus. 5. Sed, ut dicere coeperam, consentientibus sibimet uiris suis, mater Vitula cum Megetia sua pariter de Carthagine profectae, pariter ad memoriam beati martyris peruenerunt, ac deinde ante sacrata ipsius limina prostratae, die noc-
133 in hac sententia] codd. in hanc sententiam ed. 134 pagano adhuc transp. C iam om. ed. [iam] et add. J 135 catechumeno] -mino F RO KJ pontio nomine transp. O uiro dignitatis transp. O [dignum] enim add. F etenim add. L 137 sane ex sine K2 138 nomine] -ni F om. O 140 de om. S 141 fuerat] fuerit L ibi] ibique D honorabilis] uenerabilis C ed. 142 pontii om. ed. inseruerat] instruxerat ε ed. ut ille rest. M2 in mg 144 uidere om. L memoriam beati martyris tranps. L cereoferaria] ceroferaria N BR IE cereofalaria L [duos] cereos ferri ac F2 cerofaria ed. luminosa] -so F 145 secum om. L memorato om. C 146 cereoferarium] ceroferarium B2R2 N DKIJ cereoferarium RO cereoferario S cereoferale F ceroferale F2 cereofalare L ceroferaruio C cerofarium ed. 148 somnio] somno C ed. a somno F experrecta] expergefacta CDKI ed. fortasse [facto] add. ed. 149 somnis] somniis L enarrare] narrare IJ hoc [coepit] add. L 150 se om. ε ed. 151 sacras om. ed. credet ex -dit K2 in om. δ christo] -tum IJ 152 sicut – meo om. F nam] quia L per om. S [somnium] uidi add. C eras. C2 significauit mihi transp. δ 153 deus [dicens] add. C eras. C2 uolo scias] uolo de (te ?) scias J iugo] -gu K2 154 ut dixi primum (primitus J) transp. CDIEJ2 ed. 155 a] hac RO 157 uiris] a uiris L 158 pariter de c. profectae pariter ad m. b. m.] pariter ad m. b. m. de c. profectae pariter ad m. b. m. I pariter ad m. b. m. de c. profectae J 159 peruenerunt om. R rest. R2 in mg. ante om. F ipsius sacrata transp. C
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4. Vitula avait rallié les hommes à son avis de mère, je veux parler du mari de Megetia et aussi de son père, avec cette différence que le mari était encore païen alors que le père était devenu catéchumène chrétien ; il s’appelait Pontius et avait la dignité sénatoriale60 ; et il est digne, lorsque nous nous mettons à parler de la foi de quelqu’un dans le Christ, de commencer aussi par citer son nom en mentionnant, comme il se doit, sa qualité ; quant aux circonstances de son initiation dans le nom du Christ – puisque l’occasion semble l’imposer – nous n’aurons pas le moindre scrupule à les révéler. En effet, avant que Megetia ne fût délivrée du péril de l’accouchement, la pieuse Vitula s’était rendue auprès de l’ami de Dieu ; et là, elle avait ajouté dans ses prières un mot sur les bonnes dispositions de ce noble Pontius, son mari, pour qu’il reçût en plénitude la foi et le nom chrétien. Et elle eut la réponse, la nuit même, dans la vision que voici. Elle vit en rêve, à côté même de la memoria du bienheureux martyr, deux candélabres allumés, brûlant avec la même intensité ; il y avait aussi au même endroit, présent à côté d’elle, Pontius, son mari, et elle entendit qu’il lui disait : « Vitula, notre candélabre éclaire mieux61 ; je veux que tu saches par là que désormais j’ai tendu le cou. » Après cette vision et ces paroles, la pieuse Vitula, sortie de son rêve, et, le matin venu, arrivée au terme de sa prière, se mit à raconter ce qu’elle avait vu dans son sommeil à des servantes de Dieu. Et, ayant compris la première le sens du songe, elle donna cette explication aux vierges consacrées qui l’entouraient : « Que votre Sainteté sache que Pontius croira bientôt dans le Christ, aussi vrai que j’ai foi dans mon Christ62. Car par ces mots : ‘Je veux que tu saches, Vitula, que désormais j’ai tendu le cou’, il n’a voulu me dire en songe rien d’autre que ‘sous le joug du Christ’63. » Ainsi l’honorable Pontius devint, comme je l’ai déjà dit, catéchumène chrétien l’année suivante, précisément à la date où la pieuse Vitula avait prié le bienheureux Étienne pour le salut éternel de son mari. 5. Mais, comme j’avais commencé à le dire, Vitula et Megetia, la mère et la fille, avec l’accord de leurs maris, partirent ensemble de Carthage et arrivèrent ensemble à la memoria du saint martyr ; alors, elles se prosternèrent devant le seuil sacré de son
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tuque flentes et eiulantes cinere et cilicio squallentes, nec inde nobiles feminae hominibus erubescentes ut Deo essent placentes, susceperunt illud quod dictum in Psalmis audierant : Fuerunt mihi lacrimae meae panes die ac nocte, dum dicitur mihi quotidie : ubi est Deus tuus ? Etenim neque ista de ipsa nostra religione christiana piis et nobilibus feminis deerant ab incredulis improperia, unde ante Dominum flebilibus et amaris haec, ut scriptum est, uerbis memorabant, et effundebant super se animam suam. Dicebatur namque ab inimicis fidei nostrae : « Vbi est Deus uester ? » Inclamabat ergo Vitula mater auribus amici Dei : « Domine Stephane, ecce adduxi Megetiam tuam ad te, quam tu ipse liberasti de morte. Nec nos in gaudium inimici fecisti uenire, non tradens nos in animas tribulantium nos, qui detrahunt et desperant de Christo Domino nostro, et de te eius tanto amico. Fac, rogo, fac iterum erubescere eos de tota et de plena Megetiae tuae sanitate, sicut eos iam fecisti erubescere ex eius uteri periculosissimo labore. Non omnino deficies ad minora, qui praestitisti maiora. Quod promisi uiro eius pagano de te, imple propter te. Non confundatur mater in filia, quae praesumpsit in te, quae confugit ad te. Certe ut oculus cordis nondum credentium nobisque insultantium sanetur, os filiae corrigatur ; et ut acquiratur salus animae illorum, praestetur puellae sanitas membrorum suorum. » 6. Talibus in eiusmodi sensum dictis lacrimabilibus deploratis, septima transierat dies, cum ecce nocte intempesta uisitatur per somnium Megetia : uidet apparentem sibi insignem uisu uirum, diaconi praeferentem habitum. Illa eum rogare coepit, uelut quemdam medicum spiritalem, ut os suum inspiceret, et, si dignaretur, curaret. Verum ille mox ut os eius inspexit, uultu eam hilari serenoque intuitus ait : « Equidem adhuc os tuum non rectum ; sed sursum aspice, et uide quid uolitet supra caput tuum. »
162-163 Fuerunt – tuus] Ps. 41 (42), 4 166 effundebant – suam] Ps. 41 (42), 5 176 quae – te] Est. 14,1 ; Ps. 21 (22), 9 oculus cordis] Ep. 1,18 160 nec om. ε ed. R rest. R2 160-161 nec – erubescentes om. IJ 161 hominibus] -nes CD ed. om. δ 162 meae om. L panes] panis S K ed. a [die] add. K et del. K2 164 unde om. ed. 165 [flebilibus] uocibus add. ed. [amaris] cordibus add. L flebilibus...amaris] -lius...-ius F haec om. C ed. uerbis om. α 166 suam] meam K nostram K2 168 inclamabat] inclinabat S I domine] domne KI ecce om. O 170 inimici] -cis F tradens nos om. J rest. J2 tradens] tradas α 171 de2 om. F te om. DKIJ 172 sanitate] salute N ed. 173 eos post erubescere transp. CDIEJ iter. K ed. post eius transp. erubescere S ex] de ed. om. ε 174 qui] quae L B eius uiro transp. O ε ed. 175 te1 ex me B2 176-177 oculus...sanetur] oculi...sanentur F 177 corrigatur] curetur ε ed. salus] sanitas S CDKI ed. 179 lacrimabilibus] lacrimalibus S 181 uirum uisu transp. M C ed. uisu om. S rest. S2 in mg. 182 [rogare] hoc add. F spiritalem (spa¯lem)] spiritualem (spˉualem) L S BO ε 183 sanaret ex curaret B2 ut om. M B S KIJ (rest. B2 J2) eius os transp. F 184 [non] est add. α sursum] rursum MN S K 185 uolitet] uolet F supra] super CE ed. tuum om. S
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monument, pleurant et gémissant jour et nuit, hideuses sous la cendre et le cilice ; ainsi, des dames nobles, sans rougir devant les hommes pour ne plaire qu’à Dieu, accomplirent la parole qu’elles avaient entendue dans les Psaumes : « Mes larmes étaient mon pain, jour et nuit, tandis qu’on me disait tous les jours : ‘Où est-il, ton Dieu ?’. » En effet, ce genre d’attaques contre notre foi chrétienne n’était pas épargné par les incroyants à ces pieuses et nobles dames ; aussi, devant le Seigneur, avec des mots déchirants et amers, elles faisaient revivre cette parole de l’Écriture et elles épanchaient leur âme sur elles-mêmes. Car on entendait dans la bouche des ennemis de notre foi : « Où est-il, votre Dieu ? » Vitula, la mère, proclamait donc aux oreilles de l’ami de Dieu : « Seigneur Étienne, voici que je t’ai amené ta servante Megetia que tu as toimême libérée de la mort. Tu n’as pas voulu nous exposer à la dérision de l’ennemi, ni nous livrer au pouvoir de nos persécuteurs qui n’ont que sarcasmes pour le Christ notre Seigneur et ne mettent leur espoir ni en lui ni en toi, son si grand ami. Oui, je t’en prie, fais-les rougir encore une fois en rendant à ta servante Megetia une parfaite santé, comme tu les as déjà fait rougir en la libérant de la si périlleuse épreuve de sa grossesse. Tu ne nous feras pas défaut pour peu de choses quand tu nous as déjà beaucoup accordé. La promesse que j’ai faite à son mari païen en ton nom, accomplis-la pour ta gloire. Que ne soit pas humiliée dans la personne de sa fille une mère qui a placé sa confiance en toi, qui s’est réfugiée auprès de toi. Au moins pour que soient guéris les yeux du cœur de ceux qui ne croient pas encore et qui nous insultent, fais que la bouche de ma fille soit redressée et, pour qu’ils obtiennent le salut de leur âme, que mon enfant recouvre la santé de son corps. » 6. Voilà à peu près ce qu’exprimaient ses plaintes mêlées de larmes. Sept jours étaient déjà passés, quand, brusquement, au cœur de la nuit, Megetia est visitée par un songe. Elle voit devant elle un homme à l’aspect extraordinaire, portant l’habit de diacre. Elle se mit à lui demander, en le prenant pour un médecin surnaturel64, d’examiner sa bouche, et, s’il daignait, de la soigner. Mais celui-ci, dès qu’il eut examiné sa bouche, la regarda avec un calme rayonnant, et lui dit : « C’est vrai, ta bouche n’est pas encore normale, mais regarde vers le haut et vois ce qui vole au-dessus de ta tête. »
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Continuo illa super se oculos erigens uidit serpentem quemdam taeterrimum supra se pennarum remigio uolitantem, atque huc et illuc tortuosis anfractibus oberrantem. At pauefacta Megetia horribili monstruosoque uisu, insignis illius uiri exhortatione firmatur, ad se ipsam dicentis : « Nisi prius istum serpentem occideris, sanari non poteris. Sed noli metuere, forti animo illi congredere, et omnino superabis. » Quo audito, Megetia fidei suae robore et de tanti adiutorii sui armata protectione, arrepta in tempore sibimet uelut uirga oblata, contra illum draconem taeterrimum et tortuosissimum decertauit. Quem, etsi diu exercita diuque ab reluctante aduersario delassata, ad extremum tamen ubi illum in capite percussit, continuo prostrauit. Quo trepido gaudio experrecta strato exsiliens euigilauit. Cumque somnii sui quid ratio portenderet cogitaret, nec liquido intelligere ualuisset, exinde orauit uisitari confirmarique poposcit, ac deinde se quieti permisit. Ecce denuo uidet illum decorum habitu iuuenem, niuea ueste fulgentem, ac statim, iacenti sibimet uelut manu porrecta, audiuit iubentem pariterque dicentem : « Surge, sic curaris. » At uero Megetia, ut ante medico homini facere consueuerat, capite opposito, quasi fouenda ora sua eius manibus offerebat. Sed ille, utpote ignorantis corrigens factum, respondit eidem : « Vt quid hoc facis ? Prius sunt tibi oculi curandi. » Illa retulit dicens : « Domine meus, oculos sanos habeo, sed ut os meum cures rogo. » Et ille : « Iam, inquit, tibi dixi, prius sunt in te oculi curandi. » Tunc, uelut caelestis archiater, spiritu secreta cordis introspiciens, quasi cutem medicinalem collyrium imposuit, oculos super liniuit, atque discessit.
187 pennarum – uolitantem] cf. Lucr. 6, 743 et Verg., Aen. 1, 301 (uide notam) 186 super] supra α erigens oculos transp. MN C uidit] uidet F 187 [se] per inane add. F per aerem add. L uolitantem] uolantem δ (corr. B2) et illuc] illucque S 188 oberrantem ex uolitantem L2 monstruosoque] monstro F monstroso S K 189 [exhortatione]-que add. F se om. ed. 192 de om. F adiutorii] adiutoris M defensoris F armata] firmata O protectione] praedictione D 193 sibimet in tempore transp. I 194 tortuosissimum] tortuosum S F etsi] si F exercita] exercitata L CI exercitante F 195 delassata] relaxata F 196 trepido] tepido L tredido K (corr. K2) experrecta] expergefacta ε ed. expergita L excitata F euigilauit] uigilauit MN S K ab euigilauit rursus incipit Z 198 et de hoc se rursum [uisitari] add. α confirmarique om. Z se om. Z 199 et [ecce] add. F habitu om. ed. niuea] candida Z 200 statim] strato Fpc audiuit] audit F pariterque om. O 201 sic] si F curaris] curaberis L uero om. FZ ante medico homini] ante -cos -nes Z ante ad (s.l.) -cos -nes F 202 ora] hora F eius manibus] manibus eius N ei CDIEJ ed. om. K 203 factum ex manu K2 ut om. L hoc om. Z rest. Z2 in mg. ut uid. 204 oculi tibi transp. C illa retulit] et illa retulit F illa respondit δ dicens om. F M OR domine] -nus Z meus ex meos Z2 205-206 ille – curandi om. L 205 tibi om. Z dixi tibi transp. F M R K 206 in te] inde R archiater] codd. archiatrus ed. cordis secreta transp. ed. introspiciens] intro inspiciens F 207 cutem – imposuit] codicem medicinalem pertulit, collirium imposuit F cotem medicinalem protulit, collirium imposuit LZ medicinalem] -le S
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Aussitôt celle-ci, levant les yeux, vit une sorte de serpent hideux qui la survolait à grands battements d’ailes65 et qui roulait et déroulait devant elle66 les orbes de ses anneaux. Megetia, épouvantée par cette vision horrible et monstrueuse, est rassurée par les encouragements de cet homme extraordinaire qui lui disait : « Si tu ne tues pas d’abord ce serpent, tu ne pourras pas être guérie. Mais n’aie pas peur, affronte-le résolument et tu en triompheras. » À ces mots, Megetia, forte de sa foi et armée de la protection que lui procurait un si grand secours, saisissant aussitôt une sorte de bâton qui s’offrait à point nommé, livra combat à cet épouvantable dragon aux mille replis tortueux. Elle se battit longtemps, longtemps tenue en échec par un adversaire acharné, mais à la fin, elle le frappa à la tête et l’abattit sur le coup. Tirée de son sommeil par l’émotion et la joie, elle bondit de sa couche et reprit ses esprits. Comme elle réfléchissait à ce qu’annonçait son rêve sans parvenir à le tirer au clair, elle demanda dans sa prière qu’un nouveau songe la visitât pour l’éclairer, puis s’abandonna au sommeil. Et, de nouveau, elle vit le beau jeune homme, avec son vêtement brillant comme la neige ; et aussitôt, elle eut l’impression qu’il tendait la main vers elle sur son lit et l’entendit lui dire sur le ton du commandement : « Lève-toi et tu seras soignée ! » Alors Megetia, comme elle l’avait toujours fait avec un médecin humain, avançait la tête et tendait la bouche vers ses mains, comme pour la faire traiter. Mais l’autre, en homme qui corrige l’erreur de l’ignorant, lui dit en réponse : « Et pourquoi fais-tu ça67 ? Ce sont d’abord tes yeux qu’il faut guérir. » Elle lui répliqua : « Seigneur, mes yeux vont bien, c’est ma bouche que je te demande de soigner. » Et il lui répondit : « Je te l’ai déjà dit, ce sont d’abord les yeux qu’il faut soigner chez toi. » Alors, comme un grand médecin céleste qui pénètre par l’esprit les secrets du cœur, il lui appliqua un collyre68 qui formait comme une pellicule médicinale, le lui étala sur les yeux et s’en alla.
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Verum cum mane facto hoc ipsum religiosa Megetia somnium suum suis carissimis et sanctissimis feminis indicaret, in ipso sermone narrationis suae ultro corde compuncta et cuiusdam peccati sui recordatione subito stimulata, peccatum suum confiteri non distulit, sed, sicut scriptum est, delictum suum agnouit et iniustitiam suam non operuit. Ecce ergo qui illi erant oculi prius curandi, non utique corporis, sed cordis ; quod, ut spiritalis medicus, gloriosus Stephanus praenuntiauit illi dicens : « Prius sunt tibi oculi curandi. » Sanandum quippe erat quod uitiatum latebat in mente, ut sic demum sanaretur et quod deprauatum cernebatur in corpore. Hinc ille quoque taeterrimus serpens, qui supra caput uolitabat, quia principalem rationalis animae mentem obtinebat, conterendus fuerat et uincendus. Dum enim reatus cuiusque delicti humiliter agnoscitur, caput colubri paenitendo quassatur, cordis oculus confitendo purgatur. Duodecimo igitur die ex quo cum sua ad amicum Dei Megetia uenerat matre, dum orat ad locum sacratae memoriae, pulsans fidei pietate, non solum affectu cordis, uerum etiam motu corporis, ipsa ostiola memoriae impulsa patefecit, ac uim faciens regno Dei, caput suum interius intromisit, et super cubile sanctarum reliquiarum confixit, lacrimisque suis omnia illic lauit atque rigauit. Verum ecce illo desuper miserante qui appropinquat contribulatis corde, Megetia famula Dei quadam sibi uisibili et attrectabili manu os suum corrigi et compalpari persensit. Quae postea quam ab oratione surrexit, circumstantibus choris uirginum sanctarum, ibidemque pro illa et cum illa Deo laudes dicentium, tremens et gaudens hoc ipsum indicauit. Quale tunc quantumque in omnibus mentibus fecerit gaudium et flendi ante ipsum Deum excitauerit affectum, uix poterit explicari.
212-213 delictum – operuit] Ps. 31 (32), 5 209 megetia om. J rest. J2 in mg suis om. B carissimis suis transp. C ed. 210 et sanctissimis om. FZ 213 agnouit] cog- F qui] quia L 214-215 non utique – oculi curandi om. L 214 spiritalis (spˉalis)] spiritualis (spˉualis) Z S BO CIEJ spiritualis D 215 praenuntiauit] -tiauerat Z pronuntiauit S B CJ ed. pronuntiauerat F illi om. S E rest. E2 215-216 sanandum quippe ex illa intulit dicens C2 in mg. 216 [erat] in corpore add. L uitiatum] uitiosum C ed. et om. L C ed. 217 ante deprauatum del. erat M2 218 supra] codd. super ed. principalem] -alis L -ale F rationalis] narrationis Z ed. obtinebat] retinebat L 219 fuerat] erat LZ cuiusque] uniuscuiusque Z delicti humiliter om. L 220 colubri ex -bris F2 oculus] oculis FL purgatur in purgantur F2 222 post cum sua transp. matre megetia S megetia om. B ed. 224 etiam om. Z impulsa ostiola memoriae transp. S ost. imp. mem. transp. F ostiola ex stolam D2 225 ac – dei om. Z interius intromisit] introm. inter. transp. ε ed. uenerandum (uel melius uelandum) praemisit Z 226-227 lacrimis – illo om. N 226 suis omnia illic om. Z illic] illuc F 227 illo] illorum L contribulatis] cum tribulatis L contritis C ed. tibulatis Z ut uid. 228 quadam] quamuis Z et attrectabili] et (atr ?)stabili Z corrigi et] corriget F (del. F2 qui et oculos scrips.) compalpari] compalri Z 230 ibidemque] idemque Z et cum illa om. F cum illa et pro illa transp. Z laudes deo transp. Z 231 quantumque] quantamque Z quantumcumque L 232 fecerit] codd. effecerit ed. deum] dominum FZ B
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Au matin, la pieuse Megetia parla de son rêve à ses intimes, de très saintes femmes69 ; au beau milieu de son récit, elle sentit son cœur transpercé et, tourmentée soudain par le souvenir d’un péché qu’elle avait commis, elle n’attendit pas pour confesser son péché, mais, comme dit l’Écriture, « elle reconnut sa faute et ne cacha point son iniquité ». Oui, les yeux qu’il fallait lui soigner d’abord n’étaient pas du tout ceux du corps mais ceux du cœur ; voilà ce qu’annonçait le glorieux Étienne, en médecin surnaturel, quand il disait : « Ce sont d’abord tes yeux qu’il faut soigner. » En effet, il fallait guérir ce que son âme cachait de vicié, et alors seulement serait ainsi guéri ce que son corps montrait d’abîmé. Voilà pourquoi il avait fallu aussi fouler aux pieds et vaincre le serpent hideux qui survolait sa tête, parce qu’il possédait la part maîtresse de son âme raisonnable. Car c’est en reconnaissant humblement ce qu’il y a de coupable dans chaque faute qu’on brise par le repentir la tête du reptile, et qu’on purifie par l’aveu l’œil du cœur. Le douzième jour après son arrivée en compagnie de sa mère auprès de l’ami de Dieu, Megetia priait devant la sainte memoria et, frappant70 de toute la conviction de sa foi, non seulement avec les élans de son cœur, mais aussi avec les mouvements de son corps, elle finit par ouvrir les petites portes de la memoria sur lesquelles elle appuyait ; et, faisant violence au royaume de Dieu, elle introduisit sa tête à l’intérieur, la tint sur le reposoir des saintes reliques et baigna tout du torrent de ses larmes. Et voici que celui qui est proche des cœurs brisés fit descendre sa miséricorde : Megetia, la servante de Dieu, sentit sa bouche redressée et remodelée par une main qu’elle pouvait voir et toucher71. Puis elle se releva de sa prière, et, aux vierges consacrées qui là, autour d’elle, chantaient en chœur pour elle et avec elle les louanges de Dieu, toute tremblante de joie, annonça l’événement. La joie, l’immense joie qu’elle suscita alors dans tous les cœurs et le sentiment qu’elle fit naître de pleurer devant Dieu lui-même, il serait presque impossible de les décrire.
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7. Sed antequam gestae rei ad finem optatissimum ueniamus, ubi plenam perfectamque salutem religiosae Megetiae, amico Dei curante atque auxiliante in nomine Christi, demonstraturi sumus, quid in medio huius aliud mirabiliter contigerit, nequaquam praeterire debemus. Cum ferme quadraginta diebus circa beati martyris locum orando mater filiaque persisterent, ecce repente uenientibus litteris sibimet a Carthagine directis, quo pater puellae honorabilis Pontius diceretur corpore aegrotare, ad eumdem uisendum de Vzalensi ciuitate profectae sunt. Verum cum in medio itineris, aestuum causa, fouendi corporis gratia lauacris uti uoluissent, adfuit in praesenti quaedam domestica ab infideli cognita Megetiae et in obuiam missa non tam ad salutandum quam potius ad explorandum. Quae cum curiosius cuperet benedictae Megetiae nudata ora uultusque in balneis conspicere, intrauit cum ea in obsequium, et ubi quantum uoluit et quantum ualuit in faciem famulae Dei intendit, prorsus integrum sibimet apparens os Megetiae sanumque conspexit. Quo uiso, obstupefacta atque mirata illa domestica, quae aliud quam sperabat inuenit, continuo ad quamdam iuxta stantem sacram uirginem sese conuertit, et nominatim eam compellans ait : « Infans Helpidiana, sana est prorsus domina Megetia. » Sic enim Dei gratia uigebat in Megetia ut, licet eius plenior cura in corpore ex parte aliqua differretur, perfecta tamen sanitatis species reuerberandis incredulorum oculis obiceretur. Quod illa ancilla Dei intelligens magnum mysterium Dei respondit illi mulierculae, dicens : « Increduli, uel modo credite! » 8. Rursus apud Carthaginem, dum benedicta Megetia quodam die cum uiro suo pagano sermonem conferret et inter fabulas dum uiro suo ore integro uultuque appareret, commotus tali uisione uir eius gratulari ei coepit ac dicere :
234 [sed] ut add. FZ ad finem (fidem F) gestae rei transp. FZ ueniamus] per- C 235 religiosae megetiae] -a -a Z 236 quid] quod CDIEJ ed. aliud om. F 237 nam [cum] add. FZ 238 beati] sancti ε ed. 239 directis litteris transp. Z sibimet litteris transp. O sibimet om. Z a carthagine] e cart. C de cart. J cartigine Z a om. ed honorabilis] uenerabilis C 240 [aegrotare] et add. Z uisendum] uidendum F [uisendum] festinanter add. α 242 cum del. C rest. C2 in om. L aestuum causa] ob (s l.) aestum F 243 infideli] fideli C2 243-244 cognita megetiae et] cognita megetia et δ ε cognata megetiae F cognita megetiae Z coniuge megetiae L 244 potius quam transp. I 245 nudata] om. L nuda ed. 246 in balneis om. ed. conspicere] aspicere L 246-247 quantum uoluit et quantum ualuit] quantum uoluit et qualiter uoluit α quantum uoluit NRO CDIEJ 247 dei] christi Z intendit om. Z rest. Z2 in mg 248 uiso] uisu F obstupefacta] stupefacta α 249 quam] quam quod F 250 uirginem sacram transp. B sese conuertit] se secum uertit L sese uertit Z conuertit sese CDIEJ ed. eam del. J2 251 [domina] mea add. I gratia dei transp. C 251-252 gratia uigebat] gratiam uidebat F 252 plenior] plenius F aliqua om. F 253 perfecta] perfecte FZ 254-255 illi mulierculae respondit transp. CDEJ ed. 255 dicens om. Z increduli] incredibiles F [modo] iam add. F 256 dum] cum ε ed. quodam] quadam ε (corr. K2) ed. cum om. L 257 sermonem] unde unde F sermonem aliunde Z conferret] perferret Z fabulas] confabulandum Z dum om. Z 258 appareret ex apparet D2 gratulari] congratulari L ei om. M ε ed. coepit ei transp. S
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7. Mais, avant que d’en venir au dénouement tant souhaité de l’histoire, au moment de faire voir la guérison totale et parfaite de la pieuse Megetia grâce aux soins et à l’aide que lui prodigua l’ami de Dieu au nom du Christ, nous ne saurions en aucun cas passer sous silence un autre miracle qui se produisit au milieu de ces événements. Il y avait environ quarante jours72 que la mère et la fille demeuraient en prières auprès du monument du bienheureux martyr lorsqu’elles reçurent inopinément une lettre qui leur était envoyée de Carthage et leur apportait la nouvelle que73 le père de la jeune femme, l’honorable Pontius, était souffrant. Elles quittèrent donc la cité d’Uzalis pour se rendre auprès de lui. Mais, alors qu’à mi-chemin elles avaient voulu, à cause de la chaleur, prendre un bain pour se rafraîchir, survint une femme appartenant à la maison d’une païenne que connaissait Megetia et envoyée à leur rencontre moins par civilité que par curiosité. Comme elle avait très envie de voir la bouche et les traits que Megetia, cette femme bénie, avait dévoilés dans les bains, elle l’aborda avec déférence et lorsqu’elle fixa son attention autant qu’elle le voulait et autant qu’elle le pouvait sur le visage de la servante de Dieu, elle vit la bouche de Megetia qui lui apparut absolument intacte et guérie. Alors, complètement abasourdie de découvrir autre chose que ce à quoi elle s’attendait, cette femme se tourne aussitôt vers une vierge consacrée qui se trouvait tout près d’elle et lui dit, en l’appelant par son nom : « Ma petite Helpidiana, Dame Megetia est complètement guérie ! » C’est que la grâce de Dieu déployait en Megetia une telle puissance que, même si la guérison physique n’était pas absolument achevée, l’image d’une parfaite santé se réfléchissait cependant dans les yeux des incroyants. La servante de Dieu qui comprenait ce grand mystère de l’action divine répondit à la bonne femme : « Incroyants, maintenant au moins, croyez74 ! » 8. De nouveau à Carthage comme cette femme bénie, Megetia, bavardait un jour avec son mari toujours païen et que, pendant leur conversation, son mari lui voyait une bouche et un visage intacts, frappé par ce spectacle, il se mit à la féliciter en lui
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« Domina Megetia, sanam te prorsus aspicio. » Verum illa, dissimulando interim tegens quod diuina uirtus in se demonstrabat, sermonis sui cursum tenebat. Itidemque ille quod uidebat tacere non poterat, et sicut prius eidem respondebat : « Sana es omnino. Deo gratias. » At illa impleta gaudio, tandem subridens, ait marito : « Vel modo iam credes Christo ? » Et ille : « Quid uis, inquit, faciam Patri meo ? Nam et ego christianus fieri uolo. » 9. Sed ut iam ad terminum quem promisimus ueniamus, dies Paschae sacratissimus propinquabat, ecce benedicta Megetia a quadam amica atque nobili femina Rustica rogabatur ut uoto suo soluendo beatissimo martyri Cypriano in Mappalia secum pergeret, et solemnitati pariter interesset. Quod Megetia se non posse facere causabatur, sciens quid in se diuina potentia infidelium oculis ostenderet, quid plenae salutis caelestis gratia reseruaret. Sane amicam contristare nolens, non penitus negauit, sed plane ad illum diem quod Deus uoluisset facturam se esse promisit. At ubi illa amica discessit, non destitit die noctuque orationi instare Megetia. Buccellam sane omni die in oleo sanctificato tinctam prius accipiebat, et sic ceteros cibos sumebat. Quadam uero nocte uisitatur in somnis, ita ut se iuxta memoriam beati martyris Stephani stantem putaret, ibique iuuenem illum speciosum cerneret, candida luce perfusum et insigni equo subuectum, lampadesque complures lucentes ac praecedens ei splendidissimum apparatum, sibique ab eodem clara uoce dictum : « Ad te pertinet ista lux, Megetia, suscipe illam. » Post quam uisionem experrecta gaudioque repleta, statim ubi se sanam sensit, manus suas ad os suum faciemque inspiciendam applicauit, et quasi prae nimio gaudio soli sibi non credens, ancillulas suas quae circa suum lectulum quiescebant clara uoce excitauit, et ut ad se inspiciendam et contemplandam
259 sanam te] sanitate Z ut uidetur 260 in se] inde Z 260-262 sermonis – respondebat om. D 261 itidemque] idemque F et om. C respondebat ex -dens C2 262 omnino] prorsus C ed. 263 [marito] suo add. δ credes] credis D crede FZ christo] deo S 264 nam om. F fieri ex –ro K2 265 ut iam] utinam F uti nam Z sacratissimus] codd. sanctissimus ed. sacratissimus paschae transp. S 266 propinquabat ex appropinquat B2 et [ecce] add. FZ I atque] aeque F om. Z R 267 nomine [rustica] add. FZ beatissimo] -to S ε ed. 268 mappalia] -iam C mapilia δ S DKE pariter] parit C 268-269 facere se non posse transp. CDE ed. 269 diuina potentia] codd. dei potentia ed. 270 salutis] saluti Z S sane] tamen B (corr. B2 s.l.) ε contristare] -ari O 271 ante uoluisset transp. esse C 273 at – discessit om. R illa ubi transp. C discessit] -cescit K 274 accipiebat] acceperat I 275 uisitatur] uisitat B uisitata B2 uisitauit ed. in iter. K ante iuxta transp. stantem L iuxta ex iusta Z2 276 beati stephani martyris transp. F C martyris om. ed. speciosum illum iuuenem transp. α 277 luce candida transp. B insigni equo ex insignite quo F2 lampades ex lapides B2 278 complures] quamplures FL C praecedens ei] -entes ei K (corr. K2) -dentes eius F -dentes eum BO -dentes et LZ 279 ab eodem] ab eo Z 281 uisionem om. S experrecta] expergefacta Z ε expergita L ubi] ut S 281-282 sensit se sanam transp. S 282 manus suas] -num -suam F Z ad os suum faciemque inspiciendam] ad faciem ad osque suum tangendum S 283 ancillulas] ancillas L S MN ε lectulum] lectum L S ε lectulum (lectum) suum transp. Z CDIEJ ed. 284 et2] codd. atque ed.
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disant : « Dame Megetia, je te vois complètement guérie. » Mais elle, masquant d’abord sous une feinte indifférence ce que la puissance de Dieu manifestait en elle, continuait le cours de ses propos. De son côté, son mari ne pouvait taire ce qu’il voyait et lui répondait comme précédemment : « Tu es totalement guérie. Grâces soient rendues à Dieu ! » Alors, elle, le cœur plein de joie, sourit enfin et dit à son mari : « Maintenant, au moins, tu vas croire au Christ ? » Et lui : « Que veux-tu que je fasse pour mon Père ? Oui, moi aussi, je veux devenir chrétien75 ! » 9. Mais venons-en au dénouement promis. Le jour très saint de la Pâque approchait. Une noble amie de Megetia, Rustica, demandait à cette femme bénie de l’accompagner aux Mappalia76 où elle allait s’acquitter d’un vœu fait au bienheureux martyr Cyprien, et d’assister avec elle à la cérémonie. Megetia prétendait ne pas pouvoir le faire, car elle savait ce que la puissance de Dieu révélait à travers elle aux incroyants, mais aussi ce que la grâce du Ciel gardait en réserve pour parfaire sa guérison. Comme elle ne voulait pas faire trop de peine à son amie, elle ne refusa pas formellement, mais lui promit simplement que pour ce jour là elle ferait ce que Dieu aurait voulu. Lorsque son amie se fut retirée, Megetia ne cessa de prier jour et nuit, avec insistance. Chaque jour sans exception elle commençait par absorber une petite bouchée de pain trempée dans de l’huile sainte et ne prenait qu’ensuite ses autres aliments. Une nuit, quelqu’un lui apparaît en songe : il lui sembla qu’elle se tenait auprès de la memoria du bienheureux martyr Étienne, et là elle revoyait le beau jeune homme, resplendissant de lumière et montant un superbe cheval ; des flambeaux en grand nombre brillaient, un cortège splendide le précédait. Il lui dit d’une voix forte : « Elle est pour toi, cette lumière, Megetia, reçois-la. » Après cette vision, elle s’éveilla le cœur plein de joie, et, se sentant guérie, elle porta les mains à sa bouche et à son visage pour les examiner, et, comme si l’excès de sa joie l’empêchait de s’en rapporter à elle seule, elle éveilla à grands cris ses petites servantes
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accurrerent aduocauit. Tum illae, ut uiderunt in domina sua donum Dei fuisse impletum, uotumque omnium esse perfectum, in laetitiam omnes pariter exclamauerunt et in laudem Dei eruperunt. Aduenit etiam ille ab amica praestitutus sibimet dies ; uenitur a diuersis matronis ad religiosam Megetiam ut, sicut promiserat, ad destinatum locum caras suas non deserendo pergere dignaretur. Sed Megetia Dei famula uelamento adhuc, sicut solebat, ore contecto, ab intimo cubiculo ad amicas suas foras egressa est. Quas ubi de se aliquandiu tristes esse permisit, subito illo a facie uelamento ablato et uultu suo demonstrato ait : « Ecce uos uidete quid in me Deus dignatus est perficere : et una mecum gaudete, et ipsi Domino pro me gratias agite. » Quam ubi omnes conspexere, gaudentes et Dominum benedicentes, osculis lambere et manibus eam complexare coeperunt. Tunc una cum ea omnes ad ecclesiam perrexerunt, et uota sua Domino persoluerunt. Peracto autem sancto Pascha Domini, etiam ad Vzalensem ciuitatem religiosa Vitula una cum Megetia sua aliisque religiosis feminis uenit, uotaque sua de salute filiae plena et perfecta Christo Domino Christique amico in conspectu omnis nostrae Ecclesiae congaudentis atque congratulantis hilariter reddidit, feruenter exhibuit, fructuoseque persoluit.
285 accurrerent] occ- L aduocauit] inuitauit Z tum] tunc B illae] illi J uiderunt] -rint J2 (-erunt Jac) -eretur K domina sua] -am suam F S 286 per(fectum) in ras. Z in laetitiam] laetitia α omnes pariter in laetitiam transp. C ed. 287 et – eruperunt om. F 288 dies ; uenitur a diuersis] dies uentura ; diuersis interp. F 289 matronis om. ed. [megetiam] confluentibus add. F2 s.l. destinatum] destinandum S 290 non om. Z 291 adhuc om. Z contecto] -tento K 292 aliquandiu] -do ed. permisit ex prouidit B2 illo] illa L a om. D 293 suo om. C ed. [suo] sanissimo add. S Z uidete] uidetis LZ 293-294 deus in me transp. Z 294 dignatus est perficere deus transp. L nunc [una] add. Z ipsi] ipso F pro me om. Z 295 dominum om. R 296 osculis] oculis C M (corr. M2) oculos B et manibus om. ed. complexare] -ari MN 296-297 una cum ea omnes] omnes una C ed. una omnes Z unanimiter (nani s. l.) omnes Fpc 297 perrexerunt cum ea transp. C ed. 298 die [sancto] add. S etiam om. D 299 uitula om. M RBO rest. M2 B2 [aliis]-que om. MN RO feminis om. L 300 filiae ex fide J2 et perfecta om. F domino christo transp. Z [christique] suoque add. B eiusque dilecto add. Z 301 congaudentis] gaudentis B (corr. B2) M hilariter om. J rest. J2 s.l. 302 post persoluit add. explicit liber II Z
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qui dormaient autour de son lit et les invita à venir vite l’examiner avec attention. Alors celles-ci, voyant en leur maîtresse le don de Dieu pleinement réalisé et le vœu de tous exaucé, laissèrent toutes ensemble éclater leur joie et jaillir de leur cœur la louange de Dieu. Mais voici qu’arrive le jour que son amie s’était fixé. Plusieurs dames font dire à la pieuse Megetia de bien vouloir, comme elle l’a promis, se rendre à l’endroit prévu et ainsi ne pas abandonner ses chères amies. Mais c’est la bouche encore couverte d’un voile, comme d’habitude, que la servante de Dieu, Megetia, quitta le fond de sa chambre pour aller dehors retrouver ses amies. Après les avoir laissées un petit moment dans la tristesse que leur inspirait son état, elle ôta brusquement le voile de son visage et leur montra ses traits en disant : « Vous, regardez à présent ce que Dieu a bien voulu accomplir en moi, réjouissez-vous avec moi, rendez grâces à Dieu pour moi. » Toutes la regardèrent en se réjouissant et en bénissant le Seigneur et elles se mirent à la couvrir de baisers et à la serrer dans leurs bras. Alors toutes ensemble se dirigèrent avec elle vers l’église et s’acquittèrent des vœux qu’elles avaient faits au Seigneur. Puis, lorsque fut passée la sainte Pâque du Seigneur, la pieuse Vitula, avec sa fille Megetia et d’autres pieuses femmes, se rendit aussi dans la cité d’Uzalis, et les vœux qu’elle avait faits pour la guérison pleine et entière de sa fille au Christ Seigneur et à l’ami du Christ, alors, sous les yeux de toute notre Église qui participait à sa joie et à ses actions de grâces, elle les accomplit dans le bonheur, en témoigna dans la ferveur, et s’en acquitta pour le bien de tous77.
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[Donatus quidam, apothecam habens, fere ducenta uasa uini corrupta repperit. Cuius iussu minister lagenam ex omnibus uasis impletam attulerat, et ad sanctum Stephanum currens ibique ponens, orauit, et reuersus cum lagena in omnibus uasis ex eadem infudit, et reparatum est uinum.] Donatus quidam dicitur homo sane honestus honestissimi quoque filii nomine Rustici praefectorum numerarii cunctis bene notissimi pater. Hic in fundo suo suburbano cum loco et nomine uocitato probi generis uina quotannis condere et conseruare consueuerat. Interea, ut possessoribus mos est, commodorum quaestuum causa, quoslibet terrae repositos fructus tunc malle uenales emptoribus publicare cum uotis exoptatorum lucrorum auariora concurrunt pretia temporum, uisum est memorati domino praedii, cum quodam homine suo, uini scilicet gustatore peritissimo, apothecam suam primitus intrare ac per singula uasa examinando uina approbare. Quo facto, mox ut degustator haustum uasis merum applicuit iudicio labiorum, continuo stupefacta in homine ora uultusque palluere. Nam praeter quod uini taeterrimus color uersandum oculis ex se offerebat aspectum, etiam tristissimus sapor labiis maerendum ingerebat gustum. Verum cum hoc malum in uno tantum uase consistere putaretur, non tam molesta ante damnum iactura patri familias habebatur. At ubi per singula uasa coeptum est circumiri, omniumque uasorum, id est ferme ducentorum, numerus examinatus similiter degenerasse ac deperisse repertus est, quis
Caput 3 FLV Z ( partim) β δ ε 2-5 Titulus abest in FVL H incipit de donato Z seu liber III evodii Z2 2 ducenta uasa] -torum uasorum I 2-3 corrupta – impletam om. S RBO ε (M non leg.) 3 [attulerat] parum add. I 4 stephanum om. J 4-5 et reuersus – uinum om. R 5 ex eadem] exinde DJ et reparatum est uinum] M ed. et sapori restituit BO et uinum quod erat corruptum est omnino sanatum D om. KI 6 dicitur homo] homo dicitur BO est dictus homo F sane om. V honestus om. β δ ε quoque filii] uiri filius Z filii A filii nomine om. O 7 praefectorum numerarii cunctis bene notissimi pater] suae genti et patriae bene notissimus pater Z 7-8 hic – quotannis] hic suae ciuitatis in suburbio ex iure hereditario fundum possidebat quae per annos Z 7 fundo] fulio R 8 cum om. L probi generis uina] pro genere sibi nata V quotannis] quod annis R 9 consueuerat] consuerat H mos] moris β B 10 et [quaestuum] add. FVZ C ut exinde colligeret [quoslibet] add. Z repositos] reconditos BO nascentes Z tunc malle] male FL S quos cum uellet Z om. A 11 lucrorum] lucrum BO om. V auariora] cariora V auaritia S uotis ex auaritia optatorum A concurrunt ex cucurrunt B2 12 memorati] -to FVZ β praedii om. Z 14 degustator] gust- F idem gust- Z 16 uultusque] uultoque A nam praeter om. F uersandum] aduersandum FV ed. teterrimum A ue xandum H 17 offerebat] ferebat L aspectum] -tui F2 merendum ingerebat] mer. gerebat S (corr. S2) mer. ingerere L mer. ingerendum H merebat O 18 gustum] gustatum FL uerum cum hoc malum] uerum hoc malum si F uase] uasculo Z putaretur] pututaretur O 19 non tam molesta ante damnum iactura patri familias habebatur] scripsimus non tam molestante damnum iactura patri (patris C) familias habebatur S δ ε non tam molestante damna iactura patri familias habebatur H non tam molesta tantilli damni iactura patri (patris Z) familias haberetur (habebatur Z) FVZ molem tristanti illi damni iactura uilis patri familias habebatur L non tam moleste pater familias pro damno habebatur A 20 uasa om. J rest. J2 circumiri] -re H circuire A circuiri F BO CE ed. 21 numerus] -ro Z examinatus] exanimatus R est om. Z
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Chapitre 3 [Un certain Donatus, propriétaire d’une cave, trouva près de deux cent cuves de vin gâtées. Sur son ordre, son employé prit un flacon rempli à toutes les cuves, l’apporta en courant auprès de saint Étienne, l’y déposa, pria, revint avec le flacon, versa de son contenu dans toutes les cuves, et le vin retrouva sa qualité.] Un certain Donatus est connu comme quelqu’un de bien considéré, il a un fils appelé Rusticus, comptable des préfets78, lui aussi très considérable79 et que tous tiennent en haute estime. Ce Donatus avait un domaine près de la ville avec un clos d’appellation renommée ; là, tous les ans, il logeait et soignait un vin d’excellente qualité. Or les propriétaires préfèrent, en général, pour avoir un bon bénéfice, retenir des produits de leur terre pour ne les mettre sur le marché que lorsque les cours spéculatifs montent à la hauteur des gains escomptés. Ce propriétaire décida d’aller avec un homme à lui, en l’espèce un excellent dégustateur, faire une première visite à sa cave pour juger de l’état du vin en goûtant chaque cuve. Ce qu’il fit ; mais dès que le dégustateur eut porté à ses lèvres pour l’apprécier le vin tiré des cuves, on vit l’homme aussitôt prendre un air consterné et pâlir. Car non seulement80 le vin avait une couleur détestable qui présentait déjà à l’œil un aspect repoussant, mais il avait de plus une saveur affligeante, qui laissait en bouche un goût abominable. Comme on pensait que cet accident n’affectait qu’une seule cuve, la perte pour le maître, au vu du dommage, ne semblait pas catastrophique81. Mais quand on commença à inspecter les cuves l’une après l’autre, on s’aperçut à l’examen que tout le stock, (et il y avait près de deux cents cuves), était pareillement gâté et perdu. Ce que furent alors les sentiments du proprié-
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tunc ibidem fuerit possessoris animus, quis ipsius apothecarii luctus, puto quod ignorare non possit omnis compatiens animus humanus. Non enim reuera minimum et contemnendum detrimentum damnumue contigerat, sed ducenta, ut dixi, fere quae putabantur uasa suauissimo uino plenissima, eadem e contrario reperiebantur, nec aceti, sed cuiusdam corruptissimi et faeculentissimi liquoris squalore adimpleta. Quid ageret ita rei suae labefactae dominus, uindemiae suae interitum non adhuc in uitibus sed, quod est grauius, in ipsa apotheca perpessus ? Quid, inquam, ageret, quid tam corrupto nec iam dicendo uino facere potuisset ? An forsitan qualicumque abiectissimo pretio uendidisset ? Sed quis tam fatuus emptor ad rem fatuam accessisset ? An saltem effunderet atque proiiceret ? Sed quis ita oblitus laborum suorum esset ut qualescumque anni fructus proculcandos hominibus belluisque facile exponeret ? Tandem fluctuabunda in talibus maeroribus anima diuinae aspirationis aura perflata in portum fidissimum stationemque tutissimam uelificante deducta est gratia. Nam multa secum agitanti haec potior sententia animo possessoris insedit : confugiendum esse ad amicum Dei Stephanum sanctum, primum martyrem Christi. Proinde iubet illi praegustatori uini sui ut unam lagunculam ex quolibet illorum uasorum adimpleret, eamque ad beati memoriam benedicendam diluculo deportaret, atque exinde sanctificatam continuo referret, tuncque ex illa per omnia uasa parum quid superfunderet, atque discederet. O Domine, Domine, cui cura est pro homine, omnia benigne faciens propter hominem, qui per sanctos tuos olim aquas amaras et infecundas ligno immisso et uase salis iniecto
41-42 Domine – hominem] Ex. 15, 25 43-44 infecundas – sanasti] 2 R. 2, 21 22 ibidem om. L fuerit] fuit Z animus possessoris transp. A ipsius om. O apothecarii ex apocarii E2 23 compatiens omnis transp. A 24 et] ei F ut uid. damnumue] -que F H ducenta] -ti Z 25 fere ut dixi transp. F C fere] uere L om. Z ante quae transp. uasa Z suauissimo plenissima uino transp. B uino suau. pl. transp. ed. plenissima om. N J e [contrario] om. H rest. s.l. H2 26 nec uini [nec aceti] add. FZL et faeculentissimi om. Z faeculentissimi] fetulentissimi FL N fetidissimi A liquoris] lo- K 27 suae] sui L post labefactatae transp. suae ed. labefactatae] factae Z DIEJ ed. 28 uitibus] uiribus L apotheca ex nocte A2 28-29 in ipsa perpessus apotheca transp. CDEJ ed. 29 quid] qui H de [tam corrupto] add. FLZ corrupto] peruerso A s.l. nec iam] non iam Z dicendo ex duc- F2 31 fatuus] fatuosus Z tam [fatuam] add. Z A an] aut H atque] an B 32 oblitus laborum suorum] suorum oblitus H 33 proculcandos] proculos candos Z facile om. A 34 fluctuabunda] fluctu abunda F (corr. F2) fluctu abundus Z in talibus anima maeroribus transp. C maeroribus] memoribus K memoriis B (corr. B2) anima] -us Z 35 perflata] pro- L perflatus Z portum tutissimum stationemque fidissimam transp. A tutissimam] fidissimam H post tutissimam desinit Z deducta est gratia] deducente se gratia dei V 36 possessoris ex -ri E2 37 insedit] incidit AF inuadit S in mg. insedit possessoris transp. ε ed. sanctum om. A 38 praegustatori] pro- L KIEJ praegustatorium H uini om. H lagunculam ex lagunoc- K 39 illorum uasorum] u. illorum ADKI u. suorum C ed. 40 atque exinde] eamque C 41 per omnia] per illa omnia F per omnium L 41-42 domine semel AV 42 benigne] bene digne F [hominem] diligens hominem add. F 43 tuos ex suos L2 uase] uas F uasi A2 salis] sale V β
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taire, ce que fut le chagrin du caviste, tout homme au cœur compatissant peut, je crois, l’imaginer. Car en fait ce n’était pas un petit ennui, un dommage à passer par profits et pertes, mais, comme je l’ai dit, près de deux cents cuves que l’on croyait pleines à ras bord d’un excellent vin se trouvaient au contraire remplies, même pas de vinaigre, mais d’une espèce de liquide complètement tourné, épaissi, et d’aspect repoussant. Que devait faire le maître victime d’une telle catastrophe, qui lui faisait perdre sa récolte non pas encore sur pied, mais, ce qui est bien plus dommageable, déjà dans sa cave ? Je dis, que devait-il faire ? oui, qu’aurait-il pu faire d’un vin si corrompu qu’il ne méritait plus ce nom ? Peut-être le brader à n’importe quel prix ? Mais quel acheteur aurait été assez stupide pour s’engager dans une aussi stupide transaction ? Ou alors ouvrir les bondes et tout évacuer ? Mais qui ferait assez peu de cas de ses efforts pour jeter sans sourciller la production de toute une année sous les pas des hommes et des bêtes ? Son esprit flottait, en proie à ces tristes pensées, lorsque enfin le souffle de l’inspiration divine se leva, et que la grâce, toutes voiles dehors, le mena vers le plus sûr des ports, au mieux protégé des mouillages. Car, au milieu de toutes ses hésitations, une solution s’imposa à son cœur de propriétaire : il fallait chercher refuge auprès de l’ami de Dieu, saint Étienne, le premier martyr du Christ. Il ordonne donc à son cavistedégustateur de remplir un simple flacon dans une quelconque des cuves, de l’apporter dès l’aube à la memoria du bienheureux pour le faire bénir, puis de le rapporter aussitôt, une fois sanctifié, et de verser alors un peu de son contenu dans toutes les cuves, et puis de se retirer. Ô Seigneur, Seigneur, toi de l’homme le protecteur, toi qui dans ta bonté fais tout pour lui, toi qui jadis, par le ministère de tes saints, as purifié des eaux amères et stériles en y faisant jeter du bois et vider un vase de sel, et qui par toi-
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sanasti ac per te ipsum, Domine Iesu Christe, aquam in uinum conuertisti, ipse tu nunc etiam per amicum tuum Stephanum sanctum reparasti in statum pristinum uina perdita, uersa amaritudine in suauitatem, nigredine in candorem, maerore in exultationem. Propere igitur fidelia domini sui iussa minister ille fidelis exsequitur : lagenam, ut fuerat praeceptum, hausit, perrexit, apposuit, reportauit, uasisque singulis permodicum quid contribuit, et abiit. Altera die memor fidei mandatique sui, surgit pater familias matutinus, mysterii conscium ministrumque conuenit, unaque secum ad apothecam comitem ducit ; inspiciuntur denuo cuncta per ordinem uasa ; uinum hauritur, nitor in colore conspicitur, sapor in gustu approbatur, tristitia in gaudium commutatur. Et quid quantumque fides in Christo eiusque gloriosissimo amico ualeat reperitur, cunctisque audientibus mirantibusque succenditur. Denique illa probatissima uina condigno pretio emptoribus distribuuntur. Ecce qualiter diuina prouidentia utilitatibus hominum deseruitur, et quid tandem Deo pro eius tantis beneficiis exhibetur aut redditur.
44 aquam – conuertisti] Jn 2, 9 44 ipsum om. F domine Iesu Christe] domine ε ed. summe domine Iesu F 44-45 ipse tu nunc etiam] ipse tunc etiam V β δ JE ipse nunc etiam L B2 ipse nunc et DI ipse tunc et K ipse nunc C ed. 45 sanctum om. A sanctum stephanum transp. MN C per [s. st.] add. in mg. J reparasti] repara L om. F 46 perdita] pristina C del. C2 de [amaritudine] add. F nigredine] nigretudine H 47 propere] prope L fidelia (post iussa transp. C) om. ed. 48 lagenam] laguenam F langenam L praeceptum fuerat transp. L hausit] hauxit CKEJ auxit CD 49 [uasis]-que om. A contribuit] distrib- A tribuit S 50-51 misterii conscium ministrumque] misteriique conscium ministrum A ministerii conscium ministrumque L H CDKIJ2 ministerii conscium ministrum δ 51 unaque] una C uinaque J ad om. V SH 52 ducit] duxit A denuo om. F hauritur] ausit F 53 conspicitur] aspic- N gustu] gustatu L MN K commutatur] conuertitur A 54 christo eiusque gloriosissimo amico] -tum e. -mum -cum F 54-55 reperitur – mirantibusque om. β 55 [audientibus] eiusdem fidei calor in (et F) laudantibus add. FL [mirantibus]-que om. D succenditur] conspicitur A [illa] iam add. F 56 condigno] cum digno A distribuuntur] distrahuntur F 57 diuina] digna β δ DKIEJ a [diuina] add. A utilitatibus] utilibus H deseruitur] deseruit F ed. defertur L et] codd. ei ed. 58 pro tantis eius transp. ed. aut] et A hic desinit V
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même, Seigneur Jésus-Christ, as changé l’eau en vin, c’est toi qui maintenant encore, par l’action de ton ami saint Étienne, as rendu à un vin gâté son état antérieur en changeant l’amertume en douceur, l’opacité en limpidité, l’abattement en allégresse. Or donc le fidèle serviteur se hâte d’exécuter les ordres de son maître, fidèles à sa foi : comme prescrit, il remplit un flacon, courut, l’appliqua, le rapporta, distribua un tout petit peu de son contenu dans chaque cuve, et s’en alla. Le lendemain le maître, qui n’oubliait ni sa foi ni la mission donnée, se lève de grand matin, va retrouver son homme, confident et instrument du mystère, et il l’emmène avec lui jusqu’à la cave. On examine de nouveau toutes les cuves l’une après l’autre, on tire du vin : sa robe montre de la couleur, son goût se révèle plein de saveur, la tristesse se change en bonheur. Alors l’effet, la puissance de la foi dans le Christ et dans son si glorieux ami sont manifestes, et tous ceux qui entendent l’histoire sont pleins d’admiration et s’enflamment. Pour finir, ce vin reconnu comme excellent trouve acheteur à un prix en rapport avec sa qualité. Voilà comment82 la providence divine se met au service des intérêts humains, et voilà ce que Dieu, pour de si grands bienfaits, finit par recevoir comme manifestations de reconnaissance83.
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quatrième partie
Capvt qvartvm [Vbi draco de caelo magnificus apparuit, a cuius conspectu uniuersa plebs ad sancti Stephani limina confugit ; et ipsis orantibus paulatim inter uellera nubium subtractus non comparuit] 5
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Quodam die agebantur nundinae in nostra ciuitate, et hora iam meridiana caeli facies serena in taetram et caliginosam aeris turbidinem subito est commutata. Ecce autem desuper aspicitur igneus quidam et immensae magnitudinis propendens in caput e nubibus draco. Quod non ita insolitum et nouum debet uideri, non solum propter notitiam popularem, uerum etiam Scripturae sanctae auctoritatem, quae de draconibus sic memorat dicens : Laudate Dominum de terra, dracones et omnes abyssi, ignis, grando, nix, glacies, spiritus tempestatis, quae faciunt uerbum eius. Abyssus namque dicitur non tantum hic deorsum aquarum inaestimabilis profunditas, sed etiam sursum istius caliginosi aeris, quem suspicimus, immensitas, qui maris ac terrae humore atque puluere uidetur pinguescere atque crassescere : cuius impulsu flabiles aurae excitantur, uelut lanae uellera nubes agitantur, fulgura ignita emittuntur. Quae omnia ne, sicut insipienter sapientes putant, casu et fortuitu fieri crederentur, sancta Scriptura uigilanter praeuidit ; et postea quam dixit ignis, grando, nix, glacies, spiritus tempestatis, continuo subiunxit de ipso uniuersitatis creatore atque rectore, et ait : quae faciunt uerbum eius. Proinde pendentem, ut dixi, ex hac prouidentia dispensationis Dei, e nubibus flammantem draconem tanquam de superiore abysso procedentem atque emicantem, cum aliquamdiu huc atque illuc motus aer ferret atque deferret, ac iamiamque praecipitandum super mediam ciuitatem tremor omnium qui ade10-12 Laudate – eius] Ps. 148, 7
Caput 4 FL A S (partim) H δ ε 2-4 Titulus abest in H 2 magnificus] magnus I uniuersa plebs] populus I sancti om. α H δ 2-3 ad sanct. steph. limina] ad lim. sanct. steph. transp. IJ ad sanct. steph. B 3 paulatim – subtractus om. DKI 4 non] minime B post titulum add. ITEM ALIA OMELIA F 5 quodam] qua- C ed. ciuitate nostra transp. F 6 serena] -ni S -nam A tetram et caliginosam] tetram caliginosamque T -um -um α (caligosum F2) J2 N 2 tetram et om. AS turbidinem] turbinem FL β NR BO DKI EJ subito om. C est commutata] c. est transp. A est commota S ed. 7 ecce autem] et ecce H magnitudinis] multitudinis SH δ ε 9 non solum – popularem om. S popularem] hominum H 10 auctoritatem] -e L SH ε KI J memorat] comme- P 13 aquarum om. BO rest. B2 s.l. 14 aeris caliginosi transp. C suspicimus] suscipimus S R C 15 atque puluere om. ε ed. puluere] pallore S pauore MN H uapore F torpore L atque crassescere] crassare O (corr. O2) om. ε ed. 16 uelut lanae uellera] uelut uellera uellerane A 17 et [fulgura] add. A fulgura] fulgore S emittuntur] mittuntur F [emittuntur] ac tonitrua concitantur add. F insipienter sapientes putant] insipientes sapientes p. H K -ter -ter p. D insipientes p. AL MN RO JE 18 casu] causu K fortuitu] -to β crederentur] uiderentur A M (corr. M2) uigilanter] eu- L praeuidit] codd. prouidit ed. 19 glacies om. C subiunxit] subiux- K 21 ut dixi pendentem transp. S ut dixi om. A ex hac ut dixi transp. ed. post nubibus desinit S 22 superiore] -ori B H emicantem] mic- AF 23 deferret] re- F 23-24 ac iamiamque] iamque F
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Chapitre 4 [Apparition d’un dragon impressionnant dans le ciel ; à sa vue, toute la population alla se réfugier auprès du sanctuaire de saint Étienne ; et pendant que ces gens priaient, le dragon fut peu à peu aspiré dans les volutes des nuages et disparut.] C’était jour de marché84 dans notre ville ; à l’heure de midi, la sérénité du ciel fut soudain transformée en une tornade qui l’assombrit et l’enténébra. Alors, au-dessus de la ville, on aperçoit un être de feu d’une taille prodigieuse, un dragon pointant la tête hors des nuages. Ce genre d’apparitions ne doit pas être tenu pour insolite ni nouveau : elles sont bien connues du peuple et même attestées par la sainte Écriture, qui fait mention des dragons en ces termes : « Louez le Seigneur depuis la terre, dragons et tous les abîmes, feu, grêle, neige, glace et vents de tempête, qui accomplissent sa parole. » En fait, « abîme » ne désigne pas seulement en bas la profondeur insondable des eaux, mais aussi en haut l’infini de l’espace ténébreux, vers lequel nous levons les yeux et qui semble prendre à la mer ses vapeurs, à la terre ses poussières, pour s’en gorger et s’en épaissir ; son déplacement déchaîne le souffle des vents, fait tourbillonner les nuages comme des flocons de laine, et lance les feux de la foudre. Contrairement à ce que pensent les savants sans savoir, tous ces phénomènes ne sont ni fortuits ni accidentels ; la sainte Écriture a pris soin de prévenir cette erreur : après les mots « feu, grêle, neige, glace et vents de tempête » elle a ajouté immédiatement la mention du Créateur et Maître de l’univers en disant : « qui accomplissent sa parole ». Donc, comme je l’ai dit, un dragon planait dans les airs par l’effet de la providence divine ; il crachait des flammes du haut des nuages et semblait sortir et s’élancer de l’abîme supérieur ; assez longtemps, les mouvements de l’air le menèrent et le ramenèrent d’un côté et de l’autre, et tous ceux qui étaient là dans l’attente et la stupéfaction le voyaient déjà dans leur panique plonger au milieu de la ville. Aussi les gens se mirent-ils à fuir
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rant exspectantium et stupentium cerneret, fugere conuentu publico turba popularis coepit, et passim quacumque timor egerat, sicut quisque poterat, discurrebat. Totus ipse denique dissolutus est perturbatusque mercatus. Relicta namque omni negotiatione terrena pro sola tantum homines metuebant uita. Quis enim tunc quaereret lucra pecuniae in tanto discrimine damna deplorans animae ? Aut quis cogitaret uel corporis uictum, formidans uitae suae ultimum occasum ? Quis porro cuperet uestem, metu mortis amittens mentem ? Magnus etiam concursus multitudinis ad gremium Ecclesiae matris, ad misericordiam Dei Patris protinus conuolauit. Et ante ipsam amici Dei sacratam memoriam in facie prostrata iacebat diuersa aetas, dispar quoque sexus. Tandem pro cunctorum fletibus idonei ad Christum euocati domini Stephani fusa caelo semper acceptissima prece, annuente pariter clementia principali, horrendus illius caerulei globus paulatim coepit a conspectu hominum inter nubium septa subtrahi atque abscondi et qua uenti incubuerant, redeunte caeli serena facie, discuti atque propelli ; ac sic reuocatis animis atque a tanta tristitia in laetitiam reductis, reddebantur Deo et amico eius uberes gratiae cum ingentibus lacrimis de inopinata gratulatione profusis. Ad haec accedit etiam aliud quiddam ex hoc ipso miraculo mirabilius, ne ignara in omnibus fragilitas humana, nihil de diuinis iudiciis et beneficiis euidentius apertiusque edocta, ita ut dignum fuerat, extitisset grata. Ecce namque altero die procurante diuina dispensatione quidam negotiator numquam nostrae cognitus regioni, subdiaconum nostrum nomine Semno, dum in loco Memblonitano ultro conuenit, et ad se uocauit et quisnam uel unde esset ab eodem flagitauit. Qui ubi se subdiaconum Vzalensis Ecclesiae memoratus est, respon-
25 fugere post coepit transp. F popularis turba transp. ed. 26 coepit] hoc coepit F occepit L F2 timor om. H egerat timor transp. A 27 totus ipse] -um -um O2 ipse denique] denique ipse transp. CD ed. itaque A est om. CDKI perturbatusque] atque perturbatus C 28 omni] omnium H 29 tunc enim transp. M quaereret] quaeret O lucra om. H rest. in mg. H2 deplorans damna transp. A 30 cogitaret quis transp. C corporis ex -pores H2 31 occasum ex casum J2 quis porro cuperet] quis p||rocu/reret F mortis] corporis L 32 multitudinis om. A [matris] et add. F 33 protinus J s.l. dei patris post conuolauit transp. RBO ε ed. patris om. H rest. in mg. H2 et ante] codd. ad ed. 35 idonei] -eis A2 opportune CDIEJ ed. euocati] euoti K aduocati F B om. CDIEJ ed. domini] domni AH M B e [caelo] add. L 35-36 celo semper acceptissima del. B2 om. I 36 pariter cl. principali del. B2 clementia principali] clementia dei annuente CDIEJ ed. [annuente] dei add. B 37 illius cerulei globus] ille draco B2T CDIEJ ed. [cerulei] draconis add. F2 s.l. septa nubium transp. A 38 qua] quia H 39 tristitia] codd. tribulatione ed. 40 reductis ex deductis C2 41 gratulatione] laetitia C 42 haec] hoc J ed. accedit] accidit A2 F 43 in [omnibus] om. BO (rest. B2) nihil post beneficiis transp. H iudiciis] ind- L et beneficiis om. H rest. in mg. H2 44 [edocta] non add. α fuerat] fuisset A 45 altero] -a B (corr. B2) H C 46 regioni] religioni L semno dum] scripsimus semnodum T semmo dum L semmnodum K sennodum CDIEJ B2 ed. scm (sanctum ?) nodum B seminodum R semmodum F MN H semodii A memblonitano] menblonitano H memlonitano F menbronitano A memblotutano CDK2IE ed. 47 uocauit] conuo- H euo-F 48 memoratus est] -tus esset H K -tum esse L -tum esset A M -tum fuisset BTO esse F
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en désordre le rassemblement public, et, de tous côtés, là où la peur l’avait poussé, chacun courait comme il pouvait. Tout le marché en fut complètement interrompu et bouleversé, car les hommes avaient délaissé leurs affaires d’ici-bas et ne craignaient plus que pour une chose : leur vie. Qui en effet chercherait à gagner de l’argent quand un si grand danger lui fait craindre de perdre le salut ? Ou encore, qui songerait même à nourrir son corps, quand il craint d’en être au dernier instant de sa vie ? Enfin, qui aurait envie d’un vêtement, quand la peur de mourir lui fait perdre l’esprit ? La foule courut en masse se réfugier tout droit dans le sein de l’Église notre mère, vers la miséricorde de Dieu le Père. Au pied de la memoria sacrée de l’ami de Dieu étaient prosternés face contre terre des personnes de tout âge et des deux sexes. Enfin, devant les pleurs de tous, s’éleva la prière, toujours très écoutée du ciel, du seigneur Étienne, invoqué pour sa compétence auprès du Christ ; la clémence souveraine répondit pleinement, et l’horrible masse de ce monstre glauque se mit peu à peu à se dérober à la vue des hommes et à se dissimuler derrière la barrière des nuages. Alors, tandis que du côté où s’étaient déchaînés les vents le ciel redevenait serein, le monstre, mis en pièces, fut balayé. Chacun retrouva ses esprits, la joie remplaça un profond désarroi, et l’on rendit à Dieu et à son ami des louanges profuses avec un déluge de larmes que faisait couler une grâce inespérée. Mais ce miracle comporte une suite plus miraculeuse encore : il ne fallait pas que, dans leur totale ignorance, inhérente à la fragilité humaine, les gens se fussent montrés reconnaissants sans être en rien instruits plus clairement et plus ouvertement – comme il aurait convenu – sur les jugements et les bienfaits de Dieu. Aussi, dès le lendemain, par les soins de la divine Providence, un marchand qu’on n’avait jamais vu dans notre région alla trouver de lui-même notre sous-diacre Semno au lieudit Membloné, l’appela et lui demanda qui il était et d’où il était. Celui-ci déclara qu’il était sous-diacre de l’église d’Uzalis et la réaction de cet homme inconnu fut immédiate (n’était-ce d’ailleurs qu’un
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dit continuo idem ille ignotus homo (si tamen solum homo : credendum est enim quia angelus homo ; neque enim uel hoc inauditum atque inexpertum est, siue religioni christianae siue notitiae humanae, sanctos angelos terreno habitu et uisibili specie plerumque hominibus apparuisse). Dedit ergo subdiacono memorato uelum uariis pictum e cera coloribus, in quo erat pictura haec : in dextera ueli parte ipse beatus Stephanus uidebatur adstare, et gloriosam crucem propriis repositam humeris baiulare, qua crucis cuspide portam ciuitatis uidebatur pulsare, ex qua profugiens draco taeterrimus cernebatur exire, amico Dei uidelicet aduentante. Verum ille serpens noxius nec in ipsa sua fuga tutissimus, sub triumphali pede martyris Christi contritus aspiciebatur et pressus. Talis itaque pictura ueli non omnino absque mysterio Dei ubi a memorato subdiacono allata pariter atque suspensa est ante ipsam memoriam tanti patroni, omnis aetas omnisque sexus profecto intueri et mirari coepit spectaculum grande, quo scilicet auctore quoue liberatore draco ille extinctus est hostisque deuictus. Gestae quippe rei fidem praecedentis diei commendabat in animis omnium attestatio sequentis diei. Namque illud quod studiosius cernebatur in uelo, hoc iam credibilius tenebatur in uero. Concurrebat enim pictura cum gratia, et tam diuinitus illud pridie salutis beneficium recolebatur quam postea in ueli imagine aduertebatur. Denique ex ipsa congruentia diei praecedentis atque sequentis ueritatis, et imagine rerum et quorumdam exemplariorum, tantus in multis stupor pariterque amor, admiratio et gratulatio accendebatur ut a cunctis nihil aliud omnino uel diceretur uel affirmaretur nisi hoc unum : « Vere quia per amicum suum Deus istam liberauit ciuitatem, et grandem a nobis depulit pestem. » Et re uera Dei fuit ad homines quaedam illa allocutio in uelo tacite significantis admodum et dicentis : « O miseri mortales, 49 idem ille] ille A ille illem L si tamen solum homo] si tamen fuisse solum hominem L om. F solum iter. H del. H2 credendum est enim] est enim cred. transp. AH MN RO forte enim credere est F esse eum cred. B cred. est. L 50 [angelus] et add. A CDIEJ ed. enim om. H hoc uel transp. MN RO CDI hoc inauditum] in hoc auditum K 52 et uisibili iter K et del. K2 53 memorato subd. transp. A pictum] de- A coloribus e cera transp. A e cera] del. B2 ex cera H a cera F e serico L om. CDIEJ ed. 54 quo] qua A erat] codd. inerat ed. beatus] sanctus CDKEJ ed. 55 humeris repositam transp. L qua] qui L crucis ex cruci D2 56-57 ex qua – amico om. RO 56 qua] quo F 56-57 profugiens – dei om. B add. B2 57 cernebatur] uideb- H 58 in om. α sua om. C ed. tutissimus ex tristissimus B2 contritus ex contrictus L2 59 et pressus] expressus α et expressus A talis itaque] talisque H ueli om. F misterio] ministerio B 60 suspensa] -sus H ipsam om. A 61 [omnis]-que om. A profecto om. CDIEJ ed. del. B2 [coepit] tanquam add. CDIEJ ed. 62 quoue ex quo B2 liberatore] codd. -rato ed. 63 hostisque deuictus om. BO rest. in mg. B2 deuictus] uinctus K [deuictus] est add. AH MN R praecedentis diei fidem transp. C praecedentis diei] -ti die F diei om. A 64 sequentis] uel sequentis β δ K ueli sequentis F 65 uelo] bello F uero] uiro F 66 et om. L H δ rest. B2 illud om. CDIEJ ed. illi pridie [illud pridie] add. H [pridie] gestum add. ε B2 s.l.T ed. 67 [ex] se add. F 68 imagine] -is F 69 tantus ex -tis H2 et admiratio transp. D admiratio om. H rest. in mg. H2 admiratio et gratulatio] et gratulatio admiratio E accendebatur ex accendatur B2 70 ut – omnino iter K et del. K2 71 uere] -rum H liberauit] -uerit C 72 depulit] repulit L illa om. ε ed. 73 uelo tacite] uelocitate δ ε uelo tacita α admodum] codd. (ammodum F) quodam modo ed.
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homme ? Il y a lieu de croire que cet homme était un ange, car on a bel et bien appris et même constaté, dans la religion du Christ comme dans le savoir des hommes, que les saints anges se sont très souvent montrés aux hommes sous une apparence terrestre et sous une forme visible). Il donna donc à ce même sous-diacre une toile peinte à la cire85, de différentes couleurs, sur laquelle était représentée la scène suivante : on voyait, à droite sur la toile, saint Étienne en personne, debout, portant sur ses épaules la Croix glorieuse ; avec la pointe de cette croix, on le voyait frapper la porte d’une ville, et on avait représenté un dragon qui fuyait hors de cette ville, manifestement à cause de l’entrée de l’ami de Dieu. Mais ce serpent malfaisant ne trouvait même pas son salut dans la fuite, et on le découvrait foulé, écrasé, sous le pied triomphant du martyr du Christ. Et donc cette peinture sur la toile, qui manifestait sans aucun doute un mystère divin, le sous-diacre l’apporta et la suspendit aussi devant la memoria d’un si grand protecteur ; alors, c’est un fait, les fidèles de tout âge, hommes et femmes, se mirent à contempler et à admirer un spectacle grandiose : ils voyaient qui avait inspiré, qui avait réalisé leur libération86 en détruisant le dragon et en triomphant de l’ennemi. Ainsi ce qu’on croyait sur l’événement de la veille se trouvait confirmé dans tous les esprits par la preuve donnée le lendemain : car ce qu’on contemplait avec une attention croissante sur la toile renforçait ce qu’on croyait de la réalité vécue. Il y avait en effet concordance entre la peinture et la grâce accordée, et ils reconnaissaient Dieu en se rappelant le bienfait qui les avait sauvés la veille aussi bien qu’en le retrouvant ensuite sur la toile peinte. Enfin, l’accord entre l’événement de la veille et sa vérification du lendemain, comme entre une image et ses copies, enflammait chez beaucoup de gens stupéfaits une telle ferveur mêlée d’admiration et de reconnaissance qu’il n’y avait plus rien d’autre sur toutes les lèvres que ces seuls mots, cette seule affirmation : « Oui, c’est vraiment Dieu qui par son ami a libéré cette ville et détourné de nous un grand fléau ! » Et il est vrai que Dieu adressait aux hommes sur cette toile comme un discours sans paroles, un message clair : « Pauvres mortels, à quel feu du dragon vous avez échappé hier et quel avocat a plaidé
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quale hesterna die euaseritis draconis incendium, uel cuius pro uobis aduocati suffragium fuerit acceptum, isto sequenti die istius ueli figuratione intelligite, atque gaudete. Hinc uestram et praecedentem tentationem et subsequentem liberationem apud uosmetipsos conferte, exinde non dubii, sed certi, Deo uestro per amicum meum gratias agite. Ecce draconem de uestra ciuitate cernitis fugatum et expulsum, ecce conterentem caput eius primum martyrem meum, ecce Crucis tropaeum per quod uestrum uicistis inimicum. » Hoc ergo modo ciuitate nostra a tanto primitus periculo liberata, ac postea tali per congruentem picturam ueli admonitione instructa et illuminata, gemino miraculo est omnis pia anima in Dei gloria exhilarata. Capvt qvintvm [De dispensatore pecuniae publicae Carthaginis liberato]
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In supradictis miraculis domini Stephani patroni communis, uirtutes sanitatum et uisiones somniorum effectusque eorum mediocritate nostra nos digessisse meminimus. Nunc uero euidenter et oculata fide humani habitus corporales apparitiones et demonstrationes in foro, in iudiciis, in luce diei, et con uentu populorum, ordinum, dignitatis hominibus uigilantibus et uidentibus exhibitas per ipsum amicum Dei, adiuuante Domino cupimus enarrare. Igitur dispensator pecuniae publicae Carthaginensis ciuitatis, Florentius nomine, sicut in talibus functionibus fiscalium actionum euenire assolet actoribus earum, ut motus saepe potestatum sub quibus degunt et quorum ditioni deseruiunt, incurrant, idem usque ad periculum capitis offensam iudiciariae indignationis incurrerat. Qua de re ex praecepto irati nescio unde Proconsulis, praecipitanter iussus est rapi, et eius mox obtutibus sisti. Quod cum absque
74 hesterna] -no F draconis euaseritis transp. ed. euaseritis] euaserit A euaseratis L 75 acceptum] acceptatum F fuerit acceptum suffragium transp. ed. in [istius] add. F [figuratione] et comparatione add. F 78 per] propter per B meum] meam B (corr. B2 s.l) eius MN O E [meum] eius notas mecum add. R B del. B2 gratias ex agratias K2 78-80 ecce – inimicum om. BO add. B2 in mg. 78 cernitis] -te F 80 uestrum] -am R (corr. R2) om. A B ed. per quod iter. post uestrum K uicistis] cernitis L 81 periculo primitus transp. A2 C ed. 82 per congr. picturam om. F 83 est miraculo transp. A gloria] -am K hic explicit H in fine amen add. MN BR KIJ amen expliciunt miracula beati stephani prothomartyris edita a beato Augustino episcopo add. H Caput 5 FL A(partim) S δ ε 2 Titulus abest in L A carthaginis publice transp. B carthaginis] carthaginiensis R D E liberato] erepto DKI de dispensatore quodam a periculo liberato F 3 domini] domni KI uirtutes ex -te F2 4 mediocritate nostra] -em -am F M medio caritate nostra S nos om. α B rest. B2 s.l. digessisse] deg- S 5 euidenter] -ti L oculata] ocula S occulta F CI osculata A occultata ed. humani] -na β 6 et2] in F J2 7 dignitatis] scripsimus -atum F -ates cett. ed. et om. α β MN RΟ [uidentibus] periclitantibus add. F 9 pecuniae om. F carthaginensis] -niensis F S N JE carthaginis B ed. florentius] -tinus F 11 motus] notus F saepe om. α degunt] desunt A ditioni] -ne F (corr. F2) dictioni L S 12 deseruiunt] ins- B C ed. incurrant om. α J offensam] -a L 13 incurrerat] incurrant L irati om. ε ed. 14 iussus] uisus L
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pour vous avec succès, comprenez-le aujourd’hui, un jour après, grâce à l’image sur cette toile, et réjouissez-vous ! Et puis, rapprochez en pensée votre épreuve d’hier et la délivrance qui a suivi, et dès lors n’hésitez plus, mais en toute confiance, rendez grâces à votre Dieu par celui qui est mon ami. Ici, vous voyez le dragon mis en fuite et chassé de votre ville ; là, mon premier martyr lui écrase la tête ; et voici le trophée de la Croix par lequel vous avez vaincu votre ennemi. » Voilà donc comment notre cité fut d’abord délivrée d’un si grand péril, puis édifiée et illuminée par l’explication que donne l’image concordante de la toile. Et, devant ce double miracle, toute âme pieuse exulta de joie dans la gloire de Dieu.
Chapitre 5 [Libération du trésorier-payeur de Carthage] On se souvient que, dans les miracles précédemment narrés du seigneur Étienne, notre commun patron, nous avons étudié, avec nos faibles moyens, des guérisons miraculeuses, des visions apparues en songe, et leurs effets. Mais à présent, avec l’aide du Seigneur, nous voulons raconter en détail des apparitions de forme humaine, en chair et en os, indiscutables et garanties par le témoignage oculaire, et leurs manifestations, survenues grâce à l’ami de Dieu, sous les yeux de gens bien éveillés, sur le forum, au tribunal, en plein jour et devant la réunion du peuple, des notables et d’un haut dignitaire. Or donc il advint au trésorier-payeur de la cité de Carthage, appelé Florentius87, ce qui arrive communément aux agents investis de ces fonctions fiscales où ils sont souvent en butte aux humeurs des puissants sous lesquels ils vivent, et à l’autorité desquels ils sont entièrement soumis : lui aussi s’était trouvé en butte à une accusation infamante en justice, qui pouvait lui valoir la peine de mort. Au motif de quoi, par commandement du proconsul – irrité je ne sais pourquoi – ordre fut donné de se
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ulla mora officium quod parebat implesset, memoratumque dispensatorem raptum per publicum sedenti Proconsuli in secretario obtulisset, continuo pauor ingens coepit discurrere per corda multorum eorum qui aderant et uidebant atque humana miseratione hominem dolebant eiusque periculum metuebant. Interea uiso protinus quem furialiter quaerebat, exsurgit in uoce terribili potestas irata, minaci eumdem dispensatorem interrogatione perturbans. At pauefacti hominis fugata mens metu, nec quid diceret nec de quo diceret inueniebat. Sed ecce Deus ille magister e caelo prospiciens super filios hominum, humilians et exaltans filios hominum, miscens seueritati lenitatem, minas transferens in benig nitatem, castigando amans, amando consolans, iudex in flagellis, pater in blandimentis, ubique fidelis nusquam crudelis – ipse ergo Dominus Deus ad liberandum eum hominem angelum suum misit, de quo dictum est : Immittet angelus Domini in circuitu timentium eum, et eruet eos. Nam cum ille dispensator uitae suae incertus ac dubius sub tanto metu terribilis potestatis inter quaestionarios adstaret, repente pulsatum se a tergo persensit. Statimque paululum ceruice deflexa, oculisque furtim retrorsum reductis, uidet uelut unum de carnificibus circa se adstantem, sibique suggerentem quid ageret, quem rogare deberet, dicentem et admonentem : « Inuoca sanctum Stephanum. » Quo uiso auditoque, Florentius, suae menti ac sensui redditus et fuga dudum retracto animo recreatus, gloriosum Stephanum intra semetipsum orare atque inuocare minime desistebat. Deinde eleuata parumper facie ad interrogantem iudicem, oculos intendit in iudicis assessorem. Quem cum noua facie nouoque uultu micantem fulgentemque conspiceret, neque illum sibimet notissimum sed alium
26-27 Inmittet – eos] Ps. 33 (34), 8 15 parebat] parabat β δ (corr. B2 quem sequitur T) ε (post parabat in ras. add. mox ? E) petebat L imperabat ex perabat F2 patebat ed. 16 sedenti ex secedenti S2 [secretario] fori add. F pauor] pallor L β δ ε (corr. C2 ut uid.) ed. 17 multorum om. CDIEJ ed. eorum multorum transp. β 18 hominem] -ni F -ne K dolebant in condolebant F2 19 quem et quaerebat om. F in uoce] in uice β 20 minaci] in acie F eumdem] unde F uultu eumdem A interrogatione] -gare A perturbans] -bat F pauefacti] -ta L 21 fugata mens metu] fugam tamen metu F2 diceret1] dicere I om. L nec de quo diceret om. CDIEJ ed. 22-23 humilians – hominum om. δ β ed. rest. R2 in mg. 22 filios hominum] eos L 23 minas transferens] ministrans ferens F ministrans feritatem F2 24 pater] pariter A (corr. A2) S 25 nusquam] nunquam M ergo om. A deus dominus transp. C ed. 26 eum] illum F hominem] -e M suum angelum transp. C dictum] scriptum A immittet] -it F ed. 26-27 angelus domini] angelum dominus α 27 dispensator ille transp. C ed. 28-29 sub – adstaret om. L 28 terribilis] -li M S K 29 pulsatum se] pulsatus L persensit om. L paululum] paulum K2 paucum K 30 deflexa] re- F defixa ed. [oculis]-que om. β uelut om. A unum uelut transp. C de] e F 31 circa se om. L ageret] diceret α et [quem] add. F 32 dicentem et admonentem] dicens et admonens α β δ (corr. B2 quem sequitur T) D (corr. D2) KI EJ 33 et] in β a [fuga] add. α 33-34 fuga – recreatus om. M rest. M2 in mg. retracto animo recreatus] recreato a. confortatus CDEJ ed. a. recreato conf- I 34 orare] rogare L 35 desistebat] re- KI 37 illum] ullum DIEJ sibimet] sibi ε
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saisir de sa personne sans délai et de le déférer aussitôt devant lui. Ses collaborateurs, obéissant, exécutèrent l’ordre sur-le-champ : ils firent appréhender ce trésorier, et le déférèrent devant le proconsul tenant séance publique dans sa salle d’audience. Aussitôt une immense terreur commença à se répandre dans le cœur de ceux qui étaient là en foule et qui regardaient : par humanité, ils souffraient avec cet homme et redoutaient le péril qu’il courait. Cependant, aussitôt qu’il vit l’homme qu’il poursuivait avec une ardeur forcenée, le puissant personnage, en colère, se dressa avec des éclats de voix terribles, bouleversant le trésorier par un interrogatoire menaçant. Et notre homme, lui, terrorisé, l’esprit égaré par la peur, ne savait que répondre, ni sur quoi répondre. Mais voici que Dieu, le maître qui voit du haut du ciel les fils des hommes, qui humilie et exalte les fils des hommes, qui tempère la sévérité par la douceur, qui transforme les menaces en bonté, qui aime en châtiant, qui en aimant console, juge dans ses punitions, père dans ses affections, partout fidèle, nulle part cruel, – donc le Seigneur notre Dieu envoya pour libérer cet homme son ange, dont il est dit : « L’ange du Seigneur entourera ceux qui le craignent, et il les délivrera. » En effet, le trésorier, déjà plein d’incertitude et de doute sur sa vie, tant il craignait cette autorité terrifiante, se trouvait debout entre ceux qui allaient le mettre à la question quand il ressentit tout à coup une poussée dans son dos. Tournant aussitôt un peu la tête pour donner un furtif coup d’œil derrière lui, il voit, se tenant près de lui, ce qui lui paraît être l’un de ses bourreaux qui lui indique ce qu’il doit faire, qui il doit solliciter, en lui donnant ce conseil : « Invoque saint Étienne ! » Cette vision et ces mots rendirent à Florentius ses esprits et ses sens, et la perspective soudaine de s’en sortir lui redonnant courage, il se sentit réconforté ; il ne cessait de prier et d’invoquer au dedans de lui-même le glorieux Étienne. Puis, risquant un regard vers le juge qui l’interrogeait, il posa les yeux sur son assesseur88. Il le voyait avec un aspect nouveau, un visage nouveau plein de splendeur et d’éclat : il avait sous les yeux non le conseiller du juge, qu’il connaissait très bien, mais quelqu’un d’autre, un magnifique inconnu ; et si tout le monde connaissait bien la laideur de l’assesseur, son visage flétri par le temps, et son âge avancé, celui qui se
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incognitum atque mirificum iudicis consiliarium cerneret, ita ut cum esset as sessoris antea nota in omnibus et marcida aeuo in uultu deformitas et senilis aetas, in illo uero qui ei apparebat iuuenili decore uultus et candore fulgebat, hoc uiso memoratus Florentius, diu multumque permotus, non iam dubius sed firmus et certus, gloriosum Stephanum ibi praesentem credebat adesse, ipsum que oculata fide intendere se, et in sua causa iudicem sedere uel iudici adsis tere. Nam quo plenius perfectiusque de tali uisione ac praesentatione amici Dei fiduciam caperet, uidet Florentius eumdem suum suffragatorem suique iudicis misericordissimum consiliatorem etiam manu sua sibimet annuentem, et ne quidquam prorsus timeret per manum dexteram significantem, uultuque hilari sibi arridentem ac spem salutis plenissimam pollicentem. Quid multa ? Sensim coepere illi furiales impetus iudicis tumentesque animi ad omnem tranquillita tem lenitatemque deduci, ita ut non formidaret iudicem sed agnosceret patrem, nec cuius securim capiti suo pertimesceret, sed cuius fauorem propriae salutis speraret. O Domine, Domine, qui ueras tuas laudes in sacris tibi Psalmis decantari non arroganter sed misericorditer iubes, non pro tua iactantia sed pro nostra tutela, cum dicitur : Tu dominaris potestati maris, motum autem fluctuum eius tu mitigas, sicut consonat etiam euangelica auctoritas, ubi imperio Christi tui dum leuigarentur turbulenti fluctus ac uenti, mirantes dixere discipuli : Qualis est hic qui imperat uentis et mari, et oboediunt ei ? Verissimumque est quod etiam alibi in sermone Scripturae tuae dicitur de te : Cor regis in manu Domini, sicut aqua decurrens, quocumque uoluerit, illuc detorquet eum. Tu enim, Domine, de procon sulari irata primitus et post tranquillata potestate erga dispensatorem, illud
55-56 Tu – mitigas] Ps. 88,10 57-58 Qualis – ei] Mt. 8, 7 ; Lc. 8, 25 59-60 Cor – eum] Pr. 21, 1 38 atque mirificum iter K et del. K2 ut om. L 39 nota antea transp. ε ed. in om. α et1 om. L 40 uero om. L ei om. L iuuenili] -nali F uel -nili add. F2 s.l. candore fulgebat] candor effulgebat A L MN B [-geret B2T ] RO CDK ed. candor apparebat IEJ 41 hoc] quo α 42 ibi] ubi K sibi F [ipsum]que om. A 43 oculata fide] occulta fide T occultata sede C ed. se] sese α om. B (rest. B2) O se [sese] intendere transp. α A M KI iudici] -cia BO adsistere] adsidere F M R sedare BTO 44 quo] quod β δ KJ perfectius] -tus K praesentatione] praesentia β 46-47 ne quidquam] ut nequaquam L et quid A nequiquam D 47 [timeret] minimo digito add. F [manum] suam add. A [uultu]-que om. F 48 sibi om. L β arridentem del. A ac] et C ed. plenissimam] certissimam F 49 impetus] -tu C 50 lenitatemque om. F non] non iam F 51 nec] non α securim] - ram S -rem F pertimesceret] pertimeret M (corr. M2) permisceret A B (corr. B2) 52 speraret] perti speraret S pertimere (ex pertimeret) speraret A 53 sacris tibi] sacrificiis tuis F decantari] -are F 54 post misericorditer transp. decantari C 55 potestati] -tis δ β K -te F (corr. F2) 56 euangelica ante consonat transp. A etiam om. β 57 leuigarentur] -antur R ac] et F om. L 58 est om. ε ed. etiam om. β 59 tuae] sacrae ε ed. 59-60 aqua decurrens ex -am -entem F2 60 eum (F fort. in ras.)] eam L β δ KI EJ proconsulari] -solari F 61 primitus ex protinus K2 post] postea F illud] illum F
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montrait à lui avait au contraire le visage d’un beau jeune homme, rayonnant d’un vif éclat. À cette vue, notre Florentius, après un long et profond désarroi, n’hésite plus ; il retrouve son sang-froid, convaincu que c’était le glorieux Étienne qui se trouvait là en personne : ses yeux lui assuraient que c’était bien lui qu’il voyait, lui qui siégeait comme juge ou plutôt comme assesseur dans son procès. Car, pour combler et parfaire la confiance née de cette manifestation visible de l’ami de Dieu, Florentius voit celui qui le soutenait, le conseiller plein de miséricorde du juge, aller jusqu’à lui faire un signe de la main, l’inviter de la main droite à ne plus rien craindre du tout, et lui sourire avec un air chaleureux, qui lui donnait une ferme espérance de salut. Bref, les élans furieux du juge et sa colère furent peu à peu changés en une sérénité et une douceur parfaites, au point que, loin de redouter en lui un juge, il découvrait en lui un père ; loin de craindre de lui la hache pour sa tête, il en attendait la faveur de son salut personnel. Seigneur, Seigneur, si tu ordonnes de chanter pour toi en psaumes sacrés tes véritables louanges, c’est pour manifester non ta puissance, mais ta miséricorde, non ta gloire, mais ta sollicitude pour nous, lorsqu’il est dit : « Toi, tu domines la puissance de la mer, toi, tu apaises l’agitation de ses flots ! » Et à l’unisson résonne aussi l’autorité de la parole évangélique, quand le commandement de ton Christ a lissé les turbulences des flots et des vents et que ses disciples, stupéfaits, ont dit : « Quel est donc celui-là qui commande aux vents et à la mer, et ils lui obéissent ? » Très véridique aussi est ce qui est dit de toi dans une autre parole de ton Écriture : « Le cœur du roi, dans la main du Seigneur, est comme une eau courante ; il le force à aller du côté qu’il veut. » Car toi, Seigneur, dans cette affaire où la puissance proconsulaire s’est d’abord déchaînée contre le trésorier, puis s’est apaisée, tu as montré à notre temps ce que tu as fait connaître dans l’antique autorité de l’Écriture : la puissance royale d’Artaxerxès, d’abord
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nostris temporibus exhibuisti quod in antiqua Scripturae auctoritate de Artaxer xis prius ferociente et rursum blandiente regia potestate circa Esther feminam sanctam ostendisti et in memoriam posteris legendum sciendumque prodidisti. Proinde dispensatorem Florentium proconsul, non iam ut officialem suum, sed tanquam filium, remotis ab eo carnificibus, non solum ad sese atque ad gremium suum absque ullo timore uicinius iussit accedere, sed et eum coepit paterna affectione familiarius commonere, ac deinde indulta uenia uitaque concessa liberum facit de secretario abscedere. Quo facto qui adstabant et pro hominis periculo pia sollicitudine trepidabant, abeunte absoluto et illaeso dispensatore, mixto cum stupore gaudio, modo haesitabant, modo exsultabant, modo inter se mirantes disquirebant dicebantque : « Vnde ista tam repentina rerum commutatio atque conuersio, quae proconsularem potestatem omni seueritate exuta ad tantam humanitatem lenitatemque perduxit ut hominem ad uitam ab ipso mortis limine reduxerit ? » Porro autem Florentius, licet transacto periculo, adhuc tamen ex priore metu aliquantulum animo saucius domum est reuersus. Nulli sane suorum est in tempore confessus quid inciderit, quid uiderit, quid euaserit. Verum nocte eadem per somnium uidet apparentem sibi illum qui in secretario a se uisus fuerat, iuuenili specie, uestitum lumine, a quo ultro nominatim compellatus audiuit : « Quid est, Florenti ? Agnoscis me ? Ego sum qui in secretario apparui tibi teque de morte liberaui. » Quem cum Florentius agnouisset, ipsumque esse sanctum Stephanum intellexisset, ubi eum adorare uoluit, manu mento supposita ab illo est subleuatus. Expergefactus autem Florentius surgit matutinus,
62-64 in antiqua – ostendisti] cf. Est. D, 7-8 62 in [nostris temporibus] add. β scripturae] -a F de artaxerxis] de altarsersis F (astar- F2) detraxeris S K de tracta A de assueri BTM2 s.l. om. CDIEJ ed. (uide notam) 63 ferociente] -citate RBO β K (corr. K2) 64 legendumque sciendum transp. S prodidisti] prodisti A (corr. A2) dedisti ε ed. 67 [filium] suum add. δ C remotis del. A ab eo] ab ea D ab eodem F om. E (rest. E2) om. ed. ab eo carnificibus om. A non om. F ad1] a D sese] sedem F ad [gremium] om. β 68 suum gremium transp. L post timore transp. iussit F uicinius] propius L proprius F iussit] iubens A2 iutliro L (corr. L2) sed om. α β MN B (rest. B2 quem sequitur T) O K coepit] copit K 69 [ac] sic add. F uenia om. A 70 facit] fecit F secretario] -ia L facto] uiso β 71 hominis ex omni A2 pia] quia F uia F2 trepidabant pia sollicitudine transp. B absoluto] dissoluto IJ post dispensatore desinit A 73 disquirebant dicebantque] dis. dicentes F et disquirentes dicebant C ed. [unde] est add. F 74 proconsularem] -e K 75 exuta] -am α ut] et F 76 reduxerit] -xit F 77 priore] -ri L BO C F2 78 metu om. F et timore add. s.l. F2 reuersus est transp. ε ed. 79 inciderit] acc- ε O ed. [uerum] tamen add. F 80 uidet per somnium transp. B sibi apparentem transp. CDE ed. a se om. O 81 iuuenili] -nali F [specie] a add. C F a quo] atque CDIEJ ed. nominatim om. M 83 tibi om. O teque] atque F B ipsumque] et ipsumque F et ipsum F2 esse del. F2 esse post stephanum transp. I 84 sanctum om. ε ed. 85 est subleuatus] est eleuatus DKI eleuatus est C matutinus] maturius L matinus F (corr. F2)
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violente, puis caressante envers la sainte femme Esther, et tu l’as donné à lire et à connaître à la postérité pour qu’elle en garde le souvenir. Ainsi donc le proconsul, traitant le trésorier Florentius non plus comme son subordonné, mais comme un fils, fit écarter de lui les bourreaux : il l’engagea à s’approcher sans crainte et à venir à lui, jusque dans ses bras ; et, mieux encore, il se mit à le réprimander affectueusement sur un ton paternel ; puis il lui signifia son pardon, lui accorda la vie sauve et le laissa partir libre du tribunal. Alors les gens qui étaient là et qui, pleins de compassion, tremblaient devant le danger encouru par cet homme, en voyant le trésorier partir libre et indemne, partagés entre la stupeur et la joie, tantôt ne savaient que penser, tantôt laissaient éclater leur allégresse, tantôt se posaient entre eux ces questions étonnées : « D’où vient ce changement, ce renversement si soudain de situation, qui a dépouillé la puissance du proconsul de toute sévérité pour l’amener à tant d’humanité et de douceur que, du seuil même de la mort, il a ramené un homme à la vie ? » Quant à Florentius, pour avoir échappé au danger, il n’en était pas moins, en rentrant chez lui, passablement bouleversé par la peur qu’il avait eue. Sur le moment, il ne raconta à aucun des siens ce qui lui était arrivé, ce qu’il avait vu, à quoi il avait échappé. Mais cette nuit-là il vit en songe celui dont il avait eu la vision dans le tribunal apparaître sous les traits d’un jeune homme, vêtu de lumière, qui l’interpella par son nom ; il entendit : « Eh bien, Florentius ? Tu me reconnais ? C’est moi qui te suis apparu au tribunal et qui t’ai libéré de la mort. » En le reconnaissant et en comprenant que c’était bien saint Étienne, Florentius voulut se prosterner, mais l’autre, lui mettant la main sous le menton89, le releva. Sortant de son sommeil, Florentius se lève de grand matin, et, dans son désir de rendre grâces à Dieu et de marquer sa gratitude envers
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cupiensque grates Deo persoluere eiusque amico uota sua reddere, solus ad Vzalensem ciuitatem proficiscitur. Sed cum uiae sibi ante incognitae essent, uiator ignarus orabat tacitus intra semetipsum, et eiusdem gloriosi martyris Christi implorat ducatum. Verum cum ipse precem funderet, ecce in silentio precantis presbyter nostrae ecclesiae, Firmus nomine, Florentio aliunde superueniens in itinere adiungitur. Quem conspiciens Florentius percunctatus est quo iter ageret. Respondit memoratus presbyter ad Vzalensem se pergere ciuitatem, unde se etiam presbyterum esse confessus est. Tunc Florentius animo exhilaratus gratulari plurimum coepit, omneque suum gaudium celare non potuit, sed ab ipso rei gestae exordio supradicto presbytero itineris sui comiti adiuncto, quae secum diuina misericordia per gloriosum amicum suum egerit, ordine indicauit. Deinde finito itinere Florentius una cum presbytero ad ciuitatem uenit, beati martyris limina humili pietate ingressus et pauimento substratus omnipotenti Domino Iesu Christo eiusque beatissimo amico gratias egit. Monasteria quoque ingressus uenerabili episcopo simulque seruorum Dei ad se concurrenti choro, omnia haec enarrauit. Et nos quoque secum per multam gratiarum actionem, in laudes Dei et coronae martyris Stephani alacriter excitauit ac feruentissime accendit. Haec dicta sunt a nobis pauciora de multis, rariora de densis, notiora de secretis, quae ualuit stilus noster tardis tardus indagare, et legenda magis cum desiderio quam cum fastidio religiosis pectoribus commendare. Alia uero quae singulorum quorumque libellis etiam propriis continentur, si Domino adiuuante huic operi potuerimus annectere, ab alio melius exordio digeremus.
86 grates] gratias C F deo ante grates [gratias] transp. C et post persoluere F 87 ciuitatem] urbem ε ed. ante] antea F om. L ed. 89 implorat] -abat F S 91 florentio om. L aliunde om. M rest. M2 in mg in itinere om. M ε ed. 92 respondit] codd. -dens ed. 93 se pergere om. O etiam se transp. L CDIEJ ed. presbyterum] -ter F 95 omneque] codd. omne ed. 96 gaudium om. BO rest. B2 s.l. 97 comiti ex –o K2 adiuncto quae] adiunctoque F 98 ordine] -em ε 100 substratus] subtratus S substractus B subtractus L prostratus B2T CDIEJ ed. 101 monasteria] -ium α quoque om. S 102 dei om. O concurrenti] -tium F uenienti I enarrauit] narrauit O CDIEJ ed. 103 et del. L rest. L2 coronae del F2 [martyris] dei add. C 105 [haec] ita add. M B E sunt] sint F M a [nobis] om. B rest. B2 in mg 105-106 rariora – secretis om. CDIEJ ed. pauciora ex pauciaria K2 de densis] desensis K 106 secretis] certis F ualuit] maluit L noster] pater (pˉr) K om. CDIEJ ed. tardis tardus] tardis tardius L B tardigradus F tardus S2 C om. DIEJ ed. 107 cum om. F 107-109 alia – digeremus om. ed. 108 quorumque] quorumcunque L 109 operi ex hopori K2 in fine explicit liber secundus add. MN O IE explicit liber secundus miraculorum sci stephani prothomartyris add. S explicit liber secundus de mirabilibus sancti stephani martyris add. L
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l’ami de Dieu, il part tout seul pour Uzalis. Mais, comme il ne connaissait pas encore le chemin, il cheminait à l’aveuglette tout en priant silencieusement en lui-même ; il suppliait le glorieux martyr du Christ de le conduire. Alors qu’il égrenait sa prière, voici que dans son silence recueilli survient, venant d’ailleurs, un prêtre de notre église, nommé Firmus, qui se met à marcher avec Florentius. Découvrant sa présence, Florentius lui demanda où il allait ; le prêtre lui répondit qu’il se rendait à Uzalis où justement, déclara-t-il, il était prêtre. Alors Florentius, le cœur plein d’allégresse, se répandit en actions de grâces et ne put contenir la plénitude de sa joie ; il raconta point par point, depuis le début de son aventure, à ce prêtre qui s’était fait son compagnon de route, tout ce qu’avait accompli en lui la miséricorde de Dieu par l’intercession de son glorieux ami. Arrivé au bout du trajet, Florentius pénétra dans la ville avec le prêtre, franchit avec une humble piété le seuil du bienheureux martyr, et, prosterné sur le pavement, il rendit grâces au Seigneur tout-puissant Jésus-Christ et à son bienheureux ami. Il entra aussi dans le monastère, où il raconta tout en détail au vénérable évêque et au chœur des serviteurs de Dieu accourus autour de lui. Et nous aussi, à son exemple, par l’ampleur de ses actions de grâces, il nous a transportés d’allégresse et embrasés d’une ferveur intense pour chanter les louanges de Dieu et de la couronne du martyr Étienne. Voilà tout ce que nous avons pu faire dans ce récit : d’une multitude de faits, un choix trop limité, d’histoires si denses, un aperçu trop maigre, de ces mystères, une présentation trop simple. Voilà ce que la lenteur de ma plume a pu trouver pour la lenteur de nos esprits90, confier à des cœurs fervents une lecture qu’ils puissent faire avec un sentiment de manque et non de satiété. Mais il y en a d’autres, qui sont racontés chacun dans un livret qui lui est exclusivement consacré ; si, avec l’aide de Dieu, nous pouvons les ajouter à cet ouvrage, il vaudra mieux les étudier en commençant une nouvelle partie.
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Notes 1 Citation du livre de Tobie XII, 6-7 qu’on trouve déjà dans la lettre de Sévère de Minorque qui a peut-être suggéré à l’auteur du De miraculis de l’utiliser à son tour, sans qu’on puisse en inférer nécessairement qu’il s’agit d’un lieu commun de l’art oratoire chrétien. La première partie de la citation est en réalité assez mystérieuse. Elle est placée dans la bouche d’Azarias, au moment où il révèle qu’il est en réalité l’ange Raphaël : il a aidé Tobie, le fils, à récupérer une somme d’argent placée par son père, a délivré Sara, la jeune épouse de Tobie, de la persécution du démon Asmodée et guéri Tobie le père de sa cécité. Le secret du roi (sacramentum traduisant le grec µυστη´ριον) désigne pour un roi, comme pour Dieu, la nécessaire discrétion qui conditionne le succès d’une entreprise : dans l’histoire des deux Tobies, l’ignorance de tous porte sur la véritable identité d’Azarias. Dans le De miraculis, il s’agit peut-être des voies mystérieuses de l’action divine et de la Providence qui amènent à Uzalis les reliques de saint Étienne, ou encore des apparences sous lesquelles se cache le saint lors de plusieurs de ses manifestations. Mais, comme l’indique le commentaire que fait de la citation l’auteur du De miraculis, l’essentiel est la deuxième partie de la citation qui invite à célébrer les œuvres de Dieu, comme le passage du livre de Tobie dont la citation constitue la conclusion : « Alors Raphaël, les appelant à lui tous deux à part, leur dit : ‘Louez Dieu et remerciez-le ; rendez-lui honneur et reconnaissance en face de tous les vivants pour le bien qu’il vous a fait, en sorte que vous célébriez et chantiez son nom. Publiez dignement devant tous les hommes les œuvres de Dieu et n’hésitez pas à lui exprimer votre reconnaissance...’ » (Tb. XII, 6-7 dans la traduction de A. Clamer, La Sainte Bible, Paris, L. Pirot et A. Clamer, 1949). 2 Sur Evodius, cf. P. Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne, T. VII, Paris, 1923, p. 42-45 (qui cependant ne dit rien sur le De miraculis) ; G. de Plinval, « Évode », dans Dictionnaire de Spiritualité, t. IV, 2, 1961, col. 1788-1789 ; J.-H. Féliers, « L’utilisation de la Bible dans l’œuvre d’Evodius », REAug, 12 (1966), p. 41-64 ; A.-M. La Bonnardière, « Evodius », dans Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, t. XVI, 1967, col. 133-135 ; A. Mandouze, Prosopographie de l’Afrique, p. 366-373 ; sur ses rapports avec l’histoire des reliques et avec notre texte, cf. notre Chap. I, 1 et sur ses rapports avec Augustin, Chap. I, 5. 3 Sur la désignation d’Étienne comme protomartyr, cf. les remarques de G. W. Bowersock, Rome et le martyre, Trad. de l’anglais par P.-E. Dauzat, Paris, 2002, p. 113-115 (qui signale qu’Étienne n’est pas présenté comme premier martyr avant le ive siècle). 4 L’auteur se conforme dans son prologue au topos d’humilité en s’inspirant peut-être du prologue de l’épître de Sévère de Minorque sur la conversion des Juifs. Son originalité se manifeste néanmoins dans sa volonté délibérée de rapporter telles quelles les paroles des personnages, une déclaration qui est peut-être inspirée elle aussi par une remarque analogue de Sévère mais qui était isolée et noyée dans le corps de sa lettre (Ep. 12, PL 20, col. 738, 21-31), alors qu’elle devient dans le De miraculis un principe ferme et constant, auquel la préface donne un relief nouveau. L’auteur a d’ailleurs manifestement respecté cette promesse, et ses discours directs relèvent sans conteste d’un niveau de langue beaucoup plus populaire que le reste de sa prose, volontiers rhétorique. Sur les rapports et les différences entre les deux textes, cf. J. Meyers, « Le De miraculis sancti Stephani », spéc. p. 109-112. Sur le débat chrétien entre style fleuri et style simple, cf. J. Fontaine, « Une polémique stylistique » et Id., Aspects et problèmes de la prose d’art latine au iiie siècle. La genèse des styles latins chrétiens, Turin, 1968. 5 Première apparition d’un thème essentiel de l’ouvrage : l’univers tout entier remplit sa vocation qui est de chanter la gloire de Dieu et ce chant de louange n’a pas besoin de la parole humaine. Elle est tacita praedicatio, comme les rêves dont bénéficient plusieurs des personnages qui apparaissent dans l’ouvrage, comme les miraculés eux-mêmes dans la célébration décrite dans le prologue du livre II, comme l’image sur la toile de II, 4. Ce thème est étroitement lié à la pensée de l’ouvrage. C’est pourquoi on se gardera de voir dans la préface l’orchestration superficielle de lieux communs. On trouve une idée très proche chez saint Augustin dans le récit de la guérison de Paul de Césarée (De ciuitate Dei XXII, 8, 23) : magis eos in opere diuino quandam
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Dei eloquentiam non audire, sed considerare permisi, « Je laissai le peuple non pas entendre de ses oreilles, mais voir plutôt de ses yeux cette éloquence de Dieu parlant dans son œuvre divine. » La même situation – le miraculé dans l’abside de l’église, offert à la contemplation des fidèles – fait naître la même idée : celle de l’éloquence divine qu’on voit au lieu d’en entendre parler et entraîne la même figure de style (adynaton) : eloquentiam considerare. Mais chez Augustin, il ne s’agit que d’une remarque en passant, sa réflexion sur les miracles est liée au dogme de la résurrection de la chair ; chez l’auteur du De miraculis, il s’agit du centre même de sa pensée. On notera aussi qu’on ne trouve jamais dans le De miraculis ni eloquentia ni considerare. 6 Trois arguments plaident pour voir dans l’expression per se sonantem exserunt tubam une référence à saint Augustin, Doctr. IV, 12, 32 : Ipsa hora iam ut dicat accedens, priusquam exserat proferentem linguam, ad Deum leuet animam sitientem et eructet quod biberit, uel quod impleuerit fundat !, « À mesure que s’approche l’heure où il doit parler, et avant de donner la parole à sa langue, qu’il lève vers Dieu son âme assoiffée pour faire jaillir au dehors le breuvage reçu ou du moins en répandre le trop-plein ! ». L’orateur chrétien ne doit pas se faire trop de souci : c’est Dieu qui l’inspirera et lui dictera ce qu’il doit dire (Mt. X, 19-20). a) Si l’expression exserere linguam est assez commune en latin et se comprend parfaitement, exserere tubam est plus surprenante si l’on songe à la taille de la tuba. Ce verbe ne s’emploie jamais en latin pour parler d’un instrument de musique. b) Il y a un deuxième point commun entre les deux formules : la présence d’un participe présent à côté du complément d’objet d’exserere (proferentem, sonantem). c) La préface du De miraculis fourmille littéralement de formules augustiniennes dont certaines ne peuvent être que des citations (cf. dans ce volume la contribution de M. Griffe sur la langue du De miraculis [Chap. III, 1]). Ces coïncidences ne sauraient être fortuites, et on peut en conclure sans risques que l’auteur du De miraculis connaissait bien l’œuvre de l’évêque d’Hippone, ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’il faisait partie de l’entourage d’Evodius, qui était un ami de longue date d’Augustin. Toutefois faut-il aller jusqu’à en tirer un terminus post quem pour le De miraculis, le De doctrina étant daté de 427 ou 428 ? Rien n’est moins sûr, car la préface peut avoir été rédigée après les deux livres de récits. Il faut ajouter que la pensée de notre anonyme, fort critique à l’égard de l’éloquence humaine – tout en faisant preuve d’un grand talent en la matière, est assez loin de celle d’Augustin, qui, dans le De doctrina notamment, met la rhétorique classique au service de la prédication. Le De miraculis, lui, oppose la tacita praedicatio des œuvres de Dieu à la puissance de la parole. L’image de la trompette qui sonne d’elle-même a une saveur nettement apocalyptique qui s’accorde tout à fait avec la prophétie du hurlement des pierres. 7 Hilaris et hilaritas, dans le De miraculis, expriment la joie partagée, la béatitude des élus dans l’éternité. C’est pourquoi il nous a paru préférable de traduire cum hilaritate comme un complément d’obœdientiae mercede, plutôt que de uolumus demonstrare : le salaire de félicité que mérite l’obéissance. Tout ce passage est repris, terme pour terme, dans la conclusion du livre I et l’effet appuyé de clôture s’explique très bien si l’on se souvient que tout le livre I est un sermon sur les miracles, prononcé lors d’une fête de saint Étienne. 8 Ce terme fait allusion à l’existence, précoce en Afrique, d’un véritable ordo. On sait par Optat de Milev (VI, 4, 1) qu’il existait une cérémonie de consécration au cours de laquelle ces femmes revêtaient un voile, marque distinctive de l’ordre. 9 À propos de ce chapitre, H. Delehaye, Les orgines du culte des martyrs, p. 81 écrivait : « l’on s’étonne (…) que l’on ait accepté comme authentiques certaines reliques, que les conditions de la découverte [du corps d’Étienne] excluaient expressément, telle l’ampoule de sang arrivée à Uzalum [sic], en Afrique, recommandée, il est vrai, par une nouvelle révélation. » Ce chapitre, nous semble-t-il, montre bien en fait, certes de façon stylisée, que l’authentification de cette ampoule justement n’alla pas de soi. Sur les réactions d’incrédulité face aux reliques ou aux miracles, cf. aussi dans ce volume les remarques d’Anne Fraïsse (Chap. III, 4). 10 Les deux saints Félix et Gennadius sont mentionnés dans le martyrologe romain (Mart. Rom. 191) : Uzali in Africa sanctorum martyrum Felicis et Gennadi. Nous ne savons rien de leur passion ni du jour précis de leur culte en Afrique à l’époque. Notre passage révèle que leur culte est déjà assez ancien à Uzalis lorsque y arrivent les reliques de saint Étienne. Voir aussi, dans ce volume, la contribution d’Yvette Duval (Chap. II, 2). 11 Sur le sens du terme pulpitum (sorte de lutrin ou de pupitre d’où le lecteur s’adressait à la foule des fidèles), cf. la contribution d’Y. Duval (Chap. II, 2). Voir aussi ses remarques sur ce mot dans Y. Duval, Chrétiens d’Afrique, p. 393-395. 12 Sur la lettre de l’évêque de Minorque, cf. le chapitre I de notre introduction, ainsi que
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les articles de J. Wankenne et B. Hambenne, « La lettre-encyclique de Sévère de Minorque » et de J. Fontaine, « Une polémique stylistique ». 13 Comme l’a noté Y. Duval, Chrétiens d’Afrique, p. 393, « l’utilisation de la chaire pour accueillir provisoirement les reliques prestigieuses du protomartyr atteste une fois de plus que ce meuble, certes de pouvoir et d’apparat, est aussi investi de sainteté, comme l’autel où sont ensuite déposées les reliques d’Étienne ». Voir aussi ses remarques ici même, Chap. II, 2. 14 Hilara et ses dérivés, Hilarianus, Hilaric(l)us, Hilarilla, Hilarinus, (H)ilario, Hilarisius, (H)ilarosus, sont répertoriés par I. Kajanto, The Latin Cognomina, Helsinki, 1965, p. 260-261, parmi les noms qui signalent des particularités favorables du caractère. Ils sont attestés largement parmi les païens (Hilario l’est même à l’époque républicaine, CIL I, 1255), mais devient plus fréquent dans l’épigraphie chrétienne. Sous les diverses formes précitées, on relève en Afrique 94 attestations épigraphiques du nom, dont 23 fois Hilara ; six seulement de ces individus sont indubitablement chrétiens (dont une seule femme, Statilia Hil[ara ?], CIL VIII, 12198, Hr Sidi Amara, dans le nord-est de la Byzacène). Il y a parmi eux neuf esclaves ou affranchis : c’est incontestablement un nom fréquent dans les milieux populaires. Bien que, en dehors des sources épigraphiques, 4 Hilarii et 7 noms dérivés aient pu être relevés dans des sources littéraires chrétiennes (cf. A. Mandouze, Prosopographie chrétienne), il ne semble pas que les chrétiens aient donné à ce nom un sens mystique particulier. 15 Infantis uillici : D’après le Code Théodosien XVI, 5, 36 (loi de 399 condamnant les eunoméens), le uillicus domus urbanae (que l’on oppose au fundi procurator) semble avoir été le concierge ou le gérant d’une maison située en ville, ce qui correspond bien à la scène décrite dans ce passage. D’après cette loi, la condition servile du uillicus paraît évidente [C. Lepelley]. 16 Homo animalis : le rapprochement des termes animalis homo et Spiritus Dei évoque les passages de saint Paul opposant l’homme extérieur et l’homme intérieur, c’est-à-dire l’homme sous l’emprise du péché, non encore justifié et rénové par l’Esprit, partagé entre la loi de Dieu et la loi de ses membres : « Car je me complais dans la loi de Dieu du point de vue de l’homme intérieur, mais j’aperçois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de ma raison et m’enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres » (Rm. 7, 22). C’est la loi de l’Esprit qui délivre l’homme. Dans cet épisode, le fils, lui, ne relève pas encore de cette loi de l’Esprit (nondum perciperet, ignorat), il ne peut percevoir que ce qui relève du corps « psychique » en rapport avec le monde visible. Sa mère, au contraire, vit déjà par l’Esprit le mystère du Salut (conscia, ueritas) préfiguré par le miracle qui lui permet de pressentir les réalités éternelles. Elle manifeste ainsi aux yeux de la communauté le dessein de Dieu lié à la reconnaissance par l’homme de la vie selon l’Esprit. Dans la deuxième épître aux Corinthiens opposant homme extérieur et intérieur (2 Co. 4, 16), on trouve la même notion de lumière voilée ou dévoilée aux hommes qui aboutit à la révélation du Christ : « En effet le Dieu qui a dit: ‘que des ténèbres resplendisse la lumière’ est celui qui a resplendi dans nos cœurs, pour faire briller la connaissance de la gloire de Dieu qui est sur la face du Christ. » (2 Co. 4, 6). 17 Ducis te : cet emploi familier de ducere se rencontre déjà chez Plaute (Amph. 1042). Il se trouve que le français populaire a exactement la même expression, d’où notre traduction. Sur le sermo quotidianus dans le De miraculis, cf. Prol. n. 4, ainsi que J. Meyers, « Le De miraculis sancti Stephani » et M. Griffe, « L’oralité dans les Miracles de saint Étienne ». 18 Memblonitani loci : le toponyme est attesté par la table de Peutinger sous le nom Memblone, et par l’Itinéraire Antonin sous la forme Membrone. La leçon Memblone est préférable à Membrone, comme l’établit S. Lancel, Actes de la conférence de Carthage en 411, t. IV, Additamentum criticum, Notices sur les sièges et les toponymes, Paris, 1991 (SC 373), p. 1422. Bien que d’autres localisations aient été proposées (Bir el-Ara, Hr Douemis), ce lieudit doit se situer à Sidi Ahmed Bou Fares (AAT, 1/50.000, f VII, Porto Farina, n 82) ; il est connu au Moyen Âge par El Idrissi et Ibn Hawqal, sous la forme Anbelouna. À l’époque des miracles, il s’y trouvait un monastère auquel fait allusion Evodius dans une lettre adressée à Augustin (Ep. 158, 9,10). 19 Voir à ce sujet P. Force, « Place et signification de la redditio symboli » et « La spiritualité des Miracles ». — Ne symbolum iubes ut reddam : ce ne interrogatif tonique est l’équivalent de nonne (cf. M. Leumann – J. B. Hofmann – A. Szantyr, Lateinische Grammatik, t. II : Lateinische Syntax und Stylistik, Munich, 1972 [Handbuch II, 2], p. 462 § 247) ; il est fréquent dans l’Itala et dans la Vulgate sous l’influence du grec. 20 Cet épisode où l’homme est ramené au monde des vivants a très nettement un aspect solennel où l’on peut reconnaître certains éléments caractéristiques du rite baptismal : présence
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d’un diacre, un des ministres possibles du baptême ; vêtements blancs ; foule des morts dont l’homme va être écarté (« Retirez-vous ! » ; le baptistère est en effet un lieu si sacré qu’il était défendu aux simples catéchumènes de s’en approcher [Vita Georgii Khozi, 18, Mansi t. VIII, col. 1110]) ; symbole par trois fois répété, profession de foi trinitaire dont on sait que la formulation provient de la liturgie baptismale (Mt. 28, 19) ; signe du salut fait sur l’homme, il annonce la guérison et évoque l’imposition des mains. 21 Promontoriensi ecclesia : N. Ferchiou, « Recherches sur la toponymie antique de la basse vallée de la Merdjerda », Africa, 13 (1995), p. 91, n’ose se prononcer sur la localisation précise de l’église du Promontoire à cause des épierrements anciens et des constructions de terrasses par les réfugiés andalous, qui ont fait disparaître la plupart des vestiges antiques dans un secteur de la côte voisine d’Uzalis, où pourtant « une petite presqu’île des environs de Ras Jbel porte le nom de Ras el-Mestir (le cap du monastère)… » La forme non contractée du mot, Ras el Monastir, serait donc plus ou moins l’équivalent de Promontoriensis [ecclesia]. 22 Zumurus : sur ce nom, voir la contribution de J.-M. Lassère (Chap. II, 3). 23 Ces lignes posent une série de problèmes de syntaxe qu’il est bien difficile de résoudre sans prendre position sur les réalités qu’elles impliquent. La traduction que nous avons finalement choisie est liée à la façon dont nous nous représentons les différents déplacements des reliques de saint Étienne à Uzalis. On songe d’abord à une série de trois finales introduites par quo et dont les verbes sont placaretur, congregarentur et reponeretur, mais cette solution se heurte à une difficulté grammaticale : la suite placaretur 1, simulque congregarentur 2, reponeretur 3, sauf à supposer un lien sémantique particulier entre 1 et 2, n’est pas normale et ne donne pas un sens satisfaisant ; le but de l’évêque, en prêtant serment de ne rien enlever des reliques à la cité (nihil se reliquiarum de ciuitate ablaturum), serait de les réunir en un seul et même lieu et de les replacer dans la même memoria : ce serait dire deux fois la même chose. Nous avons donc supposé que ces lignes représentaient un discours indirect qui exprimait la décision de l’évêque (reponeretur) et les considérants de sa décision (quo placaretur simulque congregarentur). Primitus est également embarrassant : son sens habituel est « primitivement, à l’origine », mais il devient impossible, si on lui donne ce sens, de se représenter les divers déplacements des reliques. On peut montrer qu’il a constamment dans le De Miraculis le sens de « d’abord, antérieurement à un autre événement » et non le sens de « primitivement ». Dans ce même chapitre, en 11, quae primitus a Donatistarum diuisione usurpata, traduit par « usurpée à l’origine », serait une pure et simple absurdité. Voici donc, à partir de ces choix, un essai de reconstitution des divers déplacements des reliques : 1) toutes les reliques, apportées à Uzalis, sont déposées dans la banlieue d’Uzalis, là où se trouvent les martyrs Félix et Gennadius (I, 2, 4) ; 2) elles sont transférées dans la cathédrale par l’évêque : la guérison miraculeuse d’Hilara a lieu au cours de la nuit qui suit ce transfert ; celle de Concordius, racontée ensuite, a eu lieu en fait avant ce transfert, puisque Concordius, guéri, se rend là où les reliques se trouvent déposées (I, 4, 35 : ubi eaedem reliquiae susceptae sunt), puis vient proclamer la gloire de Dieu dans une église qui doit être la cathédrale ; 2bis) une partie des reliques est transportée dans le monastère épiscopal d’Uzalis, avant le transfert d’une autre partie des reliques dans la cathédrale ou en même temps. Il est possible aussi que ce transfert ait lieu de la cathédrale au monastère donc, après l’étape 2. Il n’est pas question de ce transfert dans le De Miraculis, sinon de façon indirecte, lorsque toutes les parties des reliques sont réunies dans la cathédrale en application de la décision de l’évêque (I, 8) ; 3) l’évêque décide de transférer une partie des reliques de la cathédrale à l’église du promontoire dont le nom même indique qu’elle n’est pas dans la ville. Si telle est bien la suite des événements, on voit qu’il est impossible de donner à primitus le sens de « primitivement » qui nous reporterait à la situation 1. Primitus renvoie donc à la situation 2 : une partie des reliques est dans la cathédrale. L’auteur se place au moment où l’évêque a divisé en deux parts les reliques et se prépare à quitter la cathédrale. La foule s’interpose, obtient gain de cause, et l’évêque décide de réunir à nouveau (reponere) ce qu’il vient de séparer. Il ne faut pas dissimuler une difficulté : si la totalité des reliques a été transférée du sanctuaire suburbain à la cathédrale (étape 2), on comprend mal pourquoi l’auteur mentionne cette étape en disant ubi iam pars fuerat reliquiarum primitus collocata et non ubi iam reliquiae fuerant primitus collocatae. Il peut s’agir d’une inadvertance de l’auteur ou d’une allusion implicite à une première division des reliques : en effet, on apprendra au chapitre 8 qu’une partie des reliques se trouvait
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in monasterii habitaculo et donc y avait été apportée soit depuis le sanctuaire suburbain, soit depuis la cathédrale, sans provoquer de réaction des fidèles, ni être l’occasion d’un miracle. C’est pourquoi l’auteur n’en avait pas parlé. 24 Par la précision de détails sur les conditions d’incarcération, les deux chapitres consacrés à la libération des prisonniers reflètent les dispositions législatives prises par les empereurs chrétiens depuis le milieu du ive siècle et connues par le Code Théodosien. Voir la contribution de Christine Hamdoune (Chap. II, 4), notamment pour les références. 25 Auctorem : Ici comme plus loin en II, 4, 62 (quo auctore quoue liberatore), ce terme pose une question essentielle pour la théologie du miracle dans l’ouvrage : qui accomplit le miracle ? Naturellement, il s’agit clairement des miracles de saint Étienne : nostri Stephani miracula (I, 1, 30-31), talium factorum suorum (I, 2, 43-44), mais dans un même passage ces miracles peuvent être attribués successivement à saint Étienne et à Dieu : Domini Stephani primi martyris Christi miracula (II, 1, 4-5), diuinorum operum atque gestorum (II, 1, 8). C’est saint Étienne qui guérit mais on loue les œuvres de Dieu. Parfois c’est le Christ qui est directement sujet de l’action : Vnde uniuersae ecclesiae Christus non modicum gaudium cumulauit (I, 8, 8-9). La plupart du temps, le Christ et saint Étienne sont associés dans une même gloire par simple coordination : ad Christum et ad te eius amicum confugi (II, 2, 67), laudes Dei et amici Dei (I, 3, 39), gloriam Dei atque amici (I, 4, 38-39) ; ou par addition, sous des formes grammaticales différentes : Nam gloriosi martyris nomen nunc ore, nunc corde precando, etiam Christum Dominum non reticebat. (I, 3, 17-18). Certaines tournures montrent des perspectives différentes : – Étienne est sujet de l’action « avec le secours du Christ » : Referam igitur uobis, carissimi in adiutorio Domini nostri Iesu Christi, adhuc domini Stephani patroni communis mirabilia gestae rei, multisque bene notissimam, in laudem et gloriam Dei, memorabilem historiam (II, 1, 45-48) ; – Le Christ est sujet de l’action « par l’intermédiaire de saint Étienne » : Domine Iesu Christe, (...) ipse tu nunc etiam per amicum tuum Stephanum sanctum reparasti in statum pristinum uina perdita (II, 3, 44-46), uere quia per amicum suum Deus istam liberauit ciuitatem (II, 4, 71). Enfin en I, 2, 29, l’exclamation ambiguë « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » peut désigner également saint Étienne et le Christ en une confusion qui fait de saint Étienne une figure reprenant des caractéristiques du Christ (nature des miracles, gestes, paroles). Saint Étienne a un double rôle, celui d’intercesseur et celui d’intermédiaire qui réalise l’action. Dans les deux cas il est le médiateur entre Dieu et les hommes ; en II, 4, 34-36, il est l’intercesseur que les hommes prient et qui prie avec les hommes : Tandem pro cunctorum fletibus idonei ad Christum euocati domini Stephani fusa caelo semper acceptissima prece. Il tient encore ce même rôle dans la métaphore de l’avocat : ubi satis uisa est sibi idoneum instruxisse aduocatum Stephanum apud iudicem Christum (II, 2, 71-72). Il est aussi celui qui agit au nom du Christ : amico Dei curante atque auxiliante in nomine Christi (II, 2, 235-236). Enfin, les deux termes employés au chap. II, 4, auctor-liberator, renvoient, semble-t-il, l’un au Christ, l’autre à saint Étienne : quo scilicet auctore quoue liberatore (II, 4, 62) et correspondent à l’expression employée dans le prologue du livre I pour définir le rôle d’intermédiaire de saint Étienne : ea quae per patronum nostrum Stephanum primum martyrem suum operatus est apud nos Christus et adhuc operari dignatur (I, 1, 9-10). Sur tout ceci, voir la contribution de G. Devallet (Chap. III, 3). 26 Restitutus : ce nom et ses formes parallèles ou dérivées (Restutus, Restitutianus, etc.) sont très fréquents chez les païens. I. Kajanto (The Latin Cognomina) en dénombre 705 occurrences dans l’ensemble du CIL, avec en face 80 chrétiens. En Afrique, il est lié au culte de Ba‘al et de Saturne : c’est, à l’origine, l’enfant que le dieu a rendu après le décès d’un de ses frères. On le relève 202 fois au CIL VIII, et dans ce lot il y a seulement 61 chrétiens, auxquels on peut ajouter 50 de leurs frères connus par des sources littéraires, dont 40 évêques de ce nom, d’après la Prosopographie chrétienne du Bas-Empire, I Afrique. Parmi les chrétiens connus par l’épigraphie figurent deux affranchis et peut-être un esclave. En revanche, parmi les païens, on relève un sénateur (CIL VIII, 24659, 6) et un chevalier, probablement originaire de Cirta (CIL VIII, 7039 ; Pflaum, Carrières, n 158). On peut penser que ce nom était moins populaire qu’Hilarus et qu’il a peut-être été christianisé parce que c’était celui d’une des martyres d’Abitina en 305. 27 Fenestellam memoriae : sur ce passage, voir la contribution d’Y. Duval (Chap. II, 2). 28 Pisa : Le toponyme et sa localisation ont été établis par S. Lancel, Actes de la conférence de Carthage en 411, p. 1445-1447. Il faut le chercher à Bou Chater, où deux inscriptions ont été arbitrairement restituées en [T]hisitanus (CIL VIII, 1211) et [T]hisitani (CIL VIII, 1212). L’argument de S. Lancel est que, lors de la constitution d’une commission épiscopale pour procéder
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au remplacement d’Equitius, évêque destitué d’Hippo Diarrhytus, le concile de Carthage du 13 septembre 401 désigna pour en faire partie l’évêque Ambiuius Pisitanus, évidemment pour des raisons de proximité. L’ethnique Pisitanus est normalement tiré de Pisa ou Pisi, et non de Pisita. 29 Litt. « le huitième jour, en tant que signe de la résurrection du Seigneur ». La guérison de Donatianus de Pisa n’a pas eu lieu un dimanche et encore moins le dimanche de Pâques, ce qui permettrait à l’auteur d’établir sans difficulté le rapprochement qu’il fait entre la guérison de l’aveugle qui lumen recepit, la Résurrection qui apporte la lumière à tous les peuples et l’offrande votive du candélabre en argent (cf. Jérôme, In die dominica paschae homilia 2, l. 32-34 : Dies dominica, dies resurrectionis, dies christianorum, dies nostra est unde et dominica dicitur quia dominus in ea victor ascendit ad patrem, quod si a gentilibus dies solis uocatur, et nos hoc libentissime confitemur ; hodie enim lux mundi orta est, hodie sol iustitiae ortus est, in cuius pennis est sanitas [éd. G. Morin, CCSL 78]). La guérison de Donatianus a eu lieu un jour de semaine et ce jour s’est trouvé être le huitième depuis celui où il s’est rendu au dispensaire du très puissant médecin Étienne. À condition de compter les jours à partir du début de la semaine précédente, d’un sabbat à un sabbat, le dimanche, lui-même représentation du dimanche de la Résurrection, est bien le huitième jour. Assimiler n’importe quel jour de la semaine au huitième jour qui définit le jour de la Résurrection peut apparaître comme une acrobatie intellectuelle, assez peu convaincante, mais qui suggère que l’auteur a choisi de raconter une deuxième histoire de guérison d’un aveugle, après celle d’Hilara (I, 4), parce que l’événement lui paraissait contenir un message différent. 30 Sur la question des solidi et des folles, voir l’article de J.-M. Lassère, « Miracles et vie économique en Afrique au ve siècle ». 31 Étienne apparaît sous l’aspect d’un notable d’Uzalis : cuiusdam honorati et primarii ciuitatis uiri, nomine Vzalensis. Primarius ciuitatis signifie que le personnage appartient au petit groupe des dirigeants, supérieur à l’ensemble des décurions, celui des principales (parfois appelés decemprimi) qui, à l’époque, monopolisent en fait la direction de la cité. Le terme honoratus peut impliquer qu’il avait reçu un honneur impérial, qui, à l’époque, peut être le rang sénatorial ou le titre honoraire d’ex proconsule, ex praefecto, ex comite primi ordinis, titre qui ne conférait pas le clarissimat. On relève deux bizarreries : l’homme est jeune, alors que la loi prévoit que ces titres ne sont donnés qu’à des décurions ayant accompli toute la carrière municipale. D’autre part, le nom Vzalensis, soit l’ethnique de la cité, est déconcertant. L’usage était de donner des noms de ce type aux esclaves (ou aux affranchis) publics de la cité ; or, ici (cf. n. suivante), il s’agit d’un notable [C. Lepelley]. 32 Vzalensis, « d’Uzalis », est le nom propre de l’inconnu, d’où le quiproquo qui s’ensuit. Sur cet anthroponyme tiré d’un ethnique, et dont il est difficile de rendre en français toutes les valeurs, voir la contribution de J.-M. Lassère (Chap. II, 3). 33 Qui sum ego ? Cette question rappelle celles du Christ à ses disciples : « Qui dites-vous que je suis ? » ; « Mais pour vous, qui suis-je ? » (cf. Mc 8, 27 et 29 ; Mt. 16, 13 et 15 ; Lc 9, 18 et 20). 34 Huc habent faciem, « ils ont le visage tourné vers ici ». Il faut selon nous rejeter la correction diem. L’expression « avoir le visage tourné vers » pour dire « être en route » pourrait venir de Luc 9, 51. Huc porte donc à la fois sur reuertentes et sur l’expression habent faciem. 35 Die Romanarum ciuitatis : il faut préférer cette lectio difficilior et traduire « le jour de la fête des citoyennes romaines ». Il est clair que l’auteur ne veut pas donner le nom païen de cette fête. Mais il est exclu qu’il désigne ici les Parilia, date anniversaire de la fondation de Rome par Romulus, à l’occasion de laquelle aurait été instituée cette fête : tous les textes qui s’y réfèrent parlent de la fondation de l’Vrbs (urbem condere), et non de ciuitas. Ce qu’a fondé Romulus le 21 avril, ce sont les murailles de la Ville, non la citoyenneté romaine, qui ne le sera qu’après que Romulus aura « donné des lois » à cette foule pour en faire le populus Romanus (cf. Liv. I, 8, 1 : uocataque ad concilium multitudine quae coalescere in populi unius corpus nulla re praeterquam legibus poterat, iura dedit). Le jour de l’arrivée du fils du boucher n’est donc pas le 21 avril, mais le 1er mars, date de la fête des Matronalia, en l’honneur de Junon Lucina, déesse qui personnifie la mère de famille et donc, au-delà, le principe de fécondité et de prospérité de l’État. Les cérémonies officielles, autour de l’autel de la déesse situé sur l’Esquilin, étaient accomplies par les matrones, femmes libres, filles de citoyens romains et mariées à des citoyens romains. Elles étaient aussi honorées en tant que mères de famille et maîtresses de maison dans le cadre familial : les maris offraient alors des cadeaux à leurs épouses. Cette fête est encore célébrée dans l’Empire chrétien. Sur cet aspect, voir aussi la contribution de Christine Hamdoune (Chap. II, 4).
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36 L. M. Gunther, « Schweine für Uzalis. Zur Interpretation einer Wundertat des heiligen Stephanus », Münsterische Beitrage zur antiken Handelsgeschichte, 11 (1992), p. 56-69 nie qu’on puisse tirer de ce chapitre des indications à caractère économique, et estime que l’intention de l’auteur est uniquement d’affirmer le contrôle de l’Église catholique sur les nundinae de Numidie. Mais S. Lancel, « Le sort des évêques et des communautés donatistes après la Conférence de Carthage en 411 », Cassiciacum, 39 (1989), p. 149-167, a bien montré qu’après cette conférence, déjà vieille d’une quinzaine d’années, le donatisme n’a plus « qu’une survie limitée, globalement minime ». On ne trouve en fait dans les Miracles (qui ne s’occupent que d’affaires locales) qu’une seule allusion au donatisme, avec la mention de la basilica restituta (I, 7, 30-34), dont il est bien dit que, d’abord utilisée par les schismatiques, elle a été ensuite rendue aux catholiques. 37 Tradens illi : cette leçon nous semble préférable à tradente illa, qui banalise une anacoluthe préfigurant le participe absolu des langues romanes et que l’on trouve précisément dans des manuscrits carolingiens très « correcteurs », comme le ms F (à son sujet, cf. l’article de J. Meyers, « Un copiste carolingien au travail »). 38 Ad tempus : cette expression recouvre les deux sens des adjectifs français « temporaire » et « temporel » ; la vie et la mort terrestres de l’enfant sont à la fois « pour un temps » et « dans le temps », par opposition à sa vie éternelle. 39 Ce chapitre reflète les questions qui se posaient à l’époque sur le baptême (validité du baptême des enfants et des cliniques, sort des enfants morts sans baptême). Ici, l’enfant reçoit, non pas le baptême en urgence des cliniques, qui, bien que reconnu par l’Église, connaît une certaine défaveur, mais un baptême complet, célébré par un prêtre (presbyter), dans chacun de ses rites (sacramenta complentur) et sur un catéchumène qui répond en toute lucidité (spiritus, uox). Baptême idéal, aussi puisque l’enfant meurt dans toute la pureté de ce sacrement de régénération qui le conduit directement (summa celeritate) vers la vision béatifique (ad Dei spiritales amplexus) dont sa mort prématurée l’aurait privé (sine gratia baptismi saluum habere non posset) ; en effet, les enfants morts sans baptême n’étaient pas soumis à la peine du sens (châtiment de leurs péchés), mais subissaient celle du dam, c’est-à-dire qu’ils étaient privés de la contemplation de Dieu en raison du péché originel que seul efface le baptême (a peccatorum lethali catena anima liberata). Sur le baptême dans le De miraculis, cf. aussi n. 19 au chap. I, 7. 40 Vt superius dictum est : cf. I, 4, 43-51. 41 Enim : cette conjonction explicative paraît étrange si l’on considère la phrase introduite par enim (Ipsas... potentiae) comme l’explication de ce qui précède (pauciora decerpsimus), car l’auteur semble dire qu’il a fait un récit sélectif parce que les miracles n’ont pas besoin d’être racontés ! En réalité, l’explication introduite par enim consiste dans l’ensemble du développement subséquent qui clôt le livre I. L’auteur veut dire que si d’une manière générale les miracles divins n’ont pas besoin du secours des hommes pour produire leur effet (comme l’a expliqué l’auteur dans son prologue où cette idée est longuement développée), en revanche, à partir du moment où un homme veut en faire le récit pour l’édification de ses frères, les nécessités de la communication lui imposent d’opérer un tri. Par cette conclusion, l’auteur veut tout à la fois excuser les lacunes qu’on pourrait lui reprocher et exalter la puissance infinie de Dieu. Cette amplificatio a aussi une valeur argumentative : le nombre limité des miracles rapportés ne met pas en cause l’efficacité des reliques. 42 Publica attestatione comprobata : on a vu au livre I les miraculés raconter à la communauté les grâces dont ils ont bénéficié, et manifester leur reconnaissance à Dieu et à saint Étienne. 43 De quadam caeca : il s’agit d’Hilara (cf. I, 3) 44 Mirabiliora : voir à ce sujet la contribution de J.-N. Michaud (Chap. III, 5). 45 Durus ac ferreus : sur la réminiscence de Cicéron, De suppl. 121, voir la contribution de M. Griffe (Chap. III, 1). 46 Megetia : ce nom d’origine grecque, très peu fréquent, a été examiné par H. Wuilleumier, Étude historique, p. 601, selon lequel il désigne la grandeur morale. On peut être sûr que l’auteur des deux livres sur les Miracles n’ignore pas cette signification quand il écrit que Megetia était nobilis genere, nobilior Christi fide. Voir la contribution de J.-M. Lassère (Chap. II, 3, n. 40). 47 L’expression scripturaire (in utero habere, cf. l’apparat des sources), que l’auteur emploie pour parler de la grossesse de Megetia, donne à son histoire, dès le début, une discrète inflexion biblique. 48 Frons hominem praefert : l’expression chez Virgile (Aen. X, 211) est employée dans un sens différent (description d’une figure de proue).
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49 In sacratarum reliquiarum loco : l’emploi de l’ablatif au lieu de l’accusatif marquant un changement de lieu peut paraître surprenant, d’autant qu’on a plus loin ad Vzalensem. Mais la « confusion » des cas dans les tours prépositionnels est fréquente à époque tardive. On l’explique par la disparition du -m final qui rend phonétiquement l’accusatif très proche de l’ablatif aux deuxième et troisième déclinaisons (cf. M. Leumann – J. B. Hofmann – A. Szantyr, Lateinische Grammatik, t. II, p. 277). On peut y voir aussi une sorte d’anticipation du résultat du mouvement, qui s’explique par le parfait profecta est (Vitula est dans le lieu des reliques), comme le suggère notre traduction. 50 De filia compotem : cet emploi de de + abl. au lieu du génitif rend la formulation parallèle à de diabolo... uictricem et suggère que Megetia est l’enjeu d’une lutte pour le pouvoir entre Vitula et le diable. 51 Corona tua : la corona martyrum, qui exprime félicité éternelle réservée aux disciples du Christ après leur victoire dans les luttes de cette vie et spécialement après le martyre, désigne ici par métonymie l’emplacement de la memoria du protomartyr. 52 On peut comprendre idoneum instruxisse aduocatum de deux manières qui ne s’excluent pas : « instituer Étienne comme avocat » ; ou « lui donner tous les éléments pour qu’il soit un bon avocat ». 53 Mater parturibunda reuertitur : la forme au nominatif est dans la quasi-totalité des manuscrits ; seul C porte l’accusatif parturibundam dont la place dans la phrase est plutôt insolite. Nous avons donc retenu la leçon majoritaire, mais n’avons pas cru devoir suivre pour le sens l’édition de Charpentier qui comprend : « comme si elle allait [elle-même] accoucher ». Car l’adverbe tamen, au début de la phrase suivante, indique que Vitula, confiante dans l’intercession de saint Étienne, est prête pour la délivrance de sa fille (c’est pourquoi elle se hâte d’aller la retrouver), mais qu’elle n’en emporte pas moins (tamen) un flacon d’huile sainte et un linge sacré. — Notre collègue grammairien Jean-François Thomas nous a apporté les précisions suivantes : « Si la forme parturibunda n’a sans doute pas d’autre attestation que celle de ce texte, elle appartient cependant à un type connu. Il existe en effet des adjectifs en -bundus formés sur une base verbale ayant une valeur virtualisante et aussi une double orientation diathétique, l’une interne exprimant l’état du sujet, l’autre transitive. Moribundus signifie ‘voué à mourir, moribond’ en Cicéron, Sest. 85 (Tribunum plebis plus uiginti uulneribus acceptis iacentem moribundum uidistis, ‘Vous avez vu un tribun de la plèbe gisant à terre, avec plus de vingt blessures, et voué à la mort’) mais ‘propre à provoquer la mort’ en Catulle 81, 3-4 (iste tuus moribunda a sede Pisauri / Hospes..., ‘ton hôte, ce personnage issu du mortel séjour de Pisaurum...’). La valeur virtualisante est en quelque sorte l’effet de la double origine de l’élément -bundus. Il s’agit en effet de la grammaticalisation de l’adjectif verbal *bundus formé lui-même sur un thème verbal issu de *bhwh ‘devenir’ et constitué avec le suffixe -ndo marquant la notion verbale comme étant en cours de réalisation, par opposition à -nt. Quant à la double orientation diathétique, elle se retrouve dans l’histoire du morphème -ndo à travers les emplois de l’adjectif verbal proprement dit et du gérondif. En conséquence, parturibunda peut en soi signifier ‘destinée à accoucher’ ou ‘capable de faire accoucher’. La forme parturibunda en accord avec mater signifierait ‘pour la faire accoucher’, tandis que parturibundam se comprendrait par ‘devant bientôt accoucher’. Cette deuxième solution, d’ailleurs donnée par un seul manuscrit, est sans doute difficile à justifier car l’ordre des mots et le caractère intransitif de reuertitur ne favorisent pas son intégration syntaxique. Parturibunda, appliqué à mater, exprime la sollicitude d’une mère dont le contexte dit bien l’inquiétude. Plus encore, la prière et le voyage avec des objets aussi symboliques sont autant d’actes où la foi de la femme rejoint la puissance du saint pour que l’amour humain et divin de la mère aide à la réalisation de l’accouchement. Avec mater parturibunda, la valeur factitive et virtualisante de l’adjectif verbal correspond parfaitement à l’attente angoissée et confiante d’un événement que la mère veut favoriser de tout son être. » 54 Orarium / orationum : jeu de mots que nous n’avons pu rendre, parallèle à sudarium / sudorum, et à rapprocher de non... ore sed... oraculo aux lignes 83-84. 55 Vitae positam inuenit articulo : l’aggravation apparemment contradictoire de l’état de Megetia est nécessaire pour faire intervenir les linges consacrés que Vitula a emportés à tout hasard (d’où le tamen dans Oleum tamen sanctificatum... secum pariter reportabat, 74-76). 56 Auris uitalibus : l’expression aurae uitales remonte à Lucrèce (3, 405 ; 577 ; 5, 857 ; 6, 1227), où elle désigne « l’air de la vie » dont se nourrissent les êtres vivants, autrement dit l’acte de respirer, qui caractérise la vie, les deux cas extrêmes étant celui qui entre pour la première
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fois dans les poumons du nouveau-né et celui qu’exhale pour la dernière fois le mourant. C’est dans ce sens qu’on trouve l’expression, parfois au singulier, le plus souvent au pluriel, chez différents auteurs (Virgile, Aen. 1, 387 ; 546 ; 3, 339 ; Laus Pis. 160 ; Sénèque, Herc. Fur. 652 ; Œd. 651 ; Luc. 102, 26, 7 ; Solin 12, 5) et encore chez Arnobe (Nat. 2, 16), quand il raille les dieux païens qui, ayant une date de naissance fêtée, sont forcément des « êtres respirants », donc mortels. L’expression sera reprise par la médecine médiévale pour désigner le « souffle de vie ». Mais déjà chez Virgile (Aen. 1, 387), l’expression tend à signifier « l’air qui donne la vie », le soufle de la vie accordé par les dieux (cf. Ovide, Trist. V, 9, 11). Avec ce double sens d’« air vital » et de « souffle venu de Dieu, qui donne la vie », l’expression est reprise par les Chrétiens : on la trouve chez Ennode (Epist. 2, 1, 10) et Orose (Apol. 16, 11), tandis qu’Augustin explique que l’air est don de Dieu (Ciu. 5, 26 ; 19, 13). C’est sans doute cette double acception qu’exprime ici le texte. Comme l’indique en effet la suite immédiate, Megetia, en revenant à la vie grâce à l’intercession de saint Étienne, commence en même temps la guérison de son âme ; les « brises de la vie » irriguent autant sa vie spirituelle que sa vie « respirante ». 57 Les archiatres étaient les médecins officiels des cités désignés par l’autorité municipale. Ils bénéficiaient de divers privilèges, en particulier l’immunité totale des charges municipales, leur fonction étant vue comme un munus publicum suffisant. Il en était de même pour les professeurs (grammairiens et rhéteurs) des cités [C. Lepelley]. Sur les archiatres, cf. aussi C. Hamdoune (Chap. II, 4, n. 55). 58 Sic unica filia tua uiuat est une formule de serment dont la forme canonique est Ita (sic) me di ament (amabunt), ut... (+ indicatif dans le cas d’une affirmation ; + subj. dans le cas d’une promesse) : « Que les dieux m’aiment, aussi vrai que... » Dans notre texte, Vitula ne prête pas serment elle-même, mais l’exige du médecin, d’où l’emploi de la deuxième personne (filia tua) et de l’interrogation (potesne). C’est pourquoi le médecin, surpris par le tour juridique que prend la conversation, répond : « Puisque tu veux me contraindre par ce moyen... », c’est-à-dire par un serment. Le serment décisoire était fréquemment utilisé en droit romain pour faire pression sur l’adversaire. Refuser d’obtempérer était considéré comme une preuve de culpabilité. Voir M. Griffe, « Ita me di ament... Une formule de serment en latin ancien », Lalies, 7 (1989), p. 289298. 59 Iunctura : il s’agit probablement d’une luxation maxillo-temporale ; voir la contribution de Chr. Hamdoune (Chap. II, 4). 60 Le père de Megetia, Pontius, est senatoriae dignitatis uir. Bon témoignage sur la présence dans les cités provinciales (en particulier à Carthage) d’honorati de rang clarissime, suite à l’élargissement considérable de l’ordre sénatorial depuis les réformes de Constantin. Les aristocrates locaux qui briguaient jadis le rang équestre cherchaient désormais à entrer dans cet ordre sénatorial étendu. Ce processus a été analysé par A. Chastagnol (Le sénat romain à l’époque impériale, p. 237 sqq.). En II, 2, 4, la formule nobilis genere qualifiant Megetia se réfère à cet honneur sénatorial. Pour une famille de simples notables municipaux, honesta aurait suffi [C. Lepelley]. 61 Melius lucet cereoferarium nostrum, « notre candélabre éclaire mieux ». Il faut évidemment comprendre : « mon candélabre éclaire mieux » [non pas que le tien mais mieux qu’il ne le faisait auparavant]. Pontius a rejoint dans la foi Vitula, c’est pourquoi son candélabre brille maintenant autant que celui de Vitula (pariter igne flammantia). 62 Sicut confido de Christo meo : la subordonnée introduite par sicut ne porte pas sur le contenu de la principale, comme une comparative ordinaire, mais sur son énonciation ; Vitula ne veut pas dire que son mari aura la même foi qu’elle, mais que sa foi dans le Christ lui permet d’affirmer avec certitude que son mari se convertira. La foi de Vitula est garante de la vérité de l’assertion « Pontius croira bientôt ». 63 Sub iugo, « sous le joug », cf. Matthieu 11, 29 : tollite iugum meum super uos, « Chargezvous de mon joug » ; et 30 : iugum enim meum suaue est, « car mon joug est agréable. » 64 Velut quemdam medicum spiritalem. À première vue, cette expression ne pose pas de problème, elle peut avoir pourtant deux sens différents : 1) saint Étienne est un être spirituel mais son intervention permet la guérison de maladies physiques ; c’est bien, semble-t-il, le sens qui domine dans tanquam proposita statione diuinae medicinae (I, 4, 41) et dans ad stationem potentissimi medici (I, 13, 3-4) ; 2) saint Étienne est le médecin des maladies spirituelles. Les deux sens de cette expression (comme de caelestis archiater) ne sont en général pas incompatibles mais ici la cohérence du récit oblige à écarter le 2e sens. En effet, pour que Megetia
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soit libérée de la déformation du visage dont elle souffre, il lui faut découvrir que cette déformation physique est en fait la conséquence d’un péché. Ce lien entre le corps et l’âme est déjà pressenti dans la prière de Vitula mais c’est la maladie morale des incrédules qui est mise en rapport avec la maladie physique de Megetia (ut oculus cordis... sanetur, os filiae sanetur, II, 2, 176-177). Megetia sait parfaitement qu’elle n’a pas affaire à un médecin. Il porte l’habit d’un diacre. Elle sait qu’il s’agit d’un être spirituel mais elle se trompe sur l’origine de son mal : c’est pourquoi ce sont ses yeux qui ont besoin d’être soignés. Étienne va l’amener à découvrir que sa maladie charnelle est la conséquence d’un mal spirituel : elle a tort de demander à un être dont le pouvoir est dans l’ordre spirituel la guérison d’un mal physique, non pas qu’il ne puisse la guérir mais justement parce qu’il sait que l’origine de son mal n’est pas corporalis mais spiritualis. Étienne entre dans son jeu : avec une sorte d’espièglerie qui se retrouve dans l’histoire du monsieur d’Uzalis et ailleurs, il accepte de jouer les médecins et lui explique que ce n’est pas sa bouche qui est malade mais ses yeux. Le combat contre le dragon, puis l’attitude si déconcertante d’Étienne mèneront Megetia à la découverte des vraies causes de son infirmité : cuiusdam peccati sui recordatione subito stimulata (II, 2, 211). Dans ces conditions, si Megetia, aux lignes 181-183, se tournait vers saint Étienne comme vers le médecin des maladies spirituelles, cela impliquerait qu’elle a déjà compris ce qu’en réalité saint Étienne lui fera découvrir grâce au combat contre le dragon puis au traitement apparemment absurde qu’il lui propose (soigner les yeux pour guérir la bouche). Il est donc absolument nécessaire de donner à uelut quemdam spiritalem medicum (ligne 182) le sens de « comme un être spirituel qui serait médecin », de même que medico homini signifie « comme à un médecin humain. » Une autre solution a été envisagée : rapprocher spiritalis medicus de spiritalis arteria qui désigne la trachée-artère (Lactance) et de spiritalis fistula qui a le même sens chez Arnobe. Megetia demanderait au diacre de lui examiner la bouche ou mieux la gorge, comme si elle avait affaire à un spécialiste des voies respiratoires. Il y aurait un jeu entre spiritalis et spiritualis qui ne ferait que mieux mettre en relief le miracle : « tu veux un médecin spiritalis alors qu’il te faut un médecin spiritualis. » Cependant, spiritali archiatro (I, 13, 13), qui désigne Étienne dans le récit de la guérison d’un aveugle, nous a conduits à ne pas retenir cette interprétation. 65 L’expression pennarum remigio uolitantem dénote une volonté de donner au passage une couleur poétique, que l’auteur a tirée d’une combinaison de Lucrèce 6, 743 remigi oblitae pennarum uela remittunt, « ils laissent pendre la voilure de leurs ailes » et Virgile, Aen. 1, 301 uolat ille... remigio alarum, « le dieu vole avec les rames de ses ailes » (cf. aussi 6, 19 sacrauit remigium alarum). L’image est imitée du grec (cf. Eschyle, Agam. 52). 66 Oberrantem : le mot s’applique aux monstres, cf. par ex. Sénèque le Père, Controuersiae X, 4, 8 et Sénèque, Herc. fur. 1281 ; Phaedr. 1077. 67 Vt quid, « pourquoi ? », est un tour fréquent dans l’Itala et la Vulgate, qui traduit le grec i{na tiv. Il a une connotation poétique à l’époque classique, puis envahit la langue familière, d’où notre traduction. 68 Collyrium : il s’agit d’un baume et non d’un liquide. Il n’est pas impossible que quasi cutem medicinalem soit une glose explicative introduite ensuite dans le texte. 69 Sanctissimis feminis : voir la contribution de C. Hamdoune sur les femmes chrétiennes à Uzalis (Chap. II, 4). 70 Pulsans : cf. Mt. 7, 7 (Lc 11, 10) : pulsate et aperietur uobis ; Augustin, Faust. 22, 51 : pulsemus fidei pietate ut nobis aperiatur a Domino. 71 Attrectabili, « qu’on peut toucher » : l’adjectif est un hapax, semble-t-il, mais attrectare est attesté. 72 Quadraginta diebus : on sait qu’une durée notée par le nombre 40 a chez les Hébreux une valeur symbolique. Si les Hébreux sont restés 40 ans dans le désert, le déluge a duré 40 jours (Gen. 7, 17), comme le séjour de Moïse sur la montagne (Exode 24, 18), et Jonas accorde 40 jours à Ninive avant destruction (Jon. 3, 4) ; dans le Nouveau Testament, c’est pendant cette même durée que le Christ jeûne au début de sa vie publique (Mt. 4, 2 ; Marc 1, 13 ; Lc 4, 2) et apparaît entre sa Résurrection et son Ascension (Actes 1, 3). La référence prend ici toute sa valeur puisque c’est là le temps que Megetia et sa mère passent en prières. 73 Quo, « par le moyen de quoi » : cet emploi d’une forme adverbiale à la place d’un pronom fléchi (ici quibus) se trouve déjà en latin ancien. L’usage s’en est répandu en latin tardif, surtout dans la langue juridique (cf. M. Leumann – J. B. Hofmann – A. Szantyr, Lateinische Grammatik, t. II, p. 679-680).
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quatrième partie
74 Credite : la guérison n’est pas achevée, mais les incroyants sont les seuls à voir Megetia guérie, car le but premier du miracle est l’appel à la conversion. 75 La conversion du mari de Megetia offre un beau témoignage du rôle des femmes dans la conversion des aristocrates, dont il est bien des exemples, notamment à Rome. 76 Mappalia : il s’agit du quartier de Carthage où fut enterré saint Cyprien, comme l’indique Victor de Vita, Hist. persecut. I, 5, 16 (CSEL VII, p. 8 et, à présent, S. Lancel, CUF, 2002, p. 104) : ubi eius sepultum est corpus, qui locus Mappalia uocitatur. En fait, deux sanctuaires furent dédiés à l’évêque martyr, l’un à l’endroit de sa passion, l’autre à celui de sa sépulture. C’est bien du second qu’il s’agit ici car, comme le remarque L. Ennabli, Carthage, une métropole chrétienne du ive à la fin du viie siècle, Paris, 1997, « l’église où saint Cyprien était imploré pour la réalisation de vœux ou de miracles ne peut être que celle qui détenait son corps dans la memoria » (p. 23). Mais la localisation de ce quartier a été très discutée. A. Audollent, Carthage romaine, 146 avant JésusChrist-698 après Jésus-Christ, Paris, 1901, après un long examen, concluait à l’incertitude, se bornant à situer les deux basiliques « au nord de Carthage, hors des murailles » (p. 180). L. Ennabli, qui fait l’historique des recherches et donne la série des textes (Carthage, p. 21-27 et 129-131), pense plutôt, après une longue exploration du site, que la memoria Cypriani pourrait se trouver au contraire plus au sud, près de la mer, au lieudit anciennement Sainte-Monique. Sur ce problème, voir aussi S. Lancel, « Victor de Vita et la Carthage Vandale », L’Africa romana, 6 (1989), p. 657-661 77 Hilariter renvoie à la joie de Megetia, feruenter à l’allégresse des assistants, fructuose au salut de tous. 78 Praefectorum numerarii : ce fonctionnaire n’avait probablement pas la charge des finances de la province, sinon il aurait été clarissimus. 79 Le texte offre ici une nuance intéressante : le père est « honorable », et le fils « très honorable », assurément à cause de sa fonction. Il est fonctionnaire impérial (officialis) ; ces fonctions sont recherchées et valent à leurs titulaires de la considération, alors que, sous le Haut-Empire, elles étaient le fait d’esclaves et d’affranchis impériaux. Le père, Donatus, possède un domaine planté en vignes et fournissant beaucoup de vin : il est donc un notable aisé, mais la nomination de son fils comme fonctionnaire de haut rang paraît cependant une promotion sociale (honestus - honestissimus). Un numerarius est un comptable, mais, au Bas-Empire, ce titre est donné à d’importants fonctionnaires, chefs de services financiers. Le proconsul et le vicaire d’Afrique en avaient chacun deux à leur disposition (Notitia Dignitatum, Occ. 19, 20 : numerarios duos). Rusticus était affecté aux bureaux financiers « des préfets ». Il faut comprendre aux services financiers du vicaire d’Afrique, dont le titre officiel est agens uices praefectorum praetorio per Africam. On aurait plutôt attendu vicarii. Le produit de l’impôt foncier (iugatio - capitatio) allant aux caisses des préfets du Prétoire (ici celui d’Italie, Illyricum et Afrique), les services délégués du vicariat avaient évidemment à gérer la perception et la gestion de sommes importantes, d’où le rôle fondamental des bureaucrates, valant ici à Rusticus d’être qualifié de cunctis bene notissimus.— Il reste que l’expression praefectorum est surprenante pour désigner le vicariat. Il existait bien un préfet en poste à Carthage, le praefectus annonae Africae (Notitia Dignitatum, Occ. 2, 41) ; mais le pluriel praefectorum exclut d’envisager que Rusticus ait été affecté à ses services [C. Lepelley]. 80 Nam praeter... : les deux propositions qui suivent sont caractéristiques du goût de l’auteur pour les constructions parallèles sur les plans sémantiques ou syntaxiques. A taeterrimus color correspond tristissimus sapor, à oculis, labiis, à aspectum, gustum, et même à offerebat, gerebat. Ces parallèles, parfois gratuits, sont le plus souvent des « correspondances » entre les domaines des sensations, le meilleur exemple étant la citation scripturaire répétée dans le recueil : quod audiuimus, ita et uidimus. Il est évidemment très difficile, voire impossible, de rendre ces effets dans la traduction. 81 Molesta ante : aucun manuscrit ne présente à cet endroit de leçon satisfaisante ; la plupart d’entre eux (cf. apparat) ayant molestante damnum, nous avons corrigé en molesta ante damnum, conjecture qui, certes, suppose un emploi inhabituel de la préposition ante (« devant le dommage », « au vu du dommage »), mais qui a l’avantage d’être minime et de s’expliquer parfaitement par une faute d’audition ou de prononciation. 82 Ecce qualiter... et quid... : on peut hésiter sur le statut de la dernière proposition. Faut-il, comme nous l’avons fait, la mettre sur le même plan que qualiter et la comprendre comme une action de grâces pour les bienfaits de Dieu, ou, au contraire, la dissocier de ecce, cela donnant une protestation contre l’ingratitude des hommes ?
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83 L. M. Gunther, « Ein Stephanus-Wunder im Weinkeller », Münsterische Beitrage zur antiken Handelsgeschichte, 15 (1996), p. 19-29, estime, là encore, (cf. supra, n. 36 au chap. I, 14) qu’on ne peut rien tirer de ce chapitre pour l’histoire économique, et qu’il n’a qu’une signification édifiante. On notera toutefois que l’inscription A.E., 1975, 883 de la région de Mateur (à une trentaine de km d’Uzalis) a bien montré que la vigne est une culture omniprésente dans la contrée ; voir J. Peyras, « Le Fundus Aufidianus : étude d’un grand domaine romain de la région de Mateur (Tunisie du Nord) », AntAfr, 9 (1975), p. 181-222, qui rappelle en outre la fréquente représentation d’outils de vignerons (en particulier la falx uinitoria) sur certains monuments de cette même région. 84 Nundinae : les sources épigraphiques et littéraires relatives à l’Afrique désignent par ce terme des marchés périodiques comme il en existait très anciennement en Italie tous les dix jours (nouem + dies), mais en milieu rural. Ce texte est la seule attestation littéraire en Afrique de l’emploi du mot pour désigner une foire urbaine ; cf. la contribution de C. Hamdoune (Chap. II, 4). 85 E cera : la peinture à la cire était bien connue de l’Antiquité (voir Pline, Hist. Nat. XXXV, 39, 122). Il existait plusieurs procédés, le plus commun consistant dans l’application à chaud du mélange encaustique-couleurs. L’Égypte nous a conservé de telles peintures notamment sur les linçeuls de lin des momies du Fayoum. L’usage n’en devait pas être très répandu en Occident au xe siècle, comme en témoigne la suppression de cette mention dans les ms C et D et la correction e serico dans L facilitée par la prononciation palatale du c. On trouvera une abondante bibliographie sur les techniques antiques dans le livre de W. Lepik-Kopaczynska, Die antike Malerei, Berlin, 1963. Voir aussi les notes de M. Croisille dans son éd. de Pline, Hist. Nat. XXV (Paris, CUF, 1985, n. aux p. 229 et 258) ; S. Colinart, M.-F. Aubert et R. Cortopassi, « Peinture à l’encaustique : un portrait du Fayoum », Techné, 7 (1998), p. 45-48 ; E. Coche de la Ferté, Les portraits romano-égyptiens du Louvre, Paris, éd. des Musées nationaux, 1953. 86 Auctore liberatoreue : auctore renvoie à Dieu et liberatore à Étienne, comme le montrent la suite de la phrase et la théologie du miracle que professe l’auteur. Voir plus haut la n. 25 au chap. I, 9, et la contribution de G. Devallet (Chap. III, 3). 87 Ce Florentius était un fonctionnaire municipal de Carthage : pecunia publica se trouve souvent sur les inscriptions à propos de dépenses payées par la caisse d’une cité. Même processus que pour les fonctionnaires impériaux : les fonctions administratives dans les cités ne sont plus, au Bas-Empire, confiées à des esclaves ou affranchis municipaux, mais à des ingénus. Le dispensator est un trésorier préposé au maniement des fonds ; il tient les comptes, encaisse les créances, procède aux paiements, mais il n’est pas ordonnateur : il exécute les ordres donnés par l’autorité ayant pouvoir de décision (on le voit ici avec l’allusion aux potestates sub quibus degunt). Bien entendu, ces fonctionnaires sont, plus que d’autres, exposés à la tentation de la malversation, ou au soupçon, fondé ou non, d’indélicatesse. Ils n’ont pas les privilèges judiciaires des honestiores (exemption de la torture et des peines corporelles) : on peut les torturer pour leur faire avouer des malversations éventuelles, comme on le voit ici (cf. II, 5, 28-29 : inter quaestionarios), ce qui vaut même des officiales impériaux plus élevés en grade que ce Florentius. Il avait été l’objet d’une accusation de malversations, intentée par l’autorité municipale de Carthage auprès du proconsul. Le texte révèle que, dans une grande ville comme Carthage, les autorités de la cité ont à leur service un personnel abondant de fonctionnaires municipaux aux attributions diverses [C. Lepelley]. 88 Tout magistrat romain est entouré d’un consilium, qu’il choisit lui-même et qui fournit des avis. Les conseillers qui se placent derrière le juge, sur le tribunal, sont appelés assessores. Ce sont des juristes professionnels, qui indiqueront au gouverneur, iudex ordinarius, les stipulations des lois et de la jurisprudence relatives à la cause évoquée. Ils participent à la rédaction de la sententia (au sens d’opinion fondée en droit), soit la iuris dictio définissant la cause en droit, mais non au jugement (iudicium ; decretum), prononcé par le gouverneur seul, surtout dans une cause pénale pouvant impliquer la condamnation à mort, supposant pour le juge le ius gladii. Le fait que l’assessor ou consiliarius en question, vieux et laid, était bien connu, implique qu’il remplissait cette fonction régulièrement : les proconsuls changeaient chaque année, mais les juristes professionnels qui les assistaient au tribunal étaient un personnel stable [C. Lepelley]. 89 Manu mento supposita : le geste de relever quelqu’un en le prenant par le menton est déjà dans Pétrone, Sat. 29, 5. 90 Tardis tardus : la leçon que nous avons retenue n’est certes pas celle qui se comprend le
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quatrième partie
plus aisément). Nous l’avons cependant adoptée pour deux raisons : les variantes tardis tardius et tardigradus, attestées par d’autres manuscrits, interdisent d’admettre ici une dittographie, comme l’ont pensé les éditeurs antérieurs, sur la foi de manuscrits où tardis n’apparaît pas. Certes, la conjecture de F tardigradus (« à la démarche lente ») est brillante (comme l’a souligné ailleurs J. Meyers, « Un copiste carolingien au travail », p. 189-190) : le mot, qui apparaît pour la première fois chez Cicéron dans une citation de Pacuvius (Diu. 2, 133) avant de se retrouver notamment chez Tertullien (De pallio 3) et chez Jérôme (Os. 3, 12, 11), a l’avantage de pouvoir être rapproché de tardicors (donné par Augustin, Ench. 103), et de tardilinguis (attesté chez Jérôme, Orig. Is. hom., 6, 1) ou tardiloquus, que Moïse s’applique à lui-même dans son discours de refus à Dieu (Ex. 4, 10 ; cf. aussi Ambroise, Iob. et Dav. 4, 5, 26). On pourrait être tenté d’y voir la bonne leçon, une cuistrerie d’école que les scribes n’auraient pas comprise. Mais le mot en réalité ne s’applique manifestement qu’à des animaux : quadrupède chez Pacuvius, tortue chez Jérôme et anêsse dans un commentaire tardif aux bénédictions de Jacob (Auctor incertus, De benedictionibus Jacob patriarchae, ad Gen. 49, 11 : asinam... tardigradam scilicet et graui legis pondere depressam), commentaire répété ensuite chez Isidore, Gen. 31, 25 et, à partir de lui sans doute, chez plusieurs auteurs carolingiens, tels Alcuin, Raban, Angelomus de Luxeuil. Du coup, on peut légitimement se demander si une expression telle que tardis tardus n’était pas plus à même de troubler un copiste carolingien qu’un mot comme tardigradus. Par ailleurs, les balancements nombreux de cette phrase très travaillée (pauciora / multis, rariora / densis, notiora / secretis, cum desiderio / cum fastidio) rendent le jeu de mot tardis tardus hautement probable, et ce d’autant plus que l’expression joue sur la double valeur sémantique de tardus : « celui qui a l’esprit lent » (nombreuses attestations dès Cicéron) et « celui qui travaille avec lenteur ». Le français « gourd » rendrait assez bien cette double signification. Il faut noter que le groupe tardus stilus se trouve chez Quintilien (X, 3, 5), mais avec une acception différente, comme une injonction à ne pas se hâter de rédiger, mais à bien réfléchir auparavant à la composition d’ensemble de l’œuvre. Ici l’auteur, avec une (feinte ?) modestie, s’accuse d’avoir manqué d’agilité dans la rédaction de son œuvre. Mais il n’insulte pas pour autant ses lecteurs en les traitant de tardis : le terme exprime la difficulté qu’a l’esprit humain à comprendre la signification et la portée des miracles racontés. C’est afin d’aider à cette réflexion, dont le cheminement est nécessairement lent et difficile, que l’auteur a pris la plume, si lente et maladroite soit-elle.
Index
Les astériques renvoient aux notes et les numéros de page qui figurent en italiques dans l’index locorum sacrae Scripturae et l’index auctorum renvoient au texte latin de notre édition. Le relevé des passages cités du De miraculis vise à aider le lecteur à retrouver à travers l’ouvrage tous les éléments de commentaire de telles ou telles lignes du texte ; il ne tient donc pas compte des références citées dans la discussion sur les leçons et les familles de la tradition manuscrite (chap. III, 7).
Index locorum sacrae Scripturae
Ac. 6, 5 Ac. 7, 2-8 Ac. 7, 55-56 Ac. 7, 58 Ac. 8, 1 Ac. 8, 2 Ac. 11, 19 Ac. 12, 1-5 Ac. 17, 6 Ac. 22, 20
38 40 38-41 39 39 38 38 42 39 39
Is. 35, 5 Is. 35, 6 Is. 35, 5-6 Is. 35, 7
151, 156 149, 153, 157, 158, 278, 282, 298 196* 158
Jc. 1, 6
147, 156, 276
Jl 2, 28 Jl 2, 28-29
148 151, 156, 234, 272
Ap. 1, 5 Ap. 2, 13 Ap. 3, 14 Ap. 12 Ap. 12, 2 Ap. 12, 17 Ap. 20
39 39 39 188 310 39 188
Jn 2, 9 Jn 3, 27-30 Jn 18, 37
338 202 39
Jon. 3, 4
365
1 Co. 2, 14 2 Co. 4, 6 2 Co. 4, 16
278 358 358
Ep. 1, 18
322
Est. 14, 1 Est. D, 7-8
322 352
Lc 4, 2 Lc 8, 25 Lc 9, 18 Lc 9, 20 Lc 9, 51 Lc 11, 10 Lc 17, 19 Lc 18, 1-8 Lc 19, 40 Lc 24, 13-37
365 152, 159, 350 361 361 361 365 288 178 147, 155, 202, 268 176
Ex. 4, 4 Ex. 4, 10 Ex. 7, 10 Ex. 15, 25 Ex. 17 Ex. 24, 18
73 368 73 336 276 365
Gen. 7, 17
365
2 M. 6, 18-31 38 2 M. 7, 1-41 38 Mc 1, 13 Mc 4, 26 Mc 8, 22 Mc 8, 27 Mc 8, 29
365 176 176 361 361
372
index
Mt. 1, 5 Mt. 1, 18 Mt. 1, 23 Mt. 4, 2 Mt. 7, 7 Mt. 8, 7 Mt. 8, 27 Mt. 10, 19-20 Mt. 11, 10 Mt. 11, 29 Mt. 15, 31 Mt. 16, 13 Mt. 16, 15 Mt. 26, 39 Mt. 26, 64 Mt. 28, 19
177* 310 310 365 177, 365 350 152 357 151, 157, 178, 292 364 177 361 361 44 38 359
Nb. 22, 28
74
Rm. 7, 22 358 Rm. 13, 13-14 72
Pr. 21, 1
152, 159, 350
Ruth 1, 11
310
Ps. 3, 9 Ps. 18, 29 Ps. 19 Ps. 21, 9 Ps. 31, 5 Ps. 33, 8 Ps. 35, 7 Ps. 41, 4 Ps. 41, 5
147, 158, 312 151, 156, 278 203 322 147, 158, 326 152, 159, 348 147, 158, 312 150, 158, 300, 322 322
Sg. 6, 8
151, 157, 182, 280
Tb. 12, 6-7 Tb. 12, 7
266, 356 147, 155
1 Thess. 5, 3
310
1 Tm. 6, 13 2 Tm. 2, 9
39 152, 157, 29
Ps. 47 Ps. 47, 9 Ps. 47, 10 Ps. 75, 5 Ps. 85, 15 Ps. 88, 10 Ps. 117, 26 Ps. 118, 17 Ps. 120, 4 Ps. 148 Ps. 148, 7
181 150, 151*, 155, 158, 270, 306 139, 146, 157, 284 151, 157, 278 314 152, 159, 350 146, 156, 274 294 151, 157, 158, 280, 312 192 152, 158, 340
2 R. 2, 21 2 R. 4, 16
336 310
Index auctorum
Acta Cypriani 5
49*
Acta Gallonii 12 28
96 96
Acta purgationis Felicis Abthugnensis 4 104* 8 104* Ambroise Hymne 10 Iob et Dav. 4, 5, 26
54*, 55* 368
Amphiloque PG 40, 337-352 PG 40, 340C PG 40, 352BC
45 45 45
Anonyme Bened. Jac. 49, 11
368
Arnobe Nat. 2, 16
364
Augustin Catech. 10 Ciu. V, 26 Ciu. XVI, 5 Ciu. XIX, 13 Ciu. XX, 8, 22 Ciu. XXII Ciu. XXII, 8 Ciu. XXII, 8, 3 Ciu. XXII, 8, 4 Ciu. XXII, 8, 21
72, 76* 364 75 364 75 153 102*, 154* 126* 124*, 127*, 199 77
25*, 89*, 198, Ciu. XXII, 8, 22 199 Ciu. XXII, 8-9 208*, 214, 215 Ciu. XXII, 8, 23 356 Ciu. XXII, 10-17 216 Ciu. XXVII, 8, 22 85* Conf. VIII, 29 72* Conf. X, 56 72 Doctr. IV, 12, 32 142, 268, 357 Ench. 103 368 Ep. 8, 10-24 120* Ep. 125 121* Ep. 126 121* Ep. 137, 10 73* Ep. 158 113* Ep. 158, 9, 10 358 Ep. 213 121* Ep. 247 120* Ep. 476 20* Faust. 22, 51 365 Gen. Imp. VI, 25 73, 74* Gen. Imp IX, 32, 33 74* Retract. I, 13, 7 76 76* Retract. I, 14, 5 Serm. 2 (Dolbeau) 95 Serm. 17, 1 (Dolbeau) 71* Serm. 88, 2-3 73* Serm. 98, 3 71* Serm. 123-124 102* Serm. 123, 3 101 Serm. 247, 2 73* Serm. 317, 1 50* Serm. 320-322 214, 215, 219, 220, 221, 247 Serm. 320-324 210, 212, 213, 218 Trin. III, 11 73
374
index
Vtil. cred. XVI, Ver. XXV, 47
34 71, 76* 70, 76*
Ausone Fer. Rom. 7-8 Fer. Rom. 14-15
117* 117*
Avit Ep. 8
20
Caton Agr. 26 Agr. 148
118* 120*
Catulle 81, 3-4
363
Cicéron De suppl. 121 Diu. 2, 133 Sest. 85
142, 308, 362 368 363
C. Th. II, 8, 22 C. Th. VII, 2, 2 C. Th. IX, 3, 1 C. Th. IX, 3, 5 C. Th. IX, 3 7 C. Th. X, 43, 5 C. Th. XI, 2, 2 C. Th. XI, 2, 3 C. Th. XVI, 5, 36 C. Th. XVI, 10, 17
117* 119* 116* 116* 116* 126* 119* 119* 358 118*
Columelle Rust. III, 3 Rust. III, 21, 6 Rust. XII, 28 Rust. XII, 28-30
114* 113* 113* 118*
Consentius Ep. 12*
21
Const. Apost. II, 49, 3 8, 1 30, 10 18, 2 33, 9 46, 10 Cyprien Ep. 38 Ep. 39, 4, 1 Ep. 39, 5, 2 Unit. Eccl. 4 et 6
43 43 43 43 42 43 95* 94*, 95* 95* 96*
De Miraculis I, prol. I, prol. 2-4 I, prol. 2-5 I, prol. 4-5 I, prol. 5-6 I, prol. 6 I, prol. 7-16 I, prol. 9-10 I, prol. 11-12 I, prol. 13 I, prol. 13-19 I, prol. 18 I, prol. 20-22 I, prol. 22-23 I, prol. 23 I, prol. 23-24 I, prol. 25 I, prol. 25-26 I, prol. 26 I, prol. 29 I, prol. 29-30 I, prol. 30
101 135 165 147 179 141 138 136, 163, 176, 179 136 141, 189 194 136 196 143, 144 203 196 133, 134 202 147 141 195 135
I, 1 I, 1, 3-4 I, 1, 8 I, 1, 9-10
90*, 178 55* 134 360
375
index
I, 1, 9-11 I, 1, 11 I, 1, 12-13 I, 1, 12-14 I, 1, 13 I, 1, 14-14 I, 1, 15 I, 1, 16-17 I, 1, 17 I, 1, 18 I, 1, 18-20 I, 1, 20 I, 1, 23 I, 1, 25 I, 1, 25-27 I, 1, 27-28 I, 1, 29-30 I, 1, 30-31
22 136, 186 131 48 48, 131 48 131 131, 194 195 190 48* 48, 173* 173* 139, 150, 169, 190 173* 134 194 360
I, 2 I, 2, 3 I, 2, 3-4 I, 2, 3-12 I, 2, 4 I, 2, 4-6 I, 2, 5 I, 2, 5-6 I, 2, 6 I, 2, 6-8 I, 2, 6-9 I, 2, 7 I, 2, 7-8 I, 2, 8 I, 2, 10 I, 2, 12 I, 2, 12-17 I, 2, 14 I, 2, 17-18 I, 2, 18 I, 2, 19-24 I, 2, 20 I, 2, 21
90, 94 91, 141, 201* 56, 90, 112 51, 91 112, 359 91 91, 133 91, 112 134 52* 52 141 53* 134 94, 95, 134 141 151 136 113 90, 112 51 141 57
I, 2, 22-23 I, 2, 23 I, 2, 23-24 I, 2, 24-25 I, 2, 25 I, 2, 25-26 I, 2, 26 I, 2, 26-27 I, 2, 27 I, 2, 28 I, 2, 29 I, 2, 31-32 I, 2, 33 I, 2, 34-35 I, 2, 36 I, 2, 38 I, 2, 36-37 I, 2, 36-45 I, 2, 39 I, 2, 40-41 I, 2, 41-42 I, 2, 43-44 I, 2, 45 I, 2, 46-48
52* 200 91 53, 57 134 50, 52 134 135 134, 141 134 146, 360 52*, 53* 200 94, 95 141 57 173* 23 200 94 164 360 141 164, 173
I, 3 I, 3, 2 I, 3, 3 I, 3, 3-5 I, 3, 4-5 I, 3, 7 I, 3, 7-8 I, 3, 8-9 I, 3, 10-11 I, 3, 11-13 I, 3, 14-16 I, 3, 14-24 I, 3, 14-25 I, 3, 16-17 I, 3, 17 I, 3, 17-18 I, 3, 18
89, 90, 97, 102, 124, 153, 175 196* 139, 151 57 97 135 147 165 167 123 95, 97, 176 97* 60* 179 133 163, 360 133
376
index
I, 3, 19, 20 I, 3, 22-28 I, 3, 23 I, 3, 25 I, 3, 26 I, 3, 28 I, 3, 38 I, 3, 29 I, 3, 31 I, 3, 32 I, 3, 33 I, 3, 35-36 I, 3, 38-41 I, 3, 39 I, 3, 42-43
179* 176 174 135, 136, 141 134, 135, 136 115 141 136, 193, 205* 135, 166 135, 151, 177 175* 151 198 164, 360 95*
I, 4, 40 I, 4, 40-41 I, 4, 40-45 I, 4, 41 I, 4, 42 I, 4, 42-45 I, 4, 42-47 I, 4, 43-51 I, 4, 44 I, 4, 45 I, 4, 45-46 I, 4, 45-48 I, 4, 49 I, 4, 50-51 I, 4, 51
134, 141 90* 164 167, 364 146 177* 146-147 362 133 167 136 200* 133 186 133
I, 4 I, 4, 4-5 I, 4, 6 I, 4, 8 I, 4, 8-9 I, 4, 11 I, 4, 12-14 I, 4, 13 I, 4, 14 I, 4, 16-17 I, 4, 18 I, 4, 20 I, 4, 21 I, 4, 21-23 I, 4, 23-24 I, 4, 25-31 I, 4, 30 I, 4, 31 I, 4, 32 I, 4, 34 I, 4, 35 I, 4, 36 I, 4, 37 I, 4, 38-39 I, 4, 38-43
89, 90, 97*, 101, 178, 361 63 134 133, 134 151, 168, 182, 186 141 167 141 141, 196* 165 141 133, 135 133, 141 139 139 63 141 176 133 149, 153 97*, 359 90, 91, 112 133 198, 360 97*
I, 5-6 I, 5, 3 I, 5, 7 I, 5, 10 I, 5, 10-12 I, 5, 12 I, 5, 12-13 I, 5, 13 I, 5, 15-16
171 113 136 134 163 124 57 133 167
I, 6 I, 6, 4 I, 6, 8-9 I, 6, 10 I, 6, 12 I, 6, 15 I, 6, 20 I, 6, 20-26 I, 6, 26
63, 89, 101, 121, 153, 174, 176 116 165 63 134 198 135, 205* 176 64
I, 7 I, 7, 1 I, 7, 3 I, 7, 3-4 I, 7, 4 I, 7, 5-17
101, 102 132 141 57, 92 112, 135, 141 52
377
index
I, 7, 6 I, 7, 9 I, 7, 10 I, 7, 11 I, 7, 12 I, 7, 15-16 I, 7, 18 I, 7, 18-20 I, 7, 18-21 I, 7, 18-27 I, 7, 21 I, 7, 23 I, 7, 24 I, 7, 24-27 I, 7, 25-27 I, 7, 26-27 I, 7, 28-34 I, 7, 29 I, 7, 30-34 I, 7, 31-34 I, 7, 32 I, 7, 33
122, 133, 205* 133 141 122, 136 134 135 139 56 98 52 121, 141 359 92 52*, 58, 91 92, 98 58, 93 98 141 362 94 141 112, 141
I, 8 I, 8, 3-4 I, 8, 3-6 I, 8, 3-7 I, 8, 4-5 I, 8, 5 I, 8, 5-6 I, 8, 6-7 I, 8, 8 I, 8, 8-9 I, 8, 9
175, 177, 359 52* 58, 92, 98 93 56 141 56 59*, 165 151, 164 164, 180*, 360 135
I, 9 I, 9, 3 I, 9, 5 I, 9, 6-7 I, 9, 10 I, 9, 11 I, 9, 13 I, 9, 14
89, 90* 116 64 116 136, 201* 152, 153 64 179
I, 10 I, 10, 3-5 I, 10, 4 I, 10, 6-7
89, 90*, 153 165 136 179*
I, 11 I, 11, 1 I, 11, 3 I, 11, 7 I, 11, 7-8 I, 11, 7-9 I, 11, 8 I, 11, 8-9 I, 11, 10 I, 11, 12 I, 11, 13 I, 11, 18 I, 11, 18-19 I, 11, 19
62, 153, 174, 175 133 141 141 118 175* 136 167 134 98 134 133 200 179, 198
I, 12-13 I, 12 I, 12, 4 I, 12, 5-7 I, 12, 7 I, 12, 8 I, 12, 12-14 I, 12, 12-15 I, 12, 19
173* 51*, 89, 175, 178 133 176 196* 112 176 60, 99 149, 153
I, 13 I, 13, 3-4 I, 13, 4 I, 13, 4-5 I, 13, 7 I, 13, 8-13 I, 13, 9 I, 13, 12-13 I, 13, 13
153, 175, 177 62, 364 172 62 62 122 141 179*, 198 365
I, 14 I, 14, 4-6
65, 89, 102 115
378
index
I, 14, 5 I, 14, 6 I, 14, 7-8 I, 14, 10-13 I, 14, 12 I, 14, 12-14 I, 14, 15 I, 14, 15-16 I, 14, 16 I, 14, 18 I, 14, 19-20 I, 14, 21 I, 14, 24
133 134 136 65 134 118 135 195 133, 134, 135 135, 176 167 136 117
I, 15 I, 15, 4 I, 15, 5-6 I, 15, 7 I, 15, 10 I, 15, 12 I, 15, 13 I, 15, 16 I, 15, 16-18 I, 15, 19-21 I, 15, 24 I, 15, 24-25 I, 15, 26 I, 15, 27
102, 153, 176, 178, 179 134 63 172 134 134 132 134 179 195 134 196 197 196
II, 1, 4 II, 1, 4-5 II, 1, 5 II, 1, 8 II, 1, 8-12 II, 1, 10-11 II, 1, 11 II, 1, 12 II, 1, 12-15 II, 1, 14-15 II, 1, 15-16 II, 1, 16 II, 1, 17
133, 141 196, 360 190*, 196 134, 360 142 196 190* 173 139, 172, 177 151, 169, 190 151, 180*, 190 141 95*, 122
II, 1, 19 II, 1, 20 II, 1, 21-22 II, 1, 23 II, 1, 23-24 II, 1, 25 II, 1, 26 II, 1, 26-27 II, 1, 27-28 II, 1, 30 II, 1, 31 II, 1, 32-33 II, 1, 33-34 II, 1, 35 II, 1, 36-37 II, 1, 41 II, 1, 40-41 II, 1, 42 II, 1, 43 II, 1, 45-48
141 190* 95 190* 142, 190, 191 134 134, 190* 190* 173 141, 190 133 184, 190*, 196 142 141 190* 135 196, 197 133 197 360
II, 2 II, 2, 3 II, 2, 4 II, 2, 4-5 II, 2, 6 II, 2, 6-13 II, 2, 13 II, 2, 15 II, 2, 16-23 II, 2, 19 II, 2, 20-22 II, 2, 21-22 II, 2, 20-24 II, 2, 24-27 II, 2, 27-29 II, 2, 31 II, 2, 31-32 II, 2, 38 II, 2, 40 II, 2, 47-48 II, 2, 52-53 II, 2, 54
64, 89, 109* 127* 141, 364 183* 141 175 141 134 126 141 167 136 60 167 167 134 134 141 141, 183* 147 136 98, 141
II, 2, 56 II, 2, 58 II, 2, 58-59 II, 2, 59 II, 2, 59-60 II, 2, 62-63 II, 2, 63 II, 2, 67 II, 2, 68 II, 2, 71 II, 2, 71-72 II, 2, 71-74 II, 2, 74-76 II, 2, 80 II, 2, 85 II, 2, 86 II, 2, 87 II, 2, 98 II, 2, 101 II, 2, 103 II, 2, 103-106 II, 2, 105 II, 2, 110 II, 2, 112-113 II, 2, 118-119 II, 2, 122 II, 2, 126 II, 2, 127 II, 2, 131 II, 2, 132 II, 2, 133 II, 2, 135-137 II, 2, 136 II, 2, 140-156 II, 2, 142 II, 2, 143 II, 2, 144 II, 2, 146 II, 2, 151 II, 2, 151-152 II, 2, 153 II, 2, 156 II, 2, 157
379
index
133, 134 141 134 99 63 64 135, 136 135, 360 134 141 360 140 100 134 133 141 100, 141 134 141 135 175*, 176 141 133 173 173 133, 136 135 135, 141 136, 141 133 136 183* 141 65 141 135 132, 134 134 136 136 136 133, 134 134
II, 2, 159 II, 2, 159-160 II, 2, 162-163 II, 2, 163-167 II, 2, 164 II, 2, 166 II, 2, 174-175 II, 2, 176-177 II, 2, 179-183 II, 2, 180 II, 2, 181 II, 2, 183 II, 2, 193 II, 2, 200 II, 2, 208 II, 2, 212-213 II, 2, 215 II, 2, 215-216 II, 2, 216 II, 2, 222-223 II, 2, 222-226 II, 2, 223 II, 2, 224-229 II, 2, 229 II, 2, 235-236 II, 2, 236 II, 2, 239 II, 2, 242-243 II, 2, 242-251 II, 2, 244-245 II, 2, 247 II, 2, 251 II, 2, 254-264 II, 2, 260 II, 2, 265 II, 2, 267 II, 2, 267-268 II, 2, 268 II, 2, 273 II, 2, 274 II, 2, 279-280 II, 2, 287 II, 2, 292-295
99, 141 63 150 103* 141 112* 139 365 65 134 122 136 134 134 133 147 205* 179 141 140 100 141 59* 133 360 133 134 118 123 126 134 141 65 133 117, 141 141 117 133 133 100 65 134 200*
380
index
II, 2, 300-301
180*
II, 3 II, 3, 7-8 II, 3, 14 II, 3, 20-21 II, 3, 27 II, 3, 34-56 II, 3, 38 II, 3, 38-40 II, 3, 41 II, 3, 43-46 II, 3, 46 II, 3, 48 II, 3, 48-49 II, 3, 49
89, 101, 102, 153 113 133 113 133 61* 133 61 133 174*, 360 61 132 61 61
II, 4 II, 4, 1 II, 4, 5 II, 4, 8-10 II, 4, 8-21 II, 4, 12 II, 4, 17-18 II, 4, 20-21 II, 4, 23 II, 4, 24-26 II, 4, 27 II, 4, 28 II, 4, 29-30 II, 4, 29-31 II, 4, 32-34 II, 4, 34-36 II, 4, 33 II, 4, 39 II, 4, 42 II, 4, 45-46 II, 4, 46 II, 4, 46-47 II, 4, 49-50 II, 4, 55-56 II, 4, 56
89, 102, 172, 178, 356 132 114 173* 152 133 152, 173*, 187 187 192* 184 114 184 179 168 98, 184 360 133, 141 192* 184, 188, 190* 114, 115 122 113 188 189 115
II, 4, 57 II, 4, 61-64 II, 4, 62 II, 4, 62-63 II, 4, 63 II, 4, 64 II, 4, 65 II, 4, 67 II, 4, 69-70 II, 4, 71 II, 4, 70-71 II, 4, 71-72 II, 4, 71-73 II, 4, 72 II, 4, 75-76 II, 4, 76 II, 4, 78-79 II, 4, 80 II, 4, 81-83
188 184 141, 190, 360 163, 178 188 190* 190, 191 190 190* 360 184 178 184, 191 141 189, 190* 133 178* 178, 188 178, 181, 184, 189, 190, 190*
II, 5 II, 5, 8 II, 5, 11 II, 5, 13 II, 5, 26-27 II, 5, 28-29 II, 5, 29 II, 5, 32 II, 5, 34 II, 5, 36-52 II, 5, 37 II, 5, 46 II, 5, 55-56 II, 5, 57-58 II, 5, 59-60 II, 5, 63 II, 5, 66-70 II, 5, 78 II, 5, 83-104 II, 5, 86 II, 5, 87-94 II, 5, 88
89, 101, 152 133 132 183* 152 367 133 172 65, 134 65 134 134 152 152 152 141 65 134 65 93 176 134
II, 5, 91 II, 5, 96 II, 5, 98 II, 5, 99-100 II, 5, 101-102 II, 5, 101-104 II, 5, 102 II, 5, 107-108
381
index
122 199 141 98 93, 122 200 198 197
Jérôme Ep. 117, 1 Ier., Prol. 4 Orig. Is. hom. 6, 1 Os. 3, 12, 11 Pasch. hom. 2, 32-34 Vigil. 5
19* 12* 368 368 361 19*
Laus Pis. 160
364
Lucrèce 3, 405 3, 577 5, 857 6, 743 6, 1227
316, 363 316, 363 316, 363 324, 365 316, 363
Notitia dignitatum, Occ. 2, 41 Occ. 19, 20
366 366
Gaudence de Brescia Serm. 17 49*
Optat de Milev III, 4, 2 III, 6 VI, 4, 1
114* 114* 123
Grégoire de Nysse PG 46, 736A
44
Orose Apol. 16, 11
364
Hippocrate Art. 14 Bienséances 6 Maladies I, 6 Préceptes 8
127 127* 127 126*
Ovide Tr. V, 9, 11
364
Passio s. Perpetuae Prol. 21, 5
148 49*
Irénée Haer. III, 12, 10
40
Paulin de Nole Carm. 19
53, 54*
Pétrone Sat. 29, 5
367
Digeste XVIII, 6, 4
120*
Diodore XX, 8, 4
113*
Ennode Ep. 2, 1, 10
364
Eschyle Agam. 52
365
Eusèbe de Césarée H.E. I, 7, 30
96*
Isidore Gen. 31, 25
368
382
index
Plaute Amph. 1042
358
Pline Nat. XXXV, 39, 122
367
Prudence Perist. 4-5
55*
Tertullien Apol. 42, 3 Idol. XIV, 6 Pall. 3 Pat. 14 Prax. 219B Res. 924C
114* 117* 368 41 41 41
Tite Live VII, 10, 5 I, 8, 1
143 361
Sénèque (le rhéteur) Contr. X, 4, 8 365
Varron R. I, 22
113*
Sénèque (le philosophe) Herc. Fur. 652 364 Herc. Fur. 1281 365 Luc. 102, 26, 7 364 Phaedr. 1077 365 Oed. 651 364
Victor de Vita Hist. pers. I, 5, 16
366
Victrice de Rouen Laud. Sanct. 2 Laud. Sanct. 3 Laud. Sanct. 5 Laud. Sanct. 10 Laud. Sanct. 12
53* 53* 53* 49* 53*
Virgile Aen. 1, 301 Aen. 1, 387 Aen. 1, 546 Aen. 3, 339 Aen. 6, 19 Aen. 10, 211
324, 365 364 364 364 365 310, 362
Vita Georgii Khozi 18
359
Quintilien X, 3, 5
368
Sévère de Minorque Ep. 12
356
Silius Italicus Pun. III, 104
105*
Solin 12, 5
364
Soranos Gynec. I, 32-33
125*
Index nominum Cet index nominum porte sur l’ensemble du volume à l’exception des pages du texte latin et de sa traduction (p. 266-355).
Abibas 16, 17 Abitina 360 Abthugni 103, 120* Adalbéron (évêque) 211 Adelphe (saint) 211 Aelia Flacilla 13* Afrique 27, 28, 29, 31, 32, 35, 37, 45, 49, 111, 114, 115, 117, 118, 119, 120, 126, 128, 143, 149, 154, 357, 360, 366, 367 Aix 13 Alaric 12 Alcuin 368 Alexandrie 143 Algérie 32 Alfius Caecilianus 104 Altanessa 106 Altauensis 106 Alypius 70, 76 Amasée 43, 45, 46 Ambiuius Pisitanus 361 Ambroise 12, 18, 48, 182* Amé (saint) 211 Ammaedara 31, 33, 375 Amphiloque d’Iconium 11*, 43, 44, 45 Anchin (abbaye d’) 212, 220, 247 Ancône 25 Angelomus de Luxeuil 368 Anicii 12, 25 Ansbert (saint) 218, 221 Anselme Le Michel 209 Antioche 16*, 39, 42 Antiochus Epiphane 38 Antipas d’Antioche 39 Antonin (Itinéraire) 358 Anullinus (proconsul) 96 Aousdja 113*
Arcadius 117* Arles 13, 97 Arnobe 365 Arius 44 Asmodée 356 Astérius d’Amasée 11*, 43, 45, 46 Athaulf 13 Audentius (mari de Megetia) 182* Augustin 5, 6, 11, 12, 13, 14, 15*, 19, 20, 22, 24, 25, 37, 43, 45, 48, 49, 50, 67, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 77, 85, 95, 102, 113*, 119, 121, 122, 124, 126, 127, 128, 133, 142-144, 149, 153, 154, 180, 182*, 195, 197, 199, 200, 208, 210, 212, 213, 214, 217, 218, 219, 220, 221, 231, 247, 251*, 356, 357, 358 Aurèle de Carthage 12, 25, 247* Ausone 117 Avit de Braga 13, 15, 16, 17*, 19, 20, 21, 23, 37, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 217, 219, 220, 221, 231 Avitanus (beau-père de Megetia) 182* Azarias 356 BaÔal 105, 360 Bagaï 114 Bagrada 86 Balconius de Braga 19 Baléares 21, 22 Baliato 105 Baric 105 Barnabé (saint) 217 Bavière 216, 237 Beaune 212, 220 Bechateur 86* Bède 208, 217
384
index
Belalis Maior 108, 109 Benoît (saint) 208 Berect 109 Besançon 214, 215, 237 Bethléem 13, 14, 15, 18, 19 Bethsaïde 176 Bir el-Ara 358 Bizerte 6, 81, 185, 200 Bonifatius 109 Bou Chater 360 Boulogne 221 Braga 13, 15, 37 Bruxelles 215, 216 Byzacène 28, 29, 33 Caecilianus 120* Caelestis (temple de) 111* Calama 70, 77 Cambrai 218, 233, 247, 248 Cana 74, 166 Capoue 126 Cappadoce 44 Carmona 64 Carthage 6, 11, 20, 24, 25, 28, 30, 32, 48, 50*, 59, 63, 64, 84, 89, 100, 108, 111, 113, 115, 117, 119, 122, 123, 124, 126, 150, 152, 172, 185, 195, 199, 361, 366, 367 Cassien 15* Cassius Felix 127 Catilinaires 136, 137 Caton 113, 114*, 118 Célérinus 94, 95 Célestius 12, 15, 18 Césaire d’Arles 208 Césarienne 115 Châlons-sur-Marne 212, 213, 237, 248 Charles-le-Chauve 213 Cicéron 136, 137, 138, 142, 368 Cirta 108, 127, 360 Clairmarais (abbaye de) 219 Cloud (évêque) 211 colonia Uzalitana 85
Columelle 113*, 114, 118 Concordius 63, 64, 101, 106, 139, 149, 151, 182, 183, 196, 198, 204, 359 Consentius 12, 21, 22 Constantin (abbé) 217 Constantin ier 116*, 364 Constantin iii 13, 17* Constantinople 13*, 19, 53, 210, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 231 Cotuza 85 Chypre 39 Crispine 99 Ctésiphon 14 Cyprien 94, 95, 96, 117, 125, 180, 366 Cyr 44 Damas 45, 72 Dar el Kous 30 Dativus 63, 64, 101, 105, 153, 198, 205* David 147 Dchar Jdid 116* Démétriade 25 Deogratias 76 Dhuoda 137 Dioscorus 76 Diospolis (Lydda) 15, 18, 19 Djebel Nif el-Nsir 108, 109 Donatianus 105, 198 Donat 114* Donatianus 62, 361 Donatus (prêtre) 101, 108, 201* Donatus (vigneron) 101, 115*, 119, 122, 153, 182, 366 Dioclétien 91, 119 Douai 219, 220 Dougga 32 Dunes (monastère de) 220 Édesse 21 Égérie 16, 18, 43, 136, 137, 138 Égypte 43, 367
index
El Aliya, voir Uzalis Éleutéropolis 17* Éleuthère de Jéricho 18 El Khetemine 81 El Gousset 32, 33, 376, 377, 378 El Idrissi 358 El Ksour 30 El Ounaïssia 32, 34, 379, 380 Éphèse 12 Equitius 361 Eraclius (diacre) 24, 50*, 121 Espagne 32, 81, 219 Esquilin 361 Étienne (saint) 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 51, 52, 60, 64, 65, 66, 70, 75, 77, 86, 89, 91, 92, 96, 97, 100, 109*, 111, 112, 118, 119, 121, 147, 150, 151, 152, 163, 164, 165, 166, 167, 170, 171, 172, 174*, 176*, 179, 208, 209, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 237, 244, 356, 357, 358, 359, 360, 361, 362, 363, 364, 365, 367 Euloge de Césarée 14 Eunomius 44 Eusebius (martyr) 50, 51 Eustochium 19 Eutomus de Sébaste 18 Evodius 6, 23, 24, 25, 48, 69, 70, 75, 101, 102, 106, 107, 109, 113*, 121, 247, 356, 358 Facundus d’Hermiane 44 Farina (cap) 112* Fayoum 367 Félix (évêque) 102, 106, 107, 108, 109 Félix (médecin) 126, 127 Félix d’Abthugni 96 Félix et Gennadius 23, 51, 56, 90, 91, 93, 97*, 103, 112, 151, 357, 359 Ferrand de Carthage 149 Firmus (prêtre) 101, 106, 107, 122 Flandres 218, 220, 221, 247
385
Fleury (abbaye) 208, 209, 210, 231, 248 Florentius 65, 152, 172, 176, 182, 183*, 185, 199, 200, 367 Fontenelle (abbaye de) 218, 221 Fortuna 86 Fulgence de Ruspe 208, 209 Gallia Placida 13 Gallonius 96 Gamaliel 15, 16, 17, 18 Gand 221 Gaston de Noailles (abbé) 213 Gaudence de Brescia 49 Gaule 43, 149 Gavinianus 76 Gélase ier 44 Gennadius, voir Félix et Gennadius Gerilianus 115* Germain d’Auxerre 62 Gervais et Protais 18, 49 Goery (évêque) 211 Gratien 116, 119 Grégoire de Nysse 11*, 43, 44, 45, 62 Grégoire de Tours 62, 137 Guelma 32 Gunthamund (roi vandale) 34 Habacuc 17* Hainaut 215, 237 Haute-Fontaine 213 Heinrich von Langenstein 211 Hélène (sainte) 214 Helpidiana 123 Henchir el Baroud 34, 380, 381 Henchir el Fellous 32, 376 Henchir Jalta 32 Henricus 214 Hérode 42 Héros d’Arles 13 Hermiane 44 Hésychius de Jérusalem 43 Hilara 102, 106, 122, 123, 124, 147, 151, 153, 163, 165*, 176, 182, 183,
386
index
191, 194, 196, 198, 204, 205*, 358, 359, 361, 362 Hippo Diarrhytus 361 Hippocrate 127 Hippone 6, 12, 14, 19, 20, 24, 25, 37, 69, 70, 75, 76, 77, 115*, 144, 195, 197, 357 Hippone 48, 50*, 113, 115, 119, 121, 127 Hipponensis lacus 81 Hippo Zaritus 60, 61, 62, 94, 101, 118 Honoratus 71 Honorius (pape) 13, 16*, 17*, 21, 58, 117* Hugues ier de Salins 214, 215, 237 Iattanbal 105 Iaquinto (évêque) 31 Ibérique (péninsule) 47* Ibn Hawqal 358 Iconium 43-44 Illyrie 43 Ingentius 96 Innocent (pape) 14, 19, 20, 25 Innocentia 124, 127*, 199 Innocentius 102, 126* Irénée 11*, 40, 41, 45, 46 Isaïe 41 Isidore 27, 31, 32 Isidore et Sébastien 375 Israël 151, 177 Italie 43, 119 Jacques 42, 44, 45 Jean 42, 44, 45, 177, 208 Jean Chrysostome 16* Jean de Jérusalem 12, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 24 Jean Dubois (humaniste) 209 Jebel Hakaima 81 Jérusalem 11, 12, 13, 15*, 16, 18, 20, 25, 37, 39, 42, 43, 203, 210, 220 Joseph 40
Julien l’Apostat 42 Junon 361 Justin ii 376 Kaphar Gamala 15, 17, 37 Kelibia 108, 109 Konieh 44 Ksar el Baroud 33 Lactance 365 Lalla Massaouda 30, 31, 372, 373, 374 Lambèse 108 Laurent (martyr) 213 Lazare 166 Lazare d’Aix 13, 15* Le Kef 30 Léon (pape) 25 Léon IX (pape) 237 Lewinne (sainte) 221 Lepcis Magna 121 Liège 216, 237 Lodi 54, 55 Lucien de Kaphar Gamala 15, 16, 17, 18, 21, 23, 37, 208, 210, 212, 213, 214, 215, 217, 219, 220, 221, 231 Lucius 148 Lucinianus 34 Lyon 40 Macédoine 43 Macrine 62 Magona 20, 22 Makthar 30 Mappalia 117, 125, 133, 366 Marie madeleine 221 Marchiennes (abbaye de) 219, 247 Marseille 15* Martin (saint) 13 Matan 105 Mateur 32, 367 Maximin 209 Megethius (Q. Thersius Crispinus) 109* Megetia 59, 60, 61, 63, 64, 65, 66, 67,
index
99, 101, 109, 111, 112, 118, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 135, 140, 147, 150, 166, 167, 173, 175, 176, 179, 182*, 183, 185, 197, 199, 204, 205*, 362, 363, 364, 365, 366 Mejerda 86 Mélanie l’Ancienne 13* Mélanie la Jeune 121*, 125* Memblone 113, 115, 122, 123, 124, 185, 188, 358 Membrone 86, 358 Memplotinatus locus 107, 113 Ménas 32, 50* Mésopotamie 43 Metline 85 Metz 211, 214, 231, 248 Michée 17* Miggin 105, 109 Milan 53, 55, 72 Milev 123 Milic(h)us 105* Minorque 20, 21, 22, 23, 75*, 47* Misac 109 Moïse 38, 40 Monique 70 Montanus 148 Mont-Cassin 208 Munich 215 Muttun 105, 109 Narbonne 13, 14 Nicomède 15, 16, 17, 18 Nicomédie 42 Noirmoutiers 13* Nonius Datus 115* Numidie 28, 76, 362 Nysse 43, 44, 45 Optat de Milev 357 Ordéric Vital 217 Origène 13 Orléans 208, 209 Orose 12, 13, 14, 15, 19, 20, 22, 37, 47,
387
66, 75*, 91* Ostie 20, 70* Othman Dey 81 Oued el Htab 30 Oued Oum Larouk 30 Oxyrhinchos 121 Pacuvius 368 Palestine 47, 51 Palladia de Cappadoce 25, 195 Palladius 113 Panfila 109 Paphlagonie 117* Parc (abbaye du) 217 Paris 209, 213, 214, 221 Paul 16, 27, 28, 30, 31, 39, 42, 44, 45, 152, 358 Paul de Cappadoce 25, 195, 197 Paul de Césarée 356 Paulin de Milan 12 Paulin de Nole 19, 48, 53, 75, 77 Pélage 12, 13, 14, 15, 18, 19, 20, 24, 25 Peregrinato Egeriae 136, 137 Peregrinus 76 Pergame 39 Perpétue 148 Perse 43 Petronia 102 Peutinger (table de) 358 Phénicie 39 Philippe ii 81 Philocalus Status 117* Phisi 86* Pierre 27, 28, 30, 31, 42, 44, 45 Pierre Damien 217 Pierre Daniel (humaniste) 209 Pierre et Paul 369 Pilate 39 Pinien 121*, 125* Pisa, Pisitana civitas 101, 105, 115*, 185, 198 Polemius Silvus 117 Pont 45
388
index
Ponticianus 72 Pontius (père de Megetia) 182*, 183*, 364 Possidius 70, 77 Praxéas 46 Praylus de jérusalem 23 Proconsulaire 28, 29, 30, 31 Promuntorium pulchrum 112 Protais, voir Gervais et Protais Pulchérie 23 Raban 368 Rabula d’Édesse 21 Raphaël 356 Raphaël de Beauchamps (moine) 219 Ras el-Mestir 359 Ras el Monastir 359 Ras Jbel 359 Ras Terfa 112* Restitutus 62, 101, 153, 182, 200, 360 Romanianus 70, 71 Romaric (saint) 211 Rome 14, 97, 111*, 115, 126* Romulus 361 Romulus de Carthage 120* Roscius Amerinus 106 Rouen 217 Rouffach 49, 50 Rusticianus 102, 106, 182, 185, 195, 205* Rusticus 102, 106, 366 Saint-Amand (abbaye) 216, 233, 237 Saint-Arnoul (abbaye) 214 Saint-Aubert (Cambrai) 218, 247 Saint-Benoît (abbaye) 208 Saint-Bertin (abbaye) 219, 221, 247 Saint-Étienne (Besançon) 216, 237 Saint-Étienne (couvent) 18 Saint-Étienne (Metz) 214, 237 Saint-Évroul (abbaye) 217, 233 Saint-Germain-des-Prés 209, 217 Saint-Ghislain (abbaye) 215, 237
Saint-Jacques (abbaye) 216, 237 Saint-Omer (ville) 219, 221, 247 Saint-Ouen (abbaye) 217 Saint-Pierre-aux-Monts (abbaye) 212, 213, 237 Saint-Sépulcre (Cambrai) 218, 233 Saint-Sernin de Toulouse (basilique) 23 Saint-Symphorien (abbaye) 211, 231 Saint-Wandrille (abbaye) 221, 247 Sainte-Monique (lieudit) 366 Sainte-Sion (basilique) 18, 23 Sala 115* Salone 100 Salvien 115 Samarie 43 Sammac 109 Sanhédrin 16 Saturne 360 Saturninus 105, 107 Saul 39 Sébastien 27, 31, 32 Semno 102, 103, 106, 110, 122, 188 Semnus 107 Septime Sévère 148 Sévère de Milev 70 Sévère de Minorque 11*, 12, 14*, 18, 20, 21, 22, 23, 94, 164*, 200, 210, 211, 215, 218, 231, 356, 357-358 Siloé 176. Sidi Abd el-Basset 109* Sidi Ahed Boufares 86*, 358 Sidi Ali Ben Aoun 33, 34 Sidi Ali Mekki 112* Sidi Mohammed Fares 113* Sigebert de Gembloux 211, 231 Soranos 125 Sufetula 28, 34, 108*, 369, 370 Sulpice Sévère 14 Symmaque 111 Syrie 43 Tanger 116* Tarragone 20
index
Taurinus 114 Tebessa 99 Teboursouk 32 Tertullien 11*, 40, 41, 45, 46, 117 Thagamuta 34 Thagaste 70, 121* Thelepte 31, 32, 33, 34 Théodoret de Cyr 44 Théodoric 84 Théodoros 22 Théodose ier 13* Théodose ii 16*, 17*, 21, 116, 214 Theuestinus 106 Thierry (évêque) 211 Thimide Regia 96 Thuburnica 30, 371 Tigzirt 49, 50, 51 Timgad 118, 119 Tobie 165, 356 Tolède 21 Trasamund (roi vandale) 34 Trinquetaille 97 Tunisie 27 Turquie 44 Tyché 86 Utique 60, 84, 85, 86, 99, 112, 113, 115*, 122, 149, 185 Uzalensis 102, 103, 106, 110, 361 Uzalis 6, 22, 23, 24, 25, 37, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 59, 60, 62, 63, 64, 65, 67, 70, 75, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 89, 90, 91, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 103, 107, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 117, 118, 119, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 128, 144, 146, 149, 150, 151, 154, 163, 164, 165, 166,
389
169, 173, 181, 182, 183 184, 185, 187, 188, 189, 191, 192, 195, 197, 198, 199, 200, 201, 204, 247, 357, 359, 361, 365, 367, 381, 382, 383 Valens 116 Valenciennes 216, 233, 248 Valentinien 116 Valérien 148 Vatican 210, 211 Victor, Felix et Nabor 54 Victrice de Rouen 48, 53 Vigilance 13, 19, 22 Vincemalos 108 Vincent (martyr) 55*, 213 Vindicianus 126 Vitula (mère de Megetia) 99, 111, 118, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 139, 150, 182*, 199, 363, 364, 365 Wandrille (saint) 218, 220, 221 Weihenstephan 214, 215 Winoc (saint) 221 Wolfenbüttel 211 Wulframn (saint) 218 Yusuf 81 Zacharie 17*, 205* Zama 104 Zébédée 42 Zebib 112* Zilil 116* Zosime (pape) 13*, 14*, 20, 24 Zumurus 17*, 102, 104, 105, 107, 110, 122, 133, 165, 201*, 359
Table des matières Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
Abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7
Première partie LES RELIQUES DU PROTOMARTYR ET SON CULTE De la découverte des reliques à la composition du De miraculis (Le Groupe de Recherches sur l’Afrique Antique) . . . . . chapitre II : Le culte des saints en Afrique. État des recherches (Fathi Bejaoui) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . chapitre III : Aux origines du culte de saint Étienne protomartyr. La préhistoire de la révélation de ses reliques (Mgr Victor Saxer) . chapitre IV : Le culte des reliques en Occident à la lumière du De miraculis (Yvette Duval) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . chapitre V : Saint Augustin et le miracle (Serge Lancel) . . . . . . . . . . . chapitre premier :
11 27 37 47 69
Deuxième partie AUTOUR D’UZALIS chapitre premier :
Le site d’Uzalis : recherches récentes en archéologie et en épigraphie (Taher Ghalia) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . chapitre II : Les monuments du culte d’Étienne à Uzalis (Yvette Duval) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . chapitre III : Onomastique et Société à Uzalis (Onomastica Africana xiv) (Jean-Marie Lassère) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . chapitre IV : La vie quotidienne à Uzalis (Christine Hamdoune) . . . . .
81 89 101 111
392
index
Troisième partie LE DE MIRACULIS SANCTI STEPHANI La langue du De miraculis (Michel Griffe) . . . . . . . . Les citations bibliques dans le De miraculis (Jean Meyers) . chapitre III : Thèmes et structures du récit (Georges Devallet) . . . . . . chapitre IV : Pour une typologie des récits de miracles dans le De miraculis (Anne Fraïsse) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . chapitre V : Verum et Velum : le miracle et l’image du miracle (Jean-Noël Michaud) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . chapitre VI : Vérité des faits ou maquillages menteurs dans le De miraculis (Jean-Noël Michaud) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . chapitre VII : La tradition manuscrite du De miraculis (Jean Meyers) . .
193 207
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
253
chapitre premier : chapitre II :
131 145 163 171 181
Quatrième partie DE MIRACULIS SANCTI STEPHANI LIBRI DUO Texte latin et traduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
266
Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
356
Index Index locorum sacrae Scripturae . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Index auctorum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Index nominum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
371 373 383
1. Restitution du centre d’un plat rectangulaire avec Pierre et Paul (fin ive-début ve s.). (Photo d’après F. Bejaoui, Céramique et religion chrétienne)
2. Sufetula. L’église au nord du capitole (ve-vie s.). État actuel. (Photo F. Bejaoui)
3. Le caisson à reliques de l’église de Sufetula remis en place. (Photo F. Bejaoui)
4. La dalle de caisson de l’église de Sufetula portant l’inscription. (Photo F. Bejaoui)
5. L’inscription de Thuburnica. (cliché M. Khanoussi, INP)
6. Le revers de l’élément d’architecture portant l’inscription de Thuburnica. (cliché M. Khanoussi, INP)
7. Le temple-mausolée de Lalla Massaouda. (Photo F. Bejaoui)
8. L’intérieur du monument de Lalla Massaouda après l’écroulement de la pierre inscrite. (Photo F. Bejaoui)
9. Plan du monument de Lalla Massaouda avec l’emplacement initial de l’inscription, d’après S. Ben Baaziz. (Photo F. Bejaoui)
10. L’inscription de Lalla Massaouda. (Photo F. Bejaoui)
11. La niche de Lalla Massaouda avec la feuillure. (Photo F. Bejaoui)
12. Les traces de cire des cierges à l’intérieur de la niche de Lalla Massaouda. (Photo F. Bejaoui)
13. Ammaedara. Vue générale de la chapelle (?). Au fond, le mur sud de la citadelle. (Photo F. Bejaoui)
14. La dalle d’ Ammaedara portant le procès-verbal des reliques d’Isidore et Sébastien (en place). (Photo F. Bejaoui)
15. L’épitaphe de Henchir el Fellous mentionnant l’année de règne de Justin II. (Photo F. Bejaoui)
16. Vue générale de l’église d’El Gousset (vie s.). (Photo F. Bejaoui)
17. Les annexes de l’église d’El Gousset avec au milieu la chapelle. (Photo F. Bejaoui)
18. La dalle recouvrant les deux caissons à reliques encastrés dans le sol de l’église d’El Gousset. (Photo F. Bejaoui)
19. Les deux caissons à reliques de l’église d’El Gousset. (Photo F. Bejaoui)
20-21. Les deux éléments de l’arc portant l’inscription à l’entrée de l’église d’El Gousset. (Photo F. Bejaoui)
22. Vue de l’église d’El Ounaïssia. (Photo F. Bejaoui)
23. La mosaïque des cerfs et le caisson à reliques de l’église d’El Ounaïssia. (Photo F. Bejaoui)
24. Le couvercle du caisson à reliques de l’église d’El Ounaïssia. (Photo F. Bejaoui)
25. L’église de Henchir el Baroud (Thagamuta). (Photo F. Bejaoui)
26. Le caisson à reliques inscrit de l’église de Henchir el Baroud (Thagamuta). (Photo F. Bejaoui)
27. Le site d’El-Aliya (Uzalis). (Photo T. Ghalia)
28-32. Mosaïques de la maison romaine d’El Aliya. (ive s.). Images de fruits, poissons et crustacés, volailles et gibier. (Photo T. Ghalia)
33. Mosaïques de la maison romaine d’El Aliya. (ive s.). Image de Triton. (Photo T. Ghalia)
34. Le Triclinium aux mosaïques de la maison romaine d’El Aliya (ive s.). (Photo T. Ghalia)
35. Base inscrite d’El Aliya (ive s.), analysée par M. Beschaouch et qui permet de localiser avec certitude Uzalis à El Aliya. (Photo T. Ghalia)