La philosophie des sciences en images 9782759819041

La science est-elle « libre de valeur » ? Comment évolue-t-elle à travers l’Histoire ? La science est partout. Elle nous

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French Pages 176 [179] Year 2017

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La philosophie des sciences en images
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Édition originale : Philosophy of Science, © Icon Books Lts, London, 2011. Traduction : Alan Rodney - Relecture : Gaëlle Courty Imprimé en France par Présence Graphique, 37260 Monts Mise en page de l’édition française : studiowakeup.com

ISBN : 978-2-7598-2096-2 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinés à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences, 2017

2

La nature de la Bête Notre monde est façonné et animé par la science. La quasitotalité des avantages de la vie moderne – des antibiotiques aux ordinateurs, de notre compréhension de l’évolution humaine jusqu’à notre capacité à faire atterrir une sonde sur un satellite de Saturne résultent de la science. Pour la plupart des personnes, le progrès est simplement un autre nom pour les avancées de nos connaissances scientifiques et des bénéfices découlant de nouvelles découvertes en science. Mais qu'est-ce précisément que ce mouvement perpétuel du  progrès ?

Alors qu'il est facile de constater les bénéfices de la science, la science en elle-même est tout sauf facile à définir.

3

La science représente-t-elle « l’objectivité absolue » ? Jusque très récemment, la tradition occidentale percevait la science comme une quête de connaissances objectives de la nature et la réalité. Les scientifiques étaient considérés comme des surhommes quasi religieux, se battant héroïquement contre tous les monstres afin de découvrir la vérité. Et ces vérités arrachées à la nature passaient pour être absolues…

… objectives, non lucratives et  universelles.

4

Comme l’avait décrit un sociologue dans les années 1940, la science reflète le caractère de la nature ellemême : « Les étoiles n’ont pas de sentiments, les atomes n’ont peur de rien. L’observation est objective avec peu d’efforts déployés par les scientifiques pour ce faire. »

Ou, pour citer

J.D. Bernal (1901-1971), historien radical des  sciences…

La science traite exclusivement de rationalité, d'universalisme et de désintéressement.

5

Pouvons-nous nous fier aux scientifiques ? Mais cette image de scientifiques épris et à la recherche de la vérité travaillant pour le bénéfice de l’humanité va à l’encontre de l’opinion qu’a le public de la science et des scientifiques. La plupart des gens ne sont pas « antiscience ». Nous reconnaissons que la science a rendu notre vie plus saine et plus facile. Mais de récentes recherches tendent à démontrer que la plupart des gens se méfient des scientifiques et se font du souci quant aux possibles effets secondaires dangereux de la science.

6

Le public voit les scientifiques non comme des « chercheurs de vérité » désintéressés, mais plutôt comme des êtres compulsifs et étroits d'esprit, centrés sur leur quête personnelle de gloire et de fortune.

La vision des scientifiques qui transparaît dans la littérature populaire et dans les films est encore plus cinglante. Le docteur Henry Frankenstein dans le roman Frankenstein (1818) de Mary Shelley n’est pas le monstre  mais… … un homme de science qui a cherché à créer un être à son image – sans tenir compte de l'existence de Dieu.

Dans Dr Jekyll et Mr Hyde (1886) de Robert Louis Stevenson, Jekyll incarne un jeune scientifique qui découvre une concoction le transformant en son alter ego… … un être maléfique et meurtrier, Mr Hyde. Dans L’Île du docteur Moreau (1896), de H. G. Wells, un scientifique crée des formes de vie vivant dans la douleur et la misère… … nous nous révoltons violemment contre notre  créateur. J'étais . prétendant  auparavant

7

Le rôle principal du film culte Docteur Folamour (1964), incarné par Peter Sellers, est celui d’un scientifique paraplégique nazi…

… qui se trouve guéri miraculeusement alors que le monde plonge dans un Armageddon nucléaire. Docteur  Folamour

Le film Les garçons du Brésil (1978) met en scène de malveillants nazis voulant à tout prix recréer une race d’Hitler.

Dans Batman et Robin (1997), les deux vilains sont des  scientifiques :

le méchant Mr Freeze …

… et l'égarée Miss Poison  Ivy. 8

Pourquoi, alors, les perceptions populaires de la science et des scientifiques diffèrent-elles si radicalement de l’image que ces derniers ont d’eux-mêmes, celle de pionniers brillants qui mériteraient de l’admiration, des financements et une confiance aveugle ? Peut-être parce que la science fait peser des menaces sérieuses sur l’humanité, mis à part apporter des bénéfices. La science nous a donné la bombe atomique, ainsi que des armes biologiques et chimiques de destruction massive.

Elle a également introduit le spectre d'eugénisme et nous a amenés aux portes du clonage humain.

Les retombées de la science, telles que les déchets nucléaires ou la pollution chimique, sont en train de détruire nos écosystèmes à l’échelle locale, régionale et globale. Ainsi, la science nous apporte des bénéfices mais induit aussi des coûts. C’était peut-être dans un effort pour présenter une image moins dépréciée La science, de la science que le physicien prix Nobel c’est ce que font les  scientifiques. Lord Rutherford (1871–1937) a dit : 9

Que font réellement les scientifiques ? Voici quelques exemples de choses négatives que font réellement les scientifiques, telles que rapportées par les médias. Le quotidien britannique The Independent, dans son édition du 26 janvier 1995, section 2, sous le titre « Ils tirent sur des cochons, n’est-ce pas ? » rapportait :

Ne bouge pas… Ça ne te fera pas du tout mal.

10

À Porton Down, établissement de recherche situé en Angleterre, les scientifiques se servent d’animaux vivants afin de tester des armures corporelles. Les animaux étaient solidement attachés à des chariots et subissaient des détonations à 60 ou 75 cm de l’ouverture d’un tube à décharges explosives. Au début, des singes étaient utilisés pour ces expériences, mais les scientifiques ont changé d’avis plus tard et tiré sur des cochons. Par la suite, les animaux étaient tués par balle juste au-dessus de l’œil afin d’étudier les effets de projectiles très rapides sur le tissu cérébral.

Le journal Time, dans son édition de janvier 1994, ainsi que Chip Brown, « Comment le club de science sert le pays » dans Esquire, en décembre 1994, rapportent :

Aux États-Unis, à la fin des années 1940, des adolescents ont ingéré des céréales radioactives au petit déjeuner, des mères d’âge mûr ont reçu des injections de plutonium et des prisonniers ont eu leurs testicules irradiés – le tout au nom de la science, du progrès et de la sécurité nationale. Ces expériences ont été menées jusque dans les années 1970.

Ne bouge pas… Ça ne te fera pas du tout mal.

11

Ron Rosenbaum écrivait dans The Independent du 21 janvier 1995, sous le titre « Même la femme du président des États-Unis a dû poser nue » – réédition de l’histoire telle que publiée dans le New York Times :

Souriez… C'est une . caméra .   cachée !

12

Au cours des années 1950, 1960 et 1970, tous les nouveaux étudiants des deux sexes admis à Harvard, Yale et dans plusieurs autres universités d’élite américaines ont dû se faire photographier nus dans le cadre d’un vaste projet dont le but était de démontrer que « le corps humain, mesuré et analysé, pouvait fournir beaucoup de renseignements sur l’intelligence, le tempérament, la valeur morale et les réussites probables à venir ». L’inspiration derrière ce projet provenait du fondateur du darwinisme social, Francis Galton (1822–1911), qui avait proposé un tel archivage photographique de toute la population britannique. Les données collectées devaient aider à « contrôler et limiter la production d’organismes inférieurs et inutiles ». « Parmi ces derniers, certains seraient punis s’ils se reproduisaient… voire seraient stérilisés. Mais la vraie solution est d’assurer une meilleure descendance – en unissant les hommes d’Exeter ou de Harvard et leurs homologues féminins de Wellesley, Vasser et Radcliffe. » Le biologiste responsable du projet, W.H. Sheldon de Harvard, s’est servi des photographies pour publier son Atlas des hommes.

Ces révélations montrent la science sous une perspective radialement  différente.

Ce que font réellement les scientifiques a été largement disséqué par des historiens des sciences, étudié par des sociologues et des anthropologues des sciences et a été analysé par des féministes et des chercheurs non occidentaux.

Ce travail a donné lieu à un nouvel ensemble de définitions et d'explications de la science…

… Cela contraste avec la propre vision de la science des scientifiques comme une aventure objective qui se tient au-dessus de toute considération de culture et de valeurs.

13

Définitions de la science La plupart des critiques considèrent dorénavant la science comme une entreprise organisée, institutionnalisée et industrialisée. Elle nécessite des financements très conséquents, de grands équipements, sophistiqués et coûteux et des centaines de scientifiques travaillant sur de minuscules problèmes.

Les perspectives d'applications technologiques – le plus souvent à but lucratif – déterminent les choix de projets scientifiques et domaines qui seront financés… … et lesquels en seront  privés.

Au fur et à mesure que les connaissances et le pouvoir fusionnent, la connaissance ellemême se trouve corrompue et devient un instrument de contrôle social et de domination du monde des affaires. 14

Voici d’autres définitions de la science. Steve Fuller, professeur de sociologie, université de Warwick La science est une entreprise sexiste et chauvine qui fait l'apologie des valeurs des mâles blancs des classes moyennes.

La science est la poursuite systématique de la connaissance, indépendamment du sujet étudié. Ce qui est le plus sociologiquement intéressant au sujet de la science est qu'elle établit la norme grâce à laquelle le reste de la société est légitimé. Cette norme est souvent associée aux termes « rationalité », « objectivité », voire tout simplement « vérité ». Quand nous employons ces mots, nous sous-entendons que cette norme de légitimité est, du moins en principe, accessible à tous au sein de la société. Ce n'est tout simplement pas le cas. Le contraire de la science n'est pas l'idéologie ou la technologie, mais l'expertise et la propriété intellectuelle impliquant que la connaissance est privatisée pour un groupe de producteurs et de propriétaires de la connaissance.

Sandra Harding, chercheur féministe en science

15

Le Golem de la science

La science est un golem. Un golem est une créature de la mythologie juive. C'est un humanoïde créé par l'Homme, à partir de glaise et d'eau, avec des incantations et des sortilèges. Il est puissant. Il devient de plus en plus puissant chaque jour. Il obéira, fera votre travail à votre place et vous protègera d'ennemis toujours menaçants. Mais il est maladroit et dangereux. Sans contrôle, un golem peut détruire ses maîtres avec sa vigueur défaillante… Puisque nous utilisons le golem comme une métaphore de la science, notons également que selon les traditions médiévales, cette créature de glaise prenait vie dès que le mot hébreu « EMETH », signifiant vérité, était gravé sur son front - c'est la vérité qui l'anime. Mais cela ne signifie pas qu'il comprend la vérité – loin de là. Harry Collins et Trevor Pinch, sociologue des sciences 16

Le territoire contesté de la science La science est une théologie de la violence. Elle est violente envers le sujet de la connaissance, envers l'objet de la connaissance, envers les bénéficiaires de la connaissance et envers la connaissance en tant que telle.

Ashis Nandy, théoricien culturel indien

La science est devenue la nouvelle religion américaine bien établie.

Toutes ces différentes perceptions et définitions de la science nous renseignent sur une chose :

Vine Deloria Jr, activiste indien lakota et professeur des études amérindiennes à l’université du Colorado

La science constitue un territoire  contesté.

Les différentes affirmations et contre-affirmations sur la nature de la science – contenant toutes une part de vérité – révèlent que les sciences recouvrent des activités très complexes et multicouches. Aucune description unique et simple ne peut révéler sa nature essentielle. Aucun idéal romantique ne peut décrire sa véritable nature. Aucune généralisation à l’emporte-pièce ne permet de découvrir ses dimensions réelles. 17

Les scientifiques comprennent-ils la science ? Jusqu’à présent, les scientifiques avaient une compréhension limitée (voire inexistante) de la manière dont la science fonctionne en pratique. Les scientifiques ont mal compris la science, souvent de manière conséquente. • Ils entretiennent une vision plutôt romantique de l’approche scientifique laquelle, avaient-ils appris à croire, produit comme par magie des affirmations véridiques, neutres, non lucratives et universelles. • Ils pensaient qu’ils évoluaient dans un environnement autonome protégé par un financement d’État. En réalité, les financements pour la science proviennent de plus en plus de sociétés et de fondations avec des intérêts particuliers dans certains projets de recherche. • Ils pensaient que le seul but de la recherche consistait à faire avancer la compréhension et les connaissances humaines. En réalité, la science est poussée par des intérêts militaires, le besoin qu’ont les grands groupes de faire des bénéfices et les préoccupations du public qui ne pouvaient être politiquement ignorées. • Ils avaient tendance à croire que la poursuite des recherches scientifiques n’avait pas besoin de justification. La science devait rester ésotérique dans le fond, sans devoir rendre de comptes, sans lien avec des problématiques culturelles ou sociales, et financée par les seuls pouvoirs publics. Mais les démocraties ne fonctionnement pas de cette façon. • Ils avaient tendance à supposer – à tort – que si le public accédait à davantage de connaissances techniques en science, il accepterait ce qu’ils disaient. Le public se préoccupe souvent de questions éthiques, politiques, de risques et de sécurité – autant de sujets que les scientifiques connaissent très peu. Étant donné que les scientifiques ne connaissent bien que leur domaine d'activité, il n'est pas surprenant que des experts d'autres disciplines – philosophie, histoire, sociologie – aient tenté de combler un vide dans nos connaissances et entrepris des recherches délaissées par les scientifiques. 18

Et c'est ici qu'interviennent les études des sciences…

L’avènement et le développement des études des  sciences

Les études des sciences est un terme générique* qui recouvre un nombre croissant de disciplines et de spécialités issues des sciences sociales et humaines, dont le sujet de recherche est la science.

Les domaines spécifiques d’où proviennent les études des sciences sont l’histoire et la philosophie des sciences.

Ces études ont été fondées par des chercheurs qui avaient obtenu leurs premiers diplômes en physique et en mathématiques au début des années 1940 et avaient effectué quelques expériences militaires pendant la Seconde Guerre mondiale… … et qui petit à petit avaient abandonné la recherche scientifique de première ligne pour des recherches plus historiques et  philosophiques.

* « umbrella term » en anglais

19

Les études des sciences dans les années 1960 Les études des sciences en ellesmêmes ont débuté à la fin des années 1960, en grande partie sous l’impulsion d’historiens et philosophes des sciences, de chercheurs radicaux, d’environnementalistes et de scientifiques concernés, déçus par le fait que la science avait été intégrée au complexe militaro-industriel. On voyait apparaître des programmes universitaires qui intégraient « la science, la technologie et la société ».

Ils provenaient généralement d'universités de sciences et de technologie dans des contextes/cadres d'arts libéraux. Ils tendaient à critiquer le statu  quo.

Les études des sciences ont favorisé des tendances de contre-culture comme « small is beautiful » [ce qui est petit est beau], des sciences radicales et d'autres mouvements concernés par l'attribution de pouvoir aux femmes et aux minorités  ethniques.

Université de Kent State, 1970

20

Vous êtes peut-être petit, mais vous êtes parfaitement  formé.

Diverses approches critiques Le vague amalgame des approches critiques de la science se cachait dans nombre de rubriques différentes, dont… les études des sciences, technologies et sociétales les études de sciences politiques les études sociales des sciences les études des sciences, technologies et développement les études des sciences, technologies et culture la sociologie de la science et de la technologie

Donc… la science radicale… le pouvoir . des fleurs… la politique des étudiants révolutionnaires… l'intégration de la science dans la société… la libération des minorités… le marxisme… le marcusianisme*… Qu'est-ce que tu as dit à propos de la responsabilisation des  femmes ?

En dehors du milieu académique, les études des sciences étaient promues par le mouvement environnementaliste, par des groupes affiliés à « La science pour le peuple » et par divers critiques des sciences marxistes et  socialistes.

Qui  est-ce ? Attendez, il y a un type qui arrive avec une  pancarte.

Ravetz Jerome 29) 9  1 n (né e he Philosop s ce n ie sc des ien (et de b choses) d'autres 

Et  lui ?

* De Herbert Marcuse (1898–1970). 

Dans tous les cas, la mission critique des études des sciences consistait à réformer la science au sein même de la société.

Je crois que tout est expliqué à la page  suivante !

21

Une industrie en croissance Au Royaume-Uni, la première école auto-déclarée d’études des sciences était la sociologie de la connaissance scientifique (ou le « programme fort »), établie au cours des années 1960 à l’université d’Édimbourg. C’était un produit du Premier ministre britannique Harold Wilson (1916−1995)…

Nos efforts doivent établir un rapprochement entre les deux cultures - les sciences et les sciences humaines - à une époque où la science prend de plus en plus d'importance à tous les niveaux de prise de décision politique.

P o r t r a i t d e 22

l’ a u t e u r

j e u n e

Dans les années 1970, c'est l’expansion des universités qui a permis aux études des sciences de devenir une discipline à part  entière.

Les études des sciences ont commencé à adopter les attributs des sciences qu’elles étudiaient, avec des revues spécialisées, des sociétés savantes et des revendications d’autonomie disciplinaire, basées sur l’accumulation de nombreuses « études de cas ».

Conflits au sein des études des sciences Des tensions se sont développées entre les fondamentaux radicaux des études des sciences et les tentatives de les professionnaliser en discipline académique définitive.

Il est intéressant de noter que la Haute Église est peuplée en grande partie de spécialistes de sciences humaines, tandis que la Basse Église comprend une large combinaison de scientifiques professionnels préoccupés par des problèmes sociaux et divers activistes  sociaux.

Une importante distinction au cours du développement des études des sciences s'est opérée entre la « Haute et la Basse Église* »  …

La Haute Église préconisait la transformation des études des sciences en discipline à part…

… tandis que la Basse Église avait pour objectif de transformer les liens entre la science et la société…

Dans la majeure partie du « tiersmonde », les études des sciences ont pris le chemin de la « Basse Église ». Le rôle de la science, ou son absence, tenait une place primordiale dans le « développement » de ces pays.

* Dans les universités anglo-saxonnes, la tradition veut que s’installent, pour manger et échanger, le doyen et les professeurs à la « High Table » et les étudiants à la « Low Table », pour y glaner de bribes de sagesse distillées d’en haut. 

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Critiques provenant de la « Basse Église » Au cours des années 1980, des ouvrages comme, par exemple, Science, Hegemony and Violence [Science, hégémonie et violence] (1988), de Ashis Nandy, et…

… mon propre livre Revenge of Athena, Exploitation and Third World [La revanche d’Athéna, l’exploitation et le tiers-monde] (1988), révélaient l’économie raciale et politique de la science.

À la fin de la guerre froide, les études des sciences se sont affirmées comme discipline  respectable.

Tandis qu’elles devenaient une source d’irritation majeure pour la communauté scientifique, certains scientifiques ont commencé à voir les études des sciences comme un vecteur de défense et d’amélioration de leurs propres pratiques. 24

Une comparaison des origines radicales

J'ai contribué au chapitre sur « La critique des  sciences ».

J'ai contribué au chapitre sur « La politique des sciences et les pays en développement ».

Une manière d’apprécier la transition des études des sciences de matière académique radicale à discipline professionnalisée consiste à comparer le contenu de deux ouvrages importants sur les études des sciences. À sa première édition, qui date de 1977, l'ouvrage :

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… était considéré comme une introduction réellement novatrice.

25

Et c’est ici que nous avons forgé une  alliance.

Voici le contenu du  livre !

26

27

Presque deux décennies plus tard, ce livre (1995) …

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… donne une image quelque peu différente des études des sciences.

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Finies les références à l’histoire, à la philosophie, aux préoccupations institutionnelles et aux problématiques normatives générales. La mémoire historique du domaine – ses racines, y compris dans des mouvements radicaux, de la critique non occidentale et des intérêts particuliers de la « Basse Église » – a été balayée. 28

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Les études des sciences sont devenues aujourd’hui un territoire qui doit être défendu des étrangers.

29

Pourquoi les études des sciences sont-elles  importantes ? Les études des sciences ne sont absolument pas importantes simplement en tant que nouvelle discipline académique empirique ou branche de la sociologie. Leur valeur réside uniquement dans leur qualité de vecteur pour surveiller, critiquer et transformer de manière plus générale notre utilisation de la connaissance.

La leçon la plus importante des études des sciences est que la science n'a jusque-là rien perçu du caractère social de ses propres pratiques.

30

Il s'agit de la source principale des problèmes liés à la société.

Somme toute, les études des sciences ont pour objectif de…

• introduire un discours de valeurs dans la pratique et l’exploitation de la science • ouvrir la pratique de la science à la responsabilité • examiner la démocratique, discrimination notamment à ses sexuelle et raciale prises de décision et innée dans structures de pouvoir le traitement de la science • analyser les sortes Rede questions • chercher à identifier gardez : soulevées par la les conséquences je porte une blouse science, et les de la matrice blanche. types de solutions monoculturelle qui Croyez-moi, je suis recherchées et alimente la science, une scienles suppositions révélant les moyens tifique. qui régissent multiples ainsi que leur exploitation multiculturels de et leurs pratiques faire de la science 31

Une très brève histoire de la science Alors, d’où provient la  science ?

La version officielle place les débuts de la science chez les Grecs de l’Antiquité, les supposés inventeurs de la civilisation  occidentale. Les astronomes grecs ont montré que les éclipses ne constituaient pas des messages envoyés par les dieux, mais étaient simplement dues à l’alignement du Soleil, de la Lune et de la Terre.

32

Avance rapide vers la Renaissance…

Ohé ! Je te  vois !

Il ne s’est rien passé d'autre jusqu’à la Renaissance – les siècles qui se sont écoulés entretemps comprennent l'âge des ténèbres et l'obscurité de la période  médiévale.

Le physicien pionnier Galilée (1564-1642) a montré que « l’homme dans la Lune » correspond seulement à un agencement aléatoire d'endroits plats, plus sombres.

J’ai également pu distinguer les montagnes de la Lune et même calculer leur  hauteur !

33

La grande  marche

À partir de maintenant, nous passons d’un grand scientifique à un autre dans une grande chaîne d'êtres scientifiques – et la science vainc l’ignorance, la superstition et les dogmes.

Le philosophe et mathématicien René Descartes (1596–1650) a montré que l’arc-en-ciel n’était pas un signal de paix envoyé par le Ciel.

34

En vérité, il peut être expliqué par ce qui se passe au niveau des rayons de lumière lorsqu’ils traversent des gouttelettes de pluie. Moi, Descartes, ai également montré pourquoi les arcs-en-ciel forment un cercle autour du Soleil et sont toujours à la même distance de lui.

Des étincelles  divines Le scientifique américain Benjamin Franklin (1706–1790) a montré que les éclairs n’étaient pas une foudre divine, mais simplement une gigantesque étincelle électrique.

Tous les bâtiments devraient être équipés de « paratonnerres » sur leur toit, afin d’attirer l'étincelle, et de bandes métalliques pour amener l'électricité vers le sol sans dommage.

Les premiers paratonnerres placés en haut des églises étaient jugés blasphématoires !

Mais, des églises non protégées continuaient à prendre feu pendant des orages, tuant les personnes en train de prier à l'intérieur. De sorte qu'en quelques années, toutes les églises furent pourvues de paratonnerres ! La science avait vaincu la superstition. 35

La planète des singes Charles Darwin (1809-1882) nous a annoncé la mauvaise nouvelle selon laquelle l’histoire d’Adam et Ève n’était qu’une légende. L’Homme descend des grands singes, au fur et à mesure de manière continue.

Et l’histoire de l’humanité remonte bien plus loin que 6 000 ans conformément à l'histoire de la Bible.

La science est fermement établie comme la seule voie incontestée menant à la vérité.

36

Au xxe siècle, la science régnait en maître. Il a semblé alors que le progrès était inarrêtable. En utilisant la méthode scientifique, les chercheurs ont découvert de plus en plus de choses. On en a déduit les « lois de la nature ». À partir d’elles, les inventeurs et les ingénieurs ont fabriqué les « bonnes choses de la vie » et les sciences médicales nous ont épargné des maladies. Ainsi, l’histoire de la science était présentée La Terre tourne autour et enseignée comme une chronique du Soleil. de grands hommes héroïques et de leurs grandes découvertes. Chacun avait trouvé une chose…

Nicolas Copernic  (1473−1543)

Galilée a découvert… Les lois régissant la chute libre.

Isaac Newton  (1642−1726)



La loi de la gravitation  universelle.

Charles Darwin… L’origine des espèces.

Plus loin et plus fort, accumulant de nouveaux faits et de nouvelles lois, la science est passée du perfectionnement à la plus grande  perfection. 37

La science sur le front Mais après la Première Guerre mondiale, ce récit conventionnel de la science est devenu un peu problématique. Un grand scientifique allemand, Fritz Haber (1868−1934), prix Nobel de chimie, mit au point des gaz toxiques. Utilisés contre d’autres Européens, et pas seulement contre des « indigènes », ils semblaient être une horrible perversion de la science.

Puis la guerre contre le Japon s’est soldée par l’utilisation de la bombe atomique. Et peu importe si cette arme a peut-être été nécessaire pour mettre fin aux hostilités, elle semblait révéler des pouvoirs surnaturels. Avec le développement de la bombe H et des missiles intercontinentaux balistiques, le fruit de la science était désormais capable de tous nous détruire.

Le mouvement antinucléaire avec son « bonbon de la paix » était un constant rappel que la science pouvait très mal tourner.

38

Une catastrophe  environnementale Même quand la science s’appliquait au bénéfice de l’humanité, des conséquences inattendues pouvaient survenir. Le livre Silent Spring [Un printemps silencieux] de Rachel Carson (1963) a prévenu le monde des dangers de la pollution – tous les oiseaux chanteurs avaient déserté les fermes américaines arrosées de pesticides. La tragédie de la thalidomide a révélé que la science au service des entreprises pouvait avoir des résultats catastrophiques. Le mouvement environnementaliste était né et est toujours là  depuis.

39

Les scientifiques peuvent-ils se tromper ? Sur le front philosophique, tout s’est effondré rapidement au cours des années turbulentes de la décennie 1960. Thomas Kuhn commençait à s'inquiéter des erreurs que pouvaient commettre les scientifiques.

Les savants s’accordent tous à dire que moi, Aristote (384-322 av. J.-C.), j’avais tort de croire que les corps en mouvement ralentissaient  « naturellement ».

Après tout, moi, Galilée, ai montré que le mouvement naturel est « inertiel », il se poursuivra tant qu’il n’y a pas d’obstacle à sa progression.

40

Mais Aristote était l’un des plus grands génies de tous les temps. Son erreur pouvait-elle n’être qu’une simple  bévue ?

Une question de paradigmes Un jour de forte chaleur, Kuhn s’est rendu compte qu’Aristote n’avait pas la « mauvaise réponse » au problème de Galilée.

Aristote travaillait sur un

problème différent – au sein d’un autre « paradigme », comme l'appelait Kuhn.

Oh ! 

Le constat de Kuhn signifiait qu'une description de ce qui s'était réellement passé, l’histoire acceptée de la science, ne valait pas plus qu’une brochure pour touristes.

L’enseignement de la science était aussi dogmatique que celui de la théologie, et son histoire aussi fausse que dans le roman de totalitarisme de George Orwell 1984. 41

Des idoles  abattues

Les historiens se sont mis à rabaisser les idoles.

rre a Te ue l e de q é r v t ti mon a tenta t des s dé n mai Soleil. S uveme . a j a e n’ our du r le mo  fausse é l i l Ga ne aut sée su use et f tour ve – ba ait con t on preu es – é tif. S ie é dica ’alchim e mar n i v l t d vil e e vers avaux tait tr ag on é davant ié des ments t w e ocu cop cN llait le Isaa hant a ce. Il a . Des d ncé s val, c a pen la scien arabe manig rand ri and s g t m i que ntifique ’il ava e son he alle 716), d 1 scie vent qu moral hilosop (1646t prou assina ien et p eibniz ociety ue L q s l’as ématic ilhelm Royal S ritanni que h b o mat fried W le de la ences à l’ép i t n Got la féru des sc Newto s sou adémie it Isaac [l’Ac présida relle]. e que ette qu de c a n 94) e no 3-17 l’aid 174 avec anglais ( r e – oisi ygène ux rival Lav x re ). oine ert » l’o n géné 3-1804 t n v A cou e de so y (173 é  d e « nnu estl reco ph Pri e Jos

De toute façon, sa théorie était fausse, car il croyait que tous les acides étaient produits par combustion. avy yD phr ) Hum 8-1829 'il (177 uvé qu o a pr t tort. i ava

Où que l’on regardait, ces grands hommes avaient des pieds d'argile. 42

L’image triomphaliste de la science est tombée du mur et, tel HumptyDumpty de la comptine infantile*, n'a jamais pu y remonter. L’histoire et la philosophie des sciences, au même titre que les études des sciences, ont joué leur rôle en réduisant la science à ses dimensions humaines.

Par où commencer notre récit de la chute de la science de son  piédestal ?

Comme il faut faire un choix, commençons par le cercle de Vienne. * Humpty Dumpty sur un muret perché. Humpty Dumpty par terre s'est écrasé. Et ni les chevaux, ni les sujets du Roi, Ne purent recoller les morceaux. 

43

Le cercle de Vienne : le positivisme logique Établi dans les années 1920, le cercle de Vienne était une école influente dédiée à la philosophie des sciences. À son apogée, il comptait environ trois douzaines de membres, venus des sciences naturelles et sciences sociales, de la logique et des mathématiques. Ses principaux membres, Rudolf Carnap (1891-1970) et Otto Neurath (1882-1945), y voyaient le moyen de faire progresser des idées anticléricales et socialistes. La première publication du Cercle était son manifeste « The Scientific Conception of the World » [La conception scientifique du monde] (1929).

La position du Cercle, défendue dans sa revue Erkenntnis - Knowledge, renommée plus tard The Journal of Unified Sciences [La revue des sciences unifiées], affirme que la métaphysique et la théologie sont dénuées de sens…

Il s’agit d’une proposition qui ne peut être  vérifiée.

Sa propre doctrine, connue sous le nom de positivisme logique voyait la philosophie comme une démarche purement analytique, basée sur la logique formelle, et le seul composant légitime du discours scientifique. 44

L’influence du Cercle Le cercle de Vienne a connu une fin tragique en Autriche. L’un de ses leaders, Moritz Schlick (1882-1936), a été assassiné en 1936. Après l’invasion de l’Autriche par Hitler, les membres du Cercle ont émigré qui vers la Grande-Bretagne, puis vers les États-Unis.

Dans les années 1940, les idées du Cercle étaient largement connues, contribuant à l’émergence d’une philosophie moderne et analytique de la science.

A.J. Ayer (1910-1989), un jeune philosophe britannique de cette école, a écrit Language, Truth and Logic [Langage, vérité et logique] (1936), l’un des best-sellers de philosophie de tous les temps.

Mais on avait oublié – ou effacé – les origines politiques du positivisme. Il paraissait être une doctrine aride proclamant l’infaillibilité de la science. 45

La théorie de la « falsifiabilité » de Karl Popper Karl Popper (1902-1994) avait de faibles liens avec le cercle de Vienne. Il est devenu l’un des philosophes les plus innovateurs après la Seconde Guerre mondiale. Sa théorie de la « falsifiabilité » soulignait le point de vue, alors dominant, selon lequel l’accumulation d’expériences menait à des hypothèses scientifiques - que le cercle de Vienne surnommait une « vérification ». Popper a suggéré que des hypothèses librement formulées précèdent et sont testées par des expériences.

La « falsifiabilité » – le fait de prouver qu’une théorie scientifique est fausse par un seul cas contraire – est ce qui constitue la véritable démarcation entre la science et la nonscience.

46

Contre l'induction Popper a développé ses idées sur la nature de la démarche scientifique dans « The Logic of Scientific Discovery » [La logique de la découverte scientifique] (original en allemand, 1934 ; traduction en anglais, 1959). Il était en désaccord avec les croyances traditionnelles sur Les modèles de l’« induction » – des conclusions « langages scientifiques » générales tirées d’un en semble de qu'élaborent les philosophes prémisses – qui est la base même n’ont rien à voir avec le de toute généralisation en science. langage de la science  moderne.

Aucun exemple particulier, où A se révèle être un B, ne peut établir un principe universel qui énonce que tous les A sont des B. Le « principe universel » peut être réfuté par un seul exemple d’un A qui n’est pas un B.

C'est la seule déduction certaine en science. Popper l'utilisait pour distinguer la science de la non-science ou de la pseudoscience.

Pour Popper, il n’existe pas de chose telle que la vérité finale en science. Au contraire, le progrès scientifique est obtenu par des Conjectures et réfutations (titre de son livre d'essais, publié en 1963). Cet esprit d’autocritique constituait l’essence même de la science pour Popper. 47

La révolution de Thomas Kuhn Thomas Samuel Kuhn (1922–1996) est l’un des intellectuels les plus importants dans le domaine des études des sciences. Né à Cincinnati dans l’Ohio, il a étudié la physique à l’université de Harvard, puis a poursuivi des études supérieures en physique théorique.

Mais avant d'achever ma thèse, j’ai décidé de changer d’études pour l’histoire des sciences…

En 1962, Kuhn publie « The Structure of Scientific Revolutions » [La structure des révolutions scientifiques], considéré aujourd’hui comme un ouvrage déterminant quant à la nature de la science au xxe siècle. C’est aussi la source qui a rendu populaires des expressions à la mode telles que « paradigme », « science révolutionnaire » et (indirectement) « la science post-normale ». 48

La structure des révolutions scientifiques Kuhn explore de grands thèmes en science. Il veut connaître la vraie nature de la science – dans sa pratique réelle – d’une manière concrète et empirique. Il suggère que, loin de découvrir la vérité, les scientifiques résolvent en réalité des énigmes dans des visions du monde bien établies. Cela doit être ce qu'ils appellent un Rubric’s Cube.

J’ai utilisé le terme « paradigme » pour décrire le système de croyance qui soustend la méthode de résolution d'énigmes en science.

Le terme « paradigme » suggère que quelques exemples répandus de pratique scientifique réelle – donnant lieu à des théories, lois, applications et instruments – fournissent des modèles à partir desquels se sont développées des traditions cohérentes spécifiques de la recherche scientifique. Ce sont des traditions que l’histoire décrit comme des rubriques telles que « astronomie ptolémaïque » (ou « copernicienne »), « dynamique aristotélicienne » (ou « newtonienne »), physique corpusculaire (ou « optique ondulatoire ») et ainsi de suite. 49

La science normale Un terme proche du paradigme dans le schéma de Kuhn est la « science normale ». La science normale est ce que les scientifiques font d’ordinaire au sein de paradigmes doctrinaires établis.

C'est la science telle que trouvée dans les manuels.

Les scientifiques se servent de paradigmes pour affiner leurs théories, expliquer des données déconcertantes, établir des mesures de plus en plus précises de normes et pour entreprendre d’autres travaux afin de repousser les frontières de la science normale. 50

La science révolutionnaire La stabilité sereine de la science normale s'est trouvée de temps à autre ponctuée de crises insolubles. Parfois, on atteint un point où la crise ne peut être résolue que par une révolution. La « science révolutionnaire »

prend le contrôle et les vieux paradigmes sont remplacés par de nouveaux… Mais ce qui était révolutionnaire auparavant devient la nouvelle orthodoxie. Et ainsi le cycle recommence.

La science progresse par cycles de science normale suivis de science  révolutionnaire.

Chaque paradigme produit un travail majeur qui le définit et lui donne forme.

« La Physique » d’Aristote, « Les principes » et « L’optique » de Newton, « La géologie » de Lyell sont autant d’exemples de travaux qui définissent les paradigmes de spécialités particulières de science à des moments précis de l’histoire.

Par un contraste saisissant de l’image traditionnelle de la science, c’està-dire comme une acquisition progressive, graduelle et cumulative des connaissances, basée sur des cadres expérimentaux choisis rationnellement, Kuhn présente la science « normale » comme une entreprise  dogmatique. 51

L’ennemi de la science  

Il n’est donc pas surprenant que Structure ait suscité énormément de controverses. Les scientifiques ont été rebutés par sa suggestion que loin d’être des chercheurs de vérité héroïques, ouverts d'esprit, désintéressés et interrogateurs de la nature et de la réalité, ils constituaient Popper plutôt une caste de prêtres spécialisés était parmi les promouvant leurs propres théologies premiers à reconnaître confessionnelles spécifiques. Les l’importance de Kuhn - il philosophes des sciences ont trouvé voyait dans Structure une aussi le relativisme de Kuhn assez menace pour l’avenir de répugnant à leurs yeux. la science.

L’idée que soutient Kuhn concernant la « science normale » représente un ennemi de la science et de notre  civilisation. 52

Par opposition à Kuhn En juillet 1965, Popper et son groupe ont organisé une Conférence internationale sur la philosophie des sciences, avec l’objectif à peine voilé de détruire Kuhn. L’idée de cette conférence, soutenue par diverses institutions − comprenant la British Society for the Philosophy of Science, la London School of Economics et l’International Union of History and Philosophy of Science − prévoyait de confronter Kuhn à toute la puissance conjuguée des philosophes des sciences britanniques.

J’ai survécu.

Les actes de cette conférence, y compris les réponses de Kuhn lui-même, ont été publiés dans Criticism and the Growth of Knowledge [La critique et l’avancement des connaissances]  (1970).

53

La fin des « idées dominantes » Au début des années 1970, Structure était reconnu comme une œuvre véritablement révolutionnaire. Selon Ian Hacking, Structure a mis fin aux idées suivantes… Le réalisme : que la science est une tentative pour découvrir un monde réel ; que les vérités de ce monde sont vraies quoi que les personnes en pensent ; que la vérité en science reflète l’un des aspects de la réalité. La démarcation : qu’une nette distinction existe entre les théories scientifiques et d’autres systèmes de croyance. L’accumulation : que la science est cumulative et se fonde sur ce qui est déjà connu – par exemple, les théories d’Einstein sont une généralisation de celles de Newton. La distinction observateur-théorie : qui défendait l’idée qu’il existe un écart très net entre les observations et les affirmations théoriques. Les fondements : qui soutiennent que l’observation et l’expérimentation fournissent les fondements et justifications des hypothèses et théories. Ça ne fait pas un peu beaucoup de « trucs » sur une seule  page ?

54

La structure déductive des théories : que les tests des théories commencent par des observations déduit(e)s de postulats théoriques. La précision : que les concepts scientifiques sont plutôt précis et que les termes employés en science ont des sens arrêtés. La découverte et la justification : que la découverte et la justification forment deux contextes séparés ; qu’il convient de distinguer les circonstances psychologiques ou sociales dans lesquelles une découverte est faite à partir d’une base logique, pour justifier notre foi dans des faits qui ont été découverts. L’unité de la science : qui veut qu’il n’y ait qu’une science d’un seul monde réel ; les sciences moins approfondies peuvent être réduites à des sciences profondes – la psychologie peut être réduite à la biologie, la biologie à la chimie, la chimie à la physique. Je dirais remplie à ras bord. Qui reprendra du  thé ?

Kuhn est-il radical ? Nul doute que la conférence de Kuhn sur la science révolutionnaire a enflammé l’imagination de nombreux radicaux universitaires dans les années 1960 et 1970. Toutefois, ce serait une erreur de considérer Kuhn comme un radical, ou Structure comme une œuvre magistrale de la pensée radicale. En vérité, Kuhn devrait être appréhendé comme faisant partie de la tradition conservatrice élitiste de la pensée scientifique et politique. Nous devrions le considérer comme opérant à deux niveaux historiques.

1. Le premier niveau concerne le besoin de protéger à la fois l’autonomie et l’autorité de la science dans une période de crise politique – la guerre froide – qui fut témoin d'une suspicion croissante envers la science et de demandes plus appuyées pour son contrôle social. 

2. Le second niveau intègre Kuhn dans une tradition plus large de la pensée politique conservatrice qui remonte à Platon (environ 428347 avant J.-C.), où l’on se méfie de l’implication publique dans la détermination des vérités à travers lesquelles la société devrait vivre. 

55

La naissance de la

Le niveau le plus immédiat est le contexte de la guerre froide duquel a émergé le récit de Kuhn de la science. Kuhn avait été formé à Harvard comme physicien afin de suivre les grandes problématiques de philosophie naturelle qu’Isaac Newton et Albert Einstein (1879-1955).

Mais mon premier travail de physicien consistait à brouiller des signaux de radars allemands pendant la Seconde Guerre mondiale…

56

Cette expérience, combinée à l’explosion des premières bombes atomiques, a marqué le début de la « Big Science ».

« Big Science » voulait dire que la recherche scientifique serait poussée par la technologie – toutes deux en termes de constitution de son programme de recherche et de ses applications au sein de l'ensemble de la société.

Kuhn a échappé à une désillusion complète avec le monde de la physique grâce à James Bryant Conant (1893-1978), président de l’université de Harvard et administrateur en chef scientifique du projet américain de la bombe atomique. Kuhn considérait que Conant était l’homme le plus intelligent qu’il ait jamais rencontré. Conant a trouvé une place à Kuhn dans le Programme d’éducation générale en Science, dont le but était de rendre la recherche scientifique plus attractive aux futurs leaders des États-Unis.

Le soutien à la Big Science L’idée de Conant était que les étudiants voient les projets de la « Big Science » de leur époque à travers les idéaux donnant naissance aux projets de la « Little Science » qui avaient permis aux On ne peut pas sciences naturelles juger de la valeur d’un de l'ère moderne accélérateur de particules En d’autres par son coût ou sa contribution termes, une de faire partie de l’héritage culturel potentielle à l’énergie nucléaire, continuité mais plutôt par les principes de la « quête du monde  théoriques qu'il permet classique » d’un occidental. de tester.

récit unifié de la réalité physique.

En concentrant les esprits des étudiants de la sorte, les futurs décideurs du pays continueraient de soutenir la science sans imposer trop de contraintes  extérieures.

Cependant, Kuhn ne s’est pas rendu compte qu’un récit historique de la science qui ne soulignait pas ses impacts sociaux, économiques ou technologiques serait rapidement accaparé par des scientifiques peu scrupuleux à des fins personnelles

– y compris des praticiens des études des sciences ! Le modèle de Kuhn du changement scientifique a involontairement donné le pouvoir à une cohorte d'enquêteurs, ce qui n’était pas dans les intentions de Kuhn ni de Conant. 57

Cette expérience, combinée à l’explosion des premières bombes atomiques, a marqué le début de la « Big Science ».

« Big Science » voulait dire que la recherche scientifique serait poussée par la technologie – toutes deux en termes de constitution de son programme de recherche et de ses applications au sein de l'ensemble de la société.

Kuhn a échappé à une désillusion complète avec le monde de la physique grâce à James Bryant Conant (1893-1978), président de l’université de Harvard et administrateur en chef scientifique du projet américain de la bombe atomique. Kuhn considérait que Conant était l’homme le plus intelligent qu’il ait jamais rencontré. Conant a trouvé une place à Kuhn dans le Programme d’éducation générale en Science, dont le but était de rendre la recherche scientifique plus attractive aux futurs leaders des États-Unis.

Le soutien à la Big Science L’idée de Conant était que les étudiants voient les projets de la « Big Science » de leur époque à travers les idéaux donnant naissance aux projets de la « Little Science » qui avaient permis aux On ne peut pas sciences naturelles juger de la valeur d’un de l'ère moderne accélérateur de particules En d’autres par son coût ou sa contribution termes, une de faire partie de l’héritage culturel potentielle à l’énergie nucléaire, continuité mais plutôt par les principes de la « quête du monde  théoriques qu'il permet classique » d’un occidental. de tester.

récit unifié de la réalité physique.

En concentrant les esprits des étudiants de la sorte, les futurs décideurs du pays continueraient de soutenir la science sans imposer trop de contraintes  extérieures.

Cependant, Kuhn ne s’est pas rendu compte qu’un récit historique de la science qui ne soulignait pas ses impacts sociaux, économiques ou technologiques serait rapidement accaparé par des scientifiques peu scrupuleux à des fins personnelles

– y compris des praticiens des études des sciences ! Le modèle de Kuhn du changement scientifique a involontairement donné le pouvoir à une cohorte d'enquêteurs, ce qui n’était pas dans les intentions de Kuhn ni de Conant. 57

Feyerabend, l’anarchiste Paul Feyerabend (1924-1994) était l’un des premiers critiques assidus et influents de l'interprétation positiviste de la science. Bien que sa critique de la science soit assez proche de celle de Kuhn, ses positions sont bien plus radicales. Né en Autriche, Feyerabend a eu une carrière diversifiée… … une courte période dans l’armée et avec l’auteur dramaturge communiste Bertolt Brecht (1898-1956), avant que je devienne un philosophe des sciences.

Il débattait brillamment au nom de Popper. Lorsqu’il a participé à la célèbre conférence contre Kuhn, organisée par Popper et son groupe de penseurs, il avait déjà développé des idées radicalement différentes sur la science. 58

Tout est permis La principale idée de Feyerabend était « l’anarchisme épistémologique ». Dans « Against Method » [Contre la méthode] (1975), il soutenait que chaque principe de méthode scientifique avait été bafoué par des scientifiques de renom – Galilée n’étant qu’un exemple parmi d’autres. Ainsi, affirmait-il, s’il existe une méthode scientifique, elle ne peut se résumer que par « tout est permis ».

La science est essentiellement une entreprise anarchique. L’anarchisme théorique est plus humanitaire et plus à même d'encourager le progrès que les alternatives d'ordre public.

Feyerabend le démontre au travers de divers épisodes historiques et par une analyse des relations entre les idées et les actions. Le seul principe qui n’arrête pas le progrès est bien tout est permis. 59

Mêlée générale Pour Feyerabend, la science ne peut revendiquer une supériorité par rapport aux autres systèmes de pensée tels que la religion ou la magie. En tant qu’anarchiste tactique, il donnait des cours à l'université de Berkeley où il était réputé inviter des créationnistes, des darwinistes, des sorciers et autres « colporteurs de vérité » pour qu’ils défendent leurs idées devant ses étudiants. Dans « Farewell to Reason » [Adieu à la raison] (1987), Feyerabend s’en est pris à l’idée même du rationalisme scientifique. La plupart des grands scientifiques et philosophes – de Galilée à Popper – sont des dogmatiques  irrationnels.

L’appel de la science à la raison n’est que vide et  tyrannique. La science doit être subordonnée aux besoins des citoyens et communautés. 60

La sociologie de la connaissance scientifique La sociologie de la connaissance scientifique (SCS) est basée sur la supposition que notre capacité naturelle de raisonnement et nos perceptions sensitives ne sont pas des conditions suffisantes pour produire la connaissance  scientifique.

Que faut-il de  plus ?

Les sociologues qui étudient la science analysent les contenus, le style, les méthodes, les conventions et les institutions pour trouver des réponses.

À l’origine, la science a été exclue en réalité de la sociologie de la  connaissance.

Karl Mannheim (1893-1947), le père fondateur de cette nouvelle discipline, pensait que la connaissance scientifique était universelle – son objectivité transcendait les origines culturelles spécifiques – et par conséquent la science dépassait les frontières de l’investigation sociologique. 61

L’esprit de la science Plusieurs formes de sociologie de la science ont été développées dans ces limites après la Second Guerre mondiale. La plus influente a été celle proposée par le sociologue américain R.K. Merton (1910-2003), qui a systématisé les déclarations normatives de célèbres scientifiques. Le mouvement scientifique du xviie siècle ne résultait pas tant des conditions socio-économiques ambiantes que d’une éthique protestante. C’est une idée que Merton m’a empruntée Max Weber (1864-1920) et à mon livre The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism [L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme]  (1904-1905).

Vers la fin des années 1960, les critiques de Mannheim ont été rejetées sans autre forme de procès par le « programme fort ». 62

Le programme fort Le « programme fort », qui a commencé à l’université d’Édimbourg, était une initiative dans la tentative générale d'établir un pont entre ce que C.P. Snow (1905-1980) a appelé « les deux cultures ». Dans la Grande-Bretagne d’aprèsguerre, les scientifiques et les adeptes des arts et sciences humaines avaient cessé de communiquer entre eux.

L’une des préoccupations du programme fort était de faire en sorte que les scientifiques deviennent plus réceptifs aux préoccupations des  sociologues…

Le but étant de les sensibiliser aux environnements sociaux et culturels au sein desquels leurs travaux avaient lieu et étaient  influencés. L’un des fondateurs du programme fort, David Bloor, dans son ouvrage « Knowledge and Social Imagery » [La connaissance et son image sociale] (1976), a soulevé deux questions fondamentales : Est-ce que les scientifiques, en tant que scientifiques, s'imprègnent de l’esprit social, la sagesse populaire et la culture de leur  époque ?

Dans quelle mesure leur contexte contemporain influence et affecte-t-il leurs  travaux ?

63

Les fondamentaux de la SCS Les défenseurs du programme soutiennent que la SCS possède quatre éléments clefs. 1. La SCS dévoile les conditions – économiques, politiques, sociales, ainsi que psychologiques – qui entraînent des états de la  connaissance. 

2. La SCS est impartiale dans sa sélection des sujets d’étude. Elle accorde autant d’importance à la vraie comme à la fausse connaissance, aux succès comme aux échecs de la science. 

3. La SCS est cohérente (ou utilise la « symétrie ») dans son explication de certains exemples choisis de connaissance scientifique. Elle n’expliquerait pas par exemple une « fausse » croyance par une cause sociologique ou ne ferait pas appel à une cause rationnelle pour expliquer une « vraie » croyance. 

4. Les modèles développés au sein de la SCS s’appliquent aussi à la sociologie. 

À ses débuts, le programme fort était considéré comme vraiment radical et renversant la science.

64

La science comme construction sociale Certains sociologues des sciences avancent que la science est construite socialement et non déterminée par le monde réel ou par quelque « réalité physique ». Ces chercheurs s’appellent les « constructionnistes ». Les constructionnistes étudient certains épisodes historiques ou contemporains spécifiques de la science. Ils entreprennent aussi des « recherches sur le terrain » dans les laboratoires.

Nous interrogeons les « faits » de la science et les « vérités » qu’ils sont censés  exprimer… … mais nous examinons aussi comment le processus de production de la connaissance se déroule réellement en recherche  aujourd’hui.

65

L’effet de la réalité L’étude constructionniste la plus célèbre est « Laboratory Life : Social Construction of Scientific Facts » [La vie au laboratoire : la construction sociale des faits scientifiques] (1979, 1986) dans laquelle Bruno Latour (sociologue français) et Steve Woolgar (sociologue britannique) ont étudié l’histoire détaillée d’un seul fait : l’existence de l’hormone thyréotrope ou TRF (H). Latour et Woolgar montrent que la TRF (H) a de l’importance selon le contexte dans lequel elle est utilisée. Elle prend un sens différent pour chaque groupe de spécialistes – les docteurs en médecine, les endocrinologues, les chercheurs et les doctorants, qui s’en servaient pour faire des mesures biologiques. Pour les spécialistes qui ont passé le plus clair de leur carrière à l’étudier, la TRF (H) représente un sujet d’étude. Mais en dehors de ce réseau de spécialistes, la TRF (H) n’a aucune existence. Latour et Woolgar ont également suggéré que la transformation d’une simple affirmation en un fait est réversible : c’est-à-dire que la réalité peut être déconstruite. On ne peut se servir de la réalité pour expliquer pourquoi une affirmation est devenue un fait puisque c'est seulement après qu’un fait a été construit que l’effet de la réalité aura été constaté. 66

La construction de l’objectivité Avant ce travail de recherche entrepris par Latour et Woolgar, Ian Mitroff a étudié dans « The Subjective Side of Science » [Le côté subjectif des sciences] (1974) les perceptions, les théories favorites et les résultats publiés des scientifiques qui ont analysé les roches lunaires rapportées par l’équipage d’Apollo 11. Dans presque tous les cas, ces scientifiques ont trouvé exactement ce à quoi ils s'attendaient.

C’est bien un morceau de roche, n’estce  pas ?

Mitroff a conclu avec réticence : l’objectivité scientifique n'est autre qu'une mascarade construite  socialement.

67

La tribu scientifique Dans son œuvre phare « The Manufacture of Knowledge » [La fabrique de la connaissance] (1981), Karin Knorr-Cetina a étudié les scientifiques d’un laboratoire comme une tribu vivant dans la jungle.

Cela soulève la question suivante : peut-il jamais avoir de telles choses comme les « faits objectifs »  neutres ? 68

Constructionnisme vs. programme fort Quelle différence y a-t-il entre les constructionnistes sociaux et les adeptes du programme fort ? À la différence des constructionnistes, le programme fort accepte l’existence d’une réalité non problématique qui est explorée avec succès en science. Comme le font remarquer Barry Barnes, David Bloor et John Henry dans « Scientific Knowledge » [La connaissance scientifique] (1996)…

Nous prenons toujours pour acquis que l’« expérience » et la réalité sont là.

Aucune sociologie cohérente ne pourrait un jour présenter la connaissance comme une fantaisie non connectée à l’expérience qu'ont les Hommes du monde naturel.

69

Des observations chargées de théorie Au contraire, les constructionnistes sont d'avis que les scientifiques ne réalisent pas leurs observations de façon isolée, mais toujours dans le cadre d’une théorie bien définie. Ces observations – et l’ensemble des données associées – sont conçues de manière à réfuter ou à valider une théorie donnée.

Et, comme l’a démontré Kuhn, les théories existent au sein de paradigmes. Les observations elles-mêmes n’ont de validité qu’au sein de ces théories  spécifiques.

Ainsi, toutes les observations sont

chargées de théorie. Les théories elles-mêmes sont basées sur des paradigmes chargés de bagage culturel. 70

Le contexte de la « tradition » Les défenseurs du programme fort avancent que ce n’est pas tant les observations scientifiques qui sont « chargées de théorie » mais plutôt les rapports de ces observations. La manière dont

une observation est rapportée dépend de la tradition au sein de laquelle travaillent les scientifiques. L’interprétation d’une observation implique de mettre à profit les ressources d'une tradition.

Deux scientifiques qui travaillent selon des traditions différentes peuvent Selon l’école observer la même chose, mais d’Édimbourg, les rapporter et interpréter théories ne sont pas les mêmes résultats de figées dans le temps. Elles différentes manières. ne peuvent pas non plus être identifiées par un ensemble d’affirmations  arrêtées.

L’association des théories avec les noms de grands scientifiques – la « théorie de Newton », la « théorie d’Einstein » – crée cette illusion. Il vaut mieux considérer les théories scientifiques comme des institutions évolutives. Une analyse détaillée de la « théorie de Mendel » nous montre combien de rebondissements elle a subis depuis que Mendel l’avait formulée pour la première fois. 71

La critique  féminine La recherche féministe en science s’est développée en parallèle de la SCS, ainsi que de la critique radicale de la science en dehors du milieu universitaire. Cela a montré que l’attention portée aux mesures quantitatives, à l’analyse des variations et aux projets impersonnels excessivement abstraits et conceptuels est à la fois une nette tendance masculine mais qui sert aussi à masquer son propre caractère sexué.

La priorité accordée à la pensée mathématique et abstraite, les critères d'objectivité, la construction d'une méthode scientifique et la nature instrumentale de la rationalité scientifique sont toutes basées sur la notion de masculinité idéale.

La critique féministe a débuté par l’exploration de problèmes qui touchaient à la participation des femmes en  science.

72

Les femmes en science La science a systématiquement marginalisé et sous-estimé les contributions des femmes. Les préjugés sexuels commencent en effet au berceau et s’accumulent pendant toute l’enfance, l’adolescence et à l’âge adulte, de sorte que les femmes sont découragées et les hommes encouragés à adopter ces modes de pensée et les activités moteurs nécessaires à l’acquisition de compétences scientifiques, mathématiques et techniques.

Il n’est pas du tout surprenant de constater que moins d’un quart des scientifiques américains sont des femmes.

« La lutte des femmes pour percer en science est à mettre en parallèle avec leur efforts pour percer dans le clergé. Les chrétiens croient traditionnellement que Dieu a écrit deux livres – l’Évangile et la Nature, les deux étant des expressions de Sa Divine Parole. Pendant les deux derniers millénaires, l’étude de l’Évangile était réservée aux hommes. De même que celle de la Nature – l’« autre livre » de Dieu – était essentiellement une tâche masculine. De la même manière que les femmes ont dû se battre pour obtenir le droit de devenir théologiens et prêtres, elles ont dû affronter l’« Église de la science » pour avoir le droit de devenir des scientifiques. » Margaret Wertheim, auteur Qu'est-ce . de « Pythagoras’ que c'était Trousers » encore ? Les gars hériteront de [Le pantalon la Terre ? de Pythagore]  (1995). 73

La ségrégation des femmes en science Les femmes ont commencé à choisir une carrière scientifique entre 1820 et 1920. Cette période a vu la multiplication par mille de la participation des femmes en science aux États-Unis. Mais cette augmentation avait un prix.

Les femmes ont dû accepter un modèle de ségrégation d'emploi et une sousreconnaissance. Nous pouvions essayer d’échapper à ce destin, mais la plupart des femmes n’y sont pas parvenues.

Ok, ok… Oublie ton doctorat et met la bouilloire à chauffer

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Ce modèle était solidement établi. En 1920, en dépit de multiples protestations des féministes, l’expérience subséquente des femmes en science était confinée dans des limites bien définies. Elles étaient confinées à des domaines tels que l’« économie domestique » et la « chimie cosmétique ». L’extension à de nouveaux secteurs était limitée.

La femme invisible dans le laboratoire De nos jours, la plupart des femmes scientifiques se retrouvent à des échelons les plus bas de l’entreprise scientifique, effectuant du travail de base dans les laboratoires. Les femmes scientifiques qui dirigent leur propre laboratoire sont excessivement rares et très peu d’entre elles trouvent les ressources pour entreprendre des recherches indépendantes. Dans la majorité des cas, leur travail est systématiquement sous-estimé par rapport à des travaux comparables menés par des hommes. Un certain nombre d’études ont montré que les travaux scientifiques accomplis par des femmes restent invisibles au regard des hommes…

… quand bien même ce travail est objectivement indiscernable de celui des hommes.

Rejeter les femmes en invoquant des normes de plus en plus contraignantes était un moyen de tenir les femmes à l’écart de la science. 75

La science  androcentrique Le préjudice sexuel est-il simplement une question de gestion de la science ou y a-t-il quelque chose d’inhérent à la science elle-même qui discrimine les femmes ? Les chercheurs féministes de science ont suggéré que le contenu de la science est effectivement Le genre de ses foncièrement  praticiens aide à anti-femme. modeler le contenu de la science.

L'intérêt au sein des sciences biologiques pour la compétition n’est pas sans rapport avec le fait que cette vision de la vie a été développée par des hommes de l’époque victorienne - Darwin et ses contemporains.

« L’entrée des femmes dans le domaine a aidé à apporter de l’équilibre en se penchant aussi sur le rôle de la collaboration. La science souffre quand son contenu ne reflète que les intérêts et les expériences d’un seul groupe social. L’une des raisons pour lesquelles les femmes ne cherchent pas à devenir scientifiques est précisément parce qu’elles n’y trouvent pas grand-chose de pertinent par rapport à leur vie. » Margaret Wertheim 76

Sandra Harding, professeur de philosophie à l’université du Delaware et auteur de l’influent « The Science Question in Feminism » [La question scientifique dans le féminisme], offre une analyse sur la manière dont la science est envahie par des empreintes « androcentriques ». Considérons, par exemple, les théories traditionnelles de l’évolution qui expliquent les racines de nos comportements contemporains. Les origines de la classe moyenne sociale de l’Occident – dans laquelle les hommes font ce que les hommes doivent faire et les femmes restent au foyer pour Dans s’occuper des les premières bébés – se trouvent phases de l’évolution de l’Homme, les femmes dans le lien avec étaient les cueilleuses « l’homme-chasseur » et les hommes partaient des temps  pour rapporter de la viande. préhistoriques. Cette théorie s’est développée à partir de la découverte de pierres ébréchées, apportant, soi-disant, la preuve que les hommes avaient inventé ces outils et s’en servaient pour chasser et préparer le gibier.

Tourne la page pour un point de vue  alternatif.

77

Les femmes fournisseurs Mais nous pouvons considérer ces mêmes pierres avec des perceptions culturelles différentes. Nous savons qu'à l’heure actuelle il existe des cultures où ce sont les femmes qui sont les principaux fournisseurs de leur groupe. Nous pouvons alors soutenir que les femmes se servaient de ces pierres pour tuer des bêtes, dépecer, déterrer des racines, broyer des gousses, ou battre et assouplir des racines afin de les rendre comestibles.

Vous avez dorénavant une hypothèse totalement  différente…

Il faudra revoir toute la théorie des changements de l’évolution.

D’autres développements en science – tels que l’émergence des tests de QI, le conditionnement comportemental, la recherche sur le fœtus et la sociobiologie – peuvent aussi être analysés avec la même logique. 78

Davantage de femmes en science Est-ce qu’une représentation juste des femmes en science changerait quoi que ce soit ? Pour commencer, il y aurait d’évidents avantages  économiques.

Plus de femmes en science ouvrirait également la science à une plus grande gamme de problèmes matériels et sociaux.

Les économies basées sur les connaissances, qui ont terriblement besoin de scientifiques qualifiés, ne peuvent se permettre de gâcher la moitié de leur potentiel  scientifique.

Les problèmes du tiers-monde, par exemple, seraient abordés plus sérieusement et recevraient plus de soutien financier.

Mais la critique féministe va bien plus loin… 79

L'objectivité forte Sandra Harding suggère que les femmes pourraient introduire un biais qui nous éloignerait des méthodes scientifiques conventionnelles d’objectivité vers ce qu’elle appelle une « objectivité forte ». L’objectivité forte requiert que les scientifiques tiennent compte des perspectives d'« éléments extérieurs » dans leurs descriptions et explications du sujet de recherche  scientifique…

Les  x au margin

Chercheurs en sciences  sociales

Les environnementalistes

Les femmes au foyer

Les cultures non  occidentales

L’objectivité forte mène à des points de vue épistémologiques qui se servent des questions fondamentales soulevées par ces groupes marginalisés issus du pouvoir institutionnalisé afin de modeler la recherche et la production de connaissances. 80

L’analyse féministe ne correspond pas à des élaborations culturellement neutres d’expériences sociales vécues par des gens – d’après ce que disent les membres de groupes marginalisés sur leurs vies – mais des réflexions théoriques sur eux-mêmes. Les expériences marginales, et ce que déclarent les gens marginalisés, constituent des guides cruciaux vers de nouvelles questions pouvant être posées sur la nature, la science et les liens sociaux.

De telles questions proviennent de l'écart entre les intérêts marginalisés et la conscience…

… et de la manière dont les schémas conceptuels dominants organisent les liens sociaux, y compris ceux des changements scientifiques et technologiques.

Les épistémologues proposent que l’examen des déséquilibres du pouvoir institutionnel commence par ces vies marginalisées. Cela confère un avantage de taille pour formuler de nouvelles questions. La connaissance qu’a tout un chacun sur le pouvoir institutionnalisé et ses effets sera ainsi étendue. Les études féministes en science et en technologie se sont attelées à de tels projets. 81

Rationalité responsable Défendant un point de vue proche, Hilary Rose, doyenne de la British Science Studies et auteur de « Love, Knowledge, Power » [Amour, connaissance et pouvoir] (1994), a développé l’idée de « rationalité responsable » qui restaure l’attention et la préoccupation au sein de l’objectivité scientifique. Sous couvert d’« objectivité » et de « rationalité », les sciences de la vie ont construit la différence comme étant à la fois naturelle et hiérarchique. Pour nous les féministes, il était important de le contester.

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Le travail reproductif Au cours des décennies 1960 et 1970, quand la culture était obnubilée par la production, l’un des projets principaux des féministes était de mettre en avant la reproduction humaine. Il y avait des versions essentialistes festives et des versions féministes marxistes dans lesquelles la différence entre les hommes et les femmes prenait racine dans le travail reproductif. Les essentialistes comme les féministes marxistes partageaient une vision biosociale selon laquelle les êtres humains dépendants – surtout les petits enfants – ont besoin d’amour ou de rationalité attentionnée pour survivre. Avec cette approche double, la capacité de l'ancienne construction de la rationalité scientifique à exclure l’amour et la responsabilité est affaiblie.

Ainsi, le concept de bébé n'était ni une catégorie biologique, ni une catégorie sociale, mais les deux.

Un tel affaiblissement est crucial si les technosciences, qui sont sur le point de dominer le xxie siècle, doivent être reformulées pour permettre la survie de la « société » et de la « science ». Les environnementalistes sont parvenus, dans leurs efforts pour défendre un système socio-écologique, à adopter une position remarquablement similaire. 83

La critique post-coloniale de la science Tout comme les chercheurs féministes, les critiques post-coloniaux avançaient que de vrais changements ne pouvaient provenir que d’une transformation fondamentale des concepts, méthodes et interprétations de la science – une réorientation complète de la logique de la découverte scientifique.

À la seule exception des chercheurs féministes, la critique postcoloniale était largement ignorée du courant dominant des études des sciences. 84

C’est seulement à partir des années 1990, quand la production quantitative et qualitative pure ne pouvait plus être dissimulée, que les études des sciences post-coloniales ont commencé à avoir un impact sur les études des sciences occidentales.

Les études des sciences post-coloniales sont centrées sur trois axes distincts…

La recherche critique qui explore les rapports entre la science et l’Empire et développe des positions non occidentales sur la science occidentale.

La recherche empirique qui a pour but de découvrir

l’histoire des civilisations et cultures non  occidentales.

La recherche normative qui cherche à développer des discours contemporains sur la science indigène.

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La science et l’Empire britannique La recherche post-coloniale en science vise à établir le lien entre le colonialisme – y compris le néocolonialisme – et les progrès de la science occidentale. Par exemple, dans ses différents ouvrages, Deepak Kumar, un historien et philosophe des sciences indien, a cherché à démontrer que le colonialisme britannique en Inde a joué un rôle majeur dans le développement des sciences européennes. Les Britanniques avaient besoin de meilleurs moyens de navigation, ils ont donc construit des observatoires, financé des astronomes et ont tenu des registres systématiques de leurs voyages.

Il n’est donc pas surprenant que les premières sciences européennes à s'être établies en Inde furent la géographie et la  botanique. D’un bout à l’autre du Raj*, la science britannique a principalement progressé en raison des exigences militaires, économiques et politiques des Britanniques, et non en raison de la rationalité prétendue supérieure de la science ou de l’engagement présumé des scientifiques en quête de vérités désintéressées. 86

* régime colonial britannique qui couvre le sous-continent 

Regardons un instant la devise de l’Imperial College de Londres : « Science is the pride and shield of Empire »

[La science est la fierté et le bouclier de l’Empire].

Mais elle était aussi le glaive. La science et l’Empire se sont développés et ont prospéré ensemble, chacun améliorant et supportant l’autre. En effet, la création de nombre d’institutions de science remonterait au moment où

l’Europe a commencé son aventure impériale. Par exemple, les Écoles de médecine tropicale de Londres et de Liverpool furent établies en 1899 avec pour seul but d’aider les bâtisseurs d’empire. L’étude de ces « maladies tropicales » ne couvrait pas toutes les maladies tropicales possibles, mais seulement celles qui concernaient les intérêts  britanniques.

La médecine tropicale se concentrait sur les maladies tropicales des Européens.

C’est seulement quand elle a été étendue aux indigènes en 1918 que l’on a découvert les maladies endémiques et la malnutrition. Les récoltes tropicales étaient presque toujours des cultures commerciales. 87

La géographie impériale Les ambitions politiques de la Compagnie britannique des Indes orientales nécessitaient des connaissances géographiques précises – d’où la création de la « Geological Survey of India » [Commission géologique de l'Inde, qui bénéficiait d’un appui maximum du gouvernement britannique. Quand les relevés ont été achevés en 1856, on disait que l’ouvrage représentait « la sagesse populaire de l’Empire » et il a servi à justifier la colonisation de l’Inde. La moitié des relevés étaient destinés à l'étude des mines de charbon – puisque c’est cette ressource qui intéressait les Britanniques.

En Égypte et au Soudan, les Britanniques ont ignoré la bilharziose* pendant des dizaines d'années - qui est reconnue aujourd’hui comme une maladie endémique majeure de ces régions. * maladie parasitaire due à un ver (le schistosome)

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Il n’y avait pas d’éducation scientifique dans les colonies jusqu’en 1940. On estimait que les indigènes étaient quelque peu arriérés, employés comme des techniciens ou des assistants de laboratoire, mais jamais compétents pour être des docteurs, des scientifiques ou des chercheurs.

Que s’est-il passé sous le colonialisme ? La science a adopté des politiques spécifiques envers les sciences non occidentales pendant le colonialisme. Les scientifiques occidentaux ont pris pour acquis qu’aucune autre science ne pouvait produire les lois de la gravité ou trouvé des antibiotiques et que seule la science occidentale pouvait révéler toutes les lois de la nature. Une politique de répression impitoyable des sciences non occidentales et indigènes a donc été poursuivie. Plus spécifiquement, la science occidentale s’est appropriée et a intégré la science non occidentale sans reconnaissance. L’agriculture précolombienne, qui a fourni des pommes de terre à pratiquement toutes les niches écologiques européennes, a été intégrée à la science européenne. Les réussites mathématiques et astronomiques des cultures indienne et arabe fournissent un deuxième exemple. La médecine islamique a été presque totalement récupérée. L’aiguille aimantée, le gouvernail, la poudre à canon et bien d'autres innovations technologiques utiles ont été empruntées à la Chine. Une connaissance de la géographie locale, de la géologie, de la faune et de la flore, des systèmes de classification, les médecines, les pharmacologies, l’agriculture et

les techniques de navigation ont été apportées par des traditions de savoir non européennes. Après s’être approprié et avoir plagié les connaissances non occidentales, la science occidentale les a recyclées comme si c’était les leurs. Les sciences non occidentales ont été rendues invisibles en les effaçant de l'histoire. Cela s'est passé au cours du siècle des Lumières quand, par exemple, les philosophes français ont produit leur grande encyclopédie. On a donné le nom d’« âge des ténèbres » à la période située entre les temps classiques anciens et la Renaissance, pendant laquelle il ne s’est tout simplement rien passé. Le préjugé occidental dénigrait, abusait puis supprimait brutalement toute science non occidentale. Dans les colonies, tout ce qui, de près ou de loin, relevait d’une science indigène ou de son apprentissage était déclaré illégal. En Algérie et en Tunisie, par exemple, les Français avaient décrété que la pratique de la médecine islamique était un crime passible de mort. En effet, d’innombrables docteurs islamiques furent exécutés. En Indonésie, les Néerlandais ont fermé toutes les universités et les institutions d’enseignement supérieur et ont rendu illégal le fait d’éduquer les indigènes.

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L’histoire empirique de la science arabe Les études des sciences post-coloniales ont débuté par des travaux empiriques sur l’histoire des civilisations islamique, indienne et chinoise. Au cours des années 1960 et 1970, des travaux originaux sur l’histoire de la science islamique ont révélé à quel point – par sa profondeur et par son étendue – la civilisation musulmane était vraiment impressionnante. Le livre de George Sarton « Introduction to the History of Science » [Introduction à l’histoire des sciences] (1927) en fournissait Mais déjà quelques indices. l’établissement de l’histoire de la science islamique a vraiment pris forme avec l'œuvre monumentale de Fuat Sezgin, « Gesichte des Arabischen Schrifttums » [Visions de la littérature arabe] (nombreux volumes, 1967-) …

… et les efforts des chercheurs en France travaillant avec Roshdi Rashed. Depuis lors, les productions de nombreux chercheurs, y compris les travaux du chercheur turc Ekmeleddin Ihsanoglu sur la science ottomane, ont établi que la science telle que nous la connaissons aujourd’hui aurait été inconcevable sans l’apport de la science islamique. 90

Les sciences indienne et chinoise L’histoire de la science indienne a connu aussi une renaissance semblable, avec la publication du travail bibliographique d’A. Rahman, « A Concise History of Science in India » [Une histoire concise de la science en Inde] (deux volumes), édité par D.M. Bose, S.N. Se et P.V. Sharma.

De même, une impulsion similaire a été donnée à l’histoire de la science chinoise par Joseph Needham dans « Science and Civilisation in China » [La science et la civilisation chinoises] (sept volumes, 1954-), qui a été fondée plus tard sur des travaux indigènes tels que, par exemple, Peng Yoke Ho et son « Li, Qi and Shu : An Introduction to Science and Civilization in China » [Li, Qi et Shu : Introduction à la science et à la civilisation chinoises] (1985). 91

La redécouverte de la science civilisationnelle Finalement, le savoir des sciences postcoloniales cherche à rétablir la pratique des sciences islamiques, indiennes ou chinoises à l’époque contemporaine. Il existe, par exemple, tout un discours dans la science islamique moderne qui est consacré à l’exploration de la manière dont une science basée sur les concepts islamiques de la nature, de l’unité de la connaissance et des valeurs, de l’intérêt général, etc., pourrait être façonnée.

Ça alors. Déjà de l'or !

Dans mon livre The Touch of Midas [Le don de tout transformer en or] (1984), une notion contemporaine de la science islamique a été développée pour la première fois. Elle a été élaborée plus tard dans Explorations in Islamic Science [Explorations dans la science islamique] (1989).

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Un cadre pour la science islamique La reformulation contemporaine de la science islamique est basée sur une matrice conceptuelle dérivée du Coran. Ces concepts génèrent les valeurs de base de la culture scientifique islamique et forment un périmètre à l’intérieur duquel la science progresse. Les concepts en question sont au nombre de dix, quatre autonomes et trois paires  tawheed (unité) d’oppositions…

khalifah (tutelle) ibadah (culte)

Positif

halal (louable) – haram (indigne) adl (justice sociale) – zulm (tyrannie)

Négatif

ilm (connaissance)

istislah (intérêt général) – dhiya (gaspillage) Quand nous traduisons cette liste en valeurs, ce système de concepts recouvre la totalité de la nature de la recherche  scientifique.

Il intègre les faits et les valeurs, et institutionnalise un système de connaissance basé sur la responsabilisation et la responsabilité  sociale. 93

Tawheed et Khalifah Comment ces deux valeurs façonnent-elles les activités scientifiques et  technologiques ? Habituellement, le concept de tawheed se traduit par « unité de Dieu ». Il devient une valeur universelle quand cette unité s’inscrit, d’une part, dans l’unité de l’humanité, l’unité de la personne et la nature et, d’autre part, dans l’unité de la connaissance et des valeurs. Du tawheed émerge le concept de khalifah : que les mortels ne sauraient être indépendants de Dieu mais sont responsables et doivent rendre compte à Dieu de leurs activités scientifiques et technologiques.

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La tutelle implique que l’« Homme » n’a aucun droit exclusif sur quoi que ce soit et qu’il est responsable du maintien et de la préservation de l’intégrité de sa demeure tout au long de son séjour sur Terre.

Ibadah : la contemplation non violente Mais ce n’est pas parce Si l'entreprise que la connaissance scientifique est un acte de contemplation – une ne peut être forme de culte –, il va sans recherchée pour dire qu’elle ne peut impliquer l’exploitation pure aucun acte de violence de la nature, que envers la nature ou la création. nous sommes réduits au rôle passif En effet, d’observateur. elle ne peut mener au gaspillage (dhiya) Au contraire, la ou à n'importe quelle contemplation forme de violence, (ibadah) est oppression ou une obligation, tyrannie (zulm)… car elle mène à une prise de … ou être poursuivi conscience du avec un quelconque but indigne (haram). sens du tawheed et du khalifah. C’est cette contemplation qui sert de facteur intégrateur pour l’activité scientifique et un système de valeurs islamiques. L’ibadah, ou la contemplation de l’unité de Dieu, prend plusieurs formes, dont la plus importante est la poursuite de la  connaissance. Elle ne peut être basée que sur des buts louables (halal) au nom du bien public (istislah) et pour la promotion globale de la justice sociale, économique et culturelle (adl).

Un tel cadre a propulsé la science islamique à son apogée dans l’histoire sans restreindre la liberté de recherche ou produire des effets négatifs sur la société. La recherche actuelle, qui vise la redécouverte de la nature et le style de la science islamique, aurait un effet formidable aussi bien sur la politique que sur le contenu de la science dans le monde musulman. 95

À la redécouverte de la science indienne Un discours Si les habitations semblable sur la ne peuvent être bâties qu’avec du ciment et de science indienne l’acier, alors on ne pourra a émergé au peut-être jamais espérer cours des années fournir des hébergements 1980 et 1990. Il est pour tous. fortement associé aux nombreux groupes universitaires et radicaux impliqués dans l’organisation périodique du Congrès sur les sciences et technologies traditionnelles de l’Inde.

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Si nous incluons aussi la grande variété de médecine avérée, de pratiques et principes qui ont été associés traditionnellement dans les services de santé de notre société, alors la situation des ressources sur le plan des services de santé ne paraît pas aussi sombre que cela semblent  aujourd’hui.

La perspective en est radicalement modifiée si nous incluons la grande variété de matériaux et techniques utilisés traditionnellement par notre peuple.

Marcher sur deux pattes

Si nous incluons la large gamme de matériaux et de techniques employés traditionnellement par nos fermiers pour assurer la fertilité des sols, le contrôle des nuisibles, de meilleurs rendements, etc., dans la liste des ressources dont nous disposons  aujourd’hui… … alors la perspective d’améliorer considérablement la production de nourriture d’une manière clairement écologique et économique peut ne pas sembler aussi décourageante qu’elle nous paraît  aujourd’hui.

Nous reconnaissons que le peuple indien possède une grande variété de compétences et connaissances qui, si elle est bien comprise et reconnue, pourrait contribuer de manière significative aux efforts et tentatives de production. L’Inde a souffert longtemps du joug de la « pénurie de ressources » en grande partie parce qu’elle ne reconnaissait pas l’existence d’une base de ressources indigènes traditionnelles. Le terme « ressources » n’englobait pour les Indiens que les matériaux, les processus, les compétences et les théories qu’utilisait l’Occident après avoir atteint sa pleine modernisation et sa domination À vos internationale. Restreindre l’Inde marques… à ces seules options, c’était presque Prêts ?…  comme participer à une course avec Partez ! les deux pieds solidement attachés. 97

La vision occidentale de la nature La principale critique post-coloniale de la science concerne ses hypothèses de base sur la nature, l’Univers, le temps et la logique. Toutes ces hypothèses – comme l’affirment des critiques post-coloniaux tels que les chercheurs indiens tels que Ashis Nandy et Claude Alvares – sont ethnocentriques. Dans la science moderne occidentale, la nature est considérée comme hostile, quelque chose qui doit être dominé. Le « désenchantement de la nature » occidental constituait un élément crucial du passage d’une mentalité médiévale à une mentalité moderne, de la féodalité au capitalisme, de l’astronomie de Ptolémée à celle de Galilée et de la physique d’Aristote à celle de Newton. Dans cette vision, l’Homme est en dehors de la nature, à un niveau supérieur, prêt à la dompter. La nature révèle ses secrets sous la  « torture ».

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D’autres visions de la nature Cette vision de la nature contraste nettement avec celle d’autres cultures et civilisations. Dans la culture chinoise, par exemple, la nature est considérée comme une entité autonome qui s’autoorganise indépendamment de l’Homme. Dans l’islam, la nature est une responsabilité qu’il faut respecter et cultiver. Les personnes et l’environnement constituent un continuum – un tout  intégré.

 

La conception des « lois de la nature » dans la science occidentale moderne s'est dessinée à partir de croyances religieuses judéochrétiennes et de la notion politique absolutiste dans l'Europe moderne à ses débuts d'autorité royale  centralisée. L'idée selon laquelle l’Univers serait un gigantesque empire, gouverné par un « logos divin », est totalement incompréhensible aussi bien pour les Chinois que les Hindous.

Dans ces traditions, l’Univers est ce à quoi les humains sont directement associés et qui fait écho à leurs  préoccupations.

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Les hypothèses qui façonnent la science De la même manière, tandis que la science moderne conçoit le temps comme La science linéaire, d’autres cultures le moderne repose considèrent comme cyclique, sur la base de la règle booléenne « ou », tel que dans l’hindouisme, en tenant compte de ou comme une sorte de « si/ou » de la logique  tapisserie qui mélange le aristotélicienne… présent et l’éternel de l’au-delà, comme dans l’islam. X est soit A soit  non-A.

X n’est ni A ni non-A, ni à la fois A et non-A, ni ni A ni non-A.

La logique hindoue quadruple est à la fois symbolique et une logique de cognition, et peut produire la formulation précise non ambiguë d’affirmations universelles sans quantification. 100

Dans l’hindouisme, la logique peut être quadruple, voire  septuple…

Les hypothèses métaphysiques de la science moderne la qualifient d'occidentale de par ses principales  caractéristiques.

Qu’est-ce qui est supposé être « efficace » ? Les hypothèses métaphysiques de la science occidentale sont reflétées dans son contenu. Certaines lois de science, comme des physiciens indiens ont commencé à le démontrer, sont formulées de manière ethnocentrique et raciste. La seconde loi de la thermodynamique, si essentielle à la physique classique, peut illustrer ce point de vue.

En raison de ses origines industrielles, la seconde loi de thermodynamique présente une définition du rendement qui favorise les hautes températures et l’attribution de ressources à la grande industrie.

Le travail* effectué aux températures ordinaires est, par définition,  inefficace**.

* au sens  thermodynamique ** de faible  rendement





La nature et le monde non occidental seraient perdants si cette nouvelle définition leur était appliquée strictement. Par exemple, la mousson – qui transporte des millions de tonnes d’eau à travers le souscontinent – est « inefficace » puisqu’elle fait son travail à des températures ordinaires. De même, l’artisanat et les technologies traditionnels sont qualifiés d’inefficaces et de marginalisés. 101

Les hypothèses de différences génétiques En biologie, le darwinisme social est un pur produit des lois des théories évolutionnistes. La recherche génétique semble obsédée par la manière dont les variations génétiques rendent compte des différences parmi les personnes. Bien que nous partagions entre 99,7 et 99,9 % des mêmes gènes avec tout le monde, la recherche génétique s’est focalisée sur l’infime fraction de gènes qui sont différents, afin de découvrir des corrélations entre les caractéristiques raciales, telles que la couleur de la peau, ou l’intelligence ou encore des comportements « suspects ». Des pressions sociales éclairées mettent souvent les éléments raciaux de la science sur la touche. Faites-moi confiance, je suis un scientifique. Non, vraiment… Faites-moi confiance. Mais la métaphysique inhérente à la génétique assure qu’elles réapparaissent sous une nouvelle forme. Voyez comment l’eugénisme ne cesse de réapparaître avec une régularité persistante. La mise en place de tests de QI, le conditionnement comportemental, la recherche sur le fœtus et la sociobiologie sont autant d’indices de l’existence d’un biais racial inhérent à notre science moderne. 102

L’économie raciale de la science Étant donné les hypothèses eurocentriques de la science moderne, il n’est pas surprenant de découvrir que ses bénéfices soient distribués de manière disproportionnée aux groupes déjà privilégiés en Occident, à leurs alliés partout ailleurs, et les coûts répartis de manière disproportionnée à tous les autres.

Les améliorations apportées à l'armée, à l'agriculture, à l'industrie, à la santé et même à l’environnement bénéficient aux gens déjà privilégiés d’origine  européenne…

Tandis que les coûts sont supportés par les pauvres, les minorités raciales et ethniques, les femmes et les gens qui se trouvent à la périphérie des réseaux économiques globaux et politiques.

103

La valeur de la science La science dans les pays en voie de développement a toujours reflété les priorités occidentales.

Les besoins et exigences de la classe moyenne de la société occidentale sont  accentués.

Plutôt que les besoins, exigences et états de notre propre  société.

104

En l’espace de cinq décennies de développement de la science, la plupart des nations du tiers-monde n’ont rien à montrer pour cela. Les bénéfices de la science refusent tout simplement de se propager jusqu’aux pauvres.

Le mythe de la neutralité Même si nous devions ignorer tous les autres arguments et preuves, la revendication même de la science moderne d’être sans but lucratif et neutre la désigne comme ethnocentrique et comme une entreprise typiquement occidentale. Le fait de revendiquer et de maximiser une neutralité culturelle est en soi une valeur culturelle occidentale  spécifique.

En essayant délibérément de cacher ses valeurs sous le tapis, en prétendant être neutre, en tentant de monopoliser la notion de vérité absolue, la science occidentale s’est transformée en une idéologie dominante et dominant.

Les cultures non occidentales n’attribuent pas de valeur à la neutralité en soi, mais accentuent et encouragent les liens entre la connaissance et les valeurs.

Les biais inhérents à la science sont examinés de près par un mouvement académique appelé épistémologie sociale.

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L’épistémologie sociale L’épistémologie sociale a émergé dans les années 1980 comme Pour mouvement critique préoccupé par l'épistémologie des questions fondamentales sociale, la science est la sur la nature profonde de la poursuite systématique de la connaissance, qu’elle connaissance. Le fondateur de soit du monde naturel l'école d’épistémologie sociale, ou humain. Steve Fuller, et ses étudiants s’efforçaient de concilier les approches normatives et empiriques de la science.

Les approches normatives sont soutenues traditionnellement par des philosophes qui se préoccupent de la manière dont la science « devrait être »  …

106

… alors que les approches empiriques ont été exercées par des historiens et des sociologues qui étudient comment la science « est  réellement ».

Tandis que les philosophes mettent en avant désespérément des normes idéalisées, les historiens et les sociologues évitent de tirer des conclusions politiques de leurs études.

« L’épistémologie sociale essaie de concilier les deux approches. Elle cherche à développer un sens plus holistique de la recherche, plutôt que les formes de connaissance étrangères l’une de l'autre, qui composent les cours des universités moyennes. » Steve Fuller 107

Ce que demande l'épistémologie sociale…

Quelle sorte de connaissance voulons-nous ? Dans quels buts ? Qui devrait le  « produire » ? Pour  qui ? Comment devrions-nous l'utiliser ?

Ne le laisse pas  partir !

108

Ce thème a été exploré de diverses  façons…

Cela a impliqué de mettre en place des forums où Dans la revue différentes perspectives Épistémologie sociale disciplinaires doivent dont je suis l’éditrice, nous essayons de faire interagir les unes avec cela régulièrement. les autres sur des sujets de préoccupation commune. Ce sera seulement en dépassant les frontières entre disciplines et les jargons que nous pourrons avoir une vision plus complète des complexités des problèmes modernes en science.

Notre ultime espoir est de pouvoir à la fois diriger nos recherches dans les mondes naturel et social tout en étant responsables des besoins de la société.

109

La communication scientifique Une autre façon de poursuivre l’épistémologie sociale est de promouvoir l’importance de la rhétorique dans les programmes scolaires, en particulier en encourageant des spécialistes des études des sciences à rejoindre des programmes de « communication scientifique » au cours desquels des personnes déjà diplômées en science cherchent à intégrer la branche des « relations publiques » de la science.

Traditionnellement, ces programmes étaient destinés à révéler tous les bénéfices de la science, tout en masquant ses coûts.

Depuis qu’ils nous ont rassurés sur notre fuite radioactive locale, je me sens très  bien !

Les pour et contre de la recherche scientifique sont discutés de telle façon que cela encourage le public à se demander « qu'est-ce que cela lui  apporte ».

110

Cependant, dans le climat plus sceptique d'aujourd’hui, ils sont devenus les vecteurs des renégociations du contrat social des sciences avec le public.

Multiculturalisme et connaissance scientifique L’épistémologie sociale a été l'instrument de promotion du multiculturalisme Par exemple, l’islam a beaucoup comme vecteur permettant à apprendre à l’Occident d’entrevoir des fins alternatives sur la manière dont une et des moyens d'organiser forme holistique de la production de nouvelles recherche peut être  poursuivie. connaissances. Cependant, le Le Japon but ici est moins de préserver une fournit un exemple « connaissance locale » particulière, dans la voie opposée, comme dans les expositions des la connaissance musées, que de permettre à une étant purement  instrumentale. culture d’apprendre des succès et échecs des pratiques de production de connaissance d’autres cultures.

En aucun cas, la connaissance n’est poursuivie que « pour elle-même », comme les épistémologies occidentales l’auraient souvent fait.

111

La guerre des sciences Pendant une grande partie de la seconde moitié du xxe siècle, les scientifiques ont accepté les critiques des sociologues des sciences, des constructionnistes sociaux, des épistémologues sociaux, des féministes et des chercheurs post-coloniaux avec – oserions-nous dire – quelque grâce. Ils ont continué à faire comme ils l’avaient toujours fait, avec de temps à autre le soutien d’une personnalité scientifique – souvent Steven Weinberg – qui défendait les bonnes vieilles valeurs de la science. Mais dans les années 1990, le désenchantement du public pour les sciences atteint un niveau record… Des défenseurs des droits des animaux ont commencé à mettre des piquets de grève devant les  laboratoires.

Le financement pour la Big Science, tels les projets de superaccélérateurs supraconducteurs, commençait à être plus restreint. Une véritable attaque a été lancée contre les « critiques de la science ». 112

Pour la défense de la science Une vaste coalition de scientifiques, scientifiques sociaux et autres chercheurs, s’était mobilisée pour défendre la science au travers d’une série de conférences fastueuses bien financées et promues. La plus efficace fut la conférence « Flight from Science and Reason » [La fuite devant la science et la raison] qui s'est tenue à New York au cours de l’été 1955 et parrainée par l’Academie des sciences de New York. La science est la cible d’une menace sérieuse de la part des sociologues, des historiens, des philosophes et des féministes qui travaillent dans le domaine des « études des sciences et  technologies ». Nous combattons les « théories sociales » de la science et nous déclarons que l’épistémologie féministe est une pure perte.

La critique de la science est d’une « ineptie courante » et la plupart des critiques de la science sont des  « charlatans ».

Et la conférence de déclarer que les problèmes sont ceux de la raison et de son application en science – et leurs statuts de nos jours. 113

Contre la « gauche académique » Les défenseurs de la pureté de la science étaient convaincus qu’il existait un complot ourdi par la « gauche académique » contre la science.

La gauche académique – un segment de taille considérable et influent de la communauté académique américaine – n’aime pas la  science.

Un travail beaucoup cité, de Paul Gross et Norman Levitt, « Higher Superstition : The Academic Left and its Quarrels with Science » [Plus grande superstition : la gauche académique et ses querelles avec les sciences] (1994), est devenu un manifeste non officiel des défenseurs de la science. L'hostilité s’étend jusqu’aux structures sociales à travers lesquelles la science a été  institutionnalisée… … et au système éducatif qui produit les scientifiques  professionnels…

… et à une mentalité qui, à tort ou à raison, est considérée comme une caractéristique des  scientifiques.

114

Il y a une hostilité publique venue de la « gauche », qui vise non seulement le contenu actuel de la connaissance scientifique mais aussi l'hypothèse – que l’on pouvait supposer universelle parmi tous les gens éduqués – selon laquelle la connaissance scientifique est raisonnablement fiable et repose sur une méthodologie solide.

L’hostilité médiévale des critiques de la science constitue un rejet clair du plus solide héritage du siècle des Lumières et un déni du progrès. Il est devenu évident que les scientifiques étaient prêts à porter leur attaque loin sur le territoire  ennemi.

115

Sokal entre en scène (côté jardin) La revue de l’université de Duke Social Text est probablement l’un des instruments les plus sacrées de la brigade des études culturelles. Sur la couverture du numéro printemps/été 1996, nous lisons :

Salut ! Regarde toute cette  place !

116

rtie ant pa s. Fais tiquement e c n ie  poli s sc es rre de tre le « s étud La gue mpagne con la théorie de sujets a t de la c , l’histoire e plus en plus ans ce  » D e t c d e t r n r so co de utieux. iences olitique min drew Ross, c s s e n d p A e n r d e a s m a te ép à un ex spécial édit alités influen nces ie n o c r n s é o s s m r e u n ses pe culturelle d dans la u e r b et nts nom éro : sociale ts réce e num l'étude nt aux déba ontribué à c Martin, e c ily répond e. Ont ainsi e Fuller, Em thy n v ro li e o t ip S D c r, g, dis Hardin ngdon Winne n Traweek, a r d n a o a r S el, L e, Sha el Kov Rose, Hilary George Levin rd Lewin, Jo ess L a Nelkin, ranklin, Rich ndrew Ross, F A , h Sara owitz al. y Aron Stanle et Alan Sok w Levido

L’éditeur de la revue, Andrew Ross, décrit la science comme une nouvelle religion et rejette l’ouvrage « Higher Superstition » comme un travail superficiel appartenant à la tradition savante de droite bien établie qui « crie au loup ». Après les déclarations orthodoxes de la curie romaine – le collège de cardinaux des études des sciences – vient la curieuse contribution d’Alan Sokal, un professeur de physique de l’université de New York, intitulée « Transgressing the Boundaries : Towards a Transformative Hermeneutics of Quantum Gravity » [Transgresser les frontières : vers une herméneutique transformable de la gravité quantique]. L’article est un peu inhabituel – même avec la tradition constructionniste d’un relativisme extrême. Il suggère que (pi), loin d’être une constante et d'être universelle, est en réalité relatif à la position de l’observateur et donc sujet à une « historicité  inéluctable ».

La bibliographie ressemble à un « Who’s Who » des critiques de la science et n’a que très peu de rapport avec le contenu de l'article. De plus, elle comprend des citations honteusement élogieuses tirées des travaux d’Andrew Ross et de Stanley Aronowitz, éditeurs de la revue. Pourtant, les éditeurs de Social Text eux-mêmes n’y ont vu que du feu.

C’était un canular. 117

Blitzkrieg sur le post-modernisme Quand Sokal révéla son canular, la « guerre des sciences » a été rendue publique sous le feu des médias. Sokal a renforcé son canular avec « Intellectual Impostures » [Impostures intellectuelles] (1997) où il s’attaque à toute la gauche postmoderne française. Youhou ! Des cibles faciles, les  amis !

Des têtes de turc les bras  ballants !

Attrapons-les !

C’était l’ouverture de la chasse à Jacques Lacan, Julia Kristeva, Bruno Latour, Gilles Deleuze et Jean Baudrillard.

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Au-delà du canular Le canular de Sokal démontre ce que bon nombre de critiques radicaux et post-coloniaux de la science avaient déjà soupçonné.

L’influence autoritaire des études culturelles sur les études des sciences a mené à une situation où n’importe qui peut s'en sortir au nom de la « critique postmoderne ».

La devise de Feyerabend « Tout est permis » peut désormais s’appliquer aux études des sciences  elles-mêmes. 119

Au-delà du canular Le canular de Sokal démontre ce que bon nombre de critiques radicaux et post-coloniaux de la science avaient déjà soupçonné.

L’influence autoritaire des études culturelles sur les études des sciences a mené à une situation où n’importe qui peut s'en sortir au nom de la « critique postmoderne ».

La devise de Feyerabend « Tout est permis » peut désormais s’appliquer aux études des sciences  elles-mêmes. 119

La compréhension de la science par le public Mais ne laissons pas la guerre des sciences, ou la profonde subjectivité des positions défendues par certains constructionnistes, nous distraire des vrais problèmes : le pouvoir et l’autorité de la science, ainsi que la nature basée sur un jugement de valeur. La fureur de l’institution scientifique est basée sur la prise de conscience croissante que l’autorité traditionnelle de la science est en train de rapidement s'éroder.

La nature hégémonique et les valeurs de la science ont été totalement mises à nu.

D’où la grande préoccupation dans les sphères scientifiques de la compréhension de la science par le public. 120

la légitimité de la science comme étant l'unique voie vers l'objectivité et la vérité a subi des dommages irréparables

Le mouvement Public Understanding of Science [Pour un public éclairé en termes de sciences] (PUS) a émergé dans les années 1990. Il était défendu par l’institution scientifique elle-même et a reçu un important financement d'instituts de recherche et d'agences gouvernementales. Il est basé en grande partie sur l’hypothèse selon laquelle si le public a une meilleure compréhension de l’aspect technique de la science, il manifestera un meilleur respect envers la science et les scientifiques.

À ce stade, nous souhaitons rassurer nos lecteurs sur le fait que nous ne ferons pas de blagues en dessous de la ceinture sur l'acronyme de cette organisation. Les chaires de PUS étaient établies en Grande-Bretagne et aux États-Unis, les « chaires » étant offertes ordinairement aux chercheurs les plus dogmatiques et  fondamentalistes. C'est à moi que tu  parles ?

Et une grande priorité était donnée à la « recherche sur la communication en science », parrainée par la science.

121

Publicité versus responsabilité L’intitulé « PUS » a été utile pour décrire un continuum d’activité. À une extrémité, on trouve les personnes, y compris quelques scientifiques, qui considèrent la PUS comme une opération de relations publiques, voire même comme un moyen de convaincre des publics que les sujets controversés de la science ne sont pas problématiques. À l’autre extrémité de ce continuum, on trouvera les personnes, y compris les scientifiques D’après moi… intéressés par la responsabilité publique, « La science c’est bon pour  vous ». qui souhaitent voir s’instaurer un vrai dialogue sur l’avenir de la recherche. L'exercice des relations publiques tend plus à faire de la publicité, pour des raisons évidentes, que des efforts pour voir davantage de responsabilité sociale et de dialogue.

Dans divers projets de PUS, les scientifiques sont encouragés à acquérir des compétences en communication afin qu’ils puissent s’adresser intelligemment au public. Les journalistes sont encouragés à rapporter la science de manière plus précise et large. 122

Un bref rappel de notre promesse de ne pas faire d’humour suppurant à propos de cette nomenclature. Maintenant… Retournez-vous  coucher.

Dans l’ensemble, la communauté scientifique fait preuve la plupart du temps d’une grande indifférence vis-àvis des représentations médiatiques de la science. Puis, quand des problèmes controversés sont soulevés par les médias – par exemple la modification génétique –, les scientifiques chargés des relations publiques se précipitent pour « limiter les dégâts » et contrôler les termes du débat.

Généralement, les scientifiques sont amusés et intrigués par la manière dont ils sont représentés dans les médias. Mais cela ne les perturbe pas du tout.

À bord d'un navire, il y a les scientifiques qui abordent les médias de façon plutôt  Sur l’autre navire, instrumentale. il y a les journalistes qui tendent à flatter les scientifiques.

La connivence étroite entre les journalistes scientifiques et la communauté scientifique a donné lieu à une fausse représentation de la science – qui ignore à la fois la contingence de la connaissance scientifique Dorothy Nelkin et son contexte social [1933-2003], et politique. sociologue des sciences, université de New York

123

Comment la science a changé

124

Le cœur du financement

ion de te xplorat Que l’e plus importan é soit sant l’espace problèmes de es des s r v le u que s pa és… ulation des pop iers défavoris t r qua ille Qu’il fa elopper dév e g a ou t n a dav cléaire ance nu la puiss ergie solaire. l’én cement Le finan é, provenant e iv r p r u e les, vis du sect e multinationa rches e d h c t e u r o t s sur ement le ter des naturellrraient rappor ces. qui pou endes en espè divid

s rincipale ources p éricain, s is o tr am rait dénomb gouvernement iale, on le d nnait n o  : o ti is n m n e tats-U l subv guerre É a r e u é d a d de ce n é e o f c h t se emen echerc la moitié ndaient n r r e e d la v Après la s e u d o lu bo cement és. Le g 953 et 1978. P fonds a de finan et les universit e1 se. Ces n tr et des e n f t e é n e e D h ie c m verne pour la recher u l’industr e o la h g herche c e r d le e r 60 % p de ec us par la rech n m it a te a h u n c r o s de 50 à e le ts nc nt ment co s établissemen ) et élargissaie finance s de é , s iv r é p it s e . r e e m des univ s (publics com sécurité militair ire la r to u a r o o p b s la autre e tr n e l, fédéra 125

Le financement de la recherche d’entreprise Après 1978, le financement privé pour la R&D a commencé à dépasser celui du gouvernement. Au début des années 1990, les sociétés ont financé plus de la moitié de toute la recherche aux États-Unis. Aujourd’hui, les dépenses industrielles en R&D sont deux à trois fois plus importantes que les dépenses fédérales. Par conséquent, la majorité des recherches menées dans les universités américaines est financée dorénavant par l’industrie.

Cela a non seulement de graves répercussions sur l’éthique de la recherche, la responsabilité et les conflits d’intérêt, mais fait que la science est soumise aux intérêts commerciaux.

126

Ce sont désormais les impératifs du marché et du secteur privé qui poussent les progrès scientifiques et technologiques et déterminent ce qui doit être financé ou non.

Ma chère, voulez-vous que je vous donne quelques  liquidités ?

L'appât du gain La science est le profit. Et le profit détermine souvent l'orientation de la science. L’ancien complexe militaroindustriel est en train d’être remplacé par le complexe sociétésuniversité-laboratoire privé. La science est devenue simplement une autre marchandise, produite pour être vendue.

La science et le profit forment un joli  couple.

C’en est donc fini de nous.

Adieu  l’intégrité.

Mais ce mariage heureux s’adresse à quels besoins en  réalité ?

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Quelle orientation pour la science ? Le mariage de la science avec le profit devient visible dans le délaissement de la physique au bénéfice de la biologie à l’issue de la guerre froide. Aucune firme privée n’a jamais subventionné un grand accélérateur de particules, tandis que la cartographie du génome humain a été propulsée avec impatience par des intérêts privés aux États-Unis et en Grande-Bretagne. La découverte d'une nouvelle particule élémentaire ne rapporte aucun profit immédiat

Qui veut encore du  caviar ?

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Tandis que le génome humain représente une mine inépuisable de produits innovateurs  commercialisables.

Sur quoi l’attention scientifique se focalise-t-elle ? La science à but commercial possède deux caractéristiques principales. Elle se focalise sur certains domaines de la recherche aux dépens d’autres ; et elle émet des revendications de propriété sur ce que la plupart de nos sociétés considèrent comme du « savoir commun » et des individus considèrent comme leur propriété privée intrinsèque.

En général, cela signifie que les problèmes du tiersmonde, où les profits sont limités, attirent rarement l’attention des chercheurs.

Mais puisque profits et glamour sont associés, cela signifie aussi que les causes glamour, généralement celles avec le soutien de célébrités, font l’objet d’une attention particulière. 129

L'intérêt des « problèmes des célébrités » Il existe plus de 200 formes de cancer, mais seuls certains types reçoivent en même temps de l’attention et des financements. En GrandeBretagne, par exemple, le cancer du sein est devenu une cause célèbre - il bénéficie de la majeure partie des fonds disponibles de même qu’une grande couverture médiatique. Pourquoi ? Simplement parce qu’il est soutenu par une bande de top-modèles et de célébrités à la poitrine rebondie. Mais le cancer colorectal, troisième plus grosse cause de mortalité en Grande-Bretagne, se place au bas du classement, dans tous les sens du terme. Vous ne trouverez pas de star de cinéma sexy associée au cancer colorectal, n’est-ce  pas ?

130

Ou avec un cancer des poumons… car elle devrait alors écraser ses mégots de Marlboro light superchics  coupe-faim !

La science à but lucratif définit aussi « le problème » de manière très spécifique. Par exemple, « le problème du cancer » est purement réduit à « trouver un remède ». Cela signifie que les bénéfices de la recherche scientifique reviennent exclusivement à certains groupes, notamment aux entreprises  pharmaceutiques.

Toutefois, si la fonction de la recherche scientifique peut être envisagée comme un moyen pour débarrasser la société des problèmes du cancer, d’autres groupes pourraient peutêtre profiter des efforts de recherche…

On essaye d'insister sur des recherches ayant trait à la nutrition, au tabac, aux industries polluantes et autres. 131

Population et pauvreté De même, les « problèmes des pays en voie de développement » sont mesurés en termes de « populations ». La recherche se focalise sur les systèmes de reproduction des femmes du tiers-monde, sur les méthodes de stérilisation et sur de nouvelles méthodes de contraception – qui mènent à des produits occidentaux qui peuvent être vendus dans les pays en voie de développement.

Sors de là. Dépêche-toi ! On a besoin de toi pour désherber notre parcelle de  millet. Cependant, si la pauvreté avait été identifiée comme la cause principale de l'explosion démographique, la recherche aurait pris une direction totalement  différente.

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On essaierait d’insister sur la recherche de voies et moyens pour éradiquer la pauvreté, développer des logements à bas prix, mettre en place des systèmes de base et bon marché pour prodiguer des soins et distribuer des médicaments et encourager les technologies qui créent des emplois (plutôt que celles qui génèrent des profits).

Faire breveter les connaissances La marchandisation de la science a donné lieu à une ruée vers l’or Un éminent des brevets. Absolument tout scientifique ayant donné une nouvelle « définition ce qui peut avoir une utilisation de la vie » avait réellement est maintenant breveté, y projeté de faire breveter compris l'essence même de sa définition… la vie – séquences d’ADN – ainsi que des techniques de laboratoire.

Mais par la suite, j’ai décidé que cela relevait d’un travail divin…

Ohé… Fais  attention !

Ces nouveaux problèmes sociaux relatifs aux abus de la science rendent les débats épistémologiques de la « guerre des sciences » totalement  antédiluviens.

C’est bien dans les pays en voie de développement que la nouvelle nature prédatrice de la science est la plus évidente. Le brevetage de ressources génétiques non occidentales a commencé avec les margousiers, comme nous allons le voir maintenant. 133

Le margousier Techniquement connu comme l’Azadirachta indica, le margousier est un arbre robuste, à feuilles persistantes, à croissance rapide qui orne tous les villages des régions les plus arides du sous-continent indien. Un ancien traité en sanskrit, l’Upavanavinod, qui traite de la sylviculture et de l’agriculture, décrit comment le margousier peut être utile pour protéger les plantes des pestes, guérir le bétail et la volaille malades et fortifier les sols. Divers textes de la médecine yunâni islamique recommandent le margousier comme contraceptif 100 % efficace, appliqué intravaginalement avant un rapport  sexuel.

On y trouve aussi des recettes pour préparer toute une gamme de remèdes destinés à soigner diverses maladies telles que la lèpre, les ulcères, les diabètes, les problèmes de peau et la constipation. D’autres textes ont identifié le margousier comme étant un insecticide efficace contre les sauterelles, la cicadelle brune, les nématodes, les larves de moustiques, les scarabées et les charançons du cotonnier. 134

Au début des années 1970, un marchand de bois américain avait remarqué que les pesticides à base de margousier utilisés par les fermiers indiens étaient bien plus efficaces que ceux importés d'Occident. Il a procédé à des tests de sécurité et de rendement d’un extrait de pesticide de margousier appelé Margosan-O et a fait breveter le produit en 1985. Trois ans plus tard, il a cédé le brevet à W. R. Grace and Company, la compagnie multinationale spécialisée en chimie. C'était la porte ouverte à… Avec l'opposition croissante aux pesticides synthétiques à l'Ouest, le margousier est devenu extrêmement  attractif.

Entre 1985 et 1995, plus de 37 brevets ont été délivrés en Europe et aux États-Unis pour utiliser et développer des produits à base de margousier – y compris du dentifrice à base de  margousier !

Ainsi, ce qui était gratuit et disponible dans la nature – on estime à 14 millions le nombre de margousiers en Inde seulement – et utilisé depuis des siècles par l’Asie du Sud-Est est devenu la propriété des entreprises multinationales. 135

L’appropriation de la connaissance indigène La science à but commercial est impliquée dans le dépôt de brevets de ressources génétiques non occidentales, la connaissance indigène et l’enseignement ancien. Les fèves du Mexique, le riz thaï ou riz jasmin des Philippines, le quinoa de Bolivie, l’ayahuasca d’Amazonie, les patates douces d’Afrique de l’Ouest… ont tous fait l’objet de « revendications de propriété » abusives. Absolument tout, depuis le plasma germinatif du bétail aux médecines bien établies, la connaissance indigène de la flore et de la faune, et même le sang, peut potentiellement être breveté.

Et les pirates ici ne sont pas seulement les entreprises multinationales et les organisations de recherche  gouvernementales… Même des universités respectables, ainsi que des profiteurs scientifiques particuliers, viennent vivre dans des communautés indigènes sous prétexte de la « recherche » – puis ils chapardent, font breveter et vendent leurs « inventions » à de plus grandes entreprises. 136

Les chercheurs ont mis à profit les connaissances locales des fermiers du Gabon pour identifier une variété particulière de baies d’arbre très sucrées d’Afrique de l’Ouest. Le principe actif de ces baies a été ensuite étiquetée en tant que protéine appelée « brazzéine » que l’on dit être 2 000 fois plus sucrante que le sucre et donc un candidat idéal d'édulcorant naturel à basse calorie. Entre 1994 et 1998, quatre brevets ont été obtenus pour la protéine brazzéine. Plusieurs compagnies multinationales produisent désormais des produits à base de brazzéine.

L’Homme de Del Monte, il a dit : « Tu peux arrêter de les faire pousser maintenant, nous fabriquons notre édulcorant en  laboratoire. »

Les populations d’Afrique de l’Ouest n’avaient plus à se soucier de faire pousser leurs baies pour le développement  commercial.

137

Une appropriation intensifiée Dans certains cas, des systèmes entiers indigènes sont pris d'assaut. Pendant des siècles, les communautés mayas du Mexique ont développé un riche système sophistiqué de connaissances médicales. Les scientifiques utilisent ce système pour orienter leurs recherches. Des interviews sont menés auprès des « docteurs sorciers » et des « chamans » mayas, leurs herbes sont collectées et analysées, et leurs recettes médicales examinées minutieusement. Un grand nombre de nos produits à base de plantes et de nos procédures médicales sont maintenant  brevetés.

Même des cellules sanguines provenant de tribus indigènes ont fait aussi l'objet de  brevets. La lignée de cellules sanguines de la tribu Hagahai qui vit en PapouasieNouvelle-Guinée, porteuse d’un virus qui peut déclencher une leucémie, a été brevetée pour développer un remède contre la leucémie. 138

La connaissance en Mode 2 Cette marchandisation totale de la science et sa domination croissante par des intérêts commerciaux et de consommation transforme également la science de l’intérieur. La production classique de la connaissance scientifique, générée dans les limites d'une seule discipline dans un contexte cognitif, est en train d’être remplacée par un nouveau système. Ce nouveau système a été nommé « production de la connaissance en Mode 2 ». Dans leurs actes de conférence The New Production of Knowledge [La nouvelle production de la connaissance] (1994), Michael Gibbons et ses collègues décrivent plusieurs attributs de la production de la connaissance en Mode 2. • Le travail scientifique se sera plus limité aux institutions classiques telles que les universités, les établissements de recherche gouvernementaux et les laboratoires d'entreprise. Il y a une augmentation du nombre de sites où la connaissance sera produite. Le travail scientifique sera entrepris aussi par des centres de recherche indépendants, des laboratoires industriels, des groupes de réflexion et des cabinets-conseils. • Ces sites seront reliés de différentes façons – électroniquement, sur le plan organisationnel, socialement et informellement – au travers de réseaux de communication fonctionnels. • Il y aura une différenciation simultanée au niveau de ces sites de champs et domaines d’étude, en spécialisations de plus en plus fines. La recombinaison et la reconfiguration de ces sousdisciplines de spécialisations forment les bases pour de nouvelles formes de connaissance utiles. Décidément, je me sens très  fongible !

Moi  aussi.

C'est moi les  gars !

« Par conséquent, la plupart des scientifiques vont devenir des salariés contractuels ; ils travailleront au sein d’équipes temporaires de chercheurs « fongibles », réunis spécialement pour s’atteler à un problème particulier et, à chaque fin de projet, redéployés ou jetés. Les chercheurs deviendront totalement prolétarisés au fur et à mesure qu’ils perdront leur propriété intellectuelle, aussi bien en termes de compétences en recherche basées sur des paradigmes stables que de droits à disposer de leurs résultats. » J. Ravetz 139

Les conséquences de la connaissance en Mode 2 Le « Mode 2 » sera un abandon radical des formes de structures sociales que la science avait prises au cours des siècles passés. Plusieurs problèmes émergents dans ces nouveaux rapports sociaux peuvent être identifiés. Par exemple… • Qui va garantir… la conservation du secteur « académique », qui reste nécessaire pour les formations et la créativité, lorsqu’il sera inévitablement assimilé au nouveau mode de production de la connaissance ? • Qui va garantir… le maintien d'un contrôle qualité, quand les compétences classiques informelles de la « communauté », les convenances et les sanctions sont vidées de leur sens dans une entreprise totalement « marchande » ? • Qui va garantir… la survie de l’indépendance et de la critique, quand la gestion d’éléments perturbateurs n’a plus besoin de la terrible menace d’un renvoi, mais simplement du contrôle plus subtile de la liste noire ? • Qui va garantir… le recrutement de jeunes personnes douées, quand l’image de la carrière de chercheurs de connaissance indépendants est remplacée par celle de « geeks » contractuels en Mode 2 ?

140

Hum… Euh… Attendez, une minute… Qui traitez-vous de  geek ?

L’incertitude en Mode 2 Les chercheurs connaissent depuis longtemps l’incertitude. Chaque fois qu’ils se mettent à enquêter sur un problème, la réponse possible comporte toujours un degré d’incertitude. Mais en science normale, les incertitudes sont minimes ; l’énigme peut presque toujours être résolue et les réponses Et bien que les possibles se trouvent dans résultats en science comportent toujours une gamme restreinte. une certaine incertitude, ils sont le plus souvent ce que nous appelons  « techniques ».

Les méthodes statistiques peuvent les dompter et elle peuvent être exprimées correctement par des « barres  d’erreur ».

L’incertitude occupe le devant de la scène quand la politique est impliquée et quand la science axée sur le consommateur passe en Mode 2 de production de la connaissance. Pourquoi l’incertitude devient-elle centrale ? 141

Des débats politiques en jeu Dans les débats politiques, il faut trouver un équilibre entre les incertitudes et les « coûts d’erreur ». Par exemple, dans le cas du réchauffement climatique, certains suggèreraient que l’économie américaine ne souffrirait pas de restrictions énergétiques, à moins d’être tout à fait sûr du réchauffement global.

D’autres soutiendraient que malgré les incertitudes qui subsistent, les dangers pour l’humanité sont clairs. .

Par rapport à l'incertitude, la science dans l’arène politique ressemble plus à la science des cours de justice que la science de recherche  normale..

Les engagements de valeur qui façonnent en réalité toute la recherche sont ici assez ouverts, explicites et contestés. Une illustration de la manière dont l'incertitude peut influencer la politique est le cas effrayant de la maladie de la « vache folle ». 142

La maladie de la « vache folle » La maladie de la « vache folle » – ou encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) – a frappé l’Angleterre dans les années 1980, comme une étrange épidémie aux causes inconnues, mais presque certainement liée à l’élevage intensif et à des pratiques d’alimentation non naturelles (le bétail herbivore était nourri de protéines animales). Au fur et à mesure que l'épidémie d’ESB se propageait, les conseillers scientifiques de l’époque devaient jongler entre les incertitudes du coût économique final, le prix d’un abattage en masse et la possibilité peu probable mais encore concevable que la maladie se transmette à l’Homme. En pratique, la préoccupation majeure semblait plutôt être le bien-être du ministère de l’Agriculture.

Même quand des chats ont été touchés en 1990, il y a eu un démenti officiel de tout danger pour  l’Homme. Les mesures de confinement étaient toutes trop petites, trop tardives et trop partielles. En 1996, quand une variante humaine de cette maladie a été confirmée, il y a eu un bref mouvement de panique. Le pays tout entier s’est posé pour attendre et voir s'il y aurait des tragédies isolées ou une horreur en masse. 143

Le vaccin ROR Nous pouvons observer de l’incertitude dans des situations impliquant des décisions au sujet de la maîtrise de maladies infectieuses ordinaires. Le département de la Santé du Royaume-Uni mène une politique rigoureuse de vaccination contre trois maladies courantes infantiles : « ROR », ou rubéole, oreillons et rougeole. Chacune de ces maladies peut avoir des effets néfastes sur une minorité de victimes.

Les démentis officiels du gouvernement ne font qu’aggraver les craintes de nombreux  parents.

Les études épidémiologiques sont rejetées par les critiques car biaisées. Il n’existe absolument aucun consensus sur les faits, et les valeurs – le bien commun versus un risque de grave accident pour mon enfant – sont en conflit. Un grand refus de la « triple vaccination » mènerait à un danger réel d’une épidémie de rougeole parmi les non-vaccinés. 144

Mais il existe une solide preuve anecdotique selon laquelle les vaccinations ROR ellesmêmes seraient dangereuses – avec des risques d’autisme même si cela ne concerne qu’un nombre infime  d’enfants.

Dans une plus grande perspective Dans tous ces cas, les incertitudes dépassent de loin le côté purement « scientifique ». Lorsque les urbanistes évaluent les menaces de futures inondations (une conséquence probable du changement climatique global), leurs décisions sont confrontées à la perspective de conflits.

Empêcher les inondations en amont augmente le risque d’en subir en aval.

Des menaces pèsent sur les valeurs immobilières et les  entreprises…

… il y a des problèmes avec les compagnies d’assurance et pour évaluer la responsabilité des dommages passés et ceux à venir.

Dans tout cela, les incertitudes sont fortes et les intérêts divergents peuvent facilement être montés les uns contre les autres. 145

Les erreurs statistiques Le même niveau d’incertitude peut être profondément enfoui en science. Dans toute expérience scientifique impliquant des méthodes statistiques, il faut opérer un choix entre les erreurs de type I (qui réfutent une hypothèse vraie) et celles de type II (qui acceptent une hypothèse fausse). Normalement, les erreurs de type I sont réputées être plus sérieuses et les chercheurs affinent automatiquement leurs tests en fonction d’elles. Mais avec cette approche, un exemple de données donnant une alerte de pollution pourraient être rejetées car « non significatives », et pourraient être perdues de vue jusqu'à ce qu’il soit trop tard. Nous ne pouvons pas gagner sur les deux tableaux. L’incertitude doit être gérée par les engagements de valeur de quiconque, que le scientifique le sache ou non.

Les problèmes de gestion de l’incertitude nous mènent à la question de l’ignorance. 146

La place de l’ignorance La science est l’art du  soluble…

C'est . un remède contre le mal de crâne ?

Sir Peter Medawar (1915-1987), immunologiste britannique, et lauréat du prix Nobel

Cette élégante formulation révèle beaucoup quant aux limites de la Car ce qui . recherche scientifique n’est pas soluble et l’image qu’elle a n’est pas scientifique. du monde. Cela ne compte pas, . cela n’existe pas. . Cette vision réductrice de la science avait accru son pouvoir par le passé. À présent, elle met en danger son avenir. Pour commencer, nous sommes en train de découvrir aujourd’hui que la science résout rarement les problèmes par paquets bien ficelés – il y a toujours des morceaux supplémentaires qui ne sont et ne peuvent être résolus. Comme dans le cas des déchets radioactifs produits par énergie nucléaire, ces parties désordonnées insolubles du problème typiquement négligées jusqu'à ce que des crises surviennent dans tous les sens.

Ce trou n’existe  pas !

Ouaf ouaf

La limitation de la science à ce qui est « soluble » a d’autres effets, encore plus profonds, sur notre vision de la connaissance et sur le monde. Car elle entraîne une exclusion totale de l’ignorance de notre vision. L’ignorance n’est pas soluble au moyen de la recherche classique. Par conséquent, nous n’avons aucune notion de son existence. 147

Un choix d’ignorance Une reconnaissance de l’ignorance devient très importante pour l’un des problèmes très pratiques de l’activité scientifique : les priorités et les choix. Car dès que l'on donne une faible priorité à un projet de recherche proposé, il n’est pas entrepris. Il en résulte que les chances d'acquérir de nouvelles connaissances sont perdues ; et de ce point de vue, nous restons dans l’ignorance.

Si notre société se montre relativement moins intéressée par - supposons - la santé du travail ou les sources alternatives d'énergie que par la médecine hightech et l'énergie nucléaire, alors nous resterons dans l’ignorance au sujet de ces alternatives. Ce que nous « connaissons » est déterminé par ces priorités et choix.

Bonheur !

De cette façon, nous pouvons dire que l’ignorance a été construite politiquement et  socialement.

« En nous focalisant sur l’ignorance plutôt que sur la connaissance, nous pouvons échapper à quelques-unes des implications relativistes, sceptiques, des théories constructionnistes de la science. Il est plus facile pour nous d’imaginer l’ignorance comme étant conditionnée par les valeurs et le pouvoir. » J. Ravetz 148

« L’ignorance au carré » L’ignorance de l’ignorance – ou l’« ignorance au carré » – est un phénomène très récent dans l’histoire intellectuelle de l’Europe. Continuellement, depuis l’époque de Platon et jusqu'à celle de Descartes, l’ignorance de l’ignorance était une catégorie reconnue par les philosophes. La quête de Socrate consistait à avoir conscience de sa propre ignorance. L’ignorance était aussi un concept important pour les sciences et philosophies islamiques, indiennes et chinoises. Les écrivains humanistes de la Renaissance ont donné de l’importance à l’ignorance au carré comme étant le pire défaut intellectuel possible. La grande rupture s’est produite quand Galilée et Descartes ont imaginé que la connaissance humaine était à la fois illimitée dans sa portée et sa perfectibilité. Pour nous, l’ignorance est un vide qu’il faut combler au plus vite.

Nous avons l’un et l’autre une méthode grâce à laquelle nous espérons et revendiquons que cela peut être  accompli. 149

La fin du doute Dès lors que Descartes avait vaincu le doute, ce dernier n’est guère réapparu dans la philosophie des sciences. Cependant, de nos jours, il est revenu avec une ardeur redoublée. En liaison avec les théories spéculatives de la cosmologie, c’est amusant.

Il manque à la science moderne, avec son mythe d’objectivité, l'équipement conceptuel pour se charger de l’ignorance au carré. 150

Mais l’ignorance est un sujet on ne peut plus sérieux quand il est rencontré dans le choix de recherches et dans l’évaluation des dangers d'innovations scientifiques  proposées.

L’incertitude et l’ignorance de l’ignorance représentent des problèmes pratiques urgents dès lors que la sécurité devient un problème majeur pour la science.

La sécurité et l'inconnaissable Chaque avancée de la science nous conduit vers de nouveaux dangers cachés. Considérons, par exemple, comment les scientifiques ont assuré au public que les cultures génétiquement modifiées étaient en réalité plus sûres que celles produites Tout d’abord, l’insertion et par des processus traditionnels. l’activation d’un gène Parce que les scientifiques étaient nouveau nécessite une en mesure de modifier directement grave perturbation de les gènes responsables des toute la machinerie propriétés désirées, laissant tout génétique de  l’organisme. le reste intact. Beaucoup de gens l'ont cru, mais cela Personne ne s'est révélé faux. sait quels dommages collatéraux sont causés au génome.

Ensuite, puisque l'« expression » d’un gène résulte d’un processus physiologique complexe - et peu compris - les effets réels d’un nouveau gène sur l'organisme sont inconnus.

Enfin, ce qui se passera dans l’environnement, au fur et à mesure que les nouveaux gènes se répandront, est presque une affaire de pure conjecture. Nous pourrons peut-être nous en sortir pour les premières récoltes, mais par la suite une écocatastrophe pourrait survenir à n’importe quel moment. 151

D’autres risques liés aux OGM Il existe de nombreux exemples de modifications génétiques qui ont mal tourné.

Des poissons qui avaient été modifiés pour augmenter leur taille étaient déformés et mouraient  prématurément.

Le maïs génétiquement modifié, Star Link, ne s’est pas seulement révélé être un allergène, mais contaminait aussi régulièrement des cultures d’autres  variétés.

Quand des chercheurs en Allemagne ont essayé de réduire les teneurs en sucre et d’augmenter le contenu en amidon de pommes de terre (en utilisant des gènes de levures et d’une bactérie), les niveaux d’amidon furent en réalité réduits. De nombreux composés inattendus ont été produits, résultant de perturbations du métabolisme des pommes de terre. 152

Augmenter les enjeux de l’incertitude Ces exemples isolés indiquent ce qui pourrait se passer, à une échelle de plus en plus grande, si le génie génétique s’établit et devient une pratique courante. Nous n’avons aucun moyen de savoir quels effets délétères Les « incertitudes pourraient survenir et certains d'entre systémiques » eux échapperaient certainement et les « enjeux des à la détection lors de vérifications décisions » sont  standard de sécurité sanitaire. Ces gigantesques. cas, tout comme la crise de l’ESB (la À bien des maladie de la « vache folle ») d’abord en égards, nous ne savons Angleterre puis en Europe, démontre que pas et ne pourrons pas notre grande ignorance des dommages savoir comment notre sécurité en tant qu’individus, potentiels est plus importante pour la sociétés et espèces sera  politique que notre connaissance compromise. limitée des chemins possibles vers ces dommages.

Ça se mange absolument sans danger – les scientifiques l'ont dit. 153

Au-delà du normal La combinaison de l’ignorance et de l’incertitude, de même que les changements pratiques en science – impliquant les financements, la commercialisation, les enjeux complexes de sécurité et les nouveaux modes de production de connaissance – signifient tous que la science ne fonctionne plus de façon « normale ».

Nous nous trouvons dans une situation qui est loin d’être normale. Chaque fois qu’un problème de politique implique la science, nous découvrons que…

• Les faits sont incertains. • Les valeurs sont en conflit. • Les enjeux sont grands. • Les décisions sont urgentes. • La complexité est la règle. • Les risques générés par l’Homme peuvent ne pas être contrôlés. • La sécurité de la planète et de l’humanité est sérieusement menacée.

Nous entrons donc dans l'ère de la science  post-normale.

154

La science post-normale La science post-normale (PNS) a commencé en prenant conscience que nous avions besoin d’un nouveau style de science. L’image ancienne, où les données empiriques menaient à de vraies conclusions et où le raisonnement scientifique menait à des politiques correctes, n’est plus plausible. La voie future devra passer par le dialogue basé sur une reconnaissance de l’incertitude et de l’ignorance…

… avec une pluralité de perspectives légitimes et d'engagements de valeur.

La science post-normale désigne une forme de recherche mise en œuvre à la frontière contestée entre science et politique. Elle peut englober n'importe quoi, depuis les travaux de recherche des scientifiques liés à la politique jusqu’au dialogue des citoyens sur la qualité de ces recherches. 155

Mener le jeu post-normal Plus spécifiquement, la science post-normale consiste en un cycle de phases, qui interagissent constamment, réitérant et impliquant un programme de problèmes.

rs énéraux, ho sociétaux g ifs ct je b ’o d rmes établie en te Politique – oncernés.  c ts rê té les in ionne, sur débat entre qui les sélect t, en m o m t e à tou – qui particip ctionneurs ? Personnes oisit les séle ch i u q et e – ) (s ppelons qu quels critère cherche : ra re la à de la ée ce n n sig gnora – la tâche as génère de l’i et es tr  roblèmes P au s t le blème exclu orter. poser un pro ient pu app ra au s 'il u q ce an ais aussi la connaiss chniques, m te s le t en m de preuves – pas seule ure l’absence es m P  rocédures le el u q ne preuve reuve : dans ée comme u ér d si charge de p n co re peut-elle êt de préjudice ? e préjudice  d’absence d on, et qui n et la diffusi tio es g la le ô ui contr  roduit – q P  ? e contrôleurs s  ure le mond contrôle le s quelle mes an d nd-il – o p le a es e corr n post-norm ou de l'étud ire to L’évaluatio ra o b la et ordonné du la politique simple, bien ordonné de és d , xe le p m au monde co ce vécue ? n ie ér xp de l’e

156

Dans l’arène de la science post-normale…

 étendu. r un dialogue mplacée pa re t es e  » qu scientifi due de pairs La certitude unauté éten m s om de , « c ls e é par un s industrie est remplac ns ercheurs, de ye ch to s ci de s , L’« expert » de es s scientifiqu politiques et s de t ur an de ci en pr dé com es, des des lobbyist journalistes, s. te lis ia i éc sp n  étendus », qu ordinaires no r des « faits riences pa pé és ex s ac pl de i m ts » sont re s mais auss re ié nc bl qui co pu es ts ts qu ai lta ifi Les « f t les résu ions scient s seulemen des informat et s le ca n’incluent pa lo êtes s, des enqu  public. personnelle nnel. s au domaine ée in st de  organisatio s n’étaient pa que principe nt ta en ité rentes par la qual timité de diffé t remplacée é par la légi La vérité es ac tes pl an m en re t pr s parties ntifique es de toutes le talisme scie ur en le am va nd de fo ts Le men . et d'engage me politique perspectives d’un problè re tt Décidément, ba dé réunies pour je me sens très post-normal  aujourd’hui… La tâche assignée à la science liée à la politique n’est plus celle d’experts individuels découvrant de « vrais faits » pour déterminer de « bonnes politiques ». Il s’agit plutôt d’une communauté étendue de pairs, qui évalue collectivement les contributions scientifiques par l'intermédiaire de processus de décision  participatifs.

T’es toujours là ? Il y a des coupures sur la ligne…

157

PNS versus analyse  constructionniste Quelle différence y a-t-il entre la science post-normale et les approches post-modernes de la science, telles que l’analyse constructionniste ? Le contraste devient apparent quand nous discutons des implications politiques.

Ceux qui ont démythifié les vieilles déclarations de vérité et d’objectivité n’ont rien de constructif à offrir à la place.

Faitesmoi confiance ! Je suis l’archange de la  science.

On retourne au labo et on passe aux  expériences !

Pour eux, c’est « tout ou rien ». Les scientifiques sont tous des saints ou tous des pécheurs.

C’est parce que le mouvement constructionniste a commencé et continué dans le milieu académique, sans la discipline et l’enrichissement qui découle de l’engagement dans de réels problèmes politiques tels qu’ils existent en dehors de ce milieu. 158

« En changeant le critère de base de la vérité pour la qualité, la PNS relie les critiques à la pratique, dans toutes ses dimensions, de la technique à l’éthique. Elle comprend que la qualité n’est pas un simple attribut ; en effet, elle est une dimension fonctionnelle (liée à l’utilisation qui sera faite de l’information), récursive (qui surveille les gardiens ?) et morale (sans source ultime d’engagement, toute la qualité s’effondre) ». J. Ravetz En PNS, l’idéal ne consiste pas à atteindre une certaine perfection dans la connaissance ou la pratique, mais à améliorer la conscience de soi-même et de celle de ses partenaires en dialoguant. Je sens que l’on nous  observe.

La science post-normale nous fournit tous – scientifiques, citoyens et décideurs politiques – les outils nécessaires pour traiter les complexités, les incertitudes et les risques inhérents à la science contemporaine. Elle souligne le besoin de se focaliser sur la gestion de l’incertitude et de la qualité quand il s’agit de prendre quelquesunes des décisions les plus critiques de notre temps. On ne peut pas faire disparaître les conflits, mais une réconciliation basée sur la compréhension devient possible. Ah, c’est  mieux.

Dialogue…

Dialogue…

Dialogue…

159

La PNS en action La science post-normale est maintenant pratiquée de maintes manières différentes. Il y a un nombre croissant de jurys scientifiques composés de citoyens et de conférences scientifiques orientées vers le consensus en Europe. Des centres de science émergent et la demande pour Les groupes de patients jouent organiser des débats sur diverses un rôle de plus en plus thématiques scientifiques et grand afin de déterminer sociétales ouverts au public croît. les stratégies à mettre en œuvre pour gérer leur maladie…

Parfois – comme c’est le cas pour le Sida – ils vont jusqu’à négocier la méthodologie de recherche De tels développements montrent qu’il existe des mécanismes viables pour institutionnaliser la participation du public en science. Avec ses idées fondamentales de « communauté étendue de pairs » et de « faits étendus », la science post-normale inclut les théories et campagnes liées au féminisme, aux sciences indigènes et à la justice environnementale. 160

Plus spécifiquement, les principes de la PNS peuvent être vus en action dans le « principe de précaution », les réseaux de recherche communautaire et les boutiques des sciences.

Le principe de précaution Le « principe de précaution », qui reconnaît l’importance de l’incertitude dans la méthode et la pratique scientifiques, est une indication de reconnaissance globale du fait que la science est devenue post-normale.

L'hypothèse selon laquelle les produits de la science peuvent générer potentiellement des résultats dangereux sous-tend l'utilisation du principe de  précaution.

Nous devons donc procéder avec  précaution.

z !

Bzz

! h !  ! wa ng h-   Clo a e W g ! rg … n ha es Cli rc nné rge u S do ha es… e de urc nné nc S do   ge de   ! de Ur Co ge ! u ro

Ce principe est désormais inscrit dans de nombreuses lois réglementaires au niveau international. Mais quand, et dans quelles conditions, ce principe est-il apparu ? 161

Les origines du principe de précaution La formulation classique du principe de précaution a été exposée pour la première fois à la conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement en 1992. Il fut défini comme : « les mesures pour anticiper, prévoir ou minimiser les effets indésirables » du progrès scientifique « en cas de risque de dommages graves ou irréversibles ». « Le manque de certitude scientifique absolue », énonce la définition, « ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de telles mesures. »

La définition suggère même que les mesures de précaution prises devraient être « rentables de manière à assurer des bénéfices globaux au moindre coût  possible ». La politique scientifique de l'Union européenne est guidée désormais par l’esprit du principe de précaution.

Il est utile de plus en plus dans l’élaboration de décisions politiques où il y a un risque pour l’environnement ou pour la santé des humains, des animaux ou des plantes. Il incombe désormais au fabricant de prouver qu'un produit ou processus n'est pas dangereux. 162

Qu'est-ce que ça peut faire ? Nous mourrons  riches !

Le principe de précaution exprime une idée révolutionnaire : la science n’a pas toutes les réponses. Dès qu’il est admis qu’un développement planifié peut causer des dommages jusqu’ici inconnus, le problème devient post-normal. Si nous laissons la décision aux mains des scientifiques… … elle sera prise par leurs employeurs d'entreprises multinationales qui ont tout à gagner à poursuivre malgré  tout…

Et laisser la postérité régler  l'addition.

Appliquer le principe de précaution implique automatiquement les communautés étendues de pairs qui se sont engagées à préserver leur environnement naturel, social et spirituel. 163

La recherche pour maintenir des postes de travail et des normes environnementales dans l'industrie métallurgique à Chicago, dans  l'Illinois.

Aider les communautés à évaluer l’équité de la répartition des services publics à Jacksonville en Floride. Aider à faire l’inventaire des ressources informatiques et leur accès dans certains quartiers de l’Ohio. 164

Les RRC n’apportent pas seulement la science aux citoyens ; ils encouragent les citoyens à réfléchir de manière scientifique à leurs problèmes.

L’exemple classique de la manière dont les communautés ont recours à la science pour s’aider elles-mêmes provient de Woburn, au Massachusetts, au début des années 1980. Richard Sclove, directeur du Loka Institute, à Amherst, explique…

« Il y a vingt ans, des enfants de Woburn contractaient des leucémies à des taux alarmants. D’autres troubles infantiles maladies des voies urinaires et respiratoires - étaient également inhabituellement fréquentes, tout comme les fausses couches. Les familles des enfants atteints de leucémie ont été les premières à discerner un modèle géographique dans la prolifération de cette maladie.

Une mère dont le fils était atteint de leucémie a commencé à rassembler des informations sur d’autres enfants malades, au cours de rencontres fortuites avec les familles des victimes dans la même situation et par le bouche à oreille. Elle a émis l'hypothèse que cette prolifération avait quelque chose à voir avec l'approvisionnement en eau de la ville.

J’ai demandé aux responsables de pratiquer des tests sur l'eau mais j’ai essuyé une rebuffade.

Ce n’était que le début de l'histoire… 165

La communauté réagit… Les familles de Woburn affectées ont réagi en engageant leur propre recherche épidémiologique. … puis relier cette preuve aux substances carcinogènes Finalement, Notre procès civil industrielles déversées nous avons pu établir contre les entreprises dans le réseau l’existence d’un responsables de cette d’eau potable. petit groupe de cas contamination a abouti à une de leucémie… transaction à l'amiable d'un montant de 8 millions de dollars.

La victoire de Woburn a donné une grande impulsion pour la promulgation d’une législation fédérale afin de constituer des fonds de réserves destinés à nettoyer les pires sites de déchets toxiques aux États-Unis. 166

Deux facteurs clés furent responsables de l’issue heureuse du cas Woburn.

Les victimes et leurs familles se sont organisées et ont travaillé main dans la main…

Et nous avons pu demander l’aide de plusieurs  scientifiques.

On a gagné ! Nous . sommes riches…

La Harvard School of Public Health et John Snow Inc. (une organisation à but non lucratif) ont mené des recherches cruciales avec et pour les familles concernées.

Le cas de Woburn nous donne un exemple de ce qu’une recherche menée par une communauté peut accomplir. 167

Les boutiques des sciences Les boutiques des sciences ont pour objectif de fournir un soutien à la recherche participative indépendante en réponse à des inquiétudes exprimées par la société civile. Leur principale fonction consiste à accroître l’accès au public et la conscience publique de la science et la technologie.

Nos boutiques sont gérées et exploitées par du personnel permanent et par un renfort régulier d’étudiants qui examinent les questions et renvoient les problèmes difficiles aux professeurs d'université et à des étudiants qui font de la recherche.

En travaillant dans les boutiques, les étudiants gagnent des unités de valeur (UV) qui comptent pour leur diplôme et nombre d’entre eux effectuent leurs travaux de troisième cycle sur des problèmes apportés aux boutiques des sciences. 168

Les boutiques des sciences se sont développées initialement aux Pays-Bas. Au cours des vingt dernières années, un réseau d’universités néerlandaises a mis en place une dizaine de boutiques des sciences qui dirigent, coordonnent et récapitulent des recherches sur des problèmes sociaux et technologiques en réponse à des questions spécifiques posées par des groupes communautaires, des organisations d’intérêt public, des autorités locales et des travailleurs.

De nombreuses boutiques des sciences ont développé une expertise dans des domaines précis. Les clients sont souvent réorientés vers la boutique des sciences la mieux adaptée pour répondre à leurs préoccupations particulières.

Le système néerlandais a, entre autres choses, aidé les environnementalistes à analyser des polluants industriels, des ouvriers à évaluer la sécurité et les conséquences sur l’emploi de nouveaux processus de production et les travailleurs sociaux à mieux comprendre les adolescents mécontents.

Un certain nombre de méthodes de recherche innovantes ont émergé des travaux entrepris dans les  boutiques.

Et leurs travaux ont également conduit à modifier de nombreux cours de sciences dans les universités.

Le système néerlandais a inspiré la mise en place de boutiques des sciences au Danemark, en Autriche, en Allemagne, en Norvège et en République tchèque. 169

Où aller à présent ? Les problèmes de compréhension de la science ne sont plus focalisés sur des questions abstraites de logique et de connaissance. Ils appartenaient à une époque révolue, quand la science, symbole du pouvoir d’une société séculaire, était en conflit avec la théologie, le centre d’un ordre social dominé par l’Église. Ceux qui revendiquent encore la « certitude » sont soit les survivants d’une propagande triomphaliste ancienne, soit des esclaves de nouvelles sociétés  arrogantes.

Sa domination croissante par le profit privé personnel et le pouvoir des entreprises ne peut être masquée plus longtemps. Chaque progrès en science rencontre des problèmes d’incertitude, 170

Au xxie siècle, la science est un territoire vivement  contesté.

d’ignorance, de sécurité et de contrôle. La lutte porte désormais sur la forme et l’orientation de la recherche scientifique, et le contrôle et l’utilisation de ses produits.

La solution démocratique La science représente l’ultime frontière de la démocratie. Elle aspire encore à la « connaissance universelle » mais reste entre les mains d’un petit nombre autosélectionné dont le travail est noyé dans des processus d’« évaluation par les pairs » qui se produisent au-delà de l’examen public. Un tel élitisme a pu fonctionner quand la science était une forme de poursuite courtoise qui sollicitait peu le monde social et naturel qui l'entoure. Tu as entendu parler de cette chose affreuse appelée science postnormale ?

Une vraie  parodie !

Une vraie  honte !

Mais ce n’est plus le cas. Aujourd'hui, la science crée autant de problèmes qu’elle en résout.

Toutefois, la solution n'est pas de mettre fin à la science. Mais plutôt d'impliquer un plus grand nombre de personnes dans sa pratique et sa politique.

171

À qui appartient la science ? La science est devenue trop importante pour être laissée aux scientifiques et à ceux qui gèrent leur travail et contrôlent ses produits. Une participation citoyenne à presque tous les niveaux de l'entreprise scientifique est devenue essentielle.

Cela est nécessaire pour maintenir la qualité de la science liée à la politique et pour préserver la démocratie dans une époque axée sur la  technologie.

Il me semble que nous vieillissons…

… de plus en  plus…

La plupart des craintes et de l’hostilité que les scientifiques ressentent dans le public aujourd'hui ne provient pas de l’ignorance ni même du barbarisme, mais plutôt d’un sentiment d’impuissance. Il existe nombre de preuves – des ventes de livres aux audiences télévisuelles – que les gens ordinaires sont en réalité intéressés par la science et la voient d'un bon œil. 172

C'est notre science Il subsiste en effet de vrais problèmes à explorer par les chercheurs en sciences, ainsi que de vraies batailles à mener dans une nouvelle guerre des sciences. Mais ils se concentrent sur la durabilité, la survie et la politique. La science est enfin entrée en politique ; elle n’est plus viable comme une énigme « normale » à résoudre menée sans tenir compte des problèmes de qui paie et pourquoi ?

Dans ce sens, nous sommes entrés dans une ère post-normale pour la science.

Avec de cette nouvelle conscience enrichie, la science peut retrouver sons sens pour l'humanité et sa raison d'attirer les meilleurs talents pour son entreprise. 173

Lectures suggérées (en anglais) Généralités

Kuhn

Ina Spiegel-Rösing et Derek de Solla Price (éds.), Science, Technology and Society : A Cross-Disciplinary Perspective (Londres : Sage, 1977) ; Colin A. Ronan, Science : Its History and Development Amongst the World’s Cultures (New York : Facts on File, 1982 ; Sheila Jasanoff et al. (éds.), Handbook of Science and Technology Studies (Londres : Sage, 1995) ; Steve Fuller, Science (Buckingham : Open University Press, 1997) ; Mario Biagioli (éd.), The Science Studies Reader (New York : Routledge, 1999).

Thomas S. Kuhn, The Structure of Scientific Revolution (Chicago : University of Chicago Press, 1962) ; Barry Barnes, T.S. Kuhn and Social Science (Londres : Macmillan, 1982) ; et Steve Fuller, Thomas Kuhn : A Philosophical History for Our Times (Chicago : University of Chicago Press, 2000).

Science politique Ziauddin Sardar, Science, Technology and Development in the Muslim World (Londres : Croom Helm, 1977) ; David Dickson, The New Politics of Science (Chicago : University of Chicago Press, 1986) ; Tom Wilkie, British Science and Politics Since 1945 (Oxford : Blackwell, 1991) ; Sandra Harding (éd.), The Racial Economy of Science (Bloomington : Indiana University Press, 1993) ; Margaret Jacob (éd.), The Politics of Western Science (New Jersey : Humanities Press, 1994) ; Richard Sclove, Democracy and Technology (New York : Guilford Press, 1995) ; D. M. Hart, Forced Consensus : Science, Technology and Economic Policy in the United States, 1921-1953 (Trenton : Princeton University Press, 1997) ; Jane Gregory et Steve Miller, Science in Public (Cambridge MA : Perseus, 1998) ; Sheldon Rampton et John Stauber, Trust Us, We’re Experts (New York : Penguin Putnam, 2001).

Philosophie des sciences Karl Popper, The Logic of Scientific Discovery (Londres : Hutchinson, 1959) et Conjectures and Refutations (Londres : Routledge and Kegan Paul, 1963) ; Paul Feyerabend, Against Method (Londres : NLB, 1975), Science in a Free Society (Londres : Verso, 10978) et Farewell to Reason (Londres : Verso, 1987) ; Imre Lakatos et Alan Musgrove (éds.), Criticism and the Growth of Knowledge (Cambridge : Cambridge University Press, 1970) ; J. R. Ravetz, Scientific Knowledge and its Social Problems (Oxford : Oxford University Press, 1971) et The Merger of Knowledge with Power (Londres : Mansell, 1990).

174

Histoire des sciences George Sarton, Introduction to the History of Science (New York : Williams and Wilkins, 1947) ; J. D. Bernal, Science in History (Cambridge, MA : MIT Press, 1979) ; Joseph Needham, Science and Civilisation in China (Cambridge : Cambridge University Press, 1954-) et Ho Peng Yoke, Li, Qi and Shu : An introduction to Science and Civilization in China (Hong Kong : Hong Kong University Press, 1985) ; D. M. Bose et al. (éds.), A Concise History of Science in India (Delhi : Indian National Science Academy, 1971) et Debiprasad Chattopadhyaya (éd.), Studies in the History of Science in India (Delhi : Asha Jyoti, 1992) ; Roshdi Rashezd (éd.), Encyclopaedia of the History of Arabic Science (Londres : Routledge, 1996) et Donald R. Hill, Islamic Science and Engineering (Edinburgh: Edinburgh University Press, 1993) ; et Helaine Selin (éd.), Encyclopaedia of the History of Science, Technology and Medicine in Non-Western Cultures (Dordrecht : Kluwer, 1997).

Sociologie des sciences Barry Barnes (éd.), Sociology of Science (Londres : Penguin, 1972) et Scientific Knowledge and Sociological Theory (Londres : Routledge and Kegan Paul, 1974) ; Ian Mitroff, The Subjective Side of Science (Amsterdam : Elsevier, 1974) ; Karin Knorr-Cetina, The Manufacture of Knowledge (Oxford : Pergamon, 1981) ; Bruno Latour et Steve Woolgar, Laboratory Life : The Construction of Scientific Facts (Princeton, NJ : Princeton University Press, 1986) ; Steve Fuller, Social Epistemology (Bloomington : Indian, 1988) ; Harry Collins et Trevor Pinch, The Golem : What Everyone Should Know About Science (Cambridge : Cambridge University Press, 1993) ;

Michael Gibbons et al., The New Production of Knowledge (Londres : Sage, 1994) ; Barry Barnes et al., Scientific Knowledge : A Sociological Inquiry (Londres : Atholone, 1996).

La science et l’Empire britannique Daniel R. Headrick, Tools of Empire (Oxford : Oxford University Press, 1981) ; Michael Adas, Machines as the Measure of Men : Science, Technology and Ideologies of Western Dominance (Ithaca : Cornell University Press, 1989) ; Deepak Kumar, Science and Empire (Delhi : Anamika Prakashan, 1991) et Science and the Raj (Delhi : Oxford University Press, 1995) ; Roy MacLeod et Deepak Kumar (éds.), Technology and the Raj (Londres : Sage, 1995).

Critique féministe Sandra Harding, The Science Question in Feminism (Buckingham : Open University Press, 1986) ; Maureen McNeil (éd.), Gender and Expertise (Londres : Free Association Books, 1987) ; Hilary Rose, Love, Power and Knowledge (Oxford : Polity Press, 1994) ; Margaret Wertheim, Pythagoras’ Trousers (Londres : Fourth Estate, 1997) ; Jean Barr et Lynda Birke, Common Science ? : Women, Science and Knowledge (Bloomington : Indiana University Press, 1998).

Critique post-coloniale Ziauddin Sardar (éd.), The Touch of Midas : Science, Values and the Environment in Islam and the West (Manchester : Manchester University Press, 1982), Explorations in Islamic Science (Londres : Mansell, 1985) et The Revenge of Athena : Science, Exploitation and the Third World (Londres : Mansell, 1988) ; Ashis Nandy (éd.), Science and Violence (Delhi : Oxford University Press, 1992) ; Sandra Harding, Is Science Multi-cultural ? (Bloomington : Indiana University Press, 1998).

La guerre des sciences « Science Wars », Social Text, vol. 46-47 (Durham : Duke University Press, printemps/été 1996) ; Paul. R. Gross et al. (éds.), The Flight from Science and Reason (New York : New York Academy of Science, 1996) ; Paul Gross et Norman Levitt, Higher Superstition (Philadelphie : John Hopkins University Press, 1994) ; Alan Sokal et Jean

Bricmont, Intellectual Impostures (Londres : Profile Books, 1997) ; Thomas Gieryn, Cultural Boundaries of Science : Credibility on the Line (Chicago : University of Chicago Press, 1999) ; Ziauiddin Sardar, Thomas Kuhn and the Science Wars (Cambridge : Icon Books, 2000).

Science « post-normale » Silvio Funtowicz et J. R. Ravetz, Uncertainty and Quality in Science for Policy (Dordrecht : Kluwer, 1990) ; J. R. Ravetz (éd.), « Post-Normal Science », numéro spécial de Futures, vol. 31, sept. 1999 ; Hilda Bastian, The Power of Sharing Knowledge : Consumer Participation in the Cochrane Collaboration,  http://cochraneconsumer.com.

Au sujet de l'auteur et de l'artiste Ziauddin Sardar, critique culturel et scientifique renommé, est un auteur pionnier en science islamique et sur l’avenir de l’islam. Professeur invité d'études post-coloniales à la City University, à Londres, il a publié plus de 30 ouvrages sur différents aspects de la science, les études culturelles, l’islam et d'autres sujets associés, nombre d'entre eux ayant été traduits en plus de 20 langues. Le professeur Sardar est l’éditeur de Futures, la revue de politique, de planification et d'étude prospective. Parmi ses livres les plus récents figurent Postmodernism and the Other (1998), Orientalism (2000) et Aliens R Us : The Other in Science Fiction Cinema (2001) qu’il a coédité avec Sean Cubitt, et The A-Z of Postmodern Life (2002). Il est également l’auteur dans la collection Aperçu du livre les mathématiques. Borin Van Loon a déjà illustré, dans la collection Aperçu, La génétique et Les mathématiques. Il découpe, de manière quasi obsessionnelle, des tas de coupures de presse et cela le conforte dans l’idée que « la collection Aperçu… est la mère de toutes les inventions ».

Remerciements Nous tenons à remercier Gail Boxwell pour son inestimable soutien.

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Michael Gibbons et al., The New Production of Knowledge (Londres : Sage, 1994) ; Barry Barnes et al., Scientific Knowledge : A Sociological Inquiry (Londres : Atholone, 1996).

La science et l’Empire britannique Daniel R. Headrick, Tools of Empire (Oxford : Oxford University Press, 1981) ; Michael Adas, Machines as the Measure of Men : Science, Technology and Ideologies of Western Dominance (Ithaca : Cornell University Press, 1989) ; Deepak Kumar, Science and Empire (Delhi : Anamika Prakashan, 1991) et Science and the Raj (Delhi : Oxford University Press, 1995) ; Roy MacLeod et Deepak Kumar (éds.), Technology and the Raj (Londres : Sage, 1995).

Critique féministe Sandra Harding, The Science Question in Feminism (Buckingham : Open University Press, 1986) ; Maureen McNeil (éd.), Gender and Expertise (Londres : Free Association Books, 1987) ; Hilary Rose, Love, Power and Knowledge (Oxford : Polity Press, 1994) ; Margaret Wertheim, Pythagoras’ Trousers (Londres : Fourth Estate, 1997) ; Jean Barr et Lynda Birke, Common Science ? : Women, Science and Knowledge (Bloomington : Indiana University Press, 1998).

Critique post-coloniale Ziauddin Sardar (éd.), The Touch of Midas : Science, Values and the Environment in Islam and the West (Manchester : Manchester University Press, 1982), Explorations in Islamic Science (Londres : Mansell, 1985) et The Revenge of Athena : Science, Exploitation and the Third World (Londres : Mansell, 1988) ; Ashis Nandy (éd.), Science and Violence (Delhi : Oxford University Press, 1992) ; Sandra Harding, Is Science Multi-cultural ? (Bloomington : Indiana University Press, 1998).

La guerre des sciences « Science Wars », Social Text, vol. 46-47 (Durham : Duke University Press, printemps/été 1996) ; Paul. R. Gross et al. (éds.), The Flight from Science and Reason (New York : New York Academy of Science, 1996) ; Paul Gross et Norman Levitt, Higher Superstition (Philadelphie : John Hopkins University Press, 1994) ; Alan Sokal et Jean

Bricmont, Intellectual Impostures (Londres : Profile Books, 1997) ; Thomas Gieryn, Cultural Boundaries of Science : Credibility on the Line (Chicago : University of Chicago Press, 1999) ; Ziauiddin Sardar, Thomas Kuhn and the Science Wars (Cambridge : Icon Books, 2000).

Science « post-normale » Silvio Funtowicz et J. R. Ravetz, Uncertainty and Quality in Science for Policy (Dordrecht : Kluwer, 1990) ; J. R. Ravetz (éd.), « Post-Normal Science », numéro spécial de Futures, vol. 31, sept. 1999 ; Hilda Bastian, The Power of Sharing Knowledge : Consumer Participation in the Cochrane Collaboration,  http://cochraneconsumer.com.

Au sujet de l'auteur et de l'artiste Ziauddin Sardar, critique culturel et scientifique renommé, est un auteur pionnier en science islamique et sur l’avenir de l’islam. Professeur invité d'études post-coloniales à la City University, à Londres, il a publié plus de 30 ouvrages sur différents aspects de la science, les études culturelles, l’islam et d'autres sujets associés, nombre d'entre eux ayant été traduits en plus de 20 langues. Le professeur Sardar est l’éditeur de Futures, la revue de politique, de planification et d'étude prospective. Parmi ses livres les plus récents figurent Postmodernism and the Other (1998), Orientalism (2000) et Aliens R Us : The Other in Science Fiction Cinema (2001) qu’il a coédité avec Sean Cubitt, et The A-Z of Postmodern Life (2002). Il est également l’auteur dans la collection Aperçu du livre les mathématiques. Borin Van Loon a déjà illustré, dans la collection Aperçu, La génétique et Les mathématiques. Il découpe, de manière quasi obsessionnelle, des tas de coupures de presse et cela le conforte dans l’idée que « la collection Aperçu… est la mère de toutes les inventions ».

Remerciements Nous tenons à remercier Gail Boxwell pour son inestimable soutien.

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Index

B

G

P

Biais racial en science 103-105 Big Science 56-57 Bloor, David 63 Brevets 133

Galilée 33, 41-42 Galton, Francis 12 Gauche académique 114 Génétique Différence 102 Modification 151-153 Gibbons, Paul 114-115 Gross, Paul 114-115 Guerre des sciences 116-120

Paradigmes (Kuhn) 49-51 Participation du public 159-160, 164-173 Pauvreté et profits 132 Pensée masculine 72 Pollution 165-167, 169 Popper, Karl 46-47, 53 Positivisme logique 44-45 Priestley, Joseph 42 Principe de précaution 161-163 Profit et science 127 Programme fort, 63-64, 69 PUS 121-122

C Carnap, Rudolf 44 Cercle de Vienne 44-45 Certitude voir incertitude Chercheurs postcoloniaux 84-86, 90 Chine (connaissance scientifique) 89, 91 Chine, vision de la nature 99 communication non violente 95 Conant, James Bryant 57 Connaissances indigènes 133-138 Constructionnistes 65-73, 158 Coûts d’erreur 142, 146

D Darwinisme 102 Démocratie 171 Descartes, René 34, 149 Déséquilibres de pouvoir 81 Doute 150

E Éducation et science 110 Einstein, Albert 56 Épistémologie sociale 106-112 Études des sciences approches 21 buts de 31 définition de 129 l’école des 22 importance de 30 origines 20 expériences 10-11

F falsifiabilité 46 femmes et science 75 Feyerabend, Paul 58-60 Fiabilité scientifique 6 Fuller, Steve 15, 106

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H Haber, Fritz 38 Harding, Sandra 77-80 hindouisme 100 Ignorance 147-150, 155 Incertitude 141-146, 153, 170 Induction 47 Islam 89-90, 93-94, 111

K Kuhn, Thomas 40-41, 48-57

L Latour, Bruno 66-67 Lavoisier, Antoine 42 Leibniz, Gottfried Wilhelm 42 Levitt, Norman 114-115

M Maladies infectieuses 143-144 Médias et science 123 Mendel (théorie de) 71 Merton, Robert 62 Mitroff, Ian 67 Mode 2 (connaissance) 139-141 Mouvement environnemental 39

N Nature 98- 100 Neurath, Otto 44 Newton, Isaac 42

O Objectivité 4-5 Observations et traditions 71 Occidental(e) Biais 103-105 Science 89 Vision de la science 98

R Réalité 65-66, 69 Réchauffement climatique 142, 145, 162 Recherche Et développement 126 Et ignorance 147-9 Médicale 130-131, 134 RRC 164-167

S Schlick, Moritz 45 Science défense de 113 définitions de la 4, 14 désenchantement 112 incomprise 18 inégalité raciale) 103-105 modifications de la 124 révolutionnaire 51 Scientifiques, notre vision des 6-9 Ségrégation de femmes scientifiques 74 Snow, C . P . 63 Social Text 116 Sokal, Alan 116-119 Sociologie de la connaissance scientifique (SCS ) 61, 64 Strong Programme 63-4, 69

T Travail reproductif 83-84

W Woolgar, Steve 66-67