Les vies des peintres 2140486994, 9782140486999

Les vies des peintres est un recueil de poésie spécial qui comprend vingt-cinq poèmes (à la frontière entre l'écrit

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French Pages 118 [119] Year 2023

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Table of contents :
Préface
YVES KLEIN
FRANCIS BACON
ION ȚUCULESCU
FRIDA KAHLO
GIORGIO DE CHIRICO
HILMA AF KLINT
VASSILY KANDINSKY
LIN FENGMIAN
PAUL KLEE
PABLO PICASSO
GEORGIA O'KEEFFE
HENRI MATISSE
KASIMIR MALEVITCH
TAMARA DE LEMPICKA
PIET MONDRIAN
SALVADOR DALI
LEONORA CARRINGTON
EDVARD MUNCH
JOAN MIRÓ
REMEDIOS VARO
JEAN-MICHEL BASQUIAT
ANDY WARHOL
LOUISE BOURGEOIS
JACKSON POLLOCK
LUCIAN FREUD
TABLE
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Les vies des peintres
 2140486994, 9782140486999

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Constantin Severin

Les vies des peintres est un recueil de poésie spécial qui comprend vingt-cinq poèmes (à la frontière entre l’écriture ekphrastique, l’essai, la poésie et la confession) dédiés à des peintres célèbres du XXe siècle. Sa version anglaise (que l’auteur a lui-même traduite ici) a remporté le prestigieux Prix international de poésie Aco Karamanov en 2022 (en compétition avec cent soixante-dix-neuf poètes du monde entier), et il a été traduit en langue macédonienne et publié en Macédoine du Nord. Le poème « Vassily Kandinsky » a été accepté par World Literature Today et d’autres ont été inclus dans d’importantes anthologies et magazines littéraires dans le monde entier.

Constantin Severin est écrivain et artiste visuel, fondateur et promoteur de l’expressionnisme archétypal, un mouvement artistique d’impact mondial, qu’il a fondé en Bucovine en 2001. Diplômé de l’International Creative Writing Course de l’université de l’Iowa, il est l’auteur de recueils de poésie, d’essais et de romans. http://constantinseverin.ro

Les vies des peintres

Les vies des peintres

Les vies des peintres

Constantin Severin

Préface d’Elena-Brândușa Steiciuc En couverture : Francis Bacon, oil&acrylic on canvas, 80x60 cm, © Constantin Severin.

ISBN : 978-2-14-048699-9

14 €

Témoignages Poétiques

Témoignages poétiques Collection dirigée par Philippe Tancelin Parce que la langue poétique constitue une exploration, elle revêt parfois son visage de « témoin » des chamboulements de notre société, des mondes qui nous entourent, au gré des voyages, des rencontres. Parce qu'elle explore l'intime, qu'elle épouse une fonction dénonciatrice ici et ailleurs, elle bouleverse aussi notre vision du politique. Accueillons ces textes qui nous aident à cheminer et modifier notre regard... Dernières parutions Vincent BOUTON, Retrouvailles bleues avec une fenêtre jaune, Chroniques poétiques # 2022, 2023. Omar MIRALI, Ambariha, 2023. Thomas GUARINO, AD VITAM et vivre encore, 2023. Josué GUÉBO, Seuls les oiseaux savent la vérité sur les frontières, 2023. Lia FAUR, peau contre peau, 2023. Christian DUMOTIER, L’hébétude du monde, 2023. Pierre GONDRAN dit Remoux, Clins d’homme, 2022. Pierre GOLDIN, Nouvelles de la fin du jour. Poétique pour un temps sans soleil, 2022. Gwenaël DE BOODT, Des heures aux arrêts, 2022. Michèle COINTE, La Photo au pied de la Lettre, 2022. Pierre GOLDIN, Paroles pour la Grèce, empreintes et racines, 2022. Christian DUMOTIER, Éloge des gens de peu, 2022. Pierre TAMINIAUX, L’Esprit des Lieux. Mémoires poétiques, 2022. Philippe SABOURDY, La morsure de l’éther, 2022. Irina-Roxana GEORGESCU, Une contre-histoire, 2022. François LUIS-BLANC, Divines errances, 2022. Bernard MOURALIS, Griffonner/Respirer, 2021. Mounjia ABDELTIF, Dar El Djezaïr. Poétique d’un lieu, 2021. Lorraine POBEL, Fragments d’horizons, 2021. Lorraine POBEL, L’archipel du lien, 2021.

Constantin Severin

Les vies des peintres

Préface d’Elena-Brândușa Steiciuc

© Eikon, Bucarest, Roumanie, 2022 © Bibliothèque Nationale "Frères Miladinov", Radovish, Macédoine du Nord, 2022 © L’Harmattan, 2023 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-14-048699-9 EAN : 9782140486999

Préface Le fabuleux « musée imaginaire » d’un Roumain « Un voyage initiatique dans l’âme de l’Art ». C’est ainsi que l’écrivain et plasticien Constantin Severin définit son livre de poésie, Les vies des peintres. Référence dans l’univers culturel de la Bucovine, mon ami entrelace les deux grands vecteurs de l’art - le mot et l’image – car nous le savons depuis la Haute Antiquité, avec Horace : Ut pictura poesis. Depuis plus de trois décennies il a publié 13 livres de poésie, des essais et des romans et a été traduit dans plusieurs langues et inclus dans l’anthologie Après la chute du mur : références d’Europe centrale, publiée par World LiteratureToday. Comme tout artiste, Constantin Severin possède une galerie d’art intérieure, qu’il enrichit progressivement en visitant les grands musées du monde et en feuilletant des albums. Les 25 peintres qui inspirent ses observations poétiques se perçoivent aussi bien avec l’œil qu’avec l’esprit et le cœur. Attaché aux courants novateurs de l’art visuel, notamment le non-figuratif, l’auteur a fondé et promu en Roumanie le mouvement de l’Expressionnisme archétypal, mêlant avec précision couleurs fortes et symboles ancestraux à des créations d’époques diverses, notamment préclassiques et classiques, dans des collages originaux. Entre le 28 juillet 2020 et le 25 octobre 2021 l’auteur a composé les poèmes de ce recueil, en revisitant les toiles des peintres avec lesquels il est spirituellement lié. Yves Klein, Francis Bacon, Ion Țuculescu, Frida Kahlo, Giorgio de Chirico, Wassily Kandinsky, Paul Klee, Pablo Picasso, Georgia O’Keefe, Henri Matisse, Kazimir Malevich, Tamara de Lempicka, Piet Mondrian, Salvador Dali, Edvard Munch, Joan Miró, RemediosVaro, Andy Warhol, Jackson Pollok voici quelques-uns des peintres les plus représentatifs du 5

siècle dernier, dont la relation avec la forme et la couleur, avec l’univers, avec les autres, avec eux-mêmes est la ligne directrice de la réflexion du peintre et poète de Bucovine. Comme le note OvidiuPecican, à travers ces poèmes « le couloir qui mène le lecteur à la perception artistique » est amplifié, car « on y ajoute une autre couche d’hérédité » et ma première impulsion après la lecture de chaque poème a été de revisiter (parfois mentalement) l’œuvre des peintres qui me fascinent aussi, en particulier : Matisse, Picasso, Miró, Mondrian, Kandinsky, Munch, Klee, Warhol. De France, la personnalité complexe d’Yves Klein se dessine dans un monologue intérieur qui commence par un credo artistique : « le bleu outremer est un pont vers l’invisible/ l’expression la plus dense de l’énergie vitale/ je resterai toujours un peintre de l’espace incandescent/ vibrant et électrique/ et je continuerai d’apposer ma signature sur le ciel ». En italique, des phrases révélatrices de la conception artistique du peintre, appartenant à Rotraut Klein, sa veuve : « le corps peint à partir de l’anthropométrie fait le lien entre l’intime et l’universel/ il est à la fois sujet et objet pinceau et peinture/geste et beauté matière et éternité. » Le surréaliste italien Giorgio de Chirico, auteur de toiles énigmatiques, est remis au goût du jour avec un texte d’une beauté hallucinatoire, quintessence de son art : « ce n’est pas par hasard que dans ma vision les villes méditerranéennes/ ont les ombres profondes et étranges des cathédrales gothiques/ ombres-être vivant ombres-mémoire ombresparole/ s’éloignant inaperçues en ondes concentriques/ des veines anémiques des personnes devenues objets. » L’homme réifié semble un être totalement intemporel, dépourvu de substance, car le peintre, dans son existence, voulant voir le monde « avec les yeux du premier homme » a eu des « crises solitaires et douloureuses de migraine avec aura. » La conclusion imaginée par Constantin Severin est simple : « j’ai cherché dans les miettes de vérité ce qui me 6

reste à aimer/ l’énigme des choses et l’attente de la guillotine de cristal. » On a beaucoup écrit sur Pablo Picasso. Constantin Severin n’a pas l’intention d’écrire un texte critique, il reconstruit un possible discours intérieur de l’Hispanique qui a traversé avec une verve folle le cubisme, le surréalisme, l’expressionnisme, le post-impressionnisme, le néoclassicisme. L’auteur du célèbre tableau Guernicarevoit sa vie depuis le début, quand « ma mère disait que le premier mot que j’ai prononcé était crayon. » C’est pourquoi, selon lui, il a travaillé avec la fraîcheur des gestes de l’enfance, peignant les choses comme il les pensait et non comme il les voyait, « hypnotisé par les forces inconscientes qui constituent la matrice de la vie », cherchant dans le torrent du monde « l’homme primordial qui se cache derrière les masques » (idem). Son art consistait à « voir le monde de plusieurs points de vue simultanément », à planter des « dynamites dans le cœur des choses diaphanes et homogènes », à reconstruire « à partir d’esquisses vivement colorées [...] avec une minutie analytique une nouvelle réalité » (idem). Un autre thème fondamental de l’œuvre du peintre originaire de Malaga était l’érotisme ardent, mis en évidence par la strophe suivante, que je cite intégralement pour son étrange beauté : « j’ai pris de la drogue avec l’essence de la féminité et j’ai décomposé mes amantes sur la toile/dans chaque trait tracé après une nuit d’amour les tourbillons de la chair palpitent/quand on commence à travailler on est seul on n’a que son propre moi/un soleil aux mille rayons qui transperce votre ventre et vos rêves/et alors les femmes-déesses ou les femmes-tapis deviennent de simples notes sur un portatif/des tomes musicaux de sexe et de fertilité de naissance et de mort d’amour et de violence/d’où les formes et les couleurs extraient leur incandescence et leur beauté ». En effet, le Catalan qui se définit comme un « minotaure enragé » a absorbé l’énergie vitale (aussi) par l’amour, immortalisant 7

ses amantes dans des tableaux, apprivoisant le vide intérieur par la couleur et recréant « un monde en décomposition. » Dans un monologue imaginaire, Henri Matisse déclare : « je n’ai pas peint des œuvres j’ai seulement peint dans la lumière les différences entre les choses/la peau fine et perçante qui relie le cœur du monde du fini à l’infini. » La vision de l’auteur du célèbre collage La tristesse du roi héritier de l’impressionnisme et du néo-impressionnisme est subtilement exposée par Constantin Severin, qui s’identifie partiellement (ou totalement ?) à Matisse dans les lignes suivantes : « peindre c’est oublier toutes ses idées et théories face à la réalité bourgeonne/c’est tailler avec amour et courage un chemin d’âme dans le volcan du monde/c’est chercher dans les hiérarchies visibles et invisibles le pollen générateur de lumière/pour peindre une rose il faut oublier toutes les roses jamais dessinées. » Le Français cloué dans un fauteuil roulant pendant les dernières années de sa vie est resté jusqu’au bout « un sauvage tatoué dans son âme/avec les couleurs de l’Afrique et les toiles d’araignée des lieux où j’ai brûlé jusqu’à la mort. » L’art est donc un baume qui guérit ou apaise son impossible mal de vivre, « recouvre ses plaies saignantes d’un monde plus pur que l’invisible. » Le « Divin Dali » – connu de tous comme « le génie hallucinogène à la fine moustache tordue inspirée par Velásquez », celui qui apparaissait en public vêtu de manière excentrique, « en combinaison de plongeur une queue de billard à la main » – ne pouvait manquer de cette série de figures tutélaires de l’Art moderne. Un poème à forte empreinte surréaliste reconstitue l’univers du « disciple passionné et parfait de la Souffrance », pour qui « toute son existence fut une flamme angoissante sous le signe de la mort [...] précoce » (idem). À la fin du poème, dans la même note onirique, le poète de Suceava définit l’artiste imprévisible né à Figueres en 1904 : « ...il a traversé le monde en glissant dans des montres à gousset fondues/avec les moments mystérieux 8

et allongés dévorés par les fourmis d’Einstein/et il a aimé les artistes qui ont coupé leurs veines chaudes et fantomatiques/ pour sentir avec toute leur ardeur comment jaillissent les courants souterrains de l’histoire. » Le graphiste, photographe et peintre américain Andy Warhol, célèbre représentant du pop art et de l’expressionnisme abstrait, n’est pas oublié. Constantin Severin ne lui consacre pas non plus une biographie classique, mais invente un possible monologue de celui qui a signé la série d’œuvres Disaster and Death : « ma vie a été une tentative d’oublier par l’art l’enfance secouée par la tuberculose/et la danse de Saint-Guy avec des mouvements spontanés et des convulsions du visage et des jambes [...]/je me suis déguisé en banquier ou en clown aux cheveux ébouriffés et aux yeux fixes/pour ne pas apercevoir la ligne courte de ma vie et les sillons profonds des larmes/le corset chirurgical porté après l’attaque de Valérie de la Factory/les dents de vampire et les sons stridents de la vie quotidienne. » Il convient de citer in extenso la fin, dans laquelle se trouve la quintessence du credo warholien : « faire de l’art c’est mourir en partie et ressusciter entier/trouver l’explosion de la vie dans un grain de poussière/les feux de la joie au cœur des choses qui nous entourent/la beauté jaillissant entre les bottes de laine de verre sale et les rats/l’image est un cerisier en fleur tordu entre le mot et l’abîme » (idem). En visitant le musée intérieur de Severin, j’ai redécouvert avec émotion des peintres qui ont marqué mon existence et mon goût artistique. Je suis tentée de donner raison à Toti O'Brien qui affirme : « Les identités restent séparées, leurs contours brillamment et impeccablement dessinés. Pourtant, l’histoire est bien la même, mais pas seulement parce que tous les artistes sont des personnages de Severin. Ce n’est pas le cas. La poésie s’enfonce si profondément dans chaque singularité qu’une polyphonie est atteinte. » Cette reconstruction originale de biographies artistiques, faite avec la subtilité 9

et l’érudition d’un critique d’art, avec la fine perception du peintre et du poète, aboutit à un livre original, complètement différent de celui publié par Michel Butor en 2015, où l’auteur français réunit « 105 œuvres décisives de la peinture occidentale. »1 Après avoir refermé la dernière page du livre, le lecteur ne peut que rêver à tous ces peintres et à leurs toiles. Elena-Brândușa Steiciuc Membre de l’Union des Écrivains de Roumanie Chevalier des Palmes académiques

1

Michel Butor, Le Musée imaginaire, Paris, Flammarion, 2015.

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YVES KLEIN je ne voulais pas vous quitter si tôt mais l'amour d'une couleur m'a tué le bleu outremer est un pont vers l'invisible l'expression la plus dense de l'énergie vitale je resterai toujours un peintre de l'espace incandescent brillant vibrant et électrique et je continuerai à mettre ma signature sur le ciel ce n'est pas un hasard si je vous ai abandonné soudainement dans la période bleue après avoir libéré la couleur de la prison de la ligne pour rendre visibles à tout prix l'immatériel et l'absolu je commençais à sentir que nous n'étions que des ombres du monde réel je sais que beaucoup d'entre vous se sont moqués de moi et m'ont traité d'excentrique errant dans ses forêts bleues d'éponges de mer sentant l'alcool et l'acétate de vinyle

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je ne traverserai plus votre espace comme une météorite énigmatique et je ne répéterai pas que les peintures ne sont que les cendres de mon art que l'œil physique ne peut pas voir dans Mondo Cane2 mon œuvre d'art était en réalité ma vie dont j'ai fait un gâchis et puis j'ai signé quelques peintures de feu des bougies bleues dans lesquelles je voulais disparaître avec mon Traut adoré dans le grand studio de l'au-delà avec les accords lumineux de Mozart je n'utiliserai pas de mots qui ne plaisent pas à l'univers mais s'il vous plaît arrêtez de dire que j'ai utilisé comme pinceaux vivants les femmes que j'ai aimées Jacqueline Elena Gil et Traut le corps peint des anthropométries fait le lien entre l'intime et l'universel il est à la fois sujet et objet pinceau et peinture geste et beauté matière et éternité 2

Les phrases en italique appartiennent à la veuve de l'artiste, Rotraut Klein.

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une échelle de sang et de rêve avec laquelle on gravit la hiérarchie de la lumière je ne renoncerai pas à chercher le visage et le cœur d'un grain de lumière la profondeur bleue de la profondeur du rien je continuerai à écorcher le temps de l'épiderme de la matière pour que tu puisses me voir à travers la lentille des larmes alors que je vivais intensément ma propre mort à chaque coup de pinceau pour qu'à travers les pores de chaque toile peinte mon âme puisse respirer du monde du cristal Suceava, 28 juillet 2020

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FRANCIS BACON ta peinture est un couteau de boucher brillant et tranchant avec des traces de chair et des gouttes de sang sur la lame brillante vous m'avez dit en face avec cruauté au Colony Room Club sans qu'il te vienne à l'esprit que c'est la parfaite métaphore du monde violent et cruel que vous avez créé pour vousmêmes j'ai peint le cri au-delà de l'horreur qu'il inspire après qu'on m'ait donné à jouer à la table de roulette des vérités brutales l'aventure de jouer mon destin sans pitié a commencé à 16 ans après avoir été mis à la porte par mes parents parce que j'aimais les garçons à Londres j'ai eu des relations sexuelles avec des hommes plus âgés pour de l'argent j'ai volé de la nourriture et de nombreuses bouteilles de whisky Bell's

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et j'ai cassé la boîte de miséricorde dans des églises à plusieurs reprises j'ai découvert l'art en regardant le film Le cuirassé Potemkine revivre dans un chagrin d'ivrogne le visage et le cri muet de l'infirmière sanglante pour moi l'image est une sorte de funambule dangereux entre ce que nous appelons la peinture figurative et l'abstraction elle semble sortir tout droit de l'abstraction mais n'a rien à voir avec elle c'est une tentative d'enfoncer le figuratif dans le système nerveux d'une manière beaucoup plus violente et intense mon art est né avec des hurlements sourds et des couleurs fortes comme dans les tragédies d'Eschyle les peintures hypnotiques de Velazquez et la poésie de T. S. Eliot ma vie était un accident intime et masochiste absorbé par l'art comme les marques de fouet sur mon dos laissées par les hommes que j'ai aimés 16

que l'on retrouve dans des milliers de photos peintes coupées ou froissées je vous avais prévenu - nous ne regardons pas seulement une chose quand nous la regardons mais nous le faisons à travers le prisme de l'agression que la photographie et le cinéma nous ont fait subir je n'ai saisi la pureté de l'image que quelques fois dans l'intense regard d'outre-monde des animaux sauvages en Afrique j'ai vu le visage humain à travers la lentille apocalyptique du cri les détails des contorsions et des déformations à travers la souffrance les tourbillons de chair et de rêve dans le placenta de la matière j'ai payé tous les grands succès par la mort de mes proches des montagnes d'or creusées par la roulette et des tonnes de whisky et pourtant les Furies d'Eschyle m'ont suivi dans le monde de cristal après avoir transformé mon cœur en une poignée de cendres Suceava, 1er août 2020 17

ION ȚUCULESCU devant la toile tu dois être comme un tigre pour peindre en même temps et utiliser ton instinct au maximum j'étais un primitif et je me suis laissé guider par l'instinct et non par la science l'érudition est absolument nécessaire mais une fois que tu l'as assimilée tu dois l'oublier et essayer de manifester le subconscient à la recherche d'archétypes tout ce que tu as appris doit être laissé à l'inconscient peindre c'est se laisser conduire par une urgence intérieure dans l'art l'exploration de soi se fait souvent par le jeu imiter la nature c'est manger des pommes de terre crues avec la peau j'ai refusé le réalisme socialiste et après quelques mutations spirituelles j'ai aussi abandonné la ligne modérée et tranquille de la peinture roumaine mais la plupart de mes collègues m'ont traité de dilettante et de décadent 19

ils m'ont interdit l'accès aux galeries alors que ma vie était pleine d'auréoles des trinités en bois d'essaims de papillons de colonnes d'yeux qui ne dépendaient que de l'art Paul Klee et la biologie étaient mes maîtres et je partageais mes nuits entre chevalet et microscope pour essayer de trouver l'absolu et de peindre l'univers invisible qui s'arrête à la porte de la rétine sur des toiles tendues et préparées dans le grenier avec Maria entouré dans la maison de la rue Lizeanu par la collection d'écorces d'Oltenia dans laquelle j'admirais des motifs et des couleurs qui m'obsédaient même dans mes rêves et sous la lentille du microscope de nouvelles reconfigurations de formes m'invitaient depuis que nous nous sommes rencontrés je vois des couleurs des formes et des rythmes partout même dans les pavés de la rue me disait un ami

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j'ai su très tôt grâce à Van Gogh que la couleur est la chose la plus importante dans l'art la couleur - l'oiseau de feu qui surveille le passage vers d'autres royaumes mais lorsque l'harmonie est composée de surfaces intensément colorées le noir est nécessaire pour faire chanter ces couleurs soit la couleur contient de la musique soit ne le fais pas quand je me suis approché du chevalet dans mes dernières années saisi par la peur de l'inconnu et de l'intemporel j'avais l'impression d'assister à un concert d'Alban Berg avec des accords qui brillent dans les regards des yeux noirs dans un océan orange le regard de la ligne le regard du froncement des sourcils le regard du poisson le regard en spirale le regard de l'œil profond et hypnotique du regard j'ai peint le mystère cosmique que je cherchais dans l'abîme du regard Suceava, 7 août 2020

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FRIDA KAHLO je n'ai jamais mis de rêves sur la toile j'ai juste peint les deux Fridas avec un cœur qui saigne et qui bat dans les mains qui tremblent j'ai été colombe et chienne ange et démon communiste et capitaliste le bonheur est une lame de couteau brillante cachée sous le foulard rebozo la douleur et la solitude étaient mes fidèles jumelles qui m'ont inspiré pour peindre mon autoportrait encore et encore avec des couleurs tirées du plus bel arc-en-ciel de douleur

rouge - un tas d'os cassés éclaboussés de sang à l'âge de 18 ans orange-une corolle d'agave s'épanouissant dans la douleur tous les 30 ans jaune-mon corps désintégré par la douleur dans le halo d'un ange aimant 23

vert-une perle de jade portée comme un étrange attracteur de douleur bleu-Casa Azul où sont nées mes œuvres et mes amours de douleur intense indigo-le chapeau de Diego l'homme qui m'a donné mon deuxième accident violet-l'univers où je renaissais de l'amour et de la souffrance

j'ai compris peu à peu que le bus de la mort avait l'art comme destination finale bientôt sous le miroir monté au-dessus du lit de la Casa Azul je suis né une deuxième fois avec mes premières peintures et les cris des femmes et des hommes que j'ai aimés jusqu'à la fin André Breton disait que j'étais un ruban enroulé autour d'une bombe fragilité et force étaient les mots avec lesquels on me décrivait à Gringolandia

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une créature frêle avec des sourcils tricotés ensemble comme les ailes d'un oiseau noir

je n'étais peut-être pas entier et fort en esprit sans ma colonne vertébrale ma clavicule mes côtes et mon bassin tous brisés la profondeur de l'amour ne peut être atteinte qu'après avoir brisé son propre cœur parfois la joie remplissait ma poitrine serrée dans des appareils orthopédiques tandis qu'une tristesse aveuglante envahissait mes yeux j'aimais la vie dans toute sa beauté contrastée et je préférais la plénitude intérieure au bonheur éphémère

je sentais toujours quelque chose de dur et de persistant dans ma gorge comme si j'avais désespérément avalé le monde entier je voulais pénétrer l'intérieur le plus sombre de toute chose

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pour ne pas entendre les cris des enfants affamés je voulais qu'une tempête arrive et me fasse couler dans une chanson non écrite à la fin l'art m'a donné des ailes et j'ai oublié la douleur de ma jambe gangrenée le cri de mon art est aussi intense que le cri de mon identité

Suceava, 12 août 2020

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GIORGIO DE CHIRICO dès ma jeunesse j'ai appris à attendre l'arrivée de Zarathoustra à regarder par la fenêtre les cadavres des illusions et à peindre dans le crépuscule la vie intérieure du temps errer dans les arcades mannequins tours d'horloge statues isolées trains et cartes emblèmes de la mélancolie ensorcelés par des énigmes solitude et nostalgie pleurer la nuit dans un rêve sur un oreiller brûlant j'ai peu à peu déchiffré l'âme du Sud à travers les livres d'un poète et penseur du Nord pas par hasard dans ma vision les villes méditerranéennes ont les ombres profondes et sinistres des cathédrales gothiques ombres-être vivant ombres-mémoire ombres-mot qui s'éloignent inaperçues en vagues concentriques des veines anémiées des gens devenus objets

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j'ai respiré avec mon regard la couleur de l'ombre-couleur à travers chaque pore de la flèche j'ai écouté l'ombre-boléro chanté par mon ange gardien à la rencontre intemporelle du coucher et du lever du soleil j'ai inhalé une ombre-laurier sur la place Santa Croce j'ai savouré une ombre-orange dans le Café Van Gogh j'ai jeté un ombre-belle touche vers Alceste un visage ensoleillé rendu plus profond par des ombres claires j'ai voulu voir le monde à travers les yeux du premier homme de l'univers dans des crises solitaires et douloureuses de migraine avec halo et je suis tombé inopinément sur le mort-vivant du monde enveloppé de boules et de stries lumineuses dans des révélations et des hallucinations dans des villes de plus en plus malades pleines de nonsens et de vérités amputées j'ai cherché dans des miettes de vérité ce qu'il me restait à aimer l'énigme des choses et l'attente de la guillotine de cristal 28

j'ai vu dans l'obscurité les veines phosphorescentes de mes mains mes pieds qui courent sans moi à travers les mots du texte original le cœur battant avec des sons ataviques dans les statues grecques de la Méditerranée la mélancolie jaillissant comme de la lave des orbites vides des mannequins tout ce que j'ai peint n'était qu'un éternel retour du premier regard qui m'a été donné dans une ère indéchiffrable sans idées et sans idéaux pour capturer le miracle sur les ailes des papillons mystérieux de l'art Suceava, 24 août 2020

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HILMA AF KLINT

quand j'étais enfant je cherchais les nids de chouettes entre la vue et le son dans le jardin du château de Karlberg pour apprendre à voir l'intemporel et j'avais l'impression d'être observée même dans mes rêves par les grands yeux immobiles et sphériques aux paupières blanches toutes les couleurs du jour ont germé comme des graines dans un cube noir d'où poussaient des épis de mots : cœur temps croix fruit temple étoile île fleur arbre sphère eau triangle spirale logarithmique lotus œil sablier les mots sont des graines nocturnes dans le regard de Dieu

dans ma jeunesse j'ai commencé à peindre des portraits et des paysages avec des yeux aveuglés par la mémoire jusqu'à ce que les livres de Blavatsky et de Steiner ou les méditations du groupe De Fem ramènent à mon cœur ardent les images éternelles de l'enfance

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j'ai progressivement cartographié l'âme et l'invisible avec des yeux vidés du passé et peut-être n'aurais-je pas déchiffré les mondes astrales sans les cartes marines de grand-père Gustav sans l'amour de la mère aveugle de mes amis et de mon guide céleste Amaliel qui a guidé ma main sur la toile blanche avec la précision de l'éclair

nous sommes des ombres irréelles du monde réel qui s'arrête aux portes de la rétine peindre c'est se laisser façonner par l'événement intemporel pas par l'événement historique je voulais faire remonter à la surface les racines de lumière des choses la géométrie sacrée qui jaillit des puits profonds de l'invisible j'ai vécu avec intensité le contact de la peau de mes doigts comme une comète et l'approfondissement de la ligne de vie par les maîtres spirituels du monde quantique j'aurais coupé ma main de peintre sans la révélation de l'univers archétypal

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je découvrirais des yeux partout sur le champ vide dans le ciel sur les ailes des papillons sur le nénuphar de Sœur Hermina sur les feuilles des hêtres et les anciennes colonnes grecques mille regards nichés sans cesse dans mes orbites vides pour grignoter l'iris d'une couleur de la toile peinte d'Amaliel que je ne pouvais que cacher aux yeux aveugles des gens qui m'entouraient je sentais que l'humanité n'était pas prête à comprendre mes tableaux et n'a pas réussi à ouvrir ses yeux sur un monde qui est éternel

j'ai aimé la vie qui jaillit comme la rosée des syllabes de la prière et j'ai laissé les blessures intérieures s'épanouir en formes cosmiques tatouées de mots mystérieux de cartes et de diagrammes mathématiques parfois j'avais l'impression d'être écrit par une main venue d'un univers parallèle un étrange cocon secoué par les convulsions d'une calligraphie céleste

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avec des lettres - des yeux grands ouverts pour le mystère du regard voir c'est croire en un monde invisible

Suceava, 22 octobre 2020

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VASSILY KANDINSKY

j'ai entrevu des oasis d'enfance avec des maisons en pain d'épice et des poupées matryoshka sous les yeux bridés de la princesse mongole ma grandmère Gantimurova puis j'ai abordé l'art avec l'agitation et la sensibilité d'un musicien et j'ai respiré la musique des sphères dans le salon de thé de mon père à travers la vapeur du samovar j'ai vu comment le son s'enrichissait de l'esprit et dans les maisons aux couleurs de contes de fées des moujiks près de Moscou il me semblait entrer dans chaque pièce comme dans un tableau hypnotique

dans ma jeunesse je me suis aventuré dans les mondes paraboliques des yeux des chevaux mongols et je me suis laissé emporter par le galop haletant du Cavalier bleu portant avec lui l'apocalypse globale d'une génération désintégrée

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mais la peinture et les femmes que j'ai aimées Anna Gabriele et Nina m'ont aidé à trouver les vibrations de mon âme et la boussole de mon regard intérieur j'ai toujours été un combattant solitaire parfois vêtu de vêtements bavarois mais je n'ai jamais oublié le son jaune de la trompette sur la place du Kremlin

j'ai admiré Cézanne pour son don de reconnaître partout la vie du moi et j'ai imaginé une peinture dans laquelle les expériences artistiques ne sont pas visuelles mais spirituelles un art dans lequel le Saint-Esprit descend à travers le son chromatique comme un éclair j'ai gardé de la musique le rythme la construction mathématique et la répétition des tons et j'ai fait jaillir sur la toile l'âme sonore du futur au risque d'être souvent traité de filou et de graffeur j'ai continué mon chemin au-delà du naturel vers l'abstraction et la nature intérieure

entre forme et couleur se joue l'essence de votre intériorité hyaline 36

la couleur est le clavier l'œil est le marteau et l'âme est le piano à cordes dans de nombreuses compositions la couleur meurt si le son intérieur disparaît un tableau n'est pas un objet mais une créature dans laquelle la vie palpite les fissures du corps et de l'âme se reflètent sur la toile et dans les yeux du spectateur seul ce qui est beau naît d'un besoin intérieur et aigu des racines ataviques et sacrées des histoires de l'enfance de l'humanité

peindre est une perte d'âme comme si on arrachait la musique de soi-même la mémoire du corps est intimement flashée par la vibration des couleurs et tout devient une lumière sanglante réécrite avec des notes de musique à partir desquelles se tissent sur la toile blanche d'énigmatiques univers géométriques et biomorphiques plus le monde devient effrayant plus l'art est abstrait3

3 . L’affirmation reprise par Kandinsky dans ses livres appartient au peintre Paul Klee, son ami et collègue au Bauhaus.

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pour oublier le siège du mal j'ai pénétré sous la peau évanescente des couleurs et j'ai senti le goût de la musique et la profondeur de l'émotion au-delà de nous

Suceava, le 15 novembre 2020

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LIN FENGMIAN mon art est une histoire intense sur l'harmonie la couleur et l'émotion jumelées dans le promontoire céleste qui unit l'Ouest et l'Est mais comme il est difficile d'englober dans un seul cœur deux mondes aux racines différentes et combien est aiguë la solitude quand on erre sans boussole sur les chemins qui les séparent accompagné seulement par la musique des mouvements larges et rythmés du pinceau à une époque où l'histoire était la Cendrillon du monde j'ai chassé mes cauchemars en peignant sur du papier de riz la Dame à la Flûte tout ce que j'ai appris à Paris du maître de Van Gogh de Matisse et de Modigliani j'ai fondu frénétiquement dans le creuset de la sensibilité et de la spiritualité chinoises les gravures sur pierre de la dynastie Han les dessins sur porcelaine des Song et des Yuan dirigeaient ma main et le rythme intérieur de la lumière jaillissant des profondeurs mais la peur d'être injurié dans les journaux m'a obligé à détruire avec des jets d'eau mes tableaux expressionnistes de la série Douleur et Humanité et à les jeter dans les toilettes ma souffrance a absorbé toute la douleur de l'humanité dans la cellule de la prison j'ai peint des sentiments chinois avec des techniques et des visions occidentales et j'ai peint le désespoir humain avec des nus féminins 39

avec des figures contorsionnées et des cris expressionnistes à la Munch et pendant mes quatre années derrière les barreaux j'ai trouvé mon moi avec joie en dépit de toutes les persécutions humiliations et punitions et j'ai cherché avidement un nid pour mon âme sur des portatifs végétaux un lieu palpitant comme un cœur entre l'oiseau-tonnerre et l'oiseau de paradis j'ai façonné mon caractère en méditant les paroles de Lao Zi et je me suis défendu des difficultés du siècle avec toute ma bonté et mon amour dans la solitude j'ai veillé sur mes pensées mes paroles et mes actes et dans la poussière des amours et des souvenirs de la Chine de Paris de Munich et de Hong Kong j'ai cherché sans relâche et désespérément la musique qui est en moi même quand la traînée de sang de l'histoire entrait dans mes orbites et s'écoulait en myriades de sabliers rouges à travers les pores du papier de riz en l'absence de la musique de l'art et des histoires le sang social se dessèche seul l'amour de la création gardait mon cœur serein au milieu de la tempête et m'a fait parcourir des espaces au-delà du monde visible et quand le pinceau a parfois touché les yeux entrouverts d'Œdipe je tremblais de sentir que l'homme est plus fort que le destin 40

et j'ai appuyé mon âme contre le plus beau des souvenirs l'arc-en-ciel d'ailes des centaines de canards mandarins dans mon village natal Suceava, 13 décembre 2020

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PAUL KLEE dans ma jeunesse je jouais souvent du violon devant le chevalet essayant de peindre en musique la naissance simultanée du son et de la couleur jusqu'à ce que mon âme touche les cordes de lumière dans mon sang je ne dessinais pas des lignes mais j'essayais de capturer la pulsation du dessin des lignes toute ma famille était musicienne et ma vie était une danse perpétuelle d'images de mots et de notes de musique pour toucher le cœur de l'invisible j'ai toujours rêvé d'un art polyphonique issu de forces primordiales la couleur s'est imposée à moi en 1914 après mon voyage en Tunisie quand j'ai bu l'essence concentrée des nuits arabes et j'ai commencé à lire le réel avec les sens dormants de la lumière avec les étudiants du Bauhaus je voulais être au-delà des modes me sentir comme un nouveau-né au milieu d'un monde déchaîné qui plus tard a mis mon art "dégénéré" sur le pilier de l'infamie plus le monde devient effrayant plus l'art est abstrait l'intimité avec la mort a été un leitmotiv de ma vie après que mes bons amis les artistes August Macke et Franz Marc

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ont été sacrifiés sans raison pendant la première guerre mondiale depuis lors j'ai gardé la dague de Tolède de mon grandpère dans mon étui à violon qui reflétait dans la solitude mon visage tuméfié par la maladie la musique et la mort sont plus vivantes que jamais quand elles partagent le même corps qui mord profondément avec des arpèges de douleur dans la dernière année de ma vie j'ai sauvé 1200 œuvres des griffes de la mort je tenais à peine le pinceau dans mes mains épaissies j'avais des œdèmes sur toute la peau et des douleurs articulaires hypertension artérielle parfois j'avais des vertiges quand je regardais dans le miroir mon visage meurtri et livide à la peau brillante et tendue avec des traces intenses de masque africain mais je continuais à chercher avec inquiétude la couleur l'endroit où le cerveau et l'univers embrassent par-dessus toutes les peines du monde j'ai appris d'Einstein que chaque instant est le pollen d'un nouvel univers et j'ai compris que l'art ne rend pas le visible mais rend visible ce qui est caché dans les plis de la vie ce qui est caché dans les plis des mondes invisibles et des vieux mythes je voulais réécrire les contes de fées qui hantent les rêves de l'enfance rechercher le frisson de la simplicité en déplaçant des lignes et des rythmes dans l'espace 44

à travers la couleur pour transformer vos yeux en un tourbillon de sons mais un jour je ne m'assiérai nulle part avec un ange à mes côtés Suceava, 20 janvier 2021

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PABLO PICASSO ma mère avait l'habitude de dire que le premier mot que j'ai prononcé était "crayon" pour dessiner quelque chose qui reste tu dois fermer les yeux et chanter alors la main se déplace sur la toile aussi naturellement qu'un oiseau en vol je peignais les choses comme je les pensais et non comme je les voyais je n'ai pas travaillé selon la nature mais devant la nature avec mille visages et sève hypnotisé par les forces inconscientes qui composent la matrice de la vie et dans le torrent du monde je cherchais l'homme primordial derrière les masques inspiré par mon père dans la Malaga de l'enfance j'ai remplacé les jeux par la peinture je n'entendais plus le cri des mouettes qui volaient en cercles blancs autour de la maison comme si mon cœur était cloué au cadre en bois de la peinture j'ai peint comme Raphaël à 12 ans et il m'a fallu toute une vie pour peindre comme un enfant j'ai vite pratiqué l'art de voir le monde sous plusieurs angles à la fois et j'ai planté de la dynamite dans le cœur des choses diaphanes et homogènes à partir d'esquisses aux couleurs vives je reconstruisais avec une minutie analytique une nouvelle réalité El Greco Cézanne Matisse Braque me procuraient des visions énergie et courage 47

et j'ai compris que dans l'art véritable il n'y a presque pas d'arrière-plan tout est au premier plan j'ai sculpté des pensées dans un silence semblable au cri de Munch et j'ai bu ma dernière goutte de Fée verte dans des cafés sordides ayant connu la pauvreté le froid et le désespoir à Paris avec Max Jacob et j'ai jeté des centaines de tableaux de la période bleue dans le feu pour me réchauffer nous avons brûlé sur le bûcher des taureaux arlequins des prostituées des mendiants des acrobates la joie de vivre je me suis drogué avec l'essence de la féminité et j'ai décomposé mes amants sur la toile dans chaque trait dessiné après une nuit d'amour les tourbillons de la nature palpitent quand tu commences à travailler tu restes seul tout ce que nous avons c'est notre moi un soleil aux mille rayons qui transperce ton ventre et tes rêves et alors les femmes-déesses ou les femmes-tapis deviennent juste des notes sur un portatif des tomes musicaux sur le sexe et la fertilité la naissance et la mort l'amour et la violence d'où les formes et les couleurs extraient leur incandescence et leur beauté créer une œuvre d'art c'est recréer un monde en décomposition tout autour de moi des gens aux yeux sans mémoire regardaient sans voir pour les amis et le public Les Demoiselles d'Avignon était un cataclysme 48

parfois j'étais un minotaure enragé apprivoisé seulement par les regards des amants le regard de mon fils Claude après que j'ai intégré quelques jouets dans ses nouvelles sculptures le regard insistant et étrange du vide intérieur à la fin d'un tableau le regard de l'autre monde qui mord dans mon regard d'absinthe Suceava, 24 mars 2021

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GEORGIA O'KEEFFE mon premier souvenir est celui d'une lumière aussi aride et étrange qu'une gerbe d'épis dans le désert puis le sentiment d'infini à l'horizon et la colline derrière la maison les matins vides de pas où l'on cherche avec le pinceau le soi un foret dans l'œil de l'esprit qui saupoudre partout de la sciure chaude de la vie des images toujours plus fragiles portes abandonnées crânes de béliers vaches et buffles tempêtes de sable clochers des fragments de vie dont vous sirotez avec nostalgie la beauté de l'ensemble j'ai peint tout ce qui a ému mon relief intérieur mais seulement de la manière dont je sentais j'ai aimé jusqu'à l'aveuglement Alfred Rebecca Juan le paysage du Far West qui palpitait de montagnes et de son ciel infini au rythme des battements de mon cœur je rêvais de remplir l'espace entre les deux pôles du destin New York et Nouveau-Mexique avec l'amour de l'art un courant de lave vibrant au-dessus du mont Pedernal dans mes peintures j'ai cherché avec ardeur l'abstraction des formes naturelles et j'ai rendu frénétiquement ce que je ne pouvais pas exprimer en mots sentiments et gestes rien n'est moins réel que le réalisme les détails vous éloignent de l'essence Alfred Stieglitz disait que devant le chevalet j'avais l'air d'une fleur carnivore 51

simultanément aveugle et dotée d'une vision magique projetée au-delà des sens et je me suis vidé comme une maison de briques qui se précipite hors de sa propre porte un Ranch Fantôme où l'on ressent intensément l'abîme dans chaque pore de la peau la solitude d'un mot tombé de l'ombre de la Parole de Dieu les rides en forme de montagnes de lacs et d'étoiles sur le visage d'une vieille femme Hopi l'histoire d'amour de la mort et de la résurrection dans le corps de deux cœurs siamois c'était un monde où le tissu social et l'art étaient brutalement dominés par les hommes mes camarades de classe pensaient que je deviendrais un bon professeur d'art et ils deviendront de grands artistes je courais souvent dans les rues de New York désorientée hébétée et étourdie je préférais le monde intemporel du Nouveau-Mexique arraché à l'ordo essentialis avec les cow-boys et les ossements d'animaux dans le désert plus vivant que le ciel au-dessus des nuages et j'ai essayé de faire connaître l'archipel de rêves et d'émotions qui est en moi une mousse incandescente et pure façonnée à partir des formes et des couleurs du feu qui est en moi un été j'ai commencé à attraper des centaines de papillons multicolores parmi les fleurs de cactus j'ai rêvé de les lâcher soudainement au-dessus des gratteciel de New York j'ai parfois eu l'impression que toutes les choses et tous les temps étaient réunis et que j'étais présent dans la danse des papillons partout et à tout moment 52

attirant à la lueur de l'émotion d'énormes corolles de fleurs de mon propre sang au rythme d'un temps intime qui clignote et qui transforme la vie en regard et en musique si tu prends une fleur dans ta main et que tu la regardes c'est ton monde pour un instant Suceava, 9 avril 2021

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HENRI MATISSE

j'ai connu la vraie joie qui nous tient enlacés dans la douleur et le temporel j'ai eu le goût brûlant d'une nuit d'amour et l'odeur des couleurs à l'huile et j'ai dessiné les côtes argentées d'une adolescente timide et frêle peignant ses cheveux avec un mouvement doux regardant dans le miroir au-delà je suis passé de l'art comme journal de l'âme à celui qui exprime le choc de la réalité sur ma nature intérieure avec son univers hypnotique de hauts et de bas l'art qui traduit l'émotion en une myriade de nouveaux signes et d'explosions chromatiques

je n'ai pas peint des choses j'ai peint dans la lumière seulement les différences entre les choses la peau fine et brillante qui relie le cœur au cœur du monde le fini à l'infini sous laquelle les événements attendent l'heure secrète des retrouvailles avec le regard

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le regard au parfum de nid d'abeilles et au vol rapide du condor le regard renaissant qui réécrit la vie sur la toile à travers les hallucinations et la souffrance celui qui cherche un sens plus profond dans le non-sens du monde en caressant dans le rêve un chat jaune qui tripote les poissons rouges de l'aquarium

j'ai essayé de me voir avec la même curiosité et ouverture d'esprit amour et naïveté originelle avec lesquels j'étudiais un arbre le ciel ou une pensée après que ma mère m'ait mis une boîte de pinceaux et de couleurs dans les mains à 20 ans peindre c'est oublier toutes ses idées et théories face à la réalité tailler avec amour et courage un chemin de l'âme dans le volcan du monde chercher dans les hiérarchies visibles et invisibles le pollen qui génère la lumière pour peindre une rose il faut oublier toutes les roses jamais dessinées

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Chardin Van Gogh Derain et Picasso ont perfectionné ma connaissance de moi-même et l'art d'attraper des histoires invisibles avec le miroir de l'âme d'un enfant la parole qui voit en couleur jusqu'aux profondeurs silencieuses des univers siamois dans notre jeunesse nous étions des "prédateurs" de la lumière et de la beauté absolue des "bêtes sauvages" chassées par des collectionneurs d'art avides et excentriques quand tu peins tu regardes partout la même chose dans la joie ou dans la douleur la plus belle histoire d'amour n'a pas la tendresse du pinceau

au cours des dernières années j'ai découvert avec Lydia le monde qui se déploie en moi et j'ai découpé avec des ciseaux des papiers colorés confiné dans un fauteuil roulant mais je suis resté le même dans la douleur et la joie un sauvage tatoué dans mon âme avec les couleurs de l'Afrique et les toiles d'araignée des endroits où j'ai brûlé à mort des lieux réels et imaginaires qui palpitent éternellement dans mes toiles 57

jusqu'à ce que la mousse née de la collision de la vie et de la vie de l'art recouvre mes plaies saignantes d'un monde plus pur que l'invisible

Suceava, 27 avril 2021

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KASIMIR MALEVITCH ma vie était une croix rouge sur un cercle noir une peinture suprématiste vacillante dans lequel j'ai aspiré à la sensation pure et à la musique intérieure des choses souvent déchiré par les trois identités qui m'ont été données par la naissance et le destin âme polonaise esprit ukrainien et vision russe du monde j'ai senti dès ma jeunesse que seul l'art me rendrait l'essence de mon identité l'art qui peut perdurer par lui-même au-delà du sable perfide des objets une mousse libre et pure née des vibrations de l'âme sur la surface peinte tu ne verras pas la nouvelle beauté et vérité si tu ne fais pas cracher la réalité à ton esprit le monde visible est un visage morgana qui cache les modèles idéaux de tous les êtres je n'ai pas erré trop loin dans les champs de betteraves de mon père dans les rues de Kiev pleines de magasins de sucettes et de poupées matryoshka

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dans les cafés de Moscou avec des journaux français des écrivains et des muses décolletés au lieu de cela j'ai passé des milliers d'heures à rêvasser avec Tatlin Léger Larionov et Boccioni pour capturer avec des sens débridés le saut de l'homme à Dieu à 50 ans la presse bolchevique m'a traité de peintre bourgeois et de philosophe rêveur j'ai été arrêté et torturé ils ont détruit mes tableaux et brûlé les manuscrits de ma maison dans la cour de la prison les gardiens éteignaient leurs cigarettes sur ma main souvent dans les blessures profondes et fumantes il me semblait que le visage de Staline se levait ma vie était un univers désertique qui absorbait tout le malheur du monde je ne pouvais dessiner qu'avec le sang des coups sauvages et pourtant secrètement j'essayais de verser l'huile sainte de l'amour dans mon âme troublée nous nous sommes enfermés dans un faux univers avec des choses et des concepts au lieu de sentiments

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en peignant je me sens comme une hirondelle qui touche de son aile une flèche d'or jusqu'à ce que le temps explose en mille fragments d'images et de livres aspirés dans l'orbite d'un cœur collectif venu d'au-delà du temps alors que je regarde et fixe avec émerveillement le monde qui m'entoure et je me regarde le reconstruire à partir des fragments pulvérisés de la flèche d'or détail par détail comme une écriture secrète dans le regard de Dieu nos corps ont glissé inconsciemment des corps d'origine nous n'avons plus le sens de l'espace la conscience de la quatrième dimension sur la toile les couleurs pures sont saisies par les sujets et tuées de sang-froid bientôt nous dépouillerons longuement les formes de toutes choses essayant désespérément de trouver la joie le sentiment dominant de la matière tout ce que nous avons aimé est perdu maintenant nous sommes dans un désert et il n'y a rien devant nous 61

seulement un abîme sans fin de ténèbres un carré noir dans un carré blanc Suceava, 20 mai 2021

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TAMARA DE LEMPICKA

j'étais la déesse de l'Art déco qui traversait le rouge dans une Bugatti verte livrée à de longues rêveries sur Marinetti Gide Colette ou Cocteau et secrètement amoureuse de Rafaela avec ses boucles ioniques tordues sur les joues j'étais un paria célèbre un sujet de scandale et un éternel exilé errant souvent au-delà des frontières d'une patrie imaginaire dans un endroit où du sol sous mes pieds nichaient deux oiseaux migrateurs l'amour et l'art.

enfant à Varsovie je reflétais mon visage dans les eaux claires de la Vistule en regardant en rêve mon contour souligné par le halo d'un saule pleureur et j'essayais de le séparer des autres images qui occupaient l'espace de Narcisse les bâtiments pittoresques et colorés de la vieille ville et les bouleaux

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je suis resté à vie un enfant du miroir et de l'ordre archétypal une image sensuelle qui se fraye un chemin à travers les tentacules d'un univers fantôme un talisman pour empêcher le cœur de s'éloigner de moi

il n'y a pas de miracles il n'y a que ce que tu peux faire avec tes mains tu dois juste être libre et te débarrasser de toutes les images qui t'assaillent toutes les forêts d'yeux qui essaient de s'imprégner de ta sève dans la rêverie ou le rêve apprendre à se voir dans toutes les autres créatures et vice versa pour chercher avec une âme ouverte au-delà des feuilles de l'espace et du temps dans le soi éternel le point virtuel et la boule entière de l'univers tu ne deviendras rien d'autre que ce que tu as été de toute éternité4

j'ai connu la passion qui embrase le temps dans l'espace des sens excités 4

Phrase de l'école d'Eckhart.

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des hommes et des femmes se sont relayés pour brûler dans mon lit au bord du monde j'ai aimé et peint des rois et des prostituées tout ce qui m'inspirait et me faisait vibrer j'ai apprécié l'élégance et les bracelets de diamants les costumes offerts par Coco Chanel les murmures diaboliques selon lesquels la Baronne au Pinceau n'est qu'une petite patate chaude consommer dans les maisons princières ou les boîtes de nuit lesbiennes ignorant que neuf heures par jour mon âme coulait sur la toile comme un volcan en éruption

j'étais une femme indépendante qui n'a jamais trouvé sa place sur la carte de la Pologne à la Russie de la Russie à la France de la France aux États-Unis des États-Unis au Mexique je n'étais enchaînée que par mes peintures attrayantes précises et terminées depuis longtemps j'aimais vivre à la frontière entre la réalité et l'irréalité me jeter frénétiquement dans la vague qui porte les germes des vies non vécues retrouver les lignes de force de mon visage et de mon corps originels

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et regarder mon moi lumineux et pur toucher par toucher lettre par lettre son par son

Suceava, 29 mai 2021

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PIET MONDRIAN

je n'ai jamais oublié les formes de pensée de la cité médiévale de l'enfance la clarté et l'austérité induites par les vieilles maisons de briques rouges les ponts de pierre sur la rivière Amer les arches et les églises gothiques les remparts et le mystérieux escalier en colimaçon de la Tour de la Dame où je me réfugiais pour chercher les moulins à vent au cœur de la matière et effleurer les contours criards des choses convaincu que l'art doit être au-dessus de la réalité visible

pour faire de l'art il faut penser fiévreusement avec le corps et l'esprit me disais-je dans ma jeunesse avec mon chevalet devant l'Arbre rouge jusqu'à ce que je voie le monde - composition de lignes verticales horizontales et diagonales le monde dominé par des espaces blancs comme une peau de léopard soyeuse

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puis j'ai couru jusqu'à la Tour de la Dame et j'ai vu : le ciel ne disparaît pas quand les choses qu'il contient disparaissent à l'improviste des hiéroglyphes de sang et de rêve s'insinuant par les pores ouverts de la toile blanche

je ne sais pas non plus comment la vie s'écoulait dans les ateliers de Paris et de New York isolée des horreurs de l'histoire entre une toile et un verre entre amis entre l'étreinte d'une femme et l'extase d'un bon cigare je sentais de plus en plus que les peintures abstraites comme Broadway Boogie-Woogie étaient une matérialisation de la musique de jazz que j'écoutais sur le gramophone le temps s'écoulait comme un rappel négatif du paradis et je cherchais l'état du fruit dans le blanc éclatant des choses non saisies

j'ai enduré le froid du studio la solitude et la méfiance et j'ai travaillé pendant des années jusqu'à ce que ma peau se fissure et que mes doigts gonflent à la recherche de la beauté et de la vérité universelle 68

encouragé par ceux qui croyaient que le contenu le plus profond du monde était les mathématiques la plupart d'entre vous m'ont dit que je détestais la nature et les sentiments mais j'ai essayé de percer le mystère de la nature et d'offrir une nouvelle image du monde avec la même cadence mathématique et plastique que l'hélice d'un moulin à vent

j'ai quitté Picasso Braque et Van Gogh pour me retrouver moi-même et pour découvrir mon chemin plastique vers la vérité universelle un escalier en colimaçon vissé au cœur profond et intime du cosmos avec des rampes vertigineuses aux couleurs jaunes rouges et bleues où le ciel descend avec des yeux dévorants dans le grand chant de l'amour et enfin j'ai reconstruit de mon sang et de mes rêves la Tour de la Dame pour incarner par le rythme et l'harmonie la vérité abstraite du fondement des choses Suceava, 10 juin 2021 69

SALVADOR DALI

Le Divin Dali n'a jamais été le bouffon qui a tenu en laisse le léopard Babou (un chat tout à fait normal sur lequel j'ai peint mon âme de félin en goguette) le génie hallucinogène à la fine moustache tordue inspirée de Velazquez qui descendait dans les expositions en scaphandre une queue de billard à la main le peintre irrationnel et excentrique qui rêvait d'Hitler en femme plongeant follement parmi d'authentiques fantômes paranoïaques j'ai vécu dans une photographie et le silence intérieur avait des profondeurs et des reliefs criards

Le Divin Dali portait sa croix d'être né en double mes parents suggéraient que j'étais l'incarnation de mon frère Salvador et toute mon existence était une flamme agonisant sous le signe de sa mort prématurée depuis mon baptême dans l'église Saint-Pierre de Figueras

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et jusqu'aux derniers jours passés dans un fauteuil roulant au château de Pubol essayant de peindre de ma main droite tremblante "La Queue d'Hirondelle" mon enfance mon adolescence et toute ma vie érotique avaient un air funèbre

Le Divin Dali était un disciple passionné et parfait de la Souffrance je devins un jeune hors-la-loi un grand masturbateur et un voyeuriste avide après avoir enfant feuilleté un livre sur les maladies vénériennes chez les femmes l'amour charnel était une horreur je n'ai fait l'amour qu'à l'âge de 25 ans avec Divina Gala une nuit mon ange gardien a été mordu par le Chien Andalou le miel est plus doux que le sang séché sur des voiles recouvertes de lin avec des cauchemars gelés qui atteignent les profondeurs de la conscience humaine

Le Divin Dali n'était pas Avida Dollars il aimait simplement l'argent comme un mystique

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l'argent et l'amour sont des créatures jumelles purement surréalistes que j'invitais souvent dans la maison et à qui je mettais de fausses moustaches c'est autour d'eux que mon génie s'est développé comme la spirale logarithmique de la corne de rhinocéros ou comme les lèvres charnues et en colère de Mae West dans un monde sous le manteau de Freud et du Dieu du Commerce séduit par les tremblements de terre intérieurs des rêveries délirantes

Le Divin Dali a traversé le monde en glissant dans des montres à gousset fondues avec les moments mystérieux et allongés dévorés par les fourmis d'Einstein et aimait les artistes qui se coupaient les veines chaudes et fantomatiques pour sentir avec toute leur ardeur comment jaillissent les courants souterrains de l'histoire avec Picasso Miro Magritte j'étais de plus en plus lucide et brisé de plus en plus de perfection dans mes dents serrées

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la peinture était une partie infiniment laborieuse de ma vie intérieure

Suceava, 29 juin 2021

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LEONORA CARRINGTON

j'ai toujours eu peur de moi : je ne savais pas où j'allais et j'avais l'air effrayé avec mon œil droit dans le télescope et mon œil gauche dans le microscope la peinture était mon seul moyen de passer d'un monde à l'autre j'ai toujours eu accès à d'autres mondes au moins par la rêverie ou le rêve et j'ai essayé de capturer en lignes et en couleurs des choses qui ne peuvent pas être exprimées l'univers celtique plein de magie plein de symboles animaux et de mythes j'étais le cheval blanc qui traversait le cercle de feu dans les yeux de la hyène

j'ai toujours eu peur de moi : j'ai toujours pensé que je portais le visage de quelqu'un d'autre face aux Dieux j'ai commencé à danser dans le crépuscule grotesquement déguisé dans mon cœur tout semblait paralysé seule la lumière tournait en rond

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je suis seul et malheureux mais je porte fièrement ma dernière peau et je ne sens sur mon corps que les caresses du temps aux mille doigts j'ai été seul toute ma vie mais je n'ai pas souffert de la solitude j'ai souffert de l'idée que les gens qui ne m'aiment pas me volent ma solitude

j'ai toujours eu peur de moi-même : Max le seul homme que j'ai aimé m'a fait croire que dans un univers infini il y a un nombre infini de mes copies depuis je me demande si je ne suis pas simplement l'une de ces imitations peut-être que le flux de la création originale ne coule plus dans mon sang et mes tableaux ne sont que des répliques parfaites je ne reconnais plus mon visage ailé qui se reflète dans des myriades d'autres visages une salamandre mexicaine jaillissant de la mystérieuse lave de la vie revenue de la mort

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j'ai toujours eu peur de moi : l'espace pourrait être une illusion et mon unique histoire d'amour brutalement interrompue par l'histoire suivie d'une dépression nerveuse et d'électrochocs s'est déroulée une infinité de fois dans d'autres univers mais j'aime à penser que le sentiment est unique et ne peut être multiplié un manuscrit génétique d'un alphabet celtique avec des lettres de noms d'arbres qui tisse dans le ciel et la terre ses histoires magiques de chair et de sang

j'ai toujours eu peur de moi : je suis descendue dans le jardin tranquille avec des lauriers nés de la couleur la plus pure et des créatures transparentes qui s'incarnaient dans mes mots hallucinogènes d'amour et de mort et peignaient pour moi les détails les plus intimes du rêve des arbres avec des fruits-licorne des femmes avec des manteaux d'oiseaux et des êtres globulaires l'art est une magie qui fait s'entrecroiser frénétiquement les heures 77

et même dissoudre les jours en secondes jusqu'à ce que tout devienne lumière

Suceava, 17 juillet 2021

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EDVARD MUNCH

révéler ton visage pour voir le visage d'une chose dans son intimité la plus profonde capturer son émotion et sa tension dans un dessin dur et dramatique aux couleurs-dynamite essayer de ramener la réalité à l'essentiel et d'approfondir la réalité de l'âme les lignes de force du cri intérieur chargées de silence et de mystère tout ce que j'ai peint est un rappel des pages tournées dans les profondeurs de l'être où je me suis réfugié pour oublier la maladie et la mort qui menaçaient ma famille ce n'est pas par hasard que j'ai peint un autoportrait avec un bras-squelette

j'ai essayé de ressentir la perception simultanée de tous les mondes qui se croisent se multipliant et s'annulant à l'infini dans mon âme tourmentée je n'ai pas voulu me tenir au carrefour des pensées et me rappeler à moi-même 79

le visage de ma mère mourant de la tuberculose quand j'avais cinq ans ma sœur folle mon père colérique et impitoyable saisi d'une lugubre exaltation religieuse qui a volé mes peintures de nus et les a brûlées dans la cheminée de la maison froide pour m'éloigner de moi de mes maladies de mes peurs et de mon ego criard

je n'ai jamais imaginé la nature sans les promontoires de l'âme traversant le pont fantomatique entre la réalité et le rêve j'ai entendu le cri un éclair de lignes concentriques sous la peau incandescente de la matière comme Léonard disséquait les cadavres et moi les âmes en détail j'ai peint des êtres vivants qui respirent sentent souffrent et aiment dans la danse de la vie et j'ai perçu chaque tache de couleur comme la vibration d'une aiguille de phonographe la souffrance et la musique font partie de moi et de mon art

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j'ai connu la misère dès mon plus jeune âge mais j'ai cultivé mon goût pour la peinture pendant longtemps avec les expériences de Gauguin Van Gogh Poe Strindberg Nietzsche Ibsen et Grieg les meilleures œuvres jaillissent hypnotiquement de la lave de l'abîme intérieur des histoires et des mythes de l'enfance des rêves volés par les anges de la peur et de la mort qui me surveillent sans cesse depuis le jour de ma naissance dans le village d'Adalsbruck apportant des nuages de plus en plus sombres à l'horizon de ma vie pour être peintre il faut oublier le cri et travailler avec des rayons de lumière

j'ai passé toute ma vie au bord d'un abîme j'ai vécu suspendu entre deux visages parallèles le visage vivant en moi et le visage mort en face de moi tombé dans le monde à partir du mot originel j'ai toujours eu le sentiment de vivre parmi des êtres à moitié disparus

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parfois je me taillais les veines pour voir si le sang coulait encore l'art la littérature et la musique naissent et renaissent dans le sang de ton cœur là où s'arrête le cri de la nature commence le cri du moi Suceava, 27 juillet 2021

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JOAN MIRÓ

je ne pensais pas apprendre à me séparer du corps d'origine la seule façon de vivre dans un monde brisé à la dérive je suis devenue l'homme-fendu qui n'existait que dans les moments où je peignais et j'aimais j'écoutais l'inaudible dans l'âme gothique et les signes du carnaval des arlequins et je sentais dans chaque objet un être vivant une cigarette ou une boîte d'allumettes contient souvent une vie mystérieuse plus intense que celle d'un être humain je cherchais ardemment le lieu au-delà du verbe être

mon enfance dans un quartier gothique a construit dans mon cœur l'échelle de l'ascension spirituelle les hallucinations provoquées par la faim m'ont permis d'approfondir le côté magique des choses assis à l'affût à côté d'un cheval d'une pipe et d'une fleur rouge quand je peignais je ne devenais qu'un avec toutes les choses visibles et invisibles

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et je me voyais dans tous les êtres de la terre et du ciel l'art m'a sauvé de la solitude et des crises de dépression prolongées chaque jour j'invoquais l'inspiration comme des lucioles attendant que l'obscurité s'enflamme

dans les périodes sombres et sans racines une peinture doit faire des étincelles briller comme la beauté d'une femme ou d'un poème elle est conçue avec le feu de l'âme mais elle est réalisée avec une froideur chirurgicale j'essaie d'appliquer les couleurs comme on applique des notes sur un portable une simple ligne tracée au pinceau m'a rendu libre et heureux pour gagner la liberté il faut d'abord gagner la simplicité la peinture est une musique inaudible un son matérialisé en milliers de nuances

avec des formes vues dans le plafond en œil de crabe fait de milliers d'unités optiques je construisais un jardin dans la tête d'un paysan catalan d'où jaillissaient à l'infini

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des milliers d'archétypes des constellations de formes organiques et de formes géométriques planes nous jouions aux dés avec Tzara et Picabia à la frontière du visible et de l'invisible et buvions de l'absinthe avec Hemingway et mon ange gardien Pilar essayant ensemble d'assassiner la culture académique sous le bleu irréel de Palma de Majorque le temps s'est envolé avec des flèches brillantes

aujourd'hui nous nous sommes éloignés des essences de vérités ultimes et de valeurs immuables le lien secret entre Dieu et l'inconscient de Jung est ébranlé tout n'est qu'image simulation rhétorique et histoire falsifiée la crise s'aggrave et l'indifférence muette des masses s'accroît l'art devient une industrie une transaction économique à la bourse l'univers n'est plus la manifestation de la pensée divine bientôt je serai banni de tous les mondes avec un pinceau inutile à la main

Suceava, 6 août 2021 85

REMEDIOS VARO

j'étais une femme-enfant dont les veines s'épanouissaient dans des espaces qui nous dépassaient avec des paysages tremblants aspirés par le vaste son de la flûte et des êtres de matière éthérée jaillissant de ma chair fondue de désir une créature de plasma chaud une oasis bleutée translucide et nébuleuse d'où s'abritaient des visages en forme de cœur de femmeschouettes et d'hommes-chrysalides des orchestres avec portatifs faits d'ossements de personnes disparues depuis longtemps ma vie était un rappel douloureux d'un court-circuit entre deux mondes

j'étais une histoire catalane de lignes et de formes un palimpseste hors du temps écrit par des mystiques russes de Bosch et De Chirico de Goya et Poe de Matta et Bach une femme aux ailes de chauve-souris expulsée du jardin des délices terrestres

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une apparition surréelle et ectoplasmique dans la Colonia Roma de Mexico à la recherche de la quatrième dimension dans un état de sommeil éveillé de plus en plus profond essayant de dépecer les chrysalides des corps de mes amies Kati et Leonora et en m'asseyant à la table avec les vampires végétariens et les chats dans mes toiles

j'étais une salamandre agile échappée d'un couvent née des esquisses perdues d'un peintre de la Renaissance dont j'ai hérité l'harmonie les nuances tonales et les structures narratives j'ai trouvé dans les eaux profondes la sérénité et la magie de la géométrie sacrée les vagues qui vous font vibrer et oublier la solitude collective du dessus une façon de respirer dans le tourbillon du danger et de communiquer l'incommunicable oublier que l'homme vit sa vie dans le sommeil et meurt dans le sommeil5

5

D'après les textes du mystique russe G. I. Gurdjieff, aimé par l'artiste.

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j'étais une tache de sang dans un vieux laboratoire d'alchimie un nid incandescent de couleur avec de globules rouges et blancs élevés par des anges-chrysalides parmi les cornues et les alambics de cristal un dessin en relief comme un cocon de soie d'où émergent des papillons ivres de solitude j'ai toujours peint avec le sentiment d'une architecture invisible j'ai utilisé la ligne-talisman pour capter les mouvements de tout et j'ai niché dans la lumière mon cœur aux yeux immenses mutilés par l'histoire

j'étais le regard dans les yeux en amande de l'inexistant le néant enfoncé dans le néant d'où naissent le monde et l'art le grain de pollen du mystère avec des tons allant de l'éclatant au sombre un nid d'abeilles de formes qui déverse sa lave multicolore dans des âmes-fontaines une créature sonore qui rêve de s'incarner dans une cathédrale gothique

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dans les mains fines et transparentes d'un peintre d'icônes dans mon regard ressuscité des morts de tous les temps

Suceava, 25 août 2021

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JEAN-MICHEL BASQUIAT

fatigué au point de désespérer des murs blancs du vin blanc et des gens blancs enveloppé jusqu'au cou dans des cassettes vidéo de vieilles poupées et instruments de musique africains j'ai senti les catastrophes de la vie moderne couler le long de ma colonne vertébrale ne pas penser du tout à l'art tout en travaillant rêver à la chienne de vie la rue est plus authentique et vivante qu'une académie d'art je n'ai pas oublié les rayures sur les banquettes de Washington Square Park imprimées dans la chair de l'adolescence ni les bottes dures des policiers

les femmes que j'ai aimées m'ont dit que j'avais une sexualité multicolore je me souviens de toutes les nuits où j'ai fait l'amour avec Venus Madonna dans un lit avec des notes de musique enceintes de milliers de crânes africains ne vous faites pas d'illusions je n'ai toujours été fasciné que par l'intelligence et la douleur 91

des prophètes et des athlètes des guerriers et des musiciens des rois et des artistes j'ai vu le monde à travers les têtes et les crânes multicolores des héros et des saints et j'ai cherché le Roi Zulu dans les sons de Charlie Parker et de Jimi Hendrix

les garçons de ma peinture ne deviennent pas des hommes ils se transforment rapidement en squelettes et en crânes il n'est pas mauvais de mourir jeune on laisse derrière soi un cœur d'enfant et un beau cadavre les amis vivants sont plus inspirés quand ils font du noise rock et ils continuent à recouvrir les manoirs des milliardaires de Wall Street avec des graffitis de SAMO les copines roulent dans des Cadillacs neuves avec des plaques neuves achetées d'occasion par des Africains d'Hollywood6 mais la nuit les dents des disparus occupent les espaces intimes entre deux caresses

chaque jour je compose au hasard des numéros de téléphone pour appeler l'oiseau de paradis 6

Le titre d'un tableau de Basquiat.

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je vis dans un monde de tabloïds qui rencontre la tragédie au coin de la rue la présence est une absence un trou béant dans l'âme collective les galeristes et les collectionneurs d'art sont de plus en plus avides et hystériques je ne porte ni couronne ni chapeau ni auréole des mots des lettres des chiffres des pictogrammes des diagrammes des symboles des cartes mon monde devient de plus en plus indéchiffrable un crâne-comet

fatigué au point de désespérer des murs blancs du vin blanc et des gens blancs je vous offre sur un plateau tout mon monde intérieur né dans la rue les empreintes éthérées du Madison Square Garden et de Manhattan le téléphone du suicide et la collection de soutiens-gorge de dizaines de petites amies blanches le sourire inconscient de ma mère dans une clinique psychiatrique le regard doux d'Andy Warhol après que je l'ai transposé sur la toile

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personne n'aime un enfant brillant avec un septum criblé d'anxiété et de cocaïne

Suceava, 21 septembre 2021

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ANDY WARHOL

ma vie a été une tentative d'oublier par l'art mon enfance secouée par la tuberculose et la danse de Saint-Vitus avec des mouvements spontanés et des convulsions du visage et des jambes la danse qui a transformé ma vie intérieure en un moulin à illusions et m'a fait découvrir des îlots d'émotion dans des objets quotidiens qui vous ennuient une boîte de soupe Campbell une bouteille de Coca-Cola un pot de ketchup un billet de banque peut-être le monde évolue-t-il aussi dans une danse involontaire vers le Désastre et la Mort7 pendant que des amis pissent sur mes coûteuses toiles traitées à l'oxyde de cuivre

j'aimerais être une bague au doigt de Liz Taylor pour ne pas ressentir avec amertume l'état d'être seulement à moitié présent dans ma propre vie haletante filmée et photographiée en détail cadre par cadre

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Titre d'une série d'œuvres d'Andy Warhol.

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cachée dans des moments de solitude dans des centaines de capsules temporelles remplies de magazines et de livres reçus de taxis balles extraites de la poitrine des mèches d'hommes aimés des pilules multicolores des bouteilles et des boîtes de conserve vides cesser de vivre avec le sentiment de regarder la télévision plutôt que de la vivre

j'étais une personne profondément superficielle je ne lisais pas de livres je regardais seulement des images l'image était le sanctuaire où je m'agenouillais comme devant ma mère au lieu d'une croix je portais un appareil photo Polaroid autour du cou mon atelier et ma maison étaient assiégés de photographies et de reproductions je dormais avec mes deux chiens dans un lit où figuraient Elvis et Marilyn la jambe momifiée de l'Égypte ancienne flottait dans une marée de photos de journaux je n'étais qu'une image perdue au cœur des choses qui font l'image

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j'étais déguisé en banquier ou en clown les cheveux en désordre et le regard fixe pour que vous ne voyiez pas ma courte ligne de vie et les profonds fossés de larmes le corset chirurgical porté après l'attentat de la Factory de Valérie les dents du vampire dans les sons stridents de la vie quotidienne la couleur du désespoir dans les recoins secrets du moi la solitude masturbatoire de l'arène brûlante de la gloire l'échelle des vertus détonée par l'art de faire de l'argent

faire de l'art c'est mourir en partie et ressusciter en entier trouver l'explosion de la vie dans un grain de poussière les feux de la joie au cœur des choses qui nous sont proches la beauté qui jaillit entre les bottes sales la laine de verre et les rats l'image est une fleur de cerisier tordue entre le mot et l'abîme l'art ne peut exister sans moments de communion providentiels

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lisez ce poème et nous donnerons à Severin un quart d'heure de gloire

Suceava, 3 octobre 2021

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LOUISE BOURGEOIS

toute ma vie mes sentiments ont été des couteaux à double tranchant amour pour ma mère et haine pour mon père qui aimait la gouvernante le sujet de la vulnérabilité et de la peur était mon affaire l'art est une garantie de santé mentale pour une femmegage j'ai appris à mes mains à concevoir la Destruction du Père8 mais à sa mort toute haine s'est transformée en l'amour le plus pur pour être artiste il faut quotidiennement abandonner son passé

je ne suis pas ce que je suis je suis ce que je fais avec mes mains mon autoportrait est une main tendue par besoin de réconfort et d'affection pour me protéger j'ai creusé un terrier d'échecs et de terribles besoins

8

Titre d'une installation de Louise Bourgeois.

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dans lequel j'ai caché mon enfance une fata morgana aux cuisses de maisons fragiles un sphinx sans tête avec des griffes puissantes et une poitrine avec des seins de loups9 prête à s'échapper par de vieilles fenêtres et de vieilles portes vers des réalités multiples pour être artiste il faut exister dans un monde de silences parlants

j'ai rencontré dans la vie des êtres pleins d'yeux qui vont et viennent tout autour et à l'intérieur Léger Matisse Rothko De Kooning et Pollock ils m'ont fait croire que l'art est plus moral que les théories morales ils m'ont tendu la main dans les moments de feu et j'ai essayé de leur rendre leur regard tous les êtres vivants de ma vie assemblés par la main de Dieu rien ne meurt quand le cœur est l'œil au-delà de tout pour être artiste il faut vibrer dans ton âme les Vies des Peintres

9

Description d'une sculpture de Louise Bourgeois.

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j'avais peur du pouvoir et je m'identifiais toujours à la victime j'ai cherché partout la mère-araignée pour reconstruire ma toile des sentiments et pour chasser mes visions emprisonnées par la solitude et l'effondrement intérieur l'acte de couture est un processus de réparation émotionnelle un dessin réalisé directement sur le relief du regard de l'ange gardien la caresse d'un aveugle sur la rétine de l'enfant à naître pour être artiste il faut que dans ton regard résonnent les regards des morts

dans l'enfance j'ai appris à descendre dans l'inconscient par les mains de ma mère des mains qui tordaient avec grâce l'essence du monde pour en faire une tapisserie et j'ai rêvé d'araignées géantes tissant des îles transparentes où les hommes-miroirs ne se suicident plus dans FemmeMaison10 l'art s'incarne du souffle des anges au rythme du jazz 10

Titre d'une série de peintures de Louise Bourgeois.

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la mémoire devient le mortier fluide entre Montmartre et le Paradis pour être artiste ton souffle doit être un couteau d'archange à double tranchant

Suceava, 10 octobre 2021

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JACKSON POLLOCK

j'ai toujours été fasciné par l'énergie et le mouvement rendus visibles enfant je dormais avec mes frères sous le ciel ouvert et j'observais les comètes des lignes de couleur et de mystère dansant librement dans l'espace infini l'univers s'écoulait de façon torrentielle à travers mes vaisseaux capillaires dans mon âme perçaient des totems amérindiens les cow-boys des plaines désertiques environnantes je suis la nature et la pluie d'étoiles dans mon cœur est l'essence de la nature

j'ai été un bûcheron un laveur de statues et un voleur de pain et j'ai vécu des événements qui vous font sentir votre cœur comme une pointe d'aiguille dans mon adolescence j'étais un rebelle avec une moustache et des vêtements anticonformistes renvoyé de l'école et rayé de la liste sélective des personnes ayant un ange gardien

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tandis que mes parents s'envolaient à Cody dans un carrosse de Chagall leurs ongles noirs de terre et leurs visages blanchis par la chaux et la foudre je suis la nature et le monde déchu dans mon cœur est l'essence de la nature

la peinture est une chirurgie du corps à l'extérieur du corps une découverte de soi un déversement de soi dans le Grand Canyon de l'au-delà on ne peint que ce que l'on est dans la réalité profonde j'avais l'habitude de dire aux jeunes artistes alors que je buvais jusqu'à plus soif dans la Cedar Tavern et que j'inventais des histoires de cow-boys du Far West de loups blancs d'Indiens de mines d'or désertées et ils me touchaient avec piété en pensant que je leur porterais chance je suis la nature et la lumière qui tombe de mon cœur est l'essence de la nature

le soir j'avais l'habitude d'arrêter ma voiture au bord de la ville de New York

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pour admirer le contraste entre les lumières vibrantes des gratte-ciel et leurs ombres immenses et sonores jusqu'à ce que Lee Krasner ou Ruth Kligman se promènent dans les hiéroglyphes enflammés de mon inconscient un ami m'a dit que j'étais né avec un trop gros moteur interne pour atteindre un but je pourrais écraser une montagne avec un marteau de forgeron je suis la nature et le son qui tombe de mon cœur est l'essence de la nature

devant une toile blanche la joie est la roue à rayons d'or tout ce qui t'entoure perd son nom et sa forme et devient vibration tu oublies que tu travailles dans une écurie sans chauffage ni lumière électrique seulement avec le Capitaine Achab à tes côtés ton chien fidèle tu ne sais plus qu'il y a la terre le ciel l'espace et la flèche du temps le monde est tissé par des forces inconnues sur le visage lumineux de la mort

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je suis la nature et la pluie des taches de couleur dans mon cœur est l'essence de la nature

Suceava, 19 octobre 2021

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LUCIAN FREUD

j'ai placé le visage à la frontière du rêve et le corps au centre de la vie psychique séduit au point de me perdre par le regard intense et profond des corps la peau est un texte indéchiffrable avec des milliers d'yeux ouverts dans tous les pores mon art est une cartographie de la chair une évocation de l'origine corporelle du moi j'ai toujours erré dans les cartes de l'épiderme à la recherche du Saint Graal j'ai communiqué et aimé uniquement en peignant l'abjection et la beauté j'ai rencontré le monde dans le rythme magique de chaque tache de couleur

j'ai toujours essayé de faire seulement ce que je ne pouvais pas faire j'ai voulu signer ardemment la seule peinture jamais réalisée je peins lentement il faut du temps pour laisser l'inconscient choisir les couleurs

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que j'ai trouvées quotidiennement dans les oiseaux chanteurs d'Angleterre je me suis laissé ravir par l'alchimie de la communion entre l'artiste et le modèle par l'imprévisibilité la densité et la vérité de la vie intérieure j'ai rencontré le monde dans un toi illimité

je ne voulais pas être vu dans mon travail pas plus que Dieu dans la nature mon grand-père Sigmund m'a appris que l'homme n'est rien et que l'œuvre est tout et pourtant pour moi l'homme derrière le chevalet était égal à l'œuvre l'homme à la peau d'écume de mer à l'homme à la peau de coquillage la peau avec ses protubérances avec sa propre histoire et sa propre mémoire vibrant entre Éros et Thanatos comme les ailes d'un ange à la dérive j'ai rencontré le monde dans la faille psychique de la peau de l'autre

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j'ai peint les gens tels qu'ils sont je n'ai pas couvert le sexe de feuilles de figuier et j'ai tâté avec avidité la vérité que leur peau avec orifices est le miroir du moi l'endroit où l'intérieur rencontre l'extérieur où le moi rencontre la société où la durée est la communication par le toucher la vue la musique et l'amour j'ai senti que nous étions en train de nous changer moi et le modèle après des milliers d'heures de travail toute connaissance modifie d'une manière ou d'une autre l'objet connu j'ai rencontré le monde dans le parfum d'un couple enlacé

j'ai cherché mon moi dans la faille entre l'éclat épidermique de la lumière et la lumière beaucoup plus profonde et clignotante des yeux chaque tableau est un totem dans lequel tu gardes ta vie et ton âme les plis de la mémoire les textures les touchers le goût les sons et l'odeur les choses qui durent n'ont ni début ni fin

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l'art est une forme de psychanalyse une voie d'accès à l'architecture invisible de l'être j'ai rencontré le monde à travers la peau des femmes et des hommes que j'ai aimés

Suceava, 25 octobre 2021

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À PROPOS DE L’AUTEUR Constantin Severin est écrivain et artiste visuel, fondateur et promoteur de l'expressionnisme archétypal, un mouvement artistique d'impact mondial, qu'il a fondé en Bucovine en 2001. Diplômé de l'International Creative Writing Course de l'Université de l'Iowa, il a publié quatorze livres de poésie, des essais et des romans. L'un de ses poèmes a été inclus en 2014 dans l'anthologie de World Literature Today, „After the Fall of the Wall : References from Central Europe (1989-2014)”, qui visait à faire connaître la littérature d'Europe centrale à l'occasion du 25e anniversaire de la chute du mur de Berlin. En 2022, il a remporté le prix international de poésie „Aco Karamanov” en Macédoine du Nord pour son manuscrit du recueil de poèmes Les Vies des Peintres, et en 2023, il a reçu le prix "Sur les traces d'Orphée" au Festival International de Poésie "Orphée" à Plovdiv, en Bulgarie. Site web : http://constantinseverin.ro

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Du même auteur (sélection)

Le dimanche des choses réelles (poésie), Junimea, Iasi, Roumanie, 1984. Mur et Neutrino (poésie, édition bilingue roumain/anglais, traduite par Liviu Martinescu), Vlasie, Pitesti, Roumanie, 1994 ; le poème a été inclus tel quel dans l'anthologie La poésie roumaine actuelle de Marin Mincu, Pontica, 2000 et certains fragments dans l'antologie After the Wall Fell : Dispatches from Central Europe (1989-2014), World Literature Today, 2014 ; le poème a remporté le prix de la Fondation culturelle de Bucovine. Improvisations sur une clé armonique (poésie), Axa , Botosani, Roumanie, 1998. La ville alchimique (poèmes sélectionnés), Dacia, Cluj-Napoca, Roumanie, 2002 ; prix décerné par la Fondation culturelle de Bucovine, 2003. L'empire sacré. Monastères et églises en Moldavie du Nord (essais), Paralela 45, Pitesti, Roumanie, 2003. Le bibliothécaire de l'enfer (roman), Cartea Românească Educațional, Iași, 2019. En novembre 2020, le roman a reçu le prix „Le livre de l'année 2019” décerné par l'Union des écrivains roumains-Association Bacău et par le Festival international "Vrancea Literară". Mur et Neutrino. Le poète à New York (poèmes sélectionnés), avec une préface de Manrico Murzi et un commentaire en quatrième de couverture d'Andrew Singer, Cervena Barva Press, Etats-Unis, 2021.

Les villes de Giorgio de Chirico (poésie), édition bilingue roumain/anglais, avec un commentaire sur la quatrième de couverture par Norman Lock, Cyberwit Press, Inde, 2021. Andrew Singer a publié une critique dans World Literature Today en septembre 2021. Les vies des peintres (poésie), avec une préface d'Ovidiu Pecican et une postface de Toti O'Brien (USA), Eikon, Bucarest, 2022. Le poème "Vassily Kandinsky" a été publié par World Literature Today en mai 2022. L'amant de Sabato (roman), avec une postface de Felix Nicolau, Eikon, Bucarest, 2022.

TABLE Préface: Le fabuleux « musée imaginaire » d’un Roumain . ............................................................................................ 5 YVES KLEIN ................................................................. 11 FRANCIS BACON .......................................................... 15 ION ȚUCULESCU ......................................................... 19 FRIDA KAHLO .............................................................. 23 GIORGIO DE CHIRICO ................................................. 27 HILMA AF KLINT ......................................................... 31 VASSILY KANDINSKY ................................................ 35 LIN FENGMIAN ............................................................. 39 PAUL KLEE .................................................................... 43 PABLO PICASSO ........................................................... 47 GEORGIA O'KEEFFE .................................................... 51 HENRI MATISSE ........................................................... 55 KASIMIR MALEVITCH ................................................ 59 TAMARA DE LEMPICKA ............................................ 63 PIET MONDRIAN .......................................................... 67 SALVADOR DALI ......................................................... 71 LEONORA CARRINGTON ........................................... 75 EDVARD MUNCH ......................................................... 79 JOAN MIRÓ .................................................................... 83 REMEDIOS VARO ......................................................... 87 JEAN-MICHEL BASQUIAT .......................................... 91 ANDY WARHOL ........................................................... 95 LOUISE BOURGEOIS ................................................... 99 JACKSON POLLOCK .................................................. 103 LUCIAN FREUD .......................................................... 107

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Structures éditoriales du groupe L’Harmattan L’Harmattan Italie Via degli Artisti, 15 10124 Torino [email protected]

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Constantin Severin

Les vies des peintres est un recueil de poésie spécial qui comprend vingt-cinq poèmes (à la frontière entre l’écriture ekphrastique, l’essai, la poésie et la confession) dédiés à des peintres célèbres du XXe siècle. Sa version anglaise (que l’auteur a lui-même traduite ici) a remporté le prestigieux Prix international de poésie Aco Karamanov en 2022 (en compétition avec cent soixante-dix-neuf poètes du monde entier), et il a été traduit en langue macédonienne et publié en Macédoine du Nord. Le poème « Vassily Kandinsky » a été accepté par World Literature Today et d’autres ont été inclus dans d’importantes anthologies et magazines littéraires dans le monde entier.

Constantin Severin est écrivain et artiste visuel, fondateur et promoteur de l’expressionnisme archétypal, un mouvement artistique d’impact mondial, qu’il a fondé en Bucovine en 2001. Diplômé de l’International Creative Writing Course de l’université de l’Iowa, il est l’auteur de recueils de poésie, d’essais et de romans. http://constantinseverin.ro

Les vies des peintres

Les vies des peintres

Les vies des peintres

Constantin Severin

Préface d’Elena-Brândușa Steiciuc En couverture : Francis Bacon, oil&acrylic on canvas, 80x60 cm, © Constantin Severin.

ISBN : 978-2-14-048699-9

14 €

Témoignages Poétiques