Le Sentiment Du Savoir: Presentation, Analyse, Traduction Et Commentaire De La Spenta.maniiu Gatha, (Y 47-50) Precede D'une Introduction Generale, ... D'une Concordance Des Textes Vieil-avestiques 9789042945302, 9789042945319

Les cinq Gatha, avec le Yasna Haptanhaiti, sont les seuls temoignages des conceptions zoroastriennes de la premiere heur

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French Pages 390 [393] Year 2022

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Table of contents :
AVERTISSEMENTS
ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1. La littérature vieil-iranienne
2. Le statut ou la nature des
3. Les difficultés dans l᾿intelligence des
4. Les diascévases des
5. Les graphies avestiques
6. Les Achéménides et les
7. Le dialecte des
8. Le protozoroastrisme
9. La place de la présente étude
10. Le rétroviseur et les convictions de Jean
11. Méthodes d᾿approche
12. La cohérence des textes vieil-avestiques
13. Les « motifs obligés » de Jean
14. Les hommes des
15. Le lexique des
16. Les âmes de lʼhomme
17. Le sort des adversaires
18. La doctrine du futur
19. Les Rois du monde
20. Les dieux abstraits
21. Déclamer et chanter
22. Le parachèvement du monde
23. La fréquence de Zaraθuštra
24. Parler à Mazdā ou parler de lui
25. Dʼautres motifs
26. Lʼheptasyllabe
27. La prosodie de la
INDICES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Le Sentiment Du Savoir: Presentation, Analyse, Traduction Et Commentaire De La Spenta.maniiu Gatha, (Y 47-50) Precede D'une Introduction Generale, ... D'une Concordance Des Textes Vieil-avestiques
 9789042945302, 9789042945319

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LE SENTIMENT DU SAVOIR PRÉSENTATION, ANALYSE, TRADUCTION ET COMMENTAIRE DE LA SPƎṆTĀ.MAŃIIU GĀΘĀ (Y 47-50) par ÉRIC PIRART

PEETERS

ACTA IRANICA

ACTA IRANICA EDITED BY Bruno OVERLAET (Musées Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles)

IN AEDIBUS PEETERS LOVANII

ACTA IRANICA 61

LE SENTIMENT DU SAVOIR PRÉSENTATION, ANALYSE, TRADUCTION ET COMMENTAIRE DE LA SPƎṆTĀ.MAŃIIU GĀΘĀ (Y 47-50) PRÉCÉDÉ DʼUNE INTRODUCTION GÉNÉRALE, SUIVI DE QUATRE MARGINALES GRAMMATICALES ET DʼUNE CONCORDANCE DES TEXTES VIEIL-AVESTIQUES

par

Éric PIRART

PEETERS LEUVEN - PARIS - BRISTOL, CT

2022

A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. ISBN 978-90-429-4530-2 eISBN 978-90-429-4531-9 © 2022 by Peeters, Bondgenotenlaan 153, 3000 Leuven, Belgium All rights reserved. No part of this book may be reproduced or translated in any form, by print, photoprint, microfilm, microfiche or any other means without written permission from the publisher PRINTED IN BELGIUM D/2022/0602/86

AVERTISSEMENTS

Les signes + × * † précèdent respectivement une forme corrigée avec lʼaide des manuscrits, une forme corrigée sans leur aide, une forme théorique et une forme désespérée. Les signes < → indiquent respectivement une filiation et un rappel. Les parenthèses dans les traductions entourent les mots suppléés pour la compréhension. Dans le texte, les crochets droits [ ] entourent les interpolations ; les obliques < >, les restaurations ; les accolades { }, les sous-entendus.

ABRÉVIATIONS

Abl. = ablatif. Acc. = accusatif. Act. = actif. Av. = avestique. B = BARTHOLOMAE, 1904. Dat. = datif. G = GELDNER, 1886-96. Gén. = génitif. Impér. = impératif. Indic. = indicatif. Inj. = Injonctif. Instr. = instrumental. KP = KELLENS et PIRART, 1988-91. Loc. = locatif. Moy. = moyen. N. = note. Nom. = nominatif. Nt. = neutre. Opt. = optatif. P. = page(s). Pass. = passif. Phl. = pehlevi. Pie. = proto-indo-européen. Pii. = protoindo-iranien. Pir. = proto-iranien. Plur. = pluriel. Réc. = récent. Scr. = sanscrit. Sing. = singulier. Subj. = subjonctif. Trad. = traduction. V.-av. = vieil-avestique. Véd. = védique. Voc. = vocatif.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1. La littérature vieil-iranienne La littérature vieil-iranienne nʼest connue que par deux ensembles de textes. Le premier, non daté, nous est parvenu grâce à la tradition manuscrite toujours vivante des mazdéens zoroastriens tandis que le second, de première main, est constitué des inscriptions cunéiformes que les souverains Achéménides firent graver sur des parois rocheuses ou les murs de leurs palais à partir de 519 avant notre ère. Les textes de ce dernier ensemble sont rédigés dans une langue hybride, probablement un mélange artificiel de dialectes. La tradition manuscrite zoroastrienne, pour sa part, nous a transmis uniquement des textes liturgiques. Ils sont rédigés dans un dialecte vieil-iranien mal identifié, en principe du vieux mède1, mais leur orthographe reproduit une prononciation médiévale, qui doit remonter aux alentours de la fin de lʼépoque sassanide. Le Yasna « sacrifice », forme abrégée du récitatif de la liturgie longue sassanide, réunit 72 chapitres appelés hāiti « unités ». Le dialecte de ces textes est appelé « avestique » faute de mieux puisque nous ne savons pas de façon certaine de quelle tribu iranienne cʼétait la langue. Ce nom dʼavestique dérive du nom traditionnel moyen-perse abestāg donné aux textes originaux par opposition à leur traduction en moyen perse appelée zand2. Lʼétymologie et le sens premier du mot abestāg dont on a fait Avesta sont inconnus3. 1 Sur ce dialecte, le vieil avestique et leurs relations avec lʼavestique récent, voir ci-dessous §7. 2 < avestique āzainti- « action de (faire) connaître, traduction », le dérivé en -ti- du thème de présent kryādi dʼā+√ xšnā « connaître » : PIRART, 2020, p. 1 n. 2. 3 Suite à la comparaison du Yasna avestique que Xavier TREMBLAY, 2016, avait entreprise avec lʼAgnistoma védique, lʼétymon dʼabestāg par le vieil-iranien *upastāuaka(BARTHOLOMAE, 1905, p. 108 ; voir HINTZE, 2014, p. 2) pourrait être rapproché de la désignation de la cérémonie védique : lʼidée de lʼéloge (√ stu) est présente de part et dʼautre. Je ne puis retenir cette étymologie avec laquelle il nʼest tenu aucun compte ni du yod de certaines attestations dʼabestāg, ʼp(y)stʼk| (MACKENZIE, 1971, p. 3), lequel est confirmé par Niriosaṅgha qui donne avistā (BHARUCHA, 1906, p. 15), ni de lʼemploi que les livres pehlevis font de ce mot : abestāg nʼy est jamais donné pour le titre dʼun chapitre, dʼun livre ni dʼun corpus de textes, mais y désigne toujours un texte original par opposition à sa traduction moyen-iranienne (voir GELDNER, 1896-1904, p. 2-3). Lʼabsence sporadique du yod dans ʼp(y)stʼk| sʼexplique aisément comme un fait dʼhaplographie puisque, devant t, le ductus du s coïncide avec celui dʼun double yod. La bonne lecture ainsi

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Leur conservation tient du miracle : ils appartiennent à une tradition inconnue, distincte de celle des Achéménides, et les occupations grecque ou parthe laissèrent les traditions mazdéennes pratiquement dans l’oubli ou l’abandon durant de nombreux siècles. Au sein du Yasna, il existe une série de textes, en vers pour la plupart, rédigés dans une langue nettement plus ancienne à laquelle a été donné le nom conventionnel de vieil avestique. Ceux en vers, nommés Gāθā « poèmes pouvant être chantés, cantates », occupent les hāiti Y 28-34, 43-51 et 53 tandis que les hāiti 35-41 contiennent le Yasna Haptaŋhāiti « sacrifice fait de sept unités » rédigé en prose ou selon une prosodie plus libre. Il faut y ajouter deux strophes isolées qui lʼune (Y 27.13) inaugure lʼensemble vieil-avestique et lʼautre (Y 54.1) le referme. 2. Le statut ou la nature des Gāθā La brève collection archaïque à laquelle le récitatif de la liturgie longue des zoroastriens sert donc d’écrin donne beaucoup de fil à retordre aux philologues pour de multiples raisons. Et nous ne savons même pas complètement pourquoi. Ce sont 24 unités (hāiti-) textuelles, authentiques ou artificielles, réparties en six blocs selon le schéma métrique observé. Sept d’entre elles recourent à une prosodie assez libre, à moins qu’il faille y reconnaître purement et simplement une prose soutenue. Nous ignorons ce que sont les Gāθā, leur statut premier, mais nous sommes assez assurés de leur statut final, une fois que la liturgie longue les eut retenues en son sein. Il est impossible de dire qu’elles en sont une partie congénitale ou qu’elles n’avaient pas existé avant la formation de la liturgie longue que nous connaissons. Les Gāθā avaient existé préalablement : l’évidence linguistique est nette. Dʼaucuns voient dans les Gāθā des textes liturgiques : cʼest, à mes yeux, ce quʼelles sont devenues, mais, primitivement, ce sont plutôt, sous forme poétique non didactique, la cristallisation de réflexions sacerdotales portant sur la liturgie et les cérémonies dʼun culte dont nous ne

doit-elle être même abēstāg. Nous pourrions alors y reconnaître un composé dans lequel le premier terme serait abē+ (ʼpy(y) « without, -less » : MACKENZIE, 1971, p. 3), mais je nʼai aucune idée claire et précise concernant le second terme +stāg. Peut-être faudrait-il penser à ēstādan « stand » ou à stadan « take » (MACKENZIE, 1971, p. 31 et 77) et donner à abēstāg le sens premier de « dépourvu dʼinterprétation, brut », grosso modo. Lʼétymon *upa-stā-ka- que BELARDI, 1979, a avancé et auquel il a donné le sens de « savoir (religieux) », sans doute encore plus imaginatif, ne mérite guère dʼattention, surtout que le vieil-iranien upastā- signifie « Beistand, Hilfe » (BARTHOLOMAE, 1904, col. 396).

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saurions rien si la comparaison avec les données postérieures ou avec celles de lʼInde védique ne permettaient dʼen avoir quelque idée. Lʼexamen approfondi des deux premières unités de la première, lʼAhiiāsā Hāiti (Y 28)4 et la Xšmaibiiā Hāiti (Y 29)5, mʼa conduit à formuler lʼhypothèse que les Gāθā auraient eu primitivement le même statut que leurs homologues des grandes Upanisad védiques6 : elles auraient été, sous forme métrique, la cristallisation de réflexions sacerdotales sur le rituel et ses rouages conceptuels. Cette conclusion nʼa pas été invalidée par lʼexamen approfondi de plusieurs autres unités7. Dʼune manière générale, toutes les Gāθā dans toutes leurs hāiti jettent des ponts entre les rouages principalement conceptuels du rituel et une eschatologie qui paraît être tout à la fois individuelle et générale. Plusieurs Brāhmana du Véda insèrent dans leur prose des portions métriques introduites par une formule telle que tád ápi ślókaṁ gāyanti ou tád etád gāthayābhígītam. Selon Armand MINARD8, des brâhmanes, inspirés ou industrieux, dans les cercles ritualistes, mirent en forme versifiée invocations, sentences, récits légendaires. Il se fait que ces gāthā citées dans les Brāhmana, appelées aussi « śloka chantés », sont étroitement apparentées aux Upanisad métriques. Ceci est tout particulièrement manifeste avec la comparaison des śloka figurant dans la Brhadāranyakopanisad BĀUK 4.4 (≈ ŚBM 14.7.2) avec lʼĪśopanisad ou le premier chapitre de la Kenopanisad9. Si le terme avestique gāθā- coïncidait aussi pour le sens et lʼemploi avec le védique gāthā- tel quʼil est employé dans les Brāhmana où cʼest la désignation de proto-Upanisad et se référait alors à leur statut de réflexions sacerdotales développées sur des points de rituel, cela signifierait que lʼAvesta récent aurait gardé le souvenir de ce que les Gāθā avaient été avant de devenir lʼobjet de récitations et de chants au cours des cérémonies sacrificielles mazdéennes, mais, bien entendu, nous ne sommes pas à même de le vérifier. Tenons-nous-en donc à lʼidée dʼune coïncidence : tant en Inde quʼen Iran, un mot signifiant « poème pouvant être chanté, cantate » avait désigné des ensembles métriques dans lesquels des prêtres avaient coulé ou cristallisé leurs réflexions concernant les rites. 4 5 6 7 8 9

PIRART, 2017. PIRART, 2018. Voir MINARD, 1949-56, vol. II §295b. PIRART, 2020. MINARD, 1949-56, vol. II §295b. DEUSSEN, 1906, p. 24.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Les éléments tangibles et matériels, les realia, connus surtout par lʼAvesta récent, sont peu présents dans les Gāθā. Certes le feu et la vache sont bel et bien là, mais sans grande épaisseur. Quant au haōma, lʼingrédient phare des libations, ses mentions restent indirectes ou extrêmement discrètes ; et lʼeau, pourtant indispensable, nʼest jamais nommée en dehors de la coordination stéréotypée des rivières et des cultures en contexte cosmogonique (Y 51.7). Le manque dʼeau des Gāθā est à peine corrigé par le Yasna Haptaŋhāiti où seul un paragraphe (Y 38.3) lui est consacré, mais sans quʼaucune allusion explicite ne soit faite à ses emplois dans les cérémonies sacrificielles ou autour de leur célébration. 3. Les difficultés dans l᾿intelligence des Gāθā Lʼinterprétation des Gāθā est souvent approximative. En plus des injures liturgiques et diascévastiques souffertes, le sens de ce texte manquant de ponctuation et dépourvu de toute accentuation, çà et là, est devenu obscur. Il arrive même quʼune phrase complète dont tous les mots et leurs formes, voire leurs relations syntaxiques, sont parfaitement connus résiste à lʼexégèse et paraisse nous lancer un défi. Lʼabsence de tout fil narratif ou conducteur et la poésie pure qui nous transmet les réflexions abstraites que lʼauteur y développe doivent en être les causes principales, mais soulignons l᾿usage pratiquement nul des prépositions sans compter que certaines d᾿entre elles tiennent bien plutôt de la cheville métrique ou du remplissage que de la volonté de nous éclairer sur le sens de la phrase, l᾿emploi quasi exclusif de subordonnants ambigus tel que hiiat tout à la fois pronom relatif et conjonction de temps, de condition, de cause, etc., la confusion entre voyelles longues et brèves, la confusion de nombreux mots homographes ou devenus homographes, la diphtongaison sporadique de certaines voyelles, la monophtongaison sporadique de certaines diphtongues, le mélange apparemment anarchique de deux types de graphies, la disparition des hiatus dus aux laryngales, la permanence d᾿un système verbal archaïque allié à un emploi des temps et des modes mal connu10, diverses retouches diascévastiques telles que la répétition de certains préverbes ou l᾿analyse sporadique et parfois erronée de certains sandhis, les accents de poésie pure non didactique concernant un rituel et une liturgie qui, de surcroît, sont inconnus pour appartenir à un autre âge et supposent la présence d᾿un vocabulaire 10 Voir lʼétude fondamentale que Jean KELLENS, dans KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 65-98, en a entreprise.

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technique ou prégnant, l᾿existence de quelques hapax legomena obscurs pour le sens et la forme ou sans correspondants védiques. Et nous ignorons les contextes historique, chronologique, géographique, voire même ethnique, de leur composition. La stagnation de notre compréhension des Gāθā vient notamment aussi de préjugés concernant leur nature, le sens de leur lexique et leur emploi primitif, mais encore dʼun certain laxisme grammatical dans leur abord, de certaines susceptibilités, de prises de position forcenées et de refus des évidences. Une même analyse grammaticale peut déboucher sur des compréhensions radicalement différentes. Prenons lʼexemple de la strophe Y 44.7 avec la traduction quʼen donne Jean KELLENS11 : tat θβā pərəsā (4) ərəš mōi vaōcā ahurā (7) .·. kə bərəxδąm tāšt (4) xšaθrā mat ārǝmaitīm (7) kə uzəməm cōrət (4) viiānaiiā puθrəm piθrē (7) azəm tāiš θβā (4) fraxšnī auuāmī mazdā (7) spəṇtā maniiū (4) vīspanm dātārəm (7) .·. Je te demande ceci, dis-moi tout droit, ô Maître : Qui donne forme à la Juste-pensée avec le Pouvoir de la rendre admirable ? Qui, par intervalles, a mis un fils debout sur la terre pour le père ? Moi, par intérêt pour tes (réponses), je tʼaccorde ma faveur opportune, ô Attentif, (car), selon (mon) avis (que tu es) bénéfique, cʼest toi qui as fait tout cela.

Examinons en quoi ou pourquoi elle diverge de la mienne12. Jean KELLENS donne à tat le sens dʼun pronom cataphorique : « Je te demande ceci ». Comme cela me paraît aller contre la grammaire, jʼai dû faire lʼhypothèse dʼun sandhi mal défait afin de lire tā θvā prsā et de comprendre que le sarvanāman, décliné au pluriel, avait une portée générale : « Je te pose les questions ». Pour le second hémistiche du premier vers, Jean KELLENS propose « dis-moi tout droit, ô Maître ». Cela ne diffère pas fondamentalement de la traduction que jʼen donne : « Dis-moi de façon rectiligne, Roi ». Rendre ǝrǝš par « de façon rectiligne » mʼa paru plus explicite dès lors quʼil est question de diction continue, sans temps mort. Jʼai préféré « Roi » à « Maître » pour ahura- puisque tel est le sens de ce mot dans lʼAvesta récent appliqué à un être humain et que tel était le titre que portait Astyage13.

KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 59. Sur cette strophe, PIRART, 2020, p. 387-90 ; voir la Marginale I §IVa. 13 Nous le savons par le titre qui fut alors celui de son épouse : Ἀρύηνις (Hérodote 1.74) < *ahurānī- « lʼépouse du Roi ». 11 12

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Le sens premier du mot ahura- (= védique ásura-), qui est apparenté à lʼanatolien hassu-, est clairement « roi »14, quelle que soit au juste la réalité qui se cache derrière ce mot, une réalité forcément variable selon les lieux et les époques, mais qui est celle dʼun dirigeant politique. Celui de « seigneur »15 lui a été donné dans lʼignorance de ses emplois primitifs et par analogie avec les habitudes chrétiennes. En effet, les poètes védiques, en plus dʼutiliser ásura- pour la désignation des dieux les plus importants, se servent aussi de ce mot comme titre de quelques rois humains tout comme lʼAvesta récent lʼillustre pour ahura- en glosant ce terme par daŋhu.paiti- « maître/ propriétaire de nation »16. Remarquons que les poètes védiques et vieil-avestiques ne furent pas les seuls à donner le titre de « roi » à leurs dieux ou à leur grand dieu : les musulmans en font tout autant en donnant à Dieu le titre de malik et Homère, en disant θεῶν… ἀνάκτων17. Dans la question qui remplit le deuxième vers de la strophe Y 44.7, Jean KELLENS admet une relation contextuelle entre bərəxδąm et xšaθrā mat « Qui donne forme à la Juste-pensée avec le Pouvoir de la rendre admirable ? » Pourquoi pas ? En effet, la possibilité de ce lien me paraît confirmée par la théogonie sommaire présente dans les premières strophes de la Spǝntā.maniiu Hāiti où Xšaθra assure lʼunion dʼĀrmaiti avec le grand dieu. Pour ma part, au lieu dʼune compréhension fade du mot xšaθra-, jʼai opté pour un sens prégnant fort et, sur base des strophes Y 32.9, 34.9 et 48.6, restant fidèle à Les textes vieil-avestiques18, me suis refusé à tenir compte de la possibilité dʼun lien contextuel entre bərəxδąm et xšaθrā mat : « Qui a recouru à lʼEnvoûtement pour configurer la Déférence (que le Penser bon a) saluée ? » 14 Le terme vieil-avestique qui coïncide complètement avec lʼanatolien hassu-, aŋhu(Y 32.11), est daivique. En vue de donner à ahura- le sens de « progenitor », SKJÆRVØ, 2002, p. 402, sollicite une étymologie fantaisiste par une racine « engendrer » présente en anatolien. 15 La traduction par « maître » nʼen est jamais quʼun ersatz. 16 Yt 5.85, 14.37. Jʼavais déjà eu lʼoccasion dʼinsister de façon détaillée sur le sens de « roi » dans un article de 1998 passé sans doute un peu inaperçu (PIRART, 1998a). Il y avait été mis en lumière que lʼéléphant royal dans AS 3.22.4 est appelé āsurá- (p. 208) ; que plusieurs strophes de la RS associent les mots ásura- et rājan- (p. 209-12) ; que les dieux ne sont pas les seuls à recevoir le titre dʼásura- : il y a aussi des rois ásura chez les hommes (p. 212) ; quʼen Iran aussi, ahura- signifiait « roi » comme lʼindiquent la glose daŋhu.paiti- (p. 218, 231), le nom dʼAryénis ou, sous la graphie ὀρο+, le titre honorifique dʼὀροσάγγαι qui, selon Hérodote, Histoires 8.85, était donné aux bienfaiteurs du grand roi (p. 233 et 1998b, p. 531 n. 31). 17 Homère, Odyssée 12.290. 18 KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 150.

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Jean KELLENS, dans sa traduction de la deuxième question, nʼinterprète pas lʼadjectif uzəməm de la même façon que moi : kə uzəməm cōrət viiānaiiā puθrəm piθrē « Qui, par intervalles, a mis un fils debout sur la terre pour le père ? », car, à mon avis, le fils dont il est ici question est plutôt exhumé que planté debout sur la Terre, et je garde le sens premier pour viiānī- : « Qui a recouru au souffle suspensif pour exhumer le fils et le placer sur son socle ? » Le dernier mot de ce vers, piθrē, chez Jean KELLENS, est donné pour le datif de ptar- « le père », mais, comme cette alternative phonétique à fǝδrōi est inacceptable pour moi, je propose dʼy voir le locatif de piθra-, la désignation du « (socle) sur lequel (le fils) est nourri », sur base du védique pitú- « lʼaliment ». Et ce fils, à mon avis, nʼest autre que le Feu. Jean KELLENS nʼa pas compris de la même façon que moi le sarvanāman tāiš qui, dans lʼavant-dernier vers, occupe lʼinitiale différée : azəm tāiš θβā fraxšnī auuāmī mazdā « Moi, par intérêt pour tes (réponses), je tʼaccorde ma faveur opportune, ô Attentif ». Je laisse au lecteur le soin de décider si jʼai tort de plutôt traduire ce vers comme suit : « Moi, je recours à ces (gestes), en sachant mʼorienter, pour te pousser ». Pour moi, comme on voit, le poète proclame avec fraxšnī sa connaissance des orientations rituelles requises. Quant au théonyme mazdā-, au lieu dʼ« attentif », jʼy vois un nom dʼagent reflétant le sens du verbe mǝṇg + √ dā conjugué à la voix active, « instructif, qui apporte la sagesse ». Jean KELLENS et moi sommes tout à fait dʼaccord à lʼinstant dʼinterpréter le dernier vers spəṇtā maniiū vīspanm dātārəm. Sa traduction « (car), selon (mon) avis (que tu es) bénéfique, cʼest toi qui as fait tout cela » coïncide pratiquement avec la mienne : « à mettre toutes les (bonnes Entités) en place, du fait de (mon) Sentiment (que tu es) savant ». À ceci près que, pour moi, ce sont les futurs Amǝša Spǝnta que nous devons identifier derrière le sarvanāman vīspanąm. 4. Les diascévases des Gāθā Récente et secondaire, la fixation écrite reproduit une fixation orale qui fut opérée en plusieurs étapes parmi lesquelles trois sont imaginables : l’étape de la diascévase primitive des textes archaïques, celle de la diascévase liturgique et celle de l’uniformisation de la prononciation médiévale. La deuxième est datable : les inscriptions achéménides partagent leur obéissance à certaines règles diascévastiques dites scolaires avec les textes avestiques récents. Quant à elle, la première diascévase,

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

celle d’une collection des textes archaïques bien avant l’intégration de certains d’entre eux au Yasna, dut établir un premier padapātha, le travail de défaire les vieux sandhi. La présence des Gāθā au cœur du Yasna reste à justifier puisque ce sont des textes de réflexions plutôt que des prières, des hymnes ou des louanges à lʼadresse du grand dieu Ahura Mazdā. Que font-elles donc là, et depuis quand ? Le Yasna que nous connaissons et dont nous ignorons lʼorigine ou la provenance, n᾿est de toute façon pas celui qui fut connu des Achéménides. Son auteur donna des Gāθā un usage liturgique quʼelles ne possédaient pas. Elles devinrent la composante verbale essentielle des rites et lʼobjet de commentaires qui en donnèrent parfois une compréhension déformée. Plusieurs exemples prouvent que les rédacteurs du Yasna et du Vīsp-rat ou bien ne comprenaient plus toujours correctement la teneur des textes vieil-avestiques, ou bien voulurent délibérément en modifier le message19. Lʼexemple le plus connu de mécompréhension, voulue ou non, des textes vieil-avestiques par les auteurs de lʼAvesta récent est probablement lʼinterprétation de la forme jantū « quʼil vienne » de lʼAiriiaman Išiia (Y 54.1a) par √ jan « frapper » (= védique HAN) au lieu de √ gam « venir » (= védique GAM) : ā20 airiiəmā išaiiō21 (7) rafəδrāi22 jantū (4) nərəbiiascā nāiribiiascā23 (7) zaraθuštrahē (5)24 Que le (dieu) invigorateur de la tribu vienne au secours des hommes et des dames (du cercle) de Zaraθuštra !

PIRART, 2020, p. 152-3. Sur la strophe, PIRART, 2018, p. 226 n. 39. Sur lʼemploi de lʼAiriiaman Išiia comme clôture de lʼensemble vieil-avestique, PIRART, 2012, p. 51 n. 173. Sur le nombre de 24 mots contenus dans la strophe, PIRART, 2018, p. 226. Le Y 54 est précédé du Vr 23 et suivi du Vr 24 : KELLENS, 2006-13, vol. IV p. 52-5. Y 54.1 = 27.5. LʼAiriiaman Išiia est cité deux fois dans le Vīdaēuu-dāt : V 11.7 et V 20.11-12. Sur la mention de la strophe Y 54.1 dans la phrase Y 71.18.1, PIRART, 2012, p. 51. 21 Participe en ºá- tiré du thème de présent dénominatif de īš- « la vigueur » (= védique ís- → IS :: isáya- « mettre en mouvement, invigorer »), comparable au védique isayúsur lequel voir PIRART, 1995-2000, vol. I p. 267. 22 Sur le déficit métrique, voir la Marginale II §IIIe. 23 Le verbe ā+√ gam est ici construit avec deux datifs « pour le secours, pour les hommes et les femmes ». 24 Y 54.1b2 = Y 53.1a2, Y 53.3b2. 19 20

INTRODUCTION GÉNÉRALE

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En effet, voici ce quʼen fait le Vīdaēuu-dāt (V 20.12) : jantu ā.airiiəmā.išiiō vīspəm yaskəmca mahrkəmca †vīspe25 †yātauuō pairikāsca vīspā †janaiiō yā druuaitīš .·. Que (la récitation de la strophe) Y 54.1 frappe toute maladie et tout dommage, tous les mauvais génies et toutes les fées maléfiques comme toutes les épouses égarées !

Les Gāθā ne sont pas les seuls textes que le Yasna ou le Vīsp-rat aient accueillis en leur sein : il y a aussi le Baγān Yašt (Y 19-21), le Yānīmanō (Y 28.0), l᾿Ahuna Vairiia (Y 27.13), l᾿Ašǝm Vohū (Y 27.14 ou 11.19.2), la Yeŋhē.hātā (Y 27.15.3), le Yasna Haptaŋhāiti (Y 35-41) et son Abar-vārag (Y 42), la Vaŋhucā Hāiti (Y 52), le Fšūša Mąθra (Y 58), la Dahmā Āfrīti (Y 60) et quantité dʼautres textes tels que le petit et le grand Sraōš Yašt (Y 56 et 57). Parmi ceux-ci, nous en trouvons d᾿incomplets ou de fragmentaires, mais aussi des toiles d᾿Arlequin telles que le Haōm Staōt (Y 9-11). Nous ne pouvons donc garantir aucunement que les Gāθā constituent des textes complets ou cohérents. La création du Yasna est contemporaine de celle de bonne partie de la mythologie avestique récente. Ceci nous est illustré notamment par le nom d᾿Uštauuaitī qui est donné tout à la fois à une Gāθā, à une hāiti, à un jour épagomène, à une héroïne et à une rivière mythique. Si l᾿hydronymie de la Drangiane est empruntée à cette géographie mythique avestique récente, nous pouvons en tirer la conclusion que cette région de l᾿Iran fut zoroastrisée à une époque où la liturgie que nous connaissons était d᾿ores et déjà constituée, mais ceci, bien sûr, ne nous dit pas quand les textes de lʼAvesta récent sont arrivés en Drangiane, une région qui, comme la Perside même, connut une époque préiranienne ou élamite. Tout ce que nous pouvons dire, cʼest que lʼhydronymie de la Drangiane dépend de celle, mythique, établie par les auteurs de lʼAvesta récent à lʼoccasion de lʼadoption des Gāθā comme textes liturgiques. 5. Les graphies avestiques Deux types de graphies existent dans l᾿Avesta. Le premier type est majoritaire dans les textes vieil-avestiques ; le second l᾿est dans l᾿Avesta récent. Le second type est occasionnel ou sporadique dans les textes vieil-avestique, et certaines citations des textes vieil-avestiques dans le reste de l᾿Avesta peuvent recourir complètement au second type. Dans 25 Pour plusieurs mots signalés au moyen du signe †, il y a emploi du nominatif en lieu et place de lʼaccusatif.

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les textes vieil-avestiques, toutes les voyelles finales sont allongées, qu᾿il s᾿agisse d᾿un mot présentant une graphie du premier type (exemple : ahurahiiā) ou du second (exemple : zaraθuštrahē), mais quelques passages extérieurs aux textes vieil-avestiques présentent aussi ces allongements. Il arrive que, peut-être du fait de leur importance, certains mots de l᾿Avesta récent, pourtant inattestés dans les textes vieil-avestiques, soient écrits selon le premier type de graphie alors que tout le contexte l᾿est selon le second (exemple : aibi.gaiia dans Y 1.20). Un même mot à l᾿intérieur d᾿un passage avestique récent donné peut être orthographié de deux façons différentes selon les manuscrits (exemple : xraōždaiiehiiā ou xraōždiiehe dans Y 9.14)26, mais les exemples de ce phénomène se rencontrent plus fréquemment dans les textes vieil-avestiques. 6. Les Achéménides et les Gāθā Sur la base de lʼexamen des noms dʼintronisation quʼils en tirèrent27, j᾿avais pensé pouvoir avancer que les Achéménides connurent les Gāθā. Comme ils nʼutilisèrent sûrement pas de Yasna similaire à celui que nous connaissons et que leur calendrier religieux recourait à un lexique distinct, il convient pourtant de réexaminer cette possibilité. En effet, s᾿il semblerait que les Achéménides connussent les Gāθā au vu des noms dʼArtamanès ou dʼArtaxerxès28, il faut bien admettre que cʼest fort peu comme argument et que ce sont là de bien faibles et friables témoignages, d᾿autant que dʼautres composés andronymiques de ce type tels quʼArtaphernès ne sʼexpliquent par aucun hémistiche gâthique et que lʼattestation vieil-avestique du composé ašā.aōjah- « possesseur dʼune autorité due à/ produite par lʼAgencement » nous assure que les andronymes achéménides en question sont parfaitement admissibles en tant que composés naturels, sans doute des tr̥tīyābahuvrīhi29, et que nous nʼavons donc pas à les décrire comme des noms citations. Formulons alors la question dʼune autre façon : put-il exister des mazdéens zoroastriens qui ignorassent lʼexistence des cinq Gāθā qui nous occupent ? Oui, car ce fut forcément le cas à lʼépoque même de leur composition, mais nous ne pouvons en dire davantage. À lʼépoque PIRART, 2004, p. 72 n. 92. Sur les noms dʼintronisation des Achéménides, SCHMITT, 1982. 28 PIRART, 2002, p. 126. 29 Composés possessifs dans lesquels un premier substantif (A) exprime lʼinstrument avec lequel est produit ce quʼexprime un second (B) : « possesseur de B produit au moyen de A ». 26 27

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de leur composition, le calendrier, forcément aussi, différait de celui que nous connaissons par le Yasna ou la littérature postérieure puisquʼil faut attendre lʼAvesta récent pour que les Gāθā divinisées patronnent les cinq jours épagomènes. Le Yasna en usage à Persépolis ne coïncidait sûrement pas avec celui que nous connaissons puisque le calendrier religieux nʼy était pas le même. Il faut alors penser que chaque province pût disposer de son propre Yasna tout comme chaque région de lʼInde védique en vint à recourir à un Yajurveda distinct. Nous pouvons dʼailleurs douter de lʼexistence dʼun Yasna en Perside antérieur à lʼavènement de Darius le Grand. Lʼonomastique achéménide certes était mazdéenne zoroastrienne, mais nous ne pouvons en dire autant des noms des Téispès, Cyrus et Cambyse. Les Mèdes, quant à eux, devaient être bel et bien mazdéens zoroastriens au vu du nom de lʼancêtre Phraortès de leur dynastie. Vers lʼouest, leur empire sʼétait étendu jusquʼà lʼHalys. Les Perses de Cyrus le Grand prirent le relais et lui donnèrent la Propontide pour frontière occidentale. La colonisation perse des abords des détroits fit suite à celle des Mèdes en Cappadoce ou en Mésopotamie septentrionale. Avec Darius, les Perses mazdéens de Dascylium sans doute ne recouraient-ils pas au même Yasna que les Mèdes de Cappadoce ou dʼArménie. Remarquons-le, lʼavènement de Darius se traduisit aussi par lʼapparition dʼune terminologie religieuse mazdéenne inconnue de notre Avesta récent. Le grand roi des Mèdes portait le titre dʼahura, mais Darius adopta celui de x-š-a-y-θ-i-y-. Voulant sans doute garder le titre de « Roi » (ahura-) pour la désignation du seul grand dieu, Darius, dans la révolution menée contre les mages originaires de Médie30, avait choisi le terme de x-š-a-y-θ-i-y- (xšāyaθya-) pour lui-même. Ce terme, le dérivé par vrddhi de la syllabe initiale et thématisation en ºa- du substantif en -ti- tiré du thème de présent xšayade √ xšā « exercer une emprise », fait référence au rôle sacerdotal suprême de Darius et à lʼemploi du xšaθra (= védique ksatrá-), lʼemprise que les cérémonies du culte lui permettaient dʼexercer sur le grand dieu de façon à le rendre favorable envers les Perses. Certes, le titre dʼahura put survivre comme nous le voyons avec celui dʼὀροσάγγαι qui, selon Hérodote, était décerné aux bienfaiteurs du Roi31. Le titre de xšāyaθya finit rapidement par sʼimposer et fit fortune puisque cʼest lʼétymon du persan šāh. Les effets du xšaθra, pour bénéficier au territoire que le 30 31

Sur le mazdéisme politique de Darius, PIRART, 2002. Hérodote, Histoires 8.85 : PIRART, 1998a, p. 233 ; 1998b, p. 531.

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xšāyaθya domine ou gouverne de la sorte, finirent par donner à lʼempire ce même nom de xšaθra. Cʼest ainsi quʼil convient de comprendre la dénomination pehlevie dʼērān šahr « royaume des Iraniens » < *aryānām xšaθram*. Plusieurs entités divines honorées des Perses mazdéens ne portaient pas le même nom que chez les Mèdes ou dans notre Avesta. Il dut même y avoir des différences de genre grammatical, voire de sexe32. Les Mèdes, avec Raγā33, sont nommés dans lʼAvesta arrivé jusques à nous, mais les Perses ne le sont pas. Il est donc assez clair que la langue avestique nʼest autre que le vieux mède, le dialecte de latitudes septentrionales de lʼempire Achéménide depuis la Cappadoce jusquʼen Asie Centrale. Ceci fut certes modifié par la suite avec la colonisation perse des abords de la Propontide et des frontières extrêmes du nord-est ou de la Bactriane. LʼAvesta récent nous est arrivé sous une forme que la diascévase a fixée dès avant lʼavènement de Darius le Grand. Cʼest ce que nous devons penser dès lors que la grande inscription de Béhistoun obéit à des principes diascévastiques semblables34, mais, faut-il bien dire, un ensemble de livres pehlevis qui remontent au IXe siècle de lʼère commune et dont lʼAvesta nʼest jamais quʼune partie, tel est en pratique le premier et seul témoignage incontestable de lʼexistence des Gāθā. 7. Le dialecte des Gāθā Pour lʼidentification du dialecte des Gāθā, rappelons qu᾿il faut soigneusement tenir compte du caractère secondaire des graphies. L᾿avestique récent coïncide avec ce que nous savons de la langue des Mèdes, ce qui laisse penser que les Gāθā dont le Yasna constitue l᾿écrin, dans la version que nous en connaissons, transita d᾿abord par la Médie, mais le vieil avestique, une fois ôtées ses modernisations diverses notamment sur base de la métrique, s᾿avère être du proto-iranien. Φραόρτης, le père35 du fondateur de la dynastie mède, porteur d᾿un nom faisant référence à la profession de foi mazdéenne zoroastrienne, f-ra-va-ra-ta-i-, était déjà de cette obédience religieuse, mais cette désiPIRART, 2015. V 1.15, Y 19.18, DB 2.71-2 : PIRART, 2012, p. 169 et 247 ; 2013c, p. 642-3. 34 Exemple bien connu : lʼanalyse du sandhi compositionnel dans u-š-ha-ma-ra-na-ka-ra (DNb 34) est identique à celle que nous observons dans huš.haxā (Y 32.2). 35 Hérodote, Histoires I 102. Selon Hérodote, le fondateur de la dynastie mède se nommait Δηιόκης, mais les sources assyriennes conduisent à penser que le nom de ce dernier est en réalité un titre, *dahyuka- « chef de nation », et que son vrai nom fait de lui un premier Cyaxare antérieur au Cyaxare qui détruisit Ninive. 32 33

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gnation de la profession de foi n᾿est attestée qu᾿à partir d᾿un passage du Yasna Haptaŋhāiti (Y 37.3) tandis que, dans les Gāθā, il est encore recouru à un autre préverbe que frā et à une autre formation à l᾿instant de la nommer : Y 30.2 (āuuarǝnā), 46.3 (… vǝrǝnē36). En effet, les Gāθā appartiennent à un stade tellement archaïque de la langue que leur dialecte coïncide pratiquement avec le proto-iranien37. Les différences terminologiques et conceptuelles qui peuvent être constatées entre eux et les documents ultérieurs justifient l᾿emploi du terme de protozoroastrisme pour désigner spécifiquement l᾿obédience religieuse reflétée dans les textes vieil-avestiques. Lʼavestique récent montre le même traitement phonétique que celui des deux dialectes combinés des inscriptions cunéiformes achéménides vieux-perses qui a été identifié comme étant le mède tandis que lʼautre serait le perse proprement dit38. Il est vrai que, pour le stade vieil-iranien, nous ne connaissons que deux types phonétiques ou familles dialectales, lʼune représentée par le mède dans le nord et lʼautre, par le perse dans le sud, entre la chaîne du Zagros et lʼInde39. Pour lʼidentification du dialecte des Gāθā, nous devons en tenir compte du fait que les premiers textes qui renferment ou nomment ceux rédigés en vieil avestique sont en avestique récent, voir ce quʼils nous en disent et tenir compte alors de la mention de Raγā. Nous verrons son importance. Une autre source dʼinformation de grande importance est sans aucun doute celle que nous révèle la métrique. En effet, le vieil avestique est notamment le seul dialecte indo-européen, en dehors du vieil anatolien, où une laryngale entre deux voyelles de timbre pie. *e/o provoque un hiatus de façon constante et régulière tandis que lʼavestique récent illustre lʼinverse. La datation du dialecte de Gāθā ainsi ne peut-elle être fort différente de celle du hittite. Disons la seconde moitié du second millénaire avant lʼère commune40. Le dialecte vieil-avestique, le plus ancien de la famille indo-iranienne, ne nous est connu que par des textes qui, pour la plupart, relève de la poésie pure. Pour ces textes dʼune grande abstraction, le poète recourt à des tours allusifs ou peu explicites, faits notamment de sous-entendus, dʼellipses et dʼhypallages. Cette haute antiquité et la façon dont leur objet est traité nous causent déjà de nombreuses et profondes difficultés 36 37 38 39 40

Voir la Marginale II §IIc. Voir SKJÆRVØ, 2002-3. Sur la langue des inscriptions achéménides, LECOQ, 1974 ; 1997. Sur le caractère indien des Perses, PIRART, 2012b. Sur la controverse concernant la date des Gāθā, FUSSMAN, 2005, p. 209.

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dʼinterprétation. De surcroît, leur objet nous échappe en bonne partie puisquʼil sʼagit de réflexions sacerdotales concernant une pratique religieuse appartenant à une époque protohistorique dont de nombreux détails restent hors dʼatteinte. Ce nʼest pas tout : la transmission de ces textes qui remontent sans doute à la seconde moitié du deuxième millénaire avant lʼère commune a subi forcément diverses diascévases orales ou écrites et autant dʼinjures sans que nous sachions de façon sûre ni le lieu de leur composition ni celui dʼaucunes retouches. Selon lʼAvesta récent qui est en bonne partie à la même enseigne, la patrie de Zaraθuštra aurait été une Médie du nom dʼairiianǝm vaējō, plus précisément la région de Raγā41. Certes, nous ne pouvons le vérifier complètement, mais nous sommes encore plus démunis à lʼheure dʼy trouver quelque alternative que ce soit. La ville de Ragā que Darius situe en Médie42 est lʼactuelle Rayy dans la périphérie sud-est de Téhéran. Comme le géographe syrien Yāqūt dit quʼelle est composée de trois secteurs43, le doute nʼest plus permis44 : Ragā, la Rhagae ou Ῥάγαι des auteurs classiques, nʼest autre que la Raγā dite θrizantū- « réunissant trois tribus » de lʼAvesta, qualifiée aussi de zaraθuštri- « zoroastrienne ». Et il nʼest pas trop risqué dʼidentifier cette réunion de trois tribus avec la tribu mède des Ἀριζαντοί que mentionne Hérodote45 : une erreur de transmission de cet ethnonyme pour ×Θριζαντοί est envisageable46. Les caractéristiques du vieil avestique en font un dialecte archaïque proche du proto-iranien et donc du proto-mède, mais il nous est impossible dʼen dire davantage dès lors que les réalités ethniques de la Médie orientale de la seconde moitié du deuxième millénaire avant lʼère commune nous sont tout à fait inconnues. Dʼautant que le statut de ville que nous accordons à la Raγā Θrizantū est incertain en ce sens que, primitivement, ce ne devait être jamais que la désignation du lieu où campait la tribu nomade dont le nom provenait de celui dʼun personnage donné, dans les livres pehlevis, pour un lointain ancêtre de Zaraθuštra47 : 41

Y 9.14, V 1.1-2. DB 2.70-8. Voir PIRART, 2002, p. 133. 43 BARBIER DE MEYNARD, 1861, p. 274. 44 Contre SKJÆRVØ, 1995, p. 165. 45 Hérodote, Histoires I 101. 46 Il est remarquable que Darius nomme Ragā dans le même paragraphe de la grande inscription de Bīsotūn que la ville de Hangmatāna (= Ecbatane) : ces deux villes y forment un tandem important. Et, comme le dit son nom de hangmatāna- « descendant de ceux qui se sont réunis », Ecbatane est aussi le fruit dʼune réunion de tribus : PIRART, 1999-2000. 47 PIRART, 2012a, p. 251-3. 42

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*Raγa, héros éponyme de la tribu qui avait formé Raγā, était un petit fils de Manu Ciθra et lʼarrière-grand-père de Spitāma48. Cette généalogie, sans doute mythique, a pourtant le mérite de confirmer que la tribu à laquelle Zaraθuštra appartenait était celle de Raγā. Le lieu où cette tribu campait dut changer au cours du temps, et sa situation définitive au sudest de Téhéran nʼest donc une certitude quʼà partir de Darius. Avançons donc que le vieil-avestique était au moins la langue des ancêtres des habitants de Raγā et que lʼavestique récent, au moins celle de ces derniers. Nous ne saurons donc ni où ni quand Zaraθuštra était né. Autre inconnue, lʼextension géographique et ethnique du dialecte que parlaient les Mèdes et quʼils devaient partager probablement avec dʼautres Iraniens, jusquʼoù vers lʼest ou en direction de lʼouest ce dialecte était en usage aux diverses époques du royaume des Mèdes. En effet, pour donner un exemple, tous les Arméniens et toutes les localités dʼArménie mentionnés dans la grande inscription de Bīsotūn portent un nom mède ou ourartéen au lieu dʼarménien, et lʼethnonyme ārmina-49, au lieu dʼarménien, est mède. Par contre, vers le sud, la zone où la langue parlée était identique à celle des Mèdes sʼétendait jusquʼen Perside même : lʼonomastique le démontre. Ainsi le mot « cheval » présent dans le nom dʼHystaspe, vištāspa-, a beau être aspa- comme en mède50, le père de Darius le Grand nʼétait pas un Mède. En réalité donc, les deux dialectes des inscriptions achéménides vieux-perses sont donc perses lʼun comme lʼautre. Ceci est dʼailleurs conforme à la logique : il eût été bien aberrant que Darius accueillît leur langue et leur fît pareil honneur à lʼinstant de faire graver à Bīsotūn une inscription attaquant les Mèdes. Le vieux perse est lʼhybride des deux dialectes parlés en Perside par les Perses, et lʼun de ces deux dialectes perses coïncidait notamment avec le mède et donc avec lʼavestique. 8. Le protozoroastrisme Les caractéristiques archaïques du dialecte vieil-avestique en sont un indice majeur, les Gāθā sont, avec le Yasna Haptaŋhāiti, le seul témoignage arrivé jusques à nous de la pensée zoroastrienne primitive, le 48 Beaucoup de noms avestiques de la généalogie de Zaraθuštra ne peuvent être reconstitués tant les graphies pehlevies sont instables et peu explicites : Manu Ciθra > *Dūraēsrauuah > *Raγa > *Fraēšta > ? > Vaēdišta > Spitāma > *Xraētar > *Arǝjat. aršan > ? > Cixšnuša > *Haēcat.aspa > ? > ? > Paōurušaspa > Zaraθuštra. 49 Sans doute lʼadjectif patronymique « descendant du (héros) fort à bras », le dérivé par vrddhi de lʼinitiale et thématisation en ºa- du dérivé en -in- de arma- « bras ». 50 Dans lʼautre dialecte, cʼétait assa- comme en prâcrit.

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protozoroastrisme. Le mańiiu est l’un des mots clés du système de pensée des Gāθā au point d’avoir fourni le nom de deux entités cadres fondamentales de la mythologie avestique dont l’antagonisme définit le dualisme zoroastrien. Avec l’évolution, Spǝnta Mańiiu « le sentiment (que le grand dieu est) savant » allait se confondre avec Ahura Mazdā « le Roi qui apporte la sagesse » et Aŋhra/Angra Mańiiu « le sentiment, la conviction quʼil est funeste », faire la figure de lʼarchidémon. Dans les Gāθā, lʼarchidémon Aŋhra Mańiiu nʼexiste pas encore. Et nous ne pouvons écarter quʼAēšǝma, le prototype de lʼAsmodée biblique, y en tienne lieu. La pensée pure, celle qui est dépourvue de toute influence extérieure ou quʼaucun des cinq sens ne vient sustenter, dont l’objet est encore absent ou impréhensible, qui en est réduite à lʼimaginer, à le prévoir, à le projeter, à lʼinventer, à anticiper sur sa connaissance ou à croire à son existence, tel est le mańiiu51. 9. La place de la présente étude Jean KELLENS se prépare à nous donner une nouvelle interprétation de l᾿ensemble vieil-avestique. C᾿est du moins ce qui ressort de ses deux derniers ouvrages52. Pour ma part, avec l᾿essai sur l᾿Ahiiāsā Hāiti53, l᾿étude de la Xšmaibiiā Hāiti54 et le livre sur Maniiu et la mythologie protozoroastrienne55, je me suis attaqué à la mythologie de cet ensemble. Cependant, l᾿approche que j᾿ai des textes vieil-avestiques est assez différente de celle de Jean KELLENS. Afin de lʼillustrer une nouvelle fois et de réfuter certaines de ses affirmations, je livre ici une étude approfondie de la dernière des trois grandes Gāθā. Elle est suivie de quelques Marginales grammaticales dʼallure sans doute provocatrice et dʼune Concordance des textes. En effet, il est temps de reprendre lʼexamen approfondi des textes vieil-avestiques et de le faire en expérimentant de nouvelles méthodes. Dʼune manière générale, je nʼai pas jugé utile de tenir compte des traductions que HUMBACH et FAISS, 2010, ou LECOQ, 2016, ont produites des Gāθā. 51 52 53 54 55

PIRART, 2020. KELLENS, 2015 et 2006-20, vol. VI. PIRART, 2017. PIRART, 2018. PIRART, 2020.

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10. Le rétroviseur et les convictions de Jean KELLENS Dans lʼAvant-propos de sa Lecture sceptique et aventureuse de la Gâthâ uštauuaitī, Jean KELLENS56 déclare porter, comme moi, un regard critique mitigé sur notre travail commun, Les textes vieil-avestiques57, et en déplore le manque dʼaudace. La faiblesse dans la critique de lʼhypothèse prophétique nʼest pourtant pas le seul défaut de notre travail. À mon avis, le mérite résidant dans lʼapproche grammaticale des Gāθā est effectivement à saluer, mais, plus de trente ans plus tard, il faut bien constater quʼelle fut insuffisante et quʼil eût fallu nous appuyer davantage sur les données indiennes, non seulement védiques, mais aussi postérieures aux hymnes de la Rgvedasaṁhitā sans oublier les épopées. Ni la tradition avestique récente ni la littérature pehlevie ne peuvent être ignorées non plus sous prétexte que leurs auteurs vécurent bien plus tard ou même ailleurs. Nous avons été parfois bien aveugles ou excessifs, par exemple à lʼinstant de proposer lʼarbre généalogique de la famille de Zaraθuštra58. En effet, contre nos affirmations, la grammaire enseigne que lʼadjectif zaraθuštri- nʼest pas purement patronymique et quʼil est tout à fait abusif de lui donner dʼentrée de jeu le sens de « fils/fille de Zaraθuštra », trop restrictif et trop interprétatif. Il est clair que son sens fondamental ou premier, « appartenant à Zaraθuštra », pouvait déboucher sur dʼautres emplois et quʼil fallait tenir compte de possibilités telles que celles dʼétiqueter la Doctrine mazdéenne zoroastrienne ou de faire de Vīštāspa un disciple. Platon le savait qui parlait dʼun Zoroastre disciple dʼHoromazès, en recourant purement et simplement à la juxtaposition du nom du chantre iranien et du génitif du théonyme tout comme il est dit, dans une Gāθā, que le poète appartient au grand dieu qui lui apporte la sagesse. Dans les hymnes védiques aussi, le poète proclame son appartenance à Índra. Vīštāspa fut un fils spirituel de Zaraθuštra, non un fils quʼune épouse lui aurait donné. Tabler sur le silence des Gāθā pour dire quʼà leur époque il en allait autrement, voilà qui me paraît bien abusif. Nous ne pouvons nier si facilement ce que lʼAvesta récent ou les livres pehlevis rapportent. La grammaire comparée et la mythologie comparée doivent être mieux et plus souvent sollicitées dans lʼexégèse des Gāθā. Toute traduction suppose la reconnaissance de certains faits de morphologie, voire 56 57 58

KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 5-6. KELLENS et PIRART, 1988-91, 3 volumes. KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 11.

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une étymologie. Notre travail commun fut une aventure qui, pour le débutant que jʼétais, fut extraordinaire et déterminante au point de me hanter encore plus de trente ans plus tard. Je resterai indéfiniment reconnaissant à Jean de mʼavoir invité à partager avec lui cette aventure, mais notre ouvrage, Les textes vieil-avestiques, a vécu. Il est temps, en effet, de recommencer, et nous le faisons chacun de notre côté, advienne que pourra. Dans lʼAvant-propos, Jean KELLENS dit nourrir trois convictions qui ne peuvent être démontrées exhaustivement. La première est que lʼunité littéraire du texte est la Gāθā et non la hāiti. Je ne partage pas cette idée qui me paraît tout à la fois simpliste et empreinte de défaitisme. Lʼunité littéraire dʼun texte peut avoir plusieurs niveaux, un livre étant parfois composé de chapitres de thèmes fort éloignés les uns des autres. Il faudrait donc savoir ce que Jean KELLENS veut dire au juste en parlant dʼunité littéraire. Ceci dit, la division des Gāθā en unités (hāiti-), pour appartenir au processus de leur intégration dans le cursus de la liturgie longue mazdéenne zoroastrienne et observer des principes arithmologiques incompatibles avec leurs contenus, ne mérite aucunement notre confiance à lʼheure de déterminer quelque division que ce soit. Résumons-nous en disant que lʼunité littéraire du texte gâthique nʼest ni la Gāθā ni la hāiti : elle est à trouver. Nous devons laisser ici une porte ouverte et nous détourner de toute conviction conduisant à lʼanesthésie. Chaque Gāθā est unique pour ce qui est de la prosodie employée. Il s’ensuit que chacune d’elles pourrait être issue du rassemblement de toutes les strophes présentant une même prosodie. La division de chacune des Gāθā en unités textuelles appelées hāiti-, imposée par leur intégration dans le Yasna, n’est pas originale. En effet, la hāiti est le produit d’une division de l’ensemble liturgique de base, le Yasna, obéissant assez souvent à des principes arithmologiques qui ne sont pas réservés au traitement des seules Gāθā. Seul l’examen approfondi de leur contenu peut nous permettre d’avoir quelque idée de leurs divisions primitives. Le Yasna ou le Vīsp-rat se font écho de leur propre forme en parlant de hāiti ou encore du Vǝrǝθraγna situé entre les deux dernières Gāθā. Le nombre des Gāθā a été fixé par les impératifs du calendrier : il n᾿y a jamais que cinq jours épagomènes. Comme chaque Gāθā est le rassemblement de toutes les strophes d᾿un même type, une sixième Gāθā aurait, pour ses strophes, obéi à un schéma distinct de ceux que nous connaissons.

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La relation existant entre certaines strophes gâthiques situées en fin de hāiti et la création de plusieurs héroonymes conduit à penser que la division des Gāθā en hāiti est la cause ou le fruit de dite création. La présence du nom de Zaraθuštra dans la strophe incriminée fut souvent décisive. La deuxième conviction de Jean KELLENS est que les Gāθā sont des récitatifs liturgiques animant une cérémonie sacrificielle. Cʼest en tout cas ce quʼelles étaient devenues du fait de leur intégration dans le cursus de la liturgie longue mazdéenne zoroastrienne, mais je ne vois pas comment il est possible de définir de la sorte ce quʼelles étaient auparavant. Lʼaffirmation, gratuite, me paraît être contredite par le contenu des Gāθā. Jean KELLENS a tort de marquer autant dʼhésitation devant les silences dʼun auteur qui ne dit pas tout et dʼaffirmer quʼune certaine dramaturgie devait y suppléer. En effet, sa troisième conviction que lʼauteur ne dit pas ce quʼil montre suppose la justesse de la deuxième, à savoir que les Gāθā étaient dès lʼorigine des récitatifs animant une cérémonie ou quʼelles avaient un extérieur, une scène. Je ne partage pas non plus cette dernière profession de foi que notre incompréhension relative serait due à de tels silences. Bien sûr, il y a nombre de choses tues, mais, pour moi, les raisons en sont tout autres. Lʼauteur des Gāθā est un membre de la caste sacerdotale (āθrauuan-) qui, de ce fait, en vient tout naturellement à officier dans les cérémonies sacrificielles, mais qui, par ailleurs, sʼinterroge en poète sur son rôle et le fait sans aucune visée didactique dans la mesure où sa poésie pure nʼa dʼautres auditeurs que ses collègues sacerdotaux ou les dieux. Avançons alors ceci : lʼauteur nʼavait pas toujours tout dit, tout simplement pour nʼavoir pas à dire ce que ses collègues savaient déjà parfaitement. Il était inutile de dire que cʼest Sǝraōša qui vient à la rencontre de lʼâme dʼun défunt si, dans le cercle sacerdotal, tout le monde le savait. Il était tout aussi superflu de dire nommément qui étaient « celui-ci » ou « celle-ci » que tout un chacun y avait sous les yeux, le Feu et la Vache. 11. Méthodes d᾿approche Les difficultés sont nombreuses pour qui cherche à comprendre les Gāθā. Si les questions ne sont pas posées ou si aucune mise en doute nʼest déclarée, aucune réponse nʼest recherchée ni aucune vérification nʼest menée si bien que les choses resteront en lʼétat et que la paralysie

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sʼinstallera. La seule façon de sʼen sortir est de se méfier des manuscrits ou de certaines graphies et de dialoguer sur la base dʼune grammaire intransigeante à lʼinstant dʼexaminer la forme. Pour ce qui est de la sémantique, des idées exprimées ou de la portée des strophes vieil-avestiques, il convient de recourir à la confrontation des traditions zoroastriennes ultérieures avec dʼautres, notamment celles de lʼInde védique et de la Grèce classique qui, tout simplement, sont les mieux connues. À la paralysie dans laquelle l᾿absence de sujet plonge Jean KELLENS, nous pouvons parfois trouver le remède suivant : le sujet de certains verbes, pour être connu, est implicite. Et il en va de même du verbe à sous-entendre pour la justification syntaxique dʼun complément. Jean KELLENS se veut d᾿une grande honnêteté intellectuelle. Nous sommes nombreux à la lui reconnaître et à en faire l᾿éloge. Néanmoins, nul n᾿est à l᾿abri de distractions. Jean KELLENS ne s᾿est pas toujours rendu compte des mauvais tours que pouvaient lui jouer les principes de son honnêteté. Un certain soin doit être apporté à la pratique de lʼétymologie, laquelle est dʼune grande importance tout simplement parce quʼil est impossible d᾿y échapper ou de s᾿en passer. En effet, dʼaucuns se méfient de lʼétymologie sous le prétexte quʼil est malaisé de juger de sa justesse ou que dʼautres y recourent de façon parfois bien rudimentaire ou forcenée, mais ils ne se rendent pas compte que telle ou telle interprétation sémantique nouvelle quʼils avancent suppose une étymologie impossible ou gravement erronée. Vu notre dénuement dans lʼabord des Gāθā — nous ignorons tout de leur(s) auteur(s) et des circonstances de leur composition —, la recherche grammaticale est pratiquement notre seul outil, mais il convient de la rendre crédible, cʼest-à-dire mécanique, et de lʼaffranchir des interprétations arbitraires. Pour en augmenter la crédibilité, il faut passer par le développement dʼhypothèses contraires et la recherche des critères qui nous permettent de les soutenir. Plusieurs générations de spécialistes se sont penchées sur la leçon des manuscrits, et les nouveautés en la matière que lʼéquipe dʼAlberto CANTERA a mises en lumière nʼont pas suscité dʼimportantes corrections du texte des Gāθā. Ceci ne signifie pourtant pas quʼil ne faille plus scruter les manuscrits, mais il faut le faire dʼune façon nouvelle, en se posant la question de ce que les lettres avestiques y représentent. En effet, lʼorthographe requise des textes nʼa pas été traitée de façon suffisante, certains signes étant employés de façon apparemment indifférente. Karl HOFFMANN nous avait indiqué la distinction devant être opérée entre ng, ŋ, ŋ et ŋv ou entre š, š et š 59. Récemment Jaime MARTÍNEZ 59

HOFFMANN, 1971, p. 64-73.

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PORRO a corrigé ao en aō et ou en ōu60 tandis quʼAlberto CANTERA précise lʼemploi de n61 ou que Joan Josep FERRER LOSILLA découvre lʼexistence de signes supplémentaires pour la notation des nasales62. Pour ma part, jʼai souligné lʼexistence de diverses confusions : en plus de ng pour ŋ, de š pour š ou š, de š pour š, de x pour xv ou de ž pour j, il faut aussi tenir compte dʼersatz tels que ta pour θ, pa pour f, a pour h, āi pour ā, ā pour āu, ǝ pour i, i pour ǝ, ī pour ə, ə pour ī, ī pour ū, ºē pour ºī et ºī pour ºē63. Certaines confusions sont tellement courantes que la leçon des manuscrits ne peut plus sʼimposer ou que certaines corrections, au lieu de vrais amendements, sont à considérer comme des commodités de lecture. Ainsi le choix à opérer entre les finales ºaitī et ºaitē ne peut-il plus être dicté par la pure et simple collation des manuscrits : la grammaire doit prévaloir. 12. La cohérence des textes vieil-avestiques L’homogénéité ou l’hétérogénéité des Gāθā, à mon avis, ne sont pas à prendre pour le fruit de constats clairs et nets. Les paris de l’homogénéité et de l’hétérogénéité ne s’opposent pas vraiment : il s’agit bien plutôt de méthodes d’approches. Le texte, mémorisé, relu ou récité d’innombrables fois, référence obligatoire, objet de réflexions, point d’appui, pièce à l’appui, est tout à la fois forcément homogène et forcément hétérogène, soit pour l’être devenu, soit pour l’avoir été. La recherche dʼarguments en faveur de lʼhétérogénéité du texte me paraît être le préalable nécessaire ou indispensable à celle dʼarguments en faveur de son homogénéité. Le pari de lʼhétérogénéité conduit à relever toutes les solutions de continuité possibles ou avérées, tous les accrocs grammaticaux, toutes les anomalies logiques. À mes yeux, défendre dʼemblée son homogénéité, cela revient à brûler une étape essentielle de lʼinvestigation. Découper le texte et en recoller les morceaux, ce sont deux opérations complémentaires qui ont pour but la compréhension du texte. Et telle est la mission du philologue des Gāθā. Les arguments statistiques que d’aucuns veulent avancer dans l’idée de l’homogénéité des Gāθā ou dans celle de récurrences qui les structureraient n’ont aucune valeur : il n’y en a jamais que cinq dont deux faites d’une seule unité. Le survol des textes est un préalable que je ne 60 61 62 63

MARTÍNEZ PORRO, 2016. CANTERA, 2020. FERRER LOSILLA, 2016. PIRART, sous presse.

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pratique pas dans mes analyses. La vue d’ensemble, pour moi, doit toujours s’enraciner dans le détail. La chasse aux anomalies grammaticales est le meilleur outil de départ des analyses ; la collecte de faits parallèles, le meilleur argument ; l’hypothèse inverse ou la recherche de contre-exemples, la plus sûre des expériences. Le caractère labile ou mal saisissable du fil conducteur de la plupart, voire de toutes les hāiti gâthiques ne peut être retrouvé nulle part dans les littératures grecque, latine, pehlevie ou sanscrite, pour ne citer que celles-là, à la seule exception, dʼailleurs tout aussi interpellante, de la grande majorité des sūkta de la Rgvedasaṁhitā. 13. Les « motifs obligés » de Jean KELLENS Dans lʼIntroduction consacrée au caractère continu de lʼUštauuaitī Gāθā ou à lʼabsence de solution de continuité quʼil faut y trouver entre ses différrentes hāiti, Jean KELLENS64 se penche tout dʼabord sur la concaténation lexicale existant entre les hāiti de la Gāθā tout en reconnaissant la faiblesse de cet indice majeur de lʼunité littéraire du texte, mais sʼapesantit alors sur son second indice majeur. Selon KELLENS, lʼUštauuaitī Gāθā, comme les deux autres Gāθā réunissant plusieurs hāiti, passe, nécessairement et une seule fois, par quelques « motifs obligés », un peu à la manière des Āprīsūkta65, mais de façon nettement moins systématique et ordonnée. Tandis que, pour leur apparition dans les Āprīsūkta, les « motifs obligés » obéissent à un ordre de succession bien précis, ceux des Gāθā vieil-avestiques apparaissent dans un ordre aléatoire, ce qui me paraît assez en contradiction avec lʼidée quʼil faudrait reconnaître en elles des récitatifs liturgiques. Jʼai du mal, pour cette raison, à admettre la pertinence de la dizaine de « motifs obligés » que Jean KELLENS a rassemblés dans la recherche dʼune définition tangible des Gāθā, mais ma réticence a aussi des raisons statistiques. Un matériel constitué de trois éléments, voilà qui me paraît bien peu pour quʼune statistique soit établie, sans compter quʼil ne sʼagit jamais que de 10 ou 11 strophes sur une centaine dans le cas de lʼAhunauuaitī Gāθā. Cependant, voyons concrètement les « motifs obligés » que Jean KELLENS a voulu relever dans les trois Gāθā.

64 65

KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 7-9. Sur les Āprīsūkta, RENOU, 1955-69, vol. XIV p. 39-49.

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14. Les hommes des Gāθā Le premier des « motifs obligés » est celui du catalogue des noms propres passant en revue le personnel gâthique, présent aussi dans les deux petites Gāθā, celles dépourvues de divisions. En voici les occurrences de façon détaillées : Gāθā Ahunauuaitī (Y 28-34) Uštauuaitī (Y 43-46)

Spǝntā.maniiu (Y 47-50) Vohuxšaθrā (Y 51)

Vahištōišti (Y 53)

Réf. du catal. 28.6 28.7 28.8 46.13 46.14 46.15 46.16 46.17 49.8 49.9 49.12 51.11 51.12 51.15 51.16 51.17 51.18 51.19 53.1 53.2 53.3

Personnages nommés — — — — — — — — — — — — — — — — — — — —

zaraθuštrāi… ahmaibiiācā ; vīštāspāi… maibiiācā ; narōi fǝrašaōštrāi maibiiācā. spitāmǝm zaraθuštrǝm ; zaraθuštrā… kauuā vīštāspō ; haēcat.aspā… spitamāŋhō ; fǝrašaōštrā… huuō.guuā ; dəjāmāspā huuō.guuā. fǝrašaōštrāi… maibiiācā ; dəjāmāspā ; zaraθuštrāi. spitamāi zaraθuštrāi ; zaraθuštrǝm spitāmǝm ; zaraθuštrō ; kauuā vīštāspō ; fǝrašaōštrō huuō.guuō ; dəjāmāspō huuō.guuō ; maidiiōi.māŋhā spitamā. zaraθuštrahē spitāmahiiā ; kauuacā vīštāspō zaraθuštriš spitāmō fǝrašaōštrascā ; — paōurucistā haēcat.aspānā spitāmī yezuuī dugǝdrąm zaraθuštrahē.

La question est de savoir comment nous devons considérer un catalogue qui est toujours incomplet et différent, qui intervient assez au début des première et cinquième Gāθā, mais vers la fin de la deuxième ou au milieu des autres. Le nombre des personnages, fort limité, reflète sans doute la faible extension dʼun groupe dont la mention, logique et devenue incontournable à lʼinstant de traiter du culte mazdéen, ne répond à aucun autre impératif. Comment parler de la théorie de la relativité sans nommer Albert Einstein ? Je suis donc réticent à parler de motif obligé dans un cas pareil.

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Les membres masculins du cercle gâthique, les proches de Zaraθuštra mentionnés dans les Gāθā, portent tous comme nom un bahuvrīhi dont le second terme est la désignation du bovin (*hugu- dʼoù huuō.guua-), du cheval (dəjāmāspa-, vīštāspa-, haēcat.aspa-) ou du chameau (fǝrašaōštra-, zaraθuštra-) aux exceptions de Spitāma ou de Maidiiōi.māŋha. Paōurucistā, le quatrième enfant que, selon les livres pehlevis, Zaraθuštra eut de sa première épouse, porte un nom assez parlant, probablement un surnom, « celle souvent remarquée ». Sans doute cette fille le reçut-elle pour avoir incarné la bonne Doctrine (Daēnā) ou la déesse Déférence (Ārmaiti) sur la scène sacrificielle. Son vrai nom put être plutôt *Turā, car les trois autres enfants furent Isat.vāstra, Frīnā et Θritā, mais les Gāθā restent silencieuses concernant cette composition de la famille. Et nous pouvons même douter fortement de sa réalité s᾿il s᾿avère que le nom de Frīnā est un artifice tiré de la forme verbale frīnāi « je vais rendre (les dieux) propices » de la strophe Y 49.12 de fin de hāiti où Zaraθuštra est nommé. Le titre de kǝuui- que porte Vīštāspa, que la littérature ultérieure interprète comme un signe dʼappartenance à une dynastie mythique, mais dont le terme védique correspondant, kaví-, dans la tradition indienne, honore les anciens sages ou le groupe fermé des Sept Sages, coïncide de façon surprenante avec la désignation dʼune dignité sacerdotale du culte réprouvé, mais la littérature pehlevie opère soigneusement la distinction, disant kd pour les membres de la dynastie des Kéanides, mais kdk dans le cas de dirigeants sacerdotaux qui sʼétaient montrés hostiles envers Zaraθuštra. Cette énigme nʼa toujours pas été débrouillée. Deux autres dignités sacerdotales honnies sont mentionnées dans les Gāθā, karapan- et usij-, associées à celle de kǝuui-, dont les désignations coïncident avec des titres sacerdotaux védiques, devenus obsolètes dans la mesure où, ignorés des Śrautasūtra, ils ne sont appliqués quʼà des personnages mythiques. Dans les Gāθā, les membres de lʼentourage de Zaraθuštra forment pratiquement déjà un groupe de héros comme dans lʼAvesta récent ou la littérature postérieure alors même que lʼauteur les côtoie et doit donc être lʼun dʼeux. Zaraθuštra était ainsi devenu un personnage mythique qui avait rejoint, de son vivant, la série des personnages héroïques, mais ceux-ci ne sont guère présents dans les Gāθā : les seuls héros quʼelles mentionnent sont les Aōjiia descendants de Tūra Friiāna et Yima Vīuuaŋhuša. Ce dernier, lʼhomologue du védique Yama Vaivasvata, nʼest autre que le Jamšīd du Livre des Rois et le protagoniste de plusieurs textes avestiques récents. Par contre, les premiers sont inconnus

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des traditions ultérieures, à ceci près que leur ancêtre Tūra Friiāna, nommé yōišta- « le plus jeune » dans lʼAvesta récent, est le héros dʼun récit connu notamment par le Mādayān ī Yōišt ī Friiān, un best-seller de la littérature pehlevie. Parmi les hommes connus des Gāθā, certains sont connotés positivement. Il leur est donné le nom générique de marǝta- tandis que le terme mašiia- est réservé à la désignation des mortels qui rendent un culte aux mauvais dieux. Il nʼest pas aisé de distinguer les mauvais mortels des mauvais dieux, les Daēuua, du fait que les uns comme les autres reçoivent la qualification de drǝguuant- « les égarés ». La même confusion existent parfois dans le bon camp où les officiants, les orants et les dieux peuvent les uns comme les autres être qualifiés dʼašauuan« accompagnés du bon Agencement ». Tandis quʼaucune hésitation ne concerne Aēšǝma ou que Rǝma est tout aussi facile à identifier, nous ne pouvons rien certifier concernant bənduua- (Y 49.1-2) : ce mot peut être le nom propre dʼun mašiia, être un titre sacerdotal réprouvé ou encore désigner un daēuua « contagieux ». Il en va de même de grəa- « le (mauvais) puiseur de haōma » (Y 32.12-14) ou de vaēipiia- kǝuuīna- (Y 51.12). Et plusieurs autres termes sont énigmatiques tels que maz- (Y 32.3, 32.11, 34.9), probablement la désignation dʼun meneur ou dʼun dirigeant politique adverse. Les titres sacerdotaux de la bonne obédience, curieusement, sont fort absents dans les Gāθā. Nous nʼy trouvons que zaōtar- « le libateur » (Y 33.6) et staōtar- « le laudateur » (Y 41.5, 50.11). Cependant, il convient de souligner ici non seulement lʼexistence de titres inconnus par ailleurs tels que mąθrān- (Y 32.13, 41.5, 50.5-6, 51.8) ou sǝraōšān(Y 50.4), mais aussi nos hésitations concernant lʼemploi des participes yazǝmna- (Y 34.6, 51.20) et saōšiiant- (Y 34.13, 46.3, 48.9,12, 51.2) ou du syntagme nar- spǝnta- (Y 48.7, 51.21). Ces trois dernières désignations paraissent renvoyer à la figure du sacrifiant, le commanditaire de la cérémonie sacrificielle. 15. Le lexique des Gāθā Le deuxième « motif obligé » va de soi. Si, comme je le pense, les Gāθā sont la cristallisation poétique de réflexions sacerdotales sur la pratique rituelle, il est tout naturel dʼy trouver ce que Jean KELLENS appelle « le moment sacrificiel », visible du fait dʼune concentration de vocabulaire rituel. Le critère fourni par le repérage de ce « motif obligé » me paraît fort évasif dʼautant que le vocabulaire rituel fait

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lʼessentiel du texte à tout instant. Les relevés entrepris dans cette optique me paraissent extrêmement arbitraires. Pour le vocabulaire de lʼAhunauuaitī Gāθā auquel Jean KELLENS sʼest intéressé dans un article du Journal Asiatique de 2013, je ne comprends pas pourquoi les réflexions sur la prière, présentes dans la première hāiti, ou celles sur la victime sacrificielle, trouvées dans la deuxième, ne peuvent constituer des moments sacrificiels majeurs. La sélection opérée des mots de vocabulaire est injustifiée : pourquoi yasna- plutôt que maniiu- ? pourquoi paθ- plutôt que gaō- ? Tous les mots pratiquement évoquent lʼun ou lʼautre des rouages de la pratique sacrificielle. La fréquence, voire lʼomniprésence, de mots tels que šiiaōθana- ou aša- qui le nomment ne peut en aucun cas non plus être ignorée dans lʼétude du vocabulaire du rite. Concernant ce vocabulaire plus ou moins technique, certaines absences, me semble-t-il, sont bien plus remarquables. Les realia, le lait, le haōma, la sève du grenadier, les divers ustensiles du pressurage ou de lʼoffrande, les bûches, le barǝsman, le barǝziš, etc., sont passés sous silence. Les mots les plus fréquents du vocabulaire sont précisément les abstraits qui concernent la parole ou des désignations de certains types de paroles rituelles, yasna-, vaa-, uxδa-. Et ceci est tellement vrai que certains dʼentre eux nʼont pas été reconnus comme désignations de la parole, tels quʼušti- ou maniiu-, les déclarations par lesquelles lʼorant manifeste respectivement son souhait et sa conviction. À mon avis, lʼimportance de la parole dans les Gāθā doit être justifiée en même temps que le silence y entourant le haōma. Pour moi, la réponse est à trouver dans la personne de lʼauteur des Gāθā. Celui-ci, un poète, se souciait tout naturellement de ses œuvres et des occasions de leur emploi dans les cérémonies. Le poète, lors des célébrations, était un zaōtar : apporter de lʼeau, tremper ou pressurer le haōma, traire la vache, mettre une bûche sur le feu, etc., tout cela ne relevait pas de sa responsabilité qui était celle de composer ou de dire les textes. Il nʼest donc pas étonnant que, dans les Gāθā, lʼaccent soit mis sur les divers emplois des textes, leurs diverses occasions, leurs divers types et leurs divers modes de production. 16. Les âmes de lʼhomme Le troisième « motif obligé » que Jean KELLENS relève est celui du « catalogue psychologique », lʼénumération dressée des diverses « forces mentales » dans les strophes Y 31.11 de lʼAhunauuaitī Gāθā, Y 45.2 de lʼUštauuaitī et Y 48.4 de la Spǝntā.maniiu. Voyons cela :

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— Y 31.11 hiiat66 nə mazdā paōuruuīm (7) gaēθāscā tašō daēnāscā67 (8) θβā manaŋhā xratūšcā68 (7) hiiat astuuaṇtəm dadā uštanəm (9) hiiat šiiaōθanācā səṇghąscā (7) yaθrā varənəṇg vasā dāiietē (9) .·. Comme les intelligences du Penser, (de la parole et du geste) t’ont servi, (Roi) qui apportes la Sagesse, à nous configurer dʼabord les troupeaux et la doctrine, à doter lʼos du mouvement et à définir les (pensées, les paroles et les) gestes, (dès lors,) là où les décisions correspondent aux choix […] ; — Y 45.2 at69 frauuaxšiiā (4) aŋhəuš maniiū +pauruiiē (7) yaiiā spaniiā70 (4) uitī mrauuat yəm angrǝm (7) nō[it] nā manā (4) nō[it] sənghā nō[it] xratauuō (7) na[ēd]ā varanā (4) nō[it] uxδā na[ēd]ā šiiaōθanā (7) nō[it] daēnā (3) nō[it] uruuąnō +hacintē (7) .·. Je vais alors proclamer les deux Sentiments fondamentaux de lʼexistence entre lesquels (lʼégaré) donnera pour plus savant le funeste que, pour rien/ en aucun cas, ni les pensées, ni les définitions, ni les intelligences, ni les choix, ni les paroles, ni les gestes, ni les doctrines, ni les âmes ne suivent ; +

— Y 48.4 yə71 dāt manō (4) vahiiō mazdā ašiiascā (7) huuō daēnąm (3) šiiaōθanācā vacaŋhācā (7) ahiiā zaōšəṇg (4) uštiš varənəṇg hacaitē (7) θβaī × xratāu (4) apəməm nanā aŋhat (7) .·. Mettant en place le Penser bon et le mauvais, il (suit) la (bonne) Doctrine avec le geste et le verbe (tandis que) la volonté accompagne ses approbations et ses choix, (si bien que), lors de ta décision, toi qui apportes la sagesse, divers sera le dernier (tournant de l’existence).

Pour apprécier ces listes de « forces mentales », nous ne pouvons nous passer des renseignements glânés dans le reste de la littérature zoroastrienne tout simplement parce que nous nʼavons guère dʼautre choix. Nous savons ainsi que lʼindividu, quel que soit son sexe72, était possesseur dʼune âme masculine le singularisant, uruuan- « celui qui bruit », et dʼune âme féminine le rattachant à lʼun ou lʼautre des deux camps, daēnā- « celle qui voit ». Celle-ci reflète la bonne Doctrine de façon plus ou moins correcte. Autour de ce couple fondamental, toute une série dʼentités, de forces et de principes gravitent, plus ou moins importants, tels que la pensée, le choix, la décision, qui peuvent prendre les contours de divinités telles que Vohu Manah ou Aši. Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 108-10. Pluriel par concordance avec nə. 68 Instrumental. Hendiadys avec manaŋhā. Pluriel par concordance avec la triade pensée + parole + geste. 69 Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 391-4. 70 Le nominatif spaniiā est à placer entre guillemets comme lʼindique la particule uitī et vaut donc un second accusatif dans la rection de √ mrū « donner pour », contre KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 81-2, qui en fait le sujet : « Je vais proclamer pour commencer les deux avis de lʼétat-dʼexistence, de sorte que le faste déclare que le néfaste est celui avec lequel ni les pensées, […] ne sont en accord ». 71 Sur la strophe, voir le Chapitre II. 72 Sur lʼâme des femmes, PIRART, 2012, p. 39-44 ; PANAINO, 2018. 66 67

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Dans le catalogue présent dans les trois strophes, la succession et la distribution des termes varient considérablement. La première des trois est faite de plusieurs propositions subordonnées tandis que la proposition principale est à trouver dans la strophe suivante. Les trois protases en hiiat établissent chacune un tandem, mais seul celui de la deuxième est connu par ailleurs : 11a1-b1

1ère protase en hiiat

11b2

2e protase en hiiat

11c1

3e protase en hiiat

11c2 12ab 12c

Protase en yaθrā Apodose en aθrā Nouvelle phrase

les gaēθā et les daēnā « les troupeaux et les doctrines » l’ast et l’uštāna « l’os et la faculté du mouvement » les šiiaōθana et les səṇgha « les gestes et les définitions »

Le premier tandem réunit les biens de lʼindividu, à savoir ses troupeaux (gaēθā-), et son âme féminine (daēnā-), la traduction que la doctrine mazdéenne zoroastrienne trouve en lui, de façon comparable au tandem des troupeaux et de la personne (tanū-) de leur propriétaire. Le troisième rassemble la triade de la pensée, de la parole et du geste avec lʼensemble des requis les concernant : la pensée ainsi y est-elle flanquée de ce quʼil est préconisé de penser. Les trois tandems combinent donc un élément avec une modalité, les biens avec la doctrine qui en dictera lʼusage, lʼossature avec les mouvements qui la mettront en vigueur, la triade du comportement avec les requis qui en feront une bonne triade. Pour la définition de la mauvaise opinion (maniiu-) que le mortel pourrait se faire du grand dieu, la strophe Y 45.2 dresse le catalogue des « forces mentales » censées rejeter sa compagnie, mais la liste donnée paraît bien complexe. Il nʼest pourtant pas nécessaire dʼaccuser certains attendus de la prosodie pour y expliquer lʼéclatement de la triade du comportement faite de la pensée, de la parole et du geste. Son premier terme figure en tête de liste, accompagné de la définition nécessaire à ce quʼils soient bons (manā… sənghā), tandis que les deux autres (uxδā… šiiaōθanā) nʼinterviendront quʼune fois données deux modalités du premier, lʼintelligence et la préférence (xratauuō… varanā) qui doivent le guider. Porteur de la triade, le tandem réunissant lʼâme féminine de lʼindividu et son âme masculine referme lʼénumération (daēnā… uruuąnō).

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Les « forces mentales » réunies dans la strophe Y 48.4 le sont à lʼoccasion dʼune remarque concernant lʼeschatologie individuelle. Lʼorientation bonne ou mauvaise de la pensée que lʼindividu déploie de son vivant (yə dāt manō vahiiō… ašiiascā), pour se traduire en mots ou en gestes et affecter alors la doctrine (huuō daēnąm šiiaōθanācā vacaŋhācā), est déterminante dans la décision que le grand dieu prendra au terme de lʼexistence matérielle (θβaī ×xratāu apəməm nanā aŋhat), mais la logomachie sémantique du troisième vers (ahiiā zaōšəṇg uštiš varənəṇg hacaitē) me laisse perplexe. Quoi quʼil faille penser de ce dernier détail, il est assez clair que chacune des trois énumérations est dressée dans un but différent ou que leurs contextes ne coïncident pas. De surcroît, les différentes listes ne rassemblent pas exactement les mêmes termes. Je suis donc peu enclin à y reconnaître un « motif obligé ». 17. Le sort des adversaires La présence dʼune « strophe de la damnation » est le quatrième « motif obligé » que Jean KELLENS retrouve dans les trois grandes Gāθā et dans la première des deux petites, à savoir Y 31.20 dans lʼAhunauuaitī Gāθā, Y 46.11 dans lʼUštauuaitī, Y 49.11 dans la Spǝntā.maniiu et Y 51.13 dans la Vohuxšaθrā. Vouer les antagonistes à lʼenfer, voilà qui fit souvent le programme et la propagande de bien des obédiences religieuses au cours des millénaires. Ce « motif obligé », quelconque aux yeux de lʼhistoire, pourrait être pourtant, dans le cas des Gāθā, une première, une nouveauté. Les Grecs de lʼAntiquité étaient prêts à reconnaître Démétèr sous les traits dʼIsis ou sous ceux de Kubaba, mais le Perse aurait suivi lʼauteur des Gāθā vieil-avestiques pour se refuser à penser que les Grecs honoraient Ārmaiti à Éleusis. Ceci pourrait bien être faux si Darius orna son palais de Suse avec des statues grecques et que, plus tard, les héritiers dʼAlexandre, pleins de mépris, répandirent jusquʼen Inde les cultes dʼHéraclès et de Dionysos ou finirent par imposer à Aši dʼendosser lʼaccoutrement de Tyché. Lisons donc attentivement les strophes en question : — Y 31.20 yə73 āiiat ašauuanəm (7) diuuamnəm74 hōi aparəm xšiiō (8) darəgəm āiiū təmaŋhō (7) dušxvarəθəm auuaētās vacō (8) təm vā ahūm drəguuaṇtō (7) šiiaōθanāiš xvāiš daēnā naēšat (7) .·. Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 123-4. Nécessité du daivisme, le nom de la mauvaise fortune, diuuamna-, apparenté à la désignation générique des mauvais dieux, daēuua-, se différencie bien évidemment de celui de la bonne fortune, Aši. 73 74

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L’agresseur du (pieux adorateur), si ce dernier recourt au (bon) Agencement, finit par connaître une (mauvaise) fortune faite de lamentations, la longue durée des ténèbres où la nourriture est mauvaise (et) la détresse de la parole. Vous les égarés, vos propres gestes font que la Doctrine vous conduise à pareille existence ; — Y 46.11 xšaθrāiš75 yūjən76 (4) karapanō kāuuaiiascā (7) akāiš šiiaōθanāiš (4) ahūm mərəṇgəidiiāi mašīm77 (7) yəṇg xvə uruuā (4) xvaēcā xraōdat daēnā (7) hiiat aibī.gəmən (4) yaθrā cinuuatō pərətuš (7) yauuōi vīspāi (4) drūjō dəmānāi78 astaiiō79 (7) .·. En (lui) fournissant lʼEnvoûtement sur (les mauvais dieux) et en poussant de la sorte ceux-ci à détruire l’existence mortelle, (les mauvais officiants que sont notamment) les karapan et les kəuui se sont servis de (la mauvaise idée, du mauvais mot) et du mauvais geste si bien que la propre âme et la propre Doctrine (du mortel qui est avec eux ou pour qui ils officient) se fâchent sur eux à leur arrivée là où commence le Pont du Tri, (les mauvais officiants,) voyageurs à jamais (retenus) dans la maison del’Erreur ; — Y 49.11 at80 +dušə.xšaθrəṇg (4) duš.šiiaōθanəṇg dužuuacaŋhō (7) duždaēnəṇg (3) duš.manaŋhō drəguuatō (7) akāiš xvarəθāiš (4) paitī uruuąnō + [paitī.]yeiṇtī (7) drūjō dəmānē (4) haiθiiā aŋhən astaiiō (7) .·. Quant à elles, les âmes (impies) quʼune mauvaise Doctrine accompagne, du fait de leur mauvais Envoûtement, de leurs gestes mauvais, de leurs verbes mauvais, de leur Doctrine mauvaise et de leurs pensers mauvais, font tribut de mauvaises nourritures aux Égarés (et, pour sûr,) seront des voyageurs reçus dans la maison de lʼErreur ; — Y 51.13 tā81 drəguuatō marədaitī (7) daēnā +ərəzaōš haiθīm (6) yehiiā (7) cinuuatō ×pərətāu ākā (7) xvāiš šiiaōθanāiš hizuuascā (7) uruuā xraōdaitī ašahiiā nąsuuā82 paθō (7) .·. 75 La compréhension que KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 109-10, donne de cette strophe est très différente de la mienne. 76 Construit avec lʼinstrumental et un infinitif datif, √ yuj, comme son homologue indien, signifie « munir (qqn.) de qqch. pour que telle opération puisse être effectuée » : les mauvais officiants, afin quʼils détruisent lʼexistence, dotent le mortel de lʼEnvoûtement sur les mauvais dieux. 77 Forcément lʼépithète dʼahūm. 78 Voir la Marginale II §IIId.3. 79 Sur la place spéciale du mot asti-, PIRART, 2020, p. 127 n. 224. Désignation des voyageurs auxquels lʼhospitalité était offerte, car les prêtres étaient itinérants. 80 Sur la strophe, voir le Chapitre III. 81 Sandhi pour tat. La proposition principale sise au premier vers est suivie dʼune subordonnée relative couvrant les deux derniers, épithète du complément déterminatif du sujet de son verbe (drǝguuatō… +ǝrǝzaōš… yehiiā), mais il est curieux de trouver un égaré aussi discipliné (+ǝrǝzaōš… yehiiā uruuā… ašahiiā nasuuā paθō). 82 Accordé avec uruuā.

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Dès lors [= Suite à ce mauvais accueil], lʼégaré (a beau observer la diction) continue et arriver toujours au bout des chemins de lʼAgencement au moyen de ses propres gestes ou de ceux que, de vive voix, (il a donné l’ordre d’accomplir), sa Doctrine néglige lʼefficace du (texte qu’il récite), lui dont lʼâme se révolte face au Pont du Tri.

Dans la première de ces strophes, lʼadversaire est défini comme un agresseur. Haïr lʼagresseur, quoi donc de plus naturel ? Et, pour nous en débarrasser, donnons-lui les noms dʼégaré ou dʼimpie justifiant sa mise à mort. Il ne sʼagit pas ici de lutter contre une obédience religieuse distincte. Les désignations des mauvais officiants dont les homologues védiques relèvent très exclusivement de la mythologie ont dʼailleurs tout lʼair dʼêtre le signe du côté imaginaire de lʼobédience réprouvée. Sʼil ne commet aucune agression, les dieux nʼexigent pas que la peine de mort soit infligée à lʼimpie. Selon la deuxième strophe tout comme selon la dernière, la Doctrine, dans lʼau-delà, se chargera de leur réserver ce quʼils méritent. La condamnation reste donc théorique, et rien ne concerne la pratique. Aucune des affirmations de la troisième strophe nʼest étayée ni définie : nous nʼy apprenons pas en quoi les impies dont il est question sont dotés dʼun mauvais Envoûtement. Et le côté mauvais de leurs gestes est tout aussi théorique, inexpliqué. Nous ne saurons jamais ce que signifie la qualification de « mauvais » pour lʼauteur des Gāθā. Un certain automatisme régit le mécanisme, une sorte de miroir : le mauvais récolte le mauvais. La strophe Y 51.13 est assez énigmatique : lʼégaré dont il y est question a eu beau faire des pieds et des mains, être discipliné, observer la diction continue et célébrer les sacrifices de façon exhaustive, jusquʼau bout, au grand dam de son âme révoltée, la Doctrine ne tiendra pas compte de ses mérites. Sans doute lʼimpie lʼest-il de façon irrémédiable. « Motif obligé » ? Je ne mʼy oppose pas. Cependant, je ne pense pas quʼil soit utile dʼaccorder beaucoup dʼimportance à ce critère à lʼinstant de chercher à définir les Gāθā. Les hymnes védiques aussi nous dépeignent lʼimpie de façon bien théorique. Le poète nʼhésite pas à taxer les voisins dʼimpies afin de donner à lʼorant le droit de leur voler le bétail ou de dire aux dieux de préférer ses offrandes aux leurs. Il y avait lʼidée dʼune compétition sans merci à lʼinstant de bénéficier de la faveur divine. Cette façon de voir prévaut aussi dans les Gāθā.

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18. La doctrine du futur Jean KELLENS, en cinquième lieu parmi les « motifs obligés » définissant les Gāθā, mentionne la combinaison des mots daēnā- et saōšiiant-, mais lʼassociation, pourtant bien présente dans les strophes Y 34.13, 45.11 et 53.2, resterait diffuse dans la Spǝntā.maniiu Gāθā. Commençons par lire les strophes des trois autres Gāθā où est bel et bien attestée la combinaison en question : — Y 34.13 təm83 aduuānəm ahurā (7) yəm mōi mraōš vaŋhəuš manaŋhō (8) daēnā saōšiiaṇtm (6) yā +hū.kǝrətā ašācīt uruuāxšat (9) hiiat +cǝuuištā + hudbiiō (7) mīždəm mazdā yehiiā tū daθrəm (9) .·. La route, Roi qui apportes la sagesse, (enseigne-la-nous) que tu me dis être celle du Penser bon, la bien établie que les Doctrines des futurs Invigorateurs parcourent bien avec lʼAgencement, depuis que vous avez accordé à ceux qui font de bonnes offrandes la récompense qui (leur) revient ; — Y 45.11 yastā84 daēuuəṇg (4) aparō mašiiąscā (7) tarə.mąstā (4) yōi īm tarə.maniiaṇtā (7) aniiəṇg aāt (4) yə hōi +arəm.maniiātā (7) saōšiiaṇtō dəṇg (4) patōiš spəṇtā daēnā (6) uruuaθō barātā (4) patā vā mazdā ahurā (7) ºoº Si, à la suite (de Zaraθuštra), (lʼorant) a méprisé les Hasardeux [= les mauvais dieux] et les mauvais mortels qui méprisent ce dernier, eux qui se différencient de cet (orant) qui est déférent envers lui, (sʼil en va bien de la sorte,) la savante Doctrine de (ce) maître de maison est celle dʼun futur Invigorateur. (Et, nous dis-tu, nous pouvons alors considérer cet) observant comme un frère ou un père, Roi qui apportes la sagesse ; — Y 53.2 atcā [hōi] scaṇtū manaŋhā (7) uxδāiš šiiaōθanāišcā (5) xšnūm mazd +vaāi.ā (7) fraōrət yasnąscā (5) kauuacā vīštāspō (7) zaraθuštriš spitāmō (7) fərašaōštrascā (5) dŋhō ərəzūš paθō85 (7) yąm daēnąm ahurō (6) saōšiiaṇtō dadāt86 (5) .·. 83

Sur la strophe, voir la Marginale III §III.16. Strophe difficile du fait dʼun tressage de subordonnées relatives. Jean KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 93-4, en donne une compréhension fort différente de la mienne à partir dʼaniiəṇg. La difficulté provient dʼallusions entrecroisées faites à plusieurs personnages humains : le premier nommé, représenté par le pronom relatif yasº, un orant, méprise les Daēuua et les mauvais mortels. Il le fait à la suite du deuxième personnage, celui qui, dans la première subordonnée, est représenté par le démonstratif ºtā complément dʼaparō et en qui nous devons probablement reconnaître un maître à penser tel que Zaraθuštra. La mention des mauvais mortels constitue lʼantécédent du pronom relatif yōi qui ouvre la deuxième subordonnée. Dans cette dernière, lʼexistence du deuxième personnage est rappelée au moyen du pronom enclitique īm. Au-delà de cette deuxième subordonnée relative, nous trouvons lʼaccusatif pluriel aniiəṇg quʼil faut nécessairement ordonner avec mašiiąsº. Le démonstratif aāt, complément dʼaniiəṇg et antécédent de yə, représente le premier personnage tandis que le deuxième, dans la subordonnée introduite par ce pronom relatif yə, est rappelé au moyen du pronom enclitique hōi. Quant à elle, la proposition principale est une nominale qui me semble être double et elliptique. 85 Accusatif pluriel régi par un verbe sous-entendu dont {daēnā} est le sujet. 86 Parfait retouché ? 84

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Que, de façon empressée, le(s disciples) de Zaraθuštra Spitāma, (à commencer par) le sage Vīštāspa ou Fǝrašaōštra, en vue de la séquence chantée, sʼappliquent donc avec la pensée, les mots et les gestes à accueillir le (Roi) qui apporte la sagesse et à lui offrir les sacrifices ! La Doctrine du futur Invigorateur, celle que (ce) Roi met toujours en place, (montre) les routes rectilignes du don.

Pour ramener la fréquence du tandem des mots daēnā- et saōšiiantà de justes proportions, sachons que le premier est trois fois sur vingthuit associé au second tandis que ce dernier lʼest au premier trois fois sur six. Il ne sʼagit donc pas dʼun tandem en vue. En effet, dʼautres « forces mentales » sont associées aux saōšiiant comme les xratu ou les səngha dans la strophe Y 46.3 où le contexte concerne lʼeschatologie générale : — kadā87 mazdā (4) yōi uxšānō asnm (7) aŋhəuš darəθrāi (4) frō ašahiiā [fr] ārəṇtē (7) vərəzdāiš səṇghāiš (4) saōšiiaṇtm xratauuō (7) kaēibiiō ūθāi (4) vohū jimat manaŋhā (7) maibiiō θβā (4) sąstrāi vərənē ahurā (7) .·. Roi qui apportes la sagesse, (dis-moi :) quand seront là les taureaux des jours qui, pour le maintien de lʼAgencement avec lʼexistence, (ne cessent dʼ) avancer — lʼintelligence des futurs Invigorateurs résidera dans la décision que lʼheure des taureaux sera venue — ? Quels (orants le Phrasé) viendra-t-il, (de concert) avec le Penser bon, (nourrir) de la graisse (du taureau Aēuru) ? Je préfère que ce soit toi qui mʼinstruises.

La strophe Y 48.9 donne aux sacrifiants, quʼil sʼagisse des officiants ou des commanditaires, un rôle déterminant dans lʼeschatologie générale : lʼissue du monde, son destin dépend de la pratique rituelle quʼils auront eu à cœur dʼobserver. La daēnā y est ainsi présente en creux, car ce que les dieux craignent, cʼest que la bonne doctrine ne soit pas suivie et que le monde en vienne à capoter : — kadā88 vaēdā (4) yezī cahiiā xšaiiaθā (7) mazdā ašā (4) yehiiā mā ×āiθīš duuaēθā (7) ərəš mōi [ərəž]ūcąm (4) vaŋhəuš vafuš manaŋhō (7) vīdiiāt saōšiiąs (4) yaθā hōi ašiš aŋhat (7) .·. Et, puisque vous avez bénéficié dʼun certain Envoûtement, (Roi) qui apportes la sagesse, avec le (bon) Agencement/ lors de la Dédicace, (ditesmoi) : quand saurai-je de qui vous craignez les dommages ? Que me soit dite en diction continue la stance du Penser bon ! Puisse le futur Invigorateur savoir comment sera sa Dédicace !

87 88

Sur la strophe, voir la Marginale II §IIa. Sur la strophe, voir le Chapitre II.

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Dans la strophe Y 48.12, les saōšiiant des nations, sans aucun doute leurs représentants les plus insignes, pour affronter lʼarchidémon, se baseront sur le səngha quʼAhura Mazdā leur aura fourni, mais, à mon avis, dans la définition avec laquelle le grand dieu aura exposé à Zaraθuštra la marche à suivre, nous ne devons reconnaître ni plus ni moins que la bonne doctrine : — at89 tōi aŋhən (4) saōšiiaṇtō daxiiunm (7) yōi xšnūm vohū (4) manaŋhā hacṇtē (7) šiiaōθanāiš ašā (4) θβahiiā mazdā sənghahiiā (7) tōi zī dātā (4) hamaēstārō +aēšəmahiiā (7) ºoº Et ceux-là seront les futurs Invigorateurs des nations, eux qui, pour (tʼ)accueillir avec le Penser bon et les gestes que tu préconises, seront accompagnés du (bon) Agencement, toi qui apportes la sagesse. Car ceux-là ont été placés en tant qu᾿adversaires de lʼEnragé.

Autrement dit : lʼexclusive du tandem de daēnā- et de saōšiiant- vole en éclats. Pour un « motif obligé », je conçois mal quʼil soit évasif ou que son expression fluctue à ce point. Cependant, il est vrai que Jean KELLENS a la prétention de sʼabstenir de toute sémantique interprétative fine et de travailler de façon mécanique, ultra-objective. Ses relevés échappent ainsi à la critique pour autant que les strophes restent insensées. Le chemin, tout à la fois la métaphore du cursus rituel et le pavé dʼun accès à lʼau-delà, dans la strophe Y 34.13, paraît être la superposition ou la confusion des événements qui, selon les conceptions avestiques récentes, marqueront respectivement lʼeschatologie individuelle et le terme du temps linéaire. Les Gāθā ne font probablement pas encore la distinction entre le sort particulier de tout un chacun et celui du monde comme cʼest apparemment le cas dans lʼAvesta récent. La daēnā est aussi bien à sa place au niveau de lʼindividu quʼen vue du dernier tournant du temps linéaire. Avec la strophe Y 45.11 de fin dʼunité, le poète identifie clairement le saōšiiant à un maître de maison (dəng paiti-) et donne la correction rituelle de ce dernier pour la garantie du succès eschatologique face aux exactions des impies. La strophe Y 53.2 en est une où deux « motifs obligés » coïncident, celui du catalogue des noms propres et celui du tandem que la daēnā forme avec le saōšiiant. Elle situe elle aussi la daēnā de lʼorant prêt à gonfler les dieux sur le chemin de la correction rituelle. Et tout porte à croire que lʼorant peut y porter par exemple le nom de Vīštāspa ou celui de Fǝrašaōštra. 89

Sur la strophe, voir le Chapitre II.

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Dans les Gāθā, le terme de saōšiiant- sert à désigner le sacrifiant en insistant sur son implication dans le succès du parachèvement du monde auquel les dieux procèderont. Dans lʼAvesta récent, le terme sera limité dans son application et finira par ne plus désigner que les trois héros eschatologiques qui naîtront au cours des derniers tournants du monde matériel et faciliteront le passage de ce monde vers lʼinfini. Dans le mythe avestique récent ou pehlevi, le dernier des trois Saōšiiant issus de la semence de Zaraθuštra, celui que les textes appellent parfois simplement le Saōšiiant, au dernier tournant du monde transitoire, se chargera de lʼimmolation dʼun taureau ou y présidera, dont la graisse rassasiera définitivement les défunts ressuscités90. Né de la Vache primordiale et promis à la mort au terme des 9000 ans du monde concret, le taureau de ce mythe, nommé Haδāiiu ou Θrisaōka, à nʼen point douter, nʼest autre que lʼun de ceux, anonymes, dont il est précisément question dans la strophe Y 46.3 qui les associent aux saōšiiant et où le poète sʼinterroge sur lʼdentité des hommes qui bénéficieront de sa graisse. Je donne le nom dʼAēuru au taureau eschatologique des Gāθā dʼaprès lʼadjectif qui, dans la strophe Y 50.10, le qualifie, même si le sens et le statut de son correspondant védique éru- (AS 6.22.3) restent tout aussi indéterminés. Nous sommes donc bien en présence dʼun thème de réflexion majeur des conceptions protozoroastriennes que le poète ne pouvait passer complètement sous silence. Il sʼagit clairement alors dʼun « motif obligé », mais il ne figure pas dans les différentes Gāθā en tant que caractéristique formelle requise : le tandem des mots daēnā- et saōšiiant- sʼimposait de toute façon au poète leur auteur. Nous ne pouvons arriver ni à comprendre les Gāθā ni à les définir en les isolant rigoureusement de tout, comme si, pour leur analyse, nous devions les placer dans quelque éprouvette aseptisée. 19. Les Rois du monde Lʼévocation simultanée de Mazdā au vocatif et dʼun Ahura anonyme au nominatif constitue pour Jean KELLENS un sixième « motif obligé » : — Y 33.5 yastē91 vīspə.mazištəm (7) səraōšəm zubaiiā auuaŋhānē (9) apānō darəgō.jiiāitī[m] (7) +ā +xšaθrəm vaŋhəuš manaŋhō (8) ašāt ā ərəzūš paθō (7) yaēšū ×mazdā ahurō +šaēitī (9) .·. 90 91

Sur ce taureau, PIRART, 2018. Sur la strophe, voir la Marginale II §Ia.3.

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(À) moi qui, lors de lʼétape, demande de venir à ton (fils) le Phrasé, le plus grand de tous (les Adorables), (à moi) qui (ai) toujours développé, depuis lʼ(excellent) Agencement, lʼEnvoûtement source de longue vie sur les routes rectilignes du Penser bon où habite le Roi [= le Feu], toi qui apportes la sagesse ; — Y 43.3 at92 huuō vaŋhəuš (4) vahiiō nā aibī.jamiiāt (7) yə nā ərəzūš (4) sauuaŋhō paθō sīšōit (7) ahiiā aŋhəuš (4) astuuatō manaŋhascā (7) haiθiiəṇg āstīš (4) yəṇg +ā.šaēitī ahurō (7) arədrō θβāuuąs (4) huzəṇtušə spəṇtō mazdā (7) .·. Et puisse cet homme accéder à mieux que bon, lui qui nous enseignera les (routes) assurées et carrossables qu’habite le Roi [= le Feu], les routes rectilignes des ressources dont (les deux existences te dotent), celle-ci qui est osseuse [= l’existence matérielle] et celle du Penser, (puisse cet homme accéder à mieux que bon, lui) qui remporte le succès à l’instant de te rendre un culte et de générer la bonne (existence rituelle) avec science, (Roi) qui apportes la sagesse ; — Y 48.3 at93 vaēdəmnāi (4) vahištā sāsnanm (7) yąm hud (4) sāstī ašā ahurō (7) spəṇtō vīduuā (4) yaēcīt gūzrā sənghāŋhō (7) θβāuuąs mazdā (4) vaŋhəuš xraθβā manaŋhō (7) .·. Et, parmi les leçons, celle que le Roi des bonnes offrandes [= le Feu] impartit avec lʼAgencement est excellente pour celui qui est (en charge) de fixer (la date), le savant qui est au courant des définitions même secrètes et te rend un culte, (Roi) qui apportes la sagesse, avec lʼintelligence du Penser bon ; — Y 51.3 +ā.və.gəuš.ā94 həmiiantū (7) yōi +vī šiiaōθanāiš sārəntē (7) ahurō ašā +hizuuā.(7)uxδāiš vaŋhəuš manaŋhō (7) yaēšm tū pōuruiiō (7) mazdā fradaxštā ahī (7) .·. Que les invocateurs se réunissent, eux qui se trouvent sans union avec l’Agencement malgré les gestes que le Penser bon leur dicte de vive voix, (gestes) dont toi, Roi qui apportes la sagesse, tu es le premier propulseur !

Comme on fait un nœud aux deux bouts dʼune corde afin dʼéviter quʼelle ne sʼeffiloche, nous trouvons, parmi les préparatifs de lʼAgnistoma védique, une offrande faite au tandem dʼAgni et de Visnu. Cette offrande permet de fixer les deux extrémités du cursus rituel, ce bout-ci où règne le roi de la Terre, Agni, et lʼautre bout, là-haut, que Visnu put atteindre en trois enjambées. Cʼest de ce chemin quʼil est question dans 92 Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 163-7. Je ne puis ni partager les analyses de KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 28, qui fait de sauuaŋhō le but de la route suivie et des deux existences ses bénéficiaires : « chemin […] vers lʼépanouissement de cet état osseux et de celui de pensée » ; ni comprendre le sens quʼil donne aux mots du dernier vers : « en officiant, comme ton pareil, ton faste parent ». 93 Sur la strophe, voir le Chapitre II. 94 Sur la strophe, voir la Marginale I §Ic.

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les strophes gâthiques que Jean KELLENS a rassemblées en parlant dʼun sixième « motif obligé ». La dernière de ces strophes (Y 51.3) nʼest pas à enregistrer ici, car ahurō y est un vocatif et sʼaccorde avec mazdā. L’apparence nominative du vocatif ahurō placé devant ašā doit être appréhendée comme la forme mǝrǝtō (< pir. *hmartā) que, dans le V 2.3.2, nous trouvons devant bǝrǝtaca (< pir. *bartā ca*). C’était en désespoir de cause que j’avais proposé d’identifier ici le dieu Feu95. Soulignons alors, à la strophe Y 53.9, la présence dʼun autre exemple dʼahurō vocatif96 : dužuuarənāiš97 vaēšō98 rāstī99 (7) tōi narəpīš100 +arəjīš101 (5) aēšasā102 dəjīt.rətā (7) pəšō.tanauuō103 (5) kū ašauuā ahurō (7) yə īš jiiātəuš + həmaiθiiāt104 (7) vasə.itōišcā (5) tat105 mazdā tauuā xšaθrəm (7) yā ərəžəjiiōi106 dāhī (7) +drigauuē107 vahiiō108 (5).·. Avec le choix quʼopèrent les mauvais (mortels) [duš-vrnāiš], le (mauvais) officiant vocifère [vaišah rāsti]. Dans lʼobscurité due aux décroissances (de la Lune) [narpīš r̥jīš], les voilà [tai] qui, implorateurs [yai išsā] et destructeurs de l᾿Agencement [djita-rtā], ont perdu leur personne

PIRART, 2007, p. 87 n. 209 ; voir 2020, p. 277 n. 48. Contre SKJÆRVØ, 2002, p. 401. 97 Le second terme du composé dužuuarǝna- pourrait être tiré du thème de présent de √ var « choisir ». 98 Paraît coïncider avec lʼādyudātta védique vésa- masc. « travail, activité », mais nous pouvons aussi admettre un antodātta et y voir un nom dʼagent. 99 Forcément tiré de √ rah (= véd. 1RAS « braire, hennir » :: r´sati [GOTŌ, 1987, p. 267] ou 2RAS :: rása- « jus, saveur »). Pourrait être une façon de stigmatiser le mauvais officiant pour ses prestations. 100 Forcément tiré de √ narp « décroître ». 101 Avec BARTHOLOMAE, 1904, col. 191, contre G rajīš, mais en pensant à lʼinstrumental pluriel dʼun adjectif en -i- tiré de la racine connue notamment par le grec ἔρεβος. 102 Ce vers est à la source d᾿une séquence du Vīdaēuu-dāt : V 5.4.2 (= V 5.7.2, 8.34.5) vīspō aŋhuš astuuā išasəm jit.ašəm xraōdat.uruua pəšō.tanuš frəna āŋhąm nasunąm yā paiti āiia zəmā irīriθarə .·. : SKJÆRVØ, 2014, p. 382-3 ; PIRART, 2012, p. 48-9 n. 153. Il faut sans doute restituer devant aēšasā, le nominatif masc. plur. du participe présent en ºá- de √ ižd : < pir. *ižd-sa- « exigeant ». 103 Fait référence à la tan ī pasēn « personne future ». 104 Pour tenir compte de lʼépenthèse, contre G həmiθiiāt. 105 L᾿hémistiche 9d1 est cité dans Y 19.14 yat dim dāmabiiō cinasti +mazdāi ×iδa tǝm yat aāi dāmąn .·. xšaθrǝm ×ahurāi.ā cinasti .·. tat mazda tauua xšaθrǝm .·. drigubiiō vāstārǝm cinasti .·. yaθa uruuaθǝm spitamāi .·. panca tkaēša .·.. La forme tauuā est le subjonctif de √ tū, contre, PIRART, 2018, p. 79. 106 « Qui vit continûment (avec Aša) », dʼaprès Y 50.2c1. 107 KP, contre G drigaouuē. 108 Place spéciale de cet objet du verbe. L᾿hémistiche est à rapprocher du troisième vers de l᾿Ahuna Vairiia : DARMESTETER, 1892-3, vol. I p. 348 n. 49. 95 96

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[prta-tanavah]. Où le pieux (adorateur) (se trouve-t-il) [kū rtavā] qui puisse les frustrer de la vie et de la liberté [yah īnš jyātauš ham-miθyāt vasah-itaiš ca] ? Roi qui apportes la sagesse, ne suis-je à même d’exercer l’Envoûtement [ahura… tat mazdā tavā xšaθram] grâce auquel tu donnes le meilleur au pauvre qui vit continûment (avec lʼAgencement) [yā rš-jiyai daʼahi drigavai vahyah] ?

Et le titre dʼahura- que portent tout à la fois le grand dieu et son fils le Feu, comme nous le savons parfaitement, signifie « roi ». Il est sans doute exagéré de taxer le roi de la Terre dʼanonyme si tout un chacun sait quʼil nʼest dʼautre roi sur Terre que le fils dʼAhura Mazdā. Et, comme on sait tout aussi bien, il est impossible de rendre un culte à Ahura Mazdā en se passant de ce réceptacle des offrandes que le Feu constitue, celui que le poète védique identifie à la bouche des dieux. Le thème de la rencontre des deux rois dans une seule et même strophe nʼa donc rien de bien exceptionnel. Comme lʼun ne peut aller sans lʼautre, je ne sais si nous devons y voir un « motif obligé » des Gāθā ou, plus simplement, un élément incontournable des réflexions du poète. 20. Les dieux abstraits Jean KELLENS voit dans le rassemblement de tous les Amǝša Spǝnta de lʼheptade récente un septième « motif obligé » : — Y 34.11 at109 tōi ubē hauruuāscā (7) +xvarəθāi.ā amərətatāscā (8) vaŋhəuš xšaθrā manaŋhō (7) ašā mat ārəmaitiš vaxšt (8) utaiiūitī təuuīšī (7) tāiš [ā] mazdā +vīduuaēš[m].θβōi ahī (8) .·. Et, pour ta nourriture, il y a les deux (jumelles) Intégrité et Immortalité, (et,) avec lʼEnvoûtement que le Penser bon et lʼAgencement permettent, la Déférence accroît (pour toi) Jouvence et Énergie. De la sorte, toi qui apportes la sagesse, tu restes à lʼabri des nuisibles ; — Y 45.10 təm110 nə yasnāiš (4) ārǝmatōiš mimaγžō (7) yə ąnmənī (4) mazdā srāuuī ahurō (7) hiiat hōi ašā (4) vohucā cōišt manaŋhā (7) xšaθrōi ×auuōi (4) hauruuātā amərətātā (7) aāi stōi dąn (4) təuuīšī utaiiūitī (7) .·. Tu as cherché à le gratifier en recourant aux sacrifices de notre Déférence, lui, le Roi qui, apportant la sagesse, est connu pour le souffle que (la déesse) lui a procuré avec lʼaide de lʼAgencement et du Penser bon (tandis que), lors de lʼEnvoûtement, les (dieux) là-haut lui donnent lʼIntégrité et lʼImmortalité, lʼÉnergie et la Jeunesse nouvelle ;

109 110

Sur la strophe, voir la Marginale I §IVd. Sur la strophe, voir la Marginale III §III.28.

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— Y 47.1 spəṇtā111 maniiū (4) vahištācā manaŋhā (7) hacā ašāt (4) šiiaōθanācā vacaŋhācā (7) aāi dąn (4) hauruuātā amərətātā (7) mazdā xšaθrā (4) ārǝmaitī ahurō (7) .·. Avec lʼexcellence du penser, du verbe et du geste auxquels le Sentiment de sa science suggère (à lʼorant) de recourir pour (lui) rendre un culte, (les entités divines du culte rendu) assurent lʼIntégrité et lʼImmortalité au (Roi qui apporte la sagesse) : lʼEnvoûtement donne au Roi qui apporte la sagesse (dʼentrer en contact) avec la Déférence.

Certes, mais deux fois sur trois, lʼheptade est complétée du tandem formé dʼUtaiiūiti « Jeunesse nouvelle » et de Tǝuuīšī « Énergie » tandis que, la troisième fois, nous voyons le tandem du geste (šiiaōθana-) et de la parole (vacah-) accompagner lʼexcellent Penser (vahišta- manah-). Je proteste donc : il nʼy a dʼheptades dans aucune de ces trois strophes. Ce que nous y trouvons, ce sont des ennéades. De toute façon, remarquons-le lourdement, aucune homogénéité dans lʼemploi des cas ne peut être relevée ni entre ces strophes ni entre leurs ingrédients : Y 34.11

Y 45.10

Y 47.1

Mazdā voc. Manah gén. Aša instr. Xšaθra instr. Ārmaiti nom. Hauruuatāt nom. Amǝrǝtatāt nom. Utaiiūiti acc. Tǝuuīšī acc.

Mazdā nom. Manah instr. Aša instr. Xšaθra loc. Ārmaiti gén. Hauruuatāt acc. Amǝrǝtatāt acc. Utaiiūiti acc. Tǝuuīšī acc.

Mazdā nom. Manah instr. Aša abl. Xšaθra instr. Ārmaiti instr. Hauruuatāt acc. Amǝrǝtatāt acc. Vacah instr. Šiiaōθana instr.

Pour moi, ce « motif obligé » est à biffer dʼentrée de jeu. Cependant, il est lʼoccasion de souligner le caractère abstrait des divinités vieilavestiques qui, souvent même, ne présentent aucune personnification. Lʼheptade ou lʼennéade, comme Johanna NARTEN112 lʼavait montré, peut être étendue de façon considérable. La liste des dieux abstraits, dans les Gāθā, est encore ouverte. Admettre le « motif obligé » de KELLENS reviendrait à repousser la démonstration de NARTEN. Le processus de la formation de lʼheptade récente comporte des phénomènes de fusion, 111 112

Sur la strophe, voir le Chapitre I. NARTEN, 1982.

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dʼabsorption, dʼinversion et dʼexclusion. En voici quelques exemples, sans vouloir ni pouvoir être exhaustif : — Vohu Manah « le Penser bon » a absorbé Vohu Vacah « le Dire bon » et Vohu Šiiaōθana « le Geste bon » ; — Hauruuatāt « lʼExhaustivité, lʼIntégrité », pour raison grammaticale, ne sʼest pas retrouvée en queue de peloton, juste avant Mazdā, où elle aurait dû figurer ; — le tandem que Hauruuatāt forme avec Amǝrǝtatāt « lʼImmortalité » a absorbé celui quʼUtaiiūiti « la Jouvence, la Jeunesse nouvelle » compose avec Tǝuuīšī « lʼÉnergie (retrouvée) » ; — Xšaθra « lʼEnvoûtement » a absorbé Aōjah « lʼAscendant » et Fsǝratū « la Maîtrise » ; — Sǝraōša « le Phrasé » et Aši « la Dédicace, la Chance » ont été exclus de la liste ; — Aša « lʼAgencement » qui occupait la première place lʼa cédée à Vohu Manah ; — Ārmaiti « la Déférence » semble sʼêtre dédoublée dans lʼAvesta récent où nous trouvons, à côté de lʼAmǝšā Spǝntā du nom dʼĀrmaiti, une Adorable appelée Yāiriiā Hušiti « la Récolte qui assure un bon séjour ».

Le caractère mouvant ou instable du panthéon zoroastrien est encore visible dans la version que les inscriptions vieux-perses des Achéménides en ont donnée : malgré le peu que nous en connaissons, plusieurs divergences dans la théonymie sont à enregistrer qui vont jusquʼà montrer des différences de sexe. Et des remarques similaires ou identiques, bien évidemment, peuvent être formulées concernant les mauvais dieux113. 21. Déclamer et chanter En huitième lieu, Jean KELLENS relève la mention du nom du feu dans un même « réseau lexical énigmatique », sans nul doute celui où il est question des deux rāna : — Y 31.3 yąm114 dā maniiū āθrācā (7) ašācā115 cōiš rānōibiiā xšnūtəm (9) hiiat uruuatəm cazdōŋhuuadəbiiō (7) tat nə mazdā vīduuanōi vaōcā (9) hizuuā θβahiiā āŋhō (7) yā jīuuaṇtō vīspəṇg vāuraiiā (9) .·. Lʼattention que tu prêtes aux deux exécutants en raison du Sentiment (que nous avons te concernant), de (la présence du) Feu et de (la mise en œuvre du bon) Agencement, lʼattendu que (tu imposes) aux désireux, fais-le-nous savoir, dis-nous de vive voix (comment y arriver), (Roi) qui apportes la sagesse, de sorte que je puisse épargner (la condamnation) à tous les (êtres) vivants ; 113 114 115

PIRART, 2015. Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 86-9. Voir la Marginale III §III.7.

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— Y 31.19 gūštā116 yə maṇtā ašəm (7) +ahūm.biš vīduuā ahurā (8) ərəžuxδāi vacaŋhm (7) xšaiiamnō hizuuō vasō (8) θβā āθrā suxrā mazdā (7) vaŋhāu vīdātā rąnaiiā (8) .·. Que (chacun de vous), Roi qui apportes la sagesse, écoute (plutôt) (les conseils et les leçons de celui) qui, avec science, est arrivé à la conclusion que le (bon) Agencement est guérisseur de lʼexistence, se contrôlant, avec ton Feu enflammé, la langue en vue de la prononciation rectiligne des strophes ! (Que chacun de vous les écoute), toi qui es bon, lors de la répartition des rôles entre les deux exécutants ; — Y 43.12 hiiatcā117 mōi mraōš (4) ašəm jasō frāxšnənē (7) at tū mōi nō[it] (4) asruštā pairī.aōγžā (7) +uziraidiiāi (4) parā hiiat mōi ā.jimat (7) səraōšō ašī (4) mązā.raiiā hacimnō (7) yā vī118 ×ašiš (4) +rānōibiiā sauuōi [vī]dāiiāt (7) .·. Car, à me dire, à moi qui sais m’orienter, d’aller à l’Agencement, toi, alors, tu me répètes de me lever (et ajoutes) « non sans récitation », avant que vienne le Phrasé accompagné de la Dédicace, elle qui octroie la richesse, la Dédicace à même de (décider de) la répartition (des textes) entre les deux exécutants lorsquʼil est question de renforcer (les dieux) [= quand il convient de donner aux dieux les moyens dʼexaucer nos prières] ; — Y 47.6 tā119 dā spǝntā (4) maniiū mazdā ahurā (7) āθrā vaŋhāu (4) vīdāitīm120 rānōibiiā (7) ārǝmatōiš (4) dǝbązaŋhā ašaxiiācā (7) hā zī pōurūš (4) išǝntō vāurāitē (7) ºoº Roi qui apportes la sagesse, avec le Sentiment que tu es savant, avec le soutien que la Déférence offre au (bon) Agencement, le Feu te permet de procéder à la répartition du (texte) entre les deux exécutants, toi qui es bon, car (la Déférence) arrive alors à bloquer les (mauvais dieux) qui, en grand nombre, cherchent à rejoindre (lʼexcellente existence) ; — Y 51.9 yąm xšnūtəm rānōibiiā dā (7) θβā āθrā suxrā mazdā (7) aiiaŋhā xšustā aibī (7) ahuuāhū121 daxštəm dāuuōi (7) rāsaiieŋhē drəguuantəm (7) sauuaiiō ašauuanəm (7) .·. Lʼattention que tu prêtes aux deux exécutants, toi qui apportes la sagesse, pour autant que ton (fils) le Feu soit allumé, affubler les (bestiaux) dʼautrui dʼune marque avec le métal en fusion afin de nuire à lʼégaré, (mais) doter de moyens le (dieu) qui est avec le (bon) Agencement.

Ce motif, à mon avis, nʼa plus rien dʼénigmatique. Et sa présence est des plus attendues puisque le poète, homme de paroles, est directement concerné. En effet, il sʼagit de la répartition des textes entre deux officiants, 116 117 118 119 120 121

Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 122-3 ; voir la Marginale I §IVc. Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 206-10. Voir la Marginale I §Ia.2. Sur la strophe, voir le Chapitre I. Sur vīdāitiia-, voir la Marginale I §IIIb. Sur aibī+√ dā et ahuuāhū {gaēθāhū}, PIRART, 2020, p. 187-8.

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celui qui les récitera, en tout ou en partie, et celui qui les chantera, en tout ou en partie. Les deux exécutants sont appelés rāna-122, et le Feu, par le mouvement et le bruit de ses langues, sʼérige en instructeur des deux exécutants en question tandis que la Dédicace (aši-) établit dʼavance la répartition des rôles. Le poète, bien évidemment, ne pouvait se passer dʼévoquer le double destin rituel des textes, la récitation et le chant. La présence de ce motif dans les diverses Gāθā tombe sous le sens. Nous ne pouvons pas parler dʼun « motif obligé » sʼil sʼagit dʼun motif voulu, lʼun des sujets majeurs de la réflexion de lʼauteur. 22. Le parachèvement du monde Le neuvième « motif obligé » que Jean KELLENS met en évidence est la mention, en dernière strophe de Gāθā, dʼun ahu devenu fraša123. Almut HINTZE lʼavait relevé124 : — Y 34.15 mazdā125 at mōi vahištā (7) srauuāscā šiiaōθanācā vaōcā (8) + tātū vohū manaŋhā (7) ašācā išudǝm stūtō (8) xšmākā xšaθrā ahurā (7) fǝrašəm vasnā haiθiiəm dā ahūm (9).·. Roi qui apportes la sagesse, dis-moi donc les meilleurs textes et gestes ! Donne de lʼénergie, avec le Penser bon et lʼAgencement, au tir de lʼéloge dans le cadre de votre Envoûtement ! Aie la volonté de parfaire/ Sʼil te plaît, parfais lʼexistence pour de bon ; — Y 46.19 yə mōi ašāt (4) haiθīm hacā varəšaitī (7) zaraθuštrāi126 (4) hiiat vasnā +fərašō.təməm (7) aāi mīždəm (4) hanəṇtē parāhūm (7) manə.vistāiš (4) mat vīspāiš gāuuā azī127 (7) tācīt mōi sąs (4) tuuəm mazdā +vaēidištō (7) ºoº Celui qui, pour moi (qui suis) Zaraθuštra, accomplira effectivement le parachèvement voulu (de toi) sur base de lʼAgencement et (dès lors) gagnera la récompense prévue pour lʼau-delà de lʼexistence (matérielle), pour celui-là, avec tous les (…) que la pensée a fournis, (il y a) les deux vaches pleines. Cʼest bien de tout cela que tu me parais le plus fournisseur, toi qui apportes la sagesse ;

Sur rāna-, PIRART, 2020, p. 209-10 et 327. Sur la place de fǝraša- dans les Gāθā, PIRART, 2020, p. 140 ; sur le syntagme réunissant ahu- et fǝraša-, PIRART, 2020, p. 56 n. 183. 124 HINTZE, 2002, p. 38. 125 Sur la strophe, voir la Marginale III §III.18. 126 Par la place occupée au-delà du verbe, le datif zaraθuštrāi doit forcément être accordé avec mōi en vertu de la loi quʼun complément ne peut suivre le verbe quʼen appartenant à un ensemble dont le premier terme est situé auparavant, mais HINTZE, 2002, p. 36, en tire des conclusions hâtives. 127 Les deux vaches méritées reflètent probablement le tandem Āzūiti « Libation » + Īžā « Oblation ». 122 123

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— Y 50.11 at128 və staōtā (4) aōjāi mazdā aŋhācā (7) yauuat ašā (4) tauuācā isāicā (6) dātā aŋhəuš (4) arədat vohū manaŋhā (7) +haiθiiā +varəštąm (4) hiiat vasnā +fərašō.təməm (7) ºoº Je vais me déclarer et vais être votre laudateur, toi qui apportes la sagesse, autant que je le pourrai et en serai capable lors de la Dédicace, en tant quʼinstaurateur de lʼexistence, correctement avec le Penser bon. Que le (conseil), avec le (geste) opportun qui parachève au mieux (lʼexistence), soit suivi, sʼil te plaît !

Je veux bien. Nous pouvons effectivement y voir un « motif obligé ». Pourquoi pas ? Néanmoins, pour lʼévocation du parachèvement (frašō.kǝrǝiti-) du monde fini (ahu-), il était, aux yeux du poète, sans doute adéquat et heureux de choisir la dernière strophe de la Gāθā. Et cʼest effectivement ce qui fut fait chaque fois dans les trois grandes Gāθā. Ceci nous poussera à considérer que chaque Gāθā forme un même continu littéraire dont la dernière note devait coïncider avec la fin du monde. Une façon de faire qui est aussi celle que nous trouvons dans le Kayān Yašt, mais voilà, le thème est présent ailleurs qu’en fin de Gāθā, dans la strophe Y 30.9 : — atcā129 tōi vaēm xiiāmā (7) yōi īm fərašəm kərənāün ahūm (9) mazdāscā ahurāŋhō (7) ā.mōiiastrā baranā ašācā (9) hiiat haθrā.manā bauuat (7) yaθrā cistiš aŋhat maēθā (9) .·. Puissions-nous donc tʼappartenir ! | Le Roi qui apporte la sagesse et dʼautres (Adorables) qui, avec ā.mōiiastrā baranā et avec le (bon) Agencement, rendront luxuriante/ parachèveront lʼexistence que voici, quand son penser sera concentré quant à savoir ce dont la compréhension restera encore hésitante, (…).

Et la graisse du taureau Aēuru qui rassasiera définitivement les défunts ressuscités, autre aspect du parachèvement du monde, est nommée dans la strophe Y 46.3. 23. La fréquence de Zaraθuštra Pour Jean KELLENS, la mention du nom de Zaraθuštra, à la troisième personne et hors du catalogue des noms-propres, en dernière strophe de hāiti est un dixième « motif obligé » :

128 129

Sur la strophe, voir le Chapitre IV. Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 55-63.

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— Y 33.14 at rātąm130 zaraθuštrō (7) tanuuascīt xvaxiiā131 uštanəm (9) dadāitī132 pauruuatātəm (7) manaŋhascā vaŋhəuš mazdāi (9) šiiaōθanahiiā + ašā.yācā133 (7) uxδaxiiācā səraōšəm xšaθrəmcā (9) ºoº Et, en faveur du (Roi) qui apporte la sagesse et de lʼAgencement, Zaraθuštra établit que la priorité que sa propre personne a offerte concerne le mouvement volontaire, le Phrasé du geste ou de la parole du Penser bon et lʼEnvoûtement ; — Y 43.16 at134 ahurā (4) huuō maniiūm zaraθuštrō (7) vərəṇtē mazdā (4) yastē cišcā spəništō (7) astuuat ašəm (4) xiiāt uštānā aōjōŋhuuat (7) xuvəṇg darəsōi (4) xšaθrōi xiiāt ārǝmaitiš (7) +ašǝm šiiaōθanāiš (4) vohū daidīt manaŋhā (7) ºoº Alors, Roi qui apportes la sagesse, c’est Zaraθuštra qui a le Sentiment que de tous tu es le plus savant. Puisse l’Agencement être osseux et plein d’ascendant avec la faculté du mouvement ! Sous le regard du Soleil, lors de (votre) Envoûtement, puisse la Déférence être là ! Puissent le Penser bon et les autres gestes lui servir à mettre le (bon) Agencement (rituel) en place ; — Y 49.12 kat135 tōi ašā (4) zubaiieṇtē auuaŋhō (7) zaraθuštrāi (4) kat tōi vohū manaŋhā (7) yə ×vā staōtāiš (4) mazdā frīnāi ahurā (7) auuat yāsąs (4) hiiat və īštā vahištəm (7) ºoº Qu᾿as-tu comme aide pour Zaraθuštra qui (tʼ)appelle (à l᾿aide) avec lʼAgencement ? Qu᾿as-tu (comme aide) avec le Penser bon (pour moi) qui, Roi qui apportes la sagesse, vais vous rendre propices en faisant (votre) éloge et, de surcroît, (vous) demander le meilleur lors du sacrifice qui vous est offert ?

Si la division en hāiti est secondaire, nous ne pouvons logiquement lui associer aucun « motif obligé ». Il sʼagit bien plutôt de lʼun des fruits du travail du diascévaste qui, avec la division des textes, se proposa des matériaux pour la création du nom de certains héros : la strophe Y 43.16 est la source du nom du troisième Saōšiiant, Astuuat.ǝrǝta, issu de la semence de Zaraθuštra ; la strophe Y 49.12 est à lʼorigine de celui de la 130

Sʼaccorde avec pauruuatātǝm. Le syntagme tanuuascīt xvaxiiā est le complément dʼagent de rātąm. 132 Le verbe dadāitī est construit tout à la fois avec deux accusatifs et un datif : « il fait de acc. un acc. en faveur de dat. », mais le groupe du second accusatif est constitué des mots rātąm… tanuuascīt xvaxiiā… pauruuatātǝm tandis que le premier est la coordination de trois termes, uštanǝm, sǝraōšǝm et xšaθrǝmº selon le schéma A B Cºcā. Cette coordination a été compliquée par la présence de celle des deux termes formant le groupe complément déterminatif de sǝraōšǝm selon le schéma Xºcā X A Bºcā : manaŋhascā vaŋhəuš… šiiaōθanahiiā… uxδaxiiācā « du geste et de la parole du Penser bon ». 133 Voir la Marginale III §I. 134 Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 223-6. 135 Sur la strophe, voir le Chapitre III. 131

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première des trois filles de Zaraθuštra, Frīnā. Ces deux strophes sont encore remarquables pour dʼautres raisons, la première pour avoir fourni aussi le nom du héros Aša.šiiaōθna, la seconde pour offrir une étymologie du nom du Paradis : və īštā « vous honorer des sacrifices » > vahištǝm « nous conduit au Vahišta ». Rien de semblable nʼest pourtant à signaler dans la strophe Y 33.14 où, malgré tout, Zaraθuštra est accompagné dʼune belle brochette dʼentités divines. Cependant, la combinaison est dʼune rare complexité du fait de coordinations entrecroisées. 24. Parler à Mazdā ou parler de lui Le dernier des onze « motifs obligés » que Jean KELLENS épingle dans la recherche de leur définition serait la mention dʼAhura Mazdā à la troisième personne dans la première strophe de chacune des grandes Gāθā avant que le discours vire massivement au vocatif : — Y 27.13 yaθā136 ahū vairiiō (7) aθā ratuš ašātcīt hacā (9) vaŋhəuš dazdā manaŋhō (7) +šiiaōθənanm aŋhəuš mazdāi (9) xšaθrəmcā +ahurāi.ā (7) yim drigubiiō dadat vāstārəm (9) .·. Lʼélément (textuel) « Exercez (l’Ascendant) sur le Roi qui apporte la sagesse et envoûtez-le en recourant aux gestes de l’existence du Penser bon (de sorte) que (cet Envoûtement) fasse de lui un pâtre (allant au secours) des indigents », sur base du (bon) Agencement, coïncide avec le (Sentiment) qu’il est recommandé (de rendre un culte au grand dieu) au moyen de l’existence rituelle [= en la générant, en la mettant en place] ; — Y 43.1 uštā137 aāi (4) yaāi uštā kaāicīt (7) +vasə +xšaiiąs (4) mazdā dāiiāt ahurō (7) utaiiūitī (4) təuuīšī[m] gat.tōi vasəmī (7) ašəm +dərəidiiāi (4) tat mōi dā +ārǝmaitī (7) rāiiō ašīš (4) vaŋhəuš gaēm manaŋhō (7) .·. À volonté sera pour celui-là, quel qu’il soit, de qui le Roi qui apporte la sagesse, lʼEnvoûtement l’en ayant rendu capable, exaucera le souhait (que voici :) « Je souhaite retrouver la jeunesse et lʼénergie en vue de maintenir l’Agencement. Dès lors, tiens compte de (ma) Déférence et de la Dédicace de (ma) richesse à l’heure de m’octroyer la vie du Penser bon ! » ; — Y 47.1-2 spəṇtā138 maniiū (4) vahištācā manaŋhā (7) hacā ašāt (4) šiiaōθanācā vacaŋhācā (7) aāi dąn (4) hauruuātā amərətātā (7) mazdā xšaθrā (4) ārǝmaitī ahurō (7) .·. ahiiā maniiəuš (4) spəništahiiā vahištǝm (7) + hizuuā.uxδāiš (4) vaŋhəuš əǝānū manaŋhō (7) ārǝmatōiš (4) zastōibiiā šiiaōθanā vǝrǝziiat (7) ōiiā cistī (4) .·. huuō patā ašahiiā mazdā (7) .·. 136 Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 349-54. Interprétation très différente chez SKJÆRVØ, 2002, p. 403. 137 Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 144-59. 138 Sur la strophe, voir le Chapitre I.

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Avec lʼexcellence du penser, du verbe et du geste auxquels le Sentiment de sa science suggère (à lʼorant) de recourir pour (lui) rendre un culte, (les entités divines du culte rendu) assurent lʼIntégrité et lʼImmortalité au (Roi qui apporte la sagesse) : lʼEnvoûtement donne au Roi qui apporte la sagesse (de s’unir) à la Déférence. Pour suivre lʼexcellent (conseil) du Penser bon, (lʼorant) recourt aux (gestes) que le Sentiment de sa grande science lui dicte de vive voix il exécute les gestes avec les mains de la Déférence dans lʼidée/ la compréhension que (le Roi) qui apporte la sagesse est le père du (bon) Agencement.

Ce « motif obligé » manque de netteté. LʼAhuna Vairiia (Y 27.13) doit avoir été placé artificiellement au début du corpus afin de répondre aux mêmes exigences didactiques que la Gāyatrī Sāvitrī védique, laquelle reflète de mêmes critères de sélection. En outre, cette strophe ne traite pas précisément de ce dont traite lʼAhiiāsā Hāiti qui suit. Ce nʼest pas seulement la différence de personne grammaticale affectant le nom dʼAhura Mazdā qui est à considérer : il faut aussi tenir compte de la teneur des strophes en question, car lʼAhuna ne parle pas de lʼemploi de la prière (yāna-), le thème traité dans lʼAhiiāsā. Pour lʼexamen de lʼemploi des personnes grammaticales, il est clairement insuffisant de se limiter à relever les ruptures en la matière. Il faut encore y trouver de bonnes raisons aux guillemets que nous voudrons introduire dans les strophes, ce qui passe par une certaine compréhension du texte. Comprendre les Gāθā, voilà toute lʼaffaire. Pour les « motifs obligés », ne faudrait-il donc attendre une meilleure intelligence de la substance des strophes ? Dans le cas des deux premières strophes de la Spǝntā.maniiu Hāiti, nous pouvons bien admettre lʼidée dʼune introduction par rapport à un ensemble dans lequel le grand dieu est effectivement interpellé à la deuxième personne grammaticale, mais qui ne prend fin quʼau terme de la Gāθā puisque, dans les 39 strophes restantes, nous ne trouvons pratiquement plus aucune rupture de ce point de vue. Nous le vérifierons dans les chapitres ci-dessous consacrés aux unités de cette Gāθā. 25. Dʼautres motifs Dans toutes les Gāθā, le poète parle de la même chose, le puzzle (aša-) et les pièces du puzzle (ratu-). Il serait donc étonnant de nʼy trouver quʼune dizaine de « motifs obligés ». La Concordance nous aiderait à en trouver dʼautres si cela ne manquait parfois dʼintérêt. Par exemple, le poète, pour être auteur dʼune Gāθā, aurait lʼobligation dʼy interroger Ahura Mazdā. Ce « motif obligé » figure dans chaque grande Gāθā (Y 31.14, 44.1-20, 49.12-50.3, 51.4-5).

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Citons aussi le thème de lʼunion (sar- ; √ sar) du grand dieu avec lʼAgencement ou avec les jumelles aśviniennes, autre « motif obligé » que Jean KELLENS ne relève pas, qui figure pourtant dans toutes les Gāθā et dont, de surcroît, le Yasna Haptaŋhāiti se fait aussi lʼécho à deux reprises : Y 31.21 et 32.2, pour lʼAhunauuaitī Gāθā ; Y 35.8 et 41.6, pour le Yasna Haptaŋhāiti ; Y 44.17, pour lʼUštauuaitī Gāθā ; Y 49.5, 49.8 et 49.9, pour la Spǝntā.maniiu ; Y 51.3, pour la Vohuxšaθrā ; Y 53.3, pour la Vahištōišti. 26. Lʼheptasyllabe Chaque Gāθā est la somme de toutes les strophes observant un même schéma prosodique. Les strophes isolées de lʼAhuna Vairiia et de lʼAiriiaman Išiia, situées respectivement au début et au terme de la collection, se plient pourtant au schéma de la Gāθā la plus proche. Pour toutes les Gāθā, et cʼest un vrai « motif obligé », le poète se sert de lʼheptasyllabe. En effet, tous les schémas comportent le recours à lʼheptasyllabe : Réf.

Titres

Schémas généraux

Nombre de strophes

Y 27.13 Ahuna Vairiia Y 28-34 Ahunauuaitī G.

3 × (7+9)

1 11+11+11+22+16+14+15

Y 43-46 Uštauuaitī G.

5 × (4+7)

Totaux

101

16+20+11+19

66

Y 47-50 Spǝntā.maniiu G. 4 × (4+7)

6+12+12+11

41

Y 51

Vohuxšaθrā G.

3 × (7+7)

22

22

Y 53 Y 54.1

Vahištōišti G. Airiiaman Išiia

2 × (7+5) + 9 2 × (7+7+5)139 1

10

Et il existe même des heptasyllabes de lettre identique entre plusieurs Gāθā, par exemple celui qui réunit les deux jumelles Utaiiūiti et Tǝuuīšī : Y 34.11c1 pour lʼAhunauuaitī Gāθā, Y 45.10e2 pour lʼUštauuaitī140, Y 51.7c1 pour la Vohuxšaθrā.

139 Au lieu de (7+)7+5, quelques vers de la Vahištōišti Gāθā ou de lʼAiriiaman Išiia, sans raison apparente, présentent le schéma (7+)4+8. Exemple : Y 53.5c +vaēdō.dūm daēnābiš (6) +aibī +ascā (4) ahūm yə vaŋhəuš manaŋhō (8). 140 Aussi Y 43.1c.

48

INTRODUCTION GÉNÉRALE

27. La prosodie de la Spǝntā.maniiu Gāθā La Spǝntā.maniiu Gāθā est la seule des cinq Gāθā à observer un schéma strophique connu du Véda à ceci près que la longueur des syllabes nʼy a apparemment aucune importance. En effet, chaque strophe est faite de quatre vers de onze syllabes avec une césure après la quatrième, sur le modèle suivi dans de nombreuses tristubh141 : 4 × (4+7). Plusieurs exceptions à ce schéma sont à enregistrer. La première est lʼemploi dʼun premier hémistiche trisyllabique au lieu de tétrasyllabique quand y figure le mot daēnā- « la doctrine » en raison de la prononciation lente ou majestueuse de ce dernier. Il convient de souligner que, curieusement, le phénomène se produit même si la « doctrine » est mauvaise et quʼil peut se produire aussi en dehors de la Spǝntā.maniiu Gāθā : — — — — — —

tąm daēnąm (3) Y 44.10b1, Y 49.6d1 ; nō[it] daēnā (3) Y 45.2e1 ; hiiat daēnā (3) Y 46.6e1, Y 49.9c1 ; huuō daēnąm (3) Y 48.4b1 ; yə daēnąm (3) Y 49.5b1 ; duždaēnəṇg (3) Y 49.11b1.

Les exceptions des premiers hémistiches contenant daēnā- ne sont pas les seules, mais, pour ces autres exemples de trisyllabes, la correction est presque toujours envisageable, voire nécessaire pour la cohérence syntaxique : — — — —

kə yā mā (4) Y 44.3d1 ; gərəzōi tōi (4) Y 46.2c1 ; hiiat dāθəṇg (4) Y 46.15b1 ; aāi dąn (4) Y 47.1c1 où la correction est clairement à effectuer sur base de Y 45.10e1 ; — tā vaŋhəuš (4) Y 49.3c1 où, comme le démontre à suffisance la série des autres premiers hémistiches contenant vaŋhəuš (Y 43.3a1 at huuō vaŋhəuš, 43.4e1 hiiat mōi vaŋhəuš, 44.4e1 kasnā vaŋhəuš, 45.4c1 patarəm vaŋhəuš, 45.5e1 vaŋhəuš maniiəuš, 45.8c1 vaŋhəuš maniiəuš, 46.2e1 āxsō vaŋhəuš, 46.16d1 yaθrā vaŋhəuš, 48.7b1 yōi

141 Exemple : RS 3.1.6 vavrājā sīm (4) ánadatīr ádabdhā (7) divó yahvīr (4) ávasānā ánagnāh (7) | sánā átra (4) yuvatáyah sáyonīr (7) ékaṁ gárbhaṁ (4) dadhire saptá vānīh (7) « Il a marché vers (ces eaux) qui ne mangent pas (et pourtant) ne périclitent pas, juvéniles (filles) du ciel qui, sans être vêtues, ne sont (pourtant) pas nues ; / cʼest là que les (eaux) anciennes, (qui sont en même temps) jeunes, au même séjour-natal, ont conçu (Agni), embryon unique, (ces) sept voix-musicales » (traduction RENOU, 1955-69, vol. XII p. 49).

INTRODUCTION GÉNÉRALE

49

ā vaŋhəuš, 48.8a1 kā tōi vaŋhəuš, 48.11d1 kəng ā vaŋhəuš, 50.8d1 at vā vaŋhəuš), le déficit métrique de Y 49.3c1 est injustifiable et où, dès lors, sur base du vers Y 33.6c, il convient de restituer . Cependant, plusieurs de ces anomalies ne peuvent être aplanies quʼen recourant à la restitution, commode et souvent invérifiable, du préverbe ā : — nō[it] mā xšnāuš (4) Y 46.1c1 ; — kaθā θβā (4) Y 46.1e1 ; — maibiiō θβā (4) Y 46.3e1, ou à celle de la conjonction de coordination *u écrite ā, en prenant le tétrasyllabe Y 43.8e1 yauuat ā θβā pour modèle : — yaθā īm (4) Y 45.3d1 ; — yaθā θβā (4) Y 46.9b1 ; — yaθrā və (4) Y 46.17a1. Ajoutons-y les deux exemples où la particule doit avoir disparu au contact dʼun mot commençant par *u : — kə u vātāi (4) Y 44.4d1 ; — kə u uruuatō spitamāi Y 51.11a1 (ou : kǝ uruuatō…). Quant à eux, les trois trisyllabes suivants résistent à toute correction, mais ce sont des cas particuliers : — xšaθrōi †hōi (3) Y 45.10d1 ; — drūjō huuō (3) Y 46.6b1 ; — yāiš dātāiš (3) Y 46.15d1. Pour le premier, voir la Marginale III §III.28. Concernant le deuxième de ces trisyllabes, Y 46.6b1 drūjō huuō, la recherche dʼune solution de lʼanomalie métrique est malaisée du fait de la présence de deux hapax legomena dans le second hémistiche Y 46.6b2 + dāmąm ×haēθahiiā gāt, sans compter que le premier des deux, ×haēθahiiā, est le fruit bien incertain de la correction que BARTHOLOMAE142 a opérée. En effet, √ gā nʼest attesté quʼici, et nous avons hésité sur sa rection143. Comme le védique GĀ « marcher, aller », du fait de ses rections variées, 142 BARTHOLOMAE, 1904, col. 1729, contre GELDNER, 1886-96, vol. I p. 161, haiθiiā (J3, etc.), mais certains manuscrits importants comme S1 donnent haiθahiiā et dʼautres haiθaiiā tandis que J2 et K5 font bande à part avec haiθiiahā ou haēθiiahā. 143 Le locatif selon la page 238, lʼaccusatif selon la page 259 du deuxième volume de Les textes vieil-avestiques (KELLENS et PIRART, 1988-91).

50

INTRODUCTION GÉNÉRALE

ne nous offre aucune certitude, il est difficile de trouver pour +dāmąm une place parmi les compléments de gāt si la seule autre attestation de cette forme désigne probablement un groupe dʼêtres surnaturels144. Quant au dernier des hémistiches trisyllabiques considérés, Y 46.15d1 yāiš dātāiš (3), remarquons ceci : comme le manque apparent dʼun vers au terme de la strophe jette le doute sur la conservation de son texte, il vaut mieux le laisser de côté. Parmi les tétrasyllabes, en plus de ceux présents dans les vers réguliers ou régularisés de lʼUštauuaitī Gāθā et de la Spǝntā.maniiu Gāθā, il y aurait aussi Y 53.6f3 ahūm mərəṇgəduiiē (4) .·. qui, au lieu des cinq syllabes attendues dans son cas, nʼen contiendrait que quatre, mais il est possible que, dès la langue originale, lʼaccumulation de consonnes dans la forme mərəṇgəduiiē < pir. *mrngduai ait imposé une voyelle dʼappui u entre d et u dont il faudrait alors tenir compte. Un phénomène semblable doit expliquer le compte syllabique des formes dʼinstrumental, de datif et de génitif du féminin singulier de vaŋhu- : vaŋhuiiā, vaŋhuiiāi, vaŋhuiiā < pir. *uahuiā, *uahuiāi, *uahuiāh. Pour lʼexhaustivité, signalons que dʼautres tétrasyllabes existent dans quelques vers de la Vahištōišti Gāθā ou de lʼAiriiaman Išiia qui, au lieu de (7+)7+5, présentent le schéma (7+)4+8. Les pentasyllabes attendus sont ceux de la Vahištōišti Gāθā et de lʼAiriiaman Išiia. Signalons que, contrairement à son correspondant védique KSI :: ksiyánti, la voyelle finale du degré zéro du vieil-avestique √ ši, devant voyelle devient consonne sans quʼaucune voyelle dʼappui i ne se développe. Cʼest ce que laissent penser les heptasyllabes Y 44.9e2 vohucā šiiąs manaŋhā et Y 47.5d2 akāt +ā +šiiąs manaŋhō avec šiiąs < pir. *ššiants ainsi que le pentasyllabe Y 53.8c3 šiieitibiiō vīžibiiō, avec šiieitibiiō < pir. *ššiatībiah. Tous les autres exemples de pentasyllabes figurent dans les strophes 5-7 de la Yeziδā Hāiti (Y 48) en vertu dʼun schéma métrique spécial et fluctuant. En effet, au lieu de lʼhabituel 4 × (4+7), nous y trouvons : 5a 5b 5c 5d

5+7 5+6 5+7 5+6

144 Y 48.7d at hōi dāmąm (4) θβaī ā dąm ahurā trouvent dans ta maison, Roi ».

(7)

.·. « Et ses [= dʼAša] Dāman se

INTRODUCTION GÉNÉRALE

6a 6b 6c 6d 7a 7b 7c 7d

51

6+5 5+7 5+7 5+6 5+6 4+7 4+7 4+7

Le schéma 5+6 coïncide avec celui de certains vers des tristubh védiques ; celui 5+7, avec certains vers des jagatī védiques. Ces trois strophes de la Yeziδā Hāiti sont, avec plusieurs hémistiches de la Vahištōišti Gāθā, de l᾿Airiiaman Išiia ou des prières achéménides145, l᾿un des témoignages de l᾿existence du pentasyllabe. Cependant, le panaché trouvé ici reste sans parangon. Les pentasyllabes considérés sont : — — — — — — — — —

Y 48.5a1 huxšaθrā xšəṇtąm (5) ; Y 48.5b1 vaŋhuiiā cistōiš (5) ; Y 48.5c1 yaōždā mašiiāi (5) ; Y 48.5d1 gauuōi vərəziiātąm (5) ; Y 48.6a2 hā [nə] utaiiūitī[m] (5) ; Y 48.6b1 dāt təuuīšī[m] (5) ; Y 48.6c1 at axiiāi ašā (5) ; Y 48.6d1 ahurō aŋhəuš (5) ; Y 48.7a1 nī aēšəmō [nī.]diiātąm (5).

Les hexasyllabes présents dans les strophes 5-7 de la Yeziδā Hāiti se justifient par le recours fait au schéma strophique spécial exposé dans le tableau ci-dessus : Y 48.5d2 tąm nə xvarəθāi fšuiiō (6) .·. ; Y 48.6d2 ząθōi paōuruiiehiiā (6) .·. ; Y 48.5b2 šiiaōθanāiš +ārəmaitī (6) ; Y 48.6a1 hā zī nə hušōiθəmā (6) ; Y 48.7a2 paitī rəməm +[paitī.]siiōdūm (6).

— — — — —

La présence du mot daēnā- explique pourquoi seize hexasyllabes ont la valeur de lʼheptasyllabe : — Y 34.13b1daēnā saōšiiaṇtm (6) ; — Y 44.9b2 yaōš daēnąm [+yaōž]dānē (6) ; 145

Sur ces dernières, PIRART, 2014a.

52

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Y 44.11c2 θβōi vašiietē daēnā (6) ; Y 45.11d2 patōiš spəṇtā daēnā (6) ; Y 46.7e2 +daēnaiiā frāuuaōcā (6) .·. ; Y 46.11c2 xvaēcā xraōdat daēnā (6) ; Y 49.4d2 yā drəguuatō daēnā (6) .·. ; Y 51.13a2 daēnā +ərəzaōš haiθīm (6) ; Y 51.17b1 +daēnaiiā +vaŋhuiiā (6) ; Y 51.19b1 daēnaiiā vaēdəmnō (6) ; Y 51.21b1 daēnā ašəm spənuuat (6) ; Y 53.1d2 daēnaiiā vaŋhuiiā (6) ; Y 53.2d2 yąm daēnąm ahurō (6) ; Y 53.4d2 daēnaiiāi vaŋhuiiāi (6) ; Y 53.5c1 +vaēdō.dūm daēnābīš (6) ; Y 54.1c2 yā daēnā vairīm (6).

— — — — — — — — — — — — — —

Plusieurs hexasyllabes peuvent être corrigés aisément en heptasyllabes : Y 30.1b1 staōtācā +ahurā (7) ; Y 31.9a1 θβōi as +ārəmaitiš (7) ; Y 33.2c1 tōi vārāi rādəṇtī (7) ; Y 43.4b2 yā tū hafšī auuā (7) ; Y 43.10c2 yā tōi +əā.parštā (7) ; Y 50.9c2 maxiiā vasə xšaiiā (7).

— — — — — —

Par contre, je ne trouve aucune justification pour les hexasyllabes suivants146 : — — — — —

Y 28.5b1 gātūmcā ahurāi (6) ; Y 31.15b1 duš.šiiaōθanāi ahurā (6) ; Y 33.2c1 tōi vārāi rādǝntī (6) ; Y 45.9b2 cōrət +spəncā +aspəncā (6) ; Y 50.11b2 tauuācā isāicā (6).

Lʼheptasyllabe est le type dʼhémistiche le plus largement employé dans la confection des strophes gâthiques. Un seul heptasyllabe est employé là où lʼheptasyllabe nʼest pas attendu : — Y 31.20c2 šiiaōθanāiš xvāiš daēnā naēšat (7) .·..

146

§IIIe.

À moins de corriger trois dʼentre eux comme je lʼenvisage dans la Marginale II

53

INTRODUCTION GÉNÉRALE

La présence du mot daēnā- en explique la valeur octosyllabique, car les deux autres seconds hémistiches de la strophe sont bel et bien octosyllabiques : — Y 31.20a2 diuuamnəm hōi aparəm xšiiō (8) ; — Y 31.20b2 +duš.xvarəθəm auuaētās vacō (8). Ni lʼoctosyllabe ni lʼennéasyllabe ne sont jamais employés dans les strophes des deux dernières grandes Gāθā. 28. Lʼintégration de la Spǝntā.maniiu Gāθā dans le Yasna La troisième des cinq Gāθā vieil-avestiques compte quatre unités (hāiti-) comme la deuxième. Nous ne pouvons exclure que ce nombre fût imposé par lʼintégration des textes vieil-avestiques dans le Yasna dʼautant que la hāiti est un type de division qui concerne lʼensemble de ce dernier. De surcroît, nous pouvons constater que, pour les textes vieil-avestiques, le diascévaste du Yasna a cherché à établir des couples. En effet, le Yasna Haptaŋhāiti (Y 35-41) comporte le même nombre de hāiti que lʼAhunauuaitī Gāθā (Y 28-34) ; les deux dernières grandes Gāθā (Y 43-50) se composent dʼun même nombre de hāiti, et il en va de même pour les deux petites (Y 51 et 53) : Références

Textes

Y 28-29-30-31-32-33-34 Y 35-36-37-38-39-40-41 Y 43-44-45-46 Y 47-48-49-50 Y 51 Y 53

Ahunauuaitī Gāθā Yasna Haptaŋhāiti Uštauuaitī Gāθā Spǝntā.maniiu Gāθā Vohuxšaθrā Gāθā Vahištōišti Gāθā

Nombre dʼunités 7 7 4 4 1 1

Ajoutons-y que le volume de la Spǝntā.maniiu Gāθā est plus petit que celui de lʼUštauuaitī. Ce principe dʼordonnancement des textes que nous retrouvons entre lʼAhunauuaitī Gāθā et le Yasna Haptaŋhāiti ou entre la Vohuxšaθrā Gāθā et la Vahištōišti est connu aussi pour la Rgvedasaṁhitā147 où un sūkta plus long a été enregistré avant un plus court148 : 147 BERGAIGNE, 1886-7, vol. I p. 5 ; OLDENBERG, 1888, p. 191-2 ; RENOU, 1947-53, vol. I p. 271 ; GONDA, 1975, p. 10. 148 Exemple : les deux premiers Āgneya du troisième mandala (RS 3.1-2) comptent respectivement 23 et 15 strophes ; les 6 suivants (RS 3.3-8) en rassemblent chacun onze ; les quatre suivants (RS 3.9-12), neuf ; les trois suivants (RS 3.13-15), sept ; le seizième (RS 3.16), six ; les neuf derniers (RS 3.17-25), cinq.

54

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Références

Textes

Nombre de strophes ou §§

Y 28-29-3031-32-33-34 Y 35-36-3738-39-40-41 Y 43-4445-46 Y 47-4849-50 Y 51 Y 53

Ahunauuaitī Gāθā

Uštauuaitī Gāθā

11+11+11+22+16+ 3 × (7+9) 14+15 = 100 10+6+5+5+5+4+6 — = 41 §§ 16+20+11+19 = 66 5 × (4+7)

Spǝntā.maniiu Gāθā

6+12+12+11 = 41

4 × (4+7)

Vohuxšaθrā Gāθā Vahištōišti Gāθā

22 9

3 × (7+7) 2 × (7+5) + 2 × (7+7+5)

Yasna Haptaŋhāiti

Type strophique

La diascévase du Yasna obéissait donc à des habitudes proto-indoiraniennes. Le nombre premier 41 qui est à la fois le total des paragraphes du Yasna Haptaŋhāiti149 et celui des strophes de la Spǝntā.maniiu Gāθā est sans doute remarquable. Comme les textes vieil-avestiques sont bien plus anciens que la diascévase du Yasna, nous devons en conclure que la division en hāiti nʼest pas originale, mais ceci ne signifie pas quʼelle fût opérée de façon tout à fait aveugle ou quʼaucune division nʼexistât auparavant. Le titre des Gāθā ou de leurs hāiti sont généralement tirés du ou des premiers mots du texte considéré, mais le créateur des titres ne dominait plus tout à fait la morphologie avestique. Certains titres déforment considérablement l᾿incipit qui est à leur origine. Dans lʼAvesta récent comme dans la tradition ultérieure, lʼincipit de sa première unité, coïncidant avec son premier hémistiche spəṇtā maniiū, a servi à donner à la troisième Gāθā le titre de Spǝntā.maniiu Gāθā. Lʼadjectif composé tiré de cet incipit présente la particularité dʼune finale non adaptée au genre féminin, car nous attendions *spǝntāmaniiūau lieu de spǝntā.maniiu-. Sans doute ceci est-il dû à la date du mot qui est forcément plus récente que celle des autres composés en ºu- dont le féminin est en ºū-, mais il est vrai que cette loi, en védique, observée dans la prose, est ignorée des vieux hymnes. Pour en être la première unité, la Spǝntā.maniiu Hāiti porte le même nom que la Spǝntā.maniiu Gāθā. 149 Les divisions en hāiti et en paragraphes, dans le cas du Yasna Haptaŋhāiti, sont clairement forcées : PIRART, 2013d.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

55

La mention du Spǝnta Mańiiu dans le premier hémistiche du premier vers de sa première strophe constitue lʼheureux incipit du texte, car le titre qui en est tiré coïncide avec l᾿objet150 de l’unité. En effet, la Spǝntā. maniiu Hāiti traite du Spǝnta Mańiiu, la conviction, tour à tour personnifiée ou non, que le grand dieu est savant ou que ses leçons ne sont ni erronées ni fallacieuses. Lʼopinion quʼils ont de lui dicte aux adorateurs la conduite à tenir, les pousse à rendre un culte à Ahura Mazdā et détermine toutes les formes ou tous les aspects techniques du sacrifice offert à cette occasion. La Spǝntā.maniiu Hāiti dresse une liste des qualités ou des facultés de Spǝnta Mańiiu. La troisième Gāθā, comme les deux précédentes ou comme la suivante, est marquée par lʼhendécatropisme en ce sens que sa dernière unité est faite de onze strophes : Ahunauuaitī G. Uštauuaitī G. Spǝntā.maniiu G. Vohuxšaθrā G. Vahištōišti G.

11 + 11 + 11 + 22 + 16 + 14 + 15 = 100 16 + 20 + 11 + 19 = 66 6 + 12 + 12 + 11 = 41 22 9

Nous pouvons y ajouter que les strophes de la deuxième Gāθā comme celles de la troisième sont faites d᾿hendécasyllabes. 29. Nǝmō Gāθanąm Chacune des cinq Gāθā, dans le Yasna, est précédée du Nǝmō Gāθanąm, lʼhommage rendu aux Gāθā (Y 47.0 = 28.0, 43.0, 51.0, 53.0, 68.24.0). Cette courte phrase est prononcée tout à la fois par les deux officiants comme la première strophe de chaque Gāθā. Jʼy ai adopté lʼorthographe dite vieil-avestique, mais les manuscrits sont incohérents de ce point de vue : zōt u rāspī .·. nǝmō və gāθā ×ašāunīš151 (8) .·. Hommage à vous, Gāθā qui participez au (bon) Agencement !

Comme beaucoup de lignes rédigées en avestique récent, il sʼagit dʼun octosyllabe. 150 Le retour de lʼinstrumental nous interdit de penser que lʼunité aurait son origine dans un exercice de déclinaison. 151 G ašaonīš.

CHAPITRE I LA SPƎNTĀ.MANIIU HĀITI

Le plan de la Spǝntā.maniiu Hāiti (Y 47) Avec seulement six strophes, la Spǝntā.maniiu Hāiti est la plus petite des unités gâthiques. Le maniiu spǝnta « le Sentiment (quʼAhura Mazdā) est savant » est nommé dans le premier vers de chacune des strophes de la Spǝntā.maniiu Hāiti quasi à la manière d’un refrain : Vers

Mentions

1a1 2a 3a 4a1 4b1 5a 6a

spǝntā maniiū … maniiǝuš V spǝništahiiā … … maniiǝuš V … spǝntō … maniiǝuš … spǝntāt … spǝntā V maniiū … … spǝntā V maniiū …

Dans les deux premières strophes, il est fait mention d’Ahura Mazdā à la troisième personne grammaticale, mais, pour une raison inconnue, le grand dieu est directement interpellé avec les quatre dernières. Quoi qu᾿il faille penser de ce changement, il convient de souligner que l᾿unité suivante, la Yeziδā Hāiti (Y 48), du fait même de commencer avec une phrase marquée avec la particule zī « car », suppose l᾿existence d᾿un développement antérieur. Il est parfaitement envisageable de faire de la Yeziδā Hāiti la suite des quatre dernières strophes de la Spǝntā.maniiu Hāiti. En effet, le grand dieu y est nommé de la même façon, à la deuxième personne grammaticale. Cependant, malgré la rupture, les deux premières strophes sont faites de généralités tandis que lʼébauche de théogonie contenue dans la troisième paraît commencer dès le dernier hémistiche de la deuxième et la maxime refermant la première strophe, lʼannoncer, car il y est donné Xšaθra pour lʼagent de lʼhiérogamie du grand dieu et de la grande déesse :

58

CHAPITRE I

1d

Ahura Mazdā + « le Roi qui apporte la sagesse » (le dieu vêtu du ciel)

2d

Ahura Mazdā

3ab

Ahura Mazdā

Ārmaiti « la Déférence » (≈ la déesse Terre)

+ Ārmaiti ↓ Aša « lʼAgencement (rituel) »

+ Ārmaiti ↓ Mańiiu Spǝnta « le Sentiment de sa Science » (= Gəuš Tašan « le Configurateur de la Vache »)

Les deux suivantes nous offrent une peinture des conditions sociales des mazdéens de la première heure en butte aux attaques des voisins, et la dernière fait allusion à un détail technique des célébrations rituelles important au poète pour toucher à lʼusage des textes dont il est lʼauteur. Édition et traduction de la Spǝntā.maniiu Hāiti (Y 47) Comme elle a déjà fait lʼobjet dʼun examen approfondi dans Maniiu et la mythologie protozoroastrienne1, je ne répète pas ici la plupart des commentaires grammaticaux et me limite donc essentiellement à éditer le texte et à le traduire. Y 47.1 spəṇtā2 maniiū (4)3 vahištācā manaŋhā (7)4 hacā ašāt (4) šiiaōθanācā vacaŋhācā (7)5 aāi dąn (4)6 hauruuātā amərətātā (7)7 mazdā8 xšaθrā (4)9 ārǝmaitī ahurō (7) .·. du bār .·.

PIRART, 2020, p. 229-44. Lʼensemble des six strophes de la Spǝntā.maniiu Hāiti est mentionné dans N 32.5 : PIRART, 2018, p. 209. 3 Y 47.1a1 = Y 44.7e1, Y 45.6c1. 4 Y 47.1a2 = Y 50.4b2. 5 Y 47.1b2 = Y 48.4b2. 6 Y 47.1c1 = Y 45.10e1. Lʼaccusatif de lʼinfinitif stan- de √ 1ah fait office de postposition renforçant le datif. 7 Y 47.1c2 = Y 44.17d2, Y 45.5d2,10d2. 8 Le dernier vers, dans lequel nous devons peut-être reconnaître le contenu du mańiiu nommé dans le premier, est une maxime : « lʼEnvoûtement unit Ahura Mazdā avec Ārmaiti ». Interprétation très différente chez SKJÆRVØ, 2002, p. 404. 9 Y 47.1d1 = Y 45.9c1. 1 2

LA SPƎNTĀ.MANIIU HĀITI

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Avec lʼexcellence du penser, du verbe et du geste auxquels le Sentiment de sa science suggère (à lʼorant) de recourir [spantā manyū vahištā ca manahā… śyāuθnā ca vacahā ca] pour (lui) rendre un culte [haca rtāt], (les entités divines du culte rendu) assurent lʼIntégrité et lʼImmortalité au (Roi qui apporte la sagesse) [ahmāi stai dant harvatā amrtātā] : lʼEnvoûtement donne au Roi qui apporte la sagesse (de s’unir) à la Déférence [mazdāh xšaθrā aram-matī ahurah]. Y 47.2 zōt̰ .·. ahiiā maniiǝuš (4)10 spǝništahiiā vahištǝm11 (7) + hizuuā.uxδāiš12 (4) vaŋhǝuš ǝǝānū manaŋhō (7) ārǝmatōiš (4)13 zastōibiiā šiiaōθanā vǝrǝziiat (7) ōiiā14 cistī (4) .·. huuō patā15 ašahiiā mazdā (7) .·. Pour suivre lʼexcellent (conseil) du Penser bon [vahištam {manθram}… vahauš anu manahah], (lʼorant) recourt aux (gestes) que le Sentiment de sa grande science lui dicte de vive voix [ahya manyauš spaništahya… hizvā-ugdāiš] il exécute les gestes avec les mains de la Déférence [aram-mataiš zastaibyā śyāuθnā vrzyat] dans lʼidée/la compréhension que (le Roi) qui apporte la sagesse est le père du (bon) Agencement [ayā cistī hah ptā rtahya mazdāh]. Y 47.3 ahiiā maniiǝuš (4)16 tuuǝm ahī +ptā17 spǝntō (7) yǝ18 aāi19 gąm (4) +rāniiō.skərəitīm20 hǝm.tašat 10

(7)21

Y 47.2a1 = Y 47.3a1. vahištǝm {mąθrǝm}… vaŋhǝuš ǝǝānū manaŋhō, même si, en principe, la postposition aurait dû figurer immédiatement derrière le premier terme du groupe accusatif. 12 Sur base du Yt 15.40.2h (hizuxδō), il faut admettre la composition, contre G hizuuā uxδāiš, mais je nʼai pu résoudre lʼanomalie de trouver les gestes à deux cas distincts à lʼintérieur de la même proposition : +hizuuā.uxδāiš {šiiaōθanāiš}… šiiaōθanā vǝrǝziiat. 13 Une lacune est à supposer avant ārmatōiš du fait qu’aucune relation grammaticale n’est envisageable des deux premiers vers avec les deux derniers. Y 47.2c1 = Y 44.10d1, Y 46.12c1, Y 47.6c1, Y 49.5c1. 14 Cataphorique annonçant la maxime du dernier hémistiche. 15 B +ptā. 16 Y 47.3a1 = Y 47.2a1. 17 HUMBACH et FAISS, 2010, p. 140 et 188, contre G tā. La faute sans doute est-elle due à une haplographie. 18 ahiiā maniiǝuš… yǝ. 19 Ce démonstratif proche qui représente le pieux adorateur est employé au datif comme complément de lʼadjectif +rāniiō.skərəitīm, mais, à ce titre, cʼest aussi le substitut de lʼinstrumental régi par hǝm : loi de stylistique. 20 B, contre G rāniiō.skǝrǝtīm. 21 Y 47.3b2 → Y 44.6e2 +rāniiō.skərəitīm gąm tašō .·.. 11

60

CHAPITRE I

at hōi vāstrāi22 (4) +rāmā +dā23 +ārǝmaitī24 (7) hiiat hǝm vohū (4) mazdā [hǝmǝ.]fraštā manaŋhā (7)25 .·. (Roi) qui apportes la sagesse, tu es le père savant du Sentiment [= le Configurateur/ lʼImmolateur] [ahya manyauš tuvam ahi ptā spantah] qui a collaboré avec (lʼadorateur) à la configuration de la vache, source de joie pour celui-ci [yah ahmāi gām ranakrtam ham-taxšat]. (De concert) avec la Déférence [= la Terre], tu offres fourrage et calme à la (vache) [at hai vāstrai rāma dāh aram-matī] depuis que (cet adorateur) sʼest entretenu avec le Penser bon [yat ham vahū mazdā frašta manahā]. Y 47.4 aāt maniiǝuš (4) rārǝšiieintī26 drǝguuantō (7) mazdā spǝntāt (4) nō[it] +aθā27 ×ašauuanō28 (7) kasǝušcīt29 nā30 (4) ašāunē ×kāθū31 aŋhat (7) isuuācīt hąs (4) paraōš akō drǝguuāitē (7) .·. De ce Sentiment que tu es savant, (Roi) qui apportes la sagesse, les égarés sʼécartent [ahmāt manyauš hrahršyanti drugvantah mazdā spantāt], mais il nʼen va pas de même des pieux (adorateurs) [na aθā rtavānah]. Pourquoi et jusques à quand l’homme de peu se montrera-t-il donc en faveur de l’(Adorable) accompagné de l’Agencement [kasauš cit nā rtaunai kāt u ahat] et le méchant, pourtant riche, en faveur de lʼÉgaré [isvā cit hants parauš akah drugvatai] ? Y 47.5 tācā spǝntā (4) maniiū mazdā ahurā (7)32 ašāunē cōiš (4) yā33 zī cīcā vahištā (7) 22

Mis pour lʼaccusatif duel elliptique : voir la Marginale II §IIId.5. KP, contre G rāmā.dā. 24 G ārmaitīm. 25 Y 47.3d2 = Y 49.2d2 mazdā fraštā manaŋhā .·.. 26 < pii. *srasršianti. 27 KP, contre G iθā. 28 KP, contre G ašāunō. 29 Univerbation de lʼinterrogatif ºcīt « pourquoi ? » avec kasǝuš, le régime de {isuuā}. 30 < pir. *nu. 31 < *kāt ū*, contre G kāθē. Voir la Marginale II §IVa.1 et §IVb.4. 32 Y 47.5a2 = Y 47.6a2 ; → Y 31.9b1 +maniiuš mazdā ahurā. 33 Lʼantécédent sous-entendu de yā est objet de cōiš, {gaēθąm} « le troupeau (au sein duquel figurent les victimes sacrificielles) » dʼaprès Y 50.3d, mais, comme cīcā nʼest pas 23

LA SPƎNTĀ.MANIIU HĀITI

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hanarǝ θβaāt (4) zaōšāt drǝguuā ×baxšaitē34 (7)35 ahiiā36 šiiaōθanāiš (4) akāt +ā +šiiąs37 manaŋhō (7) .·. Le Sentiment que tu (lui) donnes dʼêtre savant te pousse, Roi qui apportes la sagesse [tā ca spantā manyū mazdā ahura], à fournir au pieux adorateur de bien bons (trésors) [rtaunai caiš yā cī ca vahištā] dont, avec les gestes de ce dernier, lʼÉgaré, habitant à la suite du Penser mauvais [drugvāh… ahya śyāuθnāiš akāt ā šyants manahah], cherche à tirer profit sans ton consentement [hanar θvahmāt zaušāt… bixšatai]. Y 47.6 tā dā38 spǝntā (4) maniiū mazdā ahurā (7)39 āθrā vaŋhāu40 (4) vīdāitīm41 rānōibiiā (7) ārǝmatōiš (4)42 dǝbązaŋhā ašaxiiācā (7) hā zī pōurūš (4) išǝntō vāurāitē43 (7) ºoº Roi qui apportes la sagesse, avec le Sentiment que tu es savant [tā… spantā manyū mazdā ahura], avec le soutien que la Déférence offre au (bon) Agencement [aram-mataiš dbanzahā rtahya ca], le Feu te permet de procéder à la répartition du (texte) entre les deux exécutants, toi qui es bon [dāh… āθrā vahau vidātiyam {sravah} rānaibyā], car (la Déférence) arrive alors à bloquer les (mauvais dieux) qui, en grand nombre, cherchent à rejoindre (lʼexcellente existence) [hā zi paurūnš īšantah vāvra᾿atai].

le nominatif féminin singulier de lʼadjectif indéfini ― ce serait cišcā ―, nous devons plutôt y voir le neutre pluriel et comprendre quʼil est fait allusion à lʼensemble des bonnes données rituelles. 34 INSLER, 1975, p. 281-2, ou ×bixšaitē (= védique bhíksate), contre G baxšaitī. 35 Y 47.5c2 → Y 50.3d2 gaēθąm drəguuā ×baxšaitē .·.. 36 Reprend ašāunē. 37 G āšiiąs. Sur l᾿emploi de l᾿ablatif et de la postposition ā avec √ ši, voir la Marginale II §Ia.5. 38 Au vu de son objet interne vīdāitīm, nous devons considérer que dā est préverbé. 39 Y 47.6a2 = Y 47.5a2 ; → Y 31.9b1 +maniiuš mazdā ahurā. 40 vaŋhāu {sauuōi} « lors du bon (renfort quʼil est question de vous offrir) », dʼaprès Y 43.12. Une nouvelle idée : vaŋhāu serait un vocatif « toi qui es bon » < pir. *uahau, accordé avec mazdā ahurā. 41 vīdāitiia- désigne le texte (srauuah-) devant faire lʼobjet dʼune répartition entre les deux exécutants, le déclamateur et le chanteur. Voir la Marginale I §IIIb. 42 Y 47.6c1 = Y 44.10d1, Y 46.12c1, Y 47.2c1, Y 49.5c1. 43 Présent intensif de √ var « bloquer, barrer la route à (acc.) ».

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CHAPITRE I

Dans la liturgie, l᾿unité est clôturée avec les formules suivantes : zōt u rāspī .·. spǝntā maniiū…44 .·. du bār .·. ašǝm vohū…45 .·. si bār .·. spǝntāmaniiūm hāitīm yazamaide .·. yeŋhē hātąm…46 ºoº ºoº.

44 45 46

= Y 47.1. = Y 27.14. = Y 27.15.3.

CHAPITRE II LA YEZIΔĀ HĀITI

Le plan de la Yeziδā Hāiti (Y 48) La Yeziδā Hāiti (Y 48), la deuxième des quatre unités de la Spǝntā.maniiu Gāθā (Y 47-50), réunit douze strophes comme la suivante (Y 49) tandis que la première (Y 47) en compte six et la dernière (Y 50), onze. Le jeu arithmologique est évident : 6+12+12+11 = 41. Les limites du texte sont donc incertaines pour découler dʼun découpage diascévastique artificiel de la Gāθā. La métrique y est assez régulière, l᾿exception de 4b1 pouvant être justifiée1, mais les strophes 5-7 présentent des schémas métriques tout à fait particuliers : au lieu de l᾿habituel 4 × (4+7), nous y trouvons : 5a 5b 5c 5d 6a 6b 6c 6d 7a 7b 7c 7d

5+7 5+6 5+7 5+6 6+5 5+7 5+7 5+6 5+6 4+7 4+7 4+7

Pour déceler le plan de l᾿unité, nous devons tout dʼabord souligner que la deuxième personne grammaticale caractérise la mention dʼAhura Mazdā dans la plupart des strophes de lʼunité : 1d1 1d2 2a1 2a2 2c2 1

tōi ahurā vaōcā tuuǝm… ahurā mazdā

Elle est due à la présence du mot daēnā-.

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CHAPITRE II

3b2 3d1 4a2 4d1 5d2 6c2 6d1 7d2 8a1 8a2 8b1 8b2 8c1 9a2 9b1 10a1 11a1 12c2

ahurō (= le Feu) θβāuuąs mazdā mazdā θβaī fšuiiō mazdā ahurō θβaī… ahurā tōi mazdā tōi θβaxiiā… ahurā θβōi xšaiiaθā mazdā mazdā mazdā θβahiiā mazdā

Ce tableau rapide ne permet pourtant pas de voir une grave difficulté : les strophes 5-6 ainsi que les premiers vers de la septième forment un discours direct adressé à des personnages divins distincts d᾿Ahura Mazdā. La plus grande partie de ce discours est caractérisée par une métrique spéciale, mais je ne suis pas arrivé à comprendre comment il s᾿articule logiquement avec le reste de l᾿unité. Cependant, le poète se sert visiblement de la particule at du vers 7d pour renouer avec ce qui précédait ce discours. La première strophe traite de la lutte contre les impies, du renfort des dieux ou de lʼoctroi qui leur est fait de moyens dʼaction (sauuah-), et les deux suivantes, de la détermination de la date de la confrontation. Je n᾿ai pas trouvé non plus ce qui réunit la quatrième strophe avec ce qui la précède. Par contre, les trois premières strophes paraissent bien s᾿ordonner avec la fin de l᾿unité précédente et traiter de certains aspects du rôle important que le Feu remplit dans la cérémonie sacrificielle. La quatrième strophe aborde plutôt lʼeschatologie générale au vu de son dernier vers. Après l᾿énigme du discours impératif des strophes 5-7, le poète se tourne à nouveau vers le grand dieu dès 7d, mais tout l᾿ensemble des strophes 8-11 est fait de questions diverses qui portent sur les rouages de la cérémonie sacrificielle et sur les conséquences des pratiques réprouvées.

LA YEZIΔĀ HĀITI

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La dernière strophe évoque l᾿entreprise que les Saōšiiant mèneront contre lʼarchidémon Aēšǝma lors de la Frašō.kǝrǝiti, la grande conflagration qui marquera le parachèvement du monde, mais je ne puis déterminer le rapport que cette dernière strophe entretiendrait avec la série des questions que le poète, dans les strophes précédentes, vient de poser au grand dieu. Édition, traduction et commentaire de la Yeziδā Hāiti (Y 48) Y 48.1 zōt .·. yezī adāiš2 (4) ašā drujəm3 vǝnghaitī4 (7) hiiat †ąsašutā (4) yā5 daibitānā fraōxtā (7) amərətāitī6 (4)7 daēuuāišcā mašiiāišcā (7)8 at tōi sauuāiš (4) vaəm vaxšat ahurā (7) .·. En effet, si de tels (renforts) aident (l’Adorable) à vaincre l᾿Erreur avec le (bon) Agencement [yat zi at āiš {savāiš} rtā drujam vanhati] malgré les (paroles) fourbes qui, en vue de (gagner) l᾿Immortalité, sont prononcées et mises en mouvement avec l᾿aval des (mauvais dieux) Hasardeux et des (mauvais) mortels (qui leur rendent un culte) [yat ąsaśyutā yā dvitānā fra-uxtā a-mrtāti daivāiš ca martiyāiš ca], dès lors, Roi (qui apportes la sagesse), (le pieux adorateur) accroîtra de (tels) renforts la séquence chantée en ton (honneur) [at tai savāiš vahmam vaxšat ahura]. Toute une cascade de corrélations organise la première strophe : la corrélation de yezī (< *yat zī*) avec at la répartit entre une protase couvrant les trois premiers vers et une apodose limitée au quatrième ; la corrélation secondaire de adº avec hiiat répartit la protase primaire entre une prodose faite du premier vers et une apodose occupant les deux suivants ; selon le zand, il y aurait encore une corrélation tertiaire puisque la syllabe

2 3 4 5 6 7 8

yezī… at « si…, dès lors » ; adº… hiiat « malgré que » ; āiš {sauuāiš}. Contre KP +ašā.drujǝm. Voir la Marginale III §III.33. {ašauuā} est le sujet aussi bien du verbe subordonné que du principal vaxšat. ąsº (phl. ZK)… yā : voir le Commentaire. Locatif de but. Y 48.1c1 = Y 45.7c1. Y 48.1c2 = Y 29.4b1 → Y 34.5c2 daēuuāišcā xrafstrāiš mašiiāišcā .·..

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CHAPITRE II

ąsaº y est interprétée comme le nominatif-accusatif neutre pluriel dʼun sarvanāman (phl. ān) ordonné avec yā : AMT ZK YHMTVNyt MNVšʼn PVN pldptʼlyh prʼc gvpt {AYḴ LA YHMTVNyt}.

Faute de solution à cette énigme, la traduction que je donne suit la pehlevie sur ce point. Cette corrélation tertiaire répartit lʼapodose secondaire entre une prodose limitée à lʼhémistiche 1b1 et une apotase comprenant le reste, à savoir 1b2 et 1c. Une autre difficulté considérable réside dans le sous-entendu systématique des sujets ou agents de tous les verbes de la strophe (vǝṇghaitī, ºšutā, fraōxtā, vaxšat). Ajoutons-y le mutisme du pronom ºāiš du premier hémistiche et la concurrence que ce pronom, par sa nature instrumentale, fait à ašā9. Il faut donc justifier que deux compléments distincts, non coordonnés lʼun avec lʼautre, soient exprimés à lʼinstrumental à lʼintérieur dʼune seule et même proposition. Difficulté supplémentaire : la particule ºzī est lʼindication que cette strophe nʼest pas initiale. Ceci impose dʼenvisager la possibilité que le sous-entendu des sujets provienne précisément de lʼexistence primitive dʼune strophe antérieure qui en permettait lʼexplicitation au moins en partie. La question se pose alors de savoir si la strophe qui devait figurer avant celle-ci ne serait à reconnaître dans la dernière de lʼunité précédente. Question malaisée puisque lʼunité précédente, la Spǝntā.maniiu Hāiti (Y 47), était caractérisée par une sorte de refrain consistant à mentionner le mańiiu à lʼouverture de chacune de ses strophes10 et que la dernière, Y 47.6, se prête peut-être mal à cette idée dès lors quʼune raison dont lʼexpression est marquée par la particule zī y figure dʼores et déjà dans le dernier vers. Néanmoins, comme lʼaccumulation des phrases marquées dʼune particule zī est bel et bien attestée tant en avestique quʼen védique ou que rien, en principe, nʼinterdit que le texte se prolongeât avec des strophes dans lesquelles la mention du mańiiu fît défaut, nous ne pouvons exclure que Y 47.6 soit la strophe recherchée et que la division entre les deux premières unités de la troisième Gāθā fût lʼœuvre secondaire des diascévastes qui organisèrent le Yasna tel qu᾿il est arrivé entre nos mains. Le sujet du verbe de la protase primaire, au vu de la strophe Y 47.6, devrait être Ārmaiti, mais, comme celle-ci nʼest jamais que la synecdoque du sacrifiant, jʼai préféré remplacer la déesse par ce dernier pour 9 10

Voir la Marginale III §III.33. PIRART, 2020, p. 229-31.

LA YEZIΔĀ HĀITI

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lʼintelligence générale du propos. Les strophes Y 47.4-5 le suggéraient d᾿ailleurs. Le zand, bien évidemment, fait dʼašā le sujet de vǝṇghaitī en accord avec la tradition qui, issue de passages tels que Y 60.5 ou Yt 19.95-6, fait de Druj lʼadversaire dʼAša, mais le commentaire pehlevi est allé plus loin, sans doute en comprenant que drujǝm (= phl. dlvc) était la désignation générale dʼune entité mauvaise et représentait donc un Draōjina11 non spécifié. Pensant quʼil convenait de lʼexpliciter, l’auteur du commentaire pehlevi, pour lʼidentification de lʼadversaire dʼAša, a dû se baser sur une tradition plus tardive telle que VZ 35.35-38 pour donner ici le nom dʼIndra12 : AMT PVN ZK dhšn| {PVN tn| Y psyn|} ʼhlʼdyh dlvc vʼnyt {ʼšvhšt ʼndl} .·. Quand, avec cette mise en place {= avec la personne future}, la piété vaincra lʼErreur {= Aša Vahišta (vaincra) Indra}.

En effet, dʼune part, la personne future a toute chance dʼêtre celle du pieux adorateur et, dʼautre part, si Aša est exclu pour apparaître ici à lʼinstrumental, nous pouvons parfaitement faire du pieux adorateur (ašauuan-), représenté par Ārmaiti dans la strophe Y 47.6, le sujet du verbe vǝṇghaitī, notamment sur base du vers Y 48.2b, dont dérive sans doute une ligne de l᾿Ohrmazd Yašt, Yt 1.28.1a kat ašauua mazda vanat druuantǝm .·., mais tout spécialement aussi sur base de la strophe Y 31.4 : yadā13 ašəm zəuuīm (7) aŋhən mazdāscā ahurāŋhō (9) ašicā ārəmaitī (7) vahištā išasā manaŋhā (9) maibiiō xšaθrəm aōjōŋhuuat (7) yehiiā vərədā vanaēmā drujəm (9) .·. Quand les Rois seront présents, (au nombre desquels nous comptons) le (bon) Agencement qu’il (nous) convient d’appeler et le (Roi) qui apporte la sagesse, je recourrai à la Déférence et à la Dédicace de l’excellent Penser pour exiger que la faculté me soit accordée d’exercer (sur eux) l’Ascendant et l’Envoûtement sans l’accroissement desquels nous ne pourrions vaincre l’Erreur.

Pour lʼidentification de ºāiš, deux possibilités sont offertes : ou bien ce pronom reprend les textes dont il était question dans la strophe Y 47.6, ou bien il annonce les moyens mis en œuvre dans le dernier vers (sauuāiš). J᾿ai opté pour la seconde alternative, mais il est alors préférable que le sujet sous-entendu du verbe səṇghaitī soit un dieu adorable.

11 Jʼutilise ce terme rare comme étiquette conventionnelle générique des entités négatives opposées aux Amǝša Spǝnta. 12 PIRART, 2007, p. 65-9. 13 Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 89-92.

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CHAPITRE II

Quant aux adjectifs verbaux en -ta- qui constituent les bases respectives des deux volets tertiaires, sans doute sont-ils plutôt accordés avec la désignation sous-entendue des textes dont les adversaires font usage, mais il est malaisé de prendre les instrumentaux coordonnés daēuuāišcā mašiiāišcā pour un groupe complément dʼagent : nous attendrions le génitif. Jʼy vois alors une façon de dire « avec leur aval », car la prononciation de la plupart des paroles rituelles devait être plutôt du ressort de lʼofficiant, fût-il mauvais. Le sujet du verbe de lʼapodose, vaxšat, ne doit pas être identique à celui du verbe de la protase, vǝṇghaitī si ºāiš représente les sauuah. Le verbe vaxšat partage aussi avec vǝṇghaitī dʼêtre analysable comme troisième personne du singulier de la voix active du subjonctif aoriste pour obéir donc clairement avec lui au schéma de lʼéventuel. Y 48.2 vaōcā mōi yā14 (4) tuuǝm vīduuā ahurā (7) parā hiiat +mā.yº15 (4)16 +ºā17 mǝṇg pərəθā jimaitī kat ašauuā (4) mazdā vǝnghat drəguuaṇtəm18 (7) hā zī aŋhǝuš (4) vaŋvhī vistā +ākərəitiš19 (7) .·.

(7)

Dis-moi, Roi qui apportes la sagesse, toi qui sais cela [vauca mai yat tuvam vidvāh ahura… mazdā], avant que la pleine Lune vienne à moi [parā yat mai ā manh parθā jamati] : quand l’(Adorable) accompagné de l’Agencement vaincra-t-il l᾿Égaré [kat rtavā… vanhat drugvantam] ? Car telle est la bonne technique que l᾿existence a trouvée pour la détermination de la date [hā zi ahauš vahvī vistā ā-krtiš]. Une indépendante affublée de zī présente au terme de la strophe, voilà qui rappelle Y 47.6d. Nous devons sans doute rattacher au moins les deux premières strophes de la Yeziδā Hāiti à lʼunité précédente.

14

Sandhi pour hiiat. < *mōi (KP), contre G mā yº. 16 Y 48.2b1 → Y 43.12c2 parā hiiat mōi ā.jimat. 17 Préverbe à ordonner avec jimaitī, contre G yā. Voir la Marginale II §IIc. 18 Le vers fait écho au premier de la première strophe et fut la source dʼinspiration probable de plusieurs passages de lʼAvesta récent tels que Yt 1.18, 19.95-96, Y 57.33, 60.5. 19 KP, contre G ākǝrǝtiš. 15

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Lʼimportance de la pleine Lune est probablement liée à la détermination de la date utile pour la célébration de la cérémonie20. Avant quʼelle se produise, cela revient à dire : avant la date qui devra être retenue pour la célébration sacrificielle. La préoccupation du poète serait donc dʼêtre prêt, de savoir à temps tout ce qui est à savoir concernant lʼorganisation et les préparatifs de la cérémonie. La bonne ākǝrǝiti de lʼexistence rituelle, la référence pour la détermination de sa meilleure date est celle que la pleine Lune fournit. Cependant, avec la question du troisième vers, il est jeté un éclairage assez particulier sur la date à trouver. En effet, le poète paraît chercher à connaître la date qui sera celle du parachèvement du monde puisque ce dernier, selon les livres pehlevis, sera effectué au moyen dʼun sacrifice planétaire. Ceci dit, il est tout à fait possible que cette date fatidique soit préfigurée par celle des cérémonies que les pieux adorateurs organisent de leur vivant ou que toute lʼactivité rituelle ne soit jamais quʼune suite de préparatifs de ce futur sacrifice avec lequel le temps linéaire prendra fin. Y 48.3 at vaēdəmnāi21 (4) vahištā sāsnanm (7) yąm22 hud23 (4) sāstī ašā24 ahurō (7) spəṇtō vīduuā (4) yaēcīt25 gūzrā sǝnghāŋhō (7) θβāuuąs mazdā (4)26 vaŋhǝuš xraθβā manaŋhō (7) .·. Et, parmi les leçons [at… sāsnāna᾿am], celle que le Roi des bonnes offrandes [= le Feu] impartit avec lʼAgencement [yām huda᾿āh sāsti rtā ahurah] est excellente pour celui qui est (en charge) de trouver (la date) [vaidamnāi vahištā], le savant qui est au courant des définitions même secrètes [spantah vidvāh yai cit guzrā sanhāhah] et te rend un culte, (Roi) qui apportes la sagesse, avec lʼintelligence du Penser bon [θvāvants mazdā vahauš xraθvā manahah]. 20 Dans lʼInde védique aussi, les phases de la Lune ont leur importance dans la détermination de la date de la cérémonie : CALAND et HENRY, 1906-7, vol. I p. 1. 21 Complément de lʼadjectif vahištā « excellente pour qui est en charge de trouver la date (à retenir pour la célébration) ». 22 La subordonnée relative, sujet de la nominale du premier vers, court jusquʼau terme de la strophe. 23 hudā {ātarš}… ahurō spǝntō vīduuā… θβāuuąs. 24 Voir Marginale III §III.34. 25 Cette subordonnée relative secondaire constitue lʼobjet de vīduuā. 26 Y 48.3d1 → Y 31.16c1 θβāuuąs mazdā ahurā.

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CHAPITRE II

Avec la particule at placée en tête, il est signalé quʼune réflexion est ajoutée concernant ce qui a été dit au terme de la strophe précédente. Ceci ressort aussi de la concaténation lexicale de vaēdǝmnāi avec vistā. Le poète avait demandé au grand dieu de lʼinformer sur la fin du monde impie et sur la date prévue pour la cérémonie eschatologique avec laquelle la victoire définitive sur les forces délétères devra avoir lieu. Le feu avait déjà fait lʼobjet dʼindications dans la dernière strophe de lʼunité précédente, notamment pour la répartition quʼil faciliterait entre les deux registres oratoires, la récitation et le chant. Il est donc attendu de trouver mention du feu dans la troisième strophe de la Yeziδā Hāiti si cʼest précisément ce roi de la Terre qui est à même de donner au poète les meilleures informations et dʼimpartir à celui qui est en charge de trouver ou de fixer la bonne date la meilleure instruction. Pour en être chargé en tant que fils, le Feu est naturellement le meilleur connaisseur des attendus du culte rendu à son père. Cʼest du moins ce que le poète affirme devant le grand dieu. En tant quʼadorateur de son père (θβāuuąs), le Feu se confond avec le Nar Spǝnta, le sacrifiant modèle, celui qui recourt à lʼefficace du Penser bon. Pour lʼidentification du personnage chargé de trouver ou de fixer la date dʼune cérémonie qui pourrait bien être celle du parachèvement du monde, nous devons probablement penser à Zaraθuštra, mais le poète nʼa cru bon ni de le dire de façon explicite ni de répéter la date qui lui aura été précisée. Les Gāθā ne se présentent jamais comme des sources dʼinformations. Au lieu dʼinformer ses auditeurs, le poète brode, nʼayant dʼautre but que de charmer lʼoreille. Y 48.4 yǝ27 dāt manō (4) vahiiō mazdā ašiiascā (7) huuō daēnąm28 (3) šiiaōθanācā vacaŋhācā (7)29 ahiiā zaōšǝṇg (4) uštiš varənǝṇg30 hacaitē (7) θβaī ×xratāu31 (4) apǝməm nanā aŋhat32 (7) .·.

27

yǝ {ašauuā}… huuō… ahiiā. Objet dʼun verbe sous-entendu. 29 Y 48.4b2 = Y 47.1b2. 30 Logomachie sémantique. Sur le tandem zaōšǝṇg… varənǝṇg, PIRART, 2012, p. 185 n. 31, mais le manque de coordination y est à souligner à moins dʼadmettre un dvandva elliptique. 31 KP, contre G xratā. 32 Une indépendante consécutive occupe le dernier vers : « si bien que ». 28

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Mettant en place le Penser bon et le mauvais [yah dāt manah vahyah… aśyah ca], il (suit) la (bonne) Doctrine avec le geste et le verbe [hah dainām śyāuθnā ca vacahā ca] (tandis que) la volonté accompagne ses approbations et ses choix [ahya zaušānh uštiš varnānh hacatai], si bien que, lors de ta décision, toi qui apportes la sagesse, divers sera le dernier (tournant) [mazdā… θvahmi xratāu apamam nānā ahat]. La strophe a beau être extrêmement claire du point de vue formel, sa portée reste énigmatique, inintelligible, car nous ne voyons pas lʼerreur que contiendrait la description suivante : la strophe, apparemment, est faite dʼun diptyque droit (abc : yǝ… huuō… ahiiā…) dans lequel lʼapodose, double, est suivie dʼune indépendante consécutive (d). À notre décharge, soulignons pourtant lʼécueil dʼun verbe sous-entendu dans le deuxième vers et la logomachie sémantique du troisième. Néanmoins, nous pouvons engranger que, relais de celle qui était évoquée avec lʼinterrogative du vers 2c, lʼopposition du bien et du mal présente dans le premier vers trouve très probablement un écho dans lʼinvariable nānā du dernier. Y 48.5 huxšaθrā xšǝṇtąm (5) mā nǝ33 dušə.xšaθrā xšǝṇtā (7) vaŋhuiiā34 cistōiš (5) šiiaōθanāiš +ārəmaitī35 (6) yaōždā mašiiāi36 (5) +aipī.ząθəm37 vahištā38 (7) gauuōi vərəziiātąm (5) tąm nǝ xvarəθāi fšuiiō (6) .·. Que ceux qui en disposent d᾿un bon exercent l᾿Envoûtement (sur Mazdā) [hu-xšaθrā xšantām] ! Que ceux d᾿entre nous qui en disposent d᾿un mauvais cessent d᾿exercer l᾿Envoûtement (sur lui) [mā nah dušxšaθrā xšanta] ! Que ce soit avec les gestes de la bonne Compréhension, avec la Déférence [vahviyāh cistaiš śyāuθnāiš aram-matī] ! (Feu,) poursuis la préparation du futur engendrement pour le (mauvais) mortel avec l᾿excellent (Agencement) [yauš-dāh martiyāi api-zanθam vahištā] ! Que le geste soit exécuté pour la vache [gavai vrzyatām] ! Ne cesse pas de t᾿occuper d᾿elle pour notre nourriture [tām nah hvarθāi fšuyah] ! 33

Le pronom nǝ est complément du sujet : « nul d᾿entre nous ». La séquence consonantique *ºhuiº, par évolution, développe une voyelle d᾿appui et devient donc *ºhuiiº. 35 INSLER, 1975, p. 90, contre G ārmaitē. 36 G et B, contre KP +mašiiā, mais il est inattendu de trouver ici la désignation du mauvais mortel. SKJÆRVØ, 2002, p. 404-5, élabore une solution très différente. 37 B, contre G aipī ząθǝm. 38 {ašā}. 34

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CHAPITRE II

KELLENS et moi39, nous avions retenu le vocatif ārmaitē à la suite de GELDNER40, mais, en principe, dans les Gāθā, le vocatif caractérise presque toujours la désignation du grand dieu, et l᾿équivalence pratique des finales ºtī et ºtē annule ou invalide la pertinence d᾿une réflexion philologique basée sur la collation des manuscrits. Le choix de la leçon + ārmaitī nʼest pas à proprement parler une correction : il sʼagit bien plutôt dʼune commodité de lecture. D᾿après la strophe suivante qui partage avec celle-ci de recourir à un schéma métrique d᾿exception, nous ne pouvons faire d᾿Ahura Mazdā le sujet des verbes yaōždā et fšuiiō. Ce pourrait être le Feu. Et, par élimination, vahištā doit être un instrumental et désigner l᾿un des Amǝša Spǝnta dont le nom est de genre grammatical neutre. Le deuxième vers est à considérer comme une indépendante nominale impérative. En effet, la bonté de Cisti est incompatible tant avec le mauvais Envoûtement de lʼhémistiche a2 quʼavec la présence des mauvais mortels dans le troisième vers. Il est impossible de savoir ce que le mot +aipī.ząθa- « le futur engendrement » désigne au juste : le grand parachèvement (frašō.kǝrǝiti-), en tant que célébration sacrificielle, est lui-même lʼengendrement dʼune existence mentale, mais lʼAvesta récent ou les livres pehlevis, à propos de ce parachèvement du monde, nous parlent aussi de la personne future, tan ī pasēn, de la résurrection des morts et de la renaissance de plusieurs héros du passé mythique. De toute façon, le mythe eschatologique vieil-avestique ne coïncidait sûrement pas avec celui que les sources ultérieures nous font connaître. Remarquons dʼailleurs la présence dʼune vache censée assurer la nourriture du défunt dans lʼau-delà, une donnée relevant davantage de lʼeschatologie individuelle que de la générale, comme si toutes deux nʼen faisaient quʼune. Relevons au passage que, dans la phrase « Que le geste soit exécuté pour la vache ! », « geste » a tout lʼair dʼun euphémisme pour « mise à mort ». Remarquons aussi la présence de la déesse Cisti. Certes, elle doit représenter une faculté intellectuelle dʼaprès le Frahang ī Ōīm41 qui traduit son nom par frazānagīh « wisdom, intelligence »42, le Haōm Staōt

KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 169. GELDNER, 1886-96, vol. I p. 169. 41 FiO 611 cistiš º ×plcʼnkyh. Correction dʼaprès le zand de la plupart des attestations de cisti-, contre KLINGENSCHMITT, 1968, p. 182, plcʼnk. 42 MACKENZIE, 1971, p. 33. 39 40

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qui lʼassocie avec lʼétude43 ou la liste des noms dʼAhura Mazdā, dans lʼOhrmazd Yašt, qui établit un tandem entre elle et xratu-, lʼintelligence sacrificielle44. Et, avec ce même Yašt, il est confirmé que sa désignation de Cisti dérive clairement de √ cit45 « comprendre ». Cependant, ceci ne peut occulter quʼelle entretenait une certaine relation avec la nourriture. En effet, Cisti est lʼune des déesses du sillage dʼAši qui, comme cette dernière, régissent le double mouvement de lʼéchange do ut des entre les hommes et les dieux. La valeur de la denrée échangée, quant à elle, est représentée, dans lʼAvesta récent, par Xvarǝnah « lʼAliment » et Sauuah « le Renfort », deux principes souvent associés à Aši et à ses compagnes. Celles-ci sont Cisti « la Compréhension », Arǝθaiiā « lʼEspérance » et Rasąstāt « la Générosité » selon le Yasna46, lʼĀrd Yašt47 et le Sīh-rōzag48 ; Cisti et Cistā « la Donnée » selon le Vīdaēuu-dāt49 ; Ādā « la Présentation (des offrandes) », Cisti et Druuatāt « la Fermeté » selon le Vīsp-rat50. Sauuah est la force que les hommes, à leur rendre un culte ou à leur offrir les sacrifices, donnent aux dieux. Il sʼagit donc du volet do de lʼéchange do ut des. Xvarǝnah est, pour les hommes, la faculté de trouver à manger à leur faim ou dʼoffrir la sécurité alimentaire. Pour ce volet des, les textes vieil-avestiques ignorent pratiquement Xvarǝnah et lui préfère la notion de īš- « vigueur (apportée par la nourriture) ». Dans le Vīsp-rat, pour accompagner le tandem quʼAma « le Combat » forme avec Vǝrǝθraγna « le Bris des obstacles », le groupe des déesses Arǝθaiiā, Aši et Cisti est augmenté de Pauruuatāt « la Priorité », dʼUparatāt « la Supériorité » et de lʼensemble des Amǝša Spǝnta51 et, pour les soins apportés aux libations ou leur préparation, Aši et Cisti sont flanquées de Mazdā, de Zaraθuštra et de Zaraθuštrō.tǝma « le Successeur de Zaraθuštra »52. Dans le second cas, il est clairement question de nourrir les dieux. 43

Y 10.13.3b spaniiaŋhǝm cistiuuastarǝm (8). Yt 1.7.2fghi xštuuō yat ahmi xratuš V haptaθō xratumā V aštǝmō yat ahmi cistiš V nāumō cistiuuā .·.. 45 Yt 1.26.1 vaēθāca ×tat cikaēθāca× (8) āi ašāum zaraθuštra (8) mana xraθβāca cistica (8) .·.. Corrections avec LOMMEL, 1927, p. 49-50, contre G tatca kaēθica. 46 Y 1.14, 3.16, 4.19, 22.16. 47 Yt 17.0.17, 17.62.3 : PIRART, 2006, p. 154-5. 48 S 1.25. 49 V 19.39. 50 Vr 4.1. 51 Vr 9.4. 52 Vr 9.1. 44

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CHAPITRE II

Dans le Sraōš Yašt ī az Nask ī Haδaōxt, le groupe des déesses Daēnā « la Doctrine », Arštāt « la Diction continue », Aši « la Dédicace/Fortune », Cisti « la Compréhension » et Cistā « la Donnée » referment lʼénumération des dieux qui apportent leur concours à Āxšti Hąm.avaintī « la Concorde pleine de grâce » dans la mise en déroute des diablesses Parǝt « lʼAttaque » et Mruuā « la Torture » : Sraōša « le mode de récitation, le Phrasé », Rašnu « le Rigoureux », Miθra « lʼÉchange » et Vāta « le Vent »53. Juges et guerriers divins ainsi sont-ils au service de la paix, sans nul doute pour la bonne nourriture que celle-ci permet. Tout ceci est corroboré par les attestations vieil-avestiques de cisti-. Tandis que le côté intellectuel de Cisti est confirmé par lʼAt.tā.vaxšiiā Hāiti où il est question de concentration ou de méditation en vue de comprendre ce qui est encore douteux54, la relation que Cisti entretient avec lʼalimentation se devine dans la Tat.θβā.pǝrǝsā Hāiti qui fait dʼelle lʼidée que la bonne Doctrine, sous forme de gestes et de paroles, permet dʼaccroître les troupeaux55. Dans la Spǝntā.maniiu Hāiti, cisti-, pratiquement un synonyme de maniiu-56, désigne la maxime qui clôture la strophe Y 47.2, mais elle y est aussi le guide des gestes qui sont accomplis rituellement sur lʼaire sacrificielle que la Déférence régit. Et cʼétait déjà le cas dans la strophe Y 44.10 de la Tat.θβā.pǝrǝsā Hāiti. Nous le voyons une nouvelle fois dans la strophe Y 48.5, Cisti, guide des gestes rituels, se préoccupe du fourrage destiné à la vache et de la sécurité alimentaire que cette dernière doit apporter aux âmes des défunts, et la strophe Y 48.11 reviendra sur cette relation existant entre la bonne Compréhension de la Doctrine et lʼalimentation de la vache. Les gestes du pâtre qui assure le fourrage à la vache ainsi sont-ils liés à sa survie dans lʼexistence mentale. Les soins apportés à la vache concernent donc lʼeschatologie, et les membres du cercle gâthique ne purent que retrouver Cisti sur la route dʼun monde caractérisé par lʼexclamation uštā « à volonté ! »57 La seule attestation vieil-avestique de xvarǝnah- avoisine 53

Yt 11.15.4-11.16. Y 30.9c hiiat haθrā.manā bauuat (7) yaθrā cistiš aŋhat maēθā (9) .·.. 55 Y 44.10bcde tąm daēnąm (3) yā hātm vahištā (7) yā mōi gaēθā (4) ašā frādōit hacǝmnā (7) ārǝmatōiš (4) uxδāiš šiiaōθanā ərəš daidiiat (7) maxiiā cistōiš (4) θβā +īštiš usǝn mazdā (7) .·. « (Les dieux) regardent continûment/ jugent que la Doctrine, la meilleure des Entités, est celle qui, avec le (bon) Agencement, puisse accroître mes troupeaux, en se basant sur les paroles de la Déférence ou le geste que me suggère d᾿exécuter mon idée que (cette Doctrine) permet de t᾿offrir le sacrifice, toi qui apportes la sagesse, toi qui le veux ». 56 PIRART, 2020, p. 239. 57 Y 51.16 tąm kauuā vīštāspō (7) magahiiā xšaθrā nąsat (7) vaŋhǝuš padəbīš manaŋhō (7) yąm cistīm ašā mantā (7) spəntō mazdā ahurō (7) aθā nǝ sazdiiāi uštā (7) .·.. 54

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dʼailleurs la mention de cisti- dans la strophe Y 51.18, sans doute fondamentale58 : tąm cistīm dǝjāmāspō (7) huuō.gauuō +ištōiš.xvarənā (7) ašā vərəntē tat xšaθrəm (7) manaŋhō +vaŋhǝuš vīdō (7) tat mōi dāidī ahurā (7) hiiat mazdā rapǝn tauuā (7) .·. Lui qui tire son alimentation des sacrifices offerts, Dəjāmāspa Huuō.guua choisit cette idée avec l’Agencement : « Si tu le connais, donne-moi, Roi qui apportes la sagesse, l’Envoûtement du Penser bon qui, Secourable, t’appartient ».

Y 48.6 hā zī nǝ hušōiθəmā59 (6) hā [nǝ] utaiiūitī[m] (5) dāt təuuīšī[m] (5) vaŋhǝuš manaŋhō60 bərəxδē61 (7) at62 axiiāi63 ašā (5) mazdā uruuarā vaxšat64 (7) ahurō aŋhǝuš (5) ząθōi65 paōuruiiehiiā66 (6) .·.

58

Sur la strophe, voir la Marginale III §III.50. Accusatif. Contre l᾿affirmation exprimée chez PIRART, 2018, p. 90 n. 145, hušōiθǝmā, objet du verbe plutôt que sujet, ne peut être accordé avec hā ni représenter Ārmaiti. 60 Complément dʼagent de bǝrǝxδē. 61 Accusatif féminin duel. L᾿hémistiche 6b2 est à rapprocher de Y 32.9b2 : PIRART, 2020, p. 370 n. 59. 62 Le vers Y 48.6c est cité dans trois passages de lʼAvesta récent : V 11.6 †imat1 gąm + yaōždaθāni2 V imą +iδa3 vacō framrauua4 .·. gauue aδāiš tāiš šiiaōθanāiš V yāiš vahištāiš fraēšiiāmahī .·. †imat1 uruuarąm +yaōždaθāni2 V imą +iδa3 vacō framrauua4 .·. at axiiāi ašā V mazdā uruuarā vaxšat .·. « (Si) jʼai lʼintention de préparer la vache, je récite alors ces mots : Y 35.4ab. (Si) jʼai lʼintention de préparer lʼarbre fruitier, je récite alors ces mots : Y 48.6c » ; V 17.5 āat aθra maγǝm auua.kanōiš V dīštīm5 xraōždisme vītastīm varǝdusme V paiti dim ābarōiš V aθa imą vacō framruiiā V †vārǝθraγnīš6 zaraθuštra .·. at axiiāi ašā V mazdā uruuarā vaxšat .·. « Il te conviendra dʼy creuser alors un trou, profond dʼune dišti si la terre est dure, dʼune vītasti si la terre est meuble, et de lʼ(y) porter en disant ces mots à même de briser les obstacles : Y 48.6c » ; Y 71.25 gauue aδāiš tāiš šiiaōθanāiš V yāiš vahištāiš fraēšiiāmahī .·. at axiiāi ašā V mazdā uruuarā vaxšat .·. « Y 35.4 + Y 48.6c ». Notes : 1. Mis pour lʼaccusatif féminin singulier. ||| 2. GELDNER, 1886-96, vol. III p. 84, et JAMASP, 1907, p. 435, donnent ºāne. Le zand en fait une deuxième personne du singulier : yvšdʼslynyy. ||| 3. G aδa. ||| 4. Le zand en fait une deuxième personne du singulier de lʼimpératif présent : prʼc YMRVN. ||| 5. JAMASP, 1907, p. 555, donne dištīm. ||| 6. Mis pour lʼaccusatif masculin pluriel. 63 La place occupée démontre que ce sarvanāman est le démonstratif proche : « pour la (vache) que voici ». 64 Le syntagme ašā… vaxšat rappelle le nom du Saōšiiant Uxšiiat.ǝrǝta : PIRART, 2013b, p. 144. Voir la Marginale III §III.35. 65 Sur aŋhǝuš ząθōi, PIRART, 2020, p. 176-7. 66 Sur le syntagme aŋhu- paōuruiia-, PIRART, 2012, p. 215. 59

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CHAPITRE II

Que la (Déférence) nous offre donc bonne habitation/ confort, Jeunesse nouvelle et Énergie [hā zi hušaiθma hā nah utayūtī da᾿at tavišī], (les déesses) que le Penser bon a saluées [vahauš manahah brgdai], et, pour la (Vache immolée) que voici, que le Roi qui apporte la sagesse, avec le bon Agencement, fasse pousser les cultures [at ahyāi rtā mazdāh urvarāh vaxšat ahurah] lors de la génération de lʼexistence fondamentale [ahauš zanθai parviyahya] ! Le schéma métrique de la strophe, apparemment (6+5) + (5+7) + (5+7) + (5+6), ne peut être vérifié sur base de la précédente. Le discours direct que celle-là contenait doit probablement se poursuivre ici. Cette hypothèse nous permet de justifier le nominatif mazdā, car, en dehors des guillemets, nous attendons le vocatif. Depuis 5a jusqu᾿à 7c inclus, nous trouvons tout un ensemble d᾿impératives (5a1, 5a2, 5b, 5c, 5d1, 5d2, 7a1, 7a2-c) et d᾿exhortatives (6ab, 6cd) adressées à un ou plusieurs personnages divins distincts du grand dieu puisque la désignation de ce dernier y figure à la troisième personne grammaticale (6cd). La vache immolée, devenue immortelle, doit bénéficier du fourrage que le grand dieu lui apporte dans lʼexistence mentale ou fondamentale. Cette vache nous accompagnera au-delà de la mort tandis que la grande déesse nous aura offert, à nous aussi, les ingrédients dʼune vie paradisiaque, confort, jeunesse et énergie. Y 48.7abc nī aēšəmō [nī.]diiātąm (5) paitī rəməm +[paitī.]siiōdūm67 yōi ā68 vaŋhǝuš (4) manaŋhō +dīdraγžō.duiiē69 (7) ašā vaiiąm70 (4) yehiiā71 hiθāuš nā spəṇtō72 (7)

(6)

Que lʼEnragé s᾿empêtre [ni išmah dyatām] ! Éliminez le Déséquilibrant [pati hramam syadvam], vous qui, avec le Penser bon, vous efforcez de tenir en place [yai ā vahauš manahah didragžadvai] la branche (de la plante du Suc), avec lʼAgencement dont l᾿homme savant se fait le partisan [rtā vayām yahya hīθāuš nā spantah] ! 67 68 69 70 71 72

B, contre G paitī siiōzdūm. Préverbe : voir la Marginale II §IIc. B, contre G dīdraγžōduiiē. Accusatif singulier de vaiiā- (= védique vayā-), objet de ā… +dīdraγžō.duiiē. ašā… yehiiā : voir la Marginale III §III.36. Sur Nar Spǝnta, PIRART, 2020, p. 169 n. 156.

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Le premier vers de la présente strophe obéit à la norme métrique que suivait le dernier de la précédente, 5+6 syllabes, mais il ne semble pas y avoir de rupture entre ce premier vers et les deux suivants qui, quant à eux, ne présentent aucune particularité métrique. En effet, l᾿antécédent du pronom relatif yōi qui introduit la proposition subordonnée occupant le deuxième vers et le premier hémistiche du troisième doit forcément être le sujet de +paitī.siiōdūm : comme ce dernier, le verbe de la subordonnée +dīdraγžō.duiiē est conjugué à la deuxième personne du pluriel. Cependant, ceci ne nous donne aucune indication claire sur l᾿identité des personnages représentés par le pronom yōi. Sans doute sont-ce les dieux si le Nar Spǝnta figure à la troisième personne grammaticale dans la subordonnée secondaire occupant le second hémistiche du troisième vers, car, en principe, le Nar Spǝnta est un homme, le sacrifiant modèle. Le discours direct ouvert avec le début de la cinquième strophe doit avoir pris fin au terme du troisième vers de la septième puisque le quatrième, pour contenir le vocatif ahurā, est une nominale adressée directement au grand dieu. En effet, lʼallusion faite à la maison du dieu dans lʼhémistiche 7d2 ne peut être séparée de celle de lʼhémistiche Y 49.10a2 où Mazdā est clairement identifié. Le discours adressé de la sorte à la divinité, inauguré avec ce quatrième vers, se poursuivra jusqu᾿au terme de l᾿unité. J᾿ignore complètement comment le discours impératif des strophes 5-6 et des trois premiers vers de la septième s᾿articule avec le reste de l᾿unité. Dans la subordonnée relative épithète du sujet de +paitī.siiōdūm, il convient de souligner le caractère licite de la place du mot viiąm au-delà du verbe : yōi ā vaŋhǝuš manaŋhō +dīdraγžō.duiiē ašā viiąm. En effet, elle est licite puisqu᾿il appartient à un groupe, vaŋhǝuš manaŋhō… viiąm, dont le premier élément figure avant la partie principale du verbe ā… +dīdraγžō.duiiē. L᾿opportunité de la place de viiąm a été mise à profit pour glisser entre le verbe et ce mot l᾿antécédent ašā du pronom relatif avec lequel est introduite une subordonnée secondaire, yehiiā hiθāuš nā spəṇtō. Selon BARTHOLOMAE73, le mot viiąm relèverait d᾿un thème viiam- dont KELLENS74 a critiqué la forme pour la remplacer par viiā-. Ce mot se retrouverait deux fois dans les Yašt sous la forme du locatif pluriel viiāhuua, mais la réalité de cette dernière forme est à mettre en doute : 73 74

BARTHOLOMAE, 1904, col. 1476. KELLENS, 1974, p. 228.

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CHAPITRE II

― Yt 8.9.2 †viiāhuua yat† (< *vī yat aēšuua*)75 ×jasainti76 V srīrō hištaiti77 rāmaniuuā78 V ×huiiāiriiō79 auui daŋhuš Tandis que les (rivières) se distribuent sur les (sept Orients de la Terre), le beau Sirius, en compagnie du Calme et de la bonne Récolte, prend le chemins des nations80 ; ― Yt 13.11 āŋhąm raiia xvarǝnaŋhaca V vīδāraēm zaraθuštra V azǝm barǝθrišuua81 puθrǝ V †paiti.vǝrǝtǝ82 +apara.iriθintō83 V ×ā dātāt×84 vīδātaōt85 V ×vī yāhu[ua]×86 uruuat.caēm87 +asta88 V gaōnaca89 +dǝrǝβdaca90 + 91 V paiδiiāsca92 frauuāxšasca93 .·. uruθβąmca Contre KELLENS, 1974, p. 228, qui reconnaît ici le locatif pluriel du substantif fantomatique viiā- auquel est attribué le sens d᾿ « enveloppe » que PANAINO, 1990-5, vol. I p. 35 et 101-2, transformera en « reservoirs ». La corruption que je conjecture est passée par la substitution diascévastique de *āhuua à *aēšuua et, suite à quelque inadvertance, l᾿inversion de ce dernier avec yat : *vī yat aēšuua* > *vī yat āhuua* > *vī āhuua yat* > viiāhuua yat. 76 G jasaiti sans var. En védique, ví GAM se conjugue bien à la voix active. 77 En védique, ā STHĀ ou abhí STHĀ se conjuguent bien, et exclusivement, à la voix active. 78 C᾿est le nominatif masculin singulier du dérivé en +uant- de rāman- « le Calme ». Dans la graphie, entre ºmaº et ºuuaº, *ºnº se développe en ºniº. D᾿autres exemples du développement de cette voyelle dʼappui sont afsmaniuuąn (Yt 11a.7.1d = Y 57.8.1d) et bāmaniuuā (Yt 17.14.1d), contre HOFFMANN, apud KELLENS, 1974, p. 228 n. 1 (voir HOFFMANN et NARTEN, 1989, p. 48 n. 45), et GERSHEVITCH, 1959, p. 282-3. 79 G huiiāiriiā. 80 Voir PIRART, 2010b, p. 98. 81 Ceci pourra être rapproché de RS 6.75.4b : mātéva putrám bibhrtām upásthe. 82 J᾿attendais *pairi.vǝrǝtǝ d᾿après le védique : RS 2.23.18cd índrena yujā támasā párivrtam V bhaspate nír apām aubjo arnavám « Avec Indra pour allié, ô Br̥haspati, tu as débondé le flot-mouvant des eaux environné de ténèbres » (traduction RENOU, 1955-69, vol. XV p. 55). 83 Plusieurs passages parallèles peuvent être trouvés à l᾿intérieur du propre Fravardīn Yašt, mais il y a aussi et surtout Y 23.1.2 yā asmanǝm vīδāraiiǝn V yā āpǝm vīδāraiiǝn yā ząm vīδāraiiǝn V yā barǝθrišuua †puθre1 vīδāraiiǝn V †paiti.vǝrǝte1 +apara.iriθintō2 .·.. Notes : 1. Un seul manuscrit donne puθrǝ… paiti.vǝrǝtǝ. ||| 2. G apara.iriθǝntō. 84 Avec KELLENS, 1974, p. 228, contre G ādātāt en un mot. 85 Le sens « jusqu᾿à la délivrance fixée » que KELLENS, 1974, p. 296, attribue au syntagme ×ā dātāt× vīδātaōt ne me paraît guère compatible avec l᾿existence d᾿un Daēuuua nommé Astō.vīδātu. 86 Contre G viiāhuua, et contre KELLENS, 1974, p. 228, qui reprend l᾿hypothèse de HUMBACH, 1959, vol. II p. 78, selon qui existerait un mot viiā- « matrice ». 87 De vī+√ uruuasc = védique ví VRAŚC, car KELLENS, 1984, p. 46, 229, 379, 381 et 382, donne les formes caiia- de √ ci pour incertaines. 88 Ou ×asca, contre G astica. Lʼénumération est à rapprocher de celle donnée dans ZA 34.5.7 V AMTcm B̠YN bvltʼl hm BRE YHBVNt V slʼdynyt yvdt yvdt mvd V pvst| V nʼhvn V DMYA V pyy V cšm V gvš V ʼpʼryk pyšk BRA YHBVNt .·.. 89 Lʼétymologie en reste incertaine. 90 Avec B, contre G drǝβdaca. Il sʼagit peut-être de la substantivation de lʼadjectif verbal en -ta- de √ darb = véd. DRBH : BARTHOLOMAE, 1904, col. 742. Dans cette hypothèse, les muscles seraient littéralement des « mis en bottes ». 75

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LA YEZIΔĀ HĀITI

Avec la richesse et l᾿aliment que les (déesses Préférences me) procurèrent, moi je pus fixer de façon distinctive, (sache-le) Zaraθuštra, les fils enveloppés dans les mères sans qu᾿ils mourussent, avant que l᾿(archidémon) Hasardeux n᾿eût mis en place le Désordre (des os), les mères dans lesquelles je fis que se différenciassent les os, les poils, les muscles, les viscères, les pieds et les extrémités de leurs fils94.

Comme la forme viiāhuua rencontrée dans les Yašt est illusoire, celle de viiąm que nous trouvons ici dans l᾿hémistiche 7c1 documente un hapax pour la traduction duquel, faute de pouvoir comprendre la portée de la phrase, j᾿ai choisi de faire confiance aux apparences et de me tourner ainsi vers le védique vayā- « la branche », car il sʼagirait alors de la branche de Haōma. Elle était tenue dans le mortier avec lʼaide du Penser bon puisque, dans le rituel de la bonne obédience, lʼusage de cordes était proscrit. Le génitif vaŋhǝuš manaŋhō ainsi complète-t-il viiąm par hypallage ou brachylogie. Y 48.7d at hōi dāmąm

(4)

θβaī +ā +dąm95 ahurā

(7)96

.·.

Et les mises en place du (pieux adorateur) se trouvent dans ta maison, Roi (qui apportes la sagesse) [at hai dāmān θvahmi ā dam ahura]. Le dernier vers de la strophe, celui avec lequel la parole est à nouveau adressée directement au grand dieu, est suivi d᾿une série de questions couvrant non moins de quatre strophes, Y 48.8-11. Il s᾿agit de neuf questions réparties en deux groupes, quatre (8a, 8b, 8cd, 9ab) puis cinq questions (10a, 10bcd, 11ab, 11c, 11d), moyennant l᾿insertion d᾿une paire d᾿indépendantes non interrogatives, à savoir une impérative (9c) et une optative (9d). La relation qui doit unir le vers 7d avec les interrogatives qui suivent est difficile à déterminer d᾿autant que sa teneur est énigmatique : la nominale faisant la substance de ce vers, entre les balises de la particule initiale at et du vocatif de clôture ahurā, contient un pronom hōi pour B, contre G uruθβąsca. Lʼétymologie en reste incertaine. paiδiiā- = védique pádyā- : BARTHOLOMAE, 1904, col. 842-3. 93 Selon KELLENS, 1974, p. 296, frauuaxšasº serait l᾿accusatif pluriel d᾿un thème frauuāxš-. 94 Voir PIRART, 2010b, p. 194. 95 B, contre G ādąm. Sur la maison dʼAhura Mazdā, PIRART, 2012, p. 217. Sur la postposition, voir la Marginale II §Ib. 96 Y 48.7d2 → Y 49.10a2 θβaī +ā +dąm nipāŋhē. 91 92

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CHAPITRE II

l᾿explicitation duquel nous sommes confrontés de surcroît à la polyvalence de sa forme (masculin, neutre ou féminin singulier ? datif ou génitif ?) et à l᾿exiguïté syntaxique de la phrase qui en forme le contexte (enclitique hōi + nominatif + locatif). Pour dāman-, il n᾿existe jamais qu᾿une seule autre attestation, elle aussi du nominatif-accusatif pluriel, Y 46.6 : at yastǝm nōit (4) nā isəmnō āïiāt97 (7) drūjō huuō (3) +dāmąm98 ×haēθahiiā99 gāt (?) huuō zī drəguuā (4) yǝ drəguuāitē vahištō (7) huuō ašauuā (4) yaāi ašauuā friiō100 (7) hiiat daēnā (3)101 +pauruiiā102 dā ahurā (7) .·. Et qui est homme à refuser d’attaquer l’(agresseur) rejoindra le monde où sévit l’Erreur. En effet, est un égaré celui qui est excellent pour l’égaré, (mais) est pieux celui pour qui l’(Adorable) accompagné de l’Agencement est propice. (Et il en est ainsi), Roi, depuis que tu as placé les Doctrines tout devant103.

Pour lʼinterprétation du deuxième vers de cette strophe, INSLER renvoyait104 à Y 48.7d at hōi (= ašahiiā) dāmąm θβaī ā dąm ahurā et à RS ánrtasya sétu-105 « the net (trap) of untruth », mais, contre le védique 97 Optatif ? Le pronom ºtǝm du premier vers représente forcément l’agresseur (aiiant-) dont il a été question dans la strophe Y 46.5. L’analyse de la forme āiiāt, trisyllabique, est incertaine. Le sens n’est guère favorable à son analyse par ā+√ 1i, et nous ignorons s’il est possible de poser un thème de présent āiia- ici comme aux hémistiches Y 46.5a2 (aiiantəm) et 31.20a1 (āiiat). MAYRHOFER, 1992-2001, vol. I p. 268, signale le rapprochement de énas- avec inóti comme douteux tout en admettant la possibilité du rapprochement opéré par PUHVEL avec le hittite inan- « maladie » et le sanscrit īti- « fléau, plaie ». Ce dernier, auquel MAYRHOFER, 1992-2001, vol. I p. 204, rattache l’avestique ainiti- « clémence », pourrait être le nom d’action en -ti- dérivé de la racine de āiia-. Signalons enfin que l’avestique aēnah- « exaction, crime » ou son correspondant védique énas- ont été rapprochés aussi du grec αἰνός « terrible, horrible » : CHANTRAINE, 1968, vol. I col. 35b. 98 KP, contre G dāmąn. 99 B, contre G haiθiiā. 100 Les vers 6cd sont cités dans Y 71.13.2 avec l᾿orthographe des textes récents. Il en va de même dans P 50.3 pour le vers 6c. 101 Y 46.6e1 = Y 49.9c1. 102 KP paoiriiā, G paouruiiā. 103 De portée générale, la strophe Y 46.6 contient le vocatif du grand dieu ancré sur une forme verbale conjuguée à la deuxième personne. Il s’agit d’un diptyque droit bâti sur la corrélation pronominale yasº… huuō (6a et 6b) suivi d’une explicative signalée par la particule zī consistant à mettre en contraste deux diptyques inverses bâtis respectivement sur les corrélations pronominales huuō… yǝ et huuō… yaāi. Tous deux sont faits de prédicatives nominales (6c1 et 6c2 ; 6d1 et 6d2). Le dernier vers contient une subordonnée conjonctive de temps introduite par hiiat qui est sans doute à comprendre ou bien comme une circonstance commune aux deux diptyques de l’explicative, ou bien comme un complément du diptyque droit des deux premiers vers. 104 INSLER, 1975, p. 267. 105 RS 7.65.3ab tā bhūripāśāv ánrtasya sétū V duratyétū ripáve mártiyāya « Ces deux (dieux) aux nombreux lacets sont les barrages du dés-Ordre impossibles à passer outre pour

LA YEZIΔĀ HĀITI

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2

dāman- nt. « corde, longe », nous avions donné le sens de « poteau » au vieil-avestique dāman-106, ce qui est gratuit et indéfendable. L’hypothèse d’INSLER107 a été reprise par SKJÆRVØ108 : drūjō huuō dāmąn haēθahiiā gāt « that one shall go to the dāmans (nets) of the haēθa (cord-work) of the Lie ». Je ne la partage pas dès lors que l’hapax legomenon haēθa-, au vu des vers Y 48.7cd, est à interpréter sur base de hiθu- « l’intervenant »109, que le syntagme que drūjō forme avec dāmandoit être apparenté à celui formé avec dąmi- « fondateur » (Y 51.10b1) ou que ces syntagmes sont à comprendre comme celui que ce même dąmi- (Y 31.7b1, 31.8c1, 34.10b2) forme avec ašahiiā. En effet, la Rgvedasaṁhitā documente bel et bien le syntagme rtásya dhāmantandis que l’alternative **rtásya dāman- relève du mirage : RS 1.43.9b párasmin dhāmann rtásya « au plus haut stade de lʼOrdre »110 ; RS 1.123.9c rtásya yósā ná mināti dhāma « La jeune femme nʼenfreint pas lʼinstitution de lʼOrdre »111 ; RS 4.7.7b rtásya dhāman ranáyanta devāh « [Quand] les dieux eurent pris plaisir [à séparer la nourriture (qui était) en une même mamelle], au lieu-de-fondation de lʼOrdre »112.

Quant au syntagme locatif θβaī ā dąm, nous le retrouvons à la strophe Y 49.10. La strophe Y 46.6 n᾿apporte rien si ce n᾿est que le syntagme drūjō… +dāmąm faisant écho à hōi dāmąm semble bien désigner l᾿ensemble des mauvaises entités rituelles, les Draōjina. Et, sur base de la strophe Y 49.10, nous pouvons avancer que les dāman dont il est question dans le vers Y 48.7d seraient à reconnaître dans l᾿énumération que nous y trouvons, constituée principalement du Penser bon, de lʼâmemoi et de lʼHommage, et que le pronom hōi représente le sacrifiant. Remarquons que ces dāman sont d᾿une nature comparable à celle des le mortel fourbe » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 88) ; RS 10.67.4ab avó duvābhyām pará ékayā gā V gúhā tísthantīr ánrtasya sétau « En bas, par deux (portes), en haut, par une seule, Brhaspati a extrait les vaches qui se trouvaient en cachette/dans le(s) lien(s) du Mal » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 70). 106 Y 48.7d « Les poteaux (du lien) de l’(Harmonie) sont dans ta maison, ô Maître » (trad. KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 170). 107 INSLER, 1975, p. 83 et 267, « such a person shall go to the bonds of deceit’s captivity ». 108 SKJÆRVØ, 2008, p. 534 n. 5. 109 Sur ce mot, PIRART, 2020, p. 104 et 342. 110 Trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 155. 111 Trad. RENOU, 1955-69, vol. III p. 55. 112 Trad. RENOU, 1955-69, vol. XIII p. 12.

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CHAPITRE II

entités sur lesquelles portent les questions de la strophe suivante, Īšti et Aši. Selon cette analyse, le mot dāman- désigne donc de ces divinités à peine personnifiées parmi lesquelles certaines, dans la tradition ultérieure, formeront la catégorie des Amǝša Spǝnta. Y 48.8 kā113 tōi vaŋhǝuš (4) mazdā xšaθrahiiā īštiš (7) kā tōi ašōiš (4) θβaxiiā maibiiō114 ahurā (7) kā115 θβōi116 ašā (4) ākā arədrǝṇg išaiiā117 (7)118 vaŋhǝuš maniiǝuš (4)119 +šiiaōθǝnanm120 jauuarō121

(7)

.·.

Quelle est lʼoffrande sacrificielle dont tʼ(honore) le bon Envoûtement, Roi qui apportes la sagesse [kā tai vahauš mazdā xšaθrahya ištiš… ahura] ? Quelle est, en ma faveur, celle dont tʼhonore ta fille la Dédicace [kā tai ārtaiš θvahyāh maibya] ? Quand ta fille, invigoratrice avec le (bon) Agencement, (viendra-t-elle) au devant des détenteurs du succès/ au devant des heureux [kat θvai rtā ākāh ardrānh išayā] promouvoir les gestes que le bon Sentiment suggère dʼaccomplir [vahauš manyauš śyāuθnānaʼam javarā] ? Les trois premières questions de la première des quatre strophes interrogatives semblent ne concerner qu᾿une seule et même entité, Īšti, qui n᾿est nommée que la première fois : 8a 8b 8cd

kā kā… †maibiiō kā θβōi… ākā… išaiiā … †jauuarō

īštiš

Sur cette strophe, PIRART, 2020, p. 400-1. Lʼemploi de la forme tonique est inattendu, mais la raison en est probablement à trouver dans la nécessité dʼéclaircir la salade pronominale de ce vers. 115 Sandhi pour kat. 116 « Ta fille ». Sur ašā, voir la Marginale III §III.37. 117 Nominatif fém. sing. du participe présent en ºá- tiré de √ 2iš :: išaiia-. 118 Y 48.8c2 → Y 50.4d1 ākā arədrǝṇg. 119 Y 48.8d1 = Y 45.5e1, Y 45.8c1. 120 K, contre G šiiaōθananąm. 121 < *jauuarā, nominatif fém. sing. de l’adjectif en -ara- tiré de √ gu : « en promotrice des gestes du bon Sentiment ». Sur le suffixe, PIRART, 2020, p. 289 n. 64. 113 114

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Cependant, comme nous pouvons voir, Īšti, contrairement à Aši, n᾿est pas affublée de l᾿adjectif possessif θβā- qui ferait d᾿elle à coup sûr la fille du grand dieu. Il ne peut donc être écarté que la troisième question, pour employer cet adjectif possessif comme la deuxième, concernât plutôt Aši qu᾿Īšti. Il n᾿est guère aisé de traiter la possibilité d᾿un escalier permettant de passer d᾿Īšti à Aši. D᾿autant que deux des mots à ordonner respectivement avec les deuxième et troisième kā arborent une forme inattendue : maibiiō et jauuarō. L᾿analyse qui fait de maibiiō le datif du pronom de la première personne du singulier ne peut être conservée que si nous sommes en mesure d᾿en justifier le caractère tonique. De toute façon, la salade pronominale du vers 8b est assez peu vraisemblable : kā tōi ašōiš θβaxiiā †maibiiō ahurā « Quelle (Īšti) pour toi, de l᾿Aši tienne, (est) pour moi, Roi ? » Je ne suis pas arrivé à éclaircir cet oracle, mais, si nous devons tenir compte de l᾿escalier, θβōi sous-entendra donc ašiš plutôt qu᾿īštiš : 8a 8b 8cd

kā… īštiš kā {īštiš}… ašōiš θβaxiiā kā θβōi {ašiš}

Y 48.9 kadā122 vaēdā123 (4) yezī cahiiā xšaiiaθā (7) mazdā ašā124 (4)125 yehiiā mā126 ×āiθīš127 duuaēθā128 (7)129 ərəš mōi [ərəž]ūcąm130 (4) vaŋhǝuš vafuš131 manaŋhō (7) vīdiiāt saōšiiąs (4) yaθā132 hōi133 ašiš aŋhat (7) .·. 122

< pir. *kát u* : voir la Marginale II §§IVa.1 et IVb.3. Première personne du singulier de la voix active du subjonctif parfait de √ vid. 124 Voir la Marginale III §V.11. 125 Y 48.9b1 = Y 46.18d1, Y 50.7c1,9b1. 126 = védique sma. 127 G āiθiš. 128 Employée avec la particule emphatique mā (= védique sma), la forme verbale duuaēθā, si cʼen est une, est la deuxième personne du pluriel actif de lʼindicatif présent (< pii. *dui-tHa) de lʼadādi √ duui « craindre », une racine connue par le grec δείδω (voir CHANTRAINE, 1968, col. 255b-257a). La graphie ºaēº de *ºiº est attestée notamment aussi dans les mots aēšǝmǝm, xvaētǝng ou maēθā. 129 Y 48.9b2 → Y 32.16b2 yehiiā mā +āiθīšcīt duuaēθā. 130 Impératif passif. 131 Le singulier vafuš (G) est à conserver sʼil doit y avoir concordance avec mōi ou hōi, contre INSLER, 1975, p. 92, +vafūš. 132 Introduit une complétive dans la rection de vaēdā. 133 Reprend vafuš ? 123

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CHAPITRE II

Et, puisque vous avez bénéficié dʼun certain Envoûtement, (Roi) qui apportes la sagesse, avec le (bon) Agencement/ lors de la Dédicace, (dites-moi) : quand saurai-je [kat u vaidā yat zi cahya xšayaθa mazdā rtā/ ārtā] de qui vous craignez les dommages [yahya hma āθīnš dviθa] ? Que me soit dite en diction continue la stance du Penser bon [rš mai ucām vahauš vafuš manahah] ! Puisse le futur Invigorateur savoir comment sera sa Dédicace [vidyāt saušyants yaθā hai ārtiš ahat] ! La particule ºzī nous empêche de tenir la subordonnée introduite par yezī (< *hiiat + zī*) pour la complétive dépendant de vaēdā. Il faut donc reconnaître la complétive attendue dans la subordonnée occupant le second hémistiche du deuxième vers, yehiiā mā ×āiθīš duuaēθā, mais, pour la compréhension de cette dernière, nous devons tenir compte de la strophe Y 32.16 : hamǝm tat vahištācīt (7) yǝ ušuruiiē134 siias[cīt]135 daahiiā (8) xšaiiąs136 mazdā ahurā (7) yehiiā mā +āiθīšcīt137 duuaēθā138 (8) hiiat aēnaŋhē drəguuatō139 (7) ǝəānū išaiiǝṇg +aŋhaiiā140 (8) ºoº Cʼest bien au meilleur que sʼapparente cela [hamam tat vahištā cit] dont vous craignez toujours bien les dommages [yahya hma āθīnš cit dviθa] que je causerais en incitant de vigoureux égarés à commettre des méfaits [yat ainahai drugvatah anu išayānh ahyaiya], toi qui, du fait de l᾿Envoûtement, as les moyens, Roi qui apportes la sagesse [yah… xšayants mazdā ahura], de trancher ušuruiiē de lʼexpert [ušuruiiē syah dahmahya]141.

134 Pour la métrique, nous devons tenir compte de l᾿hémistiche Y 34.7b2 sādrācīt caxraiiō ušǝurū (9). 135 En y reconnaissant la deuxième personne du singulier de la voix active de l’injonctif présent de √ sā « trancher » (= védique CHĀ), nous offrons un ancrage au vocatif mazdā ahurā. La particule ºcīt, trop souvent employée dans cette strophe, est sans doute à biffer derrière siiasº. 136 xšaiiant- est un nom d’Ahura Mazdā (Y 29.2, 32.16, 43.1, 51.17) : PIRART, 2018, p. 66 n. 44, p. 71 n. 61. 137 G aiθīšcīt. 138 La métrique de lʼhémistiche 16b2 est garantie par Y 48.9b2 yehiiā mā āiθiš duuaēθā. 139 En subordonnée, le déterminant doit précéder le déterminé. Comme, sur base de cette loi, il ne peut compléter aēnaŋhē, nous devons faire de drǝguuatō un accusatif pluriel accordé avec išiiǝng. 140 J᾿émets la conjecture suivante : ǝəānū… aŋhaiiā serait la première personne du sing. de la voix moyenne de l᾿opt. prés. de ǝəānū+√ 2ah « inciter (acc.) à (dat.) », mais, chez BÖHTLINGK et ROTH, 1852-75, vol. I col. 539, nous ne trouvons mention du correspondant indien ánv 2AS que pour l᾿adjectif verbal ánvasta- « durchschossen, durchflochten ». 141 Traduction intrépide, faute de mieux, mais il est assez clair que, pour lʼauteur du texte, l᾿origine des āiθi « les dommages » est à trouver dans les aēnah « les méfaits » du drǝguuant.

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La question n᾿occupe que les deux premiers vers de la strophe (9ab) puisque le troisième commence avec un impératif, mode qui serait incongru en interrogative. En effet, la série des questions est marquée d᾿une pause faite d᾿une paire d᾿indépendantes, la première rédigée à l᾿impératif (9c) et la seconde, à l᾿optatif (9d). Pour la clarté, les verbes respectifs, ǝrǝš… ūcąm et vīdiiāt, ouvrent ces indépendantes. Y 48.10 kadā142 mazdā (4) mąnarōiš143 narō vīsəṇtē144 (7) kadā145 ajǝn (4) mūθrəm ahiiā +madahiiā146 (7) yā angraiiā147 (4) karapanō urūpaiieiṇtī148 (7) yācā149 xratū (4) dušə.xšaθrā daxiiunm (7) .·. Et, toi qui apportes la sagesse, (dis-moi :) quand les hommes sont-ils au service du (sale) écraseur (des tiges de la plante du Suc) [kat u mazdā mamraiš narah vīsantai] ? Et quand l᾿urine est-elle venue de ce breuvage [kat u ā-jant mūθram ahya madahya] par lequel les karapan [= les mauvais officiants] donnent la colique avec une méchanceté expresse [yā ahrayā krpanah rupayanti yā ca xratū], eux qui, dans les nations, disposent du mauvais Envoûtement [duš-xšaθrā dahyūna᾿am] ? La strophe ne rassemble que deux questions, la première limitée au premier vers et la seconde occupant tout le reste. Cette dernière est beaucoup plus longue du fait d᾿être formée d᾿un diptyque inverse bâti sur la corrélation ahiiā… yā.

142

< pir. *kát u* : voir la Marginale II §IVa.1 et §IVb.3. Dérivé du type védique cákri- de √ mar « moudre » (= védique MR̄ :: mrnāti), le nom dʼagent mąnari- sans doute est-il un synonyme de pišiiant-. 144 Présent inchoatif de √ vī « être au service de (gén.) ». 145 < pir. *kát u*. 146 B, contre G magahiiā. 147 Il faut y voir l᾿instrumental singulier haplologique du dérivé féminin en +iiādʼangra-, contre KP +angriiā. Lʼemploi adverbial de lʼinstrumental singulier haplologique des dérivés en +yā- dʼadjectifs qualificatifs est bien connu en védique. Exemple : RS 4.4.2a táva bhramāsa āśuyā patanti « Tes tourbillons volent vite » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIII p. 7). 148 Il sʼagit du causatif correspondant à scr. RUP :: rúpyati : GEIGER, 1916, p. 96. Sur le degré de la racine, HOFFMANN, 1958, p. 13 ; KELLENS, 1984, p. 155. 149 angraiiā… yācā xratū : hendiadys. La forme xratū que nous trouvons ici pour l᾿instrumental singulier de xratu- contraste avec celle rencontrée ci-dessus dans l᾿hémistiche 3d2, xraθβā, mais, au vu de Y 28.1c1 ou de Y 45.6e1, il ne peut sʼagir dʼun daivisme. 143

86

CHAPITRE II

Renforcé par une allitération, le stratagème d᾿un faux relatif yāº affublé de la particule ºcā coordonne angraiiā et xratū avec le pronom relatif qui introduit l᾿apotase : yā {madā} angraiiā… yācā xratū. Je comprends que la séquence yācā xratū est mise pour pir. *xratuiā ca*, mais, de toute façon, il faut sans doute y voir un hendiadys « avec méchanceté et intelligence » > « avec une méchanceté expresse ». En réalité, les deux derniers vers de la strophe forment donc une seule et même subordonnée simple dans laquelle le second, en plus de l᾿instrumental xratū coordonné moyennant yācā avec yā et angraiiā, ne contient, licitement, que des éléments complétant ou déterminant le sujet : karapanō… dušǝ.xšaθrā daxiiunąm. Les karapan des nations, avec le xšaθra mis en œuvre, sont comparables, dans les inscriptions vieux-perses, au xšāyaθya des nations. Les karapan ainsi sont-ils donnés pour les dirigeants religieux de la mauvaise obédience, mais le pluriel de leur désignation doit être elliptique et sous-entendre kǝuui- et usij-150. Y 48.11 kadā151 mazdā (4)152 ašā153 mat ārəmaitiš (7)154 jimat xšaθrā155 (4) hušəitiš156 vāstrauuaitī (7) kōi +drəguuō.dəbīš157 (4) xrūrāiš rāmąm158 dṇtē kǝṇg ā159 vaŋhǝuš (4) jimat manaŋhō cistiš (7) .·.

(7)

(Dis-moi,) toi qui apportes la sagesse : quand viendra avec le (bon) Agencement (et) l᾿Envoûtement (exercé sur toi) [kat ā mazdā rtā hmat… jamat xšaθrā], la Déférence, elle qui offre bonne habitation et fourrage [aram-matiš… hu-šitiš vāstravatī] ? Qui sont ceux qui trouveront le calme malgré (la présence) des Égarés sanguinaires [kai drugvadbiš xrūrāiš rāman da᾿antai] ? Vers qui viendra la Compréhension du Penser bon [kānh ā vahauš jamat manahah cistiš] ? 150

Sur ces dignités sacerdotales du culte réprouvé, voir lʼIntroduction §14. < pir. *kát ā* : voir la Marginale II §IIc. 152 Y 48.11a1 = Y 46.3a1. 153 Voir la Marginale III §III.38. 154 Y 48.11a2 → Y 34.11b2 ašā mat ārəmaitiš vaxšt. 155 Lʼasyndète des instr. ašā mat… xšaθrā doit nous inciter à leur accorder des fonctions différentes. 156 Sur hušǝiti- épithète d᾿Ārmaiti, PIRART, 2018, p. 90 n. 145. 157 B, contre G drǝguuōdǝbīš. 158 Locatif. 159 Sur le préverbe, voir la Marginale II §IIc. 151

LA YEZIΔĀ HĀITI

87

La onzième strophe contient les trois dernières questions. La première occupe les deux premiers vers. Toutes trois, rédigées au subjonctif aoriste (ºā… jimat, dāntē, ā… jimat), ont des accents eschatologiques. Les déesses Ārmaiti et Cisti jouent un rôle apparemment déterminant pour ce qui est du sort qui, dans lʼau-delà, sera réservé à lʼâme du sacrifiant. Les deux déesses reflètent lʼattitude de lʼorant, notamment à lʼégard de la vache, et préfigurent la condition qui sera la sienne propre au-delà du trépas. En comprenant que la bonne Doctrine lui recommande dʼassurer le fourrage à la vache et en sʼy employant, lʼorant prépare sa propre condition post mortem. Y 48.12 at tōi aŋhən (4) saōšiiaṇtō daxiiunm (7) yōi160 xšnūm161 vohū (4) manaŋhā hacṇtē (7) šiiaōθanāiš ašā162 (4) θβahiiā mazdā sǝnghahiiā (7)163 tōi zī dātā (4) hamaēstārō +aēšəmahiiā164 (7) ºoº Et ceux-là seront les futurs Invigorateurs des nations [at tai ahant saušyantah dahyūna᾿am], eux qui, pour (tʼ)accueillir avec le Penser bon et les gestes que tu préconises [yai xšnvam vahū manahā… śyāuθnāiš… θvahya… sanhahya], seront accompagnés du (bon) Agencement, toi qui apportes la sagesse [haca᾿antai… rtā… mazdā]. Car ceux-là ont été placés en tant qu᾿adversaires de lʼEnragé [tai zi dātā ham-maistārah išmahya]. De la lecture de cette strophe, il me vient les idées que lʼépouse de Xerxès Ier, Amestris (= av. réc. hamōistrī-), devait se prendre pour une *Saōšiieintī et quʼAēšǝma fait figure dʼarchidémon, mais le syntagme saōšiiantō daxiiunąm du premier vers fait écho à celui des vers 10cd karapanō… daxiiunąm. Ceci est un nouvel indice que, dans les Gāθā, le mot saōšiiant- nʼa pas encore acquis le sens restreint qui lui sera connu dans la littérature postérieure : au lieu dʼêtre les fils futurs de Zaraθuštra, les saōšiiant sont encore dʼanonymes sacrifiants, mais il est vrai que lʼanonymat en question ne relève pas de lʼénigme puisque le tout un chacun du monde du poète des Gāθā est forcément quelquʼun 160 161 162 163 164

tōi… saōšiiantō… yōi. Accusatif de durée ? Absolutif en pii. *ºam ? Voir la Marginale III §III.39. Y 48.12c2 → Y 44.14c2 θβahiiā mąθrāiš sǝnghahiiā. B, contre G aēšǝm mahiiā.

88

CHAPITRE II

de connu, un contemporain, un membre du cercle gâthique, Vīštāspa par exemple. Leur désignation tirée du participe futur sʼexplique par les répercussions eschatologiques du culte rendu, les prolongements insoupçonnés de la cérémonie sacrificielle. Avec lʼaccomplissement des rites, le sacrifiant prépare le parachèvement du monde. Dans la liturgie, lʼunité est clôturée avec les formules suivantes : zōt̰ u rāspī .·. spǝntā maniiū…165 .·. du bār .·. ašǝm vohū…166 .·. si bār .·. yeziδąm hāitīm yazamaide .·. yeŋhē hātąm…167 ºoº ºoº.

165 166 167

= Y 47.1. = Y 27.14. = Y 27.15.3.

CHAPITRE III LʼAT.MĀIIAUUĀ HĀITI

Le plan de lʼAt.māiiauuā Hāiti (Y 49) LʼAt.māiiauuā Hāiti, faite de douze strophes comme la précédente, est la troisième des quatre unités de la Spǝntā.maniiu Gāθā. Non seulement comme dans l᾿unité précédente, mais aussi comme dans la suivante, la divinité y apparaît toujours à la deuxième personne grammaticale. Celle-ci est Ahura Mazdā, sauf dans la seconde moitié de la première strophe où il semble bien que le poète se tourne plutôt vers la déesse Ādā « la Présentation (des offrandes) » : 1b2 1c2 2d2 3a2 3c1 4 5a1 5d2 6a1 6a2 6b2 6d2 7a2 7b2 8b1 8b2 8c2 9 10a1 10a2 11 12a1 12b2 12c1 12c2 12d2

… mazdā vaŋvhī ādā gaidī… arapā mazdā… … mazdā… … … … mazdā θβaī… ahurā … vā… mazdā… xšmākahiiā… … xšmāuuatō ahurā mazdā… gūšahuuā tū ahurā … θβā mazdā… ahurā θβaī … mazdā θβaī… nipāŋhē … tōi… … tōi… … və… mazdā… ahurā … və…

90

CHAPITRE III

Comme la divinité nʼapparaît jamais à la troisième personne, nous pouvons avancer lʼhypothèse dʼune certaine cohésion interne. En effet, la cohésion interne de l᾿At.māiiauuā Hāiti (Y 49) ne semble pas pouvoir être aisément mise en doute pour découler aussi du grand nombre des concaténations lexicales que nous pouvons y relever : Y 48.12d2 +aēšǝmahiiā :: Y 49.4a2 aēšǝmǝm Y 49.1a2 bəṇduuō :: 2a2 bəṇduuahiiā 2b1 tkaēšō :: 3b2 tkaēšāi 3c2 sarə :: 5b2 sārǝštā :: 8b1 sarəm :: 9b2 sarəm 4d2 daēnā :: 5b1 daēnąm :: 6d1 daēnąm :: 9c1 daēnā :: 11c1 duždaēnəng 4a1 duš.xraθβā :: 6b1 xratəuš 6a1 fraēšiiā :: 8d2 fraēštāŋhō 6c2 srāuuaiiaēmā :: 7a2 sraōtū :: 7b1 sraōtū :: 9a1 sraōtū 8b2 yāsā :: 9d2 yāhī :: 12d1 yāsąs 12a1 kat :: Y 50.1a1 kat

Néanmoins, ni la conjonction des trois dernières strophes avec les précédentes ni les limites du texte ne peuvent être vérifiées : ― la particule at ne se justifie pas à l᾿ouverture d᾿une première strophe ; ― un certain parallélisme peut être tracé entre la dernière de la présente unité et les trois premières de la suivante, la Kat.mōi.uruuuā Hāiti (Y 50.1-3), faites comme elle de phrases interrogatives ; ― rien nʼa annoncé cette suite dʼinterrogatives ; ― le contexte n’aide pas à comprendre lʼemploi du conglomérat tatcā en tête du vers 10a.

Pour la justification de lʼemploi dʼat à l᾿ouverture de l᾿At.māiiauuā Hāiti (Y 49), nous devons supposer l᾿absence primitive de solution de continuité entre Y 48.12 et Y 49.1. Ceci paraît pouvoir être défendu sur base de la concaténation lexicale de Y 48.12 avec Y 49.4 : toutes deux strophes nomment Aēšǝma. La particule at que nous trouvons en tête de Y 49 ainsi est-elle justifiée : elle signifie que Y 49.1 est le début d᾿un nouveau mouvement à l᾿intérieur d᾿un texte ayant commencé bien auparavant. En tête de Y 48.12, la particule at marquait le début d᾿un ensemble qui devait entretenir une certaine relation avec la série de questions ayant pris fin au terme de Y 48.11. Remarquons que le tandem démoniaque Aēšǝma + Rǝma mentionné dans Y 49.4 l᾿était d᾿ores et déjà dans Y 48.7, la strophe qui précédait immédiatement la série interrogative des strophes Y 48.8-11. Il est donc fort probable que les six dernières strophes de la Yeziδā Hāiti (Y 48) formaient un seul et même texte avec les quatre premières de l᾿At.māiiauuā Hāiti (Y 49).

LʼAT.MĀIIAUUĀ HĀITI

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Malgré tous les indices de cohésion interne ou de continuité formelle, je ne suis pas parvenu à déceler de fil conducteur sémantique me permettant de savoir de quoi le poète a voulu traiter principalement ou de façon plus spécifique. Lʼunité ainsi me laisse-t-elle une impression de décousu. Remarquons pourtant lʼabsence de la particule at en tête de la strophe 4, signalant sans doute que celle-ci est à comprendre comme un aparté à la suite de la troisième. La même remarque est à retenir pour la strophe 6. Lʼabsence de la particule est attendue avec tatcā et les interrogatives de la septième, avec les impératives des strophes 8-9, avec tatcā en tête de la dixième et avec les interrogatives de la dernière. Édition, traduction et commentaire de l᾿At.māiiauuā hāiti Y 49.1 zōt .·. at mā1 yauuā (4) bəṇduuō2 pafrē3 mazištō4 (7) yə dušərəθrīš5 (4) cixšnušā ašā6 mazdā (7) 1 Sandhi pour mōi, car il faut un pronom pour satisfaire la corrélation avec yə. Le vers Y 49.1a est cité dans V 11.4.1-2 imat nmānǝm yaōždaθāne1 (8) imą aδa vacō framrauua (9) .·. at mā yauuā bǝnduuō pafre mazištō .·. « Comme je pense à préparer la maison que voici, je réciterai alors les mots que voici : Y 49.1a ». La combinaison de lʼinstrumental yávā avec P2 est attestée dans RS 2.14.11cd tám ūrdaraṁ ná prnatā yávéVíndraṁ sómebhis tád ápo vo astu « emplissez cet (Indra) de somaʼs comme (on emplit) le grenier dʼorge ! Que ce soit votre œuvre ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XVII p. 61). Note : 1. Var. lect. yaōždaθāni. 2 BARTHOLOMAE, 1904, col. 956-7, rapproche bəṇduua- des verbes √ ban et √ 2band, sans doute sur la suggestion du zand pad vēmārīh « avec la maladie ». Il sʼagit donc probablement dʼun daēuua appelé « le Contagieux », même si le modèle morphologique du mot reste mal identifiable (type védique ādyudātta áśva- < pie. *H1ékuo- ou antodātta śarvá- < pie. *koruó- ?). 3 Ce verbe occupe une place licite puisque le mot qui suit est épithète du sujet. Lʼindicatif parfait pafrē exprime une action caractéristique, habituelle ou récurrente, du sujet. 4 Le titre de mazišta-, étonnant dans le cas d᾿un être connoté négativement, pourrait avoir été employé par ironie : un jeu de mots est envisageable qui lui donnerait le sens d᾿un composé de maz- « le tyran » et de l᾿adjectif verbal en -ta- de √ yaz « honorer du sacrifice » : Bəṇduua serait ainsi un démon honoré par le tyran. 5 Var. lect. duš.ǝrǝθrīš. BARTHOLOMAE, 1904, col. 752, explique dušǝrǝθrīš comme le composé de duš+ et de 1harǝθra- « la surveillance, la protection », sans doute sur la suggestion du zand duš-nigerīh « la mauvaise surveillance ». Sans doute est-ce plus exactement lʼaccusatif féminin pluriel du bahuvrīhi de duš+ et de harǝtar- « le surveillant » : « celles qui nʼont pas de bon gardien ». La critique que KUIPER, 1979, p. 265-7, a faite de cette explication repose sur une confiance abusive dans les graphies avestiques. Disparition de l᾿aspirée au voisinage de ºǝrǝº comme dans rārǝšiia-. Pour moi, la séquence ºǝrǝº est une graphie possible de pir. *ºarº. Autre exemple : ǝrǝθiiā (Vr 9.4) < *arθaiāh gén. haplologique de arǝθaiiā- « l’Espérance ». 6 Il est malaisé de choisir entre lʼinstrumental dʼaša- et le locatif dʼaši-, mais, pour être située après le verbe, la forme ašā ne peut, en principe, s᾿inscrire dans sa rection : voir Marginale III §V.12.

92

CHAPITRE III

vaŋvhī ādā7 (4) gaidī mōi8 ā mōi [a]rapā9 (7) ahiiā vohū (4) aōšō vīdā manaŋhā (7) .·. Et de mon orge le très grand Contagieux toujours se gave [at mai yavā bandvah pafrai mazištah], toi qui apportes la sagesse, tandis que moi, avec le (bon) Agencement/lors de la Dédicace, je suis prêt à accueillir celles qui sont sans défense/sans bonne garde [yah duš-harθrīš cixšnūšā rtā/ ārtā mazdā] (en disant :) Bonne Présentation, viens à ma rencontre et offre-moi ton aide [vahvi ādā gadi mai ā mai rapa] ! Trouve avec le Penser bon le moyen de brûler le (Contagieux) [ahya vahū aušah vida manahā] ! Il me semble préférable de tenir le Contagieux (bəṇduua-) pour un être surnaturel, un démon, voire même de reconnaître en ce très grand (mazišta-) lʼarchidémon Aēšǝma. Le contexte nous pousse à penser que le poète cherche à livrer Bəṇduua aux flammes, à le réduire en cendres, mais nous ignorons qui sont au juste les dušǝrǝθrī, celles qui ne disposent pas d᾿un bon harǝtar « surveillant » et au secours de qui se porte alors le poète. Celui-ci est représenté, dans le premier hémistiche du premier vers, par le pronom de la première personne *mōi. Ce pronom joue le rôle d᾿antécédent du relatif yə sujet de cixšnušā, une forme qui, dès lors seulement, est analysable comme une première personne du singulier de l᾿indicatif présent. Une hypothèse : le poète se ferait un devoir de sauver ou de défendre les déesses personnifiant les actions et les attitudes qui conforment la cérémonie sacrificielle, telles Aši, Ārmaiti, Āzūiti ou Ādā, que des mains inexpertes ou impies pourraient abîmer. Si le vocatif de la séquence vaŋvhī ādā se justifie pleinement en tête du groupe des impératives des deux derniers vers, celui de la désignation du grand dieu, en revanche, reste sans ancrage à la clôture du deuxième vers. 7

dieu.

Vocatif, mais ce cas reste d᾿usage exceptionnel en dehors de la désignation du grand

8 La Rgvedasaṁhitā documente lʼimpératif aoriste radical de GAM placé en tête du vers et suivi du pronom datif enclitique. Exemple : RS 1.39.7cd gántā nūnáṁ nó ’ávasā yáthā puréVitthā kánvāya bibhyúse « Venez maintenant à notre aide comme autrefois (vous fîtes) pour Kanva qui avait eu peur ainsi (quʼon sait) » (trad. RENOU, 1955-69, vol. X p. 16). 9 Sur √ rap = véd. RAP, JOHNSTON, 1934, et KELLENS, 1984, p. 104 et 107 n. 28, mais le sens « aider » prêté à certaines attestations du védique RAP ne peut être prouvé : GOTō, 1987, p. 260-1 ; CHEUNG, 2007, p. 314. Sur le préverbe, voir Marginale II §IIc.

LʼAT.MĀIIAUUĀ HĀITI

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La strophe est exceptionnelle à plusieurs égards : ― Bəṇduua, inconnu par ailleurs, n᾿est mentionné que dans les deux premières strophes de la présente unité ; ― dušǝrǝθrīš est un hapax legomenon ; ― Ādā, l᾿allégorie de la Présentation des offrandes, non seulement est une divinité fort rarement nommée, mais l᾿emploi du vocatif de la désignation d᾿une divinité autre que le grand dieu est un fait tout aussi exceptionnel ; ― soulignons que le dernier vers tient de l᾿incitation au meurtre.

LʼAt.māiiauuā Hāiti se caractérise notamment par le grand nombre dʼallusions faites aux personnages, humains ou surnaturels, connotés négativement : 1a2

― Bəṇduua « le Contagieux » ;

2a2 2b1

― Bəṇduua ; ― Drǝguuant (sing.) « lʼÉgaré » ;

3b2 3d2

― Druj « lʼErreur » ; ― Drǝguuant (plur.) « les Égarés » ;

4a1 4a2 4d1 4d2

― yōi duš.xraθβā « les idiots » ; ― Aēšǝma et Rǝma « lʼEnragé et le Déséquilibrant » ; ― Daēuua (plur.) « les Hasardeux » ; ― Drǝguuant (sing.) ;

9b2

― Drǝguuant (sing.) ;

11b1 11d1

― Drǝguuant (plur.) ; ― Druj

Y 49.2 at ahiiā10 mā11

(4)

bəṇduuahiiā mānaiieitī12

(7)

10 Le démonstratif ahiiā qui accompagne bənduuahiiā a pour fonction de signaler que le Contagieux a été défini dans la strophe précédente, quʼil sʼagit du Contagieux en question. 11 Je nʼai pu résoudre lʼapparente anomalie de lʼhémistiche 2a1. Au vu de vers védiques tels que RS 1.131.6f ou 4.4.11c, que nous en fassions la particule coïncidant avec le védique sma ou le pronom enclitique coïncidant avec le védique mā, la place de ce mot est inusuelle : at ahiiā mā au lieu de **at mā ahiiā. 12 Le deuxième vers, complété dʼahiiā… bənduuahiiā, constitue le sujet de ce verbe. En effet, derrière le verbe peut licitement figurer le groupe sujet. Ici ce groupe, fort étendu, occupe tout un vers et s᾿achève avec un participe ×rārǝšiiō précédé de ses compléments daibitā ašāt.

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CHAPITRE III

tkaēšō13 drəguuā (4) daibitā14 ašāt rārəšō15 (7) nō[it] spəṇtąm dōrəšt16 (4) aāi stōi17 ārəmaitīm (7) na[ēd]ā18 vohū (4) mazdā fraštā manaŋhā19 (7)20 .·. Et lʼégaré qui diffuse les idées du Contagieux mʼirrite [at ahya mā bandvahya mānayati kaišah drugvāh], lui qui, depuis toujours, se tient à lʼécart du (bon) Agencement [dvitā rtāt hrahršyah] : sans tenir la savante Déférence à la disposition du (Contagieux) [na spantām daršt ahmāi stai aram-matim], il ne s᾿entretient pas non plus avec le Penser bon, toi qui apportes la sagesse [na u vahū mazdā frašta manahā]. Comme à la première strophe, le vocatif mazdā reste ici sans ancrage. Par hypallage, drǝguuant- et ×rārǝšiia- sont accordés avec tkaēša- au lieu de bəṇduua-, mais il n᾿est pas du tout vérifié que tkaēša- soit la désignation du commentaire plutôt que celle d᾿un personnage. Dans 13 tkaēša- est tiré du causatif sigmatique de √ ci, mais nous pouvons hésiter ici entre la désignation du commentaire (ādyudātta) et celle de lʼauteur du commentaire (antodātta). La présence de t au début du mot est le fruit dʼune réflexion du diascévaste qui a estimé que le phonème c de la racine verbale correspondante √ 2ciš « faire comprendre, expliquer » contenait une dentale sourde. 14 KELLENS et à moi, 1988-91, vol. II p. 263 et vol. III p. 232, nous nʼavons pas eu lʼimpression que le sens que TICHY, 1983, p. 207-41, avait proposé pour le védique dvitā, « ein weiteres Mal, ausserdem, nach wie vor » était directement transposable. Aussi avons-nous préféré « doublement, à double titre » pour daibitā sur une suggestion dʼANDREAS, apud LOMMEL, 1935, p. 140, car ceci nous permettait de mieux justifier la coordination par *u des deux indépendantes introduites respectivement par nōit et naēdā (< pir. *ná u*), mais il faut tenir compte des remarques de RENOU, 1955-69, vol. VII p. 20-1, dʼautant que les attestations védiques ne peuvent être ignorées et que le mot coïncide étymologiquement avec le pehlevi did « again, then, further » (MACKENZIE, 1971, p. 26). Sur cette base, je propose « depuis toujours » qui convient tout aussi bien au contexte. Voir MAYRHOFER, 1992-2001, vol. I p. 767. 15 Nominatif masc. sing. du participe présent en ºá- de pii. √ *sras :: *srasršia« sʼécarter, sʼéloigner de (abl.) » : PIRART, 2020, p. 326 n. 122. 16 Aoriste de √ darz « tenir à disposition de (dat.) » : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 255, contre BARTHOLOMAE, 1904, col. 690, qui lʼexpliquait par √ dar. 17 Lʼacc. de lʼinfinitif stan- de √ 1ah sert à renforcer le datif. 18 < pii. *ná u* : voir Marginale II §IVa.1 et §IVb.3. 19 Les deux derniers vers partagent plusieurs de leurs ingrédients avec Y 47.3cd at hōi vāstrāi rāmā dā +ārǝmaitī V hiiat həm vohū mazdā [həmǝ.]fraštā manaŋhā .·. : PIRART, 2020, p. 240 n. 41. De toute façon, Y 47.3d2 = 49.2d2. La Rgvedasaṁhitā atteste aussi la combinaison de mánasā avec PRAŚ : RS 1.164.5a pākah prchāmi mánasāvijānan V devānām enā níhitā padāni « An ignorant foll, I ask in my mind about the hidden footprints of the gods » (trad. DONIGER OʼFLAHERTY, 1981, p. 76) ; 10.81.4cd mánīsino mánasā prchátéd u tád V yád adhyátisthad bhúvanāni dhāráyan « Vous (humains) doués de réflexion, demandez (vous) en pensée (ce quʼétait) ce sur quoi (Viśvakarman) se tenait quand il mit en place les mondes ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 168). 20 Y 49.2d2 = Y 47.3d2 mazdā [həmǝ.]fraštā manaŋhā (7) .·..

LʼAT.MĀIIAUUĀ HĀITI

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cette alternative, nous ne devons plus envisager d᾿hypallage, mais, par suite, il se pose la question de savoir de qui le poète parle avec les deux indépendantes des derniers vers de la strophe : est-ce de Bəṇduua ou de son tkaēša ? Le pronom aāi reprend bənduuahiiā : relevant de la troisième personne grammaticale, il ne peut représenter le grand dieu puisque la désignation de ce dernier apparaît au vocatif dans le vers suivant, mais il est vrai que le vocatif de la désignation du grand dieu reste sans ancrage tant ici que dans la strophe précédente. Y 49.3 atcā aāi (4)21 varənāi mazdā nidātəm22 (7) ašəm sūidiiāi (4) tkaēšāi23 rāšaiieŋhē druxš24 (7) tā25 vaŋhəuš26 (4) sarə iziiāi27 manaŋhō (7) aṇtarə vīspəṇg (4) drəguuatō haxməṇg [aṇtarə.]mruiiē

(7)

.·.

En effet, tandis que le (bon) Agencement, toi qui apportes la sagesse, est installé de sorte que le (bon) choix apporte la prospérité à celui-ci/ pour assurer la prospérité du choix que voici [at ca ahmāi varnāi mazdā nidātam rtam sūdyāi], lʼErreur lʼest de façon à ce que le (mauvais) commentaire (le) conduise à sa perte/pour conduire le mauvais commentaire à la destruction [kaišāi rašayahai druxš]. Jʼattends cela de ton union que le Penser bon (scelle avec lʼAgencement) [tat tai vahauš sarah īzyāi manahah]. Je bannis de la communauté tous les Égarés/ égarés [antar visvānh drugvatah haxmanh mruvai].

21

Y 49.3a1 = Y 43.2a1. nidātǝm ašǝm… druxš {nidātā}. La construction de nidātǝm avec l᾿infinitif datif se défend sur base de RS 6.15.15b ní tvā dadhīta ródasī yájadhyai « Quʼ(on) tʼinstalle pour que tu sacrifies aux deux Mondes ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIII p. 48). 23 Daivisme. Sa mise en parallèle avec varǝna- assure que tkaēša- est ici la désignation du commentaire plutôt que celle du maître à penser. Sur lʼopposition varǝna- ↔ tkaēša-, PIRART, 2012, p. 185 n. 31. 24 Les hémistiches Y 30.11b2-c1 rappellent ce vers : PIRART, 2020, p. 79. 25 Sandhi pour tat. 26 Comme le démontre à suffisance la série des autres premiers hémistiches d᾿hendécasyllabes contenant vaŋhəuš (Y 43.3a1 at huuō vaŋhəuš, 43.4e1 hiiat mōi vaŋhəuš, 44.4e1 kasnā vaŋhəuš, 45.4c1 patarəm vaŋhəuš, 45.5e1 vaŋhəuš maniiəuš, 45.8c1 vaŋhəuš maniiəuš, 46.2e1 āxsō vaŋhəuš, 46.16d1 yaθrā vaŋhəuš, 48.7b1 yōi ā vaŋhəuš, 48.8a1 kā tōi vaŋhəuš, 48.11d1 kəng ā vaŋhəuš, 50.8d1 at vā vaŋhəuš), le déficit métrique de Y 49.3c1 est injustifiable. Dès lors, sur base du vers Y 33.6c, il convient de restituer . 27 G et B, contre KP +iziiā. 22

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CHAPITRE III

Les deux premiers vers, avec le chiasme qu᾿ils contiennent, sentent la maxime. Ils produisent l᾿une des rares attestations claires du tandem contrasté qu᾿Aša forme avec Druj, les chefs de file respectifs des Amǝša Spǝnta et des Draōjina, mais, dans lʼAvesta récent comme dans la littérature pehlevie, leur opposition cédera le premier rang à celle de Vohu Manah et dʼAka Manah. Le démonstratif tā (< *tat) signale la relation devant unir les deux derniers vers entre eux ou avec les deux premiers. Qui sont les Égarés du dernier vers, des mašiia ou des daēuua ? Les deux derniers vers, pratiquement, font de haxman- « la communauté » un synonyme de sar- « l’union » comme le confirme le parallélisme que Y 40.2d tauuacā haxəmā ašaxiiācā présente avec Y 41.6d tauuacā sarəm ašaxiiācā, mais la synonymie paraît être plus forte avec vərəzəna« le village ». Le protagonisme du poète à lʼintérieur des strophes est assez fréquent comme l᾿indique le tableau suivant dans lequel sont reprises toutes les interventions de la première personne grammaticale : 1a1 1b 1c2

*mōi yauuā yə… cixšnušā mōi… mōi

2a1



3c2 3d2

iziiāi antarə.mruiiē

4-5

-

6a1 6c2

fraēšiiā srāuuaiiaēmā

7

-

8b2 8c1 8d2

yāsā maibiiācā fraēštāŋhō āŋhāmā

9-11

-

12c2 12d1

frīnāi yāsąs

Pour lʼinterprétation du troisième vers, il doit être tenu compte de lʼensemble des attestations de √ sar : leur examen permet de voir que lʼunion est celle du grand dieu avec Aša et que Vohu Manah est plutôt lʼentité qui la facilite.

LʼAT.MĀIIAUUĀ HĀITI

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Y 49.4 yōi28 duš.xraθβā (4) aēšəməm varədən29 rāməmcā30 (7) xvāiš31 hizubīš (4) fšuiiasū afšuiiaṇtō (7) yaēšm nōit (4) †+huuarəštāiš vąs32 †+dužuuarəštā33 (7) tōi daēuuəṇg dąn34 (4) yā35 drəguuatō daēnā (6) .·. Pour avoir, parmi ceux qui sʼen soucient, délaissé le bétail ou avoir, de leur propre langue, invigoré lʼEnragé et le Déséquilibrant, les idiots [yai duš-xraθvā išmam vrdant hramam ca hvāiš hizūbiš fšuyatsu a-fšuyantah] chez qui les gestes *bons ne lʼont pas emporté sur les *mauvais [yaiša᾿am na *duš-vrštāiš vānst *hu-vrštā], ceux-là soumettent les (mauvais dieux) Hasardeux à la Doctrine de lʼÉgaré [tai daivānh dant yā drugvatah dainā]. Lʼabsence de la particule at à son ouverture est lʼindication que la strophe est à comprendre comme une sorte dʼaparté concernant la précédente. La corrélation yōi… yaēšąm… tōi ne va pas de soi dès lors que le premier pronom relatif paraît représenter des êtres de signe négatif et le second, des êtres connotés plutôt de façon favorable : « et chez qui les gestes bons ne lʼont pas emporté sur les mauvais ». Un échange malencontreux entre les deux pôles a donc dû se produire au cours de la transmission du vers, car, en toute logique, nous attendons **yaēšm nōit dužuuarəštāiš vąs huuarəštā « et chez qui les gestes mauvais ne lʼont pas emporté sur les bons ».

28

yōi duš.xraθβā… afšuiiantō yaēšąm… tōi…. Le second terme de la coordination, rāmǝmcā, peut licitement prendre place au-delà du verbe dès lors que le premier, aēšǝmǝm, se situe auparavant. Le groupe sujet, xvāiš hizubīš fšuiiasū afšuiiaṇtō, occupe tout le vers suivant, mais a absorbé des compléments qui, en réalité, doivent s᾿ordonner avec varǝdǝn. Confusion graphique : le verbe varǝdǝn, au lieu du subjonctif, est à analyser comme la 3e plur. act. de lʼinjonctif aoriste (thématique ou non) de √ vard : < pir. *urdánt, contre KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 86, car, derrière vāv, la graphie de pir. *ºarº se confond avec celle de *ºrº. 30 Lʼallongement de la voyelle de la syllabe initiale nʼest pas expliqué. 31 Lʼadjectif possessif réfléchi sans doute sert-il à souligner les conséquences adverses de l᾿usage de pareille langue. Le pluriel se justifie par concordance avec le sujet du verbe. 32 + dužuuarəštā, comme sujet, suit licitement le verbe. 33 KP, contre G huuarštāiš… dužuuarštā. 34 Sur la comparaison de ce vers avec Y 32.5b, PIRART, 2020, p. 365 n. 35. 35 Lʼantécédent sous-entendu est un datif complément de dąn. 29

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CHAPITRE III

Soulignons le signe négatif de la daēnā du dernier vers. Quel y est le cas de l᾿antécédent de yā ? Qui est l᾿égaré du dernier vers ? un mortel ? quelque archidémon ? L᾿At.māiiauuā Hāiti a beau mentionner d᾿assez nombreux personnages connotés négativement, seules cinq strophes sont concernées par leur concentration : 1a2 1d1 2a 2b 3b2 3b2 3d 4a1, b2 4a2 4cd 4d1 4d2 5-10 11a 11b 11c 11d 12

bənduuō… mazištō ahiiā ahiiā… bənduuahiiā tkaēšō drǝguuā daibitā ašāt *rārǝšiiō tkaēšāi druxš vīspəng drǝguuatō yōi duš.xraθβā… afšuiiantō aēšǝmǝm… rāmǝmcā yaēšąm… tōi daēuuəng yā drǝguuatō daēnā dušǝ.xšaθrəng duš.šiiaōθanəng dužuuacaŋhō duždaēnəng duš.manaŋhō drǝguuatō akāiš xvarǝθāiš drūjō… astaiiō -

Y 49.5 at huuō mazdā (4) īžācā āzūitišcā36 (7) yə37 daēnąm (3) vohū +sārǝštā38 manaŋhā (7) ārǝmatōiš (4)39 kascīt ašā40 huzəṇtuš41 (7) tāišcā42 vīspāiš (4) θβaī xšaθrōi ahurā (7)43 .·.

36

Lʼhémistiche est réutilisé dans V 9.53. huuō… yə… kascīt… huzəntuš. 38 B, contre G sārštā. Sur la rection de +sārǝštā avec deux instrumentaux, voir la Marginale III §III.42. 39 Y 49.5c1 = Y 44.10d1, 46.12c1, 47.2c1, 47.6c1. 40 Voir la Marginale III §III.40. 41 Sur le sens de huzəṇtu-, PIRART, 2012, p. 215 n. 8. 42 La particule ºcā dans le dernier vers doit être employée avec sa valeur emphatique puisque le pluriel tāišº est elliptique et que le syntagme vohū… manaŋhā en constitue une explicitation partielle. À moins dʼun hendiadys pour « tous les (gestes) du Penser bon ». 43 Y 49.5d2 → Y 34.10c2 θβaī mazdā xšaθrōi +ā.vōiiaθrā .·.. 37

LʼAT.MĀIIAUUĀ HĀITI

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Et, Roi qui apportes la sagesse, il (donne à la Doctrine les noms) dʼ« Oblation » et de « Libation » [at hah/hāu mazdā īžā ca ā-zutiš ca… ahura], celui qui, à même de générer la bonne (existence), qui quʼil soit, a bien recouru au Penser bon et à tous les (gestes) lors de ton Envoûtement [yah… vohū… manahā… kah cit hu-zantuš tāiš ca visvāiš θvahmi xšaθrai] pour unir sa Doctrine avec le (bon) Agencement de la Déférence [dainām… sāršta… aram-mataiš… rtā]. Soulignons le style lapidaire de plusieurs vers de cette strophe. La proposition nominale du premier est dʼun type exceptionnel à plus dʼun titre : le sujet pronominal huuō, masc. sing., aurait dû concorder en nombre et en genre avec lʼaddition des substantifs attributs. Pour ce qui est du genre féminin de ces derniers, nous ne pouvons le considérer comme respecté que si huuō est bien le démonstratif lointain44, mais la présence de yə en tête du deuxième vers nous invite à y voir plutôt un masculin. Le tandem coordonné īžācā āzūitišcā, par son apparence de prédicat du pronom huuō, surprend. Le tour nominal est déjà fort peu fréquent dans lequel un substantif est attribut du sujet. Qui plus est, lorsque le sujet est du masculin singulier et l᾿attribut, la coordination de deux féminins. Une autre solution est donc à trouver. Et, pour admettre leur coordination avec le vocatif mazdā, il faudrait sous-entendre un verbe permettant de justifier le nominatif des deux théonymes féminins, mais la présence de huuō désarçonne alors tout raisonnement grammatical. La seule solution nous est fournie par le deus ex machina de lʼellipse et des guillemets. Je nʼai pu trouver mieux : « celui-là (donne à la Doctrine les noms) dʼ« Oblation » et de « Libation ». Les deux déesses représentent respectivement les offrandes solides et liquides. La place syntaxique du troisième vers fait difficulté surtout du fait de l᾿incertitude pesant sur celle d᾿ārmatōiš. Que complète donc ce génitif ? Il est incertain d᾿en faire le complément déterminatif de daēnąm au lieu d’ašā et de reconnaître dans la Daēnā d᾿Ārmaiti une façon de désigner la doctrine connotée positivement par opposition à la yā drǝguuatō daēnā nommée au terme de la strophe précédente. Le dernier hémistiche de la strophe suivante, pour une belle concaténation lexicale, donnera à la bonne Daēnā l᾿étiquette de yā xšmāuuatō. Ceci dit, je ne puis déterminer de façon sûre si le drǝguuant en question est lʼarchidémon Aēšǝma ou un mortel tel que le Maz « le tyran (qui offre le sacrifice aux mauvais dieux) ». 44

≈ védique asáu.

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CHAPITRE III

Y 49.6 frō vā [fra]ēšiiā45 (4) mazdā ašəmcā mrūitē (7) yā46 ×vī.xratəuš47 (4) xšmākahiiā ā.manaŋhā48 (7) ərəš vīcidiiāi49 (4) yaθā50 ī51 srāuuaiiaēmā (7) tąm52 daēnąm (3)53 yā xšmāuuatō54 ahurā (7) .·. Je vous charge, vous [fra vāh išyā] et le (bon) Agencement, Roi qui apportes la sagesse, de dire la Doctrine de votre adorateur [mazdā rtam ca mrūtai… tām dainām yā xšmavatah ahura] afin que (nous) distinguions la façon rectiligne et pleine dʼengouement dont il nous convient de réciter [rš vi-cidyāi yaθā ī srāvayaima yā… ā-manahā] les (hymnes) de votre (disciple) avisé [vi-xratauš xšmākahya]. Le ton consécutif de la déclaration contenue dans cette strophe par rapport à la précédente doit pouvoir justifier que le poète se soit passé de lʼemploi de la particule at à lʼouverture.

45 Le second terme de la coordination, ašəmcā, peut licitement figurer au-delà du verbe dès lors que le premier, vā, se situe auparavant. Derrière le verbe, nous trouvons aussi le vocatif mazdā dont vā fournit l᾿ancrage et, tout aussi licitement, le second accusatif mrūitē dans la rection de frā+√ iš. 46 yā {srauuā}… ī (objet interne). 47 G və xratəuš. L᾿incompatibilité flagrante que və présente avec xšmākahiiā recommande de corriger və xratəuš en ×vī.xratəuš. Dans ce prādibahuvrīhi, l᾿accord avec l᾿adjectif possessif xšmākahiiā nous impose de donner son sens positif au préverbe : voir la Marginale I §IIIe. 48 Sur ā.manaŋha- « l’obsession, la fixation, la fougue », PIRART, 2006, p. 178-9 n. 226. Ce substantif est à reconnaître ici puisque la postposition ā nʼexiste ni régissant le génitif ni lʼinstrumental. 49 Infinitif de but complément de mrūitē. Le verbe vī+√ ci coïncide avec le védique ví CI. Exemple : RS 6.53.4 ví pathó vājasātaye V cinuhí ví mŕdho jahí | sādhantām ugra no dhíyah « Discrimine les voies (propres) à gagner le prix-de-victoire, dis(perse et) frappe les ennemis ! / Que nos visions-poétiques aillent droit-au-but, ô (dieu) formidable ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 147). Voir la Marginale I §IIb.6. 50 Adverbe interrogatif indirect introduisant une complétive dans la rection de vīcidiiāi. 51 Représente srauuā « les textes ». Pour l᾿enclitique, l᾿analyse instrumentale est clairement non avenue : l᾿instrumental enclitique n᾿existe pas. Comme il s᾿impose de voir en ī un accusatif et que la case de l᾿accusatif dans la rection de srāuuaiiaēmā est ainsi déjà occupée, la séquence accusative qui suit, tąm daēnąm, devra forcément être ordonnée avec un autre verbe. Jʼy vois lʼobjet de mrūitē. 52 Le dernier vers donne lʼobjet de mrūitē. 53 Y 49.6d1 = Y 44.10b1. 54 Pour le védique yusmāvant-, le sens de « votre adorateur » n᾿a pas été retenu par RENOU, 1955-69, vol. V p. 11 : RS 2.29.4cd mā vo rátho madhyamavál rté bhūn V mā yusmāvatsuv āpísu śramisma « Que (notre) char tirant avec un nombre moyen (de bêtes dʼattelage) ne soit pas privé de vous ! Ne nous lassons pas quand (nous avons) des amis tels que vous ! »

LʼAT.MĀIIAUUĀ HĀITI

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Comme il est question de textes à réciter et que ceux-ci sont évidemment de son ressort, le poète prend lʼinitiative. À la barre, il charge les dieux de lʼinstruire en la matière, mais le disciple avisé, non identifié, pourrait être Zaraθuštra plutôt que lui. Dans la rection de frā+√ iš, l᾿accusatif ne peut marquer le récepteur de l᾿envoi. Les deux accusatifs présents sont, d᾿une part, celui de l᾿envoyé, la coordination vā… ašǝmcā, et, d᾿autre part, celui de la charge de cet envoyé, l᾿infinitif mrūitē. Le tandem que le grand dieu forme avec Aša, qui nʼest autre que le culte qui lui est rendu, coïncide avec lʼunion dont il a été question avec le vers 3c. Le premier relatif yā s᾿accorde très probablement avec ā.manaŋhā « l᾿engouement par lequel », mais le second, en corrélation avec tąm, introduit une fausse subordonnée relative, valant un second accusatif dans la rection de ǝrǝš vīcidiiāi. Hypallage : ǝrǝš, pour le sens, est plutôt à ranger avec srāuuaiiaēmā. Avec mrūitē, l᾿accusatif sing. de l᾿infinitif « dire », il se pose inévitablement la triple question de savoir qui dit quoi à qui. Et la strophe a beau n᾿être faite que d᾿une seule phrase, le nombre des personnages auxquels il y est fait allusion est important : ― le poète qui dit « je » (fraēšiiā) ; ― les autres membres du groupe auquel appartient le poète (srāuuaiiaēmā) ; ― Zaraθuštra (×vī.xratəuš xšmākahiiā) ; ― le sacrifiant ou pieux adorateur des dieux (xšmāuuatō) ; ― les dieux (vā… mazdā ašǝmcā).

Y 49.7 tatcā55 vohū (4) mazdā sraōtū manaŋhā (7) sraōtū ašā56 (4) gūšahuuā tū ahurā (7) kə airiiamā (4) kə xvaētuš dātāiš aŋhat (7) yə vərəzənāi57 (4) vaŋvhīm dāt frasastīm58 (7) .·. 55 ºcā doit être emphatique puisque la coordination des instrumentaux est assurée par la répétition de sraōtū. 56 Voir la Marginale III §III.41. 57 Locatif : voir la Marginale II §IIId.6. 58 Le vers est cité dans les Yašt : Yt 9.26 dazdi mē V vaŋvhi sǝuuište druuāspe V tat āiiaptǝm V yaθa azǝm hācaiiene V vaŋvhīm āzātąm hutaōsąm V anumatəe ×daēnaiiā1 anūxtəe ×daēnaiiā1 anu.varštəe ×daēnaiiā1 V yā mē daēnąm māzdaiiasnīm V zrasca dāt apica ×vaōtāt2 V yā mē varǝzānāi vaŋvhīm dāt frasastīm .·. « Accorde-moi cette faveur, bonne et très opulente Chevaux-fixes, que moi je puisse amener la bonne et noble Hutaōsā à conformer ses pensées à la Doctrine, à conformer ses paroles à la Doctrine, à conformer ses gestes à la Doctrine, elle qui placerait alors sa confiance dans la Doctrine que je prône pour offrir le sacrifice au Roi de la Sagesse et s᾿en inspirerait, elle qui, dans ma communauté, se chargerait de la proclamation des prouesses divines ! ». Notes : 1. PIRART, 2006,

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CHAPITRE III

Dès lors, avec la perception que tʼen facilitent, Roi qui apportes la sagesse, le Penser bon ou le (bon) Agencement, écoute donc [tat ca vahū mazdā srautū manahā srautū rtā gušahva tu ahura] : quel peuple, quelle famille se trouvera avec les (…) établis [kah aryamā kah hvaituš dātāiš ahat] ? (Ne sera-ce donc la famille) qui, dans le village, établira la bonne glorification (de notre héros) [yah vrzanai vahvīm da᾿at frasastim] ? En principe, tant ici quʼen tête du vers 10a, le rôle de tatº ne peut être celui dʼun démonstratif cataphorique. Je propose dʼy reconnaître un invariable assurant la conjonction de cette strophe avec la précédente : « dès lors ». Il est malaisé d᾿identifier le sujet de sraōtū, une troisième personne du singulier, forcément à distinguer du vocatif ahurā, lequel s᾿ordonne tout naturellement avec gūšahuuā. Lʼanonymat caractérise aussi la tribu, la famille ou le clan dont il est question dans les deux derniers vers, mais l᾿analyse faisant de sraōtū la troisième personne du singulier de l᾿impératif aoriste radical n᾿est pas la seule possible : nous pouvons parfaitement y voir l᾿instrumental singulier d᾿un substantif sraōtu- « avec la capacité d᾿écoute »59. Cette hypothèse libère les cercles dʼappartenance sociale de toute attache grammaticale personnelle : la famille est aussi bien « ma famille » que « sa famille » ou « ta famille ». Ni le sens de dātāiš ni celui de la combinaison dʼun instrumental inerte avec le verbe √ 1ah ne sont clairement connus, mais lʼexistence dʼune relation entre dātāiš et dāt est fort probable. La strophe se referme sur la désignation d᾿une entité, la Vaŋvhī Frasasti, sans doute la proclamation60 des hauts faits des dieux ou des prouesses héroïques. Il peut sʼagir dʼune épopée récitée au sein de la communauté. Comme souvent, la difficulté est purement sémantique par

p. 213 n. 569, contre GELDNER, 1886-96, vol. II p. 85, 98 et 123, qui donne daēnaiiāi. ||| 2 . KELLENS, 1984, p. 33-4 n. 26 et p. 374-5, contre G aotāt. Lʼoctosyllabisme du vers avec une laryngale qui, dans dāt, ne produit plus dʼhiatus, cela démontre que ce nʼest pas du vieil avestique, contre KELLENS, 1984, p. 378. 59 En védique, śrótu- est attesté dans les composés du vers RS 1.122.6c śrótu me śróturātih suśrótuh « Nous entende celui qui (octroie) la faveur dʼêtre entendu, qui se plaît à entendre […] ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 6). 60 Les vers védiques RS 8.27.15ab font de la práśasti une sorte dʼúpastuti : prá śaṁsāmiy adruhah V saṁsthá úpastutīnaām « Je récite pour vous dʼabord, (dieux) exempts de dol, dans la compétition des louanges-agrégées » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 47).

LʼAT.MĀIIAUUĀ HĀITI

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manque de parallèles : avec práśastim, la Rgvedasaṁhitā atteste plutôt lʼemploi de KR61 que celui de DHĀ62. Y 49.8 fərašaōštrāi (4) uruuāzištąm ašahiiā dā (7) sarəm63 tat64 θβā (4) mazdā yāsā ahurā (7) maibiiācā yąm (4) vaŋhāu65 θβaī ā66 xšaθrōi (7) yauuōi vīspāi (4)67 fraēštāŋhō68 ×aŋhāmā69 (7) .·. Permets-nous, à Fǝrašaōštra et à moi [fraxša-uštrāi… dāh… mabya ca], de (tʼ)unir dʼune union très agréable avec le (bon) Agencement [vrāzištām rtahya… saram], cʼest ce que je te demande, Roi qui apportes la sagesse [tat θvā mazdā yāsā ahura], (de sorte) que, lors de ton Envoûtement, toi qui es bon [yām vahau θvahmi ā xšaθrai], nous en soyons chargés à tout jamais [yavai visvāi fra-ištāhah ahāma] ! Le poète inaugure le deuxième vers avec un enjambement remarquable. La place que sarəm occupe au-delà du verbe le régissant, son rejet en tête du vers suivant, est licite dès lors que l᾿attribut (ou épithète) de cet objet, uruuāzištąm, figure auparavant. Ce rejet devant lʼincise est aussi une façon de signaler cette dernière, prise entre les datifs coordonnés fǝrašaōštrāi et maibiiācā. Ceux-ci appartiennent en effet à une seule et même proposition, celle qui démarre avec la strophe, mais, comme dā et yāsā sont pratiquement des synonymes, nous pouvons considérer

61 Ceci est souligné par lʼexistence du composé praśastikŕt- dans le vers RS 1.113.19c « Faisant renommée à notre prière, luis au loin […] ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. III p. 44). 62 DHĀ est attesté une seule fois avec práśastim, à la voix moyenne de surcroît : RS 2.11.12c avasyávo dhīmahi práśastim « Cherchant assistance, puissions nous obtenir lʼéloge […] ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XVII p. 55). 63 Sur la combinaison de sar- avec le génitif dʼaša-, voir la Marginale II §Ia.2. 64 Ouvre une incise. 65 Comme il est inusuel de trouver deux compléments non coordonnés exprimés lʼun comme lʼautre au locatif, il faut considérer que vaŋhāu est plutôt le vocatif dʼune désignation du grand dieu : < pir. *uahau. 66 Voir la Marginale II §Ib. 67 Y 49.8d1 = Y 46.11e1 ; → Y 53.4d3 yauuōi vīspāi.ā .·.. 68 La rareté du védique présita- ne nous offre aucun parallèle clair pour sa rection accusative. Exemple : RS 7.73.3cd śrustīvéva présito vām abodhi V práti stómair járamāno vásisthah « Comme un docile messager, pour vous sʼest éveillé | Vasistha qui vous aborde en chantant vos louanges » (trad. CALAND et HENRY, 1906-7, vol. II p. 423). 69 KP, contre G āŋhāmā.

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CHAPITRE III

que les deux premiers vers, la principale et lʼincise, forment une seule et même proposition. Le second terme de la coordination, maibiiācā, constitue, à vrai dire, un nouvel enjambement à lʼouverture du troisième vers : une subordonnée suit immédiatement, introduite par le pronom relatif yąm, épithète de sarəm. Le mode subjonctif de son verbe est lʼindication de la nuance finale ou conclusive de cette subordonnée. Le poète espère être l᾿un des envoyés ou chargés de mission, lui qui, à la strophe 6, faisait des dieux ses messagers. Dans ce cas-ci, la nature de la mission nʼest pas spécifiée, mais doit concerner lʼunion avec lʼAgencement rituel. Les autres attestations du verbe √ sar ou du substantif correspondant sar- nous permettent dʼy voir un peu plus clair : le Penser bon, synecdoque de lʼorant, facilitait lʼunion dʼAhura Mazdā avec Aša, liait le grand dieu à la cérémonie sacrificielle lʼhonorant. Comme si Aša était le sexe, la vulve de la Terre. Le poète espère donc, si le grand dieu y prend plaisir, être chargé dorénavant de cette mission, mais ce « dorénavant », tapi dans le subjonctif ×aŋhāma70, pourrait avoir des accents eschatologiques qui fissent du poète et des autres membres du cercle gâthiques les artisans attitrés de lʼimmortalité divine ou des ressources auxquelles les dieux puiseront pour opérer le parachèvement du monde. Y 49.9 sraōtū71 sāsnā (4) fšəŋhiiō72 +suiiē.taštō (7) nō[it] ərəš.vacā73 (4) sarəm didąs74 drəguuātā75

(7)

70 Le pluriel du verbe ×aŋhāma est lʼindice que la coordination fǝrašaōštrāi… maibiiācā est elliptique. 71 Écho offert aux sraōtū des vers 7ab à ceci près que cʼest ici un verbe conjugué à lʼimpératif tandis que, là-bas, cʼétait un substantif. 72 KP, contre G fšənghiiō. 73 Le caractère « rectiligne » de la parole, cela se réfère à la diction continue, même si le parallèle védique rjugātha- « qui récite ou entonne les gāthā avec diction continue » n᾿a pas été interprété de la sorte par RENOU, 1955-69, vol. V p. 26 : RS 5.44.5c dhāravākésv rjugātha śobhase « Toi dont la marche est droite, (ô Agni,) je veux (tʼ)embellir en des discours (semblables à des) coulées ». 74 Place spéciale du verbe puisqu᾿aucune bonne justification ne peut être apportée à la présence d᾿un complément à sa suite. 75 Lʼinstrumental peut être vu comme une sorte dʼattribut de lʼobjet de √ dang : Y 49.9b nō[it] ǝrǝš.vacā sarəm didąs drǝguuātā « celui qui parle en observant une diction continue nʼenseigne pas que lʼunion est avec lʼégaré » : PIRART, 2020, p. 205.

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hiiat daēnā76 (3)77 vahištē yūjən78 mīždē (7) + ašā.yuxtā79 (4) yāhī dəjāmāspā80 (7) .·. Quʼil perçoive les leçons [srautu sāsnāh], lui qui recourt à de tels liens [fšahiyah] et au bol servant à faire gonfler (les tiges du Suc) [suvaitaxštah] ! En observant la diction continue, il nʼenseigne pas lʼunion avec lʼÉgaré/ lʼégaré [na rš-vacāh saram didanst drugvatā] depuis que les (fils de) Dəjāmāspa, en vue de lʼexcellente récompense, ont, avec lʼAgencement, attelé les (chevaux calcinés) aux Doctrines lors de la formulation des demandes/ prières [yat daināh vahištai yujant miždai rta-yuxtā ya᾿ahi djāma᾿aspā]. L᾿identification de la troisième personne du singulier sujet du verbe sraōtū fait difficulté, d᾿autant que ses épithètes de l᾿hémistiche 9a2 ne nous offrent guère d᾿indices utiles. Néanmoins, fšəŋhiiō81 me paraît en dire assez. Le thème de lʼunion, présent dans les strophes 3, 5 et 8, revient dans celle-ci avec cette épithète. Lʼunion était en quelque sorte matérialisée par le lien de Vohu Manah employé pour maintenir fermement les tiges de haōma dans le mortier ou la victime sacrificielle animale contre le poteau. « Matérialisé », cʼest bien évidemment une façon de parler puisque les liens de Vohu Manah ont tout lʼair dʼêtre de nature abstraite et que lʼusage de cordes était proscrit, mais je ne puis remédier ni à lʼinsuffisance de cet éclaircissement ni à lʼénigme de la troisième personne des verbes sraōtū et didąs.

Sur le rôle psychopompe de Daēnā, PIRART, 2012, p. 35. Y 49.9c1 = Y 46.6e1. 78 Le mot mīždē figure licitement au-delà du verbe pour appartenir à un groupe complément dont un premier élément, vahištē, a été exprimé auparavant. Il est inattendu de trouver deux locatifs distincts, vahištē… mīždē et yāhī, à l᾿intérieur de cette seule et même proposition. Sans doute la distinction devant être opérée entre ces deux locatifs est-elle à l᾿origine de la place retardée du second. Après hiiat « depuis que », lʼinjonctif aoriste yūjən marque le prétérit : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 79. 79 KP, contre G ašā yuxtā. Voir la Marginale III §I. Les mots daēnā… yūjən… + ašā.yuxtā rappellent le vers védique RS 6.39.2b rtádhītíbhir rtayúg yujānáh : voir SCHLERATH, 1962, p. 580 ; 1968, p. 158. Le composé +ašā.yuxtā, pour la grammaire, est un bahuvrīhi accordé avec le sujet du verbe : « possesseurs de chevaux attelés au moyen de l᾿Agencement ». 80 Nominatif masc. pluriel. Remarquons-le, fǝrašaōštrāi ouvrait la strophe précédente tandis que dəjāmāspā referme celle-ci. 81 Sur l’adjectif fšəŋhiia- « qui se sert de (gén.) pour attacher », PIRART, 2020, p. 107-8. 76 77

106

CHAPITRE III

Le syntagme suiiē taštō, épithète du sujet de sraōtū, est assurément à rapprocher de celui contenu dans les vers védiques RS 10.48.11cd : té mā bhadrāya śávase tataksur V áparājitam ástrtam ásālham Je suis invincible, (moi qui suis Indra), nul ne mʼabat ni ne me résiste depuis que les (dieux), en me taillant, mʼont doté de moyens utiles.

Le grand dieu védique ainsi avait-il été immolé et reconstruit. Les dieux lʼavaient rendu immortel et lui avaient donné les moyens de lʼemporter sur tous les adversaires. Si nous nous basons sur ce parallèle védique, le personnage dont parle le poète vieil-avestique est un dieu ou lʼâme dʼun membre défunt du cercle gâthique. Cette seconde alternative est probablement à retenir. En effet, comme la forme dəjāmāspā serait un vocatif sans ancrage, les possibilités du syntagme appellatif correspondant ×dəjāmā aspā× et du nominatif d᾿un pluriel patronymique sont à explorer. La présence des « (descendants) de Dəjāmāspa » peut suggérer que leur père est défunt, mais, comme il est demandé que ce défunt écoute les leçons, il me paraît tout à fait envisageable de faire de lui un émule de Vīrāza. Sa mort nʼaurait été que passagère : parti chez les dieux écouter leurs leçons, il serait revenu muni des informations utiles et aurait alors désapprouvé toute relation avec les mauvais dieux. Pour lʼexégèse de la forme dəjāmāspā, les deux analyses peuvent être retenues : les descendants de Dəjāmāspa se seraient occupés des opérations rituelles nécessaires à son passage et, pour ce faire, auraient attelé aux Doctrines les « chevaux calcinés » de leur patronyme à lʼinstant de formuler les prières. Y 49.10 tatcā82 mazdā (4) θβaī +ā +dąm83 nipāŋhē84 (7)85 manō vohū (4) urunascā ašāunm86 (7)

tatcā aussi 7a1. Sur la strophe, PIRART, 2012, p. 38 et 146 n. 156. B, contre G ādąm. Sur la maison dʼAhura Mazdā, PIRART, 2012, p. 217. Sur la postposition, voir la Marginale II §Ib. 84 La longueur de l᾿énumération constituant lʼobjet a motivé son rejet au-delà du verbe, dans les vers suivants. 85 Y 49.10a2 → Y 48.7d2 θβaī +ā +dąm ahurā .·.. 86 Ce vers est honoré du sacrifice, donc déifié, dans Y 42.4.1 vohū manō urunascā ašāunąm yazamaidē .·.. 82 83

LʼAT.MĀIIAUUĀ HĀITI

nəmascā yā (4) ārəmaitiš87 īžācā88 (7) + mązā.xšaθrā89 (4) vazdaŋhā auuəmīrā90

(7)

107

.·.

Dès lors, dans ta maison, toi qui apportes la sagesse, tu abrites [tat ca mazdā θvahmi ā dam nipāhai] le Penser bon, lʼâme des pieux adorateurs et lʼHommage [manah vahu runah ca rtauna᾿am namah ca] qui, accompagné des déesses Déférence et Oblation [yā aram-matiš ižā ca], donne aux adorateurs dʼexercer sur vous lʼEnvoûtement [manza-xšaθrā], de vous vénérer et de vous intéresser [vazdahā ava-mīrā]. Le conglomérat tatcā doit, en principe, servir la conjonction de cette strophe avec la précédente, mais je nʼen saisis pas lʼopportunité sémantique. L᾿emploi de yā est une cheville à l᾿intérieur d᾿une énumération divine qui, en réalité, ne compte pas moins de six entrées : ― ― ― ― ― ―

Vohu Manah ; les Uruuan des Ašauuan ; Nǝmah ; Ārmaiti ; Īžā ; Xšaθra.

87 Les mots nəmascā yā ārmaitiš rappellent la strophe védique RS 5.43.6 ā no mahīm arámatiṁ sajósā V gnāṁ devīṁ námasā rātáhavyām | mádhor mádāya brhatīm rtajñām V āgne vaha pathíbhir devayānaih « (Amène-)nous vers ici la grande Aramati, dʼaccord (avec elle), la Femme divine à qui lʼon offre lʼoblation avec hommage ! / La puissante (déesse) qui connaît lʼOrdre, pour (nous permettre de nous) enivrer (du soma semblable à) du miel, amène-la, ô Agni, par les chemins où vont les dieux ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 24). 88 Ce vers est cité dans Hb1, dans SrB 3 et dans V 9.12. 89 B, contre G mązā xšaθrā. Le composé mązā.xšaθrā coïncide avec certains ingrédients des vers védiques RS 4.17.1ab tvám mahā indra túbhyaṁ ha ksā V ánu ksatrám maṁhánā manyata dyáuh « Great art thou, Indra; yea, the earth, with gladness, and heaven confess to thee thine high dominion » (trad. GRIFFITH, 1973, p. 210) et RS 5.38.1cd ádhā no viśvacarsane V dyumnā suksatra maṁhaya « So, Lord of fair dominion, Friend of all men, give us splendid wealth » (trad. GRIFFITH, 1973, p. 254). Les trois adjectifs qui composent le dernier vers, accordés avec yā, concernent donc nǝmasº. 90 Sur lʼhémistiche, PIRART, 1985, p. 204-5 ; 1987, p. 210.

108

CHAPITRE III

Y 49.11 at91 +dušə.xšaθrəṇg92 (4) duš.šiiaōθanəṇg dužuuacaŋhō (7) duždaēnəṇg93 (3) duš.manaŋhō drəguuatō (7) akāiš xvarəθāiš (4) paitī uruuąnō +[paitī.]yeiṇtī94 (7) drūjō dəmānē95 (4)96 haiθiiā97 aŋhən astaiiō98 (7) .·. Quant à elles, les âmes (impies) quʼune mauvaise Doctrine accompagne, du fait de leur mauvais Envoûtement, de leurs gestes mauvais, de leurs verbes mauvais, de leur Doctrine mauvaise et de leurs pensers mauvais [at duš-xšaθrānh duš-śyāuθnānh duš-vacahah duš-dainānh duš-manahah… ruvānah], font tribut de mauvaises nourritures aux Égarés [drugvatah akāiš hvarθāiš pati… yanti] (et), pour sûr, seront des voyageurs reçus dans la maison de lʼErreur [drujah dmānai haθyā ahant astayah]. La particule at articule le contraste entre les strophes 10 et 11, mais leur ensemble paraît être indépendant des strophes antérieures ou de celle qui clôture lʼunité. Les Égarés de cette strophe accumulatrice d᾿ingrédients connotés négativement sans doute sont-ils les mauvais dieux (daēuua-), ceux dont le culte passe par un mauvais Envoûtement et de mauvais gestes. Les démons et leurs suppôts se confondent souvent les uns avec les autres : les épithètes +dušə.xšaθrəṇg duš.šiiaōθanəṇg dužuuacaŋhō duždaēnəṇg duš.manaŋhō drəguuatō conviennent aussi bien à la description des impies quʼà celle des démons. Lʼhendécatropisme est à lʼorigine de la situation de la strophe à la onzième place dans la hāiti : le diascévaste a voulu souligner le mot asti-. Cependant, ceci relèverait dʼun premier découpage de la Gāθā en unités qui, par exemple, aurait été le suivant : Sur la strophe, PIRART, 2012, p. 38. KP, contre G dušǝxšaθrəng. 93 Sur la métrique de duždaēnəng, PIRART, 2020, p. 12 n. 9. 94 G paitiieintī. 95 Sur la maison de Druj, PIRART, 2012, p. 222-3. 96 Y 49.11d1 → Y 46.11e2 drūjō dəmānāi astaiiō .·. ; Y 51.14c2 drūjō dəmānē ādāt .·.. 97 KELLENS, 2013, p. 72 : « Quʼils soient, dans la maison de la Tromperie, des hôtes permanents ! » 98 Le mot asti- qui, de surcroît, clôture toujours le vers, figure le plus souvent dans des strophes que l’hendécatropisme diascévastique souligne (Y 31.22, 33.2, 46.11, 49.11) : PIRART, 2020, p. 127 n. 224. Y 49.11d est cité dans V 8.107.2 = 14.18 hā hē asti ciθa hā hē asti āpǝrǝitiš V aipi.pārǝmnāi iδa ašaōne V nōit anaipi.pārǝmnāi V drujō nmāne haiθiiā aŋhǝn astaiiō ºoº. 91 92

LʼAT.MĀIIAUUĀ HĀITI

Y Y Y Y

47 48 49 50

109

6 strophes 12 strophes *11 strophes *12 strophes

Y 49.12 kat tōi99 ašā100 (4) zubaiieṇtē101 auuaŋhō102 (7) zaraθuštrāi (4)103 kat tōi vohū manaŋhā (7) yə104 ×vā105 staōtāiš (4) mazdā frīnāi106 ahurā (7) auuat107 yāsąs (4) hiiat və īštā vahištəm108 (7) ºoº Qu᾿as-tu comme aide pour Zaraθuštra qui (tʼ)appelle (à l᾿aide) avec lʼAgencement [kat tai rtā zuvayantai avahah zarat-uštrāi] ? Qu᾿as-tu (comme aide) avec le Penser bon [kat tai vahū manahā] (pour moi) qui, Roi qui apportes la sagesse, vais vous rendre propices en faisant (votre) éloge [yah *vāh stautāiš mazdā frīnāi ahura] et vais, de surcroît, (vous) demander le meilleur lors du sacrifice qui vous est offert [āvat yāsants yat vah ištā vahištam] ?

99

Le pronom enclitique tōi est un génitif possessif et auuaŋhō, un génitif partitif : « Quʼas-tu comme aide pour qui tʼappelle ? » 100 Complément du participe zbaiientē : voir RS 9.80.1b rténa devān havate divás pári « selon lʼOrdre, il appelle les dieux du (haut du) ciel » (trad. RENOU, 1955-69, vol. IX p. 27). La coordination dʼašā avec vohū manaŋhā est assurée par la répétition de la séquence kat tōi : voir la Marginale III §III.42. 101 zbaiientē… zaraθuštrāi. 102 La correction *auuaŋhē est envisagée chez KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 236, mais il peut y avoir une haplologie avec le génitif partitif. Sur la construction de √ zū (= véd. HŪ) avec auuaŋhē, voir RS 1.35.1ab hváyāmiy agním prathamáṁ suvastáye V hváyāmi mitrāvárunāv ihāvase « Jʼappelle Agni en premier pour le bien-être ; jʼappelle Varuna et Mitra pour (quʼils nous) assistent ici » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 14). 103 Y 49.12b1 = Y 46.19b1. 104 Lʼantécédent du pronom relatif yə relève forcément de la première personne du singulier. 105 Nous attendons lʼaccusatif dans la rection de frīnāi, contre G və. La corruption est due à l᾿influence du vers Y 50.11a at və staōtā (4) aōjāi mazdā aŋhācā (7), mais peut-être aussi à la présence du signe ǝ dans le signe ā. 106 Le verbe frīnāi, situé aux environs d’une mention du sien, conduisit à ce que l’aînée des filles de Zaraθuštra se prénommât Frīnā : PIRART, 2020, p. 142 n. 50. 107 Le démonstratif lointain ne se justifiant guère, je propose de faire dʼauuat le neutre adverbial dʼauuant- « autant ». 108 Sur le jeu de mots və īštā vahištəm, PIRART, 2020, p. 205. Lʼimportance qui lui fut accordée pourrait être à lʼorigine de sa place, primaire ou secondaire, au terme de lʼunité.

110

CHAPITRE III

Rien dans les strophes précédentes nʼannonçait les présentes interrogatives qui, de toute façon, sont visiblement à ordonner avec les trois premières strophes de la prochaine unité. Nous y reviendrons donc à lʼinstant de dresser le plan de cette dernière, mais soulignons dès à présent que la strophe est une attestation du tandem « Zaraθuštra et moi », car lʼantécédent sous-entendu du pronom relatif yə est forcément {mōi}, sans quoi lʼensemble des deux derniers vers constituerait une phrase incomplète. La coordination est opérée par la répétition de la séquence kat tōi, mais, si la reconstitution *kā tōi était à envisager, ce *kā serait alors accordé successivement avec ašā et vohū manaŋhā. Dans la liturgie, l᾿unité est clôturée avec les formules suivantes : zōt u rāspī .·. spǝntā maniiū…109 .·. du bār .·. ašǝm vohū…110 .·. si bār .·. at.māiiauuąm hāitīm yazamaide .·. yeŋhē hātąm…111 ºoº ºoº

109 110 111

= Y 47.1. = Y 27.14. = Y 27.15.3.

CHAPITRE IV LA KAT.MŌI.URUUĀ HĀITI

Le plan de la Kat.mōi.uruuā Hāiti (Y 50) Le trca fait de questions avec lequel s᾿ouvre la Kat.mōi.uruuā Hāiti (Y 50.1-3), en réalité, constitue la suite naturelle de la dernière strophe de l᾿unité précédente. Il s᾿agit donc, au total, de quatre strophes interrogatives : Y 49.12a1 Y 49.12b2 Y 50.1a1 Y 50.1b1 Y 50.1b2 Y 50.2a1 Y 50.3a1

kat kat kat kə kə kaθā ºcīt

Le nom du grand dieu figure au vocatif dans toutes les strophes de l᾿unité. Si nous laissons de côté les deux derniers vers de la Gāθā, il est clair que lʼensemble des strophes à partir de la quatrième constitue un discours par lequel le poète défend ses mérites de façon à pousser le grand dieu à répondre aux questions posées dans les strophes initiales. Le tandem « Zaraθuštra et moi », mis en place avec la strophe Y 49.12, va se muer en triangle : tandis que le poète ne parle que de lui-même avec la strophe Y 50.1, la troisième personne du singulier apparaît ensuite dans son discours pour évoquer un personnage humain positivement connoté supplémentaire qui devra retenir toute notre attention, mais que le poète, peu à peu, perdra de vue : Vers 2a 2b 2c 2d 3a 3b 3c

Zaraθuštra

Autre 3e personne

aāi

išasōit yə… usiiāt ǝrǝžǝjīš

« Moi »

mā… dāθǝm aāi hōi

cōišt yə nā… varǝdaiiaētā

112 Vers 4a 4d 5b 5d 6a 6b 6c 6d 7a 7d 8b 8c 9a 9c 9d 10a 11a 11b 11c

CHAPITRE IV

Zaraθuštra

Autre 3e personne

« Moi »

sǝraōšānē ?

yazāi stauuas ākā

yūšmākāi mąθrānē dāiiāt yə mąθrā… baraitī uruuaθō… zaraθuštrō dātā sāhīt



raiθīm mahiiā + vī.yaōjā maāi pairī.jasāi… ustānazastō arǝdraxiiāº paitī stauuas aiienī × xšaiiaiiā hudānāuš išaiiąs… xiiəm varǝšā staōtā aōjāi… aŋhācā tauuācā isāicā dātā

En effet, la première personne grammaticale restera seule devant les dieux (« vous ») à partir de la neuvième strophe. Le bénéficiaire des faits mentionnés dans les questions est parfaitement et explicitement identifié dans la première (Y 49.12) : cʼest Zaraθuštra. Et son nom sera rappelé par la suite au terme dʼune prière le concernant (Y 50.6). Le poète se ménage une place avec les questions de la strophe Y 50.1 avant de lui rendre le protagonisme en recourant au pronom démonstratif proche pour sa désignation, aāi (Y 50.2b1 et 3a1). Cependant, lʼidentification des personnages nʼest pas limpide : lʼanonymat du troisième, certes, pose problème, mais il faut aussi se demander ce quʼil fait là, car lʼintervention de cet homme distinct tout à la fois du poète et de Zaraθuštra laisse planer lʼidée que ce dernier est mort. En effet, si le démonstratif proche « pour celui-ci » représente Zaraθuštra et quʼil est question de savoir si le troupeau ou la vache que ce troisième personnage procure lui sera utile ou réjouissante, il faut inévitablement envisager la présence de son cadavre. Il sʼagirait des obsèques de Zaraθuštra, et

LA KAT.MŌI.URUUĀ HĀITI

113

le poète se ferait donc lʼécho du décès du chef de file de sa communauté. Le troisième personnage, un orant, pourrait être son successeur ou son héritier, Isat.vāstra, qui se soucierait de la survie de Zaraθuštra dans lʼau-delà : dans le troupeau, une vache serait choisie qui devrait aller le rejoindre. Cependant, cette conjecture est malaisée puisque nous devons tenir compte du participe zbaiientē accordé avec le nom de Zaraθuštra dans la dernière strophe de lʼunité précédente : comment, cadavre, pourrait-il donc appeler à lʼaide ? Et comment pourrait-il être fait état de sa prise de parole dans la sixième strophe (yə mąθrā vācəm… baraitī uruuaθō… zaraθuštrō) ? Le cadavre, à la rigueur, pourrait être vu comme un appel à lʼaide, mais jʼhésite fort à lʼinstant de lui faire prendre la parole1. Je reste donc perplexe. Toute la question est, à vrai dire, de savoir si la quatrième strophe se trouve bien à sa place à la suite de la tétrade interrogative (Y 49.12-50.3), mais elle est sans réponse. Le poète, au terme du premier volet (strophe 4) du culte quʼil rend aux dieux afin de les inciter à répondre aux questions des premières strophes, justifie son entreprise avec la strophe 5 et met à profit la mention de Zaraθuštra pour lancer une prière avec la strophe 6. Sa prière porte précisément sur lʼélocution rituelle requise dont Zaraθuštra pourrait lui donner un exemple concret à lʼoccasion de lʼhommage rendu. Il faut alors sʼétonner que le poète demande aux dieux que Zaraθuštra lui apprenne à maîtriser lʼélocution voulue, au lieu de le faire directement à Zaraθuštra. Notons que la prière est à sa place et quʼelle nʼinterrompt pas vraiment la suite des strophes de déclarations rituelles introduites chacune au moyen de la particule at : la cérémonie sacrificielle comporte obligatoirement une prière, mais il est vrai que le dernier hémistiche de la strophe 7 et le dernier vers de lʼunité en sont aussi. Sans compter quʼune incise faite dʼun diptyque irréel occupe la seconde moitié de la neuvième strophe. Cependant, remarquons-le, tandis que la prière finale (11d) est attendue, celle de lʼhémistiche 7d2 et le diptyque de 9cd tiennent du remplissage. Le plan de lʼunité, en principe, est donc assez simple : commençant avec une série dʼinterrogatives, le texte comprend ensuite une série de déclarations rituelles, principalement en √ yaz et en √ stu, ponctuée de prières, mais il faut y souligner la curieuse répétition des phases rituelles : 1 Certes, la vache, au lieu dʼêtre destinée à accompagner lʼâme du défunt, pourrait tout aussi bien constituer les honoraires sacerdotaux, ce qui est appelé daksinā- dans le Véda, mais la qualification de rāniiō.skǝrǝiti- nʼest guère favorable à cette seconde alternative.

114

CHAPITRE IV

49.12-50.3 50.2d 50.4 50.5 50.6 50.7 50.7d2 50.8 50.9 50.9cd 50.10 50.11 50.11d

Interrogatives, Prière à lʼimpératif 3 yaz et 3 stu Justification du culte rendu Prière à lʼoptatif, nǝmaŋhā √ vaf Prière à lʼoptatif pairī+√ gam moy., nǝmaŋhā 3 yaz et 3 stu Diptyque irréel √ vaf √ stu Prière à lʼimpératif

En effet, il est illogique que le subjonctif soit employé à la strophe 9 pour la manifestation de lʼintention dʼoffrir le sacrifice aux dieux et de chanter leur éloge (*at vā yasnāiš paitī stauuas aiienī) si cʼétait chose faite à la strophe 4 où le poète avait employé lʼindicatif convenant au cas de coïncidence (at vā yazāi stauuas mazdā ahurā). Si la logique doit guider nos avis, force nous sera dʼavancer lʼexistence dʼun collage, probablement entre les strophes 8 et 9. Édition, traduction et commentaire de la Kat.mōi.uruuā Hāiti Y 50.1 zōt .·. kat2 mōi uruuā (4) isē3 cahiiā auuaŋhō (7)4 kə mōi pasəuš (4) kə mə.nā5 θrātā vistō (7)

Sur la strophe, PIRART, 2012, p. 60. Sur lʼemploi de la première personne du singulier avec mōi uruuā, PIRART, 2018, p. 77 n. 85. Le védique ávas- n᾿est pas attesté comme complément d᾿ ĪŚ. 4 Par ses deux bouts, ce vers coïncide avec Y 49.12a kat tōi ašā (4) zubaiieṇtē auuaŋhō (7). 5 Le tandem réunissant le bétail (pasu-) et son propriétaire (« moi ») équivaut à celui, bien connu (PIRART, 2012, p. 83-5), que gaēθā- forme avec tanū-. De fait, en védique, trātár- est bien attesté avec le génitif de tanū-. Exemples : RS 2.23.8a trātāraṁ tvā tanūnaāṁ havāmahe « (Cʼest comme) protecteur de nos propres (corps que) nous tʼappelons » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 53), 6.48.2d bhúvad vrdhá utá trātā tanūnaām « quʼil soit invigorant et protecteur de nous-mêmes ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 142), 10.7.7d trāsvotá nas tanúvò ápayuchan « et protège enfin nos corps sans te laisser aller (à lʼoubli) ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIV p. 6). 2 3

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aniiō ašāt (4) θβatcā6 mazdā ahurā (7) azdā7 zūtā8 (4) vahištāatcā manaŋhō (7) .·. Quand mon âme bénéficie-t-elle dʼassistance [kat mai ruvā īsai cahya avahah] ? Quel protecteur, Roi qui apportes la sagesse, y a-t-il de mon bétail et de ma personne [kah mai pasauš kah mana θrātā vistah] autre que le (bon) Agencement, toi et le Penser excellent [anyah rtāt θvat ca mazdā ahura… vahištāt ca manahah] en toute certitude lors de lʼappel [azdā zūtā] ? La question exprimée avec le premier vers nʼest pas double. Lʼapparent second interrogatif est en réalité un pronom enclitique indéfini. Y 50.2 kaθā mazdā (4)9 +rāniiō.skərəitīm10 gąm išasōit11 (7)12 yə hīm aāi (4) vāstrauuaitīm stōi13 usiiāt14 (7) 6 Les hémistiches b2c sont à rapprocher des vers védiques RS 8.24.12ab nahíy àṅgá nrto tuvád V anyáṁ vindāmi rādhase « For, Dancer, verily I find none else for bounty, saving thee » (trad. GRIFFITH, 1973, p. 415) : SCHLERATH, 1968, p. 158. 7 azdā est employé ici comme lʼest son correspondant védique addhā dans le vers RS 1.52.13d satyám addhā nákir anyás tuvāvān « Vraiment, nul autre en fait nʼest pareil à toi » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XVII p. 18) : SCHLERATH, 1968, p. 158. 8 Concaténations avec Y 49.12a2 zbaiientē auuaŋhō. 9 Y 50.2a1 = Y 44.17b1. 10 B, contre G rāniiō.skǝrǝtīm. Les autres attestations de rāniiō.skǝrǝiti- concernent aussi la vache : Y 44.6e kaēibiiō azīm (4) rāniiō.skərəitīm gąm tašō (7) .·., Y 47.3b yə aāi gąm (4) rāniiō.skǝrǝitīm həm.tašat (7). Ce composé est à rapprocher du syntagme védique rányā(ni) KR attesté dans les vers RS 1.85.10d máde sómasya rániyāni cakrire « [les Marut] ont accompli des choses-joyeuses dans lʼivresse du soma » (trad. RENOU, 1955-69, vol. X p. 19) et 10.112.5b anānukrtyā rániyā cakártha « thou […] | Hast waged unequalled battles » (trad. GRIFFITH, 1973, p. 623), mais son interprétation nʼest pas unanime. GRIFFITH, 1973, p. 623, par exemple, donne aussi le sens de « battle » à rána- dans le syntagme formé avec KR : RS 10.112.10c ránaṁ krdhi ranakrt satyaśusma « fight, Warrior strong in truth, fight thou the battle ». Le composé védique ranakŕt- doit nous guider dans la restitution de lʼoriginal dès lors que lʼemploi dʼun comparatif en premier terme de composé, contraire à la grammaire, doit être imputé à la diascévase et que le mot, tel quʼil est, est à considérer comme le fruit dʼune réfection (pir. *rana+krt- > *raniah+krti-). 11 Optatif présent secondaire paraissant suppléer lʼoptatif aoriste en phrase interrogative : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 89. La possibilité de la rection de deux accusatifs « exiger que (acc.) soit (acc.) » est envisageable sur base dʼattestations du védique ĪD telles que RS 7.11.2ab tvām īlate ajiráṁ dūtíyāya V havísmantah sádam ín mānusāsah « Cʼest toi, (dieu) agile, que les hommes porteurs dʼoffrandes appellent pour lʼoffice-de-messager, (depuis) toujours » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIII p. 60). 12 Y 50.2a2 → Y 44.6e2 +rāniiō.skərəitīm gąm tašō .·. ; Y 47.3b2 +rāniiō.skərəitīm həm.tašat. 13 Lʼaccusatif de lʼinfinitif stan- de √ 1ah fonctionne comme une postposition renforçant le datif. 14 Lʼoptatif est contagieux et remplace le subjonctif de lʼéventuel lorsque la principale est à lʼoptatif : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 89.

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CHAPITRE IV

ərəžəjīš ašā15 (4) pōurušū huuarə16 pišiiasū17 (7) ākāstəṇg18 mā (4) †nišąsiiā19 dāθəm dāhuuā20 (7) .·. Comment sera la vache que (le sacrifiant) doit exiger plus grande source de joie [kaθā mazdā rana-krtam gām išsait] ? Vivant continûment avec le (bon) Agencement [= avec une vie consacrée exclusivement au bon Agencement] parmi les nombreux (égarés) qui pilent en secret (les tiges de la plante du Suc au lieu de les pressurer), ce (sacrifiant) souhaite à (Zaraθušta) de trouver la (vache) dotée de fourrage [yah hīm ahmāi vāstravatīm stai usyāt rš-jīš rtā parušu hvar pišyantsu]. En leur présence/Face à eux, considère que je suis tout à fait à ma place [ākāh tānh mā niš-ansyā dāθam dāhva]. Le sujet du verbe de la proposition principale interrogative est lʼantécédent sous-entendu du pronom relatif yə qui introduit la subordonnée occupant les deuxième et troisième vers. Des deux pronoms hīm et aāi qui, dans cette subordonnée, interviennent immédiatement à la suite du relatif, le premier reprend gąm tandis que le second représente probablement le même personnage quʼà la strophe suivante, Zaraθuštra. 15

Voir la Marginale III §III.43. Monosyllabique, huuarə a été rapproché du védique sasváh. Exemples : RS 7.58.5cd yát sasvártā jihīliré yád āvír V áva tád éna īmahe turānaām « Quʼils soient courroucés en secret ou bien ouvertement, nous dépréquons cette faute (commise par nous, auprès) des (dieux) puissants » (trad. RENOU, 1955-69, vol. X p. 45), 7.59.7ab sasváś cid dhí tanúvàh śúmbhamānā V ā haṁsāso nīlaprsthā apaptan « Cʼest secrètement, en effet, que (les Marut) ont volé ici, adornant leur corps, flamants au dos noir » (trad. RENOU, 1955-69, vol. X p. 46), 7.60.10a sasváś cid dhí sámrtis tvesīy esaām « En vérité, cʼest en cachette (quʼa lieu) le heurt formidable de ces (dieux) » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 85). 17 Divādi de √ piš (= véd. PIS), daivisme « écraser, piler (au lieu de pressurer) » : « chez ceux qui pilent (le haōma) ». Ici, le suffixe du participe actif paraît être -t- au lieu de -nt-. Sur pišiiant-, PIRART, 2018, p. 79. 18 Fautif pour *ākāsº ? Lʼavestique ākā, invariable, est sans doute apparenté au védique āké, mais ce dernier est un hapax legomenon : RS 2.1.10a tuvám agna rbhúr āké namasíyàh « Toi, ô Agni, (tu es) Rbhu, (ce dieu) digne quʼon lui rende hommage de près » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XII p. 41). 19 Pour ce mot, BARTHOLOMAE, 1904, col. 1087, renvoie à hand-, mais ce dernier reste introuvable, col. 1771. Il pourrait être question de lʼinstrumental sing. dʼun thème féminin nišąsī-, mais je nʼarrive pas à lʼanalyser. Pour mā nišąsiiā, le zand donne ʼv| L nšstk (ō man nišastag) « à moi une fois assis » et Niriosaṅgha, mamopavistasya satah, ce qui, contre toute vraisemblance morphologique, renvoie à une forme de nī+√ had, mais ICHAPORIA et MALANDRA, 2013, p. 82, contre Niriosaṅgha, lisent ān man visistag, avec le dérivé en *-ka- de lʼadjectif verbal de visistan « break, split » (MACKENZIE, 1971, p. 91) sans que je comprenne pourquoi. Une idée serait que nišąsiiā, moyennant sa correction en *nīš.ąsiiā > *nižąsiiā, fût lʼinstr. sing. dʼun substantif fém. en ºī- « tout à fait », le composé du préverbe nīš et de ąsa- « Partei » (BARTHOLOMAE, 1904, col. 361), rapprochable du sanscrit niraṁśa- « keine Rest habend » (BÖHTLINGK et ROTH, 1852-75, vol. IV col. 171). 20 Le vocalisme radical contraste avec celui que montre le védique dhisva. 16

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Quant à lui, le pronom yə, comme dans la strophe suivante, est la façon anonyme de désigner tout pieux adorateur, le sacrifiant que la subordonnée introduite de la sorte définit. Le dernier vers tient du remplissage : dans lʼespoir quʼil répondra à la question posée, le poète implore Ahura Mazdā de bien vouloir le tenir pour un interlocuteur valable. Y 50.3 atcīt21 aāi22 (4)23 mazdā ašā24 aŋhaitī (7)25 yąm26 hōi xšaθrā (4) vohucā cōišt27 manaŋhā (7)28 yə nā ašōiš (4) aōjaŋhā varədaiiaētā29 (7) yąm nazdištąm (4) gaēθąm drəguuā ×baxšaitē30 (7)31 .·. Et y aura-t-il pour celui-ci [= Zaraθuštra], avec le (bon) Agencement, toi qui apportes la sagesse [at cit ahmāi mazdā rtā ahati], (manade) que lui aura fournie, avec lʼEnvoûtement et le Penser bon [yām hai xšaθrā vahū ca caišt manahā], (lʼorant) qui est homme à sʼinvigorer de lʼautorité de la Dédicace [yah nā ārtaiš aujahā vardayaita], manade dont lʼégaré du voisinage cherchera à tirer profit [yām nazdištām gaiθām drugvāh bixšatai] ? L᾿antécédent gaēθąm des deux yąm, intégré à la dernière subordonnée, constitue le sujet du verbe aŋhaitī de la proposition principale. 21 Sur atº marquant la reprise du discours interrogatif après les questions de 1abcd et 2abc suite à lʼincise impérative de 2d, PIRART, 2020, p. 160 n. 124. 22 aāi… hōi. Sur aāi pron. dém. proche, PIRART, 2020, p. 160 n. 124. 23 Y 50.3a1 = Y 43.2a1, Y 49.3a1. 24 Voir la Marginale III §III.44. 25 Y 50.3a2 → Y 34.6a2 mazdā ašā vohū manaŋhā ; Y 46.18d1 (= Y 48.9b1, Y 50.7c1,9b1) mazdā ašā ; Y 50.5a2 mazdā ašā ahurā. 26 yąm… yąm nazdištąm gaēθąm. Lʼantécédent du pronom relatif est le sujet dʼaŋhaitī. 27 Injonctif aoriste exprimant le prétérit après un subjonctif présent : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 76-7. Le sujet doit en être lʼantécédent du pronom relatif yə intégré à la subordonnée relative introduite de la sorte, nā. 28 Y 50.3b2 = Y 45.10c2 ; → Y 44.6d2 vohū cinas manaŋhā ; Y 46.18b2 vohū cōišəm manaŋhā. 29 Le causatif moyen du védique VRDH est une rareté : dans la RS, nous ne trouvons que 1.125.1c téna prajāṁ vardháyamāna āyuh et 10.59.5d ghrténa tváṁ tanúvàṁ vardhayasva. Lʼhémistiche est à rapprocher du vers védique RS 3.45.5c sá vāvrdhāná ójasā purustuta « tel (étant), tʼétant invigoré en force-formidable, toi maintes fois loué » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XVII p. 87). Lʼoptatif présent en subordonnée relative avec antécédent intégré nā « qui est homme à ce que » : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 90. 30 INSLER, 1975, p. 281-2, ou ×bixšaitē (= védique bhíksate), contre G baxšaitī. 31 Y 50.3d2 → Y 47.5c2 zaōšāt drəguuā ×baxšaitē.

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CHAPITRE IV

L᾿antécédent nā du pronom relatif yə, intégré à la subordonnée secondaire, constitue aussi le sujet du verbe cōišt de la première subordonnée primaire. Le pronom démonstratif proche aāi figurant dans la proposition principale, repris par hōi dans la première subordonnée primaire, doit représenter un personnage ou un être présent sur les lieux de la cérémonie, à lʼexclusion du sacrifiant qui est à reconnaître sous la désignation de nar- : sans doute est-ce Zaraθuštra, puisque, dans la strophe précédente, il était question de lui donner une vache. Le dernier vers tient du remplissage, mais révèle lʼantécédent des deux yąm. Introduit dans la seconde subordonnée relative en yąm, cet antécédent gaēθąm ne fait jamais lʼobjet que dʼune note : lʼégaré cherche à tirer quelque profit dʼun troupeau qui revient à Zaraθuštra. Jʼavais corrigé le verbe de cette subordonnée en ×baxšaitē32, mais, comme il est peut vraisemblable que lʼégaré puisse vraiment profiter dʼun troupeau revenant à Zaraθuštra, je formule ici la conjecture dʼy reconnaître, moyennant la correction en ×bixšaitē (= védique bhíksate), lʼindicatif présent du désidératif tiré de √ baj. Elle a lʼavantage de mieux convenir au contexte. Y 50.4 at vā yazāi33 (4) stauuas mazdā ahurā (7) hadā ašā34 (4) vahištācā manaŋhā (7)35 xšaθrācā yā36 (4) īšō stāŋhat37 ā38 paiθī (7) ākā39 arədrəṇg (4)40 dəmānē garō səraōšānē41

(7)42

.·.

32 PIRART, 2020, p. 231 n. 20, contre G baxšaitī. Il sʼagirait dʼun subj. aoriste sʼordonnant avec un verbe principal appartenant à un mode inaccompli pour exprimer un procès actuel ou futur : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 87. 33 Le cas de coïncidence nʼest guère attesté pour le védique YAJ : RS 1.15.10 yát tvā turīyam rtúbhir V drávinodo yájāmahe | ádha smā no dadír bhava « À la quatrième [offrande] quʼaux temps rituels nous | te consacrons, ô Drav., || alors sois-nous donateur » (trad. CALAND et HENRY, 1906-7, vol. I p. 228), RS 1.153.1a yájāmahe vām maháh sajósāh « Nous sacrifions pour vous deux grands (dieux), de concert » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 77). 34 Voir la Marginale III §III.45. 35 Y 50.4b2 = Y 47.1a2. 36 Nouvel exemple de pronom relatif coincé devant la césure. 37 Subjonctif aoriste exprimant un futur en subordonnée relative après un réel du présent : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 87. 38 Postverbe : voir la Marginale II §IId. Le verbe ā+√ stā employé à propos du chemin que lʼon prend explique lʼadjectif āsti- « carrossable » (Y 43.3). 39 Le dernier vers de la strophe est sans doute à ordonner avec la proposition principale. 40 Y 50.4d1 → Y 48.8c2 ākā arədrəṇg išaiiā. 41 Hapax legomenon : BARTHOLOMAE, 1904, col. 1636. 42 Y 50.4d2 → Y 45.8e2 dəmānē garō nidāmā .·..

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Et, (dans lʼespoir que vous répondrez à mes questions,) je vous offre le sacrifice, moi qui vous adresse lʼéloge, Roi qui apportes la sagesse [at vāh yazāi stavats mazdā ahura], au moyen du (bon) Agencement, du Penser excellent et de lʼEnvoûtement avec lequel [hada rtā vahištā ca manahā xšaθrā ca yā] (le Phrasé) empruntera le chemin de la Vigueur [išah stāhat ā paθi], moi qui, en présence des heureux, me trouve dans la maison du chant de bienvenue, devant (lʼofficiant) en charge du Phrasé [ākāh ardrānh dmānai garah sraušānai]. La particule at le signale en principe, la série des strophes interrogatives a pris fin, et le poète, comme pour les appuyer, en vient à ce que nous avions appelé « une déclaration de bonne volonté rituelle »43, mais il convient de souligner que yazāi nʼest pas une forme du subjonctif et quʼil ne sʼagit donc pas de lʼexpression dʼune intention. Cet indicatif présent de première personne exprime le cas de coïncidence : le poète passe à lʼaction hic et nunc, troque son statut dʼofficiant pour celui de sacrifiant. Son but est dʼamener le grand dieu à le considérer comme quelquʼun de convenable, aux questions de qui il peut être répondu. Un clair parallélisme de contraste existe entre les hémistiches 2d1 et 4d1 : là-bas, le poète était confronté aux adversaires (ākāstəṇg {drǝguuatō}), mais ici ceux face auxquels il se trouve sont dits être heureux, à même de réussir dans les entreprises rituelles (ākā arǝdrəṇg {ašauuanō}). Sur une aire sacrificielle appelée « maison du chant de bienvenue », en présence des pieux adorateurs, le poète, devenu sacrifiant, tient aussi le rôle du staōtar « laudateur » (stauuas) et se tient devant un officiant portant la désignation de sǝraōšān- « possesseur des (bonnes) façons de dire les textes » qui, sans doute, nʼest autre que le zaōtar. Les deux officiants ne se trouvent pas au Paradis : la maison du chant de bienvenue (dǝmāna- garō) qui, dans lʼAvesta récent, a donné son nom à la résidence des Amǝša Spǝnta est ici un hangar édifié sur lʼaire sacrificielle où les dieux sont accueillis. Les deux officiants, le staōtar et le sǝraōšān, semble-t-il, sʼy tiennent lʼun en face de lʼautre.

43

KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 239.

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CHAPITRE IV

Y 50.5 ārōi44 zī xšmā (4) mazdā ašā45 ahurā (7)46 hiiat yūšmākāi (4) mąθrānē vaōrāzaθā (7) aibī.dərəštā (4) āuuīšiiā auuaŋhā (7)47 × zastā.ištā48 (4) yā nā xuvāθrē dāiiāt49 (7) .·. Car, Roi qui apportes la sagesse, vous avez toujours mis en route, avec le (bon) Agencement [ārai zi xšmā mazdā rtā ahura], de quoi réjouir celui qui suit vos conseils [yat yušmākāi manθrānai vavrāzaθa] : (ce fut toujours) en lui apportant de vos mains lʼaide, manifeste et visible [abi-drštā āvišiyā avahā zasta-ištā], utile à ce quʼil nous place dans le bien-être [yā nāh hu-āθrai dāyāt]. La forme nʼétant pas celle de lʼenclitique, force nous est dʼanalyser xšmā comme un instrumental. Nous devrons donc y voir le complément dʼagent dʼ ārōi et comprendre ce parfait comme moyen-passif. Le pronom xšmā ainsi occupe-t-il la même place syntaxique que vīspāiš avec lʼune des deux autres attestations dʼ ārōi : Y 34.3c ārōi zī hudŋhō vīspāiš mazdā xšmāuuasū sauuō .·. car les moyens (qui vous sont) octroyés, vous à qui les offrandes sont bonnes à faire, chez vos adorateurs, sont lʼœuvre de tous (les principes = les Amǝša Spǝnta).

Avec cette autre attestation dʼ ārōi, il y avait dédoublement de la divinité, désignée tout à la fois par vīspāiš, « tous (les principes du rite) », et par « vous ». Les principes de la cérémonie, qui, personnifiés, ne sont autres que les futurs Amǝša Spǝnta, en définitive coïncident avec « vous les dieux ». Les dieux, synecdoques du sacrifiant, participent ainsi à leur propre culte, à leur propre prospérité, sont à la source des moyens dont 44 Dʼaprès lʼensemble de ses autres attestations (Y 33.9c1, 34.3c1, 56.3), ārōi est la 3e sing. moy. de lʼindicatif parfait de (ā+)√ ar « arriver ». Combiné avec xšmā, ce parfait, signe que lʼaction est caractéristique de lʼagent, prend pratiquement le sens de « vous portez chance ». 45 Voir la Marginale III §III.46. 46 Y 50.5a2 → Y 34.6a2 mazdā ašā vohū manaŋhā ; Y 46.18d1 (= Y 48.9b1, Y 50.7c1,9b1) mazdā ašā ; Y 50.3a2 mazdā ašā aŋhaitī. 47 Sur ce vers, PIRART, 2020, p. 338. Le syntagme aibī.dǝrǝšta-… auuah- se retrouve dans Yt 13.146 : SCHLERATH, 1968, p. 159. 48 G zastāištā. 49 Le sujet sous-entendu doit être {mąθrā}. Optatif aoriste en subordonnée relative exprimant très probablement un procès inhérent à la nature de lʼantécédent : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 91.

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ils disposent à lʼheure de satisfaire les demandes que les sacrifiants leur adressent. Tel est le sens du dédoublement divin. Le deuxième vers est occupé par une proposition subordonnée conjonctive introduite par hiiat dont le verbe est conjugué au subjonctif parfait50. Cette subordonnée sans doute constitue-t-elle le sujet grammatical du verbe principal ārōi. Autrement dit : sa substance est ce que les dieux ont toujours mis en mouvement. Le groupe instrumental des deux derniers vers, lequel, à son terme, comprend une subordonnée relative secondaire épithète, est à ordonner avec la principale, la concurrence avec xšmā et ašā nʼétant pas vraiment gênante. De fait, un lien étroit doit exister entre ašā et vaōrāzaθā dʼaprès Y 16.7.1, 30.1c, 49.8a2 et Yt 13.120.251. Je considère donc quʼašā est une anticipation sur la subordonnée en hiiat tandis que xšmā est lʼagent dʼārōi et le groupe centré sur auuaŋhā, le complément exprimant le moyen avec lequel les dieux apportent la joie à Zaraθuštra. Y 50.6 yə mąθrā (4) vācəm mazdā baraitī52 (7) uruuaθō ašā53 (4) nəmaŋhā zaraθuštrō (7) dātā54 xratəuš (4) hizuuō raiθīm stōi55 (7) mahiiā56 rāzəṇg (4) vohū sāhīt57 manaŋhā (7) .·. Celui qui, suivant (tes) conseils, prend la parole, toi qui apportes la sagesse [yah manθraʼā vācam mazdā barati], lʼobservant Zaraθuštra, 50 Le corpus vieil-avestique ne contient que deux autres exemples pour le subjonctif parfait : vaēdā (Y 48.9), anąsat parā (Y 53.7). 51 Voir PIRART, 2020, p. 152. 52 Le syntagme vācəm √ bar est attesté notamment aussi dans Y 31.12a aθrā vācəm baraitī (7) miθahuuacā vā ərəžuuacā vā (9) et dans Yt 10.85 yeŋhe vāxš gǝrǝzānahe (8) us auua raōcā ašnaōiti [†auua] (8) pairi imąm ząm jasaiti V vī hapta karšuuąn jasaiti (8) yatcit nǝmaŋha vācim baraiti yat gaōšcit (2+8+3) .·. « lʼindigent de qui la voix plaintive, sʼélevant pour rendre hommage à la Vache, arrive là-bas au milieu des astres avant de redescendre et de se répandre sur les sept Secteurs de la Terre » (trad. PIRART, 2010b, p. 141) : SCHLERATH, 1968, p. 159. 53 Voir la Marginale III §V.13. 54 HINTZE, 2002, p. 37, coupe la strophe en deux parties : « The mantrist who raises his voice | Is an ally of truth with reverence: Zaraθuštra. | May the giver of intellect teach (me) with good thinking | To be the charioteer of the direction of my tongue ». 55 Soutient le second accusatif, sans doute en raison du sous-entendu du premier. 56 La présence du possessif mahiiā est responsable du sous-entendu du pronom acc. mā. 57 Le thème de présent de √ sāh est protérodynamique comme en védique : RS 1.30.10b ā śāsmahe puruhūta.

122

CHAPITRE IV

lors de la Dédicace, avec lʼHommage [vraθah ārtā namahā zaratuštrah], lʼinstaurateur de la performance de la langue [dātā xratauš hizuvah], puisse-t-il avec le Penser bon mʼenseigner [vahū sāhīt manahā] à être lʼaurige de lʼinvocation que je lance [raθiyam stai mahya rāzanh] ! La concaténation lexicale au moyen de mąθrānē… mąθrā de cette strophe avec la précédente nous invite aussi à faire de toutes deux un seul et même ensemble, mais, en réalité, le poète met à profit la mention du mąθrān pour adresser incidemment aux dieux une prière le concernant en exclusive. Almut HINTZE58 accorde une grande importance à la position centrale de cette strophe (omphalos) qui nomme Zaraθuštra dans la dernière hāiti de la Spǝntā.maniiu Gāθā et retrouve ce phénomène avec les strophes Y 28.6, 43.8 et 51.11-12, centrales respectivement dans la première hāiti de lʼAhunauuaitī Gāθā, dans la première hāiti de lʼUštauuaitī Gāθā et dans la hāiti unique de la Vohuxšaθrā Gāθā. Je trouve que le hasard fait bien les choses, mais cʼest surtout le fruit dʼune sélection des mentions de Zaraθuštra. De toute façon, admettre lʼimportance de ce type dʼomphalos revient à tenir la division en hāiti pour originale. La définition de Zaraθuštra, commencée avec les strophes 2-3, se poursuit donc avec les suivantes. Elle comporte les points suivants : Vers

Points de la définition de Zaraθuštra

2ab

celui à qui le sacrifiant souhaite de disposer dʼune vache dotée de fourrage qui fût une meilleure source de joie ; celui à qui le sacrifiant se charge de fournir une manade (gaēθā-) ; celui qui suit les recommandations divines ; lʼobservant Zaraθuštra ; lʼinstaurateur de la performance de la langue.

3abc 5b et 6a 6b 6c

Le poète, comme il se doit pour la célébration dʼune cérémonie sacrificielle, adresse la prière à la divinité honorée59.

58 59

HINTZE, 2002, p. 37. Sur la prière comme ingrédient requis du culte, PIRART, 2014b.

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Y 50.7 at +vī.yaōjā60 (4) zəuuīštiiəṇg auruuatō (7) jaiiāiš61 pərəθūš62 (4) vaahiiā yūšmākahiiā (7) mazdā ašā63 (4)64 ugrəṇg vohū manaŋhā (7) yāiš65 azāθā66 (4) maāi xiiātā67 auuaŋhē68 (7) .·. Et je vais atteler de très rapides coursiers [at vi-yaujā zavištiyānh arvatah] qui traversent (les espaces) avec les victoires [jayāiš prθūš] de la séquence chantée pour vous [vahmahya yušmākahya], toi qui apportes la sagesse, (chevaux) que le Penser bon dote dʼautorité lors de la Dédicace [mazdā ārtā ugrānh vohū manahā], eux avec qui vous devanciez (les Hasardeux) [yāiš zaʼaθa]. Puissiez-vous vous trouver à mon aide [mahmāi hyāta avahai] ! Une fois donnée, avec la cinquième strophe, la justification du sacrifice offert et lancée, avec la sixième, la prière qui lui est associée, le poète renoue avec la série de ses déclarations rituelles. Chaque strophe de cette série est ouverte avec la particule at (4a, 7a, ×8a, ×9a, 10a, 11a), mais il faut la restaurer par deux fois. Le poète que nous avons vu se tenir devant le sǝraōšān, dans la célébration entreprise, tiendra le rôle du laudateur, entonnera la séquence 60 En raison de lʼincompatibilité de və avec yūšmākahiiā (voir la Marginale I §IIg), contre G və yaojā. Subjonctif aoriste en proposition principale exprimant un futur dʼintention : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 84. 61 En principe, « avec les victoires ». La possibilité dʼun instrumental libre à côté de lʼaccusatif des chevaux dans la rection du védique YUJ a été relevée par HAUDRY, 1977, p. 261 : il sʼagit le plus souvent de chants ou dʼautres manifestations vocales. Exemple : RS 8.98.9ab yuñjánti hárī isirásya gāthayoVuráu rátha urúyuge « Ils attellent avec le chant les deux chevaux bais au (char) du vif (Indra), large char doté dʼun large attelage ». 62 La combinaison de √ yuj avec pǝrǝθu- rappelle les vers véd. RS 1.123.1ab prthū rátho dáksināyā ayojiy V áinaṁ devāso amŕtāso asthuh « Le vaste char des Honoraires rituels est attelé. Les dieux immortels lʼont monté » (trad. RENOU, 1955-69, vol. III p. 54). 63 La séquence ašā ugra- équivaudrait au bahuvrīhi ašā.aōjah- (Y 43.4d2), mais ce serait ignorer la nécessité de justifier lʼasyndète ašā… vohū manaŋhā : voir la Marginale III §IV.13. 64 Y 50.7c1 = Y 46.18d1, Y 48.9b1, Y 50.9b1 ; → Y 34.6a2 mazdā ašā vohū manaŋhā ; Y 50.3a2 mazdā ašā aŋhaitī ; Y 50.5a2 mazdā ašā ahurā. 65 zəuuīštiiəṇg auruuatō… pərəθūš… ugrəṇg… yāiš. 66 BEEKES, 1979, p. 5. Lʼobjet de ce verbe est sous-entendu : « (coursiers) avec lesquels vous devanciez (les Daēuua) ». 67 Optatif présent en indépendante exprimant le souhait : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 89. La construction de √ ah avec le datif d᾿un abstrait est une rareté. 68 Le dernier hémistiche de la strophe paraît exprimer, sous forme dʼune proposition indépendante optative courte, le but de lʼattelage dont il est fait état dans les précédents.

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chantée (vaa-). Les deux registres de la récitation et du chant y seront donc illustrés. En échange, il implore les dieux de lui fournir la réponse aux questions posées avec les premières strophes et de se montrer favorables envers lui. Le poète, parmi les moyens dont les dieux seront dotés à lʼheure de venir à son aide, leur fournit un attelage. Pour ce faire, il recourt aux principes de la cérémonie représentés par Vohu Manah et chante les victoires divines. Y 50.8 [m]at69 vā padāiš (4) yā frasrūtā īžaiiā70 (7) + pairī.jasāi71 (4)72 mazdā ustānazastō (7) at vā73 ašā74 (4) arədraxiiācā nəmaŋhā75 (7) at vā vaŋhəuš (4) manaŋhō hunarətātā76 (7) .·. Je viens à votre service sur les pas insignes de la (déesse) Oblation [at vāh padāiš yā fra-srutā ižāyāh pari-jasāi] et (vous rends hommage) les bras levés, toi qui apportes la sagesse [mazdā ustāna-zastah], en recourant au (bon) Agencement, à lʼHommage de lʼheureux et à lʼaptitude du Penser bon [at vāh rtā ardrahya ca namahā at vāh vahauš manahah hu-nrtātā]. 69

Cet amendement est à effectuer contre le zand LVTE pʼy LKVM. Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 344 n. 182. 70 Pour sa traduction, je reprends celle que RENOU donnait de son correspondant védique ílā-. Faute de mieux, car lʼétymologie du mot et sa signification première sont inconnues. Le pluriel qui caractérise les pas dʼĪžā contraste inexplicablement avec le singulier du pas de son homologue védique Ilā : RS 3.23.4ab ní tvā dadhe vára ā prthivyā V ílāyās padé sudinatvé áhnām « Je tʼai placé au meilleur de la terre, au séjour de lʼOblation, dans la belle journée des jours » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XII p. 65) ; 3.29.4 ílāyās tvā padé vayáṁ V nābhā prthiviyā ádhi | jātavedo ní dhīmahiy V ágne havyāya vólhave « Au séjour de lʼOblation nous voulons te déposer, nous (autres) au nombril / de la terre, ô Jātavedas, ô Agni, pour que (tu) convoies les offrandes » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XII p. 69) ; 10.1.6cd arusó jātáh padá ílāyāh V puróhito rājan yaksīhá devān « (Dieu) fauve, né au séjour dʼIdā, préposé (au sacrifice), ô roi, sacrifie ici aux dieux ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIV p. 1) ; 10.91.4ab prajānánn agne táva yónim rtvíyam V ílāyās padé ghrtávantam āsadah « Toi qui connais en avant, ô Agni, tu tʼes installé en ton siège-natal conforme aux temps-rituels, riche en beurre, au séjour dʼIdā » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIV p. 25) : SCHLERATH, 1968, p. 159. 71 B, contre G pairijasāi. Indûment pris pour un subjonctif chez KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 81. Il sʼagit, en réalité, du cas de coïncidence. 72 Y 50.8b1 → Y 28.2a2 pairī.jasāi vohū manaŋhā. 73 La répétition invite à sous-entendre chaque fois pairī.jasāi mazdā ustānazastō à la suite du vers. 74 Voir la Marginale III §III.47. 75 Sur la combinaison de nǝmaŋhā avec ustānazasta-, voir Y 28.1. 76 Sur hunarǝtāt-, PIRART, 2020, p. 344 n. 182.

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Le poète, pour énumérer à lʼinstrumental quatre entités divines représentant les principes du service rendu à la divinité, se sert à trois reprises de chevilles stylistiques, parlant ainsi des pas de la déesse Oblation et de lʼaptitude du Penser bon ou précisant que lʼHommage est le fait dʼun heureux sacrifiant, probablement celui dont il a été question dans les strophes 2-3, mais, au vu du vers 6b2, Zaraθuštra nʼest pas à écarter : Vers

Chevilles

Entités

a c c d

padāiš yā frasrūtā

īžaiiā ašā nəmaŋhā vaŋhəuš manaŋhō

arədraxiiācā hunarətātā

La coordination des termes de lʼénumération nʼest en rien boiteuse puisque ºcā ne concerne que le 3e vers et que la répétition de la séquence at vā coordonne les deux derniers vers aux deux premiers. Y 50.9 tāiš77 vā yasnāiš (4) paitī stauuas aiienī78 (7) mazdā ašā79 (4)80 vaŋhəuš šiiaōθanāiš manaŋhō (7)81 yadā82 ašōiš83 (4) maxiiā vasə84 xšaiiā (7) at hudānāuš85 (4) išaiiąs gərəzdā86 xiim (7) .·. †

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Fautif pour at, malgré le zand ʼv| OLEšʼn| LKVM ycšn|. Subjonctif présent de première personne spécialisé dans lʼexpression du futur dʼintention : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 81. 79 Voir la Marginale III §IV.13. 80 Y 50.9b1 = Y 46.18d1, Y 48.9b1, Y 50.7c1 ; → Y 34.6a2 mazdā ašā vohū manaŋhā ; Y 50.3a2 mazdā ašā aŋhaitī ; Y 50.5a2 mazdā ašā ahurā. 81 Y 50.9b2 → Y 34.14b1 vaŋhəuš šiiaōθanā manaŋhō. 82 Sandhi pour hiiat ā : voir la Marginale II §IIc. 83 Génitif régime d᾿ā+√ xšā moyen. 84 Accusatif adverbial. Sur le sandhi, PIRART, 2020, p. 191 n. 239. 85 G, contre B +hudānaoš, mais ºāuš peut être graphique pour ºuš. La forme védique sudānu- coïncidant avec lʼavestique hudānu- est attestée à propos des dieux. Exemple : RS 1.15.2 márutah píbata artúnā potrād yajñám punītana | yūyáṁ hí sthā sudānavah « O Maruts, buvez au temps rituel, | de par [votre] office de potar purifiez le sacrifice, || car cʼest vous qui avez de bons flots » (trad. CALAND et HENRY, 1906-7, vol. I p. 225). KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 62, propose « dégoulinant » pour Y 44.6c1, mais jʼai gardé « généreux » qui, dans le contexte, fonctionne bien, faute de comprendre ce que ferait ici la mention dʼun fleuve. 86 Le locatif du substantif en -ti- de √ gard « convoiter » (= védique GRDH) convenant mal au contexte, j’explique le mot par la racine présente dans le gaulois bardos et le rend par « la prise en compte, la considération ». 78

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Je vais vous faire tribut des sacrifices, moi qui vous adresse les éloges [at vāh yasnāiš pati stavats ayāni], toi qui apportes la sagesse, lors de la Dédicace, avec les gestes du Penser bon [mazdā ārtā vahauš śyāuθnāiš manahah]. Si je pouvais disposer à volonté de ma Dédicace [yat ā ārtaiš mahyāh vasah xšayāya87], je me trouverais alors vigoureux à bénéficier de la considération du généreux (sacrifiant)/vigoureux et généreux dans la gǝrǝzdi [at hu-dānuš išayants grzdā hyaʼam]. Le poète varie aussi le ton de son discours passant de lʼindicatif présent de première personne exprimant le cas de coïncidence au subjonctif marquant lʼintention : Vers

Indicatif

4a 7a 8b 9a 11a

yazāi

Subjonctif yaōjā

+

pairī.jasāi paitī… aiienī aōjāi… aŋhācā

Ceci pose cependant un grave problème puisque les séquences rituelles du sacrifice et de lʼéloge avaient déjà fait lʼobjet de la strophe 4 où, qui plus est, lʼindicatif caractéristique du cas de coïncidence était employé : lʼintention du sacrifice après le sacrifice, voilà qui manque de logique. Je nʼai pu débrouiller cette énigme. Lʼemploi du démonstratif tāiš à lʼouverture de la strophe, inexpliqué, contraste avec celui de at qui figure en tête des strophes 4, 7, ×8, 10 et 11. La succession des opérations est interrompue par le prolongement que la phrase en zī de la strophe 5 et la prière connexe de la sixième donnent à la quatrième, par la petite prière de lʼhémistiche 7d et par le diptyque droit qui clôture la neuvième strophe. Il faut y ajouter la difficulté de la dixième strophe, une phrase qui commence avec des subordonnées relatives, mais paraît être dépourvue de proposition principale à moins d’en trouver une dans la onzième. Dans cette alternative, la particule at figurant en tête de la dixième strophe serait celle assurant la mise sur le même pied que les strophes 4, 7, 8 et 9 tandis que celle figurant en tête de la strophe 11 assurerait plutôt la corrélation avec le bloc des protases en yā situées dans la dixième. Cependant, nous ne pouvons lʼenvisager pleinement que si lʼinterprétation du dernier vers de la strophe 10 le permet. 87

< pii. *kšáia-iH-Ha.

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Lʼexégèse du troisième vers bute sur une incompatibilité grammaticale : lʼadjectif possessif maxiiā de première personne concerne le complément dʼun verbe de la même personne. Et la portée du vers mʼéchappe. Comme il forme un diptyque avec le dernier vers, il est recommandé dʼanalyser son verbe comme un optatif88. La diathèse moyenne qui découle de cette analyse paraît être confirmée par lʼidentité du sujet, un homme, puisque le verbe √ xšā, normalement ne se conjugue à la voix active que si le sujet est Ahura Mazdā. Je reste donc perplexe. Y 50.10 at89 yā varəšā (4) yācā +pairī.āiš90 šiiaōθanā (7) yācā91 vohū (4)92 cašmąm93 arəjat94 manaŋhā (7) raōcā xuvəṇg (4) asnm95 uxšā96 aēuruš97 (7) xšmākāi ašā98 (4) vaāi mazdā ahurā (7) .·. Les gestes que je veux exécuter, ceux que tu attendais, Roi qui apportes la sagesse [at yā varšā yā ca pari-āiš śyāuθnā… mazdā ahurā], ou les lumières du Soleil que le Penser bon donne pour dignes des yeux [yā ca vahū caxšman arjat manahā raucāh huvanh], (tel est) Aēuru, le

88

xšaiiā subjonctif présent de conjonctive temporelle ou *xšaiiaiiā optatif présent exprimant lʼirréel du présent : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 83, 92. 89 Il nʼy a pas de corrélation à envisager avec yadº de 9c : CANTERA, 1993, p. 232. 90 KP, contre G pairī āiš. Sanscrit pari+IS « aller à la recherche de (acc.) ». Injonctif aoriste exprimant le prétérit : « Les gestes que jʼaccomplirai et ceux que tu attendais » ? 91 Lʼantécédent introduit dans la troisième subordonnée relative est-il raōcā ou vohū… manaŋhā ? 92 Y 50.10b1 = Y 44.8c1. 93 Locatif sing. 94 Verbe au singulier, arǝjat, avec sujet du neutre pluriel, raōcā. 95 Devons-nous reconnaître la proposition principale dans 10c2d ? Que faut-il y sous-entendre ? 96 Sur uxšan-, PIRART, 2018, p. 212 n. 44. La seule autre attestation d᾿uxšan-, accompagnée aussi d᾿asnąm, est du pluriel (Y 46.3). Comme ici, malgré le singulier, le complément déterminatif asnąm reste au pluriel, il faut éventuellement donner à aēuruš la valeur d᾿un superlatif et faire du taureau la désignation de certains jours : « le taureau (qui,) parmi les jours (taureaux), est (le plus) aēuru ». 97 Pour lʼinterprétation dʼaēuru-, nous devons tenir compte de la strophe attestant la forme védique correspondante éru-, AS 6.22.3 udaprúto marútas tā iyarta V vrstír yā víśvā nivátas prnāti | éjāti gláhā kanyèva tunnVáiruṁ tundānā pátyeva jāyā « Waterswimming [are] the Maruts; send ye that rain which shall fill all the hollows; the gláhā shall bestir itself, like a girl that is thrust, thrusting the éru, like wife with husband » (trad. WHITNEY, 1905, vol. I p. 296), et des remarques de WÜST, 1961, p. 75. 98 Voir la Marginale III §IV.15.

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CHAPITRE IV

taureau des jours [asnaʼam uxšā airuš], pour la séquence chantée en votre honneur avec lʼAgencement/lors de la Dédicace [xšmākāi ārtā vahmāi]. La place que plusieurs mots occupent au-delà du verbe arǝjat doit être justifiée. Tout mot ne peut figurer après le verbe que sʼil appartient à un groupe dont le premier élément se situe avant ce verbe. Les mots de lʼhémistiche 10c1, pour être à ranger avec le pronom relatif qui introduit la subordonnée, occupent donc une place licite. De même, ceux de de lʼhémistiche 10c2 pour autant quʼils sʼaccordent avec le sujet du verbe. Par contre, le dernier vers fera difficulté si nous pensons y reconnaître la dernière partie de la troisième subordonnée relative. Lʼhypothèse dʼune principale nominale ne peut donc être évacuée facilement. Il convient dʼailleurs aussi de poser la question de savoir si ašā, au lieu dʼun substantif, lʼinstrumental singulier dʼaša- ou le locatif singulier dʼaši-, ne pourrait être analysé comme un verbe. Y 50.11 at99 və staōtā (4) aōjāi mazdā aŋhācā (7) yauuat100 ašā101 (4) tauuācā isāicā102 (6) dātā103 aŋhəuš (4) arədat104 vohū manaŋhā (7) + haiθiiā +varəštąm105 (4) hiiat vasnā106 +fərašō.təməm107 (7)108 ºoº 99 La particule at au début des strophes 10 et 11 souligne un parallélisme dʼopposition (« por un lado quiero realizar por otro quiero declararme tu alabador ») : CANTERA, 1993, p. 232. Sur la strophe, PIRART, 2013b, p. 141. 100 La combinaison de yauuat avec isāiº est à rapprocher des strophes védiques RS 3.18.3 idhménāgna ichámāno ghrténa V juhómi havyáṁ tárase bálāya | yāvad īśe bráhmanā vándamāna V imāṁ dhíyaṁ śataséyāya devīm « O Agni, (cʼest en) ayant (tel) désir (que) je verse lʼoffrande avec la bûche-flambante, avec le beurre-fondu, pour (obtenir) le pouvoir-de-passer-outre (et) la force. / Pour autant que jʼen ai pouvoir, (te) louant avec lʼénergie-formulaire, (jʼapporte en offrande) cette vision-poétique divine, afin de gagner cent (prix) » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XII p. 62-3) et 7.32.18 yád indra yāvatas tuvám V etāvad ahám īśīya | stotāram íd didhiseya radāvaso V ná pāpatvāya rāsīya « If I, O Indra, were the Lord of riches ample as thine own, | I should support the singer, God who givest wealth ! and not abandon him to woe » (trad. GRIFFITH, 1973, p. 350). 101 Voir la Marginale III §III.48. 102 Le parallélisme avec Y 28.4c yauuat isāi tauuācā (7) auuat xsāi aēšē ašahiiā (9) confirme le déficit métrique. 103 Attribut du sujet de aŋhāº : « et être correctement le fondateur de lʼexistence avec le Penser bon ». 104 Ce mot est à lʼorigine du premier terme du composé ǝrǝdat.fǝδrī- avec lequel est nommée la mère du troisième Saōšiiant, Astuuat.ǝrǝta : PIRART, 2013b, p. 139-43. Pour lʼinterprétation de arǝdat, nous devons tenir compte de lʼattestation de la forme védique

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Et je vais me déclarer et vais être votre laudateur, toi qui apportes la sagesse [at vah stautā aujāi mazdā ahā ca], autant que je le pourrai et en serai capable lors de la Dédicace [yāvat ārtā tavā ca īsāi ca], en tant quʼinstaurateur de lʼexistence, correctement avec le Penser bon [dātā ahauš rdat vahū manahā]. Que le (conseil), avec le (geste) opportun qui parachève au mieux (lʼexistence), soit suivi, sʼil te plaît [haθyā vrštām yat vasnā fraxšatamam] ! La tradition ultérieure a souligné le terme de lʼunité, faisant dʼarǝdat lʼorigine de lʼingrédient clé de la formation du nom donné à la troisième vierge eschatologique et du dernier vers, un slogan eschatologique répété plusieurs fois109. Le syntagme dātar- aŋhəuš ne désigne pas encore le grand dieu: synonyme de huzəntu- « possesseur dʼune bonne capacité de génération », cʼest un titre du sacrifiant qui, par sa décision dʼoffrir le sacrifice, génère le cours de la cérémonie, ce qui, dans les textes, est appelé « lʼexistence mentale ». Dans lʼAvesta récent (V 2.1, Yt 1.1, etc.), ce syntagme a été modifié, étendu et complété comme suit : ahura mazda maniiō spəništa dātarǝ gaēθanąm astuuaitinąm ašāum. correspondante ŕdhak, AS 5.1.1 ŕdhaṅmantro yóniṁ yá ābabhūvāVamŕtāsur várdhamānah sujánmā | ádabdhāsur bhrājamānó ʼheva V tritó dhartā dādhāra trīni « He who came to (ā-bhū) the womb (yóni) with a special sacred text (?ŕdhaṅmantra), of immortal spirit (-ásu), increasing, of good birth, of unharmed spirit, shining like the days ― Trita the maintainer maintained three (trí, neuter) » (trad. WHITNEY, 1905, vol. I p. 221). La forme védique rdhát est attestée comme premier terme de composé : RS 6.3.2ab ījé yajñébhih śaśamé śámībhīr V rdhádvārāyaāgnáye dadāśa « Il a sacrifié avec des sacrifices, il a travaillé par des travaux (rituels), il a rendu-un-hommage-adéquat à Agni, (dieu) qui réussit (en ses) biens-dʼélection » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIII p. 38), 8.46.23 dáśa śyāvā rdhádrayo V vītávārāsa āśávah | mathrā nemíṁ ní vāvrtuh « Ten browns that make my wealth increase, fleet steeds whose tails are long and fair, | Turn with swift whirl my chariot wheel » (trad. GRIFFITH, 1973, p. 434). 105 KP, contre G haiθiiāuuarǝštąm. Le sujet sous-entendu est probablement {mąθrō} ; lʼinstrumental sous-entendu, {šiiaōθanā} : voir KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 247. Lʼidée de lʼhémistiche se retrouve dans le composé védique satyakarman- de la strophe RS 9.113.4ab rtáṁ vádann rtadyumna V satyáṁ vádan satyakarman «Toi qui parles (selon) lʼOrdre, ô (soma) qui brilles (selon) lʼOrdre, toi qui parles (selon) le réel, ô toi dont les actes sont réels » (trad. RENOU, 1955-69, vol. IX p. 66). 106 Selon KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 247, « vasnā est irréductible », mais KELLENS, 2013, p. 82, se risque à poser vasna- « lumière aurorale ». Pour ma part, jʼopte pour la comparaison avec le vieux-perse va-š-na-a. Voir lʼIntroduction §22. 107 B, contre G fǝrašōtǝmǝm. Sur lʼemploi de fǝraša- au terme de la Gāθā, PIRART, 2020, p. 140. 108 Y 50.11d2 = Y 46.19b2. Sur le vers, PIRART, 2006, p. 107 et 147. 109 Y 50.11d = 0.14.2, 65.14.2, Yt 1.0.6, etc.

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CHAPITRE IV

Lʼauteur du texte récent ainsi a-t-il pris lʼexistence mentale, celle du rite, pour ce monde osseux et confondu lʼhomme avec le Créateur. Ajoutons que lʼemploi du syntagme dātā aŋhəuš fait écho à celui de dātā xratəuš dans lʼhémistiche 6c1 où il ne sʼagissait pas non plus dʼAhura Mazdā. Le geste dont il est question dans le dernier vers mʼa tout lʼair dʼun euphémisme pour « mise à mort ». La dernière unité, dans la liturgie, est clôturée avec les formules suivantes : zōt u rāspī .·. spǝntā maniiū…110 .·. du bār .·. ašǝm vohū…111 .·. si bār .·. kat.mōi.uruuąm hāitīm yazamaide .·. spǝntā.maniiūm gāθąm ašaōnīm ašahe ratūm yazamaide .·. spǝntā.maniiəuš gāθaiiā handātā112 yazamaide .·. yeŋhē hātąm…113 ºoº ºoº.

110 111 112 113

= Y 47.1. = Y 27.14. Sur ce locatif, PIRART, 2013d. = Y 27.15.3.

VUE DʼENSEMBLE DE LA GĀΘĀ « SENTIMENT DU SAVOIR » (Y 47-50)

Avertissement. Une ligne blanche marquée dʼastérisques est placée comme signe des articulations du texte, mais aussi et surtout là où je nʼai pu colmater la solution de continuité de lʼensemble. [Y 47.0] [Les deux officiants : Hommage à vous, Gāθā qui participez au (bon) Agencement !] [Y 47.1] Avec lʼexcellence du penser, du verbe et du geste auxquels le Sentiment de sa science suggère (à lʼorant) de recourir pour (lui) rendre un culte, (les entités divines du culte rendu) assurent lʼIntégrité et lʼImmortalité au (Roi qui apporte la sagesse) : lʼEnvoûtement donne au Roi qui apporte la sagesse (de s’unir) à la Déférence. [Strophe à réciter deux fois.] [Y 47.2] [Le zaōtar :] Pour suivre lʼexcellent (conseil) du Penser bon, (lʼorant) recourt aux (gestes) que le Sentiment de sa grande science lui dicte de vive voix il exécute les gestes avec les mains de la Déférence dans lʼidée/la compréhension que (le Roi) qui apporte la sagesse est le père du (bon) Agencement. *** [Y 47.3] (Roi) qui apportes la sagesse, tu es le père savant du Sentiment qui a collaboré avec (lʼadorateur) à la configuration de la vache, source de joie pour celui-ci. (De concert) avec la Déférence [= la Terre], tu offres fourrage et calme à la (vache) depuis que (cet adorateur) sʼest entretenu avec le Penser bon. [Y 47.4] De ce Sentiment que tu es savant, (Roi) qui apportes la sagesse, les égarés sʼécartent, mais il nʼen va pas de même des pieux (adorateurs). Pourquoi et jusques à quand l’homme de peu se montrera-t-il donc en faveur de l’(Adorable) accompagné de l’Agenccement et le méchant, pourtant riche, en faveur de lʼÉgaré ? [Y 47.5] Le Sentiment que tu (lui) donnes dʼêtre savant te pousse, Roi qui apportes la sagesse, à fournir au pieux adorateur de bien bons (trésors) dont, avec les gestes de ce dernier, lʼÉgaré, habitant à la suite du Penser mauvais, cherche à tirer profit sans ton consentement.

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VUE DʼENSEMBLE

[Y 47.6] Roi qui apportes la sagesse, avec le Sentiment que tu es savant, avec le soutien que la Déférence offre au (bon) Agencement, le Feu te permet de procéder à la répartition du (texte) entre les deux exécutants, toi qui es bon, car (la Déférence) arrive alors à bloquer les (mauvais dieux) qui, en grand nombre, cherchent à rejoindre (lʼexcellente existence). [Les deux officiants : Y 47.1 (2×) + Y 27.14 (3×) + Nous offrons le sacrifice à lʼUnité Sentiment du Savoir. + Y 27.15.3] [Y 48.1] [Le zaōtar :] En effet, si de tels (renforts) aident (l’Adorable) à vaincre l᾿Erreur avec le (bon) Agencement malgré les (paroles) fourbes qui, en vue de (gagner) l᾿Immortalité, sont prononcées et mises en mouvement avec l᾿aval des (mauvais dieux) Hasardeux et des (mauvais) mortels (qui leur rendent un culte), dès lors, Roi (qui apportes la sagesse), (le pieux adorateur) accroîtra de (tels) renforts la séquence chantée en ton (honneur). [Y 48.2] Dis-moi, Roi qui apportes la sagesse, toi qui sais cela, avant que la pleine Lune vienne à moi : quand l’(Adorable) accompagné de l’Agencement vaincra-t-il l᾿Égaré ? Car telle est la bonne technique que l᾿existence a trouvée pour la détermination de la date. [Y 48.3] Et, parmi les leçons, celle que le Roi des bonnes offrandes [= le Feu] impartit avec lʼAgencement est excellente pour celui qui est (en charge) de trouver (la date), le savant qui est au courant des définitions même secrètes et te rend un culte, (Roi) qui apportes la sagesse, avec lʼintelligence du Penser bon. *** [Y 48.4] Mettant en place le Penser bon et le mauvais, il (suit) la (bonne) Doctrine avec le geste et le verbe (tandis que) la volonté accompagne ses approbations et ses choix, si bien que, lors de ta décision, toi qui apportes la sagesse, divers sera le dernier (tournant). *** [Y 48.5] Que ceux qui en disposent d᾿un bon exercent l᾿Envoûtement (sur Mazdā) ! Que ceux d᾿entre nous qui en disposent d᾿un mauvais cessent d᾿exercer l᾿Envoûtement (sur lui) ! Que ce soit avec les gestes de la bonne Compréhension, avec la Déférence ! (Feu,) poursuis la préparation du futur engendrement pour le (mauvais) mortel avec l᾿excellent (Agencement) ! Que le geste soit exécuté pour la vache ! Ne cesse pas de t᾿occuper d᾿elle pour notre nourriture ! [Y 48.6] Que la (Déférence) nous offre donc bonne habitation/confort, Jeunesse nouvelle et Énergie, (les déesses) que le Penser bon a saluées,

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et, pour la (Vache immolée) que voici, que le Roi qui apporte la sagesse, avec le bon Agencement, fasse pousser les plantes lors de la génération de lʼexistence fondamentale ! [Y 48.7abc] Que lʼEnragé s᾿empêtre ! Éliminez le Déséquilibrant, vous qui, avec le Penser bon, vous efforcez de tenir en place la branche (de la plante du Suc), avec lʼAgencement dont l᾿homme savant se fait le partisan ! *** [Y 48.7d] Et les mises en place du (pieux adorateur) se trouvent dans ta maison, Roi (qui apportes la sagesse). *** [Y 48.8] Quelle est lʼoffrande sacrificielle dont tʼ(honore) le bon Envoûtement, Roi qui apportes la sagesse ? Quelle est, en ma faveur, celle dont tʼhonore ta fille la Dédicace ? Quand ta fille, invigoratrice avec le (bon) Agencement, (viendra-t-elle) au devant des détenteurs du succès au devant des heureux promouvoir les gestes que le bon Sentiment suggère dʼaccomplir ? [Y 48.9] Et, puisque vous avez bénéficié dʼun certain Envoûtement, (Roi) qui apportes la sagesse, avec le (bon) Agencement/lors de la Dédicace, (dites-moi) : quand saurai-je de qui vous craignez les dommages ? Que me soit dite en diction continue la stance du Penser bon ! Puisse le futur Invigorateur savoir comment sera sa Dédicace ! [Y 48.10] Et, toi qui apportes la sagesse, (dis-moi :) quand les hommes sont-ils au service du (sale) écraseur (des tiges de la plante du Suc) ? Et quand l᾿urine est-elle venue de ce breuvage par lequel les karapan [= les mauvais officiants] donnent la colique avec une méchanceté expresse, eux qui, dans les nations, disposent du mauvais Envoûtement ? [Y 48.11] (Dis-moi,) toi qui apportes la sagesse : quand viendra avec le (bon) Agencement (et) l᾿Envoûtement (exercé sur toi), la Déférence, elle qui offre bonne habitation et fourrage ? Qui sont ceux qui trouveront le calme malgré (la présence) des Égarés sanguinaires ? Vers qui viendra la Compréhension du Penser bon ? *** [Y 48.12] Et ceux-là seront les futurs Invigorateurs des nations, eux qui, pour (tʼ)accueillir avec le Penser bon et les gestes que tu préconises, seront accompagnés du (bon) Agencement, toi qui apportes la sagesse. Car ceux-là ont été placés en tant qu᾿adversaires de lʼEnragé.

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[Les deux officiants : Y 47.1 (2×) + Y 27.14 (3×) + Nous offrons le sacrifice à lʼUnité Pour de tels renforts. + Y 27.15.3] [Y 49.1] [Le zaōtar :] Et de mon orge le très grand Contagieux toujours se gave, toi qui apportes la sagesse, tandis que moi, avec le (bon) Agencement/lors de la Dédicace, je suis prêt à accueillir celles qui sont sans défense/sans bonne garde (en disant :) Bonne Présentation, viens à ma rencontre et offre-moi ton aide ! Trouve avec le Penser bon le moyen de brûler le (Contagieux) ! [Y 49.2] Et lʼégaré qui diffuse les idées du Contagieux mʼirrite, lui qui, depuis toujours, se tient à lʼécart du (bon) Agencement : sans tenir la savante Déférence à la disposition du (Contagieux), il ne s᾿entretient pas non plus avec le Penser bon, toi qui apportes la sagesse. [Y 49.3] En effet, tandis que le (bon) Agencement, toi qui apportes la sagesse, est installé de sorte que le (bon) choix apporte la prospérité à celui-ci/pour assurer la prospérité du choix que voici, lʼErreur lʼest de façon à ce que le (mauvais) commentaire (le) conduise à sa perte/ pour conduire le mauvais commentaire à la destruction. Jʼattends cela de ton union que le Penser bon (scelle avec lʼAgencement). Je bannis de la communauté tous les Égarés/égarés. [Y 49.4] Pour avoir, parmi ceux qui sʼen soucient, délaissé le bétail ou avoir, de leur propre langue, invigoré lʼEnragé et le Déséquilibrant, les idiots chez qui les gestes bons ne lʼont pas emporté sur les mauvais, ceux-là soumettent les (mauvais dieux) Hasardeux à la Doctrine de lʼÉgaré. [Y 49.5] Et, Roi qui apportes la sagesse, il (donne à la Doctrine les noms) dʼ« Oblation » et de « Libation », celui qui, à même de générer la bonne (existence), qui quʼil soit, a bien recouru au Penser bon et à tous les (gestes) lors de ton Envoûtement pour unir sa Doctrine avec le (bon) Agencement de la Déférence. *** [Y 49.6] Je vous charge, vous et le (bon) Agencement, Roi qui apportes la sagesse, de dire la Doctrine de votre adorateur afin que (nous) distinguions la façon rectiligne et pleine dʼengouement dont il nous convient de réciter les (hymnes) de votre (disciple) avisé. *** [Y 49.7] Dès lors, avec la perception que tʼen facilitent, Roi qui apportes la sagesse, le Penser bon ou le (bon) Agencement, écoute donc : quel peuple, quelle famille se trouvera avec les (…) établis ? (Ne

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sera-ce donc la famille) qui, dans le village, établira la bonne glorification (de notre héros) ? *** [Y 49.8] Permets-nous, à Fǝrašaōštra et à moi, de (tʼ)unir dʼune union très agréable avec le (bon) Agencement, cʼest ce que je te demande, Roi qui apportes la sagesse, (de sorte) que, lors de ton Envoûtement, toi qui es bon, nous en soyons chargés à tout jamais ! [Y 49.9] Quʼil perçoive les leçons, lui qui recourt à de tels liens et au bol servant à faire gonfler (les tiges du Suc) ! En observant la diction continue, il nʼenseigne pas lʼunion avec lʼÉgaré/lʼégaré depuis que les (fils de) Dəjāmāspa, en vue de lʼexcellente récompense, ont, avec lʼAgencement, attelé les (chevaux calcinés) aux Doctrines lors de la formulation des demandes/ prières. *** [Y 49.10] Dès lors, dans ta maison, toi qui apportes la sagesse, tu abrites le Penser bon, lʼâme des pieux adorateurs et lʼHommage qui, accompagné des (déesses) Déférence et Oblation, donne aux adorateurs dʼexercer sur vous lʼEnvoûtement, de vous vénérer et de vous intéresser. [Y 49.11] Quant à elles, les âmes (impies) quʼune mauvaise Doctrine accompagne, du fait de leur mauvais Envoûtement, de leurs gestes mauvais, de leurs verbes mauvais, de leur Doctrine mauvaise et de leurs pensers mauvais, font tribut de mauvaises nourritures aux Égarés (et), pour sûr, seront des voyageurs reçus dans la maison de lʼErreur. *** [Y 49.12] Qu᾿as-tu comme aide pour Zaraθuštra qui (tʼ)appelle (à l᾿aide) avec lʼAgencement ? Qu᾿as-tu (comme aide) avec le Penser bon (pour moi) qui, Roi qui apportes la sagesse, vais vous rendre propices en faisant (votre) éloge et vais, de surcroît, (vous) demander le meilleur lors du sacrifice qui vous est offert ? [Les deux officiants : Y 47.1 (2×) + Y 27.14 (3×) + Nous offrons le sacrifice à lʼunité Mon orge. + Y 27.15.3]. [Y 50.1] [Le zaōtar :] Quand mon âme bénéficie-t-elle dʼassistance ? Quel protecteur, Roi qui apportes la sagesse, y a-t-il de mon bétail et de ma personne autre que le (bon) Agencement, toi et le Penser excellent en toute certitude lors de lʼappel ? [Y 50.2] Comment sera la vache que (le sacrifiant) doit exiger plus grande source de joie ? Vivant continûment avec le (bon) Agencement

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[= avec une vie consacrée exclusivement à l’Agencement] parmi les nombreux (égarés) qui pilent en secret (les tiges de la plante du Suc au lieu de les pressurer), ce (sacrifiant) souhaite à (Zaraθuštra) de trouver la (vache) dotée de fourrage. En leur présence/Face à eux, considère que je suis tout à fait adéquat. [Y 50.3] Et y aura-t-il pour celui-ci [= Zaraθuštra], avec le (bon) Agencement, toi qui apportes la sagesse, (manade) que lui aura fournie, avec lʼEnvoûtement et le Penser bon, (lʼorant) qui est homme à sʼinvigorer de lʼautorité de la Dédicace, manade dont lʼégaré du voisinage cherchera à tirer profit ? *** [Y 50.4] Et, (dans lʼespoir que vous répondrez à mes questions,) je vous offre le sacrifice, moi qui vous adresse lʼéloge, Roi qui apportes la sagesse, au moyen du (bon) Agencement, du Penser excellent et de lʼEnvoûtement avec lequel (le Phrasé) empruntera le chemin de la Vigueur, moi qui, en présence des heureux, me trouve dans la maison du chant de bienvenue, devant (lʼofficiant) en charge du Phrasé. [Y 50.5] Car, Roi qui apportes la sagesse, vous avez toujours mis en route, avec le (bon) Agencement, de quoi réjouir celui qui suit vos conseils : (ce fut toujours) en lui apportant de vos mains lʼaide, manifeste et visible, utile à ce quʼil nous place dans le bien-être. [Y 50.6] Celui qui, suivant (tes) conseils, prend la parole, toi qui apportes la sagesse, lʼobservant Zaraθuštra, lors de la Dédicace, avec lʼHommage, lʼinstaurateur de la performance de la langue, puisse-t-il avec le Penser bon mʼenseigner à être lʼaurige de lʼinvocation que je lance ! [Y 50.7] Et je vais atteler de très rapides coursiers qui traversent (les espaces) avec les victoires de la séquence chantée pour vous, toi qui apportes la sagesse, (chevaux) que le Penser bon dote dʼautorité lors de la Dédicace, eux avec qui vous devanciez (les Hasardeux). Puissiez-vous vous trouver à mon aide ! [Y 50.8] Je viens à votre service sur les pas insignes de la (déesse) Oblation et (vous rends hommage) les bras levés, toi qui apportes la sagesse, en recourant au (bon) Agencement, à lʼHommage de lʼheureux et à lʼaptitude du Penser bon. *** [Y 50.9] Je vais vous faire tribut des sacrifices, moi qui vous adresse les éloges, toi qui apportes la sagesse, lors de la Dédicace, avec les gestes du Penser bon. Si je pouvais disposer à volonté de ma Dédicace,

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je me trouverais alors vigoureux à bénéficier de la considération du généreux (sacrifiant)/vigoureux et généreux dans la gǝrǝzdi. [Y 50.10] Les gestes que je veux exécuter, ceux que tu attendais, Roi qui apportes la sagesse, ou les lumières du Soleil que le Penser bon donne pour dignes des yeux, (tel est) Aēuru, le taureau des jours, pour la séquence chantée en votre honneur avec lʼAgencement/lors de la Dédicace. [Y 50.11] Et je vais me déclarer et vais être votre laudateur, toi qui apportes la sagesse, autant que je le pourrai et en serai capable lors de la Dédicace, en tant quʼinstaurateur de lʼexistence, correctement avec le Penser bon. Que le (conseil), avec le (geste) opportun qui parachève au mieux (lʼexistence), soit suivi, sʼil te plaît ! [Les deux officiants : Y 47.1 (2×) + Y 27.14 (3×) + Nous offrons le sacrifice à lʼunité Mon âme. + Nous offrons le sacrifice à la Gāθā Sentiment du savoir, elle qui participe au (bon) Agencement, une pièce du (bon) Agencement. + Nous (vous) offrons le sacrifice au terme de la collection de la Gāθā Sentiment du savoir. + Y 27.15.3.] Bilan Pour dresser le bilan de la lecture de la Spǝṇtā.mańiiu Gāθā en dehors de toutes questions de grammaire, nous devons certes répondre à la question de son homogénéité, mais aussi à celle des informations pouvant en être tirées. Il va de soi que lʼimagination, la sélection et la bonne volonté nous aideront dans cette entreprise. Lʼhomogénéité de la Gāθā nʼa pas pu être vérifiée en raison de plusieurs ruptures logiques ou grammaticales. Elle est, par exemple, mise à mal si un même contenu est répété : le poète parlerait plusieurs fois de la même chose. Il y a notamment aussi lʼanomalie dʼun sacrifice qui précède son intention (Y 50.4 et 9). Il convient encore de relever que le poète interroge la divinité à plusieurs reprises : nous trouvons ses questions dans tous les coins de la Gāθā. Les strophes concernées sont les suivantes : Y 47.4 pour la première unité, 48.2 et 8-11 pour la deuxième, 49.7 et 12 pour la troisième, 50.1-3 pour la dernière. Les questions, certes diverses, paraissent pourtant bien éparpillées. Tout naturellement, le poète, dans la réflexion menée sur le rituel, en privilégie les facettes verbales. Le culte qui lui est rendu est à lʼorigine de lʼimmortalité dʼAhura Mazdā, le Roi qui apporte la sagesse (Y 47.1, 48.1), mais aussi de son union avec Ārmaiti, la Déférence (Y 47.1), avec qui sont engendrés Aṣ̌a, lʼAgencement (Y 47.2), ou Mańiiu, le Sentiment

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que le grand dieu est savant (Y 47.3). La personnification donne des mains à Ārmaiti (Y 47.2) et un père à Aṣ̌a ou à Mańiiu (Y 47.2-3). Le tandem quʼAṣ̌i, la Dédicace des gestes, forme avec Xšaθra, lʼEnvoûtement exercé sur les dieux, est déterminant dans la réussite sacrificielle (Y 48.8). Lʼunion dʼAhura Mazdā avec Ārmaiti passe curieusement par son union avec Aša, lʼAgencement rituel du culte qui lui est rendu par les pieux adorateurs. Ceux-ci sont représentés par les bons gestes ou Vohu Manah, le Penser bon, à lʼinstant dʼexercer lʼEnvoûtement utile sur le grand dieu (Y 49.3, 49.8). Le chapitre « Zaraθuštra et moi » est assez fourni. Zaraθuštra appelle les dieux à lʼaide et forme tandem avec le poète (Y 49.12-50.1). Le poète se plaint de sa pauvreté auprès dʼAhura Mazdā (Y 47.4), mais aussi de la menace de voisins (Y 47.5, 48.11, 50.2-3) et lʼinterroge sur la date de la victoire définitive qui doit être remportée sur les forces délétères (Y 47.4, 48.2-3). Zaraθuštra enseigne au poète à être lʼaurige des paroles adressées aux dieux (Y 50.6-7), mais nʼest pas le seul instructeur, car Ātar, autre fils dʼAhura Mazdā, instruit le poète sur plusieurs points de rituel (Y 48.3, 48.5), et la Doctrine, qui est aussi lʼâme féminine de lʼadorateur, est dite par les dieux, notamment pour ce qui est des textes à prononcer lors des célébrations (Y 49.6-7). Lʼusage de cordes semble être proscrit pour maintenir dans le mortier les tiges de la plante dont le suc fournit lʼingrédient phare des libations, le haōma (Y 48.7). Il ne faut ni piler les tiges ni confier la préparation de leur suc à de mauvais officiants (Y 48.10, 50.2), eux qui, malheureusement, disposent dʼun certain pouvoir sur les nations (Y 48.10). Eschatologie individuelle et eschatologie générale paraissent coïncider. Les dieux craignent une faillite, et le sacrifiant, futur Invigorateur, devra intervenir avec Aši (Y 48.9). Ahura Mazdā sʼoccupe de fournir le fourrage à lʼâme de la vache qui doit nourrir celle du défunt (Y 47.3, 48.5-6, 50.2), mais cʼest parfois Ārmaiti (Y 48.11) qui en a la charge. Lʼimmolation de la vache est évoquée en relation avec le « futur engendrement » du mortel (Y 48.5). Ārmaiti offre confort, jouvence et énergie aux âmes des défunts (Y 48.6, 48.11). Ahura Mazdā aide Zaraθuštra à nous placer dans le bien-être (Y 50.5). Ārmaiti parvient à faire le tri entre les bons et les mauvais dieux qui cherchent à rejoindre lʼaire sacrificielle (Y 47.6, 48.1). La maison de Mazdā nʼest pas située clairement. Les dieux qui représentent les diverses facettes rituelles du pieux adorateur sʼy retrouvent (Y 48.7, 49.10). Confondue avec la maison du chant de bienvenue (Y 50.4), elle est la destination des âmes pieuses tandis que

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les impies se retrouveront chez Druj, lʼErreur (Y 49.11). Le mauvais récolte le mauvais et le bon, le bon (Y 49.4, 49.11). Lʼarchidémon est Aēšǝma, lʼEnragé (Y 48.7, 48.12). Sans doute est-il à lʼorigine des maladies (Y 49.1-2). Le futur Invigorateur des nations sʼopposera à lui (Y 48.12) en allant au secours des déesses (Y 49.1). Les âmes des défunts, dans lʼau-delà, poursuivent les célébrations et renforcent ainsi les chances du succès des dieux face aux adversaires (Y 49.8). La célébration sacrificielle, diurne, prépare celle qui, au terme du temps, marquera le parachèvement du monde : Aēuru, le taureau des jours, est dʼores et déjà là, mais nous ne pourrons savoir si sa graisse, comme dans les livres pehlevis, rassasiera définitivement les heureux (Y 50.10-11).

MARGINALE I LE PRÉVERBE VĪ

Le préverbe vī, plusieurs fois confondu avec le pronom və, appartient à des entrées difficiles ou problématiques du lexique vieil-avestique. Un nouvel examen approfondi de ses attestations mérite ainsi dʼêtre mené. Diverses formes verbales certes y recourent, mais il faut aussi tenir compte de son importance dans la morphologie nominale. I. Les formes verbales avec tmèse Ia. Le verbe vī+√ dā Ia.1 Les deux syntagmes vieil-avestiques dans lesquels nous rencontrons le verbe vī+√ dā nʼont de correspondant ni en avestique récent ni en védique. Le sens ne peut être garanti pour celui des deux, isolé, sans parallèle, qui allie ce verbe avec le substantif səṇgha-. Il sʼagit dʼune strophe dans laquelle le second hémistiche de chaque vers est octosyllabique, Y 32.6 : ― pōurū.aēnā1 ənāxštā (7) yāiš2 srāuuahiieitī yezī tāiš (8) [aθā]3 ×hātā.marainē4 ahurā (7) vahištā vōistā manaŋhā (8) θβaī +vī5 mazdā xšaθrōi (7) × ašā.yecā6 səṇghō [vī]dąm7 (8) .·. Pour cette strophe, KELLENS, 2015, p. 33, baisse les bras. Interrogatif indirect dans la rection de vōistā via le corrélatif tāiš {aēnəbīš}. 3 Erreur non biffée pour hātā. 4 G hātā.-marānē. Quoi quʼil faille penser de la correction, il est phonétiquement impossible dʼexpliquer le second terme comme le dérivé en *-ani- de √ 2mar (= véd. SMR) puisquʼune voyelle dʼappui aurait dû sʼy développer dès le proto-indo-iranien, contre BARTHOLOMAE, 1904, col. 1802. D’après Yt 1.8g +xšuuaš.dasō +hāta.marəniš, je propose d’y voir plutôt le dérivé en -ni- tiré du degré zéro. 5 G və. 6 G ašāicā, mais une excellente variante est ašaēcā. 7 La construction de ví DHĀ conjugué au passif avec le bénéficiaire de lʼaction exprimé au datif est attestée en védique : RS 1.158.3 yuktó ha yád vāṁ taugryāya perúr V ví mádhye árnaso dhāyi pajráh | úpa vām ávah śaranáṁ gameyaṁ V śūro nājma patáyadbhir évaih « Comme vous avez attelé votre char turgescent et ferme et lʼavez, au milieu des flots, concédé au fils de Tugra, puissé-je, moi aussi, bénéficier de votre aide 1 2

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Roi qui apportes la sagesse, toi qui fais le décompte (des bienfaits et des méfaits des mortels) lors de (leur) obtention (de récompenses) [hātā-hmrnai ahura… mazdā], puisque lʼexcellent Penser [vahištā… manahā], en lʼabsence de (ton) Envoûtement, te permet de reconnaître (Yima) aux nombreux forfaits [paru-aināh anāxštā… vaista] commis à la recherche du texte [= le bon verdict de Rašnu, la renommée] [yāiš sravahyati yat zi tāiš], la définition (des méfaits), lors de ton Envoûtement, vous incombe, (à toi) et au (bon) Agencement [θvahmi vi… xšaθrai rtāya ca sanhah da’ām].

Dans cette strophe où figure le syntagme combinant vī+√ dā et səṇgha-, la protase contient une proposition subordonnée secondaire articulée avec elle au moyen de la corrélation yāiš… tāiš. La subordonnée secondaire apparaît en anticipation. De surcroît, le sujet de cette subordonnée anticipée est lui-même anticipé (pōurū.aēnā) conjointement à un locatif libre (ənāxštā). Ce dernier ainsi est-il mis en exergue en vue de souligner le contraste formé avec le locatif qui ouvre lʼapodose (θβaī… xšaθrōi). Comme le verbe de la protase est vōistā et quʼaucun objet nʼest exprimé, il faut sans doute penser que la subordonnée secondaire équivaut à une interrogative indirecte : « tu sais avec quels (torts) il recherche le srauuah ». Le monosyllabisme que dąm, un impératif aoriste passif8, présente dans l’hémistiche Y 44.16c1 ciθrā mōi dąm ne garantit pas la métrique de vīdąm puisque dāiiāt existe à côté de diiāt et que, dans le cas de vī+√ dā « distribuer, répartir », nous trouvons vīdāiiāt (Y 34.12b2, 43.12e2). Selon toute bonne probabilité, le thème faible de l’aoriste radical de vī+√ dā devait donc conserver le ā long radical à l’impératif passif. Ceci conduit à corriger və en +vī et à considérer que la diascévase scolaire a répété ce préverbe devant le verbe : « que la définition (vous) soit distribuée, (à toi) et à Aša ! » Nous devons faire ainsi de ×ašā.yecā une coordination elliptique et admettre que le sous-entendu de {tōi} a été permis par θβaī. La disparité numérique que və, en plus de la concurrence, présente par rapport à θβaī nous invitait d’ailleurs à le penser. La répartition, entre Mazdā et Aša, nʼimplique apparemment aucune division impérieuse de la tâche consistant à définir, à qualifier les gestes des hommes ou à en juger.

protectrice comme lʼopulent [= Indra ?], dans sa course, peut compter sur les coursiers volants ! » (trad. PIRART, 1995-2000, vol. I p. 311). 8 Sur -ąm désinence dʼimpératif passif radical (Y 32.6, 44.16, 48.9), KELLENS, 1984, p. 394.

LE PRÉVERBE VĪ

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Ia.2 Le second syntagme à examiner est celui qui combine vī+√ dā avec le datif duel du substantif rāna-. Il nʼa de correspondant ni en avestique récent ni en védique, mais est attesté plusieurs fois en vieil avestique (voir ci-dessous IIc, IIIb et IVc). Le verbe montre une tmèse dans le vers Y 43.12e, mais le poète gâthique, à lʼinverse de lʼauteur du Yasna Haptaŋhāiti ou des rsi védiques9, nʼa pas lʼhabitude de faire dʼun préverbe lʼinitiale nouvelle du vers : ― yā10 vī ×ašiš V +rānōibiiā sauuōi [vī]dāiiāt .·. (La déesse) Aši qui puisse opérer la distribution entre les deux exécutants [= la répartition des deux registres oraux] lors du sauuah [= lorsquʼil est question de doter les dieux des ressources nécessaires à lʼaccomplissement de leur mission]11 [yā vi ārtiš rānaibyā savai dāyāt].

L’antécédent est répété à l’intérieur de la subordonnée relative : ašī… yā… ×ašiš. Ceci est un fait dʼexception pour lequel je nʼai pas dʼexplication. Sans doute est-ce la raison qui poussa GELDNER12 à garder la leçon ašīš13. Le duel +rānōibiiā fait alors allusion à deux types de prononciations, chacune étant effectuée par un spécialiste différent. Il sʼagit probablement des deux parties dʼun texte prononcé en alternance par deux exécutants. Comme il sʼagit de faire écouter aux dieux les paroles en les récitant ou en les chantant et quʼelles doivent leur arriver, cʼest la déesse Aši qui est à la barre : elle est le processus même de lʼenvoi. La dédicace des paroles revient à fournir aux dieux les ressources nécessaires à ce quʼils puissent exaucer les souhaits du sacrifiant. La répartition dont il est question, à mon avis, est celles des textes entre lʼofficiant 9 Les vers commençant avec ví suivi dʼune forme de yá- sont assez nombreux dans la Rgvedasaṁhitā comme nous pouvons le constater avec la concordance de BLOOMFIELD, 1906, p. 873-4. 10 Sur le vers, PIRART, 2020, p. 208-10. 11 Contre KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 40, car, dans le vers Y 34.12b, rāšnąm détermine lʼaccusatif interne sous-entendu : srūidiiāi mazdā frāuuaōcā V yā vīdāiiāt ašiš rāšnm {vīdāitīm} « De sorte (que nous te les fassions) entendre, dis(-nous), toi qui apportes la sagesse, la Dédicace qui assurera la répartition des textes à vous adresser ». 12 GELDNER, 1886-96, vol. I p. 145. 13 Les traductions, fort différentes de la mienne et fort différentes l’une de l’autre, que HUMBACH et FAISS ou LECOQ proposent de ce vers, bien évidemment, reflètent aussi la leçon ašīš : « who, in the favorable (case,) will distribute the rewards with the balance » ; « «[…] | Pour qu’il donne les rétributions à l’avantage des deux protagonistes» ». Sur rānōibiiō « with the balance », HUMBACH et FAISS, 2010, p. 182 et 71-2. La traduction « protagonistes/antagonistes » que LECOQ, 2016, p. 770, avance pour rānōibiiō/ rānōibiia lui a été suggérée par le zand : MNV BRA lʼst| ʼv| ptkʼltʼlʼn| svt| YHBVNyt ZK vštʼsp| .·. ; yo viśesatah satyam prativādibhyo lābhaṁ dadāti (Niriosaṅgha).

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chargé des récitations et celui auquel il revient de produire les chants. Ici non plus que dans lʼexemple précédent, la répartition nʼimplique de division nette de la matière entre les deux personnages, un même texte pouvant faire lʼobjet dʼune récitation et dʼun chant. Ib. Le verbe vī+√ man Absent de lʼAvesta récent, le verbe vī+√ man, attesté une fois dans le Yasna Haptaŋhāiti (Y 35.7) et une fois dans les Gāθā (Y 46.13), nʼavait pas été reconnu jusquʼici : ― ahurahiiā zī at +vī14 mazd V yasnəmcā vaəmcā V vahištəm +aməaidī15 V gəušcā vāstrəm .·. tat at və vərəziiāmahī fracā vātəiiāmahī +yā.tī16 isāmaidē .·. Comme nous discernons que sont excellents le sacrifice offert et le chant adressé au Roi de la sagesse ou le fourrage apporté à la vache [ahurahya zi at vi mazdaʼah yasnam ca vahmam ca vahištam mahmadi gauš ca vāstram], nous nous mettons à lʼœuvre devant vous (qui êtes de pieux adorateurs) et vous en donnons lʼexemple autant de fois quʼil est en notre pouvoir [tat at vah vrzyāmahi fra ca vātayāmahi yati īsāmadai] ; ― yə17 spitāməm V zaraθuštrəm rādaŋhā V marətaēšū xšnāuš V huuō nā18 fərasrūidiiāi ərəδβō19 V at hōi mazdā V ahūm dadāt ahurō20 V aāi gaēθā V vohū frādat21 manaŋhā V təm ×vī22 ašā V məaidī +huš.haxāïm23 .·.

GELDNER, 1886-96, vol. I p. 130, və. Lʼaugment nʼexiste ni en vieil avestique ni en avestique récent, contre NARTEN, 1986, p. 308 ; KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 79. 16 = védique yáti, contre G yā.tə. 17 KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 111-4, donne une interprétation radicalement différente de cette strophe. 18 GELDNER, 1886-96, vol. I p. 163, huuō.nā. 19 GELDNER, 1886-96, vol. I p. 163, avec la majorité des manuscrits, ərəδβō, contre KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 162, et KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 111-4, +ǝrǝθβō (J2.K5 seuls). Origine possible de lʼhéroonyme du Yt 13.119.1 ǝrǝδβahe ašaōnō frauuašīm yazamaide .·.. La station debout est requise pour la prononciation des paroles rituelles comme nous pouvons le voir aussi avec lʼhémistiche Y 34.6c2 uruuāidiiā stauuas aiienī paitī .·.. 20 Pour le syntagme ahūm √ dā, les parallèles sont Y 50.11c1 dātā aŋhəuš et RS 10.59.7a púnar no ásum prthivī dadātu « May Earth restore to us our vital spirit » (trad. GRIFFITH, 1973, p. 573). 21 Sur gaēθā… frādat, PIRART, 2020, p. 181 n. 202. 22 GELDNER, 1886-96, vol. I p. 163, və. 23 Avec la grande majorité des manuscrits, contre GELDNER, 1886-96, vol. I p. 163, hušhaxāim. 14 15

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Celui qui, parmi les mortels, accueille Spitāma Zaraθuštra avec succès [yah spi-tāmam zarat-uštram rādahā martaišu xšnāuš], celui-là est homme à se tenir droit pour la récitation [hah nā fra-srudyāi urdvah] tandis que le Roi qui apporte la sagesse lui confère lʼexistence (fondamentale) [at hai mazdāh ahum dadāt ahurah] et lui multiplie le bétail avec le Penser bon [ahmāi gaiθāh vahū frādat manahā]. Nous comprenons quʼil est, avec lʼAgencement, secondé dʼun bon associé [tam vi rtā mahmadi hu-haxāyam].

Lʼimportance de lʼexactitude des performances rituelles conduisit à la nécessité de leur enseignement. Les adeptes de Zaraθuštra sʼen rendaient compte. La comparaison du passage du Yasna Haptaŋhāiti avec la strophe gâthique me paraît imposer la correction du premier və en +vī. Lʼattestation du védique ví MAN nous permet de garantir le sens et la réalité du vieil-avestique vī+√ man24. Dans la strophe gâthique, nous trouvons un diptyque droit bâti sur la corrélation pronominale yə… huuō (13ab1 et 13b2). Le rôle de la particule at qui ouvre le troisième vers et force le pronom à l’atonie est mal déterminé, mais elle n’est pas répétée en tête des deux vers suivants si bien que le pronom y apparaît sous sa forme tonique. Autrement dit, la particule ouvre un ensemble de trois indépendantes qui commencent chacune par un pronom représentant le même individu : at hōi… aāi… təm (13c, 13d et 13e). La construction de lʼadjectif avec un infinitif datif, illustrée ici par le syntagme fərasrūidiiāi ərəδβō, est attestée aussi en védique25. Il ne faut probablement pas prendre ǝrǝδβa- + dat. au sens premier : lʼhomme en question a pris place et se tient prêt. Le poète et son entourage, selon la strophe gâthique, se rendaient compte de lʼopportunité de réserver bon accueil à Zaraθuštra et de lʼutilité de la correction des performances rituelles quʼil avait recommandées. Si, derrière təm, le pronom və nʼa pas de place dans la phrase, il faut alors y voir le préverbe de vī+√ man « comprendre que (acc.) est (acc.) ». Ic. Le verbe vī+√ sar La tmèse, pour lʼattestation du verbe vī+√ sar, dans la strophe Y 51.3, nʼa pas non plus donné lieu à une initiale nouvelle :

24 RS 10.92.3a bál asya nīthā ví panéś ca manmahe « Mais quoi ! Ses directives et (celles) du Pani, nous les distinguons-en-pensée » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 60). 25 RS 1.28.1ab yátra grāvā prthúbudhna V ūrdhvó bhávati sótave « là où la pierre au large fondement est dressée pour le pressurage ».

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― +ā.və.gəuš.ā26 həmiiantū (7) yōi +vī šiiaōθanāiš sārəntē (7) ahurō27 ašā + hizuuā.(7) uxδāiš28 vaŋhəuš manaŋhō (7) yaēšm tū pōuruiiō (7) mazdā fradaxštā29 ahī30 (7) .·. Que les invocateurs se réunissent, eux qui se trouvent sans union avec l’Agencement [ava-gaušā ham-yantu yai vi… saryantai… rtā] malgré les gestes que le Penser bon leur dicte de vive voix [śyāuθnāiš… hizvāugdāiš vahauš manahah], (gestes) dont toi, Roi qui apportes la sagesse, tu es le premier propulseur [ahura… yaišaʼam tū parviyah mazdā fra-daxštā ahi] !

La strophe comprend une principale impérative (a1), une subordonnée relative épithète du sujet (a2-b) et une subordonnée relative épithète de šiiaōθanāiš (c). Dans la subordonnée relative introduite par yōi, lʼinstrumental ašā a été rejeté au-delà du verbe qui le régit dans la mesure où la place attendue était déjà prise par un autre complément donné à lʼinstrumental. Quant à eux, les mots +hizuuā.uxδāiš vaŋhəuš manaŋhō clôturent licitement la subordonnée dès lors que nous les ordonnons avec šiiaōθanāiš qui précède dûment le verbe. Le pronom və31 n’ayant aucune place, il faut sans doute le corriger en ×vī et admettre de l’ordonner avec sārəntē. Ce verbe est conjugué au passif32. Une opposition est alors à relever entre hąm+√ i « se rassembler » et vī+√ sar « se séparer »33. Il faut peut-être détecter une allusion à Aši dans fradaxštar- : la déesse patronne lʼenvoi et la dédicace des gestes, mais, en dernière analyse, leur véritable moteur nʼest autre que le grand dieu en vertu de lʼénothéisme gâthique.

26 Je lʼai signalé (PIRART, 2020, p. 60 n. 192), ā.və.gəuš.ā est à analyser comme le nominatif pluriel du mot coïncidant avec le sanscrit avaghosa-, contre GELDNER, 1886-96, vol. I p. 180, ā.və gəušā. 27 Vocatif ahurō : voir lʼIntroduction §19. Au vu de lʼhéroonyme ašāhura- du Yt 13.113.1, nous ne pouvons exclure que ahurō ašā soit fautif pour *ašā ahurō* : PIRART, 2020, p. 238 n. 35. 28 PIRART, 2020, p. 237, contre G ašā.hizuuā uxδāiš. 29 La seule autre attestation vieil-avestique du mot figure dans la phrase Y 35.9.2 θβąm at aēšąm paitiiāstārǝmcā fradaxštārǝmcā dadǝmaidē .·. « Nous considérons que tu es pour nous le lanceur et le propulseur de ces (paroles) » (trad. KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 134). 30 Manque chez KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 73. 31 PIRART, 2020, p. 237 n. 34, contre GELDNER, 1886-96, vol. I p. 180. 32 ˉ˘ (≈ ŚRĪ ?) : RS 3.53.17ab < pii. *śiántai. Exemple védique du passif de ví ŚR sthiráu gāvau bhavatāṁ vīlúr ákso V mésā ví varhi mā yugáṁ ví śāri « Que les deux bœufs soient solides, durci lʼessieu, que le timon ne se rompe pas ni le joug ne tombe en pièces ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XVII p. 94). 33 PIRART, 2020, p. 277 n. 48.

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LE PRÉVERBE VĪ

II. Les formes verbales sans tmèse IIa. Le verbe vī+√ gam : En védique, ví GAM nʼest guère attesté. Dans la Rgvedasaṁhitā, nous ne pouvons trouver que vígāman-, un hapax legomenon avec lequel est célébrée la prouesse de Visnu34, mais, dans les deux seuls passages de lʼAtharvavedasaṁhitā où il est attesté, ví GAM a le sens de « se disperser, disparaître »35. Par contre, vī+√ gam est bien représenté dans lʼAvesta récent. En plus dʼun passage du Vīštāsp Yašt où il est question du parfum que le Feu répand au devant de lʼadorateur36, les Yašt répètent plusieurs fois que la grande déesse Ap répand son eau sur les sept Secteurs de la Terre37, mais deux passages concernent la parole ou la doctrine38 qui sʼy répandent de la même façon. La seule attestation vieil-avestique (Y 44.11bc) nʼest guère limpide : ― kaθā təṇg ā39 (4) vījəmiiāt ārǝmaitiš40 vašiietē43 daēnā (6)

(7)

yaēibiiō41 mazdā

(4)

θβōi42

34 RS 1.155.4cd yáh pārthivāni tribhír íd vígāmabhir V urú krámistorugāyāya jīváse « qui a franchi au loin les espaces-terrestres en trois enjambées, afin quʼil y ait liberté-demouvement (pour lʼhomme), afin que (lʼhomme) vive » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 37). 35 AS 5.21.10d vígate bāhuvīriyè « une fois partie la force de ses bras » ; AS 11.8.33 prathaména pramāréna V tredhā vísvaṅ ví gachati | adá ékena gáchatiy V adá ékena gachatiVīháikena ní sevate « Aussitôt mort, il se disperse en trois éléments : par lʼun, il sʼen va ; par un autre, il sʼen va ; par le dernier, il séjourne ici » (trad. HENRY, 1896, p. 126). 36 Vyt 5.5(38).1ab aāi ātarš āfrīnāt V aāi baōiδi vījasāt « Pour le rendre propice, le Feu le parfuma ». 37 Y 65.5.1 (= Yt 5.5.1, 13.8.1, Ny 4.6.1), Yt 8.40.2, 10.89.3, 13.44.1. 38 Yt 10.85, 13.94.3. 39 Postposition construite avec lʼaccusatif : voir la Marginale II §Ic. 40 Sur la relation que Daēnā entretient avec Ārmaiti, PIRART, 2012, p. 124. 41 təṇg… yaēibiiō. Datif de lieu : « ceux devant lesquels ». 42 « Ta fille ». 43 La combinaison de √ vanc avec daēnā comme sujet coïncide avec le syntagme védique présent dans le vers RS 7.21.3c tuvád vāvakre rathíyò ná dhénā. Pour la compréhension, contre CALAND et HENRY, 1906-7, vol. II p. 285, qui donnaient « elles tʼont fui au galop, comme des vaches [fuient] un conducteur de char », nous devons tenir compte des vers RS 1.142.4cd iyáṁ hí tvā matír mámaVāchā sujihva vacyáte « Car cette penséepoétique de moi fonce vers toi, ô (dieu) à la belle langue » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIV p. 41) et 3.39.1ab índram matír hrdá ā vacyámānāVāchā pátiṁ stómatastā jigāti « Vers Indra (en tant que son) époux la pensée-poétique, (partant) du cœur, va prenant son élan, façonnée en forme de corps-de-louange » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XVII p. 82) : voir PIRART, 2012, p. 145. En sanscrit classique, lʼemploi de VAÑC, péjoratif, fait allusion à des mouvements sinueux avec lesquels il est cherché à tromper, mais, dans les hymnes védiques, il sʼagit plutôt dʼune modalité ondulante du déplacement telle que le galop ou les vagues.

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MARGINALE I

Comment doit être la Déférence pour se répandre vers les (mortels) [kaθā tānh u vi-jamyāt aram-matiš] devant lesquels ta fille la Doctrine ondule44 [yaibyah mazdā θvai vaśyatai dainā] ?

Cependant, la présence de daēnā- dans la subordonnée peut nous inviter à détecter une lointaine réminiscence de cette strophe dans le Fravardīn Yašt : ― Yt 13.94-95 ušta nō zātō āθrauua45 V yō spitāmō zaraθuštrō .·. frā nō yazāite zaōθrābiiō V stərətō.barəsma zaraθuštrō .·. iδa apąm46 vījasāiti V vaŋvhi daēna māzdaiiasniš V vīspāiš auui karšuuąn yāiš hapta .·. iδa apąm miθrō yō vōuru.gaōiiaōitiš V fraδāt vīspā fratəmatātō daxiiunąm V yaōzaintīšca rāmaiieiti .·. iδa apąm napā sūrō V fraδāt vīspā fratəmatātō daxiiunąm V yaōzaintīšca niiāsāite .·. Bonheur est à nous si un prêtre (nous) est né, Spitāma Zaraθuštra qui nous fera des oblations en sacrifice en brandissant le barǝsman. Dorénavant la bonne Doctrine des mazdéens se répandra sur les sept secteurs de la Terre, dorénavant Miθra, le roi des vastes prairies, étendra notre domination sur toutes les nations et pacifiera les révoltées, dorénavant (Bǝrǝzant), lʼopulent petit-fils des rivières, étendra notre domination sur toutes les nations et réprimera les révoltées47.

Ārmaiti tenait déjà une place assez importante dans la dixième strophe de la Tat.θβā.pǝrǝsā Hāiti. Nous la retrouvons ici dans sa onzième. Sa désignation est le sujet d᾿un verbe de mouvement, vījəmiiāt, celui de la prodose qui, à l᾿intérieur de la question introduite par kaθā, s᾿articule avec une apotase où le sujet du verbe est daēnā, mais le poète n᾿a pas cru bon d᾿expliciter les pronoms de la corrélation qui structure la phrase, təng… yaēibiiō. IIb. Le verbe vī+√ ci Mal attesté en avestique récent48 tandis que son correspondant védique est fort bien connu49, le verbe vī+√ ci, courant en vieil avestique, 44

Se dandine, se déhanche, se trémousse ? Cité par le Yt 1.12.2c : PIRART, 2007, p. 86. 46 Le premier terme du syntagme iδa apąm correspondrait au védique idā tandis que le second serait un adverbe du même type que le brāhmanique pratamām (sur quoi MINARD, 1949-56, vol. II §289a). 47 Voir KELLENS, 1984, p. 263 ; KELLENS, 1994, p. 167 ; PIRART, 2010b, p. 211. 48 Voir BARTHOLOMAE, 1904, col. 441. 49 MAYRHOFER, 1992-2001, vol. I p. 532. Exemples : RS 6.53.4 ví pathó vājasātaye V cinuhí ví mŕdho jahí | sādhantām ugra no dhíyah « Discrimine les voies (propres) à gagner le prix-de-victoire, dis(perse et) frappe les ennemis ! / Que nos visions-poétiques aillent droit-au-but, ô (dieu) formidable ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 147) ; 45

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y explique aussi un adjectif (IIIa) et un substantif (IVb). Son causatif a survécu en pehlevi : vizārdan < *vīcāraiieiti50 « il fait distinguer, explique ». IIb.1 Les attestations vieil-avestiques de vī+√ ci ne présentent aucune difficulté. Tout comme la seconde (IIb.2), la première attestation, dans le dernier vers de la strophe Y 30.3, illustre la construction de vī+√ ci avec le duel : ― ×aiiāscā51 hudŋhō (7) ərəš vīšiiātā nō[it] duždŋhō (9) .·. Entre les deux Sentiments/ entre les deux gestes, ceux à qui les offrandes sont bonnes à faire [= les dieux Adorables] font correctement la différence, non ceux à qui les offrandes sont mauvaises à faire [= les démons Hasardeux] [ayāh ca hu-daʼahah rš vi-śyata na duš-daʼahah].

Le vers est constitué dʼun diptyque bâti sur la corrélation ºcā… nōit, les seuls mots nō[it] duždŋhō en formant lʼapodose elliptique : « tandis que bien les uns, les autres, en revanche, non ». Pour moi, contre HUMBACH et FAISS52, contre LECOQ53 et contre KELLENS54, l’adjectif hudāh-, au lieu de présenter les dieux en question comme étant des êtres généreux, indique qu’il est bon de leur faire des offrandes. Lʼensemble du troisième vers intervient dans la suite logique des deux vers précédents : dʼune part, les deux mańiiu sont le meilleur et le mauvais geste ; dʼautre part, entre les deux, seuls les dieux bons font correctement la différence. Lʼaction de vī+√ ci était déjà présente dans le vers Y 30.2b1 de la strophe précédente sous la forme du substantif vīciθa(IVb). Si la strophe, appartenant au même mouvement du texte que les précédentes, sʼavère être adressée aux išǝntō qui désirent venir, nous y détecterons alors un chantage : ceux dʼentre vous auxquels les offrandes sont bonnes à faire font correctement la distinction entre le bon rituel et le mauvais.

TS 2.3.1.3 śuklāś ca krsnāś ca ví cinuyāt « he should separate out the white and the black » (trad. KEITH, 1914, vol. I p. 164). 50 En avestique et en vieux perse, le causatif des racines en ºi bref est en ºāraiia-. Autre exemple : √ sri :: srāraiia- (voir KELLENS, 1984, p. 144 et 147 n. 42). 51 Sur le vers, PIRART, 2020, p. 34. 52 HUMBACH et FAISS, 2010, p. 81. 53 LECOQ, 2016, p. 727. 54 KELLENS, 2015, p. 28.

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IIb.2 Les duždāh sont identifiés dans la strophe Y 30.6 comme étant les Daēuua : ― aiiā55 nō[it] ərəš vīšiiātā (7) daēuuācinā hiiat īš ā.dəbaōmā (9) pərəsəmanəṇg upā.jasat (7) hiiat vərənātā acištəm manō (9) .·. at aēšəmə[m] həṇduuārəṇtā (7) yā bąnaiiən ahūm marətānō (9) .·. Entre les deux (Sentiments), aucun des Hasardeux [= les démons ou mauvais dieux] ne fait correctement la différence [ayāh na rš vi-śyata daivā ca-na] puisque l’égarement leur advient en pleine délibération [yat īnš ā-dbauma prsamnānh upa-jasat] : quand ils choisissent le pire Penser, lʼEnragé est leur perte [yat vrnata acištam manah at išmā hamdvaryanta], lui qui les pousse à plonger l’existence du mémorisateur dans la maladie [yā bānayant ahum hmrtānah].

Le sujet de vǝrǝnātā nʼétant pas explicite, nous avancerons quʼil est identique à celui de ǝrǝš vīšiiātā : « En optant pour les pires idées, les (autres Daēuua) embrassent celles d’Aēšǝma et, avec lui, infectent l’existence de celui qui a mémorisé les textes ». La prodose est ouverte avec aiiā, et lʼapotase, introduite par la conjonction de subordination hiiat. Le verbe ərəš vīšiiātā est une reprise de 3c2. La concaténation lexicale est à relever aussi avec 2b1 āuuarənā vīciθahiiā. La protase de temps et lʼapodose sont balisées au moyen de la corrélation hiiat … at56. La réalité de la corrélation entre le second hiiat et la particule at s’était imposée à nous57 en raison de l’emploi des modes puisqu’une consécutive aurait dû arborer le subjonctif, et tant l’un que l’autre, nous persistons dans cette analyse. KELLENS58 ainsi traduit-il comme suit : « D’entre ces deux mainiius, les dieux surtout ne font pas bien la différence, car l’illusion leur advient quand ils délibèrent. Comme ils choisissent la très mauvaise pensée, ils courent vers la Rage, dont les hommes rendent malade leur état-d’existence ». Comme souvent, l’articulation de la seconde phrase avec la première reste inapparente. La nécessité d’expliquer la voyelle longue radicale de la forme həṇduuārəṇtā conduit à examiner l’ensemble des attestations du verbe hąm+√ duuar dans l’Avesta. L’enquête révèle que la voyelle radicale, ailleurs, est toujours brève, que ce sont normalement les Daēuua qui perpètrent l’action que ce verbe connote et que l’accusatif aēšəməm rencontré ici est donc tout à fait Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 43-5. KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 107, mais pour LECOQ, 2016, hiiat introduit une consécutive par rapport au premier hémistiche de ce deuxième vers. 57 KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 111 et vol. II p. 107-8. 58 KELLENS, 2015, p. 29. 55 56

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inattendu. Dès lors, je propose d’analyser həṇduuārəṇtā comme un passif en reconnaissant dans ºāº une ligature pour ºaiº, dans ºəº une graphie de pir. *ºiaº et dans aēšəməm, le fruit d’une erreur diascévastique pour l’instrumental : pir. *išmā ham+duarianta*. Il faut donc comprendre que ceux qui opèrent un mauvais choix sont ceux qui « sont corrompus par Aēšǝma ». Le message véhiculé par le dernier vers de la strophe ainsi fait-il d’Aēšǝma un archidémon. Remarquons aussi lʼopposition que le poète a organisée entre ərəš vīšiiātā « fait correctement la différence » et həṇduuārəṇtā « se perdent ». IIb.3 Dans les vers Y 31.5ab, sa troisième attestation vieil-avestique, le verbe vī+√ ci se trouve mis en tandem avec məng+√ dā : ― tat59 mōi vīcidiiāi vaōcā (7) hiiat mōi ašā60 dātā vahiiō manaŋhā (7) †məṇcā daidiiāi yehiiā mā ərəšiš (9)

(8)

vīduiiē vohū

Fais-moi distinguer, en me disant comment y arriver [tat mai vi-cidyāi vauca], le mieux qu’en échange de l’Agencement/ que, lors de la Dédicace, vous me faites connaître avec le Penser bon [yat mai rtā/ārtā dāta vahyah vidvai vahū manahā], et (fais-moi) comprendre de qui le poète fut (le fils/ le disciple) [manh ca dadyāi yahya hma ršiš] !

IIb.4-5 Ses quatrième (Y 46.15) et cinquième (Y 46.17) attestations illustrent la construction de vī+√ ci avec deux accusatifs coordonnés : ― haēcat.aspā (4) vaxšiiā61 və spitamāŋhō (7) hiiat62 dāθəṇg63 (4) vīcaiiaθā [a]dāθąscā (7) tāiš yūš šiiaōθanāiš (4) ašəm xšmaibiiā64 dduiiē (7) yāiš dātāiš65 (3) +paōiriiāiš66 ahurahiiā (7) 67 .·. Je vous dirai, vous qui descendez de Haēcat.aspa et de Spitāma [haicataspā vaxšyā vah spi-tāmāhah], que, si vous distinguez les adéquats des inadéquats [yat a-dāθānh vi-cayaθa dāθānh ca], vous vous approprierez Sur les vers, PIRART, 2020, p. 92-4. Voir la Marginale III §V.3. 61 Lʼobjet de ce verbe, non signalé, sans doute est-il à reconnaître dans la suite de cette strophe, mais il convient de remarquer que cette suite est endommagée et lacunaire. 62 hiiat complétif dans la rection de √ mrū/ vac nʼexiste pas, contre KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 116. 63 KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 204. 64 Je nʼai pu résoudre la bizarrerie et lʼincompatibilité de ce pronom de la 2e personne complément dʼun verbe conjugué à la même personne. 65 Il manque une syllabe. 66 KELLENS, 1986, contre G paouruiiāiš. Mis pour ×pauruiiāiš. 67 Il manque un vers. 59 60

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lʼAgencement avec les (pensers, les mots et les) gestes [tāiš yuš śyāuθnāiš rtam xšmabya daʼadvai] fondamentaux que le Roi a établis [yāiš dātāiš parviyāiš ahurahya] ; ― yaθrā68 69 və (4) ×afšmainī70 səṇghānī (7) nōit anafšmąm71 (4) dəjāmāspā huuō.gauuā (7) †hadā vəstā† (4) vaəṇg +səraōšā.rādaŋhō72 (7) yə vīcinaōt V dāθəmcā adāθəmcā (7) daṇgrā maṇtū (4) ašā mazdā ahurō (7) .·. Là où je vous préconiserai la versification au lieu de la prose [yaθra u vah afšmani sanhaʼāni na an-afšmānh], Dəjāmāspa Huuō.guua hadā vəstā, pour les chants dont le Phrasé assure le succès [djāma-aspa hāu-gava hadā vəstā vahmānh srauša-rādahah] (auprès d)u Roi qui apporte la sagesse, lui qui distingue lʼadéquat de lʼinadéquat de façon judicieuse lors de la Dédicace [yah vi-cinaut dāθam ca a-dāθam ca dahrā mantū ārtā mazdāh ahurah].

IIb.6 La sixième attestation de vī+√ ci, dans la strophe Y 49.6, est renforcée par lʼinvariable ǝrǝš comme celles de lʼAt.tāuuaxšiiā Hāiti (Y 30.3 et 6) : ― frō73 vā [fra]ēšiiā (4) mazdā ašəmcā mrūitē (7) yā ×vī.xratəuš (4) xšmākahiiā ā.manaŋhā (7) ərəš vīcidiiāi (4) yaθā ī srāuuaiiaēmā (7) tąm daēnąm (3) yā xšmāuuatō ahurā (7) .·. Je vous charge, vous et le (bon) Agencement, Roi qui apportes la sagesse, de dire la Doctrine de votre adorateur afin que (nous) distinguions la façon rectiligne et pleine dʼengouement dont il nous convient de réciter les (hymnes) de votre (disciple) avisé [= Zaraθuštra ?].

La solution qu᾿il convient d᾿apporter à lʼincompatibilité de xšmākahiiā avec və réside forcément dans la correction de ce dernier en ×vī, mais il se pose dès lors la question de savoir avec quoi ce préverbe pourra bien être ordonné, mais l᾿existence d᾿un prādibahuvrīhi ×vī.xratu-74 est 68 Lʼinterprétation de cette strophe est très différente chez KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 116-7. 69 < *u : voir la Marginale II §IVa.1. 70 GELDNER, 1886-96, vol. I p. 164, afšmānī. Instrumental dans la rection de √ sang « préconiser (instr.) à (dat.) pour (acc.) ». 71 Accusatif masc. plur. dʼanafšma- accordé avec vaəṇg, car le substantif neutre afšman-, dans le bahuvrīhi anafšma-, perd la nasale et se thématise comme, en védique, asthán- dans anasthá-. 72 En admettanr un vibhaktibahuvrīhi +səraōšā.rādaŋhō accordé avec vaəṇg, contre GELDNER, 1886-96, vol. I p. 164, sǝraošā rādaŋhō. 73 Sur la strophe, voir Chapitre III. 74 Les vers védiques RS 6.9.5cd víśve devāh sámanasah sáketā V ékaṁ krátum abhí ví yanti sādhú « Tous les dieux unanimes, de même intention, se rassemblent en droiteligne vers (ce dieu), pouvoir-spirituel unique » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIII p. 43) et RS 10.144.6cd krátvā váyo ví tāriy āyu[h] sukrato V krátvāyám asmád ā sutáh « Wisdom, Most Sapient One, brings force that lenthens life. May wisdom bring the juice to us » (trad. GRIFFITH, 1973, p. 640) peuvent aider à expliciter ce prādibahuvrīhi.

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à déduire du fait que le xratu relève de manah (le xratu du manah) et qu᾿il serait saugrenu d᾿envisager l᾿inverse (le manah du xratu). Dans ce prādibahuvrīhi, l᾿accord avec l᾿adj. possessif xšmākahiiā nous impose de donner son sens positif au préverbe. IIc. Le verbe vī+√ dā Nous avons déjà traité ci-dessus (Ia) de lʼemploi de vī+√ dā avec ašicomme sujet et la désignation de textes comme objet. En voici un nouvel exemple, dans la strophe Y 34.12 : ― kat tōi rāzarə75 kat vašī (7) kat vā stūtō kat vā yasnahiiā (9) srūidiiāi mazdā frāuuaōcā (7) yā vīdāiiāt +ašiš76 rāšnm (9) sīšā nā ašā paθō (7) vaŋhəuš xuvaētəṇg77 manaŋhō (8) .·. Avec quel texte (allons-nous nous) adresser à toi ? Que souhaites-tu [kat tai rāzar kat vaši] ? Est-ce lʼéloge ou le sacrifice [kat vā stutah kat vā yasnahya] ? (De sorte) que (nous te les fassions) entendre, dis(-nous), toi qui apportes la sagesse [srudyāi mazdā fra-vauca], quelle Dédicace assurera la répartition des textes à (vous) adresser [yā vi-dāyāt ārtiš rāšnaʼam] ! Enseigne-nous, lors de la Dédicace, les chemins que le Penser bon parcourt aisément [siša nāh ārtā paθah vahauš hu-itānh manahah] !

KELLENS et moi78, pour cette strophe, nous avions rendu rāzan- par « l’adresse », mais KELLENS opte à présent79 pour « la direction », ôtant ainsi à ce mot de désigner les textes, ce qui va à lʼencontre de lʼattestation de ce mot dans le Fravardīn Yašt80. Et il faut aussi tenir compte du syntagme bǝrǝziiaōgǝt vacō rāzaiiąn .·. « ils parleront haut pour (lui) adresser la parole » dʼun passage difficile du Vīdaēuu-dāt81, mais il est tout aussi malaisé de tirer parti de l᾿attestation du mot védique rāján-82. Chez KELLENS, le kat situé devant vašī est passé à la trappe : « Quelle direction (montres-tu) ? Veux-tu, ô Mazdā, entendre ce qui relève de 75

Les mots kat tōi rāzarə sont cités dans P 33(34). KELLENS et moi (1988-91, vol. I p. 128 ; vol. III p. 120), nous sous-entendions le nominatif sing. {ašiš} avec yā tout en conservant ašīš, mais dʼautres possibilités existent telles que {vīdāitīm} si bien que, contre G ašīš, le nominatif singulier +ašiš nʼest pas exclu. 77 = védique suvitá- (RS 5.80.3c) et av. réc. xvīta- (Yt 10.68.1cd). 78 KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 128. 79 KELLENS, 2015, p. 38. 80 Yt 13.157.3 staōmāca rāzarǝca barǝntu (8) daθušō ahurāi mazdāi (8) amǝšanąmca spǝntanąm (8) « May they carry (with them) hymns of praise and prescribed (ritual) acts to the Creator, Ahura Mazdā, and to the Amrta Spantas ! » (trad. MALANDRA, 2018, p. 117). 81 V 8.100.1e : KELLENS, 1974, p. 173-5. 82 RS 10.49.4c ahám bhuvaṁ yájamānasya rājáni : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 120. 76

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lʼéloge ou ce qui relève du sacrifice ? »83 Dans cette traduction, lʼinfinitif srūidiiāi, un datif de but, fait illicitement figure dʼobjet dans la rection de √ vas. Il me paraît bien plus naturel de ranger srūidiiāi avec frauuaōcā. À la suite de ce verbe conjugué à lʼimpératif, il sera tout aussi naturel de comprendre yā comme un interrogatif indirect accordé avec +ašiš comme nous lʼavions confusément envisagé : « Proclame (lʼoctroi) qui répartit lʼenvoi des adresses ! » En réalité, je ne puis partager lʼinterprétation que KELLENS, dernièrement, a donnée de lʼinterrogation indirecte : « Dis quelles sont les directions qui partagent les mouvements ! » Le substantif aši- qui, pour moi, figure ici au nominatif singulier plutôt quʼà lʼaccusatif pluriel, ne signifie pas simplement « mouvement », et rāšnąm, le génitif pluriel de rāzan-, comme je lʼai dit plus haut, est à comprendre comme la désignation générale des paroles adressées aux dieux lors des cérémonies. Le statut de génitif fait de rāšnąm le complément déterminatif de lʼaccusatif interne sous-entendu {vīdāitīm} de vīdāiiāt. La proposition ainsi est-elle à rapprocher de celles où figure rāna-84 et où il est question de répartir les textes entre deux types dʼélocutions, la récitation et le chant. Les textes auxquels il est recouru dans les cérémonies, les rāzan, peuvent être récités ou chantés. Il existe donc deux façons de les faire entendre ainsi que deux spécialistes, deux rąna. Encore faut-il savoir faire le tri (vīdāiti-) et savoir quels seront les textes à chanter et ceux à réciter. Ceux qui servent à lʼéloge (stūtō) sont sans doute à chanter et ceux qui accompagnent le sacrifice proprement dit (yasnahiiā), plutôt à réciter. Dans le dernier vers de la strophe, KELLENS et moi85, nous comprenions ašā comme lʼinstrumental singulier dʼaša- : « Enseigne-nous grâce à lʼHarmonie les chemins aisés de la divine Pensée ! » KELLENS conserve cette idée : « Enseigne-nous par lʼAgencement les chemins faciles de la bonne Pensée […] ! »86, mais, à présent, je préfère y reconnaître le locatif dʼ aši-.

83 Cʼétait déjà le cas dans notre traduction de 1988 où le premier kat vā paraissait reprendre le kat situé devant vašī : « Quelle adresse est pour toi ? Laquelle désires-tu écouter, ô Mazdā, celle de lʼéloge ou celle de la consécration ? » 84 PIRART, 2020, p. 327. Le plus proche de ces passages est clairement Y 43.12e yā vī × ašiš +rānōibiiā sauuōi [vī]dāiiāt .·. « La Dédicace qui puisse opérer la distribution entre les deux exécutants [= la répartition des deux registres oraux] lors du sauuah [= lorsquʼil est question de doter les dieux des ressources nécessaires à lʼaccomplissement de leur mission] ». 85 KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 128. 86 KELLENS, 2015, p. 38.

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IId. Le verbe vī+√ diš Comme le védique *ví DHIS nʼest pas attesté et que les données avestiques récentes ne sont guère généreuses, ni le sens ni lʼopportunité de lʼemploi du vieil-avestique vī+√ diš, dans la strophe Y 51.1, ne pourront être déterminés de façon sûre : ― vohū xšaθrəm87 vairīm (7) bāgəm aibī.bairištəm (7) +vīdīšəmnāi88 īžācīt (7) ašā antarə.caraitī89 (7) šiiaōθanāiš mazdā vahištəm (7) tat +nə.nūcīt90 varəšānē (7) .·. Lors de (leur) Dédicace, la (déesse) Oblation interdit-elle à l’autorisé de recourir aux gestes [vi-dišyamnāi ižā cit ārtā antar-carati śyāuθnāiš] dans l’exercice du bon Envoûtement recommandé (sur vous) [vahu xšaθram variyam], toi qui apportes la sagesse, de façon que la meilleure part (nous soit) apportée [bāgam abi-barištam… mazdā vahištam], il est exclu que jʼy recoure91 [tat na nu cit varšānai].

Pour cette strophe, notre traduction de 1988 était fort lacunaire, une peau de chagrin92. Nous y trouvons un diptyque tonal droit (abc1 et c2) avec verbes conjugués au subjonctif aoriste. La strophe traite dʼun écueil technique que nous ne pouvons identifier. L’épithète aibī.bairištəm, par hypallage, est accordée avec xšaθrəm. Le verbe vī+√ diš est probablement employé au passif « être autorisé » (< pii. *ui+dhH1š-iá-mH1nāi), mais les attestations de vī+√ diš ne sont guère nombreuses : ― P 35.3 frārāitīšca vīdišāsca antarǝ xvādaēnā93 ašaōnīš .·. frāz-rādīh ud bē-dahišnīh gōvem andarg ī xvēš-dēnān ašauuān .·. Charities and distributions among the righteous coreligionists. [I declare] charity and bestowal among the righteous coreligionists94 ;

87 Y 51.1a est cité dans le Dk 3.165. Le syntagme vohū xšaθrǝm se retrouve en tête de lʼhémistiche 21b2. 88 B, contre G vīdīšǝmnāiš. 89 Donné erronément pour un indicatif présent chez KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 73. Cʼest un subj. aor. : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 229. Contre KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 252, il nʼest pas inédit de trouver un subj. aor. en principale au vu des exemples réunis chez KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 84. 90 G nə nūcīt. 91 SKJÆRVØ, 2008, p. 534, traduit comme suit : « The good command (is what is) the best bringer of the worthy share / to him who wishes to *share it. The milk libation itself is (now) walking between (heaven and earth) through (the luminous spaces of) Order / by (our/your) actions, O Mazdā. That best (command) of ours I am just now about to produce (for you?) ». 92 KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 181. 93 JAMASPASA et HUMBACH, 1971, vol. I p. 56, ×xvādaēnāiš. 94 Trad. JAMASPASA et HUMBACH, 1971, vol. I p. 57.

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― Vr 21.3.4-5 frārāiti vīdīše yazamaide V yat asti antarǝ xvādaēnāiš95 ašaōnīš V nǝmō vohu aδauuīm atbaēšǝm96 yazamaide .·. Nous sacrifions à la prodigalité et au partage entre ceux qui soutiennent lʼAgencement et ont la bonne âme-voyance ; nous sacrifions au bon hommage, qui ne leurre pas et ne nuit pas97 ; ― Y 55.3 tā nō ama tā vǝrǝθraγna V tā dasuuarǝ tā baēšaza V tā fradaθa tā varǝdaθa V tā hauuaŋvha tā aiβiiāuuaŋha V tā huδāŋha tā ašauuasta V tā frārāiti tā vīdīše V uzjamiiąn V yā staōta yesniia V yaθa hīš fradaθat mazdā V yə sǝuuištō vǝrǝθrajā frādat.gaēθō V pāθrāi ašahe gaēθanąm V harǝθrāi ašahe gaēθanąm V suiiamnanąmca saōšiiantąmca V vīspaiiāsca ašaōnō stōiš .·. Puissent les Éloges Sacrificiels finir en nous donnant la force-offensive, le bris de lʼobstacle, la belle santé, le remède, la multiplication, lʼaccroissement, le bon état, le…, la générosité, lʼétat de ceux qui soutiennent lʼAgencement, la prodigalité et le partage, (car) Ahura Mazdā, pour donner au mieux lʼopulence, briser lʼobstacle et multiplier les êtresvivants, les a institués de telle sorte quʼils servent à protéger les êtresvivants que lʼAgencement (multiplie), à veiller sur les êtres-vivants que lʼAgencement (multiplie), ceux qui sont promis à lʼopulence, ceux qui en bénéficient et tout le monde-existant de celui qui soutient lʼAgencement98 ; ― Y 58.4.3 hə ptā gəušcā ašaŋhācā V ašaōnascā ašā vairiiāscā stōiš haiθiiō vaŋhudā V yeŋhē və masānascā vaŋhānascā sraiianascā V carəkərəmahī V həcā nā fšūmā nišaŋharatū V hə aiβiiāxšaiiatū hadā ašācā vāstrācā V frārāticā vīdīšaiiācā ainiticā V āθrācā ahurahē mazdā .·. Il est le père de la vache, de lʼAgencement, de (lʼhomme) qui soutient lʼAgencement, il est éternel et rend (toute chose) bonne. Nous commémorons celui à qui vous(, les Immortels bienfaisants,) vous devez votre grandeur, votre excellence et votre beauté. Que celui qui possède le bétail préserve et surveille (nos troupeaux et nos corps) pour prix de lʼAgencement, du soin de pâture, de la prodigalité, de la dissociation, de la non-violence et (de lʼaction) du feu (fils) dʼAhura Mazdā99.

Jʼémets la conjecture du sens « être autorisé » sur base de celui du latin fastus (< pie. *dhH1s-tó-). Quant au sens dʼantarǝ+√ kar, je pense que nous pouvons le déduire de la comparaison avec le védique antár DHĀ. Un beau contraste est alors à relever entre vīdīšǝmnāi et antarǝ.95

La fonction dʼinstr. plur. masc. est contestable, contre KELLENS, 2006-20, vol. IV

p. 49. 96

Vr 21.3.2 ≈ Yt 11.2f yat nǝmō vohu aδauuīm atbaēšǝm. Trad. KELLENS, 2006-20, vol. IV p. 49. 98 Trad. KELLENS, 2006-20, vol. IV p. 58-9. 99 Trad. KELLENS, 2006-20, vol. IV p. 116. Voir aussi PIRART, 2012, p. 112 ; frāz-rādīh ud abē-(hu)dahišnīh ud a-kēnīh « générosité, autorisation et absence de vengeance ». 97

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caraitī. Les verbes antarə.caraitī et varəšānē, tous deux conjugués au subjonctif aoriste, nous invitent à penser que la strophe est faite d’un diptyque tonal dont la protase remplit les cinq premiers heptasyllabes et l’apodose se limite au dernier. La forme ašā pourrait être interprétée comme le locatif régime de antarə. Il nʼest guère aisé de justifier ni lʼabsence d’ancrage pour le vocatif mazdā ni la place syntaxique de vahištəm. L’incompatibilité que nous détectons entre vohū et vahištəm suggère d’accorder ce dernier avec bāgəm. L’absence d’ancrage du vocatif mazdā semble être due au fait que la case dative, qui aurait été la sienne, est occupée par vīdīšəmnāi. L’hémistiche tat +nə.nūcīt varəšānē .·., introduit par tat, constitue de toute évidence l’apodose à l’intérieur du diptyque tonal. La présence d’un pronom de première personne du pluriel nə n’est guère compatible avec celle d’un verbe de la première personne du singulier varəšānē. J’avance dès lors l’hypothèse d’une négation forte (pir. *tat nanu cit varšānai*) même si la Rgvedasaṁhitā n’offre que deux exemples de ná… nū cit, peu clairs pour ce qui est dʼen déterminer le sens100. IIe. Le verbe vī+√ marc Le verbe *ví MRC a beau être absent de lʼindien, on conviendra aisément que lʼhapax legomenon vieil-avestique vī+√ marc (Y 31.1), pour le sens, nʼest guère distinct du verbe simple, le préverbe ne faisant que souligner la fracture par laquelle la destruction se traduit concrètement : ― tā101 və uruuātā marəṇtō (7) +aguštā.vacā sənghāmahī (9) aēibiiō yōi uruuātāiš drūjō (7) ašahiiā gaēθā vīmərəṇcaitē (9) atcīt aēibiiō vahištā (7) yōi zarazd aŋhən mazdāi (9) .·. Nous qui les mémorisons, nous vous affirmons que les attendus en question ont des mots inaudibles [tā vah vratā hmarantah a-gušta-vacāh sanhāmahi] pour ceux qui, (parmi vous), à suivre les attendus de lʼErreur, détruisent les troupeaux du (bon) Agencement [aibyah yai vratāiš drujah 100 RS 4.6.7 ná yásya sātur jánitor ávāri V ná mātárāpitárā nū cid istáu | ádhā mitró ná súdhitah pāvakó V agnír dīdāya mānusīsu viksú « (Ce dieu) de qui lʼêtre nʼa (jamais) cessé dʼengendrer ― ses père et mère ne sont point (occupés) à le rechercher ―, / alors, tel Mitra, Agni purificateur, (une fois) bien mis en place, a brillé dans les tribus humaines » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIII p. 11) ; RS 8.27.9 ví no devāso adruhóV’áchidraṁ śárma yachata | ná yád dūrād vasavo nū cid ántito V várūtham ādadhársati « Dieux inaccessibles au dol, étendez sur nous un refuge exempt de fissure, / une protection que ni de loin, ô Vasuʼs, ni même de près (on) ne puisse attaquer ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 47). 101 Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 80-3.

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rtahya gaiθāh vi-mrncatai], mais il se pose la question de savoir si (de tels attendus) sont excellents pour ceux qui, (parmi vous,) font confiance au (Roi) qui apporte la sagesse [at cit aibyah vahištā yai srats-daʼah ahant mazdaʼai].

IIf. Le verbe vī+√ yat Selon Ferdinand JUSTI102, le verbe vī+√ yat peut expliquer le nom du père de Yaētuš.gu Viiātana, un héros nommé dans le Fravardīn Yašt103, mais, de toute façon, le correspondant védique de ce verbe est bien attesté104. Lʼattestation vieil-avestique, dans les vers Y 28.9ab, nʼen avait pas été correctement identifiée : ― anāiš105 vā nō[it] ahurā [mazdā] (7) ašǝmcā yānāiš zaranaēmā manascā hiiat vahištǝm (7) yōi ×vī.yōiθǝmā106 dasǝmē stūtm (9) .·.

(9)

Roi [qui (nous) apportes la sagesse], Agencement (bon), Penser excellent [anāiš vāh… ahura rtam ca… manah ca yat vahištam], puissions-nous éviter de vous irriter de nos demandes [na… yānāiš zrnāyaima], car nous avons toujours occupé la place qui nous revenait au cours de la séquence des éloges [yai vi-yaiθma dāsmai stutaʼam] !

IIg. Le verbe vī+√ yuj Absent de la Rgvedasaṁhitā, le rare ví YUJ est attesté ailleurs dans les Saṁhitā védiques107. En iranien, vī+√ yuj, un hapax legomenon vieilavestique, dans la strophe Y 50.7, nʼavait pas été reconnu : JUSTI, 1895, p. 368. Yt 13.123.6 yaētuš.gəuš viiātanahe ašaōnō frauuašīm yazamaide .·.. 104 AS 5.29.6 āmé súpakve śabále vípakve V yó mā piśācó áśane dadámbha | tád ātmánā prajáyā piśācā V ví yātayantām agadò3yám astu « Se un piśāca mi dannegia nel cibo quando è crudo, quando è ben cotto, quando viene mescolato, o quando non è ancora cotto, questʼazione possano i piśāca scontarla su se stessi e sulla loro discendenza. Che questʼuomo sia sano! » (trad. ORLANDI et SANI, 1992, p. 113) ; TS 5.1.1.3 trivŕtam evá yajñamukhé ví yātayati « verily he extends the threefold (Stoma) at the beginning of the sacrifice » (trad. KEITH, 1914, vol. II p. 391). 105 Sur la strophe, PIRART, 2017, p. 155-6. 106 GELDNER, 1886-96, vol. I p. 101, və yōiθǝmā. Lʼindicatif parfait souligne le fait que lʼaction est caractéristique ou coutumière de son auteur. Les mots yōi ×vī.yōiθǝmā sont cités dans le Haōm Staōt avec une graphie récente : Y 11.9k yōi ×vī.yaēθma ºoº. 107 Exemples : AS 7.4.1 ékayā ca daśábhiś cā suhūte V dvābhyām istáye viṁśatyā ca | tisŕbhiś ca váhase triṁśátā ca V viyúgbhir vāya ihá tā ví muñca «Both with one and with ten, O easily-invoked one (masc.); with two and with twenty, for [our] wish; both with three and with thirty separately yoked ones drivest thou, O Vāyu ― those do thou here release » (trad. WHITNEY, 1905, vol. I p. 391) ; AS 8.9.3 yāni trīni brhánti V yésāṁ caturtháṁ viyunákti vācam | brahmáinad vidyāt tápasā vipáścid V yásminn ékaṁ yujyáte 102 103

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― at108 +vī.yaōjā109 (4) zəuuīštiiəṇg auruuatō (7) jaiiāiš pərəθūš (4) vaahiiā yūšmākahiiā (7) mazdā ašā (4) ugrəṇg vohū manaŋhā (7) yāiš azāθā (4) maāi xiiātā auuaŋhē (7) .·. Je vais atteler de très rapides coursiers qui traversent (les espaces) avec les victoires de la séquence chantée pour vous, toi qui apportes la sagesse, (chevaux) que le Penser bon dote dʼautorité lors de la Dédicace, eux avec qui vous devanciez (les mauvais dieux). Puissiez-vous vous trouver à mon aide !

IIh. Le verbe vī+√ vap Le sens de vī+√ vap, un hapax legomenon pour lʼensemble de lʼindoiranien (Y 32.10), ne peut être vérifié : ― +huuō.mā.nā110 srauuā mōrəṇdat (7) yə acištəm vaēnaŋhē aōgədā (9) gąm ašibiiā huuarəcā (7) yascā dāθəṇg drəguuatō dadāt (9) yascā vāstrā vīuuāpat (7) yascā vadarə vōiždat ašāunē (9) .·.

+

(Ceux-là) malmènent semblablement les textes [ha-mānā sravāh mrndat] : celui qui dit un mauvais mot pour voir de ses yeux la Vache et le Soleil [yah acištam vainahai augda gām ašibyā huvar ca], celui qui tient les égarés pour convenables [yah ca dāθānh drugvatah dadāt], celui qui dévaste les pâturages [yah ca vāstrā vi-vapat] ou celui qui lève son arme contre le pieux (adorateur) [yah ca vadar vaiždat rtaunai].

IIi. Le verbe vī+√ vid En indien, le verbe ví VID nʼest guère attesté que dans la Rgvedasaṁhitā111. Dans une strophe vieil-avestique (Y 43.9), lʼaccusatif vīuuīduiiē

yásminn ékam « What three great ones (brhat, n.) there are, the fourth of which [one] disjoins [as] speech ― the priest (brahmán) may know it by penance, the inspired one, in which one (ékam) is joined, in which one [is joined] » (trad. WHITNEY, 1905, vol. II p. 507). 108 Sur la strophe, voir Chapitre IV. 109 En raison de lʼincompatibilité de və avec yūšmākahiiā, contre GELDNER, 1886-96, vol. I p. 177, və yaojā. 110 Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 371-2. 111 RS 1.185.1ab katarā pūrvā katarāparāyóh V kathā jāté kavayah kó ví veda « Laquelle des deux (entités cosmiques, Nuit et Aurore, a été celle) dʼavant, laquelle des deux (celle) dʼaprès ? Comment (sont-elles) nées ? Qui (le) sait dis(tinctement) ? » (trad. RENOU, 195569, vol. XV p. 117) ; RS 1.189.7ab tuváṁ tā agna ubháyān ví vidvān V vési prapitvé mánuso yajatra « O Agni, toi qui connais, les distinguant, ces deux (espèces dʼêtres, les bons et les méchants), tu attaques les hommes avant le (temps du) repas (rituel), ô (dieu) adorable » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XII p. 40) ; RS 10.12.5ab kíṁ svin no rājā jagrhe kád asyaVāti vratáṁ cakrmā kó ví veda « De quoi donc le roi (Varuna) nous a-t-il accusés ?

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MARGINALE I

de lʼinfinitif vīuuīduuan- de vī+√ vid « connaître la différence » est employé avec vašī « tu veux » : ― spəṇtəm112 at θβā (4) mazdā məŋhī ahurā (7) hiiat mā vohū (4) pairī.jasat manaŋhā (7) ahiiā113 +fərasīm (4) kaāi vīuuīduiiē vašī (7) at ā114 θβaāi (4) āθrē rātąm nəmaŋhō (7) ašahiiā mā115 (4) yauuat isāi maniiāi (7) .·. J’ai le Sentiment que tu es savant, Roi qui apportes la sagesse [spantam at θvā mazdā mansi ahura], lorsque (la déesse) m’entoure du Penser bon, tout au long de la question que voici [yat mā vahū pari-jasat manahā ahya frasīm] : « Pour qui veux-tu faire la différence ? » [kahmāi vi-vidvai vaši]. Et (jʼen suis convaincu pour connaître la réponse à cette question lorsque, chez moi, le lait) est offert en hommage à ton (fils) le Feu [at… θvahmāi āθrai rātām namahah] (et que je le fais) dans le seul but de me faire, autant que possible, une idée du (bon) Agencement [ā… rtahya hma yāvat īsāi manyaʼāi].

IIj. Le verbe vī+√ spard La première phrase de la quatrième strophe de la dernière Gāθā (Y 53.4abc1) contient la seule attestation iranienne de vī+√ spard, mais elle nʼavait pas été correctement identifiée jusquʼici. En effet, la séquence və spǝrǝdānī y est à corriger en ×vī.spǝrǝdānē116 dʼaprès lʼindien vi SPRDH moy. « rivaliser »117 : ― təm zī ×vī.spərədānē [×varānē] (7) yā fəδrōi vīdāt vāstraiiaēibiiō (7) atcā +xvaētauuē118 (5) ašāunī ašauuabiiō119

(5)

paiθiiaēcā

(7)

Quʼavons-nous commis contre son décret ? Qui le sait ex(plicitement) ? » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIV p. 9). 112 Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 194-200. Interprétation très différente chez KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 35-6. 113 Cataphorique annonçant la question kaāi vīuuīduiiē vašī. 114 Préverbe de maniiāi. 115 = védique sma. 116 < pii. *uí spardhaHānai*, avec KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 266 et 269, contre G və spǝrǝdānī, ou contre BARTHOLOMAE, 1904, col. 1623, qui fait de spǝrǝdā lʼinstrumental dʼun nom-racine fém. spǝrǝd- « Eifer ». Graphie ºǝrǝº de *ºarº derrière labiale comme dans pǝrǝna- = védique pūrná-. 117 Bien attesté en sanscrit épique, ce verbe régit de préférence lʼinstrumental renforcé de saha. Exemple : MBh 1.14.18b yayā vispardhase saha « celle avec qui tu rivalises », mais lʼaccusatif est attesté dans la recension bengalie du Rāmāyana publiée par Gaspare GORRESIO, 1843-50, vol. I p. 344 : Rā 2.9.49ab candraṁ vispardhamānena V mukhena ca śubhānane « toi qui as beau visage et, notamment, une bouche (dont le charme) rivalise avec (celui de) la lune ». 118 Avec KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 189 et III p. 269, contre G xvaētaouuē. Au lieu de l᾿habituel de « famille », le mot paraît être employé ici au sens de « proche parent ». Pour satisfaire la métrique, le poète a recouru au conglomérat particulaire atcā au lieu d᾿accrocher ºcā à +xvaētauuē. 119 Il est tout à fait licite que la plus grande partie de l᾿ensemble exprimé au datif suive le verbe vīdāt puisque son premier élément fǝδrōi précède.

LE PRÉVERBE VĪ

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Je rivaliserai avec le (prétendant) [tam zi vi-spardaʼānai] malgré la présence de qui la pieuse (Paōurucistā) honorera les pieux éleveurs [yā… vidaʼat… vāstrayaibyah… rtaunī rtavabyah], son père (Zaraθuštra), son mari (Dəjāmāspa) et (tout autre) proche parent [fθrai… paθyai ca… at ca hvaitavai] !

En plus de la désignation du grand dieu, la troisième personne grammaticale caractérise plusieurs personnages : le personnage masculin (təm) avec qui le poète (= « je ») est en conflit et malgré la présence de qui (yā) la pieuse adoratrice honorera ses proches ; la pieuse adoratrice (ašāunī-) en qui nous devons sans doute reconnaître Paōurucistā, la fille cadette de Zaraθuštra ; les proches de Paōurucistā, c᾿est-à-dire son père (fǝδrōi) Zaraθuštra, son mari (paiθiiaēº) Dəjāmāspa et tout autre proche parent (xvaētauuē), tous connus comme de pieux éleveurs (vāstriiaēibiiō… ašauuabiiō). De surcroît, il est tout à fait envisageable que Paōurucistā, dans une sorte de représentation théâtrale, prête sa figure à la bonne Doctrine ou à Ārmaiti. IIk. Le verbe vī+√ zā Dans sa seule attestation (Y 53.7), vī+√ zā montre une graphie exceptionnelle du préverbe sans doute due au tétrasyllabisme de la forme : ― atcā120 və mīždəm aŋhat (7) ahiiā magahiiā (5) yauuat āžuš zarazdištō (7) būnōi haxtaiiā (5) paracā121 mraōcąs aōrācā (7) yaθrā maniiuš drəguuatō (7) anąsat122 parā (5) iuuīzaiiaθā123 magəm124 təm (7) at və vaiiōi aŋhaitī (7) apəməm vacō (5) .·. En effet, la récompense sera pour vous (une part) du bénéfice de la présente (cérémonie sacrificielle) [at ca vah miždam ahat ahya magahya] : autant que le pénis très confiant, allant et venant au fond des cuisses [yāvat ājyuš srats-dištah bunai haxtiyāh parā mraucants aurā ca], vous faites se déhiscer lʼorifice là où le Sentiment de lʼégaré trouvera (inévitablement) sa perte [yaθrā manyuš drugvatah ānansat parā vi-zayaθa magam tam], mais (où), pour vous, à la fin, le mot sera « Hourra ! » [at vah vayai ahati apamam vacah].

La deuxième personne du pluriel, massivement présente dans les deux strophes précédentes, apparaît à nouveau ici à trois reprises (və… × vīzaiiaθā… və), mais, quant à elle, la troisième personne du singulier Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 402-4. Fautif pour ×fracā. 122 Subjonctif parfait formé sur le thème fort correspondant au védique ānaṁśa. 123 HOFFMANN, apud KELLENS, 1984, p. 356-7, ainsi que KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 190 ; vol. III p. 272, ×vīzaiiaθā. 124 Jeu de mot sur maga- : KELLENS, 1987, p. 248. 120 121

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MARGINALE I

fait difficulté pour concerner un personnage anonyme dans les hémistiches 7c1 et 7c2 yaθrā maniiuš drəguuatō V anąsat parā : le Mańiiu du drǝguuant est-il personnifié ? Le mot drǝguuant- désigne-t-il un être humain ou quelque Daēuua ? Comme la particule at souligne probablement un contraste entre les deux propositions rédigées au subjonctif (yaθrā maniiuš drəguuatō anąsat parā et at və vaiiōi aŋhaitī apəməm vacō), je conjecture que le poète, avec la deuxième personne du pluriel, interpelle les pieux adorateurs, que l᾿interjection vaiiōi est un synonyme d᾿uštā, que cʼest le locatif de vaiia- (≈ védique váyas-), et que le drǝguuant de la troisième personne du singulier est un impie paradigmatique. La répartition de la strophe en deux phrases n᾿est pas garantie. Sur base de celle observée dans les strophes 3 et 4, il faudrait peut-être rattacher 7c2 et 7c3 à 7d : « Là où le Sentiment de l᾿égaré court irrémédiablement à sa perte, vous faites se déhiscer l᾿orifice, mais, pour vous, le mot de la fin sera «Victoire !» ». Et la parataxe régit la relation que la seconde phrase entretient avec la première. HUMBACH et FAISS, pour ×vīzaiiaθā, ont proposé « give up »125 ; LECOQ, « renoncer à »126. KELLENS et moi127, nous avions adopté la proposition que HUMBACH avait avancée il y a bien longtemps, vī+√ zi « piquer (acc.) »128, mais, actuellement, j’y préfère l’analyse de ×vīzaiiaθā par vī+√ zā « écarter, ouvrir » (= scr. ví HĀ)129. III. Dans les adjectifs IIIa. vī+√ ci explique vīciravīcira-, lʼadjectif en -ra- tiré de vī+√ ci, est attesté en avestique récent, dans le Fravardīn Yašt130 où il qualifie les Frauuaši. Son superlatif est HUMBACH et FAISS, 2010, p. 161. LECOQ, 2016, p. 809. 127 KP. 128 HUMBACH, 1952, p. 23. 129 Exemples : RS 5.78.5ab ví jihīsva vanaspate V yónih sūsyantyā iva « Arbre, entrouvre-toi comme de la parturiante le vagin ! » (trad. PIRART, 1995-2000, vol. II p. 325) ; AS 1.11.3ab sūsā víy ūrnotu V ví yóniṁ hāpayāmasi « La partoriente dischiuda il suo grembo: noi le facciamo spalancare il grembo » (trad. ORLANDI et SANI, 1992, p. 247) ; AS 5.25.9ab ví jihīsva bārhatsāme V gárbhas te yónim ā śayām « Apri il tuo grembo, o Bārhatsāmā: lʼembrione si vada a colocare nel tuo grembo » (trad. ORLANDI et SANI, 1992, p. 251) ; ŚBM 14.9.4.20a áthāsyāʼūrū ví hāpayati « Alors il lui écarte les cuisses ». La racine √ zā = véd. HĀ est à rapprocher de celle du grec χάσκω et du latin hiō (voir BEEKES, 2010, p. 1616-7). 130 Yt 13.40.2c. 125 126

LE PRÉVERBE VĪ

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attesté dans le Rašn Yašt131. Les textes vieil-avestiques, quant à eux, en contiennent deux attestations (Y 29.4, 46.5) : ― mazdā132 saxvārə mairištō (7) yā zī vāuuərəzōi pairī.ciθīt (9) daēuuāišcā mašiiāišcā (7) yācā varəšaitē aipī.ciθīt (9) .·. huuō vīcirō ahurō (7) aθā nə aŋhat yaθā [huuō] vasat (9) .·. Lui qui mémorise le mieux les préceptes [sāhvār hmarištah] et fait la différence [hah vi-cirah] entre (nos idées, mots ou) gestes (et) ceux, aussi bien passés que futurs, des démons/mauvais dieux et de (leurs) suppôts mortels [yā zi vavrzai pari cit it daivāiš ca martiyāiš ca yā ca varšatai api cit it], que le Roi qui apporte la sagesse agisse à notre égard comme il lui plaira ! [mazdāh… ahurah aθā nah ahat yaθā vasat] ; ― yə133 vā xšaiiąs134 (4) adąs135 drītā aiiaṇtəm (7) uruuātōiš vā (?) huzəṇtuš miθrōibiiō vā (7) rašnā136 jīuuąs (4) yə ašauuā drəguuaṇtəm (7) vīcirō hąs V tat frō xvaētauuē mruiiāt (7) +uzūiθiiō137 īm138 (4) mazdā xrūniiāt ahurā (7) .·. Celui qui, pour en avoir les moyens avec sa capacité à générer la bonne (existence rituelle) [yah vā xšayants… hu-zantuš], avec la vie exemplaire quʼil mène [rašnā jīvants] et avec la distinction quʼil est à même dʼopérer entre lʼÉgaré et l’(Adorable) accompagné de l’Agencement [yah rtavā drugvantam vicirah hants], cherche à écarter l’agresseur de la maison, de la prospérité ou des échanges [ā danh drīta aiiantǝm uruuātōiš vā miθraibyah vā], doit proclamer ceci en faveur de la famille (de cette maison) [tat fra hvaitavai mrūyāt] : Roi qui apporte la sagesse, puisse (ton fils) le feu des offrandes rendre exsangue l’(agresseur) [āus-zuθyah im mazdā xrūnyāt ahura] !

131 Yt 12.7e rašnuuō viδcōišta .·.. BARTHOLOMAE, 1904, col. 1445, pour ce superlatif de vīcira-, donne le sens de « der am besten zu entscheiden weiss », mais le correspondant védique qu’il mentionne, vícayistha- (RS 4.20.9c purú dāśúse vícayistho áṁhah) n’est pas compris de la même façon chez les indianistes (voir HOFFMANN, 1957, p. 131 ; KOZIANKA, 1996, p. 1267), notamment RENOU, 1955-69, vol. V p. 84, qui, assez en accord avec le commentaire de Sāyana (vināśayatam), donne pour RS 6.67.8d yuváṁ dāśúse ví cayistam áṁhah la traduction suivante : « dispersez la détresse devant l’adorateur ! » 132 Sur la strophe, PIRART, 2018, p. 75-7. 133 yə… huzəntuš… jīuuąs… vīcirō hąs. KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 102-3, donne de cette strophe une interprétation assez différente. 134 Dit exceptionnellement dʼun être humain au lieu dʼAhura Mazdā. 135 Univerbation du préverbe avec lʼabl. sing. de dam- : voir la Marginale II §IIc. Le sandhi a été aménagé : pir. *ā | danh | drīta* > *ā danz drīta* > adąs.drītā. 136 Instr. sing. de raziman- masc. « rectitude ». 137 Nominatif dʼun nom du feu sacrificiel, contre GELDNER, 1886-96, vol. I p. 160, uzūiθiiōi. Le dernier vers de la strophe est à placer entre guillemets en tant que discours direct complément de mruiiāt. 138 Reprend aiiantǝm.

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MARGINALE I

IIIb. vī+√ dā explique vīdāitiiaDans la strophe Y 47.6, lʼattestation de lʼadjectif verbal dʼobligation en -tiia- tiré de vī+√ dā, un verbe que nous avons déjà eu lʼoccasion dʼexaminer (§Ia.2), nʼa pu être reconnue quʼen prêtant attention à la métrique : ― tā139 dā140 spǝntā (4) maniiū mazdā ahurā (7) āθrā vaŋhāu (4) vīdāitīm141 rānōibiiā (7) ārǝmatōiš (4) dǝbązaŋhā ašaxiiācā (7) hā zī pōurūš (4) išǝntō vāurāitē (7) ºoº Roi qui apportes la sagesse, avec le Sentiment que tu es savant, avec le soutien que la Déférence offre au (bon) Agencement, le Feu te permet de procéder à la répartition du (texte) entre les deux exécutants, toi qui es bon, car (la Déférence) arrive alors à bloquer les (mauvais dieux) qui, en grand nombre, cherchent à rejoindre (lʼexcellente existence).

Le préverbe, en cas de complément interne, nʼintervient quʼune fois : dā… vīdāitīm142. Lʼadjectif vīdāitiia- sous-entend un substantif désignant le texte à prononcer et fait donc allusion à la répartition des paroles à réciter ou à chanter entre les deux exécutants143. La correction des opérations dépend de lʼidée que lʼadorateur se fait du grand dieu. Au premier abord, nous pourrions penser à une cheville métrique devant expliciter la valeur de lʼinstrumental. Pour cette cheville, dǝbązahserait accompagné du génitif des mots qui, sans lui, auraient pu figurer à lʼinstrumental, mais la comparaison avec le vers Y 44.6c ― ašǝm šiiaōθanāiš dǝbązaitī ārǝmaitiš La Déférence épaule le (bon) Agencement avec les gestes

démontre que les deux génitifs coordonnés ne sont pas du même acabit, le premier étant subjectif et le second, objectif. Les personnages auxquels le syntagme pōurūš išǝntō fait référence sont marqués du signe négatif144. Je propose la conjecture suivante : la déesse de la Terre, représentée ici par la Déférence que les pieux adorateurs sʼy trouvant montrent envers Ahura Mazdā, aura la capacité dʼinterdire aux 139

Sur la strophe, voir Chapitre I. Au vu de son objet interne vīdāitīm, nous devons considérer que dā est préverbé. 141 vīdāitiia- désigne le texte devant faire lʼobjet dʼune répartition entre les deux exécutants, le déclamateur et le chanteur. 142 Voir PIRART, 2006b, p. 31-2. 143 Contre HUMBACH et FAISS, 2010, p. 141, pour qui ce serait la désignation des plateaux dʼune balance, ou contre LECOQ, 2016, p. 788, qui traduit le vers comme suit : « Avec le feu, en partage dans le bien, pour les deux antagonistes ». 144 PIRART, 2017, p. 165. 140

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LE PRÉVERBE VĪ

âmes des impies, au-delà de la mort, de sʼélever vers lui. Ils resteront ensevelis. Cette interprétation est tout aussi envisageable si nous admettons que ceux qui cherchent à rejoindre un lieu enviable sont bien plutôt les mauvais dieux qui assiègent lʼaire sacrificielle. IIIc. vī+√ vah explique-t-il vīuuaŋhuša- ? La combinaison du préverbe vī avec la racine verbale vah « resplandir », en principe, serait attestée par lʼadjectif patronymique vīuuaŋhuša(Y 32.8a2) ― vīuuaŋhušō srāuuī yimascīt, mais la morphologie du nom dont cet adjectif dérive nʼa pas été clairement explicitée. De surcroît, lʼavestique récent diverge du vieil-avestique : vīuuaŋvhana-. Pour lʼexplication de cette dernière forme de lʼadjectif patronymique, nous pouvons, parmi les formes védiques, prendre le védique vivásvan- comme point de départ, mais lʼidée du dérivé dʼun nom-racine est à rejeter puisque ce dernier, attesté, est vyús-. Cependant, la forme coïncidant avec lʼavestique récent vīuuaŋvhant-, la seule forme connue pour le nom du père de Yima, elle aussi, est attestée en védique : vivásvant-/vívasvant-. Védique vivásvanvívasvant-/ vivásvant-

Avestique

Védique

Avestique vīuuaŋvhana-

v

vīuuaŋ hant-

vaivasvatávīuuaŋhuša-

IIId. Le nom dʼHystaspe Lʼadjectif verbal en -ta- de vī+√ hā « détacher » (= védique ví SĀ) est attesté comme premier terme du bahuvrīhi andronymique vīštāspa(Y 28.7b2, 46.14c2, 51.16a1, 53.2c1). Le syntagme qui explique ce bahuvrīhi est attesté trois fois dans la Rgvedasaṁhitā : vísita- áśva« cheval désharnaché »145. 145 RS 1.25.3 ví mrlīkāya te máno rathīr áśvaṁ ná sáṁditam | gīrbhír varuna sīmahi « En vue (dʼobtenir ta) pitié, nous souhaitons-délier ta pensée comme un cocher (délie) le cheval attaché, (et cela) grâce à (nos) paroles, ô Varuna ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 67) ; RS 3.33.1b áśve iva vísite hāsamāne « allant à lʼenvi comme deux juments lâchées »

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MARGINALE I

IIIe. Dans un prādibahuvrīhi Le prādibahuvrīhi ×vī.xratu- (Y 49.6b1) a déjà été examiné ci-dessus (§IIb.6). IV. Dans les substantifs IVa. vī+√ an explique viiānīCʼest ANDREAS, apud REITZENSTEIN, 1917, p. 5 n. 4, qui fit de viiānaun dérivé de vī+√ an pour y voir une désignation de lʼâme, une idée reprise par LOMMEL, 1927, p. 74, et GERSHEVITCH, 1959, p. 213, pour le Mihr Yašt. En réalité, le mot viiāna- des Yašt est à expliquer par √ vī (= védique VĪ) dont cʼest le participe présent moyen-passif « étant poursuivi » ou le participe aoriste moyen « sʼétant mis au service de » : ― Yt 10.64.2 yahmi viiāne146 daēnaiiāi147 (8) srīraiiāi pərəθu.frākaiiāi (8) maza amauua niδātəm148 (8) (Miθra) qui toujours se tient au service de la Doctrine belle au large front et en qui fut placé le grand pouvoir dʼattaque et (de bris des obstacles) ;

(trad. RENOU, 1955-69, vol. XVII p. 75) ; RS 6.6.4b ksāṁ vápanti vísitāso áśvāh « chevaux […] qui, étant détachés, tondent la terre » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIII p. 40). 146 Pour le sens de « se tenir/se mettre au service de (gén.) », le présent de √ vī est inchoatif : V 2.3.2 vīsaŋvha mē V yima srīra vīuuaŋvhana V mǝrǝtō bǝrǝtaca1 daēnaiiāi2 .·. « Beau Yima fils de Vīuuaŋvhan, mets-toi au service de ma fille la Doctrine comme mémorisateur et porteur », Yt 13.99.3 (= 19.85.2) yō bāzušca upastaca3 V vīsata aŋhā daēnaiiā V yat ×āhurōiš4 zaraθuštrōiš .·. « Vīštāspa qui servit de bras et de soutien de cette Doctrine mazdéenne zoroastrienne ». Notes. 1. < pii. *smartā bhartā ca* avec graphie ºǝrǝº de *ºarº derrière labiale comme dans pǝrǝna- = védique pūrná-. ||| 2. Fautif pour le génitif. ||| 3. Contre KELLENS, 1974, p. 231, ×upastāsca. ||| 4. GELDNER, 1886-96, vol. II p. 189, ahurōiš. Sur la morphologie dʼāhūiri-, PIRART, 2012, p. 250-1. 147 Fautif pour le génitif dʼaprès Yt 13.99.3 : voir note précédente. 148 Pour nī+√ dā construit avec le locatif, voir Y 45.8e at hōi vaəṇg V dəmānē garō nidāmā .·. ; Yt 10.32.2d (= Yt 10.57.2d) nī hīš dasuua garō.nmāne .·. « Dépose les libations dans la maison du chant de bienvenue ». D’après Yt 14.38.2 amǝmca vǝrǝθraγnǝmca V niδātǝm tanuiie manō .·. « Comme combat et bris des obstacles (démoniaques), le penser a été déposé dans la personne », le sujet nt. sing. sous-entendu de niδātǝm est vǝrǝθraγnǝm. Les deux épithètes sont mal transmises, car il y eut alignement de la finale de la première *mazat sur celle de la seconde qui montre lʼamuissement du ºt devant la nasale dentale : pir. **mazat amauat nidātam > **mazad amaua(n) nidātam. Les formes maza amauua ont été ensuite réutilisées sans adaptation comme épithètes nom. masc. sing. de sraōša- dans le Vr 15.3.1 yō frauuaōce yō +frauuaxšiiete maza amauua vǝrǝθraja vīduuaēštuuō .·. « Lui qui fut proclamé et qui le sera, le grand et combatif (Sraōša) briseur des obstacles (démoniaques), lui qui (nous) met à lʼabri des nuisances ».

LE PRÉVERBE VĪ

167

― Yt 13.35.2defg yā auua149 zbaiiatō auuaŋhe (9) viiąsca viiānasca (7) .·. apatəe150 zbaiieiti viiąs (8) apa.gatəe viiānō (8) .·. les (Frauuaši) quʼappellent à lʼaide aussi bien le persécuteur que le poursuivi : tandis que le persécuteur les appelle pour le rattraper, le poursuivi les appelle pour échapper à la poursuite.

Lʼidée de voir dans viiāna- lʼétymon du pehlevi gyān (yʼn| ou HYA)151 « principe vital », défendue par BAILEY152 ou NYBERG153, est phonétiquement hasardeuse et intenable. En réalité, le pehlevi gyān continue le dérivé avestique en ºāna-154 de gaiia- (= véd. gáya-)155. Le substantif dérivé de vī+√ an est un autre mot, celui que nous trouvons dans deux strophes vieil-avestiques, sous la forme viiānaiiā. BARTHOLOMAE156 posait un thème viiānā- « Gescheitheit, Weisheit » quʼil expliquait avec hésitation par vī+√ yā, mais ceci ne peut convenir à la métrique. Le thème en est bien plutôt viiānī- dʼaprès la forme viiānīš qui ne doit pas en être séparée et pour lʼanalyse de laquelle DARMESTETER157 ne faisait pas fausse route en donnant « Et ne faire que regarder dans lʼintervalle » comme traduction du difficile158 FrT 63 = P 30 vīspā antarǝ viiānīš. Pour lʼinterprétation de la forme viiānaiiā, lʼinstr. sing. de viiānī- « souffle suspensif »159, dans les strophes Y 29.6 et 44.7, je me suis basé sur lʼanalyse quʼArmand MINARD a donnée du védique vyāná-160 : ― at161 +ī162 vaōcat ahurō (7) mazdā vīduuā vafūš viiānaiiā (9) .·. nō[it] aēuuā ahū vistō163 (7) na[ēd]ā ratuš ašātcīt hacā (9) .·. at zī θβā fšuiiaṇtaēcā (7) vāstraiiāicā θβōrəštā tatašā (9) .·. Et, en recourant au souffle suspensif, le Roi qui apporte la sagesse prononce ces strophes du chant avec science [at ī vaucat ahurah mazdāh vidvāh vafūš vi-ānyā] : « Une seule existence ne peut suffire à trouver dans 149 × uua : KELLENS, 1984, p. 44 et 330. Pour la métrique, il faut sans doute modifier lʼordre des mots comme suit : **yā viiąsca viiānasca (8) auua zbaiiatō auuaŋhe (8). 150 Védique āptí-. 151 MACKENZIE, 1971, p. 39. 152 BAILEY, 1943, p. 106 n. 4. 153 NYBERG, 1964-74, vol. II p. 106. 154 PIRART, 2012, p. 35-6. 155 MAYRHOFER, 1992-2001, vol. I p. 467. 156 BARTHOLOMAE, 1904, col. 1478. 157 DARMESTETER, 1892-3, vol. III p. 66. 158 Voir JAMASPASA et HUMBACH, 1971, vol. I p. 46-7. 159 Sur ce mot, PIRART, 2012, p. 35 ; 2018, p. 80-1 n. 99 ; 2020, p. 200 n. 274. 160 MINARD, 1949-56, vol. II §450. 161 Sur la strophe, PIRART, 2018, p. 80-4. 162 Accusatif neutre pluriel de lʼadjectif démonstratif proche, accordé avec vafūš, contre GELDNER, 1886-96, vol. I p. 103, ə. 163 Sous-entend ahurō.

168

MARGINALE I

lʼAgencement (rituel) ni (le propriétaire de la vache) ni le rôle que la vache doit jouer/la place qui lui est réservée/son destin [na aivā ahū vistah na u ratuš rtāt cit haca]. C’est que (moi qui suis) le Différenciateur, je t’ai configurée à l’intention du pâtre éleveur » [at zi θvā fšuyantai ca vāstrayāi ca θvarštā tataxša] ; ― tat164 θβā pərəsā (4) ərəš mōi vaōcā ahurā (7) .·. kə bərəxδąm tāšt (4) xšaθrā mat ārǝmaitīm (7) kə uzəməm cōrət (4) viiānaiiā puθrəm piθrē165 (7) azəm tāiš θβā (4) fraxšnī auuāmī mazdā (7) spəṇtā maniiū (4) vīspanm dātārəm (7) .·. Je te pose les questions. Dis-moi de façon rectiligne, Roi qui apportes la sagesse [tā θvā prsā rš mai vauca ahura… mazdā] : qui a recouru à lʼEnvoûtement pour configurer la Déférence (que le Penser bon a) saluée [kah brgdām tāxšt xšaθrā hmat aram-matim] ? Qui a recouru au souffle suspensif pour exhumer le fils [= le Feu] et le placer sur son socle [kah us-zmam cart vi-ānyā puθram piθrai] ? Moi, je recours à ces (gestes), en sachant mʼorienter, pour te pousser [azam tāiš θvā fra-xšnī avāmi] à mettre toutes les (bonnes Entités)166 en place, du fait de (mon) Sentiment (que tu es) savant [spantā manyū visvānaʼm dātāram].

La cosmogonie dont il est fait état dans les strophes 3-7 de la Tat.θβā.pǝrǝsā Hāiti (Y 44) est à entendre dans un sens large. Exactement comme pour celle présente dans le Fravardīn Yašt167. Pour l᾿expression du rôle fondateur ou cosmogonique du grand dieu, le poète ne s᾿en tient pas au seul verbe √ dā : 3b 3c 4b 4d 5b 5c 6e 7b 7c

ząθā dāt dǝrǝtā yaōgǝt dāt dāt tašō tāšt cōrǝt

164 Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 387-90. Lʼinterprétation que KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 59, propose de cette strophe diverge surtout dʼun point de vue sémantique. 165 Locatif de piθra- « outil pour donner à manger, ratelier » ? Var. lect. piθrə. Je ne puis écarter la possibilité de lire ×piθrī, le nominatif masc. sing. de piθrin- « possesseur dʼun râtelier », mais, dans un cas comme dans lʼautre, il est fait allusion à lʼallumage du Feu que lʼon installe sur le socle où il est alimenté. Contre KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 59, « pour le père ». 166 Les futurs Amǝša Spǝnta. 167 Sur ce Yašt, PIRART, 2010b, p. 189-220.

LE PRÉVERBE VĪ

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Il convient donc de nuancer la négation de Jean KELLENS168 qu᾿Ahura Mazdā soit un dieu créateur : la facette créatrice de son rôle, dirons-nous plutôt, n᾿est pas mise en exergue dès lors que l᾿ordonnatrice était vue comme plus importante, comme il ressort des derniers mots de la cosmogonie, vīspanm dātārəm169. Les questions de la septième strophe sont nettement plus délicates que les précédentes en ce qu᾿elles portent sur la configuration même ou la mise en place des propres divinités sacrificielles, les futurs Amǝša Spǝnta. La Déférence est ainsi une attitude dont l᾿origine reste tout aussi énigmatique que la naissance du feu. Celui-ci est « exhumé », puis placé sur son socle. La Déférence, synecdoque du sacrifiant, appartient au présent comme le reflète l᾿injonctif présent employé pour l᾿expression de sa configuration170, mais le choix de √ taš est étonnant qui décrit ailleurs l᾿œuvre du sage qui formule des recommandations ou du boucher qui traite les quartiers de la victime sacrificielle. La comparaison avec la considération védique que le feu sacrificiel dans lequel sont versées les libations offertes aux dieux est la bouche de ces derniers171 nous permet de comprendre pourquoi le socle du feu vieil-avestique porte le nom de piθra- « l’outil servant à nourrir, l’auge, le râtelier », un terme choisi assez en consonance avec la désignation védique du poteau sacrificiel, sváru- « la mangeoire »172. En effet, il faut y voir le dérivé en -θra- de la racine que nous connaissons principalement par le védique pitú- « l᾿aliment ». Le souffle suspensif (viiānī-) est celui d᾿une respiration retenue lors de l᾿installation du feu sur le socle : il convient d᾿éviter que la flamme du feu qui vient de naître ne s᾿éteigne sous l᾿effet du souffle de son installateur. Le grand dieu, du fait d᾿être visé par la question, mais aussi du fait d᾿être tenu pour le premier sacrifiant, est assimilé ici au boutefeu. Ātar, comme on sait, est le fils d᾿Ahura Mazdā. IVb. vī+√ ci explique vīciθaLe substantif vīciθa- dérivé en -θa- de vī+√ ci nʼest attesté que dans trois strophes vieil-avestiques, Y 30.2, 32.8 et 46.18. Aucun mot, ailleurs dans les langues indo-iraniennes, nʼa beau coïncider avec lui, son sens ne fait guère de difficulté : 168 169 170 171 172

KELLENS, 1989. KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 171. KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 171. PIRART, 1998, p. 537. PIRART, 2018, p. 84 n. 113.

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MARGINALE I

― sraōtā173 gəušāiš vahištā (7) auuaēnatā sūcā manaŋhā (9) āuuarənā vīciθahiiā (7) narəm.narəm xvaxiiāi tanuiiē (9) parā mazə yŋhō (7) aāi [nə] sazdiiāi baōdaṇtō paitī (9) .·. Avant d’exaucer la prière (des hommes) [parā mazah yaʼahah], tenez compte de l’excellent Penser [vahištā… manahā] pour écouter de vos oreilles et regarder de votre acuité [srauta gaušāiš… ā-vainata sucā] les préférences résultant de (leur) discernement [ā-varnāh vi-ciθahya], vous qui les éveillez et, de la sorte, leur faites apparaître à chacun dʼeux la propre personne [naram-naram hvahyāi tanuvai… ahmāi sazdyāi baudantah pati] ; ― aēšm aēnaŋhm174 (7) vīuuaŋhušō srāuuī yimascīt (9) yə mašiiəṇg cixšnušō (7) aākəṇg gāuš bagā175 xvārəmnō (9) aēšmcīt ā176 aī (7) θβaī mazdā vīciθōi aipī (9) .·. Parmi les forfaits, Yima Vīuuaŋhuša a bien été entendu [aišaʼam ainahaʼam vāivahušah srāvi yamah cit] (pour avoir commis celui consistant à) être attentionné envers les (mauvais) mortels nôtres [= quʼil y a chez nous] [yah martiyānh cixšnūšah ahmākānh] (et à être) le bovin que mange le guide [gāuš bagā hvaryamnah], mais je partage bien la distinction que tu opères entre de tels (méfaits), (Roi) qui apportes la sagesse [aišaʼam cit tu ahmi θvahmi mazdā vi-ciθai api]. ― yə177 maibiiā yaōš178 (4) aāi ascīt vahištā (7) maxiiā ištōiš (4) vohū cōišəm manaŋhā179 (7) ąstəṇg aāi180 (4) yə nā ąstāi181 daidītā V mazdā ašā182 (4) xšmākəm vārəm xšnaōšəmnō183 (7) tat mōi xratəuš (4) manaŋhascā184 vīciθəm (7) .·. Celui qui me (dit) « Salut ! », je lui réserve avec le Penser bon les meilleurs os du sacrifice que jʼoffre, (mais) les malheurs à celui qui nous plongerait dans le malheur, (Roi) qui apportes la sagesse, avec lʼAgencement, Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 27-31. Y 32.8a1 = Y 32.7a1. 175 Complément dʼagent de xvārǝmnō participe passif de √ xvar (< ×xvairimnō) ? Dans sa volonté dʼaccueillir nos mauvais mortels, Yima serait ainsi le bovin qui est mangé par le guide ! Comprenne qui pourra. 176 < pir. *tu : voir la Marginale II §IVc. 177 yə… aāi. 178 Les mots maibiiā yaōš forment un discours semi-direct à placer dans la bouche du personnage représenté par le pronom relatif. 179 Y 46.18b2 → Y 44.6d2 vohū cinas manaŋhā. 180 Le chiasme de yə… aāi… avec …aāi yə… permet de souligner lʼopposition. 181 Mis pour le locatif : voir la Marginale II §IIId.4. 182 Y 46.18d1 = Y 48.9b1, Y 50.7c1,9b1 ; → Y 34.6a2 mazdā ašā vohū manaŋhā, Y 50.3a2 mazdā ašā aŋhaitī, Y 50.5a2 mazdā ašā ahurā. 183 Il sʼagit probablement dʼun moyen-passif et le singulier me paraît être mis pour le duel, mais KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 118, traduit comme suit : « Désireux dʼaccepter votre volonté selon lʼAgencement, ô Attentif ». 184 Hendiadys. 173 174

LE PRÉVERBE VĪ

171

(chacun) devant être accueilli selon votre volonté. Cʼest la distinction à laquelle arrivent mon intelligence et ma pensée.

L᾿un des méfaits (aēnah-) que Yima arriva à commettre est celui consistant à réserver bon accueil aux mašiia, les mortels qui rendent un culte aux Daēuua, mais, par sa signification, le syntagme gāuš bagā xvārəmnō « le taureau que mange le guide » laisse pantois, car il est malaisé d᾿envisager une autre interprétation du deuxième vers. Le poète, en soulignant partager l᾿analyse du grand dieu, attend que celui-ci intervienne lorsque de tels crimes menacent la communauté des pieux adorateurs. IVc. vī+√ dā explique vīdāitiLe substantif vīdāiti-, exclusivement vieil-avestique, est un hapax legomenon (Y 31.19) pour lʼinterprétation duquel nous devons nous appuyer sur les attestations du verbe correspondant vī+√ dā dont cʼest le dérivé féminin en -ti- : ― gūštā185 yə maṇtā ašəm (7) +ahūm.biš186 vīduuā ahurā (8) ərəžuxδāi vacaŋhm (7) xšaiiamnō hizuuō vasō (8) θβā āθrā suxrā mazdā187 (7) vaŋhāu vīdātā rąnaiiā (8) .·. Que (chacun de vous), Roi qui apportes la sagesse, écoute (plutôt) (les conseils et les leçons de celui) qui, avec science, est arrivé à la conclusion que le (bon) Agencement est guérisseur de lʼexistence [gušta yah manta rtam ahu-biš vidvāh ahura… mazdā], se contrôlant, avec [= en suivant les mouvements de] ton (fils) le Feu enflammé, (les mouvements de) la langue en vue de la prononciation en diction continue des strophes [ršugdāi vacahaʼam xšayamnah hizuvah vasah θvā āθrā suxrā] ! (Que chacun de vous les écoute), toi qui es bon [vahau], lors de la répartition des rôles entre les deux exécutants [vi-dātā rānayāh] !

Comme le vocatif mazdā, par sa place, marque le terme de la participiale, le locatif vīdātā rąnaiiā doit sʼordonner plutôt avec gūštā ou avec mantā. Le contrôle de la prononciation au moyen du feu, voilà qui demande une explication. Seule l’imagination nous la fournira : dans le but d’éviter tout dérapage phonétique, l’officiant chercherait à se délayer ou à s’assouplir la langue en lui imposant d’imiter les mouvements des flammes. Le premier des deux locatifs, vaŋhāu {sauuōi} « en vue de bien (vous) bon renforcer », nʼest pas assuré, car lʼinterprétation faisant de vaŋhāu un vocatif (< pir. *uahau) accordé avec mazdā nʼest probablement pas à écarter. 185 186 187

Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 122-3. B, contre G ahūmbiš. Attribut de lʼobjet ašǝm de mantā. Y 31.19c1 = Y 51.9a2.

172

MARGINALE I

IVd. Un abstrait tiré dʼun prādibahuvrīhi Le substantif +vīduuaēš[m].θβa- de la strophe Y 34.11 nʼest pas à expliquer par vī+√ duuiš. Nous devons bien plutôt y reconnaître le substantif abstrait en -θβa- tiré du prādibahuvrīhi : ― at tōi ubē188 hauruuāscā189 (7) +xvarəθāi.ā190 amərətatāscā (8) vaŋhəuš xšaθrā manaŋhō (7) ašā mat191 ārəmaitiš vaxšt192 (8) utaiiūitī təuuīšī193 (7) tāiš194 [ā]195mazdā +vīduuaēš[m].θβōi ahī (8) .·. Et, pour ta nourriture, il y a les deux (jumelles) Intégrité et Immortalité [at tai ubai harvāts ca hvarθāya amrtatāts ca], (et,) avec lʼEnvoûtement que le Penser bon et lʼAgencement permettent [vahauš xšaθrā manahah rtā hmat], la Déférence accroît (pour toi) Jouvence et Énergie [arammatiš vaxšt uta-yūtī tavišī]. De la sorte, toi qui apportes la sagesse, tu restes à lʼabri des nuisibles [tāiš mazdā vidviš-θvai ahi].

KELLENS conserve lʼanalyse que nous avions donnée de cette strophe et reste silencieux concernant son dernier hémistiche. Je mʼétais déjà penché sur le monstre vīduuaēš[m].θβōi196, mais il convient de préciser que nous devons y reconnaître en réalité le locatif de lʼabstrait en -θβa(type védique anāgāstvé) tiré de vīduuiš- « à lʼabri des nuisibles », le prādibahuvrīhi de vī et du nom-racine de √ duuiš (= védique DVIS), 188

Mot cité dans le Y 11.9. Cette haplologie sévère étonne dʼautant quʼelle aurait pu être évitée : *hauruuatās… amǝrǝtatāscā. Une nécessité impérieuse que jʼignore doit donc avoir imposé lʼemploi dʼun schéma de coordination Aºcā Bºcā. La grande déesse Ārmaiti régit lʼensemble des quatre entités aśviniennes avec lʼaide des trois Amǝša Spǝnta portant un nom de genre grammatical neutre : vaŋhəuš xšaθrā manaŋhō ašā mat. La liste canonique des Amǝša Spǝnta de lʼAvesta récent ainsi est-elle ici en préparation. 190 HOFFMANN, 1975, contre GELDNER, 1886-96, vol. I p. 126, xvarǝθāi ā. Voir la Marginale II §IIIb. 191 ašā mat = ašācā ? 192 Y 34.11b2 → Y 48.11a2 ašā mat ārəmaitiš. Le syntagme ašā… vaxšt se retrouve dans Vr 12.4.2 humaiia aēta dāmąn dadǝmaide V humaiia cīšmaide V humaiia maniiāmaide V yą daθat ahurō mazdā ašauua V θraōšta vohu manaŋha V vaxšt aša V yā hātąm mazištaca vahištaca sraēštaca .·. « Provistos con una buen organización ritual, consideramos, entendemos y tenemos el convencimiento de que los seres que el Rey de la Sabiduría sitúa de acuerdo con el buen Encaje, alimenta con el Pensamiento y hace crecer con el buen Encaje son los mayores, los mejores y los más hermosos que se dan » (trad. PIRART, 2013a, p. 99). 193 Lʼabsence de coordination entre ārmaitiš et le dvandva impose dʼanalyser ce dernier comme accusatif. Sur Y 34.11b2c1 et la proximité dʼĀrmaiti du tandem utaiiūitī tǝuuīšī, PIRART, 2020, p. 379 n. 127. 194 Emploi adverbial « de la sorte » ? À moins que ce pronom ne reprenne lʼensemble des entités. KELLENS, 2015, p. 38, laisse cet hémistiche sans traduction. 195 Scorie. 196 PIRART, 2007, p. 79. 189

LE PRÉVERBE VĪ

173

et admettre quʼil aurait subi une analyse par la diascévase. En effet, celle-ci, contre GELDNER197 vīduuaēšąm θβōi, paraît avoir affublé le prādibahuvrīhi de la terminaison du génitif pluriel : pii. *uiduiš+tua- → *uiduišaHam+tua-. Tout est question dʼaccentuation comme nous pouvons nous en rendre compte avec les vers védiques suivants : ― RS 8.1.2cd vidvésanaṁ saṁvánanobhayaṁkarám V máṁhistham ubhayāvínam anehásam Him who is cause of both, of enmity and peace, to both sides most munificent198 ; ― RS 8.22.2cd sacanāvantaṁ sumatíbhih sobhare V vídvesasam anehásam Which waits and serves, O Sobhari, with benevolence, without a rival or a foe199.

Seul le composé adjectif, un prādibahuvrīhi, avec lʼaccent tonique sur le préverbe, convient à lʼexplication du substantif vieil-avestique tandis que lʼautre dérive du verbe préverbé ví DVIS. Le Vīsp-rat (Vr 15.3.1), de façon artificielle, a réutilisé lʼabstrait *uiduiš+tua- comme épithète ou nom de Sraōša : ― yō frauuaōce yō +frauuaxšiiete maza amauua vǝrǝθraja vīduuaēštuuō .·. Lui qui fut proclamé et qui le sera, le grand et combatif (Sraōša) briseur des obstacles (démoniaques), lui qui (nous) met à lʼabri des nuisibles.

197 198 199

GELDNER, 1886-96, vol. I p. 126. Trad. GRIFFITH, 1973, p. 388. Trad. GRIFFITH, 1973, p. 412.

MARGINALE II Ā = Ā ET Ā & Ā

I. La postposition ā La préposition ā nʼest jamais attestée dans les textes vieil-avestiques, et la postposition ā nʼy apparaît quʼavec lʼablatif ou le locatif. Bien évidemment, il convient dʼéviter toutes confusions avec le préverbe identique, avec la particule *u écrite ā, avec la fausse postposition qui accompagne certains datifs masculins-neutres singuliers de thèmes en ºa- et avec des ā issus de fausses coupes comme dans les mots suivants : ― †ā.mōiiastrā (Y 30.9b2) ; ― +ā.və.gəuš.ā1 (Y 51.3a1) ; ― +ā.vōiiaθrā2 (Y 34.10c2) ; ― +ārōiš.ā +fsəratuš3 (Y 51.4a1), +ārōiš.ā +səndā4 (Y 51.14b1) ; ― ā.xvaiθiiācā5 (Y 33.7a2). Ia. Ablatif + ā Pour la traduction de la postposition vieil-avestique précédée de lʼablatif, il faut rejeter les sens « avant » ou « jusquʼà » que nous trouvons en avestique récent6, en védique7 et en vieux perse8 pour ā suivi de lʼablatif. Les attestations PIRART, 2020, p. 237 n. 33 ; voir la Marginale I §Ic. Haplologique pour pii. *a+uiatH-atra- « absence de chancellement, certitude », contre G ā vōiiaθrā. 3 G ārōiš āfsǝratuš. 4 G ārōiš āsəndā. 5 « Et de vive voix », instrumental féminin singulier du dérivé en +uant- de āh« bouche », suivi de la conjonction de coordination ºcā. 6 Exemples : Yt 5.91.2 ana mą[m] yasna yazaēša V ana yasna frāiiazaēša V haca hū vaxšāt V ā hū frāšmō.dātōit .·. « il convient que, pour mʼoffrir le sacrifice, tu y procèdes entre le lever et le coucher du Soleil » (trad. PIRART, 2010b, p. 75) ; Y 10.16gh atcit [< proto-indo-iranien *ā cit*] aāt yaθa apǝmǝm V maniuuā aŋhat niuuāitiš « jusquʼà ce quʼait lieu le combat décisif des deux Manyu » (trad. PIRART, 2004, p. 102). 7 Exemple : RS 1.161.10c ā nimrúcah śákrd éko ápābharat « lʼun [= le troisième] a emporté le fumier avant le coucher-du-soleil » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 84). 8 Lʼablatif est sous-entendu dans XPf 21-22 u-b-a: a-ji-i-va-ta-ma: a-ca-i-y: a-u-rama-z-da-a-ma: a-va-θ-a: ka-a-ma: a-ha: « tous deux vécurent jusquʼà quand [< pii. *ā cit iát*] Ahura Mazdā le voulut ». 1 2

176

MARGINALE II

Y 39.3e yōi vaŋhəuš +ā +manaŋhō šiieiṇtī yāscā +uitī .·. et Y 47.5d2 akāt +ā +šiiąs manaŋhō .·.

qui toutes deux combinent √ ši « habiter » avec lʼablatif manaŋhō « le fait de penser » et la postposition ā sans doute sont-elles à rapprocher lʼune de lʼautre, mais, malheureusement, le verbe KSI, dans la Rgvedasaṁhitā, nʼest jamais construit avec lʼablatif. De surcroît, le syntagme mánasa ā nʼest pas attesté en vieil indien. Nous ne pouvons y trouver que mánasas pári ou mánasóʼdhi dont voici des exemples : ― RS 4.36.2ab ráthaṁ yé cakrúh suvtaṁ sucétasóVʼávihvarantam mánasas pári dhyáyā Eux les bien avisés qui ont fabriqué le char bien roulant, ne se renversant pas, (et cela) par une intuition é(manant) de lʼesprit9 ; ― RS 7.33.11ab utāsi maitrāvarunó vasisthoVurváśyā brahman mánasó ʼdhi jātáh Born of their love for Urvaśī, Vasistha thou, priest, art son of Varuna and Mitra10.

La postposition ā construite avec lʼablatif nʼest attestée que sept fois en vieil avestique : il y en a quatre attestations dans lʼAhunauuaitī Gāθā (Y 31.9c1, 31.21b1, 33.5c1, 33.6a2), une dans le Yasna Haptaŋhāiti (Y 39.3e), une dans lʼUštauuaitī Gāθā (Y 45.9e) et une dans la Spǝntā. maniiu Gāθā (Y 47.5d). Ia.1 Dans le contexte immédiat de sa première attestation (Y 31.9-10), la présence du verbe « aller » (×itē) et celle dʼune forme du substantif « chemin » (paθąm) sont lʼindication claire que lʼablatif suivi de la postposition ā y connote un point de départ, mais, comme le mot mis à lʼablatif désigne un personnage, nous penserons, en vertu de lʼhypallage usuelle, quʼil a été fait lʼéconomie de la mention de lʼendroit où ce dernier se situe si bien que le recours à la préposition « chez » sʼimposera dans la traduction : ― θβōi 11 as +ārəmaitiš12 (7) θβə ā13 gəuš tašā +aš.xratuš14 (8) +maniiuš15 mazdā ahurā (7) hiiat16 axiiāi dadā paθm (8) vāstraiiāt vā ×ā ×itē17 (7) yə vā Traduction RENOU, 1955-69, vol. XV p. 93. Traduction GRIFFITH, 1973, p. 351. 11 < *u : voir la Marginale II §IVa.1 et b2. Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 104. 12 B, contre G ārmaitīš. 13 < *u : voir la Marginale II §IVa.1 et b1. 14 INSLER, 1975, p. 38 n. 6, contre G as xratūš. 9

10

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

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nō[it] aŋhat vāstraiiō (8) .·. at hī aiiā frauuarətā (7) vāstrīm axiiāi fšuiiaṇtəm (8) ahurəm ašauuanəm18 (7) vaŋhəuš fšəŋhīm manaŋhō (8) .·. nō[it] mazdā auuāstraiiō (7) dauuąscinā humərətōiš baxštā (8) .·. Ta fille la Déférence, c’est lʼos [θvai u ast aram-matiš], et ton fils, le très intelligent Configurateur de la Vache, c’est le Sentiment (que tu me donnes), Roi qui apportes la sagesse [θvah u gauš taxšā aš-xratuš manyuš mazdā ahura] : lorsque tu donnes à celle-ci (celui) des chemins (qui est) pour aller depuis (chez) le pâtre [yat ahyāi dadāh paθaʼam vāstraiiāt vā ā itai] ou (celui qui est pour aller depuis chez) qui ne sera pas pâtre [yah vā na ahat vāstrayah], la (déesse), des deux, lui choisit alors (le chemin venant de chez) le pâtre éleveur [at hī ayāh fra-vrta vāstrayam ahyāi fšuyantam]. Celui-ci, en roi pieux, recourt au Penser bon pour attacher la (vache tandis que) [ahuram rtavānam vahauš fšahiyam manahah], toi qui apportes la sagesse, le non pâtre, même à le tremper, ne peut rien retirer du (Suc) qui a bonne consistance [na mazdā a-vāstrayah dvants ca-na humartaiš baxšta].

Ia.2 Lʼexplication du sens devant être accordé à la deuxième attestation de lʼablatif suivi de la postposition ā (Y 31.21), contrairement à la première, est assez délicate à donner dès lors que le mot concerné, sousentendu, est un abstrait, {rāiiō}19 : ― mazdā20 dadāt ahurō21 V hauruuatō amərətātascā V būrōiš ā ašaxiiācā V xuvāpaiθiiāt22 xšaθrahiiā23 sarō V vaŋhəuš vazduuarə manaŋhō V yə24 hōi25 maniiū šiiaōθanāišcā26 uruuaθō .·.

INSLER, 1975, p. 38, contre G mainiiəuš. hiiat axiiāi… at… axiiāi. 17 G āitē. Au lieu du datif singulier du nom-racine tiré de √ i dont parle KELLENS, 1974, p. 112-4, itē pourrait bien être lʼaccusatif de lʼinfinitif en -tan-. 18 Y 31.10b1 = Y 46.9c2. 19 Dʼaprès RS 2.2.12cd vásvo rāyáh puruścandrásya bhūyasah V prajāvatah suvapatyásya śagdhi nah « Renforce-nous (dʼune portion) de bien-matériel, de richesse très brillante, consistant en enfants, en bonne progéniture ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XII p. 43), comme je lʼavais signalé : PIRART, 1986, p. 182. 20 Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 124-6. 21 Y 31.21a1 = Y 51.21c1, Y 53.4d1. 22 Lʼablatif būrōiš… {rāiiō} xvāpaiθiiāt est complété par le génitif sarō. 23 Le génitif sarō est lui-même complété par deux génitifs, le premier, constitué de la coordination hauruuatō amǝrǝtātascā… ašaxiiācā, ayant le sens de lʼinstrumental sociatif et le second, xšaθrahiiā, celui du locatif de temps ou de lʼinstrumental de moyen. 24 Lʼantécédent, sous-entendu, est le datif complément de dadāt. 25 Reprend mazdā… ahurō et complète maniiū. 26 Hendiadys. 15 16

178

MARGINALE II

Du fait de la nombreuse (richesse) en progéniture de lʼunion que lʼEnvoûtement scelle avec lʼIntégrité, lʼImmortalité et lʼ(excellent) Agencement [harvatah amrtatātah ca būraiš ā rtahya ca hu-apaθyāt xšaθrahya sarah], le Roi qui apporte la sagesse donne le charme du Penser bon [mazdāh dadāt ahurah… vahauš vazdvar manahah] (à celui) qui, avec les gestes que son Sentiment (lui) suggère dʼaccomplir, se soumet aux observances [yah hai manyū śyāuθnāiš ca vraθah].

De surcroît, {rāiiō} est tout à la fois déterminé par les adjectifs būrōiš… xvāpaiθiiāt et la cascade génitive hauruuatō amərətātascā… ašaxiiācā… xšaθrahiiā sarō. En effet, le génitif sarō est lui-même complété par deux génitifs, le premier étant fait dʼune triade dont les termes sont coordonnés selon le schéma A Bºcā Cºcā et le second ayant la valeur de lʼinstrumental à moins de ne constituer quʼun pur étoffement du troisième terme de la triade. Cette dernière alternative est suggérée par la strophe Y 34.1 où le poète, au lieu de sʼen tenir à hauruuatātǝm, intègre xšaθrǝm à ce troisième terme de la triade27 : ― yā28 šiiaōθanā yā vacaŋhā (7) yā yasnā amərətatātəm (8) ašəmcā +taibiiō29 dāŋhā (7) mazdā xšaθrəmcā hauruuat[āt]ō (8) aēšm30 tōi ahurā (7) əā31 pōurutəmāiš dastē (8) .·. Le geste, le mot et, servant à (ton) Envoûtement, le sacrifice par lequel tu reçois lʼImmortalité, lʼAgencement et lʼIntégrité [yā śyāuθnā yā vacahā yā yasnā amrtatātam rtam ca… dāha… xšaθram ca harvatah] lorsque lʼon dit « Pour toi ! » [tabya], nous tʼen offrons souvent (les fruits), Roi qui apportes la sagesse [mazdā… aišaʼam tai ahura ahmā parutamāiš dastai].

Lʼablatif régi par la postposition ā exprime visiblement une circonstance de la générosité que la divinité montre envers les pieux adorateurs et les officiants qui représentent ou assistent ces derniers. La circonstance en question me paraît pouvoir être identifiée comme étant la cause ou comme étant le volet do de la relation do ut des que les hommes entretiennent avec les dieux. La divinité tire profit de la triade que les hommes génèrent au moyen de la célébration sacrificielle, et, accédant dès lors à leurs prières, leur renvoie lʼascenseur. PIRART, 1986, p. 183. Sur la strophe, voir la Marginale II §Ia.2. 29 B, contre G taēibiiō. Ne pouvant être combiné avec une forme verbale de la deuxième personne et occupant de surcroît une place dʼenclitique, le pronom taibiiō est à placer entre guillemets. 30 yā šiiaōθanā yā vacaŋhā yā yasnā… aēšąm, mais ce génitif complète le sujet sousentendu de dastē. 31 Complément dʼagent, mais le verbe, au lieu du passif attendu, est conjugué au moyen. 27 28

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

179

Cependant, la relation qui doit articuler la richesse en progéniture avec lʼunion dont la divinité tire profit reste énigmatique. En effet, il convient de sʼinterroger sur ce que signifie la richesse en progéniture de lʼunion que lʼEnvoûtement organise avec la triade. Dʼaprès le védique, cʼest plutôt la divinité qui gratifie lʼorant dʼune richesse en progéniture, mais, comme on sait, Ahura Mazdā est le prototype du sacrifiant. Il nʼest donc pas trop gênant que ce soit ici plutôt la divinité qui paraisse en tirer profit suite à son union avec la triade. Notre compréhension de lʼidée véhiculée par la strophe passera donc par la recherche de ce quʼil faut entendre par « union » (sar-) et forcément aussi par la détermination du sens dans lequel nous devons prendre le génitif de ce mot : est-il subjectif ou objectif ? Ou, pour le dire dʼune autre façon, ce génitif exprime-t-il la cause ou la conséquence de la richesse en progéniture ? En principe, lʼunion est à tenir pour la cause ou lʼorigine de la nombreuse progéniture, mais il faut encore que nous nous interrogions sur le type dʼunion que le nom-racine sar- connote, car la composition de la triade ne permet pas de penser immédiatement à une union sexuelle. À moins que le mâle Aša y figure à un autre titre que les jumelles aśviniennes. La richesse en progéniture ainsi est-elle alors celle que le grand dieu obtient du fait de sʼunir au moyen dʼAša, cʼest-à-dire adéquatement, avec les jumelles grâce à son Envoûtemernt. Cette richesse constitue le volet do du lien do ut des que lʼadorateur se tisse avec le grand dieu. Pour lʼidentification de la progéniture obtenue suite à cette union dont Aša régit lʼadéquation, nous en sommes réduits à la formulation de conjectures. Le verbe védique 2ŚR̥ 32 est employé pour exprimer le mélange du sóma avec le lait33. Selon les spéculations mazdéennes, le second ingrédient du mélange représente la daēnā tandis que le haōma symbolise ou reflète lʼâme-moi du sacrifiant.

32 Voir KELLENS, 1974, p. 391. La diascévase a confondu cette racine avec ŚRĪ « parachever » (MAYRHOFER, 1992-2001, vol. II p. 665-6) en lui donnant le même thème de présent śrīnāti. Il est vrai que la confusion avec 1ŚR̥ « casser » (MAYRHOFER, 19922001, vol. II p. 617-8) eût été malheureuse. La racine 2ŚR̥ sʼest pourtant maintenue notamment dans āśír-, un nom-racine fém. Exemple : RS 3.53.14b nāśíraṁ duhré ná tapanti gharmám « elles ne donnent pas-de-lait-mélangé (pour préparer) le mélange (sômique), ils ne font pas chauffer le récipient (à pravargya) » (traduction RENOU, 1955-69, vol. XVII p. 93). 33 Exemple : RS 9.84.5ab abhí tyáṁ gāvah páyasā payovdhaṁ V sómaṁ śrīnanti matíbhih svarvídam « Les vaches mélangent avec leur lait le-célèbre soma qui a grandi par le lait (comme les poètes lʼornent) de poèmes, lui qui procure la lumière-solaire » (traduction RENOU, 1955-69, vol. IX p. 30).

180

MARGINALE II

Comme on sait, il existe un troisième ingrédient, un peu de sève de grenadier, dont le rôle est dʼassurer la fusion du haōma et du lait sous la forme dʼun précipité. La question se pose ainsi de savoir si Aša occupe cette position dans le cadre de lʼunion du grand dieu avec les jumelles aśviniennes. La nombreuse progéniture du grand dieu sans doute est-elle faite des forces qui, au dernier tournant de lʼexistence, devront avoir raison de celles que les impies génèrent et parachèveront le monde. À ce titre, elles occuperont la place qui, selon lʼAvesta récent ou les livres pehlevis, sera dévolue aux trois Saōšiiant. Le volet des du lien do ut des est représenté par le syntagme dadāt… vaŋhəuš vazduuarə manaŋhō. Ce volet, curieusement, prépare le volet do puisque la vénération avantage le grand dieu. En réalité, faut-il probablement comprendre, lʼavantage offert à lʼun des pôles de la relation est toujours avantageux pour lʼautre. Ia.3 La troisième attestation de la postposition ā construite avec lʼablatif (Y 33.5-6), au vu de la mention de chemins, doit être du même acabit que la première, mais la concurrence de deux compléments exprimés à lʼaccusatif complique considérablement lʼanalyse de la phrase : ― yastē vīspə.mazištəm34 (7) səraōšəm zubaiiā auuaŋhānē (9) apānō35 darəgō.jiiāitī[m] (7) +ā +xšaθrəm36 vaŋhəuš manaŋhō (8)37 ašāt ā ərəzūš paθō (7) yaēšū × mazdā38 ahurō39 +šaēitī40 (9) .·. yə41 zaōtā ašā42 +ərəzuš (7) huuō maniiəuš

34

Nous ne pouvons corriger facilement vīspə.mazištəm « le plus grand de tous » (BARTHOLOMAE, 1904, col. 1466 et 1467) en ×vīspǝm.azištǝm « le meilleur guide pour tout un chacun » (KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 100. Le mot est mal renseigné chez KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 307), pour diverses raisons : la correction débouche sur lʼinconnu ; vīspə.mazišta- a été réutilisé dans A 3.1 où les manuscrits, partagés entre vīspe.maº (G) et vīspa.maº, montrent donc une même découpe ; vīspə.mazištapeut faire écho à lʼhémistiche Y 45.6a2 vīspanm mazištəm (7) ou à des octosyllabes de Yašt tels que Yt 17.16.1 ×ptā tē1 yō ahurō mazdā V yō mazištō yazatanąm V yō vahištō yazatanąm .·. māta ārǝmaitiš spənta « (Aši,) ton père est Ahura Mazdā, le plus grand des Yazata, le meilleur des Yazata, et ta mère, Ārmaiti Spǝntā ». Note : 1. Avec la métrique, contre les manuscrits qui donnent pita.tē (G). Litt. chez KELLENS, 1991, p. 15-6. 35 Sur le vers, PIRART, 2020, p. 163. 36 B, contre G ā.xšaθrǝm. 37 La raison de lʼoctosyllabisme de cet hémistiche reste une énigme. 38 KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 101, contre G mazdā. 39 Désigne le Feu. 40 B, contre G šaētī. 41 Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 375-7 ; voir ci-dessous §Ia.4. 42 Voir la Marginale III §IV.3.

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

181

ā vahištāt kaiiā (9) aāt +auuā.manaŋhā (7) yā vərəziieidiiāi43 maṇtā vāstraiiā (9) tā tōi iziiāi44 ahurā (7) mazdā darštōišcā həm.parštōišcā (9) .·. (À) moi qui, lors de lʼétape, appelle ton (fils) le Phrasé, le plus grand de tous (les Adorables) [yah tai visvam-azištam sraušam zuvayā ava-hānai], (à moi) qui (ai) toujours développé, depuis lʼ(excellent) Agencement, lʼEnvoûtement source de longue vie sur les routes rectilignes du Penser bon [āpānah darga-jyāti ā xšaθram vahauš manahah rtāt ā rzūnš paθah] où habite le Roi [= le Feu], toi qui apportes la sagesse [yaišu mazdā ahurah šaiti], (à moi) lʼ(officiant) libateur qui, lors de la Dédicace, observe la diction continue [yah zautā ārtā rzuš], (dis-moi) avec quelle (offrande) [kayā], suite au Sentiment que, pour lʼaction, (tu) lui donne(s dʼ)être excellent (et de tenir le rôle de) l’éleveur [manyauš ā vahištāt ahmāt… yā vrzyadyāi manta vāstrayā], lʼ(orant) connaît ton mépris [hāu… avamanahā]. Cʼest cela que jʼattends de ta vision et de ton entretien, Roi qui apportes la sagesse [tā tai īzyāi ahura mazdā drštaiš ca ham-prštaiš ca].

Lʼablatif concerné se situe dans une proposition subordonnée dont la principale est à repérer au vers 6c de la strophe suivante : yasº… zubaiiā… apānō… yə zaōtā… +ərəzuš… iziiāi. Renfort de la structure de lʼensemble des deux strophes, le pronom enclitique ºtē, ancrage du vocatif ×mazdā, sera répété au vers 6c : tōi… ahurā mazdā. Le pronom yasº ouvrant la subordonnée relative basée sur zbaiiā qui occupe la strophe 5 relève donc de la première personne grammaticale. Les deux derniers vers contiennent une participiale basée sur apānō… ā, épithète détachée du sujet de zbaiiā. Toute la question est de savoir jusquʼoù va cette participiale et de déterminer si elle comprend les syntagmes ašāt ā et ərəzūš paθō de lʼhémistiche 5c1. Selon lʼAvesta récent, le premier syntagme compléterait le participe apānō. En effet, la combinaison de ce participe avec ašāt y explique le composé adjectif avestique récent +ašāt.apanō.tǝma- (Y 1.1, 26.2, Yt 13.80) ou +ašahe.apanōtǝma(Y 57.4)45. La difficulté réside ainsi dans la concurrence de deux compléments marqués par la présence de ā. Le premier est le groupe accusatif qui entoure le préverbe ā, et celui-ci est forcément à ordonner avec 43 L’infinitif en -diiāi, par lui-même, ne comporte aucune idée d’obligation : contre KELLENS, 2015, p. 35. 44 Je nʼai pas retenu la correction en +iziiā que BARTHOLOMAE, 1904, col. 342, avait proposée, que KELLENS, 1984, p. 19 et 123 avait défendue et que nous avions adoptée : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 123 et vol. II p. 223. Elle va à l’encontre du védique īhe, et les attestations récentes ne me paraissent pas suffisamment solides pour défendre la réalité de la voix active. En effet, la finale que, dans le FrA 10, la 3e plur. indic. prés. iziieinti montre au lieu de ºinti est suspecte : KELLENS, 1984, p. 326. 45 « Qui, le premier, depuis lʼAgencement, a atteint (les chemins directs) » (trad. KELLENS, 2006-20, vol. I p. 12, vol. III p. 105) ou « qui a atteint le premier (les chemins) de lʼAgencement » (trad. KELLENS, 2006-20, vol. IV p. 82, pour Y 57.4).

182

MARGINALE II

apānō : darəgō.jiiāitī[m] +ā +xšaθrəm vaŋhəuš manaŋhō. Le second est lʼablatif ašāt suivi de la postposition ā. Cette difficulté est aggravée dʼune seconde concurrence, celle de deux groupes accusatifs darəgō.jiiāitī[m]… +xšaθrəm vaŋhəuš manaŋhō et ərəzūš paθō. SCHLERATH46, pour le syntagme apānō… ā xšaθrǝm, avait signalé le parallèle védique présent dans les vers RS 1.24.6ab ― nahí te ksatráṁ ná sáho ná manyúṁ V váyaś canāmī patáyanta āpúh Jamais ton pouvoir-temporel, ni (ta) force-agressive, ni (ta) fureur, ― ces oiseaux qui volent nʼy ont atteint47.

Son intérêt est de montrer que le régime de apānō… ā est bel et bien xšaθrǝm, ce qui trouve aussi confirmation dans lʼautre parallèle signalé, Y 41.2 : +

― vohū xšaθrəm48 tōi V mazdā ahurā apaēmā49 V vīspāi yauuē50 V huxšaθrastū nə V nā vā nāirī vā xšaētā V ubōiiō aŋhuuō51 V hātm hudāstəmā52 .·. Roi qui apportes la sagesse, puissions-nous toujours exercer sur toi un bon Envoûtement ! Quʼun homme ou une femme à même dʼen exercer un bon recoure à lʼEnvoûtement pour nous dans les deux existences, toi qui, parmi les Êtres, es le plus digne de recevoir les offrandes !

Comme la case accusative dans la rection de ā+√ āp est occupée par xšaθrǝm, jʼavance que le syntagme ǝrǝzūš paθō est à ordonner avec le premier vers pour en faire alors lʼobjet dʼauuaŋhānē. Je le conjecture sur base de lʼopposition védique des verbes ĀP et áva SĀ dans les vers RS 1.179.2abc : ― yé cid dhí pūrva rtasāpa āsan V sākáṁ devébhir ávadann rtāni | té cid ávasur nahy ántam āpúh Les anciens eux-mêmes, qui révéraient la Loi et parlaient la Loi avec les Dieux, ils ont cessé, car ils nʼen trouvaient pas le terme53.

Le poète vieil-avestique aura donc voulu dire que Sǝraōša ne pouvait sʼarrêter en bon chemin avant que lʼEnvoûtement ait pu être exercé de façon satisfaisante. Ce qui voyage sur les chemins rectilignes nʼest autre que le sacrifice, lequel, comme on sait, est un acte de parole. Ceci ressort notamment de la gāyatrī RS 1.41.5 : 46 47 48 49 50 51 52 53

SCHLERATH, 1968, p. 154. Traduction RENOU, 1955-69, vol. V p. 94. Initiale différée, contre KP +vohū.xšaθrǝm. Y 41.2b → Y 36.1c, 40.1b,1h,3b,4e, 41.4b,5e mazdā ahurā. Y 41.2c = Y 40.2e, Y 41.6e ; → Y 28.8c2 vīspāi yauuē vaŋhəuš manaŋhō .·.. Y 41.2f = Y 41.3e. Y 41.2g = Y 41.3f,4g. Trad. RENOU, 1942, p. 100.

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

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― yáṁ yajñáṁ náyathā nara V ādityā rjúnā pathā | prá vah sá dhītáye naśat Le sacrifice que vous conduisez par le droit chemin, ô seigneurs Ādityaʼs,/ il vous atteindra pour (féconder) la pensée-poétique (de lʼhomme)54.

Lʼépithète ərəzūš de paθō appartient à la tradition proto-indo-iranienne55 : il est aussi question de chemins directs ou rectilignes dans un vers vieil-avestique, Y 43.3b, dans un hendécasyllabe védique, RS 10.85.23a, et dans un octosyllabe du Mihr Yašt, Yt 10.3d. Cependant, la rection verbale accusative de auuaŋhānē, un substantif, ne va pas de soi : ― səraōšəm zubaiiā auuaŋhānē… ašāt ā ərəzūš paθō yaēšū… ahurō + šaēitī .·. Jʼappelle Sǝraōša lors de lʼétape, à partir de lʼAgencement, sur les chemins rectilignes au (début) desquels habite le Roi.

En effet, dans lʼhendécasyllabe védique RS 4.16.2a, le verbe áva SĀ est, de toute façon, construit avec le locatif : ― áva sya śūraādhvano náānte Unyoke, as at thy journeyʼs end, O Hero56.

Comme on voit, lʼhémistiche 5c1 nʼa de place syntaxique dans la phrase que si nous y sous-entendons un verbe de mouvement, les syntagmes ašāt ā et ǝrǝzūš paθō exprimant respectivement lʼorigine et le lieu du déplacement : « (je demande à Sǝraōša de parcourir) depuis lʼAgencement [= lʼaire sacrificielle] les chemins rectilignes ». Ceci reste pourtant conjectural : au lieu de rtād ā, le syntagme que nous rencontrons dans les hymnes védiques est rtād ádhi dont le sens nʼest pas plus assuré. En voici deux exemples : ― RS 1.36.11ab yám agním médhiyātithih V kánva īdhá rtād ádhi cet Agni que Medhyātithi Kanva alluma (jadis du sein) de lʼOrdre-sacré57 ; ― RS 1.139.2ab yád dha tyán mitrāvarunāv V rtād ádhiy ādadāthe ánrtam Depuis, ô Varuna-Mitra, que vous avez placé ainsi le Désordre hors de lʼOrdre58.

54 55 56 57 58

Trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 110. SCHLERATH, 1968, p. 154. Trad. GRIFFITH, 1973, p. 209. Trad. RENOU, 1955-69, vol. XII p. 7. Trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 8.

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MARGINALE II

Avant la proposition principale qui occupera le dernier vers de la strophe (Y 33.6c), la phrase passe par la subordonnée relative nominale occupant le premier hémistiche de la strophe suivante (6a1). En principe, nous devons lui donner le même statut quʼà celle ouverte au début de la strophe 5. Lʼantécédent du pronom relatif sera donc le sujet du verbe de première personne du singulier faisant la base de la première proposition subordonnée introduite par yə. Ceci reste incertain : dʼune part, la ligne Yt 4.7e yə zaōta zaraθuštrō du Hordād Yašt identifie yə zaōtā à Zaraθuštra ; dʼautre part, le pronom démonstratif huuō situé en tête de lʼhémistiche 6a2, peu compatible avec la première personne, paraît jouer le rôle de corrélatif du pronom relatif yə. Ia.4 Lʼanalyse de la quatrième attestation de lʼablatif + ā, précisément dans lʼhémistiche a2 de la strophe Y 33.6 (§Ia.3), sʼavère être donc tout aussi malaisée. Au lieu dʼen faire le corrélatif de yə qui relève de la première personne du singulier, nous pouvons reconnaître dans huuō le démonstratif lointain et le comprendre au sens de « un tel (qui est adorateur) », un usage bien connu pour son correspondant védique asáu59. Dans lʼhémistiche 6a2, le dernier substantif de la strophe, həm.paršti« le jeu de questions et réponses, l’entretien », suggère d’analyser kaiiā, non comme un verbe, mais bien plutôt comme l’instrumental féminin singulier de l’adjectif interrogatif : il pourra sous-entendre {īštī}60. À lʼouverture de lʼhémistiche suivant, le démonstratif aāt est forcément accordé avec maniiəuš… vahištāt. La seule façon de justifier le rejet de aāt est d’admettre qu’il se trouve en corrélation avec yā : maniiəuš ā vahištāt… aāt… yā… vāstriiā. Et il est heureux de trouver maniiəuš comme centre de lʼantécédent de yā si la base de la subordonnée que ce pronom relatif introduit n’est autre que mantā. Le pronom relatif ainsi est-il à considérer comme un instrumental interne, mais lʼhypallage a dicté lʼaccord de vāstriiā avec ce dernier. Cependant, la proposition aāt +auuā.manaŋhā qui constitue le premier hémistiche du deuxième vers est dépourvue de verbe. En effet, les mots auuā manaŋhā n’ayant aucune place, j’y vois une forme tirée de

MINARD, 1949-56, vol. I §255c. En effet, le divādi védique KAN :: kāyate « il se réjouit », qui se conjugue exclusivement à la voix moyenne, ne peut servir à l’analyse faisant de kaiiā une forme verbale : contre HUMBACH et FAISS, 2010, p. 97 ; KELLENS, 2015, p. 35 ; LECOQ, 2016, p. 743. 59 60

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

185

auuā+√ man « mépriser »61. La seule analyse envisageable de +auuā.manaŋhā est d’y reconnaître l’instrumental singulier du substantif qui en dérive par suffixation en -ah-, car nous ne saurions que faire de la deuxième personne du singulier de la voix moyenne du subjonctif aoriste radical. En l’absence de verbe, nous n’avons alors d’autre solution que celle de penser à une copule invisible : « il (est) avec (ton) mépris ». Il faut effectivement tenir compte de la nécessité de trouver une troisième personne grammaticale qui puisse justifier au mieux lʼemploi de huuō. Remarquons-le, mantā, lʼaoriste radical de √ man, appartient à la troisième personne du singulier comme le pronom huuō. Et, en faisant dʼaāt le corrélatif du pronom relatif yā, nous libérons le démonstratif tā de toute contrainte grammaticale. Ce démonstratif placé en tête du dernier vers, fruit d’un sandhi pour *tat devant un mot commençant avec une dentale, reprend alors sans difficulté la question faisant la teneur des deux premiers vers62. La question qui est posée concerne donc un personnage distinct tout à la fois du poète et du grand dieu. Elle porte sur lʼoffrande (kaiiā {īštī}) que lʼorant, pour être convaincu que le grand dieu est un pâtre (maniiəuš ā… aāt… yā… maṇtā vāstraiiā), a voulu lui faire. Comme ce Sentiment qui a poussé lʼorant à la faire fonde lʼoffrande, le poète officiant, par sa question, cherche à en prévenir dʼéventuels effets indésirables tels que le mépris. Le poète a donc recouru à lʼablatif pour exprimer la cause du mépris redouté. Ia.5 La seule attestation de la postposition ā construite avec lʼablatif que nous trouvions dans le Yasna Haptaŋhāiti (Y 39.3) ne peut être séparée de celle figurant dans la Spǝntā.maniiu Gāθā (Y 47.5). Toutes deux combinent lʼablatif de manah- avec la postposition ā et le verbe √ ši : ― +ā +at63 iθā yazamaidē V vaŋhūšcā īt vaŋvhīšcā īt V spəṇtəṇg aməšəṇg V yauuaējiiō yauuaēsuuō V yōi vaŋhəuš +ā +manaŋhō64 šiieiṇtī yāscā + uitī65 .·. Nous procédons de la sorte pour offrir le sacrifice [ā at iθā yazāmadai] à chaque dieu bon et à chaque déesse bonne formant le groupe des Amǝša 61 62

p. 35. 63 64 65

= scr. ava MAN. En effet, il est interdit de lui donner le sens cataphorique : contre KELLENS, 2015, G āt. B, contre G ā.manaŋhō. KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 148 n. 1, contre G ūitī.

186

MARGINALE II

Spǝnta [vahūnš ca it vahvīš ca it spantānh a-mrtānh], eux et elles, éternellement vivants, éternellement prospères [yavai-jiyah yavai-suvah], qui habitent (la demeure du chant de bienvenue) à la suite du Penser bon [yai vahauš ā manahah šyanti yāh ca uti] ; ― tācā66 spǝntā (4) maniiū mazdā ahurā (4) ašāunē cōiš (4) yā zī cīcā vahištā V hanarǝ θβaāt (4) zaōšāt drǝguuā ×baxšaitē (7) ahiiā šiiaōθanāiš (4) akāt + + ā šiiąs manaŋhō (7) .·. Le Sentiment que tu (lui) donnes dʼêtre savant te pousse, Roi qui apportes la sagesse, à fournir au pieux adorateur de bien bons (trésors) dont, avec les gestes de ce dernier, lʼÉgaré, habitant à la suite du Penser mauvais, cherche à tirer profit sans ton consentement.

Nous sommes fort démunis à lʼinstant de déterminer le sens de pareille combinaison. Comme je nʼai pu leur trouver aucun parallèle et que les contextes sont dʼune grande pauvreté, la traduction que je propose des syntagmes vaŋhəuš +ā +manaŋhō šiieiṇtī et akāt +ā +šiiąs manaŋhō ainsi serait-elle tout à fait conjecturale sans une indication présente dans la strophe Y 50.3 : ― atcīt67 aāi V mazdā ašā aŋhaitī V yąm hōi xšaθrā V vohucā cōišt manaŋhā V yə nā ašōiš V aōjaŋhā varədaiiaētā V yąm nazdištąm V gaēθąm drəguuā ×baxšaitē .·. Et y aura-t-il pour celui-ci [= Zaraθuštra], avec le (bon) Agencement, toi qui apportes la sagesse, (manade) que lui aura fournie, avec lʼEnvoûtement et le Penser bon, (lʼorant) qui est homme à sʼinvigorer de lʼautorité de la Dédicace, manade dont lʼégaré du voisinage cherchera à profiter ?

En effet, lʼadjectif nazdištąm « appartenant au voisinage » fait écho à lʼidée dʼun habitat présente dans le syntagme qui nous occupe. Ia.6 La dernière attestation que nous ayons à examiner de la postposition ā construite avec lʼablatif, celle de lʼUštauuaitī Gāθā (Y 45.9), concerne lʼabstrait haōząθβa- tiré de lʼadjectif huzəntu-68 « générateur dʼune bonne existence rituelle » avec lequel est connotée la piété de lʼadorateur. 66

Sur cette strophe, voir le Chapitre I. Sur cette strophe, voir le Chapitre IV. 68 Y 43.3e2, 46.5b2, 49.5c2. En avestique récent, le mot est encore attesté dans le seul Fravardīn Yašt, où, contre toute attente, il est employé comme substantif de surcroît féminin : Yt 13.134hi (= Yt 19.75hi) huzantəuš paiti aparaiiā V viiarəθaiiaiiā vahištahe aŋhəuš « (Nous offrons le sacrifice aux Préférences des pieux adorateurs [ašāunąm… frauuašīš]) afin dʼobtenir la capacité dʼengendrer à lʼavenir lʼexcellente existence et de conforter ainsi notre espérance ». Le second terme du prādibahuvrīhi viiarəθaiia- qui qualifie huzantu- est le substantif fém. arǝθaiiā- « l’espérance » (Vr 9.4.1c, Yt 17.0.17c, 17.62.3e, S 1.25.1c, Y 1.14.3c, 3.16.2d, 4.19.2d, 22.16.2d : PIRART, 2006, p. 154-5 n. 53) tiré du verbe dénominatif de arǝθa- « le but ». 67

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

187

Dans le Sraōš Yašt ī Se-šabag où se trouve la seule autre attestation de haōząθβa69, lʼadjectif vǝrǝθrājan-, sous sa forme neutre vǝrǝθraγna-, est employé comme substantif abstrait. Le poète vieil-avestique, afin de suggérer que lʼexistence en question est celle du Penser bon, a rejeté au-delà du syntagme haōząθβāt ā le mot manaŋhō qui, pour une stricte grammaticalité, est plutôt à ordonner avec lʼhémistiche vaŋhəuš ašā « lors de la Dédicace du (Penser) bon » : ― təm70 nə vohū (4) mat manaŋhā cixšnušō71 (7) yə72 nə usən (4) cōrət +spəncā + aspəncā73 (6) mazdā xšaθrā (4)74 +varəzī +nā75 diiāt ahurō (7) pasūš vīrəṇg (4) aākəṇg +fradaθāi.ā76 (7) vaŋhəuš ašā77 (4) haōząθβāt ā manaŋhō (7) .·. Toi qui le veux, tu as cherché à choyer en recourant à notre Penser bon celui [tam nah vahū mat manahā cixšnūšah… usant] qui, pour nous, a décidé du bénéfique et du maléfique [yah nah… cart span ca a-span ca]. Puisse lʼEnvoûtement pousser le Roi apporteur de la sagesse à nous placer dans la joie [mazdāh xšaθrā varzi nāh dyāt ahurah] afin de multiplier nos bestiaux et nos garçons [pasūnš vīrānh ahmākānh frādaθāya], lors de la Dédicace du Penser bon, du fait dʼavoir généré (lʼexistence fondamentale) [vahauš ārtā hāuzanθvāt ā manahah] !

En effet, la place de la postposition interdit de faire de vaŋhəuš… manaŋhō le complément de haōząθβāt. Comme vaŋhəuš… manaŋhō est donc le complément dʼašā, force est de considérer que cette dernière forme est celle du locatif singulier dʼaši-. Le grand dieu, selon le dernier hendécasyllabe, ne consentira à se laisser envoûter que si lʼexistence alors engendrée par les adorateurs assistés des officiants est la bonne, la mentale, celle que le Penser bon sollicité caractérise et signe. Lʼablatif exprime donc une circonstance de cause. 69 Yt 11a.22 (= Y 57.23) sraōšǝm ašīm huraōδǝm V vǝrǝθrājanǝm frādat.gaēθǝm V ašauuanǝm ašahe ratūm yazamaide1 .·. yeŋhe amaca vǝrǝθraγnaca V haōząθβaca vaēδiiāca2 V auuāïn amǝšā spǝnta V aō̯i haptō.karšuuairīm ząm V yō daēnō.disō + daēnaiiā3 .·. « Nous offrons le sacrifice au Phrasé soucieux de lʼAgencement, bien développé, briseur des obstacles et multiplicateur des troupeaux, le Facteur harmonieux de lʼAgencement, le Phrasé qui, avec le Combat, le Bris des obstacles, le Génie et la Science, permit aux Immortels Savants de descendre sur les sept orients de la Terre, le révélateur de la Doctrine ». Notes. 1. Yt 11a.22.1 = Yt 11a.1.1 ||| 2. = véd. vidyáyā ca ? ||| 3. G daēnaiiāi. Yt 11a.22.3 = Yt 11.14.5. 70 Sur la strophe, voir la Marginale II §Ia.6. 71 Sur cixšnuša- comme nom dʼun ancêtre de Zaraθuštra, PIRART, 2020, p. 222. 72 təm… yə. Aussi insupportable soit-elle, je n’ai pu résoudre l’anomalie métrique. 73 Sur la nasale, KELLENS, 1987, p. 169 et 173 n. 1, contre G spəncā aspəncā. 74 Y 45.9c1 = Y 47.1d1. 75 B, contre G vǝrǝzəniiā, mais B explique la forme varǝzī par √ varz. Voir KELLENS, 1974, p. 361-3. 76 Voir Marginale II §IIIb. 77 Voir la Marginale III §IV.8.

188

MARGINALE II

Ib. Locatif + ā Lʼuniverbation est systématique avec la finale du locatif masculinneutre singulier des thèmes en ºa- : ºōi + ā > ºōiiā. Avec le locatif, lʼemploi de la postposition ā, pure et simple cheville métrique, est plus fréquent quʼen védique. Dans les Gāθā, le locatif régi par ā exprime aussi bien le lieu que le temps : Y 32.7a2 na[ē]cīt vīduuā aōjōi hādrōiiā ; Y 32.15c tōi ābiiā bairiiṇtē V vaŋhəuš +ā +dəmānē78 manaŋhō .·. ; Y 43.2b1 xuvāθrōiiā ; Y 48.7d2 θβaī +ā +dąm ahurā .·. ; Y 49.8c2 vaŋhāu θβaī ā xšaθrōi ; Y 49.10a2 θβaī +ā +dąm nipāŋhē ; Y 51.8b1 hiiat ×auuōiiā79 drəguuāitē. Ic. Accusatif + ā Comme le postverbe ā construit avec lʼaccusatif est attesté en avestique récent, il semble légitime de supposer son existence dans les vers Y 44.11bc afin dʼy résoudre une anomalie dans lʼordre de succession des préverbes80. II. Le préverbe ā IIa. ā valant une 3e personne de lʼindicatif présent du verbe « être là » À mon avis, nous trouvons le préverbe dans pareil emploi dans les trois passages suivants (Y 34.3b1, Y 39.1.2 et Y 46.3ab) : ― gaēθā vīspā +ā +xšaθrōi (7) lors de lʼEnvoûtement, tous les troupeaux sont là [gaiθāh visvāh ā xšaθrai] ; ― aākəṇg āat urunō V pasukanmcā yōi nā jījišəṇtī V yaēibiiascā tōi +ā V +yaēcā aēibiiō ā.aŋhən .·. Nous offrons le sacrifice aux âmes nôtres [ahmākānh at rūnah yazāmadai] ainsi quʼà celles des bestiaux qui cherchent à gagner notre faveur [pasukānaʼam ca yai nāh jijīšanti], à celles de ceux pour qui ils sont présents [yaibyah ca tai ā] et à celles de ceux qui le seront pour eux [yai ca aibyah ā-ahan] ; 78 79 80

B, contre G ā.dǝmānē. PIRART, 2020, p. 149 n. 75 et 253, contre G akōiiā. Voir la Marginale I §IIa.

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

189

― kadā mazdā (4) yōi uxšānō asnm (7) aŋhəuš darəθrāi (4) frō ašahiiā [fr]ārəṇtē (7) vǝrǝzdāiš sənghāiš81 (4) saōšiiantm xratauuō82 (7) kaēibiiō ūθāi83 (4) vohū jimat manaŋhā (7) maibiiō θβā (4) sąstrāi vǝrǝnē ahurā (7) .·. Roi qui apportes la sagesse, (dis-moi :) quand seront là les taureaux des jours qui, pour le maintien de lʼAgencement avec lʼexistence, (ne cessent dʼ)avancer [kat ā mazdā yai uxšānah asnaʼam ahauš darθrāi fra rtahya arantai… ahura] ― lʼintelligence des futurs Invigorateurs résidera dans leur décision que lʼheure des taureaux sera venue [vrzdāiš sanhāiš saušyantaʼam xratavah] ― ? Quels (orants) (le Phrasé) viendra-t-il avec le Penser bon (nourrir) de la graisse (du taureau Aēuru) [kaibyah guθāi vahū jamat manahā] ? Je préfère que ce soit toi qui mʼinstruises [mabya θvā ā sanstrāi vrnai].

Cette dernière strophe fait allusion à lʼimmolation eschatologique dʼun taureau comme dans le mithriacisme et à lʼemploi de sa graisse par les Saōšiiant. Ce taureau est appelé Aēuru dans lʼhémistiche Y 50.10c2, mais *Haδāiiu ou *Θrisaōka dans la tradition ultérieure84. Ceci dit, rappelons-le, la version protozoroastrienne du mythe devait forcément différer sur plus dʼun point, notamment sur lʼidentité des Saōšiiant ou sur celle des Frašō.carǝtar « chargés du parachèvement du monde ». IIb. ā dans des formes verbales sans tmèse Les verbes composés avec le préverbe ā attestés sans tmèse sont les suivants : ― ā+√ ah Y 30.7c1 aēšm tōi ā.aŋhat (7) ; Y 39.1.2d +yaēcā aēibiiō ā.aŋhən .·.. ― ā+√ xsā Y 46.2e1 āxsō vaŋhəuš (4). 81 Dans cette incise, lʼemploi de vǝrǝzdāiš est hypallagique : « pour considérer que leur heure est venue ». Pluriel par concordance avec uxšānō. 82 Pluriel par concordance avec saōšiiantąm. 83 Singulier par concordance avec {aēuruš}. Sur ūθa-, voir V 16.17defg nōit vaŋhō aāt šiiaōθnǝm vǝrǝziieiti V yaδōit puθrahe huuāzātahe V +frā.naēzǝm1 nasūm pacāt2 V paiti āθre ūθǝm3 barāt .·. « il nʼaccomplit pas meilleur acte que sʼil cuisait à la broche le cadavre de son propre fils et en portait la graisse au feu ». Notes. 1. Prādibahuvrīhi, contre G frā naēzǝm. Le second terme est attesté dans le Yt 14.33. ||| 2. Le syntagme nasūm pacāt est à lʼorigine des composés nasupāka- (V 8.73-74 et 81) et +nasušpaciia (V 1.16). ||| 3. Si les mots nasūm… ūθǝm « cadavre… graisse » sont à rapprocher du syntagme nasūm mat.gūθąm « charogne pourvue de graisse » (V 7.25), il se pourrait que la graphie ūθº fût mise pour gūθº ou lʼinverse. Dʼaprès le nom avestique de la Margiane, mōuru-, la réduction à ºuº de la séquence pir. *ºguº nʼest pas à écarter. Dans lʼaffirmative, ūθa- serait le dérivé en -θa- de √ gu. 84 PIRART, 2018, p. 245-65.

190

MARGINALE II

― ā+√ xšā Y 51.4a2 kuθrā mərəždikā axštat85 (7). ― ā+√ xšnu Y 46.1c1 nō[it] mā xšnāuš (4). ― ā+√ gam Y 43.12c2 parā hiiat mōi ā.jimat (7). ― vī+ā+√ dars Y 45.8b2 cašmainī viiādarəsəm (7). ― ā+√ dā Y 51.14c2 drūjō dəmānē ādāt (7) .·.. ― ā+√ diiu Y 44.13d2 ādīuuiieiṇtī +hacənā (7). ― ā+√ frī (avestique récent) Y 52.1.1a vaŋhuca vaŋhāsca āfrīnāmi. ― ā+√ baxš Y 33.10b2 θβaī hīš zaōšē +ābaxšō.huuā (9). ― ā+√ yā Y 31.2b1 at vā vīspəṇg āïiōi (7). ― ā+√ var Y 45.8a2 nəmaŋhō +ā.vīuuarəšō (7). ― ā+√ 1vid Y 36.6b āuuaēdaiiamahī mazdā ahurā. ― ā+√ sru Y 30.3a2 yā yəmā xvafənā asruuātəm (9). ― ā+√ ši Y 43.3d2 yəṇg +ā.šaēitī ahurō (7). IIc. ā dans des formes verbales avec tmèse Les verbes composés avec le préverbe ā attestés avec tmèse sont les suivants : ― ā+√ ah Y 29.9c1 kadā yauuā huuō aŋhat (7) ; Y 31.4a yadā ašəm zəuuīm (7) aŋhən mazdāscā ahurāŋhō (9) ; Y 31.16c2 yadā huuō aŋhat yā šiiaōθanascā (9) .·.. ― ā+√ xšā Y 50.9c yadā ašōiš (4) maxiiā vasə xšaiiā (7).

85

< pir. *ā+xšH-θat, 3e sing. moy. de lʼinjonctif aor. dʼā+√ xšā.

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

191

― ā+√ xšnu Y 46.1e kaθā θβā (4) mazdā xšnaōšāi ahurā (7) .·.. ― ā+√ gam Y 28.3c2 ā mōi rafǝδrāi zauuəng jasatā (9) .·. ; Y 44.1e yaθā nə ā (4) vohū jimat manaŋhā (7) .·. ; Y 48.2b parā hiiat +mā.yº (4) +ºā məṇg pərəθā jimaitī (7) ; Y 48.11ab kadā mazdā (4) ašā mat ārəmaitiš (7) jimat xšaθrā (4) hušəitiš vāstrauuaitī (7) ; Y 48.11d kəṇg ā vaŋhəuš (4) jimat manaŋhō cistiš (7) .·. ; Y 54.1a ā airiiəmā išaiiō (7) rafəδrāi jantū (4). ― ā+√ dar Y 46.5a2 adąs86 drītā aiiaṇtəm (7). ― ā+√ dā Y 31.18b ā zī dəmānəm vīsəm vā (7) šōiθrəm vā daxiiūm vā [ā]dāt (8) ; Y 34.6b at87 tat mōi daxštəm dātā (7) ahiiā aŋhəuš vīspā maēθā (9) ; Y 43.8d hiiat +ā88 +būštīš (4) +vasasə.xšaθrahiiā diiā (7). ― ā+√ dranj Y 48.7b yōi ā vaŋhəuš (4) manaŋhō +dīdraγžō.duiiē (7). ― ā+√ fras Y 29.2a1 adā tašā gəuš pərəsat (7). ― ā+√ bū Y 28.11c2 yāiš ā aŋhuš pōuruiiō bauuat (9) ºoº. ― ā+√ nas Y 44.14e ā īš duuafšəṇg (4) mazdā [a]nāšē ąstąscā (7) .·.. ― ā+√ man Y 43.9de at ā θβaāi (4) āθrē rātąm nəmaŋhō (7) ašahiiā mā (4) yauuat isāi maniiāi (7) .·.. ― ā+√ yam Y 31.13b2 ā mazištąm [a]iiamaitē +būjim (9). ― ā+√ yaz Y 39.3a +ā +at iθā yazamaidē. ― ā+√ yā Y 33.7a1 ā mā [ā]idūm vahištā (7). ― ā+√ var Y 46.3e maibiiō θβā (4) sąstrāi vərənē ahurā (7) .·.. 86 Univerbation du préverbe avec lʼabl. sing. de dam-. Le sandhi a été aménagé : pir. *ā | danh | drīta* > *ā danz drīta* > adąs drītā. 87 Mis pour le préverbe ā (sandhi mal défait) : voir la Marginale III §IV.5. 88 Sandhi non effectué.

192

MARGINALE II

― ā+√ 1vid Y 41.1e ācā [ā]uuaēdaiiamahī .·.. ― ā+√ vin Y 46.2c2 ā īt [a]uuaēnā ahurā (7). ― ā+√ rap Y 49.1c2 gaidī mōi ā mōi [a]rapā (7). ― ā+√ sang (réc. saŋh) Y 44.1bc nəmaŋhō ā (4) yaθā nəmə xšmāuuatō (7) mazdā friiāi (4) θβāuuąs saxiiāt mauuaitē (7). ― ā+√ hī Y 29.1b ā mā aēšəmō hazascā (7) rəmō [ā]hišāiiā dərəš[cā] təuuišcā (9) .·.. IId. Le postverbe ā Les verbes avec lesquels sʼordonne le postverbe ā sont les suivants : ― ā+√ āp Y 33.5b apānō darəgō.jiiāitī[m] (7) +ā +xšaθrəm vaŋhəuš manaŋhō (8). ― ā+√ gam Y 29.3c2 yaāi zauuəṇg jimā ×kərəduš ×ā (9) .·. ; Y 46.8cd +paitiiaōgət.tā (4) aāi jasōit duuaēšaŋhā (7) tanuuəm ā (4) yā īm hujiiātōiš ×pāiiā (7). ― ā+√ yā Y 32.1ab axiiācā xvaētuš yāsat (7) ahiiā vərəzənəm mat airiiamnā (9) [ahii]ā daēuuā maī manōi (7) ahurahiiā uruuāzəmā mazd (9) .·.. ― ā+√ yuj Y 30.10bc at asištā yaōjaṇtē (7) ā hušitōiš vaŋhəuš manaŋhō (9) mazd ašaxiiācā (7) yōi zazəṇtī vaŋhāu srauuahī (9) .·.. ― ā+√ stā Y 50.4c2 īšō stāŋhat ā paiθī (7). IIe. Le préverbe ā dans les dérivés substantifs Les racines préverbées de ā produisant des substantifs sont les suivantes : ― ā+√ ar (sans reprendre ici le locatif ašā dont il sera traité dans la Marginale III §§IV-V) Y 33.13bc tā xšaθrahiiā ahurā (7) yā vaŋhəuš ašiš manaŋhō (8) frō spəṇtā ×ārəmaitī (7) ašā daēnā [fra]daxšaiiā (7) .·. ; Y 34.12b2 yā vīdāiiāt +ašiš rāšnm (9) ;

Ā

― ― ― ― ―

― ― ― ― ― ―

= Ā ET Ā ≠ Ā

Y 38.2b vaŋvhīm ābīš ašīm ; Y 43.1e1 rāiiō ašīš (4) ; Y 43.4c1 yā dā ašīš (4) ; Y 43.5d2 vaŋvhīm ašīm ×vaŋhauuē (7) ; Y 43.12d1 səraōšō ašī (4) ; Y 43.12e1 yā vī ×ašiš (4) ; Y 48.9d2 yaθā hōi ašiš aŋhat (7) .·. ; Y 50.9c1 yadā ašōiš (4) ; Y 50.3c1 yə nā ašōiš (4) ; Y 51.5c2 xšaiiąs ašiuuā cistā (7) .·. ; Y 51.10c2 vaŋhuiiā ašī +gat.tē (7) .·. ; Y 51.21c2 təm vaŋvhīm yāsā ašīm (7) .·. ; Y 52.3a (av. réc.) vaŋvhīšca aδā vaŋvhīšca ašaiiō. ā+√ kar Y 48.2d2 vaŋvhī vistā +ākərəitiš (7) .·.. ā+√ xšā Y 32.6a1 pōurū.aēnā ənāxštā (7). ā+√ gam Y 44.8e2 vohū +uruuāxšat +āgəmat.tā (7) .·.. paitī+ā+√ gam Y 42.6.2a (av. réc.) aθaurunąmcā paitī.ająθrəm yazamaidē. ā+√ dā Y 33.11c2 ādāi +kahiiācīt paitī (8) .·. ; Y 33.12b2 vaŋhuiiā zauuō ādā (8) ; Y 49.1c1 vaŋvhī ādā (4) ; Y 30.7c2 yaθā aiiaŋhā [ādānāiš] pōuruiiō (8) ; Y 52.3a (av. réc.) vaŋvhīšca aδā vaŋvhīšca ašaiiō. ā+√ dis Y 44.8b2 yā tōi mazdā ādištiš (7). ā+√ dbu Y 30.6a2 daēuuācinā hiiat īš ā.dəbaōmā (9). ā+√ man Y 49.6b2 xšmākahiiā ā.manaŋhā (7). ā+√ var Y 30.2b1 āuuarənā vīciθahiiā (7). ā+√ sac Y 44.17c1+āskəitīm xšmākąm (4). ā+√ zu Y 29.7a1 təm āzūtōiš ahurō (7) ; Y 38.2d vaŋvhīm āzūitīm.

193

194

MARGINALE II

― ā+√ hī Y 32.14a ahiiā +grəō ā.hōiθōi dadat (9).

(7)

nī kāuuaiiascīt xratūš [nī.]

IIf. Le préverbe ā dans les dérivés adjectifs Les racines préverbées de ā produisant des adjectifs sont les suivantes : ― ā+√ yaf Y 28.2c1 āiiaptā ašāt hacā (7) ; Y 28.7a2 vaŋhəuš āiiaptā manaŋhō (8). ― ā+√ riš Y 51.4a1 kuθrā +ārōiš.ā +fsəratuš (7) ; Y 51.14b1 gauuōi +ārōiš.ā +səndā (7). ― ā+√ sāh Y 34.4b1 asištīm əmauuaṇtəm (7) ; Y 44.9d2 θβāuuąs +asīštiš mazdā (7). ― ā+√ stā Y 43.3d1 haiθiiəng āstīš (4). ― Le rapport de ākā avec ā ou avec lʼhapax védique āké, vraisemblable, ne peut être démontré : Y 48.8c2 ākā arədrəṇg išaiiā (7) ; Y 50.2d1 ākāstəṇg89 mā (4) ; Y 50.4d1 ākā arədrəṇg (4). IIg. Divers IIg.1. Scories et glides Y 32.3c2 yāiš asrūdūm90 būmiiā haptaiθē (8) .·. ; Y 34.11c2 tāiš [ā] mazdā +vīduuaēš[m].θβōi ahī (8) .·. ; Y 35.7.1c vahištəm +aməm̨aidī ; Y 50.7d1 yāiš azāθā91 (4).

― ― ― ―

IIg.2. Hémistiches où le préverbe ā est illusoire ― Y 31.20a1 yə āiiat92 ašauuanəm (7) ; ― Y 33.7a2 ā.xvaiθiiācā93 mazdā darəšatcā (9) ; 89 90 91 92 93

Fautif pour ākāsº ? BEEKES, 1979, p. 5-7. BEEKES, 1979, p. 5-7. La métrique montre quʼil nʼy a pas de préverbe ā. « De vive voix », instr. fém. sing. du dérivé en +uant- de āh- « bouche ».

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

― Y 34.10c2 θβaī mazdā xšaθrōi +ā.vōiiaθrā94 ― Y 51.3a1 +ā.və.gəuš.ā95 həmiiantū (7).

195 (9)

.·. ;

IIg.3. Rebut ― Y 30.9b2 †ā.mōiiastrā †baranā ašācā ; ― Y 53.6c1 drūjō āiiesē ×aōšō. III. Le datif masc.-neutre sing. des thèmes vieil-avestiques en ºaIIIa. Le faux locatif védique en ºe Comme Karl HOFFMANN lʼavait bien vu96, la postposition ā est illusoire avec la datif : la diascévase a isolé la finale ā de la terminaison du datif masculin-neutre singulier des thèmes en ºa- afin de retrouver la forme ºāi. En réalité, le proto-indo-iranien disposait de deux formes pour cette terminaison du datif masculin-neutre singulier des thèmes en ºa-, *ºāi et *ºāia. En sanscrit, seule la seconde forme a survécu, ºāya, tandis que nous ne trouvons que la première, ºāi, en avestique récent. Par contre, toutes deux formes sont attestées en vieil-avestique tout comme en védique, mais selon des fréquences opposées : les textes vieil-avestiques, au lieu de ºāi, ne recourent que de rares fois à la finale ºāi.ā dans laquelle, pour cette raison, la diascévase a pratiqué une coupe afin dʼy retrouver ºāi ; à lʼinverse, dans la Rgvedasaṁhitā, la finale ºāya est largement majoritaire tandis que la diascévase aura résorbé les quelques très rares attestations de *ºāi en lui substituant ºe et en lui donnant donc lʼapparence du locatif. Par exemple, la comparaison avec RS 10.14.11c ― tābhyām enam pári dehi rājan confie-leur cet (homme que voici), ô Roi !97,

RS 10.16.2b et 10.17.3c, où pári DĀ est construit avec le datif, montre que trité… āptyé est un faux locatif dans les vers RS 8.47.15cd : ― trité dusvápniyaṁ sárvam V āpt iyé pári dadmasi Nous livrons le cauchemar tout entier à Trita Āptya.

94 95 96 97

Haplologique pour pii. *a+uiatH-atra- « absence de chancellement, certitude ». < pii. *auaghauša- (scr. avaghosa-). HOFFMANN, 1975, p. 387-95. Traduction RENOU, 1956, p. 61.

196

MARGINALE II

IIIb. Lorsque *ºāia nʼest pas écrit ºāi.ā Pour les attestations vieil-avestiques de proto-iranien *ºāia, cʼest donc la graphie ºāi.ā qui est adoptée, mais trois exceptions sont à relever : ― dans lʼhémistiche Y 31.16b2 ašā fradaθāi aspərəzatā où la seconde partie de la finale a été soudée à la forme verbale qui suit ; ― au début du paragraphe Y 36.2 où la réalité du datif ºāiiā écrit sans fausse coupe reste incertaine, mais je vais y revenir ; ― lorsque la forme est suivie de ºcā, la pseudo-postposition prend les allures dʼun pronom relatif. La finale dative *ºāia est ainsi attestée 14 ou 15 fois : Y 27.13c1 xšaθrəmcā +ahurāi.ā (7) ; Y 29.5a2 zastāiš frīnəmnā +ahurāi.ā (9) ; Y 29.11b2 mazōi +magāi.ā paitī.zānatā (9) ; Y 30.1c1 humązdrā +ašā.yecā (7) ; Y 31.16b2 ašā fradaθāi aspərəzatā (9) ; Y 32.6c2 ×ašā.yecā sənghō [vī]dm (8) ; Y 33.14c1 šiiaōθanahiiā +ašā.yācā (7) ; Y 34.11a2 +xvarəθāi.ā amərətatāscā (8) ; Y 36.2.1a uruuāzištō huuō nā yātāiiā (?) ; Y 45.9d2 aākəṇg +fradaθāi.ā (7) ; Y 46.10d2 xšmāuuatm +vaāi.ā (7) ; Y 51.2a2 ahurā +ašā.yecā (7) ; Y 53.1c2 mazdā yauuōi +vīspāi.ā (7) ; Y 53.2b1 xšnūm mazd +vaāi.ā (7) ; Y 53.4d3 yauuōi +vīspāi.ā (5) .·..

― ― ― ― ― ― ― ― ― ― ― ― ― ― ―

IIIc. Lorsque ºē est mis pour ºāi Contre toute attente, la finale ºē est attestée une fois pour le datif singulier dʼun thème en ºa-. En effet, dans la strophe Y 33.2, le locatif zaōšē, au vu de lʼoctosyllabe Yt 8.35.3a98 zaōšāi ahurahe mazdā, est mis pour le datif :

98

= Yt 13.54.2a, 13.56.2a.

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

197

― at99 yə akəm drəguuāitē (7) vacaŋhā vā at vā manaŋhā (9) zastōibiiā100 vā varəšaitī (7) vaŋhāu101 †vā102 cōiθaitē astīm (9) tōi103 vārāi104 rādəṇtī105 (7) ahurahiiā zaōšē mazd (9) .·. Celui qui fera du mal à lʼégaré avec le mot ou avec l’idée ou avec les mains [at yah akam drugvatai vacahā vā at vā manahā zastaibyā vā varšati] et celui qui verra (en ce dernier) un hôte du Bien [vahāu vā yah caiθatai astīm], ceux-là rencontreront la volonté et l’approbation du Roi qui apporte la sagesse [tōi vārāi ca rādanti ahurahya zaušāi mazdaʼah].

Au vu des hémistiches Y 30.10c2 et 31.19c2, le déficit métrique ne peut être imputé à la présence de vaŋhāu. En outre, comme, pour la logique, le sujet de cōiθaitē doit être distinct de celui de varəšaitī, est alors à restituer devant cōiθaitē. La place dʼastīm derrière le verbe, en plus dʼêtre sans doute stratégique ou recherchée106, se justifie avant tout par son statut de second accusatif dans la rection de cōiθaitē même si le premier accusatif, quant à lui, est ici sous-entendu. La voyelle longue radicale de vārāi contraste avec la brève du mot védique correspondant, vára-107. Pour l’explication de cette divergence apparente, un fait de graphie reflétant la diction liturgique est à envisager. Lʼabsence de coordination entre vārāi et zaōšē fait difficulté même si, en védique, lʼasyndète est acceptable : ― RS 6.64.5ab sā vaha yāóksábhir ávātāVóso váraṁ vahasi jósam ánu, mais, dans la traduction donnée, RENOU nʼa pas considéré que váram et jósam devaient avoir le même statut : « Apporte donc (cette richesse), Aurore insurpassable, toi qui avec les taureaux, apportes selon ton bon plaisir la chose souhaitée ! »108. À mon avis, le poète souligne que la déesse Aurore agit en toute liberté et nʼapporte de richesse quʼà sa guise ou à son gré. 99 La particule at souligne la mise en parallèle ou le contraste de cette strophe avec la suivante. Pour sa part, la cheville métrique at devant vā nʼest recevable que si manaŋhā et zastōibiiā sont des alternatives par rapport à vacaŋhā à lʼintérieur dʼune seule et même subordonnée relative. 100 Sur l’instrumental duel zastōibiiā, PIRART, 2020, p. 238 n. 37. 101 Le locatif vaŋhāu de cette strophe, pour situer l’hôte, désigne probablement la maison des dieux dans laquelle seront accueillis ceux qui luttent sans concession contre les « égarés » (drǝguuant-) et n’hésitent donc pas à éliminer de tels impies. 102 Fautif pour vaŋhāucā ? 103 yə… *ºcā … tōi : le pluriel du corrélatif tōi tient compte des alternatives présentes dans la première subordonnée relative. 104 Coordination nécessaire avec zaōšē. 105 Le verbe √ rād régit aussi le datif dans les hémistiches Y 29.9a2 yə anaēšəm xšąnmənē rādəm et Y 51.6a2 yascā hōi vārāi rādat. 106 Sur la place du mot asti-, PIRART, 2020, p. 127 n. 224. 107 Notamment RS 7.59.2d = 8.27.16b yó vo várāya dāśati « celui qui vous honore à (votre) gré » (trad. RENOU, 1955-69, vol. X p. 45). 108 Trad. RENOU, 1955-69, vol. III p. 84.

198

MARGINALE II

Le tandem qui rassemble vāra- et zaōša- est indirectement attesté aussi par lʼoctosyllabe Yt 10.51.1b ― vīspe +hauuara +hazaōša109 Tous les (Amǝša Spǝnta), dʼun même cœur et à lʼunanimité.

Cependant, remarquons que, dans lʼhémistiche vieil-avestique, la restauration dʼun ºcā inverse arrange lʼanomalie métrique. IIId. Faux datifs en ºāi Comme nous allons le voir, la réalité de plusieurs attestations de la finale ºāi de datif masculin-neutre singulier des thèmes en ºa- est à refuser. IIId.1-2 Les deux premières appartiennent au Yasna Haptaŋhāiti, toutes deux dans le paragraphe Y 36.2 : ― uruuāzištō110 huuō nā yātāiiā V paitī.jamiiā111 V ātarə mazd ahurahiiā112 V uruuāzištahiiā uruuāziiā nąmištahiiā113 nəmaŋhā114 nā mazištāi115 yŋhm V paitī.jamiiā116 .·. Feu fils du très réjouissant Roi qui apporte la sagesse, puisses-tu, en réponse aux prières, te montrer très réjouissant et venir à notre rencontre avec la joie ! Puisses-tu tenir compte de lʼhommage que le Suc très incliné te rend et venir à notre rencontre à lʼoccasion de la plus grande de nos prières !

109 = Yt 13.92.1b, Ny 1.1.2b. Avec PIRART, 2000, p. 389 n. 74, d’après Y 33.2c vārāi… zaōšē et le zand pad hamkāmīh ud hamdōšišn, contre G huuarǝ.hazaoša. 110 Voir PIRART, 2017, p. 161-2. Le paragraphe est à la source de Y 58.7 nǝmasǝ tōi ātarə ahurahē mazdā V mazištāi yāŋhąm paitī.jamiiā V mazə auuaxiiāi mazə +rafǝnō.xiiāi dāidī V hauruuātā amǝrǝtātā ºoº. 111 Y 36.2.1b = Y 36.2.2b. 112 Y 36.2.1c = Y 36.3.2b. 113 Initiale nouvelle. Je donne à lʼhapax legomenon nąmišta- le sens de « très flexible, très incliné » et sous-entend {haōmahiiā} sur base de lʼoctosyllabe Y 9.16.3d zairi.gaōnō nąmi.ąsuš « (Haōma) à la robe dorée et à la tige flexible ». 114 Initiale différée. 115  mazištāi est mis pour le locatif comme dəmānāi au vers Y 46.11e. 116 Y 36.2.2b = Y 36.2.1b.

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

199

Dans Les textes vieil-avestiques, KELLENS et moi, nous avions décrit la rection de paitī+√ gam : « venir vers (acc.) afin dʼ(octroyer) (dat.) »117. Le verbe védique correspondant práti GAM est un hapax legomenon : ― RS 5.41.18 tāṁ vo devāh sumatím ūrjáyantīm V ísam aśyāma vasavah śásā góh | sā nah sudānur mrḷáyantī devī V práti drávantī suvitāya gamyāh Cette faveur vôtre, dieux, la jouissance invigorante, puissions-nous y atteindre, ô Vasu’s, grâce à l’instruction (impartie) par la Vache ! Puisse cette déesse riche en dons, compatissante, venir en courant à notre rencontre, pour (notre) bien-être !118

Cette strophe védique montre que le datif, avec práti GAM, est réservé à lʼexpression du but de la venue, mais, comme ceci ne convient pas pour lʼintelligence des deux phrases du Yasna Haptaŋhāiti, je préfère reconnaître des locatifs dans yātāiiā et dans mazištāi yāŋhąm, contre HOFFMANN qui faisait de yātāiiā le datif de yāta-. La yātā dont il est ici question avec le locatif yātāiiā doit être lʼensemble des prières, la séquence rituelle au cours de laquelle les orants les formulent. Le mot est visiblement glosé par le pluriel de yāh-. Pour argumenter le statut locatif de yātāiiā, nous pouvons nous appuyer sur ― RS 1.25.20c sá yāmani práti śrudhi Tel (étant), donne audience à (ma) prière !119

où lʼemploi du préverbe práti se combine avec le locatif yāmani. Deux autres exemples de la combinaison de práti avec un locatif de temps sont les suivants : ― RS 7.63.5cd práti vāṁ sūra údite vidhema V námobhir mitrāvarunotá havyáih Nous voulons à notre tour, au soleil levant, vous servir par des hommages, ô Varuna-Mitra, ainsi que par des oblations120 ; ― RS 8.23.22 prathamáṁ jātávedasam V agníṁ yajñésu pūrviyám | práti srúg eti námasā havísmatī En premier cʼest vers Agni le Jātavedas, (dieu qui est) en tête dans les sacrifices, / (que) sʼavance la cuiller-oblatoire, avec hommage, portant lʼoblation121. 117 118 119 120 121

KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 237. Trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 21. Trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 68. Trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 87-8. Trad. RENOU, 1955-69, vol. XIII p. 69.

200

MARGINALE II

Lʼapparent datif mazištāi sous-entend ainsi le locatif de yāh-, ce qui est, en effet, préférable sur base de la fréquence des attestations de ce dernier : ― Y 46.14 zaraθuštrā122 (4) kastē ašauuā uruuaθō (7) mazōi magāi123 (4) kə vā fərasrūidiiāi vaštī (7) at huuō kauuā (4) vīštāspō yāhī (7) +yəṇg.stū124 mazdā (4) hadəmōi minaš ahurā (7) təṇg zubaiiā (4) vaŋhəuš uxδāiš manaŋhō (7) .·. (Le Roi qui apporte la sagesse :) « Zaraθuštra, (dis-moi :) qui donc, avec lʼAgencement, observe tes indications de façon que je puisse lui accorder le bénéfice du sacrifice ? Et qui donc le veut et cherche à procéder à la récitation ? » ― (Zaraθuštra :) « Cet (homme), lors de la prière (qui tʼest lancée), Roi qui apportes la sagesse, nʼest autre que le sage Vīštāspa : les (dieux) dont certes il prend soin sur lʼaire (sacrificielle), je les appelle avec les mots du Penser bon » ; ― Y 49.9 sraōtū125 sāsnā (4) fšəŋhiiō +suiiē.taštō (7) nō[it] ərəš.vacā (4) sarəm didąs drəguuātā (7) hiiat daēnā (3) vahištē yūjən mīždē (7) +ašā.yuxtā (4) yāhī dəjāmāspā (7) .·. Quʼil perçoive les leçons, lui qui recourt à de tels liens et au bol servant à faire gonfler (les tiges du Suc) ! En observant la diction continue, il nʼenseigne pas lʼunion avec lʼÉgaré/lʼégaré depuis que les (fils de) Dəjāmāspa, lors de la prière (lancée) en (vue dʼobtenir) lʼexcellente récompense, ont, avec lʼAgencement, attelé les (chevaux calcinés) aux Doctrines ; ― Yt 11.3.3abcdef mąθrō spǝntō V maniiǝuuīm drujǝm nižbairištō V ahunō vairiiō V vacąm vǝrǝθrająstǝmō V aršuxδō vāxš V yāhi vǝrǝθrająstǝmō Le Conseil Savant est ce qui permet le mieux dʼévacuer lʼErreur issue du (funeste) Sentiment. La Strophe du Choix de lʼExistence est celle qui permet le mieux de briser les obstacles. La Strophe Récitée en Continu est celle qui, lors de la prière, permet le mieux de briser les obstacles.

122 Ahura Mazdā, une fois nʼest pas coutume, a la parole dans les deux premiers vers ; Zaraθuštra lui répond avec les trois derniers. 123 Double datif, contre KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 115, « la grande performance ». 124 Analyse du sandhi, contre G yəngstū. Lʼarticulation syntaxique du troisième vers avec le diptyque des deux derniers nʼapparaît pas. 125 Sur la strophe, voir le Chapitre III.

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

201

IIId.3 La fausse occurrence vieil-avestique suivante du datif masculin-neutre en ºāi des thèmes en ºa-126 a été repérée par Stanley INSLER127, dans le vers Y 46.11e : ― yauuōi vīspāi128 (4) drūjō dəmānāi astaiiō (7) .·. Les (mauvais officiants,) voyageurs (retenus) à jamais dans la maison de lʼErreur [yavai visvāi drujah dmānai astayah].

Le phénomène129 est à enregistrer comme un hyper-vieil-avesticisme, sur le modèle du phénomène inverse, celui de lʼhyper-avesticisme récent que nous avons rencontré ci-dessus avec zaōšē mis pour zaōšāi. Le phénomène est encore illustré par certaines attestations de la première personne du singulier de la voix moyenne de lʼindicatif présent thématique telles que vīse130 mis pour vīsāi131. IIId.4 Nous trouvons un nouvel exemple de locatif travesti en datif dans la strophe Y 46.18 avec ąstāi : ― yə132 maibiiā yaōš (4) aāi ascīt vahištā (7) maxiiā ištōiš (4) vohū cōišəm manaŋhā (7) ąstəṇg aāi (4) yə nā ąstāi daidītā (7) mazdā ašā (4) xšmākəm vārəm xšnaōšəmnō (7) tat mōi xratəuš (4) manaŋhascā vīciθəm (7) .·. Celui qui me (dit) « Salut ! », je lui réserve avec le Penser bon les meilleurs os du sacrifice que jʼoffre, (mais) les malheurs à celui qui nous plongerait dans le malheur, (Roi) qui apportes la sagesse, avec lʼAgencement, (chacun) devant être accueilli selon votre volonté. Cʼest la distinction à laquelle arrivent mon intelligence et ma pensée.

126 Sans tenir compte ni des infinitifs en -diiāi ou en -aidiiāi ni des entrées obéissant à la déclinaison pronominale, mais en reprenant les exemples problématiques, les exemples du datif en ºāi des thèmes en ºa- sont aēšǝmāi, akāi, ašāi, ahurāi, ąstāi, īžiiāi, ūθāi, uštānāi, xšmākāi, tkaēšāi, +daxšat.ušiiāi, darǝgāi, duš.šiiaōθanāi, dǝmānāi, fradaθāi, friiāi, magāi, mazištāi, yūšmākāi, vaēidiiāi, vaāi, varǝnāi, vahištāi, vātāi, vārāi, vāstrāi, vāstriiāi, vǝrǝzənāi, vīdīšǝmnāi, vīspāi, vīštāspāi, rafǝδrāi, sǝuuištāi, sąstrāi, spitamāi, *zaōšāi, zaraθuštrāi, šiiaōθanāi, +huxšaθrō.tǝmāi, xvarǝθāi. 127 INSLER, 1975, p. 82 n. 12. 128 Y 46.11e1 = Y 49.8d1. 129 Gommé chez KELLENS, 2006-20, vol. VI, p. 109. 130 Vr 5.1. 131 Y 14.1. 132 Sur la strophe, voir la Marginale I §IVb.

202

MARGINALE II

IIId.5 La Spǝntā.maniiu Hāiti, dans la strophe Y 47.3, contient un faux datif en ºāi : ― ahiiā133 maniiəuš (4) tuuəm ahī +ptā spǝntō (7) yə aāi gąm (4) +rāniiō.skərəitīm həm.tašat (7) at hōi vāstrāi (4) +rāmā +dā +ārǝmaitī (7) hiiat həm vohū (4) mazdā [həmǝ.]fraštā manaŋhā (7) .·. (Roi) qui apportes la sagesse, tu es le père savant du Sentiment qui a collaboré avec (lʼadorateur) à la configuration de la vache, source de joie pour celui-ci. (De concert) avec la Déférence, tu offres fourrage et calme à la (vache) depuis que (cet adorateur) sʼest entretenu avec le Penser bon.

En effet, la forme vāstrāi paraît bien être mise pour lʼaccusatif duel elliptique vāstrē de vāstra- « le fourrage » tandis que rāmā, lʼaccusatif singulier du substantif neutre rāman-, sera son explicitation partielle. Cʼest du moins ce qui ressort et de la désignation du Yazata récent Rāman Xvāstra (Y 2.3, etc.) et de la substance des deux passages suivants, Y 29.10ab et Y 35.4 : ― yūžəm134 aēibiiō ahurā (7) aōgō dātā ašā xšaθrəmcā (9) auuat135 vohū manaŋhā (7) yā136 +hušəitiš137 rāmąmcā138 dāt (9) .·. Vous, Roi qui apportes la sagesse, avec lʼAgencement, donnez-leur [= aux pieux adorateurs] lʼAutorité et lʼEnvoûtement [yužam aibyah ahura augah dāta rtā xšaθram ca], de même avec le Penser bon utile à ce que la (Déférence) offrant bonne habitation [= la déesse Terre] apporte (fourrage) et calme (à la Vache) ! [āvat vahū manahā yā hu-šitiš rāman ca daʼat] ; ― gauuōi ×adā139 ×īš ×tāiš140 šiiaōθanāiš V yāiš vahištāiš fraēšiiāmahī .·. rāmācā vāstrəmcā dazdiiāi V surunuuatascā141 asurunuuatascā V xšaiiaṇtascā axšaiiantascā .·. Et, avec de tels gestes, nous les chargeons aussi dʼassurer calme et fourrage à la Vache, quʼils écoutent ou non, quʼils en reçoivent ou non les moyens.

133 134 135

Sur la strophe, voir le Chapitre I. Sur la strophe, PIRART, 2018, p. 56, 89-91. Sur cet emploi dʼauuat, PIRART, 2018, p. 90 n. 144. Voir aussi la Marginale III

§III.5. 136

xšaθrǝmcā… yā. PIRART, 2018, p. 90 n. 145, contre G hušǝitīš. Nom dʼĀrmaiti. 138 Coordination elliptique : PIRART, 2018, p. 90 n. 146. Locatif ? 139 La particule *u est enclitique de lʼinitiale différée : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 190-1. 140 < proto-iranien *at u īš tāiš*, contre G adāiš tāiš. 141 < proto-indo-iranien *śrunuatah ca. Les quatre participes présents sont épithètes détachés de ×īš. 137

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

203

IIId.6 Un dernier exemple de locatif travesti en datif est probablemement à reconnaître dans le vers Y 49.7d : ― yə142 vərəzənāi143

(4)

vaŋvhīm dāt frasastīm (7) .·.

(Ne sera-ce donc la famille) qui, dans le village, offrira la bonne glorification (de notre héros) ?

IIIe. Une énigme métrique Quatre occurrences de lʼAhunauuaitī Gāθā coïncident avec un déficit syllabique : ― Y 28.5b gātūmcā ahurāi (6) sǝuuištāi sǝraōšǝ[m] mazdāi (8) ; ― Y 31.15b duš.šiiaōθanāi ahurā (6) yə nō[it] jiiōtūm hanarə vīnastī (9) ; ― Y 33.2c tōi vārāi rādəṇtī (6) ahurahiiā †zaōšē mazd (9) .·.. Nous avons vu que lʼanomalie métrique de la dernière occurrence pouvait être aplanie en restaurant une coordination ºcā, mais je nʼai rien à proposer pour les trois autres, à moins de penser que la finale ºāi, au cours de la transmission, y a remplacé ºāi.ā. La même solution est envisageable pour lʼAiriiaman Išiia qui contient aussi un exemple dʼanomalie métrique coïncidant avec le datif en ºāi : ― Y 54.1a2 rafǝδrāi jantū (4). IV. La particule *u IVa. Emplois IVa.1. Coordination La particule *u est employé pour la coordination : ― selon le schéma A B *u : Y 29.6b, 44.2bc, 44.12bc, 46.1cd, 47.4c, 49.2cd ; ― selon le schéma A B C *u : Y 44.4bcd ; ― selon le schéma A B C D *u : Y 44.13bc, 46.17a ; ― selon le schéma A1 B1 C1 D1 *u A2 B2 *u A3 B3 : Y 45.2cde ; ― selon le schéma A *u B *u : Y 31.9a ; ― selon le schéma A *u B *u C *u : Y 48.9a-10ab. 142

Sur le vers, voir le Chapitre III. Remarquons que le datif du védique vrjána- nʼexiste pas tandis que son locatif est généreusement attesté dans la Rgvedasaṁhitā. 143

204

MARGINALE II

IVa.2. « Pourtant » Y 29.9b, 31.7c, 36.1e, 43.8e, 43.10c, 45.3d, 46.9b. IVa.3. « Encore, aussi » Y 30.9c, 35.6.2, 35.4. IVa.4. Substitut de ºcā en présence de zī ― dans une coordination de schéma A *u Bºcā : Y 33.10a ; ― at + *u « en effet » : Y 30.10a ; ― en combinaison avec la particule distributive īt : Y 45.8b. IVa.5. Rebut La forme ā est de sens inconnu en combinaison avec anāiš : Y 32.15a, 53.6f2, 53.8a. IVb. Graphies IVb.1. ― ā Y 29.9b2 yəm ā vasəmī īšā xšaθrīm (9) .·. ; Y 31.7c2 yə ā nū[rəm]cīt ahurā hāmō (9) .·. ; Y 31.9a θβōi as +ārəmaitiš (7) θβə ā gəuš tašā +aš.xratuš (8) ; Y 32.15a1 anāiš ā vī.nənāsā (7) ; Y 36.1e yə ā axtiš aāi ; Y 43.8e1 yauuat ā θβā (4) ; Y 44.12bc kə ašauuā (4) … drəguuā vā (7) katārəm ā (4) angrō vā huuō vā angrō (7) ; Y 44.13bc kaθā drujəm (4) nīš ×aāt144 ā [nīš.]nāšāmā145 (7) təṇg ā146 auuā147 (4) yōi asruštōiš pərənāŋhō148 (7)

144 G ahmat. KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 66, garde ahmat malgré lʼincompatibilité dʼun pronom de première personne complément avec un verbe de la même personne : « Comment nous débarrasser de la Tromperie […] ? » 145 Causatif sigmatique. Le verbe nīš+√ nas coïncide avec le védique nír NAŚ. 146 La deuxième place devant le préverbe auuā impose de tenir ā pour la particule pir. *u. 147 Causatif sigmatique. Il peut y avoir jeu de racines si √ nas avec nīš a pour étymon pie. *nek « disparaître », mais, avec auuā, *H1nek « se déplacer ». 148 Le tour « pleins de la non-récitation » est inconnu par ailleurs. Le substantif asrušti-, lʼantonyme de sǝraōša-, est tiré, comme ce dernier, de la racine √ sruš « faire entendre, réciter », contre KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 66, « pleins du refus dʼentendre ».

Ā

= Ā ET Ā ≠ Ā

205

Comment allons-nous opérer pour débarrasser de lʼErreur le (pieux adorateur) et la refiler aux (mauvais officiants) qui négligent toute récitation ? IVb.2. ― Y 30.9c hiiat haθrā.manā bauuat (7) yaθrā cistiš aŋhat maēθā (9) ; Y 31.9a θβōi as +ārəmaitiš (7) θβə ā gəuš tašā +aš.xratuš (8) ; Y 43.10c pərəsācā149 nā (4) yā tōi +əā.parštā (7) ; Y 45.3d yaθā īm (4) mənāicā vaōccā (7) ; Y 46.9b yaθā θβā (4) zəuuīštīm ×uzəmō.hī (7) ; Y 46.17a yaθrā və (4) ×afšmainī sənghānī (7). IVb.3. ― ºā Y 29.6b nō[it] aēuuā ahū vistō (7) na[ēd]ā ratuš ašātcīt hacā (9) .·. ; Y 30.10a adā zī auuā drūjō (7) +[auuō.]buuaitī skəṇdō spaiiaθrahiiā (9) ; Y 35.4ab gauuōi ×adā150 ×īš ×tāiš šiiaōθanāiš V yāiš vahištāiš fraēšiiāmahī .·. ; Y 45.2cde nō[it] nā151 manā (4) nō[it] səṇghā nō[it] xratauuō (7) na[ēd] ā varanā (4) nō[it] uxδā na[ēd]ā šiiaōθanā (7) nō[it] daēnā (3) nō[it] uruuąnō + haciṇtē (7) .·. ; Y 46.1cd nō[it] mā xšnāuš (4) yā vərəzənā həcā (7) na[ēd]ā daxiiəuš (4) yōi sāstārō drəguuaṇtō (7) ; Y 48.9a kadā vaēdā (4) yezī cahiiā xšaiiaθā (7) ; Y 48.10ab kadā mazdā (4) mąnarōiš narō vīsəṇtē (7) kadā ajən (4) mūθrəm ahiiā +madahiiā (7) ; Y 49.2cd nō[it] spəṇtąm dōrəšt (4) aāi stōi ārəmaitīm (7) na[ēd]ā vohū (4) mazdā fraštā manaŋhā (7) .·.. IVb.4. ― ºū Y 35.6.2ab tat əəādū +vərəziiō.tūcā īt aāi V fracā +vātōiiō.tū īt aēibiiō ; Y 44.2bc kaθā aŋhəuš (4) vahištahiiā paōuruuīm (7) ×kāθū sūidiiāi (4) yə ī paitišāt (7) ; Y 45.8b nū zīt (4) cašmainī viiādarəsəm (7) ; Y 47.4c kasəušcīt nā (4) ašāunē ×kāθū aŋhat (7). 149

Sandhi pour *pǝrǝsatcā. La particule *u est enclitique de lʼinitiale différée : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 190-1. 151 < pir. *ná nú* (négation forte). 150

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MARGINALE II

IVb.5. ― u Y 33.10a vīspā.stōi hujītaiiō (7) yā u zī āŋharə yāscā həṇtī (9) ; Y 44.4bcd kasnā dərətā (4) ząmcā adə nabāscā (7) auuapastōiš (4) kə apō uruuarāscā (7) kə u vātāi (4) duuąnmaibiiascā yaōgət āsū (7) ; Y 51.11abc (?) kə u uruuaθō spitamāi (7) zaraθuštrāi nā mazdā (7) kə vā ašā āfraštā (7) kā spəntā ārəmaitiš (7) kə vā vaŋhəuš manaŋhō (7) acištā magāi ərəšuuō (7) .·.. IVb.6. ― vā ? Y 51.11abc kə u uruuaθō spitamāi (7) zaraθuštrāi nā mazdā (7) kə vā ašā āfraštā (7) kā spəntā ārəmaitiš (7) kə vā vaŋhəuš manaŋhō (7) acištā magāi ərəšuuō (7) .·.. IVb.7. ― ə Cette graphie est illusoire. IVc. Particule tū orthographiée ā ― Y 32.8c aēšmcīt152 ā aī (7) θβaī mazdā vīciθōi aipī (9) .·..

152

Sur ce vers, voir la Marginale I §IVb.

MARGINALE III LʼANALYSE D᾿AŠĀ

Introduction Dans Les textes vieil-avestiques, Jean KELLENS et moi, nous avions, comme nos prédécesseurs, presque toujours pris ašā pour une forme dʼaša-, le substantif coïncidant avec le védique rtá-, mais, dans lʼabsolu, la forme ašā est analysable soit comme le vocatif ou l’instrumental sing. du substantif neutre aša- « lʼAgencement » (= védique rtá- < pie. *H2rtó-), soit comme le locatif singulier du substantif féminin aši« lʼaction de faire arriver, la Dédicace ; la Fortune » (< pir. *ārti- < pie. *+H1rtí-)1. Avec la présente marginale, il est recherché les critères permettant de choisir entre les trois possibilités. Avant dʼy procéder, arrêtons-nous sur lʼétymologie dʼaši-2. Celle que jʼen ai proposée3 sur base de la comparaison de lʼhémistiche vieil-avestique Y 43.1e1 rāiiō ašīš avec la gāyatrī védique RS 8.7.13 ā no rayím madacyútam V puruksúṁ viśvádhāyasam | íyartā maruto diváh Suscitez nous la richesse (venue) du ciel, ô Marutʼs, mue par le breuvage (sômique),/ riche en bétail, toute nourricière !4

est controversée surtout depuis que Jean KELLENS a signalé tout récemment5 le rapprochement que lʼon devrait plutôt effectuer avec la tristubh védique RS 1.64.15 nú sthirám maruto vīrávantam V rtīsāhaṁ rayím asmāsu dhatta | sahasrínaṁ śatínaṁ śūśuvāṁsam V prātár maksū dhiyāvasur jagamyāt6 Eh bien, conférez-nous, ô Marutʼs, la richesse ferme, consistant en hommes-valides, triomphant des attaques,/ milluple, centuple, toutegonflante ! ― Quʼarrive de bonne heure, bien vite, celui qui enrichit par lʼintuition-poétique !7. 1 Il est inutile de sʼattarder ici sur le mirage du nom.-acc. plur. dʼaša- ou de penser à une forme du nom de la farine. 2 Sur les traductions pehlevies (zand) qui sont trop vagues, PIRART, 2006, p. 25-6 et 28 n. 20. 3 PIRART, 2001, p. 107-8 ; 2006, p. 27-33. 4 Trad. RENOU, 1955-69, vol. X p. 47. 5 KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 25. 6 15d = RS 1.58.9d, 1.60.5d, 1.61.16d, 1.62.13d, 1.63.9d, 8.80.10d, 9.93.5d. 7 Trad. RENOU, 1955-69, vol. X p. 18.

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MARGINALE III

Le nom dʼaši-, malgré lʼattestation unique de la graphie ārǝiti- qui ne serait pas crédible, ne contiendrait pas de préverbe pii. *ā : non seulement, le verbe √ ar combiné avec le nom dʼaši-, notamment dans Y 52.3de yaθa nō mazištāsca vahištāsca sraēštāsca V ašaiiō ərənauuante .·. de façon que nous arrivent les plus grandes, les meilleures et les plus belles chances8,

ne montre pas ce préverbe, mais, de surcroît, le nom même dʼaši- coïnciderait avec le premier terme du composé védique rtīsáh-. Je ne puis accepter cette critique dès lors que jʼavais amplement justifié lʼabsence du préverbe avec √ ar dans le syntagme ašaiiō ərənauuante et que lʼaction connotée dans la strophe védique par rtī+ « lʼattaque, lʼagression »9 ne concerne pas rayí-. Quant au rapprochement que Jean KELLENS avait avancé avec le védique nírrti-, en surfant sur la multiplicité des racines anit AR et le flou quʼil existerait de ce fait10, il est tout aussi bien à refuser : le sens de nírrti- nʼest pas « le départ manqué »11, mais « le désagencement12, lʼinadéquation » comme les textes lʼillustrent bien13 et comme KELLENS le sait bien lui-même pour noter lʼemploi de lʼadjectif verbal nírrta- à propos dʼun char démantibulé14. Lʼélément +rti- que contient le composé nírrti- ainsi sʼexplique-t-il par la racine pie. *H2er et coïncide-t-il avec le latin ars, artis, plutôt quʼavec lʼavestique Trad. PIRART, 2006, p. 87. RENOU, 1955-69, vol. X p. 18, concernant RS 1.64.15b (Sāyana : gantnāṁ śatrūnām abhibhavitāram) ; XIII p. 46, concernant RS 6.14.4a (Sāyana : rtīnām arātīnāṁ sodhāram abhibhavitāram) ; CALAND et HENRY, 1906-7, vol. II p. 300, 318, donnent « qui triomphe de lʼassaillant » pour RS 8.68.1c (Sāyana : hiṁsakānām abhibhavitāram), 8.88.1a (Sāyana : | rtayo bādhakāh śatravah | tesām abhibhavitāram). 10 Il nʼy en a jamais que trois, toutes trois parfaitement bien repérées : pie. *H1er exprimant le déplacement à lʼhorizontale, lʼavancée, lʼextension ; *H2er, lʼemboitement, lʼassemblage, lʼagencement, lʼarticulation, la combinaison ; *H3er, le déplacement à la verticale, le lever. Certes, les contextes de la Rgvedasaṁhitā peuvent parfois nous faire hésiter entre ces racines, mais la distinction, dʼautres fois, ne fait aucune difficulté. 11 KELLENS, 1999, p. 464. 12 MINARD, 1949-56, vol. II §226b. 13 Voir RENOU, 1955-69, vol. XVI p. 21, concernant la glose nír arpayati de nírrtidans ŚBM 7.2.1.11, et PIRART, 1995-2000, vol. I p. 205, sur RS 1.117.5 où nírrti- apparaît clairement comme étant le principe de la discordance ou absence de correspondance : le Soleil plongé dans les ténèbres, la plaque dʼor belle à voir, mais enfouie dans le sol. 14 KELLENS, 1999, p. 464 n. 8. Voir PIRART, 1995-2000, vol. I p. 204, sur RS 3.2.1d dhiyā ráthaṁ ná kúliśah sám rnvati « avec idée, comme la hache met en forme le char » (voir RENOU, 1955-69, vol. XII p. 51) et p. 255 sur RS 1.119.7 où les Aśvin remontent (sám invathah < *sám r̥nvathah* : RENOU, 1955-69, vol. XVI p. 21) le char que la vieillesse a démantibulé (nírr̥tam). 8 9

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

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aši-. Et, pour moi, ce dernier terme, au lieu du départ, désigne lʼarrivée des trois principes du comportement adéquat du pieux adorateur, ceux de sa pensée, de sa parole et de son geste, chez les dieux ou, plus exactement, lʼaction de les faire arriver à destination, la conduite des offrandes à bon port, la Dédicace. Le substantif aši- est le nom donné dans lʼAvesta non seulement à lʼaction de faire arriver aux dieux, par le biais des pensées, des paroles et des gestes qui conforment la cérémonie célébrée en leur honneur, les moyens de satisfaire leurs adorateurs, mais aussi à lʼaction par laquelle les dieux, en retour, leur feront arriver des bienfaits tels que la chance dʼavoir un fils et la faculté de trouver à manger à leur faim ou les récompenseront au-delà de la mort. Pour Jean KELLENS15, le sens fondamental ou premier dʼaši- est « la mise en route », mais, à mon avis, le lien avec mīžda-, confirmé par le nom vieux-perse de la déesse (*miždušī-), ne doit pas occulter que lʼéchange do ut des auquel son nom dʼaši- fait allusion comporte deux volets. Lʼétymon dʼaši- « lʼarrivée, la chance, le fait de faire arriver, … », bien que ce soit en admettant un changement de signe, coïncide avec celui du védique ārti- « la malchance, la douleur » qui, contre lʼidée de TURNER, ne relève pas de la racine ARD16, qui nʼentre jamais en composition avec le préverbe ā, mais bien de la racine préverbée ā+AR « faire mouche, toucher » ou, à la voix active, « tomber dans tel état » comme lʼavait établi WACKERNAGEL17 sur base du syntagme ārtim ārchati de MS 3.8.10. Lʼévidence du sens de nírrti- ne peut être abîmée par le jeu de racines présent dans ŚBM 7.2.1.11 : ― yásyās te ghoraʼāsán juhomīti | ghorā vái nírrtis V tásyā etád āsán juhoti V yát tád devátyaṁ kárma karóty V esāṁ bandhānām avasárjanāyéti V yáir bandháir baddhó bhávati V yāṁ tvā janó bhūmir íti pramándataʼítVīyáṁ vái bhūmir V asyāṁ vái sá bhavati yó bhávati V nírrtiṁ tvāháṁ pári veda viśváta íti V nírrtir íti tvāháṁ pári veda sarváta íty V etád iyáṁ vái nírr̥tir V iyáṁ vái táṁ nír arpayati yó nirrcháti V tád yáthā vái brūyād V ásāv āmusyāyanòʼsi V véda tvā V mā mā hisīr V íty evám etád āha V natarā hí viditá āmantrito hinásti || « Toi, Affreuse, dans la bouche de qui je verse lʼoffrande ». Affreuse est, faut-il savoir, Nirrti, et cʼest dans sa bouche quʼil verse lʼoffrande à lʼinstant dʼaccomplir cette séquence rituelle. « Pour le relâchement de ces liens ». Les liens dans lesquels il sʼest trouvé lié. « Toi que le peuple prend plaisir 15 16 17

KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 19. KUIPER, 1963-4, p. 324 (voir MAYRHOFER, 1992-2001, vol. I p. 118). WACKERNAGEL, 1896, p. 319.

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MARGINALE III

à appeler Terre ». La Terre, faut-il savoir est celle-ci, et cʼest sur celle-ci que se trouve celui qui se trouve. « Je te repère partout comme étant Nirrti ». (Cela signifie:) « Je vois que, partout, tu es Nirrti ». Comme cela revient à dire que Nirrti nʼest autre que celle-ci, et que celle-ci désarticule/ décompose celui qui sʼen va, cʼest comme sʼil disait : « Tu es un tel, fils dʼun tel, je te connais, ne me fais pas de mal ! », car, en aucune façon, ne fait de mal celui qui est connu à lʼinstant dʼêtre interpellé.

Pour sa part, aša-, un adjectif verbal en -ta- substantivé, désigne la cérémonie sacrificielle en tant quʼagencement complexe et structuré dʼéléments rituels, les uns immatériels tels que les hymnes adressés aux divinités ou les gestes requis, les autres matériels tels que les libations et les victimes ou les ustensiles, les realia, auxquels les officiants recourent pour les offrandes. Les mots aša- et aši- ainsi sont-ils sémantiquement proches lʼun de lʼautre pour représenter tous deux lʼactivité pieuse des adorateurs. Il nʼest donc pas étonnant quʼune certaine confusion se soit installée dans les traductions médiévales et que, dans le zand, le pehlevi ʼhlʼdyh puisse servir à rendre aussi bien le premier que le second. Dès lors, nous devons adopter des critères mécaniques et objectifs à lʼinstant de distinguer le locatif ašā de lʼinstrumental ašā. Il sʼagira de faire le tri entre les mots ou les verbes régissant ašā dont la rection habituelle ou attendue est le locatif et ceux qui, par ailleurs, régissent plutôt lʼinstrumental. Pour la distinction des deux ašā, nous pouvons aussi tenir compte des mots qui, par ailleurs, les complètent, accompagnent ou déterminent, cherchant par exemple quels sont parmi eux les compléments attendus pour aši- et ceux qui, habituellement, complètent plutôt aša-. Lʼordre des mots a, lui aussi, toute son importance puisque le locatif est plus facile à défendre que lʼinstrumental pour un complément libre situé bien au-delà du verbe. Le locatif libre exprime souvent le cadre dans lequel lʼaction se déroule, à savoir le temps, le lieu ou même le but. I. ašā fruit dʼune fausse coupe ou de lʼanalyse dʼun composé Bien évidemment, nous devons éliminer préalablement les occurrences dʼašā qui résultent dʼune fausse coupe ou de lʼanalyse dʼun composé. Sur ašā fruit de la fausse coupe ašā.yecā/ ašā.yācā (Y 30.1c1, 32.6c2, 33.14c1, 51.2a2), voir la Marginale II §IIIb. Comme premier terme, ašā apparaît dans trois composés nominaux, les adjectifs ašā.staōmiia« appartenant à lʼéloge de lʼAgencement », ašā.aōjah- « tirant son autorité de lʼAgencement » et ašā.yuxta- « attelé avec lʼAgencement » :

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

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― Y 33.8b2 at vā +ašā.staōmiiā18 vacā (9) ou les strophes de lʼéloge de lʼAgencement [at vā rta-staumiyā vacāh] ; ― Y 43.4d θβahiiā19 garəmā (4) āθrō ašā.aōjaŋhō20 (7) La chaleur appartient à ton (fils) le Feu, lui qui tire son autorité du (bon) Agencement [θvahya garmā āθrah rta-aujahah] ; ― Y 49.9cd hiiat daēnā (3) vahištē yūjən mīždē (7) +ašā.yuxtā21 (4) yāhī dəjāmāspā (7) .·. Depuis que les (fils de) Dəjāmāspa, en vue de lʼexcellente récompense, ont, avec lʼAgencement, attelé les (chevaux calcinés) aux Doctrines lors de la formulation des demandes/prières [yat daināh vahištai yujant miždai rtayuxtā ya᾿ahi djāma᾿aspā].

II. ašā est le vocatif dʼašaLe vocatif dʼaša- est dʼun emploi exceptionnel en vieil avestique où lʼhabitude du poète des Gāθā, parmi les dieux, est de sʼadresser uniquement à Ahura Mazdā22. II.1 Dans la strophe Y 28.3, ašā a toutes chances dʼêtre un vocatif, car lʼexplicitation du pronom de deuxième personne du pluriel vā par la coordination ašā… manascā vohū… mazdmcā ahurǝm doit en contenir un : ― yə23 vā ašā ufiiā[nī] (7) manascā vohū apaōuruuīm (9) mazdmcā ahurǝm (7) yaēibiiō xšaθrǝmcā aγžaōnuuamnǝm (9) varǝdaitī ārǝmaitiš (7) ā mōi rafǝδrāi zauuəng jasatā (9) .·. Comme je vous adresserai un chant sans précédent, Agencement, Penser bon et Roi qui apportes la sagesse [yah vāh rta ufyaʼā manah ca vahu a-parviyam mazdaʼam ca ahuram], et que vous ne pourrez échapper (ni

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G ašā staomiiā. Sur le vers, PIRART, 2020, p. 170-1. 20 Le second hémistiche est à rapprocher des vers Y 34.4ab at tōi ātrəm ahurā (7) aōjōŋhuuaṇtəm ašā usəmahī (9) asištīm əmauuaṇtəm (7) stōi rapaṇtē ciθrā.auuaŋhəm (9) « Et nous voulons, Roi qui apportes la sagesse, que ton fils le Feu, lui qui tire son autorité de lʼAgencement, instructeur et combatif, soit, pour qui vient à (votre) secours, dʼune aide certaine » : voir ci-dessous §III.14. 21 La combinaison de yūjən avec +ašā.yuxtā garantit que ce dernier est un composé. 22 En plus dʼAša ou dʼAhura Mazdā, il nʼy a jamais quʼune seule autre divinité à qui Zaraθuštra ou son alter ego le poète adressent des prières, Ādā (Y 49.1), car il faut admettre la correction instrumentale de toutes les occurrences du vocatif dʼārmaiti-. Pour sa part, LECOQ, 2016, a multiplié les vocatifs à lʼextrême. 23 Sur la strophe, PIRART, 2017, p. 150. 19

212

MARGINALE III

à lʼAscendant) ni à lʼEnvoûtement dont la Déférence accroît lʼexercice [yaibyah xšaθram ca a-gžanvamnam vardati aram-matiš], venez à mes appels, portez-moi secours [ā mai rafθrāi zavānh jasata] !

II.2 Par sa place en tête de la phrase Y 28.5ab, avant même lʼinterrogatif kat, ašā doit être le vocatif dont θβā constitue lʼancrage évident, surtout que la mention du grand dieu, quant à elle, figure au datif : ― ašā24 kat θβā darǝsānī (7) manascā vohū vaēdǝmnō (8) gātūmcā ahurāi (6) sǝuuištāi25 sǝraōšǝ[m] mazdāi (8) Agencement, quand te verrai-je [rta kat θvā darsāni] et pourrai-je, en recourant à la récitation [sraušā], pourvoir du (véhicule du) Penser bon et du (moyen de me) venir (en aide) [manah ca vahu vaidamnah gātum ca] le très opulent Roi qui apporte la sagesse [ahurāi savištāi… mazdaʼai] ?

II.3 La phrase Y 29.3 est la suite dʼun discours qui commence à la strophe précédente avec une question explicitement adressée à Aša (adā tašā gəuš pǝrǝsat ašǝm). Cette allégorie de lʼagencement rituel y figurait logiquement au vocatif sous le nom de Qui-te-nourris-de-la-Vache (gaōdāiiu- :: gaōdāiiō). De ce fait, la forme ašā que nous trouvons ici est très probablement le vocatif dʼaša-, même si la teneur de la phrase est énigmatique : ― aāi26 ašā nōit sarəjā27 (7) aduuaēšō28 gauuōi29 †paitī.mrauuat30 auuaēšm31 nō[it] vīduiiē32 (7) yā33 ךauuaintē34 ādrəṇg ərəšuuāŋhō (9) .·.

(9)

Agencement, je ne convaincs pas (lʼâme de) la Vache [ahmāi rta na sarjā… gavai] en lui répondant ignorer [pati-mruvants na vidvai], moi qui ne (lui) suis aucunement hostile [a-dvaišah], ce qui, parmi eux, sert aux hauts à se déplacer vers les nécessiteux [avaišaʼam… yā śyavantai ādrānh ršvāhah]. Sur ces vers, PIRART, 2017, p. 163-7. Nuance résultative : Ahura Mazdā est qualifié de « très opulent » parce que le poète va le « gonfler », le renforcer, le doter de moyens. 26 Reprend uruuan-. Sur cette strophe, PIRART, 2018, p. 53-4, 72-5. 27 Première sing. act. indic. prés. du tudādi tiré de √ srāj (= védique ŚLĀGH). 28 Nominatif masc. sing., accordé avec le sujet de sarǝjā. 29 Compl. de lʼadj. aduuaēšō. 30 Mis pour *paitī.mrauuąs (avec épenthèse en ºauº de ºuº sur ºuº) nom. masc. sing. < pii. *pati+mruHant-s). 31 « Parmi ceux-là », génitif du tout avec ādrəṇg ərəšuuāŋhō. 32 Inf. acc., objet de *paitī.mrauuąs. 33 Instr. nt. sing. de lʼinterrogatif indirect « avec quoi ». 34 G šauuaitē. 24 25

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

213

III. ašā est lʼinstrumental dʼašaIII.1 Il est sans doute souhaitable de reconnaître un parallélisme syntaxique entre les impératives de la strophe Y 28.6 et dʼoctroyer à chacun des trois verbes principaux un complément exprimé à lʼinstrumental, vohū… manaŋhā pour gaidī, +ašā pour dāidī et ǝrǝšuuāiš… uxδāiš pour +dā : ― vohū35 gaidī manaŋhā (7) dāidī +ašā +dā36 darǝgāiiū (9) ǝrǝšuuāiš tū uxδāiš mazdā (7) zaraθuštrāi aōjōŋhuuat37 rafǝnō (9) aaibiiācā ahurā (7) yā daibišuuatō duuaēšā tauruuai[iā]mā (9) .·. Viens avec le Penser bon [vahū gadi manahā] ! Donne avec lʼAgencement [dādi rtā] ! Et, avec lʼAscendant que les mots élevés nous donnent sur toi, concède-nous donc, Roi qui apportes la sagesse [dāh… ršvāiš tu ugdāiš mazdā… ahura], le secours dʼune longue vie, à Zaraθuštra et à nous [darga-āyu… zarat-uštrāi aujahvat rafnah ahmabya], avec lequel nous surmontions les nuisances du nuisible [yā dvišatah dvaišāh turvaima] !

III.2 Dans la strophe Y 28.7, la présence dʼaši- à lʼaccusatif immédiatement à sa suite empêche de considérer quʼašā y serait son locatif : ― dāidī38 ašā tąm ašīm (7) 39 vaŋhəuš āiiaptā manaŋhō (9) dāidī tū × ǝ ār maitī (7) vīštāspāi īšǝ[m]40 maibiiācā (9) dāstū mazdā xšaiiācā (7) yā və mąθrā +srǝuuīmā +rādā (9) .·. Donne avec lʼAgencement la chance [dādi rtā tām ārtim] qui est avec lʼavantage du Penser bon [yā vahauš ā-yaptā manahah] ! Toi, donne-nous avec la Déférence [dādi tū aram-matī] la vigueur à Vīštāspa et à moi [višta-asvāi išā mabya ca] ! Donne donc, toi qui apportes la sagesse, les (fruits de la) réussite [dāh tu mazdā… rādāh] si je puis vous envoûter en recourant à votre conseil concernant les textes [xšāya ca yā vah manθrā sravimā] !

Dans cette strophe, nous trouvons donc lʼattribution à chacun des trois verbes principaux dʼun complément exprimé à lʼinstrumental, ašā pour le premier dāidī, ×ārmaitī pour le second dāidī et yā və mąθrā +srǝuuīmā pour dāsº. Une situation comparable à celle rencontrée dans la strophe précédente41. Sur cette strophe, PIRART, 2017, p. 150-1. B, contre G ašā.dā. 37 Accordé avec rafǝnō par hypallage. 38 Sur cette strophe, PIRART, 2017, p. 151-3. 39 Restituer devant vaŋhəuš afin de justifier lʼemploi de tąm et de régulariser la métrique. 40 Restituer le duel par concordance avec les datifs coordonnés. 41 Voir §III.1. 35 36

214

MARGINALE III

III.3 Dans la strophe Y 28.8 où cʼest le complément de lʼadjectif hazaōša-, le statut instrumental dʼašā ne fait aucun doute : ― vahištǝm42 θβā vahištā (7) yəm43 ašā vahištā hazaōšǝm (9) †ahurǝm44 yāsā vāunuš (7) narōi fǝrašaōštrāi maibiiācā (9) yaēibiiascā īt rāŋhaŋhōi (7) vīspāi yauuē vaŋhəuš manaŋhō (9) .·. Roi excellent, je te demande en vénérateur [θvā vahišta… ahura yāsā vanuš] dʼêtre dʼaccord avec lʼAgencement excellent [yam rtā vahištā hazaušam], dʼêtre excellent pour Nar (Spanta) [= Zaraθuštra ?], pour Fǝrašaōštra et pour moi [vahištam… narai fraxša-uštrāi mabya ca] et de nous garantir à chacun pour toujours (lʼexistence) du Penser bon [yaibyah ca it rāhahai visvāi yavai vahauš manahah].

III.4 Le même syntagme figure dans lʼhémistiche Y 29.7a2 : ― mąθrəm45 tašat ašā hazaōšō (9) il forge la recommandation de commun accord avec lʼAgencement [manθram taxšat rtā ha-zaušah].

III.5 Dans la phrase Y 29.10ab, ašā paraît former un tandem avec vohū manaŋhā : ― yūžəm46 aēibiiō ahurā (7) aōgō dātā ašā xšaθrəmcā (9) auuat vohū manaŋhā (7) yā +hušəitiš rāmąmcā47 dāt (9) .·. Vous, Roi qui apportes la sagesse, avec lʼAgencement, donnez-leur [= aux pieux adorateurs], lʼAscendant et lʼEnvoûtement48 [yužam aibyah ahura augah dāta rtā xšaθram ca], de même avec le Penser bon utile à ce que la (Déférence) offrant bonne habitation [= la déesse Terre] apporte (fourrage) et calme (à la Vache) [āvat vahū manahā yā hu-šitiš rāman ca daʼat] !

42 43 44 45 46 47 48

Sur cette strophe, PIRART, 2017, p. 154-5. Eżāfe de support du compl. de hazaōšǝm. Fautif pour le vocatif. Voir PIRART, 2018, p. 55, 84-5. Sur la strophe, PIRART, 2018, p. 56, 89-91. Locatif ? Les capacités dʼavoir de lʼascendant sur vous et de vous envoûter.

215

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

En effet, cʼest ce quʼil faut déduire de lʼemploi dʼauuat « autant, aussi » que jʼinterprète à présent comme une façon de répéter les mots aōgō dātā… xšaθrǝmcā : cet emploi revient donc à coordonner ašā et vohū manaŋhā. III.6 La coordination avec xšaθrā et manaŋhā vohū ne laisse aucune place au doute et nous assure du statut instrumental dʼašāº dans le vers Y 30.7a : ― aāicā49 xšaθrā jasat

(7)

manaŋhā vohū ašācā

(8)

Comme (le Phrasé [Sǝraōša]) vient à lui avec lʼEnvoûtement, le Penser bon et lʼAgencement [ahmāi ca xšaθrā jasat manahā vahū rtā ca].

III.7 Il en va de même dans le vers Y 31.3a où la coordination rassemble les trois instrumentaux maniiū āθrācā ašācā : ― yąm50 dā maniiū āθrācā (7) ašācā cōiš51 rānōibiiā xšnūtəm (9) Lʼattention que tu prêtes aux deux exécutants [yām dāh… caiš rānaibya xšnutam] en raison du Sentiment (que nous avons te concernant), (de la présence) du Feu et (de la mise en œuvre) de lʼAgencement [manyū āθrā ca rtā ca].

III.8 La combinaison de lʼinstrumental dʼaša- avec √ frād, attestée notamment dans la strophe Y 31.16, est bien connue52 : ― pərəsā53 auuat yaθā huuō (7) yə hudānuš54 dəmanahiiā xšaθrəm (9) šōiθrahiiā vā daxiiəuš vā (7)55 ašā fradaθāi aspərəzatā56 (9) θβāuuąs mazdā ahurā (7) yadā57 huuō aŋhat yāšiiaōθanascā58 (9) .·. 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58

Sur le vers, PIRART, 2020, p. 46-9. Sur le vers, PIRART, 2020, p. 87-8. Synonyme de dā employé comme cheville métrique. Voir §§III.17, III.21, III.24, III.27, III.30, III.31. Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 117-8. Sur ce mot, voir le Chapitre III n. ad Y 50.9d. Y 31.16b1 = Y 46.4b2. Voir Marginale II. Voir Marginale II. B yā.šiiaōθanascā. Bahuvrīhi interrogatif indirect.

216

MARGINALE III

Je (te) demande aussi comment est celui [prsā āvat yaθā hah] qui, avec générosité, aspire à (tʼ)envoûter [yah hudānuš… xšaθram… sprzata] et à te rendre un culte en recourant au (bon) Agencement, Roi qui apportes la sagesse [rtā… θvāvants mazdā ahura], dans le but dʼassurer la prospérité de la maison, du terroir ou du pays [dmānahya… šaiθrahya vā dahyauš vā… frādaθāya] ; (je te demande aussi) quand et avec quels gestes il sera là [yat ā hah ahat ya-śyāuθnah ca].

III.9 Aucun doute nʼest à enregistrer concernant lʼanalyse dʼašā dans les vers Y 32.2ab : ― aēibiiō59 mazdā ahurō (7) sārəmnō60 vohū manaŋhā (8) xšaθrāt hacā61 paitī.mraōt (7) ašā huš.haxā xuvənuuātā (9) .·. Le Roi qui apporte la sagesse, le Penser bon l’unissant (à lui) [mazdāh ahurah saryamnah vahū manahā], est bien accompagné de lʼAgencement ensoleillé [rtā hu-haxā huvanvatā] pour répondre aux (adorateurs) du fait de lʼEnvoûtement (que, de la sorte, ils ont exercé sur lui) [aibyah… xšaθrāt haca pati-mraut].

En effet, nous savons que lʼinstrumental entre dans la rection de √ sar et que le complément dʼagent dʼun verbe conjugué à la voix passive est lui aussi exprimé à lʼinstrumental. Les deux instrumentaux ašā… xvənuuātā et vohū manaŋhā ainsi sont-ils pleinement justifiés, et leur asyndète est à expliquer par une différence de fonction grammaticale, mais nous pouvons remarquer lʼastuce du poète qui a placé les mots ašā… xvənuuātā autour de lʼadjectif huš.haxā et donné ainsi lʼallégorie du culte de bonne obédience, caractérisé notamment par sa célébration diurne, pour le meilleur ami du grand dieu62.

59

{ašauuabiiō}, datif compl. de paitī.mraōt. Passif : < ×sairimnō. 61 KELLENS, 2015, p. 33, attribue un sens inédit au syntagme xšaθrāt hacā : « au sujet du Pouvoir ». 62 Contre KELLENS, 2015, p. 33, qui traduit a2 et b2 comme suit : « Ahura Mazdā, uni comme ami à la bonne Pensée et à lʼAgencement ensoleillé ». 60

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

217

III.10 Le nom du héros eschatologique Uxšiiat.ǝrǝta constitue un parallèle pour le syntagme ×ašā ×uxšiiaṇtā noyé parmi les hapax legomena et les inconnues de la strophe Y 33.9 : ― at63 tōi +mazdā.təm64 maniiūm65 (7) ×ašā ×uxšiiaṇtā66 sarədiiaiiā (9) xuvāθrā67 maēθā68 maiiā (7) vahištā barətū69 manaŋhā (9) aiiā +ārōi70 hākurənəm71 (7) yaiiā72 uhaciṇtē uruuąnō (9) .·. Et que, malgré mon hésitation, les bien-être [at… hu-āθrā miθā mayā], portent, avec le Penser excellent [vahištā baratu manahā], le sage Sentiment que tu donnes [tai mazdātam manyum] concernant les deux (…) qui, appartenant au groupe, font grandir avec lʼAgencement (…) [rtā uxšyantāh sardiyayāh] ! Le hākurǝnǝm des deux est toujours mis en mouvement lorsque leur (…) est pourtant accompagné des âmes [ayāh ārai hākurǝnǝm yayāh u hacantai ruvānah].

Traduction forcenée. Trop dʼinconnues émaillent la strophe pour que je puisse en saisir la portée, mais lʼonomastique paraît bien garantir quʼašā est lʼinstrumental singulier dʼaša-73 comme à la strophe Y 48.6 (ci-dessous §III.35).

Sur cette strophe, PIRART, 2020, p. 377-8. Adj. verbal en -ta- de məng+√ dā, contre G mazdā təm, car təm resterait sans justification. 65 Objet dʼ×uxšiiantā. 66 KP, contre G ašaoxšaiiantā. Sur le nom du Saōšiiant Uxšiiat.ǝrǝta, PIRART, 2013b, p. 143-5. Le même syntagme figure dans les vers Y 33.10c vohū uxšiiā manaŋhā (7) xšaθrā ašācā +uštā.tanūm (9) .·. et 34.11b vaŋhəuš xšaθrā manaŋhō (7) ašā mat ārmaitiš vaxšt (8). Accordés avec aiiā… yaiiā, le participe présent ×uxšiiantā et lʼadjectif sarǝidiiaiiā sont épithètes du mot sous-entendu devant compléter mańiiūm dans la première phrase, puis hākurǝnǝm dans la seconde. 67 Sujet de barǝtū. 68 Instrumental du nom-racine fém. miθ- suivi de lʼadjectif possessif de la première personne du singulier : « malgré mon hésitation », contre KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 104. 69 < pir. *baratu, avec *ºaraº orthographié ºarǝº, contre KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 104. 70 B, contre G arōi. 71 Mot inconnu. 72 Le mot que complète ce génitif, sous-entendu, est lʼobjet de hacintē. 73 Contre KELLENS, 2015, p. 36, qui conserve le composé de G et donne, malgré la morphologie, le sens causatif à son second terme : « qui accroissent lʼAgencement ». 63 64

218

MARGINALE III

III.11 Le parallélisme que la strophe Y 33.12 présente dans la distribution des divers compléments de dasuuā laisse penser quʼašā y est lʼinstrumental dʼaša- : ― us74 mōi [uz]ārəšuuā75 ahurā (7) ārəmaitī təuuīšī[m]76 dasuuā77 (9) spəništā maniiū mazdā (7)78 vaŋhuiiā79 zauuō ādā (8) ašā hazō əmauuat (7) vohū manaŋhā +fsəratūm80 (8) .·. Dresse-toi devant moi, Roi qui apportes la sagesse [us mai īršva ahura… mazdā], et, en fonction de (mon) Sentiment de (ta) grande science [spaništā manyū], avec la Déférence, dote-toi des deux Énergies [aram-matī tavišī datsva] ; avec la bonne Présentation (des offrandes), de l’Élan [vahviyā zavah ādaʼā] ; avec lʼAgencement, de l’Acharnement combatif (nécessaire à l’allumage du Feu) [rtā hazah amavat] ; avec le Penser bon, (des effets) de la Maîtrise (que jʼexerce sur toi) [vahū manahā fsratuvam].

Cʼest ce que nous devons déduire probablement de la curieuse upanisad que la strophe établit entre quatre Amǝša Spǝnta principaux (instr.) et quelques autres (acc.), mais je ne saisis pas bien la portée des tandems constitués de la sorte : ārmaitī vaŋhuiiā… ādā ašā vohū manaŋhā

tǝuuīšī[m] zauuō hazō əmauuat + fsǝratūm

Y 33.12 = Ny 5.1, Y 27.9. Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 379-80. = védique úd īrsva. En effet, les apparences sont trompeuses : nous devons reconnaître ici la deuxième personne du singulier de la voix moyenne de lʼimpératif présent du hvādi us+√ ar. La graphie ºāº de *ºīº certes est exceptionnelle, mais non isolée : un autre exemple est à trouver dans tušnā.maitiš (Y 43.15) « la pensée silencieuse », un composé dans lequel le premier terme coïncide avec le védique tūsnīm. 76 Duel elliptique dʼaprès Y 34.11b2c1. 77 Sur təuuīšīm dasuuā, voir notamment RS 1.35.4d krsnā rájāṁsi távisīṁ dádhānah « revêtant la force-animée (pour traverser) les espaces noires » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 14), RS 5.32.2d jaghanvā indra távisīm adhatthāh « Indra, pour avoir (pu le) tuer, tu avais acquis la force de frappe » : SCHLERATH, 1968, p. 154. 78 Y 33.12b1 = Y 43.2c2, Y 51.7b2. 79 Sur la métrique, voir lʼIntroduction §27. 80 B, contre G fǝsǝratūm. 74 75

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

219

III.12 Même si elle est exceptionnelle, la qualification de spǝntā accordée avec ašā dans la strophe Y 33.13 garantit le statut instrumental de ce dernier : ― rafəδrāi81 ×vōurū.cašainē82 (7) dōišī mōi yā və abifrā83 (8) tā xšaθrahiiā ahurā (7) yā vaŋhəuš ašiš manaŋhō (8) frō spəṇtā ×ārəmaitī84 (7) ašā daēnā [fra]daxšaiiā (7) .·. Pour (me) secourir [rafθrāi], Roi (qui apportes la Sagesse), toi qui as vaste regard [varu-cašanai… ahura], montre-moi, avec les atouts de lʼEnvoûtement exercé sur vous [daiši mai yā vah abifrā tā xšaθrahya], quelle est la Dédicace du Penser bon [yā vahauš ārtiš manahah] ! Sers-toi de l’utile Agencement [fra spantā… rtā] pour (nous) exposer les Doctrines compte tenu de (notre) Déférence [aramatī daināh daxšaya] !

Comme précédemment, le poète cherche auprès de la divinité à sʼassurer de la justesse des procédures mises en œuvre lors des cérémonies du culte où il officie. Les trois déesses auxquelles le poète fait allusion sont comparables à la triade grecque connue notamment par le jugement de Πάρις : Aši « la Dédicace » Ārmaiti « la Déférence » Daēnā « la Doctrine »

Ἀφροδίτη Ἥρα Ἀθήνη

III.13 Comme cʼest le complément régi par √ hac85, il nʼy a guère de doute que, dans la strophe Y 34.2, nous devions faire dʼašā un instrumental :

81

Y 33.13 = Ny 5.2, Y 27.10. G vourucašānē en un mot. Vocatif. Pour le sens de ce composé, il convient de tenir compte de RS 8.25.16 ayám éka i[t]thā purūVurú caste ví viśpátih | tásya vratāniy ánu vaś carāmasi « Le voici (le Soleil) qui à lui seul regarde ainsi (que nous voyons) au large et au loin, (agissant en) chef de clan. / Ses vœux, nous les observons à votre suite » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 92) et de védique urucáksas-. 83 KELLENS, 2015, p. 36, risque : « vos aptitudes-à-franchir ». Pour ma part, je propose de reconnaître dans abifra- un adjectif « comblant, satisfaisant » et de l’expliquer à partir d’aibī +√ par « combler » (= védique abhí P̄ ). 84 INSLER, 1975, p. 52, contre G ārmaitē. 85 Voir §§III.24, III.32, III.39. 82

220

MARGINALE III

― atcā86 ī87 tōi88 manaŋhā (7) +maniiəušcā +vaŋhəuš89 vīspā dātā (9) spəṇtaxiiācā nərəš šiiaōθanā90 (7) yehiiā91 uruuā ašā hacaitē92 (9) ×pairī.gaēθē93 xšmāuuatō (7) vaē mazdā +garōibīš94 stūtm (9) .·. Tu as fixé, en y pensant de façon respective [at ca it tai manahā… dātā], tous les gestes du bon Sentiment et de lʼhomme savant [manyauš ca vahauš visvā… spantahya ca nrš śyāuθnā]. L’âme de ce dernier, votre adorateur, est accompagnée du (bon) Agencement [yahya ruvā rtā hacatai… xšmavatah] lors du chant entouré des troupeaux, toi qui apportes la sagesse, avec ceux des éloges qui (lui) servent à (te) donner la bienvenue [parigaiθai… vahmai mazdā garbiš stuta’am].

Lors de la séquence chantée, le sacrifiant est entouré ou accompagné des troupeaux au sein desquels la victime sacrificielle et les têtes servant à régler les honoraires sacerdotaux seront choisies. À cette occasion, afin de montrer aux dieux que son âme est accompagnée dʼAša, lʼadorateur en question recourt aux éloges spécifiques de la bienvenue. III.14 Le statut dʼinstrumental dʼašā dans la strophe Y 34.4 nous est assuré par la comparaison du syntagme ātrəm… aōjōŋhuuantǝm ašā avec lʼhémistiche Y 43.4d2 āθrō ašā.aōjaŋhō : ― at tōi ātrəm ahurā (7) aōjōŋhuuaṇtəm ašā usəmahī (9) asištīm əmauuaṇtəm (7) stōi rapaṇtē ciθrā.auuaŋhəm95 (9) at mazdā daibišaiiaṇtē (7) zastāïštāiš96 dərəštā.aēnaŋhəm (9) .·.97 Sur la strophe, PIRART, 2012, p. 59 ; 2020, p. 380-2. Sandhi pour īt. 88 Lʼenclitique tōi est le complément dʼagent de dātā, contre KELLENS, 2015, p. 37, qui en fait un datif : « Tous te sont donnés ». 89 B, contre G mainiiušcā vaŋhuš. Les termes coordonnés complètent šiiaōθanā. 90 Nominatif pluriel, contre KELLENS, 2015, p. 37, qui en fait un instrumental singulier : « dʼune part par la pensée du bon mainiiu (avis/passion), dʼautre part par lʼacte de lʼhomme faste ». 91 nǝrǝš… yehiiā… xšmāuuatō. 92 SCHLERATH, 1968, p. 154, signale RS 1.152.1d rténa mitrāvarunā sacethe « vous êtes fidèles à lʼOrdre, ô Varuna-Mitra » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 76). 93 G pairigaēθē. 94 KP, contre G garōbīš. La place syntaxique des mots garōibīš stūtąm situés au-delà de la clôture vocative nʼapparaît pas. Jʼen fais donc un complément non régi, une circonstance de moyen, lʼexpression de ce qui permet à lʼadorateur dʼafficher son appartenance au bon camp, son statut dʼašauuan. 95 Lʼhémistiche 4b2 a été réutilisé au terme de Ny 3.10 = Vyt 2.1(6) (stē rapantąm ciθrauuaŋhąm .·.). 96 Complément de daibišiiantē : « envers qui vous porte préjudice en se livrant à des offrandes manuelles ». 97 Y 34.4 = Ny 5.18. 86 87

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

221

Et nous voulons, Roi qui apportes la sagesse, que ton fils le Feu, lui qui tire son autorité de lʼAgencement [at tai ātrm ahura aujahvantam rtā usmahi… mazdā], instructeur et combatif, soit, pour qui vient à (votre) secours, dʼune aide claire [ā-sištim amavantam stai rapantai ciθra-avaham], mais dʼune nette agressivité envers celui qui, dans les offrandes manuelles, (vous) porte préjudice [at… dvišayantai zasta-ištāiš dršta-ainaham].

Selon KELLENS et moi98, les adjectifs des hémistiches a2 et b1 étaient épithètes d’ātrəm tandis que ceux des hémistiches b2 et c2 devaient être vus comme des attributs, mais, pour KELLENS en 201599, tous sont attributs, certes à deux niveaux, seuls ceux des hémistiches b2 et c2 l’étant autour de la copule stōi vue comme un infinitif datif de but, ce qui, morphologiquement, est inacceptable : « nous voulons que ton feu […] soit fort par l’Agencement, instructeur et agressif, pour apporter à celui qui le favorise une aide claire, mais à celui qui lui nuit […] un tortaēnah visible par les projectiles de ses mains ». L’infinitif stōi est un accusatif employé adverbialement pour renforcer le statut de second accusatif des adjectifs dans les hémistiches 4a2bc. Au dernier vers, KELLENS100, avec la traduction « par les projectiles de ses mains » reprend grosso modo l’interprétation que lui et moi101, en 1988, nous donnions du composé zastāïštāiš « par l’intervention de (tes) mains ». Actuellement, je préfère analyser le second terme de ce composé comme l’adjectif verbal en -ta- de √ yaz : « avec les offrandes manuelles ». III.15 La postposition mat (= védique smát) ne permet aucun doute sur le statut instrumental dʼašā dans la strophe Y 34.11 : ― at102 tōi ubē hauruuāscā (7) +xvarəθāi.ā amərətatāscā (8) vaŋhəuš xšaθrā manaŋhō (7) ašā mat103 ārəmaitiš vaxšt104 (8) utaiiūitī təuuīšī (7) tāiš [ā] mazdā +vīduuaēš[m].θβōi ahī (8) .·. KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 126. KELLENS, 2015, p. 37. 100 KELLENS, 2015, p. 37. 101 KELLENS et PIRART, 1988-91, p. 126. 102 Sur la strophe, voir la Marginale I §IVd. KELLENS, 2015, p. 38, conserve lʼanalyse que nous avions donnée de cette strophe et reste silencieux concernant son dernier hémistiche. 103 = ašācā ? 104 Le syntagme ašā… vaxšt se retrouve dans Vr 12.4.2 humaiia aēta dāmąn dadǝmaide V humaiia cīšmaide V humaiia maniiāmaide V yą daθat ahurō mazdā ašauua V θraōšta vohu manaŋha V vaxšt aša V yā hātąm mazištaca vahištaca sraēštaca .·. « Provistos con una 98 99

222

MARGINALE III

Et, pour ta nourriture, il y a les deux (jumelles) Intégrité et Immortalité, (et,) avec lʼEnvoûtement que le Penser bon et lʼAgencement permettent, la Déférence accroît (pour toi) Jeunesse nouvelle et Énergie (retrouvée). De la sorte, toi qui apportes la sagesse, tu restes à lʼabri des nuisibles.

III.16 La tradition poétique indo-iranienne ancienne nous pousse à faire dʼašāº lʼinstrumental dʼaša- dans la strophe Y 34.13 : ― təm105 aduuānəm ahurā (7) yəm mōi mraōš vaŋhəuš106 manaŋhō (8) daēnā107 saōšiiaṇtm (6) yā +hū.kǝrətā108 ašācīt uruuāxšat (9) hiiat +cǝuuištā109 + hudbiiō110 (7) mīždəm111 mazdā yehiiā tū daθrəm (9) .·. Roi qui apportes la sagesse, (enseigne-nous) la route que tu me dis être celle du Penser bon [tam advānam ahura yam mai mrauš vahauš manahah… mazdā], la bien établie que les Doctrines des futurs Invigorateurs parcourent bien avec lʼAgencement [yā hu-krtā daināh saušyantaʼam rtā cit vrāxšat], depuis que vous avez accordé à ceux qui font de bonnes offrandes [yat caišta hu-daʼahbyah] la récompense qui (leur) revient [miždam… yahya tu daθram] !

En effet, lʼAgencement rituel, le culte rendu aux bonnes divinités était vu comme un véhicule permettant dʼaccéder au monde de lʼau-delà. Nous trouvons ainsi lʼAgencement dans lʼattelage du char devant nous conduire chez les dieux ou ces derniers chez nous. Citons ici quelques passages à lʼappui :

buena organización ritual, consideramos, entendemos y tenemos el convencimiento de que los seres que el Rey de la Sabiduría sitúa de acuerdo con el buen Encaje, alimenta con el Pensamiento y hace crecer con el buen Encaje son los mayores, los mejores y los más hermosos que se dan » (trad. PIRART, 2013a, p. 99). 105 təm aduuānǝm… yəm… yā +hū.kǝrǝtā. 106 Il est difficile dʼexpliquer le déficit métrique par la présence de vaŋhəuš. 107 Pluriel par concordance avec saōšiiantąm. 108 B, contre G hū.karǝtā. Le chemin bien établi en question est à rapprocher de celui dont il est fait état dans la strophe védique RS 1.35.11 yé te pánthāh savitah pūrviyāsoV ʼarenávah súkrtā antárikse | tébhir no adyá pathíbhih sugébhī V ráksā ca no ádhi ca brūhi deva « Tes chemins antiques, ô Savitar, exempts de poussière, bien faits, (qui vont) dans lʼespace-médian, / par eux (viens) à nous ajourdʼhui, (par ces) chemins heureux à prendre ! Veille sur nous et parle en (notre) faveur, ô dieu ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 16). 109 B, contre G ciuuištā. Aberration graphique : NARTEN, 1975, p. 82. 110 B, contre G hudābiiō. Emploi exceptionnel de hudāh- à propos des adorateurs plutôt que des dieux. 111 Le syntagme mīždǝm + √ ciš est attesté aussi dans la strophe Y 51.15 hiiat mīždəm zaraθuštrō (7) magauuabiiō cōišt parā (7) garō dəmānē ahurō (7) mazdā jasat pōuruiiō (7) + tā.və vohū manaŋhā (7) ašāicā sauuāiš +cǝuuīšī (7) .·..

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

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― Y 10.1.3 ašiš vaŋvhi rāmiiat iδa (8) upa imat nmānǝm yat āhūiri (10) yat haōmahe ašauuazaŋhō (9) .·. La déesse Aši sʼest arrêtée ici, aux abords de la maison mazdéenne de Haōma qui a Aša pour véhicule112 ; ― Y 10.14.3 pairī tē haōma ašāüm ašauuāzō (8+4) daδąmi imąm tanūm (8) yā mē vaēnaite huraōδa (8) ºoº Haōma accompagné dʼAša, toi qui as Aša pour véhicule, je te livre la personne que voici, la mienne qui a bel aspect et bon développement113 ; ― RS 8.6.2c víprā rtásya vāhasā les (prêtres) en transe avec le charroi de lʼAgencement114 ; ― Y 49.9cd hiiat115 daēnā (3) vahištē yūjən mīždē (7) +ašā.yuxtā116 (4) yāhī dəjāmāspā (7) .·. depuis que les (fils de) Dəjāmāspa, en vue de lʼexcellente récompense, ont attelé les (chevaux calcinés) aux Doctrines avec lʼAgencement lors de la formulation des demandes/ prières ; ― RS 3.58.2a suyúg vahanti práti vām rténa LʼAgencement est le (char) qui vous ramène, le (char) que, bien attelés, tirent (les textes)117 ; ― RS 4.51.5ab yūyáṁ hí devīr rtayúgbhir áśvaih V pariprayāthá bhúvanāni sadyáh Oui, vous autres déesses, avec vos chevaux attelés par lʼOrdre, vous parcourez en un seul jour toutes les créations118 ; ― RS 7.71.3cd syūmagabhastim rtayúgbhir áśvair V āaśvinā vásumantaṁ vahethām Aśvin, rênes en mains, conduisez un (char) plein de richesse avec les chevaux attelés avec lʼAgencement ; ― RS 8.19.35d syāméd rtásya rathíyàh puissions nous être des conducteurs-du-char de lʼOrdre !119.

KELLENS et moi120, nous avions estimé que le mot paθō de la strophe précédente devait être repris ici par təm aduuānəm : « (Enseigne-nous) le sentier […] ! » KELLENS maintenant121 envisage même que cette strophe 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121

Voir PIRART, 2004, p. 90. Voir PIRART, 2004, p. 100-1. Y 10.14.3 = Y 11.10.1. Parallèle signalé PIRART, 2004, p. 261. Voir ci-dessus Chapitre III. Voir SCHLERATH, 1962, p. 580 ; 1968, p. 158. Voir PIRART, 1995-2000, vol. II p. 83. Trad. RENOU, 1955-69, vol. III p. 71. Trad. RENOU, 1955-69, vol. XIII p. 68. Cf. RS 7.66.12d = 8.83.3c. KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 128. KELLENS, 2015, p. 38.

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MARGINALE III

constituerait une seule et même phrase avec la précédente, en dépit de la différence de nombre grammatical séparant paθō et aduuānǝm. Il vaut mieux penser à une nouvelle phrase tout en admettant le sousentendu de sīšā nā, mais la suite de la strophe présente de graves difficultés dès lors que, dans notre traduction de 1988 comme dans celle récente de KELLENS122, il est illicitement considéré que lʼhémistiche daēnā saōšiiantąm serait une anticipation sur la subordonnée relative introduite par yā : « ce chemin dont tu me dis, ô Ahura, quʼil est celui de la bonne Pensée et quʼau long de son bon tracé, les âmes-daēnā de ceux qui vont gonfler cheminent selon lʼAgencement […] ! » Je nʼai trouvé dʼautre solution à cette anomalie que celle de corriger le texte123. La concurrence de deux instrumentaux, yā {paθā} et ašācīt, au sein de la même proposition ne fait aucune difficulté : ils y ont des fonctions différentes, le premier étant un instrumental de passage et le second, une circonstance de moyen. Le mot saōšiiant- ne peut plus être rendu comme nous lʼavions fait ou comme KELLENS le fait encore, comme si la voix de ce participe fût le moyen124. Il sʼagit dʼorants qui, par leurs pratiques, apporteront le sauuah aux dieux et les renforceront en vue de la frašō.kǝrǝiti, le parachèvement du monde125. Les Doctrines des Saōšiiant, selon cette strophe, voyagent en suivant la route que Vohu Manah leur a ouverte. Le dernier vers est traduit diversement. KELLENS et moi126, dans notre traduction commune, nous faisions de hiiat une conjonction de subordination : « depuis que vous avez accordé aux généreux […] la récompense dont tu es le réceptacle ! », mais, à présent, KELLENS127 y voit plutôt un pronom relatif dont mīždǝm serait lʼantécédent introduit : « vers le prix de victoire, ô Mazdā, que vous avez réservé aux généreux et dont tu es le donateur ». La première solution est sans

KELLENS, 2015, p. 38. Lʼanticipation me paraît irrégulière : jʼattendais **yā +hū.kǝrətā daēnā (6) saōšiiaṇtm ašācīt uruuāxšat (9). 124 La voix active interdit de donner au participe saōšiiant- le sens intransitif que KELLENS, 2015, p. 38, lui accorde. Selon lʼAvesta récent et les livres pehlevis, les Saōšiiant sont de futurs sacrifiants, les commanditaires des sacrifices qui marqueront le terme du monde fini. 125 Sur la frašō.kǝrǝiti, PIRART, 2018, passim. 126 KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 128. 127 KELLENS, 2015, p. 38. 122 123

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

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doute préférable dans la mesure où, dans la seconde, mīždǝm, en tant quʼantécédent, serait bizarrement un accusatif de direction. Dans la relative secondaire qui referme le dernier vers, yehiiā tū daθrǝm, KELLENS et moi128, en 1988, nous avions pris tū pour le pronom de la deuxième personne et fait de daθrǝm un substantif neutre employé comme prédicat : « la récompense dont tu es le réceptacle ». KELLENS propose actuellement une interprétation encore plus invraisemblable : « le prix de victoire […] dont tu es le donateur ». Il convient bien évidemment dʼabandonner lʼidée que tū serait ici le pronom : cʼest forcément la particule qui coïncide avec le védique tú. Comme le védique tú ne flanque jamais de pronom relatif, il en avait été conclu quʼil fallait y reconnaître plutôt le nominatif enclitique du pronom de la deuxième personne du singulier. De fait, dans tous les autres exemples de combinaison de ya- avec tū129, ce dernier sʼordonne aisément avec un verbe conjugué à la deuxième personne du singulier. Lʼexemple qui nous occupe ainsi est-il exceptionnel. Quant à lʼhapax legomenon daθrǝm qui coïncide avec le védique dátra-130, nous devons tenir compte du sens futur, de possibilité ou dʼobligation, que le suffixe -aθra- apporte à lʼidée du don et en combiner la donnée avec la présence de la particule qui probablement apporte une nuance restrictive. Le mot daθra- est lʼabstrait décrivant la possibilité ou lʼobligation quʼune richesse soit donnée, le fait quʼelle soit à donner à tel ou tel individu, mais la particule indique que cette obligation ou cette possibilité nʼexiste que sous certaines conditions : « la récompense dont existe la faculté du don ou dont il nʼy a don que requis, la récompense pour autant quʼelle soit à octroyer, la récompense qui (lui) revient ». III.17 Dans la strophe Y 34.14, sa combinaison avec un composé bharadvāja contenant √ frād impose dʼanalyser ašā comme lʼinstrumental dʼaša- :

KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 128. KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 169. 130 Exemple : RS 3.36.9 ā tū bhara mākir etát pári sthād V vidmā hí tvā vásupatiṁ vásūnām | índra yát te māhinaṁ dátram ástiy V asmábhyaṁ tád dhariyaśva prá yandhi « Apporte donc (la richesse) ! Que nul ne fasse obstruction ! Car nous savons que tu es le maître en biens des biens ! / O Indra, la puissante faculté-de-don qui est tienne, offre nous la, ô (dieu) aux chevaux alezans ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XVII p. 79). 128

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MARGINALE III

― tat zī mazdā vairīm131 (7) astuuaitē uštānāi dātā132 (9) vaŋhəuš šiiaōθanā manaŋhō (7) ×iiōi133 zī gəuš vərəzənē aziiā134 (9) xšmākąm hucistīm135 ahurā (8) xratəuš136 ašā +frādō.vərəzənā137 (9) .·. Roi qui apportes la sagesse, faites donc que le (mouvement) volontaire des os (exerce sur vous lʼEnvoûtement) recommandé en raison du geste du Penser bon [tat zi mazdā variyam astvatai uštānāi daʼata vahauš śyāuθnā manahah… ahura], dʼautant que je demande, dans la communauté/ le village de la vache pleine, que vous considériez (notre) intelligence avec lʼAgencement multiplicateur de la communauté/du village [īyai zi gauš vrzanai azyāh xšmākām cistim… xratauš rtā frāda-vrzanā].

En 1988, KELLENS et moi, sur base de son attestation dans lʼAiriiaman Išiia (Y 54.1), nous avions identifié mīždǝm comme le mot sous-entendu avec vairīm : « Donnez donc, ô Mazdā, cette (récompense) de choix à lʼanimation osseuse en raison de lʼacte (rituel) de la divine Pensée ! » KELLENS, en 2015, reste fidèle à cette interprétation : « Ce (prix de victoire) enviable, ô Mazdā, donnez-le à lʼanimation osseuse pour prix de lʼacte de bonne Pensée ! » Ceci me paraît tout à fait correct. Néanmoins, comme le sous-entendu de xšaθra- au lieu de mīžda- est tout aussi possible, mʼen voici faire lʼexpérience. Par sa place au-delà du verbe, le syntagme vaŋhəuš šiiaōθanā manaŋhō remplissant lʼhémistiche b1 doit constituer un complément circonstanciel, non régi. KELLENS et moi, nous avions commis lʼerreur de rendre xšmākąm comme si cʼétait xšmākahiiā et nʼavions pas correctement observé que lʼaccusatif de la personne à laquelle la demande est formulée fait défaut : « Car, dans le clan de la Vache pleine, ô Maître, jʼimplore la bonne compréhension de votre intelligence avec lʼHarmonie qui fait prospérer le clan ». Récemment, KELLENS138 a corrigé cela, mais en modifiant quelque peu la portée sémantique des mots : « Au sein du clan de la vache pleine, je vous demande, ô Ahura, lʼillumination de ma force-mentale par 131

{xšaθrǝm} ? Avec zī, le subjonctif aoriste est exhortatif : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 184. 133 Première sing. moy. indicatif présent de √ yā « demander pour avoir » (KP), contre G yōi. 134 Sur 14b2, PIRART, 2018, p. 308. Sur gəuš vərəzənē, PIRART, 2020, p. 382 n. 135. 135 Sous-entend un substantif à moins dʼêtre fautif pour cistīm. 136 La place syntaxique de lʼhémistiche c2 fait difficulté, mais le poète, pour lui donner de lʼemphase, a placé le verbe en tête de la proposition, et le mot vǝrǝzəna-, de surcroît, y figure une seconde fois. 137 G frādō vǝrǝzənā. Sur √ frād, PIRART, 2020, p. 181 n. 202. 138 KELLENS, 2015, p. 38. 132

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

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lʼAgencement qui multiplie ce clan ». À lʼillumination quʼil propose, je préfère donc admettre quʼil est ici question de la considération que la divinité voudra bien avoir pour ses adorateurs. III.18 La coordination avec vohū manaŋhā dans la strophe Y 34.15 garantit quʼašāº est lʼinstrumental dʼaša- : ― mazdā139 at140 mōi vahištā141 (7) srauuāscā šiiaōθanācā vaōcā142 (8) + tātū143 vohū manaŋhā (7) ašācā išudǝm144 stūtō (8) xšmākā xšaθrā ahurā (7) fǝrašəm145 vasnā haiθiiəm146 dā ahūm (9) .·. Roi qui apportes la sagesse, dis-moi donc les meilleurs textes et gestes [mazdā at mai vahištā sravāh ca śyāuθnā ca vauca… ahura] ! Donne de lʼénergie, avec le Penser bon et lʼAgencement, au tir de lʼéloge dans le cadre de votre Envoûtement [tātu vahū manahā rtā ca išu-dam stutah xšmākā xšaθrā] ! Aie la volonté de parfaire/ Sʼil te plaît, parfais lʼexistence pour de bon [fraxšam vasnā haθyam dāh ahum] !

Lʼétymon qui justifie la traduction que KELLENS et moi nous donnions dʼišud- est impossible147 : « Ô Mazdā, dis-moi les hymnes et les actes très bons ! Rends donc plantureux, en raison de la divine Pensée et de lʼHarmonie, lʼapport de vigueur de lʼéloge, (rends plantureux) en raison de lʼemprise (rituelle) sur vous, ô Maître, lʼ(acte) cultuel et lʼexistence par le… ! » KELLENS, en 2015, lʼa pourtant maintenu dans sa nouvelle 139

Y 34.15 = Y 27.4, V 10.12.2, 12.14.2. Place exceptionnelle de la particule at. 141 Attribut de lʼobjet. 142 Allitération ºcā… ºcā… vaōcā. 143 G tā.tū. 144 išudǝm stūtō « mise de lʼéloge sur une flèche ». 145 Sur fǝraša-, PIRART, 2020, p. 56 n. 183 et p. 140. Lʼhémistiche 15c2 est à rapprocher de Y 46.19b2 (= Y 50.11d2) hiiat vasnā fǝrašōtǝmǝm et de la fin de Y 55.6 staōta yesniia yazamaide yā dātā aŋhəuš paōuruiiehiiā marǝmna varǝzimna saxšǝmna sācaiiamna dadrāna paitišāna paitišmarǝmna framarǝmna frāiiazǝmna frašǝm vasna ahūm daθāna ºoº, mais aussi de Yt 19.11.2 (= Yt 19.19.2, 19.23.2, 19.89.4) yat irista paiti.usəhištąn jasāt juuaiiō amərəxtiš daθaite frašəm vasna aŋhuš .·.. 146 vasnā haiθiiəm « sʼil te plaît, pour de bon ». 147 Sur išud-, PIRART, 2012, p. 171 n. 343. La séquence išudǝm stūtō relève de la diction proto-indo-iranienne, pouvons-nous affirmer sur base de la strophe védique RS 1.122.1 prá vah pāntaṁ raghumanyavó ʼndho V yajñáṁ rudrāya mīlhúse bharadhvam | divó astosy ásurasya vīráir V isudhyéva marúto ródasiyoh « O vous rapides en zèle-pieux, présentez votre breuvage, le jus (de soma, en guise de) sacrifice à Rudra le Généreux ! / Je (lʼ)ai loué (en cet instant même) avec les hommes-dʼélite de lʼAsura du ciel, (jʼai loué) les Marut comme (si je voulais) revendiquer (lʼempire sur) les Deux Mondes » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 6). 140

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MARGINALE III

traduction : « Proclame, ô Mazdā, que mes rumeurs (srauuah) et (mes) actes sont les meilleurs ! (Autant que) lʼapport-de-vigueur de lʼéloge (lʼest) par la bonne Pensée et lʼAgencement, rends par votre Pouvoir et la lumière-aurorale, ô Ahura, lʼétat-dʼexistence parfait et permanent ! »148 Comme un verbe y serait le bienvenu et que la séquence faite du démonstratif tā et de la particule emphatique tū mʼy paraît incongrue, je propose de lire +tātū à lʼouverture du deuxième vers et dʼy reconnaître lʼimpératif dʼun thème de présent à redoublement tiré de √ tū. Dans le troisième vers, la place du vocatif ahurā, me semble-t-il, constitue une clôture. Jʼordonne dès lors le syntagme xšmākā xšaθrā avec ce qui précède plutôt quʼavec la suite. Comme ceci conduit à admettre un schéma impossible pour la coordination de trois instrumentaux, je reste perplexe. À moins de considérer le troisième comme lʼexpression dʼune circonstance tandis que les deux premiers se justifieraient dans la rection du verbe, mais celui-ci, apparemment, fait défaut. La solution sans doute devrait-elle passer par un amendement permettant dʼaplanir les irrégularités métriques. Quant au mot vasnā que nous avions laissé sans traduction et que KELLENS, dernièrement, sʼest aventuré à expliquer à partir de la racine √ vah avec laquelle sont exprimés les feux de lʼaurore, mieux vaut y voir le mot coïncidant avec le vieux-perse va-š-na-a. III.19 Si, dans la phrase Y 35.3, lʼadjectif srīrā nʼavait pas été là, nous aurions pu hésiter fortement à faire dʼašā lʼinstrumental dʼaša- plutôt que le locatif dʼaši- : ― tat at +varəmaidī149 V +ahuramazdā150 ašā srīrā V hiiat ī151 mainimadicā vaōcōimācā +vārəzimācā152 V yā hātm153 +šiiaōθənanm154 vahištā xiiāt V ubōibiiā ahubiiā155 .·.

KELLENS, 2015, p. 38. NARTEN, 1986, p. 96 n. 34, contre G vairīmaidī. 150 NARTEN, 1986, contre G ahurā mazdā. 151 tat… hiiat ; ī… yā. 152 Optatif aoriste, avec pir. *ºrº écrit ºārǝº comme dans vārǝθraγnī- et *ºiāº réduit à ºiº, contre G vǝrǝzimācā. 153 Génitif complément du superlatif. Attesté aussi dans le vers Y 44.10b tąm daēnąm (3) yā hātm vahištā (7). 154 KP, contre G šiiaōθananąm. 155 Datif complément de lʼadjectif. Y 35.3e = Y 35.8e, → Y 38.3.2b ubōibiiā ahubiiā cagəmā .·.. 148 149

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LʼANALYSE D᾿AŠĀ

Nous choisissons alors avec le bel Agencement, (sache-le,) Roi qui apportes la sagesse [tat at varmadi ahura mazdā rtā srīrā], de penser, de dire et dʼexécuter les gestes que, parmi les Êtres, il puisse y avoir dʼexcellents pour les deux existences [yat ī manīmadi ca vaucaima ca vrzyāma ca yā hataʼam śyāuθnānaʼam vahištā hyāt ubaibyā ahubyā].

Lʼemploi du participe hant- accordé avec šiiaōθana- donne aux gestes, divinisés de la sorte en cours de phrase, une épaisseur mythologique : ils la doivent au bel Agencement. Le groupe des Šiiaōθana, allégories rituelles dont la désignation est elliptique pour « pensées, paroles et gestes », à lʼintérieur de la liste canonique des Amǝša Spǝnta de la tradition zoroastrienne ultérieure, se réduisit à la figure de Vohu Manah. III.20 Dans lʼénumération instrumentale égrenée dans la phrase Y 36.4, aucun doute nʼest à enregistrer concernant ašā : ― vohū θβā manaŋhā V vohū θβā ašā V vaŋhuiiā θβā cistōiš156 V šiiaōθanāišcā vacəbīšcā V pairī.jasāmaidē157 .·. Nous te servons avec le Penser bon et avec le bon Agencement [vahū θvā manahā vahū θvā rtā… pari jasāmadai], avec les gestes et les mots de la bonne Compréhension [vahviyāh θvā cistaiš śyāuθnāiš ca vacahbiš ca].

La coordination par répétition de θβā a évité la confusion avec la coordination de šiiaōθanāišº et de vacəbīšº au moyen de ºcā… ºcā. Lʼauteur de la phrase a donc voulu extraire Vohu Manah de la triade rituelle formée de la pensée, de la parole et du geste en vue de le placer au même niveau quʼAša et de souligner ainsi son importance. Remarquons aussi lʼemploi des nombres grammaticaux : le pluriel de la coordination šiiaōθanāišcā vacəbīšcā par concordance avec le sujet de pairī.jasāmaidē, mais le singulier mythologise Manah à côté dʼAša. III.21 Le syntagme ašā √ frād de la phrase Y 43.6abc est bien connu. Nous y reconnaissons donc lʼinstrumental dʼaša- : ― yaī158 spəṇtā (4) θβā maniiū uruuaēsē jasō (7) mazdā xšaθrā vohū manaŋhā (7) yehiiā šiiaōθanāiš (4) gaēθā ašā frādəṇtē (7)

(4)

aī159

Sur la déesse Cisti, PIRART, 2006, p. 42, 47-9, 112 et 142. Y 36.4e = Y 36.1b, Y 36.5f, +Y 39.5c. 158 Sur la phrase, PIRART, 2020, p. 180-2. 159 Haplologique pour aī aī, le corrélatif de yaī suivi de la première personne du singulier de lʼindicatif présent de √ ah. Littér. : « À ce (tournant-)ci, je me trouve avec 156 157

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MARGINALE III

Le tournant auquel (j’ai) le Sentiment que, savant, tu es à même d’arriver [yahmi spantā θvā manyū vraisai jasah], (Roi) qui apportes la sagesse, à ce (tournant)-ci [= l’aire sacrificielle], le Penser bon me donne dʼexercer lʼEnvoûtement (sur toi) [mazdā xšaθrā ahmi {ahmi} vahū manahā], (à moi) qui, par lʼ(idée), le (mot) et le geste, recours au (bon) Agencement pour multiplier les troupeaux [yahya śyāuθnāiš gaiθāh rtā frādantai].

III.22 La coordination dʼašā avec vohū… manaŋhā dans la strophe Y 44.8 suffit à prouver que le premier est bien lʼinstrumental dʼaša- : ― tat160 θβā pərəsā (4) ərəš mōi vaōcā ahurā (7) məṇdaidiiāi161 (4) yā162 tōi mazdā ādištiš163 (7) yācā164 vohū (4)165 uxδā frašī166 manaŋhā (7) yācā ašā (4) aŋhəuš arəm +vaēidiiāi167(7) kā168 mə uruuā (4) vohū +uruuāxšat169 + āgəmat.tā170 (7) .·. Je te pose les questions [tā θvā prsā]. Dis-moi de façon rectiligne, Roi qui apportes la sagesse [rš mai vauca ahura… mazdā], pour mon information [manh-dadadyāi] sur lʼindication que tu donnes [yā tai… ā-dištiš] concernant la nature de la parole en usage lors de mon entretien avec le Penser bon [yā ca vahū ugdā fraši manahā] ou avec le (bon) Agencement [yā ca

lʼEnvoûtement par le Penser bon ». Je fais du sujet de première personne lʼantécédent de yehiiā, mais KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 32-3, qui nʼaccorde pas dʼimportance à la place du vocatif mazdā, préfère le trouver dans vohū manaŋhā : « À (ce) tournant où grâce à lʼavis que tu es faste, ô Attentif, tu apportes le Pouvoir, je me trouve avec la Bonne Pensée dont les actes, à la mesure de lʼAgencement, multiplient les vivants-sur-terre ». 160 Sur cette strophe, PIRART, 2012, p. 59. 161 KP. Y 44.8b1 est cité par Y 11.9e : PIRART, 2020, p. 309 n. 95. Sur la forme, PIRART, 2020, p. 309-10 et 344 n. 184. Cet infinitif est à ordonner avec 8a2 : mōi… mǝndaidiiāi « pour mʼinformer ». 162 Interrogative indirecte dans la rection de mǝndaidiiāi : « mʼinformer sur lʼindication que tu donnes ». 163 KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 62 : « il faut […] méditer ton projet, ô Attentif ». 164 Lʼindication concerne le type de discours à utiliser lors de lʼentretien avec Vohu Manah et Aša. 165 Y 44.8c1 = Y 50.10b1. 166 Sur l’emploi de cet injonctif aoriste, voir KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 76 et 77, mais l’interprétation du contexte syntaxique est incertaine. 167 G vaēdiiāi. Lʼinvariable arəm régit le datif : « à lʼinstant de traiter de ce quʼil faut savoir de lʼexistence (dans lʼau-delà) », contre KP +arəm.vaēidiiāi. Et contre KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 62, qui rend lʼhémistiche comme suit : « pour obtenir une connaissance adéquate de lʼétat-dʼexistence ». 168 kā {paθā}… vohū. 169 B, contre G uruuāšat. Subjonctif aoriste en interrogative dans l’expression du futur : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 85. 170 B, contre G āgəmat tā. Locatif « quand il sʼagit dʼarriver à (bon port) ». Y 44.8e = 70.5.3.

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

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rtā] à lʼinstant de traiter de ce qu’il faut savoir de l’existence (au-delà de la mort) [ahauš aram vaidiyāi], (dis-moi) par quel bon (chemin) mon âme voyagera et arrivera au but [kā mah ruvā vahū vrāxšat ā-gmatā] !

La question posée avec le dernier vers concerne l’eschatologie individuelle, le voyage de lʼâme du défunt, et l’exemple pris est celui de l’âme du poète lui-même. Comme il s’inquiète du sort qui sera réservé à son âme au-delà de la mort, sa question porte sur le chemin quʼelle devra suivre pour rejoindre sa destinée (āgǝmat.ti-) post mortem. Cependant, la portée des trois subordonnées qui précèdent la question nous échappe un peu. S’agit-il de trois interrogations indirectes en dépendance de l’infinitif datif mǝndaidiiāi de b1 ? Il faut en effet l’envisager, car, si nous faisons de ces propositions subordonnées des relatives, l’antécédent des yā resterait introuvable. Le poète, dans la première interrogative indirecte, cherche à identifier l’ādišti du grand dieu et, dans les deux dernières, à déterminer la nature du discours (uxδa-) dont il est fait usage lors de l’entretien avec Vohu Manah ou avec Aša. Pour le dire autrement, le poète se demande comment il se fait que les entités abstraites du rite arrivent à lui servir d’interlocuteurs. Ceci dit, nous ne pouvons exclure que les deux dernières interrogatives indirectes complètent ādištiš plutôt que mǝndaidiiāi. Le poète demanderait ainsi au grand dieu de lui indiquer à quel genre de discours il est recouru lors de lʼentretien avec les deux entités abstraites. Cette compréhension des interrogatives indirectes est pourtant obscurcie par l’énigme de l’hémistiche d2 : que signifie la séquence aŋhəuš arəm vaēidiiāi ? En principe, sur base du védique áram + datif171, nous devons faire de vaēidiiāi le régime d’arəm et, pour tenir compte de la métrique, y voir l’adjectif verbal en -iia- de √ vid « savoir, trouver » (= védique védiya-). Il faut encore examiner la relation devant exister entre l’ensemble interrogatif indirect complétant mǝndaidiiāi et la question directe du dernier vers, dûment ouverte, quant à elle, au moyen de l’adjectif interrogatif kā {paθā}. À tout hasard, conjecturons qu’aŋhəuš en 8d ferait allusion à l’existence post mortem, la destinée envisagée avec la question directe, celle que l’âme-moi du poète devra rejoindre. 171 Exemple : RS 7.66.14 úd u tyád darśatáṁ vápur V divá eti pratihvaré | yád īm āśúr váhati devá étaśo V víśvasmai cáksase áram « Voici que sʼélève cette-célèbre formemerveilleuse, belle à voir, au refend du ciel, / celle que tire le rapide dieu Etaśa, en sorte quʼelle sʼadapte à être vue par tout un » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 90).

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III.23 La coordination ašā vohucā… manaŋhā garantit lʼanalyse de ses termes dans le dernier vers de la strophe Y 44.9 : ― tat θβā pərəsā (4) ərəš mōi vaōcā ahurā (7) .·. kaθā mōi yąm (4) yaōš daēnąm [+yaōž]dānē172 (6) yąm +hudānuš173 (4) paitišə saxiiāt174 xšaθrahiiā (7) ərəšuuā xšaθrā (4) θβāuuąs +asīštiš175 mazdā (7) hadəmōi176 ašā (4) vohucā šiiąs manaŋhā (7) .·. Je te pose les questions [tā θvā prsā]. Dis-moi de façon rectiligne, Roi qui apportes la sagesse [rš mai vauca ahura… mazdā] : comment dois-je préparer la mienne Doctrine [kaθā mai yām yauš dainām daʼānai] de façon que le généreux maître de lʼEnvoûtement [= le Feu] la définisse [yām hudānuš patiš sahyāt xšaθrahyā], lʼinstructeur, ton adorateur, résidant avec le haut Envoûtement [ršvā xšaθrā θvāvants ā-sištiš… šyants], lʼAgencement et le Penser bon sur lʼaire (sacrificielle) [hadmai rtā vahu ca… manahā] ?

Après une strophe consacrée au sort de son âme (Y 44.8), il est tout naturel que le poète, avec le trca 9-11, se soucie de sa propre daēnā, son âme féminine, son obédience, l’empreinte que la Doctrine mazdéenne zoroastrienne a laissée en lui. Dans la première de ces trois strophes, il est traité de la mise en condition de la daēnā : le feu semble participer à son formatage. C’est alors l’occasion d’égrener toute une série d’épithètes du feu : 172 B, contre G yaōš dānē. Le syntagme daēnąm + yaōš+√ dā se retrouve dans V 10.19.1 daēnąm ǝrǝzuuō yaōždaiθīša. Subjonctif aoriste de première personne en interrogative introduite par kaθā « comment faire pour que… ? » : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 85. 173 D’après Y 31.16ab, même si c’est avec très peu de manuscrits (J3, L3), contre G qui opte pour hudānāuš (J2), et contre B, NARTEN, 1969, ou KP qui s’en tiennent à la leçon largement majoritaire hudānaoš. Il est dʼailleurs vraisemblable que ºāuš soit une alternative pour la graphie de *ºuš, mais KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 62-3, conserve la leçon génitive ºaōš : « le maître du Pouvoir dégoulinant ». 174 Sur l’emploi de cet optatif aoriste, voir KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 90, mais l’interprétation du contexte syntaxique est incertaine. 175 KP, contre G asīštīš. Sujet interne de saxiiāt même si la racine devant lʼexpliquer diffère. La combinaison de saxiiāt avec asīštiš rappelle que cette même forme verbale était préverbée de ā dans la première strophe de lʼunité. Lʼemploi des noms dʼaction en -ti- comme noms dʼagent, plutôt rare en védique, est bien documenté en vieil iranien, le plus fameux y étant le nom de Φραόρτης, vieux-perse f-ra-va-ra-ta-i-š. La composition de ā avec √ sāh nʼest pas autrement attestée, mais le védique ā ŚĀS lʼest abondamment. Exemples : RS 2.28.9d ā no jīvān varuna tāsu śādhi « assigne-nous, ô Varuna, (dʼêtre) vivants en elles ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 69) ; 1.163.13d áthā śāste dāśúse vāriyāni « en sorte quʼil réclame pour lʼadorateur les choses désirables ! » (trad. RENOU, 1956, p. 19). 176 La combinaison de hadǝmōi avec šiiąs est à rapprocher du vers védique RS 9.12.3a madacyút kseti sādane « Mettant en mouvement lʼivresse, il réside au siège (du Rta) » (trad. RENOU, 1955-69, vol. VIII p. 9).

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

9c1 9c2 9d2 9d2 9d1+e1+e2

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+

hudānuš paitišǝ… xšaθrahiiā θβāuuąs + asīštiš ǝrǝšuuā xšaθrā… hadǝmōi ašā vohucā šiiąs manaŋhā

Dans cette liste, nous tombons sur la curieuse présence double de Xšaθra, car ceci enfreint la loi quʼun mot ne peut figurer dans une seule et même proposition à deux cas distincts. Remarquons aussi l’ordre inverse dans lequel sont nommés les trois futurs Amǝša Spǝnta de sexe masculin qui accompagnent le feu sur le socle de l’aire sacrificielle. III.24 Le syntagme quʼašā forme avec √ frād garantit son statut instrumental dans la strophe Y 44.10 : ― tat177 θβā pərəsā (4) ərəš mōi vaōcā ahurā (7) tąm daēnąm (3)178 yā hātm179 vahištā (7) yā mōi gaēθā (4) ašā frādōit180 hacəmnā (7) ārǝmatōiš181 (4)182 uxδāiš šiiaōθanā ərəš daidiiat183 (7) maxiiā cistōiš (4) θβā184 +īštiš185 usən mazdā (7) .·. Je te pose les questions [tā θvā prsā]. Dis-moi de façon rectiligne, Roi qui apportes la sagesse [rš mai vauca ahura… mazdā]. (Les dieux) regardent Sur cette strophe, PIRART, 2012, p. 167. Y 44.10b1 = Y 49.6d1. 179 Le syntagme combinant hātąm avec vahišta- figure aussi dans la phrase Y 35.3 (§III.19). Sur hant-, PIRART, 2012, p. 161. Au lieu du gén. masc. plur. du participe, il peut être recouru à la mini-subordonnée yōi hǝntī comme au terme de l’hémistiche Y 44.16b2, mais le Fravardīn Yašt se montre sexiste : Yt 13.91h daēnaiiāi yat haitinąm vahištaiiāi .·. (SCHLERATH, 1968, p. 156). 180 Sur gaēθā √ frād, PIRART, 2020, p. 181 n. 202. Optatif présent en subordonnée relative exprimant un procès qu’il est dans la nature même de l’antécédent d’accomplir, de subir ou de permettre : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 90. 181 Sur la relation que Daēnā entretient avec Ārmaiti, PIRART, 2012, p. 124. 182 Y 44.10d1 = Y 49.5c1, Y 46.12c1, Y 47.2c1,6c1. 183 Sur daēnąm… daidiiat, PIRART, 2012, p. 126 n. 26. Sur la métrique de daidiiat, PIRART, 2006, p. 176 n. 207 ; 2018, p. 305. Le verbe composé ǝrǝš+√ dī est sans doute comparable au syntagme védique rjú DHĪ : RS 10.67.2ab rtáṁ śáṁsanta rjú dīdhiyānā V divás putrāso ásurasya vīrāh « En énonçant-solennellement (le chant de) lʼOrdre, eux qui ont une pensée correcte, les fils du Ciel, les hommes-liges de lʼAsura (Brhaspati) » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 70). 184 Sandhi pour θβōi : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 251. 185 HUMBACH, 1959, contre G īštīš. 177 178

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continûment/jugent que la Doctrine, la meilleure des Entités [tām dainām yā hata᾿am vahištā… rš-didyat], est celle qui, en recourant au (bon) Agencement, accroisse mes troupeaux [yā mai gaiθāh rtā frādait hacamnā], avec les paroles de la Déférence ou le geste découlant de ma Compréhension [aram-mataiš ugdāiš śyāuθnā… mahyāh cistaiš] que (cette Doctrine) permet de t’offrir le sacrifice/ta (fille la Doctrine) est dʼoffrir le sacrifice, toi qui apportes la sagesse, toi qui le veux [θvai ištiš usant mazdā].

Toute la difficulté de la strophe réside dans l’apparence non interrogative de son contenu et dans l’identification du sujet de son verbe principal. En effet, rien ne permet de dire que les vers 10bcde forment ou contiennent une question. Et, quelle que soit la manière dont nous surmontions cet écueil, nous serons, de toute façon et de surcroît, confrontés à la nécessité de déterminer le sujet d’un verbe d’exception, l’hapax legomenon ǝrǝš+√ dī. Ce verbe est, en principe, celui d’une perception mentale ou oculaire continue. Il est possible que la construction accompagne son objet d’attributs et qu’il signifie « voir de façon rectiligne ou continue que (acc.) est (acc.) », les deux subordonnées en yā tenant lieu de second accusatif. Ou plutôt l’une des deux seule puisque, pour deux attributs, la coordination eût été requise. Dès lors, ou bien nous admettrons que la première est plutôt épithète, ou bien que la seconde est à considérer comme une épithète d’ārmatōiš. Le verbe principal ǝrǝš.daidiiat est encore agrémenté d’un groupe complément de moyen dont le centre est uxδāiš et la structure, assez particulière. En effet, le pluriel uxδāiš, elliptique, est explicité partiellement avec šiiaōθanā : « au moyen des paroles, (c’est-à-dire notamment) au moyen du geste ». Ensuite, deux génitifs viennent déterminer les instrumentaux uxδāiš et šiiaōθanā : respectivement ārmatōiš et maxiiā cistōiš. L’absence de coordination de ces génitifs suggère qu’ils ne se situent pas au même niveau : le premier détermine uxδāiš tandis que le second ne concerne que šiiaōθanā. La triade pensée + parole + geste que le pluriel elliptique uxδāiš représente ainsi sera-t-elle celle à laquelle Ārmaiti suggère de recourir, mais, dans le cas du geste, Ārmaiti se mue en maxiiā cistōiš « l’idée que je me suis faite (de la daēnā), la compréhension que jʼen ai ». L’idée en question est contenue dans le dernier hémistiche de la strophe, θβā +īštiš : c’est l’idée que la daēnā « permet de t’offrir le sacrifice ». La strophe est clôturée par le groupe vocatif usən mazdā.

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

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III.25 Dans la strophe Y 44.15, les relations syntaxiques opérant à lʼintérieur du deuxième vers me paraissent garantir le statut instrumental dʼašā : ― tat θβā pərəsā (4) ərəš mōi vaōcā ahurā (7) .·. yezī ahiiā (4) ašā186 pōi mat xšaiiehī (7) hiiat həm spādā (4) anaōcaŋhā jamaētē187 (7) auuāiš uruuātāiš (4) yā tū mazdā dīdərəžō (7) kuθrā aiiā188 (4) kaāi vananąm dadā (7) .·. Je te pose les questions [tā θvā prsā]. Dis-moi de façon rectiligne, Roi qui apportes la sagesse [rš mai vauca ahura… mazdā], étant donné que, pour ma protection, lʼAgencement tʼen donne les moyens [yat zi ahya rtā pai mat xšayahi] : si deux armées, insupportables lʼune à lʼautre, se rencontrent [yat ham spādā an-aucahā jamaitai], avec les observances que tu as voulu fixer [avāiš vratāiš yā tu mazdā didržah], où (et) à qui confères-tu la capacité de les dominer (toutes) deux [kuθra ayāh kahmāi vananām dadāh] ?

LʼAgencement rituel (aša-), bien évidemment, est à la source de lʼEnvoûtement (xšaθra-) qui donne au grand dieu les moyens de satisfaire les pieux adorateurs et, notamment, de protéger le poète (pōi mat), mais, apparemment, les moyens auxquels le grand dieu peut recourir sont ici représentés par lʼénigme du cataphorique ahiiā. À moins de considérer que le deuxième vers complète les impératives du premier et que le cataphorique annonce la question double qui referme la strophe. Pour avoir reçu de lui les moyens dʼagir sur deux camps en conflit, le grand dieu doit avoir la capacité de protéger le poète, mais ce dernier cherche à identifier dʼavance le vainqueur. Néanmoins, deux inconnues de détail affectent la compréhension de cette strophe : les deux armées auxquelles la question fait allusion ne sont pas définies, d’autant qu’Ahura Mazdā ne paraît diriger aucun des deux partis189, car il est peu vraisemblable dʼy voir des adversaires purement théoriques ; et jʼignore comment justifier le démonstratif lointain auuāiš employé avec la désignation des observances que le grand dieu a fixées.

Non traduit chez KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 67. Le vers 16c est à rapprocher de Yt 14.43.2a yat spāδa hanjasānte : SCHLERATH, 1968, p. 156. 188 Reprend spādā. En principe, aiiā ka- ne peut signifier katāra- : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 181. 189 KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 67, se demande sʼil ne sʼagirait pas des ténèbres de la nuit et des lumières du jour. 186 187

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III.26 Le contexte nous invite à reconnaître le statut instrumental dʼašā dans le deuxième vers de la strophe Y 44.18 : ― tat θβā pərəsā (4) ərəš mōi vaōcā ahurā (7) .·. kaθā ašā (4) tat mīždəm hanānī190 (7) dasā191 aspā (4) aršǝnauuaitīš uštrəmcā (7) hiiat mōi mazdā (4) apiuuaitī hauruuātā (7) amərətātā (4) yaθā hī192 +taibiiō193 dāŋhā (7) .·. Je te pose les questions [tā θvā prsā]. Dis-moi de façon rectiligne, Roi qui apportes la sagesse [rš mai vauca ahura… mazdā] : comment est lʼAgencement qui doit me servir à gagner cette récompense [kaθā rtā tat miždam hanaʼāni] ― dix juments accompagnées de leur étalon et un chameau [dasa aspāh ršanvatīš uštram ca] ― ? (Dis-le-moi,) puisque jʼai compris que lʼIntégrité et lʼImmortalité [yat mai api-vāti harvatā amrtātā] sont celles que tu reçois (avec la formule) « Pour toi ! » [yaθā hī tabya dāha].

En effet, lʼinstrument permettant dʼobtenir la récompense, bien évidemment, nʼest autre que le culte rendu au grand dieu, la mise en marche de lʼAgencement rituel (aša-), mais il convient dʼéclaircir la question de savoir qui gagne quoi. Dans Les textes vieil-avestiques, Jean KELLENS et moi194, nous avions considéré195 que le sujet dʼapiuuaitī était le pronom relatif hiiat et que lʼantécédent de ce dernier était tat mīždǝm dans lʼidée que seul un singulier devait convenir, ce qui nous conduisait à forcer la syntaxe et à faire du tandem des jumelles aśviniennes lʼasyndète de compléments exprimés à lʼinstrumental singulier, mais, aujourdʼhui, puisque lʼaoriste passif en *ºi est une forme unique, jʼavance lʼhypothèse de son emploi pour dʼautres nombres que le singulier, et, sur base des traductions médiévales, donne plutôt le dvandva des jumelles aśviniennes pour son sujet tout en admettant que tat, au lieu de fonctionner comme corrélatif de hiiat, annonce le menu de la récompense et que ce hiiat ouvre une subordonnée en dépendance de lʼimpérative du premier vers. En effet, 190 Le syntagme mīždǝm √ han (aussi Y 44.19b, 46.19c, 54.1c3 : SCHLERATH, 1968, p. 156) coïncide avec le védique : RS 1.169.2d súvàrmīlhasya pradhánasya sātáu « pour gagner le prix (de la conquête) du soleil, enjeu primordial » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XVII p. 48). Subjonctif aoriste dans l’expression du virtuel derrière kaθā « comment faire pour que… ? » : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 85. 191 Le troisième vers, par sa structure, peut rappeler les dānastuti védiques, mais la composition de ce mīžda qui ne comporte aucune vache est dʼun type tout à fait particulier, sans parallèle connu dans la littérature indienne. 192 Reprend le dvandva hauruuātā amǝrǝtātā. 193 B, contre G taēibiiō. 194 KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 153 et vol. III p. 182-3. 195 Analyse maintenue par KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 73.

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dans le zand196, le dvandva hauruuātā amǝrǝtātā est objet direct du verbe actif andar-dānem197 : ― AMT ANE ʼvhrmẕd ḆYN YDOYTVNm hvrdt V ʼmvrdt ʼytvn| ZK KRA 2 LK YHBVNt .·. Lorsque, Mazdā, je comprends Hauruuatāt et Amǝrǝtatāt telles que toutes deux te furent données.

Je risque donc cette compréhension des deux derniers vers en supposant que mōi puisse fonctionner comme complément dʼagent du verbe passif apiuuaitī. Et, comme la combinaison du pronom taibiiō de deuxième personne avec une forme verbale de la même personne est impossible198, il faut envisager la présence de guillemets. III.27 Le syntagme quʼašā forme avec √ frād garantit son statut instrumental dans la strophe Y 44.20 : ― ciθǝnā199 mazdā (4) huxšaθrā daēuuā āŋharə (7) at īt pərəsā (4) yōi200 pišiieiṇtī201 aēibiiō kąm (7) yāiš gąm karapā (4) usixšcā202 aēšəmāi dātā203 (7) yācā204 kauuā (4) ąnmənē205 urūdōiiatā206 (7) nō[it] hīm +mizən207 (4) ašā vāstrəm frādaŋhē (7) ºoº 196 SPIEGEL, 1861, p. 183 ; BHARUCHA, 1910, p. 97 ; DHABHAR, 1949, p. 193 ; MALANDRA et ICHAPORIA, 2010, p. 63. 197 Voir FiO 329 : KLINGENSCHMITT, 1968, p. 115. 198 Incompatibilité grammaticale. Contre KP ou KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 73 : « la récompense […] qui mʼa été inspirée […] par la manière dont tu tʼes emparé de lʼEntièreté et de lʼImmortalité ». 199 < pii. *cít nú* = véd. kíṁ nú : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 171. 200 Sur Y 44.20b2c, PIRART, 2018, p. 79. 201 Le divādi de √ piš (= védique PIS) « piler, broyer » exprime la façon dont les impies préparent les tiges du Haōma. En effet, il est recouru à la racine homologue en védique dans lʼévocation du traitement des tiges de la plante du Soma : RS 10.85.3ab sómam manyate papivān V yát sampiṁsánty ósadhim « On sʼimagine boire le soma | quand on écrase la plante » (trad. RENOU, 1956, p. 81). Sur 20b2c, PIRART, 2018, p. 79. 202 Comme le verbe est conjugué au pluriel, nous devons considérer que la coordination est elliptique : kauuācā y est sous-entendu. 203 < pir. *data < pie. *dhH1-nto. 204 aēšǝmāi… yācā {rǝmā}. 205 Sur la graphie de la syllabe initiale, PIRART, 2018, p. 88 n. 134. La graphie que le manuscrit K5 propose, ąnmainē, est une alternative tout à fait licite pour la deuxième syllabe. 206 Injonctif prés. de √ urud (= véd. RUDH) « bloquer », contre KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 75, qui, malgré la morphologie, en fait le causatif de √ rud (= véd. RUD) « pleurer » : « et celui avec qui le kauui la fait pleurer en son souffle ». 207 KP, contre G mīzən.

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MARGINALE III

En quoi donc les Hasardeux bénéficièrent-ils/Les Hasardeux bénéficient-ils donc dʼordinaire du bon Envoûtement, toi qui apportes la sagesse [cit nu mazdā hu-xšaθrā daivā āhar] ? Et je pose alors la question [at it prsā] : quelle vache leur (avez-vous donnée), à eux [aibyah kām… gām] qui, (au lieu de les pressurer,) broient (les tiges du Suc) [yai pišyanti] et chez qui les mauvais officiants [yāiš… krpā usixš ca {kavā ca}] (la) soumettent à lʼEnragé [išmāi data] et (au Déséquilibrant, le Hasardeux) avec lequel le troisième d’entre eux (lui) empêche de respirer [yā ca {hramā} kavā āmanai rudayata], ou la privent des soins de lʼAgencement afin de multiplier le fourrage [na hīm minzant rtā vāstram frādahai].

La strophe présente plusieurs particularités. Lʼincise at īt pǝrǝsā fait inexplicablement lʼéconomie de lʼaccusatif du pronom de la deuxième personne du singulier. Les vers cd contiennent lʼentrelacs de deux schémas de coordination. Le premier, pour coordonner les titres des mauvais officiants, est elliptique au vu du verbe qui est conjugué au pluriel : karapā usixšcā {kauuacā} ; dans lʼautre schéma, la subordonnée relative fait office de second terme coordonné, le pronom relatif sous-entendant un démononyme : aēšǝmāi… yācā {rǝmā} kauuā ąnmənē urūdōiiatā < **aēšǝmāi… {rǝmāi}cā yā kauuā ąnmənē urūdōiiatā. La négation nōit qui ouvre le dernier vers équivaut à la particule at employée comme coordination de propositions et met ainsi mizən sur le même pied que dātā. Le poète a eu beau chercher à se rassurer lui-même en posant de multiples questions oratoires, le constat que les démons et les impies parviennent parfois ou trop souvent à leurs fins délétères, voilà qui le tarabuste, mais cette ultime question de la Tat.θβā.pǝrǝsā Hāiti restera sans réponse comme les précédentes. Cependant, la portée du dernier vers mʼéchappe un peu : la forme ašā y complèterait +mizən au lieu de frādaŋhē : jʼhésite à comprendre que les impies chercheraient à économiser le fourrage en rationnant la vache. III.28 Sa coordination avec vohuº… manaŋhā dans la strophe Y 45.10 nous conduit à faire dʼašā lʼinstrumental dʼaša- : ― təm nə yasnāiš (4) ārǝmatōiš mimaγžō (7) yə ąnmənī (4) mazdā srāuuī ahurō (7) hiiat208 hōi ašā (4) vohucā cōišt209 manaŋhā (7)210 xšaθrōi †hōi212 (3) hauruuātā amərətātā (7)213 aāi stōi214 dąn (4)215 təuuīšī utaiiūitī216 (7)217 .·. 208 209 210

ąnmənī… hiiat. {ārmaitiš}, dʼaprès Y 30.7b. Y 45.10c2 = Y 50.3b2.

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

239

Tu as cherché à le gratifier en recourant aux sacrifices de notre Déférence, lui, [tam nah yasnāiš aram-mataiš mimagžah], le Roi qui, apportant la sagesse, est connu pour le souffle [yah anmani mazdāh srāuuī ahurah] que (la déesse) lui a procuré avec lʼaide de lʼAgencement et du Penser bon [yat hai rtā vahū ca caišt manahā] (tandis que), lors de lʼEnvoûtement, (ils) lui donnent lʼIntégrité et lʼImmortalité, lʼÉnergie et la Jeunesse nouvelle [xšaθrai hōi harvātā amrtātā ahmāi stai dant tavišī uta-yūtī].

Afin de résoudre tout à la fois la concurrence dʼaāi avec hōi et le déficit métrique de lʼhémistiche 6d1217, nous devons sans doute tenir compte du fait que les ingrédients de la présente strophe coïncident assez bien avec ceux des deux premiers vers de la strophe Y 30.7 : ― aāicā xšaθrā jasat (7) manaŋhā vohū ašācā (8) at kəhrpəm utaiiūitiš (7) dadāt ārəmaitiš ąnmā (8) aēšm tōi ā.aŋhat (7) Si (le Phrasé) va à la rencontre de lʼ(âme) avec lʼEnvoûtement [ahmāi ca xšaθrā jasat {sraušah}], le Penser bon et le (bon) Agencement, la Jouvence lui offre alors la forme [at krpam uta-yūtiš dadāt] tandis que la Déférence (lui apporte) le souffle [aram-matiš anma].

Sur cette base, il conviendrait de faire des deux paires de jumelles, hauruuātā amərətātā et təuuīšī utaiiūitī, le sujet de dąn tandis que celui de cōiš serait à déduire du premier vers. Ceci conduit à faire de hōi un mot (dissyllabique ?) signifiant kəhrpəm, cette transparence lumineuse qui remplit lʼespace allant dʼici au Soleil, car tout ce qui se trouve au-delà relève de lʼinvisible et de lʼexistence mentale. Cependant, le pluriel de dąn se justifie mal en faisant de lʼensemble des deux dvandva son sujet : le duel serait attendu. Nous devrons donc faire de cet ensemble lʼobjet de dąn en séparant Y 45.10 de Y 30.7 et admettre que le sujet de ce verbe se cache dans hōi dissyllabique : lisons alors ×auuōi « les (dieux) là-haut » : xšaθrōi ×auuōi (4) hauruuātā amərətātā (7) aāi stōi dąn (4) təuuīšī utaiiūitī (7) .·.

211 Lʼanomalie métrique coïncide avec lʼemploi inattendu de hōi et lʼabsence de kǝhrpəm comme objet de dąn. Sur les deux derniers vers de la strophe, PIRART, 2020, p. 235-6. 212 Y 45.10d2 = Y 44.17d2, Y 45.5d2, Y 47.1c2. 213 Lʼaccusatif de lʼinfinitif stan- de √ 1ah fonctionne comme une postposition renforçant le datif. 214 Y 45.10e1 = ×Y 47.1c1. 215 Sur utaiiūiti-, PIRART, 2020, p. 270. 216 Y 45.10e2 = Y 51.7c1. 217 KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 90, ne relève ni lʼanomalie syntaxique ni lʼirrégularité métrique.

240

MARGINALE III

(tandis que), lors de lʼEnvoûtement, les (dieux) là-haut lui donnent lʼIntégrité et lʼImmortalité, lʼÉnergie et la Jeunesse nouvelle [xšaθrai avai harvātā amrtātā ahmāi stai dant tavišī uta-yūtī].

III.29 Le statut instrumental dʼašā dans la strophe Y 46.9 semble assuré par sa concordance avec le relatif yā qui en ouvre le quatrième vers218 : ― kə huuō yə mā (4) arədrō219 cōiθat pōuruiiō (7) yaθā 220 θβā (4) zəuuīštīm ×uzəmō.hī221 (7) šiiaōθanōi spəṇtəm (4) ahurəm ašauuanəm (7)222 yā223 tōi ašā (4) yā224 ašāi225 gəuš tašā mraōt (7) išəṇtī mā226 (4) tā tōi vohū manaŋhā (7) .·. Quel est celui qui le premier me tiendra pour heureux [kah hah yah mā ardrah caiθat parviyah] dans la mesure où pourtant, lors du geste, je place tous mes espoirs [yaθā u… us-mahi śyāuθnai] dans ton extrême rapidité [θvā zavištiyam] et dans le bon Agencement auquel doit conduire ta science de roi [spantam ahuram rtavānam] ? L’Agencement avec lequel le Configurateur de la Vache te dit [yā tai rtā… gauš taxšā mraut] yā ašāi « (la vache) qui est pour l’Agencement » [yā rtāi] est celui avec lequel (les dieux) cherchent toujours à rejoindre (l’aire sacrificielle pour autant quʼil soit) recouru à ton (fils) le Penser bon [īšanti hma tā tai vahū manahā].

III.30 Le syntagme ašā √ frād dans la strophe Y 46.12 suggère quʼašā est lʼinstrumental dʼaša- : 218 La strophe, dʼune grande difficulté, fait lʼobjet dʼune analyse bien différente chez KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 108. 219 Nominatif à placer entre guillemets dans la rection de √ cit. 220 < pir. *u. 221 G uzǝmōhī. Première sing. moy. aoriste sigmatique dʼus+√ man (= scr. un MAN) : < pii. *uts+ma(ṁ)si (HUMBACH et FAISS, 2010, p. 135 : « I realized »). 222 Y 46.9c2 = Y 31.10b1. 223 yā… ašā… tā. Le lien syntaxique devant unir les deux derniers vers de la strophe avec les trois premiers nʼapparaît pas. Néanmoins, remarque finale (de), ils semblent concerner ašauuanǝm, le dernier mot de la question (abc). 224 yā {gāuš} ašāi. 225 Dans le vers Y 29.2a, Aša est lʼinterlocuteur de Gəuš Tašan, mais je ne vois pas comment répéter ici ce cas de figure. 226 = védique sma. Les strophes védiques illustrent que cette particule doit occuper la place de lʼenclitique de lʼinitiale nouvelle. Exemple : RS 5.7.8ab śúci[h] sma yásmā atrivát V prá… rīyate « (Agni) pour qui, du temps dʼAtri, le (beurre) clarifié coulait de lʼavant ». Sur cette base, nous pouvons avancer que, pour occuper lʼinitiale nouvelle, išǝntī « (les dieux) cherchent à rejoindre (lʼaire sacrificielle) » est le verbe de la proposition principale signalée au moyen du corrélatif tā occupant lʼinitiale différée.

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

241

― hiiat227 us ašā (4) naptiiaēšū nafšucā (7) tūrahiiā [uz]jən (4) friiānahiiā aōjiiaēšū228 (7) ārǝmatōiš (4) +gaēθā.frādō229 θβaxšaŋhā (7) at īš230 vohū (4) +həm. aibī.mōist231 manaŋhā (7) aēibiiō232 rafəδrāi (4) mazdā sastē233 ahurō (7) .·. Si, avec le (bon) Agencement, le soin de la Déférence qui multiplie les troupeaux lui a servi [yat… rtā… aram-mataiš gaiθā-frādah θvaxšahā] à surgir chez les Aōjiia petit-fils et arrière-petits-fils du quatrième fils de Friia [us… naptiyaišu nafšu ca turahya jant friyānahya aōjiiaēšū], le Roi qui apporte la sagesse, dès lors, se refuse à leur expliquer les (…) avec le Penser bon et à leur apporter son secours [at īš vahū ham-abimaist manahā aibyah rafθrāi mazdāh sastai ahurah]234.

III.31 La présence du bahuvrīhi huš.haxi- et celle de √ frād suggèrent quʼašā dans le dernier vers de la strophe Y 46.13 est à analyser comme lʼinstrumental dʼaša- : ― yə235 spitāməm (4) zaraθuštrəm rādaŋhā (7) marətaēšū xšnāuš (4) huuō nā fərasrūidiiāi ərəδβō (7) at hōi mazdā (4) ahūm dadāt ahurō (7) aāi gaēθā (4) vohū frādat manaŋhā (7) təm ×vī ašā V (4) məaidī +huš.haxāïm (7) .·. Celui qui, parmi les mortels, accueille Spitāma Zaraθuštra avec succès, celui-là est homme à se tenir droit pour la récitation tandis que le Roi qui apporte la sagesse lui confère lʼexistence (fondamentale) et lui multiplie le bétail avec le Penser bon. Nous comprenons quʼil est, avec lʼAgencement, secondé dʼun bon associé.

227

hiiat… at. Héroonyme sans doute identique à uziia- présent dans la 5e ligne du paragraphe Yt 13.119 si Friia y est nommé à la 6e et dernière et que les Friiāna sont énumérés dans les premières lignes du paragraphe suivant. 229 KP, contre G gaēθā frādō. 230 Je nʼai pu identifier lʼobjet de sastē représenté par ce pronom enclitique. 231 HUMBACH et FAISS, 2010, p. 136, contre G həm aibī.mōist. 232 Reprend aōjiiaēšū. 233 Infinitif acc. objet de +həm.aibī.mōist : « il refuse de les leur définir ». 234 KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 111, comprend la proposition principale 12de de façon très différente. Et je ne partage pas du tout les spéculations numériques quʼil développe, mais il est vrai quʼune grande importance était accordée au nombre quatre. Ce nombre qui est notamment celui des récitations de lʼAhuna Vairiia se retrouve de toute façon bien plus souvent que KELLENS ne le laisse voir. Mentionnons ici la fameuse Paōurucistā qui, selon les traditions ultérieures, est le quatrième enfant que Zaraθuštra eut de sa première épouse. 235 Sur la strophe, voir la Marginale I §Ib. 228

242

MARGINALE III

III.32 Comme complément de √ hac, la forme ašā est celle de lʼinstrumental dʼaša- dans la strophe Y 46.16 : ― fərašaōštrā (4) aθrā tū arədrāiš idī (7) huuō.gauuā236 tāiš (4) yəṇg usuuahī uštā stōi (7) yaθrā ašā (4) hacaitē ārǝmaitiš (7) yaθrā vaŋhəuš (4) manaŋhō īštā xšaθrəm (7) yaθrā mazdā (4) varədəmąm šaēitī ahurō (7) .·. Fǝrašaōštra Huuō.guua, vas-y avec ceux qui réussissent/les heureux [fraxša-uštra aθra tū ardrāiš idi hāu-gava tāiš] auxquels nous deux, nous souhaitons le bonheur [yānh usvahi uštā stai], (sur lʼaire sacrificielle), là où la Déférence est accompagnée de lʼAgencement [yaθra rtā hacatai aram-matiš], où lʼEnvoûtement coïncide avec le sacrifice offert au moyen du Penser bon [yaθra vahauš manahah ištā xšaθram] et où le Roi qui apporte la sagesse réside lors de lʼinvigoration [yaθra mazdāh vardman šaiti ahurah].

III.33 Lʼopposition bien connue Aša ↔ Druj impose lʼanalyse dʼašā comme instrumental dʼaša- dans le vers Y 48.1a : ― yezī adāiš (4) ašā drujəm vənghaitī (7) En effet, si de tels (renforts) aident (l’Adorable) à vaincre l’Erreur avec le (bon) Agencement.

III.34 Le rôle quʼil tient dans la performance sacrificielle, sa participation à lʼAgencement rituel, voilà qui doit permettre au feu de se muer en conseiller de lʼofficiant en quête dʼune date. Ce raisonnement mʼa conduit à faire dʼašā lʼinstrumental dʼaša- dans les vers Y 48.3ab : ― at vaēdəmnāi (4) vahištā sāsnanm (7) yąm hud

(4)

sāstī ašā ahurō (7)

Et, parmi les leçons, celle que le Roi des bonnes offrandes [= le Feu] impartit avec lʼAgencement est excellente pour celui qui est (en charge) de trouver (la date).

236 huuō.guua- « descendant de Hugu » < pii. *sāugaua-. Le trisyllabisme de cet adj. patronymique est confirmé par Yt 5.98.2a et 3a, mais éventuellement infirmé par Yt 16.15.1b. Sur Hugu, voir Yt 13.118.1 hugəuš ašaōnō frauuašīm yazamaide .·..

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

243

III.35 Le syntagme ašā… vaxšat présent dans le vers Y 48.6c rappelle celui sur lequel est basée la formation du nom donné à lʼun des trois Saōšiiant qui, selon lʼAvesta récent ou les livres pehlevis, naîtront de la semence de Zaraθuštra et assureront le parachèvement du monde, Uxšiiat.ǝrǝta237. Ce parallélisme garantit le statut instrumental quʼil convient dʼy accorder à ašā238 : ― at axiiāi ašā (5) mazdā uruuarā vaxšat (7) Et, pour la (Vache immolée) que voici, que le (Roi) qui apporte la sagesse, avec le bon Agencement, fasse pousser les cultures !

III.36 Dans les vers Y 48.7bc, le groupe de lʼobjet direct, vaŋhəuš manaŋhō… vaiiąm, pour avoir commencé auparavant, se poursuit licitement au-delà du verbe +dīdraγžō.duiiē. Ceci fut mis à profit par le poète : ašā, entraîné dans le sillage de ce prolongement, peut alors figurer aisément comme antécédent du pronom yehiiā qui ouvre la subordonnée relative avec laquelle est donnée la définition du pieux adorateur : lʼašauuan est celui qui, avec savoir, participe à lʼAgencement rituel. Dans cette phrase, le statut instrumental dʼašā est assez clair : ― yōi ā vaŋhəuš (4) manaŋhō +dīdraγžō.duiiē (7) ašā vaiiąm (4) yehiiā hiθāuš nā spəṇtō (7) Vous qui vous efforcez de tenir en place la branche (de la plante du Suc) avec le Penser bon et avec lʼAgencement dont l’homme savant se fait le partisan !

III.37 Dans la Y 48.8cd, le fait que θβōi sous-entend le nominatif {ašiš} impose dʼy expliquer ašā comme lʼinstrumental dʼaša- : ― kā239 θβōi ašā (4) ākā arədrəṇg išaiiā (7) vaŋhəuš maniiəuš (4) +šiiaōθǝnanm jauuarō (7) .·. Quand ta fille (la Dédicace), invigoratrice avec le (bon) Agencement, (viendra-t-elle), au devant des détenteurs du succès/au devant des heureux, promouvoir les gestes que le Sentiment de ta bonté suggère dʼaccomplir ? 237 238 239

PIRART, 2013b, p. 144. Voir §III.10. Sur la strophe, voir le Chapitre II.

244

MARGINALE III

III.38 La postposition mat (= védique smát) permet de certifier le statut instrumental dʼašā dans lʼhémistiche Y 48.11a2 : ― ašā mat ārǝmaitiš Avec lʼAgencement, la Déférence.

III.39 Le curieux entrelacs des compléments de lʼabsolutif xšnūm avec le régime de √ hac ne peut nous faire douter du statut instrumental quʼil faut accorder à ašā dans les vers Y 48.12bc : ― yōi xšnūm vohū (4) manaŋhā hacā̃ṇtē (7) šiiaōθanāiš ašā (4) θβahiiā mazdā sənghahiiā (7) Eux qui, pour (tʼ)accueillir avec le Penser bon et les gestes que tu préconises, seront accompagnés du (bon) Agencement, toi qui apportes la sagesse.

III.40 La concurrence de lʼinstrumental de vohu- manah- et de celui dʼašadans la rection de √ sar ne fait donc aucun doute dans les vers Y 49.5bc : ― yə daēnąm (3) vohū +sārǝštā manaŋhā (7) ārǝmatōiš (4) kascīt ašā huzəṇtuš (7) Celui qui est à même de générer la bonne (existence) et, qui quʼil soit, a recouru au Penser bon pour unir sa Doctrine avec le (bon) Agencement de la Déférence.

III.41 La coordination que la répétition de sraōtū en assure avec vohū manaŋhā certifie lʼanalyse dʼašā dans les vers Y 49.7ab : ― tatcā vohū ahurā (7)

(4)

mazdā sraōtū manaŋhā

(7)

sraōtū ašā

(4)

gūšahuuā tū

Dès lors, avec la perception que tʼen facilitent, Roi qui apportes la sagesse, le Penser bon ou le (bon) Agencement, écoute donc.

III.42 Sa coordination par la répétition de la séquence kat tōi avec vohū manaŋhā garantit que la forme ašā dans les vers Y 49.12ab est celle de lʼinstrumental dʼaša- :

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

245

― kat tōi ašā (4) zubaiieṇtē auuaŋhō (7) zaraθuštrāi (4) kat tōi vohū manaŋhā (7) Qu’as-tu comme aide pour Zaraθuštra qui (tʼ)appelle (à l’aide) avec lʼAgencement ? Qu’as-tu (comme aide) avec le Penser bon ?

III.43 Le contraste entre le pieux adorateur et les impies des environs, en plus de la différence dans lʼusage des nombres grammaticaux, est souligné par le rejet stratégique dʼašā dans le troisième vers de la strophe Y 50.2, mais, pour la grammaire, son emploi nʼest adnominal quʼen apparence : ― kaθā240 mazdā (4) +rāniiō.skərəitīm gąm išasōit (7) yə hīm aāi vāstrauuaitīm stōi usiiāt (7) ərəžəjīš ašā (4) pōurušū huuarə pišiiasū ākāstəṇg mā (4) †nišąsiiā dāθəm dāhuuā (7) .·.

(4) (7)

Comment sera la vache que (le sacrifiant) doit exiger plus grande source de joie ? Vivant continûment avec le (bon) Agencement parmi les nombreux (égarés) qui pilent en secret (les tiges de la plante du Suc au lieu de les pressurer), ce (sacrifiant) souhaite à (Zaraθuštra) de trouver la (vache) dotée de fourrage. Face à eux, considère que je suis tout à fait à ma place !

III.44 Comme un mot ne peut, en principe, figurer pleinement deux fois dans la même phrase, il vaut mieux éviter quʼašā soit le locatif dʼašidans la strophe Y 50.3 : ― atcīt241 aāi (4) mazdā ašā aŋhaitī (7) yąm hōi xšaθrā (4) vohucā cōišt manaŋhā (7) yə nā ašōiš (4) aōjaŋhā varədaiiaētā (7) yąm nazdištąm (4) gaēθąm drəguuā ×bixšaitē (7) .·. Et y aura-t-il pour celui-ci [= Zaraθuštra], avec le (bon) Agencement, toi qui apportes la sagesse, (manade) que lui aura fournie, avec lʼEnvoûtement et le Penser bon, (lʼorant) qui est homme à sʼinvigorer de lʼautorité de la Dédicace, manade dont lʼégaré du voisinage cherchera à tirer profit ?

III.45 Au vu de la coordination avec vahištāº… manaŋhā et de lʼemploi de la préposition hadā (= védique sahá), nous disposons de deux preuves quʼašā, dans les vers Y 50.4ab, est bien lʼinstrumental dʼaša- : 240 241

Sur la strophe, voir le Chapitre IV. Sur la strophe, voir le Chapitre IV.

246

MARGINALE III

― at242 vā yazāi (4) stauuas mazdā ahurā (7) hadā ašā (4) vahištācā manaŋhā (7) Je vous offre le sacrifice, moi qui vous adresse lʼéloge, Roi qui apportes la sagesse, au moyen du (bon) Agencement et du Penser excellent.

III.46 Lʼévocation de la joie (√ uruuāz) dans les vers Y 50.5ab mʼincline à penser que la forme ašā doit être comprise comme lʼinstrumental dʼaša- : ― ārōi243 zī xšmā (4) mazdā ašā ahurā (7) hiiat yūšmākāi (4) mąθrānē vaōrāzaθā (7) Car, Roi qui apportes la sagesse, vous avez toujours mis en route, avec le (bon) Agencement, de quoi réjouir celui qui suit vos conseils.

Remarquons en outre la présence dʼAša avec le même verbe āraēº dans le Sraōš Yašt ī Keh (Y 56.3.1) : ― səraōšō iδā astū V apąm vaŋvhīnąm yasnāi V vaŋhuš V vaŋvhīnąm aməšanąmcā V spəṇtanąm huxšaθranąm V huδāŋhąm vohunąmcā V vaŋhuiiāscā ašōiš yasnāi V yā nə āraēcā ərənauuataēcā V ašaŋhāxš .·. Que le Phrasé soit présent ici en vue du sacrifice offert aux bonnes Rivières, lui qui est bon, et aux Immortels savants accompagnés du bon Envoûtement à qui les offrandes sont bonnes à faire, les bonnes et les bons, et (quʼil soit présent ici) en vue du sacrifice offert à la bonne Fortune qui nous arriva et nous arrivera, lui qui est accompagné de lʼAgencement !

III.47 La coordination par répétition de la séquence at vā dans la strophe Y 50.8 me pousse à reconnaître dans ašā lʼinstrumental dʼaša-. En effet, en considérant que vaŋhəuš manaŋhō hunarǝtātā est une cheville métrique pour vohū manaŋhā, nous retrouvons ici le tandem bien connu des deux premiers Amǝša Spǝnta. Sans compter que lʼemploi de ºcā avec arǝdraxiiāº… nǝmaŋhā imposait déjà cette analyse : ― [m]at244 vā padāiš (4) yā frasrūtā īžaiiā (7) +pairī.jasāi (4) mazdā ustānazastō (7) at vā ašā (4) arədraxiiācā nəmaŋhā (7) at vā vaŋhəuš (4) manaŋhō hunarətātā (7) .·. Je viens à votre service sur les pas insignes de la (déesse) Oblation et (vous rends hommage) les bras levés, toi qui apportes la sagesse, en recourant à lʼAgencement, à lʼHommage de lʼheureux et à lʼaptitude du Penser bon. 242 243 244

Sur les vers, voir le Chapitre IV. Sur les vers, voir le Chapitre IV. Sur la strophe, voir le Chapitre IV.

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

247

III.48 Le syntagme avec vī+√ sar dans la strophe Y 51.3 garantit lʼinterprétation que la forme ašā est celle de lʼinstrumental dʼaša- : ― +ā.və.gəuš.ā245 həmiiantū (7) yōi +vī šiiaōθanāiš sārəntē (7) ahurō ašā hizuuā.(7)uxδāiš vaŋhəuš manaŋhō (7) yaēšm tū pōuruiiō (7) mazdā fradaxštā ahī (7) .·. +

Les invocateurs doivent se réunir [ava-gaušā ham-yantu], eux qui se trouvent sans union avec l’Agencement malgré les gestes [yai vi śyāuθnāiš saryantai… rtā] que le Penser bon leur dicte de vive voix [hizvā-ugdāiš vahauš manahah], (les gestes) dont toi, Roi qui apportes la sagesse, tu es le premier propulseur [ahura… yaiša’am tu parviyah mazdā fra-daxštā ahi].

III.49 Comme complément du nom d’agent āfraštā, la forme ašā dans la strophe Y 51.11 est clairement à interpréter à partir d’aša- : ― kə246 u uruuaθō247 spitamāi (7) zaraθuštrāi nā mazdā (7) kə vā ašā āfraštā kā spəntā ārǝmaitiš (7) kə vā vaŋhəuš manaŋhō (7) acištā248 magāi ərəšuuō (7) .·. (7)

Quel est donc l’homme qui se plie aux observances que Spitāma Zaraθuštra a établies, toi qui apportes la sagesse [kah u vraθah spi-tāmāi zaratuštrāi nā mazdā] ? Et quel est l’interlocuteur de l’Agencement [kah u rtā ā-frašta] (quant à savoir) avec qui la Déférence est utile/quelle est lʼutile Déférence [kā spantā aram-matiš] ? Et quel est le haut qui a envisagé de (nous) accorder le bénéfice d’avoir recouru au Penser bon [kah u vahauš manahah ā-cista magāi ršvah] ?

III.50 LʼAgencement est très probablement le critère du choix exprimé avec le verbe vǝrǝntē dans la strophe Y 51.18 :

245

Voir Marginale I §Ic. Voir Marginale II §§IVa.1, IVb.5, IVb.6. 247 Ce mot est apparenté au véd. vratá- : PIRART, 2007, p. 59 n. 181. 248 L’analyse de cet emploi de l’injonctif aoriste manque chez KELLENS et PIRART, 198891, vol. II p. 66, §1.1.3.1. Toute autre analyse de la forme acistā me paraît « impensable ». 246

248

MARGINALE III

― tąm cistīm dəjāmāspō (7) huuō.gauuō +ištōiš.xvarənā249 (7) ašā vərəntē tat xšaθrəm (7) manaŋhō +vaŋhəuš250 vīdō (7) tat mōi dāidī ahurā (7) hiiat mazdā rapən251 tauuā252 (7) .·. Pour se nourrir des sacrifices offerts, Dəjāmāspa Huuō.guua [djāma-aspah hāu-gavah ištaiš-hvarnāh] choisit cette idée avec l’Agencement [tām cistim… rtā vrntai] : « Trouve et donne-moi, Roi qui apportes la sagesse, l’Envoûtement du Penser bon qui soit à ma portée, toi qui es secourable » [tat xšaθram manahah vahauš vidah tat mai dādi ahura yat mazdā rapant tavā].

III.51 Dans la strophe Y 53.5, lʼAgencement est donné pour lʼinstrument du charme ou de la vénération, comme nous le savons notamment par lʼandronyme ašauuazdah- : ― sāxvənī vaziiamnābiiō (7) kainibiiō253 mraōmī (5) xšmaibiiācā vadmnō254 (7) məṇcā ī255 [mąz]dazdūm256 (5) +vaēdō.dūm257 daēnābīš258 (6) +aibī +ascā259 ahūm yə (4+3) vaŋhəuš manaŋhō (5)260 ašā və aniiō ainīm (7) +vīuuaŋhatū261 tat zī hōi262 (4+3) hušənəm aŋhat (5)263 .·. 249 À lire en un mot, contre G ištōiš xvarǝnā. Le pañcamībahuvrīhi ištōiš.xvarǝnah-, accordé avec dəjāmāspa- huuō.guua-, est la seule attestation vieil-avestique du mot xvarǝnah- qui, dans lʼAvesta récent, forme tandem avec sauuah- tout comme īš- en forme un avec sauua(h)- dans les Gāθā ou ís- avec śávas- dans les hymnes védiques. Le mot ištōiš occupe ici la même place que dans lʼhémistiche Y 51.2b2. 250 B, contre G vaŋuhīš. 251 Vocatif accordé avec mazdā. 252 Subjonctif présent consécutif. 253 La Rgvedasaṁhitā atteste le génitif plur. kanīnām. 254 Place du nominatif vadəmnō (< pii. *uādháia-mHna-s) en clôture de phrase. Si le mariage auquel il est fait allusion est une hiérogamie entre les jeunes filles du clan et les dieux interpellés (vaziiamnābiiō kainibiiō… xšmaibiiācā), nous sommes alors confrontés à la difficulté de la mention d’un « mari » (paiti-), dans la strophe Y 53.4, à l’intérieur d’une coordination donnant le détail du groupe des pâtres pieux (vāstraiia- ašauuan-). 255 Sandhi pour īt. 256 Mis pour mąscā… [mǝn]dazdūm (jeu diascévastique). 257 B, contre G vaēdōdūm. 258 Pluriel par concordance avec le verbe. 259 G aibiiastā. Le préverbe +aibī est à ordonner avec vaēdō.dūm : lʼindien abhí VID est attesté dans le śloka Rā 2.5.22 tam āgatam abhipreksya hitvā rājāsanaṁ nrpah | papraccha sa ca tasmai tat krtam ity abhyavedayat « Voyant quʼil était de retour, le souverain quitta son trône et lʼinterrogea sur ce quʼil avait enjoint : « Cʼest fait », répondit-il » (trad. REBIÈRE, 1999, p. 155). Coordination inverse : « lʼos et lʼexistence qui relève de Vohu Manah ». 260 La division naturelle en hémistiches fait apparaître un octosyllabe : ahūm yə vaŋhəuš manaŋhō (8). 261 KP, contre G vīuuənghatū, car, dans ce tétrasyllabe, la 2e syllabe ouverte, longue, doit être abrégée (< pir. *uiuāhatu).

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

249

Avec le précepte, je vous dis en paranymphe, à chacun de vous et aux jeunes filles emmenées [sāhvani vazyamnābyah kanībyah mraumi xšmabya ca vādayamnah], de comprendre et dʼaborder avec les Doctrines [manh ca it dazdvam vaidadvam dainābiš] lʼos et lʼexistence du Penser bon [abi ast ca ahum yah vahauš manahah], de vous charmer lʼun lʼautre avec lʼAgencement [rtā vah anyah anyam vivāhatu] et de (vous) faciliter à (chac)un lʼobtention (de la récompense) [tat zi hai hu-hanam ahat] !

IV. ašā pourrait être le locatif dʼašiLes occurrences les plus indécises sont rassemblées dans le rebut (ci-dessous §V). IV.1 Les vers Y 29.11ab, passage difficile, pourraient contenir le locatif dʼaši- : ― kudā264 ašəm vohucā (7) manō xšaθrəmcā .·. at mā [m]ašā (9) yūžəm mazdā frāxšnǝnē265 (7) mazōi +magāi.ā paitī.zānatā (9) Où sont lʼAgencement, le Penser bon et lʼEnvoûtement ? Toi qui apportes la sagesse, lors de la Dédicace, en vue de me gratifier du bénéfice du sacrifice, reconnaissez-moi donc qui sais mʼorienter (comme il convient) !

La présence du double datif mazōi magāi.ā va dans ce sens : cʼest ce que suggère le vers Y 43.12d où Aši est qualifiée de mązā.ri- « qui octroie la richesse ». IV.2 Sa place devant +ǝrǝzuš, lʼadjectif décrivant la diction du zaōtar dans la strophe Y 33.6, mʼa conduit à interpréter ašā comme le locatif dʼaši- : ― yə266 zaōtā ašā +ərəzuš (7) huuō maniiəuš ā vahištāt kaiiā (9) aāt +auuā.manaŋhā (7) yā vərəziieidiiāi maṇtā vāstraiiā (9) tā tōi iziiāi ahurā (7) mazdā darštōišcā həm.parštōišcā (9) .·.

262 Pour 5cd, le schéma métrique est incertain : l’articulation de 11 + 8 syllabes semble préférable à celle des 7 + 7 + 5 syllabes habituelles. 263 La division naturelle en hémistiches fait apparaître un octosyllabe : tat zī hōi hušənəm aŋhat (8). 264 Sur le passage, PIRART, 2018, p. 56, 91-5. 265 Mis pour lʼacc. masc. sing. de fraxšnin-, accordé avec mąm. 266 Sur la strophe, voir la Marginale II §Ia.3.

250

MARGINALE III

(À moi) lʼ(officiant) libateur qui, lors de la Dédicace, observe la diction continue, (dis-moi) avec quelle (offrande), suite au Sentiment que, pour lʼaction, (tu) lui donne(s dʼ)être excellent (et de tenir le rôle de) l’éleveur, lʼ(orant) connaît ton mépris. Cʼest cela que jʼattends de ta vision et de ton entretien, Roi qui apportes la sagesse.

IV.3 Le manque de coordination entre ašā et vohū manaŋhā dans la strophe Y 33.7 suggère que le premier de ces mots est le locatif dʼaši- plutôt que lʼinstrumental dʼaša- dʼautant que lʼarticulation entre aši- et vohumanah- est bien connue : ― ā mā [ā]idūm vahištā (7) ā.xvaiθiiācā267 mazdā darəšatcā (9) ašā vohū manaŋhā (7) yā sruuiiē parə268 magāunō (9) .·. āuuiš nā aṇtarə həṇtū (7) nəmaxvaitīš ciθrā rātaiiō (9) .·. Lors de la Dédicace [ārtā], (Roi) qui apportes la sagesse, de vive voix et sans hésiter [āhvaθyā ca mazdā dršat ca], avec le Penser bon [vahū manahā], demandez-moi plutôt quʼau sale profiteur [ā mā īdvam… parā magaunah] les meilleures (paroles) que je puisse (vous faire) entendre [vahištā… yā sruvīya] : que soient évidentes parmi nous [āviš nāh antar hantu] les donations significatives accompagnant lʼhommage [namahvatīš ciθrāh rātayah] !

IV.4 Dans la strophe Y 34.5, le manque criant dʼune coordination entre ašā et vohū manaŋhā fait du premier une attestation du locatif dʼašidʼautant que lʼarticulation entre aši- et vohu- manah- est bien connue : ― kat və xšaθrəm kā +īštiš269 (7) šiiaōθanāi270 mazdā yaθā vā haī (9) ašā271 vohū manaŋhā (7)272 θrāiiōidiiāi273 drigūm ×yūšmauuantəm274 (9) parə275 vā vīspāiš [parə.]vaōxəmā (7) daēuuāišcā xrafstrāiš mašiiāišcā (9)276 .·. 267

Voir la Marginale II §IIg.2. < pir. *parā (= védique purā), mais voir Y 34.5c (§IV.4). 269 KP, contre G īštīš. Lʼhémistiche 5a1 est à rapprocher du vers Y 48.8a kā tōi vaŋhəuš mazdā xšaθrahiiā īštiš .·.. 270 Datif de temps. 271 Locatif de temps. Lʼhémistiche 5b1 réapparaît dans 6a2. 272 Y 34.5b1 = Y 33.7b1, → Y 34.6a2. 273 Lʼinfinitive de but remplit tout le vers. Le mot est cité dans le Y 11.9. 274 Pour la métrique et le sens, contre G yūšmākǝm. 275 Contrairement à lʼanalyse que le diascévaste put opérer, parə nʼest pas un préverbe (« Nous nous adressons à vous plutôt quʼà tous les dieux obscurs ou quʼaux mortels qui les honorent »), mais, dans le vers Y 33.7, cette préposition était construite avec 268

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

251

Quel Envoûtement (pouvons-nous) exercer sur vous ? Quelle Offrande sacrificielle (vous faire) [kat vah xšaθram kā ištiš] ? Que je sois à lʼœuvre ou dorme, toi qui apportes la sagesse [śyāuθnāi mazdā yaθā vā hahmi], de façon, lors de la Dédicace, à protéger votre adorateur pauvre avec le Penser bon [ārtā vahū manahā θrāyadyāi drigum yušmavantam] ? Nous vous avons toujours déclarés supérieurs à tous les sombres Hasardeux et à (leurs suppôts) mortels [parah vāh visvāiš vauxma daivāiš ca xrafstrāiš martiyāiš ca].

Afin d’éviter l’absurdité à laquelle avait abouti notre traduction de 1988, la performance d’un rituel en dormant, KELLENS277, en traduisant le premier vers « Quel est votre Pouvoir ? Quelle recherche (de celui-ci) est loisible à mon activité ou à mon sommeil […] ? », explique īštiš par √ iš « chercher » au lieu de √ yaz, mais le parallèle du Y 48.8a n’y est guère favorable. Mieux vaut donc séparer lʼhémistiche a2 de kā īštīš et l’ordonner plutôt avec l’infinitive de but qui remplit le deuxième vers. L’asyndète que nous avions admise d’ašā avec vohū manaŋhā constitue pourtant une anomalie. Je propose de la résoudre en faisant d’ašā le locatif d’aši-. Le déficit métrique de lʼhémistiche b2 est à combler sur base du sousentendu que KELLENS et moi278, nous avions envisagé : « afin de protéger […] le nécessiteux qui vous (rend un culte) » où yūšmākəm est fautif pour *yūšmauuantəm « qui vous rend un culte, votre adorateur » : correction importante, mais nécessaire. La traduction que KELLENS279 a proposée récemment, « pour qu’il protège […] celui qui a besoin de vous », établit une relation sémantique tout à fait inusuelle entre drigūm et le possessif yūšmākəm. IV.5 Lʼabsence de coordination avec vohū manaŋhā conduit à faire dʼašā le locatif dʼaši- dans la strophe Y 34.6 : lʼablatif ! Sur parə + instr., voir RS 6.48.19ab paró hí mártiyair ási V samó deváir utá śriyā « Oui, tu es au delà des mortels et égal aux dieux par le prestige » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XV p. 146). 276 Y 34.5c2 → Y 29.4b1 = Y 48.1c2 daēuuāišcā mašiiāišcā. Lʼhémistiche 5c2 est cité par Y 19.2 et 4. Sur xrafstra-, PIRART, 2017, p. 164 n. 50 ; 2018, p. 263 n. 63 et p. 268 n. 5. 277 KELLENS, 2015, p. 37. 278 KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 126. 279 KELLENS, 2015, p. 37.

252

MARGINALE III

― yezī280 aθā stā †haiθīm281 (7) mazdā ašā vohū manaŋhā282 (9)283 at284 tat mōi daxštəm285 dātā286 (7) ahiiā aŋhəuš vīspā287 maēθā288 (9) yaθā vā yazəmnascā289 (7) uruuāidiiā stauuas aiienī paitī290 (9) .·. Car, pour être vraiment comme vous êtes, toi qui apportes la sagesse, lors de la Dédicace avec le Penser bon [yat zi aθā sta haθyam mazdā ārtā vahū manahā… yaθā vāh], chaque fois que, mieux debout, je viendrai vous offrir le sacrifice ou vous adresser lʼéloge [yazamnah ca vrādyāh stavats ayāni pati], malgré toute lʼhésitation de cette existence-ci, apposez-moi donc le signe sur (le corps) [ā tat mai daxštam dāta ahya ahauš visvayā miθā] !

Cependant, il convient de souligner la place exceptionnelle dʼašā au-delà du verbe, laquelle, certes, est liée à la structure elle-même exceptionnelle de la phrase, la tresse des diptyques articulés par les corrélations yezī… tat et aθā… yaθā. Comme la subordonnée secondaire, ouverte avec yaθā, est à ordonner à lʼintérieur de la primaire où le corrélatif aθā se situe, une certaine relation peut donc être admise entre leurs ingrédients respectifs. Dès lors, la forme ašā figurant dans la primaire pourrait compléter implicitement le participe stauuas accompagnant le verbe de la secondaire, mais, il est vrai, ceci ne nous impose pas de reconnaître ici la présence dʼAša puisque ce dernier, dans la rection de √ stu, devrait plutôt apparaître à lʼaccusatif. En effet, ašastuuō, le nom dʼun fils de Maiδiiōi.māŋha dans le paragraphe Yt 13.106.1 ― †ašastauuō291 maiδiiōi.māŋhōiš ašaōnō frauuašīm yazamaide .·. Nous offrons le sacrifice à la Préférence du pieux Ašastuua Māiδiiōi.māŋhi,

280

Sandhi : < pii. *iát zhí*. Sandhi mal défait pour haiθiiā ? Lʼhémistiche est à rapprocher de Y 44.6b2 yezī tā aθā haiθiiā .·.. 282 Les mots ašā vohū manaŋhā sont la répétition de lʼhémistiche 5b1. 283 Y 34.6a2 → 5b1 ašā vohū manaŋhā. 284 at qui est mis pour le préverbe ā (sandhi mal défait : voir la Marginale II §IIc) est à ordonner avec dātā tandis que tat est une particule en corrélation avec yezī et mōi, un locatif. 285 Sur daxšta-, PIRART, 2020, p. 289. 286 Impératif : « apposez-moi donc la marque sur (le corps) ». 287 Sur le déficit métrique de 6b2, PIRART, 2020, p. 62. 288 Instr. sing. de miθ- : « malgré chaque hésitation connue au cours de cette existence-ci ». 289 ºcā emphatique. 290 Le verbe paiti+√ i est construit avec deux participes accordés avec son sujet, mais cela équivaut à deux noms dʼaction employés à lʼinstrumental. 291 < pir. *rta+stauah, nominatif employé en lieu et place du génitif. 281

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

253

renvoie à lʼéloge dʼAša, lʼAšǝm Vohū, dont il est question dans la déclaration Y 11.19, dans le fragment H 1 du Haδaōxt Nask ou dans le paragraphe Yt 13.89 du Fravardīn Yašt. Autrement dit : ašaº dans ašastuuō a la valeur dʼun accusatif. La traduction « cultuellement » que KELLENS et moi292, nous avions donnée de haiθīm et celle « en permanence » que KELLENS propose actuellement sont risquées. Nous devons nous en tenir à « vraiment, effectivement, bel et bien, pour de bon »293. Jean KELLENS et moi294, nous avions baissé les bras devant vīspā maēθā et lʼavions laissé sans traduction. KELLENS récemment295, en revanche, sʼest risqué à rendre le deuxième vers comme suit : « donnez-moi pour impulsion chaque changement de lʼétat-dʼexistence ! », mais je ne parviens ni à saisir le sens de cette phrase ni à comprendre comment il y est arrivé, jʼignore comment daxštǝm peut signifier « impulsion » ou comment vīspā maēθā peut représenter un accusatif neutre pluriel, sans compter que lʼapposition de daxštǝm à ce pluriel serait de surcroît un tour tout à fait inusuel. Et KELLENS ne rend aucun compte ni de at tat, ni de paitī, ni du déficit métrique de lʼhémistiche b2. En raison de sa place derrière le verbe, nous devons faire du groupe instrumental ahiiā aŋhəuš vīspā maēθā une circonstance libre. IV.6 Le critère de lʼordre des mots est probablement le seul que nous ayons sous la main à lʼinstant dʼinterpréter la forme ašā présente dans le vers Y 34.7c : ― na[ē]cīm təm296 aniiəm yūšmat (7) vaēdā ašā aθā nā θrāzdūm297 (9) .·. Je ne connais dʼautre (protecteur) que vous lors de la Dédicace [na cim tam anyam yušmat vaida ārtā]. Alors protégez-nous [aθā nāh θrāzdvam] !

KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 126. KELLENS, 2015, p. 37. 294 KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 126. 295 KELLENS, 2015, p. 37. 296 Cet adj.-pronom démonstratif défini contredit apparemment lʼindéfini ºcīm. Il faut donc penser à une façon de préciser que les dieux envisagés doivent présenter les caractéristiques voulues : « dʼautre de la sorte ». Autrement dit : « dʼautre protecteur ». 297 Le Veda contient des prières bien similaires : RS 8.30.3a té nas trādhvaṁ téʼavata, etc. 292 293

254

MARGINALE III

Dans ce dernier vers de strophe, lʼinterprétation dʼašā comme lʼinstrumental dʼaša-298 se heurte à la place occupée au-delà du verbe vaēdā. Il vaut mieux y voir un complément non régi, libre, une circonstance de temps, le locatif dʼaši-. Sʼil fallait admettre la possibilité dʼune initiale nouvelle, ašā en viendrait à compléter θrāzdūm, mais, dans ce cas de figure, nous devrions tenir compte du vers Y 34.5b où ašā ne peut non plus être pris facilement pour lʼinstrumental dʼaša- : ― ašā299 vohū manaŋhā (7) θrāiiōidiiāi drigūm yūšmākǝm.

IV.7 Le contexte, avec rāzarə dans le premier hémistiche de la strophe Y 34.12 et +ašiš rāšnm dans son quatrième, nous invite à y opter pour lʼanalyse locative dʼašā dʼautant plus que le dernier vers mentionne le Penser bon : ― kat tōi rāzarə300 kat vašī (7) kat vā stūtō kat vā yasnahiiā (9) srūidiiāi mazdā frāuuaōcā (7) yā vīdāiiāt +ašiš rāšnm (9) sīšā nā ašā paθō (7) vaŋhəuš xuvaētəṇg manaŋhō (8) .·. Avec quel texte (allons-nous nous) adresser à toi [kat tai rāzar] ? Que souhaites-tu [kat vaši] ? Est-ce lʼéloge ou le sacrifice [kat vā stutah kat vā yasnahya] ? (De sorte) que (nous te les fassions) entendre, dis(-nous), toi qui apportes la sagesse, [srudyāi mazdā fra-vauca], quelle Dédicace assurera la répartition des textes à (vous) adresser [yā vi-dāyāt ārtiš rāšnaʼam] ! Enseigne-nous, lors de la Dédicace, les chemins que le Penser bon parcourt aisément [siša nāh ārtā paθah vahauš hu-itānh manahah] !

Dans le dernier vers de la strophe, KELLENS et moi301, nous comprenions ašā comme étant lʼinstrumental singulier dʼaša- : « Enseigne-nous grâce à lʼHarmonie les chemins aisés de la divine Pensée ! » KELLENS302 conserve cette idée : « Enseigne-nous par lʼAgencement les chemins faciles de la bonne Pensée […] ! », mais, pour le contexte, je préfère y reconnaître le locatif dʼaši-. Le génitif vaŋhəuš manaŋhō qui détermine paθō complète alors aussi ašā : « lors de la Dédicace du Penser bon ».

298 299 300 301 302

Voir KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. III p. 117 Sur ce vers, voir ci-dessus §IV.4. Sur la strophe, voir la Marginale I §IIc. KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 128. KELLENS, 2015, p. 38.

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

255

IV.8 Sa détermination par vaŋhəuš… manaŋhō dans la strophe Y 45.9 nous conduit à faire dʼašā le locatif dʼaši- : ― təm303 nə vohū (4) mat manaŋhā cixšnušō (7) yə nə usən (4) cōrət +spəncā aspəncā (6) mazdā xšaθrā (4)304 +varəzī +nā diiāt ahurō (7) pasūš vīrəṇg (4) aākəṇg +fradaθāi.ā (7) vaŋhəuš ašā (4) haōząθβāt ā manaŋhō (7) .·. Toi qui le veux, tu as cherché à choyer en recourant à notre Penser bon celui qui, pour nous, a décidé du bénéfique et du maléfique. Puisse lʼEnvoûtement pousser le Roi apporteur de la sagesse à nous placer dans la joie afin de multiplier nos bestiaux et nos garçons, lors de la Dédicace du Penser bon, du fait dʼavoir généré (lʼexistence fondamentale) !

+

En effet, le syntagme génitif vaŋhəuš… manaŋhō ne peut déterminer haōząθβāt en raison de la place occupée par la postposition ā. IV.9 Sa détermination par vaŋhəuš… manaŋhō dans la strophe Y 46.2 peut nous conduire à faire dʼašā le locatif dʼaši- : ― vaēdā tat yā (4) aī mazdā anaēšō (7) mā kamnafšuuā305 (4) hiiatcā kamnānā aī (7) gərəzōi tōi (4) ā īt [a]uuaēnā ahurā (7) rafəδrəm caguuā306 (4) hiiat friiō friiāi daidīt (7) āxsō vaŋhəuš (4) ašā īštīm manaŋhō (7) .·. Je connais la cause de mon incapacité, Roi qui apportes la sagesse : cʼest dû à mon peu de bétail et à mon peu dʼhommes. Je mʼen plains à toi. Regarde donc, si toujours tu offres le secours quʼun ami réserve à un ami, et tiens compte du sacrifice que le Penser bon (me suggère) de (vous) offrir lors de sa Dédicace.

IV.10 Afin de résoudre la concurrence du complément exprimé à lʼinstrumental dangrā mantū dans le dernier vers de la strophe Y 46.17, il est sans doute préférable dʼinterpréter ašā comme le locatif dʼaši- :

303

Sur la strophe, voir la Marginale II §Ia.6. Y 45.9c1 = Y 47.1d1. 305 Instrumental de lʼabstrait neutre tiré du bahuvrīhi. 306 La morphologie de cette épithète, attestée ici au nominatif masc. sing. et, dans lʼhémistiche Y 51.20c2 (mazd rafǝδrǝm cagǝdō), au génitif masc. sing., défie lʼentendement. 304

256

MARGINALE III

― yaθrā307 və (4) ×afšmainī sənghānī (7) nō[it] anafšmąm (4) dəjāmāspā huuō.gauuā (7) †hadā vəstā† (4) vaəṇg +səraōšā.rādaŋhō (7) yə vīcinaōt (4) dāθəmcā adāθəmcā (7) dangrā maṇtū (4) ašā mazdā ahurō (7) .·. Là où, lors de la fourniture conjointe, je vous préconiserai la versification au lieu de la prose, Dəjāmāspa Huuō.guua, pour les chants dont le Phrasé assure le succès (auprès d)u Roi qui apporte la sagesse, lui qui, lors de la Dédicace, distingue judicieusement lʼadéquat de lʼinadéquat.

IV.11 Si, dans la strophe Y 46.18, la forme ašā est à comprendre comme le rappel de vohū… manaŋhā, nous y verrons plutôt le locatif dʼaši- « la Dédicace (du Penser bon) » : ― yə308 maibiiā yaōš (4) aāi ascīt vahištā (7) maxiiā ištōiš (4) vohū cōišəm manaŋhā (7) ąstəṇg aāi (4) yə nā ąstāi309 daidītā (7) mazdā ašā (4) xšmākəm vārəm xšnaōšəmnō (7) tat mōi xratəuš (4) manaŋhascā vīciθəm (7) .·. Celui qui me (dit) « Salut ! », je lui réserve avec le Penser bon les meilleurs os du sacrifice que jʼoffre, (mais) les malheurs à celui qui nous plongerait dans le malheur, (Roi) qui apportes la sagesse, lors de la Dédicace, (chacun) devant être accueilli selon votre volonté. Cʼest la distinction à laquelle arrivent mon intelligence et ma pensée.

IV.12 En principe, sur base du syntagme aōjōŋhuuaṇtəm ašā (Y 34.4a2) et du composé ašā.aōjah- (Y 43.4d2), la séquence formée avec ugrəṇg dans la strophe Y 50.7 devrait nous inciter à faire dʼašā lʼinstrumental dʼaša- : ― at310 +vī.yaōjā (4) zəuuīštiiəṇg auruuatō (7) jaiiāiš pərəθūš (4) vaahiiā yūšmākahiiā (7) mazdā ašā (4) ugrəṇg vohū manaŋhā (7) yāiš azāθā (4) maāi xiiātā auuaŋhē (7) .·. Je vais atteler de très rapides coursiers qui traversent (les espaces) avec les victoires de la séquence chantée pour vous, toi qui apportes la sagesse, (chevaux) que lʼAgencement dote dʼautorité et le Penser bon, (de rapidité), eux avec qui vous devanciez (les Hasardeux). Puissiez-vous vous trouver à mon aide !

307 308 309 310

Sur la strophe, voir la Marginale I §IIb.5. Sur la strophe, voir la Marginale I §IVb. Locatif : voir la Marginale II §IIId.4. Sur la strophe, voir la Marginale I §IIg.

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

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Nous pouvons remarquer en outre le parallélisme que la combinaison de +vī.yaōjā avec ašā est à rapprocher de celle de yūjən avec le composé adjectif +ašā.yuxtā, présente dans les vers Y 49.9cd. Cependant, la concurrence de vohū manaŋhā doit nous inviter à opter pour lʼanalyse locative : (chevaux) que le Penser bon dote dʼautorité lors de la Dédicace.

IV.13 Dans la strophe Y 50.9, la concurrence que lui fait le groupe instrumental vaŋhəuš šiiaōθanāiš manaŋhō nʼest guère favorable à lʼinterprétation de la forme ašā comme étant celle de lʼinstrumental dʼaša- : ― †tāiš vā yasnāiš (4) paitī stauuas aiienī (7) mazdā ašā (4) vaŋhəuš šiiaōθanāiš manaŋhō (7) yadā ašōiš (4) maxiiā vasə xšaiiā (7) at hudānāuš (4) išaiiąs gərəzdā xiim (7) .·. Je vais vous faire tribut des sacrifices, moi qui vous adresse les éloges, toi qui apportes la sagesse, lors de la Dédicace, avec les gestes du Penser bon. Si je pouvais disposer à volonté de ma Dédicace, je me trouverais alors vigoureux à bénéficier de la considération du généreux/ vigoureux et généreux dans la gǝrǝzdi.

IV.14 La présence du syntagme instrumental vohū manaŋhā dans la strophe Y 50.11 est certes en faveur de lʼinterprétation dʼašā comme le locatif dʼaši-, mais ce dernier ne figurerait pas dans la même phrase. Si la forme ašā se trouve dans la subordonnée introduite par yauuat, nous pouvons envisager une relation avec staōtā, mais ceci non plus ne peut nous inciter de façon sûre à préférer le locatif dʼaši- à lʼinstrumental dʼaša- pour son analyse : ― at və staōtā (4) aōjāi mazdā aŋhācā (7) yauuat ašā (4) tauuācā isāicā (6) dātā aŋhəuš (4) arədat vohū manaŋhā (7) +haiθiiā +varəštąm (4) hiiat vasnā + fərašō.təməm (7) ºoº Je vais me déclarer et vais être votre laudateur, toi qui apportes la sagesse, autant que je le pourrai et en serai capable lors de la Dédicace, en tant quʼinstaurateur de lʼexistence, correctement avec le Penser bon. Que le (conseil), avec le (geste) opportun qui parachève au mieux (lʼexistence), soit suivi, sʼil te plaît !

Je puis répéter ici le commentaire donné au §IV.5 avec lequel jʼavais signalé que √ stu régissait lʼaccusatif et quʼaucune conclusion ne sʼimpose

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MARGINALE III

dès lors au terme de lʼexamen ni des composés combinant aša- avec un dérivé de ce verbe ni des occurrences de la forme ašā dans son orbite (Y 45.6, 50.4, 50.9 : §V.9, §III.45, §IV.13), mais, si nous admettons que le troisième vers est une apposition accordée avec le sujet des verbes de première personne du singulier, il vaudra mieux faire dʼašā, du fait de la concurrence établie alors avec vohū manaŋhā, le locatif dʼaši-. IV.15 Comme, dans la strophe Y 51.1, il est question de recourir aux gestes, il semble assez naturel dʼinterpréter ašā comme lʼoccasion de leur dédicace : ― vohū311 xšaθrəm vairīm (7) bāgəm aibī.bairištəm (7) +vīdīšəmnāi īžācīt (7) ašā antarə.caraitī (7) šiiaōθanāiš mazdā vahištəm (7) tat +nə.nūcīt varəšānē (7) .·. Lors de (leur) Dédicace, la (déesse) Oblation interdit-elle à l’autorisé de recourir aux gestes dans l’exercice du bon Envoûtement recommandé (sur vous,) toi qui apportes la sagesse, de façon que la meilleure part nous soit apportée, il est exclu que jʼy recoure.

V. Rebut Dans lʼanalyse de la forme ašā, lʼopération de départager clairement les deux possibilités de lʼinstrumental singulier du substantif neutre aša-, « avec lʼAgencement », et le locatif singulier du substantif féminin aši-, « lors de la Dédicace », sʼavère être impossible un bien grand nombre de fois, par manque de critères décisifs. V.1 La place du verbe principal en enclise du mot initial de la phrase qui occupe toute la strophe Y 28.1 constitue une difficulté puisque lʼordre des mots y est alors dʼun type particulier mal identifié. En effet, le groupe exprimant la conviction du poète, éclaté tout à la fois aux deux bouts du premier vers (ahiiā… rafǝδrahiiā) et en tête de chacun des deux hémistiches du deuxième (maniiəuš… spǝntahiiā), se poursuit dans le second hémistiche du dernier vers sous la forme dʼune proposition subordonnée relative (yā xšnǝuuīšā gəušcā uruuānǝm). Cette configuration

311

Sur la strophe, voir la Marginale I §IId.

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exceptionnelle de la strophe accorde une place mal répertoriée aux mots ašā vīspəng šiiaōθanā V vaŋhəuš xratū[m] manaŋhō : ― ahiiā312 yāsā nǝmaŋhā (7) ustānazastō rafǝδrahiiā (9) maniiəuš mazdā +paōuruuīm (7) spǝntahiiā ašā vīspəng šiiaōθanā (9) vaŋhəuš xratū[m] manaŋhō (7) yā xšnǝuuīšā gəušcā uruuānǝm (9) .·. Je vous adresse à tous d’abord une demande, toi qui apportes la sagesse [yāsā… vāh… mazdā parviyam… visvānh], en vous rendant les bras levés un hommage [namahā ustānazastah] dicté par le Sentiment que tu es secourable et savant ou que tu accueilleras (mon âme) et celle de la Vache [ahya… rafθrahya manyauš… spantahya… yā xšnuvīša gauš ca ruvānam], avec lʼAgencement, avec le geste, avec lʼintelligence du Penser bon [rtā śyāuθnā vahauš xratū manahah].

Néanmoins, je propose le raisonnement suivant : le verbe principal yāsā, en plus des deux accusatifs attendus dans sa rection, vā… vīspəng et paōuruuīm, « je vous adresse à tous une première demande », est accompagné de quatre compléments donnés à lʼinstrumental avec lesquels le poète égrène diverses précautions prises à lʼinstant de formuler sa prière : nǝmaŋhā… ašā… šiiaōθanā… xratū[m]. Pour autant quʼašā soit bien lʼinstrumental dʼaša- ! Remarquons que le groupe exprimant la conviction du poète (maniiu-) ne détermine que le premier instrumental, nǝmaŋhā, et que son expression, toute prolongée quʼelle soit avec la subordonnée contenue dans le second hémistiche du dernier vers, isole lʼensemble des trois autres instrumentaux. Le quatrième et dernier instrumental, xratū[m], est complété par le génitif vaŋhəuš… manaŋhō tandis que le deuxième et le troisième, ašā et šiiaōθanā, apparaissent à sec. Il faut encore remarquer que les instrumentaux ne sont aucunement coordonnés. Précisons que le premier, nǝmaŋhā, au vu des parallèles védiques313, est à rattacher à ustānazastō plutôt que directement à yāsā. Il nous en resterait alors trois, précisément ceux qui se situent au-delà du dernier terme du groupe génitif complément de nǝmaŋhā, à savoir ašā, šiiaōθanā et vaŋhəuš xratū[m] manaŋhō. Les deux derniers, le geste et la pensée, ont beau être du même acabit, leur coordination fait défaut. Par contre, elle est facultative avec ašā dès lors que ce dernier peut être vu comme lʼexpression du cadre dans lequel jouent le geste et la pensée : tout comme la parole qui, elle, est présente par le biais du verbe dicendi yāsā, le geste et la pensée sont des éléments de la cérémonie appelée Aša, lʼAgencement. Le pronom vā est dʼailleurs relayé par le vocatif mazdā, 312 313

Sur la strophe, PIRART, 2017, p. 147-8. RS 3.14.5b, 6.16.46d, etc. : SCHLERATH, 1968, p. 149.

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mais aussi par lʼaccusatif vīspəng placé stratégiquement juste avant le tandem du geste et de la pensée. Décrite de la sorte, la strophe est une phrase dans laquelle tout est en place, mais le manque dʼune coordination entre šiiaōθanā et vaŋhəuš xratū[m] manaŋhō, injustifié, me laisse perplexe : jʼattendais **šiiaōθanā vaŋhəušcā xratū[m] manaŋhō. Certes, nous pourrions parler dʼune licence poétique, mais sans être à même dʼen apprécier la réalité. Le statut dʼinstrumental accordé à ašā dans cette £description, de ce fait, nʼest pas complètement assuré, si bien que la possibilité du locatif dʼaši- « lors de la Dédicace », dans la mesure où la Dédicace est souvent celle du geste et de la pensée, ne peut être écartée. V.2 Lʼobscurité de lʼhémistiche Y 30.9b2 empêche toute réflexion : ― †ā.mōiiastrā †baranā ašācā.

V.3 La phrase Y 31.5ab est faite dʼune principale impérative et de deux infinitives qui sont, lʼune et lʼautre, prolongées dʼune subordonnée. La forme ašā figure dans la première subordonnée, mais sa dimension et lʼidentité de son verbe sont incertaines : ― tat314 mōi vīcidiiāi vaōcā (7) hiiat mōi ašā dātā vahiiō (8) vīduiiē vohū manaŋhā (7) məṇcā []daidiiāi yehiiā mā ərəšiš (9) Fais-moi distinguer le mieux quʼen échange de lʼAgencement vous me faites connaître avec le Penser bon, et fais-moi comprendre de qui le poète fut le (disciple) !

Dans la traduction, jʼai admis que le verbe de la première subordonnée était à reconnaître dans la locution dātā… vīduiiē « vous faites savoir » et que le pronom relatif objet de cette locution, hiiat en corrélation avec tat, avait vahiiō pour antécédent introduit. La difficulté réside dans la concurrence inattendue des deux instrumentaux non coordonnés ašā et vohū manaŋhā. Dès lors, sans pouvoir garantir le statut instrumental dʼašā, nous devrions explorer la possibilité du locatif dʼaši- ou, du moins, lui laisser la porte ouverte : le mieux que, lors de la Dédicace, vous me faites connaître avec le Penser bon [yat mai ārtā dāta vahyah vidvai vahū manahā].

314

Sur le passage, PIRART, 2020, p. 93-4 ; voir la Marginale I §IIb.3.

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V.4 Dans la strophe Y 31.13, la concurrence que lʼinstrumental θβisrā fait à ašā certes nʼest guère favorable à lʼanalyse de ce dernier comme instrumental : ― yā315 ×frasī316 āuuīšiiā (7) yā vā mazdā +pərəsaētē317 taiiā318 (9) yə vā kasəuš aēnaŋhō (7) ā mazištąm [a]iiamaitē +būjim319 (9) tā320 cašməṇg θβisrā hārō (7) aibī ašā [aibī.]vaēnahī vīspā (9) .·. (Roi) qui apportes la sagesse, si la question (est) posée en public ou si deux individus sʼentretiennent à la dérobée [yā frasī āvišiyā yā vā mazdā prsaitai tāyā] ou si quelquʼun est contraint à une grande expiation pour un petit tort [yah vā kasauš ainahah ā mazištām yamatai bujim], surveillant tout cela du (rai) étincelant de ta vue [tā caxšmanh θvisrā hārah… visvā], tu en juges sur base de lʼAgencement/lors de la Dédicace [abi rtā / ārtā vainahi].

Cependant, quelle quʼen soit lʼanalyse, instrumental dʼaša- ou locatif dʼaši-, le lien syntaxique dʼašā avec le verbe aibī+√ vin « regarder » nʼest pas limpide dʼun point de vue sémantique. V.5 La difficulté de lʼanalyse de lʼemploi dʼašā dans la strophe Y 34.9 réside essentiellement dans la rareté du verbe qui paraît le régir : ― yōi321 spəṇtąm ārǝmaitīm322 (7) θβahiiā mazdā bərəxδąm vīdušō (9) duš.šiiaōθanā auuazazat (7) vaŋhəuš əuuistī manaŋhō323 (8) aēibiiō maš324 ašā siiazdat (7) yauuat +aāt325 aurunā326 xrafstrā327 (9) .·.

Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 112-3. G frasā. 317 B, contre G pǝrǝsāitē. 318 Instr. sing. haplologique de tāiiā- : « à la dérobée ». 319 B, contre G būjǝm. 320 yā… yā vā… yə vā… tā… vīspā : « Si… ou si… ou si…, tous ces cas de figure ». 321 yōi… duš.šiiaōθanā… aēibiiō. 322 Cet hémistiche rencontre un écho en 10b1. Il faut éventuellement envisager lʼexistence dʼun trca 9-11 sur base de la présence dʼĀrmaiti. 323 La justification de la place de cet hémistiche derrière le verbe réside sans doute dans sa valeur circonstancielle. 324 Nominatif sing. de maz- « le tyran » (PIRART, 2020, p. 372 n. 80) : maš < pii. *mázH-s = grec μέγα-ς. 325 Avec le zand (MN ZK), contre G ahmat. 326 Au lieu dʼun adjectif de couleur, il faut faire dʼauruna- une forme apparentée à auruuant- « (cheval) de combat » et lui donner le sens de « violent, agressif, délétère ». 327 {daēuuā}. 315 316

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Les (mortels) qui, recourant à de mauvais gestes par ignorance du Penser bon [yai… duš-śyāuθnā… vahauš a-vistī manahah], abandonnent la savante Déférence [spantām aram-matim… ava-zazat] que ton (fils) vénère avec science, toi qui apportes la sagesse [θvahya mazdā brgdām vidušah], le tyran écarte de ceux-là (…) avec lʼAgencement [aibyah maš rtā syazdat] autant que de lui les délétères et sombres (Hasardeux) [yāvat ahmāt arunā xrafstrā].

Par sa place au-delà du verbe, le syntagme vaŋhəuš əuuistī manaŋhō doit définir le sujet yōi tout comme le fait le bahuvrīhi duš.šiiaōθanā. Cʼest ce que KELLENS et moi328, nous avions donné à voir avec la traduction des premiers vers : « Ceux qui, ayant de mauvais actes (rituels) et nʼayant pas trouvé la divine Pensée ». KELLENS329 maintient grosso modo cette interprétation : « Par leur incapacité à repérer la bonne Pensée, ceux qui font des mauvais actes ». La traduction que nous avions proposée330 de θβahiiā… vīdušō et que KELLENS331 conserve, « celui qui te connaît », comme si le possessif θβahiiā avait la valeur dʼun pronom objet de vīdušō, me paraît inacceptable. Le participe vīduuah-, ici et à la strophe suivante, représente probablement le Feu. KELLENS332 ne reconnaît plus lʼexistence de la corrélation yōi… aēibiiō sur laquelle la strophe est indubitablement bâtie et fait de yōi une sorte dʼeżāfe bien inane. De surcroît, maš, dans sa traduction récente, nʼest plus « le (mauvais) chef » comme nous lʼavions correctement vu en 1988, mais un adverbe « vite » : « Par leur incapacité à repérer la bonne Pensée, ceux qui font de mauvais actes laissent derrière eux la faste Juste-pensée, que celui qui te connaît admire, ô Mazdā. Que vite elle tienne à lʼécart dʼeux leurs Agencements autant quʼà lʼécart de nous les infects (dieux) fauves ! » La vraisemblance est pourtant bien faible que deux mots vieil-avestiques, mošuº et maš, pussent à la fois coïncider avec le latin mox. La coordination de yūš daēuuā vīspāŋhō avec yascā vā maš yazāitē dans la strophe Y 32.3, à mes yeux333, doit être impérativement rapprochée du syntagme avestique récent vīspe daēuua māzaniia (Yt 9.4.2b) « tous les (mauvais) dieux honorés du tyran ».

328 329 330 331 332 333

KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 127. KELLENS, 2015, p. 38. KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 127. KELLENS, 2015, p. 38. KELLENS, 2015, p. 38. PIRART, 2020, p. 366-70.

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La rection de siiazdat fait difficulté. KELLENS et moi334, à la recherche dʼun objet exprimé à lʼaccusatif, nous lʼavions reconnu dans ašā : « le (mauvais) chef éloigne de ceux-là les Harmonies ». KELLENS335 conserve grosso modo cette interprétation dʼašā comme un accusatif pluriel : « Que vite elle tienne à lʼécart dʼeux leurs Agencements […] ! » Statistiquement, lʼhypothèse du pluriel dʼaša- me paraît peu crédible. De surcroît, la connotation négative de maš « le grand » tout comme celle de siiazdat rendent incongrue la présence du bon Agencement. À moins dʼy voir lʼinstrument avec lequel serait écarté le tyran de ses ouailles tout comme le seraient les mauvais dieux des attentions de ce tyran. Le maintien du degré plein dans siiazdat336 interdit dʼen faire une forme conjuguée à la voix moyenne malgré le divādi prabhraśyati de la traduction sanscrite. La situation, avec la subordonnée introduite par yauuat, se complique davantage du fait de la présence dʼun pronom de première personne du pluriel, aat. Nous avions aveuglément accepté lʼintervention de cette première personne, et KELLENS, dernièrement337, nʼa pas protesté alors que le zand ou Niriosaṅgha, au lieu de cette première personne, témoignent de la troisième et que la tradition manuscrite reste hésitante entre aat et aāt. Cependant, la portée de la phrase reste assez obscure surtout s’il faut conserver le signe négatif pour maz-, car la logique mʼéchappe qui régit le fait que le grand sʼéloigne des impies tout comme les Daēuua, dont ce grand recommanderait le culte, sʼéloignent de ce dernier. Pour sortir de ces ornières, il me vient une meilleure idée : la définition de ceux à qui la corrélation pronominale se réfère, exprimée non seulement avec lʼadjectif duš.šiiaōθanā, mais aussi avec lʼhémistiche vaŋhəuš əuuistī manaŋhō, nous permettrait de faire dʼašā le locatif dʼaši- dès lors que cette dernière est « la Dédicace du Geste mauvais dans lʼignorance du Penser bon », mais, pour remplir la case de lʼobjet direct attendu avec √ siiazd, je ne vois alors dʼautre solution que de tirer parti de lʼantécédent sous-entendu de yauuat : KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. I p. 127. KELLENS, 2015, p. 38. 336 Il s’agirait du divādi d’étymologie inconnue dont le présent moyen est attesté dans l’hémistiche Y 32.4b2 vaŋhəuš sīždiiamnā manaŋhō « (les mortels) que(, Daēuua, vous) éloign(ez) du Penser bon » et l’actif dans Yt 19.84efg yat imąm daēnąm āstaōta V dušmaniiūm siždiiō V daēuuąn apa ašauuąn .·. « (Vīštāspa) qui embrassa cette Doctrine et repoussa le Hasardeux qui négligeait les rites ou professait une mauvaise opinion » (voir PIRART, 2010b, p. 323). 337 KELLENS, 2015, p. 38. 334 335

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― yōi spəṇtąm ārǝmaitīm (7) θβahiiā mazdā bərəxδąm vīdušō (9) duš.šiiaōθanā auuazazat (7) vaŋhəuš əuuistī manaŋhō (8) aēibiiō maš ašā siiazdat (7) yauuat +aāt aurunā xrafstrā (9) .·. Les (mortels) qui, recourant à de mauvais gestes par ignorance du Penser bon [yai… duš-śyāuθnā… vahauš a-vistī manahah], abandonnent la savante Déférence [spantām aram-matim… ava-zazat] que ton fils vénère avec science, toi qui apportes la sagesse [θvahya mazdā brgdām vidušah], le tyran, lors de la Dédicace, écarte de ceux-là [aibyah maš ārtā syazdat] (autant de richesse) que les délétères et sombres (Hasardeux), de ce dernier [yāvat ahmāt arunā xrafstrā].

V.6 Je ne puis certifier que, dans la strophe Y 43.2, il faille éviter de donner ašā pour le locatif dʼaši- puisque nous pourrions être amenés à lʼenvisager en raison du voisinage de vaŋhəuš… manaŋhō : ― atcā338 aāi (4)339 vīspanm vahištəm (7) xuvāθrōiiā (4) nā xuvāθrəm daidītā (7) θβā +cīcīθβā (4) spəništā maniiū mazdā (7)340 yā341 dā ašā (4) vaŋhəuš māiiā manaŋhō342 (7) vīspā aiiārə (4) +darəgō.jiiātōiš uruuādaŋhā (7) .·. Car, devant celui-ci [= le Feu] [at ca ahmāi], puisse l’homme, jour après jour, avec la position debout (qu’il observe à l’instant) d’exercer (sur toi l’Envoûtement/l’emprise rituelle) source de longue vie [nā… visvā ayār darga-jyātaiš vrādahā], accumuler le meilleur de tous les bien-être [visvānaʼam vahištam hu-āθrai ā… hu-āθram dadīta], (Roi) qui apportes la sagesse, lui qui, avec le Sentiment que tu es très savant [θvā… spaništā manyū mazdā], comprend que, pour appliquer les plans du Penser bon, tu recours à l’Agencement [ciciθvāh… yat dāh rtā vahauš māyāh manahah].

Portant un nom que nous devons expliquer par √ mā « mesurer », les māiiā sont ce que lʼadorateur et les officiants, représentés par Vohu Manah, planifient en se pliant aux exigences rituelles, la marche à suivre,

Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 159-63. Y 43.2a1 = Y 49.3a1. 340 Y 43.2c2 = Y 33.12b1, Y 51.7b2. 341 Sandhi pour hiiat, contre B yā. Introduit une complétive dans la rection de +cīcīθβā. 342 Il y a, pour cet hémistiche, un parallèle dans le Haōm Staōt (Y 10.12.2) : ā tē baēšaza irīriθβarǝ (8) vaŋhəuš manaŋhō maiiābiiō (8) .·. « (Haōma,) les médecins tʼont toujours mélangé (à du lait) pour suivre les plans de Vohu Manah » : voir PIRART, 2004, p. 98. 338 339

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

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lʼorganisation rituelle de la communauté des fidèles343. Certes, en faisant du dernier vers un prolongement de la proposition principale, jʼavais pu éviter lʼécueil de la concurrence de deux instrumentaux non coordonnés, ašā… uruuādaŋhā344, mais cela non plus nʼécarte pas pour autant la possibilité dʼinterpréter la forme ašā comme le locatif dʼaši-, « lors de la Dédicace (du Penser bon ou des Gestes bons) » : lui qui, avec le Sentiment que tu es très savant [θvā… spaništā manyū], comprend que, lors de la Dédicace, tu décides des plans du Penser bon [ciciθvāh… yat dāh ārtā vahauš māyāh manahah].

Il est donc assez clair que tout dépend de notre analyse des relations syntaxiques opérant à lʼintérieur de la complétive située dans la rection de +cīcīθβā : yā dā ašā vaŋhəuš māiiā manaŋhō.

La question est ainsi de savoir si la construction de √ dā avec un locatif et un accusatif est à préférer à celle de √ dā avec un instrumental et un accusatif. Afin de départager ces alternatives, faute de parallèles, nous ne disposons malheureusement dʼaucune piste univoque dʼautant que le premier des deux compléments de √ dā peut aussi bien être libre que régi ou que la simplicité de dā va de pair avec une polysémie gênante. V.7 Lʼanalyse dʼašā dans la strophe Y 44.1 ne peut être argumentée en raison de lʼobscurité de hākurǝnā :

343 PIRART, 2012, p. 163 n. 246. Les māiiā de Vohu Manah sans doute sont-elles comparables aux māyā d’Índra, le dieu du mánas : PIRART, 2010a. Sur les māiiā, voir aussi H 2.16. 344 Je ne puis tenir compte de la traduction que KELLENS, 2006-20, vol. VI p. 27, a donnée de cette strophe en trouvant des « prodiges » dans māiiā, en confondant les racines uruuād et uruuāz ou en admettant que le composé darǝgō.jiiātōiš, au lieu dʼun bahuvrīhi, serait un substantif.

266

MARGINALE III

― tat345 θβā pərəsā (4)346 ərəš mōi vaōcā347 ahurā (7)348 .·.349 nəmaŋhō350 ā351 (4) yaθā nəmə xšmāuuatō352 (7)353 mazdā friiāi (4) θβāuuąs354 saxiiāt mauuaitē355

345

Mis pour tā (sandhi mal défait). Y 44.1a1 = Y 44.2a1-19a1 ; → Y 31.14a1 tā θβā pərəsā ahurā. Nous rapprocherons aussi lʼhémistiche initial du vers védique RS 10.88.18d prchāmi vah kavayo vidmáne kám « je vous questionne, ô poètes, afin de savoir » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIV p. 24). 347 Lʼimpératif véd. correspondant est un hapax legomenon : RS 1.132.1e ádhi vocā nú sunvaté « plaide donc en faveur du pressureur (de soma) ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XVII p. 46). La combinaison de la parole et du caractère rectiligne faisant référence à la diction continue peut, malgré la traduction donnée, se retrouver dans le vers védique RS 5.44.5c dhārāvākésv rjugātha śobhase « Toi dont la marche est droite, (ô Agni,) je veux (tʼ)embellir en des discours (semblables à des) coulées » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 26). Sur cet emploi de l’impératif aoriste, KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 96. 348 Y 44.1a2 = Y 44.2a2-19a2. 349 Y 44.1a = V 19.10.4 (tat θβā pǝrǝsā arš mē vaōca ahura .·.) : SCHLERATH, 1968, p. 32. 350 Génitif de propos : « concernant lʼhommage ». 351 Préverbe : voir Marginale II §IIc. 352 Pour les adjectifs en +uant- (= védique +vant-) tirés des pronoms des deux premières personnes, je ne partage pas l’opinion généralement admise que, tant en védique qu’en avestique, le sens serait « quelqu’un comme moi/toi/… » au lieu de « quelqu’un qui est avec moi/toi/… ». Le védique yusmāvant- est un hapax legomenon : RS 2.29.4d mā yusmāvatsuv āpísu śramisma « Ne nous lassons pas quand (nous avons) des amis tels que vous ! » (trad. RENOU, 1955-69, vol. V p. 11). Le terme de la première subordonnée introduite par yaθā est clairement indiqué par la place du vocatif mazdā. Dans cette nominale, l’attribut xšmāuuatō « de votre adorateur », comme il se doit en subordonnée, suit le sujet nǝmə. 353 Y 44.1b = Y 58.3.5 : SCHLERATH, 1968, p. 32. 354 « Celui qui est avec toi, ton adorateur », désignation du Feu. Quelques exemples védiques de tvāvant- « qui est avec toi », malgré les traductions données : RS 1.91.8c ná risyet tvāvatah sákhā « Ne saurait subir-de-dommage lʼami dʼun (être) tel que toi » (trad. RENOU, 1955-69, vol. IX p. 67) ; 4.32.6ab bhūyāmo sú tvāvatah V sákhāya indra gómatah « May we be friends of one like thee, O Indra, with the wealth of kine » (trad. GRIFFITH, 1973, p. 222) ; 8.46.1 tvāvatah purūvaso (7) vayám indra pranetah (7) | smási sthātar harīnaām (8) « We, Indra, Lord of ample wealth, our Guide, depend on one like thee, | Thou driver of Tawny Steeds » (trad. GRIFFITH, 1973, p. 433). 355 « Celui qui est avec moi, mon disciple », accordé avec friiāi. Exemple védique de māvant- « qui est avec moi », malgré la traduction donnée : RS 1.8.9 evā hí te víbhūtasya V ūtáya indra māvate | sadyáś cit sánti dāśuse « Ainsi tes aides (sont elles) largement-présentes, ô Indra, pour un (homme) tel que moi ; / elles sont (disponibles) sur-le-champ pour le donateur » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XVII p. 5). Au-delà du verbe, nous ne pouvons trouver que des éléments appartenant à des groupes dont le premier mot figure auparavant : mauuaitē peut suivre le verbe parce que friiāi le précède. 346

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

267

(7) at nə ašā (4) friiā dazdiiāi356 †hākurənā357 (7) yaθā nə ā358 (4) vohū jimat359 manaŋhā (7)360 .·.361 Je te pose les questions [tā θvā prsā]. Dis-moi de façon rectiligne [= en recourant à la diction continue], Roi qui apportes la sagesse [rš mai vauca ahura… mazdā] ! Concernant lʼhommage, puisse ton adorateur [= le Feu] expliquer au (sacrifiant) qui, propice, est avec (lʼofficiant que) je (suis) [namahah ā… friyāi θvavants sahyāt mavatai] comment est lʼhommage de votre adorateur [= Zaraθuštra] [yaθā namah xšmavatah] ! Et, avec le (bon) Agencement, les hākurǝnā sont friiā pour nous être offerts [at nah rtā friiā dazdyāi hākurənā] de sorte que (le Phrasé) vienne à nous avec le Penser bon [yaθā nah ā vahū jamat manahā].

Si ma compréhension est la bonne, la première strophe de la Tat.θβā. pǝrǝsā Hāiti contient une prière qui revient à poser la question de savoir à quoi ressemble l’hommage que Zaraθuštra rend aux dieux, mais le poète auteur de l’unité n’attend pas que le grand dieu le renseigne : c’est le feu qui est censé lui apporter la réponse. La séquence θβāuuąs saxiiāt est explicitée un peu par la neuvième strophe où le verbe, sans que cela soit conforté par l’étymologie, est construit avec un sujet interne, +asīštiš, ce qui confirme que ā est ici préverbe. Sur la base de l’hémistiche Y 34.4b1, nous pouvons donc penser qu’il est ici question du feu. Qualifié de θβāuuant, il est personnifié et, comme tel, entre dans la formation d’un triangle avec mauuant et xšmāuuant, deux autres figures dans lesquelles je reconnais respectivement un orant, au service duquel le poète occupe le rôle d’un officiant, et Zaraθuštra, l’interprète de la volonté divine. Pour l’identification du sujet sous-entendu du verbe ā… jimat au dernier vers de la strophe, les vers Y 43.12cd suggèrent sǝraōšō, mais il convient de se demander pourquoi certains sujets ne sont pas exprimés. Il est vraisemblable que « celui qui viendra à la rencontre de lʼâme » soit automatiquement identifiable comme étant Sǝraōša, le dieu psychopompe.

356 La forme dazdiiāi (aussi Y 35.4), le complément de lʼadj. friiā, est celle de lʼinfinitif de √ dā « donner » (= véd. DĀ) tandis que daidiiāi, avec və.nə (Y 51.20) ou mənº (Y 31.5, 44.8), est celui de √ dā « placer » (= véd. DHĀ) : PIRART, 2020, p. 271. La différence pourrait donc refléter une répartition entre √ dā « placer » et √ dā « donner ». 357 Non seulement ce mot est inconnu, mais, de surcroît, il contient une séquence pii. *ºurº inattendue devant une consonne ≠ u : PIRART, 2020, p. 378 n. 120. 358 Préverbe : voir Marginale II §IIc. 359 Le sujet à sous-entendre est {sǝraōšō}. 360 Y 44.1e2 = Y 46.3d2. 361 Le Y 70.5 est l’addition de Y 44.1e + ā vohū +uruuāxšat ā.gǝmat.tā .·. + 44.8e.

268

MARGINALE III

V.8 Lʼobscurité de plusieurs mots de la strophe Y 44.2 nous empêche de garantir lʼanalyse dʼašā : ― tat362 θβā pərəsā (4) ərəš mōi vaōcā ahurā (7)363 .·. kaθā aŋhəuš (4) vahištahiiā364 paōuruuīm (7) ×kāθū365 sūidiiāi (4) yə ī366 paitišāt367 (7) huuō zī ašā (4) spəṇtō irixtəm vīspōibiiō (7) hārō368 maniiū (4) +ahūm.biš369 uruuaθō mazdā (7) .·. Je te pose les questions [tā θvā prsā]. Dis-moi de façon rectiligne, Roi qui apportes la sagesse [rš mai vauca ahura… mazdā] : qu’y a-t-il à l’origine de lʼexistence excellente [kaθā ahauš vahištahya parviyam] et pour combien de temps (est-elle prévue) pour que prospère celui qui cherchera à les [= hākurǝnā ?] rejoindre [kāt u sūdyāi yah ī paiti-īšaʼat], car, avec le (bon) Agencement, le (…) savant, guérisseur de lʼexistence, lui qui observe les attendus rituels [hah zi rtā spantah… ahum-biš vraθah], se sert de son Sentiment à l’heure de surveiller ce qui leur a été laissé à tous [rixtam visvaibyah hārah manyū].

La portée de la strophe nous échappe en bonne partie en raison de l’indigence syntaxique de questions restées nominales, de l’inconnue du pronom ī figurant dans la subordonnée relative de l’hémistiche c2 ou de la complexité sémantique et grammaticale de la nominale qui, introduite par zī, occupe les deux derniers vers. Cependant, la première question, kaθā aŋhəuš vahištahiiā paōuruuīm « Qu’y a-t-il à l’origine de lʼexistence excellente ? », annonce peut-être le caractère cosmogonique des strophes 3-7 de lʼunité Y 44. La seconde question doit être intimement liée à la première pour que nous n’y trouvions qu’un infinitif datif flanqué d’un sujet exprimé sous la forme d’une subordonnée relative arborant une nuance de but. La particule *u paraît bien être l’outil de ce lien de la seconde question avec la première. S’il en va effectivement de la sorte, l’inscription de l’existence dans le temps est exprimée au moyen de l’adverbe interrogatif Sur cette strophe, PIRART, 2020, p. 386-7. Y 44.2a = 44.1a, etc. ; ≈ V 19.10.3 tat θβā pǝrǝsā arš mē vaōca ahura .·.. 364 Sur lʼAhu Vahišta, PIRART, 2012, p. 216. 365 < pir. *kāt u*, contre G kāθə. Sandhi diascévastique comme dans zaraθuštra. 366 Comme l’instrumental n’existe pas pour les pronoms enclitiques, la forme ī en est forcément l’accusatif nt. plur. ou masc. duel : « qui les (= ?) recherchera ». 367 Sur paitišāt, PIRART, 2006, p. 172 n. 192. 368 Tient lieu de verbe pour la proposition occupant les deux derniers vers. 369 B, contre G ahūmbiš. 362 363

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

269

*kāt et a pour but la prospérité, mais le poète ne nous révèle ni l’identité du personnage auquel cette prospérité est destinée ni, dʼailleurs, celles de ceux dont il est question dans la dernière phrase. V.9 Pour lʼanalyse dʼašā dans la strophe Y 45.6, il est malaisé de choisir entre lʼinstrumental dʼaša- et le locatif dʼaši- : ― at370 frauuaxšiiā (4)371 vīspanm mazištəm (7)372 stauuas ašā373 (4) yə hud yōi həṇtī374 (7) spəṇtā maniiū (4)375 sraōtū mazdā ahurō (7) yehiiā376 vaē (4) vohū frašī manaŋhā (7) ahiiā xratū (4) frō mā sāstū vahištā (7) .·. Je vais alors proclamer, avec l’éloge lors de la Dédicace/avec l’éloge et avec le bon Agencement, qu’il est le plus grand de tous (les dieux) [at fra-vaxšyā visvānaʼam mazištam stuvats ārtā/rtā] et que c’est à lui que, parmi ceux qui sont, les offrandes sont bonnes à faire [yah hudaʼāh yai hanti]. Que le Roi qui apporte la sagesse (mʼ)écoute en raison du Sentiment que jʼai de sa science [spantā manyū srautu mazdāh ahurah] ! Concernant ce dont je me suis entretenu avec le Penser bon lors de la séquence chantée [yahya vahmai vahū fraši manahā], de cela, avec son intelligence, quʼil mʼenseigne les excellences [ahya xratū fra mā sāstu vahištā] !

Nous ressentirons la même hésitation à la strophe Y 50.11, à nouveau en présence de √ stu. V.10 Au vu de ses compléments déterminatifs šiiaōθanahiiā uxδaxiiācā, la forme ašā, dans la strophe Y 45.8, pourrait être celle du locatif dʼaši- : Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 396-7. Y 45.6a1 = Y 45.1a1,2a1,3a1,4a1,5a1. 372 Y 45.6a2 → Y 43.2a2 vīspanm vahištəm. 373 Sur la séquence stauuas ašā qui aurait pu donner naissance au nom dʼun Saōšiiant, PIRART, 2006, p. 88 n. 223. 374 Y 45.6b = 52.4.2, 61.5.4, 72.5.4, Hb 4.2. Sur les Hudāh, PIRART, 2020, p. 342. Lʼhémistiche est coulé dans le même moule que Y 51.10b2 tā dužd yōi hǝntī. 375 Y 45.6c1 = Y 44.7e1, Y 47.1a1. 376 Génitif de propos, yehiiā… ahiiā : « concernant ce dont je me suis entretenu avec Vohu Manah lors de la séquence chantée, de cela, avec intelligence, je veux quʼil mʼenseigne les excellents (…) ». 370 371

270

MARGINALE III

― təm377 nə staōtāiš (4) nəmaŋhō +ā.vīuuarəšō378 (7) nū zīt379 (4) cašmainī380 viiādarəsəm (7) vaŋhəuš maniiəuš (4)381 šiiaōθanahiiā uxδaxiiācā (7) vīduš ašā382 (4) yəm mazdm ahurəm (7) at hōi vaəṇg (4) dəmānē garō383 nidāmā384 (7) .·. Comme chacun de nous, en orant, lors de la (bonne) Dédicace du geste et du mot pour lesquels le bon Sentiment (nous suggère dʼopter) [vahauš manyauš śyāuθnahya ugdahya ca viduš ārtā], sʼefforce de lʼentourer des éloges de lʼhommage [tam nah stautāiš namahah ā-vivaršah] et, pour sûr, vient de voir de sa vue/vient de se rendre compte [nu u zi it caxšmani vi-ā-darsam] qu’il est le Roi qui apporte la sagesse [yam mazdaʼam ahuram], nous déposons dans la maison du chant de bienvenue les hymnes qui lui sont destinés [at hai vahmānh dmānai garah ni-dāma].

Cependant, attesté dans le Mihr Yašt (Yt 10.16.3), le nominatif pluriel du nom du héros Vīduš.aša sʼy oppose pour montrer un thème en ºa- : ― aēšąm ×gūnaōiti385 vǝrǝθraγnǝm (8) yōi dim dahma vīduš.aša386 (8) zaōθrābiiō387 frāiiazǝnte (7) .·. (Le dieu Échange) intensifie les moyens de briser les obstacles au profit des Vīduš.aša qui, en experts, lui rendent un culte avec les libations388.

Il me semble difficile dʼécarter alors une erreur dans lʼinterprétation du texte gâthique, de ma part ou de celle du créateur du nom de ce héros. V.11 Je nʼai pu trouver de critère permettant de départager les deux possibilités dʼinterprétation de la forme ašā, lʼinstrumental dʼaša- et le locatif dʼaši-, dans les vers Y 48.9ab : Sur la strophe, PIRART, 2020, p. 397-8. B, contre G ā vīuuarǝšō, mais B explique la forme par √ varz. 379 KP, contre G nū.zīt. Le conglomérat particulaire ºū… ºīt, employé pour ºcā īt sʼil y a combinaison avec zī, imprime un sens distributif au verbe viiādarǝsǝm et lʼaccorde en quelque sorte avec nə… +ā.vīuuarǝšō : « chacun de nous sʼefforce de lʼentourer des éloges de lʼhommage pour avoir pu voir de ses yeux quʼil était Ahura Mazdā ». 380 Sur la formation de cet instrumental, PIRART, 1988, p. 141-2. 381 Y 45.8c1 = Y 45.5e1, Y 48.8d1. 382 Sur la séquence vīduš ašā qui est à lʼorigine du nom dʼun Saōšiiant, PIRART, 2001, p. 95 et 116 ; 2006, p. 88 n. 223 ; 2013b, p. 148. KELLENS et moi, 1988-91, vol. III p. 193, avons rapproché les mots uxδaxiiācā vīduš de RS 5.4.7a vayáṁ te agna uktháir vidhema « Nous (autres), puissions nous te servir, ô Agni, par les hymnes » (trad. RENOU, 1955-69, vol. XIII p. 21). 383 Sur le Dǝmāna Garō, PIRART, 2012, p. 217 n. 14. 384 Injonctif aoriste intentionnel de première personne. Le vers est à la source de lʼoctosyllabe Yt 10.32.2d (= Yt 10.57.2d) nī hīš dasuua garō.nmāne .·. « Dépose les libations dans la maison du chant de bienvenue ». 385 Avec KELLENS, 1984, p. 171 n. 10, contre G gūnaoti. 386 Pluriel elliptique ? Lʼacc. masc. sing. vīδuš.ašǝm est attesté dans le Vyt 3.3(15). 387 Mis pour l’instrumental. 388 Voir PIRART, 2010b, p. 127. 377 378

271

LʼANALYSE D᾿AŠĀ

― kadā vaēdā duuaēθā (7)

(4)

yezī cahiiā xšaiiaθā

(7)

mazdā ašā

(4)

yehiiā mā ×āiθīš

Et, puisque vous avez bénéficié dʼun certain Envoûtement, (Roi) qui apportes la sagesse, avec le (bon) Agencement/lors de la Dédicace, (ditesmoi) : quand saurai-je de qui vous craignez les dommages ?

V.12 De même, dans le vers Y 49.1b : ― yə dušərəθrīš (4) cixšnušā ašā mazdā (7) Toi qui apportes la sagesse, moi qui, avec le (bon) Agencement/lors de la Dédicace, suis prêt à accueillir celles qui sont sans défense/sans bonne garde.

V.13 La présence du mot désignant le texte qui est adressé à la divinité, rāzan-, suggère que la forme ašā, dans la strophe Y 50.6, est à comprendre comme le locatif dʼaši-, mais ce nʼest jamais quʼune suggestion vague : ― yə mąθrā (4) vācəm mazdā baraitī (7) uruuaθō ašā (4) nəmaŋhā zaraθuštrō (7) dātā xratəuš (4) hizuuō raiθīm stōi (7) mahiiā rāzəṇg (4) vohū sāhīt manaŋhā (7) .·. Celui qui, suivant (tes) conseils, prend la parole, toi qui apportes la sagesse, lʼobservant Zaraθuštra avec lʼAgencement/lors de la Dédicace, avec lʼHommage, lʼinstaurateur de lʼintelligence de la langue, puisse-t-il avec le Penser bon mʼenseigner à être lʼaurige de lʼinvocation que je lance !

V.14 Son rejet dans le dernier hémistiche de la strophe Y 50.10 fait dʼašā un complément circonstanciel, non régi, mais ce constat ne permet pas de choisir entre aša- et aši- : ― at yā varəšā (4) yācā +pairī.āiš šiiaōθanā (7) yācā vohū (4) cašmąm arəjat manaŋhā (7) raōcā xuvəṇg (4) asnm uxšā aēuruš (7) xšmākāi ašā (4) vaāi mazdā ahurā (7) .·. Les gestes que je veux exécuter, ceux que tu attendais, Roi qui apportes la sagesse, ou les lumières du Soleil que le Penser bon donne pour dignes des yeux, (tel est) Aēuru, le taureau des jours, pour la séquence chantée en votre honneur avec lʼAgencement/lors de la Dédicace.

272

MARGINALE III

V.15 Je ne vois pas comment départager les deux interprétations possibles de la forme ašā présente dans la strophe Y 51.16, lʼinstrumental dʼašaou le locatif dʼaši- : ― tąm kauuā vīštāspō (7) magahiiā xšaθrā nąsat389 (7) vaŋhəuš padəbīš manaŋhō (7) yąm cistīm ašā mantā (7) spəntō mazdā ahurō390 (7) aθā nə sazdiiāi uštā (7) .·. Comme l’Envoûtement a permis au sage Vīštāspa de prendre les chemins du Penser bon et d’arriver [kavā višta-aspah… xšaθrā nānsat vahauš padbiš manahah] à la compréhension que le savant Roi qui apporte la sagesse, avec l’Agencement/lors de la Dédicace, s’est forgée du bénéfice [tām… magahya… yām cistim rtā/ ārtā manta spantah mazdāh ahurah], la (condition) « à volonté » est alors pour nous plaire [aθā nah sazdyāi uštā] !

La strophe contient un diptyque tonal droit (abc1 et c2). La protase y est faite d’un diptyque secondaire inverse (ab1 et b2c1). Lʼapodose est probablement une nominale dans laquelle uštā constitue le sujet : la forme uštā, au lieu de la 2e personne du plur. de lʼindicatif présent ou de lʼimpératif présent de √ vas, doit être analysée comme le locatif singulier de ušti-391. La mention du maga « bénéfice » dans le premier vers de la strophe 16 fait écho à celle du mīžda « le salaire, la récompense » dont Zaraθuštra, au début de la précédente, frustrait les magauuan « les (sales) profiteurs ». Sur cette base, nous pouvons considérer que les deux strophes forment un ensemble même si, en vérité, magauuan-, contrairement à maga-, est un terme daivique.

Manque chez KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 74. Notons que le syntagme mazdā ahurō sans tmèse n’existe qu’en fin d’heptasyllabe : Y 32.2a1, 45.5e2, 45.6c2, 46.17e2, 51.16c1, 51.17c1, 51.22b1. Sa version vocative mazdā ahurā observe la même constante : Y 28.10b1, 28.11b1, 31.5c1, 31.9b1, 31.16c1, 31.17c1, 31.22c1, 32.16b1, 45.e2, 46.10a2, 47.5a2, 47.6a2, 50.1c2, 50.4a2, 50.10d2. Cette constatation est en faveur de la correction que nous avions proposée pour Y 33.5c2. 391 KELLENS et PIRART, 1988-91, vol. II p. 227. 389 390

MARGINALE IV IN EXTREMIS : LA CATASTROPHE Y 30.7

La Keynote lecture au 9e colloque de la Societas Iranologica Europaea de Jean KELLENS vient dʼêtre publiée dans le quatrième fascicule des Estudios Iranios y Turanios : « Pourquoi comprenons-nous si mal les Gâthâs ? »1 Jean KELLENS y déclare : « De la première lecture à celle dʼaujourdʼhui, jʼai toujours ressenti quʼen lisant la première Gâthâ, lʼahunauuaitī, je suivais, sommairement et sans peine excessive, le fil de la pensée jusquʼau Y30.6, donc durant 28 strophes. Mais le Y30.7 est une catastrophe ». Cʼest de cette catastrophe que je traite ici, in extremis, alors que le reste du présent ouvrage a déjà pris le chemin de la maison dʼédition. Jʼy vois, en effet, lʼoccasion et la raison de compléments à apporter à mon Introduction générale, quitte à encourir les reproches de Jean KELLENS que je comprends lʼincompréhensible. Dans la Keynote lecture, Jean KELLENS explique que la strophe incriminée, le Y 30.7, « interrompt notre capacité à comprendre le texte dans son ensemble parce quʼelle est une véritable anthologie des difficultés » dont il vient de parler, mais aussi « parce quʼelle présente une accumulation rare de particularités ». Deux listes sont ainsi dressées, la première reprenant les « difficultés » et la seconde, les « particularités ». I. Les difficultés Le « paradoxe de MEILLET2 » tel que Jean KELLENS le formule crûment, « nous connaissons le sens, mais nʼy comprenons rien », avec la révolution copernicienne que Helmut HUMBACH a accomplie en faisant des Gāθā des textes analogues aux hymnes védiques, concerne tout aussi bien nombre de ces derniers, car les nombreux parallèles formulaires détectés entre les deux corpus ont beau montrer à lʼévidence quʼils sont lʼun et lʼautre lʼaboutissement dʼune même tradition littéraire, notre compréhension de leurs pièces ne nous en est guère améliorée : lʼincompréhension 1 2

KELLENS, 2020. MEILLET, 1925, p. 39.

274

MARGINALE IV

subsiste. Jean KELLENS met naturellement lʼaccent sur celle des Gāθā et, de la sorte, occulte que la plupart des hymnes védiques sont à la même enseigne. En achevant de lire un hymne védique, nous sommes bien souvent incapables dʼen refléter la substance : quelle a donc été la volonté de lʼauteur ? De quoi a-t-il voulu parler ? Quel est lʼobjet ou le sujet de son œuvre ? La réponse, me semble-t-il, consiste à dire que la question est mauvaise. Elle lʼest pour attribuer une volonté à lʼauteur de lʼhymne alors quʼil pourrait bien ne rien faire dʼautre que son travail ou remplir ses obligations. Le poète, par ailleurs un officiant, brode sur son propre office avec les mots de la piété ou de son office, avec les accents du monde sacré. Il nʼy a rien à comprendre dans de tels échos si ce nʼest que ce sont ceux dʼune religiosité forcément dépourvue de la volonté de faire savoir ce que tout un chacun savait parfaitement. La seule volonté était celle de charmer lʼoreille des dieux et de rompre le silence respectueux des adorateurs pétrifiés. Le poète nʼexplique rien à personne même si, çà et là, il feint de parler aux uns ou aux autres, les dieux et les hommes. Ceci justifie le paradoxe que les Gāθā sont un discours tout à la fois théorique et non didactique. Je persiste à penser que lʼobscurité des Gāθā a notamment pour cause notre ignorance grammaticale, mais avec quelques nuances : nous nʼavons pas obéi suffisamment aux exigences de la grammaire, nous nous sommes contentés dʼapproximations, nous avons parfois manqué de rigueur. À mes yeux, nous nʼavons pas toujours bien observé nos propres connaissances grammaticales ; de nouvelles enquêtes doivent être menées ; notre vigilance en matière dʼanachronismes est restée insuffisante ; notre dédain pour les traditions zoroastriennes postérieures ou le reste des littératures indo-iraniennes fut abusif. Jean KELLENS parle dʼillusion grammaticale. Pour moi, il est mal admissible dʼattaquer ainsi la grammaire. Certes, elle ne peut répondre à tout, mais reste la clé la plus efficace de toute réponse. Une question préalable est, pour Jean KELLENS, de savoir si le texte est fiable. La métrique et la grammaire sont à lʼévidence les meilleurs outils aussi pour répondre à cette question, mais la liste des altérations du texte est bien plus longue que celle quʼil donne. Les altérations sont de plusieurs types : le manque dʼune partie de strophe, la perte dʼune strophe, les altérations de lʼordre des mots, les graphies pāzand, les confusions de signes, les confusions de phonèmes, les univerbations, les fausses coupes, l’introduction de gloses, etc. Nous ignorons aussi ce qui régit le choix dʼune graphie : comment justifier, par exemple, la différence graphique,

IN EXTREMIS

: LA CATASTROPHE Y 30.7

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qui est aussi phonétique, de la finale génitive entre zaraθuštrahē et spitāmahiiā (Y 53.1) ? Et comment savoir si la graphie de certains mots tels que ǝrǝzuš ou ašauuā est du premier type plutôt que du second ? Aussi sain soit-il, le pessimisme extrême de Jean KELLENS me paraît excessif et paralysant. Les inconnues lexicales ne cessent de diminuer ; les apparentes irrégularités métriques, de sʼaplanir. Jean KELLENS juge provisoire la description de lʼemploi des temps et des modes exposée dans le deuxième volume de notre travail de 1988-91, forcément avec raison : la science définitive nʼexiste pas, mais nous ne pouvons nous dire confrontés à un brouillard aussi épais quʼil le laisse entendre : lʼexposé du deuxième volume est sans doute à reprendre çà et là, mais, dans les grandes lignes, ce fut une avancée certaine. Quant à la chimère étymologique, je ne vois pas comment échapper à ses griffes. Jean KELLENS a beau dire « quand nous cherchons une étymologie, nous la trouvons toujours… », mais, faut-il ajouter, en donnant un sens à un mot, nous bloquons son étymologie et prenons le risque dʼavoir établi une morphologie impossible. Il est illusoire de parler de lʼépouse dʼAṣ̌a sans expliquer la morphologie et la graphie de ǝrǝiθiiā. Jʼai déjà répondu dans lʼIntroduction générale à la question des limites des textes ou des unités littéraires à distinguer dans le corpus vieilavestique : elles sont à trouver. Ici non plus, nous nʼavons guère dʼautres armes que celles de la grammaire ou de la métrique pour nous tenir à lʼabri des séductions de la sémantique autant que faire se peut. II. Les particularités de la catastrophe Jean KELLENS, pour la rédaction de sa Keynote lecture, nʼa pas eu connaissance de mon étude sur le Mańiiu parue en 20203 dans laquelle figure une analyse détaillée de la strophe Y 30.7. Jʼy réponds à plusieurs des questions relatives aux particularités que Jean KELLENS détecte dans cette strophe. Ci-dessous je reprends la numérotation quʼil utilise pour lʼénumération des particularités dans la seconde partie de lʼexposé de ses réflexions : — 1. Pour moi, il nʼy a plus aucune irrégularité métrique à relever dans la strophe Y 30.7 ; — 2a. jasat est clairement « il vient » plutôt quʼun passé ;

3

PIRART, 2020, p. 46-52.

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MARGINALE IV

— 2b. Les trois instrumentaux du premier vers sont lʼexpression des moyens employés pour que Sǝraōša, le dieu du phrasé, vienne à la rencontre de lʼâme, mais il est vrai que la nuance reste diffuse et variable : le xšaθra est aussi une raison finale puisque lʼemprise exercée sur la divinité intervient dans le jugement de lʼâme du défunt. En effet, le dieu Xšaθra de la tradition ultérieure patronne lʼusage du métal en fusion des ordalies. Le métal mentionné dans le dernier hémistiche de la strophe doit donc faire écho à la présence du xšaθra dans le premier. Dans le Penser bon, le deuxième terme de la triade instrumentale, nous pouvons aisément reconnaître une conditio sine qua non du bon phrasé. La présence dʼaṣ̌a, lʼagencement rituel, dans la triade instrumentale est à expliquer par son rôle cadre : le bon agencement conditionne lʼexpression du Penser bon, en est le lieu et le véhicule tandis que lʼenvoûtement divin qui résulte de lʼusage de ce dernier sanctionnera aussi la valeur de lʼâme défunte. La cérémonie ainsi portera-t-elle des fruits ici et là, chez les dieux comme chez les hommes : aāicā xšaθrā jasat (7) manaŋhā vohū ašācā (8) at kəhrpəm utaiiūitiš (7) dadāt ārəmaitiš ąnmā (8) aēšąm tōi ā.aŋhat (7) yaθā aiiaŋhā [ādānāiš] pōuruiiō (8) .·. Si (le Phrasé) va à la rencontre du (moi) avec lʼEnvoûtement, le Penser bon et le (bon) Agencement, la Jouvence lui offre alors la forme tandis que la Déférence (lui apporte) le souffle. Que le premier des (trois) [= lʼEnvoûtement ?] te soit présent [= soit à ta disposition], (Roi de la sagesse,) pour que (tu viennes) avec le métal (en fusion des ordalies) !

— 3. Le mot ādānāiš « avec les chaînes » nʼest pas inconnu : glose dʼaiiaŋhā (ce nʼest pas lʼinverse), il précise erronément de quel métal il est question. Au lieu du métal en fusion, lʼexégète auteur de cette glose a pensé aux chaînes avec lesquelles les démons emmènent les impies. Cependant, aucune certitude nʼexiste pour lʼidentification de la syntaxe de la subordonnée en yaθā, extrêmement exiguë, qui referme la strophe. Autre vrai problème, celui du mot que pōuruiiō sous-entend. Jʼy ai répondu de façon forcenée. — 4a. Lʼellipse, une situation que les traducteurs nʼont jamais suffisamment prise en considération, est, comme le dit Jean KELLENS, un obstacle majeur à notre compréhension des Gāθā, mais elle se justifie dans le cadre dʼune poésie pratiquement dépourvue dʼobjet : le poète ne se donne pas la peine de tout dire tout simplement parce quʼil nʼy en a aucune nécessité ; il ne veut rien faire savoir à personne. Brodant sur ce quʼil sait, il couvre le silence de ceux qui nʼont pas la parole, les adorateurs. Nous cherchons à comprendre ce quʼun poète nʼa pas voulu dire. Le hasard a dicté ce qui est dit et gommé ce qui ne lʼest pas, mais les

IN EXTREMIS

: LA CATASTROPHE Y 30.7

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mots tus autant que ceux exprimés sont le reflet de ce quʼil se passait dans lʼAgencement, au cours de la cérémonie sacrificielle. — 4b. Nous ignorons effectivement encore la raison de lʼusage de schémas métriques spéciaux, mais leur existence ne fait plus aucun doute. — 4c. Dans le dernier vers, le pronom enclitique tōi, exceptionnellement, nʼest lʼancrage dʼaucun vocatif mazdā. Les dimensions du corpus sont trop exiguës pour que nous puissions soupeser correctement un phénomène dʼexception. Cependant, le corpus pourrait être bien plus vaste si nous avions le courage dʼétendre nos enquêtes à lʼensemble des hymnes védiques, car les mêmes questions ne sont pas aussi souvent formulées à propos de la Rgvedasaṁhitā en raison de son volume : lʼexégèse et lʼanalyse approfondie en sont encore balbutiantes et occuperont encore bien des générations après nous. Le résumé que Jean KELLENS nous propose au terme de ses réflexions est catastrophique, car il a beau dire finalement que notre devoir est dʼessayer de comprendre, la synthèse de ses réflexions est plus propre à nous inviter à jeter lʼéponge. Nous ne savons pas qui parle ? Si, nous le savons : cʼest le poète officiant, certes anonyme. Nous ne savons pas à qui il parle ? Si, nous le savons : cʼest à Mazdā comme Jean Kellens le dit luimême. Nous ne savons pas de qui ou de quoi il parle ? Si, nous le savons : le poète parle de son office dʼofficiant de préparer lʼâme à passer au-delà de la fin, de lui permettre dʼacquérir une forme et toute la jeunesse voulue. Il est ainsi question dʼeschatologie individuelle. Naturellement. La situation concrète où le texte était récité, celle de lʼoffice ou de la charge du poète, nous est pourtant inconnue. Non, pas tout à fait : le spectacle de cette situation, grâce à la comparaison indo-iranienne, nʼest pas complètement inconnu. Nous savons ce que certains prêtres disaient, mais aussi, malgré tout, un petit peu ce quʼils faisaient. Par contre, nous ne savons ni pourquoi ni comment lʼœuvre quasiment anecdotique et abstraite dʼun poète en est arrivée à être fixée dans la mémoire dʼautant de générations.

CONCORDANCE DES TEXTES VIEIL-AVESTIQUES

Avertissements Il est adopté lʼordre suivant des signes avestiques : a ā ǝ/ə e/ē o/ō ā ą i/ī u/ū k x g/γ t/t θ d/δ p f b/β ŋ/ŋ/ŋv n/n/n m/ y v r s z š/š/š ž h x xv

En plus de lʼAhuna Vairiia (Y 27.13), des cinq Gāθā (Y 28-34, Y 43-46, Y 47-50, Y 51 et Y 53), du Yasna Haptaŋhāiti (Y 35-41) et de lʼAiriiaman Išiia (Y 54.1), cette concordance comprend les parties rédigées en avestique récent appelées Ašǝm Vohū (Y 27.14), Yeŋhē.hātā (Y 27.15.3), Yānīmanō (Y 28.0.1), Nǝmō Gāθanąm (Y 28.0.2, et parall.), Abar-vārag ī Haptaŋhāt (Y 42) et Vaŋhucā Hāiti (Y 52). Corrections automatiques : ― pour les distinctions à opérer entre n, n, in et n ; ― pour les distinctions à opérer entre ng, ngh1, ŋh, ŋvh, ŋhuu, ŋh2 et xii ; ― pour les distinctions à opérer entre š, š et š ; ― de ao en aō ; ― de hm en . Les parallélismes sont signalés en gras. Le compte syllabique est donné en gras sʼil est spécial, en gras souligné sʼil est irrégulier. aēibiiō aŋhəuš (4) Y 45.3e1 aēibiiō dūirē vohū as manō (9) .·. Y 34.8c2 aēibiiō pǝrənā āpanāiš kāmǝm (9) .·. Y 28.10b2 aēibiiō mazdā akā mraōt (7) Y 32.12b1 aēibiiō mazdā ahurō (7) Y 32.2a1 aēibiiō maš ašā siiazdat (7) Y 34.9c1 aēibiiō yōi uruuātāiš drūjō (7) Y 31.1b1 aēibiiō ratūš (4) Y 43.6d1 1 Y 31.1a2, 31.11c1, 31.14a2, 32.7b1, 32.9a2(*9b2), 34.7b1, 39.2.2f, 39.4b, 43.4a1, 43.6d2, 43.14d2, 44.14c2, 44.16b2, 45.2c2, 46.3c1, 46.17a2, 48.1a2, 48.2c2, 48.3c2, 48.12c2. 2 Y 29.10c2, 31.8a1, 31.10b2, 43.5a2 (=7a2,9a2,11a2,13a2,15a2), 49.9a2.

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CONCORDANCE

aēibiiō rafəδrāi (4) Y 46.12e1 aēibiiō sastē ahurā (7) Y 30.8c1 aēm mōi idā vistō (7) Y 29.8a1 aēšācā θβā əmauuaṇtascā +buiiāmā (3+1+5+3) Y 41.4d aēšəm diiāt əmauuaṇtəm (7) ºoº Y 43.10e2 aēšm aēnaŋhm (7) Y 32.7a1, Y 32.8a1 aēšmcīt ā aī (7) Y 32.8c1 aēšm tōi ahurā (7) Y 34.1c1 aēšm tōi ā.aŋhat (7) Y 30.7c1 aēšəməm varədən rāməmcā (7) Y 49.4a2 † aēšasā dəjīt.rətā (6) ou aēšasā dəjīt.rətā (7) Y 53.9b1 aōgō dātā ašā xšaθrəmcā (9) Y 29.10a2 aōgəmadaēcā usmahicā vīsāmadaēcā (4+4+5) .·. Y 41.5b aōjaŋhā varədaiiaētā (7) Y 50.3c2 aōjāi mazdā aŋhācā (7) Y 50.11a2 aōjōŋhuuaṇtəm ašā usəmahī (9) Y 34.4a2 aōdərəšcā zōišənū vāzā (7) .·. Y 51.12c2 aōšō vīdā manaŋhā (7) .·. Y 49.1d2 akāiš šiiaōθanāiš (4) Y 46.11b1 akāiš xvarəθāiš (4) Y 49.11c1 akāt +ā +šiiąs manaŋhō (7) .·. Y 47.5d2 akāt manaŋhō stā ciθrəm (8) Y 32.3a2 akā varanā (4) Y 45.1e1 akā šiiaōθanəm vacaŋhā (7) Y 32.5c1 akəm akāi (4) Y 43.5d1 akəmcā manō yazāi apā (9) Y 33.4a2 agəniiā drigudāiiaŋhō (3+5) Y 38.5.1b + aguštā.vacā sənghāmahī (9) Y 31.1a2 acištahiiā dəmānē manaŋhō (9) Y 32.13a2 acištā magāi ərəšuuō (7) .·. Y 51.11c2 acištō drəguuatm (7) Y 30.4c1 at aēšəmə[m] həṇduuārəṇtā (7) Y 30.6c1 at aipī tāiš aŋhaitī uštā (9) ºoº3 Y 30.11c2 at aāi akāt ašiiō (7) Y 51.6b2 at asištā yaōjaṇtē (7) Y 30.10b1 at ašāunē (4) Y 43.8c1 at ašāunē vahištəm manō (9) .·. Y 30.4c2 3 Suivi de zōt u rāspī .·. ahiiā yāsā… .·. du bār .·. yaθā ahū vairiiō… .·. cihār bār .·. ašǝm vohū… .·. si bār .·. at.tāuuaxšiiąm hāitīm yazamaide .·. yeŋhē hātąm… ºoº ºoº.

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CONCORDANCE

at ahurā (4) Y 43.16a1 at ahiiā mā (4) Y 49.2a1 at axiiāi ašā (5) Y 48.6c1 at ā θβaāi (4) Y 43.9d1 at +ī vaōcat ahurō (7) Y 29.6a1 at īt pərəsā (4) Y 44.20b1 at īš vohū (4) Y 46.12d1 at kəhrpəm +utaiiūitiš (7) Y 30.7b1 atcā aāi (4) Y 43.2a14, Y 49.3a1 atcā ī5 tōi manaŋhā (7) Y 34.2a1 atcā gəuš uruuā raōstā (7) Y 29.9a1 atcā tōi vaēm xiiāmā (7) Y 30.9a1 atcā yadā aēšm (7) Y 30.8a1 atcā və mīždəm aŋhat (7) Y 53.7a1 atcā6 [hōi] scaṇtū manaŋhā (7)7 Y 53.2a1 atcā hiiat tā həm maniiū (7) Y 30.4a1 atcā +xvaētauuē (5) Y 53.4b2 atcīt aēibiiō vahištā (7) Y 31.1c1 atcīt aāi (4) Y 50.3a1 at tat mōi daxštəm dātā (7) Y 34.6b1 at tā maniiū +pauruiiē (7) Y 30.3a1 at8 tā vaxšiiā išəṇtō (7) Y 30.1a1 at təṇg drəguuā (4) Y 46.4a1 at tōi aŋhən (4) Y 48.12a1 at tōi ātrəm ahurā (7) Y 34.4a1 at tōi ubē hauruuāscā (7) Y 34.11a1 at tōi +mazdā.təm maniiūm (7) Y 33.9a1 at tōi miiazdəm ahurā (7) Y 34.3a1 at tōi vīspəṇg (4) Y 43.15e1 at tōi sauuāiš (4) Y 48.1d1 at tū mōi dāiš (4) Y 43.10a1 at tū mōi nō[it] (4) Y 43.12b1 at θβā9 mənghāi (4) Y 43.4a1 4

Précédé de zōt .·.. Sandhi pour īt. 6 Précédé de zōt .·.. 7 Une autre découpe du vers Y 53.2a est envisageable : atcā [hōi] scantū uxδāiš šiiaōθanāišcā (8). 8 Précédé de zōt .·.. 9 Sandhi pour θβəm. 5

(4)

manaŋhā

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CONCORDANCE

at θβā məŋhī +paōuruuīm (7) Y 31.8a1 at +dušə.xšaθrəṇg (4) Y 49.11a1 at frauuaxšiiā (4) Y 45.1a110, 45.2a1,3a1,4a1,5a1,6a1 at nə ašā (4) Y 44.1d1 at mazdā taibiiō xšaθrəm (7) Y 30.8b1 at mazdā daibišaiiaṇtē (7) Y 34.4c1 at11 mā12 yauuā (4) Y 49.1a1 at yastəm nōit (4) Y 46.6a1 at yā varəšā (4) Y 50.10a1 at yə akəm drəguuāitē (7) Y 33.2a1 at yəng ašāatcā vōistā (7) Y 28.10a1 at yə +mā +nā marəxšaitē (7) Y 51.10a1 at yūš daēuuā vīspāŋhō (7) Y 32.3a1 at vaēdəmnāi (4) Y 48.3a1 at vā +ašā.staōmiiā vacā (9) Y 33.8b2 at vā ustānāiš ahuuā (7) Y 29.5a1 at və [xšmaibiiā] asūnā vaēdā (7) Y 28.10c1 at və vaiiōi aŋhaitī (7) Y 53.7d2 at və staōtā (4) Y 50.11a1 at vā ašā (4) Y 50.8c1 [m]at vā padāiš (4) Y 50.8a1 at vā yazāi (4) Y 50.4a1 at vā vaŋhəuš (4) Y 50.8d1 at vā vīspəṇg āïiōi (7) Y 31.2b1 at +vī.yaōjā (4) Y 50.7a1 at rātąm zaraθuštrō (7) Y 33.14a1 at zī tōi vaxšiiā mazdā (7) Y 51.8a1 at zī θβā fšuiiaṇtaēcā (7) Y 29.6c1 at hōi aōjī (4) Y 43.8a1 at hōi dāmąm (4) Y 48.7d1 at hōi dugədā (4) Y 45.4d1 at hōi mazdā (4) Y 46.13c1 at hōi vaəṇg (4) Y 45.8e1 at hōi vāstrāi13 (4) Y 47.3c1 at14 hōi vohū (4) Y 44.16d1 10 11 12 13 14

Précédé de zōt .·.. Précédé de zōt .·.. Sandhi pour mōi. Mis pour lʼacc. duel elliptique : voir la Marginale II §IIId.5. Corruption pour ā préverbe de jantū.

CONCORDANCE

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at hī aiiā frauuarətā (7) Y 31.10a1 at hudānāuš15 (4) Y 50.9d1 at huuō ašahiiā aŋhat (7) Y 33.3c1 at huuō kauuā (4) Y 46.14c1 at huuō mazdā (4) Y 49.5a1 at huuō vaŋhəuš (4) Y 43.3a1 aθaurunąmcā paitī.ająθrəm yazamaidē (5+5+4) Y 42.6.2a aθā cīšmahī (2+3) Y 39.4e aθā jənaiiō (5) Y 53.6a2 aθā tōi dadəmahī (2+1+3) Y 39.4d aθā θβā āiš yazamaidē (2+1+1+4) Y 39.4f aθā išūidiiāmahī [θβā] mazdā ahurā (2+1+5+2+3) .·. du bār .·. Y 39.4h aθā tū nə gaiiascā (2+1+1+3) Y 41.3c aθā nə aŋhat yaθā [huuō] vasat (9) .·. Y 29.4c2 aθā nəmaxiiāmahī (2+5) Y 39.4g aθā nə sazdiiāi uštā (7) .·. Y 51.16c2 aθā mōi sąstā vohū vāstr[ii]ā (9) .·. Y 29.1c2 aθā və utā xiiāmā (2+1+2+2) Y 40.4d aθā ratuš ašātcīt hacā (9) Y 27.13a2 aθā +haxəmąm xiiāt (2+2+1) Y 40.4b aθā hat vohū (2+1+2) Y 35.6.1c aθā həm.fərašuuā [θβā] xraθβā (7) Y 53.3d1 aθā ×hīš sāzdūm snaiθišā (8) .·. Y 31.18c2 aθā ×xvaētauuō aθā vərəzənā (2+3+2+3) Y 40.4a aθrā tū arədrāiš idī (7) Y 46.16a2 aθrā vācəm baraitī (7) Y 31.12a1 adā tašā gəuš pərəsat (7) Y 29.2a1 adā zī auuā drūjō (7) Y 30.10a1 adąs16 drītā aiiaṇtəm (7) Y 46.5a2 aidiiūš vāstraiiəṇg (2+3) Y 40.3d aduuaēšō gauuōi †paitī.mrauuat17 (9) Y 29.3a2 adauuā aibī.dərəštā vaxiiā (9) Y 31.2a2 apaiieitī raēxənaŋhō vaēdəm (9) Y 32.11b2 aparō mašiiąscā (7) Y 45.11a2 apascā uruuarāscā (7) Y 51.7a2 15

ºāuš est graphique pour ºuš. Univerbation du préverbe avec lʼabl. sing. de dam-. Le sandhi a été aménagé : pir. *ā | danh | drīta* > *ā danz drīta* > adąs drītā. 17 Mis pour *paitī.mrauuąs. 16

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CONCORDANCE

apascā [dāt] uruuarāscā vaŋvhīš (3+4+2) Y 37.1d apascā vā azīšcā [vā] mātərąšcā [vā] (4+3+3) Y 38.5.1a apānō darəgō.jiiāitī[m] (7) Y 33.5b1 apəmē aŋhəuš uruuaēsē (7) .·. Y 51.6c2 apəməm nanā aŋhat (7) .·. Y 48.4d2 apəməm vacō (5) .·. Y 53.7d3 apō at yazamaidē (2+1+4) Y 38.3.1a × apō jiiātəuš səṇghanāiš xratūm (9) Y 32.9a2 apō mā18 īštīm [apa]iiaṇtā (7) Y 32.9b1 apąmcā xā yazamaidē (3+1+4) Y 42.1.2a apąmca gauuąmca uruuaranąmca (3+3+5) Y 52.2b apąmcā pərətūš [yazamaidē] (3+2) .·. Y 42.1.2b apąmcā fəraxšaōstrəm yazamaidē (3+3+4) Y 42.6.1a apiuuaitī hauruuātā (7) Y 44.18d2 + aipī.ząθəm vahištā (7) Y 48.5c2 + aibī +ascā ahūm yə (4+3)19 Y 53.5c2 aibī ašā [aibī.]vaēnahī vīspā (9) .·. Y 31.13c2 aibī θβāhū (4) Y 43.7e1 aibī.dərəštā (4) Y 50.5c1 × afšmainī sənghānī (7) Y 46.17a2 aŋhəuš arəm +vaēidiiāi (7) Y 44.8d2 aŋhəuš ahurəm šiiaōθanaēšū (8) .·. Y 31.8c2 aŋhəuš ahiiā +paōuruuīm (7) Y 45.3a2 aŋhəuš ahiiā vahištəm (7) Y 45.4a2 aŋhəuš darəθrāi (4) Y 46.3b1 aŋhəuš maniiū +pauruiiē (7) Y 45.2a2 aŋhəuš maraxtārō ahiiā (7) Y 32.13b1 aŋhən mazdāscā ahurāŋhō (9) Y 31.4a2 aŋvhīšcā aŋhauuascā (7) Y 32.11b1 anaōcaŋhā jamaētē (7) Y 44.15c2 anāiš ā dužuuarəšnaŋhō (7) Y 53.8a1 anāiš ā manahīm (7) Y 53.6f2 anāiš ā vī.nənāsā (7) Y 32.15a1 anāiš vā nō[it] ahurā [mazdā] (7) Y 28.9a1 anā mąθrā mazištǝm (7) Y 28.5c1 anąsat parā (5) Y 53.7c3 18

Sandhi pour mōi. Une autre découpe du vers Y 53.5c est sans doute préférable : +vaēdō.dūm daēnābīš (6) + aibī +ascā (4) ahūm yə vaŋhəuš manaŋhō (8). 19

CONCORDANCE

angrəṇg ašāunō ādarə (7) .·. Y 43.15e2 angrō vā huuō vā angrō (7) Y 44.12c2 aṇtarə vīspəṇg (4) Y 49.3d1 aniiāθā aāt mazdā (7) Y 51.10a2 aniiəṇg aāt (4) Y 45.11c1 aniiəm θβaāt (4) Y 46.7c1 aniiō ašāt (4) Y 50.1c1 aat hiiat aibī (2+1+2) .·. Y 35.5b, Y 40.1e aaibiiā ahmā.rafənaŋhō (3+2+3) .·. Y 40.3f aaibiiācā ahurā (7) Y 28.6c1 aāi aŋhat vahištəm (7) Y 31.6a1 aāi ascīt vahištā (7) Y 46.18a2 aāi ašā nōit sarəjā (7) Y 29.3a1 aāi gaēθā (4) Y 46.13d1 aāicā ahuiiē manaxiiāicā (3+3+5) Y 40.2b, Y 41.6b aāicā xšaθrā jasat (7) Y 30.7a1 aāica [nmānahe] nmānō.patəe (8) .·. Y 52.2f aāi jasōit duuaēšaŋhā (7) Y 46.8c2 aāi mīždəm (4) Y 46.19c1 aāi [nə] sazdiiāi baōdaṇtō paitī (9) .·. Y 30.2c2 aāi stōi dąn (4) Y 45.10e1 aāi dąn (4) Y 47.1c1 aāi stōi ārəmaitīm (7) Y 49.2c2 aākəṇg āat urunō (3+1+2+4) Y 39.1.2a aākəṇg gāuš bagā xvārəmnō (9) Y 32.8b2 aākəṇg +fradaθāi.ā (7) Y 45.9d2 aāt +auuā.manaŋhā (7) Y 33.6b1 aāt maniiəuš (4) Y 47.4a1 amərətātā (4) Y 44.18e1 amərətātā hauruuātā (7) Y 51.7b1 amərətāitī (4) Y 45.7c1, Y 48.1c1 aməšanąm spəntanąm (4+3) Y 52.4.1a aməšā20 spəṇtā (3+2) Y 35.1.2a aī mazdā anaēšō (7) Y 46.2a2 aī vohū manaŋhā (7) Y 43.6b2 aiiaŋhā xšustā aibī (7) Y 51.9b1 aiiəm angrō +maniientē (7) .·. Y 44.12e2 aiiā +ārōi hākurənəm (7) Y 33.9c1 20

Mis pour lʼacc. pluriel.

285

286

CONCORDANCE

×

aiiāscā hudŋhō (7) Y 30.3c1 aiiā nō[it] ərəš vīšiiātā (7) Y 30.6a1 aiiā maniuuā varatā (7) Y 30.5a1 auuaēnatā sūcā manaŋhā (9) Y 30.2a2 auuaēšm nō[it] vīduiiē (7) Y 29.3b1 auuat xsāi aēšē ašahiiā (9) .·. Y 28.4c2 auuat yāt huuarə auuācī (2+1+2+3) .·.21 Y 36.6d auuat yāsąs (4) Y 49.12d1 auuat vohū manaŋhā (7) Y 29.10b1 auuapastōiš (4) Y 44.4c1 auuāiš aibī yəṇg daiṇtī (7) Y 32.15b1 auuāiš uruuātāiš (4) Y 44.15d1 auuā mąθrā (4) Y 44.17e1 auuā və vaŋvhīš rātōiš (2+1+2+2) Y 38.5.2a auuōi aŋhat apəməm (7) .·. Y 45.3e2 arəm.piθβā xšapācā (7) Y 44.5d2 arəθā vōizdiiāi (4) Y 43.13c1 arədat vohū manaŋhā (7) Y 50.11c2 arədraxiiācā nəmaŋhā (7) Y 50.8c2 arədrō cōiθat pōuruiiō (7) Y 46.9a2 arədrō θβāuuąs (4) Y 43.3e1 airiiamnā vā ×ahurō (7) Y 33.3b1 airiiamanascā dadaitī (7) Y 46.1b2 airiiamanascā nadəṇtō (7) Y 33.4c1 aršǝnauuaitīš uštrəmcā (7) Y 44.18c2 arəšiiantąm aāica nmānāi (8) Y 52.2e asištīm əmauuaṇtəm (7) Y 34.4b1 astəṇtāscā xiiā (4+1) Y 41.3d astuuatascā †hiiatcā22 manaŋhō (9) Y 28.2b2 astuuat ašəm (4) Y 43.16c1 astuuaitē uštānāi dātā (9) Y 34.14a2 astuuatō manaŋhascā (7) Y 43.3c2 aspənācā yəuuīnō23 yazamaidē (4+3+4) Y 42.2.2a asnm uxšā aēuruš (7) Y 50.10c2 asruštā pairī.aōγžā (7) Y 43.12b2 azəmcīt ahiiā mazdā (7) Y 29.10c1 21 22 23

Suivi de yeŋhē hātąm… ºoº ºoº. Fautif pour yascā. Dvandva avec ºō pour *ºā : « et nous offrons le sacrifice à Aspin et à Yǝuuin ».

CONCORDANCE

287

azəm tāiš θβā (4) Y 44.7d1 azəm tōi āiš (4) Y 44.11d1 azəm sarədanā ×sənghāi (7) Y 43.14d2 azdā zūtā (4) Y 50.1d1 ašaŋhācim dadəmaidē (4+3) Y 41.3b ašaiiō ərənauuante (3+4) .·. Y 52.3e ašauuanəm ašahe ratūm yazamaide (4+3+2+4) Y 35.1.1b, Y 41.8.1b ašauuanō †ərəšiiā ištəm rāitī† (?) .·.24 Y 40.4f ašahiiā amərətātascā (9) .·. Y 31.6b2 ašahiiā āat sairī (3+1+2) Y 35.8a ašahiiā āždiiāi gərəzdīm (7) .·. Y 51.17c2 ašahiiā gaēθā vīmərəṇcaitē (9) Y 31.1b2 ašahiiā nąsuuā paθō (7) .·. Y 51.13c2 ašahiiā mazdscā (7) Y 53.3c2 ašahiiā mā (4) Y 43.9e1 ašahiiā yāsā ašīm (7) Y 54.1d1 ašahiiā vərəzənē (3+3) Y 35.8b ašāatcā hacā (3+2) Y 35.10a ašā antarə.caraitī (7) Y 51.1b2 ašāicā vahištāi (3+3) Y 41.1c ašāicā sauuāiš +cəuuīšī25 (7) .·. Y 51.15c2 ašā īštīm manaŋhō (7) .·. Y 46.2e2 × ašā ×uxšaiiaṇtā sarədiiaiiā (9) Y 33.9a2 ašāunm āat (4+1) Y 39.2.2a ašāunē ×kāθū26 aŋhat (7) Y 47.4c2 ašāunē cōiš (4) Y 47.5b1 ašāunō ašacinaŋhō (3+5) Y 40.3c ašāunō uruuā aēšō (7) Y 45.7c2 × ašāunō ×zaraθuštrahē (8) Y 28.0.1b ašāunī ašauuabiiō (7) Y 53.4c1 ašā kat θβā darǝsānī (7) Y 28.5a1 ašācā išudǝm stūtō (8) Y 34.15b2 ašācā cōiš rānōibiiā xšnūtəm (9) Y 31.3a2 ašāt ā ərəzūš paθō (7) Y 33.5c1 ašāt hacā (4) Y 45.4b1 ašāt hacā ahurō (7) Y 53.1c1 24 25 26

Suivi de yeŋhē hātąm… ºoº ºoº. Aberration graphique (NARTEN, 1975). < *kāt ū*.

288

CONCORDANCE

ašāt hacā gąm vīdat (7) Y 51.5a2 ašāt hacā +frš +tā (7) Y 43.14c2 ašāt hacā vairiiā (2+2+3) Y 38.1.2b ašā daēnā [fra]daxšaiiā (7) .·. Y 33.13c2 ašā drujəm vənghaitī (7) Y 48.1a2 ašā pōi mat xšaiiehī (7) Y 44.15b2 ašā fradaθāi aspərəzatā (9) Y 31.16b2 ašā frādōit hacəmnā (7) Y 44.10c2 ašā mat ārəmaitiš (7) Y 48.11a2 ašā mat ārəmaitiš vaxšt (8) Y 34.11b2 ašā mazdā ahurō (7) .·. Y 46.17e2 × ašā.yecā sənghō [vī]dm (8) Y 32.6c2 + ašā.yuxtā (4) Y 49.9d1 ašā vāstrəm frādaŋhē (7) ºoº27 Y 44.20e2 ašā və aniiō ainīm (7) Y 53.5d1 ašā vərəntē tat xšaθrəm (7) Y 51.18b1 ašā vohū manaŋhā (7) Y 33.7b1, Y 34.5b1 ašā vaiiąm (4) Y 48.7c1 ašā hazō əmauuat (7) Y 33.12c1 ašā huš.haxā xuvənuuātā (9) .·. Y 32.2b2 ašəm at vahištəm yazamaidē (2+1+1+3+4) Y 37.4a ašəm .·. kaθā tōi gauuōi ratuš (9) Y 29.2a2 ašəm xšmaibiiā dduiiē (7) Y 46.15c2 ašəmcā +taibiiō dāŋhā (7) Y 34.1b1 ašəmcā frādat.gaēθəm (7) Y 33.11b1 ašǝmcā yānāiš zaranaēmā (9) Y 28.9a2 ašəm jasō frāxšnənē (7) Y 43.12a2 ašəm θraōštā ahurā (7) Y 46.7d2 ašəm +dərəidiiāi (4) Y 43.1d1 ašəm maniiā vahehiiā frauuaōcāmā (2+2+3+4) .·. Y 35.9.1b ašəm maniiuš spəništō (7) Y 30.5b1 ašəm vohū manaŋhā (7) Y 51.20b1 ašǝm vohū vahištǝm astī (4+5) Y 27.14a ašəm sūidiiāi (4) Y 49.3b1 ašǝm šiiaōθanāiš (4) +Y 43.16e1, Y 44.6c1 ašəm hiiat mā zaōzaōmī (7) Y 43.10a2 ašicā ārəmaitī (7) Y 31.4b1 27 Suivi de zōt u rāspī .·. uštā aāi… .·. du bār .·. ašǝm vohū… .·. si bār .·. tat.θβā. pǝrǝsąm hāitīm yazamaide .·. yeŋhē hātąm… ºoº ºoº.

CONCORDANCE

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ašīm ašāi (4) Y 46.10c1 ašīm rāsaintīm darəγō.vārəθmanəm (2+8) Y 52.1.2a ašīšcā +šiiaōθǝnanm (7) Y 28.4b1 ahūm dadāt ahurō (7) Y 46.13c2 + ahūm.biš vīduuā ahurā (8) Y 31.19a2 + ahūm.biš ratūm cīždī (7) Y 44.16c2 + ahūm.biš uruuaθō mazdā (7) .·. Y 44.2e2 ahūm mərəṇgəidiiāi mašīm (7) Y 46.11b2 ahūm mərəṇgəduuiiē (5) .·. Y 53.6f3 ahūm yə vaŋhəuš manaŋhō (8)28 Y 53.5c3 + ahuramazdā ašā srīrā (5+2+2) Y 35.3b ahurahiiā uruuāzəmā mazd (9) .·. Y 32.1b2 ahurahiiā zaōšē29 mazd (9) .·. Y 33.2c2 ahurahiiā zī at +vī mazd (5+1+1+1+3) Y 35.7.1a ahurā +ašā.yecā (7) Y 51.2a2 ahurō30 ašā +hizuuā. (7) Y 51.3b1 ahurā †nū nā auuarə† (?) Y 29.11c1 ahurāi mazdāi (3+3) Y 41.1b ahurānīš ahurahiiā ×hauuapaŋhō (4+4+4) Y 38.3.1c ahurəm ašauuanəm (7) Y 31.10b1, Y 46.9c2 ahurəm mazdąm (3+2) Y 35.1.1a31, Y 37.1b † ahurǝm32 yāsā vāunuš (7) Y 28.8b1 ahurō aŋhəuš (5) Y 48.6d1 ahurō xšaθrā mazdā (7) Y 51.6b1 ahiiā aŋhəuš (4) Y 43.3c1 ahiiā aŋhəuš vīspā maēθā (9) Y 34.6b2 ahiiā xratū (4) Y 45.6e1 ahiiā xšaθrācā mazənācā hauuapaŋhāišcā (2+3+4+5) Y 37.2.1 ahiiā +grəō ā.hōiθōi (7) Y 32.14a1 ahiiā θβā āθrō vərəzənā ×pauruiiē (2+1+2+3+3) Y 36.1a [ahii]ā33 daēuuā maī manōi (7) Y 32.1b1 ahiiā +fərasīm (4) Y 43.9c1 ahiiā magahiiā (5) Y 53.7a2 28

Une autre découpe du vers Y 53.5c est sans doute préférable : +vaēdō.dūm daēnābīš aibī +ascā (4) ahūm yə vaŋhəuš manaŋhō (8). 29 Mis pour zaōšāi. 30 Mis pour le vocatif. 31 Précédé de zōt .·.. 32 Mis pour le vocatif. 33 Postverbe de yāsat.

(6) +

290

CONCORDANCE

ahiiā maniiəuš (4) Y 47.2a134, Y 47.3a1 ahiiā yāsā nǝmaŋhā (7) Y 28.1a1 ahiiā vaŋhəuš manaŋhō (7) Y 34.10a1 ahiiā vərəzənəm mat airiiamnā (9) Y 32.1a2 ahiiā vohū (4) Y 49.1d1 ahiiā zaōšəṇg (4) Y 48.4c1 ahiiā zərədācā manaŋhācā (9) Y 31.12b2 ahiiā šiiaōθanāiš (4) Y 47.5d1 ahiiā huuō nə dāidī (2+1+1+2) Y 40.2a, Y 41.6a ahuuāhū daxštəm dāuuōi (7) Y 51.9b2 axiiācā xvaētuš yāsat (7) Y 32.1a1 ā35 airiiəmā išaiiō (7) Y 54.1a1 ā īt [a]uuaēnā ahurā (7) Y 46.2c2 ā īš duuafšəṇg (4) Y 44.14e1 ākāstəṇg36 mā (4) Y 50.2d1 ākā arədrəṇg (4) Y 50.4d1 ākā arədrəṇg išaiiā (7) Y 48.8c2 āxsō vaŋhəuš (4) Y 46.2e1 + + ā xšaθrəm vaŋhəuš manaŋhō (8) Y 33.5b2 ācā [ā]uuaēdaiiamahī (2+5) .·. Y 41.1e + + ā at iθā yazamaidē (1+1+2+4) Y 39.3a ātarə mazd ahurahiiā (2+3+4) Y 36.2.1c, Y 36.3.2b ātarš vōi mazd ahurahiiā ahī (2+1+3+4+2) Y 36.3.1a āθrascā manaŋhascā (7) Y 46.7c2 āθrā vaŋhāu (4) Y 47.6b1 āθrē rātąm nəmaŋhō (7) Y 43.9d2 āθrō ašā.aōjaŋhō (7) Y 43.4d2 āθriš šiiaōθanāiš frōsiiāt (7) Y 46.8b2 ādāi +kahiiācīt paitī (8) .·. si bār .·. Y 33.11c2 ādīuuiieiṇtī +hacənā (7) Y 44.13d2 a + 37 əəānū iš iiəṇg aŋhaiiā (8) ºoº Y 32.16c2 + ə ānuš.haxš ār maitiš (7) Y 31.12c1 ā mazištąm [a]iiamaitē +būjim (9) Y 31.13b2 34

Précédé de zōt .·.. Précédé de zōt u rāspī .·.. 36 Fautif pour ākāsº ? 37 Suivi de zōt u rāspī .·. ahiiā yāsā… .·. du bār .·. yaθā ahū vairiiō… .·. cihār bār .·. ašǝm vohū… .·. si bār .·. ×xvaētumaitīm hāitīm yazamaide .·. yeŋhē hātąm… ºoº ºoº. GELDNER donne xvaētumaiθiiəm. 35

CONCORDANCE

291

ā mā aēšəmō hazascā (7) Y 29.1b1 ā mā [ā]idūm vahištā (7) Y 33.7a1 † ā.mōiiastrā †baranā ašācā (?) Y 30.9b2 ā mōi rafǝδrāi zauuəng jasatā (9) .·. Y 28.3c2 āiiaptā ašāt hacā (7) Y 28.2c1 āuuaēdaiiamahī mazdā ahurā (6+2+3) Y 36.6b āuuarənā vīciθahiiā (7) Y 30.2b1 + ā.və.gəuš.ā həmiiantū (7) Y 51.3a1 āuuiš nā aṇtarə həṇtū (7) Y 33.7c1 āuuīšiiā auuaŋhā (7) Y 50.5c2 ārōi zī xšmā (4) Y 50.5a1 ārōi zī hudŋhō (7) Y 34.3c1 ārǝmatōiš (4) Y 44.10d1, Y 46.12c1, Y 47.2c1, Y 47.6c1, Y 49.5c1 ārəmatōiš nā spəntō (7) Y 51.21a1 ārəmatōiš mimaγžō (7) Y 45.10a2 ārəmaitī (4) Y 43.10b1 ārəmaitī ahurō (7) .·. du bār .·. Y 47.1d2 ārəmaitī təuuīšī[m] dasuuā (9) Y 33.12a2 ārəmaitiš īžācā (7) Y 49.10c2 + āskəitīm xšmākąm (4) Y 44.17c1 ā zī dəmānəm vīsəm vā (7) Y 31.18b1 āhū at paitī adāhū (2+1+2+3) Y 40.1a ā hušitōiš vaŋhəuš manaŋhō (9) Y 30.10b2 ā.xvaiθiiācā mazdā darəšatcā (9) Y 33.7a2 əmauuaitīm (4) Y 44.14d1 əā pōurutəmāiš dastē (8) .·. Y 34.1c2 + əā.rātōiš yūšmāuuatm (9) ºoº38 Y 29.11c2 ǝrǝθβəng mazdā ahurā (7) Y 28.10b1 ərəš mōi vaōcā ahurā (7) .·. Y 44.1a2-19a239 ərəš mōi [ərəž]ūcąm (4) Y 48.9c1 ərəš vīcidiiāi (4) Y 49.6c1 ərəšuuā xšaθrā (4) Y 44.9d1 ǝrǝšuuāiš tū uxδāiš mazdā (7) Y 28.6b1 ərəš vīšiiātā nō[it] duždŋhō (9) .·. Y 30.3c2 ərəžuxδā nā +dāitī (7) Y 44.19c2 38 Suivi de zōt u rāspī .·. ahiiā yāsā… .·. du bār .·. yaθā ahū vairiiō… .·. cihār bār .·. ašǝm vohū… .·. si bār .·. +xšmāuuaiia.gəuš.uruuąm hāitīm yazamaide .·. yeŋhē hātąm… ºoº ºoº. GELDNER donne xšmāuuiia.gəuš.uruuąm. 39 Y 44.6a2,8a2,10a2 avec .

292

CONCORDANCE

ərəžuxδāi vacaŋhm (7) Y 31.19b1 ərəžəjīš ašā (4) Y 50.2c1 ōiiā cistī (4) .·. Y 47.2d1 āŋharəcā buuaṇticā (7) Y 45.7b2 ąnmənē urūdōiiatā (7) Y 44.20d2 ąstəṇg aāi (4) Y 46.18c1 iθā āt yazamaidē (2+1+4) Y 37.1a, Y 39.1.1a iθā ī haiθiiā narō (7) Y 53.6a1 iθā mąθrəm varəšəṇtī (7) Y 45.3c2 × idacā aniiadacā (3+4) Y 35.2b imā āt uxδā vacā +ahuramazdā (2+1+2+2+5) Y 35.9.1a imā raōcā barəzištəm barəzimanm (2+2+3+4) Y 36.6c imąm āat ząm gənābīš haθrā yazamaidē (2+1+1+2+2+4) Y 38.1.1a × iiōi zī gəuš vərəzənē aziiā (9) Y 34.14b2 īratū īš duuafšō huuō (7) Y 53.8d1 išaiiąs gərəzdā xiim (7) .·. Y 50.9d2 išəṇtī mā (4) Y 46.9e1 išǝntō vāurāitē (7) ºoº40 Y 47.6d2 isē cahiiā auuaŋhō (7) Y 50.1a2 īšō xšaθrǝmcā sauuaŋhm (9) .·. Y 28.9c2 īšō stāŋhat ā paiθī (7) Y 50.4c2 išṇtī rādaŋhō (7) Y 45.7a2 išūidiiāmahī θβā [mazdā ahurā] (5+1) Y 36.5b isuuācīt hąs (4) Y 47.4d1 īžācā āzūitišcā (7) Y 49.5a2 īžā yaōštaiiō fəraštaiiō ārǝmataiiō (2+3+3+5) Y 38.2a +

-uxδāiš vaŋhəuš manaŋhō (7) Y 51.3b2 ugrəṇg vohū manaŋhā (7) Y 50.7c2 uxδaxiiācā səraōšəm xšaθrəmcā (9) ºoº41 Y 33.14c2 uxδāiš šiiaōθanāišcā (5)42 Y 53.2a2 40 Suivi de zōt u rāspī .·. spǝntā maniiū… .·. du bār .·. ašǝm vohū… .·. si bār .·. spǝntā.maniiūm hāitīm yazamaide .·. yeŋhē hātąm… ºoº ºoº. 41 Suivi de zōt u rāspī .·. ahiiā yāsā… .·. du bār .·. yaθā ahū vairiiō… .·. cihār bār .·. ašǝm vohū… .·. si bār .·. yaθāišiθąm hāitīm yazamaide .·. yeŋhē hātąm… ºoº ºoº. 42 Une autre découpe du vers Y 53.2a est envisageable : atcā [hōi] scantū (4) manaŋhā uxδāiš šiiaōθanāišcā (8).

CONCORDANCE

uxδāiš šiiaōθanā ərəš daidiiat (7) Y 44.10d2 uxδā θβāt uxδōibiiō (2+1+3) Y 35.10e uxδā frašī manaŋhā (7) Y 44.8c2 uxδā yāiš ārəmaitiš (7) Y 51.20b2 uxδā šiiaōθanācā (5) .·. du bār .·. Y 53.1d3 uxšiieitī nərəfsaitī θβat (7) Y 44.3d2 utaiiūtā (4) Y 45.7d1 utaiiūitī (4) Y 43.1c1 utaiiūitī təuuīšī (7) Y 34.11c1 utaiiūitī hauruuatās draōnō (9) .·. Y 33.8c2 + uitī mrauuat yəm angrəm (7) Y 45.2b2 + uitī yā və vaŋvhīš ahurō mazdā (2+1+1+2+3+2) Y 38.4a upā.jimən (4) Y 45.5d1 ubōibiiā ahubiiā (3+3) .·. Y 35.3e ubōibiiā ahubiiā (3+3) .·. du bār ºoº Y 35.8e ubōibiiā ahubiiā cagəmā (3+3+2) .·. Y 38.3.2b ubōiiō aŋhuuō (3+3) Y 41.2f, Y 41.3e usixšcā aēšəmāi dātā (7) Y 44.20c2 ustānazastō rafǝδrahiiā (9) Y 28.1a2 us mōi [uz]ārəšuuā43 ahurā (7) Y 33.12a1 + uziraidiiāi (4) Y 43.12c1, Y 43.14d1 + uzūiθiiō īm (4) Y 46.5e1 uštā astī uštā aāi (8) Y 27.14b uštā44 aāi (4) Y 43.1a1 uštā yə ašəm dādrē (7) Y 51.8b2 uštiš varənəṇg hacaitē (7) Y 48.4c2 kaēibiiō azīm (4) Y 44.6e1 kaēibiiō ūθāi (4) Y 46.3d1 kaēnā jamaitī aēnaŋhm (9) Y 30.8a2 kat ašauuā (4) Y 48.2c1 kat tōi rāzarə kat vašī (7) Y 34.12a1 kat vā stūtō kat vā yasnahiiā (9) Y 34.12a2 kat və xšaθrəm kā +īštiš (7) Y 34.5a1 katārəm ašauuā vā (7) Y 31.17a1 katārəm ā45 (4) Y 44.12c1 kat tōi ašā (4) Y 49.12a1 43 44 45

= védique úd īrsva. Précédé de zōt u rāspī .·. nǝmō və gāθā ×ašāunīš . < pir. *u.

293

294

CONCORDANCE

kat tōi vohū manaŋhā (7) Y 49.12b2 kat mōi uruuā (4) Y 50.1a1 kaθā aŋhəuš (4) Y 44.2b1 kaθā aiiārə (4) Y 43.7d1 kaθā ašā (4) Y 44.18b1 kaθā ašāi (4) Y 44.14b1 kaθā təṇg ā46 (4) Y 44.11b1 kaθā θβā (4) Y 46.1e1 kaθā drujəm (4) Y 44.13b1 kaθā mazdā (4) Y 44.17b1, Y 50.2a1 kaθā mōi yąm (4) Y 44.9b1 kadā47 ajən (4) Y 48.10b1 kadā48 mazdā (4) Y 46.3a1, Y 48.11a1 kadā49 mazdā (4) Y 48.10a1 kadā50 yauuā huuō aŋhat (7) Y 29.9c1 kadā51 vaēdā (4) Y 48.9a1 kainibiiō mraōmī (5) Y 53.5a2 kauuacā vīštāspō (7) Y 53.2c1 karapanō kāuuaiiascā (7) Y 46.11a2 karapanō vāstrāt +arǝm (7) Y 51.14a2 karapanō urūpaiieiṇtī (7) Y 48.10c2 karapā xšaθrəmcā īšanąm drujəm (9) .·. Y 32.12c2 kasəušcīt nā52 (4) Y 47.4c1 kascīt ašā huzəṇtuš (7) Y 49.5c2 kastē ašauuā uruuaθō (7) Y 46.14a2 kastē vohū manaŋhā (7) Y 29.7c1 kasnā53 dərətā (4) Y 44.4b1 kasnā54 vaŋhəuš (4) Y 44.4e1 kasnā55 ząθā (4) Y 44.3b1 kasnā56 xuvəṇg (4) Y 44.3c1 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56

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