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French Pages 437 [430] Year 2002
LE NIGER
Collection: «A la rencontre de... » animée par Eric Makédonsky Déjà parus: -
Eric Makédonsky,Le Sénégal, la Sénégambie. Philippe Gaillard, le Cameroun.
- Joseph-Roger de Benoist, le Mali (édition mise à jour en 1998). -
Jean de Menthon, le Togo.
- Christine Daure-Serfaty, la Mauritanie. DU MÊME AUTEUR Le Damagaran ou Sultanat de Zinder au XIXème siècle, Niamey, Centre nigérien de recherches en Sciences humaines, 1971, 320 p. (colI. Etudes nigériennes, n° 27). Tanimoune, drame historique en sept actes, Paris, Présence africaine, 1973. Kaoucen ou la révolte senoussiste, Niamey, CNRSH, 1974, 229 p. (colI. Etudes nigériennes, n° 33). Histoire de Niger, Paris, Nathan, 1988, 320 p. Décolonisation et problèmes de l'Afrique indépendante, histoire, classes terminales (en collaboration), Paris, Edicef, 1983, 160 p. Le fils de Sogolon, suivi de Si les cavaliers avaient été là... (théâtre), Niamey, Issa Béri, 1985, 144 p. L'Europe et l'Afrique du XVème siècle aux indépendances (en collaboration), Bruxelles, De Boek, 1987, 367 p. La question touarègue au Niger, Paris, Karthala, 1993, 207 p. Tels pères, tels fils. Une saga sahélienne (roman), Paris, Karthala, 1996, 141 p. La valse des vautours (roman), Paris, Karthala, 2000, 138 p.
André SALIFOU
LE NIGER
L'Harmattan 5-7, rue de l'École-Polytechnique 75005 Paris FRANCE
L'Harmattan Hongrie Hargita u. 3 1026 Budapest HONGRIE
L'Harmattan ItaIia Via Bava, 37 10214 Torino ITALIE
Carte Actrinistrative
du Niger
(LDinD96-(X)6du 6 Février 1996, portant création des drconscriliions Adrrinistratives et des Cdledivités Territoriales.)
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@L'Hannatlan,2002 ISBN: 2-7475-2639-9
AVANT-PROPOS
Cent fois sur le métier, selon la formule d'un orfèvre en la matière, j'ai dû remettre cet ouvrage. C'est que mes devoirs de citoyen m'ont impliqué, entre temps, dans la vie politique nigérienne, me conduisant même à honorer des mandats électifs et à occuper des fonctions officielles. A chaque fois j'ai tenu, avant de rabouter ma plume, à prendre du recul par rapport à l'événement, comme l'exigeait ma formation d'historien. Tout particulièrement, j'ai voulu éviter le piège des jugements a posteriori. Il reste que ce livre écrit, pour sa dernière partie, dans la foulée d'affaires complexes, touche à ce qu'il est convenu d'appeler l'histoire immédiate plus qu'à l'Histoire avec un grand « H », laquelle, dans notre pays, laisse encore du labeur à des générations de spécialistes, et peut-être à moimême. En fait, je me suis conformé à l'objectif de la série de livres qui accueille mon ouvrage, qui est d'initier l'esprit curieux à l'histoire, à la géographie, à la politique mais aussi à l'économie et à la vie socioculturelle d'un pays, tout en fournissant au lecteur plus spécialisé un aidemémoire étendu. S'agissant d'un pays comme le Niger, deux fois grand comme la France, charnière entre l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne, où, au cours des âges, se sont mêlés peuples et cultures, un brassage qui n'est pas sans survivances aujourd'hui, la tâche n'était pas des plus aisées.
Ce n'est pas à l'auteur de dire si un' tel travail de synthèse, qui a pour impératif d'allier précision et clarté, a pleinement atteint son but. Il se bornera donc à souhaiter au lecteur d'y trouver, comme lui, quelque enrichissement.
Note sur l'orthographe. Selon un usage répandu dans les instituts universitaires, les noms de peuples sont demeurés ici invariables, à la seule exception de Peul et Touareg. D'autre part, l'orthographe française a été retenue pour la transcription des noms et termes. Ainsi, le son ou est-il rendu par cette syllabe et non pas par la lettre u.
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I AU PAYS DU SOLEIL, DES SABLES ET DU VENT
Le grand vent d'« harmattan », « l'air de l'Est» comme disent certains Nigériens, d'octobre à mars mitraille de son sable les êtres vivants et les sites. Arrachant au Tibesti et à l'Aïr, montagnes du Tchad et du Niger, l'argile et la silice, ce souffle saharien les répand en fines particules qui assèchent les plantes et les sols. Puis le vent pousse vers le sud-ouest son nuage sableux, qui laisse en suspension une brume ocre. Plusieurs fois de décembre à février, entre deux offen-
sives de l'harmattan, un « air du Nord» puisé au Maghreb apporte pendant quelques jours aux Nigériens fraîcheur et détente; mais l'événement que tous appellent de leurs vœux, c'est la venue du « vent de la pluie », issu du Golfe de Guinée. Cette masse d'air humide surgit en juin dans le sud du pays, où se trouvent la plupart des grands centres habités, et, si l'année est bonne, reste présente dans le ciel jusqu'en octobre. Court intermède qui verdit soudain le sol, permettant les cultures, comme par l'effet d'un miracle. Mais toujours, bien des pilotes en témoigneront, le « vent de l'Est» veille en altitude, prêt à contrer ses rivaux, gardant en réserve son sable. Aussi les 1 267 000 km2 du Niger - soit plus que la France, l'Italie et l'Allemagne réunies - composent-ils un
domaine essentiellement sablonneux, brûlé, trois mille heures chaque année, par un soleil implacable. Les pluies ne compensant l'évaporation qu'incomplètement, les trois quarts septentrionaux du pays ne sont qu'un désert chaud, recelant certes des richesses minières à peine inventoriées, mais qui n'en est pas moins d'une aridité sévère et envahissante. Comment s'étonner dès lors que les hommes se soient, en majorité, regroupés dans les creux des vallées ou au bord des rares cours d'eau, comme sur les rives du
« Grand fleuve» ? Telleest la traduction du nom, « DjoliBâ », que lui ont donné les Bambara du Mali, ou de celui, « Issa-Béri », qu'ont retenu les Zarma-Songhay du Niger. Sahariens altérés, des Touaregs, les Iwilliminden, lointains descendants des Berbères, sont allés plus loin encore dans la révérence portée à la grande voie d'eau puisqu'ils lui ont donné son nom définitif de « Fleuve des fleuves» : « Eguerew N'eguerew », dans leur langue, mots qui, déformés, ont donné Niguer, puis Niger (1). TIfaut dire que le « Fleuve des fleuves» mérite bien son nom, long qu'il est de 4 200 km, entre la Guinée, qui abrite sa source, et le Nigeria où un splendide delta aux bras communicants déverse ses eaux dans l'Atlantique. Si le bon plaisir d'une puissance coloniale a été déterminant dans ce choix, le baptême du Niger, en tant que territoire puis que République, répond bien aux aspirations essentielles des Nigériens, pour qui l'eau est un élément de survie. Le Niger, le fleuve, ne baigne pourtant le pays du même nom que sur 550 km, mais il a joué un rôle dans le développement de Niamey. Au moment de la pénétration coloniale, la future capitale, sise sur la rive gauche du Niger, ne comptait en effet que quelques cases: un village comme il y en avait des milliers, somme toute, à travers le pays. Elle n'en différait que par la présence, sous la falaise d'une trentaine de mètres qui lui sert de socle, du majestueux Issa Béri (2). Un capitaine de l'Infanterie coloniale du nom de Salaman, venu au Niger en 1899, se piqua d'aménager ce point éminent pour en faire une des clefs stratégiques du Grand 12
fleuve et une base de départ et de repli des troupes françaises. Le développement des services exigeait en premier lieu que fût accrue la population de Niamey. Aussi Salaman imagina-t-il de dispenser d'impôt tout indigène qui quitterait, pour s'installer là, son village d'origine. La conquête française s'étendant, la situation excentrée de cette base, par rapport à l'ensemble du pays, finit en 1911 par détrôner Niamey comme chef-lieu du Territoire, au profit de Zinder, plus central, siège du 3ème bataillon de Tirailleurs sénégalais. Contrairement à Niamey, Zinder jouit d'un riche passé pré-colonial. Sa position, au carrefour de la piste allant du Sahara au Golfe de Guinée et de celle qui conduit au Tchad, au centre de la zone de transition entre nomades du Nord et Haoussa sédentaires du Niger et du Nigeria, a contribué à l'assurer. Zinder est en outre la capitale de l'ancien, autant qu'important, Etat du Damagaram. Les troupes françaises y construisirent un fort, le « Blockaus », symbole, ici, du pouvoir colonial. Vestiges de cette époque, une tour crénelée et des fortifications en terre dominent le Zengou et le Birni. Dans le quartier portant ce dernier nom, qui fut le berceau de Zinder, s'élève le palais construit en banco par le sultan Tanimoume, au milieu du XIXe siècle. Les traces du passé, encadrées dans un paysage fait de blocs volcaniques érodés, comme sculptés par le temps, font que Zinder est loin de manquer de pittoresque. Cet aspect de la ville échappa vraisemblablement à la femme du lieutenant-gouverneur Brévié, qui fut le premier civil français à diriger le Niger, érigé en colonie, après que les militaires, le 13 octobre 1922, eurent cessé de le faire. Les roches austères de Zinder durent sembler à l'épouse expatriée grisaille immuable, au point qu'elle se prit à rêver de vivre près du « Fleuve des fleuves ». Une envie de verdure et de fraîcheur qui rencontrait sans doute les desseins plus terre à terre de l'Administration, tendant à placer la capitale en un lieu moins dépendant, pour ses approvisionnements, du proche Nigeria sous férule britannique, et mieux articulé avec le groupe de colonies dit « Afrique occidentale française ». 13
Quoi qu'il en soit, Niamey, en 1927, recouvra son rôle de chef-lieu du Niger. Un palais, marqué par le style de cette époque, fut édifié sur la falaise durant les trois années suivantes. Après avoir abrité les gouverneurs, il fut dévolu aux présidents de la République. C'est que bien de l'eau a coulé depuis ces années Trente dans le lit d'Issa Béri, et Niamey, voilà déjà quelques décennies, est devenu la capitale d'un Etat indépendant. Comme toutes les villes qui remplissent un tel rôle, il a vu se multiplier les constructions et nombre de Niaméyens regrettent de n'y voir de plus en plus que métal et béton. Ils oublient de regarder les maisons basses, alignées au long de ruelles zigzagant presque à l'infini, au point de donner le tournis aux non-initiés, des anciens quartiers de la ville. Cette partie attachante de Niamey est toutefois menacée: ses plus vieux pâtés de maisons ont été réaménagés, quand ils n'ont pas été purement et simplement détruits, au profit de constructions neuves. Quelques-unes de celles-ci, perdues dans la masse, il est vrai, témoignent du souci de certains architectes d'adapter les styles traditionnels nigériens à cette jeune cité-champignon, qui a passé au début des années 1990 le cap du demi-million d'habitants, elle qui n'en comptait encore en 1930 qu'un millier. La plus belle réussite du genre a été, dans les années Soixante, la construction du Musée national à Niamey. Bâti sur un terrain de vingt cinq hectares surplombant le « Fleuve des fleuves », ce musée est l'un des mieux agencés du continent. Doté de collections de préhistoire,
d'ethnographie, d'ornithologie et de minéralogie - et complété par un aquarium et un jardin zoologique -, il fait voisiner instruments de musique et costumes nationaux avec la présentation de l'une des richesses du pays, l'uranium. Des relevés de fresques rupestres de l'Aïr sont disposés à côté des pièces remarquables, telles qu'un cavalier de terre cuite, qui ont été prélevées dans la grande nécropole de Boura, non loin du Fleuve. Parce qu'elles sont inviolées et datées, les tombes de cet ensemble ont permis aux scientifiques de réaliser, sous l'égide de l'Institut de 14
recherche en sciences humaines de Niamey, un travail étendu, en cours d'achèvement. Les amples informations qu'ils ont récoltées ont fait l'objet, à partir de 1993, conjointement avec celles obtenues dans les autres pays riverains, d'une exposition itinérante, notamment à Niamey et à Paris, sur les « Vallées du Niger» (3). Nombre d'autres musées possèdent aussi des collections dans ces disciplines, mais ce qui fait la particularité de celui de Niamey c'est sa façon de présenter les traditions populaires. Dans son parc ont en effet été disséminés divers types d'habitations nigériennes meublées « à la traditionnelle» où ont été installés des artisans, choisis parmi les plus habiles que compte le pays. Sous les yeux à la fois ravis et curieux des visiteurs, ils fabriquent des objets de la vie quotidienne selon des techniques héritées de leurs ancêtres. Une manière à eux de contribuer à la sauvegarde de certaines valeurs de civilisation. Bref, au musée de Niamey, tout Nigérien se sent vraiment chez lui, heureux de voir la tradition rappeler son existence à une modernité fière d'être irréversible, éprouvant ainsi la même impression que l'historien Robert Cornevin lorsque celui-ci écrivait: « l'Afrique est un continent qui a les pieds dans le néolithique et la tête dans le thermonucléaire ». Une immersion dans les marchés de Niamey fait plus que compléter la visite au parc des traditions populaires. Très vivants, ils offrent bien entendu tous à leurs pratiques viandes et poissons, céréales, fruits et produits maraîchers
- d'octobre à avril, notamment - mais chacun a sa spécificité.
Si le « petit» marché, triangle situé à proximité de l'hôtel de ville et des maisons de commerce, est ouvert aux aurores, c'est qu'il remplit une fonction avant tout alimentaire. L'endroit fleure bon la cuisine de pays: couscous de mil, gombo, néré. La percale teinte à l'indigo et les pagnes brodés font, à deux kilomètres du petit, la couleur du grand marché. Dévasté en 1982 par un incendie, cet important centre 15
commercial a été restauré selon une arèhitecture presque futuriste, dans l'ensemble assez agréable à la vue. Soucieux de continuer à exercer, les commerçants n'ont évidemment pas attendu cette reconstruction pour se créer spontanément un autre marché, près de la ceinture verte, au nord-nord-est de la ville. C'est Wadata, nom qui, en langue haoussa, signifie bien-être, ou bonheur de vivre. Un bon slogan publicitaire, dirions-nous aujourd'hui. On a trouvé immédiatement de tout à Wadata, si bien qu'au lieu de disparaître, contrairement aux prévisions des édiles, lors de la réouverture du grand marché, il a survécu, plus animé que jamais. Il est dépassé sous ce rapport par Boukoki, dit aussi Katako, qui constitue l'une des grandes curiosités de Niamey. Non pourtant que ce marché, composé de baraques disposées sans harmonie les unes à côté des autres, offre un spectacle réellement attrayant; c'est plutôt qu'il s'agit d'un des centres commerciaux les plus importants du pays. Outre la nourriture, les bestiaux et les volailles, chacun peut y acheter, à l'état de neuf ou d'occasion, tout ce qu'il lui faut pour équiper sa maison, des ciments, bois et fers à bétons aux vitres et carreaux, et jusqu'aux climatiseurs et réfrigérateurs. Il est bien connu dans la ville qu'on peut dénicher à Boukoki ce qui n'est pas disponible ailleurs, à des prix défiant souvent toute concurrence. Bref! ce n'est pas un hasard si certains Niaméyensl'appellent parfois « marché Tokyo », nom qui, à leurs yeux, est symbole de richesse. Jusqu'en 1945 ces activités de négoce étaient pour la plupart concentrées au bord du fleuve. Elles ont ensuite rejoint les services administratifs et les quartiers d'habitation sur le plateau, en raison du développement de la vie urbaine et, plus encore, du remplacement progressif de la circulation fluviale par le transport automobile. Le Niger aurait pu profiter d'un autre moyen de transport, le chemin de fer, si les projets d'Ernest Roume, premier gouverneur général de l' AOF (1903-1908) avaient été suivis d'effet. Ce polytechnicien voulait créer un réseau ferroviaire en toile d'araignée entre différents 16
points de la côte et le fleuve Niger, pour favoriser les exportations mais aussi les échanges interterritoriaux. Ce dessein de l'ingénieur s'est heurté à l'inertie d'une Administration routinière et d'un commerce plus attaché aux profits de traite facilement réalisés qu'au développement, si bien que les tronçons de rail partant de la côte sont restés tronqués. Ainsi celui qui devait relier Cotonou, au Dahomey,au « Grand fleuve» n' a-t-il été construit que jusqu'à Parakou, au centre de ce pays, devenu l'actuel Bénin; une restriction qui condamne le Niger -comme, chacun sur son tronçon, les autres pays enclavés du centre de l'Afrique occidentale- à acheminer les marchandises vers le sud par camion puis à effectuer de coûteux transbordements. S'il prend de Niamey ces routes du Sud pour un motif plus touristique, le voyageur ne manquera pas de lieux intéressants à voir. Paradoxalement, c'est en effet à partir du Niger que l'on peut visiter le plus facilement le nord du Bénin et l'extrême-est du Burkina Faso. Ces deux pays partagent du reste avec lui un vaste parc protégé, le « W », ainsi nommé parce que dans la contrée de la Tapoa, à 150 km de Niamey, le Fleuve a dessiné cette lettre en forçant les prolongements de grès et de quartzites précambriens de la chaîne de l'Atakora. Les rivières Tapoa, Alibou et Mékrou, qui serpentent aussi parmi ces reliefs, les garnissant de verdure, ont offert dans le parc un refuge idéal à la faune sahélienne. Les éléphants y croisent les lions chassant des grandes antilopes, des bubales rouges, des damalisques ou des buffles, tandis que rodent chacals, hyènes et phacochères, sous le regard malicieux des singes charmés par la musique concrète de centaines d'espèces d'oiseaux. Un spectacle parfait pour les amateurs de safaris-photos, lesquels disposent de vingtsix pistes aménagées, ondulant parmi la flore sud-saharienne, et d'un hôtel saisonnier agréable dans le village de la Tapoa. Le petit musée voisin présente aux esprits curieux des échantillons naturalisés de la faune sauvage. Classé en 1954, le « W » forme avec les réserve et zone de chasse d'Arly et de la Pendjari, bien qu'il ait été 17
comme eux affecté par les sécheresses, l'ensemble le plus riche en faune de toute l'Afrique occidentale. A son retour du « W », cinquante kilomètres avant de retrouver Niamey, le voyageur pourra visiter la ville sainte de Say, qui fut au XIXe siècle la capitale d'Alpha Mahaman Diobbo, éminent serviteur de l'Islam. Celui-ci représenta pour tout le Moyen-Niger le célèbre réformateur Ousmane Dan Fodio, fondateur d'un prestigieux empire qui avait son centre à Sokoto, au Nigeria. Ce n'est donc pas un hasard si cette cité abrite depuis le 15 janvier 1987 une des rares universités musulmanes de l'Afrique subsaharienne, édifiée par le Niger avec l'aide, principalement, de l'Organisation de la conférence islamique. Cet établissement a pour vocation d'enseigner le savoir religieux mais aussi d'étendre son activité aux disciplines scientifiques. La renommée de Say fait qu'elle attire tous les vendredis des croyants, dont certains viennent de l'étranger, qui font pèlerinage au mausolée d'Alpha Diobbo. Ce sont d'ailleurs les descendants de ce grand maître de l'Islam qui, en vertu de sa réputation de sainteté, remplissent encore les offices de chef de canton (Alphaïze). Une fois revenu dans la capitale, le visiteur aura loisir de se reposer de ses fatigues dans un des petits villages proches, qui s'égrènent le long du Fleuve et qui, outre leur charme sahélien et leur harmonie avec la nature ambiante, offrent à leurs hôtes des installations modernes, permettant un séjour plaisant. Tel est le cas de Boubon, à 25 km en amont de Niamey. Ce village est réputé pour ses poteries, que décorent les mains expertes des femmes. Dans ce beau site campagnard, les marchés animés des mercredis donnent aussi l'occasion d'admirer les jeux des enfants qui pataugent ou les mouvements habiles des piroguiers. A bord d'une de leurs fines embarcations, les touristes peuvent accéder au campement de l'île d'en face, couverte de rôniers et de manguiers, que dominent flamboyants et eucalyptus, d'où ils s'en iront, sur le Fleuve, voir les oiseaux aquatiques. Dunes de sable et verdure se côtoient harmonieusement dans un autre village, Namaro, sis à 50 km de Niamey, qui 18
est le cadre d'un complexe touristique complet, aux chambres climatisées, équipé d'une salle de réunion et d'un night-club. La vue y est magnifique sur la réserve partielle de la Sirba et sur le Fleuve, où s'activent martinspêcheurs, hérons et aigrettes. Plus à l'ouest, à 117 km de Niamey, Tillabéry, chef-lieu du département du même nom, marque l'entrée d'une des zones les plus anciennement parcourues par les chasseurs et les touristes, celle des girafes. Une armada de pirogues, à 100 km de là, emmène tous les dimanches les amateurs à la rencontre des nombreux hippopotames qui croisent près de l'île de Firgoun. Le village d'attache de cette flottille piroguière, Ayérou, propose dans son hôtel Aménokal un véritable havre de paix aux visiteurs. Ceux-ci pourront assister dans la bourgade à un marché aux bestiaux très couru, qui se tient également le dimanche et qui attire, outre les Nigériens, des vendeurs et acheteurs venant du Burkina Faso et du Mali. Ce dernier pays est maintenant proche au point que le voyageur, s'il continue de suivre le cours du Fleuve, parviendra à la ville malienne de Gao, capitale d'un ancien empire du même nom, qui fut lié au Niger par l'histoire. S'il regagne au contraire la capitale du Niger, le visiteur sera en mesure de prendre, cette fois, la route du nordnord-est, qui le conduira vers un verger en plein Sahel, Baléyara. Dattiers, manguiers et orangers s'épanouissent dans cette oasis providentielle, située à cent kilomètres de Niamey, qui est aussi un important marché de céréales, de bestiaux et de volailles. A une quarantaine de kilomètres de là, il est plaisant de jeter un coup d' œil aux falaises et au marché de Filingué, centre principal du Kourfaye. Revenu de nouveau à Niamey, le voyageur qui s'intéresse au pays profond, autant qu'aux lieux dits seulement « touristiques », prendra la longue route de l'Est qui le mènera vers le lac Tchad, en lui montrant maintes richesses: qui n'a, par exemple, entendu parler des chèvres rousses de Maradi ? Les objets façonnés avec leurs peaux ornent les devantures des maroquiniers d'Europe et d'Amérique. 19
Maradi est en fait le centre commercial le plus florissant du Niger. Elle est normalement le théâtre d'un intense négoce, surtout avec le Nigeria, même si le commerce avec ce pays a connu des hauts et des bas au cours des dernières années, au gré des changements monétaires. Cette proximité de sa seule zone de peuplement dense, sa frange sud, avec un voisin plus riche et plus peuplé, tout comme l'existence dans sa partie septentrionale de vastes espaces désertiques, ont parfois fait qualifier le Niger, notent Donaint et Lancrenon (4), de Canada africain pauvre. Et en effet le visiteur voit bien à Maradi, à la quantité de marchandises et de produits, au nombre de personnes
aussi qui traversent la frontière, que le géant nigérian - en particulier les villes de Katsina et Kano - est tout proche. A Maradi circulent en outre des camions assurant la liaison avec Cotonou, via Dosso. Ils croisent ceux qui vont vers le Nord du Sahara, singulièrement vers la Libye, ou en reviennent. Des inondations ayant ravagé, dans la vallée, les vieux quartiers de Maradi, c'est sur un plateau jusqu'alors dénudé que s'est étalée à partir de 1945 cette ville foisonnante, habitée en majorité par des populations de langue haoussa, qui y côtoient notamment, comme le font, ailleurs, d'autres habitants du Niger, des compatriotes peuls, nomades dans le Sahel central et sédentarisés dans le Sud. Enlisés dans les sables, les grès ne les percent que par de rares falaises à Tessaoua, que le visiteur découvrira après Maradi. Il retrouvera ces grès, étagés, dans les reliefs du Koutous (612 m), quand il aura passé Zinder et ses roches sculptées par le temps, les collines granitiques du Damagaram et celles du Mouniyo, au sud de Gouré. C'est un sol sableux, troué de cuvettes, certaines fertiles, bordé au sud par un pays à salines, que le voyageur devra traverser dans la dernière partie de son trajet avant d'aborder le Kadzell, ancien fond du lac Tchad, et de parvenir, au bord de ce vaste plan d'eau, jusqu'à la petite ville de N' guigmi, but ultime de sa route. Chemin faisant, son regard aura pu s'attarder, depuis Niamey, sur les arbustes de l'Ouest, sur les gao (acacia 20
albida) des terres à mil du Centre-sud et sur les neems, d'origine indienne, qui donnent de l'ombre à maints villages, avant d'être accroché par les gommiers, peu avant la région du lac Tchad. Frangé de dunes et de roseaux, si hauts qu'ils empêchent souvent de voir ses eaux, le lac, dont 3000 km2 ont été dévolus au Niger, est notamment fréquenté par les Boudouma, aussi prompts au harpon qu'habiles au filet, qui vivent aussi de l'élevage. Nombre d'entre eux glissent encore sur le Tchad à bord de fines pirogues traditionnelles, faites de bottes de roseaux tressées. Leur domaine d'activité ne cesse de se restreindre: le lac, qui s'étendait jusqu'à Bilma, à 850 km au nord de sa rive actuelle, au cours de la période dite « second pluvial» de l'ère quaternaire, et qui lors du « troisième pluvial» s'étirait jusqu'au sud de Zinder, constituant ainsi une véritable mer intérieure de l'Afrique, n'occupait plus, au début des années 90, que 25000 km2, une surface qui, depuis, s'est encore considérablement amoindrie. Dépendant, pour son apport en eau, du régime des pluies et du fleuve Chari, qui parcourt les républiques de Centrafrique et du Tchad, le lac se rétracte ainsi au rythme des sécheresses. Les trois autres affluents de ce bassin,
dont la Komadougou Yobé - qui, dans son dernier tronçon, séparele Nigeria du Niger - peinent à parvenir au lac. Depuis longtemps déjà, leurs crues se font tardives. Une telle contraction du plan d'eau influe sur le climat, men,ace l'économie et le tissu social alentour et ouvre les portes au désert, qui guette sur la rive nord. Conscients de ces dangers, les pays riverains - le Niger, le Tchad, le Cameroun et le Nigeria - ont décidé en janvier 1999 de canaliser les flots de divers cours d'eau pour l'approvisionner. Au touriste trop pressé par le temps pour visiter Maradi, Zinder ou N' guigmi, les organisateurs de voyage conseilleront d'aller directement, après avoir vu le « W » et Niamey, vers la région septentrionale du pays, par avion ou par automobile. Une visite qui lui eût été fermement déconseillée pendant une partie des années 90, parce que des rebelles touaregs menaient là des attaques. Le calme 21
est toutefois revenu après que le Gouvernement a conclu en 1995 un accord avec cette rébellion. Ainsi la région at-elle été plus largement ouverte aux voyageurs et même à leurs avions charters. La perle du tourisme, dans le Nord, c'est Agadez, cité saharienne multiséculaire. Pour reprendre une formule consacrée par les guides touristiques, cette ville entre en
effet dans « ce qu'il faut voir principalementen Afriquede l'Ouest ». Située à la pointe sud-ouest de la masse montagneuse de l'Aïr, à 750 km à vol d'oiseau au nord-est de Niamey, Agadez est depuis longtemps un grand centre administratif et commercial. Elle abrite aussi l'un des foyers islamiques les plus importants du continent. Des quartiers vivants, plus pittoresques les uns que les autres, sont nés de ce rôle multiple. Les mosquées, dont l'une date du xve siècle, les vieux hôtels et le village artisanal sont à voir, de même que la maison où résida Heinrich Barth, le célèbre explorateur allemand du XIXe siècle, le clou de la visite étant toutefois le palais du Sultan de l'Aïr, qui régnait sur la région. La « montagne» de l'Aïr, comme on l'appelle encore souvent - bien qu'elle soit, en fait, un ensemble de massifs isolés, communiquant mal entre eux -, a donné son nom à cet Etat précolonial. Son socle de schistes, de quartz et de micas, produits par la fusion de minéraux divers, est vieux de plusieurs centaines de millions d'années. Des fleuves puissants, coulant du Sud à l'ère secondaire, ont déposé sur la partie occidentale de ce socle des grès et des argiles, que l'érosion et les mouvements telluriques ont ensuite modelés en reliefs culminant à huit cents mètres. La partie Est de ce socle de l'Aïr a quant à elle été percée par des volcans, lesquels l'ont garnie de roches cristallines, principalement des granits, habillés parfois de grès soulevés. Ces montagnes, qui s'élancent en moyenne à 1800 mètres, sont dominées, dans le massif du Bagzam, par les 2020 mètres du Mont Indoukâl-N-Taghès. 22
Battus par le vent d'Est durant la saison sèche, les 80 000 km2 de l'Aïr, qui s'allongent, du Nord au Sud, sur 400 km, sont sillonnés, les pluies venues, par des oueds dont les rives sont alors égayées par des jardins en escalier. D'immenses plaines argileuses, tout à l'Ouest de l'Aïr, reçoivent l'eau de ces torrents temporaires, qui les transforment en marécages. Près d'ln Abangarit, le rendezvous des bergers, ces cours d'eau divagants composent une rivière unique, l'Azawak, qui finit sa carrière en oued fossile, et dont les pointillés sur la carte vont, non loin du « W », se jeter dans le Niger.
Durant des siècles, l'Aïr était un lieu d'étape des caravanes. Leurs dromadaires reliaient l'Afrique du Nord, arabe et berbère, aux pays situés au Sud du Sahara. Puis, au xve siècle, les Européens sont venus, créant des wharfs sur les côtes, vers lesquels se sont dirigés les flux commerciaux ouest-africains. Sans supprimer totalement le négoce transsaharien, cette mutation en a réduit l'importance, de même que celle de ses points d'étape, amenuisant donc les ressources des massifs montagneux de l'Aïr. L'époque contemporaine voit cependant ceux-ci développer de nouvelles activités. Ainsi, dans leur moitié Sud, la cassitérite, ou minerai d'étain, est-elle exploitée depuis 1945 - à El Méki, Tarrouadji et Timia, puis exportée vers la fonderie de Jos, au Nigeria, ainsi qu'en Belgique. Les plus grands gisements exploités de l'Aïr sont néanmoins ceux d'uranium qui est respectivement extrait depuis 1971 et 1978 à Arlit, 250 Km au nord-ouest d'Agadez, et à Akouta, à 10 Km plus à l'ouest. Cet uranium est vendu sous forme de concentré d'uranates de soude ou de magnésie. La centrale électrique d'Anou Araren, située à 45 km au nord-ouest d'Agadez, fournit du courant à cette ville et aux mines d'uranium, grâce au charbon extrait dans la même localité (5). L'Aïr est également bien doté, comme le visiteur a déjà pu le constater à Agadez, pour développer le tourisme. Le Niger a du reste créé en 1998, afin de préserver cette ressource, la « Réserve naturelle nationale de l'Aïr 23
et du Ténéré », qui inclut dans ses 77 360 km2 quelquesuns des plus beaux sites du Sahara, ainsi que leur flore et leur faune. Aux addax, antilopes très sobres, aux cornes en spirales, devenus rarissimes, est consacré au centre du parc un « sanctuaire» de 12 000 km2, où toute activité humaine est interdite. Ces créations ont suscité les mêmes controverses que tous les parcs nationaux en Afrique. Leurs adversaires affirment en effet que les réserves privent les populations alentour de bonnes zones d'élevage et, par conséquent, de protéines (6), les supporteurs des parcs arguant de leur côté que, sans leur existence, toute faune disparaîtrait. Parmi ces derniers figurent le Fonds mondial pour la nature (WWF) et l'Union internationale pour la conservation de la nature (U/CN). Outre leur appui à la création de la réserve, ils contribuent au reboisement et à l'autosuffisance en eau. Sans attendre ces réalisations, certains sites de l'Aïr, bénéficiant d'un bon point d'eau, ont passé les siècles sans succomber aux vagues de l'assèchement. Ainsi le visiteur trouvera-t-il qu'il fait bon vivre à Timia, aux jardins épanouis, sous le massif de l'Agalak. Il serait dommage qu'il quitte l'Aïr sans voir une autre oasis, celle d'Iférouane, qui est la plus septentrionale du pays. Dans la vallée du même nom, qui s'étire au pied des monts Tamgak, il pourra en outre admirer des gravures rupestres. Semblables traces de civilisations néolithiques existent aussi dans le Djado, le Kawar et le Ténéré. En abordant cette partie du vaste Sahara par la piste qui mène d'Agadez à Séguédine, au nord-est du pays, le voyageur verra les reliefs et la végétation s'estomper pour faire place au désert intégral. Il aura peine à croire que les 400 000 km2 de sables plats et de dunes vives du Ténéré, éprouvants pour l'automobiliste - comme le savent les concurrents du rallye Paris-Dakar -, étaient jadis une région humide. Durant une partie des ères secondaire et tertiaire, la Méditerranée a en effet inondé l'intérieur de l'Afrique, jusqu'à baigner le Sud du Niger, qu'elle a garni de forêts 24
luxuriantes, avant que la surrection de massifs sahariens, isolant ce vaste golfe, le transformât en un chapelet de lacs salés. Puis sont venues les trois périodes de fortes pluies du quaternaire, entrecoupées d'époques de sécheresse. Comment s'étonner, au vu de ce riche passé géologique, que des chercheurs s'intéressent aux étendues, aujourd'hui arides, du Sahara nigérien? L'un de ceux-ci, Philippe Taquet, a découvert à Gadafaoua, dans le Ténéré, alors qu'il participait, au sein d'une équipe du Commissariat français à ['énergie atomique, à des recherches d'uranium, un gisement de dinosaures - de « deinos » et « sauros », deux mots grecs signifiant « terrible lézard ». Ces animaux, apparus voilà deux cent vingt millions d'années, ont disparu, sans que l'on sache encore trop pourquoi, cent cinquante millions d'années plus tard. Les derniers soulèvements des montagnes sahariennes ont depuis redressé les couches qui les avaient ensevelis, puis les érosions pluviale et éolienne ont dévoilé ces fossiles. Baptisés « ouranosaurus nigeriensis Taquet 76 » (date de publication de la découverte), ces derniers sont, comme ce vocable savant l'indique, de la sous-espèce des « ouranosaures ». En évaluant les quantités de protéines et de sels minéraux contenus dans leurs os, les chercheurs ont récemment découvert que ces grands sauriens, armés d'un museau allongé en bec de canard, faisaient partie des dinosaures qui se nourrissaient exclusivement de poisson. En l'état actuel de la recherche, les paléontologues estiment qu'il s'agit là de spécimens rares, ce qui donne tout son prix à la découverte de plusieurs dizaines d' ouranosaures, certains longs de huit mètres, couchés sur cent cinquante kilomètres parmi les sables du Ténéré (7). Sur cette vaste étendue, caravaniers puis automobilistes s'étaient toujours orientés grâce à un repère, « l'arbre du Ténéré », un acacia particulièrement précieux dans cet environnement désolé. Les concurrents d'un raid organisé par Citroën et RTL, en novembre 1973, le trouvèrent malheureusement mort, gisant au sol, sans doute victime 25
d'un automobiliste maladroit. L'attachement des Nigériens à cet arbre témoin de leur passé était tel qu'ils l'ont transféré, en décembre 1973, au Musée national de Niamey (8). S'il persévère sur la piste de Séguédine, pris par la magie du désert, le voyageur parviendra sur les hauts plateaux qui dominent le Nord-Nard-est du Niger: un quadrilatère de 120000 km2, dont les canyons, lors de pluies rares, fournissent momentanément en eau la plaine de Madama qu'ils entourent. Table de grès massive, culminant à 1200 mètres, le plateau du Djado tombe vers le Ténéré, sur sa bordure occidentale, en une série de falaises abruptes, dont celles, roses, d'Orida. Ce relief en avait fait de tout temps, et jusqu'à la conquête coloniale, un refuge de brigands. L'insécurité qu'ils faisaient régner dans la contrée avait amené la population a bâtir des maisons fortifiées, souvent en des lieux escarpés peu accessibles, dont les vestiges sont encore visibles de nos jours. Ce plateau n'est peut-être pas sans richesses. Des recherches d'uranium y ont été menées, mais elles ont cessé en 1978 et la mévente de ce minerai n'a pas permis de les reprendre. Non moins sévère d'aspect que celui du Djado, se dresse, au nord, le massif de Manguéni, dont les calottes gréseuses atteignent mille mètres en moyenne d'altitude. L'Est du quadrilatère des plateaux est fait, dans sa partie méridionale, des reliefs confus du Tchigaï et, plus au nord, par les falaises de l'Afafi, où les grès figurent une rangée de livres affaissés. Parvenu ainsi aux confins nigéra-libyens, à proximité du Tchad et non loin de l'Algérie, le voyageur pourra saisir la situation géostratégique du Niger et plusieurs aspects, que nous évoquerons plus loin, de son histoire récente. Au long de la piste, depuis son arrivée dans le Nord, il aura fait connaissance avec nombre de populations de la région: les Touaregs, qui se sont installés dans l'Aïr au cours du VIlle siècle, les Arabes Kounta, qui vivent vers ln
Gall et Agadez, et les Toubou - nom qui, en langue 26
Kanouri, signifie « les gens du Tibesti ». Dits aussi Téda et Daza, ceux-ci habitaient sans doute déjà le Sahara avant la désertification de la région. Le touriste aura peut-être aussi eu la chance d'assister au Bianou, la fête d'Agadez, une de ces manifestations qui, comme le Guéréwol des Peuls ou diverses festivités datant, ici ou là au Niger, de l'époque précoloniale, égaient à intervalle régulier différents centres du pays. Sans doute, le voyageur aura-t-il pu remarquer, tout au long de son parcours au Niger, combien les populations y sont diverses et aussi, aucune région n'étant peuplée d'une seule ethnie, à quel point elles sont mêlées. Redescendant des plateaux du Nord par Bilma, le visiteur traversera encore le Kawar, où tous les paysages sahariens qu'ils a vus seront pour lui résumés: désert de sable, plateaux de pierre et massifs arides, mais aussi vertes oasis, lesquelles lui sembleront d'authentiques paradis terrestres parce qu'il y verra les seuls endroits dans l'étendue sans fin, royaume du silence, où la vie humaine puisse s'épanouir (9). (1) DONAINT Pierre et LANCRENON François, Le Niger, 2ème édition, PUF, Paris, 1976, p.3 (Collection «Que sais-je? »). Ils font ainsi justice de l'interprétation lexicale erronée qui, pendant longtemps, a fait croire que Niger signifiait «noir», comme en latin. (2) Il existe trois versions principales sur l'origine du nom de Niamey, lequel pourrait venir de : 1. Oua Niammané (prenez par ici, prenez par là), mots qui auraient été dits aux siens par le premier occupant des lieux. - 2. Nia (mère) mé (accès), endroit où la mère d'un Maouri, autorisé depuis à construi-
re là sa case, allait chercher de l'eau.
-
3. Nia (nom d'un arbre) mé (accès),
endroit où des Maouri, rescapés d'une bataille contre des Peuls, auraient trou-
vé refuge après avoir traversé le fleuve Niger. Sources:
-
HAMABoubou,
Textes et documents sur Niamey, IFAN, (1955) ; - BERNUS Suzanne, Particularismes ethniques en milieu urbain: l'exemple de Niamey, institut d'ethnologie, musée de l'homme, Paris, 1969 ; - Documentation de la Mairie de Niamey; Radio France internationale, Lieux et peuples d'Afrique, Paris, 1986. (3) Réunion des Musées nationaux de France, Catalogue et Petit journal, Paris, octobre 1993 ; Connaissance des arts, numéro spécial, Paris, 1993. De 1993 à 1998, l'exposition a été présentée, en totalité ou en partie, à Paris, Leyde, Philadelphie, Bamako, Ouagadougou, Lagos, Niamey (janvier-mars 1998), Nouakchott et Conakry. 27
(4) DONAINT et LANCRENON, op. cit., p. 3. (5) Voir le chapitre X et également, pour l'uranium, les chapitres VII et VIII, ainsi que l'index. (6) BOURGEOT André,« Le désert quadrillé: des Touaregs au Niger», in Politique africaine, n° 38, Paris, Karthala, juin 1990. (7) TAQUET Philippe, l'Empreinte des dinosaures, Odile Jacob, Paris, 1994, édition nouvelle en 1997. Le premier ouranosaure exhumé se trouve au Musée de Niamey. (8) BANIA SAY Mahamadou, Le Niger et ses merveilles, Niamey, 1989, p.36. (9) Voir Informations touristiques pratiques, à la fin de la Carte d'identité du Niger, en clôture de cet ouvrage.
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VARIATIONS CLIMATIQUES AU SAHARA
De 150 000 à 90 000 ans avant nos jours: phase humide (pléistocène moyen). Un lac de 2 000 km2 s'étend dans le Sahara central libyen. De 90 000 à 50 000 ans: phase aride ménageant des zones d'humidité, en particulier sur la frange nordorientale de l'Aïr. De 40 000 à 20 000 ans (Humide ghazalien) : développements lacustres (lac Tchad, à partir de 30 000 ans) et palustres. De 20 000 à 12 000 ans: installation au Niger d'un climat aride tandis que le Nord du Sahara reste humide. Entre 12 000 et 7 000 ans: commencent des temps néolithiques anciens coïncidant avec une phase humide nigero-tchadienne. 7 000 ans avant nos jours: nouvelle période de sécheresse. 6 000 ans: le climat actuel s'établit au Sud du Sahara. Source: GADO Boubé, «Paléoenvironnements et occupation humaine des temps préhistoriques à l'époque contemporaine», in La Réserve naturelle nationale de l'Aïr et du Ténéré (Niger), pp. 263 - 287.
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