176 32 9MB
French Pages 288 [280] Year 1991
LA NAMIBIE
INDÉPENDANTE
Les coûts d'une décolonisation retardée
Jean-Claude
FRITZ
(CERPO-DIJON)
LA NAMIBIE
INDÉPENDANTE
Les coûts d'une décolonisation
Éditions L'Harmattan 5-7, rue de l'École-Polytechnique 75005 PARIS
retardée
@ L'Harmattan, 1991 ISBN: 2-7384-0967-9
SOMMAIRE
Avertissement Chronologie
terminologique
9
sommaire
Il
Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1re partie:
La politique de division, ou le projet sud. africain de néo apartheid
1.1. La catégorisation officielle de la population, ou la construction des ethnies
15
31 40
1.1.1. La structure démographique d'après les recensements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.2. La démarche historique de catégorisation ethnique 1.1.3. Des critères de classification discutables
45 47
1.2. La séparation spatiale, ou la géographie marquée par l'apartheid
50
1.2.1. 1.2.2. 1.2.3. 1.2.4.
Les «Homelands» Les villes Les mines Les fermes
53 58 67 71
1.3. La différenciation juridique, ou les citoyennetés différenciées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.1. Le temps du «pouvoir blanc» fard: la Constitution de 1968
41
74
sans 74 5
1.3.2. Le début de la transition: l'A.G. 8 de 1980 . . . . . . . . . . . . . . . .-. . . . . . . . . . . . . . 1.3.3. Le gouvernement transitoire sous contrôle sud-africain: la R 101 de 1985. 1.3.4. L'avant-projet de Constitution
1.4. Le jeu politique, ou « la carotte et le bâton» 1.4.1. L'action culturelle.................. 1.4.2.L'organisation administrative........ 1.4.3. Les manœuvres politiques et institutionnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.4. La transformation de la guerre...... Conclusion de la première partie................ 2e partie:
Le maintien d'une économie coloniale, ou les ambiguïtés du développement inégal indépendant
2.1. L'inégal
77 80 83 84 85 88 96 103
107
développement
109
2.1.1. Les déséquilibres sectoriels 2.1.2. Les disparités régionales 2.1.3. Les inégalités sociales
110 114 118
2.2. Une économie
dépendante
2.2.1. Une économie 2.2.2. Une économie 2.2.3. Une économie
extravertie périphérique assistée?
129 129 132 137
2.3. L'exploitation des ressources naturelles 2.3.1. Les ressources minières 2.3.2. Les ressources de la pêche 2.3.3. La terre
143 144 160 166
2.4. Une économie appauvrie?............... 2.4.1. Croissance ou récession?.......... 2.4.2. Les transferts de ressources vers l'extérieur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.3. Le financement du développement...
169 169
Conclusion 6
75
de la deuxième partie...............
172 174 179
3epartie : Le contrôle colonial de la transition: ration ou transition néo-coloniale 3.1. L'organisation de la transition, du pouvoir sud-africain
libé181
ou le maitien 183
3.1.1. Les bases. de règlement du conflit... 3.1.2.Le maintien du contrôle sud-africain. 3.1.3. Le rôle des Nations Unies 3.2. La préparation
des élections
202
3.2.1. Les règles du jeu 3.2.2. Les forces politiques en présence 3.2.3. La campagne électorale 3.3. La victoire électorale de la SWAPO vainqueurs, ni vaincus?
202 209 217
ou ni
3.3.1. La répartition des suffrages 3.3.2. Les conséquences sur l'Assemblée Constituante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4. Une indépendance
183 191 196
sous contraintes
3.4.1. Le compromis nécessaire 3.4.2. La fragilité du jeune État 3.4.3. La stratégie de développement en question. . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . ..
224 225 240 244 244 251 255
Conclusion
de la troisième partie
265
Conclusion
générale
267
Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..
271
7
TOPOGRAPHIE
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Carte reproduite à partir de la carte n° 5 en couleurs du NATIONAL ATLAS OF SOUTH-W~ST AFRICA, 1983,que nous remercions vivement pour l'aimable autorisation donnée en vue de son utilisation.
AVERTISSEMENT
TERMINOLOGIQUE
Les mots sont «piégés»: c'est d'autant plus vrai quand on est dans un domaine où ils ont un poids particulier servant à « catégoriser» une population et à déterminer des statuts et indirectement des conditions de vie différentes, et quand on traduit une langue étrangère utilisant elle-même des mots d'une autre langue... Quelques précisions préliminaires sont donc utiles. 1) Nous faisons nôtre cet avertissement des publications de l'ONU sur la Namibie (UNIN : Namibia... 1986) : « La terminologie provenant de l'apartheid sud-africain qui a été utilisée dans cette Étude pour montrer le caractère généralisé (pervasiveness) de l'apartheid dans la Namibie illégalement occupée ne signifie en rien son acceptation (endorsement) par la SWAPO ou les Nations Unies» ou par nous... 2) Les mots d'origine africaine sont écrits dans les publications officielles et les ouvrages de recherche de plusieurs façons: un des districts du Nord du pays est désigné suivant les circonstances par le nom Ovambo, ou Owambo, ou Ovamboland par exemple. L'utilisation de tableaux et de citations provenant de sources variées nous a conduit à accepter ce pluralisme. 3) Certains mots sont malheureusement utilisés dans des sens un peu différents suivant les sources; en particulier « Noirs» (Blacks) peut dans certains cas regrouper tous les « Non-Blancs », et dans d'autres exclure certains groupes comme les Métis (Coloureds) et/ou les Bâtards de Rehoboth... Le contexte permet en général de clarifier la signification. 9
4) Nous avons parfois utilisé les mots de langue anglaise pour désigner des « groupes de population» ou des partis politiques, après avoir indiqué leur traduction française, car les expressions françaises correspondantes ne sont pas toujours satisfaisantes, ou parce que les sigles de langue anglaise sont couramment utilisés. Par exemple, on utilisera Bâtards, ou Rehoboth Basters, et on parlera plutôt de la SWAPO et de la DTA que de leurs noms complets traduits en français. 5) Nous employons en général le nom Namibie retenu officiellement par l'ONU en 1968 pour désigner le pays, y compris dans un certain nombre de références au passé. Nous n'avons gardé l'expression « Sud-Ouest Africain» que pour l'historique de l'introduction et évidemment pour les citations et références aux diverses publications, officielles ou non. 6) Enfin, nous avons eu un problème pour les accords de genre et de nombre pour les noms d'origine africaine. Comme ils appartiennent à des familles linguistiques variées, ils se forment de manière différente. Pour simplifier et en priant les linguistes de nous pardonner, nous avons fait le choix arbitraire d'appliquer l'accord de nombre pour les noms (S) mais de laisser toutes leurs autres utilisations invariables.
10
CHRONOLOGIE SOMMAIRE DE LA NAMIBIE COLONIALE
1884 :Début de la colonisation allemande du « Sud-Ouest Africain» . 1903-1906 : Guerres des « Rereros » et « Namas » de résistance à l'occupant. 1915 : Reddition des troupes allemandes aux forces sudafricaines. 1920 : Mandat « C » de la Société des Nations confié à l'Afrique du Sud « au nom de Sa Majesté Britannique» sur le Sud-Ouest Africain. 1922 : Le port de Walvis Bay est transféré tration du Sud-Ouest Africain.
à l'adminis-
1946 : L'Assemblée Générale des Nations Unies refuse l'annexion du territoire par l'Afrique du Sud. 1948 : Arrivée au pouvoir en Afrique du Sud du Parti National et début de la mise en place de l'apartheid. 1950 : Avis consultatif de la Cour Internationale de J ustice, affirmant le contrôle des Nations Unies sur le mandat. 1959 : Massacre de l'Old Location à Windhoek par la police sud-africaine. Création des organisations nationalistes OPO et SW ANU. 1960 : Création
de la SWAPO,
mouvement
nationaliste. Il
1966 : Jugement de la Cour Internationale de Justice rejetant une plainte du Libéria et de l'Éthiopie contre l'Afrique du Sud pour absence d'intérêt à agir (18 juillet). Premier accrochage armé africaines (26 août).
SWAPO
Forces
sud-
Résolution de l'Assemblée Générale mettant fin au Mandat sud-africain sur le territoire (27 octobre). 1967 : Création du Conseil des Nations Namibie.
Unies pour la
1968 : La Namibie nom officiel de l'ex-Sud-Ouest cain par décision de l'ONU.
Afri-
1969 : Première résolution du Conseil de Sécurité demandant le retrait immédiat des Sud-Africains. 1971 : Avis consultatif de la Cour internationale de J ustice affirmant l'illégalité de la présence sud-africaine en Namibie, repris par une résolution 301 (71) du Conseil de Sécurité. 1971 : Sean Mac Bride est nommé premier Commissaire à plein temps de l'ONU pour la Namibie. 1975 : Indépendance de l'Angola et intervention (non victorieuse) des troupes sud-africaines dans ce pays. Début des consultations de la Turnhalle. Développement de la lutte et de la répression surtout dans le Nord. 1977 : Création de l'alliance politique liée à l'administration sud-africaine la DT A. Création du poste d'Administrateur Général de la Namibie par les Sud-Africains et désignation du premier administrateur, le juge J .M. Steyn. Début des activités du «Groupe de Contact» formé par les principaux États occidentaux. 1978 : Adoption par le Conseil de Sécurité de la résolution 435 (78) prévoyant la transition de la Namibie vers l'Indépendance par le biais d'élections libres sous le contrôle et la supervision des Nations Unies
12
et avec l'envoi d'une force des Nations Unies (UNTAG). Nomination d'un Représentant spécial pour la Namibie du Secrétaire Général des Nations Unies Martti Ahtisaari. Élections illégales organisées par les Sud-Africains en Namibie. 1979 : Nomination du deuxième Administrateur Général sud-africain le Dr Gerrit Viljoen. Suppression d'une partie de la législation de discrimination raciale. 1980 : Proclamation AG8 (1980) de l'Administateur Général prévoyant des « Autorités Représentatives» pour les « groupes de population» (Réintroduction partielle de l'apartheid). Intensification et « namibianisation » de la guerre. 1982 : Le « groupe de contact» occidental propose des principes de solution dont l'essentiel est accepté par la SWAPO, mais affirme la théorie du «lien» entre le décolonisation de la Namibie et le retrait des troupes cubaines d'Angola dont le principe est rejeté notamment par les pays socialistes, les pays non alignés, la SWAPO et l'Angola. 1983 : Début des travaux de la Conférence Multipartite (MPC) organisée par l'Administration sud-africaine. 1985 : Installation par les Sud-Africains d'un « Gouvernement d'Unité Nationale» gouvernement « intérimaire » ou « transitoire» chargé d'assurer la transition vers l'Indépendance, sous contrôle sudafricain. Arrivée d'un nouvel Administrateur Général Louis Pienaar. 1988 : Négociations et accords à Genève et Brazzaville entre l'Angola, Cuba et l'Afrique du Sud, avec la participation des États-Unis; la théorie du « lien» triomphe: les troupes cubaines vont commencer leur retrait de l'Angola et le processus d'Indépendance de la Namibie va être mis en route, confor13
mément à la décision 435 (78) du Conseil de Sécurité de l'ONU. 1989 : Cessez-le-feu théorique (1 er avril) marqué de violents combats entre la SWAPO et les Sud-Africains au Nord du pays. Arrivée progressive de la force des Nations Unies (UNT AG) et déploiement (février-août) pour contrôler et superviser le processus, l'Administrateur Général sud-africain restant en place. Élections à l'Assemblée Constituante (7-11 novembre) et victoire de la SWAPO. 1990 : Adoption de la Constitution Ganvier-mars) adoptée le 9 février, publiée le 21 mars. Proclamation de l'Indépendance le 21 mars. Entrée en fonction du premier Gouvernement de la Namibie indépendante, dirigé par la SWAPO avec à sa tête comme Président le leader historique du mouvement nationaliste Sam Nujoma.
14
Introduction
La Namibie présente l'originalité d'être le dernier pays d'Afrique continentale à être décolonisé, et un des derniers dans le monde à se libérer formellement de la vague
d'expansion européenne du XIXe siècle1. Il contribue à parachever la dépossession du monde2 apparente qui avait connu sa grande époque entre 1945 et 1965, l'Afrique en bénéficiant surtout dans la période 1957-1965. La Namibie pays de 823 000 km2 et de 1 025 000 habitants officiellement en 19813 a donc échappé à cette première vague de décolonisation qui a concerné la majorité du continent. Pire, elle est restée hors d'atteinte d'une seconde vague touchant entre 1975 et 1980 plusieurs pays voisins importants par leurs dimensions (Angola, Mozambique, Zimbabwe). Pour l'expliquer il est nécessaire de préciser que la domination coloniale de ce pays était exercée dans des circonstances particulières par un État présentant lui aussi des caractéristiques spéciales, l'Afrique du Sud bastion du « pouvoir blanc », seul État d'Afrique dont la 1. Il reste des enclaves espagnoles au Maroc; hors d'Afrique, il reste aussi des pays qui se sont bâtis par une expansion de type coloniale, mais continentale, en contiguïté géographique pour l'essentiel. L'Union Soviétique et les États-Unis voire dans un contexte différent la Chine. Il faut noter aussi le statut particulier du grand Groënland,
très peu peuplé, vis-à-vis du Danemark.
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2. Berque (Jacques), La dépossession du monde, Paris, Seuil, 1964. 3. Vander Merwe (J.M.), Ed. National Atlas of South West Africa (Namibia) - Goodwood, Cape, National Book Printers 1983, p. 1. Cette source sera par la suite présentée comme « National Atlas of SW A ». 15
structure est restée à l'heure de l'époque coloniale avec un pouvoir exercé par les descendants des colons blancs, indépendants de leur ancienne métropole. Les Noirs sudafricains vivent donc dans un État indépendant, mais en réalité sous la domination d'une excroissance africaine de l'Europe du XVIIe auXIXe siècle. Quelques rappels historiques paraissent utiles pour permettre de situer dans une perspective dynamique l'analyse qui sera développée dans le corps de cette étude, d'autant plus que les travaux en français sur la Namibie restent peu
abondants 4. La présentation rapide sera faite en distinguant ques grandes étapes 5.
quel-
1. La période de colonisation allemande6 On dispose de certains éléments de l'histoire précoloniale qui permettent de savoir que la région était peuplée par des populations de différentes origines, appartenant aux groupes Khoisan (Hottentots et Bushmen) et Bantou 4. Il en existe pourtant d'intéressants. Outre Fraenkel (P .). Les Namibiens, Paris, Éd. Entente, 1975. Voir la bonne introduction de Cros (Gérard), La Namibie, Paris, PUF, 1re Éd. 1983 en collection Que Sais-Je? et l'excellente étude Diener (Ingolf), Apartheid: la cassure, Paris, Arcantère Éd., 1986, dont le titre est malheureusement peu explicite, mais qui est consacré à la Namibie comme son sous-titre discret l'indique. 5. Outre Diener (1.), op. cit. ; Cros (G.), op. cit., on peut consulter Goldblatt, History of South West Africa. From the beginning of the Nineteenth Century, Capetown, Juta, 1971. Wood (Brian), ed. :Namibia 1884-1994. Reading on Namibia's History and Society, London, NSC, UNIN, 1988. Katjavivi (P .H.), A history of Resistance in Namibia, Paris, UNESCO, 1988 ; et pour une excellente présentation synthétique Fraenkel (Peter),
Murray
(Roger)
with
Stearman
(Kaye),
the Namibians
-
Minority Rigths Group Report n° 19, London, 1985 ; (considérablement transformé et mis à jour par rapport à l'édition de 1974), pp. 6 à 21. Pour les perspectives à venir Asante (S.K.B.), Asombang (W. W.), An Independent Namibia? Third World Quarterly, vol. Il, n° 3, July 1989, pp. 1 à 19. 6. Sur cette période outre Diener (1.), op. cit., 165 à 137, voir Drechsler (H.), Let us die fighting, London, ZedPress, 1980. Goldblatt, op. cit., pp. 72 à 201. National Atlas of SW A cartes 32 à 36. 16
quand la colonisation européenne fit sentir son poids après la Conférence de Berlin en 1884-1885. Cette Conférence avait permis à l'Allemagne, récemment unifiée comme l'Italie, de faire reconnaître sa participation au partage de l'Afrique, même si elle était tard venue dans cette mêlée colonisatrice qui déferlait alors vers le continent (Sl 9,ense
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2.3. L'exploitation des ressources naturelles Les ressources naturelles de la Namibie sont considérables, surtout si l'on tient compte de la faible population du pays; si le c.aractère aride ou semi-aride de plus des trois-quarts du territoire limite le potentiel, cependant appréciable, de l'agriculture et de l'élevage, la configuration géologique et les conditions climatiques et océanographiques ont doté la Namibie de ressources considérables dans le domaine des mines comme dans celui de la pêche. Les ressources naturelles du pays ont fait l'objet du premier décret pris en septembre 1974 par le Conseil des Nations Unies pour la Namibie interdisant la recherche et l'exploitation de ces ressources sans autorisation et permission du Conseil ou de personne agissant pour son compte. Ce décret n° 1 motivé par le souci de « protéger
les ressources naturelles du peuple namibien »56, et d'éviter leur exploitation dommageable pour le pays, le peuple et l'environnement, n'a pas été reconnu par la plupart des grands pays occidentaux et n'a pas été respecté par les grandes sociétés minières. L'article 6 de ce décret indique que dans l'avenir le futur gouvernement d'une Namibie indépendante pourra intenter des actions en réparation « contre les personnes, entités ou sociétés qui ont contrevenu au présent décret en ce qui concerne la Namibie ». L'exploitation des ressources naturelles de la Namibie sous le contrôle des autorités d'occupation sud-africaines a donc été clairement condamnée et interdite, de manière explicite. Cette exploitation peut être considérée comme illégale sur le plan du droit international suivant certaines 56. United Nations Council for Namibia Decree n° 1 : For the Protection of the Natural Resources of Namibia. 143
conceptions (mais les avis divergent bien sûr sur ce point) : elle apparaît en tout cas illégitime, tant. pour le peuple Namibien que pour la communauté "internationale dans leur grande majorité. C'est pourtant dans ce domaine que la Namibie a vraisemblablement souffert pour son futur les pertes les plus importantes sur le plan économique.
2.3.1. Les ressources minières
57
Le secteur minier (mines et carrières) est le plus important pour l'économie du pays; dès la décennie 1920-29, il représentait 43,3 070du Produit Intérieur Brut; après l'effondrement dû à la grande crise et à la guerre (15,2 070 et 13 070du PIB dans les deux décennies suivantes) il a retrouvé la première place dans les années 50, sa contribution au PIB fluctuant entre 32 et 38 070dans les décennies suivantes (et au début de décennie 1980-1987).
2.3.1.1. Le Diamant La première ressource minière de la Namibie est le diamant. Exploité dès la colonisation allemande avant la Première Guerre mondiale, le diamant de Namibie a suscité sur le plan mondial un intérêt considérable pour deux raisons essentielles, la taille des réserves (15 à 25 070des réserves mondiales prouvées et probables, selon les estima-
tions 58) et la qualité du diamant produit (plus de 95 070 de pierre de joaillerie « gem quality» 50 070 Brésil ou environ
contre par exemple
10 070 au Zaïre)
59.
57 . Voir en particulier CIIR : a Future for Namibia 3 : Mining Mines and Independence, Catholic Institute for International Relations, London 1983, Le chapitre n° 8, Mining, p. 292 à 336 dans UNIN : Namibia, Perspectives for National Reconstruction and Development, United Nations Institute for Namibia, Lusaka; 1986, UNIN : Namibia, Legal Framework and Development. Strategy, Options for the Mining Industry, United Nations Institute for Namibia, Lusaka 1987. 58. Voir UNIN Legal Framework, op. cit., p. 28. 59. Id., p. 31 et Mining Annual Review, Mining Journal, 1989, p. C 28. 144
Dès 1920, après la prise de contrôle des Sud-Africains, les intérêts des colons allemands ont été fondus avec ceux des grandes sociétés sud-africaines: la Consolidated DiamondMines (CDM), filiale de la société sud-africaine De Beers, a assuré l'exploitation du diamant namibien. De cette manière la production était contrôlée par le géant mondial du diamant, qui par son mécanisme de commercialisation (CSO, Central Selling Office) assure près de 80 070du commerce de gros mondial, mais aussi par le premier groupe d'entreprises en Afrique du Sud, l'AngloAmerican Corporation (AAC) dont la société De Beers est un des principaux éléments. La connexion était donc bien établie avec le marché mondial, mais sous le contrôle sudafricain. L'activité de la CDM a attiré un certain nombre de critiques, en particulier dans ces deux dernières décennies, visant à la fois ses exportations et sa production. a) L'exportation Entre 1975 et 1979, la CDM aurait vendu pour 1 479
millions de rands de diamants 60, soit probablement plus du quart du PIB du pays pendant cette période. Dans la période suivante, l'importance de l'exportation de diamants a diminué du fait de divers facteurs, en particulier une baisse de la production et une progression d'autres activités: elle n'en est pas pour autant devenue négligeable, comme le montre le tableau n° 19. En fait entre 1980 et 1988 les exportations de diamants cumulées ont atteint près de 3,5 milliards de rands et ont encore représenté plus de 15 070 du PIB global de la période. En outre la perte de ressources pour la future Namibie indépendante doit être évaluée au-delà de ces chiffres : en effet, d'une part ces diamants de haute qualité sont exportés bruts et permettent de dégager par transformation une valeur ajoutée considérable dont une fraction pourrait dans l'avenir être dégagée dans le pays; d'autre part la pratique d'échanges de diamants avec d'autres, d'origine sud-africaine, de qualité parfois inférieure, et l'exportation gratuite d'échantillons font que les statistiques disponibles sous-estiment probablement la valeur réelle de la production exportée. La Commission Thirion, présidée par un magistrat, a retenu dans son rapport un cer60. CIIR, Mining, op. cit., p. 133. 145
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tain nombre d'éléments61 facilitant les manipulations de prix, par la technique du prix de transfert, prix pratiqué dans les relations entre diverses entreprises d'un même groupe en fonction de la stratégie globale de ce groupe, permettant de choisir les entreprises et les lieux géographiques où l'on souhaite faire apparaître les bénéfices les plus élevés ou au contraire les pertes ou du moins les bénéfices réduits. D'après certaines évaluations les pratiques à l'exportation auraient pu faire perdre des centaines de millions de rands au pays, certains avançant même le chiffre d'un milliard de rands (sur une période de temps non spécifiée) 62. b) La production
La CDM a été accusée, par la Commission Thirion entre autres, de pratiquer « l'écrémage» des gisements, se contentant d'une exploitation superficielle des dépôts les plus intéressants. Cette pratique, dont la société se défend, est particulièrement tentante dans les périodes où les prix internationaux sont en baisse, dans la mesure où elle permet de maintenir un profit substantiel, en se limitant à l'extraction des zones les plus riches. Toutefois pour l'avenir, cette pratique peut causer un dommage considérable, en rendant non rentables, non exploitables dans de bonnes conditions économiques, des zones dont, la couche la plus riche ayant été enlevée, la teneur moyenne en diamants devient trop faible pour couvrir les coûts de l'exploitation. Des études devront être faites pour évaluer plus exactement l'existence de telles pratiques et leur impact; ce qui est certain, c'est que la productivité en diamant de l'exploitation se dégrade, que ce soit dû seulement à l'ancienneté de l'exploitation minière, ou à des pratiques abusives. La taille moyenne des pierres récupérées est ainsi passée de 0,88 carat en 1979 à 0,56 en 1982 (dernière année où les chiffres ont été publiés par De Beers, probablement moins aujourd'hui), et la teneur en diamant du minerai
61. UNIN Namibia, 62. UNIN Namibia:
Legal Framework, op. cit., pp. 18-19. Legal Framework... op. cit., p. 19.
147
est passée de 13,43 carats pour 100 tonnes en 1977 à 5,8 en 198863. La situation n'est donc pas très bonne et se traduit par un ralentissement de la production qui tourne ces dernières années autour de 1 million de carats (938 000 en 1988) alors qu'elle se situait entre 1,5 et 2 millions de carats entre 1975 et 1979 (2 millions en 1977). Récemment toutefois, l'exploitation et l'investissement ont été relancés pour essayer de compenser l'appauvrissement du principal gisement, celui d'Orangemund, et peut-être pour se retrouver en meilleure position de négociation avec le futur premier gouvernement de la Namibie indépendante... La COM a prévu l'exploitation de deux gisements l'un à Auchas sur la rive du fleuve Orange à 45 km d'Orangemund, l'autre plus au nord, le long de la côte à Elisabeth Bay, environ 30 km au sud du port de Lüderitz. Malheureusement pour la Namibie, ils ne pourront pas remplacer sur le plan économique le gisement principal d'Orangemund, dont la richesse est exceptionnelle et qui risque de n'être plus rentable à exploiter dans une dizaine d'années, les réserves ayant déjà été épuisées dans certaines zones dès 1987. Par ailleurs, le développement rapide de la production de diamants dans le Botswana voisin concurrence la Namibie, avec une production 15 fois supérieure en quantité et contenant des pierres de grande qualité, qui place désormais ce pays en première place mondiale (en valeur) dans l'exportation des diamants. La Namibie indépendante ne pourra pas compter sur le diamant pour jouer un rôle aussi considérable dans son développement qu'il aurait pu le faire sans l'exploitation maintenue à la fin de la période coloniale, en violation du décret du Conseil des Nations Unies. Seules d'éventuelles découvertes nouvelles, envi sageables à court et moyen terme, permettraient à la Namibie de retrouver sa place antérieure dans le marché du diamant, voire seulement de maintenir sa place actuelle. En 1978, elle était le 5e producteur mondial avec environ 4 070 de la production: en 1988, elle n'est plus que la 7e, avec seulement 1 07064.
63. Mining Annual Review 1979, p. 128, 1988, p. 379 et 1989, p. A. 120. 64. Mining Annual Review 1979, p. 127 et 1989, p. C. 27. 148
2.3.1.2. L'Uranium L'Uranium est depuis les années 70, la deuxième ressource minière du pays. Les informations précises et sérieuses sont encore plus difficiles à obtenir que pour le Diamant, compte tenu du caractère stratégique de ce minerai et des campagnes internationales qui ont été conduites contre l'exploitation de l'uranium namibien. La production namibienne d'uranium en 1988 se serait élevée à 3 500 tonnes, soit près de 10 070de la production mondiale (36 700 t)65. La Namibie figurait ainsi au 5e rang des pays producteurs (à économie de marché) mais très près de l'Australie et de l'Afrique du Sud. Sa capacité évaluée à 5 000 t par an pourrait la placer en troisième position, juste derrière les États-Unis. L'exploitation se fait dans une grande mine à ciel ouvert à Rossing, près de Arandis à environ 60 km de la côte et du port de Swakopmund; mais d'autres gisements potentiels ont été repérés. L'exploitation est faite depuis 1976 par Rossing Uranium LTD, contrôlée à 46,5 07066par la société RTZ Corp., avec 10 070à Rio Algom, filiale canadienne de cette dernière, 10 070au groupe français Total par l'intermédiaire de Minatome, 10 070à Orangesellschaft de l'Allemagne de l'Ouest, 10 070à l'entreprise publique sud-africaine Industrial Development Corporation et depuis 1985 3,5 070à la First National Development Corporation (ou ENOK) entreprise namibienne de promotion de l'investissement dont les capitaux ont été fournis par l'Administrateur Général SudAfricain en Namibie. Au niveau des actions, le groupe RTZ qui est un groupe contrôlé par des capitaux britanniques semble garder la majorité qui est la sienne, depuis le commencement de l'exploitation. Cependant, il semble qu'au niveau des voix détenues, la situation soit sensiblement différente, les deux représentants du secteur public sud-africain, l'IDC et l'ENOK détenant la majorité, soit 50,5 070grâce à la détention exclusive d'actions A ayant plus de droits de vote: à l'inverse RTZ se contenterait 65. Mining Annual Review 1989, p. C. 134. Il faut préciser qu'il s'agit de la production mondiale, pays socialistes exclus. 66. A 48,5 0,70au début de l'exploitation, à 46,5 0,70par la suite. 149
de 26,5 070des voix67, bien que contrôlant la majorité des actions. Toute l'exploitation repose en fait sur la coopération entre le gouvernement sud-africain et les entreprises qu'il contrôle plus ou moins directement d'une part etRTZ géant de l'industrie minière mondiale d'autre part, ce dernier conservant la gestion réelle de l'entreprise, mais sous contrôle de ses partenaires sud-africains. Les exportations d'uranium commencèrent à grande échelle en 1977. Entre 1977 et 1979, le volume exporté passa de 3 042 à 4 980 tonnes par an, pour une valeur totale pendant ces trois ans de 488 millions de rands. Dans la décennie 80, l'uranium aurait pris la première place aux diamants dans les exportations namibiennes, en atteignant de 1980 à 1987, 3 708 millions (contre 2 817 millions, pendant la même période pour le diamant), soit plus de 20 070 du PIB. On peut se poser, pour l'uranium, les mêmes questions que pour le diamant concernant les problèmes de prix à l'exportation et d'éventuel « écrémage» des gisements: toutefois si les quantités exportées sont bien celles qui figurent sur les statistiques, les chiffres disponibles tendent à écarter l'éventualité d'une sous-facturation chronique et sérieuse des exportations: les prix se situent apparemment bien au-dessus des prix « spot» du marché, comme il est normal dans un marché essentiellement régi par des contrats à long terme et dont les prix sont en train de chuter sur le marché spot. 2.3.1.3. Les autres minerais La Namibie est riche en minerais divers dont certains sont exploités depuis longtemps, le cuivre, le plomb, le zinc et l'étain, mais l'or, l'argent sont également exploités de même que les pyrites et le lithium. Bien que d'importance réduite au niveau mondial (seul parmi les principaux mine67. Mining Annual Review 1988, p. 380. En 1980, les actions de Rossing étaient apparemment réparties comme suit, RTZ (Rio Tinto Zinc) 46,5 070.IDC (IndustrialDevelopment Corporation) Afrique du Sud,
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rais le plomb représente plus de 1 070de la production mondiale), ces divers minerais contribuent. cependant de façon substancielle aux exportations namibiennes, apportant environ 200 à 300 millions de rands par an entre 1984 et 1987 : globalement entre 1980 et 1987, les autres minerais auraient rapporté 1 612 millions de rands, soit un peu moins de 10 070du PIB. La Tsumeb Corporation Limited qui exploite la principale mine à Tsumeb dans le nord du pays, est la troisième grande société minière du pays ayant eu à certains moments des années 80, 6 mines exploitées sous son contrôle et un chiffre d'affaires tournant autour de 200 millions de rands par an (période 1985-1987)68, dont environ 60 070provient du cuivre. Elle a été créée en 1947 sous contrôle du capital américain, les deux grandes sociétés américaines Amax et Newmont disposant de 29,5 070des actions chacune. Elles se sont associées avec des capitaux britanniques BP MineraIs International (ex-Selection Trust), 14 070 et sud-africain (Gencor 9,5 070); la gestion était assurée par le groupe Newmont, alors que le groupe Amax s'occupait de la commercialisation. Toutefois en 1982, le capital américain commença à se retirer, laissant la place au capital sud-africain: Goldfields of South Africa (GFSA), contrôlée par Ie premier groupe sud-africain Anglo American Corporation, prit alors 27,5 070des actions, puis 43 070en 1983, ayant racheté les intérêts d'Amax qui s'était complètement retirée, 47 070 en 1986. Enfin en mars 1988, elle racheta les intérêts de Newmont, soit 31 070,n'ayant plus comme partenaire significatif que BP MineraIs, avec 14 070des actions. Après les dernières restructurations, Tsumeb Corporation Limited (TCL) est devenue une filiale de Goldfields of Namibia, entreprise contrôlée par GFSA et donc indirectement par le groupe Anglo-American. Comme pour le gisement de diamant d'Orangemund, le gisement de Tsumeb vit ses dernières années: il ne devrait plus être rentable d'ici la fin de la décennie, représentant un autre cas de gisement d'intérêt exceptionnel dont l'essentiel aura été épuisé dans la période coloniale, la teneur en minerai ayant déjà sensiblement diminuée de 68. Mining Annual Review 1988, p. 381. 151
4,27 % en 1975 à 3,05 % en 1987 pour le cuivre, et de 9,73 % en 1975 à 3,69 % en 1987 pour le plomb69. La seule autre entreprise de poids dans le secteur minier est l'entreprise publique sud-africaine (en voie de privatisation) Iron and Steel Corporation (ISCOR) qui exploite les mines de Rosh Pinah au Sud (plomb, argent, zinc) et de Uis (étain) au Nord-Ouest. Cependant d'autres exploitations de petite dimension existent, parfois contrôlées par des groupes étrangers, comme celles produisant du lithium (SW A Lithium Mines, contrôlée par le groupe allemand Klockner and Co), ou encore une petite production de plomb, argent et zinc par la Debling Mining en lien contractuel avec Namib Lead Mines, une filiale du grand groupe sud-africain Gencor. 2.3.1.4. L'impact
de l'exploitation
minière
L'impact de l'exploitation minière sur la Namibie peut être envisagée de plusieurs façons: deux approches seront retenues ici, partant l'une de la perte de ressources naturelles non renouvelables et l'autre des retombées de l'activité minière sur le pays, à partir du concept de valeur nationale retenue. a) La perte de ressources naturelles non renouvelables Les minerais exportés. de Namibie après le décret n° 1 du Conseil des Nations Unies pour la Namibie qui interdisait cette exportation sans autorisation des Nations Unies représentent une valeur considérable. Si l'on prend la valeur courante des exportations, on obtient pour la période 1975-1979 le chiffre de 2 529 millions de rands, 1 479 millions pour le diamarit, 488 millions pour l'uranium et 562 millions pour les autres minéraux et, pour la période 1980-1988, 9 681 millions de rands (répartis probablement pour près de 45 % pour l'uranium, un peu plus de 35 % pour le diamant, et près de 20 0/0 pour le reste). Plus de 12 milliards de rands ont été ainsi exportés, en violation du décret des Nations Unies, chiffre impressionnant, mais qui sous-estime la réalité, si on 69. Voir CIIR Mining, op. cjl., p. 51 et Mining Annual Review 1988, p. 382. 152
raisonne à partir de la valeur du rand de 1990, alors que la valeur réelle du rand a diminué en moyenne de plus de 13 070 par an dans les années 70 et 80. Le fait que ces exportations aient représenté environ 45 070du PIB de la Namibie depuis 1976 montre l'importance exceptionnelle du phénomène. Pour apprécier la perte subie par la Namibie indépendante du fait de l'exportation de ses ressources non renouvelables, on peut aussi tenter d'évaluer la valeur du début de 1990 des volumes exportés pendant la période 1974-1988 (voir le tableau n° 20 ci-joint). En nous limitant aux 6 principaux produits, on arrive à une valeur située entre 7,5 et 8 milliards de dollars US, c'est-à-dire suivant les variations du cours du rand à environ 16 à 18 milliards de rands, soit plus de 4 fois le Produit Intérieur Brut annuel du pays en 1989. Il s'agit donc d'une perte énorme, surtout que plusieurs des principales zones d'exploitation sont en cours d'épuisement. Toutefois, il convient de nuancer cet exercice de calcul par plusieurs considérations. Tout d'abord, les dernières années ont vu une certaine relance à la fois de l'exploitation et de l'investissement minier qui devrait permettre au gouvernement de la Namibie indépendante de bénéficier parfois rapidement de ressources complémentaires. Si aucun des projets n'est comparable aux mines d'Orangemund, de Rossing et de Tsumeb, leur diversité et leur nombre cons-
tituent un atout intéressant pour le futur 70 :
- diamant à Auchas et à Elisabeth Bay avec un investissement envisagé, de 90 + 135 millions de rands par la CDM ;
- études faites par la FirstNational Development Corporation (ENOK) pour soutenir et développer des petites exploitations minières, en particulier pour les pierres semiprécieuses, le marbre et le granit; - développement d'une mine d'or à Navachab, près de Karibib, par le groupe Anglo-Américan, avec une production attendue de 1,8 tonne par an ;
- découverte de ressources énergétiques intéressantes: charbon bitumineux près d'Aranos, découvert par le CDM, gaz naturel en gisement off-shore à Kudu, pétrole au Nord d'Etosha Pan. 70. Mining Annual Review, 1989, p. A 120, A 121. 153
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Plus généralement, le potentiel minier du pays apparaît considérable, tant par sa diversité que par son volume, surtout si on tient compte de la faible population. La Namibie est un des premiers pays miniers, si on retient le critère de la valeur des exportations minieres par habitant et paraît susceptible de conserver une bonne position dans les prochaine,s années. b) La valeur nationale retenue
.
La valeur nationale retenue est un indicateur utilisé, surtout à la fin de la décennie 70, pour essayer de mesurer quantitativement les retombées pour un pays exportateur de produits de base de ses exportations. La valeur nationale retenue consiste essentiellement dans la part des salaires versés à des nationaux ou dépensés localement, plus la part des profits restant dans le pays (par le biais de dividendes versés localement, d'impôts divers, etc.), et par la part des consommations intermédiaires portant sur des biens ou services produits localement. Si la formule de base
est simple 71, la mise en application est complexe et dans le cas de la Namibie, les difficultés sont renforcées par le statut particulier du pays et l'incertitude vis-à-vis notamment de la population européenne concernant son véritable pays de « rattachement ». On peut cependant essayer de voir comment se répartit le revenu de la production minière (exportée pour la quasi-totalité). La part des salaires dans le revenu du secteur minier a été calculée à 17 070 pour la période 1974-197872 ; pour 1980 et 1981, elle monterait à 21,3 070 et à 34,2 070respectivement, ce dernier chiffre s'expliquant par les très faibles revenus de l'industrie minière en 1981, très mauvaise année pour ce secteur sur le plan mondial. On peut considérer en première approche d'après les indicateurs plus généraux dont on dispose que cette part a vraisemblablement fluctué entre 25 et 35 070pendant le reste de la décennie73. En 1977, l'emploi dans le secteur minier 71. Brodsky (D), Sampson (6),Retained Value and the Export Performance of Developing Countries. Journal of Development Studies, vol. 17, n° 1, October 1980, p. 32 à 47. 72. CIIR Mining... op. cit., p. 22. 73. Toutefois en 1987 le recoupement de plusieurs données pour le CDM ne redonne qu'environ 12 070. Voir AMR 88 et tableaux. 155
était estimé 74 à 22 500 personnes ,pour
l'essentiel des
salariés des trois sociétés principales CDM (environ 6 500) TCL (environ 6 000 à 6 500), Rossing (environ 3 000 à 3 500) 75. Les « Blancs» auraient représenté un peu plus de 15 0,10de l'effectif total en regroupant les cadres expatriés, les Sud-Africains et les futurs Namibiens potentiels. Les fortes différences de salaires constatées à l'époque dans les principales sociétés et la structure raciale des emplois permettent d'évaluer entre 60 et 70 0,10leur part des salaires, ne laissant que 30 à 40 0,10aux Namibiens noirs ou métis. En prenant l'hypothèse basse on rejoint le calcul fait par les chercheurs du CIIR pour 1977 : « Peut-être 5 0,10de la valeur des ventes de minerai terminaient directement dans les mains des Namibiens noirs en 1977 »76. A la fin de la décennie 1980, la situation s'est sans doute améliorée: l'augmentation de la part des salaires dans la valeur ajoutée, et la promotion de Noirs à certains emplois
sont des facteurs qui ont joué en ce sens 77. Néanmoins
les Namibiens noirs ne retiraient encore qu'une faible part de la valeur des ventes: probablement autour de 15 0,10 (entre 10 et 17,5 0,10suivant les hypothèses suivantes: part des salaires dans la valeur ajoutée 25 à 35 0,10,part des Noirs dans la masse salariale, 40 à 50 0,10). La retombée la plus importante de l'activité minière sur l'économie namibienne se faisait à la fin des années 70 par l'intermédiaire des impôts directs, en particulier de l'impôt sur les entreprises minières et des droits à l'exportation pour le diamant (25,7 0,10de la valeur des ventes en 1979). Toutefois la crise de l'industrie minière a eu comme résultat de diminuer sérieusement cet apport, et surtout de lui donner une grande irrégularité: ainsi les impôts « miniers» ont représenté entre 6,7 0,10(en 1983) et 23,9 0,10 (en 1987) de la valeur des recettes d'exportation, et 15,7 0,10 sur l'ensemble de la période 1980-1988 (voir tableau n° 21).
74. UNIN: Namibia, Perspectives... op. cit., p.635. 75. Les chiffres concernant les différentes sociétés ne concernent pas tous la même année (entre 1977 et 1989 selon les sources) et ne donnent qu'un ordre de grandeur. 76. CIIR : Mining... op. cit., p. 22. 77. Mais il y a eu une sensible baisse de l'emploi, avec des licenciements massifs à Tsumeb en 1987 : plus de 3 000 mineurs, et une perte d'emplois de plus de 2 000 après les réembauchages. 156
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