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French Pages [234] Year Paris
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The Estate of Louis H. Brush
Professor James Librarian
of his Father mlz
Alpheus Brush
of Mount
Union
College
1869-1873 RAT
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TOTES ATT INNA
LES CLASSIQUES FRANCAIS DU MOYEN AGE
LE ROMAN DE RENART BRANCHES
VII-IX
Renart et le corbeau. Le viol d’Hersent. L’ « escondit ». Le duel de Renart et d’Isangrin. Le pélerinage Renart. EDITEES
D’APRES
LE
MANUSCRIT
DE
CANGE
PAR
MARIO
ROQUES
PARIS LIBRAIRIE
ANCIENNE
HONORE
CHAMPION,
7, QUAI MALAQUAIS (VI°)
1955
EDITEUR
MOUNT UNION COLLEG ~~ LIBRARY
Tous droits de tvaduction et de veproduction réservés pour tous les pays,
y compris la Suéde, la Norvége, la Hollande et le Danemark.
INTRODUCTION
LEs BRANCHES
VII-IX
DE RENART.
—
Le manuscrit
de
Cangé ou ms. B (Bibl. nat., fr. 371), dont nous continuons a suivre exactement
les dispositions,
aprés avoir conté
deux
brefs fabliaux o4 Renart ne joue pas de réle (branches V et VI de notre collection), revient a une histoire de Renart ou plutét a une suite d’épisodes dramatiquement liés et qu’il réunit sous une méme rubrique d’une précision d’ailleurs insuffisante?. Ces épisodes étaient sans doute déja groupés dans le plus ancien poéme frangais de Renart dissocié par la suite ; l’arrangeur de la collection? 8 (représentée pour nous par le ms. B) a intelligemment reconstitué sur ce point un ensemble que la tradition ne lui donnait plus*. Nous avons assigné le n° VII a cette branche une et complexe, en distin-
| guant par a, b, les épisodes joints au conte de Renart et du Corbeau par quoi elle débute, savoir :
a) Complaisant adultére de Hersent avec Renart venu en | visite dans sa « louviére » ; courroux et poursuite d’Isengrin, aboutissant ridiculement a un abominable et insistant assaut qu’Hersent, cette fois surprise et sans défense, subit de Renart presque sous les yeux d’Isengrin ; 6) nouvelle crise 1. C’est la branche come Renart dut jurer le serment a Isengrin;
| le serment n’est que le quatriéme épisode, mais il est amené par | les épisodes précédents. 2. Sur les collections a et 8 des branches de Renart, voir les Introductions des volumes précédents de cette édition.
3. Voir Vingénieuse Roman
démonstration
de Renart, chap. VI1I-x.
de M. Lucien
Foulet, Le
IV
INTRODUCTION
de rage de l’époux outragé, qui l’amene avec son épouse devant la cour du roi Noble le lion pour réclamer justice contre le suborneur ; la cour décide de déférer a Renart, s’il
persiste & nier son crime, le serment solennel qui prouvera son innocence;
mais
Renart,
méfiant,
trouve
le moyen
de
fuir. La branche suivante, dans le ms. B comme dans d’autres manuscrits, branche sans doute plus récente, imagine de remplacer le serment public par un duel judiciaire entre Renart et Isengrin (c’est notre branche VIII). Renart, vaincu, va étre condamné; un pieux ecclésiastique obtient sa grace. Plus tard (c’est notre branche IX), Renart songera a se faire absoudre de ses méfaits par un pélerinage a Rome, qu’il tente d’accomplir agréablement en partant avec deux bons compagnons, Bernart, l’ane, et Belin, le bélier ; mais il n’y a pas grande foi chez ces trois compéres, et, aprés un début de voyage héroi-comique, ils rentrent paisiblement chacun chez soi. Les concordances du ms. B et du ms. A, édité par Ernest Martin comme le meilleur représentant de la famille «, s’établissent ainsi :
Cangé. VII VII @
Martin. 5551-5706 5707-60608
VII 6 6069-7278 VIII IX
7279-8790 8791-9262
Renart et Tiécelin Renart et Hersent (l’adultere et le viol) La cour de Noble et l’escondit de Renart Le duel judiciaire Le pélerinagede Renart
II 844-1026. II 1027-1390.
V a 258-1145. VI; VIII.
La branche VII, ceuvre probable de Pierre de Saint-Cloud, a pu étre rédigée vers 1175, la branche VIII vers 1190, la branche IX vers 1200 : La fable du Corbeau et du Renard
est venue de Phédre au conteur francais par l’intermédiaire
LES
BRANCHES
VII-IX
Vv
des Fables de Marie de France?. La visite de Renart & Hersent dans sa taniére avait été contée par l’Ysengrimus de Nivard et de méme le viol dans l’étroite entrée du terrier ou la colére d’Hersent, et peut-étre son désir de prouver a Isengrin sa douteuse innocence, a imprudemment engagé celle-ci a la poursuite du goupil. Mais l’adultére, souhaité par l’infidéle Hersent lors d’une premiére visite amicale de Renart, est une libre invention du poéte francais, d’un réalisme drolatique assez marqué. Quant a la scéne de la cour du Roietala préparation de l’ « escondit » de Renart, c’est évidemment une peinture parodique des réalités judiciaires, comme le seront le procés de Citron devant Perrin Dandin ou celui de Figaro devant Almaviva, et le comique peut y venir des propos de conseillers ou de témoins prolixes ou maladroits, mais il n’est pas impossible qu’il s’y trouve aussi des traits de portée plus précise : il semble que le jargon franco-italien du légat du pape, le chameau, consulté avec grande révérence, soit une raillerie générale des jurisconsultes impériaux ; c’est peut-étre plutdt une raillerie irrespectueuse d’un personnage bien connu en France vers la fin du x11 siecle, le cardinallégat Pierre de Pavie, dont le jargon francais italianisé prétait tant a une raillerie sans amertume. Cela donnerait a cette satire judiciaire de la branche VII un intérét particulier d’actualité. C’est ce rapprochement avec Pierre de Pavie qui permet de dater la branche VII environ de 1175. L’innovation du duel judiciaire de la branche VIII est un moyen de donner une fin au jugement de la cour de Noble; celle-ci avait décidé un « escondit » solennel de Renart, mais
le goupil s’était dérobé au dernier moment, et l’affaire n’était pas judiciairement terminée : un récit ou une parodie de duel judiciaire pouvait venir a l’esprit d’un conteur. Le pélerinage de la branche IX est du méme ton que tant, de rajilleries sur les pélerinages, qui vont du Pélevinage de 1. Marie est seule avec notre auteur 4 nous apprendre que le corbeau avait pris ce fromage entre plusieurs autres.
VI
INTRODUCTION
Charlemagne aux XV Joies de mariage, mais le conteur francais qui l’a si plaisamment traité en trouvait le modéle au livve IV de l’Ysengrimus, y compris l’attaque des pélerins par une bande de loups et la mise en fuite de ceux-ci, aprés qu’une chute de l’4ne, maladroitement grimpé sur un toit, en a écrasé quelques-uns. LES MANUSCRITS
DES BRANCHES
VII-IX. —
Nous rappe-
lons que le ms. B, base de notre texte, provient de la biblio-
théque de J. P. I. Chatre de Cangé, qui l’avait acquis en 1727; entré a la Bibliotheque du Roi sous le numéro Cangé 68; c’est le ms. fr. 371 de la Bibliotheque nationale,
in-4°
sur vélin, écrit a deux colonnes par page vers la fin du x11re siécle sans caractére dialectal marqué. Ce manuscrit se trouve partiellement doublé par le ms. K, partie d’un recueil de romans arthuriens, déja a l’hétel de Condé en 1654 et actuellement encore au Musée Condé a Chantilly sous le n° 472. Ce manuscrit in-folio sur vélin, du milieu du xiir¢ siécle, est tres lacunaire et la langue en est mar-
quée de picardismes. Notre branche IX n’y figure pas. Le ms. L, ancien manuscrit de Paulmy, conservé a |’Arse-
nal sous le n° 3335, est du xIv® siécle et de l’est de la France.
Ces trois manuscrits appartiennent a la famille 8, mais le classement n’en est ni certain ni instructif. L’accord de KL
contre B peut faire penser a une innovation dans les lecons isolées
de
ce
dernier
manuscrit,
surtout
quand
KL
se
trouvent d’accord avec la famille «, mais accord KL peut provenir aussi d’une faute ou d’une innovation d’un ancétre commun de ces deux copies. Pour la branche IX, nous avons, outre B et L, trois copies isolées 6, c et d, limitées a cette seule branche (comme est
Jimité a la seule branche I le ms. a). Il peut sembler que 3, c et d appartiennent a la famille 8, car ils sont trés voisins de B ; ils sont aussi trés voisins entre eux, surtout bc, d ayant plus de ressemblance avec L ; en fait, ce sont des manuscrits mixtes, comme plusieurs autres manuscrits du Roman de Re-
ETABLISSEMENT
DU
TEXTE
VII
| narvt. De plus, nous possédons pour cette branche IX des iragments de deux manuscrits : 0, que nous avons utilisé _ pour la branche I, et un autre fragment que nous proposons de désigner par p. Les fragments de ces deux manuscrits sont pour nous de peu d’utilité, n’appartenant ni l’un ni |’autre 4 la famille 8 : o est proche de H, manuscrit composite, et ~ se rapproche de la famille y. _ Les manuscrits ot la branche est isolée et les manuscrits
fragmentaires sont : b, Paris, Bibl. nat., fr. 837 (xt1® siécle, fac-similé publié
par H. Omont), fol. 46 v°-49. c, Paris, Bibl. nat., fr. 25545 (xIve siécle), fol. 21 v°-24 v°. d, Rome,
Bibl.
Casanatense,
ms.
1598,
anc.
B
III
18
(xive siécle), fol. 146 v°-149 v°. 0, Paris, Bibl. nat., nouv. acq. fr. 5217 (deuxiéme moitié du xi1I® siécle, publis par Mario Roques). b, Bruxelles, Bibl. royale, ms II 6336 (deuxiéme moitié du X1II® siécle, publié par Maurice Wilmotte). ETABLISSEMENT DU TEXTE }NOTES CRITIQUES ; GLOSSAIRE ET INDEX. — Notre édition reproduit le texte du manuscrit
de Cangé. Un petit nombre de corrections y ont été apportées a l’aide des manuscrits apparentés (K et L pour les branches
VII et VIII et, pour la branche
IX, L bec
d) ou
plus rarement du ms. A : ces corrections ne visent pas a établir un état plus ancien que celui de B; elles rectifient seulement les erreurs matérielles qui nuiraient a l’intelligence du texte. On notera que la proportion de ces erreurs est un peu plus grande pour les branches VII-IX, et surtout pour les branches VII et VIII, que pour la branche I et les branches II-VI. Cette proportion est, en effet, d’un peu plus de 6 % pour la branche I et pour les branches II-VI prises dans leur ensemble, tandis qu’elle est de 7,5 % pour chacune des branches VII et VIII et de 7 % pour la branche IX, sans que nous puissions nous représenter si ce surcroit d’erreurs est imputable au copiste de B ou a ses mo-
VIII
INTRODUCTION
déles. Toutes les lecons du manuscrit que nous avons modifiées sont exactement relevées dans nos Notes critiques (§ I, p. 115). Nous avons indiqué dans ces Notes (p. 115) comment est établie et peut étre utilisée notre collection de variantes, a l'aide desquelles le texte de K, celui de L et éventuellement celui des manuscrits isolés doivent pouvoir étre reconstitués, sauf particularités de graphie phonétique ou morphologique. Pour le développement des abréviations employées par le manuscrit de Cangé, on notera que : les noms de personnages notés par l’initiale seule ont été complétés sur le modéle’de la forme non abrégée la plus fréquente dans le manuscrit : Isangvin écrit en long a le plus souvent un [I initial, rarement un Y (21 ex. contre 5); par contre, l’abréviation est toujours faite par Y., que nous avons considéré comme un sigle et développé en Isangrin, excepté pour la branche VIII ot nous avons adopté Isengvin, forme la plus frequente dans cette branche ; mais les cas d’abréviation par Y. sont notés a. l’Index des noms ; les chiffres n’ont pas été transcrits en lettres, a l’exception de 1. article indéfini; et est toujours noté dans B par 7; mit a été lu mout, et v®, 7? ont été lus vos et toz, qui sont les
formes dominantes ; nous
avons
maintenu
sans régularisation
les alternances
-aS, -AUS, GU, -auZ | la barre de nasalisation a été transcrite par un x et le préfixe 9 par con- méme devant labiale.
Les titres courants donnent la concordance numérique avec l’édition Martin, quinote de méme sa concordance avec lédition de Méon; la concordance des trois éditions s’établira ainsi facilement. Notre Index des noms propres est complet ;nous y avons ajouté certains noms ne figurant que dans les Variantes et les noms communs appliqués a la désignation des personnages du récit. Nous nous sommes efforcés de ne laisser en dehors du Glos-
7 | | | | |
GRAPHIE
TTX
| satve aucun mot ou forme pouvant faire difficulté, mais nous avons pas prétendu rendre inutile la consultation des dic_ tionnaires et des grammaires de l’ancienne langue. L’Index des mots relatifs a la civilisation et aux maurs est _ 6tabli dans les mémes conditions que ceux des tomes précédents de notre édition.
PARTICULARITES GRAMMATICALES DU MANUSCRIT DE Canct. — Nos remarques sur les particularités grammaticales de notre manuscrit sont présentées suivant le méme plan que pour nos tomes précédents auxquels on se reportera utilement (Introductions, t. 1, p. xvi1-xx ; t. II, p. x111-xvum1) : les faits sont d’une fagon générale pour les branches VII-IX les mémes que pour les branches I-VI, avec des différences de fréquence suivant les branches. Pour les faits les plus communs, nous ne citons que quelques exemples.
Graphie : 1° Voyelles. — Alternance de: a ete: fael 9005, sael 7912, saelee 7950, plesaiz 6424, 7036, 7130, patoy 7312, vaont 8151 ; Alaine 8590, basoin-
gneus 7957, jalee 7949, trapel 8557, vepaner 8937, Roianiaus 7263, daaublie 6058 ; — senez 8601. aetai:a (j’) 7416, 7633 (cf. L), penra 7680, tanra 5786, vam 9076; gamantey 7051, sasst 6042; — at (il) 8619, ais 6650, Maitlcrues 6766, gairir 7472. a et au: Bacanz 6853 ; — diauble (: able) 5713, diaube 6441. é et ai: é (j’) 7817, 9005, manderé 6737, savré 6804; mavés 6372, 6612, mes 8100, QOII, 9045, 9202, 9239, pes 6680, 6739, 8122, 8265, 8293, 8312, 8341, 8791,
gio! ; lest 9008, pest 5588, 5592, plest 6800, 6806; bret 5627, fet 7805; vepere 5832, saintuere 6832, evve 6963, mesese 7929, mestve 7986, 8265, 9038, 9134, trestvent 7940, pestvé 9030; meson 7103, veson
8797, veperier 7355, plesiyr 6665; — matt 8451, vait 8160, traiche 5559, baiste 6915, 8800, faistes
x
INTRODUCTION
8799, fenaistre 7184, confaisse 7555; batlement 6196, taismoing 6349, plaisaiz 6424, 7130, 7144, confaisoit 8621, maissives 6581. e et ei, 01 : porret 6340, flebes 6115, enplete 7964, erve (: provotive) 9230, leauté (: desloiauté) 8053; leiche 6412, meise 7886 ;— dotable 5819; e et 2: avoteve 6629 ; — cipel 6569. eet 76 : id 6453 ; testes 6207, 6600, iés 7920, 8016, enchantierre
6858, evrievent 9065 ; tiesmoing 6378. e et 0: lo 7323, croote 5691 ; joole 6637, connosiables 6355 ; — vequenuz 6677. i et te : encrime 6421, bativent (: cravantierent) 7125, sient 8707. 1 et ut : esconduire 5872, 6803, escondute 6230. 0 et of : vorement 9Qo0r.
0 et ou : ous (: dos) 8551, vepos : chous 6465-66, corroce : grouce
6615-16, fouse 5709, 5931, 5942 (fosse 5943), 5960, 6015, 6020, 6157, 6917, grouse 6016, 6158, chouse 6000, voutre 5680, fousé 6817, 7939, 9030, endoutriné 8688 ; — chamos 6256, avotere 6629.
o et ue : descuevre : ovve 8899-8900.
u et ou : oues 7577, foui 6150. at, e7 et ot : lat : bellat 7829-30, palois : plaiz 6111-12, apavotllevot : feyoi 6501-02, moterrot 7844, porrot 7897, conseul : mervoil 8225-26, esmaie : ploie 5661-62, foloie : goulaie 7017-18, ploie : monoie 7609-10, saient 7089, sates 7320, tuate 8905, alaine : paine 5641-42, 7553-54, paine 7261, 7415, oroille : saille 7891-92, destortoille : satlle 7913-14, s’aparaille 8360, satez 5747, 5814, 6497, 7518, 7666, naienz 7040, ploiez : esmaiez 6551-52, plaié 6914, quoissié 6539, vaiseul 6438, laissiy 7031, tyavoillier 8514, ovoison 8896,
saignor 7254, saingnoy 8101. au et tau : mauz 6772. au et ou : voutvez 5561. eil et au : paus 5746, consauz 6008.
-
GRAPHIE
ol, |
XI
uel et ueil : orgueill : oil 7337-38, ueil : voil 8067-68, sueil : consoil 9131-32, doil : suel 9209-10, chevoil :
vuel 8171-72 ; uel, ueil et tau : viaut 5639 (veut 5655), tauz 5861, 5954, 6606, aquiaudre 6368. ot et ui : vefruidiez 5561, voide : cuide 6047-48. wm et eu : dedeut 6786. tee et te : chiee : hachie 8491-92, avancie : adrecie 5921-22, bechie : acouchie 5725-26, alachie : sachie 6051-52,
atachie : sachie 6065-66, maisnie : airie 5839-40, amainie : mainte 6875-76, baissie : haucie 5791-92. am, an et en : an 5586, mais en 5587, mengié 5602, 5696, vanglé 5695, entandrve : sorprandve 6155-56, tendre : mandre 6553-6554, nurisence : puisance 7389-90, tans 8128, autretent 8800, etc.
on, an et en: s’an 5586, l’an 6448, l’en 6080, 6266, 6337, 6502, 6614, 7462, 7568, 8152, 91890, en 6801, 8265, 8308. an et ain : grandrve 6021, gahang 7964, sanz 6813, grangnor 6154, mesange : praingne 8355-50. in et ain : vechingniez 6820, engringnant ; ataignant 6505-06. ain, ein et oin : plains 5685, vains 9136, taing 8173, enpbaindre : estvaindre 7849-50 ; vileins 6525, compoinz 7117, saingnier 7172. ten et ain : tienent : containgnent 8341-42. Redoublement : faame 6343, obeeiy 7286, queeue 7940, 7951.
2° Consonnes. — Alternance de : c, s et sc : ce 6284, 6288, c’en 6264, c’il 6250, mecere 6287, acaine 5745; lises 6921; dresce : adresce 8381-82, vedvesce 6040, esleesca 8788. c, get qu: c’a 7385, 7766, car 6877, 6927, c’onques 8856, 8858, 9244, c’un 8878, goI11; g’aie 7861, q’atez 5818, gqalons 6627, q’ainz 7729, g’an 7967, q’as 8127, qasse 5666, 6024, q’assez 6936, g’au 7304, q’autlve 7057, gant 5692, 5699, 5715, etc., gar 6366, 6440, 6577, etc., geue 5946, 5950, 6064, 7119, 7121, 7153, 7215,
INTRODUCTION
XII
.
7949, vesqeue 5945, seqeure 8184, qi 7626, goie 7291, q’or 6968; quar 8918, 8982, queue
7642, 8936,
queeue 7940, 7951, qui (cui datif) 5688, 7794, 8734, quide 5669, 6648, 6661, etc., gui 7363, quit 6413, 7044, requit 6983, aqusez 8057, 8511. g et ch : fromage : sache 5701-02, fromages 5651, 5659, 5662, 5696, mais fromaches 5614, 5644, 5689. get 7: gangliers 6668, ganlez 9122, vangance 8052, atargant 8327, genbe 5666, 5684, 8142, genbez 8118, mais janbet 8500, jalee 7949; ge 5589, 5691, 5784, etc., gel 6143, 6708, g’en 6205, 0530, g’eve 5749, ges 6523, 2’i 6834, gervez 5863, giter 7391, 7407, gotndre 5918,
|
gotnte 5631, vengotsons 73006. get gu: lange 6821, 6914, longe 7817, longement 8481, giche
6947, gile 8020, engiles 8027, orgeilleus 8216. gu et v: vivye 6070. ‘U, il et til: vielle 5581, 5586, 6490, engiles 8027. let yr: corpe 8934, corpe : ancorpe 6625-26, encorpez 6315. m,n, nm et nb: atamdre : randrve 6588-90, panes : genbes 568384. N,N,
En,
ten et nen : plainne : montaingne 6911-12, plaingne : montaigne 5551-52, vaingne 5796, groingnoier 5827, besoing 5570; ving 6530, ting 6534.
Addition ou suppression de consonnes : c : vectoriens 7760; — dad: panre : atandrve 6643-6644; — g : ganlez 9122; —h: ne por hec 6882, huller 9161, 9171, hune 5763, gahaingnerar 9249, gahaingneries 7899; — 1: diaube 6441 ; —n: tingre 6857; — 7: abrve : mabre 9073-74, traite 6503, mevoille 8264, mect 8565; mais Jegilves 6263, dolantve 6646, lurtre (loutre) 6894 ; —sintérieur devant consonne : baite: teste 6915-16, petitest 9108, mais Ppestitet 9138, mos-
ton 8335, 8971, 8994, 9068, 9120, 9184, mestre 9247, mais motervot 7844, etc., etc., et dans les désinences
verbales veistes : tenites 7877-78, pust 5659, mais osat 6133, etc., etc. ; 2: sauzmons
Métathése de 7 : voturenge 5625.
7904.
—
FORMES
LTT
Redoublement ou simplification de consonnes intérieures : 3 lee : sillance 6125; — m: emmi 5555, mais emi 5720, 5722, 7918, 8319; — n : nonnente 9017; — 7 : desserrve 5643, desivve 8127, ferviy 7471 ; — s : aaissiez 5788, baissiez 5787, faissoit 7579, plaise : aisse 5955-56, angoise : cyvoisse 6045-46, asez 6812, aust 5585, conpisié 5843, fouse 5709, etc., fauset 9099, plaiseiz 7144, poisons 7903, etc., vesel 6456, venise 5755, vousise 8812, etc. Incertitude
1° Suppression 6621, moine 6343,
des finales :
de -s : vey 5582, for 5607, lor 7104, sou 6452, aviey 6953; ft ge 7876, 8832, seu tu 7984, tu 8850, quier tu 8888, fai tu 8973; vedivon prenon 6670, tenon 7000, querrion 9072, fevon
9130, avon 9183, ferom 9178, metom, 9180; teste vos 7172, este vOS 7693.
8328, montom
| 2° Suppression ou addition de -t : don 6244, 6342, 9079 ; (ce) és : 5716, 6145, 7158, 8242, 8742, fai 6070, avot 6435, fus 6445, van ge 7348, vien 7360, soufri 7660, vint (IT pers.) 6525 ; autre par 6035, Tiber : Frobert 6991-92,
dam
dant ou danz.
9136 contre
nombreux
exemples
de
:
3° Echange de -s et -z: devechiez 5633, 5640; chiez : devechief
5743-44, derriés 7872; tez 5773, 5779, 6308, 6309, 6340, 7682, quez 8431, chauz : senechauz 6849-50, chameuz 6854, (tu) puez 7164, juz 8819, forez 6843, 9066; parvenuz (suj. plur.) 6862; vetrait : faiz 7979-80, pardoné : donez 8079-80, venu : tenuz 8219-20.
Formes : 1° Pyonoms et adjectifs. — 3° personne masc. sg. 7 pour 7 aprés gue 5700, 5708, 5761, 5957, 6372, 6567, 6682, 6861,
7144, 7503, 7583, 7700, 7709, 8341, 8691, 8759, 9086 ;— rég. lo 7323; — fém. el 5776, 6019, 6065, 8787; — 6412; nuli rég. ind. masc. (: celuz) 5808.
quel pron.
XIV
INTRODUCTION
Relatif : qui = cui 5688, 7794, 8734; que = qut 6707 oxi (n’est quel die), 8221 (plus sages que furent), 6308 (tez... quen \ sont). : Adjectifs : grante 7467 ; telé 6015. p. xu, Graphie, 2° Consonnes, incertitude des finales. Passé : 3 vost 5704, 6134, 6245, 7077, etc., 6 vosites 5748; 6 bativent : cravantierent 7125-20. Passé surcomposé : 4 avons etiz vetvaiz 7802. Futur : averez 5690 ; descoverra 5810, mosterrai 7821, moterv0t 7844 ;durva 9052, jurra 8351, parva 8562, torva 8412. Subjonctif prés. : 3 vangue 6856, 4 mellomes 6595, 5 mainteigniez 6866 ; impf. 5 chantisez 5637.
BS
*
MESURE DES VERS. — Il y a lieu de tenir compte des possibilités suivantes : 1° Enclise des pronoms /e et les : gel 6143, 6708, jel 6235, 6828, 7570, 7844, 7881; nel 6563, 7532, 7879, 8002, 8336, 8438, 8460, 8498, 8595, 8680, 8751, 8758, 8772, 8922; ou 6159; quel (que ou qui le) 6707, quil 7798; sel (se le) 6100, 7471, (st le) 5906; ges 6523 ; nes 9170, 9176; ses (st les) 5806, 8G06.
2° Non-élision de e final devant voyelle dans que : que i
5601, 5681, 5702, 5719, 5883, 6223, 6685, 6777, 7198, 7345,
7547, 7957, 7794, 7749, 7794, 7797, 8173, 8428, 8640, 8740, 9103, que ele 5937, 5947, 8132, gue on 8500, que autre 6644, que un 6404, 7639, 7653, gue une 5606, que a 7436, 7617, 7878, 8049, 8412, que en 5670, 7484, 7890, que ou 6560, 8586, quei 6607, gue encor 8042, que as 7380, que avez 7719, que ot 8433. que aparceu 8436 ; — dans se hypothétique : se i] 6058, 6357, 8125, 8259, QIOT, se iceste 8991, se einsi 7761, sé or 7307, se Isangrin 8410; — dans ne : ne a 7731, ne ive 9039 ;— dans les pronoms : ce est 5628, 7887, ce este 7693, ce a 6351, ce avez 7685, ce afiert 6397, ce ensanble 7239; je ai 7196, 8066, je a 8273, 7@ an 5759, je 7 vois 8876, seroie ge evites 7864, ai ge engendvees 8979; — dans des noms ou adverbes : jaune et
& &
RIMES
XV
5603, fame a 7068, fame est 8530, queue i 7153, joie ou 7293, paine est 7261, poine tert 8137, chainne ou 7504, dame estott 8177, prove et 8183, outve a 6085; — enfin dans les formes verbales, estve en 5672, enquerre et 5717, vespondre et 7702, eusse envers 7774, estole a 7930, porroie enpliy 8032, vodroie avoty 7156, torne a 7520, dota aincots 8498. On notera que cet e final peut, dans des monosyllabes comme ce, he pas étre absolument atone, ou qu’il peut étre ’ suivi d’une coupe logique (voir p. ex. 6085), ce qui en favorise le maintien. Au contraire, l’élision se produit pour que = quot interrogatif 6211 (por quw’estiez), ou relatif 6653 (de qu’ Isangrins) et pour ce 8108 (por ce a), si ces monosyllabes sont enclitiques a une préposition. Enfin, l’adverbe si? peut s’élider devant un monosyllabe, s’iert 6252, s’en 6883. RimeEs. —
1° Du méme au méme : 6489-90, 6905-06, 7499-
7500, 7505-66, 7645-46, 8115-16, 8423-24, 8425-26.
2° Imparfaites : panes : genbes 5683-84, monte : semonse 6883-84, faudestuel : estuet 6117-18, plainne : montaigne 6911-12, sotf : sot 6919-20, amis : voisins 7059-60, conongles :
oncles 7073-74, bativent : cravantierent 7125-26, fame : barbaquane 7167-68, queue : veue 7175-76 et 7215-16, vous : clamors 7295-96, panve : entendve 7445-46, covage : targe 8129-30, hastis : poucins 8823-24, apostoile : assoigne 894748, bois : voirs 9079-80, estorde : porte 9153-54.
LE ROMAN
DE RENART, III
2
BIBLIOGRAPHIE
EDITIONS Le Roman de Renart, publié d’aprés les manuscrits de la Bibliothéque du Roi des xe, xiv® et xv® siécles, par M. D.-M. Méon;
Paris, Treuttel et Wiirtz, 1826, 4 vol. in-8 ; un volume de Supplément, variantes et corrections, a été publié par P. Chabaille ;Paris, Silvestre, 1835. Méon
avait
choisi,
comme
principale
source
de son
texte,
le
manuscrit fr. 1579 de la Bibliotheque nationale (C) qui appartient ala famille y, combinaison des deux familles principales. Son édition garde le mérite de nous présenter ainsi un autre type de col-
lection que |’édition Martin. Mais Méon s’est aussi servi d’autres manuscrits pour compléter le contenu de C, ce qui diminue la valeur de ce témoignage. Les diverses branches du présent volume correspondent : dans le tome I de l’édition Méon, nos branches VII aux vers 7187-7382 ; VII a aux vers 337-710 et VII 6 aux vers 717-748 et 8248-9436 ; dans le tome II, notre branche VIII aux vers 13465-76, 13485-88, 13563-71, 13595-14008, 14107-15283, notre branche IX aux vers 12987-13464. Les variantes de ces branches sont aux pages 123-124, 57, 134-140, 165-178 et 160-164 du Supplément de
Chabaille.
‘Le Roman
de Renart publié par Ernest Martin;
Stras-
bourg, Triibner, 3 vol. in-8; tome I, 1882, L’ancienne collection des branches; tome II, 1885, Les branches addition-
nelles ;tome III, 1887, Les variantes. Les manuscrits reproduits par E. Martin sont les mss A pour notre branche VII, D pour VII a, A pour VII 8, A et, dans deux passages, D pour VIII, A pour IX. La reproduction de ces textes
ETUDES
XVII
est attentive et généralement satisfaisante. Les variantes sont en général trés soigneusement recueillies. Les Observations sur les manuscrits
et sur les diverses branches
sont un peu sommaires,
mais souvent justes et toujours prudentes. La Table des noms n’est qu’un index sans explications. Nos branches VII 4 IX sont au tome I : VII et VII a aux pages 114-119, 119-130; VII b aux pages 167-192; VIII aux pages 197-239; tome III, pages
IX aux pages 265-278; les variantes sont 108-113, 113-122, 156-187, 190-234, 261-281.
au
Antérieurement 4 son édition compléte, E. Martin avait publié, “en 1873, le Pélerinage Renart (branche VIII de sa collection, IX de notre édition) dans les Romanische Studien d’E. Béhmer, t. II,
P. 410-437. Maurice
(Académie
WitmoTTEe,
voyale
Bulletin, Bruxelles,
de
Un
fragment
Langue
et de
Roman
de Renart
Littévature
du
francaises,
1922, pages 297-303).
‘Edition du fragment p, deux feuillets ayant appartenu & l’archiviste Van Espen, de Louvain, et contenant 238 vers de notre branche IX, actuellement 4 la Bibliothéque royale de Bruxelles sous la cote : Ms. II 6336.
Mario Rogues, Renart (Romania,
Fragments d’un manuscrit du Roman XX XIX, 1910, pages 33-43).
Ge
Edition des fragments conservés dans le volume N. acq. fr. 5237 de Ja Bibliothéque nationale; ces fragments (0), contenant des parties de nos branches I et IX, proviennent d’un manuscrit qui parait représenter une contamination particuli¢re ou une forme ancienne de la combinaison conservée dans H.
ETUDES Léopold 1892.
SupRE,
HISTORIQUES
ET CRITIQUES
Les sources du Roman
de Renart;
Sources livresques et folkloriques; les vues raissent aujourd’hui assez contestables. Gaston
Paris, Le Roman
de Renari
septembre, octobre, décembre
Paris,
de l’auteur
pa-
(Journal des Savants,
1894, pages 542-59, 595-617,
XVIII
BIBLIOGRAPHIE
715-30, et février 1895, pages 86-107). Réimprimé dans Gaston Paris, Mélanges de littévature francaise du moyen age, publiés par Mario Roguss (Paris, 1912), pages 337-423. Examen critique du livre de L. Sudre, qui dépasse celui-ci de toutes parts; c’est le premier exposé méthodique et sans parti pris des problémes posés par le Roman de Renart. Sur plusieurs
»
points,
|
il a fallu renoncer
aux
vues
de Gaston
Paris,
mais
son
mémoire reste précieux et vraiment directeur, méme aprés le livre de L. Foulet. Studien zu den Roman
I. Heft, Die
de Renart und den Reinhart Fuchs,
Uberlieferung
Handschnift O, von Triibner, 1891 ;
Dr.
des Roman
Hermann
de Renart
BUTTNER;
und
die
Strasbourg,
|
II. Heft, Der Reinhart Fuchs und seine franzosische Quellen von
Dr. Hermann
BUTTNER;
Strasbourg,
Triibner,
1891.
Ces mémoires, surtout le premier, ont conservé toute leur valeur ; l’étude et le classement
des manuscrits
par H. Biittner est
une base nécessaire du travail d’édition pour les diverses branches, dont l’auteur a bien mis en lumiére les conditions différentes de transmission. Le Roman
de Renart,
par Lucien
pion, 1914 [Bibliothéque
FouLEet;
Paris, Cham-
de l’Ecole des Hautes-Etudes,
Sciences historiques et philologiques, deux cent onziéme fascicule]. Critique minutieuse
et convaincante
des systémes
antérieurs
sur les origines et la formation du Roman; établissement de la chronologie des branches ; étude du contenu et des éléments de — chacune d’elles ;appréciation de leur valeur esthétique et historique. ErupzEs
DE
LEXIQUE
ET
DE
CRITIQUE
TEXTUELLE
Remarques sur le Roman de Renart, par Gunnar TILANDER; Goteborg, Elander, 1925.
Dans l’ordre des branches de |’édition Martin et des vers pour
ETUDES
XIX
chaque branche. Les remarques relatives aux branches du présent volume sont : pour nos branches VII et VII a aux pages 48-9 et 49-51, pour nos branches VII 6 et VIII aux pages 69-77 et 83-104,
pour notre branche IX aux pages 112-116. Lexique du Roman de Renart, par Gunnar TILANDER ; Paris, Champion, et Goteborg, Elander, 1924. Lexique
alphabétique,
d’environ
mille articles
sur
des
mots,
formes ou sens, relevés dans ]’ensemble des branches et qui -manquent ou sont peu attestés dans le dictionnaire de Godefroy.
Notes sur le texte du Roman de Renart, par Gunnar TILANDER; Paris, Champion. [Extrait de la Zeitschrift fur romanische Philologie, XLIV (1924), pages 658-721.] Les notes relatives & nos branches sont : pour la branche VII a ala page 667, pour VII b et VIII aux pages 670-75, pour IX aux pages 678-79. Les vers de notre branche VII n’ont pas fait l’objet de notes.
LE ROMAN
DE RENART
C’EST LA BRANCHE COME RENART DUT JURER LE SAIREMENT A ISANGRIN
E NTRE
.II. monz, en une plaingne,
tot droit au pié d’une montaigne,
5552
desor une riviere a destre,
la vit Renart un mout bel estre. Emmi le pré de l’autre part, si conme l’eve les depart, la vit Renart un fou planté, que les genz n’ont gaires usé.
5550
Entor le fou a fait la traiche,
puis se coucha sor l’erbe fresche, voutrez s’i est et refruidiez : a bon ostel est herbergiez, ja ne le queist rechangier, s'il etist assez a mangier. Li sejorners i estoit biaus.
5560
[47 a] 5564
Et dant Tiecelin li corbiaus,
qui mout ot jeiiné le jor, n’avoit cure de tel sejor, et vint fandant par un plaissi€¢ (par besoing ot le bois laissié)
priveement en un destor
5508
VII.
—
RENART
ET
TIECELIN
toz abrivez de faire estor. De fromaches vit .1. millier
3574
c’on avoit mis essollilier ;
cele qui garder les devoit en sa maison entree estoit. Ele est entree en sa maison : Tiecelin vit qu’il est saison de gaaigner, si laise corre, .I. en a pris. Por le rescorre
5576
5580
sailli la vielle emi la rue;
Tiecelins chaillous « Vasaus, Tiecelins
vit que ver lui rue et pierres, si s’escrie : vos n’en porterez mie. » la vit ausi fole : ;
5584
« Vielle, fait il, s’an t’an parole,
dites que je l’en ai porté : la male garde pest le pré. Bien poez dire ge l’en port, ou soit a droit ou soit a tort ; del panre en ai eii le leu : la male garde pest le leu. »
A tant s’en torne et si vint droit
5588
[6]
au fou ou dant Renart estoit : asanblez furent a cele eure, Renart desoz et cil deseure ;
mais tant i a de dessevraille li uns menjue, l’autre baille. Cil fromages fu auques mous et Tiecelins i fiert granz cous de son bec, si que il l’entame : mengié en a, maugré la fame, dou plus jaune et dou plus tendre, que tel anui li fist au panre.
5600
5004
V. 5572-5637
(MARTIN,
11, 864-939)
Tiecelins fiert a une hie,
ainz n’en sot mot que une mie li est a la terre cheiie devant Renart, qui l’a veiie;
5608
il conut bien icele beste, si en crola .11. foiz la teste;
il lieve sus por miauz veoir : Tiecelin vit lasus seoir,
5012
qui son conpere estoit de viez, le bon fromache entre ses piez. Premierement l’en apela : « Por les sainz Dieu, qui voi ge la?
5616
Et Diex vos saut, sire conpere ;
bien ait l’ame vostre bon pere, dant Rohart, qui si seut chanter : maintefoiz l’en oi venter qu’in’en avoit le per en France. Vos meimes,
en vostre enfance,
vos en soliez mout pener. Seiites onques orgener, chantez moi une roturenge. » Tiecelins entent la loenge, ouvre la bouche, giete .1. bret ; et dist Renart : « Ce est bien fait : mieuz chantez que ne soliez ;
5620
[48 a] 5624
5628
encore, se vos voliez,
iriez plus haut une gointe. » Cil, qui de chanter se fait cointe, comence derechiez a braire.
5632
« Diex, dist Renart, con or esclaire
et com espurge vostre voiz ! Se vos vos gardiez de noiz, au mieuz del monde chantisez :
5636
VII.
—
RENART
ET
TIECELIN
chantez encore une autre foiz. » De chanter viaut avoir le pris,
si l’a derechiez entrepris,
5640
si s’escria a haute alaine ; ainz n’en sot mot, que qu’il se paine,
que li piez destre li desserre et li fromaches chiet a terre
5644
tot droit devent le pié Renart. Et li lechierres frit et art et tout se frist de lecherie ; mais n’en touche une seule mie, car encor, s’il puet avenir,
vodra il Tiecelin tenir. Li fromages Ji gist devant ; il leva sus en sozlevent, le pié tant avant dont il cloche et la pel qui entor li loche : bien veut que Tiecelin le voie. «Et Diex ! fait il, con poi de joie m’a Diex doné en ceste vie! Mais je ne sai que je an die. Cist fromages me pust si fort et flaire que ja m’avra mort, si ai tel chose qui m’esmaie, que fromages n’est preuz a ploie. Ha! Tiecelin, car descendez -et de cest mal me delivrez. Certes ja ne vos en priasse,
5648
[b]
5656
5660
5664
mais |’autrier oi la genbe qasse en un broion par mescheance ; la m’avint ceste mesestance. »
Tiecelin quide que voir die por ce que, en plorent li prie ;
5668
-
V. 5638-5703
(MARTIN,
II, 940-1023)
il descent jus, a terre saut ; miauz li vausist estre en haut,
se dant Renart le puet tenir. N’ose encor pas avant venir ; il va traiant le cul arriere : mout doute que Renart nel fiere. « Por Dieu, fait il, ¢a vos traiez ! quel mal vos puet faire uns plaiez? Conpere, traiez vos en ¢a! » Li foux, qui trop se devala, ainz n’en sot mot que il sailli ; panre le cuide, si failli,
mais ne por qant .1111. des panes li remestrent entre les genbes.
5676
5680
[46 a] 5684
Or est Tiecelins mout plains d’ire ; Renart s’en ofre a escondire,
mais n’est mie jornez de plait a Tiecelin, qui est mesfait :
5688
« Amis, li fromaches soit voutre !
Hui mes n’averez point dou nostre ; ge fis que fous qui vos crooie, qant desoz l’ante vos veoie. » Tiecelins parla et grondi, Renart .I. mot ne respondi ;
5692
souéf en a le duel vangié,
que le fromage a tot mengié : n’en plaint for la male foison, cist cous li vaut une poison. Qant il se fu desjeiinez, si dist, des l’eure qu’i fu nez ne menja de si bon fromage, ce dist, en terre que il sache ;
onques sa plaie n’en fu pire.
5696
5700
VII?.
—
RENART
ET
HERSANT
A tant s’en va, n’en vost plus dire ; fuiant s’en va les sauz menuz : ses anemis a confonduz. Ainz ne fina, que qu/’il s’esgaie, qu’i s’enbati en une haie par desus une fouse oscure. La li avint une avanture de quoi li ennuia et poise ; mais por ce conmenga la noise, par mal pechié et par diauble, vers Isangrin le conestable. Qant il vit la chevee roche, ne set que ce es, avant s’aproche por enquerre et por savoir c’on n’i etist repost avoir. Ainz n’en sot mot que ils’avale, qu’il se trova emi la sale dant Isangrin son anemi : 1. louvel gisent emi,
3794,
5708
[6]
5716
5720
et ma dame Hersant la love,
qui ses loviaus norist et cove ; a chascun done sa bechie.
5724
Novelement est acouchie ;
mais n’avoit pas son chief covert : garda, si vit l’uis entrovert ;
5728
por la clarté qui tant li grieve, por esgarder sa teste lieve, savoir qui leenz fu venuz. Renart fu greles et menuz et fu reponz derriés la porte, mais Hersent a la queue torte le conut bien a la pel rouse ;
5732
ne pot muer que ne s’escouse,
5736
V. 5704-5767
(MARTIN, II, 1024-1091)
si lia dist tout en riant : « Renart, qu’alez vos espient? » Adont fui il toz desconfiz ; de honte avoir fu il bien fiz; n’ose mot dire tant se doute, qar Isangrin ne l’aime goute. Hersant saut sus, lieve son chiez,
5740
[49 a]
si le rapele derechief et acaine a son graille doit : « Renart, Renart, li paus le doit que saiez fel et de pute aire.
5744
Ainz ne me vosites bien faire,
5748
ne me venites la ou g’ere :
je ne sai riens de tel conpere qui sa conmere ne revide. » Cil a tel paor et tel hide ne puet miter qu’il ne responde : « Dame, fait il, Diex me confonde
575°a 575° b 5752
s’onques por mal ne por haine ai eschivé ceste gesine ; ainz i venise volentiers,
mais, qant je vois par ces sentiers, si m’espie dant Ysangrins
5756
et en voies et en chemins,
ne je ne sai que je an face tant con vostre sires me hace. Mout fait grant pechié qu’i me het, mais li miens cors ait mal dahet s’onques li fis chose nes hune dont me deiist porter rancune. Je vos aim, ce dist, par amors :
il en a fait maintes clamors par ceste terre a ses amis,
5760
5764
VII?,
—
RENART
ET
HERSANT
et si lor a avoir promis por moi faire laidure et honte. Mais dites moi des or que monte de vos requerre tel folie? Certes je nel feroie mie, ne tez parole n’est pas bele. » Qant Hersent oi la novele, de mautalant tressue et art.
5768
« Coment, fait el, sire Renart,
5776
est en dont parole tenue? Certes mar i fui mescreiie : tez cuide sa honte vengier, qui porchace son enconbrier. Ne m/est or pas honte nel die : ainz mes ne pansai vilanie ; mais por ce qu'il s’en est clamez voil ge certes que vos m’amez, si revenez sovent a mi et je vos tamra por ami;
[b]
5780
5784
- acolez moi, si me baissiez.
Or en estes bien aaissiez : cin’a qui encuser nos doie. » Renart en demaine grant joie
5788
et vient avant, si l’a baissie.
Hersant a la cuisse haucie,
5792
a qui plaissoit mout son ator. Puis s’est mis Renart el retor,
qui n’a cure de tel bargaigne, qu'il crient que Isangrin ne vaingne ; mais ne por qant, ainz qu’il s’en isse, vient as loviaus, si les conpisse si com il ierent arangié, si a tout pris et tout mengié
5796
5800
“Vv. 5768-5833
(MARTIN,
II, 1092-1157)
et fors gité ce qu’il i trueve, toute la viez char et la neuve;
ses a de lor liz abastuz et laidangiez et bien batuz, autresi con s’il fust a mestre, ses a clamez avostre questre priveement conme celui qui ne se doute de nuli,
fors que dame Hersant s’amie, qui ne l’en descoverra mie. Les loviaus a laissiez plorant. Ez vos Hersant qui vint a tant si les a blandiz et proiez :
5808
5812
« Enfanz, fait ele, ne saiez
en vostre foi si fol ne sot que vostre pere en sache mot, ne ja ne li soit conneti q’aiez ceenz Renart vei. — Qoi? doiable, nos noierons Renart le rous, que tant haons
5816
5820
de mort, et l’avez receii
et nostre pere deceii,
qui en vos avoit sa fience? Ja, se Dieu plaist, tele viltance que nos somes si laidangié ne remanra n’en soit vangié. » Renarz les oi groingnoier et vers lor mere corocier ; mout tost se rest mis a la voie,
le col baissié que nus nel voie, si reporchace son afaire. A tant este vos que repere
dant Isangrin a sa mainie
5824
5828
Io
VII?.
—
RENART
ET
HERSANT
qui soz la roche est entainie. Tant a coru et porchaci€, et tant porquis et portracié,
5836
que toz est chargiez de vitaille ;
d’autrui domage ne li chaille! Qant il a trové sa maisnie, que Renart ot si airie, si fil se sont a lui clamé que batu sont et afamé, et compisié et chaalé, et laidangié et puis clamé filz a putain, bastarz avoutre.
5840
5844
« Encore deist il tot outre,
que il dist que vos estes cous. » Lors s’est Isangrin d’ire estous,
qant de sa fame oi le blame, a bien petit qu’il ne se pame. Il hulle et brait conme maufez : « Hersant, or sui ge mal menez, pute orde vis, pute mauvese, je vos ai norrie a grant aisse et bien gardee et bien peiie, et uns autres vos a foutue. Mout est tes corages muanz, qant Renart, cil rous, cil puanz, cil viz lechierres, cil garcons, vos monta onques es arcons. Par les iauz Dieu, mar i fui cous;
honi m’avez tout a estrous : ja mes ne gerrez ama coste, qant receti avez tel oste,
se ne faites tot mon voloir. » Ja se peiist Hersant doloir,
5848
5852
5856
5860
[50 a] 5864
V. 5834-5899
(MARTIN,
Il, 1158-1223)
II
se ne l’etist acreanté tot son bon et sa volonté : « Sire, fait ele, vos diroiz :
5868
corociez estes, n’est pas droiz que vos mostrez ici vostre ire, que, s’om me laissoit esconduire
5872
par sairement et par joise, jel feroie par tel devise c’om me feist ardoir ou pandre, se ne m’en poisse desfandre ;
5876
si vos afi ensorquetout que mon pooir ferai de bot de ce que vodrez conmander. » Cil ne set plus que demander : il ot que ele dist assez ;
5880
ses mautalanz est trespassez,
mais que il li ait fait jurer que ja mes ne lera durer Renart, se le puet ainz veoir. Or se gart, qu’il fera savoir. Isangrin fu bauz et haitiez, et dist : « Or iert Renart gaitiez sovent, ainz que la guerre esparde, que fous fera s’il ne se garde. » De lui gaitier sont en grant paine, mes, ainz que pasast la semaine, lor vint une avanture estrange, ensi conme la voie change.
5884
5888
[b]
Lez un essart, delez un clous, ileuc dut Renart estre enclous.
5896
On avoit ja les pois soiez, et li pesaz estoit loiez et amassez et trait en voie; LE ROMAN
DE RENART,
III
3
VIIa,
—
LE
VIOL
D’HERSANT
la savoit bien Renart la voie :
5900
venuz i estoit por furgier et por enquerre et por surgier
ou il poist avoir viande. Isangrin, qui el ne demande
5904
mais que il tenir le peiist, baisse la teste, sel conust,
gita un brait, si escria. Renart, qui point ne s’afia, l’a bien oi et entandu, sis’en fuist a col estandu.
5908 ,
Aprés se metent ou chemin . entre Hersant et Isangrin ; il se painent de lui chacier,
5912
mais he se piient avancier : Renart corut la voie estroite, et Isangrin cort la plus droite. Hersant a enforcié son poindre,
quia Renart se vodra goindre ; vit Isangrin qui a failli, que Renart d’autre part sailli; aprés Renart s’est avancie. Renart la vit si adrecie, ne s’ose a lui abandoner, ainz ne fina d’esperoner
5916
5920 [50 a] 5924
jusqu’a entree d’un val crues. Qant il i vint, si entra lues,
qant vit dame Hersant s’amie qui vers lui vint si enbramie,
5928
et de lui n’a il mie garde. La fist Hersant que trop musarde : aprés Renart en la fouse entre de plain eslais de ci au ventre.
5932
V. 5900-5965
(MARTIN,
II, 1224-1289)
Li chastiaus estoit auques forz et Hersant par si grant esfors se feri dedanz la taisniere que ne se pot retraire arriere. Qant Renart vit que ele est prise,
T3
5936
ne vost laissier a nule guise
que il ne voille a lui gesir et faire de lui son plaissir. Par un poi que Hersant ne crieve, que la fouse et Renart li grieve, la fosse qui dedenz l’estraint, et Renart qui desus l’anpaint. I] n’est ileuc qui la resqeue, mais que seulement de sa qeue que ele estraint si vers les.rains, que des .11. pertuis daerains n’en pert .1. defors ne dedanz. Et Renart prist la qeue as danz et li reverse sor la crope et les .11. pertuis li destoupe,
5940
5944
5948
[6]
puis li saut sus, liez et joianz, si li fait tot, ses iauz veanz,
ou bien li poist, ou il li plaise, tout a laisir et a grant aisse. Ele dist, que qu’i li faisoit :
5956
« Renart, c’est force et force soit. »
Sire Renart tel li redone que toute la fouse en estone. Ainz que la chose soit fenie, li dist Renart par felonie :
5960
« Dame Hersant, vos disiez
que ja ne m’en prieriez et que ja mes nel vos feroie
5964
14
VIIa,
—
LE
VIOL
D’HERSANT
par seul itant que m’en ventoie. Ja voir ne m’en escondirai : se jel fis, encor le ferai, fis et ferai, dis et redis, plus de .vi1. foiz, voire de .x. »; et l’afaire ont reconmencié,
5968
ainz qu’il etissent partancié. Ez vos poignant par mi les broces Isangrin qui s’enbat as noces ; ne se pot mie tant tenir que il poist a aus venir, ainz s’escria mout hautement :
5972
5976
« Ahi! Renart, or belement !
Par les sainz Dieu mar l’asausites. » Renart fu remuenz et vites,
si li a dit tot en alant : « Sire Isangrin, cest mautalant ai ge conquis par biau servise. Veez con Hersent est ci prise : se je l’aide a desserrer et dou pertuis a destouper, por ce si estes esfraez? Por Dieu, biau sire, nel creez que nule riens i aie faite, ne dras levez, ne braies traites ; ainz, par cest cors ne par ceste ame, ne forfis riens a vostre fame ; et por moi et por lui desfandre, tot par la ou le vodrez prandre, un sairement vos aramis au los de voz meillors amis,
— Sairement? traitres provez ! Certes por riens i conterez ;
5980
[51 a] 5984
5988
5992
5996
7
V. 5966-6031
(MARTIN,
II, 1290-1355)
15
n’i controverez ja manconge, ne vaine parole ne songe. N’i covient nule coverture : tote est aperte l’avanture.
6000
— Avoi, ce dist Renart, biau sire,
vos porriez assez miauz dire : ice maintenir ne devez. — Comment? Ai ge les iauz crevez? Quidiez que je ne voie goute? An quel terre enpaint l’en et boute , chouse que l’en veut a soi traire, come je vos vi Hersant faire? —
Par Dieu, sire, ce dist Renart,
6004
6008
[b]
vos savez bien : enging et art si vaut a la chose bornir c’on ne puet par force fornir. Ma dame est prise en tele fouse,
6012
que mout est voir espese et grouse :
6016
en nul sans traire nel’en puis a reculons par cest pertuis. Eli est jusqu’au vantre entree, et la fouse a petite antree, mais ele est de lonc auques grandre :
6020
por ce la voloie anz anpoindre. Por noient a moi la sachase,
que j’ai l’autrier la ganbe qasse. Or en avez oi la voire, si m’en devez bien a tant croire, se vos controver ne volez achoison, si com vos solez. Et com la dame iert de ci traite,
je ne cuit clamors en soit faite, ne ja, s’ele ne viaut mantir,
6024
6028
16
VII2.
—
LE
VIOL
D’HERSANT
ne l’en oroiz .I. mot tantir. »
6032
A icest mot s’est antaisniez,
qant assez se fu deresniez. Isangrin est de l’autre par, et vit Renart qui prant et part, qui l’a honi ses iauz veant, puis si le gabe et va moquant. Mais il n’a or soing de plaidier, ainz se redresce por aidier sa fame qui va male veue. I] la sassi devers la queue ; de tel air a soi la tire que Hersant est en tel martire que il li covint par angoise que li pertuis derriere croisse. Isangrin voit qu’ele se voide : or l’avra il, si con il cuide. Un petitest s’est trait arriere ; il voit qu’ele est en la charriere,
s’estoit un petit alachie, Hersant en pot estre sachie ; s'il ne]’an trait, il est dolanz. Il n’est pas pareceus ne lanz : as ongles s’est pris et si grate, trait la terre fors a la pate, garde de ¢a et puis de la ; daaublie est, se il ne l’a.
Qant il en a asez osté, et sus et jus et en costé,
6036
6040
[Sr a]
6044
6048
6052
6056
6060
vint a Hersant, sila soufache ;
et qant il la trueve un poi lache, empaint et sache, et tire et boute ; a poi la qeue ne ront toute,
6064
V. 6032-6097
(MARTIN,
II, 1356-1390—vV4,
mais el estoit bien atachie. Tant l’a ampainte et fors sachie, que, merci Dieu, bien s’est tenue tant que Hersant est fors issue. Qant Isangrin la vit delivre :
258-285)
17
6068
« Hai! fai il, pute orde vivre,
pute serpant, pute coleuvre, bien ai veiie toute l’euvre ; bien me sot Renart acupir : je le vi sor voz rains croupir, ne vos en poez escondire. » Par pou Hersent n’enrage d’ire por Isangrin qui si la chose, mais nequedant toute la chose de chief en autre li raconte. « Sire, il est voirs qu’il m’a fait honte, mais n’i ai mie tant mesfait,
endroit ce que force m’a fait. Laissiez ester tot cest contraire : ce qui est fait n’est mie a faire ; c’est outre : a el antandez. Ja cist mesfaiz n’iert amandez par chose que nos en dion. A la cort Noble le lion
[5] 6072
6076
6080
6084
6088
tient l’en les plaiz et les oiences de mortés guerres et de tences ; la nos alons de lui clamer : bien
tost le porroit
amander,
6092
se ce puet estre conporté. » Cist moz a tot reconforté dant Isangrin le corrocié : « Certes, fait il, trop ai groucié, mout iere fous et poi savoie,
6096
vib, —
LA COUR
DE
NOBLE
mais cist consauz m’a mis en voie : mar vit Renart son grant desroi, sel puis tenir en cort de roi. » _ A cez paroles s’acheminent, onques ne cessent ne ne finent tres qu’a tant qu’il vindrent a cort. Or cuit qu’Isengrins tenra cort Renart le rous, se tant puet faire qu’a jugement le puist atraire, car mout iert veziez et sages et si sot mout de mains langages; et li rois lot fait connoistables de sa maison et de sa table. Parvenu sont jusqu’au palois, la ou li rois tenoit ses plaiz ; la cort estoit grant et pleniere : bestes i ot de grant maniere, flebes et forz, granz et petites, qui toutes sont au roi sougites. Li rois sist en un fausdestuel itel conme a riche ome estuet ;
| 6100 [52 a]
6104
6108
6112
6116
tot entor lui siet en corone sa Mainie qui l’anvirone ; n’ia .1. sol qui noise face. A tant es vos venu en place dant Isangrin, lui et s’anmie, qui la clamor ont aramie.
6120
6124
Trestuit li autre font sillance,
et misire Isangrin conmence devant le roi en soupirant : « Rois, justise va enpirant, veritez est torné a fable,
nule parole n’est estable.
6128
Vv. 6098-6163
(MARTIN, V4, 286-351)
Vos feistes le ban roial que ja mes jugement loial n’osat nus fraindre ne brisier : Renart ne vos vost tant prissier c’onques tenist por contredist ne vostre ban ne vostre dit. Renart est cil qui toz max same,
19
[b] 6132
6136
car il m’a honi de ma fame ;
Renart ne doute mariage, ne loiautez ne conparage ;
6140
pire est il que je ne puis dire. Ne quidiez mie, roi, biau sire,
que gel die por lui reter, ne por blame sor lui giter : riens que je ne die n’es manconge ; vez ci Hersant qui tot tesmoigne.
6144
— Voire voir, sire, ce dist ele :
des le jor que je fui pucele, m’ama Renart et porsiii ; mais je li ai toujorz foui, n’ainz ne voil mon cuer aploier a riens qu’il me seiist proier. Et puis que je pris mon saignor, me refist il enchauz grangnor,
mais je n’i voil onques entendre ; ne ainz mes ne me pot sorprandre
6148
6152
6156
tres que l’autrier, en une fouse,
ou j’estoie auques grase et grouse, -serree me vit ou pertuis, si sailli fors par un autre uis, par derriers vint, si me honi tant con li jeus li abeli. Ce vit Isangrin mes mariz,
6160
[52 4]
20
vib,
—-
LA
COUR
DE
NOBLE
qui dolant en est et marriz ; je sui cele qui en ai honte. » Qant ele ot parfiné son conte, Isangrin le ra entrepris : « Voire voir, sire, je repris Renart le rous a cest mesfait. Que vos en sanble? A il mesfait bien ne raison en cest androit?
6164
A vos me claim, faites me droit
6172
6168
par devent trestoz voz barons
de qant que reter le savrons. Et si vos di, tot sanz dangier,
que dant Renart ala tancier a mes loviaus en ma taisniere, et qu'il pissa sus la loviere ;
6176
si les bati et defola,
et avoutres les apela, et dit que cous estoit lor pere, et que fotue avoit lor mere ;
6180
tot ce dist il, mes il manti.
Onques por ce ne s’alanti de sa grant honte porchacier.
6184
L’autrier estoie alez chacier, Hersant estoit 0 moi venue ;
la fu ceste descovenue que je vos ai ici contee. Je les sorpris a la montee, sili blamai mout cest afaire,
mais il m’en ofri lues a faire un serement por lui desfandre tot la ou je le voudrai prandre. Sor ce me faites jugement et amandez si bailement
6188
[0] 6192
6196
V. 6164-6229
(MARTIN,
V4, 352-417)
cest mesfet et ceste descorde c’autres musarz ne si amorde. » Isengrins a son clain finé, et ly lions le chief cliné, si conmance un poi a sourire : « Avez vos, fait il, plus que dire? —
21
6200
Sire, je non ; d’itant m’en poise
c’onques en fu meiie noise ne que g’en sui si vergondez. — Hersant, dist li rois, respondez, qui vos iestes ici clamee que dant Renart vos a amee. Et vos, amates le vos onques?
— Je non, sire. — Or me dites donques por qu’estiez donques si fole qu’an sa maison aliez sole, des que vos n’estiez s’amie.
6204
6208
6212
— Merci, sire, ce n’ia mie.
Se vos plaist, miauz dire poez selonc le claim que vos 0ez, que je vos di le conoistable,
6216
mes sires, qui bien est estable,
que il ensanble o moi i vint ou ceste vergoigne m/’avint. — lert il o vos? — Oil, sanz faille. — Qui quidast ce, que Diex me valle, que il esforcier vos deiist
6220 [53 a]
la ou vostre mari setist? » Lors se rest Isangrin levez : « Sire, fait il, vos ne devez, se vos plest, moi ne lui desfandre.
6224
Ainz devez plainement entendre
6228
asa clamor, que que nus die,
22
vib,
—
LA
COUR
DE
NOBLE
tant c’on l’ament ou |’esconduie ;
que je vos di bien a fience con cil qui vos a fait fience,
6232
que, se Renart iert ci presanz,
je m’oferroie qu’a Hersant jut il a force, que jel vi, par la foi que je vos plevi. » Li lions par sa grant franchise ne vost soufrir en nule guise qu’an fust en sa cort malmenez qui d’amors fust achoisonez. Et s'il quidast que non feist, sachiez volantiers le guerpist envers Renart de sa querele don mes sire Isangrin l’apele. Et qant il voit qu’il vost tancier, si conmen¢a a agancier, si li respondi mot a mot : « Ce, fait il, que Renart l’amot
l’escuse auques de son pechié, c’il par amors vos a trichié. Certes proz est et afaitiez ; mais ne por qant s’iert il traitiez par jugement et par raison ; selonc l’esgart de ma maison, bien en ferai prandre conroi. » Li chamos siet joste le roi. Mout fu a la cort chier tenuz : de Lonbardie estoit venuz por aporter mon saignor Noble treti devés Costantinoble. La pape 1’i avoit tramis ; ses ligaz iert et ses amis,
6236
6240
6244
6248.
[b] 6252
6256
6260
V. 6230-6295
(MARTIN,
V2, 418-483)
mout fu sages et bons legitres. « Maistre, fait li rois, c’en oistes en nule terres tes conplaintes con a ma cort a |’en fait maintes, bien vodrions de vos aprandre quel jugement on en doit randre. — Qare, mesire, me audite. Nos trobat en decret escrite legem expresse plublicate de matrimoine violate. Primes le doiz examinar, et s’il ne se posse espurgarr, grever le puez si con te plasche, que mout a grant chose mesfache.
23
6264
6268
6272
6276
Hec est en la moie sentanche ; s’estar no vel en amendanche,
de si que parmaine comune universe soue pecune, de lapidir la corpe ou arde de l’aversier de la renarde. Et se vos sie bone rege, ce est qui destrive la lege et qui la vos vituperar, il le doivent chier conparar. Mecere, par la corpe sainte, ce lo jugement sioit fainte, et tu non saiez bon saignor, fai droit jujar por ton honor par la sainte cruche de Dé. Que tu ne soies bone ré, se raison ne droit ne vol far, sicon fist Julius Cesar, et en cause faiche droit dir,
6280
[53 a]
6284
6288
6292
24
vilb,.
—
LA
COUR
DE
NOBLE
se en voil estre bone sir,
6296
vide ci bone favelar par la foi toe tien te car. Se ne tiens car ta barronie,
ren toi por amander ta vie : n’aies cure de roiauta. Se tu ne juges par bonta, se tu ne gardes bien t’anor, tu non sies bone saignor, favelar rei qant que te plache : plus ne te dine plus n’en fasche. » Qant li baron I’orent oi, tez ia qu’en sont esjoi et tez qui en sont corrocié. Li lions a le chief drecié : « Alez, fait il, vos qui ci estes,
les plus vaillanz, les graignors bestes, si jugiez de ceste clamor, se cil qui est sorpris d’amor doit estre de ce ancorpez, se ses conpoinz est acoupez. » A cez paroles lievent sus, dou tref roial s’en vont en sus, a une part, por conseillier : plus en i ala d’un millier. Danz Brichemer li cers i va, que de mautalant s’enira por Isangrin qui est trichiez ; et Bruns li ors s’est afichiez qu'il vodra molt Renart grever ; avec aus .II. ont fait lever Baugant le sangler, qui de droit en nul sans ganchir ne voloit ;
6300
6304
6308
[6] 6312
6316
6320
6324
6328
V. 6296-6361
(MARTIN,
va, 484-549)
25
ensanble sont au parlement. Li cers parla premierement, qui s’est sor Baucant acoutez : « Seignor, fait il, or escoutez.
6332
Vos avez oi d’Isengrin, nostre ami et nostre voisin,
qant il a Renart ancusé. Mais nos avons en cort usé,
; 6336
qant l’en se plaint de forfaiture et l’en en viaut avoir droiture,
mostrer l’estuet par tierce main, que tez porret d’ui a demain
6340
faire clamor a son voloir don autres se porroit doloir. De sa faame vos rediron :
[54 a]
celi a il en sa prison ;
6344
qant que il viaut dire et taisir, tout li puet faire a son plaisir, et bien mentir a escient ; ne sont mie fusicien itel taismoing a esprover : autre li covanra trover. — Par Dié, saignor, ce a dit Bruns, des jugeors sui ge li uns :
puis que nos somes ci ensanble je dirai ce que il me sanble. Dant Isangrin est connostables et bien de la cort et creables,
6348
6352
6356
mais se il fust uns baretierres, fust faus ou traitres ou lierres,
sa fame ne li poist mie porter tesmoing ne garantie.
Mais Isangrin est de tel non
6360
vurb, — LA COUR
26
DE NOBLE
que, s’il n’i eiist se li non,
si l’en poist on tres bien croire. —
Par foi, sire, dist Baucent, voire.
Mais autre chose i a encore : en vostre foi, qar dites ore qui est li pires ne li miaudres. Chascuns se viaut as bons aquiaudre : se vos dites que Isangrins est li miaudres de ses voisins, Renart li vodra contredire qu’i n’est mavés loiaus ne pire ; chascuns si se tient a prodome. Por ce vos di a la parsome : _ ce ne puet estre que vos dites ; dont ne seriez vos pas quites : chascuns porroit tel clamor faire, por sa fame a tiesmoing atraire,
6364
6368
[b] 6372
6376
et dire : « .c. sols me devez »,
que maint home en seroit grevez. Ce n’iert pas fait la ou je soie : issuz estes fors de la voie. A vos me tieng, dant Brichemer : il n’a home jusqu’a la mer qui en deist plus sagement ne loiauté ne jugement. — Seignor, ce dist Platiaus li dains,
6380
d’autre chose est ore li clains,
6388
6384
que mestres Isangrin demande estroitement de sa viande que Renart prist en sa maison, a force, par male raison,
et qu'il pissa par nul respit sor ses enfanz en son despit,
6392
V. 6362-6427
(MARTIN, V4, 550-615)
27
si les bati et defola et avoutres les apela;
6396
et ace afiert grant amande. Se danz Renart ne li amande,
et sil s’en puet einsi estordre, encor s’i vodra il amordre. »
6400
Et dist dant Bruns : « C’est veritez. Honiz soit et deshonorez qui ja Renart consantira
[54 a]
que un preudome honira et si li toudra son avoir,
6404
si n’en porra nul droit avoir. Ce seroit folie provee, dont avroit il borse trovee,
6408
se li rois ses barons ne venge que Renart honnist et laidange. Mais a tel morsel itel teche : chaz set bien quel barbes il leiche ; et ne quit pas, sauve sa grace, que mes sires s’anor i face, qui s’en aloit ores riant et Isangrin contraliant porjun garcon, un losangier. Dex me laist de son cors vangier. Por Dieu, fait il, ne vos sait grief : je vos ferai un conte brief del traitor felon encrime con il conchia moi meimes.
6412
6416
6420
Renart, qui mout par est haiz,
avoit dejoste un plaisaiz une riche vile espiee novelement edifiee.
‘
6424
Lez le bois avoit un manoir ; LE
ROMAN
DE
RENART,
III
4
28
vib,
—
LA
COUR
DE
NOBLE
la un vilains soloit manoir qui mout avoit cois et jelines. Renart en fist tes deceplines que bien en menja plus de .xxx. ; toute i a tornee s’entente. Li vilains fait Renart gaitier ;
6428
[6] 6432
ses chiens avoit fait afaitier ;
ou bois n’avoi santier ne triege ou il n’eitist cepel ou piege,
6436
ou trebuchet ou laz tandu, ou roiz ou raiseul estandu ;
Renart greva tant con il pot, qar a la vile aler ne sot. Dont se porpanse le diaube que j’ere grous et bien durable et iliert petiz et menuz, si i seroie ainz retenuz : ou fust ou bois ou fus a plain, plus tost meist on a moi main ; ou que nos feiisions endui, lan tandit ainz a moi qu’a lui, et je miauz i fuse entrapez et il plus tost fust eschapez. I] savoit que j’amoie miel plus que chose qui soit sou ciel; a moi vint en esté aen devant la feste saint Johan : :
6440
6444
6448
6452
-« Ahi, fait il, messire Brun,
« quel vesel de miel je sai un! « — Et ou est? — Chies Coutent des Noes. « — Porroi i ge mestre la poue? « — Oil, je l’ai tout espié. » Li blé estoient espié :
6460
V. 6428-6493
(MARTIN,
V4, 616-681)
le blé trovames tout covert,
s’entrames par un uis overt, lez une grange, en un vergier. La nos deiimes herbergier et gesir trestout a repcs, de ci au vepre, entre les chous : cele nuit a l’aserier devions le vesel brisier, le miel mangier et retenir. Mes li gloz ne se pot tenir : vit les gelines ou paillier, si conmenga a baaillier ;
29 [55 a] 6464
6468
6472
ainz les asaut, celes crierent,
et li vilain qui leenz ierent lievent la noise par la vile ; tost en i ot plus de .vir. mile. Vers le cortil vindrent corant et Renart durement huiant plus de .XL. en une route. Ne fu mervoille se j’0i doute, les granz galoz en sui tornez ;
6476
6480
Renart se fu tost destornez,
qui sot les pas et les destorz : sor moi versa toz li estors. « Qant jel vi traire en une part : « Comment,
6484
di ge, sire Renart,
« volez me vos laisier en place? « — Qui miauz porra faire, si face :
6488
« biau sire Brun, or dou troter,
« que besoing fait vielle troter; « faites dou miauz que vos poez, « se tranchanz esperons avez « et bon cheval por tost aler.
[b] 6492
vib, —
30
« « « « «
LA COUR
DE
NOBLE
Cil vilain vos vodront saler : or oez con il font grant noise. Se vostre pelicon vos poise, ja n’en saiez desconfortez : il vos sera par tans portez.
« Jirai avant en la cuisine, « si porterai ceste geline, « sila vos aparoilleroi;
6496
6500
« dites quel savor je feroi. » A tant li traites s’eslaise,
si me guerpi en mi la presse. La noise ala si engringnant, . li chien me vindrent ataignant,
6504
a moi se lient pel et melle,
et pilet volent plus que greile ; si cornent li vilain et huient que tot li chanp entor en bruient.
6508
« Qant j’oi les vilains corner, qui lues me veist trestorner vers les matins tout a bandon
6512
et fouJer et mordre en viron, hurter et batre et descon fire,
bien poist por verité dire que ainz ne fu veiie beste qui de chiens feist tel tempeste. Bien me poisse d’aus desfandre, qant je vi les pilez destandre, et les saietes barbelees cheoir entor moi granz et lees ; et ges vi venir, si m’en part : les chiens guerpi de l’autre part, vers les vileins vint eslaissiez. A tant me fu li chans laissiez :
6516
6520
[55 a]
6524
V. 6494-6559
(MARTIN, V2, 682-747)
31
n’i ot si hardi ne si cointe,
tres que j’0i fait vers eus ma pointe, qui lors ne s’en tornast fuiant. G’en ving .1. d’aus aconsuivant, a terre a mes piez le cravant ; .I, autre s’en fuioit avant qui portoit une grant macue ; cil que je ting s’escrie et hue, et il retorne, si me grieve : a .II. mains la macue lieve, tel cop me feri lez l’oroille, cheoir me fist, voille ou ne voille. ‘Qant je me senti si quoissié, son conpaingnon li ai laissié, si sailli sus, et il s’escrient,
6528
6532
6536
6540
et li chien a moi se ralient,
si me chacent et me detirent. Qant li vilain entr’aus me virent, este les vos toz apoingnant,
6544
de lor glaives me vont poingnant, pierres gitent, saietes traient,
li mastin La ou ge de toutes ge vi que
crient et abaient. poi .I. d’aus ataindre, parz me vi againdre ; g’iere mout ploiez,
6548
[0]
adonc fui je mout esmaiez ;
6552
vers le bois conmencai a tendre, la ou la prese estoit mandre, si m’en estort miauz que je po. Retenuz fuse a bien po, mes, que fuiant, que desfandant, par une broce, en un pandant, maugré trestoz mes anemis,
6556
32
vib,
—
LA
COUR
DE
NOBLE
fis ge tant que ou bois me mis. Renart li rous m’a si bailli por la geline qu’asailli. Et nel di pas por clamor traire, mas por essanple de li faire.
6560
6564
Or s’est clamez sire Isangris,
Vautrier se clama Tiecelins qu’i le pluma en traison. Si le voloit meitre en prison, Tibert le chat, en un cipel ou il redut laissier la pel ; et puis refist il bien que lerre de la mesange sa conmere, qant il au baisier l’asailli, come Judas qui Dieu trai. S’en doit bien estre consaus pris, qant il si sovent est repris, qar nos i avons grant pechié qui tant |’i avons alechié. » Li ors a parlé longement, li sanglers li respont briement : « Maissires Bruns, fait il, cist plaiz
n’iert pas finez as premiers traiz ; encor n’iert ore aconsetie la clamor qui ci est venue. Mout seroit sages qui savroit jugier d’un conte, et n’avroit Vautre partie encore atainte : nos avons oi la conplainte, or devons la response atamdre, et l'un droit aprés l’autre randre, tant que l’en vaingne a la parsome : en .I. jor ne fist l’en pas Rome.
6568
6572
6576
6580
[56 a] 6584
6588
6592
V. 6560-6625
(MARTIN,
v4, 748-813)
33
Nel di pas por Renart tanser, mais nus ne doit a ce panser que nos les mellomes en torz,
que pechiez seroit et granz torz, que he sai que dire en doions tant qu’ensenble endeus les voions. Qant Renart iert a cort venuz, et cist clains sera retenuz qu Isengrins a ci amené, dont a primes iert ordené conment sera de l’amendise par jugement de la justise. » Ce dit li singes Cointeriaus :
6596
6600
6604
« Maudahez ait cist hateriaus,
se vos ne dites que ia. » Et li ors respondu lia : « N’iestes mie trop forsenez, qant devers Renart vos tenez, qu’entre Vos .II. savez assez ; maint mavés maus avez panssez,
6608
[b] 6612
si fera il encor cestui,
se l’en viaut croire vos et lui. » Li singins dist, qui s’en corroce,
petit li est de ce qu’il grouce, moue li fait por plus iraistre :
6616
« Se Diex vos saut, fait il, biau maistre,
or me dites en vostre droit : que en diriez vos par droit?
6620
— Sou ciel n’a cort, par saint Richier,
que n’osase bien afichier, se j’en devoie estre cretiz, que trestoz cist max est mewiz par dant Renart et par sa corpe,
6624
34
vib,
—
LA COUR
DE
NOBLE
et qu Isangrins a droit l’ancorpe. Et q’alons or plus atandant, qant la chose est venue avant
que il est pris a avotere, meismement
a sa conmere,
et se deresnent envers lui Hersant et Isangrin cist dui? Por ice seroit avenant que Renart fust pris maintenant, si li liast on mains et piez, puis fuist gitez trestoz liez en la chartre ou en la joole, puis n’i eiist autre parole | que de fuster ou d’escoillier, des qu’il esforce autrui moillier : d’esforcier fame n’i a el,
ne se c’estoit fame jael ; on en doit fort justise panre, que autre foiz n’i ost atandre ; et qu’est donc d’une fame espouse qui dolantre en est et hontouse de ce que ses mariz le sot? Et qui quide Isangrin si sot qu'il eiist plaist de ce meii, s’il ne l’etist ais iauz veii? De tant est il plus vergondez. Se cist mesfaiz n’est amandez,
de qu’Isangrins garanz li porte, dont sera bien justise morte. » Dist li singes : « Cia dur conte c’on baillist honor a tel honte c’un prodome por tel mesfait ! Por Dieu, se Renart a mesfait,
6648
6652
6656
V. 6626-6691
(MARTIN,
v2, 814-879)
de pecheor misericorde, si en faites aucune acorde : li lous est manres c’on ne quide et granz vanz chiet de pou de pluie.
35
6660
Renart n’est pas vaincuz encore ; encor vanra, ce cuit, autre ore;
dist en avez vostre plesir, s’avez perdu un biau taisir. » Dant Brichemers est mout voiseus, ne fu gangliers ne noiseus, si com cil autre compaingnon : « Seignor, fait il, or en prenon un jor de cest acordement. Renart face le sairement et ’amande par cel devise con il a Isangrin promise.
6664
6668
[2] 6672
Car, si conme li singes dit,
ne por mesfait ne por mesdit qui n’est aperz ne requenuz,
6676
ne doit ja estre plaiz tenuz d’ome afoler ne de desfaire ;
ainz i afiert la pes a faire. Mais primes gardons par mesure qu’i n’i ait riens de sozpresure.
Une chose qui mout me serre : se li rois n’est en ceste terre tant que il ait cist plaiz traitiez, se Renart n’en estoit hatiez, li chiens Frobert de la Fontaine, cil nos en metra fors de paine : en lui a mout bon chien et vrai,
ne ja home ne troverai qui ne die que c’est bien fait,
6680
6684.
6688
36
vilb,— LA
COUR
DE
NOBLE
c’on a devant lui mis cest plait. A ce se sont tuit asenti,
nes uns d’aus ne s’en repanti. Li consauz ne fu plus tenuz : este les vos a tant venuz,
6696 —
a grant joie et a grant baudor, devant le roi en consitor. Tuit li autre vont arestant et Brichemers fu en estant,
qui la parole a commenciee ; bien l’a deduite et agenciee si conme bons rectoriens. « Sire, fait il, nos estiens
6700
[57 a]
6704
alez le jugement enquerre, selonc la guise de la terre ; trové l’avons, mes n’est quel die ;
gel diroie, qar l’en m’en prie,
6708
volantiers, sauve vostre grace. » Li lions li torne la face, del otroier li a fait sine et dant Brichemer li encline : « Seignor, fait il, or m’entendez
et, se je fail, sim’amandez. Ce m’est avis que nos deimes d’Isangrin, qui se clama primes, que toute sa droiture avra de qant que demander savra ;
6712
6716
mais il li covenoit trover,
se il la chose viaut prover, soi tierz por amander son droit a jor nomé ou or androit. Puis feimes por droit ester qu’il n’i pooit riens conquester,
6720
6724
V. 6692-6757
(MARTIN,
V2, 889-945)
ne droiz n’estoit que riens preist por qant que sa fame deist. Bruns et Baucent en desputerent, mais cil qui avec nos la erent se tindrent plus a ma partie. Mais la chose est si bien partie que chascuns avra sa droiture. Puis gardames en quel mesure et qant sera la lois descrite, si qu’Isangrins claint trestot quite : c’iert diemanche par matin devant Roénel le mastin. La manderé Renart qu’il vaingne, en tel maniere se containgne qu'il face sa pes de par Dé si‘con nos l’avons devisé. » Li lions respont en rient :
« Ja, par les sainz de Belleant, ne fuse si liez por .c. livres con de ce que j’en sui delivres. Or ne m’en voil plus entremestre, ainz lor donrai jor de plait meitre : tuit 1 seront mi conpaignon devant Roénel le gaingnon,
37
6736
6740
6744
6748
le chien Froibert de la Fontaine,
aprés la messe diemaine. Renart se viaut adés repondre ;
mais jé le ferai a semondre :
6752
Grinberz li taissons i ira,
de vostre part si li dira qu’an aprés la procession li face satifacion,
ne que ja riens en contredie
6756
38
vib.
-—
L’
« ESCONDIT
» DE
RENART
de quant que Roéniaus en die. » A cest mot se sont tuit teii et foible et fort, juene et chanu ; a son ostel en va chascuns Brichemer et Baucent
6760
[57 a]
et Bruns,
et des autres une partie. Et qant la cort fu departie, Grinberz va son mesage faire. Droit a Mailcrues en son repere
6764
trueve Renart, et si li conte
conment li baron et li conte Vont ajorné dou plait a faire : dou plait sera Roiniaus maire ; gart qu’ili soit li rois li mande. Renart dist que mauz ne demande : tres bien i ert et bien fera qant que la cort esgardera. Grinberz s’en va, Renart remaint; or li covient qu’il se demaint plus sagement que il ne voille ; mais mout est foux et mout s’orgoille ; ne se porquiert ne ne porchace, ne li chaut gaires qui le hace : con puet, si praingne ses afaires. Mais Isangrin, ses aversaires, n’a pas la boche en tel despit : q’au tierz jor devant son respit vint droit a Roénel traient, qui se dedeut en abaient et gist ou paillier a grant aise, sor le fumier, delez la haise.
Isangrin le voit, si s’eschive, mais il le rapele par trive,
6768
6772
6776
6780
6784
6788
V. 6758-6823
(MARTIN, V4, 946-1011)
si lia dit mout simplement :
« Ge vos dirai tot errantmant —
39 [2] 6792
que je sui a vos venu querre. Moi et Renart si avons guerre,
que il a mout vers moi mespris ; je m’en clamai, jor en est pris enprés la messe diemenche ; ci outre n’a ne tor ne ganche : Renart i ert par tel devise que vos ferez dou plest jostise ; et en m’a dit par jugement que Renart par un serement se doit envers moi esconduire de qant que je li savré dire. Or vos pri ge con mon ami que vos saiez dou plest a mi tant que nos |’aions confondu. Tot ai clamé et respondu : n’i a mes autre chose a faire que porchacier le saintuaire, mais de ce sui mout esgarez. — Par foi, fait il, asez savez en ceste vile sanz ne sainte ;
6796
6804
6808
6812
ja mar en ferez tel conplainte, tres bien en serez conseilliez ;
car je serai apareilliez fors de la vile en un fousé. Vos me tenrez por enossé, direz que je su mehaingniez ; je me gerrai danz rechingniez, le col ploié, la lange traite. La iert vostre asanblee faite ; Renart i ert, et vos li dites
6816
6820
[58 a]
40
vulb, —
L’ « ESCONDIT
» DE
RENART
qu'il sera bien envers vos quites,
s'il puet jurer desor mon dent qu’il n’a mespris envers Hersent. S’il tant s’aproche de mon groing que jel puisse tenir au poing, bien porra dire, einz que m’estorde, que ne vit mais saint qui si morde ; et s’il de ce se viaut retraire, qu'il ne parvaingne au saintuere, ne puet aler la ou bien ait, que g’i avrai mis en agait bien plus de .XL. gaignons de toz noz meillors conpaignons,
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6828
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6836
des plus iniaus, des plus aidables ;
dont iert Renart plus que deables, se, par reliques ou par chiens, ne puet cheir en noz liens. Dex vos saut, pansez del bien faire. » Isangrin a tant s’en repere en la forez de Gainelande ;
mout se porquiert et mout demande la ou a nul de ses amis : n’i a nul mesagier tramis, mais il meimes les va querre a plain et a bois et a terre, ne remest ne chanuz ne chauz. Dant Brichemers li senechauz i est venuz la teste droite,
et danz Bruns li ors s’i esploite ; Bacanz li sanglers vint a cort, Musarz li chameuz i acort. Li lions mande le liepart
que il vangue de seue part,
6840
6844
6848
[b] 6852
6856
©e
V. 6824-6889
(MARTIN,
V4, 1012-1079)
4I
la tingre i vint a la tenpere, et Cointeriaus li enchantierre,
uns singes qui fu nez d’Espaigne, s’est ajostez a la conpaingne.
6860
Tant fait li lous qu’i les asanble. Qant 11 sont parvenuz ensanble, mout les a semons et proiez : « Biaus saingnor, fait il, or oiez :
a mon plait vos ai amenez, or vos pri que le mainteigniez, des que ci estes aiiné, et li estrange et li privé. » Et tuit cil de son paranté li ont plevi et creanté que ja ne seront recreant de si qu’il ait tot son creant : bien les a traiz desoz ses mains. Mais dant Renart n’a gaires mains : bien a porprise et amainie avecques li de sa mainie,
car trestoz cil de sa maniere sont alié a sa baniere. Le jor porta le confanon li prevoz qui Foinez ot non ; Tiberz li chaz revint avec,
Renart le het, mes ne por hec s’en fait il ce que a li monte ; Grinberz, qui ot fait la semonse,
6864
6868
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6880
[58 a]
6884
n’en ose Renart escondire,
ne ja, por riens c’on sache dire, ne li faudra ja cest demains, gar il est ses cousins germains; Rousiaus li escureus i trote,
6888
42
vib,
—
L’
« ESCONDIT
» DE
RENART
et dame Gente la marmote. Corte la taupe et dant Pelez, li raz, fu avec apelez ;
6892
danz Galopins i vint li lievres, la lurtre et la martre et li bievres,
li hericons et la mostoile. Et li foinez pas ne s’atoile qu’il n’1 viengne mout fierement, qu'il vodra mout entierement Renart aidier a cest besoing ; mais li connins n’en eiist soing de son venir, qar mout s’eschive, mais dant Renart en a pris trive. A Vasanbler ot mout grant presse ; Renart ne fine ne ne cesse, ne cil qui avec lui alerent ; jusqu’a la vile s’en alerent ou li plaiz doit estre tenuz. Dant Isangrin est ja venuz; il et Renart ont departies lor conpaingnes en .II. parties, si qu’Isengrins fu en la plainne et Renart fu en la montaingne. Dant Roieniaus qui Renart gaite, le col plaié, la lange traite, contrefait si la morte baite, qu'il ne remue pié ne teste ; sor la fouse s’iert arestez. Toz est li agaiz aprestez en un vergier, delez la soif, de gaus qu’il ot ensanble o soi, bien qu’entre lises et gaignons, plus de .xx. de ses conpaingnons,
6896
6900
6904
6908
[2] 6912
6916
6920
|
V. 6890-6955
(MARTIN,
V4, 1080-1143)
43
esliz et atiriez par non, qui ne gaitent se Renart non.
6924
Brichemers fu chies de la route a lui s’encline la corz toute, car par son aconsentement fu enparliers dou parlement.
6928
Tot premerains s’en est levez : « Renart, fait il, vos qui devez
Isangrin dire l’escondit, si conme li baron |’ont dit,
6932
aprochiez vos dou sairement, si le faites entierement ;
nos savons bien, se lui pleiist, q’assez croire vos en deiist sanz le jurer, mes nequedant ce jurez vos desus le dant dant Roanel le rechaignié, que Isangrin n’avez boisié, n’a vostre comere jeii, ne par vos tel hontage eii. » A cest mot saut Renart en place, mout s’aparaille et se rebrace, et mout s’atorne vistement con de faire son sairement. Toz jors sot mout Renart de giches : por ce que tant i ot de biches, pargut il bien qu'il iert gaitiez, et que Roieniaus iert haitiez
6936
6940 [59 a]
6944
6948
au flanc qu’il debat et demaine, qant il soufle et reprant s’alane : arier se trait qu'il le resoingne. Qant Brichemer voit qu’il s’esloingne : « Renart frere, que ce puet estre? LE
ROMAN
DE
RENART,
III
6952
5
44
vib, —
L’ « ESCONDIT
» DE RENART
Sire, vos covient la main destre lever devant nos ci tot droit ;
faites tant que vos aiez droit, si faites vostre sairement devant nos toz apertement. » Renarz respont : « Dant Brichemers, vos me soliez mout amer. Miauz vodroie gesir en erre que nou fience au saintuere. Ge voil Roieniaus ait son droit : dont ne di ge raison et droit?
6960 |
6964|
— Oil, vos dites bien qu’apers, q’or savez bien que dant Frobierz,
6968
li riches hom c’on dit des Noés,
bien a .VII. mois nori .II. oés. » Ce dit Renart : « Vos dites voir ;
je les cuit bien encui avoir. Nus ne puet faire sairement,
[b] 6972
ne bone offrande loiaument,
s'il n’a avant un poi mangié : il en a le cuer plus haitié. » Grinbert respont : «I a,ia. » Lors dist Renart : « Encoria plus riche ofrande en un lardier ; se dant Bruns m’en voloit aidier, et dant Tibert fust d’une part, je lor feroie bone part ; sia bon miel novel requit, jen mengerai encui, ce cuit. » Qant Bruns oi dou miel parler, lors dist qu’il i voloist aler
6976
6980
6984
entre lui et Tibert le chat ;
mais je cuit bien que chier l’achat,
6988
Vv. 6956-7018 a
car Renart panse en son que chascuns i laira son Dist Brichemers : « Dant irez vos dont chies dant
corage gage. Brunz, Tiber, Frobert?
45
6992
— Oil, sire, se Diex me voie, avec Renart en ceste voie. » Dist Bruns li ors : « Or de l’aler,
qu’il nos en covient tost raler. » A tant se metent au grant cors
6996
Renart, Tibert et Bruns li ors,
qui sont venu pres de la vile. Renart, qui mout savoit de guile, lor a dist : « Saignor conpaingnon, gardez qu’ensanble nos tenon, qar li vilain sont de pute aire et je les voi la batre en l’aire ;
6998 a 6998 b 7000 [59 a]
ge sai mout bien trestot cest estre : or regardez ceste fenestre
7004
par qui enz iert nostre sentiers. — Or de l’aler mout volantiers »,
ce dist danz Brunz, qu’el ne demande que de mangier de la viande. Tantost s’en vont tuit troi a destre tant qu’il vindrent a la fenestre ; overte estoit por essorer ; Tiberz et Bruns, sanz demorer, saillirent enz isnelement,
et dant Renart tot ensement por miauz honir ses conpaignons. « Or dou mengier ne nos faingnons », ce dist Renart, qui les foloie, et Bruns manjiie et goulaie. Que que Renart lecoit defors,
7008
7012
7016
7018 a
46
vib,
—
L’ « ESCONDIT
» DE
RENART
Tibert et Bruns mordoit grans mors. Or panse Renart qu'il ira la fors, si les conchiera. « Tibert, dant Bruns, or dou mengier ;
j'ai grant paor de vos gaigier, trestoz li cuers ou cors me tranble. » A icest mot tentost s’en anble
7924
Renart li rous fors de laianz,
que mout par est liez et joienz, por la fenestre que il clot : Tibert et Bruns leenz enclot. Renart crie : « Dant Brun, Tibert, anuit avroiz mout bon herbert ;
mengiez souéf a grant laissir, car nos ne poons pas oOissir tres que vos aiez doné gage seignor Frobert de son domage. » Bruns oi bien qu’il est traiz, Renart s’enfuit au plesaiz; n’avoit que faire de lonc conte, qu'il a poor qu’il n’i ait honte. Qant Bruns se voit enclous laienz, de l’eschaper n’est il naienz : « Ahi!
7028 ©
[8] 7032
7036
7040
fait il, Renart, Renart,
encor pandrez a une hart ; se de ceste puis eschaper, je vos quit tant batre et fraper. — Ha! Diex, ce dist Tibert li chaz, con nos a mort cist orz rachaz, cist rous puanz, cist orz lechierres; sel sera par totes terres. »
Es vos poingnant sire Frobert et dant Costant, et dant Nobert ;
7044
7048
Vv. 7018 b-7083
Ae,
danz Brun oirent gamanter, lez la paroi vont escouter. Qant il oient que c’est danz Bruns : « Por les danz bieu, ce dist li uns, c’est Bruns li ors, li chaz Tiberz, ne li avra mestier hauberz,
71952
7050
q’autre foiz m/ont il fait domage. » Par poi que li vilains n’enrage ; il apele toz ses amis et ses paranz et ses voisins : « Or ca, baron, or ga, a Vors! » Et cil vilain vienent le cors, qui portent flael et macue :
grant mervoil est s’on ne les tue. Tiegiers i vint Brisefouace, et li fil Robert de la Place, et Houdeberz Brisebraciee, nes sa fame a il huchiee,
7060
[60 a}
7064
7008
a son col porte une grant bolle ; mar vit danz Bruns le mel de I’orle : tuit le menacent d’escorchier;
nes li fil Caillot le vachier jure dou cuir fera conongles a dant Frobert qui est ses oncles.
7072
Vint tost a l’uis, s’entre dedanz ;
et Bruns li ors gite les danz qui le vost saisir au poing destre ;
7076
et cil le fiert devers senestre ; Hodeberz le fiert de sa bole,
de lui joe qant une soule; tant li batent et os et pel que plus fu mous d’un viez drapel. Tibert l’esgarde, si les voit ;
7080
48
vib,— L’ « ESCONDIT » DE
RENART
par un petit qu'il n’en desvoit tel peor a et si grant duel ; botez s’en est en un booel. Nus ne remest dedanz la vile, fors seulement dame Poufile, que tuit ne saient alez batre ;
OLUX Ca eden VI Car Ehi tos trestuit batoient dant Brun Vors. Et Renart escotoit defors,
et Si se pamse en son corage c’or puet il bien faire domage sire Gonbert d’une grase oe ; ja mes n’en metra en la moue. Que que li vilain l’ors bastoient et a son domage entandoient et le fierent de ranc en ranc, et Renart s’en vait droit errant : une oe Saisi par le col, et les autres ont fait lor vol
par desus la meson Poufile. Lor crie en haut : « Ga! bele fille; Renart li rous emporte l’oie, sire Gonbert n’en avra joie. » Maintenant celes s’escrierent, et li vilain qui laienz ierent
7084
7088
[b] 7992
7096
7100
7104
7108
saillirent fors isnelement,
fors que .1111. tant seulement. Aprés Renart crient et hiient et tant le chacent con il pueent. Et cil qui Bruns ont en prison virent Tibert par la maison ; li uns regarde un poi en haut, Si vit Tibert, lors crie en haut :
7112
7116
V. 7084-7149 « Or ga! conpoinz, je voi Tiebert, qui a mangié le miel Frobert ; la qeue en pert par de defors, en cel buiot en voi le cors. » Par la qeue le sache et tire, or est Tibert en grant martire ; si sont tuit troi li conpaingnon chacié de maint vilain garcon :
49
7120
[60 a]
7124
Renart chacent et Brun batirent,
Tibert de lor pieus cravantierent. Que qu’il entendent a Tibert, et Brun saut sus par luis overt ;
maugré trestoz ses anemis, se mist li ors ou plaissaiz, mout se demente, mout se duet, encor tenra Renart, s’il puet, qui tot ce li a porchacié.
7128
7132
Et li vilain ont mout chacié;
Tibert mainent en grant viltence, faire li font la penitence del bacon que mengié avoit.
7136
Un grant pertuis laienz avoiz ; Tibert le voit, mout est joienz,
ilimonta loriauz voienz, sis’en refuit, et il le chacent,
7140
mout sont dolant, mout le menacent.
N’est pas remés li chaceiz, qu’i sont tuit troi ou plaiseiz. Brun s’enfuit tote une charriere, Tibert le suit par de derriere, si lia dist : « Sire conpainz, mout par est granz nostre mehainz ; ce m’a fait Renart, biau conpere,
7144
7148
50
vib,
—
L’
« ESCONDIT
» DE
RENART
honniz soie, s’il nel conpere ;
ausi me ra il fait tant batre en .II., en quint, en .III., en .IIII.,
que ma qeue i ai perdue et ma teste toute fandue : se Renart einsi s’en estort, miauz vodroie avoir la mort. » Tibert s’enfuit, et Brun c’on chace; encor n’es pas remés la chace, mout le menacent li vilain et Bauduiniez, li fiuz Gillain ; dient entr’aus ne fineront
tant que il trové les avront. Et Bruns ne dit pas : « Cus, sieu moi », mais : « Se tu puez, panse de toi »; il se dresce par une voie, au chastel Renart tint sa voie. Renart ne doute home ne fame : cil sont devant la barbaquane ;
7164
7168
il sont en haut et cil en bas;
Renart lor a gité .I1. gas: « Dant Brun, de Dieu saiez saingniez ! Teste vos de novel saingniez?
7172
Vostre bras vos est escrevez ;
je cuit trop tost coru avez. Et vos, Tiebert, ou est la queue? Alé avez en male veue ;
por le cu bieu, qu’avez vos fait? Qu’avez vos dant Gonbert mesfait, nule chose que je ne sache? _Avez mengié ne buef ne vache? Laisié avez trop riche gage. » Qant Bruns l’oi, a poi n’enrage :
7170
7180
[61 a]
Vv. 7150-7215
51
« Renart, dist Bruns, par ceste teste mar i closistes la fenaistre. »
7184
Renarz respont : « Voir, non fis onques, ainzcois chei ; or dites donques
que ne sailliste vos ¢a fors, qant vos mangiez les gros mors? Dites Brichemer je li mant ne puis faire mon sairement, que cil vilain tuit vos dechacent, je les oi ci qu’il nos menacent.
_ 7188
7192
Alez vos en, Brun, biaus douz sire, vos avez bien mestier de mire ;
gardez ne soit plus respitié : je ai de vos mout grant pitié. » Bruns ot Renart, ne set que dire ; par poi que il n’enrage d’ire. Que que Renart et Brun copoient, et li vilain le bois coupoient por faire batons et macues.
7196
7200
Bruns regarde devers les rues et voit l’ariere ban venir ;
mout le menacent a tenir.
7204
« Tibert, dist Bruns, or de l’aler :
trop i porrions demorer. » Or s’en vont cil, Renart remaint,
de plusors sauz out il faiz mainz ; cil s’en fuient entrequ’a l’ost, et li vilain retornent tost. Qant Brichemer vit l’ors saingnier, si se conmeng¢a a saingnier ; et il n’aporte nule oraille, trestote la cort se mervoille ;
et Tibert qui n’a point de qeue,
7208
[b] 7212
52
vib, — L’ « ESCONDIT » DE
RENART
or va la terre male veue.
Que que Bruns faisoit ses conplainz, a tant es vos par mi les plainz sire Gonbert tot plain de rage, ses poinz detort, ses poils arache, et plus d’un .c. d’un paranté qui tuit ont dit et creanté que ja mes jor ne fineront devant que Brun trové avront, et dant Tibert et dant Renart menacent que pandront a hart. A ces paroles, a cest mot, ez vos Gonbert plus que le trot, et ses paranz et ses amis ;
7216
7220
7224
7228
et Bruns s’est a la voie mis,
qui mout dote cop de vilain. Tenu |’avoit le fil Gillain et Emeris de la Ruelle et Fremeris et Voideescuele, il et Tiegiers Brisefouace et Houdeberz qui chiet sor glace, qui Tibert ot batu la pel, dont Renart fu et bon et bel. Por ce ensanble tuit s’en fuient et li vilain aprés les huient, traient saetes barbelees, menuement et granz et lees ; li une chiet sus Brichemer,
f
7232
72360
7240
[67 a]
miauz vousit estre dedanz mer ;
7244
li autres chiet sur Roienel et il saut sus tost et isnel : norz se faisoit por engingnier, Renart le rous voloit mangier :
7248
|
V. 7216-7278
oe)
il se fesoit saint apeler, mais Renart le fera tranbler et toz cez autres traitors
maugré Tibert et dant Brun I’ors. Li vilain cuident estrangler mon saignor Baucent le sangler ;
7252
il le vont tuit avironant,
les danz li brisent maintenant, lors le pandent lez une poise, mout lor ennuie et mout lor poise; et dant Grinberz ront entendu, mout l’ont blecié et mout tendu; a grant paine est eschapez,
mais nequedant mout fu frapez ; ‘mais Roianiaus ne l’en dut gaires, qui dou sairement se fist maire ;
7256
7260
7264
batuz refu Platiaus li dains,
qui mout par estoit fous et vains, que Renart voloit conchier. Or puent tuit aler brillier, et li lions et li lieparz ; n’ia.I. seul qui ne s’en part mout corociez et mout dolanz. Et dant Renart n’en fu pas lanz
72608
[4] 7272
de corocier ses anemis, et il se rest en Malcreus mis;
mout li est or poi de menace : qui le viaut hair, si le hace. Cil s’en fuient, Renart eschape : des or gart bien chascuns sa chape.
7276
VIII.
54
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
C’EST LA BRANCHE DE LA BATAILLE DE RENART ET D’ISENGRIN
Nise. Nobles li lions o lui avoit toz ses barons ;
7280
trois jorz out ja sa cort tenue, bien l’ont li baron maintenue ;
sanz ce que nes anvoia querre, venuz
sont par mer
et par terre
toz ensanble por lui servir, que bien li volent obeeir, por ce que chascuns bien savoit de voir que il sa cort tenoit : a cez tres hautes ennez festes i vienent de partot les bestes. La gent le roi ne fu pas qoie, par la sale mainent grant joie; tuit font grant joie ou palais :
7284
7288
7292
chantent notes, vielent lais.
Tuit i sont fors Renart le rous dont a eli maintes clamors,
et mainte grant ire a etie li rois, qant sa gent fu venue. L’un vers l'autre souchant avale. A tant ez vos par mi la sale dant Grinbert venir et Renart ; mais s’or ne set d’anging et d’art, de ce que tant a fait la muse a Isengrin q’au roi l’encuse, mout par tans, si con nos quidons, iert de lui prise vengoisons :
se or ne set Renart de frape
7296
[62 a] 7300
7304
|
V. 7279-7340
(MARTIN,
VI, I-66)
il est cheiiz en male trape. Renart a 1’antrer de la porte
55 7308
va reculant ; mout le conforte Grinberz, li dist : « N’aiez paor ;
de .1I. maus prant on le paior :
7312
se tu t’en tornoies de ci,
$i puez tu bien savoir de fi, voilles ou non, repereras vers le roi, ganchir ne porras.
7316
Renart, ne t’esmaies tu mie : tu ne sez con longe est ta vie,
couarz doute toujorz la mort. Renart, saies de bon confort ; fortune torne as hardiz,
si con tesmoingne li escriz. » Renart voit que il lo sermone et que mout bon conseil li done ;
7320
7324
ou palés s’en entrent adés,
Grinberz avant, Renart aprés. Renart ne senbloit pas vilain, son cousin tenoit par la main ; la presse deront et depart, n’i a celui qui ne l’esgart. Devant le roi, qant ille vit, s’agenoilla et puis li dist : « Rois, Diex, le filz sainte Marie, et vos et vostre conpaingnie vos gart et tot vostre barné. » Et li lions l’a regardé par grant fierté, par grant orgueill; Renart le conut bien a I’oil : mout par a grand paor de lui, qu il crient qu’il ne li face anui ;
7328
[b] 7332
7336
1349
VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
miauz vousist estre aillors toz nuz qu’a sa cort fust encor venuz. Li baron sont tuit a repos, par la sale n’i a si os
7344
que il face ne cri ne noise. Li rois parla — Renart s’acoise — si a dist par grant felonie : « Ce salu ne vos ran ge mie,
7348
rous venimeus, de pute foi ;
ainz remanrez ceanz 0 moi: ainz que partez de cest ostage, me lairez vos ceenz bon gage,
7352
au mains cele rouse pelice. Qant estoies dedanz ta lice, ne quidoies mes reperier ; tot le mont quides guerroier ;
7356
tant com, torna bien ta roele nos as servi de la fauvele ;
mais mainte foiz l’ai oi dire : aprés grant joie vien grant ire,
[62 a] 7360
et aprés mol vant vante bise, tant va poz a l’iaue qu’il brise. Or qui ge bien, sire Renart, qu’il est brisiez de vostre part. »
7364
Li rois parla — Renart escoute — et dit que sa gent i est toute. « Renart, fait il, a ton viaire
resanbles home de pute aire : bien pert a toi quel fu li poz, que tu es plus.enflez que boz. Renart, mout a en toi engien ; onques nul jor ne feis bien.
Por ce que tant m’as corocié,
7368
7372
V. 7341-7406
(MARTIN,
VI, 67-132)
et Isengrin tant engingnié, et por ce que Tieberz li chaz par ton anging fu pris au laz, et Brun li ors par mi le groing el chaine dont ostas le coing, tel guerredon t’en ferai randre que as forches te ferai pandre. »
57
7376
7380
Renart sot mout d’afitement,
si respondi mout sagement : « Biau sire, sauve vostre grace, onques ne fui de tele estrace c’a mon saingnor face contraire, ne chose que ne doie faire. Ge suis voz hom et vos mes sire : de moi ne devez chose dire qui estre me doie en nuisence. Mais bien estes de la puisance, giter me poez de la terre ; ne puis pas soufrir vostre guerre, mout par redout mes anemis ; $i me poise que j’ai mespris de riens que a vos apartiengne, mais non ai dont il me sovaingne. Tel le vos a or fait entendre
7384
7388
[4] 7392
7396
et conté, por moi entreprandre,
qui ne l’oseroient prover ; menc¢onge puent controver, mais, a voir dire, sai ge bien
que je n’ai entrepris de rien. Ja mes preudome n’iert amez, li plus loiaus est plus clamez ; fox est qui ne dist verité, plusor en sont deseritez
7400
7404
VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
et de terre gité a tort ; li murdreor sont li plus fort. Nus ne vos seiist si decoivre que ne deiissiez apar¢goivre
: 7408
qui menconge vos fera croire ou dira chose qui n’est voire. .XX. anz a que me conneustes,
7412
mais onques puis home n’etistes por vos ait tante paine eiie : encor en a la char ronpue des granz travauz, ce est la some. Qant je por vos alaia Rome, en Salerne, et a Monperlier, por la mecine apareillier qui bonne fu au mal saner qui forment vos faisoit pener, sire, mestier vos ai ei. » Ce dist Grinberz : « Mout deceii. Vos qui dites qu’il a mesfait : por riens nel vodroie avoir fait. — Grinberz, fait Nobles, bien as dit, ja de ce ne seras desdit. Bien puet estre que m/a servi, mes malement le m’a meri. C’est verté que mandai Renart : Tieberz i fu de moie part, qui bien li dist qu’a cort venist ne pas en desdaing nel tenist. Renart, qui fait mainte promesse et mout set de la fauve anesse,
7416
[63 a] 7420 7420 a 7420 b
7424
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7432
respondi que bien le feroit et que a cort 0 lui iroit ; Renart fist de l’aler sanblant,
7436
|
V. 7407-7470
(MARTIN,
VI, 133-198)
59
Tibert tint son cheval enblant. Qant il furent a une vile,
Renart, qui set de mainte guile, sot l’ostel qui un prestre estoit ; por lui durement se gaitoit. En la maison n’ot nule entree
7440
fors un boel, quant est fermee :
7444
la ot tandu laz por lui panre ; Renart fist a Tibert entendre que par iluec soloit venir et as gelines avenir, ‘et tant i ot soriz et raz n’en avoit tant jusqu’a Arraz. « Tiebert quida que voir deist, de grant folie s’entremist ; au departir se tint por fol,
7448 [b]
7452
li laz li chei sor le col; il ne sot tant bouter ne traire que d’ileuc se poist retraire.
7456
Cil qui se furent entremis dou laz faire qu’il orent mis, qant il sorent qu’il out prison, lun prist un pel, l’autre baston ; et Renart se mist a la voie
7460
qui n’a talant que l’en le voie ; Tibert batent et donent cous; lilaz ront ou tenoit li fous.
7464,
Qant Tibert se santi a terre, les sorciz lieve, les danz serre. Il li avint grante avanture, n’avint plus bele a creature,
7468
que li prestres i fu venuz, deschauz, en braies et toz nuz; LE ROMAN
DE RENART,
III
6
60
VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
vint a Tibert, sel vost ferrir.
Et cil, qui se voloit gairir, dou provoire la coille prist, si que de riens n’i entreprist :
7472
en sa main ot, ce est la voire ;
le plus de la coille au provoire manja ainz qu isist de l’ostel ; n’eschapa mes Tibert de tel. « La prestrese i fu acorue, ne sera mes chiere tenue. Qant voit la perte qu’a eiie : « Lasse, fait ele, malestrue,
7476
[63 a] 7480
©
« mis sires a perdu sa joie « par que en tel chierté estoie.
7484
« Or n’avra il mes de moi cure,
« « « « « «
qant il a perdu l’enbleiire; or sai bien qu’il me gurpira, qant il aidier ne se porra : a joie ai tenu ma jovante, tant sui ge plus trite et dolante ; i me donoit les biaus mangiers
7488
« et les bons dras mout volantiers ;
7492
« « « «
7496
or sai bien faillir m’i estuet : grant chose i a fere l’estuet. Mis sire a perdu hardement ; li chaz l’a baillié malement. »
Si con il demoinent lor duel,
Tibert s’en ist par un booueil. Renart s’en fu pieca partiz ; einsi fu li jeus mal partiz. De ceste chose a fait plaintes Tibert ; des autres i a maintes.
« Bruns se replaint qu’i le fist batre
7500
>
V. 7471-7536
(MARTIN, VI, 199-266)
au chainne ou le fist enbatre,
que charpantier orent overt et laissié tout a descovert : dist li que miel avoit dedanz, cil l’en quida traire a ses danz, son groing i mist et enbati tant que le coing en abati ; onques des coinz n’i laissa .1. et ou fust remest le groing Brun ; lors fu li las en grant dolor, tote ot perdue sa color. Renart ne fist fors que sorire, qant il le vit en tel martire, et dist a Brun : « Mangiez assez « tant que saiez bien saoulez : « li miez est vostre, jel vos lais. » A tant s’en torne a eslais.
61
7504
7508
[6] 7512
7516
7520
« J’ainon Renart, biaus amis Brun, « Ce n’est mie gaains conmun : « vos volez tot avoir sanz faille, « je n’en ferai vers vos bataille,
« einz le vos clameroie quite : « je n’ai mestier de faire luite. » « Qant assez ot rampones traites et loufes li ot plusors faites, tornez s’en est, ne vost plus dire, et cil remest en grant martire : le groing estant et sache et tire, nel puet avoir, s’il nel descire. N’estoit pas dou tot a son chois :
7524
7528
7532
Li foretiers venoit dou bois,
xl. estoient en la rote. Qant virent l’ors, l’un l’autre boute.
7536
62
VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
« Ge voi un ors, dist li premiers ;
« or i parra, frans foretiers : « que bien sai aidier ne se puet ; « or le prenons, faire l’estuet. » Qant Bruns li ors les ot venir, il ne se vost plus atenir, ainz sache a soi par tel air que tot le cuir fait departir, de tot son groing et de ses moes n’en remest point entor ses joes ; mais ainz que il en fust ostez, li ont tant batu les costez ~ de maciies et de bastons.
—
[64 a] 7540
7544 |
7548
Issuz en est a reculons ;
arriere main gita hasart, Renart |’a tenu por musart. Fuient s’en va a longe alaine, mais eincois ot il soufert paine. Et dant Renart, qui n’ait confaisse, ne fine d’errer ne ne cesse tant qu’a l’antree d’une rue a Brun l’ors grant ranpone eiie : « Biau sire Brun, et quar me dites « se estes moines ou ermites,
7552
7556
7560
« et quel messe chanter savez, « que vos si grant corone avez.
« « « «
Mout par avez vermoil le chief bien pert que futes a meschief et que la force n’est pas vostre ; li pis n’est pas ileuques vostre. »
7564
« Einsi servi Renart mon home,
par les sainz que l’en prie a Rome, que le bon droit lor en ferai :
7568
[b]
|
V. 7537-7602
(MARTIN,
VI, 267-330)
se prover le puis, jel pandrai. A ce a fait dant Brun son plaint. Et la mesange se replaint, qar qant ele le vost baissier
63
7572
et a lui se vost acointier,
les danz gita por l’enconbrer : einsin la quida estrangler ;
7576
la li orent ses eles oués, a tant resailli en son crués ;
mout par faissoit grant desverie, qant il faissoit tel tricherie, qu’ele estoit en loi sa conmere, sile tenoit por son conpere.» Por ce di qu’in’est pas loiaus ; la se contint con desloiaus ;
7580
7584
Renart ne fait de riens a croire,
par nature fait a mescroire. « Dame Pinte se rest clamee,
qui de mainte gent est amee, de sa seror dame Coupee que Renart li a esclopee
7588
et .v. mortes de ses serors,
dont au cuer a graingnor dolors. Grant mal a fait a povre gent : ja ne por or ne por argent ne doit l’en laissier a jugier por ses felonies vangier. Li corbiaus rest a cort venuz et dist que droiz li soit tenuz de Renart qui prist son fromaige, et puis refist si grant outrage que o les danz le vost saisir; mais n’en fist mie son plaissir,
7592
7596
[64 a] 7600
64
VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
qu’i s’aparcut qu’il le vost prandre, si s’en torna, nel vost atandre : Renart, qui sert de tentes frumes,
li aracha .1111. des plumes ; bien le cuida avoir sorpris par son enging et entrepris : il li disoit qu’il avoit ploie, mais de lui ot male monoie. Ne vos porroie pas retrere les max, l’anui ne le contraire,
que Renart a fait a Brun l’ors, a Isengrin et as plusors. Isengrin s’est a moi clamez de Renart, qui si est blamez, de sa fame que a maumise et a force desoz lui mise si vilment et en tel maniere com se fust une chanberiere. Tot ses pansers fu aconpliz :
7004
7608
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7616
7620
se droit n’en ai, je sui honiz ;
ge ne voil que ma gent me hace : droit me covient que je lor face.
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« Qant Roieniaus, li viaus mastins,
qi reset de plusors latins, et qui mout a fier le corage, se reclaime, qant ou mesage ; l’avoie tramis de ma part, que me feist venir Renart. Lors li fist Renart si grant honte que je n’en sai dire le conte, mais bien a oi la merele de ce dont Roieniaus l’apele, et dist que par sa traison
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[0] 7632
Vv. 7603-7668
(MARTIN, VI, 331-394)
le fist retenir en prison. Amuser li sot par parole, et li dist, d’une ceoingnole
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que uns vilains avoit tandue lez une voie desfandue, que la gisoit uns saintuaires qiiert apelez sainz Ylaires,
et bien entendre li a fait que la redrescent li contrait. Cil n’en sot pas la verité, pansa qu’il deist verité ; tant li fist par anging acroire cuida sa parole fust voire cil qui sages estre soloit : nus n’est si sages ne foloit. La li fist Renart le musage : en l’enging avoit un fromage que uns vilains mis i avoit,
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7648
7052
et Renart molt bien le savoit ;
Reoiniaus ne fist pas que sages, sailli avant, prist le tromage,
7056
ne vost laissier que il n’i morde ; au ressachier laissa la corde,
qui desor le col li devale ; paine et engoisse soufri male. Cil se frandoille et retorne, et Renart, qui pas ne sejorne et qui l’ot mené conme fol, le laissa pandre par le col. Renart li rous, que max feus arde !
li dist : « Des vignes saiez garde. » Bien fu li matins deceiiz : des gardes fu aparceiiz,
[65 a] 7660
7664
7668
66
VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
o maciies et o tiniaus li aunierent bien les buriaus ;
ileuc ont tant le las batu qu’a la terre l’ont abatu ; ne brait, ne crie, qu’i ne puet,
7672
simplement contenir l’estuet ;
a mout gran paine eschape vis, si con il dist, jel vos plevis.
7676
Bien devroit on Renart destruire, toz li mondes li devroit nuire,
einsin baillist la bone gent. Ja n’en penra or ne argent que ne le destruie ou pande, se il n’est tez qu’il se desfande : honte m’a fait et vilenie,
trop ai soufert sa renardie.
7680
7684
« Renart, tot ce avez vos fait :
a cuic’est bel maudahez ait ! mais, par ma barbe, si je puis et en mon conseil voir le truis,
qant vos de moi departirez, ja mes beste n’atraperez ; la moie foi en voil jurer que tot ce verroiz averer,
7688
[b] 7692
car a ce este vos venuz que droiz en iert a cort tenuz. Renart, fait il, trop ies haiz. »
Cil ne s’est pas trop esbahiz, ne trop hatiz de sa parole (esté avoit a bone escole), vers terre tint enclin le chief et fait sanblant qu’i li soit grief : bien savoit traire et bien parler,
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7700
V. 7669-7734
(MARTIN,
VI, 395-458)
bien respondre et bien oposser, gant il en a et lieu et aise. Or li covient que il se taisse, car il voit le roi corrocié. Un poi a son chief redrecié :
67
7794'
il n’en ot en lui que aprandre, bien se sot garder d’entreprandre. Au roi a dit qu’i li otroit qu'il puisse respondre par droit et au droit qu’il dira s’acort : « Tant en dira n’en avrai tort. —
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7712
Renart, dist Nobles, bien as dit,
ja de ce n’i avras desdit : or diras, nos t’escoterons ; se tu diz bien, nos nos tairons. — Sire, ce dist Renart, bien dites,
qui avez dit ne sui pas quites des aloingnes que avez faites, que vos avez desor moi traites, de Tibert et de la mesange. Mais je di bien, a que que praingne, de Chantecler et de Coupee que par moi ne fu esclopee,
7716
[65 a] 7720
7724
ne Reonel ne fis domage,
ne Tiecelin de son fromage.
Bruns li ors s’est de moi clamez? Certes a tort en sui blasmez,
7728
q’ainz par moi ne perdi sa pel ; ne ne fis mal a Reonel,
ne a mon conpere Isengrin :
a tort m’encusent mi voisin. Las ! mal servise ai toz jorz fait, par biau servir ai le col frait ;
7732
68
VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
chascuns le set, n’i a si fort, que tel ne peiche qui encort. Male grace m’a Diex donee, mais itele est ma destinee que ja si bien ne savrai faire que il ne m’en vaingne contraire. Certes mout ai a ces bien fait qui or me porchacent tel plait.
7736
774°
Vos m’en avez fait ci semondre,
et je sui toz prez de respondre au jugement de vostre cort. » A cest mot Isengrin acort devant le roi entre les autres, et Reoniaus li fous, li viautres,
la mesange et Tibert li chaz, qui avoit esté pris au laz, dame Rousete la geline et dame Pinte sa cousine. Renart vit n’1 a mestier ganche : seignez s’est a la main esclanche ; or li covient que raison rande, grant paor a c’on ne le pande..-
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7756
S’or ne set Renart de barat,
mar acointa Tibert le chat et Brun lors ; s’or n’est en liens, mout sera bons rectoriens
Renart ; se einsi en eschape, sanz chaperon set taillier chape. La n’ot mestier parole fainte : de Renart font au roi conplainte ; de totes parz l’estuet parler, c’a poines se puet escuser. Ce dit Nobles : « Que vos est vis? »
7760
7794
V. 7735-7800
(MARTIN,
VI, 459-518)
Renart respont : « Ce m’est avis, si que bien connoist par raison, vers vos n’a nule mesprison. Sire, sire, ce dist Renart,
69 7768
~
ja Diex n’en ait en m’ame part, se je de mesfait me recort dont eiisse envers vos tort ; il diront ce que il vodront, mais por ce riens ne me toudront,
7772
7776
se vos plaist, qui mes sires estes.
Je sui sordiz de plusors bestes : a tel ai porté grant honor qui puis m’a fait grant desonor : je sai que li torz n’est pas miens, toutes voies vaintra li biens. Onques de riens ne m’entremis de coi deiise estre anemis dant Isengrin, mon chier conpere ;
[66 a] 7780
7784
mais, par l’ame la moie mere, asa fame ne fis folie ;
si l’a mout por moi asaillie, et prez sui de mostrer sanz faille ou par justise ou par bataille, ensinc con en l’esgardera et que la cort le jugera. » Isengrins est sailliz en place : qui que il poist ne qui i place, sa droiture vodra prover, tot sanz manconge controver.
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7792
7796
Noble conmende que il die, n’i a celi quil contredie. « Renart, dist Isengrin, entent !
Je sui cil qui mon droit atent
7800
79
VIlI.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
des granz anuiz que tu as faiz, que nos avons eiiz retraiz : ne me sont encor amandé,
si l’avoit li rois conmendeé. Mout as fet ces autres grever, ainz qu’en te poist amander, et des juenes et des chanuz en as assez por foux tenuz, tuit cil qui de toi clamé sont, qui ici en present estont. Par moi, qui par toi sui honiz, voil que li chans soit hui feniz : par la verité m’en irai, se je puis, ja n’en mentirai, la ou je puisse aparcevoir que ne m’en aille par le voir. Je n’é mestier de faire longe, ne de controver en menconge : de traison t’en proverai, si que garant en troverai, et mosterrai tot par raison et felonie et traison :
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bien en savrai l’achaison dire,
se t’en voloies escondire. » Renart respont : « Bien dist avez : or dites conment le savez. » Dist Isangrin : « Bien le dirai, ja de mot voir n’en mentirai : mes conperes estes en lai, si m’avez mené en bellai
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plus de .c. foiz, que je ne mente ;
mainte beste avez fait dolante ; bien l’ont plusor aparceii
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v. 7801-7866
(MARTIN,
VI, 519-584)
A
que maintes foiz m/’as deceit. Or sai bien, se cuers ne me faut,
nos somes venu a l’asaut. Mout ai par toi max endurez, maintes foiz t’en ies parjurez, de ma fame m’as maubailli. » Et dist Renart : « Tu as failli : onques a ta fame nel fis, ne vers toi de riens ne mespris. »
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Dist Isengrin : « Certes, Renart,
jel moterroi de moie part que vos a force l’asaillites, en con trover pas ne faillites ;
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voienz mes iauz, vousist ou non,
li batites vos le crepon. Bien vos vi bouter et enpaindre et durement la queue estraindre.
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Iloc la tenites por sote,
ce ne fu pas jeu de pelote ; ce ne porriez vos desfandre ne vos en veisse descendre, et voz braies sus remonter ; ne m/’est honte del raconter,
mais, se je celer le peiisse, a nul jor dire nel seiisse. » Ce dist Renart : « Ja Diex ne place le criator que tant me hace q’aie fait tel descovenue que ma conmere aie foutue
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7860
plus bas de l’oil, si con vos dites ;
donques seroie ge erites. Or puet on bien de fi savoir que vos ne savez honte avoir,
7864
72
VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
que ce avez amantet dont tuit li autre sont teu.
Ne deiissiez pas chose dire qui a Hersant tornast a ire, mais si avez la chose enprise honte avez derriés le dos mise : bien as ore honte adossee,
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[d]
7872
qant tu si honiz t’espousee. Le bouter et le soufachier, ce fi ge por le fors sachier ; boter, enpaindre me veistes, bien sai que a mal le tenites,
mais je nel fis se por bien non : or m’en rendez mal guerredon. Jel fis por bien et por franchise :
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7880
or m’en rendez mavés servise ;
mout fui foux qui m’en entremis ; or en estes mes anemis. » Cil li dist : « Bien te puez vanter bien ses a fol meise chanter ; ce est bien chose conneiie, mainte honte ai par toi eiie;
tu ies de tel autorité que en toi n’a point de verté. Tant me conseillas en lVoroille que me fis entrer en la saille et avaler ou puis dedanz, la male goute aies es danz ! Par tantes foiz m’avras fait honte que je n’en sai dire le conte. Tu deis qu’ila porroi estre
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7896
laienz em paradis terretre,
ou il avoit gahaingneries
[67 a}
4
Vv. 7867-7932
(MARTIN,
VI, 585-650)
et prez et bois et praieries : nus ne seust riens demander que illoc ne poist trover, et qui voloit mengier poisons ou luz ou perches ou sauzmons, tant en avoit con li plesoit,
73 7900
7994
a sa volonté eslisoit ;
de toz biens iert li leus garniz : de quoi fui iloc escharniz : je quidai tu deisses voir, mais je ne fis mie savoir. Mout m’engingnas a icele eure : ou sael entrai sanz demeure,
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et la cordele destortoille ;
tu estoies en l’autre saille : je fui pesanz, tu fus legiers, tu traitres, tu losangiers,
7916
je avalai et tu montas.
Qant emi le puis m’encontras, lors fu mes cuers iriez et grains ; tu ies de felonie plains ; je demandai que tu queroies et tu deis que tu montoies : ce est la costume del mont, li un vienent, li autre vont ;
d’enfer estoies eschapez et je i remés entrapez. Je ne sai que tu devenis ; tel traison me porqueis, ileuques soufri ge mesese; de boivre estoie a grant aise,
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7924
7928
[b]
trois foiz me reclost sor la teste,
mout i avoie grant moleste.
7932
74
VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
Li blanc moine m’en mistrent hors,
mais tant me batirent le cors de potences et de bastons qu'il me mistrent a vantrillons ; de pes me firent tel deport que la me laissierent por mort en un fousé qui ert pulanz. Par la queeue me trestrent enz ; de piior dui estre crevez, mout ai par toi esté grevez ; d’ileuc m’en alai a grant paine que ne pooie avoir m/’alaine,
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7940
7944
encor m’en duelent tuit li membre ;
mout sui dolent, qant il m’en manbre. Tu me feis aler peschier ‘et a eve tant acrochier
7948
que tote oi la qeue jalee et a la glace saelee ;
sanz la queeue perdre a l’issir ne m’en peiisse departir. — Isengrin, diz le tu a certes que tu par moi eiis tes pertes? Par foi tu paroles en orce : ta lecherie t’en fist force;
tu estoies si basoingneus et de poisons si covoiteus, tu n’en quidoies preu avoir. Bien dist li livres dou savoir que qui tot covoite tot pert ; ¢’ose ge bien dire en apert : mout est honiz qui tot covoite, que son gahang pert et s’enplete. Des que tu les poisons sentis,
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V. 7933-7998
(MARTIN,
VI, 651-718)
75
di moi por coi tu t’alentis q’an ton giron .II. n’en meises? Mais por escharniz te tenisses, se tu n’en fusses toz chargiez, por coi tu fusses engingniez. Qant do venir t’alai semondre,
7968
lors conmengas un poi a grondre ;
7972
qant je fui ennuiez d’atandre, si te laisié as poisons tendre ; se mal t’en vint quel blame en ai? Onques des poisons ne menjai.
7976
— Renart, bien te ses escuser
et genz par paroles muser. Ne porroie avoir retrait les mauz que tu m’as diz et faiz : touz jorz m’as tenu por bricon. Un jor oi mengié d’un bacon ; javoie grant talant de boivre, la me seti tu bien decoivre : tu me deis que d’un celier
7980
7984
te fist l’en mestre boteillier ;
en ta garde estoient li vin toz tens au soir et au matin.
7988
La me menas tu conme fol,
[5]
assez i oi batu le col; la me menas tu a envers, tu m’as chanté de mout forz vers. »
7992
Ce dist Renart : « Or as tu tort. De ce sui bien a mon recort que tant beiis que tu fus ivres, que tu deis que es sainz livres chanteroies bien un conduit. Lors commengas a si grant bruit LE
ROMAN
DE
RENART,
IIL
7996
7
76
VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
que tuit cil de la vile vindrent, que a grant mervoille le tindrent ; gant j’oi la noise venir,
8000
nus nel me doit a mal tenir,
se je dou celier fors me mis, car trop nos avoient sorpris ; se fus batuz, moi qu’en avient? Qui mal chace, mal li avient. — Renart, mout ies de male part. La me tenis tu por musart ou tu me feisla corone | d’aive chaude, conme a persone, si grant et si enple et si lee que tote oi la teste pelee, ne me remest poil sur les joes ;
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8008 |
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tu t’en alas faisent tes moes, de moi devoies moine faire ;
certes mout ies de mal afaire : par toi est ma char afoiblie. Aillors te crui, si fis folie :
un trongon me donas d’anguile, que tu conqueis par ta gile, por moi faire plus alechier ; en mainz leus m’as fait trebuchier. Je demandai ou le trovas ; por moi decoivre controvas que charretiers tant en menoient a poi que il jus ne cheoient ; des engiles i avoit tant sovant aleient arestant
li cheval, qui traient a paine la chareste qui trop est plaine. Je demendai par quel sanblance
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4
V. 7999-8064 (MARTIN, VI, 719-790)
j’en porroie enplir ma pance ; tu me deis, qant te troverent, qu’en lor chareste te giterent et proierent qu’asez menjases et que le remenent gardasses. Tant m’en alas amonestant que je m’en alai au devent et je fis sanblant d’estre mort ; la fui ge batuz par esfort et de leviers et de batons que encor m’en diaut li crepons. N’est mervoilles se j’ai anui, qant de toi vengiez ne me sui.
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En un des plus lons jorz d’esté | n’avroie je pas raconté les anuiz que tu m’avras faiz. Mais or est tant menez li plaiz que a cort en somes venu ; se a droit en somes tenu,
bien en ai a Dieu ma fience que je de toi avrai vangance : je t’ai menee leauté et tu a moi desloiauté. » Renart respont par reconfort : « Sire Isengrin, vos avez tort : Vos m’aqusez ne sai de coi ; cil autre baron sont tuit coi qui vos oient, ne dient mot : tel i a qui vos tient por sot ;
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vostre raissons est descoverte,
or avez dit menconge aperte et cil qui trop ment s’ame pert. — Ahi, Renart, trop ai soufert
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VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
ton grant orgoil et ton desroi; mais, se je ai congié dou roi ja en avras bataille a l’ueil. » Renart respont : « Riens tent ne voil. » Por conbatre son gage tent Isengrin, et li rois le prent ; Renart aprés le suen tendi, si que la cort bien |’entendi :
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8072 |
bien dient li baron sanz doute
:
que la bataille i afiert toute. S’or ne set Renart d’escremie,
mar vit la bataille aramie. Li rois demende les ostages, qui mout estoit cortois et sages, que li chans n’iert pas pardoné. Isengrin a les siens donez : por lui i fait Brun lors entrer, Tibert le chat et Brichemer
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[68 a] 8080
et le lievre sire Couart ;
gaus mist Isengrin de sa part. Renart en a des miauz senez que il a de sa part tornez : Bruient et Baucent le sangler, que il a a lui asanblez ; et Espinarz li hericons,
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Grinberz ses cousins li taissons, cil firent a Renart secors,
mout en pesa a dant Brun l’ors,
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La bataille ont aterminee,
a .XV. jorz l’ont ordenee. Grinberz acreente mout bien,
qu'il ne leroit por nule rien qu’il ne face Renart conbatre
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Vv. 8065-8130
(MARTIN,
VI, 791-856)
79
por l’orguel Isengrin abatre.
Li rois lor dist : « Aiez vos pais ! alez a voz ostieus hui mes. » Li baron sont de cort parti ; malement ont le chanp parti d’antre Renart et Ysangrin qui mout estoient mal voisin. Renart n’est pas de tel puissance
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con Isangrin, c’est sanz doutence ; Renart savoit de l’escremie,
por ce a la bataille aramie ; engingneus est, mes n’est pas fort, se Isengrin li fait esfort ; de l’escu se set bien couvrir et bien tapir por descovrir son conpaingnon, qant il voit l’aise et il voit chose qui li plaise : tant s’est entremis de l’aprandre que nus ne l’en porroit aprandre. Tant set Renart engins plusors
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[6] 8112
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de luites, de genbez, de tors,
ainz qu’Isangryns baillier le puisse, li brisera ou braz ou cuisse. Isengrin entent mout a el : en pes se gist a son ostel. Car ou droit que ila se fie et Renart en son cuer defie : se il as poinz le puet baillier, forment le quide travaillier, Tant desirre q’as poinz le taingne, ja ne quide qu’a tans i vaingne ; mout li desplaist en son corage que la bataille tant li targe ;
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8124
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80
VIII.
—-
LE
DUEL
JUDICIAIRE
ja ne quide veoir cele ore que ele soit, tant li demore.
8132
Renarz estoit en plus grant paine d’armes enquerre la semaine, et Isengrin tot ensement (armes porchacent a talant) en grant poine iert dou haster et dou porchaz del aprester son escu et son armeiire :
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[69 a]
coutel a cuisse, afeutreiire,
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chauces ganbaisiees bien faites que il a en ses genbes traites. Ses escuz est vermauz trestoz et la cote roge desoz ;
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baston ot de meillier bien fait,
bien fu armez a jor de plait. Ne refu mie desgarniz, Renart, qui tant a escharniz;
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assez avoit de bons amis qui de lui se sont entremis. Escu raont a sa maniere a conmendé que |’en li quiere,
il en ont quis qui fu toz jaunes ; en sa cote n’ot pas .II. aunes ; baston ot fort d’une aube espine, qui mout estoit bons en plevine, en lui fu mout bien enploiez ; de corroies fu toz liez de chief en chief jusqu’au somet. Einsi armez a la cort vait. Este vos a la cort Renart, et Isengrin de l’autre part,
et li baron sont tuit ensenble :
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v. 8131-8196
(MARTIN, VI, 857-926)
chascuns a dist ce que li sanble. Renarz ne fu mie esperduz ; haut fu reoingniez et tonduz, et col et barbe se fist rere por le desdaing de son conpere. Isengrin l’ot en grant despit, que sa force prisa petit, einz n’en daingna oster chevoil. Ja fusent ensanble son vuel, mais ainz que il le taing as mains, sera plus malades que sains. Hermeline fu en freor por dant Renart et en paor, que la dame estoit si franche ; et Percehaie et Malebranche
8I
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[b] 8172
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et Renardiaus, tuit li troi frere,
faissoient grant duel por lor pere avec la mere en la tesniere : por Renart font a Dieu proiere ; chascuns li proie et aeure que Renart garisse et seqeure, de son anemi l’escremisse
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qu’en la bataille ne perisse ;
einsi si fil en sa maison font chascun a Dieu oroisson por lor pere qui tant les aime :
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gant il les voit, biax fiuz les claime. Hersant prie por son saingnor que Diex li face tele honor que ja de la bataille n’isse et que Renart vaintre le puisse, qui mout souéf li fist la chose en la tesniere ou iert enclose ;
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8196
82
VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
ja par lui n’en issist conplainte, mais Isengrin, qui a fait mainte, en fist conplainte, ce li poise : mout a en lui franche borjoise. Tuit sont a cort et povre et riche ; Isengrin metra en la briche Renart, s'il puet, en la bataille : n’i vaudra son enging maaille. Qant li rois vit sa gent venue la ou la bataille est tenue, Brichemer fist avant venir por recorder et retenir le jugement de la bataille ; si li prie par devant aille. Brichemers est venuz avant et dist qu’il fera son conment :
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a soi a tret .111. des barons,
qui furent des plus hauz renons : li lieparz i fu li premiers, qui mout iert orgeilleus et fiers, et Baucent, qui ot le cors gros,
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et messires Bruienz li tors ; cil .111I. sont avant venu,
toz les plus sages sont tenuz que cel jor furent en la place : n’i a celui qui bien nel face por un grant jugement tenir et por un grant plait maintenir.
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Cil .1I. vont a un conseil ; dist Brichemers : « Mout me mervoil,
se Renart osast ce panser dont nos l’oimes escuser a Reoenel et a Tibert
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v. 8197-8262
(MARTIN,
VI, 927-994)
et a Brun |’ors qui mout nos sert ; des autres clamors i a tentes que je n’en sai a dire quentes ; Pinte se plaint et Tiecelins, tot a pris sor lui Ysengrins, et por cez a doné son gage et si en a livré ostage que il reconnoistre li face, se il le nie en mi la place. Seignor, qui poist abaissier, le mal oster et apaissier,
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8236
8240
bien esteroit, ce m’est a vis.
Es ce bien que je vos devis? » / Baucent respont : « Bien avez dist. » Tuit l’ostroient sanz contredist. Tuit .1111. en sont venu au roi et si li ont dist en recoi :
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« Sire, vostre baron loassent
que cist prodome s’acordassent
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sauve vostre onor tote avant,
et il dui fusent bien vueillant. » Mout plaist au roi ce qu’il ont dist : « Ja par moi n’en avrez despit,
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seignor, fait il, or en parlez.
Isengrin primes apelez ; dou tot la querele a lui tient, a moi neant n’en apartient,
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fors seulement de droit tenir ; dou sorplus vos lais covenir.
Ne me poise se il s’acordent, ne voil que por moi se descordent. » Qant Brichemers l’a entendu, tornez s’en est col estandu,
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84
VIII,
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
a Isengrin dist en l’oroille que li rois forment se mevoille qu’en ne puet pes entre els .11. mestre ne por doner ne por promestre : face le bien, preingne droiture de Renart, por sa forfaiture et por ce que il sor li mist que a sa fame force fist. » Dist Isengrin : « N’en parlez pas ; je le vos di ennelepas, je a lui ne prandrai acorde :
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ne voil autre foiz s’i amorde ;
ne fera honte a son conpere. La vangence en sera amere, je verrai s’on me fera droit. » Brichemer dist que il vodroit que la chose fust si menee, si deduite et si atornee,
qu’entr’aus .11. fusent bon ami (laiz est que soient ennemi) © et que chascuns son droit eiist et qu’a mort torné ne lor fust. Dist Isengrin : « Ja Dieu ne place que je ja acordance face tant que je voie le plus fort et c’on sache qui avra tort. Bien me porra tenir por ivre, se je l’en lais partir delivre. Dites le roi et son barnage, que ce sachent et fol et sage! que por nient la pes requiert : ja de cest champ faiste n’en iert ;
chascuns dira ce que il vodra,
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V. 8263-8328
(MARTIN,
VI, 995-1060)
el chanp verrons qui miauz vaudra. Dites le roi que droit me taingne : bataille avra conment qu’avaingne. » Qant Brichemers vit en la fin ne trueve pais a Isengrin, au roi a dist tele novele de coi s’ire li renovele :
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« Sire, fait il, a moi entent.
Isengrin sa bataille atant, il n’a cure de faire pais. Honiz soit qui en fera mais nule chose se le chanp non, ou en tenra |’un a bricon. » Or est li plaiz mout enpiriez, que li rois s’estoit corrociez de l’orgoil qu’Isengrin a dist, qui de pes faire s’escondit. Dist Brichemers : « Se vos volez
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droit faire, si con vos solez,
avant n’aillent ne chanp ne voie ; se vos tenez la droite voie, enbe .11. les metez la fors,
si garde bien chascun son cors ; qant il seront emi la place, qui miauz porra faire, si face. »
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Et dist li rois : « Par saint Richier,
por verité puis afichier n’en panroie pas tot l’avoir que li plus riches puist avoir que je la bataille n’en aie, que ja mes n’en avrai menaie. Ne sai q’alast on atargant : ou champ les metom maintenant. »
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86
VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
Qant la parole ont recitee de la bataille et racontee, si les ont mis en.1I. ensanble ;
li plus hardiz de paor tranble ; Vuns tenoit l’autre par la main. Li rois apele un chapelain,
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monsaingnor Belin le moston, mout est sages, pas nel dist on. Cil aporte le saintuaire sor coi durent sairement faire. Li rois a fait crier son ban qu'il n’i ait nul de tel boban qu’i facent noise ; en pes se tienent, conme prodome se containgnent. Mout est li rois de grant justise, dou sairement fait la devise.
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Dant Brichemers et dant Bruns lors,
que l’en tenoit a .11. meillors, deviserent le sairement devant trestoz apertement. « Seignor, fait il, or m’entendez
se je di mal, si m’amandez. Renart jurra premierement et metra en son sairement qu’a Isengrin n’en a tort fait,
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:
[0] 8352
n’a dant Tibert le chat mesfait, n’a Tiecelin, n’a la mesange,
n’a Reonel conment qu'il praingne.
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Renart, faites le sairement,
ci Oient nos, apertement. » Renart s’agenoille en la place, mout s’aparaille et se rebrace, desus les sainz estant la main,
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Vv. 8329-8394
(MARTIN, VI, 1061-1124)
si a juré par saint Germain et les reliques qu’il la voit que de cest plait nul tort n’avoit : les sainz baissa, puis si se lieve. A Isengrin durement grieve que il fait entendre por voir la mangconge por le savoir ; © a tant se rest a genouz mis. Dist Brichemers : « Biax duz amis, vos jurrez que Renart est faus dou sairement et vos laiaus. » Dist Isengrin : « Je le creant. »
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Les sainz baisse, si lieve a tant,
par mi le champ fait orissons et fu en granz aflicions, et prie Dieu, que tot sormonte, que il li laist vangier sa honte
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fait lait,
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que au partir honor en ait.
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de Renart, qui lia
Baise la terre, si se dresce ; son baston afaite et adresce,
en plussors sans le retornoie, en ses doiz la corroie ploie,
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puis prant son escu, si se mole, em, plusors leus son baston crole ; tot entor encline a la gent et mout se deduist sagement. A Renart dist que il se hast qu’il ne meste le jor a gast. Qant Renart l’ot, du cuer soupire,
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tot est tetiz, n’ose mot dire. Renart sot letres en s’enfance,
mout ot oi de nigromence,
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VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE
mais puis entendi tant aillors qu il oublia des moz meillors. Renart ne fu pas esmaiez, son baston prant conme afaistiez, gentement le sot a soi traire : bien fu apris de tel afaire, em, plusors leus l’a esaié, n’a pas samblant d’ome esmaié.
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En son doit la corroie lace,
aprés se lieve de la place, son escu prant, si fu seiirs
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con un chastel enclos de murs ;
li escremirs li est joiaus, qu’il en set toz les enviaus. Son escu sor sa teste tient : se Isengrin pres de lui vient, tele escremie li randra que a grant honte li torra. Isengrin est de grant air, Renart est alez envair (son escu met devant son front, mest pié avant, puis si s’esgront), mout le va Isengrin hastant, Renart se va bien desfandant. Einz que Isengrin part de l’asaut, le fiert Renart, que pas ne faut ; tel cop lez l’oroille li done toste la teste li estone
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a cel asaut mout mal li chiet,
si chancele qu’a poi ne chiet. Qant sa teste a veiie saingnier, a sa main se prist a saingnier ; Dieu prie, qui ne faut ne ment,
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v. 8395-8460
(MARTIN,
VI, 1125-1220)
que il le gart d’afolement :
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par sa fame est, ce dist, traiz,
longement fu si esbahiz qu’il ne sot quez jorz il estoit, soit jorz ou nuiz, quel tens faissoit, por le cop que ot receii. Renart l’ot bien aparceii, ne fait senblant qu’il le seiist, ne que aparceii l’eiist, mais d’autre part torne sa chiere; or se regart que il nel fiere, que n’a talent de lui atraire :
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[71 a]
en sus de lui le fera traire ;
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ne l’i laissa pas aprochier, ou baton se set esmouchier. Qant Isengrin de loing l’esgarde, Renart li dist por coi il tarde
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qu’a la bataille ne revient, car a revenir l’escovient,
Isengrin se rest porpansez que trop a esté reposez ; avis li est que trop demeure,
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isnelement li corut seure, mait pié avant, giete et regiete,
mais Renart durement se gaite. Isengrin giete, pas n’areste,
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de son baston vole une areste,
mest pié a terre, si se part. Renart, qui set assez de fart,
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li avoit dist : « Sire Isengrin, Diex, qui sor toz est voir devin, set bien quel droit vers moi avez ; baston vos faut, se nel veez ;
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go
VIII.
—
LE
DUEL
JUDICIAIRE