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French Pages 80 Year 2023
Jean-Christophe GUÉGUEN
TOME I
Ça se passe au jardin… Le comprendre et l’aménager
Cultiver
Jean-Christophe GUÉGUEN
Cultiver
Jean-Christophe GUÉGUEN
b i o d i ve
Jean-Christophe GUÉGUEN
Ça se passe au jardin…
TOME III
Du printemps à l’été
Du printemps à l’été
Ça se passe au jardin…
Ça se passe au jardin…
TOME I
Ça se passe au jardin…
978-2-7598-3229-3
la
TOME III
De l’automne à l’hiver
De l’automne à l’hiver
TOME II
Ça se passe au jardin…
TOME II
Jean-Christophe GUÉGUEN
Cultiver
TOME I
Jean-Christophe GUÉGUEN
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Le comprendre et l’aménager
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Ça se passe au jardin…
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Jean-Christophe GUÉGUEN
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Le comprendre et l’aménager
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978-2-7598-3232-3
À paraître au printemps 2024
Illustrations de Jean-Christophe Guéguen Conception graphique et mise en pages : CB Defretin Imprimé en Europe ISBN (papier) : 978-2-7598-3229-3 ISBN (ebook) : 978-2-7598-3230-9
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. © EDP Sciences, 2023
Le
jardin de Mémé Confolent-Port-Dieu, Haute-Corrèze, années 1960-1970
Les grandes vacances de mon enfance se sont toujours déroulées dans une vieille ferme d’une petite commune de Haute-Corrèze, aux confins des gorges de la Dordogne et du Chavanon. La maison située sur le rebord d’un haut-plateau de l’étage montagnard, datait de la Révolution et le temps ne semblait pas avoir de prise sur elle. Chaque début de juillet, j’y retrouvais avec bonheur ma grand-mère qui m’accueillait dans ce petit paradis, entourée de son chat, des lapins et des volailles de la basse-cour. L’odeur de la craie de la salle de classe semblait loin et l’été m’appartenait désormais. Les deux mois de vacances scolaires en Corrèze constituent les meilleurs souvenirs de mon enfance. Ma grand-mère, que j’ai toujours appelée Mémé, vivait seule dans cette grande bâtisse depuis le décès de son époux. Après sa maison et ses animaux, c’était son jardin qui tenait une place importante dans le quotidien de Mémé. Pour moi, c’était tout simplement, le jardin de Mémé. Un curieux jardin que je vais essayer de vous décrire… Situé sur le devant la ferme, son jardin était certes modeste mais les légumes, les fruits et les fleurs s’y côtoyaient et s’y mélangeaient dans un joyeux décor exubérant. Il était entouré d’un mur en pierres de granit et le portail qui devait le fermer avait disparu depuis bien longtemps. Seuls, des vieux gonds, rouillés, encastrés dans la pierre attestaient encore de sa présence ancienne. On y pénétrait comme dans une cathédrale, sous les ramages d’un vieux sureau noueux, qui prodiguait une fraîcheur teintée de milliers de fragrances. En juillet, ses fleurs parfumées se transformaient dans l’huile de friture en délicieux beignets quand il ne donnait pas des fruits pour les confitures, confectionnées en septembre. Mémé adorait son jardin où elle était d’ailleurs bien la seule à s’y retrouver. Selon elle, il ne s’agissait que d’une volonté délibérée de « désordre organisé » ! Dans les années 1960, il y avait peu d’argent à dépenser et tout ce qui poussait était issu de semis récoltés, d’échanges de graines, de jeunes plants ou de boutures. Les produits du jardin, les volailles, les œufs et les lapins restaient la source principale de nourriture à cette époque dans les campagnes. Chaque famille vivait en autarcie, ni riche, ni pauvre. Il y avait des années bonnes et d’autres moins. C’était l’occasion de s’entraider. 3
Ça se passe au jardin…
Les cosmos, les marguerites, les reines-marguerites et les soucis y cohabitaient avec les rangées de choux, de carottes ou les tipis de haricots et de petit-pois ramés. Un peu partout poussaient des myosotis, blanc, rose ou bleu, dont les fleurs me rappelaient le vieux service en ArcopalTM, aux myosotis bleus, rangé dans le buffet et que l’on sortait pour les grandes occasions. Il ne fallait rien jeter et tout était récupéré, les fanes de carottes pour la soupe, tout comme les épluchures qui nourrissaient les lapins, les poules et les canards. En août, des glaïeuls, tels de gigantesques chandeliers, émergeaient de ce fouillis végétal. On les cueillait pour les offrir, lors de nos visites chez les voisins ou les cousins et d’où on ramenait toujours un bouquet… de glaïeuls ! Toute une tradition qu’il fallait respecter à la lettre. Les vieux murs voyaient courir et s’infiltrer partout une vigne tortueuse qui donnait un raisin épouvantablement amer, que Mémé mettait soigneusement en bocal dans du vinaigre, comme des cornichons. Les allées du jardin, quand il y en avait, étaient envahies de pieds de plantains, d’orties ou de pissenlits. On y trouvait aussi des massifs de framboisiers, de cassissiers et de groseilliers dont la consommation excessive se traduisait chez moi par des désordres digestifs réguliers. Je passais des moments inoubliables à observer Mémé, assis en silence sur une vieille chaise en paille, posée à l’entrée du jardin. Infatigable, toujours habillée d’une blouse de nylon achetée sur le marché d’Ussel, la ville la plus proche, les sabots aux pieds, elle grattait, binait, désherbait cette jungle inextricable, d’où elle extrayait des salades, des pommes de terre, des petits pois, et des carottes avec lesquels elle confectionnait une jardinière de légumes qui était une de ses grandes spécialités. Quant à moi, mon travail consistait à aller puiser de l’eau à l’aide d’un seau à la fontaine, située en contrebas du jardin, afin de remplir un vieil arrosoir en fer blanc qui fuyait de partout. Nous n’avions pas encore l’eau courante, ni d’ailleurs l’électricité. Les yeux fermés, je devais être capable de reconnaître l’odeur des feuilles froissées du laurier, d’une tomate ou d’une laitue. Mémé a fait naître chez moi, une passion pour la nature. « Il faut savoir bien regarder, bien observer et surtout toucher et sentir, pour comprendre. À Paris, vous avez perdu le sens des choses », me répétait-elle souvent, en me fixant de ses yeux bleus. Ma grand-mère m’a ainsi fait découvrir les plantes sauvages, les plantes médicinales et initié à la connaissance des champignons. Dans ce sanctuaire végétal, j’avais aussi mon petit coin privé, où j’expérimentais mes premiers essais de semis et autres acclimatations de plantes sauvages collectées alentour. Au milieu, trônait un trou que j’agrandissais chaque année, bien décidé à atteindre un jour le « centre de la Terre » ! Après chaque épisode de pluie, le jardin exhalait un bouquet de senteurs à la fois lourdes et musquées de terre mouillée et de sous-bois. Mon nouveau travail consistait alors à récolter dans un seau, les escargots, les limaces, les chenilles et autres larves de doryphores que j’allais déverser dans le 4
Le jardin de Mémé
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Ça se passe au jardin…
sous-bois voisin. « Il faut leur rendre leur liberté, toute espèce vivante est digne de respect » me répétait souvent Mémé qui n’aurait jamais écrasé une simple araignée. Le soir, à la lumière de la lampe à pétrole, alors que le chat rêvassait devant les flammes du feu, Mémé me faisait dessiner les plantes, les insectes ou les champignons que nous avions récoltés dans la journée au cours de nos promenades. Pendant ce temps, elle découpait du papier journal pour confectionner des sachets de graines pour les semis du printemps prochain. Elle faisait sécher devant la grande cheminée, des fleurs de mauve, de tanaisie, de reine des prés et des racines de gentiane jaune afin de préparer ses médications. C’était la guérisseuse du village et nombreux étaient ceux qui venaient la consulter des bourgades voisines avant de faire venir un médecin. La gentiane jaune ou grande gentiane, était sa plante préférée, dont elle tirait des racines plusieurs remèdes. Nous allions récolter les rhizomes dans les pacages qui entouraient la ferme. Chaque semaine, j’avais droit à une décoction de racines fraîches de cette géante des montagnes, aux vertus toniques. « Les gens de la ville, vous êtes tout pâlichons avec du sang de navet. Avec la gentiane tu vas reprendre des forces et des couleurs ». Je devais fermer les yeux et avaler cette mixture horriblement amère sous sa surveillance. Je ne savais pas que cette « fée jaune » allait un jour devenir le sujet de ma thèse de fin d’études de pharmacie.
La gentiane jaune, la « Grande Dame » des montagnes. 6
Les vacances s’écoulaient, paisibles et douces, rythmées par la visite matinale du facteur pétaradant sur sa motocyclette. Il apportait le journal
Le jardin de Mémé
La Montagne et les nouvelles des villages voisins. Deux fois par semaine, le boulanger, au volant de son Combi Volkswagen bleu apportait le pain. C’était une vie simple et libre de toute contrainte, bien loin des rumeurs citadines. Mais le temps se déroule trop rapidement… même chez les enfants heureux. Tout est passé trop vite, comme dans un rêve, où chaque instant, une dame âgée, aux cheveux blancs et soyeux me faisait aimer et découvrir ce pays et cette vie. Elle me contait ses souvenirs qui l’avaient bercée dans sa jeunesse, une époque lointaine, où elle gardait les chèvres et les moutons sur les hauteurs des gorges du Chavanon. Avec les années, je suis devenu moi-même jardinier et jardiner est devenu un moyen de rester en connexion avec la nature qui m’entoure. Notre jardin est à l’image de celui de Mémé, un « bazar organisé », où chaque espèce végétale est pourtant bien à sa place comme vous le découvrirez dans cet ouvrage (et deux autres tomes). Mon épouse reste la seule à s’y perdre encore ! Chaque jardin est unique et on y exprime sa propre créativité sous la forme d’une poésie végétale. On s’y surprend à regarder avec candeur la moindre petite plante qui y pousse. Le jardinage fait l’éloge de la lenteur, dans un monde qui veut toujours aller plus vite, de la gratuité dans un monde obsédé par le profit et du contact physique avec le vivant dans une société où tout est virtualisé. En soignant avec respect notre petit coin de jardin, nous apportons notre contribution à la planète et nous cultivons la mémoire de nos anciens. Confolent-Port-Dieu, 30 mai 2023
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Tous au
jardin !
« S’inspirer de la nature pour respecter la biodiversité »
Le jardin, c’est une pièce à ciel ouvert, c’est l’antichambre des milieux naturels. Il est indispensable à notre épanouissement. On y passe de plus en plus de temps, on l’aménage, on s’y repose, on y rêve, on y bouquine, on y reçoit les amis, la famille, on y joue avec les enfants et bien sûr, pour les plus courageux, on y jardine aussi ! Le jardin est un des rares endroits, aujourd’hui, où nos cinq sens peuvent fonctionner simultanément. Pour nombre de nos concitoyens, c’est le lieu où l’on peut entrer en communion avec la nature. Notre pays compte quelque 17 millions de jardiniers amateurs (35 % de la population) et pratiquement autant de jardins. Pendant, la pandémie de Covid, le « chacun chez soi », a provoqué un fort engouement pour le jardin et nombreux sont ceux qui se sont mis au jardinage. Nombreux aussi sont ceux qui ont passé beaucoup de temps à s’en occuper… et du temps ils en avaient ! On a assisté à un engouement pour le jardin nourricier, ce principe de la graine à planter et du potager nourricier, qui continue de s’amplifier. Même dans les grandes villes, on a vu fleurir des pots d’herbes aromatiques et de tomates cerises sur les balcons et les terrasses. Avec la crise, de plus en plus de personnes cherchent également à se nourrir sainement et à moindre frais. Produire ses propres légumes répond aussi à un besoin de qualité, au désir pour certains de manger bio, de retrouver la nature et le rythme des saisons. Le jardinage est également une très bonne activité physique qui permet de mettre en action l’ensemble de vos muscles, de vos articulations, des plus grosses comme la hanche ou le genou, comme des plus petites, celles des doigts avec l’usage d’un sécateur. Chaque jardin est unique (présence d’un arbre centenaire, d’un puits, d’un verger, d’une mare, d’un étang ou d’une forêt en lisière). Toutes ces caractéristiques à prendre en compte, sont capitales afin d’aménager son jardin de manière pratique et esthétique. Sachez que votre jardin est construit à votre image, il est le reflet de votre personnalité et de votre sensibilité. En cette période où l’on essaie de se rapprocher toujours un peu plus de la nature, vous trouverez le juste équilibre dans la mise en valeur des végétaux, de la lumière, des terrassements, de l’eau, et orchestrerez le tout en une mise en 8
Tous au jardin !
Le sol est vivant. 9
Ça se passe au jardin…
scène qui aura de l’harmonie et du sens. Créez votre propre style de jardin en piochant des idées dans des magazines mais n’essayez pas de reproduire ces « jardins parfaits » ; vous n’obtiendrez jamais ce qui est représenté sur l’image. Chaque jardin reste donc unique et chaque jardinier également ! Jardiner rend heureux. Avant d’être bénéfique pour le corps, jardiner est une belle manière de prendre soin de son esprit. Bien loin des écrans, des portables, des gaz d’échappement et des tracas du quotidien, les vertus thérapeutiques du jardinage permettent de réduire considérablement le stress. Le jardinage joue également un rôle clé dans le développement de la confiance en soi. En ces temps de réchauffement climatique, d’érosion de la biodiversité, de pollution des sols, chacun s’interroge pour trouver des solutions de résilience à petite échelle. Vous souhaitez mieux comprendre comment fonctionne votre jardin, valoriser le bon sens et changer vos pratiques pour le rendre plus accueillant et plus respectueux de la biodiversité pour la flore et la faune : vous avez choisi le bon ouvrage ! Sa lecture suscitera sans doute des envies et vous (re)donnera le désir de plonger les mains dans la terre (toujours avec des gants !), de planter, de semer, de repiquer, de tailler. Vous pourrez découvrir ou redécouvrir des alternatives pour un jardinage durable. Vous ferez un voyage au cœur du végétal pour comprendre le fonctionnement d’une plante au fil des saisons. Vous y trouverez des conseils pour attirer des insectes auxiliaires qui remplaceront les pesticides. Vous apprendrez comment associer les espèces végétales afin qu’elles se protègent mutuellement et bannir les produits phytosanitaires ! Nous allons nous mettre dans la peau d’une plante au gré des saisons et vous verrez qu’il s’y passe des choses incroyables ! Le point le plus important sera peut-être pour vous, la découverte du sol et de ses milliards d’habitants invisibles car si vous en doutiez encore : le sol est bien vivant ! Vous y ferez la rencontre de nobles « prolé-terres » qui sont les piliers du jardin. Il faut donc protéger et nourrir le sol, c’est la base de la réussite d’un jardin résilient. Prendre soin de sa terre, c’est aussi prendre soin de l’humain et de la planète. Vous découvrirez au fil des pages du livre une présentation abondamment illustrée pour faciliter la compréhension des thèmes développés. Pratiquant le dessin et l’aquarelle depuis longtemps, je me suis attaché à illustrer les gestes et techniques utiles avec une bonne dose d’humour parfois. Vous y trouverez des encadrés hors-texte, illustrés par des pictogrammes. Ils concernent des définitions, des informations à connaître, des gestes à éviter, ainsi que des petits ateliers de création que vous pourrez réaliser chez vous, en famille. 10
Tous au jardin !
Une petite mascotte Éric le lombric, vous accompagnera au cours de ces pages pour vous aider à trouver les bons gestes. Jardiner avec la biodiversité est l’affaire de tous et notre passeport pour le futur ! Je ne vous en dis pas plus et je vous laisse le soin de découvrir au fil des pages comment se crée et se gère un jardin responsable. Force sera de constater qu’il se passe beaucoup de choses au fond de votre jardin, surtout quand vous n’y êtes pas et vous n’en ferez pas une salade ! Éric le lombric vous accompagne pour vous aider Les définitions
Le saviezvous ?
Bricolage et ateliers
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Ce qu’il ne faut pas faire !
Sommaire Le jardin de Mémé....................................................................................................... 3 Tous au jardin !.............................................................................................................. 8 Sommaire...................................................................................................................... 12 Accueillir la biodiversité au jardin ..................................................................... 14 Écopsychologie au jardin........................................................................... 14 Du jardin des supplices au jardin des délices, les gestes à éviter.......................................................................................... 15 Les sauvages du jardin versus les exotiques.................................... 20 Décloisonner le jardin pour accueillir la petite faune.................... 29 Débuter avec les bons gestes............................................................................... 33 Prendre le temps de réfléchir à son futur jardin.............................. 33 Illusions d’optique au jardin..................................................................... 37 Toujours porter des gants, nos mains sont fragiles....................... 38 Désherber intelligemment et durablement......................................... 41 Labourages et pâturages… vieil adage dépassé ou pratique à proscrire ?.................................. 42 Le compost ou l’art de recycler............................................................... 44 Le paillis de feuilles mortes reproduit la couverture végétale du sol d’une forêt....................................................................... 49 Connaître son sol....................................................................................................... 52 Les mains dans la terre… Oui, mais toujours avec des gants !........................................................................................................ 52 Connaître le pH du sol................................................................................. 53 Connaître la texture du sol........................................................................ 54
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La permaculture ou s’inspirer de la nature .................................................... 62 Les associations végétales........................................................................ 63 Le compagnonnage végétal au potager.............................................. 67 La permaculture : mode d’emploi.......................................................... 71 Nous irons « droit aux buttes » !............................................................ 72 Le lit de lasagnes ou l’éloge de la paresse......................................... 74 Le potager surélevé ..................................................................................... 76
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Accueillir la biodiversité au jardin Lors de vos promenades en forêt, vous avez certainement remarqué l’absence de jardinier. Et pourtant, la forêt nourrit une multitude de plantes et d’animaux, elle nous offre des fruits, du bois, stocke le carbone et nous enchante. Une forêt n’a aucun besoin de fertilisant, elle s’auto-alimente ; ce sont les matériaux végétaux (feuilles mortes, branchages), mais aussi les carcasses et les déjections animales qui suffisent à nourrir les arbres et les autres plantes qui y croissent. La couverture naturelle du sol par les feuilles mortes, se décompose en un riche humus grâce à la microflore et à la microfaune pour aboutir à la formation de composés minéraux assimilables par les végétaux de la forêt. Écopsychologie au jardin
Prenez garde à ce que la nature au jardin ne soit pas « sous contrôle » avec une pelouse « de golf » rasée, des haies inappropriées de thuyas, ou d’ifs, tirées au cordeau, des plantes exotiques ornementales inadaptées
Ne bougez pas, je ne fais que passer ! 14
Accueillir la biodiversité au jardin
au climat et gourmandes en eau. Dans ces jardins, vous rencontrez des « jardiniers aseptisés », qui ne supportent pas la moindre bestiole volante ou rampante ! Les plantes y sont comme prisonnières de terrasses bétonnées, d’allées ratissées, où la rigueur et l’ordre règnent en maîtres. Le jardin dit « à la française » n’est pas un modèle de biodiversité, la nature y est encadrée, dominée, soumise et pour finir, on peut s’y ennuyer à mourir ! Préférez-lui le « jardin anglais » où le désordre entretenu n’est qu’apparent et qui se réinvente au détour d’un bosquet. Le jardin du futur doit être une source bien-être. Il se doit donc de ne pas devenir « pathologisant » (obsession du désherbage, d’arrosage, de l’herbe coupée, de la taille maniaque des haies…). Gardons en mémoire que jardiner, c’est aussi respecter le voisinage, qui n’a pas forcément envie d’écouter chaque semaine un concerto pour tondeuses et taille-haies ! Jardinage pathologique Du jardin des supplices au jardin des délices, les gestes à éviter
Évitez l’image même d’un jardin par trop nettoyé, voire « synthétique » avec son gazon GTI (Gazon Tondu Impeccable). Bref, un jardin qui n’invite pas à la flânerie ! Vous avez sûrement constaté que l’on vous regarde un peu de travers si votre pelouse affiche des pissenlits ou des pâquerettes. Des herbes hautes, des fleurs sauvages sont encore le signe pour certains d’un jardin sale ou mal entretenu. Difficile en effet de faire changer les esprits ! 15
Ça se passe au jardin…
Tondeuse « bio ». – Qu’est-ce qui fait qu’un visiteur de votre jardin va trouver que « ça fait propre », ou que « ça fait sale » ou que « c’est mal entretenu » ? Qu’est-ce qui conduit telle personne à voir dans cette herbe sauvage, une « indésirable » et dans cet insecte rampant, un « nuisible » potentiel ? Comment modifier certaines idées reçues et certains réflexes : arracher cette plante parce qu’on ne la reconnaît pas, écraser cet insecte ou cette araignée qui fait peur ? D’où vient cette idée qu’une pelouse type « green de golf » nous paraît plus « propre » qu’un talus sauvage, alors qu’elle est extrêmement fragile et ne se maintient que grâce à une perfusion permanente et coûteuse en eau et en engrais ? Ce sont des terriens... ils fertilisent l'herbe au printemps, pour ensuite mieux la couper et payer pour la jeter. En été, ils trainent des tuyaux et dépensent de l'argent pour l'arroser afin qu'ils puissent continuer de tondre et payer pour s'en débarrasser !
Les dangers de lʻaddiction au gazon GTI 16
Accueillir la biodiversité au jardin
Je vous laisse réfléchir aussi à notre éducation, nos croyances, nos (vraies ou fausses) certitudes, nos idées (souvent) reçues. Nous vivons dans un univers rigidifié et mondialisé où une forme de normalité est le code. Qu’est-ce que la norme ? On nous rebat à longueur de temps les oreilles de ce concept aussi vague que totalitaire et qui ne veut rien dire. Un concept aveugle aux potentialités et aux différences de chacun. C’est au jardin que vous pourrez affirmer votre différence de jardinier ! Le mot biodiversité et ses nouveaux codes restent mal connus, voire incompris de bon nombre de nos concitoyens. Une pelouse tondue ras à perte de vue avec quelques arbres qui pointent de-ci de-là, signe la raréfaction ou la disparition d’espèces précieuses. On y a peut-être abusé de pesticides en tout genre, en croyant bien faire. Ces espèces évitent ces lieux devenus tristement inhospitaliers où il n’y a rien à manger, ni à butiner. Heureusement, depuis 2019, une loi de transition énergétique dite « Loi Labbé », régule la vente des pesticides aux particuliers.
La biodiversité désigne l’ensemble des êtres vivants ainsi que les écosystèmes dans lesquels ils vivent. Ce terme comprend également les interactions des espèces entre elles et avec leurs milieux. En ce début de xxie siècle, il n’a jamais été aussi urgent de lutter contre l’érosion de la biodiversité. La planète connaît un dangereux déclin de la nature, dû à l’activité humaine. Elle est confrontée à sa plus grande érosion de vie depuis la disparition des dinosaures, il y a 65 millions d’années. Un million d’espèces végétales et animales sont aujourd’hui menacées d’extinction et l’on n’hésite plus à parler de sixième extinction. Cette fois-ci, le responsable n’est pas un astéroïde mais un bipède arrogant ! L’agriculture et l’urbanisation sont à l’origine de 80 % de la perte de biodiversité dans de nombreuses régions. L’utilisation irraisonnée des pesticides et des engrais est une menace pour les écosystèmes. Cette catastrophe annoncée est le résultat du court-termisme et de l’opportunisme politique de nos dirigeants, sous la pression des lobbies industriels.
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Ça se passe au jardin…
Vous avez entendu parler de la loi Labbé ? Non, je suis athé !
La Loi Labbé (du nom du sénateur du Morbihan, Joël Labbé, qui a porté le projet), interdit depuis le 1er janvier 2019, la vente de pesticides de synthèse aux particuliers. Depuis cette date, plus aucune collectivité n’a le droit de se procurer, de stocker, d’utiliser ou de faire utiliser des pesticides de synthèse dans les espaces verts, les lieux de promenades, les forêts et les voiries. Les produits de biocontrôle et ceux utilisables en agriculture biologique ne sont pas concernés par cette loi. Cette dernière constitue une réelle avancée pour la protection de l’environnement et surtout de la santé des professionnels des espaces verts comme des citoyens.
Les pesticides sont interdits au jardin
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Accueillir la biodiversité au jardin
Pour couronner l’ensemble, ce « jardin des supplices » est chronophage, il demande des efforts constants d’entretien, de nettoyage, voire de bêchage, une tâche aussi fatigante qu’inutile, comme vous le découvrirez au fil du livre. Ne devenez pas l’esclave de votre jardin, nous verrons comment lever le pied et apprendre à être un peu paresseux ! Nous allons vous apprendre comment ré-ensauvager votre jardin pour un retour à un équilibre.
Non à la dictature du jardin !
A contrario, je vous propose donc de créer votre propre jardin champêtre où nichent des oiseaux, où volent des papillons, où butinent des pollinisateurs, où rôdent des hérissons, des campagnols et des lézards. Avec un tel environnement on peut entrer en communion avec son jardin. Cela implique que tout un chacun peut changer sa vision du jardinage et de sa gestion. C’est dans un espace réservé aux herbes folles que des espèces bioindicatrices, comme les abeilles ou les papillons vont pouvoir s’épanouir. Vous allez pouvoir pratiquer un jardinage d’observation, nommer les espèces, les reconnaître. N’hésitez pas à marier les plantes cultivées avec des espèces sauvageonnes. Choisissez des plantes qui se ressèment d’elles-mêmes, comme les coquelicots, les mauves, les camomilles, les bleuets (centaurées) ou la monnaie du Pape. N’hésitez pas à glaner des graines de fleurs sauvages sur les talus pour les ressemer au jardin. Au lieu de semer des graines achetées, pratiquez des échanges avec vos voisins ou amis. C’est le moment d’inviter les primevères, les myosotis ou les pâquerettes. Gardez les yeux rivés au ras du sol pour identifier et contempler les semis spontanés. Chaque plantule qui pointe ses feuilles devient une source de bonheur et d’émerveillement. Laissez le hasard façonner votre jardin sauvage et au fil des années, vous obtiendrez au final un petit conservatoire de biodiversité. 19
Ça se passe au jardin…
Un bio-indicateur est un organisme (micro-organisme, champignon, plante ou animal) qui reflète les conditions de l’environnement dans lequel il vit. Ces organismes sont généralement les premiers de leur écosystème à être affectés par un changement environnemental particulier, tel que le changement climatique, la pollution, le développement urbain et d’autres problèmes de dégradation environnementale. En surveillant le comportement, la physiologie et le nombre de ces bio-indicateurs, les scientifiques peuvent juger de la santé d’un environnement tout entier.
Un jardin, même le plus petit, est une juxtaposition de biotopes différents, entre zones d’ombre et de lumière, zones sèches et zones humides, ainsi que de microclimats créés par les rocailles, les murets, les arbres, les arbustes, les haies. Ce jardin naturel est le « terrain de jeux favori » de milliers de petites bestioles qu’il faut savoir choyer car elles vous aideront à lutter contre l’attaque d’autres plus nuisibles. Pour exemple, favoriser la présence de coccinelles limitera la prolifération des pucerons sur vos rosiers, ou encore, attirer les oiseaux évitera que des chenilles ne dévorent votre potager. Des herbes hautes empêchent aussi le dessèchement du sol qui finit par se craqueler et se lézarder par fortes chaleurs. Une abondance de plantes sauvages dans une aire qui recrée un milieu naturel, est un excellent moyen de dynamiser la biodiversité, tout en simplifiant l’entretien. Le style « naturel » de cet esprit de jardin ravira les amoureux du monde vivant et laissera une part de poésie s’exprimer. C’est un émerveillement quotidien quand il y a toujours quelque chose à découvrir au fond du jardin ! Les sauvages du jardin versus les exotiques
S’il y a bien un geste à éviter, c’est celui qui consiste à s’évertuer à arracher ces fameuses « mauvaises herbes » ! D’autant plus que les « mauvaises herbes » n’existent pas ! Seriez-vous capables de donner un nom à chacune de ces plantes vagabondes ou sauvages qui s’invitent dans votre jardin ? Avant de vous ruer dessus pour les arracher, mieux vaut essayer d’abord de les identifier et de comprendre pourquoi elles sont là. On peut ainsi herboriser tout en désherbant ! Il suffit d’apprendre à identifier ce que renferme une poignée « d’herbes folles » arrachées. On y apprend beaucoup de choses sur son jardin.
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Accueillir la biodiversité au jardin
Viens-vite voir cette racine, tu vas être scotché !
Sale pilleur de jardin retourne dans ton pré ! Vous n'êtes que de petits enfants trop gâtés et égoïstes 21
Ça se passe au jardin…
Nombreux sont ceux qui font encore la chasse aux orties, aux pissenlits, aux chardons, aux pourpiers, aux gaillets, aux ronces ou autres trèfles innocents. Pratiquons un jardinage d’observation. On examine, on trie, on éclaircit, tout en étant capable de discerner la plante à conserver. Nous verrons que certaines herbes sauvages ont la particularité de faire fuir les parasites du jardin. D’autres, comme les orties attirent de merveilleux papillons butineurs, parmi les plus beaux et les plus grands de nos jardins, comme le paon de jour ou le vulcain qui en profitent pour venir y pondre leurs œufs. Nullement répulsive, l’ortie attire aussi des pucerons noirs. Une aubaine pour les auxiliaires généralistes comme la coccinelle à sept points, qui s’en régale. L’ortie est un véritable écosystème à elle toute seule. Elle permet également de confectionner un purin très efficace pour lutter contre les pucerons (même les noirs !). Il est également efficace comme engrais ou pour renforcer la défense des plantes du potager. Pour en finir avec l’ortie, elle permet enfin de préparer de délicieuses soupes ! Parmi les comestibles, n’oublions pas le pissenlit, la pâquerette, le lierre terrestre, le plantain, l’oxalis, la violette ou le mouron blanc, que l’on peut déguster en salades hivernales. Donnons une chance à ces « herbes folles » !
Le lierre terrestre donne un goût poivré à vos salades.
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Accueillir la biodiversité au jardin
Le paon de jour, la coccinelle et le vulcain fréquentent l'ortie Sachez que ces plantes sauvages, appelées également adventices, ne sont aucunement « mauvaises », car essentielles à la petite faune qui fréquente le jardin, ce qui n’est pas toujours le cas de nombreuses plantes exotiques que nous accueillons dans nos parterres, sans nous poser de question sur l’origine. La renouée du Japon (Falliopa japonica), reste l’exemple classique de la plante exotique dangereuse pour l’environnement. Cette plante herbacée géante, très invasive, originaire d’Asie, a envahi toute la France et l’Europe depuis 150 ans. Dépourvue de prédateur, elle érode la biodiversité en entrant en compétition avec nos plantes indigènes. Son important réseau 23
Ça se passe au jardin…
de rhizomes, s’étend sur 1 à 3 mètres de profondeur et jusqu’à 10 mètres de diamètre. Elle reste très difficile à éradiquer du jardin. Nombreux sont ceux qui se sont laissés tenter chez un voisin par un pied de cette redoutable invasive qui ensuite s’évade du jardin et déséquilibre l’environnement en l’appauvrissant. Nous consacrerons un chapitre dans l’ouvrage dédié au printemps et l’été (tome 3) à ces espèces invasives qui menacent la biodiversité.
La renouée forme des buissons impénétrables C’est également le cas du thuya (Thuya occidentalis), un conifère exotique, originaire d’Amérique du Nord. Ses haies monospécifiques forment un mur infranchissable de « béton végétal » appelé également « béton vert », aussi monotone, qu’inhospitalier. Dans les années 80 il était devenu la « norme » des pavillons de banlieue. Il acidifie et stérilise son proche environnement et son feuillage est trop dense pour accueillir la faune locale. Même l’herbe a du mal à croître à proximité de ces haies. Cette espèce exotique est très sensible aux attaques de champignons qui provoquent un brunissement brutal du feuillage. Le seul La haie de thuya forme traitement efficace contre les maladies un « béton végétal » du thuya consiste à éliminer les plantes très atteintes car à ce stade, il est souvent trop tard pour agir, et à traiter les autres. L’arrachage des souches âgées demande un travail considérable. Planter une haie variée est la solution la plus jolie, la plus naturelle et la moins chère ! Cela demande beaucoup moins d’entretien qu’une haie de thuyas. 24
Accueillir la biodiversité au jardin
Sinon, installez des haies bocagères ou champêtres qui servent de brisevent et de refuge pour la petite faune. N’hésitez pas à marier le hêtre ou le charme qui forment des haies colorées et accueillantes. Plantez l’aubépine, le noisetier, la bourdaine, le laurier noble, le prunelier, le cognassier ou le cornouiller, vous contribuez ainsi à préserver la biodiversité. Le feuillage, les fleurs et les fruits fourniront gîte et couvert aux papillons et aux oiseaux lors de leurs déplacements. Cette haie bocagère évolue au fil des saisons, elle est décorative et demande un minimum d’entretien.
La haie bocagère, un refuge pour la petite faune. Dans un jardin, la pelouse, le potager, les arbustes, les plates-bandes, les haies, les murets, les rocailles, forment autant de biotopes différents où les espèces interagissent dans un équilibre. Cet équilibre repose sur une chaîne alimentaire, c’est-à-dire une suite de relations existant entre les organismes vivants : chaque être vivant mange celui qui le précède. Il existe autant de chaînes alimentaires que de milieux. 25
Ça se passe au jardin…
Une chaîne alimentaire est le résultat des interactions entre trois catégories d’organismes : les producteurs (les végétaux), les consommateurs (les animaux herbivores ou carnivores) et les décomposeurs (les bactéries, les champignons) … Si tout fonctionne bien, le maintien de l’équilibre de l’écosystème est assuré par un cercle vertueux : les producteurs nourrissent les consommateurs, et les décomposeurs dégradent les matières organiques des deux premières catégories ! Et ainsi va la vie sur Terre depuis des centaines de millions d’années. Il est facile de comprendre qu’un jardin dont le gazon est régulièrement tondu héberge nettement moins d’espèces de plantes qu’une prairie sauvage avec de hautes herbes. Une pelouse trop tondue compte une quinzaine d’espèces de végétaux au maximum. Une pelouse non tondue que vous laissez monter en « herbes folles », peut en compter une centaine ! Cet embryon de pelouse-prairie est un pourvoyeur de bestioles, et donc, de vie ! C’est dans un espace en friche ou en jachère que les plantes sauvages pourront s’installer. Il n’y a donc rien de honteux à conserver quelques orties ou quelques ronces. Ainsi en invitant les végétaux du coin, donc des « producteurs », vous contribuerez à attirer des insectes qui viendront coloniser votre jardin et assurer sa bonne santé. Certaines plantes cultivées attirent particulièrement les pucerons et les chenilles ; c’est le cas de la centranthe, ou de la capucine. Ces dernières finiront grignotées mais comme elles attirent les prédateurs de ces invertébrés indésirables, vos autres plantes seront à l’abri et cela sans utilisation de pesticides. Ce sont autant de petits gestes qui permettent à la vie sauvage de s’installer dans les espaces urbains. Le jardinier du xxie siècle devient lui aussi un acteur de sauvegarde du vivant.
Conserver une zone en friche pour accueillir des espèces sauvages. 26
Accueillir la biodiversité au jardin
Pour rester réaliste, l’évolution actuelle du climat et le réchauffement général renvoient le gazon GTI à la catégorie de « culture de luxe » ! Dans les régions du Sud, même arrosées, il vire au paillasson dès le mois de juin. Inutile de s’entêter, il faut le changer en prairie fleurie ou laisser une zone en friche qui deviendra un « jardin champêtre ». Plus votre jardin sera biodiversifié, plus il sera résilient et moins il vous donnera de travail ! Vous pouvez compléter ce biotope par des fagots de bois, des tas de pierres ou de vielles tuiles, qui seront autant de refuges La pelouse-prairie au printemps pour la petite faune. Installezles à même le sol, dans un coin isolé du jardin pour attirer et héberger : les coccinelles, les chrysopes et les perce-oreilles, redoutables mangeurs de pucerons. Le hérisson, ce grand consommateur de larves d’insectes mais également d’escargots et de limaces, hibernera volontiers sous les fagots de bois. Installez des hôtels à insectes orientés sud/sud-est qui vont attirer des pollinisateurs ou des prédateurs de pucerons. N’oubliez pas les nichoirs à oiseaux et à chauves-souris. Si votre jardin est ouvert sur le paysage environnant (prairie, forêt…), connectez votre coin de verdure à la nature en créant des continuités et des perspectives avec la végétation environnante. Finalement, votre jardin aura gagné en qualité de vie et vous pourrez fièrement affronter le regard interrogatif de vos voisins ! Lʻhôtel à insectes et ses locataires. 27
Ça se passe au jardin…
Vous allez aussi constater que l’espace sauvage réservé aux plantes spontanées se peuple au fil des années, d’espèces indigènes arbustives, puis ligneuses. La nature ayant horreur du vide, toute zone en friche est destinée à être colonisée par des espèces pionnières pour évoluer finalement vers un milieu boisé. Des espèces herbacées vivaces s’installent, bientôt suivies par des arbustes. Des ifs, des houx, des sureaux, des lauriers, des aubépines, des nerpruns, des pruneliers, des viornes, des cornouillers et même des bouleaux colonisent ce biotope ouvert. Ce mécanisme d’évolution naturelle d’un écosystème qui se complexifie, porte de nom de succession écologique.
La succession écologique est l’évolution naturelle d’un écosystème qui se complexifie et tend vers un équilibre relativement stable comme une forêt. Si on laisse une parcelle de jardin sans intervenir, le système va peu à peu se diversifier avec l’apparition de nouvelles espèces pionnières. Des plantes herbacées annuelles, puis pérennes s’installent. Au bout de quelques années, de premiers arbustes apparaissent. Ils seront suivis par des espèces ligneuses qui en évoluant, constitueront peu à peu une forêt.
Stade 2 Stade 1 Installation de plantes Le jardin est laissé annuelles et vivaces à l'abandon 4 à 6 ans
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Stade 3 Lande arbustive 10 à 50 ans
Stade 4 Stade forestier ≥ 40 ans
Accueillir la biodiversité au jardin
Si les bouleaux voyagent par les airs (leurs graines sont disséminées par le vent), d’autres espèces sont transportées dans les déjections de nos amis les oiseaux qui se gobergent de fruits juteux et rejettent les graines (cette méthode de dissémination se nomme la zoochorie). Certaines graines arrivent même sous la semelle de nos chaussures ! Il ne vous reste plus qu’à transplanter les nouveaux venus dans la haie champêtre, sinon les repiquer en pot pour les offrir à vos amis. Ce petit espace calqué sur la nature est le premier pas pour apprendre à cohabiter avec nos voisins sauvages. Nous reviendrons sur cette thématique. La zoochorie est une dissémination des graines de végétaux s’effectuant par l’intermédiaire d’un animal. Elles peuvent voyager en étant accrochées aux poils ou aux plumes (ectozoochorie) ou être ingérées et hébergées dans les intestins pendant la durée de la digestion (endozoochorie). La plante confie sa progéniture (sous forme de graine) à un animal et parie sur le fait que ce dernier saura lui trouver une terre accueillante. La zoochorie permet aux graines de voyager et de s’éparpiller parfois sur de très longues distances. C’est une méthode ingénieuse que les plantes ont inventée pour voir du pays !
Décloisonner le jardin pour accueillir la petite faune
Le fractionnement du territoire et le cloisonnement des jardins, sont autant de facteurs qui limitent le déplacement des êtres vivants, tout comme leur espace vital. Un mur ou un grillage sont des obstacles infranchissables pour les hérissons ou d’autres petits vertébrés qui doivent alors emprunter la rue, au risque de finir sous les pneus d’un véhicule. On peut facilement rendre les clôtures de son jardin perméables en aménageant des passages et ainsi créer des corridors écologiques entre les jardins et l’espace public. Ainsi tout le monde pourra bénéficier d’une nature de proximité dans son jardin. Laissez, si vous le pouvez, une bande de végétation sauvage le long de vos murs, palissades, clôtures et tout autour des arbres. Plantez des haies basses et touffues. Vous attirerez ainsi toute une petite faune et votre jardin ne s’en portera que mieux ! 29
Ça se passe au jardin…
Le hérisson n’hiberne pas vraiment, dès que la température remonte, il se réveille pour une période de réveil de 2 jours maximum, avant de reprendre la phase d’hibernation. Il part alors en quête de nourriture et il entame son stock de graisse constitué pendant l’été. Les croquettes du chat lui permettront de traverser l’hiver. Attention ! On ne donne jamais de lait ou de pain aux hérissons, cela provoque des diarrhées souvent fatales ! Des gamelles d’eau disséminées dans des cachettes sont parfaites. Exilé de son environnement ancestral par l’utilisation massive de pesticides, par une agriculture intensive et un trafic routier toujours plus intense, le hérisson est contraint de s’installer dans les derniers sanctuaires tranquilles qui lui sont accessibles : nos jardins. Pour information, sachez qu’un hérisson parcourt environ 2 kilomètres chaque nuit pour subvenir à ses besoins. Il serait donc dommage de limiter sa zone d’aventure au périmètre de votre jardin. En un demi-siècle, leur population a été divisée par 30. Chaque année, des milliers de hérissons sont victimes des clôtures grillagées. Coincés entre les mailles, ils agonisent pendant des jours. Le seul moyen pour les sauver est d’utiliser une pince coupante et de couper le grillage, ce qui ne satisfait pas toujours le propriétaire ! En installant des petits passages pour animaux, entre tous les jardins du quartier et de l’espace public, on crée de véritables corridors écologiques. Proposez à vos voisins de faire de même, et commencez une trame verte dans votre quartier en ouvrant tous les jardins entre eux !
Un passage pour la petite faune
Le grillage, un piège mortel pour le hérisson
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Accueillir la biodiversité au jardin
Si vous avez un jardin clos, aménagez de petits passages au bas de vos grillages ou de vos palissades. Un espace de 15 cm suffit pour laisser passer un hérisson ou un crapaud, 30 cm pour un blaireau. Sinon, repliez un bout de grillage en libérant un passage de la même taille en coupant les fils de fer dangereux. Si votre clôture est pleine (en parpaings ou en bois) vous pouvez retirer une brique ou une planche du bas du mur ou simplement découper un petit trou à l’aide d’une scie sauteuse (pour les clôtures en bois). Il est aussi possible de creuser un passage sous vos murs ou vos clôtures. On trouve dans le commerce des passages pour la petite faune facile à installer. Attention cependant à ne pas ouvrir de passage vers la route ! Un autre auxiliaire précieux pour le jardinier qui empruntera volontiers ces passages, c’est le crapaud. Les gens pensent souvent que ces amphibiens sont de mauvais augure, néfastes, voire dangereux. C’est un tort : avoir un crapaud dans son jardin relève plutôt de la chance, car en plus d’être complètement inoffensif, il régule naturellement, nombre de « nuisibles » : limaces, chenilles, coléoptères et autres insectes parasites. L’utilisation de pesticides, la dégradation et la fragmentation de leurs habitats, associées à une baisse de leurs défenses immunitaires menacent toutes les espèces de crapauds. Les alliés souvent mal connus du jardinier 31
Ça se passe au jardin…
Vous pouvez leur confectionner un refuge pour l’hiver avec un tas de feuilles mortes ou de vieilles tuiles. Attention à la tondeuse dont les lames peuvent être fatales pour cet amphibien lent ! Oubliez cette image diabolique qu’un folklore superstitieux a attribué à cette espèce ! Sa longévité de 10 ans, en fait un gardien bien utile ! Voici un autre ami discret du jardinier, surnommé serpent fragile ou serpent de verre : c’est l’orvet, un bien curieux animal qui n’est pas un serpent mais un simple lézard qui a perdu ses pattes ! Outre le fait de débarrasser votre potager des innombrables limaces et autres gastéropodes qui le peuplent, la présence de cet animal inoffensif est un critère de biodiversité et de qualité de milieu. Si vous en croisez un dans votre jardin, soyez précautionneux lorsque vous tondez votre pelouse. Attention également, les orvets ont tendance à faire partie des proies de choix des chats, des rapaces, et autres quadrupèdes comme les chiens. Un endroit suffisamment abrité comme un tas de feuilles humides, lui suffit pour se nourrir de ses proies favorites, les limaces et les escargots ! Il appréciera votre tas de compost pour y chasser ses proies et trouver une certaine chaleur à la saison froide. Il me reste à vous présenter un dernier ami, souvent mal connu. C’est le blaireau, un petit ours à la tête rayée, l’un des mammifères les plus mal aimés. Son péché mignon, ce sont les taupes, les limaces, les escargots et les campagnols. Il agit aussi comme un auxiliaire au jardin. Il n’y a bien que l’Homme (qui devrait se regarder dans une glace) pour le traiter de nuisible et le déterrer de force de son terrier pour le tuer. À quand la fin du « délit de sale gueule » ? Pour résumer, avec quelques petits gestes simples, on bénéficie d’une petite faune de proximité dans son jardin.
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Débuter avec les
bons gestes
Prendre le temps de réfléchir à son futur jardin
Jardiner ce n’est pas sorcier et cela relève le plus souvent du simple bon sens. Cela commence par une réflexion afin d’évaluer le temps dont on dispose pour désherber, pour tailler, pour arroser, etc. Inutile de voir trop grand, cela conduit souvent à l’échec et à une frustration. Dressez la liste des choses qui vous plaisent et de celles qui vous gênent. Une erreur fréquente de débutant consiste à planter à droite ou à gauche, sans penser qu’il faudra ensuite nettoyer pour empêcher les plantes nouvelles d’étouffer sous des adventices ou de se gêner mutuellement au cours de leur croissance. Pour créer ou aménager un jardin, mieux vaut commencer comme un professionnel : en faisant des plans. Leur élaboration tempérera votre ardeur à planter et vous donnera l’occasion de mettre de l’ordre dans votre projet. Soyez attentif à votre proche environnement (grands arbres, lotissement, vues à masquer, à préserver, etc.). Pendant cette phase de réflexion, on élabore tout d’abord le plan d’état des lieux du jardin actuel, en essayant de conserver une échelle qui rentre dans un format A4. L’échelle d’une vue en plan d’une maison est comprise entre 1/50 ou 1/100 (1 cm = 50 cm ou 1 cm = 1 m). Positionnez les éléments existants, terrasses, clôtures, allées, potager, arbres, haies, massifs, buissons… N’oubliez pas les bâtiments, abris de jardin, bancs, voies de circulation. Vous pouvez utiliser une boîte de gouache ou d’aquarelle pour apporter un peu de couleur. Le dessin de ce plan de jardin est l’une des clés de la réussite et ce n’est pas un logiciel qui va vous aider ici mais un simple crayon et une feuille de papier. Vous allez utiliser plus d’énergie à maîtriser le logiciel, qu’à réfléchir à votre jardin, sans compter le stress ! Avec le crayon, vous serez libre de dessiner le plan en suivant votre propre vision. Le but n’est pas de faire une œuvre d’art mais de coucher vos idées sur le papier en deux dimensions. 33
Ça se passe au jardin…
La deuxième étape de cette phase de réflexion consiste à dessiner un plan de création de votre futur jardin, à la même échelle, en déterminant tous les éléments que l’on souhaite retrouver dans son aménagement, leurs emplacements pour que ce soit pratique, leurs dimensions selon leur utilité, la position des allées, des haies, des arbres, des plantes… Il faut bien prendre en compte l’orientation du jardin par rapport au soleil et aux vents dominants, les zones d’ombre au midi (cela vous aidera pour le choix des végétaux). Avant de créer, il faut toujours penser futur et entretien. Quoi de plus ennuyeux que de ne pas pouvoir tondre faute d’accès ou d’espace pour manœuvre la tondeuse.
Tu laisses tranquille mes jeunes amis, sinon cela va mal finir pour toi... La place au sol d’un massif dépend de la future taille adulte des espèces que l’on va y planter. De même, les plantations dépendent de la place disponible au sol : elles ne doivent ni gêner le passage, ni couvrir les allées ou la pelouse. Prévoyez des espaces pour le potager, pour la détente, pour le barbecue… sans oublier une zone ensauvagée pour attirer la petite faune. Tous les arbres seront dessinés à taille adulte afin de prévoir l’occupation au sol et l’ombre projetée sur votre maison et votre jardin. Ce dernier n’en sera que plus agréable ! 34
Débuter avec les bons gestes
Plan de masse dʼétat des lieux
Plan de création. 35
Ça se passe au jardin…
Prenez votre temps, un jardin ne se fait pas en un jour. Ne cultivez pas de plantes qui ont tendance à s’étendre si vous avez un mini jardin ! Vous vous sentirez vite envahi(e) et vous passerez trop de temps à les tailler régulièrement… Mieux vaut créer une belle plate-bande ou une rocaille facile à nettoyer, que des petites parcelles disposées au hasard. Un jardin bien aménagé est un jardin compartimenté ! Favorisez les espèces sobres en termes de consommation d’eau. Le jardin du futur se doit d’être plus économe et plus résilient, pour faire face à aux bouleversements climatiques qui s’annoncent. On ne répétera jamais assez : le jardinage doit être un plaisir, pas une corvée ! Les premiers mois, on a envie de tout acheter et de planter sans se soucier des saisons. Ne vous précipitez pas dans votre jardinerie dès les premiers beaux jours. Vous y trouverez des plantes annuelles ou bisannuelles qui ont passé l’hiver en serre et pourraient ne pas se remettre d’un coup de gelée tardive ou d’un ensoleillement trop intense. Arbres, arbustes et rosiers se plantent de novembre à décembre. Les vivaces s’installent à l’automne ou au début du printemps. N’hésitez pas à fréquenter les fêtes des plantes, c’est l’occasion de discuter avec des professionnels qui connaissent, outre leur métier, nombre d’astuces pour réussir vos plantations. La vie de vos plantes dépend étroitement de différents facteurs tels que le type de sol de votre terrain, mais aussi son exposition au soleil et au vent ! Pensez à choisir vos végétaux en conséquence, sans oublier de varier leurs périodes de floraison pour avoir un jardin fleuri toute l’année ! N’hésitez pas à vous promener autour de chez vous et à jeter un œil aux plantes qui se portent bien chez les voisins. Avec un peu de chance, ces derniers bénéficient du même sol que vous. Observez et notez les plantes qui vous plaisent. Si vous avez fait le tour du voisinage et que vous avez observé que les rhododendrons sont rachitiques et jaunes, vous saurez qu’il n’y en aura pas sur votre sol ! Un beau jardin, c’est un jardin dans lequel les plantes se sentent bien. N’oubliez pas de faire un bilan de la terre de votre jardin. L’analyse du sol est primordiale, on ne plante pas la même chose en terre acide ou calcaire, en terre légère ou en terre lourde (la terre trop légère ne retient pas l’eau, la terre trop lourde peine à l’éliminer). On trouve des kits dans les jardineries mais nous vous donnerons les clés pour faire cette analyse avec les moyens du bord. Vous retrouverez dans ce livre un chapitre consacré au sol.
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Débuter avec les bons gestes
Illusions d’optique au jardin
Il existe de nombreuses astuces simples et ingénieuses pour faire paraître les petits jardins plus grands. La création d’effets d’optique est amusante et facile à adapter à chaque espace extérieur. Un jardin se doit d’être un voyage. Pour résumer, « il ne faut pas tout voir à la fois ». Si vous apercevez des endroits qui peuvent vous faire penser qu’il y a quelque chose à voir derrière, vous n’aurez de cesse de vous lever et d’explorer. Pour cela, il faut casser les lignes droites formées par les haies et la maison. Imaginez que vous êtes un petit enfant et que vous cherchez une bonne cachette, si vous n’en trouvez pas, c’est que votre jardin à besoin d’aménagements ! Voici quelques petites astuces qui vont transformer votre jardin en petit paradis. Les lignes diagonales tout comme les lignes courbes font paraître un lieu plus grand. Créez des petits coins cachés, plantez des petites haies horizontales qui coupent l’horizon, installez un endroit pour s’arrêter comme un banc ou des sièges. Les compartiments d’un jardin sont comme des petites scènes de théâtre qui lui donnent vie. La découverte se fait
« Effet de fuite » dans la perspective d'un jardin 37
Ça se passe au jardin…
alors petit à petit. Les différences de hauteur dans la végétation permettent aussi de renforcer l’impression d’espace. N’hésitez pas à intégrer un arbre ou un arbuste dans l’agencement de vos parterres ou massifs, tout en évitant un arbre trop volumineux. Si vous avez un talus qui borde votre jardin, installez-y des marches ou des « pas japonais » en pierre qui donneront un effet de fuite. La largeur des allées diminuant progressivement donnera un effet d’éloignement. Accentuez cet effet en mettant en bout d’allée un élément important du jardin : un petit bassin, une statue, un bel arbre ou des rochers. En arrière-plan, n’hésitez pas à diminuer la hauteur de vos plantations. Si vos plantes sont plus petites, elles apparaîtront comme plus lointaines pour l’œil. Servez-vous de la nature environnante pour donner une illusion de continuité. Faîtes, par exemple, une trouée dans votre haie, pour faire apparaître au loin un arbre remarquable, un lac, une colline, un coteau, une chaîne de montagnes et même, pourquoi pas, le clocher du village. Toujours porter des gants, nos mains sont fragiles
Jardiner avec ou sans gants ? La question se pose souvent car le fait de jardiner à mains nues est une expérience sensorielle où l’on ressent la texture du sol. La dextérité en est de plus facilitée ; cependant c’est une mauvaise habitude à proscrire. Mieux vaut prévenir que guérir. Gardons en mémoire que les gants On ne jardine jamais les mains nues ! créent une barrière physique entre la peau et l’extérieur. Ils diminuent le risque de se blesser avec des épines, des tessons de verre ou autres objets coupants. Ils évitent la pénétration de bactéries pathogènes dangereuses comme le tétanos, E. coli ou les salmonelles présentes dans le sol, surtout s’il est contaminé par des excréments d’animaux. Les gants constituent en outre une barrière contre les substances toxiques contenues dans la sève des tiges, des feuilles ou des racines, voire des produits phytosanitaires. 38
Débuter avec les bons gestes
Les gants vous protègent également des poils urticants des chenilles, comme ceux de la chenille processionnaire du pin, qui peuvent provoquer de graves allergies. Un simple contact de la peau avec la sève d’une euphorbe, d’une tulipe, d’un lys ou d’une berce peut occasionner des irritations si on les manipule à mains nues. Il suffit de toucher certaines plantes (épines de roses, cactus, carottes, céleri, Opuntia…), pour souffrir d’éruptions cutanées, de démangeaisons ou d’autres réactions cutanées parfois plus violentes. Il s’agit de ce que l’on nomme les « dermatites de contact », des réactions cutanées qui sont liées souvent à des mécanismes immunologiques.
La chenille processionnaire du pin.
La dermatite de contact est une inflammation locale de la peau provoquée par le contact direct avec des agents irritants (dermatite de contact irritative) ou des allergènes (dermatite de contact allergique). Les symptômes se manifestent par un prurit et parfois une douleur de type brûlure. Les manifestations cutanées se traduisent par des rougeurs, des enflures, des desquamations, des petites vésicules ou des papules (petits cercles rouges à centre blanc donnant des démangeaisons), voire des ulcérations. L’emplacement dépend du site de contact. Il ne faut pas hésiter à consulter un médecin ou à appeler le centre antipoison le plus proche.
Mais d’autres végétaux comme les euphorbes renferment des substances toxiques qui peuvent, elles aussi, irriter la peau et provoquer des « dermatites irritatives chimiques ». C’est aussi le cas des narcisses, jonquilles, tulipes et jacinthes qui provoquent une dermatite bien connue des fleuristes. D’autres plantes peuvent être à l’origine de véritables réactions allergiques comme les dermatites de contact. Le chrysanthème, la tulipe, le lys et la primevère sont probablement les plantes domestiques les plus fréquemment associées à une dermatite de contact allergique. L’ail et l’oignon causent aussi souvent des dermatites du bout des doigts. La carotte, le céleri et le persil sont souvent incriminés dans ce type de dermatites de contact.
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Ça se passe au jardin…
Il ne faut pas confondre une dermatite avec une urticaire de contact non immunologique, comme celui provoqué par des plantes appartenant à la famille des urticacées. Lorsqu’on touche une ortie, les poils présents sur les feuilles et sur la tige, pénètrent dans la peau, se brisent et provoquent la libération dans la peau de substances chimiques irritantes telles que l’histamine, l’acétylcholine et la sérotonine. Le poil urticant fonctionne donc comme une micro-seringue, qui, lorsqu’il perfore la peau, induit la libération d’un cocktail explosif. 1/10e de milligramme suffit à déclencher une réaction !
Les poils urticants de l'ortie.
Les plaques urticariennes apparaissent trois à cinq minutes après le contact. Elles s’accompagnent d’un érythème, de brûlures et de démangeaisons qui peuvent durer quelques heures. L’ortie nous a laissé à tous de cuisants souvenirs mais comme la nature fait bien les choses, on trouve souvent du plantain à proximité des orties ! Une autre « mauvaise herbe » pourtant pleine de qualités. En cas de piqûre, ramassez-en quelques feuilles et frottez-les à l’endroit douloureux pour soulager la sensation de brûlure. Pas de panique : la piqûre d’ortie se fait généralement oublier dans les heures qui suivent.
Coupe d'une tige d'euphorbe
Le plantain contre les piqûres d'orties. 40
Un latex blanc très irritant s'écoule immédiatement.
Débuter avec les bons gestes
N’oublions pas que 50 % de la flore indigène française est potentiellement toxique. Il est donc irresponsable de se passer de gants… Gardez sur un mémo bien visible sur la porte du réfrigérateur, le numéro du centre antipoison le plus proche de chez vous. Chaque année, les plantes toxiques font plus de 2500 victimes qui s’intoxiquent par contact de la peau ou des yeux. Il est facile de travailler avec des gants de protection si vous les avez choisis suffisamment confortables et adaptés aux caractéristiques de votre travail. C’est un peu comme choisir une bonne paire de chaussures de sport ! Le chapeau est recommandé pour tout le monde lorsque le soleil brille et les lunettes de protection sont obligatoires dès l’instant que l’on utilise des outils pour tailler une haie ou couper du bois. Préférez toujours le pantalon, les manches longues et des chaussures solides. Malgré vos protections, vous risquez les coupures, des piqûres en tous genres, voire des attaques de tiques ou d’araignées. Vérifiez que vous êtes bien à jour de vos vaccinations. Désherber intelligemment et durablement
L’utilisation d’un herbicide naturel et écologique est une question de bon sens pour protéger la faune et la flore sauvage d’un jardin. Il en existe de nombreuses recettes sur le Net ; toutefois, avant de vous lancer dans la fabrication maison d’un herbicide inoffensif, mais peut-être inefficace, sachez que le meilleur désherbant et le moins onéreux se nomme l’huile de coude !
Huile de coude
Il existe une multitude de sarcloirs, de déracineurs mais le meilleur moyen reste le désherbage manuel. Vous pouvez alors désherber tout en herborisant. Dans la poignée arrachée, il vous restera à identifier les espèces, un excellent moyen de faire connaissance avec son jardin ! Une recette très efficace consiste à bâcher la zone à nettoyer. Privées de lumière, les plantes disparaissent et c’est une excellente méthode pour vous débarrasser de souches de bambous, de renouées du Japon ou d’une herbe de la Pampa 41
Ça se passe au jardin…
devenue envahissante. Vous posez une bâche noire à la fin de l’automne et vous attendez la fin du printemps pour l’ôter. Idéal pour les grandes surfaces. Une autre solution est d’occuper l’espace ; la nature ayant horreur du vide, vous disposez du paillage végétal autour des plantations. Vous faites d’une pierre deux coups : vous étouffez les adventices et vous faites de l’humus qui enrichit le sol. Une dernière suggestion est de devenir opportuniste en utilisant ces plantes indésirables à votre avantage. Le sarcloir, un outil Apprenez à les observer et à les indémodable. reconnaître car ce sont des bons indicateurs de la santé du sol. La mousse qui se développe sur votre pelouse indique que cette dernière a besoin d’être scarifiée ou que vous tondez votre herbe trop bas (jamais en dessous de 7-8 cm). Les pissenlits se développent quand la terre est trop compactée par des passages répétés. Les orties indiquent une forte teneur en azote du sol mais présentent l’avantage de pouvoir être recyclées en soupe, engrais ou en insecticide comme nous l’avons déjà signalé. Labourages et pâturages… vieil adage dépassé ou pratique à proscrire ?
Pendant des millénaires, l’action de labourer a été considérée comme un des gestes les plus nobles que l’homme pouvait rendre au sol. Le labour est largement remis en question de nos jours car il entraîne un lessivage du sol par les pluies et de plus, il détruit la vie dans ce même sol. Cela nous amène tout naturellement au bêchage. Une des choses les plus pénibles au potager, c’est de retourner la terre avec l’aide d’une bêche. En matière de jardinage, on trouve souvent plusieurs écoles : il y a les adeptes de la tradition et ceux qui lui préfèrent des techniques plus innovantes. Lorsque je vois des jardiniers bêcher leur jardin à l’automne, j’ai sincèrement mal au dos pour eux. On peut évidemment faire autrement. Le brevet de la fameuse grelinette, a été déposé par André Grelin en 1963… Cela fait donc près de 60 ans ! Mais son utilisation a vraiment émergé il y a une vingtaine d’années, avec le jardinage bio, puis avec le développement récent de la permaculture. Selon les adeptes de la terre retournée, le bêchage permettrait d’aérer la terre et de la rendre souple et fertile. Oui… mais en fait non, c’est une idée reçue encore 42
Débuter avec les bons gestes
trop bien ancrée. Le fait de bêcher, c’est littéralement casser la couche de terre vivante du jardin, et la retourner pour l’enfouir profondément. Quand on sait que les insectes, les vers de terre et les divers micro-organismes qui vivent dans les premiers centimètres du sol ont besoin d’oxygène, le fait de les enterrer et de les priver d’air, tue la majorité de ces êtres vivants en les asphyxiant. Chaque coup de bêche devient un génocide ! Pour couronner le tout, le tranchant de la bêche va tuer un certain nombre de vers de terre, alors qu’ils sont nos meilleurs alliés pour aérer le sol. Si vous avez un sol compact et argileux, le fait de le bêcher va effectivement l’aérer mais il se recompactera dès que vous le retravaillerez. En revanche, si vous faites du compostage de surface, et que vous laissez travailler les vers de terre (qui vont creuser des galeries dans tous les sens), le sol va se trouver naturellement aéré et cela, pour longtemps. L’air, l’eau et les racines vont pouvoir circuler librement. Quant au motoculteur, c’est encore pire, il malaxe la terre en une sorte de pâte et à la première pluie, une nouvelle croûte se forme. De plus, le passage des roues et le poids de l’engin créent une compaction du sol appelée « semelle de labour » qui empêche les racines de s’enfoncer. Et que dire du bruit, de l’odeur et de la pollution des gaz d’échappement ?
La grelinette soulage le dos.
Le meilleur compromis pour ameublir sa terre sans la chambouler complètement, c’est donc d’utiliser la grelinette. Par l’action de levier qui est faite sur les deux manches de l’outil, ses dents vont décompacter la terre, mais sans la retourner. Fini le mal de dos, car pendant toute la durée du mouvement, le dos reste droit et ne subit aucun effort. Les deux manches font travailler les bras de façon naturelle. On ne soulève pas la grelinette mais on la fait glisser d’une quinzaine de centimètres en reculant à chaque pas. C’est beaucoup moins fatigant que de soulever de lourdes pelletées de terre à la bêche. 43
Ça se passe au jardin…
Encore un petit effort et vous aurez gagné votre séance chez l'ostéopathe ! La grelinette épargne les vers de terre et respecte les bactéries, les champignons microscopiques et tous les petits invertébrés qui vivent dans le sol. Pour les petites surfaces comme un potager en carré, vous pouvez utiliser une fourche-bêche qui respecte aussi le sol et ses habitants. Elle permet de retirer les racines sans les couper, ce qui évite la prolifération des adventices. C’est l’outil idéal pour tous les terrains difficiles (lourds ou caillouteux). Côté négatif, le mal de dos revient très vite ! Le compost ou l’art de recycler
La fourche-bêche respecte la faune du sol. 44
Dans la nature, rien ne se perd, tout se transforme, selon le vieil adage du chimiste Lavoisier. Le compost répond parfaitement à cette définition. Le compost est le produit issu de la fermentation aérobie naturelle de déchets
Débuter avec les bons gestes
biodégradables, principalement de déchets verts, issus du jardin ou de la maison. Composter, c’est donc recycler ses déchets verts en les amassant en tas afin qu’ils se décomposent. Le compostage est un processus de transformation des déchets organiques par le biais d’une fermentation aérobie (c’est-à-dire où il y a du dioxygène) en un produit comparable au terreau ou à l’humus qui se forme naturellement dans les forêts par la décomposition des feuilles mortes. Cette technique de recyclage 100 % bio, évite de transporter les déchets verts dans une déchèterie pour s’en débarrasser. Cela vous évite également l’achat d’engrais chimiques qui risquent de brûler les racines des végétaux et polluer le sol. Pour résumer, c’est un amendement facile à obtenir, économique et simple à utiliser Le compost apporte aux plantes les principaux minéraux dont elles ont besoin : de l’azote, du potassium et du phosphore, ainsi que d’autres éléments (minéraux et oligo-éléments). Il présente le gros avantage d’équilibrer les sols : d’un côté, il allège les sols lourds et argileux et en améliore le drainage, et de l’autre, il permet aux sols sableux de mieux retenir l’eau et les nutriments. Pour finir, un bon compost est un produit de couleur brun foncé à noir, avec une odeur de sous-bois agréable et une texture grumeleuse ni trop sèche, ni trop humide dont on ne peut plus distinguer les matières organiques qui ont permis de le constituer. Le répandre au pied des végétaux et dans le potager est le meilleur moyen de renforcer la résistance des plantes aux maladies. Le compostage en tas, est la technique la plus simple pour les jardiniers amateurs. Les matières à composter sont placées
Vous êtes priés d'aller jeter vos déchets verts plus loin ! 45
Ça se passe au jardin…
Les feuilles mortes se recyclent dans le tas de compost.
directement sur le sol afin de former un tas d’une hauteur allant de 0,5 m à 1,5 m en alternant des couches de matières vertes (tontes de gazon) et de matières sèches (feuilles mortes, branches broyées). Pensez à arroser au fur et à mesure de la construction du tas, à chaque fois que vous mettrez une couche de matières sèches. Ce tas doit être placé dans un endroit plutôt ombragé, bien à l’abri des vents desséchants et du lessivage des pluies qui entraînent par ruissellement les nutriments. Les vers de terre ainsi que la microfaune et la microflore du sol vont rapidement venir coloniser ce garde-manger providentiel.
L’autre solution consiste à composter dans un bac en bois, souvent fourni par les municipalités en zone urbaine. Protégé du soleil, de la pluie, le processus de décomposition se réalise en vase clôt et sera plus rapide. Placez-le à même la terre afin qu’il soit colonisé par la microfaune et la microflore du sol. En hiver, vous voyez le tas de compost fumer. En se décomposant les végétaux se décomposent et dégagent de la chaleur. Ce type de compostage monte en température assez vite, pouvant atteindre 70 °C les premières semaines, ce qui est très efficace pour éliminer la plupart des graines d’adventices et certains invertébrés ravageurs dont les œufs de larves pourraient être
La petite faune du sol colonise le compost. 46
Débuter avec les bons gestes
présents dans le tas de compost. Au bout de 3 à 6 semaines (selon les dimensions du tas), la température va retomber autour de 30 °C. Il est alors temps de commencer à brasser le compost avec l’aide d’une fourche, environ une fois par mois tout en surveillant l’humidité de l’ensemble. Un compost mûr demande ensuite 6 à 9 mois de maturation. Glissez votre main dans le tas de compost au travail et vous serez surpris de la température qui y règne. À l’approche de l’hiver, des petits animaux viennent s’y installer car vous leur offrez le gîte et le couvert. Les herbivores s’y délectent des épluchures de cuisine tandis que les carnivores s’y régalent d’invertébrés bien appétissants. Les rongeurs profitent de la douce chaleur engendrée par la décomposition de la matière organique. Vous détectez leur présence par les orifices d’entrée et de sortie. Inutile de hurler en voyant les petits yeux qui vous fixent, la grande bête ne doit pas craindre la petite ! Vous pouvez y rencontrer des hérissons, des campagnols, des loirs, des lérots, des mulots et autres souris qui creusent des galeries et assurent la ventilation, essentielle au processus de décomposition. Votre compost est prêt lorsqu’il sent le sousLe loir, la souris, le mulot et bois et qu’il s’effrite facilement. Retirez-le par la musaraigne apprécient la la base et incorporez-le au pied des plantes. Il chaleur du tas de compost. ne faut jamais l’enterrer mais l’incorporer dans les premiers centimètres du sol. Il sera particulièrement utile au potager quand il est bien mûr. Cependant, il ne faudra pas en mettre partout au potager sans distinction, car certains légumes comme les échalotes, les oignons ou encore l’ail, n’appréciant pas spécialement les sols très riches. Pour les arbres et arbustes : on peut utiliser du compost jeune contenant encore des éléments grossiers non décomposés. Une fois tamisé, il sera aussi très utile pour booster vos semis en pleine terre, sa couleur noire permettant un réchauffement plus rapide du sol. Le compostage constitue l’un des modes de valorisation des déchets organiques les plus efficaces, aussi bien d’un point de vue technique qu’écologique. Dans le tome 2 consacré à l’automne/hiver au jardin, nous passerons le tas de compost sous la loupe afin de vous expliquer tout ce qui s’y passe. 47
Ça se passe au jardin…
LES CONSEILS POUR DÉBUTER UN BON COMPOST Avant de poser votre composteur ou de faire votre tas à même la terre, vous aurez pris soin auparavant de remuer un peu cette dernière pour faciliter les échanges. Déposez 10 cm de branches broyées, de paille, de feuilles mortes ou de tailles de haie. Il peut être également utile de rajouter quelques poignées de vieux compost pour accélérer le processus en l’ensemençant. Quand l’épaisseur dépasse 40 cm, mélangez l’ensemble. Petit à petit, les animaux auxiliaires de compostage comme les vers de terre, cloportes ou larves vont s’installer. Il ne faut jamais laisser sécher le compost ; prenez-en une poignée et pressez-la, si quelques gouttes apparaissent c’est que le taux d’humidité est correct. À l’inverse, un compost qui comporte trop de déchets tendres (feuilles fraîches, tontes de gazon, épluchures) risque de se transformer en pâte noirâtre, gluante, peu appétissante dégageant une odeur très désagréable.
Je suis désolé pour vous cher voisin mais vous avez raté votre compost
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Débuter avec les bons gestes
C’est le moment de brasser votre tas en faisant passer à la surface l’intérieur du tas. Le purin d’ortie peut accélérer la décomposition si vous compostez des tiges coupées. Plus le tas est volumineux plus la montée en température sera importante et plus rapide sera le compostage. À la fin du processus, le tas aura perdu les 2/3 de son volume. Il se sera concentré en éléments nutritifs.
Les matières compostables, à mettre au compost : • feuilles mortes broyées ; • tonte d’herbe fraîche ; • herbes séchées ; • fleurs fanées, même celles du fleuriste ; • plantes d’appartement ; • bois de taille broyé, sciures et copeaux ; • aiguilles de conifères ; • plantes sauvages comme les orties, les consoudes, les feuilles de ronce etc. ; • déchets verts de cuisine, le marc de café, les coquilles d’œuf.
Les matières à ne pas mettre au compost : • terre, sable, cendre de bois ou de charbon ; • rondins de bois, bois traité ; • plantes malades ; • tailles de thuyas et autres conifères ; • toutes plantes grainées ; • la litière du chat ; • les déchets de plastique, le verre, les métaux etc.
Le paillis de feuilles mortes reproduit la couverture végétale du sol d’une forêt
Le paillage se doit d’être utilisé sans modération dans les massifs, au pied des arbustes, des rosiers et bien sûr au potager. Il va jouer le rôle d’engrais, diminuer les écarts de température entre le jour et la nuit et réduire la pousse des herbes indésirables. Le printemps venu, il limitera l’évaporation et conservera l’humidité au sol, réduisant les arrosages. Paillis de feuilles mortes. 49
Ça se passe au jardin…
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Débuter avec les bons gestes
Pour résumer, le paillage est un très bon isolant thermique et plus particulièrement un paillage de type feuilles mortes, paille de blé, coques de cacao, copeaux de bois ou paillis de BRF (Bois Raméal Fragmenté). Il réduit l’impact des gouttes d’eau quand il pleut, favorisant une hydratation douce et progressive du sol. En hiver, le paillage protège le sol des fortes gelées. Il protège également du froid les racines des végétaux vivaces sensibles au frimas hivernal. C’est aussi un manteau qui protège la petite faune des invertébrés. C’est également un activateur pour les espèces de champignons qui entrent en symbiose avec les racines. Les transports d’azote, de phosphore et de potassium en sont accélérés. Son seul inconvénient est de fournir aussi un abri aux escargots et aux limaces mais nous en reparlerons dans un prochain ouvrage.
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Connaître son sol Les mains dans la terre… Oui, mais toujours avec des gants !
Qui n’a jamais rêvé au printemps de cultiver un magnifique jardin rempli de légumes succulents, agrémenté d’une pelouse fleurie et de beaux parterres de fleurs. Mais avant de semer votre première graine ou de commander des arbustes, prenez le temps de vous intéresser à votre sol. L’état de santé physique du sol de votre jardin a un impact direct sur la santé de vos plantes. C’est un peu comme pour nos enfants pour qui nous privilégions les aliments nutritifs et équilibrés pour qu’ils grandissent bien et en bonne santé ! Comprendre les bases de votre sol et améliorer sa qualité est la première étape pour créer un jardin prospère, dynamique et productif. Analyser son sol est donc primordial pour adapter les bonnes pratiques de jardinage et savoir quelles plantes, arbustes, arbres ou légumes peuvent y pousser de façon harmonieuse. Cela vous aidera à créer un jardin de biodiversité. Lorsque vous prenez possession d’un jardin en zone urbaine, il est impossible de savoir le nombre de remaniements et d’apports de terre qu’il a subi au cours du temps. Connaissez-vous vraiment votre sol ? Est-il argileux, limoneux ou sablonneux ? Est-il acide ou alcalin ? Contient-il les nutriments dont vos plantes ont besoin pour prospérer ?
Papa, je suis fatigué ! Tais-toi et creuse ! 52
Connaître son sol
Pas de panique ! Apprendre à connaître votre sol peut sembler de prime abord compliqué mais ne vous inquiétez pas ! Il est facile de vous familiariser avec lui, de découvrir ses qualités, voire corriger ses traits moins intéressants. Nous allons vous guider dans cette approche. Les caractéristiques indispensables à connaître sont : • le pH du sol ; • sa texture et sa composition. Connaître le pH du sol
La majorité des sols de jardin ont un pH situé entre 4 et 9, l’idéal étant une terre légèrement acide (6,5) qui convient à la plupart des plantations. Cependant, certaines plantes exigent une terre acide comme les plantes acidophiles qui prospèrent pour un pH situé entre 4 et 6,5, alors que d’autres aiment le calcaire comme les plantes calcicoles, qui préfèrent un pH situé entre 7 et 8. Des végétaux plantés dans une terre non adaptée, souffriront de carences ou d’excès. Les éléments minéraux sont plus facilement disponibles pour les plantes avec un pH proche de la neutralité (entre 6,5 et 7,5). C’est ce pH qui permet de cultiver la grande majorité des plantes potagères, ornementales et fruitières. Avoir une idée précise du pH est indispensable, avant d’entreprendre toute plantation.
Le pH dont le sigle signifie potentiel Hydrogène défini la mesure de l’acidité ou de l’alcalinité d’un milieu ou d’une solution. C’est une grandeur sans unité. Le Potentiel Hydrogène exprime le degré d’acidité ou d’alcalinité sur une échelle de 0 à 14. Le pH est un indicateur de l’acidité, lorsque le pH est inférieur à 7 ou de l’alcalinité, lorsque le pH est supérieur à 7. Un pH égal à 7 est dit neutre. Ainsi les fleurs de l’hortensia deviennent bleues sur un sol acide, alors qu’elles sont roses sur un sol alcalin.
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Ça se passe au jardin…
Si vous venez de faire l’acquisition d’une parcelle, l’observation de la flore déjà en place est le meilleur moyen d’avoir une indication sur le pH du sol. Des pins, de la bruyère, des ajoncs sont le signe d’un sol plutôt acide. La présence de mauves, de mélilot, de primevères ou de chicorées sauvages indique un sol plutôt alcalin. Il est possible de corriger un peu le pH de son jardin mais l’idéal est de s’accommoder de son sol et d’adapter vos plantations à ce même sol. Cela évitera bien des dépenses et des déconvenues. Sur un sol calcaire abandonnez l’idée de faire pousser des azalées, des camélias ou des rhododendrons. On trouve dans le commerce des sondes électriques ainsi que des kits pour mesurer le pH du sol. Vous connaissez sûrement ces petites languettes de papier : en les trempant dans un liquide, elles changent de couleur selon son pH, qu’il vous suffit alors de lire. Prélevez des échantillons de sol sur quelques centimètres de profondeur et placez chacun d’entre eux dans son récipient (une à deux cuillères à soupe de terre suffisent). Ajoutez-y de l’eau distillée et remuez doucement. Trempez une bandelette de papier pH dans chacun des échantillons, comparez les couleurs à l’étalon coloré fourni, et notez les résultats en pH. Nous vous proposons de découvrir ou de redécouvrir l’étonnante technique du chou rouge ou de tester votre sol à l’aide de produits ménagers courants ! Connaître la texture du sol
La texture et la composition du sol de votre jardin peuvent se résumer en trois structures de base. • Un sol sableux retient mal l’eau et les éléments minéraux apportés. Dans ce cas, il convient de fractionner les arrosages. Pour améliorer cet état, il peut être conseillé d’ajouter de grandes quantités de matières organiques comme les paillis ou le compost. • Un sol limoneux est fréquemment sujet à la formation d’une surface ou croûte de battance qui imperméabilise le sol. Par conséquent ce type de sol devra impérativement être mis en culture toute l’année ou couvert par un paillis en période hivernale. • Un sol argileux est sensible au compactage par des passages fréquents au même endroit. Il est donc recommandé de n’entrer au jardin que si le sol est protégé par des planches au potager ou par des dalles en pierre qui permettent de s’y déplacer sans tasser le sol. Enfilez des gants de jardin adaptés. Prélevez une poignée de terre et examinez sa texture. Tout sol est un mélange de particules minérales, d’argile, de sable et de limon, qui affecte la circulation de l’eau, l’aération et la capacité de retenir les nutriments. Chaque type de sol interagit différemment avec les plantes. Mais comment pouvez-vous savoir quelle sorte de terre alimente votre potager ou vos plates-bandes ? 54
Connaître son sol
TESTER SON SOL • Avec du chou rouge Nous vous proposons ici de réaliser le test du chou rouge ! Le chou rouge contient des colorants (les anthocyanes) qui ont la propriété de changer de couleur en fonction du pH. C’est de ce fait le plus populaire des indicateurs de pH naturels, utilisé pour enseigner les réactions acide-base à des enfants, dès le primaire. Il s’agit d’une expérience simple, à réaliser en famille, pour déterminer le pH du sol de façon ludique. Il suffit de porter à ébullition de l’eau distillée contenant des feuilles de chou rouge pour en faire une décoction. Filtrez et vous obtenez alors un beau jus violet. Conservez-le en bouteille pour les tests : sa couleur servira de « couleur témoin ». Cette solution peut se conserver quelques jours au réfrigérateur. Versez un peu de jus de chou dans deux petits récipients qui ne serviront pas à tester les échantillons de sol. Ajoutez un filet de vinaigre ou de jus de citron dans l’un et une cuillère à café de bicarbonate de sodium dans l’autre. Si la première solution vire au rose vif et si la seconde vire au bleu ou au vert, votre test est au point et votre solution prête à l’emploi !
Sol acide (coloration rose)
Sol calcaire (coloration bleue)
Sol neutre (coloration violette)
Les anthocyanes sont des pigments végétaux dont la couleur varie selon le pH du sol. Prélevez des échantillons de votre sol à quelques centimètres de profondeur et placez chacun d’entre eux dans un récipient contenant le jus de chou (une à deux cuillères à soupe de terre suffisent). Quand la solution vire au rose, le sol est acide, tandis que si elle vire au bleu ou au vert de sol est calcaire (basique), et si la couleur reste violette, votre sol a un pH neutre. Répétez cette expérience en différents points de votre jardin : la nature de votre sol présente peut-être des différences physico-chimiques.
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Ça se passe au jardin…
• Avec des produits ménagers Nous proposons ici une autre expérience test simple à réaliser avec du bicarbonate de sodium et du vinaigre blanc : • Prélevez un échantillon la terre à quelques centimètres de profondeur (5-15 cm en dessous de la surface du sol). • Tapissez le fond de 2 verres ou de 2 bocaux avec de la terre sur un cm de hauteur. • Ajoutez dans le premier récipient du bicarbonate de sodium et un peu d’eau pour mouiller la terre. Mélangez à l’aide d’une cuillère ; observez la formation d’une mousse ou d’une effervescence. Plus la mousse est importante et plus votre terre est acide. • Ajoutez dans le second récipient du vinaigre blanc pour mouiller la terre. Mélangez à l’aide d’une cuillère ; observez la formation d’une mousse ou d’une effervescence. Plus la mousse est importante et plus votre terre est alcaline. Si aucune mousse ou effervescence ne se produit dans aucun des deux verres, alors votre terre est neutre ce qui facilitera vos plantations.
Eau + bicarbonate de sodium
Vinaigre blanc
Sol acide
Sol alcalin (calcaire)
Prélèvement de sol du jardin (5-15 cm)
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Connaître son sol
Remuez le sol entre vos doigts. Que ressentez-vous ? Le sol est collant lorsqu’il est mouillé et vous pouvez le mouler en boudin. C’est un sol argileux. Il est granuleux au toucher, et s’effrite en poudre, c’est un sol sableux. Enfin il est glissant lorsqu’il est mouillé et comme la poudre de talc une fois sec, c’est la signature d’un sol limoneux. Le sol idéal se compose de 65 % de sable, 30 % d’éléments fins (argile, limon) et 5 % d’humus avec un pH autour de 7. Comme vous pourrez le constater, on est souvent loin de ce profil idéal et il faudra donc le plus souvent faire avec ! Selon le type de sol que vous avez identifié dans votre jardin, vous devrez peut-être modifier un peu sa composition. Attention néanmoins de ne pas devenir un esclave de votre jardin ! Si vous êtes dans le Massif Central sur un sol acide vous n’aurez jamais le sol d’un jardin calcaire méditerranéen. Nous vous proposons deux tests faciles à mettre en œuvre. La texture d’un sol est décrite par un triangle des textures (voir schéma ci-dessous). Le prélèvement présenté sur la photographie de la bouteille a été effectué dans un jardin situé sur de la commune de Châtenay-Malabry, dans le département des Hauts-de-Seine. Le jardin est situé à 130 m d’altitude, au pied d’une terrasse fluviale, formée d’argiles, de meulières et de limons. Les valeurs lues sur le test de la bouteille ont été tranformées en pourcentages et reportées sur le triangle, en rouge.
Comment utiliser un triangle des textures ? Reportez la valeur de chacun des trois pourcentages sur l’axe qui lui correspond pour chacune des valeurs de pourcentages, tracez une parallèle à l’axe précédent Dans notre exemple : avec 42 % de sables, 25 % de limons et 32,5 % d’argiles. Le sol testé ici est proche d’une structure équilibrée mais encore trop riche en argiles. 57
Ça se passe au jardin…
LE TEST DE LA BOUTEILLE Nous vous proposons ici une expérience pour connaître la texture et la composition de votre sol. • Prélevez un peu de terre en profondeur (10 à 15 cm en dessous de la surface du sol) et remplissez de moitié une bouteille (en verre de préférence) de cette terre. • Ajoutez de l’eau et secouez énergiquement pendant 3 minutes. • Secouez de nouveau s’il existe encore des gros blocs de terre non dissous. Après une heure, on peut déjà constater la sédimentation des cailloux et du sable s’accumulent au fond. Laissez reposer 24 h et mesurez la hauteur des différents dépôts à l’aide d’une règle. Notez au feutre les niveaux de sédimentation.
Débris organiques
Argile Limon Sable
32,5 % 25 % 42 %
Mesurez les hauteurs respectives de chacun des niveaux : gros dépôt et sable, au fond de la bouteille ; très fin dépôt au-dessus non dissociable à l’œil nu (limon) ; couche plus compacte et dense ayant une couleur différente (argile). Faites une règle de 3 : (hauteur de la strate / hauteur totale du dépôt) × 100 vous obtiendrez le pourcentage de chaque strate. Remarque : la fraction d’humus est souvent très faible, et pour une partie encore en suspension, pour être prise en compte. Vous pouvez alors vous référer au triangle des textures pour trouver la composition exacte de votre sol. Au niveau de la surface dans la partie supérieure de la bouteille, vous trouverez des débris végétaux, des matières organiques qui représentent une bonne indication des réserves en nutriments du sol.
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Connaître son sol
LE TEST DU BOUDIN Ce test est un moyen simple de se faire une idée de la texture de son sol. Il s’agit ici de prélever une poignée de terre, de la mélanger avec un peu d’eau, puis de la malaxer dans sa main (gantée) pour en faire une boule.
Tentez de former un boudin d’1 à 2 cm de diamètre. Si le boudin ne s’affine pas et se fragilise, la terre a une tendance sableuse ou limoneuse. Si le boudin tient, elle contient au moins 10 % d’argiles. Essayez d’arrondir le boudin comme un croissant. Si le sol est sableux ou limoneux il se désintègre. Si vous formez un arc de cercle, il contient au moins 15 % d’argiles. Essayez de former un cercle avec le boudin. Si vous y parvenez, votre terre contient au moins 30 % d’argiles.
La texture du sol, et en particulier sa teneur en argiles, influe directement sur les capacités de fixation du sol en éléments nutritifs et en eau. Généralement, plus la teneur en argiles est élevée, plus les capacités de fixation sont importantes. Les apports de matières organiques (paillis, compost, fumier…) devront être assez importants pour des sols à texture plus grossière (sables, limons). Un fort taux d’argiles rend le sol sensible à la formation de croûtes (battance) et à l’érosion ; il faudra donc le couvrir d’un paillis pour éviter ces désagréments. Vous l’aurez compris, la situation idéale n’existe pas et on recherche un compromis. L’amélioration de la terre du jardin n’est pas un processus qui se fait du jour au lendemain. Cela peut prendre plusieurs saisons d’amendements avant que vous profitiez du sol de vos rêves. Obtenir un sol riche en humus se mérite néanmoins. 59
Ça se passe au jardin…
Il faut bien sûr stopper tout usage de pesticides, ennemis des lombrics qui labourent gratuitement votre sol. La protection du sol par un paillage est indispensable, il se décomposera en humus. Favorisez les « engrais verts » qui enrichissent les sols. Certaines plantes font merveilleusement office d’engrais verts. On peut citer à titre d’exemple : le trèfle, la luzerne, les fèves, les petits pois. Sans oublier le compost évoqué plus haut qui libère dans le sol des éléments nutritifs tels que le carbone, l’azote, le potassium, mais aussi du calcium.
Des plantes utilisées comme engrais vert. De gauche à droite et de haut en bas : lotier, trèfle, fève et pois.
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Connaître son sol
Le travail de la terre est aussi un facteur déterminant comme nous l’avons évoqué dans l’introduction. La partie vivante du sol est proche de la surface et il faut donc éviter de la perturber par un travail en profondeur. Si, après avoir testé votre sol et vérifié sa structure pour découvrir qu’il est loin de la perfection, surtout ne vous sentez pas frustré/e et ne vous inquiétez pas. Vous pouvez vous « élever » de votre « mauvais sol » très rapidement ! Les plates-bandes surélevées offrent au jardinier la possibilité de repartir de zéro avec un sol parfait. C’est encore une façon de reproduire ce qui se passe en forêt à l’échelle d’un simple bac en bois. Le sol forestier retient l’humidité tout en restant fertile. Vous disposez alors d’un système de culture résilient pour vos légumes qui pourra être utilisé en autonomie pendant plusieurs années sans ajout d’engrais ni de compost. Les racines vont pouvoir s’infiltrer à travers les différentes couches et trouver une réserve d’eau au niveau du bois en décomposition. Autre avantage, vous n’avez plus besoin de vous baisser pour travailler avec ce type de jardin. Vous venez ici de (re)découvrir la permaculture. Profitez de l’automne pour installer ce type de jardin surélevé, il n’en sera que plus efficace au printemps.
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La permaculture ou
s’inspirer de la nature
La permaculture, les associations végétales, le compagnonnage végétal, tout le monde en parle sans vraiment savoir de quoi il s’agit ; à l’inverse, nombreux sont ceux qui les pratiquent déjà sans en avoir conscience. Nous allons en explorer quelques principes de base comme les associations végétales, le compagnonnage végétal, la culture en buttes, la culture en lasagnes ou le potager surélevé.
Surtout ne vous gênez pas, faites comme chez vous !
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La permaculture ou s’inspirer de la nature
Les associations végétales
Observons ce qui se passe dans une forêt, dans un taillis ou dans une haie : des plantes grimpantes comme le liseron, le chèvrefeuille ou la clématite se hissent sur des strates hautes pour atteindre l’espace inoccupé sur les tiges et la lumière ; d’autres espèces couvrent le sol, comme l’ail des ours, la petite pervenche ou le muguet. Les besoins en ensoleillement de chaque espèce sont différents et chacune trouve sa place alors que personne n’y jardine. À en écouter le duc de Sully ou Jean de La Fontaine, le travail du sol comme le labourage du sol cacherait un « trésor caché ». Imaginez maintenant un pays qui ne connaissait à l’époque, ni la roue, ni la métallurgie, ni les bêtes de traits comme le bœuf ou le cheval. Ce pays existe ou plutôt existait. C’était sur le continent américain avant l’arrivée des colons européens et des conquistadors ! Lorsque les premiers Européens ont débarqué en Amérique du Nord au xvie siècle, ils constatèrent que les premières nations autochtones (improprement appelés Indiens) comme les Abenakis, les Algonquins, les Iroquois ou les Powhatans, pratiquaient depuis longtemps, une agriculture traditionnelle durable très originale. Sans outil en métal, ni bête de trait, ils obtenaient pourtant de bons rendements sur des terres déboisées et cela, sans fournir trop d’efforts physiques. Appelée les « Trois sœurs » ou le « Jardin iroquois », cette méthode agricole est une association végétale, aussi désignée culture associée, ou encore compagnonnage végétal. Les « Trois sœurs » associaient trois plantes différentes en culture simultanée : le maïs, le haricot et les courges. D’apparence rudimentaire, cette technique permettait d’installer un écosystème autosuffisant, d’une efficacité étonnante et qui demandait un apport énergétique minimal. Cette pratique est encore utilisée en Amérique centrale sous le nom de Milpa.
Les « trois sœurs » dans la nation iroquoise1
Le maïs, plante céréalière, sert de tuteur au haricot grimpant. Il permet de donner un peu d’ombre à cette légumineuse ce qui améliore sa qualité en amidon. Le maïs, selon le sol ou le climat, pouvait être remplacé par le tournesol ou le topinambour. On reproduit la même chose de nos jours, lorsque l’on rame les haricots grimpants.
1. Département de l’éducation de l’État de New York. The Three Sisters Diorama, https://www.nysm.nysed.gov/ mohawk-haudenosaunee-village/three-sisters-diorama ; consulté le 08/06/2023.
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Ça se passe au jardin…
Le haricot grimpant utilise la tige du maïs comme tuteur. Il permet d’enrichir le sol en azote grâce à ses nodosités qui résultent d’une symbiose entre cette plante (légumineuse) et des bactéries du genre Rhizobium. Les bactéries forment des boursouflures sur les racines que l’on nomme des nodosités.
Alors poupée, on s'fait une petite symbiose ? Vous commencez à me courir sur le haricot ! Les courges rampantes (potirons, courgettes), grâce à leurs larges feuilles, permettent de créer un microclimat qui conserve l’humidité du sol et le protège du ruissellement, tout en limitant la croissance d’adventices. C’est un « paillage vivant ». D’un point de vue nutritif, la culture des « Trois sœurs » génère une alimentation tout à fait équilibrée. Riche en glucides et en protéines, le maïs est un aliment énergétique qui contribue toujours à l’équilibre alimentaire de nombreuses sociétés. Les haricots secs sont riches en protéines et contiennent même les acides aminés essentiels qui manquent au maïs. Finalement, les courges (et leurs graines) sont sources de vitamines et de lipides. Le déploiement de cette agriculture a entraîné le développement de villages « permanents » liés aux champs. Les « Trois sœurs » : le maïs, le haricot et la courge. 64
La permaculture ou s’inspirer de la nature
Les femmes, qui pratiquaient l’agriculture, vivaient alors toute l’année dans les villages. Le maïs et les haricots ne sont pas originaires de cette région ; ils sont originaires d’Amérique tropicale où ils étaient cultivés par les premiers peuples, bien avant que ces cultures ne soient menées dans le nord-est de l’Amérique. Les citrouilles et les types de courges similaires ont également une origine tropicale, ce qui montre que ces populations amérindiennes avaient développé des réseaux d’échanges. Aujourd’hui, alors qu’on évalue les ravages de plus d’un demi-siècle de monoculture du maïs, la pratique agricole des « Trois sœurs » est aujourd’hui considérée comme un modèle exceptionnel de permaculture et d’agriculture durable. Vous pouvez vous inspirer de cette culture et l’adapter à vos propres besoins et ainsi remplacer le maïs par des rames en noisetiers (en forme de tipi !) et la courge par des courgettes.
LES NODOSITÉS De nombreuses espèces de légumineuses (Fabacées) ont développé la capacité de puiser l’azote à la fois dans l’air et dans le sol. Elles ont développé une association symbiotique de fixation de l’azote moléculaire de l’air avec des bactéries du genre Rhizobium (ex. Rhizobium leguminosarum). Les bactéries appartenant au genre Rhizobium sont toutes aérobies (elles Nodosités sur une racine de légumineuse consomment de l’oxygène). Leur taille varie entre 0,5 et 3 µm. Chaque espèce de bactérie est spécifique de sa plante hôte. Leur interaction mutualiste avec la plante implique des interactions morphologiques et biochimiques avec la plante hôte. Elle se traduit par l’apparition de nodosités ou nodules au niveau des racines. Les nodosités ont besoin d’air et d’oxygène pour bien fonctionner. Il faut donc éviter les sols tassés, les sols hydromorphes et les excès d’eau au jardin si vous voulez cultiver des pois ou des haricots.
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Ça se passe au jardin…
La formation du nodule s’effectue en trois étapes. Attirées par des signaux chimiques produits par la plante, comme les flavonoïdes, les bétaïnes, des colonies de bactéries Rhizobium, se multiplient à proximité des racines. Ce développement nodulaire est programmé par la plante et déclenché par les bactéries qui se fixent aux cellules des poils absorbants qui se replient en crochet. Piégées dans une poche formée par les crochets, les bactéries pénètrent dans une invagination de la membrane plasmique et forment un cordon d’infection. La plante sécrète une gaine cellulosique autour des bactéries qui se développent dans le cordon. Elles sont finalement libérées dans les cellules corticales de la racine.
Nodosités sur une racine et bactéroïdes dans des vésicules. Les bactéries s’y différencient en bactéroïdes polymorphes capables de fixer le diazote atmosphérique. Ces derniers, enfermés dans des vésicules, ont un volume supérieur à celui des formes libres, ils ont des formes caractéristiques enflées, ellipsoïdes. Ils ne se multiplient plus et produisent des enzymes (nitrogénases) indispensables à la fixation de l’azote.
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Le compagnonnage végétal au potager
Dans la nature, les plantes poussent dans un joyeux patchwork d’espèces différentes ; elles sont parfois même imbriquées les unes aux autres et pourtant se portent très bien. Alors pourquoi avoir ce réflexe de tout séparer au potager ? Si vous souhaitez jardiner au naturel, le plus simple est d’imiter la nature. En mélangeant les plantes, vous brouillez les pistes. Imaginez un instant que vous êtes un insecte parasite voletant à la recherche de nourriture dans un potager traditionnel… Quoi de plus facile que de repérer au loin ces légumes bien ordonnés aussi voyants qu’une piste d’aéroport parfaitement éclairée de nuit ! Finies les rangées de tomates, de salades, de carottes, bien ordonnées, biens nettoyées… Soyons fous, Dame Nature adore le désordre où elle puise ses ressources ; la diversité au jardin est la clef de la réussite ! Vous voulez limiter l’utilisation d’engrais et de pesticides dans votre potager ? Il existe une solution naturelle et bio, accessible à tous et facile à mettre en œuvre : le compagnonnage végétal qui associe des végétaux complémentaires entre eux (plantes amies). Le principe est simple, il s’agit de recourir aux propriétés des certaines plantes pour protéger leurs voisines de certains nuisibles et favoriser leur croissance. L’association de certaines espèces végétales permet d’obtenir de bonnes récoltes et d’avoir un beau jardin ou un potager gourmand, tout en aidant le jardinier à éviter l’emploi d’engrais chimiques et de pesticides. C’est le cas, par exemple, des plantes aromatiques (menthe, lavande, sauge…) qui font la plupart du temps fuir les insectes, grâce à leur forte odeur. C’est ici qu’intervient encore le mot résilience. On parle de résilience dans un écosystème quand la nature a surmonté un problème et est revenue à un état stable sans l’intervention humaine. Le compagnonnage au potager vous permet d’avoir des plantes en meilleure santé puisqu’elles sont protégées des nuisibles et des maladies. Leur croissance est stimulée, leur développement La coccinelle et sa larve dévorent chaque jour et leur résistance sont des dizaines de pucerons. 67
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améliorés. Ainsi une jeune salade qui craint le soleil appréciera l’ombre de plantes voisines. Si vous voulez attirer et conserver des assistants au jardin, il faut les nourrir en permanence. Par exemple, les coccinelles ne s’installeront dans votre jardin que si elles ont régulièrement du puceron au menu chaque jour. Une seule larve de coccinelle peut engloutir 200 pucerons en une journée. N’oublions pas que comme les humains, les plantes entretiennent des sympathies ou des antipathies avec certaines de leurs congénères. Elles sont capables de communiquer entre elles par l’intermédiaire d’un nombre incalculable de messagers chimiques, dont on découvre tous les jours de nouvelles applications. Si certaines supportent la cohabitation et le confinement (un autre mot devenu à la mode ces derniers temps), d’autres sont parfaitement asociales. C’est le moment d’installer dans votre jardin des œillets d’Inde. Cette astéracée, originaire du Mexique (comme son nom ne l’indique pas), a longtemps illuminé les jardinières des pierres tombales, avant de trouver un rôle utile au jardin en compagnonnage. Son odeur âcre et déplaisante est due au thiophène, une molécule que l’on rajoute au gaz naturel pour mieux le détecter en cas de fuite. C’est le thiophène qui attire les syrphes ou les papillons mais repousse les pucerons et les aleurodes. L’œillet d’Inde inhibe aussi la croissance des plantes envahissantes comme le liseron ou le chiendent. Petit bémol : les limaces et les escargots en raffolent ! LE SYRPHE CEINTURÉ, UN AUXILIAIRE DU JARDINIER Le syrphe ceinturé est souvent confondu avec les guêpes, les bourdons ou les abeilles, dont il porte la tenue de bagnard rayée jaune et noir. Cette mouche vole aussi vite que ces derniers et elle est capable de faire du sur-place au-dessus d’une fleur et de changer brusquement de direction. Cette petite mouche apparaît dès les premiers beaux jours et ce sont ses larves qui intéressent le jardinier. Ces dernières, qui ressemblent à de petites limaces, sont de redoutables carnassiers qui consomment du printemps à l’automne toutes sortes de pucerons, notamment ceux que les coccinelles délaissent, comme le puceron cendré du chou. Quinze jours après l’éclosion, la larve atteint le stade nymphal, elle aura alors consommé 500 à 700 pucerons. L’adulte émerge au bout de deux semaines et se nourrit de pollen et de nectar, participant ainsi actiLe syrphe ceinturé et sa larve. vement à la pollinisation. Gardez en mémoire que de la biodiversité, naît l’équilibre !
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Nous vous livrons ici quelques associations judicieuses : • les œillets d’Inde, les pétunias et les soucis, plantés en bordure de potager, permettent de repousser les insectes nuisibles et les larves parasites qui pourraient s’attaquer aux plantes potagères comme les pommes de terre, les tomates, les asperges, les haricots ou les choux ; • les capucines et les centranthes attirent les pucerons et les chenilles. C’est le leurre idéal pour protéger les cultures de tomates, de courgettes, de choux ou de radis. Une fois parasitées et dévorées, il suffit de les arracher et de les composter ; • la bourrache plantée en bordure du potager, attire les insectes pollinisateurs et éloigne les limaces et les escargots ; • la lavande favorise la présence des insectes pollinisateurs, et repousse les pucerons ;
Les œillets dʻInde protègent les tomates, les poireaux ou les choux. 69
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• le basilic est connu pour repousser les moustiques mais il éloigne aussi les pucerons. N’hésitez pas à le planter avec les tomates, les aubergines, les poivrons ou les piments ; • la sauge est efficace pour éloigner les chenilles et en particulier, la chenille de la piéride du chou ; • le cerfeuil repousse les limaces ; • l’aneth est aussi une bonne plante compagne. Son odeur repousse les insectes indésirables comme les teignes et les chenilles des concombres et carottes ; • l’ail quant à lui est un insecticide, il éloigne donc les insectes ravageurs et s’accorde bien avec les laitues, les feuilles de chêne, les fraises, les tomates ou les carottes. Attention néanmoins de ne jamais le planter près des Légumineuses comme les haricots, les fèves ou les pois ! Voici quelques combinaisons à privilégier au potager : • les haricots apprécient la proximité des choux, des carottes, des concombres, des pommes de terre et du maïs (ils poussent sur les tiges de maïs, vous épargnant ainsi la mise en place d’une treille), mais pas celle de l’ail, de l’oignon, des poireaux et surtout des tomates ; • les pommes de terre apprécient la compagnie des choux, des haricots, du maïs et des pois, mais pas celle des concombres ni celle des tomates ; • la laitue est l’amie des betteraves, des carottes, des choux, des concombres et des radis, mais pas du persil ; • les poireaux apprécient les carottes, les épinards et les tomates. Évitez de les placer près des pois et des haricots ; • les tomates peuvent être associées au basilic, aux carottes, au céleri, aux oignons, aux piments, aux poireaux ou au persil (qui stimule leur croissance). En revanche, écartez-les des betteraves, du maïs, des pommes de terre Pour toi cʼest la fin et des haricots. des haricots !
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La permaculture : mode d’emploi
La permaculture est à la mode et c’est une méthode (certains n’hésitent pas à parler de philosophie) ne requiert que du bon sens. C’est peut-être ce qui la rend si difficile à définir. C’est une « boîte à outils » qui permet d’utiliser les principes d’un écosystème naturel, pour recréer un écosystème productif qui tend vers l’autonomie. En prenant la nature comme modèle, votre jardin évolue vers un modèle plus productif, plus résilient, plus économe en énergie, en travail, et surtout, plus respectueux de la biodiversité. Elle repose sur trois principes éthiques qui sont parfois loin des préoccupations de notre modèle libéral : • prendre soin de la planète, • prendre soin des hommes, • produire et partager équitablement. Le but d’un potager en permaculture est de produire des fruits et légumes sains et nutritifs tout en prenant soin de la nature et de l’écosystème. Une des techniques phares en permaculture qui tranche avec le jardinage traditionnel, qui laisse la terre à nu, est l’utilisation de paillage aussi appelé mulch pour couvrir le sol comme nous l’avons déjà vu. Cela sert notamment à protéger le sol, à conserver son humidité et bien sûr, à nourrir la vie du sol.
Mais enfin ! Couvrez-nous ! On a froid ! On ne laisse jamais le sol à nu. 71
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Dans un potager en permaculture, le support de culture qui va accueillir vos plantations joue un rôle prépondérant dans la réussite de celui-ci. Une bonne structure du sol se compose d’une grande population de vers de terre, de micro-organismes, de bactéries, de champignons, et d’insectes bénéfiques. Faire son propre compost est un autre élément important dans un jardin en permaculture où « tout déchet » doit être pensé comme « une ressource inexploitée » ! Les déchets du jardin seront utilisés pour le compostage, qui à son tour servira à l’amendement du sol. Quand on a pris l’habitude d’obtenir ce qu’on désire en deux ou trois clics, où tout doit aller toujours plus vite, la permaculture est un bon moyen de nous faire vivre au rythme de la nature. Un arbre fruitier aura généralement besoin de 10 à 15 ans avant de produire des récoltes significatives. Il est donc obligatoire de changer son rapport au temps ! Un jardin en permaculture permet d’améliorer notre environnement (favoriser la biodiversité, créer des habitats pour la faune, enrichir le sol…). En plus de vous nourrir, le jardin en permaculture peut servir à la production de plantes médicinales et aromatiques, de plantes ornementales, ou d’espèces mellifères pour les insectes pollinisateurs. Le meilleur conseil est d’expérimenter cette technique sur une petite surface d’une dizaine de mètres carrés. La première étape consistera à respecter la vie du sol en le protégeant pour garder l’humidité et nourrir la vie qu’il abrite. Cette précieuse vie du sol (bactéries, champignons, vers de terre, cloportes, nématodes, collemboles, acariens…) contribue à rendre le sol plus fertile d’année en année grâce à la décomposition de la matière organique et à sa transformation en humus. Ensuite, il faudra choisir le meilleur support de culture pour réussir sa propre permaculture. En effet, votre support de culture devra être adapté à votre lieu et à vous. Si votre sol ne retient pas l’eau (sol sableux), cela risque de poser des problèmes et il faudra analyser votre sol comme on vous le propose (voir chapitre consacré précédemment). Aucune recette n’est magique et votre support de culture devra être corrigé graduellement sur plusieurs années. De nombreuses solutions s’offrent à vous comme la culture en butte, la culture en lasagne ou la culture en plate-bande surélevée que nous avons choisies de décrire. Nous irons « droit aux buttes » !
La culture en butte ou Hugelkulture, popularisée par le permaculteur autrichien Sepp Holzer avec du bois en décomposition enfoui dans les buttes, présente de nombreux avantages ; elle reproduit le cycle des éléments nutritifs comme le carbone et l’azote dans une forêt où vous 72
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n’avez jamais vu un jardinier... Pour simplifier et aller « droit aux buttes », on récupère des morceaux de bois, que l’on recouvre de matières végétales compostables et on fabrique ainsi un monticule recouvert de terre (Hugelkulture pour culture en colline). Cela permet d’équilibrer les apports azotés et carbonés, d’enrichir le sol au fil des années et d’avoir des récoltes prolifiques pendant 5 à 10 ans, sans avoir besoin de consommer beaucoup d’eau. On dépose des rondins, des branches, des brindilles, des coupes d’élagages, sur une hauteur de 30 à 60 cm, soit sur le sol soit dans une tranchée creusée. La cellulose du bois, en se décomposant lentement, fabriquera un humus riche en carbone, fertile et durable. La butte ne doit pas dépasser 1,2 m de large pour pouvoir y intervenir facilement. On peut lui donner la forme que l’on veut, en I, en L, en O, en U. Il faudra adapter les cultures sur l’un ou l’autre des versants selon l’exposition au soleil. Il vaut mieux planter les salades à l’Est.
La culture en butte, en mode 3D. On couvre ces matériaux ligneux avec des matières végétales qui compostent assez rapidement, comme les paillis verts, les tontes d’herbe, des déchets organiques de cuisine, de la paille, des résidus de taille d’arbre ou des BRF (Bois Raméal Fragmenté). Et on compacte pour combler les poches vides afin de favoriser la rétention d’eau. L’apport de tonte de gazon, donc d’azote, accélère le travail de décomposition du bois. 73
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On rajoute ensuite une fine couche de compost sur la pile pour l’inoculer avec des micro-organismes (champignons, bactéries, nématodes…) et pour permettre à l’ensemble du processus biologique de compostage de démarrer. Il reste à couvrir l’ensemble du monticule d’une couche de terre et à semer vos graines ou planter vos potées sur cette butte. N’oubliez pas de couvrir avec le paillis végétal. On peut maintenir et renforcer les bords de la butte avec des planches. Le sol ne doit jamais être retourné mais aéré à l’aide d’une fourche ou d’une grelinette. Les bactéries et les champignons font le reste du travail. Les planches de bois doivent être remplacées plus ou moins régulièrement en fonction de l’essence choisie. Recouvrez de paille ou de BRF, les allées autour de la butte, cela évite au sol de se dessécher. Vous pouvez placer des dalles en pierre pour faciliter l’accès aux buttes. Cette technique permet une bonne rétention de l’eau, donc une économie d’arrosage. La surface cultivée est plus étendue par rapport à une surface plane, et le sol se réchauffe plus vite au printemps. Les associations de culture diminuent les risques de maladies ou d’attaques par des nuisibles, et vous reposez votre dos et vos genoux en évitant de trop vous baisser. Attention cependant si vous êtes en climat méditerranéen, la butte exposée au vent et au soleil va favoriser l’évaporation de l’eau. Il convient de choisir une autre technique au risque de devoir apporter de l’eau en permanence. Le lit de lasagnes ou l’éloge de la paresse
Vous avez un sol particulièrement difficile, argileux, humide, sablonneux ou plein de pierres et vous aimeriez cultiver des tomates ? Alors suivez ce conseil : pratiquez la culture en lasagnes (ou lasagne-bed) ! Cette technique simple et efficace, est de plus en plus utilisée. De la même façon que pour préparer des lasagnes en cuisine, le jardinier dépose une superposition de couches sèches (apportant du carbone) et de couches vertes (apportant de l’azote) qui vont se dégrader au fil du temps et nourrir les plants. Ce « mille-feuille » naturel, forme ainsi un milieu riche et hyper productif. Pour finir, le jardinier recouvre par une couche de compost, puis de terreau où il peut effectuer immédiatement ses plantations sans aucun besoin de labourer le sol, ni de le désherber. Cette pratique est applicable hors-sol, sur une terrasse, dans une cour d’immeuble, sur du bitume ou même sur un toit. Pour commencer, choisissez 74
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un emplacement bien plat, ensoleillé et abrité des vents dominants. Posez des cartons à même le sol, en quinconce, en les faisant se chevaucher légèrement pour ne pas créer de vide entre-deux. La surface en carton devra être légèrement supérieure à celle du futur potager. Disposez ensuite une couche généreuse de papier journal.
Terreau Compost Déchets verts et tontes Feuilles mortes et paille Tontes fraîches Journaux Cartons d’emballage La lasagne en mode « éclaté ». Vous arrosez copieusement, puis vous recouvrez d’une épaisseur de tonte fraîche. Vous disposez ensuite par-dessus des feuilles mortes mélangées à de la paille. Ajoutez une couche de déchets de cuisine, de tailles de haie ou de désherbage. On recouvre ensuite de compost pour ensemencer et pour finir, d’une couche de terre végétale ou de terreau et on arrose encore finement et abondamment. La fermentation des matériaux organiques dégage de la chaleur comme dans un composteur. Vous pouvez effectuer immédiatement vos plantations sur ce « mille-feuille » organique. Vous avez créé le substrat d’un mini potager hyper productif sur un espace minimum. Il va accueillir des légumes gourmands en matière organique comme les tomates, les aubergines, les courgettes, mais aussi les choux ou les salades. Le seul risque de ce type de potager humide, c’est d’attirer les limaces et les escargots. N’oubliez pas de pailler votre lasagne. 75
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La lasagne reconstituée en mode 3D. La culture en mode lasagne est un excellent moyen de recycler les déchets au jardin. Cette technique a la forêt pour modèle, où seul le sanglier s’épuise à remuer le sol ! Depuis plus de trois cents millions d’années, les forêts fabriquent de l’humus sans aucun traitement chimique et apparemment sans se fatiguer à la tâche. Ces méthodes décrites ici participent de la philosophie du « non-faire » définie par Masanobu Fukuoka, un des pères fondateurs de la permaculture. Le potager surélevé
C’est encore une façon de reproduire ce qui se passe en forêt mais dans un bac. Le sol forestier retient l’humidité tout en restant fertile. On peut remplir le fond d’un bac de 80 cm de haut (carré ou rectangulaire), de petites bûches ou de branches pourries, elles serviront de nutriments à long terme en se décomposant lentement. On superpose une couche de déchets verts riches en azote (tonte de pelouse, feuilles, tailles de haies, mottes d’herbe, déchets de cuisine…). On rajoute une couche de compost et on recouvre d’une dernière couche de terre. N’hésitez pas à faire dépasser le niveau des planches en remplissant de terre car au bout d’une saison, le niveau se sera tassé. Vous disposez d’un système de culture résilient pour vos légumes. Leurs racines vont pouvoir s’infiltrer à travers les couches et y trouver une réserve d’eau au niveau du bois en décomposition. Autre avantage, vous n’avez plus besoin de vous baisser pour travailler ce type de jardin en permaculture. N’oubliez pas le paillage ! 76
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Le potager surélevé soulage le dos.
AUX ORIGINES DE LA PERMACULTURE Bill Mollison, David Holmgren et Masanobu Fukuoka sont à l’origine du concept de permaculture ou « culture permanente ». Cette pratique de culture vertueuse, vise à imiter ce qui se passe dans la nature tout en la respectant. On réduit les déchets tout en remplaçant tout pesticide par des contrôles naturels.
Bill Mollison et David Holmgren sont deux scientifiques australiens qui ont mis en avant cette technologie éthique, qui protège la biodiversité et favorise les ressources renouvelables. C’est un moyen de prendre en charge la responsabilité de notre propre vie et de son interaction avec l’environnement. Masanobu Fukuoka, était un microbiologiste japonais qui toute sa vie s’est impliqué dans l’agriculture naturelle. Sa philosophie consiste à imiter et laisser faire la nature en limitant l’intervention humaine. Selon lui, limiter le coût et l’effort, doit permettre de vendre fruits et légumes meilleur marché. On le considère également comme le père fondateur de la permaculture et de la philosophie du « non-faire ». Avis aux accros de la tondeuse GTI, passez vite votre chemin !
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Vous êtes maintenant prêts à vous lancer dans l’aventure du jardinier et du jardinage responsable. Dans votre jardin, il y aura de l’harmonie et une sorte d’opulence teintée de générosité et de fantaisie. N’oubliez pas que la limite du jardinier, c’est le jardinier lui-même ! Alors faites résonner binettes et grelinettes pour jardiner autrement !
Vous êtes maintenant prêts pour le jardinage !
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Du même
auteur
ISBN : 978-2-7598-1093-2 ISBN : 978-2-7598-0838-0
ISBN : 9782-7598-176 1-0
1-7 2-7598-193 ISBN : 978ISBN : 9782-7598-220 7-2