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French Pages [245]
Le Collège des Trois Langues de Louvain 1517-1797 ÉRASME, LES PRATIQUES PÉDAGOGIQUES HUMANISTES ET LE NOUVEL INSTITUT DES LANGUES
PEETERS
LE COLLÈGE DES TROIS LANGUES DE LOUVAIN 1517-1797
Le Collège des Trois Langues de Louvain 1517-1797 Érasme, les pratiques pédagogiques humanistes et le nouvel institut des langues
Sous la direction de
Jan Papy Édition française préparée en collaboration avec Lambert Isebaert et Charles-Henri Nyns
PEETERS LEUVEN – PARIS – BRISTOL, CT
2018
© 2018 Peeters Droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Toute reproduction d’un extrait quelconque, par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie ou microfilm, de même que la diffusion sur Internet ou tout autre réseau semblable sont strictement interdites. ISBN 978-90-429-3675-1 eISBN 978-90-429-3740-6 D/2018/0602/92 NUR: 715
Sed neque tantum Ista caduca moror, quantum quia principe floret Gymnasio studiisque adhibet, quem debet, honorem, Excellitque viris, non qui Latialia solum Dogmata Romanaeque loquatia schemata linguae, Nec tantum ad Graias possint vigilare lucernas, Verum etiam Haebraeo sudent in pulvere et omni Parte schola celebri veteres imitentur Athaenas. Helius Eobanus Hessus
Mais je ne m’attarderai pas sur ces choses qui passent, d’autant que cette ville peut se glorifier d’une université illustre et qu’elle rend aux études l’honneur qui leur est dû. Elle excelle grâce à des hommes qui non seulement sont versés dans la sagesse romaine et dans les figures du langage latin, qui non seulement passent leurs nuits à la lueur d’une lampe grecque, mais qui imprègnent de leur sueur la poussière hébraïque et peuvent, dans leur école célèbre, rivaliser à tous égards avec l’antique Athènes.
Table des matières Avant-propos Bernard Coulie
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Louvain célèbre les 500 ans du Collegium Trilingue Jan Papy
1
Un testament, une vision de génie et une persévérance inébranlable… Naissance, essor et rayonnement du Collège des Trois Langues Jan Papy
5
Au-delà du conflit. Symbiose de la scolastique et de l’humanisme à la Faculté de Théologie Gert Gielis
33
La vie quotidienne au sein du Collège des Trois Langues Jan Papy
57
L’enseignement et l’étude des langues à la Renaissance : la voie vers les langues vernaculaires Pierre Swiggers
73
Regina linguarum. L’enseignement du latin au Collegium Trilingue, XVIe-XVIIIe siècles Xander Feys & Dirk Sacré
105
L’enseignement du grec à l’ancienne Université de Louvain : un bilan sous l’angle européen Raf Van Rooy & Toon Van Hal
131
Omnium linguarum purissima. Les études de l’hébreu au sein du Collège des Trois Langues Pierre Van Hecke
157
Notes
185
Bibliographie
211
Crédits photographiques
215
Les auteurs
217
Index nominum
219
Tableau synoptique des professeurs et présidents du Collegium Trilingue
229
Présentation Ce volume réunit diverses contributions consacrées à l’histoire du Collegium Trilingue, le « Collège des Trois Langues », fondé à Louvain en 1517, sous l’inspiration d’Érasme et grâce au legs de Jérôme Busleyden, décédé en route vers l’Espagne au cours d’une mission au service du futur empereur Charles Quint. Le volume s’ouvre par des contributions qui retracent l’histoire de la fondation du Collegium Trilingue, son insertion dans le contexte politique, culturel, religieux et théologique de l’époque, son organisation administrative et financière, ainsi que la vie quotidienne au sein de cet institut qui visait à répondre aux nouvelles exigences scientifiques et éducatives du courant humaniste. Le Collegium Trilingue fut conçu par Érasme comme un centre d’excellence, offrant un enseignement novateur — où esprit critique et ouverture intellectuelle figuraient à l’avant-plan — dans l’étude des trois langues « sacrées ». L’originalité du projet louvaniste, son succès immédiat et les péripéties de son histoire aux XVIIe et XVIIIe siècles font l’objet ici d’études historiques qui analysent les programmes, les sujets traités et la production scientifique et didactique (imprimée et manuscrite) de professeurs ou d’anciens élèves du Collegium Trilingue en matière d’enseignement de langues (classiques et, parfois, modernes). Les innovations émanant du Collegium Trilingue sont ainsi au cœur d’études qui replacent cet enseignement dans le contexte européen de la didactique des langues classiques et modernes. La version originale du présent volume a paru en néerlandais sous le titre « Het Leuvense Collegium Trilingue 1517–1797. Erasmus, humanistische onderwijspraktijk en het nieuwe taleninstituut Latijn – Grieks – Hebreeuws, onder
redactie van Jan Papy » (Leuven – Paris – Bristol, CT: Peeters, 2017). À l’occasion de l’exposition Erasmus’ Dream: Collegium Trilingue 1517-2017 qui s’est tenue à Louvain du 19 octobre 2017 au 18 janvier 2018 (Leuven, Universiteitsbibliotheek KU Leuven), un volumineux catalogue (XI-532 pp., 222 notices), en langue néerlandaise, a été publié sous le titre «Erasmus’ droom. Het Leuvense Collegium Trilingue 1517–1797. Catalogus bij de tentoonstelling in de Leuvense Universiteitsbibliotheek, 18 oktober 2017 – 18 januari 2018, onder redactie van Jan Papy » (Leuven – Paris – Bristol, CT: Peeters, 2017), constituant un utile complément d’information au volume d’études. La traduction française des contributions originales, ici et là retouchées, a été réalisée dans un premier temps par une équipe de volontaires de la «Fondation JeanBaptiste Nothomb» (Arlon), sous la direction de CharlesHenri Nyns (Bibliothécaire en chef de l’Université catholique de Louvain). Leur travail de traduction a été patiemment et méticuleusement révisé, corrigé et refondu par Lambert Isebaert, professeur à l’Université catholique de Louvain, avec l’aide de Pierre Swiggers, professeur à la KU Leuven. Les traductions ont été finalisées en concertation avec les auteurs des contributions. Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à toutes les personnes — auteurs, traducteurs et réviseurs — qui se sont investies dans la réalisation de ce beau recueil d’études. Nos remerciements s’adressent également aux Éditions Peeters pour la remarquable qualité du travail d’impression et d’édition. Jan Papy Leuven, le 20 juin 2018.
Avant-propos L’ouvrage consacré au Collège des Trois Langues à l’occasion du 500e anniversaire de sa fondation — ou, plus précisément, du legs de Jérôme de Busleyden (vers 1470-1517) en faveur de l’Université de Louvain pour la fondation et l’organisation d’un centre d’études des trois langues classiques – associe le Collegium Trilingue, l’enseignement des langues à Louvain et la personnalité d’Érasme. Les contributions éclairent ces différents aspects, notamment l’étude du latin, du grec et de l’hébreu à cette époque. Chacun sait que le Collegium a eu un rôle déterminant dans le développement de l’enseignement et de l’étude de ces trois langues à Louvain. Il n’est pas inutile de rappeler aussi qu’il a jeté les bases d’une tradition d’études des langues anciennes et orientales à l’Université de Louvain, qui se poursuit jusqu’aujourd’hui. C’est au départ l’intérêt pour les sources bibliques qui motive la démarche, car il importe alors d’avoir un accès aussi critique que possible à la source du christianisme, c’est-àdire aux textes latins, grecs et hébreux. Mais le fruit va rapidement dépasser la promesse de la fleur, pour paraphraser le poète français Malherbe, car l’étude des trois langues d’origine va bientôt se voir complétée par celle de nombreuses autres. L’enseignement de l’arabe apparaît à Louvain dès 1615. Les cours d’araméen et de syriaque sont créés en 1834. Félix Nève (1816-1893) inaugure l’étude du sanscrit et des littératures chrétiennes copte, syriaque, arménienne et éthiopienne, en 1841. À la fin e du XIX siècle, Charles de Harlez (1832-1899) développe les études indianistes et la sinologie, et fonde en 1881 la revue Le Muséon, une revue internationale d’études orientales qui est encore aujourd’hui dirigée par les orientalistes de l’UCL. C’est à cette époque que le programme
s’étoffe encore avec l’enseignement des langues assyriennes dès 1890, de l’égyptologie et de la coptologie, de l’arménien et du géorgien. Ces enseignements sont regroupés par la création officielle d’un Institut orientaliste, en 1936. En 1979, la partie francophone de cet institut s’installe dans les locaux de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’UCL, sur le nouveau site universitaire de Louvain-la-Neuve. La descendance du Collège des Trois Langues est donc multiple et persistante. Si le Collège innove, en 1517, avec ces domaines d’études, il soutient aussi l’émergence d’une discipline certes ancienne puisqu’elle remonte au moins à l’époque hellénistique, mais qui connaît avec la Renaissance et l’Humanisme un nouvel essor, la philologie. Souvent considérée restrictivement comme étant l’étude des textes, la philologie consiste en réalité à combiner l’étude de l’esprit et de la lettre d’un texte. L’esprit du texte, c’est-à-dire son contenu, sa portée, son message ; la lettre du texte, c’est-à-dire sa forme précise, sa forme d’origine et les formes que le texte a prises au cours de son histoire, sa mise en œuvre littéraire et les structures qui la fondent. La philologie requiert une importante technicité linguistique, basée sur l’étude des langues, dans toute leur évolution ; mais cette technicité ne prend son sens que si elle sert à comprendre le texte dans tous ses états, s’attachant dès lors à l’histoire de la transmission des textes, aux techniques d’édition et à la valeur des sources. La philologie se différencie donc nettement de l’histoire – à laquelle elle fournit des matériaux sur lesquels les méthodes de l’histoire comme discipline peuvent s’appliquer – et de l’archéologie – qui permet souvent d’apporter sur l’objet de la philologie un éclairage
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bernard coulie
différent et complémentaire. Une part de plus en plus importante de la philologie s’intéresse aussi aujourd’hui à la réception des textes anciens, à leur héritage littéraire, mais aussi à leurs dimensions idéologique, esthétique et sociétale. La célébration de l’anniversaire du Collegium Trilingue est l’occasion de se pencher sur les conditions d’émergence de cette discipline, dans laquelle le Collège a joué un rôle primordial en jetant les bases d’une tradition louvaniste ininterrompue depuis cinq siècles. Fondamentalement, la philologie cherche à restituer le texte dans son état d’origine, ou à remonter aussi près que possible de cet état, pour ne pas faire dire aux auteurs et aux textes autre chose que ce qu’ils exprimaient réellement. Il importe en effet de distinguer ce contenu des multiples couches que peuvent ajouter les copies, annotations, traductions ou commentaires accumulés au fil du temps. C’est l’objet de l’édition critique des textes. Mais qu’est-ce qu’une édition de texte ? Un bref rappel historique est nécessaire pour resituer dans leurs contextes respectifs les différentes réponses qui ont été apportées à cette question. « Éditer » des textes est une problématique ancienne, mais qui s’est posé des questions successives, témoignant des progrès enregistrés par ce qui allait devenir la discipline de la philologie. Pour le monde ancien et surtout le monde grécoromain, ensuite pour le monde byzantin et même celui de la Renaissance, les manuscrits sont déjà considérés comme des copies critiques, ce dont témoigne, par exemple, la présence de signes marginaux et de diverses annotations ajoutées par les copistes. Ces signes et ces notes expriment une préoccupation, celle de refléter le texte faisant autorité et de distinguer dans le texte ce qui est original et ce qui a été ajouté ensuite. Pour les
anciens, le premier problème est de trouver les textes faisant autorité ; c’est donc une question d’heuristique, et c’est dans ce contexte que va naître la philologie. La démarche philologique est apparue il y a plus de deux mille ans avec la création et le développement de la bibliothèque d’Alexandrie, lorsque Ptolémée, ancien général d’Alexandre le Grand, devient satrape de l’Égypte avant d’en être le roi, en 306-305. Il décide de créer un sanctuaire des Muses, le « Mouseion », auquel il attache une bibliothèque. Ptolémée et ses successeurs vont enrichir celle-ci de livres venus de partout, achetés parfois à grands frais, conservés dans le « Mouseion » et confiés aux mains des bibliothécaires. La comparaison des exemplaires d’une même œuvre est alors l’occasion d’analyser les variantes textuelles et d’établir un texte critique. Les bibliothécaires et savants alexandrins vont, en l’espace d’une cinquantaine d’années, proposer un texte critique de toutes les œuvres littéraires de la Grèce ancienne, depuis les épopées homériques jusqu’aux poésies lyriques, en passant par la tragédie et la comédie. L’œuvre critique des Alexandrins est à la base de la philologie. Un progrès important apparaît à l’époque de la Renaissance et de l’Humanisme, et Érasme en est l’un des acteurs. Il s’agit alors de remonter aux textes bibliques dans leur état le plus originel, ce qui motive un regain d’intérêt pour l’étude des langues, condition d’un accès direct aux sources : « Piété renouvelée, épurée, s’abreuvant directement aux sources ; ainsi s’exprime la théologie d’Érasme. Étudions donc l’Écriture à la lumière d’une critique philologique rigoureuse, efforçons-nous d’assimiler la pensée antique, celle du monde où sont nés les textes sacrés, et prenons comme guides les philosophes platoniciens et les Pères : saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin. Ainsi pourrons-nous écarter les superstitions qui nous
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étouffent […] »1. Lorsqu’il effectue à Louvain son deuxième séjour (1517-1521), Érasme a déjà publié le texte grec du Nouveau Testament et une édition de saint Jérôme, travaux dans lesquels il pose que « l’exégèse théologique doit accepter les limites que lui impose la philologie ». Cette approche, combinée à l’apparition de la crise luthérienne, le fera passer aux yeux des théologiens pour un complice du réformateur allemand, confusion qui sera la source des conflits de l’humaniste de Rotterdam avec la Faculté de Théologie de l’Université louvaniste2. La crise réformatrice dans l’Église, incarnée par le débat entre Érasme et Luther, se révélera être un moteur du développement de la démarche philologique. Une nouvelle étape essentielle est franchie au XVIIe s., lorsque des théologiens protestants inventent véritablement le concept d’édition critique, appliqué aux livres de la Bible et en particulier du Nouveau Testament. Pour pouvoir discuter valablement de questions bibliques et se prononcer sur le contenu théologique des textes, il importe de disposer du « meilleur » texte, c’est-à-dire d’un texte qui ne souffre pas de discussion afin que les conclusions théologiques basées sur lui ne courent pas le risque d’être remises en cause. C’est la naissance de l’emendatio, la critique textuelle proprement dite. C’est donc la controverse religieuse sur la Bible qui est à l’origine des éditions critiques modernes. Ceci s’explique aussi par la nature de la tradition manuscrite des textes bibliques, tradition représentée par un nombre élevé de témoins, alors que beaucoup de textes classiques ne sont conservés que dans un nombre restreint de manuscrits anciens.
1 Érasme et la Belgique, Bruxelles : Bibliothèque royale Albert Ier, 1969, p. 14, à propos de l’Enchiridion militis Christiani. 2 Ibid., p. 50.
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À la fin du XVIIIe s. et au début du XIXe s., les exégètes franchissent un pas supplémentaire. Ils se mettent à comparer les manuscrits entre eux, à les grouper et à les classer par familles, afin de remonter dans l’histoire du texte jusqu’à l’original lui-même. Ils proposent également de visualiser les relations entre les manuscrits sous la forme d’une sorte d’arbre généalogique, le stemma codicum. C’est le début de ce qui sera appelé par la suite « stemmatique » (en anglais : stemmatics ; le français a également développé le néologisme « stemmatologie »). La volonté de reconstruire l’original caractérise la démarche des philologues de cette époque, par exemple Immanuel Bekker (1785-1871) et Karl Lachmann (1793-1851). Mais comment trouver une méthode critique, scientifique, c’est-àdire objective et vérifiable, qui permette de crédibiliser cette démarche ? Les philologues vont effectuer une sorte de petite révolution copernicienne de leur discipline, en proposant de passer d’une méthode qui privilégiait l’« autorité » des manuscrits à une méthode qui donnera la priorité à l’« origine » des témoins. Auparavant, les philologues attribuaient des qualités aux manuscrits en fonction d’une analyse interne, basée par exemple sur la qualité de la langue, de la syntaxe, ou du style. Désormais, ils chercheront à remonter le cours de l’histoire du texte, pour accéder, à travers les témoins conservés, jusqu’au texte issu de la plume de l’auteur. La plupart des philologues du XXe s. s’inscrivent dans cette lignée et cherchent différents moyens de perfectionner la méthode critique, y compris, plus récemment, par le recours à des méthodes automatisées.3
3 Sur l’histoire de la philologie, voir Bernard Coulie, ‘Text Editing : Principles and Methods’, dans Valentina Calzolari (ed.), Armenian Philology in the Modern Era: From Manuscript to Digital Text, Handbook of Oriental Studies, VIII, 23, 1 (Leiden-Boston: Brill, 2014), pp. 137-174.
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Le Collegium Trilingue et Érasme ont joué un rôle déterminant dans l’histoire de la discipline philologique et dans le développement de ces études à Louvain. Les philologues louvanistes d’aujourd’hui, et en particulier les orientalistes, en sont les héritiers directs. Mais pourquoi continuer à s’intéresser aujourd’hui, au début du troisième millénaire, dans un monde ouvert et globalisé, aux langues anciennes ou orientales et aux textes produits il y a plusieurs siècles ? Cela a-t-il encore une pertinence ? L’évocation de la création du Collège des Trois Langues apporte une réponse à ces questions, car elle est l’occasion de jeter un autre regard sur l’étude des langues anciennes et des langues orientales. Ce regard est inspiré par celui qu’a porté sur Érasme un des grands intellectuels du XXe siècle, Stefan Zweig, auteur d’un portrait de l’humaniste intitulé Érasme. Grandeur et décadence d’une idée4, un portrait tout entier construit sur l’opposition d’idées et de personnalités entre Érasme et Luther. Bien sûr, dans la force de Luther, c’est aussi la violence allemande de la première moitié du XXe siècle que Zweig dénonce, avec d’autant plus de virulence qu’il en est lui-même la victime. Bien qu’appliquées au contexte du XVIe s., les comparaisons de Zweig évoquent en fait les années précédant l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale. Il oppose, par exemple, Érasme, défenseur d’une unité européenne dans une Ecclesia universalis, et Luther, qui vient briser ce rêve d’union, « semblable aux Germains envahisseurs de la Rome classique »5. Comment ne pas voir la montée du nazisme en filigrane de
4 Stefan Zweig, Érasme. Grandeur et décadence d’une idée, traduit de l’allemand par Alzir Hella (Bruxelles: Éditions du Frêne, 1945). 5 Ibid., p. 123.
l’affirmation de Zweig, lorsqu’il décrit «« le révolutionnaire Luther que menait le démon des forces obscures de l’Allemagne »6, ou encore lorsqu’il rapporte que « Zwingli a dépeint dans une image frappante le contraste des deux caractères en comparant Luther à Ajax et Érasme à Ulysse ; Luther-Ajax, batailleur intrépide, né pour se battre et nulle part plus à son aise que dans la lutte ; Érasme-Ulysse, un homme fourvoyé sur un champ de bataille, heureux de retourner dans sa paisible Ithaque, dans son île bienheureuse de la contemplation, et de s’échapper du monde de l’action pour se réfugier dans celui de l’esprit […] »7. Car c’est bien de son époque que parle Zweig lorsqu’il parle du XVIe s., et c’est bien lui-même qu’il dépeint lorsqu’il relate les difficultés de l’humaniste victime à la fois des idées luthériennes et de l’opposition des théologiens louvanistes. Dans son extraordinaire essai sous forme de mémoires, Le monde d’hier, Zweig écrit : « […] mon livre sur Érasme, dans lequel j’avais essayé de dresser un portrait intellectuel de l’humaniste qui, bien qu’il comprît plus clairement que les professionnels de la réforme du monde l’absurdité de l’époque, fut pourtant incapable, avec toute sa raison, de lui barrer la route. Ayant achevé cet autoportrait déguisé […] »8. Si Érasme et Zweig représentent la même démarche, quelle est-elle ? C’est celle de la recherche de la raison et de l’ouverture à la différence pour éviter l’ignorance et l’aveuglement et les conflits qu’ils engendrent. C’est celle de l’écoute de la voix intérieure plutôt que de la
6 Ibid., p. 22. 7 Ibid., pp. 135-136. 8 Stefan Zweig, Le monde d’hier, traduit de l’allemand par Dominique Tassel, Folio, 616 (Paris: Gallimard, 2013 [imprimé 2017]), p. 495.
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soumission aux cris et aux bruits. Zweig, qui s’est consacré à la défense de l’idée européenne, voit Érasme comme un prédécesseur : « Durant une heure merveilleuse l’Europe est unie par un rêve de civilisation commune, qui, grâce à une unité de langue, de religion et de culture, devrait mettre fin à l’antique et funeste discorde. Le souvenir de cette inoubliable tentative restera éternellement lié à la personnalité et au nom d’Érasme. Car ses idées, ses désirs et ses rêves ont dominé l’Europe pendant un moment de l’Histoire et c’est bien pour son malheur et le nôtre que cette volonté aux pures intentions n’ait été qu’un court entr’acte dans la tragédie sanglante de l’humanité. » 9 À propos des poètes, tels que Rainer Maria Rilke, qu’il a rencontrés dans sa jeunesse, Zweig écrit, parlant du début du XXe siècle, à moins qu’il ne parle en fait de l’époque actuelle : « […] je ne cesse de me demander avec une sorte d’inquiétude secrète : aurons-nous encore à notre époque, dans nos nouvelles conditions de vie qui expulsent l’être humain de toute concentration intérieure comme un incendie de forêt chasse les animaux de leurs repaires les plus secrets, pourrons-nous encore avoir des êtres de cette sorte, totalement voués à l’art de la poésie ? »10 Si Stefan Zweig parle de poètes et de poésie, comment ne pas ressentir l’incroyable actualité de cette phrase, et la force de l’image, à l’heure de l’internet, des outils connectés et de la globalisation : « nos nouvelles conditions de vie qui expulsent l’être humain de toute concentration intérieure comme un incendie de forêt chasse les animaux de leurs repaires les plus
9 Zweig, Érasme, p. 102. 10 Zweig, Le monde d’hier, p. 196.
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secrets ». Celui qui donne cours à l’Université de Louvain aujourd’hui prend la mesure de l’analyse de Zweig : à l’heure dite, l’auditoire se remplit d’étudiants, qui, à peine assis, s’empressent d’ouvrir, qui sa tablette, qui son ordinateur portable. Durant tout le cours, des têtes s’agitent derrière les écrans relevés, et ce qu’ils montrent suscite des réactions, des conciliabules, des rires à peine étouffés, sans lien aucun avec ce que le professeur s’efforce d’expliquer ; sa voix est d’ailleurs accompagnée du lancinant et continu cliquetis des touches et des doigts sur les claviers. Concentration… ? Des gravures et des sculptures du moyen âge représentant des scènes d’enseignement témoignent déjà de la difficulté de capter l’attention de tous. Sur la tombe de Giovanni da Legnano, professeur de droit à l’Université de Bologne au milieu du XIVe siècle, la difficulté de maintenir l’attention, la lassitude ou le désintérêt se lisent sur le visage de plusieurs étudiants. Serait-ce le prix du savoir, de l’exigence de l’esprit ? Érasme et Zweig incarnent, chacun à sa manière, cette exigence de l’esprit. Cette exigence est aussi celle du dépassement des frontières du monde connu pour s’ouvrir à la différence. C’est ce qu’explique l’intellectuel autrichien lorsqu’il relate ses rencontres avec le politicien allemand Walter Rathenau : « […] c’est à Rathenau que je dois aussi la première incitation à sortir de l’Europe. ‘Vous ne pouvez pas comprendre l’Angleterre tant que vous ne connaissez que l’île’, me dit-il un jour. ‘Et pas davantage notre continent, tant que vous n’avez pas franchi ne fût-ce qu’une fois ses frontières.’ » Au terme de son parcours, Zweig tire toute la leçon de cette phrase, comprenant qu’elle s’applique à l’histoire et à la géographie, au temps et à l’espace, et aux cultures. Pour comprendre son propre temps, il faut en connaître d’autres et échapper à la dictature de l’immédiateté : « La pire malédiction
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que nous ait apportée la technique est qu’elle nous empêche d’échapper ne fût-ce qu’un instant à notre présent » écrit-il11. Pour appréhender son espace, il faut pouvoir le considérer à partir d’autres espaces. Et surtout, pour maîtriser les forces et les faiblesses de sa propre culture, il faut s’ouvrir à celles des autres, non pas en prétendant que les différences vont s’estomper au profit d’un « melting pot » rassurant mais illusoire, mais au contraire en devenant capable de surmonter les différences précisément parce qu’elles sont ressenties et reconnues comme telles. C’est précisément ce qui confère toute son importance à l’étude des langues, des histoires, des espaces, des cultures autres, cette étude à laquelle l’Universitas Lovaniensis a continué à se consacrer depuis cinq siècles. Il est important de se souvenir de l’exemple d’Érasme et de ses nombreux collègues du Collège des Trois Langues, qui ont jeté les bases de
11
Ibid., pp. 518-519.
l’étude des sources d’un autre temps et d’autres cultures, une étude rendue chaque jour plus nécessaire dans un monde où les différences se côtoient voire s’affrontent plus que jamais. Telle est la leçon du Collegium Trilingue et d’Érasme. Stefan Zweig conclut, à propos de l’humaniste : « Il sait, lui, en homme d’expérience, que par nature toutes les passions finissent par s’affaiblir et que c’est le sort du fanatisme de se détruire lui-même. La raison, elle, calme, patiente, éternelle, sait attendre et persévérer. Parfois, lorsque les esprits sont déchaînés, elle ne peut que se taire et s’effacer. Mais son heure vient, elle vient toujours. »12 Telle est la mission de l’Université. Bernard Coulie Recteur honoraire Université catholique de Louvain
12
Zweig, Érasme, p. 27.
Louvain célèbre les 500 ans du Collegium Trilingue
Merito et tempore, « grâce au mérite et avec le temps » : telle fut la devise de Jérôme (de) Busleyden, humaniste cultivé, figure typique de la Renaissance, membre du Grand Conseil de Malines. Dans ce qui reste aujourd’hui du Collège de Busleyden ou Collegium Trilingue au Vismarkt (Marché aux Poissons) de Louvain, du moins jusqu’à la dernière remise en peinture, on apercevait encore le monogramme de Busleyden. Il se voyait sur les clés de voûte du « Wentelsteen », la cage d’escalier qui permettait la circulation vers les étages supérieurs de l’illustre Collège. Au XVIe siècle, on accédait au Collège par l’entrée principale, située dans la Schipstraat (Rue des Bateaux), actuellement Mechelsestraat (Rue de Malines). Plus imposante et plus grande que l’ancien porche d’entrée sur le Vismarkt, elle était décorée des armoiries et de la devise de Busleyden : Merito et tempore. Peu de temps après fut ajoutée une inscription indiquant que le Collège avait été fondé le 22 juin 1517. Cette institution renommée, inspirée et orientée par Érasme, était dédiée à l’étude des trois langues sacrées de l’Antiquité, le latin, le grec et l’hébreu. Dans le passé, sa fondation a souvent été célébrée avec faste. Lors du premier centenaire, l’initiative heureuse d’Érasme fut commémorée par l’Université, qui rappela également le déclin dû aux guerres et le renouveau à partir du XVIIe siècle, lorsque le «[Collège] muet redevint trilingue ». Nicolas Vernulaeus, retraçant l’histoire des deux
premiers siècles de histoire de l’Université dans l’ouvrage intitulé Academia Lovaniensis Libri III (1627), résuma ainsi le rayonnement et l’impact du Collegium Trilingue : « Ces derniers cent ans, il n’y eut aucun homme d’importance, aucun savant, nulle part dans le monde, qui n’ait été étudiant de ce Collège, véritable pépinière de princes, de nobles et de grands seigneurs ». Lors de son rétablissement en 1834, l’Université catholique de Louvain aspirait à retrouver son lustre après une période turbulente, marquée par la suppression (1797), la transformation en Université d’État (18171834) et, avant le retour au berceau (1835), les transferts successifs à Bruxelles et à Malines. Il est frappant de voir qu’à cette époque, les jours glorieux du Collegium Trilingue étaient systématiquement évoqués à l’occasion de séances inaugurales et de manifestations académiques ou encore dans des travaux sur l’histoire de l’Université. L’impulsion du recteur Mgr Pierre De Ram, un historien, n’y était pas pour rien. Quant au bâtiment du Collège, tombé en ruines, il ne cessa de susciter l’attention des autorités de l’Université. Au début du XXe siècle, Mgr Paulin Ladeuze, nommé recteur en 1909 et considéré à juste titre comme le « deuxième fondateur » de l’Université, tenta de récupérer le bâtiment au Vismarkt. Le projet échoua, à cause du manque de moyens financiers et des circonstances difficiles provoquées par la première Guerre Mondiale. Le bâtiment devint un dépôt et fut, en partie, transformé en immeuble d’habitations sociales.
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Dans la chapelle du Collegium Trilingue, on fumait alors le hareng et la salle de cours servait d’usine à glace … Si les dernières commémorations jubilaires n’ont pas pu être célébrées comme il aurait fallu à cause des guerres, l’Université de Louvain (KU Leuven) a tenu à célébrer en 2017 les « 500 ans du Collegium Trilingue », avec tout le faste académique requis. On ne peut cependant s’empêcher d’éprouver des sentiments équivoques à la pensée que cette même Université n’a pas toujours pris à cœur le sort de cet institut qu’Érasme avait appelé de ses vœux et pour lequel il a tant œuvré. En effet, alors qu’un collège similaire créé quelques années plus tard à Paris à l’instigation de Guillaume Budé (ami d’Érasme) est devenu le prestigieux Collège de France, on ressent quelque gêne à montrer aux visiteurs, belges ou étrangers, les vestiges lamentables du Collegium Trilingue, au moment d’entrer dans le Passage Busleyden (Busleydengang) depuis le Marché aux Poissons. Cette commémoration du 500e anniversaire du Collegium Trilingue ne se focalise pas sur le bâtiment en tant que tel, mais bien plus sur les intuitions et les réalisations scientifiques des humanistes qui eurent l’audace d’explorer des voies nouvelles. Outre la publication du présent ouvrage, la célébration comportait également une exposition à la bibliothèque universitaire de la KU Leuven. Cette exposition, «Erasmus’ droom: het Leuvense Collegium Trilingue 1517-2017» (du 18 octobre 2017 au 18 janvier 2018) a fait l’objet d’un catalogue scientifique, également imprimé et publié chez Peeters à Louvain (ISBN 978-90-429-3559-4). Une partie des pièces exposées a été ensuite accueillie au Musée Gaspar à Arlon, sous le titre « Busleyden, Érasme & More : l’Homme au cœur de la pensée » (9 février 201815 avril 2018). Grâce aux pièces réunies (livres, peintures, documents d’archives et de bibliothèques, notes
de cours, portraits de professeurs, lettres et discours), l’histoire du Collegium Trilingue a gagné en visibilité et en épaisseur, à travers un récit impressionnant d’audace, de passion scientifique et de rayonnement européen. Le but de l’exposition, tout comme l’objectif du présent ouvrage, n’était pas de redoubler les nombreuses « expositions louvanistes », grandes ou petites, des dernières années. En effet, depuis 1969, plusieurs évènements et publications de qualité ont mis en lumière des aspects inconnus ou des figures peu étudiées de l’humanisme à Louvain et de l’histoire de l’Université. À cause de leur haute teneur scientifique, ces initiatives méritent d’être rappelées ici avec leur référence précise : Erasmus en Leuven (1969) ; 550 jaar Universiteit (1976) ; Erasmiana Lovaniensia (1986) ; Vives te Leuven (1993) ; Erycius Puteanus (1996) ; Lipsius en Leuven (1997) ; Wereldwijs: wetenschappers rond Keizer Karel / De geleerde wereld van Keizer Karel (2000) ; Justus Lipsius (1547-1606), een geleerde en zijn Europese netwerk (2006) et récemment encore Utopia & More (2016). Forcément, un certain recouvrement au niveau du contenu était inévitable. Néanmoins, tant l’exposition Erasmus’ droom: het Leuvense Collegium Trilingue 1517-2017 que la présente publication sont différentes, uniques et originales, et cela pour trois raisons. Tout d’abord, ce volume ainsi que l’exposition ont comme objet le seul Collegium Trilingue. Deuxièmement, nous avons cherché à adopter une perspective diachronique globale. Il va de soi que la fondation du Collège et son développement durant les années tumultueuses du XVIe siècle ont reçu toute notre attention. Le but explicite de l’ouvrage est cependant de faire également une large place au renouveau du XVIIe siècle ainsi qu’aux dernières décennies du XVIIIe siècle. En effet, il s’agissait de savoir si l’enseignement au Collegium Trilingue
louvain célèbre les 500 ans du
s’est effectivement poursuivi jusqu’en 1797, l’année où le gouvernement français supprima l’ancienne Université de Louvain par décret départemental du 25 octobre ; et si les trois langues (latin, grec et hébreu) étaient encore enseignées à cette époque. Par rapport à ces deux questions, nous tenterons d’apporter des compléments à l’œuvre magistrale de Mgr Henry de Vocht, parue en quatre tomes entre 1951 et 1955 et qui reste jusqu’à ce jour un des travaux fondamentaux sur l’histoire de l’humanisme et sur l’enseignement universitaire dans les Pays-Bas méridionaux au début des Temps Modernes. En troisième lieu, il n’entrait pas dans nos objectifs d’offrir une histoire exhaustive de ce nouvel institut louvaniste : cela a déjà été fait par Félix Nève (1856), suivi par Henry de Vocht. La synthèse offerte ici, par contre, vise à aborder la question spécifique des langues et de leur enseignement. Nous sommes partis d’une question intrigante : quelle fut au juste la formule à succès du Collège des Trois Langues ? Autrement dit : quelle fut la « recette magique » qui a permis d’attirer aussi rapidement à Louvain entre trois et six cents étudiants de partout en Europe ? Fournir une réponse à cette question a été un défi, réclamant la collaboration de nombreux spécialistes. Leur travail d’équipe a abouti non seulement à une vaste histoire de l’enseignement des langues anciennes (latin, grec et hébreu) à l’Université de Louvain, – mais, audelà, à une analyse approfondie de l’enseignement de ces trois langues au Collège des Trois Langues, entre 1517 et 1797. Les recherches ont été menées langue par langue, en accordant une attention particulière aux manuels et éditions de texte, aux commentaires et aux tableaux synoptiques imprimés dans le but de servir à une didactique rénovée. Cette analyse en profondeur ne perd jamais de vue la perspective européenne. Rappelons à
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cet égard qu’Érasme, lui-même citoyen du monde et célébré à son époque comme « le Prince des humanistes », sélectionnait avec grand soin les professeurs de « son » Collège, en tenant compte de leurs compétences et de leur rayonnement international. Ces critères s’avérèrent probants et garantirent un niveau d’excellence envié partout en Europe. Bien entendu, un volume comme celui-ci ne peut être que le résultat d’une interaction scientifique intense. Une « équipe trilingue louvaniste » a scruté attentivement les publications et travaux existants et a exploité de nouveaux témoignages, grâce à la découverte de sources nouvelles dans diverses bibliothèques et archives d’Europe. L’équipe était composée des chercheurs suivants: Marcel et Gert Gielis, historiens de l’Église ; Pierre Swiggers, historien de la linguistique ; Xander Feys et Dirk Sacré, latinistes ; les hellénistes Toon Van Hal et Raf Van Rooy et l’hébraïsant Pierre Van Hecke. Leurs compétences croisées font de ce livre une contribution originale à l’histoire du Collegium Trilingue. Grâce à leurs grilles d’analyse fines et à l’utilisation de sources encore inconnues (imprimées, parfois aussi manuscrites), le lecteur découvrira les ingrédients de la « recette magique » qui assura le succès du Collège des Trois Langues. Plusieurs contributions ont été relues très soigneusement par Christophe Geudens, Steven Coesemans et Xander Feys, le triumvirat de doctorants doués sur lesquels je peux toujours compter. Raf Van Rooy a relu une grande partie des textes : son acribie a permis plusieurs améliorations. Qu’ils trouvent tous ici l’expression de ma gratitude. L’édition originale, en langue néerlandaise, de cet ouvrage a paru en octobre 2017 aux Éditions Peeters (Louvain/Paris/Bristol (CT); ISBN 978-90-429-3555-6).
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La présente traduction française a pu bénéficier de l’appui inconditionnel des membres et amis sympathisants de la « Fondation Jean-Baptiste Nothomb ». Nous tenons à remercier ici toutes ces personnes pour leur apport très apprécié : Mmes Yolande Benats et Suzette Chaidron et MM. Raymond Biren, José Carpentier, Albert Conter, Wilfried Decoster, Philippe Greisch, Michael Lewis et Félicien Wiseler. La coordination de ces traductions a été assurée par M. Charles-Henri Nyns, bibliothécaire en chef de l’Université catholique de Louvain (SCEB). La révision stylistique des textes traduits et de l’appareil de notes a été réalisée, de manière méticuleuse, par M. le Prof. Lambert Isebaert (Université catholique de Louvain). Je tiens à lui exprimer ma profonde gratitude pour son remarquable travail.
Les photographies contenues dans le présent ouvrage sont le fruit du travail professionnel de M. Bruno Vermeulen (UBD Digitalisering en Document Delivery, Universiteitsbibliotheek Leuven). Mme Katharina Smeyers (conservatrice au département des Bijzondere collecties, Universiteitsbibliotheek Leuven), cheville ouvrière de l’exposition « Erasmus’ droom » et du catalogue a bien voulu se charger de la relecture et a également participé à la sélection des illustrations. La réalisation matérielle de cet ouvrage a été confiée à la maison Peeters (Louvain). Son travail magistral rend justice à la grande tradition louvaniste, caractérisée par la symbiose parfaite entre imprimeurs et hommes de science. Jan Papy Louvain, le 1 mars 2018
Un testament, une vision de génie et une persévérance inébranlable… Naissance, essor et rayonnement du Collège des Trois Langues Jan Papy
Deux amis humanistes et visionnaires : Érasme et Busleyden La naissance du Collège des Trois Langues de Louvain fut le fruit du hasard … mais était en même temps inscrite dans les astres. En 1516, Érasme, après bien des péripéties, était rentré dans les Pays-Bas. Parti de Bâle, où il logeait chez l’imprimeur Jean Froben pour surveiller l’édition de son Novum Testamentum et des Opera omnia de saint Jérôme, il était arrivé au printemps à Anvers où il fut l’hôte de Pierre Gillis, greffier municipal et correcteur à l’imprimerie de Thierry Martens. En juillet, il se rendit pour quelque temps en Angleterre, d’abord à Londres, où il séjourna chez Thomas More qui travaillait à son Utopia, puis à Cambridge, où il dispensa des leçons de grec à John Fisher1. Nommé conseiller du duc Charles (le futur empereur Charles-Quint), qui au début de l’année 1515 avait été déclaré majeur, Érasme était obligé de prendre domicile dans le duché de Brabant. Le 28 septembre 1516 il écrivit à Jérôme de Busleyden, membre du Grand Conseil de Malines, que Thomas More lui avait envoyé de Londres
son manuscrit de l’Utopia : « Le chancelier Jean le Sauvage me sollicite à Bruxelles et je rassemblerai mes bagages pour y déménager, vu que cela me semble la meilleure chose à faire »2. Érasme prit à cœur sa nouvelle fonction qui l’honorait. Quelques mois auparavant, alors qu’il était encore à Bâle, Érasme, parvenu à l’âge de 47 ans, avait écrit et fait imprimer chez Froben l’Institutio principis Christiani (1516) qu’il avait l’intention d’offrir en hommage au duc Charles. Conçue, quant à la forme, sur le modèle médiéval du « miroir des princes », l’Institutio d’Érasme visait à l’éducation personnelle, morale et politique du prince. Quant au contenu, c’était le manifeste politico-humaniste d’Érasme : l’autorité du prince doit reposer sur le consensus de ses sujets, doit être subordonnée à la loi et ne peut être utilisée qu’au profit du bien commun3. Ce message humaniste d’Érasme ne resta pas lettre morte. En juillet 1517, Érasme fut de retour à Louvain. Selon ses propres dires, il s’y était installé, à la demande insistante des théologiens4, bien que de manière provisoire.
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Portrait d’Érasme par Quentin Metsys, Anvers, 1517 Huile sur panneau de chêne, 505 x 452 mm Londres-Windsor, Royal Collection Trust HM Queen Elisabeth II, inv. 405759
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Il fut à nouveau hébergé chez le théologien Jean Desmarais (Johannes Paludanus), orateur public de l’Université, qui pratiquait les deux langues classiques (le latin et le grec) et était le président du Collège SaintDonatien5. Chez Paludanus, il avait trouvé, durant son séjour en 1502, un cadre propice à l’achèvement de son Enchiridion militis Christiani. Manifestement, Érasme n’attendait pas grand-chose de son séjour dans la ville universitaire. Il notait dans une de ses lettres : « Tout est agréable ici, les repas coûtent cher, mes revenus sont médiocres » ; quant aux théologiens, ils le reçurent plutôt amicalement. Le vice-chancelier de l’Université, Adrien d’Utrecht (le futur pape Adrien VI) lui offrit même une chaire de latin, offre qu’Érasme déclina sous le prétexte que les mauvaises langues de Hollande étaient trop proches6. En outre, Érasme voulait réaliser l’un de ses rêves d’humaniste et de théologien : compléter et enrichir son édition des Adagia et achever ses études théologiques7. Mais cette fois-ci tout était différent. Érasme avait effectué son déménagement en calèche, emportant tous ses livres avec lui – signe que son séjour « provisoire » pourrait se prolonger 8. Pour s’offrir un peu plus de confort, Érasme commanda quelques fauteuils à Bruxelles9. Mais l’espace dont il disposait chez son hôte Paludanus devint rapidement trop étroit. Il dut envisager un autre logement. Après son inscription, le 30 août 1517, – son nom figure dans les registres de l’Université de Louvain sous le titre « Magister Erasmus de Roterdammis, Sacre Theologie professor » – il fut admis à la Faculté de Théologie comme « magister noster », comme membre à part entière du Conseil10. En septembre, il trouva, moyennant paiement, à l’étage supérieur de la pédagogie du « Lys » dans l’Oppendorpstraat (l’actuelle rue de Diest ou Diestsestraat)11 le logement spacieux qu’il cherchait.
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La pédagogie occupait une position centrale, près du chœur de l’église Saint Pierre, et était une des plus belles pédagogies de Louvain, dotée d’un grand jardin et de vastes chambres. « Jamais, je n’ai vécu plus à mon goût », aurait dit Érasme pour exprimer sa satisfaction12. Il occupait l’ancienne chambre du fondateur de la pédagogie, Carolus Viruli (1413-1493), au premier étage. La pédagogie entière respirait l’esprit de l’humanisme : Viruli, un latiniste préhumaniste13, le célèbre grammairien et réformateur de l’enseignement Jean de Coster (Joannes Custos) de Brecht (environ 1475-1525) et Jean Despautère (Despauterius) de Ninove (ca. 1480-1520) y avaient séjourné et travaillé14. Dans la pédagogie du « Lys », Érasme pouvait se promener à sa guise ; il y disposait d’un logement pour ses secrétaires et même d’une écurie pour ses chevaux ; il pouvait stocker son vin dans les caves de la pédagogie. À table il conversait chaque jour avec le président, Jean de Neve, et avec des collègues qui y résidaient. Parmi les étudiants se trouvaient Pierre Curtius de Bruges (1491-1567), le futur président de la pédagogie, le latiniste Jean Borsalus, Jean Crusius et Adrien Amerot (mort en 1560), le futur professeur de grec de la pédagogie et plus tard du Collegium Trilingue15. En dehors du Collège, Érasme entretenait (pour quelque temps encore) de bons contacts avec des théologiens et des professeurs comme Martin Dorpius (1485-1525), Jean Briart (1460-1520) et Edward Lee, le futur évêque d’York (ca. 1482-1520), ainsi qu’avec des humanistes comme Adrien Barland (1486-1538), Nicolas Clénard (1493/5-1540), Gerard Geldenhouwer (1482-1542) et beaucoup d’autres16. Dès les premiers jour de son retour dans les Pays-Bas, Érasme rencontra une vieille connaissance : Jérôme de Busleyden (Arlon, environ 1470 - Bordeaux 1517). Troisième fils de Gilles (de) Busleyden d’Arlon, chambellan
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de Charles le Téméraire, et de Jeanne de Musset de Marville, Jérôme avait étudié à Louvain dans les années 1485-1486. Au décès de leurs parents (avant l’an 1489), son frère aîné François (mort en 1502), chambellan et précepteur privé de Philippe le Beau, prit soin de son éducation. Jérôme poursuivit ses études de droit à Orléans où il rencontra Érasme, qui avait quitté Paris pour fuir le fléau de la peste17. Ensuite il étudia à Padoue, où il obtint le titre de docteur en droit civil et en droit canon18. Un deuxième malheur personnel frappa le jeune Jérôme : son frère François mourut le 22 août 1502, ce qui hâta son retour d’Italie, l’obligeant à chercher un emploi qui pouvait lui procurer un revenu. Il sollicita auprès de Philippe le Beau et, après son retour d’Italie en août 1504, devint conseiller au Grand Conseil de Malines qu’on venait de réinstaller19. À la même époque il décida d’embrasser la carrière ecclésiastique et, très vite, accumula charges, prébendes et bénéfices : chanoine-trésorier de Sainte-Gudule à Bruxelles, prévôt de Saint-Pierre à Airesur-la-Lys, chanoine de Saint-Rombaut à Malines, de Saint-Lambert à Liège, de Sainte-Waudru à Mons, de Notre-Dame à Anvers, curé à Steenbergen dans le Brabant et archidiacre de Notre-Dame de Cambrai. Grand seigneur, Busleyden était également un esprit très cultivé à la mode de la Renaissance : durant ses études de droit à Louvain, Orléans et à Padoue, il avait développé une prédilection bien humaniste pour la civilisation de l’antiquité. Il comptait parmi ses amis et protégés des humanistes comme Jean Lefèvre d’Étaples, Martin Dorpius, Adrien Barland et Conrad Vegerius. Enfin, il s’était acquis une grande renommée grâce à sa prestigieuse collection d’œuvres d’art, de monnaies antiques, de tapisseries, de manuscrits, de livres et instruments de musique. Il était le mécène de Pierre Alamire (ca. 1470-1536), copiste et paléographe musical, compositeur et constructeur
d’instruments de musique connu dans le monde entier. Busleyden transforma, avec les fonds de son héritage, la demeure patricienne, léguée par son frère, en un somptueux palais de style Renaissance, l’Hôtel de Busleyden, qu’il fit décorer dans le style italien, avec des vitraux, des fresques, des meubles, des sculptures et des tableaux. L’orgue qu’il y fit installer par un artisan de Nuremberg était célèbre bien au-delà du Brabant. À cette imposante demeure richement décorée, à sa musique et à son érudit propriétaire, Thomas More consacra trois poèmes de circonstance : en effet, il y avait séjourné en mai ou juin 1515 quand, à l’occasion d’une ambassade aux anciens Pays-Bas, il avait rendu visite à son ami Busleyden et avait pu feuilleter les manuscrits contenant les discours, lettres et poésies du maître de céans. Signalons encore qu’une dédicace de Pierre Gillis à Busleyden et une lettre élogieuse de Busleyden luimême figurent en bonne place dans l’Utopia de Thomas More de 151620. La mission et le testament de Busleyden – une fondation remarquable Haut magistrat doté d’un véritable talent juridique et politique, Jérôme Busleyden fut chargé de plusieurs missions diplomatiques. Fin 1505, il fut envoyé auprès du pape Jules II à Rome pour lui transmettre les félicitations de Philippe le Beau et pour l’assurer de sa fidélité. En tant qu’ambassadeur spécial, il assista au couronnement d’Henri VIII en 1509 à Londres et de François Ier en 1515 à Paris. En 1516, il fut l’un des délégués envoyés à Luxembourg par le duc Charles pour y recevoir le serment d’allégeance du nouveau duc. Un an plus tard, il fut désigné, avec Érasme, pour préparer le voyage de Charles en Espagne, où celui-ci devait prendre possession du trône de Castille.
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Portrait de Jérôme Busleyden (?) Maître franco-flamand Peinture sur bois ; 28,8 x 20,9 cm. Hartford, Connecticut, Wadsworth Atheneum of Art: Ella Gallup Sumner and Mary Catlin Sumner Collection
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Testament de Jérôme Busleyden, 22 juin 1517. Copie d’époque. Leuven, Stadsarchief, n° 4095, fol. 1r
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Érasme déclina l’offre, arguant que le voyage par mer l’effrayait et qu’un voyage par voie de terre lui coûterait un temps précieux21. Busleyden quant à lui, quitta Malines le 24 juin 1517, en compagnie d’Antoine Sucket et Pierre Barbier, pour rejoindre en France le Grand Chancelier Jean le Sauvage, poursuivre le voyage avec lui et préparer l’arrivée de Charles. Le 22 juin 1517, soit deux jours avant son départ pour l’Espagne, Busleyden avait rédigé son testament, dans sa bâtisse de Malines. Ce testament stipulait qu’à sa mort la plus grande partie de son patrimoine serait consacrée à la création d’un nouveau collège au sein de l’Université de Louvain22. L’improbable se produisit : au cours du voyage, Busleyden dut s’aliter à cause d’une pleurésie. Il décéda à Bordeaux le 27 août 1517. Érasme apprit la tragique nouvelle de la mort de son confrère avant d’emménager, à la mi-septembre, à la pédagogie du « Lys ». Dès le 7 septembre il communiqua la nouvelle à ses amis tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Le 9 septembre, il envoya même un courrier au cardinal Wolsey23. Érasme, qui avait su convaincre Busleyden d’aider par un legs le Collège Saint-Donatien en difficultés financières, se trouva soudain placé devant une nouvelle tâche : la réalisation d’un rêve longtemps caressé, la fondation d’un nouveau collège pour l’étude des trois langues « sacrées », savantes et classiques, à savoir l’hébreu, le grec et le latin. Mais où réside la nouveauté et quelle est la part de la tradition dans cette nouvelle institution ? Bien sûr, on a répété à l’envi les éloges habituels et les récits conventionnels au sujet du caractère unique de cette fondation, en brandissant la liste des présidents et des professeurs et disciples illustres. Cependant, il faut bien comprendre que de telles fondations de collèges ne sont pas nées du néant – déjà avant la fondation de l’Université de
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Louvain en 1425, de pareilles institutions prospéraient à Paris, à Oxford et à Cambridge. A l’Université, toute proche, de Cologne – qui fut prise comme modèle pour la création de l’Université de Louvain et pour l’élaboration de ses statuts, – les premières fondations virent le jour au début du XVe siècle24. En outre ces fondations présentaient une remarquable uniformité traditionnelle. Chaque fondateur se calquait sur des prédécesseurs et des figures exemplaires mais souhaitait en même temps un collège adapté à son époque, avec des accents et objectifs propres. Souvent le fondateur visait un but pédagogique et social spécifique. Chaque acte de fondation, chaque testament précise en outre que le collège est érigé « à la plus grande gloire » de Dieu ou d’un saint et que le fondateur veut par-là assurer le salut de son âme, en exerçant la vertu chrétienne de charité25. Encore une fois, la question se pose : pourquoi Busleyden n’a-t-il pas réservé ses largesses à un couvent ou à une institution caritative ? En 1517, l’humanisme s’était déjà bien implanté à l’Université de Louvain – au sein de la pédagogie du « Lys », par exemple, on enseignait le grec. Entre 1474 et 1500, on avait fondé pas moins de huit collèges résidentiels et trente-trois nouvelles fondations de bourses étaient venues enrichir ces institutions. On ne saurait se contenter de chercher la réponse dans les nombreuses « histoires de l’université », écrites par d’illustres professeurs de Louvain comme Jean Molanus (1582), Juste Lipse (1605), Nicolas Vernulaeus (1627) et Valère André (1650). Ces auteurs se sont penchés sur l’histoire de l’Université de Louvain et passent en revue, en effet, les différentes fondations des collèges. Mais à côté de ces sources – qui se réfèrent souvent à des documents pour nous irrémédiablement perdus, – nous disposons pour la fondation du Collège des Trois Langues du document par excellence : le testament
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de Busleyden même, et qui plus est, en trois ébauches successives, ainsi que quelques copies (parfois partielles)26. Le nom d’Érasme ne figure pas sur ces documents. Nous ne savons pas exactement dans quelle mesure Érasme a suscité cette initiative de Busleyden27. Lors de ses études en Italie, Busleyden avait vu de ses propres yeux plusieurs viri docti trilingues et, en ce qui concerne la fondation de bourses, il a certainement été inspiré par l’exemple de son ami Nicolas Ruterius, fondateur du Collège d’Arras28. L’influence d’Érasme tant sur la structure et l’organisation pratique que sur l’esprit sous-jacent de la nouvelle fondation est, pour sa part, bien évidente : c’est lui qui suggéra l’organisation de nouveaux cours et qui veilla à libérer des fonds supplémentaires pour pouvoir attirer les meilleurs professeurs. Pour guider, soutenir et exécuter ce plan, Busleyden, sur la recommandation d’Érasme, désigna deux hommes expérimentés : Jean Robbyns (mort en 1532), doyen du chapitre de Malines, proviseur du Collège d’Arras de Louvain et ami inconditionnel d’Érasme29, et Jean Stercke, ancien doyen de la Faculté des Arts (en 1510 et 1512) et qui venait d’être nommé président du Collège Saint-Donatien à Louvain30. Constatant les difficultés financières d’autres collèges, dont certains remontaient au XVe siècle, ils préférèrent ne pas investir les moyens légués par Busleyden dans la construction d’un nouvel édifice. Leur plan consistait en premier lieu à concentrer tous les efforts et toutes les ressources sur les nouvelles bourses et sur les rentes annuelles des professeurs de latin, de grec et d’hébreu. Manifestement, Érasme avait en tête une fondation qui serait rattachée au Collège Saint-Donatien ou au Collège d’Arras. Il connaissait ces institutions et leur président ; en outre, pour ce qui concerne le Collège Saint-Donatien, il avait été l’hôte de son ancien président Jean Paludanus.
Les bourses, le président, les proviseurs Le testament de Busleyden prévoyait la création de treize bourses, dont huit destinées à des étudiants pauvres qui voulaient étudier les lettres et la philosophie. Deux d’entre eux devaient être originaires de Busleyden (Bauschleiden/Boulaide, dans l’actuel Grand-Duché), deux de Marville (la région de la mère de Busleyden), deux d’Arlon (lieu de naissance de Busleyden), un d’Aire et un de Steenbergen où Busleyden avait les titres de prévôt et de curé. Ces étudiants pouvaient profiter de la bourse jusqu’à l’obtention de la maîtrise ès arts, mais pas au-delà de huit ans. Deux autres boursiers pouvaient s’ajouter à ce nombre. Par ailleurs, un maximum de 12 pensionnaires payants pouvaient être admis en plus. Les trois bourses restantes étaient destinées aux rentes annuelles des enseignants (les praeceptores), dont les leçons publiques d’hébreu, de grec ou de latin devaient être gratuites. Ils devaient choisir les textes qu’ils commentaient parmi les œuvres d’auteurs chrétiens, de haute vertu morale (probati auctores) ; pour leurs leçons privées, ils avaient le droit de percevoir des honoraires31. L’organisation pratique et financière du collège incombait à un président, qui était également économe (receptor). Le président veillait sur les recettes et les dépenses et assurait la tenue des comptes. On a conservé les comptes de quelques années : Jean Stercke se chargea de l’administration du 18 octobre 1520 jusqu’au 18 octobre 1521, Nicolas Wary de Marville du 21 janvier 1526 au 30 novembre 1529, Joos van der Hoeven du 1er décembre 1529 au 11 juillet 1536. Du 26 janvier au 22 juin 1539, les comptes furent tenus par Jacques Edelheer ; de 1539 jusqu’en 1544 par Nicolas van der Borcht. Ces comptes nous offrent une vue unique sur la vie quotidienne, l’organisation et l’expansion du Collège
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Trilingue. Le loyer et l’achat des bâtiments, les frais de construction de la salle de cours et de la chapelle avec la tour d’escalier rampant (Wentelsteen), l’engagement d’une bonne, les frais d’entretien du jardin, les traitements des professeurs, les dépenses des pensionnaires résidents …, toutes ces sommes sont répertoriées en détail dans les comptes. Comme au Collège d’Arras, les dépenses quotidiennes pour la cuisine – selon le prix du marché du jour – étaient inscrites dans un livre de comptes. À la fin de l’année, le président recopiait ce livre de comptes domestiques, en entier ou en abrégé, dans le bilan financier. En présence des professeurs, le président devait rapporter chaque année aux trois proviseurs. Ceux-ci exerçaient un contrôle général et accordaient les bourses aux candidats. Les proviseurs étaient également désignés par le testament : le doyen de la collégiale Saint-Pierre à Louvain, le président du Collège du Saint-Esprit ou le doyen de la Faculté de Théologie, et le prieur du cloître des Chartreux. Érasme et les premières leçons d’hébreu, de grec et de latin Même si Érasme n’était pas nommément désigné comme exécuteur testamentaire ou comme proviseur, il allait, dès le début, sa vie durant, diriger et « conduire » le nouveau collège. Au départ, Érasme, contraint par un gros rhume de rester à l’intérieur durant l’hiver 151732 ne s’est occupé qu’à distance de l’exécution des dispositions testamentaires de Busleyden. Mais nous le voyons cependant s’en soucier activement : dans une lettre du 19 octobre 1517 à Gilles Busleyden, le frère aîné de Jérôme, il écrit qu’il faut accélérer l’exécution du testament ; les cours devraient pouvoir commencer immédiatement, car, par un heureux hasard, le médecin Matthieu Adrianus, Espagnol d’origine juive, se trouve à Louvain.
Comptes du Collegium Trilingue Leuven, Rijksarchief, Fonds Oude Universiteit Leuven, n° 1450, fol. 20
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Sa maîtrise du latin n’est certes pas excellente, mais tout de même assez bonne. Et sa connaissance de la langue de l’Ancien Testament lui permettra sûrement de donner des cours. Érasme s’y prit avec acharnement : début novembre 1517, Adrianus fut nommé et, dans les premiers jours de mars 1518, il donnait ses premières leçons d’hébreu dans une maison louée non loin du Marché aux Poissons. Avec un succès sans précédent, comme le note Érasme lui-même dans une lettre à Pierre Barbier (†1551/2), qui était, depuis 1516, chapelain et secrétaire de Jean le Sauvage : « D’ici peu de temps, tu verras un nouveau Louvain. De bilingues, nous devenons tous ici des trilingues ». La salle de cours d’Adrianus était comble ; Martin Dorpius lui-même suivait les cours d’hébreu33. Érasme, pourtant, n’estimait pas, malgré ces premiers succès, avoir parachevé son « projet trilingue », qu’il appelait negocium pulcherrimum et immortalitate dignum, « tâche magnifique et digne entre toutes de l’immortalité »34. Érasme était plein d’ardeur : il désirait séjourner au milieu des professeurs et des étudiants boursiers, auxquels il envisageait même de léguer ses biens les plus précieux, ses livres… Mais il n’avait pas encore trouvé de professeurs compétents pour le grec et le latin. Il pensait à Jean Borsalus, qu’il connaissait pour avoir été son compagnon de table à la pédagogie du « Lys », et qui, à la demande personnelle de Jérôme Busleyden, était devenu, en 1513, professeur privé de Cornelius Erdorf (neveu de Busleyden), à Arlon et à Luxembourg35. Borsalus, déjà âgé, était fatigué d’enseigner et déclina la proposition. Il accepta une fonction à la Cour Sandenburg à Veere et quitta la ville universitaire, non sans recommander son ami Adrien Barland (1486-1538). Celui-ci enseignait depuis 1506 à la pédagogie du « Porc » et, parmi les professeurs de la Faculté des Arts,
était particulièrement en vue comme savant favorable à l’humanisme. Sa nomination en 1518 fut certifiée par Martin Dorpius – en effet, celui-ci remplaça Érasme, parti, le 28 avril, pour quatre mois à Bâle chez Froben pour surveiller l’impression de son Novum Testamentum36. Barland commença ses cours le 1er septembre ; le 21 septembre Érasme était de retour à Leuven37. Dans une lettre du 30 octobre 1517 à Gilles Busleyden, Érasme offrait son aide pour recruter un enseignant de grec convenable. Pour ce cours de grec, Érasme pensait en premier lieu à un professeur étranger, de préférence un érudit byzantin, ayant une prononciation grecque correcte et possédant de bonnes connaissances grammaticales. Or, le jeune Rutger Rescius de Maaseik se trouvait à ce moment-là à Louvain. Il avait appris le grec auprès de Jérôme Aléandre à Paris, où il avait d’ailleurs donné des cours privés dans cette langue, comme aussi à Alkmaar. Depuis octobre 1515, il travaillait comme correcteur dans l’atelier de Thierry Martens et il venait justement de faire imprimer une œuvre de grammaire grecque de son maître Aléandre38. Érasme cependant voulait engager quelqu’un de « célèbre et de brillant »39 et Rescius, bien que doué, lui semblait trop jeune40. Le professeur parisien Robert de Keysere, originaire de Gand, avait l’air trop fantasque et n’était pas, lui non plus, Grec de naissance. L’illustre helléniste Jean Lascaris, né en 1445 à Constantinople et réfugié à Venise en 1453, répondait le mieux au vœu d’Érasme. Il avait travaillé sous le patronage de Lorenzo de’ Medici et avait été nommé professeur de grec au Studio Fiorentino. Plus tard il avait été au service de Charles VII et de Louis XII ; il dirigeait aussi le Collège grec du Pape Léon X41. À son grand étonnement, Érasme ne reçut aucune réponse à la lettre d’invitation qu’il lui avait adressée à Rome : or comme Lascaris avait, entre-temps,
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quitté Rome pour Paris, il ne reçut cette missive que plus tard42. Trop tard même, vu l’urgence : étant donné l’attitude de la Faculté des Arts, Érasme et les exécuteurs testamentaires de Busleyden voulaient faire commencer le plus rapidement possible les leçons publiques de grec et de latin. Ce fut finalement Rescius que l’on nomma. L’intégration dans l’Université : chronique d’une opposition récurrente Busleyden et ses conseillers avaient choisi d’intégrer le nouvel institut au Collège Saint-Donatien, ou, si cela s’avérait impossible, au Collège d’Arras. Les exécuteurs testamentaires se mirent au travail. Dans les premiers mois après le décès de Busleyden, ils eurent beaucoup à faire avec l’organisation des funérailles, la vente des propriétés, du patrimoine, des baux à ferme, le transfert de l’argent et le déménagement des biens personnels du défunt. Ce n’est que durant l’été 1518 qu’ils purent entamer les négociations avec l’Université, et plus particulièrement avec la Faculté des Arts, pour incorporer le nouveau collège, comme cela était stipulé dans le testament. Un document établi à Louvain en 1518 nous montre clairement les points qui faisaient l’objet de ces tractations. Dans ce Modus co(n)corda(n)di ac unie(n)di fu(n)datione(m) D(omi)nj Hieronimj Busledij Arien(sis) Prepositj cu(m) fu(n)datione D(omi)ni Anthonij Haneron fu(n)datoris Collegij sanctiDonatiani Lovanij sont énumérées les treize conditions que devait remplir la nouvelle fondation du Collège Trilingue pour être incorporée au Collège Saint-Donatien de Louvain43. À l’époque des discussions, le Collège Saint-Donatien, fondé en 1484 par Antoine Haneron (ca. 1400-1490), chanoine puis prévôt du chapitre de Bruges, professeur à
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la Faculté des Arts de Louvain de 1430 à 1438 et ensuite conseiller des ducs de Bourgogne, connaissait des difficultés financières. Haneron avait certes légué sa jolie maison – avec chapelle, grand jardin, verger et vignoble – dans la Cattestraete « rue des Chats » (l’actuelle rue Charles-Debériot) à Louvain. Mais la dotation annuelle qu’il avait prévue pour six étudiants boursiers en droit canonique qui y habiteraient s’avérait insuffisante. Jean Stercke était l’un des négociateurs. En tant qu’ancien doyen de la Faculté des Arts, il fut, lors de la concertation avec les exécuteurs testamentaires de Busleyden, soumis à de rudes pressions. La Faculté des Arts avait révoqué, après des années de service, le premier président Paludanus et l’avait remplacé, le 24 novembre 1514, par Stercke, qui jouissait de la pleine confiance de la Faculté : durant son décanat, il avait renouvelé les statuts et à peine un an plus tôt, en octobre 1516, il était intervenu, en tant que médiateur, au nom de la Faculté, dans la régence vacante de la pédagogie du « Lys ». Voici qu’arrivait, comme par miracle, une nouvelle fondation avec des fonds frais et qui pouvait, d’un coup, rétablir la situation déplorable du Collège SaintDonatien. Stercke avait d’ailleurs aidé Busleyden dans la rédaction de ses dernières volontés. On peut supposer que Stercke lui-même et la Faculté des Arts aient vu, dans le legs de Busleyden, une chance d’insuffler une nouvelle vie à leur collège en déclin. Le testament prévoyait que le nouveau Collège des Trois Langues serait créé in collegio Sancti Donatiani, si ipse locus commode obtineri possit, vel alias in collegio Atrebatensi (« au sein du Collège Saint-Donatien, si l’on pouvait obtenir cet endroit sans difficulté, sinon au Collège d’Arras »)44.
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Le Collège Saint-Donatien. Dessin, crayon sur papier, 215 x 275 mm. Leuven, KU Leuven, Universiteitsarchief, Topografisch-historische atlas
Érasme n’était pas présent en personne lors de la première concertation, le 13 juillet 1518, qui réunissait les exécuteurs testamentaires et les délégués de la Faculté des Arts, qui étaient en même temps proviseurs du Collège Saint-Donatien. Comme nous l’avons dit plus haut, il était parti pour Bâle à la fin du mois d’avril afin d’y superviser la deuxième édition de son Novum Testamentum chez l’imprimeur Froben. De plus, six des sept proviseurs du Collège Saint-Donatien étaient membres de la Faculté des Arts : Adrien Barland et Josse Vroeye, respectivement doyen et trésorier de la Faculté, les régents des quatre pédagogies : Cornelius Sculteti pour
le « Château », Mattheus Thiery pour le « Porc », Jean de Neve pour le « Lys » et Nicolas Coppin pour le « Faucon ». Parmi les exécuteurs testamentaires, étaient présents Jean Robbyns, Nicolas van Nispen, Adrien Josel et Barthélémy van Vessem. Les discussions furent laborieuses. Pour la Faculté des Arts, les choses étaient claires : le Collège SaintDonatien qui était dans le besoin relevait de la compétence la Faculté. Ainsi devait-il en être aussi de la nouvelle fondation. La Faculté garderait de la sorte le contrôle sur les nominations. On voulait éviter aussi que le nouveau collège ne devînt une nouvelle pédagogie
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(à côté des pédagogies existantes comme le « Lys », le « Château », le « Faucon » et le « Porc ») jouissant d’un droit autonome d’enseigner et de conférer les grades. La méfiance que la Faculté des Arts éprouvait vis-àvis du legs de Busleyden – et du projet de création d’une nouvelle fondation au sein du Collège Saint-Donatien ou du Collège d’Arras – avait d’autres raisons encore : elle-même n’aurait aucune voix au chapitre dans la nomination des nouveaux professeurs de langue, qui pourraient être recrutés en dehors de leur propre cadre. Même si les revenus prévus par l’instauration de messes et de messes anniversaires offraient un avantage financier, la Faculté des Arts trouvait insuffisant le montant légué par Busleyden pour les allocations des boursiers, l’entretien du bâtiment et le traitement annuel du président du nouveau collège. Pour des raisons compréhensibles, les exécuteurs testamentaires rejetèrent les exigences de la Faculté des Arts dont l’unique préoccupation semblait être de conserver l’autorité sur le Collège Saint-Donatien, alors en déclin. Les exécuteurs trouvaient également suspect que ce fût précisément Jean Stercke, le président du Collège Saint-Donatien, qui avait suggéré à Busleyden de « greffer » la nouvelle institution sur le Collège SaintDonatien, en mauvaise posture financière. Le 26 août 1518, lors d’une deuxième séance de pourparlers, les exécuteurs testamentaires firent une nouvelle proposition. Les négociations échouèrent à nouveau. La Faculté des Arts se montra, une fois de plus, inflexible. De façon unilatérale, ses représentants réclamaient aussi bien l’autorité absolue que les avantages financiers. Ils étaient surtout guidés par leurs soupçons à l’égard d’une institution d’enseignement des langues qui échapperait à leur contrôle et dans laquelle ne serait incorporé aucun professeur de la Faculté des
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Arts, traditionnellement compétente pour les langues. Et, fait plus grave encore, cette nouvelle structure était dirigée et inspirée par Érasme et ses partisans, tous férus des bonae littérae et du grec. La Faculté des Arts fit un mauvais calcul. Elle pensait que le Collège des Trois Langues ne pouvait pas exister sans elle et encore moins survivre. Les exécuteurs testamentaires voyaient les choses autrement. Ils coupèrent court à de nouvelles tentatives pour héberger la nouvelle fondation dans un collège existant et optèrent pour une autre voie : la création d’un collège indépendant dans un bâtiment propre. À la recherche d’un bâtiment Après l’échec des deux négociations successives entre les exécuteurs testamentaires et la Faculté des Arts, Gilles Busleyden conseilla de respecter l’esprit du testament de son frère : la nouvelle fondation devait être autonome et non soumise au contrôle des proviseurs de la Faculté des Arts ou de l’Université. Naturellement cette décision eut des conséquences fondamentales : il ne fallait pas seulement chercher et acheter une maison, mais aussi aménager une salle de cours, une chapelle et des chambres pour les professeurs et les étudiants boursiers ; il fallait un président pour maintenir l’ordre et la discipline, gérer les finances et assurer le bon fonctionnement de la nouvelle institution45. Bien que le legs de Busleyden fût considérable, ces frais supplémentaires n’avaient pas été escomptés. L’intransigeance de la Faculté des Arts poussait en outre les exécuteurs et également Érasme – toujours absent de Louvain – à agir sans délai et efficacement. S’ils voulaient réaliser les dispositions de Busleyden, les leçons devaient commencer le plus rapidement possible. Le mercredi premier septembre 1518, exactement
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Professeur et étudiants à la Faculté des Arts. Xylographie dans Porphyrius, Isagoge […] in cathegorias Aristotelis; Aristoteles, Organon, Louvain, Thierry Martens, décembre 1525. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, R2B1503
six jours après le deuxième entretien du 26 août 1518, Adrien Barland et Rutger Rescius firent leurs premières leçons publiques dans un local des Augustins. Matthieu Adrianus poursuivait ses leçons d’hébreu dans l’ancienne maison du professeur Gauthier de Beka (Walter de Leeuwe ou Beek) récemment décédé, un immeuble inoccupé dans la Schrijnstraat (rue des Ecriniers) que les exécuteurs avaient loué. Alors qu’à l’époque les étudiants de la Faculté des Arts, hormis les prêtres et les nobles, ne pouvaient suivre les cours qu’étant assis par
terre, on fit immédiatement l’acquisition de bancs en bois pour les placer dans les salles de cours provisoires. On acheta également une Bible en hébreu que l’on fit relier pour qu’elle pût être utilisée pour les leçons. En prévision des sombres d’hiver, on se procura deux grands chandeliers en bois pour éclairer le local à la lumière des bougies46. Adrianus ne fut plus rétribué par les auditeurs, mais par les exécuteurs testamentaires au nom du Collège des Trois Langues. Le succès immédiat – un public nombreux afflua dès les premiers jours aux cours gratuits de latin, de grec et d’hébreu – exaspérait la Faculté des Arts, et davantage ceux qui s’opposaient à l’enseignement du grec, qu’ils considéraient comme « schismatique » et quasi « hérétique ». Quelques semaines auparavant, ces adversaires pensaient encore que la nouvelle fondation ne serait pas viable sans leur intervention et leur supervision. À présent, ils voyaient les avantages financiers leur échapper, cependant que les trois langues étaient enseignées hors de leur Faculté. Le succès fut si grand qu’Érasme, en octobre 1518, écrivit dans une lettre à Wolfgang Capito : « Hebreus triumphat ! » (« L’hébreu triomphe ! »)47. À la mi-mars 1519, le local de la Maison de Beka devint même trop exigu. On loua une autre demeure, celle de Jacques van Rijn, doyen de Zierikzee et curé de l’église Saint-Michel à Louvain, et on commanda des bancs d bois supplémentaires48. Entre-temps, les exécuteurs testamentaires mirent tout en œuvre pour vendre l’ensemble des propriétés de Jérôme Busleyden. Alors que tous les biens mobiliers avaient déjà été vendus aux enchères en avril 1518, l’Hôtel de Busleyden à Malines fut adjugé, en janvier 1519, pour la somme de 600 livres et devint la possession de la veuve de Jean le Sauvage. La facture de la maison mortuaire put être réglée ; les manuscrits grecs et latins
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et les livres de Busleyden furent transférés à Louvain. Comme cela avait été explicitement stipulé dans le testament de Busleyden, la nouvelle institution autonome devait être dirigée par un président compétent49. La personne indiquée était Jean Stercke, qui avait été l’homme de confiance de Busleyden : il avait élaboré tout le projet et il avait son expérience de président du Collège de Saint-Donatien50. Aussitôt, Stercke aida les exécuteurs testamentaires à trouver une localisation convenable pour le nouveau collège. Peu de temps après sa désignation, il se rendit à Malines afin de proposer à Gilles Busleyden et Jean Robbyns d’acheter une maison tout près de l’hôtel de ville et de l’église Saint-Pierre. Il avait pris une option sur un bâtiment en face de la maison « De Sterre », à l’angle de la Muntstraat (rue de la Monnaie) et de la Boekhandelstraat (rue de la Librairie)51. Cet immeuble parut trop exigu aux exécuteurs testamentaires. Ils eurent recours à un intermédiaire professionnel et achetèrent, le 16 avril 1519, l’ensemble des biens immeubles de Gauthier de Beka, situé au Marché aux Poissons. Coût de l’opération : 1 380 florins rhénans52. Une partie de la maison fut utilisée par Adrianus pour ses leçons d’hébreu ; toute la propriété était assez vaste pour y installer le nouvel institut. Le nouveau bâtiment au Marché aux Poissons : plan, extension, réduction Gauthier de Beka, professeur de droit, avait acquis vers 1500 l’ancien complexe de Barthélemy de Madeis. Cet homme d’affaires d’Italie du Nord avait acheté, au cours des années 1440-1450, un lot d’immeubles qu’il avait agrandis et transformés en un prestigieux bureau de change et en agence commerciale53. La maison de Beka (C) se situait au centre du pâté de maisons entre le Marché aux Poissons, la rue des Augustins, la rue
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des Écriniers et la rue autrefois appelée « Sc(h)ipstraat » (actuellement rue de Malines, Mechelsestraat). Elle offrait également un passage vers chacune de ces rues, mais avait son entrée principale, par un porche, sur le Marché aux Poissons. Peu de temps après l’achat, on entreprit de grands travaux de transformation, sous la direction du maître-maçon Aerdt de Wreede, qui avait également construit l’Hôtel de Busleyden à Malines. De Wreede livrerait tous les matériaux et recevrait gratuitement nourriture et logement pendant les travaux. On construisit pour le Collège une nouvelle aile très vaste (B). Celleci se situait perpendiculairement à la maison de Beka, de telle manière qu’elle formait, avec celle-ci, un ensemble en L, avec, à la jonction des deux bâtiments, une grande tour d’escalier, le Wentelsteen. L’escalier assurait l’accès aux étages supérieurs des deux maisons. À l’étage inférieur du nouveau bâtiment du collège, on construisit une chapelle et une salle de cours ; à l’étage supérieur des chambres, petites et grandes, ainsi qu’un dortoir54. La porte dans la Schipstraat devint l’entrée principale du Collège. L’ancienne porte d’accès fut remplacée en 1520 par un porche plus imposant. Au-dessus de cet accès principal du Collège, on fixa les armoiries de Busleyden avec la devise « Merito et Tempore ». Plus tard fut ajoutée l’inscription55 : Collegivm Trilingve Buslidianvm, Rev
Adm. ac Illvsmvs Dnvs Hieronimvs Bvslidivs fvndavit Anno Domini M.D.XVII, X Kalen. Julii
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L’indication de la date de fondation du 22 juin 1517 renvoie naturellement à la date où le testament fut scellé. Une porte intérieure complémentaire donnant sur la cour intérieure et un chemin pavé assuraient la liaison
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entre l’aile de l’école et la Maison de Beka, dont on réaménagea le rez-de chaussée avec les cuisines, le réfectoire et la stove, le « local de chauffage ». À l’étage, on installa la bibliothèque (librarie) et quelques chambres, qui furent, au début, destinées aux valets et plus tard aux servantes. Les bâtiments restants comprenaient la demeure du président (A) et des chambres et des chambres. La grande chambre au-dessus de la chapelle fut occupée par Rutger Rescius. Le latiniste Goclenius, successeur de Barlandus, occupait vraisemblablement la grande chambre au-dessus de l’école. Les autres chambres étaient assurément destinées aux pensionnaires. Campensis, professeur d’hébreu,
demeurait dans l’ancienne « salle à manger » (eedcamere), de l’autre côté de la cour intérieure, à l’étage de la maison transversale dénommée Huis bij de put, « la maison près du puits » (A). Un bâtiment avec galerie (au rez-dechaussée) offrait, à l’étage, des chambrettes pour les boursiers. Dispersées à travers l’enclos se trouvaient encore une maison d’été, une blanchisserie, une boulangerie et une réserve de bois de chauffage. Tous les travaux furent terminés fin 1520 et l’inauguration n’attendit pas l’achèvement des travaux. Peu après l’inauguration du nouveau bâtiment du Collège – le 18 octobre 1520, jour de la Saint-Luc, qu’une fête du Collège trilingue commémorerait chaque année
Plan hypothétique du Collegium Trilingue (phase 1519-1530) Légende: A: maison transversale ou ‘Huis bij de put’ (demeure du président); B: aile du Collège avec chapelle et salle de cours ; C: Maison de Beka ou De Leeuwe, avec annexe (D); E : galerie ; F : terrain de jeu pour le « jeu de paume »; G : jardin ; H : immeuble loué
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comme solemnis introductio – on put faire les comptes. Le coût total de cette opération de construction, avec l’achat de l’équipement ménager et l’agencement du jardin ne fut pas négligeable : 4000 florins rhénans. Avec cette somme, à ce moment-là, 150 étudiants auraient pu être entretenus pendant une année entière. Et pourtant, très vite, les bâtiments s’avérèrent trop petits. Aussi le président Jean Stercke acheta-t-il une maison attenante au Collège et un terrain donnant sur la Schipstraat. En 1529, le président Joos van der Hoeven mit à exécution ces plans de construction, et intégra l’extension à la salle de cours et aux chambres à l’étage. Toutes les chambres occupaient l’étage supérieur : les étages inférieurs étaient, à cause de la proximité de la Dyle, froids et humides. Tous les bâtiments étaient disposés autour de la cour centrale ; chaque bâtiment avait sa propre fonction pour la vie en commun, d’un côté les professeurs et les pensionnaires, et de l’autre, le président et les boursiers, qui mangeaient aussi à une autre table56. Les ancres de façade permettent aujourd’hui de voir non seulement qu’en 1615 une nouvelle chapelle fut construite – un ancien étudiant Georges d’Autriche (mort en 1619) fils légitime du prince-évêque de Liège, Georges d’Autriche (1504-1557), en posa la première pierre le 11 juillet57, – mais aussi que la Maison de Beka elle-même fut transformée. Les transformations ultérieures ou les extensions des XVIIe et XVIIIe siècles furent réalisées surtout du côté du Marché aux Poissons : le Busleydengang (« cours de Busleyden ») fut surmonté d’un étage et l’ancien accès du Marché aux Poissons fut (probablement) remplacé par un nouveau porche. À partir du milieu du XVIIIe siècle, le Collège Busleyden dut, pour des raisons financières, vendre une partie de ses possessions. La propriété de la rue des Écriniers fut vendue et remplacée par le relais de poste Inde Drij
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Coppen, avec à côté une (deuxième) porte d’accès, qui portait autrefois le millésime 1759 (aujourd’hui les nos 913 dans la Schrijnmakerstraat). L’entrée principale, avec son porche, de la rue de Malines (aujourd’hui Mechelsestraat, n° 36) céda la place à un immeuble de rapport en 1777. À partir de 1784, seule l’aile du Collège n’était pas encore mise en location. La suppression de l’Université en 1797 et la vente du Collège en 1806 entraînèrent une fragmentation encore plus grande. Certains bâtiments furent démolis, d’autres remplacés par des maisons d’ouvriers ou adaptés pour des activités commerciales et industrielles : un fumoir à harengs, une imprimerie, une glacière ...58 La lutte pour la reconnaissance (admissio) comme institut universitaire Cours gratuits de latin, de grec, d’hébreu, dispensés à un large public ; grands travaux de construction … Voilà qui devait indisposer de plus en plus la Faculté des Arts, ainsi que les théologiens. Les antagonismes s’intensifièrent entre octobre 1518 et mai 1519. Cela n’est pas étonnant : l’affaire Reuchlin à Cologne et les démarches de Luther en Allemagne avaient changé l’atmosphère en Europe, et à Louvain en particulier59. Jean Reuchlin (1455-1522), qui après avoir étudié le grec et le droit s’était consacré tout spécialement à l’hébreu, entendait rénover les études bibliques en recourant, pour expliquer le contenu littéral du texte, à l’hébreu et aux livres talmudiques. Le conflit avec les théologiens était inévitable : ceux-ci, qui condamnaient déjà le grec parce que les Grecs étaient schismatiques, ne voulaient rien entendre du Talmud, texte juif. La réaction fut particulièrement violente : on brûla tous les livres et manuscrits en hébreu. Reuchlin, un protégé de l’empereur Maximilien qui lui-même patronnait les
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études hébraïques, publia l’Augenspiegel (août 1511) mais, de ce fait, devint, davantage encore la cible des théologiens de Cologne et du dominicain Jacques van Hoogstraten, inquisiteur dans les provinces de Cologne, de Mayence et de Trèves. Les théologiens réactionnaires voulurent saisir toutes les œuvres de Reuchlin, mais se heurtèrent à la résistance des esprits humanistes et ne purent persuader d’autres universités comme Heidelberg, Mayence, Erfurt et Louvain de condamner Reuchlin. C’est pourquoi ils firent appel à la Sorbonne de Paris, l’« oracle de Delphes » : l’Augenspiegel fut condamné comme hérétique. Van Hoogstraten saisit alors l’occasion de convoquer Reuchlin devant un tribunal ecclésiastique à Mayence pour qu’il s’y explique sur son Augenspiegel. L’inquisiteur alla même jusqu’à Rome, mais le résultat ne fut pas celui qu’il avait escompté : le pape Léon X s’occupa personnellement du différend et chargea les évêques de Spire et de Worms d’une enquête. En mars 1514, le Judex apostolicus invalida le jugement de Paris sur Reuchlin et condamna Van Hoogstraten à payer tous les frais du procès. Cela confirma, une fois de plus, la conviction des humanistes: l’attitude des théologiens n’était souvent qu’une question d’animosité personnelle. De plus, ils constatèrent que leur lutte avec les théologiens n’était pas désespérée : le cas de Reuchlin avait démontré que la critique et la moquerie atteignaient leur but et qu’un front uni des humanistes contre le pouvoir des esprits conservateurs pouvait être efficace60. Qu’en est-il du rôle d’Érasme dans tout cela ? Jusqu’en avril 1514, il s’était tenu à l’écart de l’affaire Reuchlin, mais il montra ensuite clairement ce qui était, et devait rester, un trait de sa personnalité : il choisit la voie médiane. D’une part, il fit traduire l’Augenspiegel en latin et manifesta, dans une lettre cordiale à Reuchlin, son
estime pour le contenu de l’œuvre61 ; d’autre part, il essaya de garder discrète son amitié avec Reuchlin et il se distança ouvertement du conflit exacerbé entre humanistes et théologiens : un tel conflit ne pouvait être que néfaste pour les lettres et ne contribuait en rien au renouveau des études bibliques. À Louvain, une initiative d’Alard d’Amsterdam (1491-1544) aggrava les choses. Cet admirateur passionné d’Érasme avait affiché, sur les portes de l’église Saint-Pierre, qu’il ferait le jeudi 10 mars 1519 un cours sur la Ratio Verae Theologiae d’Érasme, sous les auspices du Collège des Trois Langues. Dans cet ouvrage, une sorte de « vademecum » de son Novum Testamentum de 1517, Érasme avait expliqué comment il fallait appliquer sa nouvelle méthode scientifique aux études théologiques62. Quand Érasme rentra de Malines à Louvain peu après le 21 mars 1519, il trouva la ville universitaire en ébullition. Le théologien Jacques Latomus (ca. 1475-1544) s’était exprimé dans son pamphlet De trium linguarum et studii theologici ratione dialogus d’une manière très négative sur la nécessité d’étudier des langues autres que le latin pour les études bibliques63. Et le plus ancien des trois professeurs du Collège, Matthieu Adrianus, interrompit sa leçon d’hébreu le 21 mars pour démolir, dans un discours public, la position et les arguments de Latomus. Érasme tenta de calmer le jeu. Avec son Apologia, écrite à Louvain en quelques jours, et portant la date du 28 mars 1519, il essaya de ramener la controverse à des arguments objectifs64. L’étude du latin, du grec et de l’hébreu, si elle n’est pas indispensable pour toutes les parties de la théologie, est néanmoins essentielle pour l’étude de la Bible. Cette tentative de réconciliation d’Érasme se retourna contre lui : Latomus se sentit froissé et excita de plus belle les théologiens contre Érasme et le Collège des Trois Langues.
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Or le Collège devait encore être reconnu par l’Université. De plus, il fallait régler l’approbation des professeurs du Trilingue. Le 12 juillet 1519, une réunion se tint dans la salle capitulaire de la collégiale Saint-Pierre. À côté du recteur de l’Université, Jean de Nivelle65, y participèrent les représentants des facultés et trois des exécuteurs du testament de Busleyden (Antoine Sucket, Nicolas van Nispen et Barthélemy van Vessem). Jean Robbyns, ami et conseiller de Busleyden, fut aussi présent. Il demanda officiellement à l’Université de reconnaître le nouveau Collège des Trois Langues. Il fit savoir en même temps que les étudiants, le président et les professeurs du Collège se soumettraient aux règlements généraux de l’Université. Robbyns insista particulièrement sur le fait que les cours du Collège des Trois Langues n’auraient lieu qu’à des moments où il n’y avait pas de cours réguliers dans les facultés supérieures (horis extraordinariis)66. Après de longues et difficiles négociations et l’intervention indispensable de personnalités influentes telles que le cardinal d’Utrecht (le futur pape Adrien VI) et grâce aux efforts de Vivès et de Guillaume de Croÿ67, le recteur accorda finalement la permission d’enseigner publiquement les trois langues aux professeurs qui en feraient la demande formelle (supplicatio). En outre, chaque année, les professeurs devaient remettre à disposition leur fonction auprès de la Faculté des Arts (resignatio). Celle-ci pouvait ensuite les reconfirmer dans leur fonction. Le 20 septembre 1519 – Jean Calaber avait été élu recteur le 31 août 151968 – Jean Vullinck, notaire et secrétaire de l’Université dressa à Louvain un acte de ces décisions. Ce document ratifiait l’accord provisoire du 12 juillet, mettant ainsi un terme à deux ans de lutte acharnée pour l’admissio (« acceptation »). Mais le
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Collège des Trois Langues n’était accepté qu’en tant qu’institut universitaire. Il n’avait pas été incorporé à la Faculté des Arts, bien que telle fût l’intention qui avait présidé à sa fondation69. Un malheureux incident relança toute la discussion, au point même que la Faculté des Arts revint sur l’accord conclu. Le latiniste Guillaume Nesen (mort en 1524), ami d’Érasme et séjournant avec lui à la pédagogie du « Lys », avait annoncé qu’il donnerait, sans autorisation, des cours publics dans le monastère des Augustins70. Nesen n’était pas inscrit et n’avait pas l’intention de se faire inscrire. L’Université lui interdit de donner cours. Les étudiants de Nesen menacèrent le recteur dans une lettre anonyme ; Rescius fut aussitôt désigné comme le principal suspect et jeté en prison. La Faculté des Arts exigea une révision de l’accord du 20 septembre. L’intervention du chevalier Antoine Sucket et les tentatives de la ville de Tournai pour attirer, par d’alléchantes conditions financières, le Collège des Trois Langues hors de Louvain apaisa le conflit71. Le 13 mars 1520, le Collège Trilingue fut accepté par le conseil de l’Université comme école de langues et comme collège. Toutefois le Collège ne pourrait jamais être transformé en pédagogie72. Les premiers professeurs : difficultés et réussites initiales – Érasme en point de mire La résistance de la Faculté des Arts et de la Faculté de Théologie n’était pas le seul problème. Le départ inattendu du premier professeur d’hébreu fut un sérieux contretemps, qui toutefois s’avérerait bénéfique. L’engagement de Matthieu Adrianus avait entraîné beaucoup de dépenses supplémentaires : des bancs, une Bible (hébraïque), des chandeliers, la location d’une plus grande maison pour héberger sa famille et dispenser les leçons.
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L’Admissio ou « acceptation » du Collegium Trilingue, 20 septembre 1519. Copie manuscrite sur papier, 2 doubles feuilles, 305 x 215 mm. Leuven, Algemeen Rijksarchief, Fonds Oude Universiteit Leuven, n° 1435
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Mais, soupçonné d’alchimie et de magie, Adrianus avait également contracté des dettes. Par une nuit de juillet 1519, il s’évapora, alors que le nouveau Collège était encore en construction. Heureusement, il put être remplacé, dès le premier août, par l’Anglais Robert Wakefield73. Quatre mois plus tard, son compatriote Robert Shirwood lui succéda à son tour, mais il ne resta qu’un mois74. La nomination de Jean Campensis ramena le calme ; ses cours eurent du succès, quoiqu’il n’eût étudié l’hébreu que depuis 1516 et qu’il eût dû prendre d’abord un congé pour perfectionner ses connaissances d’hébreu en Allemagne, chez Reuchlin75. Quant à l’enseignement du latin, il connut lui aussi de sérieuses difficultés. Barlandus, pourtant grand ami d’Érasme, se désista en novembre 1519, au moment même où l’existence du Collège Trilingue était gravement compromise. Le Zélandais était insatisfait de son salaire. Tandis qu’Érasme pensait à Herman Buschius comme successeur, les proviseurs optèrent pour Conrad Goclenius76. Cette nomination assura également la paix et le succès : Goclenius était un professeur célèbre, qui fit doubler le nombre d’étudiants, contribuant ainsi grandement à la renommée du Collège. Restaient les cours de grec. Rescius, accusé d’agitation nocturne et de menaces proférées contre le recteur, finit par se retrouver en prison. Érasme demanda à Gilles Busleyden d’intervenir en sa faveur. Cette fois-ci tout finit bien, mais pas pour longtemps : Rescius allait encore causer bien des soucis77. Cependant, même après l’accord conclu avec le recteur Calaber, la résistance ne faiblit pas. L’étude du grec et de l’hébreu était remise en question et fortement attaquée. Érasme était particulièrement visé. Jean Briart et d’autres professeurs de la Faculté de Théologie s’exprimèrent publiquement dans leurs salles de cours contre l’étude des langues et le nouveau Collège. Durant les
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jours qui précédaient l’inauguration du nouveau bâtiment au Marché aux Poissons, le père carme Nicolas Baechem, originaire d’Egmond (d’où son nom latinisé Egmondanus) prêcha contre Érasme, alors même que l’humaniste se trouvait dans l’église. Depuis son arrivée à Louvain, le père Vincent Dierckx, responsable du studium des dominicains et professeur à la Faculté de Théologie, prenait Érasme pour cible dans tous ses sermons, associant systématiquement son nom à celui de Luther78. Érasme en fut fort affecté. Partir à Bâle pour y travailler à ses publications lui offrait une issue idéale. Le jour de l’inauguration du nouveau bâtiment du Collège, il écrivit une longue lettre au théologien Godschalck Rosemondt (ca. 1483-1526), recteur de l’Université et futur premier président du Collège du Pape ; à ses yeux, malgré les problèmes qu’il posait, le nouveau Collège était aussi source de fierté et de réconfort. Il n’est pas certain qu’Érasme fût présent à l’inauguration. Bien qu’il vînt régulièrement en visite au Collège Trilingue (où il était à chaque fois reçu avec faste), n’a jamais occupé la chambre qui lui était destinée. L’éloge du Collège Trilingue par Érasme – les premiers étudiants L’engagement indéfectible d’Érasme en faveur du Collège Trilingue était connu de tous. Il recevait régulièrement des recommandations pour des candidats boursiers. Au cours de l’été 1521, Érasme envoya une réponse éloquente à Daniel Tayspil (mort en 1533), évêque adjoint de Thérouanne79 : « Exception faite de l’Université de Paris, l’Université de Louvain ne doit craindre aucune comparaison pour ce qui est du nombre d’étudiants. Ceux-ci sont environ 3000 et tous les jours de nouveaux élèves affluent. Le Collège de Busleyden héberge cependant peu de gens : un président,
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jan papy qui s’occupe de la gestion quotidienne, trois professeurs et, si je suis bien informé, douze étudiants. Ceux-ci y vivent gratuitement. De plus, il y a aussi des pensionnaires payants qui vivent en communauté avec le président et les professeurs. Les étudiants qui y suivent des cours, sont – comme c’est habituel dans cette Université – très nombreux. Souvent on en compte pas moins de 300 ... Le collège offre un espace de vie convenable et le bâtiment ne manque pas de charme ... C’est une belle entreprise qui deviendra un jour le joyau de l’Université et de l’empereur CharlesQuint !80 »
Quand Érasme était absent de Louvain, ses louanges se faisaient plus pressantes encore. Toujours durant le même été 1521, il se trouvait à Bruges. Deux lettres datées du 13 août concernent le Collège des Trois Langues. À son ami anglais William Thale, il écrivit ceci : « Si seulement tu avais le bonheur de venir dans le Brabant ! Le climat à Louvain est si bon que tu l’aimeras encore plus que le climat italien, que tu adores. Mais l’air n’est pas seulement agréable ici, il est également sain. Nulle part ailleurs on n’étudie plus tranquillement, nulle part ailleurs on ne trouve un aussi grand nombre de professeurs, et aussi disponibles.81» La seconde lettre fut adressée à Pierre Barbier, qui avait suivi Jean le Sauvage en Espagne, et qui, après la mort de celui-ci, était entré au service du futur pape Adrien VI. Voici ce qu’Érasme trouva lui écrivit : « Le Collège trilingue a vu le jour ici au moment où la situation était encore assez tranquille ici. […] Cette entreprise, je l’ai favorisée publiquement et de tout cœur, et ma seule motivation était de rendre service aux études.82» Un bon mois plus tard, il écrivit d’Anderlecht à Bernard Bucho d’Aytta (1465-1528), ancien étudiant à la pédagogie du « Faucon » et président du Conseil de Frise : « Nulle part ailleurs, la jeunesse ne se passionne davantage pour les bonae litterae (les belles-lettres).
L’entreprise connaît un succès miraculeux, contre lequel les défenseurs de l’antique ignorance s’agitent en vain »83. Au cours des premières années qui ont suivi la mise en service du nouveau bâtiment au Marché aux Poissons, le président veilla avec soin à la discipline, à l’esprit de la maison et à l’observation stricte des dispositions testamentaires du fondateur ; les messes annuelles et les services liturgiques, les repas en commun, la célébration de la Saint-Martin, de l’Épiphanie et du Mardi gras. La fondation continuait à bénéficier de la protection de Gilles Busleyden, qui envoya ses six fils pour qu’ils y étudient84. Dès les premières années, le nouveau type d’enseignement et le nom même d’Érasme attirèrent près de 300 élèves. Par la suite, les leçons gratuites du Collège Trilingue ont continué d’exercer leur attrait auprès des jeunes. Qu’espéraient-ils trouver dans le Collège Trilingue d’Érasme ? Le rayonnement du Collège Trilingue : une nouvelle méthodologie scientifique Le rayonnement du Collegium trilingue de Louvain était plus intense qu’il n’y paraît à première vue. La personnalité d’Érasme, il convient de ne pas l’oublier, se trouvait au centre de l’intérêt de toute l’Europe. Pendant qu’il séjournait à Louvain, les invitations affluaient de toutes parts : le roi d’Angleterre et le cardinal-archevêque d’York, Albert de Brandebourg, archevêque de Mayence, Philippe de Bourgogne, évêque d’Utrecht, Christophe d’Utenheim, évêque de Bâle : tous sollicitaient Érasme auprès d’eux. Guillaume Budé lui demanda, au nom du roi de France, de fonder un nouveau collège d’études humanistes ; le cardinal Ximénez le sollicita pour un professorat à Alcalá de Henares ; le duc de Saxe l’invita à l’Université de Leipzig … Mais Érasme resta à Louvain, du moins pour les sept années à venir.
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De fait, le Collège des Trois Langues était une entreprise unique et audacieuse, dans laquelle Érasme s’était investi à fond. La formation intellectuelle spécifique des étudiants et la manière dont ils étaient préparés à assumer leurs responsabilités dans la société, contribuèrent particulièrement au succès du nouvel institut. Le premier biographe d’Érasme, Beatus Rhenanus (14851547), résume cette contribution comme suit : « Le plus grand soutien (notamment pour les études humanistes) a été apporté par le Collège des Trois Langues, qui, sur le conseil d’Érasme, a été créé au sein de l’Université de Louvain ... De ce collège, comme d’un cheval de Troie, sont issus jusqu’à présent de nombreux hommes, bien versés dans la connaissance des langues et, si Dieu le veut, d’autres suivront. Dans tout votre empire, invincible Empereur, il n’y a rien de plus glorieux que cette institution. Cet exemple incita le roi de France, François Ier, à créer un collège similaire à Paris et à inviter Érasme pour qu’il veille à ce que tout se passe selon ses conseils … Il ne fait aucun doute que l’essor des Lettres dans ces régions est redevable avant tout à Érasme. » (Lettre d’envoi aux Opera omnia, Bâle, 1540, dédiée à l’empereur Charles-Quint)85.
Dès le début, la méthode scientifique d’Érasme a orienté et inspiré le nouveau Collège86. Cette méthode avait été élaborée dans la Ratio seu methodus ad veram Theologiam, qui en est en quelque sorte le programme. L’ouvrage fut publié en novembre 1518 à Louvain, chez Thierry Martens, comme un « vademecum » du Novum Testamentum de 151787. La Ratio, réimprimée dix-huit fois avant la parution des Opera Omnia en 1540, fait du Collège des Trois Langues un « think-tank », un laboratoire d’idées parmi les plus novateurs d’Europe88. Dans la Ratio, Érasme
Page de titre d’Érasme, Ratio seu methodus ad veram Theologiam. Louvain, Thierry Martens, 1518. Exemplaire : Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, R3A23419
prône, pour les textes chrétiens, la même méthode d’exégèse que celle mise en œuvre par les humanistes italiens pour les textes classiques ; le plus grand philologue du Quattrocento, Lorenzo Valla (1407-1457), l’avait d’ailleurs déjà esquissée pour les sciences bibliques89. Cela révolutionna les milieux intellectuels de Louvain, plongés depuis des siècles dans un sommeil dogmatique.
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Au lieu d’accepter aveuglément les enseignements des magistri transmis de génération en génération sous forme de disputes ingénieuses, Érasme s’employa à jeter les bases d’une méthodologie personnelle, faisant fi de l’autorité et s’intéressant à l’objet même. Les fondements d’une telle recherche, il les trouva non seulement dans la connaissance des langues bibliques, mais aussi dans la rhétorique, la dialectique, l’arithmétique, la musique, la physique, la cosmographie et l’histoire. La tradition médiévale du trivium et du quadrivium est clairement visible ici, quoique sous une forme adaptée et modernisée. Ainsi Érasme reconnut-il l’importance de l’histoire de l’Église, de la dogmatique, du droit civil et canon, mais insista avant tout sur ce qui est le noyau de son programme : la connaissance scientifique doit être ancrée dans un jugement personnel et dans un esprit libre, plutôt que dans la mémoire (qui était la ressource principale du Doctrinale d’Alexandre de Villedieu ou d’autres traités médiévaux). La véritable exégèse d’un texte n’était plus basée sur des Summae ou Aphorismi de toutes sortes mais sur une connaissance linguistique et une herméneutique propres, visant à interpréter le texte dans son contexte littéraire et historique. Ce programme humaniste pour l’exégèse théologique, mis en pratique dès les premiers jours du Collège des Trois Langues par des professeurs comme Jean Campensis, Rutger Rescius et Conrad Goclenius, a fait la réputation du nouveau Collège. Ces professeurs ne ne réservaient pas cette méthode rationnelle à l’enseignement des langues exclusivement, mais l’appliquaient à d’autres branches du savoir, qu’il s’agisse de droit ou de médecine. L’hymne à la gloire du Collège des Trois Langues composé par Vernulaeus dans son Academia Lovaniensis Libri III de 1627, exaltant les figures de premier rang dans chaque domaine de la science formées au Buslidianum, semble
contenir plus de vérité qu’on ne le croirait à première vue. Les élèves du Collège des Trois Langues, s’étant approprié la nouvelle méthode par un enseignement poussé des langues, l’ont appliquée dans leurs études ultérieures et ont rompu ainsi avec les méthodes d’enseignement et de recherche traditionnelles de la Faculté des Arts et de la Faculté de Théologie90. Quel enseignement des langues ? Érasme, une langue nouvelle et de nouveaux manuels Au cours de ses années passées au monastère de Steyn, le jeune Érasme avait élaboré un Epitome à partir des Elegantiae Linguae Latinae (1484) de Lorenzo Valla, véritable manifeste de la Renaissance humaniste, dans lequel l’auteur, en précurseur de ce mouvement intellectuel, avait rompu une lance pour un latin pur et un retour aux sources antiques. Deux obsessions du jeune Érasme se manifestent dans l’Epitome, héritées de ses prédécesseurs italiens. Tout d’abord, il y exprima la nécessité de concevoir de bons manuels, condensant ainsi la substance des volumineuses Elegantiae dans un traité utile et pratique pour la jeunesse. En deuxième lieu, il s’efforça d’enseigner aux jeunes une langue latine pure et d’un style relevé. Les Elegantiae de Valla devinrent dès lors, plus qu’un titre, un programme pédagogique humaniste91. Cette double obsession d’Érasme est toujours allée de pair avec une opposition farouche aux méthodes rigides de l’enseignement médiéval tardif, qui offrait aux jeunes une matière « désespérément désuète » et dont la mémorisation était sans intérêt ; de surcroît, elle était présentée dans un latin de piètre facture, très éloigné de la langue sublime et équilibrée de Cicéron et de Virgile. La raison principale de l’aversion d’Érasme pour ce système éducatif était que cette étude monotone, adoptant la forme invariable de questions-réponses et basée
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principalement sur le Liber Sententiarum de Pierre Lombard, n’était pas faite pour former des pionniers ou des penseurs indépendants, au profil critique ou novateur ; au contraire, elle produisait des esprits querelleurs, capables de défendre n’importe quelle cause avec une dialectique raffinée, de développer tous les arguments pour ou contre, mais qui n’avaient pas acquis le sens de la recherche de la vérité92. Voilà pourquoi Érasme, pédagogue fin et zélé, composa pour la jeunesse de l’Europe son premier recueil de Colloquia : des conversations vivantes et variées, destinées à l’apprentissage progressif d’un latin correct93. Il offrit au même public un traité De conscribendis epistolis afin de lui transmettre l’art d’écrire des lettres94. Après avoir perfectionné son grec, il publia une série de « Proverbes » (Adagia), au nombre de 818 : formidable best-seller, certes, mais qui marque avant tout le début d’une percée décisive de l’humanisme dans l’enseignement95. Les Adagia contiennent ce qui était indispensable au renouveau de l’enseignement : une mine d’or pour le raffinement du style et des explications approfondies des auteurs anciens, à partir des sources antiques elles-mêmes. Contre la volonté des théologiens, Érasme avait ouvert l’accès aux trésors des littératures classiques : Plaute, Térence, Varron, Catulle, Horace, Perse, Martial, Ausone, Pline, sans parler d’un grand nombre d’auteurs grecs. Tous ces écrits furent ainsi mis entre les mains de la jeunesse, sans épuration préalable. Pour Érasme, les temps étaient mûrs pour ouvrir le temple sacré du Nouveau Testament grec …96 Pour l’enseignement au Collège des Trois Langues et à l’adresse de ses collègues de Louvain, Érasme s’employa également à mettre sur le marché de meilleurs manuels. À l’intention du milieu louvaniste essentiellement, il adapta les Disticha Catonis, l’un des manuels les plus
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populaires depuis belle lurette, pour l’apprentissage des rudiments du latin. L’édition procurée par Érasme, imprimée la première fois chez Thierry Martens en 1514, fut réimprimée pas moins de 61 fois avant 153997. Le pédagogue humaniste Juan Luis Vivès, ami d’Érasme, la recommanda à la princesse anglaise Mary, fille de Catherine d’Aragon, qui s’en servit pour étudier le latin avec succès98. Vivès reconnut clairement la valeur du programme humaniste d’Érasme : la nouvelle édition des Disticha Catonis permettait d’apprendre le bon latin et de distinguer, dans l’ordre moral, le bien et le mal. Vivès reprit à son compte les mots de la dédicace d’Érasme (l’ouvrage était dédié à Jean De Neve, depuis 1509 régent de la pédagogie du « Lys », et hôte d’Érasme lors du deuxième séjour de celui-ci à Louvain)99, exprimant son intention de fournir aux enseignants « une lecture qui prémunisse leurs étudiants de toute barbarie dans la littérature et dans les mœurs »100. Les nouvelles éditions de manuels scolaires, devaient, selon Érasme, offrir avant tout un texte pur, lisible et philologiquement irréprochable, ainsi que des commentaires délestés de tout fatras inutile. Cet objectif transparaît clairement dans les Disticha Catonis. Érasme se plaignait que ce texte, recopié d’innombrables fois, ait été corrompu au point de devenir, à la fin du Moyen Âge, tout à fait illisible. Comment les jeunes pouvaientils encore apprendre le bon latin et apprendre à s’exprimer ? Comment les sentences de Caton pouvaientelles, dans ces conditions, atteindre le cœur des jeunes ? Par comparaison avec la version grecque de Maxime Planude (ca. 1260-1310), un moine byzantin qui avait traduit à Venise plusieurs ouvrages latins en grec, Érasme arriva à un texte limpide, dégagé de la plupart des réflexions rhétoriques et philosophiques des XIVe et XVe siècles, que l’humaniste réduisit à leur plus simple expression
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(perbrevia)101. La contribution d’Érasme au renouveau intellectuel et pédagogique débuta donc avec la mise à disposition de bons manuels, proposant des textes d’excellente qualité et adaptés à l’enseignement de son temps, en voie de modernisation. Ses contemporains et successeurs marchèrent sur ses pas, du moins au Collège des Trois Langues de Louvain. L’héritage intellectuel d’Érasme : la marque du Collège des Trois Langues En novembre 1521, Érasme repartit définitivement pour Bâle. Mais, même après son départ, il n’eut cesse de suivre de près le développement de son institution. En fait, sa pensée restait attachée à Louvain, avant tout au Collège des Trois Langues, et sa présence y resterait perceptible pour longtemps. Après le décès d’Érasme à Bâle en 1536, le Collège connut à nouveau un grand essor, grâce à des professeurs illustres comme André van Gennep, Pierre Nannius, Cornelius Valerius et Adrien Amerot. L’institut ne fut pas seulement le modèle pour des fondations renommées à l’étranger, comme le Collège de France, créé par François Ier en 1530, mais inspira également la création du Collège de Tournai (1525), du Collège de Jean de Witte à Bruges (1540) et celui du magistrat de la ville de Cologne (1550), ou encore des fondations à Strasbourg et Douai102. Le collège – aux yeux des humanistes européens une des « gloires du Brabant » – accueillait des visiteurs de haut rang, de toute l’Europe : Eobanus Hessus, Justus Jonas et Joannes Draco, d’Erfurt ; des évêques comme Jan Dantyszek (Joannes Dantiscus) et Francisco de Mendoza ; le nonce Jérôme Aleandre ; Nicolas Olahus, le secrétaire de Marie de Hongrie ; le portugais Damien de Goès ; les ambassadeurs Nicholas Wotton
et Edmund Bonner ; l’évêque Stephen Gardiner et beaucoup d’autres103. Le Collegium Buslidianum, où l’enseignement était assuré par des professeurs triés sur le volet, produisit des latinistes, des hellénistes et des hébraïsants de niveau exceptionnel. Des universités comme celles d’Ingolstadt, Erfurt ou Dillingen offrirent des chaires à d’anciens étudiants du Collège104. Le Collège devint une pépinière unique en son genre, formant des esprits de premier plan dans toutes les branches du savoir. Mgr Henry de Vocht a montré en détail comment la méthode de travail du Collège provoqua un changement radical dans l’étude des langues et amena des philologues brillants à essaimer, à partir de Louvain, dans toute l’Europe. Nous savons que pas moins de 27 universités européennes ont nommé dans leur corps professoral d’anciens étudiants du Trilingue : Iéna, Wittenberg, Cologne, Douai, Bologne, Avignon, Franeker, Ingolstadt, Marburg, etc. (sans oublier Louvain, bien sûr). Néanmoins, comme nous l’avons déjà indiqué, le succès du Collège n’était pas limité à l’étude des langues. Goclenius comprit que la méthodologie propre au Collège, si elle était appliquée à d’autres domaines scientifiques, pouvait avoir des conséquences tout aussi remarquables105. Les étudiants et les enseignants du Trilingue contribuèrent ainsi à renouveler l’étude de la médecine, de la pédagogie et du droit106. La « méthode louvaniste » se fit rapidement connaître et apprécier au-delà des frontières : en 1530, au Portugal elle était désignée comme « O methodo lovaniense »107. La liste des chercheurs ou inventeurs de renom qui mirent en œuvre la nouvelle approche louvaniste dans leur discipline, est fort impressionnante108. À côté de Guillaume Lindanus dans le domaine de l’exégèse
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biblique, il y eut Hubert Barland en médecine, le Frison Viglius d’Aytta en tant qu’éditeur d’ouvrages d’histoire du droit et Juan Luis Vivès, le premier pédagogue moderne. Gemma Frisius est considéré comme l’inventeur de différents instruments scientifiques et fondateur de la géographie moderne. Gérard Mercator a marché sur ses traces. Suivent dans ce palmarès le lexicographe Corneille Kiliaan, les historiens Lambert Hortensius, Jean Sleidanus et Nicolas Mameranus et trois archéologues : Antoine Morillon et les frères Laurinus et Augier Ghislain de Busbecq (Busbecquius). Ce dernier découvrit le fameux Monument d’Ancyre lors d’une mission diplomatique dans l’Empire ottoman et put répertorier les derniers vestiges du gotique en Crimée. La liste contient également les noms de chercheurs qui ont été à l’origine de nouvelles disciplines : André Masius (orientalisme), Georges Cassandre (science liturgique), Jean de Coster et Jean Vlimmer (patristique), Étienne Vinand (Stephanus Pighius) et Martin Smetius (épigraphie), Rembert Dodoens et Charles de l’Ecluse (Carolus Clusius) (botanique) ; on mentionnera à part le fameux « quadrige » de l’école de droit de Louvain : Elbertus Leoninus, Jean Wamesius, Joachim Hopperus, Pierre Peckius109, emmené par leur maître Gabriel Mudaeus et le successeur de celui-ci, Valère André. De plus, il y a lieu de citer un groupe impressionnant d’éminents hommes d’État, comme Hopperus, Cornelius de Schepper et Morillon (déjà cités), ainsi qu’un nombre considérable de professeurs et de magistrats. La percée d’un André Vésale est impensable sans l’esprit philologique d’Érasme. Bien que Vésale ne fût pas, au sens strict, un étudiant du Collège des Trois Langues, il y suivit cependant des leçons et il a marché dans les pas d’anciens élèves comme Jérôme Thriverus.
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Une connaissance approfondie du grec et l’étude philologique des manuscrits de Galien dans la langue d’origine ont mis Vésale sur la voie de la recherche libre, justifiant la légitimité de l’autopsie et jetant les bases de l’anatomie moderne110. La renaissance de la science, comme on le voit clairement par cet exemple, a été rendue possible par la renaissance des études de langues. C’est grâce au nouvel esprit philologique de Valla et d’Érasme que Vésale a pu produire un nouveau texte de Galien et, partant, poser les fondements de l’anatomie comme science. Aussi n’est-ce pas sans raison qu’Érasme, en 1536, terminait ainsi, dans un ultime sursaut, sa dernière lettre, alors qu’il ne pouvait presque plus écrire et que ses forces déclinaient sensiblement : « Ma maladie qui s’aggrave m’oblige à passer l’hiver ici. Bien que je sois ici avec de vrais amis, comme je n’en ai pas eu à Fribourg, je préférerais, à cause des disputes de doctrine, finir ma vie ailleurs. Ah ! si seulement le Brabant était plus proche ! » À quoi il ajouta encore ces paroles finales, parfois passées sous silence : Sed ille totus ad quaestum spectat, et graviter perdit istud Collegium. Vale. Erasmus Rot(erodamus) aegra manu, « Mais lui [c.-à-d. l’imprimeur-professeur Rescius] ne regarde que le profit et entraîne ainsi le Collège dans la ruine. Adieu. Bâle, le 28 juin 1536, d’une main malade.111 » Au cours de ses dernières années, Érasme a vu échouer, de plus en plus, le programme de sa vie, qui était la pacification et la revitalisation religieuses. Cependant, il continua jusqu’au bout d’espérer la restauration de la paix et de l’unité dans le monde chrétien. Il fut aussi tourmenté par la détérioration de ses forces physiques et par la solitude : beaucoup d’amis étaient morts, Thomas More et John Fisher avaient été exécutés ... Il ne lui
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restait rien d’autre que de se replier sur lui-même, avec ses livres comme seule consolation. Il vit s’écrouler et se désagréger l’ancien monde, l’Europe chrétienne. Érasme, qui se nommait « un faible chrétien », laissa en héritage les valeurs de compréhension, de tolérance,
d’autodérision et d’amour de la paix – les paroles osées du « Saint Socrate» et du Christ. Il légua également au monde une méthode scientifique audacieuse et fonda la réputation méritée du Collège des Trois Langues de Louvain.
Au-delà du conflit. Symbiose de la scolastique et de l’humanisme à la Faculté de Théologie Gert Gielis
Le prisme déformant du regard d’Érasme Rutger Rescius, le premier professeur de grec au Collegium Trilingue, considérait les théologiens comme des « radoteurs » : cette idée est exprimée en grec par le terme ματαιολόγοι (mataiologoi) qui permet un joli jeu de mots avec θεολόγοι. Il est possible que ce soit Érasme lui-même qui a inventé ce trait d’esprit112. Rescius l’utilisa de façon provocatrice, un jour d’hiver, en 1519, au moment où les idées novatrices d’Érasme et ses initiatives hardies causaient de graves tensions à Louvain113. Ce n’était pas la première fois, ni la dernière, que les théologiens de Louvain furent visés par les amis d’Érasme ; et lui-même, de son côté, ne se gênait pas pour critiquer sans pitié les théologiens. Ceux-ci avaient souvent mauvaise presse ; ils étaient étiquetés de conservateurs narcissiques, attachés à la scolastique, et de chicaneurs. Par ses discussions fréquentes avec les membres de la Faculté, Érasme a fortement contribué à créer cette image ; mais il faut mentionner également la réception historique d’Érasme et de son projet humaniste, qui voulait en finir avec l’Église du Moyen Âge finissant. Ce projet était un phare de modernité et de progrès au plan ecclésial,
religieux et intellectuel. Dès lors, face à lui, les théologiens de Louvain, devaient fatalement constituer un front conservateur, cherchant coûte que coûte à endiguer les réformes. Dans les études sur Érasme et l’humanisme biblique qu’il prônait, les théologiens de Louvain sont généralement présentés comme ses adversaires attitrés. Des conflits ont certes existé à Louvain, mais nous savons à présent, grâce à plusieurs études spécialisées, que la réalité fut bien plus complexe114. Comment faire rimer les insultes et les calomnies avec les marques de sympathie et de respect ? Comment comprendre à la fois l’accusation d’hérésie dont Érasme fut victime et sa cooptation au Conseil de la Faculté ? Comment concilier d’une part les critiques de l’Éloge (1511) et les nouveautés de la Ratio (1518) et d’autre part les visites rendues par les théologiens à Érasme quand il était malade et les repas de réconciliation réunissant les antagonistes ? Il ne faut évidemment pas perdre de vue que la Faculté de Théologie était une communauté d’individus, qui (à l’exception de quelques esprits intransigeants) occupaient sur l’échiquier intellectuel de leur époque une position changeante
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et flexible, en fonction des circonstances concrètes et des interactions personnelles. En cela, ils ne se distinguaient d’ailleurs pas d’Érasme et d’autres savants. De façon quelque peu simplifiée, on peut, sur la scène où évoluaient les acteurs, reconnaître deux pôles : d’un côté le cadre scolastique traditionnel, de l’autre le paradigme de l’humanisme (biblique) émergent. Seule la dynamique des positions individuelles permet de comprendre les changements incessants des actions, des attitudes et des discours des théologiens, leur hésitation permanente entre appréciation et résistance, entre rejet et acceptation. Comment interpréter alors le choc entre les deux paradigmes ? Peut-on vraiment parler d’un conflit ouvert ou s’agit-il d’une vue de l’esprit des historiens, qui forcent le trait en retenant, dans les sources, les invectives brutales d’Érasme (et de ses alliés) ainsi que ses remarques sur l’opposition farouche aux bonae literae ? La difficulté apparaît aussitôt : notre vision sur la question est influencée, sinon déformée, par le regard d’Érasme qui, à travers sa correspondance et ses publications, nous a laissé la documentation la plus riche sur cette période. Par ailleurs, il subsiste beaucoup de traités et de pamphlets polémiques, témoins d’une lutte intellectuelle acharnée. Les sources contemporaines nous renseignent donc en détail sur les nombreuses frictions, de sorte que l’historiographie a exagéré la teneur du conflit. James Overfield pensait que les incidents qui se produisirent dans ce contexte de tensions intellectuelles n’étaient pas des effets secondaires de séismes fondamentaux au sein de la science et de la culture, mais qu’il s’agissait de conflits ponctuels et isolés, fondés sur des rivalités personnelles et des circonstances locales115. Erika Rummel, spécialiste d’Érasme, par contre, reconnaissait dans les nombreuses « éruptions » un antagonisme plus profond
de deux paradigmes116. Le cas louvaniste, qu’Overfield n’avait d’ailleurs pas pris en considération, tend à montrer que les deux interprétations ont chacune leur part de vérité117. En réalité, l’opposition fondamentale entre deux courants d’idées a été exacerbée par le choc des personnalités qui se confrontaient. La situation à Louvain fut en outre marquée par la présence sur place d’un des plus grands savants de son temps, qui ne cessait de s’en prendre à la doctrine d’Aristote. Beaucoup de théologiens n’appréciaient pas, chez Érasme, l’ambition de renouveau et la campagne en faveur des bonae litterae, qu’ils considéraient comme des menaces à leur conception de la théologie118. L’image de deux camps vivant sur pied de guerre simplifie certes notre perception de l’histoire, mais lui porte aussi préjudice. Bien qu’il y eût des divergences fondamentales et des oppositions indéniables entre les programmes des deux paradigmes et leurs méthodes scientifiques, il aurait été difficile d’identifier, dans la pratique de tous les jours, une limite tranchée entre scolastique et humanisme. Cela implique qu’il n’y avait pas non plus une frontière nette entre la Faculté de Théologie et les réseaux des érudits humanistes, comme si un membre de la Faculté devait être par définition un « antihumaniste », et vice-versa. Martin Dorpius (1485-1525), théologien de formation scolastique, afficha des sympathies humanistes prononcées. Il est l’incarnation même de loyautés ambivalentes et conflictuelles dans cette zone de tensions difficile à saisir119. Beaucoup d’autres théologiens sont d’ailleurs dans le même cas ; de manière globale – et certainement dans les grandes synthèses historiques – ils n’ont pas reçu l’attention qu’ils méritent. La recherche a souvent négligé l’appréciation positive des théologiens de Louvain à l’égard des principes scientifiques et de la critique de l’Église. L’humanisme avait
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une telle influence sur la culture intellectuelle de la Faculté qu’il devint une part fondamentale de la pratique théologique. De grands théologiens, comme l’exégète Cornélius Jansénius de Gand (1510-1576), travaillaient selon des principes scientifiques fortement déterminés par l’humanisme (d’inspiration biblique). La contribution importante de l’humanisme à l’évolution de la théologie au XVIe siècle a été trop souvent méconnue. Le sujet demanderait des recherches plus approfondies ; la présente étude se limitera à esquisser, de manière nuancée, les multiples relations entre savants scolastiques et humanistes, en accordant une attention particulière au rôle joué par le Collège Trilingue. Nous montrerons que le rejet initial des principes humanistes s’est transformé, une génération plus tard, en une assimilation prudente, voire évidente. ‘Séjourner parmi les dieux’ : Érasme à Louvain À partir de la seconde moitié du XVe siècle, soufflait depuis l’Italie un vent nouveau, transportant par-delà des Alpes la passion de l’Antiquité retrouvée. Petit à petit, ce courant intellectuel gagna aussi des adeptes dans l’Europe du nord-ouest et la méthode scientifique de l’humanisme –tel que ce mouvement devait s’appeler par la suite – pénétrait progressivement dans les universités du Saint-Empire romain germanique. À l’Université de Louvain, de fondation alors relativement récente, le processus est peu manifeste avant 1500, mais après le tournant du siècle, le programme humaniste se diffusera de plus en plus120. La pédagogie du Lys aura, à cet égard, le rôle de moteur. Ainsi, par exemple, Martin Dorpius, étudiant en théologie et professeur à la pédagogie du « Lys », promut la pratique des langues classiques par des représentations théâtrales, ouvrant ainsi la voie au théâtre humaniste dans les Pays-Bas121.
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À cette époque, l’étoile d’Érasme commença à briller et tout changea. En 1502, Érasme s’installa à Louvain. Adrien d’Utrecht (1459-1523), chef de file de la Faculté de Théologie et doyen du chapitre de Saint-Pierre, lui proposa la chaire vacante de Poésie122. Érasme, qui se trouvait alors, comme souvent, en difficultés financières, déclina l’offre pour des raisons peu claires. Johan Huizinga y a vu la marque de son esprit de liberté, d’un désir profondément ancré de ne jamais se lier123. Érasme poursuivait un idéal : restaurer la vie spirituelle et, partant, réaliser la réforme de l’Église, sur le modèle du christianisme des origines. À cette fin, l’étude des Écritures et des Pères de l’Église lui semblait plus utile que les textes corrompus, les commentaires fondés sur l’argument d’autorité et les théories spéculatives, qui étaient alors en vigueur dans l’enseignement de la théologie. L’étude de la culture antique devait venir en appui à cet objectif fondamental. De cette façon, Érasme réorienta le cours du courant humaniste, en ajoutant à la dimension philologique originale, une dimension éthique et spirituelle. La méthode scientifique de l’humanisme se mit ainsi au service de la réforme de l’Église. Des tendances similaires se manifestaient ailleurs en Europe, notamment dans un certain nombre d’universités allemandes124. Mais c’est Érasme qui fut incontestablement la figure de proue de ce courant. Déjà dans son Enchiridion militis Christiani, imprimé en 1503 par Thierry Martens, il esquissa les contours de son programme humaniste chrétien, qu’il aimait qualifier de philosophia Christi125. Érasme estimait que, pour retrouver l’idéal de l’Église authentique des premiers temps, les théologiens devaient étudier l’Écriture sainte dans sa forme la plus originale126. La pensée qu’à côté de la Vulgate une autre version latine du Nouveau Testament circulerait inquiétait les théologiens traditionnels. Martin Dorpius, ayant obtenu
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entre-temps la licence en théologie, se fit le porte-parole de la Faculté quand, en septembre 1514, il rejeta le projet d’Érasme dans une lettre pleine de reproches127. Peut-être son maître Jean Briart espérait-il que l’humaniste Dorpius, sur le point d’obtenir son doctorat, aurait plus de chances pour se faire entendre d’Érasme. Mais ni cette première lettre, ni une seconde (août 1515) ne pouvaient détourner Érasme de son projet128. La publication de son Novum Instrumentum (février 1516), et, plus encore, les trois textes programmatiques donnés en guise d’introduction, eurent un effet de choc sur un certain nombre de professeurs de théologie…. Les professeurs ne pouvaient guère apprécier l’approche novatrice d’Érasme, qui touchait ici aux limites de la théologie établie. Dorpius, « converti » à la cause d’Érasme, entreprit de défendre la nouvelle méthode durant ses cours d’été 1516, mais il fut promptement déchargé de ses responsabilités administratives au début de la nouvelle année académique129. Ce fut un déshonneur et un revers financier. Le père carme Nicolas Baechem, originaire d’Egmond (Egmondanus, †1526), professeur au studium de son ordre, prêcha en automne 1516 contre le Novum Instrumentum130. Certains professeurs, selon la rumeur, voulaient aller jusqu’à soumettre les livres d’Érasme à une enquête d’hérésie131. Cette enquête ne semble cependant jamais avoir eu lieu. Mais la rumeur reflétait en tout cas des tensions croissantes entre les humanistes bibliques et un certain nombre de théologiens traditionalistes. À cela s’ajoutait qu’Érasme, dans son Éloge de la folie, avait traité sans ménagement les théologiens (les ‘Magistri Nostri’). Sa critique brutale des ordres mendiants fut reçue comme une insulte par les professeurs concernés. L’hostilité acerbe du père carme Nicolas Egmondanus et des dominicains Vincent Dierckx († 1526) et Eustache Van Zichem (1482-1538)
était probablement due en bonne partie aux railleries d’Érasme. Par sa position dominante dans le milieu académique de Louvain, il faisait sortir de leurs gonds ses adversaires et durcissait les rapports réciproques. La constellation à Louvain semblait dès lors peu favorable à Érasme et lui-même n’y était pas pour rien. Après de nombreuses pérégrinations, il opta néanmoins pour Louvain comme nouvelle escale en septembre 1517. Un certain nombre de professeurs de la Faculté de Théologie ont dû regarder le retour d’Érasme avec beaucoup de défiance, en particulier Egmondanus et Van Zichem. Néanmoins, Érasme allégua que c’était à la demande des théologiens qu’il était revenu à Louvain132. En effet, en janvier 1517, à la faveur d’un entretien entre Érasme et les théologiens, la situation avait été aplanie133. Durant l’été 1517, tout allait bien. Dans une lettre à Georges d’Halluin, Érasme s’exprime de façon enthousiaste : « Entre les théologiens et moi-même, c’est la paix totale ; on peut même parler d’amitié, alors que quelques-uns s’étaient répandus en calomnies, prétendant partout que j’étais sur pied de guerre avec eux. Ils ont l’intention de m’admettre dans leur Faculté. Qui ne souhaiterait pas cela plus que de séjourner parmi les dieux ? Atensis [Jean Briart d’Ath] est tout à fait aimable envers moi. Dorpius me semble un ami sincère »134. Fait remarquable, Érasme fut coopté en octobre 1517 dans le collegium strictum, l’organe de direction de la Faculté. Il s’agit là d’un signe qu’Érasme était traité avec un certain respect par les théologiens. Ou leur attitude bienveillante cachait-elle des arrière-pensées, conformément à la boutade : Keep your friends close, but your enemies even closer ? On peut s’interroger sur les relations entre l’auteur des railleries et les cibles de ses flèches. Entre Érasme et
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les professeurs des studia des ordres religieux, les choses ne devaient plus s’arranger vraiment. Quant aux autres professeurs, avaient-ils couvert ses provocations d’un voile pudique ? Ou ne se considéraient-ils pas réellement concernés par ses insultes, étant donné qu’ils adoptaient eux aussi une position critique par rapport aux arguties de la scolastique tardive ? Il semble en tout cas que la plupart des théologiens souhaitaient donner une chance à Érasme, nonobstant ses moqueries dans l’Éloge de la folie et son Novum Instrumentum. Ils suivaient ainsi l’exemple de leur maître absent, Adrien d’Utrecht. Il n’est pas facile d’interpréter l’attitude des théologiens de Louvain quand on ne dispose que de sources unilatérales, provenant essentiellement d’Érasme et de ses partisans. De plus, nos informations ne concernent qu’un petit nombre d’entre eux. Il est néanmoins manifeste que, sur cette scène, chaque théologien adopta une position personnelle. L’antagonisme fluctuant n’impliquait pas une ligne de démarcation absolue entre scolastique et humanisme135. À cet égard, il ne faut pas oublier que les attitudes personnelles pouvaient aussi évoluer, en fonction d’une compréhension plus juste, de déceptions, de nouvelles influences, etc. Il arrivait aussi qu’Érasme lui-même, entrant en conflit avec des amis et des sympathisants, modifiât la donne. Si, pour bien cerner la situation, nous pensons en termes de factions ou de partis, il nous faudra en gros distinguer trois groupes. La majorité des théologiens adoptaient une position médiane, « neutre sous condition ». En principe, ils n’avaient rien contre l’humanisme, tant que celui-ci se limitait à une méthode philologique et n’empiétait pas sur le terrain de la théologie. Il se peut que cette position ait subi l’influence d’Adrien d’Utrecht, qui combattait l’hérésie et le schisme, mais n’était pas malveillant à l’égard d’Érasme et des bonae litterae136. « Je
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Portrait du professeur Jacques Latomus (1475-1544). Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, PA08733
condamne l’hérésie et le schisme, non les belles-lettres », aurait-il dit, selon Érasme, et cette boutade caractérise sans doute aussi l’attitude de ses anciens étudiants137. Dans la Spongia, Érasme dit que Jean Briart était « très attaché aux belles-lettres » et il le considère comme un homme loyal138. D’après plusieurs témoignages, Jacques Latomus se montrait plutôt positif vis-à-vis de l’humanisme (philologique), en particulier vis-à-vis de l’étude du latin139. Nicolas Coppin (1476-1535), professeur à partir de 1521, était sur la même longueur d’onde140. Jean
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Driedo (ca. 1480-1535) et Godschalck Rosemondt (ca. 1480-1526) sont probablement aussi à situer dans ce camp ; en tout cas, on ne connaît de leur part aucune réaction négative par rapport à l’humanisme. En 1525, Érasme considérait comme « neutres » Coppin, Driedo, Rosemondt et aussi Guillaume de Viaenen (†1529), donc une bonne partie du corps professoral141. À ce groupe appartenait sans doute aussi une (grande ?) partie des étudiants, mais nous ne disposons que de peu de données globales sur les étudiants en théologie. Un deuxième groupe de théologiens était résolument anti-érasmien. L’aversion pour Érasme était surtout le fait de certains professeurs appartenant aux ordres mendiants (et sans doute aussi ce fut le cas de leurs étudiants). Le carme Nicolas Egmondanus et plus tard aussi les dominicains Vincent Dierckx et Eustache Van Zichem se profilèrent comme ennemis acharnés d’Érasme et de sa nouvelle approche théologique. L’étudiant en théologie Edward Lee (ca. 1482-1545) s’intéressait certes à l’humanisme et entretenait initialement de bonnes relations avec Érasme ; par la suite, impliqué dans un conflit personnel, il prit part à une controverse farouche autour du Novum Instrumentum, en partie par rancune envers Érasme142. Un troisième groupe de théologiens, le moins nombreux, se trouvait à l’autre bout du spectre. Ils s’enthousiasmaient pour l’étude des bonae litterae et étaient gagnés jusqu’à un certain point à l’interprétation érasmienne de l’humanisme, quoique généralement avec des réserves. À l’exception de Dorpius, ces théologiens n’étaient pas des professeurs. Des étudiants comme Thierry Hezius (ca. 1485-1555), Pierre Curtius (1491-1567) et Nicolas Clénard (1493/5-1542), même s’ils demeuraient ancrés dans leur formation scolastique, étaient cependant ouverts à une approche humaniste et tenaient Érasme en grande
estime. Pour Dorpius, le conflit entre scolastique et humanisme biblique n’était rien de moins qu’une lutte intérieure. Comme le montre son attitude changeante, une position personnelle pouvait aussi évoluer selon le contexte. En 1521, il avait arrêté son choix et écrivit une apologie de l’humanisme biblique143. La Faculté de Théologie ne formait donc nullement un bloc uni contre l’humanisme et contre Érasme. Dans l’ensemble, les théologiens n’étaient pas hostiles par principe aux bonae litterae comme ‘discipline’ philologique. Ce ne fut pas la dimension littéraire de l’humanisme qui suscitait la polarisation : l’aversion pour Érasme et pour ses idées trouvait son origine dans l’arrogance de ses attaques contre la théologie et l’enseignement théologique. Le rôle des bonae litterae dans (l’enseignement de) la théologie était le centre névralgique. Les théologiens du parti « médian », selon la vue qu’ils avaient sur cette question, adoptaient une attitude tantôt positive, tantôt négative. Dorpius fut la victime de cette position flottante, quand en 1516 on lui retira le poste de régent (regentia). Vu le manque de sources, il n’est souvent plus possible de déterminer avec précision la façon dont évoluèrent les rapports de force durant ces années et quels facteurs furent en jeu. Mais il est évident que le ‘parti du centre’ dominait et déterminait la position de la Faculté envers Érasme et les bonae litterae, de même qu’envers la fondation du Collegium Trilingue. Chronique d’une ‘tragoedia’ Durant ses années à Louvain, Érasme ne cessa de s’investir dans la promotion de la philosophia Christi et la réalisation de son projet humaniste. Il travailla à une nouvelle édition du Novum Instrumentum, dont la première édition, publiée trop hâtivement, contenait beaucoup d’erreurs. Il passa une bonne partie de l’année 1518 à Bâle
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afin d’y travailler à la révision de l’ouvrage. D’autre part, il avait convaincu son ami Jérôme Busleyden de prévoir dans son testament non seulement une fondation traditionnelle de bourses d’études, mais également la création de trois chaires, pour le latin, le grec et l’hébreu. Grâce à l’intervention d’Érasme, l’hébraïsant Mathieu Adrianus, un Juif espagnol, fut nommé professeur d’hébreu. Il commença ses leçons en mars 1518. Les négociations pour intégrer la fondation dans le collège Saint-Donatien, qui manquait de moyens, furent interrompues pendant l’été à cause des exigences des proviseurs de ce collège144. Des sept proviseurs du collège, un était membre de la Faculté de Droit canonique, alors que les autres étaient impliqués dans la direction de la Faculté des Arts, respectivement en tant que doyen (Adrien Barland), économe (Josse Vroeye) et régents des quatre pédagogies. Parmi ces derniers se trouvait Nicolas Coppin, régent du Faucon et licencié en théologie. Leur obstruction cachait-elle seulement des objections pratiques et la crainte d’une concurrence pour les quatre pédagogies ? Ou ces manœuvres de blocage étaient-elles également dues à l’aversion que leur inspiraient les bonae litterae ? De Vocht a avancé que ce dernier motif a dû jouer145, mais cela est difficile à étayer par les sources. Pour la majorité des proviseurs, on sait qu’ils n’avaient pas de problèmes fondamentaux avec l’humanisme. Barland fut d’ailleurs nommé peu après à la chaire de latin. Quand il apparut que le legs de Busleyden offrait suffisamment de moyens pour fonder un collège autonome, de nouveaux problèmes surgirent concernant le statut du nouveau collège et ses professeurs. La Faculté des Arts, en particulier, regardait le nouveau collège avec beaucoup de défiance. Chez les théologiens, la résistance était apparemment moindre146. Même si certains incidents sont survenus au long du processus de la fondation,
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il n’y a pas de trace d’une opposition fondamentale. Sans doute, les théologiens qui détestaient Érasme, notamment Egmondanus, Dierckx et Van Zichem, avaient-ils des réserves. Ils considéraient le grec comme une langue qui menait tout droit à l’hérésie147, selon l’adage connu : Cave a Graecis, ne haereticus fias (« méfie-toi du grec, si tu ne veux pas devenir hérétique »). Dans le récit qu’il nous a laissé de son procès, Jacques Prévost (Jacobus Praepositus), arrêté en 1521 sur présomption d’hérésie, rapporte qu’il était considéré comme un hérétique par les inquisiteurs Egmondanus et Latomus, pour la seule raison qu’il étudiait le grec – un reproche que Prévost semble adresser surtout à Egmondanus148. L’hébreu, d’autre part, était la langue des Juifs. Dans l’affaire autour de l’humaniste et hébraïsant allemand Jean Reuchlin, qui portait sur l’usage de livres hébreux, les théologiens rejoignirent le camp anti-reuchlinien en prenant position contre l’étude de l’hébreu149. Ce dernier cas cependant, qui porte essentiellement sur des questions de doctrine, ne peut être jugé exclusivement à partir du conflit entre scolastique et humanisme. Durant l’année 1518, la relation entre les professores ordinarii (tous prêtres séculiers) et Érasme resta amicale ; ce dernier reçut même la visite de quelques théologiens quand, à peine rentré de Bâle, il tomba malade et dut garder le lit. Mais, à la fin de l’année, cette « coexistence pacifique » fut ébranlée par une série d’incidents. Des irritations sous-jacentes et un esprit de méfiance commencèrent à se faire sentir. En novembre 1518, Érasme publia sa Ratio verae theologiae, une version refondue et considérablement augmentée de la Methodus150. Érasme y tient un plaidoyer vigoureux en faveur des bonae litterae comme base de l’exégèse, au détriment de la dialectique et la logique aristotélicienne, les sources intellectuelles
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de la scolastique. D’après lui, l’étude des langues classiques et de la civilisation antique offrait la meilleure préparation pour l’étude de l’Écriture. Pour faire de l’exégèse, il fallait se familiariser, en plus de la grammaire, avec différents genres littéraires, notamment avec l’allégorie. À la fin de cette même année, la De variarum linguarum cognitione paranda oratio (parue en août 1518) de l’humaniste allemand Pierre Mosellan (Petrus Mosellanus), professeur de grec à l’Université de Leipzig, commence à être connue à Louvain151. L’auteur, qui défend une réforme fondamentale du trivium, rejoint Érasme dans sa conviction qu’une connaissance approfondie des trois langues bibliques est d’une importance capitale pour l’étude de l’Écriture Sainte. Dans ses sermons et ses discours, Egmondanus s’en prenait vivement aux réformes prônées par Érasme152. Aux yeux de certains membres du même parti, la critique philologique d’Érasme le rapprochait dangereusement de l’apostasie et ils ne se gênaient pas d’utiliser le terme d’« hérésie ». Lors de la promotion au grade de licencié de Jean Robyns, le 21 février 1519, le professeur Jean Briart, qui dirigeait la Faculté depuis le départ d’Adrien d’Utrecht, accusa Érasme publiquement d’hérésie153. Il ne cita pas le nom d’Érasme, mais l’auditoire comprit parfaitement qui était visé. En mars 1518, Érasme avait publié son Encomium matrimonii, texte qu’il avait rédigé vingt ans plus tôt. Cet éloge du mariage s’inscrivait en faux contre ceux qui méprisaient l’état matrimonial. Érasme y affirmait que le mariage est supérieur au célibat. Briart, qui apparemment n’avait pas lu l’ouvrage154, considérait la dévalorisation du célibat par Érasme comme une hérésie. Érasme lui-même put convaincre Briart que son Encomium était innocent : Briart avait tiré de mauvaises conclusions, ayant mal interprété certains mots. Le malentendu fut dissipé et
Briart retira ses propos. En mai 1519, Érasme fit paraître encore une Apologia pro declamatione matrimonii chez Froben, mais il n’arriva pas à inverser la perception initiale. Le terme d’hérésie avait une connotation très grave155 ; durant les mois d’hiver 1519, le terme fut de plus en plus associé au projet de l’humanisme biblique. Lorsque fin 1518 circulait à Louvain un recueil d’écrits de Luther, cela suffisait à certains théologiens pour tirer la sonnette d’alarme. La Faculté de Théologie ordonna une enquête officielle sur ce recueil, probablement à l’instigation de la faction anti-érasmienne. Des théologiens comme Egmondanus ne faisaient pas de distinction dans les nouvelles approches et considéraient la doctrine de Luther comme le développement naturel des idées novatrices d’Érasme. Sans doute cette enquête de censure visait-elle aussi à avertir Érasme et ses partisans qu’il y avait des limites à ne pas dépasser156. Tout au long de l’hiver 1518-1519, le contexte intellectuel ne cessait de se polariser. En février, deux des exécuteurs testamentaires de Busleyden, en charge de la fondation du Trilingue, durent calmer le jeu, lorsque le professeur de grec, Rutger Rescius, avait traité les théologiens de « radoteurs ». Peu après, le dimanche 6 mars 1519, Alard d’Amsterdam, annonça un cours sur un ouvrage théologique d’Érasme, probablement la Ratio verae theologiae157. Le lendemain, le Conseil de l’Université délibéra sur la question d’autoriser ou non les leçons d’Alard. Vu le contenu théologique du cours programmé, cette décision appartenait à la Faculté de Théologie. Selon les statuts de la Faculté, un enseignant devait d’abord demander l’accord de la Faculté, mais Briart reconnut que cela n’avait pas été fait. Le Conseil de l’Université suivit l’avis de la Faculté de Théologie et interdit les leçons158. Lors de cette même réunion, les professeurs du Collegium Trilingue, qui se trouvaient dans
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la même situation, furent autorisés tacitement à poursuivre leur enseignement. Il n’est donc pas tout à fait certain que le refus d’autoriser Alard à faire son cours fût lié la résistance aux bonae litterae. Néanmoins, cela a dû intervenir dans la décision, car peu de temps après, les théologiens réagirent vivement à la réforme de l’enseignement préconisée par Érasme et Mosellan. Quelques jours après l’incident avec Alard, Jacques Latomus, un des étudiants de Jean Briart qui était tout près d’obtenir son doctorat, fit publier, avec l’accord de ses professeurs, son De trium linguarum et studii theologici ratione dialogus ou, en abrégé, le Dialogus159. Ce n’est pas un hasard si le livre est dédié à Guillaume de Croÿ, évêque titulaire de Tolède, qui étudiait alors à Louvain. Sans doute les théologiens espéraient-ils ainsi gagner une voix importante à leur cause. Le Dialogus peut être considéré comme la prise de position de la Faculté de Théologie à l’égard du programme érasmien pour la réforme de la théologie160. Latomus y défend l’étude de la théologie scolastique comme le seul cadre valable pour l’étude de l’Écriture Sainte. Il était préoccupé par l’intégrité du dogme et redoutait l’approche d’Érasme, qui voulait redécouvrir l’Évangile par des méthodes nouvelles. D’après l’auteur, la voie pour atteindre une juste compréhension de l’Écriture Sainte, n’était pas la connaissance des langues, mais l’étude des Pères de l’Église et de la Tradition161. Cette problématique touchait l’essence même de la théologie et donc l’identité du théologien. Érasme lut le Dialogus dans la diligence, sur la route de Malines à Louvain. Bien que Latomus affirmât avoir écrit le Dialogus en premier lieu contre l’humaniste allemand Pierre Mosellan, Érasme se sentait visé. Moins d’un mois après la sortie de de l’ouvrage de Latomus, Érasme fit publier l’Apologia ad Latomum, rédigée dans la hâte162 ; il envoya également un exemplaire
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Jacques Latomus, De trium linguarum et studii theologici ratione dialogus. Anvers, Michiel Hillen van Hoogstraten, 1519 Exemplaire : Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, CaaA1604
à Guillaume de Croÿ163. « Je l’ai écrit d’une façon telle que je donne l’impression de ne pas répondre », rapporte Érasme de manière quelque peu énigmatique à John Fisher164. Sa riposte était prudente, car il voulait ménager les théologiens. Il cherchait, coûte que coûte, à calmer
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le jeu : pour garantir la survie du Collegium Trilingue, la paix avec la Faculté de Théologie était capitale. De fait, quelques problèmes concernant le statut des professeurs subsistaient encore. Après l’incident avec Alard d’Amsterdam, le recteur avait fait remarquer qu’en principe la situation des professeurs du Trilingue n’était pas conforme aux règles de l’Université, dans la mesure où l’aval des autorités n’avait pas été demandé165. Pour le moment, l’Université tolérait leurs enseignements, mais la question de l’approbation restait en suspens et la survie du Collège Trilingue était loin d’être assurée. La façon dont les relations entre les théologiens et Érasme évoluaient était donc cruciale pour la mise en place du Collège Trilingue. L’accusation d’« hérésie » pendait ainsi comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête d’Érasme et de son projet d’un collège des trois langues. Durant l’hiver 1518-1519, le nom d’Érasme fut associé à celui de Luther. Aux yeux de la faction traditionaliste de la Faculté, Érasme était à tout le moins suspect. Cette perception permet de comprendre les accusations de Briart et des professeurs issus des ordres mendiants. Plus que jamais, les bonae litterae étaient compromises. Érasme demanda des explications, mais les théologiens se refusèrent au début à tout commentaire. C’est Egmondanus qui l’informa finalement qu’il était soupçonné d’avoir collaboré personnellement avec Luther166. N’avait-il pas passé l’été à Bâle, chez Froben ? N’était-ce pas là qu’étaient sortis en automne les écrits de Luther ? Et n’avait-il pas reçu une lettre très bienveillante de la part de Luther en mars167 ? Érasme démentit énergiquement. Dans ses lettres, il clama son indignation à propos de ce rapprochement injuste et se plaignit des théologiens qui l’appelaient hérétique168. Il écrivit à Briart pour que celui-ci imposât le silence à un licencié169. À la mi-août, il en appela même au pape Léon X,
lui demandant de bien vouloir faire taire les mauvaises langues170. Il répéta à plusieurs reprises qu’il n’avait aucun lien avec Luther et affirma qu’il avait même essayé d’empêcher l’impression de ses écrits. Érasme voulait donc se distancer explicitement de Luther. Selon K. Blockx, cela s’explique par la crainte que toute association avec l’hérésie était une menace pour l’œuvre de sa vie, à savoir la promotion de l’humanisme biblique et son ancrage institutionnel dans le Collegium Trilingue171. Tous ces facteurs ont peut-être joué, mais si nous y regardons de plus près, il apparaît qu’Érasme ne devait pas vraiment nourrir d’inquiétudes. On trouve suffisamment d’indices et d’arguments qui montrent que la relation entre Érasme et la Faculté s’était plus ou moins normalisée au printemps 1519. Certes, le soupçon d’hérésie était toujours présent dans le chef de certains théologiens comme Egmondanus. Et, suite à l’apologie contre le Dialogus, le conflit personnel avec Edward Lee s’exacerba à nouveau172. Lee voulait soumettre à un examen approfondi le Novum Instrumentum, qui avait été réédité en mars. Érasme s’efforça de trouver un arrangement, mais à son regret, Lee se montrait fort secret au sujet de sa démarche. Plusieurs tentatives pour avoir accès à ses notices n’aboutirent pas. Lee et Érasme restèrent brouillés pendant toute l’année. Comme Lee, les anti-érasmiens les plus acharnés campèrent sur leurs positions. Ce sont précisément eux qui ont conditionné notre perception des choses et Érasme, dans sa correspondance, les mentionne à différentes reprises. Bien entendu, les lettres d’Érasme offrent un regard unilatéral et les tensions avec la Faculté de Théologie y apparaissent comme surfaites – du moins pour ce qui est de cette période. Les relations avec la plupart des théologiens ne semblent pas avoir été à ce point catastrophiques. Il est vrai que les différends concernant l’enseignement de la théologie et la place de
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l’étude des langues subsistaient, mais rien de tout cela ne se rapportait à l’hérésie. Les suspicions semblaient en bonne partie écartées et le malentendu avec Jean Briart concernant l’Encomium matrimonii fut dissipé en février 1519. Il se peut que vers cette époque, à la demande de quelques collègues théologiens, Briart fît vérifier l’orthodoxie des publications d’Érasme par quelques bacheliers173. Il n’est pas exclu que cet examen ait réellement eu lieu. Érasme eut ensuite l’occasion de se justifier sur une série de points et Briart se déclara satisfait de ces explications. La problématique de l’origine de la confession auriculaire sur laquelle Érasme ne voulut pas prendre position fut passée sous le tapis. Briart ne fit pas de difficultés, étant convaincu de l’orthodoxie d’Érasme. Celui-ci écrivit plus tard qu’il était en bons termes avec Briart. C’est précisément l’attitude de Briart, figure de proue de la Faculté, qui semble représentative de celle des autres professeurs ordinaires. En mai, Érasme signala dans différentes lettres que la tempête s’était quelque peu calmée174. Le 30 mai 1519, il adressa une lettre à Luther, ce qu’il n’aurait jamais fait dans un contexte d’hostilité marquée avec les théologiens : dans ce cas, il aurait été obligé de marcher sur des œufs pour ne pas les faire enrager. Un dernier argument qui plaide en faveur d’une relation apaisée entre Érasme et les théologiens est l’évolution de la dispute autour du Collegium Trilingue. Dans ce problème, une étape importante vers la solution fut franchie à la mi-juillet. Le 12 juillet, la direction de l’Université (les quatre doyens et le recteur) et les trois exécuteurs testamentaires de Busleyden parvinrent à un accord. Les théologiens étaient représentés à cette réunion par leur doyen Guillaume de Viaenen. On se mit rapidement d’accord sur le principe que les professeurs et les étudiants du Collège étaient soumis au règlement de l’Université et que les leçons ne seraient pas données
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aux moments réservés aux cours réguliers des facultés supérieures. Les exécuteurs testamentaires de leur côté obtinrent que les professeurs du Collège Trilingue ne devraient plus solliciter qu’une seule fois, sans devoir chaque année remettre à disposition leur charge, comme c’était la coutume à la Faculté des Arts et à la Faculté de Théologie. Cette façon de faire permettait, en effet, de contrôler les faits et gestes des professeurs. Qu’un accord pût être atteint est un signal fort qu’il y avait un consensus et témoigne peut-être aussi d’une sympathie pour le projet humaniste. Toutefois, l’accord ne fut pas immédiatement approuvé par l’Université dans son ensemble175, à cause des larges privilèges dont bénéficiaient les professeurs du Collège Trilingue et qui paraissaient excessifs aux yeux du Conseil de l’Université. Si celui-ci refusa de donner son approbation, c’était donc pour des raisons formelles, non pas pour des raisons de principe. Les bonnes relations entre Érasme et la Faculté de Théologie furent mises en péril en juillet 1519, quand parut un pamphlet caustique du jeune humaniste allemand Guillaume Nesen. Dans son Dialogus bilinguium ac trilinguium, celui-ci fit défiler un cortège allégorique de « bilingues » (hommes à la langue fourchue), caricature évidente des professeurs de théologie176. À la Faculté de Théologie, certains soupçonnaient Érasme d’en être l’auteur. C’est pourquoi Briart souhaita une réconciliation. Le 13 septembre, quand Érasme était de retour à Louvain, après une absence de quelques semaines, un repas de réconciliation fut organisé à la pédagogie du Faucon, dont Nicolas Coppin, docteur en théologie, était le régent177. Peu après, le 20 septembre, le Conseil de l’Université donna officiellement son approbation au Collegium Trilingue, selon les termes de l’accord du 12 juillet178. Ce fait marqua une très grande victoire pour
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Première page du pamphlet de Wilhelm Nesen Dialogus bilinguium ac trilinguium (1519). Conrad [=Wilhelm] Nesen, Ervditi advlescentis Chonradi Nastadiensis Germani Dialogus sane quàm festiuus bilinguium ac trilinguium, siue de funere Calliopes. [Bâle : Johann Froben, 1520]. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, CaaA2341
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la faction humaniste à Louvain et démontre sans doute l’existence d’un fort courant humaniste, qui avait aussi atteint les autorités académiques. Seule la Faculté des Arts rechignait encore quelque peu. Mais après une intervention décidée du chevalier Antoine Sucket, un des exécuteurs testamentaires de Busleyden, qui menaça de déménager la fondation, la Faculté des Arts accepta finalement l’accord. La correspondance d’Érasme nous apprend qu’Adrien d’Utrecht, résidant alors en Espagne, intervint également en faveur du Collège. En octobre 1519, les relations entre Érasme et les professeurs de théologie étaient à nouveau mises sous haute tension. Le dominicain Jacques Hoogstraten, professeur de théologie à Cologne, s’était rendu à Louvain en apportant avec lui la condamnation des thèses de Luther par la Faculté de Théologie de Cologne. Quand Érasme apprit que Hoogstraten était à Louvain, il se méfia et son instinct ne le trompa point : Hoogstraten apportait également une lettre d’Érasme à Luther (datée du 30 mai 1519) qui venait d’être imprimée à Leipzig à l’insu de l’auteur179. Dans ce climat tendu, Érasme eut toutes les peines du monde à désarmer les soupçons. Avec la condamnation de Luther, les théologiens voulaient faire comprendre à Érasme que les déviations doctrinales ne seraient plus tolérées. En quelque sorte, ils avertissaient Érasme et ses partisans de ne pas s’écarter de la voie de l’orthodoxie. Pour l’aile anti-érasmienne, Érasme et Luther appartenaient au même camp. Que certains théologiens aient suspecté Érasme d’être un allié de Luther n’est pas si surprenant. Ils n’arrivaient pas à bien faire la distinction entre le « rejet de Luther » et les « relativisations d’Érasme ». À la fin des années 1510, les parallèles entre les idées de Luther et celles d’Érasme étaient plus manifestes et les différences moins prononcées que
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dans les années 1520. En tout cas, la plupart des théologiens trouvaient alors que la doctrine de Luther développait à outrance les positions défendues par Érasme. L’Église, selon eux, ne pouvait en aucun cas s’engager sur cette voie dangereuse. Érasme, dans plusieurs de ses lettres, interprétait la censure de Luther dans le cadre plus général d’une campagne pour discréditer les bonae litterae. À Lorenzo Campeggio, légat du Pape, il écrivit : « Voilà donc la source et l’origine de toute cette tragédie : la haine irrémédiable des langues et de la littérature humaniste […] Comme les choses n’allaient pas assez vite à leur gré, et que certains écrits de Martin Luther avaient paru, sous de mauvais auspices, semble-t-il, leur ardeur grandit sur le champ : ils estimaient qu’une arme leur était offerte, pour abattre, d’un seul coup, les langues et littératures plus civilisées, et Reuchlin et Érasme […] tous les individus de cet acabit commencèrent bientôt à vociférer […] contre les études humanistes, leur faisant porter le poids de la haine générale contre le nom de Luther, qu’ils essayaient de rendre aussi odieux que possible. Ils proclamaient que, de ces littératures, naissaient les hérésies, les schismes, les Antéchrists […] » [traduction M. Nauwelaerts]180.
Comme souvent, la plume d’Érasme est ici excessive. Son analyse ne vaut que pour quelques personnages très conservateurs au sein de la Faculté, comme Dierckx et Egmondanus. Ceux-ci considéraient effectivement les bonae litterae comme un premier pas vers l’hérésie. On peut raisonnablement penser que ce sont précisément eux les instigateurs de la condamnation de Luther. Pour les autres théologiens, la censure était d’abord liée à la menace qui pesait sur la doctrine. Tout au plus, la condamnation représentait-elle un avertissement à
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l’adresse d’Érasme : la Faculté de Théologie était à l’affût des hérésies, et prête à intervenir si nécessaire. Le cas Luther mettait Érasme dans une situation particulièrement délicate. Lui-même et bon nombre d’humanistes à Louvain trouvaient la condamnation de Luther prématurée et ils avaient tout lieu de penser ainsi. Érasme aurait préféré que l’on entreprît des démarches pour rapprocher les camps ennemis. Ses adversaires continuaient à le mettre dans le même panier que Luther, à sa grande colère et frustration. On attendait de lui avec une impatience grandissante qu’il prît clairement position. Mais pour Érasme, c’était trop tôt. À l’automne 1521, il quitta définitivement Louvain, en léguant à la ville universitaire un héritage intellectuel immense. La méthode scientifique humaniste avait gagné bon nombre d’adeptes dans de larges secteurs de la communauté universitaire. Après des débuts timides, le Collegium Trilingue était devenu, en l’espace de peu d’années, un centre international pour l’enseignement des trois langues bibliques. Comment faire taire des grenouilles qui coassent ? Le départ d’Érasme relâcha quelque peu la tension à Louvain, sans toutefois mettre un terme à la polémique181. L’origine des attaques louvanistes était toujours la même. Dans les années 1520, Jacques Latomus rédigea encore plusieurs traités contre Érasme, entre autres une apologie de son Dialogus (qui ne fut pas publiée) et un recueil de trois écrits qui visaient indirectement Érasme182. Quand Pierre Curtius envoya le recueil de tous ces documents à son ami François de Cranevelt, il présenta ces textes comme une attaque en règle contre Érasme183. Même s’il faisait partie du « collegium strictum », Latomus n’avait pas le statut de professeur ordinaire (ordinarius). Pour autant, il ne faut pas
voir dans ses publications contre Érasme un moyen d’obtenir une chaire à part entière. Ce sont essentiellement les adversaires appartenant aux ordres mendiants qui ne cessaient de se manifester. En 1522, Egmondanus censura les Colloques d’Érasme, sans toutefois que cela n’entrainât des mesures officielles, contrairement à ce qui était arrivé avec les traités de Luther184. Il se peut qu’il fût également impliqué dans la publication d’un pamphlet de Floris Oem van Wijngaerden contre la Paraclesis d’Érasme185. Érasme s’adressa à des personnalités haut placées dans l’espoir qu’elles pourraient faire taire Egmondanus, mais sans beaucoup de succès, du moins dans un premier temps. Auparavant, le pape Adrien VI avait déjà sommé Egmondanus de se modérer, bien qu’Érasme ne le lui eût pas expressément demandé186. En 1525 parurent deux pamphlets signés d’un certain Godefridus Ruysius Taxander, un pseudonyme couvrant le travail de quatre dominicains, parmi lesquels le professeur Vincent Dierckx. Érasme fit appel, une nouvelle fois, à son réseau de relations pour bâillonner ses adversaires187. Mais l’intervention, dirigée depuis Rome par le dataire pontifical Gian Matteo Ghiberti, se termina en queue de poisson, quand « l’émissaire papal » Hezius retourna sa veste après avoir parlé avec Egmondanus et Dierckx188. Dans une lettre de défense, Érasme s’était adressé à la Faculté, demandant de faire taire Vincent Dierckx en particulier. À ce moment, il n’avait pas encore pris connaissance des traités de Latomus. Aux professeurs Coppin, Van Viaenen, Rosemondt, Driedo « et d’autres dont l’impartialité est évidente pour moi », Érasme demanda : « Veillez à la tranquillité de la science, veillez à votre réputation, et mettez fin, en ce moment particulier, à ces clameurs et ces vociférations incendiaires »189. Grâce à ses relations à la Cour, Érasme obtint que l’empereur Charles Quint interdit aux théologiens
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de s’en prendre encore à lui190, ce qui provoqua de vives protestations à Louvain. Des théologiens moins impliqués dans la controverse, comme Nicolas Coppin, étaient irrités par les démarches d’Érasme191. Ce dernier alimentait ainsi, dans les années 1520, l’irritation d’une partie du corps professoral. Un peu de calme revint finalement en 1526, après les décès successifs d’Egmondanus et de Dierckx. Mais Louvain ne retrouva pas complètement le calme. En 1530, lors de la promotion doctorale de Pierre Curtius, c’était au tour du dominicain Eustache Van Zichem, pourtant le maître de Curtius, de s’ériger contre l’étude des bonae litterae192. Eustache Van Zichem publia en 1531 un opuscule dans lequel il critiquait le très répandu Enchiridion militis Christiani d’Érasme et défendait la piété et les vœux monastiques, ainsi que la vie conventuelle193. Van Zichem s’inquiétait de la popularité des idées érasmiennes auprès des élèves du studium des dominicains, comme par exemple le Portugais André de Resende. Celui-ci avait publié en 1530 son Encomium urbis et academiae Lovaniensis, dans lequel il il fit l’éloge d’Érasme194 ; un autre de ses livres prenait Van Zichem pour cible de ses railleries195. Resende quitterait plus tard l’ordre dominicain. Pour beaucoup de théologiens, certainement pour les membres des ordres mendiants, Érasme continuait de poser problème. Ils étaient prêts à reconnaître que son œuvre, ou du moins la méthode humaniste, n’était pas dénuée de valeur, mais ils faisaient valoir que de nombreux problèmes de fond subsistaient. Fin des années 1520, un nouvel adversaire se dressa contre Érasme. Il s’agit du franciscain François Titelmans (1502-1537), étudiant remarquable et élève de Latomus. Dans ses cours et plus tard aussi dans ses publications, il critiqua Érasme, notamment pour son travail d’exégèse, et prit
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Portrait du professeur Pierre Curtius (1491-1567). Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, PA 00031a
la défense de la Vulgate196. Une nouvelle fois, Érasme réussit à réduire son adversaire au silence, ce qui mit fin à la controverse. Titelmans continua à publier à un rythme élevé, aussi bien ses propres écrits que ceux de certains de ses confrères. Pour Benjamin De Troeyer, spécialiste de la littérature franciscaine du XVIe siècle, Titelmans n’était pas vraiment opposé à Érasme ; il
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rejoignait les humanistes dans leur effort pour corriger la Vulgate grâce à l’étude des textes grecs197. De même, Paolo Sartori considère Titelmans comme « érasmien en un certain sens », dans la mesure où il avait étudié le grec et peut-être aussi l’hébreu ; il acceptait la méthode philologique, tout en la critiquant au besoin198. Ici commence donc une période où même les adversaires d’Érasme adhéraient aux principes humanistes, tout en les prenant comme base même des disputes et controverses. Longtemps les théologiens avaient hésité à soumettre l’œuvre d’Érasme à une vérification doctrinale minutieuse. Au début des années 1550, on entreprit finalement la tâche de contrôler les œuvres complètes d’Érasme, publiées entre 1538 et 1540 à Bâle, afin d’examiner si elles ne contenaient pas d’affirmations dangereuses, des écarts de la doctrine, voire d’éventuelles hérésies199. Ce travail de censure était très probablement lié à la reprise du Concile de Trente, auquel plusieurs théologiens de Louvain devaient participer. Le but des censeurs était de présenter aux pères conciliaires les résultats de l’enquête. Il n’est pas facile de savoir qui était à l’origine de l’initiative. En tout cas, l’examen fut effectué par le professeur Jean Hentenius, prieur du couvent des dominicains de Louvain et versé dans la philologie du grec et de l’hébreu, prérequis indispensable pour le travail envisagé. Son examen scrupuleux lui permit de constituer une longue liste de passages déviants, répartis en différentes catégories. Ce résultat ne fut pas exposé au Concile de Trente, mais servit pour l’Index expurgatorius de 1571. Le rapport de Hentenius, en effet, annonce la censure d’expurgation et illustre l’attitude compliquée et ambiguë des théologiens envers l’œuvre d’Érasme.
Deux choses ressortent en particulier de cette présentation succincte de la controverse entre les théologiens de Louvain et le porte-étendard de l’humanisme biblique. D’abord il est clair que ce qui animait les opposants d’Érasme était le souci d’orthodoxie et la crainte de déviations doctrinales davantage que l’esprit de résistance à la méthodologie humaniste. À partir des années 1520 au plus tard, les détracteurs d’Érasme semblent avoir nourri eux-mêmes des affinités humanistes. D’autre part, ce n’étaient pas tant les professeurs ordinaires qui entrèrent en lice avec Érasme que les enseignants des studia conventuels. Comme nous l’avons vu, Latomus, bien que membre du collegium strictum, n’était pas professeur ordinaire, chargé de faire tous les jours un cours obligatoire. Ce constat a son importance quand on considère que les ordinarii étaient les professeurs dont l’avis avait le plus de poids dans la Faculté. Ensemble, ils dirigeaient le plus grand nombre d’étudiants. Les professeurs (séculiers) des années 1530 n’étaient pas des anti-humanistes rabiques, mais ils entretenaient avec l’humanisme un rapport ambigu d’amour-haine. Même si Nicolas Coppin, en tout cas à partir de 1525, était entré en conflit avec Érasme, – conflit où ce dernier avait sans doute sa part de responsabilité –, son attitude globale ne semble pas vraiment anti-humaniste200. Dans ses écrits, Jean Driedo s’opposait certes à Érasme, mais pour des raisons doctrinales201. Parmi la nouvelle génération, c’est Ruard Tapper qui se positionna comme chef de file. Il serait sans doute excessif de le caractériser comme un humaniste ; bien que son attitude envers Érasme n’ait encore fait l’objet d’aucune étude, tout porte à croire que, comme ses collègues, il n’avait pas d’objections de principe à l’humanisme. Tapper se montrait intéressé par le Collegium Trilingue, ses méthodes et manuels, et il était
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en bons termes avec nombre d’humanistes comme Pierre Nannius et Adrien Amerot, tous deux professeurs au Collège. Ses étudiants, familiers de l’humanisme, le portaient aux nues202. Une nouvelle direction : la scolastique humaniste Dans le paragraphe précédent, l’accent a été mis sur le conflit. Cette insistance ne doit pas nous faire oublier une autre évolution, en réalité bien plus importante, mais moins explicite et qui, de ce fait, a été beaucoup moins mise en évidence par l’historiographie : l’assimilation des principes scientifiques humanistes par la théologie scolastique. Or ce processus a été d’une importance capitale pour l’évolution de la théologie à Louvain. L’héritage spirituel d’Érasme à Louvain était immense et varié. Le « prince de l’humanisme » avait semé une graine qui, malgré l’opposition, avait trouvé un terrain fertile et qui devait, après son départ, commencer à germer et à porter des fruits. Les idées novatrices d’Érasme et son approche méthodologique eurent beaucoup de sympathisants et d’héritiers dans différents domaines scientifiques, y compris la théologie. Chaque théologien, chaque professeur, cherchait à définir sa position personnelle dans cette évolution, seul ou sous l’influence de tierces personnes. Cette quête se manifeste particulièrement en la personne de Martin Dorpius, un des premiers à avoir assimilé les principes humanistes. Les biographies d’un certain nombre d’étudiants théologiens connus révèlent leur intérêt pour l’humanisme et leur double loyauté. De Thierry Hezius et Edward Lee, par exemple, on sait qu’ils étaient, au départ, intéressés par les développements de l’humanisme, tout en restant attachés à la théologie traditionnelle. Un nom important et représentatif est certainement Nicolas Clénard de Diest. Après avoir obtenu son titre de maître
Pierre Stramot, Portrait de Nicolas Clénard, 1715. Diest, Stadsmuseum ‘De Hofstadt’, S17
(magister) en 1515, il commença à étudier la théologie au Collège d’Houterlé, ou Collegium Scholastici, dont Jean Driedo était le président203. Clénard lui succéda en 1521 dans cette fonction. Six ans plus tard, il termina ses études, ayant obtenu le titre de licencié. Il est à noter que Clénard était en bons termes avec son maître Jacques Latomus, qui semble même l’avoir introduit dans l’étude des langues204.
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Clénard lui en saurait gré toute sa vie. Il se lia d’amitié avec les professeurs du Trilingue et d’autres humanistes, comme Alard d’Amsterdam. Il devint un éminent grécisant et hébraïsant, plus tard aussi arabisant. Deux autres talents prometteurs étaient Gérard Morinck et Pierre Curtius, qui terminèrent respectivement premier et deuxième de la promotion de la Faculté des Arts en 1513. L’un et l’autre s’orientèrent ensuite vers la théologie. Curtius enseigna longtemps à la pédagogie du Lys ; il y vécut plusieurs mois en compagnie d’Érasme, ce dont il garda une empreinte durable205. Morinck était lui aussi un admirateur d’Érasme206. Curtius et Morinck faisaient partie du réseau humaniste à Louvain : Curtius était en contact avec François de Cranevelt et Juan Luis Vivès, alors que Morinck était ami d’Adrien Barland, de Martin Dorpius et de son condisciple Cornelius Musius. Ce dernier est un autre cas typique d’un théologien ayant un goût marqué pour l’humanisme. Originaire de Delft, il suivit son cursus des arts à la pédagogie du Château, de 1517 jusqu’à sans doute 1519, période pendant laquelle Érasme séjourna à Louvain207. Comme il l’explique lui-même plusieurs années plus tard, Musius avait en horreur la méthode scientifique traditionnelle, qui réservait une place centrale à Aristote et il était fasciné par Érasme et l’enseignement humaniste. Après une absence de quelques années, Musius revint à Louvain en 1525 pour entreprendre des études en théologie ; plein d’enthousiasme, il suivit également des cours au Collegium Trilingue208. Il ne tarit pas d’éloges pour ses maîtres Driedo et Latomus, mais c’est surtout Ruard Tapper qui l’impressionna209. Il est significatif que ces théologiens de premier plan, qui sont régulièrement dépeints comme des conservateurs hostiles à tout ce qui sentait le renouveau, étaient tenus en haute estime par
Portrait de Cornelius Musius (1500-1572), licencié en théologie. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, PA07259
ces étudiants en théologie attirés par l’humanisme. Musius, pour sa part, était ami de Pierre Nannius et du secrétaire d’Érasme, Nicolas Cannius. Jean van der Eycken, mieux connu sous le nom de Johannes Hasselius, faisait également partie de ses amis. Hasselius obtint le titre de magister artium en 1517 et celui de licencié en théologie en 1532210. Il fut l’un des premiers théologiens à utiliser
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les méthodes humanistes pour étudier la Bible et les textes patristiques. Il ouvrit ainsi la voie à une exégèse nouvelle, inspirée par l’humanisme211. La liste des étudiants en théologie qui ont suivi des cours au Collegium Trilingue est longue. Voici à titre d’exemple : Martin Rythovius (1490-1583), François Sonnius (1506-1567), Jodocus Ravesteyn (1506-1570), Cornelius Jansénius d’Hulst (1510-1576), Jérôme Verlenius (1511-1586), Liévin Brechtus (1515-1558), Adam Sasbout (1516-1563), Augustin Hunnaeus (15211577), Jean Hessels (1522-1566), Simon Verepaeus (ca. 1522-1598), Guillaume Lindanus (1525-1588), Fadrique Furió Ceriol (1527-1592) et Cunerus Petri (ca. 1530-1580). Tous, sans exception, ont joué un rôle important dans leur discipline scientifique, voire dans la vie religieuse et ecclésiastique du XVIe siècle212. Ce défilé rapide de théologiens ayant étudié au Collège Trilingue illustre l’engouement pour l’humanisme qui caractérisait la Faculté durant les années 1510 et 1520, surtout auprès des étudiants. On pourrait dire que c’est à partir de la base que l’humanisme s’est insinué dans la Faculté. La plupart de ces étudiants quittèrent Louvain, mais certains restèrent actifs à la Faculté et d’autres, comme Curtius et Hasselius, devinrent professeurs euxmêmes. Une relève de génération au sein du collegium strictum de la Faculté devait assurer à l’humanisme un plus grand droit de cité encore. Vers le milieu des années 1520, plusieurs protagonistes de la controverse autour des bonae litterae quittèrent la scène. La faction des anti-érasmiens fut décimée par la mort d’Egmondanus et de Dierckx. Au cours des années 1530, Curtius d’abord, puis Hasselius vinrent renforcer les effectifs. Par la suite, d’anciens
Portrait du professeur Augustinus Hunnaeus (1521-1577). Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, PA00162
étudiants du Collège Trilingue comme François Sonnius, Jodocus Ravesteyn, Cunerus Petri, Cornelius Jansénius et Augustin Hunnaeus obtinrent également une chaire. Comme ces théologiens avaient subi, durant leurs années de formation, l’influence de la culture scientifique humaniste, un glissement intellectuel se produisit à partir de la deuxième décennie du XVIe siècle, qui eut
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un impact déterminant sur la pratique de la théologie. Petit à petit, la méthode humaniste fut accueillie dans le curriculum des théologiens, qui la considéraient comme une science auxiliaire utile, un instrument d’appui à la théologie traditionnelle, permettant l’enrichissement et l’approfondissement de son potentiel. Pour les théologiens de cette génération, scolastique et humanisme, loin de s’exclure, offraient par leur symbiose des opportunités nouvelles. L’intégration des principes humanistes se fit de façon sélective. Il est clair que la méthode humaniste ne devait en aucun cas légitimer des déviations du magistère de l’Église. Quiconque entendait aller dans ce sens était rappelé à l’ordre. Les théologiens redoutaient toujours les écarts de doctrine. Par ailleurs, l’ancien curriculum resta en vigueur. Bien plus, il fut confirmé dans son statut par la création, en 1546, d’une chaire de théologie scolastique ayant pour tâche spécifique d’aborder les Sentences de Pierre Lombard. La réforme de l’enseignement de la théologie, telle qu’Érasme l’avait proposée, ne fut jamais appliquée par la Faculté. Cependant, les innovations méthodologiques ouvraient de nouvelles perspectives. L’accueil sélectif de l’humanisme était un facteur de progrès pour la théologie et lui fournit des instruments dans la lutte contre les hérésies. Pour la plupart de ces « scolastiques humanistes », s’adonner à l’étude des langues bibliques n’avait rien à voir avec un revirement confessionnel. Il est vrai que certains étudiants, du fait de leur accointances humanistes, ont pu développer un certain sens critique face à l’Église, mais ils n’ont jamais opté pour l’hérésie. Dans ce processus d’intégration, le Collegium Trilingue a joué un rôle essentiel. De nombreux étudiants théologiens ajoutèrent au programme obligatoire de leur faculté
des cours complémentaires du Collège Trilingue. Ils acquirent ainsi une expertise en grec et, dans certains cas aussi, en hébreu. De plus, des contacts se nouèrent, qui plus d’une fois aboutirent à des amitiés durables. Les théologiens faisaient partie du public d’étudiants régulier du Collège Trilingue. Certains, comme Nicolas Wary213, s’investirent dans la gestion quotidienne du Collège. Dans les années 1530, quand la plupart des exécuteurs testamentaires de Busleyden – en même temps proviseurs du Collège Trilingue – étaient décédés, il fut convenu de les remplacer par le doyen et le pléban du chapitre de Saint-Pierre, ainsi que par le prieur du couvent des chartreux. Dès lors, la charge de supervision du Collège revint à deux théologiens de renom, Ruard Tapper et Pierre Curtius214. Les relations de ces théologiens avec les professeurs du Collège Trilingue furent excellentes. Pierre Nannius leur dédia sa Declamatio quodlibetica215. En tant que proviseurs, Tapper et Curtius prirent à cœur de défendre le Collège Trilingue dans le procès contre Rutger Rescius et surent faire face aux difficultés financières : témoigne à suffisance de l’attitude positive des théologiens à l’égard des bonae litterae216. On manque encore d’analyses détaillées sur la façon dont le processus d’assimilation s’est déroulé dans le chef des théologiens de Louvain. Il y a là matière pour de futures recherches. Le fait même de l’intégration est en tout cas hors de doute : les résultats apparaissent clairement dans le travail et la production scientifique des théologiens louvanistes du XVIe siècle. Les théologiens puisèrent à de nouvelles sources et se consacrèrent plus explicitement aux textes des Pères de l’Église. Le regain d’intérêt pour saint Augustin datait déjà du XVe siècle ; mais sa popularité fut accrue par l’humanisme. L’œuvre de saint Augustin bénéficia en 1576-77 d’une édition
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critique monumentale, dirigée par les professeurs Jean Molanus et Thomas Gozaeus217. Des théologiens louvanistes assurèrent l’édition d’une série de textes patristiques : Henri Cuyckius s’occupa des œuvres de Jean Cassien, Henri Gravius de ceux de Cyprien et de Jean Damascène, Jacques Pamelius édita Tertullien et Cassiodore. Une des conséquences les plus importantes de cette inflexion intellectuelle était certainement le fait de considérer la Bible comme source de la théologie. À partir de la fin des années 1540, après la première session du Concile de Trente (1545-1547), un « âge d’or » de l’exégèse s’ouvrit à Louvain, grâce à l’édition d’une version corrigée de la Vulgate, d’une traduction néerlandaise et française de la Bible (respectivement en 1547, 1548 et 1550) et de l’instauration d’une nouvelle chaire d’Écriture Sainte en 1546218. Un des chefs de file de cette discipline fut Cornelius Jansénius, professeur de 1562 à 1568, qui avait suivi des cours de grec et d’hébreu au Collège Trilingue durant sa formation en théologie219. Dans ses travaux d’exégèse, Jansénius s’inspira explicitement de l’œuvre d’Érasme220. Avec Jansénius, notre parcours historique s’achève à son apogée. La boucle est bouclée. Érasme avait recommandé aux théologiens de pratiquer l’étude de l’Écriture Sainte, en appliquant la méthode humaniste et en faisant appel à la connaissance de la culture antique. Cinquante ans plus tard, l’exégèse à Louvain atteignit un niveau d’excellence, grâce à la méthode préconisée par Érasme, progressivement adoptée par les théologiens Symbiose – en guise de conclusion Étant donné la nature polémique des sources, les publications sur la vie universitaire à Louvain dans la première moitié du XVIe siècle sont amenées souvent à
Portrait du professeur Cornelius Jansénius van Hulst (1510-1576). Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, PA00161
constater qu’il y eut une opposition frontale entre scolastique et humanisme en tant que méthodes théologiques. Ces publications mettent l’accent sur le conflit qui opposa les théologiens de Louvain à Érasme et ses partisans. Incontestablement, les relations étaient tendues à partir de 1517, suite à la présence d’Érasme à Louvain. De nombreux traités, pamphlets et lettres témoignent
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d’un conflit sous-jacent, donnant lieu à de fréquentes crises. Certains théologiens réagirent vigoureusement au travail de sape mené contre la méthode scolastique, contre le programme d’études en théologie, et contre les déviations doctrinales issues du renouveau méthodologique d’Érasme ; ils s’en prirent aussi à Érasme personnellement, considéré comme instigateur et inspirateur de ce renouveau. Même après le départ d’Érasme, les théologiens de Louvain poursuivirent longtemps encore leur lutte. Quand, après avoir subi de fortes pressions, Érasme eut pris ses distances à l’égard de Luther et avec la Réforme, ses idées restaient sujettes à controverse et il continuait, comme dans le passé, de s’exprimer de façon hardie. Des théologiens traditionalistes voyaient dans son humanisme biblique une menace pour l’orthodoxie et à l’enseignement traditionnel de la théologie. Une vue plus nuancée est cependant de mise concernant les relations entre les adeptes des deux courants et, plus particulièrement, concernant les évolutions intellectuelles au sein de la Faculté de Théologie. À y regarder de plus près, il est évident qu’Érasme la plupart du temps prenait pour cible quelques personnes spécifiques. D’autre part, l’aversion pour Érasme était surtout le fait d’un petit groupe de théologiens rétrogrades et bornés, surtout des membres des ordres réguliers, tels que Egmondanus. En réalité, le conflit entre Érasme et les « théologiens de Louvain » se ramène surtout à un conflit entre Érasme et certains professeurs des studia conventuels. C’est le témoignage unilatéral d’Érasme qui a amplifié notre perception du conflit. Bien entendu, il est certain que Latomus se disputait avec Érasme en vue de défendre l’enseignement scolastique – exprimant ainsi sans doute la position de ses professeurs ; mais il existe des indices clairs que Latomus, tout comme les professeurs ordinaires, ne rejetait pas absolument l’étude des langues.
Ses travaux polémiques publiés par la suite portaient sur des questions liées à la doctrine de l’Église. Au cours des années 1520, Érasme attisa l’hostilité de plusieurs théologiens par ses démarches incessantes pour les faire taire. Nonobstant un certain nombre de crises aiguës et d’incidents, des tensions avivées et les campagnes incessantes de dénigrement, nous observons aussi de longues périodes de « coexistence pacifique ». Vers 1520, l’attitude de la plupart des théologiens – et certainement des prêtres séculiers – pouvait se résumer ainsi : ils n’avaient pas de problèmes avec les aspects philologiques de l’humanisme, mais ils se méfiaient de la conception érasmienne, dans la mesure où celle-ci minait la doctrine universellement acceptée de l’Église et l’enseignement scolastique de la théologie. Telle est la position fondamentale de la plupart des théologiens, et nous la retrouvons inchangée quelques décennies plus tard, quand les théologiens avaient des problèmes avec des déviations doctrinales issues de l’héritage d’Érasme, sans que pour autant ils fussent opposés à l’humanisme. Il importe à cet égard de se rendre compte que la pensée et l’action des théologiens étaient animées par le souci de maintenir intacte la doctrine de l’Église, qu’ils jugeaient incontestable. Ils voulaient coûte que coûte préserver cette doctrine de tout risque d’erreur et d’hérésie ; le but qu’ils poursuivaient était la sauvegarde de la foi, en paroles et en actes. Par ailleurs, ils défendaient aussi leur monopole de l’expertise théologique : il n’était pas du ressort du philologue de se prononcer sur la doctrine de la foi. C’était la prérogative d’une élite, celle des licenciés en théologie. Aussi bien, les théologiens – ou du moins la majeure partie – n’étaient pas prêts à suivre Érasme et à faire des bonae litterae le fondement de l’enseignement de la
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théologie et des sciences théologiques, avec tous les risques que cela comportait. Ils étaient trop convaincus de la valeur du système scolastique, qui visait à développer l’aptitude au raisonnement et à la dispute, dans le cadre de l’autorité et de la doctrine établie de l’Église. C’est à cette aune que l’on mesurait le projet d’Érasme, porteur de grands risques, ainsi qu’on le reconnaissait dans nombre de ses publications. Les théologiens louvanistes comprirent néanmoins que la méthode scientifique de l’humanisme pouvait avoir sa place au sein de la théologie ; c’était le cas, du moins, pour les jeunes générations qui avaient été confrontées en permanence aux idées et influences humanistes durant leur formation. Les langues bibliques étaient-elles vraiment indispensables pour faire de la théologie ? Alors que dans les années 1510, la réponse aurait été résolument négative, la plupart des théologiens devaient réagir tout autrement dix ou vingt ans plus tard, au point de dire : « Non pas indispensables, mais en tout cas bien utiles », et c’est dans ce sens que l’étude des langues s’imposa aux meilleurs théologiens. Dès lors, beaucoup s’adonnèrent à l’étude des langues bibliques et suivirent des cours au Collegium Trilingue ; ils parfirent leurs compétences en grec et en hébreu et apprirent à connaître les auteurs classiques et leur culture. Ils se liaient d’amitié avec des condisciples qui sympathisaient avec les belles-lettres. Certains théologiens (ou anciens théologiens) s’impliquaient aussi dans l’administration du Collège. Si la plupart des théologiens ne peuvent pas être considérés comme des humanistes purs et durs, leur connaissance des langues bibliques et de la culture antique les ont façonnés malgré tout en tant que savants et en tant que personnes. Bon gré mal gré, de nombreux théologiens ont subi l’influence plus ou moins grande de l’humanisme et d’Érasme lui-même. Ils ont
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tiré profit des idées, des méthodes et des œuvres produites par l’humanisme et les ont intégrées de façon quasi imperceptible dans leur travail scientifique et dans leurs publications théologiques. Pour mieux comprendre ce processus d’assimilation progressive et organique, des recherches ultérieures sont nécessaires. Mais les résultats de cette intégration sont de toute façon bien perceptibles dès à présent : un nouveau profil de théologien, avec des connaissances solides du grec et de l’hébreu ; l’application de la méthode critique philologique ; les éditions de textes patristiques ; un latin plus soigné ; la connaissance de la culture antique ; la focalisation sur le texte de la Bible. C’étaient là les conditions sine qua non pour que pût se produire l’« âge d’or » de l’exégèse biblique, qui connut un grand essor à Louvain. D’autre part, l’intérêt, au sein de la Faculté de Théologie, pour la réforme de l’Église peut lui aussi être relié à l’humanisme triomphant. Ainsi la Faculté changeait de cours, sans pour autant quitter la voie de la scolastique et sans réformer le programme d’études. L’inspiration humaniste s’était infiltré dans la Faculté de Théologie de manière « naturelle », à partir de la base, quand, au cours des années 1520, les vieux maîtres laissèrent la place à une jeune génération, plus ouverte aux idées humanistes. Petit à petit, la critique philologique fut intégrée comme science auxiliaire de la théologie, même si la Faculté n’organisait pas elle-même cet enseignement dans le cadre de ses programmes : pour cela, elle pouvait faire appel au Collegium Trilingue. Le Collegium Trilingue a donc joué un rôle essentiel dans cette assimilation. Il n’est pas facile de savoir si, à la Faculté, il y a eu une opposition largement répandue contre la création du Collège, comme l’ont affirmé parfois les chercheurs. Mais le Collège aurait-il pu voir le jour, si la Faculté de Théologie s’y était opposée en
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En fait, les constructions théoriques de l’historiographie ne correspondent pas à des entités réelles : ni la scolastique, ni l’humanisme ne formaient un système de pensée monolithique et indivisible ; il n’y avait pas non plus de factions distinctes, seulement des options différenciées et variables parmi deux paradigmes, options qui s’offraient à chaque individu en particulier. Les catégories de « scolastiques » et « humanistes » renvoient à des savants ayant une disposition pour l’un ou l’autre cadre scientifique. Aussi, l’opposition entre les deux systèmes ne connut-elle pas de « vainqueur », parce que dans les faits il y eut un processus d’assimilation graduelle. Le conflit qui s’était déclaré dans les années 1510 et qui persistait dans les années 1520 ne doit pas être exagéré. Il a fini par s’effacer, faisant place à une symbiose féconde.
bloc ? Probablement non. Il semble que l’hostilité était le fait de quelques individus seulement. Les théologiens ne semblent en tout cas pas avoir fait obstacle à la fondation du Collegium Trilingue. À partir des années 1520, une nouvelle génération de théologiens noua des liens privilégiés avec le Collège. La formation que les étudiants y recevaient fut déterminante pour leur carrière scientifique. Ainsi le Collège des Trois Langues a eu un impact indéniable sur la Faculté de Théologie de Louvain et sur sa production scientifique. Bien que les controverses entre les humanistes et les théologiens de Louvain soient généralement décrites en termes de conflit et de lutte, il importe de se rendre compte que dans l’esprit des théologiens formés dans l’esprit de la culture traditionnelle, il y avait place aussi pour l’appréciation de l’autre, l’assimilation et le compromis.
La vie quotidienne au sein du Collège des Trois Langues Jan Papy
Le Collège des Trois Langues n’était pas seulement un édifice, ou un institut qui, en dehors du programme habituel de la Faculté des Arts ou des autres facultés, dispensait des cours gratuits d’hébreu, de grec et de latin. C’était également un lieu de vie en communauté. Le testament de Jérôme de Busleyden avait défini, avec précision, les objectifs de la fondation ; le fonctionnement pédagogique et social s’y trouvait décrit dans tous les détails, tout comme les questions liées à la discipline, la vie intellectuelle et les devoirs religieux. Les tâches quotidiennes étaient, pour l’essentiel, organisées sur le modèle des règles statutaires des autres collèges de Louvain. Par ailleurs, les loisirs des étudiants étaient également prise en considération. Afin de cerner l’esprit du Collège, il importe de connaître les aspects principaux de la vie de tous les jours. Comment la vie y était-elle organisée? Comment la bibliothèque était-elle conçue et aménagée? Qui faisait les lits? Quand avaient lieu les offices à la chapelle? Que servait-on à table et qui assistait aux repas ? Les sources qui permettent de répondre à ces questions sont rares et éparses. Elles se cachent parfois dans les notes de bas de page très nourries qui jalonnent l’œuvre de Mgr Henry de Vocht. Mais l’accès à ces documents a été grandement facilitée par la magistrale thèse de doctorat d’Edward De Maesschalck, relative à la fondation de collèges au sein de l’ancienne Université de
Louvain (1977) ; dans ce travail, l’auteur a épluché les comptes et archives du Collège des trois langues. Son étude des sources offre un regard unique sur la vie quotidienne au Collège221. La vie communautaire au Collège : rêves et défis Le Collège tel que l’avait rêvé Jérôme de Busleyden était un institut où résideraient trois professeurs et un président, chargés de gérer la vie en communauté. Pour réaliser cet idéal, il fallait un édifice propre (avec une intendance assurée par un président) et une autonomie institutionnelle garantie par les statuts. La vie au sein d’un tel Collège devait se baser sur le principe de la solidarité. Le testament de Busleyden prévoyait trois bourses de 36 florins rhénans pour les professeurs de latin, grec et hébreu. Le gîte et le couvert leur étaient offerts et, lors des repas, ils étaient admis à la « première table », où siégeait le président. Les professeurs de grec et d’hébreu avaient droit à 72 florins rhénans durant les dix premières années : à cause de la difficulté de leur matière, ils étaient plus difficiles à recruter sur place222. Il était convenu de réduire ensuite leur salaire à 48 florins rhénans, afin de libérer de l’argent pour les boursiers de Malines et de Luxembourg. En effet, les bourses destinées à ces étudiants ne seraient attribuées que dix ans après la création du Collège.
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Dans l’immédiat étaient admis huit boursiers, originaires de Busleyden (actuellement Boulaide, en allemand Bauschleiden, au Grand-Duché), Marville, Arlon, Aire et Steenbergen ; ils devaient payer 6 florins rhénans pour couvrir le prix d’achat d’un lit. Après leur départ, le lit reviendrait à la communauté. Au cas où il y aurait déjà des lits en suffisance, les 6 florins rhénans serviraient à des fins de travaux de restauration ou à l’acquisition d’ustensiles ménagers. D’autre part, la solidarité était aussi garanti grâce au système d’hôtes payants ou pensionnaires (commensales): maximum huit à la première table (où prenaient place le président et les enseignants), maximum quatre à la seconde (où étaient assis les boursiers et les serviteurs). Leur pension, déterminée en fonction du prix de la nourriture et du coût de vie, constituait un apport financier important pour le Collège : s’il restait de l’argent versé par les pensionnaires, ce montant était laissé au Collège ou réparti entre le président et les professeurs. Comme ils bénéficiaient de la fréquentation quotidienne des professeurs, les pensionnaires devaient en outre payer un montant de 6 florins rhénans par an. Cette somme revenait exclusivement aux professeurs. En effet, alors que ceux-ci étaient tenus de donner leurs leçons publiques sans rémunération aucune, ils étaient autorisés à accepter des cadeaux des pensionnaires, a fortiori si ces derniers étaient d’origine noble. Pour les cours privés, les professeurs avaient bien sûr le droit de demander des contributions, mais l’argent reçu devait être réparti au sein de la communauté. Vu que l’implantation du Trilingue au sein du Collège Saint-Donatien avait échoué et que les travaux de construction et d’aménagement avaient entraîné des surcoûts, les exécuteurs testamentaires se réunirent à Bruxelles le 6 février 1522 pour faire le point sur les
moyens financiers et la faisabilité du projet, en concertation avec Gilles Busleyden qui reçut alors le titre de « patronus collegii » 223 ; leur préoccupation première était de maintenir le système de bourses et le régime de vie communautaire224. Les salaires annuels des trois professeurs furent réduits à 54 florins rhénans, le montant étant désormais le même pour les trois titulaires. S’ils ne devaient plus remettre au Collège les rémunérations perçues pour les cours privés225, ils avaient l’obligation de déposer dans la caisse commune les suppléments annuels de 6 florins rhénans par pensionnaire et, le cas échéant, les cadeaux reçus des étudiants nobles. Les repas et le logement des pensionnaires s’élevaient désormais à 40 florins rhénans par an ; ce montant était à payer par versements semestriels. Dès 1525, la somme annuelle due par les pensionnaires fut majorée à 54 florins rhénans et, au cours de cette même année, portée à 60 florins rhénans. Toutefois, ce dernier montant semble avoir été trop élevé (il entraîna une diminution du nombre des pensionnaires) et dès l’année suivante, le président Wary eut la sagesse de ramener la somme annuelle à payer par les pensionnaires à 50 florins rhénans226. D’autre part, les professeurs ne pouvaient plus loger de personnel de service au Collège ; les comptes montrent par exemple que Rescius, Goclenius et un des pensionnaires disposaient encore d’un serviteur en 1521227. Le fait que le Collège des Trois Langues n’avait pu être intégré à un collège existant mais devait disposer d’un bâtiment et d’une présidence propres obligea les exécuteurs testamentaires à faire des économies quant au nombre de messes prévues dans le testament de Jérôme de Busleyden 228. Il fallut renoncer à la messe quotidienne et à la célébration solennelle de messes anniversaires. Seules les messes fondées du dimanche et des jours fériés furent maintenues.
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Poème sur soie en l’honneur d’Henri Wouters, le dernier président du Collegium Trilingue, Louvain, 1783. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties
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Toutes ces mesures visaient à garder le contrôle des frais annuels de salaires, de bourses, de personnel de service, de messes et de travaux d’entretien, qui ne devaient pas dépasser les 600 florins rhénans par an. Ce budget pouvait être couvert par une partie de l’héritage de Jérôme de Busleyden, qui comprenait non seulement de l’argent et des objets précieux, mais aussi des propriétés et des rentes perpétuelles. L’exécuteur testamentaire Van Vessem n’eut de cesse de trouver de bons investissements financiers, de sorte que les revenus annuels purent rapidement couvrir les coûts. Néanmoins, on voulait éviter de se retrouver dans la même situation financière désastreuse que celle du Collège Saint-Donatien ou du Collège d’Arras. Pour n’être pas victimes des contingences économiques et politiques – mauvaises récoltes ou tribulations de guerre – les exécuteurs testamentaires acquirent une ferme à OrmendaalHeverlee et assurèrent ainsi l’approvisionnement en blé du Collège229. Pour réduire les frais, Jean Stercke avait déjà suggéré à Busleyden, lors de la rédaction de son testament, que les boursiers eux-mêmes pourraient, à tour de rôle, rendre des services230, ce qui permettrait de faire l’économie d’un serviteur. Cette disposition fut maintenue, en 1522, pour des raisons évidentes. D’autre part, il était stipulé dans le testament que le président surveillerait les études des boursiers ainsi que leur comportement moral et religieux. Suite à une plainte du président, les proviseurs pouvaient sévir contre les boursiers en les privant de leur bourse et en les renvoyant du Collège. Quant aux pensionnaires, ils étaient admis par le président et les professeurs. Il revenait dès lors à ces derniers, et non aux proviseurs, d’intervenir en cas de mauvaise conduite. La supervision des professeurs était du ressort du président.
De concert avec les proviseurs, le président veillait par exemple à ce que les cours privés des professeurs ne nuiraient pas à leurs leçons publiques. Le cas échéant, ils pouvaient interdire les cours privés. Le fait de résider au collège même était considéré par Busleyden comme une obligation contraignante pour les professeurs ; c’était là en effet la base même de l’esprit du Collège et de son concept unique. Lorsque Rescius, le professeur de grec, après son mariage en 1526, s’installa en dehors du Collège et ne participa plus aux repas communautaires, les proviseurs se mirent à la recherche d’un remplaçant. Ce n’est que grâce à une intervention d’Érasme que Rescius put garder son poste de professeur 231. La dimension sociale de la fondation de Busleyden : un « noble » rêve ? Pour un homme d’Eglise aisé comme l’était Busleyden, il n’était pas inhabituel de léguer une partie de sa fortune à des œuvres de charité. Créer une fondation de bourses pour la gloire de Dieu ou en l’honneur d’un saint, avec pour objectif de venir en aide aux étudiants pauvres, était pour un mécène humaniste un moyen approprié de pratiquer la charité chrétienne. Mais comment l’objectif social et religieux de la fondation de Busleyden était-il réalisé dans les faits ? Qui était éligible comme boursier au Collège des Trois Langues? Tout comme le prévoyaient les statuts du Collège d’Arras et d’autres fondations de bourses à Louvain, les dispositions testamentaires de Busleyden accordaient la priorité au lieu d’origine des boursiers : au départ, les candidats devaient provenir de Busleyden, Marville, Arlon, Aire et Steenbergen ; après un délai de dix ans, également de Malines et de Luxembourg 232. À défaut de candidats adéquats issus de ces endroits, on pouvait prendre en compte des jeunes gens doués habitant à
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proximité, mais pas au-delà de trois à quatre lieues. S’il n’y avait pas non plus de candidat acceptable dans ce rayon élargi, on pouvait, à titre tout à fait exceptionnel, sélectionner quelqu’un d’une région plus lointaine. Les membres de la famille même du fondateur étaient de toute façon trop aisés pour être retenus ; en principe, ils étaient seulement admissibles en tant que pensionnaires payants. Cette situation ne se présenta d’ailleurs qu’une seule fois : au cours de la période allant du 6 juin 1526 au 21 juin 1527, le neveu du donateur, Jérôme Busleyden, fut admis comme pensionnaire à la première table233. Les autres conditions indiquées dans le testament étaient le manque de moyens financiers et la naissance légitime (prérequis pour accéder à la prêtrise, une fois les études terminées). Les parents des candidats devaient confirmer sous serment qu’il leur était impossible de verser annuellement 25 florins rhénans pour les études de leur fils, sans se priver. Les proviseurs étaient chargés de vérifier la validité de cette déclaration. Si deux candidats étaient jugés de même valeur, la préférence était accordée au plus pauvre. En outre, les candidats boursiers provenant de Busleyden devaient être âgés au minimum de dix ans et faire preuve d’une connaissance élémentaire de la grammaire (‘accepta saltem aliqua literature elementa’). Pour les candidats issus d’endroits autres que ceux qui étaient prévus, l’âge minimum était fixé à treize ans ; ils devaient avoir des connaissances suffisantes pour suivre les cours de la classe supérieure de grammaire et être susceptibles d’embrasser plus tard la prêtrise. Tous les étudiants qui furent effectivement inscrits semblent avoir eu au minimum quinze ans. Les candidats boursiers étaient présentés par les autorités religieuses telles que le chapitre de Saint-Pierre à Aire ou celui de SaintRombaut à Malines. Les membres de la famille du fonda-
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teur, en ligne directe ou collatérale, étaient également habilités à recommander un candidat. Les bourses vacantes au Collège des Trois Langues étaient publiquement annoncées par les autorités ecclésiastiques au cours de trois messes dominicales successives. Il incombait au président du Collège d’en informer les autorités. Si personne ne s’était manifesté dix jours après la dernière annonce, on avait le droit d’entamer des prospections dans les environs. Entre-temps, les fonds de la bourse vacante étaient utilisés pour couvrir les frais généraux du Collège. Tout comme ceux du Collège d’Arras, les boursiers du Trilingue ne disposaient pas de l’argent de leur bourse en espèces, mais ils bénéficiaient de la gratuité du gîte et du couvert. Au cours des premières années qui ont suivi l’ouverture du Collège, la plupart des bourses ne furent pas attribuées. Ce n’est qu’en 1522 que le premier étudiant de Marville fut immatriculé ; et les premiers boursiers de Busleyden – Cornelius et Nicolas de Busledio – s’inscrivirent seulement le 31 août 1525 à l’Université de Louvain ; mais ils avaient sans doute déjà fréquenté auparavant le Collège234. Quant aux bourses destinées aux étudiants de Malines et de Luxembourg, elles furent attribuées avant le délai de dix ans mentionné dans le testament. La péréquation des salaires des professeurs en 1522 avait peut-être libéré des fonds supplémentaires. Le nombre de boursiers en résidence était fixé à dix ; mais en réalité, neuf semble avoir été le maximum jamais atteint. Le recensement populaire de 1526 fit en tout cas état de ce nombre : « Le Collegium Trium Linguarum comptant un président, trois professeurs, trois pensionnaires, un serviteur et neuf boursiers » 235. Selon le testament de Busleyden, les boursiers avaient droit à leur bourse durant huit ans236. Au cours de cette période, ils fréquentaient la classe de grammaire, les
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artes ou ils suivaient des cours dans une faculté supérieure comme celle de médecine, de droit ou de théologie. Même s’ils jouissaient de prébendes ecclésiastiques, ils pouvaient garder le bénéfice de la bourse. Des étudiants particulièrement doués avaient droit à deux années supplémentaires, s’ils pouvaient faire état d’une recommandation exceptionnelle. Dans ce cas, ils avaient l’obligation de donner cours à des boursiers moins avancés dans leurs études. La plupart des étudiants ne restaient que quelques années au Collège, généralement jusqu’à leur promotion à la Faculté des Arts. Selon les statuts de cette Faculté, l’âge minimum pour une promotion était fixé à quatorze ans pour le baccalauréat et à vingt ans pour la maîtrise 237. Les pensionnaires payants, souvent de famille noble, faisaient rentrer de l’argent dans les caisses du Collège. Cet argent était nécessaire pour les travaux de restauration et d’entretien et pour la rémunération du président et des professeurs. Si les pensionnaires étaient indispensables au bon fonctionnement du Collège, leur présence n’était toutefois pas appréciée pour autant. Lors des pourparlers avec la Faculté des Arts à propos de l’intégration du Collegium Trilingue, les exécuteurs testamentaires étaient même prêts à renoncer à accueillir des pensionnaires. Tout comme au Collège d’Arras, où les pensionnaires payants n’étaient pas les bienvenus, on voulait éviter les problèmes de discipline238. Les pensionnaires les plus fortunés amenaient avec eux un serviteur ou un professeur privé, ce qui fut le cas des trois fils du chevalier Jean de Trazegnies, au cours de la période allant du 24 avril 1527 au 24 septembre 1529. Le serviteur ou professeur privé était admis à la table des boursiers239. Les jeunes nobles, qui bien souvent n’avaient que treize ou quatorze ans à leur arrivée, étaient accompagnés d’un professeur privé ou étaient placés sous la surveillance
personnelle d’un des professeurs du Collège. Ouverts au mouvement humaniste, leurs pères étaient parfois de bons amis d’Érasme240. Dans nos régions, la noblesse de robe et la petite noblesse des villes voyaient dans la formation universitaire et humaniste (notamment dans l’étude des langues anciennes) un tremplin idéal pour faire carrière dans la haute administration 241. Si, en moyenne, un pensionnaire restait trois ans au Collège des Trois Langues, le séjour le plus bref qu’on connaît a été d’une durée de quatre mois et le plus long s’est étendu sur neuf ans. Le nombre des pensionnaires dépassait rarement le maximum de huit initialement fixé ; en général, il y en avait cinq à six en même temps 242. Les repas et l’hébergement au Collège des Trois Langues Pour garantir les repas et le logement de tous les membres (président, professeurs, boursiers et pensionnaires), le président, dans sa qualité d’intendant, devait soigneusement examiner les dépenses ainsi que les rentrées financières (résultant des baux, de la location de maisons, des rentes perpétuelles, des « charges du lit » dues par les nouveaux boursiers, de la vente de certains livres de la bibliothèque du Collège …). Par ailleurs, il devait pouvoir compter sur les talents ménagers de la servante et lui donner les instructions nécessaires. Tous les samedis et parfois le dimanche, ils effectuaient ensemble un relevé des comptes. Comme au Collège d’Arras, les dépenses journalières pour la cuisine – ‘aengaende de dagelixe marctganck’ (selon le prix fluctuant du marché) – étaient notées par la servante du Collège dans un livre de comptes243. À la fin de l’année, le président transcrivait ces données dans le décompte final, en détail ou de manière abrégée. La servante – suite à l’augmentation du nombre de résidents,
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on distingua servante ‘principale’ et servante ‘auxiliaire’ 244 – était responsable des achats de nourriture, mais devait aussi veiller à l’approvisionnement de savon, de balais, de charbon de bois, de chandelles, d’outils de cuisine, de linge de lit ; elle avait la charge de l’entretien du jardin et s’occupait par ailleurs des aumônes à distribuer et des récompenses à donner aux ‘chorales de Saint-Pierre’, lorsque celles-ci venaient chanter durant l’octave de la Saint-Nicolas et aux ‘joueurs de fifre et chanteurs de la ville’, qui venaient frapper à la porte le jour du Nouvel An245. Elle devait également surveiller les menus travaux de réparation du menuisier, du serrurier, des ramoneurs, des verriers et des tonneliers, de la couturière, qu’elle payait avec l’argent qu’on lui confiait pour les dépenses ménagères. Un serviteur ou « garçon de collège » (‘cnape vander collegien’), payé par le président lui-même, était engagé pour les corvées quotidiennes ; le vigneron, le jardinier, les cueilleurs de fruits ainsi que les travailleurs manuels recevaient leur salaire journalier des mains de la servante.246 La servante organisait et surveillait aussi la livraison de vivres, les frais d’abattage et de bûcheronnage, la lessive et, au besoin, l’aide complémentaire en cuisine. Les provisions plus importantes étaient achetées par le président lui-même, alors que le métayer du Collège fournissait le blé, le seigle et le froment. Le pain était cuit au Collège même – du pain blanc de froment pour la première table, du pain noir pour la seconde table247. On consommait beaucoup de viande de bœuf. Chaque automne, le président achetait un bœuf à Lierre et le confiait pour dépeçage et salaison à un boucher local de Louvain. Il faisait aussi venir d’Anvers, par l’entremise de Georges Fabri, le commis de l’Université, des bateaux de harengs, des fûts de vinaigre, des lots de beurre, de fromage, d’épices et de sucre248. Parfois, on faisait appel
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au procurateur des moines chartreux de Louvain pour qu’il ramène du beurre et du fromage directement de Delft. Les légumes et les fruits qui ne provenaient pas du jardin du Collège, étaient achetés au marché. Le Collège disposait aussi d’un petit vignoble. La bière, par contre, était achetée en grandes quantités – la bière double (‘dobbel bier’) pour la première table et la petite bière (‘cleyn bier’) pour la seconde table. Cette tâche était réservée au président249. Le président était aussi responsable de l’achat du mobilier et de l’équipement domestique du Collège. L’acquisition de lits, de couvertures, d’oreillers, de draps et de rideaux constituait une dépense importante. En 1520, le proviseur Van Vessem dut non seulement acheter neuf lits, mais aussi douze armoires, deux meubles d’office et quatre tables. Il fit venir de la maison du fondateur à Malines un meuble d’office et une table pour la salle à manger ; le reste fut commandé et fabriqué à Louvain. Entre 1526 et 1530, il fallut acheter huit lits supplémentaires. Bien qu’obligés de contribuer à l’achat de leur lit, les boursiers bénéficiaient de la gratuité pour la nourriture, le logement, les draps et les couvertures ; le chauffage, l’éclairage aux chandelles et la lessive leur étaient aussi offerts. En comparaison avec d’autres collèges de Louvain, la « bourse des Trois Langues » était fort généreuse. Seuls les droits d’inscription au rôle et aux examens et les outils nécessaires aux études étaient à charge des boursiers250. Conformément à la volonté de Busleyden, le statut avantageux des boursiers était rendu possible grâce aux bénéfices réalisés sur les contributions demandées aux pensionnaires aisés. Voyons à présent si ces mêmes boursiers pouvaient aussi tirer profit de la réputation intellectuelle du Collège des Trois Langues et de la formation unique qu’il offrait.
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Les cours publics et privés et la salle de cours du Collège Les boursiers, d’origine modeste et aux moyens financiers limités, jouissaient d’une indépendance financière. Leur obligation première était de suivre les cours à la Faculté des Arts. Ils fréquentaient la pédagogie du « Lys » ou du « Faucon» ; leur programme d’études portait sur les sept arts libéraux (grammaire, rhétorique, logique ou dialectique ; arithmétique, géométrie, astronomie et musique). Au Vicus artium, le bâtiment central de la Faculté situé dans la rue Neuve (Nieuwstraat ; actuellement Léopold Vanderkelenstraat, plus ou moins à l’endroit où se trouve aujourd’hui le « Musée M »), ils suivaient les cours de physique, de métaphysique et d’éthique. Les leçons étaient données en semaine, le matin à partir de six heures ; l’après-midi, de deux heures à cinq heures et demie. Seuls les cours d’éthique et de rhétorique étaient dispensés les jours de fête. En automne et pendant le Carême, des séances supplémentaires d’exercices et de débats étaient organisés afin d’approfondir les connaissances théoriques. Chaque année, pour les futurs magistri, on organisait une semaine d’exercices de discussion ‘quodlibétique’ 251. Au cours de leur formation en artes – celle-ci durait en moyenne deux ans et demi, avec un parcours gradué en grammaire, logique et physique, – les boursiers étaient admis à suivre les cours du Collège Trilingue, « s’ils en étaient capables ». C’était du moins la proposition faite par le président Jean Stercke au moment où le concept du testament de Busleyden fut élaboré252. Le dimanche et les jours fériés, ils pourraient s’absenter aux cours des Artes, qui proposaient la lecture et l’explication des Épîtres de Paul ; cela leur permettrait de suivre les cours privés donnés gracieusement par le professeur de latin du Collège des Trois Langues. Se rendant compte des avantages de cette proposition, Busleyden avait proposé de l’étendre aux cours gratuits
de grec et d’hébreu. Or, dans la pratique, les choses au Collège Trilingue ne se passaient pas toujours comme Busleyden et Stercke les avaient définies idéalement : Rescius, et probablement d’autres professeurs aussi, ne donnaient pas de cours privés à titre gratuit …253 Les salles de cours du Collège des Trois Langues se remplissaient d’une foule de pensionnaires et d’étudiants externes. Il s’avéra rapidement qu’elles ne suffisaient pas254. Le local de 1520, initialement prévu pour accueillir 300 étudiants, était devenu trop exigu en quelques années255. En 1525, pour pallier ce manque de place, le président Jean Stercke acheta, derrière le collège, une maison qui jouxtait partiellement le bâtiment où se donnaient les cours et fit aménager une porte entre la maison et l’école. Érasme nota que désormais la nouvelle salle de cours du Collège pouvait accueillir 600 étudiants256. Mais trois ans plus tard, en 1528, cette salle s’avéra à nouveau insuffisante. Le professeur de latin Conrad Goclenius fut même obligé de donner ses cours deux fois257. C’est la raison pour laquelle, en mai 1530, le nouveau président Vander Hoeven fit démolir une partie de la maison. Deux ouvriers firent tomber la cheminée et enlevèrent la maçonnerie, trois femmes emportèrent les débris douze jours durant. Ensuite, Vander Hoeven fit reconstruire deux murs avec des fenêtres à croisées, audessus desquelles fut placé le blason de Busleyden258. À partir de là, cette maison forma un tout avec la salle existante, de sorte que non seulement l’espace réservé aux cours était sensiblement plus grande, mais que le bâtiment disposait aussi d’une entrée directe sur la voie pavée menant de la porte intérieure du collège vers le porche de la Schipstraat259. La bibliothèque de Busleyden Après l’inauguration officielle du nouveau bâtiment, l’exécuteur testamentaire Barthélemy Van Vessem s’occupa de la mise en place et de l’organisation de la bibliothèque
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Saint Jérôme, patron des humanistes et de Busleyden … Albert Dürer, saint Jérôme dans son étude, 1514. Gravure sur papier, avec monogramme. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, non numéroté.
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Précieux manuscrit ayant fait partie de la bibliothèque du Collegium Trilingue. La marque d’appartenance du début du XVIe siècle indique : Ex bibliotheca Collegi buslidiani Lovanii. Manuscrit avec le Decretum Gratiani, quatrième quart du XIIe siècle. Londres, British Library, Harley Ms. 3256, feuillet. Ir
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du Collège. Il lui fallut mettre au point un système permettant d’ordonner et de disposer de manière raisonnée toute la collection des manuscrits et des imprimés. À l’étage supérieur de la Maison De Beka, le bâtiment central du Collège, une salle fut aménagée à cet effet. Des étagères de livres, des tables et des coffres en bois durent être réalisés et adaptés à l’endroit prévu. Si on se base sur les comptes du maître verrier, l’espace devait être important – dix fenêtres, d’une surface totale de 77 pieds carrés. Pour mettre la précieuse collection à l’abri, on commanda une lourde porte, avec des charnières spéciales et une nouvelle serrure. En effet, c’était bien un ‘trésor’ qu’il fallait protéger. En premier lieu, les livres du fondateur furent acheminés de Malines à Louvain, par bateau. La collection de Busleyden – louée par Thomas More comme une « bibliothèque si exceptionnellement fournie » (‘tam egregie referta biblioteca’)260, – comportait une série de manuscrits richement ornés provenant d’Italie et de France, toute une série d’editiones principes et un grand nombre de livres que Busleyden avait obtenus grâce à son réseau étendu d’amis et de collègues humanistes d’Italie et du reste de l’Europe. Lors de la vente publique des biens de Busleyden, les livres furent mis à part dans des malles et des coffres avant d’être expédiés par bateau. Les manuscrits sur parchemin, après expertise préalable, furent livrés par Van Vessem, sur le quai du Marché aux Poissons, le 11 août 1522. Les professeurs et étudiants du Collège Trilingue avaient la chance de pouvoir consulter tous les jours la collection de livres de Busleyden, d’une valeur – économique et intellectuelle – inestimable. La bibliothèque du Collège des Trois Langues s’acquit une grande réputation à Louvain et fut fréquentée par de nombreux professeurs et savants. Des professeurs tels que Cornelius
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Valerius et Thierry Langius, parmi beaucoup d’autres, et d’anciens étudiants comme Georges d’Autriche, suivirent l’exemple de Busleyden et firent don de leurs propres livres et manuscrits 261, notamment ceux qui étaient liés à leurs activités au sein du Collège262. La chapelle et la célébration de messes La modification des statuts en 1522 eut pour conséquence qu’il fallut, par contrainte économique, renoncer à faire dire une messe quotidienne, pourtant stipulée dans le testament de Busleyden ; furent également supprimées quatre messes fondées par semaine, ainsi que les messes anniversaires. Dans ses dernières volontés, Busleyden avait aussi exprimé le souhait que – suivant l’exemple de la pratique au Collège Saint-Donatien – le célébrant, les professeurs et les boursiers récitent, après chaque célébration eucharistique, le De profundis ainsi qu’une prière spéciale pour le salut de l’âme du fondateur263. Les boursiers seraient également tenus de prier, tous les jours, deux par deux, les vigiles des défunts. Après 1522, les exécuteurs purent maintenir seulement la fondation de messes dominicales et festives ; les boursiers furent dispensés de la lecture des Sept psaumes pénitentiels ; le chant des laudes et du Salve Regina, fut désormais limité aux dimanches et aux jours fériés. Le président – toujours un ecclésiastique – était libre de faire dire des messes à la chapelle du Collège, selon les modalités qu’il voulait et avec un prêtre de son choix. Ainsi par exemple, le Président Nicolas Wary s’était arrangé avec Jean Van Campen (Campensis), professeur d’hébreu, pour qu’il célèbre 80 messes par an, pour la somme de 6 florins rhénans264. Le testament de Busleyden ne comportait pas d’instructions particulières pour le carême. De toute évidence, c’étaient les usages de l’Université de Louvain qui furent
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de mise. De fait, du livre des comptes ménagers du Collège, De Maesschalck a pu déduire que l’on n’achetait pas de viande durant toute la période du carême, ni aux jours des quatre-temps, ni aux vigiles des jours de fête (Pentecôte, Assomption, Toussaint et Noël), ni les trois jours avant l’Ascension ou aux vigiles des fêtes des apôtres265. Les boursiers devaient aussi se confesser cinq fois par an. À cette occasion, le président du Collège leur faisait un sermon en latin pour les éclairer sur le sacrement de la pénitence. Aucun document ne nous renseigne sur l’aspect de la chapelle du Collège. Les armoiries de Busleyden étaient incorporées dans les fenêtres, comme c’était le cas aussi dans le bureau du président – décoré d’un tapis ayant appartenu à Dorpius et que le président Vander Hoeven laissa ensuite à Goclenius266 – et dans la salle de cours ainsi que dans la salle à manger. Au cours de l’été 1540, le président fit repeindre ces armoiries267. Nous savons également que les ornements sacerdotaux des prêtres, les objets liturgiques et les calices provenant de la maison de Busleyden à Malines furent transférés au Collège. Un antependium sur lequel étaient brodés les noms des quatre Docteurs de l’Église latine – Grégoire le Grand, Ambroise, Augustin et Jérôme – fut réalisé par Jean Van Rillaer, qui plus tard, de 1547 à 1568, devint le peintre officiel de la ville de Louvain. Dans la chapelle, comme aussi du reste dans la salle de cours, les poutres furent peintes et décorées268. À partir de 1542, Nicolas van der Borcht (1504-1573), président de 1539 à 1544, fit chanter chaque semestre une messe de requiem pour le fondateur. Le nombre de cierges de cire était alors augmenté et l’on recouvrait l’autel d’une épaisse étoffe de drap noir (‘zwert duffeler’), spécialement achetée à cette fin269. Deux ans auparavant, les chants et prières de cette messe de requiem avaient été transcrits, au prieuré du
Val-Saint-Martin à Louvain, dans une écriture de grande taille et aérée, sur un parchemin richement et judicieusement enluminé270. Les repas pris en commun et les menus des jours de fête Au Collège des Trois Langues, il y avait, outre une grosse cloche suspendue dans la cour centrale, une petite clochette posée sur la table de la salle à manger ; on la faisait sonner, à des heures fixes, pour convier chacun aux repas aux repas pris en commun (‘ter taefelen te luyden’) 271 . La salle à manger avait les murs couverts de lambris272 ; la première et la seconde table se trouvaient dans une même pièce, ce qui n’était pas le cas dans les autres collèges. La seconde table était présidée par un des professeurs ; chaque semaine, la présidence leur revenait, chaque semaine, à tour de rôle. À midi et au repas du soir, un des boursiers était chargé de donner lecture d’un texte, choisi par les professeurs; la durée de la lecture était déterminée par le président. Le petit déjeuner n’était pas pris en commun, étant donné que chacun avait un autre emploi du temps. En vertu des statuts modifiés de 1522, il ne fut plus permis de prendre son petit déjeuner dans la chambre ; désormais, il fallut se rendre à la cuisine du collège. L’étain du Collège de Busleyden était marqué d’un poinçon en acier, spécialement acheté à cet effet273, et on peut supposer que le service fût aussi marqué d’une empreinte. La nourriture du Collège – contrairement, par exemple, au Collège Standonck – était d’excellente qualité. Le livre des comptes ménagers de la servante du Collège montre que les aliments achetés étaient riches et variés : beaucoup de viande de bœuf, du mouton, du poulet, vingt-quatre sortes différentes de poisson, des moules, des légumes et des fruits frais274.
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Lorsqu’on accueillait des hôtes de marque – Érasme, Gilles Busleyden ou les contrôleurs qui venaient vérifier les comptes annuels, – des banquets étaient organisés. Voici par exemple le menu du samedi 15 décembre 1520, pour honorer la présence d’Érasme et Dorpius, et offert également aux résidents (encore peu nombreux) du Collège : vingt harengs, un quart de cabillaud, une carpe, neuf ablettes, des choux et des navets, un jarret de bœuf, cinq livres de viande, des raisins secs, un gigot de mouton, deux chapons, deux bécassines, deux lapereaux, une perdrix. Pour le dîner du 23 janvier 1521, auquel étaient conviés Érasme et Gilles Busleyden, le menu comportait les mets suivants : un demi-mouton, un canard et deux canetons, deux perdrix, un lapin, des saucisses, du pain de froment, du safran, des pommes, des oranges, du vin de Beaune.275 À une autre occasion, on servit même du homard. Dimanche 31 mars 1521 fut un jour particulier : des cigognes avaient fait leur nid sur une des cheminées du
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Collège. Le président récemment installé, Jean Stercke, et tous les résidents se réjouirent de ce bon présage – la cigogne symbolisait en effet des vertus telles que la piété filiale ou la fidélité à l’Église. Exceptionnellement, le président offrit ce jour une cruche de vin en l’honneur des cigognes (‘enen pot wijns voer de Oievaers’)276. Lors des grandes fêtes – par exemple à Pâques, après le carême – il y avait traditionnellement du pâté de viande au menu, une croûte feuilletée farcie à la viande hachée et cuite au four. La nature de la farce pouvait varier ; on relève des années où ce mets a figuré treize fois au menu: les jours de fêtes, comme le mardi gras, à la kermesse de Louvain et à la rentrée académique, en octobre. Un jour, on avait préparé pas moins de quinze pâtés différents (au poulet, au canard, à la perdrix, au lièvre, au veau, au mouton et aussi à l’anguille) ; de plus, on avait fait cuire des tartes. Lors de deux visites vérification financière en 1526 – survenant justement (mais fut-ce un hasard ?) le mardi gras et à la kermesse
Etudiant assis devant une table garnie, dessin de Joannes Wouters, Logica, Louvain, pédagogie du « Porc », 1648-1650 Leuven, M-Museum, H/16/W, fol.37v
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de Louvain – il n’y eut pas seulement toutes sortes de viandes, mais aussi des boissons à profusion, y compris pour les boursiers. Le mardi gras de 1526, les neuf boursiers s’étaient vu offrir deux cruches de vin du Rhin et une cruche (correspondant à 1,3 litre) de vin de Beaune277. Cette même année, lors de la fête du Collège des Trois Langues, le 18 octobre, jour de la Saint-Luc, on servit deux bécassines et une perdrix. Le soir du réveillon et le Jour de l’An, d’après le registre de comptes ménagers, on cuisait aussi des gaufres278. Corvées et divertissements Il était prévu dans les statuts que les boursiers du Collège se chargeraient à tour de rôle du service de table et qu’ils feraient le lit du président et des professeurs279. Bien que cela ne soit indiqué nulle part de manière formelle, il est cependant fort probable que les boursiers devaient participer aussi au nettoyage des lieux. Dans les notes inscrites au livre des comptes, on observe que durant les semaines précédant les grandes fêtes comme Noël, Pâques ou la kermesse de Louvain, un grand nombre de balais de bruyère étaient achetés, – ainsi par ex. 91 en 1521, 199 en 1526, 144 en 1527 et 156 en 1530.280 Cela ne doit guère nous surprendre : d’après nos sources, les étudiants du Collège d’Arras étaient eux aussi soumis à ce genre de corvées, ce qui permettait aux proviseurs et au président de faire l’économie d’une servante ou d’un serviteur. De temps à autre, des incidents imprévus venaient troubler de temps à autre … la tranquillité des salles d’étude et la cadence régulière des cours, messes, corvées et repas au collège. Ainsi il s’est produit plus d’une fois que retentît la sonnette de la porte d’entrée, tard le soir, longtemps après le couvre-feu : de nouveaux pensionnaires se présentaient à la porte, après un long voyage
Trio d’étudiants, dessin de Joannes Lombaert, Philosophia logicalis, Louvain, pédagogie du « Château », 1513-1514, Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, ms.237, fol.254r
depuis Vienne ou Bâle et il fallait alors préparer, en toute hâte, des chambres pour eux. Lors des fêtes, il y avait toutes sortes de divertissements, accompagnés de chants, ainsi par exemple quand les boursiers et les serviteurs recevaient leurs cruches de vin à la Saint-Martin ou au mardi gras. À d’autres moments, comme la nuit de Noël, joueurs de fifres et chanteurs de la ville venaient jouer et chanter près de la porte principale du Collège, et offraient du vin aux boursiers281. Des sources de l’époque donnent une image éloquente de cette vie estudiantine. Dans un cahier de notes prises au cours de logique par Jean Lombaert, d’Oosterwyck (durant l’année 1513-1514), on voit un trio d’étudiants, l’un brandissant un étendard, l’autre jouant du tambour, le troisième de la flûte282. De plus, le bruit de de vitres cassés troublait de temps à autre la quiétude … notamment lorsque des éteufs (sortes de balles compactes, souvent remplies de poils
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d’animaux) aboutissaient contre les carreaux des voisins. Le jardin du Collège était à cette époque relié à une cour qui se trouvait à l’arrière de la maison ‘De Hant’, auberge qui donnait sur le Marché aux Poissons et qui longeait le Collège des Trois Langues. Cette cour servait de terrain pour le jeu de paume (‘caetspel’), un sport populaire dans nos pays, qui se pratiquait en plein air, souvent le dimanche. Plus d’une fois, la clôture qui séparait le Collège Trilingue de l’auberge fut l’objet de disputes. L’aubergiste, Peter Van de Putte, n’aimait pas du tout les jeux des étudiants, et certainement pas à cet endroit ; d’ailleurs, il avait déjà eu maille à partir avec le propriétaire précédent, Gautier de Beka. Le conflit de Van de Putte avec le Collège des Trois Langues ne fut réglé qu’en
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1523. Le responsable du cadastre (le «maître-arpenteur» ou «paelmeester») de la ville, Lambert Jordens, put amener les deux partis à un accord. Pourtant la construction, en 1530, d’un mur en pierre ne mit pas définitivement fin à la querelle283. Des éteufs atterrissaient encore de temps à autre de l’autre côté du mur. Un jour, des clients de l’auberge ripostèrent en brisant un carreau du dortoir des boursiers. Plus d’une fois, le président dut dédommager les vitres brisés chez les voisins284. Toutes ces péripéties ne doivent pas nous faire oublier que le Collège des Trois Langues était et restait avant tout un institut de formation aux langues anciennes. Avec son programme, sa méthode propre, son enseignement spécifique …
L’enseignement et l’étude des langues à la Renaissance: la voie vers les langues vernaculaires Pierre Swiggers
Introduction: les «miettes de la table» (des langues)285? La commémoration de la fondation, en 1517, du Collegium Trilingue de Louvain, créé dans la foulée du Colegio San Ildefonso d’Alcalá et fournissant le modèle pour le Collège royal parisien [l’actuel Collège de France], met en relief l’intérêt humaniste pour les langues classiques, relais essentiels dans la transmission du texte biblique: l’hébreu, le grec et le latin. L’étude de cette «trinité» (complétée, à certains endroits en Europe occidentale, par l’étude du syriaque, de l’araméen et de l’arabe) illustre une caractéristique fondamentale de la culture linguistique humaniste286: le «multilinguisme vertical»287, ayant comme figure de référence (idéalisée) le «vir trilinguis» parmi les Pères de l’Église latins, saint Jérôme. Toutefois, aux yeux des humanistes, l’enjeu dépassait la maîtrise des trois langues «sacrées»: d’un côté, suite à la critique tranchante du latin médiéval formulée par Lorenzo Valla (De elegantiis linguae Latinae [texte écrit entre 1435 et 1444]), l’objectif premier était de faire revivre les langues classiques dans leur forme la plus «élégante» et la plus raffinée; de l’autre côté, une attention particulière était accordée à l’étude philologique – l’édition, la correction et le commentaire – de textes.
Il s’agissait bien sûr de textes de grande importance et de haute valeur, d’un point de vue théologique, philosophique, historique, littéraire ou scientifique. La recherche philologique (et l’instruction qui s’y rattachait) faisait un usage presque exclusif du latin. Mais il ne s’agissait plus du latin médiéval et «corrompu»: celuici dut faire place à un latin pur, conforme au modèle standard du latin classique (le «latin cicéronien»). Face à ces données – et aux yeux de lecteurs surtout familiers avec l’œuvre et la correspondance d’auteurs tels que Didier Érasme, Juan Luis Vivès, Guillaume Budé ou Charles de Bovelles (Carolus Bovillus) – la présente contribution peut paraître marginale, inattendue voire même «inappropriée». En effet, les humanistes de la Renaissance, n’avaient-ils pas une piètre opinion – c’est le moins qu’on puisse dire! – des langues vernaculaires ou «vulgaires» (vulgaria)? Celles-ci valaient-elles d’ailleurs la peine d’être enseignées ? Et où donc résiderait l’intérêt scientifique de l’étude de langues qui pour la plupart étaient parlées par des personnes illettrées et «incultes»? Autant de questions légitimes, ou, si l’on veut, de réelles objections. Mais on aurait bien tort de se laisser aveugler par le profil d’auteurs comme Érasme288 ou par les objectifs d’institutions comme le Collegium Trilingue,
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le ‘Collège des Trois Langues’ louvaniste. Premier rectificatif: dans l’esprit de la plupart des humanistes, il y avait bel et bien une place pour les langues vernaculaires. Ces savants n’avaient-ils pas tous, sauf exception, grandi dans un contexte289 vernaculaire ? L’ironie de l’histoire veut d’ailleurs qu’un auteur qui, dans son enfance, avait été bercé en latin, confessa, parvenu à l’âge mûr, qu’une éducation dans la langue maternelle – la voie de la nature (cf. infra) – lui aurait été bien plus utile: « Je voudrois premièrement bien sçavoir ma langue, et celle de mes voisins où j’ay plus ordinaire commerce. C’est un bel et grand agencement sans doubte que le Grec et Latin, mais on l’achepte trop cher. Je diray icy une façon d’en avoir meilleur marché que de coustume, qui a esté essayée en moymesmes. S’en servira qui voudra. […] » « Mon langage françois est alteré, et en la prononciation et ailleurs, par la barbarie de mon creu (…) Quant au Latin, qui m’a esté donné pour maternel, j’ay perdu par desaccoustumance la promptitude de m’en pouvoir servir à parler: ouy, et à escrire, en quoy autrefois je me faisoy appeller maistre Jean » (Michel de Montaigne, Essais)290.
Mais il y a plus: parmi les humanistes, on trouve plusieurs auteurs qui se sont attelés à l’étude de leur langue maternelle et qui ont même réalisé des travaux novateurs dans ce domaine. La première grammaire imprimée d’une langue européenne (moderne), par exemple, a été publiée par un humaniste de premier plan: le 14 août 1492, parut à Salamanque [L]a gramatica que nueva mente hizo el maestro Antonio de Lebrixa sobre la lengua castellana. L’auteur de cette grammaire espagnole était le savant andalou Antonio de Nebrija/Lebrija, un humaniste qui s’était familiarisé avec les recherches philologiques et linguistiques en Italie et qui, quelques années auparavant, avait publié une grammaire et, peu de temps avant, un dictionnaire latins291.
Première feuille de la Gramatica [...] sobre la lengua castellana d’Antonio de Nebrija (Salamanque, 1492), la première grammaire imprimée d’une langue vernaculaire. On y lit l’expression «siempre la lengua fue compañera del imperio» (‘depuis toujours la langue a été l’alliée de l’empire’). Madrid, Biblioteca Nacional de España, INC / 2142
l ’ enseignement et l ’ étude des langues vernaculaires à la renaissance
Au Portugal, la première grammaire de la langue nationale a été publiée également par un humaniste renommé, Fernão de Oliveira (Grammatica da lingoagem portuguesa, 1536). En Italie, le cardinal Pietro Bembo, grand érudit humaniste et poète, fut l’auteur de la seconde grammaire (imprimée) de l’italien (Prose della volgar lingua, 1525, texte rédigé en très grande partie en 1511); Bembo avait étudié le grec chez Joannes [Janos] Lascaris et était en contact étroit avec des auteurs comme Angelo Poliziano et Pic de la Mirandole. En France, on compte parmi les auteurs de dictionnaires, de grammaires et de traités d’orthographe292, des figures telles que Robert Estienne (Dictionaire Francoislatin, 1539; Traicté de la grammaire françoise, 1557), Louis Meigret (Le trętté de la grammęre françoęze, 1550) et Pierre de la Ramée (Gramerę, 1562 et Grammaire de P. De la Ramee, 1572)293. Troisième élément de rectification: les humanistes n’étaient pas seulement actifs en tant qu’auteurs de manuels pour l’étude de leur langue maternelle, certains d’entre eux ont également écrit – dans la langue vernaculaire – des éloges de celle-ci. En 1540, l’humaniste portugais João de Barros publia son Dialogo em louvor da nossa linguagem. En Italie, Niccolò Machiavelli [fr. Machiavel] (Discorso o dialogo intorno alla nostra lingua, manuscrit 1524/5) et Sperone Speroni (Dialogo delle lingue, 1542) ont vanté les mérites de leur langue; en France, un poète de la Pléiade, Joachim du Bellay (suivant de près le texte de Speroni) et le célèbre helléniste Henri Estienne, firent l’éloge du français, respectivement avec La Deffence, et l’Illustration de la langue francoyse (1549) et De la Precellence de la langue françoise (1579)294. Dans ce qui suit, nous fournissons un aperçu295 (qui sera nécessairement sélectif) de l’enseignement et de l’apprentissage de langues vivantes aux Temps Modernes. Nous nous limiterons principalement aux XVIe et
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Frontispice du De Orthographia Linguae Belgicae (Louvain, 1576) d’Antonius Sexagius (Anton van t’Sestich, ca. 1535–1585). Dans ce traité d’orthographe [cf. note 292], l’auteur proposa un nouveau système d’écriture pour l’enseignement de la langue maternelle; la valeur phonétique assignée aux caractères graphiques reflète le parler régional sud-brabançon de l’époque. Gent, Universiteitsbibliotheek, BL. 008169
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XVIIe siècles et nous porterons le regard sur nos régions (les anciens Pays-Bas et les territoires avoisinants). Là où il y a lieu, nous établirons la connexion avec Louvain (cf. la section «Ceux de chez nous»). Pour entamer cette esquisse, essentiellement limitée à deux siècles, nous esquissons un cadre chronologique un plus large, allant du début du XIVe siècle à la fin du siècle des Lumières: cela nous permettra de mieux faire ressortir la perception dichotomique, durable et tenace, des langues classiques vis-à-vis des «langues vulgaires». Notre aperçu se concentre davantage sur le français que sur les autres langues modernes en Europe occidentale qui pouvaient faire l’objet d’un enseignement. L’explication en est double: d’une part on dispose d’un nombre beaucoup plus élevé de recherches (systématiques) pour l’histoire de l’enseignement du français296, et, d’autre part, il y a le fait indéniable qu’aux Temps Modernes, le français était d’avantage enseigné et appris que l’italien, l’espagnol, l’allemand ou l’anglais. L’apprentissage des langues étrangères: une affaire de rien (ou mieux: de la nature)? En 1303/4, le poète et savant florentin Dante Alighieri rédigea son De vulgari eloquentia297, ouvrage écrit en latin dans lequel il expose sa vision d’une langue «vulgaire» [langue du peuple (italien)] ([sermo/locutio] vulgaris), officielle, littéraire et noble pour toute la péninsule Italienne. Conscient du fait que le latin (qu’il appelle gram[m]atica) était une langue (plus) stable298, alors que la langue vulgaire est soumise à des changements et à des déformations (parfois considérables), Dante propose un programme pour mettre en place une «langue vulgaire noble» se plaçant au-delà des dialectes italiens et dotée du raffinement littéraire nécessaire afin de pouvoir rivaliser avec les langues classiques.
L’opposition, voire le clivage, entre le latin et la langue vulgaire réside dans le contraste entre l’artificiel et le naturel; or cette séparation est si radicale dans l’esprit de Dante qu’il se refuse à établir un lien historique (direct) entre les dialectes italiens et le latin. Aux yeux de Dante, le latin est une langue de culture et son acquisition passe par une éducation normative; la langue du peuple, au contraire, est un don naturel (universel). Et c’est exactement dans ce côté «nature» que résident les lettres de noblesse des langues vulgaires: pour cette raison, Dante utilise le comparatif nobilior en référence à la langue du peuple299. Contrairement au latin300, qui ne peut être maîtrisé qu’à force d’un investissement d’énergie et de temps, le langage du peuple s’acquiert par l’imitation de la personne qui nous a nourris et sans que cela se fasse de manière réglée: vulgarem locutionem asserimus quam sine omni regula nutricem imitantes accepimus301. Ainsi, aux yeux de Dante, l’acquisition de la langue vernaculaire est une affaire d’assimilation naturelle. Or ce qui est «naturellement assimilé» ne doit pas faire l’objet d’une instruction explicite. La raison pour laquelle nous sommes partis du texte de Dante est que la notion de vulgaris eloquentia traduit la vision des savants médiévaux et aussi de nombreux humanistes de la Renaissance: les langues vulgaires ne doivent pas être apprises, on grandit avec elles. Faisons maintenant un grand saut, vers la seconde moitié du XVIIIe siècle. Dans les articles «Classe» et «Méthode» de la monumentale Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers302, publiée par Denis Diderot et Jean le Rond d’Alembert, l’éducation linguistique occupe une place centrale.
l ’ enseignement et l ’ étude des langues vernaculaires à la renaissance
L’article «Classe» traite amplement de l’idéal d’enseignement classique tel qu’il avait été exposé par Quintilien dans son Institutio oratoria. Dans l’article «Méthode», il s’agit principalement de l’enseignement du latin.Toutefois, au début de cet article, une distinction est faite entre «langues vivantes» et «langues mortes», mais elle doit servir avant tout à justifier la concision de l’exposé consacré à l’enseignement des langues modernes... Selon l’auteur de l’article, le grammairien Nicolas Beauzée, les langues modernes s’enseignent et s’apprennent dans le but de pouvoir les parler et écrire, mais non pour étudier l’histoire, la mythologie, la littérature ou d’autres disciplines (contrairement à ce qui est le cas avec les langues classiques). En outre, l’étude des langues modernes ne nécessite aucune véritable méthodologie; dans l’enseignement des langues mortes, au contraire, une analyse linguistique préalable à l’exposé didactique est nécessaire. On perçoit ici l’écho de Dante: les langues vivantes sont acquises naturellement par une pratique quotidienne: « ces langues peuvent nous entrer dans la tête par les oreilles & par les ieux tout à la fois ». Beauzée admet néanmoins qu’il existe de multiples usages de ces langues modernes (pour des raisons historiques et sociales) et qu’en conséquence il faut acquérir le vocabulaire adéquat: mais là aussi c’est une question d’«imitation», et non d’instruction explicite, systématique et «directive». L’impression qui se dégage de ce coup d’œil est qu’il semble n’y avoir guère de changement entre la conception de Dante et celle de la fin du siècle des Lumières, à propos du statut des langues vernaculaires. Toutefois, cette vue d’en haut doit être nuancée et corrigée, comme nous l’avons déjà souligné dans l’introduction: les langues vernaculaires jouissaient d’un intérêt certain en Europe et faisaient l’objet d’un enseignement.
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Les langues vernaculaires s’agitent L’intuition fondamentale de Dante était toutefois correcte: c’est en connaissance de cause qu’il distingua le latin, en tant que grammatica (‘grammaire’), des langues vernaculaires: le latin était alors la langue du savoir, du pouvoir politique et ecclésiastique, de la diplomatie. Mais à la fin du Moyen Âge, la situation avait changé: le pouvoir était de plus en plus aux mains de la bourgeoisie, la royauté et les souverains locaux avaient contracté des dettes, et si le clergé possédait beaucoup de propriétés foncières, il ne participait pas à l’activité industrielle, génératrice de capitaux. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’émancipation des langues vernaculaires (vernacularia) et le soutien que la plupart des humanistes leur ont prêté dans leur «lutte»303 avec le latin. Il ne s’agissait pas tant de valoriser les dialectes (bien que certains auteurs soient conscients de l’enrichissement que les dialectes peuvent apporter à la langue du pays): le projet derrière lequel les savants se rangent concerne une langue de portée générale pour le pays, pour la «nation»304. Cette lutte se caractérise par la substitution à la «technostructure»305 latine d’une nouvelle technostructure vernaculaire306, répondant aux besoins et aux aspirations des classes sociales moyennes: « The trend to ‘grammatization’ as it is sometimes called, looks – at least at first sight – like a remarkable example of the power of scholars and intellectuals, but it might be more realistic to offer a social explanation for their success. Standard forms of vernacular were expressions of the values of new communities – or communities of increasing importance – the national communities of lay elites who were distancing themselves not only from learned or Latin culture but from popular, regional or dialect culture as well »307.
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Afin de pouvoir rivaliser avec le latin, voire le remplacer, la langue du peuple devait être «construite»308, un processus d’élaboration qui suppose:
la culture et le texte imprimé – un appel aux «amateurs de bonnes lettres» pour que ceux-ci investissent du temps et de l’énergie dans la description et l’étude des langues:
(1) une orthographe uniformisée; (2) une «mise en règles» au plan grammatical309, constituant une preuve du fait que les langues vulgaires n’étaient guère désordonnées ou chaotiques, mais pourvues d’une structure; (3) la purification de la langue, à travers une réduction de la polymorphie (coexistence de variantes de forme) et l’élimination de (trop de) mots étrangers; (4) la référence à un passé illustre de la langue nationale; (5) l’illustration de la «dignité» de la langue, permettant de poser les fondements d’une tradition littéraire (et scientifique)310.
« O Deuotz Amateurs de bonnes Lettres, Pleust a Dieu que quelque Noble cueur semployast a mettre & ordonner par Reigle nostre Langage Francois ! Ce seroit moyen que maints Milliers dhommes se euerturoient a souuent vser de belles & bonnes parolles. Sil ny est mys & ordonne/ on trouuera que de Cinquante Ans en Cinquante Ans […] la langue Francoise, pour la plus grande part, sera changee & peruertie. Le Langage dauiourdhuy est change en mille facons du Langage qui estoit il y a Cinquante Ans ou enuiron […] » (Champ Fleury, f. Aviiir)
Dans la poursuite et la réalisation de ces objectifs, l’imprimerie était à la fois partie demandante et cheville ouvrière: les imprimeurs (et les libraires) étaient tous intéressés par une standardisation (ortho)graphique de la langue, et ce sont eux qui ont diffusé tant les idées que les outils confectionnés: grammaires, dictionnaires, traités d’orthographe, ... Il n’est donc guère surprenant que les imprimeurs aient pris l’initiative dans ce «travail sur la langue». Dans nos régions, l’imprimeur gantois Joos Lambrecht rédigea un traité d’orthographe (Néderlandsche Spellijnghe, 1550) et un dictionnaire «flamand-français» (Naembouck van allen naturelicken ende ungheschuumden vlaemschen woirden by a b c overghezett in walscher tale / Vocabulaire des naturelz, et non forains motz Flamengz, translaté en langue Gallicane, 1546; seconde édition en 1562). En France, l’imprimeur berruyer Geoffroy Tory lança, dans son Champ Fleury (1529)311 – un ouvrage qui, de façon très concrète, illustre le lien étroit entre le savoir général,
‘[…] iespere que au plaisir de Dieu quelque Noble Priscian/ quelque Donat, ou quelque Qintilien Francois/naistra de Bref, sil nest desia tout edifie’ (Champ Fleury, f. Aviiiv).
Son appel fut aussitôt entendu: en 1530 et en 1531 parurent les deux premières grammaires imprimées de français, de la main de, respectivement, John Palsgrave et Jacques Dubois [Jacobus Sylvius]. Tout au long du XVIe siècle, l’Europe est saisie par une «fièvre linguistique». Les premières grammaires imprimées de nombreuses langues européennes voient alors le jour: italien, français, tchèque, portugais, hongrois, gallois, polonais, allemand, néerlandais et anglais [cf. le tableau ci-dessous]. Cette production de grammaires est côtoyée par la publication de traités d’orthographe et de dictionnaires, et, de manière plus sporadique, de manuels de poétique et de rhétorique. Liste des premières grammaires imprimées de langues européennes aux XVe et XVIe siècles [1492–1600] 1492. Elio de Nebrija, La gramatica que nueva mente hizo el maestro Antonio de Lebrixa sobre la lengua castellana, Salamanque. (espagnol)
l ’ enseignement et l ’ étude des langues vernaculaires à la renaissance 1516. Giovanni Francesco Fortunio, Regole grammaticali della volgar lingua, Ancône. (italien). 1530. Jehan Palsgrave, Lesclarcissement de la langue françoyse, Londres. (français) 1533. Beneš Optát, Petr Gzel, Václav Filomates, Grammatyka czeská, Náměšt’. (tchèque) 1536. Fernão de Oliveira, Grammatica da lingoagem portuguesa, Lisbonne. (portugais) 1539. János Sylvester, Grammatica Hungaro-Latina, Neaneşi. (hongrois) 1567. Gruffydd Robert, Gramadeg Cymraeg, Milan. (gallois) 1568. Petrus Statorius, Polonicae grammatices institutio, Cracovie. (polonais) 1573. Lorenz Albrecht, Teutsch Grammatick oder Sprachkunst, Augsbourg. + Albert Ölinger, Underricht der Hoch Teutschen Spraach, Strasbourg. (allemand) 1584. Hendrick Laurenszoon Spieghel, Twe-spraack van de Nederduytsche letterkunst, Leyde. (néerlandais) 1584. Adam Bohorič, Arcticae horulae succissivae, de Latinocarniolana literatura, Wittenberg. (croate) 1586. William Bullokar, Bref grammar for English, Londres. (anglais) 1592. John David Rhys, Cambrobrytannicae Cymraecaeve linguae institutiones et rudimenta, Londres. (gallois)
À côté de ce travail descriptif, on relève un vaste courant européen qui met l’accent sur la dignité des langues: les expressions typiques de cette «glorification» des vernaculaires sont les éloges de langues mentionnés ci-dessus, comme ceux de João de Barros, de Sperone Speroni, et de Joachim du Bellay. Pour la région néerlandaise, ce n’est qu’à la fin du siècle que Simon Stevin publie son texte Uytspraeck van de weerdicheyt der duytsche tael [Déclaration de la dignité du néerlandais; littéralement ‘[bas-]allemand’], paru à Leyde en 1586.
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Une nette preuve de cette reconnaissance à grande échelle des langues vernaculaires est la place qu’elles reçoivent dans les catalogues de langues. En 1555, le savant protestant zurichois Conrad Gessner/Gesner publie le premier catalogue de langues, Mithridates. De differentiis linguarum tum veterum tum quae hodie apud diversas nationes in toto orbe terrarum in usu sunt. Dans cet essai de cartographie des langues de l’univers, l’ancien et le nouveau sont harmonieusement intégrés312. Le Mithridates fournit une liste de langues dans l’ordre alphabétique, allant des langues des Abyssins aux langues des Zadravanes et des Zagovanes: ainsi, on y trouve des informations sur l’arabe, l’araméen, l’arménien, le basque, le bohémien, le bosnien, le cappadocien, le circassien, le croate, le dalmate, l’anglais, l’éthiopien, le hongrois, le libyen, le lituanien, le macédonien, le polonais, le prussien, le roumain, le sarde, l’écossais, le sorabe et le turc (et, évidemment, de plus amples informations sur le grec, l’hébreu et le latin). À propos des langues de l’Europe occidentale Gessner nous fournit des explications détaillées: sous le titre «Lingua Germanica», il présente les dialectes bavarois, souabe et néerlandais. Gessner relève les différences entre les dialectes313 brabançons et ceux de Hollande, de Zélande et de Frise. De son examen, il ressort que le brabançon était considéré comme la variété la plus prestigieuse du néerlandais, un statut qui s’explique par le rôle de premier plan de Louvain, centre universitaire et de Bruxelles, lieu de résidence de la cour hispano-habsbourgeoise. « Brabantica lingua inter caeteras Belgicas sive inferioris Germaniae circa Rhenum & ad Oceani litora sitarum regionum, elegantior hodie habetur, propter Lovanium metropolim, in qua literarum studia florent, & Bruxellas primariam imperatoris aulam » (Mithridates, f. 39r).
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Dans ce mouvement d’«élaboration» et de «glorification» de la langue vernaculaire, un type spécifique d’étude linguistique fait son apparition au XVIe siècle et jouit d’une grande prospérité dans nos régions: les recherches, à partir d’une vision mythico-historique314, des relations «généalogiques» entre les langues du monde dans le but de fournir une explication globale de la diversité langagière (diversitas linguarum). Cela a conduit à des revendications patriotiques ou «nationalistes», dans lesquelles la langue maternelle pouvait être élevée au statut de «mère des langues»315. Johannes Goropius Becanus fut un pionnier dans ce domaine316. Goropius avait fait des études de médecine à Louvain et avait suivi des cours au Collegium Trilingue. Après avoir été au service d’Éléonore de France et de Marie de Hongrie, il s’établit comme médecin à Anvers; il se lia d’amitié avec Plantin et avec Benito Arias Montanus. En 1569, il publie un ouvrage monumental, les Origines Antwerpianae, dans lequel il défend la thèse que le cimbrique (dont le néerlandais provient directement) est la langue la plus ancienne (et aussi la plus parfaite!). Le travail de Goropius Becanus fut à la base d’une longue (et complexe) tradition européenne de recherche de la langue «originale» (une tradition de recherche à forte charge idéologique). Bien que des auteurs comme Juste Lipse et Joseph-Juste Scaliger aient exprimé leurs réticences quant à ce type de recherches (souvent fort fantaisistes), il convient de reconnaître que ces travaux «pré-comparatistes» ont eu deux conséquences principales: (i) ils ont sapé la thèse (ou le dogme) de l’hébreu langue-mère, et (ii) ils ont ouvert la voie à une délimitation assez nette des familles de langues que nous appelons aujourd’hui indoeuropéennes et sémitiques.
Jan Wierix, Portrait de Goropius Becanus, dans ses Opera hactenus in lucem non edita, 1580. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, PB00817
Étude et enseignement des langues populaires: un terrain de recherche complexe Avant de brosser une image de l’enseignement des langues modernes à la Renaissance, il est important d’esquisser un cadre méthodologique317. Un tel cadre doit, au moins, fournir une réponse aux questions suivantes:
l ’ enseignement et l ’ étude des langues vernaculaires à la renaissance (1) Dans quelle mesure l’enseignement des langues vernaculaires répondait-il à un réel besoin social? (2) Quel est le contexte historique, à la Renaissance, de l’intérêt, pour les langues vernaculaires? (3) Quels étaient les «circuits» de l’enseignement de ces langues modernes? (4) Comment cet enseignement linguistique a-t-il été institutionnalisé? (5) Dans quelles formes didactiques cet enseignement des langues modernes s’est-il concrétisé? (6) Quels étaient les liens entre l’enseignement des langues modernes et l’enseignement des langues classiques?
Une réponse détaillée, à l’échelle européenne, nécessiterait une étude de grande envergure318. Nous nous limiterons à des éléments de réponse concis et à des indications pour des recherches ultérieures. (1′) L’engouement pour apprendre d’autres langues que la langue maternelle est un phénomène typique de la Renaissance: il suffit de jeter un coup d’œil à la vaste production de manuels de langue durant cette période319. En soi, le phénomène n’était toutefois pas nouveau: depuis belle lurette des voyageurs ont été en contact avec d’autres langues, et l’existence de traducteurs et d’interprètes est un phénomène de tous les temps. Les épopées médiévales, les chansons de geste, nous fournissent des témoignages sur l’utilisation de traducteurs et sur la variété de langues et de dialectes. On dispose aussi d’une riche documentation sur certaines situations particulières de multilinguisme comme, par exemple, à la cour d’Alfonso X «el Sabio», au XIIIe siècle, à Tolède320, ou sur la propagation de la langue troubadouresque des poètes et récitateurs occitans en Catalogne, en Aragon et en Italie du Nord. Nous sommes particulièrement bien informés sur l’enseignement du français
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en Angleterre, où, après la bataille de Hastings (1066), le français a été longtemps la langue de l’élite (anglonormande), et plus longtemps encore, la langue du droit321. À partir du XVe siècle, l’apprentissage de langues vernaculaires comme langues secondes s’est propagé dans la société européenne. Cela s’explique par les besoins accrus de la classe marchande, mobile au plan international et disposant de succursales et de bureaux dans un vaste réseau de métropoles commerciales, telles que Venise, Cologne et Anvers, ainsi que dans les villes hanséatiques, généralement plus petites mais très dynamiques. L’époque de gloire de Bruges est déjà passée alors; toutefois, c’est à Bruges qu’un manuel de conversation français-flamand (un français aux traits picards très prononcés) est compilé par un maître de langues anonyme: le Livre des mestiers, «en rommans et flamenc», un manuel fait sur mesure pour les commerçants, les artisans et ceux qui se rendent aux marchés322. L’ouvrage (qui remonte à des versions manuscrites de guides de conversation du XIVe siècle, adaptés et retravaillés au cours du XVe siècle) contient des expressions relatives aux diverses activités professionnelles, ainsi qu’un glossaire et de courts dialogues. Le manuel a été remanié en territoire germanophone, en Angleterre (par William Caxton, qui en fit des «dialogues en français-anglais»); en 1501, il fut imprimé à Anvers, ville portuaire ayant repris le rôle de Bruges, sous forme d’un dictionnaire thématique avec des dialogues323. Vers 1550, il y avait alors à Anvers diverses colonies de commerçants espagnols et portugais, environ 200 marchands italiens et 300 allemands, une centaine de commerçants français et quelques dizaines de marchands anglais. Dans les grandes villes de commerce, la population a évolué, au contact quotidien avec les marchands et
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agents étrangers, vers une communauté polyglotte. À cet égard, on peut citer le témoignage de deux voyageurs étrangers ayant séjourné dans nos régions. L’Allemand Samuel Kiechel observa que: Là-bas [à Anvers] il est très commun de rencontrer une fille ou un garçon qui parle 2, 3 ou 4 langues, comme le français, l’italien, l’espagnol, outre leur langue néerlandaise [maternelle]324. Ce témoignage, de la fin du XVIe siècle, est confirmé par celui de l’Italien Lodovico Guicciardini, qui a décrit les compétences linguistiques dans les Pays-Bas méridionaux (surtout dans la ville d’Anvers) comme suit: « D’avantage, ils ont outre ce la cognoissance des langues vulgaires, si familiere, que c’est un cas digne de merveille: comme ainsi soit que plusieurs d’entre eux, encor que iamais ne soyent sortis de leur pays, si sçavent ils parler, outre leur langue naturelle et maternelle, plusieurs autres langages estranges, et sur tout le François qui leurs est fort commun, et familier. Plusieurs y en a qui parlent Alemand, Anglois, Italien, et Espaignol, et autres d’autres langues plus esloignees. […] Ce peuple est courtois, civil, ingenieux, soudain à sçavoir imiter l’estranger, avec lequel facilement il prend alliance: sont gentz propres pour hanter, et pratiquer par le monde: et la pluspart d’entre eux, et iusqu’aux femmes (quoy que n’ayent sorty du pays) sçavent parler de trois ou quatre langues; sans ceux qui en parlent et cinq et six et sept: qui outre que c’est une grande commodité, est aussi chose pleine de merveille »325.
Ce double témoignage est appuyé par celui d’un des «maîtres d’école» anversois, Glaude (Claude) Luython, qui, dans la préface de son Dictionaire en Franchois et Flameng ou bas allemant (première édition en 1552, deuxième édition en 1555), ouvrage dédié «aux nobles et sages Seigneurs», et «aux prudents Marchans et bons bourgeois de la renommée et triomphante ville Danvers», renchérit:
Frontispice du Dictionaire en Franchois & Flameng [...] / Dictionaris in Fransoys ende Vlaemsch [...] de Glaude (Claude) Luython, professeur de langue, originaire de Valenciennes et actif à Anvers. Son dictionnaire bilingue français-néerlandais, néerlandais-français eut deux éditions, en 1552 et en 1555 (éditions imprimées par Gregori(u)s de Bonte). Anvers, Musée Plantin-Moretus, 8619.
« [on] ne treuve pas entre les villes de la basse Allemaigne aucune, ou on faict si grande diligence de faire bien apprendre les iouvenceaux & enfans le langage Francois, quen ceste renommee et triomphante ville Danvers. Et ce a bonne raison, car en nulle des aultres villes on n’use si
l ’ enseignement et l ’ étude des langues vernaculaires à la renaissance publiquement au train et cours de marchandise ledict langage quen ceste triomphante ville »326.
(2′) Comme on l’a déjà mentionné, il y avait, au Moyen Âge, un réel intérêt pour les langues vernaculaires; la motivation était, en général, de nature concrète et «factuelle»: échanges commerciaux, guerres, voyages, ou simplement le fait de vivre dans une région d’intenses contacts linguistiques. Parfois l’intérêt pour d’autres langues présentait une touche «scientifique»327. La situation dans les Pays-Bas présente des caractéristiques spécifiques; il vaut dès lors la peine de s’intéresser aux antécédents historiques de cette situation. Dans nos régions, la motivation pour apprendre le français était double. D’une part, il y avait des pressions politiques et économiques pour apprendre la langue, comme les alliances avec les rois de France ou avec les comtes de Hainaut, et plus tard avec les ducs de Bourgogne, ainsi que le rôle important du français dans le commerce international. D’autre part, il faut mentionner le prestige croissant de la littérature française, qui jouissait d’un grand intérêt tant dans les anciens PaysBas que dans les principautés du Saint-Empire romain germanique. Alors qu’au Moyen Âge l’enseignement des langues vivantes était principalement une affaire d’instruction privée (qui concernait les jeunes nobles) ou une question d’autodidaxie (cf. infra), comme ce fut le cas de ceux qui allaient étudier à Paris et à Orléans, l’émergence de la bourgeoisie, et surtout de la bourgeoisie marchande, fera naître une forme d’enseignement des langues prise en charge par l’administration urbaine. On a là un premier élément constitutif du contexte historique: l’intérêt et la demande pour le français comme langue seconde et la façon dont cette demande a été satisfaite. Aussitôt on est confronté à un deuxième élément constitutif: la présence matérielle du livre
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imprimé dans nos régions. Pour l’instruction dans les langues vernaculaires, le phénomène de l’imprimerie a eu trois conséquences majeures: (1) la stimulation de l’intérêt voué à la langue écrite; (2) un certain relâchement du lien, jusque-là étroit, entre l’enseignement de langues et le précepteur privé (malgré les réactions de ces précepteurs, qui ont insisté sur l’importance du contact quotidien avec un maître de langue); une conséquence de ce relâchement a été l’extension (et la systématisation) de listes de vocabulaire dans les manuels linguistiques; (3) l’exploitation (croissante) de l’aspect visuel, tant pour l’enseignement en grammaire que pour l’apprentissage du vocabulaire.
Un troisième élément du contexte historique est constitué par les données institutionnelles et les événements économiques et politico-religieux spécifiques à la situation dans les anciens Pays-Bas: le recrutement d’enseignants par l’administration municipale; les relations commerciales entre des villes comme Anvers, Gand, Amsterdam, Rotterdam, Utrecht, Deventer d’une part et la France d’autre part; l’exode des réformés flamands et wallons vers les villes du Nord (ce «refuge wallon» a conduit à la création de nombreuses «églises wallonnes» aux Pays-Bas); l’afflux des huguenots, surtout après la Révocation, en 1685, de l’Édit de Nantes. Tous ces éléments ont contribué à une augmentation considérable du nombre de francophones dans les Pays-Bas et ont engendré un besoin urgent d’enseignement du français, langue de plus en plus considérée par la bourgeoisie commerçante comme la condition indispensable pour participer à l’économie et à la culture européennes en général328. S’y ajoute que, dans les Pays-Bas septentrionaux, à partir du XVIIe siècle, l’imprimerie fera tout son profit de la censure religieuse, culturelle et scientifique en France.
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(3′) Lorsque d’autres langues que la langue maternelle font l’objet d’une forme d’enseignement (et ne sont donc pas apprises de façon spontanée), selon quels «circuits» ce processus se déroule-t-il? Globalement, deux formes peuvent être distinguées: (a) l’instruction «guidée» ou dirigée, assurée par un précepteur privé ou par un maître d’école; (b) l’autodidaxie: dans ce cas, l’apprenant se sert d’outils didactiques existants (manuels de conversation, grammaires, glossaires, dictionnaires).
Les précepteurs privés utilisaient leurs propres matériaux ou des instruments didactiques disponibles sur le marché. Leur tâche spécifique consistait à enseigner la prononciation correcte (cet aspect revêtait une importance moindre dans l’enseignement des langues classiques) et à faire progresser le plus rapidement possible les compétences communicatives de l’élève. Les professeurs travaillant dans un contexte scolaire avaient les mêmes objectifs, mais leur tâche ne se limitait pas à cela. L’autodidaxie linguistique n’était guère exceptionnelle aux Temps Modernes: ceux qui ne pouvaient se payer le luxe d’embaucher un professeur privé et ceux qui, pour l’une ou l’autre raison, ne pouvaient bénéficier d’une éducation scolaire, devaient se débrouiller. Pour cette catégorie d’apprenants, le processus d’acquisition ne pouvait être qu’inductif: les instruments à leur disposition étaient les modèles de conversation et de lettres. Seule condition indispensable: il fallait être alphabétisé. À ce propos, il est important de rappeler que, comme l’ont documenté les études de Roger Chartier329, l’enseignement élémentaire sous «l’Ancien Régime» suivait une double voie: la lecture et l’écriture étaient des activités d’apprentissage séparées. De nombreux élèves ont seulement appris à lire. À partir du XVIe siècle, cette
séparation entre «savoir lire» et «savoir écrire» a entraîné, selon Chartier, une autre distinction: toute personne qui n’a appris qu’à lire peut lire les lettres imprimées mais est généralement incapable de lire des lettres manuscrites. (4′) À la Renaissance, l’éducation linguistique s’est vu doter d’une structure nettement institutionnalisée. Le système médiéval des écoles abbatiales et des écoles de chapitre avait perdu sa position de monopole suite à l’organisation d’administrations urbaines. En réponse aux écoles paroissiales autorisées par des privilèges féodaux, les villes commencèrent, au XIVe siècle, à revendiquer le droit d’établir des écoles municipales. À l’origine, il s’agissait d’écoles latines, ouvertes uniquement aux garçons; ces écoles fournissaient une éducation «classique». Dans les anciens Pays-Bas méridionaux (d’abord à Gand et à Bruges, plus tard à Anvers) et dans un certain nombre de villes au Nord, apparurent aussi, dès la fin du XVe siècle, des écoles privées offrant une éducation «pratique»: on y apprenait à écrire des lettres, ainsi que la comptabilité et le calcul (initialement d’après le système «vénitien»); là, le latin dut faire place au français, la langue de commerce la plus importante (et langue culturelle) dans les Pays-Bas. Il s’agissait d’«écoles auxiliaires» (hulpscholen) ou «écoles françaises»: elles s’adressaient principalement aux fils de la bourgeoisie commerçante (certaines écoles accueillaient aussi les filles des classes marchandes). Les outils didactiques dans ces «écoles françaises» devaient les préparer à une carrière de commerçant. Les maîtres actifs dans ces écoles étaient souvent des maîtres wallons et picards qui s’étaient installés dans les villes flamandes et hollandaises. Sous l’effet de la politique hispano-habsbourgeoise, et particulièrement après la chute d’Anvers (1585), les Pays-Bas septentrionaux ont été, à la fin du XVIe siècle, le théâtre
l ’ enseignement et l ’ étude des langues vernaculaires à la renaissance
d’un afflux massif de réformés francophones (et flamands). Cela a entraîné une forte augmentation du nombre d’«écoles françaises» dans les Pays-Bas septentrionaux et a catalysé l’enseignement des langues modernes, où, à côté du français et du néerlandais, des langues comme l’allemand, l’italien, l’espagnol et l’anglais ont pu trouver une place. Les vagues subséquentes d’afflux de protestants francophones ont consolidé l’existence de ces «écoles françaises» durant les siècles suivants330. C’est dans ce cadre institutionnalisé d’enseignement des langues que divers types d’instruments didactiques, dans la langue vernaculaire, ont été élaborés: manuels de lecture et d’écriture, grammaires, modèles de lettres, manuels de conversation et glossaires (thématiques). L’instruction linguistique dans les langues vernaculaires était, avant tout, hautement «pragmatique»: elle était liée aux situations concrètes et diversifiée selon les besoins. Ainsi, les langues (en particulier le français) s’enseignaient telles qu’elles étaient utilisées dans des situations concrètes – lors de «transactions» économiques, dans les contacts quotidiens (par exemple, à l’occasion d’un passage dans une auberge ou d’un achat sur le marché) – et selon le besoin spécifique qui se manifestait (l’achat de poisson, de sel ou de vin, la formulation d’une plainte, la tenue de comptes). Cela explique deux caractéristiques intrinsèques importantes de cet enseignement: (i) l’insistance mise sur l’acquisition du vocabulaire; (ii) la présentation d’un choix de contenus didactiques sous forme d’unités discursives, les «colloques» (colloquia, ou dialogues) et, pour la langue écrite, les modèles de lettres. Ces deux caractéristiques pratiques (et pragmatiques) reçoivent une confirmation dans le fait que l’éducation linguistique dans les langues vernaculaires était assurée par les «maîtres d’école», qui enseignaient également le calcul et la comptabilité (la tenue des livres). L’enseignement de
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ces «maîtres d’école» – tels que Noël de Berlemont, Gabriel Meurier ou Gérard Du Vivier, ou encore Peeter Heyns et son fils Zacharias (d’abord actifs dans le Sud et plus tard dans le Nord) – était orienté vers la «communication»: leurs publications consistent principalement en colloquia, en listes de mots multilingues, ou en une combinaison de glossaire(s) et de textes de lecture, d’écriture et de conversation. Si au XVIIe siècle, la partie proprement grammaticale reçoit plus d’autonomie dans les manuels, la combinaison de grammaire, de dictionnaire et de dialogues est souvent conservée: on la rencontre dans les ouvrages des principaux «maîtres de langue» de ce siècle, Nathanael D(h)uez, Jean-Louis d’Arsy, Thomas La Grue, Barthélemy Piélat et Pierre (Pieter) Marin331. (5′) Dans quelles formes didactiques l’enseignement de la langue vernaculaire s’est-il concrétisé et a-t-il été diffusé ? Un constat général est que ces formes étaient adaptées au public cible – fils (et filles) de marchands, jeunes nobles, étudiants d’université ou savants – en fonction de leur situation concrète, de leurs besoins respectifs et de certains facteurs concomitants, d’ordre linguistique ou culturel (comme les contacts en contexte multilingue ou l’intérêt porté à d’autres cultures). Ainsi, les manuels de grammaire étaient pour la plupart destinés à des étudiants et à un public de savants; ils étaient le plus souvent rédigés en latin. Par exemple, les étudiants germanophones et les jeunes nobles allemands qui voulaient apprendre le français, avaient à leur disposition, au XVIe siècle, les ouvrages suivants, tous rédigés en latin (avec parfois une brève explication en allemand) [les ouvrages sont rangés dans l’ordre chronologique, suivant la date de l’editio princeps]332:
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pierre swiggers 1550. Johannes Pillotus, Gallicae linguae institutio Latino sermone conscripta (Paris) 1558. Johannes Garnerius, Institutio Gallicae linguae in usum iuventutis Germanicae ad illustrissimos iuniores principes Landtgrauios Haessiae conscripta (Genève) 1570. Antonius Caucius, Grammatica Gallica, suis partibus absolutior, quam ullus ante hunc diem ediderit (Paris; la troisième édition [Strasbourg, 1586] est dédiée ‘ad illustrissimos Holsatiae duces’) 1584. Nathanael G. [nom de famille inconnu], Linguae Gallicae Institutionum libri III (Spire) 1588. Petrus Andreas Lumnius, Grammatica Gallica brevis, facilis et dilucida, partim Germanice partim Latine conscripta, breviter omnia et singula scitu necessaria, nova discendi methodo nunquam ante hac aedita, complectens: in gratiam eorum qui eam linguam addiscere cupiunt (Cologne) 1598. Johannes Serreius, Grammatica Gallica, compendiosa utilis, facilis ac dilucida, in qua omnia fere a variis probatis et bonis authoribus utiliter et scite tradita, perspicua brevitate et ordine bono concinnata sunt: ita ut quae antea variis hinc inde ex libris cum taedio et molestia quarenda erant in hoc unum volumen congesta et redacta sint: et a quovis huius linguae studioso utiliter et fructuose legi ac disci possunt (Strasbourg).
1619. Daniel Martin, Grammatica Gallica cum syntaxi concinnata in usum juventutis potissimum Germanicae 1623. Stephanus Spalt, Grammatica Gallica ostendens linguae Gallicae fundamenta, Quae Stephanus Spalt longo usu observata partim ex aliis Grammaticis excerpta, in variis Academiis Galliae, octennium vero nunc est, quo in laudatissima Argentiniensium Universitate docuit, et deinceps, divino annuente numine, docebit.
À Strasbourg333 – carrefour du monde roman et du monde germanique334 et centre économique et intellectuel de première importance – les grammaires françaises suivantes ont été publiées dans la première moitié du XVIIe siècle par des maîtres de langue qui nous ont laissé une riche moisson de manuels (destinés à un public d’étudiants), tous en latin335:
La concurrence entre ces maîtres de langue était féroce. Comme le montrent les polémiques acerbes entre Samuel Bernhard et Philippe Garnier336 et, ensuite, entre Daniel Martin et Stephan Spalt, les conflits étaient parfois très violents337. Les invectives réciproques mettent en évidence, de façon saisissante, la rivalité existant entre les professeurs de langues dans une grande ville. Elles nous rendent également conscients d’un dilemme constant dans l’histoire de la didactique des langues: le poids relatif à donner à la théorie ou à la pratique dans l’enseignement linguistique. Les frictions entre ces anciens maîtres de langue nous renseignent également sur les divergences de vues chez les précepteurs en ce qui concerne des problèmes spécifiques de grammaire, comme par exemple, la division en classes de mots, ou l’analyse des séries de pronoms (et leurs possibilités de combinaison). Un examen des outils utilisés dans l’enseignement des langues modernes, et plus particulièrement du français, dans les anciens Pays-Bas (y compris le nord de la France) à la Renaissance, permet d’établir la typologie suivante:
1607. Samuel Bernhard, Grammatica Gallica Nova omnium quae hactenus prodierunt emaculatissima 1607. Philippe Garnier, Praecepta Gallici sermonis ad pleniorem perfectioremque eius linguae cognitionem necessaria tum brevissima tum facillima
(1) grammaires élémentaires (scolaires): à titre d’exemple, mentionnons le manuel grammatical de Peeter Heyns, Cort onderwys van de acht deelen der Fransoischer talen (1571) et, pour le XVIIe siècle, l’ouvrage anonyme Inleydinghe tot de Francoysche tale (1659);
l ’ enseignement et l ’ étude des langues vernaculaires à la renaissance (2) traités d’orthographe: un bel exemple est fourni par le Petit traité sur la reformation de l’ortografe françoise, publié par Georges Charlet en 1633 à Douai; mentionnons aussi le travail de Maximilien de la Haize, Les coniugaisons de la langue françoise (Mons, 1640), qui contient un traité d’orthographe; (3) livres de lecture et d’écriture: ce type d’ouvrages est bien représenté aux XVIe et XVIIe siècles; un grand nombre de maîtres d’école – tels que Peeter et Zacharias Heyns, Gérard Du Vivier338, Jean Nicolas Parival (cf. infra), Nathaniel D(h)uez339, Barthélemy Piélat340, J. Tronchinus341 – ont publié un manuel de lecture et d’écriture; (4) les grammaires plus élaborées: ce type est assez bien représenté dans les anciens Pays-Bas, surtout à partir du XVIIe siècle, avec des auteurs tels que Van der Aa, Parisot, de Pratel, Vaerman et Van Geesdalle dans les Pays-Bas méridionaux342, et Carolus Mulerius, Parival, Hamon et Schoof dans le Nord343; (5) les «paquets didactiques»; nous utilisons ce terme pour les publications (soit en un seul volume soit réparties sur plusieurs ouvrages) dans lesquelles un maître de langue fournit une grammaire, un vocabulaire (voire un ample dictionnaire), des modèles de conversation (éventuellement des modèles de lettres). Citons comme exemples de tels paquets didactiques les ouvrages suivants: Nathanael D(h)uez, Le vray guidon de la langue françoise (1634, ouvrage qui a connu de nombreuses rééditions), ou Franciscus de Fenne, Institutiones linguae Gallicae (1666); le meilleur représentant de ce type de production est toutefois le maître de langue picard Gabriel Meurier, qui fut actif à Anvers dans la seconde moitié du XVIe siècle. Jetons un rapide coup d’œil sur sa carrière et sur son œuvre.
Gabriel Meurier enseigna à Anvers de 1547 jusqu’à sa mort344. Maître de langue polyglotte, il enseignait, en plus du français, l’espagnol et italien (peut-être aussi l’anglais). C’est également à Anvers (et presque toujours
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chez Plantin) qu’il a publié ses manuels de langue(s). Sa vaste production345 se caractérise par: (a) la variété des genres textuels: à côté de vocabulaires et de véritables dictionnaires, Meurier a publié des manuels de conversation et des modèles de lettres (tels que Deviz Familiers, Propres à tous marchans, & non moins duisants à gens de tout art, stile, qualité & condition, desireux de bien entendre, facilement apprendre, & naivement parler François & Flamen [1564] et La Foire des Enfants d’Israel, en Françoys et Flamen [1580]), des histoires didactiques, des grammaires, des glossaires thématiques et des tables de conjugaison [voir ci-dessous, (c)]; (b) la variété des publics visés: à part ses ouvrages destinés aux marchands (Formulaire de missives, obligations, quittances, lettres de change, d’asseurances & plusieurs Epitres familieres, messages, requêtes & instructions notables, 1558), Meurier publia aussi des manuels conçus pour de (très) jeunes enfants (Perroquet Mignon des Petits Enfants, dont la première édition a paru probablement en 1569), pour garçons et filles (Propos pueriles en François et Flamen, 1561; deuxième édition: Propos Puerils ordinairement usez en escoles vulgaires, 1565; La Guirlande des Jeunes Filles, 1564). D’autres travaux de Meurier se présentent comme des ouvrages de consultation, tels que Magazin de Planté, de Vocables bien propres et duisants à toute qualité de gens. En François et Flameng, un dictionnaire bilingue françaisnéerlandais à organisation thématique; (c) l’attention portée aux aspects didactiques: cela apparaît, entre autres, du souci d’une présentation typographique claire et distincte et de l’indication de la prononciation correcte (c’est déjà le cas dans un de ses premiers ouvrages: Breve instruction contenante la maniere de bien prononcer & lire le François, Italien, Espagnol & Flamen, 1558). À titre d’exemple, nous pouvons mentionner la Grammaire Françoise de Meurier (Anvers, 1557)
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ainsi que ses ouvrages, souvent réimprimés et remaniés, où sont présentés des exemples de conjugaison pour le français, l’espagnol, l’italien et l’anglais: 1558. Conjugaisons, regles et instructions pour ceux qui desirent apprendre François, Italien, Espagnol & Flamen. 1562. Dialogue Contenant les Conjugaisons Flamen-Françoises, par forme de demandes et réponses. 1562. Conjugaisons Flamen-Françoises. 1563. Conjugaisons François-Angloises. 1568. Coniugaciones, arte, y reglas muy proprias, y necessarias para los que quisieren deprender Español y Frances.
Meurier était bien conscient d’avoir fourni un «paquet didactique» global: dans l’avant-propos de son Dictionnaire flamen-françois (1563), il énumère les ouvrages qu’il a publiés jusque-là et il relève leur complémentarité. (6′) Existe-t-il des liens entre l’enseignement du latin et l’enseignement des langues vernaculaires aux Temps Modernes? En se référant au clivage établi par Dante entre la «grammaire» (= le latin) et les langues vernaculaires (cf. supra), on serait enclin à répondre de manière négative à la question. Cependant, la réalité était tout autre, et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il y a le fait incontournable que, lorsque l’instruction comprenait une composante grammaticale, celle-ci était toujours basée sur le modèle latin (ou grécolatin), qui contenait comme partie centrale la division en «parties de discours» (partes orationis), c’est-à-dire en «classes de mots». Le plus souvent, on se référait à l’ars Donati, l’ensemble constitué par deux petits manuels grammaticaux (ars minor et ars maior) du célèbre grammairien romain du IVe siècle, Aelius Donatus (Donat): sa grammaire (latine) ne fut pas seulement traduite
en langue vernaculaire, mais les premières grammaires des langues vernaculaires font explicitement référence à Donatus346. De plus, il convient de relever le fait qu’à la Renaissance on vit paraître des grammaires multilingues ou des manuels de langue dans lesquels une ou plusieurs langues classiques figurent à côté de langues modernes. Un exemple provenant de Louvain est la grammaire anonyme espagnole-française-latine publiée à Louvain en 1555 (dont il sera question dans la section suivante); en dehors de nos régions, on peut mentionner, à titre d’illustration, les ouvrages d’Isaac Habrecht et de Laurentius Otto Lasius (ce dernier visait aussi un public féminin, comme il appert du titre de son ouvrage de 1732): 1624. I. Habrecht, Janua linguarum quadrilinguis Latina Germanica Gallica Hispanica (Strasbourg; édition remaniée en 1629, avec l’addition de l’anglais347 et de l’italien) 1721. L.O. Lasius, Versuch hebräisch, griechisch, lateinisch, französisch und italienisch ohne Donat und Grammatik zu lernen (Bautzen) 1732. L.O. Lasius, Quinquefolium linguarum oder fünffacher Versuch darin die 5 Sprachen, hebräisch, griechisch, lateinisch, frantzösisch und italienisch auf eine kurtze und leichte Art von jungen Leuten beyderley Geschlechts richtig und gründlich zu fassen […] (Bautzen; réédition en 1734)
Dans le processus d’acquisition du vocabulaire, l’interaction entre langues classiques et langues vernaculaires était fréquente, et cela pour une double raison. (i) D’un côté, il y avait des dictionnaires polyglottes, dans lesquels, en plus du latin (et parfois du grec), des langues vernaculaires étaient incluses. Ainsi, le dictionnaire latin (dans son édition originale) d’Ambrogio Calepino [fr. Calepin, d’où le substantif calepin] (première
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édition en 1502) s’est progressivement élargi en un ouvrage avec onze langues européennes rangées en colonnes parallèles. À Rome, en 1510, un dictionnaire juxtaposant quatre langues (latin, italien, français et allemand) fut publié en 1510, à l’usage de ceux qui «voyagent à travers le monde» (Introductio quaedam utilissima, sive Vocabularius quatuor linguarum, Latinae, Italicae, Gallicae, Alamanicae, per mundum versari cupientibus summa utilis). Les origines de ce dictionnaire remontent à un dictionnaire italienallemand du XVe siècle, le Solenissimo Vochabuolista; ce dernier fut ensuite complété avec le français et une langue non vernaculaire, le latin. Ce dictionnaire, combinant le latin avec un certain nombre de langues modernes, a connu un grand succès au long du XVIe siècle: en 1534, une édition parut à Anvers avec l’addition de l’espagnol, sous le titre Quinque Linguarum, Latinae, Theutonicae, Gallicae, Hispanicae, Italicae, dilucidissimus dictionarius, mirum quam utilis, ne dicam necessarius, omnibus linguarum studiosis. En 1550, une édition de ce dictionnaire contenant huit langues parut à Paris: Dictionnaire des huict langaiges: Grec, Latin, Flameng, François, Espagnol, Italien, Anglois & Aleman: fort utile et necessaire pour tous studieux. Cette édition avec huit langues fut réimprimée en 1552 (au moins trois fois), en 1558, en 1573 et en 1580. L’ouvrage a connu également un grand succès en Europe centrale et orientale, où des versions ont été publiées avec l’inclusion d’une langue slave ou du hongrois (cf. une édition de 1561 parue à Vienne: Nomenclatura sex linguarum, Latinae, Italicae, Gallicae, Bohemicae, Hungaricae & Germanicae). On notera que le latin a conservé sa place à côté d’une combinaison changeante de langues modernes348.
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Un constat similaire s’impose pour un des ouvrages humanistes les plus populaires du XVIe siècle: le Nomenclator omnium rerum propria nomina variis linguis explicata indicans (première édition: Anvers, Plantin, 1567) de Hadrianus (Hadrien) Junius (Adriaan de Jonghe), un ouvrage qui fut immédiatement utilisé dans les écoles latines aux anciens Pays-Bas. Ce dictionnaire encyclopédique, organisé de façon thématique et non par ordre alphabétique, a connu de nombreuses réimpressions et adaptations (didactiques); il offre des équivalents pour les mots latins en grec, allemand, néerlandais (Belgica lingua), français, italien et espagnol (sporadiquement aussi en anglais). Les deux langues classiques, latin et grec, sont regroupées ici sous un même toit avec une poignée de langues modernes349. (ii) D’autre part, il est bien connu que les premiers dictionnaires (imprimés) en langue vernaculaire sont presque toujours des dictionnaires bilingues – latin et une langue vernaculaire (ou vice versa) – ou sont basés sur le principe de mise en équivalence. Jetons un rapide coup d’œil sur la production lexicographique en France et dans nos régions. En 1538, Robert Estienne publia son Dictionarium Latinogallicum. L’année suivante, il le «renversa» en un dictionnaire franco-latin: Dictionaire Francoislatin, contenant les mots & manieres de parler Francois tournez, en Latin (1539; deuxième édition en 1549)350. Chez nous, le fondateur de la lexicographie néerlandaise, Cornelis Kiliaan, publia successivement trois dictionnaires, flamand (‘teuton’)-latin (Dictionarium Teutonico-Latinum [...] en 1574; deuxième édition, au titre identique, en 1588; dernière édition en 1599: Etymologicum Teutonicae Linguae sive Dictionarium TeutonicoLatinum [...])351.
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Page spécimen du Nomenclator omnium rerum propria nomina variis linguis explicata indicans de Hadrianus Junius. Édition de Francfort, chez Joannes Wechel et Peter Fischer, 1591. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, 7A5252
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L’enseignement et l’acquisition de langues: un concours de facteurs L’apprentissage et l’acquisition d’une langue – langue classique ou langue moderne –, est un processus complexe dans lequel interagissent plusieurs facteurs et acteurs. En premier lieu, il y a la figure (et la personnalité!) de la personne qui apprend une langue: on est doué ou non pour les langues; on peut être fortement ou faiblement motivé; on peut avoir l’avantage d’avoir été élevé, ou de vivre, dans un environnement multilingue. L’historien de la didactique des langues n’a guère de prise sur ces facteurs de nature «subjective». De manière générale, l’impact précis du contexte – outre le milieu multilingue ou monolingue, il s’agit du contexte politique, religieux, culturel, social et familial – est difficile à apprécier. Or il importe de reconnaître que ces deux dimensions – la personnalité de l’apprenant et le contexte – revêtent une importance fondamentale. Dans les cas où nous disposons d’informations (auto)biographiques, on parvient à comprendre le rôle important d’une motivation personnelle spécifique (comme l’apprentissage de l’hébreu ou de l’arabe à partir d’une «intention de conversion» chez certains auteurs humanistes) ou du contexte (cf. le rôle joué par des réformés francophones dans l’enseignement de langues dans les anciens Pays-Bas). Du point de vue historiographique, nous sommes mieux renseignés sur deux autres facteurs de l’enseignement des langues: les «maîtres» et la «méthode». Il faut toutefois admettre que nous disposons de peu d’informatiions biographiques sur la plupart des «maîtres» – les précepteurs privés et les «maîtres d’école» – qui ont été les «agents» de la didactique des langues vernaculaires. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, il y avait à Anvers environ cent cinquante écoles; si nous connaissons les noms de quelques centaines de professeurs de langue(s)
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pour la période 1540–1580352, pour la plupart d’entre eux, c’est aussi l’unique information que nous possédons à leur propos, à côté de leur appartenance à une corporation (gilde). Mais, heureusement, nous avons plus d’informations sur quelques maîtres de langue du XVIe siècle, soit parce qu’ils ont décrit leur vie et leurs réalisations en toutes couleurs (comme Nicolas Clénard)353, soit parce que nous pouvons reconstruire leur «profil» en nous basant sur des données qu’on peut glaner dans (les préfaces de) leurs ouvrages, ou sur des témoignages de leurs contemporains. C’est le cas pour d’importants maîtres de langue tels que Gabriel Meurier354, Peeter Heyns355 et son fils Zacharias356, ou, au XVIIe siècle, Pierre (Pieter) Marin357. Quant à la façon dont l’enseignement d’un «maître» se déroulait, nous avons quelques témoignages à ce propos – ou, du moins, des informations sur les «conditions préalables»; d’ailleurs, les œuvres didactiques ellesmêmes nous fournissent parfois des informations précieuses. Considérons le passage suivant, au début d’un «dialogue» dans le Parlement nouveau358 par Daniel Martin, maître de langue à Strasbourg: « Où allez-vous? – Je vais à l’escole Françoise. – Où la tient-on? – En la rue du Monstier. – En quel endroit? – Ioignant le boulanger, du costé du Monstier ou vers la grande Eglise. – Que donne-on par mois? – On donne seize schillings ou un risdale, ou bien quatre schillings par semaine. – Combien de fois y va-on le jour? – Deux fois, en payant seize schillings; ou une fois seulement en donnant douze schillings. – Quelles sont les heures que l’on y va? – Le matin on y est de dix heures iusques à onze; et l’apres-disnée de trois iusques à quatre. – Sçavez-vous bien pourquoy le maistre a choisi ces heures plutost que d’autres? – Ouy, cest a fin que les escoliers de classe y puissent aller sans empeschement en leur estude latine: car en sen allant de leur regent ils vont tout droict à leur maistre de langue.
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pierre swiggers – Qu’apprend-on en cette escole outre la lecture Françoise? – On apprend à parler et aussi à escrire, qui veut: et mesme ceux qui ne sont pas paresseux, ne se contentent pas de sçavoir peindre les lettres Françoises, comme on les escrit avec la plume: mais s’exercent deux fois la semaine à composer des themes François. – Qu’est-ce que vous entendez par cela? – I’entends que le maistre dicte le Mercredi et le Samedi quelques lignes en Allemand, qu’ils tournent en François, la correction desquels fait insensiblement apprendre la syntaxe Françoise, exerce et empesche d’oublier la declinaison des noms et la conjugaison des verbes ».
Dans cette conversation, l’auteur a fait sa propre «publicité»: on y trouve les renseignements indispensables sur l’endroit, l’horaire, le prix, le contenu et l’objectif de l’enseignement en langue française qu’il dispensait. Que savons-nous de la méthode d’enseignement des langues aux Temps Modernes? Tout d’abord, il convient de souligner que la «méthode» – la voie suivie (methodos)359 – est étroitement liée au public cible. Or en ce qui concerne le public, il faut faire une distinction entre quatre groupes. À côté de la noblesse (pour qui l’apprentissage des langues étrangères était avant tout une question d’intérêt culturel et politique, ou, à l’occasion, une affaire d’obligation ou de nécessité), il y avait la classe marchande qui apprenait des langues étrangères pour des raisons socioprofessionnelles; les enfants des marchands étaient envoyés dans des écoles où, en plus du calcul et de la comptabilité et, dans certains cas, de la géographie, on enseignait les langues modernes. Les commerçants parvenus à l’âge adulte recouraient en général à l’autodidaxie, en rapport direct avec leurs nécessités communicatives quotidiennes. Ensuite, il y avait les étudiants: ceux-ci apprenaient les langues étrangères dans les villes où ils étudiaient, en contact direct avec la population locale et/ou en prenant
des leçons avec un précepteur (dans un certain sens, les fils de marchands qui allaient suivre une formation professionnelle à l’étranger peuvent être considérés comme des «étudiants»: mais dans leur cas, les compétences linguistiques requises étaient en lien étroit avec l’environnement professionnel). Enfin, il y avait les hommes «doctes», les savants: ceux-ci apprenaient ou approfondissaient leurs compétences linguistiques soit au cours de voyages et par les contacts (avec leurs collègues), soit en assimilant une langue étrangère de façon autodidactique (dans ce dernier cas, principalement en utilisant des outils didactiques de «niveau avancé»). Du point de vue de l’histoire des méthodes en didactique des langues360, on peut reconnaître deux options principales – ayant existé depuis toujours – dans l’enseignement des langues. Soit on opte pour une pratique plutôt inductive, par la pratique («usage based») comprenant des exercices de conversation et d’écriture basés sur des morceaux de lecture; ce type d’apprentissage peut se compléter, au besoin, par un approfondissement plus théorique (explications d’ordre grammatical, lexical ou stylistique). Soit on opte pour un apprentissage plus déductif et fondé sur des règles, avec en premier lieu une démarche plutôt théorique, après quoi la théorie peut être mise en pratique. À la Renaissance, les «maîtres de langue» et leurs élèves étaient conscients de cette distinction et aussi de leur complémentarité: on en a un beau témoignage dans le sonnet que Christophe Plantin rédigea pour Peeter Heyns et qui est placé au début du Cort Onderwys van de acht deelen der Fransoischer talen (1571): Vous enfans desireux d’apprendre & marier Le langage François & le Flamand cymbrique Comme la nation & Celtique & Belgique, Sous le seul nom de Gaule on void s’apparier.
l ’ enseignement et l ’ étude des langues vernaculaires à la renaissance Diligemment vous faut ce Livre estudier: Et joignant la Practique avec la Théorique, Parler double langage avecques langue unique Apres que vous sçaurez les Verbes varier. Ici vous trouverez toute la liaison Des huict membres qui font le corps de l’Oraison, Par qui sont gouvernez les peuples & les villes. Et par qui le marchand sa traffique entretient L’artisan son mestier, & le Prince y maintient Le Corps du bien public dessous ses loix civiles.
Évidemment, la situation concrète dans laquelle se déroulait le processus d’apprentissage était décisive: le commerçant qui voulait apprendre une autre langue avait recours, en principe, à un manuel contenant des dialogues et des modèles de lettres, et le plus souvent aussi un vocabulaire; les fils de la bourgeoisie marchande placés dans des «écoles françaises» recevaient une combinaison d’enseignement «dirigé» (par le maître d’école) et d’exercices quotidiens; le savant humaniste qui voulait acquérir une langue vernaculaire, s’y prenait en général par la consultation d’une grammaire écrite (en latin) de cette langue et d’un dictionnaire (avec des équivalents en latin). À ce but, on pouvait utiliser, par exemple, une version multilingue du dictionnaire de Calepino ou le Nomenclator de Junius. Le manuel de langue qui a connu le plus grand succès aux Temps Modernes est le «Berlemont», un ouvrage qui n’a cessé d’être utilisé – à travers de multiples remaniements, élargissements et adaptations – pendant plus de trois siècles (jusqu’au XIXe siècle)361. L’auteur de l’ouvrage original était le «maître wallon» (waalsche schoelmeester, dans la graphie de l’époque) Noël de Berlemont, qui fut actif à Anvers. Ce précepteur hennuyer publia en 1527, chez Willem Vorsterman, un Vocabulare van nieus geordineert ende wederom gecorrigeert / Vocabulaire de nouveau ordonne et derechief recorrige (sans doute la première édition).
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L’ouvrage se présentait, dans cette édition, comme un dictionnaire bilingue (néerlandais-français) avec quelques courts dialogues. En 1536, une seconde impression, de nouveau chez Vorsterman, parut362; à partir de cette date, les réimpressions et adaptations se suivent à un rythme effréné363. Le nombre de langues ne cessa de croître: il passa de deux à trois, à quatre et, finalement, à huit langues364. Le titre (principal) de cet ouvrage a varié constamment (Vocabulaire/Vocabulaer/Diction(n)aire/Dictionariolum/ Colloquia/Colloques/Propos communs, ...); les imprimeurs ajoutaient et supprimaient des dialogues; l’ordre des listes de mots et d’expressions (en colonnes parallèles par langue) a été soumis à des réaménagements, etc.: ces modifications, à grande échelle, expliquent pourquoi il n’est guère facile d’assigner à la tradition du «Berlemont» tel ou tel dictionnaire polyglotte ou manuel de conversation qu’on trouve répertorié. Cet ouvrage pratique (généralement imprimé en «format de poche») a fait l’objet de quelques éditions parues à Louvain, imprimées par Bartholomaeus Gravius [de Gra(e)ve]: les éditions louvanistes – en quatre langues (flamand, français, latin, espagnol) – parurent en 1551, 1556, 1558 (dans cette impression l’italien remplace le flamand) et 1560–61. Dans l’avant-propos de l’édition 1551365, Gravius présente avec une très grande fierté cette édition quadrilingue et souligne la contribution du professeur au Collegium Trilingue, Corneille Valère (Cornelius Valerius)366 (responsable de la version latine), ainsi que celle de deux collaborateurs (non nommés) pour la partie espagnole. Gravius n’omet pas d’insister sur l’importance politique, culturelle et économique du multilinguisme: « Comme le painctre de son art aorne & accoustre sa paincture de diverses couleurs, pour la rendre plus excellente, ainsy la nature humaine s’efforce tousiours de soy & son pays ou elle est native, honorer & eslever par toutes
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pierre swiggers vertus, & aultres ornemens honorables & profitables à la chose publique. Dont à cause de diverses nations, qui sont tant à la court de la Maiesté Impériale, & de son filz Philippe d’Austrice, prince d’Espaigne, et de pays de pardeça: que à la tresfameuse Université de Louvain, là ou sont toutes nations de gens, & en Anvers marchans de tous pays. Sera donc dores-enauant fort utile & necessaire, à vous ieunes gens d’apprendre & de sçavoir plusieurs langues. Et nous est advis que ces quatre langues, Flamengue, Françoyse, Latine, & Espaignolle, lesquelz vous donnons icy, sont les plus necessaires à vostre honneur, & à nostre pays decoration. Et pour ce faire avons prins l’invention de Noel de Berlemont, lequel a tourné de Flameng en Latin treselegament, & le plus proprement que faire se povoit, le tressçavant home en diverses langues & arts M. Cornille Valere d’Utrecht, ce que sera fort profitable à tous enfants, lesquelz desirent d’apprendre la langue Latine. Et en oultre de Latin en la langue Castiliane est translaté par deux homes sçavants, & en leur langue maternelle treseloquents, & bien parlants: laquelle langue est la plus excellente de toute Espaigne. […] Parquoy doncques vous ieunes gens, ie vous prie de prendre peine d’apprendre ces quatre langues, ie ne doubte point que n’y trouverez honneur & profit ».
En rétrospective, l’instruction en langues modernes à la Renaissance fut surtout une question d’approches individuelles et «isolées», de méthodes intuitives, peu systématiques. Même l’ordre des jésuites a tardé à échafauder une méthodologie de didactique des langues: c’est plus d’un demi-siècle après la fondation de l’Ordre (1540) et quelques décennies après la parution des Ordines studiorum (1552) de Jerónimo Nadal que parut le texte définitif de la Ratio studiorum jésuite (1599). C’est à partir de la parution de la Ratio – même si la place accordée aux langues modernes dans l’enseignement des jésuites367 était très réduite – qu’une structure
solide fut introduite pour les contenus des cours, les programmes d’études, la division en classes, les objectifs didactiques, la formation des enseignants, les méthodes pédagogiques, etc. Mais pour efficace qu’elle fût (du moins à l’occasion)368, la pédagogie jésuite n’était pas innovante au plan théorique. Pour une révolution théorique, il faudra attendre le théologien «pansophiste» et pédagogue Coménius (Johannes Amos Comenius)369, originaire de Bohême, auteur de nombreuses œuvres, à partir de 1631, dans le domaine de la didactique générale et de l’enseignement des langues370. À partir d’une perspective théologique et philosophique, Coménius développe sa théorie générale (tant pour l’enseignement que pour l’apprentissage), dans laquelle sont centraux le lien avec la réalité et le contact sensoriel. Partant de l’acquisition systématique de la langue maternelle, puis d’une langue vernaculaire voisine, l’apprenant peut aborder les langues classiques. Coménius consacre beaucoup d’attention aux exigences à imposer aux enseignants et aux étudiants. Coménius expose de manière très systématique les mesures méthodologiques qui doivent être prises et comment elles doivent être mises en œuvre dans les outils didactiques. Bien que les idées de Coménius n’aient pas été partout reçues avec enthousiasme (les jansénistes de Port-Royal étaient fort réticents à l’égard de son programme d’éducation et dans les Pays-Bas septentrionaux ses idées ont souvent été critiquées), certaines de ses propositions ont trouvé, parfois lentement, leur place dans l’enseignement des langues: la progression nettement définie dans le traitement des contenus didactiques, le lien étroit entre manuels et niveaux d’apprentissage appropriés, et, surtout, le recours au support visuel.
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Frontispice d’une édition du manuel de langue multilingue de Noël de Berlemont en huit langues: latin / français / néerlandais / allemand / espagnol / italien / anglais / portugais (Anvers, Henricus Aertsen(s), 1630). Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, RA 56445 [Malheureusement, aucune copie des éditions louvanistes de 1551, 1556, 1558, 1560–61 n’est conservée à Louvain.]
Ceux de chez nous … Envisageons maintenant la situation à Louvain. Que savons-nous de l’enseignement de langues vernaculaires dans la ville du Collegium Trilingue? Louvain n’était pas une métropole commerciale multilingue comme l’était Anvers et elle comptait (beaucoup) moins d’imprimeries que la ville sur l’Escaut. Toutefois, comme nous l’avons lu chez Gessner (cf. supra), l’université (et, sans aucun
doute, le Collegium Trilingue) était un lieu de référence et un pôle d’attraction pour un public international d’étudiants et de savants. On connaît le cas d’étudiants étrangers371 qui y ont appris la langue vernaculaire. Ainsi, dans son autobiographie le savant valencien Juan Martín Cordero nous raconte qu’il a appris le flamand pendant son séjour à Louvain, non en s’entretenant avec d’autres étudiants, mais au contact avec la population locale372.
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Frontispice de la Gallicae linguae institutio de Johannes Pillotus, dans l’édition louvaniste imprimée par J. Bogardus, 1563. Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, 58.13 Gram.
Nous avons hélas peu d’informations concrètes sur les formes structurées d’un enseignement en langues modernes à Louvain. Outre la possibilité d’un enseignement privé, il y avait sans aucun doute une formation pour les enfants de la classe marchande. Il se peut que
des ouvrages didactiques disponibles, tels que ceux de Meurier ou, plus tard, de Heyns, aient été utilisés à cette fin. Néanmoins, certains indices nous incitent à conclure qu’il y avait aussi une demande pour des manuels français de la part des étudiants. Pour le XVIe siècle, nous avons connaissance d’une impression louvaniste de la grammaire française de Jean Pillot (Joannes Pillotus)373, écrite en latin; l’ouvrage était très prisé en territoire germanophone. L’édition de Louvain, publiée en 1563 chez Johannes Bogardus, contient une lettre d’envoi de l’imprimeur à Claudius Puteanus [Claude Dupuis]374, Gallicae Linguae in Academia Lovaniensi professor publicus375. La réimpression était destinée à l’enseignement du français que Dupuis prodiguait à Louvain (malheureusement, nous n’avons pas d’autres informations à ce sujet). Bogardus souligne, dans sa dédicace, la nécessité de l’étude du français dans nos régions: in hisce Belgij regionibus propter vicinae Galliae quotidiana commercia, non facile nec sine pudore ac molestia carere hac lingua posse. Pour le XVIIe siècle, la moisson n’est pas très riche. En 1622 parut, à Louvain, chez Henricus Hastenius, la grammaire française de Johannes Bartholomaeus van der Aa, ouvrage embrouillé (mais il faut bien croire que le titre ronflant renvoie à autre chose…): Grammatica Gallica: Talis ut numquamhuc usque similis visa, propterea non immerio potius phar linguae Gallicae intitulatum atque compositum à Nobili ac Ingenuo Viro, Ioanne Barth. vander Aa. Au cours du siècle, trois autres grammaires françaises allaient suivre: 1628. Pierre Parisot, Linguae Gallicae institutiones Ad usum Iuventutis Collegii Porcensis Lovanii (‘Apud Ioann. Oliverium & Corn. Coenesteyn’; rééditions en 1639, ‘Apud Coensteynium’; en 1650 ‘Apud Coensteynnium’; en 1662 ‘Typis Coenestenii’)376
l ’ enseignement et l ’ étude des langues vernaculaires à la renaissance 1667. Jean Nicolas Denis Parival, Grammatica Gallica (‘Apud Georgium Lipsi’)377 1689. Antonius Franciscus de Pratel, Manuductio ad linguam Burgundicam, praecipuis tum sacrae tum profanae historiae monumentis illustrata in favorem studiosae juventutis Celeberrimae Lovaniensium Universitatis (‘Typis Guilielmi Stryckwant sub aurea Lampade’; réimprimé en 1696 chez Stryckwant sous le même titre, et en 1717 sous le titre Principia linguae Burgundicae, selectis Historiae exemplis exornata).
De Pratel378, qui publia une Grammatica Burgundica en 1715 (également à Louvain, chez Stryckwant), se présente comme in Celeberrima Lovaniensium Universitate Regius Burgundicae Linguae Professor. C’est à dessein qu’il utilise le terme lingua Burgundica: « Je dirai seulement que comme ce furent les Bourguignons qui jettérent (pour ainsi dire) les premiers fondemens de ce Langage: on ne peut sans leur faire injustice ne point nommer Bourguignonne une Langue, dont ils furent les Auteurs (…) il importe peu qu’on la nomme communément Françoise. Ce nom est posterieur, puis qu’il lui fut donné des Francs, qui ayant passé le Rhin vinrent dans les Gaules plus de cent ans après nos Bourguignons: avec cet avantage pourtant que ceux-là eurent l’honneur de faire porter leur nom à la Langue du Païs, où ils établirent leur Monarchie après en avoir fait leur conquête. Cependant cela n’empêche point qu’elle ne doive être nommée Bourguignonne, si l’on a quelque égard pour sa première institution. Aussi est-ce pour lui rendre justice que je la produis sous ce nom »379.
Le fait que les grammaires françaises imprimées à Louvain aux XVIe et XVIIe siècles sont rédigées en latin, montre bien que c’étaient des manuels destinés à un public d’étudiants. Alors que, pour l’étude du français, très peu d’ouvrages importants virent le jour à Louvain,
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au XVIe siècle, la situation est toute différente pour l’espagnol et l’italien. Un des imprimeurs qui a beaucoup imprimé pour le Collegium Trilingue, à savoir Bartholomaeus Gravius [de Gra(e)ve], publia en 1555 une réimpression de la grammaire italienne (Grammatica volgare, Bologne, 1536), d’Alberto d’Ac(h)arisio. Cette édition louvaniste de Gravius est présentée avec une traduction et une préface en français380. Selon l’imprimeur, la nécessité d’un manuel de grammaire italienne s’explique par le fait que dans nos régions «la langue Toscane & Italienne (...) est à présent un savoir autant nécessaire qu’une autre langue quelconque»: « a cause que icelle est la plus prochaine du Latin & fort excellente, & en use on fort non pas seulement a la court de la Ma.[= Majesté] Imperiale: ou a la court du Roy Dom Phelippe d’Austriche son filz, Roy d’Angleterre, Prince d’Espaigne, & de ses pays depardeça, esquelles hantent grands princes & seigneurs, & toutes nations de gens de diverses langues ».
Le public visé par Gravius est nettement circonscrit: outre les étudiants de l’alma mater louvaniste («la très fameuse Université de Louvain, où sont escoliers de toutes régions, estudiants en toutes langues, facultez & sciences»), l’ouvrage est destiné également aux marchands d’Anvers. Mais le bilan à dresser pour l’espagnol est vraiment éclatant. En effet, les premières grammaires du castillan, après celle de Nebrija (1492), furent publiées dans nos régions, entre 1555 et 1559: 1555. [Anon.] Util, y breve institution, para aprender los principios y fundamentos de la lengua Hespañola. Institution tresbrieue & tresutile, pour aprendre les premiers fondemens, de la langue Espagnole. Institutio brevissima & utilissima, ad discenda prima rudimenta linguae Hispanicae. (Louvain, chez B. Gravius)
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pierre swiggers 1558. Cristóbal de Villalón, Gramatica Castellana. Arte breve y compendiosa para saber hablar y escrevir enla lengua Castellana congrua y deçentemente. (Anvers, chez G. Simon) 1559. [Anon.] Gramatica dela Lengua Vulgar de España. (Louvain, chez B. Gravius)
La grammaire du théologien et philosophe Cristóbal de Villalón381, dans laquelle on reconnaît l’influence de la linguistique hébraïque et arabe, fut imprimée à Anvers, probablement pour échapper au contrôle de l’Inquisition espagnole. Quant aux deux grammaires «louvanistes»382, parues sous l’anonymat, elles témoignent de l’intérêt multilingue auprès du public visé. La grammaire de 1555 donne, en parallèle, une description de l’espagnol, du français et du latin: trois grammaires en un seul ouvrage! Dans la préface, l’auteur relève la pertinence sociale de la connaissance du castillan: « Je ne te fay point de preface Amy Lecteur, pour toy remonstrer combien il est, & doresnavant sera utile, voire necessaire en ce pais de scavoir la langue Castillane, presupposant que de toy mesme tu l’entens assez ».
Frontispice de la Grammatica Burgundica (Louvain, G. Stryckwant, 1715) d’Antoine-François de Pratel, titulaire (à partir de 1687) de la première chaire de français à l’Université de Louvain. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, CaaA1442.
La mince grammaire (monolingue) de 1559 est davantage intéressante: non seulement l’auteur anonyme fait preuve d’une intuition profonde (et originale!) des structures de la langue espagnole, mais dans un long prologue, il brosse un panorama des langues parlées en Espagne et au Portugal383. Ce prologue répond ainsi à l’intérêt que les lecteurs pouvaient porter à la diversité linguistique dans l’empire hispano-habsbourgeois et dans le royaume portugais. Il est question aussi des rapports changeants entre langues et entités politiques. À la fin du XVIe siècle, parut, à Bruxelles, le dictionnaire trilingue de Hendrik (Henri) Hornkens, Recueil de Dictionnaires Françoys, Espagnols et Latins (1599), un ouvrage qui sera généreusement plagié par les lexicographes du
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Frontispice de la grammaire espagnole anonyme parue à Louvain en 1559. En 1555 et 1559, deux grammaires de l’espagnol furent imprimées à Louvain par Bartholomaeus Gravius. Il s’agit, après celle de Nebrija (1492), des plus anciennes grammaires espagnoles. Le travail de 1559 contient un prologue intéressant sur les langues de la péninsule Ibérique. Madrid, Biblioteca Nacional de España, R/10192.
XVIIe siècle. Ce dictionnaire trilingue, dont on ne connaît pas l’éventuelle motivation didactique sous-jacente384, témoigne de l’intérêt «polyglotte»; dans le dictionnaire de Hornkens, le latin côtoie deux langues européennes modernes.
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Au XVIIe siècle, Louvain entra dans une période de déclin en ce qui concerne l’étude de l’espagnol et de l’italien. À Anvers, le vif intérêt porté à l’espagnol donnera lieu à une intense production linguistique, du moins dans la première moitié du siècle. Cette production soutenue d’ouvrages portant sur la langue espagnole s’explique par la présence de troupes et de fonctionnaires espagnols à Anvers. En 1639 parut, sans nom d’auteur, chez l’imprimeur César Trognésius, un volumineux dictionnaire trilingue espagnol-français‘flamand’: El Grande Dictionario y Thesoro de las tres lenguas Española, Francesa y Flamenca con todos los nombres de los reynos, ciudades y lugares del Mundo [...]385. Ce dictionnaire a servi de base à un autre produit anversois, imprimé en 1659 par Jérôme (Hieronymus) et JeanBaptiste (Jan Baptist) Verdussen, à savoir Den nieuwen Dictionaris oft Schadt der Duytse en Spaensche Talen, qui est l’œuvre d’Arnaldus/Arnaldo de la Porte, «Capellaen Major van het Casteel van Antwerpen» (‘premier chapelain au château/à la forteresse d’Anvers’). De La Porte386 ajouta une brève grammaire à son dictionnaire «bidirectionnel» (en effet, à la partie néerlandais-espagnol fait suite une partie espagnol-néerlandais): Den Spaensen grammatica Seer bequaem ende Profytelijck voor de Jonckheyt ende Liefhebbers der seluer Tale/Grammatica Española Muy provechosa por la Iuventud y Amadores de la Lengua Española (‘Grammaire de l’espagnol, très adéquate et fort profitable à la jeunesse et aux amateurs de ladite langue’)387. De manière analogue à Anvers, la ville de Cologne s’était érigée, dès le milieu du XVIe siècle, en centre d’enseignement et d’étude de langues. À Cologne, l’activité didactico-linguistique était non seulement au service d’un public de commerçants, pour lequel des manuels de grammaire concis et des livres de conversation ont été
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Frontispice de Den nieuwen Dictionaris oft Schadt der Duytse ende Spaensche Talen / Nuevo Dictionario, o Thesoro de la Española y Flamenca d’Arnaldo de la Porte (Anvers, 1659). Sur le frontispice de ce dictionnaire néerlandais-espagnol et espagnol-néerlandais figurent les effigies de prédécesseurs célèbres dans la tradition lexicographique: Trognesius, Meurier, Sasbout, Kiliaan, Nicod [= Nicot] et Oudin. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, 7A2420
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conçus (comme les ouvrages de Gérard Du Vivier), mais visait aussi d’autres types d’utilisateurs, tout particulièrement les étudiants du collège des Jésuites, le collège Trium Coronarum388. Un des professeurs de ce collège, Heinrich (Henricus) Doergang [Doergan(g)k] fut une figure importante dans le domaine de la didactique des langues modernes. Il publia des grammaires du français (Institutiones in linguam Gallicam, 1604), de l’italien (Institutiones in linguam Italicam, 1604), et de l’espagnol (Institutiones in linguam Hispanicam, 1614)389. Dans les anciens Pays-Bas septentrionaux, le grammairien et maître de langue Carolus Mulerius présente un profil comparable à celui de Doergang. Mulerius publia également, dans un format plus concis (et très stéréotypé), des grammaires des langues romanes les plus importantes pour nos régions: le français, l’italien et l’espagnol390. L’œuvre grammaticale de Mulerius doit être vue comme une sorte de complément aux nombreuses impressions du manuel polyglotte de Noël de Berlemont dans nos régions: une description grammaticale venait enrichir l’information lexicale et phraséologique. Signalons encore qu’en 1661, un certain Guillaume Beyer publia, à Dordrecht, une grammaire en trois langues (français, anglais, néerlandais), à savoir La vraye Instruction des trois langues. La Francoise, l’Angloise, & la Flamende: Proposee en Des regles fondamentelles & succinctes, Un Assemblage des mots les plus usitez, & Des Colloques utiles & recreatifs; où, horsmis d’autres discours curieus, le gouvernement de la France se deduit Historiquement & Politiquement: Mise en ces trois langues par G.B. En France aussi, l’intérêt pour la langue espagnole s’accrut au cours de la seconde moitié du XVIe siècle. Cela a engendré, à partir de la fin du siècle, la publication de nombreux manuels de grammaire et de conversation. Très tôt, le marché fut dominé par l’œuvre du
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grammairien et du lexicographe César Oudin, auteur d’une grammaire, d’un dictionnaire et d’un manuel contenant des dialogues, autant d’ouvrages didactiques pour l’étude de l’espagnol391. Au cours du XVIIe, et encore au XVIIIe siècle, son œuvre laissera sa forte empreinte sur l’étude grammaticale et lexicographique de l’espagnol en France et en Europe. Reportons-nous à nos régions. En 1697 parut à Bruxelles une grammaire espagnole de la main du sieur (señor) François (Francisco) Sobrino392, maître de langue à la cour hispano-habsbourgeoise à Bruxelles. L’ouvrage, intitulé Nouvelle (!) grammaire Espagnolle, est en grande partie un plagiat, entre autres de la grammaire de César Oudin, mais cela n’empêcha pas Sobrino, encouragé par le succès immédiat de son travail393, de piller également le dictionnaire d’Oudin: en 1705, Sobrino publia son dictionnaire (Diccionario nuevo), qui connaîtrait également un grand succès. Jamais deux sans trois: en 1708, Sobrino fit paraître la première édition de ses Diálogos nuevos. Dans ce cas aussi, il avait «consulté» le travail de quelques prédécesseurs, tels John Minsheu et César Oudin394. De même que la grammaire et le dictionnaire, son manuel de conversation sera, jusqu’à la fin du XIXe siècle, réimprimé, adapté et – on récolte ce qu’on a semé – plagié: en 1718 parut à Londres l’ouvrage de Félix Antonio de Alvarado, Diálogos ingleses y españoles, dans lequel tous les dialogues sont tirés de Sobrino. Nous présentons ci-dessous la liste des principales œuvres didactico-linguistiques de Sobrino (les dates sont celles des premières éditions): 1697. Francisco Sobrino, Nouvelle grammaire Espagnolle en François (Bruxelles, chez François Foppens) 1705. Francisco Sobrino, Diccionario nuevo de las lenguas Española y Francesa […] (Bruxelles, chez F. Foppens) 1708. Francisco Sobrino, Diálogos nuevos en español y francés […] (Bruxelles, chez F. Foppens).
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Le Coláiste San Antoine (Collège Saint-Antoine ou «Collège irlandais») à Louvain, fondé en 1617 Lithographie de H. Otto, reproduite dans Edward Van Even, Louvain monumental, 1860, p. 158.
À Louvain, une nouvelle langue moderne fit son apparition sur la scène: l’irlandais395. Le 21 septembre 1606, Philippe III accorda à Florence Conry396 la permission d’établir un couvent franciscain irlandais à Louvain. Les premiers moines irlandais, venant de Salamanque, arrivèrent à Louvain en mai 1607. Les moines irlandais s’installèrent dans une maison située près de la chapelle Saint-Antoine, qui à l’époque était la chapelle de la Faculté des Arts. Après l’achat d’un terrain dans la Broekstraat (‘rue du Marais’), la première pierre du couvent fut posée par l’archiduc Albert et l’infante Isabelle d’Autriche, le 9 mai 1617. Jusqu’à l’occupation française de la ville de Louvain (en 1796), les franciscains irlandais occuperont sans interruption le cloître et son collège. Au «Collège irlandais», où une imprimerie fut aussitôt installée, une activité intense s’est développée dans divers domaines: la philosophie, la théologie, l’hagiographie et l’historiographie irlandaises397. L’étude des
langues y florissait également: vers 1610, Bonaventure O’Hussey (Maol Brighde Ó hEodhusa) rédigea ses Rudimenta Grammaticae Hibernicae, un ouvrage resté inédit, mais dont de nombreuses copies manuscrites ont circulé sur le continent européen et sur les îles Britanniques. Le texte de Bonaventure O’Hussey, la première grammaire de l’irlandais moderne, fut à la base de la Grammatica Latino-Hibernica de Francis O’Molloy, publiée à Rome en 1677 (sur les presses de la Propaganda Fide). Lors de son noviciat à Louvain, O’Molloy avait probablement eu accès à une version manuscrite des Rudimenta; le lien avec Louvain apparaît également du fait que l’auteur a mis à profit l’ouvrage de Juste Lipse, De recta pronuntiatione Latinae linguae dialogus [1586], pour sa description du système phonétique de l’irlandais. Bien que l’activité scientifique au «Collège irlandais», après un début éclatant, se soit ralentie dans la seconde moitié du XVIIe siècle, l’intérêt pour l’étude de la langue irlandaise s’est maintenu, comme en témoigne la publication de la grammaire de Hugh Mac Curtin (Aodh Buidhe Mac Cruitín), The Elements of the Irish Language, Grammatically Explained in English, imprimée en 1728 à Louvain chez Martin Van Overbeke. Caveat lector Dans cette contribution, nous avons présenté un aperçu sélectif et partiel de l’enseignement des langues vernaculaires, ou modernes, aux XVIe et XVIIe siècles. Il convient – ne mundus decipiatur – d’y ajouter quelques nuances et des remarques de nature «relativisante». La première observation est que nous sommes finalement peu renseignés sur les modalités concrètes selon lesquelles l’enseignement des langues modernes se déroulait. Cette remarque relativisante est également valable pour l’enseignement des langues classiques; toutefois, en
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ce qui concerne les manuels utilisés dans l’enseignement de celles-ci, nous disposons en général d’un nombre plus élevé d’exemplaires conservés, et comportant souvent des annotations. En outre, on a conservé parfois des notes de cours pour l’enseignement des langues classiques, grâce au fait que ce type d’enseignement jouissait d’une reconnaissance universitaire. Il est vrai que pour ce qui concerne l’enseignement des langues modernes, il nous reste, dans une proportion bien moindre, des exemplaires de textes sources, comme les manuels de conversation, les tables de conjugaison, les traités d’orthographe, les modèles de lettres, les glossaires, et on y trouve parfois des annotations, mais somme toute, nous ne savons guère comment les anciens «maîtres de langue» ont utilisé ces matériaux dans leur pratique didactique quotidienne398. Il est également connu que, comme c’était le cas dans l’enseignement du latin, des représentations théatrales figuraient au programme dans l’enseignement des langues vernaculaires. Mais quelle en était la fonction précise dans le processus d’apprentissage? On aimerait savoir aussi comment se déroulait, dans la pratique didactique, la correction d’erreurs et de défauts d’articulation, de grammaire, de style ou d’expression communicative. Un autre point sur lequel nous savons peu de choses concerne les attitudes à l’égard des langues vernaculaires et leur variation interne. Quelle(s) idée(s), et quelle perception, les enseignants et les étudiants avaient-ils de la variation linguistique, de l’emploi correct ou incorrect de la langue? Il est vrai que les critères auxquels on se référait nous sont connus: les concepts normatifs traditionnels – auctoritas, consuetudo, analogia, éventuellement vetustas –, et la référence à l’élite sociale détentrice du «bon usage». Mais quel était le poids hiérarchique accordé à ces critères? Une troisième question ouverte concerne les vues idéologiques ayant affecté l’éducation linguistique399.
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Certains faits sont bien connus: à la vulgarité, voire la brutalité choquante des dialogues didactiques médiévaux400, s’oppose le sens de dévotion, de civilité et d’ouverture historico-culturelle qui transparaît dans les dialogues des XVIe et XVIIe siècles. Toutefois, ici aussi, il faut se poser la question: comment le précepteur et l’élève approchaient-ils ces textes, et ces textes étaient-ils directement utilisables? On pourrait nous objecter que c’est là vouloir problématiser les choses à tout prix et qu’il faut se rendre à l’évidence: dans l’enseignement des langues modernes, ne s’agissait-il pas, après tout, d’apprendre à parler et à écrire correctement ces langues? Néanmoins, l’historien devrait se garder ici (ou: ici aussi) d’une trop facile naïveté. Qu’il importe d’être circonspect, c’est bien ce que prouve le passage suivant, tiré d’une des meilleures grammaires françaises de la fin du XVIIe siècle, L’Art de bien parler françois qui comprend tout ce qui regarde la Grammaire & les façons de parler douteuses (Amsterdam, 1696)401. Qu’on lise attentivement ce que l’auteur, Pierre de la Touche, écrit dans sa dédicace au Duc de Gloucester: « Mais ce n’est pas seulement la beauté & le grand usage de cette Langue qui doivent porter VOTRE ALTESSE ROIALE à l’apprendre; c’est une espèce de nécessité qui l’y engage. La France est devenuë si redoutable par mer & par terre depuis trente ans, qu’il est de la gloire & de l’intérêt de l’Angleterre d’affoiblir cette puissante Monarchie, & de ne soufrir jamais qu’Elle s’étende au dela de ses justes bornes. Que si VOTRE ALTESSE ROIALE veut suivre cette sage politique, comme j’en suis persuadé, & s’oposer avec succès aux desseins de cette Couronne ambitieuse, il sera nécessaire qu’Elle entretienne des correspondances secrettes, & qu’Elle entre dans le détail de beaucoup d’affaires qui demandent absolument la connoissance du François ».
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Regina linguarum. L’enseignement du latin au Collegium Trilingue, XVIe-XVIIIe siècles Xander Feys & Dirk Sacré
« Homines, mihi crede, non nascuntur, sed finguntur. » « Crois-moi : on ne naît pas homme, on le devient. » Érasme, De pueris instituendis403
Enseignement et humanisme : de l’Italie aux Pays-Bas Au XIVe siècle, l’humaniste italien Francesco Petrarca (1304-1374) écrit, en se rappelant sa jeunesse : « Depuis ma tendre enfance, à un âge où les autres n’ont d’yeux que pour Prosper d’Aquitaine ou pour Ésope, je me suis appliqué aux ouvrages de Cicéron, soit par attirance naturelle, soit sur le conseil de mon père, qui avait une grande vénération pour cet auteur »404. Certains voient, dans des témoignages comme celui-ci, le point de départ de la critique humaniste du curriculum scolaire médiéval405. L’Ex sententiis Augustini de Prosper, recueil de fragments de l’œuvre de saint Augustin, datant du Ve siècle, ainsi que la traduction latine des Fables d’Ésope étaient, en effet, extrêmement populaires au Moyen Âge. Ils faisaient partie d’un canon littéraire dont le texte le plus populaire était le Doctrinale, une grammaire latine comportant plus de 2.500 vers écrits par Alexandre de Villedieu
(ca. 1175-1240/50), un maître d’école parisien, dont l’œuvre était lue encore durant la Renaissance. Par la lecture et l’étude de ces auctores, l’enseignant – appelé parfois aussi auctorista – espérait apprendre le latin à ses élèves et, en même temps, former leur sens moral. En outre, une bonne partie du programme médiéval était consacrée à l’ars dictaminis, la théorie et la pratique de l’écriture épistolaire. La complexité grandissante de la société, aussi bien au regard de l’administration civile qu’au niveau des structures de l’Église, requérait, en effet, un nombre de plus en plus grand de gens capables d’écrire des lettres. L’ars dictaminis était basée en partie sur le De inventione, œuvre de jeunesse de Cicéron, et sur la Rhetorica ad Herennium, jadis également attribuée à Cicéron. Ces traités d’ars dictaminis offraient aux étudiants des règles et des directives strictes pour la rédaction de lettres (administratives ou officielles). Cette approche est caractéristique de l’enseignement médiéval : plutôt que de suivre un modèle (imitatio), on tentait d’inculquer des principes généraux qui, si besoin en était, devaient être adaptés à leur tour. À côté de ces quelques ouvrages de Cicéron, l’étudiant
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devait s’imprégner d’un nombre limité d’auteurs classiques, surtout des poètes comme Virgile, Ovide et Stace. La connaissance approfondie du grec était quasi inexistante durant le Moyen Âge. Il semble, en outre, que l’auctorista ait considéré et enseigné comme un tout homogène la littérature païenne et chrétienne, la littérature classique et postclassique et les manuels pédagogiques406. Selon la conception traditionnelle, Pétrarque et les nombreux savants italiens venant après lui représentent une rupture, marquée par l’avènement de l’humanisme. La redécouverte de l’héritage classique (les langues, la littérature et la culture antiques) entraînait, aux XIVe et XVe siècles, des mutations profondes, non seulement dans les sciences en général, mais également (et peutêtre surtout) dans le curriculum médiéval et scolastique, resté jusque-là très rigide. Même s’il y a des raisons pour parler de rupture entre le Moyen Âge et la période humaniste, il importe de se rendre compte que le passage s’est probablement effectué de façon moins abrupte qu’on ne le soupçonne souvent407. Mieux : certaines œuvres médiévales caractéristiques, comme les Distiques de Caton continuent d’être lues avec ferveur durant la Renaissance, à cause de leur valeur pédagogique intrinsèque408. Quoi qu’il en soit, les humanistes italiens se sont efforcés de promouvoir leur programme nouveau, les « studia humanitatis », par des traités destinés à convaincre les parents d’envoyer leurs enfants dans les nouvelles écoles. Le premier traité de ce genre fut écrit par Pier Paolo Vergerio (ca. 1368-1444) en 1402 ou 1403. Il est à l’origine d’une longue tradition qui aura aussi un écho dans les Pays-Bas, quelques décennies plus tard. Son De ingenuis moribus et liberalibus studiis adulescentiae (« Sur les bonnes mœurs et les études libérales de la jeunesse ») se distingue par son ton moralisant très prononcé. C’est là
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un élément qui restera la marque propre des traités ultérieurs sur l’éducation. L’œuvre pédagogique de Vergerio, en lien direct avec la vie civile, s’adressait d’abord aux princes et aux aristocrates. D’après l’auteur, on atteint la vertu et la science en cultivant corps et esprit au moyen des liberalia studia. Mais le traité de Vergerio ne fut pas le seul à s’imposer aux esprits : les idées formulées par Leonardo Bruni dans son De studiis et litteris liber (« Livre sur les études et les lettres », 1423-1426), celles d’Aeneas Silvius Piccolomini – le futur pape Pie II – dans son Tractatus de liberorum educatione (« Traité sur l’éducation des enfants », 1444) et de Battista Guarino, le fils du célèbre maître Guarino da Verona409 dans son De ordine docendi et discendi (« Sur le système de l’enseignement et de l’apprentissage ») eurent également une grande influence. Il ne fallut pas longtemps pour que les idées de la renaissance italienne se répandissent aussi dans d’autres parties de l’Europe, et notamment dans les Pays-Bas410. Dans le Nord, la première avancée est due à Rodolphe Agricola (1443/4-1485)411. Cette figure emblématique qui prépara la venue d’Érasme (ca. 1466-1536) était l’ami du maître néerlandais renommé Alexandre Hegius (ca. 1439-1498). Il connaissait le grec et fit des essais pour apprendre l’hébreu. Avec un peu d’imagination, on peut voir en lui l’incarnation de l’idéal que le Collegium Trilingue tentera de réaliser quelques décennies plus tard. Agricola était en outre un grand voyageur qui séjourna plusieurs années en Italie, notamment à Pavie et à Ferrare (auprès de Battista Guarino, que nous venons d’évoquer). L’influence de l’humanisme italien restera présente durant toute sa carrière. Ainsi son traité épistolaire De formando studio (« Sur l’organisation des études », 1484), dédié au musicien anversois Jacques Barbireau (Jacobus Barbirianus, 1455-1491), perpétue-t-il le genre
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de l’essai pédagogique, tant au niveau du contenu que de la forme412. La philosophie morale occupe une position centrale dans la pensée d’Agricola. On s’y forme non seulement à partir de philosophes comme Aristote et Sénèque, mais également en étudiant les historiographes, les orateurs et les poètes. La philosophie morale constituait, aux yeux d’Agricola, une première étape vers l’étude de l’Écriture sainte, une conviction qui laisserait une forte empreinte sur l’humanisme du Nord du XVIe siècle, grâce à Érasme. Notre auteur était aussi très attentif à ce qu’il appelle la disputatio de natura rerum, « le débat sur la nature ». Il s’agit d’une « histoire naturelle » au sens large, portant sur tous les sujets qui présentent l’un ou l’autre lien avec les sciences de la nature, par exemple la géographie, la médecine et l’architecture. Pour cet humaniste natif de Groningue, ce sont là autant de compléments nécessaires à la philosophie morale. Cette « science naturelle » offrait à l’érudit un très large potentiel et contribuait grandement au développement global de la personne. L’étude de la nature et, par extension, de la littérature et de la culture, engendrait, en effet, une conscience morale. En même temps, l’étude favorisait le développement d’une certaine sensibilité linguistique. Pour s’approprier cet idéal intellectuel, Agricola envisagea une sorte de programme en trois étapes : la lecture attentive devait assurer une bonne compréhension, la mémoire fidèle était le garant d’une assimilation précise de la matière et la pratique incessante devait permettre à l’étudiant de produire à son tour un discours sensé413. Le binôme « valeur morale – compétence linguistique » trouvera son écho plus tard dans l’œuvre d’Érasme. Celui-ci a publié un grand nombre d’ouvrages pédagogiques et a joué, à son tour, un rôle capital dans le développement de l’humanisme du Nord414. D’une façon très
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Portrait de Rodolphe Agricola Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, PA06567
claire, Érasme plaçait les studia humanitatis sous le signe de la foi chrétienne – il suffit de penser par exemple à sa célèbre édition du Nouveau Testament (première édition à Bâle chez Froben, 1516). Quand Érasme revint à Louvain en 1517 pour un séjour prolongé, il se sentit vite chez lui à la pédagogie du « Lys ». Bien que l’on y enseignât le latin (et un peu de grec) et qu’il y régnât un esprit pré-humaniste, « l’étude humaniste » du latin et
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du grec ne prendrait pleinement son envol qu’avec la fondation du Collegium Trilingue la même année. Le « prince des humanistes » allait jouer, dans cette fondation, un rôle non négligeable415. Le latin au Collège des Trois Langues – XVIe siècle D’Adrien Barland à Cornelius Valerius : le premier âge d’or L’histoire du Collegium Trilingue débute avec un nom illustre, même s’il est vrai qu’Adrien Barland (Hadrianus Barlandus, 1486-1538), le premier professeur de latin, n’y demeura que quelque quinze mois. Ce savant originaire de Zélande est resté célèbre comme enseignant et pédagogue. Déjà avant ses débuts au Collège des Trois Langues, il avait connu un grand succès à la pédagogie du « Porc » à Louvain, où il avait étudié lui-même. Par la suite, il se fit un nom comme précepteur. À partir de 1526, il enseigna à la Faculté des Arts comme rhetor publicus (« professeur public d’éloquence »)416. La méthode didactique et la pratique de Barland se laissent déduire de son traité épistolaire De ratione studii (« Sur le plan d’études »)417. Dans cet opuscule, datant du début de 1517, adressé à son ami et ancien élève Willem Zaghere († 1538), Barland essaie de résumer ses conceptions pédagogiques418. Bien dans la ligne de l’humanisme italien et de Rodolphe Agricola, le professeur de Louvain considère Cicéron et Quintilien comme les figures centrales pour l’étude des Lettres, dans la mesure où ils constituent des modèles stylistiques particulièrement adaptés à la jeunesse. Au début de son essai, Barland accorde la première place aux grammairiens latins et grecs. Dans son énumération de grammairiens célèbres, il cite Théodore Gaza (1400-1475) et Alde Manuce (ca. 1450-1515), mais aussi Jean Despautère (ca. 1480-1520). Les grammaires
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latines de cet humaniste et ancien professeur du « Lys », originaire de Ninove, ont été utilisées longtemps encore après sa mort. Avant de poursuivre son exposé, Barland saisit l’occasion pour critiquer les maîtres qui terrorisent leurs élèves pendant des années avec des commentaires difficiles et fastidieux ; c’était là en effet un fléau typique de l’approche didactique scolastique déjà férocement attaquée par Érasme, pour qui les commentaires sans fin entravent l’apprentissage. Comme Érasme, Barland prône une voie plus douce : une sélection des meilleurs préceptes de ces grammaires permet de mieux assimiler les connaissances de base419. Ensuite, Barland passe aux poètes. Il établit une liste d’auteurs qu’il considère comme essentiels pour la formation des jeunes. En premier lieu sont cités les Apologues du célèbre fabuliste Ésope. Ces textes, traduits du grec en latin (par Gautier l’Anglais [Gualterus Anglicus] au XIIe siècle ?), exempts d’obscénités, jouissaient d’une forte popularité au Moyen Âge et restèrent longtemps en vogue à la Renaissance. Barland avait établi une édition des fables d’Ésope (et d’Avien), parue en 1512 chez Thierry Martens420, dans laquelle il proposait des versions qui lui étaient propres. Cette édition, une adaption d’une édition de Guilielmus Goudamus (ca. 1469-1510), est louée dans une des lettres liminaires comme étant très utile pour la formation morale et linguistique des jeunes gens421. Après Ésope, les places d’honneur reviennent respectivement à l’auteur comique Térence et au poète épique Virgile. Ici réapparaît la dualité « valeur morale – compétence linguistique », si caractéristique des humanistes. Comme pour les fables, Barland ne cessa d’insister dans ses cours sur l’importance de ces poètes. Sur Virgile, il rédigea vers 1515 un livre intitulé Versuum ex poetarum principe Vergilio proverbialium collec-
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tanea (« Recueil de vers gnomiques tirés de Virgile, prince des poètes »). Publié également chez Thierry Martens à Louvain, cet ouvrage est surtout connu par sa réédition chez Gilles de Gourmont à Paris vers 1518. Entre 1529 et 1536, Barland fit encore paraître, chez Michel Hillen à Anvers, ses Enarrationes in primos quatuor libros Aeneidos Vergilii (« Commentaires sur les quatre premiers livres de l’Énéide de Virgile »). Déjà comme professeur à la pédagogie du « Porc », Barland avait plus d’une fois fait jouer par ses étudiants une comédie de Térence. De ces pièces de théâtre, Barland donna une édition scolaire (Louvain : Rutger Rescius, 1530), qui témoigne de son intérêt pour la langue des comiques latins. Après Ésope, Térence et Virgile, la liste de Barland se poursuit avec Horace et des poètes chrétiens comme Prudence, ou encore le poète humaniste Baptista Mantuanus (1447-1516), le « Virgile chrétien ». En ce qui concerne les auteurs de prose, le professeur de latin privilégie les écrivains considérés comme des modèles classiques : Cicéron, César, Salluste et TiteLive422. À côté de ces auteurs, connus surtout pour leurs ouvrages de rhétorique et d’histoire, Barland n’hésite pas à recommander aussi explicitement des auteurs épistoliers tels que (à nouveau) Cicéron et Pline le Jeune. Il n’oublie pas non plus les auteurs contemporains et cite aussi bien les epistulae de Francesco Filelfo (1398-1481) que les Elegantiae linguae Latinae (« Raffinements de la langue latine ») de Lorenzo Valla (ca. 1406-1457), dont l’editio princeps parut en 1471 chez Nicolas Jenson à Venise423. Dans son De ratione studii, Barland insiste aussi sur l’importance de l’ars versificatoria ou « versification » : à son avis, cette compétence indispensable à qui veut analyser ou composer des vers est trop souvent délaissée
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dans l’enseignement à Louvain. Accordant une attention constante au trivium, Barland considère la dialectique comme la base indispensable pour poursuivre des études de droit ou de théologie. Comme l’affirmaient Rodolphe Agricola, dans son De inventione dialectica, et après lui Érasme, le trivium (composé de la dialectique – ou logique, – de la rhétorique et de la grammaire) est appelé à rester au cœur même de l’enseignement des langues et de l’enseignement tout court. Mais, dans l’esprit humaniste, il est maintenant réorienté vers une étude intensive de la langue et du discours élégant424. Entre cette approche nouvelle et celle du Moyen Âge, on observe un net changement de perspective : sous l’influence de l’humaniste italien Lorenzo Valla et ses Dialecticae disputationes (« Exposés dialectiques », dont la première version date de 1439), la rhétorique et la grammaire ne sont plus au service de la logique, mais logique et grammaire sont subordonnées à la rhétorique. Cette question n’est cependant pas définitivement tranchée et la relation entre dialectique et rhétorique reste jusqu’à un certain degré un sujet de controverse425. Quoi qu’il en soit, Barland semble avoir plaidé pour un type d’enseignement général intégrant aussi bien des éléments plus anciens (médiévaux) que des innovations426. Le passage suivant de son De ratione studii illustre en tout cas sa méthode didactique : « Il faut veiller à la pratique régulière d’exposition, d’écriture et de dictée. Ces trois exercices améliorent, en effet, la compréhension, renforcent la mémoire et accélèrent le débit de l’expression verbale. Nous apprenons beaucoup aussi en faisant des exposés, et ce que nous avons appris ainsi, nous le retenons mieux. L’exercice de l’écriture et de l’expression verbale a, en bonne partie, fait de M. Tullius Cicero, pour ne citer que lui, le coryphée qu’il est maintenant427. »
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La dimension linguistique de l’enseignement de Barland n’était pas seulement une fin en soi, mais en même temps un moyen de parvenir à une meilleure compréhension du sens (moral) du texte.
(Ludovicus Carinus, ca. 1496-1569) est peut-être encore plus intéressant. Il y est question du milieu académique louvaniste en général et de la ratio docendi ou « méthode didactique » de Goclenius en particulier :
En 1519, Conrad Goclenius (1490-1539) succède à Barland comme professeur de latin au Collegium Buslidianum. Dans sa jeunesse, cet humaniste allemand avait suivi les cours d’Alexandre Hegius (mentionné plus haut) à l’école latine de Deventer. Après quelques années à Cologne, il arrive en 1512 à Louvain où il s’inscrit, le 28 février, comme étudiant à la pédagogie du « Château ». Il y termine ses études en 1515 et travaille quelque temps comme précepteur. Ce n’est qu’après son engagement au Collège des Trois Langues que sa carrière prend son envol. Ami d’Érasme et de nombreux autres humanistes, il s’acquiert rapidement une grande réputation d’enseignant et de pédagogue428, participant ainsi à l’essor du collège qui venait d’être fondé. C’est ce que démontrent non seulement plusieurs passages de la correspondance d’Érasme429, mais aussi cette évocation élogieuse dans une lettre du (futur) cardinal Antoine Perrenot de Granvelle (1517-1586), véritable mécène pour beaucoup d’humanistes de Louvain, à son oncle Jean Maurice (Mauricius) : « Il y a ici un jeune professeur public, Conrad Goclenius, qui est, de l’avis de tous, un homme très savant. Il est déjà fort avancé dans la lecture de l’Énéide de Virgile. De plus, il ne manque pas à Louvain de professeurs d’hébreu et de grec, qui rehaussent de leur érudition la renommée du Collège des Trois Langues. Il y en a aussi qui donnent des leçons privées dans toutes les matières à des jeunes encore peu instruits430. » Ce que l’humaniste frison Vigile Zuichem d’Ayta (1507-1577) – un ancien élève du Collegium Trilingue – écrit en 1536 à son collègue humaniste Ludwig Kiel
« Je suis surpris qu’il y ait si peu de professeurs des BellesLettres ici [i.e. à Louvain]. Je m’associerais entièrement, mon cher Carinus, à ton appréciation sur Goclenius et les autres professeurs de notre époque, si l’auditoire était composé uniquement de savants, qui n’ont pas besoin qu’on revienne sans cesse sur les mêmes sujets tant et tant rebattus. Pour les enfants cependant et ceux dont la formation est encore en cours (ils sont d’ailleurs majoritaires), ces choses insignifiantes doivent être expliquées plus d’une fois et les questions plus compliquées doivent être répétées à plusieurs reprises. De cette façon, ils comprennent mieux la matière et en gardent un souvenir plus fidèle. J’ai souvent pris grand plaisir à cette fameuse ekphrasis [« description détaillée, digression »] que Goclenius applique dans ses leçons : avant d’exposer chaque partie séparément, il reproduit le sens des passages qu’il commente en utilisant des mots plus clairs. Et même si cette approche requiert un peu plus de temps, elle est efficace pour amener une bonne compréhension des textes vus. En explicitant les mêmes choses avec des mots différents, le professeur présente à son auditoire un exemple de copia verborum ; et habitués ainsi par une pratique quotidienne, les étudiants inévitablement se rendront compte eux-mêmes de leurs progrès en cette matière. La tâche principale dans l’enseignement des textes est sans conteste l’analyse de la propriété des mots ; mais jamais à coup sûr je n’ai entendu quelqu’un qui fasse cela avec autant de rigueur et d’érudition que Goclenius. Bien que j’aie suivi ses cours pendant quatre ans, je ne me souviens guère d’un mot obscur dont il n’ait pas expliqué l’origine, l’étymologie et la propriété. C’est pourquoi il me semble que tes élèves ne devraient, sous aucun prétexte, rater l’occasion d’entendre l’enseignement d’un si grand homme431. »
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D’après le témoignage de cet ancien étudiant de Goclenius, les cours du professeur de latin devaient être fort rigoureux. En répétant et paraphrasant la lecture d’un même passage, Goclenius ne voulait pas seulement parvenir à ce que ses étudiants s’imprègnent de son contenu et de son sens, mais il leur offrait aussi une copia verborum, une « abondance de mots », ce qui devait leur permettre de composer, à leur tour, des textes latins avec un vocabulaire riche et ornés de toutes les finesses de la rhétorique. Il est difficile – voire impossible – de vérifier cela à la lumière des commentaires de Goclenius qui nous sont parvenus. En effet, durant sa brillante carrière, il a très peu publié (surtout si on le compare à son successeur Pierre Nannius), ce que Mgr Henry de Vocht a cherché à expliquer par le fait qu’il aurait été trop occupé à préparer ses cours et à enseigner432. Il semble néanmoins établi que Goclenius – à l’instar de beaucoup d’humanistes avant et après lui – prenait Cicéron comme modèle et qu’il en fit, plus d’une fois, le sujet de ses leçons433. En 1520, l’imprimeur bâlois Jean Froben (1460-1525) offrit à Goclenius une réimpression de l’édition de Cicéron par Érasme434. À côté du De officiis, l’ouvrage contient aussi le De amicitia et le De senectute et il est probable que Goclenius l’utilisait pour son cours, car l’exemplaire est annoté de sa main435. En 1528 parut chez Froben et Herwagen une nouvelle édition augmentée. Cette fois-ci, Goclenius est également mentionné sur la page de titre pour avoir contribué aux annotations. Un des premiers historiographes du Collège des Trois Langues, Valère André (professeur d’hébreu au XVIIe siècle), fait état de quelques notes de cours, prises sur le vif (« ex docentis ore exceptae »), qui se rapportaient à certains ouvrages de Cicéron, notamment ses discours Pro Milone et Pro lege Manilia, mais aussi les Paradoxa et le Somnium Scipionis436. On
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peut supposer que ce sont les préparations de cours sur ces deux derniers textes qui ont servi de base pour l’édition des œuvres de Cicéron de 1528 que nous venons d’évoquer ; toutefois, l’hypothèse inverse n’est pas à exclure : la publication d’une nouvelle édition de textes était l’occasion parfaite pour faire un cours sur ces textes. Il est difficile de caractériser la méthode didactique de Goclenius sur la base des rares matériaux qui nous restent. Du moins avons-nous gardé l’éloge suivant : « Il était tellement à l’aise pour enseigner qu’il communiquait le goût des Belles-Lettres même à ceux qui les avaient en horreur » (Tanta facilitate docuit, ut politiores litteras etiam aversantibus redderet gratiosas)437. Après la mort de Goclenius en 1539, les cours de latin au Collegium Trilingue furent assurés par l’humaniste Pierre Nannius (1496/1500-1557), originaire d’Alkmaar. Si Henry de Vocht appréciait Goclenius, il montre beaucoup moins de sympathie à l’égard de Nannius, à qui il reproche d’avoir négligé son enseignement, à cause d’une ambition immodérée et de la priorité qu’il donnait aux publications438. Ce reproche est injuste. Bien plus : ce sont les nombreuses publications de Nannius, dont beaucoup sont liées à la pratique pédagogique, qui illustrent sa méthode d’enseignement. Nannius fit paraître de nombreuses traductions latines de textes grecs, ainsi que des œuvres de son cru. Dans le cadre qui nous occupe, nous ne retiendrons que ses études sur Virgile et Cicéron. Virgile occupait une place de choix dans l’enseignement de Nannius. Non seulement celui-ci publia plusieurs commentaires qui étaient le fruit de son enseignement, mais il écrivit aussi des discours très pointus en préambule à ses cours sur le poète mantouan439.
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Cornelis Buys II, Portrait de Pierre Nannius, ca. 1530. Alkmaar, Stedelijk Museum, inv. nr. 020846
En 1544, Nannius mit au programme de ses cours la lecture du livre IV de l’Énéide440. Avant de passer au cours proprement dit, il fit un discours préliminaire De amore (« De l’amour »)441. Dans ce texte amusant, il met en garde ses étudiants contre les dangers de la passion amoureuse, puisant évidemment son inspiration dans l’amour impossible entre Énée et Didon au livre IV de l’Énéide de Virgile. Pour le cours proprement dit, il fit imprimer cette même année une édition bon marché avec ses commentaires personnels ; l’édition parut chez Rutger Rescius, imprimeur et enseignant de grec
Oratio Nannii quam habuit de amore auspicaturus librum quartum Aeneidos, 1543/1544. Leyde, Universiteitsbibliotheek, Bijzondere Collecties, VUL Ms. 98 f. 1r.
au Collegium Trilingue. Du point de vue du contenu, ce commentaire au double titre Deuterologiae sive spicilegia (« Reprises ou glanures ») livre un témoignage intéressant sur l’enseignement de Nannius.
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Page annotée, dans Petrus Nannius, Deuterologiae sive spicilegia Petri Nannii Alcmariani in quartum librum Aeneidos Virgilii, Louvain, Rutger Rescius, 1544, f. c4v. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, CaaA1272
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Après l’explication traditionnelle des realia et des passages difficiles, Nannius accorde une grande attention à la psychologie des personnages et surtout à l’état d’âme de Didon, aveuglée par son amour pour Énée. Nannius complète ensuite tous les vers incomplets du livre IV (vv. 44, 400, 503 et 516), à l’exception du vers 361. Ce commentaire révèle nettement l’intérêt de Nannius pour la langue grecque. Très souvent, il renvoie, en effet, à des passages parallèles chez Homère ou Apollonius de Rhodes ; à chaque fois, ces citations grecques sont traduites en hexamètres dactyliques latins bien formés. Manifestement, Nannius attendait de ses étudiants une certaine connaissance du grec ; et ses traductions latines des passages examinés étaient destinées à aider les étudiants ignorant le grec. Nannius considérait le grec et le latin comme indissociablement liés. Des parallèles ou des divergences entre les modèles grecs et les créations littéraires en latin formaient un excellent point de départ pour des commentaires pointus et des analyses littéraires approfondies442. Il va de soi que Nannius se situe dans une longue tradition de commentateurs de Virgile. Plus d’une fois, il renvoie au grand commentaire de Servius (IVeVe siècles ap. J.-C.) ; il semble également avoir lu celui de Christophe Landino (1424-1498), professeur à l’université de Florence et qui avait donné un cours sur Virgile en 1488. Il est remarquable que les commentaires offerts dans les Deuterologiae ne sont pas organisés autour du texte, comme c’est souvent le cas, mais regroupés après dix à vingt vers. Une vingtaine de vers, voilà le volume de texte adéquat pour être lu et commenté en classe. L’orientation pédagogique des commentaires de Nannius ressort également du fait qu’il ne prend pas en considération tous les vers de façon systématique et détaillée ; il préfère s’en tenir à un choix de vers qu’il
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veut aborder de façon privilégiée. Visiblement, il ne souhaitait pas ralentir inutilement le rythme de la lecture en l’interrompant par un excès de commentaires. Un heureux hasard a fait que nous avons gardé un exemplaire de cette édition de Virgile, dans laquelle un lecteur anonyme – peut-être un étudiant – a griffonné des notes443. Quand ces notes figurent entre les lignes, il s’agit presque toujours de synonymes des mots dans le texte imprimé. Les notes inscrites dans les marges, par contre, concernent essentiellement des commentaires relatifs au contenu. Il est impossible de donner une datation précise à ces annotations, faites dans une écriture humaniste ; il est possible qu’elles aient été prises durant un cours au Collegium Trilingue, sans qu’on puisse absolument l’affirmer. Comme cette édition louvaniste était spécifiquement destinée aux étudiants, on peut néanmoins supposer que cet exemplaire a servi dans le cadre d’un cours. Tout comme Érasme et d’autres humanistes, Nannius se montrait attentif dans ses cours à des problèmes d’édition et s’adonnait à la critique textuelle (sous une forme encore rudimentaire, il est vrai). À titre de preuve, on peut mentionner des castigationes (« corrections ») sur quelques-uns des discours de Cicéron contre Verrès (Louvain : Servais Sassenus, 1546 et 1550) et sur le livre III du Ab Urbe condita de Tite-Live (Louvain : Servais Sassenus, 1545)444. Nannius faisait un usage critique des codices qu’il avait à sa disposition – pour certains à la bibliothèque du Collegium Trilingue même – et s’efforçait de produire des textes amendés de Cicéron et de Tite-Live. Il est peu probable, par contre, qu’il ait spécifiquement enseigné la critique textuelle à ses étudiants. Pour un humaniste comme Nannius, en effet, la critique textuelle n’était pas une fin en soi ; mais la correction du texte permettait une meilleure interprétation.
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Ce souci s’est traduit aussi dans la réalisation de nouvelles éditions, plus lisibles, qui pouvaient servir dans les cours. À côté de ces travaux philologiques, Nannius montrait aussi un grand intérêt pour l’étude des antiquités, comme en témoigne au premier chef sa collection de monnaies anciennes et d’inscriptions445. Conformément aux habitudes humanistes, il voulait comprendre l’Antiquité dans toutes ses dimensions, y compris les aspects matériels et la vie quotidienne. À cette fin, il fallait non seulement étudier et éplucher les textes, mais également soumettre les vestiges matériels à un examen méticuleux, texte à l’appui. Durant ses cours, Nannius a certainement su faire goûter ses étudiants à cet aspect particulier de l’étude des textes et de l’Antiquité. Quelques décennies plus tard, Juste Lipse (1547-1606), qui eut toujours beaucoup de respect pour Nannius446, témoignerait de ce même intérêt d’« antiquaire » dans de nombreuses publications sur des sujets très variés de l’Antiquité grécoromaine447. Cornelius Valerius (1512-1578) reçut sa formation à l’École Saint-Jérôme à Utrecht, puis à Louvain, à la Faculté des Arts et au Collège des Trois Langues, où il suivit les cours de Goclenius. En 1557, il succéda à Pierre Nannius comme professeur de latin au Collège, poste qu’il garda jusqu’à sa mort en 1578. Avant cette nomination, il avait travaillé longtemps comme précepteur et comme enseignant dans diverses écoles aux Pays-Bas, entre autres à Utrecht et Zierikzee. Peu satisfait des manuels (scolaires) qu’on trouvait alors sur le marché448, il rédigea lui-même toute une série d’ouvrages de grammaire, de rhétorique, de logique et d’éthique, voire d’astronomie élémentaire449. Ses Grammaticarum institutionum libri IV (première édition Paris : Michel de Vascosan, 1550) ont
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joui d’une immense popularité ; ils restèrent, même longtemps après sa mort, très présents dans la pratique de l’enseignement aux Pays-Bas450. Dans une lettre datant de 1548, adressée à Herman comte de Rennenberg († 1585), oncle de Jean François de Rennenberg († 1555) – qui venait juste d’être accepté comme son élève –, Cornelius Valerius explicite ses objectifs pédagogiques : « En ce qui me concerne, je ne manquerai jamais à ma tâche. Mon seul souci sera que [l’élève] arrive par la voie la plus courte au but poursuivi par les études, l’excellence morale et l’érudition de bon aloi »451. À nouveau, on retrouve ici la dualité « valeur morale – compétence linguistique ». À cet effet, Valerius, tout comme ses prédécesseurs, consacra l’essentiel de ses cours à des auteurs classiques comme Cicéron et Virgile452. Dans une lettre à Jean Moretus (1543-1610) et à François Raphelengius (1539-1597), il invite les responsables de la maison d’édition anversoise – Christophe Plantin (ca. 1520-1589) était alors en route pour Paris –, à l’informer de la date de parution du commentaire de Virgile de Germain Valens de Pimpont (Pimpontius). S’apprêtant à traiter du livre V de l’Énéide, Valerius souhaitait se mettre au courant des recherches les plus récentes sur le poète, afin de les intégrer à ses propres cours453. Virgile et Cicéron eurent un rôle important dans les manuels de grammaire et de rhétorique rédigés par Valerius : celui-ci puisa abondamment dans l’œuvre de ces auteurs pour offrir aux étudiants des exemples bien choisis454. Il est regrettable qu’il subsiste peu de traces concrètes de son enseignement au Collegium Trilingue. Nous sommes ainsi réduits à des conjectures sur la manière dont il concevait ses cours sur Cicéron et Virgile. De Vocht suggère que Valerius se situe dans la continuité de son maître Goclenius plutôt que dans celle de son
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prédécesseur Nannius455. Si on garde présent à l’esprit le recours de Goclenius à l’explication « mot à mot », les Collectanea de Cornelius Valerius, compilées par Henry de Vocht, semblent pointer dans cette direction. Dans un des fascicules de Collectanea456, essentiellement un amalgame de notes préliminaires aux cours, on trouve un lexique resté inédit, intitulé Ex Pierii castigationibus in Virgilium, de orthografia, « Sur l’orthographe, provenant des commentaires de Pierius sur Virgile »457. Il est probable que Valerius utilisa ce lexique pour ses cours sur Virgile au Collège des Trois Langues. Dans ce lexique, comportant dix feuillets, Valerius présente une liste de mots difficiles tirés de Virgile, accompagnés chaque fois d’informations supplémentaires sur l’orthographe458. Dans cet outil de travail très commode, Cornelius Valerius, applique, à la suite de Goclenius, une méthode d’interprétation qui voit dans la graphie du mot un moyen pour éclairer sa signification. Il fait cela « à l’aide de termes différents » (aliis verbis). Nous donnons ici, à titre d’exemple, la transcription et la traduction des premières lignes du De orthografia de Valerius : Silvester: in antiquis codicibus invenio silvestrem per i latinum scriptum. Otium: ubique in veterum inscriptionibus per t non per c et negotiari, otium, otiosus, per t scripta animadverti. Namque: in antiquis codicibus per m ante q scribitur. Et semper deus distincte non unico vocabulo. Corulus: sive corylus scriptum in codice Romano, veteri more, quo Romani peregrinas litteras non admittebant. Inveni alibi colyrus, forte sic scriptum quod inde colurnus fiat, sed hoc barbarismum esse dicit Sosipater Carisius litterarum transmutatione, quum sit corulus arbor, ita enim apud eum scribitur. Foecundus: foetus foecundus et cetera per oe scribenda459.
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dirk sacré Silvester [« boisé »] : dans de vieux codex je retrouve silvester, écrit avec le i latin [c’est-à-dire : et non avec le y grec]. Otium [« temps libre »] : partout, dans les inscriptions des anciens, j’ai observé pour negotiari, otium, otiosus la notation avec t à la place de c. Namque [« car, en effet »] : (ce mot) est écrit dans les vieux codex avec un m devant le q. Et on écrit semper deus séparément, non pas en un mot. Corulus [« noisetier »] ou corylus, comme c’est écrit dans le Codex Romanus à la manière ancienne, en vertu de laquelle les Romains n’admettaient pas les caractères étrangers [en ce premier cas, le y grec]. En un autre endroit, j’ai vu colyrus, notation qui veut peut-être expliquer le dérivé colurnus, mais Sosipater Charisius indique qu’il s’agit d’un barbarisme, dû à une inversion de lettres ; – car l’arbre lui-même, dit-il, est appelé corulus et c’est ainsi qu’il l’écrit en effet460. Foecundus [« fécond »] : foetus, foecundus, etc. doivent s’écrire avec oe.
Comme le montrent ces exemples, Valerius se réfère à un « Codex Romanus », qu’il faut probablement identifier avec le manuscrit célèbre Vergilius Romanus (aujourd’hui Vat. Lat. 3867), datant du Ve ou du VIe siècle461. Dans ce manuscrit, nous trouvons aussi bien corulos (f. 1v) que corylis (f. 11v). Bien entendu, Valerius n’a jamais pu consulter lui-même ce manuscrit et sa connaissance des variantes graphiques provenait des commentaires imprimés de Virgile, dus à des humanistes italiens – en ce cas, les Castigationes et varietates Virgilianae lectionis (première édition à Rome : B. Asulanus, 1521) de Pierio Valeriano (1477-1558)462. Par ailleurs, il n’y a guère de doute que la bibliothèque du Collegium Trilingue a dû posséder un manuscrit de Virgile. Parmi la riche collection de manuscrits grecs, latins et français de Jérôme de Busleyden, un Virgile ne devait pas manquer463.
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Photographie des notes de cours (?) préliminaires de Valerius sur l’orthographe, basées sur la lecture de Virgile Leuven, KU Leuven, Universiteitsbibliotheek, Bijzondere Collecties, ms. 1179, f. 4r
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Une période de troubles aux Pays-Bas – les auditoires sont fermés Cornelius Valerius assura sa charge pendant de longues années, avec un réel succès. Dans la suite, les cours au Collegium Trilingue furent suspendus pour huit ans à cause de la guerre et des pillages par les troupes espagnoles. L’Anversois Guillaume Huysmannus (ca. 15501613), qui fut, à partir de 1586, le cinquième professeur de latin, ne fit pas une grande carrière au Collège des Trois Langues. De sa main, nous avons seulement conservé les Narrationes rerum Indicarum ex litteris Patrum Societatis Iesu desumptae, une série de lettres de jésuites concernant les Indes qu’il a traduites de l’italien (Louvain : Jean Masius, 1589)464. Sur la page de titre, Huysmannus est mentionné comme professeur de latin in Collegio Buslidiano Trilingui, in Academia Lovaniensi. Les sources dont nous disposons sont trop rares pour nous permettre de reconstituer la manière dont Huysmannus organisait ses cours ; et nous ignorons dans quelle mesure l’appellation de « professeur de latin au Collège des Trois Langues » ne s’était pas transformée en un titre dépourvu de signification. Huysmannus était néanmoins assez réputé comme enseignant465. Peu de temps après sa nomination au Collegium Trilingue, il s’installa à Dinant, où il devint recteur de l’école latine. Il apparaît aussi comme protagoniste dans un petit ouvrage de Jean Bernaerts, un ancien élève qui était également en relation avec Juste Lipse : De utilitate legendae historiae (« De l’utilité de lire l’histoire », Anvers : Jean Moretus, 1593). Le grand humaniste Juste Lipse avait déjà assuré une charge de cours à Iéna et à Leyde quand, en 1592, il fit un deuxième séjour assez long à Louvain. Il fut nommé professeur d’histoire et se vit attribuer également la chaire de latin au Collegium Trilingue. Dans sa jeunesse,
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il avait été étudiant lui-même de ce même collège et y avait bénéficié des cours de Cornelius Valerius. Pas plus que son prédécesseur Huysmannus, il ne réussit à restaurer la gloire du Collège des Trois Langues, même s’il profita de la renommée et du salaire qu’entraînait sa nomination466. Dans une lettre de 1593 à Huysmannus, il se lamente sur l’état pitoyable des Lettres à Louvain en général et au Collegium Buslidianum en particulier : « Jadis le nom des Belles-Lettres était apprécié et loué, maintenant elles sont devenues l’objet de mépris et de moquerie. Voilà où mènent les guerres civiles. […] Qui pourrait prendre soin de nos études au milieu du fracas des armes ? Tel est l’état de déchéance de cette école, qui malgré tout fait encore un effort et redresse un peu la tête467. » Bien que Juste Lipse n’ait jamais pu donner ses cours au Collège Trilingue, nous pouvons tout de même nous faire une idée de ses qualités pédagogiques. Ainsi par exemple, le 14 février (ou fut-ce le 16 juin ?) 1576, il commença à l’université de Louvain son cours sur le livre III du Ab Urbe condita de Tite-Live. Nous retrouvons un reflet de ces leçons dans les notes d’un certain Daniel Susius, fils de l’humaniste Jacques Suys (15201592)468. Comme support textuel, Lipse utilisa l’édition de Tite-Live avec les commentaires de Beatus Rhenanus (1485-1547) et de l’ancien professeur du Collegium Trilingue, Pierre Nannius (Louvain : Servais Sassenus, 1545)469. Les notes de Susius se trouvent également dans un exemplaire de cet ouvrage, mais la partie avec les commentaires de Beatus Rhenanus et Nannius manque470. La majeure partie de ces notes (insérées entre les lignes) concernent des realia et des explications du texte ; il s’agit surtout d’éclaircissements de nature religieuse, militaire ou juridique. Visiblement Lipse souhaitait faire
l’enseignement du latin au collegium
Dominicus Custodis, Portrait de Juste Lipse, Augsbourg [1600]. Gravure reprise d’Aubert le Mire (Aubertus Miraeus), De obitu Iusti Lipsii Epistola, Augsbourg, C. Mang pour D. Custodis, 1606. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, PA00088b
connaître toute la société romaine à ses étudiants et ne voulait pas se limiter à enseigner la littérature conçue comme une fin en soi. En plus de sa connaissance approfondie des sources grecques, latines et contemporaines,
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Lipse fait preuve aussi d’un intérêt d’antiquaire, ne délaissant aucun aspect des civilisations anciennes. Nous retrouvons un autre exemple de la méthode d’enseignement de Lipse dans les notes de cours De magistratibus veteris populi Romani471. Cette série de leçons sur les différents types d’hommes d’État et magistrats romains fut donnée en 1584, alors qu’il était professeur à Leyde. Lipse offre ici à ses étudiants une vue d’ensemble, très détaillée et nuancée, des institutions romaines. Ainsi évoque-t-il, pour chaque magistrature, sa genèse, son développement et son déclin (surtout à l’époque impériale) ainsi que les signes extérieurs de son pouvoir. Il étale ici sa formidable connaissance des sources antiques – aussi bien grecques que latines – et contemporaines. Ce dernier point ne doit guère nous étonner : à travers sa correspondance, entre autres, il entretenait des contacts avec les plus grands érudits de son temps et était ainsi toujours très rapidement informé des nouveautés dans le monde scientifique. Ce savoir très étendu caractérise ses nombreuses publications (en particulier celles qui relèvent de la recherche antiquaire). On peut distinguer deux composantes dans les cours de Juste Lipse : d’une part la lecture d’auteurs classiques comme Tite-Live ; d’autre part ses leçons « théoriques », comme le De magistratibus, dans lesquels il proposait des synthèses sur les auteurs étudiés, en intégrant, entre autres, des realia. Ce principe pouvait aussi être appliqué dans l’autre sens : dans ce cas, les leçons théoriques étaient suivies par une lecture approfondie de l’auteur en question472. Avec la mort de Lipse en 1606 et la nomination d’un nouveau professeur de latin, en l’occurrence Erycius Puteanus (1574-1646), le Collegium Trilingue devait connaître, au début du XVIIe siècle, une nouvelle période d’essor473.
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Le latin au Collège des Trois Langues – XVIIe et XVIIIe siècles La relance Dans le dernier quart du XVIe siècle, Louvain, ville de garnison, avait connu une période très mouvementée, due à l’instabilité politique. Les caisses de la ville étaient vides et l’université avait beaucoup souffert : le nombre d’étudiants avait fortement diminué et elle n’avait plus les moyens de payer un salaire décent à ses professeurs. Le Collège des Trois Langues avait subi les mêmes coups. Le dernier professeur de latin en résidence avait dû subvenir lui-même à son maintien. Depuis 1585, le Collège n’avait plus de président. Au cours de la décennie du XVIe siècle apparaissent, cependant, les premiers signes d’un redressement de l’université : l’engagement de Juste Lipse à l’automne 1592 est significatif à cet égard. Mais le Collège Trilingue ne faisait pas partie des priorités ; des soldats y avaient été cantonnés et il était délaissé et délabré474. Ce n’est qu’en 1606, l’année de la mort de Lipse, que les choses changèrent, grâce à l’entrée en fonction d’un nouveau président, le Malinois Adrien Baecx, homme énergique qui resterait en fonction jusqu’en 1625. Celui-ci fit restaurer et rénover les bâtiments et veilla à la construction d’une nouvelle chapelle, dont l’autel fut consacré à saint François. La pose de la première pierre eut lieu en 1614. Dès lors, le Collège était prêt pour la reprise de ses activités. En 1607, la chaire de latin fut à nouveau attribuée ; celles de grec et d’hébreu suivirent en 1609 et 1612, de sorte que les conditions étaient réunies pour que le Collège des Trois Langues pût connaître un nouvel essor. En ce qui concerne le latin, ce nouvel élan coïncide avec l’entrée en fonction des professeurs Erycius Puteanus, Nicolas Vernulaeus et Bernard Heymbach. Quand ce dernier
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mourut en 1664, la réputation et le succès du Collège des Trois Langues déclinèrent. À la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, le Collège traversa une crise liée aux controverses religieuses qui agitèrent l’université ; à cause des liens étroits entre le Collège et la Faculté de Théologie, l’enseignement des langues en subit le contre-coup. Au milieu du XVIIIe siècle, l’étoile de la chaire de latin retrouve son éclat pour un temps, grâce à la personnalité enthousiaste du professeur Jean Gérard Kerkherdere ; celui-ci décéda en 1738. Quand son successeur Henri Joseph Van den Steen mourut en 1768, touché d’un coup d’aile de moulin (« ictu molae alatae »)475, c’en était fini de l’enseignement du latin au Collège des Trois Langues. Contrairement aux chaires de grec et d’hébreu, qui restèrent pourvues jusqu’à la suppression de l’université en 1797, celle de latin resta vacante après 1768. En se basant sur les sources disponibles, on peut se faire une idée assez précise de l’enseignement du latin durant la première moitié du XVIIe siècle, notamment du temps d’Erycius Puteanus ; celui-ci enseigna durant presque quarante ans (1607-1646) au Collège, qu’il marqua d’une empreinte durable. Il exposa plus d’une fois sa visée pédagogique et, grâce à son héritage littéraire, nous sommes à même de confronter la théorie à la pratique. Pour la période après Puteanus et ses successeurs directs, cela s’avère beaucoup plus difficile, même si l’on prend en compte le poids de la tradition et de la continuité qui, par définition, caractérisent l’enseignement. Différents facteurs rendent malaisé d’affirmer quoi que ce soit de certain ou même de probable pour ces périodes plus tardives. En premier lieu, il faut mentionner le peu d’intérêt scientifique qu’a suscité, jusqu’à présent, l’étude de l’humanisme tardif (si l’on peut qualifier ainsi la période après 1650). S’ajoutent à cela, en ce qui concerne plus
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spécifiquement la situation de Louvain, les départs répétés des titulaires de la chaire de latin. La rémunération des professeurs, qui n’était déjà pas très élevée, fut encore réduite au XVIIe siècle, au grand dam de Puteanus. Les professeurs étaient souvent obligés de chercher d’autres sources de revenus. Beaucoup ne restèrent que quelques années au Collège et étaient à l’affût d’autres propositions. En général, ils publièrent peu et la plupart d’entre eux n’ont pas même laissé un manuel qui nous permettrait de dresser leur profil ou d’apprécier leurs qualités de chercheur, professeur ou écrivain. Déjà pour les époques antérieures se posait la question de savoir dans quelle mesure le Collège des Trois Langues poursuivait un projet pédagogique propre et comment il se distinguait, par son approche didactique, de la propédeutique latine offerte par les pédagogies, notamment celles du « Faucon », du « Porc », mais aussi par le Collège de Vaulx (Collegium Vaulxianum). Or cette question subsiste et se pose avec plus d’acuité encore pour le milieu du XVIIe siècle, quand l’université décide de centraliser l’essentiel de l’enseignement du latin dans un nouvel institut, le Collège de la Sainte-Trinité (Collegium Sanctissimae Trinitatis), situé sur la Place du Vieux-Marché. Nous y reviendrons. Le nouvel essor sous Erycius Puteanus, Nicolas Vernulaeus et Bernard Heymbach Erycius Puteanus (1574-1646), originaire de Venlo, ne jouit pas d’une grande estime en tant que savant. « Beaucoup de mots, peu de contenu » : telle semble bien être à son sujet la communis opinio et il est vrai que, surtout vers la fin de sa carrière, le professeur n’était pas toujours pris au sérieux par ses collègues à l’étranger. On le compare souvent, à son désavantage, à son maître Juste Lipse, auquel il prétendit toute sa vie se conformer comme à un
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Portrait d’Erycius Puteanus. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, PA00187
idéal. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, au sein du Collège Trilingue, le nom de Lipse restera synonyme de haute tenue scientifique. De plus, comme Puteanus manifestait une fâcheuse tendance à attirer toute l’attention sur sa personne, ses collègues de Louvain, en particulier ceux de la Faculté des Arts, voyaient ses activités d’un œil sceptique. Néanmoins, s’il avait un tempérament fondamentalement différent de Lipse, il avait de grands mérites en tant qu’enseignant, orateur et écrivain. L’essor
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des études de latin au Collège des Trois Langues au XVIIe siècle lui est redevable pour une bonne part. Son prestige de pédagogue était inégalé : « Desirant que mon filz puisse acquerir quelque capacité aux sciences humaines, et sachant que pour parvenir a ce dessein, il faut q’uil soit assisté d’un personage qui possede une parfaitte & entiere conoissance des Lettres comme Vous … ». C’est dans ces termes qu’un noble s’adressait, vers 1628, à Puteanus pour lui demander de prendre en charge l’éducation de son fils476. La renommée de Puteanus s’étendait loin au-delà des Pays-Bas. Grâce à sa réputation, de nombreux jeunes gens affluaient à Louvain, non seulement de nos régions, mais aussi de Pologne, de Lituanie ou d’Allemagne, pour suivre les cours de langues anciennes au Collège Trilingue. Souvent ils repartaient avec un beau diplôme rédigé par Puteanus ; et ces documents nous donnent une image – bien que restreinte – des étudiants qui suivaient à l’époque les cours de ce professeur de latin477. Au cours de sa longue carrière, Puteanus a lu un grand choix d’auteurs latins avec ses étudiants. Depuis l’époque de Lipse, il était de tradition de mettre l’accent sur l’historiographie antique ; dorénavant la plupart des professeurs de latin étaient d’ailleurs appelés professores historiarum. Ils portaient souvent aussi le titre d’historiographe, ce qui leur valut des émoluments particuliers. Aussi attendait-on d’eux qu’ils produisent des travaux historiques. Pour harmoniser leurs activités de recherche et d’enseignement, ils choisirent, pour leurs cours d’explication d’auteurs, des documents historiques : surtout des textes antiques, mais aussi des textes néo-latins contemporains (parfois de leur propre plume), qui traitaient de l’Antiquité, du Moyen Âge ou de leur époque. Puteanus avait, lui aussi, une prédilection pour l’historiographie, mais il traitait aussi bien d’autres textes dans
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ses cours. À côté des historiens qu’on attend a priori tels que Salluste, Florus, Valère Maxime, Quinte-Curce et Tacite, on trouve aussi les satires de Perse, le Somnium Scipionis de Cicéron, l’Apocolocyntose de Sénèque, AuluGelle, les Res rusticae de Varron, Horace, etc. Puteanus édita lui-même les Fables de Phèdre (1637) et le De die natali de Censorinus (1628), destinés à son enseignement. Ces éditions ne fournissent pas de nouvelles leçons, même si Puteanus a tout au long de sa vie poursuivi le projet d’une nouvelle édition critique de Censorinus. Par ailleurs, il n’hésita nullement à faire de ses propres écrits l’objet de ses cours ni à les proposer en modèles ; une telle pratique était alors, semble-t-il, courante depuis longtemps au Collège Trilingue. Il faisait donc lire et étudier, à son auditoire, ses ouvrages de philosophie morale (comme par exemple son De virtutibus et vitiis, Louvain : Ph. Dormalius, 1611), ses essais pédagogiques (par exemple sa Methodus litterarum, Louvain : van Haesten et P. Zangere, 1622) ou encore ses traités historiques (comme son Aenigma regium, Ingolstadt : W. Eder pour R. Sadeler, 1623, sur les premiers temps de la royauté à Rome). Souvent brefs, ces ouvrages de Puteanus se prêtaient bien à la lecture et à l’analyse durant les leçons. Il n’y a guère de doute que sa monographie sur la visite des archiducs à la résidence au Mont-César (Arx Lovaniensis, Louvain : B. Maes, 1619) ou son mémoire sur le siège de Louvain de 1636, durant lequel les étudiants avaient joué un rôle important (Historiae Belgicae liber singularis, Anvers : J. Cnobbaert, 1636) furent aussi lus et commentés au Collège. On peut supposer la même chose pour son opuscule sur la paie des soldats romains (De stipendio militari apud Romanos, Louvain : G. Rivius, 1620) ou son exposé sur la valeur des monnaies romaines (Pecuniae Romanae ratio, Louvain : G. Rivius, 1620), l’un et l’autre des travaux de compilation. Dans ses considérations sur
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le système d’enseignement idéal, il mit au programme un ouvrage obligatoire, écrit de sa main, les Historiae Insubricae (Louvain : J.-Chr. Flavius, 1614), qui constitue, par son contenu, une entrée en matière appropriée pour l’histoire du haut Moyen Âge ; la connaissance de cette période était jugée aussi indispensable que l’histoire profane antique ou l’histoire sainte, et, aux dires de son auteur, offrait un bel exemple de style latin. Il est difficile de savoir comment Puteanus traitait ces textes devant l’auditoire du Collège des Trois Langues, puisque qu’il n’a pas publié de commentaires d’auteurs classiques. Parmi les cours conservés, un seul provient de la période louvaniste du professeur (avant d’être nommé à Louvain, Puteanus avait enseigné assez longtemps à l’École palatine de Milan, un établissement semiuniversitaire). On a du mal à juger aussi dans quelle mesure il n’a fait que continuer d’appliquer en Brabant sa « méthode milanaise ». Quoi qu’il en soit, on voit bien qu’il s’intéressait plus à des passages individuels qu’à l’œuvre considérée dans son ensemble et qu’il se concentrait sans doute davantage sur l’expression formelle que sur la personnalité de l’auteur ou le but poursuivi par celui-ci. Il insiste volontiers sur l’étymologie des mots, s’arrête à des problèmes de critique textuelle et aux solutions proposées par les savants, il paraphrase les textes, cite des parallèles et se laisse aller à des digressions sur certains sujets, par exemple la relation entre l’homme et la femme, telle que la décrit Tacite dans la Germanie, confrontée aux normes de son temps. Sans doute Puteanus essayait-il de stimuler son public. Il utilisait la Germanie de Tacite pour exalter sa propre nation. Ce faisant, il incitait aussi ses étudiants à donner le meilleur d’eux-mêmes. Ainsi, bien que ce genre littéraire fût dans l’air du temps, il faut souligner comment déjà dans son discours inaugural, la Iuventutis Belgicae laudatio
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(« Eloge de la jeunesse de Belgique »), il exhortait les étudiants à se conformer à l’image idéalisée qu’il se faisait d’eux. Et les efforts qui répondaient à son invitation méritaient récompense : le respect témoigné par les élites nationales ou internationales qui fréquentaient le Collège, l’éloge par ces mêmes élites du Collège ou de l’Académie fondée par le maître, l’autorisation de porter autour du cou un médaillon à l’effigie de l’archiduc Albert ou encore la publication par leur professeur des meilleurs exercices. Il s’agissait là d’une tradition qui plongeait ses racines au XVIe siècle, mais qui culminait dans les publications de Vernulaeus et Puteanus. Ce dernier mit à profit son prestige international non seulement pour sa propre gloire, mais également pour ses étudiants. Grâce à une série de publications sur la didactique du latin – indissolublement lié au grec, au jugement de Puteanus – nous pouvons apprécier les lignes directrices de sa démarche pédagogique. Il est possible en outre de déterminer plus précisément l’objectif qu’il poursuivait par l’enseignement du latin et des langues classiques, ainsi que la méthode qu’il jugeait la plus adéquate. En ce qui concerne les langues, rien ne vaut la pratique, d’après Puteanus. Se conformant à la bonne tradition humaniste – voyez les vues d’Érasme ou l’approche de Cornelius Valerius, – Puteanus se méfiait d’un excès de règles, mais croyait plutôt en une approche active : écouter, lire, écrire, parler. Tout cela, avec un minimum de grammaire théorique, formait à ses yeux la meilleure voie pour comprendre et maîtriser une langue. À cet égard, le latin, même s’il s’agissait d’une « langue morte », n’était pas différent des langues vernaculaires. Face à un système académique qui imposait à l’étudiant d’enregistrer passivement ce que le professeur dictait, en dépit de quelques exercices pratiques occasionnels comme les disputationes,
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Puteanus estimait qu’il était indispensable d’accompagner les cours habituels « ex cathedra » par une série d’exercices actifs. Ceux-ci occupaient une place importante dans sa Palaestra bonae mentis, l’académie fondée par lui et dont il avait fortement attaché la destinée à ses cours de latin au Trilingue478 (pour plus de détails, v. le catalogue d’exposition). Il s’agissait d’écrire régulièrement des lettres, de déclamer, d’analyser des textes à l’intention des autres étudiants, d’engager des débats à partir de thèses opposées, de rédiger des exposés et autres types de texte ; tout cela visait à amener l’étudiant à s’exprimer d’une façon correcte et élégante. Une attention toute particulière était accordée à la rhétorique, surplombant les activités de la Palaestra bonae mentis. Des aspects purement philologiques, comme l’orthographe et la ponctuation devaient être également abordés, tout comme la prononciation correcte du latin, exigence qui découlait de la composition internationale du public. Nous ignorons si Puteanus suivait Lipse en ce qui concerne l’orthoépie et donc, par exemple, s’il imposait de prononcer pluit comme plüit479. Pour les étudiants, le style littéraire de leur maître représentait un idéal : Puteanus était parvenu à concilier l’élégance cicéronienne avec la prégnance de Tacite, l’exubérance avec la concision, bref, l’eau avec le feu, dans un style qui visait avant tout à plaire et dont la brevitas pouvait apparaître au-dehors comme l’héritière du grand maître Juste Lipse. Ce style eut son moment de gloire dans la première partie du XVIIe siècle et Puteanus sut l’imposer comme un modèle à suivre : ses meilleurs étudiants tels Frédéric Marselarius et Nicolas Burgundius ont offert au public des œuvres tellement imprégnées du style de leur maître que les mauvaises langues les attribuaient à ce dernier lui-même.
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Sur le plan du contenu également, on pouvait croire au premier abord que Puteanus s’inscrivait dans la tradition lipsienne ; pourtant, une évolution se dessinait. Philosophie et doctrine morale, une connaissance de l’antiquité susceptible d’être utilisée par les contemporains : aussi bien Lipse que Puteanus ont porté en étendard cet idéal. Néanmoins, au sein de la même tradition humaniste, les perspectives de l’un et de l’autre ne sont pas identiques : Lipse formait des spécialistes et des chercheurs, alors que Puteanus insistait moins sur l’approfondissement des connaissances. On ne peut se soustraire à l’impression qu’il s’adressait à un groupe en particulier et se concentrait sur la formation générale d’une classe de dirigeants au service du prince, de la patrie, et de Dieu, qui devaient disposer des compétences nécessaires et des connaissances de base pour agir avec droiture et savoir convaincre par la parole aussi bien leurs supérieurs que leurs sujets. Pour cela, il fallait s’exprimer dans un latin élégant, et disposer d’un trésor de sagesses transmis par les Anciens. Depuis la Renaissance, la mise en inventaire systématique d’expressions et de vérités gnomiques avait fait partie des tâches des étudiants. Mais, pour la classe dirigeante, la connaissance approfondie des différents arts (artes) n’était pas indispensable. Les ouvrages de base en politique, éthique et histoire suffisaient, pourvu qu’on y ajoutât des savoirs plus pratiques. La sagesse pouvait se puiser chez des auteurs comme Sénèque (pour l’éthique personnelle), Tacite ou l’auteur grec Plutarque (pour la morale politique)480. Au fond, l’on relève les mêmes tendances chez Nicolas Vernulaeus (1583-1649)481, contemporain et successeur de Puteanus, bien que d’un tempérament tout différent : moins exubérant, plus introverti, plus doué pour
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la rédaction de discours que dans l’improvisation orale (‘orator bonus lingua, melior calamo, sed optimus vita’, dans les mots d’Antonius Dave prononcés lors de ses obsèques)482, – alors que pour Puteanus, être capable de faire des discours improvisés était de première importance. Vernulaeus, né dans les environs de Virton, avait étudié à Trèves et à Cologne ; il fut appelé à Louvain en 1608 pour enseigner le latin à la pédagogie du « Porc ». En 1611, il fut nommé professeur d’éloquence. Peut-être a-t-il poursuivi son enseignement au « Porc » jusqu’à la mort de Puteanus, même après avoir commencé ses cours de rhétorique au Vicus artium et être devenu en 1619 président du Collegium Mylianum, le collège luxembourgeois. En 1618, il obtint le grade de licencié en théologie à Louvain, d’où on peut conclure qu’il avait été ordonné prêtre. Après la mort de Puteanus en 1646, il devint titulaire de la chaire de latin au Collège des Trois Langues – ses rémunérations ne sont toutefois documentées qu’à partir du mois d’octobre 1647. Comme Puteanus, il reçut le titre d’historiographe. Son enseignement au Collège Trilingue fut de courte durée, puisqu’il mourut le 6 janvier 1649. Il est aujourd’hui surtout connu comme auteur de drames historiques sur Henri VIII, Jeanne d’Arc et d’autres figures du passé. Mais c’était également un professeur de rhétorique enthousiaste, dont l’investissement inconditionnel était largement reconnu483. Comme pour Puteanus, nombre de jeunes nobles originaires de Pologne, d’Allemagne et de Bohème venaient assister à ses cours. Nous ignorons si Vernulaeus a adapté le contenu et la méthode de ses cours au Collège des Trois Langues. Il semble probable en tout cas qu’il a poursuivi ses leçons de rhétorique, auxquelles il devait sa renommée. Comme Puteanus, il mettait l’éloquence au service de la pratique : l’objectif ultime était la formation des jeunes qui
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Portrait de Nicolaus Vernulaeus. KU Leuven, Kunstpatrimonium, inv. nr. S027
allaient servir le prince, la patrie et Dieu. Dans cette perspective, l’intelligence politique, la connaissance de l’histoire, la conscience éthique, la fidélité à l’Église catholique et la loyauté à l’égard des souverains (habsbourgeois) étaient les valeurs primordiales. Pour certaines catégories de futurs dirigeants ou magistrats, Vernulaeus prévoyait des conseils spécifiques pour la composition écrite et l’élocution. On les retrouve entre autres dans son livre à succès De arte dicendi (Louvain : Dormalius, 1615), un traité de rhétorique avec une annexe orientée vers la pratique. En matière de style, Vernulaeus ne se
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distinguait pas beaucoup non plus de Puteanus : comme ce dernier, il préconisait un style concis, non dépourvu d’élégance et de beauté. Peu après la publication par Puteanus de quelques exercices de ses étudiants, Vernulaeus à son tour, fit paraître un recueil de discours – et rien que de discours – de ses étudiants de rhétorique, intitulé Rhetorum collegii Porcensis Orationes (Louvain : I. Chr. Flavius, 1614). Le succès de cet ouvrage fut beaucoup plus éclatant que celui de son collègue : l’ouvrage connut des rééditions jusqu’au XVIIIe siècle. Mais les analogies avec Puteanus sont manifestes. Une série de neuf brefs discours (livre 2,1) sur le meilleur style rhétorique furent d’ailleurs prononcés en présence de Puteanus, à qui revint le verdict final : les étudiants défendaient leur position, plaidant pour ou contre Cicéron ou d’autres modèles (toujours d’ailleurs dans un style d’allure plutôt cicéronienne) et Puteanus devait arbitrer le différend. S’appuyant sur Juste Lipse, son prédécesseur, Puteanus recommandait aux élèves de jeter les bases avec Cicéron et d’assimiler ensuite autant d’orateurs classiques que possible, afin de se forger ainsi un style propre. Il semble que les cours de rhétorique au « Porc » et les activités d’enseignement du latin au Trilingue se soient en partie influencés mutuellement. Il y a peu à dire sur les leçons de l’Allemand Bernard Heymbach (ca. 1620-1664), originaire des environs de Bonn, qui occupa la chaire de latin après la mort de Vernulaeus en 1649. Il essaya probablement de rester dans la continuité de Lipse et de Puteanus. Il rédigea un ouvrage sur les miracles mariaux (Diva Lovaniensis, Louvain : C. Coenesteyn, 1665), sans savoir que Lipse, dans les derniers mois de sa vie, avait écrit un traité (resté inédit) sur les miracles de la Sedes sapientiae de Louvain. Heymbach était en tout cas un enseignant
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chevronné. Après son baccalauréat en théologie, obtenu à l’université de Cologne, il fonda une école latine à Maastricht et y donna des cours pendant de longues années. Latiniste polyvalent, il a écrit en poésie et en prose (c’était un défenseur ardent de la poésie néolatine), après avoir publié à Maastricht une pièce de théâtre en latin. Sa culture littéraire était très vaste ; et ses traités témoignent d’une profonde familiarité avec la poésie latine depuis la Renaissance et avec les poètes contemporains, parmi lesquels le grand poète jésuite allemand Jacobus Balde (1604-1668). Peut-être a-t-il lu et expliqué, avec ses étudiants, des spécimens de poésie néolatine, comme l’avait fait sans doute, avant lui, Nannius, avec l’œuvre de Jean Second (1511-1536) ; du moins s’attendait-il à ce que ses étudiants connussent ce poète. On peut supposer par ailleurs qu’Heymbach, latiniste mais aussi théologien, lisait Tertullien avec ses étudiants, et notamment le difficile exposé De pallio. Il préparait, en effet, un grand commentaire sur cet auteur chrétien et publia le texte du De pallio pour ses étudiants (Louvain : P. Sassenus, 1655). Il semble avoir attiré pas mal d’étudiants allemands au Collège484. Quand on compare la prose de Puteanus et de Vernulaeus avec celle de Heymbach, on constate l’écart important qui sépare ce dernier de ses prédécesseurs ; et l’on peut se demander quel idéal stylistique il a pu prôner face à ses étudiants. Son latin regorge de mots et d’images recherchés ; il forme des phrases compliquées et interminables, servant à étaler toute son érudition, et qui abondent d’exemples édifiants de citations de la littérature latine et grecque (notons qu’à partir de 1654, il enseigna également le grec au Collège Trilingue). Il est probable qu’il trouvait l’inspiration de son style fleuri dans la langue (apuléenne) de Tertullien lui-même. Il a dû néanmoins, dans la ligne de ses prédécesseurs, lire avec ses étudiants la Germanie de Tacite et les œuvres de César485.
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Le Collège de la Sainte-Trinité et le Collège des Trois Langues C’est durant le professorat de Heymbach que le Collège de la Sainte-Trinité sur la Place du Vieux-Marché ouvrait ses portes, en 1657. L’université y offrait des cours de latin pour l’enseignement secondaire. Les programmes d’avant les réformes de l’enseignement du milieu du XVIIIe siècle ont pu être reconstitués partiellement. Ils sont assez proches de ce qui était traditionnellement offert au Collegium Trilingue. Les historiens César, Cornélius Nepos et Florus, par exemple, se retrouvent au programme, à côté de Cicéron, Virgile, Ovide et Sénèque. On utilisait les manuels classiques pour la poésie et la rhétorique, ainsi par exemple l’Ars rhetorica de Martin Du Cygne (16191669), un compendium de quelque 140 pages. Bien entendu, les étudiants devaient également rédiger plusieurs compositions. Sans doute, le cours de latin au Collège des Trois Langues, qui à partir de cette période était assuré par des latinistes peu connus, se concentrait-il davantage sur la pratique du latin lu et parlé et traitait-il, de manière plus approfondie, une plus grande variété d’historiens et d’autres auteurs486. Au Collège de la SainteTrinité, l’accent était mis sur l’Antiquité, alors qu’au Trilingue on abordait également les périodes plus tardives. En tout cas, dorénavant, les titulaires de la chaire de latin du Collège des Trois Langues seraient souvent recrutés au Collège de la Sainte-Trinité. Le Collège des Trois Langues à la fin du XVIIe siècle Les successeurs immédiats de Heymbach n’ont laissé que peu de traces. Le théologien et juriste Christian Van Langendonck (1630-1672), prêtre natif de Louvain, enseigna de 1664 à 1669. On peut supposer qu’il expliqua des textes chrétiens, puisqu’il publia une traduction néerlandaise des sermons de saint Bernard. Il réédita également l’histoire de l’université de Louvain
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de Vernulaeus, mise à jour (Louvain : P. Sassenus, 1667) ; les compléments au texte montrent, en comparaison avec le style baroque de Heymbach, l’usage d’un latin plus classique. Jean Baptiste Victor De Schuttelaere (ca. 16381683), originaire de Flandre occidentale, était également théologien, formé à Douai et Louvain. En 1669, après avoir enseigné la poésie (latine) au Collège de la Sainte-Trinité, il fut nommé au Collège des Trois Langues. On n’a conservé de lui aucune œuvre qui puisse justifier les épitaphes élogieuses qui lui ont été consacrées487. Il obtint lui aussi le titre d’historiographe royal, comme c’était la tradition pour les latinistes du Collège. En 1683, l’Anversois Dominique Snellaerts (16501720), bachelier en théologie, reprit le flambeau pour cinq ans. Auparavant, ce prêtre avait enseigné la philosophie au « Faucon ». Sa vie durant, il travailla à un commentaire des Évangiles, mais ne put l’achever. Ici encore, nous devons nous satisfaire d’un éloge posthume, vantant ce « professeur de la chaire publique d’histoire du Collège Trilingue » pour son latin très pur, son érudition variée, ses cours rigoureux sur la littérature et l’histoire de l’Antiquité, son style littéraire qui amena ses étudiants à le révérer comme « digne héritier de Lipse et de son éloquence »488. En 1688, D. Snellaerts s’établit à Gand, plus tard à Anvers. Il légua sa riche bibliothèque de 3600 volumes à l’Université de Louvain489. Comme on l’a vu, les liens entre le Collège Trilingue et la théologie s’étaient progressivement renforcés (à partir de Vernulaeus, la plupart des enseignants avaient fait des études de théologie). Inévitablement, ceci laissa son empreinte sur le programme des lectures et l’orientation morale des commentaires donnés lors de l’explication des auteurs. Le temps des latinistes pur-sang comme Nannius, Valerius, Lipse et Puteanus est loin désormais. Il n’y a rien d’étonnant dès lors à ce que le Collège ait
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été entraîné dans le conflit entre jansénistes et antijansénistes. À la mi-janvier 1689, Léonard Gautius, originaire de Maastricht, débuta son cours d’historiographie. Il espérait gagner rapidement le titre d’historiographe royal ainsi que les rémunérations y afférentes, mais il dut faire face à un concurrent redoutable, disposant d’appuis en haut lieu, le théologien et moine augustinien Bernard Désirant (1656-1725), un anti-janséniste acharné. Celui-ci, grâce à l’aide de Don Francisco Antonio de Agurto, alors gouverneur-général des Pays-Bas, obtint non seulement le titre d’historiographe, mais également le monopole de l’enseignement de l’histoire au Collège des Trois Langues. La direction du collège et les autorités de l’université, qui avaient été court-circuitées, refusèrent néanmoins de céder, arguant par ailleurs du fait qu’il était contraire aux usages qu’un clerc régulier devînt titulaire d’une chaire au Collège des Trois Langues. De son côté, Désirant persévérait, en dépit de l’interdiction qui lui fut faite d’utiliser l’auditoire du Collège. Il donna sa leçon inaugurale comme professor historiarum au Collège du Roi, et non pas au Collège des Trois Langues. On défendit, d’autre part, à Gautius de traiter des textes historiques dans son cours de latin. Gautius continua ses leçons jusqu’aux vacances d’été. Ensuite, tout en restant officiellement titulaire du latin jusqu’à sa démission en 1705, il ne semble plus avoir fait cours que sporadiquement. On ne sait rien de son enseignement. Comme écrivain latin, il fait plutôt bonne impression : on a conservé de lui quelques oraisons funèbres, dans un style classique et sobre, dénué de tout excès. Après sa démission, Gautius s’établit à Anvers, où il avait obtenu une prébende de chanoine. Il y mourut en 1720490. Désirant, pour sa part, n’était pas non plus homme à considérer ses cours comme une priorité ; de 1692 à 1696, par exemple, il était à l’étranger. Quand il était à Louvain pour faire son cours d’histoire, il traitait de
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préférence de l’époque la plus récente, heurtant parfois certaines sensibilités en donnant ouvertement son avis sur certains princes. Ses adversaires en tirèrent argument pour l’accuser. En 1701, on lui interdit d’enseigner. Par la suite, il connut d’autres difficultés, à cause des excès de son zèle anti-janséniste, qu’il poussa même jusqu’à commettre des falsifications. Finalement, il partit pour Rome où … on lui offrit une chaire d’exégèse biblique à la Sapienza ! Il y mourut en 1725. Cette période trouble ne fit certainement pas du bien au Collegium Trilingue : entre 1701 et 1705, les cours de latin furent suspendus, alors qu’ils avaient déjà été donnés de façon irrégulière au cours de la décennie précédente. La place de Désirant était clairement davantage en Faculté de théologie qu’au Collège des Trois Langues. Il a laissé une œuvre foncièrement théologique et polémique. Certains discours latins qu’il fit imprimer trahissent une personnalité passionnée et baignent dans un pathos exubérant491. Le français au Collège des Trois Langues ! Entretemps, une demande de plus en plus forte se faisait sentir dans nos régions pour un enseignement de qualité des langues vivantes de l’étranger. Dans le Brabant et particulièrement à Anvers, ville marchande, des écoles proposant des cours de français, d’italien et d’autres langues étrangères existaient depuis le XVIe siècle ; l’enseignement s’y faisait à l’aide de grammaires, mais surtout de dictionnaires polyglottes et de manuels, contenant des dialogues simples, traduits en plusieurs langues. Il n’y avait pas d’institutions semblables dans la ville universitaire de Louvain, même si on a pu faire état d’une première tentative timide de créer une chaire de français en 1562492. Toutefois, cela reste sujet à caution ; ce qui a conduit à formuler cette hypothèse, c’est le fait qu’à cette époque, Cornelius Valerius, le latiniste du Collegium
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Trilingue, avait réalisé une version latine des dialogues très populaires de Noël de Berlaimont (ca. 14801531)493 ; mais cela ne signifie pas pour autant que le français fût enseigné à l’université, bastion traditionnel du latin. Quand la demande pour le français devint plus pressante, les autorités académiques se décidèrent finalement à y répondre. En 1687, une chaire de français est créée au Trilingue, cette école au statut un peu particulier, peut-être dans le but de donner un nouvel élan à l’établissement en palliant la diminution du nombre d’élèves. Le premier titulaire fut le Gantois Antoine-François de Pratel (ca. 16521734), qui, lors de sa leçon inaugurale in Collegio Trilingui en mai 1687, fit l’éloge de la langue française (‘Burgundica lingua’). Deux ans plus tard, il fit imprimer une volumineuse grammaire pratique du français qui connut plusieurs rééditions. Aussi bien sa leçon inaugurale que sa grammaire furent publiées en latin494 ; de même, ses exemples français (toujours pourvus d’une traduction latine) étaient tirés pour la plupart de la Bible et de l’histoire sainte ou profane : les traditions du Collège Trilingue furent donc pleinement respectées ! Pratel enseigna pratiquement un demi-siècle, jusqu’à sa mort en 1734. Six ans après la mort de Pratel, le Hutois ServaisAugustin de Villers (1701-1759) fut nommé titulaire de la chaire de français495. Il avait obtenu un doctorat en médecine en 1733 et enseignait également sa spécialité. Il s’était lié d’amitié avec Henri Joseph Rega (1690-1754), avec lequel il fit des recherches sur l’eau de source de Mariemont. Ses publications, en latin et en français, se cantonnent au domaine médical. Après la mort de Villers en 1759 – suite à une chute de cheval, – le français ne sera plus enseigné au Collège des Trois Langues. Quand, sous l’impulsion de Jean-Noël Paquot, les programmes du Collège de la Sainte-Trinité furent mis à jour lors
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des réformes dites « thérésiennes », l’enseignement de la langue française y trouva une place, apparemment à partir de l’année académique 1755-1756. La proposition de faire de même pour le néerlandais ne fut pas retenue. Les derniers latinistes du Collège des Trois Langues Après la querelle opposant Gautius et Désirant et la période difficile que le latin dut traverser au tournant des XVIIe siècle et XVIIIe siècles au Collège des Trois Langues, un calme relatif revint à partir de de 1705. Le cours de latin fut assuré avec une certaine régularité, mais nous ignorons presque tout de son contenu concret. Les théologiens continuaient à fournir la majorité des titulaires ; ceux-ci combinaient souvent plusieurs charges et ne publiaient que fort peu. Considéraient-ils leurs leçons de latin comme un simple prolongement des cours qu’ils dispensaient en théologie, avec seulement une insistance plus marquée sur les aspects philologiques ? S’il est difficile de savoir jusqu’à quel point ils s’investissaient réellement dans leur chaire de latin, on ne peut se défaire de l’impression que les cours de latin ne représentaient plus une priorité pour eux. À certain moment, un titulaire se déchargeait de ses tâches sur un suppléant. Le temps d’un véritable essor est révolu depuis longtemps et le Collège vivote tant bien que mal. Ce n’est que sous Kerkherdere qu’il finira par retrouver un peu de son ancien lustre. Les leçons du Malinois Jean François de Ladersous (ca. 1665-1720) débutèrent en 1705. Auparavant, il avait enseigné à la pédagogie du « Porc ». En plus de sa charge de cours au Collège Trilingue, il dirigeait également le Collège de Malines dans la Diestsestraat (Rue de Diest). Après sa mort, Christian Bombaye (Bombaeus, 16881747), originaire de Rolduc, reprit le flambeau. Comme son prédécesseur, il était prêtre et théologien, du moins en titre. Recteur à deux reprises, Bombaye devint également
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docteur en droit civil et en droit canonique. En 1741, il renonça à son poste de professeur au Collège Trilingue pour devenir professeur royal de droit. Dans la période allant de 1722 à 1738496, les leçons de latin furent assurées de facto par Gérard Jean Kerkherdere (1677-1738), qui, fort heureusement, fut un latiniste pur-sang. Cet érudit originaire de Valkenburg avait fait des études à Louvain, où il obtint un baccalauréat en théologie. Ayant décidé de s’adonner à l’étude des langues classiques, il enseigna au Collège de la SainteTrinité à partir de 1700 et rédigea entre autres une nouvelle grammaire du latin à l’usage de ses étudiants (1706), simple et concise. Déjà en 1708, il fut nommé historiographe royal et impérial. Dans ses nombreux poèmes latins, qui témoignent d’une solide compétence technique et d’une bonne connaissance des classiques, il se montra très élogieux à l’égard de la maison de Habsbourg. Ces poèmes, qui gardent un certain attrait pour le lecteur moderne, se rapportent souvent à la lutte de l’empereur Charles VI (1685-1740) contre les Turcs et louent l’administration autrichienne des Pays-Bas. Ces œuvres, dans lesquelles Kerkherdere fait figure de porte-parole de la communauté académique, représentent en même temps la modeste contribution historique exigée par son titre d’historiographe. Mais ses recherches majeures en histoire concernent davantage des passages de l’Ancien et du Nouveau Testament qu’il cherche à confronter aux témoignages d’auteurs anciens. Cependant, les rapports qu’il établit ne sont pas toujours pertinents. Dans les introductions à ses ouvrages d’histoire, il étale son esprit scientifique et critique. Il convient de signaler que les sources indispensables faisaient souvent défaut à Louvain ; c’est pourquoi il se rendait alors à Bruxelles,
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chez les jésuites d’Anvers ou à Maastricht. Kerkherdere compulsait non seulement quantité de sources grecques, latines et néolatines, mais aussi la bibliographie scientifique ; il connaissait également l’hébreu. Il était convaincu que le texte de la Bible était corrompu en pas mal d’endroits et que le texte nécessitait dès lors une critique philologique poussée. Il repéra des fautes dans l’Histoire de l’Église de Cesare Baronio, un ouvrage classique, et fit preuve en toute circonstance d’un doute méthodique (‘Cartesiano illo modo coepi iterum de omnibus dubitare’)497. Quand, dans le cadre d’une polémique, il critiquait le latin d’un médecin, il se plaisait à fustiger les mots non classiques et les expressions barbares ; même s’il lui arrivait de se tromper, cela démontre suffisamment son intérêt pour la philologie. Kerkherdere jouissait d’une excellente réputation comme savant et latiniste : on disait de lui qu’il savait composer des vers avec l’aisance d’un Ovide. Sa renommée, qui aujourd’hui nous semble un peu surfaite, a de toute façon contribué à attirer une foule d’étudiants à ses cours498. Nous ignorons si Bombaye, le titulaire de la chaire de latin, a repris lui-même les cours après la mort de Kerkherdere en 1738. Après sa démission en 1741, on nomma comme successeur Henri Joseph Van den Steen, né à Jumet, qui jusqu’alors avait enseigné au Collège de la Sainte-Trinité. Mort en 1768, il fut le dernier latiniste du Collège Trilingue. Nous ne savons rien de ses cours ni de ses projets de publications. Tout au long du XVIIIe siècle, Louvain vit la production d’un certain nombre de manuels de grammaire ou de métrique latines, ainsi que des éditions de textes ; mais ces ouvrages provenaient tous du Collège de la Sainte-Trinité, et non plus du Collège des Trois Langues …
L’enseignement du grec à l’ancienne Université de Louvain: un bilan sous l’angle européen 499 Raf Van Rooy & Toon Van Hal
Le « grec » enseigné au Collège des Trois Langues n’a jamais été autre que le grec ancien. Aux yeux des humanistes occidentaux, le grec parlé à leur époque était la langue d’un peuple « barbare », soumis au joug des Ottomans et des Vénitiens et, comme tel, dépourvu de toute forme de prestige. D’autre part, l’enseignement du grec ne s’est jamais limité à la lecture de textes sacrés. Pourquoi donc les humanistes de Louvain ont-ils accordé tant d’importance à la langue d’Homère, Hésiode, Hérodote, Platon, Démosthène, Euripide et Lucien, auteurs païens surgis d’un passé lointain et provenant d’un pays reculé ? Comment les cours de grec se déroulaient-ils concrètement ? Sur quelle méthode se basait-on pour lire les textes grecs et quels étaient les supports utilisés par les étudiants ? Quel était le profil des enseignants ? Et comment les choses ont-elles évolué tout au long de l’existence du Collège des Trois Langues ? Il n’est guère évident de donner une réponse univoque à toutes ces questions. Car retracer l’histoire de l’enseignement du grec à Louvain sous l’Ancien Régime n’est possible que si le chercheur s’accommode d’une base documentaire disparate, quitte à en reconnaître aussi les
lacunes. Les pièces d’archives que nous avons conservées concernant l’enseignement du grec au Collège des Trois Langues se comptent sur les doigts d’une main500. Seuls quelques manuscrits faisant partie du legs de certains professeurs sont conservés dans les bibliothèques501, et encore : le corpus des manuscrits subsistants n’est pas accessible à l’historien dans sa totalité502. Pour citer un cas extrême, tous les exemplaires imprimés d’une syntaxe grecque rédigée par un professeur du Collège semblent s’être volatilisés503. Situer les cours du grec au Collège dans le contexte plus général de l’enseignement du grec en Europe au début des Temps Modernes relève de la gageure. Notre réponse à la question de savoir « dans quelle mesure la didactique au Collège était novatrice ou traditionnelle » n’aura donc rien de définitif, d’autant que l’examen des documents de cours de cette époque (notes de cours, notes préparatoires) n’en est encore qu’à ses débuts504. Mais ne nous plaignons pas. Cette contribution, qui est bien sûr redevable à nombre d’études antérieures505, a pu bénéficier d’une série de sources peu ou pas exploitées, qui apportent un nouvel éclairage sur les pratiques pédagogiques au Collegium Trilingue.
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Le grec dans les anciens Pays-Bas et à Louvain : les prodromes d’une remarquable réussite Par quelle voie le grec ancien est-il arrivé à l’Université de Louvain ? De fait, il n’était pas du tout évident de créer dans les Pays-Bas, au début du XVIe siècle, un institut proposant des cours avancés de grec ancien. Contrairement au latin, la langue de la Grèce antique était tout sauf omniprésente chez les savants de nos contrées. Au Moyen Âge, la langue grecque était une noble inconnue. Partout, c’était le désintérêt, teinté çà et là de défaitisme. En recopiant des manuscrits latins, les moines sautaient les passages en grec, ayant recours à la formule d’excuse : Graecum est, non legitur (« c’est du grec, on ne le lit pas »)506. Une exception notable fut le franciscain anglais Roger Bacon, auteur, au XIIIe siècle, d’une grammaire grecque d’ailleurs peu diffusée507. Un plus grand attrait du grec se manifeste à l’époque de la Renaissance – mouvement intellectuel parti de la péninsule Italienne, où les érudits prônent un « retour aux sources » radical. Une conscience aiguë de l’histoire et du changement l’emporte sur le sentiment de permanence, qui était caractéristique du Moyen Âge. Le terme dénigrant d’« âge moyen » a été créé par cette nouvelle génération de savants qui prétendent appartenir à une aetas nova, une « nouvelle ère », et pour qui le medium aevum n’est qu’un sombre abîme, s’interposant entre eux et l’Antiquité tant regrettée. Pour forcer l’accès à ce monde perdu, les premiers humanistes soumettent à une étude philologique poussée les textes latins qu’ils connaissent déjà. Ils sont d’ailleurs bien conscients qu’ils ne possèdent qu’une infime partie du patrimoine antique. Dans les fonds reculés des abbayes, ils essaient de retrouver autant que possible des textes latins classiques. Mais ils se rendent vite compte que pour comprendre réellement le monde des Romains, une bonne connaissance
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de la langue et de la littérature de la Grèce antique est indispensable. L’indifférence cède la place à une amère frustration : le grec semble un idéal impossible à atteindre. En l’absence de professeurs et de manuels adaptés, les coryphées littéraires que sont Pétrarque et Boccace, pionniers de l’humanisme du XIVe siècle, se cassent les dents sur cette langue. Significative est à cet égard la plainte de Pétrarque : Homère est muet pour lui et luimême est sourd à Homère508. À la fin du Trecento, les choses changent. Le chancelier de la République florentine, Coluccio Salutati (1331-1406), réussit à attirer un savant byzantin dans sa cité, bastion de l’humanisme. Héritiers de l’Empire romain (ayant gardé d’ailleurs le nom de « Ῥωμαῖοι », « Romei »), les Byzantins se considéraient comme les gardiens de la langue et de la culture grecques. Le diplomate Manuel Chrysoloras (ca. 1355-1412) arriva à Florence début 1397 pour y donner, pendant trois ans, des cours de grec qui eurent un grand succès. Cet événement marqua le début d’une nouvelle ère. Après Chrysoloras, un grand nombre d’enseignants byzantins, au XVe siècle, migrèrent en Italie, afflux intensifié par la chute de Constantinople survenue en mai 1453 : ainsi Théodore Gaza (ca. 1410/15-ca. 1475/76) et Constantin Lascaris (1434-1501), parmi beaucoup d’autres, trouvèrent refuge dans la péninsule Italienne509. Chrysoloras et ses compatriotes n’apportent pas seulement avec eux la connaissance du grec, mais – fait plus important encore – ils élaborent aussi des grammaires grecques simplifiées, destinées aux étudiants occidentaux510. Guarino Veronese (1374-1460), élève de Chrysoloras, donne une traduction latine d’un abrégé de la grammaire de son maître. Des vocabulaires de base sont divulgués511 et de plus en plus de manuscrits de textes littéraires en grec arrivent en Italie. L’invention de l’imprimerie entraîne, à partir
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de 1470, une production accrue de textes et de manuels grecs et contribue ainsi de façon notoire à la diffusion des études grecques, d’abord dans la péninsule Italienne, puis peu à peu aussi dans le reste de l’Europe occidentale. Par les textes et les voyages d’étude des érudits, l’hellénisme se répand progressivement, dans les années 14701540, en direction des centres intellectuels du SaintEmpire romain germanique, de la France, des Pays-Bas, de l’Espagne et de l’Angleterre. Pour l’histoire du Collège des Trois Langues à Louvain, l’enseignement du Crétois Marc Musuros (ca. 1475-1517) présente un intérêt particulier512. Ce savant avait été invité en Italie par Jean Lascaris (1445-1534). Vers la fin du siècle, il était impliqué de près dans les productions grecques de l’imprimerie vénitienne d’Alde Manuce (Aldus Manutius ; ca. 1449/51-1515) et il enseignait le grec à un public diversifié. Nous sommes relativement bien documentés sur ses leçons513. Ainsi nous savons qu’il fit cours à Padoue, entre 1503 et 1509. Son enseignement consistait essentiellement en une lecture poussée de textes littéraires grecs, comme par exemple les discours de Démosthène, les poèmes de l’Anthologie grecque, les poèmes bucoliques de Théocrite, les comédies d’Aristophane, les œuvres satiriques de Lucien, les tragédies grecques, les épopées homériques et les poèmes de Pindare. En parallèle, il dispensait probablement aussi des leçons de grammaire élémentaire. Un des élèves les plus distingués de Musuros à Padoue était le jeune Jérôme Aléandre (Girolamo Aleandro/ Hieronymus Aleander ; 1480-1542), qui devait acquérir plus tard une gloire insigne en tant qu’humaniste et cardinal514. Encore adolescent, il poursuivait déjà l’idéal du vir trilinguis. Fait remarquable en cette fin du XVe siècle, après sept mois de cours auprès d’un réfugié juif, il comprend, écrit et enseigne l’hébreu. Simultanément, il
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entame en autodidacte l’étude du grec. En 1503, durant un séjour à Venise, il trouve un professeur de grec dans l’entourage d’Alde Manuce, qui, un an plus tard, lui dédiera sa première édition d’Homère. Aléandre, alors âgé de vingt-quatre ans, est loué pour son don des langues. Plus tard, Aléandre apprendra en outre le chaldéen et l’arabe. En 1508, il se trouve à nouveau à Venise, où arrive au même moment Érasme, avec qui il s’entend d’abord très bien ; tous deux coopèrent étroitement. Quand Aléandre est informé par Érasme de la situation en France et du renouveau humaniste qui tarde à s’y produire, il décide en toute hâte de traverser les Alpes, muni d’un grand nombre de lettres de recommandation. À l’Université de Paris, l’enseignement du grec avait débuté en 1507, grâce à François Tissard, qui avait fait imprimer plusieurs manuels chez Gilles de Gourmont. Or ses activités allaient être complètement éclipsées par les cours d’Aléandre515. Au début, étant donné le manque de manuels appropriés, l’humaniste italien enseignait le grec à une élite restreinte, dont faisait partie Guillaume Budé (1468-1540). À partir d’octobre 1509 et jusqu’à la fin de l’année 1513, il donna également des leçons publiques. Devant les rangs bondés de son « armée d’étudiants » (comptant jusqu’à cinq cents « soldats »), il lisait Plutarque, Platon et Théocrite516. Il expliquait en outre la morphologie grecque, à l’aide du premier livre de la grammaire de Théodore Gaza517. Comme support de ses leçons de grec, Aléandre fit imprimer, au début 1513 sans doute, des tableaux synoptiques qui seront réimprimés chez Thierry Martens à Louvain, en 1516 et 1518518. Il rédigea également un lexique grec-latin et assura l’édition de plusieurs auteurs grecs (parmi lesquels Plutarque), ainsi que de diverses grammaires.
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Portrait de Jérôme Aléandre, maître des deux premiers professeurs de grec au Collegium Trilingue Gravure d’Agostino Veneziano ou Agostino Musi, 1536. Amsterdam, Rijksmuseum, RP-P-OB-36.690
Aléandre accomplit avec brio son projet de lancer le mouvement humaniste à Paris. Ses travaux marquent une nouvelle étape dans l’histoire des études grecques qui, à partir de la fin du XVe siècle, s’épanouiront et, de ce fait, s’émanciperont de plus en plus des maîtres byzantins. Ce processus allait d’ailleurs de pair avec une connaissance croissante du patrimoine littéraire de la
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Grèce antique et de ses différentes expressions linguistiques et littéraires : Aléandre lui-même s’intéressait beaucoup aux œuvres écrites dans des dialectes moins connus, comme par exemple le dorien des poèmes bucoliques de Théocrite, au désespoir de nombre d’étudiants. Il forma beaucoup d’excellents hellénistes venus de loin pour suivre ses cours et qui allaient continuer à propager la langue et les lettres grecques à travers toute l’Europe occidentale, y compris à Louvain. Avant l’arrivée à Louvain des étudiants d’Aléandre, les études grecques se résument à très peu de choses dans les anciens Pays-Bas. Il y avait bien quelques pionniers dans le Nord, tels que Rodolphe Agricola (1443/441485), qui partit en Italie pour apprendre le grec, et son ami westphalien Alexandre Hegius (1439/40-1498), qui, à la fin du XVe siècle, enseigna les bases de la grammaire grecque à Deventer (là précisément où Érasme avait été scolarisé)519. Mais tout compte fait, leurs efforts n’eurent qu’un impact limité sur la connaissance du grec dans nos régions. Érasme, par exemple, ne devait s’approprier le grec que bien plus tard, à un âge déjà avancé et en autodidacte. La voix d’Hegius retentit néanmoins loin et fort : un poème de sa main vantant l’utilité du grec était lu avidement et bénéficia de nombreuses réimpressions, souvent comme prologue poétique à des grammaires et des dictionnaires de la langue grecque (ce fut le cas notamment pour la grammaire de Nicolas Clénard). Pour Louvain, il y a encore moins de choses à relever : avant 1513, le grec n’était guère enseigné dans cette ville universitaire. Il y avait bien quelques professeurs privés d’origine grecque (aujourd’hui tombés dans l’oubli), mais leurs leçons n’eurent pas beaucoup de résultats520. Lorsqu’Aléandre mit fin à ses cours à Paris en 1513, plusieurs hellénistes d’excellent niveau arrivèrent d’un seul coup à Louvain. Ainsi par exemple, un
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élève anglais d’Aléandre, Richard Croke (ca. 14891558), – qui avait aussi travaillé à Paris comme correcteur d’épreuves de l’Éloge de la Folie d’Érasme, – séjourna à Louvain entre fin 1511 et début 1515. Selon ses propres dires, il y dispensa des leçons privées, mais nous manquons d’autres témoignages à ce sujet521. Plus importants sont deux autres élèves d’Aléandre, qui allaient faire de Louvain leur centre d’activités professionnelles. Il s’agit de Rutger Rescius (ca. 14951545), appelé aussi Dryopolitanus, natif de Maaseik, et d’Adrien Amerot (Hadrianus/Adrianus Amerotius; ca. 1495-1560), originaire de Soissons en Picardie, de souche flamande. L’un et l’autre sont surtout connus aujourd’hui pour la longue durée et le succès de leur professorat au Collegium Trilingue (cf. infra). Il ne faut cependant pas oublier qu’ils avaient déjà enseigné le grec à Louvain avant la fondation du Collège de Busleyden. En 1513, Amerot passa directement de Paris à Louvain, où il s’inscrivit en novembre de la même année à l’université. Peu après, il commença à enseigner la grammaire élémentaire du grec à ses condisciples de la pédagogie du « Lys », fleuron de l’humanisme louvaniste à un moment où l’approche scolastique prédominait encore. Ces cours non officiels se matérialiseront dans une grammaire imprimée par Thierry Martens en octobre 1520522. En même temps, Amerot approfondit ses connaissances de la grammaire grecque523. Quant à Rescius, après avoir enseigné quelque temps le grec à Paris (ca. 1513-14) et à l’école latine d’Alkmaar (ca. 1514-15), il décida de s’inscrire lui aussi à l’université de Louvain, en octobre 1515. Rapidement, il devint correcteur d’épreuves dans l’atelier de Thierry Martens et, déjà durant l’hiver 1515-16, donna des cours privés de grec élémentaire ; c’est ce qu’il indique lui-même dans la préface de ses tableaux grammaticaux que Martens
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publia en 1516, augmentés des tableaux d’Aléandre, le maître de Rescius524. Bref, dès avant la création du Collegium Trilingue en 1517, les élèves d’Aléandre avaient assuré déjà des cours de grec à Louvain. Les titulaires de la chaire de grec : hellénistes pur-sang et champions du cumul Lors de la création du Collège des Trois Langues, la nomination des premiers titulaires ne se fit pas toute seule. Quand Érasme fit la rencontre de Jérôme Aléandre à Venise en 1508, il reconnut en lui l’incarnation des qualités idéales de l’humaniste : une compétence dans les trois langues « sacrées », doublée d’un esprit subtil et raffiné. Cependant, ayant choisi d’embrasser la carrière ecclésiastique, Aléandre renonça à l’enseignement en 1513. Érasme, cherchant à attirer un des maîtres byzantins toujours actifs en Europe occidentale et qui jouissaient d’un grand prestige, porta son regard sur Jean Lascaris afin de l’engager comme premier professeur de grec au nouveau collège. Un tel choix était d’ailleurs conforme aux dispositions testamentaires de Jérôme de Busleyden, qui stipulaient que le professeur de grec devait venir de l’étranger, étant donné que les personnes qualifiées étaient rares à Louvain et à l’entour. C’est pourquoi il était prévu que le professeur de grec aurait droit (au moins au début) à une rémunération beaucoup plus élevée que son collègue latiniste, qu’on allait pouvoir trouver plus facilement dans le pays. Érasme, dans une lettre à Lascaris en avril 1518, lui apprit, en termes déguisés, le poste vacant au Collegium Trilingue, mais la lettre n’arriva pas à temps chez son destinataire. De toute façon, les prétentions salariales de Lascaris étaient trop élevées. Érasme se vit ainsi obligé de puiser dans la réserve locale d’hellénistes, ce qui réduisit fortement son choix525. Un des candidats qui se signala d’office était
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Rutger Rescius. Fin octobre 1517, Érasme se résolut à le recommander, quand bien même il aurait préféré à ce moment-là un enseignant plus connu et plus expérimenté. De fait, Rescius n’était qu’un simple assistant imprimeur, « davantage un passionné qu’un expert du grec » (grece magis studiosus quam peritus). Un autre candidat potentiel était le Gantois Robert de Keysere (Robertus Caesar; avant 1480-1532) ; il avait déjà enseigné à Paris, mais Érasme le jugea trop capricieux. Quant à Jacques Teyng, originaire de Hoorn en Hollande (Jacobus Ceratinus; † 1530), qui avait été l’élève de De Keysere et de Guillaume Budé, son engagement était estimé trop coûteux. Suite à des péripéties avec la Faculté des Arts durant l’été 1518 et vu les difficultés financières que celles-ci entraînèrent, il fallut trouver une solution rapide : le premier septembre 1518, Rutger Rescius, qui offrait la « solution la plus économique », put débuter ses leçons de grec comme premier titulaire de la chaire. Le jeune helléniste inexpérimenté commença en même temps que son collègue de latin, tout en suivant des cours « de rattrapage » en langue grecque chez Teyng526. C’est donc par le nom de Rescius que s’ouvrent toutes les listes chronologiques des titulaires de grec. Valère André (Valerius Andreas ; 1588-1655) fut le premier, en 1614, à dresser une telle liste527 ; celle-ci fut systématiquement complétée par les historiographes postérieurs. Cependant, on ne peut se fier aveuglément à ces alignements de noms et il convient, à plusieurs endroits, d’émettre des doutes. En effet, il existe peu d’archives qui confirment l’exactitude et l’exhaustivité de ces listes. Ainsi le spécialiste français de la Kabbale, François Secret (1911-2003), a attiré l’attention sur la figure notable d’Hugues Babet (Hugo Babelus ; 1474-1556), qui n’est pas évoqué dans l’étude monumentale de De Vocht, ni dans les travaux de ses prédécesseurs528.
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Pourtant son neveu et élève Jean-Jacques Boissard (ca. 1528-1602) n’avait pas fait mystère des activités de cet helléniste au Collège de Busleyden529. Il est à remarquer aussi que l’enseignement des trois langues fut souvent décloisonné dans les faits, et parfois aussi formellement. L’« osmose » linguistique est remarquablement illustrée par la contribution trilingue de Petrus Pierius a Smenga (Petrus Schotanus ; † 1601) au liber amicorum de Frédéric van Reede (f° 32r, voir illustration à la p. 137). Smenga était officiellement engagé comme professeur d’hébreu au Collegium Trilingue, mais il dut remplacer régulièrement le professeur de grec Thierry Langius (Theodor(ic)us de Langhe ; † 1578) à la fin de sa vie. Ce dernier est également présent dans le liber amicorum (f° 32r). D’après un témoin de l’époque, l’Anglais Robert Shirwood (fl. 1519-23), professeur d’hébreu, aurait également enseigné le grec530, alors que le professeur de latin Pierre Nannius (Pieter Nanninck ; 1500-1557) fit, durant l’hiver 1534, des cours sur Eschine et Démosthène « dans la salle du couvent des frères augustins »531. Au milieu du XVIIe siècle, Bernhard de Heymbach (ca. 1620-1664) cumulait même pendant un certain temps les chaires de latin (à partir de 1649) et de grec (à partir de 1654)532. Si nous adoptons une vue d’ensemble sur l’évolution des titulaires et les conditions dans lesquelles les études grecques ont pu se développer à Louvain, on peut en gros distinguer trois périodes. Durant la première période (1518-1578), qui est aussi la plus féconde (Rescius, Amerot et Langius), le grec fut enseigné selon l’approche d’Aléandre. En 1536, dans une lettre à l’humaniste italien, Clénard qualifie lui-même son professeur de grec Rutger Rescius d’« enseignant aléandrin » (praeceptor Aleandrinus)533. Ces hellénistes pur-sang s’investirent totalement dans l’enseignement, même si Rescius combinait sa fonction à partir de 1529 avec la gestion d’une
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« Osmose » des trois langues dans la contribution de Pierius a Smenga au liber amicorum de Frédéric van Reede, 1570-1572. Leuven, KU Leuven, Bibliotheken, Bijzondere Collecties, ms. 1992, f. 32r
Contribution de Thierry Langius au liber amicorum de Frédéric van Reede, 1570-1572. Leuven, KU Leuven, Bibliotheken, Bijzondere Collecties, ms. 1992, f. 31r
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imprimerie lucrative (d’abord pour une brève période en partenariat avec Jean Sturmius, puis avec Barthélemy Gravius)534. Il essaya de se justifier en insistant sur le fait qu’on manquait de bons manuels de grec535, mais à la fin de sa vie Érasme, regrettant de l’avoir recommandé, le dépeignit comme un « croqueur de diamants »536. Durant cette période d’apogée, il appert que les titulaires n’étaient pas les seuls à assurer les leçons de grec. Le Frison Suffridus Petri/Petrus (1527-1597) est un exemple caractéristique d’enseignant non titulaire, à côté d’Hugues Babet, déjà évoqué. Petri, qui à plusieurs reprises avait été actif comme helléniste à Louvain, assura plusieurs suppléances officielles au Collegium Trilingue. Il faut relever en outre que, tout au long du XVIe siècle, le Collège des Trois Langues n’avait certainement pas le monopole de l’enseignement du grec. Aussi bien à Louvain qu’ailleurs, il existait beaucoup d’autres formes d’enseignement : outre l’auto-apprentissage537, les classes aisées pouvaient faire appel à des professeurs privés. C’est ainsi qu’Adrien Amerot enseignait le grec, parmi d’autres élèves, aux fils et aux neveux de Nicolas Perrenot de Granvelle (14861550), homme de confiance de Charles-Quint, alors que le Danois Jacobus Jasparus (Jakob Jespersen ; ca. 1505après 1549/52), un ancien élève du Collegium Trilingue, lisait le grec avec Nicolas Olahus (1493-1568), secrétaire de Marie de Hongrie (1505-1558)538. A l’Université de Louvain, des cours de grec étaient également proposés en dehors du Collège des Trois Langues, de façon officielle ou non ; c’était notamment le cas dans les pédagogies539. La plupart de ces cours se donnaient à partir de la grammaire de Clénard, même si à la pédagogie du « Porc », le programme prévoyait aussi la lecture de petits ouvrages (opuscula) d’auteurs de l’Antiquité tardive, comme Jean Chrysostome et Basile le Grand ou le
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médecin et botaniste Pedanius Dioscoride540. Progressivement, le grec s’intégrait également, un peu partout dans les anciens Pays-Bas, dans le cursus des écoles, ainsi par exemple au Collège de Gand, à Louvain, et à l’école latine d’Alkmaar541. Le grec était aussi enseigné dans les nouvelles universités de Douai (1562)542, de Leyde (1575) et de Franeker (1585). D’après René Hoven, à la fin du XVIe siècle le grec était devenu, dans les anciens Pays-Bas, le petit frère du latin. Bien que désormais institutionnalisé grâce aux programmes scolaires, aux activités des enseignants et des auteurs de grammaires ainsi que par les efforts des imprimeurs, le grec ne venait clairement qu’en deuxième place : on l’apprenait au moyen du latin, qui devait donc déjà être bien assimilé avant d’entamer la deuxième langue classique, et l’intérêt pour la connaissance active du grec était très réduit543. L’enseignement du grec au Collège des Trois Langues, vu le niveau élevé des cours à cette époque (voir infra), était sans doute le couronnement d’une formation linguistique acquise auparavant : les étudiants étaient censés posséder, dès leur arrivée, une bonne partie des connaissances de base ; la grammaire élémentaire et la lecture de textes faciles, contrairement au latin, étaient proposées à peu près en même temps544. À la suite des péripéties religieuses du dernier quart du XVIe siècle, les activités du Collegium Trilingue étaient pratiquement moribondes. Le médecin Guillaume Fabius (Gu(i)lielmus / Willem Boonaerts ; † 1590) essayait d’y remédier tant bien que mal, mais il fut poignardé lors d’une émeute estudiantine. Après une reprise difficile, le Collège entra dans une deuxième phase, qui coïncide en gros avec la première moitié du XVIIe siècle et pendant laquelle furent nommés surtout des juristes. Mais il importe de rappeler que déjà au XVIe siècle les
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hellénistes s’intéressaient souvent au droit545. Par la suite, ce sont essentiellement des professeurs d’université au profil de théologien qui vont prendre la relève. Toutefois, la reprise des travaux fut assez modeste : après la relance du Collège au début du XVIIe siècle, la plupart des titulaires de la chaire de grec n’ont guère laissé de traces de leurs activités en tant qu’hellénistes. Cela s’explique en partie par des lacunes de notre documentation. Mais force est de constater que les professeurs de cette époque n’ont pas tous accordé la priorité à leur charge de cours en lettres grecques. Pour certains enseignants, la chaire de grec ne semble avoir été qu’un emploi accessoire ou un tremplin vers une fonction supérieure. Le professeur de latin Erycius Puteanus nous apprend, dans une lettre datant de la fin de 1608, que son collègue helléniste, le Liégeois Gérard Corselius (Gérard de Coursèle ; 1568-1636) renonça à sa chaire en faveur d’une chaire en droit, après un lobbying efficace de Juste Lipse546. Corselius exerça aussi plusieurs fois la fonction de recteur (dont le mandat était limité à six mois), ce qui fit dire à Valère André, dans son histoire de l’Université, qu’il était le « cœur et soleil » (« cor et ἥλιος ») de l’institution547. Son successeur Henri Zoësius (1571-1627) eut une carrière similaire548. Les hellénistes de Louvain de la première moitié du XVIIe siècle, avec en tête Pierre Stockmans (1608-1671)549, étaient donc connus surtout pour être d’excellents juristes ; de leurs publications on ne peut déduire qu’indirectement qu’ils étaient experts en grec550. Dans un discours inaugural de 1636, Valère André justifia l’utilité de cette compétence linguistique pour les juristes par le fait que le gros du corpus des textes juridiques avait été élaboré en grec à l’époque de l’empereur Justinien. Le latin et le grec ont leur « génie propre » et pour les juristes, il est important d’en maîtriser toutes
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les finesses551. Pierre Castellanus (1585-1632) fait exception. C’est le seul grécisant postérieur au XVIe siècle qui fût productif dans son domaine et qui disposât d’un large réseau de relations à travers l’Europe. Il échangea des publications sur l’Antiquité avec le professeur Jean Meursius (1579-1639) de Leyde552. Mais même Castellanus prit le parti, vers la fin de sa vie, de se concentrer sur sa chaire de médecine. Dans une lettre à Meursius de 1616, il s’explique sur la décision qu’il a dû prendre, dit-il, pour gagner son pain quotidien. Les collègues de la Faculté de Médecine étaient loin d’apprécier son passé d’helléniste, au point que, lors de la procédure de recrutement, ils lui reprochèrent son expertise dans ce domaine. Il lui était donc désormais impossible de donner à ses leçons une touche de grec, ce qui aurait été non seulement source de moquerie, mais encore de récrimination : « C’est pourquoi, si je veux jouer ici un rôle quelque peu significatif, je suis obligé de me comporter comme un barbare [c’est-à-dire : ignorer le grec]. […] Comme si Hippocrate et Galien, en oubliant leur propre langue, ne pouvaient tirer leur savoir que de la forêt opaque des traducteurs »553. Ce témoignage, bien que de nature apologétique, montre que le prestige du grec était déjà fortement érodé. Bernard de Heymbach, bachelier en théologie et licencié dans l’un et l’autre droit, symbolise en quelque sorte le passage vers la troisième période, qu’on peut appeler « la période théologique ». Heymbach cumulait la chaire de latin et de grec avec la fonction d’historiographe de la cour et avec une charge politique. Il se présentait généralement comme « professeur d’histoire », titre usuel à l’époque pour les professeurs de latin du Collegium Trilingue, vu l’orientation des programmes, mais qui reflète aussi les intérêts personnels de Heymbach554. Un savant du XIXe siècle n’hésite pas à dire qu’après
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Heymbach, on n’a plus que « le spectacle d’une décadence non interrompue »555. Si les titulaires de la période tardive – le plus souvent des théologiens – font encore état de leur charge de cours de grec à côté de leurs nombreuses autres fonctions et responsabilités, ils ne mentionnent même plus le Collegium Trilingue en tant que tel556. À partir de 1741, c’est le théologien Jean-Baptiste Zegers (1707-1785) qui occupa la chaire pendant plus de quarante ans, jusqu’à un âge avancé. Or nous n’avons pas de traces tangibles de ce théologien en tant que professeur de grec557. Sur la base de quels critères les professeurs de grecs étaient-ils nommés ? La connaissance approfondie du grec jouait-elle un rôle prépondérant ou le candidat devait-il correspondre en premier lieu au profil général et « idéologique » de l’institution ? Dans la période initiale du Collège, une solide connaissance du grec était certainement le critère principal, dans la limite des moyens financiers. Dans certains cas, l’avis du prédécesseur semble avoir joué un rôle. À cause de graves problèmes de santé, Pierre Castellanus estima en 1632 ne plus pouvoir combiner ses cours et sa pratique de la médecine avec sa chaire de grec. Dans une lettre adressée à la direction de l’Université, il fit part de sa volonté de renoncer à sa chaire et dit avoir entière confiance en Pierre Stockmans, « étant donné son érudition et sa connaissance de cette langue »558. Il espérait donc visiblement que Stockmans serait nommé. On ne sait si Castellanus fut le premier à proposer le nom de Stockmans ou s’il confirma une candidature déjà acceptée par les autorités. Un mois plus tard, Castellanus décéda. L’engagement de François Martin (1652-1722) comme successeur de Jean de Hamere († 1680) ne fut pas une mince affaire. Des pièces d’archives de l’ancienne Université de Louvain montrent
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que certains membres de la direction auraient préféré engager un autre candidat, à savoir Rutger van den Burgh, originaire d’Amersfoort. La discussion était menée essentiellement sur la base de critères extrinsèques et institutionnels, même si les partisans de Van den Burgh avançaient comme argument décisif le fait que celui-ci connaissait pratiquement tout l’Homère par cœur559. Mais ce fut peine perdue. Quand Martin, qui obtint finalement la fonction, décéda à son tour, en 1722, certains administrateurs voulurent nommer un successeur en toute hâte. Mais un théologien allait freiner leur élan. Le pléban Jean-Baptiste Schoeps (1675-1742) rappela les hautes ambitions du fondateur Busleyden et insista sur la nécessité d’attribuer la chaire à un expert en grec560. Mais apparemment Schoeps, qui proposa d’organiser un concours, prêcha dans le désert. Il est difficile de savoir quels étaient les critères qui conduisirent aux nominations des titulaires ultérieurs. Un certain nombre de professeurs de grec (dont Jean de Hamere et Jean-Baptiste Zegers) avaient été actifs auparavant au Collège de la Sainte-Trinité, fondé par l’Université à l’intention des écoliers et qui jouissait d’un grand succès. Cette politique de recrutement donne l’impression qu’à cette époque, le grec était enseigné à un niveau plutôt élémentaire. Comme la plupart des autres titulaires du grec, Jean de Hamere avait été formé à Louvain. Le fait qu’il tirait sa connaissance du grec en grande partie de son étude personnelle, notamment à travers la lecture des Pères de l’Église, est particulièrement révélateur561. Tout cela semble indiquer qu’à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle, les fondements mêmes de la chaire de grec étaient minés. Vraisemblablement, le grec n’était plus considéré que comme une branche auxiliaire de la théologie. C’est pourquoi, dans la section ci-dessous qui traite
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de la méthode de l’enseignement du grec, nous nous limiterons pour l’essentiel à la période d’essor du Collegium Trilingue au XVIe siècle. Dans une section ultérieure, nous aborderons ce que l’on sait avec certitude sur les cours de grec aux époques plus tardives, notamment au XVIIIe siècle. Sur les bancs du Collège des Trois Langues Les cours consistaient essentiellement en une lecture approfondie de textes en grec ancien. Les auteurs classiques et les auteurs profanes de l’Antiquité tardive occupaient une place centrale – c’étaient là également les auteurs recommandés par Érasme et par des pédagogues comme Jean Louis Vivès (1492/93-1540)562. Rutger Rescius lut entre autres le prosateur athénien Xénophon (l’Économique, la Cyropédie, Hiéron et les Mémorables ; 1528-29), les épopées d’Homère (1533, 1543 et peut-être aussi en 1535), des œuvres du juriste byzantin Théophile l’Antécesseur (1536) – ce qui le faisait empiéter sur le domaine de la Faculté de Droit – et les dialogues satiriques de Lucien (1545)563. La lecture de ce dernier fut achevée par Adrien Amerot, qui passa ensuite à une déclamation de Libanius (1545)564. Thierry Langius lut, entre autres textes, une tragédie de Sophocle, l’Œdipe Roi (1551), au rythme d’une bonne vingtaine de vers par séance. En 1568, quand le duc d’Albe commanda un rapport général sur l’orthodoxie de tous les professeurs titulaires de l’Université de Louvain, Langius faisait son cours sur Le Bouclier d’Héraclès d’Hésiode565. Son suppléant Suffridus Petri expliquait à ses étudiants un texte de Plutarque (1575), utilisant sa propre édition (pourvue d’une traduction latine et de notes de commentaire) parue à Bâle en 1561566. Plus tard dans l’année, Petri fit aussi un cours sur un texte de Basile le Grand ;
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mais le choix d’un auteur chrétien semble avoir été plutôt exceptionnel dans son cas567. Gérard Corselius, déjà mentionné plus haut, possédait une édition des tragédies d’Euripide imprimée par Alde Manuce. Il se peut donc qu’il ait lu cet auteur avec ses étudiants568. Il ressort des noms qui précèdent que les auteurs attiques l’emportent nettement, mis à part les poètes archaïques Hésiode et surtout Homère, dont la langue fut perçue comme un mélange de dialectes569. Bien plus, Amerot considérait le « raffinement (lepor) attique » comme un atout littéraire570. La production d’imprimeurs comme Thierry Martens et Rutger Rescius, dont les presses satisfaisaient en partie aux besoins du Collegium Trilingue, semble confirmer cette tendance571. Ils publièrent surtout des auteurs attiques ou atticistes (comme par exemple Aristophane – d’ailleurs un auteur plutôt grossier et truculent – 572, Aristote, Démosthène, Euripide, Hérodien, Isocrate et Platon), même s’ils firent paraître aussi des œuvres littéraires dans d’autres dialectes grecs, tout comme des textes chrétiens. Rescius par exemple imprima des parties du Nouveau Testament grec, notamment en 1531 et en 1534573, alors que les poèmes bucoliques de Théocrite, écrits en dialecte dorien, parurent de bonne heure chez Martens et furent régulièrement réimprimés. Cela trahit peut-être l’influence de Jérôme Aléandre qui, à Paris, lisait également Théocrite574. Si l’on se place dans une perspective plus large, on constate que Louvain, et plus tard Anvers, se profilent clairement au XVIe siècle comme les centres d’imprimerie les plus importants dans le champ de l’hellénisme : des 292 manuels grecs parus au XVIe siècle dans les anciens Pays-Bas, la toute grande majorité fut publiée chez Martens, Rescius et Plantin (voir fig. 1).
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Types d’ouvrages 1 101
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Grammaires
Lexiques
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Colloquia
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Fig. 1 : Ouvrages grecs imprimés au XVI siècle dans les Pays-Bas et la Principauté de Liège, d’après R. Hoven577
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Malgré la prédominance d’auteurs profanes, on se gardera de conclure trop vite que le programme des cours au XVIe siècle délaissait complètement le point de vue chrétien. Au contraire, les professeurs s’efforçaient de proposer à leurs étudiants une interprétation
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moralisante de la littérature grecque profane, accordant une place centrale aux vertus chrétiennes (voir infra). Ainsi les textes païens se transformaient en exemples de moralité, véhiculant des valeurs chrétiennes. Cela n’est pas propre aux usages didactiques du Collège des Trois Langues, mais caractérise de manière générale les études grecques du XVIe siècle au Nord des Alpes575. Cette combinaison d’auteurs chrétiens, de textes de morale et de littérature profane « homologuée » était d’ailleurs déjà préconisée dans le testament de Busleyden576. Afin de savoir comment ces textes grecs étaient lus, nous devons nous reporter à des éditions de textes annotées par des étudiants ainsi qu’aux préparations des cours des professeurs. Les matériaux disponibles sont rares et en bonne partie limités au XVIe siècle. Il va de soi qu’il est périlleux de transposer au corps professoral tout entier et pour toute la durée d’existence du Collège les informations relevées sur la pratique de l’un ou l’autre professeur en particulier. Les matériaux présentés ci-dessous n’ont encore jamais été exploités578. Il s’agit d’abord d’un exemplaire de l’édition d’Homère par Rescius (1535), que l’étudiant Jean Aegidius pourvut en 1543 d’annotations manuscrites579. Nous disposons en outre de la leçon introductive d’Adrien Amerot d’octobre 1545, alors qu’il était professeur ad interim580. Ensuite, il nous reste quelques leçons inaugurales que nous a livrées le legs manuscrit du Frison Suffridus Petri581. Petri ne fait pas partie du « canon » des professeurs titulaires de grec, mais il remplaça Thierry Langius quand celui-ci, à la fin de sa vie, « devait recourir à une béquille et que ses yeux ne voyaient plus clair »582. Le 4 novembre 1556, Petri avait déjà fait à Louvain un cours privé sur le dialogue satirique Δραπέται (les Fugitifs) de Lucien. Celui-ci eut lieu cependant ‘in scolis medicorum’, à la Faculté de Médecine ;
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Un document unique provenant du Collegium Trilingue : une édition d’Homère avec la marque de propriété de Jean Aegidius et des annotations faites durant les leçons de Rutger Rescius Homère, Ὁμήρου Ὀδύσσεια. Βατραχομυομαχία. Ὕμνοι λβ. Homeri Ulyssea. Batrachomyomachia. Hymni. XXXII., Louvain, Barthélemy Gravius (et Rutger Rescius), (1535). Gent, Universiteitsbibliotheek, BIB.CL.00451.
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il avait obtenu pour cela l’accord du sénat académique, par l’entremise de Langius583. Près de vingt ans plus tard, il donna, également à Louvain, une préface au traité Sur l’éducation des enfants de Plutarque, un texte qu’il avait édité à Bâle. Cette fois-ci l’exposé eut bien lieu au Collegium Trilingue, tout comme sa leçon magistrale sur le discours De la lecture des auteurs profanes de Basile le Grand584. En outre, nous possédons un cahier de notes de la main de Thierry Langius, même si son contenu reste pour le moment encore incertain : l’ordre des pages semble avoir été modifié585. Cependant, il n’est pas impossible qu’il s’agisse en partie d’une préparation d’un cours sur la pièce d’Euripide Iphigenié en Aulide. Par ailleurs, nous avons pu réunir quelques indices qui nous renseignent directement ou indirectement sur les pratiques pédagogiques du Collège. Ainsi nous avons des témoignages de personnes qui ont suivi les cours de grec, comme l’écrivain anglais Roger Ascham (?1515-1568) qui – peut-être en proie à la jalousie – s’exprime de façon condescendante sur les cours de grec donnés par Langius et encense les enseignements de son pays d’origine586. Nous possédons également une lettre d’Adrien Amerot à Nicolas Olahus, dans laquelle il explique un passage du dialogue satirique de Lucien Sur le parasite, ou que le métier de parasite est un art587. Cette lettre jette une lumière sur les méthodes didactiques en usage dans la salle de classe du Marché aux Poissons au XVIe siècle. Des informations similaires nous sont offertes par le manuel d’autodidaxie pour le grec de Nicolas Clénard (Nicolaes Cleynaerts/Nicolaus Clenardus ; ca. 1495-1542), grand ami de Rescius, dans lequel il imite l’exposé oral (viva vox) d’un professeur de grec. Par rapport aux cours du Collegium Trilingue, cet ouvrage s’adresse cependant davantage à des débutants588.
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Comment se déroulait donc, au XVIe siècle, un cours de grec typique au Collège des Trois Langues? Nos sources, pour disparates qu’elles soient, permettent de reconstruire l’image suivante. Le professeur de grec déterminait, au début de chaque cycle de leçons, l’auteur qu’il souhaitait traiter. Parfois, au moment de faire son choix, il tenait compte des préférences des étudiants. Rescius, par exemple, rapporte qu’en 1528, Xénophon avait été tellement au goût de ses étudiants qu’il fit imprimer d’autres ouvrages du même auteur en 1529589. Avant de commencer la lecture, le professeur donnait une introduction générale à l’auteur, qui était organisée selon un canevas plus ou moins fixe. Dans cet exposé, il abordait la vie et l’œuvre de l’écrivain, le titre, le style et le contenu du texte qui allait être lu, ainsi que les objectifs de l’auteur. Ce contenu se voit clairement dans les leçons inaugurales de Petri et d’Amerot qui ont été conservées590. Ainsi par exemple, dans son introduction au traité Sur l’éducation des enfants de Plutarque, donnée le 6 mars 1575, Petri commence par une longue captatio benevolentiae, dans laquelle il explique qu’il remplace Thierry Langius, empêché par la maladie, et qu’il lui doit beaucoup591. Ensuite il enchaîne avec la vie et l’œuvre de Plutarque (‘De authore’), le genre et le titre de l’ouvrage en question (‘De genere scripti’ & ‘De titulo authoris [sic]’), l’intention de Plutarque (‘De proposito et consilio authoris’) et la méthode d’explication qu’il souhaite appliquer (‘Interpretatio’). Souvent dans ce type d’introduction, le professeur indiquait aussi le profit que les chrétiens peuvent tirer des auteur profanes : le premier juin 1575, Suffridus Petri lisait même avec ses étudiants un petit texte de Basile le Grand sur ce thème592. Rutger Rescius, de son côté, cita le même Père de l’Eglise au début de son cours
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sur Homère, le 23 octobre 1543 : « saint Basile le Grand professe que l’œuvre entière d’Homère n’est rien d’autre qu’un éloge de la vertu ; pour cette raison, elle doit aussi être lue par les chrétiens »593. Il est donc clair que ce type d’introduction étoffée était usuel au Collège. En octobre 1545, Amerot se plaint « de ne pas avoir l’opportunité de donner une introduction plus étendue et plus complète, comme il est de coutume », étant donné qu’en tant que professeur ad interim, il ne peut lire, avec ses étudiants, autre chose qu’un texte succinct, par ailleurs empreint de la brevitas laconienne594. L’introduction était suivie de la lecture proprement dite du texte grec, généralement appelée interpretatio (notamment dans le testament de Busleyden), parfois aussi explicatio. Un bref résumé précédait sans doute la lecture de chaque paragraphe traité595. Ensuite, le professeur récitait le texte original en grec ancien, probablement suivant la prononciation vernaculaire du grec. La transcription des noms des caractères grecs dans les grammaires de l’époque nous montre que telle était en effet la pratique habituelle au XVIe siècle. Le très populaire manuel de Nicolas Clénard décrit par exemple les lettres ‘béta’ et ‘tau’ de la façon suivante :
Fig. 2 : La grammaire de Clénard applique la prononciation « reuchlinienne » Nicolas Clénard, Institutiones in linguam Graecam, (Louvain, Rutger Rescius & Jean Sturmius, 1530), p. 3. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, CaaA1363.
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Les exemples de la prononciation populaire que l’on peut observer ici sont la prononciation de comme [v], de comme [i] et de comme [av]. C’est là clairement un héritage des professeurs byzantins, qui partaient du principe que leurs ancêtres de l’Antiquité prononçaient le grec ancien exactement comme eux-mêmes. À la longue, les philologues ont associé à cette prononciation le nom de Jean Reuchlin (Johannes Capnion ; 1455-1522), un humaniste de Pforzheim dans l’Allemagne du Sud, pionnier de l’étude du grec au Nord des Alpes. Il avait appris le grec auprès de quelques émigrés byzantins596. À partir de 1528, la prononciation dite « reuchlinienne » vint concurrencer la reconstruction de la prononciation du grec ancien proposée (à titre d’essai, voire de jeu) par Érasme. Dans son Dialogue sur la prononciation grecque et latine, l’humaniste de Rotterdam était redevable aux conceptions d’autres philologues comme Alde Manuce ou Jérôme Aléandre597. Depuis la seconde moitié du XVIe siècle, on raconte une histoire étonnante sur la genèse de ce dialogue célèbre. Même si elle n’est sans doute qu’un mythe598, nous ne pouvons nous empêcher de l’évoquer brièvement ici, ne serait-ce que parce que le premier professeur de grec, Rutger Rescius, y joue un rôle important. Un ancien élève de Rescius, Henricus Coracopetraeus de Nimègue, rappelle en 1569 une anecdote racontée par son maître vénéré, qui avait résidé un moment avec Érasme à la pédagogie du « Lys » : un jour, Henri Glaréan (Henricus Glareanus ; 1488-1563) arrive à Louvain, venant de Paris. Convié à table par Érasme, Glaréan rapporte qu’il a rencontré à Paris quelques Grecs d’origine, des seigneurs érudits, qui préconisaient une prononciation toute différente du grec : à la place de ‘vita’ ils disaient ‘bèta’, à la place de ‘ita’ ‘èta’, etc. Érasme se serait alors décidé à rédiger
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en toute hâte son dialogue sur la prononciation du grec. Comme l’imprimeur Pierre d’Alost (‘Petrus Alostensis’), peut-être le fils de Thierry Martens, n’était pas à même de lancer tout de suite l’impression, Érasme envoya son manuscrit à l’imprimeur bâlois Jean Froben, de peur d’être devancé par quelqu’un d’autre. Mais d’après Rescius, Érasme n’aurait jamais appliqué lui-même la prononciation dite « érasmienne », comme le prouverait un document de la main d’Érasme que Rescius put montrer à son élève. Cette dernière affirmation de Rescius est sans doute en bonne partie vraie599 : voulait-il par cette histoire, si du moins elle est véridique, discréditer l’héritage d’Érasme, qui, à la fin de sa vie, avait exprimé son regret d’avoir fait engager son ancien protégé au Collège des Trois Langues ? Le clivage entre les options « reuchlinienne » et « érasmienne » est toujours d’actualité. Dans nos pays, des variantes de la prononciation proposée par Érasme sont largement répandues, alors qu’en Grèce même, c’est la prononciation « reuchlinienne » qui prévaut toujours. Malgré l’effort de restauration d’Érasme, la prononciation populaire a dû rester en vigueur dans la pratique de l’enseignement, en tout cas au XVIe siècle. Pour l’un des professeurs du Collège, Suffridus Petri, nous savons que lors de ses cours il utilisait à bon escient les deux prononciations : comme il nous l’apprend lui-même, il lisait chaque phrase grecque « selon les deux prononciations, c’est-à-dire d’après Érasme et à la façon populaire » ; à quoi il ajoute aussitôt : « Dans mes leçons, j’utiliserai néanmoins la forme populaire »600. Les deux prononciations n’étaient d’ailleurs pas distinguées de manière aussi précise par tout le monde. Bien plus, dans l’usage de certains hellénistes, les deux variétés ont dû être confondues. À propos de la prononciation de Thierry Langius, nous apprenons ceci :
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De ses cahiers de notes, il ressort que Langius s’intéressait beaucoup aux voyelles, à l’accentuation et à la prosodie602. Dès lors, il n’est pas à exclure que les particularités dans sa manière de prononcer étaient dues à un choix délibéré, d’autant plus qu’il les mettait en œuvre de façon « constante », même si nous ne pouvons que spéculer sur ses motifs. Plus tard, à la fin de l’époque moderne, la prononciation érasmienne semble l’avoir emporté à Louvain. Dans sa grammaire grecque de 1782, Jean Hubert Joseph Leemput (1748-1812) – un des derniers professeurs au Collegium Trilingue – écrit : « La voyelle η est à peu près prononcée comme le ‘ê’ en français, sauf qu’elle ressemble plus au son d’un mouton qui bêle »603. Après un bref résumé introductif et la récitation du texte grec original, le professeur donnait généralement une traduction mot à mot en latin, suivie d’une paraphrase latine, dans laquelle les éléments factuels et d’autres éléments du texte étaient expliqués, tels que les proverbes ou les formes difficiles. Mentionnons à cet égard que, d’après nos sources disponibles, le professeur ne renvoyait pas systématiquement à des grammaires ou à d’autres outils. Par ailleurs, seule une minorité des hellénistes du Collège de Busleyden a publié des travaux de grammaire, et encore moins des traductions (Adrien Amerot et Suffridus Petri sont les exceptions qui confirment la règle). On peut penser néanmoins que plus d’une fois le professeur a dû se référer à des traductions latines
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littéraires. Pierre Nannius enseigna le latin au Collège de Busleyden durant de longues années. Il publia non seulement de nombreuses versions latines d’œuvres grecques, mais, dans ses cours sur Démosthène et Eschine données dans la salle des frères augustins durant l’hiver de 1534, il fit aussi de nombreux renvois aux traductions de Leonardo Bruni l’Arétin (Aretino ; ca. 1370-1444) et de Guillaume Budé604. Dans ce qui suit, nous voudrions illustrer les trois dernières étapes du processus de l’interpretatio, à l’aide des seules notes de cours dont nous sommes sûrs qu’elles ont été prises au Collegium Trilingue, c’est-à-dire les notes de Jean Aegidius, que nous avons déjà évoquées et qui furent prises lors des leçons de Rutger Rescius sur l’Odyssée d’Homère en 1543605. Les trois étapes à distinguer sont : 1) la traduction mot à mot en latin, 2) la paraphrase et 3) l’interprétation au niveau du contenu et de la forme. Il est très probable que le professeur donnait d’abord une traduction mot à mot de la phrase entière, mais qu’Aegidius se contentait de noter la traduction latine au-dessus des mots moins courants. Ensuite Rescius paraphrasait les mots et expressions difficiles. Ainsi par exemple, il rendit l’accusatif singulier πολύτροπον (‘aux mille tours, habile, rusé’) comme ‘prudentem, multi consilij, versatilibus moribus’. Rescius s’attardait aussi aux aspects morphologiques : en l’occurrence, la forme verbale ἔπερσε fut identifiée comme l’aoriste de πέρθω, ‘piller’ ou ‘ravager’. Des informations (pseudo-)étymologiques étaient également fournies aux étudiants. Ainsi, le substantif φάρμακον, qui peut avoir les sens contradictoires de ‘médicament’ et de ‘poison’, se vit attribuer une double origine : le sens favorable serait issu de la phrase ‘φερων [sic] ἄκος’, ‘qui apporte le salut’, alors que le sens négatif de ‘poison’ proviendrait de ‘φερων [sic] ἄχος’, ‘qui apporte la douleur’606. Rescius s’intéressait
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aussi aux éléments factuels. Le bref résumé du premier livre de l’Odyssée l’amena à donner plus de renseignements sur la ville de Pylos. Se référant à Pline l’Ancien (Histoire naturelle, 4, 14), il décrit Pylos comme une ville située à l’intérieur des terres achéennes, plus précisément en Messénie (alors qu’en réalité Pylos se trouve sur la côte). Il est à noter que Rescius a dû apporter aussi des corrections au texte, bien qu’il eût imprimé lui-même l’édition d’Homère utilisée lors de ses cours ! Sur la base des notes d’Aegidius, nous croyons pouvoir dire que les cours de littérature au Collège étaient d’un niveau exceptionnel pour le XVIe siècle. Ils se signalent par une diversité impressionnante et par la profondeur des explications au plan grammatical, littéraire et herméneutique. Cela ne veut pas dire que les étudiants ou les professeurs avaient une maîtrise active du grec, mais là n’était pas l’objectif d’Érasme. Une solide connaissance passive suffisait pour réaliser le travail philologique auquel il visait. C’est ce que prévoyait d’ailleurs le testament de Busleyden : le professeur de grec ne devait pas savoir parler ou écrire le grec ; il devait être capable de lire des textes littéraires avec ses étudiants et de les expliquer (= interpretatio). Il n’y avait d’ailleurs pas de demande sociale pour une connaissance active du grec : une lingua franca scientifique existait déjà, à savoir le latin607. Il est bien possible qu’à la fin du cours, il y eût aussi dans certains cas une séance de conclusion finale, mais on n’en trouve pas de trace dans les sources existantes. Dans sa leçon inaugurale de 1545, Amerot promit que son cours se terminerait par une conclusion en bonne et due forme, mais il prit soin d’indiquer qu’il agirait ainsi pour compenser la concision de son introduction. Il se peut donc que le supplément qu’il annonçait pour la fin fût plutôt exceptionnel :
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« Bientôt, quand j’en aurai terminé avec cette accusation de Pâris par Ménélas, telle qu’elle a été imaginée par Libanius avec beaucoup de précision, je vais, sous votre regard, prendre le rôle de Pâris qui, au contraire de Ménélas, ne se défend pas avec des armes, mais en recourant à la loi et à la justice : non pas comme chez Homère, à l’aide ‘d’une lance solide et d’une épée aux clous d’argent’, mais en s’appuyant sur les ressources de l’éloquence. Ainsi sera compensée la concision de mon introduction et, en même temps, vous aurez plus de profit et de plaisir à écouter la déclamation de Libanius, de loin la plus belle de cet auteur si éloquent »608.
Le dernier paragraphe de la leçon inaugurale de Suffridus Petri sur les Fugitifs de Lucien – bien que donnée en dehors du cadre du Collegium Trilingue au sens strict – donne une image concise et représentative de la pratique didactique telle que nous venons de la reconstituer. Remarquons d’ailleurs qu’aucune interaction entre professeur et étudiants n’est prévue : « Il me reste maintenant à passer à l’interprétation (explicatio) de l’œuvre, pour laquelle j’adopterai de préférence l’ordre suivant : d’abord j’expliquerai sommairement et par anticipation le sens de chaque passage lu. Puis, je réciterai une seule fois ce même texte dans l’une et l’autre prononciation, c’est-à-dire érasmienne et populaire, même si pendant le cours, je prononcerai selon la manière populaire. Puis j’analyserai tout sur le vif en fournissant les explications d’après les règles des grammairiens et j’ajusterai avec soin les parties du discours et leur construction aux règles de la grammaire. Finalement, j’indiquerai l’origine des récits, l’usage des proverbes, l’enchaînement des arguments, l’artifice de la rhétorique et tous les autres éclaircissements des choses notables qui se présenteront sur notre chemin »609.
Que les professeurs aient pu s’écarter de ce schéma est clairement montré par l’introduction donnée par
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Amerot à son cours sur le sophiste Libanius. La méthode que nous avons reconstituée ici à grands traits n’était certainement pas contraignante, mais elle résulte d’une tradition solidement établie au fil du temps. Pour en savoir plus sur les origines de cet enseignement, nous devons, à nouveau, regarder du côté de l’Italie du Nord. C’est là qu’a été développée, pour l’essentiel, la méthode didactique mise en œuvre au Collège des Trois Langues au XVIe siècle. Pour leurs cours de littérature destinés aux étudiants occidentaux, les professeurs byzantins étaient obligés de s’approprier la lingua franca intellectuelle de l’Europe et de donner leurs leçons en majeure partie en latin. Contrairement à ce qui se passait à Constantinople, la traduction s’avérait donc une étape intermédiaire indispensable pour enseigner rapidement la langue aux étudiants et leur faire comprendre les textes traités. La traduction mot à mot en latin devint la méthode par excellence pour aborder un texte grec610. Mais le canevas général des cours du Collège doit, lui aussi, beaucoup à l’interaction des enseignants byzantins avec leurs étudiants dans les cités de l’Italie du Nord. Les cours de littérature de Marc Musuros auxquels assistait Jérôme Aléandre – comme nous l’avons déjà évoqué – commencèrent toujours par des leçons introductives en latin (praelectiones). Certaines d’entre elles ont été conservées, par exemple celle relative aux Nuées d’Aristophane611. Il n’y a pas de doute que le maître crétois proposait également une traduction latine mot à mot, suivie d’un commentaire sur la forme et le contenu612. Bref : les professeurs byzantins développèrent une nouvelle méthode d’enseignement, adaptée au public estudiantin occidental et qui se basait en partie sur des pratiques existantes (à Byzance tout comme en Europe occidentale). Cette approche fut reprise, pour l’essentiel, par les savants occidentaux qui
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Le discours inaugural d’Adrien Amerot d’octobre 1545. Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, ms. II 4644, f. 2V
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avaient suivi leur enseignement. Si donc la méthode du Collège des Trois Langues n’était pas exceptionnelle au XVIe siècle, le niveau des cours était bien unique en son genre. Les réformes thérésiennes de l’enseignement : une nouvelle vie pour la langue grecque ? En ce qui concerne le contenu des cours aux XVIIe et XVIIIe siècles, nous en sommes réduits à faire des hypothèses, même s’il n’est pas exclu que l’enseignement des professeurs de la première moitié du XVIIe siècle poursuivait en partie la ligne de leurs prédécesseurs du XVIe. Jusqu’au dernier quart du XVIIIe siècle, aussi bien dans les Pays-Bas du Nord que du Sud, l’engouement pour l’étude du grec avait fortement décliné. À l’Université de Leyde, la chaire de grec était passée du côté des langues orientales613. Au Nord des Pays-Bas, particulièrement en Frise, les études de grec connurent cependant un renouveau spectaculaire, grâce au succès éclatant des cours de Tiberius Hemsterhuis (1685-1766) à la petite Université de Franeker, où la chaire était maintenue. Dans son enseignement, Hemsterhuis insistait sur la régularité (analogia) du grec. La réussite de cette Schola Hemsterhusiana fut à l’origine d’un grand nombre de postes nouvellement créés ou renouvelés614. Vers la même période, le grec semble avoir retrouvé son second souffle dans les Pays-Bas autrichiens également. Toutefois, l’esprit d’Hemsterhuis n’a jamais vraiment atteint le Sud (même si Jean-Baptiste Zegers possédait plusieurs de ses éditions d’auteurs grecs) : la relance était exclusivement due à une impulsion externe, institutionnelle, initiée par l’impératrice Marie-Thérèse615. Avec les réformes dites « thérésiennes » de l’enseignement, les pouvoirs publics des Habsbourg autrichiens misaient fortement sur l’amélioration des connaissances en grec.
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Les réformes concernaient en bonne partie l’enseignement secondaire. Au Collège de la Sainte-Trinité à Louvain, que nous avons déjà mentionné et qui comptait quelque 600 élèves vers le milieu du XVIIIe siècle616, l’enseignement du grec fut introduit en 1755, à côté du français et de l’histoire617. Comme professeur de grec au Collegium Trilingue, Jean-Baptiste Zegers était impliqué dans cette réforme. Mais l’université elle-même n’échappait pas aux nouvelles mesures. En 1754, le gouvernement adopta un décret qui rendit la connaissance du grec et de l’hébreu à nouveau obligatoire pour les théologiens : les étudiants concernés étaient supposés passer un examen auprès du titulaire de la chaire de grec618. Le gouverneur Charles de Lorraine ne cessa de rappeler le prestige de l’Université de Louvain au XVIe siècle, dû à l’étude intensive des langues classiques. La suppression de la Compagnie de Jésus en 1773, suite à la pression de plusieurs puissances, eut un impact déterminant sur l’enseignement dans les Pays-Bas du Sud. À nouveau, les pouvoirs publics en profitèrent pour occuper la place laissée libre619. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la publication de quelques grammaires grecques durant le dernier quart du XVIIIe siècle. Une de ces grammaires brosse un tableau sur l’état des études du grec dans les Pays-Bas du Sud : « Parce que la connaissance de cette langue dans ces régions est si lamentablement déchue ; parce que beaucoup de personnes ignares ont développé des préjugés non fondés envers elle et qu’on inculque une espèce d’aversion aux enfants ; on a jugé bon de rendre l’apprentissage du grec aussi facile que possible. Apprendre un grand nombre de leçons par cœur, écrire de nombreux thèmes, être obligé de chercher chaque mot dans un dictionnaire sinistre, tout cela importune et chagrine la jeunesse »620.
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Décret du gouverneur Charles de Lorraine de 1754. Leuven, Rijksarchief, no 1443, f. 13R
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L’auteur de cette grammaire est Jean des Roches (ca. 17401787), qui publia aussi des grammaires de néerlandais et de latin. En tant que secrétaire de la Commission royale des études, il joua un rôle clef dans la création des collèges royaux621. Des apprentis hellénistes, on attendait surtout qu’ils fussent capables de lire par eux-mêmes des auteurs comme Libanius, Plutarque et Xénophon622. D’une façon plus générale, la Commission était favorable à la restauration des méthodes humanistes623. Une autre grammaire grecque fut rédigée par Jean Hubert Joseph Leemput, dont la connaissance du grec fut mise en doute par le célèbre bibliophile gantois Charles Van Hulthem (1764-1832)624. Ce manuel est la seule publication liée au grec provenant du Collège des Trois Langues au XVIIIe siècle625 ; sa nature donne à penser que les cours de grec à cette période ne dépassaient guère le niveau de la grammaire élémentaire626. Les efforts des instances publiques pour redynamiser les études de grec n’eurent pas un résultat entièrement positif. Nous savons que les séminaristes s’opposèrent activement à l’obligation de suivre des cours de grec627. Des études récentes, basées entre autres sur des cahiers d’écoliers, des programmes scolaires et des rapports d’inspection, suggèrent que l’intervention politique resta souvent lettre morte dans la pratique quotidienne de l’enseignement secondaire. Le grec était incontestablement le parent pauvre à cette époque : souvent, les élèves ne semblent guère maîtriser plus que l’alphabet ; quant aux professeurs, ils essaient apparemment de toucher le moins possible au grec durant leurs leçons628. Des critiques contemporains arrivent à la même conclusion et regardent avec nostalgie « l’âge d’or » des temps passés629.
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Jean Hubert Joseph Leemput, Institutiones linguae Graecae, ad analysin potissimum comparatae, Louvain, 1782. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere collecties, CaaA2449
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Pourquoi étudier le grec, et pourquoi à Louvain ? En guise de conclusion, nous chercherons à comprendre pour quelles raisons les étudiants choisissaient de venir à Louvain pour apprendre le grec ; pour ce faire, nous nous baserons surtout sur des témoignages d’acteurs qui peuvent être mis en rapport direct avec le Collège des Trois Langues. Il est néanmoins malaisé d’esquisser le profil des étudiants eux-mêmes : les données administratives de l’ancienne Université qui nous sont parvenues à leur sujet se limitent souvent à la première inscription (immatriculation) et à leurs performances dans les pédagogies. Nous ne disposons donc pas de listes d’étudiants ayant suivi des cours de grec au Collegium Trilingue. Les professeurs du XVIe siècle en tout cas pouvaient compter sur un public nombreux et enthousiaste. Nous savons par exemple qu’Érasme félicita Rutger Rescius pour ses salles de cours combles (frequens auditorium) et que Thierry Langius avait face à lui près de quatre-vingts étudiants quand, le 6 octobre 1551, il remplaça Adrien Amerot630. L’instituteur Jodocus (Josse) Van der Heiden – originaire de Hasselt et lié, vers 1570, à la pédagogie du « Château »631 – fit paraître en 1615 un gros ouvrage sur Lysias, pourvu pour la première fois d’une traduction latine632. Nous ne pouvons que supposer – mais avec une probabilité avoisinant la certitude – qu’il avait suivi les cours de Langius ou d’un de ses assistants. Dans sa préface, il ne souffle mot de la formation qu’il a reçue. L’édition du texte grec de Lysias avait été effectuée par le jésuite anversois André Schottus (1552-1629), probablement un ancien condisciple de Van der Heiden. Or ce même Schottus ne tarit pas d’éloges sur la passion avec laquelle Langius s’était lancé dans l’étude de la littérature grecque633. Nous dépendons donc de notes
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autobiographiques ou de remarques incidentes des contemporains pour savoir si quelqu’un avait ou non acquis ses connaissances du grec au Collegium Trilingue634. Ce n’est certainement pas un hasard si, au moment même où le Collège de Busleyden joue un rôle moteur dans le développement des études grecques en Europe, des savants ayant étudié le grec à Louvain se prévalent de leur expertise philologique pour contribuer au renouveau d’un vaste éventail de disciplines, telles le droit, la médecine, la géographie ou la biologie. Cela nous mènerait trop loin de détailler ici l’apport intellectuel de Gérard Mercator (1512-1594) de Rupelmonde à la cartographie ou de Charles de l’Écluse (Carolus Clusius ; 1526-1609), natif d’Arras, à la botanique. Tous deux étaient probablement d’anciens élèves du Collège des Trois Langues. L’exemple d’André Vésale (1514-1564) suffit pour comprendre la raison de cet engouement pour le grec au XVIe siècle : les avancées spectaculaires que le Bruxellois put réaliser en anatomie humaine grâce à ses dissections étaient liées à sa connaissance très fine du grec, acquise sans doute en partie au Collegium Trilingue. L’éducation philologique en grec lui permit d’étudier avec précision les ouvrages majeurs du médecin grec Galien dans la version originale, avant d’en traduire lui-même une partie en latin, langue beaucoup plus familière aux savants de l’époque. Vésale disséquait, pour ainsi dire, avec son Galien en main. Mais dès qu’il se rendait compte que Galien était dans l’erreur, il le corrigeait volontiers635. Bref, l’étude du grec n’était pas un luxe gratuit ; elle poursuivait d’autres fins que la seule philologie ou la morale, qui prédominaient au Collège des Trois Langues636. Nous sommes très bien informés des idées humanistes sur l’utilité du grec, surtout grâce aux nombreuses
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apologies et panégyriques qui étaient à la mode dès le début du XVIe siècle et qui participaient d’une tendance plus générale637. Les Cinq discours sur l’utilité multiple de la langue grecque, prononcés par le professeur suppléant Suffridus Petri au début des années 1560, figurent parmi les exemples les plus amples du genre638. Dans un autre discours de célébration du grec, Daniel Heinsius (15801655) – natif de Gand mais professeur à Leyde, bastion du protestantisme –, insista sur la sagesse que véhiculent les lettres grecques ; du fait que la langue et la culture grecques étaient tenues en haute estime par les Romains tant appréciés eux-mêmes, Heinsius déduisait qu’elles méritaient aussi une place de premier plan dans l’enseignement de son époque639. Il dépréciait par contre les savants qui étudiaient le grec rien que pour la langue (tout comme d’ailleurs les savants qui méprisaient le grec). Erycius Puteanus, qui pendant quarante ans occupa la chaire de latin au Collège des Trois Langues, ne put – selon ses propres dires – qu’applaudir à ces propos640. L’étude du grec était recommandée pour de multiples raisons externes641. En premier lieu celle-ci : le fait de se consacrer au grec n’enlevait rien à l’étude du latin. Bien au contraire, la connaissance du grec était considérée comme le moyen par excellence pour arriver à une compréhension plus profonde de la littérature latine, qui pour une bonne partie puise ses racines dans la civilisation grecque (ainsi l’avaient déjà compris les premiers humanistes de la Renaissance italienne). Cela se reflète d’ailleurs dans les cours de latin au Collegium Trilingue : Pierre Nannius, lui-même un excellent helléniste, renvoyait régulièrement à Homère dans ses cours sur Virgile, offrant à son auditoire aussi bien le texte original grec que la traduction latine642. Non seulement la connaissance du grec était censée contribuer à une
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meilleure maîtrise rhétorique du latin, mais elle devait servir aussi à la compréhension des termes scientifiques du lexique latin. Dans son discours de 1636, le professeur d’hébreu Valère André rappelle par exemple l’utilité du grec pour les médecins : même si désormais l’œuvre des médecins grecs Hippocrate et Galien est disponible en traduction latine, cela n’empêche pas que nombre de maladies et de parties du corps portent des noms grecs ; voici quelques exemples cités par l’auteur : odontalgia (‘mal de dents’), cephalalgia (‘mal de tête’) et dysenteria (‘dysenterie’)643. De façon plus générale, beaucoup de savants font valoir que le grec permet une meilleure compréhension du latin, dans la mesure, disent-ils, où les deux langues classiques se ressemblent fort et sont apparentées entre elles ; de fait, le latin est quelquefois vu comme dérivé (d’un dialecte) du grec644. Nous avons déjà vu plus haut que le grec était également considéré comme très utile pour les juristes (par exemple Corselius) et les antiquisants (par exemple Castellanus). Enfin, la théologie n’est pas la dernière discipline à être tributaire du grec : car tout théologien connaissant le grec était à même de lire le Nouveau Testament dans la langue originale. Du côté protestant, Philippe Melanchthon (1497-1560) se réjouissait même de pouvoir « converser » directement avec les personnages du Nouveau Testament645. Dans les régions catholiques, l’enthousiasme était moins prononcé, du moins au début : quiconque voulait étudier le grec s’attirait vite des soupçons. La langue grecque était, en effet, associée aux schismatiques orientaux et nombre de théologiens scolastiques étaient irrités par le programme ad fontes d’Érasme, qui invitait à recourir directement à la version grecque originale du Nouveau Testament, plutôt qu’à la Vulgate de saint Jérôme, version latine faisant autorité et qui restait,
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Il paraît donc évident que l’enthousiasme des humanistes pour le grec est une réalité présente à l’échelle européenne ; c’est dans le cadre de cette riche tradition qu’il convient de situer l’enseignement du grec au Collège des Trois Langues à la période de son apogée au XVIe siècle. Aussi, le caractère unique du Collegium Trilingue louvaniste ne réside-t-il pas dans les objectifs généraux qu’il poursuit ou dans les méthodes didactiques qu’il met en œuvre, mais bien plus dans le niveau exceptionnel des cours professés au Collège voulu par Érasme. Institut pionnier, le Collège des Trois Langues proposa, dès le départ, un programme exigeant et son ambition fut remarquablement récompensée : il fut la source d’inspiration d’un grand nombre de chaires de grec dans les universités les plus renommées, partout en Europe.
pour beaucoup, la référence unique646. Bref, beaucoup de personnes (mais non pas toutes) partageaient les vues du pédagogue Joachim Sterck Ringelberg(h) (Fortius Ringelbergius ; ca. 1499-ca. 1531/36), qui, lors d’un voyage en France (1530-31) fait en compagnie d’Adrien Amerot, professeur au Collège des Trois Langues, avait déclaré ceci : « La langue grecque est à ce point nécessaire que je ne pourrais guère qualifier d’érudit celui qui ne la maîtriserait pas »647. Étant donné que le grec était tellement lié à la science et à l’érudition, beaucoup d’humanistes ne pouvaient résister à la tentation de feindre une connaissance approfondie du grec. Ces fanfarons hellénisants furent raillés de manière impitoyable par Castellanus dans son premier ouvrage, une pièce satirique648.
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Annexe : Aperçu chronologique ca. 800 av. J.C.-ca. 500 ap. J.-C.
Antiquité grecque : production littéraire importante, d’Homère aux Pères de l’Église
ca. 500-1397
le grec est à peu près inconnu en Europe occidentale
1397
Manuel Chrysoloras arrive à Florence
1453
la chute de Constantinople provoque l’immigration byzantine et le renouveau des études grecques en Europe occidentale
1504-7
Jérôme Aléandre étudie chez Marc Musuros à Padoue
1508-13
Aléandre rencontre Érasme et part pour Paris afin d’y enseigner le grec
1513-17
des élèves d’Aléandre arrivent à Louvain et donnent des cours élémentaires de grec
1517
fondation du Collegium Trilingue
1518-78
professeurs de « l’école aléandrine » ; le grec est enseigné à Louvain de façon intensive et à différents niveaux
1578-90
les péripéties religieuses entraînent le déclin
1591-ca. 1650
redémarrage avec essentiellement des juristes ; les cumuls se multiplient progressivement
ca. 1650-1797
la chaire de grec est principalement occupée par des théologiens, mais au total l’activité scientifique est très réduite
1782
première édition de la grammaire de Leemput
1797
suppression de l’ancienne Université et du Collegium Trilingue ; deuxième édition de la grammaire de Leemput
Omnium linguarum purissima. Les études de l’hébreu au sein du Collège des Trois Langues Pierre Van Hecke
« On trouvera dans cette langue de nombreux secrets qui ne peuvent être exprimés dans aucune autre langue »
649
« Een bybele jn Hebreausche tale geprent » : ainsi est répertorié, dans les comptes du début de l’an 1518, le premier achat du Collège des Trois Langues. Quelque temps auparavant Mathieu Adrianus, un Juif converti d’origine espagnole, avait été nommé comme premier professeur d’hébreu. Une maison fut louée dans la Schrijnstraat (actuellement Schrijnmakersstraat), qui lui permettait d’assurer ses cours et où il pouvait vivre avec sa famille. Le local de cours situé au rez-de-chaussée fut même aménagé avec des bancs en bois, un luxe inouï à une époque où les étudiants devaient souvent s’asseoir à même le sol. Grâce à l’achat d’une bible imprimée en hébreu, les cours purent démarrer sans délai et rencontrèrent rapidement un grand succès, comme Érasme en témoignerait, non sans fierté, quelques années plus tard, dans une de ses nombreuses lettres. Cette bible nouvellement achetée ne fut sans doute pas ouverte à la première séance de cours, si ce n’est pour susciter l’intérêt des étudiants et les motiver pour la suite. Étant donné
que pour l’hébreu – contrairement au latin et au grec – il n’y avait pratiquement aucune expertise à Louvain, Adrianus dut commencer son cours par les rudiments, c’est-à-dire les caractères et signes de l’alphabet hébreu. Comme aucun manuel n’était disponible, Adrianus s’adressa, dans les semaines qui précédaient le lancement du cours, à Thierry Martens, afin de faire imprimer, sur une seule page, les caractères hébraïques hébreux avec leur prononciation et leur signification (Alphabetum Hebraicum)650. Ce fut là le tout premier essai de composition et d’impression d’un texte hébreu aux Pays-Bas. On s’imagine aisément ce que devaient ressentir, au début du mois d’avril 1518, les premiers étudiants, au moment d’être introduits dans les arcanes de l’écriture hébraïque, munis de l’Alphabetum et de quelques feuilles de papier, sous la direction d’Adrianus, un maître quelque peu excentrique et parlant un latin écorché. Telles furent les prémices de trois siècles d’hébreu au sein du Collège des Trois Langues. Qu’enseignait-on durant ces leçons d’hébreu et avec quel objectif ? Comment les professeurs concevaientils leur enseignement ? Quels outils didactiques les étudiants avaient-ils à leur disposition ?
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pierre van hecke
Alphabetum Hebraicum, le premier support pour l’étude de l’hébreu (Louvain, Thierry Martens, 1518). Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, Section des imprimés anciens et précieux, INC B 1623
les études de l ’ hébreu au sein du collège des trois langues
Dans cette contribution nous tenterons de fournir la réponse à ces questions, en nous glissant pour ainsi dire dans la salle de cours du Collège. Notre ambition n’est pas de donner un aperçu historique et chronologique ; nous renvoyons pour cela aux travaux de Félix Nève (1856) et de Mgr Henry de Vocht (1951-1955), véritables trésors d’informations historiques qui méritent toujours d’être consultés. Or ces deux ouvrages ne s’intéressent guère à la manière dont la langue hébraïque fut enseignée. Cela est probablement dû au fait que les deux auteurs n’étaient pas eux-mêmes hébraïsants ; mais il est vrai aussi que les sources dont nous disposons pour reconstruire la pratique de l’enseignement de l’hébreu sont particulièrement clairsemées. Ce manque de sources s’explique avant tout par le fait que l’enseignement de l’hébreu a toujours été moins courant que celui du grec et du latin. En outre, une grande partie de la documentation à Louvain a été perdue, d’abord au moment de la suppression de l’ancienne université en 1797 (entraînant la confiscation de pans entiers des collections de la bibliothèque), ensuite en raison du grand incendie qui a ravagé la Bibliothèque universitaire le 25 août 1914. Avant d’examiner la pratique de l’enseignement de l’hébreu sous tous ses aspects, il paraît utile de présenter les sources qui nous permettent de jeter un coup d’œil sur les cours dispensés au sein du Collège des Trois Langues. I. LES SOURCES La recherche des sources relatives à la langue hébraïque au sein du Collège des Trois Langues a mis au jour un certain nombre de documents inattendus, s’ajoutant aux sources connues et à des témoignages prévisibles. En premier lieu, il faut mentionner les notes de cours (annotations d’étudiants ou de professeurs), qui étaient bien connues des travaux antérieurs mais qui n’ont
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jamais été examinées en détail. Quant aux manuels et autres publications des professeurs louvanistes, ils offrent également une vue unique sur le contenu des cours et sur la méthode didactique. En dehors des publications des professeurs, bien d’autres ouvrages sur l’hébreu étaient disponibles à Louvain qui, chacun à leur manière, ont dû influencer l’étude et l’apprentissage de la langue. Enfin, nous avons fait la découverte de quelques documents inconnus qui permettent de jeter un regard nouveau sur l’histoire très riche du Collège des Trois Langues ; le discours anonyme dont a été tiré le titre de la présente contribution en est un parfait exemple.
1. Les notes de cours Rien ne nous rapproche davantage de la pratique même de l’enseignement que les notes de cours, c’est-à-dire les annotations manuscrites prises en séance par les étudiants ou dues au professeurs préparant leurs cours. Un exemplaire unique de telles notes est conservé à la Bibliothèque Royale de Belgique ; il s’agit d’un manuscrit datant des années 1550, rédigé par le professeur André van Gennep (dit « Balenus » ; 1484 ?-1568), titulaire de la chaire d’hébreu de 1532 à 1568 et qui a exercé une influence durable sur plusieurs générations d’éminents humanistes651. Ces notes de cours comprennent deux parties, l’une portant sur la grammaire et l’autre sur le Psaume 1, pourvu d’un commentaire linguistique approfondi652. Nous avons conservé aussi les notes de cours du professeur Jean-Noël Paquot (1722-1803), rédigées deux siècles plus tard. Paquot est certainement, pour le XVIIIe siècle, l’hébraïsant le plus actif et le plus compétent de Louvain. Il n’est pas sûr que ces manuscrits, rachetés par le célèbre bibliophile Charles Van Hulthem (1764-1832) après la mort de Paquot, aient été élaborés pour le Collège des Trois Langues, étant donné que Paquot a passé les dernières décennies de sa carrière en dehors de Louvain.
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pierre van hecke
Les notes de cours d’André Balenus (milieu du XVIe siècle) Annotationes quaedam ad hebreae linguae noticiam plane necessaria praelectae a M. Andrea Baleno professore haebraicarum literarum apud Lovanienses a° 1554. 25 Aug. […]. Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, Section des manuscrits, ms. 8471-75, fol. 25r
les études de l ’ hébreu au sein du collège des trois langues
Quoi qu’il en soit, ces notes nous montrent clairement la façon dont Paquot a dû concevoir ses cours au Collège. À côté de plusieurs manuscrits contenant des remarques philologiques sur un grand nombre de livres de la Bible653, on a conservé de sa main également un glossaire manuscrit latin-hébreu654.
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2. Les livres annotés Outre les notes de cours entièrement manuscrites, les manuels annotés permettent aussi de se faire une idée des pratiques pédagogiques au Collège des Trois Langues. Les annotations apportées par les étudiants dans les ouvrages imprimés montrent clairement les compléments
Édition du Livre de l’Ecclésiaste (1539), annotée par des étudiants. Agacio Guidacerio, Canticum canticorum, Ecclesiastes, Paris, Collège des Italiens, 1539. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, CaaA431/3
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pierre van hecke
La grammaire hébraïque de Clénard (1529) Nicolaus Clenardus, Tabula in grammaticen hebraeam, Louvain, Thierry Martens, 1529. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, CaaA 1351, p.4.
les études de l ’ hébreu au sein du collège des trois langues
d’information donnés par le professeur ou les points sur lesquels celui-ci insistait davantage. La Bibliothèque universitaire de la KU Leuven possède un magnifique ouvrage relié de 1540655 dans lequel sont regroupées des rééditions des grammaires du professeur Jean Campensis (1520-1531)656 et de son élève Nicolas Clénard (1493-1542) ; le volume contient également une édition bilingue hébreu-latin du Cantique des Cantiques et de l’Ecclésiaste, de la main du professeur parisien Agacio Guidacerio (1477-1542). Le texte hébreu d’un certain nombre de chapitres de l’Ecclésiaste est complété par une traduction interlinéaire en latin, qu’un étudiant a dû apporter pendant le cours. Pour ce qui est de la grammaire déjà citée de Clénard, un autre exemplaire conservé est digne d’intérêt : il s’agit de la première édition de 1529, imprimée chez Thierry Martens et richement pourvue d’annotations par des étudiants de différentes époques, ainsi qu’en témoigne la variation des écritures manuscrites. On a donc là un exemplaire utilisé par plusieurs générations d’étudiants657. On ne peut pas déterminer avec certitude que ces exemplaires aient été effectivement utilisés par les étudiants de Louvain ; le volume de 1540 pourrait aussi provenir du Collège Royal de Paris. Mais ces ouvrages illustrent bien, en tout cas, la façon dont la langue hébraïque était enseignée au cours du XVIe siècle. 3. Les ouvrages publiés par des professeurs Les ouvrages d’hébreu publiés par les professeurs peuvent également nous renseigner sur les principes didactiques mis en œuvre. Nous pouvons, en effet, considérer que les professeurs, même s’ils n’utilisaient pas à proprement parler leurs ouvrages au cours, dispensaient en tout cas un enseignement en rapport avec ces publications et,
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à l’inverse, que leurs publications trouvaient souvent leur origine dans la pratique pédagogique. Dans cette section, nous n’hésiterons donc pas à inclure les ouvrages que ces savants hébraïsants ont rédigés avant ou après leur professorat à Louvain. Bien avant qu’il ne fît imprimer l’alphabet de la langue hébraïque chez Thierry Martens, le premier professeur d’hébreu, Mathieu Adrianus, avait déjà publié un ou peut-être deux ouvrages. Nous savons avec certitude que, déjà en 1513, il avait fait paraître un ouvrage intitulé Libellus hora faciendi, dans lequel il avait traduit des prières chrétiennes en hébreu658. Il est possible aussi que la brève grammaire hébraïque publiée vers 1500 par le célèbre imprimeur vénitien Alde Manuce soit de la main de Mathieu Adrianus, comme il est dit dans quelques rééditions ultérieures659. Enfin Adrianus doit avoir contribué à l’édition du Dictionarium Hebraicum, un manuel d’hébreu (comprenant un vocabulaire et une grammaire), que Thierry Martens a imprimé en 1520 pour le Collegium Trilingue660. Cet ouvrage est basé sur un dictionnaire beaucoup plus étendu, publié en 1506 par le premier grand hébraïsant chrétien Jean Reuchlin (1455-1522)661 ; mais Martens a dû avoir bénéficié de l’assistance d’une personne plus versée dans l’hébreu que lui-même pour en assurer la composition et l’impression. L’hypothèse la plus probable est qu’il s’agit de Mathieu Adrianus, même si celui-ci avait quitté déjà Louvain en 1519 pour aller enseigner à Wittenberg, auprès de Luther. Adrianus publia à Wittenberg un bref discours sur l’importance de l’étude de l’hébreu qu’il avait tenu le 21 mars 1519 à Louvain662, en réaction à la position de certains théologiens louvanistes qui soutenaient que l’étude des langues anciennes était totalement dénuée d’intérêt663. Les successeurs immédiats d’Adrianus, Robert Wakefield (†1538) et Robert Shirwood (fl. 1520), ne restèrent
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à Louvain que quelques semaines à peine et n’ont rien publié au cours de cette période qui puisse nous renseigner sur l’enseignement de l’hébreu au Collège. Wakefield fit une carrière académique brillante, avant tout à Cambridge et à Oxford, et publia plusieurs ouvrages parmi lesquels un long discours sur l’utilité de l’étude de l’hébreu, de l’araméen et de l’arabe664. Il donna également une brève paraphrase latine de l’Ecclésiaste, augmentée de commentaires665. En 1523, son successeur Shirwood fit paraître à son tour une traduction latine de l’Ecclésiaste, qu’il fit imprimer à côté de la Vulgate, dont le texte faisant autorité à cette époque666. Outre sa grammaire de 1528 déjà mentionnée, Jean Campensis publia également une paraphrase des Psaumes ainsi que, à l’exemple de ses prédécesseurs, de l’Ecclésiaste667. Même si ces deux livres ont été publiés après son départ de Louvain, ils constituent un reflet évident de son enseignement au Collegium Trilingue, comme nous l’indique Campensis lui-même dans une de ses préfaces ; il s’agit donc de témoignages précieux sur le contenu et la méthode de son enseignement. Pendant le professorat de Campensis, un autre hébraïsant fut actif à Louvain, en tant qu’enseignant privé : il s’agit de Nicolas Clénard, originaire de Diest. Tout comme son maître Campensis, et un an après celui-ci, il fit imprimer chez Thierry Martens une grammaire concise de l’hébreu, avec plusieurs tableaux synoptiques. Cet ouvrage, en fait le dernier imprimé par Thierry Martens, eut une grande popularité au-delà de Louvain, comme l’attestent les 24 réimpressions. Le successeur de Campensis, André Balenus n’a rien publié, malgré une longue et riche carrière ; mais nous avons gardé des notes de ses cours. Plusieurs contemporains témoignent qu’il a écrit de nombreux travaux sur l’hébreu qui n’ont jamais été imprimés. Au cours du
professorat de Balenus, un autre enseignant de la langue hébraïque était actif à Louvain, à savoir Jean Isaac Levita (1515 – 1577), rabbin d’origine allemande, converti au christianisme. Avec l’appui et l’aide de Balenus, Levita publia une grammaire hébraïque à Louvain. Après une première impression de 1552, de nombreuses rééditions virent le jour, jusqu’à la dernière, fortement élargie, imprimée chez Plantin en 1570668. Cette grammaire rend parfaitement compte de l’enseignement de l’hébreu à Louvain vers le milieu du XVIe siècle, même si Levita avait quitté Louvain à cette époque pour enseigner à Cologne. Jean Guillaume Harlemius (1538 – 1578)669, successeur éphémère de Balenus, est principalement connu pour sa collaboration à la prestigieuse Biblia Regia, édition plurilingue en huit volumes, commandée par Philippe II auprès de l’imprimeur Plantin. Un autre ouvrage d’Harlemius, l’Index biblicus, fut également publié chez Plantin ; cette encyclopédie de noms et concepts bibliques670 n’avait cependant que peu de liens avec son enseignement de l’hébreu au Collège des Trois Langues. Petrus Pierus a Smenga (1540 – 1601) fut le dernier professeur d’hébreu, avant que le Collegium Trilingue ne dût interrompre ses activités en raison des troubles de la Guerre des Quatre-Vingts ans. Selon le témoignage de ses contemporains il rédigea différents travaux sur l’hébreu sans qu’aucun ne fût jamais imprimé. Lorsque la chaire d’hébreu fut rétablie en 1612, le nouveau titulaire Valère André (1588-1622) fit un discours inaugural dans lequel il défendit la nécessité de l’apprentissage de l’hébreu. Ce texte, qui fut publié intégralement, donne une excellente idée de l’état des études hébraïques au début du XVIIe siècle671. Bien que Valère André fût professeur d’hébreu durant plusieurs décennies, il n’a pratiquement rien publié en
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Le lexique de Barbatus (1615) Josephus Barbatus, Speculum hebraicum, quo omnium omnino radicum hebraearum, praecipuorumque inde derivatorum significata, facili methodo est intueri, Louvain, Gerardus Rivius, 1615. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, CaaB67
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rapport avec cette langue, si ce n’est quelques courts traités théologiques dans lesquels il intégra des arguments tirés de l’hébreu672. Ses nombreuses autres tâches, notamment ses fonctions accaparantes d’historiographe et de bibliothécaire de l’Université, l’éloignèrent des études hébraïques. Au début de la carrière d’André, un autre professeur d’hébreu était actif à Louvain, mais pour un temps seulement, le savant copte Joseph Abudacnus, également connu sous le nom de Barbatus. S’inspirant d’un livre édité auparavant en Allemagne, celui-ci publia un lexique d’une présentation étonnante mais ingénieuse, avec des lemmes en latin, qui était destiné à l’enseignement673. Jean Sauterus († 1679), successeur de Valère André, avait l’intention de renouer avec la tradition en faisant imprimer à nouveau des études sur l’hébreu. À cette fin, il créa même un nouveau jeu de fontes hébraïques, mais le projet ne put jamais vraiment démarrer. Finalement il ne publia qu’une brève introduction à l’hébreu, qui aurait dû préluder à la publication d’ouvrages plus approfondis à l’usage de ses étudiants674. En réalité, cette introduction fut le dernier ouvrage publié pour les besoins spécifiques des cours d’hébreu au Collegium Trilingue. Pour les professeurs de la deuxième moitié du XVIIe siècle ainsi que ceux du XVIIIe siècle, la chaire d’hébreu n’était souvent plus qu’une charge parmi d’autres occupations académiques. Leurs travaux de recherche sur l’hébreu manquaient d’envergure et leur enseignement se limitait très souvent à une introduction à la grammaire, puisée dans les manuels existants675. À cet égard, Jean-Noël Paquot, déjà cité plus haut, fait figure d’exception. Il s’investit activement dans son enseignement, bien qu’il n’ait pas publié ses supports de cours. Mais, sans doute en vue de son enseignement, il assura une nouvelle édition du commentaire
aux Psaumes de Siméon de Muis, exégète français du XVIe siècle, qui se focalise fortement sur le texte de la Bible hébraïque et sur les sources rabbiniques676. 4. Les librairies et les bibliothèques La documentation requise pour l’enseignement de l’hébreu ne se limitait évidemment pas aux ouvrages rédigés par les professeurs eux-mêmes. D’autres livres sur la littérature et la langue hébraïques étaient disponibles à Louvain et servaient à l’enseignement au sein du Collège des Trois Langues. La bibliothèque du Collège aurait pu nous donner d’inestimables renseignements à ce sujet ; mais les collections sont perdues et ne se laissent pas restituer avec précision. Heureusement, notre manque d’informations à ce sujet est largement compensé, en tout cas pour les premières années du Collège, par l’inventaire de la librairie Cloet (datant de 1543) qui a été conservé intégralement677. Cette librairie se trouvait dans la Schipstraat (actuellement Mechelsestraat), à deux pas de l’entrée principale du Buslidianum, et était principalement fréquentée par les étudiants du Collège. L’inventaire qui nous est parvenu est lié à une des plus mornes pages de l’histoire de Louvain : le libraire Cloet avait éveillé les soupçons de la justice dans le cadre d’un procès intenté aux prétendus sympathisants de la Réforme ; ce procès devait se conclure par la condamnation à mort d’un certain nombre d’habitants de Louvain. Étant donné qu’on accusait Cloet de vendre des ouvrages interdits, une liste de quelque 2500 livres présents dans la librairie fut dressée. Cet inventaire nous offre aujourd’hui un aperçu particulièrement intéressant des ouvrages disponibles pendant le professorat de Balenus à Louvain, non seulement en rapport avec l’hébreu, mais également avec les autres langues. On remarque tout d’abord que la librairie offrait un choix très large
les études de l ’ hébreu au sein du collège des trois langues
d’ouvrages grammaticaux. Outre l’ouvrage déjà mentionné de Clénard, nous trouvons dans cet inventaire trois exemplaires de la grammaire d’Elia Levita (1469-1549), le savant Juif qui contribua largement à faire connaître la grammaire hébraïque aux humanistes chrétiens et sur qui Campensis s’est basé pour sa propre grammaire678. Le magasin de Cloet possédait pas moins de cinq exemplaires de deux grammaires différentes de l’hébraïsant Sebastian Münster de Bâle (1488-1552), un élève de Levita qui traduisit et édita les travaux de son maître. L’œuvre de Jean Reuchlin, le fondateur des études hébraïques chrétiennes, était également proposée à la vente, à côté de la grammaire et de l’Alphabetum Hebraicum de l’hébraïsant parisien Agacio Guidacerio679. On trouvait encore chez Cloet des lexiques araméens de Levita et de Münster, qui permettaient de lire la version araméenne de l’Ancien Testament et les textes rabbiniques, ainsi que l’Ars Cabbalistica de Reuchlin, ouvrage traitant des significations mystiques du texte de la Bible hébraïque. Cette offre variée nous apprend que l’étude et l’enseignement de l’hébreu au Collegium Trilingue avaient une dimension internationale et intégraient les meilleurs ouvrages grammaticaux et lexicaux de l’époque. En revanche, le nombre d’éditions de textes hébreux disponibles chez Cloet était moins élevé. L’inventaire fait état d’un exemplaire complet de la Bible hébraïque ainsi que d’une édition séparée des Psaumes. Deux autres ouvrages décrits sous le titre Sententie pie/morales Hebraye sont peut-être des ouvrages rabbiniques, dont le titre n’a pu être déchiffré par l’employé chargé de l’inventaire. Les professeurs du Collège avaient en général une bibliothèque personnelle et l’inventaire de certaines d’entre elles nous renseigne sur les études anciennes à Louvain. Hélas, un seul catalogue d’un professeur d’hébreu nous est parvenu, celui de Gérard Deckers, le
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successeur de Jean-Noël Paquot, actif durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Parmi les 361 ouvrages recensés, seuls sept ont des titres hébreux, ce qui en dit long sur l’importance que Deckers accordait à l’enseignement de l’hébreu. Les bibliothèques des théologiens Crockaert (1578) et Froidmont (1653) nous apprennent par contre que l’étude de l’hébreu était également pratiquée en dehors du Collegium Trilingue, du moins au XVIe et durant la première moitié du XVIIe siècle. Crockaert possédait, à côté d’éditions complètes et partielles de la Bible hébraïque, un certain nombre de grammaires de l’hébreu (Clénard et Isaac Levita, peut-être aussi une des deux grammaires de Münster) et un ou deux dictionnaires (Forster et peut-être aussi Münster). Froidmont, au milieu du XVIIe siècle, possédait également des éditions de la Bible hébraïque et plusieurs outils d’étude. Bien que les bibliothèques institutionnelles et privées de l’époque du Collegium Trilingue aient toutes disparu, il subsiste néanmoins quelques exemplaires d’ouvrages dont on peut affirmer avec certitude qu’ils ont joué un rôle important pendant cette période à Louvain680. 5. D’autres traces Ici et là se font jour de nouveaux témoins sur l’enseignement de l’hébreu à Louvain. À la Bibliothèque Royale de Bruxelles, nous avons découvert le manuscrit d’un discours anonyme au contenu fascinant, consacré à l’intérêt de l’étude de l’hébreu et dont nous avons tiré le titre de ce chapitre681. Le manuscrit, qui provient de Louvain, peut être daté de 1530, grâce aux filigranes. D’une tout autre nature est l’Album amicorum (15701572) de Frédéric van Reede682, étudiant au Collège, dans lequel son professeur d’hébreu, Pierus a Smenga, a inséré une citation en hébreu, extraite du livre des Proverbes, ce qui constitue la seule trace laissée par cet hébraïsant683.
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II. LES MÉTHODES D’ENSEIGNEMENT Ces différentes sources nous permettent, chacune à sa façon, de reconstruire dans les grandes lignes l’enseignement de l’hébreu au Collegium Trilingue, même si sur de nombreux aspects plus aucune source n’est disponible.
1. Les objectifs Pour bien comprendre le contenu et la forme des cours, il faut se rappeler les objectifs du Collège des Trois Langues. Le contenu de ce qui est enseigné et les procédés didactiques sont évidemment liés à la finalité même de l’enseignement de l’hébreu à Louvain. La création du Collegium Trilingue, et donc aussi de la chaire d’hébreu, doit être vue comme une expression de l’idéal humaniste, prônant le retour aux sources de l’Antiquité classique et de la tradition chrétienne, afin de renouveler ainsi l’enseignement et la recherche. De même que l’on lisait désormais le Nouveau Testament et les auteurs classiques en grec et en latin, de même on aspirait à lire l’Ancien Testament dans la langue originale, l’hébreu684. Érasme se réjouissait que, grâce au nouveau cours d’hébreu, les études bibliques puissent désormais se désaltérer aux « sources limpides de la Sainte Écriture », plutôt qu’aux « eaux troubles » des traductions et interprétations postérieures685. Comme beaucoup d’autres écrits de cette période, l’anonyme discours d’éloge de l’hébreu, écrit à Louvain au cours du XVIe siècle, fait valoir qu’aucune interprétation correcte de la Bible n’est possible sans la connaissance de l’hébreu et fournit, de ce principe, un certain nombre d’exemples concrets. Cette finalité humaniste de l’étude de l’hébreu, que nous pourrions décrire comme académique ou universitaire, diffère tout à fait des intentions missionnaires énoncées par le Concile de Vienne (1311/12), en vue d’organiser des chaires d’hébreu (à côté de l’arabe et du
syriaque). Ce Concile est souvent considéré comme un prélude aux idéaux humanistes qui ont inspiré la fondation des collèges trilingues à Alcalá, Louvain et Paris686. Les décrets du Concile indiquent cependant que l’objectif de ces chaires est tout autre, affirmant qu’il est indispensable, « pour répandre la foi rédemptrice aux païens », de connaître les langues « qui sont les plus utilisées parmi les non-croyants »687. Ce zèle missionnaire n’apparaît pas du tout dans les objectifs du Collegium Trilingue de Louvain ; pour les fondateurs du Collège, il s’agissait seulement d’arriver à une meilleure compréhension du texte de la Bible par l’étude des langues sources. Néanmoins, des objectifs missionnaires – ou plus exactement apologétiques, – apparaîtront dans le discours inaugural du professeur Valère André, en 1612 : à ses yeux, la connaissance de l’hébreu est nécessaire pour combattre les arguments des protestants, quand ceux-ci, lors des disputes théologiques, se prévalent de l’Hebraica veritas (c’est-à-dire le sens authentique véhiculé par la Bible hébraïque). La volonté de combattre les protestants avec leurs propres armes ressort aussi d’un autre ouvrage de Valère André, un court traité de 1618688. La montée du protestantisme avait mis le Collège des Trois Langues dans une situation embarrassante. Le mouvement protestant partageait entièrement l’idéal humaniste du retour aux sources – ce qui était précisément l’objectif du Collège, – mais appelait à une réforme de l’Église, qu’il liait étroitement à cet idéal. D’où finalement la séparation d’avec l’Église catholique. Vu l’importance que les protestants accordaient à l’étude de la Bible dans les langues sources, quiconque marquait un intérêt pour l’hébreu était vite soupçonné de sympathie protestante, ce qui, en cette période de persécutions religieuses, n’était pas sans danger. Le Collège des Trois Langues devait dès lors trouver
les études de l ’ hébreu au sein du collège des trois langues
Éloge anonyme de l’hébreu (texte rédigé vers 1530). Oratio in laudem linguae Hebraicae, première moitié du XVIe siècle. Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, Section des manuscrits, ms 744-755, fol IIIr
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été supprimée, ce qui signifie que la nécessité de l’hébreu pour l’étude de la Bible et la théologie a toujours été reconnue. Cet intérêt pour l’hébreu allait à nouveau s’accentuer au XVIIIe siècle. Le décret gouvernemental de 1754 stipula que l’étude de l’hébreu et du grec était désormais obligatoire pour tout étudiant qui voulait obtenir le doctorat en théologie à Louvain689.
Portrait de Valère André, par Jean-Baptiste Jongelinx, XVIIIe siècle. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, PA00167a
un équilibre délicat. D’une part, il ne fallait pas donner l’impression de mettre le texte de la Bible hébraïque au-dessus de la Vulgate, la version autorisée de l’Église catholique ; d’autre part, le Collège ne voulait pas renoncer à promouvoir la connaissance de l’hébreu, afin de mieux comprendre le texte biblique. Il est très remarquable à cet égard que la chaire d’hébreu n’a jamais
2. Les contenus L’objectif explicite des cours d’hébreu – parvenir à une meilleure compréhension des textes de la Bible – devait se traduire par des choix didactiques et des choix de contenu. En ce qui concerne ce dernier point, les leçons se concentraient surtout sur la lecture des textes bibliques. La littérature hébraïque ultérieure, comme par exemple les textes rabbiniques ou les écrits juifs du Moyen Âge, n’était pas considérée, pour autant que nous sachions, comme une priorité. Des commentaires rédigés par d’anciens étudiants du Collège, en particulier au XVIe siècle, font ressortir que les auteurs étaient bien au courant des commentaires de la Bible d’origine rabbinique et juive tardive690, mais il est peu probable que ces sources juives aient été lues en classe. Au sein des milieux hébraïsants du XVIe siècle, il y avait un intérêt marqué pour la soi-disant kabbale dans sa forme chrétienne. Par le terme de kabbale, on désigne un mouvement mystique du judaïsme qui recherche la signification profonde et cachée du réel. Souvent cette recherche se fonde sur des arguments tirés de la langue hébraïque, où chaque mot, voire chaque lettre du texte biblique recèle un sens sous-jacent renvoyant à la réalité cachée. Les premiers hébraïsants chrétiens, illustres savants comme Pic de la Mirandole et Jean Reuchlin, étaient passionnés par cette lecture de la Bible hébraïque, et
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appliquaient les mêmes méthodes d’interprétation afin de découvrir les secrets profonds du christianisme. À Louvain aussi, ces idées s’étaient répandues, comme en témoigne le fait que les livres de Reuchlin étaient disponibles en librairie. Une de ses principales idées fut même littéralement gravée dans la pierre à cette époque. En effet, en 1567, dans la rue de Namur (actuellement les nos 149-151), Jean van ‘t Sestich fonda une École des Pauvres et fit apposer, sur le pignon de ce bâtiment, un médaillon toujours visible, qui contient deux mots hébreux : le nom de Dieu « יהוהYHWH » (lire Yahvé) ; et en-dessous, le même nom, dans lequel a été ajoutée la lettre shin: יהשוה. Selon la vision kabbalistique de Reuchlin, ce deuxième nom doit être lu comme la version hébraïque du nom de Jésus « JHŠWH » (lire Yehoshoua ou Yesu). D’après Reuchlin en effet, le nom hébreu de Jésus comporte les quatre lettres du nom de Dieu, auxquelles s’est ajoutée une cinquième lettre (shin), ce qui est censé illustrer la divinité de Jésus691. Le médaillon démontre incontestablement que la pensée kabbalistique était connue à Louvain. L’indice le plus direct attestant l’ouverture aux idées kabbalistiques au sein du Collège des Trois Langues se lit dans l’éloge anonyme de l’hébreu, datant de la première moitié du XVIe siècle. L’auteur y soutient que la connaissance de l’hébreu revêt une grande importance pour découvrir le sens profond de l’Écriture. Ainsi par exemple, il explique que le premier mot de la Bible hébraïque בראשית, qui signifie « au commencement », peut être , qui produiraient alors le divisé en deux mots sens : « Je donnerai un fils ». Par-là l’auteur entend bien sûr Jésus, qui fut donné au monde comme Fils de Dieu. De cette manière, poursuit le texte, la Bible hébraïque démontre que dès le commencement tout se tient, depuis
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la création du monde jusqu’à la naissance du Christ. Il est plus que probable que de telles lectures kabbalistiques de la Bible ont eu cours également au Collegium Trilingue au XVIe siècle. Toutefois, après cette époque, nous n’en trouvons plus guère de traces. Mis à part cet intérêt marginal pour les textes rabbiniques ou pour des lectures kabbalistiques, l’enseignement de l’hébreu au Collège des Trois Langues s’est ciblé principalement sur le texte de la Bible en tant que tel. Si l’on regarde de plus près les sources disponibles, il apparaît d’emblée que tous les livres de la Bible n’ont pas rencontré le même intérêt dans l’enseignement. Ce sont surtout les Psaumes qui ressortent ; ils occupent une place centrale, depuis les premiers manuels d’hébreu jusqu’aux notes de cours très élaborées de Jean-Noël Paquot, à la fin du XVIIIe siècle. Sur ce point, le Collège des Trois Langues ne faisait pas figure d’exception. Si l’on examine les manuels de la période initiale des études hébraïques, nous constatons la même préférence : la première (très brève) introduction à la langue hébraïque, éditée autour de 1500 par Manuce692, ne comprend qu’un seul texte hébreu de quelque étendue, à savoir le Psaume 117. Quant à Jean Reuchlin, à la suite de ses Rudimenta, il publia à l’usage des étudiants une traduction littérale des sept Psaumes pénitentiels, accompagnée d’un commentaire linguistique693. À Louvain même, Campensis ne se contenta pas d’ajouter le Psaume 62 comme texte de lecture à sa grammaire, mais il publia également des versions latines des Psaumes, traduites d’après l’original hébreu694. Les seules notes de cours conservées, celles d’André Balenus, contiennent une analyse linguistique approfondie du Psaume 1. Pour ce qui est de son successeur Jean Guillaume Harlemius, nous savons qu’en 1568,
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Les notes de cours de Paquot sur les Psaumes (deuxième moitié du XVIIIe siècle). Jean-Noël Paquot, Notae in Genesim et Psalmos, deuxième moitié du XVIIIe siècle. Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, Section des manuscrits, ms 15065 – 66, fol IIr.
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il expliqua au Collège des Trois Langues « les Psaumes hébreux de David », au cours de la deuxième heure de l’après-midi695. Il convient de remarquer aussi que la librairie Cloet ne proposait, comme livre séparé de la Bible hébraïque, que l’édition des Psaumes. Cornelius Jansénius, ancien étudiant du Collège et premier évêque de Gand696, publia en 1574 un commentaire très étendu des Psaumes697. Paquot, deux siècles plus tard, procura non seulement la réédition d’un commentaire existant des Psaumes (comme nous l’avons observé plus haut698), mais il nous a laissé également plusieurs notes de cours sur les Psaumes699. On peut avancer plusieurs raisons pour cet intérêt remarquable suscité par les Psaumes. Tout d’abord il s’agissait de courtes compositions, qui se suffisent à elles-mêmes et se prêtent parfaitement à l’enseignement, même si le langage poétique n’est pas toujours simple à comprendre. Cette difficulté était partiellement compensée par le fait que le contenu des Psaumes était bien connu de la plupart des étudiants, grâce à leur familiarité avec la liturgie chrétienne. Enfin, l’utilisation des Psaumes dans l’enseignement des langues reposait sur une longue tradition ; l’apprentissage du latin au Moyen Âge recourait volontiers au livre des Psaumes700. En plus du livre des Psaumes, l’Ecclésiaste était également lu au Collège des Trois Langues, en tout cas à l’époque des origines. Le contenu empirique, sceptique et adogmatique de ce livre biblique s’accordait bien avec les idéaux humanistes et était souvent abordé dans le cadre des cours701. Notons que, pour ce livre aussi, Campensis a donné une nouvelle traduction à partir de l’hébreu702, alors que ses prédécesseurs Wakefield et Shirwood703 y consacrèrent chacun un ouvrage, mais seulement après leurs très brèves carrières à Louvain. Valère André aurait, si l’on en croit Paquot, apporté des
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annotations aux premiers chapitres de l’Ecclésiaste. Après sa nomination à Louvain en 1615, Joseph Barbatus commanda chez Plantin vingt-cinq exemplaires de l’Ecclésiaste et dix exemplaires du livre des Proverbes à destination de son auditoire704. Figurent enfin sur les listes de lecture au Collège, au fil des siècles, les livres des Prophètes et de la Genèse, qui traite de la création et de l’histoire la plus ancienne d’Israël705. À côté des textes bibliques, les traductions hébraïques de prières chrétiennes comme le « Notre Père » ont certainement été utilisées comme outils d’apprentissage au XVIe siècle706. Il est vrai que nous n’avons aucune trace directe d’une telle pratique didactique. Mais il est plus que probable que Mathieu Adrianus, le premier professeur d’hébreu au Collège, a fait usage de ce genre de textes dans ses cours ; en effet, nous possédons de lui une traduction avec translittération du « Notre Père » et de quelques autres oraisons chrétiennes707 – ainsi qu’une série de prières à la Vierge Marie dans une publication séparée708. Ici aussi, la familiarité avec les textes chrétiens a été un facteur décisif. Étant donné que les étudiants connaissaient ces textes par cœur, ils parvenaient à lire plus rapidement l’hébreu. Le choix de ces textes a dû causer par ailleurs un surcroît de motivation chez les étudiants : être capable de lire le « Notre Père » dans une version proche de l’original devait interpeller au plus haut point les étudiants humanistes. Cependants, après le XVIe siècle on n’a plus aucune trace de cette pratique. 3. Les options didactiques Outre le contenu des cours, l’approche didactique elle-même était déterminée par l’objectif majeur du Collegium Trilingue, c’est-à-dire la capacité de lire dans la langue originale les sources bibliques et classiques.
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Manuscrit hébreu de la Genèse (XIVe siècle). Genèse, XIVe siècle. Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, Section des manuscrits, ms 11253, fol 20v.
Cela impliquait que l’enseignement a dû être axé presque exclusivement sur l’acquisition de compétences de lecture. Les compétences d’expression orale et d’audition, mais aussi de composition écrite étaient nettement moins valorisées.
a. Les compétences de lecture Savoir lire et comprendre un texte en langue étrangère présuppose la connaissance du lexique ainsi que la maîtrise de la morphologie et de la syntaxe. Au point de vue didactique, il y a lieu de faire un choix entre les approches déductive et inductive. Dans le premier cas,
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il faut assurer la maîtrise grammaticale et lexicale, pour mettre en œuvre ces compétences lors de la lecture de textes. Dans le second cas, la grammaire et le lexique sont assimilés pendant les cours de lecture de textes. L’histoire générale de l’enseignement des langues montre un va-et-vient entre les deux démarches : la déduction était préférée durant le Moyen Âge et revint à l’honneur au cours des XVIIIe et XIXe siècles, alors que le modèle inductif prévalait chez les pédagogues de la Renaissance (comme aussi au XXe siècle). Il n’est pas facile de savoir quelle méthode était en vigueur au sein du Collège des Trois Langues709. Les étudiants recevaient-ils d’abord une introduction approfondie à la grammaire avant d’être confrontés aux textes ? Ou passait-on le plus vite possible à la lecture des textes, en inculquant progressivement les règles de la grammaire ? Même si les outils didactiques nous sont bien connus, nous ignorons de quelle manière et dans quel ordre les professeurs organisaient le contenu des leçons. Concernant l’hébreu, les seules notes de cours conservées du XVIe siècle (dues à André Balenus) nous offrent un regard exceptionnel sur les pratiques d’enseignement710. Ces notes de cours se composent de deux parties : dans la première partie sont traités de manière détaillée l’usage grammatical et la signification des lettres individuelles ; une seconde partie offre un commentaire linguistique approfondi du Psaume 1, dans lequel se trouvent expliquées non seulement la signification de chaque mot mais aussi la forme, avec de fréquents renvois à d’autres ouvrages, comme la grammaire de Reuchlin. Il est difficile à dire si ces notes de Balenus sont le reflet d’un cours complet. Mais le manuscrit montre en tout cas une double manière de procéder : d’une part, un enseignement résolument déductif des principes grammaticaux ; et d’autre part une approche qui se veut
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explicitement inductive, une fois qu’il est question des aspects plus difficiles de la langue. Dans la première partie, Balenus, comme nous l’avons dit, traite de l’usage des lettres individuelles. Après une introduction générale, il décrit les lettres qui peuvent s’ajouter aux racines pour former des substantifs. Il examine ensuite les particules typiquement hébraïques (conjonction, préposition, pronom relatif), formées d’une seule lettre et pouvant s’ajouter au mot suivant. Le fait d’insister sur l’usage des lettres individuelles au début de la grammaire apparaît étrange aux yeux de l’hébraïsant d’aujourd’hui ; mais ce procédé se comprend à la lumière de l’approche classique de l’enseignement grammatical, qui voyait dans les lettres la base de la langue et abordait, à partir de cellesci, les formes de plus en plus complexes : les syllabes, les mots, les phrases et les textes711. La seconde partie des notes de Balenus présente le texte du Psaume 1, non pas en vue d’en commenter le contenu, mais pour approfondir, au fil de la lecture, différents points de la grammaire. On peut raisonnablement admettre qu’après une introduction grammaticale, l’enseignement de l’hébreu au Collège des Trois Langues devait prendre la forme d’une lecture intensive des textes littéraires, comprenant une traduction littérale et un commentaire explicatif mot par mot. Plusieurs faits démontrent que cette forme d’enseignement a été très courante. Tout au long des siècles ont été produites des traductions latines très proches du texte hébreu, afin de servir d’instrument pour l’apprentissage de la langue et pour le commentaire critique de la Vulgate, la traduction latine autorisée. Plusieurs hébraïsants louvanistes – Wakefield, Shirwood et Campensis – ont réalisé, pendant ou après leur période louvaniste, de telles traductions de livres bibliques iuxta Hebraicam veritatem, « selon la vérité hébraïque ». Ailleurs aussi, au
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cours de ce même XVIe siècle, des traductions comparables ont vu le jour. La traduction la plus importante de la Bible entière (Ancien et Nouveau Testament) est sans conteste celle de Santes Pagnini (1470-1541)712 ; c’est aussi la première traduction complète du texte original depuis la Vulgate de saint Jérôme. Pour la facilité des lecteurs, ces traductions étaient souvent imprimées conjointement avec le texte hébreu original. Cela pouvait se faire de deux manières : soit de manière parallèle (avec la traduction latine figurant sur une colonne ou une page en regard du texte hébreu), soit de manière interlinéaire713 (avec chaque ligne de texte latin disposée en alternance avec une ligne en hébreu). L’édition interlinéaire hébreu-latin la plus connue fut imprimée chez Plantin, comme septième tome de la monumentale Biblia Regia714 ; dans ce tome, l’imprimeur donna également l’édition gréco-latine du Nouveau Testament. Pour le texte latin de l’édition interlinéaire, il utilisa la traduction déjà citée de Santes Pagnini. La composition de l’ouvrage fut un véritable exploit, étant donné que le latin et l’hébreu se lisent (et doivent s’imprimer) en sens inverse. Cette publication répondait manifestement à un besoin urgent, y compris dans l’enseignement. Cela se voit grâce au nombre d’exemplaires vendus par Plantin, bien plus important que pour les autres volumes de sa Biblia Regia. En raison des difficultés techniques inhérentes à l’impression interlinéaire, la Bible polyglotte d’Alcalá, prédécesseur de la Biblia Regia, avait opté pour une présentation en parallèle des textes hébreu et latin, alors que pour la Septante traduction latine et texte grec alternaient ligne par ligne. La Bible polyglotte de Plantin s’avérait utile pour d’autres raisons encore : grâce à un système de notes étendues, elle permettait au lecteur de relier chaque mot hébreu à l’expression correspondante de la traduction latine ; et elle reprenait
dans la marge la racine des mots hébreux les plus difficiles. Bien que des exemplaires de ces bibles polyglottes aient dû se trouver à Louvain et aient pu dès lors servir dans les cours du Collège, leur acquisition dépassait de loin les moyens financiers des étudiants. Ceux-ci avaient recours aux éditions parallèles hébreu-latin, comme celle de Guidacerio pour l’Ecclésiaste et pour le Cantique des Cantiques. L’exemplaire conservé à la Bibliothèque universitaire de la KU Leuven contient une traduction latine interlinéaire du texte hébreu, ajoutée par un étudiant. Cela semble suggérer que le professeur parcourait le texte hébreu mot par mot et dictait à l’étudiant une traduction littérale. Ce même volume contient aussi les grammaires de Campensis et de Clénard, qui présentent nettement moins d’annotations. Cela semble à nouveau démontrer que l’enseignement de l’hébreu au XVIe siècle était surtout dispensé de manière inductive à partir des textes. La façon précise dont se déroulaient les cours d’hébreu ne nous est pas connue étant donné le manque de sources. Cependant la structure du vaste commentaire des Psaumes de Cornelius Jansénius (1574), déjà mentionné plus haut, peut nous donner une bonne idée de l’enseignement dont lui-même avait bénéficié au Collège des Trois Langues, et ce d’autant plus que cette organisation de la matière correspond bien à ce que nous savons des cours de langue grecque. Jansénius commence le commentaire de chaque Psaume par un argumentum, un bref résumé qui prépare à la lecture. Ensuite le texte est présenté en deux colonnes : à gauche la Vulgate, à droite une paraphrase de chaque verset et ensuite des annotationes ou notes explicatives au fil du texte. Vraisemblablement les leçons du Collège étaient conçues d’une façon analogue : le résumé, la traduction, l’explication. L’argumentum comme forme de soutien à la lecture,
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visant à familiariser le lecteur avec le contenu du texte et à faciliter la lecture, est bien documenté dans l’enseignement des langues à partir du XVIe siècle715 ; le procédé reste courant jusqu’au XIXe siècle. Mais alors que dans le commentaire de Jansénius, pour faciliter le travail du lecteur, le texte de la Vulgate et sa paraphrase sont placés en regard, c’est la traduction littérale que, dans ses leçons, l’enseignant devait présenter à côté du texte hébreu ou de la Vulgate. Nous ne possédons pas de notes de commentaire publiées par les professeurs du XVIe siècle, mais nous pouvons supposer qu’elles étaient présentées en séance. Les notes de cours de Jean-Noël Paquot datant du XVIIIe siècle montrent qu’à cette période la lecture intensive ou « lecture expliquée » était toujours l’option privilégiée, avec les mêmes éléments que dans les commentaires de Jansénius. Il est intéressant de constater que dans ses cours, Paquot ne partait pas du texte hébreu, mais plutôt de la Vulgate, qu’il pourvoyait de ses commentaires. Étant donné que Paquot a enseigné également en dehors de Louvain, et que nous ignorons pour quels cours il a rédigé ses notes, il n’est pas certain, mais bien possible qu’elles reflètent également les pratiques du Collège des Trois Langues. L’objectif de l’enseignement de cette époque n’était pas la lecture autonome du texte hébreu, mais la lecture critique de la Vulgate à l’aide de l’hébreu. Pour ce qui est de leur organisation interne, les cours de lecture comprenaient toujours les mêmes éléments. La Bibliothèque Royale de Belgique possède une préparation en langue française d’un cours sur une douzaine de Psaumes, rédigée par Paquot716. L’auteur donne pour chacun des Psaumes un bref argument avant d’offrir une traduction française très proche de l’hébreu. Dans un autre texte manuscrit sur les Psaumes, en latin cette fois-ci717, il introduit chaque Psaume à
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l’aide d’un argumentum d’une seule ligne. D’autres notes de cours nous montrent que Paquot procurait à ses étudiants des traductions littérales du texte hébreu des Psaumes : dans un cas, on voit que l’étudiant a collé sur chaque page une colonne de texte imprimé de la Vulgate, avant de noter en regard les traductions littérales et les commentaires donnés par Paquot pendant ses cours718. Des notes explicatives clôturent l’explication de chaque psaume. Les commentaires de Paquot sur les textes qu’il lisait sont de nature diverse. Tout d’abord elles mettent en évidence, comme nous l’avons déjà mentionné, les différences entre le texte de la Vulgate et l’original hébreu ; le professeur cite alors le texte hébreu, souvent en transcription, et en fournit la traduction littérale ; ou il fait remarquer simplement qu’un verset peut se traduire autrement que dans la Vulgate : verti potest […]. À côté de ces remarques sur la traduction, Paquot donne aussi régulièrement des annotations critiques sur le texte ; il fait remarquer comment un verset est lu de manière différente par les différents témoins et manuscrits719. Finalement il accorde beaucoup d’intérêt au contenu théologique du texte, même s’il se limite le plus souvent aux versets pris isolément. Les notes de cours de Paquot suggèrent donc que les cours d’hébreu étaient axés sur la lecture de textes, et ce jusqu’aux dernières décennies de l’existence du Collège des Trois Langues. Les cours d’hébreu avaient comme premier objectif, non pas la connaissance de l’hébreu en tant que tel, mais bien une approche critique du texte de la Bible dans sa variété philologique, tout en gardant la Vulgate comme point de référence. b. Les compétences orales Les compétences orales des étudiants d’hébreu se limitaient, selon toute vraisemblance, à la prononciation et
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la récitation correctes des mots et des textes hébreux. Rien n’indique que les étudiants aient jamais appris des dialogues ou des pièces de théâtre en hébreu, ce qui était bien le cas pour le latin. Bien entendu, il est difficile de mesurer l’importance que les cours consacraient réellement à la prononciation exacte et à la fluidité de la lecture ; et on ignore jusqu’à quel point les étudiants (et les professeurs) réussissaient à maîtriser les finesses de l’expression orale de l’hébreu. Dans les grammaires en usage au Collège, on trouve de toute façon des notes très claires indiquant la façon de prononcer les lettres consonantiques ainsi que les signes vocaliques suscrits ou souscrits. Bien plus, les premiers ouvrages grammaticaux visent uniquement à transmettre les modes de prononciation correcte : ainsi par exemple, la brève introduction grammaticale de Manuce, parue vers 1500, ne fait que présenter la prononciation des consonnes et des signes vocaliques, dont l’auteur donne toutes les combinaisons possibles ; dans la suite de l’ouvrage, on ne trouve plus qu’un petit nombre de mots et de textes servant d’exemples, parmi lesquels le « Notre Père » en hébreu, proposé en translittération, c’est-à-dire la reproduction phonétique des mots hébreux à l’aide de lettres latines. Les prières chrétiennes traduites en hébreu par Mathieu Adrianus fournissent un autre exemple de translittération, qui avait comme objectif d’aider le lecteur à déchiffrer l’hébreu. La structure des Rudimenta de Reuchlin, la première introduction d’envergure à l’hébreu, révèle le même souci accordé à la prononciation. Dans la première partie de son ouvrage, Reuchlin s’étend avec force détails sur les règles de la prononciation. Il présente ensuite une liste de noms de plus de soixante ancêtres de la Vierge Marie, pour lesquels il explique la prononciation, signe après signe, syllabe après syllabe. Comme il le dit lui-même, l’auteur cherche
à imprégner progressivement les débutants des sons difficiles de la langue hébraïque. De la même manière, l’Alphabetum Hebraicum (1518) qui fut imprimé pour les premiers cours d’hébreu au Collège des Trois Langues, n’est rien d’autre qu’une liste de lettres et de signes vocaliques, avec leur prononciation et signification. Un problème particulier dans la prononciation de l’hébreu est posé par les sons qui n’existent pas en latin ; les grammaires essaient alors de fournir une description de la prononciation ou de citer des sons semblables dans d’autres langues. Un exemple est la lettre שׁou shin, qui se prononce comme « ch » dans le mot français châle ; dans la plupart des grammaires, cette consonne est translittérée comme « sch » d’après l’orthographe allemande (comme dans le mot schön), alors que Reuchlin paraphrase ce son comme un « s moussant d’écume » (s spumans). Un cas encore plus difficile est celui de la lettre ח ou ḥet, dont la prononciation se rapproche du son néerlandais « ch » dans un mot comme lachen (rire). Dans son Alphabeticum, Adrianus rend ce son par « ch », tandis que Campensis et Levita préfèrent la notation redoublée « hh ». Levita ajoute que la lettre sonne comme un « h », mais « prononcé davantage au niveau de la gorge ». On voit ainsi que les grammairiens essaient de donner une description approximative des sons difficiles. Bien que la lecture à haute voix soit une exigence dans l’enseignement de toute langue, la prononciation correcte de l’hébreu était jugée importante pour un autre motif encore : en effet, en Occident l’hébreu avait la réputation d’être imprononçable et même disgracieux. Saint Jérôme, l’auteur de la Vulgate, qui connaissait bien l’hébreu, rappelait régulièrement la difficulté de prononcer cette langue ; ses descriptions montrent de surcroît qu’il ne reconnaissait aucune beauté à la langue720. Ces jugements de saint Jérôme, véritable autorité dans le
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domaine de l’hébreu, furent très souvent répétés, notamment dans la leçon inaugurale du professeur Valère André en 1612721. Dès lors, les introductions à l’hébreu mettaient tout en œuvre pour désamorcer ces préjugés négatifs et pour encourager ainsi les étudiants dans leur apprentissage ardu.
c. Les compétences à l’écrit L’apprentissage de l’écrit fait partie de la didactique d’une langue étrangère. Pour une langue telle que l’hébreu, qui dispose d’une écriture qui lui est propre, cela signifie d’abord apprendre à former correctement les signes. Bien que tout étudiant ait été confronté à cette difficulté technique, la façon dont les caractères et autres signes de l’hébreu doivent être écrits n’est jamais abordée dans les grammaires. Cet apprentissage devait se faire apparemment en classe. Il est difficile de savoir quel type d’écriture manuscrite était enseigné et dans quelle mesure les maîtres accordaient de l’importance à la graphie formellement correcte. Pour nous informer sur cette question, ne fût-ce qu’indirectement, nous disposons d’un nombre réduit de sources manuscrites issues du Collège des Trois Langues, où les notations de l’hébreu sont d’ailleurs très sporadiques. Ces sources nous renvoient une image changeante. La plupart d’entre elles utilisent l’écriture carrée, c’est-à-dire le type d’écriture utilisé dans les manuscrits de la Bible, mais également dans les textes imprimés en hébreu. La qualité de cette écriture carrée variait d’un individu à l’autre. Le bref verset de la Bible que le professeur Pierius a Smenga a recopié dans le liber amicorum de son étudiant Frédéric van Reede est un bel exemple d’une graphie régulière. Il en va tout autrement dans les notes de cours d’André Balenus : l’hébreu est bien lisible et dénué de fautes, mais le tracé irrégulier des lettres démontre clairement
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que la main n’était pas habituée à écrire cette langue ; cela pourrait indiquer que les notes de cours ont été prises par un étudiant débutant. Mais il est surprenant de constater que l’écriture de l’hébreu dans les manuscrits de Paquot du XVIIIe siècle, rien moins qu’un étudiant, ne peut absolument pas être qualifiée de fluide. Dans son remarquable lexique latin-hébreu, par exemple, on observe un contraste frappant entre le tracé irrégulier de l’hébreu et l’écriture nettement plus fluide du latin. Cela prouve assez qu’à cette période on accordait peu d’attention à la maîtrise technique de l’écriture hébraïque. À côté de l’écriture carrée, nous retrouvons au XVIe siècle un certain nombre d’exemples de l’écriture cursive, telle qu’elle était utilisée dans les communautés juives de l’époque ; il n’est pas étonnant que cette écriture cursive se retrouve chez Mathieu Adrianus722, lui-même d’origine juive. D’autres savants qui ne sont pas de descendance juive la pratiquaient également : l’exemple le plus connu est sans aucun doute André Masius, un des élèves les plus illustres du Collège des Trois Langues. Sa correspondance en hébreu, mais aussi le manuscrit autographe de sa grammaire du syriaque, éditée chez Plantin, montrent une belle écriture cursive de l’hébreu. Les quelques mots en hébreu cités dans le discours d’éloge anonyme de l’hébreu (Louvain, vers 1530) sont écrits d’une main cursive bien exercée. Tout au long du XVIe et au début du XVIIe siècle, les étudiants apprenaient non seulement à écrire correctement la langue, mais ils composaient également des textes en hébreu. Ainsi Clénard n’était pas peu fier de voir ses étudiants capables de rédiger, après seulement un semestre d’apprentissage, des lettres en hébreu sur divers aspects de la vie quotidienne ; il espérait obtenir ce même niveau de la part de ses étudiants de grec723. Une telle ambition ne nous étonne pas venant
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de Clénard, car ce maître prôna la maîtrise active des langues anciennes durant toute sa vie, au point même de tenter une expérience étonnante : afin de prouver la valeur de sa méthode, il conçut le projet d’apprendre le latin à trois esclaves africains au Portugal, en recourant à l’immersion linguistique. Pour revenir à l’hébreu, on pourrait supposer que Clénard a exagéré ses succès pédagogiques afin de mettre en évidence ses qualités de professeur ; toujours est-il qu’André Masius, ancien étudiant du Collège, possédait non seulement une belle écriture cursive, mais était capable également d’adresser des lettres complètes en hébreu à ses collègues humanistes. La Bibliothèque d’État de Bavière conserve une lettre en hébreu de la main de Masius, envoyée en 1541 au célèbre humaniste et orientaliste Johann Widmannstetter, trois ans seulement après son départ de Louvain ; Masius entretint aussi une correspondance fréquente en latin et en hébreu avec l’hébraïsant Sébastien Münster. La grande qualité idiomatique de ses lettres justifie largement sa réputation de « grand avocat de l’hébreu » (Hebraicae linguae summus patronus) auprès des plus grands spécialistes de son temps724. Bien que Masius ne soit certainement pas représentatif de tous les étudiants du Collège, il est fort possible que d’autres étudiants aient été capables eux aussi d’écrire des lettres en hébreu. Nous savons qu’au début du XVIe siècle, Joseph Barbatus, arrivé à Louvain pour enseigner l’hébreu, commanda chez Plantin un manuel pour apprendre l’art épistolaire en hébreu, l’Institutio epistolaris Hebraica de Buxtorf. Il avait donc à tout le moins l’intention d’inculquer à ses étudiants l’art de la correspondance littéraire en hébreu. Après son départ, personne ne semble avoir continué cet apprentissage. De même, le lexique latin-hébreu de Paquot visait davantage la recherche sur la langue et les textes hébreux que l’utilisation active de cette langue.
III. L’HÉRITAGE DU COLLÈGE DES TROIS LANGUES Lorsque le Collège des Trois Langues fut fermé en 1797, en même temps que l’ensemble de l’Université, il avait derrière lui une histoire longue et mouvementée. Au moment de sa fondation, c’était une des premières institutions universitaires offrant des cours d’hébreu. De cette manière, le Collège eut une influence considérable sur le développement des études hébraïques dans un contexte universitaire725. Des savants tels que Campensis (ancien professeur) ou Masius et Clénard (anciens étudiants) entretenaient des relations étroites avec des humanistes de l’Europe entière; Campensis et Masius étaient considérés comme d’éminents spécialistes de l’hébreu au plan international. D’ailleurs, l’influence du Collège ne se limitait pas à l’étude de la langue hébraïque comme telle. Les enseignants et les anciens étudiants du Collège des Trois Langues eurent également un rôle important dans l’évolution des sciences bibliques au XVIe siècle, avant tout par la publication de ce que nous pourrions appeler les premiers commentaires scientifiques de la Bible. De cela aussi, André Masius est un exemple éloquent : son commentaire magistral de Josué n’a cessé d’être vanté, pendant plusieurs siècles, pour la qualité de son érudition726 ; et nous pouvons en dire autant des travaux d’un autre étudiant célèbre du Collège, Cornélius Jansénius (Gandavensis)727. De nombreux autres exégètes des XVIe et XVIIe siècles subirent l’influence du Collège des Trois Langues728. En premier lieu, il faut mentionner le jésuite (plus tard cardinal) Robert Bellarmin (1542-1621), qui étudia le grec et l’hébreu pendant son séjour d’études à Louvain, entre 1569 et 1576729. On ne sait si Bellarmin a suivi les cours au Collège ; mais il est très vraisemblable qu’il a été initié aux arcanes de la langue par son confrère Jean Guillaume Harlemius, un ancien étudiant du Collège et qui, l’année
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Dictionnaire latin-hébreu de Paquot Jean-Noël Paquot, Lexicon Latino-Hebraeum, deuxième moitié du XVIIIe siècle. Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, Section des manuscrits, ms 15580-81, fol 2v.
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même de l’arrivée de Bellarmin à Louvain, y était devenu professeur d’hébreu. Il est certain que Bellarmin a publié, peu après son départ de Louvain, une grammaire hébraïque largement nourrie de sa formation à Louvain730. Cette grammaire a connu plusieurs rééditions, dont plusieurs chez Plantin, ce qui démontre l’influence considérable de cet ouvrage jusque tard dans le XVIIe siècle. Ses études d’exégèse, entre autres sur les Psaumes, sont fortement imprégnées de ses connaissances d’hébreu acquises à Louvain. Un autre jésuite louvaniste, Cornelius a Lapide (1567 – 1637), eut une importance pour le moins aussi grande pour l’exégèse catholique. Pendant sa longue carrière d’enseignant dans la résidence louvaniste des Jésuites (1597 – 1616) et ensuite au Collège Romain, il a publié des commentaires sur pratiquement tous les livres de la Bible, ouvrages qui ont été réédités jusqu’au XXe siècle731. Bien qu’élaborés à partir de la Vulgate, conformément à l’esprit du Concile de Trente et de la Ratio Studiorum des Jésuites732, ces commentaires témoignent d’une profonde familiarité avec la langue hébraïque733, acquise à Louvain. Un autre domaine où le Collège des Trois Langues joua un rôle décisif est la publication de la prestigieuse Biblia Regia (1568 – 1573) chez Plantin734. Cet ouvrage réunit, en huit gros volumes, les recherches les plus avancées sur les textes bibliques en hébreu, en grec mais aussi en araméen et en syriaque. À cette publication contribuèrent non seulement Jean Guillaume Harlemius, déjà cité, mais aussi deux parmi les meilleurs anciens étudiants du Collège des Trois Langues : André Masius, qui publia dans la Biblia Regia son étude pionnière sur le syriaque735 et Augustin Hunnaeus, qui avait assuré des cours d’hébreu comme suppléant de Balenus. Le fait même que Plantin a été en mesure d’imprimer en hébreu
est dû en grande partie à sa collaboration avec le juif converti Jean Isaac Levita, qui avait enseigné pendant longtemps comme collègue (et également suppléant de) Balenus736. À la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, le Collège des Trois Langues fut fermé en raison des troubles provoqués par la Guerre de Quatre-Vingts ans, ce qui entraîna par le fait même la disparition des cours spécialisés d’hébreu à Louvain. Les conflits religieux en Europe à cette époque eurent une grande influence sur les développements ultérieurs du Collège. Le fait que l’étude des langues fut promue par la Réforme protestante fit en sorte que les milieux académiques catholiques se montrèrent de plus en plus circonspects dans l’étude des langues, pour éviter d’être soupçonnés de sympathie protestante. En même temps l’Église catholique insistait sur la place centrale de la Vulgate latine, en réaction à la Réforme protestante. Cette primauté accordée à la Vulgate était bien entendu préjudiciable à toute recherche indépendante sur la langue et les textes hébraïques. Force est d’admettre que tout au long du XVIIe et jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les études hébraïques à Louvain n’ont pas brillé d’un vif éclat, bien que la chaire fût toujours occupée. Toutefois, cette situation changea vers le milieu du XVIIIe siècle. Non seulement l’hébreu et le grec furent rendus obligatoires pour tous les doctorants en théologie737, mais nous savons qu’un professeur comme Jean-Noël Paquot se référait dans ses cours à l’étude historico-critique du texte biblique, qui était alors en train d’émerger738. La question de savoir comment la chaire d’hébreu se serait développée, si en 1770 Paquot n’avait pas été destitué prématurément de son poste pour d’obscures raisons, restera toujours sans réponse. De
les études de l ’ hébreu au sein du collège des trois langues
Sceau de propriété d’Augustin Hunnaeus (1573). Biblia Sacra Hebraice, Chaldaice, Graece et Latine, Anvers, Plantin, 1571-1573 ; impression dorée sur la reliure. Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Maurits Sabbebibliotheek, P22.O4/F° BIJB 2
même nous ne saurons jamais comment le Collège aurait pu évoluer, si les Français ne l’avaient pas supprimé en 1797. En effet, avec Étienne Heuschling (1762-1847), c’était à nouveau un excellent orientaliste qui vint occuper la chaire d’hébreu. Il avait étudié différentes langues orientales à Rome et son prestige était tel qu’un
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poste de professeur lui fut promis, après que, dans un premier temps, il il ne fut pas retenu pour une chaire de syriaque à la Sapienza. Heuschling n’attendit pas cette opportunité et partit à Louvain, où, malgré son jeune âge, il fut nommé professeur d’hébreu en 1790. La situation politique mit une fin abrupte au développement prometteur de la chaire. Lors de la fondation de l’Université d’État de Louvain (1817-1835), il essaya de redonner vie à l’enseignement non seulement de la langue hébraïque, mais aussi des langues et littératures arménienne, syriaque et arabe. Cependant, on ne peut pas dire que ses cours eurent un grand succès. La suppression du Collegium Trilingue n’a pas empêché le développement à Louvain des études hébraïques et de l’orientalisme en général. Il est vrai que le Collège ne fut jamais rouvert ; mais peu de temps après la fondation de l’Université catholique de Louvain en 1835, la nouvelle Faculté de Théologie nomma le Hollandais Jean Théodore Beelen (1807-1884) comme titulaire d’une chaire qui, en plus de l’exégèse biblique, comportait aussi les langues orientales739. Pendant sa longue carrière académique, Beelen publia, à l’instar de ses illustres prédécesseurs, des traductions annotées des Psaumes, des Proverbes et de l’Ecclésiaste. Pour que l’on pût à nouveau imprimer et éditer des textes en langues orientales à Louvain, il veilla personnellement à la confection de fontes hébraïques, syriaques, arabes et même éthiopiennes C’est ainsi qu’il fut l’initiateur d’une longue tradition typographique qui fait, jusqu’à nos jours, la réputation de Louvain, avec la maison d’édition Peeters et l’imprimerie Peeters-Orientaliste. Il est remarquable que Beelen ait consacré sa première publication importante à la littérature rabbinique et araméenne : à l’usage de ses
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étudiants, il composa une anthologie annotée (en trois volumes) de cette littérature, qui était difficile d’accès740. Pour ses cours, il rédigea aussi une grammaire de l’hébreu et du syriaque, de même qu’une anthologie annotée de la littérature biblique. Après Beelen, la tradition d’enseignement et de recherche en orientalisme fut continuée par Thomas Joseph Lamy (1827–1907), mais aussi par trois recteurs successifs de l’Université de Louvain (1870 – 1940). Le dernier de ceux-ci, Paulin Ladeuze
(1870 – 1940) fonda en 1936 l’Institut orientaliste au sein de la Faculté de Philosophie et Lettres, afin de coordonner et de promouvoir l’enseignement et la recherche dans le domaine de la philologie et de l’histoire orientales, en accordant une visibilité particulière à la philologie biblique. C’est ainsi que l’hébreu trouva sa place dans la Faculté de Philosophie et Lettres, même si la collaboration avec la Faculté de Théologie est toujours restée étroite.
Notes
1 Erasmus en Leuven, 1969, pp. 177-178. 2 Allen, epist., 470, ll. 9-12. 3 Geleerde Wereld, 2000, n° 30 ; Jan Papy, ‘Politiek als humanistische wetenschap. De manifesten voor een betere wereld van Erasmus en Vives’, dans Wereldwijs, 2000, pp. 118-128 ; Nicolette Mout, ‘Desiderius Erasmus (1466-1536): Opvoeding, filosofie van Christus en politiek’, dans Een nieuwe wereld. Denkers uit de Nederlanden over politiek en maatschappij (1500-1700), éd. Erik De Bom, Kalmthout 2015, pp. 55-79. 4 Allen, epist. 596 et 597. 5 Erasmus en Leuven, 1969, p. 177 ; Erasmiana Lovaniensia, 1986, n° 16. 6 Adrianus VI, 1959, n° 347 ; 550 jaar Universiteit, 1976, n° 268. 7 Le 21 octobre 1504, Érasme reçut en outre de la part de Philippe le Beau un don lui permettant de continuer ses études de théologie qu’il avait dû interrompre à Paris. Peu de jours après avoir reçu ce don, Érasme quitta Louvain pour Paris. Voir Erasmus en Leuven, 1969, n° 160 ; Allen, epist. 181. 8 Allen, epist. 597, 641, 643. 9 Allen, epist., 616, ll. 16-17 et 637, ll. 11-12. 10 Erasmus en België, 1969, n° 44 et planche III ; Erasmus en Leuven, 1969, n° 211 et planche 26bis. 11 Allen, epist., 470, ll. 9-12. 12 Allen, epist., 714, ll. 24-25. 13 IJsewijn, Coming of Humanism, pp. 243-244 [= 2015, pp. 126-127] ; HCT I, pp. 90-98. 14 Recht uit Brecht, 2011, pp. 53-57 ; Vives te Leuven, 1993, n° 5 ; Erasmiana Lovaniensia, 1986, n° 8 ; 550 jaar Universiteit, 1976, n° 275. 15 550 jaar Universiteit, 1976, n° 276. 16 Marcel A. Nauwelaerts, ‘Verblijf en werk van Erasmus te Leuven’, Mededelingen van de Geschied- en Oudheidkundige Kring voor Leuven en omgeving, 9, 1969, pp. 133-160 ; Marcel A. Nauwelaerts, ‘Érasme à Louvain. Éphémérides d’un séjour de 1517 à 1521’, dans Scrinium Erasmianum, Leiden 1969, pp. 3-29. Erasmus en Leuven, 1969, nrs. 233-237, 257-269 ; Olaf Hendriks, Erasmus en Leuven, Bussum 1946. 17 Allen, epist., 157. 18 De Vocht, Busleyden, pp. 33-39 et 125-129 (avec l’édition) ; Adrianus VI, 1959, n° 155 ; Erasmus en Leuven, 1969, n° 355 ; 550 jaar Universiteit, n° 280 ; Geleerde Wereld, 2000, n° 38 ; Utopia & More, 2016, n° 54. 19 De Vocht, Busleyden, p. 4-10 ; CE I, pp. 235-236. 20 Utopia & More, 2016, n° 53 ; De Vocht, Busleyden ; K. G. Schroeder, ‘Jerome de Busleyden and Thomas More’, Moreana, 121, 1995, pp. 3-10. 21 Allen, epist., 809, ll. 127-128, et 853, ll. 2-3. 22 HCT I, pp. 24-46.
23 De Vocht, Busleyden, pp. 109-110 ; Allen, epist., 658. 24 De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. III. 25 De Maesschalck, Kollegestichtingen, pp. IX-X. 26 HCT I, pp. 20-49 ; Erasmus en België, 1969, n° 38 ; Erasmus en Leuven, 1969, nos 364-364bis. 27 Nauwelaerts, 1969, p. 186 ; Nève, Mémoire, pp. 137, 227, 289, 295, 322-325, 345-346. 28 De Vocht, Busleyden, p. 47 et 68. 29 Robbyns entra au service de Nicolas Ruterius (Nicolas le Ruistre, 1442-1509), prévôt de Saint-Pierre à Louvain et, depuis 1501, évêque d’Arras. Quand l’évêque se montra disposé à engager à son tour Érasme, les deux hommes firent connaissance en novembre 1503 (Allen, epist., 178 et HCT I, p. 11, note 3). 30 HCT I, pp. 8-20. 31 HCT I, pp. 25-29, § 2-24 ; De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 892 montre l’analogie avec les objectifs formulés lors de la fondation du Collège d’Arras. 32 Allen, epist., 708, ll. 10-11. 33 Nève, Mémoire, pp. 228-231 ; HCT I, p. 252 ; Allen III, epist. 794, ll. 75-80: « Ex bilinguibus his omnes trilingues reddimur … Videbis brevi novum Lovanium.» Sur Barbier, voir CE I, pp. 93-94. 34 Allen, epist., 691, ll. 2-6 et 695, ll. 8-10. 35 Allen, epist., 805, l. 4 ; EpCran, 12 ; De Vocht, Busleyden, pp. 138141 ; Nève, Mémoire, p. 139. 36 Allen, epist., 839, ll. 4-5 ; ibid., 847 et 848, et 867, introduction. 37 Daxhelet, Barlandus, pp. 6-16. 38 NK 2274. 39 Allen, epist., 691, ll. 14-17: « Est hic Rutgerus Rescius, iuvenis optimus et eruditior quam prae se ferat, sed malim rem, ut dixi, per celebres et eximios institui. » 40 Selon le rapport dans Motivum juris in Causa Rutgeri Reschii Prof. Ling. graecae Contra provisores et presidem Colleg., Conservé sous forme manuscrite à Louvain, Rijksarchief, Fonds Oude Universiteit Leuven,1437, 17, 24: « grece magis studiosus quam peritus ». Cité dans HCT I, p. 279, note 9. 41 Jean Irigoin, ‘Lascaris Rhyndacenus (Janus), (1445-1534)’, dans Colette Nativel (éd.), Centuriae Latinae. Cent une figures humanistes de la Renaissance aux Lumières, offertes à Jacques Chomarat, Genève 1997, pp. 485491. 42 HCT I, pp. 282-283. 43 Erasmus en Leuven, 1969, n° 370 ; HCT I, pp. 14-20 et 283-292. 44 HCT I, p. 24, § 1. 45 HCT I, pp. 292-293.
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notes
46 HCT I, pp. 250-251. 47 Allen, epist., 877, ll. 33-34. 48 HCT I, p. 253. 49 HCT I, p. 35, § 40. 50 HCT I, p. 359 et II, p. 60-62. 51 HCT I, p. 357, note 4. 52 De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 908. 53 Alphonsine Maesschalck, J. Viaene & H. Vandevyvere, ‘Een 15deeeuws bankkantoor op de Vismarkt te Leuven. Een kunsthistorisch en bouwkundig onderzoek van twee gotische panden’, dans Jaarboek van de Geschied- en Oudheidkundige kring voor Leuven en omgeving, 40, Leuven 2002, pp. 93-272. 54 Edward De Maesschalck, ‘De gebouwen van het Busleydenkollege in Erasmus’ tijd’, dans Charisterium De Vocht, pp. 64-73. 55 HCT II, p. 49 ; Van Even 1895, p. 589. 56 Ibid., p. 73. 57 HCT III, p. 280, note 3. 58 On trouvera une description détaillée et une étude architecturale et historique sur le site Agentschap Onroerend Erfgoed 2017: Collegium Trilingue [en ligne], https://id.erfgoéd.net/erfgoedobjecten/42159 (consulté le 7 juin 2017). 59 HCT I, pp. 419-424. 60 Cornelis Augustijn, Erasmus, Baarn 1987, pp. 96-99 ; CE III, pp. 145-151. 61 Allen, epist., 2130. 62 HCT I, pp. 316-320 et 326 ; HCT III, p. 451. 63 Erasmus en Leuven, 1969, n° 368 ; Erasmus en België, 1969, n° 50. 64 Erasmus en Leuven, 1969, n° 369 ; Erasmus en België, 1969, n° 51. 65 Pour plus d’informations bibliographiques, voir HCT I, p. 320, note 1. 66 Du moins selon le document tel qu’il est édité dans HCT I, p. 415, l. 83. 67 HCT I, pp. 526-529. 68 Voir l’esquisse bibliographique dans HCT I, p. 412, note 2. 69 HCT I, pp. 290-297, 316-346 et 412-417 (édition du document) ; Allen, epist., 852 ; Iseghem, pp. 291-292 ; Eramus en Leuven, 1969, n° 371 ; Erasmus en België, 1969, n° 39. 70 HCT I, pp. 390-411. 71 HCT I, pp. 520-523. 72 HCT I, pp. 506-531. 73 HCT I, pp. 369-386. 74 HCT I, pp. 500-503. 75 HCT I, pp. 503-505. 76 HCT I, pp. 447-449 et 478-487. 77 HCT I, pp. 254-255, 267-271, 471-478, 478-493 ; Daxhelet, Barlandus, pp. 14-15. 78 Allen, epist., 1196 ; EpCran, 172 (lettre d’Érasme à François Cranevelt, 24 décembre 1525). 79 CE 3, p. 313. 80 Allen, epist., 1221, ll. 10-27. Voir aussi HCT II, pp. 77-79 et 248-249. 81 Allen, epist., 1224, ll. 7-11 (lettre du 13 août 1521). 82 Allen, epist., 1225, ll. 31-32 et 36-38 (lettre du 13 août 1521). 83 Allen, epist., 1237, ll. 16-18. Sur Bernard Bucho d’Aytta, voir CE I, p. 77-78 et HCT II, pp. 97-98. 84 De Vocht, Busleyden, pp. 4 et 16-25 ; HCT II, p. 126 ; CE I, p. 235.
85 Gilbert Tournoy, ‘Terug naar de klassieke bronnen. De oprichting van het eerste taleninstituut’, dans Wereldwijs, 2000, pp. 32-41 (p. 32). 86 Jan Papy, ‘Erasmus en het Humanisme in Leuven’, dans Leuven / Louvainla-Neuve. Kennis maken, éd. Jan Roegiers et Ignace Vandevivere, Leuven 2001, pp. 89-96. 87 Georges G. Chantraine, ‘The Ratio Verae Theologiae (1518)’, dans Richard L. DeMolen (éd.), Essays on the Works of Erasmus, New Haven 1978, pp. 179-185. 88 HCT IV, pp. x-xi. 89 CE III, pp. 371-375. Sur Érasme et la découverte des Adnotationes de Valla à l’Abbaye de Parc à Louvain (Heverlee) pendant l’été 1504, voir Erasmus en Leuven, 1969, n° 155 ; Erasmus en België, 1969, n° 31 (avec bibliographie) ; et Tournoy, Lorenzo Valla en Erasmus, pp. 137-152. 90 Papy, ‘Humanist Philology as a Scientific Catalyst?’, pp. 31-51. 91 Voir Jacques Chomarat, Grammaire et rhétorique chez Érasme, Paris 1981. 92 Istvan Bejczy, Erasmus and the Middle Ages : The Historical Consciousness of a Christian Humanist, Leiden 2001, pp. 62-65. 93 Pour une description, voir Erasmus en België, 1969, n° 3 ; Erasmiana Lovaniensia, 1969, n° 45 ; Franz Bierlaire, Érasme et ses Colloques: le livre d’une vie, Genève 1977. 94 Pour une description, voir Erasmiana Lovaniensia, 1986, n° 69. 95 Pour une description, voir Erasmus en België, 1969, n° 1 ; Erasmiana Lovaniensia, 1986, n° 14 ; Margareth Mann Phillips, The ‘Adages’ of Erasmus, Cambridge 1964. 96 Pour plus d’informations, voir Erasmus en België, 1969, n° 18 ; Erasmiana Lovaniensia, 1986, n° 49. 97 NK 534, pp. 199-200 ; Nève, Mémoire, p. 132. 98 Dans son Epistola I de Ratione Studii Puerilis, écrit à Oxford en 1523. Voir Vives te Leuven, 1993, n° 36, pp. 126-127. 99 HCT I, p. 200. 100 Opuscula aliquot Erasmo Roterodamo castigatore et interprete, Louvain, Thierry Martens, 1514, fols. Aiiir - Aiiiir. Voir Erasmus en zijn tijd, 1969, n° 172 ; Dirk Martens, 1973, p. 181, n° A 247 en p. 275 ; Erasmiana Lovaniensia, 1986, n° 37, pp. 115-116 ; Erasmus en Leuven, 1969, p. 238, n° 213. Voir aussi Demmy Verbeke, ‘Cato in England: Translating Latin Sayings for Moral and Linguistic Instruction’, dans Sara Barker & Brenda Hosington (eds.), Renaissance Cultural Crossroads: Translation, Print and Culture in Britain, 14731640, Leiden - Boston 2013, pp. 139-155. 101 Marcel A. Nauwelaerts, ‘”Disticha Catonis”, een oud en geliefd schoolboek’, dans Huldeblijk aan Frater Sigebertus Rombouts, Voorhout 1950, pp. 207-219 ; Marie-Juliette Desmet-Goethals, ‘De “Catonis disticha moralia”, uitgegeven door D. Erasmus en door L. Crucius’, Onze Alma Mater, 23/3, 1969, pp. 168-184. 102 Nève, Mémoire, p. 345 ; HCT IV, pp. 293 ; 303-304. 103 Nauwelaerts, 1969, pp. 185-202 (p. 200). 104 HCT IV, pp. 317-318. 105 HCT III, pp. 130 et 450-451. 106 Recht uit Brecht, 2011, p. 25. 107 HCT III, p. 372-373. 108 HCT IV, p. xii. 109 Recht uit Brecht, 2011 ; Lovanium docet, 1988.
notes 110 Papy, ‘Humanist Philology as a Scientific Catalyst ?’, pp. 31-51. 111 Allen, epist., 3130, ll. 25-29 et 36-38 (lettre à Conrad Goclenius). Voir aussi Marcel A. Nauwelaerts, Erasmus, Bussum 1969, p. 53. 112 HCT I, pp. 314-315. 113 Karel Blockx, ‘Een conflict’, p. 11. 114 Blockx, ‘Een conflict’ ; Gielis, Hemelbestormers, pp. 75-98, et les études citées dans les deux notes suivantes. 115 James Overfield, Humanism and Scholasticism in Late Medieval Germany, Princeton 1984 ; James Overfield, ‘Scholastic Opposition to Humanism in pre-Reformation Germany’, Viator 7, 1976, pp. 391-420. 116 Erika Rummel, The Humanist-Scolastic Debate in the Renaissance and Reformation, Cambridge (MA) 1995. 117 Charles Nauert, ‘Humanism as Method: Roots of Conflict with the Scolastics’, Sixteenth Century Journal, 29, 1998, pp. 427-438. 118 Marcel Gielis, ‘Leuven Theologians as Opponents of Erasmus and of Humanistic Theology’, dans Erika Rummel (éd.), Biblical Humanism and Scholasticism in the Age of Erasmus, Leiden 2008, pp. 197-214. 119 CE, I, pp. 398-404 ; MHL, pp. 121-348 ; Wim François, ‘Maarten van Dorp, the Oratio Paulina (1516/1519), and the Biblical-Humanist Voice among the Louvain Theologians’, Lias: Journal of Early Modern Intellectual Culture and Its Sources, 39/2, 2012, pp. 163-193 ; Demmy Verbeke, ‘Maarten van Dorp (1485-1525) and the Teaching of Logic at the University of Leuven’, Humanistica Lovaniensia. Journal of Neo-Latin Studies, 62, 2013, pp. 225246. 120 Jozef IJsewijn, Coming of Humanism, pp. 193-301 ; Jozef IJsewijn, ‘Humanism in the Low Countries’, dans Albert Rabil (éd.), Renaissance Humanism: Foundations, Forms, and Legacy, Philadelphia 1988, II, pp. 156215. 121 Jozef IJsewijn, ‘Martinus Dorpius, Dialogus (ca. 1508?)’, dans Charisterium De Vocht, pp. 74-101. 122 Concernant la relation entre Adrien et Érasme, voir : Michiel Verweij, Pas de deux in stilte: de briefwisseling tussen Desiderius Erasmus en paus Adrianus VI (1522-1523), Rotterdam, 2002. 123 Johan Huizinga, Erasmus, Haarlem, 1924, p. 59. 124 Pour une approche plus large, cf. les ouvrages de Overfield et Rummel, cités dans les notes 115 et 116, ainsi que Charles Nauert, Humanism and the Culture of Renaissance Europe, Cambridge 2006, pp. 132-171. 125 On trouvera plus de détails dans Han Van Ruler, ‘The Philosophia Christi, its echoes and repercussions on virtue and nobility’, dans Alasdair A. McDonald – Zweder Von Martels - Jan R. Veenstra (éds.), Christian Humanism. Essays in Honour of Arno Vanderjagt, Leiden 2009, pp. 235-264. 126 James Bentley, ‘New Testament Scholarship at Louvain in the Early Sixteenth Century’, Studies in Medieval and Renaissance History, 2, 1979, pp. 51-79. 127 Allen, epist., 304 (lettre de Martin Dorpius, ca. septembre 1514). 128 Allen, epist., 347 (lettre de Martin Dorpius, 27 août 1515). Traduction française de Pierre Mesnard, ‘Comment les théologiens de Louvain lisaient l’Éloge de la Folie’, Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 4e série, III, 1964, pp. 357-368. 129 De Jongh, L’ancienne faculté, p. 40*. 130 Marcel Gielis, Kritiek van de Leuvense theologen op Erasmus’ kerkopvatting. De conflicten tussen Erasmus en theologen van de Leuvense faculteit
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aangaande de structuur van de Kerk, 1521-1524, licentiaatsverhandeling, Leuven 1976, p. 53. 131 Allen, epist., 505 (lettre à André Ammonius, 29 décembre 1516). Voir Marcel Gielis, Scholastiek en humanisme. De kritiek van de Leuvense theoloog Jacobus Latomus op de Erasmiaanse theologiehervorming, Tilburg 1994, p. 57. 132 Allen, epist., 596 (lettre à William Warham, ca. 10 juillet 1517). 133 Cette rencontre eut lieu à l’initiative de Dorpius (cf. Allen, epist., 496, de Martin Dorpius). 134 Allen, epist., 641 (lettre à Georges d’Halluin, 29 août 1517). 135 Charles Nauert, ‘Humanism as Method: Roots of Conflict with the Scolastics’, Sixteenth Century Journal, 29, 1998, pp. 427-438. 136 Marcel Gielis & Gert Gielis, ‘Adrian of Utrecht (1459-1523) as Professor at the University of Louvain and as a Leading Figure in the Church of the Netherlands’, Fragmenta. Journal of the Netherlandish Institute in Rome 4, 2010, pp. 1-21. Sur les relations entre Érasme et Adrien, voir : Michiel Verweij, ‘Adrianus VI en Erasmus: aftasten in crisis’, dans Adelbert Denaux & Ton Meijers (éds.), Paus Adrianus VI (1459-1523), Utrecht – Leuven – Rome 2012, pp. 33-66. Pour la correspondance entre Érasme et Adrien, voir : Pas de deux in stilte: de briefwisseling tussen Desiderius Erasmus en paus Adrianus VI (15221523). Uit het Latijn vertaald en ingeleid door Michiel Verweij, Rotterdam 2002. 137 Allen, epist., 2466 (lettre à Nicolas Mallarius). 138 Erasmus, Spongia adversus aspergines Hutteni, Bâle, Johannes Froben, 1523. 139 Gielis, Scholastiek en humanisme, pp. 67-72. 140 Gert Gielis, In gratia recipimus, pp. 118-126. 141 Allen, epist., 1582 (aux théologiens de Louvain, 1 juillet 1525). 142 Robert Coogan, ‘The Pharisee Against the Hellenist. Edward Lee Versus Erasmus’, Renaissance Quarterly, 39, 1986, pp. 476-506. 143 Henry de Vocht, ‘Martin van Dorp’s Apology to Meinard Man’, dans MHL, pp. 63-120. 144 Voir à ce propos aussi la contribution de Jan Papy dans le présent recueil. 145 HCT I, pp. 283-292. 146 HCT I, p. 303 ; Gielis, Scholastiek en humanisme, pp. 80-81. 147 HCT I, pp. 271-272 et 295-296. 148 Paul Fredericq (éd.), Corpus documentorum inquisitionis haereticae pravitatis Neerlandicae, Gent - ‘s-Gravenhage 1900, IV, pp. 163-172. 149 Erika Rummel, ‘The Case Against Johann Reuchlin: Religious and Social Controversy’, dans Sixteenth-Century Germany, Toronto-Buffalo-Londen 2002 ; David H. Price, Johannes Reuchlin and the Campaign to Destroy Jewish Books, Oxford 2011. James Overfield avance une interprétation différente du conflit dans : ‘A New Look at the Reuchlin Affair’, paru dans : Studies in Medieval and Renaissance History, 8, 1971, pp. 165-207. 150 Erasmus, Ratio seu methodus compendio perveniendi ad veram theologiam, Louvain, Thierry Martens, 1518. Edité dans LB, V, col. 75-138. Voir aussi : Gerhard B. Winkler (éd.), Erasmus, Ausgewählte Schriften, Darmstadt 1967, III, pp. 117-495 et Hajo - Annemarie Holborn (éd.), Erasmus, Ausgewählte Werke, München 1933, pp. 175-305. Voir aussi : Erasmus‘ droom, 2017, n° 19. 151 Wim François, ‘Ad divinarum rerum cognitionem. Petrus Mosellanus and Jacobus Latomus on biblical or scolastic theology’, Renaissance and Reformation, 29, 2005, pp. 13-47.
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notes
152 Allen, epist., 939 (à Frédéric de Saxe). 153 HCT I, pp. 313-314. 154 HCT I, p. 314 renvoie vers LB, IX, p. 107, p. 110 et p. 770. 155 Gielis, Hemelbestormers, pp. 101-114. 156 Gert Gielis, ‘Post exactam et diligentiam examinationem. How the Louvain Theologians condemned Luther’s Theses (1519) – Context, Practices and Consequences’, Annali di Storia delle Università Italiane, 21/2, 2017 [sous presse]. 157 Gielis, Scholastiek en humanisme, pp. 77-79. 158 De Jongh, L’ancienne faculté, pp. 11*-12*. 159 Jacobus Latomus, De trium linguarum et studii theologici ratione dialogus, Anvers, Michiel Hillen van Hoogstraten, 1519. Publié dans : Jacobus Latomus, Opera omnia, 157v°-168v° et dans Samuel Cramer - Frederik Pijper (éds.), Bibliotheca Reformatoria Neerlandica, III, pp. 41-84. Voir HCT I, pp. 327334 et Erasmus‘ droom, 2017, n° 23. 160 Gielis, Scholastiek en humanisme, p. 85. Ce travail porte sur la controverse entre Érasme et Latomus au sujet de la réforme théologique érasmienne. 161 Pour une analyse, voir aussi : Wim François, ‘Ad divinarum rerum cognitionem’, pp. 25-34. 162 Erasmus, Apologia refellens suspiciones quorundam dictitantium dialogum D. Iacobi Latomi de tribus linguis et ratione studii theologici conscriptum fuisse adversum ipsum, Anvers, Johannes Theobaldus, [1519]. Pour une traduction en anglais : Martin Lowry, ‘Apology against the Dialogue of Latomus’, dans CWE, 71, pp. 31-84. Pour une discussion : Georges Chantraine, ‘L’Apologia ad Latomum. Deux conceptions de la théologie’, dans Jozef Coppens (éd.), Scrinium Erasmianum, Leiden 1969, II, pp. 51-75 ; Gielis, Scholastiek en humanisme, pp. 95-105. 163 Allen, epist., 945 (lettre à Guillaume de Croÿ, 20 avril 1519). 164 Allen, epist., 936 (lettre à John Fisher, 2 avril 1519). 165 De Jongh, L’ancienne faculté, pp. 12*-13*. 166 Allen, epist., 961 (lettre à Lorenzo Campeggio, 1 mai 1519) ; epist., 967 (lettre à Thomas Wolsey, 18 mai 1519) ; epist., 980 (lettre à Martin Luther, 30 mai 1519) ; epist., 1225 (lettre à Pierre Barbier, 13 août 1521). 167 Allen, epist., 933 (lettre à Martin Luther, 28 mars 1519). 168 Allen, epist., 1225 (lettre à Pierre Barbier, 13 août 1521). 169 Allen, epist., 946 (lettre à Jean Briart, ca. 22 avril 1519). 170 Allen, epist., 1007 (lettre à Léon X, 13 août 1519). 171 Blockx, ‘Een conflict’, pp. 18-24. 172 Cecilia Asso, ‘Martin Dorp and Edward Lee’, in Erika Rummel (éd.), Biblical Humanism and Scolasticism in the Age of Erasmus, Leiden 2008, pp. 167-196. 173 Allen, epist., 1225 (lettre à Pierre Barbier, 13 août 1521). Érasme ne fait référence à cet examen que dans cette seule lettre à son ami Barbier. Bien que qu’il ne donne aucune indication concernant la date, l’examen a dû être réalisé plus ou moins à ce moment. 174 Allen, epist., 968, 969, 970, 971, 983, 993 et 1002. 175 HCT I, pp. 367-368. 176 Conrad Nesen [= Wilhelm Nesen,] Eruditi adulescentis Chonradi Nastadiensis Germani Dialogus sanequam festivus bilinguium ac trilinguium, sive de funere Calliopes, Paris, Conrad Resch, 1519. Publié dans HCT I, pp. 544-574 et dans Erasmi opuscula, pp. 191-224.
177 Allen, epist., 1022 (lettre à Ortwin Gratius, 15 octobre 1519) et epist., 1162 (lettre à Thomas More, ca. novembre 1520). La pédagogie du Faucon servait régulièrement d’endroit de rencontre, parce que différents professeurs de théologie y avaient des contacts et que le régent était un docteur de théologie. 178 De Jongh, L’ancienne faculté, p. 13* ; HCT I, pp. 413-417. 179 Allen, epist., 980 (lettre à Martin Luther, 30 mai 1519). 180 Allen, epist., 1167 (lettre à Lorenzo Campeggio, 6 décembre 1520). 181 Pour une étude plus détaillée de la controverse entre Érasme et Luther, voir : Gielis, Hemelbestormers, pp. 121-146. 182 Erika Rummel, ‘Erasmus’ Conflict with Latomus: Round Two’, Archiv für Reformationsgeschichte, 80, 1989, pp. 5-23. 183 EpCran, 152 (lettre de Vives à François Cranevelt, 27 mai 1525). 184 Franz Bierlaire, Les Colloques d’Érasme: réforme des études, réforme des mœurs et réforme de l’Église au XVIe siècle (Bibliothèque de la Facultè de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, CCXXII), Paris 1978 ; Franz Bierlaire, ‘Le Libellus colloquiorum de mars 1522 et Nicolas Baechem, dit Egmondanus’, dans Scrinium Erasmianum, I, éd. Joseph Coppens, Leiden 1969, pp. 55-81. 185 Allen, epist., 1469 (lettre à Nicolas Everaerts ; Bâle, 26 juillet 1524). Le pamphlet n’a pas été conservé. 186 Gielis, Hemelbestormers, pp. 129-130. 187 Erika Rummel, Erasmus and his Catholic Critics. Volume 2: 1523-1536, Nieuwkoop 1989, pp. 2-4. 188 Gielis, Hemelbestormers, pp. 133-134 ; Michiel Verweij (éd.), De paus uit de Lage Landen. Adrianus VI, 1459-1523, Leuven 2009, pp. 117-142 et pp. 197-199. 189 Allen, epist., 1582 (lettre aux théologiens de Louvain, 1 juillet 1525). 190 Allen, epist., 1690 (lettre à Johannes Faber, 16 avril 1526). Voir aussi HCT II, pp. 281-286. 191 Gielis, In gratia recipimus, pp. 116-122. 192 Allen, epist., 2353 (lettre à Jean de Heemstede, 14 juillet 1530). 193 Joseph Coppens, Eustachius van Zichem en zijn strijdschrift tegen Erasmus, Mededelingen der Koninklijke Nederlandse Akademie van Wetenschappen, afdeling Letterkunde. Nieuwe Reeks, 37 n° 2, Amsterdam-Londres 1974 (avec l’édition de l’apologie). 194 Odette Sauvage, L’itinéraire érasmien d’André de Resende (1500- 1573), Paris 1971. 195 Andreas Resendius, Carmen […] adversus stolidos politioris literaturae oblatratores, Bâle, Jean Froben, 1531. 196 Paolo Sartori, ‘La controversia neotestamentaria tra Frans Titelmans ed Erasmo da Rotterdam (1527-1530 ca.): linee de sviluppo e contenuti’, Humanistica Lovaniensia, 52, 2003, pp. 77-135 ; Rummel, Erasmus and his Catholic Critics. Volume 2: 1523-1536, pp. 15-17. 197 Benjamin De Troeyer, Bio-bibliographia franciscana Neerlandica saeculi XVI, Nieuwkoop 1969, p. 91. 198 Paolo Sartori, ‘Frans Titelmans, the Congregation of Montaigu, and Biblical Scholarship’, dans Erika Rummel (éd.), Biblical Humanism and Scolasticism in the Age of Erasmus, Leiden 2008, pp. 215-224. 199 Gielis, Hemelbestormers, pp. 208-211 ; Roland Crahay, ‘Les censeurs louvanistes d’Érasme’, dans Joseph Coppens (éd.), Scrinium Erasmianum, Leiden 1969, I, pp. 221-249 ; Alexandre Vanautgaerden, ‘Jean Henten, premier
notes censeur aux Pays-Bas, en 1552 à Louvain, des Opera Omnia d’Érasme’, dans Maria José Vega & Iveta Nakladalova (éds.), Lectura y culpa en el siglo XVI. Reading and Guilt in the 16th Century, Bellaterra 2012, pp. 109-131. 200 Gielis, In gratia recipimus, p. 115. 201 Marcel Gielis, ‘L’augustinisme anti-érasmien des premiers controversistes de Louvain, Jacques Latomus et Jean Driedo’, dans Mathijs Lamberigts & Leo Kenis (éds.), L’augustinisme à l’ancienne Faculté de Théologie de Louvain, Leuven 1994, pp. 19-61. 202 HCT III, pp. 577-579. 203 Henry de Vocht e.a., Nicolaus Clenardus, Antwerpen 1942 ; Cleynaerts, 1993, pp. 278-279. 204 MHL, p. 413. 205 Alphonse De Leyn, Esquisse biographique de Pierre de Corte (Curtius), premier évêque de Bruges, ancien professeur de l’université de Louvain, Leuven 1863. 206 MHL, pp. 479-499. 207 Pieter Noordeloos, Cornelis Musius, Utrecht-Antwerpen 1955, pp. 32-43. 208 Noordeloos, Cornelis Musius, pp. 39-43. 209 Noordeloos, Cornelis Musius, p. 289. 210 HCT II, pp. 218-220 ; De Jongh, L’ancienne faculté, p. 60*. 211 HCT II, p. 219. 212 Plus d’explication dans HCT II et III. 213 HCT II, pp. 299-300. 214 HCT III, pp. 572-580. 215 Voir : Erasmus‘ droom, 2017, n° 82. 216 HCT IV, pp. 74-88. 217 Lucien Ceyssens, ‘Le “Saint Augustin” du XVIIe siècle : L’édition de Louvain (1577)’, XVIIe Siècle, 34, 1982, pp. 103–120. 218 Wim François, ‘Augustine and the Golden Age of Biblical Scholarship in Louvain (1550-1650)’, dans Bruce Gordon – Matthew McLean (éds.), Shaping the Bible in the Reformation: Books, Scholars and Their Readers in the Sixteenth Century, Leiden 2012, pp. 235-289. 219 Voir : Erasmus‘ droom, 2017, n° 198. 220 Michael A. Screech, ‘Erasmus and the Concordia of Cornelius Jansenius, Bishop of Ghent: Christian Folly and Catholic Orthodoxy’, dans Jean-Pierre Massaut (éd.), Colloque Érasmien de Liège. Commémoration du 450e anniversaire de la mort d’Érasme, Paris 1986, pp. 297–307 ; Michael A. Screech, ‘The Diffusion of Erasmus’s Theology and New Testament: Scholarship in Roman Catholic Circles Despite the Tridentine Index (More on the Role of Cornelius Jansenius (1510–1574), Bishop of Ghent)’, dans Irena Backus Francis Higman (éds.), Théorie et pratique de l’exégèse. Actes du troisième colloque international sur l’histoire de l’exégèse biblique au XVIe siècle (Genève, 31 août – 2 septembre 1988), Genève 1990, pp. 343–353. 221 Cette contribution est largement redevable à l’étude historique et archivistique d’Edward De Maesschalck, Kollegestichtingen aan de Universiteit te Leuven (1425-1530). Pogingen tot oplossing van armoede- en tuchtproblemen, 4 vols., Thèse doctorale non publiée, KU Leuven 1977. Il est à espérer que cette étude magistrale sera un jour publiée sous une forme plus définitive et jouira ainsi d’une ainsi une diffusion plus large. 222 HCT I, pp. 28-29, § 17-20. 223 C’est ainsi que Gilles Busleyden est désigné dans les statuts « révisés » du 6 février 1522 ; voir HCT II, p. 104.
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224 HCT II, p. 104. 225 HCT II, p. 108. 226 De Maesschalck, Kollegestichtingen, pp. 954-955. 227 De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 914, note 2. 228 HCT I, pp. 31-32, § 25-28. 229 HCT II, pp. 57-58 ; De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 919. 230 HCT I, p. 37, § 48. 231 HCT II, pp. 316-323. Voir aussi Erasmus’ droom, 2017, n° 139. 232 HCT I, pp. 25-26, § 3-6. 233 HCT II, p. 371. 234 De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 938 et 941. 235 Cité dans De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 939, note 6. 236 HCT I, p. 38, § 54. 237 Voir E. H. J. Reusens, « Statuts primitifs de la Faculté des Arts de Louvain », Compte rendu des séances de la Commission royale d’Histoire, 9, 1867, pp. 147-206 (p. 156): « Primo nullus admittatur ad examen baculariatus, nisi prius presentaverit cedulas de libris auditis cum signetis magistrorum, sub quibus audivit. Item, jurabit quod erit quatuordecim annorum » ; et p. 162: « Item, jurabitis quod non estis citra vicesimum annum vestre etatis. » 238 De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 942. 239 HCT III, p. 241 ; De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 942. 240 Allen, epist., 1564, ll. 11-12 (lettre du 8 avril 1525 à Hendrik Stromer): « Est aliquid in loco magnifice extructo habere sexcentos auditores, idque continenter, et inter hos magnorum principum filios. » Voir aussi HCT, II, pp. 6570 et 371-386 ; III, pp. 223-243 et 379-382 ; De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 943, note 1. 241 Hilde De Ridder-Symoens, « Adel en Universiteiten in de zestiende eeuw. Humanistisch ideaal of bittere noodzaak? », Tijdschrift voor Geschiedenis, 93, 1980, pp. 410-432. 242 De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 944 (et notes 2 et 3). 243 Ainsi appelé par le président Wary ; voir De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 947, note 4. 244 De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 963. 245 HCT II, p. 72 ; De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 966. 246 HCT IV, p. 60 ; De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 965. 247 De Maesschalck, Kollegestichtingen, pp. 952-953. 248 De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 953. 249 De Maesschalck, Kollegestichtingen, pp. 959-960. 250 De Maesschalck, Kollegestichtingen, pp. 971. 251 Vicus Artium, 1975, pp. 13-27. 252 HCT I, p. 26, § 7. 253 HCT IV, pp. 473-486. 254 HCT II, p. 126 et III, p. 13. 255 HCT II, pp. 123, 237 et 249 ; HCT III, pp. 12-13 ; Allen, epist.,1221, ll. 15-17: « Auditorium est, ut in hac Academia, satis frequens, aliquoties non pauciores habens trecentis », et Allen, epist., 1322, ll. 5-6: « nihil amplius desiderare possis, nisi forte ampliores scholas. » 256 Allen, epist., 1564, ll. 11-12 (lettre du 8 avril 1525 à Hendrik Stromer): « Est aliquid in loco magnifice extructo habere sexcentos auditores. » Voir aussi HCT II, pp. 237, 328 et 347. 257 Allen, epist., 1994, ll. 26-27. Voir HCT III, p. 14. 258 HCT II, p. 377, note 6.
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notes
259 De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 992 et note 1. 260 Dans ses Lucubrationes, Bâle, 1563, pp. 460-461, cité par De Vocht, Busleyden, p. 64 et 197. 261 Sur la donation de Georges d’Autriche, voir HCT III, p. 280, note 3. 262 HCT II, pp. 232-236. 263 De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 979. 264 De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 946. 265 De Maesschalck, Kollegestichtingen, pp. 978-981. 266 HCT III, p. 381. 267 HCT IV, p. 59. 268 HCT II, pp. 54-55. 269 « Duffeler » est le nom d’un épais tissu de laine fabriqué dans la ville de Duffel au Moyen Âge et au début des Temps Modernes. 270 HCT IV, pp. 58-59. 271 HCT II, p. 56, note 3 et 4. 272 HCT II, p. 56, note 5. 273 HCT II, p. 56, note 2. 274 De Maesschalck, Kollegestichtingen, pp. 975-976. 275 HCT II, pp. 67-68 et 74-76. 276 HCT II, pp. 72-73. 277 Vicus Artium, 1975, n° 45. 278 De Maesschalck, Kollegestichtingen, pp. 976-977. 279 HCT I, p. 37, § 48. 280 De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 961, note 4 et p. 977. 281 HCT II, p. 72 ; De Maesschalck, Kollegestichtingen, p. 966. 282 550 jaar Universiteit, 1976, n° 208 (avec illustration). 283 HCT II, pp. 54 et 231-232 ; HCT III, p. 14 et 377 ; et HCT IV, p. 60. 284 HCT II, p. 71 et note 4. 285 Dans les citations des textes utilisés dans cette contribution nous respectons l’orthographe et la ponctuation originales (parfois incohérentes), à l’exception des espaces devant les signes de ponctuation. Afin d’assurer la lisibilité du texte, les données biographiques des auteurs n’ont pas été ajoutées dans le texte. Pour les auteurs les plus importants – dans le cadre de cette contribution –, les données biographiques sont fournies en note lors de leur première mention. Pour les données biobibliographiques des principaux auteurs, voir Ernst F. Konrad Koerner, Universal Index of Biographical Names in the Language Sciences, Amsterdam - Philadelphie 2008, et Harro Stammerjohann (éd.), Lexicon grammaticorum. A Bio-Bibliographical Companion to the History of Linguistics, 2 vols, Tubingue 2009. 286 Pour un aperçu général de la culture linguistique humaniste, voir Karl-Otto Apel, Die Idee der Sprache in der Tradition des Humanismus von Dante bis Vico, Bonn 1980. Pour une vue d’ensemble de la culture linguistique dans les anciens Pays-Bas, voir les contributions dans Toon Van Hal – Lambert Isebaert – Pierre Swiggers (éds), De Tuin der Talen. Taalstudie en taalcultuur in de Lage Landen, 1450–1750, Louvain - Paris 2013 (ce recueil s’ouvre par un texte à orientation thématique, contenant les références bibliographiques essentielles: «Het ‘vernieuwde’ taal- en wereldbeeld van de vroegmoderne tijd. Bakens en referentiepunten», pp. 3-46). 287 Sur les termes de «multilinguisme horizontal» et « multilinguisme vertical», voir Pierre Swiggers – Sara Szoc – Toon Van Hal, «Le multilinguisme horizontal à Anvers au seizième siècle: contextes et configurations», et
Pierre Swiggers – Toon Van Hal, «L’axe Louvain – Anvers : Le multilinguisme vertical», à paraître dans Mercedes Blanco – Roland Béhar – Jochen Hafner (éds), Villes à la croisée des langues, Genève 2018. 288 Érasme (1466/7 ou 1469–1536) n’avait pas une haute opinion des langues vernaculaires, bien qu’il se soit donné la peine d’apprendre le français et l’allemand. Auteur d’une série d’ouvrages pour l’enseignement du latin [cf. note 414], Érasme n’accordait pas d’importance à la didactique des langues modernes, à l’opposé de son ami Georges d’Halluin (Haloinus) (1470–1536/7). Ce dernier préconisait la méthode directe dans l’enseignement du latin, à partir d’une connaissance solide de la langue maternelle, acquise d’abord de façon naturelle et apprise ensuite de façon systématique sous l’égide d’un précepteur. De cette façon serait posée, selon Haloinus, la base parfaite pour l’étude du latin (parlé et écrit). Cf. Constant Matheeussen, «Le rôle des langues vernaculaires dans l’enseignement du latin selon Georges d’Halluin et les points de vue d’Érasme et de Vivès», dans Jean-Claude Margolin (éd.), Acta Conventus Neo-Latini Turonensis: troisième Congrès international d’études néolatines, Tours, Université François-Rabelais 6-10 septembre 1976, Paris 1980, pp. 471-480. 289 Dans la vie quotidienne, les humanistes entraient inévitablement en contact avec les langues vernaculaires. On lira à ce sujet les mésaventures de Clénard et ses compagnons de voyage dans une auberge portugaise ; cf. Alphonse Roersch (éd.), Correspondance de Nicolas Clénard, 3 vols, Bruxelles 1940–1941, I, lettre n° 42 (pp. 138-142). Voir aussi Naauw-keurige voyagie van Nicolaas Clenard […], Leyde 1706 ; Boris Rousseeuw (éd.), Nicolaas Clenard : Een herberg aan de Taag, Wildert 1992. 290 Nous citons d’après l’édition de la Pléiade d’Albert Thibaudet et Maurice Rat : Michel de Montaigne, Œuvres complètes, Paris 1946, p. 172 et p. 622. 291 L’editio princeps de la grammaire latine de Nebrija (1441/4–1522) (Introductiones Latinae) parut en 1481 ; cet ouvrage a connu d’innombrables rééditions et adaptations. En 1492 parut le dictionnaire latin de Nebrija (mots latins avec leurs équivalents espagnols), Lexicon hoc est dictionarium ex sermone Latino in Hispaniensem. 292 Pour nos régions, il faut mentionner deux traités d’orthographe importants composés par des humanistes: la Néderlandsche spellijnghe uutghesteld by vrághe ende andwoorde deur Joas Lambrecht lettersteker (Gand 1550), ouvrage de l’imprimeur humaniste gantois Joos Lambrecht (ca. 1491–1556/7), et le De Orthographia Linguae Belgicae sive de recta dictionum Teutonicarum scriptura, secundum Belgarum, praesertim Brabantorum, pronuntiandi usitatam rationem (Louvain 1576) de l’avocat brabançon Antonius Sexagius (Antoon van t’Sestich, ca. 1535-1585). Sur ce dernier texte, voir Herman Seldeslachts, «Sexagius’ De Orthographia Linguae Belgicae (1576) : een goudmijn voor taalhistorici en dialectologen», dans De Tuin der Talen, pp. 279-309. 293 Voir à ce sujet Pierre Swiggers – Willy Van Hoecke (éds), La langue française au XVIe siècle: Usage, enseignement et approches descriptives, Louvain Paris 1990 (ibid., pp. 157-173 : Michèle Goyens – Pierre Swiggers, «La grammaire française au XVIe siècle. Bibliographie raisonnée»). 294 Cf. Pierre Swiggers, «Français, italien (et espagnol): un concours de ‘précellence’ chez Henri Estienne», dans Gunter Holtus – Johannes Kramer – Wolfgang Schweickard (éds), Italica et Romanica. Festschrift für Max Pfister zum 65. Geburtstag, vol. II, Tubingue 1997, pp. 297-311 ; id., «Le français et l’italien en lice: l’examen comparatif de leurs qualités chez Henri Estienne», dans Rachel Raus (éd.), Rencontre des langues et politique linguistique, Turin 2009, pp. 69-76.
notes 295 On trouvera d’amples informations sur l’histoire séculaire de l’enseignement des langues dans: Renzo Titone, Glottodidattica: un profilo storico, Bergame 1980, et id., Cinque millenni di insegnamento delle lingue, Brescia 1986 ; Louis G. Kelly, Twenty-Five Centuries of Language Teaching (500 B.C.– 1969), Rowley 1976 [deuxième édition] ; Claude Germain, Évolution de l’enseignement des langues: 5000 ans d’histoire, Paris 1993. On consultera aussi avec beaucoup de profit la synthèse, limitée aux Temps Modernes, de Jean-Antoine Caravolas, La didactique des langues. Précis d’histoire I : 1450-1700, Montréal Tubingue 1994. L’ouvrage de Raymond Maréchal, Histoire de l’enseignement et de la méthodologie des langues vivantes en Belgique des origines au début du XXe siècle, Paris 1972, ne fournit, contrairement à ce que le titre laisse présager, qu’une esquisse sommaire de l’histoire de l’enseignement des langues. 296 Il existe une association internationale qui publie une revue consacrée à l’étude de l’histoire de l’enseignement du français, la Société internationale pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde (SIHFLES) (revue : Documents pour l’Histoire du français langue étrangère ou seconde). Signalons deux ouvrages collectifs contenant des contributions sur l’histoire de l’enseignement du français: Pierre Swiggers – Willy Van Hoecke (éds), La langue française au XVIe siècle : Usage, enseignement et approches descriptives, Louvain - Paris 1990 ; Jan De Clercq – Nico Lioce – Pierre Swiggers (éds), Grammaire et enseignement du français 1500–1700, Louvain - Paris 2000. Pour une vue d’ensemble de l’enseignement du français aux Temps Modernes, voir : Pierre Swiggers, «L’institution du français. Jalons de l’histoire de son enseignement», dans Peter Schmitter (éd.), Sprachtheorien der Neuzeit III/2: Sprachbeschreibung und Sprachunterricht, Teil 2, Tubingue 2007, pp. 646-721 (bibliographie, pp. 706-721). Sur l’enseignement du français au XVIIe siècle, voir l’étude solidement documentée de Bernhard Schmidt, Der französische Unterricht und seine Stellung in der Pädagogik des 17. Jahrhunderts, Halle 1931. Concernant l’enseignement du français aux Pays-Bas, voir Kornelis J. Riemens, Esquisse historique de l’enseignement du français en Hollande du XVIe au XIXe siècle, Leyde 1919 ; Marie-Christine Kok-Escalle, «L’historien du français langue étrangère dans la situation des Pays-Bas: quelques réflexions sur méthodes et pratiques», Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, 21, 1998, pp. 62-77 ; Pierre Swiggers, «Regards sur l’histoire de l’enseignement du français aux Pays-Bas (XVIe-XVIIe siècles)», Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, 50, 2013, pp. 49-79. Pour une bibliographie des grammaires du français imprimées entre 1400 et 1800, voir Edmund Max Stengel, Chronologisches Verzeichnis französischer Grammatiken vom Ende des 14. bis zum Ausgang des 18. Jahrhunderts nebst Angabe der bisher ermittelten Fundorte derselben, Oppeln 1890 [Neu herausgegeben mit einem Anhang von HansJosef Niederehe, Amsterdam 1976]. 297 Le De vulgari eloquentia de Dante (1265–1321), dont seules quelques copies manuscrites circulaient aux XIVe et XVe siècles ne fut «re-découvert» qu’au début du XVIe siècle. Le texte fut publié pour la première fois en 1529 (en fait, fin 1528), en traduction italienne, par l’humaniste Giangiorgio Trissino. La version imprimée du texte latin ne parut qu’en 1577 à Paris: De vulgari eloquentia Libri duo. Nunc primum ad vetusti, & unici scripti Codicis exemplar editi. Ex libris Corbinelli eiusdemque adnotationibus illustrati). Nous avons utilisé l’édition annotée (latin – italien) de Claudio Marazzini – Concetto Del Popolo, Dante Alighieri: De vulgari eloquentia, Milan 1990 (basée sur l’édition du De vulgari eloquentia dans: Dante, Opere minori, vol. II, éd. par Pier Vincenzo Mengaldo et al., Milan - Naples 1979). La littérature sur le De vulgari eloquentia
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est très vaste. Comme point de départ on peut utiliser l’article de Pier Vincenzo Mengaldo, «De vulgari eloquentia», dans Enciclopedia Dantesca, vol. II, Roma 1984 [deuxième édition], pp. 399-415. Sur la théorie linguistique de Dante, voir Ileana Pagani, La teoria linguistica di Dante, Naples 1981. 298 Dans son Convivio (rédigé entre 1304 et 1307) Dante appelle le latin « perpetuo e non corrutibile ». 299 De vulgari eloquentia, Livre I, chapitre 1 : « Harum quoque duarum nobilior est vulgaris: tum quia prima fuit humano generi usitata ; tum quia totus orbis ipsa perfruitur, licet in diversas prolationes et vocabula sit divisa ; tum quia naturalis est nobis, cum illa potius artificialis existat. » 300 C’est aussi le cas pour d’autres langues «classiques». Dante reconnaît en effet que les Grecs et «d’autres» peuples possédaient une langue secondaire, standardisée, à côté de la langue vernaculaire ou vulgaire (primaire) : « Est et inde alia locutio secundaria nobis, quam Romani gramaticam vocaverunt. Hanc quidem secundariam Greci habent et alii, sed non omnes ; ad habitum veri huius pauci perveniunt, quia non nisi per spatium temporis et studii assiduitatem regulamur et doctrinamur in illa. » (De vulgari eloquentia, Livre I, chapitre 1). 301 De vulgari eloquentia, Livre I, chapitre 1. 302 Le titre complet de l’œuvre est : Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers par une société de gens de lettres, Mis en ordre & publié par M. Diderot, de l’Académie Royale des Sciences & des Belles-Lettres de Prusse ; & quant à la Partie Mathématique par M. D’Alembert, de l’Académie Françoise. L’Encyclopédie parut entre 1751 et 1772 (17 volumes de texte et 11 volumes de planches). Les articles de linguistique et de littérature ont été réédités, sous une forme systématisée, dans l’Encyclopédie méthodique: Grammaire et littérature (3 volumes, 1782–1786). 303 Voir par exemple les titres éloquents de Luce Giard, «L’entrée en lice des vernaculaires», dans Sylvain Auroux (éd.), Histoire des idées linguistiques, vol. 2, Liège 1992, pp. 206-225, et Claude Longeon, Premiers combats pour la langue française, Paris 1989. 304 On se gardera de prendre ce terme dans le sens (moderne) de «nationalisme». Comme l’indique à juste titre Peter Burke, Languages and Communities in Early Modern Europe, Cambridge 1994, p. 16 : « All the same, these policies – rare instances of a conscious language policy from the period before 1789 – were not examples of nationalism in the modern sense. A number of scholars working on different parts of Europe have made this point in the last few years, using a variety of substitutes for the N-word […] My own preference is for ‘statism’, suggesting that a strong state, rather than a unified nation, was the aim of rulers and their advisers. » 305 Nous empruntons le terme à Michel de Certeau, La possession de Loudun, Paris 1980, et id., L’invention du quotidien I: Art de faire, Paris 1990. 306 Voir Pierre Swiggers, «Enseignement et apprentissage des langues vernaculaires à l’aube des Temps Modernes: attentes sociales et réponses didactiques», Le Langage et l’Homme 44, 2009, pp. 99-109. 307 Peter Burke, Languages and Communities [cf. note 304], p. 91. Au sujet de la «constitution en capital» de la connaissance de langues modernes, voir Pierre Swiggers, «Capitalizing Multilingual Competence : Language Learning and Teaching in the Early Modern Period», dans Willem Frijhoff – Marie-Christine Kok-Escalle – Karène Sanchez-Summerer (éds), Multilingualism, Nationhood, and Cultural Identity. Northern Europe 16th-19th Centuries, Amsterdam 2017, pp. 49-75.
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notes
308 Le titre de l’ouvrage de référence de Lode Van den Branden, Het streven naar verheerlijking, zuivering en opbouw van het Nederlands in de 16de eeuw, Gand 1956 [réédition Arnhem 1967], contient les mots-clefs du «travail sur les langues» à la Renaissance: illustration et glorification, normalisation et purification, élaboration et construction. 309 Nebrija parle à ce propos de reduzir en artificio: il s’agit de ramener et de «réduire» la langue aux règles de l’ars grammatica. 310 Cette idée était déjà présente chez Dante (volgare illustre) ; elle occupe également une place centrale dans La Deffence, et Illustration de la langue francoyse (1549) de Joachim Du Bellay (ca. 1522–1560). On comparera avec les titres de quelques éloges d’autres langues européennes : Jan Rybinski, De linguarum in genere, tum Polonicae seorsim praestantia et utilitate oratio (1589) et Richard Carew, Epistle on the Excellency of the English Tongue (1595–1596). 311 Voir Nico Lioce & Pierre Swiggers, «Le manifeste linguistique de Geof[f]roy Tory [1529] : argumentation et terminologie», dans Eva Buchi et al. (éds), Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15-20 juillet 2013), vol. 2, Strasbourg 2016, pp. 1539-1548. 312 Dans le Mithridates, Gessner (1516–1565) signale déjà l’existence de langues «exotiques», entre autres celles parlées dans l’empire tartare et dans le Nouveau Monde. Le Mithridates de Gessner est disponible dans une édition critique, avec traduction française et un riche apparat de notes: Conrad Gessner: Mithridate / Mithridates (1555). Introduction, texte latin, traduction française, annotation et index par Bernard Colombat & Manfred Peters, Genève 2009. 313 Au début de son ouvrage, Gessner fait la différence entre langue et dialecte ; le «dialecte» est défini comme une variété régionale ou comme une forme particulière d’une langue (« Est autem dialectus dictio peculiarem alicuius loci notam seu characterem prae se ferens: vel dictio quae propriam communemve gentis characterem ostendit », Mithridates, f. 1v). 314 Sur les conceptions mythico-historiques d’auteurs français au XVIe siècle, voir Claude-Gilbert Dubois, Mythe et langage au seizième siècle, Bordeaux 1970 ; id., Celtes et Gaulois au XVIe siècle. Le développement littéraire d’un mythe nationaliste, Paris 1972. 315 Voir l’étude fouillée de Toon Van Hal, “Moedertalen en taalmoeders”. Het vroegmoderne taalvergelijkende onderzoek in de Lage Landen, Bruxelles 2010, où sont examinées les présuppositions, les thèses et l’argumentation des auteurs suivants (qui, en général, se rattachent aux universités de Louvain et de Leyde) : J. Goropius Becanus, J.-J. Scaliger, Lipse, Abraham Mylius, Adrianus Schrieckius, Philippus Cluverius, Hugo Grotius, Johannes de Laet (Laetius), Johannes Elichmann, Claudius Salmasius et Marcus Zuerius Boxhornius. 316 Sur la vie et l’œuvre de Goropius Becanus, voir Eddy Frederickx (†) – Toon Van Hal, Johannes Goropius Becanus (1519–1573). Brabants arts en taalfanaat, Hilversum 2015. 317 Pour un examen approfondi de cette problématique méthodologique nous renvoyons à Pierre Swiggers, «Histoire et historiographie de l’enseignement du français: Modèles, objets et analyses», dans Daniel Coste (éd.), Démarches en histoire du français langue étrangère ou seconde (= Études de linguistique appliquée 78), Paris 1990, pp. 27-44 ; id., «Aspects méthodologiques du travail de l’historien de l’enseignement du français langue étrangère ou seconde», Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, 21, 1998, pp. 34-52 ; id., «Les enjeux de l’enseignement des langues aux Temps Modernes: Dimensions ludique, politique et idéologique de la didactique et de la didaxologie», dans Javier Suso López (éd.), Plurilinguisme et enseignement des langues en
Europe: Aspects historiques, didactiques et sociolinguistiques. Trois regards (Willem Frijhoff, Daniel Coste, Pierre Swiggers) en parallèle, Grenade 2010, pp. 79-123. 318 Un vaste travail de recherche historiographique s’impose en vue de compléter les synthèses partielles existantes, comme celles de Titone, Germain, ou Caravolas [cf. note 295]. 319 Voir l’inventaire bibliographique très fourni – mais qui est loin d’être exhaustif – de William F. J. De Jongh, Western Language Manuals of the Renaissance, Albuquerque 1949. 320 Voir Joseph F. O’Callaghan, The Learned King: The Reign of Alfonso X of Castile, Philadelphie 1993 ; Salvador Martínez, Alfonso X, the Learned: A Biography, Leyde 2010. 321 Cf. Serge Lusignan, Parler vulgairement. Les intellectuels et la langue française aux XIIIe et XIVe siècles, Paris - Montréal 1987 ; Douglas A. Kibbee, For to Speke Frenche Trewly: The French Language in England, 1000–1600: Its Status, Description, and Instruction, Amsterdam - Philadelphie 1991 ; André Crépin, «Quand les Anglais parlaient français», Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 148, 2004, pp. 1569-1588. 322 Le texte a été édité en six fascicules: Jean Gessler, Het Brugsche Livre des Mestiers en zijn navolgingen : Vier aloude conversatieboekjes om Fransch te leeren, Bruges 1931. Pour une étude de la partie française du texte, voir Kornelis J. Riemens, Étude sur le texte français du Livre des mestiers, livre scolaire françaisflamand du XIVe siècle, Paris 1924. 323 Pour plus d’informations, voir les deux volumes édités par la «Genootschap voor Antwerpse Geschiedenis» : Antwerpen in de 16de eeuw, Anvers 1975, et Antwerpen in de 17de eeuw, Anvers 1989 ; voir aussi Jan Van der Stock (éd.), Antwerpen, verhaal van een metropool. 16de–17de eeuw, Gand 1993. 324 Cf. Jan-Albert Goris, Lof van Antwerpen. Hoe reizigers Antwerpen zagen, van de XVe tot de XXe eeuw, Bruxelles 1940, p. 45. 325 Nous citons le texte de Guicciardini d’après l’édition (française) de 1582: Description de touts les Pais-Bas, autrement appellés la Germanie inferieure, ou Basse Allemagne. Dans la traduction flamande de Cornelis Kiliaan (nous avons utilisé une édition de 1612), l’accent est mis sur la diffusion générale, à travers toutes les classes sociales, du multilinguisme. 326 Voir aussi Hubert Meeus, «Wat een spraak! Vreemde talen in het Antwerpen van Cornelis Kiliaan», dans Stijn van Rossem (éd.), Portret van een Woordenaar. Cornelis Kiliaan en het woordenboek in de Nederlanden, Anvers 2007, pp. 101-113. 327 Pour un examen de différents cas de figure, voir Bernhard Bischoff, «The Study of Foreign Languages in the Middle Ages», Speculum, 36, 1961, pp. 209-224. 328 Voir Willem Frijhoff, «Le français et son usage dans les Pays-Bas septentrionaux», Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, 3, 1989, pp. 1-8 ; id., «Verfransing? Franse taal en Nederlandse cultuur tot in de Revolutietijd», Bijdragen en mededelingen betreffende de geschiedenis der Nederlanden, 194, 1989, pp. 592-609 ; id., «L’usage du français en Hollande, XVIIe– XIXe siècles : Propositions pour un modèle d’interprétation», dans Daniel Coste (éd.), Démarches en histoire du français langue étrangère ou seconde (= Études de linguistique appliquée 78), Paris 1990, pp. 17-26 ; l’auteur y étudie l’afflux de réfugiés francophones et d’autres facteurs ayant favorisé le rayonnement du français comme langue de culture. 329 Voir par exemple Roger Chartier, Lectures et lecteurs dans la France d’Ancien Régime, Paris 1987 ; id. (éd.), Histoire de la lecture: un bilan des recherches,
notes Paris 1996 ; id., Culture écrite et société: l’ordre des livres (XIVe–XVIIIe siècles), Paris 1996. Voir également Guglielmo Cavallo – Roger Chartier (éds), Histoire de la lecture dans le monde occidental, Paris 1997 330 Sur l’origine et le développement des «écoles françaises» dans les anciens Pays-Bas septentrionaux, voir Nan L. Dodde – Cornelis Esseboom, «Instruction and Education in French Schools : A Reconnaissance in the Northern Netherlands 1550–1700», dans Grammaire et enseignement du français 1500–1700, pp. 39-60. 331 Sur Nathanael D(h)uez (1609–ca. 1675) et Pierre (Pieter) Marin (ca. 1667–1718), voir infra [notes 339 et 357]. Jean-Louis d’Arsy (fl. 1650) est l’auteur du Grand dictionnaire françois-flamen et flamen-françois (comprenant une grammaire concise) (première édition, 1643 ; l’ouvrage a connu de nombreuses rééditions et adaptations) ; pour des données bibliographiques, voir Elizaveta Zimont – Pierre Swiggers, «Dutch-French Bilingual Lexicography in the Early Modern Period. A checklist of sources», Beiträge zur Geschichte der Sprachwissenschaft, 25, 2015, pp. 110-148. Thomas La Grue (ca. 1620–ca. 1680) était, comme d’autres membres de la famille La Grue, maître d’école à Amsterdam ; il publia une Grammatica Gallica en 1654, ainsi qu’un livret avec des colloques (colloquia) et un vocabulaire. Barthélemy Piélat (ca. 1640–ca. 1681), un protestant originaire d’Orange, était un ardent défenseur de l’enseignement «inductif» des langues, à visée anti-théorique ; cf. son ouvrage L’Anti-grammaire of d’oude spraek-konst verworpen (Amsterdam 1673). Il est également l’auteur de modèles de lettres (Le Secretaire incognu, 1671 ; Lettres nouvelles et curieuses, 1677). Sur la page de titre de la deuxième édition (1681) de L’Antigrammaire il se présente comme professeur d’hébreu, de grec, de latin, d’italien, de français, d’allemand, d’anglais, ainsi que de rhétorique, de philosophie, de théologie et de médecine. 332 Pour une analyse, voir Pierre Swiggers, «Les grammaires françaises ‘pédagogiques’ du XVIe siècle : Problèmes de définition et de typologie ; analyse microscopique», dans Konrad Schröder (éd), Fremdsprachenunterricht 1500 – 1800, Wiesbaden 1992, pp. 217-235. 333 Sur l’apprentissage et l’enseignement du français à Strasbourg à la Renaissance, voir Carl Zwilling, «Die französische Sprache in Strassburg bis zu ihrer Aufnahme in den Lehrplan des Protestantischen Gynnasiums», dans Festschrift zur Feier des 350jährigen Bestehens des Protestantischen Gymnasiums zu Strassburg, Strasbourg 1888, pp. 255-304. 334 La noblesse allemande venait à Strasbourg pour apprendre le français, comme en témoigne un rapport du 12 mars 1613 du professeur d’histoire strasbourgeois Joachim Clutenius : « Die Praeceptores vornehmer Graffen, herrenstands und adelspersohnen, welche zuvor, ehe sie auff diese Universität kommen, mehrentheils ihren cursum studiorum an andern orten absolvirt, und halten sich nur wegen ihrer ahnbefohlenen discipulen hier auff, damit sie etwas nützliches in ihren Studiis und französischer Sprach mögen ausrichten. » (cité d’après Rodolphe Reuss, L’Alsace au dix-septième siècle au point de vue géographique, historique, administratif, économique, social, intellectuel et religieux, Paris 1898, vol. II, p. 190). Sur l’intérêt voué au français et sur l’opposition luthérienne à l’introduction du français à Strasbourg, voir Ferdinand Brunot, Histoire de la langue française des origines à 1900, t. 5 : Le français en France et hors de France au XVIIe siècle, Paris 1917, pp. 121-122. 335 Pour une vue d’ensemble, avec l’indication des rééditions et adaptations, ainsi que des données sur le contenu des ouvrages grammaticaux publiés à Strasbourg, voir Pierre Swiggers, «Franse grammatica’s uit Straatsburg,
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eind zestiende – begin zeventiende eeuw», Meesterwerk. Berichten van het Peeter Heynsgenootschap, 11, 1998, pp. 11-22. 336 L’approche de Philippe Garnier (?–ca. 1650 ; l’auteur était originaire d’Orléans), basée sur l’enseignement «pratique» de la langue, n’eut guère l’heur de plaire à Samuel Bernhard (fl. 1610–30), qui publia, immédiatement après la parution des Praecepta de Garnier, un pamphlet, Censura grammatica apologetica opposita Philippi Garnerii Aurelii Praeceptis Gallici sermonis, simul & calumniis (1607). Il s’agit d’une critique détaillée ad hominem et ad opus: après des propos diffamatoires sur le passé de Garnier, le pamphlet énumère les passages visés (souvent à juste titre) des Praecepta. En résumé, le pamphlet de Bernhard revient à montrer que la grammaire de Garnier est confuse, incomplète et pleine de fautes. 337 Daniel Martin (ca. 1590–1637 ; il était originaire de Sedan) attaqua Stephan Spalt (fl. 1615–1635) en termes voilés dans la préface de l’édition de 1622 de son Favus Praeceptorum Linguae Gallicae ; Spalt répliqua par un pamphlet Vindiciae Linguarum Teutonicae et Romanae, secundum libertatem ; Assertore Stephano Spalt. Contra Danielis Martini Sedanensis fucosum scriptum, quod Favum Praeceptorum Linguae Gallicae inscripsit (1623). En 1624 Spalt publia un complément sous le titre Appendix Vindiciarum Teutonicae et Romanae linguarum. La même année, Martin réagit avec une Vindicatio linguae Gallicae a rudi barbarie, qua illius splendorem libello ‘Grammatica Gallica’ perperam inscripto St. Spalt nuper infuscavit (contenant, en annexe Responsiuncula ad Stephani Spalt Appendicem Vindiciarum). Toujours en 1624, Spalt lança son pamphlet Martinomastix Qua in medium, studiosae, linguae Francico-Gallicae juventutis Protractâ crassâ Ignorantiâ Danielis Martini Sedanensis, Circa Plurima praecepta illam docendi, maximè circa summa Fundamenta haec solidè, ad veritatem Historicam & Philosophicam, demonstrantur, illiusque oblocutionum vanitas ostenditur à Stephano Spalt: Opposita Rudi & barbaro scripto, quod insipidè Vindicationem inscriptum, nuper clam impressum, clam etiam circumtulit. En 1627 Martin publia un résumé de son Favus faisant office de réponse à Spalt: Compendium Favi Praeceptorum Linguae Gallicae, In quo Palinodiae Stephani Spalt Hanoviani apricantur, ejusdemque lolium adoreo semini interstitum eruncatur. La réplique de Spalt ne se fit pas attendre: il publia aussitôt un Appendix Martinomastigis, seu Stephani Spalt extemporale examen Fucosi scripti, à Daniele Martino, sub titulo Compendii Favi, nuper editi. Ubi ad normam veritatis ostenditur, hoc, praeter popularis usus, tautologicè involuti, confusam sine ulla methodo enarrationem, continere nihil. 338 Concernant Gérard du Vivier/de Vivre [Gerard van de Vyvere] (ca. 1540–ca. 1590), né à Gand, voir Gunter Holtus, «Gérard Du Vivier: Grammaire Françoise (1566)», dans Grammaire et enseignement du français 1500–1700, pp. 401-424 ; Angela Weisshaar, «Gérard Du Vivier: Grammatiker und Komödienautor», dans Wolfgang Dahmen et al. (éds), „Gebrauchsgrammatik“ und „Gelehrte Grammatik“: Französische Sprachlehre und Grammatikographie zwischen Maas und Rhein vom 16. bis zum 19. Jahrhundert, Tubingue 2001, pp. 251-283. Du Vivier s’installa à Cologne vers 1562/63, où il commença à donner des cours de français, de calcul et de comptabilité aux enfants de la classe marchande. Il est l’auteur de nombreux ouvrages didactiques. En 1566 il publia une Grammaire Françoise, suivie en 1568 par Briefve institution de la langue françoise expliquée en aleman ; en 1569 il publia un vocabulaire didactique (Synonymes), en 1573 un livre de dialogues (Dialogues Flamen-Françoys, traictants du fait de la marchandise, imprimé à Anvers) et en 1575 un manuel avec des modèles de lettres (Lettres missives familieres). En 1589 il fit paraître à Rotterdam Trois comedies francoises.
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339 L’œuvre didactique de Nathanael D(h)uez (1609–ca. 1675), un précepteur qui fut pendant très longtemps actif à Leyde, se rapporte autant au français qu’à l’italien. Il publia des grammaires et des dictionnaires (français, allemand, latin) ; ses ouvrages étaient très répandus et connurent de nombreuses rééditions. Pour une vue d’ensemble de sa production, voir Pieter M. Loonen, «Nathanael Duez : Biography and a First Bibliography», Meesterwerk. Berichten van het Peeter Heynsgenootschap, 3, 1995, pp. 2-15. 340 Sur Barthélemy (‘Bartel’) Piélat, professeur de langues actif à Amsterdam, cf. note 331. 341 Jean Antoine Tronchinus, Electa Gallica, hoc est idea ejus linguae, cum vocum primigenarium manipulo et exercitationum variarum exemplis […], Franeker 1676. 342 Concernant les grammaires de Van der Aa, Parisot et de Pratel, voir la section «Ceux de chez nous …». Les grammaires de Jan Vaerman (L’Anatomie de la grammaire françoise, 1699) et de Jacques-François Van Geesdalle (Le Paralléle de la grammaire des deux langues françoise et flamende, 1699) sont des grammaires contrastives français-néerlandais ; voir les études de Nico Lioce et Pierre Swiggers (sur Vaerman) et d’Annie Boone (sur Van Geesdalle) dans Grammaire et enseignement du français 1500–1700, pp. 349-368 et pp. 335-347. 343 Sur les ouvrages de Mulerius (ca. 1600–ca. 1650) et Parival (1605– 1669), cf. infra [respectivement note 390 et note 377]. Renatus Hamon publia en 1660 une Grammatica Gallica à Leyde, où il était actif comme Praeceptor Gallicae Linguae ; H. Schoof [le prénom n’est pas connu] publia en 1675 une Grammaire françoise à Amsterdam. 344 Sur Meurier (ca. 1513–1598), voir Willem De Vreese, «Meurier (Gabriel)», dans BN, XIV, pp. 700-763 ; Henry De Groote, «De zestiendeeeuwse Antwerpse schoolmeesters», Bijdragen tot de Geschiedenis van het oud Hertogdom Brabant, 50, 1967, pp. 179-318 en 51, 1968, pp. 5-52 [passim] ; Bert Van Selm, «Some Early Editions of Gabriel Meurier’s School-Books», Quaerendo 3, 1973, pp. 217-226 ; Jan De Clercq, «Gabriel Meurier, een XVIeeeuwse pedagoog en grammaticus in Antwerpen», Meesterwerk. Berichten van het Peeter Heynsgenootschap, 10, 1997, pp. 29-46 ; id., ‘La Grammaire françoise (1557) de Gabriel Meurier’, dans Grammaire et enseignement du français 15001700, pp. 237-276. 345 Pour une étude amplement documentée, voir Jan De Clercq, «Gabriel Meurier, een XVIe-eeuwse pedagoog en grammaticus in Antwerpen» [cf. note précédente]. 346 Voir, par exemple, pour l’occitan: Donatz proensals (rédigé vers 1225) ; pour le moyen français : Donait françois (rédigé vers 1400) et Donoit soloum doulce franceis de Paris (rédigé vers 1400 également). Pour les plus anciens traités grammaticaux en français, voir Thomas Städtler, Zu den Anfängen der französischen Grammatiksprache. Textausgaben und Wortschatzstudien, Tubingue 1988 ; Maria Colombo Timelli, Traductions françaises de l’Ars minor de Donat au Moyen Age (XIIIe–XVe siècles), Florence 1996. Pour une étude d’ensemble des plus anciens textes grammaticaux consacrés aux diverses langues romanes, voir Pierre Swiggers, «L’histoire des grammaires et des manuels de langues romanes dans la Romania (et dans les pays en partie romanophones)», dans Gunter Holtus – Michael Metzeltin – Christian Schmitt (éds), Lexikon der romanistischen Linguistik, Tubingue 2001, Bd I/1, pp. 476-505. Pour ce qui concerne la tradition grammaticale en moyen anglais, voir David Thomson, An Edition of the Middle English Grammatical Texts, New York - Londres 1984. Sur la pratique similaire de traduction de modèles latins en langue vernaculaire
dans l’Italie du Nord et au Frioul, voir Pierre Swiggers, «Su alcuni principi della grammaticografia latino-volgare: I frammenti grammaticali latino-friulani», Linguistica, 31 (Paulo Tekavčić sexagenario in honorem oblata) 1991, pp. 325-329. 347 Le travail d’Habrecht (1589–1633) est une adaptation de William Bathe, Ianua Linguarum […], dont la première édition parut en 1611 à Salamanque. Sur la didactique des langues de Bathe (1564–1614), voir Sean O’Mathuna, William Bathe, S.J., 1564–1614. A Pioneer in Linguistics, Amsterdam - Philadelphie 1986. 348 Sur l’histoire complexe de ce dictionnaire (souvent désigné sous le titre Solenissimo Vochabuolista ou Dilucidissimus Dictionarius), voir Alda Rossebastiano Bart, Antichi vocabulari plurilingui d’uso populare: la tradizione del ‘Solenissimo Vochabuolista’, Alessandria - Turin 1984 ; Matthieu Knops, Hochdeutsch und Niederländisch in polyglotten Werken des sechzehnten Jahrhunderts. Beiträge des Fremdsprachenstudiums. Bibliographische Beschreibungen, [Thèse doctorale, Université d’Amsterdam] 1985. 349 Sur le Nomenclator, voir Cornelis S. M. Rademaker, «De Nomenclator van Hadrianus Junius», Hermeneus, 39, 1968, pp. 217-227 ; Frans M. Claes, «Schooluitgaven van de Nomenclator van Hadrianus Junius», De Gulden Passer, 65, 1987, pp. 55-63 ; Toon Van Hal, «“A Man of Eight Hearts”: Hadrianus Junius and Sixteenth-Century Plurilinguism», dans Dirk Van Miert (éd.), The Kaleidoscopic Scholarship of Hadrianus Junius (1511–1575): Northern Humanism at the Dawn of the Dutch Golden Age, Leyde - Boston 2011, pp. 188-213. 350 Voir Terence R. Wooldridge, Les débuts de la lexicographie française : Estienne, Nicot et le Thresor de la langue françoyse (1606), Toronto 1977. 351 Les dictionnaires de Kiliaan furent précédés par deux dictionnaires également imprimés chez Plantin (ca. 1520–1589) auxquels Kiliaan avait collaboré: le Dictionarium Tetraglotton, 1562, et le Thesaurus Theutonicae linguae, 1573. Voir à ce sujet l’étude détaillée de Frans M. Claes, De bronnen van drie woordenboeken uit de drukkerij van Plantin: het Dictionarium Tetraglotton (1562), de Thesaurus Theutonicae linguae (1573) en Kiliaans eerste Dictionarium TeutonicoLatinum (1574), Tongres 1970. Cornelis Kiliaan/Kiliaen (ca. 1530–1607) avait fait ses études à Louvain ; il s’était inscrit à la pédagogie «de Burcht» (‘le Château/la Forteresse’). Nous ne savons s’il a obtenu un titre académique, mais il est certain qu’il s’est acquis une connaissance approfondie du latin à Louvain et qu’il s’y est familiarisé avec un milieu multilingue. Il fut embauché par Plantin comme correcteur dans l’Officina Plantiniana. Pour plus d’informations et une bibliographie sélective, voir Pierre Swiggers, «Cornelis Kiliaan in Leuven, anno 1548», Museumstrip Leuven, 36, 2009, pp. 42-43. 352 Voir les données réunies par Henry De Groote, «De zestiendeeeuwse Antwerpse schoolmeesters» [cf. note 344] et par Nicole Bingen, «L’insegnamento dell’italiano nel Belgio cinquecentesco», Idioma 4, 1992, pp. 73-89. 353 Voir Pierre Swiggers, «Aspects linguistiques de la correspondance de Nicolas Clénard», dans Klaus Dutz (éd.), Speculum historiographiae linguisticae. Kurzbeiträge der IV. Internationalen Konferenz zur Geschichte der Sprachwissenschaften, Münster 1989, pp. 395-403 ; id. «Les Institutiones grammaticae Latinae de Nicolas Clénard (1538)», dans Wolfram Ax (éd.), Von Eleganz und Barbarei. Lateinische Grammatik und Stilistik in Renaissance und Barock, Wiesbaden 2001, pp. 147-168 ; id., «“Tantae molis erat Eborensem linquere nidum”: Clenardus à Évora (1533–1537). Contribution à l’histoire de l’humanisme au Portugal», dans Sara Marques Pereira – Francisco Lourenço Vaz (éds), Universidade de Évora (1559–2009). 450 anos de modernidade educativa, Évora 2012, pp. 57-70.
notes 354 Voir Jan De Clercq, ‘Gabriel Meurier, een XVIe-eeuwse pedagoog’ [cf. note 344] ; id., ‘La Grammaire françoise (1557) de Gabriel Meurier’ [cf. note 344]. 355 Sur Peeter Heyns (1537–1598), voir Maurits Sabbe, Peeter Heyns en de nimfen uit de Lauwerboom. Bijdrage tot de geschiedenis van het schoolwezen in de 16de eeuw, Anvers [s.d. = 1929] ; Geert R. W. Dibbets, «Peeter Heyns’ Cort Onderwys. Een schoolboek voor het onderwijs in de Franse taal uit de tweede helft van de zeventiende eeuw», Tijdschrift voor Nederlandse taal- en letterkunde, 99, 1983, pp. 85-107 ; id., «Peeter Heyns: “een ghespraecksaem man, van goede gheleertheydt”», Meesterwerk. Berichten van het Peeter Heynsgenootschap, 1, 1994, pp. 3-15 ; Hubert Meeus, «Peeter Heyns, a “French Schoolmaster”», dans Grammaire et enseignement du français 1500-1700, pp. 301- 316. 356 Voir Hubert Meeus, Zacharias Heyns, uitgever en toneelauteur. Biobibliografie met een uitgave en analyse van de Vriendts-Spieghel, [Thèse de doctorat, KU Leuven] 1993. Zacharias Heyns (1566–1630) s’est consacré à (re)publier certains ouvrages de son père ; il fut également le traducteur (en français et en néerlandais) des Colloquia d’Érasme. En 1595 il fit paraître un manuel de lectures moralisantes, Le miroir des escoliers representant les bonnes et mauvaises mœurs de toute la Jeunesse. 357 Voir Pieter M. Loonen, «“Is die P. Marin onsterfelijk?” Het succes van een vergeten taalmeester», Meesterwerk. Berichten van het Peeter Heynsgenootschap, 8, 1997, pp. 14-22 ; id., «Marin als maat voor de Franse les : een verkenning», Meesterwerk. Berichten van het Peeter Heynsgenootschap, 10, 1997, pp. 23-28 358 Nous citons le texte d’après l’édition de 1660. 359 Les métaphores du «chemin (vers)» ou de l’«entrée» apparaissent fréquemment dans les titres d’ouvrages didactiques. Voir par exemple : Jacobus Sylvius, In linguam Gallicam Isagωge […] (Paris 1531) ; Claudius Holyband, The French Littleton, a most easie, perfect and absolute way to learne the French tongue (Londres 1566) ; Jean Masset, Exact et tres facile acheminement a la langue Françoise (Paris 1606) ; Joannes Sumaran, Sprachbuch und gründlicher Wegweiser […] (Munich 1621) ; Barthélemy Pourel de Hatrize, Court et droit sentier à la langue Françoise […] (Stockholm 1650) ; Georg Michael Haas, Le plus court chemin d’acquerir la connoissance de la langue françoise […] (Weissenburg 1730), etc. D’autres métaphores utilisées sont celles de la «clé» (Clavis ; Clef ; Llave ; Klucz…), de la «porte» ou du «portail» (Janua ; Porte …). On trouve aussi des métaphores renvoyant à la «lumière» ou à l’«illumination» (Lumen ; Sidus ; Phar…). 360 Pour un aperçu historique des méthodologies de l’enseignement des langues, voir Christian Puren, Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues, Paris 1990. 361 On possède deux études fondamentales sur l’œuvre de Noël de Berlemont (ca. 1480–1531) : René Verdeyen, Colloquia et Dictionariolum Septem Linguarum, gedrukt door Fickaert te Antwerpen in 1616, 3 vols, Anvers - La Haye 1925–1936 [réimpression de l’édition de 1616, avec une étude introductive] ; Luis Pablo Núñez, El arte de las palabras. Diccionarios e imprenta en el Siglo de Oro, Mérida 2010 [cet ouvrage contient l’inventaire des réimpressions et adaptations, ainsi qu’une analyse du contenu lexicographique des éditions]. Pour la place de l’italien dans les éditions du «Berlemont» dans les anciens Pays-Bas, voir José van der Helm, ‘Meertalige woordenboeken in het 16de-eeuwse Antwerpen: Italiaans naast Nederlands’, De Tuin der Talen [cf. note 286], pp. 49-69. 362 Déjà en 1520 Willem Vorsterman (ca. 1490–1543) avait publié un dictionnaire trilingue (français, espagnol, flamand) anonyme ; ce dictionnaire
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fut réimprimé en 1530 : Vocabulaire pour apprendre Franchoys Espagnol & Flaming, 1520 ; Vocabulaire en troys langues : cest assavoir Francoys Flameng et Espagnol, 1530. Ce petit vocabulaire était basé en partie sur le Livre des mestiers (cf. supra, note 322) ; voir Luis Pablo Núñez, El arte de las palabras […] [cf. note 361], pp. 71-88. 363 Entre 1550 et 1600 environ 45 rééditions ou adaptations virent le jour ; au XVIIe siècle, environ 80. 364 Une version avec huit langues parut en 1622 à Amsterdam ; celle-ci fut réimprimée à Venise en 1646 et en 1656. Cette dernière a été rééditée en 1996 par Riccardo Rizza : Colloquia et Dictionariolum octo Linguarum, Latinae, Gallicae, Belgicae, Teutonicae, Hispanicae, Italicae, Anglicae, Portugallicae, Viareggio - Lucques 1996. 365 Vocabulaer in vier spraken, Duytsch, François, Latijn ende Spaensch, profitelijck allen den ghenen die dese spraken leeren willen / Vocabulaire en quatre langues, Flamengue, Françoise, Latine et Espaignole, à tous ceulx qui les vouldront apprendre tresutile / Dictionarium quatuor linguarum, Teutonicae, Latinae, Gallicae et Hispanicae, eas linguas discere volentibus utilissimum / Vocabulario de quatro lenguas, Tudesco, Frances, Latino, y Español, muy provechoso para los que quisieren aprender estas linguas (Louvain 1551). Dans toutes les éditions louvanistes du «Berlemont» (1551, 1556, 1558, 1560-61) le latin est inclus. Dans les éditions anversoises (environ 30) du «Berlemont» parues entre 1550 et 1600, quelques-unes seulement contiennent le latin. Pour une vue d’ensemble (limitée au XVIe siècle), voir Pierre Swiggers – Sara Szoc – Toon Van Hal, «Le multilinguisme horizontal […]» [cf. note 287] ; de façon plus ample, dans Luis Pablo Núñez, El arte de las palabras […] [cf. note 361], pp. 141-148 (où l’on trouve la liste de toutes les éditions entre 1527 en 1893). Signalons encore que le «Berlemont» fut réédité en 1565 à Alcalá par Francisco de Cormellas et Pedro de Robles. 366 Voir la notice détaillée de Xander Feys et Tim Denecker dans Erasmus’ droom [Louvain 2017], n° 48. Sur l’imprimeur louvaniste Gravius, voir Suam quisque bibliothecam, p. 375. 367 Que les langues modernes aient parfois trouvé leur place dans l’enseignement des jésuites, cela ressort d’ouvrages publiés par des auteurs comme William Bathe, Laurent Chiflet et François Pomey. Sur Bathe, voir Sean O’ Mathuna, William Bathe [cf. note 347] ; sur Chiflet (1598–1658) et Pomey (1619–1673), voir Jean-Antoine Caravolas, La didactique des langues [cf. note 295], pp. 328-334. 368 Sur le succès de la pédagogie des jésuites, voir Gabriel G. Mir, Aux sources de la pédagogie des Jésuites : le ‘Modus Parisiensis’, Rome 1968 ; Pierre Mesnard, ‘La pédagogie des Jésuites (1548–1762)’, in Jean Château (éd.), Les grands pédagogues, Paris 1972, pp. 57-119. 369 Johannes Amos Comenius (fr. Coménius) est le nom latinisé de Jan Amos Komenský (1592–1670). Pour une étude, très lisible et bien informée, des conceptions de Coménius en matière de didactique (des langues) : JeanAntoine Caravolas, Le Gutenberg de la didacographie ou Coménius et l’enseignement des langues, Montréal 1984. 370 Ses ouvrages les plus importants sont: Janua linguarum reserata (1631), Didactica magna (1638), Methodus linguarum novissima (1648), et Orbis sensualium pictus (1658). À sa mort, Comenius laissa de nombreux manuscrits non publiés. 371 Concernant la présence d’étudiants et de savants espagnols à Louvain, surtout en rapport avec les études de théologie, voir José Ignacio Tellechea
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notes
Idígoras, «Españoles en Lovaina en 1551–8. Primeras noticias sobre el bayanismo», Revista española de teología, 23, 1963, pp. 21-45 ; id., «Españoles en Lovaina en 1557», dans Werner Thomas – Robert A. Verdonk (éds), Encuentros en Flandes. Relaciones e intercambios hispanoflamencos a inicios de la Edad Moderna, Louvain - Soria 2000, pp. 133-155. 372 Juan Martín Cordero, «Autobiografía», texte édité dans Francisco Martí Grajales, Ensayo de un diccionario biográfico y bibliográfico de los poetas que florecieron en el Reino de Valencia hasta el año 1700, Madrid 1927, pp. 128-168. Sur Cordero (1531–1584), voir e.a. Jean Peeters-Fontainas, «Extrait des Mémoires de Jean-Martin Cordero de Valence. Sa vie d’étudiant à Louvain ; ses traductions espagnoles ; ses éditions aux Pays-Bas», De Gulden Passer, 31, 1953, pp. 59-87 ; Pierre Groult, «Juan Martín Cordero en los Países Bajos», dans Actas del III Congreso de Cooperación Intelectual (Cáceres, 1958), Madrid 1958, pp. 1-3 ; Jaime Moll, «Amberes y el mundo hispano del libro», dans Werner Thomas – Robert A. Verdonk (éds), Encuentros en Flandes [cf. note 371], pp. 117-131, et Josep Lluís Martos, «Juan Martín Cordero en Flandes: Humanismo, mecenazgo e imprenta», Revista de filología española, 95, 2015, pp. 75-97. 373 La grammaire de Jean Pillot (Pillotus ; ca. 1515–ca. 1580) a été réimprimée plusieurs fois à Anvers au XVIe siècle: en 1558, 1561 en 1563 ; à Louvain une fois, en 1563. Au XVIIe siècle, elle fut encore une fois imprimée à Louvain, chez Rivius en 1621. Concernant les impressions louvanistes, voir Pierre Swiggers, «Leuvense drukken van J. Pillotus’ Franse grammatica», Museumstrip Leuven, 16, 1989, pp. 38-41. Pour un aperçu d’ensemble, voir la liste des éditions dans l’édition (avec traduction en français et un apparat de notes): Jean Pillot : Institution de la langue française. Gallicae linguae institutio. Texte latin original. Introduction, traduction et notes par Bernard Colombat, Paris 2003, pp. CIII-CIV. 374 Claude Dupuis venait alors d’être nommé professeur de français. La lettre d’envoi du 6 janvier se trouve en traduction française dans Alain Cullière, «Jean Garnier contre Jean Pillot: un regard sur la langue française dans l’Europe de la Renaissance», in Jean-Claude Polet (éd.), Patrimoine littéraire européen. Actes du colloque international, Namur 26-28 novembre 1998, Bruxelles 2000, pp. 65-76 (p. 74). Sur l’imprimeur louvaniste Joannes Bogardus, voir Suam quisque bibliothecam, p. 358. 375 À la Renaissance, la reconnaissance officielle de l’enseignement d’une langue moderne au sein d’une université était l’exception plutôt que la règle. Nous avons connaissance aussi d’un enseignement officiel du français à l’université de Wittenberg: en 1572, Guillaume Rabot (Rabottus) y prononça une Oratio de gente et lingua Francica comme leçon inaugurale de son cours de français. Son successeur à Wittenberg fut Abraham de la Faye ; la succession de ce dernier fut assurée par Conradus Durbalius. 376 Sur la page de titre Parisot se présente comme Litterarum Professor. 377 Jean Nicolas Denis Parival (qui était originaire de la Lorraine) [cf. note 343] enseignait le français à Leyde, où il était inscrit à l’université dans les années 1650–1660. L’édition louvaniste de sa grammaire est une réédition (pirate?) de son Methodus addiscendarum conjugationum Gallicarum, cum Syntaxi compendiosa, imprimé en 1645 à Leyde chez David Lopes de Haro. À Leyde, Parival publia aussi Histoires tragiques de notre temps, contenant quelques ‘Dialogues françois’ (1656), et Histoires facétieuses et moralles (1663). 378 Antoine-François de Pratel (ou: de Platel) naquit à Gand vers 1652. Il étudia chez les jésuites à Douai et entra dans l’ordre vers 1673. Ayant quitté l’ordre, il se maria ; en 1687 il obtint l’autorisation du duc de Bavière pour
enseigner ‘la langue bourguignonne’ à l’Université de Louvain. Le 10 mai 1687 il prononça une Prolusio academica de Burgundicae linguae origine, praestantia & utilitate. Voir 550 jaar Universiteit, 1976, n° 338 et la contribution de Xander Feys et Dirk Sacré dans ce volume. Un exemplaire de sa Grammatica Burgundica se trouvait dans la bibliothèque de Guilielmus Leunckens (1700–1773), professeur de droit canonique à Louvain ; cf. Suam quisque bibliothecam, p. 809, n° 481. 379 Nous citons d’après la préface (française) des Principia linguae Burgundicae, réédition de la Manuductio. 380 La grammatica volgare di M. Alberto de gl’Acharisi Dacento / La grammaire de M. Albert de la Charisi Dacento, tournée de Tuscan en François (Lovanii, Ex officina Bartholomei Gravij, 1555). Sur cette édition louvaniste, voir Pierre Swiggers & Serge Vanvolsem, «Een XVIde eeuwse grammatica van het Italiaans uit Leuven», Museumstrip Leuven, 14, 1987, pp. 20-22. Cette première grammaire italienne imprimée dans les Pays-Bas figure en tête du corpus des sources étudiées par Sara Szoc, Le prime grammatiche d’italiano nei Paesi Bassi (1555– 1710). Struttura, argomentazione e terminologia della descrizione grammaticale, [Thèse de doctorat, KU Leuven] 2013. 381 Sur la grammaire de Villalón (ca. 1510–ca. 1562), voir Margarita Lliteras – Santiago García-Jalón de la Lama, «El foco vallisoletano : El caso Villalón y la recepción de las artes hebreas», dans José Jesús Gómez Asencio (éd.), El castellano y su codificación gramatical. Vol. I : De 1492 (A. de Nebrija) a 1611 (John Sanford), Burgos 2006, pp. 215-238. 382 Voir Pierre Swiggers, «El foco ‘belga’: las gramáticas españolas de Lovaina (1555, 1559)», dans José Jesús Gómez Asencio (éd.), El castellano y su codificación gramatical. Vol. I [cf. note 381], pp. 161-213. 383 Voir à ce sujet María Antonia Cruz Casáñez – Pierre Swiggers, «La gramática anónima de Lovaina de 1559: contribución al hispanismo en Flandes», dans Eulalia Hernández Sánchez – María Isabel López Martínez (éds), Sodalicia Dona, Murcie 2015, pp. 109-123. 384 Seuls quelques rares exemplaires de ce dictionnaire sont conservés. Pour une étude du dictionnaire et de son utilisation par les lexicographes postérieurs, voir Louis Cooper, «El Recueil de Hornkens y los diccionarios de Palet y de Oudin», Nueva Revista de Filología Hispánica, 16, 1962, pp. 297-328. 385 Sur ce dictionnaire, voir Robert Verdonk, «El diccionario plurilingüe llamado ‘Anónimo de Amberes’ (1639), reflejo de la lexicografía española en Flandes», dans Actas del I Congreso internacional de historia de la lengua española, Madrid 1988, pp. 995-1002. 386 Sur Arnaldo de la Porte (ca. 1600–ca. 1670), voir Pierre Swiggers, «La primera gramática del español en lengua flamenca : la ‘Spaensen Grammatica’ de Arnaldo de la Porte (1659)», dans Antonio Roldán Pérez et al. (éds), Caminos actuales de la Historiografía Lingüística, t. II, Murcie 2006, pp. 14471462 ; id., «Las gramáticas españolas de Doergangk (1614), De la Porte (1659) y Sobrino (1697) : el foco ‘belgo-renano’», dans José Jesús Gómez Asencio (éd.), El castellano y su codificación gramatical. Vol. II : De 1614 (B. Jiménez Patón) a 1697 (F. Sobrino), Burgos 2008, pp. 351-386 ; Miguel Ángel Esparza Torres – Pierre Swiggers, ‘Porte, Arnaldo de la’, dans Harro Stammerjohann (éd.), Lexicon grammaticorum [cf. note 285], pp. 1195-1196. 387 Cette grammaire est une adaptation d’un petit ouvrage qu’Arnaldo de la Porte avait publié en 1637 : Compendio de la lengua española/Institutie van den Spaensche Taele. Des rééditions de ce Compendio furent publiées en 1659 et 1669 à Anvers, mais il ne nous a pas (encore) été possible d’en localiser des
notes exemplaires (la Bibliografía cronológica de la lingüística, la gramática y la lexicografía del español, vol. II : Desde el año 1601 hasta el año 1700, Amsterdam 1999 ne signale d’ailleurs aucun exemplaire connu). Toutefois, les trois éditions du Compendio sont répertoriées dans l’inventaire de Jean Peeters-Fontainas, Bibliographie des impressions espagnoles des Pays-Bas méridionaux, Nieuwkoop 1965, nos 676, 677 et 678. 388 Pour un aperçu historique de l’enseignement de l’espagnol à la Renaissance en territoire germanophone, voir Hans-Josef Niederehe, «Enseñanza del español y manuales de español para alemanes en los siglos XVI y XVII», Colección El Arcaduz, 5, 1988, pp. 107-125 ; id., «Die Geschichte des Spanischunterrichts von den Anfängen bis zum Ausgang des 17. Jahrhunderts», dans Konrad Schröder (éd.), Fremdsprachenunterricht 1500–1800 [cf. note 332], pp. 135-155 ; Ingrid Neumann-Holzschuh, «Spanische Grammatiken in Deutschland. Ein Beitrag zur spanischen Grammatikographie des 17. und 18. Jahrhunderts», dans Wolfgang Dahmen et al. (éds), Zur Geschichte der Grammatiken romanischer Sprachen, Tubingue 1991, pp. 257-283. 389 Les trois ouvrages de Doergang (ca. 1560–ca. 1625) ont paru à Cologne. Sur ces trois grammaires, voir Artur Greive, «Humanistische Grammatik und moderne Sprachwissenschaft. Der Sprachvergleich in den romanischen Grammatiken (1604–1614) von Heinrich Doergang», dans K. Ley et al. (éds), Text und Tradition. Gedenkschrift Eberhard Leube, Francfort sur le Main 1995, pp. 81-100. Sur la grammaire espagnole de Doergang, voir Dietrich Briesemeister, «Die Institutiones in linguam Hispanicam (1614) des Heinrich Doergang(k)», dans Konrad Schröder (éd.), Fremdsprachenunterricht 1500-1800 [cf. note 332], pp. 29-42 ; Pierre Swiggers, «Las gramáticas españolas de Doergangk (1614), De la Porte (1659) y Sobrino (1697): el foco ‘belgorenano’» [cf. note 386]. 390 Les trois ouvrages (d’organisation très similaire) de Mulerius sont : Linguae Hispanicae compendiosa institutio (Leyde 1630) ; Linguae Italicae compendiosa institutio (Leyde 1631) ; Linguae Gallicae compendiosa institutio (Leyde 1634). Mulerius publia également une petite grammaire de l’espagnol en néerlandais: Een korte ende seer dienstighe onderwijsinge vande Spaensche Tale (Amsterdam 1648). Pour une analyse de ses grammaires de l’espagnol, voir Pierre Swiggers, «El Breve y muy provechoso orden (1648) de Carolus Mulerius: la primera gramática del español en lengua holandesa», dans Teresa Bastardín Candón et al. (éds), Estudios de historiografía lingüística, Cádiz 2009, pp. 757-779. 391 Les ouvrages les plus importants de César Oudin (ca. 1560–1625) pour l’étude de l’espagnol (Oudin publia aussi une grammaire de l’italien) sont: Grammaire et observations de la langue espagnolle (Paris 1597 ; la grammaire a connu de nombreuses rééditions et adaptations au XVIIe siècle ) ; Tesoro de las dos lenguas española y francesa / Thresor des deux langues françoise et espagnolle (Paris 1607) [cf. la réédition récente avec une étude introductive par Marc Zuili, Paris 2016] ; Dialogues fort plaisans escrits en langue espagnolle et traduicts en françois (Paris 1608). Oudin a largement puisé dans les ouvrages de ses prédécesseurs (pour son dictionnaire par exemple, il s’est basé sur le Recueil de Hornkens, déjà cité, et aussi sur le Dictionnaire tres ample de la langue Espagnole et Françoise de Jean Pallet [1604] ; pour les Dialogues, sur le recueil de dialogues espagnols de William Stepney et John Minsheu). Sur cette production de grammaires, de dictionnaires et de dialogues espagnols destinés au public français, voir Gonzalo Suárez Gómez, «Avec quels livres les Espagnols apprenaient le français (1520–1850)?», Revue de littérature comparée, 1961, pp. 158-163, 330-333, et 512-523 ; ainsi que JeanAntoine Caravolas, La didactique des langues [cf. note 295], pp. 291-293.
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392 Pour des informations sur Sobrino (ca. 1660–1734), voir John N. Green – Pedro L. Díez Orzas – Pierre Swiggers, ‘Sobrino, Francisco’, dans Harro Stammerjohann (éd.), Lexicon grammaticorum [cf. note 285], pp. 14191420. Pour un aperçu d’ensemble des éditions, voir Hans-Josef Niederehe, Bibliografía cronológica de la lingüística, la gramática y la lexicografía del español, vol. II : Desde el año 1601 hasta el año 1700, Amsterdam - Philadelphie 1999, et vol. III : Desde el año 1701 hasta el año 1800, Amsterdam - Philadelphie 2005. Pour une analyse de l’œuvre grammaticale et lexicographique de Sobrino, voir Aquilino Sánchez Pérez, Historia de la enseñanza del español como lengua extranjera, Madrid 1992, pp. 156-158, 172-176, et 198-201 ; Pierre Swiggers, «Las gramáticas españolas de Doergangk (1614), De la Porte (1659) y Sobrino (1697): el foco ‘belgo-renano’» [cf. note 386]. 393 En 1703 parut une deuxième édition de la grammaire ; l’ouvrage fut réimprimé trois fois dans les années 1710 (1712, 1717, 1719). De nombreuses réimpressions et adaptations virent le jour aux XVIIIe et XIXe siècles. 394 Sobrino a repris huit des quatorze dialogues de son ouvrage à ses prédécesseurs ; il a ajouté six dialogues de son cru, dont certains ont un contenu historique et/ou culturel (e.a. un dialogue fictif entre Colombe et Drake, un autre entre Hernán Cortés et Montezuma et un dialogue entre «deux philosophes»), alors que d’autres ont un intérêt plutôt pratique (par ex. un dialogue sur les systèmes monétaires). 395 Voir à ce sujet Patrick Conlan, Saint Anthony’s College of the Irish Franciscans at Louvain, Dublin 1977 ; Jan De Clercq – Pierre Swiggers, «Het Sint-Antoniuscollege van Leuven: Een historisch perspectief op de culturele betekenis van een Iers Franciscanenklooster», Franciscana, 46, 1991, pp. 6779 ; Pierre Swiggers, «Iers en Ieren in Leuven: Het Coláiste San Antoine», dans Lauran Toorians (éd.), Kelten en de Nederlanden. Van prehistorie tot heden, Louvain - Paris 1998, pp. 169-183 ; et les contributions dans Nollaig Ó Muraíle (éd.), Mícheál Ó Cléirigh, his Associates and St Anthony’s College, Louvain, Dublin 2008. Sur le travail grammaticographique réalisé au collège irlandais, Jan De Clercq – Pierre Swiggers, «The Hibernian Connection : Irish Grammaticography in Louvain», dans Anders Ahlqvist (éd.), Diversions of Galway. Papers on the History of Linguistics, Amsterdam - Philadelphie 1992, pp. 85-102 et iid., «Les grammaires irlandaises de Louvain», Ollodagos, 9, 1996, pp. 131-149. 396 Florence Conry (Flaithri Ó Maolchonaire, 1560–1629) fut une des principales figures de l’intelligentsia irlandaise de son temps. Hautement estimé par la cour espagnole, il s’était lié d’amitié avec Jansénius (Cornelius Jansenius). 397 Signalons comme figures particulièrement importantes : Hugh Mac Caghwell (Aodh Mac Cathmhaoil, 1571–1626), qui rédigea un commentaire détaillé sur Duns Scot ; Hugh Ward (Aodh Buidhe Mac an Bhaird, ca. 1593– 1635), qui édita en collaboration avec quelques confrères les Acta Sanctorum veteris et maioris Scotiae seu Hiberniae ; Michael O’Clery (Mícheál Ó Cléirigh, ca. 1590–1643), qui édita les «Annales de Donegal» ou «Annales du Royaume d’Irlande» ; John Colgan (Seán Mac Colgan, ca. 1592–1658), qui continua l’œuvre de Ward et d’O’Clery. 398 La plupart des ouvrages utilisés dans l’enseignement et l’autodidaxie des langues modernes étaient des textes imprimés en petit format et de prix réduit ; une fois que leurs utilisateurs n’en avaient plus besoin, ils s’en débarrassaient. Cela explique pourquoi peu d’exemplaires de ces (minces) ouvrages sont conservés. Cela vaut aussi, bien que dans une moindre mesure, pour les ouvrages plus volumineux (et plus coûteux), comme les dictionnaires. Voir à
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notes
ce propos les données fournies sur les exemplaires (peu nombreux) actuellement conservés d’anciens dictionnaires bilingues français-néerlandais dans Elizaveta Zimont – Pierre Swiggers, «Dutch-French Bilingual Lexicography in the Early Modern Period. A checklist of sources» [cf. note 331]. 399 La «teinture idéologique» transparaît dans les qualités morales attribuées aux langues : caractère sérieux ou frivole, modéré ou sauvage, naïf ou réfléchi, précis ou confus. Sur cette composante idéologique dans les ouvrages de didactique de langues, cf. Pierre Swiggers, «Les enjeux de l’enseignement des langues aux Temps Modernes» [cf. note 317], pp. 79-123 (plus précisément pp. 103-106). 400 Dans un des dialogues du genre des Manières de langage, à savoir La manière de langage qui enseigne à bien parler et écrire le français, texte édité par J. Gessler, on peut lire comment un commerçant réprimande son serviteur et exprime le souhait, horresco referens, qu’on lui coupe un certain membre avec une faucille rouillée (après quoi d’autres menaces suivent) : «[Ore un autre maniere de parler des merchans] Dit un merchant à un de ses apprentiz tout ainsi: […] He! Tu mens faussement ; tu as esté avecque tes filletes putaignes et makerelles, et pour ce je pri à Diu que de malle faucille roillie peus tu avoir le vit coupee, car je sai bien que tu en auras malle estraine a derrainiers, se tu ne vius laisser ta folye. – Par Dieu ! mon signeur, je n’y fus pas. – Tu mens faussement parmy la gorge ; je le sai bien que tu y fus. – Save vostre grace, non fais. – Tey toi, de par le diable. Vel sic: Tien te coy, ou je dounrai un ytel soufflet, que tu penseras de moy de cy as quatre jours.» (Jean Gessler [éd.], La manière de langage qui enseigne à bien parler et écrire le français. Modèles de conversation composés en Angleterre à la fin du XIVe siècle, Bruxelles - Paris 1934, pp. 73-74). 401 Un autre exemple est fourni par l’attaque d’Arnaldo de la Porte, dans la préface de son dictionnaire (cf. supra), contre l’odieuse politique expansionniste de la couronne française ; voir Pierre Swiggers, «Les enjeux de l’enseignement des langues aux Temps Modernes» [cf. note 317], pp. 102-103. 402 Nous faisons allusion ici au titre de Dwight L. Bolinger, Language : The Loaded Weapon. The Use and Abuse of Language Today, New York 1980. 403 Cf. ASD I-2, p. 31, l. 21. 404 Seniles XVI, 1, 6 : « Siquidem ab ipsa pueritia, quando ceteri omnes, aut Prospero inhiant, aut Esopo, ego libris Ciceronis incubui, seu nature instinctu, seu parentis hortatu, qui auctoris illius venerator ingens fuit ». Texte latin avec traduction française dans Pétrarque, Lettres de la vieillesse, édition critique d’Elvira Nota, traduction de Jean-Yves Boriaud & Pierre Laurens, dossier philologique d’Elvira Nota (mis en français par Frank La Braska), V, Paris 2013, pp. 20-21. 405 Paul F. Grendler, Schooling in Renaissance Italy. Literacy and Learning, 1300-1500, Baltimore – Londres 1989, p. 117. 406 Grendler, Schooling in Renaissance Italy, pp. 111-141 (surtout pp. 111117 pour des informations sur le curriculum médiéval). 407 Pour une vue nuancée sur la transition entre le Moyen Âge et la Renaissance, voir Anthony Grafton & Lisa Jardine, From Humanism to the Humanities: Education and the Liberal Arts in Fifteenth- and Sixteenth-century Europe, Cambridge (Mass.) 1986 ; Robert Black, Humanism and Education in Medieval and Renaissance Italy. Tradition and Innovation in Latin Schools from the Twelfth to the Fifteenth Century, Cambridge 2001. 408 Même Érasme assura une édition des Disticha Catonis, reprise dans l’ouvrage plus vaste Opuscula aliquot (Louvain : Thierry Martens, 1514). Voir la contribution de Jan Papy dans ce recueil, pp. 28-30 ; également Erasmus’ droom, 2017, n° 28.
409 Grendler, Schooling in Renaissance Italy, pp. 117-121. Textes et traductions avec une introduction sommaire, dans Craig W. Kallendorf (éd.), Humanist Educational Treatises, Cambridge (Mass.) - Londres 2002. 410 On trouvera une bonne introduction à cette problématique complexe dans IJsewijn, Coming of Humanism, pp. 193-301. 411 Pour une bonne introduction en néerlandais concernant la vie et l’œuvre d’Agricola, voir : M. A. Nauwelaerts, Rodolphus Agricola, Den Haag 1963 ; Rodolphus Agricola, Over dialectica en humanisme. Uitgegeven, ingeleid en van aantekeningen voorzien door Marc van der Poel, Baarn 1991. 412 Akkerman & van der Laan, 2002, pp. 200-219, epist. 38 ; Akkerman & van der Laan, 2016, pp. 266-282, epist. 38. 413 Agricola, De formando studio, 32 (dans Akkerman & van der Laan, 2002, p. 210) : « Quisquis in percipiendis doctrinis cupiet dignum aliquem laborum fructum adipisci, illi tria esse precipue prestanda: ut plane recteque percipiat, quod discit ; ut fideliter, quod percepit, contineat ; ut et ex eo aliquid ipse deinde parere proferreque valeat. Primum diligentis lectionis est opus, secundum fide memorie, tercium assidue exercitationis ». 414 Une des principales œuvres pédagogiques d’Érasme est son De pueris instituendis (Bâle : Froben, Herwagen et Episcopius, 1529). Comme Barland, il écrivit un De ratione studii (Paris : Biermans, 1511). Bien entendu, il faut aussi considérer ses Adagia (première édition à Paris : Philippi, 1500) et ses Colloquia (première édition à Bâle : Froben, 1518) dans la perspective de la pédagogie humaniste ; voir à ce sujet Jan Papy, « Inleiding », dans Erasmus, een portret in brieven. Vertaald en bezorgd door Jan Papy, Marc van der Poel & Dirk Sacré, Amsterdam 2001, pp. 22-26. 415 Au sujet de l’étude du latin dans la pédagogie du « Lys » et dans les autres pédagogies de Louvain, voir HCT I, pp. 63-98. 416 Daxhelet, Barlandus, pp. 6-25. 417 Daxhelet, Barlandus, pp. 180-194, 300-307 (epist. 53) ; Étienne Daxhelet, « Adrien Barlandus et les débuts de l’humanisme belge », dans Bulletin de l’Institut historique belge de Rome, 15, 1935, pp. 99-106 (surtout pp. 99-100). 418 Dans sa monographie consacrée à Adrien Barland, Daxhelet situait ce traité épistolaire vers 1525. De Vocht plaida cependant de façon convaincante pour une datation plus avancée, en 1517 ; cf. HCT I, pp. 234235 (note 4). 419 Cf. Daxhelet, Barlandus, p. 302, epist. 53, ll. 47-53 : « Ex horum doctissimis commentariis praeceptor non omnino politioris expers literaturae facile poterit colligere pauca et ea optima praecepta, quae puris tradat ediscenda. Nunquam enim probavi eos magistros qui inculcandis commentariorum latifundiis iuventutem complures annos remorari solent ac detinere. » 420 Paul Thoen, « Aesopus Dorpii. Essai sur l’Esope latin des temps modernes », Humanistica Lovaniensia, 19, 1970, pp. 241-316 ; Paul Thoen, « Les grands recueils ésopiques latins des XVe et XVIe siècles et leur importance pour les littératures des Temps Modernes », dans Acta Conventus Neo-Latini Lovaniensis, Jozef IJsewijn & Eckard Kessler (éd.), Leuven - München 1973, pp. 659-679. 421 Cf. Daxhelet, Barlandus, pp. 240-241, epist. 2. 422 Son Titi Livii de regibus Romanorum (Anvers : Michael Hillen, 1520) peut certainement être considéré comme un exemple représentatif de son intérêt pour les prosateurs. Cf. Daxhelet, Barlandus, pp. 62-66. 423 Jozef IJsewijn, « La fortuna del Filelfo nei Paesi Bassi », dans Rino Avesani, Guido Billanovich, Mirella Ferrari & Giovanni Pozzi (éd.),
notes Francesco Filelfo nel quinto centenario della morte. Atti del XVII convegno di Studi Maceratesi (Tolentino, 27-30 settembre 1981), Padua 1986, pp. 529-550 ; Gilbert Tournoy, « Lorenzo Valla en Erasmus », Onze Alma Mater, 23, 1969, pp. 137-152. 424 Jan Papy, « Inleiding », dans Erasmus, een portret in brieven. Vertaald en bezorgd door Jan Papy, Marc van der Poel & Dirk Sacré, Amsterdam 2001, p. 22. 425 Cf. Lisa Jardine, « Humanism and the Teaching of Logic », dans The Cambridge History of Later Medieval Philosophy. From the Rediscovery of Aristotle to the Disintegration of Scholasticism (1100-1600), Norman Kretzmann, Anthony Kenny, Jan Pinborg & Eleonore Stump (éd.), Cambridge 1982, pp. 797-807. 426 A côté de ses nombreuses publications historiques et ses commentaires philologiques, Barland publia aussi des ouvrages en lien avec (des parties du) trivium. Ainsi par ex. son Isagoge rhetorices (Louvain : Thierry Martens, 1516) et Compendiosae institutiones artis oratoriae (Louvain : Rutger Rescius, 1535). Cf. Erasmus’ droom, 2017, no 70 (avec des références bibliographiques). 427 Daxhelet, Barlandus, p. 305, epist. 53, ll. 159-165 : « Disputandi, scribendi ac dictandi etiam consuetudo exercitatioque adsint. Haec enim tria et intelligendi prudentiam acuunt et memoriam confirmant et loquendi celeritatem incitant, et multa quoque disputando discimus et quae sic discimus, multo firmius retinemus, et M. Tullium (ut de aliis nihil dicam) scribendi dicendique exercitatio magna ex parte quantus est fecerunt. » 428 Cf. CE II, pp. 109-111. 429 Cf. Allen IV, epist. 1018, 12-16 : « Est hic Conradus Goclenius, iuvenis utriusque literaturae peritissimus, stilo cum primis felici, sive prosam orationem tractet sive metri legibus astrictam, philosophicae rei non vulgariter doctus, moribus incorruptis spectataeque integritatis. » (« Conrad Goclenius est ici [i.e. à Louvain], un jeune homme très versé en grec et en latin, écrivant d’une plume très élégante, aussi bien en prose qu’en poésie. Il a des connaissances philosophiques hors du commun, ses mœurs sont irréprochables et sa probité reconnue »). 430 Cette lettre (inédite) a été transcrite avec une grande expertise par M. Raf Van Rooy ; le manuscrit se trouve à Madrid, Palacio Real, Patrimonio Nacional, ms. II/2794, 7v-8v. : « Est hic professor publicus Conradus Goclenius, uir omnium iudicio doctissimus qui in Aeneide Virgilii multum est progressus neque desunt in lingua tum Hebrea tum Greca professores, qui trilingue Louaniensium [sic] collegium sua aeruditione decorant, sunt et qui priuatis lectionibus in omnibus disciplinis rudem adhuc iuuentutem instituunt. » 431 C. P. Hoynck van Papendrecht, Analecta Belgica, II.1, Den Haag 1743, pp. 228-231, epist. XC : « Professores isthic bonarum literarum tam paucos esse miror. Iudicio tuo de Goclenio caeterisque fere aetatis nostrae lectoribus, haud multum, mi Carine, dissentirem, si auditorium ex solis doctis constaret, apud quos neque eadem semper, neque trita et vulgata toties inculcanda sunt. Pueris tamen et indoctioribus, quorum multo maxima est pars, minuta illa nonnunquam explicanda sunt, et difficiliora repetenda saepius, quo et melius percipiant, et fidelius retineant. Illa sane ecphrasi, qua Goclenius eorum quae praelegebat, sensum apertioribus verbis ante ipsam expositionem singularum partium reddere solet, multum saepe delectatus sum. Et quanquam plusculum in eo temporis absumitur, multum tamen momenti ad intellectum eorum quae praeleguntur adfert. Nam aliis verbis eadem res explicata, exhibet etiam quoddam copiae exemplum auditoribus, ad quam quotidiana assuefacti consuetudine, necesse est ut et ipsi profectus quaedam incrementa sentiant. Cum vero potissimum officium literas docentis in explicanda verborum proprietate consistat, neminem sane ego usquam
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audivi, qui ea id faciat diligentia atque doctrina, qua Goclenius. Quem cum quadriennium audiverim, vix ullum fuit tam obscurum verbum, cuius non illum originem, etymon, proprietatemque intra id tempus explicavisse meminerim. Quamobrem adolescentibus tuis tanti viri audiendi occasio neutiquam negligenda esse videtur. » 432 De Vocht (HCT III, pp. 570-572) s’est basé ici sur Valère André et son Collegii Trilinguis Buslidiani … exordia ac progressus (Louvain: Philippe van Dormael, 1614), pp. 48-49 : « Aliud ab illo scriptum, aut descriptum typis non vidi: nec tam quid scripserit, quam quid scribere potuerit, si a negotiis docendique curis otium illi fuisset et quies, considerandum » (« Je n’ai rien vu d’autre qu’il ait écrit ou publié : il faut considérer non pas tellement ce qu’il a écrit, mais ce qu’il aurait pu écrire s’il avait disposé d’un peu de temps libre et de tranquillité, loin des contraintes et des soucis de l’enseignement »). 433 HCT II, pp. 109-115. 434 Il s’agit de la réimpression (ca. 1519/1520 à Louvain, chez Thierry Martens) de l’édition parisienne du De officiis de Cicéron par Érasme, imprimée initialement chez Jean Philippi en 1501. 435 Cet exemplaire annoté par Goclenius est actuellement conservé à la bibliothèque de l’université de Göttingen, 8 AUCT LAT II, 3323. 436 Valère André, 1614, p. 48. 437 C. P. Hoynck van Papendrecht, Analecta Belgica, I.1, Den Haag 1743, p. 67. 438 Cf. De Vocht, Valerius, p. 85. 439 Nannius publia plusieurs commentaires de Virgile : sur le livre IV de l’Enéide (Louvain : Rutger Rescius, 1544) et sur les Bucoliques (Bâle : Jean Oporin, 1559 [publié à titre posthume]) ; des commentaires philologiques sur ses certaines de ces Eglogues parurent déjà dans ses Miscellanea ou Σύμμικτα (Louvain : Servais Sassenus, 1548). Ses commentaires sur les Géorgiques et le livre VI de l’Enéide n’ont pas été conservés. Dans le cadre de ses cours, il a écrit en outre plusieurs orationes sur Virgile : 1) De amore, 2) De rebus inferorum, 3) In Georgica Vergilii, de laudibus agriculturae, et 4) Praefatio à ses commentaires des Bucoliques. Cf. Polet, Nannius, passim. 440 Cette partie se base en partie sur les notices concernant Nannius dans Erasmus’ droom, 2017, nos 79 et 87 [avec des données bibliographiques supplémentaires]. 441 L’autographe de ce discours est actuellement conservé à la bibliothèque de l’université de Leyde (VUL Ms. 98 ff. 1r-9v). Polet a fait connaître le texte dans sa monographie sur l’humaniste d’Alkmaar (cf. Nannius, pp. 196208). 442 Cf. Polet, Nannius, p. 91. 443 Conservé à la KU Leuven, Universiteitsbibliotheek, Bijzondere Collecties, CaaA1272. 444 Voir aussi les notices dans le catalogue scientifique Erasmus’ droom, 2017, nos 85 et 86. 445 Victor Tourneur, La collection Laevinus Torrentius. Un cabinet de médailles en Belgique au XVIe siècle, Bruxelles 1914, p. 5 (et note 1). 446 Dans une lettre du 1er octobre 1600 à Jean Woverius, Lipse s’exprimait ainsi sur ses prédécesseurs Nannius et Cornelius Valerius (ILE XIII, 00 10 01) : « Nam is (i.e. Cornelius Valerius) Petro Nannio, qui primus honestum ibi (i.e. in Collegio Trilingui) ignem accenderat, successor datus, studio non impar, ingenio inferior » (« Car Cornelius Valerius fut nommé comme successeur de Pierre Nannius, qui le premier avait allumé le noble feu [des études] dans le Collegium Trilingue. Valerius l’égalait en zèle, mais était inférieur par son talent »).
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notes
Dans son Lovanium (datant de 1605), Lipse loue à nouveau Nannius (cf. Lipsius, Leuven, p. 239) : « Viros aliquot insignes, et professores habuit. Inter eos Petrum Nannium qui alios post se, ut meum iudicium est, reliquit et fortasse relinquet. » (« Le Collège a connu quelques hommes et professeurs remarquables. Parmi eux Pierre Nannius, qui à mon avis, a dépassé les autres et continuera peut-être à les dépasser. »). 447 Lipsius en Leuven, 1997, nos 19-33 (pp. 83-128) ; Lipsius en het Plantijnse Huis, 1997, nos 30-47 (pp. 168-184). 448 Cf. De Vocht, Valerius, p. 177, epist. 79, ll. 24-32 : « Legi his diebus aliquot libellos, – cum grammaticos, tum dialecticos, – quos cum satis perspexerim, non poenitet me scripsisse, nec frustra me hanc sumpsisse operam puto: usque adeo paucos reperio in quibus non multa desiderem : dum hic, supervacuis praeceptis redundans, onerat discentes ; ille, nimia brevitate obscurus, praecipua omittit, et utilissimis rebus pueros defraudat ; uterque ordine impedito et difficili, quem imprimis apertum et facilem esse oportebat. » (« J’ai lu ces jours quelques ouvrages – aussi bien de grammaire que de dialectique. Maintenant que je les ai parcourus suffisamment, je ne regrette pas avoir écrit (cela) et je ne pense pas avoir consenti cet effort en vain : si rares en effet sont les ouvrages où je ne trouve rien à redire. Les uns débordent de règles inutiles et surchargent les étudiants ; les autres sont tellement concis qu’ils en deviennent incompréhensibles, omettant des choses essentielles et privant les enfants d’un tas de choses utiles. Les uns et les autres présentent une structure embarrassée et difficile, alors que celle-ci avant tout devrait être claire et transparente »). 449 Comme résultat issu de ce cours, il fit imprimer en 1561 chez Plantin à Anvers son De sphaera, et primis astronomiae rudimentis libellus, une plaquette in-octavo de 43 p. Voir Materiae promotionis, 1997, no 9. 450 Cf. Kuiper, 1941, pp. 169-180. 451 Cf. De Vocht, Valerius, p. 114, epist. 31, ll. 24-28 : « Quod ad me attinet, officio meo numquam deero ; idque studebo unum, ut compendiaria via ad optatam studiorum metam, bonis moribus excultus, et sana ornatus eruditione perveniat. » 452 vander Linden, 1908, pp. 35-36 : « Est quoque in Universitate a domino Jeronimo Busle[y]dio fundatum Collegium quod Trilingue appellatur: in quo tribus horis publice docetur, videlicet hora nona ante meridiem. Docet et explicat Latinos authores magister Cornelius Valerius, qui nunc docet Officia Ciceronis… » (« Il y a aussi à l’université un collège fondé par le sieur Jérôme Busleyden, qui est appelé le Collège des Trois Langues. Dans ce collège on donne trois heures de leçons publiques, c’est-à-dire à partir de 9 heures du matin. Le professeur Cornelius Valerius enseigne et explique les auteurs latins ; en ce moment [i.e. en 1568], il fait un cours sur le De officiis de Cicéron… »). 453 CCP IV, pp. 300-302, epist. 640 : « Quaeso ut continua opera, uti socer vester postremis litteris mihi promisit (cum scriberet Pimpontii commentaria in Virgilium brevi exitura esse: quae si iam sunt excusa, admodum videre velim, cum librum 5 Aeneidos post paucos dies sim explicaturus) reliqua nostra opuscula prosequamini. » (« Je vous demande de faire avancer avec un zèle sans faille nos autres ouvrages, comme votre beau-père me l’a promis dans sa dernière lettre, en disant que les commentaires sur Virgile de Pimpontius devaient paraître sous peu. S’ils sont déjà imprimés, j’aimerais beaucoup les voir, étant donné que je m’apprête à expliquer d’ici quelques jours le livre V de l’Enéide »). Voir aussi De Vocht, Valerius, pp. 396-397, epist. 197. 454 Kuiper, 1941, passim. 455 De Vocht, Valerius, p. 85.
456 Cf. Erasmus’ droom, 2017, no 88. 457 Le nom propre dans le titre du document en question est à lire comme « Pierii », non pas « Petri », étant donné que Valerius a basé son lexique sur les Castigationes et varietates Virgilianae lectionis (première impression à Rome : Blades Asulanus, 1521) de l’humaniste italien Pierio Valeriano (14771558). 458 Le lexique de Valerius est conservée à la KU Leuven, Universiteitsbibliotheek, Bijzondere Collecties, ms. 1179, ff. 4r-v, 7r-v, 8r-v, 67r-v et 69r-v. 459 Cf. ms. 1179, f. 4r. Merci à M. Christophe Geudens pour la transcription. 460 Flavius Sosipater Charisius était un grammairien du IVe siècle, auteur d’une Ars grammatica, travail de compilation en cinq livres. Cf. R. A. Kaster, « Charisius (RE 8), Flavius Sosipater », in The Oxford Classical Dictionary, Simon Hornblower & Antony Spawforth (éd.), Oxford 2012, p. 306. 461 Disponible en ligne via : http://digi.vatlib.it/view/MSS_Vat.lat.3867. 462 Pour plus d’informations sur Pierio Valeriano, voir : Julia Haig Gaisser, Pierio Valeriano, On the Ill Fortune of Learned Men. A Renaissance Humanist and His World, Ann Arbor 1999. 463 Cf. HCT II, pp. 232-236 (pour des informations sur la bibliothèque du Collegium Trilingue en général). 464 Cf. Nève, Mémoire, pp. 162-166 ; Valère André, 1614, p. 59. 465 Dans une lettre de 1585 adressée par Christophe d’Assonleville (ca. 1528-1507) à Henri van Cuyk (1546-1609), alors recteur de l’Université de Louvain, l’auteur s’efforçait de convaincre la direction de l’université de nommer Huysmannus comme professeur de latin au Collegium Trilingue. Il renvoyait entre autres au succès que son enseignement avait rencontré en Italie. Cf. Nève, Mémoire, pp. 164-165 (note 4). 466 Cf. Léon van der Essen L. & Herman F. Bouchery, « Waarom Justus Lipsius gevierd? », in Mededelingen van de Koninklijke Vlaamse Academie voor Wetenschappen, Letteren, en Schone Kunsten van België, Klasse der Letteren, 11, no. 8, Brussel 1949, p. 54 (note 94b) ; Nève, Mémoire, p. 166. Dans sa correspondance personnelle, Lipse se plaignit plus d’une fois sur le retard du versement de son salaire par le Trilingue ; cf. ILE VIII, 95 02 15 S ; 95 02 25 ; 95 03 20 HO. Voir aussi : Lipsius en Leuven, 1997, pp. 44-46 (no 5). 467 ILE VI, 93 02 12: « Bonae artes olim bonum et laudabile nomen, nunc in contemptum abierunt et paene in risum. En fructus civilium bellorum. […] Nostra studia quis curet inter arma? Itaque iacet haec schola, quae tamen conatur et caput leniter tollit. » 468 Cf. Lipsius en Leuven, 1997, pp. 160-163 (no 46) ; Jacqueline Jacobs, Justus Lipsius als Kommentator van Titus Livius (mémoire de licence non publié, KU Leuven, 1955). 469 Cf. Erasmus’ droom, 2017, no 85. 470 Cf. KU Leuven, Universiteitsbibliotheek, Bijzondere Collecties, CaaA1190. 471 L’autographe de Lipse est conservé à Leyde (Universiteitsbibliotheek, Bijzondere Collecties, ms. LIP 31), de même qu’une copie manuscrite des notes de cours d’un ancien élève, Antonius Persinius (ibid., BPL 2783). Pour une vue d’ensemble des différentes éditions de cet ouvrage, voir BBr, III, pp. 1096-1097. 472 Ces vues sont basées sur le mémoire de master non publié de Xander Feys, Lipsius, antiquarisch geleerde, doceert: een studie van de De magistratibus (KU Leuven, 2016).
notes 473 Cf. l’Academia Lovaniensis libri tres de Vernulaeus (Louvain: Philippe van Dormael, 1627), p. 145 : « Latinae linguae Professor hic primus fuit Hadrianus Barlandus ; deinde Conradus Goclenius, Petrus Nannius, Cornelius Valerius. Post hunc saevientibus bellis civilibus multos annos iacuit velut in squalore Collegium. Illud cum frustra ad pristinum decus revocare tentasset Guilielmus Huysmannus, professionemque suam deseruisset, tandem aliquot post annis eius restituendi author fuit Justus Lipsius, etsi cathedram hic non occuparit. Demum successor Lipsio datus est Erycius Puteanus, sub quo hodie florentissimum est Trilingue Collegium ». (« Le premier professeur de latin ici fut Adrien Barland, suivi de Conrad Goclenius, Pierre Nannius et Cornelius Valerius. Après ce dernier, le Collège se trouvait pendant de longues années comme dans un état de désolation, à cause des guerres civiles qui faisaient rage. Alors que Guillaume Huysmannus avait essayé en vain de rétablir le Collège dans sa gloire ancienne avant de renoncer à sa charge, c’est Lipse qui, quelques années plus tard, fut à l’origine du renouveau, alors qu’il n’a jamais occupa ici cette chaire. Finalement Erycius Puteanus fut nommé pour succéder à Lipse. Avec lui, le Collège des Trois Langues connaît maintenant un remarquable essor. ») 474 Pour ces années, voir entre autres Léon Van der Essen, « Les tribulations de l’Université de Louvain pendant le dernier quart du XVIe siècle », Bulletin de l’Institut historique belge de Rome, 2, 1922, pp. 61-86. 475 Nève, Mémoire, p. 198. 476 Lettre manuscrite de Thomas Lopez de Ulloa à Erycius Puteanus, s.d. (Gand, Universiteitsbibliotheek, hs. 3314, nr. 39). Pour une description des pièces et une édition partielle, voir Alphonse Roersch, « Quarante-trois lettres adressées à Erycius Puteanus. Répertoire analytique et chronologique », Mededeelingen van de Klasse der Letteren en der moreele en staatkundige Wetenschappen [der] Koninklijke Belgische Academie, 5de r., 29, 1943, pp. 8-31. 477 Erycius Puteanus, Martyremata academica (Leyde, 1618). Il serait intéressant de comparer cette liste sommaire (qui indique aussi des dates) avec les noms de ceux qui, au cours de ces mêmes années, prononçaient des discours à la pédagogie du « Porc », sous la direction de Vernulaeus (publiés dans Vernulaeus, Rhetorum collegii Porcensis orationes, Louvain, 1614) : chez l’un et l’autre, on retrouve beaucoup d’étudiants étrangers. 478 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 140 (et nos 101-102). 479 Cf. Justus Lipsius, De recta pronuntiatione Latinae linguae dialogus, éd. Élisabeth Dévière, Noctes Neolatinae, 7, Hildesheim – Zurich – New York 2007, pp. 76-83. Sur le même sujet, voir aussi Dirk Sacré, « Juste Lipse et la prononciation du latin », dans Juste Lipse (1547-1606) en son temps. Actes du Colloque de Strasbourg, 1994, Christian Mouchel (éd.), Paris 1996, pp. 117131. 480 Voir Simar, Puteanus, et maintenant aussi les Actes d’un congrès sur Puteanus dans Humanistica Lovaniensia, 49, 2000, pp. 167-421. Au sujet de son audience internationale : Stefan Rygiel, Puteanus und die Polen, Berlin 1913. Et sur son style : Jeroen Jansen, « A Balance of Extremes: The Stylistics of Erycius Puteanus », Humanistica Lovaniensia, 49, 2000, pp. 279-292. Voir aussi Erasmus’ droom, 2017, nos 100-114 (et les références bibliographiques). 481 Sur Vernulaeus (en laissant de côté la figure de du poète dramatique), voir Joost Depuydt, Nicolaus Vernulaeus (1583-1649). Een bio-bibliografische studie (Mémoire de licence non publié, KU Leuven, 1991) ; Id., « The List of leges peregrinationis by Nicolaus Vernulaeus (1583-1649) », Lias, 19, 1992, pp. 21-33 ; Veronika Coroleu Oberparleiter, « Nicolaus Vernulaeus’ Darstellung der Habsburger: Apologia, virtutes und Historia Austriaca, mit einem
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Exkurs über die Methodus legendi historias », Humanistica Lovaniensia, 56, 2007, pp. 233- 270 ; et surtout Erik De Bom – Toon Van Houdt, « Politieke welsprekendheid heruitgevonden. Nicolaus Vernulaeus over redekunst voor raadgevers en diplomaten », Kleio, 45, 2015-2016, pp. 146-164 ; iid., « The Artistry of Civil Life. Deliberative Rhetoric and Political Pedagogy in the The Works of Nicolaus Vernulaeus (1583-1649) », Rhetorica, 35 (2017), 259-284 ; voir aussi Erasmus’ droom, 2017, nos 116-122. 482 Antonius Dave, Oratio in funere clarissimi viri Nicolai Vernulaei (Louvain, 1649), f. C2r. 483 Dave, Oratio in funere, f. B2r, dit que pour lui sa maison n’était pas tellement un lieu d’habitation, mais une sorte d’école publique, dans laquelle il enseignait ; et non pas seulement durant une heure seulement, mais du matin au soir, souvent devant une foule d’étudiants distingués et nobles, qui arrivaient chez lui de tous les coins du monde. 484 Nicolaus Vernulaeus, Academia Lovaniensis, éd. Christianus Langendonck (Louvain: P. Sassenus, 1667), p. 75. À cet endroit, Van Langendonck a inséré un fragment du discours inaugural qu’il avait tenu au Collège Trilingue en 1664 déjà et où, avec le topos de la « modestia », il se range dans la tradition des professeurs de latin, de Barland à Heymbach. 485 Voir Bernardus Heymbachius, Diatriba historico-politica de nupera Vegerrae apud Sunicos seu urbis Aquensis deflagratione (Louvain : H. Nempaeus, 1657), préface (25 mars 1657), p. 4. Au sujet de Heymbach ((von) Heymbach), voir Erasmus’ droom, 2017, no 123. 486 Cf. Els Vandeput, “Het florisantste college van Vlaenderen en Brabant”: het H.-Drievuldigheidscollege te Leuven, 1657-1798 (Mémoire de licence non publié, KU Leuven, 1990), passim. 487 Voir Paquot, III, pp. 406-407. 488 Epicedion, dum (…) Dominico Snellaerts (…) solemniter parentat Lovanii Academia Lovaniensis ([Louvain] : s.n., [1720]). 489 Pour Snellaerts, voir Erasmus’ droom, 2017, no 124. 490 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 125 pour la bibliographie réduite sur Gautius. 491 Sur Désirant, voir par ex. (Nicolas Petit-Pied), Le Père Desirant ou histoire de la fourberie de Louvain (s. l., 1710) ; F.-V. Goethals, Lectures relatives à l’histoire des sciences, des arts, des lettres, des mœurs et de la politique en Belgique, 1, Bruxelles 1837, pp. 200-218 ; A. de Meijer, « De Brugse Augustijnen Franciscus van Muenincxhove (1659-1736) en Bernardus Désirant (1656-1725) », Augustiniana, 23, 1973, pp. 5-117 ; 550 jaar Universiteit, 1976, pp. 311-313 ; Erasmus’ droom, 2017, no 126. 492 (Emiel Lamberts – Jan Roegiers), De universiteit te Leuven 14251985, Louvain 1986, p. 75. 493 Cf. Pierre Swiggers, « Capitalizing Multilingual Competence. Language Learning and Teaching in the Early Modern Period », in Multilingualism, Nationhood, and Cultural Identity: Northern Europe 16th-19th Centuries, Willem Frijhoff – Marie-Christine Kok Escalle – Karène Sanchez-Summerer (éd.), Amsterdam 2017, pp. 49-75. Voir pour le contexte Willem Frijhoff, Meertaligheid in de Gouden Eeuw. Een verkenning, Mededeling van de Afd. Letterkunde [van de] Kon. Nederlandse Akademie van Wetenschappen, n.r., 73/2, Amsterdam 2010. Cf. Erasmus’ droom, 2017, no 95. 494 Cela correspondait à une tradition : voir par ex. Jan De Clercq, « La Grammaire françoise (1557) de Gabriel Meurier », in Grammaire et enseignement du français 1500-1700, pp. 237-276 (p. 261). La tripartition de la grammaire
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n’était certainement pas une innovation due à De Pratel: cf. par ex. Pierre Swiggers, « Les débuts de la grammaticographie française à Strasbourg : la Grammatica Gallica de Jo(h)annes Serreius », ibid., pp. 425-459 (p. 431). 495 Cf. Martin Martens, « Notice sur Servais Augustin de Villers, docteur et professeur en médecine », Annuaire de l’Université catholique de Louvain, 5, 1841, pp. 125-137 ; Reusens, Documents, IV, pp. 548-551 ; 550 jaar Universiteit, 1976, no 389. 496 En 1721-1722, Lambert de Jeneffe (ca. 1699-1753), un théologien peu connu, originaire de Huy, occupa la chaire de latin. Après avoir obtenu le doctorat en théologie (1732), il fut nommé president du Collège d’Arras (1738). Voir Nève, Mémoire, p. 193. 497 Ces considérations méthodologiques se trouvent dans la préface (et l’appendice à la préface) à son Prodromus Danielicus (Louvain : Fr. Vande Velde, [1711]). 498 Pour Kerkherdere, voir Erasmus’ droom, 2017, nos 127-128. 499 Nos remerciements vont à Jeanine De Landtsheer, Matthias Meirlaen et Aagje Van Cauwelaert pour leurs conseils bibliographiques. Nous remercions vivement les auteurs des autres contributions : la collaboration avec eux fut stimulante, féconde et agréable. Nous tenons à remercier chaleureusement Lambert Isebaert pour son méticuleux travail de traduction. 500 Voir au sujet des données limitées concernant la Faculté des Arts : vander Linden, 1908, pp. 9-36 (surtout p. 9). 501 Les nombreux écrits du professeur suppléant Hugues Babet ont été perdus (d’après le témoignage de son neveu) ; la bibliothèque de Thierry Langius fut léguée par testament au Collège des Trois Langues. 502 La correspondance étendue (partiellement en grec ; voir : Herman Jozef Allard, Antonius van Gils en de kerkelijke gebeurtenissen van zijn tijd, Boisle-Duc 1875, p. 8) et les manuscrits du dernier titulaire, Antoine van Gils, sont aujourd’hui conservés aux archives épiscopales de Bois-le-Duc, inaccessibles depuis 2012 pour une période indéterminée. De plus, la vaste correspondance du confident de Philippe II, le cardinal Antoine Perrenot de Granvelle (15171586), est toujours inédite. Du temps de ses études et au début de sa carrière, celui-ci échangea de nombreuses lettres avec les coryphées du Collège des Trois Langues telles qu’Amerot, Goclenius et Nannius. 503 Dans la bibliographie au sujet de Gu(i)lielmus Fabius, quatrième professeur de grec, on signale systématiquement un « épitomé » de la syntaxe grecque, basé sur l’œuvre de Jean Varennius. Cet épitomé aurait été imprimé en 1584 à Anvers, chez un certain And. Baius/Baxius. La seule édition de l’œuvre de Varennius dont nous sommes certains qu’elle parut à cette période à Anvers est sortie des presses de Christophe Plantin en 1578. Il pourrait donc s’agir d’une édition fantôme, même si certains auteurs contemporains donnent l’impression d’avoir consulté l’ouvrage. 504 Voir Silvano, 2017, p. 250. 505 Voir la préface de Jan Papy dans ce volume pour une présentation de synthèse. Nous rejoignons Victor Tourneur quand celui-ci affirme qu’il n’est pas toujours clair sur quelles sources Nève s’est basé pour ses conclusions : voir Victor Tourneur, « La médaille de Guilielmus Fabius de Steven van Herwyck », Revue belge de numismatique et de sigillographie, 94, 1948, pp. 101-104, p. 104. 506 Cela équivaut à l’expression française : « C’est du chinois pour moi ». Voir aussi Pascal Boulhol, « Grec Langaige n’est pas Doulz au François »: L’étude et l’enseignement du grec dans la France ancienne (IVe siècle - 1530), Aixen-Provence 2014, p. 6.
507 Sur l’étude du grec dans l’Europe médiévale en général et en France au particulier, voir Boulhol, Grec Langaige, avec d’autres références. Pour la première et seule édition de la grammaire grecque de Bacon, voir Edmond Nolan & S.A. Hirsch (éd.), The Greek Grammar of Roger Bacon and a Fragment of His Hebrew Grammar, Cambridge 1902. 508 Epistolae familiares, 18, 2, 9: « Homerus […] apud me mutus, imo vero ego apud illum surdus sum. » Sur les tentatives (désespérées) de Pétrarque et de Boccace d’apprendre le grec, voir par exemple Federica Ciccolella, Donati Graeci : Learning Greek in the Renaissance, Leyde - Boston 2008, pp. 97-99. 509 Sur l’afflux de Byzantins en Europe occidentale, voir entre autres Jonathan Harris, Greek Emigres in the West, 1400-1520, Camberley 1995. 510 Pour un excellent aperçu concernant ces grammaires, voir Paul Botley, Learning Greek in Western Europe, 1396-1529. Grammars, Lexica, and Classroom Texts, Philadelphie 2010. Pour les manuels de grec, voir aussi Ciccolella, Donati Graeci. Voir aussi Erasmus’ droom, 2017, nos 133-134, 136-138. 511 L’exemple le plus connu est le lexique de Giovanni Crastone (ca. 1415après 1496/97), publié au plus tard en mars 1478, ouvrage qui a connu de nombreuses rééditions et adaptations. 512 Sur la vie et l’œuvre de Musuros, voir l’étude approfondie de Luigi Ferreri, L’Italia degli umanisti : Marco Musuro, Turnhout 2014. 513 Voir la synthèse dans Ferreri, Marco Musuro, pp. 427-454. 514 Sur la vie et l’œuvre d’Aléandre, voir par exemple Jules Paquier, L’humanisme & la réforme : Jérôme Aléandre de sa naissance à la fin de son séjour à Brindes (1480-1529), avec son portrait, ses armes, un fac-simile de son écriture et un catalogue de ses œuvres, Paris 1900. 515 Pour le début des études grecques en France et en particulier la contribution de Tissard et Aléandre, voir Jovy, François Tissard et Jérôme Aléandre. 516 Un des élèves d’Aléandre, l’Allemand Johann(es) Kierher, parle dans ce contexte d’un exercitus numerosissimus. Deux heures avant le début des leçons, tous les sièges étaient souvent déjà occupés : le maître avait acquis un statut de vedette et, selon ses propres dires, quand il se promenait en ville, il était souvent reconnu et salué par ses admirateurs. Parfois, jusqu’à 2000 auditeurs auraient assisté à ses leçons. Voir Alphonse Roersch, « Aleandrina », Revue belge de philologie et d’histoire, 20, 1, 1941, pp. 111-116 (surtout p. 114). 517 Voir Erasmus’ droom, 2017, nos 137-138, 159. 518 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 136. 519 Sur Agricola et ses études grecques, voir Jozef IJsewijn, « Agricola as a Greek scholar », dans Fokke Akkerman & Arie Johan Vanderjagt (éd.), Rodolphus Agricola Phrisius (1444-1485), Leyde 1988, pp. 21-37. Sur Hegius, voir par exemple CE, 2, p. 173 ; Jan Cornelis Bedaux, Hegius poeta. Het leven en de Latijnse gedichten van Alexander Hegius, Leyde 1998. Pour une bonne appréciation de l’enseignement du grec par Hegius, voir Petrus N. M. Bot, Humanisme en onderwijs in Nederland, Utrecht - Anvers 1955, pp. 182-185. 520 Voir HCT, 1, pp. 271-273. 521 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 142. 522 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 153. 523 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 159. Sur la carrière d’Amerot en tant que professeur de grec, voir Raf Van Rooy, « A Professor at Work : Hadrianus Amerotius (1490s-1560) and the Study of Greek in Sixteenth-Century Louvain », dans Natasha Constantinidou & Han Lamers (éd.), Receptions of Hellenism in Early Modern Europe : Transmission, Representation, and Exchange, Leyde Boston [à paraître].
notes 524 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 136. 525 Le manque de candidats était dû en partie aussi au fait que le grec était souvent associé à des croyances hérétiques (voir plus bas). 526 Voir HCT, 1, pp. 27-29 (testament de Busleyden) ; pp. 277-283 (choix du professeur de grec) ; pp. 293-294 (engagement de Rescius) ; 2, pp. 323324 (leçons privées prodiguées par Teyng à Rescius). 527 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 53. 528 François Secret, « Fasciculus Lovaniensis », Revue d’Histoire Ecclésiastique, 62, 1, 1967, pp. 70-75, pp. 70-71. 529 Sur Babet et son rapport avec le Collège des Trois Langues, Adrien Amerot et Antoine Perrenot de Granvelle, voir aussi Daniel Antony, « Les percepteurs [sic pro précepteurs] d’Antoine Perrenot de Granvelle », Mémoires de la Société d’Émulation du Doubs, 26 [Nouvelle série], 1984, pp. 37-57, pp. 53-57. Babet fut aussi le premier à donner des cours de grec et d’hébreu à l’Université de Dôle en 1520. 530 Reusens, Documents, IV, p. 526. 531 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 151. 532 Voir la contribution de Xander Feys & Dirk Sacré dans ce volume, p. 126. 533 Voir Jovy, François Tissard et Jérôme Aléandre, I, p. 314. 534 Voir Erasmus’ droom, 2017, nos 141, 147, 155. 535 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 141. 536 Voir HCT, 3, p. 129, où Érasme est cité : « Sed ille totus ad quaestum spectat, et graviter perdit istud Collegium! » Rescius avait créé encore d’autres problèmes : contrairement à l’usage, il avait déménagé du Collegium Trilingue après son mariage (voir Erasmus’ droom, 2017, no 139), mettant ainsi fin au contubernium souhaité par Érasme et Busleyden. De plus, il faisait tout pour obtenir la rémunération qu’il estimait lui être due et, en 1527, il se vantait d’avoir reçu une offre du roi de France pour devenir professeur de grec au Collège royal, qui était en projet (et fut fondé finalement en 1530). 537 Par exemple à l’aide des Meditationes de Clénard, un manuel d’autoapprentissage du grec (voir Erasmus’ droom, 2017, no 147). Érasme avait appris la langue essentiellement en autodidacte, même s’il s’était acquis quelques notions de base auprès d’Hegius à Deventer. 538 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 161. 539 Amerot enseignait la langue de façon non officielle à partir de 1514 à la pédagogie du « Lys », alors que Jean van der Cruyce (Crucius) y donnait cours officiellement à partir de 1528. Amerot fit aussi des cours de grec à la pédagogie du « Château » en 1542-45 et Henri Zoësius vers 1597 au « Faucon », avant qu’il n’occupât, pour un bref temps, la chaire de grec au Collège des Trois Langues. Voir à ce sujet Reusens, Documents, IV, p. 406. Le grec fut enseigné aussi en dehors des pédagogies, par exemple par Pierre Nannius dans la salle du couvent des frères augustins (voir Erasmus’ droom, 2017, no 151). 540 Vander Linden, 1908, pp. 29, 31 et 33. Le manuel de Clénard était particulièrement populaire dans les écoles latines des Pays-Bas septentrionaux où le grec était enseigné : voir Bot, Humanisme en onderwijs in Nederland, p. 201. 541 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 154 pour le Collège de Gand. D’après le marchand italien Lodovico Guicciardini, pas moins de sept écoles proposaient le grec à Gand vers 1560. À Anvers, ce sont les jésuites qui semblent avoir eu le monopole de l’enseignement du grec : ce n’est qu’après la suppression
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de la Compagnie de Jésus que les augustins ont pu reprendre les cours de grec. Voir Hilde de Ridder-Symoens, « Het onderwijs te Antwerpen in de zeventiende eeuw », Antwerpen in de XVIIde eeuw, Anvers 1989, pp. 221-250. Pour les écoles qui offraient le grec au XVIe siècle dans les Pays-Bas septentrionaux, voir Bot, Humanisme en onderwijs in Nederland, pp. 185-190. Bot insiste sur le fait que l’enseignement du grec dans ces écoles se faisait au début dans des conditions fort précaires et fut souvent de courte durée (voir pp. 188-189). 542 Le Brugeois André Hoius (1551-1635), professeur de Valère André, était actif comme helléniste à l’Université de Douai. Voir Van der Aa, vol. 8/2, p. 975 ; Dirk Sacré, « Andreas Hoius’ sterfjaar (met een noot over zijn familie) », De Biekorf, 94, 1994, pp. 387-392 ; Dirk Sacré, « Een onbekende autograaf van Andreas Hoius », De Biekorf, 95, 1995, pp. 339-342. 543 René Hoven, « Enseignement du grec et livres scolaires dans les anciens Pays-Bas et la Principauté de Liège de 1483 à 1600. Deuxième partie : 1551-1600 », Gutenberg-Jahrbuch, 55, 1980, pp. 118-126 (p. 126). 544 Voir Bot, Humanisme en onderwijs in Nederland, pp. 201-204. Cette « méthode inductive » est l’approche standard aussi pour les cours d’hébreu, même si le niveau y semble avoir été un peu moins élevé par rapport aux leçons de grec : voir la contribution de Pierre Van Hecke dans ce volume. 545 Aussi bien Adrien Amerot que Suffridus Petri étaient licenciés en droit civil et en droit canonique, alors que Rescius imprimait des textes juridiques grecs, ce qui lui valut une querelle avec la Faculté de Droit (voir Erasmus’ droom, 2017, nos 143, 150). 546 Erycius Puteanus, Ad Constantinum Hugenium et Danielem Heinsium […] epistolae, Leyde, ex officina Francisci Hackii, 1647, p. 10. Voir par exemple ILE 95 08 06 K, 95 08 09 M, 95 11 20. 547 Valère André, Fasti academici studii generalis Lovaniensis : id est, origo & institutio, rectores, cancellarij, conservatores, doctores & professores, fundatores & benefactores, res [at]que aliquot memorabiles ejusdem Universitatis, Louvain, apud Hieronymum Nempaeum, 1650, p. 202. 548 À la Bibliothèque Royale de Belgique sont conservés aujourd’hui des manuscrits juridiques de Corselius et de Zoësius. 549 Jacques Britz, Histoire de la jurisprudence et de la législation des PaysBas et des principautés de Liège, de Bouillon et de Stavelot, Bruxelles 1847, pp. 151 et 235. 550 Il est sans doute symptomatique qu’aucune des épitaphes de ces professeurs n’évoque la chaire de grec. Cf. André, Fasti academici studii generalis Lovaniensis, pp. 202-203 et 205. 551 Valère André, « Oratio auspicalis Lovanii Kal. Octobris An. 1636 », dans Erycius Puteanus (éd.), Auspicia Bibliothecae Publicae Lovaniensis […], Louvain, typis Everardi de Witte, 1639, pp. 3-18, p. 10. 552 Jean Lamus (éd.), Ioannis Meursii operum volumen undecimum: Ioannis Meursii et aliorum ad eum scriptae epistolae, Florence, Regis magni Etruriae ducis typis, apud Tartinium, et Franchium, 1762, pp. 297-298. Castellanus, par l’intermédiaire de Puteanus, était aussi en contact avec le célèbre philologue et professeur de grec Gérard Vossius (1577-1649). 553 « Quae est eiuscemodi, ut me non patiatur totum hisce studiis occupari, si quam modo curam habere velim τῶν πρὸς τ’ ἄλφιτα. Philosophia et medicina me totum occupant, et in hac laurea (quam vocant licentiae) ante sex annos donatus, nunc supremum gradum cogito. Sed quod me pessime habet, nec has disciplinas ex animi sententia tractare mihi licet. Graecum
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auctorem, Graecam aut sententiam adlegare, non ridiculum modo, sed piaculum est ; quod ut a scholis hactenus ab ista labe puris averruncetur, egregie curant. Quare apud nos si aliquid esse velim, omnino δεῖ βαρβαρίζειν. Sensi enim nuper in petitione lectionis medicae, hoc unum mihi obfuisse, quod ex Graecarum literarum professore (nam hoc unum obiiciebatur, ut adolescens et purioris philosophiae, et omnis literaturae prorsus ignarus mihi praeponeretur ; sed post talem repulsam pila ludere non detrectassem) factus essem medicus. Quasi Hippocrates et Galenus iam linguae suae obliti ex interpretum silva tantum saperent » (Lamus, Ioannis Meursii operum volumen undecimum, p. 304). 554 Voir par exemple Heymbach dans André Bouwens, Iuris iustitiaeque usus et abusus. Exemplis et documentis ex omni aevo demonstrati, Liège, ex officina typographica Henrici & Ioannis Mathiae Hoviorum, 1655, sig. D.1r : « Historiarum Professor publ. & ordinar ». Voir Nève, 1856, p. 184 ; Van der Aa, vol. 8/1, p. 785. 555 A. J. N., « Mémoire historique et littéraire sur le Collège des TroisLangues à l’Université de Louvain, par Félix Nève, […] », Revue catholique, recueil religieux, philosophique, scientifique, historique et littéraire, 14, 1856, p. 700. C’est un lieu commun dans l’historiographie de nos pays qu’une période de décadence survint après la mort de l’archiduc Albert (1559-1621), qui avait épousé sa nièce Isabelle (1566-1633) ; cf. Dirk Leyder, Pour le bien des lettres et de la chose publique: Maria-Theresia, Josef II en de humaniora in hun Nederlandse Provincies, Bruxelles 2010, p. 71. 556 François Martin se présentait au début du XVIIIe siècle comme « Koninklyken Professor van de H. Schriftuur, Doctoor en Regent van de H. Godtsgeleertheyt en openbaren Leermeester der Grieksche Tale binnen de Universiteyt van Loven. » Voir Het Nieuwe Testament van onzen Heere Jesus Christus, vertaelt volgens de gemeyne Latynsche overzettinge […], Anvers - Gand, by Franciscus Muller & by Franciscus en Dominicus vander Ween, 1717, pages liminaires. Jean-Baptiste Zegers est également désigné en 1785 comme « ancien professeur royal de grec » (olim linguae Graecae professor regius ; voir Erasmus’ droom, 2017, no 175). Ces cumuls à grande échelle ne se limitaient pas au grec : les professeurs d’hébreu et de latin péchaient par les mêmes défauts. Voir les contributions de Pierre Van Hecke et de Xander Feys/Dirk Sacré dans ce recueil. 557 Pourtant une centaine des livres sur les deux mille qu’il possédait étaient imprimés entièrement ou partiellement en grec : il ne s’agit pas seulement de grammaires élémentaires ou de lexiques, mais aussi d’éditions de la Septante, du Nouveau Testament, des Pères de l’Église et de nombreux auteurs profanes (voir Erasmus’ droom, 2017, no 175). 558 Voir Louvain, Rijksarchief, Fonds Oude Universiteit, no 1443, f. 19, et Erasmus’ droom, 2017, no 172. 559 Voir Louvain, Rijksarchief, Fonds Oude Universiteit, no 1443, f. 17v. 560 Voir Louvain, Rijksarchief, Fonds Oude Universiteit, no 1444. Voir aussi Nève, 1856, passim. 561 Reusens, Documents, IV, p. 520. 562 Bot, Humanisme en onderwijs in Nederland, pp. 195-196. 563 Pour Xénophon, voir Erasmus’ droom, 2017, no 141. Pour Homère, voir Erasmus’ droom, 2017, nos 145 et 149 et HCT, 3, p. 113. Pour Théophile l’Antécesseur, voir Erasmus’ droom, 2017, no 150. Pour Lucien, voir Erasmus’ droom, 2017, no 156. Il se peut qu’en 1532-33, Rescius ait fait aussi un cours sur des traités de Basile le Grand, à la demande d’Érasme, voir HCT, 3, pp. 107-108.
564 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 156. 565 Vander Linden, 1908, p. 36. Langius a copié également un manuscrit de Hésiode, dans lequel Guillaume Canter trouva la confirmation d’une correction qu’il avait apportée. Voir Guillaume Canter, Novarum lectionum libri octo. Editio tertia, recens aucta. Eiusdem De ratione emendandi Graeco auctores syntagma, recens item auctum, Anvers, ex officina Christophori Plantini, regij prototypographi, 1571, p. 350. 566 Petri l’indique lui-même dans la praefatio à ses cours sur Plutarque : voir Leeuwarden, Tresoar, 9056 Hs E, f. 160v. 567 Pour le cours de Langius sur Sophocle, voir Erasmus’ droom, 2017, no 162. Pour les cours de Petri sur Plutarque et Basile, voir Erasmus’ droom, 2017, nos 164-165. 568 L’exemplaire en question, que la recherche a négligé jusqu’à présent, est conservé à Paris, Bibliothèque nationale de France, RES P-YB-12 (2). Tout porte à croire que Corselius hérita l’ouvrage de son oncle, le professeur et juriste liégeois Jean Wamesius (1524-1590), qui étudia probablement au Collegium Trilingue à l’époque de Rescius et/ou Amerot et dont Corselius publia l’œuvre à titre posthume. Voir BN, 27, pp. 83-85. 569 Voir Raf Van Rooy, « ‘Plutarque dialectologue’ : La pseudo-autorité de Plutarque dans le discours sur les dialectes grecs à la Renaissance (ca. 14001670) », Revue belge de philologie et d’histoire [à paraître]. 570 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 156. 571 Cf. HCT, 2, pp. 7-11 et 116-118. Voir aussi Adam & Vanautgaerden, pp. 122 et 178-179 ; Erasmus’ droom, 2017, nos 129 et 136. 572 Un cahier de notes d’un étudiant datant de la période initiale du Collège, nous apprend qu’un exemplaire de la comédie La Paix d’Aristophane fut acquis pour deux sous. Voir Coppens, A Student’s Reading, pp. 155-161. 573 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 148. 574 Voir supra. L’œuvre de Théocrite fit également l’objet d’explications par Marc Musuros dans ses cours à Padoue (voir Ferreri, Marco Musuro, pp. 442-443). Aléandre était donc peut-être inspiré à son tour par son ancien professeur. 575 Hoven, « Enseignement du grec », p. 126. 576 Cf. Ciccolella, Donati Graeci, p. 138. 577 Voir HCT, 1, p. 27 : « tam Christianos quam morales ac alios probatos auctores ». 578 Pour un document contemporain réapparu récemment, voir aussi Coppens, A Student’s Reading. 579 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 149. 580 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 156. 581 Voir Erasmus’ droom, 2017, nos 164-165. 582 [Geeraert Brandt], Beschryving en lof der Stadt Enkhuisen, Enkhuizen, gedrukt bij Egbert van den Hoof, 1666, p. 22 : « de kruk moest gebruiken en sijne oogen schemerden ». 583 Voir J. G. Ottema, « Over het leven van Suffridus Petrus Leovardiensis », De Vrije Fries, pp. 413-471, pp. 422-423. 584 Voir Erasmus’ droom, 2017, nos 164-165. Il se peut qu’il ait donné également des cours sur Pindare à Louvain, mais probablement pas au Collegium Trilingue (pace Nève, 1856, p. 211 ; Pascale Hummel, « Pindarica inedita : Suffridus Petri (1527-1597) et la poésie de Pindare », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 60, 2, 1998, pp. 425-431, p. 429). Voir Leeuwarden, Tresoar, Hs 1166 Plank 1.16.3.
notes 585 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 162. 586 Voir Roger Ascham, The Whole Works of Roger Ascham, Now First Collected and Revised, with a Life of the Author, Londres 1865, vol. 1/2, pp. 248249. 587 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 161. 588 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 147. 589 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 141. 590 Voir Erasmus’ droom, 2017, nos 156 et 164-165. 591 Voir Leeuwarden, Tresoar, 9056 Hs E, ff. 157r-v: « Nam sane cum vir doctissimus ac de Republica literaria optimus meritus, dominus Theodoricus Langius adversa valetudine correptus a me petiisset, ut quoad convalesceret, vices ipsius subirem in professione linguae Graecae, visus mihi fui non uno gratitudinis titulo teneri ad praestandum id quod rogabar. Hic enim is est, qui me olim non solum adolescentem suis praelectionibus publice ac privatim erudivit, sed etiam progressu temporis ad publica lectionum exercitia in hac universitate suscipienda consilio suo exortatus est, sua commendatione laborantem adiuvit, auxilio sublevavit, nec cessavit unquam, donec velut ad summum studiorum fastigium, hoc est ad publicam utriusque linguae professionem, in celeberrima Academia Erphordiensi consequendam promovisset, ut non immerito impius, nedum ingratus videri queam, si tot ac tantorum beneficiorum acceptorum immemor, tantillum officii et seni et aegroto flagitanti negem. » Voir aussi Erasmus’ droom, 2017, no 164. 592 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 165. 593 « Divus Basilius Magnus docet totum opus Homeri nihil aliud esse quam laudem virtutis. Unde etiam a Christianis legendum. » Voir Erasmus’ droom, 2017, no 149. 594 « […] mihi […] praereptam occasionem sentiam, latius atque diffusius, ut fieri consuevit, προοιμιάζειν. » Voir Erasmus’ droom, 2017, no 156. 595 Dans le contexte de son cours sur Lucien « in scolis medicorum », Suffridus Petri note par exemple : « […] cuiusque lectionis sententiam primo summatim explicemus ac praemittamus. » Voir infra, n. 609. 596 Pour la contribution de Reuchlin aux études grecques, voir par exemple Christian Förstel, « Die griechische Grammatik im Umkreis Reuchlins: Untersuchungen zur ‘Wanderung’ der griechischen Studien von Italien nach Deutschland », dans Gerald Dörner (éd.), Reuchlin und Italien, Stuttgart 1999, pp. 45-56. 597 Voir à ce sujet Ingram Bywater, The Erasmian Pronunciation of Greek and its Precursors : Jerome Aleander, Aldus Manutius, Antonio of Lebrixa, Londres Oxford 1908. 598 Bywater réfute l’histoire de façon plausible (ibid., pp. 8-10). Pour une réfutation toute récente et détaillée, voir aussi Jody A. Barnard, « The ‘Erasmian’ Pronunciation of Greek : Whose Error Is It? », Erasmus Studies, 37, 1, 2017, pp. 109-132. 599 Voir John Alfred Faulkner, Erasmus : The Scholar, Cincinatti - New York 1907, p. 234 ; Barnard, « The ‘Erasmian’ Pronunciation of Greek », pp. 113114. 600 « […] deinde utraque pronuntiatione, hoc est erasmica et vulgari, semel eandem [sc. sententiam] recitemus, vulgari tamen inter docendum usuri […]. » Voir note 609 pour la citation complète. 601 « […] saepe miratus sum Theodor. Langium collegii Buslidiani, apud Lovanienses Graecum professorem, virum doctissimum, in μοι, σοι, τοι, οἴμοι et paucis aliis veterem pronuntiationem perpetuo retinere, in reliquis
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vero hanc diphthongum οι cum vulgo sonare ut ι, cum ubique eadem sit ratio » (Adolphus Mekerchus, De veteri et recta pronuntiatione linguae Graecae commentarius […]. Accessit Appendix de Graecorum accentibus, cum scholiis, Bruges, excudebat Hubertus Goltzius, 1565, p. 143). 602 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 162. 603 Voir Jean Hubert Joseph Leemput, Institutiones linguae Graecae, ad analysin potissimum comparatae, Louvain, typis academicis, 1797 (deuxième édition), p. 3 : « Vocalis η pronuntiatur fere ut ê in Gallico fête, nisi quod magis imitetur sonum ovis balantis. » 604 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 151. 605 Ce qui suit est essentiellement basé sur Erasmus’ droom, 2017, no 149. 606 Sur les procédés de l’étymologie prémoderne, voir Claude Buridant (éd.), L’étymologie de l’Antiquité à la Renaissance, Lille 1998. 607 Pourtant, pour ne citer que ce seul exemple, Aléandre, le maître de Rescius et d’Amerot, avait régulièrement composé des œuvres grecques en prose et en poésie. 608 « […] mox absoluta hac, quam meditatus est accuratissime Libanius, Paridis per Menelaum accusatione nos ipsi ex adverso Paridem se non armis sed legibus ac aequitate protegentem, non ut apud Homerum ἀλκίμου ἔγχους ἢ ξίφου [sic] ἀργυροήλου praesidiis, sed eloquentiae viribus fretum, vestris conspectibus exhibebimus, tum ut prooemii nostri brevitas hoc modo pensetur ; tum ut a vobis haec longe pulcherrima eloquentissimi scriptoris declamatio maiori cum fructu ac voluptate audiatur. » Voir Erasmus’ droom, 2017, no 156. 609 Voir Leeuwarden, Tresoar, 9056 Hs E, ff. 124v-125r : « Reliquum igitur nunc est ut ad operis explicationem procedamus in qua eum ordinem potissimum observabimus, ut cuiusque lectionis sententiam primo summatim explicemus ac praemittamus, deinde utraque pronuntiatione, hoc est erasmica et vulgari, semel eandem recitemus, vulgari tamen inter docendum usuri, tum ut iuxta grammaticorum canones exacta interpretatione ad vivum omnia resecemus, deinde partes orationes earumque formationes ad regulas grammaticas diligenter accommodemus, postremo fabularum originem, paroemiarum usum, argumentorum seriem, rhetorices artificium et quaecumque alia fuerint obvia rerum memorabilium lumina indicemus. » Voir aussi l’explication un peu plus recherchée dans la praefatio à une œuvre de Plutarque (Leeuwarden, Tresoar, 9056 Hs E, f. 160v), qui pourrait attester un niveau plus élevé que celui des cours « in scolis medicorum ». Au sujet du manque d’interaction dans cette méthode dite « acroamatique », voir Bot, Humanisme en onderwijs in Nederland, p. 53. 610 Voir Silvano, 2017, p. 262 : « For humanist teachers, literal translation was the standard method of approach to Greek texts. » Des traductions interlinéaires mot à mot se trouvent aussi dans les notes de cours d’hébreu au Trilingue : voir la contribution de Pierre Van Hecke dans ce volume. 611 Voir Ferreri, Marco Musuro, pp. 434-436. Les praelectiones de Musuros sont cependant nettement plus réduites que celles de Suffridus Petri. 612 Voir par exemple Ferreri, Marco Musuro, pp. 430-431, 435 et 438. On peut admettre, avec une certaine plausibilité, qu’Aléandre concevait ses cours à Paris de la même manière, mais des recherches complémentaires seraient nécessaires pour l’affirmer avec certitude. Sur la place d’Aléandre dans l’histoire des études grecques en France, voir Jovy, François Tissard et Jérôme Aléandre, vol. I-II. Jovy ne s’intéresse cependant guère aux méthodes d’enseignement d’Aléandre et se concentre sur les faits historiques.
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notes
613 G. J. Luhrmann, Jan Noordegraaf & Frank Vonk, Studies in Humanist and Rational Grammar. With the 1752 Edition of Joannes Daniel van Lennep, Oratio inauguralis, de linguarum analogia, ex analogicis mentis actionibus probata, Münster 2006. 614 Luhrmann, Noordegraaf & Vonk, Studies in Humanist and Rational Grammar, pp. 58-59. Au sujet de la Schola Hemsterhusiana, voir par exemple Jan Noordegraaf, « The Schola Hemsterhusiana Revisited », dans The Dutch Pendulum. Linguistics in the Netherlands, 1740-1900, Münster 1996, pp. 23-55. 615 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 175. 616 Voir Matthias Meirlaen, Revoluties in de klas. Secundair geschiedenisonderwijs in de Zuidelijke Nederlanden, 1750-1850, Louvain 2014, pp. 39 et 40 ; Eddy Put, « De hervorming van het Leuvense H. Drievuldigheidscollege in 1755 », dans Onderwijs & opvoeding in de achttiende eeuw. Verslag van het symposium, Doesburg, Amsterdam 1983, pp. 85-92. 617 Meirlaen, Revoluties in de klas, p. 55. 618 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 173. 619 Leyder, Pour le bien des lettres et de la chose publique, p. 26. 620 « Om dat de kennis van die tael in deze landen zoo deêrlyk vervallen is ; om dat door veele onkundige menschen een onredelyk voor-oordeel tegen dezelve is opgevat, en aen de kinderen eene soort van afkeer word ingeboezemt ; zoo heeft men goed gevonden de studie van het grieksch zoo gemaklyk te maeken als immers mogelyk was. Menigvuldige lessen van buyten te leeren ; een groot getal van Themata te schryven, en ider woord in een verdrietig woorden-boek te moeten zoeken, dit alles is aen de jonkheyd lastig en onaengenaem […] » ([Jan des Roches], Grond-regels der Grieksche taele : benevens eene verzaemeling van de voornaemste fabels van Æsopus in dry deelen, met aenteekeningen op idere fabel […]. Tot gebruyk der Nederlandsche schoolen, Bruxelles, in de drukkery der Keyz. en Koninkl. Academie, 1779, p. [i]). 621 Voir par exemple Gijsbert Rutten, « Roches, Jan des », dans Wim van Anrooij, Ingrid Biesheuvel, Karina van Dalen-Oskam, Jan Noordegraaf (éd.), Bio- en bibliografisch lexicon van de neerlandistiek 2010. À consulter sur le site http:// www.dbnl.org/tekst/anro001bioe01_01/roch002.php. 622 Leyder, Pour le bien des lettres et de la chose publique, p. 86. 623 Ibid., p. 77. 624 Voir Erasmus’ droom, 2017, no 176. 625 Il n’est évidemment pas à exclure entièrement que quelques professeurs des périodes ultérieures aient également préparé des publications en rapport avec le grec, sans que celles-ci n’aient jamais été imprimées. Ainsi le théologien Jan Frans van de Velde (1743-1823), un savant très prolifique, bibliothécaire de l’Université mais qui n’était pas affilié au Collegium Trilingue, avait apparemment l’intention de rédiger une histoire des études grecques, en mettant l’accent sur la Renaissance italienne. Voir Universiteitsarchief Leuven, Fonds Van de Velde, Catalogus D: 52/4. 626 Pierre Van Hecke arrive à une conclusion similaire pour les cours d’hébreu au XVIIIe siècle ; voir sa contribution à ce recueil. 627 P. A. F. Gérard (éd.), Ferdinand Rapédius de Berg : Mémoires et documents pour servir à l’histoire de la révolution brabançonne, Bruxelles 1845, vol. 2, p. 17. 628 Sander Verwerft, Latijn-onderwijs te Geel en Mol : Schoolschriften na de Theresiaanse hervormingen (1777-1785), Mémoire de licence inédit, KU Leuven, 2013, passim. 629 Jean Baptiste Lesbroussart, De l’éducation belgique, ou Réflexions sur le plan d’études, adopté par sa majesté pour les collèges des Pays-Bas autrichiens,
suivies du développement du même plan dont ces réflexions forment l’apologie, Bruxelles, chez Lemaire, 1783, p. 81. Il est assez notable que l’auteur ne cite aucun titulaire de la chaire de grec du Collège des Trois Langues, si ce n’est Fabius, qu’il loue cependant pour ses cours à Anvers. 630 Pour Rescius, voir HCT, 2, p. 332, où Érasme est cité. Pour Langius, voir Ascham, The Whole Works of Roger Ascham, pp. 248-249. Comme nous l’avons vu plus haut, Ascham lui-même n’était pas tellement convaincu de la qualité des cours. Des nombres spectaculaires sont fournis par Coppens, A Student’s Reading, p. 157. 631 Reusens, Documents, IV, p. 36. 632 Jodocus Van der Heiden, Lysiae […] Orationes XXXIV, quae de CCC reliquae sunt, nunc primum de Graecis Latine redditae et politicis notis illustratae, Hanovre, typis Wechelianis, 1615. 633 « Langius omnem in Graecis litteris aetatem consumpserat, quas Burdigalae apud Gallos annos fere decem professus est: reliquo tempore in gymnasio Trilingui Busleidiano » (André Schottus, Pomponii Melae de situ orbis libri tres : praetermissa in Melam, Anvers, ex officina Christophori Plantini, 1582, p. 7). Le célèbre médecin Pierre Forestus (Pieter van Foreest) exprime également son appréciation de Langius : Observationum et curationum medicinalium libri tres, nempe tertius de febribus intermittentibus ; quartus de hecticis ; ac quintus de febribus compositis, Leyde, ex officina Christophori Plantini, 1586, sig. *.4r. 634 Pour les premières décennies suivant la fondation du Collège, la HCT reste la référence principale. 635 Papy, « Humanist Philology as a Scientific Catalyst? », pp. 31-51 ; Paul F. Grendler, « Humanism: Ancient Learning, Criticism, Schools and Universities », dans Angelo Mazzocco (éd.), Interpretations of Renaissance Humanism, Leyde - Boston 2006, pp. 73-95 (surtout pp. 87-88). Voir aussi Materiae promotionis, 1997, no 37. 636 Pour une bonne synthèse des motifs qui poussaient les humanistes à apprendre le grec, voir Bot, Humanisme en onderwijs in Nederland, pp. 190-194, étude à laquelle nous empruntons certaines idées. 637 Les éloges de langues constituent un genre littéraire particulier au début des Temps Modernes. Il en existe de nombreux exemples. Voir à ce sujet par exemple Peter Burke, Languages and Communities in Early Modern Europe, Cambridge 2004, pp. 65-70. 638 Voir Suffridus Petri, Orationes quinque de multiplici utilitate linguae Graecae: inseruntur autem, praeter caetera, de optima studiorum ratione, et imitatione, quaedam, et alia lectu dignissima, Bâle, per Ioannem Oporinum, 1566. Cet ouvrage est resté peu étudié jusqu’à présent. L’helléniste anglais Richard Croke, qui séjourna à Louvain entre 1511 et 1515, a également publié deux discours sur l’utilité et la nécessité du grec : Orationes duae : altera a cura qua utilitatem laudemque Graecae linguae tractat, altera a tempore qua hortatus est Cantabrigienses, ne desertores essent ejusdem, Paris, cura Simonis Colinaei, 1520. Thomas More, dont l’Utopia parut à Louvain un an avant la fondation du Collegium, rédigea lui aussi, en 1515, un bref ouvrage à la défense du grec, intitulé Apologia pro Moria Erasmi, qua etiam docetur quam necessaria sit linguae Graecae cognitio. Voir Utopia & More, 2016, n° 75. 639 Heinsius dans Daniel Vechnerus, Illustres ac perpetui grammaticorum canones ac observationes linguae tam Romanae, quam Graecae : Quibus scholastica pubes tam quoad etymologiam, quam ad syntaxin carere nequit : docens, utriusque linguae inflexiones, significationes, elegantias, imitationes […] cum Danielis Heinsii oratione luculenta de coniungendis Graecorum lingua & disciplinis, Francfort, ex
notes officina typographica Matthiae Beckeri ; impensis Gothfridi Tampaghii, 1611, p. 4 ; voir aussi, ibid., p. 10. 640 Puteanus, Ad Constantinum Hugenium et Danielem Heinsium epistolae, p. 46. 641 Bot, Humanisme en onderwijs in Nederland, p. 194. 642 Voir la contribution de Xander Feys et Dirk Sacré dans ce volume. 643 André, « Oratio auspicalis Lovanii Kal. Octobris An. 1636 », p. 11. 644 Cf. Hannardus Gamerius, « Oratio de laudibus Graecae linguae », dans Bucolica Latina, ad imitationem principum poetarum, Theocriti, Graeci, et P. Virgilii Maronis Latini, conscripta, Anvers, ex officina Christophori Plantini, 1568, pp. 77-73 [sic], p. 79. 645 Voir Bot, Humanisme en onderwijs in Nederland, p. 193. 646 Voir aussi la contribution de Gert Gielis dans ce volume. 647 Voir Joachim Fortius Ringelbergius, « Liber de ratione studii », dans Opera, quae proxima pagina enumerantur, Lyon, apud Antonium Vincentium, 1556, pp. 5-62, p. 17 : « Graeca lingua adeo necessaria, ut vix quenquam dixerim eruditum, qui eam ignoraverit. » Voir aussi Suffridus Petri, Orationes quinque de multiplici utilitate linguae Graecae, p. 5 : « declarandum statui, Graecarum literarum cognitionem ad omnium disciplinarum intellectum esse necessariam. » 648 Pierre Castellanus, Ludus, sive convivium saturnale, Louvain, apud Ioannem Masium, 1616, sig. C.iiiiv. Au sujet de la vantardise de professeurs d’université (et de savants) au début des Temps Modernes, voir Sari Kivistö, The Vices of Learning : Morality and Knowledge at Early Modern Universities, Leyde - Boston 2014. Voir également Erasmus’ droom, 2017, no 167. 649 « In hac lingua arcana multa invenias, quae nulla alia lingua enuntiari possint ». Cette citation provient d’un éloge anonyme de l’hébreu, datant des années 1530 (voir Erasmus’ droom, 2017, n° 193). 650 Voir Erasmus’ droom, 2017, nos 180-181. 651 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 189. 652 HCT III, p. 214 n. 2 mentionne le document ; mais il n’est pas sûr que De Vocht ait jamais pu le consulter, vu qu’il le cite parmi les autres ouvrages de Balenus. 653 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 213. 654 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 214. 655 Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties, CaaA431. 656 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 187. 657 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 188. 658 Matthaeus Adrianus, Libellus hora faciendi pro Domino, Tübingen, Thomas Anshelm, 1513. 659 Introductio utilissima hebraice discere cupientibus [Venise, Alde Manuce, 1500 ?]. 660 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 182. 661 Johannes Reuchlin, Rudimenta Hebraica, Pforzheim, Thomas Anshelm, 1506. Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 212 et Albert Van der Heide, Hebraica Veritas. Christopher Plantin and the Christian Hebraists, Anvers 2008, p. 198. 662 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 183. 663 Sur cette question, voir la contribution de Gert Gielis dans ce volume, pp. 33-56. 664 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 184. 665 Robert Wakefield, Paraphrasis in librum Koheleth, Londres, T. Gibson, 1536 ? 666 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 185.
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667 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 186. 668 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 190. 669 Ce n’est donc pas Guilielmus Lindanus qui a succédé à Balenus, comme l’affirme Van der Heide, Hebraica Veritas, p. 54. Lindanus a été l’élève de Balenus au Collegium Trilingue ; et, ironie du sort, il fut le parrain lors du baptême de Jean Isaac Levita, que nous avons déjà évoqué et avec qui il eut plus tard de graves conflits théologiques, notamment en ce qui concerne la relation entre le texte de la Bible hébraïque et la Vulgate. 670 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 201. 671 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 210. Tim Denecker & Pierre Van Hecke, « Why Learn Hebrew? Text and Translation, with an Introduction and Commentary, of Valerius Andreas’ Linguae Hebraicae encomium (1614) » [sous presse]. 672 Valère André, Quaestiones quodlibetiae [sic] tres. [...] III. Quae Commodior Faciliorq[ue] Ad Convincendos Sectarios Nostros via, an non ea, qua proprio quis eos gladios iugulet, quoties vel ad Scripturam sacram, vel ad Patres, linguasq[ue] concurrunt?, Cologne, Johan Kinck, 1618. 673 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 204. 674 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 211. 675 La même remarque vaut pour les titulaires de la chaire de grec, voir dans ce volume pp. 136-138. 676 Siméon de Muis, Commentarius literalis et historicus in omnes Psalmos Davidis […]. Accesserunt Jacobi Benigni Bossuet, Meldensis Episcopi, notae in Psalmos […], Louvain, Typis Academicis, 1770. 677 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 40. Ce catalogue a été publié intégralement dans l’étude magistrale de Pierre Delsaerdt, Suam quisque bibliothecam. Boekhandel en particulier boekenbezit aan de Oude Leuvense Universiteit, 16de18de eeuw, Louvain 2001. 678 C’est à lui que renvoie Campensis dans le titre de sa grammaire : Ex variis libellis Eliae, grammaticorum omnium doctissimi, huc fere congestum est opera Joannis Campensis, quicquid ad absolutam grammaticen hebraicam est necessarium. […] 679 La « Gramatica Agasy Hebrea », qui n’a pu être identifiée par Delsaerdt (Suam quisque bibliothecam, n° 1026), renvoie sans doute à Agathius (Agacio) Guidacerius, In hoc libello continetvr de literis hebraicis, de punctis, de accentibus, de quantitate syllabarum […] potest, Paris, Wechel, 1537 – ou alors à Agathius Guidacerius, Sefer haddiqduq. Grammaticae in Sanctam Christi linguam institutiones […], Paris, Collège des Italiens, 1539. 680 Ainsi nous avons pu faire récemment de belles découvertes. Un des exemplaires de la Biblia Regia déjà citée, qui est conservé à la Maurits Sabbebibliotheek à Louvain, porte la marque de propriété d’Augustin Hunnaeus, étudiant puis suppléant de Balenus au Collegium Trilingue ; Hunnaeus fut l’un des trois savants louvanistes qui ont collaboré à l’édition de la Biblia Regia. La Bibliothèque Royale, d’autre part, conserve un manuscrit sur parchemin de la Genèse en hébreu, ayant appartenu au Collège des Jésuites à Louvain. Quant à l’exemplaire de la célèbre Bible polyglotte d’Alcalá, conservé à la bibliothèque universitaire de Tilburg, il s’avère avoir été offert par Thierry Hezius, secrétaire du Pape Adrien VI, au Collège du Pape à Louvain. 681 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 193. 682 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 48. 683 Pour une reproduction de cette page manuscrite de l’Album amicorum, voir p. 137.
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notes
684 L’Ancien Testament est rédigé en majeure partie en hébreu, à côté de quelques chapitres en araméen (langue apparentée) et de quelques livres en grec, faisant partie de l’Ancien Testament selon la tradition des églises catholique et orthodoxe. Pour les Protestants, seuls les livres écrits à l’origine en hébreu ou en araméen font partie de l’Ancien Testament. 685 Lettre d’Érasme du 26 mars 1518 (Allen, epist., 805, ll. 32-34, citée dans HCT I, p. 253) : « Haec una res omnium studia a turbidis lacunis ad divinae Scripturae limpidissimos fonteis revocabit ». 686 Arjo Vanderjagt, « Ad Fontes ! The Early Humanist Concern for the Hebraica Veritas », dans Magne Saebø (éd.), Hebrew Bible / Old Testament. A History of Its Interpretation, vol. 2, Göttingen 2008, pp. 154-189. 687 Voir Karl Josef von Hefele & Henri Leclercq, Histoire des Conciles d’après les documents originaux. Tome VI/2, Paris 1915, pp. 688-689. 688 Voir note 672. 689 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 173. 690 Notamment André Masius, Iosuae imperatoris historia illustrata atque explicata, Anvers, Plantin, 1574 ; voir à ce sujet Erasmus’ droom, 2017, n° 194 et Theodor Dunkelgrün, « The Hebrew Library of a Renaissance Humanist Andreas Masius and the Bibliography to his Iosuae Imperatoris Historia (1574), with a Latin Edition and an Annotated English Translation », dans Studia Rosenthaliana 42-43, 2010-2011, pp. 197-252. Voir aussi les œuvres de Cornelius Jansénius, entres autres ses Commentariorvm in svam concordiam, ac totam historiam euangelicam, partes IIII, Louvain, Petrus Zangrius Tiletanus, 1571 et Paraphrases in omnes psalmos Davidicos, cvm argvmentis eorvm et annotationibvs, Louvain, Petrus Zangrius Tiletanus, 1574. Voir Erasmus’ droom, 2017, nos 199-200. 691 Luc Dequeker, « Een kabbalistisch opschrift in de Naamsestraat te Leuven », dans Jaarboek van de Geschied- en Oudheidkundige Kring voor Leuven en Omgeving, 34, 1994, pp. 166-176. 692 Voir note 659. 693 Johannes Reuchlin, In septem psalmos poenitentiales hebraicos interpretatio de verbo ad verbum, et super eisdem commentarioli sui, ad discendum linguam hebraicam ex rudimentis, et, en annexe : Septem psalmi poenitentiales hebraici cum grammaticali tralatione latina, Tübingen, Thomas Anshelm, 1512. Voir aussi Erasmus’ droom, 2017, n° 212. 694 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 186. 695 Cette information provient d’un rapport d’activités que le recteur de l’université adressa au Duc d’Albe en 1568, voir Vander Linden, 1908, pp. 9-36. 696 HCT II, pp. 512-515. 697 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 200. 698 Voir note 676. 699 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 213. 700 Claude Germain, Évolution de l’enseignement des langues : 5000 ans d’histoire, Paris 1993, p. 54. 701 E. S. Christianson, Ecclesiastes through the Centuries, West Sussex 2012. 702 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 186. 703 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 185. 704 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 206. 705 D’après l’historiographe Suffridus Petri (1527-1597), un humaniste renommé, le dernier professeur d’hébreu du XVIe siècle, Pierius a Smenga, rédigea des notes de cours sur les livres des Prophètes (De scriptoribus Frisiae
[…], 2e édition, Franeker, Jacobus Horreus, 1699, p. 495). Suffridus Petri fit plusieurs séjours de longue durée à Louvain. Il était actif comme helléniste au Collegium Trilingue et connaissait personnellement Pierius a Smenga (l’un et l’autre étaient Frisons). Il devait donc être bien informé sur les activités de ce dernier. Au XVIIIe siècle, Paquot laissa lui aussi un manuscrit avec un commentaire philologique sur les livres des Prophètes. 706 Des traductions en hébreu du « Notre Père » existaient déjà au Moyen Âge, mais durant la Renaissance le nombre de versions différentes augmenta fort. Voir Jean Carmignac, « Hebrew Translations of the Lord’s Prayer. An Historical Survey », dans Gary A. Tuttle (éd.), Biblical and Near Eastern Studies, Grand Rapids (MI) 1978, pp. 18-70. 707 Cette version se trouve dans un certain nombre de réimpressions de la brève introduction à l’hébreu de Manuce (Introductio utilissima hebraice discere cupientibus. Oratio dominica, Angelica salutatio, salve regina, hebraice, Matthaeo Adriano equite aurato interprete, Bâle, Froben, 1518). Dans l’editio princeps de cette Introductio utilissima une traduction du « Notre Père » en hébreu est déjà présente. Cette dernière version est reprise dans la belle copie manuscrite des Rudimenta de Reuchlin, conservée à la Bibliothèque Royale (Ms 11254-57), alors qu’elle ne figure pas dans la version imprimée de l’ouvrage de Reuchlin. L’exemplaire manuscrit, relié avec la traduction et les commentaires des Psaumes par Reuchlin, était clairement destiné à l’enseignement. Le copiste devait donc également être d’avis que le Notre Père était un instrument utile pour l’étude de la langue. 708 Voir la note 658. 709 Pour une discussion similaire concernant le grec au Collegium Trilingue, voir pp. 146-150. D’Érasme, l’instigateur du Collège, nous savons qu’il n’était pas un défenseur d’une approche inductive stricte dans l’enseignement des langues. Pour Érasme, une base grammaticale solide était indispensable, avant de procéder à une approche plus inductive. 710 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 189. 711 Claude Germain, Évolution de l’enseignement des langues: 5000 ans d’histoire, Paris 1993, p. 45. à comparer aussi avec la structure de la grammaire de Reuchlin dans ses Rudimenta hebraica : De literis, De syllabis, [Dictionum proprietates],De oratione et eius partibus. 712 Santes Pagnini, Utriusque instrumenti nova translatio, Lyon, Antoine du Ruy, 1527. 713 Le principe des éditions interlinéaires était connu depuis des siècles, voir Louis G. Kelly, Twenty-Five Centuries of Language Teaching (500 BC – 1969), Rowley (MA) 1976, pp. 142-143. 714 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 197. 715 Kelly, Twenty-Five Centuries, p. 144 renvoie à l’édition des Bucoliques de Virgile par John Brinsley : Virgils Eclogues With His Book De Apibus […], Londres, Thomas Man, 1633. 716 Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, ms. 15065-66, f.50r-70v. 717 Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, ms. 15065-66, f.11r-47v. 718 Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, ms. 15051. 719 Paquot ne se réfère ici pas seulement aux manuscrits de la Vulgate et de la Septante, mais aussi aux révisions de la Septante, aux lectures traditionnelles des Hexaples, aux traductions syriaques et arabes, aux Pères de l’Église et aux commentaires rabbiniques. Un examen fouillé des sources scientifiques de Paquot s’impose à cet égard. Voir déjà Jan Roegiers, Les Lumières dans les Pays-Bas autrichiens et la Principauté de Liège, Bruxelles 1983, pp. 68-69.
notes 720 Tim Denecker, « Language Attitudes and Social Connotations in Jerome and Sidonius Apollinaris », dans Vigiliae Christianae, 69, 2015, pp. 393421. 721 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 210. 722 Voir son colophon autographe sur l’exemplaire de l’Alphabetum hebraicum. Erasmus’ droom, 2017, n° 181. 723 Iseghem, pp. 341-342. 724 Joseph Perles, Beiträge zur Geschichte der Hebräischen und Aramäischen Studien, München 1884, pp. 203-208 ; Theodor Dunkelgrün, « The Humanist Discovery of Hebrew Epistolography », dans Scott Mandelbrote & Joanna Weinberg (éd.), Jewish Books and Their Readers : Aspects of the Intellectual Life of Christians and Jews in Early Modern Europe, Leiden 2016, p. 211-259. 725 Ou comme le dit Theodor Dunkelgrün, The Multiplicity of Scripture : The Confluence of Textual Traditions in the Making of the Antwerp Polyglot Bible[1568—1573], Ann Arbor 2012, p. 79 : « In fact, several of the pathbreaking Christian Hebraists of the first half of the sixteenth century had been educated at Leuven ». 726 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 194. 727 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 200. 728 Benedict D. Fischer – Wim François – Antonio Gerace – Luke Murray, « The ‘Golden Age’ of Catholic Biblical Scholarship (1550–1650)
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and its Relation to Biblical Humanism », dans Herman Selderhuis (éd.), Renaissance-Humanismus: Bibel und Reformbewegungen des 15. und 16. Jahrhunderts und ihre Bedeutung für das Werden der Reformation, Göttingen [sous presse]. 729 Bellarmin fut d’ailleurs ordonné prêtre à Gand en 1570 par Cornelius Jansénius, le premier évêque du diocèse de Gand, créé cette même année. 730 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 207. 731 Cf. Fischer et al., « The Golden Age ». 732 Claude Pavur, The Ratio Studiorum : The Official Plan for Jesuit Education, Saint Louis (MO) 2005. 733 Luke Murray, « Jesuit Hebrew Studies after Trent : Cornelius a Lapide », dans Journal of Jesuit Studies, 4.1 [sous presse]. 734 Voir Erasmus’ droom, 2017, nos 196-197. 735 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 195. 736 Dunkelgrün, Multiplicity of Scripture, pp. 80-94. 737 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 173. 738 Voir Erasmus’ droom, 2017, n° 213. 739 Leo Kenis, De Theologische Faculteit te Leuven in de negentiende eeuw 1834-1889, Bruxelles 1992. 740 Jean Théodore Beelen, Chrestomathia rabbinica et chaldaica, cum notis grammaticis, historicis, theologicis […], 3 vols, Louvain 1841-1843.
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Van der Aa Abraham Jacob van der Aa, Biographisch woordenboek der Nederlanden, bevattende levensbeschrijvingen van zoodanige personen, die zich op eenigerlei wijze in ons vaderland hebben vermaard gemaakt, voortgezet door K. J. R. van Harderwijk en G. D. J. Schotel, 21 vols., Haarlem 1852-1878. Vander Linden, 1908 Herman vander Linden, « L’Université de Louvain en 1568 », Bulletin de la commission royale d’histoire, 87, 1908, pp. 9-36 Van Even 1895 Edward Van Even, Louvain dans le passé et le présent, Louvain 1895 [facsimile Leuven, Peeters, 2001] Vicus Artium, 1975 Van Vicus Artium tot nieuwbouw. 550 Jaar Faculteitsgeschiedenis. Catalogus van de tentoonstelling 13 november – 19 december, Leuven 1975 Vives te Leuven, 1993 Vives te Leuven. Catalogus van de tentoonstelling in de Centrale Bibliotheek te Leuven, 28 juni – 20 augustus 1993, ed. Gilbert Tournoy, Jan Roegiers en Chris Coppens, Supplementa Humanistica Lovaniensia, 8, Leuven 1993 550 JAAR UNIVERSITEIT, 1976 550 jaar Universiteit Leuven 1425 – 1975. Leuven, Stedelijk Museum, 31 januari – 25 april 1976, Leuven 1976 Wereldwijs, 2000 Wereldwijs. Wetenschappers rond keizer Karel, ed. Geert Vanpaemel & Tineke Padmos, Leuven 2000
Crédits photographiques
Illustrations sur la couverture Première de couverture, partie supérieure, de gauche à droite Vues réduites ou de détail des illustrations des pages 6, 18, 158, 69, 143 et 65 de ce livre. Première de couverture, illustration centrale Reconstitution en 3D par Timothy De Paepe (conservateur du Museum Vleeshuis, Anvers) avec une vue de la porte intérieure du Collegium Trilingue (côté de la Mechelsestraat/rue de Malines) et l’entrée principale qui menait à l’auditoire et la cour intérieure du Collège Trilingue. Quatrième de couverture Reconstitution en 3D par Timothy De Paepe (conservateur Museum Vleeshuis, Anvers) avec une vue en vol d’oiseau de la cour intérieure du Collegium Trilingue ; à gauche la collonade et en face au rez-de-chaussée l’auditoire pour les leçons publiques de latin, de grec et d’hébreu.
Illustrations à l’intérieur de l’ouvrage Toutes les informations d’identification nécessaires concernant les illustrations reprises dans cet ouvrage sont données à la page indiquée. Les droits de reproduction ont été obtenus auprès des institutions mentionnées. Alkmaar, Stedelijk Museum inv. nr. 020846 (à la page 112) Amsterdam, Rijksmuseum RP-P-OB-36.690 (à la page 134) Anvers, Musée Plantin-Moretus 8 619 (à la page 82) Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique Manuscrits ms. II 4644, fol. 2v (à la page 149) ms. 8471-75, fol. 25r (à la page 160) ms. 744-755, fol. 111r (à la page 169) ms. 15065-66, fol. 11r (à la page 172) ms. 11253, fol. 20v (à la page 174) ms. 15580-81, fol. 2v (à la page 181)
Preciosa INC B 1623 (à la page 158)
Diest, Stadsmuseum ‘De Hofstadt’ S17: Pieter Stramot, portrait de Nicolas Clénard, 1715 (à la page 49) Photo par Christoph Ketels Gand, Bibliothèque universitaire BL.008169 (à la page 75) CL.00451 (à la page 143) Hartford (Connecticut, VS), Wadsworth Atheneum of Art Ella Gallup Sumner and Mary Catlin Sumner Collection (à la page 9) Leiden, Bibliothèque universitaire VUL Ms. 98, fol. 1r (à la page 112) Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Bijzondere Collecties R2B1503 (à la page 18) R3A23419 (à la page 27) PA08733 (à la page 37) CaaA1604 (à la page 41) CaaA2341 (à la page 44) PA00031a (à la page 47) PA07259 (à la page 50) PA00162 (à la page 51) PA00161 (à la page 53) Poème pour Henri Wouters, 1783 (à la page 59) ms. 237, fol. 254r (à la page 70) PB00817 (à la page 80) 7A5252 (à la page 90) RA 56445 (à la page 95) CaaA1442 (à la page 98) 7A2420 (à la page 100) PA06567 (à la page 107) CaaA1272 (à la page 113) ms. 1179, fol. 4r (à la page 117) PA00088b (à la page 119) PA00187 (à la page 121) ms. 1992, fol. 32r et fol. 31r (à la page 137) CaaA1363 (à la page 145) CaaA2449 (à la page 152) CaaA431/3 (à la page 161) CaaA1351, p. 4 (à la page 162)
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crédits photographiques
CaaB67 (à la page 165) PA00167a (à la page 170) Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Campus Bibliotheek Arenberg PRECA GD002718, box028: Albrecht Dürer, Saint Jérôme dans son étude, 1514, gravure avec monogramme (à la page 65) Leuven, KU Leuven Bibliotheken, Maurits Sabbe Bibliotheek P22.O4/F° BIJB 2 (à la page 183) Leuven, KU Leuven, Archives de l’Université Topografisch-historische atlas (à la page 16) Leuven, KU Leuven, Kunstpatrimonium inv. nr. S027 (à la page 125) Leuven, Museum-M H/16/W, fol. 37v (notes des cours de logique prises par Joannes Wouters, 1648-1650) (à la page 69)
Leuven, Rijksarchief/Archives de l’État, Fonds Oude Universiteit Leuven nr. 1450, fol. 20 (à la page 13) nr. 1435 (à la page 24) nr. 1443 (à la page 151) Leuven, Stadsarchief /Archives de la Ville nr. 4095, fol. 1r (à la page 10) Londres, British Library Harley Ms. 3256, fol. 1r (à la page 66) Londres-Windsor, Royal Collection Trust HM Queen Elisabeth II inv. 405759 (à la page 6) Madrid, Biblioteca Nacional de España INC/2142 (à la page 74) R/10192 (à la page 99) Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek 58. 13 Gram. (à la page 96)
Les auteurs
Xander Feys (1994) a obtenu un master en langues et lettres (latin-grec) en 2016 à la KU Leuven, avec un mémoire sur les notes de cours De magistratibus de Juste Lipse (une série de leçons sur les institutions romaines, données par Lipse en 1584 à Leyde). Depuis janvier 2017, il prépare un doctorat en lettres à la KU Leuven, sous la direction du prof. Jan Papy. Ce travail concerne essentiellement la pédagogie humaniste (théorie et pratique de l’enseignement), mais aussi la tradition des commentaires, la réception de Virgile et, plus généralement, l’histoire de la pensée à l’époque de la Renaissance.
Jan Papy (1965) est professeur ordinaire de philologie latine à la KU Leuven. Licencié en philologie classique (1987) et en philosophie (1996) de cette même université, il a obtenu son doctorat en Lettres en 1992, avec une thèse portant sur la correspondance de Juste Lipse. En 2003, il a été proclamé lauréat de l’Académie. Il a été invité comme chargé de recherche au Warburg Institute (Londres), à l’Université de Leiden et au Netherlands Institute for Advanced Study (NIAS) à Wassenaar. Ses études portent essentiellement sur la littérature néolatine, l’humanisme de la Renaissance, l’histoire intellectuelle et l’histoire de l’université de Louvain.
Gert Gielis (1982) est chercheur postdoctoral du FWO-Vlaanderen à la Faculté de théologie et des sciences religieuses à la KU Leuven. Master en histoire avec un mémoire couronné sur l’inquisition dans les Pays-Bas, il a travaillé aux archives de l’université et au KADOC. Sa thèse de doctorat (2014) portait sur le rôle des théologiens de Louvain dans la lutte contre l’hérésie et dans la réforme catholique au XVIe siècle. Son étude sur l’inquisiteur général Nicolas Coppin lui a valu le prix Mgr. C. de Clercq de la Koninklijke Vlaamse Academie voor Wetenschappen en Kunsten. Ses publications portent sur l’histoire intellectuelle, religieuse et politique des Pays-Bas au début des Temps Modernes, plus particulièrement l’histoire de l’inquisition et de la lutte contre l’hérésie, l’histoire des réformes religieuses et l’histoire de l’université de Louvain.
Dirk Sacré (1957) est professeur ordinaire émérite de littérature latine et néolatine à la KU Leuven. Président de l’Academia Latinitati Fovendae (Rome), il a été jusqu’en 2017 rédacteur en chef de la revue Humanistica Lovaniensia. Il a rédigé (avec J. IJsewijn) l’ouvrage de référence Companion to Neo-Latin Studies (1998). Ses publications portent surtout sur la littérature humaniste en Italie et aux Pays-Bas et sur la poésie néolatine (XVIeXXIe siècles). Pierre Swiggers (1955) a étudié la philologie romane, la philosophie, l’orientalisme et l’histoire (études médiévales) à Louvain (KU Leuven), Louvain-la-Neuve (UCL) et Paris. Il est directeur de recherche au FWOVlaanderen et professeur de linguistique à la KU Leuven. Il a été professeur invité dans plusieurs pays (Indiana
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les auteurs
University; Universität Trier; Universidade de São Paulo; Universidad de Salamanca; Universidad de Córdoba) et a enseigné dans plusieurs universités d’Europe (Paris, Münster, Lausanne, Séville, Murcia). En 1987, il a obtenu le Prix des Alumni 1982-1987 de la Fondation universitaire. En 1988-89, il a été chargé de recherche de l’American Philosophical Society, et, en 1991, Andrew Mellon Research Fellow (Philadelphia). Ses recherches portent sur l’histoire de la linguistique et de l’enseignement des langues, la linguistique théorique et descriptive, la grammaire historico-comparative des langues indo-européennes et sémitiques, la philosophie linguistique, l’histoire de la philosophie et la sémiotique. Il est auteur ou éditeur d’une cinquantaine d’ouvrages, dont Les conceptions linguistiques des Encyclopédistes (1984), Grammaire et théorie du langage au dix-huitième siècle (1986), Comparatisme, mythologies, langages (avec Christophe Vielle et Guy Jucquois, 1994), Histoire de la pensée linguistique. Analyse du langage et réflexion linguistique dans la culture occidentale, de l’Antiquité au XIXe siècle (1997), Taal en teken. Een historisch-systematische inleiding in de taalfilosofie (avec Wim De Pater, 2000), The Collected Works of Edward Sapir, vol. I: General Linguistics (2008), De Tuin der Talen (avec Toon Van Hal et Lambert Isebaert, 2013). Il a publié plus de 900 articles, contributions à des encyclopédies et chapitres d’ouvrages. Toon Van Hal (1981) a étudié la philologie classique, les langues orientales et l’histoire à Louvain (KU Leuven), Louvain-la-Neuve (UCL) et Anvers. Il est docteur en linguistique (2008), avec une thèse sur la genèse de la linguistique comparative à l’époque de la Première Modernité aux Pays-Bas. Depuis 2012, il enseigne la langue grecque à la KU Leuven. Ses travaux
portent sur l’histoire de la pensée linguistique, de l’Antiquité jusqu’aux Temps Modernes. Il s’intéresse plus particulièrement à l’origine et la diffusion des concepts-clef linguistiques et la propagation des connaissances linguistiques à partir de la Renaissance. Son livre le plus récent a pour sujet Johannes Goropius Becanus (1519–1573) : Brabants arts en taalfanaat (Eddy Frederickx et Toon Van Hal, Hilversum 2015). Pierre Van Hecke (1970) est professeur d’hébreu à la Faculté de théologie et des sciences religieuses et à la Faculté des lettres de la KU Leuven. Après des études de troisième cycle à Jérusalem, il a obtenu un doctorat en études orientales (KU Leuven, 2000) et en théologie (Université de Tilburg, 2006). De 2000 à 2006, il a enseigné l’Ancien Testament et l’hébreu à l’université de Tilburg. Ses recherches se concentrent d’une part sur le Livre de Job et d’autre part sur la linguistique hébraïque, avec une attention particulière à l’étude des métaphores. D’autres recherches plus récentes, menées de front avec Eibert Tigchelaar, portent sur le potentiel de la stylistique computationnelle de l’hébreu classique. Raf Van Rooy (1990), a étudié la philologie classique, la linguistique générale et les langues orientales (KU Leuven et UCL) ; il a obtenu également le diplôme de bachelier en histoire des Temps Modernes. Promu docteur en linguistique, avec une thèse sur l’évolution du binôme langue, de l’Antiquité à nos jours, avec une attention spéciale au début des Temps Modernes (2017), il est actuellement chercheur postdoctoral du FWOVlaanderen à la KU Leuven. Ses recherches portent sur l’étude du grec ancien à l’époque de la Renaissance et sur l’histoire de concepts linguistiques d’origine grecque.
Index Nominum
Aa, Johannes Bartholomaeus van der: 87, 96, 194 Abudacnus, Josephus: vide Barbatus, Josephus Acarisio, Alberto d’: 97 Adrianus, Mathieu, professeur d’hébreu au Collegium Trilingue: 13-14, 18, 22-23, 25, 39, 157, 163, 173, 178-179, 207 Adrien d’Utrecht: vide Adrien VI Adrien VI, pape: 7, 23, 26, 34, 37, 40, 45-46, 188, 208 Aegidius, Johannes, étudiant au Collegium Trilingue: 142-143, 147 Aegidius, Petrus: vide Gillis, Pierre Aertsen, Henricus: 95 Agricola, Rodolphe: 106-109, 134, 198, 202 Agurto, Francisco Antonio de, don: 128 Aire-sur-la-Lys: 8, 12, 58, 60 Alamire, Pierre: 8 Alard d’Amsterdam: 22, 40-42, 50 Albe, Fernando Alvárez de Tolède, duc d’Albe de Tormes: 208 Albert VII d’Autriche, archiduc: 102, 123, 204 Albrecht, Lorenz: 79 Alcalá: 26, 73, 168, 176, 195, 207 Aléandre, Jérôme (Aleander, Hieronymus/Aleandro, Girolamo): 14, 30, 133136, 141, 145, 148, 156, 202, 204-205 Alembert, Jean le Rond d’: 76, 191 Alexandre de Villedieu: 28, 105 Alphonse X de Castille, el Sabio: 81 Alkmaar: 14, 111-113, 135, 138, 200 Alvarado, Félix Antonio de: 101 Ambroise de Milan, saint, Père de l’Église: xi, 68 Amerot, Adrien (Hadrianus/Adrianus Amerotius), professeur de grec au Collegium Trilingue: 7, 30, 49, 135, 138, 141, 144-149, 153, 155, 202-204 Amersfoort: 140 Ammonio, Andrea: 187 Amsterdam: 83, 103, 134, 142, 193-195, 197 Ancône: 79 Anderlecht: 26 André, Valère (Andreas, Valerius), professeur d’hébreu au Collegium Trilingue: 11, 31, 111, 136, 139, 154, 164, 166, 168, 170, 173, 179, 199, 203-204, 207 Anthologie grecque: 133 Anvers: 8, 41, 63, 80-84, 87, 89, 91, 93-95, 97-100, 109, 122, 128, 130, 142, 183, 188, 194, 196, 199, 202-204, 206, 208 Apollonius de Rhodes: 114 Apulée, de Madaure: 126 Arias Montanus, Benito: 80 Aristophane: 133, 141, 148, 204 Aristote: 18, 34, 39, 50, 107, 141
Arlon: 7, 12, 14, 58, 60 Arras: 153, 185 Arsy, Jean-Louis d’: 85, 193 Ascham, Roger: 144, 205-206 Assonleville, Christophe d’: 200 Athènes: v Augsbourg: 79 Augustin, d’Hippone, saint, Père de l’Église: xi, 52-53, 68, 105 Aulu-Gelle: 122 Ausone (Decimus Magnus Ausonius): 29 Autriche, George d’: 21, 67, 190 Avien: 108 Avignon: 30 Aytta, Viglius d’: 31, 110 Babet, Hugues (Babel(us), Hugo): 136, 138, 202-203 Bacon, Roger: 132 Baechem, Nicolas: vide Egmondanus, Nicolaus Baeckx, Adrien, Président du Collegium Trilingue: 120 Balde, Jacobus: 126 Bâle: 5, 14, 25-27, 30-31, 38-39, 42, 44, 48, 70, 111, 141, 144, 146, 167, 188190, 198-199, 206-208 Balenus Andreas Gennepius, professeur d’hébreu au Collegium Trilingue: 30, 159-160, 164, 166, 171, 175, 179, 182, 207-208 Barbatus, Josephus (Yusuf ibn Abu Dhaqn): 165-166, 173, 180 Barbier, Pierre: 11, 14, 26, 185, 188 Barbirianus, Jacobus (Barbireau): 106 Barland, Adrien (Barlandus, Hadrianus), professeur de latin au Collegium Trilingue: 7-8, 14, 16, 18, 25, 39, 50, 108-110, 198 Barlandus, Hubert: 31 Baronio, Cesare: 130 Barros, João de: 75, 79 Basile le Grand, saint, Père de l’Église: 138, 141, 144-145, 204-205 Bathe, William: 194-195 Bautzen: 88 Beaune: 69-70 Beauzée, Nicolas: 77 Beelen, Jean Théodore: 183-184, 209 Beka, Gauthier de (Walter de Leeuwe): 18-21, 67, 71 Bekker, Immanuel: xi Bellarmin, Robert: 180, 182, 209 Bellay, Joachim du: 75, 79, 192 Bembo, Pietro, cardinal: 75 Berlaimont (Berlemont/Barlemont), Noël de: 93-95, 101, 129, 195
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index nominum
Bernaerts, Jean: 118 Bernard de Clairvaux, saint: 127 Bernhard, Samuel: 86, 193 Beyer, Guillaume: 101 Blockx, Karel: 42 Boccace, Giovanni: 132, 202 Bogardus, Johannes: 96, 196 Bohorič, Adam: 79 Bois-le-Duc: 142 Boissard, Jean-Jacques: 136 Bologne: 30, 97 Bombaye, Christian (Bombaeus), professeur de latin au Collegium Trilingue: 129130 Bonn: 126 Bonner, Edmund: 30 Bonte, Gregoire de: 82 Bo(o)naerts, Willem : vide Fabius, Guilielmus Borcht, Nicolas van der, Président du Collegium Trilingue: 12, 68 Bordeaux: 11, 206 Borsalus, Jean: 7, 14 Bovelles, Charles de (Bovillus): 73 Boxhornius (Boxhorn), Marcus Zuerius: 192 Brandebourg, Albert de, archevêque de Mayence: 26 Brecht: 7 Brechtus, Liévin: 51 Briart, Jean: 7, 25, 36-37, 40-43, 188 Bruges: 7, 15, 26, 30, 81, 84 Bruni, Leonardo: 106, 147 Bruxelles: 1, 5, 7-8, 58, 79, 101, 130, 153, 206 Bucho, Bernard: 26, 186 Budé, Guillaume: 2, 26, 73, 133, 136, 147 Bullokar, William: 79 Burgh, Rutger van den: 140 Burgundius, Nicolaus (Nicolas de Bourgogne): 124 Busbequius, Augerius Gislenus (Busbecq, Ogier Ghiselin): 31 Buschius, Hermannus: 25 Busleyden (Bauschleiden/Boulaide, Grand-Duché de Luxembourg): 12, 58, 60-61 Busleyden, François: 8 Busleyden, Gilles, père de Jérôme: 7 Busleyden, Gilles: 13-14, 17, 19, 25-26, 58, 69 Busleyden, Jérôme (Hieronymus): ix, 1, 5, 7-12, 15, 17-19, 23, 25, 39-40, 52, 57-58, 60, 63-68, 116, 135, 140, 142, 145, 147, 200, 203 Busleyden, Jérôme jr.: 61 Buxtorf, Jean: 180 Buys, Cornelis II: 112 Byzance: 148 Caesar, Caius Julius: vide César, Jules Calaber, Jean, recteur de l’Université de Louvain: 23, 25 Calepino, Ambrogio: 88, 93 Cambrai: 8
Cambridge: 5, 11, 164 Campeggio, Lorenzo, cardinal: 45, 188 Campensis, Jean (Jean van Kampen), professeur d’hébreu au Collegium Trilingue: 20, 25, 28, 67, 163-164, 167, 173, 175-176, 178, 180, 207 Cannius, Nicolas: 50 Canter, Guillaume: 204 Cantique des Cantiques (Canticum canticorum), Livre du: 163, 176 Capito, Wolfgang: 18 Carinus, Ludovicus (Kiel, Ludwig): 110 Cassander, Georges: 31 Cassien, Jean: 53 Cassiodore: 53 Castellanus, Pierre, professeur de grec au Collegium Trilingue: 139-140, 154155, 204, 207 Catherine d’Aragon, reine consort d’Angleterre: 29 Caton l’Ancien (Marcus Porcius Cato Censorius): 29 Catulle (Gaius Valerius Catullus): 29 Caucius, Antonius (Cauchie, Antoine): 86 Caxton, William: 81 Censorinus: 122 Ceratinus (Teyng), Jacobus: 136, 203 César, Jules: 109, 126-127 Charisius, Flavius Sosipater, grammairien: 116, 200 Charles, duc de Brabant: vide Charles Quint, empereur Charles Quint, empereur: 5, 8, 11, 26-27, 46, 138 Charles VI d’Autriche: 130 Charles VII: 14 Charles de Lorraine (duc), gouverneur des Pays-Bas: 150-151 Charles le Téméraire: 8 Charlet, Georges: 87 Chartier, Roger: 84 Chifflet, Laurent: 195 Christ: vide Jésus Christ Chrysoloras, Manuel: 132, 156 Chrysostome, Jean, saint, Père de l’Église: 138 Cicéron, Marcus Tullius: 28, 105-106, 108-109, 111, 114-115, 122, 126-127, 198-200 Cisneros, Ximénez, Francisco de, cardinal: 26 Clénard, Nicolas: 7, 38, 49-50, 91, 134, 136, 138, 144-145, 162-164, 167, 176, 179-180, 190, 194, 203 Cloet, Hieronymus: 166-167, 173 Clusius, Carolus (de l’Ecluse, Charles): 31, 153 Clutenius, Joachim: 193 Cluverius, Philippus: 192 Cnobbaert, J.: 122 Coenesteyn, Cornelius: 96 Coenesteyn, Ioannes Oliverius: 96, 126 Colgan, John (Seán Mac Colgan): 198 Colines, Simon de (Colinaeus): 206 Cologne: 11, 21-22, 30, 45, 81, 86, 99, 110, 125-126, 164, 194 Colomb, Christophe: 197 Coménius, Johannes Amos: 94, 195
index nominum Conry, Florence (Flaithri Ó Maolchonaire): 102, 198 Constantinople: 14, 132, 148, 154 Coppin, Nicolas: 16, 37-39, 43, 46-48 Coracopetraeus, Henricus: 145 Cordero, Juan Martín: 95, 196 Cormellas, Francisco de: 195 Corselius, Gérard, professeur de grec au Collegium Trilingue: 139, 141, 154, 204 Cortés, Hernán: 197 Coster, Jean de (Johannes Custos Brechtanus): 7, 31 Cracovie: 79 Cranevelt, François de: 46, 50, 186, 188 Crastone, Giovanni: 202 Crète: 133 Crockaert, Henricus: 167 Croke, Richard: 135, 206 Croÿ, Guillaume de: 23, 41, 188 Crucius (van der Cruyce), Jean: 7, 203 Curtius, Pierre: 7, 38, 47, 50-52 Curtius, Quintus (Quinte-Curce): 122 Custodis, Dominicus (Coster): 119 Custos, Joannes (Brechtanus): vide Coster, Jean de Cuyckius, Henri: 53, 200 Cyprien de Carthage, saint, Père de l’Église: 53 Dante, Alighieri: 76-77, 191-192 Dantiscus, Johannes (Dantyszek, Jan): 30 Dave, Antoine: 125, 201 Daxhelet, Étienne: 198-199 Deckers, Gérard, professeur d’hébreu au Collegium Trilingue: 167 Delft: 50, 63 De Maesschalck, Edward: 57, 68, 189 Demosthène: 131, 133, 136, 141 De Schuttelaere, Jean Baptiste Victor, professeur de latin au Collegium Trilingue: 127 Désirant, Bernard(us), professeur de latin au Collegium Trilingue: 128, 202 Desmarais, Jean: vide Paludanus, Jean Despauterius, Johannes (De Spautere/De Spoutere) (Despautère, Jean): 7, 108 De Troeyer, Benjamin: 47 Deventer: 83, 110, 134, 142 D(h)uez, Nathanael: 85, 87, 193-194 Diderot, Denis: 76, 191 Dierckx, Vincent: 25, 36, 39, 45-47, 51 Diest: 49, 164 Dillingen: 30 Dinant: 118 Dioscoride, Pedanius: 138 Disticha Catonis: 29, 106, 186, 198 Dodoens, Rembert: 31 Doergang (Doergan(g)k), Heinrich: 101, 197 Dôle: 203 Donatus, Aelius (Donat), grammairien romain: 78, 88, 194 Dordrecht: 101
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Dormalius, Philippus (Philippe van Dormael): 122, 125, 199 Dorpius, Martin: 7-8 , 14, 34-36, 38, 49-50, 68-69, 187, 199 Douai: 30, 87, 127, 138, 142, 196, 203 Draco, Joannes: 30 Drake, Francis: 197 Driedo, Jean: 38, 46, 48-50 Dubois, Jacques (Sylvius): 78 Du Cygne, Martin: 127 Dürer, Albert: 65 Duffel: 190 Duns Scotus: 197 Dupuis, Claude: vide Puteanus, Claudius Durbalius, Conradus: 196 Du Vivier, Gérard: 85, 87, 101, 193 Ecclésiaste, Livre de l’: 161, 163-164, 173, 176, 183 Edelheer, Jacob, Président du Collegium Trilingue: Egmondanus, Nicolaus (Baechem, Nicolas): 25, 36, 38-39, 42, 45-46, 51, 54 Elichmann, Johannes: 192 Episcopius, Nicolaus: 198 Erdorf, Cornelius: 14 Erasmus, Desiderius (Didier Érasme): xii-xiv, 1-3, 5-8, 11-14, 18, 22-23, 25-43, 45-50, 52-55, 60, 62, 64, 69, 73, 105-107, 109-111, 114, 123, 133-136, 138, 141, 145-147, 156-157, 168, 185-188, 190, 195, 198-199, 203-206, 208 Erfurt: 22, 30 Eschine: 136 Ésope: 105, 108-109, 198-199, 206 Estienne (Stephanus), Henri II: 75 Estienne (Stephanus), Robert: 75, 89 Euripide: 131, 141, 144 Everaerts, Nicolas: 188 Évora: 195 Faber, Johann: 188 Fabius (Bo(o)naerts), Guilielmus, professeur de grec au Collegium Trilingue: 138, 202, 206 Fabri, Georges: 63 Faye, Abraham de la: 196 Fenne, Franciscus de: 87 Ferrare: 106 Filelfo, Francesco: 109, 199 Filomates, Václav: 79 Fischer, Pierre: 90 Fisher, John: 5, 31, 41, 188 Flavius, Jean-Christophe: 123, 126 Florence: 114, 156 Florus, Publius Annius: 122, 127 Foppens, François: 101 Foreest, Pieter van (Pierre Forest): 206 Fortius, Joachim Ringelbergius (Joachim Sterck van Ringelberg(h)): 155, 207 Fortunio, Giovanni Francesco: 79
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index nominum
Francfort: 90 François Ier, roi de France: 8, 26-27, 30, 203 François d’Assise, saint: 120 Franeker: 30, 138, 150 Frédéric III de Saxe: 188 Fribourg: 31 Frisius, Gemma: 31 Froben, Jean: 5, 40, 42, 44, 111, 146, 189, 198, 208 Froidmont, Libert (Fromondus, Libertus): 167 Furió Ceriol, Fadrique: 51 Galenus, Claudius (Claude Galien): 31, 139, 153-154, 204 Gamerius, Hannardus: 207 Gand: 14, 84, 127, 129, 136, 138, 142, 152, 154, 191, 196, 203, 209 Gardiner, Stephen: 30 Garnerius, Johannes: 86 Garnier, Philippe: 86, 193 Gautier l’Anglais (Gualterus Anglicus): 108 Gautius, Léonard, professeur de latin au Collegium Trilingue: 128, 202 Gaza, Théodore: 108, 132-133 Geldenhouwer, Gerard (Gerardus Noviomagus): 7 Gellius, Aulus: vide Aulu-Gelle Genèse, Livre de la: 172-174, 207 Genève: 86 Gennep, Andries van: vide Balenus, Andreas Gennepius Ge(s)sner, Conrad: 79, 95, 192 Ghiberti, Gian Matteo: 46 Gillis, Pierre (Petrus Aegidius): 5, 8 Gils, Anthonius Van: vide Van Gils, Antoine Glaréan, Henri (Glareanus, Henricus Loritus): 145 Goclenius, Conrad, professeur de latin au Collegium Trilingue: 20, 25, 28, 30, 58, 64, 68, 110-111, 115-116, 199, 201-202 Gois, Damião a (Damien de Goès): 30 Goropius Becanus, Johannes (Jan van Gorp, van Beke): 80, 192 Goudanus, Guilielmus: 108 Gourmont, Gilles de: 109, 133 Gozaeus, Thomas: 53 Granvelle, Antoine Perrenot de, cardinal: 110, 202-203 Granvelle, Nicolas Perrenot de: 138 Gratien: 66 Gratius, Ortwin: 188 Gravius (de Graeve), Bartholomaeus: 93, 97-99, 138, 143, 196 Gravius, Henri: 53 Gregoire le Grand, saint, Père de l’Église: 68 Groningue: 107 Grotius, Hugo: 192 Guarini, Guarino (Veronese): 106, 132 Guarino, Battista: 106 Guicciardini, Lodovico: 82, 192, 203 Guidacerio, Agacio (Guidacerius, Agathius): 163, 167, 176, 207 Guilielmus, Johannes: vide Harlemius, Johannes Gzel, Petr: 79
Habrecht, Isaac: 88, 194 Haize, Maximilien de la: 87 Halevi, Isaac: vide Levita, Johannes Isaac Halevi, Jakob: vide Levita, Stephanus Isaac Haloinus, Georgius (Halluin Georges d’): 36, 187, 190 Hamere, Jean de, professeur de grec au Collegium Trilingue: 140 Hamon, René: 87, 194 Haneron, Antoine: 15 Harlemius, Jean, professeur d’hébreu au Collegium Trilingue: 164, 171, 180, 182 Harlez, Charles de: ix Hasselius (van der Eycken), Johannes: 50-51 Hasselt: 153 Hastenius (van Haestens), Henri: 96, 122 Hastings: 81 Heemstede, Jean de: 188 Hegius, Alexandre: 106, 110, 134, 203 Heidelberg: 22 Heinsius, Daniel: 154, 206 Hemsterhuis, Tiberius: 150 Henri VIII, roi d’Angleterre: 8, 26, 125 Hentenius, Jean: 48 Hérodien: 141 Hérodote: 131 Herwagen, Jean: 111, 198 Hésiode: 131, 141, 204 Hessels, Johannes: 51 Hessus, Helius Eobanus: v, 30 Heuschling, Étienne, professeur d’hébreu au Collegium Trilingue: 183 Heverlee: 60 Heymbach, Bernard de , professeur de latin et de grec au Collegium Trilingue: 120, 126-127, 136, 139-140, 201, 204 Heyns, Peeter: 85-87, 91-92, 96, 195 Heyns, Zacharias: 85, 87, 91, 195 Hezius, Thierry (Dirk van Heze): 38, 46, 49, 207 Hillen, Michel: 41, 109, 188, 199 Hippocrate: 139, 154, 204 Hoeven, Joos Vander, Président du Collegium Trilingue: 12, 21, 64, 68 Hoius, André: 203 Homère: 114, 131-133, 140-144, 147-148, 154, 156, 202, 204-205 Hoogstraeten, Jacques van: 22, 45 Hoorn: 136 Hopperus, Joachim: 31 Horace (Quintus Horatius Flaccus): 29, 109 Hornkens, Hendrik: 98, 197 Hortensius, Lambert: 31 Hoven, René: 138, 142 Huizinga, Johan: 35 Hulthem, Charles Van: vide Van Hulthem, Karel Hunnaeus, Augustin: 51, 182-183, 207 Huy: 129, 202 Huygens, Constantin: 207 Huysmannus, Guillaume, professeur de latin au Collegium Trilingue: 118, 200-201
index nominum Iéna: 30, 118 Indes, les: 118 Ingolstadt: 30, 122 Isabelle Claire Eugénie, archiduchesse d’Autriche et Infante d’Espagne, gouvernante des Pays-Bas méridionaux: 102, 204 Isocrate: 141
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Kerkherdere, Gérard Jean, professeur de latin au Collegium Trilingue: 120, 129130, 202 Keysere (Caesar), Robert de: 14, 136 Kiechel, Samuel: 82 Kierher, Johann(es): 202 Kiliaan, Corneille/Cornelis: 31, 89, 100, 192, 194
Laurinus, Marc: 31 Lee, Edward: 7, 38, 42, 49 Leemput, Jean Hubert Joseph, professeur de grec au Collegium Trilingue: 146, 152, 156, 205 Leeuwe, Walter de: vide Beka, Gauthier de Lefèvre d’Étaples, Jacques (Jacobus Faber Stapulensis): 8 Leipzig: 26, 40, 45 Léon X, pape: 14, 22, 42, 188 Leoninus, Elbertus: 31 Leunckens, Guilielmus: 196 Levita, Elia (Elijah ben Asher ha-Levi ha Ashkenazi): 167 Levita, Jean Isaac: 164, 167, 178, 182, 207 Leyde (Leiden): 79, 118, 138-139, 142, 150, 154, 194, 196 Libanius: 148, 152, 205 Liège: 8, 142 Lierre: 63 Lindanus, Guillaume: 30, 51, 207 Lipse, Juste (Lipsius, Justus), professeur de latin au Collegium Trilingue: 11, 80, 102, 115, 118-124, 126-127, 192, 200-201 Lipsius, Georges: 97 Lisbonne: 79 Livius, Titus: vide Tite-Live Lombaert, Jean: 70 Lombardus, Petrus: vide Pierre Lombard (Petrus Lombardus) Londres: 5, 8, 79, 101 Lopes de Haro, David: 196 Lopez de Ulloa, Thomas: 201 Louis XII, roi de France: 14 Lucien de Samosate: 131, 133, 141-142, 144, 148, 204 Lumnius, Petrus Andreas: 86 Luther, Martin: xii, 21, 42-43, 45-46, 54, 163, 188 Luxembourg: 8, 14, 57, 60-61 Luython, Glaude: 82 Lysias: 153
Lachmann, Karl: xi Laddersous, Jean François de, professeur de latin au Collegium Trilingue: Ladeuze, Paulin, Mgr, recteur de l’Université Catholique de Louvain: 1, 184 Laetius (de Laet), Johannes: 192 La Grue, Thomas: 85, 193 Lambrecht, Joos: 78, 191 Lamy, Thomas Joseph: 184 Landino, Cristoforo: 114 Langendonck, Christian van, professeur de latin au Collegium Trilingue: 127 Langius, Thierry, professeur de grec au Collegium Trilingue: 67, 136-137, 141142, 144, 146, 153, 202, 204-206 Lapide, Cornelius a (Cornelis Cornelissen van den Steen): 182 Lascaris, Constantin: 132 Lascaris, Jean (Janos): 14, 75, 133, 135, 185 Lasius, Laurentius Otto: 88 Latomus, Jacques: 22, 37, 39, 41, 45-50, 54, 188
Maaseik: 14, 135 Maastricht: 126, 128, 130 Machiavelli, Niccolò: 75 Mac Caghwell, Hugh (Aodh Mac Cathmhaoil): 197 Mac Curtin, Hugh: 102 Madea/Madeis, Barthélemy de (Bartholomeus Alfeer, alias de Madea): 19 Malines: 1, 5, 8, 11-12, 18-19, 22, 41, 57, 60-61, 63, 67-68 Mallarius, Nicolas: 187 Mameranus, Nicolas: 31 Mantuanus, Baptista: 109 Manuce, Alde (Manutius, Aldus): 108, 133, 141, 145, 163, 171, 178, 208 Marbourg: 30 Marie d’Angleterre (Mary Tudor): 29 Marie de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas: 30, 80, 138 Marie-Thérèse, impératrice du Saint Empire romain germanique: 150 Mariemont: 129 Marin, Pierre: 85, 91, 193
Jansénius, Cornélius, évêque de Gand: 35, 51, 53, 173, 176-177, 180, 197, 208209 Jasparus (Jespersen), Jacobus: 138 Jean Damascène: 53 Jeanne d’Arc: 125 Jeneffe, Lambert de (de Huy), remplaçant de Christian Bombaye comme professeur de Latin au Collegium Trilingue: 202 Jenson, Nicolas: 109 Jérôme, saint, Père de l’Église: xi, 5, 65, 68, 73, 176, 178 Jésus Christ: 32 Jiménez de Cisneros: vide Cisneros, Ximénez/Jiménez, Francisco de Jonas, Jodocus (Justus): 30 Jongelinx, Jean-Baptiste: 170 Jordens, Lambert: 71 Josel, Adrien: 16 Josué, Livre de: 180, 206 Jules II, pape: 8 Jumet: 130 Junius, Hadrianus: 89-90, 93, 194 Justinien Ier / Justinien le Grand, empereur romain d’Orient: 139
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index nominum
Marselarius, Frédéric: 124 Martens, Pierre: 146 Martens, Thierry: 5, 14, 18, 27, 29, 35, 108-109, 133, 135, 141-142, 146, 157158, 162-164, 186, 187, 198-199 Martial (Marcus Valerius Martialis): 29 Martin, Daniel: 86, 91, 193 Martin(ius), François: 140, 204 Marvillanus (Wary), Nicolas, Président du Collegium Trilingue: 12, 52, 67, 189 Marville: 12, 58, 60-61 Masius (Maes), André: 31, 179-180, 182, 208 Masius (Maes), B.: 122 Masius, Jean: 118, 207 Mauricius, Johannes: 110 Maximilien d’Autriche, empereur du Saint Empire romain germanique: 21 Mayence: 22 Medici, Lorenzo de’: 14 Meigret, Louis: 75 Mela, Pomponius: 206 Mélanchthon, Philippe: 154 Mendoza, Francisco de: 30 Mercator, Gérard: 31, 153 Metsys, Quentin: 6 Meurier, Gabriel: 85, 87-88, 91, 96, 100, 195, 201 Meursius, Jean: 139, 204 Meyerus, Liévin (Lieven De Meyere, S.J.): Milan: 79 Minsheu, John: 101 Molanus, Jean: 11, 53 Mons: 8, 87 Montaigne, Michel de: 74 Montézuma: 197 More, Thomas: 8, 31, 67, 188, 206 Moretus, Jean I: 115, 118 Morillon, Antoine: 31 Moringus (Morinck), Gérard: 50 Morrhe, Gérard: Mosellan, Pierre: 40-41 Mudaeus, Gabriel: 31 Muis, Siméon de: 166, 207 Mulerius, Carolus: 87, 101, 194, 197 Münster, Sebastian: 167, 180 Musius, Cornelius: 50 Musset, Jeanne de: 8 Musuros, Marc: 133, 156, 202, 204, 206 Mylius, Abraham: 192 Nadal, Jerónimo: 94 Náměšt’: 79 Nannius (Nanninck), Pierre, professeur de latin au Collegium Trilingue: 30, 49, 52, 111-116, 118, 126-127, 136, 147, 154, 199-203 Nantes: 83 Neaneşi: 79
Nebrija, Antonio de: 74, 78, 97, 99, 190, 192 Nepos, Cornélius: 127 Nesen, Guillaume: 23, 43-44 Nève, Félix: ix, 3, 159, 204 Neve, Jean de: 7, 16, 29 Nicot, Jean: 100 Nimègue: 145 Ninove: 7, 108 Nispen, Nicolas van: 16, 23 Nivelle, Jean de, recteur de l’Université de Louvain: 23 O’Clery, Michael: 197 Ölinger, Albert: 79 Oem, Floris, seigneur de Wijngaerden: 46 O’Hussey, Bonaventure: 102 Olahus, Nicolas: 30, 138, 144 Oliveira, Fernão de: 75, 79 O’Molloy, Francis: 102 Oporinus, Jean: 199, 206 Optát, Beneš: 79 Orange: 193 Orléans: 8, 83, 193 Oudin, César: 100-101, 197 Overfield, James: 34 Ovide (Publius Ovidius Naso): 106, 127, 130 Oxford: 11, 164, 186 Padoue: 8, 133, 156, 204 Pagnini, Santes (Pagninus, Xanthus): 176, 209 Pallet, Jean: 197 Palsgrave, John: 78-79 Paludanus (Desmarais), Jean: 7, 12, 15 Pamelius, Jacques: 53 Paquot, Jean-Noël, professeur d’hébreu au Collegium Trilingue: 129, 159, 161, 166-167, 171-173, 177, 179-182, 208 Paris: 8, 11, 14-15, 22, 25, 73, 83, 86, 89, 115, 133-136, 145, 156, 163, 168, 185, 188, 191, 197-198, 206-208 Parisot, Pierre: 87, 96, 194, 196 Parival, Jean Nicolas: 87, 97, 194, 196 Paul, saint, apôtre: 64 Pavie: 106 Peckius, Pierre: 31 Perse, Aules (Aules Persius Flaccus): 29, 122 Persinius, Antoine: 200 Pétrarque, François (Petrarca, Francesco): 105-106, 132, 198, 202 Petri, Cunerus de Brouwershausen: 51 Petri, Suffridus: 138, 141-142, 144, 146, 148, 154, 203-208 Pforzheim: 145 Phèdre (Caius Iulius Phaedrus): 122 Philippe II, roi d’Espagne et souverain des Pays-Bas: 164, 202 Philippe III, roi d’Espagne: 102 Philippe IV le Beau: 8, 185
index nominum Philippe de Bourgogne: 26 Piccolomini, Aeneas Silvius: vide Pie II Pic de la Mirandole, Jean: 75, 170 Pie II, pape: 106 Pielat, Barthélemy: 85, 87, 194 Pierre Lombard (Petrus Lombardus): 29, 52 Pillotus, Johannes (Pillot, Jean): 86, 96, 196 Pighius, Stephanus (Étienne Vinand): 31 Pimpontius, Germanus Valens: 115, 200 Pindare: 133, 204 Plantin, Christophe: 80, 87, 89, 92, 115, 141-142, 164, 176, 179-180, 182-183, 194, 200, 202, 204, 206, 208 Planudes, Maximus (Maxime Planude): 29 Platon: 131, 133, 141 Plaute (Titus Maccus Plautus): 29 Pline l’Ancien: 147 Pline le Jeune: 29, 109 Plutarque: 124, 133, 144, 152, 204, 206 Polet, Amédée: Politien, Ange (Angelo Poliziano): 75 Pomey, François: 195-196 Porphyre: 18 Porte, Arnaldo de la: 99-100, 196-198 Praepositus, Jacobus: 39 Pratel, Antoine-François de: 87, 97-98, 129, 194, 196, 202 Priscianus (Priscien), grammairien latin: 78 Prosper d’Aquitaine: 105, 198 Proverbes, Livre des: 167, 173, 183 Prudence (Aurelius Prudentius Clemens): 109 Psaumes, Livre des: 164, 166, 167, 171-173, 175-177, 182-183, 207-208 Puteanus, Claudius (Claude Dupuis): 96, 196 Puteanus, Erycius, professeur de latin au Collegium Trilingue: 119-127, 139, 154, 201, 203-204, 207 Putte, Peter van de: 71 Pylos: 147 Quintilien (Marcus Fabius Quintilianus): 77-78, 108 Rabot(tus), Guillaume: 196 Ram, Pierre François Xavier de (Mgr), recteur de l’Université Catholique de Louvain: 1 Ramée, Pierre de la (Ramus, Petrus): 75 Raphelengius, François I: 115 Ravesteyn, Jodocus: 51 Reede, Frédéric van: 136-137, 167, 179 Rega, Henri Joseph: 129 Rennenberg, Herman de, comte: 115 Rennenberg, Jean François de: 115 Rescius, Rutger(us), professeur de grec au Collegium Trilingue: 14, 18, 20, 25, 28, 31, 33, 40, 52, 58, 60, 64, 109, 112-113, 135-136, 141-147, 153, 185, 199, 203-204, 206 Resende, André de: 47, 189
225
Reuchlin, Jean: 21-22, 25, 39, 45, 145, 163, 167, 170-171, 175, 178, 187, 205, 207-208 Rhenanus, Beatus: 26, 118 Rhetorica ad Herennium: 105 Rhys, John David: 79 Rijn, Jacques van: 18 Rivius, Gérard: 122, 165 Robbyns, Jean: 12, 16, 19, 23, 40 Robert, Gruffydd: 79 Roches, Jean des: 152, 206 Roger Bacon: 132, 202 Rolduc: 129 Rome: 8, 15, 22, 89, 102, 128, 182, 200 Rosemondt, Godschalck: 25, 38 Rotterdam: xi, 7, 83, 194 Rummel, Erika: 34 Rupelmonde: 153 Ruterius (Le Ruistre), Nicolas: 12, 185 Ruysius, Godefridus Taxander: 46 Rythovius, Martin: 51 Salamanque: 74, 78, 102, 194 Salluste (Caius Sallustius Crispus): 109, 122 Salmasius, Claude: 192 Salutati, Coluccio: 132 Sartori, Paolo: 48 Sasbout, Adam: 51, 100 Sasbout, Mathias: 100 Sassenus, Pierre: 126-127, 201 Sassenus, Servais: 114 Sauterus, Jean, professeur d’hébreu au Collegium Trilingue: 166 Sauvage, Jean Le: 5, 11, 14, 18, 26 Scaliger, Joseph-Juste: 80, 192 Schepper, Cornelius de: 31 Schoeps, Jean-Baptiste: 140 Schoof: 87 Schotanus, Petrus: vide Smenga, Petrus Pierius a Schottus, André: 153, 206 Schrieckius, Adrien: 192 Schuttelaere, Jean Baptiste Victor de: vide De Schuttelaere, Jean Baptiste Victor Sculteti, Cornelius: 16 Secret, François: 136 Secundus, Janus: 126 Sedan: 193 Sénèque le Jeune (Lucius Annaeus Seneca): 107, 122, 124, 127 Serreius, Johannes: 86 Servius, grammairien romain: 114 Sestich, Jean van ‘t: 171 Sexagius (van t’Sestich), Antoine: 75, 191 Shirwood, Robert, professeur d’hébreu au Collegium Trilingue: 25, 136, 163164, 173, 175
226
index nominum
Simon, G.: 98 Sleidanus, Jean: 31 Smenga, Petrus Pierius a, professeur d’hébreu au Collegium Trilingue: 136-137, 164, 167, 179, 208 Smetius, Martin: 31 Snellaerts, Dominique, professeur de latin au Collegium Trilingue: 127, 201 Sobrino, François: 101, 197 Socrate: 32 Soissons: 135 Somnium Scipionis: 122 Sonnius, François: 51 Sophocle: 141, 204 Spalt, Stephan: 86, 193 Speroni, Sperone: 75, 79 Spieghel, Hendrik Laurenszoon: 79 Spire (Speyer): 22, 86 Stace (Publius Papinius Statius): 106 Statorius, Pierre: 79 Steenbergen: 8, 12, 58, 60 Stercke, Jean, Président du Collegium Trilingue: 12, 15, 17, 19, 21, 60, 64, 69 Stevin, Simon: 79 Stockmans, Pierre, professeur du grec au Collegium Trilingue: 139-140 Stramot, Pierre: 49 Strasbourg: 30, 79, 86, 88, 91, 193, 202 Stromer, Henri: 190 Stryckwant, Guillaume: 97-98 Sturmius, Jean: 138, 145 Sucket, Antoine: 11, 23, 45 Susius, Daniel: 118 Suys, Jacques: 118 Sylvester, János: 79 Sylvius, Jacobus (Dubois, Jacques): Tacite (Publius Cornelius Tacitus): 123-124, 126 Tapper, Ruard: 48, 50, 52 Tayspil, Daniel: 25 Térence (Publius Terentius Afer): 29, 108-109 Tertullien (Quintus Septimius Florens Tertullianus): 53, 126 Thale, William: 26 Théocrite: 133-134, 141, 204, 207 Théophile l’Antécesseur (Theophilus Antecessor): 141, 204 Thiery, Mathieu: 16 Thriverus, Jérôme: 31 Tissard, François: 133, 202, 205 Tite-Live (Titus Livius): 109, 114, 118-119, 198, 200-201 Titelmans, François: 47-48 Tolède: 41, 81 Tory, Geoffroy: 78 Touche, Pierre de la: 103 Tournai: 23, 30 Tourneur, Victor: 202 Trazegnies, Jean de: 62
Trente: 48, 53, 182 Trèves: 22, 125 Trissino, Giangiorgio: 191 Trognesius, César Joachim: 99-100 Tronchinus, Jean Antoine: 87, 194 Tübingen: 208 Ulysse: xii Utenheim, Christoph von: 26 Utrecht: 26, 83, 115 Vaerman, Jean: 87, 194 Valencia (Valence): 95 Valenciennes: 82 Valeriano, Pierio: 116, 200 Valerius, Cornelius, professeur de latin au Collegium Trilingue: 30, 67, 93-94, 115-118, 123, 127-128, 200-201 Valère Maxime (Valerius Maximus): 122 Valkenburg: 130 Valla, Lorenzo: 27-28, 31, 73, 109, 186, 199 Van den Steen, Henri Joseph: 120, 130 Van der Heiden, Jodocus (Josse): 153 Van Geesdalle, Jacques-François: 87, 194 Van Gils, Antoine, professeur de grec au Collegium Trilingue: 202 Van Hulthem, Charles: 152, 159 Van Overbeke, Martin: 102 Van Rillaer, Jean: 68 Varennius, Johannes: 202 Varron (Marcus Terentius Varro): 29, 122 Vascosan, Michel de: 115 Veere: 14 Vegerius, Conrad: 8 Velde, Jan Frans van de: 206 Veneziano, Agostino: 134 Venise: 29, 81, 84, 109, 131, 133, 135, 163, 195 Venlo: 121 Verdussen, Jérôme: 99 Verdussen, Jean-Baptiste: 99 Verepaeus, Simon: 51 Vergerio, Pier Paolo: 106 Verlenius, Jérôme: 51 Vernulaeus Nicolas, professeur de latin au Collegium Trilingue: 1, 28, 120, 123127, 201 Vésale, André (Andreas Vesalius): 31, 153 Vessem, Barthélémy van: 16, 23, 60, 63-64, 67 Viaenen, Guillaume de: 38, 43, 46 Vienne (région Auvergne-Rhône-Alpes France): 168 Vienne (Wien, Autriche): 69, 88, 70, 89 Viglius d’Aytta: vide Aytta, Viglius d’ Villa Dei, Alexander de: vide Alexandre de Villedieu Villalón, Cristóbal de: 98, 196 Villers, Servais-Augustin de: 129, 202
index nominum Virgile (Publius Vergilius Maro): 28, 106, 108-112, 114-118, 127, 154, 199, 207, 209 Virton: 125 Viruli (Menneken/Manneken), Carolus: 7 Vivès, Jean Louis: 23, 29, 31, 50, 73, 141, 188 Vlimmer, Jean: 31 Vocht, Henry de: 3, 30, 39, 57, 111, 116, 136, 159 Vorsterman, Willem: 93, 195 Vossius, Gerardus Johannes: 204 Vroeye, Josse: 16, 39 Vullinck, Jean: 23
227
Wittenberg: 30, 79, 163, 196 Wolsey, Thomas, cardinal: 11, 188 Worms: 22 Wotton, Nicholas: 30 Wouters, Henri, Président du Collegium Trilingue: 59 Wouters, Joannes: 69 Woverius, Jean: 199 Wreede, Aerdt de, maître-maçon du Collegium Trilingue: 19 Xénophon: 141, 144, 152 York: 7, 26
Wakefield (Wackfield), Robert, professeur d’hébreu au Collegium Trilingue: 25, 163-164, 173, 175, 207 Wamesius, Jean: 31, 204 Ward, Hugh (Aodh Buidhe Mac an Bhaird): 197 Warham, William, archevêque de Cantorbéry: 187 Wary, Nicolas, Président du Collegium Trilingue: vide Marvillanus, Nicolas Wechel, Joannes: 90, 208 Widmanstetter, Johann Albrecht: 180 Wierix, Jan: 80 Witte, Jean de: 30
Zaghere, Willem: 108 Zangrius, Pierre: 122, 208 Zegers, Jean-Baptiste, professeur de grec au Collegium Trilingue: 140, 150, 204 Zichem, Eustache van: 36, 38-39, 47 Zierikzee: 18, 115 Zoësius, Henri, professeur de grec au Collegium Trilingue: 139, 203-204 Zürich: 79 Zweig, Stefan: xii-xiv Zwingli, Ulric: xii
Tableau synoptique des professeurs et présidents du Collegium Trilingue
PROFESSEURS LATIN
GREC
HÉBREU
1518-1519
Hadrianus Barlandus
1518-1545
Rutger(us) Rescius
1518-1519
Matthaeus Adrianus
1519-1539
Conradus Goclenius
1545-1560
Adrien Amerot
1519-1519
Robertus Wakefield
1539-1557
Petrus Nannius
1560-1578
Theodoricus Langius
1519-1519
Robert Shirwood
1557-1578
Cornelius Valerius
15?-1590
Guilielmus Fabius
1520-1531
Johannes Campensis
1586ca.1589
Guilielmus Huysmannus
1591-1596
Gerardus Corselius
1532-1568
Andreas Gennepius Balenus
1606-1607
Henricus Zoësius
1568-1569
1592-1606
Justus Lipsius
1609-1632
Petrus Castellanus
Johannes Guilielmus Harlemius
1607-1646
Erycius Puteanus
1632-1643
Petrus Stockmans
1569-1577
Petrus Pierius a Smenga
1646-1649
Nicolaus Vernulaeus
1643-1652
Mathieu Theige
1612-1655
Valerius Andreas
1649-1664
Bernadus Heymbachius
1652-1654
Joannes Normenton
1656-1679
Johannes Sauterus
1664-1669
Christianus Van Langendonck
1654-1664
Bernardus Heymbachius
1680-1704
Joannes Herrys
1669-1683
Joannes Baptista Victor de Schuttelaere
1664-1680
Joannes de Hamere
1704-1723
Joannes Guillielmus van Hove
1681-1682
Rutgerus van den Burgh
1726-1750
Gisbertus Joseph Hagen
1683-1722
Franciscus Martin
1755-1772
Jean-Noël Paquot
1723-1732
Gilles Audenaert
1774-1782
Gerardus Deckers
1732-1740
François Claude de Quareux / Gérard Joseph de Quareux (?)
1782-1786
Joseph-Benoît de Mazières
1790-1797
Étienne Heuschling
1683-1688
Dominicus Snellaerts
1689-1693
Leonardus Gautius
1689-1701
Bernardus Désirant
1705-1720
Johannes Franciscus de Laddersous
1730-1741
Christianus Bombaeus
1722-1738
Gerardus Johannes Kerckherdere
1741-1768
Henricus Josephus van den Steen
1741-1782
Johannes-Baptista Zegers
1782-1787
Jean Hubert Joseph Leemput
1790-1791
Joannes-Baptista Cypers
1791-1797
Anthonius van Gils
230
tableau synoptique des professeurs et présidents du collegium trilingue
PRÉSIDENTS 1520 -1526 Jean Stercke
1606 -1624 Adrien Baeckx
1526-1529
Nicolas Wary
1626-1647
Frédéric Havens
1529-1536
Joos Van der Hoeven
1648-1693
Philippus Bellens
1536 -1539 Jacob Edelheer
1693-1723
Louis François Deens
1539-1544
Nicolas van der Borcht
1723-1752
Leonardus Josephus Streithagen
1544-1559
Joannes Reineri de Weerdt
1752-1759
Martinus Geldolphus Vanderbuecken
1559 -1570 Melchior van Ryckenroy
1759-1783
François Jacques
1571-1585
1783-1787
Henri Wouters
1790-1797
Joannes Josephus van den Elsken
Jean Verhaghen
Université en déclin par suite des guerres