178 18 1MB
French Pages 180
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© 2019, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium © 2019, Pagina soc. coop., Bari, Italy
Chief Editors Costantino Esposito (Università degli Studi di Bari Aldo Moro) Pasquale Porro (Università di Torino) Editorial Board (Associate Editors) Olivier Boulnois (EPHE Paris) • Vincent Carraud (Sorbonne Université Paris) • Laurent Cesalli (Genève) • Catherine König-Pralong (EHESS Paris) • Dominik Perler (HumboldtUniversität Berlin) • Paolo Ponzio (Bari Aldo Moro) • Riccardo Pozzo (Verona) • Christof Rapp (Ludwig-Maximilians-Universität München) • Jacob Schmutz (Sorbonne Université Paris) • Andreas Speer (Köln) • Giusi Strummiello (Bari Aldo Moro) Editorial Advisory Panel Giulia Belgioioso (Università del Salento, Lecce) • Enrico Berti (Padova) • Mario Caimi (Buenos Aires) • Mário Santiago de Carvalho (Coimbra) • Jean-François Courtine (Sorbonne Université Paris) • Alain de Libera (Collège de France, Paris) • Giulio d’Onofrio (Salerno) • Kent Emery, Jr. (Notre Dame) • Dimitri Gutas (Yale) • Friedrich-Wilhelm von Herrmann (Albert-LudwigsUniversität Freiburg i.Br.) • Norbert Hinske (Trier) • Maarten J.F.M. Hoenen (Universität
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Achard de Saint-Victor métaphysicien Le De unitate Dei et pluralitate creaturarum Édité par Vincent Carraud Gilles Olivo Pasquale Porro
This book has been published thanks to the support of the EA 2129 Identité et subjectivité of the Université de Caen Normandie and the EA 3552 Métaphysique : histoires, transformations, actualité of Sorbonne Université Paris, Faculté des Lettres.
All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without prior permission of the publisher. isbn (print): 978-2-503-58825-4 isbn (ebook): 978-2-503-58826-1 doi: 10.1484/m.adarg-eb.5.119421 d/2019/0095/299 Finito di stampare nel novembre 2019 da Services4Media s.r.l. - Bari
Table des matières
Remerciements
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Vincent Carraud / Gilles Olivo / Pasquale Porro Avant-propos. Le goût de la sagesse
11
Emmanuel Martineau Achard et l’Occident
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Véronique Gazeau Culture et société dans l’ouest de la Normandie. Autour d’Achard de Saint-Victor
21
Hugh Feiss The Trinity in De unitate: Metaphysics and Theology
33
Pascal Massie Métaphysique de la pluralité première
57
Mohammad Ilkhani Achard of Saint-Victor and Philosophy
83
François Medriane Unité, pluralité et modalité dans le De unitate : approche du chapitre I.11
97
6
Table des matières
David Albertson Ecce Quadratura! An Early Reader of Thierry of Chartres’s Arithmetica Commentary
107
Jean-Louis Poirier L’adverbe ibi dans le De unitate
133
Nicole Reibe Reconsidering the homo assumptus Position
149
Nicole Reibe Achard of Saint-Victor. A Bibliography
169
Index des noms
175
Index des manuscrits
179
Empreinte du sceau d’Achard de Saint-Victor. Source : Archives nationales, L 978, n° 1357 (http://www.sigilla.org/fr/sgdb/moulage/39189)
Vue Sud de l’Abbaye de La Lucerne. Copyright Fondation Abbaye de La Lucerne d’Outremer.
Gisant du bienheureux Achard (fin XIIe s.) dans l’église de l’Abbaye de La Lucerne. Copyright Fondation Abbaye de La Lucerne d’Outremer.
Remerciements
Nous avons l’agréable devoir de remercier les institutions – et les personnes en leur sein – dont le soutien financier et logistique a permis d’organiser dans les meilleures conditions le colloque international dont ce volume contient pour partie les actes1 : la ville d’Avranches – l’accueil chaleureux à l’hôtel de ville de M. David Nicolas, maire d’Avranches et de Mme Annie Parent, conseillère aux affaires culturelles, et la présentation compétente des manuscrits du Mont-Saint-Michel conservés au Fonds ancien de la Bibliothèque Municipale par Mme Barbara Denis-Morel, sa conservatrice, témoignèrent de leur souci de faire droit à l’importance d’un philosophe qui fut évêque du diocèse d’Avranches ; le Conseil général de la Manche (grâce à Madame Laurence Loyer-Camebourg, directrice de la culture au Conseil général de la Manche) ; le Conseil régional de Basse-Normandie, la ville de Caen, l’Université de Caen Normandie et la Fondation de l’abbaye de la Lucerne d’Outremer – tout particulièrement Mlle Yvonne Lelégard qui eut la générosité de mettre à la disposition du colloque la magnifique salle du réfectoire des prémontrés de l’abbaye qu’Achard de saint Victor promut, où il voulu être enseveli et dans l’église de laquelle se trouve actuellement son gisant. Soulignons enfin l’implication unanime de la région basse-normande (telle qu’elle se nommait encore au moment du colloque) pour honorer la figure de celui qui fut, jusqu’à Tocqueville au moins, son plus grand philosophe et, à n’en pas douter, un des plus grands métaphysiciens de l’histoire de la philosophie.
1. Le colloque international « Le De unitate Dei et pluralitate creaturarum d’Achard de SaintVictor » s’est tenu le 9 avril 2015 à l’hôtel de ville d’Avranches puis à l’abbaye de la Lucerne d’Outremer et le 10 avril à l’Université de Caen Normandie.
Vincent Carraud / Gilles Olivo / Pasquale Porro
Avant-propos. Le goût de la sagesse
Le XIIe siècle n’est pas seulement le siècle (en sa première moitié) de la renaissance des arts du langage, logique et dialectique – aetas boetiana. Ce n’est pas seulement celui (en sa seconde moitié) de l’arrivée dans l’Occident latin des sources grécoarabes, et de l’appropriation du corpus principal d’Aristote, avec ses traductions latines et ses commentaires avicenniens. C’est aussi le siècle (en son milieu) des écoles claustrales et cathédrales à leur apogée, le siècle de ceux qui, pour ne rien devoir à Aristote, ou presque, pensèrent, avec une profondeur philosophique qui n’a rien à envier aux majores des époques les plus connues, la foi, entendue comme sagesse, en tant qu’elle délivre l’accès de l’homme à la vérité. Ce siècle-là fut dominé par deux métaphysiciens sans égaux que furent Gilbert de Poitiers et Achard de Saint-Victor. Si le premier avait fait l’objet de la remarquable édition de Nikolaus M. Häring1, restait à découvrir le génie spéculatif du second, qui n’était connu que par ses Sermons2. Cette découverte fut mise à la portée de tous en 1987, quand Emmanuel Martineau publia le De unitate Dei et pluralitate creaturarum d’Achard de Saint-Victor, texte latin inédit édité à partir de son unique manuscrit conservé à Padoue, traduit en français, et présenté et annoté3. Chef d’œuvre de la philosophie médiévale – si ce n’est de la pensée occidentale dans son ensemble4, le traité d’Achard avait commencé de sortir de 600 ans d’oubli quand Mgr André Combes réunit en 1944, pour en livrer une édition cri1. The Commentaries on Boethius by Gilbert of Poitiers, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1966. On pourrait s’étonner que, plus de cinquante ans plus tard, les commentaires de Gilbert ne soient traduits dans aucune langue vernaculaire, n’était la même raison que celle que nous indiquons plus bas du ‘silence’ sur Achard de Saint-Victor. 2. Sermons inédits, éd. par J. Châtillon, Vrin, Paris 1970. 3. Editions Authentica. Le De unitate était suivi de la traduction française du De discretione animae, spiritus et mentis de l’édition critique due à N.M. Häring (qui l’avait alors faussement attribué à Gilbert de Poitiers, in Mediaeval Studies, XXII, 1960, pp. 174-191). 4. Voir ci-dessous E. Martineau, Achard et l’Occident. Ad Argumenta. Quaestio Special Issues, 2 (2019), 11-13 • 10.1484/m.adarg-eb.5.118591
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Vincent Carraud / Gilles Olivo / Pasquale Porro
tique séparée, les citations d’un De unitate divinae essentiae et pluralitate creaturarum, données par Jean de Ripa, donc elles-mêmes vieilles de près de deux siècles, et attribuées par lui au « vénérable Anselme »5. Si le De unitate connut une première carrière médiévale, dont à vrai dire nous ignorons presque tout, hors l’autorité que Jean de Ripa lui reconnaît, s’ouvrait ainsi à la fin de la seconde Guerre mondiale la carrière moderne d’un traité resté « fragmentaire » pendant plus de quarante ans ; carrière tracée en pointillés6, qui, bien qu’elle eût conduit à rendre au bienheureux Achard de Saint-Victor la paternité de son De unitate, n’était pas parvenue à en restituer les fragments livrés par Jean de Ripa dans un ensemble, plus exactement dans une totalité, qui est celle du traité initial lui-même, que l’unicum padouan de 1352 nous avait conservé. C’est cette totalité que, plus de 800 ans plus tard, Emmanuel Martineau a restituée à sa complétude, à son intégrité et à son intégralité, il y a trente deux ans, en éditant, traduisant et annotant le De unitate Dei et pluralitate creaturarum. Malheureusement, cette première édition, antérieure à toute sauvegarde électronique, a été détruite dans un incendie. La collection Fontes & Paginae, aux Presses universitaires de Caen, l’a reproduite à l’identique en 2013. Ainsi la possibilité même de la lecture d’Achard résulte-t-elle de plusieurs événements, que nous pourrions qualifier de miracles dans l’ordre de la pensée. Mais ces miracles de l’histoire de la métaphysique et de la spiritualité occidentale ne se fussent produits, par delà les vicissitudes qui ont frappé cet objet proprement singulier qu’est le De unitate, jusqu’à l’incendie de 1998, sans la ténacité, le courage et l’intelligence d’un Combes et d’un Martineau. C’est pour marquer cette nouvelle « renaissance » que l’équipe de recherche Identité et subjectivité7 a organisé un colloque qui s’est tenu le 9 avril 2015 à l’hôtel de ville d’Avranches puis à l’abbaye de la Lucerne d’Outremer (abbaye de Prémontrés qu’Achard, évêque d’Avranches depuis 1161, combla de ses faveurs et où il souhaita être inhumé) et le 10 avril à l’Université de Caen Normandie. Car une lecture possible ne suffit pas. Au demeurant, il n’y avait eu aucune interprétation doctrinale des fragments du De unitate de 1944 à 1987, hormis les premières tentatives des éditeurs qui l’avaient dévoilé, et il n’y en avait pas eu davantage depuis la révélation plénière du traité, si ce n’est la longue préface de son éditeur et ses 5. A. Combes, Un inédit de saint Anselme ? Le traité De unitate divinae essentiae et pluralitate creaturarum d’après Jean de Ripa, Vrin, Paris 1944. 6. Qu’il nous suffise de nommer ici Mlle Marie-Thérèse d’Alverny (Achard de Saint-Victor, De Trinitate – De unitate et pluralitate creaturarum, in Recherches de théologie ancienne et médiévale, 1954, pp. 299-306) et surtout l’abbé Jean Châtillon (Théologie, spiritualité et métaphysique dans l’œuvre oratoire d’Achard de Saint-Victor. Etudes doctrinales précédées d’un essai sur la vie et l’œuvre d’Achard, Vrin, Paris 1969). 7. EA 2129 Identité et subjectivité de l’Université de Caen Normandie, en collaboration avec le Centre Pierre Abélard (EA 3552 Métaphysique : histoires, transformations, actualité, Sorbonne Université) et l’Institut de recherche et d’histoire des textes (CNRS).
Avant-propos. Le goût de la sagesse
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éclaircissements. Interprétons généreusement ce que l’histoire des idées appellerait une non-réception : « trop de lumière éblouit », dit Pascal. Mais le moment de l’éblouissement passé, restait à accoutumer nos yeux à discerner ce que le traité a justement d’éblouissant. Telle était la première tâche de ce colloque, afin de commencer, provisoirement, modestement, partiellement, à mettre fin à un silence trop long et trop scandaleux. C’est à une lecture effective du De unitate Dei et pluralitate creaturarum que ce colloque invitait, qui fixait alors à ses participants une second tâche, moindre certes que celle de l’invention du texte, mais non dénuée de courage elle aussi8 : celui de l’explication d’un traité d’une audace, d’une complexité et d’une puissance spéculative exceptionnelles, « génial entrelacs de spiritualité hyper-augustinienne et de métaphysique hyper-platonicienne », où il s’agit de rien de moins que de penser l’uni-distinction essentielle de la Sagesse divine. Les communications ici réunies9 y sont-elles parvenu ? Ce n’est pas à nous de le dire. Puissent-elles seulement ouvrir à d’autres études qui se délecteront à leur tour du goût de la sagesse, sans laquelle la vérité ne saurait être saisie « par ellemême » : « ipsa generalis, qua omnes sapiunt, sapientia ».
Vincent Carraud Sorbonne Université, 1 rue Victor Cousin, Paris, 75005 [email protected] Gilles Olivo Normandie Univ., UNICAEN, Identité et subjectivité, 14000 CAEN, France [email protected] Pasquale Porro Università degli Studi di Torino Dipartimento di Studi Umanistici [email protected]
8. Le courage est aussi parfois celui de l’humilité. Les auditeurs de ce colloque ont pu entendre les communications de Mmes Iryna Lystopad (Le De unitate et l’héritage de l’Antiquité tardive), Caterina Tarlazzi (Genres et espèces dans le De unitate) et Luisa Valente (Essentia et formes des choses crées chez Achard de Saint-Victor et Gilbert de Poitiers), et de MM. Dominique Poirel (Achard de Saint-Victor écrivain ou : le De unitate est-il achevé ?) et Francesco Siri (La Bible comme source de la philosophie d’Achard), qui ne figurent pas dans ces actes, en raison d’un « désaccord » né d’une remarque aussi argumentée qu’agacée de l’éditeur du De unitate. Nous le regrettons. Il faut savoir gré au P. Hugh Feiss d’avoir suscité plusieurs contributions publiées ici qui n’ont pas donné lieu à communications lors du colloque. 9. Avec l’aide renouvelée des équipes de recherche en philosophie de l’Université de Caen Normandie et de Sorbonne Université.
Emmanuel Martineau
Achard et l’Occident
À Nicolas Moinaux
I À quel temps, à quel lieu le traité De l’unité de Dieu et de la pluralité des créatures appartient-il ? À la Renaissance française du XIIe siècle, répondra-t-on sans hésiter, et l’on n’hésitera pas davantage pour désigner quelques-uns des hommes et des œuvres immortelles que celle-ci nous a léguées : l’amour courtois et sa protectrice, Aliénor d’Aquitaine1 ; les romans de Chrétien de Troyes ; la théologie d’Abélard et son rationalisme tempéré ; l’enluminure à son apogée ; l’architecture cistercienne ; la sculpture de Moissac, de Souillac, d’Autun, seule véritable transition entre les Grecs et Michel-Ange ; l’éloquence transcendante de saint Bernard, premier émancipateur de la nation... Une ombre à ce tableau ? Comme toujours, l’ombre de la politique ? Laissons sur ce point la parole à un médiéviste reconnu pour sa science et sa justice : « L’abbé de Clairvaux tient une place importante dans l’histoire de la théocratie. Il ne la doit pas tellement à ses qualités de doctrinaire, car contrairement à ce qu’on dit trop souvent, saint Bernard n’a aucune culture véritable, pas plus qu’une volonté solide de se livrer à de sérieuses méditations sur les problèmes qui se posent alors. [Mais] Bernard grand orateur, fut un homme d’action exceptionnel. Pendant toute sa vie, parfois avec hargne, il s’occupa un peu de tout. Il joua un rôle considérable et exerça une influence incontestable. De plus, son étonnante exaltation l’amena à répandre des idées diverses en des formules lapidaires brillantes mais souvent insuffisantes et imprécises. Il crut tout ce qu’il dit ; il dit tout ce qu’il pensa ; mais il pensa peu profondément, se contentant d’affirmer ce qui choquait le plus son influx nerveux, ce qu’il sentait, non ce qu’il concevait. Aussi ses proclamations manifestentelles le décalage qui se produit entre les idées reçues et les faits.
1. Cf. Turner 2009, pp. 241-250; Flori 2004, chap. XI. Ad Argumenta. Quaestio Special Issues, 2 (2019), 15-20 • 10.1484/m.adarg-eb.5.118592
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Emmanuel Martineau
Il faut reconnaître à sa décharge que l’abbé de Clairvaux s’intéressa accidentellement aux théories politiques ; ce qui conduit à réagir davantage encore contre la leçon officielle de l’histoire selon laquelle on va sans heurt, par son intermédiaire, de Grégoire VII à Innocent III »2.
II Cependant, si son authenticité et sa grandeur ne sauraient faire l’objet d’aucune contestation, la question est-elle pour autant réglée de « l’espace-temps » de cette glorieuse et quasi millénaire « Révolution Française »3 ? Nullement, tant que nous ignorons quel principe se trouve au cœur de ce phénomène – appelonsle encore : son historialité. L’historial ne se calcule pas, mais il ne dédaigne pas, bien au contraire, la chronologie. Le squelette d’un bel homme ne se voit pas et pourtant il contribue, et directement, à sa beauté. Risquons-nous de même à tracer la silhouette de l’histoire ecclésiastique. A – Fin de la Patrologie Ambroise († 387) ; augustin († 430) Boèce († 524) Grégoire le Grand († 604) Anselme († 1109) B – La renaissance du xiie siècle 1/ Triomphe de la spiritualité : S. bernard († 1153) ; Guillaume de s. Thierry († 1148) ; Achard († 1170-71) 2/ Sursaut de la métaphysique : Gilbert Porreta († ?) ; Achard
2. Cf. Pacaut 1967, pp. 109-110. Cf. aussi les ouvrages fondamentaux Pacaut 1986 ; Pacaut 1993 et Pacaut-Rossiaud 1969. Cf. sinon, pour l’architecture en particulier, Oursel 1964. 3. Il ne nous échappe pas que le « roman » a été aussi européen. Mais la France atteste ici un privilège éminent en ce sens que dans toutes ses époques « renaissantes », la pensée, l’art et même l’amour (amour de Dieu, de la patrie, de la Vierge, de la femme...) marchent du même pas et qu’il résulte de cette convergence une impression unique de pureté, donc de liberté. Post scriptum : si en France, l’objet pur fait la loi, en Italie, la légalité est iconique (byzantine ?) et c’est pourquoi à tous les plus grands maîtres, il incombera d’approfondir sans cesse le destin de l’image, ceci jusqu’au prébaroque (Carrache, Le Caravage) et au baroque lui-même. De cette lutte titanesque pour l’essence de l’image et même pour ce qui peut excéder celle-ci, c’est Michel-Ange qui restera grand vainqueur ainsi que le montre, entre bien des preuves, le fait que ce génie inouï a libéré du même geste la peinture, la sculpture et l’architecture.
Achard et l’Occident
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Bernard : « Je suis la chimère de mon siècle » ; Achard : Je suis le sage de mon ordre. C – L’âge scolastique 1200 : Création de l’Université de Paris. Fondation des Franciscains (1210), des Dominicains (1216). 1274 : Mort de S. Bonaventure (OFM) et de S. Thomas (OP). Malgré le thomisme officiel et sa théologie extrinseciste, c’est la théologie intrinseciste de Duns Scot et de Jean de Ripa (OFM) qui achève glorieusement toute la spéculation médiévale. De cette spéculation, Achard avait été à l’origine, lui dont tant la date que l’œuvre-maîtresse et même que le nom demeurèrent inconnus dans toute la fin du moyen âge. ............................................................................................................................................ 1550 sqq. : Intermède jésuitique qui finira par s’épuiser de lui-même au cours du XXe siècle. D – La « mystique » Tandis que fleurit, puis s’efface la théologie franciscaine, la spiritualité disparaît sans reste, laissant la place à un nouveau produit : la mystique (rhéno-flamande puis espagnole). Je me limiterai à ce sujet à une indication négative : de la spiritualité à la mystique, la rupture est totale et définitive... Longtemps, trop longtemps, on les a prises pour des synonymes, alors qu’elles sont strictement hétérogènes au point même d’être successives. La spiritualité, c’est la religio a relegendo (étymologie vraie connue de Cicéron et d’Augustin lui-même), c’est-à-dire le recueil, la purification de l’âme (l’épouse du Cantique), en attente de la visite de l’époux (du Verbe). Je propose de parler techniquement de religion-recueil. La mystique, au contraire, apparaît comme une religion-lien (religio a religando). En effet, il faut ici que l’âme se projette en Dieu, se fonde en lui jusqu’à devenir comme une parcelle de Dieu. Comment n’être pas attristé en voyant S. Augustin, dans La Vraie Religion4, opter explicitement pour la religion-lien ? Augustin semait ainsi une mauvaise graine qui lèvera environ mille ans plus tard. Peu à peu, ce n’est rien moins qu’un athéisme officiel qui deviendra le parasite de l’Église. L’hénologie remplacera la considération (le De Consideratione est l’œuvre ultime de Bernard). Un tel tableau serait-il en tous points exact qu’on devrait se garder d’y voir un « panorama » de l’ère dite chrétienne. Car cette ère, ou cette Église, a duré environ seize siècles, depuis l’établissement obscur de la papauté (la venue de Pierre à Rome n’est qu’une fable) jusqu’aux ultimes menées césaropapistes de Louis XIV (Bulle Unigenitus, 1713). Mais aussi cette durée à première vue impression4. Cf. Augustinus, De vera religione, LV, 111, p. 186.
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Emmanuel Martineau
nante doit être singulièrement réduite si l’on prend en compte les fractures qui ruinèrent le christianisme en le réduisant à du cléricalisme, entendons par là un pouvoir politique uniquement affairé à s’accroître et à se légitimer vis-à-vis du reste du monde : d’une part, les schismes orthodoxe et protestant, d’autre part et surtout, bien que l’événement n’apparaisse jamais dans l’histoire, le tocsin qui retentit vers l’an 1200 et qui marque la substitution à la fois officielle et clandestine (dans une secte cela ne se contredit pas) au christianisme de son ennemi intime, le catholicisme. Comme l’écrit une historienne aussi pertinente qu’indépendante à propos de la Réforme grégorienne et de ses répercussions sur le siècle qui nous occupe : « Elle crée une nouvelle image de l’évêque. Les évêques sont, avec le pape, les grands gagnants de la Réforme. Ils commencent à constituer un groupe que soudent les réunions des synodes ou des conciles et, tout simplement, les concélébrations. L’image de l’évêque s’enrichit. Il devient le restaurateur du temporel, le garant de la morale des clercs, le responsable de l’enseignement et de la prédication, le fondateur des œuvres de charité et le pacificateur. On passe d’un idéal chrétien largement fondé au Xe et XIe siècles sur le modèle monastique que monopolise Cluny, à un modèle épiscopal à part entière. C’est un tournant fondamental dans la vie religieuse car il témoigne de l’adaptation de l’Église aux mouvements urbains et aux évolutions économiques et sociales qui reconnaissent l’importance des richesses. En effet, la théocratie pontificale justifie le fait que l’Église n’a pas à être pauvre, car ses richesses sont le signe de la conversion du monde, le signe que tous les fidèles, à commencer par les grands, lui ont donné des biens »5.
III Un « tournant fondamental » : l’expression est aussi dense que brève, et pourtant l’auteur aurait pu la resserrer encore en prenant en vue le phénomène le plus inouï de la fin du XIIe siècle, où éclate la mise à mort du christianisme telle que nous venons de l’évoquer : j’ai nommé le silence des monastères, le renoncement à la vie de l’esprit, en un mot à la spiritualité à laquelle le haut moyen-âge avait aménagé un lieu à la mesure de l’Europe tout entière. Bref, le tournant dont parle à bon droit Mme Gauvard aura été un virage à cent quatre-vingts degrés, familièrement un virage en épingle à cheveux. Ne craignons donc pas de situer notre traité dans un espace-temps bien délimité, le dernier demi-siècle chrétien, celui qui s’étend de la mort de Bernard en 1153 à l’invention dont un drôle de paroissien, Honoré de Balzac6, dira beaucoup plus tard : « L’ennui naquit un jour de l’université ». Le De Unitate se dresse au mo5. Cf. Gauvard 1996, p. 243. 6. Sur le catholicisme balzacien, cf. Bertault 1968, pp. 115-152.
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Achard et l’Occident
ment historique et historial qui s’est révélé comme le tournant décisif. Que son génial entrelacs de spiritualité hyper augustinienne et de métaphysique hyperplatonicienne n’ait pas tiré l’Église de son sommeil hyperdogmatique (théocratie) ne saurait nous étonner. On s’émerveillera en revanche que cette œuvre ait refait surface in richtiger Zeit (Hölderlin) – en cet autre moment critique que nous avons, quant à nous, l’honneur de vivre, celui où la question : qu’est-ce que la métaphysique ? s’est entrelacée quant à elle avec la question phénoménologique : qu’estce que la religion ? Prions enfin pour que ces divers éclaircissements historiques contribuent à clouer le bec à ces politiciens incultes qui se sont naguère empoignés à propos d’une autre question : la civilisation française repose-t-elle (sous-entendu : seulement) sur un socle chrétien ? Notre réponse, on peut le deviner, est oui mais pas uniquement, et selon des modalités qui restent à déterminer. Ici encore, un modeste tableau éclairera peut-être notre lecteur davantage qu’un long discours : « socles » pensée grecque
« civilisations » cités
romanité empire germanité christianisme
essor des états d’occident
cathol.-protest.
absolutisme
laïcité
république
Sans doute six cents ans (1300-1900) de combats laïcs acharnés contre le cléricalisme n’avaient-ils pas été de trop pour nous restituer toute la vérité de la « Renaissance du XIIe siècle ». « Si lent était l’esprit du monde », « so träg war der Weltgeist » (Hegel).
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Emmanuel Martineau
Bibliographie Sources Augustinus, De vera religione, in La foi chrétienne, Texte de l’édition bénédictine, Etudes Augustiniennes, Paris 1982 (Bibliothèque Augustinienne, 8).
Etudes Bertault 1968 = P. Bertault, Balzac, Hatier, Paris 1968. Flori 2004 = J. Flori, Aliénor d’Aquitaine, Payot, Paris 2004. Gauvard 1996 = C. Gauvard, La France au moyen-âge, PUF, Paris 1996. Oursel 1964 = R. Oursel, Univers roman, Office du Livre, Paris 1964. Pacaut 1967 = M. Pacaut, La Théocratie, Aubier-Montaigne, Paris 1967. Pacaut-Rossiaud 1969 = M. Pacaut / J. Rossiaud, L’âge roman, Fayard, Paris 1969. Pacaut 1986 = M. Pacaut, L’Ordre de Cluny, Fayard, Paris 1986. Pacaut 1993 = M. Pacaut Les Moines blancs. Histoire de l’ordre de Cîteaux, Fayard, Paris 1993. Turner 2009 = R.V. Turner, Eleanor of Aquitaine, Yale University Press, New Heaven and London 2009 [tr. fr. Aliénor d’Aquitaine, Fayard, Paris 2011].
Abstract: It is not enough to be sensitive to the marks of greatness of the French Renaissance of the twelfth century to understand its principle and the decisive turning point that follows it with the “silence of monasteries”. A brilliant interlacing of hyper-Augustinian spirituality and hyper-Platonic metaphysics, the Unitate is then at its apex, at the peak of the space-time of spirituality. Keywords: Achard, The West, Mystic, Spirituality. Emmanuel Martineau Paris [email protected]
Véronique Gazeau
Culture et société dans l’ouest de la Normandie*. Autour d’Achard de Saint-Victor
L’excellente enquête menée par Jean Châtillon sur la vie d’Achard pour son ouvrage de 19691 ne résolvait finalement pas la question des origines de l’abbé de Saint-Victor, devenu évêque d’Avranches : Achard était-il d’origine anglaise ou d’origine domfrontaise ? Si de prime abord cette question pourrait paraître sans importance, on va vite comprendre qu’un faisceau d’indices fait du héros de notre colloque sans doute un Anglais ou à tout prendre un personnage formé en Angleterre ; cela vient à point nommé pour saisir que l’ouest de la Normandie n’est pas la périphérie reculée que l’on croit trop souvent. Le diocèse d’Avranches où Achard exerce son épiscopat et le diocèse proche de Coutances sont, quoiqu’éloignés des principaux lieux de pouvoir français et anglo-normand (Paris, Londres, Rouen et Caen), tout sauf un désert culturel. La partie occidentale de la principauté normande correspond à deux diocèses médiévaux, celui d’Avranches ou Avranchin et celui de Coutances ou Cotentin. Le plus petit diocèse de la province ecclésiastique de Rouen, et aussi le moins riche, le diocèse d’Avranches, était au Moyen Âge le troisième dans l’ordre de préséance des diocèses normands, après ceux de Rouen et de Bayeux. Le diocèse comprend essentiellement les deux vallées de la Sée et de la Sélune. Il est borné au nord par la rivière du Thar et au sud-ouest sa frontière rejoint le Couesnon. Mais ce diocèse n’en est pas moins prestigieux, ne serait-ce que par la présence sur son sol de l’abbaye mérovingienne du Mont Saint-Michel, lieu d’un pèlerinage attirant les foules de l’Europe entière et... par l’existence d’Achard. Le diocèse de Coutances, dernier diocèse dans l’ordre de préséance de la province ecclésiastique de Rouen, est limité de trois côtés par la mer et vers l’est, il est séparé du diocèse de Bayeux par la Vire et au sud par la rivière du Thar. L’évêque de Coutances exerçait aussi une * Cette conférence doit beaucoup aux travaux de mes jeunes collègues et étudiants : Richard Allen, Claude Groud-Cordray et Christophe Mauduit (†). 1. Cf. Châtillon 1969. Ad Argumenta. Quaestio Special Issues, 2 (2019), 21-32 • 10.1484/m.adarg-eb.5.118593
LES ÉTABLISSEMENTS RELIGIEUX DES DIOCÈSES D’AVRANCHES 22 ET DE COUTANCES SOUS L’ÉPISCOPAT D’ACHARD DE SAINT-VICTOR Véronique Gazeau
Les établissements religieux des diocèses d’Avranches et de Coutances sous l’épiscopat d’Achard de Saint-Victor.
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juridiction ecclésiastique sur les îles de la Manche. Ces deux régions étaient devenues normandes en 933 au cours de la troisième et dernière phase de la constitution du duché ou principauté de Normandie. Lorsqu’Achard et l’évêque Richard de Coutances exercent leur épiscopat, les deux diocèses sont bien pourvus en maisons religieuses. Quand, un peu avant le 27 mars 1161, Achard arrive à Avranches, à côté de deux puissantes maisons – Le Mont Saint-Michel, abbaye bénédictine et Savigny, abbaye incorporée à l’ordre cistercien depuis 1147 – existent des abbayes de chanoines réguliers d’implantation récente. L’abbaye de La Lucerne compte déjà parmi les plus importantes abbayes prémontrées de Normandie. Il s’agit d’une fondation de la maison de Subligny, famille importante de l’Avranchin qui établit aussi l’abbaye de Montmorel. La Lucerne donna naissance à trois abbayes normandes (Ardenne, Belle-Étoile et Mondaye, ainsi que Beauport, en Bretagne). Ce qu’il convient d’observer encore c’est la présence dans le diocèse d’Avranches de possessions de grandes abbayes des régions voisines. Sept des treize prieurés avranchais dépendaient de quatre maisons non-normandes également très prestigieuses par leur ancienneté, à savoir les abbayes de Marmoutier proche de Tours (Mortain, Sacey et Saint-Cyr-du-Bailleul), de Saint-Benoît-sur-Loire (Saint-James et Saint-Hilaire), de Saint-Pierre de la Couture au Mans (Les Biards) et de SaintFlorent-les-Saumur (Céaux). Le diocèse de Coutances dispose de trois maisons de chanoines réguliers, NotreDame du Vœu à Cherbourg depuis 1145 (victorin), Saint-Lô (1144) et Blanchelande (prémontré, 1154). Saint-Hélier de Jersey appartient à l’ordre des chanoines d’Arrouaise. Lorsqu’il est élu évêque d’Avranches quelque temps avant le 27 mars 1161, Achard est non seulement abbé de Saint-Victor depuis 1155, succédant au premier abbé Giduin, mais il a, quatre ans plus tôt, été déjà élu évêque de Sées par les chanoines victorins de ce diocèse réformé depuis 1131. Il a, en 1157, dû s’effacer devant le candidat du duc de Normandie et roi d’Angleterre, Henri II, qui a imposé son propre aumônier, un homme de sa cour, dont avait absolument besoin le souverain dans une région turbulente à la frontière de la principauté normande. Le nouvel élu de Sées, son aumônier Froger, avait administré en Angleterre les terres royales du Derbyshire et du Northamptonshire. Depuis 1144, la Normandie devait faire face à une alliance des comtes du Perche et de la famille de Blois soutenue par le roi de France, Louis VII. Henri II voulait disposer d’un évêque dévoué, alors que le théologien Achard ne ferait sans doute pas l’affaire. Le schéma, s’il n’est pas du tout conforme aux exigences grégoriennes, est classique cinquante ans après le concordat de 1107 qui avait vu les rois de France et d’Angleterre renoncer à s’immiscer dans les élections épiscopales et abbatiales. Mais je ne crois en rien que c’est parce qu’Henri II avait à se faire pardonner qu’il aurait fait élire Achard à Avranches quelque temps avant le 27 mars 1161. À l’époque où a
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lieu cette élection, voilà déjà quelques décennies – soit depuis l’accession au pouvoir du roi Henri Ier, le dernier fils du Conquérant, à la faveur de sa victoire de 1106 sur son frère aîné Robert Courteheuse, victoire qui fit de lui l’unique souverain en Normandie et en Angleterre –, qu’on assiste à la nomination de plus en plus fréquente de prélats d’origine anglaise ou ayant effectué une bonne partie de leur carrière en Angleterre. Quelques exemples suffiront à illustrer ce fait. L’évêque de Coutances, Algare (1131-1151), un grand réformateur peut-être d’origine anglaise, a été d’abord clerc de Laon puis procureur (procurator) du prieuré de chanoines réguliers de Bodmin (Cornwall) ; l’archevêque de Rouen depuis 1130, Hugues d’Amiens, d’origine picarde, a été le premier abbé de la fondation royale anglaise de Reading en 1125 après avoir été prieur d’une maison située à Lewes dans le Sussex. Lorsque meurt cet archevêque en 1164, il est remplacé par Rotrou de Warwick, qui sera aussi le supérieur d’Achard. L’homologue d’Achard au diocèse de Coutances, Richard de Bohon (avant décembre 1151-22 mars ou 1er juin 1179) appartient à une famille anglo-normande, originaire du Cotentin ; cet évêque Richard était frère de Joscelin de Bohon, évêque de Salisbury (1142-1184), oncle de Renault fils Jocelyn, évêque de Bath (1174-1191), et neveu d’Enjuger († ca. 1175) et d’Alexandre de Bohon († ca. 1153), partisans importants de la cause angevine/plantagenêt en Normandie. Plusieurs grands abbés de maisons bénédictines ou cisterciennes normandes sont venus d’Angleterre dans les années 11301150. J’ai tendance à considérer que tous ces prélats ont acquis en Angleterre une solide formation, dans un pays où les techniques de gestion administrative sont en avance sur celles en usage sur le continent. N’est-ce pas aussi le cas de ce Froger imposé par Henri II ? À cet égard, Henri II et Achard se connaissent, mais certainement pas tant à cause de l’échec de Sées – Henri II n’est pas un homme de scrupule – que parce qu’au temps où Achard est encore abbé de Saint-Victor, il a écrit à Henri II pour lui demander d’user de son autorité pour que le trésorier du roi rende une somme d’argent destinée aux pauvres, somme que le trésorier avait gardée par-devers lui. Mathilde l’Emperesse, mère d’Henri II, n’avaitelle pas elle-même placé les chanoines de Saint-Victor à Notre-Dame du Vœu à Cherbourg en 1145 ? Par ailleurs, l’archevêque de Rouen Hugues d’Amiens connaissait bien l’abbé Gilduin de Saint-Victor et les Victorins. On conserve deux actes de la pratique écrits par Hugues à Gilduin qui montrent les liens entre les deux hommes, notamment l’un d’entre eux de 1148, élogieux à l’endroit de l’ordre de Saint-Victor et qui montre le soutien de l’archevêque à l’implantation victorine en Normandie. En effet, Hugues d’Amiens écrit à l’abbé Gilduin et aux religieux de l’abbaye Saint-Victor de Paris au sujet de l’élection de Roger, chanoine de Saint-Victor, comme abbé de l’abbaye de Eu en Normandie orientale. Il relate comment ledit Roger fut reçu par les chanoines avec un accord si unanime que l’ancien abbé luimême, Anselme, saisi par la crainte de Dieu, déclara le premier voter pour lui et
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implora au nom de tous la faveur de recevoir le père de leur choix et de lui jurer obéissance selon l’usage canonique. L’archevêque remercie Gilduin d’avoir envoyé un tel homme et l’informe qu’il a ordonné aux chanoines d’Eu d’aimer leur nouvel abbé, de lui obéir comme à un père et à un maître, et d’observer à l’avenir de point en point, dans leur église, tout l’Ordre de Saint-Victor. Il est impossible que l’archevêque n’ait pas donné son avis sur l’élection d’Achard à Avranches. Il est d’ailleurs possible qu’en 1161, soit avant son élection soit après, Achard se soit trouvé à Rouen puisqu’on le voit souscrire un acte royal. Et en 1161, Thomas Becket et Achard souscrivent ensemble, à Rouen, un acte d’Henri II. Les temps ont changé, la situation politique a évolué, et le roi peut faire confiance à un théologien, et surtout à un Victorin. Nombreux sont les évêques de Normandie voire d’Angleterre à provenir d’un ordre régulier. Le monachisme bénédictin et Cluny ont fourni plus d’un prélat, c’est au tour des chanoines réguliers. Il n’y a donc pas de raison majeure de mettre en doute qu’Achard est un clerc d’origine ou de formation anglaise, un chanoine régulier du prieuré de Bridlington fondé dans le Yorkshire en 1114, qui vint à une date indéterminée en France. À son arrivée ou à son retour en France, il entre à l’abbaye Saint-Victor de Paris, où il devint le disciple de l’abbé Gilduin. Théologien, philosophe et auteur de quinze sermons et deux traités, Achard est élu abbé à la mort de son ancien maître en 1155. Achard devient donc évêque d’Avranches à la fin mars 1161 et va pendant très exactement neuf ans, jusqu’au 29 mars 1170, exercer son épiscopat. Quels traits caractéristiques doit-on retenir ? L’année 1161, celle de son début, est marquée par des manifestations politiques d’importance capitale. En septembre de la même année, Achard se trouve à Domfront avec Robert de Torigni, abbé du Mont SaintMichel depuis 1154, Domfront – capitale du Passais, zone frontière, conquise par Guillaume le Conquérant en 1051/1052 –, où tous deux sont les parrains de la fille d’Henri II, Aliénor, baptisée par le cardinal-prêtre Henri de Pise. Henri II choisit deux hommes de l’Ouest pour être les parrains de sa fille Aliénor, signe de l’importance qu’il accorde à la partie occidentale de la Normandie : ne vient-il pas le plus souvent possible à Barfleur, la plaque tournante, avec Wissant dans le Pasde-Calais, du trafic dans la Manche ? Dès 1161, encore, Achard prit en main les intérêts de l’abbaye de La Lucerne, mettant le monastère prémontré sous la protection d’un nouvel avoué, Guillaume de Saint-Jean. Une charte de l’évêque luimême nous apprend qu’il sut ajouter aux bienfaits des fondateurs en attribuant aux religieux une année du revenu des prébendes vacantes du chapitre d’Avranches, tandis que l’église abbatiale fut commencée lors de la pose de la première pierre par Achard en 1164. À la différence de son prédécesseur à Avranches et de plusieurs autres évêques normands ses contemporains, Achard ne fut pas un membre actif de la cour royale : il n’est pas un curialiste comme aiment à le dire les historiens anglais. En effet, il ne figure comme témoin des chartes octroyées par Henri II qu’à l’occasion de
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grandes cérémonies religieuses, comme le concile convoqué à Rouen le 25 février 1162, où le roi avait réuni barons et prélats pour remettre en vigueur les canons du concile si peu grégorien de Lillebonne de 1080, ou encore, la translation des corps des ducs de Normandie Richard Ier et Richard II, qui s’est déroulée à Fécamp six jours plus tard (3 mars). Il s’agit néanmoins de deux cérémonies de très haute importance où durent être convoqués tous les évêques et tous les abbés de la province ecclésiastique de Rouen. La présence d’Achard n’était donc que très normale. L’année suivante, Achard assista, le 13 octobre, à Westminster, à la translation des reliques d’Édouard le Confesseur, après quoi il semble alors avoir voyagé avec le roi pendant quelque temps, puisqu’il donna son témoignage à une charte octroyée à Brewood (Staffordshire). Il assiste au concile de Tours de 1163, réuni par le pape, comme cent vingt-trois autres évêques de la chrétienté. Il revint en Normandie avant le printemps de 1164. Contrairement à ce que certains érudits ont pu écrire, l’évêque d’Avranches s’est judicieusement tenu à l’écart dans l’affaire Thomas Becket, devenu archevêque de Cantorbéry en 1162, ne prenant pas publiquement parti pour l’un ou l’autre des deux adversaires. Et pourtant, Thomas Becket et les Victorins étaient proches, le premier ayant reçu le soutien des seconds. Et pourtant encore, Thomas Becket avait écrit au pape Alexandre III pour s’émouvoir que l’abbé Achard de Saint-Victor, évêque élu de Sées, ne fût pas consacré bien que le pontife suprême Adrian IV ait confirmé son élection. Thomas Becket et Achard s’étaient rencontrés à Rouen en 1161. J’ai évoqué plus haut l’acte royal attesté par Achard. Le témoignage de Thomas Becket y figure également. Thomas Becket regrette qu’Achard n’ait pas trouvé de soutien à Rome. Achard aurait pu suivre l’évêque Arnoul de Lisieux qui l’avait appuyé contre Henri II en 1157 lorsqu’il avait été élu évêque de Sées. Arnoul est le seul évêque de Normandie à avoir soutenu Thomas Becket et travaillé à la réconciliation du roi et de Thomas, ce qui lui valut la perte de la faveur royale. Il faut se résoudre à noter qu’Achard n’apparaît plus aux côtés d’Henri II après 1164, date des assises de Clarendon où furent promulguées les décisions contre lesquelles s’éleva l’archevêque de Cantorbéry. Achard mourut le 29 ou le 30 mars 1170, soit quelques mois avant la paix signée entre Thomas Becket et Henri II le 22 juillet 1170. Il ne joua donc aucun rôle dans le choix d’Avranches comme lieu de la réconciliation publique du roi, le 19 mai 1172. Jean Châtillon a reconnu l’ignorance dans laquelle on se trouve pour expliquer le choix d’Henri II en faveur de la capitale épiscopale. Je me demande si n’ont pas joué l’éloignement des lieux de pouvoir, Caen et Rouen, et peut-être la proximité du Mont Saint-Michel où l’abbé Robert de Torigni est toujours en place, à moins que ce ne soit Arnoul, évêque de Lisieux, plutôt que l’évêque Richard, le successeur d’Achard, qui ait joué le plus grand rôle dans l’organisation de cet événement. Mais revenons à Achard. Quel rôle joua l’évêque dans la société de l’Avranchin et du Cotentin de son temps ? Quel rôle tint-il dans la culture régionale ? Que
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sait-on de l’équipement culturel de ces diocèses d’Avranches et de Coutances ? La période de l’épiscopat d’Achard semble avoir été particulièrement paisible sur le plan politique. L’Avranchin, comme d’ailleurs le Cotentin, n’ont semble-t-il, pas traversé de trouble majeur. Au moment de la mort d’Henri Ier en 1135, la Normandie n’avait pas été épargnée par la guerre civile qui avait opposé Geoffroi Plantagenêt – le comte d’Anjou marié à Mathilde la fille du roi défunt, celle-ci revendiquant le titre en Normandie – à Étienne de Blois comte de Mortain, devenu roi d’Angleterre. Ce dernier avait d’ailleurs parcouru toute la Normandie en 1137 à la recherche de soutiens auprès des familles de l’aristocratie et des abbés des maisons religieuses. Mais dès 1143, à la veille de la victoire de Geoffroi, les seigneurs de l’Avranchin ont choisi le camp Plantagenêt, trahissant donc le seigneur le plus puissant de la région, le comte de Mortain, Étienne de Blois. Dans le Cotentin, le choix des Plantagenêt fut aussi majoritaire dès 1137 : des familles comme les Reviers-Vernon, les Bertran, les Bohon choisirent le camp de Mathilde. Les rares opposants disparaissent rapidement, soit par l’exil comme les La Haye, soit par le meurtre comme les Nigellides. Les seigneurs de l’Ouest ont choisi le Plantagenêt et profitent des largesses d’Henri II. L’Avranchin sous contrôle royal, Henri II cède le comté de Mortain, au fils du roi Étienne, Guillaume, en 1157. Ce dernier meurt en 1159, et faute d’héritier, Henri II conserve le comté de Mortain. Le comte de Chester, Hugues de Kevelioc (1153-1181), grand propriétaire dans l’Avranchin, gère ses terres depuis son comté anglais de Chester. Ce dernier toutefois rappelle, en 1169, qu’il tient « en sa main, sa garde et sa protection l’abbaye de Savigny » et toutes ses possessions tant normandes qu’anglaises. C’est une affirmation de son autorité qu’il faut replacer dans le contexte de la révolte commencée en 1168 par certains seigneurs dont Mathieu de Boulogne, devenu entre temps héritier légitime du comté de Mortain par son mariage, et le comte de Chester. Les vassaux normands de ces deux comtes qui ne résident pas dans l’Ouest ne les suivent pas, les révoltés n’ayant aucune chance de déployer leurs forces, même s’il est vrai que plusieurs barons, traditionnels soutiens, disparaissent dans les mêmes années 1168-1169. Henri II peut donc avoir pleinement confiance en l’aristocratie de la Normandie occidentale : quand il accapare les places bretonnes de Dol et Combourg en 1162, il marie l’héritière de ces places à Hasculf de Subligny qui devient ainsi un puissant seigneur brito-normand. Hasculf est le fils de Jean de Subligny, fondateur de l’abbaye de Montmorel. Il ne faut pas le confondre avec son homonyme, oncle de son père, fondateur de la Lucerne. Henri II fait de Richard du Hommet, un autre grand baron du Cotentin, son connétable, et c’est ce dernier qui convoque les barons normands et bretons pour reprendre Combourg en 1164 au seigneur de Fougères. Néanmoins, le roi est assez absent de la Normandie occidentale. Il y passe surtout, par les ports de Barfleur et Cherbourg, pour partir en Angleterre ou en re-
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venir. Il vient toutefois à plusieurs reprises au Mont Saint-Michel pour des raisons politico-religieuses : il assiste à la messe au Mont en septembre 1158, après avoir obtenu la soumission des Bretons à Avranches ; il y retourne deux mois après en compagnie de Louis VII ; en 1166, revenant de Rennes pour la réception de son fils Geoffroi comme duc de Bretagne, il s’arrête au Mont. C’est d’ailleurs Robert de Torigni qui a présidé la cérémonie rennaise à laquelle vinrent aussi le roi d’Écosse et l’évêque de Man. De nombreux barons, c’est-à-dire des grands vassaux, prêtent hommage pour les terres tenues de l’abbaye : Guillaume de Saint-Jean, Hasculf de Subligny, Jourdain Tesson, Foulques Painel. L’abbé, Robert de Torigni, ardent partisan d’Henri II, est, souvenons-nous, un des parrains d’Aliénor, fille d’Henri II, l’autre étant Achard. Par le biais de cette abbaye, Henri II contrôle un peu plus les grands seigneurs de l’Avranchin. Sur le plan liturgique et pastoral, les sources manquent pour savoir quel fut le rôle d’Achard. Tout au plus sait-on que le pontifical dit d’Avranches, par ailleurs présent dans la bibliothèque de Saint-Victor, était plutôt en usage au Mont SaintMichel. Il est vraisemblable que les sermons rédigés par Achard n’étaient pas destinés aux fidèles de sa cathédrale ou des paroisses de son diocèse, même s’il tenta peut-être de les adapter. En revanche, les origines de l’école cathédrale d’Avranches sont un peu moins obscures. Une certaine tradition rapporte que Robert le Grammairien fut le premier écolâtre d’Avranches avant de devenir écolâtre du Mans, vers 1030-1040. On retrouve cependant la trace de celui-ci dans les sources mancelles dès le début du XIe siècle, et bien que les liens familiaux puissent rattacher Robert à l’Avranchin et que l’existence d’une école à Avranches ne doive pas être écartée, il est difficile d’imaginer l’existence d’une école dans ce diocèse alors en pleine reconstruction. Il n’est même pas certain du tout que Lanfranc y ait enseigné, bien qu’il ait séjourné quelque temps à Avranches. Le premier écolâtre n’apparaît que plusieurs décennies plus tard : Jean, qui fut actif sous l’évêque Michel, est mort avant 1113. La première apparition d’Alexandre, son successeur, est datée de 1121. Nous ignorons la date de sa mort. Un maître Ernée se trouve parmi les témoins d’une charte du 6 septembre 1135, mais ce n’est que le 13 mars 1155 qu’on le retrouve en qualité d’écolâtre, magister scolarum. La dernière mention datée que nous ayons de lui est de 1174. Peut-être a-t-il exercé sa charge parmi les chanoines pendant l’épiscopat d’Achard. Il faut attendre les années 1225 pour trouver le nom du magister scolarum à Coutances. Mais c’est sous l’épiscopat de Geoffroi de Montbrai dans la deuxième moitié du XIe siècle que le maître des écoles semble le responsable de l’enseignement ; et l’on peut conclure de ce pluriel qu’il existe plusieurs écoles dans le diocèse de Coutances. Une autre école doit exister dans le prieuré bénédictin de Néhou. Selon les Gesta de l’évêque Geoffroi de Montbray, sont entretenus des maîtres d’écoles, des grammairiens, des dialecticiens, des musiciens. Il achète des livres pour son église et il acquiert des objets liturgiques en or et en argent ; il fait appel à des verriers, à des orfèvres. En outre, la charte de fondation
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de la collégiale séculière Saint-Évroult de Mortain de 1082 mentionne également un magister scolae, associé à trois des quinze chanoines, le doyen, le chantre et le matriculaire chargé de l’administration des biens. Il lui est conféré le droit de manger à la table du fondateur et comte de Mortain lorsque celui-ci réside à Mortain au même titre que les chapelains du comte. Cependant l’acte ne l’affilie à aucune prébende. Ce magister scolae tient l’école de Saint-Évroult qui disposa dès son origine d’un monopole de l’enseignement dans tout le Val de Mortain, c’est-à-dire la région alentour. Il ne fait toutefois aucun doute que le maître d’école est associé à la collégiale de Mortain. Tous les livres de la région lui sont attribués ainsi que ceux qui viendraient à être confisqués ; ils seraient alors entreposés dans le trésor de la collégiale. En 1166, le chapelain du roi Henri II est le chantre de la collégiale de Mortain. Ces deux écoles, l’école cathédrale d’Avranches et l’école canoniale de Mortain, fonctionnent activement sous l’épiscopat d’Achard. Le cas de l’école canoniale est exceptionnel en Normandie. Le fondateur de cette collégiale n’est autre que le demi-frère de Guillaume le Conquérant. Notons au passage le rôle des élites séculières dans la diffusion de la culture. Mais le grand foyer culturel de la région fut, sans nul doute, l’abbaye du Mont Saint-Michel. Pendant l’épiscopat d’Achard, son abbé, Robert de Torigni, parrain de la fille d’Henri II, compose le traité sur les ordres monastiques, De immutatione ordinis monachorum, terminé en 1154. Il poursuit la Chronique commencée au Bec où il fut moine de 1128 à 1154. Il rédige la partie des Annales allant de 1135 à 1173. Sous son abbatiat, vers 1155, Guillaume de Saint-Pair rédige le Roman du Mont-Saint-Michel. La bibliothèque du Mont est une des plus riches de Normandie dès le XIe siècle (écrits patristiques, manuscrits liturgiques, des commentaires, écrits de droit...). Nos deux évêques, Achard et Richard II de Bohon (avant décembre 1151-22 mars ou 1er juin 1179), sont particulièrement actifs dans le soutien apporté aux maisons religieuses de leurs diocèses respectifs. Richard, dont l’épiscopat a duré trois fois plus longtemps que celui d’Achard, a octroyé de nombreux actes et notamment de grandes chartes confirmatives aux abbayes bénédictines de Lessay, de Montebourg, d’Hambye et de Saint-Sauveur-le-Vicomte. Il donna une charte semblable pour Savigny, tandis que c’est par son intermédiaire que Guillaume de Saint-Jean vint confirmer les donations qu’il avait faites à l’abbaye de La Lucerne. Mais l’évêque semble avoir réservé surtout ses soins et ses faveurs à l’abbaye des Prémontrés de Blanchelande. Il en confirma la fondation par Richard de la Haye en 1154 et selon la notice détaillée qui rapporte les débuts de l’abbaye, c’est lui qui aurait dédicacé l’église primitive en octobre 1155. Lorsqu’en outre le premier abbé de Blanchelande, Renouf (1155-1167), fait commencer une nouvelle église, le 28 avril 1161, l’évêque y introduit des chanoines et le monastère étant achevé, il y consacre trois autels, le 28 juin 1170. L’abbaye victorine de Notre-Dame du Vœu et celle de Saint-Lô eurent droit respectivement à quatre et neuf chartes. Sous l’épiscopat de Richard,
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une abbaye Saint-Hélier de Jersey fut fondée par un seigneur anglo-normand possessionné dans le Kent, en 1155-1160, qui dépendait d’Arrouaise. Quant à Achard, on ne conserve le concernant que seize chartes ; il favorisa naturellement les débuts victorins de l’abbaye de Montmorel, en confirmant ses possessions. Cette abbaye fondée en 1162 passa chez les Victorins en 1171. Nul ne doute qu’Achard y avait été pour quelque chose. Mais c’est surtout l’abbaye de Savigny qui en reçut le plus grand nombre (six chartes sur seize, soit 37,5 % de ses actes). Le Mont Saint-Michel, le chapitre cathédral d’Avranches, un prieuré de Marmoutier reçurent également encore des chartes. Pour conclure, je reviendrai sur quelques points qui appellent davantage de questions que de certitudes : 1. Lorsqu’Achard s’éteint le 29 ou 30 mars 1170, il est enterré à l’abbaye de La Lucerne sur le côté sud, près du mur du chœur, face à la porte ouvrant sur le cloître. Son gisant, du dernier tiers du XIIe siècle, s’y trouve toujours, de même qu’une statue du XVe siècle le représentant. Le gisant était accompagné d’une inscription considérée comme épitaphe, mais une épitaphe rédigée au XVIe siècle par l’évêque d’Avranches Robert Céneau. Pour quelle raison Achard, ce Victorin, a-t-il voulu être inhumé dans une abbaye prémontrée ? L’épitaphe n’apporte pas de solution, mais renforce la thèse d’une naissance anglaise. L’Angleterre m’engendra, la Gaule m’instruisit. Elle me fit docteur de la loi et pasteur du troupeau. La Normandie qui, me faisant pontife marqua ma fin, Porta l’homme, l’éleva, l’emporta2. 2. Achard a dû œuvrer au renforcement de la présence victorine dans l’Ouest, renforcement qui prit forme après sa mort. Montmorel devient sitôt après sa mort une maison affiliée à Saint-Victor. Quant à Saint-Hélier de Jersey, certes au diocèse de Coutances, il devint un prieuré de Notre-Dame du Vœu de Cherbourg en 1180. L’évêque de Lisieux Arnoul, fâché avec Henri II, se retira à Saint-Victor de Paris au même moment. 3. Thomas Becket s’inquiète qu’Achard n’ait pas trouvé de soutien à Rome en 1157 quand Henri II refuse de le voir monter sur le trône épiscopal de Sées. En effet, à cette époque, il n’y a pas encore d’appel à Rome et le roi peut donc faire fi du droit canon. Des appels se produiront seulement après 1200, tant pour les évêques que pour les abbés. Mais nul ne doute que l’affaire de cette élection qui 2. « Anglia me genuit docuit me gallia legis/ doctorem tenuit illa patremque gregis/pontificem faciens fecit Normannia finem/ haec tulit extulit haec abstulit haec ominem ». L’épitaphe ne figure pas sur le gisant d’Achard. Ella a disparu et n’est connue que par le texte qui nous en est conservé dans Gallia Christiana in provincias ecclesiasticas distributa, éd. Sainte-Marthe / Piolin, t. XI, col. 485.
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s’ajoute à d’autres sous le règne d’Henri II et de ses successeurs – et notamment à nouveau à Sées en 1202 sous le règne de Jean Sans Terre – a dû faire progresser les idées canoniques. 4. Plusieurs membres de l’élite ecclésiastique anglo-normande qui agissent en un véritable réseau tiennent des rôles clés dans la partie occidentale de la Normandie : les familles fondatrices de maisons religieuses, vassales du duc-roi, des hommes d’Église, grands intellectuels, Achard et Robert de Torigni, le chantre chapelain du roi, le roi lui-même et à l’autre bout de la principauté, l’archevêque de Rouen. Tous ont des liens avec l’Angleterre, même Robert de Torigni, né dans l’Ouest près de Vire mais qui se rend deux fois au moins en Angleterre au cours de son abbatiat. Les hommes des mondes normands, au centre et sur les marges, et au premier rang desquels la figure d’Achard, prennent toute leur place dans l’Europe médiévale.
Bibliographie Châtillon 1969 = J. Châtillon, Théologie, spiritualité et métaphysique dans l’œuvre oratoire d’Achard de Saint-Victor. Études d’histoire doctrinale précédées d’un essai sur la vie et l’œuvre d’Achard, Vrin, Paris 1969. Gallia Christiana in provincias ecclesiasticas distributa, ed. D. Sainte-Marthe / P. Piolin Paul, 13 vol., Paris 1715-1785.
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Abstract: Achard was bishop of the diocese of Avranches from 27 March 1161 to 29 or 30 March 1170. During his nine-year episcopate, which he owed to Henry II Plantagenet and Hugh d’Amiens, archbishop of Rouen, this former abbot of the regular abbey of Saint-Victor de Paris was an active pastor in his diocese, which was home to the prestigious houses of Le Mont Saint-Michel and Savigny, the latter of which was incorporated into the Cistercian Order in 1147. Although he served in 1161 as godfather to Henry II’s daughter alongside Robert of Torigni, abbot Le Mont-Saint-Michel, Achard was himself not an active courtier. Indeed, if he was present at the council in 1162 attended by the king, who he then briefly accompanied to England, and at the papal council of Tours in 1163, he was much more active in his own diocese. Here he no doubt repeated and adapted to the faithful the same sermons he had given during his abbacy at Saint-Victor, and granted some sixteen acts to various religious houses, most notably Le Mont-Saint-Michel, Savigny and the cathedral chapter of Avranches. This churchman of English origin (like many others in mid-12th century Normandy) was buried in the Premonstratensian abbey of La Lucerne. Keywords: Achard, Bishop, Avranches, Saint-Victor, Henry II, Mont Saint-Michel, Savigny, La Lucerne.
Véronique Gazeau Professeur émérite d’histoire médiévale à l’Université de Caen Normandie [email protected]
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The Trinity in De unitate: Metaphysics and Theology “da quel ch’è primo, così come raia, da l’un, se si conosce, il cinque, e ’l sei; [...]. Poi cominciai così: – L’affetto e ’l senno, come la prima equalità v’apparse, d’un peso per ciascun di voi si fenno”. Dante, Paradiso, XV, 15, 56-57, 73-75
I. Introduction1 I.1. The Mystery There are some observable emphases in the tradition of Latin Christian thought about God. Medieval Latin Christian thinkers and Christian theology subsequently have usually approached God first as unity and then as Trinity, giving the impression at times that God is fundamentally one and then expands into three. In part this is because the oneness of God and God’s essential attributes are seen as philosophical matters, whereas the Trinity was a subject for theology. There has also been a tendency to approach God by way of being: first one shows that God is, then that God is one, and then God has certain essential attributes. Though this is not, I think, an invalid approach, it has two disadvantages: it can tend to make God seem to be the topmost being on a continuum of increasing perfection, and hence a being within the universe rather than its creator2. It can make God seem remote and disinterested, the very opposite of the God of love, whose perfection is compassion, or who is perfect compassion3.
1. My thanks to Professors G. Olivo, V. Carraud, and their colleagues for the opportunity to attend the outstanding colloquium “Le De unitate Dei et pluralitate creaturarum d’Achard de SaintVictor” held in Caen, Avranches and La Lucerne in April 2015. The occasion of the conference was the reissuing in facsimile of E. Martineau’s edition of Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des creatures, 1987. Thanks as well to all the participants there and to members of the philosophy department at Idaho State University for discussing this paper with me at one of their Friday colloquia and offering a number of helpful suggestions. 2. Cf. for example, Buckley 1990; Hart 2014; Eagleton 2010; Marion 2012. I had substantially completed this paper before I read Marion’s book. It is a brilliant book, but I continue to think that (1) esse is a viable way to approach God in philosophy, (2) theology can make use of such a philosophy, and (3) no single attribute of God needs to be privileged in a search for ways to know of God. 3. Cf. Kasper 2013, pp. 83-102. Ad Argumenta. Quaestio Special Issues, 2 (2019), 33-55 • 10.1484/m.adarg-eb.5.118594
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Perhaps it would be better to think of God as “a mystery of great light. [...] The mind cannot take it all in. An increase of understanding does not decrease the mystery, for the mystery stems from the inexhaustible abundance of meaning that shines from the mysterious reality”4. We approach the Mystery by various roads such as being, goodness, truth, unity-and-plurality, and beauty. As each road approaches more closely to the Mystery, it becomes indistinct, and finally disappears into the blinding darkness and light of the infinite otherness of God. God, then, is beyond anything we can comprehend, a mystery to which lead all the transcendental qualities of created realities – truth and knowing, oneness-and-plurality, being, beauty, goodness and loving5. Achard’s arguments for the oneness and plurality in God or Thomas Aquinas’ ways to know of the existence of God reach no thing, no-thing, even the greatest and highest thing6. God, like the light of the sun, can be refracted into many colors, and, like the sun, God can be approached from many directions, but in the end, God is God, the Mystery from which comes all else – all that is beautiful, knowable and knowing, self-diffusive goodness, existent, one-and-many. As a result, “for man there are as many ways of approach to God as there are wanderings on the earth or paths to his own heart”7. In what follows, I try to clarify some thoughts I have had as a Christian believer in trying to approach the Mystery that is God. I do so acutely aware of the presumption of the enterprise and my own lack of expertise. I believe that Achard can help in this undertaking, and it is studying him that has prompted these reflections. Achard does not sharply distinguish between theology and philosophy. He approaches God as one-and-many, in a way that affirms that one cannot be thought about apart from a like who is its equal and the equality that exists between then. He also says that God is the beauty, goodness, and generosity in which all beauty, goodness, and generosity participate, thereby expressing clearly the infinite qualitative difference between finite things and the Mystery in which they participate, as well as ways in which experience intimates the presence of plurality in God.
I.2. Speaking of the Trinity A contemporary theologian describes three ways in which theologians formulate statements about the persons of the Trinity. The first 4. Schmitz 2007, p. 250; cf. Rahner 1966, pp. 36-73. 5. For our purposes a transcendental property “is a positive attribute that can be predicated of every” reality. Cf. Clark 2001, pp. 290-291. Here as elsewhere I have used the word “reality” where others might use “being.” On the transcendentals, cf. also Anderson 1997, pp. 45-98. 6. Cf. Schmitz 2007, p. 250; Barron 2015, pp. 17-29. 7. Maritain 1954, p. xi.
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“[...] proceeds by appropriation, that is, by attributing a common Trinitarian operation to one of the persons in a particular way. Appropriation is a conceptual accommodation that is not only legitimate but also most welcome. It is a practice found in the Scriptures themselves which helps a true affinity (convenientia) to become manifest, between what is commonly known of the three persons and what is proper to one person. [...] Its usefulness is real, but remains limited, and merits to be completed by way of other approaches, notably by analogical reflection on the Trinitarian properties of the persons, and by the regulative reflection of a robust negative theology”8.
As will be shown below, all three of these ways of speaking about God are present in Achard’s Trinitarian thinking. The concern of this paper, however, is that Achard undertakes a fourth and bold way of approaching the Trinity. He finds in certain facets of created reality characteristics – most notably unity-in-plurality, or rather, the absence of true unity and so of true plurality – that he argues tell us that the essence of God calls for or even requires a plurality of persons in God. That is, what God is, as known from what creation is, argues for a plurality of persons in God. This is a very bold assertion, but one for which there were historical antecedents.
II. Achard: Unity, Likeness, and Equality as Personal Properties of the Trinity. II.1. From Augustine to Thierry of Chartres Achard’s thinking of unity-and-plurality in finite things and in God derives ultimately from a statement of Augustine’s that was highly influential among some early twelfth-century theologians9. In addition to Augustine’s own writings, it is likely that Thierry of Chartres’s teaching, and perhaps a liturgical text, inspired Achard’s bold speculations. Here there is space only for an extremely brief historical sketch. In De doctrina christiana 1.3.3-5, Augustine distinguished between the things that can be enjoyed and those that should only be used. He then went on to discuss the former. In 1.5.5, Augustine says that it is difficult to find names for the Trinity, but referring to Romans 11:36, he says a good way to do so is to say that the Trinity 8. Durand 2011, p. 374. 9. For the philosophical background and theological history of the argument for the Trinity of persons based on the presence of unity-and-plurality in finite things, cf. Châtillon 1974, pp. 337370; Albertson 2012; Albertson 2014; Massie 2008, pp. 1-18. Iryna Lystopad called my attention to Massie’s article, and it has prompted me to expand and improve this paper, and did the discovery of Châtillon’s study. All of Achard’s writings are available in English in Acardus a Sancto Victore, Works, tr. Feiss, though in this paper I have translated them afresh.
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is one God, from whom (ex quo) all things proceed, and through (per quem) and in whom (in quo) all things exist, a text that connects with Romans 1:20 regarding knowing of the invisible things of God through what God has made10. Then Augustine declares: “In the Father unity, in the Son equality, in the Holy Spirit the concord of unity and equality, and these three are all one because of the Father, all equal because of the Son, and all connected because of the Holy Spirit”11. In the De Trinitate 6.10.12, Augustine develops a related triad that looms large in his thought: unity, beauty, and order (unitas, species, ordo), which he connects with Romans 1:20 and 11:3612. The numerical nature of this triad appears in Augustine’s early treatise, De musica 6.17.56: “Number begins through the one, it is beautiful through equality and likeness, and it is one through order.” Everything that is has been made by the One, by means of beauty or Form that is equal to the One, and the One and the Form equal to it are joined by Charity13. Florus of Lyons (ca. 860) inserted Augustine’s De Trinitate I.5.5 into his compilation of Augustinian texts expounding the Epistle to the Romans, but although Florus’ compilation was often copied, Augustine’s triad, unitas, aequalitas and concordia does not seem to have caught the attention of the users of his compilation. However, the triad does appear in the twelfth-century commentaries on Romans by Gilbert de la Porrée, Peter Lombard, and William of Saint-Thierry, all of them written before 115014. Another channel by which the triad unitas, aequalitas, concordia reached the twelfth century could have been the liturgy. The Trinitarian thought of Augustine and Marius Victorinus entered into the liturgical texts and theological writings composed by Alcuin and the office for the Trinity composed by Stephen, bishop of Liège (901-920). These in turn were the building blocks of the late 11th century Office of the Trinity at Cluny in which there is a variation of the triad that is of concern here: aeternitas, aequalitas, connexio15. However, the substitu10. Châtillon 1974, p. 342. 11. Augustinus, De doctrina christiana, 1.5.5, ed. Martin, p. 9, ll. 15-18: “In patre unitas, in filio aequalitas, in spiritu sancto unitatis aequalitatisque concordia, et tria haec unum omnia propter patrem, aequalia omnia propter filium, connexa omnia propter spiritum sanctum”. Châtillon 1974, p. 342 and Albertson 2014, p. 79 observe that Augustine never mentioned this triad again. Jean Châtillon notes that in twelfth-century citations of this sententia concordia was often replaced by connexio (cf. Galterus a Sancto Victore, Sermones ineditos triginta sex, Sermo 5.5, ed. Châtillon, pp. 43-44, ll. 102-121). Albertson 2012, p. 103 says that “this minor amendment [...] drew attention to the implicit arithmetical link between unity and equality”. Cf. Châtillon 1974, pp. 356-357. 12. Cf. Augustinus, De Trinitate, 6.10.12, ed. Mountain / Gloire, pp. 242-243. 13. Cf. Châtillon 1974, pp. 342-343, who cites Augustinus, De musica, PL 32, col. 1119. 14. Cf. Châtillon 1974, pp. 344-354. 15. This triad occurs in an antiphon: “In patre manet aeternitas in filio aequalitas in spiritu sancto aeternitatis aequalitatisque connexio”. This antiphonals appears at least 36 times and is found in over thirty manuscripts including several very earlier antiphonals: cf. Bernardus Iterius, Compendium antiphonarii ad usum Sancti Martialis Lemovicensis, Ms. Paris, BnF Lat. 1085, f. 70v, f. 72r; Anonymus (?), Breviarium secundum usum monasterii Cluniacensis, Ms. Paris, BnF Lat. 12601, f.
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tion of aeternitas for unitas obscures the mathematical element and so may not have had much influence on the speculations of Thierry of Chartres and Achard. Nevertheless, Adam of St. Victor refers to Augustine’s text in his sequence on the Trinity: “One virtue, one divinity, one splendor, one light, in one as in the others. The Offspring is equal to the Father; the distinction of each person does not remove that. The connecting Spirit proceeds from both equal to the Father and the Son”16.
Thierry of Chartres (d. 1157), and his students, and with some hesitation, Alan of Lille, considered the triad unity, equality and connection apart from its connection to Romans 11:36. They regarded unity, equality, and connection as personal properties, rather than considering them as appropriations of substantial properties. Meanwhile, in the Sentences 1, d. 26-36, Peter moved to an explicit theory of attribution of essential attributes to the persons of the Trinity that would before long be called “appropriation”17. Achard, who was influenced by Thierry of Chartres, agrees, but went his own way in modifying the triad to unity, the equal of unity, and equality itself18. Be25v; Magister vitae sancti mauri, Antiphonarium ad usum Sancti Mauri Fossatensis, Ms. Paris, BnF Lat. 12044, f. 123v. By the 14th century the antiphon was to be found almost everywhere in Europe. For the manuscripts containing the antiphon and its musical notation cf. http://cantusindex. org/id/003268. Thanks to Dr. Debra Lacoste for help in accessing this excellent database. For this office and antiphon, cf. Feiss 1983, p. 54 (Antiphon 11, Second Nocturn), p. 57 (Antiphon 2, Vespers). 16. Adamus a Sancto Victore, Sequences, ed. Mousseau, pp. 104-105: “Una virtus, unum numen, / unus splendor/ unum lumen, / hoc una quod alia. // Patri proles est aequalis, / nec hoc tollit personalis / amborum distinctio.// Patri compar filioque, / spiritualis ab utroque / procedit connexio”; tr. Mousseau, pp. 94-95 and pp. 98-99 (Adam’s “Qui procedis ab utroque” - 1, 3, 24). 17. Cf. Châtillon 1974, pp. 362-363. 18. Cf. Châtillon 1974, pp. 354-364; Albertson 2012, pp. 107-137, and Albertson 2014, pp. 91-165 study the interpretation of the triad by Thierry of Chartres and his followers, who interpreted the terms of the triad not as essential properties appropriated to the persons, but as personal properties. According to Albertson, Achard of St. Victor seems to have been the last spokesman for this interpretation of the triad until Nicholas of Cusa (d. 1464) discovered it in Thierry of Chartres’ writings. By contrast Peter Lombard says that equality simply indicates that there is no inequality between Father and Son (cf. Petrus Lombardus, Libri IV Sententiarum, lib. I, dist. 31, cap. I, ed. Quaracchi, t. I, p. 191). In Anderson’s interpretation, Richard de Saint-Victor (cf. Ricardus a Sancto Victore, Opuscules théologiques. De tribus personis appropriatis in Trinitate, ed. Ribaillier, pp. 182-186), also thinks that unitas and aequalitas are essential attributes appropriated to the individual persons. As will be seen, I am inclined to disagree with this interpretation of Richard’s text.
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fore seeing how Achard did that, it will be useful to see how he spoke of God by way of appropriation and analogy19. II.2. Achard: Appropriation, Analogy, and Negation Achard is at ease with appropriations of God’s essential attributes to the persons of the Trinity. In Sermon 13, he explicitly states the principle developed by Hugh and Richard of St. Victor: although the works of the Trinity are undivided, certain ones are nevertheless customarily attributed specially to the Father, others specially to the Son, and others specially to the Holy Spirit20. For example, Achard describes how the Trinity builds from itself, but without diminishing itself, multiple houses in the soul. Each house contains seven pillars that participate in essential attributes of God that are appropriated to the three persons. Achard then idiosyncratically attributes power to the Father, anointing to the Son, and Wisdom to the Holy Spirit, love to the Father, delight to the Son, and contemplation to the Holy Spirit21. In Sermon 9 he says that every creature is a likeness of the Father by reason of its existence, a likeness of the Son by its beauty, and a likeness of the Holy Spirit by its useful goodness22. Achard also speaks of the Trinity of persons by way of analogy. In the sermon just cited he speaks of human beings as pre-eminent images of God by their ability to know and to love God, and to embrace him whom they love through implementation of a just life and enjoyment of blessedness. In his short treatise On the Distinction of the Soul, Spirit and Mind, he observes that as in the interior person the spirit connects the soul and the mind, so in the Trinity, the Holy Spirit connects the Father and the Son23. 19. It is admittedly somewhat anachronistic to apply this Aristotelian term to Achard, since the word does not appear in the indexes to his sermons or the De unitate. 20. For example, cf. Hugo a Sancto Victore, De tribus diebus, ed. Poirel; Hugo a Sancto Victore, On the Three Days, tr. Feiss, in Coulter/ Coolman 2010, pp. 28-102 and p. 379, nn. 532-536; Ricardus a Sancto Victore, Opuscules théologiques, ed. Ribaillier, pp. 167-187, the second half of which is about the appropriation of power, wisdom and goodness to the persons of the Trinity. 21. Cf. Acardus a Sancto Victore, Sermons inédits, Sermon 13, 1-4, ed. Châtillon, pp. 134-138; Acardus a Sancto Victore, Works, tr. Feiss, pp. 207-211. I think Achard makes these unusual attributions (e.g., of love to the Father, wisdom to the Holy Spirit) for rhetorical effect. Listeners or readers are expecting the by Achard’s time familiar appropriations for power to the Father, wisdom to the Son, and goodness or benignity to the Holy Spirit, so Achard’s odd variations would have caught their attention. 22. Acardus a Sancto Victore, Sermons inédits. Sermon 9, 4, ed. Châtillon, pp. 105-106; Acardus a Sancto Victore, Works, tr. Feiss, pp. 67-68. 23. Cf. Acardus a Sancto Victore, De discretione animae, spiritus et mentis, §§53-54, ed. Häring. Häring edits the text on pp. 174-191 of his article, Häring 1960; there is a French translation in Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. Martineau, pp. 199-208, and an English one in Acardus a Sanc-
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Achard also acknowledges the limits of human thinking about the mysteries of God. The Trinity is a mystery before which the human mind is almost powerless. He asks, who can know the mode of God’s being in himself ? “Since three persons are there, who will conceive in his mind, much less profess with his mouth, how each of them is in himself, how each is in each of the others ?”24 What follows is an exploration a way in which Achard tries to argue for and conceive of this inconceivable tenet of faith. II.3. Achard: Unity, Equality-to-Unity and Equality/Concord as Personal Properties In the first chapters of De unitate, Achard considers a different sort of property, one that is personal and not essential, but he thinks can be known from the nature of created things; this kind of property is our concern in what follows, and the major concern of this paper. At De unitate 1.37 Achard marks a transition. Looking back over what he has written thus far, he says “the way detailed above finds ‘the invisible things of God’ not through the ‘things that have been made’ (Rom. 1:20) but from that invisible, unique nature, without reference to the things that have been made”. Achard says he will now try another way that leads to the same objective. This way will consider the things that have been made not in the being that they themselves have but in their eternal reasons. This latter study of the rationes of genera, species, and individuals occupies Achard throughout the rest of the treatise. In this second undertaking, I understand Achard to be studying the Word and the rationes found in the Word. These rationes are the required intermediaries between the infinite Unity-in-Plurality and the uni-versum of the finite many (1.2). Achard will consider three sorts of rationes or causes, most notably formal causes. This second undertaking is not the concern in this paper, though it seems essential to Achard’s argument and perhaps to any argument about the connection between God and creatures. At 1.12, Achard gives an outline of what he has done and is going to do. Achard says that from the beginning he proposed this order: first reason would investigate and according to its capacity find that God is, that God is one, what and how great this One is, and the other things that are asked about something. Reason then would proceed to inquire whether the Godhead consists only in unity, or equally in some plurality, though not a substantial one. Now he is going to investigate, with the help of grace, if reason can grasp what we hold firmly by faith: to Victore, Works, tr. Feiss, pp. 357-374. J. Châtillon rebutted Häring’s attribution of this treatise to Gilbert of Poitiers in Châtillon 1964. 24. Acardus a Sancto Victore, Sermons inédits. Sermon 15, 17, éd. Châtillon, pp. 219220; Acardus a Sancto Victore, Works, tr. Feiss, p. 322.
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whether there is in God a personal plurality. This chapter seems to represent an older plan that Achard abandoned. If Achard had followed it, he would have been following in the footsteps of Anselm’s Monologion25, as did his fellow Victorines, Hugh26 and Richard27. However, in De unitate, Achard does not begin with rational arguments for God’s existence, oneness and attributes. In spite of his assertion that he does not begin with “the things that are made”, at the very beginning of De unitate, in 1.1, Achard in a way does just that, by pointing out that there “there is no true plurality in creatures, because there is no true unity. For plurality is nothing else than unity multiplied, and the repetition of the unity corresponds to the size of the plurality. Unless true plurality can be found somewhere, there will be no plurality anywhere”. True plurality cannot exist except where there is true unity, and that can only be in God. Achard devotes the next three paragraphs to three further arguments. The plurality of creatures is very far from the supreme unity. There are two reasons why it cannot inhere in the supreme unity directly. There there is perfect unity, eternal, boundless, and unchangeable. Here there is imperfect plurality, temporal, bounded, and changeable. Thus, there is a double gap to bridge, between there and here and between unity and plurality. There must, then, be a plurality there that coheres in unity and is the cause and exemplar of plurality here28. Moreover, no reality is created or can exist that does not imitate true and supreme unity, though all likeness in creatures to true unity is imperfect. Something is imperfect only in relation to something perfect. Somewhere there must be a full and perfect likeness of that perfect unity. It cannot be in a creature, so it must be in the godhead. Perfect likeness must be between several, and full and complete likeness can only be between equals. Nothing can be equal to the supreme unity that is not where the supreme unity is, that is, in the supreme godhead. Therefore, there is there not only unity but also plurality29. 25. Cf. Anselmus Cantauriensis, Monologion, cap. I-XXVIII, ed. Schmitt, vol. 1, pp. 9-46; Anselmus Cantauriensis, The Major Works, tr. Harrison, pp. 3-45. 26. Cf. Hugo a Sancto Victore, De sacramentis Christianae fidei, 1.3.9-18, ed. Berndt, pp. 77-83. 27. Cf. Ricardus a Sancto Victore, De Trinitate, 1-2, ed. Ribailler, pp. 79-132; Ricardus a Sancto Victore, On the Trinity, tr. Evans, in Coulter/ Coolman 2010, pp. 195-246. 28. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.2, ed. Martineau, p. 70; tr. Acardus a Sancto Victore, Works, tr. Feiss, pp. 379-380. 29. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.3, ed. Martineau, p. 72: “Nulla enim est res etiam creata, sed nec esse potest, quae non in aliquot illam imitetur unitatem veram et summam. Similtudo autem omnis creaturae ad illam secundum aliquid est, et ideo ex parte et imperfecta est. Imperfectum vero non dicitur quid, nisi respectu perfecti a cujus perfectione deficit, et ita subsistit alicubi, ergo in aliquot similitudo est et unitatis illus plena atque perfecta. Quae tamen in creatura, ut dictum est, esse non possit, super creaturam necessario in ipsa divinitate consistit. Similitudo autem nulla, nisi inter plura, nec plenam et secundum totum, nisi inter aequalia. Unitati vero summae nihil potest
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Another argument in favor of this plurality is this. Likeness, since it is one thing, is similar to the one. While other things are similar to the one by participation, likeness cannot participate in itself, but is like the one by a complete and perfect likeness, and so it must equal to the one in everything30. Plurality can be natural, substantial, or accidental. The plurality in God cannot be any of these, so it must be the remaining possibility, that is, a personal plurality. These persons are one nature or substance, and one of them proceeds or exists from another, and from both of these a third. Unity then is a person a se; what is equal to it is from that unity and must be a person; the equality between them is from them both, and must be a person. What differentiates them cannot be what they have in common; what they do not have in common is their origin one from the other(s)31. Achard at this point takes up the properties and names of the three persons. Like Richard of St. Victor’s treatment of the same issues, Achard’s discussion aims to validate Christian theology and terminology32. There are three persons. The number of persons should be an odd number, since odd numbers are not divisible in the way even numbers are divisible into two equal parts. Odd numbers then approximate unity more closely than even numbers do. The relations between the persons differentiate them. Since these are personal beings (vivens et sentiens), “generation” is an appropriate designation for the relation between the one and the one equal to the one. “Proceeding” seems to describe the relation of equality that comes from unity and that which is equal to it and connects them33. Achard’s argument concludes that like Father, Son, and Holy Spirit, unity, whatis-equal-to unity and the equality between them are personal properties, not essential attributes of God appropriated to the three persons. He has argued from esse aequale, quod non sit ubi ipsa est, id est in summa deitate. Ibi ergo non sola unitas, sed et pluralitas” (tr. Feiss in Acardus a Sancto Victore, Works, pp. 380-381). 30. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.4, ed. Martineau, p. 72 (tr. Feiss in Acardus a Sancto Victore, Works, p. 381). Massie comments that Achard does not invoke the category of relation, but one could argue that what distinguishes one, and what-is-like-one and the equality between them is the relations between them. One implies a like to one, and if one and the like to one are infinite they are one being, and they are like by an equality that is identical in being with them. One gives rise to two, and one and two give rise to three and yet they are in some way identical (1 x 1 = 1); this “gives rise” seems very similar to the relations inherent in “begets/generates” and “proceeds”. 31. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.13-16, ed. Martineau, pp. 82-90 (tr. Feiss in Acardus a Sancto Victore, Works, pp. 387-394). 32. Cf. Ricardus a Sancto Victore, De Trinitate, 5-6, ed. Ribailler, pp. 193-266. Like Richard’s arguments, Achard’s arguments seem to become weaker now, but perhaps he could argue, as Anselm did, that in God what is most fitting is necessary. 33. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.17-36, ed. Martineau, pp. 90-106 (tr. Feiss in Acardus a Sancto Victore, Works, pp. 394-406).
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imperfect unity-and-plurality to perfect unity-and-plurality. In thinking about perfect unity, he seems to be thinking about unity in both mathematical and ontological terms. Ontological unity is a property that Thomists would later say, “signifies the inner cohesion of something by which it is constituted an undivided whole”34. Achard’s logic is that “one” leads to the idea and the existence of another equal to one, and the equality between them. Unity and plurality are inseparable in reality as well as in mathematics, or put another way, reality is mathematical. II.4. The Afterlife of Achard’s Argument at St. Victor In the first half a letter to a friend, almost certainly written a decade or more after Achard’s De unitate, and known now as De tribus personis appropriatis35, Richard of St. Victor says he has been asked what he thinks of the opinion (sententia) of St. Augustine that unity is attributed to the Father, equality to the Son, and the concord of them both to the Holy Spirit. Richard is not asked whether these qualities are attributed as personal properties or only merely appropriated to each person, nor does he try to elaborate from them reasons why God is a Trinity. Richard assumes that there are processions in the Trinity, and analyzes Augustine’s sententia in the light of them. “The subsistence [personhood] of the Unbegotten, which is not from another, insofar as it substantially and personally exists, entails or includes no plurality”36. Unity can be attributed as it were especially to the Father (quasi specialiter), since in the Father’s subsistence there is no question of any plurality, because he alone of the three persons has the divine substance as a principle from which the others proceed (secundum, ut sic dicam, principalitatem). The Son is the image of the Father, and not vice versa, and so equality is attributed to the Son and not the Father, whereas the concord of the two is attributed to the Holy Spirit. “Therefore in the Father is the origin of unity, in the Son the emergence of plurality, and in the Holy Spirit the completion of the Trinity”37. If only the Father existed, there would be unity, but not equality; unity in the Son and 34. Clark 2001, p. 61. 35. According to Ribaillier in the introduction to his edition – cf. Ricardus a Sancto Victore, Opuscules théologiques, ed. Ribaillier, p. 175 –, the title is not original; some of the 18 extant manuscripts give separate titles to each part of the letter, but only two of them use the Latin terms for appropriation or to appropriate. Although Richard does not use these words in this treatise, he does use the word in his short text, De spiritu blasphemiae, 6 (cf. Ricardus a Sancto Victore, Opuscules théologiques, ed. Ribaillier, p. 129). In De tribus personis appropriatis, Richard uses both concordia and connexio with reference to the Holy Spirit. 36. Ricardus a Sancto Victore, Opuscules théologiques. De tribus personis appropriatis, I, ed. Ribaillier, p. 182: “Subsistentia Ingeniti, que ab alia aliqua non est, in eo quod substantialiter vel personaliter est, nullam pluralitatem ingerit, nullam pluralitatem concludit”. 37. Ricardus a Sancto Victore, Opuscules théologiques. De tribus personis appropriatis, I, ed. Ribaillier, p. 184: “In Patre origo unitatis, in Filio inchoatio pluralitatis, in Spiritus sancto completio Trinitatis”.
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the Holy Spirit derives from the Father. If only the Son existed, there would be no equality, but if only the Holy Spirit did not exist, there would be equality, but no connection. Connection is attributed to the Holy Spirit because alone of the Three Persons, the Spirit has the same relationship to both Father and Son. The Spirit is connection in the Godhead in a singular way; the Spirit is connection in regard to creatures in a primordial way because whatever connection is found among them is an imitation or likeness of the Holy Spirit. As we have seen, Richard’s purpose in discussing Augustine’s sententia is more limited that Achard’s. Moreover, in spite of the title assigned by two of the eighteen manuscripts to Richard’s letter, in it he never uses the verb “appropriate” or the noun “appropriation”, but is satisfied with the less specific verb “attribute”. Ribaillier concluded that Richard “is posing a question about the legitimacy of appropriations; he asks if the names unitas, equalitas, and concordia can be considered personal properties. [...] Richard is careful to say that unitas is attributed to the Father quasi specialiter, that equalitas is primordialiter in solo unigenito, that connexio omnium is attributed singulariter to the Holy Spirit”38.
Neither Ribaillier nor Richard states whether these are personal properties. Ribaillier is taken to mean that Richard regarded unitas, equalitas, and connexio as appropriations. However, Ribaillier does not seem to say that, nor does Richard seem to mean that. Richard never uses the verb “appropriare” or derivatives of it in the letter, but he does treat these three properties separately from the appropriated essential properties of power, wisdom, and goodness. Moreover, in discussing unity, equality and connection he repeatedly uses the preposition ad and the noun habitudo, relational terms. Further, he draws parallels between the relations between the personal properties begetting, begotten and connection, the personal properties of Father, Son, and Holy Spirit, and unity, equality and concord39. It may also be significant that Richard incorporated only the second half of his letter, the part dealing with power, wisdom, and goodness, in his De trinitate40. 38. Ribaillier, in Ricardus a Sancto Victore, Opuscules théologiques. De tribus personis appropriatis, I, ed. Ribaillier, p. 178: “Or Achard ne distingue pas nettement les appropriations de proprietés sans toutefois les confondre. Richard a bien soin, au contraire, de dire que l’unitas est attribuée au Père quasi specialiter, que l’equalitas est primordialiter in solo unigenito, que la connexio omnium est attribuée singulariter à l’Esprit-Saint”. 39. In Albertson 2014, p. 141, Albertson writes that Richard of St. Victor and other early scholastics lumped Augustine’s mathematical triad “together with Abelard’s triad as two classic instances of appropriated names”. Châtillon, in Châtillon 1974, pp. 363-364 agrees, so my arguments here should be scrutinized carefully. Châtillon, in Châtillon 1974, pp. 364-371 then goes on to show how the theory of appropriations was elaborated by Alan of Lille and Gilbert de la Porrée and those influenced by him, such a Simon of Tournai. 40. Cf. Ricardus a Sancto Victore, De Trinitate, VI, 15, ed. Ribaillier, pp. 247-248.
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Interest at St. Victor in this Augustinian sententia continued after Richard of St. Victor. Maurice, in all likelihood a canon of St. Victor, cites the same sententia in a sermon on the Ascension41. Walter of St. Victor, who was subprior at St. Victor while Richard was prior (1162-1173) and succeeded Richard as prior after the latter’s death in 1173, cites the sententia in a sermon that echoes the Trinitarian theology of his Victorine predecessors: “[1] In the number three and according to the number three one understands to be, to live, and to understand. Through “to be” there is a likeness of the Father, through “to understand” of the Son, and through “to live” of the Holy Spirit. Although these three are common to the three persons, nevertheless they are each referred to a single person, just as are power, wisdom, and goodness, and as are oneness, equality, and concord. Hence, “In the Father unity, in the Son equality, and in the Holy Spirit the connecting of unity and equality”. [2] Essence, although it is common to the three persons, nevertheless is properly and distinctly referred to the Father, because as in creatures essence occurs first and other things follows, so the Father is the principle of deity, that is, of the Son and Holy Spirit, without having a principle of Himself. [3] For the same reason, unity refers to the person of the Father, because with him is the origin of all numbers, while he does not have one from whom he is. [4] Power is said of the Father, not because he alone is powerful or more powerful than the Son or the Holy Spirit, but so that he will not seem to be less so. Wisdom and understanding are said of the Son, not because he alone is understanding or more understanding, but so that he will not seem less so. Equality is said of him, because in him occurs the first plurality and the first duality, the second unity as it were, and the first distinction and division, which is done solely and completely to show that he is from the Father alone in such a way he is his equal. [5] Life and goodness or charity are said of the Holy Spirit, not because he alone or more fully possesses them but so that he will not seem to possess them less than the others. The Spirit is called the concord or connection of them both to show that he is from both in such a way that he is consubstantial with each”42. 41. Cf. Magister Mauritius, Sermo III, 4, in Galterus a Sancto Victore et Al., Sermones inediti triginta sex, ed. Châtillon, p. 214, ll. 106-107. The text is also cited in the Victorine Quaestiones in epistolas Pauli, which mention Achard by name (Ps.-Hugo a Sancto Victore, Quaestiones in epistolas Pauli, PL 175, col. 531) and cite the triad in qq. 280-287 (in Ps.-Hugo a Sancto Victore, Quaestiones in epistolas Pauli, PL 175, col. 500-502). 42. Galterus a Sancto Victore, Sermo V, 5, in Galterus a Sancto Victore et Al., Sermones inediti triginta sex, ed. Châtillon, pp. 42-45, ll. 97-122: “Item in tribus vel secundum tria intelligitur, scilicet esse, vivere et intelligere. Per esse aemulatur Patrem, per intelligere Filium, per vivere Spiritum sanctum. Haec enim tria, etsi sint communia tribus personis, tamen singula ad singulas personas referuntur, ut potentia, sapientia, bonitas, unitas, aequalitas, concordia. Unde: ‘In Patre unitas, in Filio aequalitas, in Spiritu sancto unitatis aequalitatisque connexio.’ Essentia, licet tribus personis sit communis, tamen proprie et distincte refertur ad Patrem, hac ratione quia sicut in creaturis essentia prius occurrit, deinde cetera sequuntur, sic Pater principium est deitatis, id est Filii et Spiritus sancti, non habens principium. Eadem ratione unitas ad Patris personam respicit, quia cum ipsa sit origo omnium numerorum, non habet a quo sit. Potentia dicitur Pater, non quia solus sit potens, vel magis quam Filius vel Spiritus sanctus, sed ne minus esse videatur. Sapienta vel intelligentia dicitur Filius, non quia solus vel magis sit intelligens, sed ne minus esse aestimetur. Aequalitas autem
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It is not easy to interpret Walter’s sermon. He begins [1] by seeming to equate the three triads: to be, to live and to understand; power, wisdom, and goodness; unity, equality and connection. These attributes are common to the three persons, but referred individually. However, he then goes on [2] to say that essence is common to the three persons but proprie et distincte referred to the Father, which sounds contradictory to what he said in [1]. [3] He equates the attributes of essence to the Father with the attribution to him of unity insofar he is the principle from which other numbers proceed. [4] Then he discusses the two triads power-wisdomgoodness and unity-equality-connection with reference to each of the Persons of the Trinity. He seems to recognize a difference between the way in which power and wisdom are referred to the Father and Son respectively, and the attribution to the Father of oneness and to the Son of equality. [5] However, he does not seem to differentiate the ways in which goodness and connection are applied to the Spirit. Perhaps Walter’s thinking or his articulation of his thinking or both were muddled. In any case, his sermon, derivative from his Victorine predecessors, shows that Augustine’s sententia was still pondered at St. Victor. 5. Some Conclusions regarding Achard on Unity-and-Plurality What then can be said of Achard’s argument for the existence of unity-and-plurality in God on the basis of Augustine’s sententia? First of all, if he decided not to write the first part of the treatise that he proposed in De unitate 1.12 (that is, if it was not written and then lost), he chose to begin not with the being of God but with plurality and unity in creatures. In that case, Achard is seeking a simpler, more condensed argument than the one he outlined in 1.12, and in doing so he is like Anselm who sought to formulate in the Proslogion a simpler argument than that in his Monologion. However, unlike Anselm, Achard did not focus on being but on unity and plurality. Achard sought the grounds for the imperfect plurality and unity in creation in the perfect unity and plurality of God. God is one essence shared by three persons, who are distinct by the relations of unity, likeness to unity, and equality or connection. Secondly, again in the outline he proposed in 1.12 but did not follow43, Achard proposed to seek, with the help of grace, to see whether reason can comprehend what faith teaches about the presence of a personal plurality in God. He says, ideo dicitur, quia in ipso occurit prima pluralitas et prima dualitas, velut secunda unitas, primaque distinctio vel discretio, quod totum nihil aliud est nisi ut ostendatur esse a solo Patre ita quod est ei aequalis. Vita autem et bonitas dicitur Spiritus Sanctus, vel caritas, non quia solus vel amplius, sed ne minus videatur hoc ceteris personis possidere. Concordia vel connexio dicitur amborum ut ostendatur esse ab utroque, ita quod utrique consubstantialis”. 43. Martineau, in Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. Martineau, p. 56, calls 1.12 “quasiment erratique”.
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seemingly with reference to what he actually did do in 1.1–1144, that he has established by “various and necessary propositions” that there is plurality in God. The necessity of his arguments rests on a number of unstated presuppositions about participation and perfection. It is rational elaboration of something seen with the eyes of faith. His argument takes him from imperfect plurality to the perfect plurality and identity of the Trinity. He will then devote the majority of his treatise to elaborating the mediations by which the Trinity creates the finite universe according to the exemplars that exist in the Word. Thirdly, by arguing from the imperfect to the perfect, from the finite to the infinite, in this argument and those sketched below in the second part of this paper, Achard gives sharp expression to the infinite difference between God and creatures45. Fourthly, Achard began from a Patristic text that occurred in the liturgy of his time and used it to explain a basic Christian doctrine. To this extent, Achard did not sharply or antiseptically divide theology and philosophy46. Fifthly, Achard’s elaboration of the “mathematical Trinity”, of one, equal to one, and connection or equality between them, lived on at St. Victor, although Richard and Walter may not have been as clear as Achard was that the argument concluded to personal properties of Father, Son, and Holy Spirit, distinguishing them by their relations to each other. Sixthly, in elaborating on Augustine’s triad and Thierry of Chartres’ development of a mathematical understanding of the Trinity, Achard may have explored an idea that will come into its own in the twenty-first century. Today, we are learning of the oneness and plurality of the universe and the world through cosmology, astrophysics, and ecology. In various ways, this oneness-in-plurality is amenable to mathematical analysis. The unimaginably vast universe is evolving from a singularity to a complex plurality by laws that can be formulated mathematically47.
III. Other Paths: Beauty, Love and Generosity In De Unitate Achard mentions other characteristics of finite realities that he argues must exist in perfect form in the divine unity-in-plurality. These perfections 44. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. Martineau, p. 80: “Hac igitur ibi variis jam et necessariis inventa assertionibus, sequitur quod nunc propositum est, cujusmodi nature scilicet ipsa sit. [...]”. On “necessariis assertionibus” cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. Martineau, p. 81 n. 3; Albertson 2012, pp. 136-137. 45. Which is not to say that hierarchy is not a part of his outlook, as Iryna Lystopad showed in a paper delivered at the Caen colloquium. 46. Massie 2008, p. 2, says “what he taught was probably in his mind (and in his students’ minds) an indissociable philosophical theology and theological philosophy”. 47. Cf. for example, Gredersen 2003.
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are not simply essential attributes of God appropriated to the individual persons; they are personal properties. Since God necessarily is supreme beauty and love, and supreme beauty and love are not possible except among many, then there must be a plurality of persons in God. Beauty. In the course of his argument for unity and plurality in God, Achard observes that beauty, which in created realities comes from the fitting together and congruence of many, should exist perfectly in the highest beauty. The beauty of each individual creature is less than the beauty that comes from the unity common to many48. However, the beauty of the uncreated is incomparably greater. This indicates that there is plurality-in-unity in God. If, indeed, there is anything that completely corresponds to the highest unity, the beauty of each must be equal and both must coalesce into one. The beauty of their unity would necessarily exceed the beauty of each, if it were not “measureless in both and therefore equal and one and so cannot be greater in both together than in either of them considered by itself ”. An analogy is the wisdom of several human beings which can be one and equal in all and not less in any of them than in all. Therefore, “nothing can be or be thought that is more beautiful or greater than the beauty of the aforesaid unity and of its supreme harmony. It is therefore necessary that it be in God, in fact, that it be God”49. “If it is beauty without measure, without it nothing can be beautiful. [...] It cannot be anywhere except in God, nor can it be anything except God, by whom each beautiful thing is beautiful, and without whom nothing beautiful can exist”50. 48. Achard qualifies this statement with a reference to 1Cor. 6:15: “unless the creature is united with its creator and adhering to him is made one spirit [with his creator]”; Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.5, ed. Martineau, pp. 72-74: “nisi cum creatura suo unitur creatori, et ei adhaerens unus efficitur spiritus”. Cf. Martineau, in Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. Martineau, pp. 73-74, and p. 73 n. 3; Ilkhani 1999, pp. 7277, for Achard’s use of this text that was frequently cited by twelfth-century theologians. St. Thomas Aquinas would also teach that beauty, besides being the result of radiance and integrity (wholeness), arose from “intrinsic order of parts” (proportion or harmony). Cf. Schmitz 2007, pp. 305-307. 49. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.5, ed. Martineau, pp. 73-74. The part of the Latin text cited verbatim is as follows: “ [...] impossibile omnino est, in hac tali congruentia summa unitate illorum perfecta, imparem cuilibet eorum exprimi pulchritudinem. Utriusque enim pulchritudo secundum se totam in unitatem illam alterius concurrit et quodammodo confluit pulchritudini. Unde etiam et illius pulchritudo unitatis singulorum necessario excedet pulchritudinem, nisi quia ipsa in utroque est immensa, et adeo aequalis et una, ut major esse non possit simul in utroque quam in utrolibet eorum considerato per se. [...] Liquet igitur quia pulchirtudine unitatis praefatae et summae illius convenientiae pulchrius nihil vel majus esse, sed nec excogitari potest. Ipsam itaque in Deo esse, sed et Deum esse est necesse”. 50. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.6, ed. Martineau, p. 74: “Si quid autem immensa est pulchritudo, sine eo nihil potest pulchrum esse [...] sed nec alibi quidem, nisi in Deo videlicet, ne aliud nisi Deus ipsa potest esse, a quo pulchrum est quidquid pulchrum est, et sine quo nihil pulchrum esse potest”.
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If God is supremely beautiful, there must be a plurality in God, and that plurality must be personal. The plurality of God must exist among equals; otherwise something in God would not be God. This passage echoes Anselm’s “God is that greater than which nothing can be thought”. More importantly, the passage is evidence of an aesthetic sensibility in Achard, which locates beauty not in simplicity but in the congruent ordering of several things. If there is an equal to the supreme unity (such as this idea of beauty seems to require), their beauty must be identical and supreme in each and in both. Nothing can be thought or be more beautiful than the beauty of the aforesaid unity and its supreme harmony (convenientiae), a term that connotes several things coming together. In short, beauty is from the congruence of several, and God is supremely beautiful, so in God there must be some sort of congruence and plurality that leaves the essential oneness of God intact. That plurality can only be personal. As Achard concludes, “There has been found, joined to the supreme unity, the plurality that we sought earlier, and at the same time, the equality of plurality has also been made manifest. This common, and so to speak, in some way plural unity, such as reason has proven it to be in God, or that perfect beauty of this unity of which we have spoken, or also the full likeness of unity that we have shown, must be of many, and they must be equal, and it itself must also be equal to the same equals [...]”51.
Beauty in God, then, is not itself a personal attribute, but an attribute of the divine essence, an attribute that implies a personal plurality52. Love. At the end of the discussion of beauty in God in De Unitate 1.5, Achard inserts a sentence about love (caritas): “The same reasoning recurs regarding mutual charity, for like the aforesaid unity it can be only in many, and nothing can be conceived by the mind that is better or more delightful than it”53. The logic 51. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.9, ed. Martineau, pp. 78-80; Acardus a Sancto Victore, Works, ed. Feiss, p. 384: “Inventa est itaque cum summa unitate vel etiam in summa unitate quae quaerebatur pluralitas superius, quoque pluralitatis simul ostensa est aequalitas. Unitas enim ista communis sive, ut ita dicam, quodammodo pluralis qualem in Deo comprobavit ratio, sive hujusmodi unitatis perfecta illa de qua praefati sumus pulchritudo, sive etiam plena illa quam praemonstravimus unitatis similitudo, nequit utique esse non plurium, nec eorum certe nisi aequalium, nec nisi eisdem aequalibus ipsa quoque [. . .] aequalis”. 52. Albertson 2016 points out that Achard is more explicit than Cusanus in deriving from Thierry of Chartres a theology of beauty. For Achard, divine equality harmonizes plurality and unity and “so generates infinite beauty”. Achard develops a harmonic reading of Thierry, whereas Cusanus was inclined to a geometric one. For more on beauty and number in Achard’s treatise, cf. Albertson 2018. 53. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.5, ed. Martineau, p. 74: “Eadem autem et circa mutuam caritatem occurrit ratio; ipsa enim ut unitas praedicta nequit esse nisi in pluribus, nec ea melius aliquid mente concipi potest sive jucundius”.
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of this is clear: (1) charity can only occur among many; (2) nothing can be conceived that is better than charity, (3) therefore charity is in God, (4), and therefore there is plurality in God. This same argument occurs in a crucial passage in Richard of St. Victor’s De Trinitate, in which he argues the proposition “from the proper character of love the fullness of goodness proves that in the true godhead there cannot be wanting a plurality of persons”: “We have learned from what was said above that in that supreme and universally perfect good there is the fullness and perfection of all goodness. Where, however, there is the fullness of all goodness, true and supreme charity cannot be wanting. Nothing is better than charity, nothing more perfect than charity. No one can properly be said to have charity on the basis of a private and self-directed love of himself. Therefore it is necessary that love tend to another for it to be charity. When a plurality of persons is lacking, charity cannot be there in any way”54.
Richard goes on to argue that the nature of charity requires that there be in God a lover, a beloved, and a jointly loved (condilectus). These are personal properties, relations by which the three persons of the Trinity are distinct. Generosity. In arguing that everything here in the created world must also have been there in God from eternity, Achard declares that God has to know from eternity everything he does and makes, otherwise there would be change in God. This is the occasion for Achard to say, “God’s generosity cannot arise from the existence of things, but rather the existence of things must have its cause is God’s generosity”55. Achard’s point here concerns the eternal causes of things, and hence the relationship between Creator and creatures. The generosity in question is that involved in creation, in which the Creator freely deigns to give existence to finite things. It is generosity ad extra. It does not and cannot involve God’s total communication of his divinity. 54. Ricardus a Sancto Victore, De Trinitate, 3, ed. Ribailler, p. 132 and p. 136: [Titulus] “Quomodo ex caritatis proprietate plenitudo bonitatis convincit quod in vera divinitate personarum pluralitas deesse non possit. – Didicimus ex superioribus quod in illo summo bono universaliterque perfecto sit totius bonitatis plenitudo atque perfectio. Ubi autem totius bonitatis plenitudo est, vera et summa caritas deesse non potest. Nichil enim caritate melius, nichil caritate perfectius. Nullus autem pro privato et proprio sui ipsius amore dicitur proprie caritatem habere. Oportet itaque ut amor in alterum tendat ut caritas esse queat. Ubi ergo pluralitas personarum deest, caritas omnino esse non potest”. The italicized words are from Gregorius Magnus, Homiliae in Evangelia, I.17.1, ed. Étaix / Morel / Judic, pp. 364-365 and n. 2. Cf. Evans, in Coulter / Coolman 2010, p. 369, nn. 193-194. The Victorines do not usually distinguish amor and caritas, but here Richard deliberately does so. 55. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.42, ed. Martineau, p. 114: “Non enim Dei indulgentia a rerum surgere potest existentia, sed magis rerum existentiam causam habere oportet Dei indulgentiam”.
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Nevertheless, Achard could have developed his thoughts about generosity into an argument for a personal plurality in God. There is among finite beings, at least the human ones, generosity of one to another in varying degrees of perfection, but never to the point of total self-giving. So, somewhere perfect generosity must exist in which this imperfect generosity participates. The generosity of God that is manifest in the continuing act of creation56, and the generosity of human beings toward each other, are then rooted in divine generosity ad intra, in the self-giving goodness of the persons of the Trinity one to another.
IV. Conclusion What Achard offers in De unitate is, I think, some careful reflections and reasoned arguments in support of a basic intuition: the plurality-in-unity, goodness, beauty and generosity that exist is this world point to – even require – transcendent and perfect plurality-in-unity, goodness, beauty and generosity, which though they are essentially one must be personally three, because unity, the supreme goodness and generosity of caritas, and the supreme beauty of concord among several, are unthinkable apart from a plurality that can only be personal. In this first part of his treatise, the notion of being is not addressed. Unity and plurality are privileged, beauty is a key theme, goodness and mentioned in passing57. Unity and plurality in concord are, in Achard’s aesthetics, the foundations of beauty. Perfect goodness is possible only where there is charity, love of another58. It seems that one could start with any of these – beauty, goodness (expressed in love), or generosity – and arrive at the place where each is perfect and perfectly one in nature and multiple in persons. Richard of St. Victor distinguished six levels of knowing and their objects in his treatise De contemplatione (Benjamin major). In the fifth level, one reached the oneness of God, which is beyond reason but not obviously contrary to it. In the sixth level, one reached the Trinity, which is beyond reason and seemingly contradictory to reason. In any of these levels, but especially in the last two levels, one could be rapt into ecstasy by an excess of wonder, joy, or exultation. 56. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 2.21, ed. Martineau, pp. 192-194. 57. Achard considers truth, another of the transcendetals, with reference to the causal reasons for whatever truth is attainable in this world. 58. The truths of things originate in uncreated wisdom and come to expression in created knowers. For this to occur, there must be causal reasons: final, efficient and formal. Achard explores these in the De unitate from 1.38 to the end, where the manuscript breaks off. Human knowledge of the truth is also a participation in the divine truth. Achard’s exploration of these eternal causes seems to be key to his understanding of participation, which is the presupposition of all the arguments we have discussed.
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In composing his Itinerarium mentis in Deum, St. Bonaventure drew heavily on Richard’s treatise On Contemplation. In Books 5 and 6, which correspond to the fifth and sixth stages of Richard’s analysis of contemplation, Bonaventure contemplates the divine unity through its primary name, which is being, and the divine trinity through its primary name, which is goodness. He writes, “After considering the essential attributes of God, the eye of our mind should be raised to look upon the most blessed Trinity. [...] See, then, and observe that the highest good is without qualification that than which no greater can be thought. [...] It cannot be thought of unless as one and three. For the good is said to be self-diffusive. [...] But the greatest self-diffusion cannot exist unless it is actual and intrinsic, substantial and hypostatic [...] so that there would be a beloved and a co-beloved”59. However, instead of following Richard who made ecstasy a mode of contemplation that could occur in any of the six levels, Bonaventure puts it beyond the fifth and sixth levels. In this seventh level intellect is left behind, and affection passes over totally into God in ecstasy. “There”, Bonaventure says, quoting Pseudo-Dionysius’ Mystical Theology, “new, absolute, and unchangeable mysteries of theology are hidden in the superluminous darkness of a silence teaching secretly in the utmost obscurity which is supermanifest, a darkness which is super-resplendent”60. This is where, I think, thinking about one’s experience of unity and plurality, goodness, beauty, and generosity leads, and where Achard himself leads us. He says at the end of his sermon on St. Augustine: “Above all these regions of likeness is the region of the supreme and uncreated Trinity, where likeness is equality itself, and equality is unity itself. May the divine Majesty triune and one, lead us to contemplate that unity”61. It is a unity-in-trinity, to which created beauty, goodness and being lead, and in which beauty, goodness and being are one in essence but personally three. It is a resplendent darkness.
Bibliography Sources Acardus a Sancto Victore, De discretione animae, spiritus et mentis, ed. N. Häring, in Häring 1960, pp. 174-191. 59. Bonaventura A Bagnorea, Itinerarium mentis in Deum, 6.1-2, ed. B.A.C., vol. 1, p. 620: “Post considerationem essentialium elevandus est oculus intelligentiae ad contuitionem beatissimae Trinitatis [...]. Vide igitur et attende, quoniam optimum quod simpliciter est quo nihil melius cogitari potest [...] sic est, quod non potest recte cogitari, quin cogitetur trinum et unum”; Bonaventua a Bagnorea, The Soul’s Journey into God, tr. Cousins, pp. 102-103. 60. Bonaventura a Bagnorea, Itinerarium mentis in Deum, 7.5, ed. B.A.C., vol. 1, p. 530; Bonaventura a Bagnorea, The Soul’s Journey into God, tr. Cousins, p. 114. 61. Acardus a Sancto Victore, Sermons inédits, Sermon 9, 6, éd. Châtillon, p. 107; Acardus a Sancto Victore, Works, tr. Feiss, p. 107.
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Hugh Feiss
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Abstract: In De unitate Dei et pluralitate creaturarum Achard of St. Victor offers a quasi-mathematical argument from the unity and plurality of creatures to plurality in the one God. He sketches other arguments that begin from beauty, love (developed at length by Richard of St. Victor in his De trinitate), and generosity known in created things to personal plurality in God. Each of these arguments is a way that leads into the Mystery from which all things drive their being, beauty and goodness. This suggests that one need not make one or the other transcendental quality primordial, but may see them all as facets of a Mystery. This article looks at Achard’s mathematical argument in detail and looks at references to it in other Victorine authors. Achard shows unusual confidence in human reason, approaches God from novel starting points, emphasizes the infinite difference between God and created things, and invites us to think about God and thinking about God in new ways. Keywords: Mystery, Transcendentals, Plurality and Unity, Love, Generosity, Beauty, Augustine, Adam of St. Victor, Richard of St. Victor, Walter of St. Victor, Appropriation.
Hugh Feiss, OSB, Monastery of the Ascension, 541 E 100 S, Jerome, ID 83338 USA [email protected]
Pascal Massie
Métaphysique de la pluralité première*
A parcourir les anthologies et les traités d’histoire de la philosophie médiévale on peut constater que l’Ecole de Saint Victor n’y est mentionnée que brièvement (si même il en est fait mention) et lorsque le nom de cette école apparait, ce sont surtout Richard et Hughes qui y sont reconnus, ce qui laisse Achard dans une obscurité complète1. Achard, qui mourut en 1171, est resté un inconnu pendant plus de huit siècles. Mais la situation a changé vers la fin du vingtième siècle et tout s’est accéléré. Cela a commencé par le travail de pionnier de Jean Châtillon qui fut le premier à identifier l’auteur du De unitate Dei et pluralitate creaturarum dans les années soixante-dix, puis l’édition du Tractatus d’Achard par Emmanuel Martineau en 1986, la publication de La philosophie de la création chez Achard de Saint Victor de Mohammad Ilkhani en 1999, et la traduction en anglais de l’œuvre d’Achard par Hugh Feiss en 20012. Les conditions matérielles pour une investigation de la pensée d’Achard sont maintenant réunies et avec elles, l’étude d’un tournant, ou peut-être d’une possibilité ignorée de l’histoire de la pensée occidentale est ouverte. L’œuvre qui nous concerne, le De l’unité de Dieu et la pluralité des créatures, est composée de deux traités. Le premier (en cinquante chapitres) cherche principalement à identifier une « vraie pluralité » c’est-à-dire une pluralité non substantielle qui serait compatible avec une unité vraie. Le second traité (en vingt et un chapitres) cherche à dériver la pluralité des créatures de la pluralité des raisons et * Cet essai est adapté de Massie 2008. 1. Par exemple la History of Philosophy de F. Copleston, qui reste une œuvre influente, ne reconnait pas l’école de Saint Victor dans son traitement de la pensée occidentale du XIIème siècle ; cf. Copleston 1993, vol. II, pp. 175-182. Des travaux plus spécialisés tels que Dronke 1988 reconnaissent l’importance de Saint Victor mais ignorent Achard. Même un ouvrage tel que Longere 1991 ne mentionne Achard qu’un passant. 2. Cf. successivement Châtillon 1969; Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. Martineau; Ilkhani 1999. Cf. Acardus a Sancto Victore, Works, tr. Feiss. Ad Argumenta. Quaestio Special Issues, 2 (2019), 57-82 • 10.1484/m.adarg-eb.5.118595
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vérités en Dieu. Mais en fait, comme Martineau l’observe (après Jean Ribaillier), le traité recèle d’autres articulations3. Dans le titre même, De unitate Dei et pluralitate creaturarum, c’est la conjonction et, c’est-à-dire le lien de l’unité et la pluralité, de Dieu et des créatures, qui indique l’objet principal de la pensée d’Achard. Comment relier unité et pluralité, la simplicité divine et la pluralité créaturelle quand il semble que chaque terme s’oppose à l’autre ? La thèse d’Achard est que l’unicité, si elle est proprement absolue, contient en elle-même la multiplicité. Il est possible de procéder de l’unité divine à la pluralité des créatures si l’on peut démontrer que l’unité divine est compatible avec une pluralité primordiale. L’opposition de l’unité et de la pluralité ne peut être surmontée tant que l’on oppose une unité située Là-bas (‘au plus haut des cieux’) à une pluralité que l’on constate Ici. La pluralité doit déjà être contenue Là-bas. S’il en est ainsi, la multiplicité des créatures n’est pas seulement le résultat d’un acte de création externe ; bien au contraire, la diversité (et donc la multiplicité et la différence) ont leur source dans ‘l’unité vraie’ pour autant que cette unité ne contredit pas la pluralité mais la contient. La question qui concerne la De unitate appartient à une tradition longue et complexe. Héritée en grande part de Boèce, l’investigation concernant le statut ontologique de l’unité et de la pluralité occupe une place centrale dans la pensée théologico-philosophique du douzième siècle. Implicitement ou explicitement, elle se trouve au cœur des débats sur le statut des universels et le ‘principe d’individuation.’ Ces questions n’ont jamais été affaire de ‘pure’ logique dénuée de portée ontologique ou théologique. En particulier, Achard ne peut séparer la question de l’unité et de la pluralité du problème de la Trinité. Et pourtant il n’indique nulle part le point où son argument abandonne le domaine de la ‘raison naturelle’ pour entrer dans la sphère de la foi. Achard ne semble pas concerné par ces questions spéculatives concernant la place de son investigation en relation aux arts et à leurs divisions. Ce qu’il enseigne était probablement pour lui (et pour ses élèves) une philosophie théologique et une théologie philosophique4. Et pourtant, il est significatif que la discussion de la Trinité ne commence qu’au chapitre 12 du premier traité et s’achève au chapitre 36 ; ce qui veut dire que le problème de doctrine théologique n’occupe qu’un sixième de la totalité du De unitate et ne survient qu’après la discussion métaphysique de la vraie pluralité. En d’autres termes, c’est cette discussion qui mène à la considération de la Trinité et de la pluralité ontique des créatures et non l’inverse. Il est clair que la thèse selon laquelle une vraie pluralité est compatible avec l’unité complète cherche à résoudre le problème de la Trinité et les difficultés qui surgissent avec la doctrine 3. Cf. Martineau, in Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. Martineau, pp. 52-53, note 14. 4. Il est bien connu que la question de la différence entre la philosophie et la théologie est une question persistante du Moyen Âge et qu’au douzième siècle une ligne de démarcation précise ou bien n’était pas établie, ou, si elle était suggérée, n’était pas universellement reconnue.
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d’une création ex nihilo, mais il n’en reste pas moins que le De unitate d’Achard n’est ni un autre Tractatus de Sanctissima Trinitate ni une enquête sur la création5. Cela ne veut pas dire que ces questions ne motivent pas la pensée d’Achard, mais bien plutôt que la solution qu’il suggère doit être recherchée au cœur de la question ontologique de l’unité et de la pluralité. Comme d’autres penseurs de son temps, Achard se trouve à la confluence de deux traditions : le Néoplatonisme et la Christianité6. Cette confluence a eu lieu bien avant Achard, en particulier, dans l’œuvre du Pseudo-Denys l’Aréopagite et sa réception par Érigène. Une thèse fondamentale du Néoplatonisme est que l’unité (l’Un) constitue la fondation et la source de la pluralité différentiée. Plotin et Proclus (en dépit de leurs explications divergentes de l’émanation) conçoivent l’unité de l’Un sous la forme de l’‘autark’ qui demeure en soi et génère l’être dans sa totalité. Comme le déclare Plotin : « l’Un est avant le quelque chose »7. En tant que tel, l’Un est l’au-delà absolu ; il exclut la multiplicité et la disparité. L’un n’est pas même ‘quelque chose’, il reste libre, pur et imperturbable, seul, en soi et par soi. L’Un est l’expression de la différence absolue et de la transcendance. Pour paraphraser Werner Beierwaltes : la négation de l’être, de la forme, de quelque chose, de la relation et de la pensée ne peut désigner un vide pur et simple mais signifie au contraire la plénitude de l’Un identique avec le Bien8. Cela conduit à plusieurs difficultés : comment l’Un, qui est sans relation, peut-il se transmettre à la multitude subséquente des êtres ? Comment l’Un peut-il abandonner son excellence pour sombrer dans la relationalité, la différence, la contingence et la mortalité tout en demeurant lui-même ? La théologie Chrétienne, elle aussi, était engagée dans une quête similaire, bien qu’elle la poursuivît à travers la relation entre l’unité et la Trinité. La triple-unité est le nom d’un mystère semblable à certains égards à celui de l’incarnation. En tant que tel, l’incompréhensibilité de la tripleunité ne sera jamais complètement levée pour faire place à la transparence ou l’évidence intuitive. Cependant, faire l’effort de rechercher une représentation conceptuelle de ce mystère paraissait nécessaire pour rendre la croyance en la Trinité intelligible et communicable, du moins, jusqu’à un certain point9. Mais la difficulté centrale est que dans une triple-unité la pluralité et l’unité doivent coexister. C’est là une des questions que les penseurs du douzième siècle cherchaient particulièrement à résoudre. 5. Ceci constitue à mon avis la limitation principale de J. Bligh (à ma connaissance un des premiers commentateurs anglophones qui mentionne et cite Achard). Bligh affirme qu’Achard est une source probable de la doctrine trinitaire de Richard de Saint Victor (sur ce point, je pense qu’il a raison) ; mais il ne semble pas apercevoir la différence fondamentale entre un traité médiéval typique sur la Trinité et le projet métaphysique d’Achard. Cf. Bligh 1960. 6. Cf. Beierwaltes 1994. 7. Plotinus, Ennéades, V, 3, 12, 52. 8. Cf. Beierwaltes 1994, p. 212. 9. Cf. Beierwaltes 1994, p. 209.
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A cet égard, le but d’Achard est d’établir que la Trinité est une vraie pluralité, ce qu’il se propose de faire au moyen d’arguments philosophiques plutôt qu’en ayant recours à la dogmatique. « Maintenant donc, il nous reste à chercher si, avec le secours de la grâce, il est possible de saisir également par la raison ce que nous tenons – et qu’il faut tenir fermement – par la foi même si nulle raison ne comprend qu’il en soit ainsi, à savoir qu’il existe en Dieu une pluralité personnelle »10. Rappelons brièvement le problème : S’il y a Trinité, cela signifie-t-il qu’il y a différence et multiplicité en Dieu ? Si la réponse est affirmative, cela n’est-il pas contradictoire avec la doctrine de l’unité de la substance divine ? De plus, cette pluralité est-elle accidentelle ou personnelle ? Si elle est personnelle, est-elle modale (de modo) ? Pour entendre cette dernière question, il faut se rappeler que mode (modus) désigne une façon, une manière d’être. Un seul et même être peut exister de différentes manières. Si la réponse est à nouveau affirmative (c’est-à-dire, si l’on tient que la distinction des personnes dans la triple-unité est une affaire de modalité) quel est donc le statut ontologique de ces modes ? Si l’on répond qu’ils sont fondés dans une différence de propriété, on doit alors définir ce qu’est une propriété dans le cas de Dieu puis expliquer en quel sens une propriété peut déterminer une personne. Si, d’un autre côté, on déclare qu’il n’y a pas de distinctions en Dieu, comment peut-on parler de plusieurs personnes ? Devrait-on plutôt interpréter la Trinité comme une différence qui n’existe que du point de vue des créatures ? Mais en ce cas, elle ne saurait être une vraie pluralité. On le voit, chaque branche du dilemme nous renvoie vers d’autres difficultés et nous jette dans un labyrinthe abyssal. Achard offre non seulement une série de réponses spécifiques à ces questions mais, en distinguant trois types de pluralités – la pluralité des personnes, des propriétés et des raisons éternelles11 – qui s’appliquent uniquement à la substance divine, il se propose de dériver la pluralité des entités créées de la vraie pluralité primaire en Dieu en interprétant la première comme une « imitation » ou « image » de la seconde. Le problème concerne donc non seulement la doctrine théologique de la Trinité mais aussi la pluralité des entités créées dans sa relation à la pluralité divine. Si la différence entre les créatures ne peut venir d’elles-mêmes, il doit y avoir en Dieu un prototype immuable ou une série d’archétypes auxquels cette pluralité renvoie. Par conséquent, l’unité et la pluralité des créatures existent pour autant qu’elles ressemblent à l’unité et à la pluralité en Dieu. 10. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.12, ed. Martineau, p. 81. 11. Les « raisons éternelles » sont plus communément appelées « idées divines ». Ces raisons fournissent une fondation et un archétype pour tout ce qui existe dans le monde, bien qu’Achard distingue les raisons des formes éternelles. L’expression de « raisons éternelles » suggère d’emblée que pour Achard (comme nous le verrons dans la troisième partie) l’unicité d’une créature individuelle n’exclut pas qu’elle recèle une pluralité.
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Comment Achard en aboutit-il à ce point et quelles sont les implications de cette thèse inhabituelle ? Le but de cet essai est avant tout de démonter l’originalité d’un métaphysicien dont les talents hautement spéculatifs et dialectiques mettent en question notre perception du douzième siècle en général et de l’école de Saint Victor en particulier. Plus précisément, c’est sur la thèse centrale de la métaphysique d’Achard concernant une pluralité primordiale (avec les conséquences qui s’en suivent pour le débat trinitaire et la question de la pluralité des raisons et des causes qui gouvernent l’ordre des créatures) que nous nous concentrerons. Dans un premier temps, nous essayerons de clarifier ce qu’il faut entendre par l’expression de « pluralité vraie », puis nous montrerons comment sa solution dialectique s’applique à la Trinité (deuxième section) et à la pluralité des créatures (troisième section).
I. La pluralité ‘vraie’ Comment, selon Achard, peut-on maintenir l’unité et la pluralité en Dieu étant donné que l’unité absolue ne peut inclure la différence ? L’affirmation d’une pluralité vraie en Dieu est un geste audacieux qui ne s’accorde pas avec l’orthodoxie du douzième siècle où la tendance dominante est d’insister sur les attributs divins d’unité et de simplicité. Si l’on parle de pluralité « en » Dieu, ne risque-t-on pas de renoncer à son unité et, par-là, ne sommes-nous pas en route vers un certain polythéisme ? Ce n’est pas, bien évidemment pas, l’intention d’Achard. Il lui faut donc construire un concept de pluralité qui n’est ni substantiel (il n’y a pas trois dieux, il n’y en a qu’un), ni modal (cette pluralité n’est pas une ‘modulation’ ou variation d’un seul être). Une ‘personne’ divine ne doit être ni une substance séparée, ni un mode de la substance divine. La pluralité se dit de plusieurs façons. Parmi cette pluralité de pluralités, la Trinité est prééminente puisqu’elle est le paradigme et la fondation des deux autres (à savoir, celle des raisons éternelles et celle des êtres crées). Pour rendre l’originalité de la pensée d’Achard plus tangible, il convient de comparer brièvement sa solution à celles d’Augustin et de Boèce qui, au douzième siècle, constituent la source principale des spéculations théologiques et philosophiques sur ce sujet. Achard conçoit la pluralité comme unité multiple (multiplicata unitas). Là où il y a pluralité, l’unité est multipliée de sorte que la magnitude d’une pluralité dépend de la multiplication de l’unité. « La pluralité, en effet, n’est rien d’autre que l’unité multipliée ou l’unité répétée autant de fois que la pluralité elle-même est grande, et, à moins que l’on ne puisse découvrir quelque part de pluralité vraie, il n’y aura pas de pluralité du tout »12. Mais cette définition de la 12. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.1, ed. Martineau, p. 71.
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pluralité est générale et elle doit être spécifiée selon qu’elle se rencontre Ici (parmi les créatures) ou Là-bas (en Dieu). La vraie pluralité (celle qui règne ‘Là-bas’) est la répétition de l’unité vraie et constitue l’unité de la pluralité. En ce sens, la vraie pluralité est une ; elle constitue l’unité de la pluralité qui existe Là-bas et le modèle de son image Ici. Toute pluralité doit contenir un terme commun qui constitue l’unité des êtres qui appartiennent à cette pluralité. L’humanité, par exemple, désigne à la fois la pluralité des êtres humains et l’unité de cette pluralité (l’espèce humaine). Cependant une telle pluralité n’est pas vraie parce qu’elle ne répète pas une unité vraie. L’humanité n’a qu’une unité et une pluralité relative. Elisabeth et Jean sont également humains, tandis que leurs attributs accidentels admettent des degrés (l’un d’eux peut être plus jeune ou plus âgé, plus grand ou plus petit que l’autre). Elisabeth et Jean participent également à la forme de l’humanité et rien ne peut faire que l’un soit plus ou moins que l’autre en ce qui concerne leur essence commune. Mais du fait qu’ils partagent une essence commune, il ne s’ensuit pas qu’Elisabeth soit Jean ; l’individuation les différencie. Pour qu’une pluralité soit ‘vraie’, elle doit être fondée en une unité absolue et celle-ci unit substance et attributs. Comme Achard le déclare « il est impossible qu’une pluralité soit ou soit dite au sens propre, sinon dans la mesure où elle est l’unité même de la pluralité, c’est-à-dire la pluralité vraie »13. L’imitation présuppose un modèle et l’imitation de la pluralité présuppose une unité qui accepte la pluralité. Toute autre pluralité qui échoue à s’accorder avec l’unité n’est qu’une image (imitatur) ou une semblance (similitudo) d’une pluralité vraie. Il est essentiel de noter qu’Achard ne procède pas par induction en partant de l’existence Ici de l’unité et de la pluralité pour conclure à l’existence Là-bas d’une vraie unité et d’une vraie pluralité14 ; il ne part pas non plus d’une unité de (ou en) Dieu. Son point de départ est plutôt dans la découverte de l’absence d’une véritable unité et d’une véritable pluralité parmi les créatures. La pluralité temporelle, variable et finie des créatures est bien loin de la plus haute unité qui est éternelle, immuable et incorruptible. L’abîme entre pluralité Ici et unité Làbas conduit Achard à déclarer que « la raison exige qu’au-dessus de cette plurali13. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.1, ed. Martineau, p. 71. 14. A. Combes qui suggère qu’Achard suit une « méthode empirique d’induction » des créatures au créateur. Cf. Combes 1944, p. 198. Sur ce point je suis d’accord avec la remarque de Martineau (cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. Martineau, p. 71, note 1). De plus, le chapitre I.37 (cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.37, ed. Martineau, p. 107) recèle une indication supplémentaire qui montre que même quand Achard considère la pluralité des créatures, il continue à prendre son point de départ dans la pluralité des causes éternelles, plutôt que dans la considération des « choses qui ont été faites », comme nous le montrerons dans la troisième section.
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té-ci [pluralité créaturelle], qui est éloignée de Dieu, il s’en trouve une autre, plus élevée, qui adhère immédiatement (cohaeret immediate) à cette unité suprême, et qui soit, pour ainsi dire, intermédiaire entre cette unité-là et cette pluralité-ci »15. Ce n’est pas sans hésitation qu’Achard emploie le langage de la médiation (et quasi mediata − pour ainsi dire intermédiaire). Cette hésitation n’est pas due au fait que le terme pourrait être compris erronément comme se rapportant à une localisation ou à un rang dans un ordre de dignité (au sens où l’on parle de ce qui est ‘entre’ deux autres choses ou de ce qui possède un degré intermédiaire). Ce n’est pas non plus qu’Achard veut nous faire entendre cette médiation en termes de cause et d’image, mais bien parce que la vraie pluralité ne peut dériver de l’unité à la façon dont un produit dérive de son producteur ou une progéniture descend de ses ancêtres. Une telle pluralité doit en effet « adhérer immédiatement » avec l’unité. On peut donc parler de la vraie pluralité comme d’une pluralité ‘quasi intermédiaire’ si on le comprend comme cause de la pluralité créaturelle. Alors que le terme cohaerere est utilisé pour décrire la coexistence directe et immédiate de l’unité et de la pluralité en Dieu, Achard réserve inhaerere pour décrire la fonction intermédiaire de la pluralité vraie qui permet à la pluralité créée d’adhérer, mais cette fois de façon indirecte et médiée, à l’unité divine16. Il reste encore à comprendre pourquoi la raison demande qu’il en soit ainsi. D’où vient cette exigence ? Après tout, au lieu de poser une pluralité première, il est plus commun (comme Achard lui-même le rappelle) de déclarer que « la raison tout d’abord recherche et découvre, autant qu’elle en a le pouvoir, que Dieu est, qu’il est un, ce que c’est que cet un et combien grand il est »17. Il pourrait sembler que le premier argument répond simplement au besoin de combler ce qui serait autrement une lacune entre l’unité Là-bas et la pluralité Ici. Mais la formulation d’Achard suggère que le besoin de médiation n’existe que par rapport aux créatures. Il n’en reste pas moins, cependant, qu’un argument de ce genre est insuffisant pour établir la pluralité première car même si Dieu n’avait pas créé, une vraie pluralité devrait néanmoins cohérer avec l’unité la plus haute. 15. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.2, ed. Martineau, p. 71. 16. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.2, ed. Martineau, p. 71: « Cette pluralité-ci, grâce à ce qu’elle a de commun avec cette pluralité-là, peut en quelque façon y adhérer, et, par l’intermédiaire de la pluralité, adhérer également à l’unité ». 17. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.12, ed. Martineau, p. 81. “Pluralité première” est une expression de Martineau (in Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. Martineau, p. 83, note 4). Il faut noter que cette citation du chapitre 12 se rencontre dans un passage où Achard rappelle le plan de son œuvre. Il est clair cependant que le plan qu’il annonce ne correspond pas à l’ordre actuel du De unitate qui ne commence pas par une preuve de l’existence de Dieu et ne finit pas par une démonstration de la Trinité. Martineau suggère que nous avons probablement affaire à un chapitre archaïque.
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Le second argument18 suit un trajet complexe et est présenté de façon extrêmement condensée. Les principales étapes du raisonnement peuvent être reconstruites de la façon suivante : a) Tout ce qui est créé imite d’une certaine façon la ressemblance (similitudo) de la plus haute unité. b) Cependant cette ressemblance n’est que relative car elle est partielle et imparfaite. c) L’imparfait se réfère au parfait en deux sens : d’une part, l’imparfait participe au parfait ; de l’autre il le fait d’une manière déficiente. d) Par conséquent, une ressemblance complète et parfaite ne peut avoir lieu dans les créatures mais seulement dans la divinité elle-même. e) Mais là où il y a ressemblance, il y a pluralité, et il n’y a qu’entre égaux que la pluralité complète et totale puisse se réalise. f) Conclusion : « Là-bas, donc, il n’y a pas seulement de l’unité, mais aussi de la pluralité » 19. L’usage de similitudo dans cet argument présente une difficulté majeure20. Dans les propositions (a), (b) et (c), similitudo est la raison de l’unité imparfaite des êtres créés car si Ici chaque créature est une, elle ne l’est qu’en imitant une unité vraie qui n’existe que Là-bas. Dans les propositions (d), (e) et (f ), au contraire, le même terme ne s’applique qu’à Dieu. Donc, en tant que concept relationnel entre Dieu et ses créatures, similitudo constitue le principe de l’unité créaturelle comme approximation de l’unité vraie ; mais en tant qu’elle est opérante en Dieu, similitudo constitue le principe de la pluralité vraie. De plus, cet argument pose une nouvelle relation entre les deux sens de similitudo puisque la seconde relation (la similitudo qui se rencontre en Dieu) constitue un modèle pour la similitudo qui s’applique aux créatures. La difficulté est en partie d’ordre sémantique : il est certain que la notion même de ressemblance présuppose la pluralité, puisqu’elle énonce une relation entre deux termes (‘A ressemble à B’ ou ‘A est à l’image de B’). La ressemblance est dans ce cas une similitude qui suppose la différence. Dire que ‘A ressemble à B’, c’est dire que A n’est pas B, une différence (fût-elle infinitésimale) doit demeurer. En tant que tel, la ‘ressemblance’ est un terme approprié lorsque l’on parle d’un modèle et de sa copie. Ce sens correspond bien avec la façon dont Achard conçoit la relation entre la créature et son créateur. Mais cela ne peut plus être le cas de la simili18. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.3, ed. Martineau, p. 73. 19. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.3, ed. Martineau, p. 73. 20. Martineau traduit similitudo par « être à l’image de » et Feiss par « likeness ».
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tudo au deuxième sens (lorsqu’il s’agit de la vraie pluralité en Dieu) et ce second usage est emphatiquement contrasté avec le premier21. Comment donc peut-on dire – comme dans les propositions (c) et (d) – que la similitudo « réside nécessairement au-dessus de la créature, dans la divinité même » ?22 Ne devrait-elle pas résider entre la créature et la divinité plutôt qu’en la divinité ? Il me semble que la position d’Achard peut être défendue, du moins jusqu’à un certain point, si l’on observe que son argument ne compare pas les imperfections de la créature à la perfection de la divinité (ce qui est en somme assez banal) mais plutôt qu’il compare les imperfections de la ressemblance des créatures à la ressemblance parfaite dans la divinité. En d’autres termes, le principe selon lequel si ‘A’ est une image, il doit exister ‘B’ qui en est l’archétype, s’applique non seulement aux termes créature/divinité, mais aussi procède d’un autre type de similitudo qui lui est ontologiquement antérieur et est établi entre les deux relations subséquentes. Plus précisément, elle a lieu entre la relation qui lie créature et divinité (c) et la similitudo complète et parfaite dans la divinité (d). La répétition de l’unité en Dieu (qui est la source de la vraie pluralité) produit la ressemblance entre égaux. Entre la pluralité Là-bas et la pluralité Ici, entre l’unité Làbas et l’unité Ici, il y a relation de termes mais il y a aussi relation de relations. De même qu’une œuvre d’art ne peut être complètement étrangère à l’artiste mais se rapporte d’une certaine façon à elle, de même les créatures doivent, d’une certaine façon, ressembler à leur créateur. Mais la relativité de cette ressemblance exige qu’une ressemblance absolue existe au-delà et par-delà le monde créé. Cette ressemblance ne peut elle-même être ni une autre créature ni une caractéristique d’un être créé. S’il y avait un troisième terme entre la créature et le créateur, ou bien il serait infini (auquel cas il serait Dieu) ou bien il y aurait deux absolus, ce qui est impossible. « Comme toutes les autres choses sont semblables à celle-ci par quelque participation de la similitude, et lui sont semblables partiellement et non pas en plénitude, la similitude ne peut participer à elle-même mais elle est toute semblable – par une similitude parfaite et pleine – à cette et c’est pourquoi elle lui est en tous points égale » 23. 21. Cela n’est pas totalement impossible en anglais (même si cela semble maintenant quelque peu archaïque). Au XVIIIème siècle l’expression « to take a likeness of something » signifiait faire une esquisse ou peindre un objet alors que « to catch the likeness of something » signifiait comprendre l’essence de quelque chose. Dans le second cas, « likeness » ne désigne pas une représentation qui renvoie à un modèle tout en en différant, mais désigne la chose elle-même en son essence. ( Je remercie Lauryn Mayer – Washington and Jefferson College, PA – de m’avoir fait part de cette observation). 22. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.3, ed. Martineau, p. 73. 23. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.4, ed. Martineau, p. 73 (traduction légèrement modifiée).
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Quand elle s’applique à « des choses qui sont vraiment et totalement égales », similitudo signifie que les termes associés ne peuvent contenir rien de plus (et certainement rien de mois) que l’unité elle-même. En d’autres termes, la pluralité qui se rencontre en Dieu exprime son identité. Dans une vraie pluralité, il reste une distinction, mais une distinction sans différence (le Père est le Fils, qui est le Saint Esprit). Dieu est tout cela et demeure un. La pluralité vraie doit être compatible avec l’unité. Pour concevoir cela, on ne peut plus faire appel au langage platonicien ou néo-platonicien de la participation ou de l’émanation puisque dans la participation ou l’émanation, on ne trouve pas une pluralité de termes égaux en tous points : l’un des termes est toujours ‘plus vrai’ et ‘plus original’ que l’autre. C’est précisément ce qu’Achard veut exclure. Au point où nous avons abouti, il semble donc que tout l’argument dépende de l’hypostase de cette « ressemblance ellemême en tant qu’une chose particulière » (similitudo ipsa cum sit res aliqua una). Lorsque dans le contexte de la pluralité vraie, Achard parle de « choses particulières », il ne peut pas employer cette expression au sens où l’on peut dire que chacune des deux chaussures d’une paire est une chose particulière. Dans ce dernier cas, ‘chacune’ désigne l’élément d’une pluralité qui, lorsqu’il est complété par un autre, forme une unité (une paire de chaussures). Cela signifie plutôt qu’il n’y a rien de plus ou de moins dans chacun de ces termes, ce qui nous permet de conclure que A est B. Cependant la copule est ambiguë. ‘A est B’ ne veut pas toujours dire qu’il n’y a qu’un seul terme (A est la même chose que B, Venus est l’Etoile du soir). Il se peut que ‘A est B’ maintienne une différence, en dépit de ce que le signe d’égalité suggère. Considérons, par exemple, le taux de change entre des devises différentes. Supposons que 5 dollars = 4,50 euros ; nous avons affaire à une identité en vertu du principe selon lequel il n’y a de ressemblance que dans la pluralité (similitudo autem nulla, nisi inter plura), sans quoi on ne pourrait pas obtenir d’égalité entre unité et ressemblance (A = B) mais seulement une tautologie qui rapporterait le même à lui-même (A = A). Une autre ligne d’argument fait appel à la considération de la beauté et emprunte plusieurs éléments à Saint Augustin24. Cependant, il ne s’agit pas, seulement, de proposer une justification supplémentaire en faveur de la même thèse. Quelque chose d’autre est enjeu : la considération de la beauté permet à Achard d’apporter une nouvelle détermination au concept de pluralité primaire et d’introduire un nouveau terme qui se révèlera crucial. Achard souscrit à une conception harmonique de la beauté. Nous percevons la beauté au moyen de la comparaison ; mais la comparaison n’est possible que si l’on possède un ensemble de critères communs. La beauté d’une pluralité résulte de l’accord (convenientia) et de la conformité (congruentia) de ses composants. 24. Il y a là une allusion implicite à la discussion de la beauté suprême dans le De vera religione et le De Trinitate d’Augustin.
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Dans une créature, la beauté de la totalité est supérieure à la beauté de chacune de ses parties. On a donc affaire à la beauté d’une pluralité qui est commune à plusieurs éléments, lorsque ces éléments sont harmonieusement réunis. Cependant, aucun élément particulier ne peut surpasser la beauté de l’unité qui est commune à cette pluralité. Achard emploie un argument ad majorem pour conclure que la beauté d’une pluralité doit aussi exister dans la divinité. Si la plus grande beauté qui puisse être réside dans l’unité d’une pluralité dont chaque membre est infiniment beau, il doit y avoir en Dieu une unité plurielle qui constitue la beauté même. Ici, parmi les créatures, la beauté des unités plurielles surpasse la beauté des termes singuliers qu’elle unie. La beauté d’un arrangement floral, par exemple, excède la beauté de chaque fleur particulière. Là-bas, en Dieu, puisque l’être de chaque terme est infini, sa beauté ne peut être moindre que la beauté de la totalité. C’est cette beauté divine qui est le fondement de la beauté des créatures. « C’est pourquoi, bien qu’il soit impossible que quelque chose soit beau autrement que par une beauté déterminée, elle existe donc en soi, ou bien rien n’est beau ; et même elle ne peut être ailleurs qu’en Dieu, ni être autre chose que Dieu, par qui est beau tout ce qui est beau, et sans qui rien de beau ne peut être » 25.
Qu’elle ait lieu Ici ou Là-bas, la beauté se manifeste comme unité d’une pluralité ; mais puisqu’ici elle résulte de la proportion et de la mesure, elle n’appartient à aucun terme particulier du complexe, c’est l’arrangement du complexe dans sa totalité qui constitue la beauté. Il ne s’agit pas d’une simple répétition de thèmes augustiniens. En plus des concepts d’unité et de ressemblance, Achard vient d’introduire un nouveau terme : l’égalité comme condition de la beauté divine. Là-bas, non seulement les termes qui composent la pluralité vraie sont-ils égaux les uns aux autres (il n’y a ni plus ni moins dans le Père que dans le Fils ou le Saint Esprit), mais l’unité suprême ellemême (Dieu) est égale aux termes qui la composent (il n’y a rien de plus en Dieu qu’il n’y a dans aucune des trois personnes). Pour comprendre cette notion d’égalité, en tant qu’elle est distincte de l’unité et de la ressemblance, il faut poursuivre une autre voie (alia via). Bien que sur ce sujet l’argument d’Achard présente des similarités avec celui que Saint Anselme développe dans le Monologion, Achard suggère une méthode d’investigation qui fait appel à ce qu’il nomme « la nature de l’égalité »26 qui s’écarte de façon significative d’Anselme27. L’égalité établit une relation entre deux termes égaux : 25. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.6, ed. Martineau, p. 75. 26. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.10, ed. Martineau, p. 79. 27. Ilkhani souligne la ressemblance entre Achard et le Monologion I-IV. Il faut noter cependant qu’Ilkhani (qui suit Combes) suggère qu’Achard, comme Anselme, prend son point de départ dans les
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l’unité et la ressemblance restent égales à l’unité. Ce troisième terme se présente comme « ce qui est égal à la plus haute unité » (aliquid unitati summae est aequale). Si quelque chose est égal à la plus haute unité, il ne peut manquer d’être égal à l’égalité elle-même. L’égalité est égale à l’unité, et puisque l’unité suprême est Dieu, l’égalité est également Dieu. Chacune de ces notions est identique aux autres, et cependant chacune préserve sa nature intrinsèque. Il faut à nouveau distinguer Ici et Là-bas. Ici, ‘blanc’ (album) désigne une couleur, mais un cas particulier de blanc n’est pas la blancheur (albendo). Dire que « cette page est blanche » ce n’est pas déclarer que la page, en tant que telle, est identique à la blancheur ; être une page et être blanc ne sont pas la même chose. Là-bas, au contraire, résident l’unité et l’égalité vraies. Il y a une différence entre, d’une part, une relation d’unité et d’égalité et, d’autre part, une relation d’unité substantielle. Ici ce blanc particulier participe à la substance de la blancheur, alors que Là-bas, la relation entre égalité et unité est une affaire d’identité substantielle (la même substance est égale à elle-même sans avoir recours à la participation), même si chaque terme retient une caractéristique spécifique qui n’est pas d’ordre substantiel. « Car ce n’est point en participant, mais en étant ce qu’elles – l’unité et la sagesse – sont elles-mêmes que l’unité est une, et la sagesse est sage »28. La phrase décisive est « existendo ea quae ipsae sunt ». Elle entraîne que la pluralité première dérive de l’identité. La pluralité qui existe Là-bas n’est pas le résultat d’une addition d’autres choses ; elle dérive de l’être lui-même. On pourrait être tenté d’en conclure que la distinction entre les termes de la pluralité primordiale est une distinction d’accidents. Mais en fait, cela nous renverrait précisément au dilemme qu’Achard cherche à éviter. La solution d’Achard consiste plutôt à soutenir que l’égalité n’est pas identique avec l’unité : « si l’égalité est égale à cette unité, c’est bel et bien en demeurant la substance de l’égalité qu’elle lui est égale »29. L’égalité demeure ce qu’elle est parce qu’elle retient sa « substantia equalitatis » qui n’est pas inférieure à la « substantia unitatis ». Pour comprendre cette déclaration, il est utile de considérer différents cas d’égalité. Tout d’abord, Achard suggère l’égalité (impossible) d’un homme et d’une pierre. Ce qui la rend impossible est qu’un des termes devrait cesser d’être ce qu’il est pour devedonnées de la réalité et de l’expérience (cf. Ilkhani 1999, p. 66), une affirmation que je rejette dans le cas d’Achard. La nouveauté de son approche est expressément déclarée deux fois dans la première phrase du chapitre I.10 : cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.10, ed. Martineau, p. 79: « Mais poursuivons cette même recherche sur l’unité en empruntant une autre voie (alia investigentur via), celle de la nature de l’égalité elle-même, et en l’étayant par de nouvelles raisons (aliisque instruentur rationibus) ». C’est donc à l’analyse du concept d’égalité qu’il faut procéder. 28. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.10, ed. Martineau, p. 79 (traduction modifiée). 29. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.11, ed. Martineau, p. 81.
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nir l’autre. Ce serait une métamorphose (la statue de Pygmalion devient femme), mais une métamorphose entraîne la destruction de la forme antérieure et son remplacement par une autre forme30. Dans ce cas, il ne peut donc y avoir d’égalité. Deuxièmement, on peut considérer l’égalité de genre et d’espèce : les êtres humains sont des animaux. Cependant les êtres humains ne sont pas identiques avec les animaux ; il est plus correct de dire qu’ils participent à la substantialité de l’animalité par l’intermédiaire d’un genre commun. Comme Achard le déclare : « l’homme est lui-même d’une certaine façon (modo) animal »31. Les lions sont des animaux et les êtres humains sont des animaux, mais il ne s’en suit pas que les lions soient humains. Une différence modale (la façon d’être un animal dans chaque cas) demeure. Dans ce cas : « l’égalité ne peut exister ou être dite entre plusieurs qu’en vertu d’une certaine modalité »32. Par contraste, « ce n’est pas par participation de l’égalité que l’égalité peut être égale à quelque chose, comme les autres choses qui sont dites égales, mais en existant comme l’égalité même »33. Dans une pluralité vraie, il n’y a ni changement substantiel ni division de genre et d’espèce. Chaque terme garde au contraire son unité substantielle. La source de cet argument se trouve dans l’analyse de la différence et de la similitude (differentia et idem) des créatures que Boèce avait déjà entreprise, bien que la solution avancée par Achard le conduise dans une autre direction. Différences et similitudes existent en vertu de l’altérité qui règne parmi les étants. La nature des étants exige l’altérité : les étants créés n’ont pas de nature commune. En Dieu cependant, l’altérité est exclue et, bien qu’il y ait une pluralité vraie, cette pluralité ne dépend ni de la différence ni de la modalité.
II. Application de la solution dialectique à la question de la Trinité L’introduction de la pluralité dans la déité unique est motivée par la doctrine théologie de la Trinité. Comment un Dieu unique peut-il être trois personnes ? Depuis que Saint Augustin a suggéré que l’âme humaine constitue une image de la divine Trinité, il était d’usage parmi les théologiens médiévaux de rechercher dans l’âme un paradigme analogique. Bien que notre âme contienne une pluralité de facultés,
30. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.11 ed. Martineau, p. 81: « Si l’homme était lui-même pierre, il ne serait pas ce qu’il est, et c’est pourquoi il n’est une pierre en aucune façon ». 31. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.11, ed. Martineau, p. 81 (traduction modifiée). 32. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.11, ed. Martineau, p. 81: « non enim nisi modo aliquo plurium esse potest vel dici aequalitas ». 33. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.10, ed. Martineau, p. 79.
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nous restons une personne34. Pour Achard, cependant, les pouvoirs de l’âme sont des parties en ce que chacune exprime une fonction différente. De cette façon, aucune d’entre elles ne peut représenter l’âme dans sa totalité. Ni la volonté ni l’intellect ne peut constituer une personne per se. Nous ne pouvons appliquer ce paradigme à Dieu car au lieu d’obtenir une pluralité de personnes nous aurions un composite de parties donc aucune n’est une personne. Non seulement la divinité n’est-elle pas composée selon l’ordre des parties ; en fait elle n’est pas composée du tout. La pluralité vraie est la réitération de l’unité vraie. Si chaque terme constitue une personne en soi, c’est parce que chacune (considérée individuellement) est parfaite alors qu’elles sont toutes égales et cette égalité repose sur la substance qui leur est commune à toutes. C’est en vertu de cette substance unique que tout ce qui peut s’attribuer à une personne est également vrai des autres. Pour Augustin, le concept de ‘personne’ détermine une substance en relation à elle-même. Les termes de Père, de Fils et de Saint Esprit sont relatifs. Chacun nomme la même déité en tant qu’elle est appréhendée comme Père, Fils et Saint Esprit. Comme Augustin le remarque, nous devons parler de trois personnes et non de trois Dieux, parce que « il nous faut un mot qui exprime comment on doit penser la Trinité, et ne pas rester silencieux si quelqu’un demande ce que ces trois sont, puisque nous admettons qu’il y en a trois »35. Une difficulté semblable se présente dans l’œuvre de Boèce en ce qu’il y a une tension entre la détermination de la personne dans le Contra Eutychen et la solution qu’il propose dans le De Trinitate. Dans le second texte, en effet, il fait appel à la catégorie de la relation – une thèse qui culminera ultérieurement dans les conclusions divergentes proposées par Roscelin de Compiègne et Gilbert de La Porrée. Dans le Contra Eutychen Boèce définit la personne en termes de substance individuelle rationnelle36. Une telle définition obstrue le sens de la plurali34. Il faut noter cependant que tandis qu’Augustin déclare que lorsque nous reconnaissons dans notre âme la présence d’une certaine trinité – en l’occurrence, l’esprit, sa sagesse et l’amour, où le second procède du premier et le troisième des deux premiers à la fois –, il en conclut que l’analogie permet à notre raison d’acquiescer plus aisément à la Trinité divine. Loin d’être une démonstration de la Trinité, Augustin reconnait que l’analogie échoue à rendre compte du mystère et est plutôt de nature heuristique. Plus fondamental, en ce qui nous concerne, la psychologie ne peut expliquer comment une pluralité de personnes est compatible avec l’unité substantielle (cf. Augustinus, De Trinitate, XV, 42-43, ed. Mountain / Glorie. 35. Augustinus, De Trinitate, VII, 6, ed. Mountain / Glorie. 36. Dans le Contra Eutychen, Boèce démontre que la notion de ‘personne’ ne s’applique qu’à des substances rationnelles. « Nous avons découvert la définition de la ‘personne’ : c’est une substance individuelle de nature rationnelle » (Boethius, Contra Eutychen III, 1-5, ed. Stewart / Rand / Tester). Dans le De Trinitate cependant, le terme n’est presque pas mentionné et la Trinité y est conçue en termes de relations (bien que d’une façon particulière, puisqu’elle ne peut être identique aux termes relationnels – tels que maître et esclave – qu’Aristote utilise pour expliquer la catégorie de relation) : « Père et fils sont des prédicats de relation et, comme nous l’avons dit, n’ont d’autre différence que celle de relation ; mais la relation n’est pas prédiquée en référence à ce à quoi elle est prédiquée, comme si elle était la chose même et objectivement prédiqué d’elle, elle n’impliquera pas une
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té divine puisqu’il semble impliquer que seule une substance particulière (Dieu) est réelle alors que la trinité de personnes ne l’est pas. Si l’on accepte de définir la personne comme une substance rationnelle, ne devrait-on pas conclure, comme Roscelin le fit vers la fin du XIème siècle, que les trois personnes sont des substances séparées, qu’elles constituent trois substances distinctes, comme le seraient trois anges ? Dans une lettre à Abélard, Roscelin argue que « le mot ‘personne’ et le mot ‘substance’ doivent signifier la même chose. Ce n’est que par une habitude de langage que l’on triple les personnes sans tripler les substances... En Dieu, cependant, les mots ‘personne,’ ‘substance’ et ‘essence’ ont absolument la même signification ; ce n’est que par le langage qu’elles diffèrent, par la foi il y a unité »37. Chaque personne ayant sa propre génération survient sur le plan des substances. De cela, Roscelin conclut qu’il y a une pluralité de substances en Dieu. Pour sa part, Gilbert de La Porrée, suivant la conclusion explicite de Boèce dans le De Trinitate (plutôt que l’identification des termes de personne et de substance que le même Boèce avait défendue dans le Contra Eutychen), tente de rendre compte de la pluralité divine au moyen du prédicament de la relation et conclut que cette pluralité est une « notion intellectuelle », une distinction purement rationnelle qui, en tant que telle, n’existe pas dans son objet38. En réaction à ces solutions, Achard met en œuvre une réponse originale. Comment une pluralité pourrait-elle être vraie si elle n’est qu’affaire de distinction rationnelle qui réside dans notre intellect et n’appartient pas à l’être divin ? En tentant d’établir la propriété de chaque personne sans faire appel au prédicament de la relation, Achard s’éloigne de la position tenue par la plupart de ses contemporains et prédécesseurs. Depuis Augustin les théologiens chrétiens avaient tenté d’établir la pluralité trinitaire sans impliquer l’essence divine. La solution la plus commune était de faire appel au prédicament de la relation attribuée de façon non-essentialiste puisqu’une relation n’accroît ni ne diminue son sujet. On peut dire de la même femme qu’elle est fille et mère en reliant le premier terme à ses parents et le second à son enfant et ce faisant, on n’introduit aucune multiplicité ontologique, elle reste la même femme. Le langage de ‘Père et Fils’ suggère une telle solution. Et cependant cette solution n’est pas satisfaisante puisque la relation maintient l’unité substantielle au prix de la pluralité des personnes. Pour Achard (et contrairement à Boèce et Gilbert), la pluralité suprême ne peut être une affaire de distinction intellectuelle ou de relation puisqu’une personne altérité (alteritatem) des choses dont elle est dite mais, si l’on peut dire, [une altérité] qui vise à interpréter ce qui ne peut qu’à peine se comprendre : une altérité de personne » (Boethius, De Trinitate, V, 1. 33-40, ed. Stewart / Rand / Tester, pp. 26-28 ; je souligne). 37. Cité par Picavet 1911, p. 71. 38. Le cas de Gilbert de La Porrée est complexe et cette déclaration reflète l’opinion de ses opposants plutôt que sa pensée. N.M. Häring a démontré que Gilbert considérait le pluriel exprimé par les mots ‘trois’ et ‘personnes’ comme indiquant une pluralité rerum et vocum, et non simplement vocum. Mais ce qu’était cette pluralité demeure obscure. Cf. à ce sujet Häring 1951, en particulier pp. 23-25.
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jouit d’une existence per se et ce qui existe per se ne peut avoir l’être par relation à autre chose. La première étape est de distinguer la déité et Dieu. « En effet, ce nom de déité (deitas) désigne la seule nature, en aucun cas la personnalité, alors que ce nom : ‘Dieu’, désigne non seulement la nature mais encore la personnalité dans la nature, même s’il ne détermine aucune personne de façon distincte »39. La déité n’est donc pas quelqu’un, mais plutôt le nom impersonnel du divin. Parler de Dieu, au contraire, c’est bien parler de quelqu’un, même si l’identité de cet ‘un’ reste indéterminée dans ce nom. Dans une déité, la substance est une. Puisque Dieu est une déité, c’est par cette substance unique que les personnes de Dieu sont égales et tout ce qui peut s’attribuer à l’une peut être attribué aux autres. Puisque le concept de ‘personne’ désigne une substance, il est attribué à toutes les personnes et chacune peut donc être dite une personne par soi. Cependant, c’est seulement dans une substance où la ressemblance est impliquée que l’on peut trouver une pluralité de personnes. Thierry de Chartres avait déjà insisté sur la distinction entre diversité et différence. Deux choses peuvent être diverses sans être différentes. La différence se produit par le genre, l’espèce ou le nombre ; ‘couleur’ et ‘corps’, par exemple, ne sont pas différents, ils sont divers. Transgressant une tradition aristotélicienne qui ne distingue pas entre différence et diversité, nous devrions dire que les accidents sont divers, mais qu’ils ne sont pas différents des substances dans lesquels ils résident parce qu’ils ne sont pas séparés d’elles et ne donnent pas lieu à une différence numérique. Achard s’efforce donc d’établir que tandis qu’une personne est une substance rationnelle, il ne s’ensuit pas que l’unicité personnelle découle de l’unité substantielle. Les personnes divines sont distinctes en vertu de leurs propriétés respectives. Nous devons donc opérer avec trois concepts : l’unité, ce-qui-est-égal-à-l’unité, et l’égalité elle-même (unitas, quod unitati aequale est, aequalitas ipsa) qui désignent une substance unique tandis que chacun de ces termes retient sa propriété spécifique. L’emploi par Achard du terme de ‘propriété’ dans le cas des membres de la Trinité permet une distinction entre les termes alors que chacun d’eux retient la plus grande unité ; il s’agit, si l’on peut dire, de concevoir la distinction sans différence dans l’unité. Comme nous venons de le voir, une personne ne peut être suffisamment déterminée en termes de sa relation à autre chose, mais puisque chaque personne est vraiment unique, il revient à Achard de stipuler l’origine et la cause de chacune. Dans une unité absolue, on « ne rencontre que la seule unité elle-même, il n’y a ni distinction, ni pluralité quelle qu’elle soit, et c’est pourquoi rien ne peut être l’origine ou la cause de l’unité elle-même, si bien qu’elle ne peut absolument 39. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.36, ed. Martineau, p. 105.
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pas être d’un autre qu’elle-même »40. La propriété d’être ‘égal à l’unité’ ne peut venir que de l’unité ; mais dès que l’on pose ce terme, « Là-bas en effet apparaît une certaine distinction première et une pluralité première, c’est-à-dire la dualité, sans laquelle il ne pourrait exister un autre même de l’unité – et ils ne seraient ni ne pourraient être dits en aucune façon des égaux s’ils n’étaient de quelque façon distincts entre eux »41. Cela donne lieu à la dualité de l’unité et ce-qui-est-égalà-l’unité. Finalement, la propriété qui définit l’égalité (et grâce à laquelle le troisième terme est également une personne) tient au fait qu’elle procède de l’unité et de la ressemblance. La substance reste donc une. L’unité, ce-qui-est-égal-à-l’unité et la ressemblance désignent les trois personnes. L’unité est a se ipsa, c’est par elle-même et non par un autre qu’elle est tout ce qu’elle est. Etant sa propre cause, elle est une personne en elle-même. Ce-qui-est-égal-à-l’unité, cependant, n’est pas par soi mais est de l’unité. Donc pour Achard, la distinction des personnes dépend de la ‘propriété singulière’ (proprietas singularis) qui différentie être par soi et être par un autre. Il y a en Dieu trois personnes qui ont une substance commune et sont donc une ; et cependant chacune a sa propriété personnelle par ellemême : unité (première personne), ce-qui-est-égal-à-l’unité (seconde personne) et l’égalité des deux termes précédents (troisième personne). Seules ces trois ont une substance commune, une quatrième personne ne pourrait être chacune de ces personnes et devrait être un être séparé. Mais pourquoi s’arrêter à trois ? Dans les chapitres I.18 à 20, Achard retourne à une batterie d’arguments inspirés par l’Institutio arithmetica de Boèce. Les nombres linéaires peuvent être divisés en pair et impair. Puisque l’impair ne permet pas de division égale mais seulement des inégales il se rapproche en ce sens de la nature de l’unité ; car tandis que les nombres pairs peuvent être divisés par un autre nombre pair ou impair (4 = 2 x 2 ou 4 x 1), l’impair ne peut être divisé en nombre égaux (5 = 4 + 1, 3 +2, 2 +3, 1 + 4). La raison de cette différence est l’unité. C’est l’unité qui empêche la division de l’impair en deux parties égales. Par conséquent, là où réside la plus haute unité, un nombre doit y être établi et l’impair doit y être reçu puisque l’unité est le principe des impairs, tandis que les nombres pairs dérivent de la dualité. Le premier nombre qui se rencontre est trois. Selon la théologie latine, la procession des personnes en Dieu n’est pas linéaire ; la troisième personne de la Trinité procède du Père et du Fils. L’égalité a donc besoin de l’unité et de ce-qui-est-égal-à-l’unité puisque l’égalité nomme une relation entre deux termes. L’égalité est le troisième terme entre l’unité et 40. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.25, ed. Martineau, p. 97 (traduction modifiée). 41. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.26, ed. Martineau, p. 97 (traduction modifiée): « Ibi enim jam aliqualibet prima emergit distinctio atque pluralitas prima, id est dualitas, sine qua ipsum ab unitate non esset alterum, nec aliquatenus essent vel dici possent aequalia, nisi essent a se modo quocumque distincta ».
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ce-qui-est-égal-à-l’unité. Comme Achard le déclare : « la propriété de cette personne [le Saint Esprit] consiste en ce qu’elle-même est commune aux autres ou est la communion des autres »42. C’est l’égalité de l’unité et de ce-qui-est-égalà-l’unité qui connecte ces deux termes. Afin que l’égalité existe comme égalité absolue, les deux termes doivent être consubstantiels (ils doivent avoir la même substance). La formule ‘A = B’ contient trois termes et non deux, ‘A’ représente l’unité, ‘B’ ce-qui-est-égal-à-l’unité, et ‘=’, le troisième terme, indique l’égalité entre A et B. Le troisième terme (‘=’) a une relation substantielle au Père et au Fils et constitue l’unité suprême entre les deux autres personnes. La propriété spécifique de chaque personne établit la pluralité entre elles et rien de plus ne peut être ajouté à cette égalité. En dépit de l’unité substantielle des personnes divines, il reste cependant une distinction qui est fondée sur la propriété respective de chacune. L’unité possède une propriété qui diffère de celle qui caractérise ce-qui-est-égal-à-l’unité. Dans ce contexte, Achard emploie le terme differentia. Mais alors que pour ses prédécesseurs (et même son contemporain Thierry de Chartres), la différence est conçue en termes d’altérité (donc de négation) d’une chose par rapport à une autre (et ultimement en faisant appel à la catégorie de lieu – locus), il est clair que pour Achard differentia, dans la pluralité vraie, est sans altérité. « d’une telle différence dans la manière d’avoir une personnalité sera leur cause. est-ce donc la substance, qui est la même pour les deux, ou une propriété commune quelconque, comme le fait qu’ils produisent par eux-mêmes et pour ainsi dire depuis eux-mêmes (comme on le montrera) l’égalité qu’ils ont entre eux ? Mais ce qui est identique ou commun entre des quelconques n’institue point entre eux de différence ! Aussi est-ce une propriété singulière qui sera la cause, s’il est vrai que l’unité est par soi-même la première personne »43.
Si deux choses ont la même substance, leur pluralité est une question de ‘differentia’ sans altérité. Puisqu’elles sont des personnes, chacune est vivante, sensible et rationnelle. L’égalité entre les personnes établit la pluralité vraie. L’unité, qui est par elle-même, doit être le point de départ. Si l’unité découlait d’un autre, ou bien cet autre serait unité et seule l’unité existerait, ou il y aurait dualité et l’existence du second terme dériverait de la première unité et ne pourrait donc lui être égale. Pour obtenir une pluralité, l’un doit être car une pluralité présuppose l’unité alors que l’inverse n’est pas vrai. Parler de « cinq chevaux » c’est compter cinq fois une unité (un cheval), par contre, là où il n’y a qu’une chose il n’est pas né42. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.36, ed. Martineau, p. 105. 43. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.16, ed. Martineau, p. 91 (traduction modifiée).
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cessaire que cet être unique donne naissance à une pluralité. La propriété d’être égal-à-l’unité, dérive donc de l’unité ; elle émane de la substance même (proflueret substantia). Cette procession constitue la première distinction et par conséquent la première pluralité. S’il n’en était pas ainsi, elle ne dériverait de rien (de nullo) ; mais en ce cas, nous aurions affaire à une créature et non à une personne divine. Il faut donc que ce-qui-est-égal-à-l’unité découle de la substance de l’unité, elle ne peut avoir d’autre fondement. Notons que le langage de la ‘procession’ et de la ‘génération’ (d’usage commun depuis les pères de l’Eglise) est reformulé par Achard en termes d’unité de l’engendrant et de l’engendré (Père et Fils, c’està-dire unité et ce-qui-est-égal-à-l’unité) et est strictement compris dans une problématique de l’égalité ; cela permet à Achard d’éviter une interprétation néoplatonicienne de la Trinité.
III. Pluralité des créatures et individuation Achard offre une synthèse originale des ontologies de Saint Augustin et de Boèce. Dérivant substantia de subsistere, une substance représentait pour Augustin une réalité complexe, déterminée par le fait qu’elle reçoit des attributs. Il s’ensuit que Dieu ne peut être une substance puisqu’il est un être simple ; ses attributs ne sont pas autres que lui-même et le terme ontologique approprié pour Dieu est essence44. Achard admet qu’essentia désigne l’esse simplex alors que substantia indique le mode de subsistance d’un être. Ces termes ne sont cependant pas interchangeables. L’essence, selon Achard, désigne le fondement auquel la forme doit être jointe pour que quelque chose existe. Substantia désigne l’existence concrète ; elle est le mode de subsistance de l’essence. Alors que pour Augustin, il est inapproprié de parler de Dieu comme d’une substance et il convient de limiter ce terme aux étants créés, Achard comprend substantia en un sens créé et en un sens incréé. En vertu de la simplicité de la nature divine, il n’y a en Dieu aucune distinction d’essence, de forme, ou de substance. Pour les choses créées l’essentia est unique et constitue le principe de leur unité, alors que la forme constitue leur être particulier. En distinguant entre une chose en tant que substance individuelle et la forme comme ce qui fait qu’une chose est ce qu’elle est, Achard s’approprie une thèse élaborée par Boèce plusieurs siècles auparavant. Comme Achard applique sa méthode spéculative à la question de la Trinité, il se propose également de l’employer pour rendre compte de la pluralité des créatures. L’objet de l’investigation est différent, mais la méthode demeure la même : 44. Cf. Augustinus, De Trinitate, VII, 9, ed. Mountain / Glorie: « Subsister se dit proprement de ces entités qui sont sujet des attributs qui affectent un sujet ; par exemple la couleur ou la forme d’un corps. Le corps subsiste (subsistit), il est donc une substance (substantia)... Ce sont donc ces entités mobiles et démunies de simplicité qui s’appellent substances ».
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« Le mode précédent, en effet, a découvert les êtres invisibles de Dieu non point tant par les qui ont été faits qu’à partir de l’unique nature invisible elle-même, sans égard pour les qui ont été faits. Quant à ce mode-ci, qui aussi dans les qui ont été faits, c’est pourtant à ceux qui n’ont pas été faits qu’il aura égard en considérant leurs raisons et leurs origines, car il ne les pas tant dans l’être qu’ils ont par eux-mêmes mais bien plutôt là où ils subsistent plus véritablement, à savoir dans leurs causes éternelles »45.
De même que l’altérité est exclue de la pluralité divine, l’unité vraie est exclue de la pluralité créaturelle. Comment donc rapporter l’unité suprême à la pluralité des créatures ? Pour établir une relation entre les deux ordres, Achard introduit un terme intermédiaire : « la raison exige qu’au-dessus de cette pluralité-ci , qui est éloignée de Dieu, il s’en trouve une autre, plus élevée, qui adhère [cohaereat] immédiatement à cette unité suprême, et qui soit, pour ainsi dire, intermédiaire entre cette unité-là et cette pluralité-ci »46. Ce terme intermédiaire doit être entendu « du point de vue de la causalité et de l’image », c’est-àdire qu’il faut « que cette pluralité provienne de cette unité-là et soit cause de cette pluralité-ci mais aussi qu’elle ait quelque chose de commun par la ressemblance, à savoir quelque chose de commun avec l’une et l’autre, avec celle-ci, puisqu’elle est pluralité, avec celle-là puisqu’elle est incréée, immuable, etc. »47. Ce terme intermédiaire ce sont les raisons éternelles48. La pluralité des créatures inhère dans la pluralité des raisons éternelles en ce qu’elles ont de commun avec elles ; par-là, elle est aussi inhérente à l’unité suprême. Cette pluralité est une copie de la vraie pluralité divine ; en ce sens, quoique d’une façon déficiente, elle aussi est une répétition de l’unité. L’unité divine crée les nombres et, par l’intermédiaire des nombres, les créatures. L’argument très condensé d’Achard49 se déploie de la façon suivante : a) Les choses qui existent Ici sont dites exister éternellement Là-bas en vertu de leurs formes et raisons b) afin que deux choses soient distinctes, soit en espèce (un homme et un âne), en individualité (Elisabeth et Jean), ou en parties (un organisme et ses organes), leurs raisons doivent être distinctes ; mais 45. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.37, ed. Martineau, p. 107 (traduction modifiée). 46. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.2, ed. Martineau, p. 71. 47. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.2, ed. Martineau, p. 71. 48. Les raisons éternelles doivent être distinguées des formes éternelles. Une forme éternelle est une première créature et en tant que telle elle subsiste en Dieu, elle est, en quelque sorte un paradigme, un schème pour les créatures. Cependant, la forme, par elle-même, n’explique pas l’existence de la pluralité qui dépend des raisons éternelles. 49. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.3, ed. Martineau, pp. 143-148.
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c) la raison formelle de quoi que ce soit est sa vérité (ratio formalis rei cuiuslibet, ipsius sit veritas) et s’il n’y avait qu’une forme identique pour tous, leur vérité serait sans distinction. d) Par conséquent il y a des raisons et des formes non seulement pour les différences spécifiques mais aussi pour les différences individuelles et celle des parties. Une substance unique est divine, incréée, éternelle, immuable, cause d’ellemême et possède un mode intellectuel d’existence ; les autres sont créées, dépendantes et temporelles. Chacune de ces substances est un être en soi. Les substances du second ordre, cependant, participent aux deux modes d’existence. En tant qu’elles sont comprises par Dieu, elles sont immuables et intemporelles, mais en tant qu’elles existent dans le monde, elles sont muables et variables : « Ces vérités, parce qu’elles sont et sont dites vraies Ici et Là-bas à partir des mêmes vérités, peuvent par conséquent aussi être dites la même vérité Ici et Là-bas numériquement et dans les deux cas essentiellement, quand bien même elles ne sont pas de la même substance Ici et Là-bas »50. Les propositions vraies sont éternelles et immuables et, bien que les étants auxquels elles renvoient n’apparaissent que transitoirement dans ce monde, pour autant qu’elles sont vraies, la variabilité n’appartient pas à leur nature. Ce qui est une fois seulement ne l’en est pas moins pour toujours. Le second type de pluralité qui se trouve en Dieu est celle des raisons éternelles (pluralitas rationum). Ce sont les raisons des choses qui se déploient dans ce monde. Ici nous pouvons distinguer une chose d’une autre parce que Là-bas leurs formes exemplaires sont distinctes. En d’autres termes ces raisons sont les causes et idées des créatures et puisqu’elles appartiennent à la substance divine, elles sont incréées. En un sens, il n’y a, bien sûr, qu’une raison (la sagesse du Verbe), mais d’un autre point de vue, puisqu’il y a Ici une multiplicité d’êtres, chacun a de multiples raisons Là-bas. Chaque chose est créée selon sa propre raison éternelle. Cette pluralité de raisons, cependant, est bien différente de la vraie pluralité puisque ces raisons ne sont pas des personnes divines per se. Nous avons vu que, contrairement à la pluralité vraie de Dieu, la pluralité créaturelle repose sur l’altérité qui se manifeste par les différences substantielles et accidentelles. Le problème est donc de comprendre (a) comment cette multiplicité se rapporte à la pluralité divine et (b) comment elle contribue à l’individuation de chaque être créé. L’essence est l’être simple (esse simplex) qui constitue le fondement sur la base duquel une chose est ce qu’elle est. En tant qu’elle est la partie constitutive de quelque chose, l’essence est une nature simple dans laquelle une forme inhère ou sur laquelle elle repose. Comme Achard l’indique : « chez nous aussi on a parfois coutume d’appeler ‘formes’ tout ce qui existe dans les choses en dehors de leurs 50. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.10, ed. Martineau, p. 167 (traduction modifiée).
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essences simples et, si je puis dire, informes »51. Par exemple, un cheval possède un être simple (son essence) ; il reçoit la forme spécifique de cheval (et non, de mule ou d’âne). Ce cheval-ci, cependant est distinct de celui-là en vertu d’autres formes qui ne modifient cependant pas la forme qu’ils ont en commun. La forme essentielle rend possible l’intelligibilité de l’être : nous savons à quoi nous avons affaire lorsque nous reconnaissons une nature simple ; connaître c’est reconnaître une forme. C’est cette connexion ou liaison de l’essence et de la forme qui constitue proprement la substance. « On ne peut nier qu’il existe également Là-bas, et sur le même mode, les essences mêmes où se trouvent ces formes ; Là-bas, en effet, elles aussi sont intelligées, et elles ne le sont pas seulement dans leur formation active, mais aussi dans la simplicité naturelle qui leur est propre, et par laquelle elles se distinguent de toutes les formes par la privation mêmes de toutes formes »52.
Il faut souligner l’insistance d’Achard sur cette formation active, au sens d’une action divine, qui combine une forme formée et une essence informe (le simple acte d’être quelque chose). Mais une difficulté surgit : puisque la formation active entraine une actualisation dans le temps53, comment peut-on dire que toutes ces choses sont en Dieu lorsque tout ce qui est en Dieu est intellectuel et atemporel ? Achard déclare que les essences sont comprises par Dieu à la fois dans leur nature simple et dans les formes qu’elles reçoivent subséquemment. Puisque, par elle-même, l’essence est dénuée de toutes formes subséquentes, elle ne constitue ni l’individualité ni la particularité d’une chose mais est simplement son fondement. Les formes, cependant, en tant qu’elles reposent en une essence, constituent la particularité d’une substance. Selon Martineau, cette participation active désigne la création ad extra, plutôt que l’opération ad intra de formation éternelle, pour autant que l’on comprenne cette création « de manière tout à fait idéale »54. Il semble cependant que du point de vue de cette section du texte (Achard parle toujours d’ibi et non de hic), il n’est pas nécessaire de poser la distinction ab intra/ab extra puisque, numériquement et formellement, c’est exactement la même 51. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.43, ed. Martineau, p. 115. 52. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.43, ed. Martineau, p. 115. 53. Achard lui-même insiste sur ce point : cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.43, ed. Martineau, p. 115 : « Par conséquent il ne faut pas dire que comme ils ont été faits Ici, ils ont été intelligés Là-bas, mais plutôt que comme ils ont été Là-bas intelligés de toute éternité, ils ont aussi été fait temporellement Ici, ou que tels qu’ils ont été Là-bas disposés, tels ils ont été exécutés Ici ». 54. Martineau, in Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. Martineau, p. 115, note 6. Dans la note suivante, cependant, Martineau reconnait que l’usage subséquent de substantia dans le chapitre I.43 ne signifie pas qu’Achard retourne de la considération d’ibi à celle de hic.
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essence qui se trouve Ici et Là-bas. Le roi qui vit à Paris ne peut être autre que ce même roi dans l’intellect divin. Faisant référence à Sénèque55, Achard distingue entre idea (la forme des choses dans l’esprit et l’intention du créateur) et eidos (la forme en tant qu’elle réside en acte dans la matière de l’œuvre)56. La distinction entre ces termes réside dans « leur substance et mode de subsister », mais non dans le fait qu’elles sont formes57. S’il n’en était pas ainsi, la même entité aurait deux essences distinctes, ce qui est impossible. Venir à être appartient à la forme aussi bien qu’à la matière, mais la forme est l’agent de la pluralité numérique des choses et de l’individuation de chacune, tandis que la matière ne constitue que le réceptacle de ces formes. Sans aucun doute, la matière modifie le mode de subsistance des substances, mais elle le fait sans les dupliquer. Pour cette raison, il est justifié de considérer qu’Achard s’éloigne des versions les plus anciennes du néoplatonisme médiéval et se rapproche d’une position qui est plus conforme au Moyen-Platonisme ancien. S’il n’y avait pas de distinction formelle, essentielle et substantielle en Dieu, on ne saurait distinguer les choses ici-bas. Les essences en Dieu doivent donc être distinctes « dans les formes et selon les formes [in formis et secundum formas] »58 alors que ce qui vient à être est « Ici image de la vérité dans l’âme [mens] créée, ou ressemblance de la vérité dans l’esprit, ou ombre de la vérité dans le corps » 59. La notion de « formes des choses » ne se rapporte pas seulement à la différence spécifique entre un homme et un âne mais, comme Achard l’indique, « Làbas, sont distinctes les formes substantielles mais aussi accidentelles, non seulement génériques, mais spécifiques, étant également telles dans les accidents »60. Par conséquent à chaque chose correspond toute une série de formes exemplaires qui incluent non seulement l’essence, la forme et la substance, mais aussi chacune de ses parties constitutives, ses mouvements et ses modifications. Une créature individuelle est une non pas en dépit de la multiplicité, mais bien à cause d’elle ; elle est une à cause de cette collection unique de formes qui détermine ses propriétés ontologiques qui se déploient dans le temps. Alors qu’il est adéquat de déclarer qu’il n’y a qu’une cause suprême de toutes choses (« la raison de Dieu ou Dieu lui-même »), il faut aussi reconnaître, lorsque l’on considère une subs55. Cf. Seneca, Epistola 58, 20-21, ed. Gummere. 56. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.13, ed. Martineau, p. 173. 57. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.13, ed. Martineau, p. 173. 58. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.44, ed. Martineau, p. 117. 59. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.14, ed. Martineau, p. 175. 60. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarumn / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.45, ed. Martineau, p. 117.
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tance particulière, que « sous ou dans cette cause générale est contenue une infinité de causes spéciales, qui toutes, en quelque manière, dépendent de cette cause unique et se rapportent à cette cause unique »61. Cette thèse est supportée par le fait que chaque individu retient une certaine stabilité qui se conserve à travers le changement. Alors que la raison éternelle est une, indivisible et immuable, elle se distingue « par l’infinité des raisons formelles des choses qui adviennent ou peuvent advenir à cause d’elle »62. L’addition de la possibilité (ce qui peut advenir à une substance individuelle) entraîne que chaque individu a un nombre infini de causes en Dieu et non seulement le nombre fini de causes correspondantes à ce que l’individu va actuellement réaliser ou ce qui va lui advenir. Ces formes ne transcendent pas la substance créée mais inhérent toutes en elle. L’individuation d’une substance ne dépend pas seulement des formes qu’il possède maintenant, de celles qu’il avait dans le passé, ou de celles qu’il acquerra dans le futur, mais aussi de celles qui appartiennent à sa potentialité. En ce sens, individuation n’est pas détermination. On ne peut suffisamment rendre compte de l’individuation en faisant de la matière son principe. A chaque substance créée correspond en Dieu l’unité de la pluralité de ses formes. Deux substances individuelles sont différenciées par l’unité de la série de leurs formes. La forma prima existe dans le verbe divin, elle est consubstantielle avec Dieu et constitue la raison formelle ; la totalité des formes intellectuelles constitue la forma secunda qui, étant créée, est conçue éternellement par Dieu et a un mode intellectuel de subsistance. La forma tertia constitue le déploiement de ces formes dans le temps. Cette triade d’essence, forme et substance est ultimement analogue aux trois personnes en Dieu, l’essence correspondant au Père (esse simplex), et donc à la propriété d’unité, la forme correspondant au Fils et la substance individuelle, en tant qu’elle conjoint l’essence et la forme, correspond au Saint Esprit qui ordonne le monde temporel. Par là, l’autonomie de la nature ne peut être dissociée de la pluralité divine qui est responsable de la pluralité du monde créé. En ce sens, la métaphysique de la pluralité première constitue la fondation de la question théologique de la Trinité et de la manifestation de la pluralité dans la nature.
Bibliographie Sources Acardus a Sancto Victore, Sermons inédits, ed. J. Châtillon, Vrin, Paris 1970 (Textes Philosophiques du Moyen Âge, 17). 61. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.18, ed. Martineau, p. 187. 62. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.18, ed. Martineau, p. 187.
Métaphysique de la pluralité première
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Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. et trad. Martineau, Authentica, Saint-Lambert des Bois 1987 (réimpression en facsimile, Presses Universitaires de Caen, Caen 2013). Acardus a Sancto Victore, Works, ed. H. Feiss, OSB, Cistercians publications, Kalamazoo (Michigan) 2001 (Cistercian Studies Series, 165). augustinus, De Trinitate, ed. W.J. Mountain / F. Glorie, Brepols, Turnhout 1966 (CCL, 50). Boethius, Theological Tractates and Consolation of Philosophy, ed. H.F. Stewart / E.K. Rand / S.J. Tester, Harvard University Press, Cambridge-London 1973 (Loeb Classical Library, 74). Plotinus, Plotini Opera, ed. P. Henry / H.-R. Schwyzer, Brill, Leiden 1951-1973; tr. fr. E. Brehier: Plotin, Ennéades, Les Belles Lettres, Paris 1997-2005 (reprint). Seneca, Ad Lucilium Epistulae Morales, ed. R.M. Gummere, vol. 4., Loeb Classical Library, Harvard University Press, Cambridge 1917.
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Abstract: The conditions for an investigation of Achard of Saint Victor (who died in 1171) have only recently become available. Now the discovery of a very significant turn in the history of twelfth century thought is open to examination. This essay focuses on Achard’s claim concerning an ontologically primary plurality. In the very title of Achard’s main treatise, De unitate Dei et pluralitate creaturarum, the word ‘et’ that joins together unity and plurality expresses the core of Achard’s ontological insight, whereby a plurality is said to be true if it is grounded in absolute unity. That is to say, this plurality is not derived from unity (as would be assumed in an emanative account of plurality) but rather “coheres” with unity. Unity, likeness, and equality are the three terms that dialectically constitute the primary plurality. In this sense, true plurality is plurality without difference, without alterity and is thus convertible with identity. The essay examines (a) Achard’s doctrine of true plurality as multiple unity, (b) its application to the question of the Trinity and (c) its application to the question of the plurality of creatures and the nature of individuation. Keywords: Achard of Saint Victor, Unity, Plurality, Trinity, Individuation. Pascal Massie Miami University [email protected]
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Two philosophical currents can be seen in the twelfth century, of which the main one is the presence of ancient philosophy in the Latin language and tradition. Here Boethius and Plato are two important influential thinkers and we can see thinkers such as Seneca, Chalcidius, Martianus Cappella and Macrobius alongside them. Even though this century is called the Boethian century1, the world vision is Platonic admixed with the commentaries of the Latin ancient period. As we know, the School of Chartres and thinkers related to it pondered Plato’s cosmological ideas, basing themselves on Timeaus, and Boethius’ metaphysical and logical ones. In addition, many thinkers also paid attention to Augustine. Consequently, we can see Augustinian and Dionysian reactions to the basic metaphysical and logical ideas of Boethius, especially in the School of Saint-Victor. The second current started when the translation of scientific works from Arabic, which had started in the tenth century2, took off in the second half of the twelfth century with philosophical works now being rendered into Latin. This brought a new way of looking at philosophy which European thinkers discovered in the works of Aristotle and Avicenna. Achard is one of the thinkers who belong to the first current. Consequently, Achard’s discourse remains in the Latin philosophical field and, like many of his contemporaries, he tries to make a synthesis between the Latin heritage and Christian beliefs. As is well known, from the time of ancient Greece onwards philosophy was defined as the love of wisdom. However, wisdom (sapientia/sophia) did not always mean the same thing in different thinkers and periods. Following some Hellenistic thinkers, Augustine makes a distinction between science (scientia) and wisdom (sapientia). For him, science concerns the created world and nature, while 1. Cf. Chenu 1957. 2. Cf. Juste 2001. Ad Argumenta. Quaestio Special Issues, 2 (2019), 83-95 • 10.1484/m.adarg-eb.5.118596
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wisdom concerns the world of the divine and faith is the condition for attaining it3. In the twelfth century, especially in the School of Chartres, a definition of philosophy can be seen: philosophy is the love of wisdom, which is itself the understanding of the truth of things which exist 4. Even though philosophy is in the service of faith and rational searching aims to obtain God’s clemency, thinkers also reflected on the importance of philosophy as an independent system of thought and paid attention to nature and its study. Some thinkers, such as Anselm and Gilbert de la Porrée, also considered philosophy as dialectic and philosophy as being founded on logic with metaphysical analysis respectively. The attention paid in this century to nature in all its aspects stands out, ranging from major discussions of cosmology and nature in Chartrian thinkers or those close to this school, to the importance of nature in the mythological narrations of Bernard Silvestris. This attention to philosophy as an independent discipline concerning itself with the study of nature can also be seen in the School of Saint-Victor. Thus, in his Didascalicon Hugh of Saint-Victor deals with the division of philosophy and study of liberal arts, even though, of course, the quest for wisdom is his aim and at the beginning of this work he says, “of all things to be sought first is that Wisdom in which the form of the Perfect Good stands fixed”5. He calls philosophy “the love and pursuit of wisdom and a friendship with it”6. For him wisdom is not only in the field of epistemology and in the mind, but is the same as the divine reason and is “the sole primordial Idea or Pattern of things”7. At any rate, he stresses philosophy as “the discipline which investigates demonstratively the causes of all things, human and divine”8. The above discussion shows that these thinkers were paying a kind of attention to nature and humanity. Here, the epistemological movement starts from man and nature and, naturally, is aimed towards the divine. In contrast, Achard does not follow this method. Rather, he starts from the divine and nature is not important for him as a subject of study. For him, the importance of the created world stems from being as a form of divine Form and his rationalism is based on divine Reason or Reasons. Achard’s starting point is faith, and philosophy and rationality are in its service9. Mens and sapientia are two important terms in this context. The human mens is purified by gratia to the extent that this purified mens (mens munda) sees what it has seen in nature in the eternal reasons (rationes aeternalitates) found in 3. Cf. Augustinus, De Trinitate, XII-XIV, pp. 219-419. 4. Cf. Lemoine 1999, p. 12. 5. Hugo a Sancto Victore, Didascalicon, I.1, tr. Taylor, p. 47. 6. Hugo a Sancto Victore, Didascalicon, I.2, tr. Taylor, p. 48. 7. Hugo a Sancto Victore, Didascalicon, II.1, tr. Taylor, p. 61. 8. Hugo a Sancto Victore, Didascalicon, II.2, tr. Taylor, p. 62. 9. Cf. Ilkhani 1999, pp. 27-59.
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God10. So, for him there are two minds: one is the mind without faith which belongs to non-believers and the other, the mind with faith. He therefore accepts Augustine’s division of knowledge into scientia and sapientia. Thus, for him sapientia is in relation with the Divine. Wisdom is light which comes from the divine light which is itself the same as Truth and the Word11. Science is the darkness opposed to it. To remain in science is to remain in darkness which is mens tenebrosae12. The divine beings are the subject of Wisdom, while temporal beings are the subject of science13. This conception of science as darkness is based on the meaning of Sin, as the empire of darkness in which the world abides14. The dualism here is not cosmological as his contemporaries the Cathars believed. In fact, for Achard, there are not two ontological principles, but rather both light and darkness are from one Principle. In other words, they are not on the same level, the light being above the darkness. What Achard is doing in fact, is changing ontological dualism into epistemological dualism. The subject of wisdom must be “present”, i.e. it is not in time and space. This characteristic belongs to the eternal reasons which are intelligible15. So, the sage is one who comprehends them16. For Achard, intelligibility is not a logical understanding stemming from abstracted natural knowledge, but rather flows from the intelligibility of the divine word. Wisdom does not start from searching in nature. In this he differs from the Chartrians who considered the study of nature as the preliminary to understanding the divine wisdom. In fact, in his main treatise De unitate, Achard’s procedure is the reverse: he starts from the divine and gradually descends through the ontology of forms to the study of the created. However, he does not see the created as a natural being, but as a metaphysical point and, because it belongs to the divine, as a caused being. Despite this, besides the ontologico-cosmological status that Achard accords reason, there is a logical aspect to reason for him. Reason is an authority17 and he uses terms such as demonstrare, monstrare, probare or demonstratio (meaning 10. Cf. Châtillon 1969, pp. 259-260 and 272-273. 11. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.1; II.11 and II.14, ed. Martineau, pp. 136-137, pp. 170-171 and 176-177. 12. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.18, ed. Martineau, pp. 188-189. 13. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.18, ed. Martineau, pp. 186-189. 14. Cf. Acardus de Sancto Victore, Sermons inédits. Sermon III, 2-3 and XV, 35, ed. Châtillon, pp. 48 and 239. Cf. Chatillon 1969, pp. 176 and 274. 15. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.6, ed. Martineau, pp. 154-155. 16. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.12, ed. Martineau, pp. 170-171. 17. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.14; I.28; I.31 and I.36, ed. Martineau, pp. 84-85, 98-99, 102-103 and 104-105.
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rational demonstration) very often18. Reason is an appropriate tool with which to speculate19 and is capable of persuading people20, even of divine matters21. So, reason can search and find the truth22. Of course, here reason is not independent. One must act with right reason (recta ratio), i.e. reason that has received divine grace23. So, if sometimes one entertains a doubt about reason’s capability to understand faith and divine truths, the grace of God can give him this capability. Even so, Achard does not accept the rational understanding of matters such as the mystery of the Trinity, in the Sermons24, but the plurality of the persons in the Trinity, in the De unitate, which he considers a matter of faith, can be examined25. Thus, Achard’s thought undergoes a kind of change between his Sermons and the De unitate. In the latter, he analyses theological matters more rationally. So, interestingly, he dedicates several pages to the rational proof of the distinction between the divine persons. In the Sermons, the Bible plays an important role but, in contrast, in the De unitate the sacred text’s role is diminished and, with one exception26, it would seem only to witness to Achard’s correct thinking and his accordance with religious belief. This change may be, in addition to other reasons, the result of his way of writing or the fact that he is writing for a different audience. Thus, it can be seen that Achard’s method of relating faith and reason is close to Anselm’s fides quaerens intellectum. Even his rationalism and the way of writing bring to mind Anselm’s writing especially in Monologion. So much so, in fact, that Achard’s De unitate was attributed to Anselm27. Nevertheless, although he usually says that belief comes before reason, it seems that in the De unitate Achard sometimes goes beyond Anselm’s rationality and comes close to the Aristotelian logical concepts found in Boethius’ translations 18. Cf. for example: Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.9, I.15 and II.7, ed. Martineau, pp. 76-79, 8687 and 158-159. 19. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.24, ed. Martineau, pp. 94-95. 20. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.18 and II.2, ed. Martineau, pp. 90-91 and pp. 140-141. 21.Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.26, ed. Martineau, pp. 96-97. 22. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.12 , I.30 and I.37, ed. Martineau, pp. 80-81 ; pp. 100-101 and pp. 106-107. 23. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.3, ed. Martineau, pp. 142-143. 24. Cf. Chatillon 1969, p. 153, p. 183 and p. 273. 25. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.12, ed. Martineau, pp. 80-81. 26. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.12, ed. Martineau, pp. 170-171. 27. Cf. Combes 1944.
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and, in this, follows Roscelin of Compiegnes and Berengar of Tours. Roscelin accepted Aristotle’s definition of substance as an individual. With this definition and Boethius’ definition of person in the Trinity, it seems he could speak of three gods in the Trinity28 and Berengar, basing his arguments on Aristotelian logic, would not have accepted the theory of transubstantiation in the Eucharist. These two thinkers, therefore, accord priority to philosophical concepts over religious belief. The same is also true of Achard who, in explaining the relation between the persons of the Trinity, holds a different understanding from both Augustine and Boethius. These two latter thinkers, especially Boethius who knew Aristotle’s Categories very well, held that the distinction between the divine persons is by relatio29. But Achard considers that a person, whether divine or natural, is by itself (per se) and it does not derive its existence through its relation to something else30. Here Achard accepts Aristotle’s philosophical opinion before Augustine’s and Boethius’ and the tradition that followed them. As we know, Aristotle clearly says that a primary substance is not constituted through its relation to another substance31. Augustine and Boethius took distance from Aristotelian theory and they based the distinction between the persons of the Trinity on relatio. By following Aristotle, however, Achard considers that a relation is between two definite and actual beings. Accordingly he speaks of distinction in God according to personal property. Nevertheless, two limitations on the human mind’s ability to know truths exist. One concerns the cosmological limits of human reason, the other is related to divine grace. The first is that human reason is created and embodied and its capacities are not comparable to God’s reason. Thus it is impossible for human reason to have unlimited knowledge. Ontologically the capacity of divine reason is unlimited. As a result, humans cannot know what God knows. Albeit that humans can know what infinity is, but they cannot know what its content is32. This epistemological limitation consists in this namely that, according to grace, faith is the starting point and the grace of God (gratia Dei) is necessary in order to attain truth33. Indeed, in the fourteenth Sermon Achard insists that belief comes first and then discussion and that someone who does not believe cannot attain the truth34. 28. Cf. Picavet 1911, pp. 68-72. 29. Boethius, De Trinitate, V-VI, ed. Stewart / Rand / Tester, pp. 26-30. 30. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.22, ed. Martineau, pp. 94-95. 31. Arist., Categories, 8a 13-28. 32. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.48, ed. Martineau, p. 126-127. 33. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.16, ed. Martineau, p. 182-183. 34. Cf. Acardus de Sancto Victore, Sermons inédits, Sermon XV, 16 and 29, ed. Châtillon, pp. 217-220 and 232-233. Cf. Châtillon 1969, pp. 154, 249 and 292.
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However, as has been said previously, Achard’s logical rationalism is only one aspect of his rationalism. The other is onto-epistemological rationalism. In the De unitate, reason has an ontological structure and is divine. The world is rational because it is created by divine Reason and has a rational structure according to eternal reasons, i.e. the world (hic) is a form of the divine world (ibi). The world is made by Reason extending and unfolding. Since the world is created by divine Reason and has a rational structure it can be understood by reason. This Reason is the Truth. The light of this Reason shines on humans and by obtaining God’s grace and possessing wisdom we can understand eternal reasons and through them understand the world. Of course, people who do not possess wisdom discuss and give judgments. They cannot, however, understand eternal reasons and true intellection with their minds (mens). Their reason is mutable and the truth which is the object of their reason is temporal truth. The light of wisdom is, of course, for all people, but the unrighteous do not attain this light and truth35. Achard explains the world’s rationality with his theory of reasons and forms in which the influence of Middle Platonism and Stoicism can be seen. There is a plurality of eternal reasons in God and they are the same as the eternal ideae and formae. In fact, for him forma, ratio and causa have the same meaning. These reasons are the cause of the existence of creatures and the origin of their plurality. However, they are the Reason, Logos or Word (Verbum)36. Achard divided eternal reasons into three parts: causal-final reason (ratio causalis-finalis), formal reason (ratio formalis) and unfolding reason (ratio explicatrix). These reasons or causes have to act together for a thing to be realized in the world37. These three reasons are the rational cause38 which is efficient cause, the cause of the form that has been done and the cause of the unfolded mode. With his theory of three causes, Achard applies Aristotle’s four causes in a theological context: the causal-final reason gives the being (esse) of the thing and is the property of the Father; the formal cause gives the form of the thing and is the property of the Son and the unfolding reason puts these two causes together and is the cause of individual substance and the property of the Holy Spirit39. These causes are in God. The Aristotelian material cause is in the world and cannot be at the same level as the other causes and is not really a proper cause. 35. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.6, ed. Martineau, pp. 158-159. 36. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.13, ed. Martineau, pp. 82-83. 37. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.39, ed. Martineau, pp. 108-109. 38. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.19, ed. Martineau, pp. 190-193. 39. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.3 and II.10, ed. Martineau, pp. 146-147 and pp. 166-167.
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By placing creation in God and calling it intellectual forms (formae intellectuales), Achard makes an intermediary between God and worldly creatures. In his opinion, beings in the world are the intellectual forms in God that have been actualized in the world. So the creating act of God plays out on two levels: the first act is in God, outside time and place, the second is in time and the material world40. For Achard three kinds of forms exist: the first form (forma prima), the second form (forma secunda) and the third form (tertia forma)41. Each of these forms is a level of being. The first form is ideas or formal reasons (rationes formales). It is the essence of God and is truly and essentially and is the forms of things which have been created or will be created or have the possibility of being created. The second form is intellectual forms. These forms are created, but they are in God intellectually and ideally. They are the image of the first forms and are the ideas of forms realized materially in time. They have the same level of existence as the first forms, but substantially their mode of being is the same as the third form. The third form is the forms by which things are constituted in the world. This form is an imitation of the second form. In fact, these three forms are one form in two substances: divine substance and created substance. The first form is the idea of the same form realized in things i.e. eidos42. For Achard, the form is the very being of the thing. In fact, the body remains the same even when it changes over time, but it is the form in this change that founds the ontological constitution of things in their different numbers43. This form is substantial form (forma substantialis). Of course, Achard, like other contemporary thinkers, speaks of individual and universal substance, but for him, in his treatise, the metaphysical division of substance into divine and created is important. God is transcendent or divine substance (substantia divina) and creatures are inferior substance44. The divine substance is essentially eternal and immutable and its mode of being is intellectual. The created substance’s mode of being is temporal. Thus, these two substances are in two different modes of being. These three forms show three levels of being in two kinds of substances. Each substance has its own ontological stability and own mode of being and it is a being per se. So, even intellectual forms are in God, but there substance is creat40. This intellectual tradition can be traced back to Philo of Alexandria in the Middle Platonist system of thought and among Neo-Platonists can be seen in Proclus’ Elements of Theology. Thus it can be found in Christian thinkers such as Origen, Pseudo-Dionysius and Eriugena, and Achard follows in the latter’s wake. It can also be seen in Islamic philosophy. For further information, cf. Ilkhani 2008. 41. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.13, ed. Martineau, pp. 172-173. 42. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.13, ed. Martineau, pp. 172-173. 43. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.48, ed. Martineau, pp. 124-125. 44. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.1, ed. Martineau, pp. 136-137.
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ed substance which has the same mode of being as other creatures. Their intelligibility and transcendence is due to God having understood them and having them in himself as intellectual forms. In contrast to other Platonicians, especially Augustine and his followers, Achard asserts that created substance is an actual and per se substance which has real being. Like the Peripeticians and some Middle Platonists he believed in a kind of ontological consistency for worldly beings. In fact, Achard places himself in the Middle Platonist-Stoician tradition by affirming that Seneca put ideae in Opifex’s mind and eidos is the form realised in the world. Here, of course, we must not underestimate the presence of thinkers such as Chalcidius who, like the other Middle Platonists, believed in two forms per se: divine form (as Platonist) and the form of beings in the world (as Peripetician). The unfolding reasons (rationes explicatrices) through which (per quas) things have been realised in the world are the reasons which make the world intelligible. They are also called noi of operation or arts of operating (operationum noî45 vel artes operandi)46. These reasons are very similar to the Stoician seminal reasons and one version of them can be discerned in Augustine. Of course, as has been seen before, Achard places them in the divine Reason, but their transcendental characteristic does not prevent them from extending in this world and causing its rational order. Moreover, they put every being in its own place in time and space. However, when things come to this material world and flow forth (venire, prolfluere), they stay in the eternal reasons even though they are substantially different from the divine substance47. These unfolding reasons determine the mode of being of the things in this world. These beings are the third forms48 mentioned before. In fact, the created being is a real being and to be in the temporal world is being in itself49. In a way, the unfolding reasons represent fatum, a Stoician concept that Chalcidius50 and Boethius brought into the Middle Ages. In the fourteenth Sermon, Achard considers fatum as the necessary connection (connexio) between reasons51. We know that in the De unitate unfolding reasons are the connection between the other reasons. Boethius considered fatum to be a net of causes which is the expli45. We have accepted the noî of the manuscript. For greater explanation, cf. Ilkhani 1999, pp. 292-293. 46. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.39, ed. Martineau, pp. 108-109. 47. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.38, ed. Martineau, pp. 108-109. 48. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.13-14, ed. Martineau. 49. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.46-47, ed. Martineau, pp. 122-123. 50. Cf. Den Boeft 1970. 51. Cf. Acardus de Sancto Victore, Sermons inédits, Sermon XV, 10, éd. Châtillon, p. 184.
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catio of divine providence52 and Thierry of Chartres indicated this explicatio by referring to Boethius53. This Stoic concept of the unfolding of the Universe, which was also explained by Eriugena, was taken up by Nicolas Cusanus, in the fourteenth century, in his own way54. So, according to Achard, the world or nature is a complex of reasons that have been crystallized as forms. Thus, one can understand the order of the world or nature with one’s reason by considering eternal reasons, which are divine Providence, and also by considering intellectual forms. In this way, Achard gives importance to nature as a rational order which has been expanded according the eternal reasons and not, as many of his contemporaries thought, as an independent object to be looked for. In the De unitate, Achard uses the words philosophus and philosophi a number of times, but only once mentions the word theologus which he limits to John the Evangelist 55 whom he of course also calls Evangelista56. He uses the adjective beatus for Augustine57, but he also uses the word philosophi to show his approval of Augustine’s opinions58. In general, however, the philosophers are not Christian and Achard considers them pagan59 or wordly60. He uses the word philosophus for Plato once, when quoting Timeaus, and calls Boethius a philosophus christianus61. The latter is neither a theologus, nor a beatus like Augustine, but neither is he a pagan. Rather he is a Christian. In fact, we can see that Achard places thinkers in a hierarchy. Pagan thinkers are people like Plato and Seneca. The Plato who is discussed in the De unitate is Middle Platonist and close to Seneca who is very present in the work. Seneca’s greater presence may be caused by the possibility that Achard believed the tradition that, from the eleventh century, had Paul converting Seneca to Christianity and placed his pseudo-correspondence with the Apostle alongside his authentic correspondence62. Anyhow, he considers these two Greek and Roman thinkers to hold the correct theory of ideas, and that their works are 52. Cf. Boethius, De consolatione philosophiae, IV, pr. 6, 10, ed. Steward / Rand / Tester, p. 191. 53. Cf. Theodoricus Carnotensis, Lectiones, ed. Häring, p. 153. 54. Cf. Riccati 1983. 55. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.40, ed. Martineau, pp. 110-111. 56. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.1 , II.14 and II.15, ed. Martineau, pp. 136-37, pp. 176-77 and pp. 178-79. 57. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.13, ed. Martineau, pp. 82-83. 58. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.13, ed. Martineau, pp. 82-83. 59. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.5, ed. Martineau, pp. 150-151. 60. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.12, ed. Martineau, pp. 170-171. 61. Cf. Acardus de Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.5, ed. Martineau, pp. 150-151. 62. Cf. Gersh 1988, p. 155 and Momigliano 1955, pp. 13-32.
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worthy of reference and he even uses them when confirming Augustine. On the next rung of the hierarchy is Boethius who is confirmed both as a philosopher and as a Christian; a confirmation that contrasts with the denunciations of contemporary theologians who attacked him as a non-Christian. Augustine, who is Achard’s main reference, occupies a higher rung. And the Evangelists, of course, occupy the highest. Boethius’ importance in the twelfth century has been indicated many times and, as mentioned above, the eleven hundreds are even called the century of Boethius. In this period, two philosophical understandings of him can be seen. The first one was based on his books of logic and transformed philosophy into dialectics. In this understanding, philosophy means dialectics. This reading can, for instance, be seen in Anselm and Roscelin of Compiegnes. The second one is the metaphysical reading of his works and here ontology is of primary importance. The De trinitate and the De Hebdomadibus constitute the basis of this reading which can be found in thinkers such as Gilbert de la Porrée. Both readings can also be discerned in Achard’s work. From one angle he understood philosophy as being logical analysis and in this his methodological reasoning and style of writing are close to Anselm’s. However, in this style Platonist thought, accompanied by Roman commentaries on it, are important to him as well. Thus, Achard synthesized Boethian rationalism and the concepts of Middle Platonism alongside Anselm’s method of reasoning. In this method, the traces of thinkers like Roscelin and Berengar of Tours who gave importance to the philosophical concepts can even sometimes be seen. However, he did not go as far as them and did not allow philosophical rationalism and the acceptance of its basic concepts to place him outside the beliefs of the Church. From another angle, the De unitate is a metaphysical work in which the presence of Boethius, Gilbert de la Porrée and Plato can be seen throughout. Achard’s proximity to Boethius’ metaphysical and logical method and his philosophical analysis of the articles of faith in an area where Augustinian ideas were prominent could be one of the main reasons that his main work, the De unitate, has disappeared from the history of Western thought. Being very conscious of the theological problems of his day, Achard posed important questions for discussion and attempted to find adequate replies for them. In this, he was aware of the cultural and intellectual situation of his time, but he did not accept the answers proposed by others who believed in the study of nature and the place of Man in it. The main topics he broached in his questions were about God and the Trinity and the place of each divine person in it; creation and the relations between Creator and the created; the place of the created world; and Man. In this he is close to Thierry of Chartres and Gilbert de la Porrée. He also knew well the opinions of Pseudo-Dionysius and John Scot Eriugena in this regard. He used the latter in the formation of his theory of created intellectual forms,
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but distanced himself from Eriugena’s Neo-Platonist ideas which carried the danger of pantheism. Achard also respects Augustine and gives numerous references to him in the De unitate, but it seems that sometimes these are only aimed at receiving approbation. At the same time, however, he is quite conservative in not following the attention given to nature and humanism in his period. He did not regard nature as a subject of study, neither as a mythological deity nor as something whose study could be helpful in lighting the way to the truth. The philosophy and the dialectics of his time prepared the manner in which he tried to analyze creation’s dependence on the divine in Genesis and its persistence. In fact, in his thought, philosophical movement was not from nature to the divine but the reverse, from the divine to nature. The world is known as the effect and apparition of eternal reasons. Even though he paid attention to cosmology and Timeaus occupies an important place in his work, cosmology does not constitute the axis of his work as it does for some of his contemporaries. Indeed, he did not look to Platonic philosophy only for cosmology, but, more importantly, constructed a metaphysics of forms based on the Platonic theory of forms. Like Thierry of Chartres, he tried to synthesize Genesis with Platonic ideas, but in doing so he comes closer to Augustine than the Chartrian does. Boethius’ influence on him did not turn him into a commentator of the Roman philosopher, rather he maintained his independence and placed Boethius’ ideas in his metaphysical systems. Achard was a great metaphysician whose originality lies in innovating a metaphysical system that was in the service of his novel method of dealing with the Trinity based on personal property and the pluralities of the different kinds of reasons in God which are the cause of the plurality in the world and he also made a new theory of forms which constitutes a new cosmology. It seems that his new metaphysical system was not tolerated by the conservatives in the School of St. Victor, a school in which Walter of St. Victor wrote his work against some of the century’s philosophico-theological innovations63. Achard was an innovative metaphysician who developed a new philosophico-theological system and his De unitate was one of the last systems of thought constructed on Roman and Latin currents of thought before the appearance of the translations of Greco-Islamic philosophical texts from Arabic into Latin. As we know, in the thirteenth century Aristotelian thought predominated in the Scholastics and we have to wait until the fourteenth century for the return of Platonism.
63. Cf. Galterus a Sancto Victore, Contra quatuor labyrinthos Franciae, ed. Glorieux.
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Juste 2001 = D. Juste, Les plus anciens traités astrologique d’origine arabe (Xe siècle), Brepols, Turnhout 2001 (Collection de travaux de l’Académie Internationale d’Histoire des Sciences). Lemoine 1999 = M. Lemoine, Les Notions de ‘philosophe’ et de ‘philosophie’ dans l’Ecole de Saint-Victor, in J. Biard (éd. par), Langage, sciences, philosophie au XIIe siècle, Vrin, Paris 1999, pp. 11-23. Momigliano 1955 = A. Momigliano, Contributo alla storia degli studi classici, Edizioni di Storia e Letteratura, Roma 1955. Picavet 1911 = F. Picavet, Roscelin théologien et philosophe, d’après la légende et d’après l’histoire, Alcan, Paris 1911. Riccati 1983 = C. Riccati, « Processio » et « explicatio ». La Doctrine de la création chez Jean Scot et Nicolas de Cues, Bibliopolis, Napoli 1983.
Abstract: Achard of Saint-Victor’s philosophical rationality is of two kinds : rationality which is philosophical method and subjects ; and rationality which is ontological. In the former, philosophy is logic and he sometimes gives priority to philosophical concepts over theological beliefs. In the latter, reason has an ontological status and every thing is made by and on basis of Reason. He speaks of three divine reasons or causes : causal-final reason, formal reason and unfolding reason. The world is known as the effect and apparition of eternal reasons. He constructed a metaphysics of forms and accordingly, these eternal reasons are developed and appear in three gradual forms. The first is the Divinity, the second is transcendental creation and the third is worldly. Nature is unfolding of Divine Reason and on the basis of its own substance has ontological consistence. Thus the world’s structure is rational and its unfolding is in a separate substantial form. To understand the truth, philosophical movement is not from nature to the divine but the reverse, from the divine to nature. In his method and philosophical understanding, Achard took distance from the Neoplatonic way of thinking in the School of Saint-Victor and Middle Platonism appears in the twelfth century with him. In this respect, Boethius’ philosophy is very important to him and he pays attention to thinkers such as Plato and Seneca. We can say that Achard’s philosophical system was the last one based on Roman and Latin philosophical thought before the arrival of the translations of Greco-Islamic philosophical texts from Arabic into Latin. Keywords: Philosophy, Wisdom, Reason, Faith, Grace, Cause, Form, Essence, Substance, Trinity.
Mohammad Ilkhani, Professor of Philosophy Shahid Beheshti University, Tehran, Iran. E-mail: m-ilkhani@ sbu.ac.ir
François Medriane
Unité, pluralité et modalité dans le De unitate : approche du chapitre I.11
« Les yeux de l’âme de la plupart, en effet, sont incapables de faire des efforts pour fixer leur regard sur le divin »1.
« On l’a donc établi : si l’égalité est égale à cette unité, c’est bel et bien en demeurant la substance de l’égalité qui lui est égale ; mais si elle est égale, c’est en demeurant ce qu’est l’unité même et en demeurant elle-même ce qu’elle est elle-même – et cependant en étant elle-même Dieu. C’est pourquoi, il est nécessaire qu’elle soit aussi elle-même Dieu : sans quoi, si elle était autrement égale à cette unité, il s’ensuivrait certes qu’elle-même serait modalement Dieu et qu’elle ne demeurerait nullement ce qu’elle est elle-même, car, du fait même qu’elle serait Dieu, elle serait nécessairement, étant modalement, autre chose qu’elle-même ; à moins qu’elle ne fût elle-même aussi modalement Dieu comme l’homme est lui-même modalement animal : en effet, si l’homme était lui-même pierre, il ne serait pas ce qu’il est, et c’est pourquoi l’homme n’est pas modalement pierre ; mais si l’homme est animal, il ne s’ensuit pas qu’il soit autre chose, et c’est pourquoi il l’est modalement ; d’où l’on peut conclure qu’il est lui-même modalement animal. Or partout où il y a égalité, il y a aussi qualité : en effet, l’égalité ne peut exister ni être dite entre plusieurs qu’en vertu d’une certaine modalité » 2.
Il y a deux manières de penser l’unité. La première, épistémologique, consiste à la considérer comme le résultat d’une opération d’unification d’une multiplicité donnée. Est opéré alors un rassemblement (con-cept, cum-capere) qui rapporte le multiple (le « divers ») à une unité constituée. Cette manière de penser repose sur deux présupposés : l’unité est conceptuelle, elle est le produit d’une activité intellectuelle d’analyse et surtout de synthèse et le multiple se donne comme premier, chronologiquement, comme commencement sans lequel aucune unité ne peut être constituée ni saisie par une intellection. La seconde manière est ontologique et consiste à partir de l’unité comme primordiale, de voir se déployer le 1. Plato, Sophista, 254A-B. 2. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.11, ed. Martineau, p. 81. Ad Argumenta. Quaestio Special Issues, 2 (2019), 97-105 • 10.1484/m.adarg-eb.5.118597
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multiple comme image, dégradation, procession à partir de l’un. Cette seconde approche produit alors exactement un effet de séparation (chôrismos) entre l’unité idéelle et la multiplicité dont elle procède. Le néo-platonisme de Plotin et de Porphyre, par exemple, n’aura de cesse de creuser cette séparation (dans ce que Porphyre nomme « hypostase » chez Plotin) et ce à partir d’une certaine interprétation des œuvres de Platon. Celle-ci travaillera durablement à travers les Pères de l’Église – le traité d’Augustin : De vera religione en est une exemple typique – et la philosophie médiévale. Achard de Saint-Victor semble bien récuser ce mouvement néoplatonicien, tout en maintenant la séparation ontologique, pour « revenir à Platon même », comme on peut « revenir aux choses elles-mêmes ». Cette dernière comparaison avec le mot de Husserl vient nous donner un fil directeur : revenir à la chose dans son déploiement originaire, dans la manifestation de son essence et de ses niveaux de significations. Autrement dit, dans le traité d’Achard, revenir au déploiement même de l’unité, à la manifestation essentielle de la pluralité dans l’unité. Dans cette visée, nous nous proposons de nous approcher du chapitre 11 de la première partie du De unitate Dei et pluralitate creaturarum, car celui-ci met en place une structure de compréhension de la pluralité dans l’unité : la modalité. Pourtant une réserve s’impose d’emblée. La formule précédente est décevante et sans doute fausse : « mettre en place » signifie « fixer », « une structure de compréhension » désigne une configuration « intellectuelle-conceptuelle ». Or ce chapitre, court et dense, ne fixe rien, mais laisse se déployer la pluralité dans l’unité, l’égalité et la modalité, dans son mouvement même de donation. Disons-le autrement : l’égalité par laquelle la pluralité (première) adhère à l’unité (première) est manifestée dans et par le mouvement de modalisation qui se donne comme un lien intrinsèque de l’unité et de la distinction dans l’unité même. Nous tentons de donner corps à cette formulation, abstraite pour l’instant, en divisant le chapitre I.11 en trois moments et en formant l’hypothèse que la seconde partie du Sophiste de Platon est sans doute « co-présente » à ce texte d’Achard. Les trois moments que nous parcourrons se distribuent comme suit : – Moment 1 ; « On l’a donc établi » ... « en étant elle-même en Dieu ». – Moment 2 : « C’est pourquoi » ... « il est lui-même modalement animal ». – Moment 3 : « Or partout où il y a égalité » ... « en vertu d’une certaine modalité ». Le chapitre I.11 est d ‘emblée inscrit dans la continuité de ce qui a été « établi » («ostensum » : montré, rendu visible) précédemment. La notion d’égalité apparaît dès le chapitre I.3. Achard, en ce début de traité, constitue une théorie – platonicienne – de la ressemblance entre les étants sensibles et matériels (les créatures) et l’unité vraie et suprême (Dieu). Ce lieu commun du platonisme consiste à poser une unité intelligible (ibi, là-bas) que les créatures (hic, ici) ne font qu’imiter
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de manière dégradée et imparfaite. Cependant Achard décale l’analyse platonicienne de l’imperfection de la copie en envisageant une similitude parfaite, à savoir une copie aussi parfaite que le modèle lui-même , « une similitude pleine et parfaite de cette unité ». Cette imitation-ci est purement intelligible (ce qui empêche toute dégradation) et a deux caractéristiques : elle rend la pluralité intelligible semblable, sans aucune dissemblance, à l’unité vraie et dans la mesure où il n’y a aucune dissemblance, il y a égalité stricte entre cette pluralité et cette unité. Dès alors, cette égalité réelle et complète fait que c’est en Dieu, dans l’unité vraie, que se situe aussi, à égalité, cette pluralité vraie (non dégradée en comparaison de celle des créatures qui, admettant la dissemblance, l’écart de la copie par rapport au modèle, fait apparaître une inégalité). Achard maintient donc la séparation (chôrismos) ontologique entre Dieu et les créatures, mais celle-là n’opère pas selon la division entre l’un et le multiple intelligibles. En effet, il y a rupture et dégradation entre l’unité là-bas et la pluralité ici, mais là-bas se déploie une unité et une pluralité, une pluralité exactement semblable à l’unité, en somme : une pluralité égale à l’unité en Dieu. Les chapitres I.5 et I.6 peuvent nous éclairer sur ce point grâce à l’exemple de la beauté convoqué par Achard. La beauté des choses créées est moindre en comparaison de la beauté de Dieu, qui est sans mesure, immense. Cependant, nous voyons bien que Dieu, l’unité suprême, n’est pas seulement la beauté, puisqu’il est aussi la sagesse, la bonté ... etc. La beauté est donc une qualité de Dieu parmi d’autres, tout en étant la beauté même, en soi et par soi, pleine et vraie, modèle de toute beauté qui ne peut l’égaler complètement. Le mouvement se manifeste alors ainsi : en soi, la beauté est semblable à Dieu, strictement et exactement égale à Dieu, aussi égale à Dieu que la bonté, la sagesse et toutes les autres qualités. La pluralité intelligible est égale à l’unité : l’égalité provient comme manifestation en Dieu de « l’unipluralité ». Or cette égalité désigne un rapport qu’il convient aussi de délimiter. En effet, cette égalité se manifeste, soit comme une identité – le beau en soi est Dieu de sorte qu’il se confond avec lui –, soit comme spécificité – le beau en soi est Dieu en demeurant spécifiquement le beau, ce qui le distingue du bon en soi, du sage en soi. Achard établit le rapport d’égalité comme spécificité et apporte au chapitre I.10 une analyse complémentaire et décisive de celle-là. Si l’égalité mesure l’exactitude d’un rapport, sa perfection et sa complétude, donc, il est clair que l’égalité entre Dieu et ses propriétés ne peut être extérieure, extrinsèque à Dieu lui-même, mais que Dieu est « l’égalité même ». Pour dire les choses autrement, la pluralité en/de Dieu (de ses qualités, mais aussi des personnes de la Trinité ) est Dieu même et elle adhère immédiatement à l’unité première. Réciproquement, « l’égalité est Dieu » puisque l’égalité est similitude complète sans aucune dissemblance, aucune dégradation. On comprend alors que la formule « Dieu est l’égalité » – et sa réciproque – ne traite nullement Dieu d’abord, l’égalité ensuite comme des sujets dont on peut énumérer des prédicats, des attributs. Il y a au contraire entre
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Dieu et l’égalité qu’il est une identité réciproque, une affirmation de la complétude du même. Mais, si tel est le cas, il faut prendre garde de ne pas dissoudre, dans un processus d’indifférenciation, la pluralité et l’égalité en Dieu. Il ne resterait alors qu’une unité vraie entendue comme totalité confuse, indistincte et à la limite indicible, problème radical que pose l’axiome parménidien : « tout et un ». Or Achard, dès la fin du chapitre I.10, laisse se manifester un processus qui empêche cette confusion au niveau de l’intelligible, a fortiori dans les créatures. Ce processus est celui de la distinction tel que le chapitre I.11 le laisse apparaître : les êtres en relation et les relations elles-mêmes sont préservées, maintenues dans leur substance et cela est signifié par l’usage réitéré du verbe latin manere dès le début du chapitre qui nous occupe. Le premier moment débute par une formule synthétique qui résume l’analyse précédente. La répétition du verbe manere (rester, demeurer) dans les premières lignes du chapitre I.11 fait apparaître le mouvement de l’égalité et par là celui de « l’unipluralité ». Dire que l’égalité est « égale à l’unité » signifie qu’elle est un rapport d’équivalence exact et intrinsèque en Dieu même et qu’elle est Dieu. Or cette égalisation n’est pas déployée par Achard comme une identification qui verrait l’égalité se confondre (et disparaître) en et avec Dieu. Le processus maintient dans sa substance et donc dans son existence même l’égalité comme telle. Celui-là est double dans son déploiement : il rend identique en maintenant la distinction, il rend même en préservant l’altérité. Ce procès a déjà été mis en lumière par Platon dans le Sophiste. Convoquant le mouvement, l’Etranger déclare : « lorsque nous disons qu’il est le même et pas le même, nous ne parlons pas de la même manière. Nous disons qu’il est le même en vertu de la participation de lui-même par rapport à lui-même, et nous disons qu’il n’est pas le même en raison de sa communication avec l’autre, grâce à laquelle il est séparé du même et devient non celui-là, mais autre, en sorte que l’on peut dire à juste titre qu’il est, à son tour non-même »3. Dans cette déclaration platonicienne, on examine les trois genres (l’Être, le Mouvement, le Repos) intelligibles et on voit se déployer dans leurs relations de participation et de communication le genre du Même et celui de l’Autre. Par conséquent, être quelque chose, c’est être ceci et non cela. On peut interpréter ce point de deux façons : être mobile, c’est ne pas être en repos ; être mobile, c’est être en mouvement et non être le mouvement. Dans le premier cas, on désigne une opposition ; dans le second, on exprime une distinction, car il y a plusieurs manières de se mouvoir ou d’être mû, qui dépendent de la nature de l’être en mouvement. Chez Achard, l’égalité est même que Dieu dans une similitude vraie et pleine puisque l’égalité stricte est l’essence de cette similitude là-bas, mais en même temps, elle ne se perd pas dans ce à quoi (à qui) elle s’égalise de sorte qu’elle s’en sépare en restant elle-même. Il y a donc, en Dieu, du même que Dieu qui est aussi distinct 3. Plato, Sophista, 256A-B.
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de Dieu, mais cette distinction n’est pas séparée de Dieu, elle est lui-même. Autrement dit, Dieu comme « unipluralité » est un et multiple, un égalisé au multiple (et réciproquement), unité de l’unité et de la distinction. Le deuxième moment explore précisément ce point. L’analyse d’Achard convoque deux exemples qui permettent d’éclairer le sens du raisonnement précédent, celui de l’homme et de la pierre (1), puis celui de l’homme et de l’animal (2). (1) Si l’homme est pierre alors il n’est plus homme. Dans ce cas, les deux espèces ne communiquent pas et leur liaison, absurde ici, est extrinsèque de sorte que si l’homme est pierre, sa substance, son existence changent en s’égalisant au point qu’il se perd lui-même dans cette égalisation. Appliqué à Dieu, ce raisonnement signifierait que l’égalité est Dieu au sens où « elle ne demeurerait nullement ce qu’elle est elle-même ». L’identité qui ferait de l’égalité un mode de Dieu, qui subordonnerait ce mode à Dieu, lui ferait perdre toute spécificité. L’égalité ainsi assimilée à Dieu serait absorbée par Dieu, dissoute en Dieu, et par là ne serait plus équivalence exacte entre deux ou plusieurs termes. D’un point de vue trinitaire, le Père en tant que Dieu, identifié à Dieu, est Dieu et donc se confondant avec Dieu n’est plus spécifiquement Père. En revanche, « en tant que » peut ne pas désigner un accident de la substance qui finirait par se confondre avec elle, mais une modalité qui manifeste l’être complet, l’unité vraie dans le traité achardien, d’une certaine manière (modo aliquo) en maintenant une différence. Le Père en tant que Dieu est le Père du Fils en tant que Dieu. De ce point de vue, Père et Fils sont égaux, mais en demeurant distincts : ils sont le même, à savoir Dieu, mais le Père engendre le Fils qui dans cette génération fait du Père le Père. (2) Dès lors, c’est le second exemple qui se trouve fondé à faire se déployer la communication des genres et des espèces dans un processus qui n’est plus d’englobement, d’assimilation, ni de subordination. L’homme est modalement (modo) animal signifie que l’homme est animal tout en étant spécifiquement homme. Homme et animal sont « co-présents » dans leur spécificité même, et de même Dieu et l’égalité. Dans cette saisie de l’unité intelligible, la pluralité intelligible se laisse voir comme l’essence de cette unité première, comme la communication des formes opérées non pas par un intellect qui la constituerait et les catégoriserait, mais par la structure même de l’unité pluralisée en/de Dieu. Or cette unité plurielle demeure ouverte, car ce qui intéresse Achard ici ce n’est pas le nombre d’espèces ni leur hiérarchie mais leur mode d’apparition, leur genèse et leur articulation dans l’unité divine. Raison pour laquelle Achard laisse se déployer la communication mutuelle et horizontale entre deux espèces (l’homme et l’animal), à côté d’une absence de communication (l’homme et la pierre). Achard retrouve alors à nouveau Platon quand ce dernier déclare dans le Sophiste : « puisque nous avons accordé que quelques formes veulent communiquer mutuellement et quelques
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autres, non ; que quelques-unes le font avec un petit nombre, et d’autres, avec beaucoup et que rien n’empêche que d’autres formes soient en communication avec toutes, pénétrant partout, poursuivons, après cela, notre argumentation et regardons non pas la totalité des formes – afin de ne pas nous égarer – mais choisissons-en quelques-unes parmi celles qui sont considérées comme les plus importantes, afin de regarder, en premier lieu, comment est chacune, et, ensuite, de quelle manière elles possèdent une puissance de communication mutuelle »4. La pluralité des formes dans cette référence platonicienne n’est pas fixée, figée selon un nombre, mais mouvante, en circulation et rend possible ou impossible leur liaison. Ce qu’Achard thématise dans ce contexte, c’est la possibilité que cette communication nous ouvre à la compréhension de l’égalité en Dieu et en tant que Dieu. Cela ne signifie pas que Dieu, ou encore l’unité vraie, se dirait en plusieurs sens, mais plutôt que Dieu est « là-bas » le lieu même (qui n’en est pas un, parce qu’il supposerait la limitation) où se phénoménalise la communication, la circulation et l’égalisation de la pluralité comme unité première. C’est à ce niveau que le dernier moment du chapitre I.11 place l’analyse et du mode d’existence de l’égalité et de son mode d’énonciation. La dernière phrase du chapitre affirme que l’égalité s’exprime selon la qualité et ce, partout (ubicumque), à savoir ici et là-bas. On peut remarquer premièrement la tournure aristotélicienne de cette formule, même si nous allons montrer que l’analyse d’Achard n’est en rien catégoriale au sens où elle ne convoque pas le rapport substance-attributs. Selon Aristote, la qualité est une catégorie dont l’exposition est produite au chapitre 8 du traité des Catégories. Il faut rappeler que la catégorie, hormis la substance (première), est un attribut qui correspond à un genre de l’Être venant structurer le processus même d’attribution. Il n’y a donc pas de catégorisation possible sans une théorie (logico-ontologique) du sujet conçu, premièrement, comme ce à quoi on attribue, selon une catégorie, quelque chose (que ce soit accidentel ou essentiel, les substances secondes, par exemple). Autrement dit, par analyse catégoriale, il faut entendre une mise en place de l’attribution qui se distribue en un sujet et ce qu’on dit d’un sujet (niveau logique) ou encore ce qui est dans un sujet (niveau ontologique). Or s’agit-il de ceci chez Achard, à savoir d’une référence à un sujet d’une part et à des attributs organisés selon les catégories d’autre part ? Veut-il dire que l’égalité est une qualité au sens d’un attribut d’un sujet, Dieu nécessairement ici puisqu’il a été établi au chapitre I.10 que « Dieu est égalité » ? Rappelons que la troisième propriété (la seule essentielle qui appartient à toute qualité) de la qualité énoncée par Aristote convoque l’égalité (et évidemment l’inégalité) : « une chose n’est semblable à une autre pour rien d’autre que ce par quoi 4. Plato, Sophista, 254C-D.
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elle est qualifiée »5. Une manière de comprendre la formule achardienne dans ce contexte aristotélicien serait d’entendre que l’égalité est un mode de la qualité quand on considère le semblable, de sorte que « partout », c’est-à-dire dans tous les cas, l’égalité se comprend sous la catégorie de la qualité. Or « partout » dans la phrase d’Achard traduit ubicumque, à savoir : dans quelque lieu qu’on se place, sensible et intelligible. Si on comprend bien que la qualité, « ce en vertu de quoi on est dit être tel »6, est ce sur quoi porte l’égalité (et l’inégalité), c’est parce que l’analyse d’Aristote repose sur une opération par laquelle le langage diffracte en aspects (catégoriaux) ce qui dans la réalité est un et ainsi pose la structure sujetattributs. Cependant, dans la perspective d’Achard, si l’égalité porte sur le semblable et le dissemblable – là-bas, la similitude est pleine et entière au point d’être Dieu lui-même –, l’opération ne prend pas la forme de cette diffraction aristotélicienne. En effet, la pluralité (vraie) est l’essence manifeste et déployée de l’unité (vraie) : il y a donc une affinité originelle de l’unité avec la pluralité dans une communication mutuelle des formes, et cette affinité se phénoménalise comme similitude parfaite. Or cette imitation originelle et parfaite, qui se nomme égalité, ne se pense plus comme un rapport hiérarchisé et plurivoque du modèle et de la copie, mais bien comme une manifestation, une mise au jour de « l’unipluralité » dans l’égalité. Dès lors, l’égalité n’existe, dans l’évidence de ce processus de manifestation, que dans la mesure où elle provient de l’unité même, en maintenant la distinction et en empêchant ainsi toute identification confondante et ineffable. La formule finale du chapitre I.11 : « l’égalité entre plusieurs n’existe et ne peut être dite qu’en vertu d’une certaine modalité » va cependant plus loin en complétant cette mise en évidence ontologique par une référence à l’énonciation. Celle-ci ne prend nullement la forme d’une prédication par laquelle on attribue, selon les catégories, un prédicat à un sujet, mais celle d’un énoncé qui fait voir, rend visible le mouvement même de « l’unipluralité ». En deçà de la prédication, se joue l’expérience de la mise en évidence, comme le théorise Heidegger au paragraphe 33 de Sein und Zeit. La signification originaire de l’énoncé est « qu’il signifie premièrement mise en évidence »7, la prédication n’intervenant secondairement que comme « restriction »8 de l’évidence originaire dans une détermination. Dans cet horizon qui dessine l’énoncé premier comme apophantique, il s’agit de « faire voir l’étant à partir de lui-même »9 et donc de ne pas le réduire au jugement prédicatif qui a le mérite, certes, de déterminer l’étant mais qui surtout « restreint le voir »10, ni non plus de l’exiler dans la solitude ineffable 5. Arist., Categoriae, 8, 11a16-18. 6. Arist., Categoriae, 8, 8b25. 7. Heidegger, Sein und Zeit, Hrsg. von Herrmann, p. 154 (tr. fr. Martineau, p. 125). 8. Heidegger, Sein und Zeit, Hrsg. von Herrmann, p. 154 (tr. fr. Martineau, p. 125). 9. Heidegger, Sein und Zeit, Hrsg. von Herrmann, p. 154 (tr. fr. Martineau, p. 125). 10. Heidegger, Sein und Zeit, Hrsg. von Herrmann, p. 155 (tr. fr. Martineau, p. 125).
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d’une complète perfection (solution néo-platonicienne). Ici, encore, Achard retourne au texte de Platon, Sophiste, quand celui-ci déclare : « le discours tire son origine, pour nous, de la liaison réciproque des formes »11. Cette liaison (sumplokè) est originaire et fonde le discours qui la fait luire dans l’évidence. Cet entrelacs (sumplokè) chez Achard se nomme égalité, dans notre chapitre, et est une des voies de signification de « l’unipluralité ». Il convient alors de s’en tenir au sens phénoménologique – et non au sens prédicatif – de cette liaison comme le mouvement par lequel l’unité et la pluralité s’égalisent parfaitement en préservant leur distinction. Il reste alors à savoir si ce déploiement peut être compris et explicité par la raison ? Il ressort de notre approche du texte, nécessairement phénoménologique, qu’elle laisse apparaître un authentique platonisme d’Achard qui le fait revenir, par delà le néoplatonisme, au Platon du Sophiste. Cependant, ce retour n’est pas forcé : il est conditionné par la mise en évidence de « l’unipluralité ». En cela, Achard semble bien constituer ici une réelle théologie chrétienne qui pose la séparation de Dieu et des créatures, mais fait voir la pluralité au sein même de Dieu comme une véritable modalité de sa perfection et non comme simple manière de le dire.
Bibliographie Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, éd. et tr. E. Martineau, Authentica, Saint-Lambert des Bois 1987 (réimpression en facsimile, Presses Universitaires de Caen, Caen 2013). Aristoteles, Categoriae, ed. L. Minio Paluello, Clarendon Press, Oxford 1949. M. Heidegger, Sein und Zeit, Hrsg. F.W. von Herrmann, Klostermann, Frankfurt am Main 1977 (Gesamtausgabe, 2); tr. fr. E. Martineau, Être et temps, Authentica, Paris 1985. Plato, Sophistes, ed. A. Diès (dir.), Les Belles Lettres, Paris 1950.
11. Plato, Sophista, 259E.
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Abstract: The aim of this article is to propose a commentary of the eleventh chapter from the De Unitate Dei et Pluralitate Creatorum written by Achard of St. Victor. We show the specifical thought of Unity in relation with Plurality regarding to the concept of modality. Following litteraly this text, we can recognize a reflection that comes back to Plato, beyond neoplatonism, and back to the theory of the kinds of being developed in The Sophist. But also, beyond this approach, appears a phenomenology of the unity itself in his manifestation of and in God. There is then, in advance, an heideggerian echo (Sein und Zeit, §33) in this text because the meaning of the unity in relation with plurality is underlined on the side of every predication. Keywords: Achard of St. Victor, Plato, Aristotle, Unity and Multiplicity, Modality, Phenomenology, Imitation, Heidegger, The Sophist. François Medriane Professeur de chaire supérieure en philosophie à Douai Lycée Albert Chatelet 357, rue Marceline F- 59500 Douai France [email protected] / [email protected]
David Albertson
Ecce Quadratura! An Early Reader of Thierry of Chartres’s Arithmetica Commentary
I. Achard of St. Victor and Thierry of Chartres Achard was elected the second abbot of St. Victor in April of 11551. Although we cannot be sure when he arrived from Yorkshire, he probably spent several years savoring the Parisian intellectual scene in the late 1140s and early 1150s. For an Augustinian canon already in his 30s, the ferment of the cathedral schools and their new ways of thinking must have been stimulating. Achard’s decade in Paris coincided with a period of divergent developments in the sources and methods of different masters, before they resolved into more discernible traditions in the decades that followed. These were the years following Hugh of St. Victor’s death in 1141, when Richard and Andrew began to write scriptural commentaries and theological tracts. Some masters like Robert of Melun and Peter Lombard kept in contact with Hugh’s legacy, even as they embraced the dialectical approach of Peter Abelard. Gilbert of Poitier’s idiosyncratic jargon frustrated his critics but inspired followers like Simon of Tournai and Peter of Poitiers. Alan of Lille was also drawn to Gilbert, yet was equally fascinated by the Neoplatonist naturalism of Bernard of Chartres, William of Conches, and Thierry of Chartres – the socalled “school” of Chartres2. In these early decades of scholasticism, students found their bearings by adopting the parentage of a collection of masters, generating particular intellectual lineages for themeselves. The themes, terms, and sources that we encounter in their writings signal debts to different masters. We can use these genetic indicators today to isolate a given author’s scholastic ancestry with a fair degree of accuracy. Achard of St. Victor’s works are marked by several influences. Naturally he was 1. On Achard’s life and thought, cf. Châtillon 1969 and Feiss 2001, pp. 20-58. 2. For a general introduction to this period cf. inter alia Colish 1994; Southern 1995; Southern 2001; Jeauneau 2009 and Dronke 1988. Ad Argumenta. Quaestio Special Issues, 2 (2019), 107-132 • 10.1484/m.adarg-eb.5.118598
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profoundly formed by Hugh’s writings, and he knew Richard well. Beyond these, much like his contemporaries Hermann of Carinthia, John of Salisbury, or Bernard Silvester, there are indications that Achard was influenced by, and presumably had occasion to study with, Thierry of Chartres (d. ca. 1155), the brilliant but brash polymath of the liberal arts3. Starting in the 1130s, first at Chartres and then at Paris, Thierry lectured his way through the governing texts of the medieval trivium and quadrivium. Much of the curriculum shaping the cathedral schools consisted of a small library of authorities, and Thierry was keenly interested in collecting the best sources to teach in his classrooms. He compiled a universal curriculum, the massive Heptateucon, which could in his words “marry” the two branches of the arts and thus propagate the true philosophy of the future4. Thierry lectured on natural philosophy, for example, by commenting on Genesis 1 with reference to Plato’s Timaeus (secondhand through Calcidius) as well as the cosmic poetry of Boethius’s Consolatio philosophiae. Thierry taught rhetoric through Cicero’s De inventione and Rhetorica ad Herennium. His lectures on the other trivial arts, logic and dialectic, would have started with Boethius’s handbooks on Aristotle and Porphyry. But Thierry’s interests extended to the quadrivium as well, and on this terrain Boethius remained the preeminent authority. Here his lectures most likely began with Boethius’s guides to Pythagorean arithmetic (De institutione arithmetica) and harmonics (De musica), concluding with pseudonymous fragments of “Boethian” geometry. Finally his advanced courses in theology worked painstakingly through Boethius’s opuscula sacra, including important works on divine being (De hebdomadibus), the Trinity (De trinitate), and Christology (Contra Eutychen)5. For twelfth-century masters, discovering new knowledge meant inventing new ways of reading the sources: the best innovation was hermeneutical innovation. Thierry’s trivium lectures do not seem to have caused much of a stir, but if Achard of St. Victor sat for some of Thierry’s lectures on the quadrivium, he would have heard the Breton master testing out a radical methodology. As Gillian Evans has explained, Thierry refused to leave Boethius’s mathematical and doctrinal texts sequestered into neat categories6. He hunted for secret theological meanings within the quadrivium; he listened for arithmetical harmonies within the Trinity. The result was a strange variety of Christian Neopythagoreanism that set Thierry apart from the crowd. Where Thierry shared common interests with others in the Chartres circle – on the topics of causation, matter, divine ideas, or universal wisdom – he shared their common legacy, as the domain of natural philosophy be3. Cf. Ward 1972, pp. 219-273. 4. Cf. Jeauneau 1954, pp. 171-175; Evans 1983a, pp. 1-13 and Caiazzo 2015, pp. 12-17. 5. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Boethii librum de Trinitate, ed. Häring; and Fredbord 1988. 6. Cf. Evans 1983b, pp. 440-445.
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gan to expand7. But when it came to his eccentric mathematical theology, Thierry stood alone with very few followers. His most avid disciples on these points were minor figures, mostly anonymous8. Against this background, Achard’s apparent enthusiasm for Thierry’s Neopythagorean program is especially conspicuous. It comes as a surprise to recognize that the greatest twelfth-century inheritor of Thierry’s experimental theology of number is, of all people, the faithful abbot and devoted preacher, Achard of St. Victor. Achard’s lengthiest treatise, De unitate dei et pluralitate creaturarum, is one of the most stunning philosophical achievements of his century9. Viewed in its entirety, the work demands to be read, at least in part, as a tribute to Thierry of Chartres, a tacit Festschrift not unlike Clarembald of Arras’s dedicatory commentaries on Genesis and Boethius10. In the first part of De unitate, Achard meditates upon Thierry’s signature formula of the mathematical Trinity: the Father as unity, the Son as equality of unity, and the Spirit as second-order equality of both11. Achard remains the only major twelfth-century author to perpetuate Thierry’s realist Trinitarian doctrine12. Then in the second part of De unitate Achard explores the Neopythagorean correlation of divine ideas and eternal numbers13. In the third, final part – which Achard only mentions, but has since been lost – it even appears that the abbot incorporated Thierry’s complex theory of “folding” (complicatio and explicatio), transforming it into his own account of “folding causes” (causae explicatricis)14. Accordingly De unitate represents the most substantial medieval reception of Thierry of Chartres’s mathematical theology, composed with great fidelity to the master’s aims yet with an originality of its own. By preserving Thierry’s innovations, shoring up his fragments against their ruin, Achard’s theology of the quadrivium amounts to a second great moment in Christian Neopythagoreanism. After Achard, the next moment does not arrive until Nicholas of Cusa (d. 1464), some three hundred years later. Cusanus, a German cardinal bishop, attempted his own re-construction of Thierry’s theology upon the very different landscape of Renaissance humanism15. Cusanus’s creative rethinking of the Chartrian legacy wove together several layers of Thierry’s reception history, from the master’s 7. Cf. Speer 1995. 8. Cf. Albertson 2018. 9. Cf. Ilkhani 1999, pp. 122-130. 10. Cf. Häring 1965. 11. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.10-I.36, ed. Martineau, pp. 78-107. 12. Cf. Albertson 2012, pp. 128-140. 13. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.43-II.16, ed. Martineau, pp. 114-183. 14. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.39-I.42, ed. Martineau, pp. 108-113. 15. Cf. Albertson 2014.
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own commentaries, to anonymous student notes, to distant echoes in medieval Hermetism. Nicholas even unwittingly included the voice of late medieval critics who remained suspicious of Thierry’s doctrines. Like Achard, Cusanus restated Thierry’s concepts but also applied them in new contexts. He delights in the arithmetical Trinity and expands its meaning to new philosophical and theological spheres. He uses every opportunity to deploy “folding” in a new intellectual domain – even papalist ecclesiology. Inspired by Thierry’s Christian Neopythagoreanism, Cusanus asserted his own theories of the mathematical basis of cognition and the mystical contemplation of geometrical forms. Scholars are still working to disentangle these later repetitions by Achard of St. Victor and Nicholas of Cusa from Thierry’s original thought, and for this task it is essential to have Thierry’s work in hand. Since the early twentieth century, we have recovered Thierry’s lectures on Genesis, the Boethian opuscula sacra, and Ciceronian rhetoric, that is, the trivial and theological components of his oeuvre. But what about the Boethian quadrivium that was so essential to his distinctive Neopythagorean method? For decades we have known from those commentaries on Genesis and De trinitate that Thierry was closely studying Boethius’s De arithmetica – indeed he cites it by name – even if no surviving commentary of his own could be identified16. Only recently, however, Irene Caiazzo has demonstrated that a well-known mathematical manuscript (MS Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, Cod. math. 4º 33) contains this very work by Thierry of Chartres, his commentary Super Arithmeticam on the Boethian quadrivium17. Caiazzo’s extraordinary discovery will revolutionize our understanding of Thierry’s intellectual project, allowing us to reevaluate the sequence of his writings and phases of his development. But equally important are the new insights that Super Arithmeticam brings about the later medieval authors who preserved Thierry’s legacy. Thierry’s Arithmetica commentary has already altered our estimation of Nicholas of Cusa as a reader of Chartrian traditions. In fact, if Nicholas did indeed have access to the commentary, it would resolve several outstanding mysteries about the composition of De docta ignorantia (1440), his first work influenced by Thierry’s ideas18. As I have shown elsewhere, we know that Nicholas used Thierry’s hexaemeral commentary (Tractatus de sex dierum operibus), at least one of the three extant De trinitate commentaries (either the so-called Commentum 16. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Boethii librum de Trinitate, II.7, ed. Häring, p. 70; Lectiones in Boethii librum de Trinitate, III.5, ed. Häring, p. 178; Glosa super Boethii librum de Trinitate, I.38, ed. Häring, p. 267 and Tractatus de sex dierum operibus, 30-33, ed. Häring, pp. 568-569. Cf. two works from Thierry’s circle: Tractatus de Trinitate, 12-18, ed. Häring, pp. 306307; and Commentarius Victorinus, 81-88, ed. Häring, pp. 498-499. 17. Cf. Caiazzo 2011; and Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, ed. Caiazzo. 18. Cf. Albertson 2016a.
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or Glosa), and two anonymous twelfth-century works echoing Thierry’s ideas (De septem septenis and Commentarius Victorinus). But now we have considerable evidence that Cusanus was also reading Super Arithmeticam when he composed De docta ignorantia and later works. If Nicholas knew Thierry’s Arithmetica commentary, that would finally explain some peculiarities of his approach to Chartrian theology: his accent on precise “equality”, his enthusiasm for Boethian number theory, his uneven version of Chartrian “folding”, and his mathematical interpretation of the divine mind. Thierry foregrounds all of these topics in Super Arithmeticam. This brings us back to the conspicuous Chartrianism in De unitate dei et pluralitate creaturarum. As with Nicholas of Cusa, we must ask: Is there textual evidence that Achard of St. Victor had access to Thierry’s Super Arithmeticam when he wrote his treatise? After all, Achard penned De unitate at most twenty years after Thierry gave those lectures on the Boethian quadrivium, not three centuries later, and unlike the cardinal, Achard may well have heard the lectures for himself. As stunning as it may be that Super Arithmeticam fell into Nicholas’s lucky hands, it should only really surprise us if Achard did not know of Thierry’s quadrivial lectures, if after years in Paris he was only acquainted with those on Genesis or De trinitate, or that if he knew them, he could have possibly overlooked them while composing a meditation on unity and plurality in creation. Indeed we might even speculate whether Thierry’s example played a more fundamental role in inspiring the young abbot’s unusual philosophical project. Did Achard appreciate the new discursive path carved out by Super Arithmeticam, as he watched as his master hunt for theological truths between the lines of a Neopythagorean handbook? Could those lectures have motivated Achard to compose his own Neopythagorean treatise on divine harmonies and divine numbers, not the usual fare of a Victorine abbot? In what follows I consider some textual clues that Achard did use Thierry’s Super Arithmeticam in his De unitate dei et pluralitate creaturarum. Several passages suggest that Achard either had access to Thierry’s commentary or perhaps heard the lectures on which the extant reportatio is based. None are conclusive on their own, but together they illustrate the possible extent of Achard’s engagement with Thierry’s theology of the quadrivium in Super Arithmeticam, and its significance.
II. Divine beauty through number Achard prefaces his theology of the Trinity with a distinctive doctrine of divine Beauty. According to Achard, true plurality cannot be found among creatures, precisely because creatures also lack true unity. In fact, unity and plurality can only co-exist as a mutual perfection, and hence must exist in and as God, who is
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as much divine plurality as unity19. Because God’s beauty is supreme and “without measure” (pulchritudo immensa), God must be the maximal “harmony” (convenientia et congruentia) that has the power to reconcile unity and plurality into a symphonic whole greater than themselves20. It is precisely in order to praise God’s beauty as infinite harmony that Achard turns to the mathematical model of the Trinity: the Father as unity, the Son as equality of unity, and the Spirit as the second-order equality of both. For Achard, the communion of identity and difference revealed in this Trinitarian name is the greatest conceivable beauty. “It is therefore clear”, writes Achard, “that nothing can be or be thought which is more beautiful or greater than the beauty of the aforesaid unity and of its supreme fittingness. It is therefore necessary that it be in God – in fact, that it be God”21. In effect, Achard transposes Anselm of Canterbury’s ontological argument into the aesthetics of Boethian number theory. God is that than which nothing more beautiful can be conceived. The equality that God effects between unity and unity’s self-equality is the highest possible degree of mathematical harmony. Achard therefore grounds his entire investment in Neopythagoreanism in what appears to be an essentially Victorine appeal to pulchritudo22. Later in De unitate Achard returns to the theme of beauty23. Just as God’s beauty appears through the plurality of the Trinity, so too the beauty of creation appears in the teeming difference of its multitudinous forms. Once again beauty arises through number, from the harmonious reconciliation of the infinite and the singular. According to Achard, God alone sees the “inestimable magnitude” of every finite creature and for that reason its “inestimable beauty”24. Each minute detail of creation, each infinitesimal particle, is as great as the whole cosmos, and shines with its own splendor; yet that immense whole is built out of an inconceivable infinity of beautiful parts. “As all the quantities of the parts flow together into the one quantity of the whole”, Achard writes, “so also the beauties of all converge in the one beauty of the whole, in which ... a single joining togeth19. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.1-2, ed. Martineau, p. 70. Cf. Ilkhani 1999, pp. 109-160. 20. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.5, ed. Martineau, p. 72. 21. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.5, ed. Martineau, p. 74: “Liquet igitur quia pulchritudine unitatis praefatae et summae illius convenientiae pulchrius nihil vel majus esse, sed nec excogitari potest. Ipsam itaque in Deo esse, sed et Deum esse est necesse...” (tr. Feiss, p. 382). 22. Cf. e.g. Karfíková 1998 and Coolman 2003. 23. Cf. the entire concluding argument that begins Nemo autem aestimat... in Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.48, ed. Martineau, pp. 130-132. 24. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.48, ed. Martineau, p. 130: “... inaestimabilem videt tam magnitudinem quam pulchritudinem”.
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er in the whole is much more beautiful yet”25. Only God can see the infinity in each one and each one in its infinity, and therefore perceive all of the beauty latent in creation26. At first blush this theological aesthetics seems distinctively Achardian. There are really no precedents in Thierry’s commentaries on Genesis or Boethius’s De trinitate for Achard’s account of divine beauty mathematically conceived. In his Genesis commentary Thierry makes a passing remark about the beauty of the created order27. In his Lectiones on De trinitate, Thierry explains Boethius’s remark that divine substance is the most beautiful and most powerful (pulcherrimum fortissimumque) by referring to his theory of folding28. God’s beauty is supreme because it “enfolds” all things, all lesser beauties, within it29. Yet in neither case does Thierry refer to number, equality, harmony, and quantity, as Achard does30. However, now that we can read Thierry’s commentary Super Arithmeticam, we are able to locate a passage that may well have inspired Achard’s doctrine of divine Beauty. As Thierry was digging through De arithmetica, he seems to have struck upon something that interested him deep within Boethius’s proportion theory toward the end of the first book. In that passage, Boethius is about to prove mathematically that every inequality proceeds from prior equality. But first he observes that in this regard the geometrical principle of equality can be compared to the Good. Equality is the “mother principle” (matris et radicis) of every nat25. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.48, ed. Martineau, p. 130: “... omnes quantitates partium in unam totius confluunt quantitatem, sic et pulchritudines omnium in unam totius conveniunt pulchritudinem in qua ... multo tamen pulchrior est quae in toto consistit una compages” (tr. Feiss, p. 425). 26. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.48, ed. Martineau, pp. 130-132. 27. Cf. Theodoricus Carnotensis, Tractatus de sex dierum operibus 2, ed. Häring, p. 555: “Quia uero rationabiliter et quodam ordine pulcherrimo disposita sit secundum sapientiam illa esse creata necesse est”. 28. Cf. Boethius, De trinitate, II, ed. Moreschini, p. 170, ll. 101-102. 29. Cf. Theodoricus Carnotensis, Lectiones in Boethii librum de Trinitate, II.59, ed. Häring, p. 174: “Hoc bene dictum est quia pulcritudo eius est fortitudo nullum habet defectum. Quippe ipse deus complicatio rerum omnium in simplicitate cui nichil deest. Ipse enim omnia et ab ipso omnia et per ipsum omnia uelut si quis haberet pulcritudines omnium uel fortitudines in se complicatas nichil deesset fortitudini eius uel pulcritudini eius”. 30. Like Achard, Nicholas of Cusa also addresses the connection between number and aesthetics in Sermon 243 (1456), Tota pulchra es, amica mea; cf. Sermo CCXLIII, n. 19, n. 23, in Nicolaus de Cusa, Nicolai de Cusa Opera Omnia iussu et auctoritate Academiae Litterarum Heidelbergensis, ed. Euler / Schwaetzer, pp. 259-260: “Pulchritudo absoluta, quae Deus est, se ipsam intuetur et in sui ipsius amorem inardescit. Nam fons omnium pulchrorum, quem merito omnia pulchra patrem suum appellant, quo modo esset summa pulchritudo, si se ipsam pulchram ignoraret ... Ecce trinitatem in unitate essentiae pulchritudinis, ubi fons pulchritudinis generat intellectum pulchritudinis, ex quibus amor ... Sicut enim in unitate est omnis numerus complicite et in numero omnis proportio et mediatio, in proportione omnis harmonia et ordo et concordantia et ideo omnis pulchritudo, quae in ordine et proportione atque concordantia relucet”. On theological aesthetics in Cusanus, cf. Santinello 1958; Santinello 1963 and Aris 2001.
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ural order, grounding “the power of nature and the integrity of things” (ad omnem naturae uim rerumque integritatem). In the same way, the Good is “first by nature and perpetual in the beauty of its substance” (prima natura est et suae substantiae decore perpetua)31. Now Boethius’s praise of the beauty of the Good is a Platonist commonplace. But Thierry discovers a subtle theological mystery implied within. If equality gives order to nature like the Good, and the Good is supremely beautiful, then equality is also maximally beautiful. Thierry reasons as follows: “For God is good, such that he is also goodness. Indeed the same is said concerning equality itself. For it is clear enough that equality is truly beautiful. If a person were born without hands, then as lacking something he would acquire ugliness, since he possesses less than a human person; but if he were born with three eyes, or even more, he would also be considered ugly, since he would exceed the equality of being human. For beauty comes from equality. Hence nothing is more beautiful, and nothing more equal to that which is beautiful, than the Son of God, who is in fact the equality of being, since nothing can be more beautiful or equally beautiful”32.
If for Thierry, nothing can be more beautiful or more equal than God’s Equality (nihil pulchrius, nihil esse aeque pulchrum potest), for Achard, nothing more beautiful can be or be conceived than divine Unity in its equality with plurality (pulchrius nihil vel majus esse, sed nec excogitari potest). As Achard goes on to explain, such divine Beauty can only be thought as the mathematical Trinity of unitas, aequalitas unitatis, and aequalitas ipsa. While Thierry alludes to the beauty of the divine Son as aequalitas, elsewhere he defines the Son’s beauty as a kind of geometry related to the figura substantiae of Hebrews 1:3. These two topics – Trinity and Christology – point us toward the next passages to consider.
III. The mathematical Trinity Thierry of Chartres’s most famous doctrine is a mathematical model of Trinitarian relations. The Parisian master rejects the traditional language of male generation, Father and Son. Instead he proposes that Boethian number theory, particularly the category of aequalitas, grants us a surer conceptual framework for 31. Boethius, Institutio arithmetica, I.32.1-2, ed. Guillaumin, pp. 66-67. 32. Theodoricus Carnotensis, Super Arithmeticam, I.32, ed. Caiazzo, p. 149, ll. 13091317: “Ita enim deus bonus est, ut sit etiam bonitas. Illud quidem de ipsa aequalitate dicitur. Aequalitas enim vere decora est, quod inde patet, quoniam si homo sine manibus nasceretur, aliquo modo imperfectus turpitudinem sine dubio incurreret, quoniam homine minus haberet; si vero cum tribus oculis nasceretur, sive pluribus, pro turpissimo quoque haberetur, eo quod aequalitatem essendi hominem excederet. Decor enim ex aequalitate. Unde filio dei nihil pulchrius, nihil aeque ei pulchrum est, quippe aequalitas essendi est, quoniam nihil pulchrius, nihil esse aeque pulchrum potest”.
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articulating intra-divine difference. As is well known, Thierry derives his new formula by fully mathematizing language that he found in Augustine’s De doctrina christiana, a triad that may have derived originally from Moderatan Neopythagoreanism by way of Marius Victorinus.33 It found a future in Nicholas of Cusa, who famously repeated Thierry’s mathematical Trinity in De docta ignorantia and nearly every work thereafter34. But in fact Thierry’s daring Trinitarian model is not monolithic. In broad strokes, Thierry employs two different methods across his extant writings to prove the eternal conexio of unitas and aequalitas. Each method derives from a different discipline of the Boethian quadrivium in De arithmetica: one with the arithmetical procedures of multiplying integers, and the other with geometrical properties of equalities and inequalities35. In his arithmetical method Thierry shows that counting unities only generates unity again, a unity equal to itself and thus one with equality. In his geometrical method Thierry argues that since every inequality returns to equality, such absolutely prior equality must be eternal, therefore singular, and therefore one with eternal unity. The majority of Thierry’s Trinitarian reflections in Super Arithmeticam begin with the descent of inequalities from divine aequalitas. In these quadrivial lectures Thierry is primarily interested in demonstrating the necessary co-eternity of the second person and occasionally he mentions the third person as well. If the overall emphasis remains on the geometrical, Thierry does apply both geometrical and arithmetical methods. But he expresses several other Trinitarian ideas as well. Before moving on to measure Achard’s possible use of the Super Arithmeticam in his own theology, it is essential to analyze Thierry’s major mathematical arguments in the commentary for Trinitarian difference. Roughly speaking Thierry proposes six distinct Trinitarian motives in Super Arithmeticam, which I briefly outline here in sequence. (1) God’s goodness as creator is known as the singular, eternal equality from which the inequality of imperfect creatures descends. It is not only number that secures the integrity of beings but also this divine equality, from which all things proceed and to which they return. There cannot be two Goods but only one that is perfectly self-equal36. This is one formulation of Thierry’s geometrical argument. (2) Unity counted once generates itself, such that these two unities are connected (concordia et conexio). This necessarily yields the triad of unity, unity’s equali33. Cf. Albertson 2014, pp. 78-80 and 107-118. Cf. Hudry 2009, pp. 24-29; Turner 2007. 34. Cf. McGinn 2003. 35. On the arithmetical, cf. Boethius, Institutio arithmetica, I.20.8 and II.4.5 ed. Guillaumin pp. 45 and 90. On the geometrical, cf. Boethius, Institutio arithmetica, I.32.1-2, ed. Guillaumin, pp. 66-67. 36. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, I.32 and II.1, ed. Caiazzo, pp. 144-148, ll. 1170-1176, 1202-1215, 1243-1274 and p. 155, ll. 1-14.
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ty, and the equality of both. This is a classic example of Thierry’s arithmetical argument37. (3) Divine equality receives many names for its activity of delimiting individual beings as one, integral, and self-identical: forma essendi, unitas entitatis, aequalitas entitatis, figura unitatis, aequalitas essendi, perfectio essendi. The fact that these operate as functional equivalents suggests the co-eternity of the second principle, implying Trinitarian difference38. (4) Equality is not only arithmetical but geometrical equality of sides in regular polygons such as squares. In this sense the divinity of equality is expressed through the power of form “squaring” matter into substance39. These last two ideas also express the geometrical argument. (5) As creator, God is efficient cause through cardinal numbers; as aequalitas God is formal cause through figural numbers; as goodness or Holy Spirit God is final cause through proportionate numbers40. (6) Alterity descends from unity, inequality descends from equality, and proportionality descends from connection41. In his subsequent works, Thierry gradually shifts the priority of his two methods over time. In his Tractatus on Genesis, he leads with the geometrical but then turns to the arithmetical, still fascinated by the different names for equality42. But in Commentum, his earliest commentary on Boethius’s De trinitate, Thierry reverses the order, expanding the sole arithmetical argument he had made in Super Arithmeticam and devoting less attention to the geometrical. He also invests further in the descent of alterity and inequality noted above43. In his subsequent commentaries Lectiones and Glosa, Thierry references only the arithmetical method; anonymous minor authors of his immediate circle, such as De septem septenis and Commentarius Victorinus, follow suit44. Likely due to his dependence on Super Arithmeticam, Nicholas of Cusa initially adopts Thierry’s geometrical meth37. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, I.32, ed. Caiazzo, p. 146, ll. 1220-1226. 38. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, I.32, ed. Caiazzo, pp. 146-147, ll. 1226-1242. 39. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, II.31, ed. Caiazzo, pp. 185-186, ll. 814-836. 40.Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, I.32, II.24 and II.31, ed. Caiazzo, p. 153, ll. 1398-1400, p. 177, ll. 569-570 and p. 186, ll. 836-850. Cf. Theodoricus Carnotensis, Lectiones in Boethii librum de Trinitate, VII.7, ed. Häring, p. 225. 41. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, II.42 and I.32, ed. Caiazzo p. 199, ll. 1205-1210 and 150, ll. 1334-1338. 42. Cf. Theodoricus Carnotensis, Tractatus de sex dierum operibus, 37-40, ed. Häring, pp. 570-572. 43. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Boethii librum de Trinitate, II.3036, ed. Häring, pp. 77-79. 44. Cf. Theodoricus Carnotensis, Lectiones in Boethii librum de Trinitate, VII.6, ed. Häring, p. 225; Glosa super Boethii librum de Trinitate, V.17-18, ed. Häring, pp. 296-297; Commentarius Victorinus, 81-85, ed. Häring, pp. 498-499; cf. Ioannes Saresberiensis, De septem septenis, ed. Migne, p. 961BC.
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od and even extends the same reasoning to conexio45. But then Cusanus too turns to the arithmetical method of self-multiplying unity46. Now we can ask: Which of these methods does Achard of St. Victor deploy in De unitate? In particular, what impulses from Super Arithmeticam might he have received? In short, the answer is that Achard fully embraced Thierry’s original geometrical method centered on equality. He hardly even mentions the arithmetical argument about self-multiplying unity. Against the background of Thierry’s development on this point, this is further evidence of Achard’s reliance upon Super Arithmeticam. If he were in fact drawing his Chartrianism in large measure from the Parisian master’s greatest inquiry into equality in De arithmetica, then it would make sense to expect Achard’s Trinitarian theology to be similarly oriented. However, the case is more complicated than mere dependence, since Achard creatively reinvents Thierry’s geometrical model of the mathematical Trinity into a new path of his own – much like Nicholas of Cusa would centuries later, but already with greater surety and elegance. As we have seen, according to Achard’s account, divine Beauty irradiates when plurality and unity are reconciled. To name this crucial moment, Achard requires a mediating (quasi mediata) concept47. He first reaches for the notion of a fitting “harmony” (convenientia, congruentia) between unity and plurality. But in truth these express an underlying concept of aequalitas: “The unity that is in things according to a certain equality [aequalitatem] among them attains plurality, and so great a likeness with the beauty that comes from the fitting together and congruence [convenientia et congruentia] of many ... If anything corresponds to the first and highest unity fully and completely, it is completely impossible, in this supreme harmony [congruentia] perfected by their highest unity, that an unequal [imparem] beauty be expressed by either of them”48.
In short, divine beauty is necessary plural, but such plurality can only be found in divine unity as equality49. 45. Cf. Nicolaus de Cusa, De docta ignorantia, I.7 (19), ed. Wilpert / Senger, p. 28. On conexio, cf. Nicolaus de Cusa, De docta ignorantia, I.7 (20-21), ed. Wilpert / Senger, pp. 28-30. 46. Cf. Nicolaus de Cusa, De docta ignorantia, I.8 (23), ed. Wilpert / Senger, p. 32. 47. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum-L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.2, ed. Martineau, p. 70. 48. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.5, ed. Martineau, pp. 72-74: “Unitas etiam quae rebus inest secundum quandam ipsarum aequalitatem, pluralitatem et similitudinem tantam obtinet cum pulchritudine in convenientia et congruentia plurium ... Si quid vero primae et summae unitati ad plenum ex toto respondet, impossibile omnino est in hac tali congruentia summae unitate illorum perfecta, imparem cuilibet eorem exprimi pulchritudinem” (tr. Feiss, pp. 381-382). 49. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.9, ed. Martineau, pp. 76-78.
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Once Achard formulates the centrality of equality, he organizes his Trinitarian theology around it. He immediately proposes to investigate the very “nature of equality”. Here Achard articulates Thierry’s geometrical method astutely in his own terms. If there is a transcendent equality, it will be equal to unity, and both will be equal to God; such equality participates in nothing but rather maintains its own substance autonomously50. Following some belabored arguments that God must be a plurality of persons, Achard sets out to define the Trinity as unity, equality of unity, and equality itself. To this end, Achard begins to introduce quadrivial doctrines from Boethius, all of which Thierry had commented extensively on in Super Arithmeticam. Number is divided into even and odd; unity is best expressed as an indivisible odd number51. The triangle is the origin and end of all other figures, just as the Son is the “figure of the substance” of the Father52. All inequalities proceed from pure equality, just as creatures proceed from God. Such a perfect equality, however, would have to perform equality between two equalities, whose equality produces a third53. Since equality corresponds in the quadrivium to magnitude, there cannot be four equalities; and given the priority of odd and of the triangle, the perfect equality must be triune54. For these quadrivial reasons, Achard concludes that the mathematical Trinity can be constructed out of pure equality, and serve as the foundation of his theological aesthetics. His final task is to define the same Trinitarian name again, now in terms of the technical twelfthcentury debate over “properties” of divine persons55. Neither in these passages, nor later in De unitate when Achard occasionally returns to the mathematical Trinity, will he introduce Thierry’s arithmetical method. Rather Achard’s 50. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.10-11, ed. Martineau, pp. 78-80. 51. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.18, ed. Martineau, p. 90. Cf. Boethius, Institutio arithmetica, I.3-6, ed. Guillaumin, pp. 12-15 and Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, I.3-7, ed. Caiazzo, pp. 124-127, ll. 589-679. 52. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.19, ed. Martineau, p. 92. Cf. Boethius, Institutio arithmetica, II.6-9, ed. Guillaumin, pp. 93-97 and Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, II.5-6, ed. Caiazzo, pp. 169-170. 53. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.20, ed. Martineau, p. 92. Cf. Boethius, Institutio arithmetica, I.32-II.1, ed. Guillaumin, pp. 66-81 and Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, I.32, ed. Caiazzo, p. 155, ll. 1161-1215. 54. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.21-23, ed. Martineau, pp. 92-96. Cf. Boethius, Institutio arithmetica, I.1, ed. Guillaumin, pp. 5-11 and Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, I.1 and I.4, ed. Caiazzo, pp. 104-109, ll. 80-208 and pp. 124-125, ll. 598-625. 55. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.24-36, ed. Martineau, pp. 96-106. Cf. Albertson 2012 and McGinn 2002.
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perspective is wholly governed by the same aequalitas that had dominated Super Arithmeticam.
IV. The power of the square One of the more unusual of Thierry of Chartres’s contributions is his comparison of the second person of the Trinity to an eternal “square” in his Commentum on Boethius’s De trinitate56. Here Thierry invokes a prophetic oracle known as the Spanish Sibyl that circulated shortly before the Second Crusade57. He cites a fragment from the Sibyl that states the following: “When you reach the side of the eternal sitting square and the side of the eternal standing squares”58. To make matters stranger, Thierry seeks to interpret these cryptic lines by connecting them to principles from Boethius’s De arithmetica. We know “by arithmetical reason”, he explains, that the number two multiplied twice makes a square and that unity multiplied by itself is the “first square”. Such squaring is an instance of generation, but the first and eternal generation is that of the divine Son, the equality of unity59. He concludes: “Because the first squaring is the generation of the Son, also the Son is the first square. But such squaring is a figure. Therefore rightly is the Son named the figure of the substance of the Father. ... The square was thus well attributed to the Son since this figure is judged as more perfect than the others on account of the equality of its sides”60.
That is, when the apostle calls the Son the figura substantiae of the Father in Hebrews 1:3, he is literally referring to an arithmetical concept or geomet56. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Boethii librum de Trinitate, II.31-49, ed. Häring, pp. 78-79 and pp. 82-84. Cf. Commentarius Victorinus, 95, in Commentaries on Boethius by Thierry of Chartres and His School, ed. Häring, p. 501. 57. The texts from MSS Munich, Clm 5254 and 9516 are transcribed as two independent versions in Giesebrecht 1877, pp. 502-506. The original sense of the Sibyl concerns German nobles travelling first to Constantinople, where the Greek emperor sits eternally and the nobility stand eternally, and thence toward Jerusalem. On the Sibyls in medieval literature, cf. Dronke 1992, pp. 219-244. 58. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Boethii librum de Trinitate, II.34, ed. Häring, p. 79: “Cum perueneris ad costam Tetragoni sedentis eterni et ad costam tetragonorum stantium eternorum...”. Thierry cites only a fragment of the Sibyl, but likely used the version from MS Munich, Clm 5254 that continues “et ad multiplicationem beati numeri per actualem primum cubum”. Cf. Giesebrecht 1877, p. 505. 59. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Boethii librum de Trinitate, II.34, ed. Häring, pp. 78-79. 60. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Boethii librum de Trinitate, II.34, ed. Häring, p. 79: “Et quoniam tetragonatura prima generatio Filii est, et Filius tetragonus primus est. Tetragonatio uero figura est. Merito ergo Filium figuram substantie Patris appellat. ... Bene autem tetragonus Filio attribuitur quoniam figura hec perfectior ceteris propter laterum equalitatem iudicatur”.
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rical shape, a figural number of the kind Boethius discusses in De arithmetica61. Trinitarian difference is equivalent to arithmetical difference. Without further context, it may seem that Thierry’s gloss exploits the poetic ambiguity of the Sibylline prophecy as an occasion to associate the biblical term figura with the quadrivial term figura. Read charitably, this is a rather free exegesis, creative but arbitrary. However, now with Super Arithmeticam in hand we can discern that Thierry’s strange notion in Commentum was not a whimsical or chance remark. Rather, as part of his commentary on De arithmetica he offers a much fuller and more precise elaboration. In fact Thierry provides two sophisticated explanations of the doctrine of the Son as Square from two quadrivial discipines, one arithmetical and one geometrical. After examining both we will be able to discern which one Achard of St. Victor repeats. In this case Achard’s repetition takes place outside of De unitate in a lengthy sermon-treatise dating to the same period, but nevertheless it remains a helpful index of his reliance on Super Arithmeticam. In the first book of his commentary Thierry offers an arithmetical explanation of the Sibylline prophecy. Inequalities descend from equality, but equality has the power to return their discord back to harmony. This equalizing function is best expressed, Thierry observes, when the number one multiplies itself and generates nothing but more unity62. He writes: “This is the first squaring [tetragonatura], which unity generates from itself, when unity multiplied by itself produces the first square. For unity multiplied once is the first square; and this is that eternal generation of the square, of which the Spanish Sibyl speaks in its prophecy ... The ‘eternal and sitting square’ names the Son of God, whose essence of unity has been generated out of his substance”63.
Thierry applies his arithmetical method for demonstrating the mathematical Trinity in order to define how the second person is a “square”, namely a square number. Note that in this version, unlike that of Commentum, Thierry does not cite Hebrews 1:364. But in the second book of Super Arithmeticam, Thierry adverts to the geo61. Thierry alludes to Hebrews 1:3 on other occasions: cf. e.g. Theodoricus Carnotensis, Tractatus de sex dierum operibus, 41, ed. Häring, p. 572. 62. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, I.32, ed. Caiazzo, p. 152, ll. 1374-1378. 63. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, I.32, ed. Caiazzo, p. 152, ll. 1378-1385: “Haec est tetragonatura prima, quam ex se gignit unitas, quae multiplicata per se primum efficit tetragonum. Semel enim unum, primus tetragonus est. Haec est aeterna illa tetragoni generatio, de qua hyspana sibilla in suo dicit vaticinio: Cum pervenitur ad costam tetragoni sedentis aeterni, et ad costas tetragonorum stantium aeternorum, et caetera. Tetragonum quidem sedentem et aeternum appellat dei filium, quem unitatis natura ex sua genuit substantia”. 64. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, I.32, ed. Caiazzo, p. 147, ll. 1240-1242.
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metrical method, following the lead of Boethius. In De arithmetica II, Boethius shows how numbers and proportions structure triangles, squares, and irregular polygons, and even pyramids, cubes, and spheres. Since arithmetic precedes geometry, such shapes are actually pyramidal numbers, cubical numbers, or spherical numbers65. Deep into his second book, Boethius underscores a counterintuitive but fundamental Neopythagorean distinction employed by Nicomachus. Beginning with the monad, odd numbers express unity and immutability (God, soul, mind), while the dyad and even numbers express duality and mutability (materiality, corporeality). However, when it comes to geometrical figures, immutability is expressed by shapes with equal sides, whereas mutability is expressed by shapes with sides of different lengths. For this reason, it is not the equilateral triangle that is the highest form, but rather the perfection of the square. While triangular numbers combine odds with evens (1+2), diluting the power of the monad, every square number is composed of pure odd numbers (1 +3 = 4, 1 + 3 + 5 = 9, and so forth). Only squares preserve unity in its full potency66. It is at this juncture in Super Arithmeticam that Thierry intervenes with his second Trinitarian meditation on the square (quadratus). This version, which accents geometry rather than arithmetic, has two steps. The first step establishes that equality as forma essendi possesses the “power of the square”. Thierry begins by noting that even numbers not only express the “mutability of matter” but also difference itself (alteritas); geometrically expressed, such “alterity” is signified by polygons composed of uneven sides. Form determines matter by drawing on unity to carve out singular entities. But geometrically expressed, form exerts its “equality of being” (aequalitas essendi) as the force of a square upon irregular polygons, squaring matter into substance67. Thierry explains: “The equality of being is derived from the power of unity. On account of the equality of all of its dimensions, the square contains the power of unity and odd numbers. Therefore the power of the square lies in form itself; indeed from the power of the square that very form is also the equality of being”68. This ingenious extrapolation of the Boethian quadrivium suggests that the geometrical figure of the square bears an ontological, even theological, significance. The square is not merely a symbol of the divine power of form; it is an authentic, unique, unsurpassable realization of divine form on earth. 65. Cf. Boethius, Institutio arithmetica, II.7 sqq., ed. Guillaumin, p. 95 sqq. 66. Cf. Boethius, Institutio arithmetica, II.10-12 and II.31.1-11, ed. Guillaumin, pp. 97-100 and 125-127. 67. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, II.31, ed. Caiazzo, p. 185, ll. 808-816. 68. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, II.31, ed. Caiazzo, pp. 185-186, ll. 816-820: “Ex vi enim unitatis est essendi aequalitas. Quadrato quoque vis unitatis et imparitatis, propter omnium dimensionum aequalitatem, est implicita. Vis ergo quadrati in ipsa forma est. Ex vi namque quadrati forma ipsa quoque essendi est aequalitas”.
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Thierry’s second step contends that divinity itself, including the second person of the Trinity, likewise possesses the “power of the square”. Before proceeding we should recall how seriously Thierry takes the Neopythagorean view that nature and God operate ultimately through mathematical structures. “The powers of the principal causes of things reside in numbers as well as the geometrical figures descending from such numbers”, he writes69. Thierry repeats this idea several times in Super Arithmeticam with an incontrovertible directness and realism70. These provide context for his similar, but there more abrupt, judgment in his Genesis commentary that “the creation of number is the creation of things”71. But Thierry believes that not only the immanent causes of nature, but also divine transcendence itself, can and must be conceived through number. Since the Creator shapes matter “according to number” (secundum omnes numeros), Thierry can state provocatively: “even divinity possesses being [esse habet] from the power of number and figure”72. The Parisian master immediately cautions his hearers: no one should say that number is prior to God. Yet we know God from nature, and nature from causes; causes have their power ultimately from numbers and figures, which form the ontological substructure of the quadrivium. In this sense, natural knowledge of God begins necessarily with arithmetic and geometry73. With these Neopythagorean commitments in mind we can approach Thierry’s second step, in which he names divinity as a geometrical “square”. Here is the critical passage in full: “In sum, since form is the equality of being, I say that divinity is form or cause from the power of the square. For from the power of the square, equality (or form) is the equality of existing, as has already been shown. Hence I say that form is able to determine matter due to the power of squaring, the power of unity. Therefore it is from the power of the square that divinity is the form or cause of things. And this is why the Spanish Sibyl in its prophecy names the Son of God the ‘eternal square’”74. 69. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, II.31, ed. Caiazzo, p. 186, ll. 826-827: “... in principalibus causis rerum vires suas habent numeri, et geometricae figurae quae ex ipsis descendunt ...”. 70. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, I.1 and I.2, ed. Caiazzo, p. 118, ll. 343-350 and p. 145, ll. 455-456. 71. Theodoricus Carnotensis, Tractatus de sex dierum operibus, 36, ed. Häring, p. 570: “Sed creatio numerorum rerum est creatio”. 72. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, II.31, ed. Caiazzo, p. 186, ll. 841-847. 73. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, II.31, ed. Caiazzo, pp. 186-187, ll. 839-855. 74. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, II.31, ed. Caiazzo, p. 186, ll. 830-836: “Rursus cum forma sit aequalitas essendi, dico quod divinitas ex vi quadrati forma vel causa est. Ex vi namque quadrati aequalitas et forma est existendi aequalitas, ut iam saepe dictum est. Dico itaque quod ex vi quadraturae et unitatis forma habet materiam determinare. Divinitas ergo ex vi quadrati forma vel causa rerum est. Et hoc est quare sybilla hyspana in vaticinio suo filium dei tetragonum aeternum nominat”.
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Thierry’s reasoning as recorded from his lectures is often so compressed as to seem merely speculative, but in fact he argues his philosophical point quite carefully. In the standard Aristotelian account, form individuates matter by donating unity. Thierry adds the specifically Boethian (viz. Neopythagorean) lemma that form donates not only unity but the equality of being (aequalitas essendi, aequalitas existendi). Since within the quadrivium arithmetic and geometry are always linked, there must always be a geometrical co-efficient to the action of form. It is more precise to say that form donates a unity equal to the unity of other entities, an equality to their unity. This entails that form effects not only oneness (unity, arithmetic) but also squareness (equality, geometry). Thus Thierry concludes that form is derived from the “power of the square” (vis quadrati), a term he found in De arithmetica75. To drive this point home, Thierry then defines the action of form as the “power of squaring” (vis quadraturae), substituting the future participle for Boethius’s noun. To my knowledge this is the first and only time Thierry uses the term quadratura. Thierry then appropriately, given his principle of the integral quadrivium, identifies that squaring activity with divine unity (or unifying). Form unifies by squaring, just as God is both unity and equality. If God is the true forma essendi, and form operates as “squaring” force, then it follows that “divinity is the form of all things from the power of the square”. God creates by donating form; God forms by “squaring.” This chain of reasoning helps one to accept Thierry’s provocative remark that “even divinity possesses being from the power of number and figure.” When Thierry finally cites the Spanish Sibyl, we can appreciate the context. The the Parisian philosopher is not relying on its oracular authority so much as he is reminding his hearers of the Trinitarian resonances of the quadrivial matters under discussion. His doctrine of the divine Son as quadratura is not an artful symbol, or a matter of so-called Pythagorean arithmology. Rather it is a carefully argued conclusion about the utility and indeed authority of quadrivial disciplines for theological speech. To what extent does Achard of St. Victor repeat Thierry’s innovation? Achard embraces the doctrine of the Son as square, but not in De unitate per se. Instead we find his version in a sermon that approaches the length and organization of a short treatise, Sermon 13. There the quadrivial appellation represents the fulcrum of Achard’s Christological meditation in the sermon, and what is more, he draws exclusively from Thierry’s second, geometrical argument. Achard preached the sermon on the festal anniversary of St. Victor’s founding, likely between 1155 and 116176. He urges the gathered monks to be wise builders like Solomon as they con75. Cf. e.g. Boethius, Institutio arithmetica, II.11-12, ed. Guillaumin, pp. 98-99. 76. Châtillon dates Sermons 13-15 to the post-abbatial period from 1155 to 1161. Cf. Acardus a Sancto Victore, Sermons inédits, ed. Châtillon, pp. 142-147.
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structed the house of God. Achard compares Christ’s power, anointing, and wisdom to three “houses”. The first “house of power” contains a rich Christological section before the briefer exhortations on the houses of anointing and wisdom, and it is here that Achard returns to Thierry’s quadrivial doctrine. Achard states that Solomon built his temple out of stone from Lebanon, but Lebanon means “brightening” (candidatio) according to Jerome77. Christ is the true “brightness” that enlightens the world, and just as form descends as light into the darkness of matter78. “Solely out of kindness”, he writes, “did such a beautiful form unite itself to such unformed material, which was not just unformed but even deformed”79. God’s “expressed form”, the form of Christ, is received by humanity as an “impressed form” that restores its lost beauty80. But what exactly is the form of Christ? Thierry of Chartres had leveraged the ambiguity of figura to link Trinity and quadrivium. Here Achard exploits the ambiguity of forma to connote existence, beauty, and shape: “This form is a squaring [quadratura] because it is stable and firm. [...] Christ is our form – as the apostle formed by him shows, Christ became a spiritual square [spiritualis quadratura] for us – according to the apostle’s word, Christ ‘became for us wisdom from God, and righteousness, and sanctification and redemption’ [1 Cor 1:30]. See there a vital, heavenly square [quadratura]! Approach and receive it, you stones, or rather you who without it are dead and earthly. You have been hewn into this square form [in ea quadramini], and thus you have been transformed from dead to living, from earthly to heavenly”81.
In Achard’s telling, Christ expresses divine form by taking on the dimensions of a square, and monks receive Christ when they are thus “squared” (quadramini). Achard’s “square” also suggests an architectural instrument that ensures the uniformity of stones to optimize house construction. Achard takes a step beyond Thierry by applying the quadrivial verb quadramini to define the spiritual formation that Christians receive from Christ’s form. Achard searches for other “squares” 77. Cf. Acardus a Sancto Victore, Sermo 13, §§ 11-14, ed. Châtillon, pp. 145-149 (tr. Feiss, p. 221). On this passage cf. Châtillon 1969, pp. 218-221. 78. Cf. Acardus a Sancto Victore, Sermo 13, §§ 15-16, ed. Châtillon, pp. 149-150. 79. Acardus a Sancto Victore, Sermo 13, § 16, ed. Châtillon, p. 150: “Forma tam formosa ex pietate sola se univit materie tam informi, nec modo informi sed et deformi” (tr. Feiss, p. 228). On Christ as form cf. Coolman 2010, pp. 83-102. 80. Acardus a Sancto Victore, Sermo 13, § 16, ed. Châtillon, p. 150: “Forma autem ista et Dei est et nostra: Dei est quia a Deo est, nostra est quia in nobis est; a Deo est expressa, et ab ipso nobis est impressa” (tr. Feiss, p. 229). 81. Acardus a Sancto Victore, Sermo 13, § 17, ed. Châtillon, pp. 150-151: “Quadratura quedam est hec forma, quia stabilis est et firma. ... Christus forma nostra est, qui, ut ostendit Apostolus ab eo formatus, spiritualis quadratura nobis est factus: Christus namque, juxta verbum Apostoli, factus est sapientia nobis a Deo, et justitia, et sanctificatio, et redemptio. Ecce quadratura vitalis atque celestis. Accedite et eam suscipite, lapides vivi, immo sine ea mortui atque terreni; in ea quadramini, et sic ex mortuis vere vivi et ex terrenis celestes efficiemini” (tr. Feiss, p. 229, modified).
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or fourfold virtues found throughout scripture. “Only in the love of God is the square proposed and imposed as something we must receive”, he writes, and only when we become square can we cleave both to the cornerstone, Christ, and to adjacent stones, our neighbors82. “Whoever accepts squares of this kind will come through them to that superior square”, namely Christ83. Achard seems to intend this less as a metaphysical statement than a concrete image to impress in the minds of his hearers. Nevertheless, he specifically uses the term quadratura (rather than quadratus), which Thierry had used to denote the activity of divine form “squaring” matter. It is noteworthy that just as Thierry skips the figura substantiae argument from Hebrews 1 in Super Arithmeticam, so too does Achard when he repeats the “square” argument. Given that Achard’s sermon also concerns the aesthetics of divine form shaping matter, we can reasonably conjecture that Thierry’s Super Arithmeticam was a textual source for Achard in Sermon 13.
V. Mathematical theology in Boethian traditions I have identified three significant traces of Thierry of Chartres’s quadrivial theology in Achard of St. Victor: on divine beauty; on the mathematical Trinity; and on the divine Son as eternal square. Each points us toward the conclusion that Achard knew Thierry’s groundbreaking lectures on Boethius’s De arithmetica, as any good student of the Parisian master would. There are other thematic connections between Super Arithmeticam and De unitate dei et pluralitate creaturarum, which, if not as dispositive as those we have examined, still remain compelling and worthy of further investigation. For instance, in the last part of De unitate, Achard discusses the plurality of creatures under three rubrics: “forms” (causae formales sive exemplares), “causes” (causae finales), and “modes” (causae explicatrices)84. After lengthy discussions of the first two, the final section on “unfolding causes” seems incomplete or truncated in some manner. The origin of the unusual term “causae explicatrices” and the sense of Achard’s “modi” remain unclear. Martineau provides some useful parallels from Augustine, but Mohammad Ilkhani rightly points toward Thierry of Chartres’s doctrine of complicatio and explicatio85. But as we now know, that same 82. Acardus a Sancto Victore, Sermo 13, § 21, ed. Châtillon, p. 153: “In sola etiam dilectione dei quadratura proponitur et suscipienda nobis imponitur” (tr. Feiss p. 232). 83. Acardus a Sancto Victore, Sermo 13, § 22, ed. Châtillon, p. 154: “Qui quadraturas hujusmodi acceperit, per eas ad superiorem quamdam perveniet quadraturam...” (tr. Feiss, p. 234). 84. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.39 and II.19, ed. Martineau, pp. 108 and 192. 85. Cf. Martineau in Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, pp. 212-214; and Ilkhani 1999, pp. 295-96.
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doctrine first appears in Super Arithmeticam, where Thierry articulates it in terms of the Boethian quadrivium. Number is the “unfolding” of unity, as magnitude is the “unfolding” of the point86. As we saw above, Thierry connects the quadrivium to Aristotle’s four causes and the divine Trinity as well; in later works he uses complicatio and explicatio to organize four universal “modes of being” (modi essendi)87. Could Achard have combined these various Chartrian concepts into “modes” of causae explicatrices? Another possible intersection is Thierry of Chartres’s account of the divine mind (mens divina). The notion that the divine ideas are numbers goes back to late antiquity, but the most important Latin formulations are two short passages in Boethius’s De arithmetica88. In Super Arithmeticam Thierry offers one substantial gloss on these passages, in what may be his earliest extant assertion of Christian Neopythagoreanism. God possesses arithmetic as the exemplar of his own reasoning, creates all things according to number, and orders creatures within the divine mind by assigning proportions and harmonies to each89. However, it is chiefly in his later commentaries on Genesis and Boethius’s De trinitate that Thierry explores mens divina in further detail. There he seeks to define how the notiones that fill the divine mind are generated by eternal aequalitas, the agent of God’s wisdom90. Like other twelfth-century philosophers Thierry broaches the problem of idos versus idea found in Seneca91. Achard pursues very similar questions in De unitate. His extensive account of creaturely “forms” (causae formales) is in truth a long excursus on numbers. God eternally possesses the “quantities and numbers” of things predisposed in the divine mind92. God contains an infinite number of plural, distinct forms, infinite individuals multiplied in infinite degrees, and knows them all immediately and dis86. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, II.4, ed. Caiazzo, pp. 163-165, ll. 230-241, 260-275. 87. Cf. e.g. Theodoricus Carnotensis, Lectiones in Boethii librum de Trinitate, II.1-34, ed. Häring, pp. 154-166; cf. Albertson 2014, pp. 119-139. 88. Boethius, Institutio arithmetica, I.1.8 and I.2.1, ed. Guillaumin, pp. 8-9 and p. 11. Cf. Seneca, Ad Lucilium, 65 (7), ed. Gummere, p. 448. 89. Cf. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Arithmeticam Boethii, I.1, ed. Caiazzo, p. 114, ll. 343-350: “Ad exemplar numeri dicitur deus res creasse, quia omnia ex discretione, quae est ex numeris, habent esse. Et nota quid deus dicitur habuisse arithmeticam, id est numerum, exemplar suae ratiocinationis, id est dispositionis, quia secundum numerum, id est secundum rerum discretionem in mente provisa, cuncta disposuit. ‘Cuncta’ dico quae concordant per numerum, id est iuxta proportionem assignantur, id est quae sunt assignatus ordo in mente divina. Ex his enim omnis rerum ordo procedit”. 90. Cf. e.g. Theodoricus Carnotensis, Tractatus de sex dierum operibus, 42-43, ed. Häring, pp. 572-573; Lectiones in Boethii librum de Trinitate, II.35-67, ed. Häring, pp. 166-177; and Glosa super Boethii librum de Trinitate, II.28-36, ed. Häring, pp. 274-276. 91. Cf. e.g. Theodoricus Carnotensis, Glosa super Boethii librum de Trinitate, II.30, ed. Häring, p. 275. Cf. Caiazzo 2005-2006, pp. 91-116. 92. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.43, ed. Martineau, p. 114.
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tinctly as numbers93. Achard insists that the plurality of creatures in God’s mind and in creation are numerically identical: in God a creature can be numerically both one and infinite, an actual infinity without succession94. Alluding to De arithmetica, Achard therefore concludes: “Even pagan philosophers assert that God possessed the numbers and exemplars of all things, to which Boethius, the Christian philosopher, also testifies”95. Achard even cites the same ancient authorities that we know Thierry invoked across his Boethian lectures: Boethius’s De trinitate and De consolatione philosophiae, as well as Augustine’s De Genesi ad litteram, De libero arbitrio, and De musica96. He composes a mini-treatise on number and figure in Augustine’s De trinitate97. Like Thierry he discusses Seneca on idos and idea98. These are all remarkable resonances between Achard’s doctrine of number in the divine mind and similar ideas that emerge in Thierry’s later works. On this important point, Achard must have been inspired by the project of Super Arithmeticam. However, Thierry’s quadrivial lectures only name the topic once, and even his later explorations recorded in Lectiones and Glosa pale in comparison to the sophistication, rigor, and sheer beauty of Achard’s De unitate. When he defines the divine ideas as eternally infinite numbers, the Victorine abbot makes his own powerful, independent contribution to Christian Platonism99. Achard’s evident ability to embrace Thierry’s ideas but then develop them further is lacking in virtually all other twelfth-century readers of the Parisian master. In this regard Achard ought rather to be compared to Nicholas of Cusa, who never hesitated to edit, combine, or update Thierry’s concepts. In order to fully appreciate Achard’s distinctive achievement in De unitate, we ought to locate his work among other medieval philosophical traditions related to Boethius and the quadrivium. As Andreas Speer has observed, the heritage of Boethian metaphysics has long been marginalized within the grand narratives that organize the history of medieval Christian thought100. The rise of Aristotelian ontology as first philosophy, the subsequent “second beginning” of metaphys93. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.45-46, ed. Martineau, p. 118. 94.Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.48, ed. Martineau, pp. 124-132. 95. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.5, ed. Martineau, p. 150; tr. Feiss, p. 443. 96.Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.5, ed. Martineau, pp. 150-152. 97.Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.6-11, ed. Martineau, pp. 154-170. 98.Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.12-15, ed. Martineau, pp. 170-178. 99. Cf. e.g. Nicolaus de Cusa, De docta ignorantia, II.3 (108-109) and II.12 (172), ed. Wilpert / Senger, pp. 24-26 and p. 104. Cf. further Wolfson 1961, pp. 3-32 and Krämer 1964. 100. Cf. Speer 2005.
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ics in the thirteenth century, and the ensuing tensions between Thomism and the Neo-Augustinian reaction in the fourteenth, are all tropes that lead teleologically toward Kantian or Heideggerian analyses, in which metaphysics liberates itself from theology. But the Boethian legacy, according to Speer, does not fit well into these patterns. Rather than separate philosophy and theology into two competing disciplines, Boethian traditions tend to defend a univocal conception of theology as first speculative science; rather than exalt ratio, they postulate a higher intellect that integrates faith with discursive reason; rather than cordon off natura known mathematically, they strive to marry trivium and quadrivium. To the extent that our governing narratives exclude this “hidden heritage”, the very eccentricity of Boethian traditions is all the more valuable for those striving to think beyond the metaphysical limitations of the past. According to Speer, the tradition reappears in John Scotus Eriugena’s Boethian Dionysianism; flowers in twelfth-century Boethian commentaries by Thierry of Chartres, Gilbert of Poitiers, and Clarembald of Arras; and ultimately bears fruit in those two eccentric German Boethians, Meister Eckhart and especially Nicholas of Cusa. Now we must acknowledge that Achard of St. Victor belongs to this august lineage as well. Indeed he may even exercise a preeminent role among others. As Speer notes, the last medieval testament to the Boethian heritage was Nicholas of Cusa, but Nicholas’s achievement was only possible as he reformulated a suite of signature Chartrian concepts. Yet now we can affirm that centuries before both Eckhart and Cusanus, Achard of St. Victor performed the same maneuver in De unitate: preserving, modifying, and expanding Thierry’s theology. Achard is the first known author to do so. What is more, Achard’s primary motivation in the 1140s may well have been the same commentary Super Arithmeticam that stimulated the German cardinal in the 1440s, as I have argued elsewhere101. Mediating between Thierry and Nicholas, Achard clarifies the particular achievement and limitations of each. He is an indispensable third figure in the history of Latin Christian Neopythagoreanism, or mathematical theologies. Given the profoundly mathematical orientation of Nicholas of Cusa’s thought, historians in the last century were fond of naming Cusanus the prophetic “forerunner” (Vorläufer) of modern philosophy, an uncanny predecessor of Descartes, Kant, or Hegel who glimpsed the future already within the fifteenth century. As work on the critical edition progressed, scholars shifted away from such judgments and instead applied themselves to discerning what ancient and medieval sources might have enabled Nicholas to sound as modern as he does. Cusanus appears to be a precursor of the seventeenth century due to his creative reformulation of Thierry’s Neopythagoreanism. But now we know that this feat had been already 101. Cf. Albertson 2016a.
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achieved once before, by a future Victorine abbot in the twelfth century who studied Super Arithmeticam with special care, and whose thoughtful response, penned only years after Thierry’s death, makes him the forerunner of Cusanus himself102.
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102. Cf. Albertson 2016b.
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An Early Reader of Thierry of Chartres’s Arithmetica Commentary
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David Albertson
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Abstract: In De unitate dei et pluralitate creaturarum, Achard of St. Victor echoes several theological concepts pioneered by Thierry of Chartres, an arts master active in Paris during Achard’s years of study before becoming abbot. To explore Achard’s possible debts to Thierry, we can examine his philosophical treatise for traces of Chartrian influence, making particular use of Thierry’s commentary on Boethius’s Institutio arithmetica that has been recently identified by Irene Caiazzo. At least three significant traces of Thierry of Chartres’s quadrivial theology are worth noting: on divine beauty, on the mathematical Trinity, and on the divine Son as eternal square. In this light we should acknowledge Achard of St. Victor’s important contributions – centuries before the later, parallel project by the Renaissance cardinal, Nicholas of Cusa – to the discourse of Latin Christian Neopythagoreanism. Keywords: Boethius, Thierry of Chartres, Nicholas of Cusa, Fold, Quadrivium, Trinity, Mathematics, St. Victor, Victorine, Achard of St. Victor, Arithmetic, Geometry, Pythagoreanism, School of Chartres, Beauty, Number.
David Albertson University of Southern California School of Religion 825 Bloom Walk, ACB 130 Los Angeles, CA 90089-1481 [email protected]
Jean-Louis Poirier
L’adverbe ibi dans le De unitate
Introduction Nous nous proposons d’étudier l’usage de l’adverbe ibi dans le De Unitate Dei et pluralitate creaturarum. Il va presque de soi que cette étude s’étend aussi à l’usage du couple adverbial ibi / hic. S’agissant d’un peu plus que d’une question de vocabulaire, nous tenterons de rendre compte de cet usage en termes conceptuels et en mobilisant une problématique discursive précise. Cela, même si, eu égard aux diverses traditions néoplatoniciennes, généralement peu avares de cette terminologie, dans le De unitate, cet usage, témoigne selon nous au moins d’une rupture, sinon d’une réception négative. Il atteste en tout cas d’une thématisation profondément différente. C’est pourquoi nous prenons la liberté, pour commencer, de rappeler rapidement l’histoire de ce vocable et de ce couple, notamment en ce que celle-ci nous paraît être celle d’une dédramatisation. La chose n’est pas sans importance dans la mesure où l’on est en droit de considérer l’adverbe ibi comme le marqueur spécifique du chôrisme fondamental ou de la scission du réel, propres à l’environnement conceptuel antique de l’après Parménide. Nous nous trouvons en présence, en effet – et ceci est commun aux traditions platoniciennes et néoplatoniciennes – d’un vocabulaire spatial métaphoriquement associé au thème originairement platonicien de l’ascension et des échelons de cette ascension, telle qu’elle est exposée dans le Banquet ou le Phèdre : l’adverbe de lieu ibi, presque toujours utilisé en couple, reçoit la fonction de rendre compte du partage du sensible et du supra-sensible selon une métaphorisation spatiale qui conduit à opposer deux régions, ici-bas (ἐνταῦθα / hic) et là-bas (ἐκεῖ / ibi). Cette métaphorisation met en place, plus ou moins subrepticement, une figure de rhétorique appelée à produire des effets majeurs, d’autant plus puissants que non explicités, des siècles durant. L’usage du couple adverbial ibi / hic relève en effet, selon les cas, de l’ellipse, de la périphrase ou de la pronomination, mais toujours de Ad Argumenta. Quaestio Special Issues, 2 (2019), 133-148 • 10.1484/m.adarg-eb.5.118599
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l’allusion. Et dans chaque cas, il consiste à ne pas dire ce qu’il désigne pourtant ainsi : un ailleurs innommable, exprimé dans son absence. Divers aspects de cette histoire doivent retenir l’attention : – En un premier aspect, descriptivement, on passe du mythe et de la posture non conceptuelle qui lui est propre chez Platon, avec par exemple le récit du Phèdre, à une topologie chez Platon lui-même – avec par exemple l’allégorie de la ligne – et chez Plotin, puis à une théologie, avec Proclus. La réappropriation plotinienne du mythe en rend possible une lecture réaliste, que la version théologique, au contraire écarte. Il reste que le couple ibi / hic, ou son équivalent grec ἐκεῖ / ἐνταῦθα, travaille dans le contexte du partage sensible / intelligible ou, pour reprendre les termes de l’allégorie de la ligne, du visible et de l’invisible, ou encore pour renvoyer au Phèdre, du lieu supra céleste et de l’ici-bas. On peut admettre que ce partage, dans l’histoire, sera un invariant, même s’il ne recevra pas toujours le même sens. – En un second aspect, on observera comment l’usage traditionnel de l’adverbe ibi et du couple adverbial hic / ibi, dramatisé à travers ses multiples connotations nostalgiques, ondoyant dans la lumière des lointains, s’accompagne de la production, liée à la rhétorique mise en œuvre, de ce qu’on pourrait appeler un effet de halo, lui-même lié à la référence à un ineffable et au choix du silence, ce qui fait du discours qui le tient une sorte de parole limite. Mais on remarquera surtout que tous ces effets semblent s’évanouir sans reste chez Achard de Saint Victor, comme si l’usage – pourtant sans retenue – qu’il faisait du couple hic / ibi était entièrement banalisé, exempt de toute rhétorique et pour ainsi dire protégé ou indifférent à des significations métaphoriques qu’il n’accompagne pas. On devrait trouver là l’occasion de s’interroger sur la partition métaphorique de l’être en régions et d’observer, avec Achard, conformément à une tradition que nous croyons platonicienne, la disparition de ce type de répérage au profit de coordonnées neutres et rigoureusement abstraites.
I. L’adverbe ibi [sc. ἐκεῖ] chez Platon Si l’on fait abstraction des questions qui concernent la chronologie des dialogues de Platon, et en particulier celle de la datation du Phèdre, la détermination du supra-sensible comme d’un lieu caractérisé par son éloignement et donc logiquement référé par l’usage de l’adverbe ἐκεῖ, apparaît pour la première fois – croyonsnous – dans le mythe du Phèdre. Les autres usages de ἐκεῖ, usages qu’on dit parfois ‘non-techniques’ – s’il y en a (le partage du technique et du non-technique, en philosophie, renvoie à des présupposés passablement obscurs! C’est à tout le moins un problème) – renvoient la plupart du temps à l’au-delà compris
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comme la demeure des morts, à l’Hadès donc. Ce qui en montre à la fois l’origine et le lien avec l’usage commun. Et il semble en effet que le lieu de naissance de ce dispositif lexical soit le Phédon, origine d’une histoire qui conduit de l’usage commun et populaire à un sens plus étroit associé aux formes intelligibles. On peut lire ainsi, en 107e (lorsque les trépassés, après leur jugement, se mettent en route pour rejoindre le lieu qui leur a été assigné) : « [...] οἵ δεῖ τοὺς ξυλλεγέντας διαδικασαμένους εἰς Ἅιδου πορεύεσθαι, μετὰ ἡγεμόνος ἐκείνου ῷ δὴ προστέτακται τοὺς ἐνθένδε ἐκεῖσε πορεῦσαι. Τυχόντας δὲ ἐκεῖ ὧν δὴ τυχεῖν [...] »1. Si on laisse de côté – mais peut-on faire cela ? – le fait que cet au-delà est le lieu d’un jugement des âmes et les concerne donc selon une certaine dimension d’immortalité qui fera justement le thème du Phédon, il est clair qu’il s’agit-là d’un usage populaire du mot ; mais il est clair aussi que cet usage porte en lui l’usage dit ‘technique’ imminent : ce qu’atteste l’emploi du même mot, quelques pages plus loin, appliqué non seulement aux régions supérieures de la Terre, mais déjà articulé à la lumière des Idées. Ainsi peut-on lire dans le Phédon à propos des régions supérieures de la Terre, et des minéraux : « [...] ἐκεῖ δὲ οὐδὲν ὅ τι οὐ τοιοῦτον εἶναι καὶ ἔτι τούτων καλλίω »2. Il appartient alors au Phèdre d’investir cette hiérachie des régions cosmiques, où apparaît la puissante opposition du ciel et de la Terre, pour faire de cette topologie le support d’un itinéraire de salut, dans lequel il faut voir la version initiatique articulée pour longtemps à l’opposition ἐνταῦθα / ἐκεῖ : « Ἀναμιμνήσκεσθαι δὲ ἐκ τῶνδε ἐκεῖνα οὐ ῥᾴδιον ἀπάσῃ, οὔτε ὅσαι βραχέως εἴδον τότε τἀκεῖ, οὔθ᾽αἵ, δεῦρο πεσοῦσαι, ἐδυστύχησαν ὥστε, ὑπό τινων ὁμιλιῶν ἐπὶ τὸ ἄδικον τραπόμεναι, λήθην ὧν τότε εἶδον ἱερῶν ἔχειν [...] »3 : puis un peu plus bas : « Ὁ μὲν οὖν μὴ νεοτελὴς ἢ διεφθαρμένος οὐκ ὀξέως ἐνθένδε ἐκεῖσε φέρεται »4. Au-delà d’une compréhension tendanciellement esthétique du récit mythique qui lui donne son champ, on insistera sur deux faits : – le lieu supra-sensible est objet de désir et répond à la mémoire : 1. Plato, Phaedo, 107e, ed. Robin, p. 85 : tr. Robin, p. 85 : « Après quoi ils doivent se mettre en route vers les demeures d’Hadès, en compagnie du guide en question, auquel mission a été donnée de faire faire route jusque là-bas à ceux qui viennent d’ici. Mais quand ils y ont eu le sort qu’ils y devaient avoir [...] ». 2. Plato, Phaedo, 110e, ed. Robin, p. 90 : tr. Robin, p. 90 : « [...] mais dans cette région lointaine, s’il n’est rien qui n’existe en ce genre, elles y sont plus belles encore que celles d’ici-bas ». 3. Plato, Phaedrus, 250a2, ed. Robin, p. 43 : tr. Robin, p. 43 : « Mais trouver dans les choses de ce monde-ci le moyen de se ressouvenir de celles-là n’est pas aisé pour toute âme, ni pour toutes celles qui alors n’ont eu qu’une brève vision des choses de là-bas, ni pour celles qui une fois tombées en ce lieu-ci, ont été assez malchanceuses pour se laisser tourner à l’injustice par on ne sait quelles fréquentations et pour y trouver l’oubli des augustes objets dont en ce temps-là elles ont eu la vision » et « celui qui n’est pas fraîchement initié ou bien qui s’est laissé corrompre n’est point vif, d’ici, à se porter là-bas [...] ». 4. Plato, Phaedrus 250e2, ed. Robin, p. 44 ; tr. Robin, p. 44 : « [...] celui qui n’est pas fraîchement initié ou bien qui s’est laissé corrompre n’est point vif, d’ici, à se porter là-bas [...] ».
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– l’accès à cette région ou sa reconnaissance relèvent d’un itinéraire qui traduit une conversion intérieure. Autrement dit, l’élément spatial est frappé de nullité. S’il faut en revenir à l’espace, devenu monde sensible, nous sommes renvoyés au thème de la fuite hors de ce monde, qui apparaît dans le Théetète : « Διὸ καὶ πειρᾶσθαι χρὴ ἐνθένδε ἐκεῖσε φεύγειν ὅτι τάχιστα. Φυγὴ δὲ ὁμοίωσις θεῷ κατὰ τὸ δυνατόν· ὁμοίωσις δὲ δίκαιον καὶ ὅσιον μετὰ φρονὴσεως γενέσθαι »5. Ce thème est important car, en reprenant la même formule que dans le Phèdre, il s’articule aux significations du lointain et de la nostalgie, ce qui redoublera et légitimera une thématique de l’intériorité, qui s’affermira elle-même avec le néoplatonisme et Plotin, en dépit des derniers mots de la phrase qui rappellent sans ambiguité l’exigence, si l’on peut dire intellectualiste, de pensée et de sagesse. Rechercher le juste et le pieux μετὰ φρονὴσεως nous semble peu compatibles avec quelque extase que ce soit. Du reste, le thème de la fuite s’ordonne aussi à République, VI en ce passage célèbre qui fixe son terme – Glaucon parle à ce propos d’une singulière transcendance : « Ἄπολλον, ἔφη, δαιμονίας ὑπερßολῆς »6 – à la hiérarchie des régions : « [...] οὐκ οὐσίας ὄντος τοῦ ἀγαθοῦ, ἀλλ᾽ ἔτι ἐπέκεινα τῆς οὐσίας πρεσßείᾳ καὶ δυνάμει ὑπερέχοντος »7. En fait, en ces pages de la fin du livre ϛ de la République, Platon ne concède rien à la métaphore et toute dérive accordant trop à la nostalgie, à l’esthétisme ou à une sensibilité parfaitement empirique, se trouve d’avance récusée. Ainsi Socrate peut-il tourner en ridicule l’enthousiasme naïf de Glaucon pour l’astronomie comme les futures théologies astrales. Répondant à Glaucon qui s’imagine que l’astronomie « oblige l’âme à regarder en haut et à passer des choses d’ici-bas aux choses du ciel [ἀπο τῶν ἐνθένδε ἐκεῖσε ἄγει] », il précise impitoyablement les choses en République VII : « [...] κινδυνεύεις γὰρ καὶ εἴ τις ὀροφῇ ποικίλματα θεώμενος ἀνακύπτων καταμανθάνοι τι, ἡγεῖσθαι ἄν αὐτὸν νοήσει, ἀλλ᾽οὐκ ὄμμασι θεωρεῖν. [...] Ἐγὼ γὰρ αὖ οὐ δύναμαι ἀλλο τι νομίσαι ἄνω ποιοῦν ψυχὴν βλέπειν μάθημα ἢ ἐκεῖνο ὃ ἄν περὶ τὸ ὄν τε ᾖ καὶ τὸ ἀόρατον, ἐάν τε τις ἄνω κεχηνὼς ἢ κάτω συμμεμυκὼς τῶν αἰσθητῶν τι ἐπιχειρῇ μανθάνειν, οὔτε μαθεῖν ἄν ποτέ φημι αὐτὸν· ἐπιστήμην γάρ οὐδὲν ἔχειν τῶν τοιούτων· οὔτε ἄνω, ἀλλὰ κάτω αὐτοῦ βλέπειν τὴν ψυχήν, κἄν ἐξ ὑπτίας νέων ἐν γῇ ἤ ἐν θαλάττῃ μανθάνῃ »8. 5. Plato, Theaetetus 176a-b, ed. Diès, p. 208 : tr. Diès, p. 208 : « Cela montre quel effort s’impose : d’ici-bas vers là-bas s’évader au plus vite. L’évasion, c’est de s’assimiler à Dieu dans la mesure du possible : car on s’assimile en devenant juste et saint dans la clarté de l’esprit » (traduction modifiée). 6. Plato, De republica VI, 509c, ed. Chambry, p. 139. 7. Plato, De republica VI, 509b9, ed. Chambry, p. 139 : tr. Chambry, p. 139 : « [...] quoique le bien ne soit point essence, mais quelque chose qui dépasse de loin l’essence en majesté et en puissance ». 8. Plato, De republica VII, 529a-529c, ed. Chambry, p. 168 : tr. Chambry, p. 168 : « Tu as l’air de croire qu’un homme qui lèverait la tête pour regarder les ornements d’un plafond et qui en prendrait une vague connaissance, userait pour cela des yeux de l’âme, et non de ceux du corps. [...] pour ma part, je ne puis reconnaître d’autre science qui fasse regarder l’âme en haut que celle qui a pour objet l’être et l’invisible. Mais si c’est une chose sensible qu’on veut étudier, qu’on la regarde en haut [en
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Mais c’est bien dans le Phédon que l’on trouve la visibilité la plus cohérente du monde intelligible, selon la tonalité affective la plus neutre, exempte d’une approche un peu frustrante en termes de regard fugitif, ou obscurcie par l’émergence ou l’accomplissement d’un désir d’évasion. On y préfère l’approche heureuse portée par l’image de la danse des dauphins.
II. L’adverbe ibi [sc. ἐκεῖ] dans la tradition platonicienne et néoplatonicienne. II.1. Plotin (205-270) L’examen de l’usage de l’adverbe ἐκεῖ dans le contexte de la quête plotinienne fait apparaître une utilisation de la métaphore spatiale, subvertie dans le mouvement d’une intériorité qui se dérobe, produisant comme un effet de fuite. Quel peut être le sens d’une métaphorisation spatiale ? Car le statut de l’espace, issu du néant, fait de la pure dispersion de l’inétendu, est équivoque. La mémoire pourra ainsi s’articuler à l’espace à travers l’expérience du sentiment du lointain, donc de la distance à soi-même de l’âme. C’est donc en se rattachant directement à la page 176b du Théetète, que prend son appui le texte célèbre d’Ennéades, I, 6, ch. 8 : « Φεύγωμεν δὴ φίλην ἐς πατρίδα, ἀληθέστερον ἄν τις παρακελεύοιτο. Τίς οὖν ἡ φυγή : Καὶ πῶς ἀναξόμεθα : Οἷον ἀπὸ μάγου Κίρκης φησὶν ἤ Καλυψοῦς Ὀδυσσεύς αἰνιττόμενος, δοκεῖ μοι, μεῖναι οὐκ ἀρεσθείς, καίτοι ἔχων ἡδονὰς δι᾽ὀμμάττων καὶ κάλλει πολλῷ αἰσθητῷ συνών. Πατρὶς δὴ ἡμῖν, ὅθενπερ ἤλθομεν, καὶ πατὴρ ἐκεῖ »9. Plotin fait clairement apparaître ici l’inflexion de la recherche du principe absolu dans le sens d’une investigation de soi, en quête d’une origine perdue, mais cette torsion pour ainsi dire existentielle va de pair, il faut le souligner, avec un refus du sensible et de ses prestiges, mais au prix d’exigences spirituelles qui n’ont plus rien de commun avec la solidarité platonicienne de l’intelligible et du savoir théorique. L’aspect initiatique du savoir prend le dessus. C’est par un quasi lien de chair que nous tenons à la patrie perdue : rarement quête spirituelle s’est exposée dans des images d’une telle épaisseur charnelle, lourde d’une telle charge affective. baillant], ou en bas [lèvres serrées], je nie qu’il y ait jamais eu là connaissance ; car la science ne comporte rien de sensible ; l’âme, en ce cas, regarde, non en haut, mais en bas, étudiât-on [couché sur le dos], à terre ou [en faisant la planche], en mer ». (traduction modifiée). 9. Plotinus, Enneades, I, 6, ch. 8, éd. Bréhier, t. I, p. 104, ll. 15-21 : tr. Bréhier, p. 104 : « Enfuyons-nous donc dans notre chère patrie, voilà le conseil très véridique qu’on pourrait nous donner. Mais qu’est-ce que cette fuite ? comment effectuer la remontée de ce chemin de retour ? Comme Ulysse, qui échappa, dit-on, à Circé la magicienne et à Calypso, c’est-à-dire qui ne consentit pas à rester près d’elles, malgré les plaisirs des yeux et les multiples beautés sensibles qu’il y trouvait. Notre patrie est le lieu d’où nous venons, et notre père est là-bas » (traduction modifiée).
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Chez Plotin s’illustre donc parfaitement ce que nous avons appelé l’effet de halo de l’adverbe ibi. D’un côté, nous sommes en présence d’un noyau platonicien très solide auquel renvoie ibi, qui associe étroitement l’ailleurs à un lieu intelligible idéal, fait de transparence et de rationalité, mais d’un autre côté, mettant à profit l’ambiguité de la réminiscence, ce lieu prend en charge une quête de l’origine associée à une restauration de soi, si bien qu’une problématique du salut se superpose à la figure d’une idéalité théorique. Dès ce moment, l’élément d’allusivité attaché à l’adverbe ibi devient essentiel et assez caractéristique du néoplatonisme. On doit convenir, si l’on prend soin d’éviter de recouvrir la complexité de la doctrine plotinienne sous des stéréotypes néoplatoniciens qui n’y sont pas indispensables, que celle-ci use du modèle de la partition du monde en sensible et supra-sensible de façon parfaitement diversifiée selon les cas. Ainsi, pour ne retenir que quelques exemples, la dimension aporétique n’est pas l’objet d’un déni, comme on le voit avec le problème des deux matières. Sur les deux matières : Ennéades, IΙ, 4, ch. 2 : « Εἰ δὴ ἀόριστόν τι καὶ ἄμορφον δεῖ τὸ τῆς ὕλης εἶναι, ἐν δὲ τοῖς ἐκεῖ ἀρίστοις οὖσιν οὐδὲν ἀόριστόν οὐδὲ ἄμορφον, οὐδ᾽ἄν ὕλη ἐκεῖ εἴη [...] »10, et plus loin, IΙ, 4, ch. 4 : « Ἔτι εἰ κόσμος νοητὸς ἔστιν ἐκεῖ, μίμημα δὲ οὕτος ἐκείνου, οὕτος δὲ σύνθετος καὶ ἐξ ὕλης, κἀκεῖ δεῖ ὕλην εἶναι »11.
De même, il arrive que la détermination du lieu idéal en ibi, donc avec la connotation d’un lointain perdu, laisse la place à une détermination plus convenue en termes de bas et de haut, strictement appliquée au partage du sensible et de l’intelligible. Ainsi, en Ennéades, V, 3, ch. 3 : « τὰ δὲ τοῦ νοῦ ἐνεργήματα ἄνωθεν οὕτως, ὡς τὰ ἐκ τῆς αἰσθήσεως κάτωθεν »12. Mais l’analyse se fait aussi plus riche et peut-être plus grave, au moment où elle rencontre la dimension de la causalité. Le mouvement s’ouvre alors à la dynamique de la procession, à sa dimension de profondeur : il n’en résulte pas seulement une hiérarchie des êtres ou une ordonnance13, il est aussi le motif, qui modi10. Plotinus, Enneades, II, 4, ch. 2, ed. Bréhier, t. II, p. 57, ll. 1-3 : tr. Bréhier, p. 57 : « Puisque, dit-on, la matière est une réalité indéfinie et informe, puisque’il n’y a pas de place là-bas, dans ces êtres excellents, pour une réalité indéfinie et informe, il n’y a pas de matière là-bas ». 11. Plotinus, Enneades, II, 4, ch. 4, ed. Bréhier, t. II, p. 58, ll. 7-9 : tr. Bréhier, p. 58 : « De plus, il y a là-bas un monde intelligible, et le monde sensible en est une imitation : or celui-ci est composé de matière et de forme : donc il y a nécessairement de la matière dans celui-là ». 12. Plotinus, Enneades, V, 3, ch. 3, ed. Bréhier, t. V, p. 52, ll. 35-37 : tr. Bréhier, p. 52 : « Les actes de l’intelligence viennent d’en haut, comme les images issues de la sensation viennent d’en bas ». 13. Cf. Plotinus, Enneades, V, 3, ch. 10, ed. Bréhier, t. V, p. 61, ll. 1-3 : « Εἰ δὲ τὰ ποιηθέντα μόνον, οὐκ ἄν ἦν ἔσχατα· ἐκεῖ δὲ πρῶτα τὰ ποιοῦντα, ὅθεν καὶ πρῶτα » : tr. Bréhier, p. 61 : « Si ces formes produites existaient seules, elles ne seraient pas au dernier rang : si elles y sont, c’est que là-bas sont les choses primitives, les causes productrices, qui, parce qu’elles sont causes, sont au premier rang ».
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fie la totalité de l’analyse, d’une expérience de mémoire liée à une réappropriation de soi. L’être qui pense expérimente, à travers l’exercice de sa puissance de penser, non pas l’intelligibilité du réel, mais sa propre appartenance, méconnue, au monde intelligible, sa patrie oubliée. Certes, ce détournement de l’intelligence, ainsi disjointe de l’attitude théorique, n’est pas platonicien14. Et lorsque l’on revient au commentaire du Phèdre (246d-247e)15, c’est cette torsion qui donne à l’adverbe ἐκεῖ la nuance de nostalgie et de distance qui dramatise l’opposition du ciel et de ce bas-monde. Et tout au long des sixièmes Ennéades, on ne cessera de trouver l’exemple, désormais bien établi, de l’utilisation plotinienne, avec un sens opératoire constant, de l’opposition entre ici-bas (ἐνταῦθα / hic) et là-bas (ἐκεῖ / ibi) pour désigner l’opposition du sensible et de l’intelligible, en ce qu’elle est porteuse du sentiment caractéristique de la déréliction propre à l’être qui s’estime perdu ici-bas. Là-bas, au contraire, s’affiche la plénitude de l’Un : « Ἐκεῖ δ᾽ἐν ἑνὶ πάντα, ὥστε ταὐτον τὸ πρᾶγμα καὶ τὸ διά τί τοῦ πράγματος »16. Les ingrédients de cette dramatisation ont encore besoin d’un moteur, car la nostalgie, conscience de l’exil, ne suffit pas à la conversion. Il y faut donc l’amour. En revenant ainsi sur le mythe du Phèdre, on vérifie qu’il y a une lumière et une séduction de l’intelligible qui transportent l’âme vers lui, par l’aiguillon du désir : « [...] οἴστρων πὶμπλαται καὶ ἔρως γίνεται »17. Enfin, on sait l’importance accordée par Plotin au principe premier anhypothétique, importance affirmée dans l’insistante référence faite à la détermination platonicienne de celui-ci18. On aimerait pouvoir suggérer que l’adverbe ἐκεῖ, dont Plotin invente l’usage nouveau qu’on a essayé de décrire, comme index des lointains, tire une partie de sa puissance de fascination de son incrustation dans l’adverbe ἐπέκεινα. Ainsi, nous croyons-nous fondé à dire que le lointain vers lequel nous dirige notre regard nostalgique reflète en quelque façon la transcendance du principe suprême et donne à une tonalité affective contingente une véritable si14. Cf. Plotinus, Enneades, V, 7, ch. 1, ed. Bréhier, t. V, p. 123, ll. 1-3 : « [...] εἰ ἐγὼ καὶ ἕκαστος τὴν ἀναγωγὴν ἐπὶ τὸ νοητὸν ἔχει, καὶ ἑκάστου ἡ ἀρχὴ ἐκεῖ » : tr. Bréhier, p. 123 : « [...] puisque moi, ainsi que chaque individu, je m’élève à l’intelligible, c’est que mon principe comme celui de chacun est là-bas ». 15. Cf. Plotinus, Enneades, V, 8, ch. 3, ed. Bréhier, t. V, p. 139, ll. 31-33 : « Πάντα γὰρ ἐκεῖ οὐρανὸς καὶ ἡ γῆ οὐρανὸς καὶ θάλασσα καὶ ζῷα καὶ φυτὰ καὶ ἄνθρωποι, πᾶν οὐράνιον ἐκείνου τοῦ οὐρανοῦ » : tr. Bréhier, p. 139 : « car, là-bas, tout est ciel : la terre est ciel, ainsi que la mer, les animaux, les plantes et les hommes : tout est céleste dans le ciel de là-bas » : puis Plotinus, Ennéades, V, 9, ch.10, ed. Bréhier, t. V, p. 169, ll. 1-2 : « Ὅσα μὲν οὖν ὡς εἴδη ἐν τῷ αἰσθητῷ ἐστι, ταῦτα ἐκεῖθεν· ὅσα δὲ μή, οὔ » : tr. Bréhier, p. 169 : « Tout ce qui est forme dans le monde sensible, vient de là-bas ; tout ce qui n’est pas forme n’en vient pas ». 16. Plotinus, Enneades, VI, 7, ch. 2, ed. Bréhier, t. VI.2, p. 69, ll. 9-11 : tr. Bréhier, p. 69 : « Là-bas, tout est dans l’unité, et la chose est identique à la raison d’être ». 17. Plotinus, Enneades, VI, 7, ch. 22, ed. Bréhier, t. VI.2, p. 94, ll. 9-10 ; tr. Bréhier, p. 94 : « [...] elle est transportée par l’aiguillon du désir, et l’amour naît en elle ». 18. Cf. le commentaire de la formule ἐπέκεινα τῆς οὐσίας , Plotinus, Enneades, VI, 8, ch. 19, ed. Bréhier, t. VI. 2, pp. 158-159.
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gnification existentielle, propre à fonder l’appel du là-bas qui retentit en nous dès que nous nous essayons à penser. II.2. Proclus (412-485) Nous ne faisons ici référence à Proclus que pour mémoire, dans la mesure où dans son œuvre, l’usage du couple ἐνταῦθα / ἐκεῖ, ou de ἐκεῖ seul, est extrêmement réduit et, en tout cas, ne présente rien de significatif. Ce genre de vocabulaire a pratiquement disparu, même si l’environnement demeure. Mais Proclus ébauche une théologie qui, incontestablement, doit être considérée lorsqu’on s’intéresse à Achard de Saint Victor, dans la mesure où il s’agit d’une hénologie et surtout peut-être en raison d’une pratique spéculative et d’une rigueur conceptuelle qui nous semblent proches ou de même nature. Notons quelques points : D’abord, en termes de directions, le décor néoplatonicien ne bouge pas et l’on a toujours affaire à une articulation du sensible et de l’intelligible. Les Éléments de Théologie approfondissent de façon remarquable l’analyse de l’activité de l’intellect. En fait, on aimerait se demander si l’utilisation de métaphores locales peut encore avoir un sens dans un contexte exactement monadologique, marqué par le retravail, directement conceptuel, du Parménide : « Tout esprit pense simultanément tous les êtres. Mais l’esprit imparticipable pense tous les êtres purement et simplement, tandis que chacun des esprits qui le suivent pense tous les êtres selon un point de vue [καθ᾽ἕν πάντα] »19. Cette essentielle présence à soi de l’esprit frappe de nullité toute spatialité et l’on ne s’étonnera pas de voir les adverbes de lieu perdre leur pertinence. Ensuite, la conversion est moins affaire de remontée au principe que de retour à soi, non seulement parce que la problématique participative se déploie comme une hénologie, mais aussi parce que « Toute âme particulière qui descend dans la génération y descend tout entière, et [qu’]il n’est aucune partie d’elle-même qui demeure en haut, alors qu’une autre descend »20. L’intelligible suprême n’est pas là-bas, à distance et nous n’y avons rien laissé. Il est donné sans nostalgie, dans l’unité du propre point de vue de tout être pensant. Enfin, tend à s’effacer par là la séparation qui opposait sensible et intelligible, précisément par l’acte de l’intelligence : « [...] tout esprit est tous les êtres sous le mode noétique, et ceux qui le précèdent et ceux qui le suivent. De même donc que tout esprit contient les intelligibles sous le mode noétique, ainsi contient-il les sen19. Proclus, Elementatio theologica, Theorema 170, ed. Dodds, p. 148, ll. 4-5 : tr. Trouillard, p. 161. 20. Proclus, Elementatio theologica, Theorema 211, ed. Dodds, p. 184, ll. 10-11 : tr. Trouillard, p. 188.
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sibles sous le même mode »21. On peut juste conclure que la mise en œuvre chez Proclus d’une problématique de l’un et du multiple rend sans objet l’utilisation de métaphores spatiales : ce qui rend sans doute non improblable l’absence d’une utilisation excessive du couple ἐνταῦθα / ἐκεῖ dans le corpus, ce qu’il faudrait vérifier. Mais cela soulève un problème symétrique : comment expliquer alors, chez Achard, qui fait opérer une problématique comparable de l’un et du multiple, la présence manifestement importante de ces adverbes ? II.3. Damascius (460-537) Damascius, l’illustre diadoque, en revanche, semble faire, lui, un usage non négligeable du couple ἐνταῦθα / ἐκεῖ. Mais une fois de plus les données sont redistribuées et on peut juger que, à l’intérieur du néoplatonisme, il en revient à un plus strict platonisme. Auteur d’un important Commentaire du Parménide, c’est bien dans cette lignée que Damascius travaille, mais ce travail, mobilisé par une subversivité presque systématique, va encore plus loin. En effet, médiatisé non plus par son être, mais par son non-être, l’Un peut proliférer à l’infini dans des formes disparates. Par suite, toute transcendance est négative et cela fonde une nouvelle série : au-delà de tout / Là-bas / Ici, propre à remettre en chantier le couple ἐνταῦθα / ἐκεῖ. Se souvenant du Sophiste, Damascius reconnaît l’altérité – c’est-à-dire le multiple – comme le caractère primordial de l’être intelligible. Il en fait le fondement de la possibilité d’un univers intelligible – cf. aussi la Trinité, qui joue un rôle comparable chez Achard : en bon platonisme, cette altérité en Dieu est profondément rationnelle. L’usage de ibi, fréquent, même s’il connote l’ailleurs et la distance, l’absence et l’éloignement, la séparation et l’exil, renvoie nettement à la région des formes intelligibles. Et en effet, Damascius pousse le plus loin possible les ressources de la rationalité, jusqu’à la faire éclater puisque le premier principe, fondement du fondement, se fortifie en se retranchant dans ce qu’on pourrait appeler le néant par transcendance : il est clair que chez Achard, on n’en arrive pas là! Mais si, chez Damascius, ibi a pour référence l’intelligible (non l’ineffable) cela semble confirmer qu’on ne peut pas lui donner le sens nostalgique de désigner, comme chez Plotin, le chemin du principe. Pour la référence aux intelligibles, il s’agit, à l’encontre de toute nostalgie, non pas de réaffirmer la séparation des deux mondes, mais de 21. Proclus, Elementatio theologica, Theorema 173, ed. Dodds, p. 152, ll. 5-7 : tr. Trouillard, p. 164. Cf. aussi Proclus, Elementatio theologica, Theorema 180, ed. Dodds, p. 158, ll. 1115 : tr. Trouillard, p. 169 : « Si chacun des esprits est tous les êtres selon un point de vue, et si ce point de vue n’est rien d’autre que le tout considéré de façon partielle, le tout est donc en chacun de ces esprits de façon partielle en tant qu’il est déterminé par la prédominance d’un point de vue partiel sur tous les autres ».
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vérifier au contraire le pouvoir propre aux intelligibles de les solidariser : « [...] même là-haut une chose est semblable à une autre, et ici-bas pareillement » 22. « Les plusieurs ne sont-ils pas là-haut ? On répond que même avant l’unifié, les plusieurs s’y trouvent après l’un, non pas cependant comme telle pluralité déterminée [...] »23. Fort justement Combès traduit ἐκεῖ par « là-haut » et non par « là-bas » : il est clair en effet que cet adverbe ne porte ici aucune nuance d’éloignement et ne renvoie le plus souvent qu’aux seules formes intelligibles, qui sont supérieures, mais non séparées. Plus, on peut admettre que le refus d’attribuer à l’être le moindre prédicat a évidemment pour conséquence que l’adverbe de lieu ibi ne peut fonctionner que s’il est vidé de son sens. Aussi éloigné de nous que soit l’ineffable, il ne produit aucun effet de lointain. Fixant un usage qui demeurera, ibi renvoie donc aux formes intelligibles, qui sont en-dessous du principe suprême, mais ne sont pas dans un lieu. Aucune nostalgie en cela, aucun effet de halo. S’agissant de ce premier principe ineffable et inconnaissable, Damascius précise dans le Traité des Premiers Principes, De l’ineffable et de l’Un : « [...] οὐδέ τι ἁπλῶς ἀξιοῦμεν αὐτοῦ κατηγορεῖν. Οὐκοῦν οὐδὲ ταῦτα φύσις αὐτοῦ, τὸ οὐδὲν καὶ τὸ ἐπέκεινα πάντων καὶ τὸ ὑπεραίτιον καὶ τὸ ἀσύντακτον πρὸς πάντα, οὐδὲ τὰ τοιαῦτα φύσις αὐτοῦ, ἀλλὰ μόνον ἀναιρέσεις τῶν μετ᾽αὐτό »24.
III. L’adverbe ibi chez Achard de Saint Victor « Pour saint Anselme aussi bien que pour l’auteur du De Unitate, les adverbes hic et ibi sont volontiers employés avec valeur technique, chacun désignant l’un des deux mondes sur lequels s’exerce constamment la réflexion du théologien. Hic, pour le monde de l’expérience : ibi, pour l’au-delà, le monde divin, l’essence divine. Et même, parallélisme très curieux, la proportion selon laquelle ces deux termes sont respectivement employés est comparable : de part et d’autre, c’est ibi qui l’emporte, et de beaucoup »25.
Achard explicite lui-même cet usage du couple hic / ibi : hic renvoie à ce qui est réalisé dans la nature : ibi à ce qui se tient dans l’intellect divin. « Que nous faudra-t-il donc montrer ? Tout d’abord qu’elles [les formes] sont de toute éternité 22. Damascius, Traité des premiers principes. De la procession de l’unifié, I, 232, ed. Westerink, p. 21, ll. 7-8 : « Ὁμοιοῦται δὲ καὶ ἐκεῖ ἕτερον ἑτέρῳ, καὶ ἐνταῦθα δὲ ὡσαύτως » ; tr. Combès, p. 21. 23. Damascius, Traité des premiers principes. De la procession de l’unifié, I, 256, ed. Westerink, p. 61, ll. 20-21 : « [...] οὐκ ἔστιν ἐκεῖ τὰ πολλά : Ἤ καὶ πρὸ τοῦ ἡνωμένου τὰ πολλά μετὰ τὸ ἕν, ἀλλ᾽οὐχὶ τοσάδε [...] » ; tr. Combès, p. 61. 24. Damascius, Traité des premiers principes. De l’ineffable et de l’Un, I, 11, ed. Westerink, p. 13, ll. 20-23 : tr. Combès, p. 13 : « [...] nous estimons que nous ne prédiquons de lui absolument rien. Donc, même ces prédicats, le rien, l’au-delà de tout, le supracausant, l’incoordonné à tout, et les autres prédicats semblables, ne constituent pas sa nature, mais ce sont seulement des suppressions de ce qui vient après lui ». 25. Combes 1944, p. 270.
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dans l’esprit de Dieu, ensuite que là-bas aussi elles sont distinctes, après quoi ces distinctions elles-mêmes devront en quelque mesure être assignées : et enfin, nous aurons à nous demander si ce sont ces êtres mêmes qui sont ici, qui sont également là-bas, ou bien si ceux qui sont là-bas sont autres que ceux qui sont ici, bien que ceux qui sont ici soient dits être là-bas à cause d’eux »26. Que ces lignes exposent le plan de l’ouvrage fait voir au moins deux choses : 1. Le partage référé par le couple ibi / hic a une valeur structurelle puisqu’on en déduit non seulement le plan de l’ouvrage, mais bien en fait la structure fondamentale de l’idéalité, dans la diversité de ses formes distinguées, causes et modes. 2. Dans un tel contexte, les adverbes ibi et hic se referment sur leur sens opératoire, voire technique : d’où la disparition de tout effet de halo, de tout effet de lointain, de toute nostalgie. III.1. Le lieu de l’ibi On trouve en I.8 une définition importante de Là-bas : « Dieu ne peut même pas faire que quelque chose soit qui ne soit pas là-bas. C’est là-bas [en lui, en Dieu], donc, que réside cette pleine unité » 27. Cette définition qui a la forme d’une assignation de lieu fait travailler la problématique de l’un et du multiple, ou déploie les hypothèses du Parménide : les êtres trouvent, dans l’entendement divin, une unité qu’ils ne font qu’exprimer ici, dans leur pluralité28. À cela s’ajoute, ce qu’on pourrait appeler l’exigence essentielle du Sophiste : le Dieu est un Dieu vivant29. Le caractère opératoire de la localisation assignée par ibi / hic, apparaît de façon abrupte au chapitre 15, où l’on voit que l’adverbe ibi peut se dire aussi de l’Homme-Dieu, donc que le lieu intelligible ne coïncide pas avec le lieu empirique même lorsqu’il vient s’y superposer. Il y a là une admirable libération conceptuelle qui résulte de la rigueur d’analyse d’Achard et de sa compréhension du schème trinitaire30. Si nous nous attardons au venerunt de I.38, c’est pour souligner l’extraordinaire proximité de l’ibi et du hic, de Dieu et de ses créatures : la fonction néoplatoni26. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.48, ed. Martineau, p. 113. 27. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.8, ed. Martineau, p. 77. Cf. aussi pp. 123-125. 28. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.26, ed. Martineau, p. 97. 29. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.29, ed. Martineau, p. 101. 30. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.28, ed. Martineau, p. 99 : « [...] cette procession qui est en la Trinité [contribue à] mettre en relief l’unité même de la Trinité ».
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cienne de partage en deux mondes est ici laissée de côté et Achard se plaît à insister sur l’unité du sensible et de l’intelligible, sur la manière dont l’un découle de l’autre, à propos sans doute des « ea quae non facta sunt ». Cela est essentiel et veut dire qu’il entre dans la forme éternelle de rendre compte aussi de ce qui n’y entre pas, de même qu’il y a une présentation pour l’éternité de ce qui n’a qu’un temps. Le lien qui articule les deux mondes n’est pas un redoublement empirique, mais une opération complexe qui enveloppe et maîtrise l’altérité ou le négatif. Achard peut donc le répèter : « Les choses sont les mêmes ici et là-bas » 31. Il faudra montrer comment Achard ne cesse de rapprocher les deux mondes, ce qui est doublement platonicien à la fois par le refus d’un chôrisme ancestral et par le maintien rigoureux d’une orientation théorique dans l’analyse : les formes sont bien des intelligibilia, même si elles ne sont pas des abstractions. Et cela, même si la saisie « de la vérité même, immédiatement par l’œil de la seule intelligence »32, ne va pas de soi. En fait, cette étonnante unité du réel n’est possible qu’en faisant opérer une rationalité sans faille : peut-être à la façon dont se déclinent les hypothèses du Parménide ou dont se déploie la division du Sophiste, Achard, exactement, pense le rapport de l’ibi et du hic, à travers des problèmes ou des difficultés d’une part et d’autre part, à travers la mise en place d’espèces de catégories, de points de vue ou de distinctions qui doivent les résoudre33 et permettre l’articulation correcte de ce qui est ici et de ce qui est là-bas. On peut voir là à la fois quelque chose de l’aporétisme de Damascius, mais en même temps de la précison conceptuelle de Platon (et peut-être d’Augustin). III.2. Ibi et hic Le partage entre Ici et Là-bas, dès le moment où il est intelligé, ne doit donc plus être compris comme un partage ou une séparation, mais comme une relation, on voudrait dire une procession. Exister Là-bas rend compte de l’exister Ici. Telle est, à notre avis, la fonction des modes et formes : opérer d’une façon catégorielle (au sens où les catégories d’Aristote rendaient possible la prédication sans abandonner le principe de contradiction) l’articulation de l’intelligible et du sensible, comme dans le Sophiste on va du genre à ses espèces ou dans le Parménide de l’Un à ses hypostases. On voit que les adverbes hic et ibi n’ont plus aucune valeur de lieu et 31. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.48, ed. Martineau, pp. 125-127. 32. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.16, ed. Martineau, p. 181. 33. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.48, ed. Martineau, p. 125 sqq. : puis, généralement, Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.49-50, ed. Martineau, pp. 133-135.
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comment la fonction prime sur la signification. Et on l’a déjà noté, cette fonction opère jusqu’au bout : Dieu voit les êtres qui sont ici [autrement dit : la sphère des intelligibilia contient et comprend ...], « quand bien même par rapport à lui, ils ne sont rien, tels qu’ils sont ici »34. Et les choses muables sont intelligées là-bas, comme telles, « immuablement et éternellement »35. Cela est donc définitionnellement parfaitement clair : « Ce n’est pas autre chose [...] d’être là-bas qu’y être seulement intelligé, et, par la même raison, les choses sont là-bas telles qu’elles sont intelligées »36 et parfaitement rigoureux: nihil aliud...nisi...tantum. Tout effet de halo est exclu, le monde intelligible n’est rien d’autre que de l’intelligé. Achard est rigoureusement platonicien en ce qu’il récuse l’imagerie platonicienne des deux mondes et s’en tient à une économie de moyens conceptuels proprement étonnante. Il y a là37 en tout cas une extraordinaire recompréhension du platonisme quant au problème du rapport de l’idée et de la chose, ou de la participation. L’important chapitre I.50 précise le fonctionnement même de l’intellection. On serait tenté de dire – et cela rendrait remarquablement compte des effets du couple hic / ibi – que le partage hic / ibi, autrement dit l’intellection elle-même, laisse les choses en l’état. Achard développe l’observation selon laquelle le fait d’être intelligée ne modifie pas la chose. Ainsi la chose est-elle là-bas intelligée, mais ici, substance. Cela n’empêche pas – ce qui sera abordé au début de la deuxième partie – qu’il faut relever la différence entre ce qui est intelligé là-bas parce qu’il est là-bas et ce qui est là-bas parce qu’il est intelligé là-bas. Bref, on distingue la substance de ce qui est dans l’intellect de Dieu et la substance de cet intellect même. Il y a une réalité des Idées : retrouvant à la fois Platon, Augustin et Boèce, Achard la réaffirme hautement en II.1238. Par suite, si les choses ici et là-bas sont les mêmes, il n’en résulte pas qu’ici et là-bas fassent une seule et même région : il y a bel et bien une substance de l’intellection, l’idée n’est pas une simple représentation ou un modèle et en cela, elle est articulée du côté des principes et des causes, en un domaine qui requiert une nouvelle analyse, à nouveaux frais, pour maîtriser les contradictions qui ne de34. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.48, ed. Martineau, p. 131. 35. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.49, ed. Martineau, p. 133. 36. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.49, ed. Martineau, p. 133. 37. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.50, ed. Martineau, p. 135. 38. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.12, ed. Martineau, p. 171 sqq. : puis, généralement, Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.3 et 4, ed. Martineau, p. 141 sqq.
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vraient pas empêcher de saisir l’essentiel39 : il y a là du facile – saisir « les raisons éternelles d’après lequelles les choses adviennent, c’est-à-dire leurs formes intelligibles et premières », mais ce qui est plus difficile, dit Achard, c’est d’y « prêter attention », de voir « d’où et comment » de telles vérités sont vues et surtout « de contempler quasi immédiatement, par l’œil de la seule intelligence la vérité même, dégagée des choses sujettes par la vicacité du regard de l’âme »40. Le partage ibi / hic est désormais pleinement neutralisé, puisque le regard de l’âme transperce toute détermination régionale, étant – croyons-nous – au-delà de l’essence. Il accomplit en cela le retour à ce qu’il y a de plus puissant dans le platonisme de Platon – celui des livres VI et VII de la République, le platonisme de la conversion du regard ... – qui vient se loger naturellement dans l’augustinisme d’Achard, dans les bras de l’homme intérieur : « ulnis hominis interioris complecti »41. Mais peutêtre sommes-nous là au-delà de l’essence, donc au-delà du là-bas, au-delà de l’ibi.
Conclusion Au-delà donc du problème posé au départ42 et désormais traité sinon résolu, il faut conclure en soulevant un autre problème, qui ne cesse d’affleurer : ce qu’on pourrait appeler le problème de l’être. Étonnamment, ce problème surgit à propos de l’être inférieur (ici), puisque, se différenciant ainsi de l’être supérieur et intelligible (là-bas), l’être inférieur se trouve être deux fois être! « Elles [les choses d’ici] peuvent être dites être plus absolument et universellement »43. En revanche, l’être là-bas n’est pas l’être comme tel ... Cela pose des questions qu’Achard pose, concernant la compréhension de l’être telle qu’elle est possible pour un être d’ici, affecté ici-même, par un être là-bas qui le dépasse. Nous citons Emmanuel Martineau : « Il est tour à tour ce qu’il y a de plus proche et de plus lointain, tout à tour suprasensible et intime au sensible » 44. Chez Achard, l’usage du couple ibi / hic s’accomplit donc en toute transparence, dissipant tout effet de halo. À ce titre, comme à quelques autres, nous croyons impossible de parler de néoplatonisme, à moins que la référence au Parménide soit 39. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.15, ed. Martineau, p. 177. 40. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.16, ed. Martineau, p. 181. 41. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, II.16, ed. Martineau, p. 181. 42. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.42, ed. Martineau, p. 113. 43. Cf. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, I.47, ed. Martineau, p. 123. 44. Martineau, in Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. Martineau, p. 123.
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dirimante. En fait, au moment même où il réactive le couple ibi / hic en en généralisant l’usage, Achard expurge ses références de ce qu’il peut y avoir encore de thèmes néoplatoniciens. L’usage d’ibi selon une fréquence élevée ne nous paraît pas être un problème, car cet usage est bel et bien ainsi banalisé : il faut alors plutôt demander quel est le sens de cet emprunt de vocabulaire singulier et anachronique (Proclus et Damascius, bien avant, y ont semble-t-il beaucoup plus largement renoncé : à la même époque, Anselme n’en abuse point). Il n’est pas nécessaire de répondre à cette question. Risquons cependant une hypothèse : est-ce un possible aporétisme d’Achard ou l’esprit de la théologie négative qui le conduisent à faire ainsi référence à un tel platonisme, purifié et orthodoxe, ou les deux ? Autre hypothèse en forme de question : qu’apporte la référence à Dieu, puisqu’enfin Achard était chrétien ? Il se pourrait alors qu’un tel platonisme signifie tout simplement, avant tout, la liquidation du néoplatonisme, car il ne s’agit pas, évidemment, de réduire Achard à on ne sait quelle allégeance platonicienne45.
Bibliographie Sources Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. et tr. E. Martineau, Éditions du Franc-Dire (Authentica), Saint-Lambert des Bois 1987 (réimpression en fac-similé, Presses Universitaires de Caen, Caen 2013). Damascius, Traité des premiers principes. De l’ineffable et de l’Un, ed. L.G. Westerink / tr. J. Combès, vol. I, Les Belles Lettres, Paris 1986. Damascius, Traité des premiers principes. De la procession de l’unifié, ed. L.G. Westerink / tr. J. Combès, vol. III, Les Belles Lettres, Paris 1991. Plato, De republica (Oeuvres Complètes), ed. et tr. E. Chambry, t. VII.1, Les Belles Lettres, Paris 1948. Plato, Phaedo (Oeuvres Complètes), ed. et tr. L. Robin, t. IV.1, Les Belles Lettres, Paris, 19525. Plato, Phaedrus (Oeuvres Complètes), ed. et tr. L. Robin, t. IV.3, Les Belles Lettres, Paris 1944. Plato, Theaetetus (Oeuvres Complètes), ed. et tr. A. Diès, t. VIII.2, Les Belles Lettres, Paris 19502. Plotinus, Ennéades, ed. et tr. E. Bréhier, t. I, Les Belles Lettres, Paris 19603 : t. II, 19562 : t. V, 1931, t. VI.2, 1938. Proclus, Elementatio theologica, ed. E.R. Dodds, Clarendon Press, Oxford, 1963. 45. C’est Emmanuel Martineau qui écrit, dans l’avant-propos de son édition, que l’ouvrage d’Achard « témoigne d’un platonisme assez authentique et d’une puissance assez irrésistible de questionnement pour faire voler en éclats le cadre usuel des ‘platonismes du XIIème siècle’ » (Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, ed. Martineau, p. 7).
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Jean-Louis Poirier
Proclus, Éléments de Théologie, tr. J. Trouillard, Aubier-Éditions Montaigne, Paris 1965.
Etudes Combes 1944 = A. Combes, Un inédit de Saint Anselme ? Le traité «De unitate divinae essentiae et pluralitate creaturarum» d’après Jean de Ripa, Vrin, Paris 1944.
Abstract: According to a very classical tradition, the adverb of place ibi, almost always used as a couple, receives the function of accounting for the division of the sensible and the supra-sensible according to a metaphorization which leads to contrast two regions of space, here (ἐνταῦθα / hic) and over there (ἐκεῖ / ibi). This metaphorization puts in place a figure of rhetoric promised to produce major effects, especially in Neoplatonism. This contribution proposes a reflection about the fact that all these effects seem to vanish without rest in Achard de Saint Victor, as if the use - although unrestrained - of the couple hic / ibi was entirely trivialized, or indifferent to metaphorical meanings that he no longer accompanies. We observe with Achard the disappearance of this type of location in favor of neutral and strictly abstract coordinates. After Proclus, and already with Damascius, the frequent use of Ibi, even if it connotes elsewhere and distance, clearly refers to the region of intelligible forms. Henceforth, Ibi refers to the intelligible forms, which are below the supreme principle, but are not in a place. This eliminates any halo effect. Achard never ceases to repeat: “Things are the same here and over there”. Achard never ceases to reconcile the two worlds, which is doubly Platonic at the same time by the refusal of a chôrism, and by the rigorous maintenance of a theoretical orientation. Hence, arises the problem of Achard’s Platonism. Keywords: Here, Over There, Intelligible, Sensitive, Principle, Elsewhere, Nostalgia, Distance, One, Neo-Platonism, Plato, Proclus, Plotinus, Damascius.
Jean-Louis Poirier Inspecteur Général Honoraire de philosophie [email protected]
Nicole Reibe
Reconsidering the homo assumptus Position
Medieval Christologies are often evaluated through Peter Lombard’s three Christological categories. While the categories are helpful organizational tools, they can, at times be blunt instruments. As evidenced by the Lombard’s categories themselves, Christology was in a state of flux in the middle of the twelfth century and orthodox Christological language was ambiguous at best. This poses a problem for historians of the period because there are no shibboleths, no key words or phrases, which automatically place theologians into one category or another, particularly for those theologians writing before or at the same time as the Lombard. As Marcia Colish notes, the “theologians in this period [...] lacked a common understanding of the meaning of key terms such as substance, person, and nature, all of which had to be used in discussing the nature of the incarnate Christ”1 . One such theologian whose theology has been obscured by relying too much on Lombard’s categories and key words and phrases is Achard of St. Victor. While there is a paucity of work on Achard’s Christology, those who have attempted to assess his Christology have come to conflicting conclusions. The more established line of scholarship, represented by Jean Châtillon, holds that Achard of St. Victor’s understanding of the mode of union between Christ’s two natures should be associated with the Lombard’s first opinion, the so-called homo assumptus position. Franklin Harkins represents a new voice that challenges this association, arguing that Achard of St. Victor’s Christology more closely resembles that of the Lombard’s second opinion, the subsistence theory. Châtillon and Harkins both focus on Achard’s sermons that explicitly use the phrase homo assumptus or some variation of such phrase, specifically Sermons 1, 4, 5, and 15. This method of proof texting yields unconvincing results in both studies; in their respective attempts to classify Achard’s Christology, both Châtillon and Harkins flatten Achard’s thought to a 1. Colish 1994, p. 399. Ad Argumenta. Quaestio Special Issues, 2 (2019), 149-167 • 10.1484/m.adarg-eb.5.118600
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series of citations. In this study I will endeavor to base Achard’s Christology, not in his sermons, but in his De unitate Dei et pluralitate creaturarum, moving from his Trinitarian theology to his Christology; his Trinitarian theology provides the philosophical underpinning of his Christology, and thus a clearer expression of the union between Christ’s human and divine natures. This study will be divided into three parts. Part 1 will present the previous treatments of Achard’s Christology vis-à-vis the Lombard’s categories; part 2 will present Achard’s Trinitarian theology; and part 3 will shift to the Christology found within Achard’s Trinitarian treatise, De unitate.
I. Achard’s Christology and the Lombard’s Categories For medieval theologians, all human beings, as human beings, are composed of a rational soul and physical body. In the womb, rational soul and body are united to form a human person. For every “normal” human being, a fully human nature comes part and parcel with a human person. Yet, in Christ Chalcedon affirms a fully divine nature and a fully human nature, but only one person- a divine person. So the question becomes: how can Christ have a full humanity and not have a human person? How can the union between the divine and human natures be conceived in a way that Christ retained his fully humanity without the addition of a human person? The first of the three opinions, homo assumptus, proposed that what was assumed by the person of the Word was a ‘true man’, composed of a human flesh and soul. Lombard presented it thusly: “For some say that, in the very incarnation of the Word, some man was formed from a rational soul and human flesh: from these two, any true man is formed. And that man began to be God, not indeed by the nature of God, but by the person of the Word, and God began to be that man. They also grant that that man was assumed by the Word and united to the Word, and yet that he was the Word. And they hand down that it was for that reason that it said that ‘God was made man’ or ‘is in man’ because God was made (that is, began to be) some substance subsisting from a rational soul and human flesh; and that substance was made (that is, began to be) God”2.
The Lombard noted “although they [holders of the first opinion] say that that man subsists from rational soul and human flesh, yet they do not profess that he was composed from two natures, namely the divine and the human, nor that his parts are two natures, but only that they are soul and flesh”3. Questions arose as to whether holders of the first opinion consider a rational soul and human flesh 2. Petrus Lombardus, Libri IV Sententiarum, liber III, dist. II, capit. I (tr. Silano, p. 24). 3. Petrus Lombardus, Libri IV Sententiarum, liber III, dist. II, capit. I (tr. Silano, p. 24).
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equivalent to a human nature. According to Clare Monagle, “this theory was problematic because it assumed that the specific properties of a human nature were taken up by Christ. Therefore, Christ’s person did not constitute an inextricable blending of human and divine natures. Instead, the divine person merely took on certain aspects of humanity”4. The properties of a human nature, but not a complete human nature, were taken into the divine nature and divine person. Read in this manner, Christ did not have a human nature, but only the properties of a human nature. Other critics of the first opinion charged that if a human flesh and rational soul constituted a person, then the Word assumed a person which added a human person to the Word, thus the Word consisted of a divine person and a human person. According to its critics, by assuming a body and human soul the first opinion does not avoid the problem of introducing a human person in the person of Christ, thereby adding a fourth person to the Trinity. Lombard’s second opinion, which would be declared orthodox in the thirteenth century, was similar to the first opinion but was more explicitly Chalcedonian and used the language of two natures: “But there are also others who in part agree with the former [first opinion], but they say that that man was not composed only of a rational soul and flesh, but also of a divine and human nature, that is, of three substances: divinity, flesh, and soul. They profess this Christ to be only one person; however, that person was simple only before the incarnation, but in the incarnation he was made into a person composed of divinity and humanity. Nor is he therefore another person than before, but what was before only a person of God, in the incarnation was also made a person of man: not so as to be two persons, but that the person of God and of man be one and the same. And so the person that was previously simple and existed only in one nature, then subsists in and from two natures. And the person which was only God had also become true man, subsisting not only from soul and flesh, but also from divinity. And yet that person should not be said to have been made a person, although it is said to have been made a person of man. And so, as some would have it, that person was made into something subsisting from soul and flesh, but was not made a person or substance or nature. And insofar as he is subsistent, the person is composite; but insofar as he is the Word, the person is simple”5.
The second opinion, the subsistence theory, preserved the strengths of the first opinion – human flesh and a rational soul as that which was united to the Word – but included the affirmation of two natures in one person. The divine person takes the rational soul and body at the very moment that the rational soul and body were united in the womb. The second opinion presented a formula of one person (divine), two natures (human and divine) and three substances (divinity, body, and 4. Moagle 2013, p. 77. 5. Petrus Lombardus, Libri IV Sententiarum, liber III, dist. II, capit. I (tr. Silano, pp. 26-27).
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soul) and “affords greater metaphysical consistency, one could say, to the human element in the person of Christ, which is no longer viewed as being present in Him only through its properties – body and soul – but through its very nature”6. The third opinion turned dramatically away from the first two. In an attempt to avoid introducing a fourth person into the Trinity, holders of the third opinion separated the unity between the human flesh and soul which was implicit in the first two opinions: “There are even some others as well who not only deny [the existence of ] a person composed of natures in the incarnation of the Word, but also say that there was not any man at all, or even any substance, there composed of [made from] soul and flesh. They say that these two things, namely soul and flesh, were united to the person or nature of the Word, not in such a way that any subsistence or person was made or composed from those two or these three things, but so that the Word of God might be clothed with those two as with clothing in order to appear suitably to the eyes of mortals”7.
In this opinion, the flesh and the soul were united to the Word individually instead of as a unit. In the divine person, the rational soul and body were not united together as they would be in a typical human, so there was no ‘humanity’ as there would be in other humans. Therefore, rather than a man, a soul and a flesh were united to the Word. Divine nature was not united to human nature, but the divine person ‘wore’ body and soul as one would wear a garment. The soul and flesh were accidently united to the Word, just as someone’s coat or trousers are accidently united to a person, and thus this position was termed the habitus theory. In situating Achard within the Lombard’s categories, it is easiest to start with Achard’s rejection of the third opinion. In Sermon 4, in the context of receiving the Eucharist, Achard used the image of consuming the paschal lamb to criticize those whom he thought held unsuitable Christological opinions; “such, for example, were those who said that Jesus’ body was a phantom; those who said that the Lord assumed only a body and not a soul, while the Word itself took the place of the soul; and those who said that the Word assumed a body and a soul but not a reason, while the Word took the place of the mind”8. This was a clear and pointed rejection of the third opinion and condemnation of those who promote it. With the third opinion excluded, we turn to Achard vis-a-vis the Lombard’s first and second opinions. There is a long history of associating Achard of St. Vic6. Rosemann 2004, p. 129. 7. Petrus Lombardus, Libri IV Sententiarum, liber III, dist. II, capit. I (tr. Silano, p. 28). 8. Acardus a Sancto Victore, Sermons inédits. Sermon 4, 6, ed. Châtillon, p. 61: “Veluti illi qui de corpore Jesu dicebant quia fantasma erat, et illi qui dicebant Verbum assumpsisse corpus tantum et non animam, et ipsum Verbum locum anime obtinere, et ut illi qui dicebant corpus et animam sed non rationem Verbum assumpsisse et locum mentis Verbum obtinuisse” (tr. Feiss, p. 133).
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tor with the homo assumptus theory, along with William of Champeaux and Hugh of St. Victor. The Victorine masters are frequently identified as the Lombard’s interlocutors for the first opinion. Lauge Olaf Nielsen writes that “there can be little doubt that the source of the first theory in the Lombard’s survey was Hugh of St. Victor’s Christology”9, and Jean Châtillon avers “they [Sentences] are probably a little later than [Achard’s] I-XII Sermons which already contain all the essentials of the Christology of the abbot of Saint Victor. [...] Achard could be, if our chronology is correct, one of the masters whose teaching, known to Lombard, had inspired the first statement of opinion”10. Achard became tied to the first opinion through John of Cornwall’s use of Achard’s work in his Eulogium and in his polemical attacks against Christological nihilism leading up to Lateran III in 1179. Jean Châtillon notes that “John of Cornwall, in any case, some twenty five years later [after the publication of the Sentences] would not hesitate to rely on Achard as among the representatives of the first opinion of which he himself is an apologist. In this regard, he mentioned two fragments from De Trinitate [...] following him, historians of theology generally viewed Achard as one of the defenders of homo assumptus”11. In an another article, Châtillon writes that “the fact that John of Cornwall cites this person [Achard] with such intensity invites us to think that he played some role in the Christological controversies of the twelfth century. Everything we know about his thought and his person confirms this impression and leads us to believe that his role was important”12. Both contemporaries and historians of theology associate Achard with the first opinion because he routinely used the language of assumption when discussing the incarnation. In addition to John of Cornwall’s usage of Achard to combat Christological nihilism, Jean Châtillon states that “a quick examination of the Christological vocabulary found in the Sermons confirms this overall judgment [Achard’s association with the first opinion]”13. Yet, Jean Châtillon does not provide an analysis of Achard’s language. Rather, he states that, 9. Nielsen 1982, p. 256. 10. Châtillon 1969, p. 194: “Elles sont donc vraisemblablement un peu plus tardives que les Sermons I-XII qui contiennent déjà tout l’essentiel de la christologie de l’abbé de Saint-Victor. [...] Achard pourrait donc être, si notre chronologie est exacte, un des maîtres dont l’enseignement, connu du Lombard, avait inspiré ce dernier dans l’exposé de la première opinion” (translation mine). 11. Châtillon 1969, p. 194: “Jean de Cornouailles, en tout cas, quelques vingt-cinq ans plus tard, n’hésitera pas à compter Achard parmi les représentants de cette première opinion dont il se fait lui-même l’apologiste. Il citera à ce propos les deux fragments du De Trinitate. [...] A sa suite, les historiens de la théologie ont généralement considéré Achard, comme un des défenseurs de la théorie dite de l’assumptus homo” (translation mine). 12. Châtillon 1948, p. 320: “Le seul fait que Jean de Cornouailles cite ce personnage avec tant d’insistance nous invite à penser qu’il a joué un certain rôle dans les controverses christologiques du XIIème siècle. Tout ce que nous savons de sa pensée et de sa personne confirme cette impression et nous porte à croire que ce rôle fut important” (translation mine). 13. Châtillon 1969, p.194: “Un examen rapide du vocabulaire christologique des Sermones confirme ce jugement global” (translation mine).
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“Achard is, indeed, one of the theologians who speak more readily of the mystery of the God-man in terms of ‘assumption’ rather than that of ‘incarnation’. What is assumed by the Word (Verbum assumens) is sometimes human nature, the human form, the body or the flesh, but more often it is the concrete man Jesus, who was living among men, and that is an expression of homo assumptus”14.
While Châtillon is correct in his “quick examination” of Achard’s Christological language, he does not examine how the language is being used or to which concepts Achard’s words are pointing; in fact, he assumes that homo assumptus always refers to the person “living among men”. He concludes that the absence of an affirmation of two natures in one person is the same as holding the homo assumptus position. It is true that Achard never stated unequivocally in his sermons that the Incarnate Word assumed a human nature into his divine person. But, he also never wrote that the Word assumed a human person in a way that Jesus of Nazareth had two natures and two persons. Yet, Achard did make reference to one of the criticisms of the first opinion, that of introducing a fourth person into the Trinity. Against those who seemed to suggest that a separate person was assumed by the person of the Word, Achard wrote, “what was assumed is either a person or not. If we say it is a person, and not the same person as the Word, there will be four persons in the Trinity. If it is not a person, would it be a person if the Word were not united to it? Would not something be taken away from him”?15 The only option left is that the person of Christ is the same person of the Word, which would reject any sort of personal addition to the Trinity and Christological nihilism. Franklin Harkins also looks at the language of homo assumptus as used in Achard’s sermons, particularly Sermons 1, 4, 5, and 15, but tries to go beyond the words themselves and to what the words were pointing16. This is a difficult task given the unstandardized Christological vocabulary of the period and, as Harkins notes, Achard’s purpose in preaching “is to explain the gracious soteriological purpose of the Incarnation in language that is both scriptural and rhetorically powerful, not to render the exact mode of the union mentally comprehensible by means of perfect verbal precision”17. Still, through an analysis of Achard’s exegesis and crit14. Châtillon 1969, p. 194: “Achard est en effet de ces théologiens qui parlent plus volontiers du mystère de l’Homme-Dieu en termes d’ ‘assomption’ que d’ ‘incarnation’. Cette assomption par le Verbe (Verbum assumens) porte parfois sur la nature humaine, la forme humaine, le corps ou la chair, mais plus souvent sur cet homme concret que fut Jésus vivant parmi les hommes et que désigne l’expression homo assumptus” (translation mine). 15. Acardus a Sancto Victore, Sermons inédits. Sermon 4, 7, ed. Châtillon, p. 63: “Quod assumptum est, vel est persona, vel non est persona. Si dicatur quod sit persona, et non eadem cum Verbo, jam erunt quatuor persone in Trinitate; si vero dicatur quod non sit persona, nonne esset persona si Verbum non esset ei unitum? Numquid ei aliquid abstulit?” (tr. Feiss, p. 134). 16. Cf. Harkins 2008, pp. 595-624. 17. Harkins 2008, p. 610.
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icism of other Christologies, Harkins concludes that deus, homo, and homo assumptus as Achard uses the terms, refer to divine nature, human nature, and human nature assumed, respectively18. Alongside such terms as homo, homo assumptus and deus, Harkins proposes that the term personaliter ought to be included in a study determining Achard’s Christology. In Sermon 15, Achard used the term to describe the mode of union between the divine and human natures. Achard writes, “God himself, although spiritually and essentially he is in many places, indeed in all, nevertheless in one mode of existing, that is, personally, he is in only one place. He is in the human nature assumed through grace by the fullness of his divinity”19.
Harkins points out that “For Achard, personaliter connotes a particular mode of existence according to which God is physically localized; personaliter stands in sharp contrast to spiritualiter and essentialiter, descriptors of the deity’s eternal, customary, uncircumscribed mode of being. The adverb personaliter here signifies an assumed human nature rather than an assumed human person, as in the phrase ‘in ipso [...] homine assumpto’ ”20.
Given this interpretation of terminology in Achard’s sermons, Harkins argues that Achard’s Christology is more aligned with the Lombard’s second opinion than the first. While both Châtillon and Harkins present well thought out cases, neither study provides a clear account of how the divine and human natures are united in Achard’s theology. This deficiency is due to the sources themselves; the sermons, as instruments of pastoral and pedagogical formation, do not directly address the union of the two nature. This absence could be due to any number of reasons, one being that the metaphysical foundations of Achard’s Christology could be found elsewhere, namely, in his De unitate Dei et pluralitate creaturarum.
II. Achard’s De unitate Achard of St. Victor used mathematical concepts to argue for the one nature and three persons of the Trinity, but also for the plurality evidenced in creation. It is a dense and complicated text, foreign in logic to many readers, even those well18. Cf. Harkins 2008, p. 614. 19. Acardus a Sancto Victore, Sermons inédits. Sermon 15, 26, ed. Châtillon, p. 230: “[I]pse Deus, quamvis in locis pluribus, immo in omnibus sit spiritualiter atque essentialiter, secundum modum tamen aliquem existendi, id est personaliter, in uno tantum est loco, in ipso videlicet homine assumpto per gratiam, plenitudine divinitatis sue” (tr. Feiss, p. 334). 20. Harkins 2008, p. 612.
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versed in Trinitarian discussions. In order to situate Achard, it is helpful to take a brief look at another twelfth-century master who may have directly or indirectly influenced Achard of St. Victor: Thierry of Chartres21. II.1. Thierry of Chartres Thierry of Chartres is one of the more well-known proponents the arithmetic Trinity, sparking its resurgence during the twelfth-century. During the 1130s and 1140s, he developed and promoted Augustine’s arithmetic model of the Trinity as presented in De doctrina christiana. There, Augustine wrote: “These three have the same eternal nature, the same unchangeableness, the same majesty, the same power. In the Father there is unity, in the Son equality, and in the Holy Spirit a harmony of unity and equality. And the three are all one because of the Father, all equal because of the Son, and all in harmony because of the Holy Spirit”22.
While Augustine himself never again returned to the triad of unitas, aequalitas, and concordia (unity, equality, and concord), Thierry of Chartres incorporated it in his Tractatus concerning Genesis (1130s) and his Commentum on Boethius’ De trinitate (late 1130s to early 1140s), but he substituted concordia with conexio. Thierry expanded upon Augustine’s formula by utilizing a basic principle of multiplication: 1 x 1= 1. In this case, Unity multiples itself producing Equality, which is identical to Unity. Unity and Equality of Unity correspond to the Father and the Son, respectively, and are connected. The union between Unity and Equality of Unity is the connection of love, which corresponds to the Holy Spirit. Thierry wrote: “If Unity avoids division, it is because Equality loves Unity, and because Unity loves Equality. Thus, there is a Love-Connection from Equality to Unity and from Unity to Equality of being. This Love-Connection is neither engendered, nor engendering: it proceeds from Unity and Equality of Unity, not from only one of them, but from both. Love, in fact, like Connection, requires two terms. This Love-Connection, which proceeds from Unity and from Equality of Unity, is the Holy Spirit: from Unity, the Father, and from Equality, the Son, the Holy Spirit proceeds. And since Unity, Equality of Unity, and the Love-Connection which proceeds 21. Cf. Albertson 2012, pp. 101-144. Within his excellent article, Albertson argues that Achard was a student of Thierry’s, but I am more cautious about that claim as the textual evidence is suggestive, but not conclusion of a relationship between Thierry and Achard. Very little is known of Achard of St. Victor before he became the abbot of St. Victor in 1155; it is even unclear when he first came to St. Victor. Given the paucity of evidence, I offer a more ambiguous reading of the relationship between Thierry and Achard. 22. Augustinus, De doctrina christiana, 1.12, ed. Green, pp. 16-17: “Eadem tribus aeternitas, eadem incommutabilitas, eadem maiestas, eadem potestas. In patre unitas, in filio aequalitas, in spiritu sancto unitatis aequalitatisque concordia, et tria haec unum omnia propter patrem, aequalia omnia propter filium, conexa omnia propter spiritum sanctum”.
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from both are one and the same, we must necessarily confess that the Father, Son, and Holy Spirit are one and the same. Just as, however, neither the Father is the Son, nor the Son the Father, so the Holy Spirit is neither the Father nor the Son”23.
Thus, through the usage of fundamental arithmetic principles, Thierry provided an account of the substantial unity of the Trinity and the distinctions of the three persons. Although his position gained popularity throughout the 1140s, Thierry had to be quite specific and cautious in his discussion of the Trinity, as he was well aware of the Trinitarian controversies surrounding Abelard at the Councils of Soissons (1121) and Sens (1141). Out of the disquiet caused by Abelard’s teaching arose the distinction between ‘proper’ and ‘appropriated’ or ‘attributed’ triadic analogies for the Trinity. ‘Proper’ names conveyed an actual difference among the persons of the Trinity; for example, only the second person of the Trinity can be said to have filiation. ‘Appropriated’ or ‘attributed’ names convey something about the undifferentiated divine essence and, thus, can be attributed to all persons of the Trinity; the triad of power, wisdom, and goodness is an example of appropriated names because all three members can be said to be equally powerful, wise, and good. Thierry used these new distinctions to create a strong reading of Augustine’s arithmetic triad. According to Thierry, the term unitas can only be said of the first person, aequalitas of the second, and conexio of the third. As Albertson writes, “the triad of unitas, aequalitas, and conexio is not an arbitrary mathematical symbol, but in fact a sturdy conceptual basis for grasping just what a Trinity of persons might mean. Beneath the traditional metaphor of generation lies the more solid foundation of number”24. This sturdy foundation seems to have appealed to the anonymous authors of Tractatus de Trinitate, Commentarius Victorinus25, Clarembald of Arras26, Alain of Lille27, and Achard of St. Victor.
II.2. Achard of St. Victor Achard’s De unitate Dei et pluralitate creaturarum is ostensibly an account of the reasonableness, really the necessity, of the Trinity as one substance and three person, but it is also a robust telling of the relationship between Creator and creatures; key to this relationship is True Plurality. In order to stay focused on the 23. Theodoricus Carnotensis, Commentum super Boethii librum de Trinitate, II, 37-38, in Commentaries on Boethius by Thierry of Chartres and His School, ed. Häring, as quoted in Jeauneau 2009, p. 75. 24. Albertson 2012, p. 111. 25. Cf. Häring 1956, pp. 125-134; Albertson 2012, pp. 112-116. 26. Cf. Albertson 2012, pp. 116-117. 27. Cf. Albertson 2012, pp. 120-128; Trottman 2005, pp. 401-427.
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Christological import and implications of the text, it is helpful to set out from the beginning of our treatment that Achard will equate True Plurality with the second person of the Trinity, the Eternal Son. The first chapter acts as an overview of his first tract: “In creatures no True Plurality28 exists because there is no True Unity. Plurality is nothing else than multiplied unity, or as many unities as are needed to equal plurality. However, unless somewhere True Plurality is to be found there will not be any plurality at all. It is impossible that plurality either exists or be spoken of properly unless it is or intimates that very unity of pluralities, that is, True Plurality. It cannot imitate True Plurality unless True Plurality exists. Hence it exists. However, it cannot exist except where there is True Unity, and no True Unity exists except in God. There True Plurality and [True] Unity must reside, but not in the same respect”29.
His starting point was the idea of plurality. Achard took as a given that if plurality exists here (which it does) then True Plurality must exist somewhere else (usually referred to as “there”). Material, temporal plurality acted as evidence for the reality of immaterial, eternal True Plurality. In the same vein, his opening words stated that for True Plurality to exist there must also be True Unity. His logic can be summarized as follows: if plurality exists, then True Plurality exists; if True Plurality exists, then True Unity exists. Achard spent much of his treatise unpacking this line of thinking, by taking it in reverse order: from True Unity there is True Plurality; from True Plurality, there is created plurality. All existence is ontologically grounded in the divine and imitates True Unity in some manner; “some sort of likeness exists between every creature and that unity; this likeness is partial and imperfect”30. With these words Achard conveyed the sense that there is a great outflowing of existence from the divine unity that we call God; there must be some sort of likeness or similarity that connects creation to the Creator, which establishes a relationship that allows for imitation. Yet, created plurality and True Unity seem to be characterized by contrast. Creation is finite, bound by time, and subject to change; the Creator is infinite, 28. For the sake of clarity, I will capitalize True Plurality throughout this text. It is meant to designate Achard’s concept of an uncreated, eternal unity of pluralities. 29. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.1, ed. Martineau, p. 70: “In creaturis non est vera pluralitas, quia nec vera unitas. Non enim aliud est pluralitas, nisi multiplicata unitas, vel totiens unitas quota ipsa pluralitas, nisi tamen alicubi reperiri possit pluralitas vera, nec erit omino pluralitas aliqua. Impossibile namque est pluralitatem vel esse vel dici proprie, nisi quia est ipsa pluralitatis unitas, id est vera pluralitas, vel quia imitatur eam. Imitari autem eam nequit quin ipsa sit. Ipsa igitur est; esse autem non potest nisi ubi et unitas vera, nec unitas vera nisi in Deo. Ibi ergo et veram consistere oportet et pluralitatem et unitatem, sed non secundum idem” (tr. Feiss, p. 379). 30. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.3, ed. Martineau, p. 72: “Similitudo autem omnis creaturae ad illam secundum aliquid est, et ideo ex parte et imperfecta est” (tr. Feiss, p. 380).
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eternal, and unchangeable. To bridge the ontological divide, Achard posited that there must be something for created plurality to imitate in the True Unity; “Reason requires that besides this plurality [the plurality of creation], which is far removed from God, there be some superior plurality which coheres immediately to that highest unity”31. Achard identified the superior plurality a True Plurality. It co-exists in the unity and is perfectly like the unity. Achard explained: “There subsists somewhere and in something a full and perfect likeness of that unity. Since this [likeness] cannot be in a creature [...] it necessarily exits above the creature, in divinity itself. However, no likeness can exist except among several, nor can it be full and total except among equals. Nothing can be equal to the highest unity which is not where it [the highest unity] is – that is, in the supreme deity. Therefore, not only unity is found there, but also plurality”32.
The True Plurality shares a likeness with both True Unity and creatures; with True Unity it shares identifying characteristics – infinity, eternity, and changelessness – and with creatures it shares plurality. Despite the similarity to True Plurality, created plurality is never the same as True Unity, for even if two creatures are alike in all ways imaginable, they still occupy different space and it is always possible for something to happen to one creature and not the other, which would introduce a dissimilarity33. One of the strengths of the likeness argument is that it established a viable way to conceive of plurality as ontologically connected to unity, marking out a path between creatures and Creator. Yet, the argument for plurality could be read as compromising the substantial unity of the divine. To demonstrate the integrity of the Unity, Achard explained True Plurality in True Unity in terms of equality, favoring the terms communio or, as Albertson notes, “second order aequalitas”34, over Thierry’s conexio, but Achard maintained Thierry’s line of arithmetic reasoning35. Within the notion of True Unity there is 31. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.2, ed. Martineau, p. 70: “Exigit itaque ratio super hanc pluralitatem a Deo remota constitui aliquam superiorem, quae illi summae unitati cohaereat immediate” (tr. Feiss, p. 380). 32. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.3, ed. Martineau, p. 72: “Ita subsistit alicubi, ergo in aliquo similitude est et unitatis illius plena atque perfecta. Quae tamen in creatura […] super creaturam necessario in ipsa divinitate consistit. Similitudo autem nulla, nisi inter plura, nec plena et secundum totum, nisi inter aequalia. Unitati vero summae nihil potest esse aequale, quod non sit ubi ipsa est, id est in summa deitate. Ibi ergo non sola unitas, sed et pluralitas” (tr. Feiss, pp. 380-381). 33. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.7, ed. Martineau, pp. 74-76 (tr. Feiss, p. 383). 34. Albertson 2012, p. 130. 35. While not the focus of this discussion, the change in terms could also suggest a movement from pure mathematics to harmony. The idea of harmony subtly appears throughout Achard’s Trinitarian theology and could be thought of as a return to a more Augustinian approach to the Trinity.
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Unity, that which is Equal to Unity, and Equality itself36. All three of these designations are equal; “If any two things are posited, and if something is equal to one of them, it follows that it is equal to the other; and it is impossible that those two things not be equal. If, however, something is equal to the highest unity, it cannot be unequal to equality itself [...] if equality is equal to the first and highest unity, it is said to be the very same”37. Achard made a clear distinction between divine equality and temporal equality. For an example of temporal unity, think about the color of a dog (dog = color). If I said that my dog is white, I am not saying that my dog is whiteness, but that my dog participates in the substance of whiteness. ‘Is’ when used to speak of creatures always speaks to creatures participating in a substance. The same is not true for God. Achard wrote, “God is equality, or God can be equality, for otherwise it would follow that equality is not something related to God himself. God cannot be anything, nor can anything be God which is not God. For this reason God is equality [...] It is not the case that if equality is equal to the highest unity it loses its very substance of equality. That would be necessary if the substance of equality were inferior to the substance of the highest unity”38.
God, unlike creatures, does not participate in substance but is the substance itself. In regards to equality, “if equality is equal to the aforesaid unity, it also retains the substance of equality which can be equal to [unity]. It is not by participation in equality that equality can be equal to anything, as are other things that are called equal, but by existing as equality itself. Again, if equality itself is equal to the aforesaid unity, it is of the same substance with it. The substance of unity and that equality is therefore the same”39. 36. The English translations of Achard’s second and third terms establish a clear difference between the second and third terms. However, this effort for clarity within Achard’s work causes a moment of confusion when compared to Thierry’s triad, for the second term in Thierry’s triad is usually translated as ‘equality’, as is Achard’s third term. This is not to suggest that Thierry’s second term became Achard’s third term. 37. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.10, ed. Martineau, p. 78: “Duobus quibuslibet propositis, si quid sequitur esse aequale eorum uni, quia est aequale alteri, et illa duo aequalia non esse est impossibile. Si autem aliquid unitati summae est aequale, ipsum etiam aequalitati ipsi non potest esse inaequale […] si aequalitas primae et summae unitati aequalis est, ipsa dicendum est” (tr. Feiss, p. 384). 38. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.10, ed. Martineau, p. 78: “Deus igitur aequalitas est sive aequalitas Deus esse potest, alioquin namque sequitur illud, aequalitatem scilicet non quid esse ad ipsum Deum esse. Deus autem aliquid esse non potest, nec aliquid Deus, quod Deus non sit. Quare et aequalitas Deus est. Non enim […] si aequalitas unitati summae est aequalis ipsam amittat substantiam aequalitatis. Quod utique prorsus necessarium esset si substantia aequalitatis summae unitatis substantia inferior esset” (tr. Feiss, p. 385). 39. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.10, ed. Martineau, pp. 78: “Quare si aequalitas praedictae aequalis est
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There is substantial identity, not substantial participation, in the highest Unity. This substantial identity and equality is substantial unity, which leads to the affirmation of one, undivided substance in the highest unity. Through investigations of that which is Equal to Unity and Equality, Achard concluded that there is 1) one substance, which Achard will also call a nature, and 2) a plurality of something, so the logical next question is what is this something. He argued, “either a plurality of natures must exist, or a plurality of persons. Since in the three mentioned above one of them proceeds from another, and from both of them a third, and all these are of the same nature or substance, in no way can they be of the same person”40. ‘Person’ became a way of referring to the difference within the unity. Returning to the triad of Unity, that which is Equal to Unity, and Equality itself, the processions of each defined the difference of the persons. Unity, as unity, is only from itself and can have no other cause. That which is Equal to Unity proceeds from Unity as that which it is equal to it. Between the two stands Equality itself and as such is from both Unity and that which is Equal to Unity. These are the three persons of the highest unity in terms of equality. Achard argued that the designation ‘Son’ most appropriately reflected the procession of that which is Equal to Unity from Unity and that the term Holy Spirit captured the nature of communal property conveyed by the Equality between Unity and that which is Equal to Unity. Through these accounts one can say that the Unity is named the Father; True Plurality – that which is Equal to Unity – is named the Son or Word; Equality itself is the Holy Spirit.
III. Christology in De unitate Using the arithmetic concepts inherited from Thierry of Chartres, Achard demonstrated a plurality of persons within the one nature of God. It was by this logic that Achard affirmed the reality of both True Unity and True Plurality, but what about created plurality, specifically what about Christ’s human nature? As stated earlier, nothing exits that does not first exist in God. The mode of existing in God is by ‘eternal reasons’. The understanding of God contains all ideas and forms, so all distinctions and accidents exists intellectually. These reasons exist eternalunitati, et ipsa retinet substantiam aequalitatis quae ei possit esse aequalis; non enim participatione aequalitatis potest esse aequalitas alicui aequalis, ut caetera quae dicuntur aequalia, sed existendo aequalitas ipsa. Rursus autem, si aequalitas unitati est aequalis propositae, et ipsa ejusdem est cum illa substantiae. Eadem ergo unitatis illius aequalitatis substantia est” (tr. Feiss, p. 386). 40. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.15, ed. Martineau, p. 88: “Aut plures naturas aut plures ibi oportet consistere personas. Cum igitur in supra dictis tribus, ut dictum est, ab uno illorum procedat alterum et ab eorum utroque tertium, et omnia sunt ejusdem naturae atque substantiae, nullatenus ejusdem esse possunt personae” (tr. Feiss, p. 392).
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ly and unchangeably and encompass all that God has done, is doing, will do, and all variations of those things. To find examples, Achard turned his eyes upwards. The sky exists as round here, but there, in God’s mind, it exists not only as round, but as triangular and rectangular. The forms are infinite. Achard wrote, “so from eternity, before anything was, he [God] had present to himself not only the substances of all the things he was going to make, but all the quantities and numbers, places and time, and so forth. He possessed all things in his understanding, not in act, since [...] they were not yet in act. Act proceeded later from intellect; intellect did not proceed from future act”41. The contents of God’s understanding are the exemplars or forms for all of creation, casting creation as a kind of copy of divine understanding, albeit bound by substance and time. All of creation has the understanding of God as its intellectual origin, but it is actualized in time through the Word. Achard looked to the prologue of John’s Gospel for support; that in the Word of God, “ ‘all things came into being through him’ as though through the general reason and eternal art of making all things, and that ‘without him,’ that is, without the rational cause of all thing, ‘nothing came into being,’ and ‘what came into being, was life in him,’ that is, the intellectual form of what came into being”42. In the intellectual mode, all things exist in the united understanding of God; in the actual mode, creation exits in the temporal world; therefore creation has a likeness to both True Unity and True Plurality, and participates in God, albeit in an imperfect way. But what of the human nature of Christ ? The language of assumption found in the sermons can give the impression that there is a time when the human nature was not united to the Word, but that does not take into account the eternal intellectual reasons within God’s mind attested to in De unitate. Everything that is created is an eternal reason with a form in the understanding of God, including Christ’s specific human nature united with the divine nature and person. In this sense, the humanity of Christ has always been united to the divine nature, just in an intellectual mode. In the second tract of De unitate, Achard wrote that, “There [in the knowledge of God] also the very man taken up into unity of person by the Word of God and the supreme truth had that glory with the Father be41. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.43, ed. Martineau, p. 114: “Ab aeterno igitur antequam quicquam esset apud se praesentes habuit omnium quae facturus erat non solum substantias, sed et quantitates et numeros, loca et tempora, etc. Omnia habuit ut intellectu, non in actu. In actu […] nondum erant. Actus autem postmodum ex intellectu processit, non vero intellectus ex futuro processit actu” (tr. Feiss, p. 412). 42. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.40, ed. Martineau, p. 110: “Omnia per ipsum facta sunt, tanquam per rationem generalem et Artem aeternam faciendi omnia, et quia sine ipso, utpote rationabili omnium causa, factum est nihil, et quia quod factum est, in ipso vita erat, id est forma ejus quod factum est intellectualis” (tr. Feiss, p. 409).
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fore the world began by which he asked to be glorified by the Father at the time of the resurrection”43. The one specific human nature, Christ’s human nature, existed in God’s understanding as united the Word for all of eternity. Christ’s human nature, like all creation, is made actual through the Word. Yet, in being actualized in time, the human nature is not made and then somehow reunited, but the human nature united with divine nature enters into time simultaneously. Two passages gesture towards Achard’s understanding of the Incarnation: “There, if not into others through infinite forms of participation, then into himself according to overall fullness, the whole deity proceeded from eternity, so that from that time on dwelt in him there, by an eternal procession, ‘the whole fullness of divinity’ intellectually, which afterwards in the fullness of time began to dwell in him by temporal procession ‘bodily’ ”44.
The second passage describes in greater detail the procession from eternal, intellectual participation of Christ’s human nature in the Word to temporal existence. “Again, it is those [...] that he [God] saw, understood, and had in himself, and has poured forth into the thing to be formed, so that [a form] which had been with him until then without matter on which it was impressed and in which it was temporally expressed. [The form] that was and is in itself eternal has become temporal here; what was and is truly immortal there had become variable and corruptible here; what [was and is] uncreated there has become created here; what [was and is] not unformed, but of supreme formal beauty though not formed, has become formed here; what was and is begotten there [has become something] made here; what was and is reason itself has become a work of reason here; what was and is the Word expressed without sound there has become a kind of sound expressing the Word here; what was and is truth alone and uncreated mind there has become an image of truth in a created mind, or a likeness of truth in spirit, or a shade of truth in a body [...] When it began to exist here it did not cease to exist there, but remaining where it was and what it was there, it came to be here what it was not”45. 43. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 2.3, ed. Martineau, p. 146: “Ibi et ipse homo a Deo Verbo et veritate summa in unitatem personae susceptus claritatem illam habuit apud Patrem antequam mundus esset, qua scilicet a Patre tempore resurrectionis clarificari postulat” (tr. Feiss, p. 440). 44. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 2.3, ed. Martineau, p. 146: “Ibi si non in alios per participationes infinitas, in ipsum tamen plenitudinem omnimodam ab aeterno processit deitas tota, ut ibi ex tunc in eo habitet processione aeterna omnis plenitudo divinitatis intellectualiter, quae postmodum in temporis plenitudine in eo coepit processione temporali habitare corporaliter” (tr. Feiss, p. 440). 45. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 2.14, ed. Martineau, pp. 174-176: Item prorsus […] eademque apud se vidit, intellexit et habuit, in rem formandam effudit, ut hic esset in materia quae apud illum usque erat absque omni materia, et exacta etiam materiae cui est impressa et in qua temporalit-
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Through the Incarnation, Christ’s human and divine natures and person enter into time. What is new in the Incarnation is not the union of human and divine natures in the divine person, but the materialization of that which has been united in God’s understanding for all of eternity. Yet, in entering time, the human nature took on its own separate substance. Achard wrote, “thus in accord with what was said earlier, it is here of another substance, truly other, yet a single form both here and there, but not in a single substance”46. The substance here does not constitute another person, for “personality is not the same in the many as it is in the two natures of Christ”47 and “in him there are two natures, each of which can be called a person of itself, although there are not there two persons, but one person in two natures”48. According to his previous line of logic, whereby Achard determined that there are three persons, but only one substance or nature in the Trinity, the inverse is true for Christ. There are two types of unity, personal and substantial. If there is a union of two natures, then the source of unity must be a unity of person. For Achard, this was the limit of reason; “this I think is the profound mystery of the Incarnation, in the one person of Christ and his two natures or substances”49.
IV. Conclusion So where does this place Achard vis-à-vis Lombard’s categories ? Truthfully, Achard does not fit neatly into either the first or the second positions. Achard provided an account of the union between Christ’s human and divine nature exister est expressa, hic facta est temporalis quae in seipsa erat et est aeterna, hic variabilis et corruptibilis, et vere immortalis, hic create, quae ibi increate, hic formata, quae ibi non informis, sed summe Formosa, non tamen formata, hic facta, quae ibi genita, hic opus rationis, quae ibi ratio ipsa, hic quasi sonum Verbum exprimens, quae ibi Verbum absque sono expressum, hic imago Veritatis in mente create, vel similitudo Veritatis in spiritu, vel umbra Veritatis in corpore […] Quando enim incepit esse hic, tamen non desinit esse ibi, sed ibi manens ubi erat et quod erat, hic facta est quod non erat” (tr. Feiss, pp. 462-463). 46. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 2.14, ed. Martineau, p. 176: “Ut secundum praemissa alterius sit substantiae et vere alterius hic, una tamen et hic et ibi forma in substantia non una.” (tr. Feiss, p. 463). 47. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.14, ed. Martineau, p. 84: “Non ergo [si] talis est personalitas in pluribus qualis in duabus Christi naturis” (tr. Feiss, p. 390). 48. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 1.14, ed. Martineau, p. 84: “Ibi namque duae sunt naturae, quarum utraque persona dici potest per se, nec tamen duae sunt ibi personae, sed una in naturis duabus” (tr. Feiss, p. 389). 49. Acardus a Sancto Victore, De unitate Dei et pluralitate creaturarum / L’unité de Dieu et la pluralité des créatures, 2.14, ed. Martineau, p. 176: “Quod in una Christi persona et duabus ejus naturis sive substantiis profundum Incarnationis arbitror” (tr. Feiss, p. 463).
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ing intellectually in the mind of God and this union became materialized in time in the Incarnation. Neither of Lombard’s categories makes such a claim. In light of the human and divine natures being united intellectually in the mind of God, the first category’s statement that “in the very incarnation of the Word, some man was formed from a rational soul and human flesh: from these two, any true man is formed. And that man began to be God, not indeed by the nature of God, but by the person of the Word, and God began to be that man” seems a poor fit for Achard’s Christology. While imperfect, there is some common cause between Lombard’s second category and Achard’s Christology. Achard was careful to construct his theology in such a way that that he can logically affirm the substantial unity and three persons of the Trinity and the personal unity and two natures of Christ. His theology, therefore, aligned with the statement from the second Lombardian category that “they profess this Christ to be only one person; however, that person was simple only before the incarnation, but in the incarnation he was made into a person composed of divinity and humanity”50. An Achardienne read on Lombard’s subsequent statement that “the person that was previously simple and existed only in one nature, then subsists in and from two natures”51 would be to state that yes, the divine person and nature fully existed before the Incarnation, and the human nature united to the divine nature existed intellectually. In the Incarnation, the human nature takes on a material existence (but the reality of the union does not change), in such a way that is it can be said that the person has two natures. Turning away from Achard’s sermons and to his metaphysical treatise on the Trinity does not definitively place his thought in a nicely constructed category, but it does provide a firmer foundation for understanding Achard’s Christology, placing the emphasis on metaphysical concepts instead of not-thendefined linguistic phrases.
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Abstract: Studies of Achard of St. Victor’s Christology have often confined their scope to his collection of fifteen extant sermons and used Peter Lombard’s three Christological categories as an organizing framework. This has produced as division in Achardienne scholarship as to whether Achard’s Christology should be placed in Lombard’s first or second category. This study reassess Achard’s Christology by turning away from his sermons and to Achard’s treatise, De unitate Dei et pluralitate creaturarum. In this treatise, Achard presented his Trinitarian theology and doctrine of creation, including the creation of Christ’s human nature. By examining Achard’s Trinitarian metaphysics, his Christology comes into focus, albeit not in a way that fits neatly into any of Lombard’s categories. Keywords: Achard of St. Victor, Christology, Trinitarian Theology, Peter Lombard Nicole Reibe Loyola University Maryland Department of Theology, HU042I 4501 N. Charles St. Baltimore, Maryland, USA 21210 [email protected]
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2. De unitate et pluralitate creaturarum E. Martineau, De unitate et pluralitate creaturarum / L’unité et la pluralité des créatures (De unitate et pluralitate creaturarum), texte latin établi, traduit et présenté par E. Martineau, suivi de la traduction française du traité achardien Du discernement entre âme, spiritus et mens, Saint-Lambert-des-Bois 1987 (réimpression en facsimile, Presses Universitaires de Caen, Caen 2013).
3. Epistula ad Henricum regem Angliae A. Du Chesne, Historiae Francorum scriptores, t. IV, p. 762. E. Martène, Amplissima collectio, t. VI, p. 230; PL 196, pp. 1381-1382.
4. Epistula ad Arnulfum Lexoviensem : E. Martene, Amplissima collectio, t. VI, p. 231; PL 196, p. 1382.
Ad Argumenta. Quaestio Special Issues, 2 (2019), 169-174 • 10.1484/m.adarg-eb.5.118601
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5. Epistula ad Alexandrum papam III (signée d’Achard et de Guillaume de Passavant, évêque du Mans) : R.-N. Sauvage, Fragments d’un cartulaire de Saint-Pierre de Lisieux, in Etudes lexoviennes, Paris 1928, pp. 341-342.
6. Sermones J. Châtillon, Achard de Saint-Victor, Sermons inédits. Texte latin avec introduction, notes et tables, Vrin, Paris 1970 (Textes philosophiques du Moyen Age, 17).
7. Manuscripts Quaestiones inauthentiques, mss. Dijon, Bibl. Mun., 219 (XIIIe s.), ff. 204-216; Paris, Bibl. nat. de France, lat. 14807 (XIIIe s.), ff. 99-114.
II. Translations Achard of Saint Victor, Works, ed. and tr. H. Feiss, OSB, Cistercians Publications, Kalamazoo (Michigan) 2001 (Cistercian Studies Series, 165). Achard of Saint Victor, Sermon Five: On the Sunday of the Palm Branches, tr. H. Feiss, in Victorine Texts in Translation 2: On Love, Hyde Park 2012, pp. 245-260. Achard of Saint Victor, Sermon Thirteen: [Second] Sermon for the Dedication of a Church, H. Feiss (ed.), in Victorine Texts in Translation 4: Writings on the Spiritual Life, Brepols, Turnhout 2013, pp. 89-132. Achard of Saint Victor, Sermon 9: On the Solemnity of St. Augustine, ed. and tr. H. Feiss, in Victorine Texts in Translation 8: Sermons for the Liturgical Year, Brepols, Turnhout 2018, pp. 396-399.
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Nicole Reibe Loyola University Maryland Department of Theology, HU042I 4501 N. Charles St. Baltimore, Maryland, USA 21210 [email protected]
Index des noms
Achard de Saint-Victor : passim. Adam de Saint-Victor : 37, 52, 55. Alain de Lille : 37, 43, 107, 157. Albertson D. : 35-37, 43, 46, 48, 53, 109, 110, 115, 118, 126, 128-130, 156-157, 159, 166, 170. Aliénor (Éléonore) d’Aquitaine : 15, 25, 28. d’Alverny M.-T. : 12, 171. Ambroise de Milan : 16. Anderson J.F. : 34, 37, 53. André de Saint-Victor : 107. Anselme de Cantorbéry : 12, 16, 24, 40, 41, 45, 48, 52, 67, 86, 92, 94, 112, 142, 147. Arfé P. : 130. Aris M.-A. : 113, 130. Aristote : 11, 70, 83, 87, 88, 102, 103, 108, 126, 144. Arnoul de Lisieux : 26, 30. Augustin : 16, 17, 20, 35-37, 42, 43, 45, 46, 51, 52, 55, 61, 66, 69-71, 75, 81, 83-85, 87, 9094, 98, 115, 125, 127, 144-145, 156-157, 166. Avicenne : 83. Balzac H. de : 18. Barron R. : 34, 53. Bautier R.H. : 169. Beierwaltes W. : 59, 81. Bérenger de Tours : 87, 92. Bernard de Chartres : 107. Bernard de Clairvaux : 15-18. Bernard Ithier (Bernardus Iterius) : 36, 52.
Bernard Silvestre : 84, 108. Berndt R. : 40, 52. Bertault P. : 18, 20. Biard J. : 95. Biffi I. : 172. Bligh J. : 59, 81. Boèce : 16, 58, 61, 69-71, 73, 75, 81, 83, 86, 87, 90-95, 108-110, 113-121, 123, 125-127, 129, 132, 145, 156. Bonaventure de Bagnoregio : 17, 51, 52. Bonnard F. : 171. Bréhier E. : 81, 137-139, 147. Broze M. : 94. Buckley M.J. : 33, 53. Caiazzo I. : 108, 110, 114-116, 118, 120-122, 126, 129-130, 132. Chalcidius : 83, 90. Cappuyns M. : 171. Caravage : v. Merisi M., dit le -. Carraud V. : 33. Céneau R. : 30. Chambry E. : 136, 147. Chase S. : 171. Châtillon J. : 11, 12, 21, 26, 31, 35-39, 43, 44, 51-53, 57, 80, 81, 85, 87, 90, 94, 107, 123125, 129-130, 149, 152-155, 165-166, 170172. Chenu M.-D. : 83, 94. Chrétien de Troyes : 15. Cicéron : 17, 108. Clarembald d’Arras : 109, 128, 157.
176 Colish M.L. : 107, 130, 149, 166. Combes A. : 11, 12, 62, 67, 81, 86, 94, 148, 171-172. Combès J. : 142, 147. Coolman B.T. : 38, 40, 49, 52-54, 112, 124, 130. Copleston F. : 57, 81. Corrigan K. : 132. Coulter D.M. : 38, 40, 49, 53, 54. Cousins E. : 51, 52. Damascius : 141-142, 144, 147-148. Dante Alighieri : 33. Decharneux B. : 94. Delcomminette S. : 94. Delhaye P. : 170. Den Boeft J. : 90, 94. Denys l’Aréopagite (pseudo-) : 51, 59, 89, 92. Descartes R. : 128. Dickinson J.C. : 170. Diès A. : 104, 136, 147. Dodds E.R. : 140-141, 147. Dronke P. : 57, 81, 107, 118, 119, 130. Du Chesne A. : 167. Duns Scot : v. Jean Duns Scot. Dupont E. : 170. Durand E. : 35, 54. Eagleton T. : 33, 54. Eckhart de Hochheim : 128. Édouard le Confesseur : 25. Ehlers J. : 170. Elder R. : 131. Emery G. : 54. Erismann C. : 172. Étienne de Blois : 27. Etienne de Liège : 36. Euler W.A. : 53, 113, 129-130, 170. Evans C. : 40, 49, 52, 53. Evans G.R. : 108, 130. Fassler M. : 172. Feiss H. : 13, 35, 37-41, 48, 51-54, 57, 64, 81, 94, 107, 112, 113, 117, 124, 129-131, 152, 158-165, 170, 172. Flori J. : 15, 20
Index des noms
Florus de Lyons : 36. Foreville R. : 172. Foulques Painel : 28. Fredbord K.M. : 108, 129, 131. Fuhrer J. : 170. Gauthier de Saint-Victor : 36, 44, 52. Gauvard C. : 20, 172. Geissler A. : 53. Geoffroi de Montbray : 28. Geoffroi V d’Anjou, dit le Plantagenêt : 27. Gersh S. : 91, 94. von Giesebrecht W. : 119, 131. Gilbert de la Porrée : 11, 36, 43, 70, 71, 84, 92, 107, 128. Glaucon : 136. Glorie F. : 46, 54, 70, 75, 81. Glorieux P. : 93, 94, 172. Gredersen N.H. : 46, 54. Green R.P.H. : 156, 165. Grégoire le Grand : 16, 49, 52 Grégoire VII : 16. Guillaume de Blois : 27. Guillaume de Champeaux : 153. Guillaume de Conches : 107. Guillaume de Saint-Thierry : 16, 36, 37. Guillaume de Saint-Jean : 25, 29. Guillaume de Saint-Pair : 29. Guillaume le Conquérant : 25, 29. Guillaumin J.-Y. : 114, 115, 117, 118, 121, 123, 126, 129. Gummere R.M. : 79, 81, 126, 129. Häring N.M. : 11, 38, 39, 51, 71, 81, 94, 108110, 113, 116, 118-120, 122, 126, 129, 131, 157, 166, 169, 173. Harkins F. : 149, 154-155, 166-173. Hart D.B. : 33, 54. Hasculf de Subligny : 27, 28. Healy P. : 171. Hegel G.W.F. : 19, 128. Heidegger M. : 103, 104. Henri I : 24, 27. Henri II : 23-32. Henry P. : 81. Herman de Carinthie : 108. von Hermann F.-W. : 103, 104.
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Index des noms
Hölderlin F. : 19. Hudry F. : 115, 131. Hugues d’Amiens : 24, 32. Hugues de Kevelioc : 27. Hugues de Saint-Victor : 38, 40, 57, 84, 107, 108, 131, 153. Husserl E. : 98. Ilkhani M. : 47, 54, 57, 67, 68, 81, 84, 89, 90, 94, 109, 112, 125, 131, 173. Innocent III : 16. Jaeger C.S. : 171. Jean de Cornouailles : 153. Jean de Ripa : 12. Jean de Salisbury : 108, 116, 129. Jean de Subligny : 27. Jean Duns Scot : 17. Jean l’évangéliste : 91, 161. Jean sans Terre : 31. Jean Scot Erigène : 59, 89, 91, 92, 93, 128. Jeauneau E. : 107, 108, 131, 157, 166. Jêrome : 124. Jesús-Christ : 124-125, 149-152, 154, 161-164, 167. Joscelin de Bohon : 24. Jourdain Tesson : 28. Juste D. : 83, 95. Kant I. : 128. Karfíková L. : 112, 131. Kasper : 33, 54. Kessler M. : 131. Krämer H.J. : 127, 131. Lacoste D. : 37. Lebreton M.-M. : 173. Leclercq J. : 169, 173. Lemoine M. : 84, 95. Levering M. : 54. de Libéra A. : 172. Lobrichon G. : 172. Longere J. : 57, 81, 171-172. Louis VII : 23. Louis XIV : 17. Lystopad I. : 13, 173.
Macrobe : 83. Maguire J. : 173. Marabelli C. : 174. Marion J.-L. : 33, 54. Maritain J. : 34, 54. Marius Victorinus : 36, 115. Martène E. : 169. Martianus Capella : 83. Martin J. : 36, 52. Martineau E. : 11, 12, 33, 35, 38, 40, 41, 45-50, 52, 57-59, 62-65, 67-69, 72-74, 76-81, 8591, 94, 97, 103, 104, 109, 112, 113, 117, 118, 125-127, 129, 143-147, 158-165, 169, 173. Massie P. : 35, 41, 46, 54, 57, 81, 173. Mathieu de Boulogne : 27. Mathilde l’Emperesse : 24, 27. Maurer A. : 53, 171. Mauritius, Magister : 44, 52. Mayer L. : 65. McGinn B. : 81, 115, 118, 131, 173. Maître Eckhart : v. Eckhart de Hochheim. Merisi M., dit le Caravage: 16. Merrill T. : 173. Michel Ange : 16. Migne J.-P. : 116, 129. Minio Paluello L. : 94, 105. Momigliano A. : 91, 95. Monagle C. : 151, 166. Moreschini C. : 113, 129. Morin G. : 167, 171. Mountain W.J. : 70, 75, 81. Mousseau J. : 37, 52, 53, 130, 170. Nemeth C. : 171. Nicolas de Cues : 37, 48, 91, 109-111, 113, 115117, 127-129, 132. Nicomaque de Gérase : 121. Nielsen L.O. : 153, 166. Norris Clark W. : 34, 42, 53. O’Herron P. : 54. Olivo G. : 33. Origène : 89. Otten W. : 81. Oursel R. : 20. Pacaut M. : 16, 20.
178 Pascal B. : 13. Paul de Tarse : 91. Peltzer J. : 173. Peter Lombard : 36, 37, 53 Philon d’Alexandrie : 89. Piazzoni A. : 173. Picavet F. : 71, 81, 87, 95. Pierre Abélard : 71, 107, 157. Pierre de Poitiers : 107. Pierre Lombard : 107, 149-153, 155, 164-167. Piolin Paul P. : 30, 31. Pits J. : 173. Platon : 83, 91-93, 95, 98, 100-102, 104, 105, 108, 134-136, 144-148. Plotin : 59, 81, 98, 134, 137-139, 141, 148. Poirel D. : 13, 38, 52, 172, 174. Porphyre : 98, 108. Prevost M. : 174. Proclus : 59, 89, 134, 140-141, 147-148. Rahner K. : 34, 54 Rand E.K. : 70, 71, 81, 87, 91, 94. Reibe N. : 172, 174. Ribaillier J. : 37, 40-43, 49, 53, 58. Riccati C. : 91, 95. Richard I (duc de Normandie) : 26. Richard II (duc de Normandie) : 26. Richard II de Bohn : 29. Richard d’Avranches : 26. Richard de Bohon (évêque de Coutances) : 23, 24. Richard de la Haye : 29. Richard de Saint-Victor : 37, 38, 40-44, 4951, 53, 55, 57, 107, 108. Richard du Hommet : 27. Riche P. : 172. Robert Courteheuse : 24. Robert de Melun : 107. Robert de Torigni : 25, 26, 28-30. Robin L. : 135, 147. Roscelin de Compiègne : 70, 71, 87, 92. Rosemann P. : 152, 166. Rossiaud J. : 16, 20. Rotrou de Warwick : 24.
Index des noms
Sainte-Marthe D. : 30, 31. Salomon : 123-124. Sannino A. : 130. Santinello G. : 113, 131. Saur K.G. : 129. Sauvage R.-N. : 168. Schmitz K.L.: 34, 47, 54. Schwaetzer H. : 113, 129. Schwyzer H.-R. : 81. Sénèque : 79, 81, 83, 90, 91, 95, 126-127, 129. Senger H.G. : 117, 127, 129. Sheppard C. : 131. Sicard P. : 172. Silano G. : 150-152, 165-166. Simon de Tournai : 107. Siri F. : 13. Smalley B. : 174. Smith K. : 54. Socrate : 136. Southern R.W. : 107, 132. Speer A. : 109, 127-128, 131-132. Stewart H.F. : 70, 71, 81, 87, 91, 94. Tarlazzi C : 13, 174. Taylor J. : 94. Tester S.J. : 70, 71, 81, 87, 91, 94. Thierry de Chartres : 35, 37, 46, 48, 72, 74, 91-94, 107-111, 113-120, 121-129, 131-132, 156-157, 159-161, 166. Thomas Becket : 25, 26, 30. Thomas d’Aquin : 17, 34, 47. Trottman C. : 157, 165. Trouillard J. : 140-141, 148. Turner J.D. : 115, 132. Turner R.V. : 15, 20. Valente L. : 13. Viler M. : 174. Viola C. : 174. Ward J. : 108, 132. Westerink L.G. : 142, 147. Wilpert P. : 117, 127, 129, 131. Wolfson H.A. : 127, 132. Zink M. : 172.
Index des manuscrits
Paris Bibliothèque Nationale de France ms. Lat. 1085 : 36, 52. ms. Lat. 12044 : 37, 52. ms. Lat. 12601 : 36, 52.