Initiation au vocabulaire des idées politiques à l'usage des étudiants étrangers: 50 textes choisis et préparés en vue de l'explication littérale et du commentaire 9783111557786, 9783111187259


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SOMMAIIOE
AVERTISSEMENT
INTRODUCTION
I. TESTS ET EXERCICES PROGRESSIFS
PREMIER TYPE: RÉPONSE À CHOISIR
1. Réflexions sur le putsch brésilien
2. Décolonisation
3. Le problème de la pauvreté aux Etats-Unis
4. Tocqueville et Marx
DEUXIÈME TYPE: RÉPONSE À FOURNIR
5. LE DRAME INDOCHINOIS (1956) Depuis 1940, la France n'a jamais retrouvé la paix
6. LES TROIS F O M E S DE GOUVERNEMENT SELON MACHIAVEL
7. LA FRANCE ET L'EUROPE
8. CAPITALISME ET CULTURE
TROISIÈME TYPE: MOT SAUTÉ À TROUVER
9. La tâche du diplomate
10. Problèmes économiques dans le Sud-Est asiatique
11. Un Asiatique à la tête de L'O.N.U.
12. Malraux devant l'Afrique I
QUATRIÈME TYPE MOTS À GLOSER
13. Malgré la rapidité de transmission des informations, le diplomate moderne n'a pas moins d'influence que ses prédécesseurs
II. RÉVOLUTIONS
14. CAUSES MORALES DES RÉVOLUTIONS
15. Le soldat gratuit
16. Peuple et prolétariat
17. Prosopopèe de la République
18. Défense des «modérés»
19. Paradoxe sur la guerre civile
20. Richelieu
III. MYTHES ET RÉALITÉS POLITIQUES
21. Universalité et décolonisation
22. Influences comparées des nations occidentales
23. Le mythe de la gauche
24. Un discours officiel sous le Second Empire
25. La notion de « gauche » hors d'Europe
26. Communisme et christianisme
IV. L'HUMANISME
27. L'humanisme
28. Cultures
29. Le mythe de la passion : Wagner
30. Utilitarisme et préhistoire
31. Malraux devant l'Afrique II
32. Emancipation et politique
V. LA GUERRE
33. La guerre révolutionnaire
34. Psychanalyse de la guerre
35. Défense nationale
36. La conduite de la guerre
37. Le pauvre dans la société
VI. SOCIÉTÉS
38. Les intellectuels
39. Parallèle entre le Japon et la France
40. L'Anglais d'aujourd'hui I
41. L'Anglais d'aujourd'hui II
VII. LE VOCABULAIRE POLITIQUE DANS LA PRESSE
42. Le glissement d'une révolution I
43. Le gUssement d'une révolution II
44. Une nouvelle étape dans les relations soviéto-américaines
45. Entre l'Afrique et l'Asie, Madagascar veut conserver sa liberté d'action
VIII. VOCABULAIRE TECHNIQUE?
46. « Relations internationales »
47. Initiation à la stratégie atomique
48. Au confluent des sciences physiques et des sciences humaines
49. Une nouvelle convention de l'O.N.U. pour éliminer l'apatridie dans l'avenir
50. Où va la science économique?
TABLEAU DES TEXTES CLASSÉS PAR ORIGINE
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Initiation au vocabulaire des idées politiques à l'usage des étudiants étrangers: 50 textes choisis et préparés en vue de l'explication littérale et du commentaire
 9783111557786, 9783111187259

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INITIATION AU VOCABULAIRE DES IDÉES POLITIQUES A L'USAGE DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS

PUBLICATIONS DE L'INSTITUT D'ÉTUDES POLITIQUES UNIVERSITÉ DE GRENOBLE

SÉRIE TEXTES ET DOCUMENTS VOLUME № 3

PARIS

MOUTON & CIE

LA HAYE

PUBLICATIONS DE L'INSTITUT D'ÉTUDES POLITIQUES UNIVERSITÉ DE GRENOBLE

INITIATION AU VOCABULAIRE DES IDÉES POLITIQUES A L'USAGE DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS

50 textes choisis et préparés en vue de l'explication littérale et du commentaire

par JACQUES CHOCHEYRAS Assistant à !a Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Grenoble Chargé de conférences à l'Institut d'Études Politiques de Grenoble

PARIS

MOUTON & CIE

LA HAYE

MOUTON & CIE 1966

SOMMAIIŒ

AVERTISSEMENT

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INTRODUCTION

« De rinitiation à la langue de la vie politique dans ses rapports avec le contenu des sciences économiques et politiques » I . — TESTS ET EXERCICES PROGRESSIFS

Premier type: réponse à choisir 1. Réflexions sur le putsch brésilien (Maurice Duverger). 2. Décolonisation (Général de Gaulle) 3. Le problème de la pauvreté aux Etats-Unis (Raymond Aron) 4. Tocqueville et Marx (Raymond Aron) Deuxième type : réponse à fournir 5. Le drame Indochinois (1956) (Joseph Laniel) 6. Les trois formes de gouvernement selon Machiavel (J.-J. ChevaUier)

7. La France et l'Europe (Général de Gaulle) 8. Capitalisme et culture (Thierry Maulnier) Troisième type: mot sauté à trouver 9. La tâche du diplomate (Herbert Blankenhom).... 10. Problèmes économiques dans le Sud-Est asiatique (Jean Bernard) 11. Un Asiatique à la tête de l'O.N.U. (Le Monde). . . . 12. Malraux devant l'Afrique I (André Malraux) Exemple du quatrième type : mots à gloser 13. Malgré la rapidité de transmission des informations, le diplomate moderne n'a pas moins d'influence que ses prédécesseurs (Herbert Blankenhom) Π . — RÉVOLUTIONS

14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. ΙΠ. —

Causes morales des révolutions (Chateaubriand). . . . Le soldat gratuit (Louis-Ferdinand Céline) Peuple et prolétariat (Georges Bernanos) Prosopopèe de la République (André M a l r a u x ) . . . . Défense des «modérés» (Vergniaud) Paradoxe sur la guerre civile (Chateaubriand) Richelieu (Michel Debré)

MYTHES ET RÉALITÉS POLITIQUES

21. Universalité et décolonisation (Jean Guéhenno).... 22. Influences comparées des nations occidentales (Raymond Aron)

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Initiation au vocabulaire des idées politiques 23. Le mythe de la gauche (Raymond Aron) 24. Un discours officiel sous le Second Empire (Gustave Flaubert) 25. La notion de « gauche » hors d'Europe (Raymond Aron) 26. Communisme et christianisme (Raymond A r o n ) . . . . I V . — L'HUMANISME

27. L'humanisme (Jean Guéhenno) 28. Cultures (André Malraux) 29. Le mythe de la passion : Wagner (Denis de Rougemont) 30. Utilitarisme et préhistoire (Gaston Bachelard) 31. Malraux devant l'Afrique II (André Malraux) 32. Emancipation et politique (Jean Guéhenno) V . — LA GUERRE

33. 34. 35. 36. 37. VL



38. 39. 40. 41.

La guerre révolutionnaire (Denis de Rougemont) Psychanalyse de la guerre (André Breton) Défense nationale (Général de Gaulle) La conduite de la guerre (Général Navarre) Le pauvre dans la société (Louis-Ferdinand Céline).. SOCIÉTÉS

Les intellectuels (Raymond Aron) Parallèle entre le Japon et la France (Raymond Aron). L'Anglais d'aujourd'hui I (Raymond Las Vergnas).. L'Anglais d'aujourd'hui II (Raymond Las Vergnas).

V I I . — L E VOCABULAIRE POLITIQUE DANS LA PRESSE

42. Le glissement d'une révolution I (Le Monde) 43. Le gUssement d'une révolution II {Le Monde) 44. Une nouvelle étape dans les relations soviéto-américaines (François Honti) 45. Entre l'Afrique et l'Asie, Madagascar veut conserver sa liberté d'action (Robert Gauthier) VIII. —

VOCABULAIRE TECHNIQUE?

46. « Relations internationales » (Raymond Aron) 47. Initiation à la stratégie atomique (Raymond Aron). . 48. Au confluent des sciences physiques et des sciences humaines (Louis Armand) 49. Une nouvelle convention de l'O.N.U. pour éliminer l'apatridie dans l'avenir (P. Weiss) 50. Où va la science économique? (Lionel Stoleru).... TABLEAU DES TEXTES CLASSÉS PAR ORIGINE

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AVERTISSEMENT

Ce recueil est le fruit d'un enseignement de plusieurs années consacré aux étudiants étrangers de l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble. L'objet de cet enseignement était d'initier ces étudiants au vocabulaire de leurs spécialités tout en enrichissant et en perfectionnant leur connaissance générale de la langue française. C'est dire qu'il s'adressait, en principe, à des étudiants ayant déjà une connaissance préalable, aussi réduite fût-elle parfois, de notre langue L'esprit auquel a obéi cet enseignement est précisé par le rapport suivant, présenté au deuxième stage d'initiation pédagogique pour les professeurs enseignant dans les cours spéciaux aux étudiants étrangers, organisé à Grenoble en 1962 par les soins de la Direction de la Coopération avec la Communauté et l'Etranger du ministère de l'Education Nationale qui, peu après son instauration par l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble, a bien voulu prendre en charge cette expérience. Quant à la méthode, elle se fonde sur l'explication d'un texte fourni à l'avance et préparé par les étudiants à l'aide de trois instruments de travail : — un dictionnaire de la langue, du type de l'abrégé du Littré; — un dictionnaire des synonymes (celui de H. Bénac, à la Librairie Hachette, étant recommandé); — une grammaire française courante, comme celle que la Librairie Larousse a publiée en 1964 (Grammaire Larousse du français contemporain). Dans le cadre d'une conférence de méthode d'une heure et demie, chaque étudiant lisait une phrase et en expliquait les mots soulignés, ce qui donnait lieu à une correction immédiate au tableau noir. La plupart des problèmes posés étaient d'ordre lexical, mais aussi quelquefois phonétique ou grammatical. C'était là la partie analytique de l'exercice. La partie synthétique consistait en un exposé sur le texte étudié la semaine pré-

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Initiation au vocabulaire des idées politiques

cèdente et гёи1Ш8ап1 le vocabulaire rencontré au cours de l'explication. Ce sont ces textes qui ont été réunis pour former ce que je considère plus comme un recueil d'exercices que comme un recueil de morceaux choisis. Au moment de rendre publics ces instruments de travail qui n'étaient pas à l'origine destinés à le devenir, j'ai nettement conscience des imperfections d'un tel recueil : les textes choisis sont d'un intérêt linguistique très inégal et, ce qui est peut-être plus grave, les questions portent parfois la marque d'une subjectivité embarrassante. Plutôt que de tout refaire, j'ai toutefois finalement jugé plus expédient de livrer bruts les matériaux dont je m'étais servi, laissant aux utilisateurs éventuels le soin d'en tirer le meilleur parti qu'il est possible. J. C.

INTRODUCTION

DE L'INITIATION A LA LANGUE DE LA VIE POLITIQUE DANS SES RAPPORTS AVEC LE CONTENU DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES Rapport présenté au deuxième stage d'initiation pédagogique pour les professeurs enseignant dans les cours spéciaux aux étudiants étrangers (Grenoble, du 29-11 au 5-1-1962).

Mesdames et Messieurs, j'aurais scrupule à vous retenir trop longtemps à cette heure tardive de la matinée, et je pense écourter considérablement mon exposé en en renvoyant la partie essentielle à la visite de mon cours que vous voudrez bien faire lundi après-midi. Je ne dirai donc que quelques mots sur le sujet que l'on m'a demandé de traiter et qui est le suivant : « Initiation à la langue de la vie politique, dans ses rapports avec le contenu des sciences économiques et politiques. » Je crains que ce titre ne soit un peu trop ambitieux pour l'expérience qu'il recouvre : ce que je voudrais essayer de faire, c'est un compte rendu de cette expérience et des difficultés qu'elle a rencontrées. L'organisation de cours spéciaux à l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble remonte exactement à deux ans, à la fin de 1960, et se fit sous l'égide de M. Quermonne, qui dirige cet Institut, à la suite de différentes constatations faites par les professeurs sur le niveau très faible d'une certaine catégorie d'étudiants étrangers dans la connaissance de la langue française; insuffisance qui nuisait à leur expression écrite ou orale, à leur compréhension et, par là même, les empêchait à cup sûr de retirer tout le profit des cours auxquels ils assistaient. La formule adoptée cette première année fut celle d'une conférence de méthode hebdomadaire d'une heure et demie. Quand on me demanda de me charger de ce cours, je me trouvai devant un

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Initiation au vocabulaire des idées politiques

problème pratique et immédiat auquel j'ai été amené à donner des solutions empiriques et que je peux maintenant énoncer de manière théorique sous la forme suivante : 1) Y a-t-il un langage politique spécifique? 2) Comment faire assimiler aux étudiants étrangers qui fréquentent l'Institut d'Etudes Politiques ce langage? A la première partie de cette question, je serais assez tenté, après deux ans d'expérience, de répondre : non. Je ne pense pas qu'il y ait une langue politique spécifique comme il existe, par exemple, une langue juridique ou une langue économique. Cela tient sans aucun doute au fait que le droit et les sciences économiques ont un objet plus simple, mieux défini que les sciences politiques. Cette dernière discipline groupe en effet sous un seul vocable plusieurs spécialités qui tiennent à l'histoire, à la diplomatie, à la sociologie, au droit international, etc. En revanche, comme le suggère d'ailleurs l'énoncé de l'exposé, on peut peut-être définir une langue politique sinon par son objet, au moins par son usage : la langue politique, c'est la langue en usage dans les Instituts d'Etudes Politiques, c'est-à-dire celle des cours, celle des écrivains qui forment la bibliothèque de cet Institut : sociologues, historiens, juristes, économistes le cas échéant, et aussi celle de la presse et des revues spécialisées. C'est une langue qui, certes, emprunte des termes à la langue juridique et à la langue économique, mais qui, pour l'essentiel de son fonds, appartient simplement à la langue écrite, et, c'est ce qui me paraît important, à la langue écrite de l'homme cultivé. Et, autre point qui me paraît important : avec des acceptions assez souvent différentes de cette langue; ce serait, si vous voulez, la langue de la critique historique. La première partie de la question étant ainsi brièvement supposée résolue, reste la seconde, c'est-à-dire : comment faire acquérir, à des étudiants de langues différentes et de niveaux différents en ce qui concerne la connaissance du français, un vocabulaire? Car je m'appuie sur le postulat que j'ai posé et qui me paraît fondé : la question se ramène presque entièrement, presque exclusivement à une question de vocabulaire, un vocabulaire qui est abstrait, uniquement abstrait, car il est évident qu'on peut montrer un instrument, mais qu'on peut difficilement montrer une idée. Si, d'autre part, ils parlaient la même langue d'origine, le problème se ramènerait à un problème de traduction, en supposant que les termes et les idées correspondantes existent dans des langues aussi différentes que celles que l'on parie en

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Thaïlande, en Corée, au Japon, en Chine, en Ethiopie, en Allemagne, en Espagne, en Turquie, en Finlande et en Angleterre, pour ne citer que les langues des pays qui ont été représentés à l'Institut d'Etudes Politiques ces trois dernières années. Je suis donc arrivé à la conclusion que la seule méthode possible était celle qui reposait sur l'étude d'un texte français et du vocabulaire de ce texte par le contexte. Je passe sur l'organisation pratique, sans doute la question la plus intéressante, mais les gens intéressés par cette question pourront s'en faire une idée pratique lundi prochain. Et j'arrive aux conclusions apportées par une première année d'expérience dans ce domaine. Il est donc apparu qu'une des principales difficultés rencontrées a été la différence de niveau qui existait entre les étudiants. On a pu résoudre en partie cette difficulté, la deuxième année, en divisant le cours en deux : la première conférence de méthode étant réservée à un groupe faible et la seconde à un groupe fort. Mais, sur l'initiative de M. Roig, chef de travaux à l'Institut d'Etudes Politiques, il a paru bon de donner un contenu différent à la conférence de méthode destinée au groupe fort et de le faire consister en un résumé d'un long texte emprunté à la langue juridique, diplomatique, économique le cas échéant, ce texte étant pris la plupart du temps, pour des raisons de commodité, dans la presse de cette spécialité, par exemple dans Le Monde diplomatique. D'autre part, à l'issue de cette première année également, le comité chargé des cours spéciaux dans l'académie de Grenoble s'était réuni, et on avait pu envoyer auprès de ses services les étudiants étrangers boursiers du gouvernement français qui avaient besoin d'un stage audio-visuel, dès leur arrivée, pour développer leur connaissance pratique de la langue, ce qui est une chose fort différente. Pour la troisième année, celle que nous entamons, nous avons exactement repris les mêmes bases, c'est-à-dire un cours qui repose sur l'étude d'un texte et un cours consacré au résumé d'un texte plus long. Le nombre des étudiants a progressé : la première année, ils étaient une dizaine, la seconde dix-neuf et cette année ils sont vingt-et-un sur les quarante-cinq étudiants étrangers inscrits à l'Institut d'Etudes Politiques, les vingt-quatre autres étant des étudiants qui ont reçu un enseignement dans des écoles françaises, c'est-àdire un enseignement basé sur l'étude de la langue française et aussi sur les structures de pensée de cette langue. Parmi ces nou-

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veaux venus, nous avons évidemment des Africains, des Vietnamiens et, cette année, des Algériens. En conclusion de ce bref exposé, je veux simplement dire que l'expérience est en cours et qu'elle continue; elle est pour moi extrêmement enrichissante à tous les points de vue et je la crois fructueuse pour les étudiants étrangers. Je voudrais ajouter d'autre part à ma conclusion que cette expérience n'a pu se réaliser que grâce au climat de confiance qui s'est instauré entre M. Quermonne, directeur de l'Institut d'études politiques, M. GseU, M. Roig, dont je parlais tout à l'heure, tous les professeurs de l'Institut, M. Ravaud également et moi-même. Et je crois que s'il y a une leçon à tirer de cette expérience, c'est bien celle-là.

DISCUSSION APRÈS L'EXPOSÉ DE M. CHOCHEYRAS

M. DE SAINT-ALARY. — L'expérience que vient de nous exposer M. Chocheyras, les méthodes qu'ils vient de nous indiquer nous permettront de nous interroger utilement sur l'orientation des cours spéciaux dans les Instituts d'Etudes Politiques. Il s'agit des conférences spéciales à l'usage des étudiants étrangers. A quel moment des études faut-il les insérer? Au début de l'enseignement en première année? M. CHOCHEYRAS. — En première année et également pour certains étudiants de deuxième année, qui entrent à l'Institut directement à ce niveau parce que leurs titres ou leurs équivalences le leur permettent. Mlle DREYFUS. — Il faut, je crois, rappeler l'expérience faite depuis quatre ans à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, qui a un très grand succès et qui est certainement parallèle à celle de M. Chocheyras. Et il serait dommage de ne pas tenter de faire la comparaison entre les deux méthodes. M. DE SAINT-ALARY. — Les Instituts d'Etudes Politiques constituent, je crois, un cas particulier, en ce sens qu'il n'y a pas véritablement une langue technique; comme vous l'avez dit, c'est la langue de l'homme assez cultivé. Il s'ensuit que le cours spécial dans ces Instituts aura une originalité propre. M. PETIT. — Ce qui me paraît intéressant, c'est que le problème est un peu plus restreint, au point de vue de la langue, que dans le domaine de la critique littéraire, puisqu'au fond, ce sont souvent des

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mots de la langue courante que l'on emploie, mais dans des expressions particulières. Les méthodes à cet égard doivent, je crois, être en grande partie les mêmes : comme pour la critique littéraire, il faudrait partir de textes... M. DE SAINT-ALARY. — C'est un phénomène que l'on retrouve dans le droit : là aussi, nous avons des mots de tous les jours, des mots courants que nous utilisons dans un contexte spécialisé. Et, comme on l'a fort bien dit hier, dans les Facultés de Droit, le cours spécial ne se justifie guère au niveau de la licence, car le vocabulaire juridique est enseigné aussi bien à un étudiant français qu'à un étudiant étranger. M. P E T I T . — Mais je crois que le problème est difficile, dans la mesure où, précisément, ce sont des mots qu'ils connaissent et auxquels ils n'ont pas l'habitude de donner le sens qu'ils prennent ici. M. JANECEK. — En ce qui concerne les cours spéciaux à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, nous les avons organisés il y a trois ans pour venir en aide aux étrangers qui préparaient l'examen d'entrée. Nous avons adopté alors délibérément une orientation plus limitée. Notre intention a été de préciser avec les professeurs qui travaillent avec nous un complément de formation en vue de l'acquisition des méthodes de travail qui sont pratiquées couramment dans les instituts d'études politiques : recherches bibliographiques à partir d'un sujet donné, lecture et synthèse des documents rassemblés, tout ceci dans la perspective d'un exposé oral limité dans le temps. Il nous semblait, en effet, que le type même de l'exposé oral était quelque chose de tout à fait particulier aux Instituts d'Etudes Politiques et nous tenions surtout à cette première mise au point d'ordre méthodologique. Je souhaiterais également vous apporter quelques éléments d'information sur la première étape d'une enquête linguistique que nous avons commencée au C.R.E.D.I.F. dans ce domaine. Ceci pour confirmer un point particulier de l'intervention de M. Petit de tout à l'heure. Il s'agit, en fait, de quelques premières indications tout à fait partielles d'ailleurs, qui nous ont été fournies à l'origine de l'enquête sur le vocabulaire d'initiation à la vie politique. Soulignons en passant que nous voulons parler au départ de la vie politique et nullement de la science politique. Nous pouvons constater déjà que cette langue est essentiellement une langue usuelle, plus ou moins élaborée, un voca-

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bulaire qui exprime surtout des relations entre faits ou événements. C'est un vocabulaire usuel à contenu politique, tirant sa véritable signification du contexte. La proportion du vocabulaire spécifique, propre à la vie politique, est très réduite. M. RIVENC. — Il ne faut évidemment pas tirer de conclusions de ces premiers dépouillements, dans la mesure où les enquêtes vont procéder par explorations successives des divers domaines de la vie politique, chaque exploration va nous amener en effet le vocabulaire de la tranche considérée. Ce qui nous intéresse, c'est cette zone commune de langue cultivée dont a parlé tout à l'heure M. Chocheyras, laquelle décourage très souvent l'étudiant, lorsque l'on emploie ces mots et ces expressions avec un sens qui, comme le rappelait M. Petit, est légèrement différent et qui peut évoluer, qui évolue très vite parfois au gré des événements politiques. L'enquête que nous avons organisée n'a pas pour but de déterminer quel est le vocabulaire spécifique de la science politique, mais elle se place du point de vue de l'étudiant étranger, quelle que soit sa spécialité, qui va venir en France, qui va étudier la civilisation française et veut pouvoir comprendre la lecture des journaux parlant de la vie politique intérieure, de la vie politique extérieure de la France, en français, et qui doit donc enrichir son vocabulaire courant, même quand il le possède, en lui donnant des acceptations auxquelles il n'a pas songé immédiatement. Avant que ce dépouillement soit terminé, nous ne pouvons donc guère que formuler des hypothèses. Il se peut fort bien que les conclusions de l'enquête viennent en partie détruire ou tout au moins nuancer ces hypothèses. M. CHOCHEYRAS. — Je voudrais demander à M. Rivenc si l'on prévoit de s'occuper du second problème, c'est-à-dire la façon de faire assimiler à l'étudiant étranger cette langue, une fois que tous les contours en auront été dessinés. M. RIVENC. — Je pense que ce sera indispensable, mais que, là, il faudra peut-être mettre en place un type de cours spéciaux encore différents de ceux que vous avez proposés; car si je crois à l'efficacité de ce que vous avez proposé comme initiation, comme mise en contact de la nouvelle réalité que les étudiants étrangers sont appelés à découvrir, je pense qu'il sera nécessaire d'avoir par la suite des exercices d'entretien qui leur permettront de prendre conscience de leurs difficultés et leur donneront le moyen de les résoudre. Là aussi, c'est une action, je

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crois, beaucoup plus psychologique qu'essentiellement linguistique : il faut que l'étudiant soit aidé dans la rédaction, aidé et orienté dans l'interprétation des textes. A Paris, nous avons essayé de constituer des équipes composées de spécialistes et de linguistes, pour déterminer justement par l'expérience de la classe quel est le rôle de l'un et de l'autre, comment un professeur de spécialité peut intervenir sur le plan linguistique tout en respectant les impératifs du programme de sa spécialité. Pour ma part, je souhaiterais qu'il y ait par la suite quelques séances de travaux pratiques au cours de l'année — entre la rentrée et Pâques, au plus tard —, quelques séances, peut-être trois ou quatre au maximum, qui permettraient d'étudier le problème avec les étudiants étrangers sur ce point précis. M . DE SAINT-ALARY. — Je ne sais pas si je peux tirer une conclusion personnelle : je me demande si ce problème est spécifique aux étrangers, si ce problème d'évolution de la langue ne se pose pas aussi pour les étudiants français qui , parfois, peuvent achopper sur certains termes qui évoluent et qui, de ce fait, demandent eux aussi une nouvelle connaissance, une nouvelle définition. M . RIVENC.

— J'en suis persuadé. C'est une question de culture...

M . DE SAINT-ALARY. — C'est en effet une question de culture; le tout, c'est de pouvoir leur permettre le démarrage, à mon avis.

M. RIVENC. — Pour l'étudiant français, c'est certainement une question de culture, puisque la langue de sa spécialité entre dans son programme, de même que le collégien de seconde découvre le langage de la littérature en suivant ses classes d'explications littéraires ou de dissertations. Mais, pour l'étudiant étranger, il y a tout de même une difficulté supplémentaire, et c'est ce point de vue qui nous intéresse.

I. TESTS ET EXERCICES PROGRESSIFS

PREMIER TYPE: RÉPONSE À CHOISIR

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Initiation au vocabulaire des idées politiques

1. - RÉFLEXIONS SUR LE PUTSCH BRÉSILIEN ... Le putsch militaire brésilien pose deux problèmes graves dont la solution intéresse l'ensemble de l'Occident. Le premier peut se formuler brutalement ainsi : la révolution est-elle la seule voie offerte à l'Amérique latine pour moderniser ses structures? Ce qui se passe outre-Atlantique fait comprendre pourquoi Marx écrivait il y a un siècle que jamais les classes dominantes n'accepteraient sans violence de perdre leurs privOèges, que le réformisme était une Шивюп. Aujourd'hui, dans les pays développés d'Europe, ces opinions peuvent être contestées. Il semble possible d'achever l'évolution commencée et de détruire par une érosion lente les privilèges de classe qui ne sont plus entièrement dominantes. Encore est-ce loin d'être sûr, comme les fascismes l'ont prouvé. En Amérique latine, la puissance des classes dominantes, l'importance de leurs privilèges, sont actuellement aussi grandes qu'en Europe au temps de Marx, probablement même plus grandes. Leur égoïsme paraît plus développé et leur aveuglement plus total. La nécessité d'une réforme agraire et d'une certaine planification de l'industrie, évidente pour tout observateur extérieur, est généralement niée par les bourgeoisies et les féodalités locales. On rencontre bien de-ci delà, dans les nouvelles générations, quelques esprits clairvoyants et généreux. Ils font penser à cette jeune noblesse française des années 1780 qui voyait la nécessité des réformes mais ne pouvait empêcher la Révolution. Pour que leur réformisme puisse aboutir, il faudrait qu'ils trouvent appui dans des forces sociales suffisantes pour les porter au pouvoir et les y maintenir... mais cette situation reste exceptionnelle. Les militaires le pourraient, dans la mesure où les officiers ne seraient pas liés à la grande bourgeoisie industrielle et à la féodalité agraire. On pensait précisément, jusqu'à ces derniers jours, que tel était le cas au Brésil... Le revirement des généraux et l'obéissance de leurs troupes montrent qu'il ne faut pas trop compter sur le progressisme militaire. Fin du « Kennedysme » Le Monde du 10-4-1964.

MAURICE DUVERGER,

Expliquez les mots et expressions en caractères gras en choisissant dans le répertoire ci-joint le mot ou l'expression synonyme que vous soulignerez très lisiblement.

Tests et exercices progressifs

putsch : révolution - coup de force - faillite formuler : énoncer - constituer - résoudre voie : moyen - débouché - processus outre : au-delà de - de ce côté de - en plus de privilèges : avantages exclusifs - privautés - primes illusion : jeu - vue de l'esprit - illumination contestées : contestables - attestées - mises en cause - vérifiées achever : mener à son terme - donner le coup de grâce à érosion : combat - action - usure sûr : tranquille - à l'abri - certain actueDement : réellement - aujourd'hui - effectivement probablement : certainement - peut-être - sans doute développé : grand - avancé - adulte évidente : qui se passe de démonstration - difficile à distinguer bien : il est vrai - souvent - comme ü faut nécessité : obligation - besoin absolu - pauvreté aboutir: déboucher - arriver à un résultat - se produire exceptionnelle : extraordinaire - rarissisme - inexplicable précisément : exactement - justement - en précisant bien revirement : révolte - retour - changement subit d'attitude

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Initiation au vocabulaire des idées politiques

2. - DÉCOLONISATION Mais cette époque (celle du colonialisme) est révolue... Par l'effet des communications, de l'interpénétration militaire, politique, économique survenue lors des deux guerres mondiales, du mouvement d'idéalisme qui, du côté des plus avancés, détermine beaucoup d'esprits à vouloir aider les moins pourvus, ceux-ci prennent peu à peu conscience de tout ce qui leur manque. Bien entendu, la rivalité du camp totalitaire et de celui de la liberté ainsi que les ambitions nationales qui sont à l'œuvre sous le couvert des idéologies ne laissent pas de provoquer dans cette immense mutation des bouillonnements de toutes sortes. Mais, quoi qu'il en soit, deux milliards d'hommes prétendent aujourd'hui au progrès, au mieux être et à la dignité... Naturellement, la France, en dépit des épreuves qui ont pu un temps la meurtrir et l'affaiblir, joue un rôle considérable dans cette vaste évolution... Cela tient surtout à la nature de son génie, qui a fait d'elle de tout temps un ferment et un champion de la libération humaine. En dépit des saccades de notre action dans ce domaine, nous en sommes toujours revenus à notre ligne générale. En dehors même des multiples interventions et encouragements que nous avons prodigués depuis des siècles pour l'afibranchissement de tant de peuples ou d'hommes opprimés, et outre les influences spirituelles et culturelles qui, à partir de chez nous, rayonnèrent dans le même sens en toutes régions de l'univers, la marque de ce que nous donnâmes aux autres pour élever leur condition partout où nous nous trouvions est imprimée d'une manière éclatante dans beaucoup d'âmes et sur bien des sols. Certes, au temps où la colonisation était la seule voie qui permît de pénétrer des peuples repliés dans leur sommeil, nous fûmes des colonisateurs, et parfois impérieux et rudes. Mais au total, ce que nous avons, en tant que tels, accomplis, laisse un solde larment positif aux nations où nous l'avons fait. GÉNÉRAL DE GAULLE,

conférence de presse du 1" février 1964.

Expliquez les mots et expressions en caractères gras en choisissant dans le répertoire ci-joint le mot ou l'expression synonyme que vous soulignerez très lisiblement.

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révolue : révolutionnaire - achevée - résolue détermine à : détourne de - engage à - interdit à pourvus : favorisés - exigeants - nécessiteux rivalité : hostilité - concurrence - aggressivité sont à l'œuvre : travaillent - sont sur place - apparaissent laissent : manquent - cessent - permettent mutation : déplacement - transformation - mouvement bouillonnements : remous - colères - émeutes prétendent à : revendiquent - s'opposent à - aspirent à naturellement : d'une façon naturelle - bien entendu - simplement un temps : un moment - à une époque - autrefois champion : sportif - promoteur - vainqueur saccades : à-coups - erreurs - échecs prodigués: dépensés en pure perte - dépensés sans compter proclamés affranchissement : émancipation - libération - délivrance outre : à part - en plus de - par-delà rayonnèrent : se répandirent - resplendirent - s'enflammèrent condition : moral - niveau de vie - productions voie : procédé - processus - moyen - chemin solde : résultat d'un bilan - rémunération d'un militaire - occasion intéressante

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3. - LE PROBLÈME DE LA PAUVRETÉ AUX ÉTATS-UNIS ... Aux Etats-Unis, en même temps que le niveau de vie des trois quarts de la population continue de s'élever, la pauvreté d'une fraction de la population... ne disparaît pas et tend même à s'accuser, relativement et peut-être absolument... Pour être moins marqué ailleurs, le phénomène risque de s'y manifester également au-delà de la phase actuelle que traverse l'économie européenne, de croissance rapide et de plein emploi. La complexité technique des entreprises modernes demande de plus en plus de qualifications à un nombre croissant de travailleurs les moins qualifiés et ces derniers, même employés, ne connaissent de la société industrielle que les servitudes et non les bienfaits. Les Etats-Unis sont en train de découvrir le problème de la pauvreté, voire de la misère, dans une société d'opulence. Le problème n'est pas celui de la baisse générale du niveau de vie en dépit du développement des moyens de production. Il n'a pas grand-chose de commun avec celui que l'on rattache à la notion marxiste de paupérisation. Il n'en existe pas moins et il rappelle opportunément, à ceux qui seraient enclins à l'oublier, que la croissance économique où les progrès techniques ne sont pas des recettes miraculeuses de paix sociale ou de relations authentiquement humaines. RAYMOND A R O N ,

La Lutte des classes,

1965.

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fraction : minorité - partie - fragment tend à : veut - s'efforce de - a tendance à s'accuser: s'accentuer - se reprocher absolument : tout à fait - en valeur absolue - dans l'absolu pour être : parce qu'il est - bien qu'ü soit - afin qu'il soit marqué : net - catalogué au-delè de : de l'autre côté de - après phase : période - étape - stade entreprises : tâches - sociétés industrielles qualifications : qualités - dénominations - compétences ces derniers : ces parias - ceux-ci - ces nouveaux même employés : même s'ils ont un emploi - même si ce sont des employés (et non des ouvriers) découvrir : révéler - inventer - apercevoir voire : apercevoir - et même opulence : richesse - honte rattache : ramène - assimile - relie paupérisation : appauvrissement - aliénation ne... pas moins : pourtant - pas de plus grand opportunément: à propos - au mauvais moment - d'une manière fâcheuse miraculeuse : magiques - religieuses

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4. - TOCQUEVILLE ET MARX ... Je souhaitais simplement esquisser, à grands traits, la méthode que je comptais suivre et, en même temps, poser l'alternative de l'embourgoisement progressif, prévu par Tocqueville, et de la lutte inexpiable des classes, prophétisée par Marx. Que Tocqueville n'ait été ni théoricien, ni observateur de la société industrielle (qui n'existait pas encore dans l'Amérique qu'il visita), il me serait difficile de l'ignorer... mais précisément le fait que Tocqueville, à partir d'une analyse politico-sociale, ait eu sur certains points décisifs, une vue plus juste de ce que serait la société de l'avenir que Marx à partir d'une analyse économique, ce fait, que le présent volume établit et qu'un regard sans œillères sur les sociétés occidentales confirme, m'a dicté le choix des sociologues-philosophes du siècle dernier dont j'ai évoqué les thèmes majeurs afin de les confronter avec les réalités de notre siècle... Tocqueville avait conçu la dualité possible des sociétés démocratiques, les unes libérales, les autres despotiques, Karl Marx avait proclamé fatale la lutte entre prolétariat et bourgeoisie, donc entre des régimes qui se réclameraient de celle-ci et d'autres qui se réclameraient de celui-là. Les saint-simoniens, Auguste-Comte ont été encore plus inconscients que Marx lui-même de la spécifité du politique. Ou, du moins, à supposer que l'administration des choses doive remplacer quelque jour le gouvernement des personnes, disons, pour apaiser leurs admirateurs, que leur prophétie est encwe largement en avance sur la société d'aujourd'hui. RAYMOND ARON,

La Lutte des classes,

1965.

Expliquez les mots et expression en caractère gras en choisissant dans le répertoire ci-joint le mot ou l'expression synonyme que vous soulignerez très lisiblement.

Tests et exercices progressifs

simplement : seulement - avec simplicité à grands traits : sans entrer dans le détail - longuement progressif : révolutionnaire - graduel inexpiable : impitoyable - impardonnable - inexcusable prophétisée : prédite - prévue - annoncée analyse : décomposition - série d'observations décisif : essentiels - de décision volume : masse - livre établit : démontre - instaure œillères : clins d'œil - préjugés évoqué : invoqué - rappelé confronter avec : opposer à - mettre en présence de conçu : envisagé - inventé fatale : mortelle - inévitable - funeste encore : pour l'instant - de plus - même spécificité : singularité - vertu doive : soit obligée à - soit appelée à quelque jour : provisoirement - un jour apaiser : pacifier - calmer encore : pour l'instant - de plus - même

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DEUXIÈME RÉPONSE À

TYPE: FOURNIR

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5. - LE DRAME INDOCHINOIS (1956) Depuis 1940, la France n'a jamais retrouvé la paix. La victoire de 1945 nous a délivrés de l'occupation. Elle ne nous a pas délivrés des conflits qui, sous plusieurs formes, n'ont pas cessé dès lors de se succéder. Avec d'autres, nous avons subi d'abord les conséqnences de cette « guerre froide » qui porte ses ravages dans les finances, dans l'économie, et dans le corps social des nations. Phénomène plus grave encore, nous sommes les seuls à n'avoir pas connu de répit dans le combat sanglant. C'est pourquoi le destin de tous nos gouvernements a-t-il été, jour après jour, d'affronter des dangers et de réduire des crises. Le mien n'a pas échappé à ce sort. J'ai même le droit de dire que la période durant laquelle s'exerça son pouvoir fut particulièrement chargée d'événements dramatiques. Ces événements se dessinaient clairement lorsque je constituai mon ministère. Je n'ignorais pas les difficultés devant lesquelles j'allais me trouver : elles n'étaient pas nouvelles. Je savais qu'elles avaient pris un caractère aigu et réclamaient désormais des mesures d'urgence... La crise agricole qui, dans certaines régions, provoquait déjà l'apparition des barricades, menaçait d'évoluer vers une catastrophe et d'entraîner une récession économique généralisée, toutes les branches de l'agriculture appelaient au secours. L'urgence et la gravité des problèmes ne se bornaient pas à la métropole... En Europe, la situation évoluait rapidement, exigeant des mesures, des décisions. La crise marocaine menaçait et allait contraindre le gouvernement à agir rapidement pour éviter la guerre civile. La question de la Communauté européenne de Défense, moins spectaculaire aux yeux de l'opinion, mais plus vitale encore, sollicitait une attention continue. En aucun cas, la solution ne pouvait être trouvée dans une action brutale. C'était au contraire, je le savais, par un mélange de patience et de fermeté que nous pourrions surmonter ces graves périls. Π en allait de même en Indochine.

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L'Indochine, en effet, dominait tout. Commencée sept ans plus tôt, la guerre continuait... JOSEPH LANIEL, Le Drame Indochinois, (Pion, 1957). 1. Expliquez les mots en caractères gras à l'aide d'un synonyme ou d'un équivalent. 2. Exposé: faites part, en un court paragraphe, des réfléxions que vous inspire ce texte.

6. - L E S

TROIS

FOMES

DE

GOUVERNEMENT

SELON

MACHIAVEL

La principauté « despotique », gouvernée par un prince dont tout le monde est esclave, est difficile à conquérir, parce que tous les sujets se serrent autour du prince, et l'étranger n'a rien à espérer d'eux. Elle est facile à maintenir; il suffit d'éteindre la race du prince pour qu'il ne reste « plus personne qui conserve quelque ascendant sur le peuple »; ce peuple, accoutumé par définition à l'obéissance, est incapable de choisir par lui-même un nouveau prince et de reprendre les armes. La principauté « aristocratique », gouvernée par un prince assisté de Grands, de seigneurs de race antique, qui détiennent leur pouvoir, non de la faveur du prince, mais de cette antiquité même, est facile à acquérir. Il s'y trouve toujours des Grands mécontents, prêts à ouvrir les chemins à l'étranger et à faciliter sa victoire. Elle est difficile à conserver, parce qu'il ne peut être question, ni de contenter tous les Grands, ni de les éteindre tous; « il reste toujours une foule de seigneurs qui se mettront à la tête de nouveaux mouvements ». Le prince nouveau perdra cette conquête fragile « dès que l'occasion s'en présentera ». La « république », qui vivait libre sous ses propres lois, est un type d'Etat extraordinairement difficile à maintenir sous le joug d'un prince nouveau, un type qui se trouve exactement aux antipodes de la principauté despotique où les sujets sont façonnés à l'obéissance. Il y existe « un principe de vie bien plus actif, une haine bien plus profonde, un désir de vengeance bien plus ardent, qui ne laisse, ni ne peut laisser un moment en repos le souvenir de l'antique liberté ». Si vivace est ce souvenir, qu'il doit

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Initiation au vocabulaire des idées politiques

en fin de compte rendre vains les deux premiers moyens proposés par Machiavel pour dompter l'indomptable liberté républicaine, moyens qui sont, l'un que le prince vienne résider en personne dans le pays pour réprimer sur-le-champ les désordres qui naîtraient, l'autre qu'il fasse gouverner le pays selon ses lois propres par ses propres citoyens, sous réserve du versement d'im tribut. Alors... Machiavel ne voit d'absolument sûr pour le prince nouveau qu'un troisième et radical moyen : détruire, anéantir l'ancienne et incurable République. J.-J.

CHEVALLIER,

Les Grandes œuvres politiques de Machiavel à nos jours, (Armand Colin, 1949).

1. Expliquez les mots en caractères gras à l'aide d'un synonyme ou d'un équivalent. 2. Exposé: faites part, en un court paragraphe, des réflexions que vous inspire ce texte.

7. - LA FRANCE ET L'EUROPE La République, pour être le progrès, ne peut être la facilité. Elle ne saurait, non plus, l'être au dehors. Après la dernière guerre mondiale, notre pays a vu, en effet, sa puissance et son influence terriblement diminuées par rapport à celles des deux colosses du monde. Encore, jusqu'à l'année dernière, était-il divisé et paralysé par les séquelles d'une colonisation qui eut ses mérites et ses gloires, mais qui, en notre temps, n'était plus que vaine et périmée. Or, voici que, ressaisi par le génie du renouveau, en plein développement d'invention, de production, de démographie, pourvu d'institutions solides, dégagé des servitudes coloniales, il se retrouve, pour la première fois depuis un demi-siècle, avec l'esprit et les mains libres. Aussi, peut il et doit-il jouer dans l'univers, un rôle qui soit le sien. Cette politique n'est pas aisée. L'univers abonde en sirènes qui nous chantent les douceurs du renoncement, à moins que, dépitées de nous voir insensibles à leur séduction, elles n'élèvent à notre égard, un chœur bruyant d'invectives. Mais, sans outrecuidance, dans l'inté-

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rêt de tous, comme dans le nôtre, notre navire suit sa ligne. Il n'y a aucune chance pour que, cédant à la facilité, nous laissions s'effacer la France. C'est pourquoi, si l'Union de l'Europe occidentale (Allemagne, Italie, Hollande, Belgique, Luxembourg, France) est un but capital de notre action an dehws, nous n'avons pas voulu nous y dissoudre. Tout système, qui consisterait à transmettre notre souveraineté à des aréopages internationaux, serait incompatible avec les droits et les devoirs de la République française. Mais aussi, un pareil système se trouverait à coup sûr, impuissant à entraîner et à diriger les peuples et, pour commencer, le nôtre, dans des domaines où leur âme et leur chair sont en cause. Cette abdication des états européens, en particulier de la France, aboutirait inévitablement à une sujétion extérieure. C'est, d'ailleurs, pour éviter une telle inconsistance et, de ce fait, une telle dépendance, que nous tenons à voir l'Union de l'Europe constituée par des nations qui puissent et veuillent réellement lui appartenir... Bref, il nous paraît essentiel que l'Europe soit l'Europe, et que la France soit la France. GÉNÉRAL DE G A U L L E , discours prononcé le 1 9 avril 1 9 6 3 . 1. Expliquez les mots en caractères gras à l'aide d'un synonyme, d'un équivalent ou d'un développement. 2. Exposé: commentez, illustrez, et éventuellement discutez en un paragraphe les principaux points de la deuxième partie de ce discours, à partir de : « Cette politique n'est pas aisée. »

8. - CAPITALISME ET CULTURE L'histoire nous lance des appels, et des appels tragiques, mais c'est à nous à donner la réponse. Elle nous pousse en avant, par les épaules de tout son poids; mais devant nous les routes bifnrquent et il nous faut choisir la bonne. Ce qu'il est en revanche possible de définir dès maintenant, ce sont les conditions élémentaires sans lesquelles tout effort à venir pour « rétablir l'ordre » serait voué à n'engendrer qu'un compromis provisoire, une diversion ou un simulacre. Ce qui est possible dès maintenant, c'est d'aider à la

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Initiation au vocabulaire des idées politiques

naissance de cette « conscience historique supérieure » en qui nous avons discerné le seul recours d'un monde en décomposition contre son propre détejrminisme. Or, une telle conscience n'apparaîtra qu'en des hommes dont le regard affrontera courageusement la réalité de problèmes auquels la quasi-totalité de nos castes dirigeantes tourne encore obstinément le dos. Il n'y a qu'un seul moyen de surmonter le déterminisme du monde moderne : c'est d'en prendre conscience. Il n'y a qu'un moyen de surmonter la crise engendrée par la dislocation du capitalisme moderne sous l'effet des forces qu'il a déchaînées, c'est de procéder à la liquidation du capitalisme. La conviction, fort répandue et assez raisonnable, qu'un règlement de compte sanglant entre la caste des détenteurs du capital producteur dans la société moderne et la classe de leurs mercenaires salariés entraînerait des dévastations irréparables pour la civilisation entière, qui servirait d'arène à cette bataille, est une raison de plus de procéder à cette liquidation. L'abolition de la structure capitaliste de la société s'impose à nous comme une nécessité historique : ce n'est pas en la retardant par des diversions mystificatrices, par un réformisme timide ou par la répression qu'on peut épargner au monde de nouveaux et pires désastres, c'est en hâtant Péchéance. Rien n'est donc plus indispensable que de dénoncer l'imposture, évidemment favorable au capitalisme, mais depuis longtemps dévoilée aux yeux de ses ennemis de classe, selon laquelle le capitalisme ne serait que la forme moderne d'une structure en quelque sorte éternelle de la société, l'expression de ses inégalités naturelles, la seule forme viable de vie économique : le capitalisme n'est rien autre que la structure sociale dans laquelle la propriété individuelle de l'instrument de production confère à qui la possède la propriété intégrale du produit — structure que rien n'empêche de considérer comme momentanée et périssable... THIERRY MAULNIER, « Violence et Conscience », 1946. Extrait de : Gaétan Picon, Panorama de la nouvelle littérature française, (Gallimard, 1949). 1. Expliquez les mots en caractère gras à l'aide d'un synonyme, d'un équivalent ou d'un développement. 2. Exposé : ces vues (qui datent d'une vingtaine d'années) sur l'avenir du capitalisme, ne vous semblent-elles pas aujourd'hui quelque peu dépassées? Essayez de dire en quelques lignes, comment vous voyez à l'heure actuelle l'avenir de la société capitaliste dans le monde moderne.

TROISIÈME

TYPE:

MOT SAUTÉ À TROUVER

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Initiation au voccéulaire des idées politiques

9. - LA TÂCHE DU DIPLOMATE De temps à autre, les gouvernements ont tendance — je le dis sans acrimonie — à (verbe) les conseils de leurs représentants diplomatiques, soit qu'ils croient mieux connaître les choses eux-mêmes, soit qu'ils disposent d'autres (nom) d'information. Je q'entends nullement mettre en doute les droits ni les capacités de ceux qui finalement, portent les responsabilités, mais il serait dangereux que cette (nom) gagnât trop de terrain. Une bonne politique extérieure se fait par influence (adjectif) entre le gouvernement et sa diplomatie. Pour être efficace, cette interaction (verbe) à la fois que le gouvernement prenne au sérieux les diagnostics et pronostics consignés dans les (nom) de ses diplomates et — condition (adjectif) — qu'il informe régulièrement ceux-ci de ses intentions... Le travaU des diplomates est le plus souvent nettement (adjectif) par les instructions qu'ils reçoivent. Il n'en allait pas tout à fait de même autrefois, lorsque le courrier diplomatique mettait des semaines et des mois pour (verbe) de Paris à Vienne et à Moscou. (Adverbe) télégraphe et téléphone établissent entre le représentant diplomatique et son ministère une (nom) directe qui impose fréquemment des (nom), étroites à ses propres initiatives. Il conserve cependant, en réalité, un champ d' (nom) extrêmement vaste. S'il veut être plus qu'un simple (nom), il aura à vérifier, avant de les exécuter, si les instructions qu'il aura reçues (verbe) bien quant au fond et quant à la forme, quant à l'opportunité et quant au contenu, aux intérêts de son pays; ou si certains éléments de la situation n' (verbe) pas à remettre à une date ultérieure l'action envisagée ou à en entreprendre une autre. Autrement dit il entamera un (nom) avec son gouvernement et lui fera des contre-propositions. Il se laissera alors (verbe) par des considérations qui tiendront peut-être compte non pas exclusivement des intérêts unilatéraux de son propre pays, mais de l'intérêt

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(adjectif) des relations mutuelles entre son pays et le pays où il est en fonctions : son activité sera essentiellement guidée par le (nom) d'éliminer, dans la mesure du possible, toute animosité superflue et tout (nom) à conflit. Ce n'est certes pas toujours (adjectif)... HERB'ERT BLANKENHORN, ancien ambassadeur de la République fédérale allemande en France. Extrait d'une communication présentée le 13 décembre 1960 à l'Académie diplomatique internationale, reproduite dans Le Monde diplomatique.

1. Expliquez les mots en caractères gras et rétablissez les mots omis. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement chaque partie. Donnez un titre au passage. 3. Exposé: un ambassadeur envoie à son ministre des Affaires étrangères sa lettre de démission, en exposant ses griejs et les rru}tifs qui lui dictent cette attitude.

10. - PROBLÈMES ASIATIQUE

ÉCONOMIQUES

DANS

LE

SUD-EST

Depuis quelques mois, et plus précisément depuis que la GrandeBretagne a fait connaître son intention de participer au Marché commun européen, les pays d'Asie, dont la plupart sont membres du Commonwealth, éprouvent des sentiments d'anxiété et d'isolement à constater le général vers l'unification régionale des économies, tandis que les mécanismes politiques, économiques ou commerciaux qui les au reste du monde, généralement via Londres, tendent à se relâcher. Aussi voit-on se multiplier en Asie les de regroupement, les projets de marché commun ou de libération des échanges : en juillet 1961 les Philippines, la Malaisie, la Thaïlande ont une association de l'Asie du Sud-Est (A.S.A.) ayant pour , entre autres, de les échanges entre les trois pays; en septembre 1961 trois sages » asiatiques (un Indien, un Japonais, un Thaïlandais) se sont réunis à Bangkok pour examiner les susceptibles d'améliorer la coopération économique à l'intérieur de leur zone. Le secrétariat de la commission de l'O.N.U.

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est allé plus loin dans cette et n'a pas hésité à proposer une solution radicale. Constatant que le du commerce intra-régional est faible (un tiers du commerce total) et que les économies en cause, principalement agraires, présentent aujourd'hui un faible degré de complémentarité, il préconise, au lieu d'un marché commun qui risque de n'avoir qu'un effet marginal, la coordination délibérée des plans à long terme. En posant les prémisses d'une complémentarité plus forte entre les agriculteurs et les industries de la région, il créerait ainsi une division du travail qui permettrait d'élever la productivité du capital, de diminuer les coûts de production et de réduire la dépendance de chaque pays à l'égard des EtatsUnis, de l'Europe ou de l'Union soviétique. Par là, la commission désirait attirer l'attention sur les du nationalisme économique auquel succombent beaucoup de pays d'Asie et dont l'aciérie est le symbole, même si elle s'érige en territoire dépourvu de minéral, de coke ou de ferraille. Elle a démontré en même temps que, si ces pays persistent dans leur modèle actuel de développement, leur déficit en céréales, semi-produits et machines, risque de s'accroître au fur et à mesure que progresse leur industrialisation et qu'augmentent leurs besoins. La plupart des économistes présents ont accepté le diagnostic et approuvé le principe du traitement proposé, tandis que les « politiques » responsables des planifications nationales ont adopté une attitude le plus souvent réservée, voire réticente ou hostile... JEAN BERNARD

dans Le Monde du

5.11.61.

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras et rétablissez les mots omis. 2. Fœtes le plan du passage et résumez brièvement chaque partie. Donnez un titre au passage. 3. Exposé: le délégué thaïlandais à la commission économique cidessus engage vivement ses partenaires à s'orienter vers la voie de la coopération économique.

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11. - UN ASIATIQUE À LA TÊTE DE L'O.N.U. A évoquer les multiples et graves problèmes qui opposent toujours violemment l'Est et l'Ouest sans qu'il existe aucun espoir de les voir bientôt , à évoquer surtout la mortelle compétition nucléaire dans laquelle les Etats-Unis, en dépit d'un appel solennel voté hier jeudi au sein de la commission politique par l'unanimité des petites nations, se proposent à leur tour de se lancer après l'Union soviétique, qui a pris Γ responsabilité de la déclencher, on est pourtant tenté de crier au miracle devant l'accord qui vient de se faire à l'O.N.U. Celle-ci, en effet, aurait pu éclater si l'U.R.S.S. avait l'exigence formulée pour la première fois à New York par M. Khrouchtchev lui-même en septembre 1960, à savoir que le secrétariat général devait être par une « troïka » composée des représentants des trois grands groupes de nations — occidental, soviétique, neutre — entre lesquels, selon lui, le monde est partagé. Il est donc permis de se féliciter que l'Union soviétique n'ait pas montré sur ce point la même et le même mépris de l'opinion qu'elle a en reprenant ses expériences nucléaires et en faisant éclater une superbombe de plus de cinquante mégatonnes... Il vaut sans doute beaucoup mieux que les pouvoirs de secrétaire général de l'O.N.U. soient détenus désormais par un représentant du « tiers monde ». Car Moscou hésitera beaucoup plus à le menacer et à le calomnier. Il est d'ailleurs dans l'ordre naturel des choses que le « tiers monde » asiatique et africain, qui a le plus d' à ce que l'O.N.U. soit en mesure de faire régner un minimum d'ordre et de justice, assume par l'un des siens la plus grande responsabilité dans son fonctionnement. Il est de bon que cet homme qui a conquis l'estime de tous ses pairs soit un Asiatique que la pratique des philosophies orientales incline à la méditation et au détachement. Le Monde du 4 novembre 1961. 1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras et rétablissez les mots omis. 2. Faites le plan de la première phrase. 3. Exposé: analysant les conditions de fonctionnement de l'O.N.U. dans les années à venir, un observateur politique impartial conclut à un optimisme raisonné.

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12. - MALRAUX DEVANT L'AFRIQUE I La conscience du destin, tantôt épique et tantôt terrible, que notre siècle impose au monde, est constamment tentée d'analyser en termes généraux les événements qu'elle rencontre : colonialisme et indépendance, bourgeoisie et prolétariat... Selon une vieille et amère tradition, ces termes sont ceux d'hier ou d'avant-hier; lorsque l'avenir de l'Europe se jouait déjà entre le et le prolétariat, presque toute l'Europe discutait des respectifs de la République et de la Royauté. Or, la République tchadienne est sans doute un des états dont le destin serait inconcevable si l'on tentait de le concevoir à travers les conventionnelles d'hier. Pays neuf, certes! Il suffit de le regarder. Mais, aussi, un pays qui pose des neufs, tels que le monde ferait bien de les étudier à temps.. Comparé au destin de tant de pays africains, celui du Tchad est privilégié en ce qu'il commence avec la nouvelle civilisation qui s' sur la terre entière : ici, il ne s'agit pas de liquider le passé, mais d'assurer l'avenir. Un avenir, dont vous avez. Monsieur le Président, le suprême honneur d'être le premier à porter la , comme les chefs d'Etat qui vous entourent. pour laquelle la France vous assistera, dans un domaine qui n'est plus, qui ne doit plus être seulement celui des échanges et des contre-parties — parce que le destin du monde ne se plus principalement à travers des échanges et des contre-parties. Nous ne sommes pas liés comme les du siècle dernier l'étaient à leurs colonies, mais par le lien puissant et qui unissait la République des soldats de l'an II aux républiques nées de la liberté qu'elle avait apportée à l'Europe. Ici se un des problèmes majeurs de notre temps. D'une part, la civilisation qui naît avec nous est la première civilisation planétaire parce qu'elle s' en fonction des sciences et du machinisme de l'Occident. D'autre part, nous avons pris des profondes différences avec lesquelles chacune des grandes aires culturelles deviendra, pour son propre compte, héritière de toute la culture du passé. Et l'Afrique veut devenir moderne, non perdre son âme. Cette âme est très ancienne; mais prenons garde qu'au seuil de la civilisation atomique, toutes les âmes nationales sont anciennes.

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toutes sont destinées à une profonde métamorphose. Les grandes cultures historiques n'en sont pas moins des cultures fixées, alors que la culture africaine ne l'est pas encore : chaque nation d'Afrique ne connaît que la sienne. Il nous désormais de devenir héritiers de l'Afrique. Héritiers nécessairement privilégiés et les premiers à entrer dans la culture mondiale avec cette immense corbeille de masques, de danses, de rires et de mystère... (à suivre) Discours prononcé aux fêtes commémoratives de l'indépendance de la République du Tchad, à Fort-Lamy, le 11 janvier 1962, reproduit dans La Vie africaine. 1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras et rétablissez les mots omis. 2. Exposé : en prenant d'autres exemples que Malraux, montrez que « selon une vieille et amère tradition » les termes de l'analyse des événements sont en général « ceux d'hier ou d'avanthier ».

QUATRIÈME

TYPE

MOTS À GLOSER

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13. - MALGRÉ LA RAPIDITÉ DE TRANSMISSION DES INFORMATIONS, LE DIPLOMATE MODERNE N'A PAS MOINS D'INFLUENCE QUE SES PRÉDÉCESEURS La plus importante peut-être de toutes les tâches du diplomate est d'établir et d'entretenir de vraies et étroites relations avec son propre gouvernement, ce en quoi la diplomatie moderne ne diffère nullement de celle du passé. Les gouvernements attachent avec raison un grand prix à recevoir de leurs agents diplomatiques des informations et des rapports de valeur. Les principes à appliquer en la matière sont toujours les mêmes. Le rapport doit être complet, détaillé, et avant tout véridique. Il est évidemment plus difficile d'atteindre ce résultat aujourd'hui que jadis, toujours pour la même raison. Les groupes et les facteurs qui déterminent la politique étrangère dans les états modernes industrialisés sont devenus beaucoup plus complexes et plus nombreux. Dans la masse des informations recueillies, il faut distinguer l'essentiel de l'accessoire, apprécier chaque élément à sa juste valeur, discerner rapidement les tendances qui se dessinent. La rapidité avec laquelle les agences d'informations transmettent aujourd'hui les nouvelles fait que l'intérêt des rapports des missions diplomatiques réside moins dans les informations mêmes qu'ils contiennent que dans la manière dont elles sont présentées, commentées, analysées, classées, expliquées, jugées, et dans les conclusions des auteurs. Ceux-ci s'abstiendront de toute recherche de sensationnel. La vanité personnelle est un mauvais moteur de l'activité diplomatique, surtout quand il s'agit d'information. Quelque agrément qu'offre un rapport rédigé avec art, il ne s'agit pas là d'une œuvre littéraire et il ne faudrait pas qu'un talent d'écrivain et un style brillant s'y épanouissent au détriment de l'appréciation réfléchie des données poliiques. Plus un rapport est sûr et pertinent, plus son auteur aura la confiance du gouvernement, et plus il gagnera en prestige dans son propre pays. Si grâce à ses intuitions et à son expérience personnelles il est en mesure de pressentir les évolutions futures et — surtout dans le cas où il serait en poste dans l'un des grands centres mondiaux

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de l'activité politique — de guider efficacement et opportunément son gouvernement, le diplomate moderne n'aura pas moins d'influence et de poids que ses prédécesseurs. ancien ambassadeur de la République fédérale allemande en France. Extrait d'une communication présentée le 13 décembre 1960 à l'Académie diplomatique internationale, reproduite dans Le Monde diplomatique. HERBERT BLANKENHORN,

1. 2. 3. 4.

Expliquez les mots et expressions en caractères gras. Faites le plan du passage et résumez brièvement chaque partie. Etudiez l'orthographe du passage. Exposé : le supérieur hiérarchique d'un jeune diplomate le rappelle vertement à l'ordre en lui énumérant toutes les fautes qu'il a commises depuis son entrée en fonctions, notamment dans la rédaction de ses rapports.

п. RÉVOLUTIONS

Révolutions

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14. - CAUSES MORALES DES RÉVOLUTIONS Est-il une liberté civile? J'en doute. Les Grecs furent-ils plus heureux, furent-Us meilleurs après leur révolution? Non. Leurs maux changèrent de valeur nominale, la valeur intrinsèque resta la même. Malgré miUe efforts pour pénétrer les causes des troubles des états, on sent quelque chose qui échappe; un je ne sais quoi, caché je ne sais où, et ce je ne sais quoi paraît être la raison efficiente de toutes les révolutions. Cette raison secrète est d'autant plus inquiétante, qu'on ne peut l'apercevoir dans l'homme de la société. Mais l'homme de la société n'a-t-il pas commencé par être l'homme de la nature? C'est donc celui-ci qu'il faut interroger. Ce principe inconnu ne naît-il point de cette vague inquiétude, particulière à notre cœur, qui nous fait nous dégoûter également du bonheur et du malheur, et nous précipitera, de révolution en révolution, jusqu'au dernier siècle? Et cette inquiétude d'où vient-elle à son torn? Je n'en sais rien. Peut-être de la conscience d'une autre vie; peut-être d'une aspiration secrète vers la Divinité. Quelle que soit son origine, elle existe chez tous les peuples. On la rencontre chez le sauvage et dans nos sociétés. Elle s'augmente surtout par les mauvaises mœurs et bouleverse les empires. J'en trouve une preuve bien frappante dans les causes de notre révolution... Qu'étions-nous au moral dans l'année 1789? Pouvionsnous espérer échapper à une destruction épouvantable? Je ne parlerai point du gouvernement : je remarque seulement que, partout où un petit nombre d'hommes réunit, pendant de longues années, le pouvoir et les richesses, qu'elle que soit d'aiñeurs la naissance de ces gouvernants, plébéienne ou patricienne, le manteau dont ils se couvrent, républicain ou monarchique, Us doivent nécessairement se corrompre, dans la même progression qu'Us s'éloignent du premier terme de leur institution. Chaque homme alors a ses vices, plus les vices de ceux qui l'ont précédé : [or] la cour de France avait treize cents ans d'antiquité...

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On s'écriera qu'il est absurde de représenter le peuple de la France comme isolé et malheureux; qu'il était nombreux, florissant, etc. Ceux qui ne voient dans un état que des voitures, des grandes villes, des troupes, de l'éclat et du bruit, ont raison de penser que la France était heureuse. Mais ... on ne peut disconvenir que ce mécontentement général de soi-même, qui augmente l'inquiétude secrète dont j'ai parlé; que ce sentiment de malaise que chaque individu porte avec soi, ne soient dans un peuple, l'état le plus propre à une révolution. CHATEAUBRIAND,

1. 2. 3. 4.

Essai sur les révolutions, chap.

70.

Expliquez les mots et expressions en caractères gras. Faites le plan du passage et résumez brièvement chaque partie. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. Exposé : en regard des causes rrwrales des révolutions mises en lumière par Chateaubriand, mettez en évidence les causes politiques, économiques, et sociales de celles-ci, en puisant de préiérence vos exemples dans la Révolution française de 1789.

15. - LE SOLDAT GRATUIT Les philosophes, ce sont eux... qui ont commencé par raconter des histoires au bon peuple... Lui qui ne connaissait que le catéchisme! Ils se sont mis, proclamèrent-ils, à l'éduquer... Ah! ils en avaient des vérités à lui révéler! et des belles! Et des pas fatiguées! Qui brillaient! Qu'on en restait tout ébloui! C'est ça! qu'il a commencé par dire, le bon peuple, c'est bien ça! C'est tout à fait ça! Mourons tous pour ça! Il ne demande jamais qu'à mourir le peuple! Il est ainsi. « Vive Diderot! » qu'ils ont gueulé et puis « Bravo, Voltaire! ». En voilà au moins des philosophes! Et vive aussi Carnot qui organise si bien les victoires! Et vive tout le monde! VoUà au moins des gars qui ne le laissent pas crever dans l'ignorance et le fétichisme, le bon peuple! Ils lui montrent eux les routes de la Liberté! Ils l'émancipent! Ça n'a pas traîné! Que tout le monde d'abord sache lire les journaux! C'est le salut!... Et en vitesse! Plus d'illettrés! Il en faut plus! Rien que des soldats citoyens Qui votent! Qui lisent! Et qui se battent! Et qui marchent! Et qui envoient des baisers! A ce régime-là, bientôt il fut

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fin mûr le bon peuple. Alors, n'est-ce pas l'enthousiasme d'être libéré il faut bien que ça serve à quelque chose? Danton n'était pas éloquent pour [rien]. Par quelques coups de gueule si bien sentis, qu'on les entend encore, il vous l'a mobilisé en un tour de main le bon peuple! Et ce fut le premier départ des premiers bataillons d'émancipés frénétiques! Des premiers [imbéciles] voteurs et drapeautiques qu'emmena le Dumouriez se faire trouer dans les Randres! Pour luimême Dumouriez, venu trop tard à ce petit jeu idéaliste entièrement inédit, préférant somme toute le pognon, il déserta. Ce fut notre dernier mercenaire... Le soldat gratuit ça c'était du nouveau... Tellement nouveau que Goethe, tout Goethe qu'il était, arrivant à Valmy en reçut plein la vue. Devant ces cohortes loqueteuses et passionnées qui venaient se faire étripailler spontanément par le roi de Prusse pour la défense de l'inédite fiction patriotique, Goethe eut le sentiment qu'il avait encore bien des choses à apprendre. « De ce jour », clama-t-il magnifiquement, selon les habitudes de son génie, « commence une époque nouvelle! » Tu parles! Par la suite, comme le système était excellent, on se mit à fabriquer des héros en série, et qui coûtèrent de moins en moins cher, à cause du perfectionnement du système. Tout le monde s'en est bien trouvé. Bismarck, les deux Napoléon, Barrés... LOUIS FERDINAND CÉLINE,

Voyage au bout de la nuit

(1932).

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras et traduisez en français correct les termes argotiques. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : traduisez en langage académique les idées contenues dans ce texte.

16. - PEUPLE ET PROLÉTARIAT Il y a une bourgeoisie de gauche et une bourgeoisie de droite. Il n'y a pas de peuple de gauche ou de peuple de droite, U n'y a qu'un peuple. Tous les efforts que vous ferez pour lui imposer du dehors une classification conçue par les doctrinaires politiques, n'aboutiront

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qu'à créer dans sa masse des courants et contre-courants dont profitent les aventuriers. L'idée que je me fais du peuple ne m'est nullement inspirée par un sentiment démocratique. La démocratie, est une invention d'intellectuels, au même titre, après tout, que la monarchie de M. Joseph de Maistre. La monarchie ne saurait vivre de thèses ou de synthèses. Non par goût, non par chois, mais par vocation profonde, ou si vous préférez par nécessité, elle n'a jamais le temps de définir le peuple, elle doit le prendre tel qu'ü est. Elle ne peut rien sans lui. Je crois, j'écrirai presque je crains, qu'il ne puisse rien sans elle. La monarchie négocie avec les autres classes qui, par la complexité des intérêts qu'elles défendent et qui débordent le cadre national, seront toujours en quelque mesure, des Etats dans l'Etat. C'est avec le peuple qu'elle gouverne. Vous me direz qu'elle l'oublie parfois. Alors elle meurt. Elle peut perdre la faveur des autres classes, il lui reste la ressource de les opposer les unes aux autres, de manœuvrer. Les besoins du peuple sont trop simples, d'un caractère trop concret, d'une nécessité trop pressante. Il exige du travail, du pain, et un honneur qui lui ressemble, aussi dépouillé que possible de tout raffinement psychologique, un honneur qui ressemble à son travail et à son pain. Les notaires, huissiers, avocats qui ont fait la Révolution de 1793 s'imaginaient qu'on pouvait remettre indéfiniment la réalisation d'un programme aussi réduit. « Occupons-nous des élites, on verra plus tard. » Plus tard, il était trop tard. Dans la nouvelle maison construite selon les plans du législateur romain, aucune place n'avait été prévue pour le peuple de l'ancienne France, il eût fallu tout jeter bas. Ce fait n'a rien de surprenant. L'architecte libéral ne s'était pas plus préoccupé de loger son prolétariat que l'architecte romain ses esclaves. Seulement, les esclaves ne formaient qu'un ramas d'Uotes de toutes langues, de toutes nations, de toutes classes, une part d'humanité sacrifiée, avilie, leur misérable tribu était une œuvre des hommes. Au lieu que la société moderne laisse se détruire lentement une admirable création de la nature et de l'histoire. Vous pouvez naturellement avoir une autre opinion que la mienne, je ne crois pas que la monarchie eût laissé se déformer si gravement l'honnête visage de mon pays. Nous avons eu des rois égoïstes, ambitieux, frivoles, quelques-uns méchants, je doute qu'une famille de princes français eût manqué de sens national au point de permettre qu'une poignée de bourgeois ou de petit bourgeois, d'hommes d'affaires ou d'intellectuels, jacassant ou gesticulant à l'avant-scène, prétendissent tenir le rôle de la France,

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tandis que notre vieux peuple, si fier, si sage, si sensible, devenait peu à peu cette masse anonyme qui s'appelle : un prolétariat. GEORGES BERNANOS,

1. 2. 3. 4.

Les Grands cimetières sous la lune.

Expliquez les rrwts et expressions ert caractères gras. Faites le plan du passage et résumez brièvement chaque partie. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. Exposé : d'après cette page, essayez de définir ce qui distingue, pour Bernanos, le peuple du prolétariat.

17. - PROSOPOPÈE DE LA RÉPUBLIQUE Ce qu'est pour nous la République, nous ne l'avons jamais si bien compris que pendant les années d'occupation. Sur les socles déserts, la vieffle voix alws sans visage disait : « On a pu chasser mes effigies, mais nul n'a pu les remplacer. S'il n'est au pouvoir de personne de m'arracher du cœur des Français, ce n'est pas parce que je suis pour eux le souvenir de jeux politiques désastreux, la justification de tout ce qui a mis sur ma face illustre le masque de la défaite : c'est parce que, absente ou présente. Français, je suis une part inelteçable de votre fierté fraternelle... A un monde qui ne connaît pas d'égalité absolue, j'ai jadis imposé l'égalité des hommes devant moi. En un temps où pour tous les peuples d'Europe la France trouvait dans la Révolution sa nouvelle mission, je me suis appelé la Convention. J'étais le courage, la justice et l'espoir. A Jemmapes comme à Rivoli, et encore obscurément dans les bois d'Austerlitz. Et c'est de moi que parle la radio brouillée qui monte avec la nuit lorsqu'elle parle du gouvernement provisoire de la République française... » Le souvenir de la République n'était pas pour nous celui de la douceur de vivre, moins encore celui des combinaisons ministérielles. Pas même celui du romanesque de 1848, du sursaut de la Commune, c'était pour nous alors, comme pour vous aujourd'hui, comme toujours, la France, le souvenir de la Convention, la nostalgie de la ruée de tout un peuple vers son destin historique. La fraternité, mais la fraternité dans l'effort et dans l'espoir...

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Danton et Saint-Just proclamaient que la République est le contrôle du gouvernement par les élus du peuple, ils ne proclamaient pas qu'elle devait en être la paralysie. Le combat n'est plus l'épopée de jadis, mais il est de nouveau l'effort opiniâtre de tousMais les institutions deviennent ce qu'en font les nations. C'est à nous qu'il appartient de tenter de faire de la Cinquième République l'héritière de la Première ou l'héritière de la machine à crises ministérielles, à laquelle Dien-Bien-Phu semblait annoncer la grande nuit funèbre de la France. ANDRÉ MALRAUX,

1. 2. 3. 4.

discours du 4 septembre 1 9 5 8 , Place de la République.

Expliquez les mots et expressions en caractères gras. Faites le plan du passage et résumez brièvement chaque partie. Etudiez l'orthographe et la pronorwiation du passage. Exposé : Prosopopèe de la monarchie française — ou de l'Empire napoléonien — ou de la Troisième République, etc.

18. - DÉFENSE DES « MODÉRÉS » On nous accuse d'être devenus tout à coup des « modérés »... Nous, « modérés »?... Non, je ne le suis pas dans ce sens que je veuille éteindre l'énergie nationale; je sais que la liberté est toujours active comme la flamme, qu'elle est inconciliable avec ce calme parfait qui ne convient qu'à des esclaves... Je sais aussi que, dans des temps révolutionnaires, il y aurait autant de folie à prétendre calmer à volonté l'effervescence du peuple qu'à commander aux flots de la mer d'être tranquilles quand ils sont battus par les vents; mais c'est au législateur à prévenir autant qu'il peut les désastres de la tempête par de sages conseils; et si, sous prétexte de révolution, il faut, pour être patriote, se déclarer le protecteur du meurtre et du brigandage, je suis modéré!... J'ai aussi beaucoup entendu parler d'insurrection, de faire lever le peuple, et je l'avoue, j'en ai gémi. Ou l'insurrection a un objet déterminé, ou elle n'en a pas; au dernier cas, c'est une convulsion pour le corps politique, qui, ne pouvant lui produire aucun bien, doit

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nécessairement lui faire beaucoup de mal; la volonté de la faire naître ne peut entrer que dans le cœur d'un mauvais citoyen. Si l'insurrection a un objet déterminé, quel peut-il être? De tramporter l'exercice de la souveraineté confié à la représentation nationale : donc ceux qui parlent d'insurrection veulent détruire la représentation nationale, donc ils veulent remettre l'exercice de la souveraineté à un petit nombre d'hommes, ou le transporter sur la tête d'un seul citoyen... Dans les deux cas, ils conspirent contre la République et la liberté; et s'il faut ou les approuver pour être patriote, ou être modéré en les combattant, je suis modéré!... Nous sommes des modérés! Mais au profit de qui avons-nous montré cette grande modération? Au profit des conspirateurs du dedans? Nous n'avons cessé d'appeler sur leur tête le glaive de la loi. On parlait sans cesse de mesures terribles, de mesures révolutionnaires... Je les voulais aussi ces mesures terribles, mais contre les seuls ennemis de la patrie; je ne voulais pas qu'elles compromissent la sûreté des bons citoyens parce que quelques scélérats avaient intérêt à les perdre; je voulais des punitions, non des proscriptions. Quelques hommes ont paru faire consister leur patriotisme à tourmenter, à faire verser des larmes. J'aurais voulu qu'il ne fît que des heureux. La Convention est le centre autour duquel doivent se rallier tous les citoyens. Peut-être que leurs regards ne se fixent pas toujours sur elle sans inquiétude et sans effroi. J'aurais voulu qu'elle fût le centre de toutes les affections et de toutes les espérances. On cherche à consommer la Révolution par la terreur; j'aurais voulu la consommer par l'amour. VERGNIAUD, girondin, discours prononcé le 10 avril 1793 à la tribune de la Convention. Extrait du XVlIl· siècle (Lagarde et Michard, Bordas, 1961). 1. 2. 3. 4.

Expliquez les mots et expressions en caractères gras. Faites le plan du passage et résumez brièvement chaque partie. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. Exposé : rédigez le discours auquel celui-ci sert de réplique.

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19. - PARADOXE SUR LA GUERRE CIVILE Viendra peut-être le temps, quand une société nouvelle aura pris la place de l'ordre social actuel, que la guerre paraîtra une monstrueuse absurdité, que le principe même n'en sera plus compris; mais nous n'en sommes pas là. Dans les querelles armées, il y a des philanthropes qui distinguent les espèces et sont prêts à se trouver mal au seul nom de « guerre civile » : « Des compatriotes qui se tuent! Des frères, des pères, des fils en face les uns des autres! » Tout cela est fort triste sans doute; cependant un peuple s'est souvent retrempé et régénéré dans les discordes intestines. Il n'a jamais péri par une guerre civile, et il a souvent disparu dans des guerres étrangères. Voyez ce qu'était l'Italie au temps de ses divisions, voyez ce qu'elle est aujourd'hui. Il est déplorable d'être obligé de ravager la propriété de son voisin, de voir ses foyers ensanglantés par ce voisin; mais, franchement, est-ü beaucoup plus humain de massacrer une famille de paysans allemands que vous ne connaissez pas, qui n'a eu avec vous de discussion d'aucune nature, que vous volez, que vous tuez sans remords... en sûreté de conscience... parce que « c'est la guerre? » Quoi qu'on dise, les guerres civiles sont moins injustes, moins révoltantes et plus naturelles que les guerres étrangères, quand celles-ci ne sont pas entreprises pour sauver l'indépendance nationale. Les guerres civiles sont fondées au moins sur des outrages individuels, sur des aversions avouées et reconnues; ce sont des duels avec des seconds, où les adversaires savent pourquoi ils ont l'épée à la main. Si les passions ne justifient pas le mal, elles l'excusent, elles l'expliquent, elles font concevoir pourquoi il existe. La guerre étrangère, comment est-elle justifiée? Des nations s'égorgent ordinairement parce qu'un roi s'ennuie, qu'un ambitieux se veut élever, qu'un ministre cherche à supplanter un rival. Il est temps de faire justice de ces vieux lieux communs de sensiblerie plus convenables aux poètes qu'aux historiens... La guerre civile, malgré ses calamités n'a qu'un danger réel : si les factions ont recours à l'étranger, ou si l'étranger profitant des divisions d'un peuple, attaque ce peuple; la conquête pourrait être le résultat d'une telle position. propos de la révolution de 1 8 3 0 », Mémoires d'outre-tombe, livre 34, chap. iv.

CHATEAUBRIAND, « A

Révolutions 1. 2. 3. 4.

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Expliquez les mots et expressions en caractères gras. Faites le plan du passage et résumez brièvement chaque partie. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. Exposé : réjutez rigoureusement l'argumentation de Chateaubriand en montrant que la guerre civile est le plus grand de tous les maux. Montrez en revanche qu'il a raison en affirmant que toutes les guerres sont fraticides.

20. - RICHELIEU Richelieu n'est pas un personnage populaire : il ne l'était pas de son vivant, il ne l'est pas devenu après sa mort. Pourtant tel qu'il fut, tel qu'il a agi, il est au tout premier rang des constructeurs de la France et en même temps des constructeurs de l'Europe. Il veut aller si vite qu'U manque d'ailleurs de se trompar, mais le jour vient vite où il fait son choix, un choix décisif. Il sera l'homme du roi, parce que le roi, c'est l'Etat, et que c'est d'un Etat dont la nation a d'abord besoin. Autant il a fait preuve d'opportunisme pour arriver, autant il fera preuve d'opiniâtreté pour réussir. Il laissera, pour l'édification des générations à venir, vingt années de gouvernement, sans oublier les quelques pages d'un testament inoubliable. Certes il n'aura pas eu que des succès, mais il aura en fin de compte, obtenu le succès décisif : héritier de la France à peine pacifiée d'Henri IV, il laissera à Louis XIV une France apte à commander à l'Europe, d'une France fragile et divisée, il aura fait une France forte et unifiée. Comme ils furent nombreux, ses adversaires! Il dut, pour les mater, attendre, ruser, diviser, puis, à l'occasion, agir d'une main rude. Ses plus durs adversaires étaient des Français, et sans doute, dans le sens ordinaire qu'on donne à ce mot, de bons Français : Marillac, Montmorency, hommes glorieux et honorés; Thou, honnête homme, et Cinq-Mars, brillant Tourangeau. Mais il est des temps où le problème se pose pour une nation d'exister ou de ne pas exister, c'est-à-dire d'avoir une autorité ou de ne pas en avoir. Sans doute n'importe quel pouvoir n'est pas le bon. Le pouvoir digne de ce nom est celui qui épouse totalement la cause

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nationale et qui se fixe comme raison d'être l'unité, l'indépendance, la prospérité, les qualités de base sans lesquelles rien n'est assuré. MICHEL DEBRÉ, extrait du discours, prononcé le 27 novembre 1961 à l'occasion de l'inauguration du musée dédié à Richelieu, dans la commune du même nom, arrondissement de Chinon. 1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : sur le modèle de ce portrait, faites celui d'un premier ministre français (Sully, Mazarin, Colbert, etc.) ou étranger.

III. MYTHES ET RÉALITÉS POLITIQUES

Mythes et réalités politiques

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21. - UNIVERSALITÉ ET DÉCOLONISATION Nous devrions tendre de toutes nos forces à la généralité. Loin de nous laisser accabler par le pullulement et la diversité apparente des hommes, nous devrions en faire l'objet même de notre étude et de notre recherche. D'innombrables hommes qui n'avaient jamais parlé parlent enfin, des races entières, et U est clair que tout est incroyablement élargi et changé par ces nouveaux témoignages que nous ne pouvons plus ne pas entendre. ... C'est la faute à l'Europe, comme la Révolution française fut la faute à Voltaire et à Rousseau. Une volonté de puissance et une volonté de lumière curieusement associées définissent sans doute sa pensée et règlent son action. Elles n'ont pu agir l'une sans l'autre. L'une asservit, l'autre délivre. Est-ce volonté de lumière qu'il faut dire? Ce n'est rien de si noble peut-être, rien qu'un besoin de clarté, une manie de ratiociner, une sorte de fièvre cérébrale qui, au long des siècles, lui a fait jeter, comme un filet, sur le chaos des choses qu'on subit un ordre tout intellectuel qui les maîtrise. Il ne se pouvait pas que le flibustier ne fût qu'un brutal. Il portait en lui, en dépit de lui-même, son pays. Et le temps vint vite où seulement pour mieux s'enrichir et mieux établir son pouvoir, il dut se chercher parmi ses nouveaux esclaves des partenaires, et leur enseigner, si peu que ce fût, ses moyens, leur prêter ses armes. Des esclaves sont bien commodes mais davantage encore, s'ils savent un peu votre langue et comprennent vos ordres. Mais dès alors, la partie que jouait le flibustier était perdue et sa puissance, à peine installée, menacée. Ses esclaves, dont il croyait avoir fait ses premiers clients, sûrement quelque jour le trahiraient, tenus par de vieilles fidélités et séduits et guidés par ces lumières mêmes qu'ils commençaient d'entrevoir... Son seul langage livrait tous les secrets du maître. Les conquérants ne se sont pas assez méfiés de quelques mots sacrés qui passaient quelquefois leur lèvres. Même s'ils les prononçaient hypocritement, ces mots commençaient tout de suite de faire leur ouvrage et devaient

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finir par créer les choses mêmes qu'ils nommaient. On court de grands risques à faire chanter à des petits enfants LÛ Marseillaise, même s'ils ne la comprennent pas... JEAN GUÉHENNO,

1. 2. 3. 4.

Sur le chemin des hommes.

Expliquez les mots et expressions en caractères gras. Faites le plan du passage et résumez brièvement chaque partie. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. Exposé : le représentant d'un pays ex-colorüsé répond aux reproches amers du pays colonisateur en affirmant qu'il n'a fait que suivre son exemple.

22. - INFLUENCES COMPARÉES DES NATIONS OCCIDENTALES Les intellectuels influencés par l'Angleterre réagissent autrement à la politique que ceux qui ont été soumis à l'mfluence française ou américaine. L'influence française multiplie le nombre des révolutionnaires. Le culte de la Révolution, le penchant à l'abstraction sublime, le goût de l'idéologie, et l'indifférence aux réalités ingrates qui commandent le destin des collectivités, sont vertus ou vices contagieux. Les intellectuels habitués à ce climat seront souvent français et nationalistes à la fois. Notre culture excite l'impatience qui naît du contraste entre ce qui est et ce qui devrait être, entre la démesure des ambitions et le conservatisme des mœurs, elle prépare même à se plier à une stricte discipline au nom de l'extrême liberté. Par d'autres chemins, l'influence américaine risque d'aboutir à des résultats analogues. L'influence américaine ne parvient pas à diffuser ce qui, dans la patrie d'origine, a rendu la faiblesse de l'Etat, la force des groupements professionnels, l'absence d'unité religieuse compatibles avec la puissance, la prospérité, la cohérence de la collectivité : l'adhésion quasi-unanime à la patrie américaine, le sens civique de l'individu, le respect des droits personnels, la religiosité non dogmatique, combinée avec un pragmatisme poussé jusqu'au culte de l'efficacité. Faute de ces croyances ou de ces attitudes, l'optimisme des

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lumières, qui prolonge l'égalité des hommes et le droit au bonheur, crée le même vide dans l'âme individuelle que dans la société, il pousse au communisme contre VAmerican way of life et non dans le prolongement de l'idéologie française. L'éducation britannique, moins idéologique que la française, moins optimiste que l'américaine, n'aliène pas l'intellectuel au même degré. Elle crée des habitudes plutôt qu'elle n'élabore des doctrines, elle fait naître le désir d'imiter les pratiques, plutôt que de reproduire un langage... Les élèves des Britanniques prennent modèle sur la réalité, les élèves des Français sur l'idéologie de l'Occident. La réalité est toujours plus conservatrice que l'idéologie. RAYMOND A R O N , L'Opium des intellectuels. 1. 2. 3. 4.

Expliquez les mots et expressions en caractères gras. Faites le plan du passage et résumez brièvement chaque partie. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. Exposé : un étranger compare les effets de l'influence française et de l'influence anglaise ou américaine sur son propre pays ou sur sa propre personnalité.

23. - LE MYTHE DE LA GAUCHE La France passe pour la patrie de l'antagonisme de la droite et de la gauche. Alors que ces termes, jusqu'à la deuxième Guerre mondiale, figurent à peine dans le langage politique en Grande-Bretagne, ils ont dès longtemps acquis droit de cité en France... Deux circonstances, d'après l'opinion courante, confèrent en France une gravité exceptionnelle à cet antagonisme. La conception du monde, à laquelle adhéraient les tenants de l'Ancien Régime, était inspirée par l'enseignement catholique. L'esprit nouveau qui prépara l'explosion révolutionnaire, s'en prenait au principe d'autorité qui semblait celui de l'Eglise, aussi bien que celui du royaume... Le passage de l'Ancien Régime à la société moderne s'accomplit en France avec une soudaineté, une brutalité uniques. De l'autre côté de la Manche, le régime constitutionnel a été progressivement instauré, les institutions représentatives sortirent du parlement, dont les origines

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remontent aux coutumes médiévales. Au 18' et au 19* siècle, la légitimité démocratique se substitua à la légitimité monarchique sans éliminer celle-ci entièrement... Grandiose ou horrible, la catastrophe ou l'épopée révolutionnaire coupe en deux l'histoire de France. EUe semble dresser l'une contre l'autre deux France, dont l'une ne se résigne pas à disparaître et dont l'autre ne se lasse pas de prolonger une croisade contre le passé. Chacune d'elles passe pour l'incarnation d'un type humain presque éternel. D'un côté, on invoque la famille, l'autorité, la religion, de l'autre, l'égalité, la raison, la liberté. Ici, on respecte l'ordre, lentement élaboré par les siècles, là on fait profession de croire à la capacité de l'homme de reconstruire la société selon les données de la science. La droite, parti de la tradition et des privQèges, contre la gauche, parti de l'avenir et de l'intelligence. Cette interprétation classique n'est pas fausse, mais elle représente exactement la moitié de la vérité. A tous les niveaux, les deux types d'hommes existent... M. Homais contre M. le curé, Alain et Jaurès contre Taine et Maurras, Clemenceau contre Foch. RAYMOND A R O N ,

L'Opium des intellectuels.

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : rédigez le plan ou un passage d'un discours sur la grandeur de la France, censé appartenir à l'un des hommes cités dans la conclusion. {Attention à la différence des « niveaux ».')

24. - UN DISCOURS OFFICIEL SOUS LE SECOND EMPIRE Messieurs, Qu'il me soit permis d'abord (avant de vous entretenir de l'objet de cette réunion d'aujourd'hui, et ce sentiment, j'en suis sûr, sera partagé par vous tous), qu'il me soit permis, dis-je de rendre justice à l'administration supérieure, au gouvernement, au monarque, messieurs, à notre souverain, à ce roi bien-aimé, à qui aucune branche de la prospérité publique ou particulière n'est indifférente, et qui dirige

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à la fois d'une main si ferme et si sage le char de l'Etat parmi les périls incessants d'une mer orageuse, sachant d'ailleurs faire respecter la paix comme la guerre, l'industrie, le commerce, l'agriculture et les beaux-arts... Le temps n'est plus, messieurs, où la discorde civfle ensanglantait nos places publiques, où le propriétaire, le négociant, l'ouvrier luimême, en s'endormant le soir d'un sommeil paisible, tremblaient de se voir réveillés tout à coup au bruit des tocsins incendiaires, où les maximes les plus subversives sapaient audacieusement les bases de la société... Mais, messieurs, poursuivit le conseiller, que si, écartant de mon souvenir ces sombres tableaux, je reporte mes yeux sur la situation actuelle de notre belle patrie : qu'y vois-je? Partout fleurissent le commerce et les arts; partout des voies nouvelles de communication, comme autant d'artères nouvelles dans le corps de l'Etat, y établissent des rapports nouveaux; nos grands centres manufacturiers ont repris leur activité; la religion, plus affermie, sourit à tous les cœurs; nos ports sont pleins, la confiance renaît, et enfin la France respire!... Et c'est là ce que vous avez compris, disait le conseiller. Vous, agriculteurs et ouvriers des campagnes; vous, pionniers pacifiques d'une œuvre toute de civilisation! Vous, hommes de progrès et de moralité! vous avez compris, dis-je, que les orages politiques sont encore plus redoutables vraiment que les désordres de l'atmosphère... Et qui s'en étonnerait, messieurs? Celui-là seul qui serait assez aveugle, assez plongé (je ne crains pas de le dire), assez plongé dans les préjugés d'un autre âge pour méconnaître encore l'esprit des populations agricoles. Où trouver, en effet, plus de patriotisme que dans les campagnes, plus de dévouement à la cause publique, plus d'intelligence en un mot? GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary. 1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : rédigez un discours officiel prononcé à l'occasion d'une inauguration, devant des électeurs ruraux, à l'époque contemporaine.

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25. - LA NOTION DE « GAUCHE » HORS D'EUROPE On n'applique pas sans danger les termes, empruntés au vocabulaire politique de l'Occident, aux conflits à l'intérieiir des nations qui appartiennent à d'autres sphères de civilisation, même et surtout quand les partis aux prises s'ingénient à se réclamer d'idéologies occidentales. Dans un cadre différent, des idéologies sont susceptibles de prendre une signification opposée à leur signification d'origine. Les mêmes institutions parlementaires exercent une fonction de mouvement ou de conservation, selon la classe sociale qui les instaure et les dirige. Quand des officiers honnêtes, issus de la petite bourgeoisie, dissolvent un parlement, manipulé par les pachas, et accélèrent la mise en valeur des ressources nationales, où se situe la gauche, ou la droite? Des officiers qui suspendent les garanties constitutionnelles (en d'autres termes la dictature du sabre), ne sauraient être baptisés gauche. Mais les ploutocrates, qui se servaient naguère des institutions électorales ou représentatives pour maintenir leurs privilèges, ne méritaient pas davantage cette épithète glorieuse. Dans les pays d'Amérique du Sud ou d'Europe orientale, la même combinaison de moyens autoritaires et d'objectifs socialement progressifs s'est plus d'une fois produite. Par imitation de l'Europe on a créé des parlements, introduit le droit de suffrage, mais les masses étaient illettrées et les classes moyennes faibles : les institutions libérales ont été inévitablement monopolisées par les « féodaux » ou les « ploutocrates », les grands propriétaires et leurs alliés dans l'Etat. Dira-t-on que la dictature de Peron, soutenue par les descomidos et honnie par la grande bourgeoisie, attachée à ses privUèges et au parlement par elle créé et défendu, est de droite ou de gauche? Valeurs politiques et valeurs sociales et économiques de la gauche, qui ont marqué les étapes successives du développement et sont en voie d'être finalement conciliées en Europe, demeurent ailleurs radicalement dissociées. RAYMOND A R O N , L'Opium des intellectuels. 1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage.

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4. Exposé: le représentant de la tendance libérale dans un pays neuf souligne devant son parti la nécessité d'un grand programme d'instruction des masses et de renforcement des classes moyennes, pour promouvoir une véritable démocratie.

26. - COMMUNISME ET CHRISTIANISME A Ceylan, en Birmanie, dans l'Inde, ceux qui ont pris en charge les états indépendants ont le sens de la légalité, ils préfèrent les méthodes progressives, ils résistent à l'enrégimeiitement, ils répugnent à la violence. On dit souvent que le bouddhisme détourne les intellectuels du communisme... Il est vrai que le communisme attire d'autant plus que le trône de Dieu est vide. Quand l'intellectuel ne se sent plus attaché ni à la communauté, ni à la religion de ses pères, U demande aux idéologies progressistes de remplir l'âme entière... L'Etat indien, qui compte proportionnellement le plus d'électeurs communistes, est aussi celui où le nombre des chrétiens, des missions... est le plus élevé... Des observateurs supposent qu'entre une religion historique comme le christianisme et une religion de l'histoire, comme le communisme, l'affinité explique la contagion. Qui a rompu avec l'hindouisme et souscrit à la divinité du Christ, à l'espérance de la fin des temps, sera plus vulnérable au prophétisme d'une hérésie chrétienne que le fidèle d'une Eglise essentiellement aristocratique ou d'un dogme cosmique. Peut-être le fait essentiel est-il la rupture entre l'individu et le milieu, rupture dont le prosélytisme d'une religion venue du dehors est l'agent. Les élèves des écoles chrétiennes... détachés de l'hindouisme, imparfaitement intégrés à l'univers occidental, n'ont plus de point fixe, ils ne possèdent plus d'évidences. Ils sont progressistes en matière d'économie ou de politique, sans que leurs idées aient de fondement assuré. Le communisme met leurs opinions dispersées ou probables, en un système satisfaisant pour l'esprit, soustrait au doute; il leur impose une discipline. Discipline qui rebutera l'intellectuel, convaincu des vertus de la liberté de l'esprit, mais donnera aux déracinés l'encadrement auquel ils aspirent sourdement. RAYMOND A R O N ,

L'Opium des intellectuels.

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1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : un missionnaire chrétien répond au point de vue exprimé ci-dessus.

IV. L'HUMANISME

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27. - L'HUMANISME L'humanisme est un acte de foi. Il est la conviction que les hommes sont encore plus semblables que différents, qu'ils sont liés par une identité de leur destin, par une identité aussi de leur vocation, que soumis aux mêmes inéluctables nécessités, il est en eux et en eux seuls, entre toutes les espèces, de transformer la conscience même de ces nécessités en un principe d'action et de délivrance, et qu'ainsi il est pour eux tous une cause commune que leur honneur est de servir. Il semble bien, ainsi que le disait Voltaire, que nous soyons la seule espèce qui sache qu'elle doit mourir. Cette conscience même devrait suffire à orienter toute notre recherche et toute notre vie. Du moins cette conscience inévitable est-elle le principe de toutes nos fables, de toutes nos religions... Et ces mille histoires, si nous étions capables de les dominer toutes et de les analyser comme il faut, ne nous apparaîtraient plus sans doute si diverses. Ce n'est jamais que la même peur qui ruse et ratiocine. Les explorations, les enquêtes, les études des cent dernières années ont quelquefois désespéré les humanistes. Les ethnographes, en particulier, ont dressé une sorte de répertoire de toutes nos absurdités et personne n'a peut-être contribué autant qu'eux à créer cet embarras où nous sommes. Où est l'homme? Quel est l'homme? Spécialistes, comment échapperaient-ils à l'esprit de leur spécialité? Le fait le plus étrange, le plus absurde, le plus inclassable est celui qui peut les réjouir davantage. Il en est qui triomphent s'ils découvrent des hommes qui paraissent échapper à la loi de l'homme. J'aime mieux, pour moi, la mamère de Montaigne qui, mis l'un des premiers, par les récits de voyages devant la diversité des usages humains, n'accepta pas d'en être étonné. Tout au contraire. Il dit bonnement et gentiment : « Tout usage à sa raison »... Donnonsnous du temps. L'histoire comparée des mythologies, des religions, des philosophes ne manquera pas de faire reconnaître les valeurs communes de l'humanité. Il se peut, au reste, qu'au niveau des spécialistes, des savants, des prêtres, des philosophes, des hommes de cul-

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ture qui se font tout justement un devoir de reconnaître dans leur singularité les idéaux sur lesquels ils vivent, la réconciliation soit difficile. Mais au niveau des peuples, des hommes qui ont d'abord besoin de vivre et d'espérer, les contradictions tombent... Il ne s'agit profondément que de vaincre la mort. JEAN GUÉHENNO,

Sur le chemin des hommes.

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le conterm de chaque peonie. 3. Etudiez l'orthographe et la prorwnciation du passage. 4. Exposé : Jean Guéhenno voit dans la conscience de la mort une « valeur commune » de l'hurruirdté! C'est là une philosophie bien amère. Distinguez-vous pour votre part d'autres « valeurs communes » qui soient moins négatives?

28. - CULTURES Une civilisation ne survit — ou ne revit — pas par sa nature : elle nous intrigue par la part de l'homme qu'elle nous révèle, ou nous assiste par les valeurs qu'elle nous transmet. Sans doute ces valeurs nous sont-elles transmises par une métamorphose; d'autant plus marquée que, si les civilisations de jadis ressentirent comme une totalité leur notion de l'homme (le Grec de Périclès, le Chinois des Tang, ne furent pas, pour eux-mêmes, hommes d'un temps particulier, mais hommes tout court), la fin de chaque époque nous révèle la part de l'homme qu'elle cultiva. Une culture, dans la mesure où elle est héritage, comprend à la fois une somme de connaissances dans laquelle les arts tiennent une faible place, et un passé légendaire. Toute culture est phitarqnienne, en ce qu'elle transmet une image exemplaire de l'homme si elle est puissante, des éléments exemplaires de l'homme si elle ne l'est pas. A l'épitaphe des morts des Thermopyles : « Passant, va dire à Lacédémone que ceux qui sont tombés ici sont morts dans sa loi », à l'inscription funéraire chinoise en l'honneur des héros ennemis : « Dans votre prochaine vie — Faites-nous l'honneur de renaître chez nous »,

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répondent des images auxqoeUes le sang ne donne pas son insatiable prestige : pensée et sainteté, le prince Siddharta quittant le palais de son père lorsqu'il découvre la douleur humaine, et le monologue de Prospero : « Nous sommes faits de l'étoffe des songes... » Toute culture entend maintenir, enrichir ou transform«, sans l'affaiblir, l'image idéale de l'homme revue par ceux qui l'élaborent. Et si nous voyons les pays passionnés d'avenir : Russie, Amérique entière, de plus en plus attentifs au passé, c'est que la culture est l'héritage de la qualité du monde. ANDRÉ MALRAUX,

Les Voix du silence (Gallimard, 1951).

1. Donnez un titre à l'ensemble du passage. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la promnciation du passage. 4. Exposé : illustrez la pensée de Malraux, en racontant l'épisode des Thermopyles, celui du prince Siddharta, l'histoire de Prospero, ou telle autre légende, contute ou inconnue, mettant en lumière une « image exemplaire de l'horrme

29. - LE MYTHE DE LA PASSION : WAGNER « Délivré du monde, je te possède enfin, ô toi seule qui remplis toute mon âme, suprême volùpté d'amour! » L'homme qui a écrit cela (dans Tristan et Isolde) savait que la passion est quelque chose de plus que l'erreur : qu'elle est une décision fondamentale de l'être, un choix en faveur de la mort, si la mort est la libération d'un monde ordonné par le mal. Mais l'audace de cette œuvre est de celles qui ne peuvent être tolérées qu'à la faveur d'une totale méprise, organisée et entretenue par une sorte de « consensus » social, d'aveuglement tout à la fois juré et inconscient. A force de l'entendre répéter par les bons juges, on a fini par croire que le Tristan de Wagner est un drame du désir sensuel. Qu'un tel jugement ait pu s'accréditer en dépit de flagrantes évidences, voilà qui est significatif au plus haut point de la « nécessité

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sociale » des mythes. (Mensonges d'auto-défense d'une société qui veut sauver sa forme, tandis que les individus qui la composent se prêtent obscurément, sous le couvert d'un refus, aux passions qui tendent à sa perte.) En composant Tristan Wagner a violé le tabou : il a tout « dit », tout avoué par les paroles de son livret, et plus encore par sa musique. Il a chanté la nuit de la dissolution des formes et des êtres, la libération du désir, l'anathème sur le désir, la gloire crépusculaire, immensément plaintive et bienheureuse de l'âme sauvée par la blessure du corps. Mais le sens maléfique de ce message, il fallait le nier pour pouvoir l'accueillir, il fallait à tout prix le travestir, l'interpréter d'une manière tolérable, c'est-à-dire au nom du « bon » sens. Du mystère bouleversant de la nuit et de la destruction des corps, l'on a fait la « sublimation » d'un pauvre secret du plein jour : l'attrait des sexes, la loi toute animale des corps — ce qu'il faut à la société pour procréer et se consolider, ce qu'il faut au bourgeois pour ressentir sa vie... Qu'on y soit parvenu si rapidement et si complètement ne saurait d'ailleurs t é m o ^ e r d'une vitalité sociale exceptionnelle : c'est plutôt la frivolité du public ordinaire des théâtres, son sentimentalisme lourd, qui ont facilité l'opération... D E N I S DE ROUGEMONT,

L'Amour et l'Occident (Pion, 1956).

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : racontez le mythe de Tristan et Iseult.

30. - UTILITARISME ET PRÉHISTOIRE Ici une question m'oppresse : La mort ne fut-elle pas le premier navigateur? Bien avant que les vivants ne se confiassent eux-mêmes aux flots, n'a-t-on pas mis le cercueil à la mer, le cercueil au torrent? Le cercueil, dans cette hypothèse mythologique, ne serait pas la dernière barque. Il serait la première barque. La mort ne serait pas le

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dernier voyage. Elle serait le premier voyage. Elle sera pour quelques rêveurs profonds le premier vrai voyage. Evidemment, un telle conception du voyage marin a tout de suite contre elle les explications utilitaires. On veut toujours que l'homme primitif soit nativement ingénieux. On veut toujours que l'homme préhistorique ait résolu inteffigemment le problème de sa subsistance. En particulier, on admet sans difficulté que l'utilité est une idée claire et qu'elle eut toujours une valeur d'une évidence sûre et immédiate. Or la connaissance utile est déjà une connaissance rationalisée. Inversement, concevoir une idée primitive comme une idée utile, c'est verser dans une rationalisation d'autant plus captieuse qu'actuellement l'utilité est comprise dans un système d'utilitarisme très complet, très homogène, très matériel, très nettement fermé. L'homme, hélas! n'est pas si raisonnable! Il découvre l'utile aussi difficilement que le vrai. En tout cas, sur le problème qui nous occupe, en y rêvant un peu, il apparaît que l'utilité de naviguer n'est pas suffisamment claire pour déterminer l'homme préhistorique à creuser un canot. Aucune utilité ne peut légitimer le risque immense de partir sur les flots. Pour affronter la navigation, il faut des intérêts puissants. Or, les véritables intérêts puissants sont les intérêts chimériques. Ce sont les intérêts qu'on rêve, ce ne sont pas ceux qu'on calcule. Ce sont les intérêts fabuleux. Le héros de la mer est un héros de la mort. Le premier matelot est le premier homme vivant qui fut aussi courageux qu'un mort... Si l'on veut bien restituer à leur niveau primitif toutes les valeurs inconscientes accumulées autour des funérailles par l'image du voyage sur l'eau, on comprendra mieux la signification du fleuve des enfers et toutes les légendes de la funèbre traversée. GASTON BACHELARD,

L'Eau et les rêves.

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : en prenant d'autres exemples, empruntés à la préhistoire — ou à l'histoire, ancienne ou moderne — montrez que /'utilité n'est pas un critère suffisant pour juger des ouvrages humains.

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31. - MALRAUX DEVANT L'AFRIQUE II Les héritages sont imprévisibles; nul n'eût prévu que le génie unitaire et théologique de l'Islam léguerait à l'Occident rationaliste une de ses armes les plus efficaces : l'algèbre. La civilisation nouvelle aura besoin des puissances organiques qui sont les vôtres, de la participation à l'univers qui est la vôtre; et vous aurez besoin, vous avez déjà besoin qu'elles se conjuguent avec les forces de l'esprit et cessent de se perdre dans les sables. Pourquoi? Pour tous les hommes. Il y a un peu plus de trente ans, nous étions quelques-uns à dire : tout ce que les peuples ont élaboré à travers les siècles repose sur des données, connues ou secrètes, de l'homme, et la culture ne connaît pas de nations mineures, mais seulement des nations fraternelles; aujourd'hui, un destin qui n'est pas seulement le mien, me fait redire ces phrases que j'ai dites en face de l'Acropole... Nous affirmions qu'un temps viendrait où votre sculpture entrerait dans tous les grands musées du monde, où l'Afrique cesserait d'être un exotisme... Et il serait bien insuffisant que votre liberté politique fût acquise si la signification séculaire de la vie africaine restait ignorée : il n'y a pas de liberté essentielle qui ne se fonde sur la dignité. C'est pourquoi Le Corbusier construira bientôt ici la première maison de la culture africaine. Peut-être l'avenir y verra-t-il l'une des plus importantes de nos actions communes... Que la France, qui, malgré tant d'obstacles, vient de proclamer douze indépendances, dont aucune n'a connu une goutte de sang, retrouve dans ce symbole sa tradition séculaire! Ce soir, la plus puissante expression de l'Afrique : la danse millénaire, reprendra possession de la place — la même danse, peut-être, que la nuit de la naissance de Rome, que la nuit de la naissance d'Athènes, que le soir du sacre de Napoléon. Si elle doit disparaître un jour, dans le musée d'alors où seront rassemblés les chefs-d'œuvre de votre sculpture, on rêvera d'elle comme nous rêvons de la danse disparue de la foule antique, quand nous lisons les chœurs d'Eschyle. Et nous sommes les premiers à le savoir, parce que nous sommes les premiers à savoir que la civilisation mondiale commence avec nous... Chefs d'Etat ou représentants de tant de pays d'Afrique, le Tchad

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et la France, unis comme le jour où ma main serrait celle du président Tombalbaye, selon le symbole de la communauté, dédient cette commémoration d'indépendance à la présence du génie africain dans l'âme des hommes de la civilisation qui commence. Ame du continent dont les côtes s'appelèrent pour les Européens la contrée de la joie, et dont les terres inconnues s'appelèrent le cœur des ténèbres, salut à ce que tu créas seule, avec tes ancêtres et avec tes fantômes, à tes danseurs sacrés qui ont bouleversé la danse européenne, à tes improvisateurs qu'aucun de nos musiciens n'ignore, à tes sculpteurs qui ont obsédé nos peintres. — Salut, Afrique, à l'heure où pour la première fois, tu apportes tes présents à l'esprit du monde! Discours prononcé aux fêtes commémoratives de l'indépendance de la République du Tchad, à Fort-Lamy, le 11 janvier 1962, reproduit dans La Vie africaine. 1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé: Contribution de la civilisation négro-ajricaine à la civilisation mondiale.

32. - ÉMANCIPATION ET POLITIQUE ...Mais les hommes pullnlent et le chemin n'a jamais été plus encombré. Il traverse désormais des continents longtemps inconnus, des déserts, des forêts vierges, ét des hommes de toutes les races, de toutes les couleurs le rejoignent par tous les sentiers, proclament qu'ils existent eux aussi et exigent que l'on compte avec eox. Jamais tant d'êtres divers, répondant à on ne sait qnel appel par toute la terre entendu, ne se sont présentés les uns aux autres, avec la même flamme de fierté dans les yeux, et murmurant de la même voix contrainte et pourtant assurée : « Et moi aussi, je suis homme! » Il en résulte quelque confusion. Car aucun, disant cela, ne sait tout à fait clairement ce qu'il dit, pas plus aujourd'hui que jamais. Mais

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chacun n'en parle pas moins avec une prodigieuse éloquence et tout de suite produit ses preuves, quelque vieille pierre qu'il dit tombée du ciel, quelque tronc de bois vermoulu, quelque livre sacré, quelque signe, enfin, qui établit pour l'éternité, selon ses prétentions, son alliance avec ceux qui savent, apec les dieux de quelque nom qu'il les nomme, et chacun, ne rabâchant que son propre rêve, se veut, par cette alliance, l'élu de la vérité. Nous n'avons pas d'autre moyen de trouver la communication avec tous ceux qui cheminent à côté de nous et nous tiennent des propos parfois si étranges, que de faire comme si nous les entendions bien et d'entrer charitablement dans leurs manies et dans leurs rêves, si bien qu'à quelque moment la vérité, en effet, éclatera et que nous reconnaîtrons ensemble l'insuffisance à la transcrire de nos divers patois. Car elle est au fond de tous ces rêves ensemble. Nous devons faire comme si l'homme était raisonnable, quand cent preuves nouvelles nous seraient produites de son absurdité. JEAN GUÉHENNO,

Sur le chemin des

hommes.

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé: expliquez, commentez et illustrez en un ou plusieurs paragraphes l'idée contenue dans le passage : « Nous n'avons pas d'autre moyen... » jusqu'à «... de tous ces rêves ensemble ».

V. LA GUERRE

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33. - LA GUERRE RÉVOLUTIONNAIRE Du point de vue proprement militaire, qu'apportait la Révolution? « Un déchaînement de passion inconnu avant elle », répond Foch.. On sait par ailleurs quelle explosion de sentimentalisme précéda et accompagna la Révolution, phénomène beaucoup plus passionnel que politique, au sens strict du terme. Longtemps contenue dans les formes classiques de la guerre, la violence, après le meurtre du roi — action sacrée et rituelle dans les sociétés primitives — redevient quelque chose d'horrifiant et d'attirant à la fois. C'est le culte et le mystère sanglant autour duquel se crée une communauté nouvelle : la nation. Or, la nation, c'est la transposition de la passion sur le plan collectif... La passion veut que le moi devienne plus grand que tout, aussi seul et puissant que Dieu. Elle veut (sans le savoir) qu'au-delà de cette gloire, sa mort soit véritablement la fin de tout. L'ardeur nationaliste, elle aussi, est une auto-exaltation, un amour narcissiste du soi collectif... Ensuite, que veut la passion nationale? L'exaltation de la force collective ne peut mener qu'à ce dilemme : ou l'impérialisme triomphe — c'est l'ambition de s'égaler au monde — ou le voisin s'y oppose énergiquement, et c'est la guerre. Or, on observe qu'une nation dans son premier essor passionnel recule rarement devant une guerre même sans espoir. Elle manifeste ainsi sans se l'avouer qu'elle préfère le risque de mort, et la mort même, à l'abandon de sa passion. « La liberté ou la mort » hurlaient les jacobins à l'heure où les forces ennemies paraissaient vingt fois supérieures, à l'heure où liberté et mort étaient bien près d'avoir le même sens... Ainsi, la nation et la guerre sont liées comme l'amour et la mort. Désormais, le fait national sera le facteur dominant de la guerre... La bataille de Valmy fut gagnée par la passion contre la « science

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exacte ». C'est au cri de « Vive la nation! » que les sans-culotte repoussèrent l'armée « classique » des alliés. D E N I S DE ROUGEMONT,

L'Amour et l'Occident (Pion, 1956).

1. Epliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : un professeur expose à des étudiants en sciences politiques la différence qui sépare les notions de patrie et de nation.

34. - PSYCHANALYSE DE LA GUERRE Il faudra commencer par enlever à la guerre ses lettres de noblesse. Et ici qu'on me comprenne : il y a dans le cadre abominable de la guerre beaucoup de grandeur déployée. Cette grandeur, quand elle est vraie grandeur, ne fait que donner, en théâtral, la mesure de certains hommes. Par temps moins inclément, leur dépense en géné· rosité pourrait être égale et, l'un dans l'autre, moins vaine. L'héroïsme militaire présente au moins ce revers qu'au cours de la bataille il faut bien parfois l'accorder à l'adversaire aussi, ce qui entraîne à estimer diverses parties, et les plus agissantes, sans doute des plus responsables, d'un « tout » qu'on fait profession d'abhorrer. Point entre tous névralgique, au sein des multiples lignes d'interférences qui passent par la guerre et dont le réseau figure chez l'homme la plus cruélle ambivalence de sentiments. Les divergences d'idéal qui animent une nation contre une autre, un groupe de nations contre un groupe d'autres, si elles sont assez puissantes pour provoquer ou aUéger le sacrifice de millions d'êtres, en motivant théoriquement les guerres, n'en appartiennent pas moins à la « superstructure ». En-deçà fonctionne un système qui met aux prises non seulement le moi et le soi comme l'a voulu Freud, mais encore, dans les limites des races, des états, des régimes, des castes, des croyances, un « nous » (organique ou de pure convention?) qui se comporte comme l'hybride des deux autres. Ce « nous » restrictif,

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hérissé de tous les piquants du surmoi (ou « idéal du moi »), plus, il semble bien, quelques autres, complique et dénature à tel point la vie que tout doit être entrepris pour le dissoudre dans le « tous », avec l'homme comme seul terme inconditionnel de ralliementUn des aspects les plus nouveaux... est... le goût de la guerre pour la guerre... L'euphorie... au premier abord confondante, il ne suffit pas cependant de la déplorer, U faut encore en découvrir les causes, et, pour ma part, je n'hésite pas à les trouver dans la platitude et les contraintes de la vie sociale du temps de paix. Cette vie, pour la plupart, est bornée, plus ou moins inconsciemment, par la nécessité d'un travail qu'ils n'ont pas choisi, par les tracas d'une tutelle familiale ou les soucis d'un foyer sans grand feu du cœur qui leur ôtent la libre disposition d'eux-mêmes mais, bien plus couramment encore par Γ« ennui » de repasser aujourd'hui, à si peu près, par où ils sont passés hier. L'immense parti pratique que tire la guerre de cette forme très commune d'insatisfaction donne à penser que pour parer à de nouvelles guerres, c'est à tout ce qui engendre cette insatisfaction même qu'à l'échelle universelle et radicalement il faudra s'attaquer d'abord. La vie humaine est à « repassionner »... BRETON, Arcane 17. Extrait : Gaëtan Picon, Panorama de la nouvelle littérature française (Gallimard, 1949).

ANDRÉ

Pour le premier paragraphe, voir le film de Renoir, La grande illusion. Pour le dernier paragraphe, lire le roman de Julien Gracq, Le rivage des Syrtes. Cf. aussi CHATEAUBRIAND, Causes morales des révolutions (p. 49). 1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prorwnciation du passage. 4. Exposé : Faites le compte rendu du roman de Julien Gracq : « Le rivage des Syrtes ».

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35. - DÉFENSE NATIONALE ... Cette action militaire, cette « opération » — stratégique ou tactique — on s'y prépare. Vous vous y préparez grâce aux thèmes dont vous vous saisissez. De nombreuses hypothèses sont successivement étudiées par vous, à travers lesquelles vous vous efforcez de déterminer une doctrine qui puisse, éventueUement, inspirer l'action de guerre et une méthode qui permette de la conduire. Mais U ne faut pas — vous le savez bien — se bercer de l'illusion que grâce à un ensemble de préceptes établis dès le temps de paix, et, en somme, à priori, on embrassera, à coup sûr, les éventualités de la guerre. L'action de guerre est toujours contingente, c'est-à-dire qu'elle se présente toujours d'une manière imprévue, qu'elle est infiniment variable, qu'elle n'a jamais de précédent. C'est pourquoi, tout en se préparant par la réflexion, par le travail, par l'étude, l'action du chef, en dernier ressort, dépend de sa personnalité. Ce qui sera fait, ou ne sera pas fait, c'est ce qui sortira, ou ne sortira pas, non point de l'ordre didactique, mais des cerveaux et des caractères. Ceux qui veulent se disposer à être des chefs de guerre ont donc pour premier devoir de s'efforcer d'être des hommes, des hommes dignes et capables de répondre, dans des conditions insoupçonnées, au drame qui fondra sur eux et où ils seront responsables, chacun à son échelon. Je terminerai en vous disant combien l'ordre guerrier — et tout ce qui s'y rapporte — continue, plus que jamais, d'être essentiel à la nation et à l'Etat. On peut imaginer, non sans effroi, ce que serait un conflit, demain. Il n'en est pas moins vrai que ce conflit est tout à fait possible. Nous sommes une espèce, et notre espèce a sa loi. Sans doute les moyens qui sont aujourd'hui à la disposition des hommes pour se détruh-e, ont-ils une telle envergure, que l'échéance est, de ce fait, actuellement évitée. Mais, pour combien de temps, qui le sait? De toutes manières, un pays doit être capable d'envisager toutes les hypothèses qui peuvent concerner son destin, y compris celle de la guerre. Dans tout ce qui est une nation, et, avant tout, dans ce qui est la nôtre, il n'y a rien qui soit capital plus que ne l'est sa défense.

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Voilà pourquoi, il n'y a pas de talent ni de génie militaire qui n'aient servi une vaste politique, Il n'y a pas de grande gloire d'homme d'Etat que n'ait dorée l'éclat de la Défense nationale. GÉNÉRAL DE GAULLE, discours prononcé le 3 novembre 1 9 5 9 , lors de sa visite au centre des Hautes Etudes militaires et aux trois écoles de Guerre.

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé: un chef militaire expose au directeur d'ime académie militaire les principes qui doivent le guider, et lui trwntre l'esprit qu'il devra insuffler aux futurs officiers de ce jeune Etat.

36. - LA CONDUITE DE LA GUERRE On entend par « conduite de la guerre » l'action menée par on pays ou une coalition, en vue de la réalisation de ses buts de guerre. La conduite de la guerre est affaire de gouvernement et s'étend à tous les domaines : militaire, politique, diplomatique, psychologique, social, économique, etc. Dans le domaine militaire, elle porte principalement sur le recrutement et le maintien des effectifs des armées, leur équipement, leur moral. La répartition des forces entre les théâtres d'opérations, et la définition des missions générales données aux chefs de chacun de ces théâtres, sont des responsabilités gouvernementales, qui font également partie de la conduite de la guerre. Celle-ci a, en somme, pour but, en matière militaire, de mettre entre les mains du ou des chefs responsables de la « conduite des opérations » le meilleur outil possible, et de leur fixer l'emploi qu'ils doivent en faire. Il ne peut donc y avoir de bonne conduite des opérations que dans le cadre d'une bonne conduite de la guerre. Si celle-ci n'est pas assurée avec compétence, méthode, continuité et vigueur, le

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Initiation au vocabulaire des idées politiques

succès, quelle que soit la valeur des troupes et la qualité des chefs, est exclu. C'est dire que les chefs politiques, à qui incombe la responsabilité de conduire la guerre, devraient avoir des choses militaires une connaissance suffisante pour savoir tenir compte dans la politique des impératifs stratégiques, et pour ne demander à la stratégie que ce qui est possible dans le cadre d'une politique donnée... (En Indochine) l'absence de conduite de la guerre par le gouvernement français se manifesta sur tous les plans. C'est le manque de coordination entre les impératifs de la politique et ceux de la stratégie qui fut le plus néfaste. Il empêcha qu'une réponse soit donnée à la question posée par moi en ce qui concerne la défense du Nord Laos. Du point de vue politique, la France se sentait tenue de défendre son Etat associé. Du point de vue militaire, elle n'avait pas le courage de faire l'effort nécessaire, il fallait choisir. Le gouvernement s'en étant montré incapable, nous ne pouvions que nous trouver un jour devant l'obligation d'assurer une défense pour laquelle des moyens suffisants n'existaient pas... Mais ce fut au moment de la Conférence de Berlin qu'éclata le plus gravement, et que se révéla le plus funeste, le désaccord de notre politique et de notre stratégie. Alors que j'avais toujours demandé qu'avant la fin des opérations actives, qui serait comme chaque année marquée par la saison des pluies, rien ne fût fait qui risquât de me créer des difficultés supplémentaires, une initiative de notre diplomatie, prise complètement en dehors du Commissaire général et de moi, c'est-à-dire sans qu'en aient été le moins du monde étudiées les répercussions possibles sur les opérations militaires et sur le climat politique local, provoqua la Conférence de Genève, dont je dirai plus loin les désastreuses conséquences. Agonie de l'Indochine, chap. « La Conduite de la guerre » (Pion, 1956).

GÉNÉRAL

NAVARRE,

4,

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : un « politique » tout en admettant le bien-fondé des griefs du général en ce qui concerne Laos, justifie l'initiative

La guerre

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diplomatique qui aboutit à la Conférence de Genève mais reconnaît que les conséquences sur le plan local auraient dû être prévues et limitées.

37. - LE PAUVRE DANS LA SOCIÉTÉ Certes, nous avons l'habitude d'admirer tous les jours d'immenses bandits, dont le monde entier vénère avec nous l'opulence et dont l'existence se démontre cependant dès qu'on l'examine d'un peu près comme un long crime chaque jour renouvelé, mais ces gens-là jouissent de gloire, d'honneurs et de puissance, leurs forfaits sont consacrés par les lois, tandis qu'aussi loin qu'on se reporte dans l'histoire... tout nous démontre qu'un larcin véniel, et surtout d'aliments mesquins, tels que croûtes, jambon ou fromage, attire sur son auteur immanquablement l'opprobe formel, les reniements catégorisques de la communauté, les châtiments majeurs, le déshonneur automatique et la honte inexpiable, et cela pour deux raisons, tout d'abord parce que l'auteur de tels forfaits est généralement un pauvre et que cet état implique en lui-même une indignité capitale, et ensuite parce que son acte comporte une sorte de tacite reproche envers la communauté. Le vol du pauvre devient une malicieuse reprise individuelle, me comprenez-vous. Où irions-nous? Aussi la répression des menus larcins s'exerce-t-elle, remarquez-le, sous tous les climats, avec une rigueur extrême, comme moyen de défense sociale non seulement, mais encore et surtout comme une recommandation sévère à tous les malheureux d'avoir à se tenir à leur place et dans leur caste, peinards, joyeusement résignés à crever tout au long des siècles et indéfiniment de misère et de faim... Jusqu'ici cependant, il restait aux petits voleurs un avantage dans la République, celui d'être privés de l'honneur de porter les armes patriotes. Mais dès demain, cet état de choses va changer... Ecoutez-moi bien, camarade, et ne le laissez plus passer sans bien vous pénétrer de son importance, ce signe capital dont resplendissent toutes les hypocrisies meurtrières de notre société : « L'attendrissement sur le sort, sur la condition du miteux... » Je vous le dis, petits bonhommes... battus, rançonnés, transpirants de toujours je vous préviens, quand les grands de ce

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Initiation au vocabulaire des idées politiques

monde se mettent à vous aimer, c'est qu'ils vont vous tourner en saucissons de bataUle... C'est le signe... Il est infaillible. C'est par l'affection que ça commence. Louis XIV lui au moins, qu'on se souvienne, s'en [moquait] à tout rompre du bon peuple. Quant à Louis XV... On ne vivait pas bien en ce temps-là, certes, les pauvres n'ont jamais bien vécu, mais on ne mettait pas à les étriper l'entêtement et l'acharnement qu'on trouve à nos tyrans d'aujourd'hui. Il n'y a de repos, vous disais-je, pour les petits que dans le mépris des grands qui ne peuvent penser au peuple que par intérêt ou sadisme... CÉLINE, Voyage au bout de la nuit (L'action du passage de ce récit se situe vers 1915.)

LOUIS FERDINAND (1932).

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : commentez et illustrez les idées contenues dans ce texte.

VI. SOCIÉTÉS

Sociétés

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38. - LES INTELLECTUELS Ecrivain ou artiste, l'intellectuel est l'homme des idées, savant ou ingénieur, l'homme de science. Il participe de la foi en l'homme et en la raison. La culture que diffusent les universités est optimiste, rationaliste : les formes de la vie en commun qui s'offrent au regard paraissent gratuites, l'œuvre des siècles, non l'expression d'une volonté clairvoyante ou d'im plan réfléchi. L'intellectuel, dont l'activité professionnelle n'exige pas la réflexion sur l'histoire, porte volontiers sur « le désordre établi » une condamnation sans appel. La difficulté commence dès que l'on ne se borne pas à condamner le réel. Logiquement, on aperçoit trois démarches. Par la « critique technique », on se met à la place de ceux qui gouvernent et administrent, on suggère les mesures qui atténueraient les maux que l'on dénonce, on accepte les servitudes de l'action, la structure immémoriale des collectivités, parfois même les lois du régime existant. On ne se réfère pas à une organisation idéale, à un avenir radieux, mais à des résultats accessibles avec plus de bon sens ou de bonne volonté. La « critique morale » dresse contre ce qui est, la notion vague, mais impérative, de ce qui devrait être. On refuse les cruautés du colonialisme, l'aliénation capitaliste, on refuse l'opposition des maîtres et des esclaves, le scandale de la misère à côté du luxe étalé. Même si l'on ignore les conséquences de ce refus et les moyens de le traduire en actes, on se sent incapable de ne pas le proclamer comme une dénonciation ou un appel, face à l'humanité indigne d'elle-même. La « critique idéologique ou historique » enfin s'en prend à la société présente, au nom d'une société à venir, elle impute les injustices dont le spectacle offense les consciences au principe de l'ordre actuel — le capitalisme, la propriété privée portent en eux la fatalité de l'exploitation, de l'impérialisme, de la guerre —, elle trace l'esquisse d'un ordre radicalement autre, ou l'homme accomplirait sa vocation. RAYMOND A R O N ,

L'Opium des

intellectuels.

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Initiation au vocabulaire des idées politiques

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : du haut de la tribune de l'Assemblée, un chef de gouvernement trace le portrait des trois types d'opposition qu'il prévoit contre son action et indique celle qui lui paraît constructive (ordre inverse de celui du texte).

39. - PARALLÈLE ENTIŒ LE JAPON ET LA FRANCE Si l'on tient compte de l'écart entre Europe et Asie, la condition du Japon est comparable à celle de la France. Ici et là, les intellectuels ne reçoivent pas des traitements accordés à leurs aspirations. Ici et là, les usines modernes côtoient des ateliers de caractère plus artisanal qu'industriel... Bien que la société japonaise ne soit nullement stagnante, que l'économie y soit dynamique, les circonstances ont créé une disproportion entre ce que les intellectuels attendent de la nation et ce que celle-ci peut leur apporter, que l'on observe dans la France actnelle. La culture japonaise est essentieUement littéraire et artistique. Les intellectuels emploient le jargon démocratique et se croient sincèrement attachés aux idées simultanément libérales et socialistes. Au fond d'eux-mêmes peut-être mettent-ils au-dessus de tout l'art de vivre et la beauté. Verbalement ils en ont au capitalisme américain, aiEectivement ils détestent la vulgarité de la culture de masses. Les valeurs traditionnelles appartenaient à une morale noble, comparable à celle des chansons de geste de l'Europe médiévale : sens des obligations, loyauté à l'égard du supérieur, subordination des passions à la morale. Les thèmes fréquents des œuvres littéraires sont les conflits entre les devoirs ou entre amour et devoir. La vie quotidienne est stylisée par des règles strictes qui répriment la spontanéité et soumettent chacun au respect de l'ordre social... Au souci japonais de donner à chaque instant, à chaque fleur, à chaque mets une beauté irremplaçable s'oppose le souci américain de l'eflicacité... Là est peut-être le motif profond des attitudes communes aux

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intellectuels du Japon et de France. Les uns et les autres souscrivent aux systèmes de pensée progressistes, ils dénoncent les féodaux, rêvent d'investissements, de niveaux de vie, de rationalisation... A partir de là également, on saisit les différences profondes entre la situation de l'intelligentsia japonaise et celle de l'intelligentsia française... Il n'est pas besoin d'admettre la métaphysique selon laquelle chaque culture constituerait une unité promise à un destin unique, pour reconnaître que rien dans le Japon d'hier, n'annonçait le parlement, les appareils photographiques ou les principes de 1789. Les intellectuels de Tokyo, nostalgiques de Montparnasse ou de Saint-Germain-des-Prés, peuvent bien développer les mêmes idéologies politico-économiques que l'intelligentsia française. Ces idéologies, là-bas se répandent en un milieu tout autre, elles appartiennent à la civilisation occidentale qui depuis un siècle, ronge l'édifice du Japon historique... RAYMOND A R O N , L'Opium des intellectuels. 1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : commentez, illustrez et éventuellement discutez le parallèle ci-dessus.

40. - L'ANGLAIS D'AUJOURD'HUI I En dépit du passage de l'énorme rouleau compresseur qu'a été le welfare state, l'individu a résisté. L'immixtion du dirigisme dans les affaires particulières de l'Anglais n'a pu détruire son île privée. 11 a consenti à s'uniformiser non de force, mais de gré, parce qu'il a compris que c'était la seule manière de conserver sa singularité. Il a sacrifié le poids mort d'un libéralisme qui ne répondait plus aux exigences et aux surprises du monde moderne, afin de pouvoir politiquement, économiquement, humainement, sauver l'essentiel. L'essentiel, c'est-à-dire la possibilité reconnue à chacun de faire éclater l'écorce de coercition non par la révolte, mais par l'utUité et

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Initiation au vocabulaire des idées politiques

par le talent. Les Anglais d'aujourd'hui ont soigneusement préservé, tant dans leurs institutions que dans les privilèges accordés aux individus hors classe (chefs d'industrie, grands exportateurs, missi dominici du prestige personnel) une fenêtre ouverte sur l'aventure. Le « héros » garde une place dans l'Olympe britannique, non point le héros au sens nietzschéen de dominateur, mais au sens grec de porteflambeau. Comment l'Angleterre pourrait-elle oublier que c'est aux héros de son aventure à elle qu'elle a dû ses plus brillantes victoires; à ces innombrables « capitaines courageux », à ces personnalités hors série qui, dans d'autres pays, se seraient heurtées à l'animosité de l'Administration et du gouvernement mais qui, chez elle, ont continûment tracé les voies? Elle l'oublie si peu, que M. MacMillan, renversant en cela la tendance au nivellement, a affirmé devant les Communes que l'heure était venue, si l'on voulait que dans « GrandeBretagne » l'adjectif reprît un sens, de muer le welfare state en opportunity state. Autrement dit, de surajouter à la notion d'Etat providence subvenant aux besoins des déshérités et des inaptes la notion d'Etat opportunité. Opportunité offerte aux plus doués, aux plus forts, aux plus chanceux. Une affirmation de cet ordre, survenant à un moment où l'Angleterre, après une crise profonde, semble repartir de l'avant, a une valeur de signe, exactement comme si une page avait été tournée. Une page qui, par la priorité donnée au tchin sur l'initiative individuelle, aurait temporairement faussé le sens du grand livre. Il est en effet permis de penser que la situation au Moyen-Orient aurait été différente, si un second Disraeli s'était trouvé le porte-parole de l'Etat opportunité, (à suivre.) RAYMOND LAS VERONAS,

L'Angleterre change de cap (Hachette, 1957).

L Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : exposez votre propre point de vue sur « l'Anglais d^aujourd'hui » (par opposition à l'Anglais d'hier ou l'Américain d'aujourd'hui par rapport à celui de naguère, etc.).

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41. - L'ANGLAIS D'AUJOURD'HUI II

La mentalité de l'Anglais moyen a été nécessairement atteinte par l'élévation du niveau le plus bas et l'aplatissement systématique de l'upper middle class. D'autant plus atteinte que les Britanniques étaient les gens les moins faits pour s'adapter spontanément au dirigisme. Le Français a toujours eu la réputation d'être un fonctionnairené, de s'astreindre, jeune, à de difficiles concours pour pouvoir, vieux, mettre les pieds dans ses pantoufles et toucher une retraite. L'Anglais était lui, par vocation, épris d'effort, de voyage, d'horizons, de risque et d'indépendance. Or, pour le mieux, soigner, protéger et garantir, on l'a homologué, numéroté, planifié, rond-de-cuirisé. Quoi de surprenant si le résultat n'a pas toujours été faste? Il est imprudent de passer à un Viking des manches de lustrine. Une conséquence regrettable de l'étatisation est que le civisme anglais est en train de se détériorer. Le citoyen britannique ne fraxidait pas l'Etat, parce que l'Etat, émanant d'une communauté d'individus respectait l'autonomie de ses membres. Du jour où l'Etat s'est mué en une « entité » prétendant incarner une collectivité, le citoyen s'est senti moins étroitement lié à un code intérieur impératif. L'historien Douglas Jerrold, dans un ouvrage récent, après avoir noté l'accroissement des agressions et des crimes, écrivait : « Cet état de choses alarmant n'a pas, du point de vue social, l'importance de l'énorme accroissement des vols commis dans les docks, les chemins de fer et les services publics. » L'Etat, devenu lointain et atone, a cessé de coïncider avec la présence amicale du policeman vérifiant de sa lampe électrique la fermeture des portes la nuit, pour se transformer en l'omniprésence gélatineuse qui inspira à Orwell son obsédante anticipation, 1984 : une espèce de monstre flasque et adhésif, dont les ventouses engluent l'esprit libre. La méfiance de l'individu à l'égard de la pieuvre est un des traits majeurs de la psychologie des nouveaux pauvres. Ceux qui, par atavisme et par éducation, avaient pris l'habitude de voir respecter leur droit à un certain mode de vie bourgeoise, pour eux synonyme exact de démocratie, se rebellent contre le pouvoir (fût-il conservateur)

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politiques

comme on s'en aperçoit, en ce début d'année 1957, à la révolte, très signjficatíve, du corps médical. RAYMOND LAS VERONAS,

L'Angleterre change de cap (Hachette, 1957).

1. Expliquez les mois et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : comparez ce tableau {déjà vieux de dix ans) de l'Angleterre avec celui qu'en trace Arthur Koestler dans Suicide d'une nation? {Calman-Lévy, 1963).

VII. LE VOCABULAIRE POLITIQUE DANS LA PRESSE

Le vocabulaire politique dans la presse

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42. - LE GLISSEMENT D'UNE RÉVOLUTION I Deux ans après la victoire de M. Fidel Castro, dix-huit heures après la décision du gouvernement cubain de réduire le personnel de l'ambassade des Etats-Unis, le président Eisenhower a rompu les relations diplomatiques avec Cuba. Une réplique aussi rapide a été évidemment été interprétée à La Havane comme une nouvelle preuve de l'intention des Etats-Unis d'attaquer le pays. Mais une telle accusation ne paraît être prise au sérieux que par Pékin et Moscou. A l'intérieur, elle permet de galvaniser les énergies d'un peuple qui se heurte à de nombreuses difficultés. Mais si Cuba est vraiment menacé d'agression ce n'est certes pas de la part du gouvernement des EtatsUnis. Dans le contexte international actuel, un débarquement de « marines » comporterait les plus grands risques. La seule chose que puisse craindre M. Fidel Castro sur le plan militaire est une intensification des opérations de guerillas conduites à l'intérieur du pays par une opposition croissante. Les conséquences de la rupture se feront sentir d'abord sur le plan économique. Les importatioDC américaines de sucre cubain, déjà réduites pour la fin de J960 puis pour le premier trimestre de 1961, ne pourront pas s'effectuer par la suite. Le gouvernement soviétique tiendra-t-il sa promesse d'augmenter ses achats? On peut penser qu'il en sera ainsi au début, mais l'attitude de M. Khrouchtchev pourrait évoluer en fonction de son désir nettement affirmé d'améliorer ses relations avec les Etats-Unis après la prise de pouvoir de M. Kennedy. Quant aux importations cubaines en provenance des Etats-Unis, elles étaient déjà totalement supprimées depuis l'embargo décrété en octobre dernier par le gouvernement de Washington. En fait, cette mesure draconienne n'avait pas eu tous les effets que les Etats-Unis en attendaient... {à suivre). Le Morule, du 5-1-1960.

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Initiation au vocabulaire des idées politiques

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : l'ambassadeur d'un petit pays, la Moldavie, expose à son gouvernement les dangers que présente, sur le plan économique, une rupture des relations diplomatiques avec son puissant voisin, l'Union.

43. - LE GLISSEMENT D'UNE RÉVOLUTION II Les Etats-Unis espéraient en particulier priver Cuba des pièces de rechange indispensables à un pays dont tout l'équipement est fabriqué aux Etats-Unis. Or, le gouvernement révolutionnaire, pour tourner cette difficulté, a réussi à conclure avec diversesfirmescanadiennes — il s'agit souvent de filiales de sociétés américaines établies au Canada — d'importants contrats lui permettant de satisfaire à ses principaux besoins. Informé à l'avance de la décision de Washington, le gouvernement d'Ottowa a fait savoir qu'il n'envisageait pas de rompre ses relations avec Cuba. Le volume des échanges entre les deux pays pourra donc continuer de se développer. Sur le plan diplomatique, le régime de M. Fidel Castro affronte une situation particulièrement difficile. Le Pérou a été le premier à suspendre ses relations avec La Havane. On prévoit que maintenant d'autres pays suivront la même voie. La rupture étant consommée avec les Etats-Unis, et Cuba se trouvant de plus en plus isolé au sein de l'hémisphère sud, l'avenir de la révolution se trouve de plus en plus entre les mains des pays du bloc soviétique. Une lente détérioration a préludé à une crise qui paraît ne pouvoir être résolue que par la chute du régime fidéliste. M. Kennedy, qui s'est abstenu de tout commentaire sur la décision du gouvernement Eisenhower, tentera-t-il de renouer les liens? Les déclarations de diverses personnalités démocrates permettent d'en douter. Une reconversion de la politique américaine à l'égard de Cuba soulèverait en effet d'énormes problèmes, en particulier dans le domaine des relations économiques des Etats-Unis avec le reste de

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l'Amérique latine. En outre, l'hostilité des Etats-Unis et l'aide sinosoviétique ont contribué à faire évoluer le régime fidéliste vers l'extrême-gauche, renforçant à l'intérieur la position d'un petit parti communiste qui n'avait pris qu'une très modeste part à la lutte contre la dictature de Battista. Et ce processas a maintenant toutes les chances de s'accélérer encore. Le Monde, du 5-1-1960. 1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : de son côté, un représentant de l'opposition du parlement de l'Union critique la politique de représailles écorwmiques suivie par celle-ci à l'égard de son turbulent voisin.

44. - UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS LES SOVIÉTO-AMÉRICAINES

lŒLATIONS

L'avènement de M. John Kennedy à la présidence des Etats-Unis a eu une heureuse influence sur les relations Soviéto-américaines. Les nuages qui assombrissaient l'horizon depuis l'échec de la deuxième conférence « au sommet » semblent sur le point de se dissiper. S'agitil d'une éclaircie passagère, comme en 1959, ou sommes-nous cette fois-ci au début d'une période de détente durable? Un fait est certain, c'est qu'à l'heure actuelle tant à Washington qu'à Moscou, on fait preuve de bonne volonté... Cependant, ces bonnes dispositions ne se consolideront que si les deux points de vue des deux puissances géantes peuvent être rapprochés suffisamment pour qu'un accord devienne possible sur les questions litigieuses les plus urgentes; sinon, leurs rapports ne tarderont pas de nouveau à s'envenimer. La question qui se pose est donc de savoir s'il y a aujourd'hui plus de chances qu'hier pour que les Etats-Unis et l'U.R.S.S. puissent accorder leurs intérêts. Les données fondamentales des problèmes qui les ont divisés jusqu'ici n'ont pas changé. Certes, le prèsi-

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Initiation au vocabulaire des idées politiques

dent Kennedy paraît avoir une conception plus souple des intérêts américains que son prédécesseur; il en est notamment ainsi en ce qui concerne la politique à suivre envers les pays neutres. Dans certains cas, cela pourait faciliter le règlement des différends.. Toutefois, dans d'autres régions, la compréhension que M. Kennedy manifeste à l'égard des pays sous-développés, dont les prises de position sont de nature à influencer le rapport des forces dans le monde, pourrait au contraire accentuer la rivalité soviéto-américaine. De toute façon, quelles que soient les intentions personnelles du président des Etats-Unis, il ne saurait prendre des décisions de quelque importance sur le plan diplomatique sans se concerter avec ses alliés; de même l'Union soviétique est obligée elle aussi de tenir compte des intérêts des autres pays communistes, et avant tout de ceux de la Chine populaire. Si M. Khrouchtchev et le président Kennedy envisagent favorablement des prises de contact en vue de négociations, c'est qu'ils pensent l'un et l'autre qu'une telle tentative peut être payante pour eux. FRANÇOIS H O N T I

dans Le Monde diplomatique, février 1961.

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : Chances et incertitudes d'une détente entre Ü.S.A. et U.R.S.S. à l'heure actuelle.

45. - ENTRE L'AFRIQUE ET L'ASIE, MADAGASCAR VEUT CONSERVER SA LIBERTÉ D'ACTION Qui, en regardant une carte, songerait à dénier aux habitants de Madagascar la qualification d'Africains?... Mais que les Malgaches soient aussi, soient surtout des Asiatiques, il suffit d'un court séjour sur les hauts plateaux pour s'en convaincre.

Le vocabulaire politique dans la presse

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L' « asiatisme » du gouvernement et des formations qui y participent ne lui a pas interdit une option; dans tous leurs actes ou discours officiels, les dirigeants de la République malgache se montrent fermement engagés aux côtés de la France et dans le camp occidental. Les pays représentés à Tananarive, fortement comme les Etats-Unis ou allègrement contre l'Allemagne fédérale, appartiennent tous au monde libre. La colonie chinoise, nombreuse dans l'île, est, officiellement au moins, d'obédience formosane et c'est clandestinement qu'y circule, dit-on, une littérature venue de Pékin. Qu'en est-il donc de la vocation africaine de Madagascar? M. Philibert Tsiranana a accueilli fastnensement ses pairs du continent noir lors de la récente réunion à Tananarive de l'Union africaine et malgache, et il se félicite des accords passés entre son pays et les jeunes républiques francophones. Mais il se refuse à tout lien institutionnel qui lierait inconditionnellement son gouvernement. Lui aussi veut ici conserver sa liberté d'action... Bref, autant qu'une île, Madagascar apparaît au visiteur comme un « continent » replié sur soi-même. La « décolonisation » s'y opère sans frictions graves et le problème majeur semble sur ce chapitre celui des Réunionnais... Mais des difficultés de mise en valeur, de développement économique d'un pays sous-équipé requièrent l'attention de tous... Convertis dans leur grande majorité au christianisme — catholicisme ou prostestantisme — les Malgaches sont préservés contre le communisme athée. Au-delà de leur « afro-asiatisme », les responsables politiques se veulent fidèles à la France qui leur a, sans heurts, accordé l'indépendance et continue à les aider dans leur œuvre d'émancipation personnelle ou nationale. R O B E R T GAUTHIER (Le Monde). 1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : un Malgache commente ou discute l'article ci-dessus, à la lumière de son propre point de vue.

vili. VOCABULAIRE TECHNIQUE?

Vocabulaire technique?

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46. - « RELATIONS INTERNATIONALES » Les relations interétatíques s'expriment dans et par des conduites spécifiques, celles des personnages que j'appellerai symboliques, le diplomate et le soldat. Deux hommes, et deux seulement, agissent pleinement non plus comme des membres quelconques, mais en tant que représentants, des collectivités auxqueUes ils appartiennent. L'ambassadeur et le soldat vivent et symbolisent les relations internationales, qui, en tant qu'interétatiques, se ramènent à la diplomatie et à la guerre. Les relations interétatiques présentent un trait original qui les distingue de toutes les autres relations sociales : elles se déroulent à l'ombre de la guerre ou, pour employer une expression plus rigoureuse, les relations entre états comportent, par essence, l'alternative de la guerre et de la paix. Alors que chaque Etat tend à se réserver à lui-même le monopole de la violence, les états, à travers l'histoire, en se reconnaissant réciproquement, ont reconnu du même coup la légitimité des guerres qu'ils se livraient. En certaines circonstances, la reconnaissance réciproque des états ennemis a été jusqu'à son terme logique : chaque Etat usait de sa seule armée régulière et refusait de provoquer la rébellion à l'intérieur de l'Etat qu'il combattait, rébellion qui aurait affaibli l'Etat ennemi mais aussi ébranlé le monopole de la violence légitime qu'il entendait sauvegarder. Science de la paix et science de la guerre, la science des relations internationales peut servir de fondement aux arts de la diplomatie et de la stratégie, les deux méthodes, complémentaires et opposées, selon lesquelles est mené le commerce entre états. « La guerre n'appartient pas au domaine des arts et des sciences, écrit Clausewitz, mais à celui de l'existence sociale. Elle est un conflit de grands intérêts réglé par le sang, et c'est seulement en cela qu'elle diffère des autres conflits. Il vaudrait mieux la comparer à un art quelconque, au commerce, qui est aussi un conflit d'intérêts et d'activités humaines; elle ressemble encore plus à la politique, qui peut-être considérée à

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Initiation au vocabulaire des idées politiques

son tour, du moins en partie, comme une sorte de commerce sur une grande échelle... » RAYMOND A R O N , Paix et guerre entre les nations, (Calman-Lévy, 1962). 1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : commentez, illustrez et éventuellement discutez le texte ci-dessus en l'appliquant aux relations internationales de l'époque actuelle.

47. - INITIATION À LA STRATÉGIE ATOMIQUE Résumons les résultats de cette esquisse prospective. La course qualitative aux armements se poursuivra en dépit de la suspension, peut-être transitoire, des expériences atomiques dans l'atmosphère, parce que la technique des armes, des vecteurs, des silos tend d'ellemême à progresser et ne pourrait être maintenue en un état donné que par une résolution commune des dueUistes, avec un système efficace de vérification pour garantir le respect de l'accord conclu. En l'absence quasi-certaine de cet accord, la course continuera, mais pas nécessairement à l'allure la plus rapide possible... L'actuelle administration [américaine] se rapproche de la doctrine, adoptée depuis plusieurs années par la fraction la plus pacifiste d'inspiration, des analystes, à savoir que des mesures unilatérales de limitation des armements, mesures auxquelles l'Union soviétique répondra spontanément par des mesures semblables, expriment l'intérêt commun des duopolistes... Si les Deux étaient seuls au monde, ils tireraient de [la] stabilité au niveau supérieur l'une ou l'autre des conséquences suivantes : ou bien, comme les Américains, la nécessité de réduire leur infériorité au niveau des armes classiques; ou bien, comme les dirigeants de l'Union soviétique semblent le faire, la nécessité de prévenir tout choc direct entre troupes soviétiques et troupes américaines. En

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d'autres termes, dans l'hypothèse d'une stabilité croissante entre les forces de dissuasion russe et américaine, la dissymétrie entre la doctrine américaine du jeu d'échecs et la doctrine soviétique du jeu de poker va-t-elle subsister ou les Deux tendront-ils à adopter une seule et même doctrine, celle des experts américains ou celle des experts soviétiques? Ou une combinaison des deux avec détente politique? L'hypothèse qui est, sur le plan de l'analyse abstraite, la plus plausible serait l'adoption par les dirigeants soviétiques de la manière de penser américaine. L'ascension aux extrêmes est de plus en plus improbable, puisqu'elle est catastrophique pour tous; donc, la marge des opérations infra-atomiques s'élargit. Russes et américains, jouant les uns et les autres aux échecs, prendraient des risques accrus d'hostilités locales et, du même coup, visant à réduire les risques de la grande guerre, ils finiraient, le jour où ils auraient le sentiment de comprendre parfaitement bien leur commune règle de conduite, par les accroître. RAYMOND ARON, Le Grand Débat ( 1 9 6 4 ) . 1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : expliquez le principe du jeu d'échecs et celui du jeu de poker, et analysez la psychologie du joueur dans l'un et l'autre cas.

48. - AU CONFLUENT DES SCIENCES PHYSIQUES ET DES SCIENCES HUMAINES Au 19' siècle on aurait appelé les sciences physiques sciences tout court, et les sciences humaines : humanisme... La Faculté de Droit, qui se sentait très loin des sciences il y a cent ans, s'appelle maintenant « Faculté de Droit et des Sciences Economiques ». La confluence apparaît donc dans la terminologie, et ce doit être souligné, car il ne s'agit pas là d'un rapprochement purement formel. Mais nous devons

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aller maintenant plus loin, pousser plus profond dans ce mélange de connaissances... La première raison est l'envahissement du monde de tous les jours par les techniques... La deuxième raison, la plus noble, tient à ce que la science conditionne un peu la philosophie... En fait, on ne peut guère imaginer de philosophie qui se décollerait de la science... La troisième raison moins valable que les deux autres mais qui n'en joue pas moms un rôle considérable dans le mixage de la science et de la littérature, se rapporte à ce que la science et les techniques ont pris une allure spectaculaire; Comme dans tout ce qui se vend, il faut un peu de spectaculaire, on a viré ce spectaculaire de la technique et de la science sur la littérature... Toutefois, ce n'est pas cela la convergence. La convergence est le fondement même de l'esprit scientifique, qui peut maintenant alimenter aussi bien les sciences humaines que les sciences physiques. On rétorquera : drôle de confluence qui paraît se situer en amont des connaissances. La réponse est qu'elle est en amont et qu'elle est également en aval, parce qu'au fur et à mesure que les connaissances des hommes se sont enrichies par l'accroissement constamment exponentiel des sciences physiques, se sont simultanément développées des notions capables d'éclairer et d'alimenter les sciences humaines et le tout a convergé en ce sens, que, de plus en plus, chaque discipline sert, nourrit et renforce la discipline voisine et même la discipline qui, naguère, semblait très éloignée. Il y a deux manières d'analyser la convergence entre les sciences humaines et les sciences physiques. La première consisterait à aborder le problème du côté des sciences physiques et à essayer de déterminer comment et jusqu'où leurs colonnes de pénétration cheminent dans le domaine des sciences humaines. On découvrirait ainsi que ce cheminement s'effectue selon deux grands axes, celui de la chimie et celui de l'électronique. La seonde manière conduit, au contraire, à feuiUeter les disciplines que l'on rassemble sous le nom des sciences humaines et à chercher ce que les sciences physiques leur ont apporté... de l'Académie française, conférence prononcée en 1963.

LOUIS ARMAND

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie.

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3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : essayez de définir en termes clairs et traditionnels en quoi consistent cette « confluence » et cette « convergence » des sciences physiques et des sciences humaines dont parle ici le polytechnicien (et non l'académicien...) Louis Armand.

49. - UNE NOUVELLE CONVENTION DE L'O.N.U POUR ÉLIMINER L'APATRIDIE DANS L'AVENIR Dès sa troisième session en 1951, la Commission du droit international de rO.N.U. était saisie d'une demande du Conseil économique et social en vue de l'élaboration d'une convention internationale pour la suppression de l'apatridie. Après dix ans de travaux, la Convention 8Ш la réduction des cas d'apatridie a été finalement adoptée le 28 août dernier (1961) par la conférence des plénipotentiaires qui avait été chargée de son examen. Dans l'une de ses dispositions essentielles, la Convention prévoit que l'Etat contractant doit accorder sa nationalité à l'individu né sur son territoire, et qui autrement serait apatride. L'adoption de cette clause, s'inspirant du jus soli, n'a pas été jugée acceptable telle queUe par les pays qui se réclament du jus sanguinis, il a donc été prévu que l'Etat contractant peut faire dépendre l'acquisition de sa nationalité d'une demande présentée à l'autorité compétente. L'octroi de la nationalité peut être subordonné à une ou plusieurs des conditions suivantes : a) Que la demande soit souscrite pendant une période fixée par l'Etat contractant, période commençant au plus tard lorsque l'intéressé a l'âge de dix-huit ans et ne pouvant se terminer avant qu'il ait vingt-et-im ans; b) Que l'intéresse ait résidé habituellement sur le territoire de l'Etat contractant, sans toutefois que la durée de résidence exigée par ce dernier puisse excéder dix ans au total, dont cinq ans au plus précédant immédiatement le dépôt de la demande; c) Que l'intéressé n'ait pas été déclaré coupable d'une infraction contre la sécurité nationale ou qu'il n'ait pas été condamné à une peine d'emprisonnement d'au moins cinq années pour fait criminel;

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d) Que l'intéressé n'ait pas acquis une nationalité à la naissance ou postéríenrement à celle-ci. La personne qui ne pourrait acquérir la nationalité de l'Etat contractant conformément aux dispositions prévues ci-dessus, mais dont l'un des parents possède la nationalité de cet Etat, acquerra la nationalité de son père ou de sa mère. Toute personne qui n'est pas née sur le territoire d'un Etat contractant, et qui autrement serait apatride, obtiendra la nationalité de l'Etat contractant dont l'un de ses parents est ressortissant. La Convention contient en outre une disposition intéressante en vertu de laquelle l'enfant légitime né sur le territoire d'un Etat contractant et dont la mère possède la nationalité de cet Etat, acquiert cette nationalité à sa naissance, si, autrement il devait être apatride. La nationalité doit être accordée de plein droit lorsque les conditions prévues par la Convention sont remplies, ce qui veut dire que la demande ne peut pas être rejetée. conseiller juridique au haut commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés, dans Le Monde diplomatique, janvier 1962.

P . WEISS,

1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : commentez et expliquez chaque article cité de la Convention, en mettant chaque fois en lumière le cas concret qui l'a motivé.

50. - OÙ VA LA SCIENCE ÉCONOMIQUE? La science économique est jeune encore. Sans doute d'importantes connaissances ont-elles été accumulées depuis plus d'un siècle; mais elles sont restées plus ou moins fragmentaires jusqu'aux travaux de Keynes en 1936. « Songez, a rappelé M. H. Houthakker que c'est seulement en 1936

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que Keynes a donné de l'équilibre économique une description cohérente. Or, sa théorie n'était étayée par presque aucune étude statistique; elle s'appliquait à une économie purement statique, où population et production restaient statíonnaires; le rôle de la monnaie n'y était que snccinctement étudié. On juge mieux, à ce rappel, des progrès qui restent à accomplir en économie pour élaborer une théorie dynamique, intégrer les phénomènes monétaires au schéma d'ensemble, comparer la théorie aux données expérimentales... » Tandis que ces nouveaux domaines s'ouvrent à la recherche, des méthodes nouvelles s'introduisent dans l'économie; l'essor de l'économétrie illustre ce mouvement. Il n'est d'aûleurs que temps, puisqu'un obstacle méthodologique handicape la réflexion éfconomique : l'impossibilité d'y faire, comme en physique ou en médecine, des expériences. Impossible par exemple de faire varier isolément ou au gré du chercheur le taux d'intérêt; impossible de même d'expérimenter une politique d'ensemble. « Un politicien trouve toujours un économiste pour agir selon ses désirs, a déclaré plaisamment M. Duesenberry, mais un économiste ne trouve pas toujours un politicien pour appliquer ses théories. » Les seules données sérieuses que l'on possède pour réfléchir sont cinquante ou cent années d'histoire économique, durant lesquelles tous les paramètres ont varié en désordre. Il faut toute la finesse des méthodes statistiques modernes pour faire apparaître des corrélations liant certaines grandeurs. Seules les mathématiques sont capables de déterminer toutes les conséquences logiques d'une hypothèse de base. Ces nouveaux domaines de pensée, ces méthodes nouvelles d'étude, laissent augurer un progrès du pouvoir de prédiction de l'économiste... LIONEL STOLERU dans Le Monde, du 2-3. 2. 1964. 1. Expliquez les mots et expressions en caractères gras. 2. Faites le plan du passage et résumez brièvement le contenu de chaque partie. 3. Etudiez l'orthographe et la prononciation du passage. 4. Exposé : Science économique et progrès social.

CE RECUEIL CONTIENT :

45 textes de contemporains, soit : 10 4 3 3 3 2 2 2 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1

textes de Raymond Aron textes d'André Malraux textes du général de Gaulle textes de Jean Guéhenno articles anonymes du journal Le Monde textes de H. Blankenhom textes de Louis-Ferdinand Céline textes de Raymond Las Vergnas textes de Denis de Rougemont texte de Louis Armand texte de Gaston Bachelard texte de Bernanos texte de Jean Bernard texte d'André Breton texte de J.-J. Chevallier texte de Michel Debré texte de Maurice Duverger texte de Robert Gauthier texte de François Honti texte de Joseph Lanlel texte de Thierry Maulnier texte du général Navarre texte de Lionel Stoleru texte de P. Weiss

5 textes d'écrivains antérieurs, soit : 2 textes de Chateaubriand 1 texte de Flaubert 1 texte de Vergniaud Soit, au total, des textes appartenant à 27 auteurs différents, de 1793 à 1965.

Imprimé en France IMPRIMERIE PIRMIN-DIDOT.

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PARIS

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MESNIL

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Dépôt léeal : 4« trimestre 1966. N · d'édition 12.

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