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French Pages 188 Year 2022
La physique
Sidney Perkowitz
La physique Traduit de l’anglais par Alan Rodney
ChronoSciences Collection destinée à un large public qui invite le lecteur à découvrir de façon très complète mais de manière abordable un sujet ou une thématique précise.
« Dans la même collection » L’Intelligence artificielle, M. A. Boden, 2021 La Théorie quantique, J. Polkinghorne, 2021 Les Marées, D. G. Bowers et E. M. Roberts, 2021 L’Anthropocène, E. C. Ellis, 2021 L’Odorat, M. Cobb, 2021 Le Changement climatique, M. Maslin, 2022 Les Énergies renouvelables, N. Jelley, 2022 L’écologie, J. Ghazoul, 2022 Physics: a very short introduction was originally published in English in 2019. This translation is published by arrangement with Oxford University Press. [La physique a été initialement publiée en anglais en 2019. Cette traduction est publiée avec l’autorisation d’Oxford University Press.] © Sidney Perkowitz 2019. © Pour la traduction française, EDP sciences, 2022. Composition et mise en page : Desk (www.desk53.com.fr) Imprimé en France Papier : 978-2-7598-2692-6 E-book : 978-2-7598-2693-3
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
Table des matières Avant-propos ...................................................................................................
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Remerciements ..............................................................................................
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Liste des abréviations ..............................................................................
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1. Tout commença chez les Grecs ............................................
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2. Ce dont traite, ou pas, la physique ....................................
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3. La physique, comment ça marche ? .................................
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4. La physique appliquée et étendue ....................................
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5. Une force au sein de la société .............................................
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6. La physique de demain : des questions sans réponse ............................................................................................................
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Références bibliographiques ...........................................................
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Lectures supplémentaires et liens Internet ....................
178
Index ..........................................................................................................................
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Ce livre est dédié, comme tous les autres, à mon aimante famille : à ma chère épouse Sandy, et à Mike, Erica et Nora. Ils ont tous enrichi ma vie et mes écrits.
Avant-propos La « physique » est un vaste sujet qui couvre de grandes étendues de temps, d’espace et d’idées. La science ellemême est aussi ancienne que la philosophie naturelle des Grecs anciens, et aussi récente que les données les plus récentes de la National Aeronautics and Space Administration (NASA) ou de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) et que les technologies les plus récentes. Il s’agit également d’une entreprise mondiale. Nombre de ses réalisations, comme la découverte du boson de Higgs et la détection des ondes gravitationnelles, ont été accomplies par de grandes équipes internationales de chercheurs. Les domaines couverts par la physique s’étendent plus loin que la Terre elle-même. L’un des objectifs de la physique est de comprendre l’Univers tout entier, de ses origines à son destin ultime, et des quarks à tout l’espace-temps. À travers ses sous-domaines et ses domaines partenaires tels que les particules élémentaires, la matière condensée et l’astrophysique, la physique contribue à notre compréhension de la nature à toutes ses échelles, à la technologie qui définit notre mode de vie et à l’exploration de la nature de la vie et des êtres vivants, y compris l’humanité elle-même. 9
LA PHYSIQUE
L’objectif de ce livre est de vous aider, vous, lecteur, lectrice, à mieux comprendre ce vaste sujet. J’espère vous montrer suffisamment de la physique, y compris son histoire, pour que vous puissiez apprécier ce que recouvre ce sujet, comprendre comment les physiciens effectuent des recherches et pourquoi elles sont importantes et comment et pourquoi la société soutient la physique, et comment celle-ci affecte en retour la société ; et à envisager comment la physique répond à certaines des plus grandes questions de l’Humanité, telles que « Comment tout a commencé ? » à « Comment pouvons-nous vivre durablement sur Terre ? ». Cette vue d’ensemble s’appuie sur ma carrière de chercheur, d’éducateur et d’administrateur en physique, ainsi que sur tout le travail que j’ai investi dans le domaine de la vulgarisation scientifique et les écrits associés. Mon expérience de la recherche comprend des laboratoires industriels, universitaires et gouvernementaux, de la « petite » physique avec des équipements de paillasse dans mon propre laboratoire, et de la « grande » physique au Laboratoire national de Los Alamos (LANL) et dans d’autres grandes installations. J’ai visité des lieux où l’histoire de la physique s’est écrite, comme l’observatoire du Mont Wilson, où l’expansion de l’univers a été découverte, le site du premier essai de la bombe atomique à Alamogordo, au Nouveau-Mexique, et l’Observatoire de Paris, où la vitesse de la lumière a été mesurée pour la première fois. En partageant mes expériences et mes connaissances variées de la physique, je me suis efforcé de rendre le sujet accessible. Mes écrits supposent un minimum de connaissances préalables en physique, et j’en parlerai en termes descriptifs et conceptuels plutôt qu’en termes mathématiques. Si, après avoir terminé cette « très brève Introduction », vous comprenez mieux ce qu’est la physique, et comment et 10
AVANT-PROPOS
pourquoi la physique et les physiciens fonctionnent comme ils le font, ce livre aura été une réussite. Et si, après l’avoir terminé, vous souhaitez en savoir plus, ou peut-être même poursuivre une carrière en physique ou dans toute autre science, alors ce livre aura été un double succès. Mais, par-dessus tout, j’espère simplement que vous apprécierez ce livre. Sidney Perkowitz Atlanta (Georgia) et Seattle (Washington) -.
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Remerciements C’est un réel plaisir pour moi de remercier l’éditrice Latha Menon, de l’Oxford University Press (OUP), qui m’a commandé ce livre, et qui non seulement a accueilli positivement l’idée d’un ouvrage d’introduction sur la physique, mais elle m’a guidé tout au long du processus de proposition et a amélioré le manuscrit grâce à son travail d’édition ; Jenny Nugee et Carrie Hickman, qui ont répondu efficacement à mes questions pendant que j’écrivais le livre et qui ont recherché des illustrations, respectivement ; Joy Mellor reçoit toute ma gratitude pour son travail efficace d’édition du texte. Je remercie également les réviseurs anonymes pour leurs commentaires utiles. Je remercie tout particulièrement mes lecteurs bénévoles, Marc Merlin et Winston King, respectivement directeur exécutif et codirecteur de l’Atlanta Science Tavern . Ils ont lu mon manuscrit à différents stades, puis ont mis à profit leur profonde connaissance de la physique, de la vulgarisation et de l’enseignement scientifiques pour suggérer des modifications qui ont rendu le livre plus lucide et plus complet.
. NDT – Haut lieu de rencontres conviviales pour scientifiques.
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REMERCIEMENTS
Je remercie deux membres du personnel de l’American Institute of Physics (AIP) pour leur aide dans la fourniture et l’explication des statistiques sur le soutien fédéral américain à la physique, sur l’emploi des physiciens et la production de doctorats en physique : Patrick Mulvey, Senior Survey Scientist, Statistical Research Center ; et William Thomas, Science Policy Analyst, Government Relations Division. Si, malgré tout, il subsiste des erreurs dans le livre, elles n’engagent que moi et moi seul.
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Liste des abréviations
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a
accélération
AlO
oxyde d’aluminium
APS
American Physical Society
c
vitesse de la lumière
CdSe
séléniure de cadmium
CERN
European Organization for Nuclear Research, Genève
CMB
cosmic microwave background (Fond diffus cosmologique)
CO
dioxyde de carbone
DoD
US Departement of Defense (ministère de la Défense)
DoE
US Department of Energy (ministère de l’Énergie)
E
Énergie
ESA
European Space Agency (Agence spatiale européenne)
F
force
GaN
nitrure de gallium
LISTE DES ABRÉVIATIONS
GPS
global positioning system (géo-positionnement par satellite)
H
horizontal
IRM
imagerie par résonance magnétique
IRMf
imagerie par résonance magnétique fonctionnelle
ISS
International Space Station (Station spatiale internationale)
ITER
International Thermonuclear Experimental Reactor, Cadarache
LED
light emitting diode (diode électroluminescente)
LHC
Large Hadron Collider (Grand collisionneur de hadrons au CERN)
LIGO
Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory (Observatoire d’ondes gravitationnelles par interférométrie laser)
m
masse
MIT
Massachusetts Institute of Technology, Cambridge, Mass.
NAS
National Academy of Sciences, États-Unis
NASA
National Aeronautics and Space Administration, États-Unis
NIF
National Ignition Facility, États-Unis
NRC
National Research Council, États-Unis
NSF
National Science Foundation, États-Unis
qubit
quantum bit (élément binaire quantique)
QUEST Quantum Entanglement Space Test (test spatial de l’intrication quantique) RMN
résonance magnétique nucléaire 15
LA PHYSIQUE
ROMY Rotational Motions in Seismology, (mouvements de rotation en sismologie)
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sonar
Sound Navigation and Ranging (navigation au son et mesures de distance)
V
vertical
WIMP
weakly interacting massive particles (particules massives à faible interaction)
1 Tout commença chez les Grecs Même si vous n’êtes pas physicien ou physicienne et que vous n’avez jamais suivi de cours de physique, la physique fait partie de votre vie. Votre smartphone utilise des puces à semi-conducteurs basées sur la mécanique quantique ; si vous avez déjà subi une radiographie ou une IRM, vous avez bénéficié de techniques médicales développées dans des laboratoires de physique ; si vous vous souciez de l’énergie propre et de la préservation de l’environnement, ou si vous vous inquiétez des risques de guerre nucléaire, la physique s’intéresse également à ces questions ; et si vous avez déjà regardé les étoiles dans le ciel nocturne et que vous vous êtes demandé – comme nous l’avons toujours fait – comment elles, et toute la création, sont apparus, la science de la physique a les réponses. Des appareils grand public aux recherches à la limite de l’inconnu, la physique fait partie intégrante de nos activités quotidiennes, de notre civilisation et de nos aspirations les plus élevées. C’est une science fondamentale qui bénéficie d’un soutien massif de la société et qui sous-tend d’autres sciences et technologies. 17
LA PHYSIQUE
Pourtant, cette entreprise humaine essentielle a commencé il y a longtemps et à petite échelle, dans l’esprit d’une poignée de penseurs grecs qui voulaient comprendre le monde qui les entourait.
CURIOSITÉ ET COMPRÉHENSION S’il y a un thème constant qui traverse l’histoire de la physique, depuis ses débuts en tant que philosophie naturelle pratiquée par les Grecs de l’Antiquité jusqu’aux théories et appareils complexes d’aujourd’hui, il a deux volets : la curiosité à l’égard du monde naturel et la conviction que nous, les humains, pouvons le comprendre. Nos premiers ancêtres étaient certainement étonnés et impressionnés par les phénomènes naturels qui les entouraient, du lever et coucher du soleil au bruit et aux mouvements incessants de l’océan. Ces sentiments ont dû s’accompagner du désir de comprendre ce qu’ils voyaient. Nous sommes toujours émerveillés par la beauté et le fonctionnement de l’Univers qui nous entoure, mais avec une différence. Aujourd’hui, nous pouvons expliquer une grande partie, mais pas la totalité, de ce que nous percevons grâce à nos sens ou à des instruments spécialisés. Nous continuons à chercher une compréhension plus large et plus profonde, et nous disposons aujourd’hui des outils nécessaires pour satisfaire cette curiosité ; outils dont le développement constitue une grande partie de l’histoire de la physique et de toutes les sciences.
PHYSIQUE ET NATURE Le lien entre la physique et la Nature est ancré dès les débuts de cette science, dont le nom vient de la racine grecque physis [MXVL9], qui signifie « nature » ; mais les outils qui ont donné naissance à la physique moderne ont mis longtemps 18
TOUT COMMENÇA CHEZ LES GRECS
à se développer. Nos premiers ancêtres croyaient que les mécanismes de la nature étaient sous le contrôle arbitraire, parfois capricieux, de dieux tels que Zeus, le chef des dieux Olympiens grecs, qui punissait les autres dieux et les mortels lorsqu’ils défiaient son autorité. Cette croyance a été remplacée par un ensemble de concepts et de techniques qui ont donné naissance à la physique, une approche intégrée de l’exploration de l’Univers. Parmi ces idées, la plus importante était (et est toujours) le fait de croire que nous pouvons comprendre le fonctionnement du monde par l’exercice rationnel de l’intellect humain. Il s’agissait d’un changement majeur par rapport à la croyance que les dieux pouvaient faire ce qu’ils voulaient en dehors de la connaissance ou du contrôle humain. L’idée de cause à effet, la conviction qu’une action physique dans le monde, telle que l’application d’une force, donne un résultat prévisible, et que la même cause produit toujours le même effet dans des conditions identiques, y est étroitement liée. L’observation minutieuse et l’enregistrement des événements naturels, tels que le mouvement régulier des planètes et des étoiles, étaient également nécessaires au développement d’une science physique. Plus tard, l’analyse quantitative est apparue. Les mathématiques sont devenues le langage de la physique, le moyen le plus puissant, le plus concis et le plus exact de manipuler des données, d’exprimer des idées physiques, de modéliser le monde et de prédire son comportement. Deux autres conditions préalables étaient la notion d’expérimentation, une portion de réalité artificiellement limitée, conçue pour tester une idée particulière, combinant généralement l’observation et l’enregistrement de données quantitatives ; et le développement d’une physique théorique qui utilise les mathématiques pour analyser et expliquer le comportement physique et les résultats expérimentaux. 19
LA PHYSIQUE
Ces éléments ne sont pas apparus rapidement ou en un seul endroit, mais au fil des millénaires dans différentes nations et cultures. Par exemple, avant les Grecs, les Sumériens, les Babyloniens et les Égyptiens ont développé des méthodes de mesure et des mathématiques appliquées. Les Sumériens et les Babyloniens ont produit des catalogues d’étoiles, et les Égyptiens ont cultivé les mathématiques pratiques pour suivre la répartition des terres lorsque les crues du Nil effaçaient les limites des frontières. D’autres civilisations anciennes à travers le monde ont également développé des aspects de la science physique et quantitative, ainsi que des technologies qui témoignent de la maîtrise des principes physiques. Les Chinois, par exemple, ont inventé le boulier et la boussole magnétique parmi d’autres dispositifs et procédés ; en Asie du Sud, les mathématiciens indiens ont développé ou largement transmis des idées mathématiques fondamentales telles que les concepts du zéro en tant que nombre, et des nombres négatifs ; en Amérique centrale, les Mayas ont développé des systèmes astronomiques et des calendriers sophistiqués ; et en Amérique du Sud, les Incas ont conçu un vaste réseau routier ainsi que des aqueducs pour la gestion de l’eau. Cependant, l’idée centrale selon laquelle la Nature est régie par des « lois » qui fonctionnent sans l’intervention des dieux et peuvent être comprises rationnellement remonte aux premiers philosophes grecs, en particulier Aristote, qui a présenté un système mondial dans son ouvrage intitulé « Physique ». Ce titre avait une signification différente de celle qu’il a aujourd’hui. Les philosophes naturels comme Aristote n’étaient pas comme les physiciens d’aujourd’hui. Ils n’effectuaient pas nécessairement d’expériences ou n’utilisaient pas les mathématiques, mais ils recherchaient les lois de la 20
TOUT COMMENÇA CHEZ LES GRECS
Nature telles que les lois du mouvement et du changement, un thème majeur de la « Physique ».
OBJETS EN MOUVEMENT Il semble inévitable que l’étude du mouvement ait été importante pour les penseurs grecs. Peu de choses sur la Terre ou dans les cieux sont fixes et nous vivons dans le changement, comme l’a reconnu le philosophe grec Héraclite lorsqu’il écrit : « Aucun homme ne marche deux fois dans la même rivière ». De même, nous voyons et expérimentons constamment et viscéralement les causes et les effets du mouvement dans la vie quotidienne, comme la force nécessaire pour lancer une pierre et les différences dans sa trajectoire après l’avoir lancée avec plus ou moins d’effort. L’analyse du mouvement faite par Aristote contient quelques idées, mais sa loi de la chute des corps montre la faiblesse de la pensée grecque lorsqu’elle n’utilise pas les résultats empiriques pour comprendre la Nature. Son affirmation selon laquelle les corps les plus lourds tombent plus vite semble relever du bon sens, mais elle est fausse. Ce n’est qu’après de nombreuses expériences que nous savons que tous les corps matériels tombent avec la même accélération dans un champ gravitationnel donné. Pourtant, la pensée grecque a donné naissance à des idées importantes, comme la théorie atomique, défendue par Démocrite d’Abdère, qui l’a résumée en une seule phrase concise : « Rien n’existe à part les atomes et l’espace vide, tout le reste n’est qu’opinion ». Et certains des premiers penseurs ont effectivement réalisé des expériences et des observations. Par exemple, Archimède a découvert le principe de la flottabilité d’un corps plongé dans un liquide et, au iie siècle de notre ère, Claudius Ptolémée a recueilli des données sur la réfraction ou la courbure de la lumière lorsqu’elle se déplace entre différents milieux. 21
LA PHYSIQUE
Chaque siècle suivant a apporté ses propres contributions à la physique. Les premiers travaux ont suivi les écrits des philosophes grecs, notamment Aristote, mais toutes les cultures n’ont pas prolongé ces idées. Le philosophe et poète romain Lucrèce a exercé une grande influence en expliquant simplement la science grecque à ses concitoyens. Son poème sur la nature des choses est célèbre pour sa présentation claire d’idées grecques telles que la théorie atomique. Ce poème a influencé la compréhension qu’avait Isaac Newton de la chute des corps, et le biologiste mathématicien écossais D’Arcy Thompson, auteur de l’ouvrage classique On Growth and Form () sur les contraintes physiques des êtres vivants, considérait que Lucrèce apportait quelque chose à chaque génération de scientifiques. Les contributions grecques et romaines à la physique font partie de la culture occidentale, mais à partir du début du ixe siècle de notre ère, la culture moyen-orientale a pris la tête de l’étude et de la transmission des idées physiques. Les érudits de Bagdad ont traduit les œuvres d’Aristote et d’autres Grecs en arabe, et l’astronome et mathématicien arabe Ibn al-Haytham (également connu sous le nom d’Alhacen) a fait des progrès en optique. Ibn al-Haytham a démontré que l’analyse de la réfraction de Ptolémée était erronée et a rejeté son idée que la vision survient lorsque les rayons lumineux quittent l’œil humain, en faveur de l’idée correcte que la vision survient lorsque les rayons lumineux entrent dans l’œil. D’autres traductions des ouvrages arabes et grecs originaux ont permis de faire progresser la physique en Europe pendant l’âge des ténèbres. Cette évolution s’est poursuivie lentement jusqu’aux xvie et xviie siècles, lorsque les philosophes naturels se sont éloignés de la physique aristotélicienne pour se tourner vers l’analyse quantitative et l’expérimentation, qui allaient sous-tendre la physique. 22
TOUT COMMENÇA CHEZ LES GRECS
LA RENAISSANCE ET LES PLANÈTES Une grande partie de ces progrès ont eu lieu pendant la Renaissance, la période du xive au xviie siècle pendant laquelle de nouvelles idées culturelles, artistiques et scientifiques ont fleuri en Europe. Bien que certains chercheurs aient remis en question la validité de l’isolement de cette période comme étant spéciale et que ses causes soient débattues, cette époque a donné naissance à des personnalités importantes en Europe qui ont fait progresser la physique et ses méthodes. L’un d’entre eux, le mathématicien polonais Nicolas Copernic, a réalisé une percée en astronomie et en cosmologie : la révolution copernicienne. Ptolémée avait auparavant utilisé des données astronomiques pour construire un modèle d’Univers dont la Terre était le centre, une vision géocentrique qui a été acceptée pendant des siècles. Mais en , Copernic, dans son livre Des révolutions des sphères célestes, place le Soleil au centre. Avec cette théorie héliocentrique, Copernic place les planètes observées dans leur ordre correct de distance par rapport au Soleil, mais il s’accroche à la croyance de Platon selon laquelle les orbites célestes doivent être des cercles parfaits. Comme pour Ptolémée, il était impossible d’expliquer les mouvements planétaires observés sans procéder à des ajustements significatifs et arbitraires de leurs orbites qui n’avaient aucun fondement physique. C’est à l’astronome allemand Johannes Kepler qu’il revient de résoudre ce problème. Il constate qu’aucune modification d’une orbite circulaire ou ovale ne peut reproduire le comportement observé de Mars, mais qu’une orbite elliptique le peut. Kepler a exprimé ses résultats en trois lois du mouvement des planètes : leurs orbites sont elliptiques, le Soleil étant décalé du centre vers un foyer de l’ellipse ; 23
LA PHYSIQUE
la ligne imaginaire reliant une planète au Soleil balaie des surfaces égales en des temps égaux ; et la période orbitale de chaque planète augmente avec sa distance au Soleil selon une relation spécifique. Par exemple, à une distance du Soleil , fois supérieure à celle de la Terre, Jupiter met , ans pour effectuer une orbite. Plus tard, le grand scientifique anglais Isaac Newton montrera que ces lois apparemment distinctes découlent d’une seule et même source, sa loi de la gravitation universelle. Mais avant que Newton ne puisse établir cette loi et ses lois du mouvement, le scientifique italien Galileo Galilei (ou plus simplement Galilée) a dû explorer les bases de la mécanique et de l’expérimentation elle-même. Galilée est né en , l’année de la mort de Michel-Ange. Il est mort en , l’année de la naissance de Newton. Un éventail approprié pour quelqu’un ayant manifestement la « bosse » des mathématiques avec en plus des talents artistiques et musicaux, dont l’approche de la recherche a façonné la physique. En effet, bien qu’initialement destiné à une carrière médicale, Galilée est nommé professeur de mathématiques à l’université de Padoue où, à partir de , il fabrique et utilise des télescopes astronomiques. Il découvre les quatre plus grosses lunes de Jupiter et observe que Vénus présente des phases semblables à celles de notre lune, ce qui prouve que le système solaire est héliocentrique plutôt que géocentrique. En , sa défense du système copernicien dans son Dialogue sur les deux grands systèmes du monde est considérée par les autorités religieuses comme contraire aux saintes Écritures. Il fut traduit en justice et puni, mais il n’en réalisa pas moins des expériences ingénieuses qui renversèrent les idées d’Aristote sur la chute des corps et établirent que les résultats empiriques étaient essentiels en physique. 24
TOUT COMMENÇA CHEZ LES GRECS
GRAVITÉ, LUMIÈRE ET NEWTON D’autres penseurs pionniers, comme le philosophe français du xviie siècle René Descartes, ont continué à développer des idées sur le mouvement. Ses travaux ont influencé Isaac Newton, l’imposant personnage du xviie siècle considéré comme l’un des plus grands scientifiques de tous les temps. Enfant, Newton a construit des dispositifs mécaniques comme une clepsydre (ou horloge à eau), puis a étudié les sciences et les mathématiques à l’université de Cambridge. Grâce à cette formation, sa carrière scientifique a mis en évidence ses grandes compétences en matière d’expérimentation et de théorie. En , Newton publie un ouvrage fondamental intitulé Principes mathématiques de la philosophie naturelle (généralement appelé simplement Principia, d’après son titre latin original Philosophiæ Naturalis Principia Mathematica), dans lequel il expose ses trois lois du mouvement, qui expliquent tous les phénomènes dynamiques jusqu’à l’apparition de la relativité et de la mécanique quantique, ainsi que sa loi de la gravitation, qui montre comment calculer l’attraction gravitationnelle entre deux corps quelconques (cf. Figure ). Ce résultat concrétise les trois lois de Kepler et permet de prévoir le comportement des corps célestes ainsi que des corps terrestres. La loi est suffisamment simple pour les étudiants en physique débutants, et pourtant elle décrivait presque parfaitement le mouvement céleste jusqu’à ce qu’Albert Einstein développe la relativité générale en pour donner des prédictions plus précises. Newton s’est également attaqué à l’optique et à la nature de la lumière. En , il a inventé un télescope amélioré de type « réflecteur » qui utilise un miroir incurvé au lieu de lentilles. Sa conception est toujours privilégiée pour l’astronomie sérieuse, comme en témoignent les unités géantes au sol et le télescope spatial Hubble de la NASA. 25
LA PHYSIQUE
Fig. 1 La couverture et une page des Principia d’Isaac Newton (1687).
Pour étudier la lumière elle-même, Newton a réalisé en une expérience célèbre, apparemment simple : il a inséré un prisme en verre acheté à la foire de Sturbridge dans un rayon de soleil pour produire un arc-en-ciel, divisant ce que l’on croyait être une lumière blanche pure en rayons colorés. Ces derniers empruntent des chemins divergents en raison de la réfraction, que Newton appelle « réfrangibilité ». Comme il l’explique, « Au même degré de réfrangibilité appartient toujours la même couleur, et à la même couleur appartient toujours le même degré de réfrangibilité. Les rayons les moins réfrangibles sont tous disposés à présenter une couleur rouge… et les rayons les plus réfrangibles sont tous disposés à présenter une couleur violette profonde… »
Pour confirmer cette idée, Newton a réalisé une autre expérience qui a recombiné les rayons colorés en une lumière blanche. 26
TOUT COMMENÇA CHEZ LES GRECS
Les travaux de Newton sur la lumière constituent la dernière tentative d’explication de cet élément intangible de la Nature, dont la constitution essentielle et la vitesse ont longtemps été des mystères. Les Grecs de l’Antiquité pensaient qu’elle se déplaçait à une vitesse infinie, mais en , l’astronome danois Ole Roemer a calculé une valeur finie à partir de données astronomiques qui s’approchaient à % près de la valeur exacte, soit kilomètres/ seconde (soit miles/seconde). La lumière présente cependant un paradoxe apparent. Elle se plie autour des obstacles comme les vagues de l’océan autour d’une jetée, ce qui suggère qu’elle est ondulatoire, mais ses rayons voyagent en ligne droite, ce qui suggère qu’elle est particulaire. Ce dernier point est l’une des principales raisons pour lesquelles, dans son livre Opticks (), Newton décrit la lumière comme étant composée de « corpuscules » qui sont réfractés selon des principes mécaniques. La théorie de Newton n’était pas le dernier mot sur la lumière ; néanmoins, grâce à sa combinaison d’expériences cruciales et de mathématiques rigoureuses, comme l’observe l’historien des sciences J. L. Heilbron, il a « accompli un tour complet de l’hélice du progrès scientifique… Newton était le Napoléon de la révolution scientifique » qui, après Galilée, a établi la norme de l’approche moderne en physique.
FLUIDES ÉLECTRIQUES ET MAGNÉTIQUES Outre la lumière, les philosophes naturalistes ont exploré l’électricité et le magnétisme comme d’autres éléments de la Nature en apesanteur ou « impondérables ». Le premier philosophe grec, Thalès de Milet, connaissait apparemment les propriétés magnétiques du calcaire et les propriétés électriques statiques de l’ambre lorsqu’il est frotté (l’électron, avec sa charge électrique négative, porte le nom du mot grec pour ambre). 27
LA PHYSIQUE
Des siècles plus tard, le médecin anglais William Gilbert et l’astronome anglais Edmond Halley, bien connu par la comète qui porte son nom, étudiaient les magnétites et le magnétisme de la Terre, et Newton lui-même présentait l’électricité statique à la Royal Society. Le xviiie siècle a été marqué par de grandes avancées dans le domaine de l’électricité : l’utilisation de la bouteille de Leyde pour stocker la charge électrique en vue de nouvelles expériences (dans une démonstration amusante, l’expérimentateur fait passer une étincelle à travers une longue file de moines se tenant par la main, les faisant sauter simultanément) ; l’association de la foudre à l’électricité par l’homme d’État et scientifique américain Benjamin Franklin, et sa proposition selon laquelle l’électricité est un fluide (d’autres théories postulaient deux types de fluides électriques) ; l’invention par Alessandro Volta de la « pile voltaïque » ou batterie électrique en ; et la découverte surprenante que l’électricité et la vie sont liées, lorsqu’en le chercheur italien Luigi Galvani constata que l’électricité faisait sursauter une patte de grenouille morte (Mary Shelley a donné le nom de « galvanisme » à un mécanisme permettant d’animer la matière morte, ce qu’elle relate dans l’édition de de son histoire Frankenstein).
L’ÈRE DE LA CORRÉLATION À la fin du xviiie siècle, de grands progrès avaient été réalisés dans la compréhension du monde physique. La mécanique de Newton décrivait le mouvement ; ses corpuscules expliquaient le comportement de la lumière ; l’électricité et le magnétisme avaient été explorés et il fut théorisé qu’ils étaient véhiculés par des fluides en apesanteur ; et l’on pensait que les effets thermiques provenaient du calorique, un autre fluide en apesanteur qui s’écoulait des corps chauds 28
TOUT COMMENÇA CHEZ LES GRECS
vers les corps froids. Mais nombre de ces idées ont été bouleversées par de nouvelles données et théories au xixe siècle. Ce siècle a été appelé « l’âge de la corrélation », où les idées se sont rassemblées pour former ce que l’on appelle aujourd’hui la physique classique, une approche unifiée de l’analyse des phénomènes physiques. Cette cohérence a peutêtre aussi contribué à faire de la physique une science bien définie. Ses praticiens sont pour la première fois reconnus comme des « physiciens » (« physicists » en anglais), un titre proposé en , et des programmes d’enseignement de la physique ont été mis en place dans les écoles et les universités. La physique classique allait inclure de nouvelles corrélations entre l’électricité, le magnétisme et la lumière, mais la lumière elle-même devait être mieux comprise. Bien que la théorie corpusculaire de Newton soit largement acceptée, le scientifique néerlandais Christiaan Huygens proposa en que la lumière soit constituée d’ondes voyageant dans un « éther » qui remplirait l’espace. Puis, au début des années , le polymathe et médecin anglais Thomas Young démontra de manière convaincante que la lumière est une onde. Il fit passer de la lumière à travers deux trous dans un écran, produisant un motif de zones alternativement éclairées et sombres qui ne pouvait provenir que d’interférences constructives et destructives entre des ondes lumineuses. Des résultats ultérieurs ont montré que l’interférence entre les ondes pouvait produire des rayons lumineux rectilignes, renversant ainsi la principale objection de Newton à la théorie des ondes. Cependant, la nature de ces ondes lumineuses restait inconnue. Un indice apparut en , lorsque l’éminent expérimentateur anglais Michael Faraday montra qu’un champ magnétique variable pouvait induire un courant électrique, établissant ainsi un nouveau lien entre électricité et magnétisme. Puis, en , le physicien mathématicien écossais 29
LA PHYSIQUE
James Clerk Maxwell fusionna le résultat de Faraday avec tout ce que l’on connaissait de l’électricité et du magnétisme en une seule entité, l’électromagnétisme. Plus tard se résumant à quatre expressions mathématiques connues sous le nom d’équations de Maxwell, cette théorie montra de manière inattendue que des ondes électromagnétiques pouvaient être générées et se déplacer à la vitesse connue de la lumière. Des expériences confirmèrent que la lumière est bien une onde électromagnétique, établissant enfin sa véritable nature. Ces résultats ont éliminé les notions de fluides électriques et magnétiques, et les physiciens du xixe siècle supprimèrent un autre impondérable lorsqu’ils demandèrent « qu’est-ce que la chaleur ? » En Benjamin Thompson, comte de Rumford – sujet britannique né dans une colonie nordaméricaine (avant l’institution des Etats-Unis) observe que la friction produite par le meulage des canons génère une quantité illimitée de chaleur. Il en conclut que la chaleur « ne peut pas être une substance matérielle » – ce qui élimine le « calorique » – mais qu’elle doit être liée au mouvement. Sa supposition fut confirmée lorsque des mesures établirent qu’une quantité donnée de travail créait toujours la même quantité de chaleur, et fournirent une valeur numérique pour cet équivalent mécanique de la chaleur. Le développement de la thermodynamique – la théorie de la chaleur, de l’énergie et du travail qui est à la base de la physique – a commencé avec l’ingénieur français Sadi Carnot. Intéressé par les performances des moteurs à vapeur, il établit en une règle générale pour le rendement maximal de tout moteur mû par la chaleur. Son analyse conduit à une nouvelle quantité physique, l’entropie, qui mesure la quantité d’énergie thermique non disponible pour effectuer un travail dans tout processus thermodynamique ou moteur utilisant 30
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la chaleur. Les efforts ultérieurs d’autres chercheurs aboutirent à l’élaboration des trois lois de la thermodynamique, notamment la conservation de l’énergie et la tendance de l’entropie à toujours augmenter. Cela indique le déclin éventuel de tout système, y compris l’univers entier, et fournit également une « flèche du temps », un indicateur unidirectionnel de la direction dans laquelle le temps s’écoule. La conservation de l’énergie est devenue une idée fondamentale de la physique. La reconnaissance du fait que la chaleur est liée au mouvement, et plus particulièrement au mouvement moléculaire, a également été extrêmement importante car elle a permis de relier la mécanique newtonienne au comportement thermique. Lorsque les molécules de gaz furent analysées comme un essaim de minuscules masses en mouvement, il est devenu évident que la température d’un système reflète directement l’énergie cinétique de ses molécules. Cette théorie cinétique des gaz, dont le physicien autrichien Ludwig Boltzmann a été le pionnier, a permis une nouvelle approche du monde à l’échelle atomique, un monde qui allait faire l’objet d’une attention croissante au xxe siècle. Avec ses nouveaux principes généraux et ses nouvelles théories, la physique du xixe siècle balaya tous les anciens impondérables, sauf l’éther. Si l’éther devait supporter des ondes électromagnétiques se déplaçant à grande vitesse et, en même temps, ne pas résister au mouvement des planètes, il devait posséder des propriétés totalement contradictoires et sa nature restait donc une énigme. Par ailleurs, la physique classique pouvait revendiquer des succès significatifs pour son pouvoir explicatif. Elle influença également la technologie de l’époque : après que James Watt eut amélioré la machine à vapeur en , la physique thermique appliquée permit d’améliorer le fonctionnement de 31
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cette source d’énergie pour la Révolution Industrielle ; le comte Rumford utilisa sa connaissance de la chaleur pour inventer le four(neau) de cuisine, élevant l’utilisation du feu ouvert à un art plus raffiné ; et les travaux de Faraday jetèrent les bases des moteurs et générateurs électriques.
LES SURPRISES DU XXe SIÈCLE Compte tenu de ces réalisations, certains physiciens du xixe siècle estimaient que la physique était pour l’essentiel achevée. En , Albert Michelson, qui allait devenir en le premier lauréat américain du prix Nobel de la science, écrivait : « Bien qu’il ne soit jamais sûr d’affirmer que l’avenir de la science physique ne réserve aucune merveille… il semble probable que la plupart des grands principes sous-jacents aient été fermement établis. Les progrès ultérieurs doivent être recherchés principalement dans l’application rigoureuse de ces principes à tous les phénomènes qui sont portés à notre attention. »
Il est presque ironique de penser que les mesures précises de la vitesse de la lumière effectuées par Michelson et d’autres recherches menées au cours du xixe siècle et du xxe siècle aient permis de découvrir des phénomènes physiques inattendus dans les mondes microscopique et macroscopique. Ces découvertes ont transformé la physique classique en ce qu’on appelle encore aujourd’hui la physique « moderne », bien qu’elle remonte à des recherches menées entre et les années . Certains de ces nouveaux résultats ont été obtenus grâce à un dispositif inventé par le physicien anglais William Crookes à la fin du xixe siècle, un tube de verre partiellement vide avec des électrodes métalliques. Lorsqu’une tension élevée est appliquée aux électrodes, une décharge électrique 32
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appelée « rayons cathodiques » s’écoule entre elles. En , le physicien allemand Wilhelm Röntgen découvra qu’un tube de Crookes produisait également des « rayons X », un type inconnu de rayonnement invisible qui pénétrait la matière solide et dont on a déterminé plus tard qu’il s’agissait d’ondes électromagnétiques de courte longueur d’onde. Deux ans plus tard, le physicien anglais J. J. Thomson découvrait que les rayons cathodiques étaient en réalité des flux de particules chargées négativement, appelées plus tard électrons ; la première particule élémentaire à être découverte. Puis, en , le physicien néo-zélandais Ernest Rutherford montra qu’un atome était constitué d’électrons entourant un minuscule noyau, lui-même composé de protons chargés positivement et de neutrons électriquement neutres. Dans d’autres travaux contemporains, en , le physicien français Henri Becquerel, la chercheuse franco-polonaise Marie Sklodowska Curie et son mari Pierre Curie commencèrent à explorer la radioactivité naturelle, c’est-à-dire le fait que certains éléments émettent spontanément des rayonnements et se transforment au fur et à mesure – le radium, par exemple, se transforme en plomb. Plus tard, il a été démontré que ces émissions dites alpha, bêta et gamma étaient constituées respectivement de protons et de neutrons combinés en noyaux d’hélium, d’électrons et de rayonnements électromagnétiques à des longueurs d’onde inférieures à celles des rayons X. Le petit monde des électrons, des noyaux et des atomes nouvellement découverts présentait un aspect inattendu : il était quantifié, c’est-à-dire qu’il fonctionnait avec des énergies qui n’arrivaient qu’en quantités discrètes spécifiques, et non en un flux continu. Cette possibilité a été avancée pour la première fois en par le physicien allemand Max Planck pour résoudre des anomalies dans le comportement de la lumière provenant de sources lumineuses chaudes. 33
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L’idée semblait farfelue et Planck lui-même l’a d’abord considérée avec scepticisme, mais elle s’est révélée valide et même essentielle pour décrire la lumière et la matière. La lumière est quantifiée sous forme de petits paquets d’énergie distincts appelés photons, l’énergie étant proportionnelle à la fréquence de la lumière, comme l’a proposé Einstein en pour expliquer comment la lumière éjecte les électrons de certains métaux. Dans la matière, les niveaux d’énergie des électrons dans les atomes sont également quantifiés, comme l’a proposé le physicien danois Niels Bohr en pour l’hydrogène. L’introduction du photon a relancé la question de savoir si la lumière est une particule ou une onde, et la mécanique quantique présente d’autres paradoxes apparents ; pourtant, avec sa forme étendue, la théorie quantique des champs, elle a connu un succès éminent, avec des résultats technologiques importants. Tandis que les physiciens absorbaient les implications du quantique, d’autres résultats ont changé notre vision de l’éther et de l’univers. En , Michelson et Edward Morley réalisèrent une expérience délicate qui recherchait de petites variations de la vitesse de la lumière pour déterminer si la Terre se déplaçait dans l’éther, mais ils n’ont trouvé aucune preuve d’un tel mouvement. Ce résultat troublant a été expliqué dix-huit ans plus tard par la théorie de la relativité restreinte d’Einstein. En rendant l’espace et le temps variables et en considérant la vitesse de la lumière comme ayant la même valeur par rapport à tout observateur en mouvement, la théorie élimine tout besoin d’éther, le dernier impondérable du xixe siècle. En , Einstein étend sa théorie pour proposer celle de la relativité générale, qui décrit la gravité comme résultant de la déformation par une masse de l’espace-temps, le tissu quadridimensionnel de l’univers, plutôt que comme une force agissant sur la distance, comme Newton l’avait supposé. Les 34
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résultats d’Einstein ont rapidement été confirmés expérimentalement par ses prédictions correctes du comportement de la lumière et des planètes sous l’effet de la gravité. Outre ces outils théoriques, des méthodes expérimentales avancées ont apporté de nouvelles connaissances. En , la chercheuse néerlandaise Heike Kamerlingh Onnes a découvert que certains métaux deviennent « supraconducteurs » et perdent toute résistance électrique lorsqu’ils sont refroidis à des températures proches du zéro absolu.
Fig. 2 Le télescope réflecteur de 2,5 mètres (100 pouces) installé au Mont Wilson, en Californie, en 1917.
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En , le télescope à réflecteur le plus grand du monde à l’époque fut installé au Mont Wilson, en Californie, permettant à l’astronome américain Edwin Hubble de commencer à mesurer la taille de l’Univers (cf. Figure ). Il découvra que la galaxie d’Andromède se trouvait à un million d’annéeslumière (corrigée plus tard à deux millions d’années-lumière . Une année-lumière est la distance parcourue par la lumière en un an, soit environ kilomètres). Tout aussi importantes pour notre compréhension de l’univers, ses données ont montré que celui-ci est en expansion – un résultat que le prêtre et astronome belge Georges Lemaître avait envisagé auparavant. À l’autre extrémité de l’échelle, les physiciens américains Ernest Lawrence et M. Stanley Livingston inventèrent le cyclotron en . Cet appareil accélérait les particules subatomiques autour d’une piste circulaire jusqu’à ce qu’elles atteignent des énergies élevées et puissent sonder les noyaux atomiques ou entrer en collision et créer de nouvelles particules. Et, en , une autre sonde à petite échelle changea la physique, le cours de la Seconde Guerre mondiale et le monde de l’après-guerre. Après que les chimistes allemands Otto Hahn et Fritz Strassman aient bombardé de l’uranium avec des neutrons, la physicienne austro-allemande Lise Meitner et son neveu Otto Frisch confirmèrent que cela avait provoqué la division ou la fission des noyaux atomiques en plus petits morceaux. La fission nucléaire, avec son énorme libération d’énergie, a rapidement été exploitée dans le cadre du projet Manhattan pour fabriquer les deux bombes atomiques que les États-Unis ont larguées sur le Japon en et qui ont mis fin à la Seconde Guerre mondiale. . NDT – La galaxie d’Andromède est une galaxie spirale située à environ , millions d’années-lumière du Soleil. Elle est l’une des rares galaxies observables à l’œil nu depuis la Terre dans l’hémisphère Nord.
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LA GUERRE DES PHYSICIENS Cette guerre a donné de nouvelles orientations à la physique et à son rôle dans la société. La Première Guerre mondiale avait été « la guerre des chimistes » en raison de l’utilisation de gaz toxiques et d’explosifs puissants ; la Deuxième Guerre mondiale a été « la guerre des physiciens », avec l’utilisation d’armes et de technologies issues de la physique, telles que la bombe atomique, le radar et la fusée nazie V-. Après la fin de la guerre en , ces technologies ont servi de point de départ à l’énergie nucléaire, aux vols spatiaux, au laser et à d’autres retombées scientifiques et civiles. Relativement épargnés par la guerre par rapport à d’autres nations, le gouvernement et l’économie américains avaient les moyens d’investir fortement dans la physique et ses applications. La physique a également été soutenue dans d’autres pays pour des raisons de défense nationale des deux côtés de la guerre froide, période d’hostilité sans conflit ouvert entre les États-Unis et l’Union soviétique (l’URSS) et leurs alliés de à . Pour certains observateurs, cette situation a engendré un parti pris indésirable en faveur des applications militaires et nationalistes, ainsi qu’un besoin de secret scientifique qui a nui à la physique ; pour d’autres la physique a largement bénéficié des largesses du gouvernement lorsqu’elle était associée à la recherche universitaire et au soutien industriel. Avec la fin de la guerre froide et la montée en puissance de l’économie et de l’industrie mondiales, la physique renoue avec ses anciennes racines internationales et se développe en Europe, en Asie et aux États-Unis. Outre ces efforts séparés, des collaborations majeures se sont développées entre les nations, comme la recherche en physique des particules menée dans l’énorme Grand 37
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Collisionneur de Hadrons (large hadron collider ou LHC), installé près de Genève, en Suisse, un accélérateur de particules exploité par le CERN (cf. Figure ), qui regroupe plusieurs nations, ou la Station spatiale internationale (ISS), un grand satellite artificiel américano-russe en orbite terrestre basse qui soutient la recherche en sciences et technologies spatiales pour diverses nations.
LA PROCHAINE CORRÉLATION Au xxie siècle, les résultats obtenus par des machines comme le LHC et les progrès sur le plan théorique donnent un nouvel élan à la recherche d’une autre corrélation pour la physique fondamentale. Des décennies d’expériences et de développements théoriques en physique des particules ont abouti au modèle standard, basé sur la théorie quantique des champs. Elle organise toutes les particules élémentaires connues en catégories et explique l’origine de trois des quatre forces fondamentales qui font fonctionner l’univers, des quarks aux galaxies – l’interaction électromagnétique et les interactions dites faible et forte dans les noyaux atomiques. Mais elle exclut la gravité, qui est décrite séparément par la relativité générale. La prochaine grande corrélation espérée permettrait de quantifier la gravité et de l’intégrer dans le schéma avec les autres interactions, ce qui conduirait à une théorie du tout qui décrirait la réalité à toutes les échelles. Le principal candidat est la théorie des cordes, dans laquelle de minuscules objets unidimensionnels appelés « cordes » remplacent les particules élémentaires ponctuelles. Mais les physiciens ne voient pas comment cette théorie peut être testée expérimentalement, car cela nécessiterait un accélérateur de particules tellement plus grand que le LHC qu’il semble impossible à construire. 38
Fig. 3 Vue aérienne du LHC (Grand collisionneur de hadrons) à la frontière franco-suisse.
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Pourtant, face à l’absence d’autres succès théoriques définitifs, certains physiciens suggèrent que nous devrions nous passer de la confirmation expérimentale et accepter purement et simplement la théorie des cordes et l’idée connexe selon laquelle la réalité consiste en de multiples univers, les « multivers » – ce qui représenterait un changement radical dans la manière dont la physique a fonctionné pendant des siècles. Une autre possibilité est de poursuivre plus vigoureusement une approche rivale, la gravité quantique à boucles (GQB), que la théorie des cordes a éclipsée. Dans cette GQB, l’espace et le temps sont eux-mêmes quantifiés en unités discrètes plutôt que de former des milieux continus et lisses tels que nous les concevons actuellement. Des recherches récentes montrent certains liens entre la GQB et la théorie des cordes. Peut-être cela conduira-t-il à des résultats qui ne nécessiteront pas de rejeter l’idée centrale de la validation expérimentale. Dans une future histoire de la physique qui se pencherait sur notre époque, ce siècle pourrait être celui où la recherche d’une théorie unificatrice du tout a soit préservé et étendu la manière établie de faire de la physique, soit entraîné la physique dans de nouvelles directions.
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2 Ce dont traite, ou pas, la physique Si vous cherchez le mot « physique » en ligne ou dans les dictionnaires, vous verrez probablement une définition plus ou moins proche de celle-ci : « La physique est l’étude de la matière, de l’énergie et de leurs interactions ». Cette définition est concise et apparemment claire, mais pas tant que cela, car la « matière » et l’« énergie » sont plus difficiles à définir qu’on ne le pense, de sorte que les spécifier avec précision contribue à définir la physique elle-même. En outre, la physique est une science tentaculaire et dynamique, et cette définition de base doit être amplifiée pour refléter réellement ce qu’est la physique.
MATIÈRE ET ÉNERGIE Néanmoins, cette définition a un grand avantage : elle est totalement générale, car du point de vue de la physique, la matière et l’énergie, qui existent dans l’espace et le temps, représentent la totalité de l’Univers. Il convient de souligner que la définition montre donc que la physique considère la réalité comme purement matérialiste. Contrairement à 41
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des entités telles que l’« esprit » et l’« âme », la matière et l’énergie peuvent être directement perçues ou détectées et mesurées objectivement par des observateurs. Certains philosophes ont plutôt adopté une vision dualiste, c’est-à-dire l’idée que l’Univers contient à la fois des choses physiques et non physiques. Platon pensait que l’âme pouvait migrer d’un corps à l’autre ; Descartes soutenait que la matière, avec son étendue spatiale, différait de l’esprit, c’est-à-dire, est non spatial et possède la capacité de penser. La physique, telle qu’elle est pratiquée explicitement, ne suit pas un tel dualisme. Mais les définitions qui se réfèrent uniquement à la matière et à l’énergie ne nous apprennent pas grand-chose sur la « texture » de la physique et son fonctionnement. Au contraire, la physique peut être définie et décrite par son échelle ; à savoir, la manière dont elle traite les différents aspects de l’Univers en fonction de leur taille ; par ses sous-domaines tels que la mécanique et la physique nucléaire ; par les méthodes de recherche qu’elle utilise ; par son intention, c’est-à-dire si elle est « pure (ou fondamentale) » ou « appliquée » ; et enfin par la manière dont elle est effectivement pratiquée, ce qui éclaire son évolution dans le temps. Mais tout cela dépend de la matière et de l’énergie comme concepts centraux.
À PROPOS DE LA MATIÈRE La définition classique de la matière est qu’elle occupe un espace et possède une masse. Ces propriétés peuvent sembler évidentes, mais l’espace et la masse ont leurs propres complexités. Pour fonder ses théories de la mécanique et de la gravité, Newton a défini dans ses Principia un « espace absolu » qui « dans sa propre nature, sans tenir compte de rien d’extérieur, reste toujours semblable et immobile » et un « temps absolu, vrai et mathématique » qui « de sa 42
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propre nature s’écoule équitablement sans tenir compte de rien d’extérieur ». La relativité d’Einstein a bouleversé ce point de vue en montrant que l’espace et le temps ne sont pas des choses séparées mais qu’ils sont reliés pour former l’« espace-temps », une entité unifiée à quatre dimensions. En outre, sa théorie prédit (et l’expérimentation depuis l’a confirmé) que l’espace-temps n’est pas fixe ou absolu, mais qu’il change par la « contraction des longueurs » et la « dilatation du temps », effets observés par des observateurs se déplaçant à des vitesses différentes. La relativité restreinte complique également la notion de masse elle-même. Elle prédit (et l’expérimentation l’a confirmé) que la masse d’un corps en mouvement, vue par un observateur fixe, augmente avec la vitesse du corps. Seule la masse dite de repos du corps, mesurée par un observateur situé sur le corps, reste inchangée. En outre, même pour un corps qui se déplace trop lentement pour entraîner des effets relativistes, il existe différentes façons de définir sa masse. La masse d’inertie d’un corps représente sa résistance à l’accélération par une force. La masse gravitationnelle d’un corps détermine la force de son interaction gravitationnelle avec d’autres corps (les mesures montrent que les deux masses sont égales, ce qui explique que tous les objets tombent à la même vitesse et constitue un résultat important pour la relativité générale). Notre vision de la matière a également changé. Sa définition classique caractérise trois états macroscopiques différents : les solides, qui conservent une forme et un volume fixes à moins d’être délibérément déformés ; les liquides, qui prennent la forme de leur récipient ; et les gaz, qui remplissent un récipient. Ces trois états existent sur notre planète et dans tout l’Univers. Un quatrième état a été appelé « matière rayonnante » en , lorsque William Crookes l’observa pour la première fois 43
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dans le tube qu’il avait inventé. Il voyait un plasma, un gaz chaud dont les atomes avaient été ionisés en noyaux positifs et électrons négatifs séparés (en l’espèce, de l’air chauffé par une haute tension). Les plasmas chauds ne sont pas courants sur Terre, sauf lorsqu’ils sont générés par la foudre, mais nous les fabriquons artificiellement dans les enseignes au néon et les écrans à plasma. Ils sont cependant très répandus dans l’Univers, à l’intérieur d’étoiles actives comme notre Soleil, qui sont constituées de plasma extrêmement chaud. Au début du xxe siècle, la physique a pu commencer à expliquer les quatre états de la matière en termes d’atomes constitués de protons, de neutrons et d’électrons, ainsi que la manière dont ces atomes sont disposés. Aujourd’hui, nous avons découvert les quarks, les constituants des protons et des neutrons, et d’autres particules élémentaires, y compris le boson de Higgs, qui donne leur masse à certaines particules élémentaires, ce qui nous rapproche de la compréhension de la nature sous-jacente de la matière. Nous avons également découvert d’autres états de la matière, comme les condensats de Bose-Einstein, où un groupe d’atomes extrêmement froids entre dans un état quantique partagé ; les noyaux super-denses de certaines étoiles mortes, constitués de neutrons ; et la matière noire, l’entité invisible qui constitue une grande partie de l’Univers mais dont la nature reste inconnue.
À PROPOS DE L’ÉNERGIE Tout comme la matière, l’énergie a de multiples significations ; en physique, c’est la capacité à effectuer un travail, c’est-à-dire de déplacer une force – une poussée ou une traction – sur une certaine distance. Pensez à un accident où une automobile A entre en collision avec une automobile B. A exerce une force contre le métal de l’automobile B, 44
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le froissant au fur et à mesure que la force se déplace sur une certaine distance pour effectuer un travail sur B. Ce travail provient de l’énergie cinétique ; l’énergie de mouvement que l’automobile A transportait. Tout objet en mouvement possède une énergie cinétique – une balle de baseball lancée, une molécule dans un gaz ou un électron se déplaçant dans un fil. Cette idée peut également être étendue aux mouvements qui n’impliquent pas d’objets ayant une masse. L’énergie rayonnante est transportée par la lumière et d’autres ondes électromagnétiques. Celles-ci exercent des forces sur des particules chargées, comme les électrons, qui les font bouger, effectuant ainsi un travail. Une définition plus large fait intervenir le concept d’énergie potentielle, qui est le travail stocké dans un système en modifiant sa configuration. Par exemple, il faut du travail pour soulever un rocher du niveau du sol au sommet d’une falaise. Ce travail peut être récupéré sous forme d’énergie cinétique si le rocher est basculé par-dessus le bord de la falaise pour tomber, puis transformée à nouveau en travail si la masse se fracasse sur une structure en contrebas. L’énergie potentielle existe également dans les liaisons chimiques entre les atomes et dans les noyaux atomiques où elle est libérée si la masse (m) est convertie en une grande quantité d’énergie (E) selon l’équation d’Einstein E = mc où c’est la vitesse de la lumière. Une autre forme d’énergie est l’énergie noire, une entité découverte en qui semble remplir tout l’espace et accélère l’expansion de l’univers.
LA TAILLE COMPTE L’un des objectifs de la physique est de trouver les blocs de construction ultimes de la réalité qui composent l’Univers jusqu’à ses plus grandes structures. Cela représente une gamme stupéfiante de tailles. 45
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Les protons, neutrons, électrons, et autres particules fondamentales sont si petites qu’elles peuvent être traitées comme des points mathématiques. Les atomes sont plus grands, mais encore minuscules, généralement moins d’un nanomètre (un nanomètre est un milliardième de mètre, - mètre). À l’autre bout de l’échelle, nous trouvons les énormes entités cosmiques mesurées en années-lumière. Notre propre galaxie, la Voie lactée, mesure années-lumière de diamètre. Des quarks aux atomes en passant par les galaxies, les composants de l’univers ont une taille de plusieurs ordres de grandeur (cf. Figure ). Les physiciens rêvent d’une « théorie du tout » qui expliquerait la réalité à toutes les échelles ; mais comme elle n’existe pas, différentes approches ont été développées pour traiter cet énorme éventail de tailles, en trois parties dont les limites se chevauchent : la petite taille ou microscopique jusqu’à l’infra-microscopique, les particules élémentaires, atomes et molécules ; la taille moyenne ou mésoscopique, de l’échelle humaine à l’échelle planétaire ; et la grande taille ou macroscopique, de l’échelle de l’Homme à celle de la planète et qui comprend les étoiles, les galaxies, l’Univers entier et son espace-temps. Les premiers philosophes de la Nature pouvaient observer et, jusqu’à un certain point, manipuler des phénomènes physiques de taille moyenne et, bien qu’ils ne puissent atteindre les corps célestes, ils pouvaient également les observer à des échelles moyennes et grandes. Toutefois, sans instruments appropriés, ils ne pouvaient pas examiner les choses infra-microscopiques. Les siècles suivants ont apporté des technologies avancées, mais elles ont également fonctionné principalement à des échelles moyennes et grandes : les télescopes ont amélioré l’observation astronomique, Newton a examiné la lumière avec un prisme de verre, Faraday a exploré l’électromagnétisme avec des piles et des fils, et Carnot a étudié la chaleur en envisageant la machine à vapeur. 46
Électrons
Quarks
10– 32 s
3 min. Noyau d’hydrogène
Protons Noyau d’hélium
Neutrons
10– 6 s
Atome d’hélium
Atome Protogalaxie d’hydrogène
300 000 ans
1 milliard d’années
Fig. 4 Évolution de l’Univers, depuis les quarks et les électrons à sa taille actuelle.
Le commencement du temps 3 s –4 10
La théorie du Big Bang Galaxie
15 milliards d’années
Planètes
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Ces efforts ont débouché sur une physique classique qui explique les phénomènes quotidiens et ceux de plus grande ampleur sur et dans la Terre, ses océans et son atmosphère, ainsi que l’activité céleste. La mécanique et la gravitation de Newton expliquent les marées océaniques ainsi que les orbites planétaires ; les travaux du physicien irlandais John Tyndall et, plus tard, ceux du physicien britannique Lord Rayleigh ont montré que les rayons bleus de courte longueur d’onde de la lumière solaire se dispersent de préférence dans l’atmosphère, ce qui confère la couleur bleue au ciel ; et ensuite c’était au tour du sismologue britannique Richard Dixon Oldham d’analyser les ondes mécaniques des tremblements de terre pour examiner la structure interne de notre planète. Les progrès étaient plus lents à la plus petite échelle. Démocrite avait présenté en avant notre ère une théorie atomique selon laquelle la matière est constituée de minuscules particules solides et indivisibles, en mouvement constant, mais il a fallu attendre les des percées ultérieures pour sonder le monde atomique et subatomique. Le microscope optique, inventé à la fin du xvie siècle, ne pouvait pas le faire ; il est limité par la longueur d’onde de la lumière visible à une résolution de nanomètres, bien plus grande qu’un atome. En , cependant, les physiciens britanniques William Lawrence Bragg et William Henry Bragg, père et fils, ont obtenu le prix Nobel pour avoir démontré que les rayons X interagissant avec les atomes d’un cristal sont déviés pour produire un motif qui précise l’emplacement des atomes. La diffusion des rayons X est devenue un outil précieux pour cartographier les atomes et les molécules dans les matériaux inorganiques et biologiques. En , la physico-chimiste britannique Rosalind Franklin a utilisé les rayons X pour examiner 48
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l’ADN, avec des résultats qui ont conduit James Watson, Francis Crick et Maurice Wilkins à établir sa structure en double hélice. D’autres progrès ont été réalisés avec l’invention du microscope électronique dans les années , qui utilise les propriétés mécaniques quantiques ondulatoires des électrons, et celle du microscope à effet tunnel en , qui utilise également un effet mécanique quantique et a valu à ses inventeurs un prix Nobel. Aujourd’hui, ces techniques et d’autres atteignent des résolutions d’une fraction de nanomètre, comparable à la taille d’un atome d’hydrogène. Ces formes non optiques de microscopie permettent d’imager et de manipuler couramment des atomes individuels, généralement situés à la surface des matériaux. Au niveau subatomique, il a fallu développer des accélérateurs de particules qui accélèrent les électrons et les protons jusqu’à ce qu’ils aient suffisamment d’énergie pour briser les noyaux atomiques en leurs composants, ou pour entrer en collision et générer d’autres particules élémentaires. Depuis l’invention d’un cyclotron de table en , ces accélérateurs ont connu une croissance considérable en termes d’échelle et de puissance, comme le montrent deux machines où des quarks différents ont été découverts – le SLAC à l’université de Stanford, l’accélérateur linéaire de , kilomètres de long, et le Tevatron au Laboratoire national de l’accélérateur de Fermi (Batavia, Illinois), un anneau circulaire de , kilomètres de circonférence – pour aboutir à l’énorme LHC (près de Genève) où le boson de Higgs a été découvert en (cf. Figure ).
. NDT – Il s’agit de Gerd Binning et de Heinrich Rohrer, à l’époque chez IBM, Zurich.
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Parallèlement à ces outils expérimentaux, la théorie quantique et son extension la théorie quantique des champs ont été développées entre et les années . La combinaison de cette théorie et de l’expérience a donné naissance au « modèle standard ». La théorie quantique a également réussi à décrire les atomes en tant qu’individus et lorsqu’ils sont agencés pour former de la matière en vrac. Le monde macroscopique nécessite son propre appareil. L’astronomie dépendait de l’œil nu jusqu’à ce que Galilée examine le ciel à l’aide d’un petit télescope en . À partir de , avec le télescope du Mont Wilson (non loin de Los Angeles) qui met en œuvre un miroir de , mètres (cf. Figure ), nous disposons aujourd’hui de télescopes dont les miroirs peuvent atteindre , mètres de diamètre. Au xixe siècle, les télescopes sont devenus des outils d’analyse lorsque des spectromètres ont été ajoutés pour décomposer la lumière astronomique en ses différentes longueurs d’onde. C’est la naissance de l’astrophysique, car le spectre d’une étoile ou d’un autre corps astronomique nous renseigne sur sa constitution atomique et son mouvement. Avec l’avènement des voyages spatiaux, l’astrophysique et la science planétaire sont entrées dans une nouvelle phase. La technologie spatiale a permis de mettre en orbite le télescope Hubble de la NASA, le satellite Planck de l’Agence spatiale européenne (ESA) et d’autres appareils pour recueillir des images et des spectres allant des rayons gamma aux micro-ondes en passant par la lumière visible, sans interférence avec l’atmosphère terrestre. Nous avons également pris des vues rapprochées de corps célestes, voire les avons directement échantillonnés. La NASA a envoyé des hommes sur la Lune en et les a ramenés sur Terre avec des roches lunaires. Plus tard, elle a envoyé des « rovers » planétaires pour examiner le sol de Mars à la recherche de signes d’eau, 50
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considérée comme essentielle pour l’existence de la vie. L’ESA a fait atterrir une sonde à la surface de Titan, la lune de Saturne, en , et a envoyé pour la première fois un robot sur une comète en . Les sciences spatiales et les phénomènes astronomiques dans et au-delà de notre système solaire font appel à la théorie de la relativité pour décrire les objets se déplaçant à la vitesse de la lumière ou à une vitesse proche, ainsi que la gravitation qui forme les structures cosmiques. La relativité générale prédit également l’existence des trous noirs, à savoir, des régions de l’espace où la matière extrêmement dense crée une gravité si puissante que rien, ni la matière ni la lumière, ne peut s’en échapper. Avec la physique quantique, la physique nucléaire et la physique des particules élémentaires, la relativité générale est nécessaire pour comprendre le développement de l’univers et de ses étoiles et pour sonder les trous noirs, la matière noire et l’énergie sombre. En étudiant le petit et le grand, la physique a créé un récit théorique dynamique pour la transition de l’un à l’autre, qui est l’histoire de l’Univers (cf. Figure ). La théorie actuelle ne remonte pas tout à fait à la naissance de l’Univers lors du Big Bang, il y a , milliards d’années, mais commence à peine - secondes après, lorsque l’énergie et les particules élémentaires se sont formées. La théorie retrace de nombreux détails sur la façon dont celles-ci ont évolué vers l’Univers que nous voyons aujourd’hui, et prévoit si et comment l’Univers se terminera dans des milliards d’années. L’examen de la physique à travers les grandes catégories d’échelle montre la portée cosmique de la science dans . NDT – Philae est un robot de l’ESA transporté à quelques millions de kilomètres de la Terre par la sonde Rosetta – il s’est posé sur la comète Tchourioumov-Guérassimenko, le nov. , après un voyage de ans.
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l’espace et le temps. Les catégories d’échelle sont également en corrélation avec le développement de sous-domaines de la physique, certains remontant à des siècles et d’autres beaucoup plus récents, qui guident les chercheurs dans l’étude de la nature à un grain plus fin.
LA PHYSIQUE SUBDIVISÉE Les philosophes naturels grecs souhaitaient connaître la Nature dans son ensemble. La vision d’Aristote de la « physique » incluait également la biologie, par exemple. Cela a donné une sorte d’unité à ces premiers efforts, mais à mesure que l’Humanité a acquis de nouvelles connaissances scientifiques vers la fin de la Renaissance, l’étude de la Nature s’est divisée en directions spécialisées, donnant naissance à la physique, la chimie, la biologie, etc., modernes. Finalement, les sciences elles-mêmes se sont divisées en sous-domaines qui dépendaient de l’échelle étudiée et des méthodes de recherche utilisées. En physique, les phénomènes naturels qui étaient accessibles et pouvaient être expérimentés au niveau humain ont été développés en premier lieu : la mécanique, la chaleur, le son, la lumière, l’électricité et le magnétisme, ce qui constitue la physique classique du xixe siècle. Aujourd’hui, il s’agit d’une science établie qui reste importante car elle décrit avec précision la plupart des phénomènes qui nous entourent, comme les objets ordinaires qui se déplacent lentement par rapport à la vitesse de la lumière. La recherche basée sur la physique classique continue à développer des idées, par exemple dans la théorie du chaos, qui montre que les systèmes qui suivent la mécanique classique peuvent produire un comportement inattendu en fonction de leurs conditions de départ, et dans la physique appliquée. 52
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La physique classique reste également ancrée dans l’enseignement de la physique. Elle présente aux étudiantes et aux étudiants des idées telles que la matière, l’énergie et la force, et les aide à développer leur intuition physique avant d’aborder les théories mathématiques abstraites de la physique moderne. Un programme typique de physique de premier cycle comprend la mécanique classique, la chaleur, l’électricité et le magnétisme, puis la relativité, la mécanique quantique, les méthodes mathématiques et informatiques et les techniques de laboratoire. Les étudiants disposent ainsi du bagage nécessaire pour choisir leur future orientation professionnelle ou universitaire, et pour choisir entre la théorie et l’expérience, ainsi qu’entre la physique fondamentale et la physique appliquée. Les domaines qui se sont développés après l’essor de la physique classique sont les domaines de recherche les plus actifs et soulèvent des questions aux limites de la physique connue. À petite échelle, il s’agit de la physique nucléaire et de la physique des particules, de la physique de la matière condensée (solides et liquides) et de l’étude des propriétés quantiques encore mystérieuses de la lumière. Ces études nécessitent des capacités expérimentales exotiques, comme des accélérateurs de particules, des températures proches du zéro absolu et des lasers spéciaux, et toutes dépendent de la physique quantique pour comprendre les résultats expérimentaux et formuler de nouvelles idées. À grande échelle, les domaines de recherche sont l’astronomie, l’astrophysique et la cosmologie, qui comptent parmi les intérêts scientifiques les plus anciens de l’Humanité, mais qui sont aujourd’hui radicalement transformés par les nouveaux télescopes et notre arrivée dans l’espace, et qui ont pour toile de fond théorique la relativité, la physique quantique et la physique nucléaire et des particules. 53
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DE LA THÉORIE, DE L’EXPÉRIMENTATION ET PLUS ENCORE Dans chaque sous-domaine de la physique, il y a des physiciens qui recueillent des données et d’autres qui élaborent des théories pour expliquer les résultats expérimentaux. La théorie et l’expérience sont les jumeaux essentiels qui animent la physique, mais aucune des deux n’a vu le jour sans subir des développements considérables. Avant l’expérimentation, il y avait l’observation des activités naturelles comme, par exemple, le mouvement des objets célestes. Enregistrées et compilées, ces observations constituaient un ensemble de données qui pouvaient être analysées, comme l’avait fait Ptolémée, bien que son modèle géocentrique se révéla être incorrect. De nouveaux instruments ont amélioré la portée et la précision des données d’observation. Avant même l’invention du télescope, l’astronome danois du xvie siècle Tycho Brahe mesurait avec précision les positions angulaires des objets célestes à l’aide de ce qui était essentiellement de grands rapporteurs. Ces données ont permis à Johannes Kepler, l’assistant de Brahe, de dériver ses trois lois du mouvement planétaire. Plus tard, les télescopes ont permis de meilleures observations et de nouvelles découvertes. La planète Uranus est à peine visible à l’œil nu, mais l’astronome germano-britannique William Herschel l’a vue dans un télescope en ; l’existence de Neptune, quoiqu’invisible à l’œil nu, a été confirmée par télescope en . La science de l’observation prend la Nature comme elle vient et enregistre ce qui est vu. L’expérimentation va plus loin, en isolant et en manipulant les phénomènes naturels afin de pouvoir les examiner de manière définitive. Pour tester ses idées sur la lumière, le scientifique arabe Ibn al-Haytham (cf. également les Chapitres et ) suspendit deux 54
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lanternes à des hauteurs différentes à l’extérieur d’une pièce sombre percée d’un trou dans un mur. En découvrant et en recouvrant les lanternes, il vit un point lumineux apparaître et disparaître sur le mur de la pièce, et nota que le point de chaque lanterne se trouvait sur une trajectoire rectiligne à travers le trou jusqu’à cette lanterne. Cette expérience a largement contribué à confirmer que la « vision » est due à la lumière émise par des sources, et non par l’œil humain, et que les rayons lumineux se déplacent en ligne droite. En , Galilée prolonge la révolution scientifique initiée par Copernic en démontrant l’importance de l’expérimentation suivie de l’analyse mathématique. Son livre Discours et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles décrit sa réfutation de l’affirmation d’Aristote selon laquelle les objets plus lourds tombent plus vite. En effet, même s’il avait laissé tomber des objets du haut de la tour penchée de Pise, comme le veut la légende, ils seraient tombés trop vite pour être chronométrés par les horloges disponibles. Au lieu de cela, il a chronométré des boules de bronze qui roulaient sur des rampes inclinées plus lentement qu’en chute libre. L’analyse de Galilée a montré que l’accélération due à la gravité est la même quel que soit le poids de la boule. Selon lui, cela est également vrai pour les objets en chute libre, car c’est exactement comme le mouvement sur une rampe qui serait inclinée à degrés, c’est-à-dire à la verticale. Quelques décennies plus tard, Isaac Newton amplifia l’approche de Galilée. Dans ses Principia, il exprime sa conviction que les philosophes naturels doivent combiner les données et les mathématiques pour expliquer la nature. En s’appuyant sur les résultats antérieurs de Galilée et de Descartes concernant les corps en mouvement, et en utilisant la géométrie et le puissant outil de calcul qu’il avait inventé (également 55
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découvert indépendamment par le mathématicien et philosophe allemand Gottfried Leibniz), il déduisit les principes clés de la mécanique. Ses trois lois du mouvement (la plus connue énonce que F = ma, force = masse × accélération) et la loi de la gravitation universelle représentent les premières théories radicales qui expliquent une grande partie du comportement naturel sur Terre et dans les cieux (cf. Figure ). Après Newton, la physique théorique a continué à se développer pour devenir un domaine spécifique de la physique, avec les travaux des chercheurs du xixe siècle, tel le physicien écossais James Clerk Maxwell qui se sont spécialisés dans ce domaine. Maxwell, par exemple, utilisa l’analyse mathématique et la perspicacité physique pour montrer que les anneaux de Saturne ne pouvaient pas être solides mais devaient être constitués d’éléments séparés maintenus ensemble par la gravité, ce que l’observation a confirmé par la suite. Ses compétences mathématiques ont conduit à sa plus grande réalisation, une théorie unifiée de l’électromagnétisme basée sur des résultats expérimentaux qui ont apporté un bonus inattendu en montrant que la lumière est une onde électromagnétique. Les rôles complémentaires de la théorie et de l’expérience sont clairement affichés au début du xxe siècle. Lors du premier Congrès International de Physique, qui se tint à Paris en et qui réunit plus de participants, des théoriciens et des expérimentateurs présentèrent des conférences de premier plan. En , lors de la première d’une série de conférences parrainées par l’industriel Ernest Solvay, qui invitait d’éminents physiciens à discuter des questions scientifiques importantes de l’époque, il y eut un équilibre presque égal entre les physiciens théoriques et expérimentaux (mais pas entre les genres ; Madame Curie était la seule femme parmi les vingt-quatre invités). 56
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La relation symbiotique entre l’observation, l’expérience et la théorie se poursuit aujourd’hui, mais peu de physiciens contemporains combinent expérience et théorie comme l’ont fait Galilée et Newton. L’étendue et la complexité des laboratoires et des théories modernes obligent les physiciennes et les physiciens à choisir l’une ou l’autre voie, et aujourd’hui existe également le choix de la physique computationnelle. Depuis leur création, les ordinateurs ont été utiles à la physique (et à toutes les sciences) pour enregistrer et traiter des données et résoudre des problèmes mathématiques. En physique computationnelle, ces problèmes consistent en des équations qui décrivent correctement un système physique réel, mais qui sont difficiles à résoudre par les méthodes mathématiques habituelles, généralement parce que le système n’est pas linéaire ou comporte de nombreux composants, comme c’est le cas en relativité générale, en écoulement des fluides et en physique de la matière condensée. Dans ce cas, les ordinateurs effectuent des solutions précises, ce qui revient à modéliser ou simuler numériquement le système. Les paramètres de simulation peuvent être modifiés afin d’explorer les prédictions mathématiques, qui seront ensuite confirmées par l’expérience ; la simulation peut également remplacer une vue rapprochée réelle qui serait physiquement impossible. C’est ce qui s’est produit en , lorsque les détecteurs massifs de l’observatoire d’ondes gravitationnelles LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) sur Terre ont détecté pour la première fois l’existence d’ondes gravitationnelles. Cela a confirmé la prédiction centenaire d’Einstein, issue de la relativité générale, selon laquelle les effets gravitationnels sont transportés par des ondulations de l’espace-temps à la vitesse de la lumière. Il a fallu une simulation informatique du comportement des 57
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trous noirs pour confirmer que le signal détecté provenait d’une collision entre deux trous noirs distants de , milliard d’années-lumière de notre galaxie. La physique computationnelle est considérée comme une branche de la physique théorique, ou comme une « troisième voie », en plus de la théorie et de l’expérience. De manière plus controversée, certains physiciens parlent d’« expériences informatiques » qui peuvent remplacer les expériences réelles. Quoi qu’il en soit, ce domaine exerce une influence croissante. Un autre changement en physique est l’apparition de la recherche décentralisée. Bien que certains grands projets de physique soient menés dans des centres tels que le CERN, d’autres sont réalisés par un réseau mondial de physiciens collaborateurs liés par des ordinateurs personnels et Internet, comme ce fut le cas pour LIGO. Les outils de réseau permettent également à quiconque, physicien ou non, de faire avancer la recherche. Le site web du CERN consacré au « calcul bénévole » offre, comme il l’indique, « une merveilleuse occasion pour VOUS de participer directement à la recherche scientifique de pointe » en permettant à votre ordinateur personnel de contribuer à l’analyse des données du LHC, une ressource importante lorsque des milliers de personnes y contribuent. Le site web des « scientifiques citoyens » de la NASA offre la possibilité d’examiner des images de l’aérogel , un matériau exotique, pour y trouver des particules de poussière interstellaire piégées lors de la mission « Stardust » de la NASA en ; et dans le cadre du projet « Zooniverse » de l’université d’Oxford, la possibilité de classer par forme les galaxies vues par le télescope Hubble. . NDT – Un aérogel est semblable à un gel où le composant liquide est remplacé par du gaz. C’est un solide à très faible densité avec plusieurs propriétés remarquables.
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FONDAMENTALE VERSUS APPLIQUÉE Les philosophes naturels grecs préféraient élaborer des théories sur la Nature plutôt que de l’explorer par des expériences. Ils ne pensaient pas non plus à appliquer leurs connaissances pour créer des dispositifs concrets à l’usage des gens. Cela a changé avec la révolution industrielle des xxviiie et xixe siècles, au cours de laquelle les machines et les processus pratiques ont bénéficié des connaissances de la physique. Au départ, il n’existait pas de laboratoires industriels appliquant les principes de la physique pour améliorer les processus ou créer de nouveaux produits. Cependant, la recherche en physique a rapidement conduit à des résultats qui ont changé la société et engendré de nouvelles industries, comme l’exploration de la thermodynamique de l’évaporation des gaz pour créer des températures froides, qui a conduit à la technologie de la réfrigération à la fin du xixe siècle, et l’exploitation de l’électricité et de l’électromagnétisme par Samuel F. B. Morse pour inventer le télégraphe en , par Alexander Graham Bell pour « créer » le téléphone en , par Guglielmo Marconi pour projeter des ondes radio à travers l’océan Atlantique en , et par divers inventeurs dont les travaux ont produit la télévision transmise électroniquement en . Aujourd’hui, de nombreuses entreprises dépendent de la physique appliquée et de l’ingénierie qu’elle soutient. Parmi les exemples financés par les gouvernements, citons l’exploration de l’espace par la NASA, l’ESA et d’autres programmes nationaux, le développement des armes nucléaires aux ÉtatsUnis et ailleurs, et la surveillance par satellite des terres émergées, des océans et de l’atmosphère de notre planète. Sur le plan commercial, les principes de la physique ont donné naissance à des dispositifs et systèmes essentiels tels 59
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que la puce électronique, le laser, le radar et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) au cœur de domaines de haute technologie telle que l’électronique, et la technologie photonique, qui manipule la lumière, et les technologies médicales et grand public. Les domaines de la matière condensée et de la physique des matériaux, qui étudient notamment des matériaux technologiquement importants comme les semi-conducteurs, jouent un rôle important en comblant le fossé entre la physique fondamentale et l’ingénierie des dispositifs. La physique de la matière condensée était le plus grand sous-domaine parmi les doctorats américains en physique délivrés en et et, avec la physique des matériaux et d’autres sous-domaines appliqués, elle représente environ % du total. D’autres physiciennes et physiciens explorent l’univers dans le pur esprit des philosophes grecs, dans le seul but de comprendre la nature. Contrairement à la recherche en physique industrielle appliquée aux objectifs des entreprises, il s’agit de recherches non commerciales menées dans des universités ou des installations comme le CERN et le LIGO. Les chercheurs universitaires et les laboratoires nationaux ou internationaux reçoivent des financements publics, parfois massifs, pour des équipements exotiques comme les accélérateurs de particules élémentaires, les télescopes pour la recherche en astrophysique et les vaisseaux spatiaux pour explorer le système solaire et au-delà (aux États-Unis, des entreprises, comme SpaceX, commencent à privatiser l’engagement du gouvernement dans la technologie spatiale). Les travaux théoriques ne nécessitent pas d’appareils expérimentaux très coûteux, mais ils requièrent généralement des capacités de calcul de haut niveau qui entraînent leurs propres coûts. Malgré la distinction apparemment nette entre la physique « fondamentale » et la physique « appliquée », ces deux 60
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disciplines peuvent se rejoindre de manière inattendue. Une preuve fondamentale que l’univers a commencé par un « Big Bang » est le fond diffus cosmologique, des ondes électromagnétiques qui ont pris naissance dans l’Univers primitif et remplissent tout l’espace. Elles ont été découvertes accidentellement à l’aide d’un équipement construit à des fins commerciales. À l’inverse, le système de positionnement global (GPS) des satellites spatiaux utilise la physique fondamentale de la relativité générale pour déterminer avec précision et en temps réel les emplacements à la surface de la Terre, à des fins civiles et militaires.
LA PHYSIQUE, C’EST CE QUE FONT LES PHYSICIENNES ET PHYSICIENS Une autre façon de définir ce qu’est la physique, ou du moins d’en prendre un instantané à une époque donnée, est de regarder ce que font réellement ses praticiens. Même si la physique peut être définie en termes d’idées et de pratiques, c’est aussi une science vivante définie par ce qui intéresse et engage les physiciens à un moment donné. Mais qui (ou quoi) est physicien ? Bien que le titre remonte au xixe siècle, il existe encore différentes définitions. Un diplôme de licence ou de maîtrise est suffisant pour certains emplois liés à la physique, mais un doctorat est nécessaire pour mener des recherches de haut niveau ou enseigner la physique au niveau universitaire. D’autres critères sont la publication dans des revues de physique ou l’appartenance à une société savante de physique. Ce dernier critère indique un engagement professionnel et a un poids mondial car la plupart des pays avancés disposent d’une telle organisation : l’American Physical Society (APS) aux ÉtatsUnis, l’Institute of Physics au Royaume-Uni, qui compte quelque membres, la Société allemande de physique 61
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(la plus importante au monde, avec membres), etc. Avec ce critère, on estime récemment qu’il y a à de physiciens dans le monde, contre environ physiciens en . Nous pouvons comparer ce que font les physiciens aujourd’hui à ce qu’ils faisaient à l’époque. Lors du premier congrès international de physique en , % des participants occupaient des postes d’enseignement, y compris des postes universitaires qui impliquaient également de la recherche ; % travaillaient dans l’industrie, et % dans le gouvernement. En -, diverses sources statistiques pour les États-Unis indiquaient encore jusqu’à % dans le gouvernement, mais le pourcentage d’universitaires a chuté à pas plus d’environ %, la différence étant que le reste est maintenant employé dans la recherche et le développement du secteur privé. La recherche en physique a également évolué. Les discours-programmes, articles et les conférences présentés au Congrès de couvraient la mécanique classique, l’électricité et le magnétisme, la lumière et l’optique, la thermodynamique ainsi que la récente découverte de la radioactivité, avec quelques articles sur les propriétés des solides et d’autres sujets. La théorie quantique et la théorie de la relativité n’avaient pas encore été annoncées et le Congrès n’avait pas grand-chose à signaler à grande échelle ; les articles de la section appelée « physique cosmique » couvraient principalement les phénomènes terrestres et solaires. Aujourd’hui, si l’on en juge par les membres des différentes divisions de recherche de l’APS, environ % des physiciens travaillent en physique fondamentale, aux frontières du petit et du grand, dans les domaines de la physique nucléaire et de la physique des particules élémentaires, de l’astrophysique et de la physique gravitationnelle – des domaines qui 62
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venaient de naître au début du xxe siècle. Le domaine le plus important est la physique de la matière condensée, qui rassemble % des membres et recoupe la physique des matériaux avec %. L’étude de la matière a largement dépassé son petit rôle en pour constituer une part importante de la recherche fondamentale et des applications telles que les nanotechnologies. Les autres domaines dans lesquels un nombre important de physiciennes et de physiciens effectuent des recherches sont la physique atomique, moléculaire, optique et des lasers. Même lorsque ces domaines recoupent les thèmes abordés lors du congrès de , ils ont été transformés par la théorie quantique.
LA PHYSIQUE ET LA VIE L’examen des différentes définitions de la physique montre les nombreuses facettes de cette science et leur évolution, mais elles s’inscrivent toutes dans la définition générale « l’étude de la matière, de l’énergie et de leur interaction ». Toutefois, récemment, la physique a dépassé son champ d’application tel qu’il est défini dans l’Oxford English Dictionary : « La branche de la science qui s’intéresse à la Nature et aux propriétés de la matière et de l’énergie non vivantes, dans la mesure où elles ne sont pas traitées par la chimie ou la biologie ». Ce n’est pas tout à fait complet, car la physique s’intéresse depuis longtemps aux systèmes biologiques vivants, ainsi qu’aux systèmes chimiques. La physique biologique ou biophysique a été mise en évidence lors du congrès de physique de , qui comprenait cinq exposés sur le sujet, et remonte au moins aux travaux de Luigi Galvani au xviiie siècle sur ce qu’il appelait « l’électricité animale ». Définie comme l’étude des « principes et mécanismes physiques qui permettent aux organismes vivants de survivre, de s’adapter et de se développer », et s’appliquant 63
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à tous les niveaux de la vie – de la molécule et de la cellule à l’organisme entier et à l’écosystème -, la physique chimique est aujourd’hui un domaine multidisciplinaire qui recoupe la biologie moléculaire et la biologie informatique, et possède ses propres sociétés professionnelles et revues. La physique chimique a, elle aussi, une longue histoire. Il s’agit de l’étude des systèmes chimiques du point de vue des atomes qui les composent. Elle était déjà connue comme un domaine de recherche spécifique en , et se poursuit en tant que division de l’APS et dans des revues dédiées. Ces deux domaines mélangés montrent comment la généralité de la physique, qui traite de la matière et de l’énergie, lui permet de s’intégrer à d’autres sciences, étendant ainsi sa définition et son impact. Nous avons non seulement la physique biologique et la physique chimique, mais aussi l’astrophysique, qui applique des principes physiques pour interpréter les observations astronomiques et sonder la nature des corps célestes ; la géophysique, qui applique des principes physiques pour comprendre la structure de la Terre ainsi que son comportement océanique et atmosphérique, avec des applications à l’étude d’autres planètes également ; la physique environnementale, la physique médicale, etc. En fonction de l’évolution de la physique, dans un siècle, ses sous-domaines et les sciences qui l’accompagnent pourraient avoir un aspect différent, voire être fondamentalement redéfinis. Si la théorie des cordes ou une autre théorie parvenait à combiner le modèle standard et la relativité générale, il s’agirait de la plus grande corrélation de la physique à ce jour ; ou si aucune de ces approches ne fonctionne, nous nous retrouverions soit sans théorie du tout – bien que la physique continue de progresser malgré tout – soit avec le plus grand bouleversement de la physique, l’option révolutionnaire de contourner la vérification expérimentale. 64
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Quelle que soit l’issue, l’état actuel de la physique dépend de la façon dont les physiciens du passé ont réalisé des expériences et proposé des théories, puis ont interagi jusqu’à ce qu’une théorie valide soit élaborée, et de la façon dont ils continuent à le faire aujourd’hui.
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3 La physique, comment ça marche ? Après des siècles sous le libellé de « philosophie naturelle » devenue la science de la physique, et surtout au cours des deux derniers siècles, la physique a atteint un état enviable. De nos jours, elle est fermement ancrée dans la physique classique, qui décrit avec précision une grande partie de notre monde immédiat et relativement proche, l’échelle moyenne du cosmos, et dans la physique moderne, la mécanique quantique et la relativité, qui décrivent une grande partie des petites et grandes échelles de l’univers qui se trouvent bien au-delà de la portée humaine directe.
UN TRAVAIL EN COURS Ces succès ne signifient pas que la physique est stagnante. Aucun physicien contemporain ne dit « nous savons tout ce qu’il faut savoir sur la Nature » ou « il n’y a pas de nouvelles découvertes à faire », comme certains le pensaient à la fin du xixe siècle. Ayant peut-être tiré une leçon de cette époque, les physiciens d’aujourd’hui comprennent que la physique manque encore de réponses importantes en raison 66
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de phénomènes inexpliqués, de nouveaux outils de recherche et parce que ses aspirations, notamment la quête d’une Théorie du Tout, ont grandi. Parmi les travaux inachevés, il y a le modèle standard qui explique beaucoup, mais pas tout des particules élémentaires et omet la question de la gravité ; la théorie quantique, qui fonctionne bien, mais sans que nous comprenions pleinement ses caractéristiques vraiment étranges ; et l’élaboration d’une théorie de la gravité quantique. En outre, de nombreuses autres questions, allant de la nature de l’énergie et de la matière noires à ce que nous ne savons toujours pas, même sur la matière ordinaire, font que la physique continue de s’enrichir et se renouveler, et reste stimulante. Comment la physique a-t-elle atteint cet état ? Comment les physiciens ont-ils élaboré et élaborent-ils encore des théories – qu’il s’agisse d’anciennes théories incorrectes, de théories actuelles que nous pensons correctes (ou presque), ou de théories en attente de confirmation. Comment les autres physiciens décidaient-ils, et décidentils encore, des expériences à réaliser pour confirmer ou infirmer les théories ou en proposer de nouvelles ? Et pour la théorie et l’expérience, comment savons-nous qu’elles sont « correctes » ? Les physiciens ont-ils produit des idées et des données tout simplement erronées, trompeuses ou mal interprétées, par inadvertance ou intentionnellement ? Et surtout, comment les deux moitiés de l’équation de la physique, la théorie et l’expérience, se rejoignent-elles pour produire une vérité, ou « la vérité » dans les limites de la physique ? Et comment la recherche en physique est-elle menée dans la pratique, qui la fait et qui la finance ? En bref, comment fonctionne la physique ? 67
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CROYANCES FONDAMENTALES Les réponses sont complexes. Le contenu et le style intellectuel de la physique ont évolué au fil des ans, et les chercheurs diffèrent dans leur façon de choisir et d’aborder les problèmes. Cependant, depuis l’avènement de la physique classique et même avant, certains grands principes s’appliquent à la théorie et à l’expérience. Deux de ces principes – ou plus exactement, positions philosophiques – sont implicites : la compréhension rationnelle de la Nature est possible, et les causes produisent des effets. La physique suit généralement les règles de cause à effet énoncées en par le philosophe écossais David Hume : « la cause et l’effet doivent être contigus dans l’espace et le temps… la cause doit être antérieure à l’effet… La même cause produit toujours le même effet, et le même effet ne résulte jamais que de la même cause », mais il n’en a pas toujours été ainsi ; par exemple, dans la théorie de la gravitation de Newton, les corps affectent d’autres corps non contigus. Ces règles peuvent également être normatives ; l’une des raisons pour lesquelles la théorie de la relativité interdit que les communications aillent plus vite que la vitesse de la lumière est parce qu’autrement, les effets pourraient précéder les causes, rendant le voyage dans le temps possible. Un autre précepte utile pour choisir parmi les théories, c’est le rasoir d’Occam (ou d’Ockham), ainsi nommé grâce au philosophe anglais Guillaume d’Ockham (xiiie-xive siècles), qui stipule que, parmi les hypothèses concurrentes, il faut choisir la plus simple et celle qui comporte le moins d’hypothèses. Outre l’attrait esthétique, la simplicité a une valeur plus profonde : il est toujours possible de complexifier une théorie pour qu’elle corresponde aux données, comme l’a fait Ptolémée avec son modèle astronomique géocentrique, mais une théorie dépouillée de l’essentiel et qui fait encore des prédictions précises peut être testée plus rigoureusement. 68
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Un troisième élément essentiel est la foi dans ce que le lauréat du prix Nobel Eugene Wigner a appelé « l’efficacité déraisonnable des mathématiques ». Depuis les premières applications jusqu’aux théories mathématiquement sophistiquées d’aujourd’hui, nous avons constaté que la discipline apparemment abstraite des mathématiques s’applique d’une manière ou d’une autre au monde réel pour décrire et prévoir de manière fiable ses opérations, souvent pour des phénomènes qui dépassent la portée initiale des mathématiques. Wigner avait noté que « l’énorme utilité des mathématiques dans les sciences naturelles est quelque chose qui frise le mystère », mais cette utilité inexplicable est cruciale pour la physique. Les lois générales de conservation des propriétés qui ne changent pas dans le temps dans un système physique isolé sont plus spécifiques à la physique. Outre la conservation de la masse et de l’énergie, les autres quantités conservées sont le moment linéaire, produit de la masse et de la vitesse pour chaque élément d’un système tel deux boules de billard qui entrent en collision ; le moment angulaire, pour les systèmes en rotation comme les planètes sur leur orbite ; et la charge électrique. Diverses propriétés des particules élémentaires sont également conservées. Ces lois sont absolues et constituent certaines des grandes vérités de la physique. Une théorie ou un résultat expérimental qui les viole serait rejeté, à moins qu’il n’intègre une faille qui rende la violation seulement apparente, ce qui peut se produire au niveau quantique.
LA MOTIVATION Dans le cadre de ces lignes directrices générales, les nouvelles théories et expériences découlent de motivations spécifiques autres que la curiosité scientifique. L’un des objectifs d’un théoricien est d’associer un ensemble de données à une 69
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théorie qui décrit et prédit avec précision le fonctionnement d’une partie de la Nature, comme Maxwell le fit avec l’électromagnétisme, et comme de nombreux théoriciens l’ont fait pour en arriver à la physique quantique et le modèle standard. D’autres objectifs peuvent être d’améliorer ou d’étendre une théorie plus ancienne, comme lorsque Copernic plaça le Soleil au lieu de la Terre au centre de l’Univers. Une motivation cruciale apparaît lorsqu’une théorie établie ne parvient pas à reproduire les données, comme lorsque Max Planck dut inventer le quantum pour expliquer le modèle observé du rayonnement électromagnétique provenant d’une source chaude ou lorsqu’une approche théorique soulève des questions internes ou aboutit à une impasse apparente. Les expérimentateurs ont également des intérêts variés. Certains se spécialisent dans les mesures précises de quantités importantes, comme Albert Michelson pour la vitesse de la lumière. D’autres conçoivent des expériences pour tester des idées existantes, comme le fit Ibn al-Haytham pour déterminer si la lumière provient de l’œil humain ou de sources externes. Certains sont inspirés pour faire des observations ou réaliser des expériences afin de vérifier – ou non – de nouvelles théories, ce qui n’est pas toujours facile. Il a fallu des expéditions scientifiques entières pour confirmer la théorie de la relativité générale d’Einstein, et il faut des expériences incroyablement délicates pour confirmer certains effets quantiques. Le moins prévisible est le rôle de la sérendipité dans les découvertes en physique, qui, outre la chance, nécessite des expérimentateurs alertes et curieux qui voient une . NDT – La sérendipité est le fait de réaliser une découverte scientifique de façon inattendue à la suite d’un concours de circonstances fortuites.
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anomalie et la scrutent. Heureusement, ceux-ci étaient là pour découvrir les rayons X en et le fond diffus cosmologique en . La sérendipité se produit également dans les travaux théoriques. En , le météorologue américain Edwin Lorenz remarqua que le fait d’entrer , au lieu de , comme valeur de départ d’une variable dans ses prévisions météorologiques générées par ordinateur changeait radicalement deux mois de temps simulé. C’est ainsi qu’ont débuté les contributions de Lorenz à la théorie du chaos, l’étude des systèmes dont le comportement dynamique dépend fortement des conditions de départ, résumées par Lorenz sous le nom d’« effet papillon », l’insignifiant battement d’ailes d’un papillon qui pourrait, à la longue, déclencher une tornade.
L’EXPÉRIMENTATION DEVIENT IMPORTANTE La relation entre la théorie et l’expérience a évolué au fil du développement de la physique. Aristote et les autres premiers philosophes naturels ont affirmé des propositions sur le monde réel qui pouvaient s’inscrire dans leurs schémas intellectuels généraux, mais qui n’étaient pas étayées par des données. Lorsque, plus tard dans l’histoire de la physique, de nouvelles théories ont été proposées, leur validité ne reposait pas uniquement sur des affirmations ou même sur la cohérence mathématique : on attendait d’elles qu’elles organisent ou expliquent les données connues et qu’elles fassent des prédictions pouvant être confirmées par l’expérience. Une fois établie, l’approche expérimentale a pris différentes formes. Certaines percées ont été réalisées par un ou deux chercheurs seulement, comme Galilée pour la mécanique et Newton pour la lumière, au début de la physique ; Thomas Young, Michelson et Morley, au xixe siècle ; et plusieurs au xxe siècle, comme le physicien américain Theodore 71
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Maiman, qui inventa le premier laser fonctionnel en . Lors du premier Congrès International de Physique en , les présentations expérimentales n’avaient qu’un seul auteur, à l’exception d’une poignée d’entre elles qui en avaient deux (dont un exposé de Pierre et Marie Curie). Cette échelle d’expérimentation en petits groupes avec des équipements « de paillasse » se poursuit ; le Prix Nobel en physique en , par exemple, a été décerné à deux chercheurs de l’université de Manchester pour leurs travaux sur le graphène, une forme bidimensionnelle du carbone. D’autres expériences sont menées par des équipes comptant jusqu’à des milliers de physiciens dans une installation donnée ou reliées au niveau mondial par Internet, à l’aide d’énormes machines telles que des accélérateurs et des détecteurs d’ondes gravitationnelles dont les coûts de construction et de fonctionnement se chiffrent en milliards de dollars. Ces travaux de « grande physique », ainsi que les travaux « sur table », sont financés par des laboratoires gouvernementaux ou par des subventions accordées à des chercheurs universitaires par des agences gouvernementales telles que la NASA, le ministère de la défense (DoD) et la National Science Foundation (NSF) aux États-Unis. Les gouvernements n’accordent pas nécessairement de l’importance à la physique en tant que clé de la connaissance fondamentale mais reconnaissent son importance pour soutenir des applications allant des technologies grand public et médicales à l’utilisation militaire, améliorant ainsi la croissance économique, le bien-être des citoyens et la sécurité nationale. Les frontières entre la physique « de table » et la « grande physique » peuvent être fluides. Ma propre carrière d’expérimentateur a impliqué de petits groupes d’étudiants et de collègues utilisant des lasers et des spectromètres de la taille de mon laboratoire, et d’autres efforts dans d’énormes 72
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installations comme le Los Alamos National Laboratory au Nouveau-Mexique, et le Brookhaven National Laboratory à Long Island, New York, où mes recherches ont vu l’emploi d’un synchrotron, une puissante source de lumière en forme d’anneau de près d’un kilomètre de diamètre. Contrairement à la nécessité de disposer d’installations physiques et d’équipes de recherche, les théoriciens peuvent développer des idées ou des théories entières de manière assez autonome. La théorie électromagnétique, la relativité, la théorie quantique et la théorie des cordes, ou leurs germes, sont nés d’individus qui n’avaient besoin que de temps pour réfléchir et parler à des collègues, d’un accès à des données et à d’autres théories, de compétences mathématiques et d’un crayon et de papier, ou plus tard, d’une calculatrice ou d’un ordinateur. D’autres théoriciens peuvent ensuite affiner et développer l’idée originale, tandis que les expérimentateurs s’efforcent de la confirmer. Aujourd’hui, des groupes mixtes d’expérimentateurs et de théoriciens opèrent dans des centres de recherche comme les laboratoires nationaux et les universités ; par exemple, la faculté de physique du Massachusetts Institute of Technology (MIT) comprend vingt-six expérimentateurs et vingt théoriciens en physique nucléaire et en physique des particules. Cela encourage l’échange créatif d’idées au jour le jour, en plus de ce qui se passe de manière plus formelle dans les conférences de physique et dans les publications de recherche. La collecte de données et la détermination de leurs implications peuvent prendre des années et nécessiter les efforts de nombreux chercheurs avant que les résultats ne deviennent une sagesse physique établie, le processus qui a donné naissance au modèle standard. Les théoriciens et les expérimentateurs utilisent des compétences différentes. Tous les physiciens doivent avoir 73
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des compétences en mathématiques, mais les théoriciens doivent maîtriser des niveaux plus élevés de mathématiques en tant qu’outil ; Einstein a eu besoin de mathématiques très abstraites pour développer sa théorie de la relativité générale. Les expérimentateurs peuvent utiliser des équipements commerciaux tels que les lasers ; mais pour les expériences novatrices, ils doivent savoir concevoir et souvent construire eux-mêmes des appareils spécialisés, tels que les installations massives qui détectent les particules élémentaires au CERN, et doivent savoir analyser les données et juger de leur fiabilité. Les deux types de physiciens font toutefois appel à des qualités personnelles similaires, à savoir la créativité, l’imagination et la compréhension intuitive de la physique, pour choisir et poursuivre des problèmes de recherche importants. Ces aptitudes peuvent se manifester pendant les études de premier cycle, mais le choix résolu entre la théorie et l’expérience et l’affinement de l’expertise et de l’intuition physique se font pendant les études supérieures. Après avoir obtenu une licence, les physiciennes et physiciens qui veulent effectuer des recherches originales investissent en moyenne six années supplémentaires pour terminer une thèse et obtenir un doctorat (PhD) sous la supervision d’un directeur ou d’une directrice de thèse. Souvent, ils poursuivent un travail postdoctoral dans un groupe de recherche avant de commencer une carrière indépendante. Aux États-Unis, près de personnes ont obtenu un doctorat en physique pour devenir chercheurs en , un chiffre qui a tendance à augmenter depuis plus d’un siècle et qui compte désormais davantage de lauréats internationaux et de femmes. Seules quelques femmes ont participé à la physique des xixe et xxe siècles ; les premières figures comme Marie Curie, la théoricienne Emmy Noether et l’astronome Henrietta Leavitt ont été suivies par des figures plus récentes 74
LA PHYSIQUE, COMMENT ÇA MARCHE ?
comme les astronomes Jocelyn Bell et la regrettée Vera Rubin, et la regrettée physicienne de la matière condensée Mildred Dresselhaus. En , les femmes ne représentaient que % des titulaires d’un doctorat en physique aux ÉtatsUnis. En , ce chiffre avait presque triplé pour atteindre %, ce qui fait que les femmes constituent toujours une minorité distincte mais croissante au xxie siècle (et au cours de ce siècle, la physicienne canadienne spécialiste des lasers Donna Strickland a reçu le prix Nobel de physique en ). La saveur de l’interaction entre les expérimentateurs et les théoriciens, et entre l’expérience et la théorie, apparaît dans les études de cas de certains moments forts de la physique. Celles-ci montrent comment les deux domaines sont nés et s’influencent aujourd’hui de différentes manières, de l’analyse minutieuse des données aux découvertes accidentelles et aux moments d’inspiration.
MESURER LA TERRE AVEC UNE OMBRE ET UN BÂTON Vers avant notre ère, le savant et mathématicien Ératosthène, conservataire en chef de la célèbre bibliothèque d’Alexandrie, obtint un des premiers résultats géophysiques en déterminant la circonférence de la Terre. Il avait noté qu’à la date du solstice d’été à Syène, en Égypte (aujourd’hui la ville d’Assouan), l’ombre d’une personne regardant dans un puits profond bloquait la réflexion du Soleil, ce qui signifiait qu’il était directement au-dessus de sa tête. À la même date et à la même heure, à Alexandrie, tout au nord de Syène, lorsqu’il mesura la longueur de l’ombre d’un bâton vertical projetée par le Soleil, il constata que le Soleil semblait être décalé de , degrés par rapport à la verticale, soit / d’un cercle complet de degrés (cf. Figure ). Par conséquent, la distance connue entre les deux villes était égale à / de la circonférence de la Terre. 75
LA PHYSIQUE
Venant du Soleil D
Alexandrie l Syène
D
Fig. 5 Le savant grec Eratosthène calcula la circonférence de la Terre vers 240 avant notre ère.
Lorsque Eratosthène fit les calculs, son résultat pour la circonférence – en tenant compte de l’incertitude liée à la conversion des unités qu’il a utilisées en unités modernes – était remarquablement proche de la valeur correcte, soit kilomètres. Cette incursion dans le domaine des mesures réelles a montré le pouvoir de l’observation attentive, des données expérimentales et de leur analyse, ainsi que l’importance des hypothèses sous-jacentes. Après tout, Eratosthène a dû partir du principe que la Terre est ronde.
DONNÉES, MODÉLISATION ET THÉORIE GRAVITATIONNELLE 1.0 Les modèles astronomiques que Ptolémée, Copernic et Kepler ont construits dépendaient également de données sous 76
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forme d’observations astronomiques et d’hypothèses intégrées aux modèles. Au iie siècle de notre ère, le modèle de Ptolémée intégrait la croyance que les corps célestes se déplacent autour de la Terre en cercles parfaits. Pour que cela soit en accord avec tous les comportements observés des planètes, y compris le mouvement rétrograde- leur mouvement apparent vers l’arrière à certains moments – chaque planète était supposée se déplacer dans un petit cercle appelé épicycle dont le centre se déplaçait autour de la Terre dans un grand cercle appelé « déférent », et la Terre était déplacée du centre exact des cieux. Le modèle ptolémaïque a été la norme pour prédire le comportement astronomique pendant plus d’un millénaire jusqu’à ce que Copernic l’améliore en en plaçant le Soleil, et non la Terre, au centre de l’Univers. Cela expliquait clairement que le mouvement rétrograde était dû au mouvement de la Terre par rapport aux autres planètes et a placé les planètes dans l’ordre correct de leur distance au Soleil. Mais le modèle continuait à considérer les orbites planétaires comme des cercles et nécessitait donc toujours des épicycles. Il n’était pas plus précis que celui de Ptolémée, jusqu’à ce que Kepler apporte l’ajustement final. Après avoir effectué des centaines de pages de calculs manuscrits basés sur les données d’observation précises de Tycho Brahe concernant la position de Mars, Kepler conclut que les planètes se déplacent sur des orbites elliptiques et obéissent à deux autres lois du mouvement planétaire. Puis ce fut le tour de Newton de changer la physique en reliant ces trois lois à une cause physique unique. Sa théorie de la gravitation universelle résume les résultats de Kepler en une équation pour une force d’attraction agissant entre le Soleil et une planète – ou entre deux corps quelconques – le long de la ligne les reliant et variant en sens inverse du carré de la distance qui les sépare. Cette simplification était 77
LA PHYSIQUE
conforme à la paraphrase par Newton du rasoir d’Occam : « Nous ne devons pas admettre d’autres causes aux choses naturelles que celles qui sont à la fois vraies et suffisantes pour expliquer leurs apparences ». La théorie de Newton décrivait avec précision le mouvement planétaire, mais elle devait également être testée en laboratoire, ce qui fut fait pour la première fois en par le physicien anglais Henry Cavendish. Son dispositif astucieux consistait à placer une petite masse de plomb à chaque extrémité d’une tige d’environ mètres de long, suspendue à un fil. Près de chacune des masses, sur les côtés opposés de la tige, il plaça une pièce de plomb (cf. Figure ) pesant kilogrammes. p
G H m
M
H M
P
r
G
r F
K
F
L E A
T
S nh D BC
G
W R
g m
E A D hn S
W R
T
CB G
Fig. 6 En 1797, Henry Cavendish mesura les effets gravitationnels afin de tester la théorie de Newton.
Comme l’avait prédit Newton, la gravité agit entre la grande et la petite masse, produisant une force de rotation qui fit tourner la tige jusqu’à ce que le fil exerce une torsion égale et opposée. 78
LA PHYSIQUE, COMMENT ÇA MARCHE ?
Cavendish trouva alors la force gravitationnelle entre les masses et détermina une valeur pour G, la constante gravitationnelle de la théorie de Newton, à moins de % de la valeur moderne.
UN GEDANKENEXPERIMENT ET LA THÉORIE GRAVITATIONNELLE 2.0 Cela pourrait sembler mettre fin à la recherche d’une théorie du mouvement céleste, mais l’approche de Newton présentait des problèmes. Bien que la gravité en tant que force soit une idée naturelle dans son univers mécaniste, elle soulève le problème de « l’action à distance », c’est-à-dire une cause et un effet non contigus, les objets s’influençant d’une manière ou d’une autre sans contact physique. Newton lui-même trouvait cela insatisfaisant. Un autre problème est que la théorie de Newton exige que les effets gravitationnels se propagent instantanément entre les corps, mais la relativité restreinte interdit les déplacements plus rapides que la lumière. Albert Einstein résolut ces problèmes en en traitant la gravité différemment. Sa théorie de la relativité générale est née de l’approche créative unique d’Einstein, un Gedankenexperiment (« expérience de pensée » dans sa langue maternelle allemande). Il raconte comment, en , il visualisa une scène qui l’a d’abord surpris et qu’il a ensuite appelée sa « pensée la plus heureuse » : « J’étais assis sur une chaise dans mon bureau d’enregistrement des brevets à Berne lorsque, tout à coup, une idée m’est venue. Si une personne tombe librement, elle ne ressent pas son propre poids ». Cette idée apparemment simple s’est avérée profonde, car Einstein a raisonné à partir d’elle pour arriver à l’idée que 79
LA PHYSIQUE
la gravité dépend de la géométrie de l’espace-temps, l’entité quadridimensionnelle qu’il avait dérivée dans la relativité restreinte. Dans la relativité générale, une grande masse comme une étoile déforme l’espace-temps, transformant la trajectoire en ligne droite qu’un objet suivrait dans l’espace vide en mouvement orbital d’une planète et en tous les autres effets gravitationnels. Le théoricien américain John Wheeler résuma ce phénomène dans une épigramme lapidaire : « c’est l’espace-temps qui dit à la matière comment se déplacer ; la matière dit à l’espace-temps comment se courber ». La théorie a été validée lorsque l’astrophysicien anglais Arthur Eddington monta une expédition sur l’île de Príncipe, près de l’Afrique pour observer l’éclipse totale de soleil de . L’Observatoire de Greenwich en envoya une autre en même temps au Brésil. Là, l’obscurité temporaire de l’éclipse permit de confirmer la prédiction d’Einstein selon laquelle la lumière d’une étoile lointaine se courberait d’une certaine quantité autour d’un objet massif comme notre soleil. Ce résultat fit grand bruit dans la presse et rendit Einstein célèbre dans le monde entier. D’autres expériences confirment que l’écoulement du temps change dans un champ gravitationnel, comme le prévoit la théorie. La relativité générale explique également les divergences de l’orbite de la planète Mercure et, en , elle a été utilisée pour prédire la possibilité de trous noirs, qui ont depuis été découverts. Sa dernière prédiction majeure, à savoir que des événements cosmiques massifs comme une collision entre des trous noirs produisent des ondes gravitationnelles voyageant à la vitesse de la lumière, a été confirmée par LIGO en . Ces grands succès signifient-ils que la théorie de Newton est fausse ? Non ; elle fonctionne bien en tant que cas limite de la relativité générale pour les corps se déplaçant bien en dessous de la vitesse de la lumière ou pas trop près d’une 80
LA PHYSIQUE, COMMENT ÇA MARCHE ?
étoile, et elle est mathématiquement simple. La relativité générale a été qualifiée de plus belle théorie de physique en raison de son idée élégante selon laquelle la gravité provient de l’espace-temps, le tissu même de l’Univers. Mais la théorie utilise dix équations non linéaires compliquées qui ne peuvent être entièrement résolues que par ordinateur, satisfaisant ainsi les conditions du rasoir d’Occam en matière de simplicité conceptuelle mais pas mathématique. Plus grave encore, la nature géométrique de la théorie la rend différente de toutes les autres théories de la physique, y compris du modèle standard, ce qui explique pourquoi il est difficile de fusionner les deux.
LA SÉRENDIPITÉ À PETITE ÉCHELLE À l’opposé de la longue quête qui a abouti à une théorie de la gravitation et qui a exigé beaucoup de travail sur les données et des améliorations successives de la théorie, d’autres découvertes importantes en physique ont été soudaines et inattendues. Elles n’auraient peut-être pas été appréciées sans une approche qui apporte à la fois la curiosité et la rigueur scientifique à l’étude de la Nature ; comme le disait le grand biologiste et chimiste français Louis Pasteur en , « dans les domaines de l’observation, le hasard ne favorise que l’esprit préparé ». La découverte des rayons X par Röntgen en , qui lui valut le prix Nobel, en est un exemple. Il remarqua que lorsqu’il allumait un tube de Crookes dans son laboratoire, un écran fluorescent situé à mètres de distance commençait à briller, bien que le tube soit recouvert d’un matériau opaque. Röntgen découvrit que la lueur n’était pas due à des rayons cathodiques mais à un type inconnu de rayonnement pénétrant, dont il s’est avéré par la suite qu’il s’agissait d’ondes électromagnétiques de très courte longueur d’onde. Une des premières images radiographiques montrait les os de la main 81
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de sa femme, un résultat remarquable bientôt utilisé pour l’imagerie médicale (cf. Figure ).
Fig. 7 Peu après avoir découvert les rayons X en 1895, Wilhelm Röntgen montra les os de la main de sa femme.
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LA PHYSIQUE, COMMENT ÇA MARCHE ?
L’accident sensationnel de Röntgen en entraîna un autre. Le physicien français Henri Becquerel avait étudié des composés phosphorescents de l’uranium, pensant qu’ils pouvaient absorber la lumière du Soleil et la réémettre sous forme de rayons X. En , il plaça les composés et quelques plaques photographiques dans un tiroir sombre et fut surpris de constater que les plaques avaient été exposées sans source de lumière. D’autres travaux ont montré que les composés d’uranium et l’uranium pur émettent des rayons X et d’autres rayonnements de manière tout à fait spontanée. Becquerel avait découvert la radioactivité naturelle et partagea le prix Nobel de physique de avec Marie et Pierre Curie qui poursuivirent les recherches.
SÉRENDIPITÉ À GRANDE ÉCHELLE ET ORIGINES COSMIQUES Ces découvertes accidentelles à petite échelle ont été suivies de deux autres à la grande échelle de l’Univers. Il est intriguant de constater que ces deux découvertes trouvent leur origine dans des projets d’ingénierie menés aux Bell Telephone Laboratories, à Holmdel, dans le New Jersey, à des fins commerciales plutôt que de recherche. En , le physicien américain Karl Jansky, qui travaillait aux « Bell Labs », cherchait des sources d’électricité statique susceptibles d’interférer avec un nouveau service de radiotéléphone transatlantique. Son antenne à Holmdel dans le New Jersey, détecta des parasites provenant d’orages et enregistra également un signal provenant d’une source inconnue. Après avoir suivi le signal dans le temps et dans différentes directions, il conclut qu’il provenait du centre de notre propre galaxie, la Voie lactée. En , son article sur les premiers signaux radio provenant d’au-delà de la Terre, intitulé « Electrical disturbances apparently of extraterrestrial 83
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origin » (perturbations électriques apparemment d’origine extraterrestre), suscita un large intérêt. Les Bell Labs avaient rejeté sa proposition de construire une antenne parabolique plus grande pour une étude plus approfondie, qui aurait été le premier observatoire de radioastronomie, cependant la radioastronomie a continué à se développer. Trois décennies plus tard, les radioastronomes des Bell Labs Arno Penzias et Robert Wilson firent une autre découverte fortuite non loin de l’emplacement de l’antenne de Jansky. En , alors qu’ils détectaient des ondes radio de l’espace à l’aide d’une antenne en forme de cornet de mètres de haut, construite à l’origine pour tester les signaux des satellites de communication, ils trouvèrent un signal inattendu à la longueur d’onde micro-ondes de , centimètres. Il ne provenait pas de sources extraterrestres connues ni de sources terrestres telles que la ville de New York toute proche, et il ne s’agissait pas non plus d’un artefact dû à des fientes de pigeon sur l’antenne. Il s’agissait d’un signal réel, omniprésent et inchangé, quel que soit l’endroit de l’espace où l’on pointait l’antenne, et il fallait l’expliquer. À l’époque, il y avait deux idées différentes sur l’origine de l’Univers, dont on savait qu’il était en expansion, comme l’avait observé Edwin Hubble en . Selon la théorie de l’état stationnaire, l’Univers reste homogène et immuable au fur et à mesure de son expansion car de la nouvelle matière est créée en permanence. Dans la théorie du Big Bang, l’Univers a commencé à partir d’un point unique et de températures extrêmement élevées et s’est étendu pour atteindre son état actuel. Penzias et Wilson ont découvert que le physicien américain Robert Dicke avait calculé qu’un Big Bang laisserait un résidu d’ondes électromagnétiques remplissant l’espace, le fond diffus cosmologique. Ce rayonnement le plus ancien 84
LA PHYSIQUE, COMMENT ÇA MARCHE ?
de l’Univers serait du type appelé « rayonnement du corps noir ». Le rayonnement du corps noir est émis par les atomes vibrants de tout objet dont la température est supérieure au zéro absolu, avec une intensité et un spectre qui dépendent de la température. Notre Soleil émet ce rayonnement à une température d’environ K ( °C), dont une grande partie aux longueurs d’onde que nous voyons, de nanomètres à nanomètres. Dicke avait prédit que l’espace serait rempli de rayonnement micro-ondes de corps noir à l’origine d’environ K (– °C, presque au zéro absolu), la température de l’espace après que l’Univers se soit refroidi de ses milliards de degrés au départ. Lorsque la mesure initiale de Penzias et Wilson a ensuite été étendue à l’ensemble du domaine des micro-ondes, les données correspondaient exactement à la théorie pour un corps noir à , kelvins. Cette concordance spectaculaire était une preuve solide du Big Bang, qui est désormais la théorie acceptée.
UNE THÉORIE QUANTIQUE RADICALE Bien avant l’époque de Penzias et Wilson, les physiciens de la fin du xixe siècle ont essayé de développer une théorie de physique classique du rayonnement du corps noir, mais leurs efforts étaient en désaccord avec les spectres expérimentaux. Après s’être débattu avec ce problème, le physicien allemand Max Planck introduisit une approche nouvelle en supposant que l’énergie totale des corps vibrants générant le rayonnement était composée de nombreuses unités d’énergie extrêmement petites et distinctes. Cela a conduit à une nouvelle équation que Planck annonça en . Elle correspondait parfaitement aux données expérimentales et est toujours utilisée pour les calculs du rayonnement du corps noir, y compris le fonds diffus cosmologique. 85
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Planck pensait que son hypothèse n’était qu’une astuce mathématique, mais il faisait quelque chose de profond en imaginant des paquets d’énergie séparés, ou quanta. Sans en avoir pleinement conscience, ce « révolutionnaire réticent », comme l’appelle l’historien des sciences Helge Kragh, jetait les bases de la mécanique quantique, la théorie du petit et l’une des deux grandes théories perturbatrices de la physique du xxe siècle. Peu de ses pairs en ont immédiatement perçu les implications et la théorie quantique n’a pas reçu beaucoup d’attention avant la conférence Solvay de , dont le thème était « Sur la théorie du rayonnement et les quanta ». Cependant, Einstein a été l’un des premiers à l’adopter. En , il créa l’idée de paquets quantifiés d’énergie lumineuse, appelés plus tard photons, pour expliquer l’effet photoélectrique, où l’impact de la lumière fait tomber les électrons d’une plaque de métal, et reçut le prix Nobel. Cette découverte a permis d’introduire la déroutante dualité onde-particule quantique, selon laquelle la lumière se comporte à la fois comme une onde et comme une particule, le photon. En , le théoricien français Louis de Broglie supposa que la même dualité existait pour la matière. Peu de temps après, les expérimentateurs américains Clinton Davisson et Lester Germer, travaillant aux Bell Labs, montrent que les électrons peuvent se disperser à partir des atomes d’un cristal comme le font les ondes. En , d’autres expériences ont montré que la lumière interagit avec un électron comme une boule de billard avec une autre, ce qui confirme la réalité des photons. La lumière et la matière, semblait-il, pouvaient être à la fois des ondes et des particules. Entre-temps, les théoriciens ont continué à explorer la physique quantique et la nature ondulatoire de la matière. En , le théoricien autrichien Erwin Schrödinger dériva une équation pour décrire les systèmes quantiques. Au lieu 86
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d’utiliser la loi de Newton F = ma, l’équation de Schrödinger décrit le mouvement des « ondes de matière » d’une manière qui conserve l’énergie. On obtient ainsi la « fonction d’onde » mathématique à partir de laquelle on peut calculer la position, l’énergie ou toute autre propriété d’un objet quantique tel qu’un électron dans un atome. Mais ces calculs ne peuvent être donnés que sous forme de probabilités ; il n’est plus possible, par exemple, de placer un électron à un endroit précis de l’espace, mais seulement de donner un éventail de possibilités. Ce « flou » dans nos connaissances se manifeste également dans le principe d’incertitude. Déduit en par le physicien allemand Werner Heisenberg, ce principe stipule que, dans le monde quantique, il est impossible de connaître simultanément certaines quantités telles que la position et la quantité de mouvement d’un électron avec une précision absolue. Einstein était mécontent de cette indétermination, estimant qu’il existe un déterminisme sous-jacent dans la Nature. D’autres aspects de la théorie quantique restent également perplexes. Néanmoins, la théorie fonctionne bien. Dans les années , l’équation de Schrödinger est utilisée avec succès pour expliquer les propriétés des atomes, des métaux et des semi-conducteurs, les matériaux qui seront à la base de l’électronique numérique et de l’ère informatique. Mais l’équation de Schrödinger n’était pas complète car elle omettait la relativité restreinte. En , le théoricien britannique Paul Dirac dériva une nouvelle équation qui combinait la théorie quantique et la relativité restreinte pour décrire les électrons se déplaçant à une vitesse proche de celle de la lumière. Cette équation donna un résultat inattendu, impliquant que pour chaque particule élémentaire telle que l’électron, il existe une « antiparticule » identique, mais de charge électrique opposée. L’étonnante prédiction de 87
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Dirac a été confirmée en avec la découverte du positron, l’antiparticule de l’électron. D’autres antiparticules ont été découvertes depuis et nous savons maintenant que l’antimatière fait partie de l’Univers. La matière et l’antimatière s’annihilent mutuellement dans un flash d’énergie lorsqu’elles se rencontrent, mais de telles éruptions ne sont pas souvent observées car il y a peu d’antimatière dans l’Univers. Dirac a également fait les premiers pas vers une théorie quantique des champs de l’électromagnétisme qui inclut la relativité, afin de traiter les photons voyageant à la vitesse de la lumière. Après des efforts considérables de la part de nombreux collaborateurs, les théoriciens américains Richard Feynman et Julian Schwinger, ainsi que le théoricien japonais Shin’ichiro Tomonaga, ont finalement développé en l’électrodynamique quantique, la théorie quantique de l’électromagnétisme. Elle montre comment la lumière et la matière interagissent en échangeant des photons et a été confirmée par ses prédictions numériques extrêmement précises pour les niveaux d’énergie d’un atome d’hydrogène. La théorie quantique de l’électromagnétisme a expliqué l’électromagnétisme, l’une des quatre forces fondamentales de l’Univers. D’autres travaux ont montré que deux des trois autres forces proviennent également de l’échange de particules élémentaires. La force nucléaire forte, qui maintient les quarks ensemble pour former des protons et des neutrons et qui lie ces derniers dans les noyaux atomiques, provient de l’échange de particules sans masse appelées gluons. La force nucléaire faible, qui apparaît dans la désintégration radioactive, se produit lorsque les neutrons, les électrons et d’autres particules échangent l’un des trois types de particules appelées bosons W+, W– et Z. (On sait maintenant que l’électromagnétisme et la force faible sont des aspects d’une force « électrofaible » unifiée). 88
LA PHYSIQUE, COMMENT ÇA MARCHE ?
Après de nombreux efforts depuis le milieu du xxe siècle, tous ces résultats ont évolué vers le modèle standard, qui organise toutes les particules élémentaires connues en groupes (cf. Figure ). Outre les photons, les gluons, les bosons W+, W– et Z – les cinq particules dites « bosons de jauge » qui véhiculent les forces – le modèle comprend six quarks et six leptons qui constituent la matière. La théorie a été expérimentée validée lorsque les particules qu’elle prédisait ont été détectées : les deux premiers types de quarks en , puis les quatre autres types de quarks, d’autres particules élémentaires, et enfin le boson de Higgs (également appelé « boson scalaire ») en . Modèle Standard des particules élémentaires Trois générations de la matière (les fermions)
I
II
III
Fig. 8 Les efforts de nombreux physiciens ont abouti au Modèle Standard, la théorie quantique des champs des particules fondamentales.
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LA PHYSIQUE
LES CORDES ET LE MULTIVERS Le modèle standard est un triomphe de la physique moderne, mais il est incomplet. Il ne prévoit pas toutes les propriétés des particules élémentaires et n’inclut pas la matière noire. Plus frustrant encore, il s’est avéré impossible jusqu’à présent de le combiner avec la relativité générale pour y intégrer la gravité. Le monde quantique est discontinu, alors que l’espace-temps tel qu’il apparaît dans la relativité générale est lisse et il est difficile de concevoir qu’il puisse avoir une nature discontinue. Chaque théorie est valable dans son propre domaine, mais il n’est pas facile de les combiner en une seule théorie de la gravité quantique. L’approche qui, selon certains, permettra de sortir de l’impasse est la théorie des cordes. S’appuyant sur des décennies de travaux théoriques, son idée centrale est de remplacer la vision acceptée des particules élémentaires comme des masses ponctuelles par des entités unidimensionnelles appelées « cordes ». Comme une corde de guitare, celles-ci peuvent vibrer selon différents modes qui correspondent à toutes les particules élémentaires connues et en introduisent une toute nouvelle, le graviton – une particule spéculative qui serait source de la force de la gravité tout comme les photons, les gluons et les bosons W et Z sont à l’origine des autres forces fondamentales. Cela ferait de la théorie des cordes la théorie tant recherchée de la gravité quantique et la possibilité d’une Théorie du Tout. L’apparition naturelle du graviton à partir de la théorie des cordes serait profondément satisfaisante, mais cette théorie présente quelques problèmes. Elle n’a pas encore produit de prédiction vérifiable et il sera difficile, voire impossible, de la vérifier par l’expérience. Les cordes au cœur de la théorie ont une longueur de - mètres, ce qui est bien trop petit pour être observé par tous les moyens que nous pouvons 90
LA PHYSIQUE, COMMENT ÇA MARCHE ?
concevoir. La théorie requiert également plus que les quatre dimensions de l’espace-temps – jusqu’à onze dimensions, dont sept sont cachées parce que « compactées », recroquevillées pour devenir trop petites pour être discernées dans l’expérience normale ou par toute expérience à notre portée. Il existe également une question structurelle compliquée. Les dimensions supplémentaires de la théorie peuvent être configurées en jusqu’à façons différentes, ce qui correspond à autant d’univers aux propriétés physiques diverses qui, ensemble, constituent ce qu’on appelle le « multivers ». Mais il est très douteux que nous puissions observer ces supposés autres univers, et leur variété peut rendre impossible l’obtention de prédictions définitives. Le théoricien américain Paul Steinhardt a qualifié les multivers de « Théorie du n’importe quoi » qui n’a que peu de valeur car elle « n’exclut aucune possibilité » et « ne se soumet à aucun test rigoureux de faisabilité, du genre ça passe ou ça casse ». Parce que la structure mathématique que les théoriciens des cordes ont construite semble peu susceptible d’être confirmée par l’expérience, de nombreux physiciens la rejettent. Mais ses défenseurs pensent qu’elle est probablement correcte. Ils suggèrent que la théorie devrait être acceptée sans vérification expérimentale, et le philosophe de la physique Richard Dawid a proposé que les physiciens envisagent d’entrer dans une ère de « science post-empirique ». D’autres, comme le théoricien George Ellis et l’astrophysicien Joe Silk, estiment que cette idée nuit profondément à l’intégrité de la physique. La théoricienne et blogueuse allemande Sabine Hossenfelder a écrit que l’idée même de « science post-empirique » est une contradiction de termes. Mais la théorie de la gravitation quantique à boucles, qui quantifie l’espace-temps au lieu de postuler l’existence de cordes, constitue une approche alternative, et les mesures 91
LA PHYSIQUE
projetées des effets quantiques dans l’espace pourraient fournir le stimulus de nouvelles données.
LE FACTEUR HUMAIN Le fait que les physiciens aient des opinions différentes sur la valeur de la théorie des cordes a un texte subliminal important. Il nous rappelle que la physique est faite par des personnes, dont les qualités personnelles et les approches individuelles comptent autant que leurs connaissances scientifiques. En dépit de leur formation, comme dans toute activité humaine, les chercheurs et chercheuses en physique sont sujets à l’erreur et sont poussés par des motivations personnelles et scientifiques : le désir de réussite et de reconnaissance, la puissante impulsion de « devancer » un concurrent ou de prouver que ses propres idées sont justes, et le désir de promotion, de titularisation et de financement de la recherche, qui ne sont pas faciles à obtenir. Les motivations personnelles renforcent généralement la volonté et l’engagement nécessaires pour mener de bonnes recherches, mais si ces motivations l’emportent sur un jugement sain et conduisent à des travaux médiocres, trompeurs, voire frauduleux, alors, comme la science en général, la physique doit s’autocorriger. Les résultats invérifiables devraient être et ont été détectés par des pairs ou d’autres chercheurs. Des exemples de recherches qui ont mal tourné, comme l’observation supposée, en , de la fusion à froid – la production d’énergie à partir de noyaux d’hydrogène qui fusionneraient à des températures ordinaires au lieu des centaines de millions de degrés réellement nécessaires – et sa démystification rapide sont des signes que la physique peut s’auto-réparer si besoin. Les motivations subjectives, et non la qualité scientifique objective, peuvent également influencer le choix des 92
LA PHYSIQUE, COMMENT ÇA MARCHE ?
problèmes de recherche des physiciens. Le théoricien britannique Roger Penrose a écrit sur la physique « à la mode » d’une époque, qui consiste à se concentrer sur une seule stratégie pour traiter un problème donné sans en évaluer correctement la validité. C’est ce qui s’est produit dans le passé, avec la large acceptation du modèle ptolémaïque, et c’est ce qui s’est produit avec la théorie des cordes, où un effet d’entraînement peut amener les chercheurs à craindre d’être mis sur la touche s’ils ne suivent pas la mode dominante.
CHANGER LE FONCTIONNEMENT DE LA PHYSIQUE ? La justesse d’une théorie n’est pas décidée par un vote populaire ou en comptant le nombre de personnes qui y travaillent, mais par sa concordance avec l’expérience, une approche qui a débuté lorsque les expériences de Galilée en mécanique ont montré l’importance des données empiriques. Pendant près de ans, ce modèle a fait ses preuves, mais les difficultés rencontrées avec la gravité quantique ont conduit certains à remettre en question l’approche empirique. Cela peut conduire à un moment critique, mais nous devons nous rappeler que la physique a résisté aux révolutions jumelles de la relativité et de la physique quantique, et en est sortie plus forte. Que la gravité quantique et la théorie du tout restent à jamais hors de portée ou que des réponses apparaissent enfin, leur recherche approfondit notre compréhension de la Nature. Quoi qu’il en soit, une grande partie de la physique d’aujourd’hui fonctionne différemment. Plutôt que de se concentrer sur des théories générales qui expliquent l’univers, les efforts s’étendent désormais aux applications et aux domaines scientifiques connexes qui explorent avec succès l’univers et affectent profondément nos propres vies. 93
4 La physique appliquée et étendue La physique est ce que font les physiciennes et les physiciens, ai-je dit ci-dessus. Selon ce critère, les philosophes naturels grecs dont les idées ont conduit à la physique pourraient être surpris de ce que font certains physiciens d’aujourd’hui et de ce que cela signifie pour la physique. Sans évoquer les % de chercheurs qui étudient la physique « fondamentale », de la théorie quantique et de la relativité, les chiffres que j’ai cités montrent que de nombreux physiciens travaillent en physique industrielle et appliquée ou dans des domaines interdisciplinaires comme l’astrophysique et la géophysique. Ces liens s’expliquent par le fait que les concepts et théories physiques fondamentaux tels que l’énergie et la mécanique quantique s’appliquent à l’ensemble de la science et servent de base à la technologie et à son utilisation industrielle. Ce qui est particulièrement frappant dans des domaines connexes tels que la physique médicale et la physique de l’environnement, c’est qu’ils affectent directement la vie quotidienne et la société, contrairement à la physique fondamentale, mais qu’ils dépendent toujours de la recherche fondamentale pour leurs importantes applications. 94
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INSTRUMENTS ET THÉORIES Ces applications et ces connexions sont possibles de différentes manières. L’une d’elles consiste à utiliser des instruments et des procédés qui font appel à des méthodes physiques, ou qui ont été créés ou découverts dans des laboratoires de physique, mais qui sont largement utilisés en dehors de ceux-ci. L’imagerie par rayons X en est un bon exemple. Elle a révolutionné la pratique médicale peu après sa découverte et a depuis été complétée par l’IRM, l’imagerie par ultrasons et d’autres techniques basées sur des principes physiques qui permettent d’examiner et de soigner le corps humain. Un autre type de connexion se produit lorsque les théories physiques fournissent des outils ou un cadre conceptuel qui soutiennent d’autres sciences ou technologies. L’explication par Newton des marées océaniques, dues aux effets gravitationnels de la lune et du soleil, est essentielle pour les géosciences ; la théorie quantique est nécessaire pour les applications de la lumière et des lasers, ainsi que pour les nanotechnologies ; et la théorie complexe qui décrit le mouvement des liquides et des gaz sous-tend les prévisions météorologiques et la modélisation du climat. Certains de ces liens sont anciens. L’astrophysique, la géophysique et la technologie de l’imagerie médicale remontent à des temps ancestraux. D’autres sont apparus ou ont connu un nouvel élan à l’époque moderne. La biologie passant au niveau moléculaire et adoptant des approches quantitatives et des techniques physiques, la recherche en physique biologique a été revigorée. La physique environnementale, un nouveau domaine qui se développe parallèlement aux préoccupations liées à l’impact de l’homme sur la Terre, apporte 95
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sa contribution en fournissant des méthodes pour la production et l’utilisation propres et efficaces de l’énergie. La nanotechnologie et l’informatique quantique sont d’autres domaines émergents qui dépendent profondément de la physique, mais les anciens domaines interdisciplinaires restent également dynamiques.
VERS LES ÉTOILES Bien que l’astrophysique trouve son origine dans l’ancienne science de l’astronomie, elle constitue aujourd’hui un domaine mixte particulièrement actif. Elle utilise les outils et les principes de la physique pour étendre l’astronomie d’observation classique qui, depuis des siècles, suit les corps célestes. La physique appliquée élargit l’observation astronomique en concevant des télescopes optiques de pointe et d’autres télescopes et détecteurs d’ondes radio, de micro-ondes, de lumière infrarouge et ultraviolette, de rayons X et gamma, ainsi que de rayons cosmiques, des particules élémentaires qui proviennent de l’espace lointain. La physique appliquée aux fusées et aux technologies spatiales permet de placer certaines de ces plates-formes d’observation, comme le télescope Hubble, placé en orbite terrestre basse pour éviter les interférences atmosphériques. Les méthodes de la physique servent également à analyser les données recueillies par ces appareils pour déterminer la dynamique et la composition des planètes, des étoiles, des galaxies et de l’univers lui-même, du CMB au milieu interstellaire, en passant par la matière noire et l’énergie noire. En outre, nous avons besoin de la relativité et de la théorie du Big Bang pour interpréter ces résultats.
. NDT – L’orbite terrestre basse se trouve à km d’altitude.
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Un outil astrophysique essentiel est la spectroscopie, l’étude de la façon dont la matière émet et absorbe les ondes électromagnétiques et autres rayonnements. Newton a réalisé une des premières expériences de spectroscopie en faisant passer la lumière du soleil à travers un prisme en verre et en observant une bande continue de couleur variant du rouge au violet, qui n’est autre que le spectre du corps noir du soleil étalé par longueur d’onde. Le physicien allemand Joseph perfectionna cette méthode en inventant le spectroscope en . Cette combinaison d’un prisme et d’une lentille décompose la lumière du soleil en longueurs d’onde avec une résolution supérieure à celle de Newton, et fait apparaître de nombreuses lignes sombres et étroites superposées aux couleurs de la lumière du soleil. Il a été démontré par la suite que ces lignes représentaient la composition de la source. Un gaz chaud émet de l’énergie à des longueurs d’onde définies qui proviennent de transitions atomiques quantifiées dans le gaz et fournissent une empreinte unique pour tout élément atomique tel que l’hydrogène. Les éléments peuvent également être identifiés dans les spectres d’absorption, lorsque des transitions quantiques dans les couches extérieures plus froides d’une étoile absorbent le rayonnement de son intérieur plus chaud et apparaissent comme des raies sombres où l’énergie manque aux longueurs d’onde caractéristiques (cf. Figure ). Les spectres d’émission et d’absorption nous renseignent sur la composition des corps astronomiques et nous ont réservé des surprises. En , une raie spectrale inconnue jusqu’alors à , nanomètres a été détectée dans le spectre de notre Soleil. Il s’agissait d’une signature de l’élément hélium, un composant majeur des étoiles actives que l’on ne retrouve que plus tard sur Terre.
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Spectre d’absorption de l’hydrogène
Spectre d’émission de l’hydrogène
Spectre d’absorption de l’hélium
Spectre d’émission de l’hélium
Fig. 9 Les transitions quantiques produisent des raies spectrales caractéristiques qui montrent la composition des corps célestes.
Les données spectroscopiques reflètent également le mouvement céleste. Avec l’effet Doppler, la lumière provenant d’un objet en mouvement est décalée vers les plus grandes longueurs d’onde rouges ou vers les plus petites longueurs d’onde bleues selon que le corps s’éloigne ou se rapproche de l’observateur, d’une quantité qui dépend de la vitesse du corps. En , Edwin Hubble nota le décalage vers le rouge de la lumière des galaxies qu’il observait à l’aide du télescope du Mont Wilson (cf. Figure ), montrant qu’elles s’éloignaient de nous et, en fait, qu’elles s’éloignaient également les unes des autres. Le résultat de Hubble a été la première observation définitive que nous vivons dans un Univers en expansion. 98
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De nombreux autres exemples montrent le pouvoir des idées de la physique en astrophysique et, inversement, le pouvoir des observations astrophysiques pour répondre aux questions de physique. Par exemple, la détection des ondes gravitationnelles par LIGO en est un résultat important de la physique.
AUTOUR ET À L’INTÉRIEUR DE LA TERRE La physique apporte également sa contribution plus près de chez nous par le biais de la géophysique, qui fait partie de l’ensemble des domaines connexes comprenant la géologie, la météorologie, l’océanographie, la sismologie et le magnétisme terrestre, qui examinent et analysent notre propre planète et ses phénomènes. Les tremblements de terre, dont l’étude a une longue histoire qui remonte aux premiers Chinois, en sont un exemple. Au xixe siècle, les physiciens avaient conçu des instruments pour mesurer et enregistrer les mouvements du sol provoqués par les tremblements de terre lorsque les ondes sismiques qu’ils créent se propagent dans la Terre. Les chercheurs ont alors découvert que l’analyse de ces perturbations à l’aide de la théorie physique du comportement des ondes dans un milieu pouvait fournir des informations sur l’intérieur de notre planète. En utilisant cette approche, le géologue britannique Richard Dixon Oldham montra en que la Terre avait un noyau central. Une étude ultérieure a révélé une frontière entre le noyau et le manteau, la couche qui le recouvre, à kilomètres sous la surface. L’analyse a été étendue en , lorsque la géophysicienne danoise Inge Lehmann montra que le noyau a une partie interne solide entourée d’une partie externe fondue ; et en , lorsque les géophysiciens 99
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américains Xiadong Song et Paul Richards montrèrent que le noyau interne tourne légèrement plus vite que le reste de la Terre (cf. Figure ). Aujourd’hui, l’analyse des tremblements de terre se poursuit en même temps que de nouvelles méthodes pour sonder notre planète, comme dans l’installation ROMY (Rotational Motions in Seismology) près de Munich, en Allemagne, qui utilisera des lasers pour étudier la structure de la Terre, et dans la recherche de ressources minérales comme le pétrole. Croûte Manteau Noyau externe Noyau interne
Fig. 10 Ce que nous savons de la structure interne de la Terre provient largement de l’analyse géophysique d’ondes sismiques.
Des méthodes physiques permettent également de déterminer l’âge de la Terre. Cet âge a été très contesté à la fin du xixe siècle, car des méthodes comme la thermodynamique ont été utilisées pour déterminer l’âge de la Terre. L’analyse thermique donnait des valeurs allant jusqu’à des centaines de millions d’années, plutôt que les valeurs bibliques de milliers d’années. Une approche plus définitive, la datation radioactive, a débuté en lorsque le chimiste et physicien 100
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américain Bertram Boltwood montra que l’uranium se désintègre par radioactivité naturelle en plomb. Il a mesuré le rapport entre le plomb et l’uranium dans les roches et a obtenu des âges pour la Terre allant jusqu’à , milliards d’années. Enfin, en , le géologue britannique Arthur Holmes affina la datation radioactive pour obtenir une horloge géologique fiable, qui donne aujourd’hui à la Terre un âge de , milliards d’années. Une autre application importante des idées physiques est l’étude du climat de la Terre et du réchauffement climatique provoqué par l’Homme. Le mécanisme de base, l’effet de serre, où les gaz atmosphériques piègent la chaleur du soleil, a été reconnu par le mathématicien et physicien français Joseph Fourier dans les années . En , la scientifique américaine Eunice Foote montra pour la première fois que le dioxyde de carbone (CO) piège effectivement la chaleur. Puis, John Tyndall a approfondi l’étude du CO et de la vapeur d’eau comme agents de piégeage de la chaleur, et le physico-chimiste suédois Svante Arrhenius, lauréat du prix Nobel, établit une relation entre la concentration atmosphérique de CO et les températures mondiales. Ces résultats et des recherches ultérieures ont permis de comprendre aujourd’hui que les processus d’origine humaine augmentent les niveaux de CO et portent les températures mondiales à des niveaux dangereux. La modélisation du climat qui prédit cette augmentation dépend d’études théoriques et empiriques sur la façon dont le rayonnement solaire est absorbé, réfléchi et piégé pour modifier la température de la Terre.
À L’INTÉRIEUR DU CORPS À l’instar de la science du changement climatique, la physique médicale trouve ses racines au xixe siècle, avec la découverte des rayons X et leur capacité à sonder l’intérieur 101
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du corps humain. De même, les premières recherches sur la radioactivité ont rapidement débouché sur l’utilisation médicale de ce nouveau phénomène. Ces fils conducteurs se poursuivent dans la physique médicale d’aujourd’hui dans diverses formes d’imagerie, dans la radiothérapie et la médecine nucléaire, ainsi que dans des approches plus récentes comme la chirurgie au laser et la nanomédecine. L’imagerie par rayons X reste une technique de diagnostic importante et a été développée en tomodensitométrie (ou scanographie), où de nombreuses images radiographiques d’un patient sont prises sous différents angles. Un ordinateur les assemble en une représentation qui montre les tissus mous, tels que le cerveau et les organes abdominaux, qui n’apparaissent pas bien sur les images radiologiques classiques. L’un des inconvénients de l’imagerie par rayons X est que ces rayons sont suffisamment énergétiques pour ioniser les atomes et les molécules en libérant leurs électrons et peuvent donc endommager l’ADN. C’est pourquoi les techniques modernes minimisent autant que possible l’exposition des patients. Cependant, les rayons X peuvent également tuer les cellules cancéreuses. Le domaine de la radiothérapie a été initié en lorsque les rayons X ont été utilisés pour traiter les cancers de la peau, et plus tard, les tumeurs profondément enfouies. La radiothérapie s’est étendue avec la découverte du radium par Marie Curie en . On a constaté que ses rayons gamma provoquaient des lésions cutanées semblables à celles provoquées par les rayons X. La radiothérapie a donc été rapidement appliquée aux cancers. La thérapie au radium a également été considérée comme un remède miracle pour d’autres maladies – malheureusement sans reconnaître que les rayons gamma endommagent les cellules saines, jusqu’à ce que les effets nocifs à long terme de ces rayons soient connus dans les années . Madame Curie elle-même est morte 102
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en , souffrant de cataractes et d’anémie ou de leucémie, probablement à la suite d’années d’exposition aux radiations. Même lorsque le radium était correctement utilisé, il était rare et cher, avec seulement grammes disponibles dans le monde pour la radiothérapie en . En , le couple Irène Joliot-Curie (fille de Pierre et Marie Curie) et Frédéric Joliot s’est vu décerner le prix Nobel de chimie pour avoir découvert une alternative – des isotopes radioactifs artificiels fabriqués en bombardant des éléments légers comme le bore avec des noyaux d’hélium. La valeur médicale de ces isotopes artificiels est immédiatement apparue, comme l’exprime le discours aux lauréats : « Les résultats de vos recherches sont d’une importance capitale pour la science fondamentale, mais en outre, les physiologistes, les médecins et toute l’Humanité souffrante espèrent tirer de vos découvertes des remèdes d’une valeur inestimable ».
Après la Seconde Guerre mondiale, les réacteurs nucléaires ont été utilisés pour créer des matériaux radioactifs comme le Co, l’isotope du cobalt de poids atomique , pour la radiothérapie. Puis, dans les années , l’accélérateur linéaire de particules ou LINAC a offert une autre alternative. Dans un LINAC, des champs électriques amènent des électrons, des protons ou des ions à des vitesses élevées à des fins de recherche. Les LINAC médicaux accélèrent les faisceaux d’électrons qui sont utilisés directement pour la radiothérapie ou guidés pour frapper des cibles en métal lourd afin de produire des rayons X à haute énergie. Couplés à l’imagerie par tomodensitométrie, ces faisceaux peuvent être ciblés avec précision pour un maximum de bénéfices et un minimum d’effets indésirables. Les isotopes radioactifs sont également utilisés dans la tomographie par émission de positrons (TEP), une 103
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application pratique de l’antimatière qui permet de détecter l’activité métabolique dans l’organisme. On injecte au patient un composé biologiquement actif, généralement une formulation spéciale du sucre glucose, qui contient un isotope faiblement radioactif. L’isotope se désintègre en émettant des positrons, qui parcourent chacun une courte distance dans l’organisme avant de rencontrer leur antiparticule, un électron. Ils s’annihilent mutuellement, produisant une explosion d’énergie sous la forme de deux rayons gamma qui se déplacent dans des directions presque opposées. Ceux-ci sont détectés de l’extérieur et une analyse informatique retrace leur parcours pour déterminer leur point d’origine dans le corps. Après avoir analysé un nombre suffisant d’événements de ce type, on obtient une image tridimensionnelle des régions où l’activité métabolique est élevée. La TEP est le plus souvent utilisée pour visualiser les tumeurs et suivre la propagation du cancer, mais d’autres applications incluent l’imagerie du cerveau pour confirmer le diagnostic de la maladie d’Alzheimer. La méthode pourrait également s’avérer prometteuse pour détecter l’encéphalopathie traumatique chronique, une cérébrale dégénérative qui peut apparaître chez les joueurs de football après des traumatismes crâniens répétés. La physique fournit également d’autres méthodes d’imagerie. Les ultrasons médicaux trouvent leur origine dans la Première Guerre mondiale, lorsque le physicien français Paul Langevin utilisa des ondes sonores sous-marines pour détecter les sous-marins. C’est ainsi qu’est né le sonar (acronyme pour Sound Navigation and Ranging), la technique anti-sous-marine de la Seconde Guerre mondiale qui utilise des fréquences ultrasonores supérieures à hertz, au-delà de l’audition humaine. L’obstétricien et gynécologue écossais Ian Donald découvrit le sonar pendant son service 104
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militaire en temps de guerre et, en , il découvrit des kystes ovariens chez des femmes à l’aide d’appareils à ultrasons industriels conçus pour détecter les défauts du métal. Contrairement aux rayons X, les ultrasons n’endommagent pas les cellules et permettent de visualiser directement les tissus mous. Ils sont aujourd’hui couramment utilisés pour examiner les fœtus des femmes enceintes (cf. Figure ) et pour visualiser les organes corporels, même en temps réel avec la technique d’échocardiographie qui permet de visualiser un cœur qui bat.
Fig. 11 Les techniques d’imagerie médicale, comme ici un fœtus vu in situ par échographique (ultrasons), dépendent de la physique appliquée.
Une autre technique basée sur la physique, l’IRM, est née de la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN), inventée dans les années par le physicien américain Isidor Rabi, lauréat du prix Nobel. La RMN est basée 105
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sur le fait que les protons et les neutrons des noyaux atomiques agissent comme de minuscules aiguilles de boussole avec des pôles nord et sud. Si les noyaux sont placés dans un champ magnétique, ils occupent des niveaux quantiques et absorbent l’énergie électromagnétique à des fréquences qui correspondent à ces niveaux. Le schéma d’absorption est propre aux atomes ou molécules concernés, ce qui rend la RMN précieuse pour identifier les espèces chimiques et pour étudier les différentes structures moléculaires. D’autres chercheurs ont ensuite trouvé des moyens d’obser ver la RMN dans les systèmes biologiques, qui contiennent toujours des molécules d’eau avec des atomes d’hydrogène dont le noyau à proton unique peut être détecté par la RMN. C’est ainsi que cette technique est devenue la méthode d’imagerie médicale de l’IRM, dans laquelle un ordinateur convertit les mesures en images des systèmes neuraux, cardiovasculaires ou musculosquelettiques du corps et de leurs organes. La méthode nécessite des champs magnétiques intenses provenant de bobines métalliques supraconductrices généralement refroidies à l’hélium liquide à kelvins, juste au-dessus du zéro absolu. L’IRM a été étendue à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), une sonde non invasive du cerveau vivant. En , le biophysicien d’origine japonaise Seiji Ogawa, travaillant aux Bell Labs, jeta les bases de l’IRMf. Il montra que l’IRM est sensible au niveau d’oxygénation du sang, qui change lorsque le sang circule dans les zones du cerveau où les neurones sont actifs. L’IRMf permet donc de cartographier les parties du cerveau qui créent réellement les processus mentaux. Elle est devenue un outil important pour les neurosciences et la recherche sur le cerveau, ainsi que pour le diagnostic de maladies cérébrales telles que l’épilepsie et les accidents vasculaires cérébraux. 106
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EXPLORATION DES BIOMOLÉCULES ET DES CELLULES VIVANTES L’utilisation de l’IRMf dans la recherche sur les neurones montre qu’en plus de fournir des outils cliniques, les méthodes physiques permettent d’explorer les systèmes vivants, ce qui explique l’essor de la biophysique aujourd’hui. La biophysique a débuté avec la découverte de l’« électricité animale » par Luigi Galvani en , et la recherche biologique a été présentée au Congrès International de Physique en . Le scientifique allemand du xixe siècle Hermann von Helmholtz est un pionnier de la biophysique, dont les travaux associent la physiologie, la physique et les mathématiques, et illustrent la nature profondément interdisciplinaire et diverse de ce domaine. Ses importants travaux sur la conservation de l’énergie sont issus de son étude du mouvement musculaire ; il a examiné la différence entre les mesures objectives de stimuli physiques tels que les ondes sonores et la façon dont nous, les humains, les percevons ; il mesura la vitesse de déplacement des impulsions nerveuses ; et en , il inventa l’ophtalmoscope, l’instrument encore utilisé pour examiner l’intérieur de l’œil humain. La pensée des physiciens a également contribué à la science biologique fondamentale lorsque Erwin Schrödinger, dont l’équation est essentielle pour la théorie quantique, a écrit What is Life? The Physical Aspect of the Living Cell (). Il y aborde le rôle de la thermodynamique et de « l’ordre à partir du désordre » dans les êtres vivants et propose qu’un mécanisme moléculaire puisse transmettre des informations héréditaires. Les détails du processus n’ont toutefois pas été compris avant , date à laquelle la structure en double hélice de l’ADN a été découverte. Watson et Crick attribuent au livre de Schrödinger le mérite d’avoir inspiré leurs recherches. 107
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Les biophysiciens utilisent aujourd’hui des outils physiques avancés tels que divers types de microscopie, de lasers, de spectroscopie et d’imagerie – dont certains ont été évoqués – pour examiner les systèmes biologiques et les êtres vivants. Les chercheurs peuvent également manipuler des unités biologiques de base à l’aide de la microscopie à force atomique, où une sonde minuscule pousse physiquement une cellule, ou à l’aide de pinces optiques, où un faisceau laser très concentré tient et déplace des biomolécules et des cellules une à une. Ces outils ont permis de mieux comprendre, par exemple, la relation entre la forme tridimensionnelle et la fonction des molécules de protéines, ainsi que les propriétés des cellules normales et cancéreuses. Parallèlement à ces outils de recherche, la modélisation et l’analyse des systèmes biologiques complexes est un domaine en pleine expansion qui s’appuie sur des notions de physique de base comme la thermodynamique et la mécanique statistique. Ces modèles sont utiles, par exemple, pour simuler et analyser les circuits neuronaux du cerveau, et la théorie électrique est importante pour modéliser le comportement des neurones individuels. On pense même que les effets quantiques jouent un rôle dans certains processus biologiques tels que la photosynthèse. La diversité de la biophysique et son chevauchement avec d’autres domaines scientifiques comme la biochimie et la biologie cellulaire et moléculaire font qu’il est difficile de résumer toutes ses réalisations et possibilités de recherche. Les outils physiques, l’analyse et la théorie joueront un rôle croissant et crucial dans la science biologique, mais il est trop tôt pour dire si ces approches permettront de rendre compte de toute la gamme des échelles biologiques, des molécules aux cellules, organes, organismes et écosystèmes, ou de développer de toutes nouvelles théories de la fonction biologique. 108
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L’ÉNERGIE PROPRE La physique contribue à la santé et à la longévité de l’Homme par ce qu’elle apporte à la biomédecine. Elle y contribue également en mettant en balance les besoins mondiaux croissants en énergie et les coûts environnementaux et sanitaires de sa production et de son utilisation. La physique joue un rôle important dans la compréhension et le développement de l’énergie et de ses sources, de la thermodynamique aux principes de la production d’électricité et de la fission nucléaire, en passant par la fusion nucléaire, l’énergie solaire, l’énergie éolienne, les marées et vagues et la géothermique. La physique offre également des possibilités d’utilisation plus efficace de l’énergie, quelle que soit sa source. La production d’électricité repose sur les principes de l’électromagnétisme découverts par Faraday dans le premier tiers du xixe siècle, qui ont conduit à la conception de générateurs faisant tourner des bobines de fil dans des champs magnétiques pour produire du courant électrique. Aujourd’hui, aux États-Unis et dans le monde, environ deux tiers de l’électricité que nous utilisons est produite dans des centrales électriques qui brûlent des combustibles fossiles – charbon et gaz naturel – pour faire tourner les générateurs. Ces combustibles produisent du CO et d’autres émissions à effet de serre qui contribuent gravement au changement climatique et à la pollution. La physique nucléaire offre une alternative. La découverte, en , de la fission nucléaire dans l’uranium et de son énorme libération d’énergie a conduit à la construction des bombes atomiques qui ont mis fin à la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, de nouveaux efforts se sont tournés vers l’utilisation de l’énergie nucléaire contrôlée pour produire de l’électricité. Le premier réacteur nucléaire commercial a 109
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commencé à fonctionner en et, en , environ % de l’électricité mondiale provenait de réacteurs nucléaires. Dans un sens, cela est favorable à l’environnement. Les centrales nucléaires produisent peu de gaz à effet de serre par rapport aux combustibles fossiles, mais elles présentent également des aspects indésirables. Les accidents nucléaires de Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima Daiichi, survenus respectivement en , et , montrent que les réacteurs nucléaires peuvent présenter de graves problèmes de sécurité. Ils produisent également des déchets nucléaires, des sousproduits qui restent radioactifs pendant de longues périodes et ne peuvent pas être facilement confinés ou éliminés. La fusion nucléaire, le processus qui fait briller notre Soleil et d’autres étoiles lorsque les noyaux d’hydrogène se combinent pour former de l’hélium et libérer de l’énergie, offre une autre possibilité. Elle est intrinsèquement moins radioactive et plus sûre que la fission nucléaire, mais elle nécessite des températures de plusieurs millions de degrés pour forcer les noyaux à fusionner. Après des décennies de recherche, la gestion du plasma chaud qui en résulte reste un formidable défi. Le réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER), construit conjointement dans le sud de la France par trente-cinq nations, est la dernière tentative ambitieuse pour contrôler le plasma à haute température à l’aide de champs magnétiques. Une autre approche, au National Ignition Facility (NIF) du Lawrence Livermore Laboratory, en Californie, tente d’amorcer la fusion à l’aide d’énormes lasers. L’énergie solaire pourrait offrir une approche totalement différente de l’énergie propre et durable. Sous forme passive, il s’agit de concevoir des structures pour utiliser au maximum l’énergie de la lumière du Soleil ; sous forme active, la lumière du Soleil produit de l’électricité. Une technique consiste à concentrer la lumière du Soleil à l’aide de 110
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miroirs ou de lentilles et à la convertir en chaleur, laquelle actionne une turbine à vapeur qui entraîne un générateur électrique. Une méthode de conversion plus directe dépend de la physique de la matière condensée appliquée et de la science des matériaux. Elle utilise des cellules solaires faites de semi-conducteurs photovoltaïques, des matériaux dont les électrons occupent habituellement des niveaux d’énergie où ils sont immobiles. Mais si les électrons gagnent de l’énergie grâce à des photons entrants, ils effectuent un saut quantique à travers une « bande interdite » vers un niveau supérieur où ils circulent sous forme de courant électrique. La première cellule solaire fonctionnelle, fabriquée à partir de silicium semi-conducteur, a été présentée aux Laboratoires Bell en . Bien qu’utiles pour des applications spéciales telles que l’alimentation des satellites, les premières cellules solaires étaient trop chères et inefficaces pour un usage général. Mais de nouvelles recherches sur leur physique et leurs matériaux semi-conducteurs les ont améliorées et rendues moins chères. Leur efficacité à convertir la lumière en électricité est passée de % dans les années à un record mondial de % pour certains types de cellules, démontré en ; et le coût de production d’un watt d’énergie électrique solaire est passé de $US dans les années à environ $US en . L’utilisation de l’électricité solaire se développe, mais elle ne fournit encore qu’une petite partie de la consommation électrique mondiale totale et doit encore devenir un facteur majeur de l’énergie propre. La physique de la matière peut permettre une autre amélioration importante de l’utilisation de l’énergie, à savoir le remplacement des sources lumineuses classiques par des diodes électroluminescentes (DEL ou LED) efficaces. Une LED est une structure semi-conductrice qui s’allume 111
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lorsqu’une petite tension fait passer les électrons de la bande interdite à des énergies plus élevées, après quoi ils redescendent et libèrent des photons. La couleur de la lumière dépend du semi-conducteur en question ; dans les premières LED, elle était uniquement rouge, verte ou jaune. Il a fallu des années de recherche, couronnées par un prix Nobel en , aux physiciens et spécialistes des matériaux japonais Isamu Akasaki et Hiroshi Amano, ainsi qu’à l’ingénieur américain d’origine japonaise Shuji Nakamura, pour produire une LED émettant de la lumière bleue à partir du semi-conducteur nitrure de gallium (GaN). La couleur bleue étant désormais disponible, les LED peuvent produire le mélange de couleurs que les gens considèrent comme une lumière « blanche » souhaitable pour l’éclairage général. Ces nouvelles sources lumineuses produisent plus de lumière par watt de puissance électrique absorbée que les lampes à incandescence ou fluorescentes, développent peu de chaleur résiduelle et durent dix à cent fois plus longtemps. L’éclairage absorbant un quart ou plus de la production mondiale d’électricité, les LED blanches peuvent permettre de réaliser d’importantes économies d’énergie. Un autre avantage est que leur faible tension de fonctionnement peut provenir de cellules solaires, ce qui rend l’éclairage disponible pour les , milliard de personnes dans le monde qui n’ont pas accès aux réseaux électriques. Si en , l’éclairage public en LED atteint déjà %, on peut envisager d’arriver à % avant la fin de la décennie.
PHYSIQUE DE LA CUISINE Les LED ne sont pas la seule façon dont la physique entre dans la maison et la vie quotidienne. La physique appliquée a influencé des activités de cuisine que nous tenons pour acquises, à commencer par la cuisson. 112
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L’utilisation du feu par l’homme remonte à ans, à l’époque de nos ancêtres pré-humains, et la cuisson des aliments sur des flammes nues remontent à ans ou plus. Ce n’est qu’en que la cuisine a dépassé cet état primitif, lorsque le comte Rumford, le physicien qui a conclu que la chaleur n’est pas une substance, a inventé la cuisinière avec une surface de cuisson plate et un four fermé. Les premières cuisinières utilisaient du charbon ou du bois, puis du gaz qui brûlait plus proprement. Enfin, les cuisinières sans flamme sont arrivées et la cuisson est obtenue au moyen de serpentins électriques et s’est généralisée dans les années . Une forme plus avancée de cuisson sans flamme est apparue en lorsque le premier four à micro-ondes est devenu disponible, utilisant la puissance des micro-ondes pour chauffer les aliments de façon interne. Appelé à juste titre le Radarange, sa technologie provenait du développement du radar à micro-ondes pendant la Seconde Guerre mondiale. Deux à trois milliards de personnes dans le monde, principalement dans le tiers-monde, cuisinent encore à l’aide de flammes nues ou de poêles inefficaces qui brûlent généralement de la biomasse. La fumée dégagée par ces feux contribue à la pollution mondiale, aux problèmes respiratoires et à d’autres risques sanitaires répandus. Des physiciens soucieux de l’écologie ont utilisé des principes thermiques tels que la convection pour mettre au point des fours alternatifs à combustion propre, simples et peu coûteux, destinés à être utilisés dans ces régions. La physique thermique appliquée est également essentielle pour cet autre élément de base de la technologie de la cuisine, le réfrigérateur. Dès le xviiie siècle, des chercheurs, dont Benjamin Franklin et Michael Faraday, ont confirmé le principe thermodynamique selon lequel l’évaporation 113
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d’un liquide volatil entraîne un refroidissement. D’autres ont mis au point le cycle d’évaporation et de condensation des liquides qui rend la réfrigération possible. À la fin du xixe siècle, ces idées ont été mises à profit dans la réfrigération mécanique pour la conservation commerciale des aliments. En , la General Electric Company a conçu un réfrigérateur à gaz à usage domestique et, en , elle a produit son modèle Monitor Top, le premier réfrigérateur électrique domestique. Ces éléments essentiels de la technologie de la cuisine reposent sur la physique du xixe siècle, mais de plus en plus, la technologie qui nous entoure est liée à la physique moderne apparue au xxe siècle.
LA PHYSIQUE MODERNE APPLIQUÉE Bien que la physique quantique et la relativité décrivent des parties de la nature éloignées de l’échelle humaine, leurs applications affectent notre monde et notre vie quotidienne. La relativité restreinte d’Einstein a produit l’équation E = mc, qui représente la libération d’énergie à une échelle sans précédent dans les armes et l’énergie nucléaires. Comme je l’ai expliqué précédemment, la relativité générale entre dans le système de positionnement global. Enfin, la physique quantique est à l’origine de nombreux appareils que nous utilisons quotidiennement. L’un de ces appareils est le laser, qui en anglais signifie « amplification de la lumière par émission stimulée de radiation ». Ce dispositif ressemblait à un gadget de sciencefiction et a été qualifié de « rayon de la mort » lorsque le premier laser a été construit en par le physicien américain Theodore Maiman, sur la base des travaux de deux autres physiciens américains, Charles Townes et Arthur Schawlow. 114
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Aujourd’hui, les lasers sont largement entrés dans notre vie, que ce soit dans l’électronique grand public, les communications par fibre optique ou des applications variées dans la médecine, la recherche, l’industrie, le divertissement et la technologie militaire. Le fonctionnement d’un laser dépend des transitions quantiques entre les niveaux d’énergie qui libèrent des photons. Il peut s’agir des niveaux atomiques ou moléculaires que l’on trouve dans des solides particuliers tels que l’oxyde d’aluminium (AlO, utilisé dans le premier laser), dans des gaz tels que le CO, ou des niveaux au-dessus et au-dessous de la bande interdite des semi-conducteurs. Tous ces milieux peuvent être transformés en « lasers », c’est-à-dire qu’ils produisent des photons à des longueurs d’onde spécifiques et à des intensités élevées qui sont toutes en phase les unes avec les autres – les propriétés qui distinguent les lasers des sources de lumière conventionnelles. Le résultat est une gamme de lasers tels que des unités de la taille d’un stade de football au NIF (National Ignition Facility), des unités CO de table émettant une lumière infrarouge à , micromètres, et de minuscules unités à semi-conducteurs émettant dans le visible et l’infrarouge pour les communications par fibre optique et la technologie des disques optiques Blu-ray. La physique quantique sous-tend également les appareils numériques qui dominent de plus en plus notre monde. Ils dépendent finalement de l’invention du transistor en par les physiciens américains John Bardeen, William Shockley et Walter Brattain des Bell Labs, qui ont partagé le prix Nobel pour leurs travaux. Les transistors ont radicalement changé la technologie électronique, qui est passée d’une dépendance à l’égard de tubes à vide, fragiles, à l’utilisation de ces unités solides robustes constituées de matériaux semi-conducteurs. La bande interdite quantique des semi-conducteurs modifie 115
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leur comportement électrique et permet de contrôler précisément la manière dont ils conduisent le courant lorsqu’ils sont transformés en transistors. Ces dispositifs sont très adaptables et peuvent fonctionner comme des amplificateurs électroniques, représenter des éléments binaires dans un calcul d’ordinateur, etc. D’abord fabriqués séparément, les transistors ont rapidement été incorporés dans des circuits intégrés ou des puces, de petits morceaux plats de matériau semi- conducteur, généralement du silicium, qui ont été aménagés et usinés pour pouvoir contenir des millions de transistors et d’autres éléments électroniques dans une surface minuscule. Cette technologie a révolutionné l’électronique en termes de miniaturisation, de vitesse, de consommation d’énergie et de coût de production. Elle a annoncé l’avènement de l’ère des ordinateurs de bureau, puis des ordinateurs portables alimentés par batterie, des téléphones intelligents et de tous les autres appareils personnels portables que nous utilisons aujourd’hui. La mécanique quantique est également essentielle pour les nouveaux domaines en pleine expansion que sont les nanosciences et les nanotechnologies. L’importance de la manipulation de la matière à la plus petite échelle a été exprimée dans une célèbre conférence intitulée « There’s Plenty of Room at the Bottom » par le lauréat du prix Nobel Richard Feynman en . Le circuit intégré, mis au point à cette époque, était un pas dans cette direction. Avec l’arrivée de nouveaux outils pour la petite échelle, tels que le microscope à effet tunnel, on a assisté à une explosion de la recherche sur les systèmes extrêmement petits et leurs utilisations. Cette
. NDT – « Il y a beaucoup d’espace libre en bas » : titre de la conférence donnée le déc. à la réunion annuelle de l’American Physical Society (APS).
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évolution a été soutenue aux États-Unis par une « Initiative nationale en matière de Nanotechnologies » qui a permis de financer la recherche fédérale à hauteur de milliards de dollars depuis . L’Union européenne et le Japon réalisent d’autres investissements importants. Les nanosciences s’intéressent aux objets ayant au moins une dimension de à nanomètres de longueur, soit environ à atomes d’hydrogène alignés. Ces objets comprennent les nanomachines [ou Nems, pour Nano Electro-Mechanical Systems], des molécules qui effectuent des opérations mécaniques telles que la rotation et qui devraient avoir des applications médicales, et les nanoparticules, généralement constituées d’or et d’autres métaux ou semi-conducteurs. À cette échelle, les effets quantiques font que les nanoparticules fonctionnent différemment des matériaux en vrac, avec des propriétés telles que leur comportement optique qui dépendent de leur taille. La polyvalence qui en résulte permet des applications variées dans les dispositifs technologiques et la biomédecine.
ÉTRANGETÉ QUANTIQUE Les niveaux d’énergie quantique qui permettent aux nanoparticules de se comporter comme elles le font, et qui apparaissent également dans les atomes, les puces électroniques et les diodes électroluminescentes, étaient contre-intuitifs lorsqu’ils ont été proposés pour la première fois il y a plus d’un siècle, mais ils sont désormais pleinement acceptés comme faisant partie de la nature. D’autres aspects de la physique quantique restent difficiles à comprendre à un niveau « viscéral », mais ils apparaissent également dans des applications réelles. L’un de ces effets est la superposition, le fait qu’une entité quantique comme un électron ou un photon peut représenter 117
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simultanément plusieurs valeurs plutôt qu’une seule valeur connue pour chacun de ses paramètres physiques. Cela provient de la nature statistique de la théorie quantique, qui ne donne que des probabilités. Toute valeur de paramètre comprise dans une certaine fourchette est possible jusqu’à ce qu’une mesure réelle détermine une valeur spécifique. Ce comportement non classique a été immortalisé dans l’allégorie du chat de Schrödinger, dans laquelle un chat placé dans une boîte contenant une fiole de poison qui peut ou non être libérée par un déclencheur aléatoire est à la fois mort et/ou vivant jusqu’à ce que la boîte soit finalement ouverte. Ce n’est qu’à ce moment-là que le chat se retrouve définitivement dans l’une des deux conditions. Pour un exemple réel, considérons que le champ électrique d’un photon peut être polarisé, c’est-à-dire orienté dans une direction horizontale (H) ou verticale (V). H et V peuvent également être étiquetés et , de sorte qu’un photon polarisé est également un bit informatique binaire, mais en mieux. Un circuit binaire d’ordinateur ordinaire à transistor est soit éteint () soit allumé (), mais le photon est simultanément et . Deux circuits ne peuvent contenir qu’un seul des nombres binaires , , et (décimal , , et ), alors que deux circuits quantiques (ou « qubits ») peuvent contenir les quatre nombres. Cela confère à un ordinateur quantique un avantage considérable qui croît rapidement avec le nombre de qubits. Dix qubits seulement pourraient contenir nombres et un ordinateur de cent qubits pourrait égaler la puissance de tous les superordinateurs classiques du monde, du moins pour certains types de problèmes tels que le traitement de données cryptées. Cependant, il est difficile d’exprimer ces possibilités dans du matériel réel. Un qubit pourrait être réalisé physiquement avec différents types de particules et de systèmes quantiques 118
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autres que les photons, comme des électrons qui peuvent tourner dans deux directions. Mais toutes ces solutions posent des problèmes, le principal étant la nécessité de maintenir les qubits isolés afin que leur superposition ne soit pas perdue lorsqu’ils interagissent en dehors de l’ordinateur. L’un des plus grands ordinateurs quantiques construits à ce jour est une unité de vingt qubits construite par IBM (International Business Machines) à des fins commerciales et universitaires.
SÉCURITÉ NATIONALE ET PLUS ENCORE Avec son potentiel d’analyse cryptographique, l’informatique quantique a des implications pour la sécurité nationale, comme de nombreuses autres applications de la physique. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la physique a joué un rôle majeur dans les armements avancés, tels que les missiles balistiques à ogive nucléaire et les défenses contre ces derniers, les munitions intelligentes et les avions et navires furtifs. Parmi les autres applications de la physique à la guerre, à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, citons la télédétection par satellite et la détection acoustique sous-marine des sous-marins qui peuvent lancer des missiles nucléaires. Dans l’ensemble, le contrôle et la communication militaires modernes dépendent du calcul numérique et de l’électronique. De cette manière et d’autres encore, la physique et les physiciens sont profondément liés à la défense, aux applications militaires et à la sécurité nationale sur la scène internationale. Aux États-Unis, le budget du ministère de la Défense, qui s’élève à environ milliards de dollars US pour la recherche fondamentale et appliquée et le développement technologique, dont une grande partie est consacrée aux sciences physiques, est un bon indicateur de cette 119
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implication. D’autres financements proviennent de la National Nuclear Security Administration (NNSA). Cette agence du ministère américain de l’Énergie (DoE) est chargée de « renforcer la sécurité nationale par l’application militaire de la science nucléaire » et supervise le stock américain de milliers d’ogives. L’agence était soutenue par un budget de près de milliards de dollars américains en . Le rôle de la physique dans l’armement nucléaire a été jusqu’à présent l’effet le plus significatif de la physique sur les États-Unis et le monde. Cette évaluation pourrait changer avec les résultats futurs ; une percée dans l’énergie de fusion, par exemple, pourrait avoir de puissantes implications à long terme pour l’Humanité. Dans le même temps, d’autres applications et connexions interdisciplinaires affectent également la société, dans une gamme allant de la profondeur au divertissement qui illustre la vaste influence de la physique.
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5 Une force au sein de la société La physique est importante pour l’humanité d’un point de vue intellectuel, car elle arrive à expliquer la nature, et d’un point de vue pratique, car elle a un impact considérable sur le monde extérieur au laboratoire. Les physiciens reconnaissent cette importante interaction. La Société allemande de physique, qui compte plus de membres, remplit son « engagement social » en étudiant et en commentant les questions sociopolitiques. À l’APS, plus de membres des forums intitulés Physics and Society, Outreach and Engaging the Public, et History of Physics considèrent la physique dans la Société. Comme le souligne le Forum sur la Physique et la Société sur son site Web : La physique est une composante majeure de nombreux problèmes difficiles de la société : les armes nucléaires et leur prolifération, les pénuries d’énergie et les impacts énergétiques, le changement climatique et l’innovation technique.
D’autres initiatives, comme le programme du MIT sur la Science, la Technologie et la Société, examinent l’intersection entre la Société et la science, y compris la physique, du point de vue des sciences humaines et sociales. 121
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AU-DELÀ DU LABORATOIRE L’un des puissants impacts contemporains de la physique a commencé avec son rôle dans le Project Manhattan, créé par les États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale aux seules fins de fabriquer la bombe atomique – un exploit en soi qui, comme l’écrit Daniel Kevles dans The Physicists : The History of a Scientific Community in Modern America, que l’on doit à « la génération de physiciens américains qui a changé le monde en créant des armes nucléaires ». Ces armes ont permis de gagner la guerre contre le Japon au prix de grandes destructions et ont été suivies par des bombes à hydrogène encore plus destructrices. La possibilité d’une dévastation nucléaire mondiale a été reconnue lorsque d’anciens physiciens du Project Manhattan ont fondé la revue Bulletin of the Atomic Scientists. Son Horloge de l’Apocalypse , qui prédit le potentiel d’apocalypse nucléaire menaçant la race humaine, indique aujourd’hui à minuit moins deux, ce qui reflète le malaise mondial actuel face à la confrontation nucléaire (et aussi au changement climatique). Pourtant, contrairement à une telle issue cataclysmique, comme le fait remarquer le Forum sur la Physique et la Société, la physique peut avoir un impact important et positif sur nos activités quotidiennes et notre qualité de vie grâce à ses applications dans des domaines tels que l’énergie solaire, l’électronique numérique et la médecine. Ces événements et inventions, redoutables ou bénins, sont apparus au cours des cinquante à cent dernières années, mais l’influence sociétale de la physique remonte à bien plus . NDT – L’horloge de la fin du monde ou Horloge de l’Apocalypse est un concept qui remonte à . Fin , cette horloge annonçait qu’il nous restait secondes avant la fin (l’affichage étant aujourd’hui de h min s).
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loin et provient aussi bien de la physique fondamentale que de la physique appliquée. En plus de soutenir la technologie et ses innovations, la physique répond à l’aspiration humaine à trouver des réponses à des questions profondes et anciennes.
NOS ORIGINES ET PLACE DANS LA CRÉATION L’une de ces réponses a fait date lorsque la révolution copernicienne a changé notre vision sur nous-mêmes. Après que Copernic, Brahe, Kepler et Galilée aient observé la Nature, analysé des données et conclu que les planètes et les étoiles ne tournaient pas autour d’une Terre fixe, l’Humanité a dû reconsidérer sa position « centrale » supposée dans le Cosmos. En , lorsque les responsables de l’Église ont constaté que les vues de Galilée étaient en contradiction avec la croyance officielle en une Terre fixe, ils l’ont contraint à abjurer ses idées. On dit qu’il a néanmoins exprimé sa véritable croyance en se rebellant en affirmant « et pourtant elle tourne ! », mais cette histoire est presque certainement apocryphe ; pourtant, avec ou sans ces mots, il a contribué à établir le principe essentiel selon lequel la raison humaine peut expliquer le monde naturel et notre position dans celui-ci. D’autres preuves issues de la physique et des sciences connexes ont remis en question et remettent encore en question les opinions religieuses sur l’histoire de la Terre, de l’univers et de la race humaine. J’ai écrit précédemment que les preuves scientifiques de l’âge de la Terre ont commencé à s’accumuler au xixe siècle. Aujourd’hui, nous disposons d’une valeur consensuelle de , milliards d’années, tandis que l’astrophysique donne à l’univers un âge de , milliards d’années, et éclaire son origine et son développement par la théorie du Big Bang. Ces résultats contrastent avec une 123
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lecture littérale de la Bible, qui impliquerait que Dieu a créé l’univers et tout ce qu’il contient il y a à ans. Ce court laps de temps ne correspond pas non plus à la preuve que l’humanité et tous les êtres vivants ont évolué sur plusieurs milliards d’années, théorie qui fait l’objet d’un consensus écrasant dans les sciences biologiques et qui est compatible avec l’âge de la Terre. Ces résultats illustrent la manière dont la physique et la science donnent une nouvelle perception de notre planète et sur nous-mêmes, en désaccord avec les idées religieuses, qui dominent aujourd’hui dans la plupart des pays, mais pas aux États-Unis. Par exemple, bien que le consensus scientifique pour la théorie du Big Bang soit très clair, des sondages effectués auprès d’adultes américains en , et montrent qu’une majorité d’entre eux ne croient pas en cette théorie, ou pensent que même les scientifiques ne l’acceptent pas totalement. De même, la théorie de l’évolution est largement acceptée, mais pas aux États-Unis. Les résultats d’un sondage réalisé en ont montré que seuls % à % des adultes de pays européens croyaient que l’évolution était absolument fausse, mais ce chiffre était de % aux États-Unis. En , un sondage Gallup a montré que % des adultes américains croient soit que Dieu a créé les humains tels qu’ils sont aujourd’hui au cours des dernières années, ce que l’on appelle le point de vue créationniste ou « dessein intelligent », soit que l’Humanité a évolué mais avec les conseils de Dieu. Cependant, les % d’adultes américains qui croient aujourd’hui à l’évolution sans intervention de Dieu représentent le double du chiffre de , et ce chiffre est plus élevé parmi les personnes les plus instruites. Apparemment, les découvertes scientifiques font évoluer la conscience générale, même si c’est lentement. 124
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Mais bien qu’il existe des preuves physiques solides de la façon dont l’Univers est né et s’est développé, la physique ne peut pas encore examiner les conditions avant ou à l’instant exact du Big Bang pour répondre pleinement à la question « Comment l’Univers est-il né ? »
LE PHYSICIEN TECHNOLOGIQUE De manière plus pragmatique, la physique a changé notre façon de vivre et de travailler grâce à ses effets sur les conditions matérielles de la société humaine, en particulier depuis la révolution industrielle. J’ai déjà mentionné comment les inventions et les processus au cœur de cette révolution, à commencer par la machine à vapeur, se sont inspirés de la physique classique et y ont contribué ; et comment les principes de la physique appliqués aux besoins humains – c’est-à-dire la science créant la technologie – ont changé nos habitudes culinaires et bien d’autres choses. Dans la seconde moitié du xixe siècle, la physique a eu un large impact en soutenant la technologie industrielle. Un exemple précoce est apparu après que le physicien mathématicien écossais William Thomson, Lord Kelvin, ait développé la théorie électrique de la télégraphie. Il est devenu le conseiller scientifique de l’Atlantic Telegraph Company dans ses efforts pour poser un câble télégraphique transatlantique et a participé à bord des navires qui ont effectué les travaux. Les premières tentatives ont échoué, mais les idées de Thomson ont joué un rôle important dans le succès final de la compagnie, qui a posé près de miles de câble entre l’Irlande et Terre-Neuve en . Cette grande réussite technologique a valu à Thomson d’être anobli par la reine Victoria. Plus tard, l’utilisation de la physique pour soutenir la technologie est devenue un objectif national. En , 125
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l’industriel allemand Ernst Werner von Siemens a fondé la Physikalisch-Technische Reichsanstalt (Institut impérial de physique et de technologie) pour mener des recherches pour l’industrie, que le gouvernement allemand a ensuite reprises. C’est là, en , que des spectres précis de corps noir ont été mesurés pour des entreprises d’éclairage allemandes, ce qui a conduit Max Planck à l’idée du quantum. Le National Physical Laboratory (NPL) au Royaume-Uni et le Bureau of Standards (aujourd’hui le National Institute of Standards and Technology) aux États-Unis ont été créés en et , respectivement, sur le modèle de l’institut allemand. Des laboratoires d’entreprise ont également vu le jour à cette époque. Le premier aux États-Unis est le General Electric Research Laboratory, fondé en par un groupe comprenant Thomas Edison. Il était décrit comme un « laboratoire de recherche pour les applications commerciales de nouveaux principes, et même pour la découverte de ces principes ». Aux Pays-Bas, la société Philips a créé un laboratoire en , et aux États-Unis, les Bell Telephone Laboratories, fondés en avec scientifiques et ingénieurs, allaient devenir le berceau du transistor. La recherche dans une autre entreprise à vocation technologique, IBM, a des racines qui remontent à . Ces recherches ont abouti à la découverte, récompensée par un prix Nobel, des supraconducteurs « haute température », qui fonctionnent bien au-delà du zéro absolu, mais à des températures extrêmement basses. Aujourd’hui, les physiciens des entreprises jouent un rôle important dans le secteur privé. Un rapport de du Service de Recherche du Congrès américain dénombre quelque physiciens au sein de la main-d’œuvre nationale de scientifiques et d’ingénieurs en . Parmi ces physiciens, environ la moitié est employée dans le secteur privé – non 126
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seulement les titulaires d’une licence ou d’un master, mais aussi les physiciens titulaires d’un doctorat hautement qualifiés et orientés vers la recherche – selon un rapport de de l’American Institute of Physics (AIP). La plupart de ces docteurs contribuent à la physique, à l’ingénierie, à l’informatique et à d’autres domaines scientifiques ou technologiques. Étonnamment, % d’entre eux travaillent dans un domaine qui semble éloigné de la physique, le monde de la finance ou « éconophysique ». Il s’agit d’analystes quantitatifs ou « quants » qui utilisent leur formation en mathématiques, en analyse de données et en modélisation pour des banques d’investissement et commerciales, des fonds spéculatifs et des sociétés de gestion de portefeuille, ou qui développent des logiciels pour prendre des décisions d’achat et de vente automatisées extrêmement rapides sur le marché boursier. Ces approches exotiques ont enrichi certaines personnes, mais d’autres pensent que l’opacité et la complexité des algorithmes ont contribué à l’effondrement financier mondial de et à la volatilité des marchés. Le rôle des « quants » dans l’industrie financière pourrait avoir des effets étendus que nous n’avons pas encore totalement compris ou maîtrisés. La physique a également un impact sur la Société en inspirant les entrepreneurs qui développent des technologies innovantes et potentiellement rentables basées sur la physique, comme le montre la carrière d’Elon Musk. Sa formation de premier cycle en physique l’a aidé à mettre en place les technologies pionnières de sa société aérospatiale SpaceX et de sa société de voitures électriques Tesla Motors, chacune d’entre elles ayant la possibilité de changer radicalement les pratiques établies. Dans une interview récente, Musk a déclaré que l’étude de la physique est une bonne préparation 127
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à l’innovation car elle enseigne comment raisonner à partir des premiers principes : « Si vous essayez d’innover et d’être vraiment innovant, c’est là que vous devez appliquer la pensée des premiers principes et essayer d’identifier les vérités les plus fondamentales dans n’importe quel domaine particulier et vous raisonnez à partir de là. »
Nathan Myhrvold fournit un autre exemple d’utilisation de la physique à des fins entrepreneuriales. Physicien théorique de formation, il a fondé The Cooking Lab après avoir été Directeur de la Technologie chez Microsoft, afin de poursuivre une nouvelle approche de la cuisine, appelée à l’origine gastronomie moléculaire. Lui et d’autres praticiens de ce que Myhrvold appelle la cuisine moderniste, ont utilisé des méthodes basées sur la physique pour améliorer le mode de cuisson de la viande, mieux comprendre le mode de cuisson du pain et créer une version différente du célèbre dessert Baked Alaska. Des efforts comme ceux de Musk et de Myhrvold incitent les universités et les organisations professionnelles à aider les étudiants en physique et les chercheurs en activité à acquérir l’état d’esprit et la formation commerciale nécessaires pour faire carrière en tant qu’entrepreneurs.
EN GUERRE La physique influe sur la société par le biais de son rôle dans le monde universitaire, dans les laboratoires et les agences gouvernementales ainsi que dans le secteur privé. Dans ces trois domaines, la physique, aux États-Unis et ailleurs, a prospéré au moins en partie parce qu’elle est essentielle à la défense nationale. En bien ou en mal, la physique a fait progresser la guerre et la guerre a fait progresser la physique, même si ce n’est qu’implicitement. 128
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Avant qu’il n’existe une véritable science de la physique, l’armement médiéval appliquait des principes mécaniques simples, comme l’utilisation d’un bras à contrepoids sur un pivot ou l’énergie stockée dans une corde torsadée pour lancer de lourds projectiles. Ces engins de siège n’ont pas été conçus à partir d’une analyse physique rigoureuse, mais lorsqu’ils ont été remplacés par l’artillerie, les calculs précis de la trajectoire du projectile sont devenus importants ; Le mathématicien italien Niccolò Fontana Tartaglia analysa le comportement des boulets de canon en et affirma à juste titre que la plus grande portée était obtenue avec le canon élevé à degrés. Plus tard, les principes mécaniques mis en avant par Galilée et Newton ont conduit à une science complète de la balistique. La physique et les technologies basées sur la physique ont fait leur entrée dans la guerre plus récemment, mais pas toujours sous la forme d’armes. La guerre civile américaine a vu l’utilisation de ballons et de télescopes améliorés pour l’observation, et du télégraphe pour la communication (le président Abraham Lincoln commandait ses armées directement depuis la Maison Blanche), ainsi que de l’artillerie rayée, des sous-marins et des navires de guerre en fer. Cette guerre pourrait également avoir été le théâtre de l’application directe de la science à des fins militaires après que Lincoln a créé l’Académie nationale des sciences (NAS) pendant le conflit, en . La NAS était chargée de conseiller la Nation américaine sur les questions scientifiques, ce qu’elle fait toujours ; mais à l’époque, elle n’a pas supervisé la science américaine, ni aidé le Nord à gagner la guerre civile. Cependant, cinquante ans plus tard, la NAS a formé le Conseil national de la recherche (NRC) afin de coordonner la recherche scientifique pour l’armée pendant la Première 129
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Guerre mondiale. Après la déclaration de guerre des ÉtatsUnis contre l’Allemagne en avril , le chef du NRC, l’astrophysicien George Ellery Hale, a travaillé avec Michelson et Robert Millikan (respectivement lauréat du prix Nobel et futur lauréat du prix de physique) pour superviser les recherches pertinentes en physique (d’autres sciences étaient également représentées). La contribution de la physique concernait principalement les méthodes de détection, comme le projet de détection des sous-marins par ondes ultrasoniques, qui s’appuyait sur les travaux de Paul Langevin en France. Le NRC ne disposait pas de ses propres installations de recherche et travaillait avec des laboratoires industriels, des universités et des unités militaires telles que l’US Army Signal Corps. Selon l’historien de la physique JohannesGeert Hagmann, un résultat important de ce programme a été « l’enchevêtrement de la recherche scientifique, industrielle et militaire », avec pour conséquence que plus tard « la recherche scientifique et technologique, y compris les contributions majeures de la physique, est devenue un facteur décisif dans la guerre ». Ces liens persistent aujourd’hui, après avoir été amplement illustrés par la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide qui a suivi. Il existe une longue liste d’armes offensives et défensives créées ou perfectionnées grâce au soutien gouvernemental aux sciences physiques et à la technologie des deux côtés de la Seconde Guerre mondiale : les avions à réaction, la bombe volante V- et la fusée V-, le sonar, le radar, la technologie de vision nocturne, la fusée de proximité qui a rendu les tirs anti-aériens plus efficaces et, surtout, la bombe atomique. Ce sont ces armes qui ont rendu nécessaire que les gouvernements organisent et financent des scientifiques et des 130
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ingénieurs, ainsi que des installations de recherche et de production, à des échelles sans précédent. Aux États-Unis, le laboratoire de radiations du MIT (ou Rad Lab) a employé jusqu’à personnes, dont de nombreux docteurs en physique, et a travaillé entre et avec les Britanniques pour développer des radars, des systèmes de radionavigation et d’autres dispositifs électroniques. La fusée allemande V-, le premier missile balistique guidé à longue portée, était basée sur la recherche menée en Allemagne et aux États-Unis dans les années et . Les nazis ont produit et lancé plus de V- contre Londres, Anvers et Liège, qui auraient tué personnes, ainsi que quelques prisonniers obligés de travailler sur le projet.
L’ÈRE NUCLÉAIRE Le projet américain de construction d’une bombe atomique a été le plus intense en physique et le plus influent du point de vue historique de ces efforts de recherche militaire. Après la découverte de la fission nucléaire par des chercheurs allemands en , les scientifiques ont pris conscience du potentiel d’une réaction en chaîne de fission incontrôlée pour produire une arme incroyablement destructrice. En , le physicien américain d’origine hongroise Leo Szilard a écrit une lettre signée par Albert Einstein et envoyée au président américain Franklin D. Roosevelt. Elle mettait en garde contre l’intérêt que portaient les Allemands pour réaliser un armement nucléaire et invitait les États-Unis à lancer leur propre programme de construction de « bombes extrêmement puissantes d’un nouveau type ». Le Project Manhattan qui en découle est lancé en sous la direction du brigadier-général Leslie Groves du Corps 131
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des Ingénieurs de l’Armée américaine (et a été nommé ainsi parce que certaines recherches préliminaires ont été menées à l’Université Columbia de la ville de New York). Il s’est développé jusqu’à employer personnes, y compris des scientifiques européens tels que le physicien italien Enrico Fermi, lauréat du prix Nobel. Il a mené des activités de recherche et de production sur trente sites aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Canada, pour un coût de milliards de dollars, soit milliards de dollars en dollars de . Le projet devait démontrer qu’une réaction nucléaire en chaîne auto-entretenue est possible, ce que Fermi a fait dans le premier réacteur nucléaire du monde, en . Il a également fallu séparer des quantités d’isotopes fissiles, l’uranium et le plutonium , de leurs formes non fissiles beaucoup plus répandues dans la nature, un processus ardu qui a nécessité diverses approches, et trouver des moyens d’amener rapidement ces matériaux à la « masse critique » nécessaire pour exploser, et les intégrer, ainsi que le mécanisme de détonation, dans des ogives de bombes. Ces dernières étapes ont été franchies au laboratoire de Los Alamos, près de Santa Fe, au Nouveau-Mexique, sous la direction du physicien théoricien américain J. Robert Oppenheimer. La première bombe atomique, mettant en œuvre du plutonium, a explosé avec succès lors de l’essai Trinity, le juillet , sur le polygone de tir et de bombardement d’Alamogordo, au Nouveau-Mexique. Les et août, respectivement, les États-Unis larguent une bombe à l’uranium sur Hiroshima et une bombe au plutonium sur Nagasaki pour mettre fin à la guerre avec le Japon, la première et à ce jour la seule utilisation d’armes nucléaires dans une guerre. Oppenheimer racontera plus tard que le fait d’assister à l’essai de Trinity lui a rappelé ce que le dieu Vishnu dit dans le texte sacré hindou de la Bhagavad Gita : « Maintenant, 132
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je suis devenu la Mort, le destructeur des mondes ». Les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki avaient une puissance explosive équivalente à celle de à kilotonnes de TNT, suffisante pour faire au moins victimes, raser de grandes parties des villes et susciter la peur et l’effroi face à la nouvelle ère atomique. Mais ce n’est pas tout. Aux États-Unis, Fermi et deux autres physiciens émigrés, Edward Teller et Stanislaw Ulam, ont imaginé et conçu une arme thermonucléaire plus puissante, basée sur la fusion d’isotopes d’hydrogène plutôt que sur la fission nucléaire. Les États-Unis ont effectué le premier essai complet de la bombe à hydrogène en sur l’atoll d’Eniwetok, dans l’océan Pacifique. L’explosion qui en a résulté a libéré une puissance équivalente à celle de mégatonnes de TNT, et les États-Unis ont commencé à fabriquer des armes thermonucléaires en quantité. Trois ans plus tard, l’Union soviétique a testé sa propre bombe à hydrogène de , mégatonne et, en , elle a fait exploser une bombe de mégatonnes, la plus grande jamais testée. Ces armes, qui seraient livrées à leur destination par-delà les océans installés dans des ogives montées sur des missiles balistiques intercontinentaux, sont à l’origine des craintes de la guerre froide selon lesquelles un engagement entre les États-Unis et l’Union soviétique dévasterait les deux nations et menacerait même l’équilibre climatique mondial. D’autres nations ont également développé des armes nucléaires. En vertu d’un traité de non-prolifération de , les États-Unis, la Russie en tant que successeur de l’Union soviétique, le Royaume-Uni, la France et la Chine sont les seules nations autorisées à en posséder ; mais on sait que l’Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord en possèdent également, ce qui porte le total à quelque armes nucléaires, et l’Iran a apparemment essayé de les développer. 133
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Alors que les craintes liées à l’époque de la Guerre Froide se sont estompées, de nouvelles craintes sont apparues, selon lesquelles les échecs de la diplomatie, les régimes voyous ou les terroristes pourraient entraîner une destruction nucléaire. Ce sont là les aspects douloureux de l’héritage complexe du Project Manhattan. Un aspect plus positif est que ce Projet a toutefois conduit à la création d’un réseau de dix-sept laboratoires nationaux aux États-Unis. Ceux-ci mènent des recherches fondamentales en plus du travail gouvernemental dirigé, souvent à une échelle unique de la « grande science » que seul un gouvernement pouvait soutenir. Comme le souligne Daniel Kevles dans The Physicists, un autre héritage est que Project Manhattan a rendu les physiciens si essentiels pour la sécurité nationale de l’Amérique qu’ils ont acquis « le pouvoir d’influencer la politique et d’obtenir des ressources publiques en grande partie basées sur la foi ». La physique, en particulier la physique nucléaire et la physique des hautes énergies, a ainsi acquis une nouvelle notoriété et une nouvelle prospérité. L’éclat s’est quelque peu estompé en , lorsque la Chambre des représentants des États-Unis a voté l’arrêt du financement du « Supercollisionneur » un projet estimé à milliards de dollars visant à construire un énorme accélérateur de particules de kilomètres de circonférence au Texas. Cette décision a ouvert la voie à la mise en service, en , du LHC au CERN, l’accélérateur de particules élémentaires le plus puissant du monde. La recherche fondamentale mise à part, la science nucléaire a toujours un grand poids militaire et géopolitique. L’héritage des armes nucléaires et de la physique elle-même est ancré dans la culture, les arts et les médias. 134
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LA CULTURE DE LA PHYSIQUE La physique a eu des impacts culturels variés qui reflètent son rôle dans la Société. Peu après la Seconde Guerre mondiale, la bombe atomique a inspiré des films ayant pour thème la destruction nucléaire. Certains d’entre eux présentaient des craintes nucléaires ouvertes ou cachées dans un format de science-fiction, peut-être pour que ces terribles possibilités semblent moins réelles. Dans Le jour où la Terre s’arrêta (), un visiteur extraterrestre avertit l’Humanité des dangers des armes nucléaires, et le film post-apocalyptique Five () traite des survivants d’une guerre nucléaire. Dans Godzilla () et Them ! (), les radiations des essais nucléaires produisent des mutations, respectivement un énorme reptile qui se déchaîne dans la ville de Tokyo et des fourmis géantes qui menacent l’Humanité. Plus tard, les films sur la terreur nucléaire ont fait preuve de plus de subtilité dans le drame, l’émotion et même la comédie noire. On the Beach () montre l’Humanité attendant désespérément sa fin après un échange nucléaire mondial. Hiroshima, Mon Amour (), un classique de la Nouvelle Vague française, était au départ un documentaire que le réalisateur Alain Resnais a transformé en l’histoire d’une brève liaison entre une actrice française et un architecte japonais, avec pour toile de fond une Hiroshima dévastée. Dr Strangelove de Stanley Kubrick ou : How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb [comment j’ai appris à ne pas m’inquiéter et enfin aimer la bombe] () et Fail-Safe () de Sidney Lumet, reflétaient les craintes profondes d’un conflit nucléaire, le premier sous forme de satire (cf. Figure ) et le second sérieusement. Des éléments réalistes sont également apparus dans The China Syndrome (), qui traite d’une catastrophe survenue dans une centrale nucléaire, comme celle de Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima 135
LA PHYSIQUE
et dans Fat Man and Little Boy (), l’histoire romancée de la construction de la bombe atomique.
Fig. 12 Dans la parodie Dr. Strangelove de Stanley Kubrick (1964), un pilote du bombardier B52 chevauche une bombe thermonucléaire larguée par accident sur l’Union soviétique.
L’héritage de la bombe atomique perdure également dans les arts du spectacle, avec la pièce de théâtre Copenhagen de l’écrivain anglais Michael Frayn. Après sa création au National Theatre de Londres en , elle a été jouée ailleurs pour un total de représentations et a remporté le Tony Award de la « meilleure pièce » à Broadway en . Ce succès théâtral surprenant est une pièce minimaliste avec trois personnages sur une scène nue qui parlent de physique et de ses implications humaines. Les personnages, tirés de la vie, sont le physicien danois Niels Bohr, fondateur de la mécanique quantique, sa femme Margrethe et Werner Heisenberg, qui a créé le Principe d’Incertitude et était impliqué 136
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dans le projet allemand de bombe atomique. Heisenberg avait d’ailleurs rendu visite à Bohr à Copenhague en . Copenhague est la reconstitution imaginée par Frayn de leur discussion sur la fabrication d’une bombe atomique et sur les conséquences de celle-ci. L’ère nucléaire a reçu une nouvelle reconnaissance culturelle en , lorsque l’Opéra de San Francisco a présenté la première mondiale de l’opéra Doctor Atomic du compositeur américain John Adams sur un livret de Peter Sellars, qui traite de l’essai de la bombe atomique Trinity avec Oppenheimer, Teller et d’autres personnages.
ICONES DE LA PHYSIQUE La bombe atomique n’est pas le seul héritage culturel de la physique, qui a produit des figures intellectuelles emblématiques de notre époque. La renommée d’Albert Einstein n’a fait que croître depuis les rapports de sur l’éclipse solaire qui ont vérifié sa théorie de la relativité générale. Les physiciens le considèrent comme le plus grand physicien de tous les temps, avec Newton, et pour le grand public, « Einstein » est synonyme de « génie exceptionnel ». Une recherche Google sur « Einstein » donne plus de cent millions de résultats et son nom apparaît dans l’énorme base de données Google Books bien plus fréquemment que celui de tout autre scientifique. Le regretté théoricien britannique Stephen Hawking est un autre physicien emblématique. Son livre populaire A Brief History of Time : From the Big Bang to Black Holes () s’est vendu à plus de dix millions d’exemplaires. Sa stature scientifique repose sur sa théorie selon laquelle le « rayonnement de Hawking » peut s’échapper d’un trou noir, une réalisation d’autant plus remarquable qu’il luttait contre la sclérose 137
LA PHYSIQUE
latérale amyotrophique. Cette maladie neuromusculaire l’a rendu incapable de contrôler presque tous ses mouvements corporels et l’a confiné dans un fauteuil roulant. Mais l’esprit de Hawking était intact, faisant de lui un symbole de la victoire de l’intellect et de la volonté sur un grave handicap physique. Les deux physiciens sont bien représentés dans la culture générale. La vie d’Einstein a inspiré l’opéra Einstein on the Beach du compositeur américain Philip Glass, qui a été repris plusieurs fois depuis sa création en ; et dans le film I. Q. (), Einstein est interprété par Walter Matthau comme étant intelligent, sage et gentil. La vie et l’œuvre de Hawking sont présentées dans le film The Theory of Everything (), qui a valu un Oscar à Eddie Redmayne qui l’a incarné. Hawking a également ravi les téléspectateurs en apparaissant dans les séries Star Trek, The Next Generation, Les Simpsons et The Big Bang Theory. Les réalisations d’Einstein et de Hawking ont contribué à l’image médiatique du physicien « intello », dans des personnages fictifs comme le théoricien Sheldon Cooper (Jim Parsons) dans The Big Bang Theory – bien qu’à côté de son intelligence, Cooper affiche des niveaux caricaturaux de bizarrerie et d’ineptie sociale qui sont simplement « pour rire ». Les idées associées aux deux physiciens sont également devenues des connaissances courantes. À l’exception peutêtre de l’équation de Newton F = ma, E = mc d’Einstein est l’équation la plus célèbre de la physique, et le fait que rien ne peut dépasser la vitesse de la lumière est considéré comme acquis dans la culture populaire ; par exemple, sur un T-shirt montrant Einstein habillé en policier à moto qui nous avertit de respecter la limite de vitesse universelle de miles par seconde. Les histoires de science-fiction rendent hommage à cette loi en inventant des moyens apparemment plausibles permettant aux vaisseaux spatiaux de 138
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voyager plus vite que la lumière, comme l’effet « distorsion » dans la série Star Trek. Einstein et Hawking sont également liés à deux autres idées de physique qui captivent le grand public, les trous noirs et la physique quantique. C’est la relativité générale d’Einstein qui a prédit les trous noirs (également les trous de ver, c’est-à-dire, des raccourcis théoriques à travers l’espace-temps qui relient deux trous noirs comme s’il n’y avait aucune distance entre eux, et qui constitue un élément clef de l’intrigue du film Interstellar ()). La réputation scientifique de Hawking repose sur son analyse quantique des trous noirs. La physique quantique elle-même fait désormais partie de la culture populaire : les gens connaissent le principe d’incertitude d’Heisenberg et l’analogie du chat de Schrödinger. Certains efforts populaires tentent de relier la physique quantique à d’autres modes de connaissance. The Tao of Physics () de Fritjof Capra établit des parallèles entre la physique moderne et certains aspects du mysticisme oriental. Ce livre a été un best-seller influent, mais a été critiqué par des physiciens tels que le lauréat du prix Nobel Leon Lederman. D’autres tentatives font appel à des idées New Age qui manquent de rigueur scientifique ou que les physiciens rejettent en les qualifiant de pseudo-sciences « quantiques ». Par exemple, l’ouvrage Quantum Healing () de Deepak Chopra affirme que les phénomènes quantiques affectent la santé et le bien-être de l’homme, et le film What the Bleep Do We Know () prétend à tort que la physique quantique permet de contrôler la réalité par l’esprit. La façon dont la physique est présentée dans la culture populaire affecte la perception générale de la science et la confiance que les gens lui accordent et, par extension, à toute la science. En retour, la physique a affecté les médias euxmêmes, du moins dans les arts visuels. 139
LA PHYSIQUE
DES OUTILS POUR L’ART D’importantes tendances dans les arts visuels ont été initiées ou renforcées par l’adoption de méthodes basées sur la physique par les artistes. En , le médecin et chercheur anglais William Hyde Wollaston a fait breveter la camera lucida (« chambre lumineuse » en latin) pour aider les artistes. Grâce à un prisme en verre taillé selon des angles spécifiques et monté sur un support, elle permettait à un artiste de tracer sur le papier une copie exacte d’une scène à l’endroit et sous un éclairage normal, et non à l’envers et dans l’obscurité comme l’exigeait la camera obscura (« chambre noire »), essentiellement un sténopé . La camera lucida a à son tour inspiré William Fox Talbot et Louis Daguerre, qui ont mis au point des procédés pour préserver ou « fixer » chimiquement ses images sur le papier, ce qui a conduit à la naissance de la photographie dans les années . Lorsque, par la suite, diverses sources de lumière artificielle sont devenues disponibles, les artistes les ont incorporées pour peindre avec la lumière. Dans les années , l’artiste américain Dan Flavin a produit de subtils arcs de couleurs à partir de lampes fluorescentes standard. Plus récemment, l’artiste américain James Turell utilise la régularité de l’éclairage fluorescent pour créer des volumes de lumière tridimensionnels apparemment solides dans ses installations, et l’artiste danois Olafur Eliasson utilise également des lampes fluorescentes dans des œuvres telles que son installation extérieure Yellow Fog () à Vienne. Les artistes ont adopté avec encore plus d’enthousiasme les nouvelles sources de lumière. Peu après l’invention du
. Un très petit trou pouvant faire office d’objectif photographique.
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laser en , ce nouvel outil permettant de produire une lumière pure et dirigée a été utilisé à des fins esthétiques dans des installations telles que celles de l’exposition « Art et technologie » de au Los Angeles County Museum of Art. Les lasers n’ont pas tardé à produire des spectacles de lumière spectaculaires lors de concerts de rock et d’autres événements. Ils sont aujourd’hui utilisés pour la conservation de l’art et la création de reproductions précises d’œuvres d’art à des fins d’archivage et d’exposition. La dernière innovation pour les artistes est la LED. Contrairement aux lampes à incandescence et fluorescentes, les LED peuvent être allumées et éteintes instantanément par ordinateur et conviennent donc aux œuvres d’art dynamiques. Un exemple en est la grande installation Multiverse () de Leo Villareal, un ensemble de plus de LED blanches entourant une passerelle mobile de mètres destinée aux visiteurs de la National Gallery of Art de Washington, DC (cf. Figure ).
Fig. 13 Le Multiverse (2008) de Leo Villareal à la National Gallery of Art de Washington, DC, utilise des milliers de LED blanches.
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Les LED sont programmées pour créer des motifs spectaculaires en constante évolution, suggérant que les spectateurs voyagent dans l’espace au milieu des étoiles et des galaxies.
LA PHYSIQUE COMPTE De ses utilisations esthétiques à ses rôles dans la guerre, la physique et la technologie qu’elle soutient influencent notre Société de diverses manières, dont certaines ont une importance existentielle, comme l’armement nucléaire. Au-delà de ces impacts, la simple présence d’une science physique accomplie revêt une signification particulière pour la société à notre époque, où la science semble perdre la confiance des citoyens ordinaires. Qu’il s’agisse du déni du réchauffement climatique d’origine humaine et de l’évolution biologique, du mouvement anti-vaccination ou de l’hostilité aux organismes génétiquement modifiés, de nombreux domaines scientifiques sont considérés comme peu crédibles ou sont attaqués. En tant que science ayant des racines anciennes, avec une liste d’éminents penseurs comme Einstein, une base théorique solide et la capacité d’apporter des réponses claires aux problèmes du laboratoire et de la société, la physique a du succès. Cela ne veut pas dire que nombre de ses résultats, comme l’armement nucléaire, ne doivent pas être sérieusement pris en compte par la Société – ils le sont – mais la physique est une science qui fonctionne. Pourtant, son succès ne signifie pas que la physique a trouvé toutes les réponses à nos questions sur la nature ou même dans ses propres applications.
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6 La physique de demain : des questions sans réponse À l’aube du xxie siècle, alors que le xxe siècle est encore en vue, nous voyons des parallèles avec les époques précédentes en physique. Tout comme lorsque le xixe siècle est devenu le xxe, aujourd’hui la physique peut se prévaloir de percées récentes à toutes les échelles, de la plus petite à la plus grande, et dans toutes ses utilisations, pures ou appliquées, comme la découverte, prévue théoriquement, du boson de Higgs et la découverte surprise de l’énergie noire ; les succès de l’exploration de l’espace et de la découverte d’exoplanètes, et de l’examen de notre propre planète ; les réalisations dans les nouvelles technologies électroniques et photoniques, et en physique biologique avec de nouveaux outils pour sonder les systèmes vivants et nous-mêmes. Ces résultats montrent que la physique continue d’approfondir notre compréhension de la nature et d’influencer notre mode de vie, et qu’elle soulève de nouvelles questions tout en répondant aux anciennes. Il y a un siècle, les nouvelles questions comprenaient des questions explicites telles que « Quel est l’éther qui supporte les ondes électromagnétiques ? » et « Les photons ont-ils une réalité tangible ? » 143
LA PHYSIQUE
L’humanité a toujours posé des questions plus vastes, telles que « Comment l’univers a-t-il commencé ? », « Comment se terminera-t-il ? » et « Y a-t-il de la vie ailleurs ? ». La recherche en physique des xxe et xxie siècles a répondu à ces questions explicites et a apporté au moins un début de réponse aux questions plus générales. Les questions qui inspirent la poursuite de la recherche d’aujourd’hui et son avenir découlent de ces résultats : des questions telles que « Qu’y a-t-il au-delà du Modèle Standard ? », qui mènent à une meilleure compréhension de la Nature, et d’autres telles que « Comment pouvons-nous produire une énergie plus propre ? » dont les réponses, nous l’espérons, amélioreront la condition humaine.
LA PHYSIQUE AU XXIe SIÈCLE Dans la première catégorie, les physiciens ont beaucoup écrit sur le présent et l’avenir de la physique des particules, de la cosmologie, etc. Un rapport de du NRC britannique (National Research Council), Physics in a New Era, offre une vision plus large. Rédigé par un groupe d’éminents scientifiques, il traite à la fois des « Frontières de la physique », qui couvrent les grandes questions telles que l’évolution de l’Univers, et de « Physique et société », qui concerne le statut et l’avenir de la physique dans des domaines tels que la biomédecine, l’énergie et l’environnement, et la sécurité nationale. Grâce à ce cadre, nous pouvons voir comment la physique a progressé depuis le début de ce siècle, examiner les questions que les physiciens se posent actuellement et envisager l’avenir de la physique. Deux découvertes inattendues en physique, évoquées dans le rapport du NRC, ont pris de l’importance depuis , à mesure que nous apprenions à quel point elles sont 144
LA PHYSIQUE DE DEMAIN : DES QUESTIONS SANS RÉPONSE
essentielles dans l’Univers : la découverte d’une nouvelle entité, la « matière noire », qui n’émet pas de rayonnement électromagnétique et n’interagit pas avec lui, et qui est donc invisible à l’œil, à la lumière infrarouge, aux ondes radio, etc. Contrairement à la matière noire et à l’énergie sombre, deux autres réalisations majeures de la physique depuis avaient été prévues en théorie. L’une est la découverte du boson de Higgs en , un résultat prédit par le Modèle Standard et qui le valide, mais qui met aussi en lumière ce qui lui manque. L’autre réalisation confirme les prédictions d’une autre théorie fondamentale, la relativité générale, et fournit un nouvel outil pour explorer l’univers. Il s’agit de la première observation LIGO, en , d’ondes gravitationnelles, suivie d’autres observations depuis.
L’UNIVERS SOMBRE Bien que la matière noire et l’énergie noire soient cruciales pour le fonctionnement de l’Univers, elles restent des mystères malgré des recherches intensives. La matière noire a d’abord été découverte indirectement par ses effets gravitationnels. Après que des données astronomiques antérieures aient laissé entrevoir l’existence d’une matière cosmique invisible, l’astronome américaine Vera Rubin a noté, dans les années , des anomalies dans la dynamique des galaxies spirales telles que notre propre Voie Lactée. Comme tout corps en rotation, ces énormes roues à picots rejetteraient toutes les parties d’elles-mêmes qui ne sont pas fermement maintenues en place – dans ce cas, par la gravité du gros de la galaxie, qui dépend de sa masse. Rubin a découvert qu’il faudrait une quantité de matière plusieurs fois supérieure à celle observée dans une galaxie donnée pour empêcher les étoiles situées sur son pourtour de s’envoler, donnant ainsi le premier signe concret de l’existence de la matière noire. 145
LA PHYSIQUE
L’énergie sombre a également été découverte de manière indirecte. En , des astronomes ont découvert que certaines supernovæ (d’énormes explosions d’étoiles à l’agonie), situées à des milliards d’années-lumière, étaient plus sombres que prévu, ce qui signifiait qu’elles étaient plus éloignées de nous que ne le prévoyait la théorie de l’expansion de l’Univers après le Big Bang. Ce fut une grande surprise lorsque les nouvelles données ont montré un taux d’expansion croissant, contrairement à ce que l’on pensait, à savoir que la gravité exercée par la masse de l’Univers pourrait finalement ralentir ou inverser l’expansion. Einstein avait envisagé une telle force en lorsqu’il avait ajouté une « constante cosmologique » à sa théorie de la relativité générale, une sorte d’anti-gravité qui repoussait les galaxies pour empêcher l’Univers de s’effondrer sur lui-même. Mais lorsque Hubble a démontré que l’Univers est effectivement en expansion, Einstein a abandonné cette idée, ce qu’il a appelé plus tard sa « plus grosse gaffe ». La découverte en de l’expansion accélérée a fait renaître une notion comme la constante cosmologique sous le nom d’énergie sombre. D’autres preuves solides de l’existence d’un Univers sombre sont apparues en lorsque la sonde Wilkinson Microwave Anisotropy Probe de la NASA a examiné le fonds diffus cosmologique pour sonder les débuts de l’Univers, suivi par une étude plus précise de celui-ci par le satellite Planck lancé par l’ESA en . Les résultats de Planck montrent que la constitution de la masse et de l’énergie cosmiques n’est constituée que de % de matière ordinaire, contre % de matière noire et % d’énergie noire qui constituent % de l’Univers. Ces proportions définissent un « modèle standard » cosmologique qui décrit avec succès de nombreuses caractéristiques de l’univers, notamment l’accélération de 146
LA PHYSIQUE DE DEMAIN : DES QUESTIONS SANS RÉPONSE
son expansion et la distribution des galaxies, et fixe son âge à , milliards d’années. Ces proportions sont également la preuve éclatante qu’après de nombreux efforts, l’Humanité n’a examiné qu’une infime partie de la réalité et en sait peu sur le reste, comme la source de l’énergie sombre. Une proposition fait intervenir l’échelle quantique, suggérant que l’énergie noire est en fait ce que l’on appelle « l’énergie du vide » provenant de l’essaim de particules élémentaires virtuelles qui apparaissent et disparaissent aléatoirement dans l’espace. L’énergie du vide augmenterait au fur et à mesure que l’Univers s’agrandit, alimentant ainsi l’expansion à un rythme croissant. Ce serait un scénario séduisant, mais les chiffres ne correspondent pas à la réalité. On calcule que l’énergie du vide est fois plus importante que ce qui est nécessaire pour expliquer les données initiales des supernovæ qui ont conduit à la découverte de l’énergie sombre. S’inspirant de la théorie des multivers, l’une des explications proposées pour cet écart stupéfiant est que notre Univers particulier possède une énergie du vide extraordinairement faible – bien que cet argument illustre la difficulté d’obtenir des réponses définitives lorsqu’on peut simplement affirmer que la physique est différente dans un autre univers. Ou peut-être notre Univers est-il à nouveau entré dans une période d’expansion rapide, comme on pense que cela s’est produit peu après le Big Bang, ou peut-être la théorie de la gravitation doit-elle être modifiée pour tenir compte des immenses distances cosmiques. À l’heure actuelle, nous ne savons tout simplement pas. La matière noire soulève ses propres questions. Le Modèle Standard est censé décrire tous les éléments constitutifs de la matière : les quarks, les leptons, qui comprennent les électrons, les muons, les particules tau et les neutrinos, et 147
LA PHYSIQUE
le boson de Higgs (cf. Figure ). Aucun de ces éléments n’a les propriétés requises pour former la matière noire, et le modèle a donc besoin d’une nouvelle particule. Le principal candidat, étayé par certaines preuves astronomiques, est une particule de matière dite à faible interaction (WIMP ) qui affecte à peine la matière ordinaire. Mais malgré des indices alléchants, trente années d’expériences n’ont pas permis de trouver des preuves définitives de l’existence de WIMP, y compris les résultats récents de groupes italiens et chinois. Cela a perturbé la recherche sur la matière noire et les physiciens envisagent d’autres possibilités. L’une d’entre elles consiste à étendre le modèle standard par un « secteur sombre », un groupe de nouvelles particules et forces liées de manière ténue à celles connues, par exemple sous la forme de photons sombres et de bosons de Higgs sombres qui apparaissent occasionnellement parmi leurs homologues réguliers. Une autre suggestion est que le boson de Higgs se désintègre en photons et en particules de matière noire qui peuvent ensuite être détectés ; mais depuis l’été , les mesures du boson de Higgs au LHC montrent qu’il se désintègre en deux quarks « inférieurs » (cf. Figure ), une prédiction du Modèle Standard, sans aucun signe de particules de matière noire.
DESCENDRE PLUS LOIN DANS LE PETIT, LE MOYEN ET LE GRAND… Même sans les effets perturbateurs de la matière noire et de l’énergie noire, le Modèle Standard de la physique des particules doit être modifié. Bien qu’il constitue un grand . NDT – Wimp, qui signifie en anglais « mauviette », est l’acronyme de Weakly Interacting Massive Particule.
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pas vers la compréhension de l’Univers, il ne parvient pas à décrire la matière noire et l’énergie noire, et il exclut la gravité. Il présente également des problèmes structurels. Les quarks et les leptons apparaissent en trois « générations », avec les mêmes propriétés quantiques et la même charge électrique, mais des masses très différentes (cf. Figure ). Les électrons, les muons et les particules tau sont identiques, sauf que leurs masses diffèrent énormément, d’un facteur de plus de entre les électrons et les particules tau. Les six quarks se divisent également en deux ensembles de trois générations, chacun ayant des masses très différentes ; et bien que le Modèle Standard donne aux neutrinos une masse zéro, nous avons en fait trouvé trois types de neutrinos qui diffèrent par leurs (très petites) masses. Autre difficulté : la masse mesurée du boson de Higgs est bien inférieure à ce qu’elle devrait être selon la théorie quantique qui sous-tend le Modèle Standard. Nous ne pouvons tout simplement pas expliquer pourquoi ces particules élémentaires ont les masses qu’elles ont. En outre, des résultats récents du CERN semblent montrer qu’une particule appelée méson B se comporte différemment de ce que prévoit le Modèle Standard. Dans l’espoir qu’il ne s’agisse que d’une faille apparente pouvant mener à une meilleure théorie, l’accélérateur à haute énergie KEK de Tsukuba, au Japon, effectue des mesures de haute précision du comportement du méson B. Les résultats de ces mesures sont présentés dans le tableau ci-dessous. Vient ensuite la question de l’antimatière, constituée d’antiparticules telles que le positron. Selon la théorie du Big Bang, la matière et l’antimatière ont été créées en quantités égales à la naissance de l’Univers, mais aujourd’hui nous voyons peu d’antimatière – un fait que le Modèle Standard n’explique pas. Ces failles du modèle standard, ainsi que d’autres, garantissent que les milliers de physiciens du CERN et d’ailleurs 149
LA PHYSIQUE
continueront à rassembler des données et à élaborer de nouvelles théories. Les chercheurs pensent que le Modèle Standard n’est qu’une approximation d’une théorie plus profonde qui s’applique à des énergies bien plus élevées, qui sont apparues dans l’Univers primitif mais que nous n’avons pas encore atteintes en laboratoire. On espérait que les expériences menées à des énergies plus élevées permettraient de découvrir de nouvelles particules prédites par la supersymétrie, une théorie proposée qui résout de nombreux problèmes liés au Modèle Standard ; mais jusqu’à présent, aucune particule de ce type n’a été découverte. De nombreux observateurs pensent que cela représente une crise dans la physique des hautes énergies. Pour compléter la recherche en physique des particules, de nouvelles données astrophysiques sont issues de LIGO, basé sur deux sites aux États-Unis, et du système similaire Virgo en Italie, exploité par un consortium européen. Tous deux utilisent des lasers de plusieurs kilomètres de long pour détecter des fluctuations extrêmement faibles de l’espace-temps lorsque des ondes gravitationnelles provenant d’événements cosmiques passent devant la Terre. Après avoir détecté ces ondes pour la première fois en , LIGO a commencé à travailler avec Virgo pour mettre en œuvre la nouvelle technique d’astronomie des ondes gravitationnelles. Cette capacité a été démontrée de manière spectaculaire à l’automne , lorsque les deux systèmes ont détecté des ondes gravitationnelles provenant de la collision de deux étoiles à neutrons, les noyaux denses laissés derrière eux après que des étoiles d’une certaine taille aient subi des explosions de supernovæ. Contrairement à l’événement LIGO original concernant les trous noirs, cette collision a également généré des ondes électromagnétiques, d’abord détectées sous forme de rayons gamma. Puis, lorsque l’événement a été localisé avec précision dans une galaxie particulière de la constellation de l’Hydre, 150
LA PHYSIQUE DE DEMAIN : DES QUESTIONS SANS RÉPONSE
quelque soixante-dix observatoires astronomiques du monde entier l’ont observé par son émission de lumière visible, de rayons X et d’ondes radio. La double analyse électromagnétique et gravitationnelle a montré que les collisions entre étoiles à neutrons peuvent provoquer les sursauts gamma cosmiques extrêmement puissants connus depuis un certain temps ; et que de telles collisions peuvent créer l’or et d’autres éléments plus lourds que le fer que nous connaissons sur Terre, dont on pensait qu’ils provenaient de l’effondrement d’une seule étoile. Ces résultats et les observations conjointes qui y ont conduit figurent parmi les percées scientifiques de . Outre les événements cosmiques lointains, nous continuons à étudier nos voisins du système solaire, comme avec la sonde Juno de la NASA qui examine la dynamique atmosphérique de la planète Jupiter. Après le télescope Hubble, le télescope spatial James-Webb, plus grand, observera le système solaire ainsi que des objets cosmiques lointains après son lancement en (cf. Figure ).
Fig. 14 La NASA a lancé le télescope spatial James-Webb, fin 2021.
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S’ajoutant à la découverte d’eau sur divers sites du système solaire, début , un orbiteur de la NASA a détecté de la glace d’eau juste sous la surface de Mars, et à l’été , des scientifiques de l’ESA ont signalé l’observation radar d’un lac d’eau liquide salée de kilomètres de diamètre sous le pôle sud martien – des résultats importants pour l’exploration humaine potentielle de la planète et pour les chances de vie martienne. Les satellites spatiaux du système d’observation de la Terre de la NASA continuent également d’explorer notre planète tandis que les méthodes géophysiques sondent sa dynamique et sa structure. L’installation ROMY près de Munich, en Allemagne, utilisera des lasers en anneau, où le faisceau lumineux est divisé en deux faisceaux qui se déplacent dans des directions opposées autour d’un circuit fermé, puis se recombinent. Lorsque ROMY tourne dans l’espace avec la Terre, les faisceaux qui se déplacent dans le sens de la rotation et dans le sens inverse parcourent des distances légèrement différentes, ce qui produit une différence de phase qui dépend de la vitesse de rotation. ROMY mesurera d’infimes changements dans la durée du jour terrestre, l’angle de l’axe de rotation de notre planète, ainsi que les mouvements du sol et les torsions internes provoqués par les événements sismiques. Il pourrait également faire progresser la théorie de la relativité en mesurant l’effet du « trainage des images » sur le spin de la Terre, la prédiction de la relativité générale selon laquelle un corps en rotation déforme l’espace-temps environnant.
QU’EST-CE QUE LE QUANTUM ET EST-CE IMPORTANT ? Le lien étroit entre la structure de l’Univers et ses propriétés quantiques nous rappelle que la Nature est réellement interconnectée à tous ses niveaux. Pour cette raison 152
LA PHYSIQUE DE DEMAIN : DES QUESTIONS SANS RÉPONSE
et pour mieux comprendre et utiliser la physique quantique, nous continuons à étudier le quantum lui-même. Bien que la théorie quantique ait prouvé de manière convaincante sa validité au cours du siècle dernier, elle reste, cependant, une énigme. En , l’expérimentateur quantique suisse Anton Zeilinger et ses collègues ont posé à trente-trois physiciens, philosophes et mathématiciens seize questions sur des idées quantiques fondamentales, telles que sur le caractère aléatoire de la Nature que la théorie quantique semble soutenir. Aucune des réponses à choix multiple n’a été choisie par tous les participants et de nombreuses questions ont suscité des opinions très différentes. Cette absence de compréhension unifiée montre la nécessité d’une meilleure base pour la physique quantique, qui repose sur un patchwork d’idées ; l’équation de Schrödinger, par exemple, est une supposition intuitive qui fonctionne. Certains théoriciens cherchent des moyens d’asseoir la théorie quantique sur une base plus solide et plus claire, en partant d’axiomes qui traitent la théorie comme un problème de probabilité ou de transfert d’informations entre systèmes. Les chercheurs ont effectivement dérivé le comportement quantique à partir de tels axiomes, mais ils n’ont pas encore produit le moment « eurêka » que le théoricien américain John Wheeler pensait pouvoir trouver « non pas en remettant en question le quantique, mais en découvrant cette idée tout à fait simple qui exige l’approche quantique ». Entre-temps, de nouvelles expériences sondent des phénomènes quantiques exotiques que nous pouvons utiliser même sans les comprendre complètement. La superposition quantique non classique est la raison pour laquelle un qubit transporte plus d’informations qu’un bit informatique standard. Un autre de ces phénomènes est l’intrication, qui signifie qu’une fois que deux particules quantiques telles que 153
LA PHYSIQUE
des électrons ou des photons ont interagi, elles restent liées. Même si elles sont très éloignées l’une de l’autre, lorsqu’une propriété de l’une des particules est mesurée, l’autre répond immédiatement à travers l’espace vide, un résultat qu’Einstein a appelé « action très étrange à distance ». L’intrication quantique – comme on l’appelle – peut être illustrée par deux qubits de photons, préparés de manière que nous sachions qu’ils sont polarisés de manière opposée, l’un horizontal et l’autre vertical ( et numériques). Cependant, nous ne connaissons pas la polarisation de chaque photon car les deux résultats sont possibles jusqu’à ce qu’une mesure soit effectivement effectuée et fixe une valeur définitive. À l’instant où (disons) le photon A est mesuré, et quel que soit le résultat, une mesure du photon B montre qu’il a instantanément et immédiatement pris l’autre valeur. Cela se produit quelle que soit la distance à laquelle se trouve B, comme si l’information quantique était téléportée de A à B par un canal inconnu plus rapide que la lumière. Malgré ce comportement bizarre et mal compris, nous pourrions utiliser des qubits intriqués pour accélérer le calcul quantique en fournissant des chemins supplémentaires pour le stockage et la circulation des données. Ils pourraient également nous prémunir contre la perte de superposition et donc de données, car toute erreur serait immédiatement détectée lorsqu’elle détruirait l’intrication. Les applications de ces effets quantiques exotiques font l’objet d’une recherche avide et sont bien soutenues. Aux États-Unis, outre l’ordinateur IBM de vingt-qubits mentionné plus haut, la société prévoit une unité de cinquante-qubits dans un avenir proche. Google travaille également sur l’informatique quantique et, parmi les agences gouvernementales américaines, le DoE a engagé millions de dollars US dans cette technologie. Par ailleurs, la Commission européenne 154
LA PHYSIQUE DE DEMAIN : DES QUESTIONS SANS RÉPONSE
a annoncé un projet de technologie quantique d’un milliard d’euros, et les scientifiques chinois ont été particulièrement actifs dans la recherche quantique. Un groupe dirigé par Jian-Wei Pan, à l’Université des sciences et des technologies de Chine à Hefei, a récemment enchevêtré simultanément dix qubits dans un prototype de processeur quantique, et étudie l’intrication elle-même. En , l’équipe a confirmé que l’intrication tient sur les plus grandes distances encore mesurées. Elle a envoyé des photons intriqués entre deux sites terrestres distants de kilomètres en envoyant les photons du premier site vers un satellite spatial, puis vers le second site. L’avantage d’envoyer les photons dans l’espace plutôt que directement entre les deux sites terrestres par fibre optique ou à l’air libre est que le vide offre moins d’interférences avec leurs états quantiques. Un réseau satellitaire utilisant des qubits de photons intriqués pourrait fournir des communications mondiales d’une sécurité unique, puisque toute intervention d’un tiers ruinerait l’intrication, comme l’a également démontré l’équipe de Pan.
VERS UNE GRAVITÉ QUANTIQUE Les mesures par satellite pourraient également offrir une occasion unique d’étudier les effets quantiques qui interagissent avec la gravité, car les photons intriqués traversent le champ gravitationnel variable entre la Terre et le satellite. Une proposition de l’ESA pour le projet QUEST visant à effectuer une telle mesure à bord de l’ISS vient de passer une étude de faisabilité et pourrait être réalisée au début des années . Il s’agit de l’une des rares expériences qui pourraient examiner simultanément la mécanique quantique et la 155
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relativité générale avec la technologie actuelle afin de fournir des indices en vue d’une théorie de la gravité quantique. Les mesures de l’intrication dans l’espace revêtent une importance accrue en raison des résultats récents qui montrent un lien alléchant et presque magique entre la physique quantique et la relativité générale, laquelle prédit le phénomène du « trou de ver ». Aucun trou de ver n’a jamais été découvert, mais en , le physicien théoricien argentin Juan Maldacena et le théoricien américain Leonard Susskind ont montré que les deux trous noirs situés aux extrémités d’un trou de ver se comportent comme des objets quantiques intriqués, ce qui suggère que l’intrication peut créer des structures dans l’espace-temps. Certains théoriciens vont plus loin et pensent que l’intrication peut créer l’espace-temps lui-même et, à travers lui, la gravitation, bien que les détails restent encore à comprendre. La bonne approche pour une théorie finale de la gravité quantique pourrait consister à combiner les idées de la théorie de la gravitation avec, de manière surprenante, l’idée du qubit et de son rôle dans le transfert d’informations. Un projet intitulé « It from Qubit » suit cette stratégie en réunissant les principaux théoriciens de ces domaines dans un effort concentré pour développer une théorie de la gravité quantique. Toute approche étayée par des mesures définitives dans l’espace mettrait un terme aux propositions visant à accepter une théorie « post-empirique » sans confirmation expérimentale. Nous pourrions alors entrer en toute confiance dans une ère de « physique post-moderne » qui utilise des
. NDT – Le it représente l’espace-temps des physiciens. Le qubit représente la plus petite quantité d’information quantique (C’est l’analogue quantique de l’élément binaire en informatique).
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outils éprouvés pour nous permettre de comprendre la gravité quantique et d’acquérir de nouvelles connaissances sur la Nature.
DÉFIS ÉNERGÉTIQUES La gravité quantique est le problème difficile de la physique fondamentale, et l’informatique quantique pratique est un problème difficile de la physique appliquée, mais pas le seul. Depuis les années , les physiciens tentent de produire une énergie propre et abondante à partir de la fusion nucléaire. Cela revient à créer sur Terre une étoile artificielle contrôlée dans laquelle les noyaux d’hydrogène entrent en collision et fusionnent en hélium, transformant la masse en énergie selon la formule E = mc. Comme les noyaux d’hydrogène chargés positivement – les protons – se repoussent mutuellement, ils ne peuvent fusionner que s’ils acquièrent de l’énergie cinétique à des températures de plusieurs dizaines de millions de degrés. Aucune structure matérielle ne pouvant contenir un plasma aussi chaud, l’approche a consisté à utiliser des « tokamaks » (le nom vient d’un acronyme russe pour une « Chambre toroïdale avec bobines magnétiques »), de grosses machines en forme de beignet où des champs magnétiques maintiennent le plasma chaud à l’écart des parois qui le contiennent. Aucun tokamak n’a encore créé de surplus d’énergie ou n’a maintenu la fusion pendant plus d’une courte période. Le projet ITER en France, qui construit actuellement un énorme réacteur logé dans un bâtiment de mètres de haut, vise à devenir le premier effort de confinement magnétique à créer plus d’énergie que celle nécessaire pour chauffer le plasma. Il propose de produire mégawatts dans une réaction stable qui utilise le deutérium et le tritium (les isotopes de l’hydrogène ayant respectivement un et deux neutrons dans 157
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le noyau). Mais ITER a subi des dépassements de coûts de plusieurs milliards de dollars et a pris des années de retard sur son calendrier initial, ce qui a entraîné un changement de direction et une baisse de confiance de la part de certains pays membres. Même si ses premiers objectifs sont atteints en comme prévu aujourd’hui, il ne prévoit pas de convertir la puissance qu’il génère en électricité, la prochaine étape essentielle vers une source d’énergie praticable. Une deuxième méthode, le confinement inertiel, vise à initier la fusion en exposant des isotopes d’hydrogène dans un volume de l’ordre du millimètre à un rayonnement extrêmement intense provenant de lasers focalisés du NIF (National Ignition Facility). Après des années d’efforts, les résultats obtenus jusqu’à présent sont décourageants. En , un rapport sponsorisé par le DoE – qui a mis plus de milliards de dollars dans le NIF (le financement a également soutenu des expériences visant à recueillir des données pour les armes nucléaires) – s’est demandé si le projet pouvait parvenir à la fusion tout court. Entre l’incertitude scientifique quant à la faisabilité de la fusion de l’hydrogène et l’érosion possible du soutien gouvernemental après plusieurs décennies infructueuses, les perspectives de résultats à court terme d’ITER et du NIF doivent être considérées comme douteuses. Cependant, d’autres approches sont à l’étude. Plusieurs entreprises privées ont levé des fonds pour développer des modèles de réacteurs de fusion plus petits et moins chers. Une collaboration, entre une entreprise privée et le MIT, prévoit de produire de l’énergie de fusion d’ici quinze ans. Une autre source d’énergie propre, l’énergie solaire, est plus avancée car la conversion photovoltaïque de la lumière du soleil en électricité est un processus établi. Selon un rapport récent du magazine Science, les cellules photovoltaïques 158
LA PHYSIQUE DE DEMAIN : DES QUESTIONS SANS RÉPONSE
pourraient à terme fournir plus d’énergie solaire que ce que le monde utilise actuellement. À l’heure actuelle, bien qu’il existe quelques grandes installations d’énergie solaire, elles ne fournissent au total que % des quelque térawatts ( térawatt = gigawatts = watts) d’énergie électrique que le monde a générés en moyenne en (cf. Figure ) ; mais le rapport estime qu’avec l’adoption rapide des cellules solaires et des projections raisonnables de rendements plus élevés et de coûts plus bas, le photovoltaïque pourrait produire plusieurs térawatts d’ici .
Fig. 15 Une installation photovoltaïque à grande échelle en Chine.
Quelle que soit la façon dont le monde produit son énergie, la physique de la lumière et des semi-conducteurs permettra d’économiser de l’énergie à mesure que les LED remplaceront les sources de lumière conventionnelles, un processus en passe de devenir un succès commercial. Initialement extrêmement chères, les sources LED ont vu leur coût baisser de % entre et . Associées aux économies réalisées 159
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sur la longue durée de vie des LED, ces sources sont devenues très attrayantes. Aux États-Unis, selon le DoE, leur utilisation est passée de % des applications d’éclairage général en à % en . Le DoE prévoit des économies de % de l’énergie utilisée pour l’éclairage aux États-Unis d’ici , avec des avantages globaux en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Malgré tout, la réponse complète à nos besoins énergétiques sera sûrement de combiner une énergie propre avec une plus grande efficacité.
LA CULTURE MATÉRIELLE Une autre voie vers une meilleure utilisation de l’énergie passe par la supraconductivité, qui permet à certains métaux et autres matériaux de perdre toute résistance électrique à basse température. Lorsqu’un courant électrique traverse un supraconducteur, aucune énergie n’est perdue sous forme de chaleur. Cette économie a rendu les bobines supraconductrices inestimables pour transporter des courants élevés dans les électroaimants qui produisent les puissants champs magnétiques nécessaires à l’IRM et à la fusion nucléaire, et pour contrôler les particules chargées accélérées dans le LHC. Dans ces utilisations spécialisées, les aimants supraconducteurs sont refroidis à kelvins avec de l’hélium liquide. Les supraconducteurs seraient également précieux pour les lignes de transmission électrique longue distance qui ne gaspillent pas d’énergie et dans les puissants électroaimants qui soutiennent les trains à sustentation magnétique sans frottement – mais pour ces applications à grande échelle, il est hors de question de les refroidir avec de l’hélium liquide, rare et coûteux. Même le meilleur des supraconducteurs à haute température découverts en doit être refroidi à 160
LA PHYSIQUE DE DEMAIN : DES QUESTIONS SANS RÉPONSE
K (– °C), une température encore peu pratique – bien qu’en , on ait découvert un autre composé qui est devenu supraconducteur à K (– °C), mais seulement à des pressions élevées. La recherche sur ces matériaux se poursuit, à la recherche d’un supraconducteur qui fonctionne à des températures et des pressions ordinaires. D’autres matériaux nouveaux offrent un potentiel technologique supplémentaire. Le groupe appelé « matériaux topologiques » illustre le pouvoir des mathématiques dans l’analyse physique. La topologie est la branche des mathématiques qui analyse les propriétés spatiales qui sont préservées dans une forme lorsqu’elle est déformée en douceur ; par exemple, si vous commencez avec un beignet, peu importe comment vous le tirez et le tordez, il ne présente qu’un seul trou tant que vous ne le déchirez pas ou ne le collez pas à lui-même. Les connexions entre ce phénomène et la physique peuvent sembler farfelues, mais dans les années , des physiciens ont découvert qu’ils avaient acquis de nouvelles connaissances sur la matière lorsqu’ils ont analysé son comportement quantique à l’aide des mathématiques topologiques. Ces travaux ont abouti à l’attribution du prix Nobel de physique aux théoriciens David Thouless, Michael Kosterlitz et Duncan Haldane pour leurs travaux sur les « phases topologiques de la matière ». Grâce à cette approche, les chercheurs ont expliqué des effets quantiques déroutants dans les solides et ont découvert de nouveaux matériaux exotiques tels qu’un isolant électrique qui ne transporte pas de courant à l’intérieur, mais qui en transporte à sa surface ; un « semi-métal » dans lequel les électrons se déplacent extrêmement rapidement sans rencontrer d’obstacles microscopiques ; et un matériau qui laisse passer la lumière dans une seule direction. Ces effets 161
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devraient donner naissance à des composants électroniques plus petits et plus rapides, notamment des dispositifs essentiels aux ordinateurs quantiques, et à des réseaux de fibres optiques plus efficaces. Certains matériaux particuliers sont des composantes importantes des grands efforts déployés dans le domaine des nanotechnologies. Une famille est basée sur l’élément carbone, qui prend différentes formes appelées « allotropes » lorsque ses atomes se lient selon des configurations moléculaires variées ; par exemple, le graphène, une couche bidimensionnelle unique d’atomes de carbone disposés selon un réseau hexagonal. Les propriétés polyvalentes du graphène en ont fait l’objet d’un effort d’un milliard d’euros financé par la Commission européenne. D’autres formes tridimensionnelles sont appelées « buckyballs » ou fullerènes, car elles ressemblent aux dômes géodésiques conçus par l’architecte américain Buckminster Fuller. Les matériaux allotropes comprennent également les nanotubes de carbone, qui sont des feuilles de graphène enroulées en longs cylindres creux de quelques nanomètres de diamètre seulement, soit la taille d’une poignée d’atomes d’hydrogène alignés (cf. Figure ). En tant que molécules uniques, les nanotubes de carbone ont des propriétés inhabituelles. Ce sont les matériaux les plus solides et les plus rigides jamais fabriqués, leur comportement électrique peut être modifié en fonction de la disposition des atomes autour du cylindre et ils absorbent fortement les rayonnements électromagnétiques. Leurs applications vont du renforcement des matériaux à la création de plastiques électriquement conducteurs et de batteries améliorées, en passant par des utilisations optiques. Une entreprise a placé des nanotubes de carbone verticalement sur une surface plane, comme une forêt de minuscules 162
LA PHYSIQUE DE DEMAIN : DES QUESTIONS SANS RÉPONSE
arbres, pour obtenir le « noir le plus noir » jamais fabriqué. Il absorbe , % de la lumière visible ou de tout rayonnement électromagnétique qui le frappe, et peut être utilisé pour rendre les avions furtifs invisibles aux radars. (De plus, les chercheurs ont récemment utilisé la théorie électromagnétique et la technologie photonique pour concevoir des « dispositifs d’occultation » qui peuvent être utilisés pour rendre de petits objets invisibles à la vision ordinaire, ce qui est le plus proche de la création de la cape d’invisibilité d’Harry Potter par la science).
Nanotube monocylindrique
Buckyball
Fig. 16 Les atomes de carbone forment des cylindres à l’échelle nanométrique appelés nanotubes et « buckyballs » ou fullerènes en forme de dôme géodésique.
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LA PHYSIQUE
D’autres applications proviennent des semi-conducteurs et des métaux transformés en nanoparticules d’un diamètre généralement inférieur à nanomètres, lorsqu’ils présentent de nouveaux effets quantiques. Par exemple, le semi-conducteur séléniure de cadmium (CdSe) est luminescent lorsqu’il est excité pour émettre une lumière rouge à une longueur d’onde de nanomètres. Mais lorsqu’il est façonné en « points quantiques », de minuscules sphères de à nanomètres de diamètre, sa bande interdite change avec sa taille et il peut émettre de la lumière de à nanomètres, du bleu au rouge. De même, les nanoparticules d’or et d’argent absorbent la lumière à des longueurs d’onde spécifiques en fonction de leur taille. Les points quantiques semi-conducteurs trouvent des applications dans les sources de lumière LED et laser, les détecteurs de lumière et les cellules photovoltaïques. Toutefois, avec les nanotubes de carbone et les nanoparticules métalliques, leurs possibilités les plus récentes et peut-être les plus importantes à long terme résident dans la biomédecine et la physique biologique.
AVALER LE CHIRURGIEN Lorsque Richard Feynman a prononcé son discours « Plenty of Room at the Bottom » en , il a décrit une contribution potentielle des nanotechnologies comme équivalente de « l’avalement du chirurgien ». Il voulait dire qu’un jour, les gens avaleraient des robots submicroscopiques (les « nanorobots ») pour effectuer des opérations chirurgicales sur des sites spécifiques du corps. De tels dispositifs sont encore loin d’exister, bien que les chercheurs soient en train de mettre au point de minuscules moteurs pour piloter des machines de la taille d’une molécule dans les vaisseaux sanguins et les organes du corps, et qu’un groupe en Allemagne ait 164
LA PHYSIQUE DE DEMAIN : DES QUESTIONS SANS RÉPONSE
construit un prototype de nanorobot millimétrique capable de se déplacer dans un corps sous contrôle magnétique. Nous sommes cependant plus près d’« avaler le médecin », c’est-à-dire d’ingérer des nanoparticules qui permettent de diagnostiquer et de traiter des problèmes médicaux sans intervention chirurgicale. Dans des applications combinant la physique, la chimie et la biomédecine, les nanoparticules et les nanostructures creuses faites d’or et d’argent non-réactifs, de semi-conducteurs non-toxiques ou de nanotubes de carbone peuvent acheminer des médicaments vers des sites corporels spécifiques, par exemple, pour traiter un cancer localisé. En tirant parti des propriétés optiques ajustables des nanoparticules, des efforts sont également déployés pour créer des systèmes d’administration « intelligents » dans lesquels des nanoparticules chargées de médicaments libèrent leur cargaison lorsqu’elles sont déclenchées par une lumière laser. Dans le domaine de l’imagerie médicale, les points quantiques semi-conducteurs peuvent constituer une nouvelle approche lorsqu’ils sont recouverts d’une couche spéciale qui les permet de se lier à des protéines ou des types de cellules particuliers dans l’organisme ; ensuite, activés par la lumière ultraviolette, ils brillent à des longueurs d’onde infrarouges qui pénètrent dans les tissus corporels. Lorsque cette lumière atteint des détecteurs externes, elle fournit des images diagnostiques de structures internes telles que des tumeurs. Ces méthodes ont été testées avec succès sur des souris et sont sur le point de faire l’objet de tests cliniques. Outre les utilisations médicales, les nanoparticules offrent de nouveaux moyens d’examiner les processus biologiques fondamentaux. Par exemple, en , le physicien Brahim Lounis de l’université de Bordeaux et ses collègues ont attaché une nanoparticule d’or de nanomètres à une molécule 165
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de protéine individuelle. Ensuite, à l’aide d’un faisceau laser vert pour chauffer l’or et d’un faisceau laser rouge pour détecter le changement de propriétés optiques qui en résulte autour de l’or, ils ont pu suivre la dynamique de la molécule de protéine pendant qu’elle traversait une cellule vivante. La physique peut également fournir des cadres conceptuels pour s’attaquer à de très grands problèmes en biomédecine. Un exemple en est le traitement du cancer, où l’on pense que la physique et la théorie des réseaux pourraient aider à expliquer les métastases, le processus par lequel un cancer passe d’une tumeur localisée à une propagation dans tout le corps. Les premières recherches dans ce domaine sont en cours.
TROUVER LA RÉPONSE À DES QUESTIONS ANCIENNES Nous espérons et attendons que les recherches en cours dans des domaines spécifiques comme la matière noire et le Modèle Standard, ou l’énergie de fusion et les nouveaux matériaux, répondent à des questions importantes en physique. En prenant un point de vue plus large, nous constatons que nous commençons également à répondre à certaines des questions les plus anciennes que se pose l’Humanité. Les premiers penseurs grecs, et les créateurs de mythes dans diverses cultures, avaient des idées sur la naissance et la fin du monde. Aujourd’hui, la combinaison du Modèle Standard et de la relativité générale, les théories du petit et du grand, donne un aperçu général de l’histoire de la naissance et du développement de l’Univers et peut-être de son avenir – bien que beaucoup reste à compléter, comme trouver et expliquer la nature de la matière noire. Selon la théorie du Big Bang et la relativité générale, cette histoire cosmologique a commencé dans une Singularité, 166
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un point de densité infinie et de température extrêmement élevée. Toute la physique que nous connaissons s’effondre dans de telles conditions, et il se peut que la physique ne soit jamais en mesure de confirmer l’instant exact de la Création ou d’examiner ce qui l’a précédé. Ce manque est l’une des raisons pour lesquelles de nombreuses personnes trouvent le récit scientifique moins convaincant que l’histoire de Dieu disant « Que la lumière soit » et formant l’Univers ; tout le monde ne trouve pas non plus de sens personnel dans l’histoire des origines basée sur la physique. Pour certains, ce sens ne pourra venir que de la religion ou peut-être de la philosophie ; pour d’autres, ce que la physique dit de l’Univers et de la place que nous y occupons constitue la meilleure voie vers une compréhension significative. La question « sommes-nous seuls dans l’Univers ? » a également suscité un intérêt constant. Nous ne pouvons pas encore donner de réponse définitive, mais depuis les dernières années du xxe siècle, nous avons trouvé plus d’eau dans le système solaire que nous ne le pensions, dans des endroits inattendus comme sous la surface des lunes de Jupiter et de Saturne, et sur Mars ; nous avons découvert d’autres systèmes solaires avec des planètes qui pourraient ressembler à la Terre, comme les planètes du système Trappist-, à années-lumière de nous ; et en , des chercheurs ont rapporté que le rover Curiosity de la NASA avait trouvé des composés organiques complexes en forant la surface de Mars – des composés qui pourraient représenter la vie qui y a existé. Avec ces nouvelles connaissances, nous devons conclure que les chances de trouver une vie passée ou présente ailleurs ont considérablement augmenté. Nous en avons également appris davantage sur une autre question qui préoccupait les premiers Grecs, la constitution de la matière. Démocrite défendait la théorie atomique, tandis 167
LA PHYSIQUE
qu’Aristote pensait que le monde était constitué des quatre éléments Terre, Air, Feu et Eau, et que les corps célestes étaient constitués d’un élément différent, l’Ether. Aujourd’hui, les connaissances modernes soutiennent la théorie atomique réductionniste et permettent d’approfondir les connaissances jusqu’au niveau des quarks et jusqu’au niveau de la matière condensée et des formes exotiques de la matière ; pourtant, Aristote n’avait pas complètement tort non plus. Nous avons découvert une forme de matière apparemment différente en regardant le ciel comme il le faisait, et nous n’avons pas encore trouvé de matière noire dans notre propre sphère terrestre. Il est vrai que les idées de Démocrite et d’Aristote étaient plus spéculatives que ce que nous appelons aujourd’hui « scientifique », mais la spéculation devrait tout de même jouer un rôle significatif dans l’avenir de la physique – par exemple, dans le désir de trouver un moyen de dépasser la vitesse de la lumière lorsque nous explorons l’univers. Certes, oui, la théorie de la relativité l’interdit absolument pour un vaisseau spatial en mouvement, et bien que les trous de ver qui donneraient des vitesses effectives supérieures à celle de la lumière soient mathématiquement possibles, nous n’en avons pas trouvé et nous ne voyons pas comment ils pourraient être utilisés dans la réalité. Mais la réflexion et l’élaboration de théories sur ces possibilités, qui doivent toujours être confirmées par l’expérience, ne devraient pas être exclues de l’imagination des physiciens. Notre expérience de la sérendipité, depuis la découverte des rayons X jusqu’à celle du CMB, de l’« effet papillon » et de l’énergie sombre, devrait nous convaincre que nous ne savons jamais comment et quand viendra la prochaine découverte. Ce qui présentait moins d’intérêt pour les premiers Grecs joue aujourd’hui un rôle important dans la manière dont la physique affecte le monde, c’est-à-dire l’application de ses 168
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principes pour produire des technologies que les gens utilisent. J’ai évoqué le yin et le yang de la physique dans la Société, des terreurs de la guerre nucléaire aux utilisations pacifiques de la fusion nucléaire et de l’énergie solaire, en passant par l’utilisation bénigne de la physique en biomédecine. Ces interactions ne feront que croître, comme le montre le nombre de physiciens impliqués dans des travaux appliqués et industriels liés à la technologie. La plupart de ces technologies seront bénéfiques pour l’Humanité ou, du moins, neutres dans leurs effets, mais les physiciens doivent être sensibles à leur rôle spécial et historique dans l’armement nucléaire et la guerre en général. La communauté des sciences biomédicales étudie actuellement les implications éthiques du génie génétique humain avant même que cette technologie ne soit pleinement établie. La technologie de l’armement nucléaire est déjà bien établie, mais la communauté mondiale des physiciens ferait bien de réfléchir à sa place dans un monde où les menaces nucléaires sont nouvelles, et à la manière dont les physiciens pourraient contribuer à les réduire. Il y a ensuite l’avenir de la physique elle-même en tant que profession (pour de nombreux physiciens, plus que cela, une vocation). Son caractère est en train de changer et devrait continuer à le faire, en particulier sa nature fortement masculine. Il serait très bénéfique pour la physique et la société de parvenir à un rapport plus équilibré entre les genres, de sorte que les femmes dans un laboratoire ne soit plus quelque chose d’inhabituelle. Sous l’effet des tendances sociales et des efforts ciblés des sociétés de physique professionnelle et d’autres groupes aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs, le nombre de femmes en physique augmente effectivement, mais pas rapidement. Aux États-Unis, le pourcentage de femmes ayant obtenu un doctorat en physique est passé de % à %, mais 169
LA PHYSIQUE
cela a pris ans, de à . En , une enquête menée dans toute l’Union européenne a montré que les femmes n’occupaient encore que % des postes universitaires de professeur titulaire en sciences naturelles et en ingénierie. Signe encourageant, toutefois, cette même enquête européenne montre que le nombre de chercheuses, tous domaines confondus, a augmenté plus rapidement que le nombre de chercheurs masculins. Autre évolution positive : la discrimination et le harcèlement sexuel à l’encontre des femmes dans les sciences sont pris plus au sérieux, comme l’ont montré des affaires récentes dans des universités américaines et au CERN. Ces tendances suggèrent que, même si cela ne se fera pas en quelques années, grâce à des efforts continus en faveur de l’égalité de traitement, les femmes en physique – et dans toutes les sciences – sont en passe d’obtenir une position plus équitable dans le monde entier. Des considérations similaires s’appliquent aux minorités raciales et ethniques sous-représentées. Leur définition varie selon les pays, mais aux États-Unis, il s’agit des Afro-Américains, des Hispano-Américains et des Amérindiens. Leur nombre en physique a augmenté mais représente encore moins de % des doctorats américains en physique délivrés en , alors que ces groupes formaient près de % de la population américaine en . De nouveaux efforts sont déployés pour recruter davantage de physiciennes et physiciens dans ces rangs, au bénéfice de la physique et pour répondre à l’idéal des États-Unis d’être une société pleinement inclusive – une aspiration que partagent les autres sociétés démocratiques.
UNE ENTREPRISE INTERNATIONALE Une autre évolution de la physique est son internationalisation croissante. Depuis ses racines grecques, la science de la physique s’est développée à travers différentes cultures et 170
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nations pour devenir internationale, du moins dans toute l’Europe, comme le montre le Congrès international de physique qui s’est tenu à Paris en . La présence américaine en physique a été considérablement renforcée par le Project Manhattan pendant la Seconde Guerre mondiale ; ensuite, après la guerre, les États-Unis ont pu se permettre de consacrer à la physique et à la science des ressources que d’autres nations endommagées par la guerre ne pouvaient pas se permettre. Aujourd’hui, la physique est en plein essor dans le monde entier. Des consortiums multinationaux comme le CERN, ITER et l’ESA mènent à bien de grands projets de recherche ; la Chine et le Japon ont tous deux proposé de construire les successeurs du LHC ; et l’Organisation indienne de recherche spatiale (ISRO) prévoit d’envoyer un atterrisseur au pôle Sud de la Lune, encore inexploré, puis d’examiner Mars et Vénus. La Chine, en particulier, est en train de devenir rapidement une grande puissance scientifique. Un récent rapport de la NSF intitulé « Science & Engineering Indicators » indique que la Chine est désormais le pays qui dépense le plus en recherche et développement après les États-Unis. Elle produit également un nombre prodigieux de documents de recherche, ayant par exemple publié environ articles en , contre quelque articles aux États-Unis. La physique internationale s’inscrit dans les meilleures traditions de la science en tant qu’entreprise humaine universelle, mais la force de la recherche en physique et de la technologie qu’elle soutient a également des répercussions importantes sur la compétitivité économique et militaire des nations et sur le bien-être de leurs citoyens. L’évolution du lieu et de la manière dont la physique est pratiquée à l’échelle mondiale pourrait exercer une forte influence sur la géopolitique et l’ordre international futurs. Après tout, 171
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cette quête est soutenue par la société, et la physique devrait également contribuer à la société.
LA QUÊTE Pourtant, la quête pure au cœur de la physique (et de toute science) a sa propre valeur profonde, indépendamment des réalités politiques ou des applications commerciales et militaires. Le voyage vers la compréhension scientifique prend sa place aux côtés de l’art, de la philosophie et de la religion en tant qu’expressions de l’esprit humain qui cherchent à donner un sens à ce qui peut sembler un univers indifférent, voire effrayant. Nos plus grands physiciens l’ont su. Isaac Newton nous a dit qu’il était comme un petit garçon jouant au bord de la mer « alors que le grand océan de la vérité se trouvait devant moi sans être découvert ». Marie Curie a compris le pouvoir de la connaissance dans une citation célèbre qui lui est attribuée : « Dans la vie, rien n’est à craindre, il faut seulement comprendre. L’heure est venue de comprendre davantage, afin de moins avoir peur ». Et Albert Einstein nous le rappelle « L’important est de ne pas cesser de s’interroger. La curiosité a sa propre raison d’être. On ne peut s’empêcher d’être émerveillé lorsqu’on contemple les mystères de l’éternité, de la vie, de la structure merveilleuse de la réalité. Il suffit d’essayer de comprendre un peu de ce mystère chaque jour. »
La physique du futur trouvera des réponses aux questions les plus récentes et les plus anciennes, et aidera l’Humanité également, si elle peut se rappeler et suivre ces sages.
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Références bibliographiques Chapitre Tout commença chez les Grecs « Au même degré de réfrangibilité, I. Newton, Newton’s Philosophy of Nature: Selections from His Writings, H. S. Thayer, éditeur (Mineola, NY: Dover Publications, ), p. . « … a accompli un tour complet de l’hélice du progrès scientifique », J. L. Heilbron, Physics: A Short History (Oxford: Oxford University Press, ), p. . « Age de la correlation » et « ne peuvent pas être une substance matérielle », cités dans F. Cajori, A History of Physics (Mineola, NY: Dover Publications, ), pp. , . « Bien qu’il ne soit jamais sûr d’affirmer que l’avenir de la science physique ne réserve aucune merveille… », A. Michelson, The University of Chicago Annual Register, juillet -juillet (Chicago: University of Chicago Press, ), p. . Chapitre : Ce dont traite, ou pas, la physique Les définitions de l’espace absolu et du temps de Newton, I. Newton, Newton’s Principia: The Mathematical Principles of Natural Philosophy, Andrew Motte, traducteur (New York: Daniel Adee, ), p. .
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LA PHYSIQUE
Les chiffres cités dans les paragraphes « Nous pouvons comparer ce que font les physiciens » sont empruntés à A. K. Wróblewski, « Physics in », Acta. Physica Polonica B , (), pp. -; United States Department of Labor, Bureau of Labor Statistics, « Occupational Employment Statistics », https://www.bls.gov/oes/current/oes. html; American Physical Society, «Official Yearly Unit Membership Statistics », https://www.aps.org/membership/ units/upload/YearlyUnit.pdf (consulté le le mai ). American Physical Society Division of Biological Physics, https://www.aps.org/units/ dbp/biological.cfm. (consulté le mai ). Chapitre : La physique, comment ça marche ? « la cause et l’effet doivent être contigus dans l’espace et le temps… », D. Hume, A Treatise of Human Nature (London: Penguin Books, ), p. . Les commentaires d’ordre mathématiques viennent de E. P. Wigner, « The Unreasonable Effectiveness of Mathematics in the Natural Sciences », Comm. Pure Appl. Math. , (), pp. -. « En , les femmes ne représentaient que… », Patrick J. Mulvey et Starr Nicholson, American Institute of Physics, « Trends in Physics PhDs », https://www.aip.org/sites/ default/files/statistics/graduate/trendsphds-p-..pdf (auquel j’ai eu accès le mai ). « Nous ne pouvons admettre d’autres causes… », I. Newton, Newton’s Principia: The Mathematical Principles of Natural Philosophy, Andrew Motte, traducteur (New York: Daniel Adee, ), p. . « J’étais assis sur une chaise », est cite dans W. Isaacson, Einstein: His Life and Universe (New York: Simon and Schuster, ), p. . « C’est l’espace-temps qui dit à la matière », J. Wheeler, Geons, Black Holes, and Quantum Foam (New York: W. W. Norton, ), p. .
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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LA PHYSIQUE
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177
Lectures supplémentaires et liens Internet Outre les ouvrages énumérés ci-dessous, les lecteurs intéressés trouveront dans d’autres livres de la série « Very Short Introductions », des traitements brefs et ciblés de nombreux sujets de physique abordés ici, qui abordent l’astrophysique, la physique nucléaire, la théorie quantique, la relativité, etc. Chapitre : Tout commença chez les Grecs Florian Cajori, A History of Physics (New York: Dover Publications, ). J. L. Heilbron, Physics: A Short History from Quintessence to Quarks (Oxford: Oxford University Press, ). J. L. Heilbron, The History of Physics: A Very Short Introduction (Oxford: Oxford University Press, ). Donald J. Kevles, The Physicists: The History of a Scientific Community in Modern America (New York: Vintage Books/Knopf, ). Helge Kragh, Quantum Generations: A History of Physics in the Twentieth Century (Princeton, NJ: Princeton University Press, ). National Research Council, Physics in a New Era: An Overview (Washington, DC: National Academies Press, ).
178
LECTURES SUPPLÉMENTAIRES ET LIENS INTERNET
Chapitre : Ce dont traite, ou pas, la physique Robert P. Crease, Philosophy of Physics (Bristol: IOP Publishing, ). Mathias Frisch, « Why Things Happen », Aeon, juin , https:// aeon.co/essays/could-we-explain-the-worldwithout-cause-and-effect (consulté le juillet ). J. Richard Gott et Robert J. Vanderbei, Sizing Up the Universe: The Cosmos in Perspective (Washington, DC: National Geographic, ). The Office of Charles and Ray Eames, Powers of Ten: A Film about the Relative Size of Things in the Universe and the Effect of Adding another Zero (), https://www.youtube.com/ watch?v=fKBhvDjuy (consulté le mai ). Caleb Scharf et Ron Miller, The Zoomable Universe: An Epic Tour Through Cosmic Scale, from Almost Everything to Nearly Nothing (New York: Farrar, Straus and Giroux/Scientific American, ). A. K. Wróblewski, « Physics in », Acta. Physica Polonica B , (), pp. -. Chapitre : La physique, comment ça marche ? Frank Close, The Infinity Puzzle: Quantum Field Theory and the Hunt for an Orderly Universe (New York: Basic Books, ). Walter Isaacson, Einstein: His Life and Universe (New York: Simon and Schuster, ). George Johnson, The Ten Most Beautiful Experiments (New York: Knopf/Vintage, ). Alan Lightman, Great Ideas in Physics (New York: McGraw Hill, ). Royston M. Roberts, Serendipity: Accidental Discoveries in Science (New York: Wiley, ). Eugene P. Wigner, « The Unreasonable Effectiveness of Mathematics in the Natural Sciences », Comm. Pure Appl. Math. , (), pp. -.
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LA PHYSIQUE
Chapitre : La physique appliquée et étendue Philip Ball, Made to Measure: New Materials for the st Century (Princeton, NJ: Princeton University Press, ). Richard B. Gunderman, X-Ray Vision: The Evolution of Medical Imaging and Its Human Significance (Oxford: Oxford University Press, ). Robert Hazen, The Story of Earth: The First . Billion Years, from Stardust to Living Planet (New York: Penguin Group, ). Nano.gov, National Nanotechnology Initiative, https://www. nano.gov (auquel j’ai eu accès le mai ). John W. Orton, The Story of Semiconductors (Oxford: Oxford University Press, ). Michael Riordan et Lillian Hoddeson, Crystal Fire: The Birth of the Information Age (New York: W. W. Norton, ). Scientific American, Understanding Nanotechnology (New York: Time Warner Book Group, ). Neil deGrasse Tyson, Michael A. Strauss et J. Richard Gott, Welcome to the Universe: An Astrophysical Tour (Princeton, NJ: Princeton University Press, ). Chapitre : Une force au sein de la Société Jon H. Else (réalisateur), The Day after Trinity (film, ), https://www. youtube.com/watch?v=VmfCxXnKY (consulté le mai ). Johannes-Geert Hagmann, « Mobilizing US Physics in World War I », Physics Today , (), pp. -. Donald J. Kevles, The Physicists: The History of a Scientific Community in Modern America (New York: Vintage Books/Knopf, ). Stanley Kramer (réalisateur), On the Beach (film, ), https:// www. youtube.com/watch?v=UehCqqMt (consulté le mai ). Stanley Kubrick (réalisateur), Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb (film, ), https://
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LA PHYSIQUE
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Index A Accidents nucléaires 110 Action à distance 79 ADN 49, 102, 107 American Physical Society (APS) 14, 61, 116, 174 Archimède 21 Aristote 20–22, 24, 52, 55, 71, 168 Avions 163
B Becquerel, Henri 33, 83 Bell Telephone Laboratories (Bell Labs) 83–84, 86, 106, 115, 126 Bell, Jocelyn 80 Big Bang (theorie) 51, 61, 84–85, 96, 123–125, 137–138, 146–147, 149, 166, 176 Big Bang Theory, The (la série TV) 138 Biomédecine 109, 117, 144, 164– 166, 169
Bohr, Niels 34, 136 Bombe atomique 10, 37, 122, 130–132, 135–137 Bombe thermonucléaire (à hydrogène) 136 Brahe, Tycho 54, 77 Buckyballs (fullerènes) 162–163 Bulletin of the Atomic Scientists 122
C Cancer 104, 165–166 Carnot, Sadi 30 Cavendish (expérience) 78–79 Cellules photovoltaïques 158, 164 Chaos 52, 71 Constante cosmologique 146 Copenhagen (pièce de théâtre) 136 Copernique, Nicolas (1473-1543) et la révolution copernicienne 23 Cordes (théorie) 38, 40, 64, 73, 90–93, 175 Crookes (tube de) 32–33, 43, 81 183
LA PHYSIQUE
Curie, Marie Sklodowska et Pierre 33, 56, 72, 74, 83, 102– 103, 172 Cyclotron 36, 49
D Descartes, René 25 Dieu 124, 132, 167 Dr. Strangelove 136, 180 Dresselhaus, Mildred 75 Dualité onde-particule 86
E 2
E = mc 45, 114, 138 Eau dans le système solaire 167 Effet « papillon » 71, 168 Effet de serre 101, 109–110, 160 Einstein, Albert 25, 79, 131, 137, 172 Électromagnétisme 30, 46, 56, 59, 70, 88, 109 Emploi des physiciens 13 Énergie propre 17, 109–111, 157– 158, 160 Énergie solaire 109–110, 122, 158–159, 169 Énergie sombre 51, 145–147, 168 Énergie 14, 17, 30–37, 41–42, 44–45, 51, 85–88, 107, 109–117, 143–149, 157–160 Espace-temps 9, 34, 43, 46, 57, 80–81, 90–91, 139, 150, 152, 156, 174 Ether 168 Étoiles à neutrons 150–151 184
European Organization for Nuclear Research (CERN) 14 European Space Agency (ESA) 14
F F = ma 56, 87, 138 Faraday, Michael (1791-1867) 29, 113 Fermi, Enrico (1901-1954) 49, 132–133 Feynman, Richard 88, 116, 164 Fibre optique 115, 155 Fission nucléaire 36, 109–110, 131, 133 Flavin, Dan 140 Flèche du temps 31 Fonction d’onde 87 Fonds diffus cosmologique 85, 146 Foote, Eunice 101 Frankenstein 28 Franklin, Benjamin 28, 113 Franklin, Rosalind 48 Fusion nucléaire 109–110, 157, 160, 169
G Galilée Galileo 24 Galvani, Luigi (1737-1798) 28, 63, 107 Gamma (rayons) 33, 50, 96, 102, 104, 150–151 Gedankenexperiment 79 Géophysique 64, 94–95, 99–100 Gluons 88–90
INDEX
GPS (global positioning system) 14, 61 Graphène 72, 162 Gravité, voir aussi Albert Einstein, Isaac Newton, relativité 25, 34–35, 38, 40, 42, 51, 55, 67, 78–81, 90, 93, 145–146, 149, 155–157 Gravité quantique 40, 67, 90, 93, 155–157 Guerre froide 37, 130, 133–134 Guerres Mondiales I et II 36-37, 103-104, 109, 113, 119, 122, 130, 135, 171
H Hawking, Stephen 137 Heisenberg, Werner et le principe d’incertitude 87, 136–137, 139 Higgs (boson) 9, 44, 49, 89, 143, 145, 148–149 Hubble (télescope) 25, 36, 50, 58, 84, 96, 98, 146, 151 Hubble, Edwin et l’Univers en expansion 25, 36, 50, 58, 84, 96, 98, 146, 151 Hume, David 68
I Ibn al-Haytham (Alhazen) 22, 54, 70 Imagerie médicale 82, 95, 105– 106, 165 Institute of Physics 13, 61, 127, 174
International Business Machines (IBM) 49, 119, 126, 154 International Space Station (ISS) 15, 38, 155 Intrication quantique 154 ITER – International Thermonuclear Experimental Reactor 15, 110, 157-158, 171
J James-Webb (telescope) 151
K Kepler, Johannes 23, 54 Kevles, Daniel 122, 134
L Large Hadron Collider (LHC) 15, 38–39, 49, 58, 134, 148, 160, 171 Lasers 53, 63, 72, 74–75, 95, 100, 108, 110, 115, 141, 150, 152, 158 Leavitt, Henrietta 74 LED (light emitting diode – diode electroluminescente) 15, 111– 112, 141–142, 159–160 Lehmann, Inge 99 Leptons 89, 147, 149 LIGO Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory 15, 57-58, 60, 80, 99, 145, 150 Lois de la conservation d’énergie 31 Los Alamos National Laboratory 73 185
LA PHYSIQUE
LQG la gravitation quantique à boucles 91 Lumière 26–29, 34, 54-55, 88
M Machine à vapeur 31, 46, 125 Maiman, Theodore 71, 114 Manhattan (le Projet) 36, 122, 131, 134, 171 Mars (la planète) 23, 50, 77, 152, 167, 171 Masse 15, 34, 42–45, 56, 69, 78, 80, 88, 132, 145–146, 149, 157 Matériaux topologiques 161 Maxwell, James Clerk 30, 56 Mécanique quantique 17, 25, 34, 49, 53, 66, 86, 94, 116, 136, 155 Mécanique 24–25, 28, 42, 48, 52–53, 56, 62, 66, 71, 93–94 Meitner, Lise 36 Michelson, Albert 32, 70 Microscopie 49, 108 Modèle héliocentrique 23-24 Modèle Standard 38, 50, 64, 67, 70, 73, 81, 89–90, 144–150, 166 Mouvement rétrograde 77 Multiverse (œuvre artistique) 141 Multivers (théorie) 40, 90–91, 147, 175 Musk, Elon 127 Myhrvold, Nathan 128
N Nanomédecine 102 Nanotechnologie 96 186
Nanotubes de carbone 162, 164–165 NASA 9, 15, 25, 50, 58–59, 72, 146, 151–152, 167 National Gallery of Art 141 National Research Council (NRC) 15, 129–130, 144, 178, 181 National Science Foundation (NSF) 15, 72, 171 Neutrinos 147, 149 Newton, Isaac voir aussi gravité, lumière, physique (mécanique) 22, 24–29, 34, 42, 46, 48, 55–57, 68, 71, 77–80, 87, 95, 97, 129, 137–138, 172–174, 177 NIF – National Ignition Facility 15, 110, 115, 158 Noether, Emmy 74
O Occam (le rasoir) 68, 78, 81 Ondes gravitationnelles 9, 57, 72, 80, 99, 145, 150 Oppenheimer, J. Robert 132, 137, 176
P Particules élémentaires 9, 38, 44, 46, 49, 51, 60, 62, 67, 69, 74, 88–90, 96, 134, 147, 149 Photons 34, 86, 88–90, 111–112, 115, 119, 143, 148, 154–155 Physique (fondamentale et appliquée) 119
INDEX
Physique (internationalisation) 170 Physique (mathématiques de) 25 Physique (secteurs connexes) : astronomie, astrophysique et cosmologie 9, 23, 25, 50, 53, 60, 62, 64, 84, 94-97, 99, 123, 128, 144, 150, 178 Physique biologique (biophysique) 63-64, 95, 107-108, 143, 164 Physique chimique 64 Physique de la matière condensée 53, 57, 60, 63, 111 Physique des particules 37–38, 51, 53, 62, 73, 144, 148, 150 Physique en temps de guerre 105 Physique environnementale 64, 95 Physique médicale 64, 94, 101–102 Physique nucléaire 42, 51, 53, 62, 73, 109, 134, 178 Physique post-empirique 91, 156 Physique théorique 19, 56, 58 Physique, classique 29-32, 66-68, 85–86, 125 Physique, moderne 18, 53, 66, 90, 114 Planck, Max 33, 70, 85, 126 Points quantiques 164–165 Positrons 103–104 Prix Nobel (lauréats) 32, 48–49, 69, 72, 75, 81, 83, 86, 101, 103, 105, 112, 115–116, 126, 130, 132, 139, 161 Puces (informatiques) 17, 116, 117
Q Quarks 9, 38, 44, 46–47, 49, 88–89, 147–149, 168, 178 Quatre forces fondamentales 38, 88 Qubit 15, 118, 153, 156
R Radar 37, 60, 113, 130, 152 Radioactivité 33, 62, 83, 101–102 Rayonnement « corps noir » 85 Rayons X 33, 48, 71, 81–83, 95–96, 101–103, 105, 151, 168 Réchauffement climatique 101, 142 Relativité 25, 34, 38, 43, 51, 53, 57, 61–62, 64, 68, 70, 74, 79–81, 87–88, 90, 93–94, 96, 114, 137, 139, 145–146, 152, 156, 166, 168, 178 Renaissance 23, 52 Résonance magnétique nucléaire (RMN) 15, 105–106 Révolution Industrielle (UK) 32, 59, 125 Roemer, Ole 27 ROMY Rotational Motions in Seismology 15, 100, 152 Röntgen, Wilhelm 33, 82 Rubin, Vera 75, 145, 188
S Schrödinger (le chat de) 118, 139 Schrödinger, Erwin et son équation 86–87, 107, 153 187
LA PHYSIQUE
Science des matériaux 111 Semi-conducteurs 17, 60, 87, 111, 115, 117, 159, 164–165 Sérendipité 70–71, 81, 83, 168 Sonar 15, 104, 130 Spectroscopie 97, 105, 108 Star Trek (série à la TV) 138–139 Strickland, Donna 75 Superconducting Super Collider 181 Supraconductivité 160 Supernovæ 146–147, 150 Superposition 117, 119, 153–154 Supersymétrie 150
T Tau (particules) 147, 149 Technologie 9, 31, 50, 59–60, 94–95, 113–116, 121, 123, 125–126, 128, 130, 141–142, 154–156, 163, 169, 171 Teller, Edward 133 Terre, (ses propriétés) 48-50, 99–101 Théorie atomique 21–22, 48, 167–168 Théorie du tout 38, 46, 64, 67, 90, 93 Theory of Everything, The (film) 138 Thermodynamique 30–31, 59, 62, 100, 107–109, 113 Thompson, Benjamin, Count Rumford 22, 30 Transistors 115–116 Transitions atomiques 97 188
Trinity (lieu du test de la 1re bombe atomique) 132, 137, 176, 180 Trous de ver 139, 168 Trous noirs 51, 58, 80, 139, 150, 156 Turell, James 140 Tyndall, John 48, 101
U Union soviétique 37, 133, 136, 188 Univers (propriétés) 152 US Department of Defense (DoD) 14, 72 US Department of Energy (DoE) 14, 120, 154, 158, 160
V Vide (énergie du) 147 Vie ailleurs 144 Von Helmholtz, Hermann 107
W Watson, James 49 Wheeler, John 80, 153 WIMP weakly interacting massive particles 15, 148
Y Young, Thomas 29, 71
Z Zeilinger, Anton 153 Zéro absolu 35, 53, 85, 106, 126