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French Pages 178 [177] Year 2017
Dans la même collection : Les fractales en images, 2016, ISBN : 978-2-7598-1769-6 Les statistiques en images, 2016, ISBN : 978-2-7598-1770-2 L'infini en images, 2016, ISBN : 978-2-7598-1771-9 Stephen Hawking en images, 2016, ISBN : 978-2-7598-1966-9 L'intelligence artificielle en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1772-6 Les mathématiques en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1737-5 La génétique en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1767-2 La logique en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1748-1 La relativité en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1728-3 Le temps en images, 2014, ISBN : 978-2-7598-1228-8 La théorie quantique en images, 2014, ISBN : 978-2-7598-1229-5 La physique des particules en images, 2014, ISBN : 978-2-7598-1230-1 La psychologie en images, 2014, ISBN : 978-2-7598-1231-8
Édition originale : Linguistics, © Icon Books Lts, London, 2009. Traduction : Anne Confuron – relecture : Gaëlle Courty Imprimé en France par Présence Graphique, 37260 Monts Mise en page de l’édition française : studiowakeup.com
ISBN : 978-2-7598-1768-9 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinés à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences, 2017
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Un peu d'histoire à propos de la linguistique Les êtres humains parlent probablement depuis leur apparition sur Terre, mais cela ne fait que 3 000 ans à peu près que l'on a commencé à s'intéresser au langage et à l'étudier. Cela s'est produit de manière tout à fait indépendante, dans deux endroits différents.
L'analyse grammaticale s'est développée très tôt dans l'Inde ancienne.
Une description de la grammaire a également fait son apparition chez les Grecs anciens.
Mais commençons par un exemple issu de la tradition indienne.
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Un linguiste indien La vie de Pa– nini (autour du ve siècle avant J.-C.) n'est pas connue mais – son œuvre, l'Asta–dhaya–yi, est l'aboutissement d'études antérieures réalisées en phonologie et en grammaire. L'approche de la grammaire de Pa– nini exige que les morceaux de mots soient d'abord collés les uns aux autres. Des règles devraient alors être appliquées pour convertir ces séquences en formes de surface correctes. Pa– nini a travaillé sur le sanskrit, mais nous pouvons très bien illustrer sa méthode avec la langue française. Examinons le verbe
pénétrer et son adjectif connexe
impénétrable qui signifie « ne pouvant pas être pénétré ». Il est constitué du préfixe négatif
in
- (comme dans insensé),
de la racine
pénétrer ble
et du suffixe -
Donc, pour commencer, nous avons
in-pénétrer-ble Nous avons besoin maintenant de quelques règles que nous allons appliquer à la prononciation, mais pas nécessairement à l'orthographe.
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Premièrement, si la racine d'un verbe se termine par -er et qu'elle est immédiatement suivie par une autre consonne (comme b), laissez tomber le r de la racine du verbe. Deuxièmement, si nous avons maintenant un son E long suivi du suffixe -ble, changez ce E long par la voyelle faible A. Troisièmement, si un n est immédiatement suivi par une consonne prononcée avec les lèvres, comme b, changez le n pour le m. Ces règles produisent le résultat requis :
impénétrable Je ferai quelque chose comme cela… mais beaucoup, beaucoup plus tard !
Le style formel d'analyse phonologique de Pa– nini se projette 2 000 ans dans le futur sur l'approche de Noam Chomsky dans les années 1960 – et, en effet, Chomsky a reconnu ce qu'il devait au grammairien indien.
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Les origines grecques de la linguistique Même si la tradition indienne était nettement plus sophistiquée, ce sont les Grecs qui ont fondé la tradition européenne. Le grand savant grec Aristote (384-322 avant J.-C.) a franchi la première étape. J'ai séparé la phrase en deux parties que j'ai appelées le sujet et le prédicat.
–, Le verbe grec leípo « laisser », comme n'importe quel verbe grec, compte plus de 300 formes différentes. leípein laisser –n laissant leípo leípsein être sur le point de laisser –n allant laisser leípso lipein avoir laissé – je laisse leípo leípeis tu laisses leípei il/elle laisse leípomen nous laissons leípete vous laissez leípousi ils/elles laissent – (que) je puisse laisser leípo leipoimi puis-je laisser – je laisserai leipso leípsoimi pourrai-je laisser (futur) élipon je laissais – (que) je pourrais laisser lípo lípoimi j'ai peut-être laissé léloipa j'ai laissé – j'avais laissé eleloípe leípomai je reste leípomai je resterai
SUJET :
PRÉDICAT :
Le roi de Perse
a conduit une grande armée en Grèce. – n je restais elipo´me
Aristote n'est pas allé plus loin, mais cette séparation est toujours reconnue aujourd'hui comme étant un élément fondamental de l'analyse des phrases. 6
léleimmai je suis resté –´ somai je leiphthe serai laissé elíphthen je restais
Grammaire ou parties du discours Les travaux des Grecs ont atteint leur apogée dans les écrits d’Apollonios Dyscole (110–175 après J.-C.) et Denys le Thrace (du deuxième au premier siècle avant J.-C.). C'est Denys qui a publié la première grammaire complète du grec, dont quelques parties seulement subsistent aujourd'hui. Le grec ancien était une langue dans laquelle la plupart des mots pouvaient prendre de nombreuses terminaisons différentes à des fins grammaticales. En examinant le fonctionnement des mots grecs, et surtout de ces terminaisons, Denys en a conclu qu'ils entraient simplement dans huit catégories, que nous désignons comme étant les parties du discours.
Mes catégories étaient les
noms, verbes, articles, pronoms, prépositions, conjonctions, adverbes et participes. La description de Denys allait constituer la base de toute la description de la grammaire en Europe jusqu’au milieu du xxe siècle, même si ses huit catégories ont connu des modifications plus tard. 7
La grammaire latine Après la conquête de la Grèce par les Romains au milieu du iie siècle avant J.-C., les érudits romains ont appris des travaux grecs et ont commencé à effectuer la même analyse sur leur propre langue, le latin.
Ce copiage n'a pas si mal tourné, parce que le latin était assez semblable au grec au niveau de sa structure.
amicus bonus un bon ami amici boni d'un bon ami amico bono à un bon ami amicum bonum un bon ami (objet) amico bono (par/avec/d') un bon ami amici boni bons amis amicorum bonorum de bons amis amicis bonis à de bons amis amicos bonos bons amis (objets) amicis bonis (par/avec/de) bons amis
La tradition gréco-latine a été finalement synthétisée dans les travaux du grammairien romain le plus influent, Priscien de Césarée, qui a écrit au vie siècle après J.-C. La description que fait Priscien du latin correspond à ce que nous trouvons encore aujourd'hui dans la plupart des manuels scolaires de latin. 8
Lorsque les Européens ont finalement commencé à s'intéresser aux descriptions de l'écriture de leurs propres langues aux xive et xve siècles, ils ont surtout tenté d'imposer les considérations de Priscien à propos du latin à leurs propres langues.
Ce qui était quelque peu regrettable car l'espagnol, le français, l'allemand et l'italien ne ressemblent pas toujours au latin.
Alors que l'anglais est en réalité très différent.
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La grammaire traditionnelle Pourtant, cette grammaire traditionnelle grécolatine a continué d'être enseignée dans les écoles européennes jusqu'à aujourd'hui. Cependant, dans les pays anglophones, l'enseignement de la grammaire anglaise a été largement abandonné dans les années 1960…
Avec la conviction que la grammaire était trop ennuyeuse pour retenir l'attention des élèves dans les écoles. latif « qui » Le pronom re locution e un e rt po ap ue fois aq ch le ia adverb é par ac pl qu'il est rem ion de ct on nj co e un subordination.
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La grammaire de Port-Royal Les érudits français du xviie siècle, connus sous le nom de cercle de Port-Royal, ont élaboré ensemble une grammaire du français « universelle », remarquablement originale, qui se libérait largement de la tradition de Priscien. Voici un exemple typique de leurs analyses.
Le Dieu invisible a créé le monde visible. Cette phrase est analysée de la façon suivante…
Dieu, qui est invisible, a créé le monde, qui est visible … qui est à son tour décomposée en trois propositions…
Dieu est invisible Dieu a créé le monde Le monde est visible Cette analyse est étonnamment similaire à ma première version des années 1950 sur la grammaire transformationnelle.
N. Chomsky
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Le grand penseur allemand Wilhelm von Humboldt (1767–1835), frère du célèbre explorateur Alexander von Humboldt, a également essayé de développer une approche universaliste et philosophique de l'étude des langues.
L'élément fondamental de la langue réside dans le fait que ceux qui la parlent peuvent bénéficier d'une utilisation infinie des ressources limitées fournies par leur langue. Bien que la capacité du langage soit universelle, l'individualité de chaque langue est la propriété des personnes qui la parlent. Chaque langue a sa innere Sprachform, ou structure interne, qui détermine sa forme extérieure et constitue le reflet de l'esprit de ceux qui la parlent. La langue et la pensée d'un peuple sont donc indissociables.
Le discours des individus est leur esprit Et leur esprit est leur discours.
Même si les travaux de Humboldt ont suscité beaucoup d'intérêt, ils ne sont pas parvenus à créer une tradition qui s'est perpétuée.
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Historique de la linguistique Vers la fin du xviiie siècle, les linguistes européens ont commencé à se rendre compte que certaines langues présentaient de telles ressemblances frappantes et systématiques qu'elles devaient provenir d'un seul ancêtre commun, à partir duquel elles avaient divergé par une longue série de changements. Des universitaires tels que Franz Bopp (1791–1867), Rasmus Rask (1787–1832) et Jacob Grimm (1785–1863) ont pu démontrer que presque toutes les langues d'Europe et de nombreuses autres en Asie étaient toutes liées de la même manière.
Cette famille de langues, nommée famille indoeuropéenne, provient finalement d'un ancêtre éloigné…
À la suite de ces découvertes étonnantes, l'étude de la langue change ainsi que celle de la préhistoire des langues, appelée linguistique historique. Cette dernière est devenue de loin le moyen le plus important pour étudier les langues. Les autres approches se sont retrouvées temporairement reléguées au second plan.
que nous appelons
proto-indo-européen.
Jakob Grimm
Rasmus Rack
Franzz Bopp
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Voici un exemple du genre de correspondance systématique qui a suscité de l'intérêt dès le début. Remarquez bien les consonnes initiales.
Français Latin
Grec
poisson piscis
(ikhthys)
père pater pater pied ped- podpour pro para six sex hexa sept
septem hepta
suave suavis hedys sel sal hal nouveau novus
neos
nuit noct- nykt(en) nea neuf novem
Les origines de la linguistique générale Ce n'est que vers la fin du xixe siècle que l'étude non historique de la structure de la langue a commencé à s'imposer à nouveau. Des pionniers comme l'Allemand Georg von der Gabelentz (1840–1893) et les Polonais Jan Baudouin de Courtenay (1845–1929) et Mikołaj Kruszewski (1851– 1887) ont publié des observations importantes à propos de la structure du mot et du son dans les langues. Ce genre de travail correspond à ce que nous désignons aujourd'hui comme étant la linguistique générale : l’étude de la manière dont les langues sont assemblées et comment elles fonctionnent.
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Ferdinand de Saussure Mais la seule figure influente dans le développement de la linguistique générale travaillait, à cette époque-là, dans un certain anonymat, dans la ville de Genève, en Suisse. Ferdinand de Saussure (1857–1913) avait suivi une formation de linguiste historique et, à vrai dire, il avait grandement contribué à la compréhension du proto-indo-européen. Saussure avait appliqué la technique de la reconstruction interne au proto-indo-européen (PIE) pour expliquer certaines irrégularités dans les formes de certaines racines. La plupart des racines du PIE ont la forme CeC- où C signifie « n'importe quelle consonne ». Par exemple… bhel- bher- gel- kwel- meg- mel- nebh- ped- reg- sed-
« briller » « porter » « former une boule » « tourner » « grand » « doux » « nuage » « pied » « aller tout droit » « assis »
ag- ak- dhe :- do :- ed- es- ma :- od- se :-
« mener » « aigu » « poser, installer » « donner » « manger » « être » « bon » « sentir » « semer »
Mais certaines sont différentes. La voyelle est A ou O au lieu de E. La première ou la dernière consonne manque et, lorsque la dernière consonne manque, la voyelle est longue (marquée par deux points) : Saussure suggérait que ces racines irrégulières avaient été auparavant parfaitement régulières, mais qu'elles avaient contenu certaines consonnes ayant disparu. Aujourd'hui, ces consonnes portent le nom de glottales. 15
Les conférences de Saussure sur la linguistique générale La plupart des gens réduisent la langue à une liste de termes qui correspondent à une liste de choses. Par exemple, en latin…
EQUUS
ARBOR
Un signe linguistique ne constitue pas un lien entre une chose et un nom, mais entre un concept et un modèle sonore. Le modèle sonore n'est pas vraiment un son, car un son est quelque chose de physique. Un modèle sonore est l'impression psychologique que perçoit l'auditeur à propos d'un son. 16
Au cours des premières années du xxe siècle, Saussure a commencé à donner des conférences sur la linguistique générale à l'université de Genève. Ses idées très originales ont frappé l'imagination de ses étudiants. Saussure est mort sans qu'elles soient jamais publiées.
Mais nous avons regroupé et édité nos notes de cours et publié en 1916 un ouvrage qui portait le nom de saussure sur sa couverture…
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Le structuralisme de Saussure Avant Saussure, la plupart des linguistes avaient adopté une approche atomistique de la structure de la langue. C'est-à-dire qu'ils considéraient une langue comme étant avant tout un ensemble d'objets, comme les phonèmes, les mots et les terminaisons grammaticales.
Je soutenais au contraire qu'une langue était surtout considérée comme un système structuré d'éléments dans lequel la place de chaque élément est principalement définie par la manière dont il est relié aux autres éléments.
MA
MON Cette nouvelle approche a rapidement pris le nom de structuralisme et, depuis les travaux de Saussure, pratiquement toutes les études importantes réalisées sur les langues ont été structuralistes dans ce sens.
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NOTRE TOI
JE
TOI-MÊME TON / TA
NOUS
MOI
NOS
NOUS-MÊMES
Un exemple à partir de l'anglais Voici un exemple d'analyse structuraliste. Parmi les phonèmes trouvés en anglais, il y en a deux que nous représentons par [d] et [ð]. Le son [d] se présente au début du mot den, tandis que le son [ð] se présente au début du mot then. Puisque ces mots sont identiques par ailleurs au niveau de leur prononciation et puisqu'ils ont des significations différentes, nous pouvons donc en conclure que ces deux sons « sont considérés comme » différents en anglais. C'est-à-dire qu'ils se comportent comme deux unités structurales différentes dans le but de construire des mots anglais. Nous disons par conséquent que [d] et [ð] appartiennent, en anglais, à deux unités structurelles différentes, ou phonèmes, que nous représentons par /d/ et /ð/, de sorte que den et then soient représentés phonémiquement par /den/ et /ðen/. 19
Un exemple à partir de l'espagnol En revanche, les sons [d] et [ð] existent également en espagnol, mais leur comportement est différent. En espagnol, [ð] peut apparaître uniquement à certains endroits, notamment entre les voyelles, comme dans [deðo] « doigts », tandis que [d] ne peut jamais se présenter à ces endroits-là. Notez, par exemple, (dama) « demoiselle » avec [d], mais (la ðama) « la dame », avec [ð] entre les voyelles. En espagnol, donc, les deux sons ne sont pas « répertoriés » comme étant différents et nous les attribuons tous les deux à un seul phonème [d]. La justesse de cette analyse est reconnue par le système d'orthographe espagnol, qui écrit dedo, dama et la dama.
[d]ama mais
la [ð]ama
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de[ð]o
L'anglais et l'espagnol possèdent les phonèmes [d] et [ð], soit, mais la relation structurelle entre les deux est différente dans les deux langues – et, dans une approche structuraliste, c'est la relation structurelle qui importe, et non les faits phonétiques objectifs.
J'existe en espagnol et en anglais, mais je ne « compte » qu'en anglais.
Aujourd'hui, presque tous les travaux en linguistique sont structuralistes dans le sens linguistique général de Saussure. Depuis les règles de prononciation jusqu'à la structure des conversations, les linguistes voient une langue comme un système ordonné, ou mieux, comme un système de systèmes, avec tous les phénomènes linguistiques faisant partie de ces systèmes. 21
Structures synchroniques et diachroniques Un autre aspect des travaux de Saussure met l'accent sur deux approches très différentes de l'étude de la langue : une approche synchronique, dans laquelle nous nous concentrons sur la structure d'une langue à un moment particulier dans le temps (pas nécessairement le présent), et une approche diachronique, dans laquelle nous observons le développement d'une langue dans le temps.
DIACHRONIQUE
E
M
P
S
SY N
CH RO
NIQ UE
T
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Nous pouvons par exemple étudier l'anglais de Shakespeare de manière synchrone, pour lui-même.
Ou bien nous pouvons aussi l'étudier de façon diachronique, comme une étape dans l'évolution de l'anglais médiéval vers l'anglais moderne.
Le cercle de Prague Après la Première Guerre mondiale, un certain nombre de linguistes d'Europe de l'Est, parmi lesquels de nombreux Russes qui fuyaient la révolution communiste en Russie (1917), se sont rassemblés dans la ville tchèque de Prague. Finalement connu sous le nom de cercle de Prague, ce groupe a développé des idées structuralistes dans un certain nombre de directions pendant les deux décennies qui ont suivi. Ce sont les Russes Nikolai Trubetzkoy (1890−1938) et Roman Jakobson (1896−1982) qui ont joué des rôles particulièrement importants. Les Principes de la phonologie de Trubetzkoy, paru en 1939, a été sans doute la publication la plus influente du Cercle (la phonologie est l'étude des systèmes sonores dans les langues). Mais l'annexion nazie de la Tchécoslovaquie en 1938 a provoqué la dispersion du groupe : Trubetzkoy est mort, tandis que Jakobson a fui vers l'Ouest pour parvenir finalement aux États-Unis.
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La phonologie de Trubetzkoy Voici un exemple de l'analyse de la phonologie effectuée par Trubetzkoy tirée de son livre. Le caractère spécifique d'une opposition phonologique repose sur le fait que cette dernière est une opposition distinctive du son… La notion de caractère distinctif présuppose le concept d'opposition. Une chose peut être distinguée uniquement d'une autre chose : elle se distingue seulement dans la mesure où elle tranche ou bien elle est opposée à autre chose. Par exemple, le mot caught [attrapé] est prononcé à peu près de la même façon avec les accents américains et canadiens. Mais, avec la plupart des accents américains, caught se prononce différemment de cot, alors qu'avec les accents canadiens, caught et cot se prononcent de manière identique.
Donc, les accents américains font la distinction entre deux voyelles opposées.
Alors que ce n'est pas le cas pour les accents canadiens.
C'est leur distinction (ou leur absence) qui est importante, non les prononciations en elles-mêmes.
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Les travaux de Jakobson sur la linguistique Voici un exemple de l'analyse linguistique de Jakobson tiré de son célèbre article sur l'acquisition du langage chez les enfants et le degré d'universalité des phonèmes.
Les oppositions qui se produisent relativement rarement dans les langues du monde entier figurent parmi les dernières acquisitions phonologiques de l'enfant. Ainsi, la répartition géographique des voyelles nasales est relativement limitée et, par conséquent, ces phonèmes apparaissent, chez les enfants français et polonais, par exemple, seulement après que toutes les voyelles restantes ont été acquises, habituellement pas avant l'âge de 3 ans environ. D'un autre côté, les consonnes nasales existent dans toutes les langues et figurent parmi les premières acquisitions linguistiques de l'enfant. Le r caron tchèque (R ) est l'un des rares phonèmes que l'on trouve dans les langues. Pratiquement aucun autre phonème de leur langue natale ne présente de telles difficultés majeures et persistentes pour les enfants tchèques.
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Jakobson et la sémiotique Jakobson est une figure clé qui établit un lien entre le développement de la sémiotique et la linguistique. Son itinéraire d'exil de la Russie à l'Amérique relie ces traditions. La linguistique fournissait le modèle d'analyse de la langue comme étant un système structuré qui « produit des sens ». La sémiotique tente d'étendre cette approche à d'autres systèmes non linguistiques, c'est-à-dire à chacun des aspects de l'expérience sociale qui peuvent être analysés comme des systèmes structurés de signes. Ces derniers peuvent inclure des systèmes de circulation, des symphonies ou de l'architecture et, à son niveau le plus ambitieux, en biosémiotique, l'environnement évolutif des organismes.
Jakobson est arrivé en Amérique en 1941 et a rencontré une autre tradition sémiotique…
C. S. Peirce (1839−1914) a commencé à travailler sur sa théorie « sémiotique » des signes en 1869… Charles Morris (1901−1979), influencé par le linguiste structuraliste Leonard Bloomfield (1887−1949), a participé à la création comportementaliste de la sémiotique… Un étudiant de Morris, Thomas Sebeok d'origine hongroise (né en 1920), a étendu la sémiotique à la biologie… 26
… Le cercle linguistique de Moscou avait des liens avec les « formalistes » sémiotiques de l'OPOYAZ (Société pour l'étude du langage poétique de Saint-Pétersbourg 1916−1930)…
… la sémiologie a influencé le cercle linguistique de Moscou (1915−1921) dirigé par le jeune Jakobson…
Jakobson aide à fonder le cercle de Prague (1920)… Saussure annonce « une étude générale des signes » ou sémiologie…
L'influence de Saussure/Jakobson sur le structuralisme en France, années 1950 et 1960. Les systèmes de signes en anthropologie : Claude Lévi-Strauss (1908–2009) psychologie : Jacques Lacan (1901−1981) histoire : Michel Foucault (1926−1984) Post-structuralisme Roland Barthes (1915−1980) Jacques Derrida (1930–2004) Julia Kristeva (née en 1941)
La linguistique peut être et est étudiée sans référence à la sémiotique. Mais la sémiotique est inimaginable sans la linguistique. 27
Les origines de la linguistique américaine À l'époque où Saussure donnait ses conférences, l'anthropologue germanoaméricain Franz Boas (1858−1942) poursuivait l'étude des cultures des Amérindiens en voie de disparition. Boas avait compris très tôt qu'une bonne étude de ces cultures requérait la connaissance de leurs langues. Il s'est attaqué au préjugé commun selon lequel la race, la culture et la langue sont indissociables. L'exemple qu'il donnait était celui des familles linguistiques athapascanes. Les personnes qui parlent les langues de la souche athapascane vivent au nord-ouest de l'amérique, dans de petites tribus en californie, et en grand nombre en arizona et au nouveau-mexique… Ceux qui parlent l'athapascan diffèrent fondamentalement au niveau des types « raciaux » physiques et leurs cultures sont également différentes.
Étendue de la famille de langues athapascane
Boas a incité une génération d'anthropologues américains à apprendre les langues amérindiennes et en a publié des descriptions minutieuses. Pour les efforts qu'il a déployés, Boas est aujourd'hui reconnu comme étant le père de la linguistique américaine. 28
La linguistique générale de Sapir Edward Sapir (1884−1939), un autre Germano-Américain, fut l'étudiant le plus célèbre de Boas. Sapir est venu à l'étude de la linguistique avec une formation solide en musique, art et littérature. Son approche de la langue était donc large et humaine. Sapir s'intéressait beaucoup à la découverte de relations possibles entre la langue et la culture. « Whom did you see ? » Est la forme correcte en anglais. Mais celle que vous dites naturellement est « who did you see ? » Nous devons examiner le discours spontané des personnes pour obtenir des informations préalables sur les tendances générales de la linguistique. Un jour, « whom » deviendra aussi archaïque que le « his » élisabéthain pour « its ».
L'ouvrage classique de Sapir Language de 1921, le premier manuel en langue anglaise sur la linguistique générale, a établi une tradition d'études des langues humaines qui perdure aujourd'hui. 29
L'hypothèse de Sapir-Whorf L'étudiant le plus connu de Sapir, Benjamin Lee Whorf (1897−1941), un ancien inspecteur en assurance incendie, a poursuivi les travaux de son professeur et a réalisé un certain nombre d'études sur les langues amérindiennes et canadiennes. En montrant les différences frappantes dans la manière dont les différentes langues sculptent le monde, Whorf a initié un débat culturel.
La structure de notre langue doit, dans une certaine mesure, déterminer la façon dont nous percevons le monde.
Cette idée, désignée aussi bien sous le nom d'hypothèse de Sapir-Whorf que d'hypothèse de la relativité linguistique, a fasciné depuis linguistes, anthropologues et psychologues, même si son degré de validité, si elle en a un, a pu être parfois très débattu.
HILI
SWA
AN
ÇA
UR
IS
DU
FR
30
Exemple de l'hypothèse de Sapir-Whorf Citons l'exemple de la langue Navajo en Arizona, riche en mots pour évoquer des lignes aux formes, couleurs et configurations diverses. Parmi la centaine de mots disponibles pour ce faire, on trouve adziisgai, « un groupe de lignes blanches parallèles qui s'éloignent », ahééhesgai, « plus de deux lignes blanches qui forment des cercles concentriques » et álhch'inidzigai, « deux lignes blanches qui se rejoignent en un point ».
Ce vocabulaire étendu permet à ceux qui parlent le Navajo d'évoquer simplement toutes sortes de dispositions géométriques qui nécessiteraient de longues descriptions en français.
Nous le percevons dans les termes géométriques fournis si naturellement par notre langue.
Mais une suggestion importante est que ceux qui parlent Navajo perçoivent en réalité le monde de façon différente de ceux qui parlent français.
31
Il convient de souligner que les noms des lieux des Navajos sont en grande majorité de nature géométrique. Par exemple, une certaine formation de rochers en Arizona porte le nom de Tsé Áhé'ii'áhá en Navajo.
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Cela signifie « deux rochers qui sont verticalement parallèles dans une relation verticale l'un par rapport à l'autre ».
Nous les appelons simplement « pieds d'éléphant ».
Les personnes qui parlent français, suppose-t-on, voient les objets comme ressemblant à d'autres objets, tandis que les personnes qui parlent Navajo voient des relations géométriques. Tout cela demeure controversé aujourd'hui. 33
Un pionnier du structuralisme américain Un autre linguiste détournait un peu la linguistique américaine de ses connexions anthropologiques et culturelles, vers une concentration plus étroitement axée sur la structure de la langue de plein droit. Bien que spécialisé dans les langues germaniques d'Europe, Leonard Bloomfield (1887−1949) s'est d'abord fait connaître en démontrant que les techniques de la linguistique historique, déjà appliquées avec succès aux langues européennes et asiatiques…
… Pouvaient être également appliquées avec le même succès aux langues amérindiennes.
Cree
Menominee Ojibwé
Proto-algonquien Français
atim anεεm anim
*aθemwa
chien
niitim
*niiθemwa
ma belle-sœur
nenem
niinim :
kaateew kianεεw kaanaat *kyaaθeewa
il le cache
atameek anaamεεk
poisson mort
(n'existe pas) *aθameekwa
Bloomfield a réalisé une étude magistrale sur la famille algonquienne des langues d'Amérique du Nord, pour laquelle il a pu reconstruire un ancêtre proto-algonquien non recensé.
34
Mais Bloomfield s'est fait plus connaître pour son livre publié en 1933, appelé aussi Language, dans lequel il présentait une approche soigneusement articulée de l'analyse structuraliste des langues, beaucoup plus explicite et détaillée que ne l'avaient été les Cours de Saussure. Elle est confirmée par son approche de la nature grammaticale des systèmes de genre. Le système de genre entre l'animé et l'inanimé dans une langue algonquienne, par exemple, inclut parmi ce qui est animé certaines choses que nous ne considérons pas comme étant vivantes : pierre, conduit, framboise (mais pas fraise), genou (mais pas coude). Des observations ethnologiques montrent que les personnes qui parlent ne font pas (sauf dans les formes grammaticales de leur langue) de distinctions différentielles. Nous ne disons pas « une framboise vit ; une fraise ne vit pas », nous ne faisons pas non plus de différence correspondante de quelque autre façon, par exemple, au niveau de nos habitudes alimentaires ou de nos cérémonies religieuses.
35
Les structuralistes post-bloomfieldiens La génération suivante de linguistes américains s'est inspirée en grande partie de Bloomfield. Impatients face à ce qu'ils considéraient comme étant la théorie du fauteuil des linguistes européens, ces post-bloomfieldiens souhaitaient placer la linguistique dans une position fermement empirique et scientifique. La marque de la linguistique qu'ils ont développée, connue comme étant le structuralisme américain, s'est donc fortement concentrée sur des données empiriques recueillies sur le terrain à partir de vraies langues, la plupart peu connues, sans tradition écrite.
Cette approche a considérablement élargi notre compréhension de ce à quoi pouvaient ressembler les langues humaines, mais cela a aussi conduit ses adeptes à s'inquiéter à propos de généralisations possibles, et même à se montrer hostiles vis-à-vis de la théorie linguistique. 36
Le formalisme de Zellig Harris À la grande différence de leurs collègues européens, les structuralistes américains n'ont manifesté aucun intérêt pour les significations ou fonctions des mots et des expressions, préférant se concentrer uniquement sur les formes linguistiques. Ce penchant a été porté à l'extrême par un linguiste américain peu commun, Zellig Harris (1909−1992), qui s'est montré encore plus intéressé par l'analyse linguistique d'un genre très formel, voire même de type algébrique. Harris était très intéressé par le fait d'établir des liens entre les phrases. L'un de ses moyens consistait à décomposer les phrases pour en construire de plus petites. Voici un exemple pour illustrer (de façon générale) la manière dont une phrase complexe peut être liée à une phrase plus simple par des opérations successives de découpages :
1
l es attitudes que les gens au pouvoir expriment servent à obtenir un effet auprès du public
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l es attitudes que les gens expriment servent à obtenir un effet
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l es attitudes servent à obtenir un effet Les travaux de Harris étaient considérés par la plupart de ses collègues comme étant excentriques et extrêmes, mais ils ont eu un effet puissant sur l'un des étudiants de Harris, un jeune homme du nom de Noam Chomsky (né en 1928). 37
La grammaire générative de Chomsky Dans les années 1950, Chomsky a pris les méthodes formalistes de Harris et les a associées à certaines idées provenant des mathématiques, qu'il avait étudiées en même temps que la linguistique. Il en a résulté une étonnante nouvelle approche de la description et de l'étude de la langue, et notamment de la structure de la phrase (syntaxe).
J'ai appelé mon approche la
grammaire générative.
Chomsky a présenté ses idées génératives dans un court ouvrage paru en 1957, Les structures syntaxiques.
Qu'est-ce que la grammaire générative ? Une grammaire générative tente de fournir une présentation complète explicite et mécanique des règles gouvernant la construction des phrases. Autrement dit, les règles grammaticales doivent nous dire exactement ce qui peut être considéré comme une phrase grammaticale tout en excluant tout ce qui n'est pas une phrase.
La construction d'une grammaire générative nous oblige donc à formuler nos règles avec un degré de clarté et de précision jamais atteint par nos prédécesseurs.
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Voici un court exemple d'un fragment de grammaire générative : 1. P ➞ PN (phrase nominale) PV (phrase verbale) 2. PN ➞ Dét N' 3. N' ➞ A N 4. N' ➞ N 5. PV ➞ V PN Par exemple, la première règle dit « Une phrase peut être constituée d'une phrase nominale suivie d'une phrase verbale. » D'autres règles nous disent à quoi peuvent ressembler une phrase nominale et une phrase verbale. Voici quelques phrases nominales possibles :
Et voici quelques phrases verbales possibles :
Ces règles sont conçues pour préciser exactement ce que peut et ne peut pas être une phrase. Par exemple, elles permettent des choses comme
(et aussi Posh Spice griffe le canapé et Mon chat veut acheter une Porsche, bien sûr, car ce sont des phrases grammaticales même si elles sont un peu bêtes). Mais elles ne permettent pas des choses comme A détruit la ville nos ennemis ou Petite la fille sa poupée serrait, qui ne sont pas grammaticalement correctes. 39
Grammaire transformationnelle On peut définir de nombreuses sortes de grammaires génératives différentes, différant selon les types de règles autorisées. Celle qui est illustrée sur la page précédente est un fragment d'une grammaire syntagmatique hors contexte, particulièrement pratique à utiliser. Mais Chomsky lui-même rejetait ce genre-là comme étant trop simple pour saisir des faits importants concernant les langues.
J'ai élaboré à la place un genre beaucoup plus efficace de grammaire générative, appelé grammaire
transformationnelle ou gt.
La GT utilise des règles extrêmement puissantes. Par exemple, pour transformer La police a arrêté Susie en Susie a été arrêtée par la police une seule règle transformationnelle fait tout ce qui suit : Déplace la police à la fin de la phrase. Insère par avant la police. Déplace Susie au début de la phrase. Ajoute être avant le verbe a arrêté. Ajoute une marque de temps pour transformer être en a été. Change le passé arrêté pour le participe arrêtée (les deux formes se trouvent être identiques pour arrêter, mais comparez Susie ouvra la porte avec La porte a été ouverte par Susie). 40
Le programme de Chomsky L'essentiel d'une bonne théorie grammaticale est le pouvoir qu'elle possède pour nous dire ce qui est possible et impossible dans les grammaires des langues humaines. Dans les années 1950, Chomsky a lui-même défini plusieurs théories grammaticales et les a classées par ordre de grandeur. Voici ce qu'il disait.
Certaines théories grammaticales sont trop faibles et ne peuvent pas gérer certains phénomènes qui se produisent dans la grammaire des langues humaines.
D'autres sont
trop puissantes
et peuvent gérer des phénomènes qui ne se produisent jamais dans les langues humaines.
Nous voulons le bon équilibre : une théorie grammaticale qui peut gérer exactement la gamme des propriétés grammaticales trouvées dans les langues humaines. Lorsque nous trouverons une telle théorie, nous aurons la meilleure théorie possible (ou modèle) des grammaires des langues humaines. 41
Paradoxe du programme de la GT Chomsky soutenait que sa propre théorie de la grammaire transformationnelle (GT) était celle qui correspondait le mieux. Mais en 1969, les linguistes mathématiciens Stanley Peters et Robert Ritchie ont prouvé que la GT était si forte qu'elle pouvait, en principe, décrire n'importe quoi pouvant être décrit
– un résultat à peine intéressant. Mais pourquoi n'est-ce pas bien ? Parce que – pour rester simple – elle va à l'encontre de l'objectif d'une bonne théorie grammaticale, qui consiste à nous dire ce qui est possible et impossible dans les langues humaines. Une théorie qui est trop puissante prétend en réalité que rien n'est interdit dans les grammaires humaines et qu'absolument tout est possible. Cela revient presque à dire que les grammaires humaines ne possèdent pas du tout de propriétés identifiables. En bref, la GT ne prétend rien du tout ! 42
L'approche fonctionnelle Chomsky et ses collègues ont été obligés de changer leurs idées à plusieurs reprises face à des données réfractaires. Certains critiques se sont demandés si l'entreprise générative pourrait jamais être réalisée avec succès. Pour ces raisons, parmi d'autres, de nombreux linguistes préfèrent se démarquer de ce qu'ils considèrent comme étant un formalisme excessif en faveur d'approches plus centrées sur l'Homme, des approches qui sont nettement plus directement axées sur ce que les gens essaient de faire lorsqu'ils parlent et de quelle manière ils le font. Cette approche, préférée par de nombreux linguistes, est l'approche fonctionnelle. Ces linguistes essaient de déterminer quels sont les objectifs satisfaits par une langue et quelles sont les formes linguistiques disponibles pour assurer ces fonctions.
J'ai besoin de l'impressionner
Elle est superbe
Je suis fâchée contre ces idiots
Je dois cacher mon ignorance Je dois faire preuve de sérieux Je suis en retard, je veux rentrer à la maison
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Mais que voulons-nous dire par les fonctions de la langue ? La plupart des gens, lorsqu'on leur demande à quoi sert une langue, donnent la même réponse : c'est pour communiquer. Mais cette réponse est beaucoup trop simple. Prenons un exemple plutôt caractéristique de l'utilisation authentique d'une langue, entendu dans un pub à Birmingham, en Angleterre. Mick, qui vient de se voir retirer son permis de conduire pour conduite en état d'ivresse, et sa femme Rita parlent à une troisième personne, Roy. Les phrases entre crochets ne font pas partie de la conversation, mais ont été ajoutées pour plus de clarté.
Je bois davantage maintenant que je n'ai plus ma voiture.
C'est vrai.
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Eh bien, commence par arrêter, lorsque tu dis que tu vas arrêter, fais-le.
Comme il est maintenant, il n'a besoin que de quelques pintes [avant d'être ivre]. Je me suis fait arrêter à neuf environ, non, neuf pintes de bière et quelques verres de sherry à l'heure du déjeuner et je suis passé, bon, je suis passé comme étant négatif [sur l'alcootest]. C'était il y a quelques années, mais cette fois, figure-toi [j'ai été pris]. Parce qu'il boit tous les jours et cela ne sort pas de son organisme.
Tu es sur la bonne voie maintenant. Fais quelque chose. Arrête. Cela me gêne en fait. Je dois commencer à arrêter, apprendre à quel moment arrêter.
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Que transmet la « fonction ? » Il y a très peu d'information transmise ici et il est peu probable que ce qui est communiqué soit essentiel au destinataire.
Ce que Mick fait essentiellement, c'est essayer de maintenir de bonnes relations avec son ami…
… pendant que sa femme Rita, quant à elle, essaie essentiellement de modifier le comportement de Mick.
Et ces objectifs, maintenir de bonnes relations et essayer de persuader les gens de faire telle ou telle chose, sont nettement plus caractéristiques de l'usage qui est fait généralement de la langue plutôt que la simple « transmission des faits ».
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Une approche fonctionnaliste – et il existe de nombreuses approches fonctionnalistes qui sont utilisées – attache peu d'importance à déterminer précisément ce qui est ou non grammatical. Elle met plutôt l'accent sur les besoins des orateurs et examine les moyens linguistiques pour répondre à ces besoins. Une analyse fonctionnaliste du passage cité ci-dessus commencerait par poser quelques questions simples : « Que sont en train d'essayer de faire Mick et Rita ? » « Quels dispositifs la langue rend-elle disponibles pour remplir ces objectifs ? » « Pourquoi les orateurs ont-ils choisi ces dispositifs spécifiques ? »
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Linguistique fonctionnelle systémique : les textes L'une des approches fonctionnelles les plus importantes est la linguistique fonctionnelle systémique. Elle a été développée par le linguiste britannique Michael Halliday (né en 1925) et elle est devenue importante en Grande-Bretagne et dans le Commonwealth La linguistique – à l'exception toutefois des systémique, comme quelques États-Unis, où les linguistes autres approches fonctionnelles, fonctionnels préfèrent des prend le texte comme unité approches quelque primaire d'analyse. peu différentes.
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C'est la première étape de l'analyse de Halliday d'une conversation en anglais entre deux vendeurs. L'un d'eux apprend à l'autre la meilleure façon de vendre des biens en argent aux clients.
Elle a élaboré des moyens efficaces d'analyse de textes – un sujet complètement au-delà de la portée des approches formalistes comme celles de Chomsky, puisque les règles qui rassemblent les textes ne peuvent pas être rigoureusement formalisées de la même façon que celles qui rassemblent les phrases.
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La linguistique cognitive La linguistique cognitive est une autre approche complètement différente, qui est devenue importante seulement au cours de ces dernières années. Les linguistes cognitifs s'intéressent à la compréhension de la structure et au fonctionnement de la langue en termes de perception humaine et de cognition.
Alors que l'hypothèse de la relativité linguistique de sapir-whorf estime que notre langue détermine au moins partiellement la façon dont nous percevons le monde…
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… La linguistique cognitive adopte le point de vue opposé : la façon dont nous percevons le monde détermine au moins partiellement la structure de notre langue.
Les noms de genre C'est le linguiste américain George Lakoff (né en 1941), un ancien adepte de Chomsky, dont les intérêts ont changé, qui a favorisé le développement de la linguistique cognitive. Dans son célèbre ouvrage Les femmes, le feu et les choses dangereuses, Lakoff attire l'attention sur une propriété curieuse de la langue australienne dyirbal, décrite quelques années plus tôt par le linguiste britannique Bob Dixon. Comme de nombreuses langues européennes, le dyirbal possède un genre grammatical : c'est-àdire que chaque nom doit être affecté à l'un des genres disponibles. Dans les langues européennes, le genre d'un nom ne peut pas en général être déterminé à partir de sa signification.
Par exemple, le genre du mot « table » est impossible à prédire. Le mot est masculin en allemand, féminin en français et neutre en grec.
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Les genres des noms en dyirbal Actuellement, le dyirbal possède quatre genres et celui d'un nom est habituellement prévisible selon sa signification – mais les règles sont surprenantes. Par exemple, l'une des quatre familles de genres, appelée classe de genre II par Dixon, inclut quatre noms qui concernent les femmes, toutes celles ayant trait au feu et indiquant des choses qui sont dangereuses – serpents venimeux, orties, etc.
FEMMES FEU
CHOSES DANGEREUSES
Lakoff s'est demandé quelle était la perception du monde conduisant ceux qui parlaient le dyirbal à attribuer un genre commun à ces mots-là. La réponse est loin d'être évidente, mais les linguistes cognitifs pensent qu'une bonne partie de la structure de la langue peut être expliquée en termes de perception. 52
Les différences de perception de la langue Voici un exemple. Lorsque nous disons que quelque chose se trouve devant nous, nous voulons souvent dire que cela se situe dans le futur, tandis que ce qui se trouve derrière nous est dans le passé. Cela nous semble tellement naturel que nous y pensons rarement. Mais toutes les langues ne sont pas identiques. Les Grecs de l'Antiquité faisaient l'inverse.
Pour nous, le futur était derrière tandis que le passé était devant.
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La perception du temps chez les Grecs La réponse semble résider dans la manière dont les personnes perçoivent le temps. Il semble que nous percevions le temps comme demeurant immobile pendant que nous voyageons à travers lui.
Donc, le futur est devant (nous voyageons vers lui), tandis que le passé est derrière nous (nous nous y sommes déjà trouvés).
PASSÉ
FUTUR
Mais nous autres grecs avons le sentiment de nous tenir immobiles tandis que le temps nous rattrape par derrière. PASSÉ
FUTUR
Donc, le futur était toujours derrière les Grecs – et pas encore visible – tandis que le passé était déjà devant eux – et donc visible, au moins dans une certaine mesure. Les différences linguistiques frappantes résultent donc de deux manières différentes de percevoir l'écoulement du temps : d'un côté, nous voyageons à travers le temps et de l'autre, c'est le temps qui nous traverse. Et de telles différences de perception, selon ce que pensent les linguistes cognitifs, peuvent apparaître comme des différences dans la structure de la langue, comme dans ce cas-là. 54
Métaphore La notion clé ici est la métaphore. Les Grecs anciens et nous-mêmes avons utilisé différentes métaphores pour le temps, et la métaphore – qui doit être précise et cognitive – joue un rôle capital dans de nombreux travaux cognitifs. Voici une autre métaphore cognitive : la colère est souvent perçue, d'un point de vue métaphorique, comme un liquide chaud à l'intérieur de notre corps. Par conséquent, nous disons par exemple…
Elle bout et
Elle a explosé
Certaines locutions sont incompréhensibles sans une bonne connaissance de la métaphore cognitive sur laquelle elles s'appuient. 55
Qu'est-ce que la langue ? Les approches formalistes, fonctionnalistes et cognitives ne constituent que les trois principaux outils utilisés par les linguistes pour essayer de se familiariser avec la nature riche et complexe des langues humaines. Jusqu'à présent, nous avons considéré comme acquis que nous connaissons les langues. Mais ce n'est pas si évident. Nous avons besoin maintenant de clarifier ce que nous voulons dire par le terme « langue ». La linguistique est l'étude scientifique de la langue – mais qu'est-ce que la langue ? Est-ce que le terme langue inclut ici des choses comme…
Le langage des fleurs ?
Le langage de la danse ?
Le langage des dauphins ?
Est-ce que cela inclut des langues fabriquées comme l'espéranto ? Non, pas du tout. 56
La langue naturelle Le terme langue est utilisé par les linguistes (les praticiens de la linguistique) dans un sens très spécifique. Commençons par les langues individuelles. Une langue individuelle est tout ce qui est, ou a été, la langue maternelle d'un groupe d'êtres humains. Les linguistes utilisent souvent le terme plus explicite de langue naturelle pour une langue dans ce sens-là. L'anglais est donc une langue naturelle de même que le français, le japonais, le swahili et le pitjantjatjara (parlé en Australie-Occidentale).
De même, le sumérien est une langue naturelle puisqu'il était la langue maternelle de nombreuses personnes de ce qui est aujourd'hui l'irak, il y a plusieurs milliers d'années, même si elle n'existe plus depuis longtemps.
De même pour le manx, parlé sur l'île de man jusqu'au xxe siècle, mais qui a disparu aujourd'hui.
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Notre faculté de langage Actuellement, comme nous le verrons dans un instant, toutes ces langues naturelles ont des caractéristiques importantes en commun, tant de fonctionnalités que nous pouvons toutes les considérer comme des variations sur un thème. Et ce thème commun, c'est ce que nous appelons le langage. Notre faculté de langage, c'est notre capacité à apprendre et à utiliser une langue.
Et c'est l'une des caractéristiques qui différencie les êtres humains de toutes les autres créatures de la planète.
En réalité, de nombreuses personnes affirment que le simple fait de posséder la langue constitue notre caractéristique la plus importante, celle qui nous met le plus résolument possible à part de toutes les autres espèces.
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Cela n'a pas d'importance qu'une langue soit parlée par un million de personnes (comme le chinois mandarin) ou par une petite poignée d'individus (comme certaines langues d'Australie ou des Amériques). Peu importe si elle est la langue principale d'un ou plusieurs États-nations (comme l'espagnol ou l'arabe) ou si elle n'est parlée que par un groupe obscur presque inconnu du monde extérieur (comme les langues hixkaryana et wari du Brésil). Peu importe qu'une langue ait une longue et noble tradition littéraire (comme l'anglais et le français) ou qu'elle n'ait jamais été écrite du tout (comme la plupart des langues du monde). Tout ce qui compte, c'est qu'une langue soit apprise au cours de l'enfance par un groupe d'enfants, puis utilisée ensuite à l'âge adulte, de sorte qu'elle soit ainsi qualifiée de langue naturelle.
Pour les linguistes, toutes les langues sont identiques, puisqu'elles offrent toutes un bon aperçu de ce que peuvent être les langues humaines.
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Qu'y a-t-il de spécial à propos des langues humaines ? Combien y a-t-il de langues ? À l'heure actuelle, plus de 6 500. Nous avons maintenant probablement découvert pratiquement toutes les langues qui sont actuellement utilisées.
Même si une nouvelle langue apparaît de temps à autre. Bien sûr, cette liste n'est pas exhaustive. Des langues meurent tout le temps, car ceux qui les parlent les délaissent au profit d'autres langues. Dans le même temps, de nouvelles langues font leur apparition.
La langue brésilienne piraha n'a été découverte qu'en 1995 par le linguiste américain dan everett.
En avançant dans cet ouvrage, nous ferons la connaissance d'une langue née seulement après 1979
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Pourquoi les langues humaines sont-elles si particulières ? Après tout, la plupart des créatures peuvent communiquer d'une façon ou d'une autre avec leurs semblables. Les oiseaux chantent, les grillons stridulent, les dauphins émettent de petits clics et les singes vervets ont des manières d'appeler très particulières comme…
Attention ! Aigle !
Même les abeilles disposent d'un système incroyablement efficace pour informer leurs congénères de l'emplacement et la qualité des sources de nectar.
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Quel est le point commun entre toutes les langues ? Dans les années 1960, le linguiste américain Charles Hockett (né en 1916) a commencé à souligner que toutes les langues humaines possèdent un nombre de propriétés étonnantes et importantes que l'on ne trouve pas dans les systèmes de signalisation de toutes les autres créatures qui vivent sur Terre. Hockett a appelé ces propriétés les caractéristiques de conception de la langue. En voici quelques-unes. Toutes les langues ont des mots et toutes les langues possèdent des milliers de mots.
Ces langues « primitives » légendaires, qui sont constituées de 200 mots et qui sont complétées par des grognements et des gestes, n'existent pas.
Aucune autre créature ne semble être dotée de mots.
Toutes les langues possèdent des dispositifs afin d'acquérir des mots nouveaux si besoin est :
CD-ROM, Trekkie*, ferrovipathe, SIDA, sonnette, hyperthermophile Aucune autre créature ne peut faire cela. 62
* fan de la série Star Trek
Toutes les langues disposent de moyens pour modifier la signification des mots :
prendre, pris, a pris, est pris, sera pris. Aucune autre créature ne peut faire cela.
Toutes les langues disposent de la négation :
Susie fume ; Susie ne fume pas. Mais la négation nous est propre : un chien peut dire…
Ouaf !
Mais il ne peut pas dire
Pas ouaf ! 63
Toutes les langues peuvent formuler des questions :
Est-ce que Susie fume ? Toutes les langues permettent des abstractions comme :
rougeur, courbure et absence. Toutes les langues permettent le déplacement, la capacité de parler de choses autres que ce qui se passe ici et au moment présent :
J'étais à Paris la semaine dernière. Je veux être astronome lorsque je serai grand. D'après vous, à quoi ressemble la surface de Vénus ?
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Toutes les langues permettent des énoncés hypothétiques, contrefactuels, conditionnels, irréels et fictifs :
Legolas le lutin a tranquillement tiré son épée. Les Européens ne pourraient pas survivre dans le désert australien. Si je parlais mieux le français, je pourrais trouver un travail à Paris.
Si tu prépares la quiche, je ferai la salade.
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Toutes les langues affichent une flexibilité, la capacité à produire et comprendre totalement de nouvelles déclarations sans difficulté :
Le Luxembourg a envahi la Nouvelle-Zélande. Shakespeare a écrit ses pièces en swahili et elles ont été traduites en anglais par ses gardes du corps africains. Tante Béa nous a envoyé quelques photos du baptême de sa petite-fille. Je trouve que ce beurre de cacahuète est un piètre substitut de pâte à tartiner.
Il est très probable que vous n'ayez jamais utilisé la plupart des phrases de ce livre ou que vous ne les ayez jamais rencontrées auparavant et pourtant, vous pouvez toujours les comprendre facilement. 66
Toutes les langues affichent une incitation de liberté, la capacité de dire n'importe quoi, y compris de ne rien dire, en toute circonstance. Si votre amie Julia vous demande… Que penses-tu de ma nouvelle jupe ?
… vous pouvez répondre ce qu'il vous plaît :
Elle est trop courte.
Elle ne va pas avec ton chemisier. Si cela n'attire pas l'attention de frank, rien ne pourra le faire. Elle est magnifique – je peux te l'emprunter ?
Bon sang, Julia – avec tes grosses jambes, tu devrais t'en tenir aux caftans. Il fait froid pour un mois de février, tu ne trouves pas ?
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Compétences linguistiques Aucune autre créature ne peut faire cela. Mais tous les humains le peuvent : un professeur d'Oxford ou un agent de change de Chicago peuvent le faire sans difficulté, mais un membre d'une tribu de l'âge de pierre en Nouvelle-Guinée ou en Amazonie peut le faire aussi, comme un enfant de 7 ans en Sibérie. La langue est spécifiquement humaine…
– Et cela n'est qu'un aperçu de nos prodigieuses capacités linguistiques.
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Les supports de la langue La langue doit s'exprimer par l'intermédiaire d'un support. Un support primaire est celui grâce auquel une langue maternelle peut être acquise, et il n'en existe que deux. Le plus familier est la parole. Lorsque nous parlons, l'air des poumons est pressé vers le haut et expulsé par la bouche et le nez, tandis que les cordes vocales, la langue et les autres organes de la parole modifient l'écoulement de l'air de différentes manières afin de produire une séquence de phonèmes qui représentent des unités linguistiques plus grandes comme les mots et les phrases. L'autre support est le geste par lequel la langue est exprimée comme une série de signes – gestes – faits principalement avec les mains, la tête, le visage et le haut du corps.
Les langues des signes sont principalement utilisées par les personnes sourdes qui ne peuvent pas entendre la parole.
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Unités d'écriture Il y a aussi des supports secondaires via lesquels la langue est transférée d'un support primaire à un autre. Le plus connu ici est l'écriture : une langue parlée ou signée est transformée en marques permanentes sur une surface solide. Mais aucune langue ne peut être écrite avant que ceux qui la parlent ne l'aient d'abord analysée en certaines unités récurrentes, pour chacune desquelles un symbole écrit peut être fourni. Il y a plusieurs façons possibles de le faire, mais l'approche la plus largement utilisée aujourd'hui est un alphabet, dans lequel chaque caractère écrit représente – en principe, tout au moins – une unité sonore de base unique.
Ancien alphabet phénicien Alphabet hébreu moderne
Alphabet arabe moderne
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Chaque langue parlée contient un petit nombre d'unités sonores de base ou phonèmes. Parmi les phonèmes de l'anglais, on trouve /k/, /æ/ et /t/. Si nous produisons ces phonèmes dans l'ordre /kæt/, nous obtenons le mot cat. Mais l'ordre /tæk/ nous donne tack, tandis que /ækt/ produit act, /æt/ donne at et /tækt/ donne tact ou tacked (qui se prononcent de la même façon, malgré leurs structures différentes).
Les phonèmes individuels ne sont pas porteurs de sens : cela n'a aucun sens de demander ce que /k/ ou /æ/ signifient en anglais. Mais des combinaisons particulières comme /kæt/ et /tæk/ sont très éloquentes. 71
Dualité de structuration C'est la façon dont chaque langue parlée est construite. Un petit nombre de phonèmes sans signification peuvent être combinés en phrases significatives, comme les mots. Nous appelons cet arrangement dualité de structuration et la dualité est unique aux langues humaines. Que pourrions-nous faire si nous n'avions pas de dualité ? Eh bien, chaque son différent devrait avoir sa propre signification. Mais nous ne pouvons pas produire beaucoup plus qu'une centaine de phonèmes facilement distinguables.
Donc sans dualité, nos langues ne possèderaient qu'une centaine de « mots » différents environ ayant un sens – ce qui est loin d'être suffisant pour répondre à nos besoins.
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Mais c'est exactement ce que font les autres espèces. Elles fonctionnent selon le schéma « un-son-une-signification » – et ne peuvent donc produire que quelques sens différents : généralement trois à six, peut-être une vingtaine tout au plus. C'est l'une des raisons principales pour lesquelles nous pouvons dire un nombre illimité de choses différentes, tandis que les autres créatures ne le peuvent pas. Un animal ne peut jamais choisir qu'une chose à partir d'une très courte liste de choses possibles à « dire ». Un singe peut dire…
Attention – danger en vue !
… si ce message est disponible dans le système, mais il ne peut pas être énoncé avec la moindre précision, comme par exemple « Attention – deux chasseurs avec des fusils ! »
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Les langues des signes Les langues des signes sont un peu différentes ici. Le nombre de signes possibles est beaucoup plus grand que le nombre de phonèmes possibles. Malgré tout, chaque signe peut être décomposé en un petit nombre d'éléments sans signification tels que la position de la main, la direction et la rapidité de mouvement, et les autres parties du corps touchées.
ENTENDRE
ÉCOUTER
Langue des signes britannique (BSL)
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AUDITION
SOURD
BRUIT
IGNORER
Les langues des signes, soit dit en passant, ne sont pas des systèmes rudimentaires ou dérivés. Une langue des signes est une vraie langue, tout comme l'anglais ou l'espagnol. Elle peut être acquise par un enfant comme première langue. Elle possède un vaste vocabulaire et elle est dotée d'un système grammatical riche et complexe : enfreindre une règle de grammaire est tout aussi malheureux en langue des signes qu'en langue parlée.
Les personnes signantes peuvent exprimer leurs émotions, raconter des histoires, donner des instructions, raconter des blagues, faire des jeux de mots, prononcer des obscénités.
Ils peuvent faire tout ce qu'une personne qui parle peut faire, tant que le son n'est pas nécessaire.
Bien sûr, la langue des signes n'est pas très pratique dans l'obscurité, mais la langue parlée n'est pas très pratique non plus dans un environnement bruyant – aucun problème pour les personnes signantes. 75
La langue des signes du Nicaragua En l'occurrence, la langue naturelle la plus récente connue dans le monde est une langue des signes. Après la révolution de 1979 au Nicaragua, le nouveau gouvernement a rassemblé les centaines d'enfants sourds qui avaient été brutalement enfermés sous l'ancien régime pour les rassembler dans une école spéciale. Étonnamment, en peu de temps, les enfants sourds ont commencé à élaborer une toute nouvelle langue des signes.
Nous l'utilisions entre nous.
Bientôt, nous l'avons enseignée aux nouveaux arrivants. Ces enfants sont devenus les premiers utilisateurs du pays à employer la langue des signes du Nicaragua (NSL), comme cette langue est appelée désormais. Aujourd'hui, cette NSL, qui n'existait pas du tout en 1979, compte quelques centaines d'utilisateurs dans le pays. 76
Grammaire et ordre des mots L'une des propriétés les plus importantes d'une langue est la grammaire. La grammaire est un ensemble de règles qui permettent de combiner des mots pour former des phrases, de modifier les formes des mots à des fins particulières et d'en interpréter le résultat. Chaque langue possède une grammaire – en réalité, chaque langue possède beaucoup de grammaire. Il n'existe pas de langue avec un petit peu ou pas du tout de grammaire. Mais les règles grammaticales varient d'une langue à l'autre. Prenons l'ordre des mots. En français, l’ordre normal dans les phrases est sujet-verbe-complément, ou SVC, comme dans…
Paul a lavé la voiture
Paul
a lavé
la voiture
est le sujet
est le verbe
est le complément
Mais les autres langues peuvent être différentes. 77
Différents exemples d'ordre des mots selon les pays En Irlande, c'est VSC et un Irlandais dira, littéralement,
A lavé / Paul / la voiture. Au Japon, c'est SCV et un Japonais dira donc
Paul / la voiture / a lavé. À Madagascar (en malgache), c'est VCS, ce qui donnera
A lavé / la voiture / Paul. Au Brésil, en hixkaryana, ce sera CVS, nous aurons donc
La voiture / a lavé / Paul. Pour ces langues, l'ordre français serait tout aussi faux que le seraient les autres ordres en français.
Considérons l'emplacement dans l'espace. En français, nous l'exprimons en ajoutant un petit mot grammatical devant le nom de l'endroit comme dans : À Chicago. Le japonais, toutefois, met le petit mot après le nom du lieu, comme dans
Tookyoo de
« à Tokyo ».
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Le basque (sud-ouest) utilise un suffixe à la place : Baionan « à Bayonne », où le -n signifie « à ».
Le temps Voyons maintenant le temps, la façon dont il s'exprime au niveau grammatical. Nous avons une seule forme de temps passé : je dis « j'ai vu John » que je l'aie vu il y a dix minutes ou bien il y a dix ans. Mais certaines autres langues font des distinctions plus précises. En espagnol européen, vous devez dire Le he visto a Juan si vous l'avez vu plus tôt ce même jour, mais Le vi a Juan si vous l'avez vu avant aujourd'hui. Dans la langue yimas de Nouvelle-Guinée, il existe quatre formes différentes pour exprimer le temps passé, qui font la distinction entre divers degrés d'éloignement dans le passé.
J'ai vu John.
Peux-tu être plus précis ?
Et dans la langue africaine bamiléké-dschang, il y en a cinq. Par ailleurs, le chinois ne fait aucune distinction de temps : il n'y a rien qui corresponde à la différence entre voir et avoir vu. 79
Différences grammaticales En anglais, si vous voulez vous référer à quelqu'un ou quelque chose dont vous avez déjà parlé, vous devez choisir entre he s'il s'agit d'un garçon, she s'il s'agit d'une fille ou bien it si vous parlez d'une chose non sexuée. Dans ce cas, l'anglais fait la distinction du sexe au niveau grammatical. En finlandais, en revanche, le mot est hän dans tous les cas : le finlandais ne marque pas le sexe de la personne. Le basque, dans le Nord de l'Espagne, ne fait pas non plus la distinction de sexe, mais vous devez faire un choix différent : hau si la personne ou la chose est près de vous, hori si elle se trouve à une distance moyenne et enfin hura si elle est loin de vous. Le basque marque donc la distance au niveau grammatical, et non le sexe. Dans la langue kwakiutl d'Amérique du Nord, vous devez faire encore un choix différent : vous choisissez une forme si vous pouvez voir la personne ou la chose dont vous parlez, ou une autre forme si vous ne le pouvez pas. Le kwakiutl grammaticalise donc la visibilité.
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En anglais standard, la phrase He’s sick [Il est malade] peut signifier « Il est malade en ce moment » ou « Il est malade chronique ». Si nous avons besoin de marquer la différence, nous devons ajouter des mots supplémentaires dans la phrase. Mais, dans une variété de l'anglais, l'anglais afro-américain (AAE), parlé par de nombreuses personnes noires aux États-Unis, la différence est marquée grammaticalement.
Une personne qui parle l'aae dira he sick dans le premier cas (malade maintenant) mais he be sick dans le second (malade chronique).
Les règles de la grammaire anglaise ne sont pas toutes les mêmes pour les personnes qui parlent cette langue.
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La grammaire de la langue des signes Dans la langue des signes américaine, le signe pour malade peut être modifié au niveau grammatical de nombreuses façons différentes, produisant ainsi des variations qui signifient « légèrement malade », « très malade », « toujours malade », « malade depuis longtemps » et plusieurs autres possibilités, qui requièrent toutes des mots supplémentaires. La langue des signes, comme les langues parlées, est composée de systèmes grammaticaux riches et complexes.
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Notre remarquable faculté de langage est propre à notre espèce. Mais quand est apparu la langue ? Personne ne le sait. Il y a 50 000 ans
L'hypothèse préférée de tous, c'est que la langue est apparue avec notre propre espèce, l'homo sapiens, il y a entre 100 000 et 200 000 ans.
Il y a 100 000 ans
Il y a 200 000 ans
Mais quelques spécialistes affirment que notre ancêtre hominidé, homo erectus, avait probablement une langue il y a environ un million d'années.
Tandis que d'autres croient que notre propre espèce a acquis la langue pour la première fois il n'y a que 50 000 ans environ.
Aucune solution à ce débat n'est en vue. Malheureusement, les langues ne se fossilisent pas.
Il y a 1 million d'années
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Le témoignage écrit de la langue Faire des recherches sur notre passé linguistique lointain est très difficile. D'abord parce que l'écriture n'a été inventée qu'il y a seulement un peu plus de 5 000 ans et que nous ne disposons pas d'archives écrites avant cela. En réalité, jusqu'à récemment, seule une petite proportion des habitants dans le monde pouvait lire et écrire, et même aujourd'hui, seules quelques dizaines de langues régulièrement écrites. La plupart des langues n'ont jamais été écrites du tout, nous n'avons donc pas d'archives sur la masse écrasante que représente l'histoire de la linguistique dans le monde.
Mais l'écriture change aussi Les langues ne cessent de changer, non seulement siècle après siècle, mais aussi jour après jour. Regardez ce passage écrit par Jonathan Swift au xviiie siècle :
Mais où j'affirme que notre langue, après qu'elle est dûment correcte, durer toujours. Je ne veux pas dire qu'elle ne devrait jamais être étendue. À condition qu'aucun mot que sanctionnera une société soit ensuite désuet et n'explose, ils puissent avoir la liberté d'en recevoir de nouveaux selon les occasions.
Nous pouvons comprendre une bonne partie de ces lignes, mais cela nous semble déjà étrange. 84
Voyons plutôt maintenant un passage de Shakespeare à la fin du xvie siècle :
Mon frère Jacques continue à l'école et il parle du grand profit qu'il en tire. Pour ma part, il me garde à la maison de manière rustique ou, pour être plus clair, il me fait rester tout seul, parce que garder un gentilhomme de ma naissance c'est la même chose que mettre un bœuf à l'étable ?
C'est un peu plus difficile et voire plus étrange, mais cela reste quand même compréhensible au niveau de l'écriture.
Mais si vous pouviez m'entendre parler, vous trouveriez que je suis très difficile, voire impossible à comprendre.
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Et plus loin dans le passé… Penchons-nous maintenant sur un passage de François Villon (1431- ?) [Ballade contre les ennemis de la France] :
Rencontré soit de bêtes feu jetant Que Jason vit, quérant la Toison d'or ; Ou transmué d'homme en bête sept ans Ainsi que fut Nabugodonosor ; [...]
Nous sommes à la limite de l'incompréhension au niveau de l'écriture.
Et si vous pouviez m'entendre parler, ce serait complètement incompréhensible pour vous.
Nous ne pourrions pas mieux comprendre le français parlé de Villon que le néerlandais parlé.
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… jusqu'au vieux français Enfin, regardez cet exemple datant du xiie siècle, extrait de la biographie du Maitre Wace (extrait situant Wace à Bayeux vers 1162) :
A Baicues iert a sujur, No sai mie dire a quel jur : Li ducs fu al disner asis, Asez out homes e amis. Ne sai quei orent a mangier, Mais de cuilliers orent mestier. Qui devient en français moderne : Le duc séjournait alors à Bayeux. Un jour – je ne saurais préciser la date –, le duc était assis à table avec nombre de ses hommes et ses amis. Je ne sais ce qu’ils avaient à manger, mais ils eurent besoin de cuillers.
Cette fois, même la version écrite dépasse complètement notre compréhension. Vous pouvez même trouver difficile de croire que ce passage soit en français. Mais c'est le cas, quoique cela ressemble à peine au français que nous connaissons. Au cours du dernier millier d'années, le français a changé du tout au tout. 87
L'histoire sans fin Aujourd'hui, un millier d'années ne représente qu'environ quarante générations, mais au cours de ces quarante générations, la langue a changé : une nouvelle prononciation par-ci, un nouveau mot par-là, une nouvelle forme grammaticale ailleurs et – eh bien, vous voyez le résultat. Le changement de la langue est incessant et impitoyable, et cela oblige les langues à s'écarter de à leurs formes initiales presque sans limite. Ce changement ne s'arrête jamais. Des expressions comme…
Je me suis connecté à internet avec mon ordinateur portable et j'ai demandé à mon moteur de recherche de trouver sa page d'accueil.
… auraient été un charabia incompréhensible il y a seulement quelques années. Mais les langues ne changent pas simplement parce que le monde change. Un magazine populaire peut écrire cela…
ttes ces mine s te u to je serais « Après ensé que p i a j' , s e r passer écervelé de laisse e lé il u o m st un film une poule me si c'e ê m l, ia n é éclaré. ce rôle g a-t-elle d , » t n a d n indépe … incompréhensible également il y a quelques années.
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Mes nièces et mon neveu ont grandi dans la même région que moi, mais environ trente ans plus tard. Leur français se différencie déjà du mien : d'autres mots, quelques usages différents, ainsi qu'une prononciation sensiblement différente, surtout au niveau des voyelles. De temps en temps, j'ai un peu de mal à les comprendre. C'est encore une génération de changement, qui vient s'ajouter à toutes celles qui sont arrivées avant. Ces changements constants attirent souvent la colère des linguistes traditionnels. On lit ou entend régulièrement des fautes de syntaxe du genre :
Nous avions convenu de nous voir. J’ai été au cinéma. Il est mort des suites d'une longue maladie. Il se rappelle de son enfance. et d'autres encore.
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Le prescriptivisme conservateur Mais cela n'a rien de nouveau. Il y a deux cents ans, la construction illustrée par My house is being painted [Ma maison est en train d'être peinte] n'existait pas en anglais standard et la seule forme possible était My house is painting [Ma maison est peinte]. Lorsque quelques interlocuteurs innovants ont commencé à dire des choses comme My house is being painted, les linguistes conservateurs de l'époque n'ont pu retenir leur colère et ont attaqué la nouvelle forme comme étant…
Déroutante !
Illogique !
Monstrueuse !
Eh bien, vous pouvez voir à quel point leurs protestations ont été efficaces : aujourd'hui, tout le monde dit My house is being painted et personne ne rêverait dorénavant d'essayer de revenir à l'ancienne forme morte et enterrée.
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Cette attitude conservatrice est appelée prescriptivisme et constitue une force puissante au sein de presque n'importe quelle société, mais surtout dans celles qui possèdent une tradition écrite, comme la nôtre. Les gens instruits, par définition, ont acquis une maîtrise de la langue standard de leur temps, surtout la norme écrite, et sont souvent profondément réticents à l'idée d'accepter des changements dans la langue avec laquelle ils ont grandi et qu'ils ont apprise à l'école. Mais, comme le montrent les exemples cités plus haut, nombre ou la plupart de ces changements passent dans la langue de toute façon et finissent par être acceptés comme faisant partie de la langue standard modifiée. Ceux qui rejettent les changements et les critiquent finissent par mourir, et les seules personnes qui restent sont celles ayant grandi avec les nouvelles formes et les considèrent comme normales. Ces personnes plus jeunes pourront critiquer à leur tour la prochaine série de changements, mais là encore sans succès. Eux aussi mourront et laisseront la place à la nouvelle génération qui accepte déjà d'autres innovations. Et cela continuera indéfiniment.
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Perspectives historiques Pourtant, les prescriptivistes ne se plaignent pas toujours uniquement des changements. Par exemple, nombre de ceux qui parlent l'anglais britannique se plaignent de voir ce qu'ils considèrent comme étant des « américanismes » envahir leur discours, comme I guess [j’imagine] pour I suppose et I’ve just gotten a letter [j'ai reçu une lettre] pour I’ve just got a letter.
Mais ils ne réalisent pas que ces formes « américaines » sont en réalité originaires de grandebretagne et ont traversé l'atlantique pour aller en amérique…
… après quoi, elles ont largement disparu de Grande-Bretagne. Le prescritivisme, au pire, n'est rien d'autre qu'une marque d'hostilité face à l'inconnu. En ce qui concerne l'anglais, nous avons des textes écrits qui remontent à environ 1200 ans. Nous pouvons donc voir les changements dans la langue envahir nos textes. Mais avant cette époque-là, l'anglais n'était pas écrit et cela devient beaucoup plus difficile de comprendre ce qu'il s'est passé. 92
Difficile mais pas impossible parce que nous avons un autre moyen de parvenir à la préhistoire linguistique – du moins lorsque nous avons de la chance, et c'est le cas ici. Regardez le tableau ci-dessous, qui présente quelques mots de signification identique en anglais, en suédois et en allemand.
Anglais
Suédois
Allemand
(a) tooth
tand
Zahn
two
tva
zwei
ten
tio
zehn
(b) three
tre
drei
thing
ting
Ding
thick
tjock
dick
(c) nine
nio
neun
new
ny
neu
night
natt
Nacht
Vous pouvez remarquer quelques similitudes frappantes entre certains de ces mots, mais ce n'est pas ce qui nous intéresse ici. Ce qui est important, ce sont les modèles que l'on voit. Mot après mot, lorsqu'un mot anglais commence par /t/, le mot suédois correspondant commence par /t/, tandis que le mot allemand correspondant commence par /ts/ (écrit z). De même, lorsqu'un mot anglais commence par /θ/ (écrit th), le mot suédois correspondant commence par /t/ et l'allemand par /d/. Et enfin, lorsqu'un mot anglais commence par /n/, le suédois a /n/ et l'allemand un /n/. De tels modèles sont appelés des correspondances systémiques et un grand nombre de ces correspondances relient ces trois langues, ainsi que d'autres.
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La correspondance systémique expliquée Comment peut-on expliquer ces correspondances systémiques ? Il n'y a en réalité qu'un seul moyen de le faire. Il y a très longtemps, ces trois langues étaient une seule et même langue ! Nous appelons cette langue ancestrale le proto-germanique. Ceux qui parlaient le proto-germanique ne savaient pas écrire, et nous ne disposons donc d'aucune archive à ce sujet, mais nous pouvons toutefois en apprendre davantage et comprendre ce qui s'est passé. Le proto-germanique était probablement parlé dans la Scandinavie méridionale vers 500 avant J.-C. À partir de là, ceux qui le parlaient ont commencé à gagner une grande partie de l'Europe du Nord. Ce faisant, bien sûr, leur langue a continué de changer, mais elle ne l'a pas fait partout de la même façon. Au lieu de cela, différents changements sont intervenus dans différents endroits, ce qui fait que la langue d'origine s'est progressivement scindée en variétés régionales qui sont devenues encore plus différentes les unes des autres.
Anglais
Protogermanique
Frison
Néerlandais Flamand
Allemand Afrikaans 94
Yiddish
Islandais
Féroïen Norvégien
Suédois
Danois
Gothique
Mais les changements dans la prononciation étaient plutôt ordinaires. Tous les mots dans le groupe (a) montrés en page 93 commençaient en proto-germanique par le même son, qui devenait /t/ en anglais et en suédois, mais /ts/ en allemand. De même, tous les mots dans le groupe (b) commençaient par le même son, qui devenait /θ/ en anglais, /t/ en suédois et /d/ en allemand, et de même pour le groupe (c). La combinaison du changement de la langue dans le temps et de la séparation géographique a non seulement modifié la langue d'origine de manière radicale, mais elle l'a aussi morcelée en un certain nombre de langues filles bien distinctes. Mis à part l'anglais, le suédois et l'allemand, les filles du proto-germanique incluent l'islandais, le féroïen, le norvégien, le danois, le néerlandais, l'afrikaans, le yiddish et un certain nombre de langues mortes comme le gothique. Nous les appelons les langues germaniques et elles constituent une famille de langues – c'est-à-dire un groupe de langues apparentées qui descendent toutes d'un seul ancêtre commun. 95
La famille indo-européenne et le proto-indo-européen (PIE) Le proto-germanique ne constitue pas la fin de l'histoire ou, plutôt, il n'en est pas le commencement. Il y a deux cents ans, à leur grand étonnement, les linguistes européens ont commencé à se rendre compte que le germanique lui-même forme simplement une branche modeste d'une famille de langues beaucoup plus vaste. Cette famille a reçu le nom de famille indo-européenne et comprend, en dehors du germanique, les langues celtiques comme l'irlandais et le gallois, le latin et ses descendants romains comme l'espagnol, le français et l'italien, les langues slaves comme le polonais et le russe, l'albanais, le grec, l'arménien, les langues iraniennes comme le persan et le kurde, les langues indiennes comme l'hindi, l'urdu et le bengali, et un certain nombre de langues disparues depuis longtemps parlées autrefois dans des pays comme la Turquie ou le Turkestan chinois. Bien entendu, les langues indoeuropéennes proviennent toutes d'un ancêtre commun éloigné appelé proto-indo-européen (PIE), qui était parlé, pensons-nous, il y a environ 6 000 ans, quelque part en Europe de l'Est ou en Asie occidentale, par des personnes qui n'ont laissé bien sûr aucune archive écrite. La fondation de la famille indo-européenne a constitué la grande réussite des linguistes du xixe siècle. 96
Vieux prussien
Baltique
Lituanien Slave de l'Ouest
Letton Polonais Slovaque Tchèque
Slave du Sud
Slovène
Serbo-croate
Macédonien Bulgare
Islandais Féroïen Norvégien Suédois Danois Anglais
Vieil allemand
Frison Néerlandais Yiddish
Flamand Afrikaans
Allemand
Gaélique d'Irlande Gaélique d'Écosse
Gaélique Manx Brittonique
Gallois Cornouaillais
Portugais
Breton
Gaulois Latinofalisque
Latin
Espagnol Catalan
Falisque
Provençal Français Italien
Roumain Rhéto-roman
Les origines anciennes de l'anglais
Baltoslave Slave de l'Est
PIE
Russe Ukrainien Biélorusse Protogermanique Germanique du Nord Germanique de l'Ouest Germanique de l'Est Gothique
Celte
Illyrien
Italique
C'est l'époque la plus lointaine à laquelle nous avons pu remonter pour pouvoir retracer la préhistoire de la langue anglaise. Il y a environ 6 000 ans, un peuple analphabète quelque part en Eurasie a commencé à quitter son pays d'origine. Finalement, il y a environ 3 000 ans, certains individus sont arrivés en Scandinavie, où leur langue a évolué en proto-germanique. Ceux qui parlaient cette langue se sont ensuite dirigés vers le sud dans une bonne partie de l'Europe du Nord, où leur langue a commencé à se diviser en un certain nombre de variétés régionales différentes. Un groupe est allé vers la côte de la mer du Nord, où sa langue a évolué en un ensemble de variétés locales que nous appelons ingvaeonique. Après la retraite romaine de la Grande-Bretagne, certains des individus qui parlaient l'ingvaeonique se sont installés en Grande-Bretagne, où leur langue a progressivement divergé par rapport à celle de leurs proches restés chez eux, jusqu'à ce que finalement, elle soit si différente qu'elle a dû être considérée comme une langue à part entière. Et cette langue est l'ancêtre de l’anglais.
Indo-iranien
Dard Langues dardes Langues indiques Sindhi Romani Sanskrit Thrace OscoUrdu ombrien Iranien Hindi Hellénique Bihari Tokharien Ombrien Assamais Tokharien A Osque Bengali Arménien Tokharien B Marathi Gujarati Phrygien Grec Pendjabi Anatolien Cinghalais Albanais
Hittite
Pahlavi
Louvite Lydien
Lycien
Persan
Pachto Baloutchi
Avestique Kurde Sogdien
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Les ancêtres de l'Est de la PIE Et qu'y avait-il avant le PIE ? De toute évidence, le PIE lui-même doit provenir d'un ancêtre encore plus ancien, et nous pourrions donc espérer trouver des parents encore plus éloignés du français quelque part sur Terre. Mais cela est difficile. Plus nous remontons dans le temps, plus le poids des changements à déchiffrer s'accumule, plus l'image que nous avons des faits linguistiques devient floue et plus toute famille qui pourrait s'y trouver est loin et difficile à identifier. À l'heure actuelle, aucune famille pour la langue indo-européenne n'a été identifiée. Plusieurs linguistes ont été intrigués par un lien possible avec la famille ouralienne voisine, qui inclut entre autres le finnois et le hongrois.
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D'autres, beaucoup plus ambitieux, s'efforcent de trouver des preuves que les langues indo-européenne et ouraliennes sont apparentées de loin à un ensemble surprenant de familles de langue eurasienne qui comprend le turc, les langues mongoles, les langues toungouses (en Sibérie), les langues dravidiennes (dans le Sud de l'Inde), les langues kartvéliennes (dans le Caucase), l'énorme famille afro-asiatique du Proche-Orient (qui inclut entre autres l'arabe et l'hébreu) et peut-être plus encore. Cette proposition porte le nom d'hypothèse nostratique. Mais les preuves disponibles pour soutenir ces idées sont trop infimes pour convaincre la plupart des linguistes que nous ne considérons rien de plus que des ressemblances fortuites. Il se peut que nous ne trouvions jamais de famille pour la langue indo-européenne, même si quelques autres familles vivantes y sont vraiment liées de très loin. Des milliers d'années de changements dans une langue sont simplement très puissants et effacent les traces de son ancêtre. Avec suffisamment de temps, tout change. 99
Le paradoxe de Saussure Et cela nous amène à une question bien connue en linguistique, connue sous le nom de paradoxe de Saussure. Comment pouvons-nous continuer à parler une langue de façon efficace alors qu'elle change constamment ? Après tout, comment pourrions-nous jouer aux échecs ou au football si les règles étaient constamment modifiées pendant une partie ?
Et comment pourrions-nous juger une affaire au tribunal si la loi ne cessait de changer pendant le procès ?
Voyez plutôt l'indice que contient cette phrase en anglais :
… if the law were constantly changing… Il y a longtemps, l'anglais possédait un ensemble complet de formes verbales distinctes pour parler des circonstances hypothétiques, le subjonctif. La plupart de ces formes ont disparu il y a longtemps, mais quelques-unes restent encore proches de la langue, y compris celle que l'on voit dans if it were. Il se peut que vous utilisiez ou n'utilisiez pas cette forme, mais vous la reconnaissez probablement en tous les cas. Elle continue d'exister dans la langue même si la plupart des gens disent maintenant if the law was constantly changing. Quelques personnes disent were tout le temps dans cette construction-là, d'autres disent was tout le temps mais comprennent were et enfin, d'autres encore changent et utilisent were dans certaines circonstances et was dans d'autres. 100
Variation La clé ici est la variation. Les deux formes, were et was, existent en anglais et sont toutes deux utilisées et comprises. Autrefois, tout le monde disait were. Et un jour, tout le monde dira was. En attendant, nous avons une variation. Et nous le comprenons maintenant, la variation véhicule le changement. Lorsqu'un changement est en cours, la forme la plus ancienne et la plus récente coexistent et presque tout le monde connaît bien ces deux formes, même si certains utilisent uniquement l'une ou l'autre. Au fil du temps, la forme la plus ancienne devient de moins en moins fréquente et la nouvelle est de plus en plus utilisée jusqu'à ce que, un jour, plus personne n'utilise la forme la plus ancienne et l'évolution s'achève. Donc, par exemple, avant la conquête normande de l'Angleterre, toutes les personnes qui parlaient anglais disaient here pour « armée ». Quelque temps après la conquête, quelques personnes commencèrent à utiliser le mot français normand army lorsqu'elles parlaient anglais. Pendant longtemps, les deux mots ont coexisté en anglais. Mais de plus en plus de personnes ont commencé à utiliser army plutôt que here et finalement, le jour est venu où plus personne n'a dit here. Le mot a disparu. Aujourd'hui, cet ancien mot ne survit que dans quelques noms de lieux comme Hereford en Angleterre (« army-ford ») et plus personne, à l'exception d'un spécialiste, ne sait plus ce que signifie ce nom.
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Études sociolinguistiques de la variation Nous pouvons choisir entre souper et prendre le repas du soir, entre chandail et pull, entre omnibus et bus, et au bout d'un moment, l'une de ces formes n'est plus utilisée du tout – comme c'est le cas désormais pour omnibus. L'étude de la variation dans la langue est la sociolinguistique et les sociolinguistes s'intéressent à davantage d'éléments qu'au changement de la langue. Par exemple, ils s'intéressent aux discours des hommes et des femmes. Dans certaines langues, hommes et femmes parlent d'une manière très différente : ils utilisent des prononciations différentes, des mots différents et même des terminaisons grammaticales différentes.
hara
onaka
Chez les personnes qui parlent le japonais, « estomac » se dit hara pour les hommes et onaka pour les femmes. Pour ceux qui parlent le koasati en Louisiane, « lève le ! » se dit lakawhol lorsque ce sont des femmes qui parlent, mais lakawhos si ce sont des hommes qui parlent. 102
L'anglais ne fait rien de tel, mais il a aussi ses différences de sexe dans le discours. Pour une femme, un certain pull sera bordeaux [burgundy en anglais], tandis que pour un homme, il sera simplement rouge. Pour une femme, il est normal de dire Tu as vraiment une superbe tunique, Susie ; tandis que pour un homme, dire…
Tu as vraiment un chouette jean, ted
?
… est, dans la plupart des cas, déplacé. Une différence importante entre les discours tenus par les hommes et ceux tenus par les femmes n'a été découverte que récemment par la linguiste britannique Jennifer Coates. Coates a étudié des conversations entièrement masculines et féminines, et a découvert des différences de taille. 103
Discours masculin versus discours féminin Dans les conversations exclusivement masculines, les hommes s'engagent de manière structurelle.
Chaque homme parle chacun son tour, tandis que les autres demeurent silencieux, mis à part un murmure occasionnel pour montrer qu'ils suivent et qu'ils comprennent.
Oui
Hmm
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Bien sûr
Mais les femmes ne procèdent pas du tout comme cela. Pendant qu'une femme parle, les autres interviennent constamment pour soutenir ce qui est dit ; cela va de « C'est exact ! » jusqu'à compléter la phrase de celle qui parle à sa place.
Donc, tandis qu'une conversation masculine est une série d'interventions individuelles,
Une conversation féminine sera davantage… … Une entreprise coopérative,
Avec toutes les femmes qui se rassemblent… Pour élaborer un discours qui est le travail de chacune d'entre elles.
Cette différence, bien entendu, engendre de la confusion dans les conversations mixtes. Pendant que son compagnon parle, une femme intervient constamment avec des remarques de soutien, dans le style féminin habituel. Mais l'homme, qui n'y est pas habitué, interprétera très probablement ces remarques comme des interruptions – ce qu'elles ne sont pas – et sera très ennuyé. C'est peut-être pour cela que beaucoup d'hommes croient sincèrement que les femmes interrompent tout le temps – alors que, en réalité, les observations montrent que dans les conversations mixtes, ce sont les hommes qui interrompent le plus souvent. 105
Variation et contexte social La variation est omniprésente dans la langue. Les hommes ne parlent pas comme les femmes. Les plombiers ne parlent pas comme les agents de change. Les Parisiens ne parlent pas comme les Marseillais. Les étudiants ne parlent pas comme les retraités. Les DJ ne parlent pas comme les journalistes. Où que nous regardions, la variation est infinie. Même une seule personne parle différemment selon les circonstances. Avec vos amis dans un bar, vous pouvez vous excuser en disant « J'ai besoin d'aller faire pipi » − mais vous ne feriez pas la même chose quand vous discutez poliment avec les amis âgés de votre mère, ou lorsque vous avez un entretien d'embauche dans une banque. Vous n'écririez pas un essai ou un rapport de la même façon qu'une lettre personnelle à votre amoureux. Et les personnes qui font des annonces dans les haut-parleurs des supermarchés semblent avoir recours à une sorte de français inconnu du reste de la population.
Nous
voudrions
informer
tous
nos clients que tous les poulets rôtis sont maintenant en vente à moitié prix dans notre rayon traiteur. Merci.
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Cette variation s'étend non seulement aux groupes sociaux et aux contextes, mais aussi à la fois au temps et au lieu. À des moments différents, dans différents endroits et dans des contextes différents, quelque chose d'exceptionnellement bien a été décrit dans notre vie comme étant super, épatant, merveilleusement chic, chouette, formidable, excellent, rudement bien, génial, terrible, incroyable, fabuleux, admirable, et la liste n'est pas exhaustive. L'une des choses les plus frappantes au niveau de notre utilisation de la langue est notre capacité à exprimer des sens sans réellement les verbaliser. Imaginons plusieurs d'entre nous planifiant d'aller à une fête de Noël et discutant à propos de qui devrait prendre le volant. Une personne fait remarquer… Susie est sous antibiotiques
Que signifie ce commentaire apparemment sans importance ? Bien entendu, il n'est pas hors de propos du tout. Dans le contexte, il signifie « Susie peut conduire ». Pourquoi ? Parce que, avec notre expérience de la vie, nous savons que les fêtes de Noël impliquent de boire plus qu'en temps normal, que les personnes qui boivent ne peuvent pas raisonnablement conduire et que celles qui sont sous antibiotiques ne sont généralement pas autorisées à consommer de l'alcool. Donc, dans notre exemple, Susie est un bon choix de conductrice. 107
Ce qui signifie, dans notre cas, que la déclaration Susie est sous antibiotiques est interprétée comme Susie est la personne apte à prendre le volant. Maintenant cela devient étrange. Clairement, Susie est sous antibiotiques n'a pas réellement ce sens-là. Mais nous interprétons la phrase de cette manière, en tous les cas, du fait de notre expérience dans la vie.
L'étude de la façon dont nous dégageons des sens communicatifs à partir du contexte des phrases porte aujourd'hui le nom de pragmatisme. Nous faisons la distinction entre pragmatisme et sémantique, l'étude des sens dérivés entièrement des formes linguistiques. Considérons brièvement les différentes approches de la sémantique et du pragmatisme dans les pages qui suivent. 108
Sémantique Il y a des aspects du sens qui font partie intégrante des formes linguistiques et qui ne sont pas simplement dépendants du contexte. L'étude de ces aspects intrinsèques du sens porte le nom de sémantique. La sémantique est un sujet étonnamment difficile à étudier. Prenons ce mot qui nous est familier, chien. Pouvez-vous donner une définition de chien qui soit suffisante pour distinguer chaque chien de chaque non-chien ? Ce n'est pas si facile. Essayons. Un chien est un animal à quatre pattes avec des poils, de longues oreilles et une queue ; il aboie, il est carnivore et vit auprès d'êtres humains. Bien. Mais le chien nu du Mexique n'a pas de poils, ce n'est donc pas un chien ? Le terrier du Congo ne peut pas aboyer, pourtant nous l'appelons bien un chien. Un chien sauvage ne vit pas auprès d'êtres humains : s'agit-il donc d'une espèce différente ? Non ? Alors pourquoi les renards et les loups ne sont-ils pas des chiens ? Ces Est-ce que créatures ressemblent assez à des je ne suis pas chiens et le renard aboie même. un chien ? Est-ce que la photo d'un chien est toujours un chien ? Un chien mort ? Un chien en peluche ? Un chien de bande dessinée ?
Il semble que nous ne puissions pas définir un mot aussi simple que chien de manière rigoureuse. D'une façon ou d'une autre, il semble que nous sachions toujours ce que veut dire le mot et que nous l'utilisons sans problème. Et si chien est compliqué, que dites-vous de définir petit, vert, évasif, démocratie et pornographie ? Cela semble presque un miracle que nous puissions parler les uns avec les autres. 109
Des sens apparaissent dans les connexions Mais les mots n'ont pas de sens uniquement en étant isolés. Une grande partie de leur sens provient de la façon dont ils sont connectés à d'autres mots. Voyons les sens des mots enlever et perdu dans les exemples qui suivent :
Susie a enlevé son manteau. Susie a enlevé son manteau de la patère. Alice a perdu sa brosse à dents. Alice a perdu sa virginité.
Il est clair que les sens que nous affectons aux mots dépendent de façon importante des sens des autres mots avec lesquels ils cohabitent. Ce sont des éléments comme ceux-là qui font que la sémantique est une étude si difficile à mener. En effet, dans les années 1940, les structuralistes américains étaient tellement énervés par toute cette histoire complexe de sens qu'ils ont effectivement exclu la sémantique du domaine de la linguistique pendant un certain temps – même si elle y a de nouveau été acceptée dans les années 1960. 110
Pragmatisme Le terme pragmatisme a été inventé par le philosophe américain C.S. Peirce (1839–1914). Mais ce n'est que dans les années 1930 qu'un autre philosophe américain, Charles Morris (1901–1979), a commencé à appliquer le terme à certains aspects du comportement linguistique. La compréhension de Morris au sujet du terme était très large et englobait de nombreux aspects du comportement social et psychologique. Ce sens large reste courant aujourd'hui en Europe, où le pragmatisme a été supposé parfois inclure même l'étude des croyances impliquant le comportement linguistique. Dans le monde parlant anglo-saxon, en revanche, l'application du terme a été progressivement réduite à l'étude des sens dérivés des contextes des déclarations, contrairement aux sens contenus dans les formes linguistiques. En conséquence, linguistes et philosophes sont parvenus à comprendre qu'il y a deux sortes de sens linguistique et deux approches différentes requises pour les comprendre.
La sémantique aborde le sens de la langue tel qu'il est contenu dans la forme linguistique.
Forme linguistique
Sens
Langue
Contexte
Sens
Langue
Le pragmatisme aborde le sens de la langue tel qu'il est contenu dans son contexte.
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Questions pragmatiques Pendant ce temps-là, les philosophes se penchaient sur les questions pragmatiques sans en utiliser le terme. Au cours de la première moitié du xxe siècle, les philosophes britanniques Bertrand Russell (1872−1970) et Peter Strawson (1919–2006) ont engagé un débat sur la phrase suivante…
Le roi de France est chauve. Que se passe-t-il lorsqu'il n'y a pas de roi de France ?
Puisque la phrase ne peut pas être vraie, elle doit simplement être fausse.
Cela n'a pas de sens de se demander si cette phrase est vraie ou fausse. Lorsqu'il n'y a pas de roi, une déclaration de cette forme est simplement inappropriée, en dehors des normes de comportement linguistique normal.
L'avis de Strawson a exercé une grande influence en permettant aux linguistes de développer le point de vue selon lequel le sens ne peut pas être entièrement compris sans référence au contexte. 112
Le pragmatisme étendu Dans les années 1960, le philosophe britannique Paul Grice a apporté une contribution révolutionnaire au pragmatisme lorsqu'il a proposé un ensemble de règles, ou maximes, régissant la structure des conversations. L'une d'elles est la maxime de la pertinence, selon laquelle nous supposons que tout ce que nous entendons est prévu pour constituer une contribution pertinente à la discussion. Dans l'exemple cité précédemment, lorsque nous cherchons un chauffeur et que nous entendons « Susie est sous antibiotiques », nous considérons comme acquis que cette réponse est censée être une contribution pertinente et nous l'interprétons en conséquence, en nous appuyant pour ce faire sur l'étendue de notre expérience et de nos connaissances générales. Nous faisons tout le temps ce genre de choses et nous en sommes à peine conscients.
Tout ce qui est pertinent pour choisir un chauffeur pour la fête de Noël. 113
Les deux autres maximes de Grice sont celles de la qualité et de la quantité. Imaginons que je vous dise…
J'ai deux enfants. Selon la qualité, vous en conclurez que je ne suis pas sans enfant ou que je n'ai pas un seul enfant puisque dans ce cas, j'enfreindrais la maxime de qualité. Ou, en langage clair, je mentirais. Pour ce qui est de la quantité, vous en conclurez que j'ai très exactement deux enfants et non pas trois ou quatre. Si je dis cela alors que j'ai trois enfants, alors je ne mens pas à strictement parler, mais je manque certainement d'esprit de coopération. Selon l'analyse de Grice, vous supposerez que je coopère, que je respecte la maxime de la quantité, et donc que j'ai exactement deux enfants.
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Je reconnais que vous dites la vérité et toute la vérité.
D'où provient le langage ? Mais comment le langage arrive-t-il dans notre cerveau au départ ? Dans un passé lointain, les gens avaient souvent tendance à croire qu'il devait exister une langue humaine « naturelle », que les bébés livrés à eux-mêmes commençaient automatiquement à parler tout seuls, sans enseignement. Le pharaon égyptien Psammétique Ier et le roi Jacques Ier d'Écosse, entre autres, menaient des expériences barbares. Supposons que j'élève des nouveau-nés dans un isolement total. Peut-être que ces enfants commenceront « naturellement » à parler anglais.
En réalité, ces pauvres enfants n'ont appris aucune langue du tout. Nous savons maintenant qu'un enfant élevé dans l'isolement n'apprendra jamais de langue. Le contact avec les autres est essentiel dans l'acquisition d'une première langue. Mais cette connaissance ne nous dit pas comment se produit l'acquisition. 115
La thèse de Skinner attaquée par Chomsky En 1957, le psychologue comportemental américain B. F. Skinner a publié Verbal Behavior [Le comportement verbal], un ouvrage qui soutient que les enfants acquièrent leur première langue en essayant d'imiter le discours des adultes qu'ils entendent autour d'eux. Selon Skinner, l'acquisition s'effectue par un processus d'imitation et de consolidation. Une bonne imitation du discours des adultes est récompensée par des éloges et des sourires, tandis qu'une mauvaise imitation sera découragée par les corrections et les Progressivement donc, froncements de sourcils. l'enfant est poussé à fournir de meilleures approximations par rapport au discours de l'adulte, jusqu'à ce que finalement, il parle comme un adulte.
Skinner
se trompe –
désespérément, complètement. L'ouvrage de Skinner a été critiqué de manière cinglante, et même brutalement, par le jeune et alors inconnu Noam Chomsky. Et pour une bonne raison. Plusieurs dizaines d'années d'études approfondies révèlent maintenant une bonne partie de la manière dont les enfants acquièrent leur première langue et il s'avère que l'acquisition est tout à fait différente de ce que Skinner avait supposé. 116
Les enfants construisent des règles Si Skinner avait raison, alors les enfants devraient produire des approximations plus ou moins aléatoires par rapport au discours de l'adulte et devraient faire des erreurs plus ou moins fortuites. Mais ce n'est pas ce qui se passe. Des dizaines d'études nous ont montré que les enfants entreprennent l'acquisition du langage d'une manière très ordonnée. Ils ne produisent pas d'approximations aléatoires par rapport au discours de Ils font plutôt quelque l'adulte et ne font pas d'erreurs fortuites. chose de complètement différent. Nous construisons des règles.
Voyons les temps du passé en anglais. La plupart des verbes en anglais forment des temps passés réguliers : love / loved, wash / washed, smile / smiled*, etc. Mais certains verbes, pour la plupart des verbes très utilisés, présentent des temps passés irréguliers : see / saw, take / took, give / gave**, etc. Les enfants qui apprennent l'anglais acquièrent tôt ces formes irrégulières fréquentes et commencent bientôt à dire saw, took et gave. *aimer / laver / sourire
**voir / prendre / donner
117
Au bout d'un moment, pourtant, ils commencent à apprendre les formes régulières comme loved et washed. Tout à coup, il se produit un déclic. L'enfant réalise qu'il existe une règle pour construire les temps du passé et, tout content, commence à dire discovered, travelled et scraped.
Mais, dans le même temps, il abandonne les formes irrégulières comme saw et took, et commence à dire seed et taked.
… des formes que nous n'entendons jamais chez les adultes. Après, il faut une fois encore apprendre péniblement les formes irrégulières comme saw et took.
L'acquisition de la négation est également intéressante à observer. Au départ, l'enfant ne produit aucune affirmation négative. Puis il commence à produire des déclarations négatives au moyen d'un mot négatif invariable – habituellement no en anglais – coincé au début de la phrase :
No I want milk. Plus tard, ce no est déplacé près du verbe :
I no want milk. Enfin, les auxiliaires négatifs anglais plutôt complexes font leur apparition :
I don't want milk. 118
Exemple de construction active Voici un exemple simple mais frappant de l'acquisition des pluriels en anglais. Au départ, l'enfant ne construit aucun pluriel. Puis, lentement, il apprend suffisamment de pluriels réguliers, comme cats, biscuits et toys, pour comprendre enfin la règle et commence facilement à construire de nouveaux pluriels avec une grande liberté : catalogues, lawnmowers, nurses. Les petits enfants peuvent être mis à l'épreuve pour voir s'ils ont acquis cette règle. On montre un mignon petit personnage à un enfant et on lui dit : Regarde, c'est un wug – le mot wug est inventé et l'enfant ne l'a jamais entendu auparavant. Puis la personne qui mène le test continue : Regarde, voilà un autre wug. Maintenant il y a deux… ? Un enfant qui répond correctement wugs a appris la règle.
Si c'est un WUG… … alors qu'avons-nous ici ?
Vous-même, bien-sûr, avez appris cette règle il y a longtemps et l'appliquez chaque jour sans effort pour construire de nouveaux pluriels que vous n'aviez jamais rencontrés auparavant : CD-ROMs, ordinateurs portables, e-mails, mauviettes. 119
De telles observations indiquent clairement que l'enfant ne peut pas agir par mémorisation ou imitation. Il doit plutôt élaborer des règles. Et cela constitue l'une des découvertes les plus solides de la linguistique moderne : un enfant qui apprend une première langue la construit activement au fur et à mesure. Effectivement, la plupart des linguistes sont satisfaits aujourd'hui de constater que les enfants naissent avec une faculté de langage biologique, une disposition innée pour acquérir une langue. Cette faculté innée ne requiert rien d'autre qu'une certaine quantité de stimulation provenant des autres pour être mise en route.
Souvenez-vous de nous, les enfants sourds du nicaragua.
Nous avons créé notre propre langue dès que nous avons été rassemblés.
120
Créer une langue Nous, êtres humains, pouvons apprendre à faire un nombre incalculable de choses. Nous pouvons apprendre à faire de l'algèbre, à fabriquer du vin, à jouer de la guitare, à creuser des puits de pétrole, à préparer des soufflés, à faire du patin à glace. Nous pouvons apprendre à conduire une voiture.
Mais il ne s'agit ici que d'accomplissements. Des milliards de personnes traversent leur vie sans même apprendre ces choses-là. Pourtant, tous les enfants en bonne santé, sans parler d'intelligence ou de circonstances, apprennent une première langue, à condition qu'ils aient la moindre occasion de le faire. Comme le montre l'exemple du Nicaragua, les enfants sont si déterminés à apprendre une langue qu'ils en apprendront une, même s'ils ne sont pas exposés à une langue. Il existe d'autres exemples qui renforcent ce même point de vue. 121
Le sabir À d'innombrables reprises dans l'histoire de l'humanité, des personnes se sont retrouvées ensemble sans partager de langue commune. Cela s'est produit avec les Africains qui ont été transportés en Amérique en tant qu'esclaves. Cela s'est passé également avec les ouvriers transportés depuis une douzaine de pays pour travailler dans les plantations de sucre à Hawaï. Et cela est arrivé aux habitants de Papouasie-Nouvelle-Guinée, récemment réunis dans une nouvelle nation avec des centaines de langues indigènes. Dans de telles circonstances, les individus réagissent invariablement de la même façon…
… Nous inventons un sabir.
Le sabir est une langue grossière et rudimentaire dotée d'un vocabulaire restreint et de peu d'éléments grammaticaux. C'est un système de communication pauvre et limité, mais il fonctionne pour remplir des objectifs simples, et tout le monde dans la communauté apprend à l'utiliser. 122
Le créole Mais certaines personnes dans la communauté se marient et ont des enfants. Et puis, quelle que soit la langue parlée à la maison, les enfants ne disposent que du sabir pour parler avec les autres enfants. Les résultats sont prévisibles. En un rien de temps, nous nous approprions ce sabir et nous le transformons en une vraie langue.
Nous introduisons toutes sortes de raffinements grammaticaux, comme les pronoms relatifs et les marqueurs de temps, que le sabir que nous avons appris ne possédait pas.
Et nous élargissons considérablement le vocabulaire pour pouvoir parler facilement de tout ce que nous voulons.
En résumé, ils créent une nouvelle langue naturelle et les enfants qui l'inventent sont les premiers utilisateurs de cette langue. Cette nouvelle langue porte le nom de créole. 123
Au cours des derniers siècles seulement, plusieurs douzaines de créoles ont fait leur apparition aux Caraïbes, en Afrique, en Asie, à Hawaï et ailleurs. Tous témoignent de ce puissant instinct humain à construire une langue. Lorsque les enfants élaborent un créole, ils apprennent non seulement une langue que leurs parents ne connaissent pas, mais ils apprennent une langue qui n'existait même pas auparavant – tout comme ces enfants sourds au Nicaragua. Les créoles, tout comme la langue des signes du Nicaragua, fournissent une preuve écrasante qu'apprendre une première langue ne constitue pas simplement un accomplissement, comme apprendre à faire du patin à glace. Notre faculté de langage fait partie de notre biologie, quelque chose qui est intégré dans nos gènes.
Comme le système d'écholocalisation des chauves-souris…
… ou le sens de l'orientation des oies sur une longue distance.
La plupart des linguistes pensent désormais que notre faculté unique de langage existe parce que certains de nos lointains ancêtres l'ont faite évoluer. Et, depuis ce temps, les enfants sont nés avec une nécessité biologique d'élaborer et d'utiliser une langue. 124
La grammaire universelle de Chomsky Ce « besoin de langue » est propre à notre espèce. Comme nous l'avons vu plus tôt, aucune autre créature sur Terre ne peut même nous ressembler vaguement au niveau de notre capacité à apprendre et à utiliser une langue. Nous pouvons parler comme les oiseaux peuvent chanter, et ce, pour les mêmes raisons. C'est la reconnaissance de notre faculté de langue biologique qui a permis aux linguistes d'unir leurs forces à celles des psychologues, philosophes, informaticiens et étudiants en intelligence artificielle afin de jeter les bases de la nouvelle discipline appelée science cognitive. Mais quelle part de notre langage se trouve intégrée dans nos gènes ? Pendant des décennies, le linguiste américain Noam Chomsky a fermement soutenu sa conception à propos de notre don linguistique inné. Je maintiens que nous sommes nés avec un certain nombre de règles grammaticales très spécifiques construites dans notre cerveau. Ces règles que j'appelle grammaire
universelle ou gu.
GU 125
Voici un exemple possible de GU. Examinez les phrases qui suivent et posez-vous cette question : dans quelles phrases le pronom elle peut-il éventuellement faire référence à Susie ?
1. S usie a pris une douche après qu'elle s'est levée. près qu'elle s'est levée, 2. A Susie a pris une douche. près que Susie s'est levée, 3. A elle a pris une douche. lle a pris une douche 4. E après que Susie s'est levée. Est-
ce q
u'il p
ourr
ait s
'agir
de S
usie ?
Nous pouvons convenir que elle peut éventuellement faire référence à Susie dans les trois premières phrases, mais pas dans la quatrième phrase. Mais pourquoi ? Après tout, les quatre phrases contiennent les mêmes mots et elles ont toutes des structures très similaires. 126
Quelle est la règle ? Il y a une règle ici. Il a été possible de formuler cette règle avec une considérable précision, bien que dans le contexte d'une théorie de syntaxe soigneusement articulée uniquement. La première version, mise en avant par le linguiste américain Ronald Langacker en 1969, affiche une forme d'interdit : Une anaphore ne peut pas à la fois précéder et commander son antécédent. Les formulations actuelles de la règle diffèrent quelque peu, mais elles sont tout aussi impénétrables pour un lecteur qui ignore tout de la théorie linguistique.
Aujourd'hui, toutes les personnes connaissent cette règle. Nous ne l'enfreignons jamais en parlant et nous n'interprétrions jamais mal une phrase comme la (4) lorsque quelqu'un d'autre l'utilise.
Mais comment avons-nous appris cette règle ? Nos parents ne nous ont jamais appris cette règle. Nous ne l'avons pas apprise à l'école. En effet, la plupart d'entre nous ne sommes même pas conscients qu'il y a une règle ici jusqu'à ce que quelqu'un attire notre attention sur ce point précis.
127
Pourtant, d'une certaine manière, nous connaissons la règle de toute façon. En quelque sorte, la règle est entrée dans nos têtes. Mais comment ?
128
L'explication avancée par Chomsky est que cette règle fait partie de la GU. Il y a quelque chose dans la GU, quelque chose avec quoi nous sommes nés, qui permet à elle de faire référence à Susie dans trois phrases, mais pas dans la quatrième. En d'autres termes, cette règle, comme la GU en général, est innée. Nous sommes simplement nés avec elle.
Le nativisme linguistique L'opinion de Chomsky selon laquelle la GU est innée est connue sous le nom d'hypothèse du nativisme linguistique. Cette hypothèse est profondément controversée. De nombreux philosophes et psychologues – ainsi que des linguistes – y ont réagi avec colère ou mépris. Pour nombre de ces critiques, le nativisme n'est pas vraiment une hypothèse, mais seulement un recul par rapport à la recherche scientifique. Les règles sont là parce qu'elles sont là, et savoir comment elles sont arrivées là ne constitue pas une question linguistique. Évidemment, nous pouvons tenter d'évaluer l'allégation nativiste en enquêtant sur sa nature prétendument universelle. Si Chomsky a raison, alors tous les utilisateurs de toutes les langues du monde doivent avoir la même GU dans leur tête et par conséquent, leurs langues doivent avoir plus ou moins les mêmes règles. 129
Donc, l'examen attentif des règles grammaticales d'une large variété de langues devrait fournir des preuves, d'une façon ou d'une autre. Et, bien sûr, certains linguistes ont entrepris des recherches de ce type. Mais la tâche n'est pas aisée. La plupart des langues qui sont bien connues et qui ont été soigneusement étudiées sont des langues européennes…
Comme l'Anglais
Le Français Le Néerlandais L'espagnol Le Portugais
Et L'italien
Mais toutes ces langues sont liées (elles sont toutes issues d'un seul ancêtre commun). Et en outre, ceux qui les parlaient ont été en contact perpétuel entre eux pendant plusieurs siècles. Donc, toutes sortes de similitudes entre ces langues sont à prévoir, pour des raisons qui ne sont pas biologiques. 130
Les obstacles pour confirmer la GU Ce dont nous avons vraiment besoin ici, ce sont des données fiables et détaillées à propos d'une gamme de langues indépendantes les unes des autres et géographiquement dispersées : disons quelques langues provenant du continent américain, d'Afrique, de Sibérie, d'Asie du Sud-Est, d'Australie et du Pacifique.
Mais pour des raisons pratiques évidentes, très peu de ces langues ont été jusqu'à présent étudiées ou décrites de manière très détaillée.
Les linguistes qui sont prêts à braver les désagréments des forêts tropicales, le permafrost sibérien, les conflits locaux et autres dangers sont souvent des linguistes dont les intérêts et objectifs ne correspondent pas aux types de questions théoriques qui sont en rapport avec l'hypothèse nativiste.
Ils ne se posent simplement pas les bonnes questions essentielles.
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Ce sont en effet des obstacles redoutables. Mais nous avons obtenu néanmoins un ensemble de données pertinentes à partir d'un certain nombre de langues, données que nous pouvons examiner pour avoir une possible confirmation ou au contraire une infirmation à propos des idées nativistes. Cependant jusqu'à présent, les résultats ont été les plus frustrants possibles.
Anglais
Sw
ahi
li
Ourdou bal
Dyir
Maya Yu
catèque
ha
Pira
Ce que nous continuons à trouver, c'est que les principes grammaticaux qui constituent la base des langues sont souvent assez similaires par définition, mais presque jamais identiques.
De fait, certains adeptes du nativisme de Chomsky ont réagi en concluant que les principes de la grammaire universelle devaient être plus abstraits que ce que nous avions prévu au départ. Les principes peuvent être énoncés seulement à un niveau d'abstraction très élevé, loin des formes superficielles des déclarations, ce qui résulte uniquement de l'interaction entre des principes abstraits et d'autres dispositifs et exigences. 132
Respectivement, avec respect Mais nombre de critiques ont fait valoir que ce recul vers une abstraction encore plus marquée est inutile et autodestructeur : si nous faisons en sorte que nos principes soient suffisamment abstraits et isolés des données observables, alors ces principes deviennent infalsifiables et impossibles à tester. C'est-à-dire que n'importe quel principe abstrait peut être mis en cohérence avec n'importe quel ensemble de données, et nous n'avons donc plus de thèse scientifique vérifiable, mais seulement un article de foi. Il y a d'autres problèmes. Par exemple, certaines questions théoriques importantes reposent sur l'existence et l'interprétation de respectivement, comme :
Jeanne et Louis ont bu respectivement du whisky et du sherry.
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Certains linguistes ont affirmé que l'utilisation de ce type de phrases illustre des points importants à propos de la GU. Malheureusement, d'autres linguistes ont examiné de telles phrases et ont découvert quelque chose d'important et de fascinant. Ces phrases ne sont utilisées que par des personnes avec un haut niveau d'instruction. En revanche, ceux qui n'ont pas d'instruction n'utilisent non seulement pas de telles phrases, mais ils ne peuvent même pas les comprendre lorsqu'ils s'y trouvent confrontés.
« Respectivement » ne veut pas dire que nous buvons du sherry et du whisky « avec respect » … Mais qu'il a bu du sherry et que j'ai bu du whisky.
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Inné ou acquis ? Il apparaît donc que respectivement ne peut pas réellement nous dire quoi que ce soit à propos de notre faculté de langage innée. Plus précisément, l'utilisation et l'interprétation de cet adverbe semblent être quelque chose d'acquis uniquement par l'éducation classique. Mais, si une partie de notre comportement linguistique est acquis uniquement par l'éducation et ne naît donc pas avec nous, comment pouvons-nous être sûrs que tel aspect de l'utilisation de la langue est inné plutôt qu'appris ? Et comment, se demandent les critiques, pouvons-nous être sûrs que n'importe quel aspect de l'utilisation de la langue est inné, comme l'affirme Chomsky…
… ou simplement appris par l'expérience… – comme le suggérait le grand psychologue suisse Jean Piaget, parmi d'autres ?
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La planification linguistique Par conséquent, tandis que quelques linguistes doutent du fait que notre faculté de langage fasse partie de notre biologie, nombreux sont ceux qui doutent du fait que notre faculté de langage soit autant élaborée au niveau des détails, comme le suggère Chomsky.
De toute façon, nous savons qu'il est possible que la structure d'une langue soit considérablement déterminée par des programmes politiques ou éducatifs. Aux xixe et xxe siècles, un certain nombre de langues européennes en sont arrivées à être utilisées pour la première fois comme langues nationales de nouveaux États-nations : le norvégien, le finlandais, le bulgare, le tchèque et d'autres encore. Dans chaque cas, il était nécessaire de se mettre d'accord sur une forme standard pour une langue qui en avait manqué auparavant et de créer une énorme quantité de nouveau vocabulaire pour parler de sujets techniques allant de la philosophie aux moteurs de voiture, de la linguistique à la physique nucléaire. Ce travail porte le nom de planification linguistique, ou ingénierie linguistique, et il s'avère laborieux et chronophage. 136
L'ingénierie basque Prenons l'exemple du basque, qui a commencé à être normalisé uniquement à partir des années 1960. Le basque est parlé dans les montagnes du Nord de l'Espagne et du Sud-Ouest de la France. Il n'y avait jamais eu de forme normalisée auparavant et il était parlé de différentes manières selon les localités dans les vallées montagneuses. Vous trouverez ci-dessous un petit exemple du genre de variation locale à laquelle se sont trouvés confrontés les planificateurs linguistiques lorsqu'ils ont commencé à travailler sur une nouvelle forme standardisée. « caillou » « venir » « mot » « loutre » « j'aime ça » « je le ferai » « au revoir ! »
arri etorri berba urtxakur gustatzen jata eingo dot ikusi arte
harri ethorri itz ugabere gustatzen zait egingo det ikhus arte
jin hitz atsegin dut eginen dut
jaugin
aket zaut
Atsegin dut Gustatzen zait
Hitz Itz
Berba Gustatzen jata
Imaginez que vous soyez confronté à des milliers et des milliers de différences régionales comme celles-là et que vous deviez essayer de trouver un ensemble unique de formes approuvées qui conviendraient à tout le monde. Mais les Basques, après plusieurs décennies, sont maintenant bien avancés sur leur projet, qui devrait être achevé dans un avenir proche – tout comme les Finlandais et d'autres ont déjà terminé leurs propres projets de planification linguistique. 137
L'anglais n'a jamais subi de planification linguistique de cette ampleur. Cela ne vient pas du fait que la langue manque de variations régionales ou sociales – il y en a beaucoup – mais seulement du fait que leurs ancêtres ont largement permis l'émergence d'une forme standard de la langue par une série de hasards historiques, sans aucune centralisation et très peu de planification organisée. Cette approche « ça passe ou ça casse » a été en effet étonnamment réussie et a donné une forme standard de l'anglais assez uniforme, avec des différences régionales mineures.
Et c'est cet
anglais standard,
avec tous ses défauts et ses singularités historiques, qui est appris à l'école et qui est utilisé à des fins d'utilité publique.
138
L'anglais standard Du fait de hasards historiques, l'anglais standard requiert : I did it
et non
I done it
He doesn't know
et non
He don't know
I saw him
et non
I seen him
I haven't finished
et non
I ain't finished
et d'innombrables autres formes qui semblent très étranges aux personnes qui n'ont pas reçu d'éducation et qui parlent un anglais vernaculaire – sans parler de ce respectivement, bien sûr. Si des événements imprévisibles étaient survenus, alors des professeurs d'anglais acharnés feraient de leur mieux pour supprimer ces emplois « ignorants » et « analphabètes » tels que He doesn't do it et I saw it, et enseigneraient à leurs élèves l'utilisation raffinée et éduquée de He don't do it et I seen it.
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Le sexisme dans la langue La planification linguistique n'a pas joué un rôle important pour certaines langues. Mais aujourd'hui, certaines personnes commencent à plaider en faveur d'une certaine ingénierie linguistique solide de notre langue pour une raison particulière : le sexisme. Comme de nombreuses langues, le français affiche beaucoup de sexisme.
Les hommes ont été les premiers à atteindre les amériques il y a environ 13 000 ans.
Beaucoup de noms de métiers restent encore masculins : pompier…
Les droits de l’homme.
Accord : le masculin
l’emporte sur le féminin
… chirurgien… … recteur…
… chef de service…
Nous essayons maintenant de trouver des façons moins sexistes de parler et d'écrire. Parfois, des solutions simples sont accessibles : élèves du lycée pour lycéens, l’utilisation de parenthèses [musicien(ne)] ou de la barre oblique [directeur/trice], D’autres cas sont plus délicats, comme pour les accords où le mascuslin l’emporte sur le féminin… Il semble qu'il n'y ait aucune solution qui plaise à tout le monde. 140
Attitudes sexistes Même si nous pouvions réglementer ces usages indésirables et les oublier, nous ne serions pas débarrassés des attitudes sexistes. Nous lisons constamment des choses comme celles-ci : Il a attaqué la femme de son voisin d'à côté (la femme n'était pas sa voisine ?) ; Les pionniers ont marché dans les prairies avec leur bétail, leur semences de maïs et leurs femmes (les femmes étaient là en tant que quoi ?).
La nouvelle rédactrice en chef du New Yorker est une blonde saisissante et élancée. (Est-ce que l'on dirait la même chose d'un rédacteur qui serait un homme ?)
Aussi peu attrayantes que soient ce genre d'utilisations, la plupart des linguistes considèrent que leur tâche principale consiste à rapporter et décrire la langue en tant que telle, et non à essayer de la changer. C'est-à-dire que l'attitude des linguistes est celle du descriptivisme, par opposition au prescriptivisme dont nous avons déjà parlé. Cette réalité a souvent généré des malentendus auprès du grand public à propos de ce que les linguistes essaient de faire. 141
Le descriptivisme Les non-linguistes accusent souvent les linguistes de maintenir ce « n'importe quel type de langage conviendra », en particulier lorsque nous refusons de les rejoindre dans leurs campagnes passionnées contre tout ce qui a pu les irriter. Mais c'est une erreur. Chaque linguiste pris individuellement a ses propres idées sur ce qui constitue une bonne utilisation ou une utilisation appropriée de la langue, comme tout le monde – sauf que les points de vue des linguistes sont généralement beaucoup mieux étayés que ceux des autres personnes. Mais il y a une grosse différence entre exprimer des opinions et trouver les faits, et c'est trouver les faits qui constitue la première tâche d'un linguiste. Personne n'attaquerait un botaniste simplement parce qu'il cherche à découvrir à quoi ressemblent les plantes,
au lieu de créer de beaux jardins.
142
Troubles du langage Tous les exemples que nous avons étudiés jusqu'à présent dépeignent une utilisation normale de la langue. Mais toutes les utilisations de la langue ne sont pas normales. Plus particulièrement, notre langue peut devenir anormale, ou subir des troubles, lorsque nous souffrons d'une blessure au cerveau. Cela se produit parce que certaines zones du cerveau sont en grande partie consacrées à l'utilisation du langage. Les dommages qui affectent ces zones-là perturbent donc notre langage. Les troubles du langage qui résultent d'une lésion au cerveau portent le nom d'aphasie (ou dysphasie) et on en connaît plusieurs types différents. Dans les années 1860, le chirurgien français Paul Broca a identifié un trouble particulier qui porte maintenant le nom d'aphasie de Broca. Une personne atteinte de cette aphasie parle très lentement et laborieusement, utilise très peu de grammaire et son discours est un peu empâté.
La compréhension de celui qui en souffre est en grande partie intacte et son discours est logique, même si cela peut être difficile pour les autres de le comprendre.
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Aire de Broca
Oui – ah – lundi ah – papa – et papa – ah – hôpital – et ah – mercredi – mercredi – neuf heures et ah jeudi – dix heures ah docteurs – deux – deux – ah docteurs et – ah – dents – ouais. Et un docteur – ah fille – et chewinggums et moi.
Des examens post mortem pratiqués sur huit de ces patients souffrant de cette pathologie ont révélé que tous avaient subi une lésion dans une zone particulière du côté gauche du cerveau, qui porte le nom d'aire de Broca. Broca présumait que cette zone devait être en conséquence chargée de fournir la structure grammaticale des phrases, ainsi que le délicat contrôle musculaire des organes de la parole. On sait aujourd'hui que ces conclusions sont exactes. 144
L'aphasie de Wernicke Dans les années 1870, le neurologue autrichien Carl Wernicke a identifié un groupe de patients qui affichaient une forme très différente d'aphasie, que l'on appelle aujourd'hui l'aphasie de Wernicke. Une personne atteinte de cette aphasie parle rapidement et facilement, à un rythme normal et une intonation normale, mais ce qu'elle dit n'a aucun sens. De plus, elle est incapable de comprendre ce qu'on lui dit.
Si je pouvais, je le ferais. Oh, j'utilise mal le mot pour dire, tous les coiffeurs chaque fois qu'ils vous arrêtent cela tourne en rond, si tu vois ce que je veux dire, c'est-à-dire attacher et attacher pour répucérer… répucération, bon, nous avons fait tout notre possible alors qu'une autre fois, c'était avec les lits qui sont là-bas…
Aire de Wernicke
Les examens réalisés post mortem ont encore révélé que tous les patients avaient subi une lésion sur une autre partie du côté gauche du cerveau, qui porte maintenant le nom de aire de Wernicke. La zone de Wernicke semble être à la fois responsable de la compréhension et de l'accès au vocabulaire de tous les jours. 145
La neurolinguistique Depuis l'époque de Broca et de Wernicke, la neurolinguistique, comme nous appelons aujourd'hui l'étude du fonctionnement du langage dans le cerveau, a fait des progrès considérables. Nous n'avons plus besoin d'attendre les autopsies réalisées sur les cerveaux de patients décédés : nous pouvons étudier le comportement linguistique des cerveaux de personnes vivantes, en bonne santé et conscientes en utilisant des scanners pour détecter une activité. Ces études ont largement confirmé les résultats obtenus précédemment mais, en même temps, de nouveaux problèmes complexes ont surgi.
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Nous avons découvert des malades qui présentaient un large éventail de systèmes très spécifiques. Par exemple, un homme avait perdu tous les mots pour désigner les fruits et les légumes, mais il ne présentait aucun autre problème. D'autres personnes avaient perdu les verbes mais retenaient les noms, même lorsque le verbe et le nom sont un seul et même mot, de sorte que, par exemple, elles peuvent comprendre le mot mari dans Paul est son mari mais pas dans il marie sa fille. Il y a des malades qui peuvent parler mais pas lire, lire mais pas écrire ou bien écrire mais pas lire (même ce qu'ils viennent d'écrire). Un malade bilingue français-anglais peut perdre son français mais conserver son anglais, puis tout d'un coup retrouver son français mais perdre son anglais, et cela peut se reproduire plusieurs fois.
Clairement, nous avons encore beaucoup à apprendre à propos du langage dans le cerveau.
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Troubles spécifiques du langage Tous les déficits linguistiques ne résultent pas de lésions cérébrales. Certains d'entre eux semblent être provoqués par des anomalies génétiques. Nous pouvons citer par exemple le cas de la curieuse infirmité qui porte le nom de troubles spécifiques du langage ou TSL. Les personnes qui souffrent de TSL sont plutôt normales à bien des égards, mais elles éprouvent beaucoup de difficultés avec la grammaire et les terminaisons. Elles ne peuvent pas les apprendre ou les restituer avec précision, et les oublient souvent totalement ou les placent quelquefois au mauvais endroit…
Hier, j'ai mangé deux biscuit.
Il y avoir un trains qui arrive.
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Plus spectaculaire encore, elles échouent au test du wug dont nous avons parlé auparavant : lorsqu'on leur demande de former le pluriel d'un mot qui ne veut rien dire, elles n'ont aucune idée de ce que cela pourrait être. Pour wug, par exemple, elles diront…
Wugness ?
Wugga ?
… ou bien quelque chose de tout aussi surprenant ; pour zat, elles diront zacko, pour zash, ce sera zatches, etc. Il semble que les personnes atteintes de TSL n'aient jamais appris qu'il existe des règles pour former les pluriels par exemple. Par conséquent, elles doivent apprendre péniblement tous les pluriels réguliers comme chiens et oiseaux un par un, comme nous le faisons avec les pluriels irréguliers comme journaux et cailloux. Ils n'ont donc aucune idée de ce que pourrait être le pluriel d'un mot nouveau, puisqu'ils n'ont pas de règle sur laquelle s'appuyer. 149
Le syndrome de Williams Le syndrome de Williams est une autre infirmité linguistique qui résulte d'un gène défectueux. Les malades souffrant de ce syndrome présentent un certain nombre d'anomalies physiques, dont un visage inhabituel ressemblant à celui d'un lutin, ainsi qu'un degré sévère de retard mental, si sévère qu'ils ne peuvent pas s'occuper d'eux-mêmes tout seul et doivent être placés en institution. Les personnes atteintes du syndrome de Williams n'ont absolument aucune difficulté à apprendre les règles linguistiques : par exemple, elles apprennent à construire des pluriels réguliers comme livres et des passés réguliers comme je suis sorti aussi facilement que quelqu'un d'autre. Mais elles souffrent d'un problème linguistique d'un autre genre.
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Elles éprouvent des difficultés à trouver leurs mots. Elles n'hésitent pas et ne se trompent pas non plus – en réalité, elles parlent généralement sans prendre le temps de respirer – mais elles choisissent souvent les mauvais mots. Ainsi, par exemple, une personne souffrant du syndrome de Williams pourra dire perroquet alors qu'elle voulait dire moineau ou bien gâteau à la place de biscuit. De plus, il n'est pas rare qu'elles généralisent trop les règles qu'elles connaissaient si bien et, tels de très jeunes enfants, qu'elles disent des chevals au lieu de des chevaux.
perroquet gâteau chevals
151
Vision psycholinguistique de la langue Dans son ouvrage récent Words and Rules [Mots et règles], le psycholinguiste canadien Steven Pinker rassemble des preuves à partir de l'acquisition de la langue maternelle, du comportement adulte habituel et des personnes souffrant de TSL et du syndrome de Williams pour développer une vue d'ensemble sur la manière dont le langage fonctionne dans notre esprit. Pinker soutient que notre faculté de langage se compose de deux grands éléments importants et distincts. L'un de ces éléments est la mémorisation ou la consultation. Dans ce cas-là, les éléments linguistiques sont appris l'un après l'autre, mémorisés, rangés dans un dossier et consultés lorsque cela est nécessaire. Nous devons tous faire cela lorsque nous apprenons des mots qui correspondent à des choses. Les anglophones doivent apprendre qu'un animal de grande taille avec un museau court est un pig [cochon]. Les personnes qui parlent gallois apprennent que l'animal est un mochyn, celles qui parlent allemand que c'est un Schwein, basque un txerri, yima (en Nouvelle-Guinée) un numbran, etc.
De même, nous devons simplement apprendre, conserver et chercher les formes irrégulières telles que chevaux et je veux. 152
L'autre élément, ce sont les règles que nous élaborons progressivement au cours de l'acquisition, des règles comme « construire un pluriel en ajoutant -s » et « construire un temps au passé composé en remplaçant er par é ». Ces deux éléments sont fondamentaux : les règles sont inutiles si nous n'avons pas mémorisé certaines choses auxquelles les appliquer. En ne suivant aucune règle, nous devrions mémoriser et vérifier absolument tout – une tâche considérable.
153
Un problème de gènes déficients Pinker (et d'autres) soutiennent que les TSL constituent en général un déficit au niveau de la composante de la règle.
Les personnes souffrant du syndrome de williams apprennent très bien les règles, mais leur stockage et leur facilité de recherche est irrégulière et échoue souvent dans la récupération de l'élément nécessaire.
Les personnes souffrant de tsl n'apprennent jamais les règles et doivent avancer en essayant de tout mémoriser avec des conséquences compliquées.
Les généticiens ont récemment mis en évidence l'emplacement des deux gènes déficients impliqués dans les TSL et le syndrome de Williams. Peutêtre pourrons-nous un jour identifier précisément ce qui ne va pas dans le cerveau lorsque ces gènes sont défectueux, et donc comprendre quelque chose sur la manière dont le cerveau développe le langage. 154
Quelle est l'origine du langage ? En dehors du fait que nous espérons comprendre le langage au niveau du cerveau lui-même, nous nourrissons également l'espoir d'apprendre comment le langage est né. Pendant de nombreuses années, ce sujet était très tabou parmi les linguistes. Cela s'expliquait par le fait que rien de significatif n'était connu à propos de la structure du langage, du fonctionnement du cerveau, ou du traitement du langage dans le cerveau, ou même des ancêtres de l'Homme. En 1867, l'Académie des sciences française avait en effet interdit toute discussion sur le sujet.
Et pour cause, puisque rien n'était proposé si ce n'est des spéculations et des fantasmes, souvent très ridicules. 155
Que savons-nous aujourd'hui ? Aujourd'hui, tout va beaucoup mieux. Les linguistes peuvent nous communiquer des éléments importants sur la manière dont les langages sont formés. Les psycholinguistes ont accompli de grands progrès au niveau de la compréhension du traitement du langage dans le cerveau. Les neurolinguistes et les neurologues connaissent aujourd'hui beaucoup de choses sur la structure du cerveau, son comportement, et où se situe le langage et comment il est organisé dans le cerveau. Et, bien sûr, les paléoanthropologues ont réalisé d'énormes progrès en dévoilant les origines de notre espèce. Nous avons donc maintenant à notre disposition un ensemble de faits à partir desquels travailler.
156
Mais cela ne veut pas dire que nous sommes sur le point de répondre à la question de comment, quand ou pourquoi le langage a débuté. Les linguistes commencent maintenant à avoir des échanges réguliers avec des spécialistes de nombreux autres domaines – psychologues, anthropologues, primatologues (spécialistes des primates qui regroupent les singes et grands singes ainsi que les êtres humains), archéologues et d'autres scientifiques intéressés, dans l'espoir de trouver un point commun. Mais pour l'instant, peu d'éléments ont été trouvés.
157
Quand le langage est-il né ? À quel moment peut-on situer le début du langage ? Certains archéologues et anthropologues pensent pouvoir voir des preuves au cours d'une longue période de stagnation virtuelle dans la culture de nos ancêtres…
… Suivie d'une éclosion soudaine et brillante dans les arts, la technologie et la culture il y a environ 40–50 000 ans.
Cette date-là doit correspondre à la première apparition du langage, car rien d'autre ne pourrait expliquer cette évolution explosive. D'autres, comprenant la plupart des linguistes, concluent que notre faculté de langage fait tellement partie de notre biologie qu'elle a dû apparaître en même temps que notre propre espèce, l'Homo sapiens, il y a entre 100 000 et 200 000 ans. 158
Là encore, certains anthropologues sont convaincus que les crânes fossiles de nos ancêtres hominidés qui vivaient il y a plus de un million d'années, avant que notre propre espèce ait évolué, montrent des preuves évidentes des structures du cerveau associées au langage, comme l'aire de Broca par exemple.
Ils en concluent que le langage doit même être plus vieux que l'homo sapiens.
Il n'y a pas de consensus puisque les nouvelles données dont nous disposons sont orientées dans différentes directions. 159
La théorie du gradualisme Le langage a-t-il fait son apparition de manière graduelle ou soudaine ? Nous l'ignorons. D'un côté, le psycholinguiste Stephen Pinker et son collègue Paul Bloom ont soutenu que le langage a dû apparaître lentement et progressivement, par petites touches, en réponse aux pressions imposées par la sélection naturelle. Dans cette perspective, les premiers hominidés qui savaient mieux utiliser la langue possédaient une facilité d'adaptation par rapport à leurs parents moins éloquents. Ils ont donc mieux survécu et ont eu davantage de descendants, ce qui fait que les personnes linguistiquement habiles ont progressivement conquis le monde, en évinçant leurs voisins qui avaient plus de mal à s'exprimer.
Du fait que nos compétences linguistiques se sont améliorées, nous avons mieux survécu, mais tout cela s'est produit lentement et de manière progressive.
160
Ug Ugh ugh Nourriture Nous chassons Beaucoup de buffles là N'attaquez pas avant mon signal Ramenons la proie aux autres
La théorie des catastrophes Par ailleurs, le linguiste américain d'origine britannique Derek Bickerton a plaidé en faveur de l'émergence soudaine et véritablement catastrophique de la langue. D'après lui, nos ancêtres n'ont pas eu de langue pendant une longue période, mais ont peu à peu acquis les structures du cerveau qui leur permettaient des opérations mentales toujours plus sophistiquées.
C M ONN AN E QU XIO AN N TE
Jusqu'à ce qu'un jour, la dernière connexion manquante se mette en place, et la langue est brusquement apparue à partir de presque rien pour exister complètement. 161
Critique du point de vue gradualiste Le point de vue de Pinker-Bloom souffre de la difficulté à imaginer à quoi pourrait ressembler une langue partielle. Pouvons-nous envisager une « langue » avec des noms mais sans verbes, ou avec des déclarations positives mais aucune qui soit négative, ou bien encore avec des phrases composées de deux mots uniquement et non de dix ou bien des noms pour désigner des choses mais pratiquement pas de grammaire ? Les linguistes trouvent cela difficile à accepter. Aucune « langue » de ce genre n'a jamais été trouvée nulle part – à l'exception de la dernière. Celle-là décrit les langues sabirs qui comprennent très peu de vocabulaire et pratiquement pas de grammaire. Comme nous l'avons vu, les sabirs sont créés par des gens qui ont besoin de communiquer, mais qui n'ont pas de langue en commun.
Je peux parler ma propre langue
162
Mais nous ne pouvons communiquer qu'en créant un sabir
Et je peux parler ma propre langue
D'après Bickerton, il semble que jamais quelque chose situé quelque part entre les sabirs et les vraies langues n'a été observé. Il note plusieurs autres caractéristiques liées au sabir. Des systèmes remarquablement similaires aux sabirs peuvent être observés chez de très jeunes enfants qui commencent tout juste à acquérir leur langue maternelle.
Mama, me wan dat !
Également chez certains individus qui souffrent de lésions cérébrales. Et même chez certains chimpanzés auxquels les scientifiques se sont efforcés d'enseigner une certaine forme de langage humain.
163
La conclusion de Bickerton Bickerton en conclut donc qu'il n'existe que deux possibilités linguistiques, un système grossier analogue au sabir qu'il appelle protolangage et un langage humain complet. Nos lointains ancêtres ont donc dû plutôt passer du jour au lendemain de l'un à l'autre, grâce à l'acquisition soudaine d'une certaine connexion essentielle dans le cerveau. Pour Bickerton, les enfants acquièrent le protolangage avant de passer au langage, certains individus ayant subi des blessures n'acquièrent jamais quoi que ce soit au-delà du protolangage et les grands singes, nos proches parents, n'ayant jamais acquis cette dernière connexion décisive au niveau de leur cerveau, peuvent apprendre à gérer le protolangage mais pas la langue.
Vous parlez le proto ?
164
Un autre exemple cognitif Rien n'est résolu. Et nous n'avons même pas encore trouvé de grand accord pour statuer si le langage devrait être considéré comme un phénomène tout à fait distinct, ou bien comme s'il faisait partie intégrante de notre perception et de notre connaissance. Souvenez-vous des idées des linguistes cognitifs, évoquées plus haut, selon lesquelles les catégories linguistiques sont considérées comme étant perceptives et métaphoriques. Et voyons maintenant un autre exemple de l'approche cognitive. Si nous disons que
un coq est au dos de la maison où se trouve l'oiseau ?
Évidemment, il est derrière la maison, à l'opposé de la façade avant.
Bien. Mais dans un certain nombre de langues, surtout dans certaines régions d'Afrique, lorsque l'on décrit un oiseau comme étant (au sens propre) « au dos de la maison »…
Nous voulons dire qu'il est sur le toit.
Comment comprenons-nous cette différence ?
165
Les différences de métaphores Bon, il semble que nous nous présentions en des termes propres aux êtres humains. Et notre dos est derrière nous. Donc, quelque chose qui est « dans notre dos » est derrière nous. Mais toutes les langues ne fonctionnent pas de la même manière – cela veut dire qu'elles n'utilisent pas toutes les mêmes métaphores. Les utilisateurs de certaines langues pensent en termes de métaphores, non en termes de personnes, mais du point de vue d'animaux à quatre pattes, comme les buffles.
Et où se situe un oiseau qui est « sur le dos » d'un buffle ? Sur le dessus c'est exact. .
Ainsi, un choix de métaphore différent donne lieu à des sens différents pour les mêmes mots. Et les linguistes cognitifs soutiennent que presque rien ne peut être exprimé dans aucune langue humaine sans le choix d'une métaphore pour l'exprimer.
166
Il y a en effet des linguistes, comme Robins Burling, qui soutiennent que c'est une erreur de considérer la langue principalement comme un moyen de communication. La langue, suggère Burling, est plus perçue comme un moyen d'organiser le monde, une façon de construire et d'organiser des représentations mentales. De ce point de vue, notre capacité familière à communiquer par le biais de la langue est simplement un produit dérivé – bien qu'évidemment un produit très utile – de notre cognition linguistique.
Mais il demeure exact que nous ne savons presque rien de la façon dont le langage a commencé d'exister. Bien entendu, ce vide a donné lieu à d'innombrables spéculations, nombre d'entre elles ne manquant ni d'assurance ni de véhémence. 167
Spéculations contradictoires Certaines personnes affirment que nos lointains ancêtres ont dû mimer avant de pouvoir parler et que la parole a dû évoluer sans les gestes. D'autres affirment que la langue est née spécifiquement parce qu'elle était utile dans la construction et l'utilisation d'outils…
… Ou parce que la parole était une façon merveilleusement efficace d'attirer des copains…
… Ou bien parce que nous étions impatients de bavarder…
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… Ou bien parce que parler nous libère les mains tout en nous permettant de continuer à porter une attention particulière les uns aux autres.
Ce dernier point de vue considère la parole comme une sorte de pansage vocal, remplaçant le comportement de toilettage constant observé chez les grands singes aujourd'hui.
169
Les objectifs du langage Le mieux que nous puissions dire à propos de ces interprétations divergentes est qu'elles sont toutes hautement improbables. Il est peu vraisemblable que la langue ait fait son apparition afin de remplir un objectif particulier et, seulement plus tard, que nos ancêtres aient découvert qu'elle pouvait aussi être utilisée pour satisfaire d'autres objectifs. En réalité, nous utilisons la langue pour des raisons très diverses. En voici quelques-unes :
• Transmettre des informations ersuader les gens de faire •P des choses onvaincre les gens de croire •C à certaines choses • Divertir les autres • Nous amuser aintenir et afficher notre place •M dans la société • Exprimer notre individualité • Exprimer nos émotions aintenir de bonnes (ou mauvaises) •M relations avec les autres
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Peu de linguistes sont désireux de croire que nos ancêtres ont développé la langue dans le seul but d'assurer une seule de ces nombreuses fonctions, puis découvert par hasard qu'ils pouvaient l'utiliser pour une ou deux autres choses aussi. La langue est plus riche que cela et est plus profondément ancrée dans notre existence. Souvenez-vous, la langue est ce qui nous distingue de la manière la plus évidente qui soit de toutes les autres créatures qui vivent sur cette planète. Plus que toute autre chose, la langue est ce qui fait de nous des êtres humains.
Et, en dépit de nos progès évidents et impressionnants pour en comprendre la nature, nous avons encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir dire que nous savons ce qu'est le langage.
171
Lectures suggérées (en anglais) Si vous souhaitez approfondir vos connaissances en linguistique, cet ouvrage vivant et très accessible est un bon début : R. L. Trask, 1999. Language : The Basics [Le langage : les bases], 2de édition. Londres : Routledge. Vous pouvez également passer à un manuel. Voici un texte élémentaire : Jean Aitchison, 1992. Teach Yourself Linguistics [Apprenez la linguistique par vous-même], 4e édition. Londres : Hodder. Plus étoffé, mais toujours élémentaire : George Yule, 1996. The Study of Language [L'étude du langage], 2de édition. Cambridge : Cambridge University Press. Plus volumineux encore, mais brillamment écrit : Victoria Fromkin et Robert Rodman, 1998. An Introduction to Language [Introduction au langage], 6e édition. Fort Worth : Harcourt Brace. Le premier ouvrage de référence à consulter est cette encyclopédie magnifiquement illustrée : David Crystal, 1997. The Cambridge Encyclopedia of Language [L'encyclopédie de Cambridge du langage], 2de édition. Cambridge : Cambridge University Press. Si l'histoire de la linguistique vous intéresse, il y a beaucoup d'ouvrages sur ce thème mais tous ne sont pas faciles à lire. Pour la période qui précède le xxe siècle, vous pouvez essayer celui-ci : R. H. Robins, 1967. A Short History of Linguistics [Un bref historique de la linguistique]. Londres : Longman. Le xxe siècle est plus difficile, mais essayez celui-ci, qui est un peu sélectif : Geoffrey Sampson, 1980. Schools of Linguistics [Les écoles de la linguistique]. Londres : Hutchinson. Pour un recueil d'essais facile d'accès et agréable à lire sur des sujets récents et passionnants, consultez celui-ci : Jay Ingram, 1992. Talk Talk Talk [Parler, parler, parler]. Londres : Penguin.
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Sur la psycholinguistique et l'acquisition du langage chez l'enfant, voici l'ouvrage le plus facile à lire : Jean Aitchison, 1998. The Articulate Mammal [Le mammifère articulé], 4e édition, Londres : Routledge. L'ouvrage qui suit présente le langage et le cerveau : Loraine K. Obler et Kris Gjerlow, 1999. Language and the Brain [Le langage et le cerveau]. Cambridge : Cambridge University Press. Voici deux introductions intéressantes à la linguistique anthropologique : Nancy Bonvillain, 1993. Language, Culture, and Communication [Langage, culture et communication]. Englewood Cliffs : Prentice Hall. Gary B. Palmer, 1996. Toward a Theory of Cultural Linguistics [Vers une théorie de la linguistique culturelle]. Austin : University of Texas Press. Un livre élémentaire sur le changement du langage : R. L. Trask, 1994, Language and Change [Langage et changement]. Londres : Routledge. Enfin, un beau livre sur les langues du monde : Bernard Comrie et al., 1997. The Atlas of Languages [L'atlas des langues]. Londres : Bloomsbury.
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Index
A
Acquisition des consonnes 25 des voyelles 25 Allemand 93 - 5 Alphabet 70 Américanismes 92 Anglais 10, 95 - 7, 138 - 9 Anglais standard 138 - 9 Animaux, langage des 61, 73 Anomalies génétiques 148, 154 Aphasie 143 de Broca 143 - 4 de Wernicke 145 Approche atomistique 18 diachronique 22 - 3 fonctionnelle 43 - 9 synchronique 22 Aristote 6 Așțadhāyāyï 4 - 5 Athapascan, peuple 28
B
Barthes, Roland 27 Basque 137 Bickerton, Derek 161 - 4 Biosémiotique 26 Bloom, Paul 160 Bloomfield, Leonard 26, 34 - 5 Boas, Franz 28 - 9 Bopp, Franz 13 Burling, Robins 167
C
Catastrophes, théorie des 161 Chaucer, Geoffrey 86 Chimpanzés voir singes
174
Chomsky, Noam Approche fonctionnelle 43 - 9 Grammaire générative 38 - 42 et Pa–nini 5 Critique de Skinner 116 Grammaire transformationnelle 11, 40 Grammaire universelle 125 - 35 Coates, Jennifer 103 Comportement verbal 116 Correspondance systémique 93 - 4 Courtenay, Jan Baudouin 14 Créoles 123 - 4
D
Définitions voir sémantique Derrida, Jacques 27 Descriptivisme 141 - 2 Différences de sexe dans la langue 80, 102 - 5 Discours 69 Homme vs. Femme 104 - 5 Parties du 7 Dixon, Bob 51 Dualité de structuration 72 Dyscole, Apollonius 7 Dysphasie 143
E
Écriture comme support 70 Invention 84 Espagnol et structuralisme 20 - 1
F
Famille indoeuropéenne 96 Foucault, Michel 27
G
Gabelentz, Georg de 14 Genre 80 Systèmes 35, 51 - 2 voir aussi différences entre les sexes dans la langue, sexisme Glottales 15 Gradualisme, théorie du 160, 162 Grammaire 77 - 83 anglaise 10 et cerveau 144 française 11 grecque 7 - 10 générative 38 - 42 latine 8 transformationnelle 11, 40 - 2 universelle 125 - 35 Grec et latin 7 - 10 Grèce 7, 53 - 5 Grice, Paul 113 - 4 Grimm, Jacob 13
H
Halliday, Michael 48 Harris, Zellig 37 Histoire 3 - 14 Hockett, Charles 62
I
Inde 4 - 5 Influences politiques 136
J
Jakobson, Roman 23, 25 - 7
K
Kristeva, Julia 27 Kruszewski, Mikołaj 14
L
Lacan, Jacques 27 Lakoff, Georg 51 - 2
Langage acquisition 115 - 20 création 121 - 4 défini 56 faculté innée 124 influence politique 136 naturel 57 - 9 objectif 170 origines 83 - 99, 92 - 3, 155 - 69 planification 136 - 8 support 69 - 71 troubles 143 - 51 variation 101 - 8 voir aussi linguistique Langsacker, Ronald 127 Langue (s) algonquiennes 34 - 5 amérindiennes 28, 30 - 5 animales 61, 73 caractéristiques communes 62 - 7 changements 84 - 92 dyirbal 51 - 2 européennes 9 germaniques 95 naturelle 57 - 9, 123 navajo 31 - 3 nombre de 59 nouvelles 59 ouraliennes 98 tchèque 25 Langue des signes 69, 74 - 6 américaine 82 anglaise 74 - 6 Nicaragua 76 Latin et Grec 7 - 10 grammaire 8 Le discours féminin 105 Lésions cérébrales 143 - 51 Lévi-Strauss, Claude 27 Linguistique amérindienne 28, 30 - 5 cognitive 50, 165 fonctionnelle systémique 48
générale 14 histoire de 3 - 14 historique 13 ingénierie 136 - 8 nativisme 129 relativité 30 structuralisme 36 - 7
Proto-germanique 94 - 7 Proto-indo-européen (PIE) 15, 96 - 9 Protolangage 164
R
Mots et règles 152 Mots nouveaux 62 Mathématiques 38 Maximes 113 Métaphore 55, 166 Morris, Charles 26, 111 Moscou, cercle linguistique de 27
Rask, Rasmus 13 Règles 4 - 5, 153 dans l'acquisition du langage 117 - 8 de grammaire universelle 127 - 35 voir aussi maximes Respectivement 133 - 5 Richie, Robert 42 Romains 8 Russell, Bertrand 112
N
S
M
Négation 118 Neurolinguistique 146 - 7
O
Ordre des mots 77 - 8
P
Pa– nini 4 Parties du discours 7 Peirce, C. S. 29, 111 Pertinence dans la langue 113 Peters, Stanley 42 Phonèmes 71 - 3 Phonologie 23 - 5 Piaget, Jean 135 PIE voir proto-indo-européen Pinker, Steven 152 - 3, 1602 Pluriels 119, 149 Port-Royal, cercle de 11 Position, expression 78 Pragmatique 108, 111 - 4 Prague, cercle de 23, 27 Prédicat de phrase 6 Prescriptivisme 91 Principes de phonologie 23 Priscien 8 - 9
Sabir 122, 162 - 4 Sapir, Langage 29 - 31 Sapir, Edward 29 Sapir-Whorf, hypothèse de 30 - 1, 50 Saussure, Ferdinand de 15 - 22 Linguistique générale 16 - 17 Paradoxe de 100 Sebeok, Thomas 26 Sémantique 108 - 11 Sémiotique 26 - 7 Sexisme 140 - 1 Shakespeare, William 85 Signes voir sémiotique Singes 163 - 4, 169 Skinner, B. F. 116 Société de Saint-Pétersbourg 27 Sociolinguistique 102 Son et langue 14, 16, 18 - 21, 23 - 5 modèle 16 unités 71 - 3 Stimulation-liberté 67 Strawson, Peter 112 Structuralisme 18 - 21 et langue 26, 35 - 7
175
Structuration dans la langue 72 Structures syntaxiques 38 Subjonctif 100 Suédois 93 - 5 Sujet de phrase 6 Support pour la langue 69 - 71 primaire 69 secondaire 70 - 1
Swift, Jonathan 84 Syndrome de Williams 150 - 1
T
Temps 79 acquisition 117 - 8 concept de 55 Thrace (le), Denys 7 Troubles spécifiques du langage 148 - 9, 154
Trubetzkoy, Nikolai 23
V
Variation dans la langue 101 - 8 von Humboldt, Wilhelm 12
W
Whorf, Benjamin Lee 30 - 1
Biographies R. L. Trask est professeur de linguistique à l'université du Sussex. Spécialiste de linguistique historique et de la langue basque, il a écrit de nombreux ouvrages parmi lesquels Language : The Basics, Language Change, Historical Linguistics, The History of Basque et A Student's Dictionary of Language and Linguistics [Langage : les bases, Changement dans la langue, La linguistique historique, L'histoire du basque et Un dictionnaire du langage et de la linguistique à l'usage des étudiants]. Bill Mayblin a suivi une formation de graphiste designer au Royal College of Art à Londres. Il est associé principal au sein de l'atelier de création consacré à la pratique du design basé à Londres, Information Design Workshop.
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Structuration dans la langue 72 Structures syntaxiques 38 Subjonctif 100 Suédois 93 - 5 Sujet de phrase 6 Support pour la langue 69 - 71 primaire 69 secondaire 70 - 1
Swift, Jonathan 84 Syndrome de Williams 150 - 1
T
Temps 79 acquisition 117 - 8 concept de 55 Thrace (le), Denys 7 Troubles spécifiques du langage 148 - 9, 154
Trubetzkoy, Nikolai 23
V
Variation dans la langue 101 - 8 von Humboldt, Wilhelm 12
W
Whorf, Benjamin Lee 30 - 1
Biographies R. L. Trask est professeur de linguistique à l'université du Sussex. Spécialiste de linguistique historique et de la langue basque, il a écrit de nombreux ouvrages parmi lesquels Language : The Basics, Language Change, Historical Linguistics, The History of Basque et A Student's Dictionary of Language and Linguistics [Langage : les bases, Changement dans la langue, La linguistique historique, L'histoire du basque et Un dictionnaire du langage et de la linguistique à l'usage des étudiants]. Bill Mayblin a suivi une formation de graphiste designer au Royal College of Art à Londres. Il est associé principal au sein de l'atelier de création consacré à la pratique du design basé à Londres, Information Design Workshop.
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