Beatus Rhenanus (1485-1547) et une réforme de l’Eglise : engagement et changement French; German; English: Actes du colloque international tenu à Strasbourg et à Sélestat les 5 et 6 juin 2015 9782503579191, 2503579191

En 2014 un texte de Martin Luther (le De libertate christiana, 1520) portant des corrections manuscrites de Luther lui-m

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Beatus Rhenanus (1485-1547) et une réforme de l’Eglise : engagement et changement French; German; English: Actes du colloque international tenu à Strasbourg et à Sélestat les 5 et 6 juin 2015
 9782503579191, 2503579191

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BEATUS RHENANUS (1485-1547) ET UNE REFORME DE L’EGLISE : ENGAGEMENT ET CHANGEMENT

STVDIA HVMANITATIS RHENANA, 4 Série fondée par François Heim et James Hirstein en 1999 Dirigée par J. Hirstein

BEATUS RHENANUS (1485-1547) ET UNE REFORME DE L’EGLISE : ENGAGEMENT ET CHANGEMENT Actes du colloque international tenu à Strasbourg et à Sélestat du 5 au 6 juin 2015

édités par James Hirstein

F

FHG

2018 (Turnhout ––Brepols) (Turnhout Belgium) ©©2013 All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher. without the prior permission of the publisher. ISBN 978-2-503-51358-4 978-2-503-57919-1 ISBN e-ISBN 978-2-503-57920-7 D/2013/0095/272 D/2018/0095/29 10.1484/M.SHR-EB.5.114846 Printed on acid-free paper

Remerciements Ce volume voit le jour grâce à un colloque international intitulé « Beatus Rhenanus de Sélestat (1485-1547) et une réforme de l’Eglise : engagement et changement1 ». Il a eu lieu le 5 juin 2015 à Strasbourg (au Palais Universitaire, salle Pasteur) et le 6 juin 2015 à Sélestat (Agence Culturelle d’Alsace). Le colloque a bénéficié de trois soutiens majeurs tant moraux que financiers : l’Université de Strasbourg, la Ville de Sélestat et la Société des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat. A l’ouverture du colloque ces institutions étaient ainsi représentées : l’Université de Strasbourg : - Monsieur Alain Beretz, président de l’Université ; - Messieurs Laurent Pernot et Yves Lehmann, directeurs du groupe de recherche le CARRA (Centre d’Analyse des Rhétoriques Religieuses de l’Antiquité, EA 3094) ; - Messieurs Christian Grappe, directeur, et Matthieu Arnold, du groupe de recherche le GRENEP (Groupe de recherches sur les Non-conformismes religieux des XVIe et XVIIe siècles et l’Histoire des Protestantismes, EA 4378, Théologie Protestante) ; - Monsieur Frédéric Chapot, doyen de la Faculté des Lettres ; la Ville de Sélestat : - Monsieur Marcel Bauer, Maire de Sélestat, Vice-Président du Conseil Départemental du Bas-Rhin et la Société des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat : - Monsieur Gabriel Braeuner, président de la Société des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat.

1 Pour un bref résumé et des images du colloque, voir James Hirstein, « Le colloque ‘Beatus Rhenanus de Sélestat (1485-1547) et une réforme de l’Eglise : engagement et changement’ : remarques et résultats », Annuaire des amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat 65 (2015), p. 38-40.

II

Remerciements

Outre ces trois soutiens majeurs, le colloque a bénéficié de l’aide de la Région Alsace, du Conseil Régional d’Alsace et de la Communauté Urbaine de Strasbourg. Monsieur Matthieu Arnold a aidé à organiser le colloque sur le plan scientifique. Monsieur Roland Faber, trésorier de la Société des Amis de la Bibliothèque humaniste de Sélestat a facilité l’organisation matérielle grâce à son efficacité et sa disponibilité. Ce volume paraît également grâce au travail de Madame Sylvie Rivière, qui a fait la mise en page du texte et l’a relu également. Sa compréhension de la nature d’un tel volume et sa patience devant son élaboration ont grandement facilité cette parution. Madame Rivière avait aidé Monsieur François Heim et nous-même à préparer le premier volume de notre Série Studia humanitatis rhenana qui a paru en 2000. A toutes les institutions, à tous leurs représentants et aussi à ceux qui ont œuvré en coulisse nous exprimons nos remerciements profonds et sincères. James Hirstein Editeur scientifique

Avant-Propos Sur le titre du volume Nous voudrions faire une remarque sur le titre de ce volume : « Beatus Rhenanus et une réforme de l’Eglise : engagement et changement ». Elle tombe sans doute sous le sens, mais il est néanmoins important de la faire. Si nous voulons saisir sur le vif la pensée des hommes de cette époque, nous devons essayer très humblement de nous mettre à leur place. Ils ne pouvaient s’imaginer que ce qu’on appelle communément aujourd’hui « La Réforme » commençait. Ils savaient seulement qu’ils souhaitaient vivement une réforme de l’Eglise et que les efforts déployés en ce sens devenaient plus urgents, plus vigoureux. Lorsque nous parlons de « La Réforme » en traitant les contributions de ses premiers participants, nous fabriquons une fausse et trompeuse certitude qui masque les nombreux doutes et interrogations des protagonistes, la grande fébrilité qui les animait et la forte diversité des approches qu’ils envisageaient pour obtenir une réforme. Nous devons penser aux luttes intérieures et combats extérieurs que ces hommes durent mener. Le nom de Martin Luther vient naturellement à l’esprit, mais il n’était pas seul. Il y avait aussi, par exemple, Andreas Bodenstein von Carlstadt, Thomas Müntzer, Balthazar Hubmaier. Et il ne faut pas mentionner seulement les plus radicaux : des hommes plus modérés, mais décidés, faisaient face aux mêmes impératifs, doutes et hésitations : Johann Geiler de Kaysersberg, Erasme de Rotterdam, Lefèvre d’Etaples, Martin Bucer, Otto Brunfels, Wolfgang Capito, Huldrych Zwingli, Beatus Rhenanus. Beaucoup de voies vers une réforme étaient empruntées. Si nous voulons apprécier et évaluer la pensée de ces hommes, il nous faut saisir et imaginer leurs conditions de vie intellectuelle. Le titre du colloque « Beatus Rhenanus et une réforme de l’Eglise » et la pensée qui a guidé cette formulation sont un effort pour ouvrir le large champ des pensées très diverses qui existaient et pour laisser un lieu d’expression à la peur et au doute qu’il y avait pour beaucoup d’hommes à ce moment-là devant la tâche à accomplir. Les choses étaient loin d’être aussi tranchées que nous aimons à croire et nous devrions suspendre notre jugement jusqu’à ce que nous saisissions bien le contexte, les personnalités et les enjeux.

Avant-propos

IV

Quant au sous-titre : « engagement et changement », sa conception relève aussi du désir de saisir les motivations profondes des individus de cette époque et la complexité des pensées, des prises de position et des lignes de force, l’accent étant mis surtout sur les motivations et la pensée de Beatus Rhenanus. Sur le contenu du volume Lorsque nous avons demandé aux autres spécialistes et collaborateurs de participer au colloque et au volume, nous avons essayé d’obtenir autant de compétences et de points de vue que possibles sur l’époque et sur les hommes. Nous n’avons pas privilégié une seule vision ou interprétation des faits connus (une interprétation « protestante », « catholique », « agnostique » ou autre). Nous avons par-dessus tout voulu encourager de nouvelles recherches avec la découverte de nouveaux éléments et susciter de nouvelles interprétations des faits. Ces buts acceptés, chacun devait défendre au mieux et de manière scientifique son point de vue. Devant le manque de renseignements sur Beatus Rhenanus et son époque, nous avons encouragé tout effort visant à fournir une image plus complète, mieux fondée sur les recherches. Aucune pression n’a été exercée sur les participants ou sur la manière dont ils se sont exprimés dans ces pages. Les travaux du colloque levés, ceux qui avaient le temps et la possibilité pouvaient faire des contributions plus étendues que ce qu’ils n’avaient présenté au public en juin 2015. Il en résulte que certaines interventions sont plus longues que d’autres. En tant qu’éditeur scientifique du volume tout entier et aussi participant actif au colloque, nous avons fait des contributions qui répondent parfois aux questions posées, aux difficultés soulevées durant le colloque ou dans les interventions du volume. Cela nous a permis d’avoir, dans l’espace bref et délimité du volume, le « dernier mot ». C’est un privilège dont jouit l’éditeur. Il va néanmoins de soi que les opinions que nous exprimons dans l’introduction et dans les interventions n° 1 et n° 10 sont entièrement les nôtres et n’engagent que nous et non les autres participants au volume. James Hirstein Editeur scientifique Strasbourg et Ribeauvillé, 20 novembre 2017

* INTRODUCTION Un nouveau visage de Beatus Rhenanus, partisan d’une réforme de l’Eglise James Hirstein

[1] Contemporain de Martin Luther (1483-1546), Beatus Rhenanus (1485-1547) était un homme de lettres très respecté et écouté. Ayant commencé tôt dans les imprimeries les métiers de correcteur et de conseiller1, il maîtrisait parfaitement cet art de la diffusion des idées et s’intéressait aussi à leur représentation plastique2. En tant que philologue et historien, son érudition et son jugement étaient prisés et recherchés. Il peut être utile d’examiner sa pensée religieuse parce que le Sélestadien était un témoin de valeur d’une période historique charnière3. [2] Nous résumons ici ce que, pour l’essentiel, W. Teichmann écrivait en 1905 au début d’un article important sur la « Position religieuse de Beatus Rhenanus4 ». Mais l’approche de Teichmann, et celle de tous les autres chercheurs qui l’ont suivi, est faussée. En effet, dans son premier paragraphe, il déclare à deux reprises que le Sélestadien, tout en ayant de l’influence, n’avait pas joué de rôle 1 Parmi les imprimeurs qu’il a secondés, on peut mentionner à Paris Guy Marchant, Henri Estienne Ier, Wolfgang Hopyl et la Veuve de Jean Ier Du Pré ; à Strasbourg : Johann Grüninger et Matthias Schürer ; à Sélestat Lazare Schürer, à Bâle Johann Amerbach, Johann Petri, Johann Froben, Adam Petri, Andreas Cratander, Valentin Curio, Hieronymus Froben, Nicolaus Episcopius et Johann Herwagen et à Colmar Bartholomäus Grüninger. Pour les activités de Rhenanus à Bâle, voir la contribution de Sebastiani dans ce volume. 2 Voir la contribution de V. Sebastiani dans ce volume. 3 Pour le contexte général de la période, voir la contribution de Rapp dans ce volume. 4 Nous reprenons des mots du début de notre biographie de Rhenanus (à laquelle nous renvoyons le lecteur), p. vii, dans EBR, 1. Pour Teichmann, voir „Die kirchliche Haltung des Rhenanus“, p. 363.

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* James Hirstein

important dans les mouvements religieux de son temps. Cela est inexact. [3] Rhenanus n’était pas un témoin des événements de son temps, c’était un acteur qui, dans le monde de l’édition, jouait un rôle de premier plan dans ces événements. Son amour de la discrétion, pour ne pas dire du secret, et une certaine modestie ont voilé son engagement fort en faveur d’une réforme de l’Eglise5. En effet, en la personne de Rhenanus, nous avons un acteur majeur des débuts des mouvements de réforme, dans les années 1518-1522, sur la plaine rhénane et bien au-delà. On peut même soutenir que pour cette période, à Sélestat et à Bâle, il était l’un des érudits, sinon l’érudit (doctus6), le plus engagé, le plus actif dans les imprimeries qui diffusaient certes les œuvres d’Erasme, mais surtout celles de Martin Luther. Le Sélestadien se servait en particulier de l’officine d’Adam Petri. Rhenanus s’était enthousiasmé pour les écrits de Luther et avait pris fait et cause pour lui, désirant diffuser ses idées au plus grand nombre. A la fin de sa vie, de retour à sa ville natale, il ne se contenta pas non plus d’un rôle de simple témoin. Il garda toujours un certain enthousiasme pour Luther et pour une réforme, mais il chercha alors la manière de justifier cette réforme, uniquement auprès des spécialistes, en trouvant des concordances entre elle et d’autres moments dans l’histoire du christianisme. [4] Nous voudrions présenter les preuves de ces affirmations en commentant de manière critique l’article de Teichmann ainsi qu’une autre publication importante, « Beatus Rhenanus entre l’Eglise traditionnelle et la réformation » qui a été faite en 1983 par Robert Walter7. Après avoir démontré grâce à des découvertes faites dans la bibliothèque de Rhenanus ce que les spécialistes avisés savaient implicitement ou soupçonnaient déjà depuis longtemps, nous poserons à la fin de cette considération la question essentielle. [5] En effet, les chercheurs savaient que Rhenanus s’était enthousiasmé pour la pensée de Luther, sans pourtant avoir bien saisi l’étendue de cet enthousiasme ; nous disposons maintenant de plus de 5 Rhenanus devait aussi remporter l’adhésion autour de lui, jouir d’une autorité morale importante, car il semble bien qu’il a su imposer aussi à ses amis et à ses connaissances la discrétion relative à ses actions et à sa pensée. Ou bien ceux-ci ont bien voulu, par amitié ou par loyauté, détourner le regard, cf. dans ce volume, les observations de P. Walter, par. 8. 6 Pour le sens chargé que doctus peut revêtir, en particulier sous la plume de Konrad Pellikan, voir Hirstein, « Capito », p. 19, n. 2. 7 R. Walter, « Rhenanus entre l’Eglise traditionnelle et la réformation ».

* Introduction

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renseignements. Ils savaient aussi qu’il avait modéré ou tu jusqu’à un certain point son enthousiasme ; toutefois, il faut déterminer à quel degré il l’a fait. Pour poser la question de manière poétique, il s’agit du phénomène remarqué et vécu par Erasme et mis en avant par Jacques Chomarat : quel peut être le poids d’une idée dont on s’est imprégné8 ? En effet, Erasme citait souvent le vers d’Horace (Ep. 1, 2, 69-70) : Quo semel est imbuta recens seruabit odorem// testa diu … « Le parfum dont il s’est une fois imprégné quand il était neuf, le vase le gardera longtemps9 ». Puisque Rhenanus avait été un éditeur actif et diffuseur enthousiaste d’œuvres de Martin Luther, voulait-il ou pouvait-il rejeter et arrêter entièrement ces influences et ces activités ? Si la réponse est « non », il faut déterminer comment il leur donna voix. [6] Jusqu’ici, pour cerner la pensée religieuse de Beatus Rhenanus, les chercheurs, pour l’essentiel, lisaient sa correspondance, interrogeaient des témoignages d’époque, tel la biographie de Johann Sturm, ou consultaient ses éditions d’auteurs chrétiens dont le commentaire pouvait susciter de la part du Sélestadien des réflexions sur la situation contemporaine. [7] W. Teichmann, en 1905, souhaitait trancher la question de la pensée religieuse de Rhenanus, qui était âprement débattue par les chercheurs. Après avoir évoqué rapidement les témoignages de Caspar Hedio et Johann Sturm, il cite surtout de nombreux scientifiques de son temps qui tentaient de cerner la confession, la foi du Sélestadien (protestant secret, catholique convaincu ou hésitant, érasmien, contemplatif au-dessus de la mêlée, etc.)10. Il pense qu’il peut fournir une réponse satisfaisante en prenant comme source principale de son enquête l’édition de la correspondance récemment procurée (en 1886) par Adalbert Horawitz et Karl Hartfelder11. [8] Teichmann a lu attentivement les lettres. Il va jusqu’à diviser la vie de Rhenanus en trois périodes d’après leurs données. La première va des débuts jusqu’au 1er mai 1518, date de la lettre détaillée que Rhenanus reçut de Martin Bucer sur la dispute de Heidelberg du 26 avril 151812. La deuxième s’étend de cette date jusqu’à une autre 8 Chomarat, GRE, vol. 1, p. 406. 9 Chomarat, GRE, vol. 1, p. 406 ; trad. Chomarat. 10 Voir Teichmann, „Die kirchliche Haltung des Rhenanus“, p. 364-365. 11 Teichmann, p. 365. Nous désignons l’édition de Horawitz et Hartfelder par le

sigle H. 12 H, p. 106-116, Ep. 75 et Bucer, Correspondance, Rott, 1, p. 58-71, Ep. 3. Voir dans ce volume, la contribution d’Arnold, « Bucer et Luther d’après la lettre du 1er mai 1518 à Beatus Rhenanus ».

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* James Hirstein

lettre de Bucer, celle de la mi-août 1525, où celui-ci demanda à Rhenanus des explications sur des critiques qu’il fit à propos des réformateurs strasbourgeois13. La troisième et dernière période procède de cette lettre de 1525 jusqu’à la fin de la vie du Sélestadien14. [9] Dans le cadre de la première période, Teichmann a essayé de saisir le sentiment religieux chez Rhenanus15. L’idée est excellente et louable, mais l’effort est vicié par le non respect de la chronologie. La première phrase est pourtant assez prometteuse « Toutefois Beatus Rhenanus connaît quelque chose de plus élevé que la science : la religion, telle qu’il la comprenait16 ». Nous passons sur l’idée que les Italiens souhaitaient une renaissance du paganisme plus que les Allemands. Par la suite, Teichmann, en examinant les lettres rédigées à Strasbourg et à Sélestat avant 1511, mélange la pensée universitaire plutôt banale sur la première place de la théologie parmi les disciplines17 – une idée que Rhenanus exprime certes de manière marquée, mais plutôt impersonnelle – avec un sentiment religieux plus intense qui se dégage dans les lettres rédigées après le déménagement à Bâle fin juillet 1511 et la rencontre avec Johann Cuno. En effet, Cuno, le frère dominicain de Nuremberg, « professeur » de grec du Sélestadien, avait su lui révéler l’intérêt du néo-platonisme chrétien18. [10] C’est dans ce cadre que Teichmann se trompe sur son homme lorsqu’il dit que Rhenanus le laïc ne pouvait comprendre le poids des péchés chez autrui sans avoir eu la charge d’âmes et que des pensées telles que Luther connut dans le monastère devaient lui être étrangères19. D’après lui, la rédemption obtenue grâce au Christ était une vérité certes, mais sans conséquences pratiques chez Rhenanus20. 13 H, p. 348-351, Ep. 248 et Bucer, Correspondance, Rott, 2, p. 31-34, Ep. 100. 14 Teichmann, p. 365-366. 15 Teichmann, p. 369-371. 16 Ibid., p. 369. 17 Nous attribuons aux lettres citées par Teichmann leur numéro dans la nouvelle

édition de la correspondance, tout en gardant l’ordre établi par lui : EBR, 1 : Ep. 15 (1509), div. 5 (la théologie, la discipline la plus élevée et Lefèvre) ; Ep. 18 (1509), div. 12 (nom très saint de Jésus) ; Ep. 36 (1512), div. 14 (Christ le seul législateur et le livre vivant de la divine sagesse) ; Ep. 20 (1510), div. 4 (caecodaemones) ; Ep. 8 (1509), div. 2 (vanité des païens renoncée en faveur des vraies lois de la piété) ; Ep. 34 (1512), divs. 24-25 (philosophie païenne : connaissance de soi ; philosophie chrétienne : le salut) ; Ep. 13 (1509), div. 6 (ceux qui favorisent la piété chrétienne). Notons que Teichmann fait peu de cas de l’influence de Lefèvre d’Etaples. 18 Pour cette rencontre et son influence, voir Hirstein, « Rhenanus, l’homme enthousiaste », p. 15-18 et id. « Rhenanus et le néo-platonisme », p. 61-68. 19 Teichmann, p. 369. 20 Ibid.

* Introduction

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Toutes ces remarques révèlent une insensibilité devant le sentiment religieux du Sélestadien. [11] On peut les réfuter de deux manières : dire d’abord que si Teichmann décrit la vérité, pourquoi Rhenanus a-t-il entendu si bien et si fort le message de Luther ? S’il n’avait pas connu, dans la vie qui était la sienne, des inquiétudes et des angoisses similaires, comment aurait-il pu être réceptif aux mots du réformateur ? Ensuite, nos recherches dans la bibliothèque de Rhenanus ont montré qu’il se souciait beaucoup de la question de l’immortalité de l’âme, et donc de son salut personnel. [12] En effet, la découverte d’un « modèle d’impression » dans la bibliothèque de Rhenanus, c’est-à-dire d’un livre corrigé par lui pour servir de modèle à une nouvelle édition, attire l’attention sur cette inquiétude qui rongeait beaucoup d’hommes de son temps. Ce livre a permis une nouvelle édition d’une traduction de Rudolf Agricola de l’Axiochus du Pseudo-Platon chez Adam Petri à Bâle en 1518. L’édition de Petri elle-même ne contient aucune mention du nom de Rhenanus ou de la provenance du texte modèle. Mais son existence parmi les livres du Sélestadien nous apprend non seulement qu’il avait commencé à collaborer avec Petri à cette date, mais aussi qu’il s’intéressait fortement aux débats sur l’immortalité de l’âme21. [13] Après avoir fait d’autres remarques du même genre, Teichmann fait valoir que Rhenanus pouvait non seulement vivre dans l’Eglise, mais aussi la critiquer, dans la vie de Johann Geiler par exemple22. Or, bien que de telles critiques fussent chose courante23, il faut reconnaître que Geiler dut frapper l’esprit de Rhenanus24. [14] Pour ce qui est des sources utilisées par Teichmann, savoir les lettres, un paragraphe montre les faiblesses d’un examen qui se limite, ou doit se limiter – faute d’autres sources – à la seule correspondance. L’auteur de l’étude écrit, en terminant son récit de la première période, qu’il « n’y a pas de trace » dans les lettres de Rhenanus des 95 Thèses que Luther publia en octobre 151725. Dans l’état actuel de la correspondance, cette remarque semble vraie. Pourtant, si on contrôle les livres mêmes de Rhenanus, on constate que le Sélestadien 21 Voir Hirstein, « Rhenanus et le néo-platonisme », p. 75-76. Pour l’importance de la question à l’époque voir Screech, Erasmus, Ecstasy and Folly, p. 133-141. Pour Adam Petri, voir Reske, Buchdrucker, p. 65-66. 22 Teichmann, p. 370-371. 23 Voir le résumé du contexte de l’époque fait par Rapp dans ce volume. 24 Voir la contribution de Laurent Naas dans ce volume. 25 Teichmann, p. 371.

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* James Hirstein

devint propriétaire d’un exemplaire des 95 Thèses imprimé fin 1517 par Adam Petri à Bâle et cela sans doute peu après la sortie du livre26. [15] Mais on peut aller plus loin. Lorsqu’on lit dans l’étude de Hans Volz sur la diffusion des 95 Thèses que le chanoine augsbourgeois Bernhard Adelmann von Adelmannsfelden écrivit à Willibald Pirckheimer à Nuremberg le 11 janvier 1518 pour dire qu’il avait déjà reçu un exemplaire de cette édition (de Petri), imprimée, pense-t-il, à Bâle27 et qu’on a connaissance des liens qui existaient entre Petri et Rhenanus d’un côté et Rhenanus et Adelmann de l’autre, on doit se demander non seulement si ce n’est pas Rhenanus qui a envoyé le livre des 95 Thèses à Adelmann, mais également si ce n’est pas lui qui en a organisé l’impression chez Petri28 ! C’est en tout cas le premier livre que Rhenanus a choisi de faire relier dans un recueil qui contient 17 écrits latins consacrés presque entièrement à l’idée d’une réforme de l’Eglise. Les dates de publication des 17 titres vont de fin 1517 jusqu’à 1522. On peut dire alors qu’il y a bien une trace des 95 Thèses de 1517 chez Rhenanus, non pas dans la correspondance dans son état actuel, mais dans ses livres, une autre source essentielle pour la connaissance de l’homme. Nous reviendrons sur le recueil en question. [16] Teichmann caractérise la période du milieu, de 1518 à 1525, où Rhenanus avait entre 33 et 40 ans, comme un moment où le Sélestadien prit fait et cause pour le mouvement luthérien29. Il évoque, comme indiqué, les lettres reçues de Bucer30, mais aussi de Huldrych Zwingli31, d’Otto Brunfels32 et du famulus de Rhenanus, Albert Burer33, entre autres34. A propos de Zwingli, il relève notamment la lettre importante faite par Rhenanus le 6 décembre 151835. 26 Il s’agit d’un exemplaire de l’impression des Thèses « C », décrit par Volz, Thesenanschlag, p. 131-132, voir l’illustration (Abb.) 6. Voir le livre « K 809a/WJ » 1744 à la BHS. 27 Volz, Thesenanschlag, p. 132. 28 Et cela après avoir reçu un texte modèle de la part d’Adelmann, cf. dans le par. 57 ici la séquence d’actions qui a conduit à l’impression du Traité sur la liberté chrétienne chez Adam Petri en 1521. 29 Teichmann, p. 371-375. 30 Teichmann, p. 373. Voir dans ce volume la contribution de Buckwalter. 31 Teichmann, p. 374 et 377-378. Voir dans ce volume, la contribution d’Opitz. 32 Teichmann, p. 373-374. Voir dans ce volume la contribution de Meyer. 33 Teichmann, p. 374. Voir dans ce volume la contribution de Marchand. 34 Voir Teichmann, p. 374. 35 H, p. 123-124, Ep. 81 et Zwingli, Briefw., vol. 1, Egli et Finsler, p. 114-116, Ep. 49. Voir notamment dans ce volume Opitz, par. 17 ; Burckel, par. 68 n.255 et P. Walter, par. 4 et 17.

* Introduction

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[17] Un mot à ce propos. C’est probablement grâce à un accident de transmission, ou accident tout court, que nous disposons de cette lettre (sans doute Zwingli, mort précipitamment en 1531, ne fut-il pas en mesure d’accéder à la demande du Sélestadien de détruire sa correspondance). En effet, c’est l’une des lettres bien rares écrites par Rhenanus à un autre homme passionné pour une réforme, car, presque toujours, nous disposons seulement d’un « côté » de la correspondance : les lettres que Rhenanus avait reçues, et décidé de conserver, mais non pas celles qu’il avait écrites et envoyées (c’est le cas des correspondances avec Bucer, avec Burer (à une exception près), avec Brunfels, avec Paul Volz, etc.36). Il faudrait croire, chose peu vraisemblable, qu’il ne faisait pas de copies de ses propres lettres. Il est bien plus probable (et plus on analyse les vestiges, plus cela se confirme) que Rhenanus avait détruit ou fait détruire des parties importantes de sa correspondance : ses propres lettres, bien entendu, mais aussi celles qu’il avait reçues d’autrui qui pouvaient être compromettantes37. [18] Pour la période du milieu, de 1518 à 1525, bien que son approche semble objective, Teichmann se demande si, au vu de ces lettres, nous devrions faire de Rhenanus un « partisan de la Réforme » et plus tard, à plus forte raison, un « membre secret du parti évangéliste38 ». La réponse à cette question posée pour la forme est « non ». Ce fut simplement un moment où la cause de Luther et de la religion avaient gagné le cœur et l’esprit de l’homme39. Teichmann fait valoir que les hommes prenaient graduellement connaissance de la pensée et de la personnalité de Luther ; les articles et les conditions de la foi ne furent pas arrêtés d’un seul coup40. Ils ne pouvaient pas savoir que « là où ils s’arrêtaient (dans leurs efforts en vue d’une réforme), Luther ne faisait que commencer, que lui ne se battait pas contre des excès particuliers, mais contre le système lui-même qui les avait enfantés41 ». [19] Teichmann met de nouveau en avant les critiques formulées par Rhenanus dans la vie de Geiler de Kayserberg de 1510 pour 36 Pour les trois premiers, voir les contributions d’Opitz, de Marchand et de

Meyer dans ce volume. Pour ce qui est de l’abbé Paul Volz, voir Raguenel, Volz et Rhenanus. Et encore, pour des états curieux des correspondances de Rhenanus, voir les observations de Walter, Anthologie, p. 266-267. 37 Cf. nos remarques dans l’« Introduction » aux EBR, 1, p. XLII-XLIV. 38 Teichmann, p. 374-375 : „Dürfen wir ihn deshalb als Anhänger der Reformation und für die spätere Zeit als heimlichen Evangelischen bezeichnen?“. 39 Teichmann, p. 375-380. 40 Teichmann, p. 375-376. 41 Teichmann, p. 376.

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rappeler que bien d’autres reprochaient leurs abus à certains religieux42. En effet, l’auteur nomme d’autres « Reformfreunde » (« amis de réforme ») : Geiler, Sebastian Brant, Jakob Wimpfeling et évoque aussi certains membres de la « Société littéraire » de Sélestat43. Il fait valoir que le Sélestadien avait les liens les plus étroits avec de tels hommes. Il est très frappant que parmi les contemporains que Rhenanus fréquentait à cette époque, Teichmann évoque somme toute assez peu Erasme44. Et pourtant, pour Teichmann, ce sont des « Reformkatholiken » (des « catholiques réformateurs ») et les véritables amis du Sélestadien45. [20] Or ce raisonnement laisse à désirer. Une évidence d’abord : 1510 n’est pas 1517, ou 1521. Ensuite, Rhenanus avait beaucoup d’autres amis, non de la génération précédente comme Geiler, Brant et Wimpfeling, mais de sa propre génération, comme par exemple (pour fournir un échantillon assez équilibré) : Jakob Spiegel, Martin Bucer, Otto Brunfels, Boniface Amerbach, Huldrych Zwingli, Johann Sapidus, Michael Hummelberg, etc., parmi lesquels se trouvaient des hommes qui étaient bien plus engagés en faveur d’une réforme que des « amis de réforme » ; Bucer et Brunfels, par exemple, fuiront leurs monastères à leurs risques et périls46. [21] Pour ce qui est de la troisième et dernière période, Teichmann met en avant que d’après la lettre que Bucer fit à Rhenanus en 1525 le Sélestadien a retrouvé ses vrais centres d’intérêt, qui ont repris le dessus : « der Humanist, der Philologe wieder die Oberhand gewonnen hat » (‘l’humaniste, le philologue ont de nouveau pris le dessus’)47. Cette remarque suscite l’étonnement, car on peut citer pour mémoire des humanistes et des philologues (c’est essentiellement la même chose) qui restèrent dans les mouvements de réforme : le nom de Philipp Melanchthon vient d’abord à l’esprit ! A cette époque Rhenanus demande de plus en plus la tenue d’un concile pour régler les différends48. Pour Teichmann, le Sélestadien est aussi un « catholique réformateur49 ». Mais un catholique réformateur qui peut dialoguer,

42 Teichmann, p. 371 et 375-376. 43 Teichmann, p. 376. 44 Il le traite assez brièvement, p. 368-369. 45 Teichmann, p. 376. 46 Voir la contribution de Meyer dans ce volume. 47 Teichmann, p. 380. 48 Teichmann, p. 380. 49 Ibid.

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travailler sur le plan scientifique avec des luthériens50. En effet, l’auteur constate que même si Rhenanus modifie sa pensée religieuse, il maintient le contact avec des amis qui sont restés dans les mouvements. Sans véritablement défendre son point de vue, Teichmann trouve que dans la dernière période Rhenanus montre qu’il était un catholique réformateur, tout comme ses véritables amis51. Mais même si les termes « heimlicher Protestant » (p. 364) et « Anhänger der Reformation und für die spätere Zeit als heimlichen Evangelischen » (p. 375) ne semblent pas beaux, comme s’il y avait quelque chose de honteux qu’il fallait cacher, il faut néanmoins envisager la possibilité qu’ils expriment : vivre en « protestant secret », tout comme vivre en « catholique réformateur » entouré d’amis de pensée similaire. [22] Nous ne voulons pas, au moment où nous écrivons, contester la conclusion plutôt hâtive que tire Teichmann. Peut-être le Sélestadien est-il mort en tant que « catholique réformateur » ; il reste beaucoup de recherches à faire pour répondre à la question. En revanche, nous pouvons mieux définir l’homme Rhenanus et les activités qu’il avait entreprises en faveur d’une réforme afin de voir ce qu’il pouvait être ou devenir. [23] La conclusion tirée par Teichmann peut s’expliquer en partie par l’idée même qu’il se faisait de Rhenanus. Le Sélestadien lui était connu surtout en tant que « philologue classique et écrivain historique » (« klassischer Philologe und historischer Schriftsteller52 »). Mais si, dès le début, il avait pensé que Rhenanus était un « éditeur actif et un diffuseur enthousiaste des écrits d’Erasme et surtout de Luther », il aurait sans doute interprété les lettres différemment. [24] L’approche de Teichmann ne nous semble pas objective. Ses croyances personnelles ont-elles pu jouer un rôle dans son interprétation de la correspondance ? La religion est l’une des plus hautes formes d’expression de valeurs. Quant à nous, nous voulons éviter un parti pris religieux ou même en faveur de l’homme qu’était Rhenanus. Nous ne faisons pas de lui un « saint ». Il se peut que les études de ce volume offrent de lui une image parfois négative. Son attitude auprès d’hommes qu’il a peut-être encouragés à suivre la voie de la radicalisation ou qu’il n’a pas détournés de cette voie (Bucer53, Brunfels54 et 50 Teichmann, p. 381. 51 Teichmann, p. 380-381. 52 Teichmann, p. 363. 53 Voir les études d’Arnold et de Buckwalter dans ce volume. 54 Voir l’étude de Meyer dans ce volume.

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Burer55, par exemple) peut être critiquée. Son comportement vis-à-vis d’Ulrich von Hutten56, qu’il a d’abord honoré, puis ignoré pour le laisser à son sort, ne lui fait pas nécessairement honneur. La question de savoir s’il était un « nicodémite », un « protestant secret » peut aussi se poser57. [25] Pourtant, nous pensons que le service le plus grand que l’on puisse rendre à un personnage du passé est de faire une évaluation objective, mais aussi compréhensive, de sa vie et de son œuvre. Souvent les hommes ne disposent pas de beaucoup de choix dans leurs actions ; ils doivent se réaliser dans les conditions qui sont les leurs. [26] En 1983, Robert Walter (1906-2005) a publié une étude assez similaire à celle de Teichmann, dont de fait il s’inspire58. Walter met aussi en avant l’utilité des lettres du Sélestadien pour comprendre sa pensée religieuse. Pour lui, cette pensée « n’apparaît vraiment que dans sa correspondance59 ». Dans un sens, cette approche allait de soi, puisque Walter mettait en place le projet de la réédition des lettres de Rhenanus. Il voulait en effet renouveler le travail de Horawitz et de Hartfelder, en trouvant de nouvelles lettres et en traduisant et commentant plus en détail les anciennes, ce que les premiers éditeurs n’avaient pas fait. Walter cherchait, à juste titre, à attirer l’attention sur la valeur indéniable de la correspondance. Il l’a fait surtout grâce à la publication de sa thèse60. D’après lui, la biographie de Johann Sturm, publiée en 1551, « ne nous offre, en ce domaine, que quelques brèves affirmations61 ». Après avoir évoqué d’autres sources, qui ne sont pas pertinentes pour connaître la pensée de Rhenanus sur la religion, Walter revient sur la valeur de la correspondance « si incomplète soit-elle62 ». Toutefois, il ne tire pas toutes les conclusions qui s’imposent, étant donné son caractère incomplet. 55 Voir l’étude de Marchand dans ce volume. 56 Voir la contribution de Samuel-Scheyder dans ce volume. 57 Voir plus loin et notre contribution sur l’« homme Rhenanus » dans ces pages. 58 Pour Robert Walter, voir Meyer, « Robert Walter, l’ami de Beatus Rhenanus ».

Walter, « Rhenanus entre l’Eglise traditionnelle et la réformation », p. 100, suit de près Teichmann, „Die kirchliche Haltung des Rhenanus“, p. 371. Walter le cite, p. 102 et 107, etc. 59 Walter, « Rhenanus entre l’Eglise traditionnelle et la réformation », p. 97. 60 Voir Walter, Robert, Thèse, où il traite dix-huit lettres choisies. Ce travail fut publié sous une forme abrégée : Walter, Robert, Anthologie. Pour ces travaux et pour le projet de la correspondance, voir Hirstein, « Nouvelle lettre », p. 457-469. 61 Nous ne sommes pas d’accord avec lui, voir notre première contribution dans ce volume. 62 Walter, « Rhenanus entre l’Eglise traditionnelle et la réformation », p. 97.

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[27] Robert Walter a bien mérité de Beatus Rhenanus en faisant sa thèse et en mettant en place le projet de la réédition. Nous avons hérité de ce projet, mais en tentant de le mener à bien nous avons laissé une place pour l’investigation, l’exploitation des livres mêmes de Rhenanus conservés principalement à la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, car nous avons vu déjà qu’ils pouvaient être plus révélateurs qu’une correspondance tronquée et éclairer celle-ci de nombreuses manières63. [28] L’article de Robert Walter sur la pensée religieuse souffre des mêmes défauts que celui de Teichmann, mais des différences importantes existent. Walter ne renferme pas Rhenanus dans les limites de sa propre pensée ou de ses croyances personnelles ; il recherche habituellement l’objectivité et l’ouverture dans son traitement des données. [29] A la différence de Teichmann, Walter établit quatre périodes dans la vie de Rhenanus : une période de formation, à Sélestat et à Paris, de 1493 environ à 1507, soit de 8 à 22 ans ; une période de critique, de plus en plus virulente, de l’Eglise traditionnelle, appuyée bientôt sur un enthousiasme militant pour la Réforme, entre 1507 et 1522, soit de 22 à 37 ans ; une période de rupture, entre 1522 et 1525 ; enfin une période de repli sur la science et de retour à la tradition, mais qui n’implique nullement l’indifférence aux événements religieux de son temps64.

En insérant une période de plus par rapport à Teichmann, Walter essaie de déterminer le moment, vers 1522 selon lui, où Rhenanus commença à modérer son enthousiasme pour une réforme. [30] Pour ce qui est de la première période de 1493 à 1507, R. Walter relève la formation traditionnelle que Rhenanus reçut à l’Ecole latine de Sélestat de 1493 à 150365 et l’influence de son directeur d’études à Paris, Lefèvre d’Etaples, de 1503 à 1507. Notre découverte d’une épître dédicatoire faite par Rhenanus à Paris, sans doute en 1506, pour une publication de 150766 laisse penser que Lefèvre préparait déjà son Quintuple psautier, qui parut le 31 juillet 63 Pour le projet de la correspondance, voir Hirstein, « Nouvelle lettre », p. 457-469. 64 Ibid. 65 Pour une étude récente sur la manière dont Rhenanus apprenait, voir Hirstein,

« Virgile, les Géorgiques et Rhenanus en 1499 ». Une série d’études faite par d’autres chercheurs sur cette période est sous presse, cf. Naas, « Journée d’étude sur le cahier d’écolier de Rhenanus ». 66 Voir Hirstein, « Nouvelle lettre », p. 470-493 et EBR, 1, Ep. 2.

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150967. Le savant français, qui, dans le cadre du programme universitaire, enseignait Aristote de manière non doctrinaire et avec beaucoup de succès à Paris68, dirigeait son attention, depuis environ 1506-1507, aux Pères de l’Eglise. On le constate dans la nouvelle lettre, où Rhenanus présente trois écrits, deux d’écrivains chrétiens, les saints Athanase et Basile, et un de la plume du païen Plutarque ; un syncrétisme modéré transparaît. Dans le Quintuple psautier Lefèvre présentait des traductions ou des résumés différents des psaumes afin de fournir au lecteur les sources pour juger lui-même du sens et de l’interprétation du texte. Rhenanus s’est enthousiasmé devant ce livre69. [31] La deuxième période proposée par Walter, de 1507 à 1522, est trop longue pour tenir compte des faits. Il vaudrait mieux la découper en trois périodes : de 1507 à 1511 où, de retour en Alsace, Rhenanus a voulu, à Sélestat et à Strasbourg, promouvoir l’imprimerie de Matthias Schürer, établi à Strasbourg, et sa propre carrière, pour être le vecteur, la source de la science néo-latine italienne sur la plaine rhénane. Ensuite, établi à Bâle, dans les années allant de 1511 à 1517, il élargit très considérablement ses horizons en faisant la connaissance de Johann Cuno, d’Erasme de Rotterdam, de Wolfgang Capito et d’autres. Enfin de 1518 à 1522 environ, Rhenanus multiplia passionnément ses efforts pour promouvoir une réforme. Ces découpages faits, on peut reprendre la phrase de Walter pour dire que, de 1507 à 1522, Rhenanus connut une « période de critique, de plus en plus virulente, de l’Eglise traditionnelle, appuyée bientôt sur un enthousiasme militant pour la Réforme70 ». [32] Pour l’époque allant de 1507 à 1511, la publication faite par Rhenanus dont Teichmann et Walter font le plus grand cas est la Vie de Geiler de Kaysersberg de 1510, comme nous l’avons indiqué ; pourtant, la très grande majorité des livres imprimés provenait d’auteurs néo-latins italiens. [33] En effet, durant cette période le Sélestadien fit publier chez Schürer quelque seize auteurs de cette provenance71. John F. D’Amico, qui traite une période plus longue, de 1508 à 1519, et relève vingt-trois titres d’écrivains néo-latins italiens, divise leurs livres en trois 67 Voir EBR, 1, Ep. 16. 68 Cf. Hirstein, « Rhenanus et le néo-platonisme », p. 59-61 et les sources citées. 69 Voir Hirstein, «Rhenanus, l’homme enthousiaste », p. 11-13. 70 Walter, « Rhenanus entre l’Eglise traditionnelle et la réformation », p. 97. 71 Voir Hirstein, « Livres et le nom de Rhenanus », p. 494-497, n° 6-10, 12-16 et

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catégories : « pédagogiques » ; « littéraires et historiques » et « moraux et théologiques »72. L’une de ses thèses est que l’influence de Lefèvre dans le choix des publications était prépondérante ; nous avons critiqué ce point de vue73. [34] Si l’influence de Lefèvre d’Etaples est indéniable dans le choix de certains auteurs, il y a d’autres motivations qui ont poussé Rhenanus à faire ces publications. Il y avait d’abord l’attrait pour la science italienne qui était vif sur la plaine rhénane en raison de la facilité relative avec laquelle les livres du Sud pouvaient arriver. Une demande locale existait. La meilleure preuve en est l’intérêt partagé pour les publications italiennes par Rhenanus et par Jakob Spiegel, qui lui n’avait étudié ni à Paris ni sous la direction de Lefèvre. Une épître dédicatoire que Rhenanus adressa à Spiegel pour l’une des publications italiennes révèle ce centre d’intérêt commun74. L’une des sources importantes de la demande locale était les écoles latines, qui avaient besoin de textes d’une bonne latinité provenant d’auteurs chrétiens. Par exemple, la première publication de Matthias Schürer est un livre qui, modelé sur la publication parisienne de 1507 faite par Rhenanus, a servi dans l’Ecole latine de Sélestat75. Il n’est pas nécessaire d’invoquer Lefèvre pour expliquer toutes les publications italiennes du Sélestadien. [35] Quant à la pensée religieuse durant les années 1507 à 1511, si une approche critique bien répandue se trouve dans la Vie de Geiler de 1510, en revanche cette pensée nous semble plutôt diffuse dans les publications d’origine italienne. Celles-ci peuvent plutôt révéler des goûts de Rhenanus. Par exemple, il s’intéresse fortement aux Hymnes cosmographiques, pour ainsi dire, du poète Michele Marullo. Marullo (vers 1453-1500) faisait scandale en raison des éléments païens qui se trouvaient dans ses poèmes. Leur beauté dense et parfois sombre attirait Rhenanus même s’ils chantaient les dieux de Rome. A propos de l’hymne à Jupiter, mentionné par Rhenanus76, l’un des éditeurs modernes, Jacques Chomarat, écrit que, dans cet hymne, Marullo « développe … une théologie en grande partie chrétienne, mais fortement marquée de néo-platonisme77 ». Bien que Marullo soit scandaleux et désapprouvé par beaucoup (par Erasme en 1516, par 72 Voir D’Amico, « Rhenanus & Ital. Hum. ». 73 Voir Hirstein, « Rhenanus et les auteurs néo-latins italiens ». 74 Voir EBR, 1, Ep. 28. 75 Voir Hirstein, « Nouvelle lettre », p. 488-490. 76 EBR, 1, Ep. 14, div. 6. 77 Marulle, Hymnes naturels, Chomarat, 1er hymne.

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exemple78), Rhenanus le fit publier chez Schürer en 150979. Le Sélestadien était certes sensible aux dons poétiques de Marullo, mais les vers de ce poète-soldat pouvaient aussi l’enthousiasmer et le satisfaire sur les plans littéraire et spirituel. [36] De 1511 à 1517, Rhenanus s’établit à Bâle. Le Sélestadien y était allé pour travailler dans l’imprimerie de Johann Amerbach et pour parfaire ses études de grec sous la direction de Johann Cuno. Rhenanus réalisa ses deux buts, mais n’a pu bénéficier de l’enseignement de Cuno que quelques années, car celui-ci mourut le 21 février 1513. Teichmann et Walter80, comme beaucoup d’autres chercheurs, ne tiennent pas compte de l’influence très importante que l’helléniste dominicain exerça sur Rhenanus dans les domaines scientifique et spirituel81. Cuno lui présenta Platon à travers le néo-platonisme chrétien, ce qui fut comme une révélation pour Rhenanus82. La preuve en est l’édition du De natura hominis de Nemesius d’Emèse que Rhenanus fit avec l’aide de Cuno et dédia à Lefèvre d’Etaples. Devant son ancien professeur parisien, qui avait dû enseigner la doctrine aristotélicienne que l’âme dépendait du corps pour se réaliser, Rhenanus s’enthousiasma pour la pensée de Nemesius qui faisait savoir clairement qu’elle était immatérielle et immortelle. Rhenanus s’écrie dans sa lettre du 1er mars 1512 à Lefèvre que Nemesius « discute de l’âme, en s’opposant violemment à Aristote et à d’autres philosophes, si bien que nulle part je ne crois avoir lu quelque chose de plus beau que ces lignes83 ». [37] En 1514, à la fin du mois d’août, Erasme arriva à Bâle, attiré sans doute par l’image de la ville et de ses imprimeurs que Rhenanus put lui suggérer grâce à ses travaux84. Si Teichmann passe plutôt rapidement sur l’influence d’Erasme, Walter en tient compte. Lorsque l’humaniste hollandais était présent, Rhenanus l’assistait pour faire imprimer ses publications chez Johann Froben ; en son absence, Rhenanus dirigeait lui-même la production de ses livres. Erasme 78 Voir Walter, Peter : „Marullus und Erasmus“, p. 229-230. 79 Voir EBR, 1, Ep. 13 et 14 ; Hirstein, « Rhenanus & Marullo » et Walter, P.,

„Marullus und Erasmus“. 80 Teichmann ne mentionne pas Cuno, sauf erreur ; Walter, p. 99, reconnaît simplement que c’est lui qui aurait révélé Platon à Rhenanus. 81 Voir Hirstein, « Rhenanus et le néo-platonisme », p. 66-67. 82 Voir la contribution d’Yves Lehmann dans ce volume. 83 EBR, 1, Ep. 34, div. 20. Pour des aspects concrets de la préparation de l’édition de Nemesius, voir Hirstein, « Le De natura hominis de Nemesius d’Emèse et Johann Cuno et Beatus Rhenanus ». 84 EBR, 1, Ep. 50, p. 419 n. 1 et 433 n. 27 et Hieronymus, « Fs », p. 64, 80 et 88.

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critiquait l’Eglise d’une manière similaire à celle de Geiler, mais à travers une argumentation plus serrée et aussi plus littéraire, ce qui devait plaire à Rhenanus qui avait l’âme littéraire. Pour nommer seulement quelques ouvrages, le Sélestadien participa à l’impression de l’édition de l’Eloge de la Folie de 1515 et en 151685, et à celle du Nouveau Testament86 et des Œuvres de saint Jérôme87 en 1516. Le Sélestadien fit de son mieux pour seconder les publications d’Erasme grâce à ses propres productions : des commentaires sur l’Apocoloquintose de Sénèque88 et sur l’Eloge de la calvitie de Synesius de Cyrène89 en 1515, un projet de traduction pour 1516, qui n’a pas vu le jour, le dialogue de Plutarque, le Gryllus ou les Bêtes se servent de la raison90. Ulrich Zasius désigna Rhenanus comme un « second Erasme91 ». [38] Lorsque l’humaniste hollandais quitta Bâle en mai 1516 pour rester aux Pays-Bas jusqu’en novembre 1521 (à l’exception d’une visite de retour à l’été 1518), le Sélestadien dut s’adapter, se retrouver, devenir plus indépendant et avoir plus de ressources pour fournir de la matière à imprimer à l’officine de Froben, qu’il servait de préférence92, mais non pas uniquement, car il était un érudit indépendant93. [39] Pour Walter, il y avait « union de pensée » entre Erasme et Rhenanus94. Nous dirions plutôt que Rhenanus n’était pas en désaccord avec ce que faisait Erasme, bien qu’on ne rencontre pas de sa part de jugement général sur ses procédés. Il a pu être gêné, sans qu’il exprimât cette gêne, par le contre-éloge très poussé et osé qu’était l’Eloge de la Folie95. Il faut toujours se rappeler la discrétion, la réserve, parfois le silence, de Rhenanus. [40] Le Sélestadien s’intéressa toujours à la philosophie et à la religion. Afin de faire fonctionner l’imprimerie de Froben, il fit 85 Voir EBR, 1, Ep. 66, p. 559. 86 Voir EBR, 1, Ep. 73. 87 EBR, 1, Ep. 74, 76 et 79. 88 EBR, 1, Ep. 62. 89 EBR, 1, Ep. 63. 90 Voir EBR, 1, Ep. 65, p. 552, 2e ap. sous “Gryllus Plutarchi”. 91 EBR, 1, Ep. 78, div. 6. 92 Pour cette situation, voir EBR, 1, p. 730, 3e app., sous Excudit hac hyeme et

p. 732, 2e app., sous degustaui. 93 Voir EBR, 1, Ep. 92, p. 783, la n. 3, à la fin et Hirstein, « Neues über Rhenanus und Hutten », p. 101-102. 94 Walter, p. 100. 95 Rhenanus faisait-il des réserves sur les audaces d’Erasme ? Cf. Hirstein, « L’édition de l’Eloge de la Folie d’Erasme de 1514 », p. 23.

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publier en 1516 des textes provenant de sa propre bibliothèque qui avaient un rapport avec la pensée religieuse. Il s’agissait de trois écrits : le Dialogue doré sur l’immortalité de l’âme d’Enée de Gaza (m. 508), le Traité sur la résurrection d’Athénagore (rédigé vers 180) et un recueil de Sentences d’un Sextus du IIe s. de notre ère, ouvrage qui, sans se présenter comme l’œuvre d’un chrétien, a comme but de guider les lecteurs vers la perfection morale et spirituelle96. Rhenanus les dédia à Paul Volz, abbé du couvent bénédictin de Honcourt, dans le Val de Villé97. L’intérêt pour le christianisme renforcé par le néoplatonisme dut conduire à une intériorisation et une appropriation plus fortes des préceptes et des promesses formulés dans la Bible. Comme d’autres hommes à cette époque, le Sélestadien avait des inquiétudes sur le rapport avec Dieu et sur le salut de son âme. [41] En 1515, Wolfgang Capito fut nommé prédicateur à la cathédrale et professeur de l’Université de Bâle. Il fit la connaissance d’Erasme et de Rhenanus et commença en 1516 à participer aux travaux à l’imprimerie de Froben. Dans sa première lettre à Erasme depuis le départ de celui-ci pour les Pays-Bas, lettre du 2 septembre 1516, Capito demande à l’humaniste hollandais de faire comprendre à « notre ami » Rhenanus qu’il (Capito) fût à son service », « attaché à sa ‘maisonnée’ » (familia98). En effet, comme le Sélestadien dirigeait les publications d’Erasme dans l’imprimerie de Froben, Capito dut lui faire savoir qu’il faisait partie du « cercle » du Hollandais99. En novembre 1516, Rhenanus incita Capito à faire une publication pour apprendre l’hébreu100. Au mois de mars 1517, il le désigna comme « notre ami » et fit allusion de nouveau à la publication de l’Initiation à la langue hébraïque101. Au mois d’avril de la même année, il fit savoir qu’un correcteur d’épreuves qui cherchait conseil pouvait le demander à Capito, à Bruno Amerbach ou à lui-même102. [42] A la fin de l’année 1517, lorsque le désaccord entre Lefèvre d’Etaples et Erasme sur leurs visions différentes de la nature et de la

96 Sur ces publications, voir la contribution de Lehmann dans ces pages. 97 EBR, 1, Ep. 82. 98 Sur la notion de familia, voir dans ce volume Marchand, par. 2 et 3. 99 Voir Hirstein, « Capito », p. 24 et Erasmi Opus epp., Allen, 2, Ep. 459, p. 338,

ll. 169-70 Et fac Rhenano nostro videar de tua familia. 100 Hirstein, « Capito », p. 25. 101 EBR, 1, Ep. 87, div. 10. 102 EBR, 1, Ep. 88, div. 27.

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dignité du Christ se fixait sur la traduction de la lettre de Paul aux Hébreux, 2, 7, Rhenanus, à ce qu’il semble, garda le silence103. [43] Nous avons vu que si la publication des 95 Thèses de Martin Luther ne se remarque pas dans les lettres préservées de Rhenanus, elle est bien présente parmi les livres de sa bibliothèque. Walter, en suivant Teichmann, pense que Rhenanus prit connaissance des publications et de la personne de Luther grâce à la lettre que Bucer envoya à son compatriote le 1er mai 1518104. Walter écrit : Mais c’est en 1518 que Rhenanus découvrit Luther. Ce fut un événement capital pour l’évolution de sa pensée religieuse, un événement qui allait transformer son zèle « évangéliste » en enthousiasme apostolique, et faire de lui un propagandiste militant de la Réforme105.

Ni Teichmann, ni Walter ne savaient que Rhenanus, quelque six mois plus tard, dut jouer un rôle capital dans la publication importante des écrits de Luther chez l’imprimeur Johann Froben en octobre 1518106, projet qui implique une connaissance très poussée de tous ses livres. L’intérêt pour Luther devait déjà exister avant le mois de mai 1518, ce que peut confirmer le livre des 95 Thèses dans la bibliothèque de Rhenanus. [44] En effet, en cette même année 1518, au mois d’octobre, Beatus Rhenanus et Wolfgang Capito firent publier à Bâle, chez Johann Froben, un recueil important d’ouvrages de Luther. On trouve notamment dans ce recueil les Résolutions, des éclaircissements sur les 95 Thèses, et le texte latin de prédications que Luther avait prononcées en allemand devant le peuple de Wittenberg sur le décalogue (Prédication populaire sur le décalogue). Les deux préfaces anonymes au lecteur du recueil contiennent des mots, et aussi un enthousiasme, qui rappellent Rhenanus, bien que la critique les attribue généralement à Capito seul107. Cette attribution est inconcevable. Rhenanus était maître dans l’imprimerie de Froben et 103 Voir EBR, 1, Ep. 96, p. 834, 3e app., sous assumpserit humanam. 104 Walter, p. 100. 105 Ibid. 106 Pour cette publication de Froben, voir Volz, « Ersten Sammelausgaben von

Luther », p. 185-187. 107 Cf., par exemple, Volz, « Ersten Sammelausgaben von Luther », p. 186, mais voir la n. 13, p. 192 pour une faible indication du rôle de Rhenanus. Pour la préface principale, f. [a1] v°, voir Hirstein, « Capito », p. 38-40 et Capito, Corr., 1, Rummel & Kooistra, Ep. 19, p. 36-38. Pour la deuxième préface, à la prédication sur le décalogue, voir plus loin.

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rien ne pouvait se faire sans son assentiment et participation. Il faut dire néanmoins que le silence des chercheurs résulte aussi du caractère très discret de Rhenanus. Si nous sommes parfois informés de ses activités de réformateur dans les imprimeries bâloises, c’est souvent grâce aux indiscrétions du moine franciscain, Konrad Pellikan (qui quittera enfin l’habit en 1526), dans son Chronicon108. La publication de 1518 sera, pour l’essentiel, la seule entreprise par Froben d’ouvrages de Luther, car Erasme lui intima l’ordre de n’en plus imprimer109. Toutefois, cela n’arrêtera pas la diffusion du recueil, lequel, comportant naturellement quelques changements, sera publié de nouveau grâce aux soins d’autres imprimeurs, à ceux de Matthias Schürer en février et en août 1519, d’Andreas Cratander à Bâle en mars 1520 et d’Adam Petri à Bâle en juillet 1520 (avec l’aide de Konrad Pellikan110)111, sans parler des traductions en allemand publiées par Cratander à Bâle en mai 1520 et M. Schürer à Strasbourg en octobre 1520112 ! [45] A la fin de 1518, nous trouvons la première lettre conservée qui a été écrite par Rhenanus à Huldrych Zwingli. C’est la missive du 6 décembre 1518 mentionnée plus haut. C’est une lettre étonnante car Rhenanus révèle très soudainement une connaissance exacte de presque tous les domaines où l’Eglise de Rome prête le flanc à la critique. En effet, pour montrer à Zwingli qu’il est à la page, le Sélestadien dresse une liste de neuf sujets de grief que les chercheurs, dont notre Robert Walter, commentent113. Pour Walter, il s’agit « presque d’une anthologie d’Erasme114 ». [46] Sans vouloir nier l’influence d’Erasme sur Rhenanus, nous voudrions offrir un autre point de vue. Nous avions déjà signalé un rapport entre la préface principale anonyme au recueil de Luther 108 Voir par exemple Volz, « Ersten Sammelausgaben von Luther », p. 192, la

n. 13 et 194, la n. 30. Voir plus loin les indications de Pellikan sur l’impression du Defensor pacis de Marsile de Padoue. 109 Voir Volz, « Ersten Sammelausgaben von Luther », p. 186 et 193, la n. 27 et dans ce volume, P. Walter, par. 7. 110 Volz, p. 196, la n. 51. Pellikan note que c’est Adam Petri qui profita de l’interdiction imposée à Froben par Erasme, voir Volz, p. 196, la n. 52 et cf. Piaia, Marsilio da Padova, p. 21-22 et la n. 32. 111 Voir Volz, p. 185-189 et 201-202. Pour les activités de Schürer, voir la contribution de Burckel dans ce volume. 112 Voir Volz, p. 188-190 et 203-204. 113 Voir aussi dans ce volume, Opitz, par. 17 ; Burckel, par. 68 n. 255 et Peter Walter, par. 4 et 17. 114 Walter, p. 101.

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imprimé par Froben en octobre 1518 et la lettre de Rhenanus à Zwingli du 6 décembre 1518 : il y a des similitudes de vocabulaire dans l’utilisation ludique et critique des termes de summa (« somme ») et de summularius (soit « conducteur de bêtes de somme » soit « auteur d’une petite somme »)115. Ces similitudes pouvaient montrer que Rhenanus, qui signe la lettre à Zwingli, avait aussi joué un rôle dans la rédaction de la préface anonyme116 au recueil de Luther. Nous voudrions maintenant suggérer un autre rapport entre les deux textes. [47] Dans la liste des sujets de grief, Rhenanus évoque de restitutione, de contractibus. Les critiques qui voient une influence érasmienne citent l’épître dédicatoire qu’Erasme fit à Paul Volz le 15 août 1518 pour une nouvelle édition de l’Enchiridion militis christiani. En effet, comme l’indique dans ce volume Peter Walter, le groupe de mots de restitutione s’y trouve117. Toutefois, dans le texte cité par P. Walter, il n’y a pas la mention de contractibus. Nous voudrions faire remarquer que dans la Prédication populaire sur le décalogue, dans le recueil de Luther imprimé par Froben, il y a sur une même page la critique de Luther sur le problème des restitutions et des contrats chez les religieux118. Nous voulons dire par là qu’il serait possible de trouver dans la Prédication sur le décalogue de Luther la plupart des termes, sinon tous, utilisés par Rhenanus. De manière corrélative, lorsqu’on lit la seconde préface anonyme dans le recueil de Luther imprimé par Froben, préface qui présente la Prédication, on rencontre un mot souvent utilisé par Rhenanus en tête de phrase, savoir siquidem, que Robert Walter a par ailleurs commenté dans sa thèse119. [48] On pourrait imaginer que Rhenanus écrivit la préface à la Prédication sur le décalogue et avait donc traité ce texte récemment, en octobre 1518. En rédigeant sa lettre du 6 décembre 1518, il se serait rappelé les griefs exprimés par Luther. Il serait alors possible d’évoquer une influence luthérienne tout aussi bien qu’érasmienne pour cette partie de la lettre à Zwingli. 115 Voir Hirstein, « Capito », p. 39 et dans ce volume les explications de Burckel, par. 45 n.182. 116 Pour Rhenanus et l’anonymat, voir dans ce volume Hirstein, « Rhenanus et les annotations marginales au traité de Luther ». 117 Voir dans ce volume, P. Walter, par. 5 n.18. 118 Voir le recueil de Froben, p. 451 ; nous remercions M.-O. Burckel qui nous a aidé à effectuer ces recherches. 119 Walter, Anthologie, p. 262. Pour la deuxième préface, voir le recueil de Froben, p. 302 et Capito, Corr., 1, Rummel & Kooistra, Ep. 19a, p. 38-39.

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[49] Robert Walter n’a pas pu saisir l’occasion de mesurer l’impact de la pensée religieuse de Rhenanus sur la production de l’imprimeur Lazare Schürer à Sélestat, le neveu de Matthias120. Comme la peste à Bâle et la santé de son père obligèrent Rhenanus à quitter Bâle pour regagner Sélestat durant plus d’un an, de fin août 1519 à mi-septembre 1520, celui-ci fit imprimer à Lazare une partie des livres qu’il voulait faire diffuser. Nous sommes mieux documentés sur les activités du Sélestadien pour cette période parce que son famulus, Albert Burer, resté à Bâle pour gérer les affaires courantes et subir la peste, lui écrivait souvent et Rhenanus a choisi de conserver une partie de ses lettres121. Puisqu’il a été question plus haut de la réimpression du recueil de Froben par Cratander, on peut noter que Burer tient Rhenanus au courant des progrès de son impression122. [50] Rhenanus profita de la disponibilité de Lazare Schürer surtout pour critiquer l’Eglise à travers des écrits facétieux, satiriques et polémiques. Il créa une atmosphère où régnèrent l’acuité d’esprit, l’enjouement et la fougue123. Lorsqu’il s’agissait de publier des livres plus doctrinaires ou théoriques, il se tournait vers d’autres imprimeurs. C’est le cas, par exemple, de la publication du commentaire de Luther sur l’épître de Paul aux Galates, que Lazare Schürer devait imprimer, mais qui finit entre les mains d’Adam Petri124. [51] Il existe un autre indice, dans les années 1519-1520, pour l’enthousiasme et le militantisme de Rhenanus et le recours à d’autres imprimeurs. Les recherches menées sur la correspondance et dans la bibliothèque de Rhenanus ont montré que le Sélestadien a très certainement dirigé la publication chez Andreas Cratander des deuxième et troisième éditions du traité de Lorenzo Valla sur la Donation de Constantin crue à tort et mensongèrement écrite. Ces deux éditions comportent une préface d’Ulrich von Hutten, qui était très prisé par Rhenanus à cette époque125. [52] Robert Walter met bien en lumière les efforts de Rhenanus pour diffuser les ouvrages de Luther en Suisse avec l’aide et le soutien de Zwingli. Il existe entre les deux hommes une assez riche correspondance pour les années 1518-1522. On constate à travers ces lettres que 120 Voir la contribution de Burckel dans ce volume. 121 Voir la contribution de Marchand dans ce volume. 122 Voir H. Volz, p. 195, la n. 39 et H, Ep. 133 du 12 novembre 1519, p. 188. 123 Voir dans ce volume, Burckel, par. 79-83. 124 Voir dans ce volume, Burcker, par. 26-29, 31 n. 126 et 67 et P. Walter, par. 8

n. 53. Cf. Volz, « Ersten Sammelausgaben von Luther », p. 192, la n. 13. 125 Voir Hirstein, « Neues über Rhenanus und Hutten ».

* Introduction

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Rhenanus s’enthousiasme pour les écrits de Luther, mais c’est un enthousiasme assez diffus qui pourrait parfois tout bonnement se confondre avec un désir de vendre beaucoup de livres126 ! [53] En effet, il est surtout question d’écrits pédagogiques, souvent en allemand, destinés au peuple susceptible de lire plutôt qu’aux classes instruites plus curieuses. C’est une diffusion des écrits plutôt « pratiques » de Luther. Rhenanus veut mettre à la disposition des lecteurs non pas des textes polémiques ou théoriques, mais des leçons qui visent la spiritualité des individus, par exemple le commentaire de Luther sur le « Notre père », l’Explication de l’Oraison dominicale à l’intention des laïcs, conférence faite en allemand en 1517, parue en 1519 et imprimée cinq fois, « dont une fois à Bâle par Adam Petri », selon Robert Walter127. [54] Il est également très souvent fait référence à Erasme dans cette correspondance. Et ce sont plutôt les écrits théoriques d’Erasme, comme la Methodus, le guide pour interpréter la Bible, que Rhenanus mentionne et qu’il va republier chez Froben en 1519 dans une nouvelle édition128. A cette époque, pour Rhenanus, comme pour d’autres, le combat en faveur d’une réforme mené par Erasme et Luther était le même, bien que les méthodes employées fussent différentes et touchassent les uns et les autres selon leurs sensibilités. [55] En tout cas, sauf erreur, il n’est pas fait allusion, dans cette correspondance entre Rhenanus et Zwingli, à ce qu’on appelle les grands écrits réformateurs publiés par Luther en 1520, alors qu’on aurait pu s’y attendre. En effet, lorsqu’on lit de Luther Le sermon sur les bonnes œuvres (paru juin 1520, en allemand) ; Le manifeste à la noblesse chrétienne de la nation allemande (paru août 1520, en 126 Voir la contribution dans ce volume de P. Walter, par. 3, 7 et 17. Lorsqu’on lit la seule correspondance de Rhenanus avec Zwingli à propos de la diffusion et de la vente de livres, on peut douter de l’intérêt sincère de Rhenanus pour les questions de réforme et penser, comme le fait jusqu’à un certain point P. Walter, que le Sélestadien cherche surtout à vendre, à être un bon commercial et à gagner de l’argent. On peut douter de sa sincérité vis-à-vis du message de Martin Luther et d’autres. L’intérêt commercial semble bel et bien exister, même si c’est aussi un signe du succès de la diffusion. Mais il faut considérer que Zwingli devait être un bon juge de caractère. Ensuite, que penser des rapports complices de Rhenanus avec Martin Bucer, Otto Brunfels et Albert Burer ? Rhenanus ne peut ni vendre des livres ni gagner de l’argent en les soutenant. 127 Id., p. 101. Pour la nature de ces textes, voir aussi dans ce volume P. Walter, par. 7. 128 Lettre à Faber de Constance, H 85 : Ratio seu Compendium uerae theologiae, Bâle, 1519.

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allemand) ; Le prélude sur la captivité babylonienne de l’Eglise (paru le 6 oct. 1520, en latin) et Le traité sur la liberté chrétienne… (paru vers la fin nov. 1520, en allemand et en latin), on se rend compte que si on avait voulu un texte plus général et simple, plus attirant sur le plan littéraire, à diffuser auprès du lecteur moyen, cela aurait été le Traité sur la liberté chrétienne, d’autant plus que Luther avait écrit expressément et une version allemande et une version latine, pour s’assurer le plus grand lectorat. [56] Cela n’est pas étonnant parce que ce traité était conçu pour accompagner une lettre rédigée par Luther à l’intention du pape Léon X, dans laquelle il cherchait à exprimer son respect pour le saint père, même s’il lui avait fallu se défendre contre les attaques de ses représentants. Le traité devait ainsi offrir l’occasion à Luther de résumer et de préciser sa pensée, cela dans un cadre circonscrit et restreint. Un tel texte synthétique et exemplaire méritait une publication dans la langue vulgaire et dans la langue de culture. [57] En 2014, alors que nous préparions le colloque qui est à l’origine de ce volume, nous avons fait une découverte étonnante parmi les livres de Rhenanus129. Il s’agit d’un exemplaire de la première édition latine du Traité sur la liberté chrétienne par Martin Luther, parue chez l’imprimeur Johann Rhau-Grunenberg, à Wittenberg, fin novembre 1520. Ce livre a été corrigé et annoté à la main par les deux hommes, par Luther et par Rhenanus. Leur but a été de faire faire à partir de ce livre une nouvelle publication dans le sud du domaine germanophone : nous sommes devant un modèle d’impression. Cette nouvelle édition a paru chez Adam Petri à Bâle en 1521, sans doute au mois de mars. Les inscriptions autographes sur la page de titre du livre font comprendre que Luther l’a d’abord envoyé à Bernhard Adelmann von Adelmannsfelden à Augsbourg, qui par la suite l’a réexpédié à Beatus Rhenanus pour réimpression. [58] Dans le livre conservé par la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, Martin Luther a demandé quelque 47 corrections, Rhenanus en a fait 12 lui-même, mais il a surtout écrit dans les marges 102 annotations marginales afin de guider le lecteur, de l’instruire, de l’inspirer et de remporter son adhésion. Travaillant à partir du modèle d’impression de Sélestat, Adam Petri a bien scrupuleusement incorporé presque toutes ces interventions manuscrites : les corrections de

129 Hirstein, « Corrections autographes de Martin Luther pour le De libertate

christiana de 1521 ».

* Introduction

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Luther et les corrections et les annotations de Rhenanus130. Cela veut dire que si l’on considère la nouvelle édition bâloise comme un ensemble, les deux hommes, Luther et Rhenanus, ont joué chacun un rôle dans sa parution. Le texte rédigé par Luther en est naturellement la partie essentielle, alors que Rhenanus lui a fourni un cadre très approprié. Toutefois, le Sélestadien a fourni ce cadre de manière strictement anonyme : son nom ne figure nulle part dans le texte publié par Petri. [59] Rhenanus avait donc sous la main – notre découverte le prouve – un texte qu’il aurait pu faire diffuser à Zwingli. Mais dans les lettres échangées entre eux – celles qui nous sont parvenues –, il n’est question d’aucun des grands écrits de Luther, et le Traité sur la liberté fait en particulier défaut. On a l’impression que Rhenanus, dans ses choix de lecture ou de diffusion, distingue les questions luthériennes qu’il veut traiter avec Zwingli et ce qu’il fait lui-même dans l’intimité de son étude. D’après les lettres qui subsistent il n’a pas voulu partager l’existence de ce projet d’édition avec le Suisse. Il faut rappeler que Rhenanus est un érudit indépendant qui choisit ses collaborateurs et ses imprimeurs selon leur utilité. [60] On savait donc que Rhenanus s’était engagé pour Luther, mais on ignorait le degré, la nature et le fond de cet engagement, savoir ce qui le motivait ou l’intéressait en particulier dans ses écrits. Il n’y a pas de mention remarquable de Rhenanus dans la correspondance de Luther. Pour ce qui est des lettres de Rhenanus, les allusions à Luther ne sont pas excessivement parlantes ; toutefois, comme nous l’avons signalé, il y a eu certainement des suppressions de lettres. [61] Or Petri imprima le texte deux fois en 1521, sans doute en [mars] et en [septembre] pour être présent à la foire de Francfort. Nous savons que Rhenanus participa au moins à la première édition de Petri. [62] En juillet 1521, Rhenanus fit publier ce qui pour l’essentiel était l’editio princeps de Tertullien. Ses interprétations des pratiques de l’Eglise primitive lui permirent de s’exprimer fortement sur la situation contemporaine131. Pourtant, un critique, Charles Munier, a

130 Pour les interventions de Petri et son équipe eux-mêmes, voir Hirstein, « Modes d’expression sublimés et Martin Luther ». 131 Voir aussi D’Amico, « Rhenanus & Tertullian » et Fredouille, « BR et Tertullien ».

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* James Hirstein

aperçu dans cette édition les indices d’une modération dans la pensée réformiste de Rhenanus132. [63] Il faut noter enfin que certains chercheurs, guidés, entre autres, par les indiscrétions de Konrad Pellikan, attribuent à Rhenanus la publication du Defensor pacis de Marsile de Padoue chez Valentin Curio, sans doute, en 1522, cela, et aussi la rédaction de la préface elle-même133. [64] Pour R. Walter, les années de 1522 à 1525, la troisième période, représente chez Rhenanus un moment de rupture avec la pensée réformiste, qui culmine dans la Guerre des Paysans de 1525. Or, la plupart des critiques notent que l’excommunication de Luther et de certains partisans le 3 janvier 1521 et la promulgation de l’édit de la Diète de Worms du 26 mai 1521 donnèrent l’alerte sur les risques à venir et poussèrent les gens à prendre parti vis-à-vis du réformateur. Walter, en décrivant les effets des massacres de 1525, écrit à propos de Luther : Alors on vit les uns, comme Hutten, Zwingli ou Bucer, le suivre hardiment jusqu’au bout, quitte à diverger par la suite, chacun dans leur direction, d’autres, comme Wimpheling, Zasius ou Erasme, rompre nettement avec lui et rester dans le cadre de l’Eglise, mais, eux aussi, avec bien des nuances, d’autres enfin, comme Rhenanus, tout en se refusant de le suivre, temporiser encore, dans cet espoir tenace d’une réconciliation qui le hantera jusqu’à la fin de ses jours134.

Il faut penser que Walter adapte son schéma au cas du Sélestadien, qui ne sembla pas avoir changé rapidement de comportement. Walter ne fournit pas de preuve précise du désir de réconciliation chez Rhenanus, si ce n’est ses appels à convoquer un concile. [65] D’après la chronologie établie par Walter pour ce qu’on nomme l’« Appel aux habitants de Sélestat », le magistrat demanda à Rhenanus de le rédiger pour ramener le calme alors qu’il séjournait dans la ville troublée par des agitateurs durant l’hiver 1522-1523135. Dans cet « Appel » il n’est aucunement question de restreindre la diffusion de la Bonne Nouvelle, au contraire. Il faut simplement, dans 132 Munier, « Annotations Tertullien ». Voir la contribution de Cutino dans ce volume. 133 Piaia, Marsilio da Padova, p. 20-67. Pour Pellikan, cf. ibid., p. 24, la n. 36, etc. Voir aussi D’Amico, « Hutten & Rhenanus ». 134 Walter, p. 102. Cf. Rummel, Confessionalization. 135 Walter, p. 103 ; voir aussi Walter, Anthologie, p. 217-231 et Brouard, « Rhenanus et la concorde ».

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l’intérêt de tous, éviter les doctrines reconnues comme hérétiques depuis longtemps, puis s’abstenir de lancer des pamphlets. Le bon jugement ne peut prévaloir dans un tel contexte. Il faut attendre l’avis des spécialistes, avis agréé par un concile général. Les mots qui reviennent le plus souvent dans le texte sont l’« Evangile » et « concile »136. [66] En 1524, Sélestat connut d’autres débordements. Un aventurier et un illuminé, Johann Schütz von Traubach, tenta de semer la discorde dans la ville déjà divisée par les partis religieux. Après de nombreuses péripéties, il paya le prix suprême. Rhenanus aida à rédiger des textes officiels qui résument l’épisode137 et il le relate dans son Histoire du domaine germanophone en trois livres de 1531, en disant que jamais la ville n’avait connu plus grand danger. [67] En 1525, la Guerre des Paysans apporta la « rupture définitive », d’après Walter, entre Rhenanus et les partisans de Luther138. La lettre que le Sélestadien fit à son ami Michael Hummelberg après les événements de la Guerre résume bien la situation139. Il cherche à conseiller et à guider Hummelberg et laisse libre cours à son étonnement devant le climat guerrier et à son indignation que des prêtres aient pris part à ces mouvements. Il fait une constatation révélatrice : Fauisti hactenus nonnihil Luthero, ut fecerunt boni omnes, uidentes mundum rectis uiuendi regulis collapsis penitus emendatione opus habere correctioneque multarum rerum, de quibus uir ille fortassis nimium acribus libellis populum monuit140.

Mais maintenant des extrémistes fomentent la destruction et il faut se ressaisir. La preuve que Rhenanus avance de ces dangers, ce n’est pas la « Guerre des Paysans » à proprement parler, mais les agissements de Schütz qui avaient mis à mal Sélestat.

136 Voir EBR, 1, p. XXIX. 137 Cf. Hirstein, « Bibliothèque de Rhenanus », p. 128. 138 Walter, « Rhenanus entre l’Eglise traditionnelle et la réformation », p. 103.

Pour la situation politique en Alsace et la place des humanistes, voir l’interprétation de Bischoff dans ce volume. 139 Voir Walter, Anthologie, p. 233-245. 140 Voir Walter, Anthologie, p. 239 et H, Ep. 240, p. 334-335. « Tu as favorisé jusqu’ici quelque peu Luther, comme l’ont fait tous les hommes de bien : ils voyaient que le monde, après l’effondrement des justes règles de vie, avait besoin d’une amélioration de fond en comble et de la correction de nombreux problèmes, à propos desquels cet homme célèbre a averti le peuple à travers de petits livres qui étaient peut-être excessivement violents. »

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* James Hirstein

[68] Pour Walter, comme pour Teichmann, la lettre que Bucer fit à Rhenanus en 1525 scella la rupture, notamment entre les deux Sélestadiens141. [69] Quant à la quatrième et dernière période, de 1525 à 1547, Walter est d’avis qu’elle représente une époque où Rhenanus « va se consacrer entièrement à ses recherches humanistes, comme pour y trouver un refuge loin des querelles de son temps142 ». Il est vrai que le Sélestadien entreprend des projets historiques et philologiques ; toutefois, il continue à critiquer l’Eglise et appeler à son amélioration en faisant des études sur l’Eglise primitive, que ce soit dans les rééditions de Tertullien de 1528 ou de 1539143 ou dans sa publication de 1540 de la liturgie de saint Jean Chrysostome144. A notre avis, Rhenanus continue la lutte, pour ainsi dire, mais avec d’autres armes. L’idée d’une retraite refuge paisible est plutôt anachronique à l’époque de Rhenanus. [70] Une lettre a échappé à la vigilance de Horawitz et Hartfelder. L’érudit bâlois Frank Hieronymus y a attiré l’attention des chercheurs. Après la mort d’Erasme en 1536, Rhenanus et Boniface Amerbach avaient commencé à préparer ses Opera omnia, qui paraîtront en 1540. Le 23 juin 1540, depuis Sélestat, Rhenanus envoya à Amerbach, à Sigismundus Gelenius, à Jérôme Froben et à Nicolaus Episcopius, qui s’occupaient des préparatifs à Bâle, le brouillon de sa préface et de sa biographie d’Erasme pour l’édition. Rhenanus évoque des choix qu’il a opérés en écrivant la biographie. Fuisset mihi campus amplissimus inuehendi in luxum sacerdotum, in monachos, in theologos, qui dederint ansam Erasmo stomachandi ; sed quis inde fructus ? Satius fuit, meo iudicio, totum hoc dissimulare, mundo plus satis irritato, quo sit plausibilior haec aeditio145. 141 Walter, « Rhenanus entre l’Eglise traditionnelle et la réformation », p. 104. 142 Ibid. 143 Voir la contribution de Cutino dans ce volume. 144 Voir, par exemple, les études de Fraenkel, « Rhenanus & Chrysostome » et

idem, « Rhenanus historien de la liturgie ». 145 Hieronymus, „Ein vergessener Brief“, p. 159. « J’aurais eu un très large champ pour m’attaquer au luxe des prêtres, aux moines, aux théologiens qui ont donné à Erasme l’occasion de se formaliser. Mais qui aurait tiré quelque fruit de là ? Il valait mieux, à mon avis, dissimuler toute cette matière – étant donné que le siècle a été provoqué plus que de raison – pour que cette édition (des Opera omnia) soit plus applaudie. » Voir notre contribution sur l’« homme Rhenanus » pour plus de remarques sur cette lettre.

* Introduction

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Rhenanus met tout en œuvre pour perpétuer le souvenir d’Erasme et il aurait pu, en écrivant sa biographie, critiquer davantage les religieux. Mais quel profit aurait-on pu en tirer ? Il a préféré dissimuler ces problèmes devant un siècle déjà exaspéré. [71] Walter, dans son esprit d’ouverture, n’hésite pas à montrer que Rhenanus s’intéresse encore à Luther et à une réforme. Pour fournir un exemple146, il fait valoir que lorsque le Sélestadien fit un rapport à Boniface Amerbach sur l’autodafé que subirent les œuvres de Luther et d’Erasme à Milan le 19 janvier 1543 sur l’ordre d’un représentant de l’archiduc Ferdinand, Rhenanus corrigea une première mouture de la lettre pour faire porter le groupe de mots « les meilleurs s’indignaient » sur le sort réservé aux livres de Luther147 ! Walter écrit : « la correction nous montre qu’il n’a pas oublié, au fond de luimême, son admiration pour le Luther de sa jeunesse, et qu’il ne peut admettre cette rigueur de l’Eglise148 ». [72] Nous sommes bien loin du simple « Reformkatholik » mis en avant par Teichmann. Walter a tenté de rendre la complexité du personnage et de sa pensée. S’il avait compris à quel point la correspondance de Rhenanus a dû être tronquée, il aurait pu avoir des horizons plus ouverts encore. Il est gêné par sa déclaration sans doute excessive sur la « rupture définitive » amenée par l’éclatement de la Guerre des Paysans149. En effet, dans son approche honnête, il est obligé de se contredire plus loin en disant que : Rhenanus n’a pas non plus totalement rompu avec les milieux réformés ; toutefois, ses relations avec eux sont devenues purement scientifiques : avec Aventin, Hedio, Paul Volz, Sapidus et d’autres encore, il n’échange plus que des renseignements historiques ou politiques ; le dernier billet de Bucer, en 1544, lui donne des nouvelles sur la guerre contre les Turcs150. Mais s’il ne discute plus

146 Cf. aussi id., p. 105. 147 Walter, Anthologie, p. 265-271 (mais la traduction de Walter et la note 11

(p. 277) ne sont pas très claires). Voir aussi Amerbachk., vol. 5, Hartmann, Ep. 2539, p. 421-425. Pour un autre aspect de cette lettre, voir Hirstein, « Kopp, de nouveaux poèmes », p. 360. 148 Walter, « Rhenanus entre l’Eglise traditionnelle et la réformation », p. 106. Voir les remarques plus franches encore dans Walter, Anthologie, p. 268-269. 149 Walter, « Rhenanus entre l’Eglise traditionnelle et la réformation », p. 103. 150 Walter, p. 105. Walter s’était trompé en écrivant pour le billet de Bucer « 1541 » ; l’année est de 1544, voir Buckwalter, par. 13 dans ce volume.

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* James Hirstein avec eux des publications réformées, il continue néanmoins à s’y intéresser151…

La rupture n’est alors aucunement « définitive » ; les voies de communication restent largement ouvertes. La première phrase de Walter n’est pas claire. Est-ce que les « renseignements politiques » sont des éléments « purement scientifiques » ? La politique n’a-t-elle rien à voir avec la religion152 ? On verra dans notre contribution sur l’« homme Rhenanus » que le Sélestadien parle de vive voix avec des membres des milieux réformés et certainement de sujets autres que « scientifiques »153. Quel aurait été le jugement de Walter s’il avait compris l’étendue de la destruction des lettres de la correspondance ? [73] Pour Walter, la mort même de Rhenanus, qui a vécu sa dernière heure entouré de trois protestants, Martin Bucer, Luc Bathodius et Jean Lenglin, à Strasbourg, mais qui a exprimé le vœu d’être enterré dans l’église Saint-Georges de Sélestat, révèle sa place entre l’Eglise traditionnelle et les mouvements de réforme. A cet endroit il cite Teichmann qui fait valoir que les trois hommes apportaient « l’assistance in extremis sans laquelle, alors, un chrétien ne voulait pas quitter le monde154… » Il évoque de nouveau l’espoir d’une réconciliation qui devait animer Rhenanus. Il faut sonder comment aurait été cette « réconciliation ». [74] D’après Walter, Rhenanus, en demandant d’être enseveli dans l’église paroissiale de Sélestat : exprimait, une dernière fois, son appartenance de principe au catholicisme. Ainsi, en bon érasmien, il a voulu être réformateur, mais réformateur à l’intérieur de l’Eglise, d’une Eglise unique et renouvelée155.

Est-ce que cela veut dire qu’après tout, pour Walter aussi, Rhenanus était un « catholique réformateur » ? 151 Walter poursuit pour évoquer l’article d’Erichson, „Ein neues Dokument“, p. 212, où il est question d’une remarque manuscrite que Rhenanus fit dans son exemplaire de la Confession d’Augsbourg à propos du mariage des prêtres. Walter en conclut que Rhenanus y est favorable (il n’a peut-être pas tort) et dit (p. 105) que Rhenanus « n’a donc pas renoncé à ses idées libérales ». Toutefois, nous avons proposé une interprétation plus personnelle, du point de vue de Rhenanus, pour expliquer cette remarque de Rhenanus, voir EBR, 1, p. XX, n. 106. 152 Pour cette question, voir la contribution de Bischoff dans ce volume. 153 Nous nous fondons en partie dans cette contribution sur Hieronymus, „Ein vergessener Brief“. 154 Walter, p. 107 et Teichmann, p. 381. 155 Walter, p. 107.

* Introduction

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[75] C’est oublier, comme le font Walter et Teichmann pour l’essentiel, ce que les protestants Caspar Hedio156 et Johann Sturm157 ont dit sur la confession de Rhenanus, savoir qu’il aima leur religion, la religion plus authentique et vraie, mais qu’il n’osa pas la soutenir ouvertement, préférant dissimuler sa pensée religieuse. [76] Comment concilier ces deux points de vue, l’un qui nous propose un « catholique réformateur », l’autre un « protestant secret » ? Walter dit que Rhenanus se situait entre les deux, mais qu’il gardait une « appartenance de principe au catholicisme », qu’il était un « bon érasmien ». Toutefois, Erasme avait clairement fait savoir sa confession. Bien que Walter s’inspire assez largement de Teichmann, il n’ose pas utiliser les termes dont celui-ci se sert, savoir « heimlicher Protestant » (p. 364) et « Anhänger der Reformation und für die spätere Zeit als heimlichen Evangelischen » (p. 375) pour évoquer une autre explication de la conduite, de la pensée religieuse du Sélestadien. Or Johann Sturm dira à mots couverts que Rhenanus était un « nicodémite », un homme qui n’osait pas exposer publiquement sa vraie confession, comme le personnage du Nouveau Testament158. [77] Nous avons montré que la consultation de la correspondance de Rhenanus seule, dans son état actuel, n’offrait pas une image complète de l’homme, qu’il nous fallait consulter ses livres et tout autre document susceptible d’apporter des éclairages. La découverte à la Bibliothèque Humaniste de Sélestat du modèle d’impression du traité de Luther Sur la liberté chrétienne annoté à la main et par Luther et par Rhenanus en vue de l’édition de 1521, révèle que le Sélestadien s’est impliqué beaucoup plus qu’on ne le pensait dans la publication et dans la diffusion des œuvres du réformateur. Nous devons tenir compte de ce fait lorsque nous interprétons les lettres de sa correspondance qu’il a choisi de nous laisser. Nous devons également tenter de déterminer sans parti pris comment Rhenanus, après s’être imprégné avec enthousiasme de la pensée de Luther, a mené à bien sa vie d’homme de lettres et d’historien très respecté en gardant cette influence dans son cœur.

156 Jenny, „Rhenans Lebensende“, p. 284. Hedio dit précisément que Rhenanus

Religionem ueram haud dubie amauit « aima, sans doute aucun, la vraie religion ». 157 Sturmius, Io., B. Rhenani uita, Horawitz & Hartfelder (= H), p. 10. Ses mots exacts sont quamuis constat syncerioris theologiae ipsum fuisse studiosum « bien qu’il fût établi qu’il était lui-même partisan de la theologie plus sincère ». 158 Voir notre contribution sur l’« homme Rhenanus » dans ce volume.

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* James Hirstein

Sources AABHS = Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat. Amerbachk., vol. 5, Hartmann = Die Amerbachkorrespondenz, vol. 5, éd. A. Hartmann, Basel, Verlag der Universität, 1958. BHS = Bibliothèque Humaniste de Sélestat. BRLE = Beatus Rhenanus (1485-1547), lecteur et éditeur des textes anciens : Actes du Colloque international tenu à Strasbourg et à Sélestat du 13 au 15 novembre 1998, Colloque organisé par François Heim et James Hirstein, Actes édités par James Hirstein (Collection Studia Humanitatis Rhenana, 1), Turnhout, Brepols, 2000. Brouard, « Rhenanus et la concorde » = Brouard, Brigitte : « Beatus Rhenanus et la concorde : politique humaniste et rhétorique antique » in BRLE, p. 285-298. Bucer, Correspondance, Rott, 1 = Rott, Jean : Correspondance de Martin Bucer, vol. 1 (jusqu’en 1524), éd. J. Rott et alii, Leiden, E.J. Brill, 1979. Bucer, Correspondance, Rott, 2 = Rott, Jean : Correspondance de Martin Bucer, vol. 2 (1524-1526), éd. J. Rott avec la collaboration de Reinhold Friedrich, Leiden, E.J. Brill, 1989. Capito, Corr., 1, Rummel & Kooistra = The Correspondence of Wolfgang Capito, vol. 1 : 1507-1523, edited and translated by Erika Rummel with the assistance of Milton Kooistra, Toronto/ Buffalo/London, Univ. of Toronto Press, 2005. Chomarat, GRE = Chomarat, Jacques : Grammaire et rhétorique chez Erasme, 2 vols. (Classiques de l’Humanisme), Paris, Belles Lettres, 1981. D’Amico, « Hutten & Rhenanus » = D’Amico, John F. : « Ulrich von Hutten and Beatus Rhenanus as Medieval Historians and Religious Propagandists in the Early Reformation » in John F. D’Amico, Roman and German Humanism 1450-1550: Collected Studies Edited by Paul F. Grendler (Collected Studies Series CS413) Aldershot, Hampshire, G.B./Brookfield, Vermont, U.S.A., Variorum, 1993, Study XII, p. 1-33.

* Introduction

31

D’Amico, « Rhenanus & Ital. Hum. » = - : « Beatus Rhenanus and Italian Humanism », Journal of Medieval and Renaissance Studies 9 (1979), p. 237-260. D’Amico, « Rhenanus & Tertullian » = - : « Beatus Rhenanus, Tertullian, and the Reformation: A Humanist’s Critique of Scholasticism », Archiv für Reformationsgeschichte 71 (1980), p. 37-63. EBR, 1 = Epistulae Beati Rhenani, La Correspondance latine et grecque de Beatus Rhenanus de Sélestat, Edition critique raisonnée, avec traduction et commentaire, vol. 1 (1506-1517) édité par James Hirstein avec la collaboration de Jean Boes, de François Heim, de Charles Munier†, de Francis Schlienger, de Robert Walter† et d’autres collègues (Studia humanitatis rhenana, 3), Turnhout, Brepols, 2013. Erasmi Opus epp., Allen = Opus Epistolarum Des. Erasmi Roterodami, 12 vols., édd. Percy Stafford Allen et Helen Mary Allen, Oxford, Clarendon, 1906-1958 (vol. 2, 1910 ; vol. 3, 1913). Erichson, „Ein neues Dokument“ = Erichson, A. : „Ein neues Dokument über Beatus Rhenanus“, Zeitschrift für Kirchengeschichte 12 (1891), p. 211-213. Fraenkel, « Rhenanus & Chrysostome » = Fraenkel, Pierre : « Une lettre oubliée de Beatus Rhenanus : sa préface à la liturgie de s. Jean Chrysostome dédiée à Johannes Hoffmeister 24 janvier 1540 » BHR 48 (1986), p. 387-404. Fraenkel, « Rhenanus historien de la liturgie » = - : « Beatus Rhenanus, historien de la liturgie », AABHS 35 (1985), p. 247-252. Fredouille, « BR et Tertullien » = Fredouille, Jean-Claude : « Beatus Rhenanus, commentateur de Tertullien », AABHS 35 (1985), p. 287-295. H = Horawitz, Adalbert et Karl Hartfelder, édd. : Briefwechsel des Beatus Rhenanus, Leipzig, Teubner, 1886, rpt. Nieuwkoop, B. de Graaf, 1966. Hieronymus, „Ein vergessener Brief“ = Hieronymus, Frank : „Ein vergessener Brief des Rhenanus und andere vergessene Briefe an Nicolaus Episcopus“, AABHS 37 (1987), p. 157-175. Hieronymus, « Fs » = - : « Beatus Rhenanus und das Buch. Bibliobiographische Flickstücke », AABHS 36 (1986), p. 63-114.

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* James Hirstein

Hirstein, « Bibliothèque de Rhenanus » = Hirstein, James : « La bibliothèque de Beatus Rhenanus : une vue d’ensemble des livres imprimés » in Les humanistes et leur bibliothèque/Humanists and their Libraries : Actes du Colloque international Bruxelles, 2628 août 1999, éd. Rudolf De Smet (Université Libre de Bruxelles/ Vrije Universiteit Brussel, Travaux de l’Institut Interuniversitaire pour l’Etude de la Renaissance et de l’Humanisme, XIII), Peeters, Leuven/Paris/Sterling, Virginia, 2002, p. 113-142. Hirstein, « Capito » = - : « Wolfgang Capito and the other Docti in Johann Froben’s Print Shop » in Reformation Sources : The Letters of Wolfgang Capito and his fellow Reformers in Alsace and Switzerland Edited by Erika Rummel and Milton Kooistra (Publications of the Centre for Reformation and Renaissance Studies, Essays and Studies, 10), Toronto, CRRS, 2007, p. 19-45. Hirstein, « Corrections autographes de Martin Luther pour le De libertate christiana de 1521» = - : « Corrections autographes de Martin Luther. Le Tractatus de libertate christiana d’après les éditions de 1520 et de 1521 : des suggestions d’émendation », Revue d’histoire et de philosophie religieuses 95, (2015), p. 129-163. Hirstein, « Le De natura hominis de Nemesius d’Emèse et Johann Cuno et Beatus Rhenanus » = - : « La réception du De natura hominis de Nemesius d’Emèse dans le Rhin Supérieur : l’utilisation du manuscrit Bodl. Auct. E. 1. 6 dans la réécriture de la traduction latine de Burgundio de Pise publiée par Johann Cuno et par Beatus Rhenanus à Strasbourg en 1512 » in Transmission et réception des pères grecs dans l’Occident, de l’Antiquité tardive à la Renaissance : entre philologie, herméneutique et théologie, Actes du colloque international organisé du 26 au 28 novembre 2014 à l’Université de Strasbourg, édités par Emanuela Prinzivalli, Françoise Vinel et Michele Cutino avec la collaboration d’Isabelle Perée (Collection des études augustiniennes, série Moyen âge et temps modernes, 53), Paris, Institut d’Etudes augustiniennes, 2016, p. 483-502. Hirstein, « L’édition de l’Eloge de la Folie d’Erasme de 1514 » = - : « L’édition de l’Eloge de la Folie confiée par Erasme de Rotterdam à l’imprimeur Matthias Schürer en 1514 », AABHS 64 (2014), p. 37-54. Hirstein, « Johann Sturm’s Biography and a Distorted Image of Rhenanus » = Hirstein, James : « Johann Sturm’s Biography of

* Introduction

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Beatus Rhenanus : To Explain a Distorted Image » in Matthieu Arnold (éd.) Johannes Sturm (1507-1589), Rhetor, Pädagoge und Diplomat…, Tübingen, Mohr Siebeck, 2009, p. 77-105. Hirstein, « Kopp, de nouveaux poèmes » = - : « Trois nouveaux poèmes de Veit Kopp, conservés par Beatus Rhenanus : les épitaphes à la mémoire de Clara Spiegel et de Johann Huttich » in « STVDIVM IN LIBRIS » Mélanges en l’honneur de Jean-Louis Charlet, textes édités par Gaëlle Herbert de la Portbarré-Viard et Annick StoehrMonjou (Collection des Etudes Augustiniennes, Série Antiquité – 201), Paris, Institut d’Etudes Augustiniennes, 2016, p. 357-370. Hirstein, « Livres et le nom de Rhenanus » = - : « Bibliographie I : Liste chronologique provisoire de livres auxquels le nom de Beatus Rhenanus est associé (titres abrégés) » in BRLE, p. 491-511. Hirstein, « Modes d’expression sublimes et Martin Luther » = - : « Des modes d’expression sublimes dans l’Epistola ad Leonem decimum et le Tractatus de libertate christiana corrigés par Martin Luther, par Beatus Rhenanus et par l’officine d’Adam Petri en vue de l’édition de 1521 », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, sous presse. Hirstein, « Neues über Rhenanus und Hutten » = - : « Neues über Beatus Rhenanus und die Basler Ausgabe von Lorenzo Vallas De donatione Constantini durch Ulrich von Hutten 1520 » in Basel als Zentrum des geistigen Austauchs in der frühen Reformationszeit Herausgegeben von Christine Christ-von Wedel, Sven Grosse und Berndt Hamm (Spätmittelalter, Humanismus, Reformation, 81) Tübingen, Mohr Siebeck, 2014, p. 97-108. Hirstein, « Nouvelle lettre » = - : « La correspondance de Beatus Rhenanus (1485-1547), une nouvelle lettre (et un nouveau livre) et les débuts de l’imprimeur Matthias Schürer à Strasbourg en 1508 » in Antiquité tardive et humanisme, de Tertullien à Beatus Rhenanus : Mélanges offerts à François Heim à l’occasion de son 70e anniversaire : volume édité par Yves Lehmann, Gérard Freyburger et James Hirstein (Studia humanitatis rhenana, 2), Turnhout, Brepols, 2005, p. 457-494. Hirstein, « Rhenanus et les auteurs néo-latins italiens » = - : « Beatus Rhenanus et la publication d’auteurs néo-latins italiens : le témoignage de sa correspondance et d’une Druckvorlage de sa bibliothèque, le Croacus de Giovanni Elisio Calenzio », Studi Umanistici Piceni 29 (2009), p. 221-249.

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* James Hirstein

Hirstein, « Rhenanus & Marullo » = - : « La réception de la poésie de Michele Marullo chez Beatus Rhenanus à l’époque de l’édition de 1509 » in Michael Marullus : Ein Grieche als Renaissancedichter in Italien hg. von Eckart Lefèvre und Eckart Schäfer (NeoLatina, 15), Tübingen, Gunter Narr Verlag, 2008, p. 241-252. Hirstein, « Rhenanus et le néo-platonisme » = - : « Une Druckvorlage de la bibliothèque de Beatus Rhenanus et la diffusion de la pensée néo-platonicienne dans le Rhin Supérieur : l’Axiochus du PseudoPlaton » in L’espace rhénan, pôle de savoirs, sous la direction de Catherine Maurer et Astrid Starck-Adler avec le concours de Christiane Weeda (Etudes alsaciennes et rhénanes), Strasbourg, Presses Universitaires, 2013, p. 51-76. Hirstein, « Rhenanus, l’homme enthousiaste » = - : « Beatus Rhenanus de Sélestat : l’homme enthousiaste révélé par le premier volume de ses lettres », AABHS 66 (2016), p. 7-25. Hirstein, « Virgile, les Géorgiques et Rhenanus en 1499 » = - : « Observations sur des gloses de la fin du premier chant des Géorgiques de Virgile (notamment sur Auriga, G., 1, 514) chez le jeune Beatus Rhenanus (1485-1547) », Le Français préclassique, sous presse. Jenny, „Rhenans Lebensende“ = Jenny, Beat Rudolf : „Zwei Basler Quellentexte zu Beat Rhenans Lebensende und Nachlass“, AABHS 35 (1985), p. 283-286. Marulle, Hymnes naturels, Chomarat = Michel Marulle, Hymnes naturels, édition critique par Jacques Chomarat, Genève, Droz, 1995. Meyer, « Robert Walter, l’ami de Beatus Rhenanus » = Meyer, Hubert : « Robert Walter, l’ami de Beatus Rhenanus (1906-2005) », AABHS 55 (2005), p. 102-105. Meylan, « Rhenanus et les écrits luthériens » = Meylan, Henri : « Beatus Rhenanus et la propagande des écrits luthériens en 1519 » in Colloquia Erasmiana Turonensia, vols. 1-2, éd. Jean-Claude Margolin (12e Stage International d’Etudes humanistes, Tours, 1969), Toronto/Buffalo, Univ. of Toronto Press, 1972. Colloquia Erasmiana Turonensia, vols. 1-2, éd. Jean-Claude Margolin (12e Stage International d’Etudes humanistes, Tours, 1969), Toronto/ Buffalo, Univ. of Toronto Press, 1972.

* Introduction

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Munier, « Annotations Tertullien » = Munier, Charles : « Les annotations de Beatus Rhenanus aux éditions de Tertullien (Bâle : 1521 ; 1528 ; 1539) et leur mise à l’Index librorum prohibitorum » in BRLE, p. 235-262. Naas, « Journée d’étude sur le cahier d’écolier de Rhenanus » = Naas, Laurent : « A propos d’une journée d’étude sur le cahier d’écolier de Beatus Rhenanus. Premier bilan et perspectives de la mise en valeur scientifique des collections de la Bibliothèque Humaniste », AABHS 65 (2015), p. 41-45. Piaia, Marsilio da Padova = Piaia, Giorgio : Marsilio da Padova nella Riforma e nella Controriforma, Padua, Antenore, 1977. Raguenel, Volz et Rhenanus = Raguenel, Sandrine de : Les lettres de Paul Volz à Beatus Rhenanus (1522-1542) : edition, traduction et commentaire, 3 vols, Strasbourg, Univ. de Strasbourg, 18 avril 2011 (thèse de doctorat dactylographiée). Reske, Buchdrucker = Reske, Christoph : Die Buchdrucker des 16. und 17. Jahrhunderts im deutschen Sprachgebiet. Auf der Grundlage des gleichnamigen Werkes von Josef Benzing, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2007. Rott, « Rhenanus et Bucer » = Rott, Jean : « Beatus Rhenanus et Martin Bucer : l’humaniste chrétien et le réformateur », AABHS 35 (1985), p. 62-72. Rummel, Confessionalization = Rummel, Erika : The Confessionalization of Humanism in Reformation Germany, Oxford, etc., Oxford University Press, 2000. Screech, Erasmus, Ecstasy and Folly = Screech, M. A. : Erasmus : Ecstasy and the Praise of Folly (1st ed., 1980 Duckworth), Penguin Books/Peregrine Books, 1988. Sturmius, Io., B. Rhenani uita, Horawitz & Hartfelder = Sturmius, Ioannis : Beati Rhenani Vita, Bâle, Froben, 1551 in H, p. 1-11 [Cf. aussi Walter, Thèse t. I, p. 381-395 et t. II. 602-609, avec trad. fran.]. Teichmann, „Die kirchliche Haltung des Rhenanus“ = Teichmann, W. : „Die kirchliche Haltung des Beatus Rhenanus. Eine kirchengeschichtliche Studie“, Zeitschrift für Kirchengeschichte, 26 (1905), p. 363-381.

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* James Hirstein

VD-16 = Verzeichnis der im deutschen Sprachbereich erschienenen Drucke des XVI. Jahrhunderts. -VD-16- Hg. Von der Bayerischen Staatsbibliothek in München in Verbindung mit der Herzog August Bibliothek in Wolfenbüttel, Stuttgart, Anton Hiersemann, 19831993. Volz, „Die ersten Sammelausgaben von Lutherschriften“ = Volz, Hans: Die ersten Sammelausgaben von Lutherschriften und ihre Drucker (1518-1520), Gutenberg-Jahrbuch (1960), p. 185-204. Volz, Thesenanschlag = - : Martin Luthers Thesenanschlag und dessen Vorgeschichte, Weimar, Herman Böhlaus Nachfolger, 1959. Walter, Peter „Marullus und Erasmus“ = Walter, Peter : „Marullus und Erasmus“ in Michael Marullus : Ein Grieche als Renaissancedichter in Italien hg. von Eckart Lefèvre und Eckart Schäfer (NeoLatina, 15), Tübingen, Gunter Narr Verlag, 2008, p. 229-240. Walter, Anthologie = Walter, Robert : Beatus Rhenanus citoyen de Sélestat, ami d’Erasme (1485-1547). Anthologie de sa correspondance (Société savante d’Alsace et des Régions de l’Est. Collection « Grandes Publications », 27), Strasbourg, Oberlin, 1986. Walter, Robert « Entre l’Eglise traditionnelle et la réformation » = Walter, Robert : « Beatus Rhenanus (1485-1547) entre l’Eglise traditionnelle et la réformation », in Lienhard, Marc (éd.) : Les Dissidents du XVIe siècle entre l’Humanisme et le Catholicisme. Actes du colloque de Strasbourg (5-6 février 1982) (Bibliotheca dissidentium scripta et studia, 1), Baden-Baden, Editions Valentin Koerner, 1983, p. 96-109. Walter, Robert, Thèse = - : Beatus Rhenanus (1485-1547) Anthologie de sa Correspondance. (Introduction. Textes établis, traduits et commentés. Annexes, dont la Beati Rhenani Vita de Jean Sturm). Thèse pour le doctorat de 3e Cycle. Université des Sciences Humaines. Strasbourg Janvier 1985 2 t. [La Bibliothèque Humaniste de Sélestat possède une 2e éd. revue et corrigée de t. 2]. WJ = Walter, Joseph : Ville de Sélestat, Catalogue Général de la Bibliothèque Municipale, Première série : les livres imprimés, troisième partie : Incunables et XVIe siècle, Colmar, Imprimerie Alsatia, 1929.

* Introduction

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Zwingli, Briefw., vol. 1, Egli et Finsler = Zwinglis Briefwechsel gesammelt, erläutert und unter philologischer Mitwirkung der Professoren Dr. Hermann Hitzig und Dr. Albert Bachmann bearbeitet von Emil Egli herausgegeben von Georg Finsler, Band I die Briefe von 1510-1522… (Corpus Reformatorum, vol. XCIV), Leipzig, Verlag von M. Heinsius Nachfolger, 1911.

1 L’homme Beatus Rhenanus : une nouvelle interprétation de la Vita rédigée par Johann Sturm et une réévaluation de la place de Rhenanus dans les mouvements de réforme religieuse James Hirstein

Après avoir proposé dans l’Introduction de ce volume un nouveau visage de Beatus Rhenanus partisan d’une réforme de l’Eglise en tenant compte rapidement de l’ensemble de ses contributions connues, nous voudrions ici mieux saisir sa place dans les mouvements de réforme. Nous le ferons en évoquant d’abord la nature de son esprit, ensuite les preuves de sa pensée que l’on peut tirer de la Vita de Johann Sturm, puis un schéma pour décrire le développement des confessions à l’œuvre à son époque et enfin la place qu’il pourrait occuper dans un tel schéma. Quies [1] Pour illustrer ce colloque (voir l’image en tête de volume), et la personnalité de Beatus Rhenanus, nous avons choisi un emblème abstrait, tiré d’une collection publiée en 1624 par Otto Vaenius. Selon la classification faite par Lucie Galactéros de Boissier en 1980, il s’agit d’un type qui emploie « des objets symboliques, à l’exclusion de figures humaines1 ». Je la cite : Malgré la présence physique des objets figurés avec un réalisme souvent naïf, malgré leurs intentions parfois puériles, leur manichéisme grossier, il semble que ce type d’emblèmes soit plus abstrait, plus intellectuel, plus élaboré. Il ose la transposition littérale des métaphores du verbe dans le domaine plastique ; plus exigeant, 1 Galactéros de Bossier, « La Fortune ». Notre image se trouve à la p. 101, fig. 1.

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1. James Hirstein celui-ci dévoile crûment leur vigueur, mais, en même temps, il leur infuse l’ambiguïté qui lui est propre. Ainsi la pierre quadrangulaire apparaît tantôt comme le ferme symbole de vertu, propre à stabiliser la sphère de la Fortune, tantôt comme une lourde entrave aux élans de l’idéaliste2.

Il est vrai que cet emblème abstrait peut prêter à de nombreuses interprétations et utilisations. [2] Le premier volume de la nouvelle édition de la Correspondance de Beatus Rhenanus a permis pour la première fois de fournir un portrait plus complet de l’homme pour la période concernée, savoir 1506-1517. Il n’était pas l’érudit figé que l’on présente souvent. C’était un homme bien plus complexe qui portait en lui des forces contradictoires. Pour schématiser les choses, il avait une nature, un esprit très ouvert et enthousiaste. Devant une nouvelle idée, si les conditions correctes étaient réunies, il pouvait véritablement s’enthousiasmer pour elle. Mais quelles sont ces conditions ? Rhenanus était aussi quelqu’un de discret et de modeste. De plus chez lui et à l’Ecole latine de Sélestat, il avait reçu une éducation et une formation traditionnelles, conservatrices, rigoureuses, pour résumer, on pourrait dire une formation solide ou carrée. Cela signifie qu’il disposait d’un fin jugement critique. Or, pour que Rhenanus s’enthousiasmât pour une idée, celle-ci devait d’abord répondre aux conditions posées par son esprit critique, ensuite, toucher une corde sensible ; il faut dire que c’est souvent la beauté d’une idée qui le touchait le plus. [3] Voyons deux exemples provenant du premier volume de ses lettres. [4] Beatus Rhenanus étudia sous la direction de Lefèvre d’Etaples à Paris et lui servit d’assistant et d’aide dans les imprimeries. La découverte d’une nouvelle lettre, sans doute de 1506, nous amène à croire que le Sélestadien aida le Français à préparer son très célèbre Quintuple Psautier, qui, on le sait, rendit des services à Martin Luther. [5] Le Quintuple psautier parut à Paris le 31 juillet 1509 chez Henri Estienne I. Il s’agit d’une édition de 4 versions historiques latines des psaumes utilisées à diverses époques accompagnée d’une 5e appelée le « Psautier concilié » qui résulte d’une comparaison établie par Lefèvre entre le Psautier gallican (la Vulgate) et le Psautier hébreu, tous deux provenant de s. Jérôme. Lefèvre propose un commentaire très fourni,

2 Galactéros de Bossier, « La Fortune », p. 83.

1. « L’homme Beatus Rhenanus »

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allant jusqu’à rédiger, selon le psaume, des méditations et des pensées élevées. [6] Le Français a envoyé un exemplaire à Rhenanus après que celui-ci fut rentré chez lui en Alsace3. Voici la première phrase de la lettre où le Sélestadien fait état de ce don à son camarade d’études et ami Michael Hummelberg : « C’est le Quintuple psautier que le dieu des philosophes, Lefèvre d’Etaples, m’a envoyé en cadeau ». Plus loin, Rhenanus se laisse emporter devant le commentaire de Lefèvre : « Mais que dire de ses méditations sur le psaume 1194 ? crois-moi, il n’y a rien dans l’ouvrage pour me plaire davantage, pour me toucher davantage, pour se manifester de manière plus belle et seyante. Ces merveilleuses représentations de Lefèvre sont des élévations mystiques si bien adaptées et convenant si bien aux paroles du Psalmiste que lorsqu’on les a lues, on possède son sens avec un plus abondant profit. »

Nous ne trouvons pas de telles exclamations chez d’autres personnes ayant étudié sous la direction de Lefèvre, comme par exemple, Hieronymus Gebwiler, Johann Sapidus ou Hummelberg. Rhenanus est sensible à de telles élévations. [7] Un autre exemple. Après avoir guidé efficacement et fidèlement l’éditeur Matthias Schürer pour choisir des livres à imprimer à Strasbourg, Rhenanus s’établit à Bâle au mois d’août 1511. Il cherchait à parfaire ses études de grec et à œuvrer dans l’imprimerie de Johann Amerbach. Son professeur de grec était le moine dominicain de Nuremberg, Johann Cuno, qui avait été actif notamment chez Aldo Manuzio à Venise. D’après ses lettres, on s’imagine Cuno comme un homme joyeux et volubile qui pouvait en inspirer d’autres. Son influence très forte sur Rhenanus a souvent été méconnue ou sousestimée. Cuno a influé certes sur les pratiques philologiques de Rhenanus, mais aussi sur ses conceptions philosophiques en lui présentant la pensée de Platon d’une manière qui lui fût acceptable. 3 Pour la découverte de l’exemplaire même de Rhenanus par Richard J. Oosterhoff, voir EBR, 1, p. 933, {2}. 4 EBR, p. 135, n. 6 « Le psaume 119 actuel (118 dans le Quint. Psaut.) est un « psaume alphabétique », où les 22 strophes composées chaque fois de huit vers correspondent aux 22 lettres de l’alphabet hébreu et chaque verset commence par la même lettre. Un jeune homme demande à Dieu, en chantant ses louanges, de lui faire connaître ses lois. Pour Lefèvre les huitains sont des « soliloques tenus avec Dieu en son for intérieur par le psalmiste ».

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1. James Hirstein

[8] Or les deux hommes décidèrent de publier la traduction latine, qu’ils avaient fortement révisée, d’un Père de l’Eglise grecque du IV s., Nemesius d’Emèse. Comme d’autres pères grecs de l’époque (Cuno et Rhenanus avaient même pris Nemesius pour Grégoire de Nysse) cet auteur, inconnu par ailleurs, avait opéré une fusion très optimiste du christianisme et du néo-platonisme. Il a manifestement traité de questions qui touchaient une corde sensible chez Rhenanus. [9] Dans l’épître dédicatoire qu’il a faite à Lefèvre d’Etaples en mars 1512, le Sélestadien dit ceci en passant en revue ce qui lui plaît chez Nemesius : « Ensuite, Nemesius discute de l’âme, en s’opposant violemment à Aristote et à d’autres philosophes, si bien que nulle part je ne crois avoir lu quelque chose de plus beau que ces lignes. »

C’est la beauté de la pensée qui appelle l’enthousiasme de Rhenanus. Que fait Nemesius pour s’opposer à Aristote ? Il rejette l’idée que l’âme dépendrait du corps afin de se réaliser. Pour Nemesius, l’âme se suffit à elle-même. Elle est immatérielle et immortelle. Le point de vue d’Aristote sur l’immortalité de l’âme n’était pas clairement défini. C’était un sujet qui comptait beaucoup aux yeux de Rhenanus5. [10] Des exclamations de cette nature se présentent chez Rhenanus dans d’autres domaines, en histoire, en littérature, mais je reviens à l’emblème. Il y a la sphère dangereusement mobile de la Fortune ou de l’Enthousiasme qui est tenue en équilibre, mieux, stabilisée par la pierre quadrangulaire de la vertu ou du jugement critique. La devise mobile fit fixum « ce qui est mobile se fixe », ainsi que le titre Quies, le « calme », pourrait faire croire à une sorte de paralysie. Il n’en est rien. Ce n’est pas le calme plat. Comme vous pouvez le voir – si vous regardez bien – la sphère semble tourner. Nous nous trouvons devant la rencontre de deux forces opposées qui créent une dynamique en fusionnant. Il y a mouvement, mais un mouvement maîtrisé qui conduit au progrès6.

5 Quant à la question du rapport entre l’âme et le corps, Nemesius utilise une comparaison : L’union de l’âme avec le corps est comme celle de la lumière avec l’air « les deux se pénètrent totalement, l’air est entièrement traversé par la lumière et pourtant ils ne se confondent pas ; la pureté de la lumière n’est en rien entamée par son union avec l’air ». 6 Pour un traitement plus étendu du rôle de l’enthousiasme chez Rhenanus, voir Hirstein, « Rhenanus, l’homme enthousiaste ».

1. « L’homme Beatus Rhenanus »

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La Vita de Rhenanus par Johann Sturm [11] Nous avons eu l’occasion de critiquer la biographie que le pédagogue et diplomate protestant Johann Sturm avait faite de Beatus Rhenanus en 15517. On sait néanmoins que la critique des sources permet une utilisation plus sûre et valable de l’œuvre par la suite ! [12] Pour bien utiliser ce document, le lecteur doit assimiler deux faits à son propos. D’abord, une découverte faite en 1987 par l’érudit bâlois Frank Hieronymus transforme la manière dont la Vita Rhenani peut se lire. Hieronymus a publié une lettre de Rhenanus qui avait été négligée par les chercheurs ; elle nous apprend que le biographe futur Johann Sturm avait rencontré le Sélestadien et parlé avec lui, ce qu’on ignorait jusqu’alors8. [13] Après la mort d’Erasme en 1536, Rhenanus avait joué un rôle majeur dans la publication de ses Opera omnia, qui paraîtront en 1540 à Bâle chez Froben. Le 23 juin 1540, il envoya depuis Sélestat la préface pour l’ensemble et la biographie d’Erasme pour qu’elles figurent dans l’édition. La lettre d’accompagnement aux responsables bâlois9, découverte par Hieronymus, nous fait savoir que Sturm avait récemment rendu visite à Rhenanus à Sélestat, après avoir accompagné Joachim Camerarius, bon ami de Philippe Melanchthon10, à Plombièresles-Bains près d’Epinal. Pour retourner à Strasbourg, Sturm avait choisi de passer par Sélestat et cela sans doute dans un but précis11. [14] En effet, c’était l’époque du colloque de Haguenau et Sturm et Camerarius avaient fait partie de la délégation protestante12. Avec l’accord de Francfort du 19 août 1539, Charles Quint avait demandé à son ministre, Nicolas Perrenot de Granvelle, de mettre en place une trêve entre les partisans de Luther et les catholiques pour qu’il y ait rencontre et négociation dans l’espoir d’empêcher un schisme en Allemagne. L’empereur voulait éviter une guerre ; le pape Paul III en 7 Voir Hirstein, « Johann Sturm’s Biography and a Distorted Image of Rhenanus ». Le texte de la biographie le plus disponible est H, p. 1-11. Nous utilisons néanmoins l’édition critique de Robert Walter, Thèse, voir plus loin. 8 Hieronymus, « Ein vergessener Brief ». 9 Les Bâlois en question sont : Bonifacius Amerbach, Sigismundus Gelenius, Hieronymus Froben et Nicolaus Episcopius. 10 Il n’est peut-être pas sans importance que Johann Sturm dans la vie de Rhenanus qu’il a publiée en 1551 mentionne Melanchthon lorsqu’il décrit le contexte d’études à l’époque de la jeunesse de Rhenanus et compare leurs âges (H, p. 3), voir plus loin. 11 Cf. Hieronymus, « Ein vergessener Brief », p. 161, n. 19. 12 Hieronymus, « Ein vergessener Brief », p. 160-161.

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revanche appréhendait la tenue d’un concile général (une tentative pour un sommet à Mantoue le 23 mai 1537 avait échoué). Trois colloques en faveur de l’union allaient avoir lieu13. Même si Rhenanus ne parlait pas beaucoup de sa propre confession religieuse, sa correspondance, avec Paul Volz et Nikolaus Brieffer, par exemple, montre qu’il s’intéressait fortement aux trois colloques des années 1540-1541. Il ne faut pas oublier non plus qu’il avait assisté à la diète d’Augsbourg en 1530. [15] Or le bien modeste Rhenanus dit dans la lettre d’accompagnement qu’il aurait mieux valu trouver quelqu’un d’autre pour écrire la préface aux Œuvres complètes d’Erasme, un meilleur styliste, quelque imitateur de Cicéron, et il poursuit : Ioannes ille Sturmius operam suam uobis hic non denegasset. Qui uir ex proximo congressu mihi primum cognitus cum Ioachimum Camerarium ad Aquas Plumerianas euntem produxisset, felix, elegans & sanum ingenium habere uidetur. Scribit & terse & docte14.

Le ille laudatif montre que le Sélestadien connaissait Sturm déjà de réputation. Il a pu tirer la conclusion sur son talent « heureux, élégant et sain » d’après leur entretien. En revanche la remarque à la fin sur son style « net et savant » laisse entendre que Rhenanus l’avait lu15. Ces éléments nous fournissent le renseignement essentiel que Sturm avait pu s’entretenir avec Rhenanus, peut-être de sujets sensibles ou en tout cas de manière générale sur le colloque de Haguenau. [16] Ensuite, revenons à la critique de la biographie et au second fait qu’il faut intégrer à son propos. Dans l’article où nous examinons la biographie de Sturm, nous avons relevé plusieurs faiblesses dans son approche16. L’une de ces faiblesses ainsi que les sources dont

13 Les colloques de Haguenau (du 12 juin au 28 juillet 1540), de Worms (du 25 nov. 1540 au 18 janv. 1541 et la diète de Ratisbonne (du 5 avril au 29 juillet 1541). Pour un résumé dans le contexte qui nous intéresse, voir Raguenel, Volz et Rhenanus, vol. 3, p. 195-201. 14 « Le célèbre Johann Sturm ne vous aurait pas refusé ce service. Or cet homme, il m’a été donné, à la suite d’une rencontre toute récente, de le connaître pour la première fois, après qu’il eut guidé Joachim Camerarius qui se rendait à Plombièresles-Bains : il semble disposer d’un talent heureux, élégant et sain. Il écrit et nettement et savamment ». 15 Pour les livres de Sturm possédés par Rhenanus, voir Hirstein, « Johann Sturm’s Biography and a Distorted Image of Rhenanus », p. 82, n. 20. 16 Hirstein, « Johann Sturm’s Biography and a Distorted Image of Rhenanus ».

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Sturm disposait ont provoqué une erreur très révélatrice de la pensée de Rhenanus dans la dernière période de sa vie. [17] La faiblesse qui doit nous intéresser ici est que Sturm, à notre avis17, avait choisi un modèle antique inadapté : Suétone, auteur de la Vie des douze Césars. Comme on le sait, le biographe romain avait adopté, peut-être inventé, une rédaction non seulement per tempora mais aussi per species, c’est-à-dire une approche chronologique et en même temps thématique (l’utilisation de cas particuliers)18 ou diachronique et synchronique. Il commence la vie des princes (de Jules César jusqu’à Domitien) par des renseignements sur la famille, le lieu, la date et les circonstances de la naissance du prince. Ensuite il retrace dans un récit chronologique sa jeunesse et son développement jusqu’à son accession au pouvoir suprême. A cet endroit, l’ordre chronologique est abandonné pour une description synchronique de la personnalité de l’empereur, description organisée par des rubriques précises, dont notamment celles des vertus et des vices. Puis Suétone reprend, pour l’essentiel, l’ordre chronologique et termine son récit par la mort du prince et par les honneurs funéraires qui lui furent rendus ; toutefois cette dernière partie lui permet de porter un jugement d’ensemble plus thématique sur l’existence du prince. [18] C’est bien l’ordre suétonien qu’adopte Sturm. Robert Walter, dans sa thèse universitaire, a procuré une édition critique de la biographie et établi 25 divisions dans la Vita Rhenani19. Nous regroupons ces divisions en trois parties. 17 Backus (« Sturm’s Life of Rhenanus ») mentionne en passant la biographie antique, mais n’entre pas dans le détail des possibilités d’influence. 18 Conte, Lat. Lit., p. 547. 19 Walter, Robert, Thèse, vol. 1, p. 381-395 et vol. 2, p. 602-609. Sections: (1) Beato Rhenano; 2) Hoc parente; 3) Angelus enim Politianus; 4) Hisce hominum temporibus ; 5) Post hanc disciplinam; 6) Bona tunc temporis … condition; 7) Sed uelut; 8) His initiis; 9) Mortuo Conone; 10) Nam ut de moribus; 11) Fuit Argentorati; 12) Hanc solam … contentionem; 13) Fuerunt tamen; 14) Quanquam etiam; 15) Nam post matris … obitum; 16) Vitae enim; 17) Inique etiam; 18) Sed satis de re nugatoria; 19) Conuertit e Graeco; 20) Ut enim reliqua persequamur; 21) Magna fuit … solitudo; 22) Tempora studiis; 23) In moribus eius; 24) Valetudine; 25) Sed Rudolphus Berzius ait. Walter a opéré six corrections du texte de H (« p. » = H, div. = Walter) p. 2/div. 3, lire floruerunt. Quanquam non floruerunt, quanquam; p. 3/div. 3, lire respublicas non respublicae; p. 7/div. 12, lire sermonibus non senioribus; p. 8/div. 16, lire vacationum, non vocationum; p. 9/div. 17, lire beatitatem omnibus omnium Caesarum ... epulis, non beatitatem omnium Caesarum ... epulis; p. 9/div. 19, lire Plinium, Livium commentariolis, non Plinium commentariolis. La vie a été traduite en français par Munier et commentée par

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I.

les débuts jusqu’à l’arrivée d’Erasme à Bâle en août 1514, traitement chronologique, (divs. 1 à 9, 9 divs.)

II. section « morale », traitement thématique, (divs. 10-19, 10 divs.) III. retour de Rhenanus à Sélestat de 1526-1528 à 1547 : traitement en partie chronologique, en partie thématique (divs. 20-25, 6 divs.)

La première partie contient 9 divisions, commençant par les origines du nom de Rhenanus et de son père pour finir par la rencontre entre Rhenanus et Erasme à Bâle, à l’arrivée de ce dernier en 1514. La rupture avec le récit chronologique a lieu ici, commençant par la div. 10 pour continuer jusqu’à la div. 19. [19] En effet, dans la deuxième partie Sturm traite du caractère de Rhenanus, de sa vie privée et de sa pensée religieuse en relatant des anecdotes. Dans la troisième partie, avec la div. 20, Sturm reprend, jusqu’à un certain point, un récit chronologique pour décrire le départ de Rhenanus de Bâle et son retour à Sélestat. Il entre néanmoins dans le détail de ses conditions de vie et de ses habitudes dans sa ville natale pour revenir encore sur son caractère et sa pensée religieuse. Sturm rédige la vie dans cette section afin de porter un jugement sur l’existence que Rhenanus a connue. Ce genre de redite ou de retour à la fin de la vie est caractéristique aussi de Suétone. Sturm évoque enfin sa santé, sa maladie et sa mort (div. 25). La première partie comporte 9 divs. (1-9), la deuxième, 10 (10 à 19) et la dernière 6 (20 à 25). [20] Dans une biographie, la partie centrale sur la personnalité, sur le caractère de l’individu – sans doute une innovation de Suétone – avait une justification : le biographe s’était rendu compte que la vie privée de l’empereur avait une incidence sur la vie publique ou plutôt la res publica, l’Etat : les vertus et les vices de l’empereur devenaient les vertus et les vices de l’Etat20. [21] L’utilisation, presque l’abus, du modèle suétonien par Sturm présente des avantages et des inconvénients. Elle lui laisse de la place pour évoquer largement la position religieuse de Rhenanus, entre

Meyer (Sturm, Jean, « Vie de Rhenanus », Munier et Meyer) et aussi par Walter (Thèse, p. 381-395). Nous pouvons nous inspirer de la traduction assez libre de Munier, de celle moins libre de Walter, mais nous proposons souvent ici une version plus littérale encore selon les besoins de l’analyse. 20 Voir Cizek, « Claude chez Suétone », p. 48 et cf. Hirstein, « Johann Sturm’s Biography and a Distorted Image of Rhenanus », p. 96.

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autres « obsessions », mais lui fait perdre le fil du récit chronologique. Considérons de plus près ces éléments. L’examen de la Vita de Sturm [22] Dans la première partie, nous ne mentionnerons que la div. 3. Il est frappant de constater que Sturm, afin de donner un repère chronologique pour les premières études de Rhenanus à Sélestat, mentionne Philippe Melanchthon (1497-1560) dont il dit que les efforts en vue des études se « développaient » à cette même époque : il était douze années plus jeune que Rhenanus selon Sturm, ce qui est juste : Adolescebant eadem tempestate studia Philippi Melanchthonis, qui duodecim annis, ut opinor, minor erat21.

Il n’y a aucune trace d’une correspondance épistolaire entre Rhenanus et Melanchthon, ce qui semble curieux22. [23] Dans la neuvième division, juste avant la deuxième partie de la vie, Sturm nous dit que Rhenanus resta un « certain nombre d’années » (aliquot annos) à Bâle en raison de la « qualité de vie » (propter salubritatem atque amoenitatem23), comme nous le dirions aujourd’hui, c’est-à-dire du caractère sain et agréable du site et de la fréquentation et de l’amitié des hommes les plus instruits et des individus les meilleurs. L’arrivée d’Erasme au mois d’août 1514 prouve que Rhenanus a fait le bon choix. [24] C’est l’allusion aux sentiments de respect et d’amitié entre Rhenanus et Erasme à la fin de la div. 9 qui semble appeler la partie thématique de la biographie : Ut par esset et in Beato obseruantiae et in Erasmo amoris significatio. (div. 9) Nam ut de moribus eius dicamus24… (div. 10).

Et ici commence l’étonnante section morale ou thématique. Etonnante parce que par cinq fois, après avoir parlé vaguement de vertus, Sturm cherche des vices et puis s’en excuse. Il relate le seul conflit qui lui est 21 « A cette même époque, se développaient les efforts de formation de Philippe Melanchthon, lui qui, comme je le pense, était douze ans plus jeune que Rhenanus. » 22 Sur la très forte possibilité que des lettres de Rhenanus ont été détruites de propos délibéré, l’introduction de ce volume, par. 17. 23 « En raison de la salubrité et de l’agrément » (Walter). 24 « si bien que l’expression du respect chez Rhenanus et celle de l’amour chez Erasme fut égale. En effet, afin de parler de son caractère… »

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connu dans la vie de Rhenanus (div. 11) ; relève que certains trouvaient qu’il manquait de courage, d’autres de générosité (div. 13) ; Rhenanus était très économe (div. 14) et n’était pas à l’aise avec le mariage (div. 14 également) et avait craint d’assumer son choix de confession (div. 18). La longue section centrale est la descente aux enfers pour Beatus, qui, après tout, n’est pas un empereur romain ! [25] Sturm arrive ainsi à la question de la religion dans la div. 18 : Sed satis de re nugatoria, ueniamus ad religionem, in qua aliqui fortem eum non fuisse culpant, quod cum probaret nostram, partes eius non susceperit. Fateor ego probasse Beatum in religione, quod praecipuum est, doctrinae lucem et improbasse, quae pestiferae semper fuerunt, doctrinae tenebras. Sed omnes istae calumniae de pecuniarum usu et de religione priuatae conscientiae sunt. Vixit Beatus, dum uixit, absque ullo maleficio ullaue iniuria : uixit temperanter, uixit uitam philosophicam25.

Mais Sturm laisse le lecteur sur sa faim. Il relate la critique formulée à propos du Sélestadien : quelques personnes le blâment pour un manque de courage parce que tout en approuvant la confession de Sturm et des siens, il n’aurait pas pris parti pour elle. Ensuite le Strasbourgeois justifie en quelque sorte le comportement de Rhenanus en reprenant la critique par la répétition du mot « approuver » probare et en reconnaissant qu’il aurait néanmoins approuvé l’essentiel : la lumière de la doctrine. [26] Cependant, le biographe, en utilisant la conjonction adversative Sed dans Sed omnes, brise le cours de son propos. Il aurait pu poursuivre pour nous dire comment il savait que Rhenanus approuvait la lumière de la doctrine (en ont-ils parlé ensemble de manière générale ?). Après être maladroitement sorti du cadre qu’il avait luimême établi, il prétend que les critiques formulées sur un autre domaine, l’utilisation de l’argent, et sur la pensée religieuse, sont en fait des « calomnies » et relèvent après tout du domaine privé. Mais 25 « Mais assez de bagatelles, venons-en à la croyance religieuse, où quelques

personnes le blâment en disant qu’il n’a pas été courageux parce que, alors qu’il approuvait notre croyance, il n’a pas, disent-ils, pris son parti. Je reconnais, quant à moi, que Beatus a approuvé dans la croyance religieuse ce qui est la chose principale, la lumière de la doctrine, et qu’il a désapprouvé ce qui a toujours été pestilentiel, les ténèbres de la doctrine. Mais toutes ces misérables calomnies à propos de l’usage de l’argent et de la croyance religieuse relèvent de la conscience privée. Beatus a vécu, pendant qu’il a vécu, sans aucune mauvaise action, sans aucune injustice : il a vécu dans la modération, il a vécu la vie philosophique. »

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c’est justement ce dont Sturm lui-même – en suivant le modèle de Suétone – voulait traiter ! Dans la dernière phrase, il est vraisemblable que le Strasbourgeois répète le verbe uixit quatre fois pour souligner qu’il relate ce que les gens ont connu de Rhenanus de son vivant. En tentant d’écrire la biographie du Sélestadien après sa mort, Sturm avait eu beaucoup de mal à saisir l’homme26. La raison en était sans doute la discrétion et la modestie de son sujet. Toutefois, le Strasbourgeois pourrait vouloir dire aussi, notamment à travers l’expression dum uixit, que sa réputation après sa mort était différente de celle qu’il avait eue durant sa vie. [27] Dans la dernière division de la section sur les mœurs (div. 19), Sturm rappelle la production littéraire et même épigraphique de Beatus Rhenanus. La liste, et ce n’est pas beaucoup plus que cela, est néanmoins assez complète27. Il n’en reste pas moins que des absences se signalent. Bien que les lettres de Grégoire de Nazianze, mentionné par Sturm, se trouvent dans le même gros volume contenant le Sur la nature de l’homme de Nemesius d’Emèse, cet ouvrage et cet auteur, de loin plus importants, sont négligés. Est-ce que le néoplatonicien Nemesius pouvait déplaire à Sturm ? On ne voit pas non plus les autres publications de Rhenanus sur le néo-platonisme : Aeneas Platonicus et Maxime de Tyr28. [28] Toutes les petites éditions procurées chez Matthias Schürer sont également absentes (à l’exception des lettres de Nazianze) : Pline le Jeune et les auteurs néo-latins italiens font défaut29. Le rôle essentiel que Rhenanus a joué à partir de l’année 1514 dans la publication des œuvres d’Erasme est tu, passé sous silence. Rien non plus sur la publication d’ouvrages de Martin Luther chez Froben par Rhenanus et Wolfgang Capito en octobre 1518 ni plus tard pour les 26 Voir Hirstein, « Johann Sturm’s Biography and a Distorted Image of

Rhenanus », p. 98 et 101-102. 27 Nous résumons sa liste (div. 19) : Traduction du grec en latin de deux lettres de Grégoire de Nazianze à Themistius (1512) ; Res germanicae (1531) ; Tertullien (1521, 1528, 1539) ; Tacite (1519, 1533, 1544) ; Pline (1526) ; Tite-Live (1535) ; Velleius Paterculus (1520-21) ; Eusèbe (1523, 1528) ; Sénèque (Apocoloquintose, 1515, 1529) ; Synesius de Cyrène (Eloge de la calvitie 1515) ; Diverses préfaces à la tête de divers livres ; Inscriptions et illustrations sur les bâtiments de Sélestat. 28 Pour Aeneas Platonicus (Enée de Gaza), voir la contribution d’Y. Lehmann dans ce volume. 29 Il est vrai qu’on pourrait les comprendre comme allant sous la rubrique « diverses préfaces à la tête de divers livres », voir la note ci-dessus ; cependant, on aurait aimé plus de précision.

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années 1519-1522 où Rhenanus met tout en œuvre pour diffuser le message de Luther, ainsi que celui d’Erasme, comme on le voit dans sa correspondance avec Huldrych Zwingli. Vers la fin de la vie de Rhenanus, la traduction par Léon Toscan de la liturgie de saint Jean Chrysostome, que le Sélestadien a publiée en 1540, ne trouve pas mention non plus30. [29] A la fin de la division 19, Sturm résume l’homme ainsi : Denique uir bonus et doctus fuit, imo fuit optimus atque doctissimus. Nimiae est morositatis in bonitate crimen inuestigare31.

C’est-à-dire qu’il critique de nouveau sa propre méthode ! [30] Sur ce, Sturm revient de manière nette à sa narration chronologique à la div. 20, en faisant un très grand saut. En effet, rappelons pour mémoire que le récit chronologique s’était arrêté en 1514. Maintenant, Sturm, passant excessivement vite sur les séjours prolongés de Rhenanus à Paris (1504-1507), à Strasbourg (1509-1510 pour l’essentiel32) et, surtout, à Bâle (1511-1526/8), porte son attention seulement sur son retour à Sélestat, et, qui plus est, se trompe lourdement. Ut autem reliqua persequamur, quia de uita eius Parisiensi et Argentinensi et Basiliensi dubium nullum est quin plena fuerit studii, diligentiae, honestatis, quibus uirtutibus literarum cognitionem amplam comparauit, reliquam aetatem uideamus, quam in patria exegit. (….) Huius haereditate et patrimonio, quod a parente utroque habuit, contentus, primum praecipuumque uitae suae munus esse arbitratus est literas colere et ex literis prodesse rebus mortalium. Quamobrem ubi satis se Basileae fuisse existimauit, domum reuersus est, cum annos ad triginta quinque natus esset, incensa disceptationum inimicitiis inter pontificios et Lutherum religionis contentione, in cuius societate propter ingenii placabilitatem esse noluit33. (div. 20). 30 Voir Fraenkel, « Rhenanus historien de la liturgie » et plus loin. 31 « C’était un homme bon et savant, mieux c’était le meilleur homme et le plus

savant. Il relève d’une humeur chagrine excessive de suivre à la trace des chefs d’accusation dans une vie de bonté ». 32 Cf. EBR, 1, p. CLVI-CLVIII (« Ephémérides de Rhenanus »). 33 « Or afin de poursuivre le reste, parce qu’à propos de sa vie à Paris, à Strasbourg et à Bâle, il n’y a aucun doute qu’elle était remplie d’études, d’application et d’honnêteté, vertus grâce auxquelles il s’est procuré de vastes connaissances littéraires, voyons le restant de sa vie, qu’il a terminé dans sa patrie (de Sélestat) ». (….) Et de là, se contentant de l’héritage et du patrimoine qu’il eut reçus de chacun des deux membres de sa famille, il pensa que la première et la plus importante

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Après avoir écarté d’un revers de la main ces trois périodes importantes de la vie de Rhenanus en s’appuyant sur des vertus certes nobles, mais, ici, vides (l’« étude », l’« activité », l’« honnêteté »), et fait allusion aux héritages dont Rhenanus pouvait bénéficier à Sélestat34, Sturm traite en détail uniquement la dernière partie de son existence, celle qu’il a passée dans sa ville natale. Il faut seulement confirmer et seconder ce que le biographe dit ici, que Rhenanus pensait véritablement que son rôle essentiel dans la vie – à part son salut et celui des autres – était d’être utile aux hommes grâce aux lettres ; Rhenanus appelle lui-même cette tendance son « désir d’aider »35. [31] L’utilisation du terme de liaison Quamobrem logique et affirmative « c’est pourquoi » laisse penser que dans l’esprit de Sturm Rhenanus allait surtout servir les hommes grâce aux lettres une fois de retour à Sélestat. Or cette phrase présente des difficultés. Si on fait un calcul rapide, Rhenanus, né en 1485, comme l’écrit Sturm, avait atteint l’âge de 35 ans en 1520. A cette époque il n’est pas vraisemblable qu’il y ait eu des conflits entre les Papaux et les Luthériens à Bâle et puis on sait que Rhenanus a commencé à quitter Bâle seulement en 1526, six ans plus tard. C’est en 1529 que la ville suisse devint réformée officiellement en abolissant la messe. [32] Si on avait des doutes sur l’erreur commise par Sturm, celuici « insiste et signe » dans la div. 21 : Postridie quam filius Basilea propter patris ualetudinem uocatus aduenisset, pater diem suum obiit. Adduxerat secum Basilea

responsabilité de sa vie était de cultiver les lettres et à partir d’elles d’être utile à l’existence des mortels. C’est pourquoi, lorsqu’il jugea qu’il avait été suffisamment à Bâle, il rentra chez lui, alors qu’il était âgé d’environ 35 ans, car le conflit religieux ayant été attisé par les discussions haineuses entre les Papistes et Luther, il ne voulut pas y prendre part, en raison de son caractère porté à l’apaisement » (trad. de Walter utilisée en partie). 34 Comme ce passage de transition est important, nous fournissons ici la matière coupée, qui fournit le détail des héritages de Rhenanus : Patrimonium principio a patre mediocre, ut ante posui, expectabat et uiuere cum patre liberaliter potuit, praesertim cum auunculus Renardus Kegelius sacerdos bona sua ei testamento ad patris bona addidisset « Dès le début, il attendait un patrimoine raisonnable de la part de son père, comme je l’ai indiqué, et il put vivre généreusement en sa compagnie, surtout étant donné que son oncle Reinhard Kegler, prêtre, avait en sa faveur ajouté aux biens de son père les siens par testament » (Hirstein). 35 Voir dans EBR, 1, p. XVI-XVII, XXXIV et p. 433, n. 26 (in gratiam studiosorum).

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1. James Hirstein famulum Rudolphum Berzium, cuius postea per uitam opera semper usus fuit36…

Le père de Rhenanus, Anton, est mort le 21 novembre 1520, si bien que nous apprenons que Rhenanus serait arrivé à Sélestat le 20 novembre. Or nous savons de manière très sûre que le famulus, l’élève serviteur, de Rhenanus était alors Albert Burer37 et non pas Rudolph Berz. [33] En effet la chronologie acceptée actuellement fait savoir que Rhenanus quitta Bâle pour rentrer à Sélestat fin août 1519 jusqu’à la mi-septembre 1520 en raison de la maladie de son père et de la présence de la peste dans la ville suisse. Son élève-serviteur d’alors, Albert Burer, l’accompagna jusqu’à Sélestat, puis retourna à Bâle. La maladie de son père obligea son retour et un séjour à Sélestat pendant une durée d’environ un mois entre novembre et décembre 152038. C’est ce à quoi fait allusion Sturm. Sauf omission de notre part, la première fois où l’on entend parler de Rudolph Berz, qui sera appelé à seconder Rhenanus pour le restant de son existence, est en 152639. Sturm, dans son erreur de chronologie, fait un « télescopage » de 1520 à 1526, passant cette période essentielle sous silence et effaçant en même temps l’existence d’Albert Burer40. [34] Or soit Sturm se trompe soit il a été trompé par Berz41, qui fut sa source principale pour le séjour sélestadien final de Rhenanus, et, 36 « Le lendemain, après que le fils, appelé en raison de la santé de son père, fut arrivé depuis Bâle (à Sélestat), le père rencontra son dernier jour. Rhenanus avait amené avec lui depuis Bâle son famulus, Rudolph Berz, dont par la suite il utilisa toujours les services ». 37 Voir la contribution de C. Marchand dans ce volume. 38 Voir EBR, 1, p. 27 et dans ce volume, les contributions de Marchand sur Burer (par. 1-2) et de Meyer sur Brunfels (par. 11-12). 39 H, Ep. 255, p. 369. Voir Raguenel, Volz et Rhenanus, vol. 3, p. 7. Selon Walter, Anthologie, Berz serait devenu le famulus de Rhenanus « vers 1521 » tout de suite après le départ d’Albert Burer, mais il ne fournit pas de preuve de cette affirmation. 40 Voir aussi Hirstein, « Johann Sturm’s Biography and a Distorted Image of Rhenanus », p. 93. 41 C’est un personnage difficile à cerner ; le récit de sa vie le plus complet se trouve, sauf erreur, chez Kaiser, „Die letzten Jahren des Rhenanus“, p. 32-35. Son rôle dans le « mariage » de Rhenanus avec sa belle-sœur et puis, après la disparition de l’humaniste, son attitude et fuite dans les procès à propos de son héritage poussent fortement à la circonspection, sinon à la méfiance. Il faut pourtant éviter d’aller trop vite en besogne. Il est grand dommage qu’il ait été le témoin principal de Sturm, qui, lui, était pressé d’en finir avec la biographie. Il n’en reste pas moins que

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pour dire la vérité presque son unique témoin de bonne volonté pour l’ensemble42. Mais l’erreur est grave parce qu’elle fausse considérablement les données connues. Si on pense au moment où Sturm avait brisé le récit chronologique, savoir 1514 (div. 9, l’arrivée d’Erasme à Bâle), la période de 1514 à 1526, un laps de temps de 12 ans, pour le moins, est perdue et n’entre pas en considération. Sur le plan de la pensée religieuse de Rhenanus, toute la période où il s’enthousiasme pour Martin Luther, publie ses livres et tient une correspondance avec Huldrych Zwingli disparaît ! Il n’y a de mention ni des dissensions religieuses à Sélestat en 1523 et en 1524 ni de la Guerre des Paysans ! Il fallait des renseignements dans la biographie sur ces périodes critiques de la vie du sujet. [35] Ce qui est paradoxal est que l’homme réformé Sturm, en passant entièrement sous silence la période de la vie de Rhenanus, pour le moins de 1517 à 1522, où il soutenait très fortement Luther43, se prive de toutes sortes d’appuis pour sa propre pensée, ses propres croyances. [36] Mais comme le modèle suétonien amène des redites, nous revenons sur les mœurs de Rhenanus et sur la religion à la div. 23, car à la fin de la vie, il faut porter un jugement. Ce passage peut aider à expliquer les erreurs commises par Sturm. In religione ne quidem quid ipse sentiret, solebat enunciare, quamuis constat syncerioris theologiae ipsum fuisse studiosum. De Erasmo fertur quod dicere solebat Lutheranos bonam comoediam male agere. Eius ipse principio opinionis fuit, sed aetate accessit propius, ut idem son témoignage, bien compris, peut être utile. Par ailleurs, d’autres correspondants de Rhenanus, Paul Volz, par exemple, ont une attitude positive ou du moins neutre à propos de ce famulus « permanent » (pour le déroulement « normal », avec un début et une fin, d’un rapport entre famulus et maître, voir dans ce vol., Marchand, par. 3, 5, 78, 15-17). Pour le rôle de Berz dans le « mariage » et des soupçons sur ses motivations, voir, par exemple, Holzberg, « Bestandsaufnahme », p. 32 (mais nous ne suivons pas Holzberg dans son interprétation erronée sur le ton des lettres échangées entre Burer et Rhenanus et les conclusions à en tirer ; un tel ton était courant dans de tels échanges) et pour sa conduite dans les procès et sa fuite, voir Kaiser, „Die letzten Jahren des Rhenanus“, p. 32-35 et 37. 42 Voir, par exemple, son nom dans les divs. 24 et 25 de la Vie de Rhenanus par Sturm. Le biographe a pu aussi parler avec son beau-père, Johann Sapidus, mais celui-ci ne semble pas s’être grandement intéressé au récit de la vie d’un homme qu’il avait pourtant bien connu, voir Hirstein, « Johann Sturm’s Biography and a Distorted Image of Rhenanus », p. 79-81. 43 Voir dans ce volume l’introduction par. 5, etc., et Hirstein, « Rhenanus annotateur de Luther ».

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1. James Hirstein sentiret, tametsi idem non tueretur. Dignus sane uir, cui religionis causa committi debuerit, si iudicibus fuisset opus, propter probitatem, ueritatem, doctrinam iudiciique acumen, id quod in scriptis perspecte extat44. (div. 23).

Le retour du Strasbourgeois sur la confession religieuse appelle plusieurs remarques. Le biographe confirme d’abord la discrétion et le secret qui caractérisaient Rhenanus. « Dans le domaine de la religion, même son propre avis, il n’avait pas l’habitude de le révéler ». Par ne quidem quid ipse sentiret nous devons comprendre que Rhenanus devait avoir pour règle de ne pas évoquer la pensée religieuse d’autrui et puis, à plus forte raison, de ne « même pas » s’ouvrir sur la sienne propre. Et pourtant, ce fut un fait reconnu d’après Sturm – le verbe constat est très fort de sens – qu’« il était lui-même partisan de la théologie ‘plus sincère’ ». [37] Ensuite, Sturm va prouver ses dires. C’est vrai qu’il n’y a pas de particule de confirmation, comme nam ou enim dans ce qui suit, mais l’asyndète entre phrases peut aussi jouer ce rôle ou, en l’occurrence, représenter pour nous les « deux points » qui introduisent la formulation d’une preuve. Or, ce que Sturm relate des rapports entre Erasme et de Rhenanus en matière de confession va entièrement à l’encontre de l’opinio communis. Par exemple, R. Walter45 (en compagnie des autres critiques et commentateurs46), dit que Rhenanus dans un premier temps s’était enthousiasmé pour Luther, puis dans un deuxième temps, a pris des distances à son égard, pour revenir finalement vers la pensée d’Erasme. En tout état de cause, nous verrons dans le détail comment Rhenanus s’est enthousiasmé pour la

44 « En matière de religion, même son propre avis, il n’avait pas l’habitude de le

révéler, bien que ce soit un fait reconnu qu’il était lui-même un partisan de la théologie plus sincère. A propos d’Erasme, on rapporte qu’il avait coutume de dire que les Luthériens jouaient mal une bonne pièce. Rhenanus lui-même était de cette opinion au début, mais avec l’âge il se rapprocha d’eux pour penser la même chose, même s’il ne défendait pas la même chose. C’était manifestement un homme à qui on aurait dû confier la cause de la religion, si on avait eu besoin de juges, en raison de sa probité, de son amour pour la vérité, de sa science et de la finesse de son jugement, c’est ce qui se voit clairement dans ses écrits » (Hirstein). 45 Walter, Walter, Robert « Rhenanus entre l’Eglise traditionnelle et la réformation », p. 103-104. 46 Voir par exemple, Teichmann, dans l’introduction de ce volume et aussi Holzberg, « Bestandsaufnahme », p. 28-29.

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pensée de Martin Luther à partir de 151847, pour plus tard, certainement après la Guerre des Paysans, prendre certaines distances. Nombreux sont ceux qui pensent qu’il a pris des distances plus tôt, notamment avec le retour d’Erasme à Bâle en novembre 1521. [38] Pourtant, dans la biographie, Sturm dit tout le contraire. D’après lui, Rhenanus était de l’opinion d’Erasme au début (principio), savoir que les Luthériens étaient dans la bonne pièce mais qu’ils étaient de mauvais acteurs, c’est-à-dire qu’ils avaient compris le problème tout en apportant la mauvaise réponse. Ensuite, en prenant de l’âge, le Sélestadien s’éloignait de plus en plus de l’humaniste hollandais, pour se rapprocher des Luthériens, au point d’être du même avis qu’eux. Néanmoins Rhenanus ne voulut pas défendre cet avis. La répétition de idem dans ut idem sentiret, tametsi idem non tueretur souligne la contradiction que représente la conduite de Rhenanus dans l’esprit de Sturm et aussi sans doute sa réprobation et son regret. Donc, ce que dit Sturm est à l’opposé de l’opinio communis : pour la majorité des commentateurs, Rhenanus suivit Luther pour ensuite revenir à Erasme, mais selon Sturm il suivit Erasme pour ensuite devenir luthérien. [39] Devant cette phrase « Rhenanus lui-même était de cette opinion au début, mais avec l’âge il se rapprocha des Luthériens pour penser la même chose, même s’il ne défendait pas la même chose », le chanoine Munier, dans une note à sa traduction de la vie de Sturm, offre l’explication suivante : « Par cette expression vague, Jean Sturm insinue que Beatus Rhenanus, à la fin de sa vie, était de sentiments luthériens, sans faire profession publique de sa croyance48 ». Il faut admirer l’objectivité de Munier (bien que « insinue » soit un peu fort pour décrire une simple déclaration), qui du moins rend compte de la difficulté. [40] Quel crédit pouvons-nous, devons-nous accorder à la description de Sturm ? Est-ce qu’il inverse l’ordre des événements en raison des erreurs chronologiques qu’il a commises ou est-ce que les erreurs chronologiques proviennent de son interprétation (ou déformation) des données ou s’agit-il simplement d’une autre grosse erreur ? Comme le Strasbourgeois gomme ou plutôt ignore toute la période de la vie de Rhenanus où son enthousiasme pour Luther peut se prouver ou se deviner, savoir de 1518 à 1523 au moins, il se peut 47 Voir dans ce volume l’introduction par. 14, 15, 43 et ss. et Hirstein, « Rhenanus annotateur de Luther ». 48 Sturm, Jean, « Vie de Rhenanus », Munier et Meyer, p. 17, n. 65.

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que lorsqu’il commence son récit en 1526, il exprime la vérité : à ce moment-là, s’étant éloigné des manifestations violentes de réforme, Rhenanus était de l’avis d’Erasme qu’il ne fallait pas soutenir de tels mouvements, mais œuvrer pour le changement de l’intérieur de l’Eglise. [41] Or comme sa source principale pour cette période était Berz, qui avait commencé à suivre Rhenanus vers 1526, ce famulus ne pouvait savoir quelle avait été la pensée antérieure de son maître (car l’intéressé n’allait certainement pas faire à son famulus le récit de son évolution personnelle en matière de religion !). En effet, Berz ne pouvait point savoir ce que Burer, par exemple, savait pertinemment49 ! Cependant, ensuite, peu à peu, Berz a pu deviner le point de vue de son maître, si bien qu’il a dit à Sturm que Rhenanus était en fait un partisan secret de Luther50. [42] Dans ce cas-là, on ne peut pas taxer Sturm de déformation, seulement de l’utilisation de sources incomplètes. Le biographe a fait état de ce que sa source, Berz, était en mesure de lui dire. Faute de renseignements plus complets, le Strasbourgeois a dû faire sens de la pensée religieuse de Rhenanus pour la période de 1526 à 1547. Dans les limites, les contraintes, de cette période, ce qu’écrit Sturm peut alors être vrai. Cela veut dire pourtant que nous avons une preuve, discutable peut-être en raison de sa source, Berz, mais dont il faut tenir compte, que Rhenanus, sur le plan privé, soutenait encore Luther à la fin de sa vie, ce qui va à l’encontre de l’opinio communis. [43] Qui mieux que le secrétaire personnel de Rhenanus pouvait savoir ce qu’il écrivait, ce qu’il faisait détruire de ses écrits, ce qu’il disait aux uns et aux autres, quelles personnes venaient le voir à Sélestat ? [44] En d’autres mots, la source principale de l’erreur chronologique de Sturm est sa source principale : Rudolf Berz. Toutefois dès que l’origine de l’erreur a été comprise, il faut porter son attention sur ce que Berz a dû dire. La phrase de Sturm sur l’évolution de la pensée religieuse de Rhenanus est tout simplement l’expression du témoignage du serviteur constant. [45] La dernière phrase du paragraphe, l’idée que Rhenanus aurait pu être juge en matière de religion, rappelle des vœux exprimés par des participants à la Diète d’Augsbourg, aux colloques de 1540-1541 : 49 Voir la contribution de Marchand dans ce volume. 50 Nous ne savons rien sur la pensée religieuse de Berz.

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savoir qu’il y avait un besoin d’hommes au-dessus de la mêlée (mais si Sturm dit cela, c’est qu’il pensait que Rhenanus aurait porté le « bon » jugement !)51. [46] Curieusement, Sturm ne parle point de la présence de pasteurs protestants au lit de mort de Rhenanus à Strasbourg même, alors que Berz était présent là aussi d’après les témoignages52. Selon la lettre de Caspar Hedio à Matthias Erb du 29 juillet 1547, on sait que Rhenanus était entouré de Martin Bucer, de Johann Lenglius, pasteur, successeur de Paul Volz à Saint-Nicolas et de Lucas Bathodius, pasteur53. A ce propos, il faut se souvenir que Rhenanus sur son lit de mort a exprimé sa volonté d’être inhumé à l’église Saint-Georges de Sélestat54. Choix d’une confession [47] Il y a eu un intérêt ces dernières années pour le processus par lequel les hommes, après l’excommunication de Luther le 3 janvier 1521 et sa mise au ban de l’Empire le 26 mai de la même année, ont dû réagir, car la neutralité devenait difficile. On parle de la « confessionnalisation », pour être exact, le « développement des confessions », en l’occurrence une confession de foi choisie, refusée, simulée ou enfin surpassée (pour ce dernier choix, dans l’espoir d’une union, de la concorde entre les partis). Nous nous inspirons ici du livre d’Erika Rummel The Confessionalization of Humanism in Reformation Germany, de 2000, qui relève l’importance de l’année charnière 152155. C’est-à-dire que nous tentons de profiter de ses recherches et remarques et, lorsque c’est possible, de les développer ou de les utiliser autrement. [48] En effet, à la lecture du livre de Rummel, quatre réactions, au moins, peuvent se concevoir devant les événements de 1521. On pouvait soit choisir l’un ou l’autre camp : celui des luthériens ou celui des catholiques, tenir le cap en dépit des difficultés ou même choisir de changer de camp, l’essentiel étant d’opter pour une position ; soit refuser le choix et se retirer ou changer de domaine d’activité ; soit simuler de rester dans une foi tout en en embrassant une autre, c’est-à51 Voir Rummel, Confess., p. 128-129. 52 Cf. les recherches de Meyer, « Bibliothèque de Rhenanus », p. 88-91. 53 Walter, Anthologie, p. 36. 54 Voir, par exemple, Meyer, « Bibliothèque de Rhenanus », p. 90. 55 Voir Rummel, Confess., p. 30, 86, 90, 102.

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dire faire du « Nicodémisme », soit enfin, avec le passage des années, aller au-delà du choix et militer pour l’union en prônant l’accommodation. Le choix [49] Dans la catégorie du choix, il est aisé de citer des leaders qui n’ont pas varié dans leur pensée, mais on peut aussi signaler ceux qui ont choisi après 1521 et cela dans des conditions difficiles. Parmi les réformés mentionnés par Rummel, peuvent être nommés Johann Zimmermann, Peter Frauenberger et Eobanus Hessus ; parmi les catholiques Pierre Toussain, Boniface Amerbach et, bien entendu, Erasme56. [50] Mais d’autres pouvaient faire un choix et ensuite changer d’avis pour en faire un autre, comme Georg Witzel (1501-1573), qui avait d’abord choisi le camp réformé, ensuite celui des catholiques57. L’histoire de sa vie, que nous suivons grâce à Henze et à Rohmann58, montre qu’il ne fit pas ces changements à la légère. Né en 1501 à Vacha sur la Werra, près de Fulda et d’origine modeste, il reçut son B.A. à Erfurt en 151959, où il apprit à connaître les écrits et la pensée d’Erasme60. En raison de difficultés financières il ne put suivre qu’un semestre d’études à Wittenberg, en 1521 ; pourtant, les cours de Luther et de Melanchthon l’inspirèrent très fortement et remportèrent son adhésion61 et il dit qu’il serait toujours reconnaissant à Melanchthon de l’avoir initié à la lecture des écritures saintes62. Il retourna chez lui à Vacha pour enseigner dans l’école paroissiale. Il devint prêtre et, à la demande de ses concitoyens et suivant ses propres centres d’intérêt, il commença à prêcher les idées de Luther. En 1524 il se maria sans obtenir une dispense de l’évêque. Cette même année il perdit son poste en raison de ses tendances 56 Voir Rummel, Confess., p. 78-82. 57 Rummel, p. 30, 43, 75, 77-78, 90, 102, 130, 136 et 138-147. D’après Rohmann,

« Witzel », p. 211, Johann Hanel avait aussi choisi deux fois. 58 Henze, Witzel et Rohmann, « Witzel ». 59 Henze, Witzel, p. 16. 60 Rohmann, « Witzel », p. 213. 61 Voir, chez Rummel, p. 90, sa description de l’atmosphère fiévreuse à Wittenberg. L’ambiance d’enthousiasme décrite rappelle de très près la description du famulus de Rhenanus, Burer, voir dans ce volume, Marchand, les par. 28 (la ville et les étudiants) et 32 (Luther). 62 Henze, Witzel, p. 16 et Rohmann, p. 214.

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luthériennes ; il dut gagner sa vie quelque temps en 1525 comme secrétaire de la ville63. [51] Il se rendit à Eisenach, lieu d’origine de sa femme, et avec le soutien du frère de Frédéric de Saxe, Johann de Saxe, il obtint un poste pour propager la doctrine de Luther. Il fut curé à WenigenLupnitz ; toutefois, ses efforts pour atténuer les excès de la Guerre des Paysans furent mal compris et il perdit son poste. Grâce à une lettre de recommandation que Luther fit au duc Frédéric, il put être nommé curé à Niemegk en 152564. [52] Dans cette ville, Witzel entreprit une étude approfondie de la Bible, apprenant de manière intensive, efficace et étonnante le grec et l’hébreu et perfectionnant son style en latin et en allemand. Il fit de nombreuses fiches de lecture thématiques qui l’aidèrent à fixer ses idées et qui lui seraient utiles par la suite. Dans ses prêches et sa cure des âmes, il mit l’accent non seulement sur la doctrine de Luther mais aussi sur le comportement moral de ses ouailles65. Or ses études et ses expériences sur le terrain semèrent le doute dans son esprit sur le bienfondé et les avantages, notamment moraux, du seul recours à la foi, sans l’appui des œuvres. Rohmann publie le passage d’une lettre où Witzel exprime sa déception devant l’inutilité de ses efforts de prédication et de redressement66. Il écrit avec dépit que, sans les cérémonies, la moralité du peuple n’est pas meilleure que lorsque les cérémonies existaient. En proie à des interrogations, il écrivit à Luther et à Melanchthon, qui firent la sourde oreille. Il demanda l’avis de nombreuses personnes, y compris des partisans de Zwingli, ce qui le rendit suspect aux yeux de Luther. Ces interrogations et d’autres malheurs rendirent sa vie intenable à Niemegk. Il finit par donner sa démission en 1531. Il rentra chez lui en rendant visite à Luther à Wittenberg sur le chemin67. [53] A partir de là, Witzel, son épouse et leurs huit enfants68 entrèrent dans une vie d’errance à la recherche d’un contexte confessionnel viable et de quoi vivre, car le prêtre catholique marié fut rejeté par les uns et par les autres. Toutefois, grâce aux efforts inlassables et intelligents de Witzel, ce fut une errance productive. La 63 Henze, Witzel, p. 16 et Rohmann, p. 214. 64 Henze, Witzel, p. 17-18 et Rohmann, p. 214-215. 65 Rohmann, p. 216. 66 Rohmann, p. 217. 67 Rohmann, p. 218-219. 68 Rohmann, p. 214.

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famille fut ballotée d’Erfurt, d’Eisleben (l’église catholique de saintAndré), de Berlin, de Fulda à Mayence, et nous ne mentionnons que les lieux principaux où ils passèrent. Redevenu catholique mais ayant une connaissance approfondie de la doctrine de Luther, le prêtre marié commença à rechercher l’union des luthériens et des catholiques. [54] Witzel écrivit à Rhenanus une lettre d’admiration depuis Eisleben le 24 août 153469. En 1539 le prêtre prit part au colloque de Leipzig70 ; dans les réunions avec les luthériens, il y eut des désaccords sur le rôle des sacrements et le projet d’un compromis échoua71. A Berlin, en la personne d’Albrecht von Brandenburg, il espérait qu’il avait trouvé un soutien dans sa recherche d’une voie du milieu72. En 1541 l’abbé Philipp Schenk von Schweinsberg à Fulda s’intéressa à ses projets et il put organiser de nombreuses rencontres en faveur d’une union. Il assista au colloque de Regensburg cette même année73. Il écrivit une lettre à Rhenanus depuis Speyer en 154274. Il fut présent au colloque d’Augsbourg de 154875. Pourtant, ni l’un, ni l’autre parti n’était prêt à faire de concessions. A partir de 1553, il fut conseiller impérial à Mayence, car il n’eut pas de poste ecclésiastique en raison de son mariage. Comme député de cette ville, il participa au colloque de Worms en 1557. L’empereur Ferdinand Ier l’invita à Vienne pour le seconder dans ses efforts en faveur de l’union des partis ; son âge l’amena à décliner l’invitation. Il mourut à Mayence le 16 février 1573. Nous reviendrons rapidement sur ses écrits plus loin. C’est l’exemple du chemin très difficile parcouru par quelqu’un qui fit à deux reprises le choix clair d’une confession76. La retraite des activités [55] Rummel propose trois exemples d’hommes qui se seraient retirés du débat : Martin van Dorp, Beatus Rhenanus et Willibald Pirckheimer. Dorp (1485-1525) était un homme aux centres d’intérêt très variés77. Il avait fait des études traditionnelles, qui comportaient néanmoins de 69 Voir plus loin ; Lehmann, « Witzel und Rhenanus » et Henze, Witzel, p. 295. 70 Henze, Witzel, p. 23 et Rohmann, p. 220-221. 71 Rohmann, p. 220-221. 72 Henze, Witzel, p. 24. 73 Henze, Witzel, p. 39. 74 Voir plus loin ; H Ep. 358, p. 484 et Henze, Witzel, p. 299. 75 Rohmann, p. 222. 76 Rohmann, p. 223-225. 77 Voir Rummel, Confess., p. 92-94 et Ijsewijn, « Dorp ».

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forts éléments humanistes, au collège du Lys à l’Université de Louvain, où il devint professeur de théologie par la suite. C’était un véritable ami d’Erasme, mais il était ancré dans des mondes humaniste et théologique tellement opposés qu’il fut souvent accusé de duplicité des deux côtés78. [56] Il participa activement au monde de l’érudition, publiant quelque douze livres entre 1488 et 1519. Dans le cadre d’un cours sur les lettres de saint Paul dispensé en 1516, il fit un discours inaugural. Grâce en partie à l’intervention de Rhenanus ce discours fut publié en 1520 par Johann Froben à Bâle79. Sa publication créa de nombreux ennuis avec les théologiens conservateurs de Louvain, car Dorp, dans le discours, les avait critiqués de manière à laisser deviner non seulement une orientation humaniste mais aussi une sympathie pour la pensée de Luther. Il fut suspendu de ses fonctions et bien qu’il fût rétabli l’année suivante les ennuis continuèrent. [57] Il prit la décision de ne plus jamais publier de livres afin de se concentrer sur ses responsabilités dans l’enseignement et dans l’administration. Après sa mort prématurée en 1525 Erasme fit une épitaphe en son honneur. Pour Rummel, la vie de Dorp révèle comment la pression des partis pouvait conduire à une retraite du monde des idées et leur débat dans l’espoir d’exercer sa profession dans la tranquillité80. [58] Beatus Rhenanus, dit Rummel : « nous fournit un autre cas de changement d’orientation professionnelle survenu dans le sillage de pressions sectaires81 ». Elle fait un récit plutôt tronqué de sa vie. On pourrait lui reprocher des erreurs factuelles, mais elle est tributaire de ses sources et en l’année 2000 elle ne pouvait être au courant des dernières découvertes82. Il n’en reste pas moins qu’elle ne prend pas la 78 Cf. Rummel, p. 94. 79 Cf. Rummel, p. 92 ; cf. la lettre de Dorp à Rhenanus chez H l’Ep. 126, p. 175-

176.

80 Rummel, p. 94. 81 Rummel, p. 95 : « Beatus Rhenanus, historian, translator, and textual critic,

furnishes us with another example of a professional shift in the wake of sectarian pressure ». Le mot “change” existe bel et bien en anglais. On pourrait traduire “shift”, moins abrupt dans son sens que “change”, par “ajustement” en français, car « change » peut indiquer un changement complet. Nous optons pour notre périphrase « changement d’orientation professionnelle » parce que cela veut dire qu’on maintient sa profession tout en lui imprimant une autre approche. 82 Il faut néanmoins mentionner que le numéro 35 de l’Annuaire des amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, qui est consacré entièrement au fils de Sélestat,

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mesure de l’engagement de Rhenanus en faveur de Luther dans les années 1517-1523. Elle écrit dès le début, avant même qu’elle n’ait mentionné Zwingli, Bucer et Myconius, que le Sélestadien « favorisait une réforme de l’Eglise dans le style d’Erasme, c’est-à-dire, une réforme de l’intérieur83 ». Passer sous silence le parti pris de Rhenanus durant la période de 1517 à 1523 prive le lecteur d’une explication sur les très fortes critiques émises par le Sélestadien au sujet de l’Eglise à cette époque, notamment dans son édition de Tertullien de 1521. [59] En effet, la découverte capitale de Tertullien, Père de l’Eglise né vers 155 et le premier grand écrivain et théoricien latin du christianisme, arriva à un moment clé. Ce fut une découverte fortuite, car un ecclésiastique de Colmar, Jakob Zimmermann, signala le manuscrit (XIIe siècle) à Rhenanus. Le texte (toujours conservé à Sélestat) contient 21 des 31 livres connus de l’auteur. L’esprit de Rhenanus était déjà orienté vers l’histoire car il avait publié en 1519 une édition et commentaire de la Germanie de Tacite84 en essayant d’établir un rapport entre les tribus décrites par l’historien et les noms de lieu et de peuple contemporains. L’édition et le commentaire scientifiques de ce qui est l’editio princeps de 20 des textes de Tertullien et l’état d’esprit enthousiaste et désireux de réforme de Rhenanus l’amenèrent à faire des comparaisons critiques entre l’Eglise ancienne et l’Eglise contemporaine85. Il était essentiel de signaler cet état d’esprit de Rhenanus qui n’était véritablement pas à ce moment-là partisan d’une réforme de l’Eglise « dans le style d’Erasme ». [60] Rummel fait savoir que Rhenanus quitta Bâle en 1528, alors que la ville suisse était sur le point d’embrasser la Réforme, afin de parut en 1985. L’article utile de Robert Walter (voir l’introduction de ce volume) « Rhenanus entre l’Eglise traditionnelle et la réformation », fut publié en 1983. En 2000 ont paru les premiers fruits de notre effort pour fonder les études rhénaniennes davantage sur des recherches nouvelles et principalement sur les données de grande valeur que peut fournir sa bibliothèque personnelle (cf. l’introduction dans ce vol., par. 12, 14, 27 et 77), conservée pour une large part à la Bibliothèque Humaniste de Sélestat. 83 Rummel, p. 95 : « Beatus favored an Erasmian-style reformation of the church, that is, a reform from within ». 84 Voir Hirstein, Tacitus’ Germania & Rhenanus. 85 Voir par exemple les études de Fraenkel, « Beatus Rhenanus et sources anciennes », de D’Amico, « Rhenanus & Tertullian », de Fredouille, « BR et Tertullien » et de Munier, « Annotations Tertullien ».

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retourner à une Sélestat catholique. Selon elle, ce changement s’accompagna d’un autre : En même temps, le sujet de ses publications changea, allant de textes patristiques vers des textes historiographiques séculaires. Il avait utilisé les éditions patristiques comme véhicule pour promouvoir une réforme de l’Eglise. La réorientation de ses recherches indique qu’il voulait prendre de la distance par rapport aux débats sur la Réforme86.

Il est vrai que Rhenanus édita Sénèque (1529 l’Apocoloquintose), Tacite (1533 et 1544) et Tite-Live (1535) ; toutefois, la présence d’historiens peut s’expliquer en raison de ce centre d’intérêt ancien de Rhenanus (par exemple, il publia la Germanie de Tacite en 1519) et aussi de la rédaction de son propre ouvrage historique, les Rerum germanicarum libri tres, paru en 1531. [61] Quant à une réduction de publications portant sur les Pères de l’Eglise, Rummel elle-même s’étend dans ce qui suit sur les nouvelles éditions de Tertullien procurées en 1528 et en 1539, lesquelles peuvent compter comme publications. Ensuite, elle oublie de mentionner l’édition d’Origène publiée par Rhenanus pour Erasme en 1536 et, plus important, sa publication de la Messe de saint Jean Chrysostome en 1540 (voir plus loin). [62] Comme elle n’a pas tenu compte de la pensée engagée de Rhenanus dans les années 1517-1523, Rummel doit dérouter le lecteur lorsqu’elle explique les changements modérateurs que Rhenanus a voulu opérer dans les nouvelles éditions de Tertullien en 1528 et en 153987. Rummel dit, sans doute à juste titre, que, dans l’ensemble, les « révisions furent conçues de manière à éliminer toute critique radicale afin de la remplacer par un langage d’apaisement88 », mais le lecteur ignore pourquoi un langage moins tranché était nécessaire. [63] Pour résumer son analyse, Rummel évoque la biographie de Rhenanus rédigée par Sturm. Elle écrit à tort (voir ci-dessus par. 1215) que le Strasbourgeois ne l’avait pas connu personnellement. Elle fait valoir que d’après les conventions biographiques Sturm loua la 86 Rummel, p. 95 : « At the same time the focus of his publications changed from patristic to secular historiographical texts. He had used the patristic editions as a vehicle to promote the reformation of the church. The reorientation of his research indicates that he wished to distance himself from the Reformation debate. » 87 Voir D’Amico, « Rhenanus & Tertullian » et Munier, « Annotations Tertullien ». 88 Rummel, p. 96. « On the whole, Beatus’ revisions were designed to eliminate any radical critique and replace it with the language of appeasement ».

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science de Rhenanus. Il critiqua néanmoins, souligne-t-elle, sa nature réservée. Son désir de paix et de calme le mirent à l’écart du débat confessionnel. Puis elle fait savoir que Sturm tira la conclusion que Rhenanus avait été un partisan secret de la Réforme et, elle cite en traduction comme preuve la phrase In religione ne quidem quid ipse sentiret, solebat enunciare, quamuis constat syncerioris theologiae ipsum fuisse studiosum89 dont il a été question ci-dessus (par. 36-45). Elle pense que Sturm en disant cela marchait sur les pas de Caspar Hedio qui émit un jugement similaire90. [64] Rummel poursuit en notant que Rhenanus conseilla à d’autres de garder leurs opinions pour eux-mêmes pour éviter d’être en butte aux violences et elle cite un extrait de la lettre de Rhenanus à Hummelberg, rédigée après la Guerre de Paysans91, où il recommande cette discrétion à son ami. Elle termine en disant : Beatus suivit ses propres conseils en se retirant du débat et en optant pour une réorientation de ses recherches qui lui permît d’éviter des sujets théologiques controversés92.

Nous faisons valoir dans l’introduction à ce volume que nous ne pensons pas que Rhenanus en retournant à Sélestat se fût retiré du débat et nous avons déjà montré ici qu’il est hasardeux de dire qu’il opéra une forte réorientation de ses recherches. Il est vrai néanmoins qu’il resta plus discret que jamais et choisit avec beaucoup de soin ses interlocuteurs. Enfin, il fit détruire une partie importante de sa correspondance pour maintenir la discrétion après sa mort. [65] Considérons rapidement le troisième homme décrit par Rummel comme un exemple d’une retraite « professionnelle ». Willibald Pirckheimer de Nuremberg, également correspondant de Rhenanus, avait, dans un premier temps, soutenu Martin Luther. Mais 89 Rummel, p. 96 : « As biographical convention dictated, he gave Rhenanus generous praise for his learning, but he was not entirely uncritical. He noted that Rhenanus was by nature retiring. The desire for peace and quiet kept him aloof from the confessional debate, Sturm said. He concluded that Beatus had been a clandestine supporter of the Reformation: ‘He usually refrained from giving his own opinion, although it is agreed that he was inclined toward the more sincere religion’ ». 90 Rummel, p. 96 ; pour ce jugement voir notre introduction, dans ce vol., par. 75. 91 Voir l’introduction de ce vol., par. 67. Il faut lire chez Rummel, p. 96, non pas « September 1524 », mais « September 1525 ». 92 Rummel, p. 96 : « Beatus kept his own advice, withdrawing from the debate and opting for a reorientation of his research that allowed him to avoid controversial theological subjects ».

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il le fit d’une manière prudente parce qu’il faisait partie du conseil municipal et avait un devoir de réserve. Durant cette première période son nom avait été associé à un écrit robuste et satirique contre le théologien Johann Eck, « Eck étrillé » Eccius dedolatus93. Qu’il fût ou non l’auteur de la satire, elle lui attira beaucoup d’ennuis, car Eck, rancunier, fit figurer le nom de Pirckheimer sur la liste contenant le nom de Luther et de ses partisans qui devaient être excommuniés le 3 janvier 1521. Cela mit Pirckheimer dans une situation très délicate94. [66] Pour le malheur de Pirckheimer, le conseil de la ville changea son point de vue sur Luther, mettant en place des pasteurs protestants en 1525, si bien que Pirckheimer, qui avait dû jurer qu’il était catholique et abhorrait l’enseignement de Luther pour éviter l’excommunication, fut de nouveau en butte aux critiques. Après des disputes et luttes particulièrement vives et amères avec le conseil et des publications engagées en faveur de l’Eglise, Pirckheimer, dit Rummel, ne fit plus de publications et se retira du débat en 1526, bien que des textes manuscrits indiquent qu’il continua à réfléchir et à écrire sur ces questions, gardant un esprit critique à propos des catholiques également95. [67] Rummel termine cette section en disant : Les trois cas illustrent les changements d’orientation professionnelle imposés aux humanistes, qui désiraient vivement leur sécurité personnelle ou la poursuite ininterrompue de leurs études érudites. Les raisons pour lesquelles ils se sont retirés du débat semblent être un mélange de soucis pratiques et un désir véritable de tranquillité. Bien que le soupçon perdure dans le cas de Rhenanus et de Dorp qu’ils aient caché leurs vraies sympathies, il n’existe pas de preuves irréfutables qu’ils étaient des nicodémites. C’est une question de degré pour distinguer leurs cas de ceux d’autres hommes qui avaient clairement abandonné la doctrine catholique, mais qui attendaient des circonstances plus favorables pour rompre officiellement96. 93 Cf. dans ce volume, Burckel, par. 14. 94 Rummel, p. 97. 95 Rummel, p. 97, 99 ; voir Rummel 98-100 pour plus de détails. 96 Rummel, p. 100-101 : « The three cases illustrate the professional shifts forced

on humanists, who yearned for personal security or the undisturbed pursuit of their scholarly interests. Their motives for withdrawing from the debate appear to be a mixture of practical concerns and a genuine desire for peace. Although suspicions remain in Beatus’ and Dorp’s case that they concealed their true sympathies, there is no firm proof that they were Nicodemites. Their cases differ by degrees from those

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Parmi les trois hommes évoqués, Dorp, Rhenanus et Pirckheimer, on a plus de difficulté à saisir un véritable changement d’orientation chez Rhenanus. [68] Pour aborder la question de manière logique, il faudrait d’abord déterminer quelle avait été la « profession » de Rhenanus avant les années 1526-1528 pour être en mesure de soutenir qu’il y a eu changement par la suite. C’était un érudit indépendant, présent chez Froben comme éditeur scientifique, conseiller littéraire et auteur. L’attachement à l’imprimerie de Froben ne l’empêcha pas de publier chez d’autres maisons. Que faisait-il d’autre à Bâle ? Il pouvait parfois donner des cours privés, il continuait ses recherches et maintenait sa correspondance. Il devait recevoir des érudits. Mais une fois de retour à Sélestat, il continua à collaborer avec des imprimeurs bâlois. De 1528 à 1547, le Sélestadien fit publier chez les héritiers de Johann Froben (mort en 1527) au moins douze éditions et quatre autres dans d’autres maisons97. On ne peut pas dire qu’il ait interrompu ses publications. [69] S’il est vrai qu’il a continué ses études historiques et archéologiques, on ne peut non plus prétendre qu’il se soit arrêté d’évoquer l’Eglise dans ses publications. La Messe de saint Jean Chrysostome publiée en 1540 en est l’exemple le plus frappant, auquel il faut ajouter une réédition des Historiens de l’Eglise et des œuvres de Tertullien en 1528, ainsi qu’une troisième édition du même en 1539. En outre, il s’intéressa aux questions religieuses au point de se rendre à la Diète d’Augsbourg de 1530. Et naturellement il continuait à écrire des lettres et à recevoir des visiteurs à Sélestat, comme ce fut le cas pour Johann Sturm. [70] Il est certain néanmoins que le déménagement de Bâle à Sélestat a changé la vie de Rhenanus. Sélestat, tout en étant un centre intellectuel98, n’avait ni la population, ni le nombre d’imprimeurs que l’on trouvait à Bâle. Il ne pouvait plus facilement se rendre dans les officines, mais leurs représentants pouvaient venir chez lui ou envoyer des épreuves par courrier. La lettre de 1540 publiée par Hieronymus of other men who had clearly abandoned Catholic doctrine but awaited more favorable conditions to make the break official ». 97 Voir Hirstein, « Livres et le nom de Rhenanus », nn. 73, 74, 75, 76, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86 et 88. On peut compter trois éditions chez Johann Herwagen, nn. 77, 78, 79 et une chez Gryeningerus à Colmar, n° 87. 98 Voir, en général, la contribution de Burckel dans ce volume ; pour un exemple des activités de Rhenanus à Sélestat, voir Hirstein, « Kopp, de nouveaux poèmes ».

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(voir plus haut par. 12-13) montre quelles personnes venaient le voir. On peine à trouver chez lui un grand changement d’orientation professionnelle. [71] Quant aux raisons de son départ, Rhenanus craignait-il pour sa sécurité personnelle ? La question peut sans doute se poser ; pourtant Boniface Amerbach, quelqu’un qui avait de nombreux points communs avec le Sélestadien, resta à Bâle. Ensuite, Erasme lui-même quitta la ville suisse pour Fribourg-en-Brisgau en 1529 ; craignait-il pour sa sécurité personnelle ? Dans les deux cas, le désir de quitter une ville en proie aux dissensions religieuses devait être fort. Erasme avait déjà pris position dans le débat ; pourtant la pensée de Rhenanus était moins connue. Rummel s’est demandé s’il pouvait être nicodémite. Considérons maintenant cette possibilité de réaction devant l’existence des partis. Le « Nicodémisme » [72] Le modèle, si on peut dire, de cette conduite ou réaction devant la pression qui s’est exercée après janvier 1521, est le Pharisien et membre du corps législatif juif (Sanhédrin) mentionné dans le Nouveau Testament. Après que le Christ eut expulsé les marchands du temple à Jérusalem, Nicodème vint le retrouver – de nuit et en catimini – pour reconnaître son origine divine et pour recevoir son enseignement (Jean, 3, 1-21 ; 7, 50-51 et 19, 39-42). Plus tard il défendit le Christ devant les Pharisiens et après la crucifixion prit soin de son corps. [73] Deux acceptions de nicodémisme pouvaient alors exister. Calvin, par exemple, avait opéré une distinction entre les vrais imitateurs du Nicodème biblique, qui ont su vaincre leurs peurs pour devenir des défenseurs convaincus de Jésus et les « pseudoNicodémites » qui profitaient du personnage biblique afin de se justifier et de céder à leurs faiblesses plutôt que de les combattre. Toutefois, le sens péjoratif finit par l’emporter, surtout dans le cas d’ecclésiastiques qui dissimulaient leur pensée et refusaient de renoncer à leurs bénéfices99. [74] Les Nicodémites au XVIe siècle étaient alors ceux qui avaient décidé de cacher leur vrai choix de confession tout en pratiquant celle à laquelle ils ne croyaient plus. Bien qu’Otto Brunfels fît allusion au « Nicodémisme », au sens positif chemin faisant dans ses Pandectes 99 Rummel, p. 116-117.

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en 1528, ce sont Wolfgang Capito vers 1540 et Jean Calvin en 1546 (Excuse aux Nicodémites) qui définirent cette conduite100. Calvin est plus explicite quant aux motivations. Il développa une typologie du Nicodémite : mettant en avant quatre raisons pour la dissimulation : le gain financier, des avancements de carrière, l’insouciance (« nonchalance ») et la peur ou la pusillanimité101. [75] Rummel propose deux exemples de cette conduite, Urbanus Regius (1480-1541) et Wolfgang Capito (vers 1478-1541). Bien que formé comme théologien catholique (recevant son doctorat en 1520 et exerçant comme le prédicateur de la cathédrale d’Augsbourg), Regius fut convaincu par les arguments de Luther vers 1520. Tout en remplissant ses fonctions, il publia en 1521 de manière anonyme un poème et une satire qui critiquaient fortement Rome. Néanmoins, en raison de l’orientation luthérienne de ses sermons il dut démissionner en octobre 1521. Selon Rummel, il ne comprenait pas complètement à cette époque la portée de la pensée de Luther, et il n’était pas seul102. [76] Après, toujours soutenant Luther, il accepta un poste de prédicateur à Hall. Il continua à critiquer l’Eglise et dut quitter son poste en 1523 ; toutefois, après s’être justifié devant sa hiérarchie, il reprit son poste. Il voyagea souvent à Augsbourg, maintenant favorable à Luther, afin de trouver une situation en dehors de l’Eglise. C’est là où il se maria en 1525 et entra au service du duc Ernest de Lüneberg-Wolfenbüttel pour introduire la pensée réformée. Pour Rummel c’est l’exemple d’un homme qui ne voulut pas laisser son poste dans l’Eglise qu’après avoir trouvé une autre source de revenus. [77] L’exemple de Capito est frappant en raison du franc-parler de l’intéressé. En 1515 il fut prédicateur à la cathédrale de Bâle et trouva par la suite une place parmi les érudits dans l’officine de Johann Froben103. Nous avons mentionné son rôle dans la publication en octobre 1518 d’un recueil d’écrits de Luther. En 1520 il devint prédicateur à la cathédrale de Mayence. Il put influencer l’archevêque Albert de Brandenbourg de ne pas mettre en œuvre trop rapidement des mesures contre Luther. Or Capito souhaitait le poste de prévôt à Saint-Thomas à Strasbourg. Afin de l’obtenir il dut cacher ses sympathies luthériennes. 100 Rummel, p. 103-104 et 116-120. 101 Rummel, p. 103. 102 Cf. l’introduction à ce volume, par. 18, les remarques de Teichmann. 103 Voir par ex. l’introduction de ce vol., par. 41.

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[78] En septembre 1521, il réussit à empêcher la publication d’un écrit de Luther qui aurait embarrassé l’archevêque Albert. Il rencontra Luther en personne à Wittenberg en mars 1522, ce qui dut sceller son allégeance au réformateur. Il apprit en 1523 qu’une publication devait sortir contenant une lettre de Luther qui l’exposerait. Il démissionna de son poste à Mayence et devint citoyen strasbourgeois. Capito resta un luthérien secret jusqu’en mars 1524, lorsqu’il devint prédicateur à l’église Saint-Pierre-le-Jeune, ce qui lui donna l’indépendance financière. Durant tout ce temps il pratiqua un très fort double langage. Au mois d’août 1524 il se maria. Comme on le sait, dans les années qui suivirent, il fut l’un des leaders du mouvement de réforme à Strasbourg. Pour Rummel, Capito fut clairement un nicodémite, et on peut ajouter qu’il était surtout intéressé par sa sécurité professionnelle et financière. [79] Ces deux exemples représentent une dissimulation pour des raisons financières ou professionnelles. Dans les cas de Dorp et de Rhenanus évoqués plus haut par Rummel, il semblerait que Dorp ait changé de comportement professionnel afin de ne plus être gêné par des ennuis venant de ses adversaires. On n’a pas l’impression que son poste de professeur fût menacé après son renvoi initial, mais la possibilité de le perdre devait néanmoins peser sur lui et l’amener à garder le silence. [80] En tant qu’érudit indépendant, Rhenanus jouissait d’une situation privilégiée. Son existence matérielle était assurée grâce à son travail et à ses héritages. Comme il n’était pas insouciant, le seul critère qui reste parmi ceux proposés par Calvin est celui de la peur ou la pusillanimité. Sturm avait noté que certains critiquaient Rhenanus pour un manque de courage devant l’expression de sa confession. Peut-être était-il peureux à certains égards ou faible. Il n’en reste pas moins qu’il continua à critiquer les pratiques de l’Eglise une fois de retour à Sélestat. Ce qui ressort chez lui est plutôt l’idée que le monde a assez entendu de critiques qui ne font qu’exacerber une situation délétère. Par exemple, dans la lettre découverte par Hieronymus, le Sélestadien évoque aux amis bâlois les choix faits dans la rédaction de la biographie d’Erasme : Fuisset mihi campus amplissimus inuehendi in luxum sacerdotum, in monachos, in theologos, qui dederint ansam Erasmo stomachandi ; sed quis inde fructus ? Satius fuit, meo iudicio, totum hoc

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1. James Hirstein dissimulare, mundo plus satis irritato, quo sit plausibilior haec aeditio104.

En l’occurrence Rhenanus veille au souvenir d’Erasme en dissimulant ses critiques contre l’Eglise. Dans d’autres cas, il pouvait taire sa pensée en souhaitant une issue plus heureuse, plus positive que la simple critique. [81] Il faudrait sans doute ajouter aux critères formulés par Calvin dans la typologie du nicodémite, un désir de tranquillité ou un espoir d’une meilleure sortie de l’impasse. Dépassement du choix grâce à l’idée d’union par accommodation [82] Nous profitons de l’approche de Rummel et de l’organisation de son livre pour suggérer une quatrième sorte de comportement face à la pression des partis. Il s’agit de l’idée de faire des accommodations raisonnables devant des questions controversées, polarisées. Rummel fait savoir que ces solutions peuvent sembler « érasmiennes », mais avertit qu’il faut bien examiner le contexte des accommodations. [83] Erasme avait développé l’idée d’accommodation en 1533 dans son commentaire au psaume 83, qui portait le titre De amabili ecclesiae concordia « Sur l’aimable concorde de l’Eglise ». Ce fut une plaidoirie pour la paix religieuse et civique qui pourrait être obtenue par un esprit d’accommodation à la place d’un esprit zélé de confrontation105. Il employa le terme militaire grec sygkatabasis, qui décrit la situation où les deux adversaires quittent leurs terrains favorables élevés pour se rencontrer sur un pied d’égalité sur la plaine. Il y a alors discussion sur l’essentiel. L’humaniste hollandais mit l’accent sur le besoin d’accommodation, sur l’appel à la conscience des individus et sur le souci de l’ordre public, ce dernier étant garanti par des changements minimaux ou graduels. Comme l’indique Rummel, la méfiance devant le changement allait dans le sens de l’Eglise traditionnelle. Il n’empêche, l’écrit d’Erasme suscita la réflexion chez les uns et les autres. 104 Hieronymus, « Ein vergessener Brief », p. 159. « J’aurais eu un très large champ pour m’attaquer au luxe des prêtres, aux moines, aux théologiens qui ont donné à Erasme l’occasion de se formaliser. Mais qui aurait tiré quelque fruit de là ? Il valait mieux, à mon avis, dissimuler toute cette matière – étant donné que le siècle a été provoqué plus que de raison – pour que cette édition (des Opera omnia) soit plus applaudie. » 105 Rummel, p. 129-130.

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[84] Celui qui propose des accommodations de chaque côté devient immédiatement la cible de tous côtés. Erasme fut critiqué par les catholiques, Cochlaeus, Pier Paolo Vergerio, Jacques Masson et les protestants, Antonius Corvinus et Luther106. [85] Grâce à notre point de vue privilégié, quelque 500 ans plus tard, il peut sembler qu’un homme avec un passé tel que celui que Witzel a connu, serait la personne idéale pour proposer un semblable projet. Il avait publié des livres en faveur de la concorde en 1533 et 1534107. Pourtant, lui aussi fut en butte aux critiques des deux côtés : chez les catholiques, Eck le poursuivait, et, chez les protestants, Antonius Corvinus le moquait108. [86] Witzel avait écrit à Erasme en 1532, mais leurs points de vue divergeaient109. On comprend avec le temps, et Rummel le voit bien, que ce qui séparait surtout Witzel d’Erasme était le critère historique qui, chez Witzel, devait faciliter, sinon forcer, l’union. Le critère historique distingue aussi Rhenanus d’Erasme, mais l’approche du Sélestadien diffère de celle de Witzel, voir plus loin. Le centre d’intérêt chez Witzel se voit dans l’influence qu’il exerça sur le colloque de 1539 à Leipzig avec Bucer et Melanchthon et d’autres hommes pour trouver un terrain d’entente. Les rapports qui sortaient de la réunion montrent que Witzel pensait qu’un terrain commun et indisputable pourrait se trouver dans les pratiques de l’Eglise ancienne. En 1540, à la suite du colloque, il publia le Typus Ecclesiae Prioris (« Typologie de la première Eglise »), qui promettait une réponse aux questions brûlantes contemporaines grâce à l’étude de l’histoire ecclésiastique. Malheureusement, les descriptions des pratiques ainsi que les écrits des Pères étaient contradictoires. Et là où il aurait dû faire la critique des sources pour les évaluer, Witzel se concentra seulement sur ce qui confortait ses propres positions, ce qui ne pouvait convaincre les autres. Il dut reconnaître dans la préface que le critère historique n’était pas aussi précis qu’il le souhaitait, qu’il pouvait seulement offrir des orientations générales110. Mais il ne renonça pas à ce genre de recherches. 106 Rummel, p. 130-133. 107 Rummel, p. 141 : Adhortatiuncula ut uocetur Concilium “Petite exhortation

pour l’appel d’un concile” (rédigé en 1532, publié en 1534) et Methodus Concordiae (1533). Rummel ibid. fait valoir que le nom d’Erasme ne se trouve pas dans ces livres. 108 Rummel, p. 138-139. 109 Rummel, p. 139-140. 110 Rummel, p. 141-142.

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[87] A la demande de l’Empereur Ferdinand, il fit en 1564 un rapport sur les articles de la confession d’Augsburg (Confessio Augustana), car l’Empereur la considéra comme un point de départ pour reprendre les discussions. Il demanda en fait un summarium de la doctrine catholique qui ferait savoir ce qui était acceptable dans la Confessio, ce qui pourrait être concédé dans l’intérêt de l’unité et de la paix sans mettre en danger la foi et enfin ce qui ne pourrait l’être111. Ferdinand est mort le 25 juillet 1564, si bien que son fils Maximilien II accusa réception du rapport le 24 août 1564112. Ferdinand demanda aussi en même temps un tel rapport à Georg Cassander, qui fut remis aussi à Maximilien II, en 1565113. [88] Pour Witzel, comme pour d’autres, il y avait une hiérarchie de sources à respecter dans de telles recherches : l’Ecriture sainte, les Pères de l’Eglise les plus anciens et les arguments plausibles plutôt que sophistiques ou hérétiques. Par exemple, si l’Ecriture sainte était silencieuse, peu claire ou ambiguë sur tel ou tel point, il fallait consulter les Pères, et ainsi de suite114. Dans un autre rapport préparé pour l’Empereur Ferdinand Ier plus tôt, en 1556, il fit savoir que depuis 24 ans, il faisait sans relâche des recherches sur l’origine et la fondation de l’Eglise catholique dans les écritures canoniques et les anciens livres théologiques et les conciles. Il cherchait le chemin, la uia de l’Eglise ancienne. Il observa en 1539 que « ce chemin vieux et bon fut emprunté il y a mille ans par les chers Pères de l’Eglise chrétienne, en accord avec le commandement de Dieu. Par la suite des hommes ont quitté le chemin et se sont perdus115 ». [89] En effet Witzel intitula le rapport demandé par Ferdinand en 1564 la Via regia (d’après Num 21, 22) la « Voie royale » pour décrire le chemin vers l’unification. Ce fut une « Voie » qui « ne bifurquait, ni vers la droite, ni vers la gauche ». Comme le signale Rummel, ce n’était pas la même approche que le synkatabasis proposé par Erasme. Chez Witzel, la réconciliation passait par le retour sur un chemin clairement défini et construit grâce à la vérité doctrinale authentifiée par les recherches historiques ; il ne serait plus nécessaire de le quitter116. Les preuves historiques des pratiques de l’Eglise 111 Rummel, p. 146. 112 Henze, Witzel, p. 255-56. 113 Rummel, p. 146. 114 Rummel, p. 141. 115 Cité par Rummel, p. 142. 116 Rummel, p. 141.

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ancienne devaient ramener dans le giron de celle-ci les luthériens ; il ne s’agissait pas de faire de concessions à la manière proposée par Erasme. En revanche la métaphore d’Erasme indiquait que les ambiguïtés ou les doutes en matière de doctrine devaient être discutés et validés par le consensus sur un « terrain commun »117. Cela étant le cas, devant l’approche historique de Witzel, nous ne serions plus véritablement dans le domaine de l’accommodation118. [90] L’approche de Cassander ressemblait plus à celle d’Erasme119. Son rapport, la Consultatio120, fut publié après sa mort, en 1577121. Cassander utilisa la même hiérarchie des sources que Witzel, et avait recours aussi aux témoignages des Pères. Toutefois, les Pères devaient être utilisés comme des sources dont on s’inspirait, et non pas comme des témoins infaillibles ou irréfutables122. Mais, l’approche de Cassander était surtout fondée sur le critère de la paix civile, sur des considérations sociopolitiques plutôt que sur la théologie, l’épistémologie ou l’histoire123. [91] Ce qui nous intéresse dans cette réaction à la pression des sectes est l’idée d’aller vers une véritable unité. Si le concept unificateur est bien fondé, efficace, neutre, et donc accepté, il devrait dépasser les clivages. [92] Nous voudrions terminer en considérant la place de Rhenanus dans les réactions possibles mises en avant et discutées par Rummel. La place de Rhenanus [93] Le chercheur suisse, Pierre Fraenkel, s’est intéressé aux recherches sur l’histoire ecclésiastique menées par Beatus Rhenanus en lui consacrant plusieurs articles. Deux en particulier peuvent nous

117 Rummel, p. 141. 118 Voir l’analyse supplémentaire de Rummel sur les différences, p. 143-144. 119 Rummel, p. 146. 120 Rummel, p. 146 : De articulis religionis inter catholicos et protestantes

controuersis consultatio « Consultation sur les articles de religion disputés par les catholiques et les protestants ». 121 Rummel, p. 189, n. 116. Rummel l’a lu dans les Opera (Paris, 1616) de Cassander. 122 Rummel, p. 146-147. 123 Rummel, p. 146-147.

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intéresser124. Il a étudié la publication que Rhenanus a faite en 1540 intitulé la Messe de saint Jean Chrysostome. Dans l’article « Rhenanus, historien de la liturgie », il met en avant que dans les années 1540 il y eut des tentatives pour réduire le schisme qui « se répandait dans les Etats d’Empire et dans toute l’Europe125 ». Pour ceux qui voulaient promouvoir l’union, Fraenkel relève trois voies. Il y avait la possibilité d’un accord doctrinal voulu par les deux côtés, mais irréalisable pour cette même raison. Il y avait une uia media en matière de théologie qui pouvait être fondée sur l’accommodation, soutenue par les « théologiens de Strasbourg et de Hesse, surtout Bucer126 ». Toutefois, dit-il, il existait : une autre uia media, elle aussi populaire chez les Rhénans, plus orientée vers les pratiques de l’église : retrouver les institutions juridiques, canoniques et surtout liturgiques de l’église des Pères, susceptibles de plaire aux partisans de Wittenberg aussi bien qu’à ceux de Rome, de Cologne ou de Strasbourg127.

Fraenkel évoque le colloque avorté de Leipzig de 1539 qui a donné lieu au Typus prioris ecclesiae de Witzel. [94] Pour Fraenkel, bien que certains critiques décrivent ces mouvements comme « érasmiens », surtout chez Witzel, il se trouve que : l’intérêt plus particulier pour les institutions et la liturgie est mieux représenté par Beatus Rhenanus – dont Witzel est ici le disciple128.

Fraenkel ne fournit pas d’exemples pour soutenir cette observation, mais nous savons que depuis son édition de Tertullien en 1521, Rhenanus était pris par la comparaison des pratiques de l’Eglise ancienne avec celle de son époque et nous savons que Witzel admirait le Sélestadien. [95] Cette observation de Fraenkel a été reprise par Henze, qui a noté que le rapport entre Rhenanus et Witzel n’avait pas encore été étudié. Et à notre tour, nous n’entreprendrons pas cette étude ici. Nous pouvons uniquement observer que deux lettres de Witzel à Rhenanus 124 Fraenkel, « Rhenanus historien de la liturgie » (1985) et Fraenkel, « Rhenanus & Chrysostome » (1986). 125 Fraenkel, « Rhenanus historien de la liturgie », p. 247. 126 Fraenkel, « Rhenanus historien de la liturgie », p. 247, donne aussi l’exemple du chanoine Gropper de Cologne. 127 Ibid. 128 Ibid.

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ont été conservées, de 1534 depuis Eisleben et de 1542 depuis Spire. Les deux missives expriment l’admiration que ressent Witzel pour les travaux d’histoire du Sélestadien, surtout pour les travaux d’histoire ecclésiastique. En revanche, elles ne donnent pas l’impression de faire partie d’une correspondance suivie. [96] Ce qui doit nous intéresser ici est le rapport qu’il y a entre les travaux, les publications de Rhenanus et de Witzel. Nous avons vu que les recherches et les remarques de Witzel sur l’Eglise ancienne n’allaient pas véritablement dans le sens de l’accommodation. En effet, comme l’indique Rummel, ce que Witzel espérait était des découvertes sur des pratiques qui deviendraient normatives. [97] Or d’après Fraenkel, les recherches de Rhenanus publiées en 1540 et sa manière de les présenter étaient plus ouvertes. Le chercheur suisse écrit : Liturgie d’origine historique, variable dans le temps et dans l’espace, ouverte à des réformes : on reconnaît dans cette image celle que Rhenanus avait donnée en mars de l’année précédente dans l’introduction au De corona militis de son Tertullien, où la variété des usages joue un rôle très grand. De ce fait, notre préface est – tout comme son modèle immédiat – une réplique à l’image tout contraire que tant de controversistes romains de l’époque ont voulu donner d’une liturgie d’origine apostolique, peu variable et quasi irréformable129.

Ce que nous retenons est le caractère plus ouvert et aussi plus neutre ou objectif des recherches menées par Rhenanus et fondées sur le critère historique. [98] Fraenkel fait valoir que dans son traitement du texte historique de la « messe » de Saint Jean Chrysostome130 Rhenanus a fait une brève histoire de la liturgie. Il signale qu’elle fut publiée deux fois en tant que telle au XVIe s. par le « zélateur luthérien131 » 129 Fraenkel, « Rhenanus historien de la liturgie », p. 250. 130 Le prieur des Augustins de Colmar, Johann Hoffmeister, était tombé sur une

traduction latine de la liturgie de Chrysostome faite par Léon Toscan au XIIe s. Rhenanus et Hoffmeister ont préparé une édition de ce texte (dont c’est l’editio princeps) ainsi que la traduction qu’Erasme avait faite de la liturgie de Chrysostome et qui avait paru en 1536. Il s’agit alors d’une double présentation des deux traductions du texte grec, accompagnée d’autres textes en rapport avec la liturgie et surtout d’une épître dédicatoire de Rhenanus à Hoffmeister Fraenkel, « Rhenanus historien de la liturgie », p. 248-249. 131 Fraenkel, « Rhenanus historien de la liturgie », p. 252.

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Matthias Flacius Illyricus et utilisée par l’« unioniste132 » Georg Cassander133. Cette approche était assez objective et convaincante pour remporter l’adhésion parmi ces penseurs. [99] Si on accepte l’idée que Rhenanus était le maître spirituel de Witzel et que le Sélestadien ait proposé des recherches plus ouvertes, plus susceptibles d’encourager l’union des partis, il serait possible de le comprendre comme un partisan bien scientifique de l’accommodation qui a cherché à élever le débat. En effet, c’était le fin jugement critique qui caractérisait ses recherches. Conclusion [100] Plutôt que de considérer Beatus Rhenanus comme un homme qui se serait retiré du débat ou qui aurait dissimulé sa pensée religieuse pour des motifs intéressés ou strictement personnels, nous suggérons de le concevoir comme un partisan perspicace et réaliste de l’unité. Il peut incarner les caractéristiques presque contradictoires d’enthousiasme et de jugement critique, qui pourtant peuvent s’accorder pour créer un mouvement maîtrisé. Rhenanus est ainsi un partisan qui garde un attachement fort à la pensée dynamique de Luther tout en retrouvant une structure, une organisation et une stabilité utiles dans l’Eglise traditionnelle. Par le biais de ses lectures et de ses écrits il s’est efforcé de découvrir des éléments vrais qui permettent de sortir de l’impasse et d’avancer. Sources AABHS = Annuaire des amis de la Bibliothèque humaniste de Sélestat. Backus, « Sturm’s Life of Rhenanus » = Backus, Irena : “Sturm’s Life of Beatus Rhenanus : between laudatio and history”, in Matthieu Arnold (éd.) Johannes Sturm (1507-1589), Rhetor, Pädagoge und Diplomat…, Tübingen, Mohr Siebeck, 2009, p. 61-76. BRLE = Beatus Rhenanus (1485-1547), lecteur et éditeur des textes anciens : Actes du Colloque international tenu à Strasbourg et à 132 Ibid. 133 Fraenkel, « Rhenanus historien de la liturgie », p. 249.

1. « L’homme Beatus Rhenanus »

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Sélestat du 13 au 15 novembre 1998, Colloque organisé par François Heim et James Hirstein, Actes édité par James Hirstein (Collection Studia Humanitatis Rhenana, 1), Turnhout, Brepols, 2000. Cizek, « Claude chez Suétone » = Cizek, Eugen : « Claude chez Suétone : un personnage énigmatique ? » in Claude de Lyon : empereur romain, Actes du Colloque Paris-Nancy-Lyon Novembre 1992, réunis et publiés par Yves Burnand, Yann Le Bohec, JeanPierre Martin, publiés avec le concours de l’Université de Lyon III et de l’URA 1979, Paris, Presses de l’Université de ParisSorbonne, 1998, p. 47-58. Conte, Lat. Lit. = Gian Biagio Conte : Latin Literature. A History, translated by Joseph B. Solodow, revised by Don Fowler and Glenn W. Most (éd. Ital. 1987), Baltimore and London, The Johns Hopkins University Press, 1994. D’Amico, « Rhenanus & Tertullian » = D’Amico, John F. : « Beatus Rhenanus, Tertullian, and the Reformation: A Humanist’s Critique of Scholasticism », Archiv für Reformationsgeschichte 71 (1980), p. 37-63. EBR, 1 = Epistulae Beati Rhenani, La Correspondance latine et grecque de Beatus Rhenanus de Sélestat, Edition critique raisonnée, avec traduction et commentaire, vol. 1 (1506-1517) édité par James Hirstein avec la collaboration de Jean Boes, de François Heim, de Charles Munier†, de Francis Schlienger, de Robert Walter† et d’autres collègues (Studia humanitatis rhenana, 3), Turnhout, Brepols, 2013. Fraenkel, « Beatus Rhenanus et sources anciennes » = Fraenkel, Pierre, « Beatus Rhenanus, Oecolampade, Théodore de Bèze et quelquesunes de leurs sources anciennes », Bibliothèque d’Humanisme et renaissance 41 (1979), p. 63-81. Fraenkel, « Rhenanus & Chrysostome » = - : « Une lettre oubliée de Beatus Rhenanus : sa préface à la liturgie de s. Jean Chrysostome dédiée à Johannes Hoffmeister 24 janvier 1540 » BHR 48 (1986), p. 387-404. Fraenkel, « Rhenanus historien de la liturgie » = - : « Beatus Rhenanus, historien de la liturgie », Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat 35 (1985), p. 247-252.

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1. James Hirstein

Fredouille, « BR et Tertullien » = Fredouille, Jean-Claude : « Beatus Rhenanus, commentateur de Tertullien », AABHS 35 (1985), p. 287-295. Galactéros de Bossier, « La Fortune » = Galactéros de Bossier, Lucie : « Images Emblématiques de la Fortune : Eléments d’une typologie » in : Y. Giraud (éd.), L’emblème à la Renaissance, actes de la journée d’études du 10 mai 1980 publiés par Yves Giraud… et alii, Paris, Société d’édition d’Enseig. Sup., 1982, p. 79-125. H = Horawitz, Adalbert et Karl Hartfelder, édd. : Briefwechsel des Beatus Rhenanus, Leipzig, Teubner, 1886, rpt. Nieuwkoop, B. de Graaf, 1966. Henze, Witzel = Henze, Barbara : Aus Liebe zur Kirche Reform : Die Bemühungen Georg Witzels (1501-1573) um die Kircheneinheit, Münster, Aschendorff, 1995. Hieronymus, « Ein vergessener Brief » = Hieronymus, Frank : « Ein vergessener Brief des Rhenanus und andere vergessene Briefe an Nicolaus Episcopus », AABHS 37 (1987), p. 157-175. Hirstein, « Johann Sturm’s Biography and a Distorted Image of Rhenanus » = Hirstein, James : « Johann Sturm’s Biography of Beatus Rhenanus : To Explain a Distorted Image » in Matthieu Arnold (éd.) Johannes Sturm (1507-1589), Rhetor, Pädagoge und Diplomat…, Tübingen, Mohr Siebeck, 2009, p. 77-105. Hirstein, « Kopp, de nouveaux poèmes » = - : « Trois nouveaux poèmes de Veit Kopp, conservés par Beatus Rhenanus : les épitaphes à la mémoire de Clara Spiegel et de Johann Huttich » in « STVDIVM IN LIBRIS » Mélanges en l’honneur de Jean-Louis Charlet, textes édités par Gaëlle Herbert de la Portbarré-Viard et Annick StoehrMonjou (Collection des Etudes Augustiniennes, Série Antiquité – 201), Paris, Institut d’Etudes Augustiniennes, 2016, p. 357-370. Hirstein, « Livres et le nom de Rhenanus » = - : « Bibliographie I : Liste chronologique provisoire de livres auxquels le nom de Beatus Rhenanus est associé (titres abrégés) » in BRLE, p. 491-511. Hirstein, « Rhenanus, l’homme enthousiaste » = - : « Beatus Rhenanus de Sélestat : l’homme enthousiaste révélé par le premier volume de ses lettres », AABHS 66 (2016), p. 7-25. Hirstein, Tacitus’ Germania & Rhenanus = - : Tacitus’ Germania and Beatus Rhenanus (1485-1547) : A Study of the Editorial and

1. « L’homme Beatus Rhenanus »

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Exegetical Contribution of a Sixteenth Century Scholar (Studien zur klassischen Philologie Bd 91), Frankfurt, Peter Lang, 1995. Holzberg, « Bestandsaufnahme » = Holzberg, Niklas : « Beatus Rhenanus (1485-1547): Eine biographisch-forschungsgeschichtliche Bestandsaufnahme zum 500. Geburtstag des Humanisten », AABHS 35 (1985), p. 19-32. Horawitz, „Rhenanus, Biographie“ = Horawitz, Adalbert : „Beatus Rhenanus, eine Biographie“, Wiener Akademie der Wissenschaften 70 (1872), p. 189-244. Ijsewijn, « Dorp » = Ijsewijn, Jozef : « Maarten van Dorp » in Contemporaries of Erasmus. A Biographical Register of the Renaissance and Reformation. Edd. Peter G. Bietenholz et Thomas B. Deutscher. 3 vols, Toronto/Buffalo/London, Univ. of Toronto Press, 1985-1987, vol. 1, p. 398-404. Jenny, « Rhenans Lebensende » = Jenny, Beat Rudolf : « Zwei Basler Quellentexte zu Beat Rhenans Lebensende und Nachlass », AABHS 35 (1985), p. 283-286. Kaiser, „Die letzten Jahren des Rhenanus“ = Kaiser, Hans : „Aus den letzten Jahren des Beatus Rhenanus“, Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, Nf. 31 (1916), p. 30-52. Lehmann, „Witzel an Rhenanus“ = Lehmann, P. : „Georg Witzel an Beatus Rhenanus (24 August 1534)“ Zeitschrift für Kirchengeschichte 28 (1907), p. 458-460. Meyer, « Bibliothèque de Rhenanus » = - : « Propos sur la bibliothèque de Beatus Rhenanus », AABHS 35 (1985), p. 85-96. Munier, « Annotations Tertullien » = Munier, Charles : « Les annotations de Beatus Rhenanus aux éditions de Tertullien (Bâle : 1521 ; 1528 ; 1539) et leur mise à l’Index librorum prohibitorum » in BRLE, p. 235-262. Raguenel, Volz et Rhenanus = Raguenel, Sandrine de : Les lettres de Paul Volz à Beatus Rhenanus (1522-1542) : edition, traduction et commentaire, 3 vols, Strasbourg, Univ. de Strasbourg, 18 avril 2011 (thèse de doctorat dactylographiée). Rohmann, „Witzel“ = Rohmann, Klaus : „Georg Witzel, ein Altkatholik des sechzehnten Jarhrhunderts : Wirken und Werk eines (fast)

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1. James Hirstein

vergessenen Reformtheologen“, Zeitschrift 99 (2009), p. 209-239.

Internationale

Kirchliche

Rummel, Confess. = Rummel, Erika : The Confessionalization of Humanism in Reformation Germany, Oxford, etc., Oxford University Press, 2000. Sturm, Jean, « Vie de Rhenanus », Munier et Meyer = Sturm, Jean : « Vie de Beatus Rhenanus, traduction Charles Munier, notes Hubert Meyer », AABHS 35 (1985), p. 7-18. Teichmann, „Die kirchliche Haltung des Rhenanus“ = Teichmann, W. : „Die kirchliche Haltung des Beatus Rhenanus. Eine kirchengeschichtliche Studie“, Zeitschrift für Kirchengeschichte, 26 (1905), p. 363-381. Walter, Robert « Entre l’Eglise traditionnelle et la réformation » = Walter, Robert : « Beatus Rhenanus (1485-1547) entre l’Eglise traditionnelle et la réformation », in Lienhard, Marc (éd.) : Les Dissidents du XVIe siècle entre l’Humanisme et le Catholicisme. Actes du colloque de Strasbourg (5-6 février 1982) (Bibliotheca dissidentium scripta et studia, 1), Baden-Baden, Editions Valentin Koerner, 1983, p. 96-109. Walter, Robert, Thèse = - : Beatus Rhenanus (1485-1547) Anthologie de sa Correspondance. (Introduction. Textes établis, traduits et commentés. Annexes, dont la Beati Rhenani Vita de Jean Sturm). Thèse pour le doctorat de 3e Cycle. Université des Sciences Humaines. Strasbourg Janvier 1985 2 t. [La Bibliothèque Humaniste de Sélestat possède une 2e éd. revue et corrigée de t. 2].

2 Le contexte des mouvements de réforme Francis Rapp

[1] Beatus Rhenanus dont nous nous efforcerons, pendant ces deux jours, de mieux connaître et la personnalité et l’œuvre, était un de ces hommes qui tiennent à la paix parce qu’ils sont des travailleurs infatigables et qu’ils ont besoin de tranquillité pour se livrer à ce qui est leur raison d’être ; ils ont aussi besoin de vivre dans la concorde, sans laquelle les échanges d’idées sont impossibles avec ceux qui obéissent à la même passion qu’eux. Or, pendant près de la moitié de son existence, Rhenanus ne connut que la guerre, non pas celle des armes, mais celle des pensées. Il vit l’unité confessionnelle de l’Europe se briser. Il ne fallut pas plus de trois ou quatre décennies pour que la manière réformée de vivre le christianisme s’imposât au nord et au centre du continent. Pourquoi ce succès rapide ? Mais aussi pourquoi ce succès resta-t-il incomplet, laissant subsister un catholicisme tenace dans les pays du sud de l’Europe ? L’étude du contexte dans lequel se préparèrent et se déroulèrent ces événements, sans nous en donner toutes les clés – les hommes sont libres de résister à la poussée des forces collectives –, ne nous fournirait-elle pas des éléments de réponse à nos deux questions ? Pour ne pas se perdre dans des généralités, notre enquête doit s’inscrire dans un cadre restreint. Comment ne pas choisir l’Alsace, en y annexant la Suisse de Bâle à Zurich, puisqu’en utilisant la correspondance de Rhenanus nous interrogeons des témoins de qualité, informés, intelligents et sensibles ? [2] Quand la Réformation comptabilisa ses premières victoires, elle donnait aux chrétiens le sentiment qu’enfin s’opérait la réforme attendue depuis longtemps. Les conciles de Constance et de Bâle, convoqués pour mettre fin au Schisme qui avait cassé en deux puis en trois l’Eglise, avaient promis d’assainir cet immense organisme. Ils ne purent même pas entreprendre cette tâche. Les papes réussirent à se débarrasser d’une institution qui empiétait sur leur autorité. Des papes dont la réforme était le dernier souci. Les prélats, les évêques de

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2. Francis Rapp

Strasbourg et de Bâle, ne s’en souciaient guère plus, mis à part les derniers, Guillaume de Honstein et Christophe d’Utenheim, qui assistèrent aux premières victoires de Luther et de ses amis. Aux désordres qui caractérisaient le comportement du clergé, il ne fut pas mis fin. Certes, la stricte observance rétablit la discipline dans quelques couvents, en plus grand nombre chez les religieuses, les Dominicaines en particulier, que chez les religieux. Rien d’efficace ne fut entrepris pour réformer la conduite des séculiers. Ni le synode diocésain ni la visite pastorale ne furent assurés régulièrement. Les amendes infligées aux concubinaires par une administration diocésaine plus soucieuse de remplir ses caisses que de former un clergé sérieux finirent par être considérées comme le prix à payer pour vivre à sa guise. Au sein du corps clérical, la répartition des moyens matériels créait des inégalités flagrantes : ceux qui savaient s’y prendre cumulaient les bénéfices, sous prétexte qu’un seul ne leur aurait pas permis de vivre décemment ; les autres devaient se contenter du maigre salaire versé par les cumulards et portaient la charge que leur imposait l’office. Tous ces travers étaient dénoncés avec vigueur par certains prédicateurs, le plus écouté étant Geiler de Kaysersberg, celui dont Rhenanus devait rédiger la biographie. Quand la littérature satirique fleurit, sous la plume de Brant comme de Murner, les curés, les moines et les bonnes sœurs furent engagés dans la farandole des fous. L’un de ceux qui formulèrent les réquisitoires les plus sévères contre les prêtres indignes était Wimpfeling, le compatriote de Rhenanus. [3] « Vous les laïcs, vous nous détestez », s’exclamait Geiler en chaire. Cette haine, elle ne provenait pas de l’irréligion. Nos ancêtres étaient souvent pieux. Les formes de leur piété nous frappent par leur nombre et leur diversité, comme la société des saintes et des saints qu’ils invoquent, comme les églises, les chapelles, les autels et les images qu’ils leur dédient. Très nombreuses sont les institutions telles que les confréries qui entretiennent leurs dévotions. Leur religion est constituée de pratiques avant tout, de la prière dite chez soi jusqu’au pèlerinage très loin, sans que l’essentiel soit distingué du secondaire. Assister à la messe ou la faire célébrer en son absence, voilà ce qui se fait fréquemment, mais on ne communie qu’une fois l’an, à Pâques. L’argent risque de s’attacher aux rites. La peur du purgatoire valorise les indulgences et l’offrande qui, la plupart du temps, accompagne leur obtention risque d’être prise par certains pour le prix du Paradis. Pour autant, la vie religieuse, comprise et pratiquée comme une relation personnelle du fidèle avec son Dieu, comme une suite d’efforts vers

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la perfection, n’a pas complètement disparu, même s’il est impossible de savoir s’ils sont nombreux les chrétiens qui l’entendent de cette manière. La mystique dont Tauler, à l’école de maître Eckart, a formulé les repères et présenté les fruits avec bonheur, et celle moins haute de Rulman Merswin ne subsistent guère que dans les monastères de Dominicaines observantes. N’excluons pas trop vite de ce petit milieu dévot les laïcs. Pensons à ce cordonnier de Sélestat, Jacques Leistenmacher, qui en 1430 copia le livre des 24 Anciens, un traité d’édification du cordelier Otton de Passau. La dévotion moderne, la spiritualité mise au point aux Pays-Bas par les chanoines de Windesheim et les Frères de la Vie commune, qui apprend aux chrétiens à ne pas accomplir les rites religieux mécaniquement, mais à les vivre au plus profond d’eux-mêmes, pourrait avoir été introduite à Sélestat par le directeur de l’Ecole latine, Dringenberg, qui avait été vraisemblablement formé par des membres de cette congrégation. Celles et ceux qui s’étaient initiés à cette piété qui leur avait appris à développer méthodiquement les mouvements du cœur et les ressources de la volonté ne s’accommodaient plus de pratiques plus ou moins machinales. [4] Ce que le sentiment s’efforçait d’approfondir et de fortifier, la raison visait à l’éclairer. Il est certain qu’à la fin du moyen âge la volonté d’étendre et d’enrichir le savoir était particulièrement agissante. Apprendre et comprendre étaient les maîtres-mots de cette époque. Sans doute la complication des institutions politiques et davantage encore le progrès de la vie économique, l’un et l’autre portés par la bourgeoisie, rendaient nécessaires, à des niveaux variés, les études. N’oublions pas qu’en Alsace, les villes constituent un réseau dont les mailles sont serrées – il n’y a pas que celles de la Décapole – et les communes rurales sont suffisamment importantes pour que l’écrit y soit apprécié. Les sources nous renseignent mieux sur les universités que sur d’autres écoles grâce aux matricules souvent bien tenues et bien conservées. L’alma mater s’établit à partir de la fin du XIVe siècle aux portes de l’Alsace ou presque, à Heidelberg d’abord puis à Fribourg et à Bâle. Elle accueille des Alsaciens en grand nombre, des citadins certes, mais aussi – et au fur et à mesure que le temps passe en nombre croissant – des villageois. Tous ne persévèrent pas et rentrent sans titre, mais les bacheliers et les maîtres ès arts ne sont pas rares. La plupart se contentent des grades délivrés par la Faculté des Arts. Seuls ceux qui ne sont pas dépourvus d’argent poursuivent leur cursus plus loin, presque toujours pour devenir juristes ; une poignée seulement se destine à la théologie. Les

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carrières qui accueillent le plus les étudiants sont, bien sûr, celles qu’offre l’Eglise. A la fin du XVe siècle, presque tous les chanoines sont titulaires d’une maîtrise, voire une licence. Bientôt, parmi les desservants si mal payés et si peu considérés, si souvent des immigrants venus de Souabe en Alsace réputée pour sa richesse, on trouvera des maîtres ou des bacheliers ès arts. Mais les laïcs ne dédaignent pas les études supérieures, ne citons ici que Rhenanus luimême. On ne se rendait pas à l’université tout à fait illettré. Il existait des écoles : il y en avait dans les couvents, mais il y en avait aussi d’autres tenues par des laïcs. Les unes, les deutsche Schulen, n’apprenaient qu’à lire, écrire et compter; on en comptait cinq à Strasbourg ; les autres, dites latines, préparaient les garçons qui voulaient se rendre à l’université. Celle de Sélestat dépendait de la paroisse ; la qualité de ses maîtres et de leur méthode d’enseignement, une fois que Dringenberg en eut profondément renouvelé l’esprit, lui valut une réputation très large. Elle attirait aussi bien des écoliers vagabonds, tel Thomas Platter, que des fils de famille aisés, pensons aux frères Amerbach, les camarades de Rhenanus. Wimpfeling, un ancien, eut l’idée de créer des écoles conçues sur le modèle de celle de Sélestat, un Gymnase, qui devait être, en quelque sorte, le prototype des établissements d’enseignement secondaire actuels, c’est-à-dire donner aux jeunes gens qui ne veulent ou ne peuvent pas se rendre à l’université une formation convenable. [5] L’une des préoccupations majeures de ceux que nous appelons par commodité « les intellectuels » alsaciens de ce temps était la formation des esprits et des caractères. C’est dans ce sens qu’ils orientèrent le mouvement qui depuis la fin du XIVe siècle renouvelait la vie intellectuelle de l’Europe, l’humanisme. Né en Italie, il avait gagné les pays au nord des Alpes, l’Allemagne en particulier, mais il avait poussé de belles racines en France et nos humanistes – pensons à Rhenanus mais aussi à son maître Gebwiller – ne dédaignaient pas Paris. Déjà Geiler les avait familiarisés avec un maître parisien, Gerson, un guide sûr pour qui voulait mener une bonne vie chrétienne. Au seuil du XVIe siècle, Lefèvre d’Etaples associait étroitement ce qui était la vocation première de l’humanisme, la découverte et la toilette des textes anciens, et la volonté d’en tirer tout ce qui pouvait enrichir et raffermir la foi. Nos humanistes, certes – et Rhenanus en particulier – ne méprisaient pas le travail d’érudition, mais, pour la plupart, la pédagogie était le but principal de leur labeur. Les uns – Wimpfeling bien sûr en premier – s’attachaient à créer des institutions scolaires et à en fixer programme et méthodes. Les autres – les plus célèbres –

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Brant et Murner se proposaient de corriger les mœurs de leurs contemporains en les satirisant. Peu nombreux, médiocrement doués pour l’entente, nos humanistes, qui se retrouvaient dans des sortes de clubs, les sodalités, ne manquaient pourtant pas d’influence. Il était de bon ton de leur reconnaître de l’importance. Les évêques – Guillaume de Honstein à Strasbourg, Christophe d’Utenheim à Bâle –, les stettmeister dans les deux villes se flattaient d’appartenir à leur cercle. De cette famille, qui s’insérait dans un immense réseau à la taille de l’Europe, le chef spirituel, le prince, était Erasme dont les visites à Strasbourg et à Sélestat et le séjour à Bâle étaient vécus comme des événements majeurs. [6] Tous les membres de cette société vivaient pour le livre et par le livre. Les livres, car le fait majeur de cette époque, c’est à Gutenberg que nous le devons : l’imprimerie verse constamment sur le marché des quantités toujours plus fortes d’ouvrages, vendus à bon compte. Les savoirs, anciens et neufs, se répandent sur l’Occident. Les bibliothèques se multiplient et grossissent, dans les presbytères de campagne comme jadis dans les monastères. Les laïcs s’y intéressent aussi. Des jeunes gens, tel Rhenanus, s’en procurent comme poussés par la passion du collectionneur. Peu d’intellectuels qui n’aient pas acquis, en préparant des éditions, en corrigeant des épreuves, en rédigeant des préfaces, le sens du travail méticuleux, bien fait. Encore une fois, suivons Rhenanus chez l’imprimeur Estienne à Paris. [7] Le triomphe du livre imprimé pourrait être considéré comme le symbole d’un mouvement intellectuel et spirituel dont il assure la progression. Un mouvement qui paradoxalement prépare l’avenir en retrouvant le passé. Ses acteurs sont persuadés que dans l’antiquité des fontaines, des sources de sagesse attendent d’être dégagées pour que leurs eaux rajeunissent un monde fatigué. Alors se produirait une renaissance, le christianisme retrouverait vigueur et pureté. Les maux de l’Eglise pourraient être guéris. Il y avait dans les têtes et les cœurs de ceux que ce courant habitait de l’espérance. [8] Cet optimisme n’était pas partagé par tous les Alsaciens. Dans les campagnes, on n’attendait pas de l’Eglise qu’elle se purifiât dans la paix. Le mouvement des prix qu’agitaient des hausses et des baisses brutales pénalisait les paysans. Quand le cours montait en flèche, ils n’avaient rien à vendre ; quand les récoltes avaient été bonnes, leur produit ne valait pas grand-chose. Seuls profitaient de cette situation les gens d’Eglise qui disposaient de réserves. L’anticléricalisme se nourrit de cet état de fait. Les événements qui avaient secoué l’Angleterre et la Bohème, les Alsaciens ne les avaient pas ignorés, ni oubliés. Le futur

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réformateur Capiton en était convaincu : son père, un forgeron de Haguenau, nourrissait des convictions qui étaient proches de celles de Wyclif et des Hussites. Une révolution était attendue. Et préparée. Des complots furent ourdis dans nos campagnes. L’inspirateur du premier, le boucher Hans Uhlmann en 1493, était un ancien bourgmestre de Sélestat, un collègue du père de Rhenanus au conseil de la ville. Durement réprimée, cette conspiration ratée ne découragea pas ceux qui, inspirés peut-être par des écrits tels que la Reformatio Sigismondi, voulaient conférer une nouvelle jeunesse à la société, mais les armes à la main. Le rythme de leurs tentatives coïncide avec celui des crises économiques, 1493, 1502 et 1517. Les paysans, eux aussi, espéraient que justice leur serait rendue, mais après qu’ils eurent contraint, au besoin dans le sang, les prêtres à y consentir. [9] Au début du XVIe siècle, nombreux étaient chez nous ceux qui croyaient indispensable de donner à la chrétienté des formes nouvelles, de la réformer, que ce fût grâce à la force des idées, comme les humanistes, ou les armes à la main, comme l’envisageaient les conspirateurs du Bundschuh. Tous vivaient dans l’attente, dans l’espérance. [10] Luther répondait-il à cette attente ? Le succès large et rapide que connurent les idées d’un religieux augustin jusqu’alors inconnu dans le monde des savants, professeur dans une université de création récente et dont le renom restait encore à créer, tend à le prouver. Voyons comment réagit Beatus Rhenanus. Entre la réception de la lettre datée du 1er mai 1518 dans laquelle son compatriote Bucer lui fait part des impressions produites sur lui par le « meurtrier des indulgences » lors de la réunion organisée à Heidelberg, et le 6 décembre, notre humaniste se renseigne ; il veut des informations sûres. Le lendemain de Noël déjà, il constate, avec plaisir semble-t-il, que les Bernois sont venus à Bâle acheter de nombreux exemplaires des écrits luthériens. Alors c’est quelque chose qui ressemble à de l’enthousiasme que nous percevons dans la correspondance qu’il entretient avec Zwingli. Certes, l’érudit ne délaisse pas les livres. Ses chers travaux continuent d’avancer. Son édition de Tertullien lui prend beaucoup de temps et n’est prête qu’en 1521. La liste des publications auxquelles son nom est associé comme auteur, contributeur ou préfacier comporte 19 titres pour la période allant de 1518 à 1520, et quels titres ! Ne retenons que la Germania de Tacite et l’Histoire romaine de Velleius Paterculus, dont il a déniché le seul manuscrit conservé dans la bibliothèque de l’abbaye de Murbach. Mais l’homme qui s’est fixé des règles de vie telles que toute son existence est rythmée par son travail, qui n’aime pas être dérangé, le voilà qui s’occupe de la diffusion des ouvrages de

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Luther ; il ne néglige aucun détail ; même le choix du colporteur l’intéresse. Lui, un laïc, estime qu’il peut et doit donner des conseils au prêtre qu’est Zwingli ; il lui dit comment il convient de prêcher, quelles œuvres de Luther méritent d’être étudiées avec un soin particulier. Le sort du Réformateur zurichois lui tient à cœur, il suit les étapes du conflit qui l’oppose à Luther. A-t-il eu des relations directes avec lui ? La découverte récente d’un manuscrit à Sélestat ouvre peutêtre de nouvelles perspectives. Quoi qu’il en soit, tout ce que nous savons donne à penser que Rhenanus prend part vigoureusement à la bataille déclenchée par l’augustin de Wittenberg. C’est le bon combat. [11] Mais est-ce vraiment le bon combat ? En 1520 Rhenanus s’est laissé troubler par les propos excessifs de son compatriote Sapidus ; les désordres à Zwickau puis à Wittenberg, causés par Karlstadt et Münzer l’ont ému. Les distances que prend Erasme, avant même que la bataille autour du Libre Arbitre ne clarifie totalement ce qui sépare le prince des humanistes de Luther, Rhenanus ne peut que s’en inquiéter. En 1522, l’évidence s’impose. Luther n’est pas un allié puissant de l’humanisme. Son objectif est différent. Au cours de l’hiver 15221523, Rhenanus a changé de position. Il appelle ses concitoyens à ne plus se fier aux zélateurs du luthéranisme. De l’enthousiasme qui l’a soulevé, dans les années 1518-1520, il ne reste plus que des regrets. Son cas est celui de beaucoup de ceux qui comme lui ont pensé que le retour aux sources régénérait la chrétienté et que Luther était engagé dans la même voie qu’eux. La rupture entre Erasme et Luther est consommée en 1524. Dans les rangs des humanistes, l’exemple de leur « prince » est suivi plus ou moins discrètement ; même Reuchlin, l’adversaire des « hommes obscurs », l’oncle de Mélanchthon, le conseiller proche de Martin Luther, ne reste pas dans le même camp que son neveu. Un camp dont les mots d’ordre divergent souvent. Sur des sujets aussi importants que l’Eucharistie, Luther ne parvient pas à faire accepter par tous son point de vue. L’extrémisme qui ne veut rien laisser subsister de l’ordre ancien recrute beaucoup de monde, les Bilderstifter (donateurs d’images) sont devenus des Bilderstürmer (destructeurs d’images), et l’iconoclasme inquiète les autorités. Mais la forme la plus radicale d’un évangélisme populaire produisit la terrible tragédie de la Guerre des Paysans. En Alsace elle fut particulièrement sanglante. Le massacre de plusieurs milliers de Rustauds par le duc de Lorraine au printemps de 1525 eut lieu tout près de Sélestat. La lettre de Rhenanus à Michel Hummelberg met en cause les prêtres égarés qui ont harangué les bataillons des révolutionnaires, associant l’Evangile et le glaive.

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2. Francis Rapp

[12] L’ordre social menacé d’être renversé, l’Etat se doit d’intervenir. En conflit ouvert ou larvé avec l’Eglise qui maintient la supériorité du spirituel sur le temporel, l’occasion est belle pour lui de s’affirmer. Dans les villes, il organise les changements et souvent dicte sa façon de régler l’équilibre des pouvoirs. Les princes n’agissent pas différemment, avant même qu’à Augsbourg soit formulé le principe selon lequel la religion des sujets est celle du prince, et lorsque le choix du prince est fait, celui des sujets l’est également. La Réforme devient aussi de cette façon une affaire politique. La puissance compte désormais dans les relations entre les forces religieuses en présence. En 1530, les protestants s’unissent dans la Ligue de Smalkalde. Bientôt, ils prendront langue avec le roi de France qui n’est pas fâché d’entrer à nouveau dans le jeu politique de l’Empire, dont le chef est son adversaire redoutable, Charles Quint. Celui-ci déplore que la Réforme dresse les chrétiens les uns contre les autres : la pensée d’Erasme l’influence profondément. Il veut l’entente, fût-ce au prix de compromis, mais les colloques de Haguenau, Ratisbonne et Worms n’obtiennent aucun résultat. A bout de patience, l’empereur, que la paix de Crépy-en-Valois a libéré des soucis que lui causait son conflit avec François Ier, décide d’en finir avec des protestants qui rêvent d’un « concile général, libre au sein de la Nation allemande ». Il les bat à Mühlberg, au printemps de 1547, et leur impose à la Diète d’Augsbourg un régime provisoire, l’Interim, destiné à ne durer qu’en attendant les décisions du concile que convoquera le pape. Une solution dont la défaite de Charles Quint, vaincu à son tour par les princes, abrégea la durée. En 1555, la paix d’Augsbourg confirme le principe cujus regio, ejus religio et, de ce fait, la division de l’Empire en états protestants et états catholiques. Des catholiques dont le concile, convoqué à Trente en 1545, va raffermir les rangs, en redéfinissant leur foi et en perfectionnant leurs institutions. Ainsi la réforme catholique était programmée. Mais quand le concile prend ces décisions, Rhenanus, que l’un de ses correspondants milanais a tenu informé en mai 1545 de la prochaine réunion conciliaire, est décédé depuis plusieurs années. Il a pu le constater non sans amertume : l’unanimité saluée avec tant d’enthousiasme en 1518/19 s’était entièrement défaite. Controverses et divisions avaient déçu l’espérance joyeuse des premiers temps de la Réforme. [13] Rhenanus est mort le 20 juillet 1547 à Strasbourg, entouré d’amis protestants sur son lit d’agonie mais enterré dans l’église demeurée catholique de sa ville natale. Jusqu’à la fin, il a refusé de prendre parti dans une lutte dont il déplorait l’âpreté, fidèle à son idéal de paix.

2. « Le contexte des mouvements de réforme »

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[14] Le croquis que je viens de crayonner devant vous comporte sans doute de nombreuses lacunes que vous voudrez bien me signaler afin que je m’efforce de les corriger. Puisse-t-il, tel qu’il est, servir de cadre aux minutieuses et précieuses études que vous allez nous donner et qui nous feront certainement avancer dans la connaissance de notre ami Beatus Rhenanus.

3 L’influence de Geiler de Kaysersberg (1446-1510) ou l’émergence de l’idée de réforme de l’Eglise chez Beatus Rhenanus Laurent Naas

[1] Les amateurs plus ou moins éclairés qui s’intéressent au XVIe siècle alsacien en se penchant sur la personnalité de Beatus Rhenanus gardent bien souvent de lui l’image d’un érudit, d’une espèce de pur esprit qui, un peu comme Michel de Montaigne, s’adonne à ses travaux littéraires, plus spécialement de philologie, dans sa tour d’ivoire, contemplant de loin le monde et les remous qui l’agitent. Un tel constat pourrait alimenter la position de l’historien Teichmann qui, dans une étude publiée en 19151 et intitulée « die kirchliche Haltung des Beatus Rhenanus », rappelait à quel point il est difficile de décrire la position, l’attitude de ce savant à l’égard de la Réforme. De fait, Rhenanus nous apparaît avant tout comme un savant, brillant philologue, entretenant des relations épistolaires avec les acteurs de cette République des lettres en marche. Cependant, comme le rappelle, un peu sous la forme d’un truisme, la formule utilisée par Robert Walter pour résumer rapidement les différents aspects du personnage, Beatus Rhenanus n’est pas qu’un savant ; il est avant tout un homme qui s’inscrit dans une époque avec ses richesses, ses permanences et ses lignes de fracture, mais aussi, et c’est vrai en particulier en un temps fortement marqué par l’Eglise, un croyant, préoccupé par son Salut et dont la foi pouvait aussi connaître des hauts et des bas, des moments d’exaltation et sans doute aussi de doute2.

1 Teichmann, „Die kirchliche Haltung des Rhenanus“. 2 Sur l’évolution de Beatus Rhenanus à l’égard de la réforme de l’Eglise, voir

Walter, « Entre l’Eglise traditionnelle et la réformation ». Dans cette étude, Walter ne s’attarde pas sur la postérité de l’influence de Geiler sur le savant sélestadien. A ses yeux semblent plus prégnantes celles de Lefèvre d’Etaples et d’Erasme de Rotterdam.

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3. Laurent Naas

[2] Ainsi, on ferait assurément fausse route si l’on ne gardait de Rhenanus que l’image d’une espèce d’ermite savant, coupé du monde. Il vit dans son temps ; comme le rappellent sa correspondance et le contenu de sa bibliothèque, il échange ses points de vue avec ses pairs. C’est un homme qui a été marqué par les rencontres qu’il a pu faire, en particulier au cours de ses années de formation. On rappellera ainsi l’attachement qui le lia profondément à son maître Lefèvre d’Etaples et l’importance des liens qu’il put tisser en Alsace à son retour de Paris. De fait, le milieu intellectuel strasbourgeois, en particulier le théologien et prédicateur Geiler de Kaysersberg (1445-1510), joua un rôle décisif à cette époque de sa vie3. [3] Le colloque « Beatus Rhenanus de Sélestat (1485-1547) et une réforme de l’Eglise : engagement et changement » constitue l’occasion de se pencher sur la question de l’influence de Geiler sur l’émergence de l’idée même d’une nécessaire réforme de l’Eglise dans l’esprit du savant sélestadien. Après avoir rappelé le contexte dans lequel se fait cette rencontre entre l’illustre prédicateur et le jeune Rhenanus, il conviendra de présenter les points de divergence et de convergence entre leurs visions respectives de la réforme de l’Eglise et de revenir sur l’hommage rendu par Rhenanus à son aîné sous la forme de la Vita Geileri. Le triple contexte de la rencontre entre Rhenanus et Geiler [4] Il convient de se pencher tout d’abord sur la situation générale du diocèse de Strasbourg au début du XVIe siècle. La situation n’était en effet guère brillante et ne manquait sans doute pas d’alimenter des aspirations à une réforme en profondeur à tous ceux qui savaient jeter un regard lucide sur ce spectacle somme toute plutôt navrant4. [5] De fait, on ne peut dire que la vie religieuse y présentait dans son ensemble une situation flatteuse. Les abus en tous genres y étaient plutôt légion. Un certain nombre de membres du clergé menaient une vie peu édifiante, tandis que d’autres se livraient à une véritable chasse aux bénéfices ecclésiastiques (et surtout aux revenus qui leur étaient liés). Le cumul en la matière devenait quasiment la règle, au 3 On ne reviendra pas ici sur la biographie de Geiler ; le lecteur en trouvera des éléments notamment chez Dacheux, Un réformateur catholique, J. Geiler Dacheux et, plus récemment, chez Voltmer, Wie der Wächter auf dem Turm. J. Geiler. 4 Rapp (dir.), Le diocèse de Strasbourg ; voir aussi Epp ; Levresse et Munier, Histoire de l’Eglise catholique en Alsace. L’œuvre incontournable reste Rapp, RRS.

3. « Geiler et Rhenanus »

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point que « le système bénéficial était détraqué : personne, ou presque, ne faisait plus ce pour quoi il prétendait être payé5 ». Dans un tel contexte, on a ainsi l’impression que la mission première du clergé, qui consistait à conduire les âmes de leurs ouailles vers le Salut, en devenait presque accessoire. [6] Plus grave, les évêques, à la tête du diocèse, ne se montraient guère soucieux de donner l’exemple et semblaient encore moins pressés de mener les réformes permettant d’améliorer cette situation peu glorieuse. Loin de mener la vie exemplaire d’un prélat de son rang, Guillaume de Diest (1394-1439) dilapidait le temporel de l’évêché au point que les Strasbourgeois le placèrent en détention juste avant qu’il n’engageât la ville de Saverne au duc de Lorraine, ce qui lui aurait offert un boulevard vers l’Alsace et la ville libre. Les évêques Robert et Albert de Bavière, qui occupèrent respectivement le siège de saint Florent de 1439 à 1478 et de 1478 à 1506, furent plus préoccupés par la reconstitution du temporel de leur évêché que par la mise en chantier des réformes nécessaires. Enfin, l’élection de Guillaume III de Honstein (1506-1546) suscita bien des espoirs qui furent également vite déçus. Le redressement moral et religieux du diocèse devait encore attendre. [7] Comme le chancelier de l’Université de Paris Gerson, Geiler considérait que l’évêque était la clef de voûte d’une solide réforme de l’Eglise : il devait veiller à la formation de ses prêtres (dans ce qui deviendra plus tard les séminaires) et les encadrer en usant notamment de cette institution ancienne qu’est le synode diocésain ou à l’aide des visites pastorales. Pour Geiler, l’évêque est véritablement l’élément clé de la réforme de la vie religieuse à l’échelle du diocèse. On peut d’ailleurs rappeler à ce sujet les propos tenus, en guise d’admonestation aux membres du chapitre cathédral le 9 octobre 1506, jour de la désignation d’un nouveau successeur de saint Arbogast : « ne prenez en considération, ni les liens de la parenté, ni les avantages temporels que tel d’entre vous pourrait vous promettre, ni l’attrait des jouissances impures que vous espéreriez vous permettre si vous élisiez tel de vos pairs. Tous les maux viennent des évêques. Nos évêques n’en ont que le nom. Nous avons un épiscopat fictif, qui ne prend nul souci des âmes, et que travaillent avant tout les intérêts terrestres, le désir de conserver de riches domaines et de satisfaire de viles passions, au grand détriment des fidèles6 ». 5 Rapp (dir.), Le diocèse de Strasbourg, p. 69. 6 Propos repris par Wackenheim, Les évêques de Strasbourg.

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[8] Par ailleurs, tant les chapitres (à commencer par le plus prestigieux d’entre eux dans le diocèse, celui de la cathédrale) que les communautés religieuses se montraient peu disposés à se réformer en suivant une vie plus édifiante et conforme aux vœux que leurs membres avaient prononcés. Les chanoines des chapitres Saint-Pierre-le-Vieux et Saint-Pierre-le-Jeune s’employèrent ainsi à casser en cour de Rome l’ordonnance en 39 articles de l’évêque Guillaume de Honstein, promulguée le 9 mars 1509, qui devait amorcer une réforme profonde et durable du clergé du diocèse de Strasbourg. [9] Néanmoins, au-delà des travers et autres vices dénoncés par les contemporains, l’espoir restait permis. En effet, les premières tentatives de réformes du clergé régulier furent progressivement mises en œuvre. Il faut citer à ce sujet l’adhésion des chanoines réguliers de Marbach et Truttenhausen à la congrégation de Windesheim. D’autre part, la stricte observance chez les frères et sœurs de saint Dominique était observée à Colmar à partir de 1399, tandis que le couvent de Schoenensteinbach en était un autre foyer depuis 1397. Progressivement, d’autres communautés se laissèrent emporter par ce mouvement, à l’instar des sœurs du couvent des Unterlinden à Colmar ou de Saint-Nicolas-aux-Ondes et SainteMarguerite à Strasbourg. Enfin, les abbayes bénédictines de Honcourt et Marmoutier adhérèrent à la réforme de Bursfeld. [10] La ville de Strasbourg constituait d’autre part le cadre de la rencontre entre Geiler et Rhenanus. Même si cette localité de près de 20 000 habitants n’abritait pas en ses murs d’université, elle rassemblait un certain nombre de savants (en particulier parmi les dignitaires ecclésiastiques des différents chapitres qui avaient fréquenté les universités au moins depuis le début du XIVe siècle), notamment autour des ateliers d’imprimerie. Ainsi, à l’époque où Rhenanus, de retour de sa période estudiantine à Paris, s’installait à Strasbourg, cette ville était marquée par une vie intellectuelle intense. [11] La Sodalitas literaria, ou Société littéraire, fondée vers 1507 par Jacques Wimpheling et Sébastien Brant, cristallisait le mieux la présence et l’activité de ces intellectuels. Elle constituait l’instance, certes informelle, au sein de laquelle se retrouvaient et échangeaient les acteurs du milieu savant de Strasbourg. Outre les fondateurs, il faut évidemment citer le prédicateur Jean Geiler, l’helléniste Otmar Luscinius le vicaire de la cathédrale, Thomas Rapp, Jérôme Gebwiler (qui, après avoir quitté l’école paroissiale de Sélestat, devait reprendre en main l’école du chapitre cathédral de Strasbourg en 1509) et le disciple de Gutenberg, pour ainsi dire, Mathias Schürer (qui après avoir

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gravité dans l’orbite de plusieurs imprimeurs, s’installa à son compte en tant que tel en 1508). [12] Quand il rencontra Geiler, Rhenanus se trouvait à un moment décisif de sa vie. Armé intellectuellement par ses années de formation à Sélestat puis Paris, il se lançait dans ses travaux littéraires et philologiques. [13] Le 25 avril 1503, Rhenanus quittait Sélestat muni d’un solide bagage scolaire afin de poursuivre ses études à Paris. C’est le 9 mai suivant qu’il s’installa dans la capitale du royaume de France et logea désormais au collège du cardinal Lemoine, où il intégra la nation germanique. Il put y suivre l’enseignement de Jacques Lefèvre d’Etaples (v. 1450-1537), qui reposait encore largement sur le corpus aristotélicien. Après avoir décroché le grade de maître ès arts à l’automne 1506, Rhenanus regagna sa ville natale un an plus tard. On ignore quelle fut exactement l’influence de Lefèvre sur la spiritualité de Rhenanus et sa vision de la réforme de l’Eglise. On peut supposer qu’elle fut loin d’être nulle puisque le jeune savant adhéra pleinement à l’idéal d’humanisme chrétien professé par son maître parisien. Ce partisan de la réforme de l’Eglise à l’intérieur de celle-ci devait par la suite laisser s’exprimer ses desseins en la matière au sein du Cercle de Meaux. [14] Le retour en Alsace permit à Rhenanus d’intégrer en particulier le réseau des savants strasbourgeois par l’entremise de la société littéraire de cette ville. Au cours de ses séjours strasbourgeois, Rhenanus fut de fait en contact direct avec les animateurs des milieux intellectuels de cette ville. Sébastien Brant (1458-1521), le Sélestadien Jacques Wimpheling (1450-1528) et Geiler lui-même en étaient les figures de proue. Rhenanus était à cette époque un jeune homme, âgé de 22 ans, au début de sa carrière de savant. Il ne pouvait qu’être impressionné par ces personnages illustres qu’il pouvait alors côtoyer. A la même époque, après avoir peut-être collaboré à l’activité de l’officine de Grüninger, Rhenanus entama sa collaboration scientifique avec l’imprimeur Mathias Schürer, qui donna lieu à l’édition en 1508 et 1509 d’œuvres comme les Epistolae proverbiales et morales de Fauste Andrelin, la Dialecta de Georges de Trébizonde ou les Collectanea Adagiorum d’Erasme (juillet 1509). Concrètement, il publia deux titres en 1508, sept autres en 1509 et encore six pour 1510.

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Geiler et Rhenanus : convergences et divergences dans leur engagement en faveur d’une réforme de l’Eglise [15] Après avoir abordé le triple contexte de la rencontre entre ces deux hommes, il est désormais possible d’étudier de plus près en quoi leurs positions au sujet d’une réforme de l’Eglise peuvent présenter, ou non, des éléments de convergence. Il faut d’ailleurs souligner que les deux hommes n’étaient pas de la même génération. Geiler avait vu le jour en 1446, Rhenanus en 1485 ; en 1507, ils étaient âgés respectivement de soixante-et-un et vingt-deux ans. Ce sont des savants d’une maturité différente : un théologien, prédicateur confirmé d’une part, et un humaniste-philologue en devenir, d’autre part. Néanmoins, alors même qu’ils appartenaient à deux générations différentes, les deux hommes se côtoyèrent pendant près de trois années au sein de la Sodalitas litteraria de Strasbourg et l’on peut aisément imaginer que l’influence exercée par l’aîné sur le cadet devait encore être renforcée par le fait que Rhenanus assistait vraisemblablement à la prédication de Geiler à la cathédrale. [16] Avant d’aborder de plus près l’influence de Geiler sur Rhenanus, on peut tout d’abord relever la situation différente de chacun d’eux au sein de l’Eglise et à l’égard de celle-ci, ce qui a peutêtre aussi pu influencer l’idée même qu’ils se faisaient d’une réforme de cette institution. [17] Geiler était avant tout un homme d’Eglise, qui, angoissé par le Salut de ses contemporains, avait renoncé à l’exercice de toute fonction curiale pour mettre sa voix et son verbe au service de la renovatio, de la réforme de l’Eglise. Maître ès arts en 1463, docteur en théologie à Bâle en 1475 (titre assorti du droit d’expliquer l’Ecriture, d’enseigner et de prêcher), Geiler était angoissé par les charges liées à la cura animarum et avait cependant vite compris l’importance que revêtait le verbe, mis au service d’une réforme de l’Eglise. Le doctor im Münster se situait en cela dans le sillage de Jean Kreutzer, curé de la cathédrale de Strasbourg (vers 1428-1466), qui y avait dénoncé les maux dont souffrait l’Eglise de son temps, avant de prendre l’habit des dominicains au couvent réformé de Guebwiller. Geiler était aussi influencé en cela par l’œuvre de Jean Gerson (1363-1429), fervent partisan de l’éducation religieuse des « simples gens ». Geiler lui vouait un véritable culte et quand il voulut lui attribuer un titre flatteur, Wimpheling le qualifia de « Gersonis illustrator ». Digne représentant du nominalisme dit pastoral, Geiler considérait que l’« éducation » du public constituait une tâche primordiale, qu’on se devait de mettre en

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œuvre. C’est donc à ce niveau que se situait cette première différence, certes fondamentale, entre les deux hommes : Geiler (d’ailleurs comme Wimpheling) avait reçu les ordres majeurs. En tant que prédicateur et avant tout comme prêtre, il voulait être un acteur d’une réforme de l’Eglise, à l’intérieur de celle-ci, en maniant le verbe et en appelant tout un chacun à se réformer, comme l’avait fait Brant dès 1494 avec son Narrenschiff. [18] Pour sa part, c’est en tant que chrétien, membre parmi d’autres du peuple de Dieu, que Rhenanus se fit le défenseur d’une réforme de l’Eglise. Il est bon de rappeler qu’il avait suivi l’enseignement dispensé au sein de l’école paroissiale de Sélestat. Sa teneur devait encore prolonger en plein XVIe siècle, certes avec quelques aménagements, la transmission du programme pédagogique de Louis Dringenberg qui l’avait dirigé de 1441 à 1477. Ancien élève des Frères de la vie commune au sein de l’école de la collégiale d’Höxter en Westphalie, il avait été marqué par cette pédagogie profondément enracinée au sein de l’Eglise. Dans l’enseignement qu’il dispensa à Sélestat, Dringenberg privilégiait le contact direct avec les textes anciens, les Pères de l’Eglise de préférence mais aussi les classiques latins. Cependant, son enseignement visait avant tout à former de bons chrétiens et c’est de cet héritage transmis par le successeur de Dringenberg, Crato Hofmann7, que profita le jeune Rhenanus. Du point de vue de sa formation, on peut relever que si Rhenanus avait suivi un enseignement universitaire à Paris jusqu’au grade de maître ès arts, il n’avait pas intégré la faculté supérieure de théologie, sans doute encore réservée prioritairement à ceux qui avaient reçu ou s’apprêtaient à recevoir les ordres majeurs. Rhenanus au contraire embrassa pleinement la condition de laïc, qu’il resta pendant toute sa vie. Il considérait manifestement que cette position lui permettait tout aussi bien de s’engager en faveur d’un renouveau de l’institution ecclésiastique. Il est difficile de dire si cette posture résulte d’un manque d’égards pour la vie religieuse ; il faut rappeler à ce sujet que les travers et les désordres vilipendés par ses contemporains attisaient chez certains un véritable « Pfaffenhass ». [19] En dépit des quelques points de divergence qui étaient a priori susceptibles de séparer les deux hommes au sujet de leur engagement en faveur d’une réforme de l’Eglise, Geiler et Rhenanus pouvaient néanmoins se retrouver sur d’autres aspects. 7 Auquel succéda, en 1501, son ancien élève Jérôme Gebwiler (1501-1509) puis

Jean Sapidus (1510-1525).

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[20] On peut supposer qu’il devait être primordial aux yeux de ces deux chrétiens de consolider la foi des individus pour qu’ils adoptent un comportement exemplaire. En fervent disciple de Gerson, Geiler considérait que la vie spirituelle était avant tout intérieure. En tant que laïc, Rhenanus pouvait s’engager sur cette voie et contribuer par un comportement exemplaire à faire progresser la communauté des fidèles : la renovatio de l’Eglise passait ainsi par une conversio individuelle. C’est néanmoins un jardin secret de Rhenanus dans lequel il est difficile de pénétrer. On peut cependant supposer que sa pratique religieuse devait aussi se nourrir des pratiques liées à son appartenance à la communauté paroissiale sélestadienne ainsi que des exercices spirituels privés, à l’instar de ceux proposés, par exemple, par les Hortuli anime (qui connaissent à la même époque un intérêt certain grâce à Brant et Wimpheling). On aurait aimé que le biographe de Rhenanus, Jean Sturm, fût un peu plus disert à ce sujet mais il relève néanmoins : … probasse Beatum in religione, quod praecipuum est, doctrinae lucem, et improbasse, quae pestiferae semper fuerunt, doctrinae tenebras. (….) Vixit Beatus, dum uixit, absque ullo maleficio ullaue iniuria : uixit temperanter, uixit uitam philosophicam8.

Sturm souligne par ailleurs la prudence, dans l’orthodoxie, manifestée par Rhenanus, qui in religione ne quidem quid ipse sentiret, solebat enunciare9. [21] Les positions de Geiler et de Rhenanus convergeaient sans doute sur un autre point. Pour le prédicateur et les humanistes de son temps, il convenait de ne pas apprécier l’époque antique pour ellemême mais ils considéraient que l’on pouvait y trouver la sagesse et l’énergie nécessaires à la régénération de l’institution ecclésiastique. C’est aussi à cette aune qu’il faut considérer l’intérêt du savant sélestadien pour les Pères de l’Eglise comme Tertullien. Ré-explorer les origines de l’Eglise permettait de retrouver une espèce d’âge d’or au cours duquel elle n’était pas encore touchée par la corruption qui contribuait à sa délitescence à l’aube des temps modernes. Partisan, 8 Sturmius, Io., B. Rhenani uita, Walter, p. 390, par. 18. « Beatus a toujours approuvé ce qui est l’essentiel en matière de religion, à savoir la lumière de la doctrine, et désapprouvé les ténèbres doctrinales, qui toujours furent cause de ruine. (…) Beatus a vécu sans jamais commettre ni vilenie ni injustice ; sa vie fut d’une discrétion absolue, celle d’un vrai philosophe », Sturm, Jean, « Vie de Rhenanus », Munier et Meyer, p. 16. 9 Sturmius, Io., B. Rhenani uita, Walter, p. 393, par. 23. « dans les questions touchant la religion, […] avait pour habitude de ne point exprimer son opinion », Sturm, Jean, « Vie de Rhenanus », Munier et Meyer, p. 17.

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comme la plupart des humanistes allemands d’une rénovation morale de l’Eglise selon l’esprit du christianisme primitif, Rhenanus serait amené à considérer, un peu plus tard, que « l’édition des Pères de l’Eglise [devait] permettre de retrouver cet esprit dans sa vérité première10 ». [22] D’autre part, Geiler et Rhenanus étaient également tous deux (comme Wimpheling d’ailleurs) partisans de l’idée selon laquelle le savoir raffermissait la vertu. C’est dans cet esprit que le prédicateur avait proposé de dissoudre en quelque sorte le chapitre de chanoinesses de Saint-Etienne de Strasbourg pour le remplacer par un collège de chanoines théologiens qui pourrait intervenir dans le cadre de la formation du clergé. Cette préfiguration de ce que serait bien plus tard le séminaire tridentin ne vit malheureusement pas le jour. Il faut d’ailleurs rappeler qu’en ce début du XVIe siècle, de plus en plus de clercs, et pas seulement parmi le haut clergé, avaient fréquenté une université, sans doute jusqu’au tiers du clergé strasbourgeois à la veille de la Réforme, tandis que l’imprimerie permettait également à la même époque de diffuser plus massivement les livres destinés à l’édification des curés et des chapelains. [23] Un dernier point commun rapproche Geiler et Rhenanus : la réforme de l’Eglise devait se traduire aussi par la mise en œuvre des vertus évangéliques dans le monde qui les entourait. Point n’est besoin de rappeler les récriminations formulées par le prédicateur de la cathédrale à l’encontre du Magistrat de la Ville (dont il avait notamment proclamé qu’il était du Diable) : elles portent sur la question de la communion refusée aux condamnés à mort, aux secours devant être apportés aux malades (notamment les victimes du « mal français ») et aux miséreux. On peut également mentionner l’entrevue de Geiler avec l’empereur Maximilien au cours de l’été 1503 ; dans les échanges qu’il eut avec ce prince, Geiler soutint la nécessité d’un gouvernement juste et modéré, du respect de la paix publique, de la répression des violences perpétrées par la noblesse et l’impératif de mettre fin aux abus qui régnaient dans l’Eglise. On serait évidemment tenté de rapprocher ces prises de position du prédicateur au cœur de la Cité de la teneur de la lettre que Rhenanus adresse à ses concitoyens, sans doute en 1523, dans laquelle il rappelle que « c’est la concorde qui assure la stabilité d’un Etat, et que sans elle, l’équilibre de la cité est aussi malmené que celui d’un navire privé d’ancre » et que « chaque chrétien doit avant

10 Munier, « Annotations Tertullien », p. 237.

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tout consacrer ses efforts à manifester envers tous les hommes cet amour dont le Christ a fait un si vif éloge11 ». [24] Ainsi, on voit qu’en dépit des différences notables que présentent leur trajectoire personnelle et leur position dans la société du début du XVIe siècle, Geiler et Rhenanus se retrouvaient sur un certain nombre de points concernant leur vision d’une réforme de l’Eglise. [25] Leur enthousiasme dans ce domaine a sans doute aussi connu des hauts et des bas, débouchant parfois sur la tentation du repli sur soi, voire de la fuga mundi. On peut rappeler à ce sujet outre le projet avorté de se retirer dans un ermitage avec ses amis Wimpheling et Christophe d’Uttenheim, la lassitude de Geiler (surtout après 1492) face au peu d’effet de ses observations et remontrances au point que la décadence de ses contemporains lui semblait universelle et irrémédiable. Il en venait parfois à finir ses sermons par des formules comme : « c’est ainsi que va le monde, il n’y a plus d’honnêteté, partout règne le mal, jamais les hommes n’ont été plus dépravés et tous les jours ils deviennent pires12 ». En 1508, il en arriva à considérer que « ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de se tenir en son coin et se fourrer la tête dans un trou, en s’attachant à observer les commandements de Dieu et à pratiquer le bien pour gagner son salut éternel ». [26] Quant à Rhenanus, l’historiographie traditionnelle, qui sera sans doute revue sur ce point à l’issue de ce colloque, considère que le carnage de Scherwiller constitue une césure dans son engagement et ses prises de position en faveur d’une réforme de l’Eglise, ou du moins dans sa déclinaison luthérienne13. Il semble manifeste que sans fuir le monde, ses centres d’intérêt le détournaient désormais, certes non pas complètement, des questions religieuses au profit de ses recherches historiques et de la poursuite de ses travaux de philologie. L’anoblissement de Rhenanus par Charles Quint en 1523, assorti de la dispense de l’exercice de toute charge publique, irait aussi dans ce sens. Les vestiges durables de l’influence de Geiler sur Rhenanus et sa position au sujet d’une réforme de l’Eglise [27] Au-delà des convergences de vue de Geiler et Rhenanus concernant la situation de l’Eglise et sa nécessaire réforme, l’influence que le 11 Walter, Anthologie, p. 225. 12 Citation reprise de Schmidt, HLA, t. I, p. 459. 13 C’est ce dont rend compte en particulier sa lettre à son ami Michel Hummelberg

du 1er septembre 1525, comme le souligne Walter, Anthologie, p. 236-237.

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prédicateur exerça sur le jeune savant prit de manière immédiate la forme d’un hommage posthume et devait se manifester dans l’attitude de Rhenanus au sujet de la question, décisive, de la pénitence. [28] Agé d’environ 64 ans, après avoir déjà consacré une trentaine d’années à sa charge de prédicateur à la cathédrale de Strasbourg, Geiler voyait ses forces décliner dès le début de 1509 et prêcha pour la dernière fois le 1er janvier 1510. Il mourut le dimanche 10 mars 1510, « peu après midi » selon Rhenanus. Le jeune Jacques Sturm, qui se destinait encore au sacerdoce, assista à ses derniers instants. L’ensemble de la population strasbourgeoise fut marquée par la disparition du prédicateur. Le lendemain, sa dépouille mortelle fut déposée dans la cathédrale au pied de la chaire du haut de laquelle il avait appelé ses contemporains à se réformer. Le mercredi 13 mars, ses funérailles furent célébrées dans le chœur de la cathédrale. [29] Il faut souligner la présence, auprès de Geiler, à la fin de sa vie, de son secrétaire, Jacob Other14. Fils d’un tailleur, il vit le jour à Lauterbourg. Orphelin de père à l’âge de trois ans, il fut confié à son oncle qui résidait à Spire. Vers 1503, il fut immatriculé à l’université de Heidelberg où il obtint le baccalauréat. Vers 1507, il gagna Strasbourg. Vivement recommandé par Wimpheling, il devint le secrétaire de Geiler, jusqu’à la mort de ce dernier en mars 1510. Après la mort du prédicateur, il poursuivit ses études au sein de l’université de Fribourg-en-Brisgau et obtint la maîtrise ès arts dès 1510. Il avait été aidé en cela par la fondation du chanoine Simler auprès des Chartreux de Strasbourg. Cet ecclésiastique avait prévu dans le règlement de sa succession un fonds dont les revenus serviraient à financer les études d’un clerc doué pour la prédication. Geiler ayant été l’exécuteur testamentaire, on ne peut évidemment exclure que les fonctions exercées par Other aient favorisé l’octroi d’une telle bourse en sa faveur. Cet étudiant put ainsi poursuivre ses études jusqu’à la licence en théologie, obtenue en 1517. [30] Profondément influencé par les sermons de Geiler, Other entreprit de les éditer dans leur version latine avec le soutien de son ancien maître. On peut également noter que Other, tout en poursuivant ses études au sein de l’université de Fribourg-en-Brisgau, veilla à suivre les réimpressions des sermons de Geiler après la mort du prédicateur. Ainsi, la Navicula penitentiae imprimée initialement à Augsbourg par Georg Diemar en 1511, le fut ensuite par Schürer en 1512, 1513, 1517 et 1519. On notera surtout que cette œuvre comporte 14 Voir Rapp, « Jacob Other », p. 2928.

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une épître dédicatoire d’Other à Gregor Reisch, prieur de la chartreuse de Fribourg et savant renommé. Concrètement, Other put éditer les œuvres suivantes de Geiler : les Fragmenta passionis Domini nostri Jesu Christi (1508, 1511), les De oratione dominica sermones (1509, 1510, 1515), la Navicula penitentie (1512, 1517) et le Seelen Paradiss (1510). A cet ensemble, il importe d’ajouter le Sermo de passione Domini de Gerson (auteur qui a profondément influencé Geiler), édité en 1509, 1510 et 1513 (avec le même avis d’Other au lecteur pour les trois éditions). Il apparaît ainsi clairement que Jacob Other a joué, aux côtés de Schürer, un rôle important dans la transmission du texte latin des sermons de Geiler. De fait, l’imprimeur Grüninger s’était en quelque sorte réservé l’impression du plus gros des textes de Geiler en langue vernaculaire (à l’exception de la Margarita facetiarum, en 1508 et des Sermones et varii tractatus de 1518). [31] Imprimée au mois de mai (ou après mai 1510), la Vita du prédicateur accompagne la Navicula siue speculum fatuorum de Geiler publiée par Jacob Other15. Elle présente sur la page de titre, l’intitulé : Compendiosa vitae eiusdem [i.e. Geiler] descriptio, per Beatum Rhenanum Selestatinum. Dans le recueil, la Vita est désignée comme suit : Ioannis Geileri Caesaremontani, primi concionatoris in aede sacrae maioris ecclesiae Argentoratensis vita, per Beatum Rhenanum Selestatinum. Le volume ne devait sans doute comporter initialement que la Navicula, dont la conclusio par Other est datée du troisième jour des ides de février (soit le 11 février). La mort de Geiler perturba assurément le déroulement de l’impression de ce volume, qui ne fut achevé au mieux qu’un peu plus de deux mois plus tard, comme le laisserait penser la date de l’épître dédicatoire de la plume de Rhenanus. Ce dernier œuvrant depuis quelques temps déjà au sein de l’atelier de Schürer, la Vita a pu être imprimée au fil de l’eau en présence de son auteur16. [32] La Vita est précédée d’une épître dédicatoire de Rhenanus à Josse Hahn ou Galtz (Jodocus Gallus) de Rouffach (1459-1517), 15 VD-16 G 777. 16 La Vita Geileri fut éditée une première fois par Adalbert Horawitz et Karl

Hartfelder, Briefwechsel des Beatus Rhenanus (= H), p. 31-35, ensuite par Otto Herding avec la collaboration de Dieter Mertens (voir Rhenanus, Vita Geileri, Herding et Mertens, p. 88-96). Il faut noter que H suivent les éditions de 1511 et de 1513, alors que Herding et Mertens ont comme texte de base la première édition de 1510, ce qui amène des différences de texte non négligeables, voir les EBR, 1, p. 182-183, n° 23 et p. 216-217, n° 27. Robert Walter donna une traduction de la vie (Walter, Vie de Geiler). Nous citerons ici le texte latin de Herding et Mertens et la traduction de Walter.

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docteur ès arts et licencié en théologie et chanoine de Saint-Maurice à Spire17. L’identité du dédicataire est intéressante ; il s’agit d’un ancien élève de l’Ecole latine de Sélestat, qui, après y avoir suivi l’enseignement dispensé par Louis Dringenberg, mena ses études au sein des universités de Bâle puis Heidelberg. Celui qui devint par la suite prédicateur de la cathédrale de Spire est également connu pour ses prises de position contre les dérèglements de l’Eglise et apparaît de ce fait comme un précurseur de la Réforme à Heidelberg. L’épître dédicatoire de Rhenanus fut rédigée ex larario nostro literatorio in urbe Selestatina « de notre foyer littéraire dans la ville de Sélestat » et est datée des ides de mai 1510, soit le 15 mai de cette même année. Elle est suivie du texte proprement dit de la Vita de Geiler : Ioannis Geileri Caesaremontani primi contionatoris in aede sacrae maioris ecclesiae Argentoratensis vita a Beato Rhenano Selestatino condita « Vie de Jean Geiler de Kaysersberg, premier prédicateur de la cathédrale de Strasbourg, composée par Beatus Rhenanus de Sélestat18 ». [33] On peut signaler à titre indicatif que le volume contenant la Vita et conservé dans les fonds de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat n’est pas celui de Rhenanus mais de Martin Ergersheim19. [34] On ignore les modalités exactes de l’élaboration de ce texte par Rhenanus. Ce dernier a dû s’appuyer avant tout sur la connaissance directe qu’il avait du défunt, personnage qu’il avait côtoyé pendant près de trois ans à Strasbourg. Ceci transparaît dans la description qu’il donnait tant du physique que de la piété de Geiler : Fuit statura procera, capillo crispo, facie macilenta ac corpore gracili, sed salubri et renum dolore excepto nullis aegritudinibus obnoxio. Bis in die comedebat, vini paulo appetentior magna tamen est semper

17 Voir la notice que lui a consacrée Faust, « Hahn Josse » ; cette épître dédicatoire a été éditée et traduite dans les EBR, 1, p. 182-189, n°23. 18 Rhenanus, Vita Geileri, Herding et Mertens, p. 88, ll. 27-28. Walter, Vie de Geiler, p. 12 (litt. « premier prédicateur dans le temple de l’église sacrée plus grande de Strasbourg »). 19 B.H.S., K.1310 (W.1373). Ce fils de tanneur, ancien élève de Louis Dringenberg et de Crato Hofmann, Martin Ergersheim (1460-1535) fut à l’origine de la donation la plus importante en faveur de la bibliothèque paroissiale de Sélestat. Il fut ordonné prêtre en 1492 après des études à l’université de Heidelberg (jusqu’au grade de maître ès arts), avant de devenir curé de sa ville natale de 1503 à 1518. A sa mort, sa riche bibliothèque passa entre les mains de son frère Melchior, qui la légua à la paroisse ; il s’agissait d’un ensemble de près d’une centaine d’imprimés.

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3. Laurent Naas abstinentia usus, ut vel sacrum quadragesimae tempus cottidiano ieiunio transigeret20.

[35] Néanmoins, Rhenanus veille à citer ses sources et reconnaît à la fin de la Vita avoir bénéficié de l’aide de Gangolphe de Lützelstein, « un prêtre vénérable qui pendant de nombreuses années a servi fidèlement cet homme », et s’être également servi d’une sorte d’agenda, « un vieux calendrier » tenu par Geiler lui-même : Adiuvit nos in hac re partim Gangolyphus Lucelsteinus, religiosus sacerdos, qui viro huic multis annis fideliter ministravit, partim kalendarium quoddam antiquum, in quo varia diligenter signata comperi21.

[36] Dans l’épître dédicatoire, Rhenanus souligne l’exemplarité, la cohérence que manifestait Geiler dans son comportement (talis enim eius oratio erat qualis vita22). En tant qu’individu, en tant que croyant, il mettait en œuvre ce qu’il préconisait en chaire. Marqué par ce souci d’instruction, d’édification de son prochain qui animait le prédicateur, l’objectif qu’assignait le jeune Sélestadien à son texte n’était guère différent : il avait été rédigé « afin d’offrir aux lecteurs une sorte de règle pour bien conduire leur vie23 ». [37] Dans la Vita, Rhenanus, en décrivant le cursus studiorum de Geiler, rappelait également la nécessité pour un prêtre d’être instruit dans les Ecritures : Et cum sacerdotem nil magis deceat quam sacrarum peritia litterarum, ne mysteriorum inscius a plebeio nihil differat, Basileam venit theologiae operam daturus24 (…). 20 Rhenanus, Vita Geileri, Herding et Mertens, p. 94-95, ll. 152-156 ; « il était d’une grande taille, les cheveux crépus, le visage maigre, le corps mince mais en bonne santé et, si l’on excepte une douleur aux reins, il ne souffrit d’aucune maladie. Il mangeait deux fois par jour, il était un plus porté sur le vin, mais a toujours observé une grande abstinence, au point qu’il passait même le temps sacré du Carême en jeûnant chaque jour », Walter, Vie de Geiler, p. 18-19. 21 Rhenanus, Vita Geileri, Herding et Mertens, p. 96, ll. 189-191 ; « ce qui nous a aidé dans ce travail, ce fut en partie Gangolphe de Lützelstein, un prêtre vénérable qui pendant de nombreuses années a servi fidèlement cet homme, en partie aussi un vieux calendrier dans lequel j’ai trouvé divers faits soigneusement retranscrits », Walter, Vie de Geiler, p. 20. 22 Rhenanus, Vita Geileri, Herding et Mertens, p. 88, l. 13. 23 ut legentibus bene agendi formulam quandam praeberem Rhenanus, Vita Geileri, Herding et Mertens, p. 88, l. 22 ; Walter, Vie de Geiler, p. 8. 24 Rhenanus, Vita Geileri, Herding et Mertens, p. 90, ll. 54-56 ; « comme pour un prêtre rien n’est plus approprié que la connaissance des textes sacrés, de peur que par une

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De plus, le jeune humaniste ne manquait pas de dénoncer en même temps l’ignorance du bas clergé : Utinam atque utinam nostro aevo sacerdotes nonnulli literis operam navarent, ne divinarum et humanarum iuxta ignari asino apud Gabriam mithologum sacra deferenti eamque ob rem a praetereuntibus honore affecto persimiles existerent25.

[38] La soif d’argent du haut clergé n’était pas oubliée pour autant. Rhenanus se plut à rappeler que, pour organiser l’assise matérielle de la venue de Geiler en tant que prédicateur de la cathédrale, l’ammeister Pierre Schott devait payer « chaque année sur ses propres revenus à l’évêque Robert de Bavière, un homme très âpre au gain, trente florins d’or pour cette prébende26 ». [39] Rhenanus rappelle d’autre part que la prédication de Geiler était sans pitié ; de fait : Quin primores ecclesiasticos qui dignitatibus magnisque plurium sacerdotiorum censibus pollent, sed his abutuntur aut meretriculas foventes aut ventrem pro deo statuentes graviter insectabatur27.

[40] La Vita Geileri ne fut pas reçue avec enthousiasme par un certain nombre de contemporains de ses protagonistes. Elle valut même à son auteur quelques ennuis, qui furent rapportés par le biographe de Rhenanus : Fuit Argentorati doctor Ioannes Geilerus theologus, uir, ut eius temporis homines loquuntur, et ut ex eius concionibus potest intelligi, ea aetate in populo docendo ingeniosus, et in uita innocens atque probus et populo non solum gratus, uerum charus et honoratus, in cuius locum mortuo Petro Vicramio, qui antea successerat, doctor ignorance des saints mystères il ne se distinguât en rien du peuple, il vint à Bâle afin de se consacrer à la théologie », Walter, Vie de Geiler, p. 13 (trad. remaniée par nous). 25 Rhenanus, Vita Geileri, Herding et Mertens, p. 90-91, ll. 57-60 ; « Si seulement, oui, si seulement à notre époque quelques prêtres se consacraient aux lettres pour n’être pas aussi ignorants des sciences humaines et divines que l’âne du mythologue Gabrias qui portait les reliques et, pour cette raison, était honoré par les passants », Walter, Vie de Geiler, p. 13. 26 Walter, La Vie de Geiler, p. 14 ; le texte latin précise que cette somme devait être payée « Roberto antisititi durissimo exactori » Rhenanus, Vita Geileri, Herding et Mertens, p. 92, ll. 81-82. 27 Rhenanus, Vita Geileri, Herding et Mertens, p. 92, ll. 94-97 ; « Bien plus il poursuivait violemment les ecclésiastiques des rangs supérieurs qui sont comblés de dignités et d’importants revenus provenant de plusieurs ministères, mais en abusent, soit en entretenant des courtisanes, soit en faisant un dieu de leur ventre », Walter, Vie de Geiler, p. 15.

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3. Laurent Naas noster Gaspar Hedio non minore gratia, sed difficiliore tempore est substitutus. Geileri uitam Beatus Rhenanus ex Gallia reuersus, cum Argentorati apud librarium Schurerum ageret, conscriptam diuulgauit, in qua de uirginibus nostri seculi poenitentialibus meminit, quarum religionem in caeteris eius aetatis religionum caeremoniis plurimum Geilerus amauit. In quo scripto Beatus his uerbis scribit de isto uirginum collegio : ‘Has cum luxu et deliciis diffluerent nec pudicitia sic tuta satis uideretur, sub arctiorem uiuendi regulam redegit’. Quibus uerbis exacerbatae foeminae iniuriarum instituerunt cum Beato agere, et nisi composita offensio fuisset per uiros, qui tum erant cum authoritate, metuenda erat ex delatione nominis Beato ex urbe Roma condemnatio. Hanc solam cognoui eius contentionem, caeteroquin nullis fuit prouocatus inimicitiis, neque ab eo quenquam puto ulla fuisse uel percussum uel appetitum iniuria28.

De fait, se situant ainsi parfaitement dans le sillage de Geiler, Rhenanus avait dénoncé la vie peu religieuse que menaient les Pénitentes de Sainte-Madeleine, ce qui lui valut leur inimitié : Peragebat sacrificium in aede virginum vestalium quas poenitentes vocant. Has, cum luxu et deliciis diffluerent nec pudicitia sic tuta satis videretur sub arctiorem vivendi regulam redegit29.

28 Sturmius, Io., B. Rhenani uita, Walter, p. 386-387, par. 11-12 : « A Strasbourg vivait alors le docteur Jean Geiler, un théologien tout à fait remarquable, à ce que disent les gens de cette époque et à ce que l’on peut constater à la lecture de ses sermons. Il était particulièrement habile à instruire le peuple chrétien ; sa vie était honnête et vertueuse ; il était en grand estime auprès du populaire, qui le chérissait et lui témoignait les plus grandes marques d’honneur. Après la mort de Pierre Wickram, qui lui avait succédé, notre maître Caspar Hédion fut investi dans ses fonctions et il jouit d’une popularité non moins grande, malgré des temps plus difficiles. Rentré de France, Beatus composa et publia la vie de Geiler, alors qu’il travaillait à Strasbourg chez l’imprimeur Schürer. Dans cet ouvrage il parle des Sœurs Pénitentes de notre temps, dont Geiler préférait la profession à toutes les cérémonies religieuses de cette époque et il s’exprime en ces termes à leur sujet : « comme elles s’abandonnaient au luxe et aux agréments de la vie, et que leur pudicité ne paraissait plus assez protégée, Geiler les soumit à une règle plus sévère ». Exacerbées par ces paroles, ces femmes engagèrent contre Beatus une action en dommages et intérêts et si l’offense n’avait été réparée grâce à l’entremise des autorités de l’époque, il était à craindre que la dénonciation de Beatus ne lui valût d’être condamné en cour de Rome. Je ne lui connais que cette querelle ; pour le reste, il ne fut jamais l’objet d’aucune inimitié et je ne crois pas non plus qu’il ait jamais causé de tort à personne ni voulu en commettre », Sturm, « Vie de Rhenanus », Munier et Meyer, p. 13-14. 29 Rhenanus, Vita Geileri, Herding et Mertens, p. 92-93, ll. 103-106 ; « il [Geiler] disait la messe dans la chapelle des sœurs que l’on appelle « pénitentes ». Comme ces dernières s’amollissaient dans une vie de luxe et de débauche et que leur chasteté ne

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[41] Dans une lettre datée du 10 septembre 1510, Rhenanus sollicita l’appui de Sébastien Brant, secrétaire général de la Ville de Strasbourg, afin d’aplanir le différend. Dans cette même missive, le jeune savant considérait avoir écrit la Vita « avec négligence »30. Cette querelle, qui est d’ailleurs quasiment la seule que l’on connaisse à Rhenanus, motiva une légère variante dans l’édition suivante, en 1513, qui ne fut plus reprise dans les versions ultérieures31. [42] La Vita Geileri constitue une des premières œuvres originales de Rhenanus, à qui l’on ne devait jusqu’alors qu’un certain nombre d’éditions de textes et quelques épîtres dédicatoires. Alors même que la Vita Geileri de Wimpheling était plutôt un programme de réforme de l’Eglise, celle de Beatus Rhenanus, tout en vitupérant les écarts de conduite des ecclésiastiques de son temps, présentait un tour plus littéraire. D’aucuns y virent même l’expression d’une admiration excessive du jeune savant à l’égard du prédicateur charismatique. [43] Enfin, on peut relever qu’il est difficile de déceler la part de l’influence qu’a pu exercer Geiler sur Rhenanus dans le domaine de la pénitence32. La question est d’autant plus difficile à aborder que les conceptions de l’humaniste sélestadien en la matière se sont abreuvées à de nombreuses sources, qu’il s’agisse d’auteurs de l’Eglise ancienne (essentiellement par le biais de Tertullien) ou contemporains (il suffit de mentionner le traité intitulé Exomologesis sive modus confitendi d’Erasme ou les idées de Luther et d’Oecolampade en la matière), voire de collections incontournables du droit canonique comme le Décret de Gratien. [44] Concernant Geiler, on rappellera que c’est l’angoisse suscitée par la confession des paroissiens de la cathédrale de Bâle qui conduisit le docteur en théologie qu’il était alors à se détourner de l’exercice de toute charge pastorale. La responsabilité du confesseur était en effet lourde au moment du prononcé de la pénitence à laquelle devait se livrer le pécheur pour obtenir la grâce du pardon. De fait, « de nature scrupuleuse, [Geiler] se demandait s’il avait été trop indulgent ou trop

semblait pas assez protégée, il les soumit à une règle de vie plus sévère », Walter, Vie de Geiler, p. 16 (trad. remaniée par nous). 30 Cette épître dédicatoire a été éditée et traduite dans les EBR, 1, p. 212-217, n°27 (p. 213 pour le passage cité). Voir aussi Walter, « Pénitentes ». 31 Walter, Vie de Geiler, p. 32, note 16. 32 Sur cette question, fondamentale à l’époque de Geiler et de Rhenanus, on trouvera des informations générales chez Delumeau, L’aveu et le pardon et chez Vogel, Le pécheur et la pénitence.

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sévère33 ». A une époque où la question du Salut animait beaucoup de fidèles, soucieux de réunir les conditions les plus favorables pour obtenir le Salut, on peut légitimement penser que les préoccupations de Geiler et de Rhenanus devaient se rencontrer sur ce point. Aux yeux de ces deux hommes et croyants, la question de la pénitence devait revêtir une importance d’autant plus cruciale qu’une partie significative du clergé diocésain manquait à ses obligations en la matière, ce que devait dénoncer en chaire le prédicateur de la cathédrale. [45] Cette inquiétude constante au sujet de la pénitence continua d’animer jusqu’à la fin de sa vie le philologue et le croyant qu’était Rhenanus. Soucieux de « promouvoir une rénovation morale de l’Eglise selon l’esprit du christianisme primitif »34, le savant sélestadien, partisan de la pénitence privée, ne cessa de remettre sur le métier cette dimension de la vie sacramentelle des fidèles à travers les âges. Qu’il s’agisse en particulier des éditions successives de Tertullien (et en particulier du traité sur la pénitence35) ou des annotations au décret de Gratien, cette dimension transparaît en filigrane dans l’œuvre de Rhenanus. Faut-il attribuer cette préoccupation à la seule influence de Geiler ? Il est difficile de répondre avec certitude à cette question ; à tout le moins l’attention des plus affûtées que portait ce prédicateur sur ce sujet (mais aussi la plupart des fidèles de cette époque) a-t-elle déclenché une vigilance accrue du savant sélestadien, partisan de la confession privée, à ce sujet. [46] Il apparaît ainsi que Rhenanus, en homme de son temps et en chrétien soucieux de son Salut et de celui de ses frères, ne pouvait rester indifférent au spectacle plus que préoccupant qu’offrait l’Eglise au début du XVIe siècle. Sans doute influencé en ceci par les positions de son maître parisien Lefèvre d’Etaples, Beatus Rhenanus donne l’impression d’avoir eu à cœur de s’engager assez tôt en faveur d’une réforme de l’Eglise. La proximité de Geiler au sein de la Société littéraire de Strasbourg et la possibilité d’assister à sa prédication sans pitié à l’égard des brebis égarées contribua sans doute à aiguiser d’autant plus l’intérêt de Rhenanus pour les voies permettant d’espérer une renovatio de l’Eglise. [47] Il n’en demeure pas moins qu’il est difficile d’évaluer l’impact de Geiler sur Rhenanus en la matière tant est complexe la 33 Rapp, « Jean Geiler », p. 55. 34 Voir la contribution de M. Cutino dans le présent volume. 35 On notera en particulier les considérations formulées au sujet de la pénitence

par Rhenanus dans l’Avertissement au lecteur de son editio princeps des œuvres de Tertullien (1521). Voir à ce sujet Munier, « Annotations Tertullien ».

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stratigraphie des influences qui se sont exercées sur l’humaniste sélestadien dans ce domaine. Toujours est-il que la disparition du prédicateur strasbourgeois permit à Rhenanus de publier sa première grande œuvre originale, qui prit la forme de la Vita Geileri. Marqué par la personnalité de Geiler et sa prédication, le jeune humaniste rejoignit ainsi le chœur des grands esprits de cette époque qui, en réaction aux nombreux abus qui compromettaient le Salut de nombreux croyants, appelaient déjà à une réforme de l’Eglise. [48] Comme l’a décrit en d’autres temps Robert Walter, l’intérêt que porte Rhenanus à une réforme de l’Eglise et à la Réforme se décompose en strates. L’influence de Geiler n’en est qu’une, somme toute d’ailleurs assez mince. En effet, après son installation à Bâle en juillet 1511 et sa rencontre avec l’humaniste batave à l’automne 1514, l’influence d’Erasme semble l’emporter. Sources AABHS = Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat. BRLE = Beatus Rhenanus (1485-1547), lecteur et éditeur des textes anciens : Actes du Colloque international tenu à Strasbourg et à Sélestat du 13 au 15 novembre 1998, Colloque organisé par François Heim et James Hirstein, Actes édités par James Hirstein (Collection Studia Humanitatis Rhenana, 1), Turnhout, Brepols, 2000. Dacheux, Un réformateur catholique, J. Geiler = Dacheux, Léon : Un réformateur catholique à la fin du XVe siècle, Jean Geiler de Kaysersberg, Paris, Delagrave, 1876. Delumeau, L’aveu et le pardon = Delumeau, Jean : L’aveu et le pardon. Les difficultés de la confession, XIIIe-XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1990. EBR, 1 (voir Rhenanus, EBR, vol. 1). Epp ; Levresse et Munier, Histoire de l’Eglise catholique en Alsace = Epp, René ; Levresse, René Pierre et Munier, Charles : Histoire de l’Eglise catholique en Alsace des origines à nos jours, Strasbourg, Editions du Signe, 2003.

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Faust, « Hahn Josse » = Faust, Pierre Paul : « Hahn Josse », Ndba n° 14, p. 1382-1383. H = Horawitz, Adalbert et Karl Hartfelder, édd. : Briefwechsel des Beatus Rhenanus, Leipzig, Teubner, 1886, rpt. Nieuwkoop, B. de Graaf, 1966. Munier, « Annotations Tertullien » = Munier, Charles : « Les annotations de Beatus Rhenanus aux éditions de Tertullien (Bâle : 1521 ; 1528 ; 1539) et leur mise à l’Index librorum prohibitorum » in BRLE, p. 235-262. Ndba = Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, Strasbourg, Fédération des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie d’Alsace, 1986-2003. Rapp (dir.), Le diocèse de Strasbourg = Rapp, Francis (dir.) : Le diocèse de Strasbourg (Histoire des diocèses de France, 14), Paris, Beauchesne, 1982. Rapp, « Jean Geiler » = Rapp, Francis : « Jean Geiler de Kaysersberg (1445-1510), professeur, prédicateur, procureur éducateur toujours », Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat 60 (2010), p. 51-62. Rapp, « Other Jacob » = - : « Other Jacob », Ndba n° 29, p. 2928. Rapp, RRS = - : Réformes et réformation à Strasbourg. Eglise et société dans le diocèse de Strasbourg (1420-1525) (Association des publications près les universités de Strasbourg. Collection de l’Institut des Hautes Etudes alsaciennes, 23), Paris, Ophrys, 1974. Rhenanus, EBR, vol. 1 = Epistulae Beati Rhenani : la Correspondance latine et grecque de Beatus Rhenanus de Sélestat, Edition critique raisonnée, avec traduction et commentaire, vol. 1 (1506-1517) édité par James Hirstein avec la collaboration de Jean Boes, de François Heim, de Charles Munier†, de Francis Schlienger, de Robert Walter† et d’autres collègues (Studia humanitatis rhenana, 3), Turnhout, Brepols, 2013. Rhenanus, Vita Geileri, Herding et Mertens = Wimpfeling, Jakob/Beatus Rhenanus : Das Leben des Johannes Geiler von Kaysersberg unter Mitarbeit von Dieter Mertens, eingeleitet, kommentiert und hg. von Otto Herding, München, Wilhelm Fink, 1970.

3. « Geiler et Rhenanus »

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Rhenanus, Vie de Geiler, Walter = Rhenanus, Beatus : La vie de Geiler, texte établi, traduit et annoté par Robert Walter …, Avant-propos de Francis Rapp… [Sélestat], Bibliothèque Humaniste, 2000. Schmidt, HLA = Schmidt, Charles : Histoire littéraire de l’Alsace à la fin du XVe et au commencement du XVIe siècle, 2 vols., Paris, Sandoz et Fischbacher, 1879. Rhenanus, Vita Geileri, Herding et Mertens = Wimpfeling, Jakob/Beatus Rhenanus : Das Leben des Johannes Geiler von Kaysersberg unter Mitarbeit von Dieter Mertens, eingeleitet, kommentiert und hg. von Otto Herding, München, Wilhelm Fink, 1970. Sturmius, Io., B. Rhenani uita, Walter = Sturmius, Ioannis : Beati Rhenani Vita (1551) in Robert Walter, Beatus Rhenanus (14851547) Anthologie de sa Correspondance (Introduction. Textes établis, traduits et commentés. Annexes, dont la Beati Rhenani Vita de Jean Sturm), 2 tomes, Thèse pour le doctorat de 3e Cycle. Université des Sciences Humaines. Strasbourg Janvier 1985 [La BHS possède une 2e éd. revue et corrigée du t. 2]. Teichmann, „Die kirchliche Haltung des Rhenanus“ = Teichmann, W. : „Die kirchliche Haltung des Beatus Rhenanus. Eine kirchengeschichtliche Studie“, Zeitschrift für Kirchengeschichte, 26 (1905), p. 363-381. Vogel, Le pécheur et la pénitence = Vogel, Cyrille : Le pécheur et la pénitence au Moyen Age, Paris, Cerf, 1969. Voltmer, Wie der Wächter auf dem Turm. J. Geiler Voltmer, Rita : Wie der Wächter auf dem Turm. Ein Prediger und seine Stadt : Johannes Geiler von Kaysersberg (1445-1510) und Strassburg (Beiträge zur Landes- und Kulturgeschichte, 4), Trier, Porta Alba Verlag, 2005. Wackenheim, Les évêques de Strasbourg = Wackenheim, Charles : Les évêques de Strasbourg témoins de leur temps, Strasbourg, Culture alsacienne, « L’Alsatique de poche », 1976. Walter, Anthologie = Walter, Robert : Beatus Rhenanus citoyen de Sélestat, ami d’Erasme (1485-1547). Anthologie de sa correspondance (Société savante d’Alsace et des Régions de l’Est. Collection « Grandes Publications », 27), Strasbourg, Oberlin, 1986.

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3. Laurent Naas

Walter, « Entre l’Eglise traditionnelle et la réformation » = Walter, Robert : « Beatus Rhenanus (1485-1547) entre l’Eglise traditionnelle et la réformation », in Lienhard, Marc (éd.) : Les Dissidents du XVIe siècle entre l’Humanisme et le Catholicisme. Actes du colloque de Strasbourg (5-6 février 1982) (Bibliotheca dissidentium scripta et studia, 1), Baden-Baden, Editions Valentin Koerner, 1983, p. 96-109. Walter, « Pénitentes » = - : « Beatus Rhenanus et Sébastien Brant : l’Affaire des Pénitentes de Sainte Marie-Madeleine », Revue d’Alsace 107 (1981), p. 61-70. Walter, Vie de Geiler = - : Vie de Geiler [Sélestat], Bibliothèque Humaniste, 2000].

4 La conversion de Beatus Rhenanus à un platonisme chrétien – sur la base de ses éditions savantes de l’année 1516 Yves Lehmann

[1] On sait que le mouvement humaniste se caractérise idéologiquement par une réhabilitation de Platon et une réprobation corrélative d’Aristote – notamment sur la question de l’immortalité de l’âme, qu’il reprochait au Stagirite d’évacuer voire de rejeter1. L’influence de ce débat – largement extra-universitaire – s’avère cruciale dans une société tardomédiévale et renaissante soucieuse d’établir sur le plan théologique des rapports plus directs, plus intimes, avec le divin et favorable par làmême aux transformations des croyances et des rites. A cet égard, la découverte ou la redécouverte des dialogues de Platon, de la suavité de leur style comme de la spiritualité de leur message, contribua fortement à l’évolution de la pensée religieuse. La magistrale réédition (en cours) par J. Hirstein de la Correspondance latine et grecque de Beatus Rhenanus de Sélestat2 permet précisément de fixer les grandes étapes d’un pareil itinéraire spéculatif chez un humaniste qui était non seulement un illustre philologue mais encore un écrivain très respecté en Europe3. Cheminement intérieur digne d’être étudié pour lui-même, et qui a été encouragé par la fréquentation de centres intellectuels et éditoriaux prestigieux tels que Bâle et Strasbourg. [2] Mais un autre critère se révèle déterminant dans cette enquête sur l’adhésion progressive du Sélestadien à une vision platonicienne de 1 Sur l’histoire du platonisme en Europe aux XVe et XVIe siècles, cf. Hankins, Plato. 2 Et dont le premier volume intitulé Epistulae Beati Rhenani. La correspondance latine et grecque de Beatus Rhenanus de Sélestat (1506-1517) (= EBR, vol. 1) a paru chez Brepols Publisher en 2015 dans la prestigieuse collection « Studia Humanitatis Rhenana » qu’il dirige. 3 Concernant la bio-bibliographie de Rhenanus, voir Hirstein, « Rhenanus » et pour un traitement biographique plus complet idem in Rhenanus, Epistulae, vol. 1., p. IX-XLII.

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l’homme et de l’univers : la présence d’ouvrages de Platon dans la bibliothèque personnelle de l’auteur4. Or une consultation du catalogue de la Bibliothèque humaniste de Sélestat (pour la période antérieure à 1516) révèle l’existence dans la bibliothèque de Rhenanus – outre les traités platoniciens d’Apulée – d’un seul livre attribué à Platon contre treize à Aristote. Il s’agit d’un dialogue philosophique « sur le mépris de la mort » du Pseudo-Platon : l’Axiochus5, traduit du grec par l’humaniste néerlandais Rudolf Agricola et que Rhenanus a probablement acquis à Paris entre 1503 et 1507. Et de fait, cet apocryphe met en scène un fils, Clinias, qui constate que son père malade, Axiochus, s’avère incapable de supporter l’idée de mourir. Clinias va alors trouver Socrate, qui se promène dans Athènes, et obtient son aide pour ramener son père à des sentiments plus raisonnables. On admet généralement que le dialogue fut écrit au IIe ou au Ier siècle av. J.-C. Il renvoie à des thématiques platoniciennes – la doctrine de l’immortalité de l’âme emprisonnée dans le corps, la perspective d’une vie meilleure après sa libération et son jugement aux enfers –, et comporte aussi des croyances orphicopythagoriciennes comme celle qui assimile l’existence terrestre à un « bref séjour dans un pays étranger » ; même les idées épicuriennes y affleurent : ainsi l’affirmation que la mort n’est pas un mal, en raison de l’absence complète de sensations qui la caractérise aux yeux des disciples du Jardin ; enfin on mentionnera la présence d’éléments diatribiques cynico-stoïciens sur l’obligation morale qui incombe à l’homme d’accepter son sort « afin de consentir à suivre le chemin que lui indique la Nécessité ». [3] Les armoires à livres de Beatus Rhenanus renfermaient encore d’autres ouvrages de penseurs néoplatoniciens – en particulier ceux des Pères cappadociens (comme Grégoire de Naziance et Grégoire de Nysse et ceux du Pseudo-Denys l’Aréopagite, dont la mystique – fondée sur les thèses de Plotin (curieusement absent des rayonnages de Beatus Rhenanus) – s’accordait avec le dogme chrétien. De même, figuraient en bonne place dans la bibliothèque de l’humaniste plusieurs traités de théologiens et philosophes chrétiens tels que saint Augustin et Boèce, qui avaient été profondément marqués l’un et l’autre par le néoplatonisme. Enfin on y trouvait les œuvres de deux grands promoteurs du platonisme dans l’Europe intellectuelle des XVXVIe siècle : Nicolas de Cues et Jean Pic de la Mirandole. On 4 On consultera avec profit, sur ce point, Hirstein, « Bibliothèque de Rhenanus ». 5 On se reportera utilement, sur cette question, à Hirstein, « Rhenanus et le néo-

platonisme ».

4. « Beatus Rhenanus et le platonisme chrétien »

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signalera toutefois un trou surprenant dans la bibliothèque privée du Sélestadien, et qui ne laisse pas d’intriguer voire d’interpeller les chercheurs – la lacune concernant le corpus platonicien de Marsile Ficin : ni la Theologia platonica, siue de immortalitate animorum publiée en 1482 ni les Œuvres complètes du fondateur de l’Académie que Ficin avait éditées en 1484 ne sont présentes. Sans doute cette omission s’explique-t-elle par l’engagement jugé trop exclusif de l’érudit florentin en faveur de Platon – au sein de l’académie platonicienne de la villa Careggi – et que Beatus Rhenanus n’était alors nullement disposé à prendre. En tout état de cause, un constat s’impose : l’absence des écrits du philosophe grec dans la très riche bibliothèque que Beatus Rhenanus s’était constituée. [4] Dans ces conditions, on ne manquera pas de s’interroger sur les raisons d’un tel oubli – assurément plus volontaire qu’involontaire. En somme, tout accrédite l’hypothèse d’un rejet initial par Beatus Rhenanus du platonisme et de ses valeurs. Encore faut-il identifier clairement le(s) responsable(s) d’un parti pris intellectuel aussi résolu qu’absolu. D’après les recherches très érudites de James Hirstein, l’antiplatonisme primaire de Beatus Rhenanus dans les années 1503-1507 – au collège du Cardinal Lemoine à Paris – ressortit à l’enseignement dispensé par Jacques Lefèvre d’Etaples (Iacobus Faber Stapulensis) et ses disciples. Tant il est vrai que la principale préoccupation des fabristes résidait dans une défense et illustration de la nature spirituelle de l’homme – en accord avec la pure doctrine d’Aristote. Car on sait que le directeur d’études de Beatus Rhenanus a toujours manifesté une franche animosité à l’égard de Platon. Il réprouvait le fondement même de sa philosophie : le mouvement descendant du ciel vers la terre, où les choses divines sont mêlées aux choses d’ici-bas. En revanche, le mouvement ascendant de la philosophie aristotélicienne (d’ici-bas vers le haut) trouva grâce à ses yeux. Aussi, sur le plan philosophique, les chrétiens étaient-ils invités à se tourner vers le Stagirite – comme le précise formellement Josse Clichtove, disciple et collègue de Lefèvre d’Etaples : Aristoteles maxime christianis accommodatissimus6. Soucieux de faire du divin le terme extrême de la pensée humaine, Lefèvre se croyait tenu de combattre vigoureusement Platon. Du reste, l’influence du maître sur son disciple en matière de criticisme antiplatonicien transparaît dans une épître dédicatoire rédigée par le Sélestadien pour la réimpression d’une œuvre que le Parisien avait publiée : la Dialectique de Georges de Trébizonde – et dont l’objet était 6 Pour une mise en perspective de cette problématique, cf. Massaut, Clichtove.

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moins la logique de Trébizonde que le positionnement de son auteur en faveur d’Aristote et contre Platon. [5] Mais le véritable changement d’orientation intervient en 1511 dès l’arrivée de Beatus à Bâle. Son professeur de grec, l’humaniste dominicain Johann Cuno de Nuremberg, n’avait pas ménagé sa peine pour encourager les études grecques dans le Saint Empire romain germanique7. Lui-même avait reçu une solide initiation au grec de la part de Johann Reuchlin, avant d’effectuer en Italie deux séjours de perfectionnement dans cette langue – l’un bref (1499), l’autre plus long (1504-1510). Enfin il s’était installé à l’automne 1510 dans le couvent de son ordre à Bâle. Choix judicieux en raison des atouts culturels majeurs offerts par cette ville : d’abord un fonds documentaire de manuscrits grecs que les frères avaient hérité de Johann Stokovič, cardinal de Raguse, puis des imprimeries qui y prospéraient. C’est ainsi que Cuno a mis ses compétences d’helléniste au service de l’imprimeur Johann Amerbach pour les passages en grec de l’édition des Opera omnia de saint Jérôme. Cuno a donné également des cours de grec – à titre privé – aux fils Amerbach (Bruno, Basile et Boniface) ainsi qu’à Rhenanus. Le Sélestadien n’a finalement passé qu’une année auprès de son professeur (de septembre 1511 à octobre 1512), mais l’autorité de Cuno s’est révélée déterminante. Le Dominicain s’était passionné pour l’étude des Pères grecs du IVe siècle, et tout spécialement pour celle des Cappadociens. [6] A la demande expresse de Beatus Rhenanus, Cuno avait entrepris la retraduction d’une œuvre alors attribuée à Grégoire de Nysse : le De hominis natura de Némésius d’Emèse – un traité d’anthropologie analogue à celui de Grégoire de Nysse : De hominis opificio. Rhenanus, qui appréciait au plus haut point ce texte, a décidé de le publier (à Strasbourg, chez Schürer, en mai 1512) et de le dédier à Lefèvre d’Etaples – indication tirée d’une lettre du 1er mars 1512, où il résume le contenu de l’ouvrage : tout d’abord l’auteur exalte l’excellence de la création du point de vue de l’homme, à qui son éminente dignité a valu d’occuper la première place sur l’échelle des êtres ; puis il aborde la question de l’âme « en s’opposant violemment à Aristote ». Il apparaît ainsi que Némésius d’Emèse récuse la conception aristotélicienne de l’âme comme entéléchie première du corps, autrement dit comme principe métaphysique du parfait accomplissement de l’être – tant il est vrai que, selon le théologien grec, la partie spirituelle de l’homme, loin de dépendre de sa partie 7 Voir Saffrey, « Cuno ».

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matérielle pour se réaliser, se suffit à elle-même. Or l’affirmation de l’autarcie de l’âme trouve sa source dans le Phédon de Platon. D’où la conclusion de ce compte rendu épistolaire du traité de Némésius : « Qui donc, pour cette raison, ne ferait pas un vibrant éloge de sa philosophie, puisqu’elle conduit l’homme à la connaissance de soi ? » Tout incite en effet à comprendre ce passage – même si Beatus Rhenanus n’y mentionne pas ouvertement Platon – comme un aveu implicite de philoplatonisme fait à son ancien maître – témoin l’allusion à l’introspection qui constitue un rappel discret de la théorie des formes et du bien que l’âme a contemplés dans une vie antérieure. En revanche, c’est un tropisme explicitement platonicien de la pensée de Rhenanus que souligne Cuno dans une lettre à son élève, dont il loue l’engagement très ferme sur la voie d’un prosélytisme platonicochrétien : « tu t’intéresses aussi à cette philosophie platonicienne, et qui plus est à la philosophie chrétienne de Grégoire de Nysse, qui rend les hommes non seulement sages, mais encore bienheureux, et tu t’appliques à ce que d’autres l’embrassent. » Ainsi les deux lettres, qui se font pendant, évoquent une sorte de conversion philosophique de Rhenanus à un platonisme chrétien. [7] Pourtant il y a plus, car la première épître comporte des implications politiques hautement éclairantes quant à l’évolution des sentiments profonds de Rhenanus. De fait, elle propose à Lefèvre d’Etaples une liste – établie par aire géographique – des gloires littéraires allemandes de l’époque, en insistant sur la renaissance de belles-lettres dans les mondes germaniques à la faveur de la découverte du corpus théologique des Pères grecs platonisants. D’où l’on voit que la lettre de Rhenanus à Lefèvre afférente au De hominis natura représente, sur le plan des dispositions intérieures de son auteur, doublement une proclamation et une profession de foi. D’une part en effet Rhenanus revendique son appartenance à l’espace culturel germanique, de l’autre il prend ses distances avec l’aristotélisme de Lefèvre et se rapproche d’un platonisme authentiquement chrétien. En définitive, tout le mérite revient à James Hirstein – talentueux éditeur de la Correspondance latine et grecque de Beatus Rhenanus de Sélestat – d’avoir compris, le premier, la portée idéologique et théologique de la publication par Rhenanus en 1512 du traité de Némésius d’Emèse Sur la nature de l’homme. Car désormais le centre d’intérêt principal de Rhenanus va se déplacer, sinon vers le fondateur en personne de l’Académie, du moins vers des penseurs chrétiens qui ont intégré dans leur vision du monde l’héritage spirituel de Platon.

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[8] C’est ainsi que la publication en octobre 1516 d’un recueil de trois textes majeurs – le Théophraste, dialogue philosophique d’Enée de Gaza (sophiste chrétien de la fin du Ve siècle), le traité d’Athénagore d’Athènes (apologiste chrétien de la fin du IIe siècle) Sur la résurrection et les Sentences d’un certain Sextus Pythagoricus (compilateur chrétien de la fin du IIe siècle ?) – signe la renonciation définitive de Beatus Rhenanus à l’aristotélisme et son adhésion corrélative au platonisme, dans le cadre d’une religion chrétienne dûment rénovée. Le premier de ces écrits expose la doctrine chrétienne sur l’immortalité de l’âme et la résurrection du corps, et réfute les doctrines qui s’y opposent, telle l’idée platonicienne de la préexistence de l’âme. La littérature chrétienne avait déjà son Phédon dans le dialogue de Grégoire de Nysse sur L’Ame et la résurrection. [9] Enée de Gaza8 reprend ce thème en le développant plus amplement. Examinant les qualités de l’âme, il met l’accent sur le libre arbitre, qu’il tient pour le plus grand signe d’immortalité que Dieu ait donné à l’homme. L’ouvrage proprement dit constitue un dialogue entre trois personnages – Egyptos, Euxitheos et Théophraste – dont la morphologie s’apparente à celle des dialogues platoniciens. De fait Théophraste, l’interlocuteur païen, est présenté comme un maître orgueilleux et infatué de lui-même ; jusqu’à ce qu’il confesse ses premiers doutes, c’est lui qui mène le débat ; à ce moment, la situation se renverse, et c’est dès lors Euxitheos qui conduit la discussion, tandis que Théophraste – pourtant l’éponyme du dialogue – se borne à approuver ou à relancer la discussion par d’opportunes questions. Quant au troisième interlocuteur, Eygptos, il n’intervient presque pas, et son rôle s’avère purement fonctionnel, voire fictionnel. Une analyse sommaire du texte révèle que le dialogue se divise en deux parties : après une introduction « dramatique », une première partie consacrée à l’étude de la métempsycose humaine et de ses difficultés ; une seconde partie afférente à des apories chrétiennes contre les doctrines païennes, et qui s’achève sur l’aveu de Théophraste qu’il est désormais convaincu et rejette la philosophie pour passer au Christ. C’est ainsi que le prologue comprend deux sous-parties : 1) rencontre entre Euxitheos et Egyptos sur le port d’Alexandrie, où Euxitheos, en route pour Athènes, a été dérouté par une tempête : Euxitheos demande à son ancien compagnon d’études s’il existe encore de grands professeurs de philosophie à Alexandrie ; réponse négative d’Egyptos qui sait cependant 8 Sur ce penseur, sa biographie et ses œuvres, cf. Segonds, « Ainéas de Gaza

(Enée) ».

4. « Beatus Rhenanus et le platonisme chrétien »

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que trois jours auparavant a débarqué à Alexandrie un éminent professeur athénien, Théophraste ; d’où 2) rencontre chez Théophraste et discussion générale. [10] Dans la première section de l’entretien, Euxitheos déclare n’être préoccupé que d’une seule question : l’âme humaine a-t-elle préexisté, et quel est le maître capable de résoudre les problèmes soulevés par cette doctrine philosophique. Théophraste déclare être en mesure de répondre à toute difficulté dans ce domaine, et étale une longue liste de doxographies (empruntées pour l’essentiel à Plotin, IV, 8 [6], 1) non sans devoir reconnaître les contradictions des païens entre eux et même celles de Platon avec lui-même. La croyance en la réincarnation n’est guère plus claire, finira par concéder Théophraste, non sans avoir cité et discuté les opinions de Plotin, Harpocration, Porphyre, Boéthos, Numénius, Jamblique, Syrianus et Proclus. A partir de maintenant, c’est Euxitheos qui mènera le débat en développant les objections chrétiennes : 1) le fait que les âmes n’aient pas souvenir de leurs vies antérieures, alors qu’elles sont châtiées pour les fautes qu’elles y ont commises ; 2) le fait que la préexistence des âmes n’explique pas vraiment la diversité des conditions humaines, les infirmités, la durée de la vie, etc., alors que l’explication par la Providence de Dieu s’avère plus convaincante. Toutes ces objections amènent Théophraste à reconnaître que « rien de ce qui se passe ici-bas ne [l’]oblige désormais à professer la préexistence de l’âme humaine ». [11] En revanche la seconde section du Théophraste comporte un ensemble de discussions liées les unes aux autres avec plus ou moins de bonheur. D’abord sur le nombre des âmes humaines, puis sur l’éternité du monde – dogme aristotélicien naturellement refusé à ce titre, enfin une série de difficultés sur la résurrection du corps. D’où la conclusion de Théophraste : « Je suis convaincu et ressens déjà la grâce de Dieu. Adieu à l’Académie, allons auprès de Lui. » Ensuite Théophraste reprend ironiquement une phrase de Platon (Rep., III, 388e 2-3), déjà citée supra dans le dialogue – phrase par laquelle il place sa conversion sous l’égide de Platon en personne. La finale est constituée d’une prière d’action de grâce d’Euxitheos. [12] Le deuxième volet du triptyque éditorial platonisant de Beatus Rhenanus est le De resurrectione attribué à Athénagore d’Athènes9. S’agissant du contenu spécifique de ce traité – indissociable, pour la 9 Au sujet de cet apologiste chrétien, auteur d’un ouvrage, et peut-être de deux, qu’il faut considérer séparément (bien que la plupart des éditeurs ne les aient pas disjoints), cf. Pépin, « Athénagore d’Athènes ».

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plupart des éditeurs, de la Supplicatio pro christianis du même apologiste –, on signalera que l’argumentation est double : 1) possibilité de la résurrection des corps : Dieu en a le pouvoir et la volonté ; 2) vérité de la résurrection : arguments théologiques et philosophiques à l’appui. Enfin, un excursus contre les épicuriens dont le matérialisme « athée » s’avère incompatible avec la philosophie personnelle de l’auteur – fondée sur l’amalgame du platonisme et du stoïcisme, caractéristique du système des idées prégnant à son époque. Bien qu’aucun nom de philosophe ne soit cité, on y trouve des spéculations philosophiques importantes, d’origine platonicienne, sur l’union de l’âme et du corps et sur la thèse selon laquelle l’un et l’autre sont requis dans la définition de l’homme – argument aussi utilisé par Irénée contre l’anthropologie gnostique. [13] Pour ce qui concerne la troisième composante10 du corpus médio-platonicien publié par Beatus Rhenanus en 1516, il s’agit d’un ensemble de sentences de provenance assez hétérogène – composé par un certain Sextus qui vécut à Rome au Ier ou au IIe siècle. [14] En définitive, la publication par Beatus Rhenanus à l’automne 1516 chez l’éditeur bâlois Froben d’un volume triple, comprenant les œuvres d’Aeneas Platonicus (Sur l’immortalité de l’âme et la résurrection des corps), d’Athénagore l’Athénien (Sur la résurrection) et de Sextus Pythagoricus (Sentences), ressortit, comme l’a suggéré avec pertinence J. Hirstein, à une sorte de « libération » au sens psychologique et moral du terme. De fait, la fréquentation de l’helléniste Johann Cuno et l’installation à Bâle dans un milieu intellectuel très porteur avaient permis au Sélestadien de se détacher de l’aristotélisme de son maître Lefèvre et d’adopter graduellement, en compensation, les leçons d’une sagesse platonisante plus conforme à l’enseignement chrétien. Telle est désormais la direction nouvelle que prend sa pensée philosophique et religieuse – centrée sur la question eschatologique du devenir des hommes après la mort. Et ce n’est sans doute pas un hasard si c’est au cours de cette même année 1516 que Rhenanus acquiert et annote le De dogmate Platonis d’Apulée publié par Matthias Schürer à Strasbourg. Une perspective exaltante s’offrait ainsi à lui de favoriser l’avènement d’un « vrai » christianisme prônant entre autres la mise en commun de toutes choses telle que Platon l’avait imaginée dans la République. Or Rhenanus n’ignorait pas que les rêves d’aujourd’hui ont vocation à être les réalités de demain… 10 Pour Sextus Pythagoricus auteur de sentences, voir Rhenanus, Epistulae, vol.

1, n° 83.

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Sources Hankins, Plato = Hankins, J. : Plato in the Italian Renaissance, 2 vol., Leid, New York, Copenhague, Cologne, 1990. Hirstein, « Bibliothèque de Rhenanus » = Hirstein, James : « La bibliothèque de Beatus Rhenanus : une vue d’ensemble des livres imprimés », dans R. de Smet (dir.), Les humanistes et leurs bibliothèques/ Humanists and their Libraries : Actes du colloque international Bruxelles (26 août 1999) Leuven-Paris-Sterling, 2002, p. 113-142. Hirstein, « Rhenanus » = - : « Beatus Rhenanus » dans Centuriae latinae : cent une figures humanistes de la Renaissance aux Lumières offertes à Jacques Chomarat, réunies par C. Nativel, Genève, 1997, p. 679-685. Hirstein, « Rhenanus et le néo-platonisme » = - : « Une Druckvorlage de la bibliothèque de Beatus Rhenanus et la diffusion de la pensée néo-platonicienne dans le Rhin supérieur : l’Axiochus du PseudoPlaton », dans L’espace rhénan, pôle de savoirs (sous la direction de Catherine Maurer et Astrid Starck-Adler, avec le concours de Christiane Weeda), Presses Universitaires de Strasbourg, 2013, p. 51-76. Massaut, Clichtove = Massaut, J.-P. : Josse Clichtove, l’humanisme et la réforme du clergé, 2 vol. (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, Fasc. CLXXXIII), Paris, 1968. Pépin, « Athénagore d’Athènes » = Pépin, Jean : article « Athénagore d’Athènes » du Dictionnaire des philosophes antiques (...), Éditions du Centre National de la Recherche Scientifique, Paris, 1989, tome 1, p. 640-642. Rhenanus, Epistulae, vol. 1 = Hirstein, James : Epistulae Beati Rhenani, vol. 1. Saffrey, « Cuno » = Saffrey, H. D. : « Un humaniste dominicain, Jean Cuno de Nuremberg, précurseur d’Érasme à Bâle », dans Bibliothèque d’Humanisme et de Renaissance, 33 (1971), p. 19-62. Segonds, « Ainéas de Gaza (Enée) » = Segonds, Alain : article « Ainéas de Gaza (Enée) » du Dictionnaire des philosophes antiques (publié sous la direction de Richard Goulet, chercheur au CNRS, avec une préface de Pierre Hadot, professeur au Collège de France), Éditions du Centre National de la Recherche Scientifique, Paris, 1989, tome 1, p. 82-87.

5 Bucer et Luther d’après la lettre du 1er mai 1518 à Beatus Rhenanus Matthieu Arnold

[1] Il y a plus de 35 ans, Jean Rott, dont on ne saluera jamais assez l’importance pour les recherches sur l’histoire de Strasbourg à l’époque de la Réformation, publiait le premier volume de la correspondance de Martin Bucer. On y trouve, au n° 3, la longue lettre – plus de 400 lignes dans l’édition de la Correspondance – que Martin Bucer (1491-1551) adresse le 1er mai 1518 à Beatus Rhenanus et dans laquelle il lui rapporte l’argumentation de Martin Luther (1483-1546) lors de la Dispute de Heidelberg, et plus particulièrement les thèses 1 à 131. [2] Avant d’examiner le contenu de cette lettre, il convient de rappeler quels étaient alors la situation de Bucer comme le sort de celui dont il parle à Beatus, Martin Luther. Martin Bucer [3] Heidelberg, d’où Bucer écrit, était une ville universitaire en même temps qu’une ville seigneuriale, dépendant d’un souverain temporel, le prince électeur palatin. Son université avait été fondée en 1386, et elle comptait alors près de 600 étudiants. Par ailleurs, dans cette ville de 5 000 habitants environ, près d’un quart de la population était au service de l’Electeur palatin. [4] Bucer se trouvait à Heidelberg depuis 1512. Après avoir passé une année à Mayence il avait été renvoyé à Heidelberg par ses supérieurs pour y acquérir un grade universitaire. Il fut immatriculé à l’Université le 31 janvier 1517 – gratuitement en tant que membre de l’ordre des Frères prêcheurs2. Depuis 1473, l’Electeur – alors Frédéric Ier 1 BCor I, p. 58-71. 2 Voir Greschat, „Bucer als Dominikanermönsch“, p. 30-53 et BCor I (not. n° 2).

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– avait obtenu du pape – Sixte IV – la permission d’incorporer le couvent des Dominicains (il allait être fondé trois ans plus tard) à l’Université. A la Faculté de théologie, la via moderna, le nominalisme, coexistait avec la via antiqua, le thomisme, qui marqua la formation de Bucer. [5] En tant que cursor biblicus, position à laquelle, comme régulier, il avait été élevé dès son inscription, Bucer devait donner, deux années durant, une explication rapide de chapitres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Sans doute fut-il, dès la fin de 1518 ou au début de 1519, baccalaureus biblicus. [6] Il avait aussi pour obligation la tenue de cours dans le cadre du cursus philosophique de base de l’ordre, ce qui l’amena à expliquer des textes d’Aristote – même si nous ignorons précisément lesquels. En revanche, la liste des livres qu’il établit au printemps de 15183 nous permet de pénétrer de plain-pied dans son univers intellectuel. Bucer possédait toutes les œuvres importantes – abstraction faite des commentaires bibliques – de Thomas d’Aquin, mais aussi des textes de la tradition thomiste tels que l’explication de la Somme théologique par Cajetan – le contradicteur de Luther à l’automne de 1518 – ou encore le commentaire du quatrième livre des Sentences par Pierre de la Palude. A côté de cette influence thomiste, Bucer était alors marqué par Erasme. Il en possédait également les écrits les plus importants – ayant peut-être acquis certains d’entre eux dès 1516 à Mayence : l’Eloge de la folie, le Manuel du Soldat chrétien, la Complainte de la paix, l’Instruction du prince chrétien, et, bien sûr, sa première édition du Nouveau Testament. Dans les années qui suivirent, Bucer continua d’acheter les œuvres de l’humaniste, se concentrant désormais sur les éditions bâloises alors qu’auparavant il s’était intéressé à celles du Strasbourgeois Schürer. Ainsi, encore en mars 1520, Bucer informait Beatus Rhenanus qu’il grattait des fonds, « avec ruse et méthode » pour acquérir tout ce qui venait de la plume d’Erasme4. [7] Bucer partageait avec le « prince des humanistes » la critique d’une Eglise superficielle et celle d’une théologie « sophiste », mais surtout sa « philosophie chrétienne », programme de vie chrétienne à la suite du Christ, marquée par la piété, l’humilité, l’esprit de conciliation et l’amour du prochain. Aussi devint-il un disciple enthousiaste d’Erasme auquel, des années plus tard, il reconnaissait aussi le mérite 3 Le texte se trouve en BCor I, n° 2 : 42-48. Voir aussi Greschat, « Bucers Bücherverzeichnis », p. 162-185. 4 BCor I, n° 11 (19 mars 1520), 104, 49 s.

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d’avoir remis au centre la Bible et les Pères5. Au reste, les supérieurs de Bucer n’étaient pas hostiles à Erasme : en septembre 1518, Bucer informa Beatus Rhenanus que son prieur, Bernhard Senger, était entièrement d’accord avec Erasme – mais non avec Luther (animo plane Erasmicus est, at [non] Martinianus) –, et que son régent, Michael Vehe, ne s’opposait pas à ce qu’il donnât aux moines des cours sur L’éloge de la folie puis sur la Complainte de la paix6. Pour autant, ses lettres témoignent du fait qu’au sein du couvent, tous les frères ne partageaient pas cet enthousiasme pour Erasme. [8] C’est dans cet univers marqué par Erasme qu’eurent lieu, en avril 1518, la Dispute de Heidelberg et la rencontre personnelle de Bucer avec Luther. Dans le cadre du chapitre général des Augustins érémites allemands, Johannes von Staupitz, le vicaire général de l’ordre, avait donné à Luther la possibilité de présenter sa théologie de manière concise et précise, et de la soumettre à discussion7. Martin Luther [9] De son côté, depuis l’envoi de ses thèses sur le pouvoir des indulgences à Albert de Brandebourg, le 31 octobre 1517, Martin Luther n’est pas resté inactif – en grande partie à cause de ses adversaires. L’archevêque de Mayence n’a pas ordonné à Tetzel de prêcher l’indulgence avec plus de modération, mais a transmis les thèses de Luther à Rome. Dès le 17 décembre 1517, un mémoire de l’Université de Mayence a relevé que l’auteur des thèses limitait par là le pouvoir pontifical. [10] En mars 1518, soit peu de temps avant la Dispute de Heidelberg, un écrit allemand, le Sermon sur les indulgences et la grâce8, a donné aux propos de Luther une tout autre diffusion que ses thèses latines : rien que durant cette année, l’écrit va connaître 14 éditions. Vers la fin de cet écrit édifiant, Luther se fait mordant. Les « cerveaux obscurs » qui pourraient le traiter d’hérétique parce qu’il met leurs finances en péril « ignorent jusqu’à l’odeur de la 5 De vera ecclesiarum in doctrina, ceremoniis et disciplina reconciliatione et compositione [Strasbourg], 1542, f° bb 4r. 6 BCor I, n° 4 (14 septembre 1518), 74, 42-44 ; cf. aussi n° 5 (10 mars 1519), 78, 26 s. 7 Voir Brecht, Luther, t. I, p. 225-228. 8 WA 1, 243-246 ; Luther : Œuvres, p. 147-152. Voir au sujet de ce texte Schilling, « Sermon von Ablass und Gnade », p. 108-112.

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Bible », déclare-t-il, rangeant ses adversaires au nombre des scolastiques raillés par l’humaniste d’Erfurt Crotus Rubeanus dans sa célèbre satire, Epîtres des hommes obscurs ; ils n’ont jamais lu les maîtres anciens ni compris leurs propres maîtres (§ 20). [11] En même temps qu’il cherche à instruire les laïcs, Luther s’attache à expliciter le propos des 95 Thèses pour les véritables destinataires de cet écrit : les théologiens et la hiérarchie ecclésiastique. C’est ainsi que paraissent également, au printemps de 1518, les Explications (Resolutiones) sur la dispute au sujet de l’efficacité des indulgences, texte érudit et bien plus développé que le Sermon sur les indulgences et la grâce9, et que, dans un premier temps, Luther a soumis à Jérôme Schultz, l’évêque du Brandebourg. [12] Du côté de ses adversaires, dès l’hiver de 1517-1518, Tetzel fit rédiger une série de thèses par Conrad Wimpina, qui professait la théologie à l’Université de Francfort-sur-l’Oder. Diffusées sous forme imprimée, ces thèses parvinrent à Wittenberg à la mi-mars 1518, où les étudiants en brûlèrent une grande partie sur la place du marché. Dans des lettres de février et mars 1518, Luther évoqua les prédications de ses adversaires dont l’ignorance, selon lui, ne le cédait en rien à l’effronterie. Ils l’y traitaient d’hérétique, dénigraient tant son université que l’Electeur de Saxe, et ils proféraient des menaces contre lui : certains promettaient au peuple qu’il serait brûlé, « l’un dit dans quinze jours, l’autre dit dans un mois »10. [13] Le 31 mars 1518, Luther écrivit une courte lettre à Staupitz qui lui avait appris que son nom avait mauvaise réputation chez beaucoup de gens. Or, c’étaient ses adversaires qui soufflaient la haine contre lui parce qu’il préférait la Bible et les Pères de l’Eglise aux scolastiques, et il jugeait d’autant plus légitime de jeter sur ces derniers un regard critique qu’ils se contredisaient entre eux publiquement : « […] il y a parmi les scolastiques autant de sectes que de têtes – ou même que de cheveux sur les têtes scolastiques11 ». Ainsi, Luther avait conscience des critiques pesant sur lui, mais il ne se déclarait aucunement disposé à les apaiser. [14] La Dispute de Heidelberg trouve son origine dans le fait que dès février 1518, le pape Léon X avait fait pression sur les supérieurs de Luther au sein de l’ordre des Augustins afin qu’ils ramènent le trublion à la raison. Sans doute la plainte pour hérésie portée par les 9 WA 1, 525-628. 10 WA Br n° 59 : 1, 146, 69-77 (à Spalatin, 15 février 1518) ; n° 64 : 1, 154, 11-

155, 16 (à Johann Lang, 21 mars 1518). MLO, t. VIII, p. 28. 11 WA Br n° 66 : 1, 160, 33-34 ; MLO VIII, 30.

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Dominicains à Rome (mars 1518) fut-elle transmise à Staupitz afin qu’il demande des explications à Luther. Or, à la même époque, un chapitre général de l’ordre des Augustins érémites allemands devait se tenir à Heidelberg avec pour objet l’élection de leur vicaire général – qui était précisément Staupitz. De son côté, Luther, vicaire de district de la congrégation de Saxe et dont le mandat de trois ans arrivait aussi à échéance, devait être présent12. Aussi Staupitz le pria-t-il d’y exposer ses positions théologiques. Il s’agissait de clarifier les choses au sein même de l’ordre et d’éviter que Luther fût traduit à Rome. Staupitz donnait à Luther l’occasion de présenter ses opinions théologiques devant un auditoire qui, marqué par l’humanisme, lui était a priori favorable. [15] Luther accepta de se rendre à Heidelberg, lors même que certains de ses amis le mettaient en garde (ne risquait-il pas d’y être arrêté puis d’être livré à Rome ?) : « Notre prince, qui s’intéresse vivement à notre étude solide de la théologie, nous a pris énergiquement sous sa protection, Carlstadt et moi, et il ne souffrira pas que je sois traîné à Rome13 », rassura-t-il Johann Lang le 21 mars 1518. Luther entreprit le voyage vers Heidelberg à pied, ce qui lui occasionna une grande fatigue ; aussi, arrivé le 18 avril à Würzburg, il en repartit en voiture avec d’autres frères14. [16] Il demeura à Heidelberg du 21 avril au début de mai. La dispute académique eut lieu le 26 avril 1518, dans le bâtiment de la Faculté des Arts, non loin du couvent des Augustins, en présence de moines augustins, de membres de l’Université – étudiants et professeurs –, d’habitants de Heidelberg et même de membres de la Cour. La dispute de Heidelberg [17] Luther défendit lui-même les 40 thèses qu’il avait rédigées initialement pour Léonard Beyer, l’étudiant qui l’avait accompagné à Heidelberg. Il présenta à ses auditeurs non pas un exposé sur les indulgences, mais des thèses qui revêtaient une portée plus large et prolongeaient bien plutôt le sujet de sa dispute contre la théologie scolastique du 4 septembre 1517 : la tâche de la théologie15. Il 12 WA Br n° 64 : 1, 156, n. 4 (à Johann Lang, 21 mars 1518). 13 WA Br n° 64 : 1, 155, 20-22 ; MLO VIII, 28 s. 14 Voir WA Br n° 73 : 1, 168, 8-12 (19 avril 1518). 15 Voir Leppin, Luther, p. 128.

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n’entendait nullement se cantonner dans l’apologie des thèses sur le pouvoir des indulgences. [18] Ses thèses se divisaient en deux parties : 28 thèses de théologie, 12 thèses de philosophie, pourvues les unes et les autres de commentaires. [19] Dans ses thèses théologiques, Luther met d’emblée en question le fait que la loi de Dieu puisse faire accéder l’homme à la justice (thèse 1). La fonction de la Loi, qui place l’être humain en face des exigences de Dieu, est surtout de lui montrer son incapacité à les accomplir – et donc son péché – et de le pousser à tout attendre de Dieu seul. Les thèses 2 à 12 développent – à la manière usuelle des thèses, de façon provocante – le thème de la vanité des œuvres humaines par opposition aux œuvres de Dieu : moins encore que la Loi, elles conduisent au salut (thèse 2), et elles sont même, « selon toute probabilité, péché mortel »16 (thèse 3). En d’autres termes, elles sont nuisibles si l’être humain se fie uniquement à elles et non pas à Dieu et à sa miséricorde. On retrouve là aussi le thème de la fausse sécurité présent dans les 95 Thèses : « Les œuvres des hommes sont bien plus des péchés mortels lorsqu’elles sont accomplies sans crainte, dans une sécurité pernicieuse et sans mélange » (thèse 8) ; en effet, l’absence de la crainte engendre celle de l’humilité et, partant, l’orgueil qui provoque la colère de Dieu (preuve de la thèse 8)17. Les thèses 13 à 16 rejettent l’idée que, par sa volonté, l’homme puisse collaborer à son salut, notamment en « faisant ce qui est en son pouvoir » : « Le libre arbitre n’est plus, après la chute, qu’un simple nom18 […] » (thèse 13). « L’homme qui pense qu’il a la volonté de parvenir à la grâce en faisant ce qui est en son pouvoir ajoute le péché au péché, de sorte qu’il est rendu doublement coupable19 » (thèse 16). Les thèses de la Dispute de Heidelberg prolongent ainsi les thèses relatives aux forces de l’homme sans la grâce, soutenues à Wittenberg en 1517. [20] Faisant le bilan des efforts de l’homme, Luther insiste sur la fonction accusatrice de la Loi ; elle révèle son péché à l’être humain pour l’humilier et stimuler sa quête de la grâce du Christ20 (thèse 17). En même temps, Luther s’attache à préciser que cette prédication du 16 WA 1, 353, 19 s. ; Luther, Œuvres, t. 1, p. 166. 17 WA 1, 353, 29 s. ; Luther, Œuvres, t. 1, p. 166. Voir WA 1, 358, 30-32 ;

Luther, Œuvres, t. 1, p. 174. 18 WA 1, 354, 5 ; Luther, Œuvres, t. 1, p. 166. 19 WA 1, 354, 11 s. ; Luther, Œuvres, t. 1, p. 166 (traduction modifiée). 20 Voir WA 1, 354, 13 s. ; Luther, Œuvres, t. 1, p. 167.

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péché doit engendrer non pas le désespoir, mais l’espérance, puisqu’elle suscite le désir de la grâce21. [21] Ainsi, les thèses ne concernent pas seulement la manière de faire de la théologie au sein de l’Université, mais elles débordent ce cadre pour traiter de la vie chrétienne22. [22] Dans les thèses 19-24, qui ont connu une grande postérité, Luther oppose deux manières de faire de la théologie : « N’est pas digne d’être appelé théologien celui qui considère que les choses invisibles de Dieu peuvent être comprises à travers celles qui ont été créées, mais bien plutôt celui qui comprend les choses visibles de Dieu, son dos [voir Exode 33, 18-33], à travers la souffrance et la croix23 » (thèses 19 et 20). En d’autres termes, le « théologien de la croix » s’oppose au « théologien de la gloire24 » (thèse 21), i.e. le scolastique. [23] A côté de la croix, Luther met l’accent sur la foi, réponse à la promesse de Dieu : aux thèses 25 à 27, il oppose aux œuvres le fait de croire et la grâce qui y est liée. « Celui-là n’est pas juste qui œuvre beaucoup, mais plutôt celui qui, sans œuvre, croit beaucoup au Christ25 » (thèse 25). [24] Quant aux thèses philosophiques, elles s’en prennent à Aristote, mais en lien avec la problématique théologique que Luther a dégagée au préalable : « Qui veut philosopher sans danger en Aristote doit au préalable être rendu bien fou en Christ26 » (thèse 29) – i.e., en se montrant humble et en ayant foi au Christ. En s’opposant à l’Aristote scolastique (thèses 36 et 37)27, Luther se situe ainsi dans une tradition humaniste représentée à l’Université de Heidelberg28. [25] Pourtant, sa théologie est apparue aux docteurs de Heidelberg « comme quelque chose d’étranger », même s’ils ont débattu avec lui avec modestie et à l’aide d’arguments ingénieux, écrit-il à son ami et confident, Georges Spalatin. En revanche – et toujours selon sa relation à Spalatin –, il a gagné à ses idées ses auditeurs les plus jeunes : « Mais les étudiants et toute la jeunesse pensent autrement, et j’ai l’espoir insigne que, de même que le Christ s’est tourné vers les 21 Voir WA 1, 361, 12-19 ; Luther, Œuvres, t. 1, p. 178 s. 22 Voir Leppin, Luther, p. 130. 23 WA 1, 354, 17-20 ; Luther, Œuvres, t. 1, p. 167. 24 WA 1, 354, 21 s. ; Luther, Œuvres, t. 1, p. 167. 25 WA 1, 354, 29 s. ; Luther, Œuvres, t. 1, p. 167. 26 WA 1, 355, 2 s. ; Luther, Œuvres, t. 1, p. 167 (trad. légèrement modifiée). 27 Voir WA 1, 355, 16-19 ; Luther, Œuvres, t. 1, p. 168. 28 Voir Leppin, Luther, p. 133.

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païens alors que les Juifs le rejetaient, de même sa véritable théologie, rejetée par les vieux docteurs obstinés, se tournera vers la jeunesse29. » La lettre de Bucer [26] Au nombre de ces jeunes gens, on trouve Johann Brenz, né en 1499, Martin Frecht, né en 1494, mais aussi Martin Bucer. [27] Dans sa lettre à l’humaniste Beatus Rhenanus, Bucer rapporte ce qu’il a entendu lors de la dispute, mais aussi ce que, le 27 avril, il a appris lors d’un entretien personnel avec Luther – « tu sais, celui qui tape sur les indulgences, celui dont, jusqu’à présent, nous ne nous sommes que trop peu occupés30 ». Bucer exprime son admiration pour celui qu’il juge alors en tous points d’accord avec Erasme, mais qui enseigne plus ouvertement et plus librement ce que celui-ci ne fait qu’insinuer : « Il a une douceur admirable dans ses réponses, et il écoute avec une patience incomparable. Quant à son esprit pénétrant, tu l’aurais reconnu lorsqu’il raisonne à propos de Paul […]. Tout ce que j’ai cherché à savoir, il me l’a expliqué excellemment31. » Par sa longueur, la relation de Bucer témoigne de l’impression qu’ont faite sur lui les « paradoxes » de Luther et leurs commentaires. [28] En même temps, le récit de Bucer, avec l’interprétation personnelle qu’il donne des thèses, qu’il qualifie de « paradoxa32 », montre que, comme les autres jeunes enseignants qui ont été marqués par Luther à Heidelberg, il ne l’a pas suivi de manière servile33. En effet, dans un mélange de résumé et d’interprétation, Bucer prend position par rapport aux treize premières thèses du Wittenbergeois, avant de passer rapidement sur les trois suivantes, pour conclure par un bref commentaire de la thèse 25. Visiblement, les thèses philosophiques ne l’ont pas intéressé, car il est peu probable qu’elles n’aient pas été soutenues. [29] Les thèses 1, sur la Loi qui empêche l’homme de parvenir à la justice, et 25, sur le fait qu’est juste celui qui croit beaucoup, revêtent l’une et l’autre une grande importance dans le compte rendu de Bucer. Toutefois, dans la manière dont il rend la thèse 25, Bucer retient 29 WA Br n° 75 : 1, 174, 44-47 ; MLO VIII, 34. 30 BCor I, n° 3 : 59-71 (1er mai 1518). Sur les relations entre Luther et Bucer voir

notamment Brecht, « Bucer und Luther », p. 351-367. 31 BCor I, n° 3 : 61, 48 s. 54-56. 32 BCor I, n° 3 : 60, 35 ; 61, 61. 33 Voir Greschat, Bucer, p. 30-32.

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seulement le fait que ce n’est pas l’œuvre qui est rejetée mais la confiance qui est placée en elle. Martin Greschat fait observer : Certes Luther avait également souligné cela, mais il avait cependant mis l’accent sur la foi, dont les œuvres du chrétien ne sont que le résultat. Ici, apparaît une première différence entre les deux hommes. Alors que la théologie de Luther se concentrait entièrement sur la foi au Christ, laquelle englobait tout le reste, pour Bucer c’était l’œuvre bonne du chrétien, laquelle devait résulter de cette foi, qui revêtait une importance particulière. Dans cet accent mis sur la forme que doit revêtir la vie chrétienne, on retrouve incontestablement l’héritage de l’humanisme alsacien et d’Erasme34.

Quant à la première thèse, elle souligne, chez Luther, l’échec de l’homme à accomplir la Loi, et en conséquence elle le fait apparaître pécheur devant Dieu. La Loi accuse l’être humain – ce qui ne signifie pas pour autant que les commandements ne soient pas destinés à être accomplis. Elle le détourne de sa confiance en soi pour l’amener à mettre sa foi en Dieu. Bucer a bien compris ce message d’une Loi qui accuse l’être humain. Il souligne que c’est en Christ seul que le chrétien doit placer sa confiance. Toutefois, il se refuse à borner la fonction de la Loi à cet usage accusateur : […] le chrétien connaît en même temps d’autres types de rapports, neufs et différents, avec cette Loi : là où il consent intérieurement à la volonté de Dieu et que l’Esprit saint le pousse à vivre et à agir d’après elle. Se fondant sur Aristote, Bucer qualifie cela d’“entéléchie” – terme repris précisément d’Aristote ! et qui désigne une énergie agissante et efficace –, une énergie qui agit dans le chrétien35.

Aussi, pour décrire la Loi, Bucer utilise de nombreuses expressions : lex spiritus, parce que c’est l’Esprit Saint qui la rend efficace en l’homme ; lex gratiae – Loi de la grâce agissante de Dieu –, Bucer conjoint ainsi les termes que Luther avait opposés ; c’est aussi une lex vitae, une Loi qui pousse à la vie36. [30] On se situe là moins dans le cadre conceptuel de Luther que dans celui d’Erasme et, en partie, de Thomas d’Aquin. L’Erasmien Bucer est, comme d’autres de ses contemporains alors, convaincu d’une large convergence entre la pensée de Luther et celle d’Erasme, et les différences entre les deux hommes lui semblent résider moins dans le contenu que dans la tonalité de la critique adressée à la 34 Greschat, Bucer, p. 31. 35 Greschat, Bucer, p. 32 ; BCor I, n° 3 : 96-99. 36 Voir Greschat, Bucer, p. 32.

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théologie scolastique et à l’institution ecclésiale. Comme nous l’avons rapporté, Luther lui semble parler de manière plus libre et ouverte37. [31] Sans doute Bucer est-il conscient aussi qu’il y a plus de danger encore à se réclamer de Luther que d’Erasme ; c’est sans doute pourquoi, en raison de sa critique des opposants de Luther – sophistes qui obscurcissent la vérité –, il prie Beatus Rhenanus de ne transmettre son rapport à personne sinon à des amis38. Il ne faudrait pas que cette missive sulfureuse tombât en de mauvaises mains. Est-ce pour cette raison aussi que, la veille, Bucer a couché sur le papier non seulement la liste de ses livres mais encore son testament39 ? [32] Quelques mois plus tard, de Francfort, le 14 septembre, Bucer écrivit une nouvelle lettre à Beatus Rhenanus, pour se réjouir de ce qu’il ait montré à Capiton et à d’autres sa relation de la Dispute, et qu’elle leur ait plu40. Les conséquences [33] Pour autant, Bucer n’est pas devenu, d’un jour à l’autre, brusquement un disciple de Luther. Tout en acquérant ses grades théologiques – ainsi, celui de bachelier biblique à la fin de 1518 ou au début de 1519 –, il continua de se former – il lui fallait désormais se préparer, par d’intenses lectures, à enseigner sur les Sentences – et sa pensée mûrit. [34] Dans sa seconde lettre à Luther, le 23 janvier 1520, Bucer lui rappelle qu’un an et demi auparavant, il a eu l’audace de converser avec lui à Heidelberg41. Au début de 1520, il fut enthousiasmé par le Cours de Luther sur les Galates, qui traitait de la liberté chrétienne et de l’amour du prochain, rejoignait ses propres préoccupations : celui qui est affranchi du souci égoïste pour son propre salut peut se consacrer entièrement à son prochain et à ses besoins. Luther reprendra ce propos en particulier dans son traité La liberté du chrétien, tandis que Bucer le développera en 1523, dans Que nul ne vive pour soi-même…, avec, là encore, un accent particulier par rapport à Luther : la foi ne constitue pas son point de départ, mais il remonte vers elle en commençant par parler des œuvres d’amour par 37 BCor I, n° 3 : 61, 54-56. 38 Voir BCor I, n° 3 : 71, 398-401. 39 Greschat, Bucer, p. 32. 40 BCor I, n° 4 : 72, 2–74, 32. 41 BCor I, n° 8 : 91, 2-5.

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lesquelles l’être humain, créature de Dieu, se rend utile à l’ensemble de la création42. [35] Comme Bucer l’avait déjà écrit le 10 mars 1519 à Beatus Rhenanus, ses supérieurs au sein de l’ordre étaient des érasmiens, mais non pas des luthériens43. Mais tout comme Erasme se refusait de prendre ouvertement parti pour les adversaires de Luther, les Dominicains de Heidelberg ne déclarèrent pas la guerre à haute voix et de manière décidée au Wittenbergeois. En novembre 1520, il fallut que le légat papal ordonnât expressément au provincial de prêcher contre Luther et la diffusion de ses écrits44. Quant à Bucer, après avoir été érasmien, il allait devenir « Martinien ». * * *

[36] Deux éléments nous semblent caractéristiques de la relation de Bucer à Luther telle qu’elle se dessine dès sa lettre du 1er mai 1518 à Beatus Rhenanus : - le premier, relevé il y a plus de vingt ans par Martin Greschat45, concerne l’interprétation assez personnelle que Bucer a des écrits (et des propos de son aîné), ainsi que nous espérons l’avoir démontré ; - le second, un immense respect pour la personne de Luther – et, bientôt, pour son œuvre réformatrice. [37] Ce respect résistera à toutes les vicissitudes, à toutes les rebuffades essuyées par Bucer, depuis le refus par Luther de se rendre à la Ebernburg lors de leur rencontre à Oppenheim, vraisemblablement le 15 avril 1521, jusqu’aux jugements très sévères de Luther sur le « Livre de Worms » et sur la « Réformation de Cologne », vingt ans plus tard, en passant par les qualificatifs peu amènes prononcés par le Wittenbergeois sur le Strasbourgeois dans les années antérieures à la Concorde de Wittenberg, ou encore le refus de lui serrer la main et de le tenir pour un frère lors du colloque de Marbourg (1529). En dépit des différences entre leurs pensées, en dépit surtout des couleuvres qu’il lui fallut avaler, Bucer conservera un profond respect pour ce Luther ; il continuera même d’accorder à son aîné une place prééminente parmi les Réformateurs. 42 Voir Arnold, „Das theologische Programm Bucers“, p. 237-248. 43 BCor I, n° 5 : 78, 26 s. 44 BCor I, n° 22 [Hutten à Bucer, 2 décembre 1520] : 131 s., n. 6. 45 Greschat, Bucer, p. 30-35.

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[38] C’est ainsi que, dans la correspondance du début des années 1530, suite à la mort de Zwingli, nous le voyons défendre Luther face aux Zurichois et aux Allemands du Sud : - à Heinrich Bullinger, qui, après le décès de Huldrych Zwingli, affirme l’éminente supériorité de ce dernier et d’Erasme sur Luther, qui n’est pas digne de leur tendre le vase de nuit, vers la fin d’août 1532, Bucer répond grosso modo que Luther fut un Réformateur d’envergure mondiale, et Zwingli un Réformateur d’envergure régionale voire nationale : le premier, Luther a prêché le Christ comme seul Sauveur et enseigné la justification par la foi sans les œuvres ; c’est un homme de Dieu qui continue de propager la connaissance du Christ plus largement que quiconque ; il est le capitaine de navire que les ennemis ont attaqué le premier, et tant qu’il enseignera la justification par la foi seule, il ne fera pas sombrer ce navire ; il est au monde ce que Zwingli fut à la Suisse : Iam mihi Lutherus in orbe est, quod Zvinglius fuit Helueticae46 ; - dans son livre contre les prédicateurs de Francfort (Ein brieff an die zu Franckfort am Meyn), écrit-il à Martin Frecht le 12 février 1533, Luther est aussi mordant et même plus grossier que jamais. Toutefois, il faut accepter ces offenses par respect pour la foi et le succès avec lesquels il a prêché le Christ, aussi longtemps qu’on ne fait pas de mal à la vérité du Christ. Il faut, poursuit-il, tenir Luther pour un père bon et digne de vénération, qui, le premier et avec le plus de force, a exprimé le fait que la foi en Christ justifiait, mais qui se met aussi en colère et qui, de la sorte, prend des décisions nuisibles à ses enfants. Ainsi, tout en déplorant « l’intolérance » de Luther vis-àvis de chacun de ses contradicteurs, il appelait ses correspondants à respecter son aîné et à tout mettre en œuvre pour ne pas l’irriter davantage47. [39] Lorsque Bucer apprit la mort de Luther, il écrivit, le 10 avril 1546, à Albert Hardenberg, qui avait tenté, avec lui, d’introduire la Réformation dans l’Electorat de Cologne : Je sais combien de gens haïssent Luther. Toujours est-il que Dieu l’a beaucoup aimé, et qu’il ne nous a pas offert pour l’Evangile d’instrument plus saint et plus efficace que lui. Luther avait des défauts, et même de graves défauts. Mais Dieu les a portés et supportés de telle sorte qu’il lui a octroyé, plus qu’à aucun autre mortel, un esprit puissant et une puissance divine pour proclamer son Fils et pour abattre l’Antichrist. Celui que le Seigneur a accepté ainsi, 46 BCor VIII, n° 626 : 321, 8-322, 26 s. 47 BCor IX, n° 660 : 138, 5-139, 6 ; 143, 3-7.

5. « Bucer et Luther : la lettre du 1er mai 1518 »

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qu’il a amené à lui comme un pécheur – alors même qu’il avait lutté contre le mal comme personne d’autre –, comment pourrais-je, moi pauvre serviteur, misérable pécheur qui ai si peu de zèle pour la justice, le rejeter et le repousser à cause de fautes – que nous ne devons certes pas louer –, d’autant plus que nous avons coutume d’exiger que l’on supporte de notre part des fautes bien plus lourdes48 ?

Sources Arnold, „Das theologische Programm Bucers“ = Arnold, Matthieu : „Dass ihm selbst niemand, sondern anderen leben soll. Das theologische Programm Martin Bucers von 1523 im Vergleich mit Luther“, Theologische Beiträge 32 (2001), p. 237-248. Brecht, « Bucer und Luther » = Brecht, Martin : « Bucer und Luther », in : Marc Lienhard, Christian Krieger (éd.), Martin Bucer and Sixteenth Century Europe (28-31 août 1991), t. 1, Brill, Leiden, 1993, p. 351-367. Brecht, Luther, t. I = - : Martin Luther, t. I : Sein Weg zur Reformation 1483-1521, Calwer Verlag (2e éd.), Stuttgart, 1983, p. 225-228. BCor I = Correspondance de Martin Bucer, tome 1 : (Jusqu’en 1524) publié par Jean Rott, Brill, Leiden, 1979. BCor VIII = Bucer, Briefwechsel/Correspondance, t. VIII (April 1532August 1532), éd. Wolfgang Simon, Berndt Hamm et Reinhold Friedrich, en coll. avec Matthieu Arnold et Christian Krieger Leiden-Boston, 2011. BCor IX = Bucer, Briefwechsel/Correspondance, t. IX (September 1532-Juni 1533), éd. Reinhold Friedrich, Berndt Hamm et Wolfgang Simon, en coll. avec Matthieu Arnold et Christian Krieger, Brill, Leiden-Boston, 2014. Bucer : De vera ecclesiarum in doctrina, ceremoniis et disciplina reconciliatione et compositione [Strasbourg], 1542.

48 Voir Jacques Vincent Pollet, Martin Bucer. Etudes sur la correspondance avec de nombreux textes inédits, t. 1, Paris, PUF, 1958, p. 214 s. ; Martin Greschat, Martin Bucer, p. 223 s.

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5. Matthieu Arnold

Greschat, Bucer = Greschat, Martin : Martin Bucer (1491-1551). Un Réformateur et son temps. Traduit de l’all. par Matthieu Arnold, PUF, Paris, 2002. Greschat, „Bucer als Dominikanermönsch“ = - : „Martin Bucer als Dominikanermönsch“, in Marijn de Kroon, Friedhelm Krüger (éd.), Bucer und seine Zeit, Franz Steiner, Wiesbaden, 1976, p. 30-53. Greschat, « Bucers Bücherverzeichnis » = - : « Martin Bucers Bücherverzeichnis von 1518 », Archiv für Kulturgeschichte 57 (1975), p. 162-185. Leppin, Luther = Volker Leppin : Martin Luther, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 2006. Luther : Explications (Resolutiones) sur la dispute au sujet de l’efficacité des indulgences, 1518, WA 1, 525-628. Luther, Œuvres = Luther : Œuvres, éd. Marc Lienhard et Matthieu Arnold, t. 1, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), Paris, 1999. Luther : Sermon sur les indulgences et la grâce WA 1, 243-246. Luther, voir aussi MLO. Luther, voir aussi WA. Luther, voir aussi WA Br. MLO = Martin Luther, Œuvres [MLO], t. VIII, Labor et Fides, Genève, 1959. Schilling, « Sermon von Ablass und Gnade » = Schilling, Johannes : « Ein Sermon von Ablass und Gnade (1518) – Historische und theologische Aspekte », in Irene Dingel, Henning P. Jürgens (éd.), Meilensteine der Reformation. Schlüsseldokumente der frühen Wirksamkeit Martin Luthers, Gütersloher Verlagshaus, Gütersloh, 2014, p. 108-112. WA [Weimarer Ausgabe]. WA Br [Weimarer Ausgabe, Briefe].

6 Beatus Rhenanus und Hyldrych Zwingli 1518-1522 Peter Opitz

Der Briefwechsel: Bestandesaufnahme [1] Zwischen dem Zürcher Reformator Ulrich Zwingli und Beatus Rhenanus ist ein Briefwechsel von 30 Briefen erhalten, dies im Zeitraum zwischen dem 6. Dezember 1518 und dem 30. Juli 1522. Davon stammen 17 Briefe von Zwingli und 13 Briefe von Rhenanus1. Vollständig erhalten ist die Korrespondenz nicht. Briefe Zwinglis sind verloren gegangen2, und möglicherweise trifft dies auch auf Briefe des Rhenanus an Zwingli zu. Wir rekonstruieren das Verhältnis beider auf der Basis der vorhandenen, aber unvollständigen Quellenbasis. [2] Die intensivste Briefkorrespondenz fand zwischen Dezember 1518 und Anfang Juli 1519 statt: Mit Ausnahme des Januar 1519 werden in diesem etwas mehr als einem halben Jahr jeden Monat Briefe verfasst. 21 der 30 Briefe stammen aus diesem eher kurzen Zeitraum. In der folgenden Periode sind die Abstände deutlich größer: Mit Ausnahme der Monate März bis Mai 1521 mit 3 erhaltenen Briefen liegen diese stets mehrere Monate auseinander, bis mit Zwinglis letztem Brief an Rhenanus vom 30. Juli 1522 die Korrespondenz vollends aufgehört zu haben scheint. [3] Neben der direkten Korrespondenz der beiden taucht der Name des Rhenanus in diesem Zeitraum, besonders zwischen 1519 und 1520 auch sonst in Zwinglis Briefwechsel öfter auf, so in der Korrespondenz mit Wilhelm Nesen, Oswald Myconius, Joachim Vadian, Franciscus Cervinus aus Glarus, Johann Jakob Amman, Gerold Meyer von Knonau, Martin Bucer oder Wolfgang Capito. Nach Zwinglis letztem Brief an Rhenanus im Juli 1522 begegnet er auch sonst in der Korrespondenz nicht mehr. 1 Grundlage der folgenden Ausführungen sind die Briefe in Z VII. Die deutschen Übersetzungen der Zitate aus Zwinglis Briefen stammen, wenn nicht anders vermerkt, aus: Farner, Huldrych Zwinglis Briefe. 2 Vgl. Z VII, S. 114,1.

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6. Peter Opitz

[4] Der Zeitraum der Kommunikation zwischen Rhenanus und Zwingli ist auch für die Erforschung des Werdegangs des Zürcher Reformators von besonderem Interesse, umfasst er doch die letzte Zeit Zwinglis in Einsiedeln und die ersten Jahre seines Wirkens in Zürich. Es ist eine Zeit, in der sonstige Quelle nicht allzu reichlich fließen, in welcher aber wichtige Entscheidungen für Zwinglis weiteren Weg fallen. Rhenanus und Zwingli im Schweizer-oberdeutschen Erasmuskreis [5] Voraussetzung für die Briefkommunikation zwischen Zwingli und Rhenanus war zweifellos Zwinglis Eintritt in den Schweizeroberdeutschen Erasmuskreis. Nicht lange nach der Ankunft des Erasmus in Basel Ende August 1514 wurde Zwingli auf ihn aufmerksam. Eine wichtige Vermittlerrolle spielte dabei sein Freund Glarean, der seit dem Sommersemester 1514 in Basel war und bald ein enger Vertrauter des Erasmus wurde3. Im Kern ging dieser Kreis wohl auf humanistische Impulse und Studentenfreundschaften in Basel und Wien zurück, in dem nun intensiv über die neuste Literatur, in der Regel natürlich Editionen antiker Werke theologischer, philosophischer, historischer oder poetischer Natur, korrespondiert wurde, und in dem man sich in einer kritischen Haltung zu den kirchlich-religiösen Zuständen der Gegenwart einig war. Wenn Zwingli seinen alten Freund aus Weesen, Conrad Brunner (Fonteius)4 in Basel grüßt und alle „Liebhaber der Wissenschaften und Christi“5 mit einschließt, hat er wohl das gemeinsame Interessefeld benannt. Die Anreden und Bezeichnungen Zwinglis in den an ihn gerichteten Briefen deuten das neue Kommunikationsnetz an. Anstatt „Leutpriester oder Kirchherr von Glarus“6 wurde Zwingli nun vermehrt – wohl nicht zufällig zuerst von Erasmus, als „Philosoph und Theologe“ gegrüßt, im selben Jahr 1516 in gleicher Weise von Glarean oder Peter Tschudi7. [6] Während das geographische Zentrum dieses Kreises die Universitäts- und Druckerstadt Basel war, bildete zweifellos die Person und die publizistische Arbeit des Erasmus das geistige Gravitationszentrum. Hier ist auch Zwinglis Bekanntschaft mit Rhenanus 3 Farner, „Zwinglis Entwicklung“, S. 4f. 4 Zu Fonteius (Conrad Brunner) vgl. Z VII, S. 72. 5 Z VII, S. 139,21. 6 So noch Johannes Dingnauer am 6, Dezember 1514, Z VII, S. 31,24. 7 Erasmus: Z VII, S. 38,8; Glarean: Z VII, S. 44,14; Tschudi: Z VII, S. 46,16. Vgl.

Köhler, Huldrych Zwingli, S. 29.

6. „Rhenanus und Zwingli, 1518-1522“

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einzuordnen. Zwingli hatte persönlich mit Erasmus Kontakt aufgenommen und ihn im frühen Frühjahr 1516 in Basel besucht8. Wie früher Spanier und Gallier nach Rom gepilgert seien, um Livius lebendig zu sehen, so sei er, Zwingli, nach Basel gereist, um „den um die Wissenschaft und die Geheimnisse der heiligen Schrift so überaus Verdienten“ Gelehrten zu sehen9, formulierte Zwingli in seinem Dankesbrief an Erasmus vom 29. April 1516, und nennt ihn seinen „Herkules“10. Wohl kaum sonst in Zwinglis Korrespondenz finden sich ähnlich enthusiastische Formulierungen im Blick auf einen Menschen. [7] Zweifellos bedeutete die Begegnung mit Erasmus in Basel auch eine solche mit Beatus Rhenanus, der zu dieser Zeit als enger Mitarbeiter des Erasmus mitverantwortlich für die Edition des soeben edierten Novum Instrumentum war11. Entsprechend begann daraufhin auch die schriftliche Korrespondenz zwischen den beiden. In gewisser Weise vertrat Rhenanus in der Folge als Korrespondenzpartner den Erasmus. Dessen Brief an Zwingli vom Mai 1516 war im typischen, leicht schwülstigen Humanistenstil formuliert,12 machte aber gerade so deutlich, dass der große Gelehrte den Einsiedler Leutpriester als Mitglied im humanistischen Gelehrtenkreis anerkannte. Zugleich teilte Erasmus Zwingli aber mit, er werde demnächst in die Niederlande verreisen – und damit auch, dass der direkte Kontakt wohl nicht allzu eng sein würde13. Für diesen Kontakt bot sich Rhenanus an, der als enger Mitarbeiter des Erasmus damit beauftragt war, während dessen Abwesenheit in Basel für den Fortgang der Druck- und Publikationsarbeiten zu sorgen. Zwischen Mai 1516 und November 152114 nahm Rhenanus diese Aufgabe eines Sachwalters und Mittelsmanns des Erasmus in Basel wahr. [8] Der Name Rhenanus taucht in Zwinglis Korrespondenz denn auch erstmals in dieser Zeit auf, in einem Brief, den Wilhelm Nesen (1492-1524) am 8. Mai 1516 von Basel aus an Zwingli gesandt hatte. Nesen, der wie Rhenanus zum engeren Vertrautenkreis des Erasmus gehörte, übermittelte Zwingli die Grüße des Schlettstädter Humanisten 8 Z VII, S. 35,3f. 9 Z VII, S. 36,10-14. 10 Z VII, S. 36,2. 11 Vgl. Hirstein, Epistulae Beati Rhenani, S. XXI (Introduction). 12 Vgl. etwa die Erwähnung des Rhenanus und anderer Humanisten im Gedicht

des Erasmus über Schlettstadt in: Erasmus, Ausgewählte Schriften. Zweiter Band: Carmina selecta, S. 356-359. 13 Z VII, S. 38,1. 14 Vgl. Hirstein, Epistulae Beati Rhenani, S. XXI (Introduction).

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6. Peter Opitz

und lobte diesen dabei als einen der gelehrtesten Deutschen im Kreis der Freunde der „bonae litterae“, ein Kreis, zu dem er auch Zwingli zählte15. Rhenanus als Informant und Lieferant der neusten Basler Druckerzeugnisse [9] Multa debeo Frobenio non unis nominibus, multa pręterea tibi, quod nostrorum (mei dico oviumque mearum) tantam curam alis, ut, si quid orbis novi pariat, ut habeamus, sedulo provideas16.

So schrieb Zwingli am 7. Juni 1519 an Rhenanus nach Basel, und charakterisierte damit das Verhältnis beider in dieser Periode. Zwingli war an Neuigkeiten aus Basel interessiert, das als Universitätsstadt und Druckerzentrum gleichzeitig eine Drehscheibe war für den humanistischen intellektuellen Austausch, und ein Ort, an welchem man über Ereignisse im Reich früh unterrichtet war. Vor allem aber wollte er die neusten Druckerzeugnisse möglichst schnell in den Händen halten. Interesse hatte er besonders an Schriften aus der klassischen Antike, die er auch zu Unterrichtszwecken bestellte, etwa Schriften des Sallust17, die Historia animalium, das zeitgenössische zoologische und anthropologische Standardwerk des Aristoteles18 oder Lucians religions- und gesellschaftskritischen „Dialoge“, die Erasmus ins Latein übersetzt hatte und die Zwingli für seinen Griechischunterricht benutzen wollte19. Am 24. Mai 1519 sandte ihm Froben die eben gedruckte und Zwingli gewidmete Schrift des Tacitus: De moribus et situ Germaniae, zu welcher Rhenanus einen kleinen Kommentar verfasst hatte20. Ganze Bestelllisten für sich und andere wurden von Zürich aus an Rhenanus zur Weiterleitung an Froben gesandt21. 15 Z VII, S. 40,5f. S. 39,2f.; vgl. Nesens Erwähnung des Rhenanus im Brief aus Paris vom 5. Mai 1518, Z VII, S. 83,3f. 16 „Vieles schulde ich Froben aus mehr als einem Grunde, vieles auch Dir, weil du für uns (für mich nämlich und meine Herde) so unermüdlich besorgt bist, dass Du, wenn die Welt etwas Neues gebiert, emsig dazu siehst, dass wir’s bekommen“, Z VII, S. 181,1-3. 17 Z VII, S. 1139,13. 18 Z VII, S. 181, 21. 19 Z VII, S. 181, 18. Vgl. Z VII, S. 73,10f. (mit Anm. 7); dazu: Thompson, «Translations of Lucian». 20 Farner, „Zwinglis Entwicklung“, 16; vgl. Z VII, S. 175f. 21 Vgl. Z VII, S. 182,3-6.

6. „Rhenanus und Zwingli, 1518-1522“

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[10] Rhenanus andererseits war darum bemüht, Zwingli von den neusten Druckerzeugnissen in Frobens Druckerei, aber auch von anderen Neudrucken, zu unterrichten und ihm Interessantes auch möglichst bald zukommen zu lassen. Zweifellos hoffte er, durch Zwinglis Vermittlung und Weiterverkauf den Leserkreis in der Eidgenossenschaft vergrößern zu können. Humanistisches Bildungsund Reformanliegen und Geschäftsinteressen überschnitten sich. Transportiert wurden die Bücher etwa durch einen Fuhrmann des Kardinals Schiner22, des Bischofs von Sitten, der in dieser Zeit ebenfalls zum Erasmusfreundeskreis gehörte – bevor er später zum Mitverfasser des Wormser Edikts wurde, und der, wie Zwingli, ein Franzosengegner war. Schiner lebte seit 1517 in Zürich. Die Verbreitung von Erasmusschriften war ein besonderes Anliegen des Rhenanus, und Zwingli betätigte sich hier als Vermittler. So schrieb er am 22. Februar 1519: Myconius et „Paraclesin“ et „Compendium“ Erasmi leget quadragesimali ieiunio; opus igitur exemplaribus plurimis; mittantur23.

Und im selben Brief teilte er weiter mit: Cęterum Luther doctis omnibus Tyguri probatur et Erasmi compendium, hoc vero mihi ita, ut non meminerim tam parvo libello tantam alicubi frugem invenisse24.

Damit ist auch Luther erwähnt, über den Rhenanus den Zürcher Reformator fleißig ins Bild setzte, insbesondere über die in Basel neu gedruckten Schriften aus Luthers Feder. Zwinglis Dank blieb nicht aus25. Am 7. Mai 1519 versprach Rhenanus, Zwingli die Thesen Luthers, die dieser an der Leipziger Disputation zu verteidigen gedachte und im Voraus veröffentlicht hatte, zuzusenden26. Am 24. Mai stellte er dem Zürcher Drucke von der von Luther herausgegebenen Theologia

22 Z VII, S. 139,7. 23 „Myconius will in der Fastenzeit die Paraklesis und das Compendium des

Erasmus behandeln, er braucht also eine sehr große Anzahl Exemplare, man soll sie schicken“, Z VII, S. 139,14f. 24 „Im Übrigen findet Luther und des Erasmus Compendium bei allen Gelehrten zu Zürich Beifall, das letztere bei mir selber so sehr, dass ich mich nicht erinnere, sonst wo in einem so kleinen Büchlein so großen Gewinn gefunden zu haben“, Z VII, S. 139,15-18. 25 „Dass du mir so fleißig über M. Luther geschrieben hast, dafür danke ich Dir“ Antwortete Zwingli etwa am 22. Februar 1519, Z VII, S. 138,1f. 26 Z VII, S. 167,3-6.

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6. Peter Opitz

Deutsch27 und von Luthers Auslegung deutsch des Vaterunsers für die einfältigen Laien28 in Aussicht29. [11] Am 25. Juni 1519 bestellte Zwingli bei Rhenanus gleich „einige hundert“ Exemplare30 dieser deutschen Lutherschrift, die noch im Druck war und die er also nicht kannte. Schon vorher hatte er mitgeteilt, sie unter das Volk bringen zu wollen, pręcipue si de adorandis divis oratione dominica non nihil tractet; nam nos id vetuimus, perque iuventutem nostram plebs haud immerito solidius firmaretur altero etiam teste31.

Die Leipziger Disputation vom Juli 1519, die Bannandrohungsbulle vom Juni 1520 und die Exkommunikation Luthers im Januar 1521 hat Zwingli dann mit Interesse verfolgt, war ihm natürlich bewusst, dass diese Geschehnisse auch auf sein Werk in der Eidgenossenschaft weitreichende Folgen haben würden. Und in der Tat führten sie innerhalb kurzer Zeit zur Spaltung des Schweizer Humanistenkreises – und der Eidgenossenschaft selber. [12] Zu den Inhalten der Schriften Luthers, aber auch zu denjenigen des Erasmus, äußern sich in der Korrespondenz allerdings weder Zwingli noch Rhenanus, abgesehen von Aussagen über ihre Motivation für deren Verbreitung. So verband Rhenanus die Zusendung von Schriften Luthers an Zwingli mit der Hoffnung, Christianam renasci pietatem et puram Christi doctrinam populo tradi32.

Offensichtlich teilten beide die Meinung, die Schriften Luthers trügen dazu das Ihre bei – was für die Schriften des Erasmus ohnehin galt. [13] Zwinglis Bücherbestellung wirft zugleich ein Licht auf die Weise, in der er und Rhenanus Luther zu diesem Zeitpunkt wahrnahmen: Nicht als Verkünder eines „sola gratia“, das die Menschen von der Angst vor Gottes Zorn oder von religiösen Selbsterlösungsbemühungen befreien wollte; eher als Verkünder eines „solus Christus“ 27 WA 1, S. 375-379 (mit einer Vorrede Luthers). 28 WA 2, S. 74-130. 29 Z VII, S. 175,10-16. 30 Z VII, S. 190,10-13. 31 „besonders, wenn er sich im Herrengebet etwas über die Anbetung der

Heiligen verbreitet. Ich habe diese nämlich verboten, und da würde die Bevölkerung, wo ich doch noch so wenig lange hier bin, natürlich noch gründlicher bestärkt, wenn auch ein Zweiter dasselbe bezeugte“, Z VII, S. 181,3-10; vgl. Z VII, S. 175, Anm. 2; S. 190,10f. 32 „…dass die christliche Frömmigkeit wiedergeboren und die reine Lehre Christi dem Volke übergeben wird“, Z VII, S. 175, 5f.

6. „Rhenanus und Zwingli, 1518-1522“

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mit der Konsequenz der Bekämpfung von Abgötterei und Aberglauben, des Anspruchs des Papsttums auf geistliche Macht, der Heiligenverehrung und des Ablasswesen – und damit als Verbündeter im Bemühen um die Wiederherstellung der wahren Frömmigkeit und der reinen Lehre Christi. Die gegenseitige Hochschätzung und Freundschaft [14] Hatten schon Erasmus und Glarean Zwingli als „Philosophen und Theologen“ angeredet, so setzte sich dieser Ton bei Rhenanus fort, wie schon aus den Anreden und Grüßen seiner Briefe an den Zürcher hervorgeht. Dass dies mehr war als humanistische Rhetorik, macht etwa ein Brief des Glarner Geistlichen Franz Hirz (Franciscus Cervinus) deutlich, der Zwingli am 23. Januar 1521 mitteilte, in einem kürzlich von Rhenanus erhaltenen Brief rühme dieser den Zürcher „über alle Himmel“33. Dazu gesellten sich bald Anzeichen einer wachsenden persönlichen Freundschaftsbeziehung. Schon im ersten Brief des Rhenanus an Zwingli vom 6. Dezember 1518, dem mit Sicherheit mindestens ein verloren gegangener Brief Zwinglis an ihn vorangegangen war, und dann regelmäßig, bezeichnete Rhenanus Zwingli im Schlussgruß als „unvergleichlichen Freund“34. [15] Auch Zwingli scheint zunehmend an einer Vertiefung der freundschaftlichen Beziehung interessiert gewesen zu sein. Sind die Anreden und Grüße in den ersten Briefen Zwinglis noch eher nüchtern gehalten und dokumentieren, dass er den Schlettstädter zum Kreis der „Verehrern der Wissenschaften und Christi“ zählte35, deuten Ton und Inhalt des Briefes vom 21. März 1519, wo Zwingli sich an „seinen Rhenanus“ wendet36, auf eine wachsende Vertrautheit hin. Von nun an ließ der Zürcher Rhenanus an seinen Scherzen und an seiner Sicht der Ereignisse in einer Weise teilhaben, die die Überzeugung von der gemeinsamen Sicht der Dinge, ja der persönlichen Freundschaft voraussetzt. So beginnt der Brief vom 2. Mai 1519 mit den Worten:

33 In coelum usque attollunt „Über alle Himmel“, Z VII, S. 432,28f. 34 Z VII, S. 116,16f; vgl. S. 123,15; S. 137,16; S. 145,15; S. 148,13; S. 167,11;

S. 176,18; S. 255, 23. 35 Z VII, S. 139,21. 36 Z VII, S. 152,1.

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6. Peter Opitz Iam diu est, carissime Rhenane, quod abs te literarum nihil accepimus, ni forte amor in te meus impatiens est37.

Und er endet mit der Einladung, angesichts der Basel bedrohenden Pest nach Zürich zu kommen: Si non displiceat, divertito ad nos; sunt ędes nobis, quibus ullus Spartanus habitator possit contentus esse casu sic iubente etc. Habes rem totam, non eam solum autem, sed et nos totum38.

Knapp drei Wochen später, am 21. Mai formuliert der Zürcher: Ita enim dictioni tuę iam assueti sumus et pectoris tui arcanis, ut alium quidem eadem dicentem te tamen mentiri suspicaremur39.

Ein Zeichen der Verbundenheit waren Zwinglis Mitteilungen über seine persönliche Situation in Zürich als Streiter für die Erneuerung des Christentums, die er gelegentlich auch, zweifellos aus Gründen der Vertraulichkeit, in der gemeinsamen Humanistensprache Griechisch formulieren konnte40. Die gemeinsame theologische Überzeugung [16] „Philosoph und Theologe“, „Verehrer der Wissenschaft und Christi“ – so haben sich Rhenanus und Zwingli angeredet. Lässt sich das Zwingli und Rhenanus verbindende Anliegen der „Wiedergeburt des Christentums“ aus dem Geist der Antike noch etwas genauer fassen? In seinem ersten Brief an Zwingli vom 6. Dezember 1518 formuliert Rhenanus die für ihn wohl wichtigsten Überzeugungen des Erasmuskreises, die er zweifellos auch von Zwingli geteilt sah und sich dessen wohl damit auch vergewissern wollte: neque enim me latet, te tuique similes purissimam Christi philosophiam ex ipsis fontibus populo proponere, non Scoticis aut Gabrielicis interpretationibus depravatam, sed ab Augustino, Ambrosio, Cypriano, Hieronymo germane et sincere expositam. 37 „Es ist schon lange her, liebster Rhenanus, seit ich von dir einen Brief erhielt, falls nicht etwa meine Liebe zu dir ungeduldig ist“, Z VII, S. 164,1f. 38 „Wenn es dir passt, so siedle zu uns über. Ich habe ein Haus, mit dem notfalls ein Bewohner Spartas zufrieden sein könnte. Alles steht dir zur Verfügung, und zu allem hinzu auch noch meine Person“, Z VII, S. 164,17-20. 39 „So gut bin ich mit deiner Ausdrucksweise und den Geheimnissen deines Herzens vertraut, dass ich einen anderen, der die gleichen Worte brauchte, im Verdacht hätte, er wolle sich für dich ausgeben“, Z VII, S. 171,3-5. 40 Vgl. etwa Z VII, S. 182,7f.

6. „Rhenanus und Zwingli, 1518-1522“

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Deblatterant illi nugas in eo loco stantes, ubi, quicquid dicitur, populus verissimum esse putat, de pontificia potestate, de condonationibus, de purgatorio, de fictis divorum miraculis, de restitutione, de contractibus, de votis, de penis inferorum, de Antichristo. At vos pro concione dicentes universam Christi doctrinam breviter velut in tabella quadam depictam ostenditis: propterea missum in terras a deo Christum, ut doceret nos voluntatem patris sui, ut ostenderet mundum hunc, hoc est divitias, honores, imperium, voluptates et hoc genus alia plane contemni debere, caelestem vero patriam toto pectore quaerendam; ut doceret nos pacem et concordiam ac pulchram rerum omnium communionem (nam nihil aliud est Christianissimus), qualem olim Plato magnis annumerandus prophetis utcunque in sua republica somniasse visus est, ut adimeret nobis stultos terrenarum rerum affectus in patriam, in parentes, in cognatos, in sanitatem et in caetera bona, ut paupertatem et reliqua huius vitae incommoda non esse mala declararet; nam eius vita doctrina est, omnem humanam excellens41.

[17] Die wichtigsten Punkte seien hervorgehoben: 1. Die gemeinsam erstrebte Erneuerung des Christentums muss durch den Gang „ad fontes“ erfolgen. Ziel ist eine Erneuerung des Christentums – Rhenanus kann auch den Ausdruck der „Wiedergeburt“ (Renaissance) verwenden – durch den Rückgang auf die „reinste Philosophie Christi“, geschöpft „aus den Quellen selber“. Zwingli hat in seinen späteren, in verschiedenen Kontexten geäußerten Selbstzeugnissen für seine entscheidende Einsicht und seinen Entschluss, im Blick auf das Christentum „ad fontes“ zu gehen, den Zeitraum 1515 bis 41 „Ich weiss wohl, dass du [Zwingli] und deinesgleichen dem Volke die reinste Philosophie Christi aus den Quellen selber darlegen, nicht wie sie durch die Auslegungen eines Duns Scotus oder Gabriel Biel verderbt, sondern wie sie von Augustin, Ambrosius, Cyprian, Hieronymus aufrichtig und lauter erklärt ist. Während die anderen, wenn sie da stehen, wo jedes Wort für Wahrheit gehalten wird, ihr Geplapper von der Gewalt des Papstes, vom Ablass, vom Fegefeuer, von erdichteten Wundern, von Gelübden oder von den Höllenstrafen vorbringen, legt ihr in eurer Predigt den Hauptinhalt der Lehre Christi wie auf einer Tafel gemalt dar, wie Christus dazu von Gott auf die Erde gesandt ist, dass er uns den Willen des Vaters lehre und uns dazu bringe, die Welt mit ihrem Reichtum, ihrer Ehre, ihrer Herrschaft und Gewalt zu verachten und dafür das himmlische Vaterland mit ganzem Herzen zu suchen; dass er uns zum Frieden, zur Eintracht und zur schönen Gemeinschaft unserer Güter ermahne – denn in nichts anderem besteht das Wesen des Christentums -, welche einst Plato, der zu den großen Propheten zu zählen ist, in seiner ‚Republik‘ geträumt zu haben scheint, damit er uns die eitle Liebe zu dieser Welt hinwegnehme und uns dazu anleite, die Armut und das Ungemach dieses Lebens nicht als Übel anzusehen. Denn sein Leben ist die Lehre, die alles Menschliche überragt“. Brief des Rhenanus an Zwingli vom 6. Dezember 1518 (Z VII, S. 115, 10 S. 116, 7). Übersetzung durch den Vf., unter Verwendung der Übersetzungen von Farner, „Zwinglis Entwicklung“, S. 14 und Staehelin, Huldreich Zwingli, S. 91. Leicht anders übersetzt Farner, „Zwinglis Entwicklung“, S. 70.

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6. Peter Opitz

1516 angegeben. Dabei hat Rhenanus wohl mehr eine Bewegung im Blick als eine deutliche Vorstellung von bestimmten lehrmäßige Inhalte des wahren Christentums, und ebenso wenig vertritt er die Haltung, dass die Bibel dessen einzige Quelle und Norm sein dürfe. Es geht ihm aber entschieden darum, die unverdorbene „Lebenslehre“ Christi – so ist der Ausdruck „philosophia“ zu übersetzen – wieder ans Licht zu bringen. Ziel ist somit eine „Reinigung“ der Christuserkenntnis von allerlei später dazu gekommenem Unrat. Dass hier die Kirchenväter näher an der Sache sind als jüngere und gegenwärtige Theologen, versteht sich von selbst. Dies entspricht der Intention Zwinglis, der noch 1522 seine Aufgabe als „Reinigung“ des verschmutzen Angesichts Christi bezeichnen konnte42 und sich intensiv der Kirchenväterlektüre widmete, besonders den Bibelauslegungen. 2. Wahres Christentum besteht in der auf persönlicher Entscheidung beruhenden, weltverachtenden Christusnachfolge. Es ging dem Schlettstädter Humaniste also nicht so sehr um lehrmäßige „orthodoxe“ Anschauungen, sondern um einen existenziellen Lebensvollzug, bestehend in der Verachtung der in der Welt geltenden Werte wie Reichtum, Ehre, Macht und Gewalt und einem Streben nach dem künftigen, nicht mehr irdischen Leben mit der Kehrseite der Selbstverleugnung und Leidensbereitschaft. Hier zeigt sich die Nähe des (christlichen) Humanismus zu spätmittelalterlichen Frömmigkeitsbewegungen wie der devotio moderna. 3. Wahres Christentum beschränkt sich aber nicht auf individuelle Frömmigkeit, sondern äußert sich im Eintreten für Frieden und Eintracht unter den Menschen. So nennt Rhenanus als irdische, politisch-soziale Folge dieses wahren Christentums Frieden, Eintracht und Gütergemeinschaft. Als politisches Ideal, das daraus entspringt, stellt er die „Republik“ Platons vor, und zählt den griechischen Philosophen zu den Propheten. Im Unterschied zu Zwingli, der als Volkspriester in diesem Sinne praktisch-kirchlich und als Eidgenosse auch politisch tätig war, blieb dieser Gedanke bei Rhenanus, dem stets mit Editionsarbeiten beschäftigten Liebhaber der „bonae litterae“, eher im Bereich des theoretisch Wünschbaren. Immerhin: Wenn Zwingli nach 1515 immer entschiedener gegen kriegerische Aktivitäten und eine entsprechende Bündnispolitik der Eidgenossen Stellung bezog, so hatte er in Rhenanus einen geistigen Verbündeten. In seiner an den Luzerner Hans Jakob Zurgilgen gerichteten Dedikationsepistel vom

42 Vgl. Z I, S. 133,5-9.

6. „Rhenanus und Zwingli, 1518-1522“

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9. Dezember 151843 zu der von ihm 1518 in Basel herausgegebenen Schrift Marcellus Vergils De militiae laudibus oratio lobt Rhenanus den Schweizer Humanistenkreis als hoffnungsvolles Zeichen dafür, dass die Schweizer künftig stärker dem Frieden als dem Krieg zugeneigt sein würden, und stellt namentlich Zwingli an dessen Spitze: Quanquam nuper, postquam disputatrici isti theologiae, Christum ad Aristotelem non pessimum forsan philosophum, sed tamen gentilem, tam impudenter torquenti, persona detrahi coepit, pacis studium probantibus cunctis amplecti visi sunt et bellum ut rem pestiferam et Christianis indignam execrari, cohortantibus ad hanc rem Huldericho Suinglio, Thoma Vuittenbacchio, Conrado Fabro, Gregorio Bintzlio, Nicolao Bauaro, Ioanne Frygio, Henrico Lupulo, et aliis evangelicae doctrinae et non humanarum traditionum doctoribus44.

Während Rhenanus zwischen scholastischer Theologie und Kriegsmentalität einen engen Zusammenhang sah, lag umgekehrt die Verbindung von humanistischer Bildung – aus den Quellen der „evangelischen Wahrheit“ und im Unterschied zu “menschlicher Überlieferung„ – und Friedensliebe für ihn auf der Hand. Zwinglis politisches Eintreten gegen das „Reislaufen“ in der Eidgenossenschaft war für Rhenaus vorbildlich. 4. Damit ist Kritik an der scholastischen Theologie verbunden: Sie hat die ursprüngliche reine christliche Lehre bis zur Unkenntlichkeit verdunkelt. Die ursprüngliche „Philosophie Christi“ war demgegenüber klar und einfach. Ganz analog Zwingli, der den humanistischen Häuptern als den ruhigen und eleganten „Schwänen“ die scholastischen Theologen als schnatternde „Gänse“ gegenüber stellt45. 5. Aus der Kritik an der mittelalterlichen Theologie folgt die Kritik an der kirchlichen Lehre und religiösen Praxis der Gegenwart: Leeres Geschwätz sind die Lehre von der Gewalt des Papstes, vom Ablass, 43 Vgl. H, S. 124f. 44 „Nachdem man angefangen hat, der zanksüchtigen Theologie, welche Christus

in fahrlässiger Weise unter die Herrschaft des Aristoteles (vielleicht nicht der schlechteste Philosoph, aber doch ein heidnischer) zu bringen versuchte, die Maske abzunehmen, ist [bei den Schweizern] der Sinn für den Frieden zu allgemeinem Wohlgefallen erwacht, und sie beginnen den Krieg als etwas verderbliches und eines Christen unwürdiges zu verfluchen; namentlich durch Männer wie Huldrych Zwingli, Thomas Wyttenbach, Konrad Schmid, Gregorius Bünzli, Nikolaus Baier, Johann Frey, Heinrich Lupulus und andere Lehrer der evangelischen Wahrheit, nicht der menschlichen Überlieferung, werden sie dazu ermahnt“, Marcelli Virgilii de militiae laudibus oratio Florentiae dicta. Apud inclytam Basileam. [Ioannem Froenium mense Decembri an. MDXVIII], 2 [UB Basel, Signatur: DB IX 73:6]. 45 Vgl. den Brief vom 25. März 1519, Z VII, S. 158,14.

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vom Fegefeuer, von Wallfahrten und genugtuenden religiösen Werken und von Höllenstrafen, ebenso wie die angeblichen Wunderberichte. Die Kritik des Rhenanus zielte somit auf eine veräußerlichte Religiosität, in welcher die Gottesrelation verdinglicht und einem Handel unterworfen wurde, und sie enthielt im Kern durchaus die Kritik am gesamten Anspruch der römischen Kirche, legitime Verwalterin der menschlichen Gottesbeziehung zu sein. Das Auseinandergehen der Wege [18] Während die erste Phase des Briefwechsels zwischen Rhenanus und Zwingli im unmittelbaren zeitlichen Umfeld der Leipziger Disputation Luthers stattfand, dokumentiert die zweite Phase indirekt das Auseinanderbrechen des Erasmuskreises nach dem endgültigen Bruch von Papst und Kaiser mit Luther und allen seinen Sympathisanten. [19] Blicken wir auf Rhenanus, so zeugt sein Brief vom 10. Januar 1520 noch von einer ungebrochenen herzlichen Verbundenheit mit dem Zürcher Reformator, die auch die Verbundenheit im Anliegen einschloss46. Allerdings liegen zwischen diesem und dem letzten Brief, den Rhenanus am 30. Mai 1521 an Zwingli schrieb, fast 17 Monate, und dieser letzte Brief war nicht mehr als ein kurzes, notizenhaftes Empfehlungsschreiben für seinen Überbringer. Hatte Rhenanus am 10. Januar 1520 Zwingli noch – wie bis anhin – als „herausragenden Mann“ und „unvergleichlichen Freund“ gegrüßt und im gleichen Atemzug von Konrad Schmid, Vadian und Glarean uneingeschränkt als von gemeinsamen Freunden gesprochen, bestand der Gruß dieses allerletzten kurzen Schreibens in einem bloßen „Bene vale“. Immerhin bezeichnet er ihn dort noch als „herausragenden Lehrer und Prediger“47. Als Datum ist anstelle der üblichen römischen Kalendernamen angegeben: In die celebrationis corporis Christi48. Wenige Tage zuvor, am 26. Mai, war das Wormser Edikt von den dort versammelten Reichsständen unterzeichnet und offiziell bekannt gemacht worden. Es scheint, dass Rhenanus die damit von Papst und Kaiser gesteckten Grenzen nicht überschreiten wollte. [20] Aufseiten Zwinglis sah es zu diesem Zeitpunkt noch anders aus: Er hat danach noch drei Briefe an Rhenanus verfasst, und zumindest 46 Z VII, S. 253-255. 47 eximio magistro … concionatori, Z VII, S. 459,9. 48 Z VII, S. 459, 9.

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die ersten beiden machen deutlich, dass er Rhenanus noch auf seiner Seite zu wissen glaubte, auf der Seite der Parteinahme für sein und Luthers Anliegen trotz des Wormser Edikts. Was den Schlettstädter zu einem „lieben Freund“ Zwinglis machte, war wohl von Anfang an das gemeinsame Anliegen, Christus wieder zur Geltung zu bringen – so stellte es sich in Zwinglis Augen dar. Bereits am 21. Mai 1519, wenige Monate nach Antritt der Zürcher Leutpriesterstelle, hatte er etwa formuliert: Tam est tibi curę Christus ille germanus, ut non ¢tÒpwj nos confirmaris in olim instituto prędicandi munere, immo animaris49.

Zwinglis Optimismus im Blick auf das gemeinsame Anliegen blieb lange bestehen: Sein Brief vom 25. März 1522 dokumentiert, dass er immer noch an eine von Erasmus und Luther gemeinsam geförderte Erneuerungsbewegung der Christenheit glaubte, und zugleich, dass er Rhenanus, dessen besondere Nähe zu Erasmus ihm wohl bewusst war, noch von derselben Überzeugung beseelt ansah. Offenbar hatte er aus einem Brief von Glarean vom 4. März 1522 erfahren, dass ein offener Streit und damit eine Spaltung zwischen Erasmus und Luther drohte. Nun schlug er Rhenanus vor, dieser solle mit Erasmus sprechen und gleichzeitig Konrad Pellikan bitten, Luther zu schreiben, um einen solchen Bruch zu verhindern50. Allerdings beginnt dieser Brief Zwinglis mit der Bemerkung: „du schreibst mir spärlicher, als ich möchte“, und seine Andeutung, dass dies wohl nicht am Preis des Briefpapiers läge, deutet auf eine Ahnung Zwinglis hin, dass die Gründe auch überzeugungsmäßiger Art sein könnten. Darüber hinaus und wohl um die Verbindung wieder zu stärken, lud Zwingli Rhenanus ein, zusammen mit Erasmus zu einem Besuch nach Zürich zu kommen: „Du würdest mir die allergrößte Freude machen“51. Rhenanus machte ihm die Freude nicht. [21] Zwinglis letzter erhaltener Brief an Rhenanus wurde am 30. Juli 1522 verfasst. „Ich weiß ja“, so Zwingli dort an Rhenanus, „du bist mir so gewogen, dass ich dir jedes Mal einen großen Gefallen erweise, wenn ich dir melde, was bei uns läuft“52. Allerdings scheint Zwingli diese Gewissheit eher zu suchen als bloß festzustellen. Er berichtet in der Folge – nicht ohne Genugtuung – von den eben 49 „So sehr bist du besorgt, den reinen Christus wieder zur Geltung zu bringen, dass du mich in dem vor einiger Zeit begonnenen Predigtamt in nicht geringer Weise bestärkst und ermutigst“, Z VII, S. 171, 3-7. 50 Z VII, S. 497,9-10. 51 Z VII, S. 497,20f. 52 Z VII, S. 548,1-5.

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erfolgten, für ihn siegreich ausgegangenen Disputationen mit Franz von Lambert und den Lesemeistern der drei Stadtklöster: Nachdem die das Gespräch leitende Ratsdelegation letzteren befohlen hatte, künftig auf die scholastische Theologie zu verzichten und sich allein „an die heiligen Schriften zu halten, die in der Bibel enthalten sind“, hätte der Lesemeister der Dominikaner die Stadt verlassen53. [22] Wie sich Rhenanus als enger geistiger Verwandter des Erasmus im Sommer 1522 genau zu Zwingli stellte, über ein Jahr nach seinem letzten kurzen Brief an den Zürcher Reformator, kann nur vermutet werden. Anfang September 1522 ermahnte jedenfalls Erasmus Zwingli brieflich, weniger kämpferisch und dafür mit mehr Klugheit für Christus zu streiten, eine Ermahnung, die er wenige Tage später, am 8. September wiederholte54. Zwingli hatte ihn angesichts der zunehmenden Angriffe von Dominikanischen Theologen55 offenbar in einem verloren gegangenen Brief eingeladen, nach Zürich zu kommen – und somit zugunsten der Reformation Stellung zu nehmen, was dieser ablehnte. Stattdessen forderte Erasmus vom Zürcher nach der Lektüre einiger Seiten von dessen Apologeticus Archeteles im Namen des doch ursprünglich gemeinsam vertretenen „Evangeliums“ mehr Zurückhaltung, Bescheidenheit und Klugheit56. Es ist nicht davon auszugehen, dass sich im Schweigen des Rhenanus eine von Erasmus grundsätzlich abweichende Haltung ausdrückte. Auch Erasmus orientiert sich in der Datierung seines Briefes nun an der Kirchensprache, wenn er den 8. September 1522 mit Natali virginis matris angibt. Es kommt einem Ausschluss aus dem von ihm angeführten Humanistenkreis gleich, wenn er Zwingli dort noch als pastor Turicensis bezeichnet57. [23] Überblickt man den gesamten Briefwechsel, ergibt sich der Eindruck, dass in der ersten Phase die größere Initiative von Rhenanus ausging, der bemüht war, Zwingli in den Erasmuskreis hineinzuziehen bzw. ihn darin zu festigen. Gemeinsam war das Interesse am Rückgang zu den Quellen und an der – christlichen und weltlichen – Literatur der Antike, gemeinsam war auch die Kritik an den gegenwärtigen kirchlich-religiösen Missständen, bestehend aus kirchlichem Machtmissbrauch, veräußerlichter Religiosität, Aberglaube 53 Am 16. Juli mit Franz Lambert, am 21. Juli mit den drei Lesemeistern und Predigern der drei städtischen Ordensklöstern, Z VII, S. 549; Z I, S. 329. 54 Z VII, S. 580f.; 582. 55 Z VII, S. 580. 56 Z VII, S. 582. 57 Z VII, S. 582, 10.13.

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und Heuchelei, theologisch zurückführbar oder doch eng verbunden mit der mittelalterlichen Scholastik. Gemeinsam war auch die Überzeugung, dass sich Kriegsführung und Kriegsdienst nicht mit wahrem Christentum verbinden lässt. [24] Umgekehrt scheint in der zweiten Phase Zwingli stärker am Austausch und am bleibenden Konsens interessiert gewesen zu sein. Nach dem Wormser Edikt, das eine Entscheidung nun unvermeidbar gemacht hatte, bemühte er sich vergeblich, Rhenanus ebenso wie Erasmus für die Seite der Reformation zu gewinnen. Dabei deutet sich an, dass Zwinglis Humanismus schon immer im Gravitationsfeld der Erneuerung des Christentums zur wahren Christlichkeit gestanden hat und also religiös-theologisch orientiert war. Das Hauptinteresse des Rhenanus andererseits war und blieb die Belebung und Förderung der – im damaligen Sinn – „wissenschaftlich“-literarischen Studien aus dem Geist der Antike. Die Freiheit, sich sein Denken nicht von einer Kirchenlehre vorschreiben zu lassen, beinhaltete dies allemal. Im Konflikt mit den kirchlich-politischem Mächten sein Leben zu riskieren, sah er nicht als seine Aufgabe an, im Unterschied zum Zürcher Leutpriester. Quellen Erasmus, Ausgewählte Schriften = Werner Welzig (Hg.): Erasmus von Rotterdam. Ausgewählte Schriften. Ausgabe in acht Bänden, Darmstadt, 1967-80. Farner, Huldrych Zwinglis Briefe = Farner, Oskar (Hg.): Huldrych Zwinglis Briefe, 2 Bde., Zürich, Rascher, 1918-1920. Farner, „Zwinglis Entwicklung“ = Farner, Oskar: „Zwinglis Entwicklung zum Reformator nach seinem Briefwechsel bis Ende 1522. 1. 2. Teil», Zwingliana 3/1 (1913), p. 1-17; 3/2 (1913), p. 33-45. Hirstein, Epistulae Beati Rhenani = Hirstein, James (Hg.): Epistulae Beati Rhenani. La correspondance latine et grecque de Beatus Rhenanus de Sélestat, édition critique raisonnée, avec traduction et commentaire, Bd. 3, Turnhout, Brepols, 2013. H = Horawitz, Adalbert/Hartfelder, Karl (Hg.): Briefwechsel des Beatus Rhenanus, Leipzig, Teubner, 1886. Köhler, Huldrych Zwingli = Köhler, Walther: Huldrych Zwingli. Durchgesehen und neu hg. von Ernst Koch, Leipzig, Koehler Amelang, 1983 (1. Aufl. 1943).

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Köhler, Huldrych Zwinglis Bibliothek = - : Huldrych Zwinglis Bibliothek. (Neujahrsblatt auf das Jahr 1921. Zum Besten des Waisenhauses in Zürich, Nr. 143), Zürich, Beer, 1921. Staehelin, Huldreich Zwingli = Staehelin, Rudolf: Huldreich Zwingli. Sein Leben und Wirken nach den Quellen dargestellt. Bd. 1: Die reformatorische Grundlegung, Basel, Schwabe, 1895. Thompson, «Translations of Lucian» = Thompson, C. R.: «The Translations of Lucian by Erasmus and S. Thomas More», Revue belge de philologie et d’histoire 18/4 (1939), p. 855-881; 19/1 (1940), p. 5-35. WA = D. Martin Luthers Werke. Kritische Gesammtausgabe, 67 Bde., Weimar, Böhlau, 1883-1997. Z VII = Egli, Emil u.a. (Hg.), Huldreich Zwinglis sämtliche Werke (Corpus Reformatorum 94), Leipzig, Heinsius, 1911. Dort die Briefe: Nr. 49 Beatus Rhenanus an Zwingli - Basel, 6 XII 1518; Nr. 53 Beatus Rhenanus an Zwingli - Basel, 26 XII 1518; Nr. 59 Beatus Rhenanus an Zwingli - Basel, 13 II 1519; Nr. 60 Zwingli an Beatus Rhenanus - Zürich, 22 II 1519; Nr. 63 Beatus Rhenanus an Zwingli - Basel, 8 III 1519; Nr. 64 Zwingli an Beatus Rhenanus Zürich, 9 III 1519; Nr. 65 Beatus Rhenanus an Zwingli - Basel, 13 III 1519; Nr. 66 Beatus Rhenanus an Zwingli - Basel, 19 III 1519; Nr. 67 Zwingli an Beatus Rehananus - Zürich, 21 III 1519; Nr. 70 Zwingli an Beatus Rhenanus - (Zürich), 25 III 1519; Nr. 71 Beatus Rhenanus an Zwingli - Basel, 4 IV 1519; Nr. 73 Zwingli an Beatus Rhenanus - Zürich, 24 IV 1519; Nr. 74 Zwingli an Beatus Rhenanus - Zürich, 2 V 1519; Nr. 75 Beatus Rhenanus an Zwingli - Basel, 7 V 1519; Nr. 77 Zwingli an Beatus Rhenanus - Zürich, 21 V 1519; Nr. 78 Beatus Rhenanus an Zwingli - Basel, 21 V 1519; Nr. 79 Beatus Rhenanus an Zwingli - Basel, 24 V 1519; Nr. 82 Zwingli an Beatus Rhenanus - (Zürich), 7 VI (1519); Nr. 86 Zwingli an Beatus Rhenanus - (Zürich), 25 VI 1519; Nr. 87 Zwingli an Beatus Rhenanus - Zürich, 2 VII 1519; Nr. 88 Beatus Rhenanus an Zwingli - Basel, 2 VII 1519; Nr. 114 Beatus Rhenanus an Zwingli Schlettstadt, 10 I 1520; Nr. 144 Zwingli an Beatus Rhenanus Zürich, 17 VI 1520; Nr. 156 Zwingli an Beatus Rhenanus - Zürich, 12 X 1520; Nr. 173 Zwingli an Beatus Rhenanus - Zürich, 8 III 1521; Nr. 176 Zwingli an Beatus Rhenanus - Zürich, 5 IV 1521; Nr. 182 Beatus Rhenanus an Zwingli - Basel, 30 V 1521; Nr. 188 Zwingli an Beatus Rhenanus - Zürich, 8 IX 1521 (F: 11.9.); Nr. 199 Zwingli an Beatus Rhenanus, Zürich, 25 III 1522; Nr. 222 Zwingli an Beatus Rhenanus - Zürich, 30 VII 1522.

7 Une source essentielle pour les années 1519-1522 : les lettres de l’élève-serviteur de Beatus Rhenanus, Albert Burer Chantal Marchand

[1] C’est une source clé pour les activités et la pensée de Beatus Rhenanus en rapport avec les mouvements de réforme pour les années 1519 à 1522 que nous présentons ici : les vingt-sept lettres qu’Albert Burer de Brugg1, son famulus, lui a envoyées durant cette période2. [2] En effet, une correspondance naît de la nécessité de communiquer parce qu’il y a absence ou séparation : il s’agit bien de cela puisque le maître Beatus Rhenanus va s’éloigner de son famulus ou son « élève-serviteur ». C’est la traduction du mot proposé par Franz Bierlaire, dont les travaux sur La Familia d’Erasme sous-tendent l’ensemble de cet exposé3. En effet, Beatus laisse Albert Burer à Bâle, où l’humaniste demeure depuis huit ans, pour rejoindre Sélestat, sa ville natale et résidence de son père. Nous sommes en août 1519 et une terrible épidémie de peste le contraint à fuir la cité4. Burer a accompagné et aidé Beatus à Sélestat lors de son déménagement 1 Pour ce qui est de l’orthographe du nom, nous suivrons ici celle proposée par les premiers éditeurs de la correspondance de Beatus Rhenanus, Adalbert Horawitz et Karl Hartfelder, en 1886 (= Rhenanus Briefwechsel, Horawitz et Hartfelder : pour plus de commodité = H.). Mais il faut noter qu’un historien de sa ville natale écrit « Albert Bürer » (Banholzer, „Geschichte Brugg“, p. 162, 193, etc.), que Willy Brändly écrit parfois « Burer » (Brändly, « Lucernensia », p. 56) parfois « Bürer » (Brändly, „Bürer über Luther“, p. 176), et que les éditeurs scientifiques de la correspondance de Heinrich Bullinger écrivent « Albrecht Bürer » (Bullinger Briefwechsel, vol. 3, Zsindely et Senn, p. 49, n. 5 et Bullinger Briefwechsel, vol. 12, Henrich, Kess et Moser, p. 31, n. 9 et p. 61, n. 18). 2 Pour les 10 premières lettres (= H, lettres 124, 125, 128, 129, 130, 131, 133, 134, 136 et 137), nous nous sommes inspirée du texte et de la traduction proposés par Madame Laure Kloetzlen dans son mémoire de maîtrise (= Kloetzlen, Corr. de Rhenanus : 10 lettres de Burer). 3 Bierlaire, La Familia d’Erasme, p. 7. 4 Walter, Anthologie, p. 28-29.

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provisoire, mais en est revenu seul5. Il n’a pas peur de la peste6 et va assurer la liaison entre Bâle et Sélestat durant une année, jusqu’à la miseptembre 1520, puis encore de novembre 1520 à fin décembre 1520 au moment de la mort du père de Beatus, survenue le 21 novembre de cette année. Il déménage ensuite à Wittenberg d’où il écrit à Rhenanus les trois dernières lettres que nous avons conservées de lui, la dernière datant du 27 mars 1522. Nous allons prendre connaissance de ce qui aurait pu se dire de vive voix entre maître et famulus si la séparation n’avait pas eu lieu. En effet, paradoxalement, le départ de Bâle de Rhenanus nous renseigne sur ses activités quotidiennes dans cette même ville, en raison de ses nombreux contacts et projets en cours. Suivant son habitude, Rhenanus n’a pas jugé bon de garder des copies de ses propres lettres7. C’est seulement un accident de transmission qui nous a permis de garder l’une d’elles8. [3] Qu’est-ce qu’un famulus au XVIe siècle ? La Familia est alors l’ensemble des individus attachés au service d’une maison9. Le famulus y occupe des fonctions variées. Franz Bierlaire s’appuyant, entre autres, sur un traité de morale pratique de Gilbert Cousin10, nous montre que le statut du famulus est codifié, et qu’un véritable contrat fixe des règles précises entre les deux partenaires. Le famulus est en effet un « serviteur appointé11 », ce qui scelle de manière clairement établie un engagement au service du maître. Il lui doit une obéissance 5 H, lettre 124, p. 170. 6 Voir H, lettre 128, p. 177. 7 Voir Rhenanus, EBR, vol. 1, Hirstein, p. XLII-XLIII. 8 Le « cahier d’étudiant » de Beatus Rhenanus, le manuscrit 58, conservé à la

Bibliothèque Humaniste de Sélestat (= BHS), nous éclaire en effet sur ses habitudes de travail : les premiers feuillets datent de ses années d’études à Paris, de 1503 à 1507, et sont constitués de notes de cours. Beatus a réutilisé par la suite des feuillets restés vierges durant la période qui nous intéresse ici, lors de son retour à Sélestat, le cahier n’ayant probablement pas quitté la maison paternelle. Pour ce second moment d’écriture, on dénombre 7 brouillons ou copies autographes de lettres de BR, écrites entre fin août 1519 et mi-septembre 1520. Ce sont là les seules lettres manuscrites écrites par Beatus et gardées par lui dont dispose la BHS. Le premier feuillet est un enregistrement des frais funéraires occasionnés par l’enterrement de son père décédé le 21 novembre 1520, le dernier, une copie d’un acte notarié du 30 mai 1520. L’absence de copies ou de brouillons de lettres envoyées, notamment à Burer, montre par défaut que Beatus s’en débarrassait après l’envoi de ses lettres.Voir l’article de Hirstein, « Le bilinguisme au XVIe siècle », p. 34-36. 9 Bierlaire, La Familia d’Erasme, p. 17. 10 OIKETHΣ siue de officio famulorum, voir Bierlaire, La Familia d’Erasme, p. 113-119. 11 Bierlaire, La Familia d’Erasme, p. 24.

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fidèle et la confiance indispensable est mise à l’épreuve pendant quelque temps. Logé, nourri, habillé par le maître, il est homme à tout faire à la maison, mais aussi, quand il est famulus d’un humaniste, « copiste, secrétaire, collationneur, correcteur d’épreuves... à l’occasion traducteur12 » ou encore messager. En retour le maître lui transmet son savoir, par exemple « les arts libéraux, les belles lettres et les belles manières13 ». [4] Notre travail propose donc d’examiner, en suivant la chronologie de la correspondance, dans une première partie, les conditions de ce contrat que nous découvrirons au fil des lettres du 31 août au 12 novembre 1519 puis, dans une deuxième partie, l’évolution des fonctions occupées par Burer du 12 novembre au 18 décembre 1520 et enfin, en troisième partie, l’aboutissement pour nous des relations entre Burer et Beatus dans les dernières lettres du famulus écrites depuis Wittenberg du 30 juin 1521 au 27 mars 1522. Un élève-serviteur sous contrat, 31 août 1519-12 novembre 1519 [5] Qui est Albert14, ce jeune homme que Beatus a peut-être reçu à Bâle comme étudiant à ses « érudites leçons15 » ? Nous savons de lui qu’il est originaire de Brugg sur l’Aar, en Suisse, d’où son surnom latin Pontanus. Il est le fils de Hans Burer, greffier municipal de Brugg et ensuite intendant du cloître de Königsfelden, couvent de Clarisses près de Brugg dans le canton d’Argovie16. Nous ne savons pas quelle école latine il a pu fréquenter, même s’il a vraisemblablement suivi les cours de l’école latine de Brugg. Il s’est inscrit à l’université de Bâle en 151417 ; notons qu’à cette époque on entrait à l’université vers l’âge de 14 ans. Franz Bierlaire18 précise que les famuli ont aux alentours de 20-25 ans, et sont souvent de modestes étudiants universitaires « parcourant l’Europe pour parfaire leur formation au contact des grands maîtres du temps ». Nous n’avons pas non plus de renseignements sur la période qui sépare l’inscription à l’université de Bâle et le 12 Ibid., p. 31. 13 Ibid., p. 25. 14 Pour une biographie sommaire, voir Hilgert, “Froben & Scholars”, p. 163-164. 15 Walter, Anthologie, p. 204. 16 Banholzer, „Geschichte Brugg“, p. 156-157. 17 „Albertus Burer de Bruck Const. dyoc.-- VI ss.“ (Wackernagel, Matrikel,

p. 320 n° 22 (1514)). 18 Bierlaire, La Familia d’Erasme, p. 20.

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moment où Burer entre véritablement au service de Beatus Rhenanus. Il a également écouté les leçons de Heinrich Glareanus dans son école privée à Bâle19 ; l’humaniste suisse y avait ouvert en 1514 une institution scolaire qui était en même temps un pensionnat pour une trentaine de jeunes gens venus des divers cantons suisses20, et Burer y a sans doute développé son goût du latin et du grec. [6] Dès 1517, le 28 avril, il se fait remarquer auprès de Rhenanus par son désir d’apprendre, comme nous l’indique cette mention dans l’épître dédicatoire d’un ouvrage d’Erasme que le Sélestadien adresse à Johann Frey de Baden (en Argovie) : « Albert Burer de Brugg, remarquable jeune homme, passionné de l’une et l’autre langue21. » Burer semble alors faire office de messager dans le domaine suisse, entre Lenzburg en Argovie et Bâle, mais il n’est pas sûr qu’à ce moment-là il soit déjà le famulus attitré de Rhenanus. Une lettre du 2 janvier 1518, écrite par le Sélestadien à l’intention des « candidats aux lettres grecques » sous le nom de Johann Froben et destinée à présenter un ouvrage pour les hellénistes débutants, peut indiquer un lien plus étroit entre Burer et le Sélestadien. En effet, afin d’évoquer l’éclat du monde littéraire à Bâle, Rhenanus dresse une liste, d’abord, des « illustres lumières de la vraie érudition », ensuite, de leurs disciples. Le nom de Rhenanus se trouve dans le groupe des « lumières », celui de Burer dans le groupe des disciples. La correspondance entre les noms des deux groupes n’est pas parfaite22, mais la présence de celui de Burer montre en tout cas qu’il fait partie de ce monde, à la place qui est la sienne. [7] Or le statut de Burer est très clair dans la première lettre adressée à Rhenanus, le 31 aôut 1519, car il se désigne dans l’en-tête comme le « famulus qui adresse le salut à son maître, le disciple à son

19 Sieber, „Glarean in Basel“, p. 64. 20 Id., p. 60 et Margolin, « Glarean et Myconius », p. 147-148. 21 Egregius iuuenis Albertus Burerius Pontanus, utriusque linguae studiosus dans

Rhenanus, EBR, vol. 1, Hirstein, p. 756-757/Ep. 89 : Epître dédicatoire au Scarabeus d’Erasme. 22 …illustria uerae eruditionis lumina, Des[iderius] ERASMVS ROT[terodamus], Ludouicus Berus, V[ulphangus] Fabritius Capito, Amorbachi, Bruno & Basilius & Beatus Rhenanus, atque horum assectatores, C[onradus] Fonteius Vesennus, Hieronymus Artolphus, Ludouicus Carinus, Albertus Burerius, Ioannes Atrocianus, Stephanus Ferrarius, Io[annes] Doringus, dans la Batrachomyomachie attribuée souvent à Homère, Bâle, Johann Froben, janv. 1518, ff. r 2 v° et r 3 r° = VD-16 « H 4611 » (fait partie de « A 415 »).

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professeur très cher23 ». A cette date, quand il se trouve au service de Beatus, il peut donc être âgé d’une vingtaine d’années. A-t-il obtenu un diplôme universitaire ? A-t-il interrompu ses études pour travailler chez Beatus en 1519 ? Nous ne le savons pas. [8] Bierlaire nous explique qu’Erasme, lorsqu’il accueille un nouveau famulus, mène une petite enquête pour mieux le connaître. En général une période probatoire d’un mois est recommandée, ensuite, on fixe le montant du salaire que touchera le famulus. Beatus connaissait déjà Burer depuis deux ans environ, et savait sans doute à quoi s’en tenir à son propos24. Albert est toujours élève suivant son statut de famulus mais il doit également garantir son dévouement à son maître : Sequerer te per saxa, per ignes [...] et si tibi Albertus usui fuerit, mitte pro illo, sequetur te quocunque volueris25.

Il se sait à l’essai pendant un certain temps et va devoir faire ses preuves. Le famulus acquiesce aux ordres de son maître et les occurrences du verbe « vouloir » à tous les temps et modes sont nombreuses dans les premières lettres : In Adelphina praefatione quod mutatum volebas, mutatum est26.

Plus loin : Salutavi omnes, quos salutatos volebas27.

Le 10 novembre 1519 : Nam vis, et si nolueris, velle velis ut ex literis tuis [..] ad me datis [...]non modo quid agas cognoscam, sed ut ex illis [...] aliquid bonae frugis exugeam decerpamque28.

23 Albertus Burerius Beato Rhenano famulus domino, discipulus praeceptori suo charissimo S[alutem] D[icit], H, lettre 124, p. 170. 24 Cf. introduction. 25 « Je te suivrais à travers les roches, à travers les flammes ; (…) et si Albert peut t’être utile, envoie quelqu’un le chercher, il te suivra dans n’importe quel endroit que tu voudras (30 septembre 1519). » H, lettre 128, p. 180-81. 26 « Ce que tu voulais que l’on change dans la préface des Adelphes a été changé. », H, lettre 124, p. 172. La nature de la participation de Rhenanus à cette édition n’a pas été clairement déterminée, voir Hirstein « Livres et le nom de Rhenanus », p. 510-511, mais aussi Muhlack, „Rhenanus, Beatus“, col. 692-693. 27 « J’ai salué tous ceux dont tu voulais qu’ils fussent salués. » H, lettre 124, p. 172.

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[9] Burer sait également qu’il doit engager la confiance de Beatus : il invoque souvent sa bonne foi et se disculpe quand une affaire a échoué. Nam suspicabere, et si non suspicaberis, cogitabis saltem mea factum neglegantia (cum nullius factum sit minus) quo minus res successerit. Hoc ne suspicari velis etiam atque etiam rogo29.

L’une ou l’autre allusion : Faciam ut jubes, ne me morem non gessisse dictites30.

révèle sans doute un mécontentement ponctuel du maître. Burer promet, rassure. Les nombreuses formulations hyperboliques de reconnaissance et d’assurance de loyauté, propres à une époque, trahissent néanmoins en creux la peur de ne pas plaire : Nam quoties, quantum mihi feceris : et facias quotidie... memoria repeto recoloque, non possum te non vehementer amare, atque adeo amare : ut etiam negotium quantumlibet graue pro te aut tuo nomine subire non recusauerim, imò obvijs (ut aiunt) vlnis receperim31.

[10] Le ministère du famulus comporte de multiples tâches domestiques que Burer tente de régler au mieux : il rappelle fréquemment à son maître le soin qu’il mettra à accomplir correctement sa tâche et s’occupe activement de tous les problèmes de maintenance de la maison du Rosenberg. 31 août 1519 : Architectum fabrum lignarium in aedibus nostris habemus, quare sedulo me domi contineo, ne quid intus turbetur32. 28 « En effet tu veux, et si tu ne veux pas, tu voudrais vouloir que des lettres que tu m’as envoyées (...) j’apprenne non seulement ce que tu fais (...) mais que je butine ces lettres et en recueille quelque bon enseignement. » H, lettre 129, p. 181. 29 « Tu auras des soupçons, et si tu n’en as pas, tu penseras du moins qu’il est arrivé par ma négligence (alors que personne ne peut être moins en cause) que l’affaire n’ait pas réussi. Je te demande encore et encore de ne pas avoir de tels soupçons. » H, lettre 129, p. 183. 30 « Je ferai comme tu l’exiges, pour que tu ne dises pas sans cesse que je n’ai pas exécuté tes désirs. » H, lettre 129, p. 181. 31 « Chaque fois que j’évoque dans ma mémoire et repasse dans mon esprit combien tu as fait pour moi et fais tous les jours, je ne peux pas ne pas t’aimer ardemment et cela à tel point que même une affaire aussi sérieuse que l’on voudrait, je ne refuserais pas de l’assumer en ta faveur ou en ton nom, bien mieux, je l’accepterais les bras ouverts (comme on dit). » H, lettre 129, p. 183. 32 « Nous avons dans notre maison architecte, charpentier, menuisier, et pour cette raison je reste consciencieusement sur place pour éviter qu’il se fasse quelque sottise à l’intérieur. » H, lettre 124, p. 172.

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Valet de chambre, il entretient la garde-robe de son maître : Vestem tuam Marco dedi ac commisi ut pellioni reficiendam det33.

Lettre 134, 12 novembre 1519 : Melchiori Burgimastro Selestano camisiam unam ad te deferendam dedi, ad alternam plus panni mitte, si brevi confici volueris34.

Souvent, les envois de livres côtoient des paquets de chemises, pourpoints à volants, mouchoirs, bonnets de nuit, peignes, nous renvoyant à la vie quotidienne de l’époque35. D’autres soucis domestiques réapparaissent régulièrement au fil des lettres : problèmes de location de la maison du Rosenberg, conflit avec un cordonnier dont les promesses non tenues agacent Burer. Homme à tout faire, le famulus doit aussi se montrer bon gestionnaire. Il rend des comptes exacts à son maître sur le détail des sommes dépensées : Expunxit autem me praesente e calendario suo quicquid pecuniarum tuo nomini ascripserat. Bruno ait se ne huius quidem earum ascripsisse pecuniarum, quas tibi mutuo dedit. Nihilominus fatebitur et ille literis credo suis sibi pro viginti duobus aureis satisfactum esse36.

Ce compte rendu scrupuleux et détaillé des affaires domestiques nous renvoie aux clauses du contrat à honorer : satisfaire et être digne de confiance. [11] En l’absence du maître, Burer a également pour mission de le tenir au courant de l’actualité à Bâle : De rebus pluribus nouis ex pacto scribere deberem, sed nihildum noui, quod ego sciam, auditur37. 33 « J’ai confié ton costume à Marcus et je l’ai chargé de l’apporter au fourreur

pour qu’il le raccommode. » H, lettre 125, p. 174. 34 « Au bourgmestre de Sélestat, Melchior, j’ai donné l’une des chemises à t’apporter, pour l’autre, envoie plus de tissu, si tu veux qu’elle soit confectionnée en peu de temps. » H, lettre 134, p. 189. 35 H, lettre 185, 20 novembre 1519, p. 256. 36 « En ma présence il [Basile Amerbach] a rayé de son livre de comptes toutes les sommes d’argent inscrites à ton nom. Bruno affirme qu’il n’a même inscrit un rien des sommes qu’il t’a données en prêt. Néanmoins il reconnaîtra lui aussi dans sa lettre, je pense, qu’il a été remboursé à la hauteur de 22 pièces d’or. » H, lettre 124, p. 171. 37 « Selon notre accord, je devrais t’écrire sur un plus grand nombre de faits nouveaux, mais à ma connaissance, on n’a rien encore entendu de neuf. » H, lettre 137, p. 192.

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Pourtant, il avoue qu’il s’intéresse peu à la vie publique et il se contente de rapporter à Rhenanus des événements anecdotiques ou plus marquants, comme le passage de personnalités ou la présence en ville de membres et légats du conseil d’Innsbruck : Nam praeterquam quod in uulgus perraro prodeo, nec nisi id exigat necessitas, sic qui : aut unde nam sint, non multum me reddit solicitum neque magnopere scire laboro38.

Parallèlement, Burer rend compte de l’actualité littéraire ou des autres nouvelles : Quod autem admones ut de rebus nouis literariis et item prophanis copiose scribam (quod utinam tam possem eleganter, quam vellem libenter) faciam ut jubes39.

[12] Si, dans les premières lettres, le famulus se conforme pour l’essentiel aux avis de son maître, on le voit cependant déployer finesse et sensibilité dans l’analyse des événements dramatiques qu’il traverse : les effets de la peste sont observés de manière très précise dans des tableaux tragiques (geste désespéré d’un malade40, malheur de familles décimées41, récit de la pieuse agonie de son ami Fonteius42...). Ces récits pathétiques où s’exprime le souci du détail réaliste livré comme sous le coup de l’émotion, révèlent une solide culture littéraire ; évoquant par exemple la mort des deux sœurs Lachner, Margareth et Elisabeth, il écrit : Ambae in eodem monumento compositae jacent... atque sic consepultae computrescunt43.

On le voit, le traitement stylistique est destiné à impressionner Beatus par sa virtuosité littéraire : effets poétiques de sonorités évoquant la 38 « En effet, outre que je sors très rarement en public et seulement pour le cas où

il y aurait nécessité, que je sache ainsi l’identité des légats et d’où ils viennent, ne me tourmente pas beaucoup et je ne cherche pas outre mesure à le savoir. » H, lettre 137, p. 192. 39 « Quant au fait que tu m’engages à écrire abondamment sur les nouveautés littéraires et pareillement sur les nouveautés profanes (si seulement je pouvais le faire aussi élégamment que je voudrais bien le faire !), je ferai comme tu l’ordonnes. » H, lettre 129, p. 181. 40 H, lettre 128, p. 179. 41 Ibid., p. 178. 42 H, lettre 130, p. 184. 43 « Toutes deux en même temps gisent placées l’une à côté de l’autre ensemble dans le même tombeau... et ainsi ensevelies ensemble, elles se décomposent ensemble. » H, lettre 128, p. 178.

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mélancolie et la fatalité (« a-ae-m »), saturation de la préposition cum dans un passage où l’on repère le genre du tombeau à la mémoire des deux sœurs anéanties dans un même destin à jamais. Ailleurs, évocation de lieux communs comme celui de « la bonne mort » développé dans les ouvrages sur « l’ars moriendi » en vogue à cette époque, et rhétorique de l’imitation des anciens (« Combien de calamités, combien de tragédies, combien d’affliction, combien de lamentations enfin... » lettre 128, p. 178). Très pudiquement, Burer évoque la foule d’anonymes qui meurent chaque jour en Suisse, notamment la mort d’un frère et d’une sœur, sans aucun commentaire, juste avant la formule de congé « Mais toi, porte-toi bien44 ». La peste a aussi emporté Bruno Amerbach. Déplorant la perte d’« un homme et un maître extraordinaire » (10 nov. 19), eximium virum ac dominum, Burer précise néanmoins : Et quamquam Heluetia hoc tempore ingeniorum non omnino contemnendorum sit foecundiss[ima]45.

Etant donné le contexte, l’allusion au prédicateur de Zurich, Zwingli, est patente ; on peut penser également à un autre réformateur suisse dans la mouvance d’Ulrich Zwingli, Oswald Myconius, qui vient alors d’ouvrir la première école humaniste à Lucerne46. Le famulus lit, corrige, discute… et découvre peu à peu les idées en faveur d’une réforme portées par son maître, correspondant de Zwingli. [13] En effet, Burer est aussi un élève, il se passionne pour les idées de Beatus, et celui-ci représente un idéal à atteindre. Dans la lettre du 10 novembre 1519 est développé pour la première fois de manière explicite le problème d’une réforme. Kaes, un moine augustin, prédicateur à St-Gall, attaque en 1519 le traité de Luther contre le culte des saints. Burer prend position en faveur de ce dernier : Is ἀντὶ μαρτίνου τοῦ Λουθηρίου βίβλιον μόνον γράφε omni barbarie conspersum, in quo quaedam a viro sanctiss[imo] opinor de cultu Sanctorum, non modo rectissime, imò etiam christianissime scripta, a βωμολοχοῦ illo concubinario fediss[ime] conspurcantur inscitiss[ime]que dilacerantur47. 44 H, lettre 134, p. 189. 45 « Et pourtant la Suisse en ce moment est très féconde en talents qu’il ne faut

absolument pas négliger. » H, lettre 129, p. 182. 46 Margolin, « Glarean et Myconius », p. 153. 47 « Il (Kaes) écrit contre Martin Luther un seul livre constellé de propos barbares, dans lequel certaines des remarques formulées par cet homme très saint à

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Plus loin, Burer évoque clairement la personnalité de Zwingli : Cuius insectatio etiam Zuinglio et Simoni Stumpho, sacerdotibus duobus vitae integritate conspicuis, adhuc concionatoribus non nugas anileis, imò Christum ipsum docentibus48.

L’élève Burer s’approprie les idées de la réforme qu’il explore dans les nombreuses lectures et corrections dont il a la charge par procuration ; les formulations superlatives révèlent un enthousiasme naissant pour les idées de Luther qu’il partage avec son maître. [14] L’ensemble des missions confiées au famulus le transforment progressivement, l’ouvrent aux grandes idées de son temps. Alors que Burer souligne régulièrement l’infériorité statutaire de sa place de domestique49, il assurera encore pendant plus d’un an les services classiques d’un valet, tout en montrant déjà pendant ces premiers mois une affectueuse proximité intellectuelle, faite d’admiration et de complicité qui vont encore se développer par la suite. Un collaborateur-disciple d’humaniste, 12 novembre 1519-18 décembre 1520 [15] Tout famulus, on l’a vu, est engagé sur la base d’un salaire négocié au départ. Or Burer est très mal payé pour son travail. Dans la lettre du 12 nov. 1519, en réponse à une missive de Beatus qui n’a pas été conservée, le famulus en fait discrètement mention, tout en suppliant son maître de le garder à son service malgré tout :

mon avis sur le culte des saints, et faites non seulement de manière tout à fait juste, mais bien mieux, tout à fait chrétienne, sont très odieusement avilies et mises en pièces de façon très ignorante par ce célèbre concubin de la vulgarité. » H, lettre 131, p. 184-185. On lit dans la lettre même de Burer λουθήριου. 48 « Les attaques de cet homme aussi contre Zwingli et Simon Stumph, deux prêtres remarquables par l’intégrité de leur vie, de plus des prédicateurs qui enseignent non pas des frivolités de bonne femme mais bien mieux le Christ en personne. » H, lettre 131, p. 185. 49 Cf. chez Bierlaire, La Familia d’Erasme, citation de : OIKETHS, Gilbert Cousin, opera, tome 1, p. 211 : « Pour que chacun s’accommode à l’autre, deux conditions sont nécessaires : d’une part, l’amabilité des maîtres et leur indulgence pour des fautes légères et, d’autre part, la déférence des famuli. »

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Fortunam hanc, licet perquam exigua fuerit, et ferme nulla, tam illibenter commuto, ut vix quicquam (dum vixi) commutarim illibentius50.

Et pour cela, Burer se dit prêt à certains sacrifices financiers. Dans la lettre disparue, Beatus, pour des raisons que nous ignorons, a dû proposer à son famulus de quitter son service et d’envisager une véritable carrière pour gagner de l’argent. Burer l’accepte difficilement et l’explique ainsi : Difficulter et sero serius hanc fortunam adeptus sum (...) non quod tu mihi infortunii causa sis,(...) sed quod improba illa, scelesta, dira atque execra pestis huius divortij causa sit. Alioqui non dubitem quin me perpetuum ministrum tunc nunquam respuisses51.

Burer tente encore d’obtenir une somme d’argent qu’il promet de lui rembourser ensuite avec intérêt : Ideo hoc unum et rogo et obsecro, ut me sexaginta aureis adiuuves, quibus Philippum Melanchthonem triennium audire valeam52.

Et plus loin : Fac quod facile et sine rei pecuniariae iactura facere potes et esto mihi Moecenas53.

[16] Dans la seule lettre que nous possédions de Beatus54, (fin novembre 1519), le maître lui répond en reprenant ses formules : Vero verius est quod in quadam epistola scribis tuam apud me fortunam perexiguam fuisse et ferme nullam. Atque hinc est cur monuerim ut meliorem circumspiceres55.

50 « Cette situation financière, bien qu’elle ait été tout à fait limitée et presque

inexistante, je l’échange si peu volontiers qu’il n’y a guère rien (aussi longtemps que j’ai été en vie) j’échangerais moins volontiers. » H, lettre 133, p. 187. 51 « C’est difficilement et plus tard que tard que je suis parvenu à cette situation, (…) non que ce soit toi la cause de mon infortune (…) mais c’est cette peste perverse, fourbe, sinistre et détestable qui serait la cause de cette séparation. Autrement je ne puis douter que tu ne m’aurais jamais alors rejeté en tant que serviteur pour toujours. » H, lettre 133, p. 187. 52 « C’est pourquoi il n’y a qu’une seule chose que je te demande et que je te supplie de faire : m’aider au moyen de soixante pièces d’or d’être à même d’écouter Philippe Melanchthon pour trois ans. » H, lettre 133, p. 187. 53 « Fais ce que tu peux faire facilement et sans compromettre ta situation financière, et sois Mécène pour moi. » H, lettre 133, p. 188. 54 Pour l’existence de cette lettre, voir la n. 8.

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La lettre est sans équivoque, malgré les formules affectueuses et conciliantes qui la parcourent. En effet, Beatus va longuement développer dans cette lettre trois issues envisageables pour son famulus dont les qualités permettent d’embrasser une belle carrière. La première, ouvrir une école : …ingenuos pueros optimas docendo litteras (….) Nam crede mihi nihil aeque tibi prodesse ac praelectio vel alios docendi munus56.

et faire comme Nesenus qui : Mecoenates sibi conciliavit utique, quorum filios (...) instituit57.

La deuxième, devenir précepteur d’enfants de bonne famille qu’il accompagnerait : Mediolanum … Caluum et Nigrum alieno sumptu auditurus, vel Wittenbergam sub Lutherio et Melanchthone stipendia facturus, vel Bononiam Phasianino et B[aptistae]. Pio daturus operam58 ?

La troisième, retrouver le monde de l’imprimerie. … in aliqua impressoria officina (...) castigandi provinciam denuo subeas59.

[17] On le voit, ces conseils traduisent la confiance et les espoirs que place Beatus dans les qualités de son famulus, le confortant au passage dans son choix pour Wittenberg sans exclusivité cependant puisque d’autres pistes lui sont proposées. Chaque solution est le point de départ d’une carrière enviée, et c’est en somme l’aboutissement d’une situation transitoire pour un famulus d’érudit, comme le

55 « C’est plus vrai que vrai ce que tu m’écris dans une certaine lettre, savoir que ta situation financière chez moi était très limitée et presque inexistante. C’est donc en raison de ce constat que je t’ai averti de chercher autour de toi une meilleure situation. » H, lettre 135, p. 189. 56 « … dans le but d’apprendre aux enfants bien nés les meilleures lettres (...) crois-moi, rien ne peut être aussi utile que les explications de texte ou la charge d’enseigner autrui. » H, lettre 135, p. 189-90. 57 « Nesenus s’est concilié des mécènes à tout prix, dont il a formé les fils. » H, lettre 135, p. 190. 58 « A Milan pour écouter Caluus et Niger aux frais d’autrui, ou à Wittenberg pour servir sous le commandement de Luther ou de Melanchthon, ou à Bologne pour accorder ton attention à Phasianinus et à Baptista Pius » H, lettre 135, p. 190. Et à cela s’ajouterait la possibilité de faire un bon mariage dans la famille en question. 59 « Que tu intègres à nouveau le domaine de la correction de textes dans quelque officine d’imprimerie. » H, lettre 135, p. 190.

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souligne Bierlaire60 : « En effet ils [les Famuli] rencontrent des personnalités importantes qui deviendront autant de protecteurs ou d’employeurs éventuels. » Néanmoins, à la fin de sa lettre, Beatus revient sur le problème du salaire : Etenimvero, charissime mi Alberte, Noli quicquam a me sperare (...). In causa est mea tenuitas et aes alienum. Scis quo pacto tecum convenerim. Denuo moneo, me nihil numeraturum. (...) Apertis verbis scribo ne ullus expostulationi locus relinquatur61.

Le refus est argumenté, catégorique, définitif. Albert sait donc qu’il va devoir un jour ou l’autre quitter son maître et chercher une nouvelle situation. [18] De son côté, Beatus comme tous les humanistes de son temps, travaille énormément, mène de front traductions, établissement de textes d’auteurs anciens, éditions d’œuvres contemporaines. Presque toutes les lettres de Burer font état de l’avancement d’impression des ouvrages dirigés par Beatus, très souvent en post-scriptum, et mentionnent des envois à Sélestat ou ailleurs quand les ouvrages sont prêts. Une soixantaine sont cités au fil des lettres, près de trente ont un rapport direct avec les mouvements de réforme. L’un de ces ouvrages en particulier a attiré notre attention, Sur la donation de Constantin, de Lorenzo Valla, préfacé par Ulrich von Hutten. En effet, notre contrôle des manuscrits en vue de la publication des lettres dans les Epistulae Beati Rhenani a montré que Rhenanus a été pour le moins l’organisateur de cette publication et que Burer l’a secondé scrupuleusement en l’informant des étapes de l’impression62. Curieusement, les éditeurs scientifiques de la première édition de la correspondance, Adalbert Horawitz et Karl Hartfelder, ou leurs assistants, ont méconnu ou ignoré les allusions du famulus à propos du projet en cours63. 60 Bierlaire, La Familia d’Erasme, p. 43. 61 « C’est un fait, mon très cher Albert, n’espère rien de moi (....) La raison en est

la faiblesse de mes revenus et mes dettes. Tu sais dans quelles conditions je me suis mis d’accord avec toi. De nouveau je t’avertis que je ne te payerai rien. (....) Je t’écris avec des mots clairs pour qu’il n’y ait aucun lieu de réclamation. » H, lettre 135, p. 191. 62 H, lettres 124, 133, 143, 148. 63 Alors qu’on lit deux fois très clairement dans le manuscrit de Burer « Laur[entium] » pour mentionner l’envoi du livre de Lorenzo Valla, les éditeurs transcrivent « Livium » dans la lettre 143 et « litteras » dans la lettre 148. Voir à ce propos l’article de Hirstein, „Neues über Beatus Rhenanus und Lorenzo Vallas ‘de Donatione Constantini’“. Dans le second cas, les auteurs transcrivent par une formule neutre : litteras mittere.

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[19] Burer est également un émissaire chargé des relations personnelles de son maître. L’évocation de Zwingli, allusive dans la lettre 131, apparaît concrètement ensuite (18 janvier, 25 mai, 8 juin 1520). Beatus aurait rencontré Ulrich Zwingli en 151664 et leur correspondance fait état de leurs préoccupations spirituelles et de leur désir de réformer l’Eglise. Beatus organise la diffusion en Suisse de certaines œuvres de Luther. Le 18 janvier 1520, Burer relate à son maître la visite amicale de : Vdalrichius Zuinglius et Nicolaus Bavarus uterque parochus comitibus aliquot inde sacerdotibus65.

Dans la lettre du 20 mars 1520, Burer semble répondre à une inquiétude de Beatus : Cur Zuinglius hactenus non scripserit nec scribat adhuc, nescio, quid causae sit, attamen investigabo66.

Le mois suivant, Burer quitte Bâle pour aller rendre visite à ses parents à Pont (Brugg) et fait un détour par Zurich. Il y rencontre Zwingli dont il va suivre quelques cours et un prêche. Postquam profiteri desivit, hominem adii et salutavi atque interim eum negligentiae admonui, quod iampridem ad te nihil scripsisset67.

Le terme employé « négligence », à l’adresse d’une personnalité déjà reconnue est étonnant d’assurance. Le jeune famulus est devenu plus audacieux, la célébrité du prédicateur ne l’impressionne pas, c’est en tout cas ce qu’il laisse entendre à son maître. Cum audiret homo placidus idemque humanissimus me unum e Beati ministris esse, respondit benignissime, se unica epistola expleturum quicquid hactenus per negotia ecclesiastica intermisisset68. 64 Robert Walter, Anthologie, p. 164. 65 « Huldrych Zwingli et de Nicolaus Bavarus accompagnés d’un certain nombre

de prêtres venant de là [de Zurich]. » H, lettre 147, p. 204. 66 « Pourquoi Zwingli n’a pas écrit jusqu’à ce moment et n’écrit pas encore, je ne sais pas quelle en est la raison, mais je chercherai toutefois avec soin. » H, lettre 157, p. 212. 67 « Sa leçon terminée, j’ai abordé l’homme, l’ai salué, et pendant ce temps je lui ai fait remarquer sa négligence, parce que, disais-je, il ne t’avait pas écrit depuis longtemps. » H, lettre 173, p. 240. 68 « Comme cet homme calme autant que très cultivé comprenait que j’étais l’un des serviteurs de Beatus, il m’a répondu avec une très grande bienveillance qu’il réparerait en une seule lettre l’oubli commis en raison des affaires d’église. » H, lettre 173, p. 240.

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[20] La personnalité de Burer s’est étoffée : se profile ici le diplomate-émissaire, le chargé de communication… Bierlaire note69 : « Ils [les famuli] sont [d]es hommes de confiance, [d]es agents de renseignement, et ils ne répugnent même pas à intriguer quand cela est nécessaire. » Le famulus observe avec acuité les qualités de Zwingli, « calme », « très cultivé », et complète le portrait en renseignant son maître sur les compétences en grec du prêtre et de ses amis ; il en fait même un classement : Graecissantium autem praecipuus est amicus ille noster (...) deinde Nicolaus Bavarus (...), Georgius Vietor (...), Henricus Nuistheller (...) et Henricus Buchter, monachus70.

L’apprenti humaniste est en prise directe avec les grands débats de son temps, dans le sillage de son maître, et peut échanger avec les grands noms des mouvements de réforme : sa condition présente un certain nombre d’avantages. [21] Bierlaire note dans La Familia que les anciens famuli d’Erasme sont ensuite accueillis à bras ouverts, munis d’une véritable carte de visite. Presque tous ont acquis une notoriété : « Certains devinrent les familiers des rois et des princes, d’autres entreprirent avec succès une carrière littéraire, celui-ci devint évêque, celui-là professeur d’université, tel autre ambassadeur71. » Même si Beatus n’est pas aussi célèbre qu’Erasme, il offre cependant à son famulus des opportunités de contact et d’échange convoités dans les milieux humanistes. La carrière de Burer semble s’engager à ce moment-là sous les meilleurs auspices. Le correspondant spécial : les trois lettres de Wittenberg, 30 juin 1521 (H, lettre 206), 19 octobre 1521 (H, lettre 212), 27 mars 1522 (H, lettre 220) [22] Des trois voies proposées par Rhenanus dans la lettre de fin novembre 1519, Burer a manifestement choisi de « servir sous le commandement de Luther et de Melanchthon à Wittenberg », vœu

69 Bierlaire, La Familia d’Erasme, p. 41. 70 « Notre ami (…) est le meilleur des hellénistes, ensuite il y a Nicolas Bavarus

(…), Georgius Vietor (…), Henri Nustheller (...), et le moine Henri Buchter. » H, lettre 173, p. 240. 71 Bierlaire, La Familia d’Erasme, p. 47.

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qu’il avait déjà formulé dans la lettre du 12 novembre 151972. Burer devient alors un témoin essentiel « du Mouvement de Wittenberg » appelé aujourd’hui « Réformation de la ville de Wittenberg ». En effet, pendant que Luther se cache à la Wartburg de mai 1521 à mars 1522, Andreas Bodenstein de Carlstadt, professeur à l’Université de Wittenberg, et le moine augustin Gabriel Zwilling mettent en œuvre des réformes audacieuses73. [23] Par ailleurs, si toutes les autres lettres de Burer à Rhenanus peuvent seulement être citées à partir de l’édition d’Horawitz et Hartfelder, deux des trois lettres écrites depuis Wittenberg, les deux dernières, se trouvent aussi dans l’ouvrage de Nikolaus Müller : Die Wittenberger Bewegung (1911)74. Une autre particularité encore pour ces trois lettres dans leur ensemble75 : à la différence de toutes les autres, qui sont conservées ici à Sélestat, celles-ci se trouvent aux Archives de la Ville de Strasbourg76. De cette époque, il existe aussi trois lettres écrites par Burer aux frères Amerbach, Boniface et Basile. Elles mentionnent davantage les conditions de vie à Wittenberg que l’enseignement à l’université et la personnalité des professeurs réformateurs, bien que ces sujets ne soient pas absents77. [24] La rupture de contrat entre Burer et Beatus a sans doute pris effet au début de l’année 1521. D’après les calculs de Hartmann, l’ancien famulus n’a pas dû se mettre en route pour Wittenberg avant la mi-avril 152178. Quel est le nouveau statut d’Albert ? A-t-il trouvé le mécène qu’il cherchait ? Quels sont les moyens de subsistance de l’étudiant à Wittenberg ? Il semble que sa position soit précaire à ce moment et qu’il cherche un protecteur. En effet, dans la lettre du 30 juin 1521, il est question d’une lettre d’appui de Konrad Pellikan79 72 « écouter Philippe Melanchthon pour trois ans » H, lettre 133, p. 187. 73 Pour le contexte, voir Bubenheimer, „Scandalum et ius diuinum… Wittenberg

1521/1522“. 74 Müller, Die Wittenberger Bewegung 1521 und 1522, p. 32-35, la lettre du 19 octobre 1521 et p. 212-214, la lettre du 27 mars 1522. 75 Elles ont été traduites en allemand par Willy Brändly : Brändly, „Bürer über Luther“. 76 Archives de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, AST 43, les lettres 21, 22 et 23. 77 Amerbachk., vol. 2, Hartmann, à Boniface « Wittenberg, 30 juin 1521 » (n° 796, p. 315-6) ; à Basile « Kemberg (10 km au sud de Witt.), 30 juin 1521 » (n° 797, p. 316-7) et à Basile « Wittenberg 31 août 1521 » (n° 809, p. 326). 78 Amerbachk., vol. 2, Hartmann, p. 317, la n. 1. 79 Philippus Melanchthon omnes ad Martinum literas resignat, nam eas etiam literas, quas pro me r[euerendissimus] p[ater] Conradus Pellicanus ad Martinum

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qui, probablement comme Beatus, a dû recommander Burer à Luther et à Melanchthon, mais sans effet jusque-là. Dans la lettre du 19 octobre 1521 Burer écrit : …cum multas ad multos dederim literas, tu solus mihi vir tantus tantillo rescripseris amiculo80.

L’ancien famulus sollicite-t-il d’autres protecteurs ? Est-il en quête d’argent ? Sous le jeu de mots sur son nom et l’éloge appuyé des qualités littéraires de Beatus, on devine la quête de ressources plus prosaïques : Tu igitur, mi domine, cum beatus sis et uoceris, me quoque, si non alia re, certe stylo ac eruditione, donis a deo tibi datis non uulgaribus, bees81.

Dégagé de tout contrat, Burer ose alors le motif de l’amitié qui se dessine à travers les formules d’adresse inscrites au verso des lettres pour désigner le destinataire : amico cum primis, « ami parmi les premiers82 » ou encore amico eximio, « ami distingué83 » pour Beatus et tantillo amiculo, « ami de si peu d’importance » pour lui-même dans le corps d’une lettre, comme nous l’avons vu. La formule de congé récurrente « à mon maître et précepteur » des deux premières sections a fait place à une adresse placée sous le signe de l’amitié. [25] En outre, on lit dans un post-scriptum le 19 octobre : Dono tibi mitto figuram antichristi Romani84.

scripserat, aperuit ac coram legit. « Philippe Melanchthon décachette toutes les lettres adressées à Martin, car même la lettre que le très révérend père Konrad Pellikan avait écrite à Martin en ma faveur, il l’a ouverte et l’a lue devant nous. » H, lettre 206, p. 280. 80 « Bien que j’aie envoyé de nombreuses lettres à de nombreuses personnes, toi seul m’as répondu, un homme si important à un ami de si peu d’importance. » H, lettre 212, p. 293. 81 « Toi par conséquent, o mon maître, puisque tu es bienheureux et qu’on t’appelle ainsi, rends-moi bienheureux aussi par le biais, sinon d’un autre bienfait, du moins de ton style et de ton érudition, dons hors du commun qui t’ont été accordés par Dieu. » H, lettre 212, p. 294. 82 H, lettre 212, p. 295 amico cum primis. 83 H, lettre 220, p. 304 amico eximio. 84 « Je t’envoie en cadeau une représentation de l’Antéchrist romain… » H, lettre 212, p. 295.

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L’envoi du cadeau85 fait état d’une relation qui n’a plus rien d’ancillaire. Les lettres de Burer privilégient alors des liens fondés sur la reconnaissance et l’amitié. Cet échange épistolaire à ce moment de leur relation a pour finalité, semble-t-il, le maintien avec Beatus d’un 85 A propos de cette phrase de notre lettre, Müller, Die Wittenberger Bewegung

1521 und 1522, p. 34, n. 2, indique qu’il s’agit du Passional Christi und Antichristi et renvoie à Kawerau, „Passional“. Entre le 7 mars et le 26 mai 1521, sans doute à la mi-mai (voir Kawerau, „Passional“, p. 688-689 et Groll, Passional, p. 9-10 et 1617), parut à Wittenberg chez Johann Rhau-Grunenberg, d’après les bibliographes (voir Benzing, n° 1014 et VD-16 « L 5584 »), un petit livre composé de 14 feuillets contenant 26 gravures sur bois faites par Lucas Cranach l’Ancien et commentées par des textes de Philipp Melanchthon et de Johann Schwertfeger. Il y eut une édition en allemand, le Passional Christi und Antichristi et une autre en latin Antithesis figurata uitae Christi et Antichristi (« Une représentation de l’antithèse entre la vie du Christ et celle de l’Antéchrist » (Benzing, n° 1024 et VD-16 L 5589). Comme nos auteurs s’expriment en latin, il est difficile de savoir à quelle édition ils se réfèrent. Luther, dans la lettre qui fournit la date du 7 mars 1521 (WABr II, 283), écrit Antithesis figurata Christi et papae, ce qui a donné lieu à beaucoup de discussion (cf. Groll, Passional, p. 9-10). Burer lui-même écrit le 19 oct. 1521 figuram antichristi Romani, ce qui rappelle aussi l’édition latine par l’utilisation du mot figuram. Il y eut en outre d’autres éditions de ces livres ailleurs qu’à Wittenberg. Kawerau, en parlant de la parution du Passional à Wittenberg („Passional“, p. 689, n. 2), sans doute sur le plan général, cite la phrase de notre lettre pour montrer que le livret fut au moins disponible à cette date après sa parution à la mi-mai 1521. Or il n’est pas impossible qu’un livre de la BHS puisse apporter des précisions utiles à ces questions, car il pourrait s’agir de l’exemplaire envoyé par Burer à Rhenanus. Il s’agit du livre « K 802p », qui, d’après Walter (WJ 1775), a appartenu à Rhenanus. Il fait partie d’un recueil contenant 16 titres, tous en allemand, dont WJ attribue 10 à Luther, avec des dates-limites de publication entre 1518 et 1526, cf. Hirstein, « Bibliothèque de Rhenanus », p. 128 et 138, n. 90. Seulement, aucun des 16 titres ne porte d’ex-libris de Rhenanus, ni d’ex-dono, ni de dédicace d’autrui. C’est-à-dire que si c’est bien le livre envoyé par Burer, celui-ci n’a pas indiqué qu’il venait de lui et Rhenanus n’a pas accusé réception en y inscrivant de mention. En effet, Rhenanus n’avait pas l’habitude d’indiquer clairement son nom dans des publications de controverse religieuse, cf. Hirstein, « Bibliothèque », p. 138, n. 90. On peut parfois, dans de tels cas, identifier son écriture, mais dans le recueil « K 802 », nous n’avons repéré qu’une seule entrée manuscrite dans un autre ouvrage (K 802q), entrée très petite, que nous n’avons pas pu identifier. Cela veut dire que l’indication de WJ que le livre a appartenu à Rhenanus ne semble pas motivée jusqu’ici. C’est pourquoi nous écrivons que le livre K 802p « pourrait » être le livre envoyé par Burer. Le titre exact du livre de Sélestat est Passional Christi und Antichristi et il fut, d’après notre identification et les renseignements des bibliographes, imprimé à Erfurt par Matthes Maler en 1521, (voir Benzing, n° 1022 et VD-16 « L 5581 »). S’il s’agissait bien du livre lui-même envoyé par Burer, la date du 19 oct. 1521 de sa lettre nous fournirait pour le moins un terminus ante quem pour la production de l’édition d’Erfurt.

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lien affectueux, d’une complicité intellectuelle, et aussi l’assurance d’un réseau efficace pour affirmer sa trajectoire professionnelle : l’ancien famulus est tout de même recommandé à Luther en personne et aux professeurs de Wittenberg par les grands noms de l’humanisme. Cet échange permet également à Beatus, sans doute à sa propre demande, d’être tenu au courant des événements graves dont Albert est le témoin privilégié, sinon oculaire. [26] La première lettre écrite à Wittenberg s’ouvre de manière frappante sur une phrase qui retient notre attention : Nisi mihi non bene notus sis, domine charissime, scio te magno novarum rerum teneri desiderio86.

La proposition subordonnée abrupte « Puisque c’est uniquement moi qui te connais bien », rappelle les liens de confiance qui se sont tissés auparavant entre les deux hommes qui étaient alors maître et famulus. Mais comment faut-il entendre la proposition principale : « je sais que tu es tenu par un grand désir ‘de nouvelles choses’ » nouarum rerum, formule proche de l’idiome res nouae dont l’acception militante et révolutionnaire était ancienne et aussi courante ? Faut-il traduire tout simplement par « dernières nouvelles », ou aller plus loin, étant donné la place de la phrase et le contexte de la lettre87 ? [27] Que « sait » vraiment Burer de son maître ? Qui des deux éprouve réellement ce désir ? Burer se fait-il l’écho des propos de Rhenanus et lui renvoie-t-il, comme dans un miroir, ce qu’il croit être les pensées du maître ? Burer essaie-t-il, comme par le passé, de devancer ses souhaits, sa volonté ? Ou au contraire aimerait-il voir 86 H, lettre 206, p. 280. 87 Nous traduisons ainsi : « Puisque c’est uniquement moi qui te connais bien,

mon très cher maître, je sais que tu es tenu par un grand désir de savoir l’actualité brûlante qui nous passionne. » Toutefois, étant donné cette ouverture abrupte et le contexte révolutionnaire décrit dans la lettre, nous avions dans un premier temps compris magno nouarum rerum ... desiderio par « un grand désir de révolution ». En effet, d’après les dictionnaires de latin classique (le vol. du TLL portant sur la lettre « N » n’est pas disponible), l’usage n’est pas figé. D’un côté, le Grand Gaffiot (GG, p. 1054, sous nouus, a, um) fait savoir que les mots res nouae peuvent vouloir dire et « révolution » et « nouvelles », de l’autre, l’Oxford Latin Dictionary (OLD, p. 1196) opère une distinction de sens entre (n° 6) le singulier res noua « news » et (n° 10) le pluriel, qui veut dire « révolution », que l’adjectif soit placé derrière ou devant : res nouae, nouis rebus ou nouarum rerum. C’est ainsi que nous avons choisi une formule plus forte qu’« un grand désir des dernières nouvelles ». En effet, « l’actualité brûlante qui nous passionne » rend compte d’une situation qui pour Burer est révolutionnaire et fait comprendre qu’à ce moment-là lui et Rhenanus se passionnent pour ce qui se passe à Wittenberg.

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chez Beatus l’évolution personnelle qui se serait en réalité opérée en lui ? Cette formule destinée à capter l’attention et l’adhésion de Beatus, mérite de fait qu’on s’y attarde. [28] En effet, Burer est transporté par les événements qu’il découvre dans sa nouvelle ville d’adoption. Wittenberg d’abord : dans cette même lettre, elle est présentée à Beatus comme une cité idéale, utopique : Inermes omnes incedunt, inter omnes ut inter fratres in Christo congregatos convenit. Nulla hic dissidia, quod tamen mirari quis possit, inter tot tamque varias variarum nationum gentes. (....) Belle inter omnes convenit88.

La paix et l’unité semblent régner comme peut-être dans les premiers temps du christianisme. Une ville prospère se bâtit : Wittenbergensium moenia quotidie surgunt, videres urbem pago simillimam89.

[29] Les événements et leur réception ensuite : dans les lettres 212 et 220 Burer évoque successivement les troubles provoqués par Carlstadt et Zwilling : discussions véhémentes à propos de l’abolition de la messe, actes iconoclastes, communion sous les deux espèces, mariage des prêtres. Les événements sont d’abord rapportés de manière factuelle90. Puis le parti pris d’Albert surgit dans le récit, d’abord à propos de l’abolition de la messe remplacée par des prêches de moines : Cessatum est a celebrandis missis in coenobio Augustinianorum Wittembergensium [sic] ac pro missis monachus quidam sane non indoctus, ut sunt plerique eius coenobii monachi, coepit concionari ad populum91.

88 « Tous s’avancent sans armes, il y a accord entre tous comme des frères rassemblés dans le Christ. Il n’y a pas de divisions ici, ce qui pourtant pourrait étonner, parmi des peuples si nombreux et si divers de nations si nombreuses et si diverses. (...). Il y a un bel accord entre tous. » H, lettre 206, p. 281. 89 « Les murailles de Wittenberg s’élèvent tous les jours, on croirait voir une ville tout à fait semblable à un canton. » H, lettre 206, p. 281. 90 Caeterum quid hic acciderit, audi « Pour le reste, écoute ce qui est arrivé ici. » H, lettre 212, p. 294. 91 « On a suspendu la célébration des messes dans le monastère des Augustins de Wittenberg et donc à la place des messes un certain moine clairement non sans instruction, comme le sont la plupart des moines de ce monastère, s’est mis à prêcher au peuple. » H, lettre 212, p. 294.

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La litote non indoctus « non sans instruction » est une discrète allusion à la médiocrité intellectuelle généralement attribuée aux moines, et Burer note qu’au contraire ceux de Wittenberg se distinguent par une érudition peu commune. Dans la même lettre : Hoc certum est nos sub utraque specie communicaturos esse, etiamsi rumpatur papa cum universa nebulonum cohorte92.

L’antipapisme est un corollaire de ces mouvements : mais c’est bien le « désir de changement, de révolution93 » d’Albert qui s’exprime dans la proposition concessive et le choix du vocabulaire péjoratif (etiam si … rumpatur, nebulonum). La lettre se conclut solennellement et sans équivoque sur son engagement : Haec sunt nova, quae in christianissima Saxoniae urbe Wittemberga [sic], imo eius urbis academia contigerunt, quam etsi P[ontifex] M[aximus] auxilio Caesaris rem non intelligentis tollere conetur, tamen Christum et eius doctrinam, quae in ima cordium nostrorum ita radices egit, ut difficile sit tollere, nisi tollamur et nos una cum Evangelio94.

Dans la lettre 220 figure également un commentaire sur le retour de Luther à Wittenberg Venit autem compositurus, quicquid Carolostadius et Gabriel suis concionibus nimio quam vehentibus turbaverant95.

Des limites ont peut-être été transgressées selon Burer : on devine ici une certaine désapprobation du radicalisme de Carlstadt et Zwilling qui avaient pris en main le mouvement de Wittenberg en l’absence de 92 « Ce qui est sûr, c’est que nous allons communier sous chacune des deux espèces, le pape fût-il déchu et avec lui la cohorte universelle des vauriens. » H, lettre 212, p. 294. 93 Voir la n. 87 ici. 94 « Voici les nouveautés, que Wittenberg, la ville très chrétienne de la Saxe, bien mieux, l’université de cette ville, a eu le bonheur de connaître, et l’université, même si le Souverain Pontife avec l’aide de César, qui ne comprend pas l’affaire, essayait de la supprimer, néanmoins le Christ et sa doctrine, qui ont fait des racines au fond de nos cœurs de telle manière qu’il est difficile de les supprimer, il ne pouvait pas les toucher, à moins de nous supprimer en même temps que l’Evangile. » Müller, Wittenberger Bewegung, p. 34 et H, lettre 212, p. 294-295. Nous fournissons le groupe de mots « il ne le pouvait pas les toucher » que Burer laisse entendre. Nous comprenons PM, avec Müller (Die Wittenberger Bewegung 1521 und 1522, p. 34) par P[ontifex] M[aximus] et non pas par ‘Philippus Melanchthon’, comme le fait Brändly, „Bürer über Luther“, p. 178. 95 « Il est venu pour remettre en ordre tout ce que Carlstadt et Gabriel avaient jeté dans la confusion par leurs prêches extrêmement violents. » H, lettre 220, p. 303.

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Luther. Hormis cela, Burer communique à Beatus son enthousiasme et son adhésion aux idées de ces mouvements, et relate les événements comme une révolution justifiée par l’Evangile. [30] Pourtant ce sont les évocations de trois grands humanistes et réformateurs de l’Eglise qui nous parlent le mieux de l’évolution spirituelle de Burer. Il est d’abord question d’Erasme dans la première lettre du 30 juin 1521. Albert fait état de son discrédit progressif à Wittenberg. Le passage s’ouvre sur une comparaison antithétique : Quo maioris istic fit Erasmus in re theologica, tanto minoris hic fit96.

Cette opposition s’appuie sur une revue de critiques faites à Erasme : flagornerie, manque d’inspiration divine, traductions fautives des lettres de Paul, des livres qui déplaisent, notamment le Manuel du soldat chrétien où Erasme aurait imité Platon plus que le Christ. Burer prend soin de ne pas nommer les accusateurs directement et semble leur laisser la responsabilité de leurs propos97. Il tente alors de contrebalancer ces accusations en dépréciant leurs auteurs : Mihi sane sutores ultra crepidam (quod aiunt) iudicare velle videntur98 ;

cela ne relève donc pas de leur compétence. Mais cet effort s’annule en partie par les propos suivants : Tametsi e non contemnendo authore huiusmodi hauserint opinor99.

Que veut atténuer Burer par cette litote ? Ne faut-il pas voir ici la crainte de dénoncer des amis qui doutent d’Erasme, et Burer veut-il ménager les convictions et les relations de Beatus ? Cette évocation 96 « Plus on fait grand cas d’Erasme en matière de théologie là où tu es, moins on en fait ici. » H, lettre 206, p. 280-281. 97 Aiunt...dictitant....iactitant : « ils disent, vont en disant, font fort de mettre en avant »... Des verbes à la voix passive : censetur, reprehenditur « on estime qu’il…, on le critique en disant » ou impersonnels : nec placet libellus « et le petit livre ne plaît pas », H, lettre 206, p. 281, estompent également l’identité des dénonciateurs. 98 « Il me semble clairement que ce sont des cordonniers qui (comme on dit) veulent juger au-dessus de la chaussure. » H, lettre 206, p. 281. D’après Pline l’Ancien (Histoire naturelle, 35-85), Apelle aurait dit : Sutor, ne supra crepidam (« Cordonnier, pas plus haut que la chaussure ») ou Ne sutor ultra crepidam (« que le cordonnier ne juge pas au-delà de la chaussure ») à un cordonnier qui, après avoir critiqué une sandale dans un de ses tableaux, voulut juger du reste. Ce proverbe est à l’adresse de ceux qui veulent parler en connaisseurs de choses qu’ils ignorent. 99 « Bien qu’à mon avis, ils aient puisé des opinions de cette sorte chez une autorité qui n’est pas à mépriser. » H, lettre 206, p. 281 ; l’« autorité qui n’est pas à mépriser » est sans doute Luther ou Melanchthon.

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négative d’Erasme pourrait livrer les premiers éléments d’un cheminement divergent entre les deux hommes. [31] Dans la deuxième lettre du 19 octobre 1521 Burer s’attarde longuement sur la personnalité de Carlstadt. Ses qualités d’orateur et son efficacité sur l’auditoire dans une disputatio universitaire sont analysées en détail. Il note : Qui vir, quantum ex ea disputatione coniicere licuit, altum sapit in theologia100.

Il s’agit ici de l’abolition de la messe et seule la Bible doit en fournir les arguments : Nam alias ferme hic nihil solet admitti101.

S’ensuit alors, sous la forme d’une hypotypose, une très vivante description de l’enseignant-orateur qui se fait l’avocat du diable : … Carolostadius adeo, ut hominem huc conductum putasses, tantum ut resisteret. Sed hoc non tantum agebat Carolostadius, ut resisteret, imo potius hoc ut quid quilibet haberet animi cognosceret, deinde quid quisque sentiret, expiscaretur. (….) …sic dicens : Ecce hoc contra dici posset ab adversariis nostris, …. Ecce sic tuum caderet argumentum. (....) Optabat inibi …. (....) …etiam atque etiam adhortabatur102…

La figure de l’énergie soutient cette description, les déictiques (« ceci, voici, là… ») mènent le regard du spectateur-lecteur103 d’un point à l’autre de la scène, l’incluant dans l’auditoire. L’alternance du discours direct et indirect renforce encore cette impression de vie : Burer emmêle subtilement les propos de l’orateur et ses propres commentaires, dans un effet de polyphonie qui donne à entendre à la 100 « Or cet homme, pour autant qu’il a été permis de conjecturer à partir de ce

débat, possède un savoir profond en théologie. » H, lettre 212, p. 294. 101 « Car ici on a l’habitude de n’admettre presque rien venant d’ailleurs. » H, lettre 212, p. 294. 102 « … Carlstadt (résista vivement à ceux qui voulaient l’abolition de la messe) au point qu’on aurait pensé qu’il avait été engagé à cette fin, seulement pour qu’il résiste. Mais Carlstadt ne faisait pas que cela, résister ; au contraire il faisait plutôt ceci : prendre connaissance de ce que tout homme avait en son cœur, ensuite chercher à découvrir ce que chacun avait comme opinion. (…) parlant ainsi : voici ce qui pourrait être dit par nos adversaires … voici comment ton argument pourrait s’écrouler. Là il exprimait un souhait, (…) il les exhortait encore et encore », H, lettre 212, p. 294. 103 Les personnes présentes à cette assemblée dont Burer, le destinataire Beatus, et nous lecteurs....

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fois l’orateur et l’auditeur Burer, étourdi par la prestation de Carlstadt. Il nous le montre en tribun de l’Evangile, maîtrisant l’art du débat : -

la disputatio : Quid item adversarii pro et contra dicere possent104,

-

la maïeutique, ...ut qui quilibet haberet animi cognosceret, deinde quid quique sentiret, expiscaretur105,

-

la dénonciation des arguments trompeurs : Ecce sic huius sic illius argumentum eluderet atque illuderet sophista quispiam nequior106.

L’ardeur du tribun est cependant tempérée par sa sagesse et le respect de la loi : Adhortabatur item (...) ut facerent id cum consensu magistratus Wittenbergensis, ne quid offendiculi inde nascetur in vulgo107.

Le portrait est donc élogieux, souligne l’éloquence du prédicateur et l’énergie qu’il met au service du Christ. [32] Le portrait de Luther dans la lettre du 27 mars 1522 n’est pas le moins intéressant. Celui-ci est sorti de sa retraite de la Wartburg pour apaiser les troubles et mettre fin aux extrêmes. Burer le présente comme le défenseur des faibles, …quos Martinus non aliter atque Paulus lacte novit alere, donec grandescant108. 104 « Ce que de même les adversaires pourraient dire pour et contre. » H, lettre 212, p. 294. 105 « prendre connaissance de ce que tout homme avait en son cœur, ensuite chercher à découvrir ce que chacun avait comme opinion » H, lettre 212, p. 294. 106 « Voici comment quelque sophiste plutôt vaurien pourrait esquiver et donc se moquer de l’argument de celui-ci ou de celui-là. » H, lettre 212, p. 294. 107 « Il les exhortait de même … de le faire avec l’accord du magistrat de Wittenberg, pour qu’il ne naquît pas de là quelque pierre d’achoppement chez la foule. » H, lettre 212, p. 294. 108 « Que Martin, tout comme Paul, sait nourrir de lait, jusqu’à ce qu’ils grandissent enfin. » H, lettre 220, p. 303. Paul, 1 Corinthiens 2:3 et 1 Corinthiens, 3:2 : « Moi-même j’étais auprès de vous dans un état de faiblesse, de crainte, et de grand tremblement... Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter ; et vous ne le pouvez pas même à présent. » Bible Louis Segond, version 1910.

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Pendant ces quelques jours à Wittenberg, Luther rappelle leur devoir aux croyants, et le sens des dix commandements. L’image du père protecteur est alors développée. Vir est, quantum ex uultu apparet, benignus, mansuetus et hilaris. Vox eius suavis et sonora atque etiam ita, ut admirer suavem eloquentiam hominis109.

Sa douceur s’oppose à l’énergie de Carlstadt. Burer double encore cette qualité de la piété : Piissimum est, quidquid loquitur, quidquid docet, quidquid agit, etiamsi ab impiissimis inimicis eius diversum dicatur110.

Les qualités du cœur sont nettement privilégiées, à l’inverse de Carlstadt qui brille par la puissance de l’esprit et de l’éloquence. Le charme de Luther n’opère cependant pas moins que celui de Carlstadt : Hunc qui semel audierit, modo si non fuerit saxo, iterum atque iterum audire cupit, adeo tenaces aculeos infigit animis auditorum111.

Luther opère par sa grâce, sa parole enchante, pénètre. Burer termine : Nihil (...) desiderari queat; etiam si semel universi mortales una cum portis inferi contradixerint112.

Il est conquis. Marc Lienhard note dans La passion de Dieu113 : « Autour de 1520, Luther fait l’objet, en Allemagne, d’un enthousiasme débordant. ‘Père de la patrie’, ‘sauveur et guide’, ‘Ange inspiré de Dieu’. Les superlatifs forgés par les humanistes ne connaissaient plus de bornes ! » Cette représentation charismatique de Luther est bien celle que nous renvoie avec enthousiasme le jeune Burer. Cependant elle s’oppose aussi à une image plus contrastée que 109 « C’est un homme – pour autant que cela paraît clairement de son visage – qui est bienveillant, tendre et joyeux. Sa voix est douce et sonore et cela même au point que je m’étonne de l’éloquence douce de l’homme. » H, lettre 220, p. 303. 110 « Est entièrement pieux tout ce qu’il dit, tout ce qu’il enseigne, tout ce qu’il fait, même si tous ses ennemis les plus impies venaient à dire le contraire. » H, lettre 220, p. 303. 111 « L’homme qui l’a entendu une seule fois, pourvu qu’il ne soit pas de pierre, désire l’entendre encore et encore, c’est à ce point qu’il enfonce des aiguillons tenaces dans l’âme de l’assistance. » H, lettre 220, p. 303. 112 « Il n’y a rien qu’on puisse regretter ; même si en une fois tous les mortels ensemble en même temps que les portes de l’enfer venaient à dire le contraire. » H, lettre 220, p. 303. 113 Lienhard, Passion de Dieu, p. 93.

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d’autres ont pu en avoir : « Inquiet et scrupuleux » note encore Marc Lienhard114. Plus loin : « Personnellement Luther se méfiait aussi de son propre tempérament, de sa sensibilité et de son irascibilité. Ces traits de caractère n’étaient en effet guère propices à un engagement public115. » Luther a-t-il su dominer ses faiblesses en public ? Burer idéalise-t-il le personnage ? Quoi qu’il en soit, cette confrontation directe avec le prédicateur permet à Burer d’affirmer son orientation spirituelle : il s’est alors engagé dans une voie qui n’est peut-être plus celle de son ancien maître. [33] Le parcours d’Albert Burer, en tant que correspondant de Beatus Rhenanus, se termine ici pour nous avec la lettre du 27 mars 1522. Néanmoins, il importe de suivre jusqu’au bout, dans la mesure du possible, la vie de l’homme que nous avons appris à connaître. Heinrich Glareanus, en exerçant de nouveau la fonction de maître d’école à Bâle, de février 1522 à février 1529, chercha des assistants116. A l’époque, cet homme qui ne fut pas très attiré par les mouvements de réforme pouvait non seulement penser à Oswald Myconius mais aussi à Burer comme candidats à ce poste117. Glareanus mentionne cette recherche dans une lettre écrite le 20 janvier 1523 depuis Bâle à Zwingli : De Myconio quae scribis, doleo, si quid aduersi illi contingit. Vir est optimus. Si eum habere nequeo, fortassis Albertum illum uocabo, quamquam audio illi nescio quod esse caput, nisi mutauerit, ut bene spero118.

Nul doute que ces « je ne sais quelles idées » que Burer a « dans la tête » ont un lien direct avec son adhésion au mouvement de Luther. Et manifestement, les tendances religieuses de Burer étaient de 114 Ibid., p. 37. 115 Ibid., p 93. 116 Sieber, „Glarean in Basel“, p. 70. 117 Voir Margolin, « Glarean et Myconius », p. 155, sur les destins divergents de

Glareanus et de Myconius. 118 Zwingli, Briefw., vol. 2, Egli, Finsler et Köhler, p, 9, ll. 7-10, Ep. 270. « Quant à ce que tu écris sur Myconius, j’ai de la peine, s’il lui arrive quelque chose de fâcheux. C’est un homme très bon. Si je ne peux pas l’avoir, peut-être appelleraije le célèbre Albert, bien que j’entende qu’il a je ne sais quelles idées dans la tête, à moins qu’il n’ait changé, comme je l’espère bien. » Egli, Finsler et Köhler font savoir à propos de Myconius que l’événement « fâcheux » est son renvoi de Lucerne pour cause de pensée religieuse, pour ce renvoi, cf. Margolin, « Glarean et Myconius », p. 153. A la fin de cette même lettre, Glareanus (p. 10, l. 9) revient sur sa recherche d’un assistant, d’un « hypodidascalus ». Glareanus s’arrêtera d’écrire à Zwingli vers février 1523, en raison de désaccords religieux, voir Margolin, p. 149.

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notoriété publique à Bâle. Une autre lettre de Glareanus à Zwingli quelques jours plus tard, du 26 janvier 1523, montre que l’ancien famulus de Rhenanus était à Bâle et que Glareanus avait pu s’entretenir avec lui de vive voix : Albertus Burerius mecum fuit ; quare non est nunc opus ut cum Myconio conferas quicquam, nisi ut me illi plurimum commendes119.

Puisque Glareanus indique qu’il n’est plus nécessaire que Zwingli entre en contact avec Myconius, on peut penser que son entretien avec Burer avait été prometteur. Mais comme celui-ci, par la suite, sauf erreur, n’est pas devenu l’assistant de Glareanus, il faut en déduire qu’il y a eu un obstacle au projet, peut-être les convictions religieuses inchangées de Burer. Toutefois il faut être prudent, car il semblerait que Glareanus ait fini par renoncer à son projet d’engager un assistant quel qu’il fût120. [34] Entre 1523 et 1525 sans doute, Burer fait sortir du couvent des clarisses de Königsfelden, tout près de sa ville natale de Brugg, une religieuse, qu’il épouse121, Margareta Ryff de Saint-Gall122. En 1527 il aurait brièvement été secrétaire de la ville d’Erlach123 pour devenir cette même année maître de l’école latine à Berne124. Au début des années 30, au moins jusqu’en 1535, il est en procès avec sa belle-famille pour récupérer l’héritage de sa femme Margareta, dont la mère était décédée. En effet, le 21 juin 1535 il revient par lettre vers Boniface Amerbach, alors juriste en vue, pour lui demander conseil à cet égard125. Pour des raisons qui nous échappent actuellement, le 28 octobre 1532, sous le coup d’une sanction, il est démis de son poste à Berne, pour enseigner à Thun126, dans le Sibental inférieur127. 119 « Albert Burer a été en ma compagnie ; c’est pourquoi il n’est pas nécessaire maintenant que tu communiques quelque chose à Myconius, si ce n’est lui exprimer tout mon respect. » Zwingli, Briefw., vol. 2, Egli, Finsler et Köhler, p. 17, ll. 14-15, Ep. 274. 120 Sieber, „Glarean in Basel“, p. 70 : „Zur Anstellung eines Hilfslehrers scheint es aber nie gekommen zu sein“. 121 Banholzer, „Geschichte Brugg“, p. 157 et 193. Le père de Burer, Hans, avait été l’intendant du couvent de 1512 à 1522, id., p. 157. 122 Les parents de la religieuse étaient Georgius Ryff, appelé Welter à Blydegk, et d’Apollonia Zolikhofer, voir Banholzer, „Geschichte Brugg“, p. 157 et Vadian. Briefsammlung, Arbenz-Wartmann, Bd. V, S. 671, du 9 mai 1530. 123 Banholzer, „Geschichte Brugg“, p. 280. 124 Vadian. Briefsammlung, Arbenz-Wartmann, Bd. V, S. 671, du 9 mai 1530. 125 Amerbachk., vol. 4, Hartmann, n° 1953, p. 355-356. 126 Bullinger Briefwechsel, vol. 3, Zsindely et Senn, Lettre 179, p. 49-50 (17 janvier 1533), n. 5 et De Quervain, Kirchliche und soziale Zustände in Bern,

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Lorsque Burer écrit à Boniface Amerbach le 21 juin 1535 il fait savoir qu’il est débordé par son travail de professeur à Thun. A partir de 1535, la situation devient confuse. Selon Brändly, en 1535, Burer aurait été renvoyé de Thun pour devenir le maître d’une école allemande dans la vallée de Simmen ; pourtant, il n’aurait gardé cette fonction qu’un an128. Mais depuis l’article assez ancien (1950) de Brändly, qui, à notre avis, noircissait indûment le tableau129, d’autres renseignements ont vu le jour. En effet, on apprend dans la correspondance d’Heinrich Bullinger que Burer est mort en poste en 1541 ou 1542 en tant que Maître d’école à l’Ecole latine de Bienne (en all. « Biel »), dans le canton de Berne130. Nous ne savons pas quand il est entré dans ses fonctions. [35] Burer a donc épousé une ancienne religieuse comme l’ont fait les prêtres défroqués de Wittenberg, témoignage sans doute de son militantisme. Mais pour quelles raisons est-il rétrogradé et démis du poste de Berne et, peut-être, du celui de Thun ? Est-il tombé malade ? A-t-il perdu son poste d’enseignant, comme Myconius en 1523, p. 67-68 „Der Vorsteher der bernischen Lateinschule, Albrecht Bürer, früher Stadtschreiber zu Erlach, hatte sein Amt 1528 angetreten; aber schon 1532 erfolgte seine Strafversetzung nach Thun.“ On sait seulement, à partir de De Quervain, que les honoraires et l’hébergement des maîtres d’école à Berne étaient parfois incertains. 127 Amerbachk., vol. 4, Hartmann, n° 1953, p. 356, n. 4. 128 Brändly, „Bürer über Luther“, p. 176. Cf. Banholzer, p. 273, qui indique que durant la période 1535 à 1539 Pfister (Artopaeus, Baling) a suivi Burer comme maître d’école à Thun. 129 Brändly, „Bürer über Luther“, p. 176 : „Albert Bürer, von Brugg, der Sohn Hans Bürers, des Hofmeisters des Klosters Königsfelden, war Famulus Beat Rhenans in Basel. Nach seinem Studium in Wittenberg in die Schweitz zurückgekehrt, ehelichte Margareta Zollikofer von St. Gallen, eine ehemalige Nonne von Königsfelden, ward Stadtschreiber von Erlach, dann aber mit einer Warnung als Lehrer nach Thun versetzt, nach drei Jahren abgesetzt, so dass er sich mit einer geringen Stelle, ohne seine alten Sprachen verwenden zu können, als deutscher Lehrmeister im Simmental begnügen musste, aber das ging nur ein Jahr. So viele Hoffnungen hatte der junge, begabte Bürer geweckt, erfüllt hat er sie nicht.“ 130 Bullinger Briefwechsel, vol. 12, Henrich, Kess et Moser, Lettre 1598, p. 31, la n. 9. Il s’agit d’une lettre du maire et du conseil de Bienne à Bullinger et aux autres pasteurs et enseignants de Zurich. Ils demandent un nouveau pasteur et un nouveau maître d’école, car les deux sont décédés (le premier, Johannes Rhellikan, le 14 janv. 1542). On lit dans la n. 9 „Nötig wurde die Neubesetzung der Schulmeisterstelle an der Bieler Lateinschule durch den Tod des Amtsinhabers Albrecht Bürer.“ Nous n’avons pu consulter Jacob Wyss, Das Bieler Schulwesen … 1269-1815, Biel, 1919 (p. 19). Cf. Bullinger Briefwechsel, vol. 12, Henrich, Kess et Moser, Lettre 1615, p. 61, la n. 18.

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partisan de Luther, déchargé de sa fonction d’enseignant et expulsé de Lucerne en raison de son prosélytisme131 ? Ou comme Sapidus, forcé de quitter son poste, ici à Sélestat, pour les mêmes raisons en 1525132 ? Ces « je ne sais quelles idées » qu’avait Burer « dans la tête » mettent en évidence la réputation d’un homme connu comme défenseur des idées de Luther mais l’expression familière volontairement approximative et ironique de Glareanus souligne la méfiance que cela pouvait provoquer dans l’autre camp. [36] Nous ne sommes pas mieux renseignée sur les causes de la mort d’Albert Burer survenue en 1541-1542, mais nous pouvons penser que dans son enseignement du latin à Berne, Thun et Bienne il a gardé la même vivacité et la même sincérité dont témoignent les lettres écrites à Rhenanus. [37] Or, après la lettre du 27 mars 1522, sauf erreur, on ne trouve plus aucune mention de Burer dans la correspondance de Rhenanus. Celui-ci aurait-il détruit, en même temps que beaucoup d’autres lettres, celles de son ancien famulus dans une correspondance qui s’est peut-être poursuivie ? En effet si Burer a eu des difficultés par la suite, il est difficile d’imaginer qu’il n’ait pas écrit à Rhenanus pour lui demander de l’aide. Ou au contraire, Burer est-il devenu trop radical pour Rhenanus, si bien que celui-ci a dû mettre fin à leurs relations ? Dans la lettre de 1535 à Boniface Amerbach, Burer demande à Boniface de saluer Rhenanus de sa part « pour le cas où il serait présent à Bâle » (Si adsit)133 : les relations se sont visiblement distendues puisque Burer n’est plus au fait des déplacements de Beatus et qu’il le salue par l’intermédiaire de Boniface. Néanmoins ces quelques éléments ne nous permettent pas de répondre précisément aux questions que soulève l’interruption de cette correspondance. [38] Il nous reste de Burer le cheminement de sa pensée conservé dans ses lettres : trace d’un itinéraire personnel, mais aussi écho des grands débats qui agitaient son temps, reflet et révélateur de la pensée de son maître Beatus Rhenanus dont l’étudiant s’est peut-être écarté progressivement ou a été écarté en raison de son adhésion radicale aux idées de réforme.

131 Margolin, « Glarean et Myconius », p. 153. 132 Sapidus dut démissionner de son poste de directeur en août 1525 et quitter la

ville en octobre 1526 pour enseigner à Strasbourg. Il renonça à sa citoyenneté de Sélestat le 30 octobre 1526, voir Gény, Die Reichstadt Schlettstat, p. 189. 133 Amerbachk., vol. 4, Hartmann, n° 1953, p. 356.

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und Traugott Schiess, Philologische Beratung durch Ruth Jörg und Bärbel Schnegg, Zürich, Theologischer Verlag, 2006. De Quervain, Kirchliche und soziale Zustände in Bern = De Quervain, Theodor : Kirchliche und soziale Zustände in Bern unmittelbar nach der Einführung der Reformation (1528-1536). InauguralDissertation der philosophischen Fakultät der Universität Bern zur Erlangung der Doktorwürde vorgelegt von Theodor de Quervain. Von der philosophischen Fakultät auf Antrag des Herrn Prof. Dr. Tobler angenommen. Bern, 27 Oktober 1905. Der Dekan: Prof. Dr. Ludwig Stein, Bern, Buchdruckerei Gustav Grunau, 1906. Gény, Die Reichstadt Schlettstat = Gény, Joséph : Die Reichstadt Schlettstat und ihr Antheil an den socialpolitischen und religiösen Bewegungen der Jahre 1490-1536. Nach meist ungedrukten Quellen bearbeitet von Joseph Gény, Freiburg im Breisgau, 1900. GG = Le Grand Gaffiot, Félix Gaffiot … Dictionnaire Latin-Français, Nouvelle édition revue et augmentée sous la direction de Pierre Flobert, …, Paris, Hachette-Livre, 2000. Groll, Passional = Groll, Karin : Das « Passional Christi und Antichristi » von Lucas Cranach d. Ä. [Europäische Hochschulschriften… Bd./Vol. 118], Frankfurt am Main, Bern, New York, Paris, Peter Lang, 1990. H = voir Rhenanus Briefwechsel, Horawitz et Hartfelder. Hilgert, “Froben & Scholars” = Hilgert, Earle : “Johann Froben and the Basel University Scholars, 1513-1523”, The Library Quarterly 41 (1971), p. 141-169. Hirstein, « Bibliothèque de Rhenanus » = Hirstein, James : « La bibliothèque de Beatus Rhenanus : une vue d’ensemble des livres imprimés » in Les humanistes et leurs bibliothèques/Humanists and their Libraries : Actes du Colloque international Bruxelles, 26-28 août 1999, éd. Rudolf De Smet (Université Libre de Bruxelles/Vrije Universiteit Brussel, Travaux de l’Institut Interuniversitaire pour l’Etude de la Renaissance et de l’Humanisme, XIII), Peeters, Leuven/Paris/Sterling, Virginia, 2002, p. 113-142. Hirstein « Le bilinguisme au XVIe siècle » = - : « Le bilinguisme au XVIe siècle : un document latin-alsacien inédit de Beatus Rhenanus relatif aux obsèques de son père Antoine (MS 58) »,

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Müller, Die Wittenberger Bewegung 1521 und 1522 = Müller, Nikolaus : Die Wittenberger Bewegung 1521 und 1522. Die Vorgänge in und um Wittenberg während Luthers Wartburgaufenthalt : Briefe, Akten u. dgl. und Personalien von D. Dr. Nikolaus Müller, Professor an der Universität in Berlin, Zweite Auflage, Leipzig, Verlag von M. Heinsius Nachfolger, 1911. OLD = Oxford Latin Dictionary, Oxford, Clarendon Press, 1968-1982. Rhenanus Briefwechsel, Horawitz et Hartfelder = Briefwechsel des Beatus Rhenanus, Adalbert Horawitz et Karl Hartfelder, édd., Leipzig, Teubner, 1886, rpt. Nieuwkoop, B. de Graaf, 1966. Rhenanus, EBR, vol. 1, Hirstein = Epistulae Beati Rhenani, La Correspondance latine et grecque de Beatus Rhenanus de Sélestat, Edition critique raisonnée, avec traduction et commentaire, vol. 1 (1506-1517) édité par James Hirstein avec la collaboration de Jean Boes, de François Heim, de Charles Munier†, de Francis Schlienger, de Robert Walter† et d’autres collègues (Studia humanitatis rhenana, 3), Turnhout, Brepols, 2013, 1105 p. Sieber, „Glarean in Basel“ = Sieber, Marc : „Glarean in Basel“, Jahrbuch des historischen Vereins des Kantons Glarus 60 (1963), p. 53-75. TLL = Thesaurus Linguae Latinae. Vadian. Briefsammlung, Arbenz-Wartmann, Bd. V = Die Vadianische Briefsammlung der Stadtbibliothek St. Gallen. V., 1531-1540, Herausgegeben von Emil Arbenz und Hermann Wartmann, (Mitteilungen zur Vaterländischen Geschichte, hrsg. vom Historischen Verein in St. Gallen, XXIX. Dritte Folge IX) St. Gallen, Fehr’sche Buchhandlung (Vormals Huber & Co.), 1903. VD-16 = Verzeichnis der im deutschen Sprachbereich erschienenen Drucke des XVI. Jahrhunderts. -VD-16- Hg. von der Bayerischen Staatsbibliothek in München in Verbindung mit der Herzog August Bibliothek in Wolfenbüttel, Stuttgart, Anton Hiersemann, 19831993. Wackernagel, Matrikel, vol. 1 = Wackernagel, Hans Georg : Die Matrikel der Universität Basel. Im Auftrage der Univ. Basel hg. von H. G. Wackernagel, I. Band 1460-1529, Basel, Verlag der Universitätsbibliothek, 1951.

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Walter, Anthologie = Walter, Robert : Beatus Rhenanus, Citoyen de Sélestat, ami d’Erasme : Anthologie de sa Correspondance, Strasbourg, Librairie Oberlin, 1986. Zwingli, Briefw., vol. 2, Egli, Finsler et Köhler = Zwinglis Briefwechsel gesammelt, erläutert und unter philologischer Mitwirkung der Professoren Dr. Hermann Hitzig und Dr. Albert Bachmann und Dr. Ludwig Köhler, bearbeitet von Emil Egli herausgegeben von Walther Köhler, Band II die Briefe von 1523-1526 (Corpus Reformatorum, vol. XCV, Zwinglis sämtliche Werke, Bd. VIII), Leipzig, Verlag von M. Heinsius Nachfolger, 1914.

8 Otto Brunfels et Beatus Rhenanus en l’année 1520 : l’élève et le maître ? Martine Meyer

[1] Tour à tour présenté comme un homme aux multiples qualités et facettes, ou moqué pour sa maladroite intervention de l’année 1524 en faveur d’Ulrich von Hutten en réponse à la Spongia d’Érasme, Otto Brunfels accumule néanmoins une quantité impressionnante de titres. C’est ainsi que F.W.E. Roth énumère les domaines où son nom apparaît grâce à des publications : « théologie, critique biblique, histoire, médecine, ecdotique, botanique, astrologie, pharmacie, pédagogie1 ». Quant à ces facettes, Marc Lienhard, après avoir résumé la recherche antérieure, qui a vu en Brunfels un anabaptiste, un humaniste érasmien passé à la Réforme, un « nicodémite », un « épicurien », un ultraluthérien, un agitateur social – sans oublier qu’on le qualifie aussi de « père de la botanique moderne » – est amené à le considérer comme « inclassable2 » ! [2] Or au fil de cette existence si variée, l’année 1520 est une année critique et la Bibliothèque Humaniste de Sélestat possède sept lettres manuscrites qu’Otto Brunfels a adressées à Beatus Rhenanus durant cette période. Sauf omission, ce sont les seuls indices entiers des contacts entre ces deux personnages littéraires et scientifiques de première importance. En effet, Rhenanus (ou ses héritiers) n’a pas gardé de copie de ses propres missives ni n’a conservé toutes celles qu’il avait reçues3 et les lettres reçues par Brunfels de sa part ne sont pas venues jusqu’à nous. Qui plus est, en dépit de la richesse de la bibliothèque personnelle de l’humaniste conservée à Sélestat, il ne s’y trouve, dans l’état actuel du fonds, aucun des nombreux livres publiés

1 Roth, „Brunfels … geschildert“, p. 316-317. 2 Lienhard, « Un inclassable … Brunfels », p. 435-436. 3 EBR, vol. 1, intro., p. XLII-XLIV.

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8. Martine Meyer

par Brunfels4. Quant à celui-ci, nous n’avons pas eu connaissance de la survie des nombreux livres dont Rhenanus lui a fait cadeau. [3] En décrivant le rapport entre Brunfels (env. 1488-1534) et Rhenanus (1485-1547), Jean-Claude Margolin fait valoir que même si Brunfels était le cadet de seulement trois ans, Rhenanus restait : « son maître dans le domaine de l’érudition classique et des éditions savantes5 ». Nous voudrions décrire et analyser de manière plus approfondie le rapport entre les deux hommes pour déterminer si cette relation existait dans d’autres domaines, car assez rapidement dans ses lettres Brunfels s’exprime sur un pied d’égalité avec Rhenanus. Pour ce faire, nous présenterons une brève biographie de Brunfels et un examen commenté de passages choisis des sept lettres6. Le caractère limité du corpus exige parfois de lire en filigrane et d’imaginer le contenu des lettres de Rhenanus. Otto Brunfels [4] Otto Brunfels est né vers 1488 à Mayence, fils d’un père tonnelier ; dès son enfance, il paraît souvent maladif, mais obtient vers 1510 ses « grades de licencié en théologie et en philosophie » à Mayence7. Malgré l’opposition paternelle, il entre en religion à la chartreuse de Koenigshoffen, près de Strasbourg8. Il s’y serait présenté à l’âge de 22 ans, donc vers 15109 ; pourtant, une source récente indique la date de 151910. Il y reste jusqu’en 1521. Pendant ce séjour, il noue des liens avec des imprimeurs et divers humanistes à Strasbourg et dans la 4 Les deux titres qui s’y trouvent : la Confutatio sophistices (Sélestat, Lazare Schürer, mai 1520 ; BHS K 94d/WJ n° 821) et les Herbarum uiuae eicones (Strasbourg, Joh. Schott, 14 fév.1532 ; BHS K 499/WJ n° 822) proviennent pour le premier d’Antoine Dorlan, pour le second de Huldericus Chelius Pforzensis. 5 Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 119. 6 Ce faisant nous répondons à l’un des desiderata de Lienhard, la prise en compte de la correspondance de Brunfels, voir « Un inclassable … Brunfels », p. 446, n° 2. 7 Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 111. 8 Pour la chartreuse, voir Bornert, MA, 6, « La chartreuse de Strasbourg (13331591) », p. 100-162 (Marcel Mathis et R. Bornert). 9 Voir Passmann, „Die Kartause zu Strassburg : Kunst und Wissenschaft“, p. 145 ; Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 111 et Lienhard, « Un inclassable … Brunfels », p. 437. 10 Bornert, MA, 6, p. 152 : « Otto Brunfels entra vers 1519 à la chartreuse de Strasbourg sans doute pour y trouver les moyens de poursuivre ses études ». Pour d’autres motivations possibles, voir Passmann, „Die Kartause zu Strassburg : Kunst und Wissenschaft“, p. 145.

8. « Brunfels et Rhenanus, 1520 »

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région. Son influence à Strasbourg se remarque à travers l’ouvrage le De corrigendis studiis seuerioribus praeceptiunculae breues, « De brefs petits préceptes sur l’amélioration des études trop sévères », avec une sentence en grec sur la page de titre11 et une épître dédicatoire adressée à Nikolaus Gerbel12. Johann Schott, qui deviendra en quelque sorte son imprimeur attitré, le publie en 1519. Brunfels s’inspire des ouvrages similaires d’Erasme et de Melanchthon13. Son intérêt pour la pédagogie et une influence régionale plus large se lisent dans les Aphorismi institutionis puerorum, « Aphorismes sur l’éducation des enfants », traité pédagogique inspiré de Cicéron, de Sénèque, de Quintilien, de Saint-Jérôme, de Rudolf Agricola et d’Érasme et publié par le même Schott le 30 août 1519. Une épigramme de deux distiques par Johann Sapidus orne la page de titre14 et le livre est présenté par un mot de l’imprimeur et une lettre de Jakob Wimpfeling à Johann Schott15. Brunfels dédie l’ouvrage dans une épître dédicatoire du 1er août 1519 à Gregor Reisch, un autre chartreux, de Fribourg-enBrisgau, et déjà célèbre16 ; le nom d’Erasme est omniprésent17. En 11 La forme de la sentence Σοφία γὰρ μόνη τῶν κτημάτων ἀθάνατον « en effet, la

sagesse est la seule des possessions qui soit quelque chose d’immortel » semble indiquer que la source est le commentaire sur l’Isagoge de Porphyre par le philosophe « Elias » qui aurait vécu au VIe s. ap. J.-C. et non pas le Pseudo-Isocrate, « A Demonicos », 19, 4, où on lit non pas μόνη mais μόνον. 12 Exemplaire consulté : BSB « Res/4 H.lit.u 60,4 (VD-16 B 8488) urn:nbn:de:bvb: 12-bsb10201065-2), voir Dall’Asta, „Gerbel“, cols. 905-906. 13 Voir Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 115-118. 14 Io[annis] Sapidi Selestad[ii] paedonomi : Qua ratione puer primis formetur ab annis,/ Iste bona plenus fruge libellus habet.// Hanc tibi sementem fecit Brunnfelsius Ottho,/ Qui suus est candor, Lector ut ipse metas. « [Poème] de Johann Sapidus, préposé à l’éducation des enfants à Sélestat : Par quelle méthode on forme un enfant à partir des premières années/ ce petit livre rempli de bons fruits la possède. Lecteur, Otto Brunfels a semé à ton intention, avec la sincérité qui est la sienne, pour que toimême tu moissonnes », voir aussi Sapidus, Epigrammes, n° 76. (Exemplaire des Aphorismi consulté : BSB « Res/4 A.lat.a 730# Beibd.3 (VD-16 B 8466) urn:nbn:de: bvb:12-bsb00080053-6), voir Worstbrock, „Sapidus“, col. 793, n° 3 et Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 118-119. 15 Voir Wimpfeling Briefwechsel, Herding et Mertens, vol. 2, p. 836-838 n° 340, du 26 juin 1519. 16 Reisch (1467-1525) était le prieur des Chartreux de St-Johannisberg, près de Fribourg et le visiteur des autres chartreuses. Il est l’auteur de l’ouvrage encyclopédique Margarita philosophica la « Perle philosophique » publiée en 1503, qui prépare et résume les études universitaires et fut actif à Bâle chez les imprimeurs Johann Amerbach et Johann Froben. Pour Reisch, voir Fasbender et Worstbrock, „Reisch … Gregor“.

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outre, un livre qui sera publié en 1520, le Confutatio sophistices, la « Réfutation de l’art sophistique » (voir plus loin), porte une lettre de dédicace de Brunfels à Wolfgang Capito, datée du 15 février 151918. Ce soutien et ces connaissances indiquent que Brunfels est déjà connu de certains des humanistes alsaciens19. [5] A cette époque Brunfels refuse de plus en plus de se soumettre à certains aspects de la règle, semble vivre par l’esprit en dehors du monastère et devient un fervent défenseur de Luther. Il s’oppose virulemment au prieur de la chartreuse, Martin Gallicion, au point de le nommer « tyran », « satan », ou « bestia ». Selon le P. Antonin Passmann, ce prieur dirige le monastère de 1510 à 1534 : Otto Brunfels ne connaît donc que ce seul supérieur. Durant l’année 1520, il cherche de toutes les manières possibles à trouver du soutien et une possibilité de fuir. En 1521, le moine décide de quitter la chartreuse, ce qu’il fait fin juin ou en juillet avec son camarade Michael Herr. Brunfels rejoint Ulrich von Hutten, qui l’a peut-être aidé à s’enfuir, dans l’Ebernburg, près de Kreuznach20. Il se trouve plus tard en compagnie de Hutten au château de Diemerstein près de Kaiserslautern21. Il est d’abord au service du chevalier, avant de remplir le rôle de prédicateur évangélique à Steinheim, d’où il doit fuir en 1522 pour Francfort ; puis nouvelle fuite jusqu’à Neuenburg sur le Rhin, entre Bâle et Breisach. C’est là qu’il publie en 1523 et 1524 Von dem Evangelischen Anstoss, « À propos du scandale de l’évangile22 ». Fin 1523 ou début 1524 il est nommé maître d’école à Strasbourg, où il peut mettre en œuvre ses théories éducatives publiées dans le De corrigendis studiis seuerioribus et dans les Aphorismi institutionis puerorum. Le 26 mars 1524, Otto Brunfels est fait citoyen de Strasbourg. [6] C’est là, peu après la mort d’Ulrich von Hutten, qu’intervient la douloureuse dispute avec Erasme, qu’Otto Brunfels a toujours admiré. Néanmoins il n’a pas voulu garder le silence après la publication de la Spongia, « L’éponge », où Erasme répond à l’attaque de Hutten qui reprochait au Rotterdamois de ne pas épouser franchement la cause de Luther. En effet, des amis communs incitent Brunfels à prendre la 17 Pour l’ouvrage voir Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 118-119. 18 Capito, Corr., 1, Rummel & Kooistra, p. 40-45, Lett. n° 25. 19 Cf. Ginzburg, Il nicodemismo, p. 5-6. 20 Passmann, „Die Kartause zu Strassburg : Kunst und Wissenschaft“, p. 148-149. 21 Voir Weigelt, Brunfels, p. 28, n. 5 et BCor, vol. 1, p. 176, ll. 63-64, lett. n° 38. 22 Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 112 et 133, n. 12, fait savoir que le terme de « Anstoss » est l’équivalent de celui de « Ärgernis ».

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défense de celui qui l’a protégé, et une remarque d’Érasme lui-même l’aurait poussé à écrire sa réponse, qu’il intitule Pro Ulricho Hutteno defuncto ad Erasmi Rotterdami spongiam responsio, « Réponse à la Spongia d’Erasme de Rotterdam, au nom d’Ulrich von Hutten, défunt », publiée par Johann Schott en 152423. La ville de Strasbourg demande par la suite aux deux responsables, Brunfels et Schott, de se réconcilier avec Erasme, ce qu’un timide échange de lettres en 1525 entre Otto Brunfels et l’humaniste hollandais semble attester24. [7] En 1524, Brunfels publie en latin et en allemand un écrit où il critique la dîme25. Cet ouvrage a pu influencer les revendications des paysans, notamment les maraîchers de Strasbourg, revendications qui, parmi d’autres, susciteront la Guerre des Paysans l’année suivante26. En 1524 et 1525, il publie des écrits de Johann Huss (ou qui sont attribués à Huss) et de Johann Wycliff dédiés à Luther27. La critique marxiste, entre autres, s’est grandement intéressée à ces documents, à leur sens et à leur portée28. Les écrits de Huss seraient venus de la bibliothèque de Hutten29. Ce n’est pas une question que nous pouvons traiter ici, mais nous attirons l’attention sur une importante mention de Huss faite par Brunfels à la fin de la lettre du 10 juin 1521 qu’il a adressée à Jakob Spiegel30. Le moine cite le réformateur et martyr tchèque avant même de quitter le monastère. [8] Quant à la Guerre des Paysans de 1525, ce n’est pas l’endroit non plus d’aborder la pensée de Brunfels durant cette terrible période, pensée qui a amené certains chercheurs à décrire sa conduite comme un exemple de « nicodémisme31 ». [9] Par la suite, Brunfels semble consacrer de plus en plus de temps à la science, à la botanique d’abord, qui le rendra célèbre. Et certaines sources mentionnent un diplôme de médecine obtenu vers 1530 à Bâle ; il enseigne cette discipline dans la ville suisse à partir de 23 Voir Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 127-128. 24 Idem, p. 113 ; Roth, „Brunfels … geschildert“, p. 300-301 et Hartfelder, „Otto

Brunfels als Verteidiger Huttens“, p. 576-578. 25 De ratione decimarum propositiones, voir Margolin « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 125 et Weigelt, Brunfels. 26 Cf. Boehler, « Ziegler », p. 16. 27 Voir Roloff, „Hus-Texten“, p. 247-251 ; Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 113 et Weigelt, Brunfels, p. 90-91. 28 Cf. Weigelt, Brunfels. 29 Voir Roloff, „Hus-Texten“, p. 250 ; Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 134, n. 25 et Weigelt, Brunfels, p. 94-95. 30 Voir Friedensburg, „Beiträge zum Briefwechsel“, p. 493. 31 Voir Ginzburg, Il nicodemismo.

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1532, puis accepte un poste de médecin pensionné que lui offre la municipalité de Berne, où il décède en 1534, le 23 novembre. [10] Deux sources, Passmann et Roth32, mentionnent qu’il se serait marié vers 1524, à l’époque où les moines échappés des monastères faisaient souvent ce choix. Passmann nomme la strasbourgeoise Dorothea Heilgenhensin qu’Otto Brunfels aurait épousée en juillet 1524. Roth se contente de mentionner en un bref paragraphe qui suit le récit de sa mort : « Brunfels était marié, sa veuve lui a survécu et a fait publier sa Reformation der Apotheken, ‘Réforme des pharmacies’, à Strasbourg. » [11] Les sept lettres adressées par Brunfels à Rhenanus33 constituent la source essentielle pour cette année 1520 si importante dans la vie du moine, avant qu’il ne s’évade de la chartreuse en 1521. Quant à Rhenanus à cette époque, peu avant le 25 août 1519, il avait quitté Bâle pour se rendre à Sélestat afin d’échapper à la peste et de se rendre auprès de son père malade. A part un voyage fait avec l’abbé bénédictin Paul Volz dans les Vosges, sans doute au mois de mai et de juin 152034, Rhenanus reste à Sélestat plus d’un an. Il regagne Bâle le 15 septembre 1520, puis, après le 15 novembre retourne à Sélestat pour être auprès de son père qui décède le 21 novembre. Il se trouve toujours à Sélestat le 13 décembre 1520 et il se peut qu’il y passe le restant de l’année. Il est de nouveau à Bâle le 7 janvier 152135. [12] C’est l’« opinio communis » sur les séjours et déplacements de Rhenanus en l’année 1520. En raison de son séjour prolongé à Sélestat, c’est là que Brunfels devait envoyer ses lettres. Toutefois, l’avant dernière et la dernière des sept lettres, datées du 29 août et du 11 novembre 1520, révèlent que Rhenanus est venu voir Brunfels à Koenigshoffen. Notre interprétation laisse penser que la visite a eu lieu au mois d’août. Nous reviendrons sur cette question, mais la visite faite par Rhenanus a changé la nature de ses rapports avec Brunfels, du moins de l’avis de ce dernier, et doit en tout état de cause être prise en compte dans le récit et l’analyse des déplacements du Sélestadien en l’année 1520. 32 Passmann, „Die Kartause zu Strassburg : Kunst und Wissenschaft“, p. 149 et Roth, „Brunfels … geschildert“, p. 314. 33 Notre texte de base sera H ; toutefois, nous avons contrôlé les manuscrits de la BHS pour les passages cités et suivi l’orthographe de l’original, y compris l’usage des majuscules. 34 Walter, « Voyages », p. 28-29. 35 Voir EBR, vol. 1, intro., p. XXVII.

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[13] A part le contenu souvent étonnant sur les plans historique et religieux, ces lettres surprennent en ce qu’elles nous révèlent le caractère très fort et primesautier de Brunfels, mais il ne faut pas oublier que Rhenanus a répondu à chacune d’entre elles. Si les réponses de Brunfels semblent extrêmes, sa personnalité très affirmée, son assurance, voire son outrecuidance, n’expliquent pas tout : la situation et aussi les réponses de Rhenanus ont dû le conforter dans cette attitude ou du moins ne pas l’en éloigner. En tout cas, en l’espace de 11 mois au fil de l’année 1520, le ton des lettres de Brunfels change rapidement, alors qu’il faut trois ou quatre ans pour arriver à un ton quelque peu similaire entre Rhenanus et son famulus Albert Burer36. Les sept lettres envoyées par Brunfels à Rhenanus qui nous sont parvenues [14] Nous avons vu à travers les publications faites par Brunfels en 1519 qu’il était connu et accepté dans une partie du monde humaniste en Alsace. Il n’en reste pas moins que dans la première lettre37, datée du 13 janvier 1520, nous apprenons qu’auparavant Brunfels avait rencontré pour la première fois Paul Phrygio, curé à l’église Saint-Georges de Sélestat depuis 1518. Phrygio devait être en visite à Strasbourg et avoir une bonne raison pour se rendre à la Chartreuse et retrouver le moine ; on sait en tout état de cause qu’il avait à faire à Haguenau, selon toute vraisemblance, dans les derniers mois de 151938. Or Phrygio va faire l’intermédiaire entre Brunfels et Rhenanus, car nous apprenons aussi que notre lettre est la première que le moine a osé adresser à Rhenanus. Au début de cette lettre, Brunfels décrit l’entrevue avec Phrygio et reconnaît qu’en se fiant seulement aux apparences, il l’avait pris pour un simple prêtre et reçu sans respect (irreuerenter). Toutefois leur conversation lui a appris qu’il avait en face de lui un théologien savant et cultivé. Cette manière d’aller très vite, sans doute trop vite, en besogne et d’être irrévérencieux semble être un trait du caractère de Brunfels. 36 Voir, dans ce même vol., Chantal Marchand, « Une source essentielle … les

lettres d’Albert Burer ». 37 H, n°145, p. 199-200. 38 Il faut noter qu’on attribue à Phrygio, en janvier 1520, la publication de l’écrit de Johann Huss le De ecclesia sous le titre De Causa Boemica chez l’imprimeur Thomas Anshelm à Haguenau, voir Roloff, „Hus-Texten“, p. 244-245.

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[15] Phrygio incitait Brunfels à écrire à Rhenanus. C’est maintenant chose faite, mais Brunfels s’inquiète : le Sélestadien saura-t-il oublier l’habit de moine, le capuchon ? Ou suivra-t-il le jugement si sévère de Wimpfeling contre les religieux qui se sont retirés du monde39 ? Il ajoute un autoportrait peu gratifiant : il craint que Rhenanus ne le considère comme une bête encapuchonnée qui n’a rien appris si ce n’est lacerare ac bonis uiris genuinum infigere « à déchirer les hommes de bien et à leur enfoncer une molaire dans la peau ». En utilisant cet adage curieux qui décrit la morsure franche d’un chien ou d’une vipère, Brunfels cherche peut-être à montrer à Rhenanus qu’il l’a lu car le Sélestadien avait employé cette même expression frappante dans son épître dédicatoire du 30 mars 1515 à Thomas Rapp pour présenter son édition et commentaire de l’Apocoloquintose de Sénèque40, livre dont il sera question. [16] Une chose est certaine, même si les deux hommes ne se sont encore jamais vus en personne, ce que Brunfels reconnaît, le moine voue un culte très admiratif à Rhenanus, comme en attestent les souhaits exprimés et le superlatif utilisé : Felicem plane ac beatum me existimarem, si vel semel ante supremum diem coram intueri concederetur μακαριότατον illum Rhenanum41.

Il y a en effet dans cette lettre et dans la suivante des allusions très fortes à l’épître qu’Erasme a mise en tête de son commentaire sur le premier psaume « Beatus uir » pour le dédier à Beatus Rhenanus. Comme bien d’autres, Erasme et maintenant Brunfels jouent sur le sens figuré du prénom du Sélestadien42. [17] Outre son désir de voir Rhenanus, Brunfels souhaite aussi faire partie un jour de la si agréable Société littéraire de Sélestat

39 Voir Mertens, „Wimpfeling … Jakob“, cols. 1319-1320 et 1340-1342 à propos des publications De integritate (1505) et Apologetica declaratio (1505). Wimpfeling mettait en avant la valeur d’un enseignement prodigué par des prêtres séculaires ainsi que leur statut et critiquait ceux des moines, notamment de l’ordre de saint Augustin. Il a soutenu par exemple qu’Augustin n’avait pas été moine. 40 Voir Rhenanus, EBR, vol. 1, Ep. 62, div. 2, p. 522-523. 41 « Je m’estimerais pleinement chanceux et bienheureux, si, ne serait-ce qu’une seule fois avant mon dernier jour, il m’était donné de voir face à face ce célèbre Rhenanus le si bienheureux ». 42 Voir EBR, vol. 1, Ep. 64 d’Erasme à Rhenanus, du 13 avril 1515, p. 532-543, notamment les divs. 5 et 24.

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(Iucundissima haec sodalitas Selestensis)43 ! Comme l’écrit JeanClaude Margolin, « il semble clair que Brunfels veut se faire recommander auprès de ceux des membres qu’il ne connaît pas encore », notamment l’abbé bénédictin Paul Volz à qui Erasme a dédié son Enchiridion militis christiani, « Manuel du soldat chrétien », dans l’édition de 1518 et qui est « l’un des correspondants les plus chers de Rhenanus44 ». Le Père Passmann envisage même qu’Otto Brunfels, au lieu de rester à Mayence, aurait choisi la chartreuse de Strasbourg pour s’approcher des humanistes alsaciens45. Quoi qu’il en soit, il faut se demander pourquoi Brunfels, qui s’intéresse à la littérature en général, ne s’adresse pas aussi aux membres de la Société littéraire de Strasbourg46. Estime-t-il que les Sélestadiens sont plus proches de ses préoccupations ? Serait-ce la distance entre son monastère et Sélestat qui offrirait plus de discrétion ou de secret ? [18] Quoi qu’il en soit, Brunfels n’hésite pas à demander un service à Rhenanus : Tu igitur si ita me amas vicissim, fac officium aliquod a te experiar benivolentie mutue, ansam ipse prebui prior, tu atticum aliquid nobis occine contra […] fac si potes ut in sodalitatem illam inscribar Sletstatensem atque ut amicus fiam docto[rum] Pauli et Erasmi Rotherodami47.

Il veut rencontrer non seulement Volz (il doit s’agir de Paul Volz et non pas de Paul Phrygio, puisqu’il a déjà fait la connaissance de ce dernier) mais aussi et surtout Erasme. Il poursuit en énumérant les autres soutiens qui lui sont assurés : Ottmar Nachtigall, Nikolaus Gerbel, Wolfgang Capito et Wolfgang Angst48. Peu de temps auparavant même Philippe Melanchthon a commencé à l’entourer de sa considération. 43 Pour cette société voir Heim, « Sodalité de Sélestat et Spiegel » et Burckel,

« Soc. litt. de Sélestat ». Puisque Brunfels se trouve près de Strasbourg, il faut se demander s’il a tenté d’entrer dans la Société littéraire de cette ville. 44 Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 119-120. Pour Paul Volz, voir Raguenel, Volz et Rhenanus. 45 Passmann, « Die Kartause zu Strassburg : Kunst und Wissenschaft », p. 145. 46 Pour la Société de Strasbourg, voir Burckel, « Soc. litt. de Sélestat », p. 8-9. 47 « Toi par conséquent, si tu m’aimes ainsi en retour, fais en sorte que je puisse mettre à l’épreuve ton devoir d’une bienveillance partagée ; moi, le premier des deux, j’en ai donné l’occasion : toi chante quelque chose d’attique pour nous en retour [...] Si tu le peux, fais en sorte que je sois inscrit dans cette célèbre Société sélestadienne et que je devienne l’ami des savants Paul et Erasme de Rotterdam. » 48 D’après le manuscrit 11 de la BHS, nous corrigeons le « Vol. Augustus » de H (p. 200, l. 22 en « Vol[phangus] Angustus », c’est-à-dire Wolfgang Angst.

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[19] Brunfels se plaint d’avoir à supporter beaucoup de brimades en raison de sa défense d’Erasme, à qui il voue une admiration sans limites. Nous comprendrons que ce sont des pressions exercées sur lui par ses supérieurs chartreux. [20] Dans un post-scriptum, Brunfels fait savoir qu’il va envoyer à Rhenanus un livre où il critique la théologie scolastique et qui est dédié à Wolfgang Capito. Il précise que si Rhenanus juge le livre digne de publication qu’il le fasse publier soit à Sélestat soit à Bâle. C’est Lazare Schürer qui l’imprimera à Sélestat. Le titre du livre publié en mai 1520 et portant une dédicace à Wolfgang Capito datée du 15 février 1519 s’appelle la « Réfutation de l’art sophistique »… (Confutatio sophistices). Or après ce post-scriptum, Brunfels ajoute « tu apprendras le reste de la bouche de Sapidus », mention qui indique que cet homme, directeur de l’Ecole latine de Sélestat depuis 1510, a dû être le porteur de la présente lettre et qu’il devait confier à Rhenanus des informations que Brunfels ne voulait pas révéler par écrit. Trop critiques envers la sophistique ? Trop risquées pour l’auteur si la lettre était interceptée ? [21] Comme notre lettre énumère, outre Rhenanus, d’autres humanistes avec qui Brunfels communique, nous pouvons nous demander à qui le moine se confie le plus volontiers et qui lui apporte le meilleur soutien. Nous savons que Nikolaus Gerbel l’a aidé en 151949. Mais même si Brunfels a écrit à toutes les personnes nommées, il n’est pas sûr qu’elles lui répondent. Il se peut que Rhenanus soit le correspondant le plus régulier ; il est en tout cas bien sollicité par le moine. On peut aussi se demander si Otto Brunfels était calculateur. Peut-être considère-t-il avant tout Beatus Rhenanus comme l’intermédiaire le plus sûr pour s’approcher d’Erasme ? On peut d’ailleurs juger cavalier qu’après le terme Vale, il se permette une seconde demande de recommandation à l’abbé Paul Volz ! Voit-il en lui un autre lien possible avec son idole de Rotterdam, plus efficace encore, ou voue-t-il aussi une admiration enthousiaste à l’abbé ? [22] La deuxième lettre conservée, datée du 5 février 152050, commence de manière étonnante, presque irrespectueuse, et conforte le portrait d’un homme très sûr de lui. Brunfels s’écrie en effet sur un ton bien injonctif : 49 Voir l’épître dédicatoire à Gerbel pour le De corrigendis … studiis ; Passmann, „Die Kartause zu Strassburg : Kunst und Wissenschaft“, p. 145-147 ; Roth, „Brunfels … geschildert“, p. 285-286. 50 H, n°150, p. 206-207.

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Χαῖρε ὡ ῥηνᾶνε Quid faciunt muse tue ? Quidnam philosophantur ? Quid rei, quod tam diu tacent ? Ubi Paterculus ille quem nobis polliceris in scoliis Tacitinis ? Ubi tue Pandecte ? Quinquennium est quo a te hec expectamus51.

Il s’adresse à Rhenanus en égal, en faisant allusion notamment à l’édition de l’historien romain Velleius Paterculus que le Sélestadien est en train de préparer et qui paraîtra fin 1520-début 1521. Les commentateurs identifient les « scolies sur Tacite » avec le « Petit Commentaire » (Commentariolus) sur la Germanie de Tacite publié à Bâle par Johann Froben en mai 1519, où Rhenanus explique le texte de la Germanie52. Toutefois, bien qu’il cite souvent Velleius dans ce texte, ce n’est pas là que Rhenanus promet de le publier. C’est plutôt dans le commentaire qu’il a fait sur l’Apocoloquintose de Sénèque en juilletaoût 1515 qu’il promet de communiquer Velleius aux « studieux »53. En effet, c’est aussi en 1515, entre les mois de mars et d’août, qu’il a fait la découverte de Velleius dans l’abbaye de Murbach. [23] Il se peut que Brunfels confonde le commentaire sur Sénèque de 1515 avec celui sur Tacite de mai 1519. De fait, il dit justement dans la ligne suivante qu’il a lu ces commentaires de 1515 (Legi commentarios tuos in Claudium Senecae54), c’est là aussi que se trouve l’adage frappant genuinum infigere mentionné ci-dessus. Cela expliquerait pourquoi le moine écrit de manière étonnante que : « Cela fait cinq ans que nous attendons ces textes de ta part » et qu’il arrive au chiffre de cinq ans. En effet, la déclaration « nous attendons » frappe parce que nous savons d’après notre première lettre que Brunfels est entré personnellement en contact avec Rhenanus seulement en janvier 1520, c’est-à-dire le mois précédent55 ! Par le 51 « Ô mon cher Rhenanus, que font tes muses et à quoi peuvent-elles bien philosopher ? Quelle raison y a-t-il pour qu’elles se taisent si longtemps ? Où est ce célèbre Paterculus que tu nous promets dans les scolies sur Tacite ? Où sont tes Pandectes ? Cela fait cinq ans que nous attendons ces textes de ta part. » 52 Voir Von der Gönna, „Rhenanus & Velleius“, p. 234, n. 30. 53 Il s’agit de la p. 626 de l’édition de juillet-août ; Rhenanus avait aussi fait publier une édition en mars 1515, voir Von der Gönna, „Rhenanus & Velleius“, p. 231. 54 « J’ai lu tes commentaires sur le ‘Claude’ de Sénèque ». Si notre supposition concernant l’annonce faite par Rhenanus de la découverte de Velleius est juste, cela voudrait dire que Brunfels a lu les commentaires dans l’édition de juillet-août 1515, où elle apparaît pour la première fois, et non pas dans la première édition de mars 1515. Pour ces éditions, voir EBR, vol. 1, Ep. 62, p. 518. 55 Voir Von der Gönna, „Rhenanus & Velleius“, p. 231 et EBR, vol. 1, Ep. 94, p. 809, n. 19. Von der Gönna, p. 233, n. 22, cite notre passage en laissant de côté la mention des « Pandectes » et en suivant le texte erroné de H, p. 206, où on lit quo a

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choix du pronom « nous », Brunfels donne l’impression de faire partie déjà du groupe des hommes de lettres de la Société littéraire de Sélestat qui doivent en effet attendre avec impatience l’édition de Velleius. Nous avons vu qu’il connaissait déjà Jakob Wimpfeling et Johann Sapidus. [24] Quant à la mention des Pandectes, elle surprend aussi parce qu’on n’attribue pas communément à Rhenanus une édition du Digeste ou Pandectes de l’empereur Justinien. Par conséquent, si on comprend le mot « Pandectes » au sens propre ou bien Brunfels se trompe ou bien il sait quelque chose que nous ignorons56. En revanche, il n’est pas impossible que le moine utilise le terme au sens figuré pour désigner un ouvrage où tous les éléments sont compris et mis en bon ordre (sens premiers des mots « digeste » et « pandecte ») ou peut-être plus simplement pour dire magnum opus. En effet, en 1527, Brunfels lui-même publiera « Douze livres de pandectes de l’Ancien et du Nouveau Testament » (Pandectarum Veteris et Noui Testamenti Libri XII57), un recueil d’écrits saints ventilés par sujet, qui permet de retrouver les passages importants qui se ressemblent. Mais si le sens est figuré, à quelle œuvre de Rhenanus ferait-il allusion ? Quoi qu’il en soit, le ton semble peu respectueux. [25] Nous savons néanmoins que Rhenanus a répondu à la première lettre parce que Brunfels accuse réception dans la nôtre du 5 février 1520 des Opuscula (les « Petits ouvrages ») que le Sélestadien lui a communiqués. De quels « opuscules » parle-t-il ? Du récent Commentariolus sur Tacite déjà mentionné (scolia Tacitina) ? Des Opera omnia, « Œuvres complètes », de Tacite parues en août 1519 avec des contributions de Rhenanus ? Mais ce n’est pas un petit ouvrage. Ou s’agit-il d’œuvres d’autres auteurs ? Brunfels pourrait-il avoir fait allusion au début de la lettre à l’un des cadeaux juste reçu, les scolia Tacitina ? te hoc expectamus alors que le ms. 15 de la BHS montre qu’il faut lire non pas hoc mais hec (= haec). Il cite notre passage pour montrer que si Francesco Giulio Calvo était au courant des travaux que Rhenanus menait sur Velleius, « d’autres amis » étaient dans l’incertitude. Von der Gönna ne pouvait pas savoir que les rapports entre Rhenanus et Brunfels étaient eux aussi « incertains » à cette époque. 56 Il faut être prudent parce qu’un autre correspondant de Rhenanus, Peter Eberbach, le 17 mars 1522, dit qu’il a entendu que « les Pandectes de Justinien s’imprimaient de manière tout à fait correcte en votre compagnie » (Audio excudi uobiscum Iustiniani Pandectas emendatissime). Et pourtant, d’après le VD-16 Corpus iuris ciuilis, Digesta (vol. 4), on ne trouve dans le domaine germanophone que « C 5246 » : Nuremberg, Ioan. Petreius, 1529 et C 5247 : Bâle, Ioan. Herwagen, 1541. 57 Cf. Lienhard, « Un inclassable … Brunfels », p. 439.

8. « Brunfels et Rhenanus, 1520 »

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[26] Brunfels poursuit : Quoi qu’il en soit, en retour, car la réciprocité entre amis est importante, il envoie un document historique, une lettre de Festus Rufius58, qui peut intéresser Rhenanus. Le chartreux est en train d’identifier les sources utilisées par l’auteur. Il s’agirait d’après lui de Tite-Live, de Florus, de Denis d’Halicarnasse. Ce que certains attribuent à Tite-Live proviendrait plutôt de Plutarque. Cet échange témoigne de relations véritablement humanistes, littéraires. Grâce aux échanges avec Beatus Rhenanus, Otto Brunfels peut dire qu’il s’imprègne de quelque leçon tirée « de melioribus litteris » que Margolin propose de traduire par « les connaissances qui améliorent l’homme59 ». [27] Pour terminer, Brunfels demande une nouvelle fois à Rhenanus de l’inscrire sur la liste de ses amis, bien que le ton de la lettre indique que dans l’esprit de Brunfels, c’est déjà chose faite. [28] Le 18 mars 1520, Otto Brunfels signe la lettre suivante, étonnante également60. Il confesse d’abord qu’il n’est pas en mesure de répondre aux attentes d’échanges de bons procédés :

58 Brunfels l’appelle « Ruffius Sextus » et dit qu’il avait dédié son ouvrage à l’empereur Valentinien Ier (emp. 364-375 après J.-C.). En fait, celui qu’on appelle maintenant Festus Rufius était le chef du bureau de la conservation des actes (magister memoriae) sous Valens (emp. à l’Est de 364 à 378), le frère de Valentinien Ier. L’ouvrage s’appelle le Breuiarium rerum gestarum populi Romani (« Abrégé de l’histoire du peuple romain ») et va des origines jusqu’à l’accession de Valens. Il fut terminé après 369 et participe à la tradition des épitomés faits à partir de Tite-Live. Rhenanus, dans ses Rerum germanicarum libri tres « Histoire du domaine germanophone en trois livres» de 1531, appelle l’auteur « Sextus Ruffus » ou « Rufus » et dit lui aussi qu’il avait dédié son ouvrage à Valentinien (Rhenanus, RG, Mundt, p. 60, l. 24). Le Sélestadien le cite assez souvent. Brunfels parle d’une lettre (epistola) de « Ruffius » ; aurait-il mal lu le mot epitome ? Mundt, l’éditeur des Res Germanicae de Rhenanus, note que Festus fut publié par Johann Herwagen en 1532 et que Rhenanus en possède un exemplaire (BHS K 953b/WJ 1325), Rhenanus, RG, Mundt, p. 457. Il se demande à juste titre si le Sélestadien a pu jouer un rôle dans la publication de ce texte. Il ajoute que pour citer cet auteur dans son Histoire de 1531, il pouvait avoir eu accès au manuscrit utilisé pour l’édition de Herwagen. Rappelons pour mémoire que Florus et Messala Coruinus (libellus « publié maintenant pour la première fois ») furent imprimés ensemble avec Rufius. Pierre Petitmengin, dans son étude sur « Rhenanus et les mss. latins », tient compte des données de notre lettre pour indiquer p. 246, n° 20 que Rhenanus a obtenu le Breuiarium de « Sextius Rufus » de la chartreuse de Strasbourg grâce à O. Brunfels. Si c’est ce texte que Rhenanus a utilisé dans son histoire, il ne dit rien de sa provenance. Dans une lettre à Wolfgang Lazius écrit vers 1545 par Rhenanus, il est de nouveau question de Rufius (H, p. 566 n° 423). 59 Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 120. 60 H, n°158, p 213-214.

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8. Martine Meyer Expectas a me benivolenciam aliquam qua confirmatam ac stabilem agnoscas nostram amicitiam, verum nihil mihi nunc in procinctu est quod reddam61.

Il réitère ses gages d’amitié, agrémentés de maints superlatifs et nomme même Rhenanus, en citant Horace, dimidium animae meae « la moitié de mon âme62 » ! Ces termes et sans doute aussi la lettre perdue de Rhenanus, témoignent d’une amitié devenue forte et solide, même s’il ne faut jamais perdre de vue que le terme amitié en latin peut aussi vouloir dire alliance politique. [29] Puis, Brunfels rend à Rhenanus la lettre que celui-ci avait reçue de la part de Martin Bucer et que le Sélestadien avait décidé de partager avec lui, très précieux signe de confiance aux yeux de Brunfels63. Ensuite, le chartreux dit qu’un certain Adolphe, un collègue de Bucer, le lui a dépeint. Adolphe prétend que Bucer est un second Otto Brunfels ! Voyons ce portrait : …Adolphus … refert alterum esse Othonem, aridum, subnigrum, cholericum ac pene nullum esse discrimen64.

Ensuite à Brunfels de confirmer en disant : Atque idem ipse Butzerus solitus est aliquando me uocare συνάδελφον65... [30] Enfin il porte un jugement sur la lettre qu’il rend à Rhenanus sans doute et sur l’homme Bucer, mais aussi sur la situation des moines, en citant un passage d’Aulu-Gelle66 : Apparet hominem doctum esse. Sonoram edidit epistolam et grandem, sed paulo tamen coagitaciorem, neque hoc tamen male, ut apud Gellium Actius inquit : Quod enim in pomis est, idemtidem hoc 61 « Tu attends de ma part quelque acte de bienveillance, grâce auquel tu peux reconnaître que notre amitié a été confirmée et se trouve donc fermement établie. Mais je n’ai rien sous la main à te donner en retour. » 62 Horace, Odes, I, 3,8 : animae dimidium meae. 63 Selon Jean Rott (BCor, vol. 1, p. 104, n. 19) l’Epistolam Butzeri tibi reddo, quod ad te scripta est, dont il est question ici : ‘c’était probablement la 1re partie du n° 7’ (1520, janvier 15, Bucer à Rhenanus). 64 « Adolphe rapporte [que Bucer] est un second Otto : mince, noirâtre, de nature passionnée et qu’il n’y a presque aucune différence. » Rott (BCor, vol. 1, p. 104, n. 19) cite notre passage et ajoute ‘Cette description du jeune Bucer correspond exactement au portrait qu’en donnera un an plus tard le nonce Aléandre’. Cf. Greschat, Bucer réformateur, p. 38. 65 « Et de la même manière, Bucer lui-même a pris l’habitude de m’appeler parfois son frère. » Le manuscrit montre que Brunfels avait d’abord écrit fratr avant de le barrer et d’écrire le mot grec. 66 Aulu-Gelle, N.A., Marache, 13,2, 3-6.

8. « Brunfels et Rhenanus, 1520 »

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in ingeniis est, que dura et acerba nascuntur. Post fiunt mitia atque jucunda. Ea praeterea sors nostrarum factionum, ut si qui eciam vivacioris sint ingenii provehi tamen non possint, neque probe maturari. Quantum putas nos dementant, obtundunt, hebetant nocturne excubie67… Eo nunc ventum est in rebus ut summam religionis in superstitione collocent, in habitibus portentosis, in discordia, in abstinencia ciborum, in iudaicis fabulis, ut religiosissimus sit qui imperitissimus, truculentissimus, spurcissimus est unde et miror quid hunc cohors illa predicatoria paciatur, quibus nihil invisius bonis literis, quibus nihil sapit quam quod barbarum, quam quod sophisticum est. Mirum, quod non diu male illum mulctauit Hogstratus, sophistarum ἄλφα. Saluta fratrem, si tum poteris oportune68.

Le ton assuré, le vocabulaire très critique ainsi que les superlatifs disent à quel point Brunfels condamne les moines (pourtant, si on suit jusqu’au bout la comparaison établie avec la maturation des fruits, il y a de l’espoir, sans doute hors du monastère). Faut-il alors s’étonner qu’il ait été en si mauvais termes avec Martin Gallicion, son prieur ? Le mépris qu’il affiche ici pour les religieux retirés du monde devait transparaître dans ses relations quotidiennes avec ses frères chartreux et on imagine quelle mauvaise grâce il pouvait mettre à accomplir les veilles nocturnes ! Toutes les tâches qui lui incombent à la chartreuse écourtent le temps qu’il peut consacrer aux belles lettres, et le thème du manque de temps est récurrent dans les sept missives. Mais 67 La perte d’un coin du manuscrit empêche de lire la fin de phrase ; nous n’essayons pas de réparer la perte ici. 68 « Il est manifeste, dit-il, que l’homme est savant. Il a produit une lettre retentissante et imposante, mais toutefois un peu trop tassée, mais cela n’est pas une mauvaise chose, comme le dit Actius chez Aulu-Gelle : ‘en effet ce qui existe pour les fruits, se constate aussi de la même manière pour les esprits, ceux qui naissent durs et âpres se font ensuite doux et agréables’. C’est aussi le sort de nos corporations, si bien que même si certains sont d’esprit plutôt vif, ils ne peuvent toutefois progresser, ni ne peuvent bien mûrir. Tu peux penser combien les offices nocturnes nous abrutissent, nous affaiblissent, nous émoussent …. Et maintenant dans ces questions, on en est arrivé au point où les gens placent l’essentiel de la croyance dans la superstition, dans les tenues merveilleuses, dans la discorde, dans l’abstinence des aliments, dans les fables judaïques, si bien que l’homme le plus scrupuleux en matière de religion est celui qui est le plus ignorant, le plus farouche, le plus malpropre, d’où je me demande même avec étonnement pourquoi cette célèbre cohorte des prédicateurs supporte Bucer, eux pour qui rien n’est plus odieux que les bonnes lettres, pour qui rien n’a d’attrait que ce qui est barbare, que ce qui est sophistique. C’est étonnant que Hoogstraeten, l’‘alpha’ des sophistes, ne l’ait pas longtemps puni méchamment. Salue notre frère, si tu peux après le faire commodément. »

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qu’espère Brunfels de la part de Beatus Rhenanus en lui confiant ses critiques acerbes ? Une oreille attentive, une communauté de pensée, un soutien, un témoignage à porter hors du couvent ? Toujours est-il que l’expression « tu peux penser » suggère qu’il ne doute pas que le Sélestadien saura le comprendre. [31] Puis le retour à Bucer et à son ordre amènent Brunfels à mentionner Jacobus Hoogstraeten, prieur du monastère des dominicains de Cologne, professeur de théologie à l’Université de cette ville et inquisiteur pour les provinces ecclésiastiques de Cologne, de Mayence et de Trèves69, très impliqué contre Johann Reuchlin70. Le chartreux peut maintenant poursuivre sa dénonciation des moines, surtout des dominicains, en rapportant à Rhenanus ce qu’un certain avocat public venu chez eux lui a relaté à propos de Reuchlin. Des vauriens masqués de l’ordre des prêcheurs sous un autre habit auraient mis sens dessus dessous la bibliothèque de l’hébraïsant, détruisant ses manuscrits et toutes ses autres possessions de valeur. Nous n’avons pas trouvé de mention de cette attaque dont Reuchlin aurait été la victime71. Brunfels a dû colporter une rumeur. Il espère en tout cas que cet avocat pourra réaliser son but, plaire au supérieur de Brunfels, supérieur qui est le plus grand ennemi de Reuchlin. Brunfels demande à Rhenanus de lui communiquer plus de précisions sur cette affaire, s’il en a. Margolin, qui traduit des parties du récit de l’avocat, souligne que l’Affaire Reuchlin était « un coup de semonce et un signe de ralliement pour tout le camp des humanistes chrétiens72 ». L’Affaire ne fait que détourner Brunfels davantage de la vie monastique, mais elle lui permet d’exprimer son soutien personnel au moine dominicain Bucer, qu’il plaint et à qui il s’identifie. N’a-t-il pas mis en avant qu’il était comme un second Bucer ? [32] Brunfels demande enfin à Rhenanus, toujours à Sélestat, de saluer, lorsqu’il sera arrivé à Bâle, Capito et Pellican et, à Sélestat, Sapidus, Wimpfeling, Paul Phrygio et Paul Volz. Le chartreux est donc bien informé sur le séjour des uns et des autres et ne manque pas une occasion pour se rappeler au bon souvenir des membres de la 69 Pour une présentation récente de Hoogstraeten, voir Peterse, „Hoogstraeten … Jacobus“. 70 Pour un traitement récent de Reuchlin, voir Dörner, „Reuchlin … Johannes“ et Posset, Reuchlin. 71 Sauf erreur, il n’est fait allusion à cette affaire ni chez Reuchlin, Briefwechsel, vol. 4, Dall’Asta & Dörner, ni chez Dörner, „Reuchlin … Johannes“, ni chez Posset, Reuchlin. 72 Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 117.

8. « Brunfels et Rhenanus, 1520 »

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sodalitas sletstatensis. Et comme pour souligner son engagement littéraire, il dit que sa lettre est écrite ex domuncula nostra literatoria « depuis notre petite maison littéraire ». [33] Deux mois plus tard, le 9 mai 1520, la quatrième lettre73 accompagne un don que Brunfels présente avec suspense : il est fier d’avoir trouvé enfin ce qu’il peut donner en retour à Rhenanus. Il a pris le terrible risque de découper des pages d’un manuscrit de la Chartreuse contenant des lettres de l’empereur Frédéric Ier Barberousse (1122-1190) au Pape Alexandre III (Pape, 1159-1181)74. Il voit de grandes similitudes dans la lutte entre l’empereur du Saint Empire et le Pape du XIIe siècle et les événements de son temps75. Il demande instamment à Rhenanus de lui rendre ces pages une fois qu’il les aura lues pour qu’il puisse les recoudre dans le manuscrit qui est souvent consulté. [34] De même Brunfels avertit Rhenanus que s’il les communique à des frères de « notre société littéraire » – adjectif possessif qui confirme la ferme volonté de Brunfels d’en faire partie –, il doit veiller à ce que ceux-ci ne le trahissent pas. Il a mauvaise réputation auprès des autres chartreux, parce qu’il est hérétique, dit-on, et soutient mal le Pape. Qu’arriverait-il si les siens apprenaient aussi qu’il avait communiqué à d’autres ces lettres qui dénoncent le Pape et sa pompe ? Cette question montre que la peur taraude déjà Otto 73 H, p. 224 n° 165. 74 Teichmann, „Die kirchliche Haltung des B. Rhenanus“, p. 373, n. 4, pense que

ces lettres pourraient être la Loi de l’empereur Frédéric (Mon. Germ. Script., 23, 361-363) prise dans un manuscrit de l’Ursperger Chronik. 75 Dans Aniel, Les maisons des chartreux, on peut lire : « rapidement en effet, les nouveaux ordres manifestèrent le désir de jouer dans le siècle un rôle effectif et leurs options politiques ne furent pas la moindre cause de leur enrichissement et de leur expansion. La position de nombre d’entre eux dans le conflit entre Alexandre III et Frédéric Barberousse était sans doute ressentie, par beaucoup de grands seigneurs, moins comme un soutien à la papauté que comme une opposition à l’empereur, et c’est à celle-ci, plus qu’à leur appui à la politique romaine, qu’ils devaient certaines protections. » (p. 17). Dans le même ouvrage on peut comprendre qu’Otto Brunfels ait pu, en toute discrétion, découper les pages intéressantes : « L’unique accès à la cellule est situé dans l’une des galeries du grand cloître ; près de la porte est ménagé dans l’épaisseur du mur un guichet servant de passe-plat. Dans la première pièce se trouvait la cheminée ; le moine y préparait son repas et sans doute y mangeait-il. Il est possible que, pour des raisons pratiques, les encres destinées à la copie des manuscrits aient été conservées dans le chauffoir. La pièce principale, la plus éloignée du cloître, était, à l’opposé de la première réservée aux tâches matérielles, consacrée à la prière et à la méditation, à la fois oratoire et cabinet d’étude où étaient rangés les livres empruntés à la bibliothèque, ainsi qu’au repos » (p. 34).

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Brunfels, mais que ne serait-il prêt à risquer pour l’amour de Beatus Rhenanus, et pour mériter sa place au sein de la Sodalitas de Sélestat ? [35] Enfin Brunfels demande à Rhenanus de lui envoyer les Antibarbares d’Erasme lorsqu’ils auront été terminés. Or le premier livre de l’ouvrage paraîtra chez Froben en mai 152076. Il salue Rhenanus, cette fois-ci ex bibliothecula nostra « depuis notre petite bibliothèque », et ajoute que son frère Michael le salue aussi. C’est la première mention de Michael Herr, l’autre chartreux qui s’enfuira en même temps que lui. [36] Dans la cinquième lettre77, le 1er août 1520, Brunfels explique le silence de trois mois depuis la précédente par le fait que le prieur du couvent, Martin Gallicion, celui qu’il appelle Satan, le tourmente continuellement78. À travers toute une série de citations bibliques, il décrit à Rhenanus le danger que la bête représente. Il évoque par exemple le prophète Daniel, 7, 7 : …bestia illa dentata comedens atque comminens et reliqua pedibus suis conculcans79. [37] La multiplication soudaine des citations bibliques et la manière chrétienne, et non plus romaine, de dater ses lettres font dire à Margolin que c’est le signe « d’une foi dont les exigences l’emportent de plus en plus sur celles de la raison ou de la culture purement humaniste80 ». En effet, les activités humanistes en général et celles de la Société littéraire de Sélestat en particulier commencent à passer au second plan. [38] Le Père Passmann écrit que « depuis 1519, Otto Brunfels vivait dans la peur constante que l’on découvre son inclination pour les Réformateurs, que l’on surprenne ses lectures interdites, que soit révélée sa correspondance secrète. […] De lettre en lettre sa détresse croît81 ». Or même l’écriture d’Otto Brunfels paraît plus difficile à décrypter, ou présenter des signes de précipitation croissante. 76 Voir Erasmi Antibarbarorum liber, Kumaniecki, p. 7-14. 77 H, p. 243-244, n°176. 78 Le P. A. Passmann, „Die Kartause zu Strassburg : Kampf“, p. 115, précise

dans son évocation de la mort du prieur Martin Gallicion : « Prior Martin Gallicion starb im Januar 1534. Die Todesanzeige des Generalkapitels enthielt den Beisatz : qui pro amore Christi et defensione Ecclesiae Catholicae a luteranis multa passus est» (« qui en raison de son amour du Christ et de sa défense de l’Eglise catholique a beaucoup supporté de la part des luthériens »). 79 « Cette célèbre bête qui possède des dents mangeant, déchiquetant et foulant le reste aux pieds ». La traduction s’inspire de celle de la TOB. 80 Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan », p. 120-121. 81 Passmann, „Die Kartause zu Strassburg : Kunst und Wissenschaft“, p. 147.

8. « Brunfels et Rhenanus, 1520 »

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[39] Cette terrible comparaison établie entre la bête de Daniel et le prieur nous permet aussi de deviner quelles relations devaient exister alors au sein de la chartreuse. La haine que Brunfels voue à son prieur, répétée au fil des lettres, a-t-elle suscité des réactions de Rhenanus ? Aurait-il incité le chartreux à mesurer ses propos ? Ou s’est-il contenté de le laisser cracher son venin pour qu’il supporte encore son sort ? [40] A la suite des citations Brunfels dit : intellegis quid velim, igitur de hoc satis superque. Scis quid in discessu Spiegellii nostri tibi mandarim. Quod si excidit epistolas consule, quas tunc ad te dedi. Acta scismatis inter federicum et illius etatis sacerdotem romanum ad te dederam quod suspicabar antea te non legisse82.

Nous devons conclure que Brunfels a donné des instructions de vive voix au jurisconsulte sélestadien et ami de Rhenanus, Jakob Spiegel, juriste et conseiller impérial83, probablement pour se protéger des soupçons du prieur de la chartreuse. Il a la même confiance en Spiegel, aussi membre de la Société littéraire de Sélestat84, qu’il a en Rhenanus. Pour Brunfels, qui craint de parler ou d’écrire trop ouvertement, les lettres à propos du conflit antérieur entre Barberousse et le pape ont une résonance contemporaine que Rhenanus peut saisir sans difficulté. Le recours aux citations bibliques qui s’enchaînent ressemble presque à des messages codés, et l’adresse à Rhenanus « tu comprends ce que je veux dire », grande marque de complicité, suggère aussi que le Sélestadien le comprend et partage son avis sur la situation devenue difficile à la chartreuse. [41] Des relations aussi fréquentes d’un chartreux avec les humanistes de la région environnante ne laissent pas de nous étonner, mais on peut lire, dans un article de Sylvain Excoffon : « il y a un net assouplissement des autorisations de sortie. En théorie, en effet, les moines, prieurs et procureurs compris, doivent se garder de franchir les limites, sauf autorisation dûment délivrée par le prieur de Chartreuse ou 82 H ponctue …igitur de hoc satis superque scis, quid… alors qu’on lit dans le

ms. …igitur de hoc satis superque. Scis quid … « Tu comprends ce que je veux dire ; par conséquent, assez et plus qu’assez à ce sujet. Tu sais ce que je t’ai mandé au départ de notre Jakob Spiegel. Mais si cela t’a quitté la mémoire, consulte les lettres que je t’ai données à ce moment-là. Je t’avais donné les Actes du schisme entre Barberousse et le pape de cette époque, parce que je me doutais que tu ne les avais pas lus auparavant. » 83 Pour un traitement récent de Spiegel, voir Burmeister, „Spiegel … Jakob“. 84 Voir Burckel, « Soc. litt. de Sélestat », p. 30-31, pour le statut particulier de Spiegel dans la Société.

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le chapitre général. A l’égard des simples moines, les textes statutaires durcissent d’ailleurs les sanctions au cours du XIIIe siècle, en prévoyant que ceux qui seraient sortis des limites sans autorisation soient expulsés de l’ordre. Les sorties se multiplient néanmoins85 », notamment depuis que les chartreuses sont édifiées en périphérie des villes, ce qui est bien le cas de celle de Koenigshoffen, qu’Otto Brunfels situe Prope Argentoratum, « près de Strasbourg ». À la fin du Moyen Âge, l’ordre décide de régler ce problème de manière générale en accordant aux prieurs un contingent annuel de « licences de sortie » pour « traiter des affaires de leurs maisons ». « Seul le prieur de Chartreuse demeure alors à l’écart de ce système et reste en théorie astreint à ne pas franchir les limites de sa maison86. » Comment ne pas voir là une nouvelle source de jalousie entre Otto Brunfels et Martin Gallicion. [42] Dans un long post-scriptum il demande à Rhenanus de lui répondre par le biais de Johann Priscus, de Johann Schott ou de Jakob Wimpfeling ; notons pour mémoire que Priscus est aussi membre de la Société littéraire de Sélestat87. Ces hommes disent qu’Erasme va venir bientôt. Nouvelle demande à Rhenanus de le recommander à Erasme, « pour qu’il accepte du moins d’être aimé par Otto ». En effet, Brunfels lui a écrit il y a presque six mois, mais il ne reçoit pas de réponse. Il en conclut qu’Erasme le méprise. Cela prouve bien que Brunfels lui voue un culte des plus fervents et que son silence durable le blesse. Il mentionne aussi sa jalousie puisqu’Erasme répond à des semidoctis « demi-savants ». Il écrit que parmi ses nombreux correspondants Erasme aurait du mal à en trouver un qui eum fidius amet, tam sedulus sit in lucubrationum suarum lectione, tam pro se pugnet, tanta sustineat atque pacitatus « quelqu’un qui l’aime plus fidèlement, lit ses productions avec autant d’empressement, se bat pour lui si fortement, supporte et souffre tant de maux pour lui ». Brunfels demande enfin à Rhenanus : Hec atque alia velim illi in mentem reducas, quod si me spreverit eciam adhuc ego tamen non cessabo hunc amare quoad vixero88.

85 Excoffon, « Les chartreuses et leurs limites », p. 98. 86 Idem. 87 Burckel, « Soc. litt. de Sélestat », p. 29-30. 88 « Je voudrais que tu rappelles ces choses ainsi que les autres à son esprit, mais

s’il m’a méprisé, encore maintenant je ne cesserai de l’aimer aussi longtemps que je vivrai. »

8. « Brunfels et Rhenanus, 1520 »

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La demande expresse que Beatus Rhenanus recommande Otto Brunfels à Erasme rappelle la première lettre et prouve qu’à son avis le Sélestadien est le mieux placé pour lui faire trouver grâce aux yeux de l’humaniste de Rotterdam. [43] L’avant-dernière lettre89, datée du 29 août 1520, commence de manière dramatique : Scis quale archanum in pectus tuum transfuderim Rhenane eloquentissime. Id nunc quam maxime secretum esse velim, neque aliquo efferi, ne apud amicissimos quidem90.

La place de ces phrases, en tête de lettre, le mystère et l’urgence des mots quale archanum « quelle sorte de secret » et l’idée du transvasement que suggère le verbe transfundo amènent à penser qu’il y a peu de temps que la visite de Rhenanus a eu lieu, visite dont la dernière lettre du 11 novembre 1520 fera plus largement état. [44] Ensuite, Brunfels ajoute plusieurs citations bibliques qui confirment cette nécessaire prudence. Enfin, il fait savoir : Sed scio qualis sis, quam integer, quam incorruptus. Quod si nescires ausim per literas eciam tibi susurrire91 secreta ; hoc solum moneo, ne inauspicato labaris uel nimia confidencia in amicum92.

Brunfels revient sur la confiance qu’il peut placer en Rhenanus, qui est telle que s’agissant de quelqu’un comme lui, il oserait lui « chuchoter » les secrets par lettre. Toutefois, il le met en garde. Nous sommes ici face à un rapport d’égal à égal, où chacun exerce son franc-parler. 89 H, p. 245-246 n° 177. 90 « Tu sais, Rhenanus, homme si éloquent, la nature du secret que j’ai versé de

moi dans ton cœur. Celui-ci, je voudrais maintenant qu’il reste caché autant que possible, qu’il ne soit pas ébruité, même aux meilleurs amis. » 91 La lecture du manuscrit est difficile. Mais nous contestons la leçon de H parce que la forme transitive (parfois aussi intransitive) normale de « chuchoter » est susurro, as, are, si bien que susurrere est incorrect. Or il existe une forme intransitive, passive du verbe, qui est susurrio, is, ire « être chuchoté, circuler (rumeur) » (GG, p. 1555 et Blaise, Auteurs chrétiens, p. 804). Mais Brunfels utilise cette forme de manière transitive dans sa dernière lettre, celle du 11 nov. 1520 : In ea re quam tibi in aurem susurrivi et aussi dans la lettre à Jakob Spiegel que nous présentons en annexe me tibi narraturum aliqua et susurriturum in aurem. Pour lui il y a une forme transitive susurrio, is, ire, iui, itum comme, par exemple, ambio, is, ire, ii/iui, itum. C’est pour cette raison que nous ramenons le texte à son usage ici. 92 « Mais je connais ta nature, je sais à quel point tu es intègre, à quel point incorruptible. Or si tu ne le savais pas, j’oserais même par le biais d’une lettre te chuchoter les secrets ; je t’avertis seulement de ceci : ne pas laisser sortir le secret inopinément [litt. « sans prendre les auspices »] ou par une confiance excessive en un ami. »

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[45] Quelle est la nature de ce secret ? Le contenu de la lettre fait penser que Brunfels a dénoncé des agissements dans son couvent. Il dit d’abord que rien n’a été fait encore, qu’il a demandé à l’homme de s’arrêter, mais que celui-ci l’a méprisé. Toutefois, nous ne savons pas ce que l’homme en question doit arrêter de faire. Brunfels attend la loi impériale pour que cette personne ne puisse jamais refaire cela. [46] Puis, sans interruption visible dans le texte, Verum iacta est alea, deus adsit fortunae, que l’on peut traduire ainsi : « Mais, le sort en est jeté, que Dieu me vienne en aide dans la situation qui est la mienne ». Brunfels déclare qu’il n’a rien fait de manière téméraire ou en vue de la gloire, ce qu’il prouve à Rhenanus en précisant qu’il s’est mis lui-même dans une situation critique et qu’il n’a pas mis en avant son propre nom, comme Hutten l’a fait. Même si par ailleurs ses études étaient en danger, il aurait préféré être inculte toute sa vie plutôt que de fermer les yeux devant les crimes de gens qui commettent des injustices et qui de la maison de Dieu ont fait une caverne de brigands (Matthieu XXI, 13). Sed preter te hoc nemo nouit, neque eciam comperiet aliquis « Mais à part toi, dit-il, personne ne sait cela et personne même ne le découvrira ». Belle marque de confiance, encore une fois. [47] Nous constatons un changement, un renoncement important. Brunfels est prêt à abandonner ses études humanistes s’il le faut pour corriger des injustices dans le domaine religieux. Par ailleurs l’expression alea jacta est nous interpelle puisque Rott explique que Hutten fait figurer dans sa Clag und uermanung à l’automne 1520 sa double devise : Jacta est alea et « Ich habs gewagt » « J’ai osé93 ». De surcroît, lorsque Bucer veut signifier sa décision de quitter le cloître, il écrit le 11 novembre 1520 à Spalatin : iactae aleae94. Faut-il comprendre alors qu’Otto Brunfels, en reprenant la célèbre déclaration attribuée à Jules César95, emploie une expression répandue, sorte de code correspondant au pas lourd de conséquence que les moines franchissent en quittant leur couvent ? 93 Rott, « Hutten et la Réforme à Strasbourg », p. 43. Pour l’utilisation d’une

expression similaire chez Brunfels en 1524-1525, voir Roloff, „Hus-Texten“, p. 250. 94 Peremans, Erasme et Bucer, p.36 et Bcor, vol. 1, p. 118, l. 24. Bucer demande à Spalatin de lui répondre le plus rapidement possible pour savoir quem iactae aleae queam sperare euentum « quelle issue je peux espérer du dé jeté ». Rott (p. 118, n. 8) écrit « Allusion à la décision de Bucer de quitter l’ordre des dominicains … : espérait-il trouver un emploi en Saxe électorale ? La formule alea jacta rappelle la devise de Hutten, que celui-ci faisait figurer depuis le début de cette année, voire 1519, sur ses publications. Bucer était-il déjà en rapports avec lui ? » 95 Suétone, Caes., 32 : Iacta alea est « Le sort en est jeté ».

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[48] Dans la suite de la lettre, il explique que son tyran de prieur jette les pires injures contre Erasme et le décrie devant les hommes importants de Strasbourg. Il demande expressément à Rhenanus de diffuser à Erasme et aux autres savants ces propos et abus du prieur Gallicion. Il lui demande de même de rapporter ces faits à Sapidus. Brunfels voudrait que tout le monde sache à quelle sorte de bête il se heurte : Non est dissimulanda malorum insolencia diu ne peccandi licentia in legem trahatur et consuetudinem96.

Puis on découvre un post-scriptum important qui doit concerner le prieur : Consilium a te perquiro, quid mihi faciendum censeas. Nam homo ille in eum Reyschium contempsit quem nuper ausus est corrumpere blandiloquencia, verum cum ille nosset hominem, neque annuere vellet, temere respondit se nihil iuris habere in collegio suo, se nunc dominum esse, ego vehementer extimulor ad vindictam, quo illi nomen pariam immortale, nescio vero an tutum sit. Si non resisto, actum est cum literis meis ; quod tibi de hac tentatiuncula visum fuerit hoc faciam, verba tua mihi erunt oraculum. Solus non sum eodem malo premitur et Michael meus qui te salutat, homo de duabus linguis non male meritus. Consilio adhibe et Sapidum97.

[49] Dans cette lettre, le style heurté, décousu aussi, reflète l’extrême tension dans laquelle vit le chartreux. Bien que Brunfels possède d’autres appuis, il semble bien que dans sa détresse ce soit Rhenanus qu’il considère comme son soutien le plus fiable, le plus fidèle aussi. Et il ressasse ses demandes de conseil de manière insistante, Consilium a te perquiro « Je te demande instamment un conseil », comme si dans son désarroi, les réponses, les avis de Rhenanus étaient sa seule 96 « La prodigalité en matière de maux ne doit plus longtemps être dissimulée de peur que la permission de pécher ne soit érigée en loi et en habitude ». 97 « Je te demande instamment conseil, pour savoir ton jugement sur ce que je dois faire. En effet cet homme [le prieur] a méprisé Gregor Reysch, que récemment il a osé corrompre par des flatteries, mais comme Reysch connaissait l’homme et qu’il ne voulait consentir, il lui a répondu sans réfléchir qu’il n’avait pas de droit dans son collège, qu’il était maintenant le maître ; mais moi je suis poussé à la vengeance, pour que par là je lui procure un nom immortel, mais je ne sais si c’est sûr. Si je ne résiste pas, c’en est fait de mes études de lettres ; ce qui te semblera bon à propos de cette petite tentative, je le ferai ; tes mots seront pour moi un oracle. Je ne suis pas seul, est cerné par le même mal aussi mon ami Michael, qui te salue, un homme qui n’a pas mal mérité des deux langues. Demande conseil aussi à Sapidus. »

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planche de salut. La lettre commence par un secret partagé avec Rhenanus et finit par une demande pressante de conseil de sa part. [50] Dans la dernière lettre, datée du 11 novembre 1520, et la plus longue98, on apprend que depuis la rencontre face à face que la lettre du 29 août a laissé entendre, Brunfels n’a pas eu de nouvelles de Rhenanus et qu’il en est très inquiet. A nouveau il commence sa missive in medias res, par une citation biblique marquante et appropriée. Examinons ce passage important, que nous divisons en trois parties. Verum est quod predixit Apostolus. Epistole graues sunt et robuste, at presencia corporis infirma, et sermo contemptus99. Quando necdum me uideras, a tè crebras recipiebam literas, ac item munuscula. Nunc quia100 coram me contuitus es, et egregiam illam strumam vestitam διβάφῳ101 quod aiunt, qua tibi tam diu imposui, deprehendisti, cessant epistole, cessant salutaciuncule, de donariis enim non usque adeo multa mihi cura est, qui sciam et habundare et penuriam pati, quippe que nunquam uel promerui uel expetiui102.

On rappelle le vœu exprimé dans la première lettre (si vel semel ante supremum diem coram intueri concederetur … Rhenanum), qui maintenant a été exaucé, mais Brunfels prétend que leur rencontre a été décevante. [51] C’est ainsi que le moine ouvre la lettre par un passage des épîtres de Paul aux Corinthiens (2 Cor. 10, 10), selon laquelle il y a une différence entre ce qu’on écrit dans une lettre et ce qu’on peut voir et entendre face au correspondant. L’allusion à la « parole », ou mieux à la « conversation », qui est « méprisable » en dit long sur 98 H, p. 252-253 n° 182. 99 2 Cor. 10, 10 : Quoniam quidem epistulae, inquiunt, graues sunt et fortes,

praesentia autem corporis infirma, et sermo contemptibilis (NTL) « car ses lettres, dit-on, ont du poids et de la force ; mais, une fois présent, il est faible et sa parole est nulle », TOB. 100 H quum. 101 Le mot grec ne porte pas d’accents dans le manuscrit. 102 Il est vrai, ce que l’Apôtre a prédit, que les lettres sont importantes et fortes, mais la présence du corps faible, et la conversation méprisable. Puisque tu ne m’avais pas encore vu, je recevais de ta part de fréquentes lettres, et aussi de même de petits cadeaux. Mais maintenant que tu m’as regardé en face, et que tu as découvert le goitre remarquable habillé par la robe de pourpre, comme on dit, grâce à laquelle je t’en ai imposé si longtemps, les lettres tardent, les petites salutations tardent, car s’agissant de dons je ne m’en soucie guère à ce point, en homme qui sait et vivre dans l’abondance et supporter la pénurie, puisque je n’ai jamais mérité ces choses ni ne les ai convoitées.

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l’état d’esprit de Brunfels. Ensuite le moine lettré fait allusion à un passage de Cicéron pour dire que, d’après lui, Rhenanus a découvert quel homme il était véritablement. Or, dans la lettre à Atticus du 16 ou 17 avril 59 av. J.-C. rappelée par Brunfels, Cicéron critique des nominations politiques faites par les triumvirs (César, Pompée et Crassus). Ainsi Publius Vatinius espérait-il devenir augure et porter la robe de pourpre de ce collège de prêtres. Cicéron fait une attaque ad hominem contre Vatinius, qui souffrait du goitre, pour dire Proinde isti licet faciant quos uolunt consules, tribunos plebis, denique etiam Vatini strumam sacerdoti διβάφω[avec iota adscrit] uestiant103. Cicéron se moque de la difformité et de la prétention de Vatinius. [52] Puisque Brunfels écrit quod aiunt « comme ils disent », il laisse entendre qu’il s’agit d’une expression ou d’un adage. Et de fait, en 1533, à Bâle, l’adage Strumam dibapho tegere « Couvrir le goitre grâce à la robe de pourpre » a paru pour la première fois dans les Adages d’Erasme sans le grec utilisé par Cicéron et Brunfels. L’expression était naturellement courante avant 1533 et avec le terme grec, comme le montre notre lettre. L’idée exprimée par Erasme dans l’adage est qu’« une infamie est effacée par quelque dignité d’état104 ». Brunfels retourne l’idée pour laisser entendre qu’il a lui-même quelque chose d’infamant ou du moins une struma, une difformité, morale sans doute, que cachait la correspondance épistolaire, ou, pour aller plus loin, que cachait peut-être même son statut ou habit de moine. Quelle est cette infamie ou cette difformité ? Est-ce juste sa faiblesse ou petitesse comparée au grand Rhenanus ? En tout état de cause, le Sélestadien en le voyant a découvert la difformité (strumam) qui était couverte par la robe de pourpre. Brunfels met à contribution un passage biblique et un passage païen pour dire qu’il dissimulait quelque chose ou du moins ne renvoyait pas un reflet fidèle de sa propre personne. [53] Devant cette découverte, le Sélestadien s’est arrêté d’écrire à Brunfels, de le faire saluer par les amis et de lui envoyer des cadeaux. Le moine est blessé et sur la défensive. Il met en avant son indifférence vis-à-vis des signes d’amitié que représentent les cadeaux (même s’il devait s’agir de cadeaux livresques). 103 « Aussi ils peuvent bien distribuer le consulat, le tribunat de la plèbe à qui

leur plaît, et même habiller le goitre de Vatinius de la robe de pourpre de l’augure… », Cicéron, Correspondance, t. I, Ep. 29 (II, 9), 2, p. 232. Voir aussi Cicero’s Letters to Atticus, vol. 1, Ep. 29 (II, 9), 2, p. 222 et 372. 104 Erasmi Adagia, 2,8, Wesseling, p. 288, ll. 395-396 : infamiam aliqua dignitate obliterare.

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[54] Brunfels a de plus une attitude assez fataliste. Il poursuit : Hoc sciebam ita futurum, sed ideo non cessabo tibi esse molestus te eciam inuito uel nolente, Charitas nunquam excidit105, siue lingue cessabunt, siue scientia destruetur106. Neque in immensum glorior, uerum iuxta mensuram regule. Quid enim, si Rhenanus non sim, non ideo debeo amari a Rhenano ? Qui te non aliter colo quam numen aliquod, uel musarum parentem. Hec quidem pueriliter et contenciose, sed ideo quod suspicer te nonnihil offensum ex me, maxime quia ad me non redisti, quemadmodum pollicebaris107.

Brunfels fait savoir que même si Rhenanus a été déçu, lui-même ne cessera pas pour autant de se manifester auprès de lui. Il cite Paul (1 Cor. 13, 8) pour faire comprendre que son amour pour Rhenanus a quelque chose de permanent, mais en ce qui le concerne personnellement, il ne se met pas en avant, rappelant ses remarques sur Hutten dans la lettre précédente. Le moine révèle encore la très haute opinion qu’il a du Sélestadien qu’il honore comme quelque divinité ou comme le père des Muses. Pourtant il se rend compte que sa conduite est inappropriée et fait savoir qu’il craignait d’avoir offensé Rhenanus et avait déduit que c’était pour cela que le Sélestadien n’était pas revenu le voir comme promis. A part l’émotivité de Brunfels et son « adoration » de Rhenanus, nous avons la preuve que c’était bien Rhenanus qui était allé voir Brunfels. [55] Enfin Brunfels attribue cette mésaventure, ce malentendu, à la faiblesse humaine et revient à l’actualité brûlante qui intéresse fortement les deux hommes :

105 1 Cor. 13, 8 : Caritas numquam excidit : siue prophetiae, euacuabuntur : siue linguae, cessabunt : siue scientia, destruetur (NTL). « L’amour ne disparaît jamais. Les prophéties ? Elles seront abolies. Les langues ? Elles prendront fin. La connaissance ? Elle sera abolie » TOB. 106 H destruitur. 107 Je savais que les choses allaient se passer ainsi. Mais je n’aurai de cesse pour cette raison de t’importuner même si c’est contre ton gré ou que tu ne veux pas, ‘l’amour ne disparaît jamais, que les langues prennent fin ou que la connaissance soit abolie’. Et je ne me glorifie pas immensément, mais selon la mesure de la règle. En effet, quelle importance à supposer que je ne sois pas Rhenanus, est-ce que je dois pour cette raison ne pas être aimé de Rhenanus ? Moi qui t’honore non autrement que si tu étais quelque divinité ou le père des Muses. Je dis ces choses certes de manière enfantine et opiniâtre, mais c’est parce que, dis-je, je soupçonne que tu as été quelque peu offensé par moi dans notre entrevue, mais surtout parce que tu n’es pas revenu vers moi, comme tu le promettais.

8. « Brunfels et Rhenanus, 1520 »

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Accidit autem interdum humanum nobis quidpiam vt ex vili et debili corpusculo quod videmus metimur108 que intus sunt, que non cernimus ; Literae tue, que Ro[mani] pont[ificis] Bullam habebant, mihi reddite sunt a sodalicio. Has nunc remitto. Bullam lepidissime commentatus est Huttenus, cum nuper fuisset Argentorati. Edita sunt eius et alia quedam, deus adsit homini, ne impingat, uel male pereat109.

Le recours au présent de vérité générale rappelle l’un des messages de l’Eloge de la Folie, où Erasme, inspiré par Paul, souligne que ce qui est important est ce qu’on ne peut voir110. A travers sa phrase, Brunfels explique, et ainsi atténue, la citation par laquelle il avait commencé la lettre, citation qui faisait valoir que par rapport à l’idée, à l’image exprimée par une lettre, la présence physique du correspondant était décevante. Cette méprise est quelque chose d’humain qu’il faut accepter et s’efforcer de négliger. [56] Or Brunfels disait que Rhenanus ne lui écrivait plus, mais voilà qu’il a reçu une lettre du Sélestadien par le biais de la Société littéraire ou du moins de certains de ses membres111. Rhenanus a donné à lire à Brunfels la Bulle papale contre Luther. C’est une preuve de complicité qui devait rassurer le moine. Ensuite Brunfels se réfère au commentaire sarcastique que Hutten avait fait sur la Bulle, 108 H (p. 252) videmus, quum metimur. Nous lisons non pas quum mais un q

barré, et, cela enlevé, on retrouve un verbe principal (metimur) dans la proposition. 109 Or parfois il nous arrive quelque chose d’humain, savoir qu’à partir d’un vil et faible petit corps que nous voyons, nous mesurons les choses qui sont à l’intérieur, choses nous ne pouvons pas apercevoir. Ta lettre, la Bulle du pontife de Rome, m’a été remise par la société littéraire. Je te la renvoie maintenant. Cette Bulle, Hutten l’a commentée de manière tout à fait charmante, lorsque récemment il avait été à Strasbourg. Certains autres de ses textes ont été édités aussi : que Dieu vienne en aide à cet homme pour qu’il ne le frappe pas ou qu’il ne périsse pas de male mort. 110 Dans Erasmi Moria, Miller, p. 190, ll. 159-161, Erasme note des similitudes entre le platonisme et le christianisme : Iam primum illud propemodum Christianis conuenit cum Platonicis, animum immersum alligatumque esse corporeis uinculis huiusque crassitudine praepediri, quominus ea quae uere sunt contemplari fruique possit (nous lisons quominus plutôt que quo minus). Jacques Chomarat (Erasme, Œuvres choisies, p. 221), avec un changement (nous traduisons ea quae uere sunt littéralement) traduit : « Tout d’abord il y a un point d’accord presque total entre chrétiens et platoniciens, c’est que l’âme est plongée et enchaînée dans les liens du corps dont la grossièreté l’empêche de pouvoir contempler ce qui existe réellement et d’en jouir ». Dans son commentaire de ce passage Screech (Erasmus, Ecstasy and Folly, p. 78-81) le met en rapport avec Paul, 2 Cor 4, 18. 111 Nous n’avons pas vu sur le manuscrit des signes d’une reprise de rédaction après une première entrée.

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commentaire qu’il a fait publier à Strasbourg. Enfin il évoque d’autres publications du chevalier et espère que celui-ci ne souffrira pas de leur nature audacieuse112. La crise d’inquiétude de Brunfels est passée. [57] Rhenanus avait abordé une grande partie de ces mêmes questions dans une lettre adressée à Boniface Amerbach le 8 novembre 1520113. En effet, il fait savoir à Boniface qu’Erasme avait été à Cologne les jours précédents, ce que Brunfels dément dans notre lettre. Il annonce que le pape a envoyé Girolamo Aleandro chez César (Charles Quint) avec une « immense bulle » pour qu’il opprime Luther. Il note que Hutten a commenté la bulle au moyen de scolies salées et mordantes. Rhenanus écrit à Boniface : nihil unquam legisti mordacius « tu n’as jamais lu quelque chose de plus mordant ». Les bibliographes attribuent le texte imprimé à Johann Schott114. [58] Il semblerait que la seule allusion à la visite de Rhenanus vienne de celui à qui il a rendu visite. Sauf erreur, il n’y en a pas d’autres. La raison pourrait être que c’était une visite secrète, pour autant que la chose fût possible. [59] Brunfels ajoute que Luther a créé la sédition entre les Pharisiens et les Saducéens, c’est-à-dire entre les mauvais moines et les mauvais prêtres (car tous les bons sont d’accord avec lui) par le biais de ses ouvrages. Mais le moine chartreux lui-même travaille sur quelque chose dont il avait chuchoté des mots à l’oreille de Rhenanus. Ce projet est associé à quelqu’un dont les initiales sont I. S. : on peut penser à Johann Schott, mais le nom de Jakob Spiegel suggéré par Ginzburg cadre mieux avec la nature du passage115. Brunfels écrit :

112 Les mots de cette phrase rappellent une observation sur Hutten faite par Rhenanus à Zwingli le 19 mars 1519 Edidit et alia quaedam ad Leonem X., omnium mortalium audentissimus, H, p. 144 n° 97 « Cet homme le plus audacieux de tous les mortels a fait publier aussi certains autres livres à l’intention de Léon X. Il avait été question auparavant d’autres publications, dont Febris (« Fièvre »), cf. Jaumann, „Hutten, Ulrich von“, col. 1212, n° 27. Pour le contexte de l’observation de Rhenanus voir Hirstein, „Rhenanus, Valla und Hutten“, p. 103. 113 Amerbachk. vol. 2, p. 261-263 n° 749 ; H, Nr. 181 (p. 250-251). 114 Hutten, Bulla Decimi Leonis, contra errores Martini Lutheri et sequacium … [Strasbourg], [Johann Schott], [1520] 21 Bl. 4° ; VD-16 K 277 ; Benzing Hutten 222 (Karlsruhe Badische Landesbibliothek : urn:nbn:de:bsz:31-64699). Les renseignements fournis par la Landesbibliothek mettent en avant que la première édition a eu lieu avant le 8 novembre 1520 ; les bibliographes se fondent sans doute sur la lettre de Rhenanus pour avancer cela. Voir aussi Jaumann, „Hutten, Ulrich von“, col. 1218, n° 36, qui parle du « Persiflage der Bulle ‘Exsurge Domine’ ». 115 Ginzburg, Il nicodemismo, p. 7.

8. « Brunfels et Rhenanus, 1520 »

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In ea re quam tibi in aurem susurriui, nunc laboro apud eum, in cuius manu est, I[acobum] S[piegellium] ne unquam exequatur, vehementer mihi timeo. Quid enim agerem captiuus, Qui si possem fugere de una civitate in aliam, ut docuit Christus, et consummare urbes multas, nihil laborarem. Si tamen ita futurum est, ut ille instituit S[atan], perii. de tua tamen sinceritate nulla mihi dubitacio. fiat voluntas domini116.

Brunfels craint que Spiegel ne le soutienne pas jusqu’au bout et l’avenir montrera que cette crainte était justifiée. On comprend qu’il avait demandé au secrétaire impérial de lui obtenir une dispense de son état de moine117. S’il n’est pas délié de ses vœux, il sera prisonnier dans la chartreuse. Une vie d’errance, pourvu que ce soit en dehors du monastère, ne lui fait pas peur. Comme le signalent Horawitz et Hartfelder, Brunfels cite Matt. 10, 23 à propos de la vie d’errance qu’il faut embrasser pour fuir les persécutions118. Brunfels souligne à nouveau la confiance qu’il manifeste à l’égard de Rhenanus. [60] Tout comme Martin Bucer, Brunfels essaie d’obtenir une dispense. C’est ainsi que dans notre lettre la phrase suivante fait savoir que le moine dominicain s’est rendu chez Brunfels et que le chartreux est inquiet pour lui. C’est là où, comme le relate Nicole Peremans, Bucer a « fait la connaissance de Hutten qui le presse de se rendre auprès du chevalier de Sickingen dans son château d’Ebernburg »119. Dans une lettre écrite le même jour que la nôtre, Bucer fait savoir à Wolfgang Capito qu’il a appris qu’il était dans la ligne de mire de Jakob Hoogstraten, l’inquisiteur de Cologne, qui avait eu accès à des lettres compromettantes. L’inquisiteur menaçait de faire de Bucer, l’adhérent de Luther, un exemple. Il était essentiel pour le moine 116 « A propos de la question que je t’ai chuchotée à l’oreille, j’y œuvre maintenant chez celui qui a son succès entre les mains, chez I[akob] S[piegel] ; je crains vivement qu’il ne suive jamais l’affaire jusqu’au bout. Que ferais-je en effet captif ? Si je pouvais fuir d’une ville à l’autre, comme l’a enseigné le Christ, et parcourir beaucoup de villes, je ne m’en inquiéterais en rien. Si néanmoins les choses devaient se passer comme l’a décidé ce satan, je suis perdu. Toutefois sur le sujet de ton intégrité, il n’y a aucun doute chez moi : que la volonté du Seigneur soit faite. » 117 Voir la lettre du 10 juin 1521 de Brunfels à Spiegel chez Friedensburg, „Beiträge zum Briefwechsel“, p. 491-494. 118 Cum autem persequentur uos in ciuitate ista, fugite in aliam : amen enim dico uobis, non consummabitis ciuitates Israhel, donec ueniat Filius hominis (NTL) « Quand on vous pourchassera dans telle ville, fuyez dans telle autre ; en vérité, je vous le déclare, vous n’achèverez pas le tour des villes d’Israël avant que ne vienne le Fils de l’homme » (TOB). 119 Peremans, Erasme et Bucer, p. 36-37.

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d’être délié de ses vœux afin de ne plus relever de la juridiction des dominicains120. [61] Bucer écrit aux amis susceptibles de l’aider, à Capito, à Spiegel et à Materne Hatten, vicaire de la cathédrale de Spire. De son côté Hutten demande à Capito d’aider Bucer. Comme dernier recours il y a les châteaux forts de Franz von Sickingen, le puissant chevalier d’Empire, qui avait déclaré la guerre à l’ordre des prêcheurs dans le cadre de l’affaire Reuchlin121, mais comme l’écrit Greschat, « cela signifiait assurément l’avenir sombre d’un fugitif122 ». Afin de se défendre, en décembre 1520 et en janvier 1521 Bucer rend visite à Girolamo Aleandro. Celui-ci « l’exhorta paternellement à mettre ses capacités au service d’une cause plus noble que celle de Luther123 ». Début février 1521, Hatten réussit grâce à ses relations à faire porter à Rome la requête de Bucer d’être délié des vœux de son ordre, sous le prétexte qu’il y avait été contraint dans sa jeunesse. Il semblerait que ce soit seulement à ce moment-là que Bucer se soit enfui du couvent de Heidelberg pour chercher refuge chez Hatten à Spire. Il apprend fin mars que la Bulle le déliant de ses vœux a été rédigée. Greschat écrit : Commença alors une course contre le temps, car ses adversaires au sein de l’ordre avaient également eu vent de la nouvelle. Avec fièvre Bucer fit jouer toutes ses relations, afin que la tâche de le délier soit confiée à l’évêque auxiliaire de Spire, Anton Engelbrecht, qui lui était bienveillant. A la même époque, Aléandre mit expressément la Curie en garde de laisser cet homme dangereux quitter son ordre. Mais cet avertissement arriva trop tard : le 15 avril, l’évêque de Spire délivra à Engelbrecht l’acte permettant de délier Bucer ; l’évêque auxiliaire y procéda de manière solennelle le 29 avril 1521 à Bruchsal, et réduisit Bucer à l’état de prêtre séculier. … Bucer était désormais un homme libre124.

Dans les dernières semaines avant la dissolution de ses vœux Bucer a vécu principalement à la Ebernburg, forteresse de Sickingen sur la rivière de la Nahe. Bucer était en compagnie d’autres fugitifs, Johann Oecolampade, Kaspar Aquila, Johann Schwebel et Ulrich von Hutten. L’ancien moine dominicain était acquis à Sickingen, qui avait soutenu Reuchlin et qui voulait avec l’aide de Charles Quint « briser la puissance de la Curie afin de réformer l’Eglise, de proclamer 120 Voir BCor., vol. 1 n° 18 et Greschat, Bucer réformateur, p. 38. 121 Greschat, Bucer réformateur, p. 35. 122 Idem, p. 38. 123 Idem, p. 38. 124 Greschat, Bucer réformateur, p. 38-39.

8. « Brunfels et Rhenanus, 1520 »

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l’Evangile sans entrave et de répandre la piété et l’enseignement chrétiens authentiques ». Bucer passa les mois de mars et d’avril à la Ebernburg et travailla intensément aux côtés de Hutten125. [62] Les similitudes entre les situations et les démarches des deux moines fait penser que peut-être l’homme dont parle Brunfels dans la sixième lettre et qu’une loi impériale peut arrêter est un collègue de Hoogstraten, à moins qu’il ne s’agisse tout bonnement de son prieur, mais dans ce cas on ne voit pas l’utilité d’une loi impériale. En revanche la loi impériale attendue par Brunfels pourrait avoir un lien avec les actions des dominicains. Ensuite, Brunfels mentionne une lettre qu’il a adressée à Sapidus au sujet de Luther. A propos d’Erasme tout chez eux est silence et tranquillité ; Erasme n’est pas à Mayence, comme Rhenanus le lui a écrit. [63] Enfin, il demande à Rhenanus de lui envoyer en prêt les commentaires sur les psaumes de Luther, s’ils ont été imprimés : ils pourront lui être utiles dans ses annotations sur l’hébreu. Il s’agit sans doute des Piae ac doctae in Psalmos Operationes, que l’imprimeur bâlois Adam Petri sortira de son officine en mars 1521, après avoir repris l’édition de Wittenberg126. Rhenanus a pu en parler à Brunfels. Aucun écrit d’Erasme, de Hutten ou de Luther ne peut être apporté dans le couvent, à moins de le recevoir en secret grâce aux amis. Or depuis le départ de Johann Priscus pour Haguenau, restent encore Schott, Gerbel, peut-être Lucas Bathodius127 et un certain autre ami, Hieronymus Schott directeur des impôts au « Kaüfhus » : tout ce qui leur sera confié par écrit ou oralement sera tout à fait sûr. [64] Ces informations denses attestent de la rapidité à laquelle les nouvelles se répandaient, du nombre de courriers échangés, de rencontres qui avaient lieu, notamment chez l’imprimeur Schott. Et plus la situation est complexe, plus Brunfels semble vouloir s’en remettre à Rhenanus. La correspondance cesse là. [65] Dans cette évocation détaillée de la situation de Bucer, on a l’impression de voir Otto Brunfels assister à une répétition générale de sa propre fuite du couvent environ six mois plus tard. Comme on peut le voir dans la lettre du 10 juin 1521 d’Otto Brunfels à Jakob Spiegel128, 125 Idem, p. 41-42. 126 Voir Hieronymus, PS, vol. 1, p. 265-266 n° 98. 127 H écrivent Lucas Hus (?) ; il se peut qu’il s’agisse de Lucas Bathodius que

Brunfels mentionne dans la lettre du 10 juin 1521 à Spiegel, voir Friedensburg, „Beiträge zum Briefwechsel“, p. 494. 128 Voir la lettre du 10 juin 1521 de Brunfels à Spiegel chez Friedensburg, „Beiträge zum Briefwechsel“, p. 491-494.

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Brunfels charge Spiegel de demander pour lui et pour Michaël Herr une dispense de la vie au couvent. Brunfels, sur la recommandation de Bucer, prévoit ensuite de se réfugier chez Karlstadt au Danemark, ou de préférence à Sélestat. Faut-il penser qu’il aurait demandé l’asile à Beatus Rhenanus ? Il charge Gerbel, Schott et Luc Bathodius de lui fournir des vêtements civils, et précise qu’ils ne peuvent attendre audelà du 22 juillet 1521. La dispense n’est pas accordée. [66] Otto Brunfels et Michael Herr s’échapperont du couvent fin juin ou en juillet 1521129. D’après Passmann130, ils trouvent refuge chez l’imprimeur Johann Schott où ils prennent des habits civils. Brunfels fut reçu par Hutten sur l’Ebernburg de Sickingen. Au mois d’août Hutten l’amène à Diemerstein, où il reste caché jusqu’à la fin de 1521. Toujours selon Passmann, Michael Herr a dû retourner au monastère pour le quitter définitivement avec d’autres frères à la Pentecôte 1525. Il est par la suite attesté comme médecin à Strasbourg131. Conclusion [67] Que retenir de ces sept lettres ? Elles nous permettent de voir naître et se conforter très rapidement une belle relation d’amitié et de confiance entre deux hommes lettrés dont nous mesurons aussi la culture. La confiance en Rhenanus suscite les confidences de plus en plus angoissées du chartreux qui, par amitié, par conviction aussi, outrepasse bien souvent les règles de son ordre pour faire sortir de la bibliothèque du couvent maint document recopié ou prélevé. Prenant les devants, s’imposant quasiment auprès du brillant et célèbre Sélestadien, Otto Brunfels nous livre par ses missives le portrait d’un moine lettré, qui connaît parfaitement la Bible et lit avidement les auteurs antiques, mais qui est doté, de son propre aveu, d’une personnalité bien trempée, et se permet de juger les uns et les autres sans guère prendre de gants. [68] Comme nous l’avons mentionné, il se peut que Brunfels ait écrit des lettres de la même trempe à d’autres. Toutefois, la faible survie des documents ne nous permet pas d’en savoir plus. L’un des 129 On peut lire chez Weigelt, Brunfels, p. 28, n. 1 : „Im Verzeichnis der

Konventsbrüder der Karthause zu Straßburg steht unter J. (Juni oder Juli) 1521: „Otto de Moguntia apostavit.“ Bei T.W. Röhrich: Geschichte der Reformation, a.a.O., S. 256 ». 130 Passmann, „Die Kartause zu Strassburg : Kunst und Wissenschaft“, p. 148-149. 131 BCor, vol. 1, p. 176, n. 21.

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grands intérêts des sept lettres conservées à Sélestat est qu’elles prouvent qu’il y avait véritablement une correspondance entre les deux hommes. Mais le problème de lacunes dans la documentation se pose de nouveau. En effet, il est difficile de croire qu’il n’y ait pas eu d’autres échanges épistolaires entre les deux hommes par la suite. Estce que Rhenanus aurait décidé de détruire toutes les lettres de Brunfels après celle du 11 novembre 1520 ? [69] Un choix d’explications se présente : ou bien Rhenanus, choqué par l’attitude et surtout la radicalisation de Brunfels mit fin luimême à la correspondance après la lettre du 11 novembre ou bien la correspondance s’est poursuivie mais pour être détruite plus tard. Pour choisir une explication, il faudrait en savoir davantage sur les dates précises des changements de position de Rhenanus, mais sa discrétion et son secret rendent cela bien difficile. Aurions-nous à cette époque en la personne de Rhenanus quelqu’un qui par un silence relatif pourrait passer pour cautionner telle ou telle pensée tout en voulant lui-même éviter des prises de position extrêmes et pacifier les esprits ? [70] Ce qui frappe fortement l’esprit est l’absence de toute mention de Rhenanus dans la lettre très franche, presque naïve, adressée par Brunfels à Spiegel le 10 juin 1521132. Pourquoi n’a-t-il pas soufflé mot de ses rapports avec cet autre Sélestadien ? Pensait-il qu’il était des secrets qu’il devait garder à propos de son ami-correspondant ? [71] Quant au rapport « élève-maître » entre les deux hommes, le jugement de Margolin cité au début de notre étude est juste : la dernière lettre prouve à quel point Rhenanus était le modèle de Brunfels en matière d’humanisme. En revanche nous avons vu que tous les renseignements concernant Martin Luther et d’autres hommes ou mouvements en faveur d’une réforme passaient rapidement entre les deux hommes qui communiquaient sur un pied d’égalité. C’étaient leurs centres d’intérêt très similaires qui permettaient cela. Il est frappant de voir aussi la présence du nom de Johann Sapidus dans les lettres de Brunfels. [72] Pourtant, leurs situations n’étaient pas « égales ». Si Brunfels voulait poursuivre son épanouissement intellectuel et religieux, il était obligé de quitter la chartreuse. Il en allait de même pour beaucoup d’autres moines, comme Erasme, comme Martin Bucer, comme Konrad Pellikan133. Mais Rhenanus était un érudit libre qui n’a pas dû entrer dans un monastère pour cultiver les belles lettres. Il n’en reste 132 Friedensburg, „Beiträge zum Briefwechsel“, p. 491-494. 133 Cf. Rapp, « Rhenanus & Pellikan ».

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pas moins qu’en matière de religion, même un homme comme lui pouvait être amené à passer sous silence sa pensée ou la dissimuler. [73] Se pourrait-il que dans certains domaines Brunfels ait été le maître de Rhenanus ? [74] Indéniablement, le rôle de Beatus Rhenanus est multiple aux yeux d’Otto Brunfels. Il est d’abord le modèle de l’humaniste, du savant qui en impose aux Semidoctis, « demi-savants » au nombre desquels il se range lui-même, et au moine encapuchonné qui ne peut accéder aux melioribus litteris qu’en secret et grâce aux « cadeaux » que Rhenanus lui adresse. Il devait aussi permettre de nouer des liens avec Erasme de Rotterdam, ce qu’il n’a pu obtenir, au grand regret d’Otto Brunfels qui se sent méprisé. Il est surtout le confident le plus sûr, le plus fidèle puisque bien des allusions prouvent que Beatus Rhenanus a maintes fois répondu à ses courriers et que les demandes de conseil se multiplient au fil des lettres et se font de plus en plus insistantes. Pris dans la tourmente, menacé dans sa chartreuse, séduit par les arguments de Luther, de Hutten, de Bucer, c’est cependant Beatus Rhenanus qu’il consulte, comme seul sage au milieu des temps agités où les esprits s’enflamment et où les choix sont cruels et lourds de conséquences. Bel hommage ! qui nous frustre d’autant plus de ne point connaître les réponses faites par Rhenanus. Sources Amerbachk., vol. 2, Hartmann = Die Amerbachkorrespondenz, vol. 2 (1514-1524), éd. A. Hartmann, Basel, Verlag der Universität, 1943. Aniel, Maisons des chartreux = Aniel Jean-Pierre : Les maisons des chartreux des origines à la chartreuse de Pavie, Bibliothèque de la société française d’archéologie, Genève, Droz 1983. ASD = Opera Omnia Desiderii Erasmi Roterodami recognita et adnotatione critica instructa notisque illustrata, édition des œuvres complètes d’Erasme en cours de parution à Amsterdam depuis 1969. Aulu-Gelle, N.A., Marache = Aulu-Gelle : Les Nuits attiques, tome III, livres XI-XV, texte établi et traduit par René Marache, Paris, BL, 1989. BCor, vol. 1 = Correspondance de Martin Bucer, vol. 1 (jusqu’en 1524), éd. J. Rott et alii, Leiden, Brill, 1979.

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Blaise, Auteurs chrétiens = Blaise, Albert : Dictionnaire latin-français des auteurs chrétiens, revu spécialement pour le vocab. théologique par Henri Chira..., Strasbourg, « Le latin chrétien »/ Paris, Librairie des Méridiens, 1954. Boehler, « Ziegler » = Boehler, Jean-Michel : « Clément Ziegler, un prédicateur populaire au pied du Mont Sainte-Odile » in La guerre des Paysans 1525, études et documents réunis par Alphonse Wollbrett, Saverne, Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs (Numéro supplémentaire 93), 1975, p. 15-19. Bornert, MA, 6 = Bornert, René, osb., avec le concours d’un groupe d’historiens : Les Monastères d’Alsace, Tome VI Ordres monastiques et congrégations bénédictines du XIIe au XXe siècle., Strasbourg, Editions du Signe, 2011. BSB Burckel, « Soc. litt. de Sélestat » = Burckel, Marie-Odile : « La société littéraire de Sélestat », AABHS 65 (2015), p. 7-33. Burmeister, „Spiegel“ = Burmeister, Karl Heinz : „Spiegel … Jakob“ in DHVl, Bd 2, cols. 936-948. Capito, Corr., 1, Rummel & Kooistra = The Correspondence of Wolfgang Capito, vol. 1: 1507-1523, edited and translated by Erika Rummel with the assistance of Milton Kooistra, Toronto/ Buffalo/ London, Univ. of Toronto Press, 2005. Cicéron, Correspondance, t. I = Cicéron, Correspondance, Tome I, texte établi et traduit par L. A. Constans, 6e tirage (1re éd. 1934), Paris, Belles Lettres, 1969. Cicero’s Letters to Atticus, vol. 1 = Cicero’s Letters to Atticus, edited by D. R. Shackleton Bailey, vol. I, 68-59 B. C., 1-45, (Books I and II), Cambridge, University Press, 1965. Dall’Asta, „Gerbel“ = Dall’Asta, Matthias : „Gerbel (Musophilus) Nikolaus“ in DHVl, Bd 1, cols. 904-924. DHVl, Bd 1 = Deutscher Humanismus 1480-1520 Verfasserlexikon hrsg. von Franz Josef Worstbrock, Band 1 A-K, Berlin, New York, Walter de Gruyter, 2008. DHVl, Bd 2 = Deutscher Humanismus 1480-1520 Verfasserlexikon hrsg. von Franz Josef Worstbrock, Band 2 L-Z, Berlin, New York, Walter de Gruyter, 2013.

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8. Martine Meyer

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anciens : Actes du Colloque international tenu à Strasbourg et à Sélestat du 13 au 15 novembre 1998, Colloque organisé par François Heim et James Hirstein, Actes édités par James Hirstein (Collection Studia Humanitatis Rhenana, 1), Turnhout, Brepols, 2000, p. 491-511. Hirstein, „Rhenanus, Valla und Hutten“ = - : „Neues über Beatus Rhenanus und die Basler Ausgabe von Lorenzo Vallas De donatione Constantini durch Ulrich von Hutten 1520“ in Basel als Zentrum des geistigen Austauchs in der frühen Reformationszeit Herausgegeben von Christine Christ-von Wedel, Sven Grosse und Berndt Hamm (Spätmittelalter, Humanismus, Reformation, 81) Tübingen, Mohr Siebeck, 2014, p. 97-108. Isocrate, Discours = Isocrate, Discours, Tome 1, texte et traduction par Georges Mathieu et Emile Brémond, Paris, Belles Lettres, 1928. Jaumann, „Hutten“ = Jaumann, Herbert : „Hutten, Ulrich von“ in DHVl, Bd 1, cols. 1185-1237. Lienhard, « Un inclassable … Brunfels » = Lienhard Marc : « Un inclassable du XVIe siècle strasbourgeois: Otto Brunfels », Etudes germaniques 50.3 (1995), p. 435-446. Margolin, « Brunfels dans le milieu évangélique rhénan » = Margolin, Jean-Claude : « Otto Brunfels dans le milieu évangélique rhénan » in Strasbourg au cœur religieux du XVIe siècle, édd. Georges Livet, Francis Rapp et Jean Rott, Actes du colloque international de Strasbourg, 1975, p. 111-141. Mertens, „Wimpfeling … Jakob“ = Mertens, Dieter : „Wimpfeling … Jakob“ in DHVl, Bd 2, cols. 1289-1375. NTF, Osty et Trinquet = Le nouveau testament, traduction nouvelle par E. Osty et J. Trinquet, Paris, Editions Siloé, 1974. NTL = Nouum Testamentum Latine secundum editionem Sancti Hieronymi ad codicum manuscriptorum fidem recensuerunt Iohannes Wordsworth... et Henricus Iulianus White... editio minor curante Henrico I. White, (1st ed. 1911 ; corr. ed. 1920) Oxford, Clarendon Press/London, Societas Bibliophilorum Britannica et Externa, 1965. Passmann, „Die Kartause zu Strassburg : Kampf“ = Passmann, P. Antonin : „Die Kartause zu Strassburg : VI. Der Kampf um die

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Mulsow und Friedrich Vollhardt), Tübingen, Max Niermeyer Verlag, 2008. Richardt, Huss = Richardt, Aimé (Lauréat de l’Académie française) : Jean Huss, précurseur de Luther (1370-1415), Paris, FrançoisXavier de Guibert, 2014. Roloff, „Hus-Texten“ = Roloff, Hans-Gert : „Die Funktion von HusTexten in der Reformations-Polemik (Erster Teil)“ in De captu lectoris : Wirkungen des Buches im 15. und 16. Jahrhundert dargestellt an ausgewählten Handschriften und Drucken herausgegeben von Wolfgang Milde und Werner Schuder, Berlin, New York, Walter de Gruyter, 1988, p. 219-256. Roth, „Brunfels … geschildert“ = Roth, F.W.E. : „Otto Brunfels. Nach seinem Leben und litterarischen Wirken geschildert“, Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, vol. IX (1894), p. 284-320. Roth, „Die Schriften des Brunfels“ = - : „Die Schriften des Otto Brunfels“, Jahrbuch für Geschichte, Sprache und Literatur ElsassLothringens 16 (1900), p. 257-288. Rott, « Hutten et la Réforme à Strasbourg » = - : « Hutten et les débuts de la Réforme à Strasbourg », Annuaire de la Société des Amis du Vieux Strasbourg (4) 1974, p. 40-72. Screech, Erasmus, Ecstasy and Folly = Screech, Michael Andrews : Erasmus : Ecstasy and the Praise of Folly (1st ed., 1980 Duckworth), Penguin Books/Peregrine Books, 1988. Teichmann, „Die kirchliche Haltung des B. Rhenanus“ = Teichmann, W. : „Die kirchliche Haltung des Beatus Rhenanus. Eine kirchengeschichtliche Studie“, Zeitschrift für Kirchengeschichte 26 (1905), p. 363-381. TOB = Traduction Œcuménique de la Bible … originaux hébreu et grec, nouvelle édition revue, Paris, Alliance Biblique Universellele CERF, 1992. Von der Gönna, „Rhenanus & Velleius“ = Von der Gönna, Gerd : „Beatus Rhenanus und die Editio Princeps des Velleius Paterculus“, Würzburger Jahrbücher für die Altertumswissenschaft n.F. 3 (1977), p. 231-242. Walter, « Voyages » = Walter, Robert : « Les voyages de Beatus Rhenanus », AABHS 49 (1999), p. 25-32.

8. « Brunfels et Rhenanus, 1520 »

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Weigelt, Brunfels = Weigelt, Sylvia : Otto Brunfels, seine Wirksamkeit in der frühbürgerlichen Revolution unter besonderer Berücksichtigung seiner Flugschrift ‚Vom Pfaffenzehnten’ (Stuttgarter Arbeiten zur Germanistik herausgegeben von Ulrich Müller, Franz Hundsnurscher und Cornelius Sommer, Nr. 153), Stuttgart, Hans Dieter Heinz Akademischer Verlag, 1986. Wimpfeling Briefwechsel, Herding et Mertens = Jakob Wimpfeling Briefwechsel : kritische Ausgabe mit Einleitung und Kommentar, Otto Herding et Dieter Mertens edd., 2 vols. München, Wilhelm Fink Verlag, 1990. WJ = Walter, Joseph : Ville de Sélestat, Catalogue Général de la Bibliothèque Municipale, Première série : les livres imprimés, troisième partie : Incunables et XVIe siècle, Colmar, Imprimerie Alsatia, 1929. Worstbrock, „Sapidus“ = Worstbrock, F. J. : „Sapidus (Witz), Johannes“ in DHVl, Bd 2, cols. 781-802.

9 Les imprimeurs Matthias et Lazare Schürer et les écrits en faveur d’une réforme, notamment de 1518 à 1522 Marie-Odile Burckel

[1] Matthias Schürer1 est l’oncle de Lazare Schürer2. Ils sont tous deux Sélestadiens de naissance et ont exercé le métier d’imprimeur, Matthias, à Strasbourg, dans sa propre imprimerie de juin 1508 à août 1519, et Lazare à Sélestat de novembre 1519 à juin 1522. L’association officielle de Lazare à l’officine de Matthias Schürer se fait en août 1519. C’est ce que nous apprend le colophon3 pour les Fables d’Esope. Mais la présence du neveu dans l’atelier est plus ancienne. En 1514, une lettre de Johann Kierher4 laisse la seule trace imprimée de la présence de Lazare Schürer dans l’officine strasbourgeoise. Et nous savons qu’en Je remercie les organisateurs du colloque, en particulier Monsieur Gabriel Braeuner, Président des Amis de la Bibliothèque Humaniste, et Monsieur James Hirstein, Maître de conférences de latin à l’Université de Strasbourg, de nous avoir donné l’occasion d’évoquer l’activité des Sélestadiens Matthias et Lazare Schürer. Je remercie plus particulièrement Monsieur Hirstein, qui a suivi ce travail, pour son soutien et ses conseils. Les textes latins sont cités avec l’orthographe et la ponctuation données par les imprimeurs sauf pour les titres et les exceptions signalées en note. 1 Matthias Schürer (Sélestat, vers 1470-septembre 1519) étudie à l’Ecole latine de sa ville natale sous la direction de Crato Hofmann, puis poursuit ses études à Cracovie où il devient Magister artium en 1494. Voir Reske, Buchdrucker, p. 876-877. 2 Lazare Schürer (Sélestat, fin du XVe s.-octobre 1531), fils de Hans Schürer et d’Ottilia Kraft, demi-frère de l’imprimeur strasbourgeois Kraft Müller (Crato Mylius). Voir Reske, Buchdrucker, p. 821-822. 3 VD-16 : A-462, f. L [vi] r°, fol. LXVI, Argentorati, ex Aedibus Matthiæ Schurerij, & Lazari nepotis eius, Mense Augusto. Anno. M.D.XIX. « A Strasbourg, de la maison de Matthias Schürer et de son neveu Lazare, au mois d’août 1519. » 4 Epître dédicatoire de Johann Kierher à Lazare Schürer en 1514 pour Jacques Wimpheling, Ad Leonem decimum pontificem maximum Carmen. « Poème adressé au Souverain pontife Léon X » : VD-16 : W-3331, BHS K0040/WJ 2447 : Ioannes Kierherus Lazaro Schurerio Salutem. « Johann Kierher à Lazare Schürer, salut. », au verso de la page de titre.

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9. Marie-Odile Burckel

1515, l’empereur Maximilien Ier accorde des armoiries et à Matthias Schürer et à son neveu Lazare5. [2] Matthias Schürer meurt en septembre 1519, selon toute vraisemblance6 ; son imprimerie se scinde en deux entités : l’une demeure à Strasbourg, l’autre se déplace à Sélestat. A Strasbourg l’activité est poursuivie par la veuve de Matthias Schürer. A Sélestat, Lazare Schürer ouvre son officine après avoir obtenu le droit de bourgeoisie le 8 octobre, et s’être marié7. La première publication officielle est datée de novembre 1519 (Sur la double abondance des mots et des choses d’Erasme8), la dernière impression de juin 1522 (Les Elégances de Laurent Valla9), deux ouvrages précédemment publiés par son oncle. [3] Lazare Schürer et Sélestat seront au cœur de notre exposé et de nos interrogations. En effet en trois mois, de novembre à décembre 1519, Lazare Schürer imprime six ouvrages, celui d’Erasme déjà mentionné et cinq autres en rapport avec les polémiques du moment, religieuses et intellectuelles10. Comment un homme de l’ombre, dont le nom n’apparaît qu’une seule fois dans l’œuvre imprimé de Matthias Schürer, peut-il surgir à la lumière, faisant le choix de Sélestat, avec dans ses bagages, outre une partie du matériel de son oncle, un programme éditorial dont l’esprit et les sujets tranchent radicalement

5 Voir Wimpfeling Briefwechsel, Herding & Mertens, Lettre 317 de Jacques Spiegel à Jacques Wimpheling datée d’Augsbourg, le 9 avril 1515 : Magistrum Matthiam moneat dominatio vestra, ut ad me, quam primum poterit, mittat Othonem Frisingensem pulcre ligatum una cum epistola sua ad Caesarem, qua donet maiestatem suam eo libro. Tunc ego impetrabo illi et Lazaro nepoti a maiestate sua arma gentilicia, pro quibus alias expendere haberet ad minus XXV Rhenenses. « Que votre seigneurie recommande à maître Matthias de m’envoyer, dès qu’il le pourra, Othon de Freising, muni d’une belle reliure, en même temps que sa lettre à l’empereur par laquelle il gratifie Sa majesté de ce livre. Alors moi j’obtiendrai de Sa majesté pour lui et pour son neveu Lazare des armoiries gentiliciennes, pour lesquelles il aurait à dépenser en d’autres circonstances au minimum vingt-cinq florins du Rhin », p. 786-787. 6 Voir Annexe 1 (= Annexe sur la mort de M. Schürer). 7 Il épousa Margarethe Westermann, nièce du bourgmestre de Sélestat Klaus Westermann. Voir Reske, Buchdrucker, p. 821. 8 VD-16 : E-2653. Le n° 1 de notre répertoire des ouvrages imprimés par Lazare Schürer (= Annexe 2, n° 01). 9 VD-16 : V-238. Annexe 2, n° 50. 10 Voir Annexe 2, n° 2 à 6.

9. « Matthias et Lazare Schürer, de 1518 à 1522 »

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par rapport à ceux de son parent ? Qui plus est, accompagné d’un confrère libraire Nicolas Küffer11. [4] Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux publications à sujet religieux dans l’officine de Matthias Schürer, puis à un ouvrage imprimé en mars 1519 présentant « Deux discours sur la dîme », dont l’attribution à l’atelier de Matthias Schürer pourrait être remise en cause et enfin aux deux éditions du recueil des œuvres de Martin Luther que l’atelier strasbourgeois a données en 1519. Ces deux éditions nous permettront de saisir le changement radical d’état d’esprit qui se manifestera dans l’imprimerie sélestadienne de Lazare Schürer. Dans un second temps, après avoir fait un point rapide sur les publications réalisées à Sélestat, nous verrons l’implication des savants de la ville, de Beatus Rhenanus en particulier, dans l’imprimerie et nous tenterons de cerner leur conception d’une réforme de l’Eglise. L’officine de Matthias Schürer Les publications à sujet religieux [5] En douze années d’activité, Matthias Schürer publie environ deux cent soixante-dix livres, presque uniquement en langue latine. Son officine fonctionne grâce à ses réseaux alsacien, sélestadien et strasbourgeois : Jacques Wimpheling, Beatus Rhenanus, Jacques Spiegel, Jérôme Gebwiler, puis allemand, suisse, viennois, Joachim Vadian, les frères Alantsee. Il travaille avec plusieurs collaborateurs : Beatus Rhenanus, de 1508 à 1511 sur place en Alsace, ensuite depuis Bâle. En 1511, Wolfgang Angst et Matthias Ringmann. En 1512 et 1513, Sébastien Murrho le Jeune met ses compétences au service de notre imprimeur. Jérôme Gebwiler se charge de l’intérim en 1514. Enfin de 1515 à 1517, Nicolas Gerbel est son conseiller et éditeur scientifique. Pris par ses activités auprès de l’évêque de Strasbourg, Gerbel se désengage et les années 1518/1519 ne voient pas émerger de nouveau collaborateur. [6] Le catalogue des impressions de Matthias Schürer, tel que nous pouvons le reconstituer, présente au moins soixante et une publications (réimpressions comprises) ayant un sujet en rapport avec la foi 11 Voir Reske, Buchdrucker, p. 822. Originaire de Sinzheim, près de BadenBaden, ce relieur lettré quitta Strasbourg à l’automne 1519 pour suivre Lazare Schürer à Sélestat, où il obtint le droit de bourgeoisie, le 8.10.1519, le même jour que Lazare Schürer.

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ou l’Eglise, soit plus de 22 % de la production globale, et offrant plus de soixante-quatorze titres différents pour quarante-cinq auteurs différents. Le premier auteur phare est Geiler de Kaysersberg, avec un pic de publications en 1510, année de la mort du prédicateur. L’officine publie sept recueils de sermons en latin. Le second auteur apprécié de la clientèle strasbourgeoise est Giovanni Baptista Spagnoli, dont l’imprimerie publie cinq titres. [7] Une partie de ces publications à sujet religieux s’adresse plus particulièrement aux prêtres. Nous retiendrons par exemple, en 1511, le De officio missae de Berno12, abbé de Reichenau, pour la lettrepréface de Lefèvre d’Etaples qui exige des prêtres qu’ils comprennent les mots qu’ils prononcent et renvoie pour l’étymologie hébraïque à Johann Reuchlin. En septembre 1514 est publié, à la demande d’Erasme, le Sermo ad iuuenes, qui sacris ordinibus iniciari, & examini se submittere petunt. de William Melton, archevêque de York13 : son paratexte, les lettres de Jacques Wimpheling et de Jérôme Gebwiler et trois extraits des bulles papales rédigées lors du concile de Latran V, est consacré à notre sujet. En 1512, Jacques Wimpheling dans son Orationis Angeli Anachoritae Vallis umbrosae ad Iulium. II. super Concilio Lateranensi Confirmatio14 formule explicitement la nécessité d’une réforme15 de l’Eglise et donne sa propre liste, en 12 « Sur l’office de la messe » : VD-16 : B-2051 urn:nbn:de:bvb:12-bsb000 15277-9. L’exemplaire de la Bibliothèque humaniste de Sélestat (BHS K 1176c/WJ n° 762) appartenait au curé Martin Ergersheim. Lettre de « Jacques Lefèvre d’Etaples aux prêtres », aux ff. A [i] v°-A ij r°, datée de « Paris 1510 ». Voir Rice, Lefèvre, Lettre 77, p. 233-235. 13 « Sermon aux jeunes gens qui demandent à être initiés aux ordres sacrés et à se soumettre à l’examen. » VD-16 : S-6012, BHS K 1176d / WJ 2456, prov. Martin Ergersheim également. 14 Orationis Angeli Anachoritae Vallis umbrosae ad Iulium. II. super Concilio Lateranensi Confirmatio cum exaggeratione. I[acobi] Vu[impfelingii] heremitae syluae herciniae. « De Jakob Wimpfeling, ermite de la Forêt-Noire, Confirmation avec amplification du Discours d’Angelo, anachorète de Vallombrosa, adressé à Jules II à propos du concile du Latran. » VD-16 : W-3393. 15 tVa mi frater ad Iulium.II.pontificem maximum oratio.præ se fert pium zœlum quo estuas, nedum ad honorem apostolicȩ sedis.sed etiam ad totius ecclesię reformationem.vtpote.ad boues non exaltandos. hoc est (vt tuis verbis vtar) ad imperitos rudes ac immeritos. ad eius principatum non promouendos, pensiones abdicandas, Religionum diuisiones ad vnitatem redigendas, Episcoporum & abbatum electiones ad ius scriptum reducendas, dispensationes temperandas clericorum monachorumque mores pompam & fastus corrigendos. // Christianissima tua est sententia, quę non nisi ab osore virtutum. & christianę pietatis inimico refutari potest. « Ton discours, mon frère, adressé à Jules II, souverain pontife, manifeste le zèle pieux dont tu brûles, pas seulement pour l’honneur du Siège Apostolique, mais aussi

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vingt-cinq points, d’abus à réformer ou d’objectifs à atteindre. Il est temps d’agir, il entend croître un grondement de réprobation chez le peuple chrétien : Angor, quod populi in clerum detractio, murmur, // Crescit16. [8] La lecture de ces textes et de leurs épîtres dédicatoires nous montre les attentes des clercs et des laïcs. C’est le savoir et une vie exemplaire qui fondent l’autorité du clergé, qui contribuent à la formation des laïcs, à l’édification du peuple, et peuvent inciter les autres membres du clergé à se réformer. D’où l’importance d’une bonne formation intellectuelle et spirituelle du personnel ecclésiastique, du bon choix du contenu et de la méthode, mais aussi du bon choix des personnes pour remplir les fonctions ecclésiastiques. Le sacerdoce semble être en effet un choix de carrière comme un autre, fortement désacralisé, avec ses bons et ses mauvais praticiens. Le rappel à l’ordre de l’abbé de Reichenau et de l’archevêque de York, relayé par les deux grandes figures spirituelles et intellectuelles que sont Lefèvre d’Etaples et Erasme, n’a rien perdu de son actualité en ce début de XVIe siècle. [9] L’affaire Reuchlin n’est évoquée que dans une seule publication (imprimée il est vrai sans lieu d’impression ni nom de l’imprimeur, datée de janvier 1518), dans le Piscator de Lucien traduit par Willibald Pirckheimer17, à travers cinq textes qui l’entourent, dont pour la réforme de toute l’Eglise, parce que, pour ne pas magnifier les bœufs, c’està-dire (pour employer tes mots) pour ne pas promouvoir au premier rang de l’Eglise des hommes sans expérience, sans culture, sans mérite, pour renoncer aux indemnités, rétablir l’unité dans la division des sentiments religieux, ramener au droit écrit les élections des évêques et des abbés, modérer les dispenses, corriger les mœurs, la pompe et le faste des clercs et des moines, ton avis est parfaitement chrétien et ne peut être réfuté que par un homme jaloux des vertus et ennemi de la piété chrétienne. » (Au f. A [ii] r°). 16 « Je souffre en entendant croître les critiques et les grondements du peuple // Contre les clercs », dans Ad Leonem decimum pontificem maximum Carmen contra prodigos in scorta in tanta pauperum, pustulatorum & puerorum. expositorum multitudine, « De Jakob Wimpfeling, à l’adresse du Souverain Pontife Léon X, Poème contre ceux qui dilapident leur argent avec les prostituées, au milieu d’une si grande multitude de gens pauvres, pustuleux et d’enfants abandonnés. » = BHS K 40/ WJ 2447. 17 Luciani Piscator, seu reuiuiscentes. Bilibaldo Pirckheymero, Caesareo Consiliario, Patricio ac Senatore Nurenbergensi interprete. « Lucien, Le Pêcheur ou les ressuscités, traduction de Willibald Pirckheimer, Conseiller de l’Empereur, Patricien et Sénateur de Nuremberg. » VD-16 : ZV-9911. Muller, Bibliographie strasbourgeoise, p. 202, n° 258, l’attribue à Schürer. Scheible et Wuttke dans

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l’Epistola Apologetica18 du même Pirckheimer et le dialogue de Georgius Benignus19, An Iudaeorum libri, quos Thalmud appellant, sint potius supprimendi, quam tenendi & conseruandi. Dialogus, interlocutores Ioannes Reuchlin, Georgius Benignus. Il s’agit de la réimpression de deux ouvrages, d’une part la traduction de Lucien et l’Epître de Pirckheimer publiées à Nuremberg20, d’autre part un ouvrage publié par le comte Hermann de Neuenahr à Cologne21, qui réunit les quatre autres textes assurant la « Défense du très remarquable Johannes Reuchlin ». Dans sa lettre, Pirckheimer se moque de la scolastique et propose, entre autres, que le cursus des théologiens comporte l’étude des trois langues sacrées. Schürer se voit crédité, pour cette même année [1518]22, de la publication de la lettre de Poggio Bracciolini à Leonardo Bruni d’Arezzo23 De condemnatione Hieronymi in Concilio Constantiensi, « Sur la condamnation de Jérôme [de Prague] lors du concile de Constance », dans laquelle Poggio exprime son admiration pour l’intelligence, la culture et l’attitude héroïque de Jérôme24. Le texte, de six pages, se présente sans paratexte aucun. La lettre avait déjà été publiée dans un recueil Pirckheimer, Briefwechsel, vol. 3, p. 146, lettre 464 (« Druck 2. ») supposent comme lieu d’impression « [Tübingen] ». 18 La « Lettre apologétique » de Pirckheimer à Laurent Beheym, chanoine de Saint-Etienne, à Bamberg, datée du 30 août 1517 (voir Pirckheimer, Briefwechsel, vol. 3, Scheible & Wuttke, lettre 464) ; lettre du comte Hermann de Neuenahr à Théodore Zobel, chanoine de Mayence, datée de Cologne le 26 août ; celle de Martin à l’empereur Maximilien Ier, datée de Cologne le 1er août 1517 ; la lettre de Georges Benignus, archevêque de Nazareth à l’empereur, suivie de son « Dialogue entre Johannes Reuchlin et Georges Benignus sur la question de savoir Si les livres des juifs, qu’on appelle Talmud, doivent être supprimés plutôt que gardés et conservés. » 19 Juraj Dragišić (Srebrenica, en Bosnie-Herzégovine, vers 1445-Barletta, Italie, 1520), franciscain, archevêque de Nazareth. Le 2 juillet 1516, lors de la dernière séance du procès Reuchlin à Rome, il fut le premier à donner ses conclusions : « Cet érudit, ami de longue date des Médicis et confesseur du pape, innocenta Reuchlin. », J.-C. Saladin, dans Hutten, Lettres des hommes obscurs, Saladin, p. 44. 20 Chez Friedrich Peypus, le 2 octobre 1517. VD-16 : L-3025. 21 Chez Eucharius Cervicornus, en septembre 1517. VD-16 : B-1717. 22 La présence de crochets droits signifie que le lieu, la date d’impression ou le nom de l’imprimeur sont supposés. 23 VD-16 : ZV-12622. 24 Non laudo si quid aduersus instituta ecclesiæ sentiebat, doctrinam admiror plurimarum rerum, scientiam, eloquentiam, dicendi suauitatem, & argutiam respondendi. « Je ne loue pas ses opinions contraires aux enseignements de l’Eglise, j’admire son érudition qui s’étend à de très nombreux sujets, sa science, son éloquence, la douceur de son expression et la vivacité de ses réparties. »

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d’œuvres de l’auteur, dont un recueil de lettres, en 1511 et en 1513, à Strasbourg25. Le dominicain Jakob von Hochstraten, adversaire de Reuchlin, et l’accusation d’hérésie figureront parmi les cibles privilégiées des pamphlets imprimés par Lazare Schürer, sous la plume en particulier de Pirckheimer et de Neuenahr. [10] Mais l’imprimerie de Matthias Schürer doit une grande partie de sa notoriété à Erasme de Rotterdam, qui constitue environ 15 % de sa production. Dans l’optique qui nous intéresse, Matthias Schürer publie dès août 1511 (sur les conseils de Jacques Wimpheling) la Moriae encomium declamatio (quatre réimpressions du vivant de Schürer, dont celle de novembre 1514, particulièrement importante26) ; en septembre 1515, (dans les Lucubrationes « Travaux », avec l’« Epître dédicatoire pour le commentaire au premier Psaume27 ») l’Enchiridion militis christiani (« Manuel du soldat chrétien ») ; et, en 1518, l’Apologia ad Iacobum Fabrum (suivie de l’Annotatio Erasmi Roterodami in secundum caput epistolae ad hebraeos, ex ipsius opere decerpta, quam Faber Stapulensis impugnat. Et de la Disputatio Fabri adversus superiorem annotationem Erasmi Roterodami ex eiusdem Fabri commentarijs in secundum Caput Epistolae ad Hebraeos28). Dans le sillage de l’imprimerie de Johann Froben, Matthias Schürer imprime, en décembre 1517, l’Epistola apologetica ad Martinum Dorpium theologum29 datée d’Anvers 1515 ; en janvier 1519, la Lettre à Paul Volz du 14 août 1518, qui accompagne la réimpression de l’Enchiridion ; en mai 1519, la Paraclesis, id est adhortatio30 ; et [vers 1519], la Querela pacis31. 25 Chez Johann Knobloch l’Ancien, le 11 févr. 1511, VD-16 : P-3857, aux ff. m

iiij v°-m [vi] r°. Chez Johann Schott aux frais de Knobloch, le 1er septembre 1513. Voir VD-16 : ZV- 12623, p. 114 v°-116 r° ; ff. t 4 v°-t [6] r°. 26 Voir Screech, L’Extase, p. 17, 26, 29. Et Hirstein, « Edition de l’Eloge de la Folie ». 27 Voir Hirstein, EBR, 1, Epître 64. 28 VD-16 : E-2007. « Apologie adressée à Jacques Lefèvre » (suivie de « Annotation d’Erasme de Rotterdam sur le second chapitre de l’Epître aux Hébreux, tirée de l’ouvrage de l’auteur, attaquée par Lefèvre d’Etaples ». Et de « Discussion de Lefèvre en réponse à l’Annotation précédente d’Erasme de Rotterdam extraite des commentaires de ce même Lefèvre sur le second chapitre de l’Epître aux Hébreux »). 29 VD-16 : E-2865. « Epître apologétique adressée à Martin Dorp théologien ». 30 VD-16 : E-3277. « Paraclesis, c’est-à-dire Exhortation ». Il s’agit de l’une des Préfaces au Nouveau Testament, Nouum Instrumentum, publié à Bâle, chez J. Froben, en 1516. « Il s’en prend, écrit André Godin, sans les dissocier, à trois types d’opposants que réunit une tare commune, le fétichisme de la lettre : les scolastiques, avec leur virtuosité verbale insouciante des textes évangéliques ; les moines rivés aux marques formelles de leur ordre ; les humanistes qui s’attachent

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[11] La clientèle de Matthias Schürer ne se lasse pas de lire la Moria et les Lucubrationes (respectivement cinq et quatre publications), où s’exprime, entre autres, de manière claire et vigoureuse, amusée ou sérieuse, la nécessité d’un changement pour le clergé et les laïcs. Mais des questions plus pointues intéressent aussi la clientèle de l’imprimeur, qui publie un dossier complet sur le différend qui oppose Erasme à Lefèvre d’Etaples : « D’une dispute grammaticale sur l’exégèse d’He, II, 7, on glissa immédiatement au débat théologique de fond touchant à la vérité de l’Incarnation32 ». Cette publication est significative de l’attitude de l’imprimeur, respectueuse des textes et de leurs auteurs, et des lecteurs, sa clientèle. Alors que Johann Froben33 n’avait publié que la réponse d’Erasme, assortie d’annotations et d’un Avis au lecteur, en page de titre, en faveur de l’auteur maison, contre Lefèvre34, Matthias Schürer publie, sans annotations ni présentation, les textes du débat et laisse toute liberté d’interprétation aux lecteurs. Leif Grane35 souligne l’importance, dans le contexte des années 1519 et 1520, des nombreuses rééditions, en éditions séparées, dans l’espace germanique, de la Paraclesis. Si les mots sont les mêmes qu’en 1516, aveuglément aux écrits de la philosophie profane. » Mais c’est dans cette Préface que se trouve « l’exposé le plus suggestif » de la philosophia Christi, ou « philosophie du Christ », qu’il appelle aussi « philosophie évangélique » (Erasme, Sélection, Blum et alii : André Godin, p. 591-592 et p. CXCIII). L’Ecriture sainte doit pouvoir être lue par tous les fidèles, même les ignorants : Vehementer enim ab istis dissentio, qui nolint ab idiotis legi diuinas literas, in uulgi linguam transfusas, siue quasi Christus tam inuoluta docuerit, ut uix a pauculis theologis possint intelligi, siue quasi religionis Christianæ præsidium in hoc situm sit, si nesciatur. « Je suis passionnément en désaccord, écrit Erasme, avec ceux qui refusent aux ignorants la lecture des Lettres divines après leur traduction en langue vulgaire, comme si l’enseignement du Christ était si obscur que seule une poignée de théologiens pouvait le comprendre, ou bien comme si la religion chrétienne n’avait d’autre rempart que l’ignorance qu’on en a. » (Paraclesis, Strasbourg, Matthias Schürer, [1519], BSB urn:nbn:de:bvb:12-bsb1128611286118-6, au f. A 5 r° ; trad. Y. Delègue et J.-P. Gillet, dans Erasme, Sélection, Blum et alii, p. 597, voir la n. 3, p. 591). 31 VD-16 : E-3494. « Complainte de la Paix ». 32 Erasme, Sélection, Blum et alii : André Godin, p. CLV-CLVI. 33 VD-16 : E-2006. 34 Au f. [a 1] r° : IACOBVS Faber Stapulensis in secunda suarum in Paulum adnotationum æditione, ERASMVM nostrum erroris notauit, ipse fœdissime hallucinatus. « Jacques Lefèvre d’Etaples, dans la seconde édition de ses commentaires sur Paul, blâme notre Erasme en l’accusant d’erreur, alors que lui-même s’est trompé pour sa plus grande honte. » 35 Grane, Martinus noster, p. 173-174. Selon Grane, cette préface paraît quatre fois en 1519, quatre fois en 1520, et six fois en allemand en 1520.

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dit Grane, leur interprétation est différente et fait d’Erasme un soutien de Luther. L’édition des « Deux discours sur la dîme » publiés « en Utopie, le 15 mars 1519 » [12] Selon Jean Muller36, Matthias Schürer aurait publié, le 15 mars 1519, à Strasbourg, deux discours37, Orationes duae, Altera habita a Legatis summi Pontificis coram Imperatore Maximiliano, pro colligendis Decimis, in expeditionem in Turcas. Altera uiri cuiusdam doctissimi adhortantis, ne Principes in Decimae praestationem consentiant38, dont le colophon est rédigé en ces termes, tout à fait inhabituels dans l’officine : Emprime en che paijs neuu trouue nome Vtopya lan mille. ccccc. &. xix. le quinzome Iour Mars39.

Le premier discours40 a été prononcé à la Diète d’Augsbourg de 151841 par le légat du pape Thomas Cajetan42. D’après Eduard Böcking43 et Frank Hieronymus44, l’auteur du second serait un ancien

36 Voir Muller, Bibliographie strasbourgeoise, p. 205, n° 290. 37 VD-16 : K-309 ; O-857. Voir Annexe 2 n° 05. 38 « Deux discours, l’un prononcé par les légats du Souverain pontife, en

présence de l’empereur Maximilien, pour la collecte des dîmes destinées à l’expédition contre les Turcs, l’autre, celui d’un homme très savant qui exhorte les princes à ne pas consentir à payer la dîme. » 39 « Imprimé en ce pays nouvellement trouvé nommé Utopie en l’an 1519, le 15 mars. » La juxtaposition d’un lieu imaginaire et d’une date précise entre dans le jeu de Thomas More d’une fiction qui donne des gages de réalité. Le choix de la langue des Velches est surprenant dans l’atelier de Matthias Schürer à Strasbourg. 40 Nous remercions James Hirstein qui a attiré notre attention sur cet ouvrage et nous a fait bénéficier de ses notes de travail sur Ulrich Zwingli. 41 « De juillet à septembre 1518 : en présence de Cajetan, le légat du pape, les états de l’Empire réunis à Augsbourg abordent aussi des sujets religieux, en particulier l’exigence, remontant au XVe siècle, d’une Réforme de l’Eglise « dans sa tête et dans ses membres ». Frédéric le Sage exprime son hostilité à Rome et s’oppose à l’empereur Maximilien. », Luther, Œuvres, Lienhard et Arnold, p. LXXIII. 42 KVK BUB : Diss. 237 Nr. 1. Böcking, Drei Abhandlungen, p. 9, n. 2 : Legati pontificis fuerunt Matth. Langius Gurcensis et Thomas de Vio Caietanus, qui hanc orationem ineunte mense Aug. a. 1518. habuit. « Les légats du pape étaient Matthäus Lang de Gurck et Thomas de Vio Cajetan, qui prononça ce discours au début du mois d’août 1518. » 43 Böcking, Drei Abhandlungen, p. 48-49. 44 Hieronymus, „Oratio“, p. 226.

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condisciple, à Bologne45, d’Ulrich von Hutten, Friedrich Fischer, et non Ulrich von Hutten46. Ce très grand savant vir doctissimus resté anonyme explique au début de son discours que « Si jamais les princes d’Allemagne ont eu besoin de prudence, conseil, et concorde pour défendre leur honneur et être utiles à tous47 », c’est au moment où Rome s’apprête une fois de plus à tromper les Allemands, car la croisade contre les Turcs n’est qu’un moyen supplémentaire de s’emparer de la richesse de la nation. Le Turc à combattre ne se trouve pas à Constantinople, en Asie, mais à Rome. Et les Allemands ne doivent pas avoir peur des menaces du pape. A la suite de ces deux discours une courte notice informe le lecteur que la même demande de prélèvement avait été présentée à Ratisbonne par le légat Francesco, cardinal de Sienne, et l’ambassadeur Giovannantonio Campano48. Et c’est un prince électeur49 qui cette fois leur avait répondu qu’il se faisait fort de repousser les ennemis avec un prélèvement du vingtième seulement. Et il précisait que les ennemis étaient aussi bien les Turcs que ceux qui réclamaient la dîme50. L’ouvrage s’achève sur une recommandation à Charles de se souvenir des faits évoqués : 45 cum Bononiæ essemus « alors que nous étions à Bologne », au f. B [1] r°. 46 Selon Frank Hieronymus, l’attribution du texte à Hutten que l’on trouve dans

la lettre du 9 mars 1519 de Zwingli à Beatus Rhenanus (H, Lettre 94) prouverait qu’il était „das Haupt und Zentrum derber romfeindlicher satirischer Schriften„. Voir Hieronymus, „Oratio“, p. 228. 47 Au f. A [4] v°: Si unquam Germaniæ principibus, prudentia, consilio, concordiaque pro defendendo honore, et communi utilitate opus fuit. 48 Diète de Ratisbonne convoquée par l’empereur Frédéric III, le 24 avril 1471. Francesco Todeschini Piccolomini, cardinal de Sienne, qui postea in pontificatu nomen Pii III. gessit. « qui, plus tard, lors de son pontificat, prit le nom de Pie III. », Böcking, Drei Abhandlungen, p. 26, n. 22. Elu pape le 22 sept. 1503, Pie III ne guidera l’Eglise que vingt-six jours. 49 Achilles marcio Brandenburgensis, « Achille, margrave de Brandebourg » (= Albert III Achille de Brandebourg), Böcking, Drei Abhandlungen, p. 27, n. 1. 50 Au f. B [4] r° : IN COMITIIS IMPERII RATISPOnen[sis] Francisco Cardinali Senen. legato, & Ioanne Campano oratore, decima itidem petita fuit contra Turcas. Tum princeps quidam elector, bellicę rei peritissimus, & in eadem non uulgariter fortunatus, qui pauloante treis principes uiros deuicerat, ait, se sola Vicesima, & Turcas, & eos, qui decimam exigerent, ultra Herculeum fretum facile profligaturum. « Lors de l’assemblée de l’Empire à Ratisbonne, alors que le légat était Francesco cardinal de Sienne et l’ambassadeur Giovannantonio Campano, la dîme fut réclamée de la même manière contre les Turcs. Alors un prince électeur, parfaitement compétent dans l’art de la guerre et remarquablement favorisé par la Fortune dans ce domaine, qui avait peu auparavant soumis trois princes, dit qu’avec seulement le vingtième, il terrasserait facilement et les Turcs et ceux qui exigeaient la dîme, les repoussant au-delà du détroit de Gadès. »

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Horum tu Carole meminisse memento « Toi Charles51, souviens-toi de te souvenir de ces informations52. » [13] Or la correspondance de Beatus Rhenanus nous apprend que le Sélestadien est très intéressé par le second texte, en particulier dans sa traduction allemande, puisqu’il semble déjà posséder un exemplaire en langue latine. Dans sa lettre datée de Bâle, le 8 mars 1519, Beatus Rhenanus53 demande en effet à Ulrich Zwingli de recopier pour lui et de lui envoyer avant tout la version allemande de ce discours : Dedit tres libellos Petrus Gebwilerius doctori Michaeli Sanderio, videlicet exhortationem ad principes Germaniae, ne consentiant ad decimae praestationem, quae sic incipit: « Si unquam Germaniae principibus consilio, prudentia concordiaque etc. » (eandem germanice) et orationem, h. e. Leodiensium querelam. […] Germanicam orationem inprimis habere cupio54.

Et le 13 mars 1519, il réitère son appel à Zwingli et nous apprenons la raison de son intérêt pour la traduction en allemand : l’« auteur » du texte latin aurait, de propos délibéré, fourni une version détériorée : Exemplum Latinae [orationis] non magnopere cupio, tametsi poterit et hoc prodesse. Nam habet forsan istud, quod meum non continet, aut aliter aut etiam melius : nec enim per omnia consentire puto, quando dedita autoris opera videtur facta depravatio. Verum tralationem in nostratem linguam tanto avidius expecto, quanto restitutioni plus opis est allatura, quam exemplum Latinum55.

51 Charles de Habsbourg, petit-fils de l’empereur Maximilien Ier, était roi des

Espagnes depuis le 13 mars 1516. Maximilien mourut le 12 janvier 1519 et Charles fut élu roi des Romains le 28 juin 1519. 52 Au f. B [4] r°. 53 H, Lettre 93. 54 « Pierre Gebwiler a donné trois opuscules au docteur Michaël Sander, à savoir « L’Exhortation aux princes d’Allemagne à ne pas consentir à payer la dîme » qui commence ainsi : Si unquam Germaniae principibus consilio, prudentia concordiaque etc., (la même en allemand) et le discours, c’est-à-dire la « Plainte des Liégeois ». […] C’est le discours en allemand que je désire avoir en premier. » 55 H, Lettre 96 (avec la lecture forsan istud trouvée chez Zwingli, Correspondance, p. 148, Ep. 65, au lieu de celle de forsan illud de H) : « L’exemplaire [du discours] en latin, je ne le désire pas outre mesure, même si lui aussi peut être utile ; car peut-être ton texte a-t-il ce que le mien ne contient pas, ou autrement, ou même en mieux : en effet je ne crois pas qu’il y ait conformité partout, puisque la détérioration du texte paraît avoir été entreprise de propos délibéré d’auteur. En revanche, la traduction en notre langue, je l’attends avec d’autant plus d’impatience qu’elle apportera à la restitution plus d’aide que l’exemplaire latin. »

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Le 19 mars 1519, nous apprenons qu’il a reçu l’opuscule demandé, la traduction allemande, Libellum, quem petieram, accepi56 mais non la « Plainte des prêtres de Liège » : sed querelam sacerdotum Leodiensium oblitus fuisti simul mittere57. [14] Enfin, neuf mois après, le 10 janvier 1520, il demande, de Sélestat, où il réside depuis août 1519, à Ulrich Zwingli58 de diffuser deux ouvrages : Orationes de decimis atque item artem inquirendi sparge, quantum potes. Contemne paululum pecuniae, cuius nunquam cupidus apparuisti, ut plurimum prosis bonis literis, maxime vero noceas earundem hostibus59.

Le second texte, artem inquirendi « Art d’interroger [les hérétiques] », a été publié [à Sélestat par Lazare Schürer en 1519]60. Quant au premier ouvrage, Orationes de decimis « Les Discours sur la dîme », s’agit-il de l’édition du 15 mars 1519, attribuée à l’officine de Matthias Schürer au vu de la date ? En effet il ne semble pas qu’il 56 « J’ai reçu le petit livre que j’avais demandé » H, Lettre 97. Dans la même lettre, Rhenanus évoque le même sujet, mais tel qu’il l’a lu chez Hutten : la collecte faite par Cajetan, cardinal de Saint-Sixte, et détournée de son but initial, la guerre contre les Turcs : Huttenus Phalarismum edidit contra ducem Wirtembergensem, dialogum elegantissimum, item alterum dialogum, quem Febrim inscripsit, in quo cardinalem s. Sixti, qui fuit ad Caesarem legatus, egregie depingit, qui in Germaniam venerat (sic enim Huttenus scribit), ut pecuniam colligeret in bellum contra Turcas, quam Romanenses isti consumerent. « Hutten a publié le Phalarismus contre le duc de Wurtemberg, dialogue très élégant, de même un autre dialogue qu’il a intitulé Febris, Fièvre dans lequel il fait un remarquable portrait du cardinal de Saint-Sixte, qui a été légat auprès de l’empereur : il était venu en Allemagne (en effet ce sont les termes mêmes de Hutten) afin de collecter l’argent pour la guerre contre les Turcs, afin que ces Romanistes de malheur le dissipent… » 57 « Mais tu as oublié de m’envoyer en même temps la plainte des prêtres de Liège ». 58 H, Lettre 144. 59 « Les discours De decimis (Sur la dîme) et Ars inquirendi (Art d’interroger [les hérétiques]), répands-les, autant que tu le peux. Méprise ce peu d’argent (tu ne t’en es jamais montré avide) pour être aussi utile que possible aux bonnes lettres, mais nuire au maximum à leurs ennemis », pour la lecture …quantum potes. Contemne et la traduction à partir de « Méprise », nous nous inspirons de Walter, Anthologie, p. 209-210. 60 Edition sans nom d’auteur ni d’imprimeur, sans précision de lieu ni de date d’impression sous le titre Ars et modus inquirendi et damnandi quoscumque hereticos secundum consuetudinem Romanae curiae. « Art et manière de poursuivre et condamner tous les hérétiques selon l’usage de la Curie romaine. » Voir notre seconde partie et l’Annexe 2, n° 04.

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existe aucun autre ouvrage imprimé comportant ces discours61. C’est pourquoi, vu l’étroite liaison grammaticale des deux titres, la demande simultanée de diffusion des deux ouvrages et l’intérêt de Rhenanus pour le second des deux discours « Sur la dîme », James Hirstein62 émet l’hypothèse que les deux « Discours sur la dîme », dont l’impression datée du 15 mars 1519 « en pays nommé Utopie » est attribuée à Matthias Schürer, pourraient avoir été édités par Lazare Schürer qui utilise une partie des caractères typographiques de son oncle, ce qui ne permet donc pas de différencier les deux officines. La date du colophon serait aussi fantaisiste que le lieu. La publication chez Lazare Schürer fin 1519 serait donc due à Rhenanus et serait l’aboutissement pour le second discours63 de son travail de correction, grâce aux exemplaires latin (le sien) et allemand (envoyé par Zwingli). La comparaison des pages de titre de l’ouvrage Ars et modus inquirendi, attribué à l’officine de Lazare Schürer, et de l’ouvrage Orationes duae montre une similitude assez frappante dans leur composition pour corroborer l’hypothèse64. Enfin nous trouvons dans un autre ouvrage attribué à l’officine de Lazare Schürer un colophon qui prétend que l’ouvrage a été lui aussi imprimé « en Utopie » Impressum in Vtopia : il s’agit du colophon d’« Eck étrillé » Eccius dedolatus, attribué à Willibald Pirckheimer et publié sous le pseudonyme de Johannes Franciscus Cottalembergius65. [15] Matthias Schürer n’a pas imprimé « L’Utopie » de Thomas More dont la première édition66 a été donnée à Louvain en 1516 chez Thierry Martens grâce à Pierre Gilles, mais Johann Froben a publié une première fois le texte à Bâle au mois de mars 1518 sous le titre suivant De optimo reip[ublicae] statu deque noua insula Vtopia libellus uere aureus, nec minus salutaris quam festiuus, clarissimi

61 Voir Böcking, Drei Abhandlungen, p. 5-6. 62 Dans ses travaux préparatoires à l’édition de la correspondance entre Beatus

Rhenanus et Ulrich Zwingli pour le vol. 2 des EBR. Nous remercions James Hirstein de nous avoir communiqué ces informations et ses réflexions. 63 Altera viri cuiusdam doctissimi adhortantis, ne Principes in Decimæ præstationem consentiant. 64 L’utilisation du fleuron en page de titre, en particulier, est typique de l’officine de Lazare Schürer. Matthias Schürer l’a rarement utilisé en page de titre, toujours en décor de milieu de page (pour Erasme, Encomium matrimonii, VD-16 : E-2814). 65 Voir l’Annexe 2 n° 30. 66 Nous tenons nos informations de l’édition de Guillaume Navaud, voir More, L’Utopie, Navaud.

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disertissimique uiri Thomae Mori inclytae ciuitatis Londinensis ciuis & Vicecomitis67. Froben réimprime68 le recueil en novembre 1518. [16] Relisons maintenant le colophon des Orationes duae à la lumière de l’hypothèse d’une publication chez Lazare Schürer sous la direction de Rhenanus. Pourquoi avoir choisi d’imprimer les textes « en ce pays nouvellement trouvé nommé Utopie » et d’antidater la parution ? En quoi la cité de Sélestat serait-elle le pays de « NullePart69 » ? Le séjour de Rhenanus à Sélestat serait-il vécu comme une parenthèse hors de la réalité représentée par Bâle et ses imprimeurs, la peste et ses morts, un lieu caché ? Sélestat serait-elle une sorte de république idéale comme autrefois Strasbourg célébrée par Erasme70 ? Comment la ville de son enfance peut-elle devenir un Nouveau monde ? Ou serait-ce une manière de poursuivre la dénonciation des dysfonctionnements de l’Eglise ? [17] Or, comme nous le verrons plus loin, Rhenanus envoie également [en 1519] « L’art d’interroger les hérétiques71 » à Pierre Gilles72. La lettre de Rhenanus à Pierre Gilles tout en ironie qui accompagne l’envoi de ce texte parodique, publié sans colophon, a pu inspirer le choix du lieu, « en Utopie », et l’ouvrage De decimis, pamphlet politique que Rhenanus n’envoie pas à Pierre Gilles73, était 67 « Du très célèbre et très éloquent Thomas More, citoyen et shérif de l’illustre cité de Londres, Sur la meilleure forme de république et sur la nouvelle île Utopie, petit livre véritablement doré et non moins salutaire qu’enjoué. » (VD-16 : M-6299). L’ouvrage de Froben comporte aussi aussi les « Epigrammes » de More précédées d’une Epître dédicatoire de Beatus Rhenanus à Willibald Pirckheimer, datée de Bâle le 23 février 1518, et celles d’Erasme. 68 VD-16 : M-6300. 69 Voir la lettre de More à Erasme, datée du 3 septembre 1516, citée par Guillaume Navaud : « Je t’envoie notre Nulle-Part [Nusquama], qui n’est nulle part bien écrite ; je la fais précéder d’une lettre à mon cher Pierre [Gilles] », dans More, L’Utopie, Navaud, p. 326. 70 Voir la lettre d’Erasme à Jacques Wimpheling datée du 21 septembre 1514 dans De duplici copia verborum ac rerum commentarii duo (Strasbourg, Matthias Schürer, décembre 1514) VD-16 : E-2645. 71 Second ouvrage envoyé à Zwingli pour diffusion. 72 Pierre Gilles, destinataire de la lettre-préface de Thomas More pour son « Utopie », auteur de l’Epître dédicatoire à Jérôme de Busleyden, et personnage de l’histoire, qui a donné la première édition du texte à Louvain en 1516. 73 Le texte « Sur l’art d’interroger les hérétiques » est un jeu d’esprit tout en ironie, ce que n’est pas le second discours sur la dîme « qui exhorte les princes à ne pas consentir à payer la dîme. ». Böcking explique que Spalatin possédait un exemplaire du texte qui porte l’inscription Epistola de moribus Romanæ Curiæ ex Italia scripta Anno M.D.XVIII. « Lettre sur les mœurs de la Curie romaine écrite d’Italie en 1518. », dans Böcking, Drei Abhandlungen, p. 6.

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peut-être en préparation chez Lazare Schürer à ce moment-là. Pour la question de la date, Rhenanus n’aurait-il pas choisi de poursuivre le « jeu d’esprit74 » de Thomas More en proposant une date à la fois réelle et fictive75 ? En effet Rhenanus, dans son Epître dédicatoire76 adressée à Willibald Pirckheimer, s’enthousiasme, en grec, sur l’efficacité de la fable de More, son « jeu d’esprit77 ». D’autre part, il faut le reconnaître, malgré la publication de l’Eloge de la Folie, l’atelier de Matthias Schürer à Strasbourg ne fait pas particulièrement montre d’esprit ludique, cette festivitas qui sera précisément la caractéristique de l’imprimerie sélestadienne. Le sérieux, une certaine austérité l’emporteraient plutôt à Strasbourg, d’où peut-être cette attribution indirecte d’un ouvrage « sérieux » à Matthias Schürer, par antidatation. Pour le choix de la langue, Beatus Rhenanus a pu se souvenir de ses années d’études à Paris, où, en 1517, a été réalisée la deuxième édition78 de « L’Utopie » de Thomas More. Même l’apostrophe finale adressée à Charles milite en faveur d’une édition sélestadienne si nous la rapprochons de la remarque finale de l’auteur de l’« Appendice » publié par Lazare Schürer dans les Gravamina Germanicæ nationis79 : la lecture du discours de l’évêque de Liège serait très utile à la formation de César. Et les Français semblaient mieux maîtriser leurs rapports politiques avec le Saint-Siège d’abord par la Pragmatique sanction, puis par le concordat négocié par François Ier. Ainsi, malgré la date, vu l’intérêt manifesté par Beatus Rhenanus, vu la page de titre, vu l’esprit de jeu sérieux qui préside à cette publication à travers son colophon, vu le réseau de références autour de la publication de More à Bâle en 1518 et certaines publications de Lazare Schürer en 1519 et 1520, l’attribution de l’édition des « Deux discours sur la dîme » à l’officine sélestadienne paraît fortement recommandable.

74 Traduction de Guillaume Navaud. 75 Ce qui ne résout pas la question du choix des « ides » de mars. 76 VD-16 : M-6299 urn:nbn:de:bvb:12-bsb10314426-2. 77 Au f. x 3 r°, p. 169 : χαριεντισμός, « trait d’esprit, plaisanterie ». 78 Et l’édition de Froben reprend la lettre de Guillaume Budé à Thomas Lupset

datée de Paris, la veille des calendes d’août, écrite pour l’édition de Paris chez Gilles de Gourmont. 79 Voir Annexe 2, n° 17. L’auteur de l’« Appendice » serait Jacques Spiegel. Voir ci-dessous.

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Martin Luther chez Matthias Schürer à Strasbourg [18] Matthias Schürer publie en février80 et en août81 1519, sans nom d’imprimeur ni lieu d’impression, le recueil d’œuvres de Martin Luther, Ad Leonem X. Il s’agit de la réimpression du premier recueil d’œuvres en latin de Luther [paru à Bâle chez Johann Froben82] en octobre 1518 (sans nom de lieu ni d’éditeur). Nous nous appuyons ici sur les travaux de Hans Volz83. Schürer reproduit les mêmes œuvres, la même page de titre, à une exception notable près, les mêmes Avis de présentation84, le même souhait final du livre85. La composition du recueil en deux parties de Froben n’a plus lieu d’être chez Schürer, mais l’ordre des textes est perturbé à Strasbourg : l’avant-propos aux Decem præcepta Vuittenbergensi populo prædicata « Dix commandements prêchés au peuple de Wittenberg » est suivi non pas du texte des Decem præcepta, mais des deux textes qui figurent dans la seconde partie de l’ouvrage édité par Froben86, le texte des « Dix commandements » clôt ainsi l’ouvrage chez Schürer. Il y a donc une erreur manifeste, grossière, car il est impossible de se tromper à la lecture de l’avertissement au lecteur87. Est-elle due à une trop grande rapidité d’exécution ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu correction après vérification des épreuves ? Cette négligence est tout à fait inhabituelle dans la pratique de l’officine. Le plus étrange est que cette erreur sera reproduite lors de la réimpression d’août 1519. 80 VD-16 : L-3408. 81 VD-16 : L-3409. 82 VD-16 : L-3407. 83 Volz, „Die ersten Sammelausgaben von Lutherschriften“, p. 185-204. 84 En particulier deux avis attribués à Wolfgang Capito. Pour une participation de

Beatus Rhenanus à la rédaction de l’avis initial, imprimé au verso de la page de titre, Ad candidos theologos « Aux théologiens sincères », voir Hirstein, “Capito”, p. 38-40. 85 LIBER. Candidum ac liberum lectorem opto. « Le livre : Je souhaite un lecteur sincère et libre. », à la fin, au verso du colophon, au f. h [viii] v°, en février 1519. 86 Sermo de digna præparatione ad sacramentum Eucharistiæ. Et Quomodo Christi passio sit consyderanda. « Sermon sur la correcte préparation au sacrement de l’eucharistie. » et « Comment il faut examiner la passion du Christ. », textes imprimés avec l’avant-propos qui leur correspond. 87 AD CANDIDOS LECTORES. QVI Sermones legetis R.P.Martini Lutherij de decem præceptis qui proxime sequuntur, meminisse debetis ad populum fuisse dictos, qui, nisi rudi (quod aiunt) Minerua res tradatur, sic doctorem audit, ut Lyram asinus. « Aux lecteurs sincères. Vous qui lirez les Sermons sur les dix commandements du Révérend Père Martin Luther, qui suivent immédiatement, souvenez-vous qu’ils ont été prononcés devant le peuple, lequel, à moins que le sujet ne soit traité avec (comme on dit) une Minerve grossière, écoute l’homme de science comme l’âne écoute la lyre. »

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[19] Mais la différence fondamentale entre les éditions de Bâle et de Strasbourg est à chercher ailleurs. Les annotations marginales rédigées par l’officine de Bâle sont supprimées à Strasbourg88, en particulier celles données pour le texte de Silvestro Prierias89, Maître du Sacré Palais, chargé par le pape d’examiner l’orthodoxie des textes de Luther. Ces annotations soulignaient le ridicule du texte, la suffisance de son auteur90 et se faisaient un plaisir de l’étriller. Elles ont fait rire Luther lui-même91. Mais le changement le plus significatif se trouve sur la page de titre. A Bâle, chez Johann Froben, des esprits facétieux pour ne pas dire insolents avaient qualifié Silvestro Prierias non pas de Maître du Sacré Palais, magistri sacri palatii, mais de magiri sacri palatij, c’est-à-dire « Cuisinier, Maître-queux du Sacré Palais », voire « Cuistre du Sacré Palais », ce qui a aussi beaucoup amusé Luther92. A Strasbourg, Schürer rétablit sagement, prudemment, le titre de « Maître du Sacré Palais », magistri sacri palatij. [20] L’état d’esprit qui préside à la publication de Luther n’est donc pas le même dans les deux officines : Strasbourg respecte les formes et les convenances, quand Bâle les bouscule avec un vrai plaisir. Ce respect n’est pas dû à un manque d’audace93 ; il est caractéristique, 88 Schürer n’en a conservé que quatre, celles qui contiennent des mots ou expressions en grec, dans un souci sans doute d’information du lecteur, de pédagogie, puisque dans le texte les mots grecs sont transcrits en caractères latins. Pourquoi avoir supprimé les autres annotations ? Par paresse ? Par manque de temps ? On peut se poser la question de la valeur, de l’intérêt de ces annotations, qui le plus souvent n’apportent aucune nouvelle information. Mais en fait c’est une pratique courante chez Schürer quand il reprend un texte de Froben, comme si le texte appartenait à l’auteur, alors que les annotations appartiendraient à l’éditeur. 89 Fratris patris Syluestri Prieratis ordinis Prædicatorum Magistri sacri Palatij ad Martinum Dialogus. « Dialogue du frère Père Silvestro Prierias, de l’ordre des Prêcheurs, Maître du Sacré Palais, adressé à Martin. » 90 Voir Volz, „Die ersten Sammelausgaben von Lutherschriften“, p. 192-193, n. 16. 91 Idem, p. 192, n. 16. 92 Idem, p. 191, n. 10. 93 Hans Volz n’est pas tendre avec Matthias Schürer. « C’est l’appât du gain qui poussa Schürer à réimprimer le recueil édité par Froben en février 1519. » Mais une imprimerie est aussi une entreprise, dont le but est de gagner de l’argent pour pouvoir continuer à exister. Certes l’imprimerie de Schürer profite du travail de Froben, mais ce n’est sans doute pas sans son accord (ni celui de Beatus Rhenanus) qu’elle reproduit l’ouvrage. Il y a à Strasbourg et aux environs une clientèle désireuse de lire ces textes et Froben ne fera pas de réimpression du recueil de Luther pour ne pas indisposer Erasme. Par ailleurs, quand on regarde la production de Matthias Schürer en 1518/1519, on constate que les réimpressions de son propre catalogue sont majoritaires et qu’il reproduit huit ouvrages de l’officine de Froben.

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nous le savons, de l’attitude de Matthias Schürer vis-à-vis des textes, des auteurs et surtout des lecteurs : il fait confiance à leur esprit critique. Mais c’est précisément l’esprit polémique, satirique ou pamphlétaire, gommé chez Matthias Schürer, qui réapparaîtra, amplifié, chez Lazare Schürer à Sélestat. Et Beatus Rhenanus est présent dans les officines, bâloise en octobre 1518 et sélestadienne de la fin 1519 à la fin 1520, au moment où cet état d’esprit est fortement perceptible. [21] En août 1519, l’officine de Schürer fait paraître une réimpression du recueil : aux titres de février 1519 s’ajoute la Replica fratris Syluestri Prieratis Ad Reuerendum P. Martinum Lutherum « Réplique de frère Silvestro Prierias au Révérend père Martin Luther », imprimée à part par Froben, début 1519, pour donner des gages de neutralité94. Selon Hans Volz95, l’absence du mot de présentation polémique de Luther (qui se trouve dans l’édition donnée par Luther à Wittenberg de la Replica) donne à penser que le modèle d’impression a pu être, une fois de plus, l’édition de ce texte par Froben début 1519. L’édition strasbourgeoise comporte de très nombreuses erreurs d’impression, erreurs de débutant dans la mise en page, en plus de celle déjà signalée. La maladie de Matthias Schürer ne les explique nullement. Elles traduiraient plutôt son absence physique de l’atelier et une incapacité à diriger les travaux à ce moment-là. Au moment de l’impression, Lazare Schürer est-il encore présent à Strasbourg96 ? Un typographe moins expérimenté assure-t-il à ce moment-là le fonctionnement de l’atelier97 ? Mais si Matthias Schürer ne suit pas personnellement le processus d’impression, nous pouvons le voir à l’œuvre dans la « neutralité » affichée par les éditions (la publication de Luther n’étant par ailleurs pas un acte neutre).

L’imprimeur, malade, qui n’a plus de conseiller scientifique, est à la recherche de textes à imprimer. 94 Voir Volz, „Die ersten Sammelausgaben von Lutherschriften“, p. 186. 95 Idem, p. 187. 96 Nous sommes au mois d’août 1519 et Lazare Schürer vient d’être officiellement associé à son oncle dans le colophon pour les Fables d’Esope. 97 L’imprimerie strasbourgeoise soutiendra Luther et produira beaucoup de textes en allemand. Selon le VD-16, pour la seule année 1520, sur vingt-huit impressions, douze sont des textes en latin, reprises de l’atelier de Matthias Schürer ; seule nouveauté en latin, un ouvrage de Petrus Mosellanus (mais la bibliothèque de Fribourg-en-Brisgau ne signale cet ouvrage chez Schürer à Strasbourg que pour l’année 1521). Quinze sont des textes rédigés en allemand, parmi lesquels deux traductions d’Erasme et trois ouvrages qui concernent Luther et le mouvement de réforme.

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Les publications sélestadiennes Les publications de Lazare Schürer de 1519 à 1522 [22] L’officine de Lazare Schürer a produit cinquante publications (Voir Annexe 2). Dix-neuf appartiennent au catalogue de son oncle. Sur les trente et une publications propres à l’imprimerie sélestadienne, vingt-quatre relèvent de notre sujet : c’est-à-dire 77 % de sa production personnelle. Ce sont des opuscules, d’une moyenne de quarante pages, tous rédigés en latin. L’imprimeur ou le lieu d’impression ne sont identifiables que dans huit cas. [23] Nous pouvons distinguer deux ensembles. Le premier comporte treize publications qui présentent des textes non fictionnels faisant l’actualité religieuse et politique, des textes qui assurent la défense98 de Martin Luther et de ses idées, ou qui, adressés parfois à l’empereur, Maximilien Ier ou Charles Quint, critiquent le fonctionnement de l’Eglise romaine et expriment l’attente et la nécessité d’un changement99 dans les relations entre l’Empire et l’Eglise en Allemagne. [24] Le second ensemble comprend onze publications100 qui offrent des textes, fictionnels ou non, à tonalité majoritairement satirique ou pamphlétaire. Elles traduisent un état d’esprit, dans l’imprimerie sélestadienne, identique à celui qui présidait à la publication de Luther à Bâle chez Johann Froben en octobre 1518. La publication de ces textes pourrait faire entrer Sélestat dans ce que l’on a appelé « la guerre des pamphlets101 ». Ils prennent la forme du traité, du discours, sermon ou harangue, du dialogue, de la biographie ou de la lettre. Leurs auteurs et ceux des lettres et avis de présentation restent anonymes102, utilisent un pseudonyme103, un prête-nom104 ou 98 Voir Annexe 2, n° 03, 15, 23, 24, 40, 41, 49. 99 Voir Annexe 2, n° 02, 05, 07, 16, 17, 39. 100 Textes fictionnels : voir Annexe 2, n° 04, 06, 08, 26, 30, 33. Textes non

fictionnels, Annexe 2, n° 14 (= Lettre de Brunfels à Capito), 18, 32, 34, 35. F. Ritter (Ritter, HIA, p.587, note 473) classe nos n° 14 (Brunfels) et 18 (Vives) dans la catégorie « Ouvrages philosophiques ». 101 Goedecke, Grundriss zur Geschichte der deutschen Dichtung (Dresde, 1886, II, p. 213) cité par Maurice Gravier, dans Gravier, Luther et l’opinion publique, p. 10. Voir aussi Grane, Martinus noster, p. 208-220 : “The Pamphlet War”. 102 Josef Benzing avance les noms de Hermann von dem Busche et de Paul Phrygio, voir Benzing, Répertoire bibliographique. 103 Moventius, Eubulus Cordatus, Johannes Franciscus Cottalemberg, Nicolas Quad, Constantinus Eubulus Moventinus. 104 Conrad Nesen pour Wilhelm Nesen. W. K. Ferguson pense que Wilhelm Nesen n’est nullement responsable du Dialogus bilinguium ac trilinguium (voir plus loin).

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voient leur texte publié sous leur nom105. Ils visent les mêmes hommes que dans les textes du premier groupe, Johann Eck, le premier contradicteur de Luther et d’Andreas Carlstadt de Bodenstein, Jacques Hochstraten, l’adversaire de Johann Reuchlin et de Martin Luther, et à sa suite, les dominicains et les carmes, en particulier Nicolas Baechem d’Egmont, adversaire d’Erasme et de Luther, les mêmes institutions, l’Université de Louvain, ses docteurs en théologie, parmi lesquels Edward Lee, autre adversaire d’Erasme, les « Magistri nostri », la théologie scolastique, tous adversaires des « bonnes lettres » sur lesquelles pèsent de graves menaces, et bien sûr le fonctionnement de l’Eglise dans sa gestion des finances, sa doctrine du pouvoir des clefs et l’utilisation de son arme fatale, l’accusation d’hérésie. Dans la majorité de ces textes, la défense de Reuchlin, d’Erasme et de Luther, est conçue comme un ensemble, les trois hommes relevant d’une même cause, celle « des bons arts qui renaissent depuis longtemps [en Allemagne] » renascentium iampridem bonarum artium106. Mais, maintenant, le nouveau champion de la lutte contre la tyrannie de Rome et de la scolastique, le nouveau porteur des attentes s’appelle Martin Luther. [25] Enfin il est intéressant de remarquer la concentration des publications, vingt (sur vingt-quatre) en quatorze mois, de novembre 1519 à décembre 1520, contre quatre (toujours pour notre sujet), en dix-huit mois, de 1521 à juin 1522. C’est précisément durant ces deux dernières années que Nicolas Küffer est actif à Sélestat comme imprimeur. Toutes les publications de Küffer sont des œuvres écrites en allemand, imprimées en caractères gothiques. Ce sont des opuscules (de treize pages en moyenne). Nous trouvons quatre œuvres de Luther, deux de Hutten, et une de Bucer107. Pour comprendre cette répartition, il nous faut examiner l’implication des savants sélestadiens dans les Il n’aurait servi que de facteur entre son frère Conrad Nesen, auteur d’un premier texte, et Erasme, qui l’aurait modifié et serait pour l’essentiel l’auteur de la satire que nous lisons. Voir Nesen, “Dialogus”, Ferguson, p. 197-204. P. G. Bietenholz, sans exclure totalement une paternité ou une participation d’Erasme, plaide en faveur d’une composition par Wilhelm Nesen, avec l’aide de savants parisiens. Il exclut par contre toute intervention de Conrad. Voir Nesen, “Dialogue”, p. 330-332. 105 Otto Brunfels, Juan Luis Vives, Wilhelm Nesen de Nastätten sous les initiales « G.N.N. », le nom en grec de Philipp Melanchthon apparaît à la fin du texte publié sous le nom de Didymus Faventinus. 106 Hermann von Neuenahr, Epistola Germaniae studiosorum ad Carolum Caesarem, Autore Hermanno Comite de Noua Aquila. Sélestat, Lazare Schürer, décembre [1519], au f. [A ii] v°. 107 Attribuée par le VD-16 à l’imprimerie de Matthias Schürer à Strasbourg.

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publications de Lazare Schürer et leur degré d’adhésion aux idées luthériennes. Mais nous voudrions d’abord revenir à la première chose frappante dans le « catalogue » de Lazare Schürer, l’absence d’œuvres de Luther. Absence de Luther dans l’officine sélestadienne [26] En effet le seul texte de Luther publié à Sélestat par Lazare Schürer est la « Réponse108 » qu’il donne à la condamnation de ses livres par les Universités de Louvain et de Cologne. Elle est imprimée à la suite des textes de condamnation, qui sont eux les seuls textes du camp adverse publiés à Sélestat (Annexe 2, n° 15). Or nous savons que, le 15 janvier 1520, Bucer envoie à Rhenanus, qui se trouve à Sélestat, le « Commentaire sur l’Epître aux Galates » de Luther, à charge pour lui de le faire imprimer, à défaut d’autre imprimeur, par Lazare Schürer, avec toujours cette volonté d’être utile aux studieux. Inter haec commentarius in epistolam d. Pauli ad Galatas adeo mihi adrisit, tam uisus est praeter accuratissimam Paulinae sapientiae explicationem saluberrimis praeceptionibus refertus, ut quamquam unum tantum habeam eumque ab amico quopiam in paucos dies concreditum, uoluerim nihilominus uobis eum mittere meque eius lectione per tempus aliquantulum fraudare, quo pluribus deinceps copia fieret. Nam magnopere te rogo, si eum nullus alius redimprimat, Lazarum nostrum inducas, suis typis vulgatiorem facere ipsum dignetur, mirum in modum hac opera studiosis gratificaturus. Sin uero uel alius opusculum excudat vel sententiae meae tuus calculus non accesserit, ut a Lazaro excudatur, fac, te per Christum obsecro, ocijssime libellus ad me reuertatur, vt et fidem meam apud amicum, qui visendum tantum tribuit, liberem et, ut mihi videtur, salutiferam eius lectionem diutius non desiderem109. 108 Voir Luther, Œuvres, Lienhard et Arnold, p. LXXVII : « Le 27 mars 1520, la Réponse à la condamnation par certains maîtres de Louvain et de Cologne sort de presse. » 109 Bucer, Corr., Rott, Lettre 7, datée de Spire le 15 janvier 1520 (= H, Lettre n° 146). « Parmi ces ouvrages, le Commentaire de l’Epître de s. Paul aux Galates m’a à ce point souri, il m’a tant semblé, ‒ en plus de l’explication très scrupuleuse de la sagesse paulinienne ‒, rempli de préceptes très salutaires, que, bien que je n’en aie qu’un seul et qu’il m’ait été confié pour peu de temps par un ami, je voudrais tout de même vous l’envoyer et me priver de sa lecture pendant un petit moment, pour que, par la suite, un plus grand nombre de personnes y eût accès. En effet c’est avec insistance que je te demande, si personne d’autre ne le réimprimait, d’amener notre Lazare à daigner le rendre plus accessible à tous grâce à ses fontes : il obligera extraordinairement les studieux par ce service. Mais si ou quelqu’un d’autre

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9. Marie-Odile Burckel

Ce Commentaire de Luther a été imprimé par [Adam Petri à Bâle110] en 1520, « probablement, explique Jean Rott111, à l’instigation des Sélestadiens vu que cette réédition est précédée d’une pièce de vers de Sapidus ». [27] Le sentiment patriotique de Bucer a été blessé de ce qui ressemble à un refus de la part de Lazare Schürer d’imprimer l’ouvrage. Vu l’insistance et la fierté avec lesquelles Bucer annonçait à Luther et à Spalatin112 une éventuelle impression à Sélestat, nous comprenons sa déception. La lettre de Bucer à Beatus Rhenanus du 19 mars 1520 nous donne peut-être un élément de réponse. C’est Lazare Schürer qui aurait refusé d’imprimer le Commentaire, et Bucer, amer, attribue son manque de discernement à son goût immodéré de la bouteille. Lazarum adeo minime spei de ipso meae respondere misere mihi dolet, nam quidvis deesse ei potius credo quam ingenium, modo ne potationibus id non corrumpet. Excudi tamen Commentarium voluptati est, ut mirifice me delectat tot iterum atque iterum

imprimait l’opuscule ou que tu n’aies pas donné ton approbation à ma proposition de le faire imprimer par Lazare, fais en sorte, je t’en conjure par le Christ, que le petit livre me revienne très rapidement afin que je dégage ma parole auprès d’un ami qui ne me l’a confié que pour me le faire voir, et que je n’aie pas à regretter plus longtemps sa lecture, qui apporte le salut, à mon avis. » 110 Bucer, Corr., Rott, p. 88, n. 25. Pour l’édition d’[Adam Petri à Bâle] en 1520, voir VD-16 : B-5067. Et Hieronymus, Petri-Schwab, p. 254-255. 111 Bucer, Corr., Rott, p. 99, n. 14. 112 Bucer, Corr., Rott : pour Luther, Lettre 8, du 23 janvier 1520 : Id [= le Commentaire de Luther] enim videre tantum licuit, Nurenberga per quendam fratrem allatum, cui ipsum quoque technis quibusdam extorsi ac Beato Rhenano misi, si nemo anteuertit, a Lazaro Schurerio denuo excudendum. « En effet il ne m’a été donné de le voir qu’une fois apporté de Nuremberg par un frère auquel je l’ai aussi arraché par des ruses, et je l’ai envoyé à Beatus Rhenanus pour réimpression par Lazare Schürer, si personne ne le devance » ; pour Spalatin, Lettre 9, datée de Heidelberg, le 23 janvier 1520 : libellum, nactus quendam qui Selestadium erat petiturus, illo ad Beatum Rhenanum meum misi a Schurerii nepote Lazaro denuo excudendum, si non alius calchographorum iam anteuerterit. « le petit livre, étant tombé sur quelqu’un qui s’apprêtait à rejoindre Sélestat, je l’ai envoyé par son intermédiaire à mon cher Beatus Rhenanus pour qu’il fût de nouveau imprimé par Lazare, le neveu de Schürer, au cas où aucun autre chalcographe ne l’aurait devancé. » La présence des vers de Sapidus en page de titre prouve que cette impression n’a pas été anticipée par Adam Petri, mais qu’elle a été réalisée en accord avec Sélestat.

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Erasmicis lucubrationibus orbem ditari. Corrasi iam pridem dolo et technis pecuniam : coemam omnia113.

Mais nous ne savons toujours pas pourquoi la réimpression n’a pas été faite à Sélestat, qui a préféré Bâle à Sélestat et pour quelle raison. Estce le nom de Luther qui fait peur, qui ne serait pas vendeur ? Pourtant, dans l’Epître dédicatoire114 de la Société littéraire de Sélestat adressée à Jacques Villinger en date du 1er mai 1520, qui évoque une « longue discussion sur les meilleures études et leurs guides », sur les « lettres tant humaines que divines », Luther figure dans la liste des huit hommes nommés : Cum nuper Iacobus Spiegel elegans Iureconsultus, & humanarum literarum impense peritus ciuis noster, muneris sui uacationem Augustæ Vindelicorum impetrasset, […] Selestadium uenit.ubi cum a nobis, ut par erat, salutaretur, post longam de melioribus studijs disputationem, & horum ducibus, Erasmo, Capitone, Zasio, M. Luthero. 113 Bucer, Corr., Rott, Lettre 11, datée de Heidelberg, le 19 mars 1520 (= H, Lettre 160) : « Je souffre et suis malheureux de ce que Lazare réponde vraiment si peu à l’espérance que je plaçais en lui ; en effet je crois qu’il peut manquer de tout fors l’intelligence, pourvu qu’elle ne soit pas corrompue par la boisson. Cependant l’impression du Commentaire me cause du plaisir, comme me plaît merveilleusement l’enrichissement sans cesse renouvelé du monde grâce aux travaux si nombreux d’Erasme. J’ai gratté depuis longtemps par ruse et tromperies de l’argent : j’achèterai tout ! ». Le passage se trouve à la fin de la lettre. 114 Dans Prudence, In Aurelii Prudentii Clementis Caesaraugustani V[iri] C[onsularis] De miraculis Christi Hymnum ad omnes horas, Iacobi Spiegel Selestadiensis interpretatio. « Commentaire de Jacques Spiegel de Sélestat pour Sur les miracles du Christ, Hymne pour toutes les heures, d’Aurelius Prudens Clemens de Saragosse », Sélestat, Lazare Schürer, 1520 (VD-16 : P-5149 ; Annexe 2 n° 20) : MAGNIFICO CLARISSIMOQVE VIRO DOMINO Iacobo Villinger Cæsareo Quæstori ac Consiliario, domino in Schonberg, insigni bonarum literarum patrono, Paulus Volzius Abbas Hugonicæ curię, Iacobus Vuimphelingius, Paulus Phrygio doctor Theologus, Iacobus Vuolphius secretarius reipu[blicae] Selestadien[sis], Beatus Rhenanus, Martinus Bucerus, Io[annes] Sapidus, Beatus Arnoaldus, Io[annes] Guntherus, Lazarus Shurerius, Io[annes] Restatius, Martinus Ergerinus, Ioan[nes] Maius, Lazarus Igerinus, & Io[annes] Priscus. S. Dicunt. « A messire Jacques Villinger, homme magnifique et très illustre, Trésorier et Conseiller de l’empereur, seigneur de Schonberg, remarquable patron des bonnes lettres, Paul Volz, abbé de Hugshofen, Jacques Wimpheling, Paul Phrygio, docteur en théologie, Jacques Wolff, secrétaire de la république de Sélestat, Beatus Rhenanus, Martin Bucer, Johannes Sapidus, Beatus Arnoaldus, Johann Gunther, Lazare Schürer, Johann Restatius, Martinus Ergerinus, Johann Maius, Lazarus Igerinus et Johannes Priscus adressent leurs salutations. » Pour la Société littéraire de Sélestat et ses membres, et une analyse de la lettre du 1er mai 1520 sous cette optique, voir Burckel, « Soc. litt. de Sélestat », p. 14-15 et 27-31.

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9. Marie-Odile Burckel Phi. Melanchthone, P. Mosellano, Eobano Hesso, Vrbano Regio, & alijs, Tandem inquit Vuimphelingius sodalitij caput ac ornamentum, Pulchre de literis cum humanis tum diuinis a uobis dissertum est115.

La publication du Commentaire de Luther aurait donc été tout à fait appropriée en mai 1520, l’ouvrage aurait trouvé à Sélestat même une clientèle de studieux et de savants, comme le montre la formule de salutation de l’Epître, et Beatus Rhenanus aurait pu exercer ses talents d’agent commercial vers ses réseaux en Allemagne et en Suisse116. [28] Lazare Schürer était-il de taille à s’opposer non seulement à Beatus Rhenanus, mais éventuellement aussi à Jacques Wimpheling, Paul Volz, Paul Phrygio, Johannes Sapidus, Jacques Spiegel117 qui, tous, donneront des marques d’intérêt et de sympathie pour Luther en 1520 ? Face à ces hommes, il n’avait ni le savoir, ni l’expérience, ni l’âge suffisants. Lors de cette séance du 1er mai 1520, le choix des membres de la sodalitas se porte sur le Commentaire par Jacques Spiegel sur Prudence « dont les chrétiens peuvent à juste titre se glorifier118 ». Ce jour-là bien sûr, Wimpheling avait la ferme intention de proposer la publication des travaux de son neveu, et cela

115 « Comme récemment Jacques Spiegel, jurisconsulte distingué et notre concitoyen extrêmement qualifié en lettres d’humanité, avait obtenu des vacances dans l’exercice de ses fonctions à Augsbourg, […], il vint à Sélestat. Et là, alors qu’il était salué par tous, comme il convenait, après une longue discussion sur les meilleures études et leurs guides, Erasme, Capiton, Zasius, Martin Luther, Philippe Mélanchthon, Petrus Mosellanus, Eobanus Hessus, Urbanus Regius et d’autres, Wimpheling, tête et ornement de la sodalité, prit enfin la parole : ‘Vous avez joliment disserté sur les lettres tant humaines que divines.’ ». Pour Leif Grane (Martinus noster, p. 158-159, consacrées au soutien de Luther à Sélestat), ce sont les meliora studia qui unissent des hommes aussi différents que Wimpheling et Sapidus. 116 Voir dans H, les lettres à Zwingli, Lettre 83, du 26 décembre 1518 : vente du recueil des œuvres de Luther en latin publié par Froben à Bâle ; Lettre 113, datée du 24 mai 1519 : les œuvres de Luther en allemand publiées par Adam Petri ; Lettre 117, datée du 2 juillet 1519 : stratégie de vente des œuvres de Luther. 117 Spiegel n’est pas nommé dans la salutation car c’est son travail que l’Epître dédicatoire offre à Jacques Villinger, son compatriote et « patron ». 118 Sed qui fit ut cum Poetas omneis etiam parum pudicos Martialem uidelicet & Constantinopolitanum Marullum manibus studiosorum passim teri uideamus, unus Aur. Prudentius quo Christiani merito gloriari possunt, sic negligatur « Mais comment se fait-il que, alors que partout nous voyons tous les poètes, même les trop peu pudiques, Martial assurément et Marulle de Constantinople, être usés par les mains des studieux, le seul Aurélius Prudence, dont les chrétiens peuvent à juste titre se glorifier, soit si négligé […] ? », paroles de Jacques Wimpheling dans l’Epître dédicatoire pour le Commentaire de Jacques Spiegel sur Prudence.

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visiblement en accord avec lui. Personne n’était dupe de la petite comédie119. Il n’y a sans doute pas eu discussion sur ce point. [29] Martin Bucer fait aussi partie de la sodalitas, mais, bien que son nom figure dans la liste des membres, il n’est sans doute pas présent120 au moment où la séance a lieu ; s’il avait eu voix au chapitre, n’aurait-il pas osé proposer une œuvre de Luther121 ? Nous verrons que Wimpheling lit les ouvrages du théologien Luther et ne les désapprouve pas. De son côté, Rhenanus a-t-il voulu réserver cet ouvrage à Bâle ? Ou bien n’a-t-il pas voulu s’engager à cause d’Erasme ? Le veto d’Erasme à l’impression par Froben des œuvres de Luther s’appliquerait-il aussi à Rhenanus (et la signature de Sapidus vaudrait approbation par Sélestat et ses savants) ? Lui qui a lu les remarques des deux théologiens sur l’Epître de s. Paul aux Galates, aurait-il considéré qu’il désavouait Erasme en laissant imprimer cette œuvre de Luther à Sélestat ? Bucer n’avait bien sûr pas ce souci ; n’ayant avec Erasme que des relations de lecteur à auteur, il pouvait sans arrière-pensée se réjouir aussi bien de la publication de Luther que de celle d’Erasme, comme nous l’avons vu dans la lettre du 19 mars 1520 à Rhenanus. [30] Si, pour l’absence des ouvrages de Luther, nous devons nous en tenir aux déclarations de Bucer consécutives aux informations que lui a données Beatus Rhenanus, dans des lettres que nous ne possédons pas, et donc l’imputer à l’imprimeur, nous pouvons par contre découvrir, pour l’édition d’un certain nombre d’ouvrages dans l’officine de Lazare Schürer, l’implication des savants sélestadiens, clercs ou laïcs. Dans le cas de Beatus Rhenanus, uniquement dans sa correspondance, pour ce qui est des autres, également dans les ouvrages publiés. Les collaborateurs sélestadiens de Lazare Schürer [31] L’Epître dédicatoire pour le Commentaire sur Prudence nous a révélé la présence à Sélestat d’un grand nombre de savants. Quatre 119 Voir Heim, « Sodalité et Spiegel », p. 175-177. 120 Bucer, Corr., Rott, Lettre 13, p. 110, n. 7 : « Il est fort douteux que Bucer ait

été à Sélestat au moment de la rédaction de cette dédicace, du moins pas d’après les projets qu’il exposait à Beatus Rhenanus dans sa lettre du 2 avril (n° 12 n. 23 & 24). » (= 2 avril 1520). 121 Notons aussi que Martin Bucer est le seul correspondant de Rhenanus à faire allusion à la double condamnation de Luther par les Universités de Louvain et de Cologne, le 2 avril 1520. Voir Bucer, Corr., Rott, Lettre 6 (= H, Lettre 119) et Lettre 12 (= H, Lettre 162).

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d’entre eux ont joué un rôle dans l’officine de Lazare Schürer : Jacques Wimpheling, qui résidait de manière continue dans sa ville natale depuis 1518122, son neveu Jacques Spiegel, qui avait obtenu, comme ses collègues123, en 1520, un congé pour le temps du carême, le curé de la paroisse Paul Phrygio124 et Beatus Rhenanus125. De retour à Sélestat depuis la fin du mois d’août 1519, il y est resté jusqu’à la mi-septembre 1520, puis en novembre et décembre de la même année. C’est-à-dire au plus fort de l’activité de l’imprimerie. Nous n’avons pas retenu ici le nom du directeur de l’Ecole latine de la ville Johannes Sapidus, dont les sympathies luthériennes126 et la critique de l’Eglise sont connues et visibles dans le livre des Epigrammata publié par Schürer127, l’imprimeur reconnaissant que cette publication a été faite sans que l’auteur des Epigrammes ait été consulté128.

122 Voir Mertens, „Jakob Wimpfeling“, col. 1295. 123 Epître dédicatoire pour le Commentaire sur Prudence : sic enim inter uos dnn.

Consiliarios conuenerat, ut domum quisque suam sub sacrum quadragesimæ tempus peteret : « en effet il avait été convenu entre vous, Seigneurs Conseillers, que chacun retournât chez soi pendant le temps sacré du carême ». 124 Paul Phrygio, Seidensticker (Sélestat, vers 1483 - 1er août 1543), docteur en théologie (en 1513 à Bâle), il était prédicateur à la cathédrale d’Eichstätt quand le Magistrat de Sélestat lui proposa la charge de recteur laissée vacante par la démission du curé Martin Ergersheim ; il n’arriva à Sélestat qu’à la fin de l’année 1518 et y exerça sa charge jusqu’en décembre 1525. Voir Ndba, Paul Phrygio, (Jean Rott), p. 3008-3009. 125 Hirstein, EBR, 1, p. XXVII. « La peste dans la ville suisse et la santé de son père à Sélestat obligèrent Rhenanus à retourner chez lui pour plus d’un an, de la fin du mois d’août 1519 à la mi-septembre 1520. […] Il regagna Bâle à la mi-septembre, mais la santé de son père l’obligea à retourner à Sélestat de nouveau pour environ un mois, en novembre et en décembre. Anton Rinower mourut le 21 novembre 1520. » 126 Voir par exemple Epigrammata (VD-16 : S-1658), aux ff. f [i] v°- f ij r°, le poème intitulé IN LIbrum Lucubrationum Martini Lutheri, liber loquitur. « En faveur du livre des Travaux de Martin Luther, le livre parle. » Il s’agit du « Commentaire sur l’Epître aux Galates ». 127 Voir Annexe 2 n° 13. Nous préparons, sous la conduite de James Hirstein, une édition des Epigrammes de Sapidus. 128 Lazare Schürer, dans son avis final au lecteur, précise que certains poèmes sont des copies de la main des auditeurs de Sapidus et que l’édition du recueil a été faite avec « l’accord unanime de tous les membres de notre sodalité sélestadienne […] et surtout de messire Jacques Spiegel » et « sans consulter [Sapidus] » : Vide uero quantum nobis de Sapido præsumamus, qui illo inconsulto hoc egerimus « Mais vois à quel point nous sommes téméraires vis-à-vis de Sapidus, puisque nous avons agi ainsi sans le consulter. »

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Jacques Wimpheling [32] Lazare Schürer a donné deux éditions de l’Epistola ad Reuerendissimum Archiepiscopum ac Cardinalem Moguntinum qua commonefacit illius celsitudinem de causa Doctoris Martini Lutheri129 d’Erasme, l’une accompagnée d’une Epître dédicatoire130 de Jacques Wimpheling à Christophe d’Utenheim131, évêque de Bâle, datée du 1er septembre 1520, (Annexe 2, n° 23) ; l’autre faite « aux frais de Nicolas Küffer libraire à Sélestat » Sumptu Nicolai Cuserij bibliopolæ Selestadiensis, qui ne comporte pas la lettre de Wimpheling (Annexe 2, n° 24). Deux éditions (et deux impressions différentes du texte) volontairement indépendantes donc, qui traduisent peut-être un désaccord de vues entre Wimpheling et Küffer, entre l’ecclésiastique et le laïc, ou des buts différents. A moins que la seconde édition n’ait été donnée fin 1520, après la mise en garde de Jacques Spiegel à ses concitoyens (voir ci-dessous). La correspondance de Beatus Rhenanus132 nous apprend comment la Lettre d’Erasme est venue entre les mains du Sélestadien, puisque le chartreux Otto Brunfels lui écrit le 1er août 1520 pour lui demander cette lettre : Egranus cum nuper peragrasset Germaniam et te Selestadii invenisset studiosorum primum ac diligentissimum, aiebat se epistolam unam tibi reliquisse Erasmi ad cardinalem Moguntinum, a te vi ab illo extortam. Iussit, ut hanc mihi accomodato des vel descriptam ; quam nunc a te efflagito, redditurus cum Wimphelingo, quantum potuero citissime133. 129 « Epître adressée au Révérendissime Archevêque et Cardinal de Mayence, par

laquelle il avise Sa Grandeur de l’affaire du docteur Martin Luther ». Albert de Brandenbourg a été élu archevêque le 9 mars 1514. 130 A la fin, au f. b [iii] v°: R[everendissimo] P[atri] D[omino] Christophoro, Basilien[si] episcopo, summo & singulari patrono Iacobus VVymphelingius sese commendat. « Au Révérendissime Père, messire Christophe, évêque de Bâle, son éminent et sans pareil patron, Jacques Wimpheling se recommande. » 131 Christophe d’Utenheim (mort en 1527), évêque de Bâle à partir de 1502, nomma Capito prédicateur à la cathédrale de Bâle. Défenseur de l’enseignement humaniste, il était favorable à une réforme de l’Eglise. Après 1522, il prit ses distances avec les réformateurs et interdit à son clergé de suivre les conférences et sermons d’Oecolampadius qu’il avait fait venir à Bâle. Fatigué des disputes continuelles avec la ville de Bâle, il abandonna sa charge en 1527 et mourut avant l’élection de son successeur. (Capito, Corr., 1, Rummel & Kooistra, p. 10). 132 H, Lettre 176. 133 « Alors qu’il avait récemment parcouru l’Allemagne et t’avait trouvé à Sélestat, toi le premier et le plus énergique des studieux, Egranus t’avait laissé, disait-il, une lettre d’Erasme au cardinal de Mayence, que tu lui avais arrachée par la

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[33] L’Epître dédicatoire de Wimpheling a été écrite après la parution de la bulle papale Exsurge Domine, du 15 juin 1520, mais la nouvelle était-elle parvenue à Sélestat ? Voici ce que dit Wimpheling à son ami l’évêque de Bâle134 : utinam eius exemplo omnes Germaniæ episcopi, cæterique magnates cum Heluetijs niterentur mitigare sanctissimum ac pijssimum dominum nostrum Leonem pontificem opt[imum] max[imum] ne uirum quem christianum & euangelicum non modo in doctrina, sed & in omni uita sua prædicant, funditus deleri sinat, Lutherum inquam. […] Si Lutherus in quopiam hallucinatus est, humanitatem tamen non exuit, paratus doceri ab eis, qui ab ambitione & assentatione sint alienissimi135.

Quand Wimpheling souhaite que le pape Léon X « ne permette pas que Luther soit complètement anéanti » funditus deleri sinat, fait-il allusion à la bulle du 15 juin 1520 ? On entend bien dans la suite de la lettre sa critique des adversaires de Luther, qui sont aussi les ennemis qu’il a eu à combattre. [34] La lettre montre que Wimpheling se reconnaît dans les attaques dont Luther est victime. En effet Luther est une victime, ses péchés sont véniels. Wimpheling pense-t-il qu’il rentrera dans le rang ? Le portrait qu’il donne de l’homme laisse penser qu’il a lu ses écrits136, in doctrina, et qu’il est renseigné sur sa vie, in omni uita sua. Or Luther, entre mai 1520, quand la Société littéraire de Sélestat force. Il a ordonné que tu me la donnes en prêt même recopiée ; et maintenant je te la réclame : je la rendrai par Wimpheling, le plus rapidement que je pourrai. » En 1520 le prêtre Johannes Sylvius Egranus a voyagé de Wittenberg à Bâle, voir Capito, Corr., 1, p. 84, n. 7. 134 Sur le projet de vie anachorétique formé par Christophe d’Utenheim, Geiler, Thomas Lampater et Wimpheling, voir Schmidt, HLA, p. 23. 135 « Si seulement, à son exemple [= d’Erasme], tous les évêques d’Allemagne et tous les autres grands [de ce monde] s’efforçaient, avec les Suisses, d’apaiser notre seigneur très saint et très pieux le pape Léon très bon très grand, afin qu’il ne permette pas que soit complètement anéanti un homme dont on vante non seulement l’enseignement mais aussi tous les aspects de la vie comme conformes au Christ et à l’évangile, je veux parler de Luther. […] Si Luther s’est trompé sur quelque point, il ne s’est en tout cas pas défait de son humanité, étant prêt à être instruit par des hommes qui soient totalement étrangers à l’ambition et à la flagornerie. » 136 A l’opposé de ce que prétend Erasme dans sa Lettre pour ce qui le concerne. Lutherus mihi tam ignotus est, quam qui ignotissimus.cuius libros nondum uacauit legere, nisi quod carptim degustaui quædam « Luther m’est aussi inconnu que le dernier des inconnus : je n’ai pas encore eu le loisir de lire ses livres, sauf quelques passages que j’ai goûtés de-ci de-là. » (VD-16 : E-1894, f. a ij v°).

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reconnaissait en lui le savant, et septembre 1520, a écrit et diffusé deux de ses « grands écrits réformateurs137 », Le sermon sur les bonnes œuvres (juin 1520) et Le Manifeste à la noblesse chrétienne de la nation allemande (début août 1520). Selon Leif Grane138, Wimpheling, sans adhérer à ses idées, reconnaît aussi pleinement en Luther le théologien, dont il suit la carrière, et son approbation signifie que le pape n’est pas « en phase » avec l’opinion publique allemande. L’idée de soumettre Luther à l’arbitrage d’hommes indépendants, qui ne pensent pas à leurs propres intérêts, à leur carrière, rejoint la suggestion qui sera développée dans le Consilium cuiusdam139 par le dominicain Johann Faber et Erasme. L’Epître dédicatoire de Wimpheling est en fait un appel aux Suisses à soutenir les initiatives allemandes, ce qu’il avait déjà fait autrefois, rappelle-t-il140. En écrivant cette lettre, Wimpheling s’engage donc en faveur du théologien : la réforme prônée par Luther peut encore se réaliser dans l’Eglise. Luther doit être entendu. Jacques Spiegel (et Lazare Schürer) [35] Jacques Spiegel et Lazare Schürer profitent de l’avènement du nouvel empereur pour publier les travaux inédits de Jacques Wimpheling, réalisés en 1510/1511, sur les « Griefs de la nation allemande » Grauamina Germanicae nationis et sur la « Moelle extraite de la Pragmatique sanction » Pragmaticae sanctionis Medulla excerpta, ce dernier travail étant une commande de l’empereur Maximilien141 dont il ne s’est pas servi (Annexe 2, n° 17 et 16)142. Pour les Grauamina publiés en [1519 ou en 1520], l’imprimeur 137 Lienhard, Martin Luther, p. 79-97. 138 Grane, Martinus noster, p. 159-160. 139 Consilium cuiusdam ex animo cupientis esse consultum et Romani Pontificis

dignitati et christianae religionis tranquillitati. « Conseil d’un homme qui désire du fond du cœur veiller et à la dignité du pontife romain et à la tranquillité de la religion chrétienne. » Voir Erasme, Consilium cuiusdam, Ferguson, p. 359. 140 scripsi olim Soliloquium pro Heluetijs, ad partes Cæsareas Germanicasque trahendis. « J’ai écrit autrefois le Soliloque en faveur des Suisses, pour les entraîner dans le camp de l’Empereur et des Allemands. » Il s’agit du Soliloquium pro pace christianorum. Voir Wimpfeling Briefwechsel, Herding & Mertens, Lettre 345, p. 847, n. 3. 141 Voir le titre : DIVO MAXIMILIANO IVbente Pragmaticę sanctionis Medulla excerpta « Moelle tirée de la Pragmatique sanction sur ordre du divin Maximilien ». 142 Selon Leif Grane, la publication de ces textes en 1519/1520, textes dont le contenu n’a rien de novateur, leur donne un nouvel impact, mais l’auteur n’y manifeste aucune opposition au pape. Grane, Martinus Noster, p. 211-212.

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indique dans le colophon (f. C iij v°) avoir imprimé l’ouvrage Ad incrementum Germanię, & dei gloriam (« Pour l’accroissement de l’Allemagne et la gloire de Dieu ») : l’Allemagne et Dieu ont ainsi partie liée, mais existent ici sans l’Eglise romaine. Pour la « Moelle de la Pragmatique sanction » publiée en mai 1520, Lazare Schürer précise, sous ses armoiries à la gerbe (de manière plus solennelle donc), au f. D [vi] r° : Cui indignum uisum est hæc Vulcano tradi, sed censuit operęprecium ut ad gloriam Dei opt[imi] max[imi] suique cultus, & Germanicæ Nationis incrementum, ac Maximiliani Cæsaris memoriam immortalem ex sua officina ederentur143.

La publication relève du même dessein, mais cette fois, l’imprimeur réintègre l’Eglise, chargée du « culte » de Dieu, et rend hommage au commanditaire. Et nous reconnaissons toujours la composante nationaliste des revendications de réforme. [36] Jacques Spiegel, neveu de Jacques Wimpheling, dédie l’édition de la « Moelle de la Pragmatique sanction » à Maximilien de Bergen, seigneur de Sewenberg, « ambassadeur et commissaire de Sa Majesté impériale catholique en Allemagne », par une Epître dédicatoire144 datée de Sélestat le 15 mai 1520. Son oncle maternel Jacques Wimpheling allait jeter au feu cet opuscule dont beaucoup de gens regrettaient qu’il ne fût pas publié, mais Spiegel a empêché ce crime. Ainsi Charles successeur de Maximilien pourra restituer le vrai culte de Dieu très grand très bon et défendre la dignité de la nation de ses pères145. 143 « [Lazare Schürer] : il lui a semblé que ces travaux ne méritaient pas d’être confiés à Vulcain, mais il a jugé qu’il valait la peine de les publier dans son officine pour la gloire de Dieu très bon très grand et de son culte, l’accroissement de la nation allemande, et la mémoire immortelle de l’empereur Maximilien. » 144 VD-16 : W-3353, aux ff. A ij r°- A iij v°. MAGNIFICO ET GENEROSO Domino Maximiliano a Bergis, Domino in Seuenberg, Cæs[areae] & Catholicæ Maiestatis in Germanijs Oratori & a Commissis, Domino suo colendissimo Iacobus Spiegel Slestadiensis, Regius secretarius Salutem & commendationem. « Au magnifique et noble seigneur Maximilien de Bergen, seigneur de Sewenberg, ambassadeur et commissaire de sa Majesté impériale catholique en Allemagne et son Seigneur très vénérable, Jacques Spiegel de Sélestat, secrétaire du roi : salutation et recommandation. » 145 tam sanctum quam necessarium Maximiliani consilium morte sua interceptum Carolo Principi nostro auiti imperij successori conseruatum, ut qui potens est, magna faciat, pro uero Dei optimi maximi cultu restituendo, ac huius patriæ nationis dignitate asserenda. « ce projet de Maximilien aussi saint que nécessaire, interrompu par sa mort, a été maintenu par notre prince Charles, héritier de l’empire

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[37] Spiegel poursuit : Prosecuturum autem eum hoc consilij mihi cum multis spes certa manet, quia isthuc hodie fœlicitatis peruentum est, quo nuda ueritatis imago de optimis quibusque libere prædicatur, quæ multis retro sæculis magno humani generis malo inuolucris obtecta fuit. Reducunt eam apud Germanos Capnion, Roterodamus, M.Catharus, Pirckaimerus, Capito, Oecolampadius, Phrygio, Ritius, Otho Brunfelsius, Huttenus, qui se hac comite sibi, si usquam, in Romana Triade placere haud obscure fatetur. Nimirum liber homo, libero argumento patriam libertatem uindicandam iure expostulat146.

Dans cette liste des Allemands qui « ramènent l’image nue de la vérité », nous reconnaissons aisément les deux premiers hommes, Reuchlin (Capnion) et Erasme. Les contemporains de Spiegel reconnaissaient sans doute aussi Martin Luther sous le nom de M. Catharus, « Martin le Pur », « catharus » graphie latine de l’adjectif grec καθαρός « katharos » qui traduit l’allemand « Lauter147 », surnom donné à Luther par ses partisans148, dans la tradition des jeux de mots sur les patronymes. L’emploi de ce nom (recouvert de deux « voiles » savants) pour désigner Luther est unique dans les publications de Lazare Schürer. Nous reconnaissons ensuite des auteurs publiés par l’officine sélestadienne, le patricien de Nuremberg Willibald Pirckheimer, auteur présumé de l’ouvrage Eccius dedolatus autore de son grand-père, afin que, vu son pouvoir, il fasse de grands efforts pour restituer le vrai culte de Dieu très grand très bon et pour défendre la dignité de la nation de ses pères. » 146 Au f. A ij r°-v° : « Mais j’ai le ferme espoir, que je partage avec d’autres, qu’il poursuivra ce projet, parce que, aujourd’hui, tu le vois, on est parvenu à un tel degré de félicité que l’image nue de la vérité est librement prêchée à chaque fois par les meilleurs, vérité qui, durant de nombreux siècles passés, fut recouverte de voiles pour le grand malheur du genre humain. Chez les Allemands, cette vérité est ramenée par Capnion, [Erasme] de Rotterdam, M. Catharus, Pirkheimer, Capito, Oecolampadius, Phrygio, Ritius, Otto Brunfels et Hutten, qui avoue sans détour, dans la Triade romaine, que, s’il se plaît quelque part, c’est en compagnie de la vérité. Homme libre assurément, il réclame à bon droit, en argumentant librement, que la liberté des pères soit revendiquée. » Spiegel poursuit en citant chez les Français, Lefèvre d’Etaples et Budé, chez les Italiens, Jean-François Pic de la Mirandole. 147 Voir Bertaux et Lepointe, Dictionnaire : « lauter : adj. limpide, clair, net, pur, sans mélange // die lautere Wahrheit : la pure vérité ». 148 « Certaines caricatures illustrent les sobriquets dont catholiques et protestants s’affublent mutuellement…Luther s’il n’est pas portraituré sous une forme grotesque, se voit appelé Luder (marlou) par ses adversaires, Lauter (pur) par ses amis. », Gravier, Luther et l’opinion publique, p. 169.

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Ioannefrancisco Cottalambergio Poeta Laureato149, le théologien Johannes Oecolampadius auteur du court texte Iudicium de doctore Martino Luthero150, le curé de la paroisse de Sélestat Paul Phrygio, auteur présumé de l’Oratio Constantii Eubuli Mouentini, de uirtute Clauium & Bulla condemnationis Leonis decimi contra Martinum Lutherum151, le chartreux Otto Brunfels, auteur de la Confutatio sophistices152 (avec une dédicace à Wolfgang Fabricius Capito), et le chevalier Ulrich von Hutten, auteur présumé du Ex obscurorum uirorum salibus cribratus Dialogus non minus eruditionis quam macaronices amplectens153 et des Lamentationes Germanicae nationis154. [38] Mais c’est le chevalier von Hutten, champion de la liberté, qui retient le plus l’attention de Spiegel, pour des raisons politiques, patriotiques. En effet, dans son Epître dédicatoire à la Pragmaticae sanctionis Medulla excerpta il cite le Vadiscus (in Romana Triade, « dans la Triade romaine ») de Hutten, dénonciation extrêmement virulente de la tyrannie qu’exerce Rome par la censure155, l’usurpation du pouvoir temporel et la pratique de la simonie. Voici ce que Hutten avait écrit dans l’Epître dédicatoire du Vadiscus, au dédicataire Sébastien de Rotenhan, le 13 février [1520] : Nolo commendare tibi librum ut bonum, cum res, qua de scribo, pessima sit, ut liberum, & uerum fortasse uolo, quo nomine uel gratissimus esse tibi debet. Ipse quidem mihi, si usquam, in hoc placeo. Vincta erat libertas nostra, & pontificijs impedita laqueis, soluo. Exulabat ueritas, relegata ultra Garamantas & Indos, reduco156. 149 « De Jean-François Cottalamberg, Poète couronné, Eck étrillé » (ou « Le Coin raboté »). Annexe 2, n° 30. 150 « Jugement sur le docteur Martin Luther ». Annexe 2, n° 40. 151 « De Constantinus Eubulus Moventinus, Discours sur le pouvoir des clefs et sur la bulle de condamnation de Léon X contre Martin Luther ». Annexe 2, n° 35. 152 « Réfutation de la sophistique ». Annexe 2, n° 14. 153 « Dialogue passé au crible des plaisanteries des hommes obscurs, embrassant non moins d’érudition que de macaronisme ». Annexe 2, n° 06. 154 « Lamentations de la nation allemande ». Annexe 2, n° 34. 155 Interdiction d’imprimer Tacite en Allemagne en raison d’un privilège de dix ans accordé par le pape à un imprimeur italien. 156 « Je ne veux pas te recommander le livre parce qu’il est bon, puisque le sujet dont je parle est très mauvais ; c’est parce qu’il est libre, et sans doute vrai, que je veux le faire, et c’est à ce titre que tu dois lui réserver l’accueil vraiment le meilleur. Moi en tout cas, si je me plais quelque part, c’est en cela [liberté et vérité]. Notre liberté avait été enchaînée et entravée par les liens de la papauté. Je la libère. La vérité était exilée, reléguée au-delà des pays de Numidie et d’Ethiopie. Je la ramène. » dans

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Nous constatons de nombreuses similitudes dans les mots et les idées. Nous reconnaissons la formule de Hutten si usquam, in hoc placeo dans les mots de Spiegel Huttenus, qui se hac comite sibi, si usquam, in Romana Triade placere haud obscure fatetur. Nous trouvons les deux notions phares de liberté et de vérité, mais dans un ordre inverse. Le caractère, l’activité des deux hommes leur font utiliser des images différentes, chez Hutten, une image politique, guerrière et géographique (uincta erat libertas nostra, & pontificijs impedita laqueis, soluo. Exulabat ueritas, relegata ultra Garamantas & Indos, reduco), chez Spiegel une image liée aux travaux en histoire, philologie, philosophie (quo nuda ueritatis imago de optimis quibusque libere prædicatur, quæ multis retro sæculis magno humani generis malo inuolucris obtecta fuit. Reducunt eam apud Germanos…) et le diplomate reprend le verbe reduco par lequel Hutten se posait en libérateur de la vérité. [39] Pour la liberté il y a identité de vues. En effet Spiegel poursuit, usant à son tour d’une étonnante liberté de parole : Quare, ut dicam libere quod sentio, nisi uos uestrique ordinis uiri huic negotio intenderitis omnes neruos, de altero qui nihil æque quam in ordinem redigi metuit, detrectat, fugit, nunquam quicquam boni sperandum est, cum ille, ut apud uictricis ueritatis strenuissimum adsertorem Germanum equitem legimus, magna ex parte sit pessimus, & suis elatus titulis tyrannidem exerceat in ipsos mundi principes. Non mentior ego fortasse, si his fontibus omnia fere mala quȩ mea habet memoria dixerim profecta esse157.

Cette fois-ci la citation de Hutten provient de la dernière page du dialogue Febris Secunda, au verso de laquelle, dans l’édition de Schöffer à Mayence, est imprimée l’Epître dédicatoire du Vadiscus. C’est Hutten qui parle à la Fièvre :

Hutteni equitis germani Vadiscus Dialogus, qui et Trias Romana inscribitur, « De Hutten, chevalier allemand, Vadiscus, Dialogue également intitulé Triade [ou Trinité] romaine », VD-16 : H-6409 Mayence, Johann Schöffer, avril 1520, au f. G 2 v°. 157 Au f. A iij r°-v° : « C’est pourquoi, pour dire librement ce que je pense, si vous et les hommes de votre ordre ne tendez pas tous vos nerfs en faveur de cette affaire, il ne faut jamais rien attendre de bon de l’autre ordre, qui ne craint, ne refuse, ne fuit rien autant que d’être ramené dans le rang, puisque, comme nous le lisons chez le chevalier allemand défenseur très empressé de la vérité triomphante, cet ordre est, pour une large part, très mauvais, et que, porté par ses titres, il exerce la tyrannie jusque sur les princes du monde. Et moi je ne mens sans doute pas, si je me permets de dire que c’est de ces sources qu’ont découlé presque tous les malheurs que je garde en mémoire. » Nous avons ajouté une virgule après « ille » dans « cum ille ».

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9. Marie-Odile Burckel Vides enim, ut insolenter dominetur hoc genus hominum, qui magna ex parte pessimi cum sint, tamen ecclesiam uocant se &, quasi sors dei sint, Τοὺς κλήρους, cum nemo alienius à Christo uiuat. Ipsi uero his titulis elati tyrannidem exercent in ipsos mundi principes158.

L’« autre ordre », mentionné par Spiegel, qui exerce sa tyrannie jusque sur les princes du monde, est le clergé, qui prétend, étymologiquement, être un « lot divin ». [40] La franchise, la sincérité de Spiegel sont surprenantes, vu sa fonction de secrétaire impérial et celle du destinataire de l’Epître. L’indignation est exacerbée sans doute par ce que le juriste connaît de la situation de l’Eglise à Sélestat et par les tractations qu’il a menées en vue de l’union des chapellenies dans cette ville, par son expérience de diplomate, par le mépris affiché par Rome à l’égard non seulement de l’Allemagne mais aussi de Charles159 lors de l’élection à l’Empire. Pour Paul Adam, les propos tenus par Spiegel dans « l’Annexe160 des Dix doléances de la Nation germanique » sont également d’une « violence inouïe ». « L’Annexe », Appendix se termine sur un conseil : faire lire à Charles Quint, car cela « pourrait aussi beaucoup contribuer, semble-t-il, à la formation de César, l’avertissement très chrétien du Révérendissime seigneur Erard évêque de Liège prononcé lors du convent des princes à Augsbourg en 1518161 ». 158 « Tu vois en effet avec quel orgueil cette espèce d’hommes exerce un pouvoir

absolu, eux qui, alors qu’ils sont, pour une large part, les plus mauvais, se nomment néanmoins l’Eglise, et, comme s’ils étaient tirés au sort par Dieu, les lots divins, alors que personne ne mène une vie plus étrangère au Christ qu’eux. Or eux-mêmes, c’est soulevés par leurs titres, qu’ils exercent la tyrannie jusque sur les princes du monde », dans Febris Secunda, à la fin, f. G 2 r°, Mayence, Johann Schöffer, avril 1520, VD-16 : H-6343. Nous avons ajouté une virgule après « & » : « uocant se &, ». On constate le jeu étymologique entre κλῆρος et clerus, sachant que le sens premier de κλῆρος est le « sort », l’« objet tiré au sort » et ensuite, dans la langue ecclésiastique, « lot attribué à une église, à un prêtre », puis « fonction de prêtre, clergé », voir Bailly, p. 1101. 159 Voir ce que dit Hutten dans le Vadiscus : Nuper in concilio principum ausus est criminari Carolum, ut imperio ineptum, nonnulla illi corporis pariter animi impingendo uitia « Récemment, lors de l’assemblée des princes, [le légat du pape] a eu l’audace d’accuser calomnieusement Charles d’être inapte à l’empire, lui reprochant quelques vices autant de corps que d’âme. » (VD-16 : H-6409 urn:nbn: de:bvb:12-bsb00086786-4, aux ff. H [1] v°- H 2 r°). 160 Gravamina Germanicæ Nationis cum remedijs & auisamentis ad Cæsarem Maiestatem, « Appendix », au f. C iij r°- v°. Voir Adam, HRS, 1, p. 70. 161 Multum quoque ad institutum Cæsareum conferre posse uidetur Christianissima Reuerendissimi domini Erhardi Leodiensis episcopi admonitio habita in conuentu principum Augustano, Anno decimo octauo post Millesimum & quingentesimum.

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[41] L’Epître dédicatoire pour la « Moelle tirée de la pragmatique sanction » est par ailleurs une déclaration d’allégeance au nouveau pouvoir, puisque Spiegel rend aussi hommage au Chancelier Mercurino Gattinara, toujours combatif quels que soient les revers de fortune. Le travail de son oncle que Spiegel a fait éditer à mille exemplaires se veut un encouragement aux nouveaux dirigeants de l’Empire à réaliser une réforme du culte de la religion, à le restaurer dans sa vérité, pour la plus grande gloire de l’Allemagne et de ses princes162. Nous verrons qu’il choisira en décembre de la même année de renoncer à la restauration de la vérité religieuse pour rester fidèle à l’image qu’il a de l’empereur, garant de la concorde. Mais, en mai 1520, dans la parenthèse sélestadienne, le rêve d’une action décisive à la Hutten paraît nécessaire. [42] Deux lettres nous apprennent ce que Rhenanus pensait du chevalier von Hutten. Le 18 mars 1518, il recommande à Bruno Amerbach de dire à Hutten, s’il le rencontre à la foire de Francfort, tout le bien qu’il pense de lui ; il y attache visiblement la plus grande importance : Quod si virum istic invenies, ceu non dubito futurum, volo meam erga illum mentem exponas, quam optime cognitam habes ; scis, quid de illo semper senserim ; scis, quam candide praedicem, scis, quantum illi tribuam, sed meritissimo163.

Le 19 mars 1519, nous découvrons qu’il est lui aussi un lecteur assidu de Hutten164. Il se fait plus précis dans son jugement sur le chevalier et 162 Au f. A iij r° : [saeculum] quo Germani Principes, haud dubie maximo Regum

CAROLO autore uerum religionis cultum restituent, sine quo concordiæ impedimenta e medio tolli quandoque posse imprudentiæ est cogitare, nisi ipse sim omnis consilij inops. « siècle où les princes allemands restaureront le vrai culte de la religion, à l’instigation, à n’en pas douter, de Charles le plus grand des rois : c’est faire preuve de légèreté que de penser que sans lui les obstacles à la concorde puissent un jour être enlevés, à moins que je ne sois moi-même dépourvu de tout bon sens. » 163 H, Lettre 74 : « Et si là-bas tu trouves l’homme, ce qui arrivera, j’en suis sûr, je veux que tu lui exposes ma disposition d’esprit à son égard, que tu connais parfaitement : tu sais ce que j’ai toujours pensé de lui, tu sais avec quelle franchise je parle de lui, tu sais quel grand cas je fais de lui, mais il le mérite totalement. » 164 James Hirstein (Hirstein, « Bibliothèque de Rhenanus ») recense, dans la bibliothèque de Rhenanus qui nous est parvenue, 19 livres de Hutten, soit 1,5 % de l’ensemble (p. 140). Et dans au moins trois cas, il s’agit de cadeaux (p. 141, n. 101). Hutten fait partie des « cinq auteurs les mieux représentés », avec Cicéron (1,3 %), Aristote (1,5 %), Luther (2,4 %) et Erasme (8,7 %), auteurs qui manifestent son intérêt pour « le rapport entre l’homme et le divin » (p. 142).

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sans doute aussi sur les deux livres qu’il a lus, le Phalarismus et la Febris165 : Hutten, écrit-il à Ulrich Zwingli, est l’homme le plus audacieux du monde ! Huttenus Phalarismum edidit contra ducem Wirtembergensem, dialogum elegantissimum, item alterum dialogum, quem Febrim inscripsit, in quo cardinalem s. Sixti, qui fuit ad Caesarem legatus, egregie depingit, qui in Germaniam venerat (sic enim Huttenus scribit), ut pecuniam colligeret in bellum contra Turcas, quam Romanenses isti consumerent etc. Edidit et alia quaedam ad Leonem X., omnium mortalium audentissimus166.

[43] Lazare Schürer a aussi publié les Lamentationes Germanicae nationis « Lamentations de la nation allemande » attribuées à Hutten (Annexe 2, n° 34). Nous ne savons pas qui a proposé la publication de ce pamphlet anonyme construit sur l’alternance d’un pastiche des « Lamentations de Jérémie », avec gloses interlinéaires, et d’un commentaire sous forme de « triades » de notules, Notula prima, 165 La Bibliothèque humaniste de Sélestat conserve deux éditions du Phalarismus qui appartenaient à Beatus Rhenanus, celle de mars 1517 (BHS K 806f /WJ n° 1577) (= VD-16 : H-6397 [Mayence, Johann Schöffer], mars 1517) et celle de septembre 1519 (BHS K 808b /WJ n° 1573, [Mayence, Schöffer]) (= VD-16 : H-6401 dans H6408) ; mais pour la Febris, elle conserve uniquement l’édition des Dialogi (Fortuna. Febris prima. Febris secunda. Trias Romana. Inspicientes.) donnée à Mayence par Johann Schöffer en avril 1520 (BHS K 916e /WJ n° 1584 = VD-16 : H-6346). Cet exemplaire appartenait à Rhenanus. 166 H, Lettre 97 : « Hutten a publié le Phalarismus contre le duc de Wurtemberg, dialogue très élégant, de même, un autre dialogue qu’il a intitulé Febris, dans lequel il fait un portrait remarquable du cardinal de Saint-Sixte qui fut légat auprès de l’empereur : il était venu en Allemagne afin de (c’est en effet ainsi que s’exprime Hutten) collecter l’argent pour la guerre contre les Turcs, pour que ces Romanistes de malheur le dépensent etc. Il a aussi publié d’autres choses à l’intention de Léon X, lui le plus audacieux de tous les mortels. » Voir ce que dit Hutten à la Fièvre dans Febris Dialogus Huttenicus « La Fièvre, dialogue de Hutten » : Agit ibi magno cum comitatu Cardinalis S. Sixti, Roma huc profectus, pecuniam a nobis vt petat, in bellum contra Turcas quam insumant Romanenses isti, magno iterum apparatu expeditionem mouentes periti bellatores, obnoxium tibi genus. « Le cardinal de Saint-Sixte vit ici au milieu d’une grande cour ; il est venu ici de Rome afin de nous demander de l’argent pour la guerre contre les Turcs, pour qu’il soit dépensé par ces Romanistes de malheur, batailleurs experts à mettre de nouveau sur pied une expédition en grande pompe, espèce à ta merci. » VD-16 : H-6333 urn:nbn: de:gbv:3:1-296081 [Leipzig, Valentin Schumann] février 1519, f. A [i] v°. Au début de la Febris, Hutten conseille à la Fièvre de s’installer chez son voisin le cardinal Cajetan, qui couche dans la pourpre, mange dans de la vaisselle en argent et boit dans de l’or, dont le train de vie est tel qu’aucun Allemand ne peut plus prétendre posséder de palais.

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Notula secunda, Notula tertia167. Le colophon, tout à fait original dans l’imprimerie de Lazare Schürer, annonce sans ambiguité le camp choisi par l’officine, celui de Luther : EXCVSVS EST LIBELlus iste, sane utilis omnibus Christifidelibus, apud inclytam ASIÆ ciuitatem LACTOPHAGAM, ubi plures uigent LVTHERANI. Anno post Christum natum. M. D. XXVI168.

J. Benzing169 a montré que la date est fantaisiste : l’ouvrage a été publié avant le 13 janvier 1521, date de la lettre de Basile Amerbach à son frère Boniface, dans laquelle il évoque la parution de ce texte. En 1525/1526, la publication de ce texte n’aurait plus présenté aucun intérêt. Par son contenu et son esprit, il participe, explique J. Benzing, de l’atmosphère de pré-réforme qui règne à Sélestat en 1520, dont Wimpheling serait l’animateur170. Le texte a ensuite été édité en allemand171 [à Sélestat, par Nicolas Küffer, en 1521], avec le colophon suivant : Gedruckt zu Schnerszheym an dem Kochersberg. in dem iar. M.D. XXVI. « Imprimé à Schnersheim dans le Kochersberg en 1526. » Même millésime, fantaisiste, 1526, qui tend aussi à prouver que la date du colophon latin n’est pas une erreur172. Le choix du lieu 167 Le texte (VD-16 : L-167) est suivi d’un « Appendice des très saints Bernard et Bonaventure théologiens, et du plus érudit de tous, Albert le Grand, que Thomas d’Aquin, venant de loin, choisit comme précepteur. » aux ff. C ij v°- C iij r°. 168 Au f. C iij v° : « Ce petit livre, vraiment utile à tous les fidèles-du-Christ, a été imprimé dans l’illustre cité d’Asie, Lactophaga, où prospèrent un très grand nombre de Luthériens, l’an 1526 après la naissance du Christ. » Pour Lactophaga, voir 1 Co 3, 2 : lac vobis potum dedi, non escam : nondum enim poteratis : sed nec nunc quidem potestis : adhuc enim carnales estis. Epistula Pauli ad Corinthios I, Vulgate de Jérôme de Stridon. « C’est du lait que je vous ai donné à boire, non une nourriture solide ; vous ne pouviez encore la supporter. Mais vous ne le pouvez pas davantage à présent, car vous êtes encore charnels. » 169 Benzing, Nikolaus Küffer : „Lamentationes Germanicae nationis in ihrem Tenor und ihrer Geisteshaltung ganz in die vorreformatorische Atmosphäre Schlettstadts der Zeit vor 1520 hinein, wo Jakob Wimpfeling in seinem Eifer um die kirchlichen Verhältnisse eine fast feindliche Stellung gegen die geistliche Hierarchie bezogen hatte. Für die Jahre 1525 oder 1526 wären die Lamentationes ohne jedes aktuelle Interesse“ (Nous avons ajouté les italiques). 170 Leif Grane explique (Grane, Martinus noster p. 219) que les Lamentationes vont bien plus loin que les Grauamina Germanicae Nationis, puisque leur auteur rejette la soumission de l’empereur et de l’Eglise allemande au pape, et refuse l’autorité du pape en matière de théologie. 171 VD-16 : L-170 Beclagung Tütscher Nation. [Schlettstadt, Nikolaus Küffer, 1521]. 172 La présentation choisie par l’imprimeur pour le millésime qui met en valeur les chiffres « XXVI » ne laisse pas place au doute.

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d’impression souligne la tonalité satirique et polémique des propos. Charles Schmidt173 explique que « Schnersheim », réel village du Kochersberg, en Alsace, avait déjà été choisi comme lieu d’expédition par l’auteur réel et anonyme de la lettre fictive adressée par Jean Schweinfurt à Ortwin Gratius, dans le second recueil des « Lettres de Hommes obscurs » de 1517. Lettre174 qui dénonce Jacques Wimpheling comme Reuchliniste et l’accuse lui et ses disciples d’être ennemis des moines, les cucullati, et qui est écrite par quelqu’un qui connaît bien les savants humanistes strasbourgeois et sélestadiens. [44] Qui a rédigé ce colophon en latin ? Qui, à Sélestat, s’affiche ouvertement comme « luthérien » ? Nous connaissons les sympathies de Spiegel et de Rhenanus pour Hutten, mais celui qui se déclarera, dans l’officine, fortement et clairement en faveur de Luther contre Rome est le curé Paul Phrygio : il franchira un pas supplémentaire dans la critique de l’Eglise romaine, puisqu’il lancera un appel à la révolte. Paul Phrygio [45] Il est à l’origine175 de la publication de l’ouvrage de Nicolas de Clamanges, De corrupto ecclesiae statu « De l’état corrompu de l’Eglise176 ». L’imprimerie de Lazare Schürer en a donné deux 173 Schmidt, HLA 1, p. 90-91 : « Les paysans de cette contrée avaient à cette

époque la réputation d’une grossièreté qui était devenue proverbiale ; mais ils n’étaient pas seulement grossiers, ils étaient très caustiques et prompts à la riposte. » et n. 234 : « En 1526 parut un pamphlet : Beclagung Tütscher Nation. Gedruckt zu Schnerszheym an dem Kochersberg. in dem iar. M.D. XXVI. C’est, sous la forme d’un commentaire de quelques passages de Jérémie, un manifeste très véhément contre la cour de Rome. Les plaintes au sujet des courtisans, des cumulards, etc., rappellent celles de Wimpfeling, mais en même temps l’auteur se déclare pour Luther. L’extrême grossièreté de certaines expressions justifie le choix du village du Kochersberg comme lieu d’impression. » 174 Voir Hutten, Lettres des hommes obscurs, Saladin, Volume II, Lettre 63, p. 626-637. La lettre est datée de « la place forte impériale de Schnersheim » Datum in Oppido Imperiali Suerβheim. 175 Benzing, Répertoire bibliographique, p. 93, n° 2 en 1519. « Publié par Paul Phrygio. » 176 Ce pamphlet fut imprimé une première fois à Cologne chez Johann Koelhoff en 1483 sous le titre De viciis ministrorum Ecclesiae (dans une édition des œuvres de Jean de Gerson) ; c’est sous la plume de Jean Trithème en 1494 qu’il apparaît sous le titre De corrupto Ecclesiae statu (dans le Liber de Scriptoribus ecclesiasticis, dont un extrait consacré à l’auteur se trouve au verso de la page de titre dans les deux éditions sélestadiennes). En 1494, il est publié à Bâle par Amerbach, en 1495 à Mayence. Vers [1520], [Andreas Cratander à Bâle] publie

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éditions (Annexe 2, n° 07 et n° 39), accompagnées toutes deux d’un court avis « A. Moventius au lecteur » A. MOVENTIVS LECTORI177, qui laisse entendre que la décroissance de la piété est proportionnelle à la croissance de l’Eglise178. Les deux éditions publient aussi une « Lettre d’Eubulus Cordatus à Montesius » Eubulus Cordatus. Montesio suo. S.D., datée de Rome179, le 1er juillet 1519. Eubulus Cordatus envoie de Rome à son correspondant le traité de Nicolas de Clamanges, qu’il a trouvé à la Bibliothèque Vaticane180. Ce livre, ditil, prouve que la situation de l’Eglise romaine et les plaintes contre la Curie ne sont pas nouvelles : sed non esse nouam hanc querelam libellus Nicolai de Clemangis, […] testatur181. Il évoque les pontificats d’Alexandre VI et de Jules II qui, par l’invention de nouvelles prébendes, firent plus les « affaires du fisc que du Christ » magis fisci quam Christi rem agentibus, celui de Léon X, qui, espère-t-il, éliminera la théologie scolastique et réhabilitera celle de s. Paul et de l’Evangile. C’est un théologien qui s’exprime :

d’autres textes de Nicolas de Clamanges (VD-16 : N-1529). Voir Coville, Traité de la ruine de l’Eglise. Beatus Rhenanus possédait un exemplaire du recueil imprimé [à Bâle par Cratander] BHS K 909m /WJ n° 985. 177 En [1520] (VD-16 : N-1526), l’imprimeur écrit « A. MOVENTIVS », en [1521] (VD-16 : N-1527), « A. MONENTIVS ». L’emploi des majuscules exclut la coquille : il y a donc correction ou « rappel ». En effet le pseudonyme Monentius a été créé à partir du verbe moneo, qui signifie « remettre en mémoire, avertir, engager à, instruire », Mouentius est formé sur le verbe moveo, « agiter, pousser à faire quelque chose, influencer ». Tout un programme. 178 Au f. [A i] r° : Docebit hic te liber quibus rationibus res ecclesiastica creuerit, & decreuerit pietas. « Ce livre t’apprendra quelles sont les raisons de la croissance de l’Eglise et de la décroissance de la piété. » 179 Le second des « Deux discours sur la dîme » existe aussi sous la forme d’une lettre écrite depuis Rome. Voir Böcking, Drei Abhandlungen, p. 26. 180 [libellus] Quem e uaticana mutuatum bibliotheca ad te mitto, una cum uersiculis rithmo constantibus, quos ex altero quodam codice mirandæ uetustatis desumpsimus. « [L’opuscule] emprunté à la Bibliothèque vaticane que je t’envoie ainsi que les petits vers rythmés que j’ai prélevés dans un autre codex d’une étonnante antiquité ». Les « petits vers qui se tiennent par le rythme » consistent en 56 tercets qui prouvent que les attaques contre la Curie romaine ne sont pas chose récente, Rithmi e uetusto quodam codice descripti, Romanum quendam aduocatum cognomento le Franco taxantes, ut appareat etiam ueteres in Romanam curiam scripsisse. « Les vers rythmés que j’ai recopiés dans un antique codex, qui blâment un avocat romain surnommé le Français, afin qu’on voie que les anciens aussi ont écrit contre la curie romaine. » 181 « Mais que cette plainte n’est pas neuve, le livre de Nicolas de Clamanges […] l’atteste. »

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9. Marie-Odile Burckel Primum ut Aluaros, syluestros, & quicquid est summularum & summulariorum182 prorsus aboleat, quod per istos mundus seducatur non ubique Euangelium183 aut Paulum secutos. Deinde, ut edicat ne posthac uel Scoto uel Thomę, uel cuiquam sententiariorum fidatur, nisi sacræ scripturę testimonijs agenti, non autem rationibus Physicis aut Metaphysicis, […] Postremo consulunt ut iussu pontificis Decretales ad Euangelium & Pauli doctrinam conferantur per aliquos bonos uiros, qui non syllogismos sed Christum habeant in pectore184.

Pour Leif Grane185, rien de neuf dans cette critique de la papauté et de la théologie scolastique, mais le ton est beaucoup plus dur, l’insistance sur l’Evangile et s. Paul remarquable et les souhaits concernant les Décrétales dans la droite ligne de la Disputation de Leipzig. [46] La seconde édition du traité186 est complétée par une courte « Prière de l’auteur pour obtenir un résultat heureux dans l’acquisition de la réforme », ORATIO AVCTORIS PRO salutifero fructu reformationis consequendę187 et par des vers « découverts à Sélestat 182 L’auteur joue sur les mots summula, summularius, que l’étymologie du mot « sommelier » rendrait assez bien : « conducteur de bêtes de somme ». Du Cange donne pour summularius le sens de « sommelier », « échanson », « officier chargé de la garde et du transport des bagages ». Pour le jeu de mots sur summulae, « petites sommes » et summularii, voir Hirstein, “Capito”. James Hirstein, qui cite l’emploi du mot summularius par Beatus Rhenanus (“Capito”, p. 39) dans une lettre à Zwingli, évoque d’autres sens proposés par Hoven, Lexique, p. 353-4 « summularius a driver of baggage animals » ou simplement « auteur d’une petite somme » (“Capito”, p. 3031, n. 58). Il souligne aussi le jeu de mots sur summa/somnium « somme/songe » qui se trouve, attribué à Capito, dans l’avis Ad candidos theologos, « Aux théologiens sincères » qui ouvre le recueil d’œuvres de Luther publié chez Froben en octobre 1518 et repris par Matthias Schürer en 1519 (“Capito”, p. 39). Lieu commun donc de la critique de la scolastique. 183 En 1520, nous lisons auengelium. En [1521] le texte est corrigé en Euangelium, d’où notre correction. 184 Au f. A ij r°-v° : « (qu’ils veillent) D’abord à ce que [le pape] élimine totalement les Alvaro, Silvestro, et tout ce qui ressortit aux Petites Sommes et aux faiseurs de Petites Sommes, parce que c’est par ces hommes qui n’ont suivi nulle part l’Évangile ou Paul que le monde est corrompu. Ensuite à ce qu’il ordonne de ne pas faire confiance désormais ou à Scot ou à Thomas ou à aucun des sententiaires, à moins qu’ils n’apportent le témoignage de la Sainte Ecriture et non les raisons de la physique ou de la métaphysique, […] Qu’ils veillent enfin à ce que, sur ordre du pape, les décrétales soient comparées au jugement de l’Évangile et à la doctrine de Paul par des hommes de bien qui aient dans le cœur non les syllogismes mais le Christ ». 185 Grane, Martinus noster, p. 183-185. 186 Ouvrage publié selon le VD-16 [à Sélestat vers 1521], selon J. Benzing, sans doute à cause de la date de la lettre (1er juillet 1519), en [1519]. 187 Au f. F [iv] v°.

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dans la bibliothèque de Saint-Jean188 » Selestadij in bibliotheca diui Ioannis, qui s’achèvent par un poème intitulé « Contre la Ville de Rome » IN VRBEM ROMAM., vers publiés sans nom d’auteur189. Qui se cache sous les noms d’A. Monentius/Moventius, d’Eubulus Cordatus, de Montesius ? Qui est l’auteur anonyme des vers trouvés à Sélestat ? La tentation est (très) grande d’associer au moins les deux premiers à Constantius Eubulus Moventinus, pseudonyme de Paul Phrygio190. En tout cas, la publication de l’ouvrage de Nicolas de Clamanges en 1519/ 1520 permet aux partisans d’une réforme de l’Eglise de s’inscrire dans un mouvement ancien et reconnu. Et non de têtes brûlées. [47] En janvier 1520, Phrygio avait fait paraître à Haguenau chez Thomas Anshelm le De Ecclesia « Sur l’Eglise » de Jean Hus, sous le titre De causa Boemica « Sur l’affaire de Bohême191 ». Une publication 188 Il s’agit de la Commanderie des chevaliers, puis des Frères Hospitaliers de l’Ordre de Saint-Jean fondée en 1265. Voir Adam, HRS, 1, p. 222-235. Pour la bibliothèque, voir p. 234-235. Les frères jouissaient d’une excellente réputation de piété et entretinrent de bonnes relations avec le clergé paroissial. Jean Ruser et Jean Burler furent vicaires du recteur Martin Ergersheim. « A certains jours de fête, le prieur semble avoir invité le clergé paroissial à des agapes fraternelles. Dans le Coutumier de Saint-Jean, on trouve la notice suivante : ‘le 23 juillet [1519 ou 1520], dimanche avant la Saint-Jacques, nous avons invité Dr Paulus (= Paul Phrygio, recteur), maître Jean Witz (= Sapidus, maître de l’Ecole humaniste), Caspar Westermann (chapelain)’ et plusieurs autres prêtres. » (p. 237). Enfin la Commanderie possédait une école latine (p. 238-239). 189 Aux ff. H ij r°-H [v] r°: QVERVLA CVIVSDAM SAcerdotis ut uocant, curati, de monachis qui sacerdotium illius cœnobio suo uolebant unire, quod uulgo dicunt incorporare, zu gutem tütsch beschroten. Poterit autem placere hoc Carmen ob simplicitatem antiquitatis istius, a bonis literis alienæ. Autoris nomen non erat adscriptum. Repertum est Selestadij in bibliotheca diui Ioannis. « Plainte d’un prêtre, curé, comme on dit, au sujet des moines qui voulaient unir (ce que l’on appelle, en langue du peuple, incorporer, et en bon allemand, rogner) son bénéfice sacerdotal à leur monastère. Or ce poème pourra plaire pour la simplicité de son antiquité étrangère aux bonnes lettres. Le nom de l’auteur n’avait pas été inscrit. Le poème a été découvert à Sélestat dans la bibliothèque de Saint-Jean. ». Et au f. H [v] r°-v°: IN VRBEM ROMAM. 190 Ndba, « Paul Phrygio », (Jean Rott), p. 3008-3009. 191 DE CAVSA BOEMICA. [Haguenau, Thomas Anshelm, 1520] (VD-16 : H6174). Beatus Rhenanus possédait un exemplaire de cette édition (BHS K 1158m / WJ n° 1568). Voir, pour toutes les informations concernant cette publication, Roloff, „Funktion von Hus-Texten“. Hans-Gert Roloff précise que « l’explicit semble avoir été imprimé en suivant le texte manuscrit : il donne comme auteur Hus, qui a publié le texte à Prague en 1413. » L’ouvrage qui comporte 23 chapitres, s’ouvre sur un index alphabétique des sujets, Materiarum Index, qui facilite et oriente la lecture et montre que la question centrale n’est plus l’argent, comme dans l’ouvrage de Nicolas de Clamanges, mais l’autorité du pape.

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qui, elle, sentait le soufre. Sur la page de titre, sous le nom de Paulus Constantius, pseudonyme de Paul Phrygio, est imprimé un très court texte où nous lisons que la condamnation des Hussites au concile de Constance est remise en cause par un certain nombre de personnes, et que, grâce au De ecclesia visiblement écrit par des savants, le monde entier verra pour quelle raison ils ont été condamnés, permettant à l’Eglise romaine et au concile de garder la plénitude de leur autorité192. Le lecteur se voit apostropher : on lui demande de lire l’ouvrage avec un « esprit libre » Lector, animum affer liberum193, qui rappelle la demande imprimée à la fin du recueil des œuvres de Luther publié chez Froben, LIBER. Candidum ac liberum lectorem opto194. Nous ne savons pas comment le De ecclesia, que Luther possédait, grâce à un exemplaire envoyé le 17 juillet 1519 par deux prêtres utraquistes195, est arrivé entre les mains de Paul Phrygio ou de Thomas Anshelm, vu le lieu de publication. Mais Hans-Gert Roloff rappelle que cette édition haguenovienne connut une forte diffusion et qu’en particulier Jacques Spiegel avait l’intention de l’envoyer, en avril 1520, depuis Sélestat, à Bernhard Adelmann von Adelmannsfelden196. Le nom et 192 PAVLVS CONSTANTIVS. Vulgo refragari quosdam celeberrimi Constantiensis Concilii sententiæ, qua HVSSITAE damnati sunt, constat. Quare uisum est mihi hunc ea de re in lucem edere librum ut uidetur a doctis quibusdam scriptum [.] Quo palam fiat uniuerso orbi, qua ex causa Hussitæ damnati sint, & Sanctæ Romanæ Ecclesiæ, celeberrimique Concilii illibata maneat auctoritas. « Paul Constantius. C’est un fait établi que certaines personnes ne partagent pas la décision du très célèbre concile de Constance, qui a condamné les Hussites. C’est pourquoi il m’a semblé bon de faire paraître à la lumière ce livre sur ce sujet, écrit, à ce qu’il semble, par des hommes savants. Pour qu’il soit clair pour le monde entier pour quelle raison les Hussites ont été condamnés et l’autorité de la Sainte Eglise romaine et du très célèbre concile subsiste dans son intégrité. » Hans-Gert Roloff (Roloff, „Funktion von Hus-Texten“) explique que « les lecteurs, les intellectuels de l’époque, avaient certainement en tête les arguments tirés de cette affaire, utilisés par Luther lors de la Disputation de Leipzig. » 193 Lector animum affer liberum, ronchos, supercilium & rugas ablega ad Hæreticorum Inquisitores. « Lecteur, apporte un esprit libre ; ronchonnements, air sourcilleux et rides, laisse-les aux inquisiteurs des hérétiques. » 194 Voir la note 85. 195 De son côté, Léon E. Halkin (Halkin, Erasme, p. 203-204) évoque un « épisode peu connu » de la vie d’Erasme, sa rencontre avec deux hussites à Anvers en 1519, « qui lui remettent un exposé apologétique de leur foi, imprimé en latin quelques années auparavant ». Mais Erasme « ne peut leur donner son approbation ». 196 Dans Roloff, „Funktion von Hus-Texten“ : « c’est ainsi que le neveu de Wimpfeling, Jacob Spiegel, envoie de Sélestat ce texte comme une nouveauté à Bernhard Adelmann von Adelmannsfelden ; ce dernier s’en ouvre à Willibald

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l’exemple de Hus sont utilisés dans les impressions faites à Sélestat uniquement dans le corps du texte Ars et modus inquirendi et damnandi quoscumque hereticos secundum consuetudinem Romanae curiae, dont nous parlerons ci-dessous. [48] Mais revenons à Sélestat où Lazare Schürer publie, de Paul Phrygio, sous le nom de Constantius Eubulus Moventinus197, l’Oratio Constantii Eubuli Mouentini, de uirtute Clauium & Bulla condemnationis Leonis decimi contra Martinum Lutherum. Ad inuictiss[imum] & serenissimum Romanorum Imperatorem, & Hispaniarum Regem Carolum, ac Principes Germaniæ198 (Annexe 2, n° 35). Il s’agit du texte le plus virulent publié à Sélestat199. Il suffit de lire l’avis final PIIS CHRISTIANIS « Aux pieux Chrétiens » pour saisir la violence du ton et du propos. C’est un appel à l’insurrection, une déclaration de guerre. Voici ce que Phrygio dit : His igitur inquam occurrendum est Antilutheranis […] Ex quibus præcipuus omnium est Leo ille rugiens, qui minis, fulmineque suo nos deterrere uult […] In hunc igitur Lenonem, seu Leonem, spicula acuite uestra, omnes docti, ac sane mentis uiri, quo uicto ac prostrato, eo facilius furiosum hunc & insanum Theologistam MVRNAR […] queamus prosternere […] uiri GERMANI, […] ad vos spectat, ut periculum faciatis aliquando in his MVRNARIS, ECCIIS, HOCHSTRATIS, & alijs his monstris similibus, qui inter nos hic habitant, sic tandem respondebunt facta uestra eorum uerbis aut scriptis, ne frustra uideatur tandiu rogitasse, inuocasse, desiderasse, Germanos, HVTTENVS nobilissimus ac consumatissimus Theologus MARTINVS Lutherus, Pro quo Luthero nobis cœlitus misso, gratiam habeamus Seruatori nostro IESV CHRISTO. OMNES IN CHRISTO

Pirckheimer (le 28 avril 1520) : Scripsit hisce diebus ad nos Spiegelius ex Scelestadia brevi se ad nos missurum esse Joannis Hus de ecclesia librum… » 197 Knod, ADB, Paulus Constantinus Phrygio, Sidensticker, Kostentzer, Costenzer. „Wie die Mehrzahl der Schlettstadter Gelehrten von vornherein reformfreundlich gesinnt, tritt er seit 1520 in Wort und Schrift gegen den Papismus in die Schranken und weiß der neuen Lehre bald zahlreiche Anhänger in seiner Gemeinde zu gewinnen. … auch als Verfasser der anonymen Flugschrift: „Oratio Constantini Eubuli Moventini de virtute clavium“ s. l. e. a. [1529 (sic)] 4°. 13 Bl. zu nennen.“ Nous savons que Spiegel « dénonça » au nonce Aléandre son compatriote Phrygio comme auteur de ce texte. Voir Grane, Martinus noster, p. 160, en particulier la n. 62. 198 « Discours sur le pouvoir des clefs et sur la bulle de condamnation de Léon X contre Martin Luther, à l’intention du Toujours invaincu et sérénissime empereur des Romains et roi des Espagnes Charles, et des princes d’Allemagne. » 199 « fulgurante diatribe », selon F. Ritter (Ritter, HIA, p. 421).

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9. Marie-Odile Burckel CVM LVTHERO. FINIS200. » (Aux ff. C [v] v°- C [vi] r° : sur la seconde page, la fin du texte a la forme d’un « X »).

La discussion théologique201 de la première partie du libelle n’a plus lieu d’être. Le prêtre Paul Phrygio rompt officiellement avec la sainte Eglise catholique romaine. Les hommes à abattre sont nommés, les « Murner, Eck, Hochstraten et autres êtres semblables à ces monstres », ainsi que les nouveaux héros (liés par un chiasme), « le très noble Hutten et Martin Luther le très parfait théologien202», sous la bannière duquel il appelle les chrétiens pieux à se ranger : « Tous dans le Christ 200 « C’est donc contre ces Antiluthériens qu’il nous faut marcher […] Au premier rang desquels il y a ce fameux Lion rugissant, qui par ses menaces et ses fulminations veut nous contraindre […] Donc, contre ce Père maquereau ou Lion [jeu de mots sur leno /leo], affûtez vos traits, vous les savants et hommes parfaitement sains d’esprit, pour que, après l’avoir vaincu et mis à genoux, nous puissions plus facilement mettre à genoux ce fou furieux et insane théologiste Murner […] Messieurs les Allemands, […] il est de votre ressort de mettre une bonne fois à l’épreuve ces Murner, Eck, Hochstratus, et autres monstres qui leur ressemblent, qui habitent ici parmi nous. Ainsi enfin vos actes répondront à leurs paroles et à leurs écrits, pour que le si noble Hutten et Martin Luther le si parfait théologien n’aient pas l’air d’avoir, pendant si longtemps, sollicité sans cesse, invoqué, attendu les Allemands, en vain. Luther, que le ciel nous a envoyé et pour qui nous devons rendre grâce à notre sauveur Jésus Christ. Tous dans le Christ avec Luther. Fin. » 201 Contrairement au texte de Nicolas de Clamanges qui, selon Alfred Coville (Coville, Traité de la ruine de l’Eglise), « n’attaque ni la personne du pape ni la doctrine de l’Eglise, mais les exigences et les dérives financières de la Chambre Apostolique », la première partie de l’Oratio, sermon ou harangue, de Phrygio est une attaque contre la papauté en tant qu’institution, une démonstration du détournement du sens et de l’usage du pouvoir des clefs donné à s. Pierre ; la seconde partie (à partir du f. B [iv] v°) qui attaque la personne du pape Léon X et la bulle fulminée contre Luther, bascule dans le pamphlet ; elle est rythmée par la répétition des formules Causa dei est « La cause de Dieu, c’est… » et Exurge igitur o domine & iudica causam tuam. « Lève-toi donc, ô Seigneur, et juge ta cause. » La vigne du Seigneur est menacée par les renards (ecce uulpes surrexerunt, « voici que les renards ont surgi »), le sanglier Du Bois/Sylvestre [Prierias] et le cruel Lion/Léon, Exterminare nititur uineam tuam Aper de sylua, & singularis ferus Leo inquam depasci eam. « Le sanglier Du Bois s’efforce de détruire ta vigne et le Lion solitaire et cruel de la dévorer, je l’affirme. » Phrygio reprend les formules de la bulle papale du 15 juin 1520 : Exurge domine, & iudica causam tuam…quoniam surrexerunt vulpes quærentes demoliri vineam…exterminare nititur eam aper de silua, & singularis ferus depascitur eam. 202 Leif Grane explique (Grane, Martinus noster, p. 255) que si Phrygio se situe dans la droite ligne de la théologie de Luther, il semble suivre Hutten, dont Strasbourg publiait activement les écrits, dans sa description de la corruption romaine.

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avec Luther. » Phrygio brandit l’étendard d’une nouvelle croisade (Les Turcs se trouvent bien à Rome !). [49] Aux deux adversaires omniprésents dans l’officine sélestadienne, Eck et Hochstraten, s’ajoute un nouveau venu, Thomas Murner203. Nous sommes donc à la toute fin de l’année 1520, puisque le franciscain strasbourgeois204 ne s’est opposé à Luther que durant les deux derniers mois de l’année. « L’action antiluthérienne de Murner ne passa pas inaperçue, écrit Marc Lienhard205. L’anonymat des premiers écrits fut rapidement percé à Strasbourg (notamment par Bucer). » [50] Si nous rapprochons cet « Avis aux chrétiens pieux », Piis Christianis de l’« Avis aux théologiens sincères » Ad candidos theologos qui ouvrait l’édition de Bâle des œuvres de Luther, repris à Strasbourg par Matthias Schürer, nous mesurons le chemin parcouru. En octobre 1518, Wolfgang Capito appelait les seuls théologiens à un réveil. Le chartreux Otto Brunfels l’avait parfaitement entendu. Fin 1520 ou début 1521, Paul Phrygio adresse son appel à l’ensemble du peuple chrétien, et ne seront véritablement pieux que ceux qui prendront les armes, qui suivront Luther. Un clivage se produit dans la chrétienté. Et Léon X, loin de répondre aux attentes formulées dans la lettre d’Eubulus Cordatus, se transforme en prédateur. [51] La Bibliothèque Humaniste de Sélestat possède un exemplaire de l’ouvrage (BHS K 824i /WJ n° 1295, numérisé), sur la page de titre duquel nous pouvons lire la dédicace manuscrite suivante : Beato Rhenano P. P. Do : D :, dont nous développons les abréviations ainsi Beato Rhenano P[aulus] P[hrygio] D[on]o: D[edit], « Paul Phrygio a fait don [de ce livre] à Beatus Rhenanus ». Or cet exemplaire présente une différence remarquable par rapport aux deux exemplaires numérisés dans le VD-16 : l’avis final n’est pas adressé « Aux Pieux 203 Sauf erreur de notre part, le nom de Murner apparaît ici pour la première et la dernière fois dans l’officine de Lazare Schürer. 204 Voir Lienhard, « Pamphlets anti-luthériens de Thomas Murner », p. 98 : « Murner s’était aventuré sur ce terrain dès 1520. Au cours des deux derniers mois de l’année il a fait paraître sans nom d’auteur quatre pamphlets : Eine Christliche und briederliche ermahnung « Avertissement chrétien et fraternel » (11 nov. 1520) Von Doctor Martinus luters leren und predigen (24 nov. 1520) Von dem bapstenthum, das ist von der höchsten oberkeyt Christlichs glauben (13 déc. 1520) An den Groszmechtigsten und Durchlüchtigsten adel tütscher nation (25 déc. 1520). » Nous avons corrigé la date de « 13 nov. 1520 » de Lienhard en « 13 déc. 1520 », voir Bucer, Corr., 1, p. 124, n. 8. 205 Lienhard, « Pamphlets anti-luthériens de Thomas Murner », p. 99.

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Chrétiens206 » mais « Aux Pieux Luthériens » PIIS LVTHERANIS207. Le reste du texte semble identique, à une exception typographique près. Il y a donc eu deux impressions, dont ne nous connaissons pas les motifs, mais Beatus Rhenanus a bénéficié de celle qui s’adresse aux adeptes des idées de Martin Luther. En offrant à Beatus Rhenanus l’ouvrage doté de cette adresse « Aux pieux Luthériens », qui, aux oreilles de certains, devait passer pour le comble de l’oxymore voire un blasphème, Paul Phrygio et Lazare Schürer reconnaissaient sa pleine appartenance au camp luthérien. [52] Beatus Rhenanus possédait cinq autres ouvrages imprimés par Lazare Schürer : Condemnatio doctrinalis librorum Martini Lutheri, per quosdam Magistros Louanienses & Colonienses facta.208 (BHS K 148 /WJ n° 1009) ; Eccius dedolatus209 (BHS K 916i /WJ n° 1047) ; Dialogus sanequam festiuus bilinguium ac trilinguium, siue de funere Calliopes210 (BHS K 1149e /WJ n° 1016) ; Epistola de magistris nostris Louaniensibus211 (BHS K 817k/ WJ n° 1147), Epistola nuper ex urbe missa ad Hermannum Comitem de noua Aquila212 (BHS K 991m/ WJ n° 2109). Beatus Rhenanus [53] Sa Correspondance nous apprend qu’il est à l’origine d’au moins quatre publications sélestadiennes et qu’une cinquième lui tient assez à cœur pour qu’il l’envoie à Boniface Amerbach. [54] 1 [Crotus Rubeanus]213, Ars et modus inquirendi et damnandi quoscumque hereticos secundum consuetudinem Romanae curiae, 206 VD-16 : E-4120 urn:nbn:de:bvb:12-bsb10861970-1 ; urn:nbn:de:bvb:12bsb10167592-7. 207 BHS KO824, f. [C v] v°, scan 477. 208 « Condamnation doctrinale des livres de Martin Luther faite par certains maîtres de Louvain et de Cologne », voir Annexe 2, n° 15. 209 « Eck étrillé/Le Coin raboté », voir Annexe 2, n° 30. 210 « De l’érudit jeune homme Conrad [Nesen] de Nastätten, Allemand, Dialogue parfaitement enjoué des bifides et des trilingues, ou Sur les funérailles de Calliope. » Joseph Walter note « Edition différente des suivantes [= celles de Bâle] », sans l’attribuer à Lazare Schürer à Sélestat. Voir Annexe 2, n° 08 pour le titre donné par Josef Benzing. Nous avons emprunté à J.-C. Saladin sa traduction du terme bilinguium. Voir Nesen, « Funérailles de la Muse », Saladin, et ci-dessous. 211 « Epître sur les Notres maîtres de Louvain », voir Annexe 2, n° 32. 212 « Epître envoyée récemment de Rome à Hermann comte de Neuenahr », voir Annexe 2, n° 33. 213 Premier texte attribué à J. Crotus Rubeanus, co-auteur des Epistolae obscurorum uirorum, « Lettres des hommes obscurs », selon la notice de la BnF

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« L’art et la manière d’interroger et de condamner n’importe quels hérétiques suivant la coutume de la curie romaine214. » (Annexe 2 n° 04) L’ouvrage215 est une parodie de traité qui aurait pu être soustitré « Comment devenir un parfait inquisiteur en dix leçons ». Les conclusions sont tout à fait délirantes : même s. Paul était hérétique, et s’il n’a pas été convaincu d’hérésie, c’est que l’Inquisition n’existait pas ! Si « Jean Hus et Jérôme [de Prague] ont été soumis à examen correctement et dans les règles de l’art », Jean Reuchlin ne l’a pas été, qui aurait mérité d’être brûlé avec ses livres. Enfin il existe « certains nouveaux hérétiques, dans une certaine nouvelle Université que je ne veux pas nommer » qui, espère l’auteur, seront interrogés dans les règles de l’art216. Allusion sans doute à Luther et à l’Université de Wittenberg217. [55] La correspondance conserve une lettre de Beatus Rhenanus, datée de Sélestat [en 1519], qui recommande à Wolfgang Capito de rester discret sur le lieu d’impression du traité :

http://bp16.bnf.fr/ark:/12148/cb41876658v/. Voir aussi Capito, Corr. 1, Rummel & Kooistra, p. 71 et 72, Lettre 35. Leif Grane (Grane, Martinus noster, p. 179) fait état d’une lettre de Luther à Spalatin, dans laquelle il exprime son souhait d’envoyer le livre à Crotus en Italie. 214 ARS ET MODVS INQVIrendi & damnandi quoscumque hęreticos secundum consuetudinem Romanæ curiæ, omnibus fidelibus pręsertim hæreticæ prauitatis inquisitoribus scitu dignissimus, a solenni quodam Magistro Nostro Fratre ordinis prædicatorum compositus. « Art et manière d’interroger et de condamner les hérétiques quels qu’ils soient, suivant la coutume de la curie romaine, qui méritent au plus haut point d’être connus de tous les fidèles, surtout des inquisiteurs de la dépravation hérétique, composés par un certain Notre Maître ordinaire, frère de l’ordre des prêcheurs. » 215 Voir Grane, Martinus noster, p. 179-183. Cette publication marque, selon Grane, le passage de Sélestat du combat contre les chasseurs de prébendes représenté par Jacques Wimpheling au combat contre les théologiens scolastiques, lié à la présence de Phrygio, mais surtout au retour de Rhenanus et à l’installation de Lazare Schürer. 216 Au f. B iij r° : Ioannes Hus & Hieronymus recte & artificialiter fuerunt examinati […] non solum libri, sed etiam ipse [= Reuchlin] fuisset combustus. […] quidam noui hæretici in quadam uniuersitate noua, quam nolo nominare, quos spero iuxta practicam huius artis examinandos. 217 Créée en octobre 1502. Voir les félicitations adressées par J. Wimpheling au prince électeur Frédéric de Saxe pour la création de l’Université, quia nouum in ciuitate tua Witenbergensi gymnasium erexisti, dans l’Epître dédicatoire pour Lupoldus Bebenburgensis De iuribus et translatione imperii, Strasbourg, Matthias Schürer, juillet 1508. (Wimpfeling Briefwechsel, Herding & Mertens, Lettre 243, datée de Strasbourg, le 1er juin 1508).

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9. Marie-Odile Burckel De arte inquirendi cave cuiquam dicas, ubi sit excusa, nam nolim iuvenem istum periculo exponi, et libellus est paulo odiosior, quam qui facile ferri possit ab arrogantibus monachis218.

Qui est « ce jeune homme, ton jeune homme, le jeune homme que tu connais » iuvenem istum qui serait mis en danger par la divulgation du lieu d’impression ? S’agit-il de l’auteur ? De l’imprimeur ? De Rhenanus ? A défaut de réponse, nous pouvons peut-être déduire de cette mise en garde que Rhenanus n’est pas étranger à cette publication sulfureuse à Sélestat219. [56] Dans son ancien cahier d’étudiant, Beatus Rhenanus a laissé le brouillon d’une lettre, également datée de [1519], adressée à Pierre Gilles220, qui devait accompagner l’envoi de cet ouvrage. Rhenanus s’indigne d’abord, tout en ironie et en antiphrase, de l’audace des auteurs qui imitent le « Dialogue221 de Jules, privé de paradis222 ! » et 218 H, Lettre 420, p. 562 : « A propos de L’Art d’interroger, veille à ne dire à personne où il a été imprimé, car je ne voudrais pas que ce jeune homme que tu connais fût mis en danger, et cet opuscule est un peu trop odieux pour pouvoir être facilement supporté par les moines arrogants. » 219 Le texte fut également publié à [Augsbourg, chez Sigmund Grimm et Marx Wirsung] en 1519 (VD-16 : A-3802); à [Haguenau, chez Thomas Anshelm, en 1519] (VD-16 : A-3803) et à [Leipzig, chez Melchior Lotter l’Ancien, vers 1520] (VD-16 : A-3804), dans une version plus développée, parfois plus précise, et légèrement différente dans sa rédaction et sa présentation. Le texte sélestadien est le plus court ; il ne comporte pas l’Epître dédicatoire (prétendument) adressée par le frère Longumenus à ses maîtres, Sylvestre Prierias et Jacob Hochstraten. 220 BHS, ms. 58 ; H, Lettre 426, p. 570. Pour Pierre Gilles, voir ci-dessus. 221 Scripsit superioribus annis, dum variabant cardinalitii senatus sententiae, nonnullis approbantibus Iulii bella, quibusdam detestantibus, Dialogum illum quispiam non uno dignum incendio, quem Iulii vulgo vocant, sive Faustus fuit, ut plerisque doctis videtur, sive alius aliquis. « Les années précédentes, au moment où les avis du sénat des cardinaux divergeaient, certains approuvant les guerres de Jules [II], d’autres les maudissant, quelqu’un a écrit (c’était soit Fausto [Andrelini], selon ce qui semble bon à la plupart des savants, soit quelqu’un d’autre) ce fameux Dialogue qui ne mérite pas qu’un brasier, qu’on nomme familièrement Dialogue de Jules. » Il s’agit du Dialogue IVLIVS. Dialogus viri cuiuspiam eruditissimi, festiuus sane ac elegans quomodo Iulius II. P. M. post mortem cœli fores pulsando, ab ianitore illo D. Petro intromitti nequiverit : quanquam dum uiueret, sanctissimi, atque adeo sanctitatis nomine appellatus, totque bellis feliciter gestis praeclarus, uel dominum cœli futurum se esse sperarit. « Jules. Dialogue enjoué bien sûr et élégant, écrit par un homme extrêmement érudit. Comment le Souverain Pontife Jules II, après sa mort, frappant aux portes du Ciel, n’a pu se faire admettre par l’illustre portier, Saint Pierre, bien qu’il se soit attendu à devenir même Seigneur du Ciel, lui qui avait été appelé, durant toute sa vie, très Saint et même Sa Sainteté et qui s’était distingué en menant tant de guerres heureuses. », satire dont Beatus Rhenanus possédait un exemplaire (BHS K 971d /WJ n° 1575). Nous avons repris, en la

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n’écrivent que « pures inepties, pures détractations, purs blasphèmes », les écrivent et les publient ! Il y a des gens qui pensent que les lecteurs peuvent tirer profit de ce genre de choses. Ce n’est certes pas le cas de Beatus Rhenanus ni de son correspondant Pierre Gilles qui sait avec quel respect il faut parler du pape, des cardinaux, de la religion, des théologiens223. Mais il n’y a pas de limite aux inepties : Nec ullus est ineptiendi finis. Si quidem superiori mense prodiit libellus quidam in Austria224 natus de arte examinandi damnandique haereticos certis regulis digestus, quem titulum cuidam M[agistro] N[ostro] tribuit ex sodalitio divi Dominici. Mihi subolet cuiuspiam esse, qui inquisitores et artem damnandi haereticos ridere voluerit. Quod quam fiat parum christiane, quis non videat ? Equidem si theologi istum tuendae fidei, ceu vocant, modum amiserint, quem iam aliquot saeculis observarunt, nescio, quo pacto coercituri sint quorundam petulantiam illorum placitis improbe reclamantium225. modifiant légèrement, la traduction de Sylvain Bluntz, voir Erasme, Jules, privé de paradis, Bluntz. 222 Pour la formulation du titre, voir la note précédente. 223 Deinde ad huius Dialogi imitationem quidam meras ineptias, meras detractiones, meras blasphemias scripserunt, atque non scripserunt modo, sed etiam ediderunt. Quid enim vel barbarius vel stultius vel ineptum magis pasquillo ? Quid Momo magis reprehendendum ? Et tamen non desunt, qui ex huius modi ineptiis magnam ad legentes frugem pervenire putent. Mihi longe secus videtur. Audio virulentos hosce lusus te maximopere detestari. Nam non te fugit, quam reverenter sit de pontifice et cardinalibus loquendum, quam religiose de religiosis, quam circumspecte de theologis, quorum autoritatem apud vulgum multo maximum esse noveras referre, priusquam de hac re Erasmum moneret Dorpius. « Ensuite, en imitant ce Dialogue [= Jules], certaines personnes ont écrit de pures inepties, de pures détractations, de purs blasphèmes, et elles les ont non seulement écrits mais aussi publiés. En effet quoi de plus barbare ou de plus sot ou de plus inepte que Pasquino ? Quoi de plus blâmable que Momus ? Et pourtant il ne manque pas de gens pour penser que ce genre d’inepties produit un grand bénéfice pour les lecteurs. C’est tout le contraire, à ce qu’il me semble ! J’entends dire que tu détestes au plus haut point ces jeux virulents. Car il ne t’échappe pas avec quelle révérence il faut parler du pape et des cardinaux, avec quel respect religieux des affaires religieuses, avec quelle circonspection des théologiens : tu savais qu’il était important que leur autorité auprès du petit peuple fût de loin la chose la plus grande, avant que Dorp n’en eût averti Erasme. » 224 En 1519, Sélestat est un territoire autrichien. 225 « Mais les inepties ne connaissent pas de bornes, puisque, le mois dernier a paru un opuscule, né en Autriche, recueil de règles précises Sur l’art d’interroger et de condamner les hérétiques, que le titre attribue à un Notre Maître de la confrérie de s. Dominique. Je subodore que l’auteur est quelqu’un qui a voulu tourner en dérision les inquisiteurs et l’art de condamner les hérétiques. En effet qui ne verrait

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C’est donc ce petit livre rempli d’inepties que Rhenanus envoie en cadeau226 à son correspondant, chrétien dont il sait qu’il ne les apprécie absolument pas, et agent imprimeur qui ne saurait avoir l’idée saugrenue de le réimprimer. [57] Beatus Rhenanus se livre dans cette lettre à un brillant exercice de style et nous donne un aperçu de son esprit festiuus sane ac elegans. Nous comprenons d’autant mieux la phrase de Martin Bucer Legi, quam tuo stilo nostros theologos impetiveris pupugerisque, « J’ai lu comment, avec ta plume, tu as attaqué et harcelé nos théologiens » et la note de Jean Rott227 qui la commente. S’il ne s’agit pas d’une lettre perdue de Rhenanus à Bucer, explique-t-il, cette phrase pourrait être combien cela manque d’esprit chrétien ! En tout cas à supposer que les théologiens aient abandonné cette manière, comme ils disent, de défendre la foi, à laquelle ils se sont conformés depuis déjà de nombreux siècles, je ne sais comment ils pourraient réprimer l’effronterie de certains de ceux qui protestent avec impudence contre leurs préceptes. » 226 Eum libellum ad te dono misi, non quo tibi gratum facerem, quem scio huiusmodi ineptiis non delectari, sed ut theologorum ac monachorum vicem doleas, qui dum pontifici, dum ecclesiae student, dum fidei negocium agunt, acerbissimis exagitantur conviciis, id quod sponte tua facies isti hominum generi supra modum favens ac deditus. Interim si autorem libelli cognovero, literis eum tibi prodam, ut iambos in eum iaculeris. In ipsum mei stili aciem stringam. Ipse pedestris stili aciem in illum stringere non supersedebo. Hipponactes atque Archilochi illi erimus, ille vicissim nobis Lycambes aut Bupalos. Nam si male multatus est, qui ridicula Eleusianae Cereris sacra quondam evulgavit, quid eum meritum putas, qui seria theologorum mysteria vulgo ridenda prophanat. Dabis, improbe, penas, quisquis es. Porro non opus est, ut te moneam, ne cures istic typis excudendum, quando neniis istis non faves. « Je t’ai envoyé ce petit livre en cadeau, non pour te faire plaisir, puisque je sais que ce genre d’inepties ne t’amuse pas, mais pour que tu plaignes le sort des théologiens et des moines, qui, pendant qu’ils soutiennent le pape, soutiennent l’Eglise, pendant qu’ils gèrent les affaires de la foi, sont persécutés par les invectives les plus mordantes ; tu le feras spontanément toi qui montres une sympathie sans limite pour ce genre d’hommes et leur es dévoué. Entre-temps si je découvre l’auteur du libelle, je te le livrerai par lettre, pour que tu lances contre lui tes iambes. Contre lui je dégainerai la pointe acérée de ma plume. Je ne m’abstiendrai pas de dégainer personnellement contre lui la pointe de ma prose. Nous serons ses Hipponax et Archiloque, lui inversement sera notre Lycambès ou Bupalos. En effet si l’on a cassé l’échine à celui qui autrefois a divulgué les cérémonies bouffonnes de Cérès à Eleusis, que penses-tu qu’ait mérité celui qui profane les mystères sérieux des théologiens, pour que le petit peuple s’en rie ? ‘Tu subiras un châtiment à la hauteur, qui que tu sois, méchant homme !’ De plus je n’ai pas besoin de t’avertir de ne pas te soucier de le faire imprimer chez toi, puisque tu n’as aucune sympathie pour ces futilités. » 227 Voir Bucer, Corr., Rott, Lettre 3, datée de Heidelberg, le 1er mai 1518, p. 59, n. 4 (= H, Lettre 75, p. 107).

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une allusion à « un exemplaire circulant en manuscrit » de ce traité, « pamphlet anonyme rédigé, d’après Beatus Rhenanus, en Autriche, mais dont la première édition, clandestine, sortit en 1519 des presses de Lazare Schürer à Sélestat. Bucer croyait-il que B. Rhenanus ou un autre Sélestadien en était l’auteur ? » L’insistance joyeuse de Beatus Rhenanus à vouloir dénoncer et attaquer l’auteur du texte dès qu’il connaîtra son nom pourrait aller dans ce sens. [58] Cette lettre pose plusieurs questions : il s’agit d’un brouillon et nous ne savons pas, dans l’état actuel de nos recherches, si elle a été envoyée, sous quelle forme et avec quel contenu. La seconde difficulté vient du fait que Beatus Rhenanus n’entretenait pas de correspondance avec Pierre Gilles et que les deux hommes ne s’étaient jamais rencontrés. Faut-il être surpris de la complicité de ton et d’idées dont Beatus Rhenanus fait preuve d’emblée avec Pierre Gilles ? Non, sans doute, si nous nous souvenons de l’Utopie de Thomas More et des relations d’Erasme avec Pierre Gilles. Enfin, dans quel but cette lettre a-t-elle été écrite ? Inciter son correspondant à imprimer le texte ? Brouillon d’une éventuelle préface ? Faire parvenir le texte à Erasme par l’intermédiaire de Pierre Gilles ? [59] Le 10 janvier 1520, Rhenanus recommande, comme nous l’avons vu, à Ulrich Zwingli de diffuser l’ouvrage : Orationes de decimis atque item artem inquirendi sparge, quantum potes. Contemne paululum pecuniae, cuius nunquam cupidus apparuisti, ut plurimum prosis bonis literis, maxime vero noceas earundem hostibus228.

La plume de Rhenanus est ici directe et tranchante, militante : le verbe noceas est d’une force surprenante229. [60] Un an plus tard, le 7 janvier 1521, Rhenanus230 écrit de Bâle à Boniface Amerbach pour lui donner des nouvelles de ce qui se passe en Allemagne, vu que son ami se trouve en Avignon. Il affirme que 228 H, Lettre 144. Pour la traduction voir la n. 59. 229 J. Hirstein a attiré notre attention sur ce verbe et nous a fait remarquer

l’emploi du même mot dans la lettre adressée à Zwingli en date du 24 mai 1519 (H, Lettre 113, p. 160) : Sed accipe pulchrum consilium, quod rei, quam nunc agis, valde conferet et adversariis tuis plurimum nocebit. « Mais reçois un bon conseil qui contribuera beaucoup à l’action que tu mènes à présent [= faire renaître la piété chrétienne et enseigner au peuple la pure doctrine du Christ, christianam renasci pietatem et puram Christi doctrinam populo tradi] et qui causera un très grand tort à tes adversaires. » 230 H, Lettre 194.

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Luther ne sera pas « entendu » à Worms, parce que laisser parler un hérétique est trop dangereux : Lutherus non audietur a principibus Wormatiae, quam rem Aleander Caesari persuasit, primum quod haeretici multum valeant facundia, deinde quod nullus haereticus est audiendus, postremo quod si Lutherus Wormatiam veniret, ea civitas foret interdicto subiicienda, quae res prohiberet ibi quicquam legitime per principes agi231.

Ainsi, pourrions-nous dire, seront mises en application les Règles V et X du traité L’art et la manière d’interroger et de condamner les hérétiques. « C’est pourquoi il est entièrement salutaire que l’hérétique soit mis à mort avant d’être entendu. » Ideo saluberrimum est, ut occiditur antequam audiatur232 ! [61] 2 Le « Dialogue » de Konrad/Wilhelm Nesen, Eruditi Adulescentis Chonradi Nastadiensis Germani Dialogus sanequam festiuus Bilinguium ac trilinguium, siue de funere Calliopes (Annexe 2, n° 08). Le 30 septembre 1519, le famulus de Beatus Rhenanus, Albert Burer, resté à Bâle, achève son rapport sur les événements de la ville, en particulier sur la peste et son cortège de funérailles, par l’annonce spirituelle d’un dernier enterrement, celui de Calliope : Tot nobis sunt funera, ut te quoque quinque participem reddiderim ; cuius funera mihi mittis ? inquies, Callpiopes (sic), quae etiam in hoc conflictu interiit. Longe tamen peiore peste quam interierint, quos supra recensui233. 231 « Luther ne sera pas entendu par les princes à Worms, ce dont Aléandre a persuadé l’empereur, d’abord parce que, dit-on, les hérétiques ont un grand pouvoir d’éloquence, ensuite parce qu’aucun hérétique ne doit être entendu, enfin, parce que, si Luther venait à Worms, cette ville devrait être soumise à interdit, ce qui empêcherait les princes d’y faire quoi que ce soit de légitime. » 232 Contrairement à Jérôme de Prague, comme le montre la lettre de Poggio Bracciolini imprimée par Matthias Schürer. Et l’on peut mesurer le pouvoir d’éloquence de « l’hérétique » à l’admiration marquée par l’auteur de la lettre. 233 H, Lettre 128, p. 180. « Nous avons tant de funérailles que je t’ai fait participer à cinq toi aussi. – Qui est la personne, diras-tu, dont tu m’envoies les funérailles ? – Calliope, qui a péri, elle aussi, dans cette lutte. Néanmoins d’une peste bien pire que celle qui a provoqué la perte des personnes que j’ai recensées plus haut. » L’ouvrage parut à Paris en [juillet 1519] sans nom d’imprimeur ni date d’impression. On lit sur la page de titre : Sub scuto Basiliensi venale comperies. « On le trouvera en vente à l’Ecu de Bâle. », c’est-à-dire à Paris, chez Conrad Resch. Conrad Resch était le neveu du libraire Johann Schabler, qui avait des parts dans l’officine de Froben et dont la fille Anna épousa Bruno Amerbach. Burer a sans doute trouvé le livre chez Froben, envoyé directement de Paris ou rapporté par l’imprimeur bâlois, puisque, dans cette même lettre, nous apprenons qu’il revient de

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Ces funérailles qu’il lui envoie sont certainement notre « Dialogue234 » : en effet, Burer a barré le mot Bilingium qui est écrit juste avant notre passage235. [62] A [l’automne 1519], Rhenanus écrit à Wilhelm Nesen : après lui avoir rappelé la chance qu’il a de jouir de la société d’Erasme, il lui dit son admiration pour le « Dialogue » et lui fait comprendre qu’il croit savoir qui en est le véritable auteur236. Sed heus Nesene, quid accidisse fratri tuo dicam, ut tam subito Latinissimus evaserit. Vidi dialogum eius de funere Calliopes. Dii boni, quae Latinitas, qui nitor, quae festivitas, Ipse lepos nihil posset lepidius. Hactenus fabulam esse putavi Hesiodum in somno poeticam edoctum. Nunc video verum esse, quando Chonradus iste tuus tam repente prodiit bonus, imo optimus orator, nuper vixdum grammaticus, ut ille quondam e pastore vates. O favorem Musarum. Felix ille terque quaterque, cuius pectori fuerint illapsae. Clamabunt omnes id Plautinum, ut ingenia saepe in obscuro latent, et contendent bonas in Italia literas disci, praesertim Romae. Lazarus Schurerius impressoriam hic exercere cepit237. la foire de Francfort. Pour l’édition parisienne, voir Nesen, “Dialogus”, Ferguson, p. 204. Pour Schabler, voir CER, vol. 3, p. 215-216. 234 La bibliothèque de Beatus Rhenanus conserve trois exemplaires du Dialogus, deux dans l’édition que Froben en a donnée en [1520] (BHS K 1056e/ WJ n° 1017 et K 1062e/WJ n° 1018 = VD-16 : N-535 [Bâle, Johann Froben, 1520]) ; le troisième (BHS K 1149e/WJ n° 1016), dans une « édition différente » de celle de Froben, précise Joseph Walter : il provient en fait de l’officine de Lazare Schürer à Sélestat. [Sélestat, Lazare Schürer] 1520. Par contre il n’y a pas ou plus trace de l’exemplaire envoyé par Burer, à moins qu’il ne s’agisse de l’édition parisienne. 235 Voir le manuscrit numérisé sous la cote CBR046 à la Bibliothèque Humaniste de Sélestat. 236 Hirstein, EBR, 1 [34] p. LXXIII-LXXIV, n. 435 : « les données internes qui révèlent, d’un côté, par l’hyperbole, que Rhenanus sait que l’auteur du Dialogue n’est pas Konrad, mais Wilhelm Nesen et, de l’autre, par la suite des phrases, qu’il va proposer le Dialogue à Lazare ». P. G. Bietenholz interprète le vibrant éloge, ironique à son sens, adressé à Conrad Nesen comme la reconnaissance par Rhenanus du véritable auteur, Wilhelm Nesen. Ce n’est pas le cas de W. P. Ferguson ni d’autres savants, qui y verraient la main d’Erasme, voir Nesen, “Dialogue”, p. 332 et Nesen, “Dialogus”, Ferguson, p. 200. 237 H, Lettre 132, p. 186. « Mais hé Nesen, que dire de ce qui est arrivé à ton frère pour que si subitement il soit devenu excellent latiniste ! J’ai vu son Dialogue sur les funérailles de Calliope. Grands dieux, quelle latinité, quel éclat, quel enjouement ! La grâce en personne ne saurait être en rien plus gracieuse. Pour moi, jusqu’à présent, le fait qu’Hésiode ait appris la poésie durant son sommeil était une fable. Maintenant je vois que c’est vrai, puisque ce Conrad, le tien, s’est si soudainement montré bon, bien plus, excellent orateur, lui qui était récemment à

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Nous pouvons supposer, vu qu’il mentionne l’installation de l’imprimerie de Lazare Schürer à Sélestat, qu’il aura voulu partager son plaisir en y faisant publier l’ouvrage. [63] Dans son Avis au lecteur, daté de Paris, le 25 février, l’auteur238 explique qu’il s’est amusé à écrire le Dialogus pour, selon la coutume en usage à Paris à l’approche du carême, faire le fou, ineptire. Calliope a été condamnée à mort pour hérésie, ou plutôt pour crime de lèse-majesté, puisqu’elle projetait de mettre fin à la tyrannie de ses juges et bourreaux, les théologiens de Louvain, ennemis déclarés d’Erasme (qui n’est pas nommé) et des trois langues239, hébreu, grec et latin : Jean [Briard] d’Ath, le carme Nicolas Baechem d’Egmont et le théologien anglais Edward Lee, entre autres. Il faut toute la perspicacité de Mercure240 pour les reconnaître sous le masque de jeux de mots et d’allusions littéraires. Un troupeau de porcs, dont le chef (le théologien Jacques [Masson] Latomus) est le descendant du « Gryllus » de Plutarque241, chante en chœur le motif de la condamnation de la Muse : elle méprise la théologie péripatéticienne, pourtant seule capable de confondre l’hérésie242. C’est en peine professeur des écoles, comme autrefois ce grand homme, de berger devenu poète prophète. Ô faveur des muses ! Heureux trois, quatre fois, l’homme dans le cœur de qui elles se sont glissées. Tout un chacun dira ce mot de Plaute (Cap. 165 Ut saepe summa ingenia in occulto latent) : « Les plus grands esprits se cachent dans l’ombre » et l’on prétendra que les bonnes lettres s’apprennent en Italie, surtout à Rome. Lazare Schürer a commencé à exercer ici le métier d’imprimeur. » 238 P. G. Bietenholz précise que Konrad Nesen ne semble pas avoir vécu à Paris et que la date, sans doute fictive, a été choisie pour corroborer le prétexte allégué d’un « amusement de carnaval », voir Nesen, “Dialogue”, p. 330 et 331. La présence de Wilhelm Nesen à Paris est documentée. Ainsi, la lettre de Lefèvre d’Etaples à Rhenanus, datée de Paris le 9 avril 1519, nous apprend que Wilhelm Nesen est à Paris et qu’il sert d’intermédiaire entre les deux hommes, voir H, Lettre 105. 239 Sur le lien entre notre œuvre et le « Collegium Trilingue » de Louvain, voir l’historique de W. K. Ferguson, dans Nesen, “Dialogus”, Ferguson. 240 Sur l’exemplaire de l’édition de Froben ([Bâle, Johann Froben, 1520]) qui appartenait à Boniface Amerbach, des annotations marginales manuscrites donnent la clé de certains personnages. En plus de ceux déjà nommés, il note les noms de Dorp et de Latomus. Voir VD-16 : N-535, Universitätsbibliothek Basel. 241 Pour le Gryllus de Plutarque que Beatus Rhenanus propose à Erasme d’ajouter à la réimpression de la Moria, ainsi que deux œuvres de Lucien, voir Hirstein, EBR, 1, Epître 65, p. 551-552 et n. 27. 242 Au f. A [6] r° de l’édition bâloise : Nos portamus ad sepulchrum // Vnam musam, quod uidetur nobis pulchrum : // Quæ est causa maxima // Quod sophistica nunc dicitur pessima. // Propterea uolunt eam magistri nostri sepelire. // Nec eius defensionem audire. // Et ideo dicunt eam esse hereticam // Quia spernit theologiam Peripateticam : // Quam incipiunt nunc etiam contemnere isti moderniores // Cum

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tout cas ce que chante le chœur dans les éditions de Paris et de Bâle. A Sélestat, le chœur chante une autre « chanson », beaucoup plus insultante et menaçante. Il chante désormais un Te Deum qui vante l’accusation d’hérésie chargée de « clouer le bec » à quiconque oserait s’opposer aux Magistri Nostri. La muse devient une putain et sa mise à mort doit terrifier la population243. Mais toutes les personnes qui composent le cortège ont deux langues, video bilingues omnes, une seule ne leur suffit pas : l’une leur sert « à flatter par devant, l’autre à dénigrer par derrière244…», à la manière des sycophantes. tamen hæc sola confundit hereticos contumaciores. « Nous portons au tombeau // Une Muse, ce qui nous semble beau : // Et quelle est la raison pour finir ? // La sophistique, dit-on aujourd’hui, est ce qu’il y a de pire. // A cause de cela les magistri nostri veulent l’enterrer. // Et sa défense ne pas écouter. // Et voici pourquoi ils disent qu’elle est hérétique : // Parce qu’elle rejette la théologie aristotélique, // Que commencent maintenant aussi à mépriser ces adeptes de plus de modernité, // Bien que, pourtant, elle seule confonde les hérétiques trop entêtés. » Cette version du « Chœur de porcs » ne se trouve que dans les éditions de Bâle et de Paris. 243 Au f. B iij v° : Te deum laudamus, // Quod istam putanam portamus. // Quæ Magistros Nostros tam multos, // Semper contempsit ut stultos, // Quos dixit crassum potare uinum, // Sed crassius loqui latinum, // Nec respexit a tergo, // Quantum ualeat utrum & ergo. // […] // Et populo dicemus, quod fuit hæretica. // Sic nemo audebit ponere suum rostrum // Contra aliquem Magistrum Nostrum. « Toi Dieu, nous te louons, // Parce que cette putain nous emportons. // Elle que, les si nombreux Magistri Nostri, // Toujours elle a méprisés parce qu’abrutis. // Eux qui, disait-elle, boivent un mauvais vin, // Mais parlent un plus mauvais latin ; // Et elle n’a tenu aucun compte // De la valeur des « distinguons » et des « donc ». // [...] Et nous dirons au peuple qu’elle était hérétique. // Ainsi personne n’osera ouvrir son bec // Contre aucun Magister Noster. » Pour le vers Quantum ualeat utrum & ergo., nous avons repris la traduction de J.-C. Saladin. Voir Nesen, « Funérailles de la Muse », Saladin, p. 65. Voici sa traduction, plus percutante, de la fin du texte : « Et elle se fichait pas mal // De la valeur des « distinguons » et des « donc ». // […] Et nous dirons au peuple qu’elle était hérétique. // Ainsi personne n’osera ouvrir sa gueule // Contre aucun Magister Noster. » 244 Vna opus est qua coram blandiuntur, altera qua a tergo obtrectant (au f. B iiij r° de l’édition sélestadienne). Jean-Christophe Saladin, dont nous suivons la traduction, rappelle que les bilingues désignent non pas les savants qui maîtrisent le latin et le grec, mais plutôt ceux qui ne connaissent que le latin et la langue vernaculaire ; il traduit bilingues par « bifides ». (Voir Nesen, « Funérailles de la Muse », Saladin, p.12). Paul Pascal (Nesen, “Dialogue”) traduit bilingues par “Twotongued” et précise que le mot latin bilinguis signifie « qui a deux paroles, hypocrite » (p. 431, n. 1 de la page de titre). Les « trilingues » sont ceux qui entreprennent d’apprendre les trois langues de culture et de science, le latin, le grec et l’hébreu, à l’image de Johann Reuchlin et de l’enseignement du « Collegium trilingue » de l’Université de Louvain. Dans le même ordre d’idées, l’édition sélestadienne de l’Eccius dedolatus se termine par ce rappel (au f. E [iv] r°) : contrairement à l’attitude du théologien Eck, Decet Germanum nec assentatorem

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[64] Dans l’édition de Sélestat, nous lisons, sous le titre, la déclaration suivante : Exactissime ad autoris archetypum recognitus. « [Dialogue] Révisé avec la plus grande exactitude d’après l’original de l’auteur. » Or le texte imprimé par Lazare Schürer n’est pas celui de l’édition parisienne, repris à Bâle, que l’on pourrait considérer comme l’archetypum. Il présente un certain nombre d’ajouts (des développements) et, nous l’avons vu, un changement, les paroles du « Chœur des porcs ». La Bibliothèque de l’Université de Fribourg-enBrisgau renvoie aux trois éditions, parisienne, bâloise et sélestadienne. Sur la page de titre de l’un des exemplaires imprimés à Sélestat, nous lisons la dédicace manuscrite suivante : C. Peutingero. Ia. Spiegel, « Pour Conrad Peutinger, Jacques Spiegel »245. La même main, celle de Spiegel sans doute, a signalé qu’il s’agit d’une édition « augmentée » par rapport à « l’exemplaire original de l’auteur », puisqu’elle a ajouté & auctus après le mot imprimé recognitus. Conrad Peutinger lisait donc la formule suivante : Exactissime ad autoris archetypum recognitus. & auctus. [65] Spiegel a éprouvé le besoin de souligner la différence que présentait cette édition, d’en avertir Peutinger. Qui s’est amusé à réécrire le texte, à l’enrichir246 ? Qui a suivi les conseils de La Double abondance d’Erasme247 ? Le texte imprimé à Sélestat est-il une version non expurgée du texte original archetypum de l’auteur Wilhelm Nesen ? P. G. Bietenholz suggère ici une possible intervention d’Erasme. Il cite Ulrich Zwingli qui écrit à Myconius, en date du 4 janvier 1520 : Erasmus dialogum bi- et trilinguium auxit festiuissime. Le verbe auxit pourrait être une allusion aux additions et esse neque bilinguem. « Un Allemand ne doit ni flatter ni tenir un double langage. » Et c’est cette même hypocrisie des théologiens ignorants que dénonçait déjà Pirckheimer, dans sa Lettre-préface au Piscator de Lucien, dans l’édition attribuée à l’imprimeur Matthias Schürer. 245 Numérisé par la Bayerische Staatsbibliotek MDZ à partir de l’exemplaire d’Augsburg Staats- und Stadtbibliothek, --NL 556A#(Beibd. urn:nbn:de:bvb:12bsb112711123-4. 246 Pour W. K. Ferguson, ces additions et changements, qui ne sont pas heureux, seraient de la main de Conrad Nesen, et auraient été écrits en vue de la nouvelle publication, à Sélestat. Il précise néanmoins qu’il s’agit d’une pure hypothèse de sa part. Voir Nesen, “Dialogus”, Ferguson, p. 203. P. G. Bietenholz ne semble pas partager ce jugement négatif, puisque la première version du « Chœur des porcs » lui paraît quelque peu inférieure, voir Nesen, “Dialogue” = Nesen, p. 435, n. 68. 247 Premier ouvrage publié à Sélestat, voir Annexe 2, n° 01. En avril 1517, l’édition de Froben s’ouvrait par une Epître d’Erasme à Wilhelm Nesen, lui confiant le soin de veiller à la meilleure impression possible des textes, voir VD-16 : E-2649.

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changements du texte sélestadien248. Les savants sélestadiens auraientils une part de responsabilité ? Auraient-ils révisé le texte et ajouté leur grain de sel ? En effet comment interpréter la déclaration d’exactitude de l’imprimeur et son superlatif Exactissime ? Serait-ce un nouveau trait d’ironie de la part des Sélestadiens, souligné par l’ajout manuscrit de Spiegel ? [66] Rhenanus connaît bien Wilhelm Nesen249. A la mi-novembre [1519]250, le Sélestadien propose à Albert Burer d’imiter Nesen en ouvrant une école : il fera ainsi coup double, il acquerra une excellente maîtrise et connaissance des lettres, en les enseignant, et fera fortune. J. Hirstein251, dans les « Livres auxquels le nom de Beatus Rhenanus est associé », suggère que Rhenanus a pu « jouer un rôle dans une autre publication de W. Nesen, la Lettre adressée à Ulrich Zwingli, Epistola de magistris nostris louaniensibus », proche par ses thèmes et anathèmes, par certaines de ses formulations de notre « Dialogue des bifides et des trilingues ». Mais la satire laisse la place à la caricature 248 « Erasme a augmenté le dialogue des bi- et trilingues avec beaucoup d’esprit », voir Nesen, “Dialogue”, p. 332. W. K. Ferguson voyait dans la remarque d’Ulrich Zwingli une preuve de la participation active d’Erasme à l’écriture du texte de la première édition, voir Nesen, “Dialogus”, Ferguson, p. 199. 249 Nesen arrive dans la correspondance de Rhenanus en 1512. Voir Hirstein, EBR, 1, Epître 39. 250 H, Lettre 135, datée de Sélestat : Primum si Nesenum imitatus ludum aperires […] Nam crede mihi, nihil aeque tibi prodesset ac praelectio vel alios docendi munus. Sic enim Nesenus emersit et ad literas et ad fortunam. Nullus me nouit melius, qualis Nesenus fuerit, cum erudiendorum puerorum provinciam primum aggrederetur. Tenuis erat illi literatura […] At qualis nunc sit, non minus intelligis quam ego. Magnam sibi comparavit eruditionem, stilum adeptus est, qui crebra paratur exercitatione, […]. « Premièrement si tu imitais Nesen et ouvrais une école […] Car crois-moi, rien ne saurait être plus utile pour toi que le commentaire des textes ou la charge d’instruire les autres. C’est ainsi en effet que Nesen en est venu à acquérir et lettres et fortune. Nul mieux que moi ne sait quel était le niveau de Nesen, au début, alors qu’il entrait dans la carrière de l’instruction des enfants. Sa connaissance des lettres était mince. […] Mais son niveau présent, tu le connais aussi bien que moi. Il s’est procuré une grande science, il a acquis un style qui s’obtient grâce à des exercices répétés... » 251 Voir Hirstein, EBR, 1 [34] p. LXXIII-LXXIV, n. 435 : « Si l’on accepte dans cette lettre (= H, Lettre 132) les données internes qui révèlent, d’un côté, par l’hyperbole, que Rhenanus sait que l’auteur du Dialogue n’est pas Konrad, mais Wilhelm Nesen et, de l’autre, par la suite des phrases, qu’il va proposer le Dialogue à Lazare, on doit aussi penser qu’il a joué un rôle dans une autre publication de W. Nesen, l’Epistola de magistris nostris louaniensibus, chez le même imprimeur en 1520. Reste à déterminer de manière sûre la filiation des éditions, cf. les efforts d’interprétation de Vocht dans CTL, vol. 1, p. 390-411 et 544-602. »

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et au pamphlet252 dans la « Vie de s. Nicolas [= Nicolas Baechem d’Egmont] », bête noire de Wilhelm Nesen. (Annexe 2, n° 32) Dans sa lettre à Zwingli, Nesen évoque par ailleurs une autre publication de Lazare Schürer, la « Lettre de Nicolas Quad adressée à Hermann de Neuenahr », qui vante, sur le mode ironique, les hauts faits des frères prêcheurs et des carmes (Annexe 2, n° 33). [67] 3 L’ouvrage d’Otto Brunfels, Confutatio sophistices et quaestionum curiosarum253 (Annexe 2 n° 14). Le chartreux propose à Beatus Rhenanus de faire imprimer son travail à Bâle ou à Sélestat. Ce sera à Sélestat, en mai 1520, contrairement à la demande de Bucer pour le Commentaire de Luther. Luther à Bâle contre Brunfels à Sélestat : n’aurait-il pas trouvé preneur à Bâle ? Le 13 janvier 1520, Brunfels écrit à Rhenanus : Scripsi problema unum de lectione doctorum antiquorum ad Volph. Fabricium, utrane theologia praestantior sit, scolastica an vetus. Mittam in diebus quadragesimae, ubi absolutus fuero a descriptione tranquillae vitae. Si dignum videbitur, ut citra theologistarum offensam et cum mea etiam pace eat in lucem, Sletstadii impressioni trades vel Basileae254. 252 Les deux textes attaquent les magistri nostri. La Vita s.Nicolai sive stultitiae exemplar, parodie d’hagiographie et charge féroce, datée de 1520 (au f. D [iv] r°), attaque le carme Nicolas Baechem, et joue en particulier sur les paronymes Carmelita (= carme) et Camelita (= chameau), jeu de mots auquel Erasme s’amuse déjà dans sa Lettre sur Luther adressée au cardinal de Mayence. La lettre adressée à Zwingli, datée d’avril 1518, mais écrite sans doute [fin 1519] (= Zwingli, Correspondance, Lettre 111) s’en prend aussi, entre autres, à Jean [Briard] d’Ath, Jacques Latomus, aux dominicains et aux carmes. L’ouvrage se clôt sur un Avis « A tous les Allemands » Germanis omnibus : ce n’est pas uniquement Luther qui est visé, mais l’ensemble des bonnes lettres. Les Allemands, « toujours invaincus », uiri inuictissimi, doivent se débarrasser de ces « scorpions supervenimeux, […] moines théologistes encapuchonnés », plus dangereux que les Mahométans. 253 « Réfutation de la sophistique et des questions de pure curiosité ». 254 H, Lettre 145 d’Otto Brunfels à Beatus Rhenanus, p. 199-200, datée de la Chartreuse, près de Strasbourg, le 13 janvier 1520. « J’ai soumis par écrit un problème à Wolfgang Fabricius [Capito] sur la lecture commentée des savants de l’antiquité : laquelle des deux théologies est la plus éminente, la scolastique ou celle de l’Antiquité ? Je te l’enverrai durant le carême, quand je me serai dégagé de la copie de la « Vie tranquille ». Si selon toi le texte semble mériter de voir la lumière, sans offense pour les théologiens mais avec la paix encore pour moi, tu le feras imprimer à Sélestat ou à Bâle. » Voir la Lettre-préface de Brunfels à Capito datée du 15 février 1519 (au f. a [iv] r°-v°) : Sed quorsum peruenio ? ut mihi dissoluas hunc nodum mi Fabrici, utra Theologia præstantior sit, Vetus ne, an sophistica ? « Mais où veux-je en venir ? A ce que, pour moi, tu défasses ce nœud, mon Fabricius :

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Le chartreux dédie, le 15 février 1519, sa compilation des textes des Pères de l’Eglise à Wolfgang Capito qui lui a conseillé la lecture d’Origène. [68] Beatus Rhenanus dans sa lettre à Ulrich Zwingli255 datée de Bâle, le 6 décembre 1518, exprimait toute la douleur qu’il ressentait à voir le peuple chrétien détourné de la vraie doctrine par le commun des prêtres abusés eux-mêmes par les balivernes nées de la théologie scolastique. Etant donné que l’impression du texte de Brunfels était achevée en mai 1520, tous les membres de la sodalitas literaria réunis le 1er mai 1520256 ont pu bénéficier de sa lecture. Martin Bucer, bien qu’il n’ait, semble-t-il, pas été présent à Sélestat à ce moment-là, a néanmoins envoyé à Spalatin257 l’ouvrage de Brunfels ainsi que les « Griefs de la nation allemande » et la « Moelle de la Pragmatique sanction », qui ne sont d’ailleurs pas parvenus à leur destinataire. Cet envoi montre sans doute l’intérêt de Bucer pour ces travaux, mais doit être aussi une preuve donnée à son correspondant de l’activisme de ses amis et concitoyens en faveur des idées réformatrices. laquelle des deux théologies est la plus éminente, celle de l’Antiquité ou celle des sophistes ? » 255 H, Lettre 81. Nam nihil est, quod magis mihi doleat, quam quod video christianum populum passim ceremoniis, nihil ad rem pertinentibus, onerari, imo meris naeniis. Et causam non aliam reperio, quam quod sacerdotes per summularios istos et sophisticos theologos decepti ethnicam et Iudaicam doctrinam docent. De vulgo sacerdotum loquor. Neque enim me latet te tuique similes purissimam Christi philosophiam ex ipsis fontibus populo proponere, non Scoticis aut Gabrielicis interpretationibus depravatam, sed ab Augustino, Ambrosio, Cypriano, Hieronymo germane et sincere expositam « Car rien ne me cause plus de douleur que de voir le peuple chrétien être partout accablé de cérémonies – ou mieux, de pures balivernes – qui n’y ont aucun rapport. Et je n’y trouve pas d’autre raison que l’enseignement d’un savoir païen et judaïque de la part des prêtres abusés par ces faiseurs de Sommes de malheur et les théologiens sophistes. Je parle du tout venant des prêtres. En effet il ne m’échappe pas que toi et tes semblables vous annoncez au peuple la philosophie du Christ la plus pure, puisée aux sources mêmes, non celle corrompue par les explications de Scot ou de Gabriel, mais celle exposée avec authenticité et sincérité par Augustin, Ambroise, Cyprien, Jérôme. » 256 H, Lettre 163 : Epître dédicatoire de la Société littéraire de Sélestat datée de Sélestat le 1er mai 1520, voir ci-dessus la note 114. 257 Bucer, Corr., Rott, Lettre 21, datée de Heidelberg le 27 (ou 28) novembre 1520, p. 128, Nam priores adjunxeram tuis cum libellis quibusdam Ja. Wimphelingi de Grauaminibus nostrae Nationis, ac alio quodam contra Sophisticen edito « Car j’avais ajouté la précédente [lettre à Luther] à la tienne ainsi que des opuscules de Jacques Wimpheling sur les Griefs de la nation allemande et un autre opuscule publié Contre la sophistique », voir chez J. Rott les notes 5 sur J. Wimpheling et 6 sur Otto Brunfels. Rott date cet envoi de la mi-juillet (note 7. p. 128).

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[69] 4 De Johannes Oecolampadius, le Iudicium de doctore Martino Luthero258, imprimé à la suite des Axiomata pro Luthero d’Erasme (Annexe 2 n° 40). C’est Balthasar Pacimontanus (Balthazar Hubmaier259) qui a envoyé à Beatus Rhenanus ce court texte, en 1520, accompagné du mot suivant : Beato Rhenano suo Baldasar Pacimontanus // hanc chrysin mittit satis sero, qui citius mittere nequibat. // S. doctissime Rhenane. Hic mitto perdocti Oecolampadii iudicium, quod citius id mittere haud potui. Nam id in manus domini vicarii Constantiensis non fuit. verum id rursus diebus illis ex Ulma mecum advexi260.

Ce billet est en fait une note manuscrite qui figure dans l’exemplaire imprimé [à Leipzig, par Valentin Schumann261, en 1520] et conservé à la Bibliothèque humaniste (BHS K 809n/ WJ n° 1941). L’ouvrage sélestadien daté de 1521 reprend, avec une présentation différente262 et des annotations marginales qui ne figurent dans aucune des éditions 258 Johannes Oecolampadius a écrit ce texte, qui n’était pas destiné à la publication, pour rassurer son ami Bernhard Adelmann, menacé d’excommunication par la bulle Exsurge domine. Et c’est Capito qui serait à l’origine de la publication du texte à Leipzig. La vérité, dit l’auteur, est clairement du côté de Luther. Le poids de ce court texte provient du nom de son auteur et du fait qu’il n’a pas été publié de manière anonyme. Voir Grane, Martinus noster, p. 255-256 et 242-243. 259 Né vers 1480 à Friedberg, près d’Augsbourg, et mort, brûlé vif, le 10 mars 1528 à Vienne. Il fut l’élève à Fribourg-en-Brisgau, puis à Ingolstadt, de Johann Eck. Docteur en théologie, prêtre, il était en charge en 1521 de la paroisse de Waldshut. Il fut un des « pères de l’anabaptisme ». Voir Williamson, “Hubmaier and Erasmus”, p. 41-43 pour le billet à Rhenanus, et, en général, Bischoff, La guerre des paysans, p. 463 et CER, vol. 2 (Ilse Guenther), p. 210-211. 260 H, Lettre 192 : « Balthasar Pacimontanus envoie assez tard à son cher Beatus Rhenanus cet objet d’or : il ne pouvait l’envoyer plus vite. Salut, très savant Rhenanus. Je t’envoie ici le « Jugement » du très savant Oecolampadius, parce que je n’ai pu l’envoyer plus vite. En effet il ne se trouvait pas en possession de messire le vicaire de Constance ; mais je l’ai rapporté avec moi en revenant d’Ulm à ce moment-là. » Johann Fabri devint le vicaire général de Constance en 1518. 261 VD-16 : O-353. 262 Le texte d’Oecolampadius est imprimé au f. A iij r°. Il est suivi au f. A iij v° des APHORISMI LVTHERIANI, APOPHTEGMATIS INSIGNIBVS INTERPOSITIS. « Aphorismes luthériens, entrecoupés d’apophtegmes remarquables. », titre qui, sauf erreur de notre part, ne figure dans aucune autre édition. Au f. A [iv] v° est imprimée une lettre datée de Leipzig, 1520, adressée à Johann Egranus, qui se présente dans toutes les éditions sous le même titre Christianæ doctrinæ Doctori, in Cigneorum urbe Magistro Ioanni Egrano fratri Charissimo. « Au très cher frère, maître Johannes Egranus, docteur en doctrine chrétienne dans la ville de Zwickau. » C’est à ce même Egranus que Beatus Rhenanus avait « arraché » la Lettre d’Erasme au cardinal Albert de Brandebourg.

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consultables dans le VD-16, les textes de l’opuscule publié par Valentin Schumann en 1520 et envoyé par Hubmaier. L’ordre des textes dans l’ouvrage sélestadien place les noms des deux grands humanistes Erasme et Oecolampadius en tête. En effet les textes du Iudicium sont insérés entre les Axiomata pro Luthero d’Erasme263 et la « Réponse » de Frédéric le Sage aux nonces Aléandre et Marino Caracciolo264 ; l’opuscule se clôt sur un « Poème » de quatre vers265, « trouvé à Saint-Jean de Latran, à Rome » et daté de 1469, qui, jouant sur le double nom de Simon Pierre, permet de dénoncer la simonie. Les bibliothèques de Rome sont décidément riches en trouvailles. [70] 5 Hochstratus ouans, attribué à Hermann von dem Busche266 (Annexe 2, n° 26). Le 7 janvier 1521, Beatus Rhenanus envoie le livre à Boniface Amerbach qui se trouve en Avignon : Hodistratum ovantem, dialogum lepidissimum, tibi dono misi267. S’agit-il de l’édition sélestadienne ? Si c’est le cas, étant donné qu’il lui avait déjà écrit le 8 novembre 1520 et qu’il évoquait dans son post-scriptum la condamnation de Reuchlin à Rome268, on peut penser que l’ouvrage a été imprimé en novembre ou décembre 1520, et que Rhenanus a emporté des exemplaires de l’ouvrage quand il a quitté Sélestat269. 263 Après l’entretien du 5 novembre 1520 à Cologne entre le duc Frédéric le Sage et Erasme, ce dernier rédigea vingt-deux axiomes destinés au seul usage de l’Electeur, mais qui furent publiés à [Leipzig] sous le titre Axiomata pro causa Martini Lutheri. Luther, Œuvres, Lienhard et Arnold, p. LXXVIII et Erasmus, “Axiomata”, Ferguson. L’impression des axiomes chez Lazare Schürer comporte un certain nombre d’erreurs. 264 Le « Jugement » est suivi de la seule « Réponse » de Frédéric le Sage dans l’édition d’[Erfurt, Matthes Maler], 1521. VD-16 : O-355. 265 Poème qui ne se trouve, sauf erreur de notre part, dans aucune autre édition. 266 Hermann von dem Busche (env. 1468-1534), considéré comme l’une des plumes des Lettres des hommes obscurs et auteur du Vallum humanitatis publié à Cologne en 1518, défenseur de Reuchlin, puis de Luther. 267 H, Lettre 194 datée de Bâle, le 7 janvier 1520 « Je t’ai envoyé en cadeau Hochstratus triomphant. Dialogue très charmant. » 268 H, Lettre 181 datée de Bâle le 8 novembre 1520 : Pontifex Reuchlinicos articulos nuper damnavit in gratiam monachorum, quorum opera nunc eget, et in odium Lutheri. « Le pape a récemment condamné les articles de Reuchlin par complaisance vis-à-vis des moines, – il a maintenant besoin de leur aide –, et par haine de Luther. » Le 15 juin 1520 paraît la bulle Exsurge Domine ; le 23 juin 1520, « Léon X signait la cassation du jugement de Spire. Les Besicles étaient interdits et Reuchlin condamné aux dépens. » Voir Hutten, Lettres des hommes obscurs, Saladin, p. 51. 269 Voir Hirstein, EBR, 1, p. XXVII : « Il regagna Bâle à la mi-septembre, mais la santé de son père l’obligea à retourner à Sélestat de nouveau pour environ un mois, en novembre et en décembre. Anton Rinower mourut le 21 novembre 1520. »

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[71] Cet envoi prouve uniquement l’intérêt de Beatus Rhenanus pour la cause de Reuchlin, pour l’ouvrage270 et sans doute aussi pour son auteur. En effet Hermann von dem Busche fait partie des Allemands qui font l’honneur de leur patrie dans la liste que Rhenanus dresse pour son maître Lefèvre d’Etaples271 en 1512. Erasme272 est heureux de le rencontrer chez Materne Hatten, explique-t-il à Rhenanus dans la lettre de 1518 où il relate son voyage de retour à Louvain. Quant aux développements de l’affaire Reuchlin en 1520, nous les voyons à travers les lettres de Bucer à Rhenanus, puisque le dominicain sait tout ce qui touche à son ordre. Dans la lettre du 2 avril 1520, deux des trois personnages du dialogue Hochstratus ovans sont évoqués, Edward Lee, l’Anglais qui fait honte à sa patrie, et Hochstraten, qui, égal à lui-même, ne recherche ni la paix ni la piété273. Les lettres d’Otto Brunfels sont, sur ce point, aussi 270 Lee raconte ses mésaventures qui l’ont transformé en porc puis en chien.

Hochstraten détaille ses années de lutte contre Capnion, découvrant sans vergogne, vu le caractère ironique du texte, ses manœuvres frauduleuses. Il pense pouvoir imposer silence à Wolfgang Capito. Sa prochaine victime sera Hutten. Lee et Hochstraten évoquent aussi l’affaire Luther et font des portraits sans concession d’Eck, surnommé Keccius et de Prierias, désigné comme Magirum sacri palatii. Ils se réjouissent du renfort apporté à leur camp par Jérôme Aléandre. Le troisième homme, Lupoldus, qui finit par se faire le défenseur inattendu des opprimés et dénoncer la tyrannie du pape dans sa condamnation de Luther, est accusé d’hérésie. 271 Voir Hirstein, EBR, 1, Epître 34, div. 8. 272 Voir H, Lettre 84. C’est d’ailleurs chez ce même Materne Hatten que Bucer lira en novembre 1520 Hochstratus ovans. Voir les explications de Jean Rott, dans Bucer, Corr., Rott, Lettre 18, et en particulier la note 13. 273 H, Lettre 146 datée de Spire, le 15 janvier 1520 ; Lettre 160 datée de Heidelberg le 19 mars 1520 : In causa Capnionis agente in Brabancia Francisco nihil adhuc actum est et ab Hogostrato fere nihil sperandum, tamen illi favet cardinalis Hadrianus paedagogus regius « Dans l’affaire de Capnion, vu que Franz [von Sickingen] est occupé dans le Brabant, rien n’a encore été fait à ce jour et il ne faut presque rien attendre de Hochstraten ; néanmoins le cardinal Adrien, précepteur du roi, travaille en faveur du premier. » (dans Bucer, Corr., Rott, lettre 11, on lit tantum illi fauet « tant le cardinal Adrien… travaille en faveur de ce dernier », lecture sans doute préférable) ; Lettre 162, datée de Heidelberg, le 2 avril 1520 : De Eduardo iam sciebam, nam quae adversus bonas literas eduntur, nostri primi sciunt. Condonandum hoc Angliae, si post tot lumina etiam unum caudatum hoc est scorpium alat. Hogstratus sui similis perseverat omnia potius et facturus et passurus, quam quae ad pacem et pietatem conducunt. « A propos d’Edward [Lee], j’étais déjà au courant ; en effet ce qui est publié contre les bonnes lettres, les nôtres sont les premiers à le savoir. Il faut pardonner cela à l’Angleterre, si, après tant de lumières, elle nourrissait aussi un couard c’est-à-dire un scorpion. Hochstraten, semblable à lui-même, poursuit son action, prêt à faire et à supporter n’importe quoi

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alarmistes274. Edward Lee est lui au cœur de nombreuses lettres de la correspondance de Rhenanus en 1520, depuis celle d’Albert Burer du 19 mars 1520, qui apprend à son maître que le libraire Conrad Resch, venu de Paris, a apporté le livre de Lee contre Erasme275 à celle de Gérard Listrius276, en passant par celle de Zasius277, qui appelle Lee « Herostratus ». [72] Rappelons pour finir la participation, qui paraît fort vraisemblable, de Beatus Rhenanus à l’édition des « Deux discours sur la dîme » datée du « pays d’Utopie, le 15 mars 1519 ». [73] Que nous apprennent ces publications – et les lettres qui les éclairent – sur Beatus Rhenanus ? Son nom n’apparaît jamais dans les publications. Il reste totalement dans l’ombre, en retrait. Prudence ou désir de ne pas exercer officiellement son métier d’éditeur dans sa ville natale, qu’il poursuit à Bâle par l’intermédiaire de son famulus Albert Burer278 ? Dans sa correspondance, par contre, nous voyons Rhenanus mener le combat pour la défense des bonnes lettres, nous voyons l’intellectuel démonter les mécanismes de la tyrannie et de la censure, et son arme est souvent l’ironie. C’est un esprit frondeur qui l’anime, élégamment irrévérencieux et corrosif. C’est sans doute lui qui a apporté l’irrévérence provocatrice de Bâle à Sélestat, où elle a trouvé un terrain pour s’épanouir, des hommes ayant cette même plutôt que ce qui conduit à la paix et à la piété. » Pour l’emploi injurieux de caudatus à propos des Anglais, voir Du Cange, sous « caudatus ». 274 Voir la contribution de Madame Martine Meyer sur Otto Brunfels. 275 H, Lettre 159 : Conradus Reschius, bibliopola Parisiensis, non admodum multis abhinc diebus Basileam venit advehens secum duos libros, quorum unus contra Erasmum, alter contra Morum scriptus est, alterius auctor Leus theologus Lovaniensis, alterius vero Germanus Brixius christianissimae reginae a secretis. […] Scribit Leus adeo odiose, ut odiosius non possit, Erasmum iam monachum iam etiam, quod grauius est, haereticum appellans atque enumerans interim errata, quae in Novo Testamento deprehenderit, plus quam quingenta. « Conrad Resch, le libraire de Paris, est venu à Bâle, il n’y a pas très longtemps, apportant dans ses bagages deux livres : l’un des deux a été écrit contre Erasme, l’autre contre More ; l’auteur du premier est Lee le théologien de Louvain, quant à l’auteur du second, c’est Germain de Brie, secrétaire de la reine très chrétienne. […] Lee écrit de manière si odieuse qu’il ne pourrait le faire plus odieusement, appelant Erasme tantôt moine, tantôt aussi, ce qui est plus grave, hérétique et dans l’intervalle passant en revue les erreurs qu’il a trouvées dans le Nouveau Testament, plus de cinq cents. » 276 H, Lettre 193. 277 H, Lettre 168, datée de Fribourg, le 5 juin 1520. Notons que Rhenanus dans sa lettre à Jacques Spiegel datée du 14 juin 1520 (H, Lettre 170 sur le même sujet) fait également référence à l’incendiaire du temple d’Ephèse. 278 Voir la contribution de Madame Chantal Marchand sur Albert Burer.

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disposition d’esprit, prêts à le suivre ou à le devancer. Cependant l’homme de lettres a le sens des réalités : son désir de nuire et son militantisme commercial le prouvent. Fin des publications militantes [74] C’est Jacques Spiegel qui se charge de sonner la fin du soutien ostentatoire et enjoué aux idées luthériennes à Sélestat. De Worms, le 3 décembre 1520, il adresse une lettre279 à Jacques Wimpheling, Paul Phrygio, Martin Ergersheim280, les trois ecclésiastiques influents qui résident à Sélestat, et à Johannes Sapidus, le directeur de l’Ecole latine. Il évoque d’abord l’affaire de l’Union des chapellenies281 qui, grâce à l’intervention de Charles Quint et des Nonces Apostoliques, devrait bientôt trouver une issue heureuse. Puis il poursuit : Caeterum nolo vos latere iam per totam nostram Germaniam exploratores esse eorum, qui parti adsistant Lutherianae ; cum intra parietes vestros liberius aliquanto huius partes defendatis, adhortandos duxi et monendos, vt temperetis linguam, quandoquidem neque per vos aut quemlibet alium aut melior fieri possit plebecula, cui canit Lutherus, vt posteriores eius lucubrationes aperte demonstrant. Inest illis suspecta doctrina282.

C’est l’homme politique qui s’exprime. Et pour faire mesurer à ses correspondants la gravité de la situation, il les avertit des ennuis que subissent Bernhard Adelmann, Willibald Pirckheimer et Lazare

279 Wimpfeling Briefwechsel, Herding & Mertens, Lettre 346, p. 849-852. 280 Martin Ergersheim fut curé de la paroisse de Sélestat jusqu’en 1518 : Paul

Phrygio lui succéda. 281 Droit pour le Magistrat de nommer les titulaires des différents autels, chapelles de la ville. Voir Adam, HRS, 1, p. 121-124. 282 « D’autre part je ne veux pas vous cacher qu’il y a déjà dans toute notre Allemagne des espions, chargés de trouver les hommes qui soutiennent le parti de Luther ; comme vous défendez parfois assez librement entre vos murs la cause de cet homme, j’ai estimé devoir vous exhorter et vous engager à tempérer votre langage, puisque le petit peuple ne peut devenir meilleur ni grâce à vous ni grâce à n’importe qui d’autre. Ce petit peuple pour lequel Luther donne de la voix, comme ses derniers travaux le prouvent clairement. On y trouve une doctrine suspecte. » S’agit-il de l’ouvrage De la liberté du chrétien paru en novembre 1520 en allemand et en latin ?

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Spengler de la part de la curie romaine, ces « loups » à la vigilance desquels les luthériens n’échappent pas283. [75] Il s’adresse plus particulièrement à Phrygio et à Sapidus284, dont il connaît les convictions, le caractère et le militantisme : Quare denuo, vt amici incumbit officio, vos admoneo et D. Phrygionem mihi charissimum et Sapidum dulcissimum, sicut ipsi ex iis possunt capere, ille suggestu suo publico abstineat ab hoc negotio, vulgo praesertim a via recta facile desciscente, hic in declamationibus parcius loquatur apud discipulos285.

Spiegel justifie cette fois son appel au silence ou à la discrétion en rappelant le pouvoir discrétionnaire de Rome dans l’affaire de l’Union des chapellenies si importante pour les Sélestadiens, Magistrat et ecclésiastiques, et en brandissant la menace d’interdit qui pourrait frapper la ville. [76] Et le diplomate ajoute : Quid animi super ea re Lutheri habeam, nouit Deus optimus maximus. Si vero aliter fieri non potest, agendum vt possumus, non vt volumus et tempori observiendum. Reddet vos Lutheri, vbi pia est, doctrina meliores, non ceruice duriori inflexibiles, vt vos sophistis et 283 Condolerem si et vos molestiam parem incurreretis, cuius gratia et clariores etiam viri et dignissimi, dominus Bernardus Adelmannus flos candidus canonicorum cathedralium ecclesiarum nostrarum, Pyrckheymerus et Lazarus Spengler in curiam Romanam vocati sunt. Longe vigilantius lupi hii instant, vt quosque Lutherianos notent nigro calculo. « Je souffrirais vivement si vous aussi vous encouriez pareil désagrément, en raison de quoi des hommes et plutôt célèbres aussi et très dignes, messire Bernhard Adelmann, fleur éclatante des chanoines de nos églises cathédrales, Pirckheimer et Lazare Spengler ont été convoqués à la curie à Rome. Ces loups s’appliquent avec beaucoup trop de vigilance à marquer d’un caillou noir tous les luthériens. » 284 Sapidus exprimait ses idées avec une liberté telle que Wimpheling menaçait de le « dénoncer aux inquisiteurs de la dépravation hérétique », rapporte Rhenanus à Zwingli en janvier 1520. (H, Lettre 144, p. 198 : Atque adeo libere nonnunquam Sapidus loquitur, ut Wimphelingius illi inquisitionem aut delationem ad inquisitores haereticae pravitatis saepe minetur. « Et parfois Sapidus parle si librement que Wimpheling le menace souvent de l’inquisition ou de dénonciation aux inquisiteurs de la dépravation hérétique. ») 285 « C’est pourquoi, de nouveau, comme il incombe au devoir d’un ami, je vous donne cet avertissement, et à messire Phrygio qui m’est si cher et à mon si doux Sapidus, comme ils peuvent le comprendre eux-mêmes d’après ces exemples [= convocation d’Adelmann, Pirckheimer et Spengler]: que le premier s’abstienne de parler de cette affaire en public du haut de sa chaire, surtout parce que le commun des hommes s’éloigne facilement du droit chemin, et que le second s’exprime avec plus de retenue dans ses discours auprès de ses élèves. »

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9. Marie-Odile Burckel theologistis iure tribuitis. Facite ergo quae fuerint et tranquillitati vestrae atque huic rei commoda ; ego meam, vt par est, minime neglexero diligentiam286.

On entend la voix désabusée mais résolue du réalisme diplomatique. [77] Enfin, après le « curé » et « l’instituteur », le diplomate Spiegel se souvient de l’imprimeur Lazare Schürer, du journaliste, serions-nous tentée de dire : Et quod pene distracto mihi exciderat, admonete Lazarum nostrum Schurerium, ne praelo suo expromat, quicquid vel Lutherianum sapit aut in sedem Apostolicam liberius verius etiam scriptum sit. Quandoquidem conuenerunt principes, hoc est Pontifex, Caesar noster, a quibus scio persuasus, et praelati ecclesiastici aduersus Christum hoc est veritatem, quae, dum deo placuerit, prorumpet vincetque seque suis viribus sola tutabitur. Interim tolerantia indignitatem hanc nobis mit et exerceat vires287.

Cet appel au renoncement en faveur de la providence divine reprend côte à côte les deux notions de liberté et de vérité, liberius verius, dans une forme de comparatif qui marque la borne au-delà de laquelle commence le danger. Le désenchantement de Spiegel est perceptible. Son accusation est gravissime, il y aurait collusion, au sommet, entre le pouvoir civil et religieux pour étouffer la vérité, dont nous savons maintenant qu’elle a le visage du Christ. Peut-être en sait-il beaucoup plus sur l’affaire Luther qu’il ne peut le dire. Pourquoi Spiegel n’a-t-il pas nommé Beatus Rhenanus dans ses correspondants ? Peut-être tout simplement parce qu’il le croit de retour à Bâle. Peut-être aussi parce 286 « Ce que je pense de cette affaire qui concerne Luther, Dieu très bon très grand le sait. Mais si l’on ne peut faire autrement, il faut agir comme nous le pouvons, et non comme nous le voulons, il faut s’accommoder au temps. La doctrine de Luther vous rendra, quand elle est pieuse, meilleurs, non pas inflexibles, présentant une nuque trop rude, selon la caractéristique que vous, vous prêtez, à juste titre, aux sophistes et aux théologiens. Faites donc ce qui peut être avantageux pour votre tranquillité et pour notre affaire ; moi j’y mettrai tout mon zèle, comme il se doit, sans rien omettre. » Pour l’expression tempori observiendum, cf. Cicéron, Att. 10, 7, 1 (tempori serviendum) ; pour la forme du verbe obseruio, voir Hoven, Lexique, p. 237. 287 « Et ce qui avait failli m’échapper dans ma distraction, avertissez notre Lazare Schürer de ne rien imprimer sur sa presse qui sente même son Luther ou qui ait été écrit contre le Siège Apostolique avec trop de liberté, voire de vérité. Puisque les princes, c’est-à-dire le pape, notre empereur, - et je sais qui l’en a persuadé -, et les prélats de l’Eglise, se sont mis d’accord contre le Christ, c’est-à-dire la vérité, laquelle, pourvu que cela plaise à Dieu, éclatera et vaincra et assurera sa défense seule avec ses propres forces. En attendant, que la patience adoucisse l’outrage et exerce ses forces. »

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qu’il connaît sa discrétion, qu’il n’a pas besoin de lui enjoindre la prudence. Il connaît son sentiment, doit deviner ou comprendre sa ligne de conduite et savoir qu’il est très bien informé, comme le montre la lettre288 qu’il écrit à Boniface Amerbach, le 7 janvier 1521. [78] Spiegel a-t-il été écouté ? Pour répondre à la question, il suffit de regarder ce qui est publié à Sélestat en 1521 et 1522. La diatribe de Paul Phrygio, Sur le pouvoir des clefs et la Bulle de condamnation de Léon X contre Martin Luther, a sans doute été éditée entre fin novembre (les deux premiers pamphlets antiluthériens de Murner ayant été publiés les 11 et 24 novembre) et début décembre, avant la réception de la lettre. En 1521 et 1522, quatre publications, pour le sujet qui nous intéresse, voient le jour, l’ouvrage qui comporte les Axiomata pro Luthero d’Erasme ainsi que le Iudicium de doctore Martino Luthero de Johannes Oecolampadius, fortes prises de position de deux grands humanistes et théologiens en faveur de la cause de Luther, l’ouvrage de Philipp Melanchthon289, la réédition de l’ouvrage de Nicolas de Clamanges, avec des ajouts, et la Messe de mariage de Karlstadt290. Mais c’est précisément en 1521 et 1522 que Nicolas Küffer prend le relais et publie, en allemand, Luther, Hutten et Bucer291. D’une manière générale nous assistons, chez Lazare 288 H, Lettre 194 datée de Bâle. 289 Voir Annexe 2 n° 41. Didymi Fauentini aduersus Thomam Placentinum, pro

Martino Luthero Theologo Oratio. « De Didymus Faventinus, Discours contre Thomas de Piacenza en faveur de Martin Luther théologien. » Réponse à un texte de Tommaso Radini Tedeschi (1488-1527) de Piacenza contre Luther, Thome Rhadini Todischi. Placentini. Ordinis Præ. Ad illustriss. & inuictiss. Principes & populos Germanię, In Martinum Luterum Wittenbergensem. Ordinis Here. Nationis gloriam violantem Oratio elegantissima. « De Thomas Radini Tedeschi de Piacenza, de l’ordre des Prêcheurs, Aux princes très illustres et toujours invaincus et aux peuples d’Allemagne, Discours très élégant contre Martin Luther de Wittenberg, de l’ordre des Ermites [de Saint Augustin], qui outrage la gloire de la nation » (Cologne, Peter Quentel, novembre 1520, VD-16 : R-84 ; Rome, J. Mazochius, août 1520). 290 Annexe 2 n° 49. Mariage le 19 janvier 1522 d’Andreas Bodenstein avec Anna von Mochau. 291 En 1521, les œuvres de Luther : „Warumb des Babsts vnd seyner Jungernn Buecher von Doctor Martino Luther verbrant seyndt. …Wittenberg. M.D.XX.“ ; „Warumb des Babsts vnd seyner Jungernn Buecher von Doctor Martino Luther verbrant seyndt. Lass auch anzaigen wer da wil.warumb sie Doctor Luthers buecher verbrant haben. // Wittenberg. M.D.XX.“ ; „Ain Sendtbrieff von Doctor Martin Luther / nach seynem abschaydt von Wurmbs.an die stendt des hailigen Reychs da selbst versamlet von Fridburg geschickt im. XXI. Jar geschehen“ ; „Wyder die Bullen des Endchrists : Doctor Martinus Luther. Wittenberg…M.D.XXI.“ ; de [Hutten] : „Beclagung Tütscher Nation. DISS zeychen bedüt den text des propheten Hieremie. Diss zeychen bedüt die vsslegung des texts.“ ; „Ain clag über den brandt

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Schürer, à une réduction spectaculaire d’activité : douze publications en 1521 et 1522 contre trente-six en 1519 et 1520. Et son atelier, affirme Leif Grane292, « l’un des plus importants de 1520, cessa d’être un centre de propagande luthérienne… » Conclusion [79] Si Lazare Schürer a quitté Strasbourg après la mort de son oncle, alors qu’il était devenu son associé, c’est sans doute qu’il n’avait pas su s’imposer dans l’atelier. L’aventure sélestadienne s’explique par de multiples facteurs, une vie intellectuelle intense liée à l’Ecole latine et à la personnalité de son directeur Johannes Sapidus, l’existence d’une Société littéraire très active, la présence d’ecclésiastiques ouverts aux idées humanistes, qu’ils appartiennent au clergé séculier ou régulier, le soutien des édiles de la ville, le prestige et l’influence de Jacques Spiegel, la présence enfin de Beatus Rhenanus. [80] Mais nous ne savons rien de la clientèle. Les élèves de l’Ecole ? Les Sélestadiens ? Paul Adam explique qu’ils avaient de bonnes raisons d’être mécontents de Rome et critiques à l’égard du clergé293. Sans doute plus largement l’Alsace, l’Allemagne, la Suisse, via les réseaux des Sélestadiens et leurs déplacements, comme nous le montrent les correspondances de Rhenanus et de Bucer. [81] L’effervescence qui règne à Sélestat en 1519 et en 1520 dans l’imprimerie de Lazare Schürer est joyeusement studieuse, joyeusement combative. L’officine milite essentiellement par la satire. Dans ses publications, elle reste en marge de l’enseignement doctrinal, elle ne s’engage pas dans le débat de fond. Elle pratique l’escarmouche, le harcèlement. La phrase de Bucer s’appliquerait assez bien à Sélestat : Legi, quam tuo stilo nostros theologos impetiveris pupugerisque « J’ai lu comment, avec ta plume, tu as attaqué et harcelé nos théologiens » (voir le par. 57). der Lutherischen buecher zu Mentz durch her Vlrich von Hutten.“ ; de [Bucer] „AIn schooner dialog vnd gespräch zwischen ainem Pfarrer. Vnd ainem Schulthayss, betreffend allen übel standt der Geystlichem Vnnd boss hanndlung der weltichen. Alles mit geyttigkait beladen“ ; en 1522 : de Luther : „Ein Sermon am nächsten Sonntag nach Mariä Himmelfahrt. Ein Sermon von dem vn//rechten Mammon Luce.xvi. Doct. Mar. Luther Anno. M.D.xxii.“ ; de Hutten : „Ain new lied herr Vlrichs von Hutten. // Ich habs gewagt mit sinnen“. 292 Grane, Martinus noster, p. 281. 293 Adam, HRS, 1, p. 150, 179-180, 185.

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[82] Trois adjectifs pourraient qualifier l’état d’esprit qui règne à Sélestat en 1519 et 1520, acutus, festivus et vivax. C’est Beatus Rhenanus294 qui nous les fournit quand il fait le portrait des trois hommes auxquels leur fonction offre une tribune et donc la capacité d’influencer leurs concitoyens, le curé Paul Phrygio, le directeur et professeur Johannes Sapidus et l’imprimeur Lazare Schürer. [83] Acuité d’esprit, enjouement et fougue caractérisent aussi Rhenanus. Les lettres qu’il écrit à Spiegel295 et à Pierre Gilles296 le prouvent. Mais il demeure dans l’ombre, n’intervient jamais officiellement et à titre personnel dans l’officine. Serait-ce parce que Sélestat est, comme l’île d’Utopie, un lieu qui ne s’inscrit sur aucune carte, du moins en ce qui concerne la critique de l’Eglise romaine ? Le dieu Mercure aurait-il aussi caché la ville nube densissima « dans un nuage très dense297 » ? [84] L’avertissement de Jacques Spiegel et le retour de Beatus Rhenanus à Bâle coïncident avec le retour à la réalité et le déclin de l’imprimerie de Lazare Schürer. Que devient notre imprimeur ? Nous trouvons les éléments de réponse chez Paul Adam. Comme Phrygio et Sapidus, il fait partie des Luthériens « très coupables » nommés par Johann Schütz de Traubach, dans la correspondance faussement attribuée à Melchior Ergersheim. Le 12 janvier 1524, le Magistrat lui interdit « de prêcher et de lire aux laïques298 », activité qu’il pratiquait dans la maison de sa mère. « Il semble avoir obéi », nous dit Paul

294 H, Lettre 170 à Spiegel, datée de Sélestat le 14 juin 1520 : Quem enim non

delectet apud tam doctos viros versari, quos commune litterarum studium arctissimo vinculo coniunxit, quosque tam variae dotes commendant ? Nam quid avunculo tuo Vuimphelingio sanctius ? Quid abbate Vuolzio religiosius, quid Paulo Phrigione acutius, quid Sapido festivius, quid Iacobo Vuolphio prudentius, denique quid Schurerio vivacius ? « En effet, qui ne se plairait pas à fréquenter des hommes si savants, qu’une commune passion des lettres a unis par un lien si étroit, et que tant de dons variés recommandent ? Car quoi de plus saint que ton oncle maternel Wimpheling ? Quoi de plus pieux que l’abbé Volz, quoi de plus incisif que Paul Phrygio, quoi de plus enjoué que Sapidus, quoi de plus avisé que Jacques Wolff, enfin, quoi de plus fougueux que Schürer ? » 295 H, Lettre 170 datée de Sélestat le 14 juin 1520. 296 H, Lettre 426 datée de [1519], p. 570-571. 297 Comme il a caché ses trois compagnons, les trilingues, et lui-même, pour pouvoir regarder passer le convoi funèbre de Calliope et discuter en toute sécurité. Voir Nesen, Dialogus sanequam festiuus bilinguium ac trilinguium, siue de funere Calliopes. [Sélestat, Lazare Schürer, 1520], au f. A iij r°. 298 Adam, HRS, 1, p. 187. Sur l’affaire Schütz de Traubach, voir les p. 187-193.

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Adam qui nous apprend que Lazare Schürer dirigea l’Ecole latine299 de 1527 à 1531 : il est mort en octobre 1531. Annexe 1 La date de la mort de l’imprimeur Matthias Schürer [85] A ce jour nous n’avons aucun document attestant de la date de la mort de Matthias Schürer. En particulier aucune trace dans la correspondance de Beatus Rhenanus. Mais nous pouvons peut-être situer le décès en septembre 1519. En effet son neveu Lazare Schürer qu’il a officiellement associé à son affaire300 en août 1519 obtient le droit de bourgeoisie à Sélestat le 8 octobre 1519, ce qui implique que son oncle est mort entre ces deux dates. [86] Bien entendu, l’Avis final301 au lecteur de Lazare Schürer pour les Epigrammes de Johannes Sapidus, daté du 1er mars 1520 peut surprendre302. Le début de la première phrase nous apprend sans surprise que Lazare a ouvert son imprimerie à Sélestat suite à la mort de son oncle Officinam nostram quam ab obitu Matthiæ Schurerij patrui nostri hic nuper instruximus nouam adhuc « Notre officine, que, depuis la mort de Matthias Schürer notre oncle, nous avons montée ici récemment, neuve encore… », l’adverbe nuper pouvant s’entendre dans un sens plus ou moins large. C’est, à la fin de la deuxième phrase, le verbe auspicaremur qui surprend : pour justifier son choix, l’imprimeur prétend en effet inaugurer son officine par l’impression des Epigrammes de Sapidus : primum enim hoc patriæ debebatur, ut a ciuis opusculo potius quam alieni cuiusquam 299 Adam, Humanisme à Sélestat, p. 24 et 71. Et F. Ritter (Ritter, HIA, p. 424) précise qu’il bénéficia pour l’obtention de ce poste de l’appui de sa belle-famille, les Westermann. 300 Voir le colophon pour les Fables d’Esope VD-16 : A-462, f. L [vi] r°, fol. LXVI, Argentorati, ex Aedibus Matthiæ Schurerij, & Lazari nepotis eius, Mense Augusto. Anno. M.D.XIX. « A Strasbourg, de la maison de Matthias Schürer et de son neveu Lazare, au mois d’août de l’année 1519. » 301 BHS K 94a. Au f. g [v] v° : LAZARVS SCHVRERIVS // Selestadiensis Lectori S. « Lazare Schürer de Sélestat au lecteur, salut. » 302 Cet Avis semble avoir conduit les savants à une certaine prudence dans l’appréciation de la date du décès de Matthias Schürer. Voir par exemple Ritter, HIA, p. 170 : « or la date de la mort de Schürer se situe certainement avant mars 1520 », mais, p. 421 : « Après la mort de l’oncle [= Matthias Schürer] vers la fin de l’année 1519 » ; et les notices biographiques de Chrismann, « Schürer », Fuchs, « Schürer » et Hirstein, EBR, 1.

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auspicaremur. « c’était en effet d’abord un devoir envers notre patrie [Sélestat] d’inaugurer notre entreprise par la publication de l’opuscule d’un de ses citoyens plutôt que de celui d’un étranger. » Et à la fin de son Avis, l’imprimeur sélestadien renchérit : En igitur primitias. Selestadiensis officinę, quas uberiores fructus paulo post consequentur. « Voici donc les prémices de notre officine sélestadienne, qui seront suivies un peu plus tard de fruits plus abondants. » [87] Mais cette inauguration ne coïncide pas dans les faits avec le début des publications sélestadiennes et les Epigrammes ne sont pas la première production de l’imprimerie qui fonctionne depuis quatre mois, puisque Lazare Schürer a publié dès novembre 1519 « La double abondance des mots et des choses » d’Erasme303, comme en atteste le colophon (à la fin, au f. o [viii] r°) Selestadij in ædibus Lazari Schurerij, // Mense Nouembri Anno // M. D. XIX. « A Sélestat, dans la maison de Lazare Schürer, au mois de novembre de l’an 1519. » Il ne peut pas non plus être question des débuts de l’année 1520, puisque là encore, l’imprimerie a déjà publié en février 1520 les « Préceptes moraux » de Caton, la « Vie des douze Césars » de Suétone et les «Elégances, en six livres » de Laurent Valla304. [88] Par ailleurs, en octobre 1519, Thomas Anshelm305 imprime à Haguenau les Collectanea adagiorum veterum d’Erasme, « Recueil d’adages des Anciens », que seul Matthias Schürer publiait en Allemagne depuis juillet 1509306. C’est le premier ouvrage d’Erasme que Matthias Schürer avait fait paraître307 et pour lequel il avait écrit une courte préface308 datée du 18 juin 1509, pleine d’enthousiasme. Il en avait donné huit réimpressions309, en juillet 1510, juin 1512, octobre 1513, avril 1515, mai 1516, septembre 1517, janvier 1518 et mars 1519. Nous pouvons penser que Thomas Anshelm a saisi l’occasion qui se présentait d’occuper l’espace laissé vacant par la mort de l’imprimeur, qui ne s’était jamais prévalu d’aucun privilège 303 Voir Annexe 2 n° 01. 304 Voir Annexe 2 n° 09, 10, 11. 305 VD-16 : E-1920 Hagenoæ ex ædibus Thomæ Anshelmi Baden//sis. Mense

Octobri. Anno a Christo nato. // M.D.XIX. « A Haguenau, de la maison de Thomas Anshelm, Badois. Au mois d’octobre, de la 1519e année depuis la naissance du Christ. » 306 VD-16 : E-1910. 307 Voir Halkin, Matthias Schürer imprimeur d’Erasme, p. 124-125. 308 Voir Hirstein, EBR, 1, Epître 12, p. 104-113. 309 Respectivement VD-16 : E-1911, 1912 et 1913 ; E-1914 ; E-1915 ; E-1916 ; E-1917 ; E-1918 ; E-1919 ; E-1921 et 1922.

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d’impression, mais qui semblait bénéficier de la part de ses confrères d’une sorte d’accord tacite. [89] Si nous comparons la page de titre (page publicitaire de toute officine) de l’édition haguenovienne à celle de la dernière édition de Matthias Schürer, nous constatons que l’imprimeur haguenovien a opéré deux ajouts et trois suppressions. Il fait un premier ajout mineur en complétant le titre par le commentaire suivant : Opusculum sanè ingenio summo elaboratum. « Opuscule produit par le travail d’une intelligence véritablement supérieure. ». Le second ajout, dans l’Adresse au lecteur, copie conforme de celle de Matthias Schürer, est ambigu, car il donnerait à penser, à tort, que l’imprimeur haguenovien est l’auteur de corrections non négligeables. En effet, dans la première phrase, Anshelm insère quatre mots : ex Anshelmiana Typographica officina pour dire : Habes310 hic candide Lector, ex Anshelmiana Typographica officina, Adagia illa Erasmi Roterodami, multo emendatiora, multo integriora, quam in prioribus impressionibus. « Tu possèdes ici, honnête lecteur, sortis de l’officine typographique d’Anshelm, les fameux Adages d’Erasme de Rotterdam, bien plus émendés, bien plus corrects que dans les précédentes impressions. » La seconde phrase de cette Adresse chez Anshelm, qui vante la présence de mots grecs avec signes diacritiques, reprend au mot près celle de Schürer. [90] Quant aux trois suppressions opérées par Thomas Anshelm sur la page de titre, elles signent la disparition du nom de Matthias Schürer et de deux marques caractéristiques de ses publications. Anshelm dépossède d’abord Schürer de la paternité de l’Index311 en enlevant les trois mots qui le lui attribuaient, a Schurerio condita « [l’index] créé par Schürer ». Puis il supprime le slogan souvent utilisé par notre imprimeur « Lecteur, achète, lis et tu approuveras » et la devise en grec de Matthias Schürer « Guette l’occasion312 ». [91] L’imprimeur haguenovien supprime également, dans l’ouvrage cette fois, la courte préface du 18 juin 1509 signée par Matthias Schürer et la remplace par un court texte d’Erasme Quatenus utendum adagiis, « Jusqu’à quel point user des adages313», sur les « limites de l’utilisation des adages314 ». Thomas Anshelm réimprimera 310 On lit Inuenies dans l’Avis de Matthias Schürer. 311 Identique à celui de Schürer à quelques rares inversions près. 312 LECTOR EME, LEGE, // ET PROBABIS. // φύλασσε καιρόν. 313 Erasme, Adages, Saladin, vol. 1, p. 38-39. 314 Hirstein, EBR, 1, Epître 5, p. 40 et 41, n. 14.

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l’ouvrage315 en janvier 1521, ce qui prouve qu’il s’agit d’une bonne affaire commerciale. [92] Mais en septembre 1520, l’officine strasbourgeoise de Matthias Schürer imprime à son tour les Collectanea adagiorum ueterum316, accompagnés du colophon suivant : EXCVSA, STANNEIS CALAMIS, HAEC Veterum Adagiorum Desyderij Aerasmi collectanea, græcis adornata characteribus, ea quidem opera, qua Matthias Schurerius Selestensis (piæ recordationis) excripserat. Argentorati in eius Aedibus Mense Septembri, Virginei partus Anno millesimo quingentesimo uigesimo in lucem ædita. « Grâce aux calames d’étain, ce Recueil d’adages des Anciens de Didier Erasme, embelli par des caractères grecs, a été imprimé, avec, en vérité, le soin que Matthias Schürer de Sélestat (de pieuse mémoire) avait mis à le reproduire. Paru à la lumière, à Strasbourg, dans sa maison, au mois de septembre, la 1520e année de l’enfantement de la Vierge317. »

C’est cet hommage piæ recordationis des successeurs strasbourgeois de l’imprimeur qui nous incite à penser qu’il s’agit pour eux de célébrer le premier anniversaire de la mort du fondateur de l’entreprise, par la réimpression de l’ouvrage qu’il a le plus publié. Le souvenir de Matthias Schürer est perceptible jusque dans l’expression STANNEIS CALAMIS qui se trouve dans tous les colophons des Collectanea de 1509 à 1519 et dans la mention des græcis characteribus présente de 1515 à 1519. La page de titre reprend à l’identique celle de mars 1519, même encadrement, même emploi de l’encre rouge, même disposition des textes et même texte. Chaque page de l’ouvrage est la reproduction à l’identique de celle de mars 1519. Le colophon, nouveau, bien entendu, bénéficie d’une petite variante, puisqu’il est suivi de trois fleurons. Ce livre manifeste la piété des vivants à la mémoire d’un disparu. [93] Hasard du calendrier ou volonté délibérée, ces Collectanea sont imprimés318 par Lazare Schürer en septembre 1521, sans qu’il soit fait aucune mention du nom de Matthias Schürer. Sur la page de titre, toute référence à l’imprimeur strasbourgeois a disparu. L’Index a été retravaillé et la préface de Matthias Schürer est remplacée, comme 315 VD-16 : E-1925. 316 VD-16 : E-1923 et E-1924. 317 Le 8 septembre. 318 VD-16 : E-1927.

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dans l’édition de Thomas Anshelm, par le texte d’Erasme Quatenus utendum adagiis. Demeurent deux vestiges de l’officine de Matthias Schürer, l’encadrement de la page de titre, qui n’est pas celui de mars 1519, et, à la fin, les armoiries à la gerbe, avec le nom de Lazare Schürer. Annexe 2 Classement chronologique provisoire des ouvrages publiés par l’imprimerie de Lazare Schürer à Sélestat [94] Josef Benzing319 a classé les publications par année dans l’ordre alphabétique des auteurs ou du premier mot du titre. Sa transcription des titres reproduit fidèlement la présentation de l’imprimeur. Nous tentons de classer les ouvrages selon la date d’impression. En l’absence d’indications dans le colophon ou sur la page de titre, nous tenons compte des dates (estimées non fictives) données dans les Epîtres dédicatoires ou Avis aux lecteurs, et des informations trouvées dans les correspondances des Sélestadiens, même si nous n’oublions pas le temps qui peut s’écouler entre la réception ou l’envoi d’un texte et sa mise sous presse. En l’absence de tout indice, et sauf indication contraire, nous suivons la proposition du VD-16, que nous plaçons entre crochets droits. Le lieu d’impression, les noms d’imprimeur et d’auteur entre crochets droits signalent aussi l’absence de ces informations dans l’ouvrage. Les précisions de date entre parenthèses sont de notre main. Nous ne reproduisons pas les titres complets tels qu’ils figurent sur les pages de titres, sauf quand Josef Benzing n’a pas répertorié l’ouvrage. Année 1519 (01) Erasmus, Desiderius : De duplici copia uerborum, ac rerum commentarii duo. Epistola ad Iacobum Wimphelingium Selestatinum. Sélestat, Lazare Schürer, novembre 1519. VD-16 : E-2653 + E-2841. Benzing 4320. (Ouvrage déjà imprimé par Matthias Schürer à Strasbourg). (02) Neuenahr, Hermann von : Epistola Germaniae studiosorum ad Carolum Caesarem. 319 Voir Benzing, Répertoire bibliographique. 320 Benzing 4 = Benzing, Répertoire bibliographique, n° 4.

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Sobius, Jakob : Oratio Germaniae nobilium ad Carolum Augustum, de rebus quibusdam corrigendis. Sélestat, Lazare Schürer, décembre [1519]. VD-16 : N-1118 ; S-6835. Benzing 5. (03) Bodenstein, Andreas: ccclxx & Apologeticae conclusiones pro sacris literis & Wittenburgensibus compositae. ; Defensio adversus monomachiam D. Johannis Eckii theologiae doctoris. Epitome de impii iustificatione. [Sélestat, Lazare Schürer, 1519]. VD-16 : B-6204 ; B-6139 ; B-6156. Benzing 19321. (04) [Rubeanus, Crotus] : Ars et modus inquirendi et damnandi quoscumque hereticos secundum consuetudinem Romanae curiae. [Sélestat, Lazare Schürer, 1519]. (Avant le 10 janvier 1520322). VD-16 : A-3801. Benzing 1. (05) Orationes duae. Altera habita a Legatis summi Pontificis coram Imperatore Maximiliano, pro colligendis Decimis, in expeditionem in Turcas. Altera uiri cuiusdam doctissimi adhortantis, ne Principes in Decimae praestationem consentiant. [Fleuron] ORATIONES // duæ, Altera habita a Legatis summi Pontifi//cis coram Imperatore Maximiliano, // pro colligendis Decimis, // in expeditionem in // Turcas. // ALTERA VIRI CVIVSDAM DO//ctissimi adhortantis, ne Principes in Deci//mæ præstationem con//sentiant. Au f. B [4] v° : Emprime en che paijs neuu trouue nome Vtopya // lan mille. ccccc. &. xix. le quinzome // Iour Mars323. [Sélestat, Lazare Schürer, fin 1519, avant le 10 janvier 1520]324. VD16 : K-309 ; O-857. Répertorié chez Matthias Schürer : Muller 290. (06) [Ulrich von Hutten] : Ex obscurorum uirorum salibus cribratus Dialogus non minus eruditionis quam macaronices amplectens. EX OBSCVRORVM VIRORVM SA//libus Cribratus Dialogus, non minus eruditio//nis, quam macaronices amplectens: In quo introdu//cuntur Colonienses Theologi tres, Ortui//nus, Gingolphus, Lupoldus, Tres // item celebres uiri. // Ioannes Reuchlin, // Des[siderius] Erasmus, // Iacobus Faber. // De rebus a se recenter factis disceptantes. // Apud Antipodas. // Cum priuilegio. [Sélestat, Lazare Schürer, 1519]. VD-16 : D-1365. Benzing : non répertorié.

321 Benzing classe l’ouvrage en 1520, avec un point d’interrogation. « [1520 ?] ». 322 H, Lettre 144, p. 199 : Beatus Rhenanus à Ulrich Zwingli, Sélestat, le

10 janvier 1520 : Orationes de decimis atque item artem inquirendi sparge. 323 = le 15 mars 1519. 324 Ces informations ne proviennent pas de la notice du VD-16. Pour l’attribution de l’ouvrage à l’imprimerie de Lazare Schürer, voir notre contribution. Pour la date, voir H, Lettre 144, p. 199 : Beatus Rhenanus à Ulrich Zwingli, Sélestat, le 10 janvier 1520 : Orationes de decimis atque item artem inquirendi sparge.

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Année 1520 (07) Nicolas de Clamanges : De corrupto ecclesiae statu325. [Sélestat, Lazare Schürer, vers 1520]. VD-16 : N-1526. Benzing 2, en [1519]326. (08) Nesen, Konrad (= Nesen, Wilhelm) : Dialogus sane quam festiuus bilinguium ac trilinguium, siue de funere Calliopes. [Fleuron] ERVDITI // ADVLESCENTIS CHON//radi Nastadiensis Germani // Dialogus sanequam festiuus // bilinguium ac tri//linguium, siue // de funere Cal//liopes. // Exactissime ad autoris archetypum // recognitus [Sélestat, Lazare Schürer], 1520327. VD-16 : N-534. Benzing 21328. (09) Cato, Marcus Porcius Censorius : Praecepta moralia ; Epictetus, Enchiridion ; Erasmus, Institutio hominis christiani ; Isocrates, Paraenesis ad Demonicum ; Publilius Syrus, Mimi ; Septem sapientum illustres sententiae. Sélestat, Lazare Schürer, février 1520. VD-16 : C-1608 ; E-2140; I460 ; P-5285; S-5905. Benzing 7. (Ouvrage déjà imprimé par Matthias Schürer à Strasbourg). (10) Suetonius Tranquillus, Gaius : De uita duodecim Caesarum. Sélestat, Lazare Schürer, février 1520. VD-16 : S-10101. Benzing 27. (Ouvrage déjà imprimé par Matthias Schürer à Strasbourg). (11) Valla, Laurentius : Elegantiarum libri sex ; De reciprocatione libellus ; Annotationes in Antonium Raudensem ; Apologus seu actus scenicus in Poggium Florentinum. Sélestat, Lazare Schürer, février 1520. VD-16 : V-233 ; V-208 ; V-269 ; V-306. Benzing 29. (Ouvrage déjà imprimé par Matthias Schürer à Strasbourg). (12) Wurmser, Bernhard: Oratio in praesentatione decreti electionis, cum Responsiua, ac quibusdam aliis. 325 = De ruina et reparatione Ecclesiae. 326 J. Benzing classe l’ouvrage en 1519, sans doute à cause de la lettre

(vraisemblablement fictive) datée du 1er juillet 1519, qui figure au f. A ij r°-v° : Eubulus Cordatus. Monte//sio suo. S.D. […] Datum Romæ. // Calendis Iulijs. Anno // M.D.XIX. Nous suivons le VD-16 qui propose « um 1520 », tenant compte en particulier de la date de publication à Haguenau par Paul Phrygio en janvier 1520 du De causa Boemica (= De Ecclesia) de Jean Hus, second réemploi d’un texte ancien pour soutenir la cause de Luther. 327 Nous plaçons la publication de cet ouvrage en début d’année vu la lettre de Burer à Rhenanus datée du 30 septembre 1519. Voir H, Lettre 128, p. 180. 328 Josef Benzing (Benzing, Répertoire bibliographique, p. 97) renvoie à WJ n° 1017 et le titre complet qu’il donne correspond bien à cette entrée. Mais Joseph Walter précise qu’il s’agit de l’édition attribuée à Froben : « [Basileae- Froben] » (WJ, p. 294).

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[Sélestat, Lazare Schürer, 1520] (Epître dédicatoire de Jacques Spiegel datée d’Augsbourg, le 1er mars 1520). VD-16 : ZV-15628. Benzing 33. (13) Sapidus, Johannes : Epigrammata. [Sélestat, Lazare Schürer, 1520]. (Avril 1520329). VD-16 : S-1658. Benzing 26. (14) Brunfels, Otto : Confutatio sophistices et quaestionum curiosarum ex Origene, Cypriano, Nazianzeno, Cyrillo Chrysostomo, Hieronymo, Ambrosio, Augustino, Athanasio, Lactantio. Sélestat, Lazare Schürer, mai 1520. VD-16 : B-8487. Benzing 6. (15) Faculté de théologie de Louvain ; faculté de théologie de Cologne : Condemnatio doctrinalis librorum Martini Lutheri per quosdam Magistros Louanienses et Colonienses facta. Luther, Martin : Responsio Lutheriana ad eandem condemnationem. Sélestat, Lazare Schürer, mai 1520. VD-16 : L-2339 ; L-5801. Benzing 8. (16) Wimpheling, Jacques : Pragmaticae sanctionis Medulla excerpta ; De actionibus et astutiis quorundam curtisanorum. Sélestat, Lazare Schürer, mai 1520. VD-16 : W-3353 ; A-156. Benzing 32. (17) Wimpheling, Jacques : Grauamina Germanicae nationis cum remediis & auisamentis ad Caesaream Maiestatem. Sélestat, [Lazare] Schürer, [mai 1520]330. VD-16 : R-739. Benzing 16. (18) Vives, Juan Luis : Aduersus pseudodialecticos ; Pompeius fugiens. Sélestat, Lazare Schürer, juin 1520. VD-16 : V-1801 ; V-1889. Benzing 30. (19) Saint Paul : Epistolae Pauli ad Romanos, ad Corinthios prima, ad Corinthios secunda, ad Galatas, ad Ephesios, ad Philippenses, ad Colossenses, ad Thessalonicenses prima, ad Thessalonicenses secunda, ad Timotheum prima, ad Timotheum secunda, ad Titum, ad Philemonem, ad Hebreos, ad Laodicenses. Saint Paul ; Seneca, Lucius Annaeus : Epistolae Annei Senecae ad Paulum Apostolum, octo. Et rursus Pauli ad Senecam responsiuae sex. INSEQVENTIA IN HOC // libro continentur. // [Fleuron] BEATIS. [Fleuron] // PAVLI GENTIVM APOSTOLI. // Epistolę altissimis.refertę mysterijs, quas se//ptem ecclesijs, catholicas. & præterea, // quas discipulis suis, priuatas. se//dulus Christi Orator // transmisit. // Adijciuntur ijs. L. Annei Senecæ ad sanctum Pau//lum octo. Pauli[que] rursus ad Senecam, respon//siuę sex, breues quidem, iucundę tamen, // humanitatis[que] plenę. // Iungitur etiam in calce ea quæ a Paulo 329 Voir l’Avis final de Lazare Schürer daté du 1er mars 1520 et l’Epître

dédicatoire de Jacques Spiegel à Conrad Peutinger datée du 1er avril 1520. (Benzing se trompe quand il désigne Jean Sapidus comme auteur de la dédicace à Conrad Peutinger.) 330 La notice du VD-16 donne le millésime supposé [1519]. Nous suivons ici la proposition de J. Benzing, vu les nombreuses similitudes avec l’ouvrage n° 16, d’auteur, de visée, de présentation, vu la présence à Sélestat de Spiegel à ce moment-là, vu le contenu et le ton de l’Appendix.

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Laodi//censibus scripta inuenitur. // Selestadij apud Lazarum // Schurerium. Au f. bb [iij] v°: SELESTADII IN ÆDIBVS // Lazari Schurerij. Expensis uero Lucæ // Alantsee Mense Iulio. Anno // M.D.XX. Sélestat, Lazare Schürer, juillet 1520. « Aux frais de Lucas Alantsee ». VD-16 : B-4988. Benzing non répertorié. (20) Prudentius Clemens, Aurelius ; Spiegel, Jacques : In Aurelii Prudentii Clementis Caesaraugustani. V.C. De miraculis Christi Hymnum ad omnes horas, Iacobi Spiegel Selestadiensis interpretatio. Sélestat, Lazare Schürer, 1520. (Juillet, avant le 15331). VD-16 : P-5149. Benzing 24. (21) Erasmus, Desiderius : De ratione studii ac legendi… Selestadii in aedibus Lazari Schurerij, Aug. 1520. Sélestat, Lazare Schürer, août 1520. VD-16 : E-3577 non numérisé en août 2017. Benzing 15. (Ouvrage déjà imprimé par Matthias Schürer à Strabourg). (22) Erasmus, Desiderius : Parabolae, siue Similium Liber. Sélestat, Lazare Schürer, août 1520. VD-16 : E-3245. Benzing 13. (Ouvrage déjà imprimé par Matthias Schürer à Strasbourg). (23) Erasmus, Desiderius : Epistola ad Reuerendissimum Archiepiscopum ac Cardinalem Moguntinum qua commonefacit illius celsitudinem de causa Doctoris Martini Lutheri. Sélestat, Lazare Schürer, 1520. (Epître de Jacques Wimpheling à Christophe d’Utenheim, évêque de Bâle, datée du 1er septembre 1520). VD-16 : E-1894. Benzing 11. (24) Erasmus, Desiderius : Epistola ad Reuerendissimum Archiepiscopum ac Cardinalem Moguntinum qua commonefacit illius celsitudinem de causa Doctoris Martini Lutheri. Sélestat, Lazare Schürer, 1520. « Aux frais de Nicolas Küffer332. » VD16 : E-1893. Benzing 12. (25) Cato, Marcus Porcius Censorius : Praecepta moralia ; Epictetus, Enchiridion ; Erasmus, Institutio hominis christiani ; Isocrates, Paraenesis ad Demonicum ; Publilius Syrus, Mimi ; Septem sapientum illustres sententiae. Sélestat, Lazare Schürer, octobre 1520333. VD-16 : ZV-3155. Benzing non répertorié. (26) [Hermann Buschius] : Hochstratus ouans, dialogus festiuissimus. 331 Voir H, Lettre 170 de Beatus Rhenanus à Jacques Spiegel, datée du 14 juin 1520, p. 232-235 : Commentarius tuus in Prudentii hymnum pulchre procedit in officina Schureriana. Absolvetur puto sub Idus Iulias. (p. 235). 332 Nous n’avons aucun indice qui permette de dater cette publication par rapport à la précédente. 333 Informations données par la notice du VD-16. Nous n’avons pu examiner aucun exemplaire.

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[Sélestat, Lazare Schürer, 1520]. VD-16 : H-4005. Benzing 17, en « [octobre 1520]334 ». (27) Erasmus, Desiderius : Stultitiae laus. Epistola apologetica ad Martinum Dorpium theologum. Sélestat, Lazare Schürer, novembre 1520. VD-16 : E-3190 ; E-2869. Benzing 10. (Ouvrage déjà imprimé par Matthias Schürer à Strasbourg). (28) Valerius : Dictorum et factorum memorabilium libri nouem. Sélestat, Lazare Schürer, décembre 1520. VD-16 : V-136. Benzing 28. (Ouvrage déjà imprimé par Matthias Schürer à Strasbourg). (29) Elementale introductorium in nominum et uerborum declinationes graecas. Aleander, Hieronymus : Tabulae sane utiles Graecarum musarum adyta compendio ingredi cupientibus. Sélestat, Lazare Schürer, 1520. VD-16 : E-972 ; A-1707. Benzing 18. (Ouvrage déjà imprimé par Matthias Schürer à Strasbourg). (30) Cottalembergius, Johannes Franciscus [= Pirckheimer, Willibald]: Eccius dedolatus. [Sélestat335, Lazare Schürer, 1520]. VD-16 : C-5589. Benzing 9. (31) Charles Quint, empereur du Saint empire romain : Espagne, roi Charles Ier : Caroli Ro[manorum]. Regis recessuri, Adlocutio in conuentu Hispaniarum. CAROLI RO[manorum]. RE//GIS RECESSVRI, ADLOCVTIO // IN CONVENTV HIS//PANIARVM. [Sélestat, Lazare Schürer, 1520]. VD-16 : S-8109. Benzing non répertorié. (32) Nesen, Wilhelm : Epistola de magistris nostris Louaniensibus, quot, & quales sint, quibus debemus magistralem illam damnationem Lutherianam. Vita s.Nicolai siue stultitiae exemplar. [Sélestat, Lazare Schürer, 1520]. VD-16 : N-537 ; N-539. Benzing 22. (33) Quadius, Nicolaus : Epistola nuper ex urbe missa ad Hermannum Comitem de noua Aquila. [Sélestat, Lazare Schürer, 1520]. VD-16 : N-1544. Benzing 25. (34) [Hutten, Ulrich von] : Lamentationes Germanicae nationis. [Sélestat, Lazare Schürer, 1520]. VD-16 : L-167. Benzing 20, « avant le 13 janvier 1521336 ». (35) Eubulus, Constantius [Phrygio, Paulus] : Oratio Constantii Eubuli Mouentini, de uirtute Clauium & Bulla condemnationis Leonis decimi contra Martinum Lutherum. [Sélestat, Lazare Schürer, 1520]. VD-16 : E-4120. Benzing 23, « [avant le 6 janvier 1521] ». 334 Nous n’avons pas trouvé l’origine de cette information. 335 Au f. E [iv] r°: Impressum in Vtopia. 336 Voir dans Benzing, Nikolaus Küffer, la lettre de Basile Amerbach à Boniface

Amerbach datée du 13 janvier 1521.

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VD-16 : E-4120 urn:nbn:de:bvb:12-bsb10861970-1 ; urn:nbn:de:bvb:12bsb10167592-7 : Avis final adressé aux PIIS CHRISTIANIS. BHS K 824i/ WJ n° 1295, numérisé K0824 (scan 452-478) : Avis final adressé aux PIIS LVTHERANIS. (36) Erasmus, Desiderius : Querela pacis undique gentium eiectae profligataeque. [Sélestat, Lazare Schürer337, vers 1520]. VD-16 : E-3495. Benzing 14. (Ouvrage déjà publié par Matthias Schürer à Strasbourg). (37) Cicero, Marcus Tullius : Ad Octauium Epistola. M.T.CICERONIS // AD OCTAVIVM EPISTOLA, // quam multi putant fuisse omnium Cicero//nis epistolarum vltimam, nam // non multo post inter//fectus est. [Sélestat, Lazare Schürer, vers 1520]. VD-16 : C-3834. Benzing non répertorié. (38) Terentius Afer, Publius : Opera. Andria. Eunuchus. Heautontimorumenos. Adelphi. Phormio. Ecyra. PVB. TEREN//TII APHRI POETAE // COMICI LEPIDIS//SIMI. // Andria. // Eunuchus. // Heautontimorumenos. // Adelphi. // Phormio. // Ecyra. // R[eco]gnitæ nuper, & castiga//tissime impressæ. // Sunt his adiecta nonnulla alia, haud // quaquam inutilia futura studiosis. // quæ cuiusmodi sint, se//quenti epistolio // annotatur. // Selestadij apud Lazarum // Schurerium. Sélestat, Lazare Schürer, [vers 1520]. VD-16 : T-384. Benzing : non répertorié. (Ouvrage déjà publié par Matthias Schürer à Strasbourg). Année 1521 (39)338 Nicolas de Clamanges : De corrupto ecclesiae statu. [Sélestat, Lazare Schürer, vers 1521]. VD-16 : N-1527. Benzing 3 en [1519]. (Réédition augmentée du n° 07). (40) Erasmus, Desiderius : Axiomata pro Luthero. Oecolampadius, Johannes : Iudicium de doctore Martino Luthero. [Sélestat, Lazare Schürer] 1521. VD-16 : E-2056, O-307. Benzing 39. (41)339 Didymus Faventinus (= Melanchthon, Philipp) : Aduersus Thomam Placentinum, pro Martino Luthero theologo Oratio. [Sélestat, Lazare Schürer, 1521] VD-16 : M-2438. Benzing 41. 337 Initiales « .M.S. » sur la page de titre. 338 Nous suivons la datation du VD-16. Malgré l’absence d’informations

permettant de dater plus précisément la publication des ouvrages numérotés 38, 39 et 40, nous les plaçons au début de l’année 1521, une publication plus tardive ayant moins d’intérêt. 339 L’ouvrage parut d’abord à Wittenberg en février 1521. Beatus Rhenanus possédait un exemplaire de cette édition, voir BHS K 809f/ WJ n° 1313.

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(42) Erasmus, Desiderius : De duplici copia uerborum ac rerum commentarii duo. Epistola ad Iacobum Wimphelingium Selestatinum. Sélestat, Lazare Schürer, 1er mai 1521340. VD-16 : E-2657 ; E-2845. Benzing 38. (Réédition du n° 01). (43) Aesopus : Fabulae. Sélestat, Lazare Schürer, juin 1521. VD-16 : A-468. Benzing 34. (Ouvrage déjà publié par Matthias Schürer à Strasbourg). (44) Aristoteles : Libri octo physicorum. Sélestat, Lazare Schürer, 1er août 1521. « Aux frais de Lukas Alantsee. » VD-16 : A-3564. Benzing 35. (45) Erasmus, Desiderius : Collectanea Adagiorum ueterum. Sélestat, Lazare Schürer, septembre 1521. VD-16 : E-1927. Benzing 37. (Ouvrage déjà publié par Matthias Schürer à Strasbourg). (46) Plautus, Titus Maccius : Aulularia. AVLVLARIA PLAVTI//na, comediarum lepidissima, a Co//dro Vrceo in genuinam legi//timamque lectionem resti//tuta, familiari cum ex//planatione, // Cum indice præterea omnium quæ sunt // notatu dignissima, in calce addito. // .L.S. Sélestat, [Lazare] Schürer, septembre 1521. VD-16 : P-3425. Benzing non répertorié. (Ouvrage déjà publié par Matthias Schürer à Strasbourg). (47) Sallustius Crispus, Gaius : De coniuratione Catilinae. De bello Iugurthino. Sélestat, Lazare Schürer, 1er octobre 1521. VD-16 : S-1374. Benzing 40. (Ouvrage déjà publié par Matthias Schürer à Strasbourg). (48) Cicero, Marcus Tullius : Tusculanarum quaestionum Libri V. Sélestat, Lazare Schürer, octobre 1521341. VD-16 : ZV-31393. Benzing 36. (Ouvrage déjà publié par Matthias Schürer à Strasbourg). Année 1522 (49) Missa de nuptiis Andreae Carolostadii et sacerdotibus matrimonium contrahentibus. MISSA DE NVPTIIS // ANDREÆ CAROLOSTADII, // ET SACERDOTIBVS MATRI//MONIVM CONTRA//HENTIBVS. [Sélestat, Lazare Schürer, 1522]342. VD-16 : M-5490. Benzing non répertorié. 340 Informations données par la notice du VD-16. Colophon absent de l’exemplaire numérisé examiné ULB Sachsen-Anhalt urn:nbn:de:gbv: 3:1-261806. 341 Notice du VD-16 : « Selestadij in Aedibus Lazari Schurerij, Mense // Octob. Anno M.D.XXI. », J. Benzing, Répertoire, p. 99 : « Selestadii in aedibus Lazari Schürerii MDXXI. » 342 Malgré l’absence d’informations permettant de dater plus précisément la publication de l’ouvrage, vu la date du mariage de mariage d’Andreas Bodenstein

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(50) Valla, Laurentius : Elegantiarum libri sex ; De reciprocatione libellus ; Annotationes in Antonium Raudensem ; Apologus seu actus scenicus in Poggium Florentinum. Sélestat, Lazare Schürer, juin 1522. VD-16 : V-238 ; V-213 ; V-274 ; V-311. Benzing 42. (Réédition du n° 10).

Sources Adam, HRS, 1 = Adam, Paul : Histoire religieuse de Sélestat, tome 1, des origines à 1615, Sélestat, Alsatia, 1967. Adam, Humanisme à Sélestat = - : L’humanisme à Sélestat : l’Ecole, les Humanistes, la Bibliothèque, Sélestat, Alsatia, 2001. ADB = Allgemeine Deutsche Biographie. Bailly = Bailly, A. : Dictionnaire grec français, rédigé avec le concours de E. Egger, éd. revue par L. Séchan et P. Chantraine, Paris, Hachette, 1950. Benzing 01 = Benzing, Répertoire bibliographique n° 01. Benzing, Nikolaus Küffer = Benzing, Josef: Der Winkeldrucker Nikolaus Küffer zu Schlettstadt (1521). http://dx.doi.org/10.5169/seals-387812. Benzing, Répertoire bibliographique = - : Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au seizième siècle, 143 SELESTAT, Baden-Baden, Editions Valentin Koerner, 1976, p. 91-100. Bertaux et Lepointe, Dictionnaire = Bertaux, F. et Lepointe, E. Dictionnaire allemand-français, Paris, Librairie Hachette, 1968. BHS = Bibliothèque Humaniste de Sélestat. BHS K = Début de cote d’un livre ancien (XVe-XVIe s.) de la BHS. Bischoff, La guerre des paysans = Bischoff, Georges : La guerre des paysans. Strasbourg, Editions de la Nuée Bleue, 2010. Böcking, Drei Abhandlungen = Böcking, Eduard : Drei Abhandlungen über reformationsgeschichtliche Schriften. I. Orationes de decimis. 1518. II. Oratio Christi pro Luthero. 1521. III. Responsio ad apologiam Croti Rubeani. 1532., Leipzig, Teubner, 1858. avec Anna von Mochau, le 19 janvier 1522, nous plaçons cet ouvrage au début de l’année 1522.

9. « Matthias et Lazare Schürer, de 1518 à 1522 »

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9. Marie-Odile Burckel

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10 Beatus Rhenanus, auteur des annotations marginales anonymes dans l’édition bâloise de [mars] 1521 du De libertate christiana de Martin Luther : une étude générale James Hirstein

[1] Durant l’été 2014, en préparant le colloque de juin 2015 qui a donné lieu à ce volume1, nous faisions des sondages à la Bibliothèque Humaniste de Sélestat dans les livres2 de Beatus Rhenanus contenant des écrits de Martin Luther. Parmi les livres de l’humaniste se trouvait un exemplaire de la première édition latine de la Lettre de Luther au pape Léon X et du Traité sur la liberté chrétienne que la Lettre présente3. Le livre avait paru fin novembre 1520 chez l’imprimeur Johann Rhau-Grunenberg, à Wittenberg. L’examen de l’exemplaire de Sélestat a mis en évidence des entrées manuscrites provenant de plusieurs mains dont certaines semblaient être des corrections d’auteur. Nous avons compris, en outre, à partir de ces entrées que le livre était un « modèle d’impression », c’est-à-dire qu’il avait servi à produire une nouvelle édition. [2] Des inscriptions autographes sur la page de titre du livre ont fait comprendre que Luther l’avait d’abord envoyé à Bernhard Adelmann von Adelmannsfelden à Augsbourg, qui par la suite l’avait réexpédié à Beatus Rhenanus. Des investigations plus poussées ont montré que Martin Luther lui-même avait apporté quelque quarante1 Pour le colloque, voir Hirstein « Colloque Rhenanus, 2015 ». 2 Pour les livres de Rhenanus, voir Hirstein, « Bibliothèque de Rhenanus » et

Petitmengin, « Livres ». En raison de la qualité et du caractère unique de ce fonds, il fut inscrit par l’Unesco, en 2011, au registre « Mémoire du monde », voir Muller, « Rhenanus et ‘Mémoire du monde’ ». 3 Il fait partie d’un recueil de dix-sept écrits qui portent sur la question d’une réforme ; sa cote est « K 809o » (WJ n° 1764, p. 435). Pour les premières images et un bref rapport, voir Hirstein, « Découverte, Luther ».

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10. James Hirstein

sept corrections dans ce livre4 et Rhenanus douze5. Mais la majeure partie des entrées notées par le Sélestadien n’était pas des corrections, mais des annotations marginales portant sur le contenu du Traité sur la liberté chrétienne. Il avait de fait opéré 102 interventions de cette sorte dans les marges du livre. [3] D’autres interventions manuscrites provenaient de typographes ; celles-ci indiquaient comment présenter et paginer une nouvelle édition. L’identification de la nouvelle édition ne fut pas excessivement difficile. Celle-ci comporte sous forme imprimée, dans le corps du texte, les corrections de Luther et de Rhenanus et surtout elle met en exergue les annotations marginales demandées dans l’exemplaire de Sélestat. Il s’agit de l’édition de la Lettre et du Traité publiée par Petri en [mars] 1521. Mais il faut opérer une distinction importante entre les annotations imprimées de la Lettre et celles du Traité, car les deux ouvrages chez Petri les possèdent : il n’y a pas de trace d’annotations manuscrites sur le contenu de la Lettre dans l’exemplaire de Sélestat. Cela signifie que nous ne savons pas qui est leur auteur ; nous ne les traiterons pas ici, nous contenant d’étudier celles rédigées par Rhenanus. Pour une raison qui nous échappe, le Sélestadien n’a pas entré à la main des annotations pour la Lettre. Des collations ultérieures des textes de Luther ont révélé que Petri et son équipe avaient, de leur propre chef, entrepris à leur tour une correction poussée du texte6 ; en revanche, ils ont très peu altéré les annotations marginales. [4] L’édition de [mars] 1521 fut rééditée par Petri en [septembre] 1521 ; entre ces deux dates une autre édition fondée sur celle de Petri eut lieu à Wittenberg, chez Melchior Lotter le Jeune. Toutes les trois comportent les annotations marginales non identifiées pour la Lettre et celles provenant de la main de Rhenanus pour le Traité7. Il est très important de constater que ces trois éditions parurent en grande partie sous le couvert de l’anonymat8. Le seul auteur ou responsable nommé4 Pour un premier rapport sur les corrections de Luther, voir Hirstein, « Corrections autographes de Martin Luther pour le De libertate christiana de 1521 ». 5 Nous parlerons peu de ces corrections ici. Nous les décrivons et les évaluons dans Hirstein, « Modes d’expression sublimes et Martin Luther ». 6 Pour une rapide description et évaluation, voir Hirstein, « Modes d’expression sublimes et Martin Luther ». 7 Voir la table à la fin de cette contribution. 8 Pour une liste des éditions de 1520 et de 1521 et plus de renseignements bibliographiques, voir Hirstein, « Corrections autographes de Martin Luther pour le De libertate christiana de 1521 », p. 131-133.

10. « Rhenanus et les annotations sur Luther »

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ment identifié est Martin Luther. Les imprimeurs ne se sont pas signalés et ils ont souvent tu l’emplacement de leur officine ou donné un faux nom. Rhenanus aussi a fait l’usage de l’anonymat. Cela veut dire que son implication dans la nouvelle édition publiée à Bâle par Petri et la paternité littéraire des annotations marginales peuvent seulement être prouvées de manière satisfaisante par l’exemplaire de Sélestat. [5] Nous voudrions ici sur un plan général décrire et analyser les annotations marginales inscrites par le Sélestadien dans le Traité afin de comprendre sa réaction de lecteur et sa pensée relatives au texte. Comme le Sélestadien, en raison de sa discrétion et de sa modestie, ne s’étend que très rarement sur sa pensée religieuse, leur existence peut nous permettre d’en savoir davantage. [6] Avant de procéder à la description et à l’analyse, il nous faut faire quelques remarques préliminaires. Le fait de cacher son nom : l’anonymat, la pseudonymie, le « ghost writing », etc. : quelques observations [7] Qu’un auteur cache son nom soulève de nombreuses questions. Pourquoi le fait-il et qu’exprime-t-il ainsi caché ? La première raison est sans doute celle de se protéger, d’échapper aux dangers, réels ou imaginés, qu’il pourrait encourir si son identité était découverte. [8] Après la protection, l’anonymat peut aussi s’utiliser pour s’octroyer plus de liberté dans ses propos. En effet, lorsqu’il ne s’agissait pas de textes que les autorités ecclésiastiques ou civiles pouvaient ou voulaient sanctionner, un auteur avait la possibilité de cacher son nom afin de faire des déclarations ou d’utiliser un vocabulaire ou un ton qu’il n’osait pas assumer sous sa propre identité en raison de sa réputation ou des conventions sociales, etc. [9] Il y a plusieurs manières de cacher son nom. On peut ne rien dire de soi du tout, c’est l’anonymat ; on peut utiliser un nom fictif, c’est la « pseudonymie » ou on peut écrire sous le nom de quelqu’un de connu avec ou sans sa permission, etc. [10] Pour ce qui est de l’anonymat, sachant déjà qu’avant la publication de la bulle comminatoire Exsurge Domine du 15 juin 1520 lancée contre Luther, Beatus Rhenanus et Wolfgang Capito avaient fait publier en octobre 1518 chez Johann Froben leur grand recueil de

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10. James Hirstein

textes luthériens sans s’identifier9, on peut facilement concevoir qu’après la publication de la bulle, les imprimeurs des textes de Luther et les auteurs de la matière liminaire ou des aides au lecteur qui les accompagnaient n’aient pas voulu être identifiés. La nécessité de se protéger sous le couvert de l’anonymat se fera sentir encore plus fortement après publication de la bulle d’excommunication fulminée contre Luther et certains de ses partisans le 3 janvier 1521. [11] Pour ce qui est de la pseudonymie, un bon exemple provenant de l’époque de Rhenanus peut être les Lettres des hommes obscurs. Dans ce cas, les auteurs présumés, Crotus Rubeanus, Ulrich von Hutten et Hermann von dem Busche ont pris le parti de se faire passer pour leurs adversaires, des universitaires, notamment des théologiens conservateurs, en leur attribuant des propos absurdes, ridicules, infamants, invraisemblables10. Une lettre étant un document personnel avec un expéditeur et un destinataire, des lettres anonymes en si grand nombre auraient eu moins d’effet. Les trois hommes ont alors créé des pseudonymes souvent ridicules non seulement pour se moquer encore de leurs adversaires, mais aussi sans doute pour avertir les lecteurs du procédé. [12] Il semblerait que Rhenanus lui-même ait eu recours à un pseudonyme en écrivant la préface au Defensor pacis de Marsile de Padoue sous le nom imaginé de « Licentius Evangelus »11. Dans ce cas, où il a dû penser qu’une telle préface devait porter le nom de quelqu’un, il s’est protégé par un nom fictif. Et l’utilisation d’un tel nom présentait l’avantage de faire passer un message supplémentaire. [13] On pouvait aussi écrire sous le nom de quelqu’un de connu avec ou sans sa permission. Dans le cas où cela se fait de manière consentie, on peut avoir recours au terme anglais de « ghost writer ». Or il a été démontré par le passé que Rhenanus écrivait des avis au lecteur sous le nom de Johann Froben, qui n’intervenait nullement dans la rédaction du texte12, ou qu’il corrigeait des épîtres dédicatoires initialement rédigées par Bruno Amerbach, au point qu’ils devenaient 9 Pour ce recueil et les conditions de sa parution voir Volz, « Ersten Sammelausgaben von Luther » et l’Introduction au présent volume, par. 43-48. 10 Pour les Lettres des hommes obscurs dans le contexte de la correspondance de Rhenanus, voir EBR, 1, Ep. 90, p. 766-769. 11 Voir Piaia, Marsilio da Padova, p. 26-45. 12 Voir Hirstein, « Avis au lecteur » et EBR, 1, Ep. 50 (la lettre porte le nom de Froben, mais les manuscrits montrent la présence de Bruno et de Basile Amerbach, fortement guidés par Rhenanus) et 95.

10. « Rhenanus et les annotations sur Luther »

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aussi les siens13. Dans ces cas, l’assentiment de l’intéressé était accordé. Sans doute, Rhenanus a-t-il eu recours à cette pratique à bien d’autres moments et sous d’autres noms encore. En l’occurrence il se mettait au service de l’imprimeur ou des membres majeurs de l’imprimerie pour qu’ils puissent s’approprier la publication et passer grâce à lui pour des latinistes convenables. Ces derniers textes n’incitant pas nécessairement à la controverse, l’utilisation du nom d’autrui n’offrait pas autant l’avantage de protection ou de liberté que celui de bons procédés en faveur de la réputation de l’imprimerie. Il n’en reste pas moins que dans un autre cas, où Rhenanus semble bien écrire sous le nom de « Froben » pour présenter l’édition d’Esope et d’autres écrivains, le Sélestadien critiqua assez fortement les théologiens conservateurs14. Abusait-il du procédé ? Faisait-il des remarques que Froben lui-même aurait désavouées ? [14] De nombreux cas de figure existaient et de nombreuses questions se posent devant eux. Par exemple, s’agissant d’annotations marginales, était-il d’usage de s’identifier lorsqu’on en avait créé ? La réponse doit dépendre de la nature du texte. Si un éditeur scientifique de renom, Erasme de Rotterdam par exemple, procurait une édition d’écrivains anciens, l’intérêt et la valeur de la publication pouvaient être augmentés si les lecteurs savaient que les annotations provenaient de l’éditeur lui-même. Cette information pouvait être inscrite sur la page de titre de l’ouvrage ou dans un texte liminaire ou dans un texte d’aide au lecteur15. A propos d’aides au lecteur, rappelons que les annotations marginales étaient souvent reprises dans un index au début ou à la fin de l’ouvrage afin de constituer un « index memorabilium », un index des éléments « dignes de mémoire »16. Dans ce cas, si on signalait que l’index venait de l’éditeur scientifique, cela signifiait que les annotations à leur tour devaient être de son cru17. [15] Mais dans d’autres cas, où l’imprimeur reprenait seulement une édition standard qui n’était pas associée à un éditeur scientifique en particulier, cette identification n’était plus possible (si l’imprimeur 13 Voir EBR, 1, les Ep. 74, 76 et 79. 14 EBR, 1, l’Ep. 95, div. 13. 15 Cf. le cas de l’Histoire Auguste et d’Erasme d’après les annonces des pages de

titre, voir Hirstein, « Avis au lecteur », p. 29-30. 16 Cf. Hirstein, « Avis au lecteur », p. 38-41 et idem, « Erasme et l'Histoire Auguste », p. 86-90, etc. 17 Cf. Hirstein, « Avis au lecteur », p. 29-30, pour une telle annonce de page de titre.

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10. James Hirstein

était honnête), mais l’ajout d’annotations pouvait néanmoins constituer un argument de vente en tant qu’aide au lecteur. En l’occurrence, le travail devait être délégué à un ouvrier de l’imprimerie à même de l’exécuter. Comme il n’avait pas de réputation à mettre en avant, mentionner son nom s’avérait inutile. [16] Ce sont ainsi quelques exemples provenant de Rhenanus ou de ses contemporains où les avantages pour l’auteur dans l’usage de l’anonymat : protection, liberté, échange de bons procédés peuvent se concevoir. [17] S’il y a des avantages pour l’auteur, les lecteurs peuvent regretter l’usage de l’anonymat. Lorsque l’auteur émet des déclarations frappantes, marquantes, élevées, l’imagination du lecteur sera sollicitée, sa curiosité piquée et il voudra savoir à qui il les doit, mais il devra rester sur sa faim. [18] Mais l’anonymat pose un autre problème au lecteur. De même que l’auteur est protégé ou libre, de même il est dégagé de la responsabilité de ses dires. Il a le choix d’en profiter pour s’exprimer avec une très grande liberté ou d’adopter une persona, de porter un masque, le cas échéant. [19] Qu’exprimait-on donc quand on annotait incognito ? Nous, modernes, aurions tendance à croire qu’on profitait de l’anonymat pour présenter ses convictions intimes. Mais pouvait-il arriver qu’on créât plutôt un personnage enthousiaste pour pousser le lecteur à l’achat ? En l’absence de quatrièmes de couverture, les annotations marginales imprimées, repérables en feuillettant les pages, reflétaient le contenu du livre. [20] En l’occurrence, nous avons un auteur, Martin Luther qui a le courage de se nommer de manière transparente. Il n’hésite pas à critiquer sévèrement l’Eglise traditionnelle dans le cadre d’une approche positive : faire découvrir au lecteur l’existence d’une liberté qui puisse l’aider à s’affranchir de ses inquiétudes, de ses angoisses les plus profondes. [21] Quelle pouvait être l’attitude de l’annotateur anonyme d’un tel texte ? Les conditions de sa participation au projet y étaient pour beaucoup. Par exemple, s’il avait été choisi par l’auteur ou par l’imprimeur pour faire l’annotation, son « cahier de charges », pour ainsi dire, ne lui permettait pas de critiquer l’auteur. On pourrait même concevoir que l’auteur ou l’éditeur ait pu lui demander de faire des remarques susceptibles de procurer la meilleure réception de la part des critiques ou les meilleures ventes auprès du public. Dans notre cas précis, aurait-il été possible qu’Adelmann ait demandé à

10. « Rhenanus et les annotations sur Luther »

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Rhenanus de faire des annotations sur Luther ? Cela aurait sans doute conduit le Sélestadien à penser et à annoter moins librement. [22] L’anonymat utilisé et par l’imprimeur et par l’annotateur montre que l’ouvrage est controversé et dangereux. Pourtant, comme il arrive souvent pour de tels livres, la demande du marché était très grande. L’annotation ne devait pas décevoir les attentes des lecteurs. Elle devait représenter une approche positive qui respirât l’air du temps. [23] En revanche, si c’est un lecteur convaincu et enthousiaste qui de son propre chef s’empare du texte pour l’annoter, l’approche peut être différente. Son esprit sera tout à fait ouvert et libre et son désir sera d’initier les lecteurs à l’auteur et à sa pensée dans les conditions dictées par son inspiration. [24] Nous voyons apparaître les contours du choix qui se présentait à l’annotateur anonyme. En fonction de la nature de l’ouvrage et de ce qu’on lui demandait, il ne disposait pas d’une liberté totale. Il avait néanmoins ce choix : ou bien il adoptait la persona du lecteur moyen afin de lui plaire le plus possible ou bien il exprimait son propre point de vue de manière libre. [25] D’après notre analyse de la manière dont Rhenanus a annoté le Traité (voir plus loin), nous pensons qu’il a apporté les annotations dans les marges de manière libre et spontanée18. Les buts de l’annotation et leur mise en œuvre [26] Nous avons évoqué l’attitude de l’individu qui annote. Quels buts pouvait-il plus précisément se fixer ? Fût-on « simple annotateur », les « devoirs de l’orateur » s’imposaient. Nous voulons dire docere, le fait d’enseigner, d’instruire ; placere, de plaire et mouere, de toucher dans le but général de persuader ou de convaincre19. Dans le cadre plus particulier de l’annotation d’un livre, l’enseignement peut revêtir un aspect spatial qui consiste à guider le lecteur dans le livre et aussi à l’instruire ; quant au plaisir, il s’agira de remporter l’adhésion du lecteur et pour ce qui est de l’émotion, il faudra l’inspirer, cela aux fins de promouvoir le message de l’auteur. 18 Pour la « liberté de manœuvre » de Rhenanus, érudit indépendant, cf.

l’introduction de ce volume, les par. 38 et 59. 19 Cf. Martin et Gaillard, Genres littéraires, p. 432 : probare, mouere, delectare et aussi Chomarat, GRE, vol. 2, p. 757 : docere, delectare, flectere ou p. 827 : docere, delectare, mouere.

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[27] C’est ainsi que le but pratique de l’enseignement est de guider le lecteur, de lui permettre de « naviguer » rapidement dans le texte en lui fournissant des points de repère. En l’occurrence, l’annotateur doit créer des têtes de section, de sous-section etc., pour ainsi dire, en marge. Pour ce qui est du but plus théorique de l’enseignement, il faut signaler les passages d’importance pour la progression dans le texte, pour le sujet, pour l’auteur. Afin de plaire, il faudra attirer l’attention sur la beauté et sur l’attrait des passages choisis. Quant à l’inspiration, l’annotateur soulignera la grandeur d’âme ou de pensée de l’auteur. [28] En ce qui concerne les moyens concrets mis en œuvre, le devoir de docere peut se réaliser à travers la reprise des mots mêmes du texte ou leur résumé habile. On pourrait parler d’une « simple » reprise du texte, qui ne fait que réécrire, reprendre, répéter les mots mêmes de l’auteur en marge. Mais ce que nous appelons « simple reprise » n’est pas aussi « simple » qu’il y paraît. En effet, Rhenanus a fait le choix de reprendre les mots du texte parce qu’ils lui semblaient importants ; la reprise a ainsi du sens. Un « résumé » du texte de l’auteur doit faire comprendre le message par l’utilisation de mots autres que ceux déjà employés, le texte doit être plus bref. Comment obtenir cela ? Par l’utilisation de l’interrogation indirecte, par exemple. Mais parfois le résumé et le message de l’auteur peuvent être renforcés par l’insertion d’un mot nouveau « fort » ou d’une reformulation frappante. De tels procédés signifient que l’annotateur a consacré une attention particulière à la question. [29] Quant au devoir de placere, il faut attirer l’attention du lecteur par des mots du champ lexical de la beauté ou de la force, par exemple. On peut aussi utiliser des mots « aguicheurs » pour attirer son attention sur le passage grâce aux annotations. [30] Pour ce qui est du devoir de mouere, il faut engager le cœur et la pensée du lecteur grâce à l’utilisation du vocatif, de l’impératif à la deuxième personne ou à la première personne du pluriel (du point de vue du français), grâce à l’ironie, etc. Le moment de l’annotation [31] Dans la seconde partie du De libertate christiana, Luther montre dans quel esprit l’homme extérieur doit aider son prochain et résumé sa pensée ainsi : Voilà donc que la foi est source d’amour et de joie dans le Seigneur et que, de l’amour, découle une disposition heureuse, qui s’élance

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librement au service dévoué du prochain (WA 7, 66, 8 ; Esnault, p. 297 ; n° 77).

En face de ce passage Rhenanus écrit de manière bien ironique : Vide mi lector// quam digne dam // natum Lutherum . Vois, ami lecteur, avec combien de justice Luther a été condamné !

Nous reviendrons plus loin sur le but et la pensée de Rhenanus révélés par ces mots. Si l’on prend l’annotation au pied de la lettre, elle doit faire allusion à la bulle d’excommunication fulminée contre Luther le 3 janvier 1521, parce que l’on sait que le réformateur a bel et bien été condamné. La bulle comminatoire Exsurge Domine du juin 1520, n’aurait pas appelé une telle remarque. La nouvelle de l’excommunication a dû se répandre vite, si bien que Rhenanus a pu en prendre connaissance en janvier. Toutefois, nous pouvons seulement dire que cette annotation fut inscrite après la diffusion de la nouvelle. [32] Tous les commentateurs font valoir que si les humanistes, les intellectuels, suivaient avec enthousiasme Luther à ses débuts, cet enthousiasme a été refroidi devant la gravité des bulles pontificales lancées contre lui, surtout celle du 3 janvier 1521. Beaucoup de ces hommes ont cessé de le soutenir ou ont fait marche arrière ; ce n’est pas le cas de notre annotateur, anonyme. Les annotations de Beatus Rhenanus [33] Nous allons examiner d’abord les remarques faites par Rhenanus pour guider le lecteur dans la structure de l’ouvrage. Nous prendrons Reinhold Rieger comme source principale pour l’élucidation de la structure20 en raison de sa grande utilité, mais nous le ferons de manière critique. Une fois que la structure aura ainsi été établie, nous procéderons section par section en traitant la manière dont Rhenanus les a annotées. [34] A propos de l’annotation elle-même, nous proposons en annexe une liste des 102 entrées de Rhenanus contrôlées dans les trois éditions en question. Lorsque nous les citons, nous modernisons l’orthographe ; pour l’original, voir l’annexe. Nous citons le texte de Luther d’après l’édition standard de WA. Lorsque nous utilisons, pour 20 Rieger, Von der Freiheit/De libertate, p. 12-15. Parfois nous divergeons de l’analyse de Rieger.

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la facilité et pour l’objectivité, la traduction de R. Esnault (= Luther, De lib. chr., trad. Esnault), nous le signalons. Les annotations : la structure [35] Pour ouvrir l’introduction (« A. » : WA 7, 49, 7-50, 12) Martin Luther écrivit un prologue (« A.I » : WA 7, 49, 7-19) qui souligne l’autorité que lui donne son expérience personnelle de la foi devant les tribulations qu’il a connues. Il introduit ensuite le paradoxe de la double nature du chrétien (« A.II » : WA 7, 49, 20-50, 4), qui est à la fois le maître le plus libre de tous et l’esclave le plus soumis à tous. Luther poursuit cette dualité jusqu’à la fin de l’introduction dans son « anthropologie théologique » (« A.III » : WA 7, 50, 5-12), où se dévoile la double nature de l’homme, d’un côté, une nature spirituelle, fondée sur l’esprit, l’âme, savoir l’homme « intérieur », « nouveau », de l’autre, une nature corporelle, ancrée dans la chair, l’homme « extérieur », « ancien ». [36] Cette dualité structure le reste de l’ouvrage. Une première grande division (« B. » : WA 7, 50, 13-59, 23) dépeint l’homme intérieur, l’homme devant Dieu, un être capable de foi et de liberté. Une seconde grande division (« C. » : WA 7, 59, 24-69, 11) présente l’homme extérieur, l’homme en société, appelé à assumer les œuvres et la servitude avec joie21. Suit la conclusion (« D. » WA 7, 69, 12-23) et, dans la version latine seulement, l’ajout (« E. » WA 7, 69, 24-73, 15)22 où Luther revient plus en détail sur la manière de présenter son message aux différents groupes d’hommes. [37] A l’intérieur de la première grande division (« B. ») se trouvent des sections sur l’importance de la parole de Dieu pour l’âme et la foi (« B.I » : WA 7, 50, 13-52, 19), sur la nature de la foi et des grâces qu’elle procure au croyant (« B.II » : WA 7, 52, 20-56, 14). A l’intérieur de la section « B.II », Rieger distingue une sous-section « B.II.1 » (WA 7, 52, 20-53, 14) sur les préceptes de l’Ancien Testament et les promesses du Nouveau et une autre « B.II.2 » sur les vertus, les grâces, qui, pour les hommes de foi, découlent des promesses. Luther lui-même fait un décompte clair dans le texte pour obtenir trois vertus, trois grâces (« B.II.2.a,b et c »). Après cela, Rieger 21 Rieger, Von der Freiheit De libertate, p. 14, à propos de la section C. parle plutôt de l’« homme devant le monde : l’Amour (l’Ethique) ». 22 Rieger, qui s’intéresse aussi au texte allemand du Traité, n’intègre pas l’ajout latin à son plan global (p. 12-15).

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conçoit une section séparée « B.III » sur les attributs du Christ (WA 7, 56, 15-58, 30). Bien qu’elle soit longue, nous verrions cette section plutôt comme une extension du « mariage » entre l’âme et le Christ23 (la sous-section « B.II.2.c ») qui renforce la troisième vertu et rend tous les croyants prêtres et rois24. De là Luther revient sur la liberté du chrétien avant de reprendre le thème de la prêtrise pour critiquer les prêtres de son temps et recommander une prédication fondée sur le Christ pour terminer la première grande division (« B. »). [38] Dans la seconde grande section sur l’homme extérieur et les œuvres, l’introduction (« C.I » : WA 7, 59, 24-36) annonce les œuvres qui permettent à chacun de maîtriser son propre corps, ensuite d’aider ses frères humains. Une section (« C.II » : WA 7, 59, 37-64, 12) explique cette maîtrise, une autre (« C.III » : WA 7, 64, 13-66, 38) aborde le rapport avec ses frères humains et enfin une section plus générale décrit la bonne manière de concevoir les œuvres (« C.IV » : WA 7, 66, 39-69, 11). [39] A l’intérieur de la section sur la maîtrise de son propre corps (« C.II »), Rieger trouve six sous-sections (« C.II.1-6 »), mais elles ne ressortent ni très fortement de la rédaction de Luther ni de l’annotation de Rhenanus. Lui, ainsi que Luther, ne semblent pas s’intéresser fortement à cette sous-division. En revanche, dans la section sur l’accomplissement d’œuvres en faveur des autres hommes (« C.III »), la structure proposée par Rieger est plus transparente. Il y a quatre sous-sections (« C.III.1-4 ») : l’abnégation (WA 7, 64, 13-65, 9) ; le Christ comme modèle (WA 7, 65,10-65, 25) ; le chrétien comme un second Christ (WA 7, 65, 26-66, 28) et le nom du chrétien (WA 7, 66, 29-38). Dans la dernière section sur l’approche générale vis-à-vis des œuvres, il y a quatre sous-sections (C.IV.1-4). Il y a enfin la conclusion aux textes allemand et latin (D.). [40] Comment Rhenanus aborde-t-il la structure que nous avons résumée ? Devant le paradoxe de l’introduction, il relève bien les deux thèses en opérant une simple reprise Themata (n° 2) ; toutefois, il ne réagit point devant la distinction sur la double nature de l’homme dans l’« anthropologie théologique » ni même devant l’annonce du sujet de la première moitié de l’ouvrage (« B. ») ! Devant cette annonce sur l’homme intérieur, où Luther écrit Primum autem, interiorem hominem apprehendimus « occupons-nous tout d’abord de l’homme 23 Luther lui-même fait le lien avec la section « B.II.2.c » à WA 7, 56, 36-38. 24 WA, 7, 56, 37-38.

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intérieur » (WA 7, 50, 13 ; Esnault, p. 276), il n’opère aucune reprise de texte, mais résume l’idée exprimée dans toute la comparaison établie entre l’âme et le corps en écrivant en marge « La liberté chrétienne, les choses dont elle ne dépend pas » (n° 3). D’après la place de l’annotation, le Sélestadien réagit sans doute à la déclaration suivante de Luther « et il est établi qu’aucun des éléments extérieurs n’a de prise (momentum) sur la justice ou sur la liberté chrétiennes » (WA 7, 50, 16). Il en résulte que le Sélestadien néglige l’annonce faite par Luther de la première grande division. [41] Il n’en va pas autrement pour l’annonce de la deuxième grande division (« C. »), là où Luther dit Nunc ad alteram partem reuertamur, ad externum hominem « Passons à présent à la seconde partie, à l’homme extérieur » (WA 7, 59, 24 ; Esnault, p. 288). Néanmoins, tout comme c’est le cas pour la première division, Rhenanus rédige une annotation qui résume fortement la phrase de Luther : On répondra ici à tous ceux qui se scandalisent de ce qui a été dit de la foi et qui objectent : ‘Si l’on doit tout à la foi et qu’à elle seule elle suffise à nous justifier, pourquoi donc les bonnes œuvres sont-elles prescrites ? Nous nous abandonnerons donc à l’oisiveté et nous ne ferons rien, nous contentant de la foi. (WA 7, 59, 25-27 ; Esnault, p. 288).

Le Sélestadien résume la phrase en écrivant « la question de ceux qui ne comprennent pas Luther, ou plutôt ne comprennent pas ce qu’est la foi » (n° 48). C’est ainsi qu’il ne signale pas au lecteur les deux grandes divisions de l’ouvrage, mais souligne plutôt les messages qu’elles contiennent. Il est intéressant de constater que Rhenanus, après avoir écrit quaestio, place, en haut de la page suivante, le mot Responsio qui est une reprise de Respondeo chez Luther (WA 7, 59, 28) ; curieusement le mot Responsio écrit en marge par Rhenanus (n° 49) ne fut repris dans aucune des éditions imprimées. [42] En revanche, lorsque Luther, à l’intérieur des deux grandes divisions, poursuit son argumentation, Rhenanus relève soit les sections, soit les points principaux. Par exemple, après avoir relevé le caractère entièrement distinct de l’âme et du corps (« B.I.1 » : WA 7, 50, 13-32), Luther continue pour dire que l’âme dans son indépendance entière du corps n’a besoin que d’une chose, la parole de Dieu (« B. I. 2 » : WA, 7, 50, 33-36). Et Rhenanus d’écrire en face Verbum dei animae necessarium (« la parole de Dieu est nécessaire à l’âme » ; n° 4). Ensuite Luther développe l’idée que la « foi seule est le salutaire et efficace usage de la parole de Dieu » (« B.I.3 » : WA 7, 51, 17) et

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cite le célèbre passage de Romains, 1, 17 Iustus ex fide sua viuet (WA 7, 51, 20). Il propose le raisonnement que « de même que l’âme a besoin de la seule parole, de même elle est justifiée par la seule foi et par d’aucunes œuvres » (WA 7, 51, 22-23) et amène Rhenanus à faire un résumé en marge à la voix active : Sola fides iustificat (n° 8). [43] Le Sélestadien résume une autre sous-division importante (« B.II.1 » : WA 7, 52, 25) en écrivant Scriptura habet precepta & promissa (n° 12) et relève l’idée que la foi est la seule manière de satisfaire aux préceptes à travers deux annotations (nos 14 et 15). Plus loin encore il énumère clairement les trois vertus de la foi (B.II.2.a,b et c ; nos 17, 18 et 24). C’est ainsi qu’à l’intérieur de la première grande division Rhenanus communique assez bien au lecteur les éléments structuraux. [44] Sans traiter dans le détail ici la deuxième grande division (voir plus loin), on peut dire que Rhenanus balise bien la section sur les œuvres à travers une série d’interrogations indirectes qui résument (voir les nos 50, 52, 53, 71, 80, 86) ou de résumés « déclaratifs » (nos 69, 90, etc.). [45] Notons néanmoins que pour le n° 69, Rhenanus allait suivre une énumération en écrivant Tercia, mais il a barré ce mot. A cet endroit, Luther avait écrit de manière utile : Voilà ce qu’il fallait dire des œuvres en général et, en même temps, de celles par quoi le chrétien doit exercer son propre corps. Traitons pour finir de celles qu’il doit accomplir dans ses rapports avec son prochain. (WA 7, 64, 13-15 ; Esnault, p. 294).

C’est-à-dire qu’après avoir traité la section « C.I » (WA 7, 59, 24-36), qui est l’introduction à la seconde division, et ensuite la section « C.II » (WA 7, 59, 37-64, 12), sur les œuvres et la maîtrise de son propre corps, Luther allait en effet aborder la troisième section « C.III » (WA 7, 64, 13-66, 38), sur les œuvres et le rapport avec autrui. Toutefois, Rhenanus, peut-être parce qu’il n’avait pas clairement distingué les divisions première et deuxième en les énumérant, a barré ce mot Tercia pour écrire le résumé descriptif De operibus ad proximum « A propos des œuvres envers son prochain » (n° 69). C’est une nouvelle fois un exemple pour montrer qu’il rend compte de la structure en évoquant son contenu marquant, sans rendre sa division ou sa progression transparentes aux yeux du lecteur. [46] Il en va de même de manière plus frappante encore pour l’ajout qui se trouve uniquement dans la version latine du texte. Au début de cet ajout (WA 7, 69, 24-25), Rhenanus écrit, puis barre, le mot

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« ajout » Addicio (n° 91). Peu après il résume la suite en écrivant Contra libertatem carnis (n° 92). A-t-il écrit le mot « ajout », parce que dans le texte latin il y a les mots addendum est ou parce qu’il avait eu accès aussi au texte allemand et savait qu’il s’agissait ici d’un ajout ? Et puis, pourquoi l’a-t-il finalement barré pour reprendre l’argumentation ? [47] Pour clore les considérations sur la structure, comme le Sélestadien a passé sous silence les deux grandes divisions du texte et même barré deux autres signes structurels qu’il avait d’abord créés (les nos 69 et 91), il devient clair que son but premier n’était pas d’élucider cette structure dans l’intérêt des lecteurs. Son souci est moins de guider le lecteur que de lui indiquer les idées importantes dans le but de l’instruire. Il est toujours dans le devoir du docere, mais tient moins compte du besoin du lecteur d’être guidé dans l’espace du livre. En effet, le seul endroit où il a opéré une énumération suivie était celui traitant des trois « vertus » de la foi (B.II.2.a,b et c), un passage qui l’a tout particulièrement intéressé. C’est pour ces raisons que nous avons l’impression que Rhenanus a annoté l’ouvrage sous sa propre impulsion, de manière plus personnelle que publique, pour ainsi dire, même si les lecteurs pouvaient tirer profit d’autres aspects de ce travail. Les annotations, un regard porté sur l’ensemble [48] Nous allons maintenant examiner les divisions et les sections de l’ouvrage en décrivant et en analysant les annotations de Rhenanus de manière générale. L’introduction (« A. » : WA 7, 49, 7-50, 12) [49] A ce début de texte Rhenanus ne fait que deux annotations, bien espacées. Etant donné l’intérêt du contenu25, il aurait pu en ajouter, mais des corrections de texte apportées par Luther en marge ont peut-être fait obstacle26. [50] Le Sélestadien résume l’observation initiale de Luther dans le prologue qu’on ne peut ni écrire comme il le faut sur la foi chrétienne 25 Cf. Hirstein, « Corrections autographes de Martin Luther pour le De libertate christiana de 1521», p. 144-145, sur nimio, [15] (nous rappelons les corrections de Luther entre crochets, d’après la liste dans « Corrections autographes », p. 157-160). 26 Corrections [13] et [15].

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ni comprendre ce que d’autres en ont écrit, si on n’a pas eu l’expérience de cette foi en goûtant sa nature sous la charge des tribulations. Rhenanus écrit succinctement que la « foi s’apprend à travers les tribulations » : Fides tribulacionibus discitur (n° 1). L’annotation ne se trouve pas directement en face de l’ablatif absolu urgentibus tribulationibus « sous l’étreinte des tribulations » (WA 7, 49, 11-12 ; Esnault, p. 275) mais plutôt à la hauteur de l’explication quia nullo experimento eam probauerunt « (ils font ainsi) parce qu’ils n’en ont nulle expérience, qu’ils ne l’ont pas éprouvée » (WA 7, 49, 89 ; Esnault, p. 275). Le choix de sa formulation révèle que Rhenanus a été frappé, attiré et subjugué par l’idée de tribulations. Il faut penser qu’il sait de quoi il parle. On peut rappeler qu’il a pu déjà en 1521 souffrir d’un problème de l’appareil urinaire27. Le mot tribulatio ici rappelle son utilisation dans la 95e thèse de Luther28. [51] En dépit de la place prise par les corrections de Luther, Rhenanus aurait pu faire une annotation telle que « La foi est une source vive » ou « La foi reconnue inspire l’homme ». Mais le Sélestadien a préféré mettre l’accent sur les tribulations et les épreuves. [52] Nous avons déjà commenté l’annotation n° 2 Themata dans notre traitement de la structure. Ici Rhenanus guide le lecteur en balisant le texte. La première grande division : l’homme intérieur devant Dieu : la foi (« B. ») La parole de Dieu (« B.I ») [53] Nous avons aussi traité dans nos remarques sur la structure l’annotation n° 3 Libertas christiana in quibus non consistat (WA 7, 50, 15) au début de la première grande division (sur l’homme intérieur) et de la section sur la double nature de l’homme. Comme indiqué plus haut, une fois à l’intérieur de la division, Rhenanus reprend bien la structure par un résumé, le n° 4 Verbum dei animae 27 Voir Charlet et Hirstein, « Barbaro et Rhenanus », p. 90-91. 28 D’après l’édition d’Adam Petri de 1517, dans la bibliothèque de Rhenanus

(voir l’introduction de ce volume, par. 14) : (94e) Exhortandi sunt Christiani ut caput suum Christum per poenas, mortes infernosque sequi studeant (95e) Ac sic magis per multas tribulationes intrare caelum quam per securitatem pacis confidant « (94e) Il faut exhorter les chrétiens à s’appliquer à suivre leur chef, le Christ, à travers les peines, les morts et les enfers (95e) et à espérer entrer au ciel par de nombreuses tribulations plutôt que par la [fausse] assurance que donne la paix », Luther, Œuvres, p. 143.

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necessarium. Qu’il identifie le prophète, l’auteur de l’octonarium, en écrivant David in octonario (WA 7, 51, 4 ; n° 5) peut surprendre, mais on peut l’attribuer à l’intérêt pour le psaume 119 en huitains exprimé auparavant dans sa correspondance29. Rhenanus revient à l’importance de la parole de Dieu lorsqu’il augmente ou exprime à sa juste valeur une construction allant dans le sens du superlatif « périphrastique »30 : nec saeuior plaga irae dei quam dum mittit famem auditus verbi sui, vt in Amos dicit « quelle plaie plus cruelle la colère de Dieu peut-elle envoyer que de ne plus faire entendre sa parole : c’est la famine dont parle Amos » (WA 7, 51, 5-6 ; Esnault, p. 277 ; n° 6) en écrivant en marge le véritable superlatif Saeuissima dei plaga la « plaie la plus cruelle de Dieu ». Le Sélestadien devait fortement ressentir combien l’âme avait besoin de la parole de Dieu. [54] Rhenanus continue à bien relever les parties saillantes de la structure dans son annotation (les nos 7-10 ; quatre entrées bien espacées sur le f° B 2 r°). Pour ce qui est du message de Luther, Rhenanus le fait ressortir en rendant l’infinitif passif présent de Luther prorsus nullo externo opere vel negotio posse iustificari … « (l’homme intérieur) ne saurait jamais être justifié … par une œuvre ou par une entreprise extérieures » (WA 7, 52, 1 ; Esnault, p. 278) par le résumé Nullo externo opere iustificatur homo (n° 10). Pour fournir l’idée de la fin de cette section, Rhenanus réitère que la foi est un « trésor incomparable » (n° 11). La primauté de la foi (« B.II ») [55] Par des annotations bien espacées (de nouveau, quatre sur le feuillet [B 2] v°), le Sélestadien relève la structure et le sens. Il évoque les préceptes de l’Ancien Testament et les promesses du Nouveau (« B.II.1 », WA 7, 52, 25 ; n° 12) et puis l’impossibilité où se trouve le chrétien de satisfaire aux préceptes (« B.II.1.a », WA 7, 52, 36 ; n° 13). [56] Pour clore cette section, avant d’arriver aux vertus de la foi, Luther rédige un passage qui personnalise son enseignement de manière émouvante. Il fait allusion au croyant (où on peut aussi comprendre le cheminement de Luther lui-même), qui se rend compte de sa situation désespérée devant les préceptes, devant la loi. Il écrit : 29 EBR, 1, Ep. 16, div. 6. 30 La construction avec l’ablatif de comparaison, telle Socrates, quo nemo fuit

prudentior « Socrate, l’homme le plus sage qui fût jamais », litt. « en comparaison de qui personne ne fut plus sage ».

10. « Rhenanus et les annotations sur Luther »

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Lorsque les préceptes ont fait connaître à l’homme son impuissance et que le voilà anxieux de savoir ce qu’il pourra faire pour satisfaire à une loi dont aucune lettre ni aucun trait ne sauraient être négligés, (faute de quoi l’on est perdu sans espoir) alors, entièrement humilié et réduit à néant à ses propres yeux, il ne trouve rien en lui-même qui le justifie ou qui le sauve. Voici alors la seconde partie de l’Ecriture. Ce sont les promesses de Dieu, qui annonce la gloire de Dieu et qui te disent : ‘Si tu veux accomplir la loi et ne pas convoiter, comme elle l’exige, eh bien, toi, crois en Christ en qui te sont promises la grâce, la justice, la paix, la liberté et toutes choses. Si tu crois, elles seront à toi ; si tu ne crois pas, tu en seras privé’. (plutôt « B.II.1.a-b »,WA, 7, 52, 37-53, 7 ; nous suivons très largement la traduction d’Esnault, p. 279-280).

Rhenanus résume bien l’impasse par son annotation au début du passage : « il faut satisfaire à la loi ou on doit être condamné » Legi satisfaciendum aut damnandum (plutôt « B.II.1.a » encore31, WA 7, 52, 37 et 53, 1 ; n° 14). Il faut observer ici que dans tous les textes imprimés Bâle, [mars] 1521 ; [Wittenberg] 1521 et Bâle [sept.] 1521, les mots aut damnandum ont été omis. Est-ce en raison du désespoir de la damnation ou parce que la syntaxe est déséquilibrée, littéralement « il doit être satisfait à la loi ou on (il) doit être damné » ? [57] Dans son annotation, Rhenanus retient plus la rigueur de la loi que la promesse de Dieu. Même si une correction de Luther32 occupait la marge, il aurait pu faire une remarque dans la marge inférieure (cf. plus haut le contexte de l’annotation n° 1 au début du Traité). Est-ce que le Sélestadien ressentait tout particulièrement l’impasse décrite par Luther ? [58] Rhenanus fait encore deux remarques dans cette section sur les promesses (« B.II.1.b »), preuve de son intérêt pour elle, car elle n’est pas très longue. Dans le premier cas (WA 7, 53, 8 ; n° 15), il développe Nam quod tibi impossibile est … facili compendio implebis per fidem33 « Car ce que toutes les œuvres de la loi … ne te permettent pas de faire, tu l’accompliras facilement en prenant le raccourci qu’est le chemin de la foi » (Esnault, p. 280). Pour résumer cette idée, Rhenanus écrit Omnia per fidem implemus, passant de la deuxième personne du singulier à la première personne du pluriel, une extension 31 La section sur les promesses ne commence qu’à 7, 53, 3. 32 Voir Hirstein, « Corrections autographes », la correction [18], p. 138-139 et 158. 33 On remarque ici la préférence de Luther pour la construction per + l’acc. au

lieu de l’utilisation de l’ablatif de moyen. Cf. l’article sous presse : Hirstein, « Modes d’expression sublimes et Martin Luther », la section qui porte sur la correction de Rhenanus apportée à WA 7, 60, 38.

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de pensée qui n’était pas nécessaire pour rendre l’idée (il aurait pu dire homo christianus omnia per fidem implet ou quelque chose de la sorte). Rhenanus cherche à toucher le lecteur en le comprenant dans la formulation. [59] Dans cette section, la dernière remarque, qui porte sur les mots Ipse solus praecipit, solus quoque implet « Il ordonne, lui seul, et, seul aussi, il accomplit » (WA 7, 53, 13 ; Esnault, p. 280) attire aussi l’attention : Deus solus & praecipit & implet « Dieu seul et ordonne et accomplit » (n° 16). C’est un résumé bien ressenti. Rhenanus semble bien entendre le message de Luther, c’est Dieu seul qui possède ces pouvoirs, personne parmi les hommes n’en dispose. Les trois vertus de la foi (B.II.2.a, b et c) [60] Comme mentionné, Rhenanus relève davantage la structure interne des sous-sections à l’intention du lecteur. C’est notamment le cas pour les trois vertus de la foi, qu’il énumère en marge (nos 17, 18 et 24). La première est la justification ; la deuxième un honneur réciproque entre l’homme et Dieu et la troisième l’union entre l’âme et le Christ, union que Luther compare à un mariage. Rhenanus, comme les autres lecteurs34 de Luther, est touché, frappé par la nature des vertus de la foi et la manière dont elles sont décrites. Cela se remarque, entre autres, par la concentration d’annotations. La moyenne pour le moment était de quatre par page. Le feuillet B 3 r° contient la fin de la section sur le pouvoir et les domaines de la foi ; ensuite, pour les trois-quarts restant de la page, il y a trois remarques sur la deuxième vertu de la foi. Le feuillet [B 3] v° contient six annotations (nos 21-26) ; le feuillet [B 4] r° trois (nos 27-29) ; le feuillet [B 4] v° sept (nos 30-36) ; le feuillet C [1] r° cinq (nos 37-41). [61] Rhenanus ne commente pas la première vertu ; il souligne seulement sa place (WA 7, 53, 17 ; n° 17). Luther lui-même, au début, ne parle pas d’une première vertu. On apprend qu’il opérait une énumération seulement à la fin du développement, lorsqu’il dit Haec prima fidei virtus esto. Alteram quoque videamus … « Voilà ce qu’est la première vertu de la foi. Considérons maintenant la seconde » (WA 7, 53, 34 ; Esnault, p. 281). Ici Rhenanus guide réellement le lecteur, l’aide à « naviguer » dans le texte. [62] Le Sélestadien réagit davantage à la deuxième vertu. Après avoir signalé le début de section, il intègre immédiatement la nature 34 Cf. Hirstein, « Corrections autographes », p. 145-149.

10. « Rhenanus et les annotations sur Luther »

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du rapport entre l’homme et Dieu en résumant l’honneur suprême qu’on offre à Dieu en reconnaissant sa vérité, sa justice et sa bonté : Summus honor (WA 7, 53, 38-39 ; n° 19) ; puis, il opère une reprise pour indiquer l’injure suprême qui consisterait à les lui nier Summa contumelia (WA 7, 53, 39 ; n° 20). [63] Quant à la troisième, les annotations de Rhenanus sont bien plus rapprochées, plus spontanées sans doute. Il y en a trois. La première guide le lecteur, annonçant « La troisième grâce de la foi ». (WA 7, 54, 31 ; n° 24), mais maintenant, il dit « grâce » et non pas « vertu ». Ensuite, il fait ressortir en peu de place la caractéristique essentielle de cette grâce : Vnio ad sponsum, l’union de l’âme humaine avec le fiancé, le Christ (WA 7, 54, 34 ; n° 25). On peut parler d’un résumé renforcé du texte parce que le Sélestadien écrit « l’Union avec l’époux », alors que Luther n’utilise pas le terme luimême d’unio, d’« union » à cet endroit (il dit plutôt verum … matrimonium WA 7, 54, 33-34). C’est-à-dire que Rhenanus a renforcé ce qui existait déjà grâce à l’utilisation d’un mot nouveau fort. [64] Avant l’échange miraculeux des attributs de l’âme humaine et du Christ entre eux, le Christ débordait « de grâce, de vie et de salut », l’âme « de péchés, de mort et de damnation » (WA 7, 54, 39-55, 1), mais la foi intervient et la permutation étonnante a lieu. Pour introduire cet échange, Luther écrit Conferamus ista & videbimus inaestimabilia « mais comparons les choses échangées et nous verrons qu’elles sont d’une valeur inestimable » (WA 7, 54, 38-39). Rhenanus (à la différence du changement de personne de tout à l’heure), au lieu de reprendre la première personne du pluriel, emploie plutôt l’impératif de la deuxième personne du singulier pour faire partager l’étonnement avec le lecteur, pour le prendre comme témoin, pour l’engager : Vide inestimabilia (n° 26) « Vois ces échanges d’une valeur inestimable ! ». Rhenanus lui-même s’enthousiasme et veut montrer cette valeur, cette beauté au lecteur pour lui plaire, pour remporter son adhésion et, en même temps, il le touche et l’atteint par l’usage de l’impératif. [65] Luther s’étend longuement sur cette troisième vertu35. Rhenanus relève l’essentiel, savoir la force de ce mariage (nos 27-29) dans une écriture exubérante, mais dont la manifestation est moins

35 Voir nos remarques plus haut sur la section « B.III » proposée par Rieger et l’extension du passage sur le mariage dans la troisième vertu.

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fréquente (3 annotations pour le feuillet [B 4] r°). Est-ce que l’image du mariage le touche moins que l’idée de l’échange miraculeux ? [66] En revanche, lorsque Luther, relate plus dans le détail comment l’homme intérieur, grâce à cet échange, peut participer au sacerdoce et à la royauté (WA 7, 56, 17), Rhenanus fait un résumé intéressant pour parler de la « prérogative du premier né » primogeniturae praerogatiua (n° 33) qui recevait et le sacerdoce et le règne. Et là, la fréquence et l’intensité des annotations révèlent à quel point Rhenanus est attiré et frappé par l’acquisition de ces prérogatives (nos 34-41). Par exemple, il utilise une interrogation indirecte plutôt longue pour montrer comment il faut comprendre, comment il peut se faire que les chrétiens fidèles soient des prêtres. Luther écrit : Or, de même que Christ possède ces deux dignités par droit de primogéniture, il en fait part à tous ceux qui croient en lui et il en fait leur bien commun, en vertu du droit nuptial que l’on sait, par quoi tout ce qui est de l’époux appartient à l’épouse. Nous tous qui croyons en Christ, nous sommes donc rois et prêtres en lui. (WA 56, 35-38 ; Esnault, p. 284-285).

Rhenanus renseigne le lecteur en annotant Quomodo christianos fideles sacerdotes esse intelligi debeat « Comment il doit être compris que les chrétiens fidèles soient des prêtres » (n° 37). Il veut attirer l’attention du lecteur sur le véritable mécanisme de cette élévation. A cet endroit, Rhenanus ne mentionne pas la royauté. [67] Toutefois, lorsque le Sélestadien revient à cette prérogative, il rappelle au lecteur qu’il s’agit uniquement d’un pouvoir spirituel Nota (WA 7, 57, 8 ; n° 39). En effet, ce pouvoir n’est pas temporel et Rhenanus écrit de sa main « exubérante » Regnum spiritale (WA 7, 57, 14 ; n° 40)36. Le Sélestadien termine cette section par une reprise Sacerdotes sumus in aeternum « nous sommes des prêtres pour l’éternité » (WA 7, 57, 24-25 ; n° 41). Pourquoi l’accent mis sur le « règne spirituel » ? Rhenanus ne fait que suivre Luther, qui traite toujours de l’homme intérieur. Est-ce pour ne pas menacer ou effrayer les véritables princes de l’époque dont le règne est plutôt temporel ? Résumé et précisions sur le ministère des chrétiens [68] Rhenanus intègre bien le résumé fait par Luther dans la section commençant à WA 7, 58, 4 en écrivant Christianorum libertas (n° 43). 36 L’orthographe spiritale, pourtant attestée, est corrigée en spirituale dans les éditions imprimées.

10. « Rhenanus et les annotations sur Luther »

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Il note ensuite avec intérêt les précisions que Luther apporte sur le ministère des hommes d’Eglise. Au début de cette section, de manière surprenante, une remarque faite par Rhenanus est restée lettre morte ; elle n’a été reprise dans aucune des éditions imprimées. [69] Luther écrit : « Mais, dira-t-on, si, dans l’Eglise, tous sont des prêtres, comment distinguer des laïcs ceux que nous considérons maintenant comme tels ? » (WA 7, 58, 12-13 ; Esnault, p. 286). Il poursuit pour dire que les noms donnés à ceux qui sont maintenant appelés prêtres furent donnés à tort, car la Bible n’apprend en rien à distinguer les hommes ainsi. Rhenanus avait écrit en face de ce texte : Quomodo discernamur ab ecclesiastico sacerdotio (Luther explique) « comment nous sommes distingués des prêtres consacrés par l’Eglise » (WA 7, 58, 12 ; n° 44). De nouveau l’utilisation chez Rhenanus de la première personne du pluriel est forte ; elle n’était pas présente chez Luther. Est-ce pour cette raison que cette remarque ne fut reprise en aucune des trois éditions ? Elle fut manifestement supprimée d’office. Nous savons qu’elle a existé grâce au seul témoignage que fournit le livre de Sélestat. [70] Rhenanus suit encore Luther dans sa critique des prêtres de l’Eglise et de leur prédication. Leur ministère est devenu, dit-il, une tyrannie (WA 7, 58, 23-24). L’annotation est inscrite dans une écriture vigoureuse à travers un résumé en interrogation indirecte où le terme de tyrannie elle-même n’est pas employé. Mais là il faut noter que Rhenanus augmente la force de l’expression en utilisant non pas le verbe euado « finir par devenir » comme Luther, mais peruado : Ministerium ecclesiasticorum quo peruaserit « (il montre) jusqu’où le ministère des hommes d’Eglise a pénétré » (n° 45). Ce sont les premières manifestations d’un agacement devant la superbe de certains ecclésiastiques. Luther relève comment le Christ ne doit pas être prêché et puis comment il doit l’être (WA 7, 58, 31-39 ; n° 46) et enfin lorsqu’il décrit l’effet que la prédication vraie du Christ doit avoir sur les fidèles, Rhenanus écrit en résumant Fructus optimae predicationis (WA 7, 59, 7 n° 47). La seconde grande division (« C ») : l’homme devant le monde : les œuvres [71] Comme indiqué plus haut, Rhenanus ne relève pas à proprement parler le début de la seconde grande division consacrée à l’homme extérieur et aux œuvres. Il s’intéresse davantage aux questions des personnes qui comprennent mal Luther.

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[72] Après l’introduction à la seconde grande division, où le réformateur rappelle que dans la vie terrestre on doit régir son propre corps et vivre en société avec les hommes (WA 7, 60, 1-2), la première sous-section porte sur les œuvres en général et la maîtrise du corps (« C.II » = WA 7, 59, 37-64, 12). Rhenanus y place 19 annotations (nos 50-68). [73] Le Sélestadien note que les œuvres commencent par la maîtrise du corps, cela par un résumé à l’interrogation indirecte : (« on se demande » ou « il dit ») Vnde opera incipiant « d’où commencent les œuvres » (WA 7, 60, 2-3 ; n° 50). En bon pédagogue Rhenanus signale les points principaux de l’argument. Mais dans cette section, ses centres d’intérêt sont ailleurs. A travers une belle phrase, Luther signale la lutte entre la foi de l’homme intérieur et les désirs de l’homme extérieur, car il y a opposition. Le réformateur écrit : C’est là que commencent les œuvres ; là, il n’est plus question d’oisiveté ; là, à la vérité, il faut avoir soin d’exercer le corps par des veilles, des travaux et par d’autres disciplines mesurées et de le subordonner à l’esprit pour qu’il obéisse à l’homme intérieur et à la foi et qu’il leur soit conforme ; il ne faut pas qu’il soit rebelle à cet homme intérieur et il ne doit pas l’entraver comme il arriverait s’il agissait à sa guise et qu’il ne fût pas soumis à contrainte. Car l’homme intérieur, conforme à Dieu et créé à l’image de Dieu par la foi, est dans la joie et dans le bonheur à cause de Christ, en qui tant de biens lui sont acquis qu’une seule chose lui reste à faire : servir Dieu, joyeusement, gratuitement, dans la liberté de l’amour. (« C.II.1 » WA 7, 60, 2-9 ; Esnault, p. 288-289).

Mais Rhenanus ne signale pas cette opposition dans son annotation ou la nécessité pour l’homme extérieur de maîtriser le corps, il relève seulement la fin du passage l’« unique responsabilité de l’homme intérieur » Negotium unicum hominis interioris (WA 7, 60, 9 ; n° 51), car il met en valeur la joie que celui-ci peut connaître. [74] Rhenanus suit le développement sur l’attitude à adopter en accomplissant les œuvres (WA 7, 60, 21 ; n° 52), de quelle manière le corps doit être corrigé (WA 7, 60, 31 ; n° 53), cela en utilisant des résumés à l’interrogation indirecte. [75] Et plus loin, alors que Luther explique dans quel état d’esprit il faut corriger son corps et qu’il revient sur ceux qui octroient trop d’importance aux œuvres, il fait appel à des contextes analogues (similitudines). Il dit par exemple qu’il faut les considérer comme s’il s’agissait d’œuvres accomplies par Adam et Eve en Paradis, s’ils n’avaient pas péché. Dieu plaça Adam au jardin pour le cultiver et le

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garder (Gen. 2, 15) et comme il était déjà justifié et intègre, ces œuvres ne pouvaient servir à cela. Dieu les avait données afin qu’Adam ne soit pas oisif. Rhenanus écrit en marge Similitudo egregia : « Comparaison remarquable », une reprise renforcée car il porte un jugement sur sa nature (WA 7, 61, 2-4 ; n° 55). Cette comparaison lui plaît parce que plus loin (WA 7, 61, 12-15), devant la deuxième partie de la comparaison, où on lit : Il en va de même des œuvres du croyant qui, par sa foi, a été replacé dans le Paradis et créé tout à nouveau : il n’a pas besoin d’œuvres pour accéder à la justice ; mais, pour qu’il échappe à l’oisiveté, qu’il mette son corps à l’épreuve et qu’il le conserve, il doit faire ces œuvres de liberté que l’on sait, sans autre intention que de plaire à Dieu. (Esnault, p. 290)

que retient Rhenanus ? Il écrit dans la marge Fides reponit in paradisum « la foi nous replace dans le Paradis » (WA 7, 61, 12-13 ; n° 56). [76] Dans cette section sur la maîtrise de son propre corps le Sélestadien ne s’intéresse pas outre mesure à cette question, mais en relève d’autres qui sont plus importantes ou qui lui tiennent plus à cœur. Il faut dire que Luther lui-même quitte le sujet ostensible pour en traiter d’autres. Il aime mieux faire la guerre à ceux qui considèrent le monde seulement de l’extérieur, en pensant que quelqu’un est bon ou mauvais selon ses œuvres, mais cela est faux parce que les œuvres ne peuvent pas justifier. Rhenanus suit fidèlement le raisonnement de Luther (nos 62-68) à ce propos. Il relève en particulier les règles que le réformateur édicte pour éviter de se perdre dans l’accomplissement des œuvres (nos 63-65). Les œuvres en rapport avec les autres hommes (« C.III » : WA 7, 64, 13-66, 38) [77] Nous avons déjà évoqué, à propos de l’ouverture de cette section, la manière dont Rhenanus barre son mot d’énumération pour préférer un résumé du contenu De operibus ad proximum « A propos des œuvres vis-à-vis du prochain » (WA 7, 64, 13-15 ; n° 69). [78] Le Sélestadien consacre vingt annotations à cette section (nos 69-80). Dans la première sous-section sur l’abnégation (C.III.1) et le fait que le chrétien est comme l’esclave de tous, Rhenanus résume la pensée de Luther exprimée au début de l’ouvrage en écrivant Seruiendum omnibus « il faut servir tout le monde » (WA 7, 64, 26 ;

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n° 70), ce qui rappelle les « deux thèses », l’expression du paradoxe de la liberté et de la servitude (WA 7, 49, 22-25 ; n° 2). [79] A propos du Christ comme modèle (C.III.2, WA 7, 65, 14), Rhenanus fait un résumé percutant en écrivant Deprauatores apostolicae doctrinae « des corrupteurs de l’enseignement apostolique » (n° 73), là où Luther a écrit seulement « Mais on nous a rendu obscure cette parole infiniment salutaire de l’apôtre37 ». Il s’agit du passage de Paul (Phil. 2, 5 ss.) que Luther cite pour faire comprendre que certains en ont mal interprété les termes en négligeant le sens principal, qui est que le Christ, qui n’avait besoin d’aucune œuvre, servit pourtant les hommes en sa qualité d’homme. Si la réaction de Rhenanus, exprimée par l’usage du mot percutant de deprauator, semble disproportionnée, c’est parce qu’il s’intéresse à l’aspect social, au rapport avec les autres hommes, que le Christ a cultivé, mais que les « dépravateurs » ont méconnu. Le Sélestadien critique aussi les religieux ou les théologiens qui obscurcissent l’enseignement. [80] En effet, Rhenanus crée une série de ce que nous appelons des « résumés forts » (nos 74-78), où il résume le texte avec d’autres mots, des mots qui renforcent encore la pensée de Luther. Par exemple, dans la section suivante, où le chrétien doit être comme un second Christ (« C.III.3 »), devant une longue description sur la façon dont le chrétien doit imiter le Christ, on lit une formule, un résumé bien « frappé », avec l’introduction d’un verbe dont Luther ne se sert pas et l’utilisation du subjonctif jussif : Christianus se Christo conformet « Que le chrétien se conforme au Christ ! » (WA 7, 65, 26-31 ; n° 74). [81] Plus loin, on peut lire un paragraphe dans l’editio princeps formé par WA 7, 65, 37-66, 6, où le petit homme de rien (homuncio), qui est comblé de dons par Dieu le père, reconnaît qu’il doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour lui plaire, qu’il doit donner aux autres comme une sorte de Christ. Pour exprimer cette idée Rhenanus introduit un substantif abstrait fiducia « confiance » (WA 7, 65, 37 ; n° 75) pour renvoyer au rôle joué par la foi mais aussi aux liens de confiance. Lorsqu’il s’agit d’énumérer les bienfaits et les dons de la foi, le Sélestadien résume en introduisant un mot qui ne se trouve pas non plus chez Luther les « fruits de la foi » (WA 7, 66, 7 ; n° 76). [82] L’idée que les hommes doivent ainsi imiter le Christ et que les dons venant de la foi sont remplis de joie a fortement inspiré

37 Pour l’allusion à l’apôtre, voir Esnault, p. 296, n. 1.

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Luther lui-même, qui laisse libre cours à sa plume dans cette section. Il s’écrie par exemple : Voilà donc que la foi est source d’amour et de joie dans le Seigneur et que, de l’amour, découle une disposition heureuse, qui s’élance librement au service dévoué du prochain. Elle ne tient nul compte de la gratitude ou de l’ingratitude, des louanges ou du blâme, du gain ou du dommage. Elle n’agit pas ainsi pour s’attirer les bonnes grâces des hommes, elle ne fait pas de différence entre amis et ennemis ; elle ne connaît ni obligés ni ingrats. Elle se dispense de tout cœur, avec ce qu’elle a, prête aussi bien à tout perdre auprès des ingrats qu’à recueillir l’approbation (WA 7, 66, 7-12 ; Esnault, p. 297).

En face de ce passage Rhenanus écrit de manière ironique : Vide mi lector// quam digne dam // natum Lutherum . (n° 77). Vois, ami lecteur, avec quelle justice Luther a été condamné !

Nous avons déjà évoqué ce passage pour tenter de dater les annotations de Rhenanus. Maintenant, à propos de la nature de l’annotation, l’impératif uide et le vocatif mi lector engagent le lecteur et puis, comme un cri d’indignation et d’exaspération, l’ironie de Rhenanus se fait entendre : quam digne (litt. « combien dignement ») : « vois avec quelle justice Luther a été condamné ». L’ironie est renforcée par l’interrogation oratoire38. C’est une réaction très forte motivée en partie par un événement en dehors du texte du traité. Il faut toutefois constater la bonté de pensée exprimée dans le texte pour percevoir la distance, l’abîme, entre cette pensée et une condamnation. C’est pour cette raison que le rapport verbal, littéral, entre le texte et l’annotation est très ténu. Le Sélestadien s’indigne de la condamnation et cherche fortement à émouvoir le lecteur par l’expression d’une injustice. Il n’en reste pas moins que l’exclamation indignée trouve sa force dans la bonté de l’aspect social exprimé par Luther, aspect qui touche Rhenanus et qu’il veut faire sentir aussi au lecteur. [83] Dans la dernière sous-section, sur le nom du chrétien, où Luther écrit que les choses sont arrivées au point que nostrum nomen ipsimet ignoremus, cur Christiani simus et uocemur « (au point) que 38 Rhenanus avait d’abord écrit : … quam digne damnatus Lutherus, en comprenant une interrogation indirecte véritable ; toutefois, il a par la suite corrigé le texte pour entendre : … quam digne damnatum Lutherum , une interrogation indirecte oratoire. Les correcteurs de Petri (voir le tableau n° 77) ont préféré comprendre une interrogation indirecte véritable ; pour les libertés qu’ils prennent avec le texte, voir Hirstein, « Modes d’expression sublimes et Martin Luther ».

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nous méconnaissons nous-mêmes le nom que nous portons ; nous ne savons pas pourquoi nous sommes chrétiens ni pourquoi nous sommes appelés de ce nom » (WA 7, 66, 33 ; Esnault, p. 297), Rhenanus résume l’observation dans la marge en variant l’expression, suivant Luther dans l’utilisation de la première personne du pluriel : Christiani quare nominemur (n° 80) (il dit) « pourquoi nous nous nommons des chrétiens » (parce que nous fondons notre conduite sur le Christ). La bonne approche vis-à-vis des œuvres (« C.IV ») WA 66, 39-69, 11 [84] Cette section, à l’exemple de celle qui a suivi la description de la troisième vertu de la foi, est comme une extension de ce qui a précédé, les deux domaines de l’utilisation des œuvres. Rhenanus consacre 9 annotations à cette section, les nos 81-89. [85] Là où Luther suggère aux chrétiens des modèles de conduite et d’amour désintéressés, la Sainte Vierge tient une place de choix (« C.IV.1.a ») et Rhenanus lui consacre une belle mention : Diuae dei genetricis exemplar l’« exemple de la divine mère de Dieu » (WA 7, 66, 39 ; n° 81 – noter le changement que l’annotation a subi sous forme imprimée, voir tableau). Après avoir évoqué des modèles, Luther montre comment certains auraient dû vivre s’ils avaient suivi la conduite de ceux-ci. Il aurait fallu se soumettre au pouvoir séculier : … non pour être justifié, puisque la justice est déjà donnée à la foi, mais pour le service d’autrui et des autorités, et pour obéir à leur volonté, en toute liberté d’esprit et dans la gratuité de l’amour. Telles eussent dû être les œuvres de toutes les communautés, des monastères et des prêtres, chacun s’acquittant des devoirs de sa profession et de son état non pour acquérir la justice mais pour s’exercer à l’assujettissement du corps, en exemple pour les autres … (WA 7, 67, 29-34 ; Esnault, p. 299).

Voilà donc les œuvres que les ecclésiastiques auraient dû accomplir ! Et Rhenanus d’écrire en marge : Capite religiosi omnes Lutherum & sinite doctorem uestrum esse. Prenez, tous les religieux, Luther et permettez qu’il soit votre guide ! (n° 84).

Tous les hommes d’Eglise devraient prendre Luther comme professeur, comme guide. Rhenanus condense l’expression « toutes les communautés, des monastères et des prêtres » en « tous les religieux », pour s’adresser directement à eux à travers les impératifs Capite et sinite. On se rend compte que Rhenanus critique vivement une nouvelle fois l’attitude, la superbe des religieux. Il ne s’agit pas de questions

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théoriques ou spirituelles ici, mais de problèmes de la vie de tous les jours. A l’instar de la très forte annotation n° 77, le rapport verbal avec le texte de Luther est très lâche. Rhenanus exprime son intérêt pour le rôle social des œuvres et tout à la fois sa désapprobation envers la conduite des religieux. Cette dernière est une expression plutôt anticléricale. [86] A cet endroit, Luther dit qu’il veut veiller à l’intérêt du lecteur qui pourrait être influencé par des prêtres qui l’amèneraient à s’occuper des œuvres aux dépens de la foi. En face de « je veux vous conseiller », Rhenanus résume le texte en écrivant simplement Consilium : un « conseil », se fondant sur le Ego autem tibi consultum uolo (WA 7, 68, 29 ; n° 87). Dans ce cas le fidèle commettrait une injustice envers sa foi, qui seule peut tout lui offrir. Luther dit : Car tu ferais tort à ta foi, qui est seule à te donner toutes choses. Il n’y a donc qu’à prendre soin d’elle : il faut qu’elle croisse, exercée par les œuvres ou par les souffrances, pour que tu serves, toi et ta bonté, à l’avantage et à la prospérité des autres. (WA 7, 68, 31-34).

Rhenanus écrit en face de ce passage Fides sola curanda (n° 88) reprenant la leçon de Luther et sa répétition. [87] Toujours dans cette section, Rhenanus réagit à la pensée pédagogique de Luther, qui, ailleurs, voulait proposer des règles ou établir des critères de conduite (cf. les annotations nos 64 et 65). Ici, la regula, terme présent dans le texte, est le libre don de soi en faveur des autres, de la communauté. Devant le beau passage de Luther, Rhenanus crée la formulation fraternam charitatem pour indiquer : Regula ad fraternam charitatem « règle en faveur de l’amour fraternel » (WA 7, 69, 1 ; n° 89). Il aurait pu faire une reprise du texte ; il a préféré éclaircir et embellir l’idée, selon les buts du docere et du placere. Conclusion (« D ») WA 7, 69, 12-23 [88] Rhenanus relève bien l’argument essentiel de la conclusion en reprenant le texte de Luther : Christianus uiuit in Christo & in proximo « le chrétien vit en Christ et en son prochain » (WA 7, 69, 13 ; Esnaul, p. 301 ; n° 90). Ajout (« E ») WA 7, 69, 24-73, 15 [89] Rhenanus consacre 12 annotations à cette section qui ne se trouve que dans le texte latin du Traité, nos 91-102.

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[90] Nous avons déjà relevé son rejet d’une remarque structurelle au début de l’ajout (WA 7, 69, 24-25), Addicio, qu’il barre (n° 91). Au-dessous du mot barré, il fait une seconde annotation qui tient compte de manière frappante de la correction demandée par le réformateur. [91] Au début, l’ajout est consacré à ceux qui voudraient profiter de la liberté décrite par Luther et sa critique des œuvres. Le texte de l’editio princeps est : Eam in occasionem libertatis uertant (WA, 7, 69, 26-27). (il y en a beaucoup) pour transformer cette liberté en une occasion de liberté.

Mais dans l’exemplaire de Sélestat, Luther demande une correction qui fournit le texte : Eam in occasionem carnis uertant (il y en a beaucoup) pour transformer cette liberté en une occasion de licence charnelle39.

Or, Rhenanus résume le texte en le renforçant « Contre une liberté de la chair » (Contra libertatem carnis), alors que le texte corrigé offrait seulement in occasionem carnis. Mais Rhenanus a pu voir le mot barré par Luther, et ce par quoi il a été remplacé. Son annotation semble tenir compte de ce fait et lui permet d’instruire davantage le lecteur. [92] Pour le reste de l’ajout, qui porte sur les deux groupes d’hommes qui auraient une position extrême vis-à-vis des œuvres, des cérémonies : les uns les blâmant et les rejetant entièrement, les autres y étant complètement asservis, Luther propose la voie du milieu prônée par Paul, dans Rom. 14, 3, par exemple : raisonner les premiers, ne pas heurter excessivement les seconds. Rhenanus relève les divisions principales en résumant le texte de manière assez neutre. Dans un endroit il fait un résumé fort en ajoutant le mot « danger » à propos des cérémonies : Periculum in cerimoniis (WA 7, 72, 3 ; n° 99). Conclusion [93] Dans cette étude générale des annotations autographes, puis imprimées, de Rhenanus, nous avons tenté d’abord de déterminer dans 39 Nous nous inspirons de la traduction d’Esnault, p. 301. Pour la correction de Luther, voir Hirstein, « Corrections autographes », p. 141 et p. 160 n° [41].

10. « Rhenanus et les annotations sur Luther »

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quel état d’esprit il a lu et annoté le Traité sur la liberté chrétienne de Martin Luther. Nous avons montré qu’il n’a pas travaillé comme un annotateur de métier l’aurait fait. Au lieu de proposer dans les marges les grandes lignes de la structure stricte de l’ouvrage, il a préféré relever les arguments eux-mêmes que la structure devait mettre en avant. Cette approche plus personnelle, plus spontanée a dû être fondée sur ce qui l’intéressait réellement sous la plume de Luther. [94] En effet, il n’hésite pas à s’adresser directement au lecteur à travers l’utilisation de formes à l’impératif, à la deuxième personne. Souvent il utilise la première personne du pluriel pour s’inclure dans les adresses ou les exclamations en compagnie du lecteur. Il a dû vouloir ainsi signaler au public ses propres découvertes, ce qui l’a touché dans sa lecture. [95] Lorsqu’on lit ce genre de passages vifs : les résumés, surtout ceux qui ont été renforcés, ainsi que les reprises que l’on pourrait considérer à tort comme « simples », une image de Rhenanus surprenante et variée se fait jour. Il y a le croyant dans le doute, qui, comme Luther, a souffert (n° 1) et qui a besoin de la parole de Dieu (annotation n° 5). Cet homme intérieur se trouve dans l’impasse qui a amené le réformateur à découvrir une heureuse sortie (nos 14, 15). Le recours à la seule foi porte, dans ses vertus, des fruits inestimables (nos 25, 26). La prêtrise et la royauté des croyants frappent très fortement l’esprit, surtout la prêtrise (nos 37, 41, 44). Mais l’élargisse-ment du sacerdoce s’accompagne d’une critique forte du clergé traditionnel : Rhenanus paraît parfois anticlérical. Il a manifestement mal accepté la superbe de certains hommes d’Eglise (n° 45 et plus loin). On s’attendait à rencontrer un « intellectuel », quelqu’un d’éthéré peut-être, et on peut retrouver cet aspect de sa personnalité dans son intérêt pour l’homme intérieur ou pour le Paradis (nos 51 et 56), alors que le sujet dans cette section du Traité est l’homme extérieur et la maîtrise qu’il doit exercer sur son propre corps. [96] Mais on aperçoit également un homme qui s’intéresse au rapport du croyant avec autrui, avec son prochain, qui n’oublie pas le second terme du paradoxe que le chrétien est l’homme qui est le plus asservi ; il doit servir tout le monde (n° 70). On trouve aussi à la fois une critique des prises de position théologiques qui pourraient obscurcir la valeur de cette servitude (n° 73) et un héraut qui appelle à imiter le Christ (n° 74). En effet, il accepte l’idée de la servitude joyeuse mise en avant par Luther et n’hésite pas à défendre très fermement le réformateur à ce titre (n° 77), même contre les foudres de l’Eglise, fût-ce anonymement. C’est un homme assez pratique, qui

10. James Hirstein

346

incite vivement les religieux à respecter les lois du siècle (n° 84). Il a dû souffrir de la superbe de moines ou de clercs, car il souhaite véritablement leur correction, leur amélioration. Il souligne vers la fin du Traité la « règle » du don de soi aux autres (n° 89). [97] C’est ainsi que Rhenanus a fait des annotations de grand intérêt40, que l’anonymat ait été levé ou non. La découverte de leur origine dans le livre de Sélestat et du nom de leur auteur peut augmenter leur valeur. Nous avons tenté, dans cette étude générale41, de déterminer ce qu’elles pouvaient apporter à la connaissance d’un homme très discret et secret, mais ouvert à l’enthousiasme. Les annotations marginales manuscrites de Beatus Rhenanus sur le traité De libertate christiana (Wittenberg, [Rhau-Grunenberg], 1520) de Martin Luther Mots manuscrits de Nature des Beatus mots Rhenanus 1 Tribulationibus Fides Résumé 49, 12/f. B [1] r° tribulacio// nibus discitur 2 Themata Reprise Themata 49, 21/ f. B [1] r° 3 Nullam … rerum Libertas Résumé externarum christiana// 50, 15/ [B 1] v° in quibus non// consistat

1520 Texte et N° lieu (WA 7/f.) ; BHS K 809o

1521, Bâle [mars]

1521 (Witt.)

1521, Bâle [sept.]

Idem (p. 13)

Id.

Id.

Idem (p. 13) Idem (p. 14)

Id.

Id.

Id.

Id.

40 Un autre chercheur les a aussi étudiées, sans savoir qu’elles étaient de Rhenanus. Nous n’avons pas pu nous procurer son travail. 41 Il reste d’autres sujets à aborder. Par exemple, un examen plus serré de l’écriture serait utile, car il a pu y avoir au moins deux lectures et annotations. De la même manière il serait bon d’interroger des styles d’écriture différents ; nous avons parlé parfois d’une écriture « exubérante ». La fréquence des annotations, sujet que nous avons quelquefois abordé, mériterait aussi considération. L’étude de la main de Rhenanus elle-même mise de côté, certaines sections du Traité et leur annotation mériteraient une étude plus détaillée. Pour ce qui est de Bernhard Adelmann, on a l’impression qu’il a tracé des lignes ondulantes devant certains passages.

10. « Rhenanus et les annotations sur Luther » Mots manuscrits de Beatus Rhenanus vna re, eaque Verbum dei// sola 50, 33/[B 1] animę v° ne//cessarium Propheta David in// octonario toto octonario 51, 4/[B 1] v° Nec sęuior plaga Sęuissima// irę dei, quam dei plaga 51, 5-6/[B 1] v° Quod nam est Verbum dei// verbum hoc quod sit 51, 12/B 2 r° sola fide … sola Sola fides// fide … Iustificat iustificatur 51, 21-23/B 2 r° Dum credere Credenda incipis 51, 27-28/B 2 r° Nullo externo Nullo externo opere opere// …iustificari iustificatur 52, 1/B 2 r° homo

1520 Texte et N° lieu (WA 7/f.) ; BHS K 809o 4 5 6 7 8

9 10

11 Fides, incompar. thesaurus est 52, 12/[B 2] v° 12 Scripturam dei … pręcepta & promissa 52, 25/ [B 2] v° 13 Eque … sunt impossibilia omnia 52, 36/ [B 2] v° 14 Legi satisfieri oporteat … damnabitur 52, 37- 1/ [B 2] v°

Fides thesau// rus incomparabilis Scriptura ha//bet precepta// & promissa Omnia praecep// ta nobis eque// impossibilia Legi satisfa// ciendum aut// damnandum

Nature des mots

1521, Bâle [mars]

347 1521 (Witt.)

1521, Bâle [sept.]

Résumé

Idem (p. 15)

Id.

Id.

Reprise et identification

Idem (p. 15)

Id.

Id.

augmentation

Reprise avec

Idem (p. 15)

Id.

Id.

Reprise, interr. ind.

Idem (p. 16)

Id.

Id.

Résumé (noter le nominatif)

Idem (p. 16)

Id.

Id.

Résumé (adj. en -ndus)

Idem (p. 16)

Id.

Id.

Résumé

Idem (p. 16 ; mais le texte se trouve p. 17) Idem (p. 17)

Id.

Id.

Id.

Id.

Reprise Résumé

Idem (p. 17)

Id.

Id.

Reprise

Idem (p. 18)

Id.

Id.

Résumé

Mot omis Legi satisfa// ciendum (p. 18)

Mot omis

Mot omis

10. James Hirstein

348 1520 Texte et N° lieu (WA 7/f.) ; BHS K 809o 15 …implebis per fidem 53, 8/ B 3 r° 16 Ipse solus pręcipit, solus quoque implet 53, 13/ B 3 r° 17 …sic eis uniatur … 53, 17/ B 3 r° 18 Alteram quoque uideamus 53, 34/ B 3 r° 19 Neque enim alius est honor 53, 37/ B 3 r° 20 Summa contumelia est 53, 39/ B 3 r° 21 anima … obedientissima 54, 8/ [B 3] v° 22 quę rebellio ? 54, 11/[B 3] v° 23 Rursus & ipse nos honorat 54, 22/[B 3] v°

24 Tercia fidei gratia 54, 31/[B 3] v° 25 Matrimonium perfectissimum 54, 34//[B 3] v° 26 Videbimus inęstimabilia 54, 39//[B 3] v°

Mots manuscrits de Beatus Rhenanus Omnia per fidem// implemus Deus solus &// precipit & implet

Nature des mots

1521, Bâle [mars]

1521 (Witt.)

1521, Bâle [sept.]

Résumé avec aug. (1re p.)

Idem (p. 18)

Id.

Id.

Résumé

Idem (p. 19)

praecepit

Id.

Fidei prima// uirtus

Résumé

Idem (p. 19)

Id.

Id.

Altera fidei// uirtus

Reprise

Idem (p. 19)

Id.

Id.

Summus// honor

Résumé

Idem (p. 20)

Id.

Id.

Summa con// tumelia

Reprise

Idem (p. 20)

Id.

Id.

Obediencia// perfecta

Résumé

Idem… (p. 20)

Id.

Id.

Rebellio

Reprise

Idem (p. 20) Mot omis Honorat deus credentes in eum (p. 21) Idem (p. 21)

Id.

Id.

Mot omis

Mot omis

Id.

Id.

Résumé Honorat nos//dominus deus// credentes in eum Tercia fidei// gratia chr

Reprise

Vnio ad// sponsum

Résumé

Idem (p. 21)

Id.

Id.

Vide inesti// mabilia

Reprise enthou./ impérative

Idem (p. 21)

Id.

Id.

10. « Rhenanus et les annotations sur Luther » Mots manuscrits de Nature des Beatus mots Rhenanus Dulcissimum Résumé Duellum// spectaculum amoris 55, 7/[B 4] r° ou in//Christo Stupendo duello 55, 16/[B 4] r° Per arram fidei Arra fidei// in Reprise suae in Christo sponsa Christi résumée sponso suo 55, 18/[B 4] r° Nuptias regales Regalium// Résumé, 55, 24/[B 4] r° nuptiarum// ajout maiestas maiestas Qua causa Reprise Qua causa tantum … fidei tatum [sic]// 55, 37/[B 4] v° tribuatur fidei

1520 Texte et N° lieu (WA 7/f.) ; BHS K 809o

1521, Bâle [mars]

27

28

29 30

31 nec deum coleres 56, 2/ [B 4] v° 32 Sed eum qui facit [ ?] 56, 10/ [B 4] v° 33 primogenitura magni pręcij 56, 17/ [B 4] v° 34 Regnum enim eius non est de hoc mundo 56, 21/ [B 4] v°

Cultus dei// uerus

Résumé

Fides facit// opera

Résumé

35 Ita nec sacerdotium eius … 56, 26/ [B 4] v° 36 Offitia sacerdotis 56, 32/ [B 4] v°

Sacerdocium// Résumé Christi

Primogenitu// Résumé rę prerogatiua (prerogatiua) Résumé Regnum Christi// quibus constet

Sacerdotale// officium

Reprise

349 1521 (Witt.)

1521, Bâle [sept.]

Idem (p. 22)

Id.

Id.

Idem (p. 22)

Id.

Id.

Idem (p. 22)

Id.

Id.

Corr. tantum tribuatur … (p. 23) Idem (p. 23)

Corr.

Corr.

Id.

Id.

Idem (p. 23)

Id.

Id.

Idem (p. 23)

Id.

Id.

Corr. … Chri//sti

quibus// constet. (p. 24) Idem (p. 24)

Corr.

Corr.

Id.

Id.

Idem (p. 24)

?

?

350

10. James Hirstein

Mots manuscrits 1521, 1521, de Nature des 1521 Bâle Bâle Beatus mots (Witt.) [mars] [sept.] Rhenanus 37 Quemadmodum Quomodo Résumé Idem Err. Id. …56, 35/ C [1] christiano// (p. 24) debet r° fideles : sacerdo// tes esse. intellig// debeat 38 Quę duo sic se Christiani// Résumé Idem Id. Err. habent (p. 24) Ceng reges 57, 2/ C [1] r° 39 Non, quod … Appel Idem Id. Id. Nota potentia (p. 25) 57, 8/ C [1] r° 40 Potentia hęc Err. Id. Résumé « Corr » Regnum// spiritualis est … spiritale [sic] Regnum tnale spirituale spi//rituale 57, 14/ C [1] r° (p. 25) 41 Sacerdotes … Reprise Idem Id. Id. Sacerdotes// sumus inęternum sumus in // (forte) (p. 25) 57, 24/ C [1] r° eternum 42 Qui … non cred. Non Résumé Idem Id. Id. 57, 32/ [C 1] v° creden//tibus. (p. 26) mala// omnia 43 Quomodo Idem Id. Id. Christianorum/ Résumé Christianus (p. 26) /libertas homo liber est 58, 4/[C 1] v° 44 Quo nomine Omis Om. Om. Résumé Quomodo discernuntur (p. 26) di//scernamur// (interr. ind. 58, 12/ [C 1]v° ab forte -mur) ecclesiastico// sacerdocio 45 Tyrannidem Idem Id. Id. Ministerium// Résumé euasit (p. 27) ecclesiasticoru (interr. ind.) 58, 24/ [C 1]v° m// quo peruase// rit

1520 Texte et N° lieu (WA 7/f.) ; BHS K 809o

10. « Rhenanus et les annotations sur Luther » Mots manuscrits de Nature des Beatus mots Rhenanus Redeundo …. Résumé Christus Non esse satis … quomodo// si Christi opera predicandus … prędicemus 58, 31-32 …/ C 2 r° Cuius enim Résumé Fructus cor… ? optime// 59, 7 predicacionis … Résumé Questio respondebitur… eorum// qui renforcé 59, 25/ C 2 r° Lutherum // Imo quid fides // non intelligunt Respondeo Reprise Responsio 59, 28/ [C 2] v° Hic iam Résumé Vnde opera// incipiunt opera incipiant (interr. ind.) 60, 2/ [C 2] v° Hoc solum Résumé Negocium negocij (avec préci.) unicum// 60, 9/ [C 2] v° hominis interioris Sed solum ea Qua opinione// Résumé (int. opinione opera facienda ind.) 60, 21/ [C 2] v° Corpus … Résumé (int. Qua ratione castigare ind.) cor// pus 60, 31/ C3 r° castigandum Aliquando … Appel Nota ledentes (?) 60, 36/ C3 r° Similitudinibus Similitudo// Reprise … renforcée egregia 61, 2-4/ C3 r° Repositus … in Fides reponit// Résumé paradisum in paradisum 61, 12/ C3 r° Aliud Résumé Aliud 61, 18/ C3 r° exemplum

1520 Texte et N° lieu (WA 7/f.) ; BHS K 809o

1521, Bâle [mars]

46

47 48

49 50 51

52 53 54 55 56 57

351 1521 (Witt.)

1521, Bâle [sept.]

Idem (p. 27)

Id.

Id.

Idem

Id.

Id.

Idem (p. 28)

Id.

Id.

Omis (p. 29) Idem (p. 29)

Om.

Om.

Id.

Id.

Idem (p. 29)

Id.

Id.

Idem (p. 30)

Id.

Id.

Idem (p. 30)

Id.

Id.

Idem (p. 30)

Id.

Id.

Idem (p. 31)

Id.

Id.

Idem (p. 31)

Id.

Id.

Idem (p. 31)

Id.

Id.

10. James Hirstein

352

Mots manuscrits de Nature des Beatus mots Rhenanus Duo verba Résumé Duo uerba// 61, 26/ [C3] v° memoranda Clarum … est (?) XXX XXX 61, 31/ XXX Similia Résumé Aliud simile 61, 39/ [C3] v° Solam fidem Résumé Sola fides// esse iustificat 62, 9 / [C3] v° Sic et infideli Résumé Infidelis non 62, 15/ [C3] v° fit// malus ex operibus Operibus fieri Résumé Opera hominem hominem// 62, 27/ [C4] r° bonum faciunt,// sed coram hominibus Fidei ne Fons erroris// Résumé memorentur quorundam quidem (?) 62, 32 / [C4] r° Qua regula, Regule intel// Résumé intelligendę ligencie doctri// 63, 9/ [C4] r° narum multorum Non ergo (?) Racio doctri// Résumé 63, 17/ [C4] r° ne Lutheri leuiathan Opus leuiathan Résumé 63, 22/ [C4] v° prędicandum Fides erigenda// Résumé 63, 34/ [C4] v° in predicacionibus Unde pęnitentia Vnde uel peni// Résumé … veniant tencia uel fides (int. ind.) 64, 7/ [C4] v° Erga proximum Tercia // De résumé suum operibus// ad Résumé 64, 14/ [C4] v° proximum Ut alijs seruiat Seruiendum// Résumé 64, 26/ D [1] r° omnibus

1520 Texte et N° lieu (WA 7/f.) ; BHS K 809o

1521, Bâle [mars]

58

Idem (p. 32) Simile (p. 32) Idem (p. 32) Idem (p. 32)

X 59 60 61 62

63

64

65 66 67 68 69 70

1521 (Witt.)

1521, Bâle [sept.]

Id.

Id.

Id.

Id.

Id.

Id.

Id.

Id.

Idem (p. 33)

Id.

Id.

Idem (p. 33)

Id.

Id.

Idem (p. 33)

Id.

Id.

Idem (p. 34)

Regula

Id.

Idem (p. 34) Idem (p. 34) Idem (p. 35)

Id.

Id.

Id.

Id.

Id.

Id.

Idem (p. 35)

Id.

Id.

Idem (p. 36)

Id.

Id.

Idem (p. 36)

Id.

Id.

10. « Rhenanus et les annotations sur Luther » Mots manuscrits 1521, de Nature des 1521 Bâle Beatus mots (Witt.) [mars] Rhenanus 71 Corporis curam Corporis cura// Résumé Idem Id. habere … quo (p. 36) quare habenda 64, 30/ D [1] r° 72 Christiana uita Christiana uita Reprise Idem Id. 64, 34/ D [1] r° (p. 36) 73 Obscurarunt ij, Deprauatores// Résumé fort Id. Idem qui (mots … apostolice// 65, 15/ D [1] v° doctrine nouveaux) Apostolicae … (p. 37) 74 Ita christianus … Christianus se// Résumé fort Idem Id. 65, 26/ D [1] v° Christo (nouveau (p. 38) mot) conformet 75 … nisi fide … Fiducia Résumé fort Idem Id. 65, 39/ / D [1] v° christiana (nouveau (p. 38) mot) 76 Ecce sic fluit ex Fidei// Résumé fort Idem Id. fide … (nouveau (p. 38) fructus 66, 7/ D [1] v° mot) 77 Hilaris, libens, Vide mi lector// Résumé, très Corr. Id. liber animus fort … quam quam digne 66, 8/ D 2 r° digne// dam// natum damnatus Lutherum

[corrigé, voir Lu//therus par. 82, n. 38] (p. 39) 78 cognoscimus ea Cognoscendum Résumé, fort Idem Id. … (p. 39) quam// magna (adj. verb. – 66, 17/ D 2 r° donata// nobis ndus) 79 gloriam Reprise Idem Id. Gloria uite// Christianę vitę christiane (p. 39) 66, 29/ D 2 r° 80 Cur Christiani Résumé Idem Id. Christiani simus & (p. 40) quare// uocemur nominemur 66, 33/ D 2 r° 81 …fidei Id. Résumé fort Chang. Diuę dei// Diua dei exemplum … (d’autres genitricis// ge//nitrix prębuit & beata exemplar mots) exemplar// virgo fidei. [sic.] 66, 39/ D 2 r° (p. 40)

1520 Texte et N° lieu (WA 7/f.) ; BHS K 809o

353 1521, Bâle [sept.] Id. Id. Id.

Id. Id. Id. Id.

Id. Id. Id.

Id.

10. James Hirstein

354

Mots manuscrits de Nature des Beatus mots Rhenanus Et S. Paulus Paulus// docet Résumé discipulum suum opera … 67/7 Christus etiam Christi Résumé … Hoc Domini// exemplum exemplum 67, 19 et 23/[D 2] v° Talia oportuit Capite reli// iosi Résumé fort esse … (impératifs et omnes// 67, 33/[D 2] v° Lutherum &// d’autres mots) sinite doctorem// uestrum esse hanc scientiam Scientia// Résumé 68, 3/D 3 r° Christiani ueri discrimen Résumé Pastorum … boni pastores bonorum// 68, 15-17/D 3 r° discrimen a ma tibi consultum Consilium Résumé uolo 68, 29/D 3 r° …ideo sola Résumé Fides sola// curanda curanda 68, 32/D 3 r° Ista regula … Résumé fort Regula ad// 69, 1/[D 3] v° fraternam cha// (d’autres mots) ritatem Viuere … in Reprise Christianus Christo et uiuit// in proximo suo Christo &// 69, 12-13/[D 3] proximo v° Résumé addendum est Addicio 69, 25/[D 3] v° carnis Contra liberta// Résumé 69, 27/[D 3] v° tem carnis Qui sola Résumé Contra obseruantia ( ?) fiduciam// 69, 33/D 4 r° operum

1520 Texte et N° lieu (WA 7/f.) ; BHS K 809o

1521, Bâle [mars]

82

83

84

85 86

87 88 89 90

91 92 93

1521 (Witt.)

1521, Bâle [sept.]

Idem (p. 40)

Id.

Id.

Idem (p. 41)

Id.

Id.

Idem (p. 41)

Id.

Id.

Idem (p. 42) Idem (p. 42)

Id.

Id.

Id.

Id.

Idem (p. 43)

Id.

Id.

Idem (p. 43)

Id.

Id.

Idem (p. 43)

Id.

Id.

Idem (p. 43)

Id.

Id.

Omis (p. 44) Idem (p. 44) Idem (p. 44)

Om.

Om.

Id.

Id.

Id.

Id.

10. « Rhenanus et les annotations sur Luther » 1520 Texte et N° lieu (WA 7/f.) ; BHS K 809o 94 Vtrunque latus 70, 4/D 4 r° 95 pertinaces 70, 29/D 4 r° 96 simplices 71, 1/[D 4] v° 97 & leges 71, 15/[D 4] v° 98 rudis aetas 71, 28/[D 5] r°

Mots manuscrits de Beatus Rhenanus Vtrorumque// do disciplina Quomodo cum perti// nacibus agendum Ad simplices In leges &// legislatores Ad pueros// etate adhuc// rudes Periculum// in cerimonijs

99 Iustitia fidei … in cęrimonijs periclitatur 72, 3/[D 5] r° 100 Unde cerimoniae Quo loco 72, 15/[D 5] r° haben// cerimonie 101 vano sumptu In insigniter// 72, 34/[D 5] v° supersticiosos

Nature des mots Résumé Résumé Résumé Résumé Résumé

1521, Bâle [mars]

355 1521 (Witt.)

1521, Bâle [sept.]

Omis (p. 45) Idem (p. 45)

Om.

Om.

Id.

Id.

Idem (p. 46) Idem (p. 47) Idem (p. 47)

Id.

Id.

Id.

Id.

Id.

Id.

Résumé

Idem (p. 48)

Id.

Id.

Résumé

Idem (p. 48)

Id.

Id.

Idem (p. 49)

Id.

Id.

Chang. Sapientia lex// unde obseruatur

Id.

Om.

Résumé fort (d’autres mots) 102 hanc sapientiam Sapientiae lex// Résumé 73, 8-9/[D 5] v° unde discenda

(p. 49)

Sauf avis contraire (« corr. », etc.), le terme « Idem » ou son abreviation « Id. » se réfère à l’annotation manuscrite de Rhenanus. Nous utilisons en outre les < > pour fournir les mots nécessaires à la pleine compréhension du texte selon notre lecture. Il n’a pas été tenu compte de différences orthographiques mineures dans les annotations imprimées (telles que ae = æ ; c = t ; etc.). Nous n’indiquons le n° de page ou de feuillet ni pour 1521 (Witt.) ni pour Bâle [sept.]

356

10. James Hirstein

Sources Charlet et Hirstein, « Barbaro et Rhenanus » = Charlet, Jean-Louis et James Hirstein : « Un exemplaire des Castigationes Plinianae d’Ermolao Barbaro possédé et annoté par Beatus Rhenanus (Aix, Méjanes, inc. Q 19) », Neulateinisches Jahrbuch 5 (2003), p. 59102. Chomarat, GRE = Chomarat, Jacques : Grammaire et rhétorique chez Erasme, 2 vols. (Classiques de l’Humanisme), Paris, Belles Lettres, 1981. EBR, 1 = Epistulae Beati Rhenani, La Correspondance latine et grecque de Beatus Rhenanus de Sélestat, Edition critique raisonnée, avec traduction et commentaire, vol. 1 (1506-1517) édité par James Hirstein avec la collaboration de Jean Boes, de François Heim, de Charles Munier†, de Francis Schlienger, de Robert Walter† et d’autres collègues (Studia humanitatis rhenana, 3), Turnhout, Brepols, 2013. Esnault, voir Luther, De lib. chr., trad. Esnault. Hirstein, « Avis au lecteur » = Hirstein, James : « Beatus Rhenanus et les ‘Avis au lecteur’ signés ‘Jean Froben’ sur l'Histoire d'Ammien Marcellin et sur l’Histoire Auguste dans l’édition bâloise de juin 1518 », AABHS 39 (1989), p. 27-50. Hirstein, « Bibliothèque de Rhenanus » = - : « La bibliothèque de Beatus Rhenanus : une vue d'ensemble des livres imprimés » in Les humanistes et leur bibliothèque/Humanists and their Libraries : Actes du Colloque international Bruxelles, 26-28 août 1999, éd. Rudolf De Smet (Université Libre de Bruxelles/Vrije Universiteit Brussel, Travaux de l’Institut Interuniversitaire pour l’Etude de la Renaissance et de l’Humanisme, XIII), Peeters, Leuven/Paris/ Sterling, Virginia, 2002, p. 113-142. Hirstein « Colloque Rhenanus, 2015 » = - : « Le colloque ‘Beatus Rhenanus de Sélestat (1485-1547) et une réforme de l’Eglise : engagement et changement’ : remarques et résultats », AABHS 65 (2015), p. 38-40. Hirstein, « Corrections autographes de Martin Luther pour le De libertate christiana de 1521» = - : « Corrections autographes de Martin Luther. Le Tractatus de libertate christiana d’après les éditions de 1520 et de 1521 : des suggestions d’émendation »,

10. « Rhenanus et les annotations sur Luther »

357

Revue d’histoire et de philosophie religieuses 95, (2015), p. 129163. Hirstein, « Découverte, Luther » = - : « La découverte de corrections autographes de Martin Luther dans un livre de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat », AABHS 65 (2015), p. 34-37. Hirstein, « Erasme et l’Histoire Auguste » = -: « Erasme, l’Histoire Auguste et l’Histoire » in Actes du Colloque International Erasme (Tours, 1986) : Etudes réunies par Jacques Chomarat, André Godin et Jean-Claude Margolin (THR N° 239) Genève, Librairie Droz, 1990, p. 71-95. Hirstein, « Modes d’expression sublimes et Martin Luther » = -: « Des modes d’expression sublimes dans l’Epistola ad Leonem decimum et le Tractatus de libertate christiana corrigés par Martin Luther, par Beatus Rhenanus et par l’officine d’Adam Petri en vue de l’édition de 1521 », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 97, n° 3 (2017), p. 385-421. Luther (voir aussi WA). Luther, De lib. chr., trad. Esnault = Martin Luther, Œuvres, tome II, trad. René Esnault, Genève, Labor et Fides, 1966. Luther, Œuvres = Martin Luther, Œuvres, tome I, in : M. Lienhard et M. Arnold (dir.), Paris, Gallimard, 1999. Martin et Gaillard, Genres littéraires = Martin, René et Jacques Gaillard : Les genres littéraires à Rome, préface de Jacques Perret, Paris, Nathan, 1990. Muller, « Rhenanus et ‘Mémoire du monde’ » = Muller, Raymond : « La Bibliothèque de Beatus Rhenanus inscrite au registre ‘Mémoire du monde’ de l’UNESCO », Annuaire des amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat (=AABHS) 61 (2011), p. 19-20. Petitmengin, « Livres » = Petitmengin, Pierre : « Les Livres de Beatus Rhenanus » in Histoire des bibliothèques françaises. T. I : Les bibliothèques médiévales du VIe siècle à 1530. Sous la direction d’André Vernet, Paris, Promodis-Editions du Cercle de la Librairie, 1989, p. 298-301. Piaia, Marsilio da Padova = Piaia, Giorgio : Marsilio da Padova nella Riforma e nella Controriforma, Padua, Antenore, 1977.

358

10. James Hirstein

Rieger, Von der Freiheit/De libertate = Reinhold Rieger : Von der Freiheit eines Christenmenschen De libertate christiana (Kommentare zu Schriften Luthers, 1), Tübingen, Mohr Siebeck, 2007. Volz, « Ersten Sammelausgaben von Luther » = Volz, Hans : « Die ersten Sammelausgaben von Lutherschriften und ihre Drucker (1518-1520) », Gutenberg-Jahrbuch (1960), p. 185-204. WA = Luther, Martin : Luthers Werke Full-Text Database, vol. 7, édd. Paul Pietsch et le Pasteur D. Knaake (D. Martin Luthers Werke. Kritische Gesammtausgabe, Weimar, Hermann Böhlaus Nachfolger, 1897), Chadwyck-Healey, Cambridge, ProQuest Information and Learning Company, 2000-2001. WJ = Walter, Joseph : Ville de Sélestat, Catalogue Général de la Bibliothèque Municipale, Première série : les livres imprimés, troisième partie : Incunables et XVIe siècle, Colmar, Imprimerie Alsatia, 1929.

11 L’influence des Pères de l’Eglise dans l’annotation de Tertullien (1521) chez Beatus Rhenanus : saint Augustin et saint Jean Chrysostome Michele Cutino

[1] Comme chacun le sait, l’humaniste Beatus Rhenanus connaissait bien les Pères de l’Eglise latins et grecs, des ouvrages desquels, surtout à partir de 1515, sous l’influence à Bâle de l’helléniste Jean Cuno et d’Erasme de Rotterdam, il publia, à côté des textes de l’Antiquité gréco-romaine, plusieurs éditions : je me limite à citer celles, bien connues, de Jean Damascène (1507), de Némesius d’Emèse, de Basile, de Grégoire de Nazianze et de Grégoire de Nysse (1512), de Prudence (1520), de Tertullien (1521, 1528, 1539), de plusieurs historiens de l’église (1523), d’Origène (1536) et de la liturgie de Jean Chrysostome en 1540. Il s’agit d’une activité ecdotique toujours assortie de commentaires sobres mais très intéressants, parce que fondés sur des recherches philologiques et historiques des plus rigoureuses. Et on sait également que cet intérêt se relie souvent, dans la perspective de Beatus Rhenanus, aux grandes questions théologiques de son époque, auxquelles l’humaniste alsacien prend part, toujours avec l’intention de promouvoir une rénovation morale de l’Eglise selon l’esprit du christianisme primitif : les éditions des Pères devaient justement permettre la restauration de l’Eglise des Pères. [2] Cette tentative de redécouverte de l’esprit authentique du christianisme ancien, dans l’époque historique où Rhenanus se trouve à œuvrer, et dans le cadre des complexes réseaux de relations entretenues par lui avec les propositions différentes des Réformateurs – on va d’Erasme, son maître et ami, à Luther, à Bucer, à Zwingli – ne pouvait pas ne pas impliquer des déclarations en même temps sur les idées divulguées par ces réformateurs. Cette implication a été bien étudiée par Ch. Munier1 à propos de la première édition, l’editio princeps, de 1 Munier, « Les annotations », p. 235-262 ; voir aussi Fredouille, « Beatus

Rhenanus », p. 287-295.

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11. Michele Cutino

Tertullien en 1521, qui montre comment déjà quand cette édition était en chantier – entre janvier et juillet 1521 – ses scholia, ses notes de commentaire se font moins agressives ou polémiques à l’égard des institutions ecclésiales au fur et à mesure que l’œuvre s’achève : ni la dédicace de cette édition à l’évêque d’Olmutz – comme l’observe Munier – ni l’Avertissement au lecteur ne présentent aucune critique directe envers l’église contemporaine. Cette période historique est, par ailleurs, très dense du côté de la question de la Réforme : l’excommunication de Luther date de janvier 1521, sa mise au ban suite à l’édit de Worms, de mai 1521. C’est pourquoi les éléments suspects ou problématiques contenus dans les scholia causeront, après la mort de Rhenanus, en 1559, la mise de ces annotations à l’Index librorum prohibitorum, où ils cesseront de figurer seulement à partir de 1900. [3] 1. Or, les deux auteurs chrétiens que nous avons choisi de prendre en considération dans cette intervention ne font pas directement l’objet d’éditions particulières de Rhenanus. Il est vrai que Rhenanus publie la liturgie de Jean Chrysostome en 1540 d’après l’heureuse trouvaille par le prieur des Augustins de Colmar, Johannes Hoffmeister, d’un manuscrit du XIIe s. de cette liturgie traduite en latin par Léon Toscan, secrétaire de l’empereur d’Orient : cette édition – dont Hoffmeister est le co-éditeur – outre le texte grec et la traduction latine susdite, contient aussi la traduction d’Erasme de ce texte, parue d’abord en 1536. Mais, bien qu’Hoffmeister ait ajouté une anthologie des textes de Jean Chrysostome destinée à commenter divers éléments de la liturgie, comme le montre P. Frankel2, la préface, la lettre dédicace de Rhenanus à Hoffmeister même, n’est autre qu’une brève histoire de la liturgie qui parle très peu de la liturgie orientale, mais bien de celle d’Occident. En outre Rhenanus doute que tous les éléments de cette liturgie qui porte le nom de Chrysostome aient effectivement ce père pour auteur. [4] C’est pourquoi il me semble plus intéressant dans cette communication d’évaluer l’influence exercée par ces deux auteurs sur Rhenanus et d’approfondir leur utilisation dans l’édition de Tertullien. On sait qu’en effet Jean Chrysostome et Augustin sont parmi les auteurs les plus cités par l’humaniste alsacien dans les scholia à cette édition en tant que témoins privilégiés de la véritable orthodoxie : en ce qui concerne, par exemple, ce qu’on a appelé le matérialisme de l’Africain, à propos d’un passage célèbre de l’Adversus Praxean, où 2 Fraenkel, « Une lettre oubliée », p. 387-404 ; Id., « Rhenanus historien de la

liturgie », p. 247-252.

11. « Tertullien, Rhenanus et les Pères de l’Eglise »

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Tertullien parle de la corporalité de Dieu parce que même l’esprit dans lequel consiste Dieu est un corps sui generis en sa conformation, Rhenanus a recours à l’interprétation harmonisatrice d’Augustin qui dans le De haeresibus suggère d’entendre corpus au sens général de substance3 ; ou encore là où Tertullien n’hésite pas à faire de l’âme humaine une réalité corporelle, subtile mais douée, en tout cas, de forme, Rhenanus en guise d’antidote renvoie à des extraits tirés du De genesi ad litteram d’Augustin4. Souvent les deux auteurs sont cités ensemble en tant qu’exemplaires l’un de la tradition orientale, l’autre de la tradition occidentale : c’est le cas par exemple, du passage du De incarnatione 7, 12 où à propos de l’interprétation de Tertullien de Mc 3, 34-35 qui lui paraissait incompatible avec l’opinion des théologiens contemporains, sur la question de la science de Marie pendant sa vie, Rhenanus observe qu’en tout cas l’opinion de Tertullien n’est contredite ni par Augustin ni par Jean Chrysostome5. [5] Finalement ce rôle ressort avec clarté dans les notes de commentaire au De paenitentia6. Rhenanus s’étonne que Tertullien n’ait point admis la réitération de la pénitence, obligatoire pour toutes les fautes graves. Si dans le commentaire, Rhenanus se limite à reprocher à Tertullien cette théorie, affirmant « Quant à nous, suivons les écrivains orthodoxes », c’est justement la lecture d’Augustin qui lui fit découvrir que l’opinion apparemment aberrante de Tertullien reflétait fidèlement la pratique de la pénitence antique. D’où vient la notation manuscrite en marge, juste en face de sa réflexion sur l’opinion hétérodoxe de l’écrivain africain, Imo idem sentit Augustinus orthodoxus « L’orthodoxe Augustin est du même avis7 ». [6] Par ailleurs, dans son introduction au traité sur la pénitence, Rhenanus prend en considération, à la lumière de la tradition précédente, la pratique de la pénitence privée telle qu’il la connaît à son époque, mise en place à partir de XIIe s. où l’aveu des fautes, la confession, semblait constituer l’essentiel de la satisfaction pénitentielle. Il ne manifeste aucune hostilité envers la confession privée, comme c’est le cas d’autres réformateurs à cette époque, mais d’une part il décrit plutôt le passage du régime de la pénitence canonique paléochrétienne au régime de la pénitence privée, dite aussi tarifée, introduite sur le continent, à partir du VIIIe s. par les missionnaires 3 Munier, « Les annotations », p. 245. 4 Ibid., p. 246. 5 Ibid., p. 251. 6 Ibid., p. 254-258. 7 Ibid., p. 255 et Munier, « Beatus Rhenanus », p. 7.

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11. Michele Cutino

irlandais et anglo-saxons. C’est en particulier le témoignage de Théodulphe d’Orléans, un auteur de l’époque carolingienne (†821), qui lui fournit une explication possible de l’origine de la confession privée, en montrant comment en premier lieu il faut se confesser à Dieu pour effacer les péchés, ensuite aussi au prêtre qui enseigne comment les effacer par les exercices salutaires de la pénitence : In primis esse confitendum deo, postea etiam sacerdoti : propterea quod confessio quae fit sacerdoti, in hoc nobis adminiculum praebeat, ut accepto salutari ab eis consilio, saluberrimis penitentiae observationibus, seu mutuis orationibus, peccatorum maculas diluamus8. Caeterum soli deo confitendum esse diuus Chrysostomus auctor est, cum inquit, homilia 41 : "Non tibi dico, ostenta teipsum, nec apud alios accuses, sed oboedire te volo prophetae dicenti : ‘Revela domino viam tuam’ ». Et iterum homilia 2 in psalmum ‘Miserere mei deus’ : “Si confunderis alicui dicere quia peccasti, dicito ea cottidie in anima tua. Non dico ut confitearis conseruo ut exprobret, dicito deo qui curat ea9”.

D’autre part il exprime deux remarques à propos de l’administration secrète de la pénitence dans son temps : l’une vise directement la manière trop minutieuse dont les confesseurs dirigeaient leurs pénitents, une manière qui rendait souvent la confession presque impossible ; l’autre souligne l’élément vraiment indispensable pour une confession authentique, c’est-à-dire la confession intérieure à Dieu, sans laquelle le processus pénitentiel ne saurait être efficace. Or, il est significatif que, pour l’illustration de ce principe, l’humaniste alsacien se réfère à deux passages tirés des homélies de Jean Chrysostome, qui se concentrent sur la confession des péchés à Dieu 8 Beat. Rhen. Scholia ad Tertulliani editionem (Bâle 1521), p. 432 : « En premier

lieu il faut se confesser à Dieu, ensuite aussi au prêtre, afin que la confession faite au prêtre nous apporte un soutien : ayant reçu ses sages conseils, nous effacerons les souillures de nos péchés par les exercices salutaires de la pénitence et grâce aux prières réciproques » (trad. Munier, « Les annotations », p. 256). 9 Beat. Rhen. Scholia ad Tertulliani editionem (Bâle 1521), p. 434 : « Par ailleurs, quant à l’idée qu’il faut se confesser à Dieu seul, saint Chrysostome en est l’auteur, lorsqu’il dit dans l’homélie 41 : ‘Je ne te dis pas ‘fais étalage de toi-même’ ni que tu t’accuses chez autrui, mais je veux que tu obéisses au prophète lorsqu’il dit : ‘Révèle au Seigneur ton chemin’. Et une seconde fois dans l’homélie 2 sur le psaume ‘Aie pitié de moi Dieu’ : ‘si tu es couvert de confusion de dire à quelqu’un que tu as péché, dis ces choses tous les jours dans ton âme. Je ne te dis pas de te confesser à ton compagnon d’esclavage pour qu’il te blâme, dis-le à Dieu, qui s’occupe de ces choses’. »

11. « Tertullien, Rhenanus et les Pères de l’Eglise »

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seul, une perspective qui est complémentaire de celle de Théodulphe d’Orléans embrassée par Rhenanus. [7] Il s’agit d’une perspective qui se retrouve significativement aussi dans l’Admonitio ad lectorem de l’édition de Tertullien, écrite probablement après mai 1521 – la publication de cette édition remonte à juillet 1521 – dont Munier10 a fourni une traduction française avec des notes de commentaire. La pièce maîtresse de cet avertissement est constituée justement par les considérations sur la praxis de la pénitence qui occupent dix pages sur seize et offrent une brève histoire de la discipline pénitentielle. Tout d’abord, dans les paragraphes 1-3 de ce texte (voir le schéma en annexe), Rhenanus propose une distinction entre la pénitence publique, dont – même si elle appartient fondamentalement à l’époque paléochrétienne et aussi, avec des différences, à celle carolingienne – il souligne en tout cas la survivance dans une praxis pénitentielle en usage de son temps dans l’église d’Halberstadt, et la pénitence privée, basée sur la confession secrète au prêtre, qui, étant définie comme « cet usage salutaire de nos jours », semble avoir toutes les préférences de Rhenanus. Et cela est confirmé par la suite du texte : 6. Du reste, non seulement chez Tertullien, mais aussi chez ceux qui ont vécu plusieurs siècles après lui, il n’est fait mention que de la pénitence et de la confession publiques. Il existe plusieurs sermons très élégants de l’illustre Césaire d’Arles sur ce sujet, parmi lesquels l’emporte celui qui commence par Quotiescumque. 7. Quant à Jean Chrysostome, bien qu’il indique en plusieurs endroits son avis sur la confession et la pénitence, il est difficile de trouver un témoignage plus franc et plus clair que celui qu’il exprime dans le sermon dont le titre est A propos de la pénitence et de la confession. Je l’ai découvert récemment parmi d’autres œuvres non encore traduites. Il y a écrit ceci au sujet de la confession : « Mais maintenant il n’est plus nécessaire d’avouer ses fautes en présence de témoins; que l’interrogatoire des pécheurs se fasse selon les normes (ad rationis normas) ; que le tribunal soit sans témoins. Que Dieu seulement voie celui qui se confesse, etc. » Et un peu plus loin : « Là le tribunal est sans témoins et toi-même tu juges ce qui a été fait de mal ». De plus, bien que dans certains florilèges grecs j’aie trouvé nombre de textes sur la pénitence et la confession, les uns tirés d’auteurs anciens, comme Basile, Chrysostome et Maxime, les autres tirés d’auteurs plus récents... cependant m’ont agréé surtout ceux que j’ai recopiés récemment en les tirant d’un manuscrit assez ancien, d’un opuscule Du remède de la pénitence, inscrit au nom d’Augustin, et 10 Munier, « Beatus Rhenanus », p. 7-18.

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11. Michele Cutino choisis aussi, par ailleurs, par un certain érudit (per quempiam studiosum). De fait il est cité par Gratien en divers endroits sous divers intitulés. Il a paru bon de les transposer ici, afin que puissent être lus ensemble des textes qui se trouvent ailleurs, soit dispersés, soit abrégés. D’autant que l’opuscule se trouve à tel point caché parmi les ouvrages d’Augustin qu’il n’est lu que rarement. Les extraits qui suivent ont, pour la plupart, été faits mot à mot. Il commence ainsi11….

Comme on peut le voir, dans le paragraphe 6, après avoir précisé encore une fois qu’à l’époque de Tertullien tout comme dans l’antiquité chrétienne en général jusqu’à Césaire d’Arles (VIe s.), était en vigueur le régime de la pénitence et de la confession publiques non réitérées, dans le paragraphe 7 il insère un témoignage de Jean Chrysostome qui nous donne des éclairages très intéressants pour illustrer les finalités du réemploi de ce père par Rhenanus : tout en reconnaissant que l’évêque de Constantinople avait formulé dans plusieurs occasions sa pensée au sujet de la confession et de la pénitence, il affirme n’avoir pas trouvé un témoignage plus franc et plus clair à cet égard que celui qu’il exprime dans un sermon intitulé A propos de la pénitence et de la confession, qu’il dit, par ailleurs, avoir découvert récemment parmi d’autres œuvres de cet auteur pas encore traduites. [8] Or, Munier12 dans une note de commentaire à cet avertissement déclare n’avoir pu discerner l’origine des deux extraits ici allégués par Rhenanus. Et cela est parfaitement compréhensible : si l’on cherche, en effet, ces deux passages parmi les homélies consacrées par Chrysostome – comme le laisse penser le titre – à la confession et à la pénitence, on ne peut pas les trouver. J’ai identifié finalement – après quelques recherches complexes dues à l’absence d’une base de données exhaustive pour Chrysostome – deux passages d’une homélie qui n’a rien à voir avec la pénitence et la confession à proprement parler : Ioh. Chrys. Non esse ad gratiam concionandum c. 3 : Ἐπεὶ οὖν ἀνάγκη πάντως ἢ ἐκεῖ ἢ ἐνταῦθα κατανυγῆναι ἐπὶ τοῖς ἁμαρτήμασι, βέλτιον ἐνταῦθα καὶ μὴ ἐκεῖ ... νυνὶ δὲ οὐδὲ ἀνάγκη παρόντων μαρτύρων ἐξομολογεῖσαι. Παρὰ τοῖς λογισμοῖς τoῦ συνειδότος γιγνέσθω τῶν πεπλημμελημένων ἡ ἐξέτασις· ἁμάρτυρον ἔστω τὸ δικαστήριον· ὁ Θεὸς ὁράτω σε μόνος ἐξομολογούμενον... Ἐνταῦθα ἁμάρτυρόν ἐστι τὸ δικαστήριον, καὶ σύ σαυτῷ δικάζεις ὁ ἁμαρτηκὼς· ἐκεῖ δὲ εἰς μέσον τὸ 11 Beat. Rhen. admonitio ad lectorem (après mai 1521), c. 6-7, chez Munier, « Beatus Rhenanus », p. 10-11. 12 Ibid., p. 10 n.19.

11. « Tertullien, Rhenanus et les Pères de l’Eglise »

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θέατρον τῆς οἰκουμένης ἅπαντα παραχθήσεται, ἄν μὴ προλαβόντες αὐτὰ ἀπαλείψωμεν13.

Il s’agit, en effet, d’une homélie intitulée synthétiquement en latin non esse ad gratiam concionandum, « il ne faut pas haranguer la foule – en grec δημηγορεῖν – au sujet de la grâce » ; une homélie qui est la suite d’un premier discours centré sur le culte des martyrs et sur son efficacité : comme l’évêque de Constantinople avait reproché dans cette homélie à certains sujets de participer indignement à ce culte, il avait provoqué des réactions parmi les fidèles qui s’étaient fâchés contre l’évêque parce qu’il semblait, avec ses paroles, vouloir les éloigner de la communion eucharistique. C’est pourquoi Jean Chrysostome prononce l’homélie en question pour souligner que le chrétien véritable doit s’accuser de ses péchés plutôt que discuter sur la grâce divine. [9] Le titre et le sujet, donc, sont tout à fait différents par rapport à ce qu’affirme Rhenanus. Davantage encore : la coupure des deux passages modifie sensiblement leur teneur à la lumière du contexte où ils sont placés et le texte même semble avoir été modifié dans la traduction de Rhenanus. En effet les deux passages appartiennent au ch. 3 de l’homélie où Chrysostome souligne comment, étant donné qu’il est inéluctable que l’homme se repente de ses péchés ou « dans l’au-delà » – ἐκεῖ – ou « dans la vie d’ici bas » – ἐνταῦθα – il est mieux sans aucun doute de le faire maintenant : l’évêque cite ensuite l’exemple du riche de la parabole de Lc 16, 19ss., qui s’aperçoit trop tard de ses torts envers le pauvre Lazare, quand il se trouve désormais aux enfers. C’est pourquoi contre ceux qui ont honte d’admettre, de confesser leurs péchés, Chrysostome fait remarquer qu’il ne s’agit pas, pour le moment de confession à faire devant témoins – c’est la traduction véritable de la phrase νυνὶ δὲ οὐδὲ ἀνάγκη παρόντων μαρτύρων ἐξομολογεῖσαι. Il est intéressant à cet égard de remarquer qu’à la fin du passage l’ἐνταῦθα vaut encore « ici », « dans la vie d’ici-bas », « maintenant » ; le tribunal sans témoins de la conscience est opposé à l’ἐκεῖ, au tribunal de « l’au-delà », où – dit Chrysostome – 13 PG 50, 658 : « Comme, donc, il faut se repentir de ses péchés ici ou dans l’audelà, il est mieux alors de le faire ici ... maintenant il ne faut pas avouer ses fautes devant des témoins. Que l’examen des crimes perpétrés soit fait devant le jugement de celui qui les connaît ; que le tribunal soit sans témoins ; que Dieu seul voie celui qui confesse... Ici le tribunal est sans témoins, et tu juges toi-même, toi qui es le pécheur; dans l’au-delà les actions seront portées toutes devant le théâtre du monde, si nous ne nous purifions pas de ces taches en anticipant ce jugement » (trad. M. Cutino).

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11. Michele Cutino

les fautes, les actions mauvaises tomberont finalement dans le domaine public, parce qu’elles seront connues dans le théâtre du monde. Bref, Chrysostome fait état dans les deux passages, de la nécessité d’une conversion dans cette vie, à ne pas retarder par peur d’éprouver de la honte devant les autres, parce qu’après le jugement dernier la condamnation sera irrévocable et, en tout cas, les fautes seront divulguées partout. [10] Rhenanus modifie profondément le contexte : il le fait devenir un texte chrysostomien exemplaire de la pénitence privée : l’interrogation des pécheurs selon les normes, sans témoins sauf Dieu (« que l’interrogatoire des pécheurs se fasse selon les normes (ad rationis normas) ; que le tribunal soit sans témoins ; que Dieu seulement voie celui qui se confesse ») ne fait pas penser à l’examen de conscience dont parlait effectivement le père grec, mais à une sorte de dialogue entre le confesseur et le pénitent en vue de fixer d’un commun accord la pénitence à accomplir en fonction de la gravité des fautes confessées. Il est tout à fait évident que Rhenanus était trop bon patrologue – la connaissance de ces textes le montre bien – et trop bon philologue pour s’être trompé dans l’interprétation/traduction du titre et du texte grec. Rhenanus veut donc faire ici délibérément de Chrysostome le porte-parole ante litteram de la modalité de la pénitence et de la confession secrètes, pour lesquelles il penche par rapport à la praxis, sans doute dominante à l’époque paléochrétienne, de la pénitence publique dont Tertullien est l’un des témoins. La mention orientée de Chrysostome sert à définir deux tendances opposées, déjà présentes en tout cas dans l’époque paléochrétienne, une sorte de thèse et antithèse, en face desquelles l’humaniste alsacien cherche ici à proposer une synthèse dans une perspective unitaire. [11] 2. Or, cette tentative de synthèse se poursuit à travers la tradition occidentale, non pas orientale : il est significatif que à la fin du paragraphe 7 Rhenanus affirme que, bien qu’il ait trouvé nombre de textes sur la pénitence dans certains florilèges grecs, les uns tirés d’auteurs anciens, comme Basile, Chrysostome et Maxime, les autres tirés d’auteurs plus récents, cependant il donne ses préférences à un opuscule Du remède de la pénitence, inscrit au nom d’Augustin : il s’agit, en effet, du sermon 351. En outre, à vrai dire, comme le montre aussi le schéma des sources de l’avertissement ci-dessous, et comme l’indique Rhenanus lui-même à la fin de son portrait historique de la

11. « Tertullien, Rhenanus et les Pères de l’Eglise »

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pénitence ancienne, au paragraphe 2814, le texte que l’humaniste alsacien suit ici est encore une fois une source de l’époque carolingienne, la préface du Pénitentiel d’Halitgaire, évêque de Reims, qui comprenait aussi des extraits tirés d’un autre ouvrage d’Augustin, cette fois sûrement authentique, l’Enchiridion, c’est-à-dire le manuel de la foi composé vers 400 par l’évêque d’Hippone pour expliquer le credo : Admonitio ad lectorem 8a 8b 8c 8d 9a 9b 9c 9d 10 11a 11b 11c 12a 12b 12c 13a 13b 14a 14b 14c 15a 15b 15c 16a 16b

Halitg. poen. (PL 105, 654656) - IXe s.

Décret de Gratien - XIIe s.

PL 105, 654 PL 105, 654 PL 105, 654 PL 105, 654 PL 105, 654 PL 105, 654 PL 105, 654-655

PL 105, 655 PL 105, 655 PL 105, 655

DP 1 c. 84 DP 1 c. 84 DP 1 c. 84

DP 1 c. 85 DP 1 c. 85 C. 2 q. 1 c. 18 C. 2 q. 7 c. 27

PL 105, 655 PL 105, 655

Aug. Ench. ; epist. /Ps. Aug. sermo 351 (PL 39) Ench. 64 Ench. 64 Ench. 64-65 Ench. 65 Ench. 65 Ench. 65 Ench. 65 Epist. 54, 3 Epist. 54, 3 Ench. 82 Ench. 82 Sermo 351, 9 Sermo 351, 9 Sermo 351, 9 Sermo 351, 10 Sermo 351, 10 Sermo 351, 10 Sermo 351, 10 Sermo 351, 10 Sermo 351, 10 Sermo 351, 10 Sermo 351, 10 Sermo 351, 11 Sermo 351, 11

14 Beat. Rhen. admonitio ad lectorem, c. 28 : « Ces paroles sont placées en guise

de préface d’un ouvrage qui comporte trois livres distincts... Mon grand désir serait de sauver ces livres, mais l’injure du temps et l’incurie des hommes les a anéantis, à l’exception de l’opuscule qui lui sert de préface et que j’ai adjoint ici intégralement afin de rendre service aux spécialistes des institutions chrétiennes » (trad. Munier, « Beatus Rhenanus », p. 16-17.

11. Michele Cutino

368 Admonitio ad lectorem 17a 17b 18a 18b 18c 18d 19° 19b 19c 20° 20b 21° 21b 21c 21d 21e 22a 22b 22c 22d 23 24 25 26

Halitg. poen. (PL 105, 654656) - IXe s.

Décret de Gratien - XIIe s.

PL 105, 655 PL 105, 655 DP 1 c. 63 PL 105, 655 PL 105, 655 (PL 105, 655) PL 105, 655 PL 105, 656 PL 105, 656 (PL 105, 656) (PL 105, 656)

Sermo 351, 12 Sermo 351, 12

DP 3 c. 20 DP 3 c. 20 DP 3 c. 20

PL 105, 656

PL 105, 656 PL 105, 656 PL 105, 656 PL 105, 656

Aug. Ench. ; epist. /Ps. Aug. sermo 351 (PL 39) Sermo 351, 11 Sermo 351, 12 Sermo 351, 12 Sermo 351, 12

DP 1 c. 81

Ench. 71 Ench. 71 Ench. 71 Ench. 72 Ench. 72 Ench. 73 Ench. 74 Ench. 78 Ench. 78 Ench. 79 Sermo 351, 5 Sermo 351, 6 Sermo 351, 7

Comme il ressort de ce schéma, Rhenanus intègre la préface d’Halitgaire avec des extraits des mêmes œuvres augustiniennes tirées du Décret du canoniste Gratien qu’il connaissait bien, et il vérifie souvent les textes d’Augustin à travers une lecture directe. [12] En ce qui concerne l’Enchiridion, cette lecture directe est attestée par l’insertion dans le paragraphe 8 du contexte des paragraphes 64-65 de l’Enchiridion augustinien, celui de l’impossibilité de ne pas pécher dans la vie mortelle et donc de la nécessité de la remissio peccatorum là où la préface du pénitentiel d’Halitgaire commençait ex abrupto, par ailleurs il y a plusieurs passages augustiniens que Rhenanus reproduit sous la forme erronée d’Halitgaire sans corriger : par exemple toujours dans le paragraphe 8, là où le texte augustinien dit – selon la traduction de Munier – « les enfants de Dieu… poussés par l’esprit, alourdi surtout par un corps soumis à la corruption, restent

11. « Tertullien, Rhenanus et les Pères de l’Eglise »

369

exposés à certaines passions humaines » dans le texte de Rhenanus qui suit Halitgaire nous trouvons l’incompréhensible spiritu sancto à la place de spiritu suo de l’original patristique15. Cela nous montre que Rhenanus plutôt qu’à la vérification philologique de la lettre du texte – que pourtant il poursuit – s’est plutôt intéressé à celle du contenu. C’est pourquoi les indications les plus intéressantes viennent des coupures particulières du texte et des éventuelles insertions apportées par Rhenanus par rapport au canevas de la préface d’Halitgaire. [13] Or, il est important de remarquer que la première partie du portrait de la pénitence ancienne est constituée par la justification, à la lumière des extraits tirés de l’Enchiridion, de la nécessité sociale de la pénitence publique : cette typologie de pénitence – observe Rhenanus16 – était l’unique, en effet, qui permettait la rémission des crimina, des fautes graves, et elle exigeait une dimension publique afin que la satisfaction de la pénitence fût donnée par surcroît à la communauté ecclésiale qui ignorait ce qui se passait dans l’âme d’un confrère. Dans cette partie nous trouvons un ajout qui est propre à Rhenanus, ne se trouvant ni dans Halitgaire ni dans Augustin, c’est-àdire la citation de l’épître de Paul à Tite, 1, 5 « si quelqu’un est sans crime il faut le choisir comme évêque », placée à l’intérieur de la distinction entre fautes légères pour lesquelles il n’y a pas besoin de pénitence publique, et fautes graves, crimina. A cet égard, observe Rhenanus, par le biais de ses sources – il n’y a pas d’hommes sans péchés mais les saints peuvent bien se trouver exempts de crimes17. Cette insertion, qui est tout à fait gratuite, à la lumière du fait qu’au paragraphe 20 également Rhenanus précise avec un autre ajout que c’était à l’évêque de donner son avis sur la pénitence du pécheur et sur son admission après la pénitence18, veut évidemment souligner de façon implicite le haut niveau moral que l’on exigeait des membres du clergé quand était en vigueur le système de la pénitence publique. [14] Ensuite, à partir du paragraphe 11, Rhenanus se concentre sur les difficultés et les obstacles de la pénitence publique : c’est ici qu’il insère deux passages qui ne trouvent pas de correspondance dans la 15 Munier, « Beatus Rhenanus », p. 11 n. 24. 16 Beat. Rhen. admonitio ad lectorem, c. 8-9. 17 Ibid., c. 8. 18 Ibid., c. 20 : « Ceci a été dit au sujet de la pénitence publique, par laquelle

chacun, en s’humiliant non seulement devant Dieu, mais aussi devant l’Eglise qui possède les clefs du royaume des cieux et dans laquelle s’effectue la rémission des péchés, doit faire pénitence selon l’avis de l’évêque » (trad. Ch. Munier, « Beatus Rhenanus », p. 14).

370

11. Michele Cutino

préface d’Halitgaire, un passage tiré du ch. 82 de l’Enchiridion augustinien sur la nécessité de la grâce et de la miséricorde divine pour accomplir cette pénitence, vu les difficultés qu’elle comporte, et un texte du sermon pseudo augustinien 351 relaté par le Décret de Gratien selon lequel les phases de la pénitence doivent être deux : l’examen intérieur de la conscience, rigoureux, et le changement en mieux de la conduite, d’une part ; la successive auto-dénonciation devant les préposés aux sacrements d’autre part19. Il s’agit bien évidemment d’un texte qui est de la même teneur que celui de Théoduphe d’Orléans utilisé par lui dans l’introduction au De paenitentia de Tertullien, mais qui ne se place pas, à vrai dire, dans le sillon des considérations faites par Augustin dans l’Enchiridion au sujet de la pénitence. [15] Après avoir conclu la section sur la pénitence publique avec une exhortation dans les paragraphes 19-20 à cette typologie de pénitence, l’exposé concerne les péchés légers pour l’amendement desquels la prière quotidienne (le Notre Père) et l’accomplissement des promesses qui y sont contenues sont suffisants, et la distinction entre fautes légères et graves, que Rhenanus approfondit en ayant recours à des extraits tirés directement de l’Enchiridion. Mais c’est la section conclusive concernant les péchés contre le Décalogue, le paragraphe 26 qui retient notre attention, où l’intertexte augustinien – mais en fait pseudo-augustinien, parce qu’il s’agit encore d’un passage tiré du sermon 351 – porte sur l’image du tribunal de la conscience dans lequel il faut assumer l’œuvre pénitentielle en témoignant chacun envers soi-même de la plus grande rigueur, afin que jugé par lui-même il ne soit pas jugé par le Seigneur, et en prononçant lui-même la sentence par laquelle il se jugera indigne de recevoir le corps et le sang du Seigneur20 : ici on ne fait aucune référence à la médiation ecclésiale. Le texte se concentre exclusivement sur la confession et la pénitence intérieures. 19 Ibid., c. 11-12. 20 Ibid., c. 26 : « Par ailleurs, pour les autres péchés contenus dans le Décalogue

de la Loi... il faut assumer l’œuvre pénitentielle, dans laquelle chacun doit témoigner envers soi-même de la plus grande rigueur, afin que, jugé par lui-même, il ne soit pas jugé par le Seigneur. Cette œuvre pénitentielle sera parfaite et agréable à Dieu, si l’homme gravit à son encontre le tribunal de sa pensée et se constitue face à luimême, afin que cela ne lui arrive pas plus tard, comme Dieu en menace le pécheur. Ainsi donc, le tribunal étant constitué dans le cœur, que la pensée soutienne l’accusation... Enfin, l’esprit lui-même prononcera la sentence, par laquelle l’homme se jugera indigne d’avoir part au corps et au sang du Seigneur » (trad. Ch. Munier, « Beatus Rhenanus », p. 16).

11. « Tertullien, Rhenanus et les Pères de l’Eglise »

371

[16] On peut donc tirer, à mon avis, des conclusions intéressantes sur l’emploi des textes de Jean Chrysostome et d’Augustin par Beatus Rhenanus à l’époque où celui-ci publie en 1521 la première édition de Tertullien et se prononce sur la question, d’actualité brûlante, de la confession et de la pénitence. Sur la base de ce que nous avons vu, il me semble que Rhenanus, dans l’Avertissement au lecteur, pose la question de l’existence déjà à l’époque paléochrétienne des deux options de la confession et de la pénitence publiques et de la confession et de la pénitence secrètes. Afin de postuler l’existence de cette confession privée il force la lettre, la perspective et l’identité même – voire le titre – de deux passages de Chrysostome. [17] Cependant dans l’Avertissement, il cherche une synthèse entre les deux options qui puisse montrer toute la richesse de la tradition paléochrétienne irréductible tout simplement au caractère public de la pénitence ancienne non-réitérable qui semblait ressortir des œuvres de Tertullien. Il choisit, à ce propos, la préface du pénitentiel carolingien d’Halitgaire parce que celui-ci contient, à coté d’une œuvre vraiment authentique, savoir l’Enchiridion, des extraits tirés d’un sermon sur la pénitence attribué à Augustin, mais déjà discuté à son époque. C’est là où il retrouve les véritables idées sur la pénitence, proches de celles auxquelles il donne ses préférences dans l’introduction au De paenitentia, provenant également d’un auteur carolingien, Théodulphe d’Orléans. Il s’agit d’idées qui se tiennent également loin des polémiques des réformateurs contre le sacrement de la confession et les minuties pénitentielles de la praxis contemporaine, polémiques qui risquaient d’étouffer l’esprit authentique de la confession et de la pénitence, esprit qui relève du réformisme modéré partagé également par son ami Erasme. [18] Ainsi Rhenanus peut montrer qu’à coté de la praxis pénitentielle publique postulée dans l’Enchiridion, Augustin, dans le texte homilétique sur le remède de la pénitence, insiste beaucoup sur l’importance du tribunal de la conscience, devant lequel chaque homme doit s’accuser et prononcer la sentence lui-même, et sur la nécessité – après cet examen rigoureux – d’aller chez les chefs de la communauté pour recevoir les indications pénitentielles. C’est pour cela que dans l’édition de 1539 il pourra insérer un ajout particulièrement important : après quelques citations de Cyprien, il dit : « ainsi il ressort clairement que la confession des péchés cachés était secrète, selon la praxis qu’aujourd’hui observe l’église... d’où dans les églises, en particulier d’Occident, on peut déduire l’antiquité de la confession secrète qui est le sommet véritable de la discipline ecclésiastique ».

372

11. Michele Cutino

Nous pouvons maintenant affirmer que ces déclarations nettes de l’édition de 1539 constituent l’évolution ultérieure d’une attitude que Rhenanus manifeste déjà dans l’édition et dans l’Avertissement de 1521, en particulier dans son traitement de certains textes de Jean Chrysostome et Augustin qu’il situe dans la praxis pénitentielle carolingienne où effectivement à côté de la pénitence publique il y avait aussi la pénitence et la confession secrètes. [19] Pour résumer, je ne dirais pas, comme l’affirme Fraenkel21, que Rhenanus a apporté des nuances à l’opinion luthérienne sur le caractère tardif de la confession privée : il cherche plutôt, à mon avis, à démontrer, et cela à partir de 1521, que la confession secrète rentre dans le système pénitentiel du christianisme antique, et pour ce faire il commet, plus ou moins consciemment, des anachronismes. Annexe Schéma de l’Admonitio ad lectorem cc. 1-7

La pénitence publique dans l’antiquité chrétienne : critères de sélection des témoignages. Jean Chrysostome et Augustin

cc. 8-10

Nécessité sociale de la pénitence publique : la douleur d’une âme n’arrive pas à la connaissance d’autrui

cc. 11-18

difficultés et obstacles de la pénitence publique : le déshonneur de déplaire aux autres; l’exemple mauvais de ceux qui, même si indignes, s’approchent des sacrements ; l’exemple mauvais des ministres de l’autel qui ne vivent pas vertueusement; l’opinion erronée que la purification du baptême ou le changement de vie puissent être suffisants en particulier c. 12 : deux phases de la pénitence : l’examen intérieur rigoureux et l’autoaccusation devant les préposés aux sacrements

cc. 19-20

Exhortation conclusive à la pénitence publique

cc. 21-22a Pour les péchés légers la prière quotidienne (le Notre Père) et l’accomplissement des promesses y contenues sont suffisants cc. 22c-25 Sur la distinction entre péchés légers et graves 21 Fraenkel, « Beatus Rhenanus », en part. p. 77-79.

11. « Tertullien, Rhenanus et les Pères de l’Eglise »

373

c. 26

En ce qui concerne les péchés contre le Décalogue, le tribunal de la conscience doit être très sévère envers soimême

cc. 27-31

La pénitence publique et les constitutions synodales Sources

D’Amico, “Beatus Rhenanus” = D’Amico, John F. : “Beatus Rhenanus, Tertullian and the Reformation: A Humanist’s Critique of Scholasticism”, Archiv für Reformationgeschichte 71 (1980), p. 37-63. Fraenkel, « Beatus Rhenanus » = Fraenkel, Pierre : « Beatus Rhenanus, Oecolampade, Théodore de Bèze et quelques-unes de leurs sources anciennes », Bibliothèque d’Humanisme et renaissance 41 (1979), p. 63-81. Fraenkel, « Rhenanus historien » = - : « Rhenanus historien de la liturgie », Amis de la Bibliothèque humaniste de Sélestat. Annuaire 35 (1985), p. 247-252. Fraenkel, « Une lettre oubliée » = - : « Une lettre oubliée de Beatus Rhenanus : sa préface à la liturgie de s. Jean Chrysostome dédiée à Iohannes Hoffmeister 24 janvier 1540 », Bibliothèque d’Humanisme et renaissance 48 (1986), p. 387-404. Fredouille, « Beatus Rhenanus » = Fredouille, Jean-Claude : « Beatus Rhenanus, commentateur de Tertullien », Amis de la Bibliothèque humaniste de Sélestat. Annuaire 35 (1985), p. 287-295. Munier, « Les annotations » = Munier, Ch. : « Les annotations de Beatus Rhenanus aux éditions de Tertullien (Bâle 1521, 1528; 1539) et leur mise à l’Index librorum prohibitorum », dans J. Hirstein (éd.), Beatus Rhenanus (1485-1547), lecteur et éditeur des textes anciens. Actes du Colloque International tenu à Strasbourg et Sélestat 13-15 novembre 1998, Turnhout 2000, p. 235-262 Munier, « Beatus Rhenanus » = - : « Beatus Rhenanus et la pénitence ecclésiastique », Amis de la Bibliothèque humaniste de Sélestat. Annuaire 56 (2006), p. 7-18.

12 Die Rückkehr des Erasmus nach Basel 1521 und Beatus Rhenanus Peter Walter

[1] Erasmus ist für Beatus Rhenanus, wie dieser im Januar 1520 an Zwingli schrieb, nicht mit gewöhnlichem Maß zu messen, da er den menschlichen Gipfel um einiges überschritten habe1. Und Erasmus nennt Rhenanus im Rückblick auf die Reise nach Konstanz, von der noch die Rede sein wird, den liebenswürdigsten Reisegefährten von allen und den ihm liebsten. Aber er lobt nicht nur dessen fröhliches Naturell, sondern auch dessen Umgangsformen und Scharfsinn2. „Sein Schicksal war Erasmus“3 könnte man mit einem gewissen Recht über das Leben des Schlettstädter Humanisten schreiben, da Rhenanus jenem, seit sie sich im Jahre 1514 kennengelernt hatten, einen Großteil seines Schaffens widmete. „Die Herausgabe erasmischer Schriften und Editionen bildete einen Schwerpunkt in der verlegerischen Tätigkeit des Rhenanus und damit in seinem eigenen Œuvre. Nachdem es ihm gelungen war, Erasmus mit Froben zu verbinden, war er an der Veröffentlichung vieler erasmischer Werke beteiligt; nach dem Tod des Erasmus wurde er zu dessen literarischem

1 „Non venit communi decempeda metiendus Erasmus, qui humanum fastigium quadantenus est supergressus.“ Rhenanus an Zwingli, 10. Januar 1520; BBR Nr. 144, 198f. Es geht um die Frage, wie man Erasmus dazu bringen könne, den Administrator von Einsiedeln Diebold von Geroldseck (†1531) in einem seiner Werke zu ehren. Rhenanus empfiehlt, dem Erasmus einen Pokal mit 30 oder 40 Goldstücken zu schicken, damit dieser darauf reagiere. Dies war als Belohnung etwa für eine Buchwidmung durchaus üblich. Vgl. Walter, „Albrecht“, S. 266-268. Erasmus hat Geroldseck in der Tat durch einen allerdings nicht erhaltenen Brief geehrt. Vgl. Zwingli an Rhenanus, 12. Oktober 1520; BBR Nr. 180, 249f., hier 249. Ob dies als Reaktion auf ein Geschenk geschah, geht daraus nicht hervor. 2 „[…] comitem habebam multo omnium lepidissimum meoque animo charissimum, Beatum Rhenanum. Quando non ridet Beatus? Cuius ingenio dispeream si quid adhuc vidi ciuilius aut argutius.“ Erasmus an Konrad Heresbach, 18. Oktober 1522; Allen, Nr. 1315, Bd. 5, 132-135, hier 133, 17-20. 3 Vgl. Wichterich, Schicksal.

376

12. Peter Walter

Nachlaßverwalter und besorgte die erste Gesamtausgabe“4. Darf man aus der ohne Zweifel vorhandenen Verehrung des Jüngeren für den Älteren und aus ihrem engen Zusammenwirken schon auf einen Gleichklang der politischen, religiösen und kirchlichen Anschauungen schließen? Das Programm des Erasmus [2] Franz Bierlaire hat das Programm des Erasmus auf die bündige Formel gebracht: „Réforme des études, réforme des mœurs, réforme de l’Eglise“5, und zwar in dieser Reihenfolge. So allgemein stimmt das sicher auch für Beatus Rhenanus. Aber schon bei der Frage, was Kirchenreform für Erasmus meint und wie seine Haltung zur Reformation zu bestimmen ist, gibt es verschiedene Ansichten, man ist versucht zu sagen, je nachdem, welcher persönlichen religiösen Einstellung die Interpreten selber zuneigen. Ist Erasmus, der 1529 Basel wegen des Bildersturms in Richtung Freiburg verlassen hat, 1535 wieder dorthin zurückgekehrt, weil er doch mit der dort herrschenden reformatorischen Strömung sympathisierte? Nur um dort die Drucklegung von für ihn wichtigen Werken zu überwachen, hätte er nicht mit Sack und Pack umziehen müssen. Er wollte, wie Beatus Rhenanus vier Wochen nach seinem Tod an den Kölner Erzbischof Hermann von Wied schrieb, anschließend in seine niederländische Heimat übersiedeln6. Warum hat Rhenanus 1527, zwei Jahre, bevor Erasmus nach Freiburg ging, Basel endgültig den Rücken gekehrt und ist in seine Heimatstadt gezogen? Berndt Hamm meint, weil er „seine Unabhängigkeit wahren und einen irenischen Standpunkt jenseits der Konfessionsrichtungen einnehmen wollte“7. Vielleicht lassen sich diese Fragen gar nicht einfach und mit letzter Sicherheit beantworten.

4 Mulack, „Rhenanus“, Sp. 674. Die beigefügte Liste von erasmischen Werken, an deren Veröffentlichung Beatus Rhenanus beteiligt war, besteht aus 23 Titeln und umfasst sowohl kleinere Werke als auch Gesamtausgaben antiker paganer und christlicher Autoren, nicht zuletzt die Editio princeps des Neuen Testamentes, sowie die postume Gesamtausgabe der Werke des Erasmus. Vgl. ebd., Sp. 674-679. 5 Bierlaire, Colloques. Für die Selbstinszenierung des Erasmus wie für seine Außenwahrnehmung vgl. jetzt Galle, Hodie. 6 Rhenanus an Hermann von Wied, 15. August 1536 (Widmungsepistel zur posthumen Veröffentlichung der von Erasmus besorgten Edition „Origenis Opera“); Allen, Nr. III, Bd. 1, S. (52) 53-56, hier 53, 17-22. 7 Hamm, „Oberrhein“, S. 39. Im Gegensatz zu Erasmus, der sich „in Glaubenskontroversen hineinziehen ließ“ (ebd., 40), sei ihm dies auch gelungen.

12. „Erasmus in Basel 1521 und Beatus Rhenanus”

377

Der Basler Humanistenkreis und Luther [3] Ich möchte hier der Frage nachgehen, ob Erasmus nach seiner Rückkehr nach Basel im November 1521 eine Sinnesänderung des Beatus Rhenanus hinsichtlich der Reformation bewirkt hat. Um sie zu beantworten, ist die Stellung des Rhenanus und des Basler Humanistenkreises um Erasmus als Mittelpunkt hauptsächlich zu Martin Luther präziser zu erfassen. Zum einen wird gefragt, was Rhenanus und seine Freunde in den Jahren von 1518 bis etwa 1523 an Luthers Schriften und der von ihm ausgelösten Bewegung schätzten. Rhenanus scheint allerdings nicht nur ein religiöses, sondern vor allem auch ein verlegerisches und buchhändlerisches Interesse an Luthers Schrifttum gehabt zu haben. Zum andern wird untersucht, wann und warum Rhenanus zu Luther und den Reformatoren insgesamt auf Distanz ging. Dabei dürfte das Ungestüm, mit dem manche Anhänger der Reformation in Basel, Zürich und anderenorts vorgingen, den Ausschlag gegeben haben. Zu überlegen ist, ob es auch inhaltliche Gründe gab. [4] Zunächst soll gefragt werden, was es war, was Rhenanus an Luther schätzte. Da ein direkter Austausch zwischen ihnen nicht überliefert ist, sind wir auf indirekte Zeugnisse und Rückschlüsse angewiesen. Der in den Jahren 1518-1522 intensive Briefwechsel zwischen Rhenanus und Zwingli ergibt ein differenziertes Bild8. Rhenanus fungierte in diesen Jahren als hauptsächlicher Verbindungsmann zwischen diesem und dem Basler Humanistenkreis. Glarean (1488-1563)9 hatte Zwingli bei dessen Anführer, Erasmus, 1516 eingeführt10. Gleich der erste Brief, den Rhenanus am Nikolaustag 1518 nach Einsiedeln schreibt, gibt einigen Aufschluss. Er empört sich hier über den päpstlichen Ablasskommissar Bernardino Sanson11, dessen Handeln eines päpstlichen Legaten unwürdig sei, und bezeichnet den Ablass als italienischen Trick, um den Deutschen das Geld aus der Tasche zu ziehen. Obwohl man in Basel darüber lache, sei es eher zum Weinen. Ihm tue das christliche Volk leid, das durch solche unchristlichen religiösen Handlungen („ceremoniis nihil ad rem 8 Vgl. Meylan, « Beatus Rhenanus ». 9 Vgl. Büsser, „Glareanus“. 10 Vgl. Augustijn, „Zwingli“, S. 206-211. 11 Der aus Brescia stammende Franziskaner

bereiste seit August 1518 die Eidgenossenschaft, um den Peterskirchenablass zu verkünden, ohne dafür vom Bischof von Konstanz die Erlaubnis zu haben. Da sein Handeln in Zürich und anderen Städten auf offenen Widerstand stieß und der Bischof ihn der Verbreitung von Irrlehren bezichtigte, wurde Sanson im April 1519 von Leo X. abberufen. Vgl. Ries, „Sanson“.

378

12. Peter Walter

pertinentibus“), die nichts als reiner Zauber seien, beschwert werde. Die meisten Priester würden, durch Summen schreibende und sophistische Theologen („summularios istos et sophisticos theologos“)12 getäuscht, eine heidnische und jüdische Lehre vertreten. Zwingli und seine Gesinnungsgenossen dagegen würden dem Volk die reinste Philosophie Christi aus den Quellen selbst vorlegen, die nicht durch Duns Scotus oder Gabriel Biel verderbt sei, sondern so, wie sie von Augustinus, Ambrosius, Cyprian und Hieronymus ursprünglich und einfach ausgelegt werde. Jene würden von der Kanzel, von der das Volk jedes Wort für wahr annehme, Unsinn schwatzen von der päpstlichen Gewalt, von Ablässen, vom Fegfeuer, von erdichteten Wundern der Heiligen, von der Wiedergutmachung („restitutio“), von Verträgen, von Gelübden, von Höllenstrafen und vom Antichrist. Zwingli und Seinesgleichen dagegen fassten in der Predigt die gesamte Lehre Christi kurz und anschaulich zusammen: Christus sei von Gott auf die Erde geschickt worden, um uns den Willen seines Vaters zu verkünden; um uns kundzutun, dass diese Welt, d.h. Reichtümer, Ehren, Macht und Lüste, zu verachten, die himmlische Heimat aber mit ganzem Herzen zu suchen sei; um uns Frieden und Eintracht und schöne Gütergemeinschaft (nichts anderes sei das Christentum) zu lehren, welche einst Platon, der zu den großen Propheten zu rechnen sei, in seinem Staat erträumt habe; um uns die törichten Vorlieben für irdische Dinge, für Vaterland, Eltern, Verwandte, Gesundheit und übrige Güter zu nehmen und uns zu erklären, dass Armut und die Ungelegenheiten des Lebens keine Übel seien. Das sei Zwinglis Lehre, die alle menschliche übertreffe13. [5] Es geht nicht darum, ob Zwingli solches gepredigt hat. Wie sollte Rhenanus auch zu einer so präzisen Kenntnis von dessen Verkündigung gekommen sein? Es handelt sich um die Stoffe, die Rhenanus von einem guten Prediger erwartet. Inhaltlich ist dies, wie bereits das von Erasmus zwar nicht geprägte, aber wieder in den kirchlichen Sprachgebrauch eingeführte Stichwort der philosophia Christi „Philosophie Christi“ beweist14, reinster Erasmus. Statt vieler anderer Stellen soll nur auf das im selben Jahr erschienene 12 Zu den „summularii“ vgl. Hirstein, “Capito”, S. 30f., 39f. 13 Vgl. Rhenanus an Zwingli, Basel, 6. Dezember 1518; BBR Nr. 81, 123f. 14 Diese erstmals bei Clemens Alexandrinus begegnende Bezeichnung für die christliche

Lebensform wurde in der christlichen Spätantike auf die asketische Lebensweise eingeschränkt. Erasmus meinte damit eine aus dem Neuen Testament und den Kirchenvätern geschöpfte affektive Theologie und Lebensweise, die keineswegs nur Mönchen und Klerikern offensteht. Vgl. Walter, „Philosophia“.

12. „Erasmus in Basel 1521 und Beatus Rhenanus”

379

Widmungsschreiben an den Hugshofer Abt Paul Volz (1480-1544)15 hingewiesen werden, mit dem als Vorrede Erasmus die erste Separatausgabe seines „Enchiridion militis Christiani“ herausbrachte und die in seiner Abwesenheit wohl Rhenanus besorgte16. Hier begegnen teilweise dieselben Worte und Beispiele, die auch Rhenanus gebraucht. Erasmus kritisiert die Spitzfindigkeiten der scholastischen Theologie17 und deren Auslassungen über Wiedergutmachung und Beichte18 ebenso wie das päpstliche Ablass- und Bußwesen19 und die veräußerlichten „Zeremonien“20. Das Gegenbild ist die aus den neutestamentlichen Quellen geschöpfte „Philosophie Christi“21, der von uns nichts fordere, als ein reines und einfaches Leben zu führen22. Auch Platons „Staat“ wird erwähnt, allerdings ohne das von Rhenanus angeführte konkrete Beispiel23. Der am häufigsten genannte Kirchenvater ist Augustinus24. Den ihm so wichtigen Origenes erwähnt Erasmus allerdings nicht. Dass er die Auslegung der von den 15 Vgl. Chrisman, „Volz“. 16 Vgl. Erasmus Roterodamus, Epistola ad Paulum Volzium, Basel, 14. August 1518;

Holborn, 3-21. Zur Beteiligung des Rhenanus vgl. Muhlack, „Rhenanus“, Sp. 676f. Dieser hatte bereits früher an einer 1515 bei Matthias Schürer in Straßburg erschienenen Ausgabe des Sammelbandes mitgewirkt, in dem das „Enchiridion“ ursprünglich enthalten war. Vgl. ebd., Sp. 675. 17 Vgl. Erasmus, Epistola ad Paulum Volzium: Holborn, 4-5. Er bezeichnet dieses Theologen als „summulari[i]“ (ebd., 4, 10) und nennt Skotisten (ebd., 4, 1; 5, 8) und Gabrielisten (5, 9), dazu aber auch noch andere, mit Namen. 18 „Quot voluminibus praecipiunt de restitutione, de confessione, de votis, de scandalis deque aliis innumeris.“ Ebd., 4, 21f. Die Gelübde fügt Erasmus allerdings erst bei der Aufnahme dieses Briefes in die Briefausgabe von 1529 ein. Von ihnen ist jedoch an anderer Stelle die Rede, wo Erasmus den drei monastischen Gelübden das „erste und einzige Gelübde“, die Taufe, gegenüberstellt. Vgl. ebd., 19, 31-34. Diejenigen, die sich mit diesen Wälzern befassen, nennt Erasmus „magni rabbini“ (4, 36). Später wird er von den heidnischen Einstellungen mancher Priester sprechen. Vgl. ebd., 6, 29f. 19 Erasmus vergleicht die kirchlichen Verantwortlichen mit den Philistern, welche die von Abrahams Knechten gegrabenen Brunnen zuschütten (vgl. Gen 26, 15.18) und so Erde in die „evangelischen Quellen“ (ebd., 8, 31f.) werfen und statt Himmlisches Irdisches, statt Göttliches Menschliches verkünden. Dies geschehe nicht zur Ehre Christi, sondern zu ihrem eigenen Vorteil, indem sie mit Ablässen, Bußbriefen, Dispensen und ähnlichen Geldmachereien handeln. Vgl. ebd., 8, 16-9, 7. Die Dispensen wurden erst 1529 hinzugefügt. Auf das päpstliche Ablasswesen kommt er nochmals zu sprechen. Vgl. ebd., 15, 2-5. 20 Vgl. ebd., 14, 4; 16, 5-17, 15. Im letzteren Zusammenhang taucht auch der Vorwurf des Iudaic[us] anim[us] (ebd., 16, 21: „jüdischer Geist“) und des perpetu[us] Iudaism[us] (17, 8f.: „ewiges Judentum“) auf. 21 Vgl. ebd., 5, 10; 6, 37; 7, 7; 9, 6 und 9, 28f. Zu den Quellen vgl. ebd., 6, 36-7, 8. 22 Vgl. ebd., 5, 34. 23 Es wird nur allgemein gesagt, dass dieser Idealstaat noch nicht verwirklicht sei. Vgl. ebd., 12, 34-13, 2. 24 Vgl. ebd., 10, 17; 11, 32; 14, 30; 15, 15; 16, 11. In einer Einfügung aus dem Jahr 1529 begegnet neben einer weiteren Erwähnung des Augustinus (18, 10) auch eine langes Hieronymus-Zitat (18, 25-19, 8).

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Philistern verschütteten und durch Isaak wieder freigelegten Brunnen Abrahams diesem verdankt, verrät er nicht25. Auch für die Beschreibung der Lehre Christi und des christlichen Lebens durch Rhenanus lassen sich im bis dahin veröffentlichten Werk des Erasmus, nicht zuletzt im „Enchiridion militis Christiani“, Parallelen finden. Wenn man die Gegenprobe macht und kirchenkritische Äußerungen Zwinglis aus diesen Jahren heranzieht, kann man ebenfalls Verbindungen zu Erasmus entdecken, etwa für die Kritik an den verweltlichten Bischöfen, die Zwingli im Juni 1520 mit Berufung auf Origenes äußert26. [6] Rhenanus bereitete zu dieser Zeit eine Ausgabe der „Ratio verae theologiae“ vor, die er dem Konstanzer Generalvikar Johannes Fabri (1478-1541)27 widmete und die im Januar 1519 erschien28. Er sorgte zugleich für Absatz, indem er das Buch nicht nur verschenkte, wie etwa an Oswald Myconius (1488-1552)29, sondern diesen auch durch Zwingli dazu brachte, es zusammen mit der „Paraclesis“30 in der Fastenzeit zu kommentieren, weshalb Zwingli eine größere Menge davon orderte31. In demselben Brief berichtet Zwingli, dass Luther und die „Ratio“ des Erasmus von allen Zürcher Gelehrten gutgeheißen werden, er selber habe noch nie in einem solch kleinen Buch so viel Frucht gefunden32. Myconius meldete Vollzug, sowohl was die

25 Vgl. Godin, « La Bible », S. 565. 26 Zwingli an Rhenanus, 17. Juni 1520; BBR Nr. 171, 235-238, hier 237. Nach Auskunft

der Editoren des Zwingli-Briefwechsels ist es auch Spezialisten für das Werk des Origenes nicht gelungen, die von Zwingli angeführten Zitate zu verifizieren. Vgl. Zwingli, Briefe, S. 325 Anm. 6. Für die kritischen Äußerungen des Erasmus vgl. Tellechea, “La figura ideal”, vor allem S. 204-210. 27 Vgl. Janz, “Fabri”. 28 Vgl. die Dedikationsepistel (mit falscher Angabe des Werkes: Enchiridion); BBR Nr. 85, 132. Vgl. auch Holborn, S. XV; Muhlack, „Rhenanus“, Sp. 677. Zum exegetischen Programm des Erasmus vgl. Walter, Theologie. 29 Vgl. Myconius an Rhenanus, 2. Januar 1519; BBR Nr. 87, 135f. Hier ist zwar nur von einem libellu[s] Erasmicu[s]” (ebd., 135: „erasmisches Büchlein“) die Rede, aber da auch der Widmungsträger Fabri das Buch so bezeichnet (BBR Nr. 85, 132; Nr. 91, 139) dürfte es sich um die „Ratio“ handeln, zumal der briefliche Austausch mit Zwingli dafür spricht. Zu Myconius, der seit 1516 an der Zürcher Großmünster-Schule unterrichtete, vgl. Bietenholz, „Myconius“. 30 Froben brachte im Februar 1519 eine, wahrscheinlich auch von Rhenanus betreute, Separatausgabe heraus. Diese ist bei Muhlack, „Rhenanus“, nicht aufgeführt. 31 Die „Ratio“ wird hier „Compendium verae theologiae“ genannt. Vgl. Rhenanus an Zwingli, 13. Februar 1519; BBR Nr. 88, 136. Zwingli an Rhenanus, 22. Februar 1519; BBR Nr. 90, 137f., hier 138. 32 Ebd.

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pädagogische Verwendung der „Paraclesis“33 als auch, was die des „Compendium“ angeht, die sich weit über die Fastenzeit ausdehnte34. [7] Von Luther ist im damals recht intensiven Briefwechsel zwischen Rhenanus und Zwingli zunächst nur im Hinblick auf die Auseinandersetzung mit Johannes Eck (1486-1543)35 im Vorfeld der Leipziger Disputation und von dieser selbst die Rede. Es geht offensichtlich wieder um einen Basler Druck, den Rhenanus nach Zürich schickt36. Dabei handelt es sich wohl um die 1519 in Basel von Andreas Cratander (†vor 1540)37 gedruckte „Disputatio D. Ioannis Eccii, Et P. Martini Luther In studio Lipsensi Futura“, ein schmales Heft von elf Seiten, das sowohl die positiones „Thesen“ enthält, welche Eck als auch die, welche Luther in Leipzig verteidigen möchte, sowie einen Brief Luthers an Karlstadt (um 1480-1541)38, in dem er sich als Mitdisputator ins Spiel bringt und sich über Eck lustig macht39. Hauptsächlich aber macht Rhenanus für einige Schriften Luthers Reklame, und es ist interessant, welche dies sind. Es sind keine polemischen, sondern geistliche Texte, die in Basel bei Adam Petri (1454-1527)40 erscheinen werden: zum einen Luthers „Auslegung des Vaterunsers für einfältige Laien und deswegen auf Deutsch“41 und die von Luther herausgegebene „Theologia deutsch“42, verglichen mit der sich die subtile Theologie des Duns Scotus als grob ausnehme. Zwingli möge für beide Bücher in der Predigt werben und er möge 33 Vgl. Myconius an Rhenanus, 22. März 1519; BBR Nr. 100, 146f., hier 146. 34 „Res cum Compendio feliciter succedit. Quantum video, nihil a me mei audiunt

diligentius.” Myconius an Rhenanus, 17. Juni 1519; BBR Nr. 115, 162. Henrich, „Basel“, der auch die Verbindung des Myconius zu Basel bis 1532 würdigt (vgl. ebd., S. 243-245), geht darauf nicht näher ein. 35 Vgl. Wurm, „Eck“. 36 Vgl. Zwingli an Rhenanus, 24. März 1519; BBR Nr. 101, 147f. Rhenanus an Zwingli, 7. Mai 1519; BBR Nr. 109, 155f., hier 156. Ders. an dens., 24. Mai 1519; Nr. 113, 159f., hier 160. 37 Vgl. Bietenholz, „Cratander“. 38 Vgl. Guenther, „Karlstadt“. 39 Digitalisat: http://reader.digitale-sammlungen.de/de/fs1/object/display bsb10910470 00015.html (19.05.2015). Vgl. Benzing, Lutherbibliographie, Nr. 349; VD-16 E 315. 40 Vgl. Hieronymus, „Petri“. 41 Davon erschienen bei Adam Petri kurz hintereinander zwei Ausgaben: Ußlegung dütsch des Vatter unser für die einfeltigen leyen Doctor Martini Luther Augustiner zu Wittenbergk, Basel, Petri, 1519 (Benzing, Lutherbibliographie, Nr. 270 und 271; VD-16 L 4052 und L 4053). Auch von der für Kinder bestimmten Vaterunser-Auslegung brachte Petri eine Ausgabe heraus: Ein Kurtze form das Pater noster zu verstan und zu betten, Basel, Petri, 1519 (Benzing, Lutherbibliographie, Nr. 543; VD-16 L 5353). 42 Die geplante Ausgabe erschien jedoch erst 1523: Ein deutsch Teologia. Das ist ein edles büchlein, von rechtem vorstandt, was Adam und Christus sey, und wie Adam yn uns sterben, und Christus ersteen soll, Basel, Petri, 1523 (Benzing, Lutherbibliographie, Nr. 170; VD-16, T 898). Zu dieser spätmittelalterlichen Erbauungsschrift vgl. Ruhbach, „Theologia Deutsch“.

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genug Exemplare bestellen. Denn in Basel seien die anderswo gedruckten Exemplare nicht gekauft, sondern von den Käufern geradezu aus den Händen gerissen worden43. Zwingli antwortete positiv und erhoffte sich von Luthers Vaterunser-Auslegung Unterstützung in seinem Kampf gegen die Heiligenverehrung44. Er bestellt denn auch von den Luther-Büchlein mehrere hundert („centurias aliquot“)45. Rhenanus wünscht, dass der Bote, der diese in Basel abholt, sie, vor allem die Vaterunser-Auslegung, in der Schweiz von Stadt zu Stadt, von Dorf zu Dorf, von Viertel zu Viertel, ja von Haus zu Haus verbreiten möge. Überhaupt redet er hier wieder als Buchhändler, der neben einem weiteren deutschen Werk Luthers, dessen Auslegung der sieben Bußpsalmen, die Rhenanus als sowohl fromm als auch gebildet („et sanctam et eruditam“) bezeichnet, von einer Aristophanes-Ausgabe spricht, die Cratander für fünfeinviertel Gulden drucken würde, wenn Zwingli die Finanzierung übernähme. Die Buchhändler seien schuld, dass ein Freund von ihm in Ravensburg, Michael Hummelberg, viele Werke des Erasmus nicht kenne. Von der Geschäftstüchtigkeit des Rhenanus zeugt zum einen die Bitte, Zwingli möge den Buchführer in Zürich bekannt machen, damit dieser umso leichter Käufer finde, und zum andern die Überlegung, dass dieser keine anderen Bücher anbieten solle; denn er verkaufe mehr von den Luther-Büchern, wenn die Käufer dazu quasi gezwungen würden, weil er nur diese hat, und nicht durch ein größeres Angebot auf andere Ideen gebracht würden46. In seinem auf denselben Tag datierten Antwortbrief gibt Zwingli den Rat eines Humanisten weiter, die Frobensche Ausgabe des Erasmischen „Enchiridion“ unter die Leute zu bringen, da es eine große Nachfrage danach gebe. Zugleich weiß er davon zu berichten, dass der Propst des Basler Petersstifts, der mit Erasmus befreundete Theologe Ludwig Bär (1479-1554), Luther-Schriften bald nach deren Erscheinen nach Rom geschickt habe47. Da man in Rom mit deutschen Lutherschriften 43 Vgl. Rhenanus an Zwingli, 24. Mai 1519; BBR Nr. 113, 159f., hier 160. 44 Vgl. Zwingli an Rhenanus, 7. Juni 1519; BBR Nr. 114, 161. Es geht um den zu Recht

beklagten „Mißbrauch, an die Heiligen das Vaterunser zu richten.“ Augustijn, „Zwingli“, S. 209. 45 Zwingli an Rhenanus, 24. Juni 1519; BBR Nr. 116, 162f., hier 163. 46 Rhenanus an Zwingli, 2. Juli 1519; BBR Nr. 117, 163f. Zu einem Basler Nachdruck von Luthers Bußpsalmen-Auslegung ist es offensichtlich nicht gekommen. Die genannte Aristophanes-Ausgabe erschien erst 1532 (Aristophanes, Comoediae undecim, Basel, Cratander, 1532 [VD-16 A 3266]), obwohl Zwingli die Finanzierung zusagte. Zwingli an Rhenanus, 2. Juli 1519; BBR Nr. 118, 164f. 47 Zwingli an Rhenanus, 2. Juli 1519; BBR Nr. 118, 164f. Zu Ludwig Bär vgl. Bietenholz, „Baer“.

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nichts anfangen konnte, handelt es sich dabei wohl um den im Oktober 1518 von Johann Froben (um 1460-1527)48 gedruckten umfangreichen Sammelband mit den Resolutiones („Erklärungen“) zu den Ablassthesen und weiteren Werken49 oder einen der drei übrigen seiner Lutherdrucke aus den Jahren 1518/1950. Alle diese Ausgaben erschienen ohne Angabe von Ort und Drucker. Auf Intervention des Erasmus stellte Froben diese Sparte seiner Buchproduktion ein51. [8] Nach Aussage von Konrad Pellikan (1478-1556)52 hat Rhenanus an mehreren von Froben herausgebrachten Luther-Drucken mitgewirkt53. Die Formulierung, die Pellikan zur Beschreibung dieser Mitwirkung gebraucht: „opera et submissione Beati Rhenani“, ist nicht ganz leicht zu deuten. James Hirstein übersetzt „thanks to the work and the printing preparations made by Beatus Rhenanus“54. Man 48 Zu ihm, der die meisten Erstausgaben der Werke des Erasmus druckte, vgl. Bietenholz, „Froben“. 49 Ad Leonem X. pontificem maximum, Resolutiones disputationum de uirtute indulgentiarum […], [Basel, Froben, 1518] (Benzing, Lutherbibliographie, Nr. 3; VD-16 L 3407). Vgl. die Beschreibung dieses Sammelbandes bei Volz, „Sammelausgaben“, S. 457-459; Grosse, „Die Emergenz“, S. 156. 50 1518: Acta R. Patris Martini Lutheri Augustiniani apud D. Legatum Apostolicum Augustae (Benzing, Lutherbibliographie, Nr. 239; VD-16 L 3639); Appellatio Fra. Martini Luther ad Concilium (Benzing, Lutherbibliographie, Nr. 246; VD-16 L 3842); 1519: Resolutio Lutheriana super propositione sua decima tertia de potestate papae (Benzing, Lutherbibliographie, Nr. 393; VD-16 L 5780). Bietenholz, „Baer“, S. 85, der den in Anm. 47 genannten Brief Zwinglis als Quelle nennt, aus dem weder der Drucker noch der Titel der Luther-Schrift hervorgeht, vermutet den Frobenschen Sammelband vom Oktober 1518. Außerdem weist er darauf hin, dass Bär zwei Jahre später versucht habe, Cratandersche Luther-Drucke zu verhindern. 51 Vgl. Volz, „Sammelausgaben“, S. 439-441, bes. S. 440 Anm. 36; Bietenholz, „Froben“, S. 62. 52 Vgl. Röll, „Pellikan“. 53 Pellikan schreibt 1544 im Rückblick auf das Jahr 1519: „quo tempore multi Lutherani libri impressi sunt Basileae, opera et submissione Beati Rhenani, primum quidem a Johanne Frobenio nempe: resolutiones articulorum, declamationes de decem preceptis, in Epistolam ad Galathas, tandem etiam de potestate Papae, Frobenio absente“: Pellikan, Chronikon, S. 75. Muhlack, „Rhenanus“, nennt diese Werke nicht. Während das erste und das letzte der von Pellikan aufgezählten Werke dem in Anm. 49 genannten Basler Sammelband sowie dem letzten der in Anm. 50 aufgeführten Werke entsprechen dürften, ist der Forschung von einem Basler Separatdruck der in dem Sammelband enthaltenen Predigten zu den Zehn Geboten nichts bekannt. Wohl druckte Adam Petri 1520 eine von Sebastian Münster angefertigte deutsche Übersetzung. Vgl. dazu Walter, „Vom Suchen“, S. 345. Luthers früher Galaterbriefkommentar erschien erstmals 1520 ebenfalls bei Adam Petri (Benzing, Lutherbibliographie, Nr. 421; VD-16 B 5067) und wurde auch in die von Pellikan für denselben Drucker besorgte und im Juli 1520 herausgekommene Fassung des Basler Sammelbandes aufgenommen. Vgl. Volz, „Sammelausgaben“, S. 449, 458. 54 Hirstein, “Capito”, S. 38. Die Junktur „prelo submittere“ diente damals ohne Zweifel zur Beschreibung des Druckvorgangs. Vgl. etwa die Bemerkung des Hieronymus Froben in einem Brief an Bonifacius Amerbach vom Oktober 1518, in der jener von den Schwierigkeiten

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könnte aber auch das zweite Substantiv im Sinne eines Hendiadyoin als nähere Bestimmung des ersten verstehen. Wenn man dazu nimmt, dass submittere im mittelalterlichen Latein hauptsächlich in der Bedeutung von „verheimlichen“ gebraucht wurde55, könnte man die Formulierung auch so verstehen: „auf heimliches Betreiben des Beatus Rhenanus hin“. Dies würde auch der Tatsache entsprechen, dass Rhenanus, wie James Hirstein jüngst entdeckte, in mindestens einem weiteren Fall bei der Veröffentlichung reformatorischen Schrifttums mitgewirkt hat, ohne namentlich hervorzutreten: bei den Basler Ausgaben von Luthers „Tractatus de libertate christiana“, die Adam Petri 1521 herausbrachte56. Die Camouflage ist Rhenanus so sehr gelungen, dass Zeitgenossen wie Erasmus ihn nicht als Hintermann vermuteten. Dieser, dem die Frobensche Luther-Ausgabe ein Dorn im Auge war, sah neben namentlich nicht genannten docti „Gelehrte“ hauptsächlich Wolfgang Capito (†1541) als Anstifter57. Wenn er unter den docti auch Rhenanus vermutet hätte, hätte er dies wohl gesagt. Oder sollte er es aus Rücksicht auf seinen Freund berichtet, die seinem Vater gemacht wurden, weil er es gewagt hatte, einen „libellus“ Luthers zu drucken: „Nescis enim, quae in Frobenium moliantur, qui illa ausus fuerit suo prelo submittere“: Amerbachkorrespondenz, Nr. 631, 132, 19f. 55 Im mittelalterlichen Latein scheint die Bedeutung „heimlich zusenden, anstiften“, die submittere bereits im klassischen Latein hat, die dort aber eher am Rande steht (vgl. Georges, Handwörterbuch, Bd. 2, Sp. 2865f., s.v. submittere), in den Vordergrund gerückt und auch mit dem Substantiv submissio verbunden zu sein. Vgl. Niermeyer, Lexicon, S. 998, s.v. submissio. 56 Vgl. Hirstein, « Corrections autographes ». Man darf darauf gespannt sein, welches Ergebnis die Publikation der Anmerkungen des Rhenanus zu Luthers Freiheitstraktat ergibt. 57 Allen, Nr. 1526, Bd. 5, 602, 35: „instigantibus doctis, quorum erat Capito“. Vgl. dazu Hirstein, “Capito”. Die von Kittelson, Capito, S. 38 Anm. 52, gegen eine führende Beteiligung des Rhenanus an der Frobenschen Luther-Ausgabe genannten Argumente beruhen auf Fehlübersetzungen bzw. -interpretationen der Briefe des Rhenanus an Zwingli vom 6. und 26. Dezember 1518. Die im erstgenannten Brief gemachte Aussage des Rhenanus, dass er bis jetzt nichts Zuverlässiges von Luther wisse („De Lutherio nihil dum comperti habemus“; BBR Nr. 81, 123), muss keineswegs absolut verstanden werden, sondern kann sich auf einen konkreten Sachverhalt beziehen, in Bezug auf den Rhenanus keine sicheren Nachrichten hat. Der Berner Buchhändler, von dem im letztgenannten Brief die Rede ist, hat die vielen Lutherbücher nicht mitgebracht, sondern „hier [d.h. in Basel] aufgekauft und nach dort [d.h. Bern] gebracht“ („Nudius tertius huc a Bernensibus missus est bibliopola, qui multum hic Lutheranorum exemplarium coëmit et illo deportavit“; BBR, Nr. 83, 125). Die Tatsache, dass Capito, wie von Kittelson, ebd., angegeben, Luthers „Sermo von Ablass und Gnade“ bereits im September gelesen hat, besagt nichts über die Sprache, in der er diesen gelesen hat. Obwohl Sven Grosse bereits im Titel seines Beitrags die Frobensche Lutherausgabe Capito zuschreibt, bleibt er den letzten Beweis schuldig. Vgl. Grosse, „Die Emergenz“, S. 154f. Dies gilt auch für Volz, „Sammelausgaben“, S. 432f. Auch dessen Behauptung, Capito habe die lateinische Übersetzung von Luthers „Sermon von Ablass und Gnade“ für diesen Sammelband beigesteuert (vgl. ebd., S. 434), kann keineswegs als gesichert gelten. Vgl. Schilling, „Sermon“, S. 100.

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verschwiegen haben? Auch die jüngere Forschung scheint, mit Ausnahme von James Hirstein, die Ansicht des Erasmus zu teilen58. [9] Der weitere Briefwechsel des Rhenanus mit Zwingli ist nach wie vor hauptsächlich von literarischen Dingen und von Buchanschaffungen bzw. -projekten geprägt. Da geht es einmal um eine von Hieronymus Froben geliehene und zurückgeforderte griechische Euripides-Ausgabe und weitere griechische Bücher59, das andere Mal um von Leo Jud (†1542)60 angefertigte deutsche Übersetzungen der „Querela pacis“ und der „Institutio principis Christiani“ des Erasmus. In dem zuletzt genannten Brief vom 8. März 1521 ist auch von einem geplanten Zusammentreffen Zwinglis mit Rhenanus und Erasmus in Basel die Rede, sobald letzterer dorthin zurückgekehrt sein wird61. Erasmus und die Luther-Sache [10] Ein ganz anderer Ton erklingt, wenn Erasmus in einem Brief vom 27. Mai 1521 an Rhenanus aus Löwen beklagt, dass die LutherTragödie zu einem solchen Streit entbrannt sei, dass weder das Reden noch das Schweigen sicher sei. Alles, auch das in bester Absicht Geschriebene, werde in unterschiedliche Richtungen auseinandergerissen. Auch die Zeit, zu der etwas geschrieben worden sei, werde nicht beachtet. Was zu einer Zeit zu Recht geschrieben worden sei, werde in eine völlig unpassende Zeit verlagert62. Es geht um eine neue Sammlung der Briefe des Erasmus, der ein Lied davon singen kann, dass seine Briefe zur Luther-Sache,

58 Volz, „Sammelausgaben“, nennt, wenn ich recht sehe, Rhenanus nicht. Obwohl er andere Aussagen aus dem „Chronikon“ Pellikans anführt, sucht man diejenige über dessen Mitarbeit an Luther-Drucken vergeblich. Grosse, „Die Emergenz“, S. 153, sieht Rhenanus unter den „docti“ im Umkreis Capitos, ohne jedoch eine Mitarbeit an der Luther-Ausgabe zu spezifizieren. Lediglich Hirstein, „Neues über Beatus Rhenanus“, S. 102, scheint einen bedeutenderen Beitrag des Rhenanus zur Frobenschen Lutherausgabe nicht auszuschließen. 59 Zwingli an Rhenanus, 12. Oktober 1520; BBR Nr. 180, 249f. 60 Vgl. Bietenholz, „Jud“. 61 Zwingli an Rhenanus, 8. März 1521; BBR Nr. 196, 268. Vier Wochen später hofft Zwingli, dass Rhenanus nach Einsiedeln kommen werde. Zwingli an Rhenanus, 5. April 1521; BBR Nr. 199, 272f., hier 272. Das Treffen mit Erasmus in Basel fand Anfang 1522 statt. Vgl. Augustijn, „Zwingli“, S. 210. Ein Gegenbesuch, von dem in Zwinglis Brief vom 25. März 1522 die Rede ist (vgl. BBR Nr. 218, 307), kam nicht zustande. Zwinglis Angebot, nach Zürich zu übersiedeln, lehnte Erasmus ab. Vgl. Erasmus an Zwingli, Anfang September 1522, Allen Nr. 1314, Bd. 5, 129f. 62 Vgl. Erasmus an Rhenanus, 27. Mai (1521); Allen Nr. 1206, Bd. 4, 498-502, hier 499, 4650. Horawitz-Hartfelder datieren diesen Brief ein Jahr früher. Vgl. BBR Nr. 167, S. 226-229.

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noch bevor sie ihren Adressaten erreichen, zugespitzt und ausgeschlachtet werden63. [11] Im September 1521 tritt Luther im Briefwechsel zwischen Zwingli und Rhenanus erstmals in den Vordergrund. Zwingli ereifert sich über einen Italiener, der Luther schlecht mache64. Ein halbes Jahr später, am 25. März 1522, setzt Zwingli alles daran, einen sich anbahnenden Streit zwischen Erasmus und Luther, von dem er gehört hat, zu verhindern65. Obwohl diese Episode bereits in die Vorgeschichte der Auseinandersetzung zwischen Erasmus und Luther über den freien Willen gehört66, geht es dabei nicht nur um dieses spezifische theologische Problem, sondern um die Haltung des Erasmus zur Reformation insgesamt. Dieser war am 15. November 1521 von Löwen nach Basel zurückgekehrt, weil er dort mehr, als ihm lieb war, in die Sache Luthers hineingezogen und sogar von den Kanzeln herab als dessen Parteigänger verunglimpft worden war67. Er hätte sich vielleicht durch eine Gegenschrift gegen Luther von diesen Vorwürfen reinigen können, aber er zog es vor zu schweigen. Nun holte ihn auch in Basel dieser Streit ein. Rhenanus und die Reformation ab 1522 [12] Als Zwingli am 25. März 1522 an Rhenanus schrieb, um einen Eklat zwischen Erasmus und Luther zu verhindern, lebte das Spanferkel noch, das drei Wochen später, am Palmsonntag, vor den Toren Basels demonstrativ verzehrt wurde68. In Zürich war es jedoch bereits zwei Wochen vorher, am 1. Fastensonntag, zu einem provokativen Wurstessen im Haus des Druckers Christoph Froschauer gekommen, bei dem der zwar anwesende Zwingli allerdings nicht mitgegessen hat69. Von dieser Tabuverletzung schreibt Zwingli jedoch nichts, wahrscheinlich, weil der milde Rhenanus dies nicht goutiert 63 Vgl. Walter, „Albrecht“, S. 109f. 64 Zwingli an Rhenanus, 8. September 1521; BBR Nr. 210, 291f. Es handelt sich

wahrscheinlich um die Schrift des italienischen Dominikaners Thomas Radinus Todiscus Placentinus († 1527): Ad Illustrissimos et Inuictissimos Principes et Populos Germaniae, in Martinum Luterum Vuittenbergensem Ordinis Heremitarum Nationis gloriam uiolantem Oratio, Rom, Mazochius, 1520. Noch im selben Jahr erschienen zwei Nachdrucke in Leipzig und Köln. Luther und Melanchthon, der mit einer Gegenschrift antwortete, hielten zunächst Emser für den Autor. Vgl. Lauchert, Gegner Luthers, S. 177-199. 65 Zwingli an Rhenanus, 25. März 1522; BRR Nr. 218, 300-302, hier 301. 66 Zwingli war durch Glarean informiert. Vgl. Chantraine, Erasme et Luther, S. 31. 67 Vgl. dazu Augustijn, Erasmus von Rotterdam, S. 109-114. 68 Vgl. Augustijn, „Erasmus’ Schrift“, S. 220f. 69 Vgl. Gäbler, Huldrych Zwingli, S. 51f.

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hätte. Dieser nimmt noch in einem Brief an einen unbekannten Adressaten vom 27. Oktober 1523 Zwingli in Schutz. Er predige modeste et prudenter „bescheiden und klug“ und sei nicht schuld an den Züricher Exzessen, wie dem Entleeren des Darmes in eine Sakramentsleuchte und der Schändung eines Kreuzes. Schuld seien diejenigen, die dem Volk Verachtung für die Zeremonien beibrächten70. In einem Postskript vom Allerseelentag trägt Rhenanus nach, dass auf der Disputation vom 26. bis 28. Oktober die Entfernung der Bilder aus den Kirchen und die Abschaffung der Messe beschlossen worden sei. Er nimmt an, dass der Empfänger dies nicht billige, und befürchtet eine Entfremdung zwischen Zürich und der übrigen Schweiz71. Solche Radikalismen waren offensichtlich seine Sache nicht. Auch Erasmus distanzierte sich öffentlich von den Verstößen gegen das Fastengebot im Frühjahr 152272. Der letzte erhaltene Brief Zwinglis an Rhenanus stammt vom 30. Juli 1522 und berichtet von Auseinandersetzungen mit Züricher Augustinern und Dominikanern über deren Predigten und dem dadurch motivierten Beschluss des Rates, nur noch Predigten auf der Basis der Heiligen Schrift zu gestatten73. [13] Erasmus hat noch mehrfach an Zwingli geschrieben und ihn zu Klugheit und Mäßigung ermahnt, so am 8. September 1522 nach der Lektüre von dessen „Apologeticus Archeteles adpellatus“74 und am 9. Dezember desselben Jahres, nachdem ihm eine andere, anonym erschienene Schrift Zwinglis in die Hände gefallen war75. Erasmus ermahnt Zwingli zu Haltungen, die Rhenanus diesem noch ein Jahr später bescheinigt. In seinem letzten Schreiben an Zwingli vom 31. August 1523 äußert Erasmus sein Unverständnis für Luthers paradoxa „Paradoxien“, für die er nicht zu sterben bereit sei wie jene drei Augustiner, die jüngst in Brüssel verbrannt wurden76. Luther bestreite ihm den Besitz des Geistes. Er aber frage ihn, Zwingli, was das für ein Geist sei. Er habe alles gelehrt, was Luther lehre, aber nicht so 70 Dieser nicht in BBR edierte Text wurde zugänglich gemacht von Knepper, „Kleine Funde“, S. 48f. Vgl. dazu Rott, « Beatus Rhenanus et Martin Bucer », S. 66-68; Zitat: 67. 71 Vgl. Knepper, „Kleine Funde“, S. 49; Rott, « Beatus Rhenanus et Martin Bucer », 67f. 72 Erasmus veröffentlichte noch im selben Jahr seine „Epistula apologetica de interdicto esu carnium deque similibus hominum constitutionibus“ (Edition: ASD). Vgl. Augustijn, „Erasmus’ Schrift“. 73 Zwingli an Rhenanus, 30. Juli 1522; BRR Nr. 224, 309f. Vgl. Gäbler, Huldrych Zwingli, S. 55. 74 Erasmus an Zwingli, 8. September 1522; Allen Nr. 1315, Bd. 5, 131. 75 Erasmus an Zwingli, 9. Dezember 1511; Allen Nr. 1327, Bd. 5, 151f. 76 Erasmus an Zwingli, 31. August 1523; Allen Nr. 1384, Bd. 5, 327-330, hier 327, 1-6.

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atrociter „schrecklich“, weil er sich bestimmter Rätsel und Paradoxe enthalten habe77. [14] Auch im Briefwechsel des Rhenanus mit dem gleichfalls aus Schlettstadt stammenden Martin Butzer, der leider nur einseitig in den Schreiben des letzteren überliefert ist, wird die ursprüngliche Nebeneinanderordnung von Erasmus und Luther deutlich78. Allerdings nimmt Butzer schon früh eine Wertung vor, die seinen Schritt in die evangelische Bewegung vorzeichnet. Er schreibt in seinem begeisterten Bericht von der Heidelberger Disputation, den er am 1. Mai 1518 für Rhenanus verfasst, Luther stimme in allem mit Erasmus überein. In einem einzigen Punkt jedoch überrage jener diesen: Was Erasmus nur andeute, lehre Luther offen und frei79. Butzer radikalisiert seine reformatorische Position schneller als Zwingli, und in demselben Maße sieht er den einst verehrten Erasmus wegen dessen unentschiedener Haltung kritisch80. In den Jahren 1524 und 1525 kam es mehrfach zu Diskussionen zwischen Butzer und Rhenanus, welcher jenem und seinen Gesinnungsgenossen vorwarf, das Bildungssystem zerstört und die Erhebung der Bauern mit angefacht zu haben. Butzer konterte, diese Vorwürfe stammten wohl von Erasmus, der alles für Aufruhr halte, was die Fürsten beleidige und vom Konsens der Jahrhunderte abweiche. Man achte dessen hervorragende Begabung, könne aber seine Schmeicheleien gegenüber den gottlosen Bischöfen und den Römern, deren Untaten kaum einer im Reich besser kenne als er, nicht billigen81. Jean Rott führt die allmähliche Entfremdung zwischen Rhenanus und Butzer nicht nur auf deren unterschiedliche Vorstellungen von Reform, sondern auch auf einen grundlegenden Unterschied im Temperament und in der gesellschaftlichen Stellung zurück82. Immerhin stand Butzer mit zwei anderen evangelischen Geistlichen am 20. Juli 1547 dem sterbenden Rhenanus bei83. [15] Am deutlichsten wird die kritische Haltung, die Rhenanus schließlich zur Reformation bezog, in dem Brief an seinen Pariser Studienkollegen und Freund, den Ravensburger Humanisten Michael 77 Vgl. ebd., 330, 87-91. Eine Aufzählung solcher Paradoxe findet sich ebd., 327, 10-13. 78 Vgl. Rott, « Beatus Rhenanus et Martin Bucer ». 79 „Cum Erasmo illi conveniunt omnia, quin uno hoc praestare videtur, quod quae ille

duntaxat insinuat, hic aperte docet et libere.“ Butzer an Rhenanus, 1. Mai 1518; BBR Nr. 75, 106-115, hier 107. 80 Vgl. Rott, « Beatus Rhenanus et Martin Bucer », S. 64f. 81 Butzer an Rhenanus, November 1525; BBR Nr. 248, 348-351, hier 349. 82 Vgl. Rott, « Beatus Rhenanus et Martin Bucer », S. 70. 83 Vgl. ebd., 72.

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Hummelberg (1487-1527)84, vom 1. September 1525, in dem er ironisch fragt, ob dieser auch zu den hochgerüsteten Priestern gehöre, die das Evangelium mit Waffengewalt durchsetzen wollten. Bisher sei er, Hummelberg, Luther ein wenig gewogen gewesen, wie alle Guten es gehalten haben, die sahen, dass die Welt, nachdem die Regeln für ein richtiges Leben zusammengebrochen waren, voll und ganz der Verbesserung und der Korrektur in vielen Dingen bedarf, wozu dieser Mann das Volk in vielleicht etwas scharfen Büchlein ermahnte. Jetzt aber, nachdem die Dinge sich zum Schlechteren gewendet haben, sei er klug und gebildet genug, um zu sehen, wie vorsichtig und umsichtig man jetzt handeln müsse85. Von Erasmus ist dabei nicht die Rede. Die Reise nach Konstanz 1522 [16] Hummelberg sympathisierte ebenso eine Weile mit Luther wie der Konstanzer Domherr Johann von Botzheim († 1535)86, bei dem Erasmus und Rhenanus im September 1522 in der Bischofsstadt am Bodensee zu Gast waren. Erasmus, der diesen drei bis vier Wochen dauernden Aufenthalt mehrfach schildert, kann sich nicht genug tun, die Gastfreundschaft Botzheims und des Konstanzer Bischofs Hugo von Hohenlandenberg (†1532)87 zu rühmen. Beide haben ihn, der gerade unter schweren Nierenkoliken litt, in jeder Hinsicht aufzurichten versucht, nicht zuletzt mit Burgunder88. Von den Inhalten der Gespräche, die in Konstanz, u.a. auch mit dem aus Ravensburg angereisten Hummelberg, geführt wurden, sagt Erasmus nichts. Vom Konstanzer Bischof ist bekannt, dass seine anfänglichen Sympathien für Luther und die reformatorische Bewegung just um die Zeit des Besuchs aus Basel umschlugen, nicht zuletzt aufgrund der Lektüre von Zwinglis „Apologeticus Archeteles adpellatus“89, der Erasmus unmittelbar vor der Abreise zu einem kritischen Schreiben an den Verfasser veranlasst hatte90. Botzheim war noch im Juli 1522 brieflich von Zwingli gegenüber Rhenanus gelobt worden wegen seines tapferen Einsatzes für Christus und als ein in jeder Hinsicht integrer 84 Vgl. Guenther, „Hummelberg“. 85 Rhenanus an Hummelberg, 1. September 1525; BBR Nr. 240, 334f., hier 334. 86 Vgl. Vögeli, Schriften zur Reformation, Bd. 2/2, S. 873-881; Rublack, „Botzheim“. 87 Vgl. Guenther, „Hohenlandenberg“; Reinhardt, „Hohenlandenberg“. 88 Vgl. die brieflichen Schilderungen: Erasmus an Konrad Heresbach, 18. Oktober 1522;

Allen Nr. 1316, Bd. 5, 132-134. Erasmus an Marcus Laurinus, 1. Februar 1523; Allen Nr. 1342, Bd. 5, 203-227, hier 212-215. 89 Vgl. Guenther, „Hohenlandenberg“, S. 194; Reinhardt, „Hohenlandenberg“, S. 307. 90 S.o. bei Anm. 74.

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Mensch91. Bereits im Jahr zuvor scheint Botzheim sich jedoch kritisch über Luthers acerbitas „Schärfe“ geäußert zu haben und immer mehr von ihm abgerückt zu sein92. Gleichwohl geriet er 1524 wegen Unterstützung der in Konstanz an Boden gewinnenden Reformation ins Visier Roms. Botzheim vermutete dahinter eine Rache des Bischofs, den er wegen seines Konkubinats zur Rede gestellt hatte93. Schluss [17] Die jüngsten Entdeckungen von James Hirstein über die Mitwirkung des Rhenanus bei der Publikation der Lutherschen Freiheitsschrift in Basel im Jahre 1520/21 stehen ohne Zweifel in Spannung zu der Auffassung Charles Muniers, dass Rhenanus bereits seit dem Sommer 1519 seine Haltung zu Luther und der Reformation überdacht habe94. Es war wohl, zumindest zunächst, kein radikaler Bruch, sondern, wie Munier formuliert, ein « prendre quelque distance à l’égard des mouvements réformateurs qui, de toutes parts se faisaient de plus au plus radicaux et violents, d’autant que les relations entre Luther et Erasme, aigries depuis 1520, se dégradaient irrémédiablement95 ». Man darf zudem nicht vergessen, dass Rhenanus, wie wir gesehen haben, auch ein ebenso passionierter wie geschäftstüchtiger Buchverkäufer war, auch gegen seinen Meister Erasmus. Um genaueres über seine reformatorischen Sympathien sagen zu können, müsste man die Anmerkungen kennen, die Rhenanus zur Freiheitsschrift gemacht hat. Diese wären auch deshalb interessant, um etwas über die Inhalte zu erfahren, die Rhenanus an Luther und der reformatorischen Bewegung faszinierten. Diejenigen, die er 1518 Zwingli gegenüber herausstrich, waren, wie wir gesehen haben, typisch erasmisch96. Somit bleibt die Feststellung Muniers insgesamt gültig: « Il va sans dire que […] Rhenanus était du côté d’Erasme97 ».

91 Zwingli an Rhenanus, 30. Juli 1522; BBR Nr. 224, 309f. 92 Vgl. Vögeli, Schriften zur Reformation, Bd. 2/2, S. 877. 93 Vögeli, Schriften zur Reformation, Bd. 2/2, S. 878-881. 94 Vgl. Munier, « Les annotations », S. 98f. 95 Munier, « Les annotations », S. 98. 96 S.o. Abschnitt 1. 97 Munier, « Les annotations », S. 98.

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13 Le séjour d’Ulrich von Hutten à Sélestat en novembre 1522 Monique Samuel-Scheyder

Préliminaires [1] L’étape que Hutten fit à Sélestat en novembre 1522 est peu documentée ; les biographes n’y font qu’une brève allusion en signalant que les Sélestadiens, le plus souvent sans mentionner de nom, lui auraient à cette occasion prêté de l’argent. On s’étonne d’emblée de ne voir mentionné le rôle de Beatus Rhenanus à cette occasion, car c’est lui qui avait été l’interlocuteur privilégié de Hutten dans les années antérieures ; plus surprenant encore, Rhenanus s’est manifestement efforcé de ne laisser subsister aucune trace de cette rencontre avec Hutten. Or, au terme d’une investigation plus étendue, les circonstances de ce séjour semblent bien en faire un épisode clef en cette période de crise politique et religieuse, où se cristallisent les tensions nouvellement apparues dans les relations entre Hutten et Erasme, le maître à penser auquel le chevalier et le Sélestadien vouent une commune admiration ; une étape importante pour le premier, en apparence un « non-événement » pour l’autre, mais qui porte en germe les durcissements et ruptures des mois qui suivent. Hutten espère pouvoir encore infléchir le cours des choses. Chez Rhenanus, la séquence est passée sous silence ; elle apparaîtra cependant dans le déroulement ultérieur des faits telle « eine unerhörte Begebenheit », pour le dire en termes goethéens, un incident inouï, dans le sens de « ce qui n’a pas été entendu » par le Sélestadien, mais qui va conduire à une issue fatale – dans ce cas précis, la rupture fracassante entre Erasme et Hutten – par un enchaînement de malentendus, de ressentiments réciproques et de positions de plus en plus antagonistes entre des partenaires, dotés chacun à sa manière d’un « ego » surdimensionné. [2] Hutten et Beatus Rhenanus ont entretenu des relations épistolaires cordiales pendant les années qui ont précédé. Hutten est cité pas moins de vingt-deux fois dans la correspondance de Beatus et

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ils ont personnellement échangé plusieurs lettres. On sait qu’ils ont soutenu les mêmes idées, mené le même combat pour les belleslettres, puis reporté leurs espoirs – quoique de manière différente – sur le mouvement luthérien. Au regard de tous ces points de convergence avérés, une constatation surprend : la disparition subite dans la correspondance de Rhenanus de tous ses écrits faisant quelque référence à Hutten, la dernière en date se trouvant dans sa lettre du 7 janvier 1521 à Boniface Amerbach. Pourtant les relations ont subsisté et les informations ont circulé. Hutten a séjourné à partir de 1521, d’abord à la Ebernburg, puis après son passage à Sélestat en novembre 1522, à Bâle, à Mulhouse, enfin à Zurich, une aire géographique où les échanges sont restés intenses pendant toute cette période. De surcroît, les épisodes qui ont marqué les deux dernières années de l’existence du chevalier ont suffisamment défrayé la chronique pour que ce silence de Rhenanus mérite d’être interrogé. On sait que Hutten s’est fait dévaliser de ses biens, alors qu’il se rendait à Sélestat au départ de la Ebernburg, de sorte que ses documents et sa correspondance personnelle ont été dispersés. Quant à Rhenanus, la nomenclature lacunaire de sa correspondance entre 1521 et 1523 donne à penser qu’il a volontairement fait disparaître la plupart des documents relatifs à cette période très troublée, et sans aucun doute de façon plus radicale encore, ceux qui évoquaient de quelque manière ses relations avec le chevalier. [3] Plusieurs questions se posent alors. A quel moment et en raison de quelles circonstances Rhenanus a-t-il décidé de rompre toute relation avec Hutten ou, plus probablement, de n’en plus laisser subsister de traces, comme pour oblitérer dans son parcours personnel la malséance de cette relation ? [4] En arrivant à Sélestat en novembre 1522, le chevalier Hutten avait passablement perdu de sa superbe et sans doute de son prestige ; banni du Saint Empire, malade et sans ressources, il se présentait alors comme un hôte encombrant à plus d’un titre pour la Ville et, à plus forte raison, pour les humanistes de la Sodalitas literaria, sur lesquels pesaient tous les soupçons. La situation particulièrement tendue qui régnait alors à Sélestat explique déjà en grande partie l’opportunité circonstancielle du black-out qui a entouré son séjour ; mais Rhenanus ne pouvait rester indifférent devant l’objectif clairement exprimé par Hutten de rencontrer Erasme à Bâle, afin de l’apostropher au sujet de ses récents louvoiements dans la défense de la cause luthérienne. [5] Erasme ne le recevra pas. L’incident va s’envenimer avec l’intervention de tiers et conduire au terme d’une violente polémique

13. « Hutten à Sélestat en novembre 1522 »

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s’exprimant dans un échange de libelles assassins – l’Expostulatio, une philippique au vitriol de Hutten, à laquelle Erasme donne une réplique perfide dans sa Spongia – à la rupture et à une hostilité durable et sans rémission d’Erasme à l’égard de la mémoire même du défunt chevalier ; une animosité qui n’épargnera pas non plus ceux qui auront témoigné quelque compassion envers le chevalier malade. La polémique entre ces deux personnalités en vue du monde humaniste aura des répercussions notables sur l’entourage d’Erasme, en marquant un clivage définitif avec les partisans déclarés de la Réforme. Rhenanus n’échappera pas à ce dilemme et il optera en définitive pour un choix exclusif. [6] Nous retiendrons trois axes de recherche afin de cerner la nature des relations que Hutten et Rhenanus ont entretenues tout au long de cette période et qui sont au cœur de notre problématique. [7] C’est sous le patronage intellectuel d’Erasme que leurs relations se sont engagées pour la défense des belles-lettres dès 1515 et elles se sont poursuivies essentiellement par référence à leur maître à penser, comme cela apparaît clairement dans leurs itinéraires parallèles et à la lumière des éléments fournis par la correspondance de Rhenanus. [8] A partir de 1518, l’arrivée de Luther introduit une nouvelle donne politico-religieuse en Allemagne, qui va infléchir progressivement les enjeux littéraires et intellectuels du retour « aux sources » et de la promotion des belles-lettres et contraindre les humanistes à réorienter leurs engagements. Hutten et Rhenanus sont tous deux favorables aux idées du novateur ; mais les situations se durcissent après la condamnation officielle de Luther en 1521. [9] Nous nous intéresserons plus particulièrement à Sélestat, où règne un climat pesant et délétère de tensions et de peurs, à l’époque où Hutten y séjourne pour quelques jours en novembre 1522. Pour retrouver le témoignage manquant de Rhenanus, nous nous tournerons vers le récit d’Erasme et les faits rapportés dans sa Spongia ; ils permettent, au prix d’une analyse circonspecte de ce plaidoyer pro domo, de lever quelque peu le voile sur l’accueil que les Sélestadiens réservèrent à Hutten et sur les propos échangés, en particulier avec Rhenanus. On pourra sans doute déceler également la clef – mais ce n’est pas à notre sens la seule – du retournement radical de Rhenanus à l’égard de Hutten dans l’évocation de ce conflit, tel qu’il est rapporté par Erasme, et dont Rhenanus s’est trouvé être le témoin et en quelque sorte le médiateur par défaut.

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Le chevalier Ulrich von Hutten, sa relation à Beatus Rhenanus dans le sillage d’Erasme pour la défense des belles-lettres [10] Robert Walter a très significativement intitulé son étude sur Hutten et Beatus Rhenanus « L’humaniste et le reître ». Une curieuse amitié, mettant ainsi en évidence l’opposition des caractères et des parcours de ces deux hommes1. Il y avait, en effet, peu de points communs entre Hutten et Beatus Rhenanus en raison de leurs tempéraments qu’on n’a pas de peine à opposer, l’un impétueux et querelleur, l’autre, homme modéré et bienveillant ; mais il faut surtout insister sur l’importance des marqueurs sociaux, très différents pour l’un et l’autre, très prégnants pour Hutten, car liés à la forte tradition familiale et historique de la caste des chevaliers, et qui vont déterminer dans une très large mesure ses choix de vie et entraîner ses conditions d’existence ; et non moins présents chez Rhenanus, en dépit d’une personnalité discrète et réservée. [11] Caractérisant du point de vue sociologique les humanistes du Rhin supérieur dans son étude Der Oberrhein als geistige Region von 1450 bis 1520, B. Hamm parle de leur appartenance à la gehobene urbane Mittelschicht der Intellektuellen, une classe sociale dont la mentalité se caractérise par la conscience de son nouveau pouvoir économique (Wirtschaftskraft) et par la volonté d’imposer ses normes dans le cadre d’une société d’ordre (normierender Ordnungswillen)2. Beatus Rhenanus, fils d’un commerçant bien établi à Sélestat, qui lui permit de fréquenter le prestigieux Collège du cardinal Lemoine de l’Université de Paris et d’y suivre l’enseignement de Lefèvre d’Etaples, appartient effectivement à cette catégorie sociale de la bourgeoisie urbaine aisée, qui depuis quelque temps a pu accéder à une culture intellectuelle de niveau supérieur. Pour une grande partie d’entre eux les humanistes de cette époque seront tentés par les idées novatrices de Luther, mais retourneront en fin de compte à l’ordre établi. [12] Ulrich von Hutten est chevalier d’Empire, issu d’une vieille famille de la noblesse franconienne, dont le berceau ancestral, le château de la Steckelsburg, se situe entre le Vogelsberg, le Spessart et la Rhön. C’est un statut dont il est fier – c’est aussi la raison pour laquelle il refusera toujours de latiniser son nom – et dont il pense devoir défendre l’honneur mais aussi les prérogatives. Son existence 1 Walter, « Hutten & Rhenanus ». 2 Hamm, „Der Oberrhein als geistige Region“.

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est à plus d’un titre emblématique du destin historique de la chevalerie d’Empire, une survivance de la société médiévale qui est durement frappée par les mutations économiques et politiques de la fin du Moyen Age. A la fois exclue des nouveaux circuits économiques concentrés entre les mains de la bourgeoisie des villes et de plus en plus dominés par les grandes familles de la finance, celle-ci se voit aussi affaiblie dans son rôle politique au sein de l’Empire germanique avec la montée des appétits des princes territoriaux. Ainsi dans son engagement au service des belles-lettres, le jeune chevalier Hutten trouve-t-il une nouvelle raison d’être ; puis devant l’opportunité des changements intervenus avec l’arrivée de Luther, il se voit investi – non sans sincérité et avec un courage que Rhenanus lui reconnaît plus d’une fois – d’une nouvelle mission politique dans la situation de crise dans laquelle est entré l’Empire. Le chevalier Ulrich von Hutten, homme de sa caste, humaniste et auteur engagé dans les débats de son temps [13] Quand il est né, le 21 avril 1488, le paysage culturel de l’Allemagne était déjà riche de personnalités appelées à jouer un rôle de premier rang quelques années plus tard : Reuchlin a 33 ans, Erasme 21 ans, Willibald Pirckheimer 18 ans, et de la même génération que lui, Luther a 5 ans et Beatus Rhenanus trois ans de plus que lui. [14] Dès le départ, les conditions de vie ont été dures pour l’enfant et elles le resteront pour l’adulte. Il vécut ses premières années derrière les remparts et entre les murs austères du château fort familial, où les dépôts d’armes et de poudre occupaient plus de place que les pièces d’habitation. La campagne environnante ne donnait que de maigres récoltes ; des forêts avoisinantes, propices à la chasse, les hurlements des loups parvenaient de nuit aux oreilles de l’enfant. Il présentera aussi plus tard son père comme un homme dur et fermé, sa mère, en revanche, comme une femme tendre et maternelle, à qui il prendra toujours grand soin de cacher les conséquences funestes de ses errements juvéniles pour sa santé. Il ne pourra guère compter sur le soutien des siens dans les situations de dénuement qu’il connut fréquemment dans son existence. [15] A onze ans, on fit entrer le jeune garçon, sans doute en raison de sa constitution malingre, au couvent de Fulda pour qu’il s’y préparât à la carrière ecclésiastique. Dans l’abbaye bénédictine, fondée par saint Boniface au VIIIe siècle et haut lieu de la vie spirituelle et de la culture du temps de Raban Maur, les études étaient

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alors étroitement liées à la théologie et n’offraient que peu d’ouvertures sur les disciplines nouvelles ; en revanche, la bibliothèque de l’abbaye possédait de nombreux manuscrits et copies de textes anciens et par la suite, ses amis humanistes solliciteront son entremise pour se procurer l’un ou l’autre de ces précieux documents. A seize ou dix-sept ans bravant la volonté paternelle, l’adolescent, qui ne se sentait guère de vocation pour la vie monastique, décida de s’enfuir du monastère. A la même époque, Luther, guidé par un choix opposé, entrait au couvent des Augustins à Erfurt. [16] Erfurt fut aussi la première étape de la peregrinatio academica du jeune Hutten. Il fréquenta successivement la plupart des universités que comptait alors l’Empire. A Erfurt il noua des amitiés durables avec le cercle des jeunes intellectuels – spécialement Crotus Rubeanus et Eobanus Hessus –, réunis autour de Mutianus Rufus, une figure emblématique de l’humanisme allemand. Il fréquenta aussi à Vienne le cercle des humanistes, fondé par Conrad Celtis, et commença à s’intéresser aux travaux historiographiques, tout en faisant ses premières armes dans le genre poétique et satirique, dans lequel il se sentira toujours le plus à l’aise. Dès 1511 il publiera son Ars versificandi : cet ouvrage qui définit les règles de la versification a été utilisé comme manuel scolaire et réédité plus d’une fois au XVIe siècle, également à Paris chez Robert Etienne. [17] En 1512 Hutten entreprend son premier voyage en Italie. C’était à l’époque le passage obligé en prévision d’une future carrière juridique ou diplomatique. Il suit à Pavie l’enseignement du juriste Jason Mainus et se consacre à l’étude du grec. Mais l’Italie connaît alors des temps troublés ; dénué de toutes ressources, le chevalier est contraint de prendre du service dans les armées impériales. Il publiera plus tard 150 épigrammes ayant pour thème les actions militaires de Maximilien en Italie. Il compose aussi un long poème autobiographique, dans lequel il se glisse dans le personnage intitulé Nemo (« Personne »), et se livre à une analyse impitoyable des maux dont souffre l’Allemagne de son temps ; il prend à partie les deux castes influentes des théologiens et des juristes, qui se croient les seuls détenteurs du savoir et n’ont que mépris pour la vraie culture, celle que confèrent la connaissance et la fréquentation des belles-lettres. [18] Ce qui occupe à cette époque – et durablement pendant les années suivantes – la scène publique en Allemagne, c’est l’affaire Reuchlin, qui implique le philologue hébraïsant en butte aux attaques d’un juif converti Pfefferkorn ; ce dernier s’appuyant sur le soutien des Dominicains de Cologne veut faire confisquer tous les livres juifs

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et les écrits qui s’y rattachent. Hutten et Rhenanus sont engagés l’un et l’autre dans la défense de Reuchlin et militent avec conviction pour la même cause. Pour sa défense, Reuchlin publiera en mars 1514 les lettres de tous les humanistes qui l’ont soutenu et le nom de Beatus Rhenanus figure parmi les Clarorum virorum Epistolae. Hutten compose un poème Triumphus doctoris Reuchlini qu’Erasme juge bien tourné, tout en déconseillant à son auteur de s’engager dans une polémique trop virulente contre l’obscurantisme et l’ignorance des théologiens scolastiques : ce que le chevalier ne manquera pourtant pas de faire dans les Epistolae Obscurorum virorum, qui portent le conflit sur la scène publique ; dans la deuxième série apparaissent déjà sous sa plume des thèmes développés par la suite dans ses dialogues : la corruption de la cour romaine, l’oppression des Germains par Rome, les abus du pouvoir temporel du pape. [19] Hutten rencontra Erasme pour la première fois à Mayence en août 1514. Ce dernier revenait d’Angleterre et devait se rendre à Bâle auprès de Froben pour engager une nouvelle édition de ses Adages, la préparation du Nouveau Testament ainsi que des écrits de saint Jérôme. Il jouissait déjà d’une grande notoriété parmi ce que l’Allemagne comptait de lettrés, notamment pour son Eloge de la Folie et son engagement pour la défense des belles-lettres. Au cours de son voyage, il est reçu avec les plus grands honneurs à Strasbourg, à Sélestat, puis à Bâle, où l’accueil est triomphal ; il fait la connaissance de Beatus Rhenanus, dont il va très rapidement apprécier, comme il l’écrit à Willibald Pirckheimer, « le commerce aussi agréable qu’érudit3 ». Erasme quitte Bâle en mars 1515 pour retourner en Angleterre et c’est à son passage à Francfort qu’il rencontrera une nouvelle fois Ulrich von Hutten. Le chevalier lui adressera sa première lettre le 24 octobre 1515, avant son départ pour l’Italie. Sa fierté d’avoir rencontré le grand homme et l’espoir fondé sur une amitié durable, portée par un idéal commun, s’y traduisent en termes dithyrambiques : Quare enim non Germanum Socratem appellabo, Erasme, ita de nobis quantum ad literas meritum, ut de suis ille Graecis4 ?

3 Allen, Erasmi Ep., II, 322, p. 46. 4 Böcking, Ep. Hutteni I, XXX p. 102-103 : « Pourquoi en effet ne t’appellerai-je

pas le Socrate allemand, puisque tu as autant mérité de nous dans le domaine des belles-lettres que Socrate a mérité de ses compatriotes grecs. »

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Il aurait aimé s’attacher à lui comme Alcibiade à Socrate, mais les siens, dit-il avec regret, l’envoient en Italie pour y parachever ses études de droit. Il y restera deux ans. [20] Les échanges épistolaires entre Hutten et Erasme sont réguliers – une dizaine de lettres figurent dans les Epistolae, mais on présume qu’il y a eu des lettres interceptées ou perdues. Erasme marque une réelle sympathie pour Hutten et s’exprime en termes très élogieux sur son talent littéraire. Dans les Annotationes figurant dans son édition du Nouveau Testament paru chez Froben à Bâle, il cite Hutten aux côtés de ceux qu’il considère comme les personnalités marquantes de l’humanisme allemand – Sturm, Melanchthon, Glarean, les frères Amerbach – et prenant le public de ses lecteurs à témoin, il écrit : « Comment la péninsule de l’Attique pourrait-elle engendrer plus d’esprit et une plus grande élégance que n’en possède celui-ci ? Sa langue n’est-elle pas d’une beauté divine et d’une grâce sans mélange5 ? » On remarquera que dans les deux éditions suivantes de 1519 et 1522 cette mention subsiste telle quelle, en dépit des tensions apparues entre-temps entre Erasme et Hutten. Faut-il y voir la main de Rhenanus et dans ce cas, sa volonté de perpétuer l’hommage rendu par le maître au talent poétique du chevalier ? [21] Avec l’association littéraire fondée par Wimpheling autour d’un groupe d’érudits engagés dans la défense des belles-lettres, Sélestat est devenu un centre intellectuel attractif. Rhenanus, qui séjourne à Bâle depuis 1511, est très tôt introduit dans le monde éditorial en travaillant chez Froben ; à partir de 1514, il se consacre aux éditions d’Erasme et une relation de confiance, puis une amitié durable s’établit entre les deux humanistes, Erasme ne tarissant pas d’éloges pour celui qu’il se plaît à considérer comme son « alter ego6 ». Dès lors, une sorte de communauté d’esprit se crée entre ceux qui vouent une admiration sincère à Erasme. [22] Hutten et Rhenanus font tous deux partie du cercle des amis d’Erasme ; cette référence commune au grand humaniste et la convergence des idées qu’elle implique sont pour une grande part à l’origine de leur relation. Au cours des années suivantes, leur appartenance à la societas erasmiana sera perçue comme une marque identitaire, même si Hutten mènera ses combats à sa manière, passionnée, tonitruante et bien souvent excessive, alors que Rhenanus, 5 La citation se trouve dans les Annotationes in priorem epistolam Pauli ad Thessalonices dans le commentaire du second chapitre, Bâle, Jean Froben, 1516, p. 555. 6 Walter, « Erasme et Rhenanus ».

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modeste et discret quant à ses convictions personnelles, consacrera son existence à ses travaux d’érudition, si possible loin de l’agitation et des tumultes de son époque. Que nous apprend la correspondance de Beatus Rhenanus sur les relations entre Hutten et le Sélestadien ? [23] Dans une lettre du 22 mars 1517 Beatus annonce à Erasme que Hutten lui a récemment écrit de Bologne7. On n’en connaît pas la teneur, Rhenanus restant peu disert sur le sujet : il connaît les réticences d’Erasme à l’égard des initiatives de Hutten depuis la violente polémique déclenchée autour des Lettres des Hommes obscurs et l’émission d’un bref du pape ordonnant que tous les exemplaires en soient brûlés sous peine d’excommunication immédiate de leurs détenteurs. [24] A Rome où il a séjourné, le chevalier a pu voir la pompe de la cour pontificale et le puissant appareil du gouvernement temporel du pape, le déploiement plein de splendeur de la Renaissance italienne, mais aussi, de toutes parts, la corruption et les mœurs dissolues, comme Luther en avait également fait l’expérience quelques années plus tôt. Hutten en retirera une prise de conscience plus politique que religieuse qui se traduira dans l’orientation à venir de son activité littéraire. C’est à la veille de son départ de Bologne, en juin 1517, qu’il fera la découverte fortuite du texte de Laurent Valla mettant en évidence le caractère fallacieux de la Donation de Constantin, un document qui pourrait étayer opportunément ses attaques contre Rome ; il persuadera son compatriote Cochlaeus de lui en fournir une copie en vue d’une publication8. Il en existait déjà une édition peu connue et J. Hirstein a récemment pu prouver que Rhenanus fut en réalité l’éditeur des deux éditions sorties chez Cratander en 1520, munies d’une préface de Hutten9. [25] A son retour d’Italie, le sort sourit au chevalier. Le jeune Albert de Brandebourg, archevêque de Mayence et prince électeur, souhaite avoir la faveur des humanistes et, sur la recommandation d’Erasme, il engage Hutten à son service. Le chevalier, tout en disposant de loisirs pour se consacrer aux belles-lettres, est chargé de diverses missions diplomatiques. En décembre 1517, il est envoyé auprès de François Ier ; le 9 juin 1519, il accompagne le cardinal à Francfort pour l’élection du 7 Rhenanus, Briefw., 63, p. 90-92. 8 Samuel-Scheyder, Cochlaeus, p. 293-295. 9 Hirstein, „Neues über Rhenanus, Valla und Hutten“.

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nouvel empereur Charles Quint. A la cour, il fera l’expérience de la vita activa, qui certes lui pèse et dont il dénoncera les travers avec sa veine satirique bien acérée dans son dialogue Aula. [26] Dans la lettre écrite par Hutten en septembre 1517, mais remise à son destinataire seulement le 18 mars 1518, comme Rhenanus l’écrit à Bruno Amerbach, on apprend que Hutten se plaint de ne pas avoir reçu de réponse à sa dernière lettre ; Rhenanus s’en défend en disant qu’il lui a écrit il y a déjà longtemps par l’entremise de Johann Zwick. Il préfère donc faire parvenir un message oral et en charge Bruno Amerbach, qui est alors à Francfort où il aura l’occasion de rencontrer Hutten : Quod si virum istic invenies, ceu non dubito futurum, volo meam erga illum mentem exponas, quam optime cognitam habes. Scis quid de illo semper senserim ; scis quam candide praedicem, scis quantum illi tribuam, sed meritissimo10.

Si l’on retrace la chronologie de cette correspondance, Hutten ne semble pas avoir reçu de réponse de Rhenanus entre environ mars et septembre 1517, bien que le Sélestadien dise qu’il lui a écrit. Il recevra le message transmis oralement en mars 1518. La réponse est sans aucun doute sincère, mais n’exprime-t-elle pas plutôt un sentiment de déférence obligée qu’un empressement réel à cultiver une amitié d’égal à égal ? [27] Hutten apparaît alors comme une des personnalités les plus en vue dans le cercle des humanistes. Le 15 août 1517, grâce aux bons offices de Conrad Peutinger et sur la recommandation de Spiegel, secrétaire de l’empereur, il a été couronné poeta laureatus par Maximilien en reconnaissance de ses productions littéraires en hommage à l’empereur. On le sait vif, impétueux, excessif, mais son talent poétique est unanimement reconnu ; certains l’appellent « un nouveau Lucien », Lucien de Samosate, l’auteur satirique grec redécouvert grâce aux récentes traductions de Thomas More, d’Erasme et de Willibald Pirckheimer étant alors très en vogue. Par ailleurs, son engagement sans faille dans la défense de Reuchlin, son hostilité à l’égard de Rome et le patriotisme impérial dont il fait état ne peuvent 10 B. Rhenanus, Briefw., 74, p. 105-106 : « Que si tu rencontres l’homme là où tu

te trouves, comme je ne doute pas que cela doive se produire, je veux que tu lui fasses part de mes sentiments à son égard, que tu connais très bien. Tu sais l’opinion que j’ai toujours eue de lui ; tu sais avec quelle sincérité je fais son éloge ; tu sais le grand cas que je fais de lui, mais c’est entièrement mérité » (trad. de J. Hirstein et de F. Schlienger en vue du 2e vol. des Epistulae Beati Rhenani).

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que susciter l’assentiment de la jeune génération des humanistes. En 1519 Erasme dédie à Hutten – et c’est là une marque insigne de son estime – une biographie de Thomas More ; on apprend dans l’introduction que Thomas More est charmé par les écrits de Hutten et que l’amitié qui les lie est de celles qui se fondent sur la sagesse platonicienne11. [28] La lettre adressée par Hutten à Beatus Rhenanus ainsi qu’aux trois fils Amerbach, le 30 avril 1519, est de fait la seule qui nous soit conservée de leur correspondance. Elle est particulièrement révélatrice de la disposition d’esprit de Hutten et d’une évolution dans la nature de ses engagements. Le propos débute in medias res, un procédé stylistique qui inaugure le ton vif et précipité de la lettre, dont l’auteur indique à la fin qu’elle a été écrite à la hâte (raptim) : Hodie in has me hic Thermas conjeci medium, ut remollescam, hoc post bellum in quo hostem non vidi, haud meo quidem metu, sed tyranni fugacitate12.

Introduite sans détour, la mise en scène est habile et le décor joliment antiquisant des thermes de Baden s’accompagne du motif littéraire de l’otium, le loisir bien mérité au terme d’une campagne militaire rondement menée, et où, du reste, il n’a guère vu l’ennemi tant ce dernier s’est dérobé. Le bien-être physique évoqué par le chevalier revêt ici sans aucun doute un caractère très concret ; on sait qu’une cure récente lui a apporté une rémission bénéfique de sa maladie et il vient précisément de publier son traité sur le bois de gaïac, la nouvelle thérapie préconisée pour ce qui s’appelait alors « le mal français ». Cette renaissance est accueillie avec une sorte d’allégresse, d’où cette alacrité qui parcourt la lettre de bout en bout ; mais surtout, la missive nous en dit long sur les nouvelles orientations du chevalier Hutten, qui retrouve un motif pour affirmer fièrement les valeurs de sa caste. L’évocation de la bataille est principalement prétexte à des portraits hautement contrastés des deux chefs de guerre, appelés à s’affronter. On apprend que le duc de Wurtemberg, l’assaillant qui voulait profiter 11 Böcking, Ep. Hutteni I, CXXX, p. 278-286 ; p. 278 : (…) nam is vicissim adeo scriptorum tuorum genio delectatur, ut ipse tibi propemodum invideam. Haec videlicet est illa Platonis omnium maxime amabilis sapientia, quae longe flagrantiores amores excitat inter mortales quam ullae quamlibet admirabiles corporum formae. 12 B. Rhenanus, Briefw., 107, p. 154 : « Aujourd’hui je me suis jeté ici au milieu des Thermes, pour me détendre après cette guerre au cours de laquelle je n’ai pas vu l’ennemi, aucunement parce que j’en aie eu peur, mais en raison de la propension du tyran à s’enfuir » (cf. Walter, « Hutten & Rhenanus », p. 37).

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de la vacance du trône impérial après le décès de Maximilien en janvier 1519 pour s’emparer de Reutlingen et rattacher la ville à son duché, a été rapidement mis en fuite. Hutten accable de sa mordante ironie le vil personnage, qui est, du reste, son ennemi personnel pour s’être rendu coupable du lâche assassinat, au cours d’une partie de chasse, de son cousin, le jeune Hans von Hutten, dont le duc convoitait la jolie épouse. Auparavant Hutten s’était déjà fait le justicier de la victime avec les armes de sa plume, en publiant son Phalarismus, un violent libelle vilipendant le criminel honni. Dans le camp d’en face, le chevalier Franz von Sickingen, qui commande les troupes de la Ligue souabe, dispose d’une armée impressionnante et se distingue, selon Hutten, par son humanité et ses qualités de chef. [29] Le chevalier place, à l’avenir, beaucoup d’espoir dans cet autre représentant de sa caste pour contrer sur le plan politique les appétits des princes territoriaux qui contribuent à affaiblir l’autorité de l’empereur. Il affiche désormais son amitié pour Franz von Sickingen, auquel il voue une admiration sincère, non dépourvue d’une certaine naïveté. Evoquant l’intervention de Sickingen en faveur de Reuchlin lors de l’attaque de Stuttgart, il écrit à Erasme en juin 1519 : « Particulièrement dans cette affaire Franz a montré sa grandeur d’âme, un homme comme l’Allemagne n’en a plus eu depuis longtemps et qui mérite que tu le recommandes aussi à la postérité par tes écrits. J’espère qu’une grande gloire rejaillira sur notre nation grâce à cet homme. Il n’est rien que nous n’admirions chez les Anciens que cet homme n’imite avec assiduité13. » Hutten croit trouver auprès de Sickingen cette relation filiale forte qu’il recherche inlassablement. A l’appui de son combat littéraire où il ne manque pas une occasion pour en découdre publiquement avec ses adversaires, il n’hésitera donc pas à s’engager dans l’action militaire aux côtés du condottiere chaque fois que l’occasion s’en présentera. Ce compagnonnage qui lui permet de renouer avec la tradition guerrière de sa caste va infléchir la trajectoire de son destin et le singulariser par rapport aux positions prudentes majoritairement affichées par les humanistes. [30] On ne connaît pas la réaction de Rhenanus à la missive de Hutten du 19 avril 1519, mais sa teneur l’a probablement conforté dans l’opinion qu’il avait exprimée dans une lettre à Zwingli du 19 mars 13 Allen, Erasmi Ep. III, 986, p. 613-615 : Praecipue eo in negocio magnitudinem suam ostendit Franciscus, vir qualem diu non habuit Germania et qui meretur ut eum tuis quoque literis posteritate commendes. Mihi quidem spes est magnam hoc ex viro laudem accessuram huic nationi. Nihil in antiquis admiramur quod non studiose imitetur ille.

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1519, où il désignait Hutten comme omnium mortalium audentissimus « le plus audacieux de tous les mortels14 ». [31] Entre Erasme et Hutten les relations demeurent assidues, la correspondance l’atteste, en même temps que les divergences s’accusent. Erasme n’approuve guère la véhémence de ses attaques et invite le bouillant chevalier à plus de modération. Rhenanus continue d’apporter son soutien aux exilés de la Ebernburg et dans une lettre du 6 avril 1521 Bucer lui fait savoir que Hutten, très occupé, lui écrira bientôt et le salue cordialement15. On constate que Rhenanus conserve toute son admiration pour le brillant talent littéraire du chevalier, comme l’atteste aussi la mention élogieuse qui figure dans la lettre dédicatoire à Stanislas Turzo du 1er juillet 152116. L’arrivée de Luther sur la scène publique : une nouvelle donne politico-religieuse pour les humanistes Erasme, Hutten et Rhenanus [32] Avec l’arrivée de Luther sur la scène publique en Allemagne, des facteurs de dissension s’introduisent dans le combat des humanistes, qui jusque-là s’affichaient volontiers unanimes au service de la rénovation intellectuelle et morale visée par les belles-lettres et les humanités. Dorénavant ils sont confrontés à des questionnements d’ordre religieux et existentiels, qui prendront rapidement une dimension politique et sociétale. [33] Beatus Rhenanus a eu très tôt connaissance des thèses publiées par Luther et de ses positions théologiques par l’entremise de Martin Bucer. Il revient, en effet, à l’équipe des typographes et correcteurs qui travaillaient chez Froben d’avoir sorti le premier recueil de ses écrits dans une édition de Capiton en octobre 1518, à laquelle participèrent Rhenanus et Pellican. Rhenanus a pu de cette manière se familiariser avec la pensée de Luther dans sa dimension exégétique et doctrinale et y adhérer librement dès ce moment-là. Ce mode d’adhésion à la fois intellectuel et religieux, allié à un tempérament discret et réservé, et la fonction qu’il exerce dans l’officine de Froben l’inciteront à poursuivre une forme d’engagement 14 B. Rhenanus, Briefw., 97, p. 144. 15 Rott, Corr. de Martin Bucer, I, p. 149 : Huttenus scribet proximo : iam non

vacavit ; salutet autem impedio. Magna celeritate et scriptionem interrumpentibus amicis his suo colloquio. 16 B. Rhenanus, Briefw., 207, p. 282 : Huttenus equestris ordinis, apud Germanos ingens ornamentum.

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personnel par son travail éditorial de philologue et d’érudit humaniste plutôt qu’à s’exposer publiquement. [34] Erasme, quant à lui, est d’emblée bridé dans ses choix. En mars 1519 Luther s’adresse personnellement à l’humaniste pour obtenir son appui. Le ton est élogieux mais quelque peu provocant ; il constate avec satisfaction qu’Erasme déplaît à beaucoup de gens : « Maintenant que mon propre nom commence à être connu, écrit-il, le silence entre nous risque d’être mal interprété17. » En réalité, Luther, qui a été condamné par les théologiens de Louvain, veut s’assurer un allié et espère bénéficier du crédit dont Erasme jouit partout en Europe ; mais la réponse se fait attendre. Dans les derniers mois, Erasme a été l’objet de plusieurs attaques de la part des théologiens hostiles à Luther et il se tient sur ses gardes. Dans une lettre du 14 avril 1519 à Frédéric le Sage, auquel il dédie son Suétone, il écrit : « Luther m’est totalement inconnu, c’est pourquoi je ne peux être suspecté de favoriser un ami18. » Le 10 mai, il répond enfin à Luther par une lettre courtoise où il le félicite pour son Commentaire des Psaumes, mais affirme en même temps sa neutralité, de manière à pouvoir mieux servir la cause des belles-lettres19. Ce sera toujours la position qu’il défendra. [35] Pour Hutten la nouvelle donne politique qui présidera aux destins de l’Allemagne se précise avec l’élection de Charles Quint à la tête de l’Empire en juin 1519. Le moment lui paraît favorable pour gagner le nouvel empereur à l’idée qu’il faut impérativement mettre fin aux maux dont souffre l’Allemagne, dénoncés depuis des décennies dans les Gravamina de la nation allemande. Pour le chevalier cette réforme de l’Empire consiste d’abord à libérer l’Allemagne de ce qu’il appelle son état de « servitude » c’est-à-dire du joug financier et politique que Rome fait peser sur la nation allemande. [36] Son hostilité viscérale à l’égard de Rome s’appuie sur les fondements historiques mis en évidence par l’historiographie humaniste, à savoir l’antagonisme séculaire entre l’Empire et le Sacerdoce qui a marqué le Moyen Age. Il appelle de ses vœux la restitutio imperii, la restauration de la suzeraineté impériale qui redonnerait son lustre à l’Empire germanique et la fierté aux Allemands. Les humanistes alsaciens, et plus précisément sélestadiens, ont été à l’avant-garde de la connaissance du passé de l’Allemagne, avec Wimpfeling et son 17 Martin Luther, WA, Briefwechsel I, 163, p. 361-363. 18 Allen, Erasmi Ep. III, 939, p. 527-532. 19 Allen, Erasmi Ep. 980 III, p. 605.

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Epithoma rerum germanicarum en 1505, et surtout avec la publication de la Germanie de Tacite par Beatus Rhenanus en 1519, dont la diffusion mettra en circulation des thèmes fédérateurs pour les mouvements de réforme politique et religieuse des années suivantes20. Les qualités morales que Tacite reconnaissait aux Germains, fides, integritas, nobilitas, et surtout libertas, ainsi que leur victoire sur les légions romaines, la Clades variana, vont servir de mythe fondateur à l’histoire de la nation allemande et participer à l’éveil du sentiment national. C’est Hutten qui ira le plus loin dans l’exploitation de l’image du Germain avec son Arminius, ses slogans de la Teutsche Freiheit et Los von Rom ; tandis que Rhenanus développera déjà une vision historiographique plus critique des sources21. [37] En juillet 1519, la dispute de Leipzig qui oppose Luther et Karlstadt au théologien Eck fait entrer le mouvement enclenché par Luther dans une phase nouvelle, de caractère plus politique. Luther y déclare que l’Ecriture est au-dessus de la Tradition et des conciles et de ce fait, au-dessus du pape. L’opposition à Rome acquiert ainsi une assise doctrinale. C’est sans doute là le tournant qui décide Hutten à adhérer à la démarche luthérienne, dont il perçoit l’enjeu politique. Pour lui s’opposer au pape et à ses partisans, c’est œuvrer pour la libération de l’Allemagne. L’engagement littéraire de Rhenanus pour une réforme de l’Eglise ; le combat de Hutten contre Rome pour la cause de l’Allemagne [38] Rhenanus considère, à juste titre, que son travail éditorial constitue un apport important pour la cause d’une réforme de l’Eglise. Afin de retrouver les sources de la littérature chrétienne dans les textes des Pères de l’Eglise, il se livre à « une véritable chasse aux manuscrits22 » ; on connaît ses voyages faits en compagnie de Paul Volz aux mois de mai et de juin 1520 pour explorer les bibliothèques des trois abbayes de Senones, Moyenmoutier et Etival. C’est grâce à un ami colmarien qu’il tombe sur une copie de Tertullien23, dont il sera le premier éditeur en 1521. Mais à partir de 1519 Rhenanus adopte également une optique plus politique dans ses choix éditoriaux. 20 Cf. Hirstein, « Beatus Rhenanus et la Germanie de Tacite ». 21 Jacques Ridé a traité ce sujet de façon très exhaustive dans sa thèse magistrale

L’image du Germain dans la pensée et la littérature allemandes de la redécouverte de Tacite à la fin du XVIe siècle, vol. 1, p. 332 sq. 22 Voir Petitmengin, « Beatus Rhenanus et les manuscrits latins », p. 235-246. 23 Idem, p. 246.

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Dans le Defensor Pacis de Marsile de Padoue, dont il publie l’édition en 1522, on trouve le thème de la confrontation entre le pouvoir pontifical et le pouvoir impérial, illustrée par l’un des nombreux épisodes marquant la lutte entre le Sacerdoce et l’Empire. Rhenanus en rédige l’introduction mais la signe d’un pseudonyme24. Il eût sans aucun doute été délicat pour un citoyen en vue de Sélestat d’apparaître, à cette date, comme l’éditeur d’un texte qui va dans le sens des thèses luthériennes. [39] Hutten s’engage, quant à lui, dans une littérature de combat d’une violente agressivité contre Rome, qui a des fondements plus politiques que religieux ou théologiques. En février 1520 sort son dialogue Vadiscus seu Trias romana25, à propos duquel il dira luimême : « On n’a jamais publié jusqu’à ce jour des propos plus violents et plus libres contre les sangsues romaines26. » Cette satire virulente qui énonce sous forme de triades la liste interminable des turpitudes imputables à la Rome pontificale rencontre un grand succès auprès du peuple dans sa version allemande. Suite à cette publication, le pape Léon X aurait demandé à l’archevêque de Mayence « d’envoyer le coupable enchaîné à Rome ». Hutten est donc menacé directement. Pour atteindre les bourgeois des villes et les membres de sa caste dont le niveau culturel est souvent médiocre, Hutten opte à présent pour la langue allemande. Le recueil de ses dialogues, le Gesprächsbüchlin, est rapidement traduit en allemand, en partie par lui-même, et paraîtra en janvier 1521. Le combat de Hutten pour la cause luthérienne, les efforts de conciliation d’Erasme, la constance des positions de Rhenanus [40] Un événement majeur, la promulgation, le 24 juin 1520, de la bulle pontificale Exsurge domine contre Luther, qui entraîne peu ou prou dans sa condamnation tous ceux qui s’en sont pris à Rome, va changer la donne pour les humanistes. Hutten s’engage désormais directement dans la bataille pour la cause luthérienne qu’il perçoit comme une mission patriotique et religieuse et dans laquelle il est prêt à jouer son va-tout. Dans une lettre du 15 août 1520, adressée à Erasme, le chevalier affirme la fermeté de sa détermination face aux menaces qui pèsent sur lui ; il recommande à l’humaniste d’« imposer 24 D’Amico, “Hutten & Rhenanus”, p. 28-32. 25 Böcking, Opera IV, p. 149-259. 26 Böcking, Ep. Hutteni I, CXXXV, p. 301-303 ; lettre du 3 août 1519 à Eobanus

Hessus et Peter Eberbach.

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silence à sa plume », mais en même temps il lui reproche de prendre ses distances par rapport à Luther pour calmer ses adversaires, de cacher ses convictions et de renier ses engagements antérieurs, ce qui n’est ni digne ni honorable. Il ne croit pas à un revirement intellectuel de l’humaniste mais à un comportement pusillanime de dissimulation pour échapper à la haine de ses détracteurs ; cette attitude d’Erasme nuit à la « cause commune de la chrétienté27 ». Chez Hutten un tel glissement est significatif : l’amalgame s’opère au sein du même combat contre les ennemis des belles-lettres et pour la défense de la cause luthérienne et de la chrétienté, avec pour objectif final la libération de l’Allemagne. [41] Erasme a-t-il entendu le message ? Pendant les mois qui suivent l’humaniste va engager des efforts de conciliation auprès des autorités en faveur de Luther. A Cologne, où il assiste, le 23 octobre 1520, au couronnement de Charles Quint dans l’église des Rois Mages, il fait connaître aux princes par l’entremise de Capiton son projet de concorde. Sollicité d’apporter sa caution à Luther par l’électeur de Saxe Frédéric le Sage, qui veut gagner du temps avant de faire exécuter les décrets de la bulle pontificale, il accepte encore en novembre 1520 de donner un point de vue favorable sur Luther dans ses Axiomata pro causa Martini Lutheri, en proposant qu’une commission d’arbitrage examine les différends entre Rome et Luther et en espérant ainsi faire suspendre la publication de la bulle, dans laquelle il va jusqu’à voir la main de l’inquisiteur de Cologne Hochstraten28. Très rapidement cependant Erasme regrettera d’être allé aussi loin et tentera de retirer son texte, mais les Axiomata sont déjà sous presse ! Ainsi tout en affichant publiquement sa neutralité, Erasme est resté l’avocat de Luther jusqu’à la fin de l’année 1520 ; mais ses efforts de conciliation se sont heurtés au veto d’Aléandre et à la levée de boucliers de ses puissants ennemis romanistes. Malgré l’intérêt et la sympathie qu’il a marqués pour certaines des positions de Luther, il ne souhaitera pas entrer en dissidence avec l’Eglise romaine ni suivre le Réformateur sur la voie du schisme. [42] A partir de septembre 1520, depuis la Ebernburg où il a trouvé refuge chez Franz von Sickingen en compagnie du jeune Martin Bucer et d’Othon Brunfels, Hutten s’emploie à mobiliser l’ensemble des forces allemandes contre Rome par une série de manifestes aux accents patriotiques rédigés en allemand ; il demande à 27 Böcking, Ep. Hutteni I, CLXXXIIII, p. 367-369. 28 Voir Opuscula Erasmi, p. 329-337.

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ses compatriotes de s’engager pour la défense de la vérité chrétienne et de la liberté de la patrie, deux slogans qui associent étroitement les objectifs du chevalier à ceux de Luther. Une telle convergence est rendue encore plus crédible pour l’homme du commun, lorsque paraît à Wittenberg en novembre 1520 la première édition de l’écrit de Luther Von der Freiheit eines Christenmenschen, « De la liberté du chrétien ». La « liberté » était un concept jusque-là peu présent dans le langage théologique ; sa nouveauté explique sa charge explosive à la fois religieuse et politique29. [43] La promulgation par Léon X, le 3 janvier 1521, de la bulle d’excommunication Decet Romanum Pontificem crée une tension extrême, dans l’attente des décisions qui seront prises par la Diète en avril. Le 7 janvier, dans une lettre très circonstanciée, Rhenanus informe son ami Boniface Amerbach, qui se trouve alors en Avignon pour ses études de droit, de la situation extrêmement troublée dans laquelle se trouve l’Allemagne et se fait l’écho des bruits qui y courent : (…) tota Germania commota est, quod antehac nunquam accidisse puto. Quod nisi pontificis et principum prudentia huic malo succurrerit, timeo, ne res parum placidum sortiatur finem. Lutherus non audietur a principibus Wormatiae, quam rem Aleander Caesari persuasit30.

Luther ne sera pas entendu à Worms : c’est Aléandre qui par des arguments spécieux en a convaincu l’empereur. Mais, apprend-on dans la suite, Luther a la possibilité de venir à Francfort et d’ignorer la réponse des princes. C’est Sickingen et Hutten, « ou mieux, toute la noblesse dans son ensemble », qui se sont chargés de patronner sa cause. Cette lettre montre combien Rhenanus est affecté par l’état de l’Allemagne, le sort injuste fait à Luther qu’on refuse d’entendre, les arguments spécieux d’Aléandre et l’intransigeance de Rome. Il attend beaucoup du soutien de Hutten et Sickingen en faveur de Luther. [44] L’étau se resserre définitivement avec la Diète de Worms en avril 1521, où Luther refuse de se rétracter. Ni Erasme ni Hutten ne sont présents à Worms. Mais Hutten adresse une lettre d’encouragement à 29 Voir Samuel-Scheyder, « Hutten et Luther : la rencontre de deux discours ». 30 B. Rhenanus, Briefw., 194, p. 266-267 : « l’Allemagne tout entière a été mise

sens dessus dessous, ce qui, à mon avis, n’est jamais arrivé auparavant. Et si le savoir-faire du pape et des princes ne vient pas en aide à ce mal, je crains que l’affaire ne connaisse un sort trop peu pacifique. Luther ne sera pas entendu des princes à Worms, décision qu’Aléandre a fait admettre à César » (trad. de J. Hirstein et de F. Schlienger en vue du 3e vol. des Epistulae Beati Rhenani).

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Luther et l’assure de sa fidélité indéfectible ; il n’est pas dupe cependant de ce qui les sépare : Sed in eo differunt utriusque consilia quod mea humana sunt, tu perfectior jam totus ex divinis dependes31.

Il reconnaît ainsi avec lucidité et honnêteté que le soutien qu’il apporte à Luther n’est pas l’adhésion d’un disciple aux positions dogmatiques et religieuses du Réformateur, malgré toute l’admiration qu’il porte à l’homme. Le chevalier avait commencé son combat contre Rome et la tyrannie exercée contre la nation allemande bien avant Luther. Il avait espéré que la sentence contre Luther serait plus clémente, mais la condamnation tombe comme un couperet. L’édit impérial, publié le 29 mai 1521, met Luther et ses partisans au ban de l’Empire ; il stipule qu’ils doivent être capturés, leurs biens confisqués et leurs écrits détruits. Hutten est directement concerné ; il a fait paraître récemment des Invectives incendiaires contre Aléandre, le nonce Caracciolo, l’ensemble des évêques, cardinaux et tout le clergé, qu’il accuse de détourner l’argent de l’Eglise destiné aux indigents et de le dilapider par leur goût du faste et avec leurs mœurs dissolues32. L’Edit de Worms est un déni de justice et c’est en raison de la collusion entre les princes et les prélats qui entourent le jeune empereur qu’il a pu être imposé. [45] Dans les derniers mois de l’année 1521 et au printemps 1522 le chevalier engage alors son Pfaffenkrieg, son ultime combat, sous forme d’actions punitives menées contre des prélats et des couvents ; elles nuisent passablement à l’image du chevalier qui renoue ainsi avec la vieille tradition des guerres privées de sa caste et elles lui ferment les portes de certaines villes. Sickingen perd également de son prestige, lorsque sa campagne militaire contre François Ier tourne rapidement à l’avantage des Français, qui sous la conduite du chevalier Bayard obligent les troupes impériales à battre en retraite. [46] Depuis septembre 1520, la Ebernburg, la forteresse du condottiere, offre pour un temps à Hutten et aux exilés un « havre de 31 Böcking, Ep. Hutteni II, CCXXXXII, p. 55. « Mais les projets de chacun de nous deux, écrit-il, diffèrent en ce que le mien relève de l’humain, alors que toi, plus parfait, tu es déjà tout entier rattaché aux choses divines. » 32 Böcking, Opera II, p. 12-34 : Ulrici ab Hutteni…Invictae, p. 25 : quid ad pios usus contributis ad crapulam scortationem, fastum et pompam abutimini, cum interim boni multi religiosi homines esuriant ? (…), quid pecuniam ecclesiae quam egentibus distribui decet, in propinationibus et nequissimis nequitiis profunditis et dilapidatis ?

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la justice » rassemblant une petite communauté de disciples de Luther, parmi lesquels des personnalités futures du protestantisme. En juin 1521, Luther, exilé à la Wartburg, dédie son « Sermon sur la Confession » à Sickingen33, marquant ainsi son estime pour le groupe des exilés de la Ebernburg. Oecolampade, qui a quitté son couvent en avril 1522, séjourne à la Ebernburg d’avril à novembre 1522. De là, il informe Rhenanus que les princes feignent de lui vouloir le plus grand bien et lui offrent un poste honorable à Ingolstadt « à condition (qu’il) ne soit pas luthérien… ; mais il ne voit pas comment il lui serait possible en tant que chrétien de condamner avec les Romanistes la plupart des positions de Luther, même s’il ne voudrait nullement être appelé luthérien34 ». Il est probable que ce point de vue exprimé par Oecolampade à cette date corresponde dans une large mesure aux sentiments de Rhenanus, moins exposé sur la scène publique que Hutten et Erasme. [47] Le dernier combat militaire dans lequel s’engage Sickingen en fomentant une révolte des chevaliers, principalement dirigée contre les princes d’Eglise, finit de discréditer la chevalerie. Les bastions de Sickingen sont détruits, privant la petite communauté des exilés de leur refuge et forçant Hutten, considéré comme l’un de ses principaux porte-drapeaux, à choisir l’exil. La situation locale à Sélestat et le séjour de Hutten en novembre 1522 [48] Hutten cherche refuge dans les villes où il sait trouver des partisans de Luther ; il s’arrête à Sélestat en novembre 1522, avec l’intention de se rendre ensuite à Bâle et d’y rencontrer Erasme qui réside depuis novembre 1521 en ce lieu plus sûr, à proximité de son éditeur Froben. [49] Rhenanus a passé l’hiver de l’année 1522 à Sélestat et la relation qu’Erasme fait de certains épisodes de ce séjour à partir du témoignage de Rhenanus dans sa Spongia confirme que ce dernier a 33 WA, Briefwechsel II, 414, p. 353 : Widmungsrede zu ‘Von der Beicht, ob die der Papst Macht habe zu gebieten’. 34 B. Rhenanus, Briefw., 22 (15 avril 1522), p. 307-308 : Nam principes nunc simulant sese mihi optime uoluisse atque conditionem honestam offerunt Ingolstadii, modo ne Lutheranus sim et a pontifice Rhomano dispensationem impetrem. Ego non uideo, quod possim damnare christiane in Luthero plaeraque cum Rhomanis, etiamsi Lutheranus appellari uelim minime.

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bien participé à l’accueil que les humanistes de Sélestat ont réservé à Hutten. Le chevalier n’a eu à déplorer, semble-t-il, aucune défection à son égard ; il écrit même dans son Expostulatio, afin de stigmatiser par opposition l’attitude inamicale d’Erasme, qui refusera de le recevoir : Nam neque ex tot amicis, unus aliquis adhuc propter negotium curtisanicum alienatus a me est, aut vitandum sibi etiam putavit, neque satis causae tibi est, ob eius quae inde oriri potest invidiae m excludere a colloquio amicum35.

Hutten arrivera à Bâle dans les tout derniers jours de novembre. Son séjour à Sélestat se limita donc à quelques jours, pendant lesquels il put se remettre quelque peu et se présenter ensuite en meilleure forme au Magistrat de Bâle, qui l’accueillit avec considération et l’assura officiellement de sa protection : Interim senatus urbis data publica fide hospitio laetus accipit, hospitale quoque munus offerens, ipsi magistratus alius super alium reverenter adeunt (…)36.

Mais des questions demeurent sur les détails de l’accueil sélestadien. Qui a hébergé le chevalier parmi les humanistes de la ville ? Sapidus et Phrygio, connus et surveillés comme partisans de Luther, ne pouvaient prendre un tel risque. Rhenanus avait le sens de l’hospitalité et disposait d’une maison confortable, dans laquelle Erasme, à son retour d’Anderlecht, raconte qu’il a été accueilli généreusement et soigné pendant plusieurs jours avant de se rendre à Bâle. On peut donc supposer que Hutten a trouvé ici un gîte dans la plus grande discrétion et que Rhenanus a veillé à ce que cette présence restât ignorée du public et des édiles.

35 Hutten, Expostulatio, Samuel-Scheyder et Vanautgaerden, p. 146, § 5 : « En effet parmi un si grand nombre d’amis pas un seul jusqu’ici ne s’est détourné de moi en raison de l’intervention des courtisans ou a pensé qu’il devait m’éviter et ce n’est pas une raison valable pour toi d’exclure un ami de sa conversation par crainte de la haine jalouse qui pourrait en naître. » 36 Expostulatio, p. 147, § 8 : « Pendant ce temps le Conseil de la ville m’ayant accordé officiellement sa protection me reçoit avec joie comme hôte, me gratifiant même d’un cadeau de bienvenue ; les édiles viennent me voir les uns après les autres avec déférence. »

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Une situation politique et religieuse très critique à Sélestat en 1522 [50] La ville vit alors sous le carcan de la censure et de la répression religieuse et le Magistrat veille à sanctionner le moindre trouble à l’ordre public. Le durcissement de Rome à l’égard de Luther, puis la condamnation du Réformateur et les peines drastiques décrétées dans tout l’Empire contre ses partisans ont des répercussions particulièrement sévères à Sélestat. Par son statut politique, la Ville qui est soumise à l’obédience du bailli impérial subit un impact plus direct que des villes libres d’Empire comme Strasbourg. Elle se trouve, en effet, placée à double titre dans le viseur des autorités de tutelle pour avoir déjà eu auparavant maille à partir avec la Curie romaine et la Chancellerie impériale ; ensuite parce que Sélestat abrite en son sein la prestigieuse Société littéraire dont les membres sont suspectés de sympathie voire de collusion avec les Luthériens. [51] Certes, l’éloge dithyrambique, composé par Erasme lors de son passage dans la ville en 1514, rend un hommage bien venu au grand nombre de talents et d’esprits éclairés dont Sélestat pouvait s’enorgueillir à juste titre à cette époque, mais l’évocation des aléas de la situation politique ne relève pas de ce genre littéraire. On sait qu’il existe depuis plus d’une décennie de fortes dissensions avec Rome à propos des prérogatives que s’arroge la Curie, et qui sont de plus en plus mal perçues au regard des libertés dont jouissent les Suisses. Spiegel, le neveu de Wimpheling et ancien secrétaire de Maximilien se fait reconduire dans ses fonctions auprès de Charles Quint ; il est chargé par ses compatriotes de défendre les intérêts de la ville, en particulier dans l’affaire des prébendiers. La contestation issue de l’élite cultivée trouve un écho favorable parmi le peuple. Rome multiplie les vexations ; ainsi l’assignation en procès du vénérable Martin Ergersheim, fin lettré et curé de la paroisse de Sélestat, suscite un fort mécontentement dans la population. Dans ce contexte, les idées de Luther trouvent d’une manière naturelle un terrain propice. [52] En 1519 Lazare Schürer installe à Sélestat une officine, où il publie nombre d’écrits favorables à Luther. Rhenanus participe par son activité éditoriale à la propagation des écrits luthériens. Aussi les ennemis des humanistes sélestadiens s’emploient-ils à discréditer la ville en la faisant passer pour acquise à la nouvelle hérésie. Depuis Vienne, Spiegel n’a de cesse d’appeler ses compatriotes humanistes à la prudence et la retenue sous peine de sanctions. Beatus Rhenanus, qui sait que le secrétaire impérial doit user de diplomatie dans les

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négociations avec Rome et la Chancellerie, lui recommande néanmoins de rester ferme dans ses convictions : Rogo te per Christum, ut Erasmo, Luthero et Melanchthoni favere pergas. Nam vides, quid adversarii moliantur. Et potes tu quidem multum37.

A partir de 1520, les interdits tombent. Le 3 décembre 1520 Spiegel enjoint expressément à Phrygio de ne pas parler de Luther en chaire et à Sapidus d’être prudent avec ses élèves, car il y a des espions dans toute l’Allemagne qui repèrent les adeptes de Luther et le pape pourrait frapper la ville d’interdit38. Schürer est contraint d’arrêter son activité en 1522. [53] Il règne à Sélestat une agitation des esprits que le fait divers, relaté dans la lettre d’un jeune étudiant, Jean Sandi Zeller, adressée à Rhenanus pour solliciter une recommandation auprès de Zasius, le juriste de Fribourg-en-Brisgau, met bien en évidence39. La lettre ne porte pas de date, mais Adam et Walter situent les événements qui y sont relatés au « premier dimanche de carême 1521 », c’est-à-dire le 18 février de cette année-là, selon Koch et Gény40. Le jeune homme se dit encore sous le coup de l’indignation suscitée par le « forfait barbare » facinus inhumanum, commis la veille à Sélestat. Son récit associe, de façon assez peu lisible, deux événements concomitants qui s’inscrivent dans la perspective du Carnaval, le premier rappelé pour mémoire, un jeu de Carnaval qui s’est déroulé à Ribeauvillé, et le second, introduit par une exclamation outragée, qui s’est passé à Sélestat, dans sa propre ville. Le défilé ou le spectacle carnavalesque de Ribeauvillé, tel qu’il est décrit, met en scène de manière parodique les personnages de l’actualité politique et religieuse du moment. Un Luther encore masqué conseille d’envoyer sous un même joug « le Souverain Pontife avec ses cardinaux, des hommes de toute condition, les Juifs et même les mendiants ». N’est-ce pas là la cohorte de tous ceux qui soutirent de l’argent au peuple et qu’il faut mettre hors d’état 37 B. Rhenanus, Briefw., 140, p. 194, fin 1519 : « Je te le demande par le Christ

de rester favorable à Erasme, à Luther et à Melanchthon. En effet, tu vois bien ce que les adversaires trament. Et toi tu peux certes faire beaucoup. » 38 Voir Wimpfeling Briefwechsel, Herding et Mertens, lettre n° 346, vol. 2, p. 850-852 : Spiegel à Wimpfeling, à Phrygio, à Martin Ergersheim et à Sapidus. 39 Ibid. 421, p. 562-563. Pour texte, traduction et commentaire, voir Koch, « Sapidus et relations épistolaires », p. 27-32. 40 Walter, « Rhenanus et Sainte Foye », p. 64-65 ; Walter renvoie à Adam, HRS, vol. 1, p. 183. Pour le 18 février, voir Koch, « Sapidus et relations épistolaires », p. 30, n. 13, qui renvoie à Gény, Reichsstadt Schlettstat, p. 77, n. 2.

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de nuire avec l’accord de l’empereur ? Le jeune homme ne semble pas vraiment à même de commenter le message, mais celui-ci est clair. C’est ce que souhaite le peuple qui, sous le couvert de Carnaval, peut s’exprimer librement, et c’est ainsi qu’il perçoit le message de Luther, dont on espère qu’il débarrassera la société de tous ses parasites et permettra aux gens de prier dans leur langue, en allemand. Autre aspect subversif : ce défilé qui prolonge délibérément les divertissements carnavalesques, alors que le Carême a commencé, fait fi de l’observance du Carême, une règle édictée par l’Eglise et précisément condamnée par Luther. On veut encore croire – mais c’est un vœu pieux – que Luther pourra s’affirmer devant la Diète et qu’il aura l’oreille de l’empereur contre le pape et ses cardinaux. Le message de ce jeu de Carnaval confirme, à notre sens, la présentation du spectacle en février 1521. [54] L’événement de Sélestat, advenu le même jour, rejoint le carnavalesque en parodiant, a contrario, « saint Luther » et Hutten, qui apparaît à ses côtés comme son principal partisan et porte-parole. La découverte de la mise en scène ignominieuse de leurs effigies, « peintes sur un carton et fixées sur une croix ou une fourche patibulaire avec des inscriptions rimées en langue maternelle » crée une forte émotion dans la population et mécontente le Magistrat ; elle outrepasse manifestement ce qui est toléré en fait de licences carnavalesques ; le Magistrat, responsable de l’ordre public, fera aussitôt enlever le montage incriminé, en ordonnant que soient recherchés les auteurs de cet acte infamant. On soupçonne les moines de Sainte-Foy d’en être les instigateurs. [55] Si les estimations sont correctes, l’incident a lieu quelques semaines après la parution, le 3 janvier 1521, de la bulle pontificale Decet Romanum Pontificem, qui déclare Luther « hérétique obstiné » et l’excommunie, en frappant ses partisans, dont Hutten, de la même sanction. Cette mesure aurait dû immédiatement mettre Luther au ban de l’empire et en faire un hors-la-loi, selon le droit médiéval, si Charles Quint n’avait consenti au moment de son élection une « capitulation », qui stipulait que personne ne pouvait être condamné à cette lourde peine, à moins d’avoir été entendu au préalable. C’est pourquoi le pape invite l’empereur à publier un édit assurant la pleine exécution de ce jugement. Il est prévu que la Diète se réunira en avril. Nous avons évoqué plus haut les tractations autour de la comparution de Luther et, en particulier, l’espoir que Rhenanus mettait dans l’intervention de Hutten et de Sickingen pour obtenir que Luther fût autorisé à « être entendu » devant la Diète, malgré l’opposition

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d’Aléandre. Pendant l’intervalle de ces quelques semaines qui précèdent l’ouverture de la Diète, les sympathisants de Luther veulent encore croire à la clémence du prince. [56] Mais le camp des Romanistes exige, quant à lui, l’exécution de la sentence pontificale. Sous l’alibi d’une farce carnavalesque de mauvais goût et la figuration d’une mise à mort des deux suppliciés, le message politique des moines de Sainte-Foy – si c’est bien eux les responsables – est clair : Luther et Hutten doivent être condamnés à la peine capitale. Mais pourquoi dans cet acte de vengeance Hutten est-il associé avec une telle évidence au sort de Luther ? Les relations des humanistes sélestadiens avec le réfugié de l’Ebernburg sont bien connues et il y a encore dans la ville, à cette date, nombre de sympathisants de Luther qui apprécient l’engagement de Hutten. Aussi le Magistrat, soucieux de l’ordre public, adresse-t-il une lettre d’excuse au chevalier. En décembre de l’année 1520, Hutten avait joué son vatout, en faisant paraître en langue allemande ses diatribes contre Rome, les prélats, tout le clergé et les moines, afin de s’adresser directement à la population allemande et non plus seulement aux lettrés ; son Gesprächsbüchlin, sorti chez Schott à Strasbourg comprenait la traduction de ses dialogues et celle du Vadiscus (Die römische dreyfaltigkeit) et portait ainsi à la connaissance des Allemands toutes les turpitudes de Rome et de ses acolytes, afin de fomenter une rébellion du peuple contre le pape en faveur de Luther et de sa Réforme. Sur la page de titre Luther et Hutten étaient représentés en pied de chaque côté du titre de l’ouvrage. Les moines auraient donc bien vu la charge explosive des publications du chevalier. [57] Les humanistes de Sélestat continuent d’échanger des informations avec les exilés de l’Ebernburg, bien après la sanction définitive prononcée contre Luther par l’Edit de Worms. Ainsi dans une lettre de Volz à Rhenanus, du 3 septembre 1522, on apprend que Sapidus a lu dans une lettre de Brunfels un passage écrit par Hutten, où il est dit que les maîtres de Louvain auraient brûlé les Paraphrases d’Erasme en dansant. Paul Volz y exprime toute son estime et son affection pour Erasme, « à qui tous doivent beaucoup, tous ceux qui aiment les bonnes et bienfaisantes lettres41 ». Pour la plupart de ses amis Erasme n’a rien perdu de son aura ; il reste l’étoile insurpassée des belles-lettres, et pourchassé par les théologiens de Louvain, il est rangé dans le camp de ceux qui sont favorables à Luther. Pendant toute 41 Voir B. Rhenanus, Briefw., 225, p. 310 et Raguenel, Volz et Rhenanus, vol. 1,

« LII (4) », p. 19.

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l’année 1521 et jusqu’en octobre 1522, Rhenanus correspond régulièrement avec ses amis sympathisants voire partisans du mouvement luthérien, Bucer, Zwingli, Prugner, Hummelberg, Paul Volz ; et son famulus Albert Burer lui rend compte de ce qui se passe à Wittenberg. Puis la correspondance s’interrompt pendant l’hiver 1522 que Rhenanus passe à Sélestat jusqu’en avril de 1523. La rencontre de Hutten avec Rhenanus et les Sélestadiens et la brouille entre Erasme et le chevalier, telles que ces épisodes sont relatés dans la Spongia [58] Depuis l’automne de 1522 la région connaît une période extrêmement trouble et agitée. « Tout chancelle », ainsi que Volz l’exprime dans sa lettre à Rhenanus du 13 avril 1523, où il fait part de toutes les nouvelles affligeantes du moment : Adeo nutant omnia ; Erasmum nostrum, quem quam optime valere cupio, et quem multis nominibus merito suspicere debemus omnes, male tamen auditurum adhuc non metuere nequeo42.

Même Erasme se trouve atteint dans sa réputation et, certes, le camouflet que Hutten vient de lui infliger avec la diffusion de son Expostulatio, achevée en avril 1523, n’y est pas étranger. La rumeur de son refus de recevoir un « ami de longue date », qui s’était répandue rapidement après le départ de Hutten, l’avait d’emblée mis mal à l’aise et il avait essayé d’y apporter la parade, mais il ne s’attendait pas à essuyer une telle avanie. [59] Dans son libelle, Hutten commence par rétablir la vérité concernant son séjour à Bâle, où il est resté en réalité plus de trois semaines, pendant lesquelles il s’est vu refuser tout accès à Erasme ; mais son objectif principal est de dévoiler au grand jour combien Erasme, à cause de sa faiblesse de caractère et de sa pusillanimité, renie à présent ses positions antérieures favorables à Luther pour rentrer en grâce auprès de certains prélats et partisans du pape, précédemment ses pires adversaires et ennemis, et être à l’abri de leurs représailles. De fait, l’humaniste qui a toujours voulu se positionner entre les deux camps ne pouvait conserver cette posture plus 42 Voir B. Rhenanus, Briefw., 229, p. 314 et Raguenel, Volz et Rhenanus, vol. 1, L. III (7) (8), p. 21 : « C’est à ce point que tout chancelle : notre cher Erasme, à qui je souhaite qu’il aille le mieux possible et que, à de nombreux titres, nous devons tous justement considérer avec admiration, je ne peux m’empêcher de craindre qu’il n’ait toutefois mauvaise réputation. »

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longtemps et il prit les devants peu de temps après le départ de Hutten. Dans une longue missive adressée à Marc Laurin, doyen de Bruges – mais aussitôt imprimée à Bâle43 – qui visait à le laver de tout soupçon de sympathie pour le camp luthérien, il évoquait aussi en quelque sorte incidemment le séjour de Hutten à Bâle, expliquant que ce dernier n’était resté que peu de jours, ne l’avait jamais « abordé » et que, du reste, l’état de santé très précaire du chevalier l’obligeait à ne pas s’éloigner des poêles, dont lui-même ne pouvait absolument pas supporter la chaleur44. [60] Ayant pris connaissance de ces allégations trompeuses, Hutten, hébergé depuis son départ de Bâle, le 21 janvier 1523, chez Nicolas Prugner dans le couvent des Augustins à Mulhouse, se trouve conforté dans sa volonté d’en découdre avec l’humaniste et il prépare sa riposte sous forme d’un libelle. Dès que la rumeur d’une publication dirigée contre Erasme se répand, Rhenanus s’inquiète et conseille à l’humaniste d’adresser à Hutten une lettre d’apaisement : Iam is rumor latius etiam spargebatur, adeo ut Beatus quoque Rhenanus solicitus adiret me(…) Visum est illis [scil. Beatus et Eppendorf], ut Huttenus antequam prodiret liber aliqua placaretur epistola45.

Se rappelant les propos échangés à Sélestat, Rhenanus comprend que le chevalier n’hésitera pas à mettre sa menace à exécution. Malgré ses tentatives de dissuasion et celles d’Eppendorf et des tractations financières proposées mais repoussées, le brûlot de Hutten, achevé en avril 1523, se trouve rapidement mis en circulation. L’Expostulatio est finalement imprimée et sort au début de juin 1523, chez Johann Schott à Strasbourg, probablement par l’entremise de Heinrich Eppendorf et sans que Hutten, déjà très affaibli, en ait eu encore l’entière maîtrise. 43 Allen, Ep. Erasmi, V, 1342, p. 203-228. 44 Idem, p. 220 : Fuit hic Huttenus paucorum dierum hospes ; interim nec ille me

adiit, nec ego illum : et tamen si me convenisset, non repulissem hominem a colloqiuio, veterem amicum et cujus ingenium mire felix ac festinum etiam nunc non possum non amare. Nam si quid illi praeterea negocii est, nihil ad me pertinet. Sed quoniam nec ille ob adversam valetudinem poterat ab hypocaustis abesse, nec ego ferre, factum est ut neuter alterum viderit. 45 Spongia Erasmi adversus aspergines Hutteni, Basileae per Io. Frobenium, An. D. XXIII, 60 fol. 8° : (BNUS « R 104 684 ») ; il s’agit de la 2e édition, car elle comporte une préface adressée au lecteur et non à Zwingli comme la 1re édition. « Maintenant cette rumeur se répandait même plus largement, à tel point que Beatus Rhenanus, inquiet lui aussi, est venu me voir (…) Il leur a semblé bon (à Rhenanus et à Eppendorf) que Hutten, avant de sortir son livre, fût apaisé par quelque lettre (de moi) » (fol. a 5 v°); Erasmi Spongia, Augustijn, p. 125.

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[61] La réponse est immédiate : Erasme indique qu’il a rédigé sa Spongia adversus aspergines Hutteni en six jours en juillet 1523. La première édition ne sortira que début septembre des presses de Froben, malencontreusement quelques jours après la mort de Hutten. [62] Il s’agit évidemment d’un plaidoyer pro domo qu’il faut lire sous cet angle. L’humaniste hollandais indique d’entrée de jeu que le conflit qu’il qualifie de « tragédie » a pour cause l’entretien manqué à Bâle : Huius tragoediae prohoemium hinc extitit quod Huttenus quum Basileam advenisset, non est admissus ad nostrum colloquium46.

Mais le contentieux remonte en réalité à plus loin. En effet, de Mulhouse où s’est engagé un échange de correspondance mouvementé, Hutten a écrit à Erasme que lors de son séjour à Sélestat, il aurait chargé Rhenanus de « faire comprendre à Erasme que Hutten trouvait à redire à son égard ». Ce mandat confié au Sélestadien, le disciple et l’ami d’Erasme, devait avertir ce dernier de l’importance que le chevalier attachait à un entretien avec lui. Erasme s’étonne alors de ne pas en avoir été informé par Rhenanus, ni sur le moment ni à son retour à Bâle, et de n’en avoir jamais rien su auparavant : Cum esset Sletstadii, vt scribit in suis ad me literis, dederat hoc in mandatis Beato Rhenano, vt mihi significaret esse quod in me desideraret Huttenus. Atqui Beatus Rhenanus nec verbum vllum scripsit ad me ex Sletstadio, nec huc reversus iam hinc profecto Hutteno significauit unquam sibi fuisse colloquium cum Hutteno. Nec id omnino prius resciui quam ex literis Huttenicis, quas ad me dedit ex Milthusio47.

Rhenanus, en raison de son silence, serait-il dans une certaine mesure responsable de l’entretien manqué ? On apprend que par un « heureux hasard » Eppendorf et Rhenanus sont présents, lorsqu’Erasme, à la 46 Spongia Erasmi, fol. a 4 r ; Erasmi Spongia, Augustijn, p. 123, ll. 11-12 : « L’origine de cette tragédie vient de ce que Hutten, après qu’il fut arrivé à Bâle, n’a pas été admis à une entrevue avec nous. » 47 Spongia, fol. b 1 r ; Erasmi Spongia, Augustijn, p.130, ll. 193-199 : « Alors qu’il [Hutten] était à Sélestat, comme il me l’écrit dans sa lettre, il avait donné comme mandat à Beatus Rhenanus de me faire comprendre que Hutten trouvait à redire à mon égard. Et pourtant, Beatus Rhenanus ne m’a écrit aucun mot depuis Sélestat, ni, une fois de retour ici, après que Hutten eut déjà quitté Bâle, ne m’a jamais fait comprendre qu’il avait eu une entrevue avec Hutten. Et je ne l’ai aucunement découvert avant d’avoir lu la lettre de Hutten que celui-ci m’envoya depuis Mulhouse » (nous maintenons la place et la répétition des noms propres de l’original).

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lecture de cette lettre, tombe sur le passage incriminé, ce qui lui donne l’occasion de soumettre Rhenanus à un interrogatoire : Cum ventum esset ad eum locum : Beate, inquam, hic tu vocaris in jus, opus est tibi patrono. Ibi Beatus ingenue fassus est id quod res erat, se nihil vnquam significasse, et cur non fecisset rationem reddidit48.

Rhenanus est donc sommé de répondre dans une situation délicate, les termes juridiques employés suggérant qu’une présomption de culpabilité pèse sur le prévenu. Mais on comprend que ce n’est qu’un tour rhétorique, car Erasme se défend de supputer la moindre négligence ou le moindre manquement de la part de Rhenanus, même si ce dernier reconnaît qu’il a gardé le silence et n’hésite pas à en expliquer la raison. [63] D’emblée, l’humaniste hollandais discrédite l’argument de Hutten qu’il assimile à une ruse malveillante, avant d’en venir aux faits relatés par Rhenanus. Certes, Hutten a tenu des propos qui visaient Erasme, mais il n’a pas confié de mandat personnel à Rhenanus, n’a rien formulé sérieusement ni qui eût été important qu’il en eût connaissance. C’est uniquement en présence de tout le monde que Hutten aurait déclaré qu’Erasme n’était plus favorable à Luther comme avant ; il considérait que c’était par peur, mais il allait lui donner du courage : Neque enim Beato quicquam seorsum aut serio mandavit, aut eiusmodi quod operae precium esset me scire. Tantum omnibus qui aderant audientibius aiebat, me non perinde favere Luthero ; id interpretabatur metum, dicebatque se mihi animum additurum49.

On constate dans la suite du récit qu’il y a néanmoins eu des contacts et des entretiens plus personnels entre Hutten et Rhenanus, le chevalier ayant recommandé à plusieurs reprises à ce dernier de transmettre à Erasme les motifs de l’insatisfaction à son égard et sa volonté de l’encourager à rester déterminé en faveur de Luther. Les 48 Ibid. : fol. b 1 r ; Erasmi Spongia, Augustijn, p. 130, l. 200-202 : « Arrivé à ce passage : ‘Beatus’, dis-je, ‘ici c’est toi qui es appelé en justice, il te faut un avocat’. Beatus reconnut alors avec franchise ce qu’il en était, qu’il n’avait jamais rien fait savoir et il expliqua pourquoi il ne l’avait pas fait. » 49 Idem ; Erasmi Spongia, Augustijn, p. 130, l. 205-208 : « Et en effet il ne manda rien à Beatus en entretien particulier ou avec sérieux ou d’une manière qu’il valait la peine de me faire savoir. Il disait seulement à toute l’assistance présente que je ne favorisais pas Luther de la même manière ; il interprétait cela comme de la peur et il disait qu’il allait me donner du courage. »

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méandres de la rhétorique d’Erasme rendent compte de manière assez floue de la réalité des situations et ne manquent pas de traduire habilement un embarras, voire un certain malaise chez Rhenanus. Celui-ci tient surtout à se dégager de toute responsabilité dans la genèse du conflit ayant entraîné la rédaction du libelle incriminé, en insistant sur le fait que Hutten, lors de son séjour à Sélestat, n’avait manifesté d’aucune manière l’intention d’aiguiser sa plume contre Erasme. Il faut noter ensuite l’ambiguïté de la formulation quasi liberans illum mandatis : « le libérant pour ainsi dire de sa mission », Hutten lui annonça son prochain départ pour Bâle : Ac post similia quaedam mandavit illi, quum putaretur Basileam repetiturus, nihil interim minitans aut ullam significationem dans stili in me acuendi (…) Deinde quum negocia Beatum diutius remorarentur in patria, Huttenus quasi liberans illum mandatis indicavit se mox Basileam aditurum, mihique plus satis meticuloso additurum animum. Ita conquievit Beatus nihil suspicans oriturum mali. Nec oriturum erat, si contigisset colloqui : Decem verbis satisfecissem Hutteni stomacho50.

Donc « Beatus se rassura, ne doutant de la naissance d’aucun mal. Et le mal n’allait pas naître, s’il eût été donné de s’entretenir. » Beatus aurait donc bien entendu le message de Hutten, mais il a sans doute manqué de perspicacité ou de vigilance, en préférant garder le silence plutôt que d’adresser une mise en garde discrète à son ami. C’est ce que Erasme laisse entendre : si Beatus l’avait averti, le drame aurait pu être évité ; prévenu des sentiments de Hutten, l’humaniste n’aurait pas manqué de le recevoir et d’apaiser ses griefs, cela en dix mots ! Il est surprenant, du reste, qu’il n’y ait eu apparemment aucun échange de correspondance entre Hutten et Erasme pendant une si longue période ; Rhenanus ne tenait pas à ce que le maître fût informé du séjour de Hutten à Sélestat. Il convient aussi de dire, à la décharge de Rhenanus, qu’Erasme n’ignorait guère les griefs de Hutten à son 50 Idem ; Erasmi Spongia, Augustijn, p. 130, ll. 208-210 et p. 131, ll. 213-218 :

« Et donc, après des remarques similaires [sur le manque de courage chez Erasme], il [Hutten] le [Rhenanus] chargea de certains mandats, puisqu’on pensait qu’il était sur le point de retourner à Bâle, ne faisant aucune menace entre-temps ou donnant à penser de quelque manière qu’il aiguisait sa plume contre moi. Comme ensuite des affaires retinrent Rhenanus plus longtemps dans sa patrie, Hutten, comme s’il le libérait des mandats, indiqua qu’il irait bientôt à Bâle et me donnerait du courage, à moi qui étais craintif plus que de raison. Ainsi Beatus se rassura, ne doutant de la naissance d’aucun mal. Et le mal n’allait pas naître, s’il eût été donné de s’entretenir : en dix mots j’aurais satisfait au mécontentement de Hutten. »

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égard. Comment feindre de les avoir ignorés, alors que c’est même une des raisons pour lesquelles il a voulu éviter de recevoir le chevalier à Bâle. [64] Qu’apprend-on des circonstances dans lesquelles s’est déroulée la rencontre de Hutten avec les humanistes sélestadiens ? La brève allusion qu’y fait Rhenanus, telle qu’elle est rapportée dans la Spongia, évoque un accueil plutôt convivial dans une ambiance très détendue au milieu du « vacarme de gens de joyeuse compagnie qui riaient et plaisantaient à la fois51 ». Dans un tel contexte les sujets graves auraient donc été peu abordés et les propos de Hutten et son projet ne pouvaient pas être pris au sérieux. En quel lieu le groupe s’est-il réuni ? On imagine aisément une réunion se tenant dans l’arrière-boutique d’une taverne où les chopes de bière ou les pichets de vin contribuent à délier les langues. Ceux qui avaient accepté de rencontrer Hutten étaient de toute évidence restés des sympathisants de Luther. Mais certains n’étaient-ils pas tentés de reprocher à Hutten d’avoir défrayé la chronique tous ces derniers mois par des actions répréhensibles ? D’autres ne se seraient-ils pas complu à répondre aux fanfaronnades du chevalier par des quolibets moqueurs ? Rhenanus préfère rester discret et s’emploie à banaliser l’événement, tout comme il s’interdit d’évoquer quelque échange personnel avec Hutten. [65] L’interrogatoire auquel il est soumis par Erasme est embarrassant et somme toute, assez humiliant. Rhenanus est certainement meurtri par le reproche à peine déguisé que lui fait le maître et l’ami, même si ce dernier cherche à l’évidence à se défausser de toute responsabilité personnelle. Mais Hutten apparaît désormais au Sélestadien comme un fauteur de troubles dans la relation de confiance qu’il a toujours entretenue avec Erasme et, sans aucun doute, comme un insupportable semeur de discorde qu’il convient de tenir à distance. Chez Erasme il voit grossir la rancœur et le ressentiment envers ceux qui ont apporté de quelque manière leur soutien à Hutten. [66] La publication de la Spongia lui est reprochée par certains comme une vengeance indigne perpétrée à l’égard du chevalier, qui vient justement de décéder52. Il tient à s’en justifier, même encore bien après, comme dans cette lettre à Konrad Goclenius du 2 avril 1524, où il déverse tout son fiel à l’encontre de Hutten et surtout d’Eppendorf, 51 Ibid., fol. b 1/v ; Erasmi Spongia, Augustijn, p.130, ll. 211-12 : (…) in medio strepitu simul ridentium ac nugantium congerronum. 52 Ulrich von Hutten est mort le 29 août 1523 sur l’île de la Ufenau, où il est enterré. Otto Brunfels a défendu sa mémoire dans sa Responsio aux attaques de la Spongia d’Erasme.

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qu’il accuse de la plus sordide duplicité et de manœuvres financières à son profit53. On y apprend qu’il avait hésité puis quasiment renoncé à faire paraître sa réponse aux accusations portées contre lui dans l’Expostulatio, alors qu’il la tenait secrètement prête depuis que le contenu du libelle de Hutten avait circulé : Tandem prodiit Expostulatio sycophantae, plena mendaciis, ut quisque in confabulatione suggesserat Lutheranus. Ego mox paraveram responsionem, sed adeo clam ut nec Frobenius nec Beatus sciret. Et propemodum decreveram premere ; sed instigantibus his emisi54.

Qu’est-ce qui amena Erasme à revenir sur sa décision première ? Il semblait a priori improbable que le violent libelle de Hutten pût trouver un imprimeur, or contre toute attente, l’Expostulatio sortit en juin 1523 des presses de l’officine strasbourgeoise de Johann Schott. Une réponse publique s’imposait-elle alors ? Dans sa lettre à Goclenius Erasme indique que c’est à l’instigation de Froben et de Rhenanus, ses amis proches, qu’il fit publier sa Spongia ? Là encore, l’humaniste n’assume que partiellement cette décision qui lui fut si sévèrement reprochée. Il est sans doute probable que Froben l’eût vivement encouragé dans ce dessein, une publication de l’humaniste de renom étant toujours un événement éditorial propice à son officine, connue pour son hostilité au mouvement luthérien et à ses partisans. Dans quelle mesure Rhenanus a-t-il, de son côté, apporté son soutien à Erasme, qui allait de ce fait relancer la polémique ? Le vieil homme était si profondément affecté par l’affront infligé publiquement par Hutten qu’il ne pouvait renoncer à l’effacer avec son « Eponge » et à se justifier aux yeux de tous ceux qui le tenaient en estime. Il semble alors naturel que l’amitié indéfectible qui liait le disciple au maître, la solidarité qu’elle requérait, mais sans aucun doute aussi l’indignation ressentie devant l’outrance des attaques proférées par Hutten, l’eussent emporté chez Rhenanus sur un sentiment de compassion envers le malheureux chevalier. [67] Très impliqué à son corps défendant dans les divers épisodes de ce conflit, Rhenanus avait donc des raisons sérieuses de marquer 53 Allen, Ep. Erasmi, V, 1437, p. 431-438. 54 Idem, p. 433, l. 67-71 : « Finalement l’Expostulatio du sycophante fut publiée,

pleine d’allégations mensongères, dans la mesure où tous les luthériens les avaient ajoutées à la suite de leurs discussions. Pour ma part j’avais rapidement préparé une réponse, mais secrètement à tel point que ni Froben ni Beatus ne le savaient. Et j’avais presque renoncé à l’imprimer. Mais à l’instigation de ces derniers, je la fis publier. »

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dorénavant sa distance à l’égard de Hutten. Le constat de la perte dans la correspondance de Rhenanus de toutes les lettres postérieures au mois de janvier 1521 faisant quelque référence à Hutten est-il à mettre en rapport avec cette volonté de marquer la rupture et plus radicalement même, de faire disparaître les traces de leurs relations antérieures ? Il est à noter que la période concernée par cette disparition débute de suite après la publication de la bulle pontificale Decet romanum Ponificem. On sait pourtant que Rhenanus a gardé des contacts permanents avec les réfugiés de la Ebernburg au-delà de cette date et même avec Hutten, comme l’atteste la lettre de Bucer du 6 avril 1521. Parmi les humanistes de Sélestat Rhenanus est certainement celui avec lequel Hutten a eu les relations les plus fréquentes au cours des années précédentes et on peut considérer comme très probable qu’il ait été son hôte en novembre 1522. Rhenanus connaissait également bien Nicolas Prugner, devenu prieur des Augustins de Mulhouse en 1520. Dans la correspondance de Rhenanus figurent deux lettres de Prugner, dont l’une, datée du 18 septembre 1521, porte sur le prêt d’un ouvrage, ainsi qu’une deuxième, datée du 13 septembre 1537, qui montre que cette relation a subsisté au-delà des vicissitudes de l’histoire55. Là encore, Rhenanus a peut-être joué en toute discrétion un rôle d’intermédiaire pour assurer un hébergement à Hutten, après que le chevalier eut quitté Bâle, le 21 janvier 1523. Mais la rédaction de l’Expostulatio pendant les trois mois passés à Mulhouse, puis la publication du libelle de Hutten, qui marqua pour Erasme le moment paroxystique du conflit, ont pu définitivement dissuader Rhenanus de conserver quelque bienveillance à l’égard de celui dont il avait durablement admiré le talent et le courage. [68] De façon concomitante à ces événements agités de l’été 1523, par lettre impériale du 18 août l’anoblissement avait été conféré à Beatus Rhenanus par Charles Quint en reconnaissance de ses mérites pour la cause des belles-lettres56. A l’évidence, du fait de cette distinction qu’il a manifestement appréciée, une orientation était donnée à ses positions personnelles à venir qui le situait désormais dans le cadre de l’ordre établi. Et n’était-il pas opportun qu’il se dédouanât de toute sympathie et estime durables à l’égard de ce personnage devenu sulfureux, au point de décider significativement d’en effacer les traces que sa correspondance aurait pu en conserver ? 55 B. Rhenanus, Briefw. 56 Voir Koch, « Lettres de noblesse et armoiries de Rhenanus ».

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[69] Le chevalier Ulrich von Hutten avait voulu, quant à lui, transformer ses convictions fortes en actions immédiates – souvent excessives et polémiques, comme les lui inspiraient son tempérament et son talent littéraire, finalement agressives et guerrières, comme l’y incitait la tradition de sa caste – sans mesurer tous les effets pervers qu’allait engendrer pour son destin personnel le combat engagé et pleinement justifié à ses yeux pour défendre les idées novatrices de son temps. [70] Quelle que fût l’issue de leurs relations personnelles et même si des zones d’ombre demeurent, la mémoire posthume d’Ulrich von Hutten est néanmoins restée très présente dans l’univers livresque de Beatus Rhenanus, puisque son nom figure, avec 19 occurrences, parmi les cinq auteurs les plus représentés, et en troisième position derrière Erasme et Luther, dans la magnifique bibliothèque léguée à la postérité par l’humaniste sélestadien57. Sources Adam, HRS, vol. 1 = Adam, Paul : Histoire religieuse de Sélestat, t. 1er : des origines à 1615, Sélestat, Alsatia, 1967. Allen, Erasmi Ep. = Opus Epistolarum Des.Erasmi Roterodami, denuo recognitum et auctum per P. S. Allen et H. M. Allen, Oxonii, in Typographeo Clarendoniano, 1906-1958. D’Amico, “Hutten & Rhenanus” = D’Amico, John F. : “Ulrich von Hutten and Beatus Rhenanus as Medieval Historians and Religious Propagandists in the Early Reformation” in John F. D’Amico : Roman and German Humanism 1450-1550 : Collected Studies Edited by Paul F. Grendler (Collected Studies Series CS413) Aldershot, Hampshire, G.B./Brookfield (Vermont), U.S.A., Variorum, 1993. Erasmi Opuscula = Opuscula Erasmi. A supplement to the ‘Opera omnia’, W.K. Ferguson (éd.), La Haye, Martinus V Nijhoff, 1933. Erasmi Spongia = Spongia Erasmi adversus aspergines Hutteni, Basilae per Io. Frobenium, An. D. XXIII, (60 fol. in-8/BNUS : R 104 684. Il s’agit de la 2e édition, car elle comporte une préface adressée au lecteur et non à Zwingli comme la 1re édition.) 57 Voir Hirstein, « Bibliothèque de Rhenanus », p. 140-142.

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Erasmi Spongia, Augustijn = Spongia adversus aspergines Hutteni, hrsg. von C. Augustijn : in Opera omnia Des. Erasmi Roterodami recognita et adnotatio critica instructa notisque illustrata, IX-1, Amsterdam-Oxford 1982, p. 91-210. Gény, Reichsstadt Schlettstat = Gény, Joseph : Die Reichsstadt Schlettstat und ihr Antheil an den socialpolitischen und religiösen Bewegungen der Jahre 1490-1536. Nach meist ungedruckten Quellen bearbeitet von Joseph Gény (Erläuterungen und Ergänzungen zu Janssens Geschichte des deutschen Volkes hg. von Ludwig Pastor, I. Band, 5. u. 6 Heft), Freiburg im Breisgau, Herder’sche Verlagshandlung, 1900. Hamm, „Der Oberrhein als geistige Region“ = Hamm, Berndt : „Der Oberrhein als geistige Region von 1450 bis 1520“, in Basel als Zentrum des geistigen Austauschs in der frühen Reformationszeit, hrsg. von Christine Christ-von Wedel, Sven Grosse und Berndt Hamm (Spätmittelalter, Humanismus, Reformation, 81) Tübingen, Mohr-Siebeck, 2014, p. 3-50. Hirstein, « Beatus Rhenanus et la Germanie de Tacite » = Hirstein, James : « Beatus Rhenanus. Editeur et interprète de la Germanie de Tacite : le résumé d’un livre accompagné d’un développement sur le verbe exigere (G. 7.2) », Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, 45 (1995), p. 107-118. Hirstein, « Bibliothèque de Rhenanus » = - : « La bibliothèque de Beatus Rhenanus : une vue d’ensemble des livres imprimés » in Les humanistes et leur bibliothèque/Humanists and their Libraries : Actes du Colloque international Bruxelles, 26-28 août 1999, éd. Rudolf De Smet (Université Libre de Bruxelles/Vrije Universiteit Brussel, Travaux de l’Institut Interuniversitaire pour l’Etude de la Renaissance et de l’Humanisme, XIII), Peeters, Leuven-ParisSterling (Virginia), 2002, p. 113-142. Hirstein, „Neues über Rhenanus, Valla und Hutten“ = - : „Neues über Beatus Rhenanus und die Basler Ausgabe von Lorenzo Vallas ‚De Donatione Constantini‘ durch Ulrich von Hutten 1520“ in Basel als Zentrum des geistigen Austauschs in der frühen Reformationszeit, hrsg.von Christine Christ-von Wedel, Sven Grosse und Berndt Hamm (Spätmittelalter, Humanismus, Reformation, 81) Tübingen, Mohr-Siebeck, 2014, p. 97-108.

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Hutteni Ep., Böcking = Epistolae Ulrichi Hutteni Equitis item ad eundem deque eodem ab aliis ad alios scripta. Collegit recensuit adnotavit variaque quae ad Hutteni vitam librosque spectant scripta adjecit Eduardus Böcking, Lipsiae in aedibus Teubnerianis, vol I, 1859 ; vol. II, 1859. Hutteni Expostulatio = Ulrichi ab Hutteni cum Erasmo Roterodamo …Expostulatio, sine loco et a. [Argent. : Schott 1523] (BNUS : R 100 968). Hutten, Expostulatio, Samuel-Scheyder et Vanautgaerden = Ulrich von Hutten : Expostulatio, édd. Monique Samuel-Scheyder, Alexandre Vanautgaerden, intr. biogr., texte latin, texte allemand (1523) avec trad. française, Turnhout, Brepols 2012. Hutteni Opera, Böcking = Ulrichi Hutteni equitis Germani, Opera quae reperiri potuerunt omnia, vol. 2, Ed. Eduardus Böcking, Leipzig, B.G ; Teubner, 1859. Koch, « Lettres de noblesse et armoiries de Rhenanus » = Koch, Adolphe : « Les lettres de noblesse et les armoiries de Beatus Rhenanus », AABHS 35, (1985), p. 73-84. Koch, « Sapidus et relations épistolaires » = - : « A propos du cinquième centenaire de la naissance de Jean Sapidus : relations épistolaires entre humanistes sélestadiens », AABHS 40 (1990), p. 25-34 Petitmengin, « Beatus Rhenanus et les manuscrits latins » = Petitmengin, Pierre : « Beatus Rhenanus et les manuscrits latins », AABHS 35 (1985), p. 235-246. Raguenel, Volz et Rhenanus = Raguenel, Sandrine de : Les lettres de Paul Volz à Beatus Rhenanus (1522-1542) : édition, traduction et commentaire, 2 vols, Strasbourg, Univ. de Strasbourg, 18 avril 2011 (thèse de doctorat dactylographiée). Rhenani Epistulae, vol. 1 = Epistulae Beati Rhenani : la correspondance latine et grecque de Beatus Rhenanus de Sélestat. Edition critique raisonnée, avec traduction et commentaire. Vol. I, 1506-1517 ; éditée par James Hirstein, avec la coll. de Jean Boës, François Heim, Charles Munier… (et alii), Turnhout, Brepols, 2013. Rhenanus, Briefw. = Briefwechsel des Beatus Rhenanus, ges. und hrsg. von Adalbert Horawitz und Karl Hartfelder, Leipzig : Verlag von R.G. Teubner, 1886.

13. « Hutten à Sélestat en novembre 1522 »

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Ridé, Image du Germain = Ridé, Jacques : L’image du Germain dans la pensée et la littérature allemandes de la redécouverte de Tacite à la fin du XVIe siècle, 3 vol., Paris, Honoré Champion 1977. Samuel-Scheyder, Cochlaeus = Samuel-Scheyder, Monique : Johannes Cochlaeus, humaniste et adversaire de Luther, Presses universitaires, Nancy, 1993. Samuel-Scheyder, « Hutten et Luther : la rencontre de deux discours » = - : « Hutten et Luther : la rencontre de deux discours » in Luther et la Réforme. Du commentaire de l’Epître aux Romains à la Messe allemande sous la dir. de J.-M. Valentin, Paris, Desjonquères, 2001, p. 229- 256. Walter, « Erasme et Rhenanus » = Walter, Robert : « Une amitié humaniste : Erasme et Beatus Rhenanus », AABHS 36, 1986, p. 1323. Walter, « Hutten & Rhenanus » = - : « Le reître et l’humaniste, une curieuse amitié de Beatus Rhenanus », AABHS 42 (1992), p. 3749. Wimpfeling Briefwechsel, Herding et Mertens = Jakob Wimpfeling Briefwechsel : kritische Ausgabe mit Einleitung und Kommentar, Otto Herding et Dieter Mertens éd., 2 vols. München, Wilhelm Fink Verlag, 1990.

14 Martin Bucer und Beatus Rhenanus : die Briefe von 1523 bis 1544 Stephen E. Buckwalter

[1] Sich auf ein Terrain zu wagen, das der Nestor der Bucer-Forschung, Jean Rott, bereits vor dreißig Jahren sorgfältig beackert hat, mag auf dem ersten Blick vermessen erscheinen. In der Tat widmete Rott im Jahre 1985 dem Verhältnis zwischen Beatus Rhenanus und Martin Bucer einen grundlegenden Aufsatz, den er mit dem Untertitel „l’humaniste chrétien et le réformateur“ versah1. Darin untersuchte er die gegenseitige Beeinflussung beider Söhne Schlettstadts derart gründlich und schlüssig, dass seine Ergebnisse bis heute als unüberholt gelten können. Wenn ich heute – trotz der erschöpfenden Bearbeitung dieses Themas durch Jean Rott – dem Verhältnis zwischen dem christlichen Humanisten und dem Reformator eine erneute Betrachtung widme, geschieht dies nicht in der leichtsinnigen Annahme, ich könnte irgendetwas an dem von Rott damals gezeichneten Bild korrigieren oder zurechtzurücken, sondern es beruht vielmehr auf dem Wunsch, die grundlegenden Erkenntnisse Rotts mit einigen wenigen Beobachtungen zu ergänzen, die aus meiner Arbeit an der Edition der deutschen Schriften Martin Bucers in den vergangenen sechzehn Jahren erwachsen sind. [2] Wer das Verhältnis zwischen Rhenanus und Bucer untersuchen möchte, sieht sich mit einer eigentümlichen Quellenlage konfrontiert. Zunächst ist die Zahl der Quellen außerordentlich begrenzt: Die erhaltene Korrespondenz zwischen den beiden Schlettstadtern beschränkt sich auf vierzehn Briefe. Eine weitere Eigentümlichkeit kennzeichnet dieses Quellencorpus: Bei diesen vierzehn Briefen handelt es sich allesamt um Briefe Martin Bucers an Beatus Rhenanus. Wir besitzen keinen einzigen Brief von Rhenanus an Bucer. Daraus sollten aber keine voreiligen Schlüsse bezüglich einer vermuteten Einseitigkeit der Beziehung zwischen Bucer und Rhenanus gezogen werden: Rott hat 1 Rott, « Beatus Rhenanus et Martin Bucer ».

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überzeugend herausgearbeitet, dass es in dem Zeitraum zwischen 1511 und 1520 mindestens sechs, möglicherweise aber bis zu fünfzehn Briefe des Rhenanus an Bucer gegeben haben muss, die aber alle verloren gegangen sind2. Eine dritte Eigentümlichkeit charakterisiert dieses Briefcorpus: seine ausgesprochen ungleichmäßige chronologische Verteilung. Neun von den vierzehn Briefen fallen in einen Zeitraum von gerade drei Jahren zwischen Mai 1518 und April 1521, während die übrigen fünf sich auf die 31 Jahre zwischen Mai 1523 bis September 1544 verteilen. Aber auch die Streuung dieser letzten fünf Briefe innerhalb der genannten drei Jahrzehnte ist alles anders als homogen: Zunächst haben wir für die Jahre 1523 und 1525 jeweils einen Brief, nach sechsjähriger Pause kommen im Oktober und Dezember 1531 kurz hintereinander zwei sehr knappe Briefe, und schließlich folgt nach fast dreizehn Jahren der letzte uns bekannte Brief Bucers an Rhenanus vom 10. September 1544. [3] Bucer und Rhenanus kannten sich wohl seit Anfang 1510, als der spätere Straßburger Reformator achtzehn und der erst kürzlich aus Paris zurückgekehrter Humanist vierundzwanzig Jahre alt war. Denn in einem Brief, den Bucer am 15. Januar 1520 von Speyer aus an den in Basel wohnenden Rhenanus schreibt, bedankt er sich nebenbei für die schriftlichen Neujahrsgrüße, die er seit inzwischen zehn Jahren von Rhenanus bekomme3. Wie wir gesehen haben, war die Korrespondenz Bucers mit seinem sechs Jahre älteren Schlettstadter Landsmann zwischen Mai 1518 und April 1521, also in den frühen Jahren der Reformation, besonders intensiv. Der Klassiker unter diesen Briefen, ja, überhaupt der berühmteste Brief Bucers an Rhenanus ist natürlich derjenige vom 1. Mai 15184, in welchem er über Martin Luthers geschichtswirksame Heidelberger Disputation vom 26. April 1518 berichtet, und den Matthieu Arnold heute Nachmittag bereits ausführlich besprochen hat5. Wenn es darum geht, das Verhältnis zwischen dem späteren Straßburger Reformator und seinem humanistischen Mentor zu ergründen, wird gerne auf diese frühen Briefe zurückgegriffen, die verständlicherweise als die spannendsten und aussagekräftigsten gelten. [4] Gerade weil sie von der Forschung eher vernachlässigt worden sind, möchte ich aber im Folgenden unsere Aufmerksamkeit auf die letzten fünf Briefe Bucers an Rhenanus lenken, die sich, wie gesagt, auf 2 Rott, « Beatus Rhenanus et Martin Bucer », S. 63; BCor I, S. 27. 3 BCor I, Nr. 7, S. 84,18-22. 4 BCor I, Nr. 3, S. 58-72. 5 Siehe den Beitrag von Matthieu Arnold in diesem Band.

14. „Bucer und Rhenanus, von 1523 bis 1544“

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den Zeitraum zwischen Mai 1523 in September 1544 verteilen. Man könnte natürlich dagegen einwenden, dass ihre ungleichmäßige chronologische Streuung und große inhaltliche und formale Inhomogenität sie als Quellen ungeeignet machen, aber vielleicht ermöglichen gerade diese Eigenschaften die eine oder andere unerwartete Einsicht in das Verhältnis zwischen den beiden Schlettstadtern. [5] Ich beginne mit dem Brief Bucers an Rhenanus vom 23. Mai 15236. Der Bucer, der hier schreibt, macht einen verunsicherten, eingeschüchterten Eindruck. Er war wohl eine Woche zuvor zusammen mit seiner schwangeren Frau als Flüchtling in Straßburg eingetroffen. Seine Lage war außerordentlich prekär: Nicht nur war er vom Speyerer Bischof als verheirateter und ketzerischer Priester exkommuniziert worden, sondern die militärische Niederlage und der gewaltsame Tod seines Gönners Franz’ von Sickingen am 7. Mai hatten auch seine Vertreibung aus Weißenburg, dem heutigen Wissembourg, mit sich gebracht. Vom siegreichen pfälzischen Kurfürsten Ludwig V. unter Druck gesetzt, hatte der Weißenburger Rat seinen erst kurz zuvor angeworbenen Prediger zum Verlassen der Stadt gedrängt. Nun befand sich Bucer – ein geflüchteter, gebannter und verheirateter Priester – in Straßburg ohne Anstellung und ohne klares Ziel. Der Straßburger Stadtrat hatte seinen Antrag auf das Bürgerrecht abgewiesen und sich nur zur Duldung seiner Anwesenheit durchringen können7. Bucer hatte zwar Freunde gefunden, die ihn aufgrund der Beliebtheit seiner biblischen Vorlesungen in Straßburg halten wollten, aber angesichts der sich abzeichnenden Opposition des Rates meinte Bucer, eine dauerhafte Anstellung woanders finden zu müssen. Deshalb wandte er sich in diesem Brief an Rhenanus mit der Bitte, dieser möge sich für ihn bei Zwingli zwecks der Besorgung einer Stelle einsetzen. Bucer fleht Rhenanus geradezu an: Oro te Christi amore et communis patriae, qua semper in me usus es humanitate, eam nunc maxime exeras. Similis enim adhuc necessitas in vita non fuit8.

Bucers Verzweiflung und seine Gefühle des Ausgeliefertseins klingen in diesen Zeilen deutlich durch. Nichts darin lässt ahnen, dass dies 6 BCor I, Nr. 44, S. 191-193. 7 BCor I, S. 192, Anm. 6. 8 „Ich bitte dich bei der Liebe zu Christus und zu unserer gemeinsamen

Vaterstadt, die humanitas, die du mir gegenüber immer geübt hast, jetzt in besonderem Maße zu zeigen. Eine vergleichbare Notlage hat es in meinem Leben noch nie gegeben“ (BCor I, S. 193,22-24; exeras = exseras).

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derselbe Bucer ist, der innerhalb weniger Jahre zum führenden Kirchenmann Straßburgs und in den Jahrzehnten danach zu einem Reformator von überregionaler Wirkung und geradezu europaweiter Ausstrahlung werden wird. Was Bucers Verhältnis zu Rhenanus betrifft, offenbart der Brief eine von Bucer empfundene tiefe Abhängigkeit von seinem Schlettstadter Freund und sein vollkommenes Vertrauen in ihn, den er in der Adresse des Briefes als patronus singularis, als „einzigartigen Förderer“, anredet9. [6] Dieses Verhältnis wird sich bis zum nächsten der zu betrachtenden Briefe, jenem von der zweiten Augusthälfte 1525, vollkommen verändert haben10. Es ist der erste Brief Bucers an Rhenanus, der von einem grundlegenden Zerwürfnis zwischen beiden Männern zeugt. Er ist auch der längste der Briefe, die ich heute Nachmittag besprechen werde. Tief verletzt schreibt Bucer zu Beginn, er habe über Umwege erfahren, dass Rhenanus schwere Vorwürfe gegen die Straßburger, vor allem aber gegen ihn erhoben habe. Bucers Empörung ist spürbar, wenn er sich selbst Rhenanus gegenüber als ein municeps tuus11, also als Landsmann oder Mitbürger des Rhenanus bezeichnet. Rhenanus, so erfahren wir aus dem Brief, erhebt zwei Anschuldigungen gegen die Straßburger Prediger: einerseits, dass sie den bonae literae, also den akademischen Studien gegenüber feindlich gesinnt seien; andererseits, dass sie dem Aufruhr das Wort redeten12. [7] Im ersten Fünftel des Briefes versucht Bucer, den ersten Vorwurf auszuräumen: Er erinnert seinen Freund daran, dass sie schon im vorangegangenen Jahr, also im Sommer 1524, ein grundsätzliches Gespräch über dieses Thema bei Capito zuhause führten und dass die Straßburger damals jegliche Abneigung gegen die bonae literae vehement von sich wiesen. Bucer habe im Gegenteil in einer Predigt damals seine Hörer aufgefordert, neben dem Lateinischen auch noch das Griechische und das Hebräische zu lernen13. [8] Der weitaus größte Teil des Briefes befasst sich aber mit dem Vorwurf, der Bucer am ehesten trifft und verletzt – demjenigen der Sedition14. Bucer zeigt Unverständnis für diese Anschuldigung, 9 BCor I, S. 193,32. 10 BCor II, Nr. 100, S. 31-34. 11 BCor II, S. 31,3. 12 „Audimus subinde, vir doctissime, nos non rideri modo, sed etiam seditionis ac

odii in bonas literas abs te traduci meque municipem tuum prae aliis“ (BCor II, S. 31,2f.). 13 BCor II, S. 31,6-32,21. 14 BCor II, S. 32,22-34,78.

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schließlich kenne Rhenanus schon lange das, was die Straßburger predigen, und wisse, dass es mit der Heiligen Schrift im Einklang steht15. Falls Rhenanus schon damals anderer Meinung war, warum habe er es ihnen nicht vorher gesagt? Oder könnte es sein – so fährt Bucer fort – dass Erasmus ihm diesen Vorwurf eingeredet habe? Schließlich sei für Erasmus bereits derjenige ein Aufrührer, der bei Fürsten Anstoß erregt und vom Konsens der Jahrhunderte abweicht. Bei allem Respekt vor Erasmus, dessen Gaben die Straßburger sehr wohl zu schätzen wissen, können sie es nicht gutheißen, wenn dieser die Bischöfe und die Anhänger Roms – deren Verbrechen keiner ausgiebiger als Erasmus selbst erforscht hat – so schmeichelt, wie er es derzeit tut16. [9] Die Straßburger Prediger empfinden durchaus Hochachtung vor den Herrschenden und rufen in ihren Predigten das Volk ebenfalls dazu auf, der Obrigkeit die Reverenz zu erweisen, aber immer in Übereinstimmung mit Gott. Sollte sich ein Herrscher gegen Gott erheben oder seine Untertanen zu Gottlosigkeit zwingen, muss dies aufgedeckt werden, wie es bereits die Propheten mit den gottlosen Königen, Christus mit den Pharisäern und die Apostel mit den Pseudo-Aposteln taten17. Da zum Christsein die Selbstverleugnung gehört, haben die Prediger das Volk niemals zum aktiven Widerstand, sondern nur zum Glauben, zum Bekenntnis und zum Gebet aufgefordert18. [10] Die Straßburger Prediger können nichts dafür, wenn die Bösen unter den Menschen ihnen nicht zugehört haben. Solche machen nun einmal die Mehrheit aus, und der Fürst dieser Welt bedient sich ihrer, um der Wahrheit Einhalt zu gebieten19. Es war aber letztlich die Abkehr der Obrigkeit von Gott, die immer zum Aufruhr führte, sei es zu biblischen Zeiten oder heute. Dort, wo in jüngster Zeit die Obrigkeiten die Predigt des reinen Evangeliums verboten hatten, vernahmen die einfachen Menschen nur ein verfälschtes Evangelium von fleischlicher Freiheit, welches sie dann zum verhängnisvollen Bauernaufstand verführte. Die Prediger dagegen haben in Einklang mit dem Gebot Christi stets von Aufruhr abgeraten und etwa während des Bauernkrieges ihr Möglichstes getan, die aufständischen elsässischen Bauern in Altorf bei Molsheim von ihrem Vorhaben abzubringen. 15 „Quod seditionis nos nomine accusas, peius nos habet; non raro enim puto te audisse, quae docemus, neque audisse scimus nisi scita scripturarum“ (BCor II, S. 32,22f.). 16 BCor II, S. 32,24-30. 17 BCor II, S. 32,30-36. 18 BCor II, S. 32,36-33,40. 19 BCor II, S. 33,41-48.

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[11] Nachdem er diese Argumente dargelegt hat, fasst Bucer zusammen: Haec volui ad te scribere, ut purgarem nos tibi; quam si receperis purgationem, nolis ita traducere nos, non quo adeo nostro timeamus nomini, sed quod hinc verbum Domini quoque blasphematur, quod certo scimus nos praedicare; Sin, admoneas tamen nos erroris, quo emendemus. Parati namque sumus te et quemlibet recta monentem sequi20.

Zum Schluss seines Briefes appelliert Bucer an die gemeinsame Abneigung gegen den altgläubigen Klerus. Rhenanus kenne deren Unwürdigkeit und Gottesferne zur Genüge. Wer nicht mit Christus ist, ist gegen ihn. Wie könne Rhenanus mit ihnen gemeinsame Sache machen? Der Straßburger Reformator verabschiedet sich mit den Worten, „Bucerus amicus tibi“. Es ist bezeichnend, dass Rhenanus gerade diese Worte – also „Bucerus amicus tibi“ – durchgestrichen hat21, fast als habe er einen Schlussstrich unter die Freundschaft mit dem Straßburger Reformator ziehen wollen. So markiert dieser Brief den endgültigen Bruch zwischen Rhenanus und Bucer. Freilich macht uns Rott darauf aufmerksam, dass dieser Bruch sich schon 1523 anbahnte, als Rhenanus sich von der reformatorischen Bewegung aufgrund ihrer chaotischen und autoritätsfeindlichen Begleiterscheinungen zunehmend entfremdet fühlte und dann schließlich in seiner Heimatstadt öffentlich Stellung gegen sie bezog. [12] Im Vergleich mit diesem emotional überfrachteten Brief vom August 1525 wirken die beiden nächsten überlieferten Briefe Bucers an Rhenanus vom Oktober und Dezember 1531 fast banal. In diesen knappen Schreiben geht es nicht um die Predigt des wahren Evangeliums, den Kampf gegen den Fürsten dieser Welt oder das Verhältnis zwischen Christ und Obrigkeit, sondern um das Knüpfen von Kontakten und die Vermittlung von Stellen, also um die Schaffung und Pflege von menschlichen Netzwerken im weitesten Sinne. In dem ersten Brief22, auf den 18. Oktober 1531 datiert, empfiehlt Bucer 20 „Dieses wollte ich dir schreiben, um uns vor dir zu rechtfertigen. Wenn du diese Rechtfertigung annimmst, höre auf, uns so zu verhöhnen – nicht, dass wir uns um unseren Namen fürchten, sondern weil dann auch das Wort des Herrn beleidigt wird, von dem wir sicher wissen, dass wir es predigen. Andernfalls zeige uns aber die Irrtümer auf, damit wir sie korrigieren. Denn wir sind bereit, dir und jedem, der das Richtige anmahnt, zu folgen“ (BCor II, S. 34,79-82). 21 BCor II, S. 34, textkritische Anm. w-w. Vgl. auch die Beobachtungen Rotts, « Beatus Rhenanus et Martin Bucer », S. 69. 22 BCor VI, Nr. 491, S. 219f.

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Rhenanus drei junge Männer von vorzüglicher Bildung, die sich gerade auf der Durchreise nach Italien befinden. Diese möchten Rhenanus persönlich treffen, ein Vorhaben, das Bucer wärmstens unterstützt. Etwa sechs Wochen später, am 8. Dezember 1531, schreibt Bucer erneut an Rhenanus23, um ihn zu bitten, den bayerischen Gelehrten und Historiker Johannes Aventinus zu überreden, eine ihm angebotene Stelle in Straßburg anzunehmen. Diese beiden Briefe vom Ende des Jahres 1531 sind ausgesprochen kurz, fallen aber aufgrund ihres selbstverständlich heiteren, ja beinahe herzlichen Tons auf. Sie lassen nicht vermuten, dass zwischen Verfasser und Adressat ein Konflikt besteht. Bucer spricht Rhenanus in dem ersten als einen „Mann von höchster Gelehrsamkeit und humanitas“ und als „seinen in höchstem Maße verehrenswerten Mitbürger“ – municipi suo plurimum observando – an. Den zweiten Brief adressiert er an Rhenanus als einen „antistes der besseren Gelehrsamkeit“ – melioris eruditionis antistiti – und als „seinen verehrenswerten Mitbürger“ – municipi suo colendo. [13] Wir wenden uns schließlich dem fünften und letzten Brief zu, demjenigen vom 10. September 154424. Wie die zwei vorigen Briefe beginnt er mit einer persönlichen Empfehlung, diesmal des unbenannten Überbringers des Briefes, hinter dem Jean Rott den damals in Straßburg weilenden niederländischen Gelehrten Albert Hardenberg vermutet25. Bucer geht sodann gleich dazu über, das Zeitgeschehen ausgiebig zu kommentieren: etwa die steigenden Preise der Waren, die auf einen bevorstehenden Krieg hindeuten, dann die Bedrohung Europas durch eine noch nie dagewesene militärische Aufrüstung des osmanischen Reiches26. Diese Kriegsbedrohung deutet Bucer theologisch: Sed haec meretur tam obstinata repulsa regni Christi tam benigne tot iam annis oblata27. 23 BCor VII, Nr. 520, S. 89f. 24 Horawitz/Hartfelder, Briefwechsel des Beatus Rhenanus (= H), Nr. 382, S. 518f. 25 Dies bestätigt auch Janse, Albert Hardenberg, S. 17f.; Hardenberg befand sich

zu diesem Zeitpunkt in Straßburg und sollte kurz darauf nach Schlettstadt weiterreisen (vgl. die Kurzbiographie in HBBW 14, S. 368, Anm. 1). 26 „Hic nihil est novi, quam quod precia rerum in dies crescunt, cuius causam bello vicino debemus, quod dominus Iesus, pax nostra, antea tollet quam nos Turca, quem confirmant omnes, qui Constantinopoli nuncios accipiunt, multo maiorem belli apparatum instituisse quam unquam antea“ (H, S. 518). 27 „Das haben wir uns verdient, indem wir die Königsherrschaft Christi, die uns schon so viele Jahre so gütig angeboten worden ist, so hartnäckig abgewiesen haben“ (H, S. 518).

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Darauf beschreibt er, vielleicht nicht ohne eine gewisse Schadenfreude, die jüngsten gewaltsamen Zusammenstöße im Mittelmeer zwischen dem Admiral Andrea Doria – im Wirklichkeit handelte es sich um seinen Neffen Gianettino – und den Galeeren des Papstes28, die dazu geführt hatten, dass der Papst alle genuesischen Händler, die sich zufällig auf seinem Gebiet befanden, festgenommen habe29. Bucer nützt dies für einen Seitenhieb gegen den Papst und ein Stoßgebet für die Bewahrung der Kirche: Sic representant nobis Christum vicarii eius. Ipse verus bonus pastor respiciat, colligat et tueatur gregem suam30.

So etwas wie Schlettstadter Lokalpatriotismus scheint durchzuschimmern, wenn Bucer Rhenanus auffordert, Albert Hardenberg seinen Famulus zur Seite zu stellen, damit „dieser ihm die Sehenswürdigkeiten unserer Vaterstadt zeige“31. [14] Bucer beendet seinen Brief mit einem gebetsähnlichen Wunsch, der auch Schlettstadt miteinschließt: Dominus custodiat nos omnes et det, ut de religione patria nostra maturrime aliquando curam admittat32.

Ob Rhenanus diesen kaum verdeckten Wunsch, dass sich Schlettstadt doch noch der Reformation anschließe, als Affront empfand? Denn die Forschung ist sich einig, dass Beatus Rhenanus bis zu seinem Tode drei Jahre später, am 20. Juli 1547, der alten Kirche treu geblieben ist, auch wenn der Zufall wollte, dass er auf der Durchreise in Straßburg starb, mit Bucer, dem Pfarrer Johann Lenglin, dem Armendiakon Lukas Hackfurt33 und sehr wahrscheinlich seinem 28 Diese Ereignisse fanden auch einen Niederschlag in Ambrosius Blarers Korrespondenz mit Heinrich Bullinger (vgl. HBBW 14, S. 406,5-8 und Anm. 4-6). 29 „Pontifex deduci fecit classem Barbarossae [= Cheireddin Barbarossa] aliquot triremibus, eas revertentes Aurienses interceperunt praetexentes debitum quoddam aliquot millium, quod pontifex Andreae Auriensi debet. […] Ea re pontifex permotus detineri fexit, quoquot mercatores Genuenses in suis ditionibus comprehendi potuerunt. Inde magnus per Italiam motus extitit“ (ibid.). 30 „Auf diese Weise vertreten die Stellvertreter Christi ihn uns gegenüber! Er selbst, der wahre gute Hirte, möge für seine Herde sorgen, sie sammeln und schützen“ (H, S. 518f.). 31 „Domino doctori huic rogo adiungas famulum tuum, qui illi visenda in patria nostra ostendat“ (H, S. 519). 32 „Der Herr behüte uns alle und gebe, dass unsere Vaterstadt möglichst bald die Heilung in Bezug auf die Religion zulasse“ (H, S. 519). 33 „Beatus mortuus est XX Iulii hora prima noctis; cum eo fuere Bucerus, Lenglinus et Batodius“ (H, S. 590).

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Famulus Rudolph Berschin34 an seinem Totenbett stehend. Rhenanus’ ausdrücklicher Wunsch, dass allein Kaspar Hedio ihm am Sterbelager beistehe, konnte nicht entsprochen werden, da dieser gerade eine Kirchenvisitation jenseits der Rheins in der Ortenau durchführte35. [15] Ich möchte mit einigen Überlegungen zum Verhältnis zwischen Bucer und Rhenanus schließen: [16] Auch wenn Bucer nach dem Bruch vom August 1525 einen recht herzlichen Ton Rhenanus gegenüber anschlagen konnte, kann seinen Briefen danach, auch demjenigen von 1544 nicht entnommen werden, dass sich Rhenanus in diesen Jahren in irgendeiner Weise dem reformatorischen Lager angenähert hat. Die Briefe dieser Zeit sprechen eher dafür, dass das Verhältnis zwischen Rhenanus und Bucer bis 1544 eine gewisse Normalität erreicht hat, die von höflicher Reserviertheit gekennzeichnet war, wie Jean Rott es treffend formuliert hat36. [17] Eine wichtige Rolle in dem Verhältnis beider Männer spielt ohne Zweifel die gemeinsame Schlettstadter Herkunft – in vieren dieser fünf Briefe Bucers an Rhenanus verwendet er bewusst die Bezeichnung municeps, „Mitbürger“ oder „Landsmann“, um diese Gemeinsamkeit hervorzuheben und eine Nähe zu Rhenanus zu suggerieren. [18] Die Verstimmung des Rhenanus gegenüber Bucer wird verständ-licher, wenn wir auch Bucers Verhältnis zu Erasmus während dieser Zeit zum Vergleich heranziehen. Rhenanus war auf eine viel innigere Weise mit Erasmus befreundet, als Bucer es jemals war. Anderthalb Jahrzehnte lang, von 1514 bis 1528, hatten die beiden in Basel aufs engste zusammengearbeitet und wissenschaftliche Werke in der Offizin Frobens gemeinsam herausgegeben. Rhenanus’ Enttäuschung über die Reformation spiegelt in vielfacher Hinsicht diejenige, die Erasmus auch empfand. Bekannt ist der zwölfseitige Brief, den Erasmus am 2. März 1532 an Bucer schrieb, in welchem er seine Meinungsunterschiede mit diesem akribisch auflistete und seine Kritik gegenüber der evangelischen Bewegung ausführlich entfaltete37. Wir gehen sicherlich nicht fehl in der Vermutung, dass Rhenanus jedem 34 Vgl. Kaiser, « Aus den letzten Jahren des Beatus Rhenanus », S. 30f. 35 „Ego sane libenter accepissem, cum aegrotaret, et per medicum illi obtuli

meam operam donavique vino, sed interea accidit, ut 14 diebus visitatio ecclesiarum Furstenbergensium me hinc avelleret, pridieque primum redii domum“ (H, S. 590). 36 « Mais est-ce trop s’avancer que de dire qu’en 1544 les relations entre les deux Sélestadiens étaient revenues à une certaine normale, puisque Bucer pouvait adresser sa lettre du 10 septembre de nouveau ‘à son concitoyen et ami très honorable’ … sans risquer de voir biffer le mot ‘ami’ par le destinataire ? » (Rott, « Beatus Rhenanus et Martin Bucer », S. 72). 37 BCor VII, Nr. 564, S. 303-341.

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einzigen dieser Kritikpunkte hätte zustimmen können. In dem Maße, wie eine Versöhnung zwischen Bucer und Erasmus nach 1530 kaum denkbar schien, musste eine Versöhnung zwischen Rhenanus und Bucer während dieser Jahre ebenso undenkbar bleiben. [19] Wie kann man aber dann die unbekümmerte und selbstverständliche Herzlichkeit erklären, mit der Bucer Rhenanus auch nach ihrer Entzweiung immer wieder ansprach, etwa in seinen Briefen von 1531 und 1544? Bucers Umgang mit Andersdenkenden war oft von einem unausgesprochenen hermeneutischen Optimismus getragen, der Gemeinsamkeiten voraussetzte, wo zunächst keine zu erkennen waren. Dazu gehörte auch, dass Bucer gelegentlich seine Gesprächspartner „hermeneutisch“ vereinnahmte, das heißt: sie für Positionen in den Dienst nahm, die sie eigentlich nicht vertraten. Seine anfängliche begeisterte Kooperation mit altgläubigen Theologen wie Johannes Gropper und Jakobus Latomus ab dem Sommer 1540 scheint von einer solchen vorauseilenden Vereinnahmung getragen zu sein, die vorschnell in Gegnern Geistesverwandte zu erkennen meinte. Möglicherweise hat diese Haltung Bucers sowie die gemeinsame humanistische Vergangenheit dazu geführt, dass Bucer niemals den Bruch mit Rhenanus für endgültig hielt und noch 1544 etwa die Hoffnung hegte, Schlettstadt würde sich der reformatorischen cura de religione öffnen. Man darf nicht vergessen, dass es gerade Texte waren, die von Rhenanus ediert und veröffentlicht worden waren, wie etwa die Historia Ecclesiastica Tripartita38 und Werke der Kirchenväter, die für Bucers Selbstverständnis als evangelischen Theologen eine zentrale Rolle spielten. [20] Wie Bucer und Rhenanus zueinander stehen, erfasste Jean Rott in seinem vorhin genannten Aufsatz von 1985 am treffendsten. Er erinnert uns daran, dass beide in ihrer sozialen Herkunft und persönlichen Veranlagung letztlich grundverschieden waren: Einerseits Rhenanus, der alleinstehende Stubengelehrte von wohlhabender bürgerlicher Herkunft, der in einsamer und betont ruhiger philologischer Arbeit aufging und gegen die ungebildeten Volksmassen fundamentale Vorbehalte hegte; andererseits Bucer, der Handwerkersohn mit außerordentlich bewegter Vergangenheit, der exponierte öffentliche Ämter innehatte, die ihn dazu zwangen, sich ins Getümmel der Reichspolitik und der Religionsverhandlungen zu stürzen, um in der Auseinandersetzung mit seinen Gegnern die Königsherrschaft Christi voranzubringen39. 38 Backus, “Ulrich Zwingli, Martin Bucer and the Church Fathers”, S. 655. 39 Rott, « Beatus Rhenanus et Martin Bucer », S. 70.

14. „Bucer und Rhenanus, von 1523 bis 1544“

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[21] Die Briefe, die wir heute betrachtet haben, bieten gewissermaßen für die Nachwelt erhaltene Momentaufnahmen der wenigen Augenblicke, in denen diese zwei grundverschiedenen Welten miteinander in Berührung gekommen sind. Quellen Backus, “Ulrich Zwingli, Martin Bucer and the Church Fathers” = Backus, Irena : “Ulrich Zwingli, Martin Bucer and the Church Fathers”, in : I. Backus (Hg.), The Reception of the Chuch Fathers in the West, Leiden, Brill, 1997, Bd. 2, S. 627-660. BCor = Correspondance de Martin Bucer, hg. v. Jean Rott u.a., Bde. 1ff., Leiden, Brill, 1979ff. HBBW 14 = Heinrich Bullinger, Briefwechsel, Bd. 14 : Briefe des Jahres 1544, bearb. v. R. Bodenmann, R. Henrich u. a., Zürich, Theologischer Verlag, 2011. H = Horawitz/Hartfelder, Briefwechsel des Beatus Rhenanus = Horawitz, Adalbert und Karl Hartfelder (Hgg.) : Briefwechsel des Beatus Rhenanus, Leipzig, Teubner, 1886, rpt. Nieuwkoop, B. de Graaf, 1966. Janse, Albert Hardenberg = Janse, Wim : Albert Hardenberg als Theologe. Profil eines Bucer-Schülers (†1574), Leiden, Brill, 1994. Kaiser, « Aus den letzten Jahren des Beatus Rhenanus » = Kaiser, Hans : « Aus den letzten Jahren des Beatus Rhenanus », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins 31 (1916), S. 30-52. Rott, « Beatus Rhenanus et Martin Bucer » = Rott, Jean : « Beatus Rhenanus et Martin Bucer : l’humaniste chrétien et le réformateur », Annuaire des Amis de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat. Spécial 500e anniversaire de la naissance de Beatus Rhenanus, 35 (1985), S. 62-72.

15 Beatus Rhenanus en son temps Georges Bischoff

[1] « Le pays ou ie suis ne est un pays de justice et de liberté. » Il faut lire : « Le pays où je suis n’est pas un pays de justice et de liberté », car il s’agit d’une négation, à ne pas confondre avec « le pays où je suis né est un pays de justice et de liberté. » [2] Cette petite phrase glanée dans la correspondance d’un diplomate au service de Marguerite d’Autriche1 est datée d’Haguenau, le 2 décembre 1516, à un moment où le siège de la préfecture impériale accueille le souverain pour son dernier séjour en Alsace. [3] Elle est lourde de sens et de contresens : fin de règne, intrigues, suspicion dans un contexte de recomposition sans précédent, aux lendemains de Marignan, à la veille des quatre-vingt-quinze thèses de Luther et à l’avant-veille de l’accession de Charles Quint à la tête d’un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais2. [4] Les mots justice et liberté interpellent. Que signifient-ils ? En 1499, Sébastien Brant les avait employés sur le mode incantatoire, « que vivent, fleurissent et croissent la paix, la justice et la liberté à Strasbourg, au pays des Triboques ». Bientôt, Thomas Murner enrôlerait le second sous une bannière frappée d’un retentissant Fryheitdont on a fait – à tort – le slogan de l’insurrection des campagnes allemandes de 1524-1525. [5] Epris de justice et de paix, le vertueux Beatus Rhenanus s’inscrit dans l’actualité du premier quart du XVIe siècle. Il se trouve à l’interface de deux générations, et la date de 1515, ce 5e centenaire, en constitue un jalon pertinent. [6] La présente communication ne prétend pas donner les clés du personnage, et encore moins le situer dans les courants de l’humanisme

1 AD Nord, B. 32135 : lettre de Loys Maroton à Guillaume de Barre, secrétaire de l’archiduchesse Marguerite. 2 Le Roux, 1515. L’invention de la Renaissance ; Armstrong, Charles Quint.

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contemporain. Elle s’intéresse à un environnement général et à un milieu proche : Sélestat, l’Alsace, le Rhin3. [7] De la première, la ville natale, on retiendra sa position ombilicale, au milieu de la plaine de l’Ill, entre les Vosges et le Rhin : « tu pourrais penser que tu te trouves en Hollande », écrit l’ami d’Erasme, qui n’a guère quitté son petit pays sauf pour se rendre dans la Ville Lumière. Pourquoi pas ? Si l’on se fie à la gravure de la Cosmographie de Sébastien Münster (1552), la ville a quelque chose d’amphibie, et elle possède un port. Pour les connaisseurs du Heerschild et de la théorie des Quaternions, qui relisent la constitution de l’Empire suivant un ordre protocolaire rêvé, Sélestat est un des quatre villages impériaux (des heiligen reichs vier dörfer) – aux côtés de Bamberg, d’Ulm et de Haguenau4 : ce titre distingue des localités moins prestigieuses qu’Augsbourg, Metz, Aix-la-Chapelle et Lubeck, qui sont qualifiées de villes, mais rend compte d’une certaine valeur affective ou d’une certaine notoriété. Au XVe siècle et dans les premières décennies du XVIe, on peut effectivement lui reconnaître une place à part, plus visible que celle de ses associées de la Décapole, à la fois parce qu’elle pouvait se réclamer de quelques beaux faits d’armes (en 1445, en 1448) et que les trompettes de la renommée y retentissaient plus fort qu’ailleurs grâce aux beaux esprits qu’elle avait aimantés à elle. L’Alsace de Beatus et de Maximilien Ier „Der Garten oder das Herz Europae“ [8] Beatus Rhenanus est né quelque part : il reste fidèle à sa ville natale tout au long de sa vie, et celle-ci le lui rend bien. N’est-elle pas l’épicentre de l’Alsace telle que la voient les premiers géographes, ceux qu’on surnomme, parfois « germanographes » ?

3 Le lecteur trouvera facilement les ouvrages généraux sur la période et, plus spécialement, sur l’humanisme dans les différentes communications de cet ouvrage. L’introduction la plus commode se trouve dans L’Alsace au siècle de la Réforme (1482-1621), qui est un recueil de documents commentés. Au fil des notes, nous indiquerons plus spécialement nos propres publications sur le sujet, en attendant la synthèse que nous nous proposons d’y consacrer. 4 Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cg M 145, v, 1480, fol. 31r°.

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Carte d’E. Etzlaub, Das ist der Rom-Weg, [1500]. Sélestat apparaît comme une étape sur la route de Trèves à Bâle. Wissembourg est placée au bord du Rhin, conformément à l’appellation « Weissenburg am Rhein » que revendiquent ses habitants. Le nord se trouve au bas de l’image.

La carte d’Erhard Etzlaub, qui paraît à l’occasion du jubilé de 1500 pour montrer que tous les chemins (d’Allemagne) mènent à Rome ne retient que Wissembourg, Haguenau, Strasbourg, Sélestat et Bâle entre les Vosges et le Rhin, mais elle indique aussi le Mont Sainte-Odile5. Même constat à l’automne 1516, quand Sigismond d’Herberstein accompagne l’empereur et décrit le pays depuis Brisach : En aval, c’est l’Alsace. Ce qui se trouve en amont est appelé Sunckhaw. Je me rendis d’abord par Colmar, une ville impériale, à Bergheim, à 5 Sur cette carte reprise dans son édition 1501 dans Cochlaeus, Breuis Germanie Descriptio (1512), éd. Langosch, Brisach disparaît au profit d’Ensisheim, Wissembourg est remplacé par Saverne. Cochlaeus reprend la Germania (1501) de Wimpheling ; sa notice sur l’Alsace se contente de nommer Sélestat, Colmar et Kaysersberg ; Strasbourg étant citée parmi les grandes villes du Rhin.

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15. Georges Bischoff deux lieues, un bourg autrichien. Tout près de là se trouve le château de Ribeaupierre et la ville de Ribeauvillé. L’Ill coule à travers le pays. Au-delà de Sélestat, vers Obernai, se trouve le Mont Sainte Odile (Sannd Otilia Perg), et nous avons aussi passé devant le HautKoenigsbourg, trois milles. L’empereur tira vers Neuwiller, six milles. De là, vers Ingwiller, un mille, puis Haguenau, deux milles. Moi, cependant, j’ai chevauché d’Obernai à Strasbourg, quatre mille, pour voir la belle et puissante cité. Là, un bras du Rhin coule à travers la ville et non loin de la ville arrivent deux cours d’eau, l’Ill et la Bruche6.

Ce raccourci est pertinent au sens propre et au sens figuré. Il est corroboré par les savants du Gymnase vosgien, qui sont à peine lorrains, puisque Ringmann Philésius (1482-1511) est né à Eichhoffen au-dessus de Barr et que son compère Martin Waldseemüller (14701520) est venu des environs de Fribourg, en passant par Bâle, à la demande du chanoine de Saint-Dié, Gautier Lud, dont la famille est de Pfaffenhoffen. [9] L’édition de la Cosmographie de Ptolémée, préparée par ce trio est, fondamentalement, alsacienne, même si son Introductio de 1507, qui baptise l’Amérique, passe pour avoir été imprimée sur les bords de la Meurthe : son dédicataire n’était autre que l’empereur Maximilien, en visite à Strasbourg au printemps de cette année-là7. La carte d’Alsace, ou, plus exactement, de l’Oberrhein, gravée par Waldseemüller en 1511, est, en soi, un véritable manifeste : on y trouve, évidemment Selestadium, vel Helvetium, en hommage à Wimpheling qui fantasme sur cette origine gallo-romaine, et la plupart des localités qui comptent, les villes impériales, les métropoles rhénanes de Strasbourg et Bâle, les lieux du pouvoir comme Ensisheim ou Ribeauvillé, et les passages qui confèrent à l’Alsace un rôle stratégique sans équivalent entre la France et l’Empire. [10] La singularité du Rhin supérieur réside dans cette situation paradoxale : on se trouve tout à la fois à la périphérie de la germanité et au cœur de celle-ci. Le lettré anonyme à qui l’on doit le fameux Livre des cent chapitres et des quarante statuts, qui combine exaltation nationale et programme révolutionnaire décrit la région comme « le jardin ou le cœur de l’Europe ». On a voulu y voir un proche des humanistes, voire l’un d’entre eux, Conrad Stürtzel, Mathis Wurm de Geudertheim ou Jacob Merswin, mais peu importe le nom de ce 6 Herberstein, Selbstbiographie, éd. Karajan, p. 106. Un mille (lieue allemande) correspond à 7,4 km. 7 Bischoff, « Les nouveaux mondes de Saint-Dié ».

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« terroriste de la théocratie » puisqu’il est d’abord l’interprète de son milieu8. L’image du jardin illustre l’adage suivant lequel l’Alsace est « la cave à vin et le grenier à grain » des régions voisines9. Celle du cœur est plus complexe, dans la mesure où elle rend compte d’une réalité physique liée à la circulation des marchandises, des hommes, des idées – c’est le sens du proverbe « Gedanken sind zoll frey », dont la version princeps se trouve dans le recueil de Johannes Agricola, Sybenhundert vnd Fünfftzig Teütscher Sprichwörter, verneüwert vnd gebessert, imprimé à Haguenau en 1534 –, tout en exprimant un ensemble de valeurs morales. Le patriotisme impérial du premier quart du XVIe siècle procède d’un imaginaire façonné par la génération de Wimpheling et des siens. Il en sera question plus loin. [11] La vitalité intellectuelle de Sélestat et de son réseau n’est possible qu’à partir du moment où elle est irriguée par une économie prospère, et, mieux encore, par une conjoncture de croissance. Faute de chiffres – Sélestat compte autour de 5 000 âmes, l’Alsace, peut-être 400 000 –, la dynamique de la population ne peut pas être évaluée, mais elle est réelle, dégageant un excédent de main-d’œuvre (pour des productions nouvelles comme celles des mines, pour le mercenariat, voire pour le monde des clercs). La preuve ? La facilité avec laquelle l’Alsace se remet du terrible bain de sang du printemps 1525, par l’arrivée à l’âge adulte des enfants des paysans massacrés par l’armée « lorraine », plus que par l’immigration de Souabe ou d’ailleurs. [12] D’autres indices montrent que l’on construit toujours plus et mieux, que le confort progresse – avec la multiplication des poêles, des vitrages, de l’équipement des maisons, qu’on prévoit des infrastructures toujours plus perfectionnées, notamment dans le domaine de l’hydraulique – c’est le cas des fontaines –, que des besoins nouveaux apparaissent sous des formes inédites, costumes, couleurs, colifichets, etc. Inutile de se livrer à un inventaire détaillé : pour autant qu’on

8 Le texte a fait l’objet d’une édition scientifique par Lauterbach, Der

Oberrheinische Revolutionär. La controverse sur l’identité du personnage a été relancée par Huth, „Der ‘Oberrheinische Revolutionär’“ et par Lauterbach, „Der Oberrheinische Revolutionär und Jakob Merswin“. 9 Appliquée à l’Alsace et au Sundgau, l’expression „unnser aller wynkeller und kornkasten“ apparaît sous la plume des Confédérés suisses au moment de l’intervention lorraine contre la paysannerie insurgée : elle est invoquée pour obtenir un cessez-le-feu, notamment pour préserver les intérêts bâlois en Haute-Alsace. Cf. Aktensammlung zur Basler Reformation, éd. par Emil Dürr et Paul Roth, t. I, Bâle, 1921, p. 382, n° 493.

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puisse le dire, ces changements s’observent sur le plan quantitatif et qualitatif et sont plus nets ici qu’ailleurs10. [13] Faut-il alors parler de mutation ? Certainement, si on considère les productions qui requièrent les investissements les plus lourds et les appétits les plus voraces. Il en va ainsi de la proto-industrie, fourneaux, fonderies (de canons notamment, une spécialité strasbourgeoise), verreries et, surtout, extraction minière. Pierre Fluck et son équipe d’archéologues ont montré que les Vosges étaient l’un des grands bassins argentifères de l’Europe, plus spécialement dans la vallée de la Lièpvrette et aux abords de la crête, à quelques lieues à peine de Sélestat. On sait que des fortunes s’engloutissent ou s’épanouissent dans la recherche des filons, et que les hommes d’affaires y courent frénétiquement, avec quelques réussites éphémères – l’exemple le plus fameux est celui du Saxon Conrad Bolsnitzer, qui règne sur la ville champignon de la Fürst, alias La Croix aux Mines, aux alentours de 1520 avant de sombrer dans la misère la plus noire. Les plus avisés placent leurs billes dans des entreprises moins risquées, la banque, pour peu que les créanciers soient solvables – mais les prêts sont garantis par leurs revenus fonciers –, ou le commerce au long cours. Ce marché s’étend au livre imprimé – et en amont, à la papeterie, dominée par les capitaux strasbourgeois ou bâlois, ou au plomb, sousproduit du minerai d’argent. Beatus Rhenanus et ses amis participent de cet environnement. Les hommes de l’empereur [14] Cette Alsace incomparable – leitmotiv de la Cosmographie de Sébastien Münster – a une grande vedette : l’empereur Maximilien Ier, qui n’hésite pas à la qualifier de « plus chère de [ses] possessions ». C’est une affaire de cœur qui remonte à son mariage avec Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, dont il a défendu l’héritage contre le roi de France, en orchestrant, d’abord, l’insurrection de la Franche-Comté, en 1477-1479, avec l’aide de soldats recrutés en Alsace, puis en assurant, personnellement, sa reconquête, en 14921493, avec ses fidèles des pays antérieurs de l’Autriche. Dans l’intervalle, en 1488, sa capture par les rebelles flamands avait suscité 10 Les récits des voyageurs le suggèrent fortement. Ainsi, le chanoine florentin Antonio de Beatis, qui ne tarit pas d’éloges sur la vallée du Rhin dans sa relation du Voyage du Cardinal d’Aragon en Allemagne, Hollande, Belgique, France et Italie (1517-1518), trad. par Marguerite Havard la Montagne, Paris, 1913.

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un élan patriotique inconnu jusque-là puisqu’il s’était traduit par l’envoi en Flandre d’un gros contingent réuni par les villes impériales. Sélestat y avait pris une part prépondérante : le boucher Hans Ulmann, un collègue du père de Beatus, Antoine Bild, qui s’illustrerait bientôt à la tête du Bundschuh, avait été l’un des chefs de l’expédition. Maximilien de Habsbourg était roi des Romains depuis 1486 : né en même temps que l’imprimerie (1459), virtuellement empereur à la mort de son père, Frédéric III, en 1493, mais jamais sacré par le pape, il croyait à la grandeur de l’Empire, apparaissait comme le restaurateur de sa puissance, travaillait à sa gloire et maîtrisait remarquablement sa communication. Les humanistes attendaient tout de lui11. [15] Ressentie comme une offense par toute l’Allemagne, sa captivité à Bruges en avait fait un héros, valorisant du même coup ses fidèles, parmi lesquels on retrouve un ami d’enfance, le Sundgovien Melchior de Masevaux, ou Reinhardt Mey de Lambsheim, dont la carrière peu reluisante de Raubritter avait commencé au HautKoenigsbourg en 1462. Entre 1487 et 1490, ses partisans alsaciens avaient préparé son avènement à la tête des pays antérieurs et du Tyrol, jusqu’alors tenus par un cousin de Frédéric III, l’archiduc Sigismond « le Riche », sans héritier légitime. C’est en 1490 que Maximilien était, officiellement, devenu comte de Ferrette et landgrave de Haute-Alsace, disposant enfin d’une assise territoriale solide aux abords immédiats de la Bourgogne. Il en avait tiré un parti immédiat pour recouvrer la Franche-Comté, abandonnée par les Français à la suite du combat de Dournon (janvier 1493) et pour se faire reconnaître par les autorités locales, notamment celles des villes. Il avait rendu visite à Sélestat et à Colmar où il s’était arrêté de longues semaines. [16] C’est de cette première entrée royale (à Sélestat, le 24 novembre 1492) que date l’engouement des lettrés pour le souverain. L’événement coïncide avec la chute de la météorite d’Ensisheim, le 7 novembre 1492. Les contemporains y voient un heureux présage, comme Sébastien Brant qui publie coup sur coup deux placards, le premier en latin et en allemand, Von dem donnerstein gefallen… vor Ensisheim, qui annonce les prodiges à venir, tiré à des milliers d’exemplaires au cours de l’automne, et le second « Sur la glorieuse bataille des Allemands près de Salins », établissant une connexion directe entre les deux faits. Le prétexte de cette campagne victorieuse était le « rapt » d’Anne de Bretagne par Charles VIII, mettant un terme 11 Rapp, Maximilien d’Autriche.

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au projet de mariage entre la petite duchesse et l’héritier des Habsbourg, veuf de sa première femme. Deux ans plus tard, la diète de Worms (1495) mettait un terme aux guerres privées qui déchiraient l’Allemagne : Maximilien y gagnait l’aura du pacificateur et jouait la carte de l’unité du royaume. Une circulaire imprimée par Jean Prüss fin 1495 charge son bailli Gaspard de Morimont et son secrétaire Mathis Wurm de convoquer les membres de l’Empire des deux rives du Rhin en vue du financement et de la levée des troupes destinées à l’accompagner dans son Romzug : c’est la première fois que l’autorité impériale s’exerce directement sur l’ensemble des pays du Rhin supérieur, qui n’étaient alors qu’une marqueterie de principautés et de villes impériales, mais cela se solde par un demi-échec. Il n’empêche que l’empereur est devenu visible, attentif et présent, contrairement à ses prédécesseurs restés trop distants. [17] Cette proximité s’exerce à travers un réseau d’administrateurs et de grands capitaines. La vassalité autrichienne en forme le socle, avec des figures comme le chevalier Frédéric Cappler – qui passe pour l’équivalent allemand de Bayard –, les sires de Ribeaupierre ou les comtes de Lupfen, les barons de Morimont-Belfort, Melchior de Masevaux, déjà cité, Christophe de Hattstatt, Simon de Ferrette, commandant de lansquenets, Michel Ott d’Echterdingen, chef de l’artillerie impériale, etc. Les juristes de l’Université de Fribourg, tels l’illustre Zasius, ou ses émules Jérôme Baldung, Conrad Stürtzel junior, Nicolas Bapst siègent au gouvernement provincial d’Ensisheim, dont le secrétaire a été, pendant des années, le landschreiber Michel Armbruster. Un fils de ce dernier, Paul, fait carrière à la cour en troquant son nom roturier d’Armbruster en Armstorffer, puis d’Armsdorf : parfaitement francophone, et sans doute polyglotte, c’est le plus actif de ses agents pendant la dernière décennie du règne : il conclut l’alliance anglo-autrichienne de 1513, organise la prise de pouvoir de Charles de Bourgogne en Espagne, en 1516, puis remporte l’élection impériale de 1519 en retournant les princes-électeurs en faveur de celui-ci grâce à l’argent des Fugger d’Augsbourg12. C’est un autre Alsacien, originaire de Sélestat, Jacques Villinger qui fait office de ministre des Finances de Maximilien, puis de son petit-fils après 151913. Enfin, c’est à ce même cercle qu’appartiennent des administrateurs comme le chancelier Conrad Stürtzel (1435-1509), qui avait professé à Fribourg dès 1460, le vice-chancelier Nicolas Ziegler, un 12 Bischoff, « Un ‘faiseur de rois’. Le diplomate Paul d’Armsdorf ». 13 Bischoff, « Le château du ministre alsacien. Jacques Villinger ».

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autre Souabe devenu seigneur de Barr, et une pléiade de secrétaires ou de conseillers comme Mathis Wurm, ou Jacques Spiegel, neveu de Wimpheling, relayés par des administrateurs locaux parmi lesquels on peut citer les Schutz de Traubach, dont l’un, Jean-Jacques, s’est installé à Sélestat vers 1523. [18] Ce milieu est à la fois très mobile, car l’empereur est toujours en mouvement, et particulièrement bien implanté en Alsace. Il a été formé dans les écoles latines de la région, puis dans les universités – l’exemple emblématique est celui de Jacques Merswin, élève de Dringenberg passé par Paris et Padoue, l’un des premiers membres de la chambre de justice impériale fondée en 149514 – ou dans les cours (celle de Maximilien, celle de sa fille Marguerite, à Malines) et entretient des relations suivies avec les humanistes : Villinger peut être tenu pour le « sponsor » de la Société littéraire de Sélestat. [19] C’est pourquoi, il est impossible d’évoquer celle-ci sans prendre en compte ces affinités avec les plus hauts degrés du pouvoir. Wimpheling et Brant sont les thuriféraires de Maximilien. Sélestat tire un avantage supplémentaire de sa position centrale, à proximité immédiate des terres de l’Autriche – le Val de Villé, le Brisgau, la Haute-Alsace, et sur la voie la plus rapide entre Bâle et Strasbourg. La ville abrite des établissements religieux qui drainent tout l’arrièrepays, et pas seulement en matière économique. Ainsi, la maison des hospitaliers de Saint-Jean dépend-elle de l’illustre commanderie strasbourgeoise de l’Ile verte, qui accueille régulièrement le souverain ou d’autres visiteurs prestigieux, possède une bibliothèque qualifiée de pulcherima libraria et réunit les têtes pensantes de la ville, Geiler de Kaysersberg, dont Rhenanus écrit une Vita parue peu de temps après le décès (1510), Sébastien Brant ou Wimpheling15. Grands moments, petits profits [20] Lorsque Beatus Rhenanus atteint l’âge adulte, ce réseau est en place et tend à s’amalgamer à la noblesse. Villinger est fait chevalier, puis baron par Maximilien – on l’appelle von Schoenenburg du nom 14 Merswin a été l’avocat d’Anna Spiessin, accusée par le célèbre Henri

Institor(is) d’avoir ensorcelé l’archiduc Sigismond vers 1485, puis celui des conjurés du Bundschuh. Cf. Tschaikner, „Hexen in Innsbruck“. 15 Georges Bischoff, « Libraria publica. La bibliothèque de Saint-Jean de Strasbourg au berceau de l’humanisme rhénan », à paraître en 2016 dans Histoire et civilisation du livre.

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d’une ruine du Jura alsacien, mais on le connaît aussi comme « Monsieur de Sainte-Croix », car il est seigneur de ce bourg de la plaine proche de Colmar, Armsdorf compte parmi les grands d’Espagne et fait souche en Brabant. Comme on le sait, Rhenanus est lui-même anobli en 1523. Pour ces robins et ces lettrés d’origine modeste, le service du souverain est une source miraculeuse. Aussi, l’Alsace et les régions voisines peuvent-elles être considérées comme une sorte de laboratoire de la réussite, ou, à défaut, comme un champ de manœuvre. [21] Sur le plan politique et militaire, les opportunités sont nombreuses : le pays est une tête de pont pour des expéditions guerrières contre la France des Valois en 1491, en 1492-1493, 1495, 1498, puis à nouveau entre 1512 et 1516, mais la plupart avortent. Ce n’est qu’à l’hiver 1492-1493 ou en septembre 1513 qu’une offensive bouscule l’ennemi, la première fois, du fait de sa relative faiblesse, la seconde, avec l’aide massive mais désagréable des Confédérés suisses, pour une victoire à la Pyrrhus sous les murs de Dijon16. La loyauté de ses sujets alsaciens avait incité Maximilien à leur confier la dernière grande entreprise des Habsbourg contre ses ennemis héréditaires des cantons suisses : nouveau désastre à Dornach, aux portes de Bâle, le 22 juillet 1499. Enfin, au printemps 1516, c’est aux abords de Sélestat que s’engage l’invasion du duché de Lorraine par une armée de mercenaires qui s’emparent de Saint-Hippolyte et des mines du Val de Lièpvre, puis tentent de traverser les Vosges. Erasme est le témoin de ces rassemblements de troupes qui l’empêchent de continuer son chemin à la hauteur de Kaysersberg, mais n’en comprend pas l’objet. Cette opération militaire avait été montée par Maximilien, avec l’argent d’Henry VIII en réplique à la victoire de François Ier à Marignan, six mois plus tôt, mais elle avait été sous-traitée au comte Gangolphe de Geroldseck et au chevalier Franz von Sickingen, incapables de la mener à bien face à l’armée lorraine et ses renforts français17. [22] Les seuls véritables succès remportés par la Maison d’Autriche concernent son redéploiement sur le Rhin supérieur : occupation des domaines du comte palatin, en 1504 et reprise du grand bailliage de Haguenau, ce qui permet de mieux contrôler les villes impériales, séquestre des seigneuries alsaciennes du duc Ulrich de Wurtemberg, en 1519, le tout, sous la forme de promenades militaires indolores. 16 Bischoff, « Comme si tout le royaulme de France ». Cf. la lettre de Hummelberg à Rhenanus évoquant la mort de Louis XII, parti emprunter à Pluton la somme fabuleuse promise aux Suisses pour lever le siège de Dijon, dans Rhenanus, Epistulae Beati Rhenani, vol. 1, p. 510-511. 17 Bischoff, « Marignan, l’Alsace et la Lorraine ».

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[23] Cependant, malgré quelques contrariétés – la défection de Mulhouse, devenue l’alliée des Confédérés en 1515 –, le bilan s’avère largement positif. Les Habsbourg qui sont, pour la première fois, les maîtres entre Landau, désormais rattachée à l’Alsace, et Belfort, tissent des réseaux d’alliance et bénéficient d’une opinion qui leur est favorable. Les villes impériales, largement autonomes, et l’altière république de Strasbourg s’en accommodent. Les autres territoires, la principauté épiscopale de Strasbourg, Murbach, les Ribeaupierre, les grands seigneurs de Basse-Alsace sont aux ordres. L’Europe recomposée : le temps des frontières Révolutions [24] Le concert de louanges dont les humanistes gratifient l’empereur est brouillé par des bruits de fond incontrôlables. [25] En effet, les reclassements en cours ont des retombées particulièrement inquiétantes dans le domaine social et religieux. De ce dernier, qui constitue le sujet principal de ce recueil, pas la peine d’en dire trop. En revanche, les troubles qui se produisent tout au long de la période 1493-1525 mériteraient d’être observés à travers les lunettes des historiens de la culture politique. Pour simplifier, on pourrait dire qu’ils sont en grande partie la conséquence de ce qui vient d’être dit et la cause de ce qui va suivre. [26] Expliquons-nous : fin mars 1493, les autorités déjouent une conspiration dont l’épicentre se trouve précisément à Sélestat, où réside son chef, l’ancien burgermeister Hans Ulmann qu’on a cité plus haut. Les conjurés réunis au sommet de l’Ungersberg, se comptent par dizaines, arborent une bannière frappée d’un soulier à lacet, le Bundschuh des classes laborieuses et envisagent de prendre le pouvoir à Sélestat où, dit-on, ils disposent de 500 partisans18. Leur programme prévoit quatre points : l’interdiction du recours au tribunal de l’officialité pour les affaires civiles, l’interdiction du cumul des bénéfices ecclésiastiques, l’interdiction du recours au tribunal impérial de Rottweil, à l’est de la Forêt-Noire et, pour finir, l’expulsion des juifs. Les trois premiers articles ne se comprennent qu’à partir du moment où ils impliquent une expérience concrète du droit et il en va de même du quatrième, qui met en cause une législation protectrice et sa jurisprudence. Dans l’hypothèse d’une prise de pouvoir, ces décisions 18 Bischoff, La Guerre des Paysans et, sur les événements de 1493, Bischoff,

« Le Bundschuh de l’Ungersberg ».

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tiendraient davantage de la réforme que de la révolution. Sont-elles absurdes pour les lettrés ou pour les administrateurs de l’époque ? Sûrement pas. L’accumulation de prébendes est un mal que dénoncent beaucoup de religieux qui pensent, avec Geiler, qu’elle est incompatible avec la cure des âmes : les Sélestadiens le voient tous les jours en passant devant Sainte-Foy, dont le prieur commendataire est le cardinal Olivier Carafa, archevêque de Naples, qui n’y a jamais mis les pieds, possède une demi-douzaine d’évêchés et une multitude de prieurés. Cette pratique, dont Wimpheling est lui-même bénéficiaire (à Soultz-les-Bains, entre autres) comme beaucoup de ses collègues est en rapport direct avec l’intervention des tribunaux dont on dénonce le rôle : les revenus des paroisses, des chapellenies ou des maisons religieuses proviennent en grande partie des rentes que leur versent les paysans. Quand ces derniers n’ont plus les moyens de les payer, en temps de crise, ils sont traduits devant les tribunaux qui procèdent à la saisie de leurs biens. Ce harcèlement empoisonne la vie des campagnes. Pire : les gens d’Eglise, qui connaissent les arcanes du droit19, et les juges, formés dans les mêmes universités qu’eux, apparaissent comme complices. Quant aux juifs, qui prêtent à court terme, sur des gages mobiliers, ils sont théoriquement les protégés de l’empereur ; s’ils hésitent à faire appel à sa justice pour arbitrer des affaires – mais ce n’est pas impossible –, c’est sur eux que se focalise la haine des uns et des autres. Wimpheling dénonce leur « rapacité » en demandant à l’official d’intervenir auprès de l’évêque pour les chasser de sa paroisse. [27] Etouffé dans l’œuf – Ulmann est écartelé après avoir tenté de se réfugier en Suisse, d’autres compagnons sont condamnés à mort – le premier Bundschuh est suivi d’une série d’autres conjurations sur les deux rives du Rhin, en 1502, en 1513 et en 1517, notamment. Son programme se radicalise toujours plus sous la conduite de Joss Fritz et vise la formation, par la violence, d’une société égalitaire placée sous la houlette du pape et de l’empereur. [28] Ces projets millénaristes répondent naturellement à des tensions économiques, à la conjoncture des prix qui est fonction des récoltes et des spéculations afférentes. Mais ils traduisent surtout une crise de conscience directement issue de la révolution du savoir et du

19 Ainsi, bon an, mal an, la Commanderie de Saint-Jean de l’Ile verte porte une demi-douzaine d’affaires devant l’official de Strasbourg et fait condamner ses débiteurs.

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brassage des idées20. Le peuple des campagnes et des villes est le premier concerné par la transformation des outils de l’autorité, devenus plus complexes du fait de l’homogénéisation des élites dirigeantes et des moyens dont elle dispose, en particulier l’imprimerie. Les mêmes raisons font, cependant, qu’il est en phase avec les exigences réformatrices qui s’expriment par la prédication et par le livre : si l’Eglise est malade, comme le dit Geiler et si les puissants sont du côté du mal, le remède n’est-il pas du côté des humbles ? Et d’ailleurs, ceuxci n’ont-ils pas, désormais, la force du nombre ? Depuis les Guerres de Bourgogne, et même avant, l’infanterie est la reine des batailles, si bien qu’on instaure un service militaire dans les villes et dans les villages sur le modèle des Confédérés suisses. Les humanistes, qui ont des références, comparent ceux-ci aux légions des Césars (et, parfois, les admirent). Un grand nombre d’hommes vont s’engager dans les armées de mercenaires qui se battent pour l’empereur contre le roi de France, ou même, avec une meilleure solde, au service de ce dernier. Les lansquenets sont des légionnaires21. [29] C’est dans cet environnement qu’éclate la Guerre des Paysans qui embrase l’Alsace à la mi-avril 1525 et s’achève par un bain de sang cinq semaines plus tard, à la suite de l’intervention du duc de Lorraine. Son intensité est plus forte que dans les autres régions allemandes, tant par l’organisation des insurgés que par leur culture politique. Il n’est pas douteux, en effet, qu’une partie de leur encadrement est le fait de membres du clergé passés à la Réforme ou de notables relativement instruits. Là encore, Sélestat se trouve en première ligne, puisque la ville compte de nombreux sympathisants, et qu’on en trouve même parmi les proches de Beatus Rhenanus, et que sa neutralité n’est pas étrangère au carnage de Scherwiller, le 20 mai 1525. Peurs [30] Contrairement à l’image patrimoniale fabriquée par l’historiographie alsacienne, le climat du premier quart du XVIe siècle est un composé d’inquiétude, de défiance et, en dernier ressort, de peur. Les humanistes en sont les agents les plus actifs. Ils s’emploient à contrôler le savoir, à policer la langue, à corriger les contresens et à 20 Barbier, « La réforme luthérienne et les livres », p. 322 : « La société allemande du début du XVIe siècle est la première de l’histoire à s’être trouvée confrontée à une médiatisation de masse ». 21 Bischoff, « Argent, honneur et trahison. Les lansquenets allemands ».

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conforter les pouvoirs. Sébastien Brant en est un exemple éloquent, qui fustige les mœurs de son temps en invoquant la satire pour bannir l’indulgence : c’est un censeur, un pieux censeur22. Après 1525, les autorités conseillées par les juristes sortis du même moule universitaire multiplient les mesures de vigilance, dans un sens positif quand il s’agit de remédier aux causes économiques de la colère paysanne – création de stocks de grains, contrôle des prix –, dans un sens négatif, surtout, avec la mise en place d’une législation toujours contraignante. La grande ordonnance promulguée en 1549 par l’évêque Erasme de Limbourg au nom des seigneurs immédiats et des villes impériales d’Alsace peut être considérée comme le couronnement de cette politique d’ordre à laquelle souscrivent aussi bien les autorités favorables à la Réforme que leurs homologues restées catholiques. Sa rigueur vise les pratiques de sociabilité qui échappent à la culture savante, les loisirs, les fêtes profanes, les lieux de détente, etc., et impose des normes de décence toujours plus contraignantes (le costume, le comportement, etc.). A l’extinction de l’insurrection des campagnes, on ne s’était pas contenté de désarmer les paysans : on leur avait déjà interdit la musique et les danses. Pour l’intelligentsia, formée à la sévérité dans des écoles latines, le peuple est, virtuellement, barbare, si l’on en croit des pédagogues comme Otto Brunfels pour lequel « parler en mangeant est un comportement de paysan ; de même, cracher, bâiller, vomir trop souvent n’est pas digne de l’habitant de la ville ; somnoler à table, en s’appuyant sur son coude, c’est rustre et vulgaire » (agreste et ethnicum) ou Jean Sturm, qui proscrit l’allemand dans l’enceinte de son Gymnase. [31] Cette obsession de la règle doit-elle être prise pour argent comptant, à travers le modèle du « surveiller et punir » de Foucault ? Oui et non. Le seul fait de rappeler cette réglementation et de la mettre à jour régulièrement suggère que les manquements sont nombreux, mais le chantier n’a pas encore été exploré. Ce qui est sûr, c’est la mobilisation des détenteurs du pouvoir, ceux qui gouvernent les hommes et ceux qui régentent les esprits. Pour autant qu’on puisse le dire – ce que fait Sébastien Brant dans sa ville de Strasbourg le corrobore –, le mouvement commence avec le Bundschuh de 1502, qui marque le début d’un dispositif d’alerte des autorités. Cette concertation s’effectue dans le cadre du Grand Bailliage d’Empire 22 AM Strasbourg, MR 1 et IV/86 : nombreux placards imprimés, parfois corrigés de la main de Sébastien Brant, avant même la Réforme (interdiction du blasphème, des divertissements indécents, des chansons paillardes, etc.).

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d’Haguenau ou dans celui du landgraviat de Basse-Alsace, mais peut s’étendre à l’ensemble du Rhin supérieur. Les rencontres des « états » d’Alsace, ou Landstände, ne sont pas des assemblées représentatives et n’émanent pas des gouvernés : elles jouent le rôle d’un conseil de sécurité chargé de coordonner et de transmettre des décisions23. Elles fondent l’illusion de l’unité, et, à ce titre, contribuent à fabriquer une histoire régionale au service des puissants. [32] Les humanistes sont la chorale de ce concert. Leur refrain ? Sujets (Untertanen, subjecti, au pluriel), verbe (rhétorique), compliments. Le fameux couplet d’Erasme sur l’équilibre constitutionnel de Strasbourg « Monarchie sans tyrannie, démocratie sans désordre, aristocratie sans factions » n’est qu’une flatterie. Dans le meilleur des cas, leur voix s’enraye : les massacres de mai 1525 et la répression subséquente les laissent froids. Quand Rhenanus reproche à son ami Hummelberg de s’être laissé entraîner par les idées nouvelles (qu’il avait partagées un temps), on comprend qu’il reproche à celles-ci d’avoir abandonné leur tour d’ivoire et de s’être salies dans un monde profane. [33] Sa réalité à lui, c’est le passé composé. Sélestadien, il réécrit l’histoire de son temps dans la langue du Cicéron des optimates. Hans Ulmann, qu’il a peut-être entr’aperçu, est une sorte de Sylla, et l’agitation luthérienne de janvier 1523 ou le mystérieux complot orchestré l’année suivante par Jean-Jacques Schutz de Traubach pour gagner la ville à la Réforme mériteraient sans doute une relecture approfondie, plus explicite que son apologie de la concorde à la mode de Tite-Live24. [34] La paix, garantie par l’autorité au prix de l’injustice traverse sa correspondance, et le silence, relatif, dont il fait montre pendant la Guerre des Paysans, tout comme son ami Erasme, donne la mesure de son hostilité à toute forme de trouble. Son intérêt pour l’actualité « politique » est limité25. En revanche, il recompose l’histoire locale dans le sens d’une héroïsation sur le modèle de l’histoire romaine, dans le fil de la translatio imperii ad Francos, un patriotisme impérial 23 Bischoff, « Les états-unis d’Alsace… ». 24 Gény, Die Reichsstadt Schlettstadt ; Baillet, « Sélestat et Colmar ». Cf. Walter,

« Un texte de Beatus Rhenanus ». 25 Rhenanus, Epistulae Beati Rhenani, vol. 1, op.cit., ne contient qu’une demidouzaine d’allusions au contexte politique de la période considérée. En 1509, on comprend que les opérations de guerre de Maximilien en Italie le perturbent (p. 130131) : l’année suivante, il félicite Jacques Spiegel d’avoir pris sa part du butin de livres fait par l’armée impériale en Vénétie (p. 220-221).

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qui confie aux Allemands la relève de Rome. Ainsi, l’exercice de style sur la clémence « à l’antique » des autorités de Sélestat à l’égard des chevaliers brigands capturés à Herrlisheim en 1448 réinterprète-t-il une réalité moins glorieuse car les bourgeois s’étaient volontiers placés sous la protection ambiguë des châtelains du HautKoenigsbourg, les Lützelstein, dont les Grefe étaient des bâtards26. L’érudition sour-cilleuse de ses Trois livres sur la Germanie relève de la généalogie nationale façonnée par ses prédécesseurs, Trithème, ou, à la place, médiocre, qui lui revient, Wimpheling. Depuis l’édition princeps de Velleius Paterculus, retrouvé à la bibliothèque de Murbach, Arminius a pris place dans le panthéon des héros de l’Allemagne. Préfigure-t-il Maximilien Ier ? On notera que cette redécouverte est l’exacte contemporaine, v. 1515, des monuments de papier commandités par l’empereur, l’Arc de Triomphe (Ehrenpforte) et le cortège triomphal (Triumphzug), réalisés par les meilleurs artistes du temps, Dürer, Altdorfer, Burgkmair… Frontières [35] Ce patriotisme « à l’antique » est le corollaire de la conscience nationale qui s’exprime depuis les débordements de la Guerre de cent ans, et, plus encore, depuis la chute de la Bourgogne des grands ducs, qui s’est jouée, rappelons-le, sur les bords du Rhin (la révolte de Brisach contre le bailli Pierre de Hagenbach en avril 1474, l’échec de Charles le Téméraire devant Neuss l’année suivante), et dans les régions limitrophes de l’Alsace, la Franche-Comté, le revers du Jura puis en Lorraine. [36] A chaque fois, les Alsaciens avaient été aux premières loges, et avaient recueilli les fruits de la victoire face à l’ennemi welsche. Avec les derniers Valois, Charles VIII et ses successeurs, celui-ci avait changé de dimension puisque, non content d’avoir repris les pays bourguignons, il affrontait désormais l’Europe toute entière, et plus spécialement Maximilien de Habsbourg dont les terres jouxtaient dorénavant les siennes au nord, à l’est et même en Italie. [37] C’est dans ce climat qu’il faut analyser la genèse du nationalisme allemand revendiqué par la plupart des humanistes et de leurs 26 Hirstein, « Rhenanus et le coup d’éclat des Sélestadiens », p. 35 et suiv. Documenté par les archives, ce fait d’armes est notamment rapporté par le chroniqueur Materne Berler. Cf. AM Sélestat, BB 14. La pension annuelle accordée aux Lützelstein est, en réalité, le résultat d’un racket.

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contemporains, à commencer par Wimpheling, qui dénonce les Semigalli coupables de sympathies pour la culture des pays romans, la France évidemment, si séduisante aux yeux des étudiants et de la noblesse, mais l’Italie également. [38] Beatus Rhenanus se garde bien de lui emboîter le pas, mais son patriotisme n’en contribue pas moins à la chose. [39] Dans une région de frontières comme l’Alsace, les relations entre voisins sont un composé d’attirance et de rejet, de Hassliebe. Elles procèdent de la proximité autant que de la géopolitique dans la mesure où les cols des Vosges drainent un trafic au long cours, et que l’itinéraire de la vallée du Rhin conduit également vers les pays du sud, par la Suisse ou par le Rhône. Paris est à une dizaine de jours de Sélestat d’après Georges Pictorius, Rome, à trois semaines de marche selon Geiler de Kaysersberg. [40] La montagne peut être considérée comme une passoire : c’est l’un des chemins empruntés par les lansquenets qui vont servir le roi très chrétien. Le versant occidental intéresse les investisseurs allemands, mais le marché alsacien reste un important débouché du sel lorrain, et, par ailleurs, de la main-d’œuvre lorraine. C’est pourquoi, il importe de préserver les équilibres et de se prémunir contre une éventuelle invasion venue de France. Depuis les Guerres de Bourgogne, l’idée d’une défense concertée des passages des Vosges est à l’ordre du jour des autorités alsaciennes. Plusieurs alertes, et une promenade militaire du duc de Lorraine entre Saverne et le Val de Lièpvre lors de la guerre pichrocoline du printemps 1516 ont amené à la conclusion d’un traité entre Maximilien et Antoine de Lorraine, neutralisant le massif pour une durée de dix ans, mais l’empereur ne s’est pas contenté de ses garanties : dans les dernières années de son règne, le grand bailli de Haguenau met en place un plan de défense (Landsrettung) pour associer les villes impériales et les autres puissances immédiates du pays. En cas d’attaque, on prévoit de verrouiller les vallées des Vosges en disposant des troupes nombreuses et bien équipées27. Cette militarisation de l’espace, à laquelle participe activement la ville de Sélestat, se fait à grand renfort de discours. En 1521, c’est ainsi que les bourgeois de Kaysersberg s’adressent à Charles Quint pour lui demander d’alléger leurs impôts : Votre ville de Kaysersberg, en Alsace est une cluse, une porte ou un verrou de ce côté-ci de la crête qui sépare les pays allemands et 27 Paradoxalement, cette manœuvre est mise en pratique par les paysans insurgés

de mai 1525, face à l’offensive d’Antoine de Lorraine.

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welsches... Elle est traversée par une landstraße qui conduit en Lorraine, Luxembourg, Brabant ainsi qu’en France ou en tout autre endroit où votre Majesté pourrait vouloir se rendre.

Le mot « welsche », qui dérive vraisemblablement du nom gaulois des Volques n’identifie pas seulement les Latins, Français, Italiens, voire Ibériques : il prend une connotation péjorative car il désigne maintenant l’étranger dans ce qu’il a d’agressif28. Il appartient au même répertoire que les Turcs, les Juifs…, et les femmes. De fait, la génération de Beatus Rhenanus est celle d’une hostilité latente qui s’épanouira plus tard. Elle est aussi celle qui découvre l’ennemi intérieur, la subversion du Bundschuh, puis sa généralisation lors de la Guerre des Paysans, la fracture religieuse et les déviances qui l’accompagnent, et, plus globalement, la fabrique masculine du soupçon ou le formatage judiciaire de la peur. Les humanistes ne sont pas des marginaux. Ce sont les acteurs de cet avènement. Sources AD Nord, B. 32135 : lettre de Loys Maroton à Gullaume de Barre, secrétaire de l’archiduchesse Marguerite. Agricola, Sybenhundert vnd Fünfftzig Teütscher Sprichwörter = Agricola, Johannes : Sybenhundert vnd Fünfftzig Teütscher Sprichwörter, verneüwert vnd gebessert, Haguenau, [Peter Braubach], 1534. Aktensammlung zur Basler Reformation = Aktensammlung zur Basler Reformation, éd. par Emil Dürr et Paul Roth, t. I, Bâle, 1921. L’Alsace au siècle de la Réforme (1482-1621) = L’Alsace au siècle de la Réforme (1482-1621), sous la dir. de Jean Lebeau et Jean-Marie Valentin, Nancy, 1985. AM Sélestat, BB 14. AM Strasbourg, MR 1 et IV/86. Armstrong, Charles Quint = Armstrong, Lindsay : Charles Quint. L’indomptable, Fayard, Paris, 2015. 28 Georges Bischoff, « Une minorité virtuelle. Etre Welsche en Alsace dans les coulisses du Siècle d’Or (1477-1618) », Minorations, Minorisations, Minorités, sous la dir. de Dominique Huck et Philippe Blanchet, Cahiers de Sociolinguistique, n° 10, Rennes, PUR, 2006, p. 87-109.

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Baillet, « Sélestat et Colmar » = Lina Baillet, Lina : « Deux villes de la Moyenne Alsace : Sélestat et Colmar, face aux conflits religieux et sociaux », dans 1525. La Guerre des Paysans, sous la dir. d’Antoine Wollbrett, Saverne, 1975, p. 93-102. Barbier, « La réforme luthérienne et les livres » = Barbier, Frédéric : « La réforme luthérienne et les livres », Luther et la Réforme, du commentaire de l’Epître aux Romains à la Messe allemande, sous la direction de Jean-Marie Valentin, Desjonquères, Paris, 2001, p. 315-325. Beatis, Voyage du Cardinal d’Aragon = Antonio de Beatis, Antonia de : Voyage du Cardinal d’Aragon en Allemagne, Hollande, Belgique, France et Italie (1517-1518), trad. par Marguerite Havard la Montagne, Paris, 1913. Bischoff, « Argent, honneur et trahison. Les lansquenets allemands » = Bischoff, Georges : « Argent, honneur et trahison. Les lansquenets allemands au service du roi de France de Charles VIII à Henri II », Terre d’Alsace, chemins d’Europe, Mélanges Bernard Vogler, PUS, Strasbourg, 2004, p. 91-120. Bischoff, « Le Bundschuh de l’Ungersberg » = - : « Le Bundschuh de l’Ungersberg, ses acteurs et son environ-nement », dans Bundschuh. Untergrombach 1502, das unruhige Reich und die Revolutionierbarkeit Europas, s. la dir. de Peter Blickle et Thomas Adam, Franz Steiner Verlag, Stuttgart, 2004, p. 53-79. Bischoff, « Le château du ministre alsacien. Jacques Villinger » = - : « Le château du ministre alsacien. Jacques Villinger, seigneur de Sainte-Croix-en-Plaine », Revue d’Alsace, t. 122 (1996), p. 221236. Bischoff, « Comme si tout le royaulme de France » = - : « Comme si tout le royaulme de France estoit en azart de finale ruyne. Les Confédérés suisses, Maximilien Ier et le siège de Dijon », Annales de Bourgogne, t. 87 (2015), p. §§§. Bischoff, « Les états-unis d’Alsace… » = - : « Les états-unis d’Alsace… », Ligues urbaines et espace à la fin du Moyen Age, sous la dir. de Laurence Buchhholzer et Olivier Richard, PUS, Strasbourg, 2012, p. 121-142. Bischoff, « Un ‘faiseur de rois’. Le diplomate Paul d’Armsdorf » = - : « ’Un faiseur de rois’. Le diplomate Paul d’Armsdorf entre

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16 Beatus Rhenanus and Humanist Publishing in Basel Valentina Sebastiani English translation by Wendell Ricketts

[1] On 31 July 1511, Beatus Rhenanus left Sélestat and Strasbourg for Basel. The reason for his move was the opportunity to study with the noted Greek scholar and Dominican friar, Johannes Cuno of Nuremberg (c. 1462-1513). At least as far as outward appearances were concerned, Rhenanus appeared to consider his trip to Basel a brief one. The day after his arrival, in fact, Rhenanus wrote to his friend and schoolmate, Michael Hummelberg, urging him to join him in Basel, even if he himself did not plan to remain there for long: non desinam te adhortarj ut huc venias etiam ad pauculos menses. Neque enim ego diu hic sum mansurus1. In reality, with the exception of brief interruptions, Rhenanus’s stay in Basel actually lasted until 15262. [2] Rhenanus’s original assertion to Hummelberg about the brevity of his stay in Basel may, indeed, not have been entirely sincere. In 1511, at the age of twenty-six, Rhenanus was already a promising scholar, and his interests ranged from canon law and Greek philosophy to Latin rhetoric, poetry, and epigraphs, and Roman sculpture3. After receiving the title of Magister Artium in 1507 from the University of Paris, Rhenanus had nonetheless demonstrated no interest whatsoever in an academic career. Rather, he had preferred to continue his studies in his native Sélestat; broaden, in the meanwhile, the excellent and extensive network of professional contacts he had

1 EBR, Ep. 32. See, also, BRE, Ep. 21. (“I won’t desist to persuade you to come here, even if only for a few months. Since I am not planning on being here that long myself”). (If not otherwise specified, the translation of the Latin quotations into English is mine). 2 Regarding Rhenanus’s movements between 1511 and 1526, see the biobibliographic diagram in EBR, p. CLVIII-CLXII and p. XV-XXXIII. 3 EBR, p. IX-XV.

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formed in Paris; and, above all, dedicate himself diligently to the completion of various publishing projects in nearby Strasbourg4. [3] When Rhenanus arrived in Basel in 1511, then, he was well aware of the new opportunities that scholarly work in a printing-house could offer him and was certainly no less informed regarding the editorial fervor that characterized Basel’s publishing industry5. As a result, and regardless of what he had written to Hummelberg, Rhenanus was very probably already anticipating, in addition to his lessons with Cuno (and perhaps even with Cuno’s assistance), that he would find a permanent position in Basel’s printing and publishing industry6. [4] A substantial amount of scholarship published in recent decades has examined, according to differing historiographic perspectives, Rhenanus’s involvement in a wide variety of projects in Basel’s publishing industry. In the specific context of inquiries into relationships among scholars and printers and of studies of the paratextual and visual materials included in printed works, James Hirstein, Frank Hieronymus, and Anthony Grafton have shed light upon the role that Rhenanus played as a writer, editor, and consultant to Basel’s printinghouses7. Numerous references to Rhenanus may also be found in the extensive scientific literature that has examined the editorial output of Erasmus of Rotterdam, in whose name Rhenanus often presumed to

4 Before his move to Basel, Rhenanus had made close professional contacts with such men of letters as Jacques Lefèvre d’Etaples, Josse Clichtove, Johann Reuchlin, Jacob Wimpfeling, Johann Geiler de Kaysersberg, Sebastian Brant, Johann Sapidus, Nicholaus Gerbell, and Michael Hummelberg. See, for example, references to Rhenanus’s professional network in EBR, Ep. 1-30. Rhenanus’s interest in printing and publishing techniques and editorial work began at least as early as 1505 when, in Paris and under the tutelage of Lefèvre d’Etaples, he was involved in the publication of a series of treatises published between 1505 and 1507 by printers Jean Petit and Henri Estienne. Regarding works published in Paris and Rhenanus’s involvement in those projects, see EBR, Ep. 1, Note 1. Upon his return to Sélestat in 1508, moreover, Rhenanus made a substantial contribution to the development of the editorial program of Matthias Schürer’s printing-house in Strasbourg; see Hirstein, « Nouvelle lettre », p. 457-494, and M.-O. Burckel’s essay in this volume. 5 Rhenanus’s thorough acquaintance with printing and publishing in Basel is made clear by the number of editions printed in Basel that found their way into his rich private library. On this subject, see Hirstein, « Bibliothèque de Rhenanus », p. 113-142. 6 This hypothesis was advanced in EBR, Ep. 32, Note 10, as well. 7 BRLE, Hieronymus, „Fs“; Grafton, Culture of Correction. For a complete bibliography of Beatus Rhenanus’s studies, see EBR, p. LXXXI-CLI.

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act, especially with regard to Erasmus’s work with and for Johann Froben’s printing-house8. [5] The existing mass of information allows us to retrace the workings of Beatus Rhenanus’s hands and mind in Basel’s printinghouses. In specific, this brief article aims to illustrate the scholarly and managerial skills that Rhenanus’s contributed to the “symbiosis” of cultural and economic factors that made Basel a leading city for humanist and religious publishing in Europe in the first half of the sixteenth century. Basel’s printer-publishers, in fact, succeeded in attracting the interest of a wider scholarly community, in reconceiving the erudition of the past through the development of new perspectives, and in conceiving innovative practices for the diffusion and circulation of the printed word9. Rhenanus as a Scholarly Consultant to the Publishing Industry in Basel [6] Recent data regarding the number and kind of books printed in Basel during the sixteenth century confirm Basel’s role as a leader in European humanist and religious publishing10. During that century, for example, more books were printed in Basel than in Frankfurt, Augsburg, Nürnberg, Strasbourg, and Cologne. The nearly 8,100 titles published by the sixty or so printing-houses that were active in Basel during the period represent, by themselves, about 8% of the total number of books printed by 940 printing-houses in the entire Germanspeaking area11. The data regarding book production in Basel are even 8 See Vanautgaerden, Érasme typographe; Crousaz, Érasme et le pouvoir; and Shaw, “Erasmus & His Printers”, p. 31-124. The comprehensive catalog of the Froben press’s publications, in which Rhenanus’s editorial contributions are made clear, is currently in print (Sebastiani, Johann Froben). 9 Regarding the symbiosis between publishing and humanist culture in the Upper Rhine region and in Basel, in particular, see Hamm, „Der Oberrhein“, p. 3-50. 10 See Leu, “The Book”, p. 295-319, and Id., „Bedeutung“, p. 53-78. 11 Though these figures are only an approximation, total book production in Basel during the sixteenth century has been calculated at 8,075 titles (see Leu, „Bedeutung“, p. 54). Regarding the number of printing-houses active in Basel and in the wider German-speaking area (respectively, 60 and 940), see Reske, „Druckorte“, p. 282, 296. Reske’s calculations, however, are based upon the number of printinghouses active by decade. As a result, printing-houses that were active over three decades, for example, were actually counted three times. The percentage data mentioned here were derived by comparing production in Basel (8,075 titles) with

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more remarkable if we consider that, in comparison to major European publishing centers such as Paris, Lyons, Venice (and, beginning in the second half of the century, Antwerp), Basel was a comparatively small city with a population that varied between 4,500 and 10,000 inhabitants12. [7] That titles printed in Basel were destined for a wider European market is also demonstrated by the number of copies produced and by the kind of books that were printed. At least during the first half of the sixteenth century, print runs in Basel were generally higher than those in other publishing hubs. On average, Basel printers produced 1,600 copies of each print run, not counting those printed in the common practice of issuing re-editions or reprints13. Books published in Basel reached the main centers of the European book trade (Frankfurt, Lyon, Paris, Leipzig, and London, for example) by means of an efficient network of river transport that ensured their availability for sale within two months of publication14. [8] Costly though they were15, books printed in Basel were aimed at a sophisticated public of readers in the Respublica literaria, a public that was interested in studying and consulting theological and juridical tomes, in reading more manageable texts drawn from the classical Greek and Latin tradition, or in encountering the most recent humanist literature. Of the some 1,100 titles published by the dozens of printers active solely during the period in which Rhenanus lived in Basel (between 1511 and 1526), for example, approximately 60% were production in the German-speaking area (103,142 titles) reported in VD-16 and consulted on 10 December 2015. 12 See Gschwind, Bevölkerungsentwicklung, p. 172-174. 13 An average of a thousand copies of each book were published during the sixteenth century in Venice as compared to between 600 and 1,250 copies in France. See Veyrin-Forrer, « Fabriquer », p. 281; and Nuovo, Book Trade, especially p. 99-116. 14 Erasmus of Rotterdam’s Novum Instrumentum, published on March 7, 1516 by Johann Froben, for example, was already on the Paris market by the end of April. See Erasmi Opus epp., Ep. 403, Note 28. Regarding distribution channels between Basel and France, see Bietenholz, Basle and France. My own “Sales Channels”, in addition, provides data on print runs and commercial networks. 15 Erasmi Opus epp, Ep. 509 indicates that the rebound edition of St. Jerome’s Opera omnia published by Johann Froben in 1516 was available for sale in Louvain on January 1517 for fifteen and a half Rhenish florins (opera Hieronymi compaginata, quindecim cum dimidio Renen[sibus]), while in Basel Froben had set the price of the unbound leaves at eight Rhenish florins: omnia opera divi Jheronymi…valent[es] 8 flor[enos]: Staatsarchiv Basel, Klosterarchiv Kartaus, Liber Benefactorum, 2 Idus Aprilis.

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theological works, 20% were classical Latin and Greek texts, and the remaining 20% included treatises in medicine, the natural sciences, law, music, and pedagogy16. In all, 70% of these titles were published in the languages of humanist scholarship: Latin, Greek, or Hebrew. [9] During his life, Rhenanus was personally involved in the publication of about a hundred books, more than half of which were produced in Basel by the printing-houses of Johann and Hieronymus Froben, Andreas Cratander, Adam Petri, Valentin Curio, or Johann Herwagen. Based on what is currently known, it is possible to calculate that 4.5% of the approximately 1,100 titles printed in Basel between 1511 and 1526 were published with Rhenanus’s contribution—or an average of three to four books per year17. [10] Rhenanus’s correspondence; the volumes in his private library; the forewords he wrote for the printed texts that he, himself, edited; and the original printers’ copies that bear his proofreading notes have all provided numerous indicia to researchers regarding the many and varied tasks that Rhenanus undertook in his work as a corrector in Basel’s printing-houses18. Through a meticulous analysis of such details we know, for example, what role Rhenanus played in the publication of many of the works of Erasmus of Rotterdam. Rhenanus’s corrections and additions to Erasmus’s published texts, as well as his involvement in the preparation of indices, lists of errata, and other editorial materials testify, on the one hand, to his brilliant critical and scholarly skills in resolving intricate questions of interpretation and, on the other, ensured that Erasmus’s writings would be read more correctly and effectively19. [11] Very likely without Erasmus’s knowledge, but definitely without his approval, Rhenanus’s hand has also been identified in the publication of the first writings by Luther, printed in Basel in 1518, as well as in other Reformation-era texts published subsequently20. An overview of the titles published with Rhenanus’s involvement provides 16 These data were retrieved from the USTC, consulted on 10 December 2015. 17 A partial list of titles published with Rhenanus’s contributions can be found in

Hirstein, « Bibliographie I », p. 491-511, with an update available in EBR, p. LXXILXXV. These lists are continuously expanded by the addition of new titles. See, for example, James Hirstein’s article in this volume. 18 See, for example, Hirstein, « Avis au lecteur », p. 27-50, and Hirstein, « Rhenanus et le néo-platonisme », p. 51-76. 19 Grafton, Culture of Correction, especially p. 24-25, 33-36, 105-113. 20 Regarding the publication of Luther’s writings in Basel, see Grosse, „Emergenz“, p. 149-177, and James Hirstein’s article in this volume. On Rhenanus’s involvement in their publication, see also Hirstein, “Capito”, p. 19-45.

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confirmation of his efforts to promote, above all, the study of bonae litterae, Roman history, and Greek and Latin philosophy. What is more, however, it also demonstrates his commitment to the education of new generations of scholars, as is made clear by his useful grammars for the study of the languages of classical texts or by the texts drawn from Medieval humanistic and juridical traditions that were edited by Rhenanus or printed at his suggestion21. [12] The traces of Rhenanus’s roughly fifteen-year presence in the printing-houses of Basel offer, finally, valuable details regarding the commercial and production techniques employed in Basel’s printing and publishing industry, the machinery and equipment used by printing-houses, and the marketing strategies that printers and scholars engaged to ensure success for the volumes they placed for sale on the competitive European book market. Rhenanus’s letters tell us, for example, that Johann Froben’s printing-house used two presses for the printing of Seneca’s Lucubrationes in 1515 (VD-16 S 5758) and that, at least until July 1517, the Froben printing-house (which had printed forty different titles between the time it opened its doors, in 1513, and 1517) had a total of four printing presses at its disposal22. It was Rhenanus, too, who provided an account of the astonishing success of the sale of Erasmus’s works: 1,200 of the 1,800 copies of the first Basel edition of Erasmus’s most popular work, In Praise of Folly, printed by Froben at the end of March 1515, sold out in just over two weeks23. 21 For an intellectual profile of Rhenanus, see Hirstein, « Rhenanus », p. 679-685. Regarding his contributions to the publication of grammars for student use, see not only the references listed here in Note 17 but also the copy of Theodorus Gaza’s Grammaticae institutiones libri duo (Basel: Johann Froben, 1518; VD-16 T 801) owned by the Amerbach brothers, with handwritten annotations by Bruno Amerbach, which is today held in the Basel Universitätsbibliothek (call number: UBH DB V 2). 22 On 17 April 1515, Rhenanus reported to Erasmus: “Seneca is printing on two presses”: CWE, 3, Ep. 330. On 8 July 1517, moreover, he wrote that Froben had printed Chrysostomus’s Opera (VD-16 J 396) with two printing presses, and, with two others, Josse Clichtove’s Elucidatorium ecclesiasticum (VD-16 C 4193): “Froben is printing Crysostom on two presses and the Elucidatorium ecclesiasticum of Clichtove of Nieuwpoort on two others”: CWE, 5, Ep. 594. 23 Erasmus’s In Praise of Folly, published by Johann Froben on 31 March 1515, appeared in an edition that included Seneca’s Apokolokynthosis and Synesius of Cyrene’s Encomium calvitii with scholia by Rhenanus (IN HOC OPERE CONTENTA… Basel: Johan Froben, 1515; VD-16 S 5804). On April 17, 1515, Rhenanus reported, “The Moria has only 600 copies left out of 1800”: CWE, 3, Ep. 328. Rhenanus’s contribution to the volume is discussed in De Smet, “Legacy”, p. 49-75.

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[13] Literature in the field has called attention to the prominent role that Rhenanus played in establishing the Froben press’s editorial policies in keeping with Erasmus’s desires (and, at times, binding them to Erasmus’s will). In fact the humanist admonished Froben: Ausculta Beato qui solus sapit24. Rhenanus was entrusted not only with the task of overseeing the printing of Erasmus’s works, but above all with protecting Erasmus’s good name, threatened, as it was, by the unauthorized publication of editions of some of his writings. [14] A letter that Erasmus sent to Rhenanus in May 1521, shortly before the former relocated to Basel, summed up the situation regarding the publication of various collections of his letters25. In response to the indiscriminate dissemination of such editions during a period in which the Reformation was arousing impassioned debate, Erasmus told Rhenanus: Hoc igitur consilio passus sum exire quasdam, ut vel satiati desinerent flagitare caeteras, vel ipsi certe desisterent ab aedendi consilio, cum perspicerent me huic negocio manus admolitum esse. Ad haec, exirent certe cum aliquo delectu, minusque depravatae quam apud multos habebantur descriptae: denique minus haberent aloes26.

Further on in the letter to Rhenanus, Erasmus clarified that in revising the material for publication he had removed some of the passages which could cause offence to over-sensitive readers:

24 “Attend Rhenanus alone, the only wise person”: CWE, 6, Ep. 885. Regarding

Rhenanus as Erasmus’s representative in the Froben printing-house and the relationships between and among Erasmus, Froben, and Rhenanus, see CWE, 3, Ep. 594, Introd.; Bietenholz, Basle and France, p. 28, 38-39; Shaw, “Erasmus and His Printer”, p. 31-124; and Sebastiani, “Erasmus in Print”, especially p. 111-114. 25 The collections of letters in question are Erasmus Roterodamus, Auctarium selectarum aliquot epistolarum (Basel: Johann Froben, 1518; VD-16 E 2936) and Farrago (Basel: Johann Froben, 1519; VD-16 E 2938). Regarding the various reissues or reprints of these two collections, see Van der Haegen, Bibliotheca Erasmiana, p. 98-103. 26 Erasmi Opus ep. Ep. 1206 (“My idea in permitting certain letters to be published has been either to satisfy the demand and put an end to requests for more, or at least to discourage others from their idea of publication when they [see] that I have set my hand to this task myself. It was a further object that there might at least be some selection before they appear, that they should be less corrupt than the manuscript copies that were in many people’s hands, and lastly that they might contain less bitter aloes”: CWE, 8, Ep. 1206).

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16. Valentina Sebastiani quaedam explicui quae sinistre quidam fuerant interpretati; quaedam expunxi quibus animadverteram quorundam offensos animos, nimium profecto teneros atque irritabiles; quaedam mitiora reddidi27.

That work notwithstanding, his printed collection of letters had still arised vehement reactions: illic etiam inventum est quod apud quosdam plane tragicas iras excitarit. And, as a result, he had written to Froben to suppress the work: ut hoc operis mei perpetuo premeret, aut servaret in tempus aliud, aut certe in reditum meum proferret28. [15] For his part, Froben was not eager to abandon guaranteed sales, and he not only refused to postpone the printing of the new collection of letters but took pains to issue them as quickly as possible29. All that remained to Erasmus was to implore Rhenanus to see to it ut opus exeat quam minima mei nominis invidia30. In fact, the danger Erasmus perceived was such that he even offered to reimburse Froben’s printing-house for any financial losses that might have been occasioned by the requested cuts. Mihi totum istud quicquid erit dispendii volo imputari, he wrote to Rhenanus. What is more, he continued, Ego lucrum esse deputo, quoties pecuniae iactura famae consulitur and concluded, pecuniolam illam facile sarciemus alicunde. Famae laboranti non facile succurritur31. In this case, then, Erasmus called upon Rhenanus’s high status in Froben’s printing press in an attempt to stop the publication of a book. [16] With regard to the selection of books that merited publication, conversely, Rhenanus not infrequently took, from the shelves of his own personal library, volumes that he had bought or received as gifts and made them available to Basel’s printers. It was his idea, for 27 Ibidem (“With this in mind I have revised the Farrago, making some things explicit on which a sinister interpretation had been put, removing some things which I had observed to give offence, especially to over-sensitive and irritable readers, and toning some things down”: CWE, ibidem). 28 Ibidem (“too many things were found which made some people furiously angry ... I had written therefore to our friend Froben telling him to suppress this portion of my work permanently, or to keep it for a later occasion, or at least to postpone it until my return”: CWE, ibidem). 29 Published as Epistolae ad diversos (Basel: Johann Froben, 1521; VD-16 E 2925). 30 Erasmi Opus ep. Ep. 1206 (“you must see to it that the publication may do my name as little harm as possible”: CWE, 8, Ep. 1206). 31 Ibidem (“I wish the whole expense, whatever it may be, to be charged to me ... I regard as profit any loss of money incurred to safeguard my reputation. The small sum involved can easily be made up from some other source; but a slur on one’s name is not remedied so easily”: CWE, ibidem).

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example, to publish an unauthorized edition of Erasmus’s Adagia in Basel in 151332. In 1511, Rhenanus had brought with him to Basel the copy of Erasmus’s celebrated collection of adages that was given to him as a gift by Matthias Schürer (it was the Aldo Manuzio 1508 edition)33. Working with Bruno and Bonifacius Amerbach, Rhenanus corrected a number of inaccuracies before delivering his copy for printing to the Froben press34. [17] In the prefatory letter he wrote with the Amerbachs to accompany the work, in addition, Rhenanus reported the news of Erasmus’s death (Erasmum nostrum e vivis excessisse), almost as if hoping to ensure a wider commercial impact for the book and, in all likelihood, to provoke a reaction from Erasmus himself35. In fact, Erasmus’s interest in Basel’s printers and, in particular, in Froben’s printing-house, was not long in manifesting itself. In December 1513, Erasmus wrote from Cambridge, not without a certain sense of selfcongratulation, that the Froben press edition ita imitatus aeditionem Aldinam ut parum attentis eadem videri possit36. Beatus Rhenanus as Graphic Consultant to Basel’s Publishers [18] One aspect of the success that volumes published in Basel enjoyed on the European book market was the result of their physical beauty. Basel’s presses were equipped with sophisticated technologies and machinery capable of printing books with scrupulously prepared graphical elements. The number and variety of fonts, the precision and vividness of page layouts, the excellent paper quality, and other ornamental features such as printer’s devices, historiated woodcut capitals, and woodcut borders, made Basel editions both striking in appearance and easy to read. As such, they satisfied a demanding scholarly public, as well as the practical and economic needs of a 32 Erasmus: Adagiorum chiliades tres ac centuriae fere totidem, Basel: Johann Froben, 1513 (VD-16 E 1931). Regarding the question of Rhenanus’s role as a promoter of the publication, see Hieronymus, „Fs“, p. 80. 33 EBR, Ep. 12, Note 2. 34 EBR, Ep. 50, Notes 24, 25. 35 Regarding Rhenanus’s authorship of the letter, see EBR, Ep. 50, Note 18. On the importance of this publication for Froben, the Amerbach family, and the printing/publishing industry in Basel, see Amerbachk, Ep. 483, Introd. 36 Erasmi Opus epp., Ep. 283 (“so much in imitation of the Aldine edition that to a careless eye it might seem identical”: CWE, 2, Ep. 283).

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more socially varied audience. In the European marketplace, the luxuriousness of their woodcut title pages distinguished books printed in Basel more than any other feature. [19] Recent visual scholarship has brought to light the multiplicity of messages transmitted by the images that accompanied published texts and which were designed by the finest artists of the day, including such figures as Ambrosius Holbein, Hans Holbein the Younger, and Urs Graf37. Once again, the unauthorized 1513 edition of Erasmus’s Adagia (Fig. 1) provides an eloquent example of both the grandeur of the visual component of books published in Basel and of the varied roles that Rhenanus played in its publishing industry. [20] Erasmus’s Adagia was printed in a clean, well-proportioned antiqua font for the sections in Latin and in an elegant greek cursive for the many passages in Greek, including the diacritical marks. On the title page, the title and the author’s name appear within a central panel that is itself inserted into a complex architectural Renaissance woodcut frame in the illusionist style. At the opposite corners of a frieze at the upper edge stand two winged cherubs. In one hand, each holds the pole of a canopy; in the other, each wields a shield. The shield on the right bears the symbol of the city of Basel, while the symbol of the Empire appears on the shield on the left. The central figure of this scene is Humanitas who sits within a triumphal chariot that is pushed, from one end, by the Greek poet Homer and the orator Demosthenes and pulled, from the other, by the Roman philosophers, Virgil and Cicero. [21] This grouping rests upon a cornice bordered by ornamental festoons and two columns, one on each side, against and around which other figures are arranged. On the left, a nude young male, the god Kairos, holds a crescent-shaped razor. His hair hangs down over his face, but the back of his head is bald. On the right, the goddess Nemesis, holds a T-square in one hand and, in the other, a horse’s harness and bridle. Along the bottom, finally, at the center of a plinth that supports the columns, a slab suggesting a bas-relief carving 37 For an overview of the visual materials used in Basel’s printing-houses, see the catalog of the 1984 exhibit organized at the University of Basel Library (Hieronymus, BB). See also the database of Greek texts printed in Basel (Hieronymus GG) that Frank Hieronymus created. Bruckner, Stempelschneider and Picard, Papierzeugung, p. 26-322, are useful regarding the fonts and paper used by Basel’s printers.

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appears, bordered by ornamental horns and bearing Urs Graf’s initials (“VG”) at its center. [22] Though such symbolism may be less easy to unravel today, the portrayals placed as a kind of manifesto at the beginning of the Basel edition of the Adagia would, conversely, have been familiar and instantly decipherable to that small circle of men of letters in the Europe of their day who shared Erasmus’s dedication to and interest in the knowledge of the ancients. For them, the Adagia represented at once a compendium of classical learning and an in-depth consideration of the tradition. [23] Some illumination regarding the meaning of the figures arranged alongside the columns is provided in a copy of Paolo Cortese’s Sentences (VD-16 C 5314), given by Beautus Rhenanus to his friend and classmate, Michael Hummelberg (Fig. 2a et 2b). Cortese’s work, edited by Rhenanus, was published in Basel by Johann Froben and appeared nearly contemporaneously with Erasmus’s collection of adages in August 1513. Moreover, Cortese’s text is introduced by the same decorated border that frames the title page of the Adagia. Hummelberg signed his copy of this invaluable gift, whose title-page border is colored red, green, and yellow. [24] On the rear of the guard-leaf, alongside the title page, in addition, Hummelberg transcribed, in Greek and Latin, an extract of Posidippus’s description of the figure of Kairos (In statua Occasionis), beneath which he added a brief interpretation of the figure of Nemesis (In statua Nemesis). Hummelberg’s transcriptions were taken from two adages included in the Adagia printed in Basel, which Hummelberg had apparently purchased the moment it was published38. Indeed, the proverb Nosce tempus (Consider the due time) printed in the Froben edition, includes Erasmus’s discussion of Kairos and the importance of momenti temporis et oportunitatis observatio. Tantam vim habet opportunitas, in fact, that it can, in short, rerum omnium naturam permutet39. Quoting and translating the ancient Greek epigrammatic poet Posidippus of Pella, Erasmus reports that the god Kairos was 38 As early as August 1513, Hummelberg was already aware that the Froben printing-house was about to publish an unauthorized edition of Erasmus’ Adagia. See Amerbachk, Vol. 1, Ep. 482. 39 Erasmi Roterodami ... Adagiorum chiliades tres ac centuriae fere totidem, Basel, J. Froben, 1513, p. 186-187 (adage 670) (“So important is ... to observe the due and proper time ... Such is the force of Opportunitas, of Timeliness, that it can ... in short, change the nature of everything”: CWE, 32, I vii 70).

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represented, among the Greeks, with winged feet and balanced upon a rotating sphere, ready to fly off at any moment. The razor Kairos holds in his right hand identified him as sharper than any blade, a reference to the image in a proverb which holds that uncertainty can be resolved only through the clean incision of choice. The bald back of his head, further reinforced Kairos’s fleeting character: once he had taken flight, none had the means to hold him to earth40. From these concepts, Erasmus continued, came the saying occasionem arripere which had also inspired the ancient Latin motto, fronte capillata, post haec occasio calva41. [25] In another adage, Erasmus considered the meaning of the maxim Adrastia Nemesis. Rhamnusia Nemesis (Nemesis of Adrastus, of Rhamnus). The saying lent itself well to situations in which those afflicted by the vice of exaggerated audacity were said to tempt fate. Adrasteia, one name of Nemesis, was in fact the insolentiae et arrogantiae vindicem, quaeque spes immoderatas et vetet, et puniat. As a result, Erasmus specified, Licebit uti, vel in eos, quibus ob insolentiam, arrogantiamque, fortunae commutatione minamur, vel qui a rebus florentibus, ad calamitosam fortunam redacti sunt. Still, almost as if attempting to soften the negative, punitive character that tradition had assigned to the goddess – and, in such a way, emphasizing the attributes that could more easily be assigned to the figure who appeared on the title page of his Basel Adagia – Erasmus reported two other anonymous Greek epigrams which served as a reminder that the will to moderation and restraint was the province of Nemesis: Innuit hoc Nemesis cubito, frenoque, gerendis. Sit modus in rebus, dictaque frenum habeant, and Contineo Nemesis cubitum, Quae causa, requires. Nam cunctis iubeo rebus adesse modum42. 40 Regarding the attributes of Kairos, see also Zaccaria Ruggiu, Le forme del tempo, p. 55-133. 41 Erasmi Roterodami ... Adagiorum chiliades tres ac centuriae fere totidem, Basel, J. Froben, 1513, p. 187 (“to seize the opportunity”, “Long in the forelock, Time is bald behind”: CWE, 32, I vii 70). 42 Erasmi Roterodami ... Adagiorum chiliades tres ac centuriae fere totidem, Basel, J. Froben, 1513, p. 160 (adage 1538) (“[Nemesis is], the scourge of insolence and arrogance, whose province is to forbid excessive hopes and punish them ... It will be permissible to turn this [saying] against those whose insolence and arrogance moves us to threaten them with a change of fortune, or who have brought down from prosperity to a disastrous situation ... With bit and bridle Nemesis forewarns: /Do nought beyond the mean and keep a tight rein on your tongue ... I, Nemesis, carry a

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[26] Taking into account Erasmus’s description, scrupulously transcribed by Hummelburg, of the meanings associated with Nemesis and Kairos, we might well conjecture at this point that the woodcut title-page border of the Basel edition of the Adagia served not solely to illustrate, through its allegorical figures, the content of the volume. Rather, the choice of those precise images by the sodalitas basiliensis – and by Rhenanus, first among them43 – seems to suggest the desire to employ that opening page to express another intention: the wish to attract Erasmus’s attention to the Froben printing-house and make initial contact with him. [27] We can see indications of an attempt to situate the proposal, in an allegorical manner that hinged upon the interactions among Nemesis, Kairos, and Humanitas, between proper respect for the need for balance and the boldness of the just completed publishing project, between the possibility of failure of overly ambitious plans (and the consequent negative impact) and the desire to act quickly so as not to lose an opportunitas, an opportune moment. In fact, the actual opportunity that Rhenanus and the group of scholars assembled around Froben’s printing-house invited Erasmus to seize (Kairos) was not solely the chance to involve himself in the editorial projects of a printing-house superbly equipped from a technical point of view and from which he would have been fairly compensated for services rendered (Nemesis), but also to enter into a partnership with learned scholars who, like Erasmus, desired to contribute to the triumph of the studia humanitatis (Humanitas). [28] The analysis of a second example of a title-page woodcut, taken from Andreas Cratander’s printed works, adds to the quality and complexity of the visual material for which Rhenanus was responsible and serves as a brief model for examining Rhenanus’s involvement in Reformation propaganda. In March 1523, Andreas Cratander reprinted a Commentary on the Gospels by Rhenanus’s Parisian tutor, Jacques Lefèvre d’Etaples (Fig. 3)44. Its title-page woodcut, partially conceived bridle, and if you ask me why, /My warning to all men is to do nothing beyond the mean”: CWE, 33, II vi 38). 43 The concept and creation of this magnificent woodcut were Beatus Rhenanus’s doing, as Frank Hieronymus has convincingly demonstrated in his eloquent and detailed essay: Hieronymus, „Fs“, p. 63-114. 44 Iacobus Faber Stapulensis, Commentarii initiatorii in quatuor Evangelia, Basel: Andreas Cratander, 1523 (VD-16 B 4598). For remarks on the publication, see Hieronymus, BB, No. 422, p. 465-468.

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by Beatus Rhenanus, was designed by Hans Holbein the Younger and produced by the woodcut- and metalcut artist, Jacob Faber (his initials, “IF”, appear on the bottom right)45. The upper border depicts a tetramorph of the four living creatures whose symbolic appearance is associated in the Christian tradition – according to a vision reported by the Prophet Ezekiel and then revived in the Book of Revelations – with the four Evangelists (a winged man or angel for Matthew, a lion for Mark, an ox for Luke, and an eagle for John)46. The right and left borders in the center third of the illustration depict four large figures representing the Church Fathers: Gregory and Augustine on the left and Hieronymus and Ambrose on the right. [29] The bottom third of the title-page woodcut is the most significant part of the illustration, however. This section was designed and created by Jacob Faber in 1520 at the Froben printing-house. It was intended to be included in a second edition of Luther’s De potestate Papae that Froben scheduled but never actually published. When Faber left the Froben printing-house in 1522 to begin working with other printers in Basel, he passed the illustration to Cratander, whose editorial approach (and Rhenanus concurred with this judgement) was better suited to the publication of controversial proReformation writings47. [30] As the inscription at the upper edge of the border states, the picture represents Christ’s commandment to the Apostles: Ite in mundum universum, et predicate Evangelium omni creaturae, reported by Mark 16:15 in the Vulgate text48. The Apostles – thirteen, excluding Judas but including Matthias and Paul – are in pairs, walking and talking together in a peaceful landscape. What is most striking is the contrast with traditional iconography in which the key (that is, the symbol of authority over Christendom) is given to Peter only; in this image, each Apostle holds his own key. [31] Standing alone, the image conveys a powerful message of Lutheran Reformation propaganda, visually undermining the doctrine, developed over centuries, of the potestas absoluta and of the primacy of Peter as the leader of the Church (and consequently, as its first 45 Rhenanus’s involvement in the publishing of specific titles and in the design

and creation of title-page borders is discussed in Hieronymus, „Fs“, p. 63, Note 2. 46 Charbonneau-Lassay, Symbolic Animals. 47 Hieronymus BB, p. 64, Note 3. 48 “Go ye into the whole world and preach the gospel to every creature”.

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Pope)49. The message of this unusual iconography was immediately intelligible and semantically clear to those who acquired the book at the time, as is demonstrated by a copy purchased by humanist scholar Johann Cincinnius (1485-1555) at the market in Cologne (Fig. 4). In a handwritten note he left on the lower margin of the title page, in fact, Cincinnius explicitly connected the imagery of the key held by each of the Apostles to the concept of their equal power and authority over the Church: Apostolos omnes clavigeros esse, quid nisi omnes aequalis fuisse potestatis & auctoritatis indicari vult50. Conclusions [32] The lines of analysis that might be established between Rhenanus and the visual arts, to the extent that these can be observed in the titlepage woodcuts of many of the books printed in Basel, deserve a more in-depth analysis than has heretofore appeared in the specialized literature, although many important directions for future research have certainly been identified51. One element in particular that is missing is a systematic study of title-page illustrations and borders that would not only permit a full interpretation of the meanings behind their imagery but also illuminate the ways in which exchanges between scholars and artists took place. The result would be a better understanding of the sophisticated mechanisms through which the aims and knowledge of those who, like Rhenanus, were involved in the development of the visual strategies employed by Basel’s printerpublishers, were translated into visual imagery. [33] Even acknowledging the limitations of the examples reported herein, we may nonetheless discern that the public correctly grasped the scholarly sophistication of the visual messages conceived with Rhenanus’s involvement. Moreover, that public included not solely a restricted group of individuals who, though they may not have been directly connected to Basel’s publishers, were nonetheless acquainted with the projects issuing from their presses (such as, for example, 49 On the doctrine of the primacy of the Pope, see Miethke, De potestate papae. 50 “As to the fact that all the Apostles be keybearers, what else did he intend to

show than that all were of equal power and authority?”. 51 Regarding the production of some of the title-page borders that appeared, with Rhenanus’s contribution, in books published in Basel, see Hieronymus, „Fs“ and, in particular, p. 63-64, 92-96.

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Rhenanus’s friend, Michael Hummelberg), but also others who, like the humanist Johann Cincinnius, had no contact with the major players in the Basel publishing industry but purchased their books on the European market. [34] On another front, this brief article has attempted to shed light not only on Rhenanus’s scholarly role in publishing in Basel but also on the extent to which his contributions were both determinative and authoritative for the publishing projects in which he was involved. Rhenanus proposed books for publication, procured copies of manuscripts that could be printed or reissued, oversaw the technical aspects of print production, and wrote introductory materials intended to both capture and stimulate the interest of a public of scholarly book-buyers. Despite the humility that was a characteristic feature of his personality, Rhenanus demonstrated great resourcefulness and ingenuity (albeit not without occasional cunning) in deploying his scholarly expertise to great effect in the publishing industry52. If, in one sense, the discretion and prudence that Rhenanus exercised in his working relationships with Basel’s printer-publishers pose a challenge to the reconstruction of the traces he left behind, in another way they do little to obscure his multifaceted role in Basel’s publishing industry.

52 On Rhenanus’s characteristic humility, see EBR, p. IX.

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Fig. 1: Erasmi Roterodami ... adagiorum chiliades tres, Basel: Johann Froben, August 1513 (Universitätsbibliothek Basel, call number: UBH DB IV 10)

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Fig. 2a : Paulus Cortesius: In Sententias, Basel: Johann Froben, August 1513 (Zentralbibliothek Zürich, call number: III K 20,2)

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In Statua occasionis Τίς πόθεν ὁ πλάστης; Σικυώνιος. οὔνομα δὴ τίς; Λύσιππος. Σὺ δὲ τίς; Καιρὸς ὁ πανδαμάτωρ. Τίπτε δ’ ἐπ’ ἄκρα βέβηκας; ἀεὶ τροχάω. Τί δὲ ταρσοὺς Ποσσὶν ἔχεις διφυεῖς; ἵπταμ’ ὑπηνέμιος. Χειρὶ δὲ δεξιτερῇ τί φέρεις ξυρόν; ἀνδράσι δεῖγμα, Ὡς ἀκμῆς πάσης ὀξύτερος τελέθω. Ἡ δὲ κόμη, τί κατ’ ὄψιν; ὑπαντιάσαντι λαβέσθαι. Νὴ δία τἀξόπιθεν πρὸς τί φαλακρὰ πέλει; Τὸν γὰρ ἅπαξ πτηνοῖσι παρατρέξαντά με ποσσὶν, οὔτις ἔθ’ ἱμείρων δράξεται ἐξόπιθεν. Τοῖον ὁ τεχνίτης με διέπλασεν. εἵνεκεν ὑμέων, Ξεῖνε· καὶ ἐν προθύροις θῆκε διδασκαλίην. In Statua Nemesis Ἡ Νέμεσις προλέγει τῷ πήχεϊ τῷ τε χαλινῷ Μήτ’ ἃμετρόντε ποιεῖν, μήτ’ ἀχάλινα λέγειν. In eadem et hoc Ἡ Νέμεσις πῆχυν κατέχω· Τίνος οὕνεκα; λέξεις. Πᾶσιν ἀπαγγέλλω. Μηδὲν ὑπὲρ τὸ μέτρον. Ex graeco Posidippi Quae patria artifici? Sicyon. quo no[m]i[n]e? nomen Lysippo dictum est, ipse quis es, loquere? Illa ego cuncta domans Occasio. cur age pinnnis Insistis? Voluorq[ue] ac rotor assidue Cur ge[m]i[n]a in pedibus gestas talaria? Dica[m] Huc illuc uolucre[m] me leuis aurea rapit.

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Quid dextrae sibi uult inferta nonacula? signum hoc quod quauis acie sim mage acuta, docet. Testa capillitio facies quid na[m] admonet? Illud Quisq[ue] uti me, quoties offeror, arripiat Cur aut[em] capitis pars posticaria caluet? quem semel alatis praeterii pedibus Is qua[m]q[ue] uolet inde cito me prendere cursu Haud liceat, simul ac vertere terga viro. Hac itaq[ue], idq[ue] tua me finxit imagine, causa Hospes, scalptoris ingeniosa manus Spectanda[m]q[ue] domus hic prima in fro[n]te locauit. Scilic[et] ut cunctos [et] monea[m] [et] docea[m]. Innuit hoc Nemesis cubito, frenoq[ue], gerendis Sit modus in rebus dictaq[ue] frenu[m] habea[n]t Contineo Nemesis cubitu[m], quae causa, requires Nam cunctis iubeo rebus adesse modu[m]53.

53 (In Statua Occasionis): Where did the sculptor come from? Sycon. And his name ? / Lysippus. And who are you, the subject ? / Due Time, master of all things. Why go on tiptoe? / I am always running. / Why have a pair of winged sandals on your feet ? / I fly with the wind. / Why carry a razor in your right hand ? / To show that I am keener than a razor’s edge. / And your hair, why so long over your face ? / That he who is beforehand with me may seize it. / The back part why so bald ? Because once I have run past a man on my winged feet, / never for all his longing shall he seize me from behind. / Such, stranger, did the artist make me, / and set me in the forecourt / to be a warning to you and your fellow men. (CWE, 32, I vii 70). (In Statua Nemesis): With bit and bridle Nemesis forewarns: / Do nought beyond the mean and keep a tight rein on your tongue. / I, Nemesis, carry a bridle, and if you ask me why, /My warning to all men is to do nothing beyond the mean. (CWE, 33, II vi 38).

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Fig. 2b : Paulus Cortesius: In Sententias, Basel: Johann Froben, August 1513 (Zentralbibliothek Zürich, call number: III K 20,2)

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Fig. 3: Iacobus Faber Stapulensis: Commentarii initiatorii in quatuor Evangelia, Basel: Andreas Cratander, 1523 (Universitätsbibliothek Bern, call number: MUE Gross D 115)

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Fig. 4 : Iacobus Faber Stapulensis: Commentarii initiatorii in quatuor Evangelia, Basel: Andreas Cratander, 1523 (Düsseldorf, Universitäts- und Landesbibliothek, call number: DUE 01 aleph)

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Sources AABHS = Annuaire des amis de la Bibliothèque humaniste de Sélestat. Amerbachk = Die Amerbachkorrespondenz, bearb. und hrsg. im Auftrag der Kommission für die Öffentliche Bibliothek der Universität Basel von Alfred Hartmann ... [et al.], Basel, Verlag der Universitätsbibliothek, 1942-2010. EBR = Epistulae Beati Rhenani. La Correspondence latine et grecque de Beatus Rhenanus de Sélestat. Vol. I (1506-1517), édité par James Hirstein, Turnhout, Brepols, 2013. Basel als Zentrum = Basel als Zentrum des geistigen Austauschs in der frühen Reformationszeit, hg. von Christine Christ- von Wedel, Sven Grosse, Berndt Hamm, Tübingen, Mohr Siebeck 2014. Bietenholz, Basle and France = Bietenholz, Peter G. : Basle and France in the sixteenth Century. The Basle humanists and printers in their contacts with francophone culture, Genève, Droz, 1971. BRE = Briefwechsel des Beatus Rhenanus, hg. von Adalbert Horawitz und Karl Hartfelder, Leipzig, Teubner Verlag, 1886. BRLE = Beatus Rhenanus (1485-1547), lecteur et éditeur des textes anciens : Actes du Colloque international tenu à Strasbourg et à Sélestat du 13 au 15 novembre 1998, Colloque organisé par François Heim et James Hirstein, Actes édité par James Hirstein (Collection Studia Humanitatis Rhenana, 1), Turnhout, Brepols, 2000. Bruckner, Stempelschneider = Bruckner, Albert : Schweizer Stempelschneider und Schriftgiesser, Basel, 1943. Charbonneau-Lassay, Symbolic Animals = Charbonneau-Lassay, Louis : The Symbolic Animals of Christianity, Stuart & Watkins, 1970. Crousaz, Érasme et le pouvoir = Crousaz, Karine : Érasme et le pouvoir de l’imprimerie, Lausanne, Antipode, 2005. CWE = Collected Works of Erasmus, Toronto (etc.), University of Toronto Press, 1974-.

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Erasmi Opus epp. = Opus Epistolarum Des. Erasmi Roterodami, 12 vols., édd. Percy Stafford Allen et Helen Mary Allen, Oxford, Clarendon, 1906-1958. Erasmi Roterodami ... Adagiorum chiliades tres ac centuriae fere totidem, Basel, J. Froben, 1513. Grafton, Culture of Correction = Grafton, Anthony : The Culture of Correction in Renaissance Europe, London, The British Library, 2011. Grosse, „Emergenz“ = Grosse, Sven : „Die Emergenz lutherischer Theologie in Basel: Capito Luthersausgabe von 1518“, in Basel als Zentrum, p. 149-177. Gschwind, Bevölkerungsentwicklung = Gschwind, Franz : Bevölkerungsentwicklung und Wirtschaftsstruktur der Landschaft Basel im 18. Jahrhundert, Liestal: Kantonale Drucksachen- und Materialzentrale, 1977. Hamm „Der Oberrhein“ = Hamm, Berndt : „Der Oberrhein als geistige Region von 1450 bis 1520“, in Basel als Zentrum, p. 3-50. Hieronymus, BB = Hieronymus, Frank : Basler Buchillustration 15001545. 31 März bis 30. Juni 1984, Basel, Universitätsbibliothek, 1984. Hieronymus, „Fs“ = Hieronymus, Frank : „Beatus Rhenanus und das Buch. Biblio-biographische Flickstücke“, AABHS 36 (1986), p. 63-114. Hieronymus, GG = - : Griechischer Geist aus Basler Pressen, Basel, Universitätsbibliothek, 1992. Hirstein, « Avis au lecteur » = Hirstein, James : « Beatus Rhenanus et les ‘Avis au lecteur’ signé ‘Jean Froben’ sur l’Histoire d’Ammien Marcellin et sur l’Histoire Auguste dans l’édition bâloise de juin 1518, AABHS 39 (1989), p. 27-50. Hirstein, « Bibliographie I » = - : « Liste chronologique provisoire de livres auxquels le nom de Beatus Rhenanus est associé », in BRLE, p. 491-511. Hirstein, « Bibliothèque de Rhenanus » = - : « La bibliothèque de Beatus Rhenanus: une vue d’ensemble des livres imprimés », in Humanistes et leur bibliothèque, p. 113-142.

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Hirstein, “Capito” = - : “Wolfgang Capito and the other Docti in Johann Froben’s Print Shop” in Reformation Sources : The Letters of Wolfgang Capito and his fellow Reformers in Alsace and Switzerland Edited by Erika Rummel and Milton Kooistra, Toronto, CRRS, 2007, p. 19-45. Hirstein, « Nouvelle lettre » = - : « La correspondence de Beatus Rhenanus (1485-1547), une nouvelle lettre (et un nouveau livre) et les débuts de l’imprimeur Matthias Schürer à Strasbourg in 1508 » in Mélanges Heim, p. 457-494. Hirstein, « Rhenanus » = - : « Rhenanus (Beatus) (1485-1547) », in Mélanges Chomarat, Nativel, p. 679-685. Hirstein, « Rhenanus et le néo-platonisme » = - : « Une Druckvorlage de la bibliothèque de Beatus Rhenanus et la diffusion de la pensée néo-platonicienne dans le Rhin Supérieur : l’Axiochus du PseudoPlaton » in L’espace rhénan, pôle de savoirs, sous la direction de Catherine Maurer et Astrid Starck-Adler avec le concours de Christiane Weeda (Etudes alsaciennes et rhénanes), Strasbourg, Presses Universitaires, 2013, p. 51-76. Humanistes et leur bibliothèque = Les humanistes et leur bibliothèque/ Humanists and their Libraries: Actes du Colloque international Bruxelles, 26-28 août 1999, éd. Rudolf de Smet, Peeters, Leuven/ Paris/Sterling, Virginia, 2002. Leu, „Bedeutung“ = Leu, Urs : „Die Bedeutung Basels als Druckort im 16. Jahrhundert“, in Basel als Zentrum, p. 53-78. Leu, “The Book” = - : “The Book and Reading Culture in Basel and Zurich During the Sixteenth Century” in Malcom Walsby, Graeme Kemp (Eds), The Book Triumphant. Print in Transition in the Sixteenth and Seventeenth Century, Leiden-Boston, Brill, 2011, p. 295-319. Mélanges Chomarat, Nativel = Centuriae Latinae : Cent une figures humanistes de la Renaisssance aux Lumiéres offertes à Jacques Chomarat réunies par Colette Nativel, Genève, Droz, 1997, p. 679-685. Mélanges Heim = Antiquité tardive et humanisme, de Tertullien à Beatus Rhenanus: Mélanges offerts à François Heim à l’occasion de son 70e anniversaire : volume édité par Yves Lehmann, Gérard Freyburger, James Hirstein, Turnhout, Brepols, 2005.

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Miethke, De potestate papae = Miethke, Jürgen : De potestate papae. Die päpstliche Amtskompetenz im Widerstreit der politischen Theorie von Thomas von Aquin bis Wilhelm von Ockham, Tübingen, Mohr Siebeck, 2000. Nuovo, Book Trade = Nuovo, Angela : The Book Trade in the Italian Renaissance, Leiden-Boston, Brill 2013. Picard, Papierzeugung = Picard, Gerhard : Papiererzeugung und Buchdruck in Basel bis zum Beginn des 16. Jahrhunderts, in Archiv für Geschichte des Buchwesens 8 (1967), p. 26-322. Reske, „Druckorte“ = Reske, Christoph : „Druckorte und Druckereien des 16. Jahrhunderts im deutschen Sprachgebiet“, in William A. Kelly, Jürgen Beyer (Eds), The German Book in Wolfenbüttel and Abroad. Studies presented to Ulrich Kopp in His Retirement, Tartu, University of Tartu Press, 2014, p. 279-299. Sebastiani, “Erasmus in Print” = Sebastiani, Valentina : “Erasmus of Rotterdam in Print: A Question of Reputation (1514-1521)”, in Konrad Eisenbichler (Ed), Collaboration, Conflict, and Continuity in the Reformation. Essays in Honour of James M. Estes on his Eightieth Birthday, Toronto: CRRS, 2014, p. 107-124. Sebastiani, Johann Froben = - : Johann Froben (1460-15127). A Renaissance Printer and the Catalogue of His Editions, Leiden, Brill, in print. Sebastiani, “Sales Channels” = - : “Sales Channels for Bestsellers in 16th-Century Europe”, in Matthew McLean and Sara Barker (Eds), International Exchange in the European Book World, Leiden, Brill, 2016, p. 3-14. Shaw, “Erasmus and His Printer” = Shaw, S. Diane : “A Study of the Collaboration between Erasmus of Rotterdam and His Printer Johann Froben at Basel during the Years 1514-1527”, in Erasmus of Rotterdam Society Yearbook 6 (1986), p. 31-124. De Smet, “Legacy” = De Smet, Ingrid : “The Legacy of the Gourd Reexamined. The Fortune of Seneca’s Apokolokyntosis and its Influence on Humanist Satire”, in La satire humaniste. Actes du colloque international des 31 mars, 1er et 2 avril 1993, éd. Rudolf de Smet, Leiden, Peeters, 1994, p. 49-75. USTC = Universal Short Title Catalogue (www.ustc.ac.uk).

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Vanautgaerden, « Érasme typographe » = Vanautgaerden, Alexandre : Humanisme et imprimerie au début du XVIe siècle, Genève, Droz, 2012. Van der Haegen, Bibliotheca Erasmiana = Haegen, Ferdinand van der : Bibliotheca erasmiana : répertoire des œuvres d’Érasme, Nieuwkoop, B. de Graarf, 1972. VD-16 = Verzeichnis der im deutschen Sprachbereich erschienenen Drucke des 16. Jahrhunderts. Hg. von der Bayerischen Staatsbibliothek in München in Verbindung mit der Herzog August Bibliothek in Wolfenbüttel, 25 Vols., Stuttgart, 1983-2000. Veyrin-Forrer, « Fabriquer » = Veyrin-Forrer, J. : « Fabriquer un livre au XVIe siècle », in H.-J. Martin and R. Chartier (Eds.), Histoire de l’édition française, Vol. I. Le livre conquérant : du Moyen Age au milieu du XVIIe siècle, Paris, Promodis, 1983, p. 278-301. Zaccaria Ruggiu, Le forme del tempo = Zaccaria Ruggiu : Annapaola, Le forme del tempo. Aion Chronos Kairos, Padova, Il Poligrafo, 2006, p. 55-133.

INDEX I L’index général des noms et des choses (J. Hirstein) Cet index général renvoie au \numéro\ de chaque contribution et à son numéro de paragraphe ou à sa note en bas de page. N.B. l’astérisque \*\ = l’Introduction. Ex. : \1\, 5 = la contribution 1, le paragraphe n° 5 \1\, 9 n. 15 = la contribution 1, le paragraphe n° 9, la note de bas de page n° 15 Une référence qui se trouve à la fois dans un paragraphe et dans sa note de bas de page est indiquée seulement par le n° de paragraphe. Si elle se trouve uniquement en note, le n° de paragraphe et le n° de note sont relevés dans l’index. Par conséquent, en cherchant la référence de l’index à un paragraphe dans le corps du volume, il faut alors consulter à la fois le paragraphe et ses notes. A Aar : \7\, 5 Abbayes : \nas\, 9 Abbés : \9\, 7 n. 15 Abnégation : \10\, 39, 78 ; \14\, 9 Abraham : \12\, 5 Abstinence alimentaire (moines) : \8\, 30 Abus : \3\, 23 Académie de Platon : \4\, 11 Accommodation : \1\, 48, 82, 84, 89, 93, 95 Accord, doctrinal : \1\, 93 Achille de Brandebourg (voir Albert III) Actius, chez Aulu-Gelle : \8\, 30 Adages : \7\, 9, 30 ; \8\, 15, 23, 50-52 ; \9\, 18 n. 87 Adam : \10\, 75 Adam, Paul : \9\, 40, 84 ; \13\, 53 Adelmann von Adelmannsfelden, Bernhard : \*\, 15, 57 ; \9\, 47 ; \10\, 1, 21, 97 n. 40 --et Pirckheimer : \*\, 15 ; \9\, 47 n. 196 --et Rhenanus : \10\, 21

--excommunication (menacé de) : \9\, 69 n. 258, 74 Adolphe, collègue de Bucer : \8\, 29 Adrien, cardinal : \9\, 71 n. 273 Aeneas Platonicus (voir Enée de Gaza) Affaires : \6\, 10 Agitateur social : \8\, 1 Agricola, Johann : \15\, 10 Agricola, Rudolf : \*\, 12 ; \4\, 2 ; \8\, 4 Aide au lecteur, texte de : \10\, 14, 15 Aix-la-Chapelle : \15\, 7 Alantsee, frères et Schürer, M. : \9\, 5 Albert III, Achille de Brandebourg : \9\, 12 n. 49 Albert de Bavière : \3\, 6 Albert de Brandebourg, archevêque de Mayence : \1\, 54, 77, 78 ; \5\, 9 ; \9\, 32, 66 n. 252, 69 n. 262 ; \13\, 25, 39 Albert le Grand : \9\, 43 n. 167 Alcibiade : \13\, 19 Alea iacta est : \8\, 46, 47 Aleandro, Girolamo : \8\, 57, 61 ; \9\, 48 n. 197, 60, 69, 70 n. 270 ; \13\, 41, 43, 44, 55

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INDEX I

Alexandre III, pape : \8\, 33, 40 Alexandre VI, pape : \9\, 45 Alexandrie : \4\, 9 Allemagne, Allemands (voir aussi « Germanité ») : \2\, 5, 12 ; \9\, 12, 23, 24, 32, 37, 38, 39, 48, 60, 63 n. 244, 66 n. 252, 74, 78 n. 289, 80, 88 ; \12\, 4 ; \13\, 8, 17, 18, 35, 36 ; \15\, 8, 10, 16 --accroissement : \9\, 35 --cartographes : \15\, 8 --« Eglise » : \9\, 43 n. 170 --et Dieu : \9\, 35 --et Erasme : \13\, 19 --et Luther : \1\, 14 ; \7\, 32 ; \13\, 32, 43, 52 --et Maximilien : \15\, 15 --et Rome : \9\, 40, 42 ; \13\, 18, 39, 44 ; \15\, 34 ----libération : \13\, 35, 37, 40 --et la Suisse : \9\, 34 --évêques : \9\, 33 --gloire : \9\, 35, 41 ; \13\, 31 n. 16 --gloire littéraire : \4\, 7 --guerres privées : \15\, 16 --humanisme, humanistes : \13\, 20 ; \15\, 14 --imprimeries : \16\, 6 ----production : \16\, 6 --investisseurs : \15\, 40 --langue proscrite par Johann Sturm dans le Gymnase : \15\, 30 --nationalisme : \15\, 37 --opinion publique : \9\, 34 ; \13\, 56 --pays : \15\, 40 --princes : \9\, 12, 13, 41, 48, 60 ; \13\, 12, 29, 43, 44 --réseau : \9\, 5, 27 --servitude : \13\, 35 --du Sud : \5\, 38 --traduction allemande : \*\, 44, 53, 55 ; \9\, 13, 43, 46 n. 189 ; \10\, 36 n. 22, 39, 46 ; \13\, 53, 56

Alliance anglo-autrichienne (1513) : \15\, 17 Alma mater : \2\, 4 Alpes : \2\, 5 Alsace : \*\, 31 ; \1\, 6 ; \2\, 1, 4, 8, 11 ; \3\, 2, 6, 14 ; \8\, 14 ; \9\, 43, 80 ; \15\, 1, 6, 8, 14, 17, 18, 23, 35, 40 --carte : \15\, 9 --cave à vin, grenier à grain : \15\, 10 --champ de manœuvre : \15\, 20 --climat au 1er quart du XVIe s. : \15\, 30 --conseil de sécurité : \15\, 31 --écoles latines : \*\, 34 ; \15\, 18 --économie : \15\, 11, 12, 13 ----mutation : \15\, 13 --et l’ennemi welsche : \15\, 36 --et Maximilien : \15\, 15 --historiographie (moderne) : \15\, 30 --immigration : \15\, 11 --laboratoire de la réussite : \15\, 20 --« Landstände » (« Etats ») : \15\, 31 --loyauté envers Maximilien : \15\, 21 --mercenaires : \15\, 14 --peur : \15\, 30 --population : \15\, 11 --région de frontières : \15\, 39 --réseau : \9\, 5 --source miraculeuse : \15\, 20 Altdorfer, Albrecht : \15\, 34 Altorf : \14\, 10 Alvaro Pelayo : \9\, 45 Ambroise, saint : \6\, 16 ; \9\, 68 n. 255 ; \12\, 4 ; \16\, 28 Ame : --autarcie : \4\, 6 --besoin de la parole de Dieu : \10\, 53 --cure de : \1\, 52 ; \15\, 26 --immatérielle : \*\, 36 --immortalité : \*\, 11, 12, 36 ; \1\, 9 ; \4\, 1, 2, 8, 9 --mariage avec le Christ : \10\, 37 --nombre : \4\, 11 --préexistence : \4\, 9 --séparée du corps : \10\, 42

INDEX I --union avec le corps : \4\, 12 Amerbach : --Basile : \2\, 4 ; \4\, 5 ; \7\, 6 n. 22, 10 n. 36, 23 ; \9\, 43 ; \10\, 13 n. 12 ; \13\, 20, 28 --Boniface : \*\, 20, 70, 71 ; \1\, 13 n. 9, 49, 71 ; \2\, 4 ; \4\, 5 ; \7\, 23, 34, 37 ; \8\, 57 ; \9\, 43, 53, 60, 70, 77 ; \12\, 8 n. 53 ; \13\, 2, 20, 28, 43 ; \16\, 16 ----et le Dialogus bilinguium … : \9\, 63 n. 240 --Bruno : \*\, 41 ; \2\, 4 ; \4\, 5 ; \7\, 6 n. 22, 10, 12 ; \9\, 42, 61 n. 233 ; \13\, 20, 26, 28 ; \16\, 11 n. 21, 16, 17 ----style corrigé par Rhenanus : \10\, 13 --Johann : \*\, 1 n. 1, 36 ; \1\, 7 ; \4\, 5 Amérique : \15\, 9 Amitié : \7\, 25 ; \8\, 28 ; \13\, 66 Amos : \10\, 53 Amour : --gratuité de : \10\, 85 --liberté de : \10\, 73 Amour du prochain, fraternel (Charitas) : \5\, 34 ; \8\, 54 ; \10\, 31, 87, 96 Anabaptisme, anabaptiste : \8\, 1 ; \9\, 69 n. 259 Anachronismes : \11\, 19 Ancien Testament (voir Bible) Anderlecht : \13\, 49 Andrelini, Fausto : --auteur du Dialogue de Jules : \9\, 56 n. 221 --Epistolae prouerbiales : \3\, 14 Ane : \9\, 18 n. 84 Angelo, anachorète : \9\, 7 Angleterre, Anglais : \2\, 8 ; \9\, 63, 71 ; \13\, 19 --caudatus : \9\, 71 n. 273 Anglo-saxon : \11\, 6 Angoisses : \10\, 20 Angst, Wolfgang : \8\, 18 ; \9\, 5 Animaux, noms de : \9\, 48 --et les évangélistes : \16\, 28

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Anne de Bretagne : \15\, 16 Annotations marginales, annotateur (voir aussi Rhenanus, même rubrique) : \10\, 14, 15, 19, 21-25, 27, 32 --buts : \10\, 26-30 Anonymat dans les publications, formes de (voir aussi Rhenanus, même rubrique) : \*\, 46, 58 ; \9\, 24 ; \10\, 4, 9, 10, 16, 21, 22, 24, 32, 97 --et convictions intimes : \10\, 19, 23 --et le lecteur : \10\, 17 --et la responsabilité de l’auteur : \10\, 18 --raisons : ----échange de bons procédés : \10\, 13, 16 ----liberté : \10\, 8, 16, 18, 21, 24-25 ----protection : \10\, 7, 10, 16, 18, 22 Anshelm, Thomas : \9\, 47, 88-91 Antéchrist (voir aussi « Anti- ») : \7\, 25 Anthropologie gnostique : \4\, 12 Antichrist (voir aussi « Anté- ») : \5\, 39 ; \6\, 16 ; \12\, 4 Anticléricalisme : \2\, 8 ; \10\, 85, 95 Antiluthériens : \9\, 48, 78 « Antipapisme » : \7\, 29 Antiquité : \2\, 7 ; \3\, 21 ; \6\, 5, 9, 23, 24 ; \9\, 67 n. 254 ; \11\, 1 ; \13\, 29 ; \16\, 22 --tardive chrétienne : \12\, 5 n. 14 Antoine de Lorraine : \15\, 40 Anvers : \9\, 47 n. 195 ; \16\, 6 Aphorismes luthériens : \9\, 69 n. 262 Apophthegmes : \9\, 69 n. 262 Apôtres : \*\, 43 ; \1\, 97 ; \10\, 79 ; \14\, 9 --autorité égale : \16\, 30, 31 --pseudo- : \14\, 9 Apulée : \4\, 2 --De dogmate Platonis : \4\, 14 Aquila, Kaspar : \8\, 61 Arbogast, saint : \3\, 7 Archiloque : \9\, 56 n. 226 Argent : \9\, 47 n. 191 ; \12\, 5 n. 19

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INDEX I

--métal : \15\, 13 Argovie : \7\, 5, 6 Arguments plausibles : \1\, 88 Aristophane : \12\, 7 Aristote : \*\, 30, 36 ; \1\, 9 ; \3\, 13 ; \4\, 1, 4, 6, 7, 8, 11, 14 ; \5\, 6, 24, 29 ; \6\, 17 ; \9\, 42 n. 164 --Historia animalium : \6\, 9 Armbruster, Michel « Landschreiber » : \15\, 17 Armbruster, Paul : \15\, 17, 20 Arminius : \15\, 34 Armsdorf, Paul (voir Armbruster, Paul) Armstorffer, Paul (voir Armbruster, Paul) Arnoaldus, Beatus : \9\, 27 n. 114 Arnold, Matthieu : \14\, 3 Art et manière d’interroger… les hérétiques (voir aussi hérétiques et Rubeanus, Crotus « auteur présumé ») : \9\, 14, 17, 47, 54, 55, 57, 58, 59, 60 --auteurs présumés : \9\, 57 Artolphus, Hieronymus : \7\, 6 n. 22 Artopaeus (voir Pfister) Arts, bons : \9\, 24 Ascétisme : \12\, 5 n. 14 Asie : \9\, 12, 43 Assistants d’école : \7\, 33 Asyndète : \1\, 37 Ath, Jean Briard de : \9\, 63, 66 n. 252 Athanase, saint : \*\, 30 Athénagore d’Athènes : --Supplicatio pro christianis : \4\, 12 --Sur la résurrection : \*\, 40 ; \4\, 8, 12, 14 Athènes : \4\, 2, 9 Atrocianus, Ioannes : \7\, 6 n. 22 Attique : \13\, 20 Au-delà : \11\, 9 Augsbourg : \*\, 57 ; \1\, 76 ; \9\, 27, 69 n. 259 ; \10\, 2 ; \15\, 7, 17 --cathédrale : \1\, 75 --confession de : \*\, 72 n. 151 ; \1\, 87 --diète, 1518 : \9\, 12, 40

--diète, 1530 : \1\, 14, 45, 69 --diète, 1548 : \1\, 54 ; \2\, 12 --diète, 1555 : \2\, 12 --imprimeries : \16\, 6 --paix de, 1555 : \2\, 12 Augustin, saint (voir aussi « Pseudo ») : \4\, 3 ; \8\, 15 n. 39 ; \9\, 68 n. 255 ; \11\, 4, 5, 7, 16, 18 ; \12\, 4, 5 ; \16\, 28 --De genesi ad litteram : \11\, 4 --De haeresibus : \11\, 4 --Enchiridion : \11\, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18 Augustins : \1\, 98 n. 130 ; \2\, 10 ; \5\, 14 ; \7\, 29 ; \8\, 15 n. 39 ; \11\, 3 ; \12\, 12 ; \13\, 15, 60 --brûlés à Bruxelles : \12\, 13 --érémites allemands : \5\, 8, 14 ; \9\, 78 n. 289 Aulu-Gelle, Nuits attiques 13, 2, 3-6 : \8\, 30 Autels : \2\, 3 Auteur, dégagé de sa responsabilité : \10\, 18 Autodafé : \*\, 71 Auto-dénonciation : \11\, 14 Autorité (voir Magistrat, le) Autriche : \9\, 56 n. 224, 57 ; \15\, 8, 22 --pays antérieurs : \15\, 14, 15, 19 --vassalité : \15\, 17 Aventinus, Johannes : \*\, 72 ; \14\, 12 Aveu des fautes (la confession) : \11\, 6 Avignon : \9\, 60, 70 ; \13\, 43 Axiochus (voir « Pseudo-Platon ») B Babrius, Valerius : \3\, 37 Bacheliers ès arts : \2\, 4 Baden-Baden : \9\, 3 n. 11 ; \13\, 28 Baechem, Nicolas d’Egmont : \9\, 24, 63, 66 Baer, Ludwig (voir Ber) Bailliage grand, d’Empire : \15\, 31 Baldung, Jérôme : \15\, 17

INDEX I Bâle : \1\, 13 ; \2\, 1, 2, 5, 10 ; \3\, 17, 48 ; \4\, 1, 5, 14 ; \6\, 5 ; \7\, 6, 19 ; \8\, 5, 9 ; \9\, 24, 32 n. 131 ; \11\, 1 ; \12\, 12 ; \15\, 8, 19 --actualités : \7\, 11 --armoiries : \16\, 20 --cathédrale : \*\, 41 ; \1\, 77 ; \3\, 44 ; \9\, 32 n. 131 --Concile : \2\, 2 --Ecoles : \7\, 5, 33 --emplacement : \15\, 9 --et Erasme : \*\, 37 ; \1\, 18, 23, 71 ; \12\, 1, 2, 9, 11 ; \13\, 19 ; \16\, 17 --et Hutten : \13\, 2, 4, 48, 49, 59, 62 --et Luther : \12\, 3, 4 --et Myconius : \12\, 6 n. 34 --et Rhenanus : \*\, 9, 36, 49 ; \1\, 7, 19, 23, 31, 32, 60, 68, 71 ; \7\, 10 ; \9\, 5, 77, 84 ; \14\, 3 ; \16\, 1, 3, 5, 16, 34 --imprimeries, imprimeurs : \*\, 1 n. 1, 44, 53, 70 ; \1\, 68, 70 ; \6\, 6 ; \8\, 20, 32 ; \9\, 67 ; \16\, 3, 4 ----engagement : \*\, 3 ----esthétique : \16\, 18 ----pages de titre, encadrement : \16\, 18, 33 ----pratiques : \16\, 12 ----prix : \16\, 7 n. 15 ----production globale : \16\, 6 ----production, nom. d’ex. par impress. : \16\, 7 ----public : \16\, 8, 33 ----rééditions : \16\, 7 ----technologie : \16\, 18 ----thèmes : \16\, 8 --intérêts : \15\, 11 n. 9 --magistrats : \13\, 49 --messe abolie : \1\, 31 --monde littéraire : \7\, 6 ; \16\, 5 --papeterie : \15\, 13 --peste : \*\, 49 ; \6\, 15 ; \7\, 2, 12, 15 ; \8\, 11 ; \9\, 16, 61 --population : \16\, 6 --Rosenberg : \7\, 10

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--statut européen : \16\, 5-9 --université : \*\, 41 ; \2\, 4 ; \3\, 32, 37 ; \6\, 6 ; \7\, 5 Baling (voir Pfister) Bamberg : \15\, 7 --Saint-Etienne : \9\, 9 n. 18 Banques : \15\, 13 Bapst, Nicolas : \15\, 17 Barbarisme : \8\, 30 Barbarossa, Cheireddin : \14\, 13 n. 29 Barletta : \9\, 9 n. 19 Barr : \15\, 8, 17 Basile, saint : \*\, 30 ; \11\, 1, 7, 11 Basse-Alsace : \15\, 23 : --landgraviat : \15\, 31 Bathodius, Luc : \*\, 73 ; \1\, 46 ; \8\, 63, 65 ; \14\, 14 Bauarus, Nicolaus (Baier) : \6\, 17 ; \7\, 19, 20 Bayard, chevalier : \13\, 45 ; \15\, 17 Beauté : \*\, 35 ; \1\, 2, 9 ; \10\, 27, 29, 64 Beheym, Laurent : \9\, 9 n. 18 Belfort : \15\, 23 Bénédictins : \3\, 9 ; \13\, 15 Bénéfices : \2\, 2 ; \3\, 4 ; \15\, 26 Benignus, Georgius, archevêque, confesseur du pape : \9\, 9 Benzing, J. : \9\, 43 Ber, Ludwig : \7\, 6 n. 22 ; \12\, 7 --et Cratander : \12\, 7 n. 50 Bergen : \9\, 36 Bergheim : \15\, 8 Berler, Materne : \15\, 34 n. 26 Berlin : \1\, 53, 54 Bernard, saint : \9\, 43 n. 167 Berne, Bernois : \2\, 10 ; \7\, 34, 35, 36 ; \8\, 7 Berno, abbé, De officio missae : \9\, 7, 8 Berschin (voir Berz) Berz, Rudolph : \1\, 32, 33, 34, 41 ; \14\, 14 Besoins nouveaux : \15\, 12 Bête : \8\, 5, 36, 48 Beyer, Léonard : \5\, 17

502

INDEX I

Bible (par livre, puis par certains sujets ; voir aussi Evangile) : \*\, 54 ; \5\, 7, 10, 13 ; \8\, 37, 67 ; \10\, 69 --Ancien Testament : \5\, 5 ; \10\, 55 ----Gen 26, 15, 18 : \12\, 5 n. 19 ----Exode 33, 18-33 : \5\, 22 ----Num 21, 22 : \1\, 89 ----Psaumes (voir aussi Lefèvre) : \1\, 4, 5 ----Psautier ‘concilié’ : \1\, 5 ----Psautier gallican : \1\, 5 ----Psautier hébreu : \1\, 5 ----Ps. 1 : \8\, 16 ; \9\, 10 ----Ps. 83 : \1\, 83 ----Ps. 119 : \1\, 6 ; \10\, 53 ----Dan. 7, 7 : \8\, 36, 39 --Nouveau Testament (voir aussi Erasme, éditeur) : \*\, 76 ; \10\, 55 ; \5\, 5 ; \12\, 5 n. 14 ; \13\, 19 ; \16\, 7 n. 14 ----Mt 10, 23 : \8\, 59 ----Mt 21, 13 : \8\, 46 ----Mc 3, 34-35 : \11\, 4 ----Mc 16, 15 : \16\, 30 ----Lc 16, 19ss : \11\, 9 ----Jn 3, 1-21 ; 7, 50-51 et 19, 39-42 : \1\, 72 ----Ro 1, 17 : \10\, 42 ----Ro 14, 3 : \10\, 92 ----1 Co 2, 3 : \7\, 32 ----1 Co 3, 2 : \7\, 32 ; \9\, 43 n. 168 ----1 Co 13, 8 : \8\, 54 ----2 Co 4, 18 : \8\, 55 n. 110 ----2 Co 10, 10 : \8\, 50, 51 ----Ga (voir aussi Luther, commentaire …) : \*\, 50 ; \5\, 34 ; \9\, 26, 67 ----Phi 2, 5ss : \10\, 79 ----Ti : 1, 5 : \11\, 13 ----He. 2, 7 : \*\, 42 ; \9\, 10 --commandements, dix (voir sous Luther Decem Praecepta) --préceptes (de l’AT): \*\, 40 ; \10\, 37, 43, 55-57 --promesses (du NT) : \*\, 40 ; \10\, 37, 43, 55-58

--seule source valable : \7\, 31 --Vulgate : \1\, 5 Bibliothèques : \2\, 6 Biel, Gabriel : \6\, 16 ; \9\, 68 n. 255 ; \12\, 4, 5 n. 17 Bienne, Ecole latine : \7\, 34, 36 Bierlaire, Franz : \7\, 2, 3, 17, 20, 21 Bietenholz, Peter G. : \9\, 24 n. 104, 65 Bild, Antoine : \1\, 30, 32, 33 ; \2\, 8 ; \15\, 14 Bilderstifter (donateurs d’images) : \2\, 11 Bilderstürmer (destructeurs d’images) : \2\, 11 Bilinguis, e : \9\, 63 Blâmer : \10\, 82, 92 Blarer, Ambrosius : \14\, 13 n. 28 Blasphèmes : \9\, 56 Bluntz, Sylvain : \9\, 56 n. 221 Böcking, Eduard : \9\, 12 Bodenstein (voir Carlstadt) Boèce : \4\, 3 Boéthos : \4\, 10 Bohème : \2\, 8 ; \9\, 47 Bologne : \7\, 16 ; \9\, 12 ; \13\, 23, 24 Bolsnitzer, Conrad : \15\, 13 Bonaventure, saint : \9\, 43 n. 167 Bonheur : \10\, 73 Boniface, saint : \13\, 15 Bonne foi : \7\, 9 Bonne nouvelle : \*\, 65 Bonté : \10\, 62 Bosnie-Herzégovine : \9\, 9 n. 19 Botanique moderne, --père : \8\, 1, 9 Botzheim, Johann von : \12\, 16 --et Luther : \12\, 16 --et Zwingli : \12\, 16 Bourgeoisie : \13\, 12 Bourgogne : \15\, 15, 35, 36 --guerres : \15\, 28, 40 --vin de : \12\, 16 Brabant : \9\, 71 n. 273 ; \15\, 20, 40 Bracciolini, Poggio : \9\, 9, 60 n. 232

INDEX I Brändly, Willy : \7\, 23 n. 75, 34 Brant, Sebastian : \*\, 19-20 ; \2\, 2, 5 ; \3\, 11, 14, 17, 20, 41 ; \15\, 4, 19, 31 ; \16\, 3, n. 4 --censeur : \15\, 30 --publications sur le météorite d’Ensisheim : \15\, 16 Braun, Anna (belle-sœur de Berz) : \1\, 34 n. 41 Breisach ou Brisach : \8\, 5 ; \15\, 8, 35 Brentz, Johann : \5\, 26 Brescia : \12\, 4 n. 11 Brieffer, Nikolaus : \1\, 14 Brisgau : \15\, 19 Bruche, la : \15\, 8 Bruchsal : \8\, 61 Bruges : \13\, 59 ; \15\, 15 Brugg : \7\, 1, 5, 19, 34 --Ecole latine : \7\, 5 Bruits de fond (incontrôlables) : \15\, 24 Brunfels, Otto : \9\, 24 n. 105, 71 --agitateur social : \8\, 1 --anabaptiste ? : \8\, 1 --Aphorismi institutionis puerorum : \8\, 4, 5 --botanique : \8\, 9 --caractère : \8\, 13 --Confutatio sophistices : \8\, 4, 20 ; \9\, 37, 67, 68 --critique des moines : \8\, 30 --De corrigendis studiis : \8\, 4, 5, 21 n. 49 --De ratione decimarum : \8\, 7 --dispense (de l’état de moine) : \8\, 59 --écriture : \8\, 38 --éditeur de Johann Huss : \8\, 7 --« épicurien » ? : \8\, 1 --et Bathodius : \8\, 65 --et Bucer : \8\, 30, 60, 74 ----un « second Bucer » ? : \8\, 29, 31 --et Capito, W. : \8\, 4, 18, 32 ; \9\, 24 n. 100, 37, 50, 67 --et Erasme : \8\, 4, 6, 19, 21, 42, 63, 74 --et Gerbel : \8\, 18, 21, 65

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--et Hutten : \8\, 1, 5, 6, 46, 54, 63, 66, 74 ; \13\, 42, 57 --et Luther : \8\, 5, 6, 7, 62, 63, 74 --et Melanchthon : \8\, 4, 18 --et les moines : \8\, 30 --et Pellikan : \8\, 32 --et Phrygio : \8\, 14, 15, 18, 32 --et Rhenanus : \*\, 20, 24, \*\, 52 n. 126 ; \8\, 12, 16, 28, 39, 40, 44, 46, 49, 54, 56, 59, 62, 64, 67-74 ; \9\, 67 ----correspondance, état de : \*\, 16-17 ; \8\, 2 ----élève de : \8\, 3 ----rencontre : \8\, 43, 50 ----réponse de Rhenanus : \8\, 56 ----silence de Rhenanus : \8\, 50, 53 --et Sapidus : \8\, 4, 20, 23, 32, 48, 62, 71 --et Schott : \8\, 6, 65 --et Sélestat : ----refuge : \8\, 65 ----Société littéraire : \8\, 17, 23, 32, 34, 40, 42, 55 --et Spiegel : \8\, 40, 59, 65, 70 --et Volz : \8\, 17, 21, 32 --et Wimpfeling : \8\, 4, 23, 32 --études : \8\, 4, 30, 37, 46, 47, 48 --évasion de la chartreuse : \*\, 20 ; \8\, 11, 66, 72 --facettes : \8\, 1 --guide des études : \9\, 37 --haine de son prieur : \8\, 39 --humaniste erasmien passé à la Réforme ? : \8\, 1 --luthérien, ultra ? : \8\, 1 --manuscrits, fournisseur de : \8\, 26 n. 58, 33 --mariage : \8\, 10 --médecine : \8\, 9 --modestie : \8\, 45 --moine : \8\, 72 --nicodémite ? : \8\, 1 --Pandectarum Vet. et Noui Testamenti libri XII : \1\, 74 ; \8\, 24 --pédagogue anti-paysan : \15\, 30

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INDEX I

--père de la botanique moderne : \8\, 1 --peur : \8\, 38 --Pro Ulricho Hutteno : \8\, 6 ; \13\, 66 n. 52 --Reformation der Apotheken : \8\, 10 --Responsio (voir ici Pro … Hutteno) --secret : \8\, 43, 45 --soutiens : \8\, 18 --style des lettres : \8\, 49 --ton des lettres : \8\, 13 --vie : \8\, 5-10 --Vor dem Evangelischen Anstoss : \8\, 5 Bruni, Leonardo, d’Arezzo : \9\, 9 Brunner, Conrad (voir Fonteius) Bruxelles : \12\, 13 Bucer, Martin : \5\, 1, 2, 26 ; \8\, 65 ; \11\, 2 ; --accommodation : \1\, 93 --baccalaureus biblicus : \5\, 5, 33 --bibliothèque : \5\, 6 --bonae litterae négligées : \14\, 6, 7 --Brieff an die zu Franckfort am Meyn : \5\, 38 --Bulle (le déliant de ses vœux) : \8\, 61 --cursor biblicus : \5\, 5 --cursus philosophique : \5\, 6 --délié de ses vœux : \8\, 61 --dispense (de l’état de moine) : \8\, 60 --Erasme et Luther, différences : \12\, 14 --espoir : \14\, 19 --et Aleandro : \8\, 61 --et autorité (voir ici magistrat) --et Brunfels : \8\, 29, 30, 31 ; \9\, 68 --et Capito : \8\, 60, 61 ; \14\, 7 --et Erasme : \9\, 27 ----critiques : \12\, 14 ; \14\, 8, 18 --et Hatten : \9\, 71 n. 272 --et Hochstratus ouans : \9\, 71 n. 272 --et Hutten : \8\, 60, 61 ; \13\, 42 --et Küffer : \9\, 25, 78 --et Luther : \*\, 64 ; \2\, 10 ; \5\, 8, 27, 34, 36-39 ; \9\, 27, 29, 30, 67

--et magistrat, le : \14\, 9 --et Murner : \9\, 49 --et Rhenanus : \*\, 20, 24 ; \1\, 58 ; \2\, 10 ; \5\, 27, 31, 32, 35 ; \6\, 3 ; \8\, 29 ; \9\, 26, 27, 57, 71, 81 ; \12\, 14 ; \13\, 31, 33 ; \14\, 1, 5, 15 ----concitoyen : \14\, 12, 17 ----correspondance, état de : (pas de lettre de Rhenanus) \*\, 16-17 ; \14\, 2-4 ----différences : \12\, 14, \14\, 20, 21 ----fossé entre eux : \14\, 11 ----lettre du 1er mai 1518 : \*\, 8, 43 ----lettre de la mi-août 1525 (explication) : \*\, 8, 21, 68 ; \14\, 11 ----lettres de recommandation : \14\, 12 ----maintien de réseaux : \*\, 72 ; \14\, 12 ----mort de Rhenanus : \*\, 73 ; \1\, 46 ----« normalité » : \*\, 72 ; \14\, 16 ----rapport, au début (1523) : \*\, 52 n. 126 ; \14\, 5 ----rapport, changement (1525) : \*\, 68 ; \14\, 6 ----réconciliation avec Rhenanus ? : \14\, 18 ----passé « humaniste » : \14\, 19 ----ton des lettres (1531, etc.) : \*\, 72 ; \14\, 12, 16, 19 --et Sélestat : \9\, 27 n. 114 ; \12\, 14 ; \14\, 17 ----présence : \9\, 29, 68 ----religion : \14\, 14 ----Société littéraire : \9\, 29, 68 --et Spiegel : \8\, 61 --et Strasbourg : \14\, 5 ----les prédicateurs : \14\, 9-11 ----prédicateurs justifiés : \14\, 11 --et Wimpfeling : \9\, 68 --et Wissembourg : \14\, 5 --et Witzel : \1\, 86 --et Zwingli : \5\, 38 ; \6\, 3 ; \14\, 5 --évasion du monastère : \*\, 20 ; \8\, 61

INDEX I --Formation des jeunes, dispute avec Rhenanus : \12\, 14 ; \14\, 6, 7 --Guerre des paysans : \14\, 10 --Heidelberg : \5\, 4 ----disputation : \12\, 14 ; \14\, 3 --livres : \5\, 31 --Mayence : \5\, 4 --moine : \8\, 72 --« optimisme herméneutique » : \14\, 19 --prêtre marié et hérétique : \14\, 5 --Que nul ne vive pour soi-même (1523) : \5\, 34 --réfugié : \14\, 5 --sédition fomentée : \14\, 6, 8-11 --sentiment patriotique : \9\, 27 --testament : \5\, 31 Buchter, Henricus : \7\, 20 Budé, Guillaume : \9\, 17 n. 78, 37 n. 146 Bulles papales : --concile de Latran V : \9\, 7 --Decet Romanum pontificem : \1\, 47 ; \10\, 10, 31-32 ; \13\, 43, 55, 67 --Exsurge Domine (15 juin 1520) : \6\, 11 ; \8\, 55, 56 ; \9\, 33, 37, 48, 69 n. 258, 70 n. 268 ; \10\, 10, 31-32 ; \13\, 40 Bullinger, Heinrich : \5\, 38 ; \7\, 1 n. 1, 34 ; \14\, 13 n. 28 Bundschuh : \2\, 9 ; \15\, 14, 26, 27, 40 --de 1502 : \15\, 31 Bünzli, Gregorius : \6\, 17 Bupalos : \9\, 56 n. 226 Burer, Albert de Brugg (Pontanus) : --départ pour Wittenberg : \7\, 24 --disciple : \7\, 6 --et Amerbach, Basile : \7\, 23 --et Amerbach, Boniface : \7\, 23 --et Erasme : \7\, 30 --et Glareanus : \7\, 5, 33 --et Luther : \7\, 13, 24, 25, 33, 35 ----portrait idéalisé : \7\, 32 --et Melanchthon : \7\, 24

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--et Nesen : \7\, 16 ; \9\, 66 --et Rhenanus : \*\, 24 ; \9\, 71 ----amitié ? : \1\, 34 n. 41 ; \7\, 24, 25 ----correspondance : \*\, 16-17, 49 ; \7\, 1, 37 ----dons de livres (sans ex-dono) : \7\, 25 n. 85 ; \9\, 61 n. 234 ----famulus : \1\, 32, 33, 41 ; \7\, 7, 8, 9, 10, 14, 24 (rupture de contrat), 37 ----pensée similaire ? : \*\, 52 n. 126 ; \7\, 27, 38 ----publications : \9\, 73 ----salaire : \7\, 15 --et la peste à Bâle : \7\, 2, 12, 15 --et Wittenberg : \1\, 50 n. 61 ; \7\, 28 --et Zwingli : \7\, 13, 19 --formes du nom de Burer : \7\, 1 n. 1 --mariage : \7\, 34 --messager : \7\, 6 --mort : \7\, 34 --pensée religieuse : \7\, 27 --personnalité : \7\, 20 --style : \7\, 12 Burer, Hans : \7\, 5, 34 n. 121 Burgkmair, Hans : \15\, 34 Burler, Johann : \9\, 46 n. 188 Bursfeld, réforme de : \3\, 9 Busche, Hermann von dem : \9\, 24 n. 102 --auteur présumé de Hochstratus ouans : \9\, 70, 71 --co-auteur des EOV : \9\, 70 n. 266 ; \10\, 11 --Vallum humanitatis : \9\, 70 n. 266 Busleyden, Jérôme de : \9\, 17 n. 72 C Cahier de charges : \10\, 21 Cajetan, Thomas de Vio, cardinal de Saint-Sixte, dit : \5\, 6 ; \9\, 12, 13 n. 56, 42 --explication de la Somme théologique : \5\, 6 Calliope : \9\, 61, 62, 63, 83 n. 297

506

INDEX I

Calme : \1\, 10 Calvin, Jean : \1\, 73, 74, 81 Caluus, Francescus Giulius : \7\, 16 ; \8\, 23 n. 54 Cambridge : \16\, 17 Camerarius, Joachim : \1\, 13, 14, 15 Campagnes : \2\, 8 Canons : \15\, 13 Cappadoce, pères de : \4\, 3, 5 Capito, Wolfgang : \2\, 8 ; \5\, 32 ; \9\, 18 n. 84, 50, 71 n. 270 ; \13\, 41 --double langage : \1\, 78 --et Bâle : \*\, 41 --et Brunfels O. : \8\, 4, 18, 20, 32 ; \9\, 24 n. 100, 67 --et Bucer : \8\, 61 ; \14\, 7 --et Erasme : \*\, 41 --et l’hébreu : \*\, 41 --et Luther : \1\, 28, 77-78 ----publication d’oct. 1518 (Ad Leonem X … Resolutiones …) : \*\, 43-44, 4648 ; \1\, 28 ; \12\, 8 ; \13\, 33 ----publ. d’oct. 1518, les préfaces anonymes : \*\, 44, 46-47 ; \10\, 10 --et Oecolampadius : \9\, 69 n. 258 --et Rhenanus : \*\, 31, 41 ; \6\, 3 ; \9\, 55 ; \14\, 7 --et Strasbourg : \1\, 77, 78 --et Zwingli : \6\, 3 --guide, lumière des études : \7\, 6 n. 22 ; \9\, 27, 37 --luthérien secret : \1\, 78 --mariage : \1\, 78 --nicodémisme : \1\, 74, 75, 77, 78 --prédicateur à la cathédrale de Bâle : \9\, 32 n. 131 Capnion (« petite fumée », voir Reuchlin) Cappler, Frédéric : \15\, 17 Caracciolo, Marino : \9\, 69 ; \13\, 44 Caractères typographiques gothiques : \9\, 25 Carafa, Olivier, archevêque de Naples : \15\, 26 Cardinaux : \9\, 56

--carnaval, scène de : \13\, 53 Careggi, villa : \4\, 3 Carême : \6\, 10 ; \9\, 63, 67 n. 254 ; \12\, 6 ; \13\, 53 Carinus, Ludwig : \7\, 6 n. 22 Carlstadt, Andreas (de Bodenstein) : \2\, 11 ; \5\, 15 ; \7\, 22, 29 ; \8\, 65 ; \9\, 24, 78 n. 290 ; \12\, 7 ; \13\, 37 --description de ses actions : \7\, 31 --enseignement actif : \7\, 31 --Messe de mariage : \9\, 78 --sagesse : \7\, 31 Carmes : \9\, 24, 63, 66 --jeux de mot : \9\, 66 n. 252 Carnaval : \9\, 63 n. 238 ; \13\, 53 Carrière, avancements : \1\, 74, 78-79 Cassander, Georg : \1\, 87, 90, 98 --Consultatio : \1\, 90 --et Erasme : \1\, 90 Caste : \13\, 28, 29, 39, 45, 69 Catharus, M. (voir Luther, Martin, « jeu ») Cathédrale : \3\, 7 Catholicisme, catholiques : \*\, 74, 76 ; \1\, 14, 48, 49, 50, 53, 60, 66, 75, 84, 85, 87 ; \2\, 1 ; \15\, 30 --réformateur(s) : \*\, 19, 21-22, 72 Caton (voir Pseudo-Caton) Caudatus (voir aussi Angleterre) : \9\, 71 n. 273 Celtis, Conrad : \13\, 16 Censure : \9\, 38, 73 Cérémonies : \1\, 52 ; \10\, 92 ; \12\, 12 --position moyenne : \10\, 92 --positions extrêmes vis-à-vis : \10\, 92 --« superficielles » : \12\, 5 Cérès : \9\, 56 n. 226 Cervinus, Franciscus de Glarus : \6\, 3, 14 Césaire d’Arles : \11\, 7 César (voir Saint-Empire) César, Jules : \1\, 17 ; \8\, 47, 51 Césars : \15\, 28 Chair : \10\, 91

INDEX I Chambre apostolique : 48 n. 201 Changement, méfiance devant : \1\, 83 Chanoines : \3\, 8 Chapelins : \3\, 22 Chapelles, chapellenies : \2\, 3 ; \15\, 26 Chapitres : --cathédral : \3\, 8 Charitas (voir amour du prochain) Charlemagne, époque : \11\, 7, 18 Charles VIII : \15\, 16, 36 Charles Quint (voir aussi Saint-Empire, empereur) : \1\, 14 ; \2\, 12 ; \8\, 57, 61 ; \9\, 12, 17, 23, 35, 36, 40, 48, 74 ; \13\, 25, 35, 41, 44, 51, 55, 68 ; \15\, 3, 17, 40 Charles le Téméraire : \15\, 14, 35 Chartreuse, chartreux : \8\, 4, 59, 66, 72, 74 --les maisons des chartreux : \8\, 33 n. 75, 41 Chelius, Huldericus Pforzensis : \8\, 2 n. 4 Chevalerie d’Empire : \13\, 12, 47 Chomarat, Jacques : \*\, 5, 35 ; \8\, 55 n. 110 Chrétiens : \2\, 2 ; \4\, 4 ; \9\, 28, 48, 50, 51 ; \16\, 30 --devoir : \10\, 88 --double nature (paradoxe de) : \10\, 35, 40 --écrivains : \*\, 34 --esclavage : \10\, 35 --liberté : \5\, 34 ; \10\, 35, 37, 40, 56, 68, 85 --nom : \10\, 39, 82 --réprobation : \9\, 7 --second Christ : \10\, 39 Christ : \*\, 9 n. 17, 10 ; \1\, 72, 73 ; \3\, 23 ; \4\, 9 ; \5\, 20, 23, 24, 25, 38 ; \6\, 12, 17, 20, 22 ; \7\, 28 ; \8\, 59 ; \9\, 10 n. 30, 39, 45, 48, 59 n. 229, 66 n. 255, 77 ; \10\, 56, 88 ; \13\, 52 ; \14\, 5, 9, 11, 13 n. 26, 20 --attributs : \10\, 37

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--doctrine : \6\, 12, 13, 16 ; \7\, 29 ; \12\, 5 --homme : \10\, 79 --mariage avec l’âme : \10\, 37, 60, 63, 65, 66 --modèle : \10\, 39, 79, 80, 81, 82 --philosophia : \6\, 16, 17 ; \12\, 4, 5 --solus : \6\, 13 --union avec l’âme : \10\, 63 Christianisme : \*\, 3, 35, 40 ; \1\, 8, 59 ; \2\, 1, 7 --carolingien : \11\, 7 --reditus ad fontes : \6\, 17 --renaissance : \6\, 17 --renouvellement : \6\, 15, 17 --primitif : \3\, 21, 45 ; \11\, 1, 2, 7, 10, 16, 17 Christophe de Hattstatt : \15\, 17 Christophe d’Utenheim : \2\, 2, 5 ; \3\, 25 ; \9\, 32, 33 Chrysostome, Jean Saint : \11\, 1, 4, 6, 7, 11, 16, 18 --éd. 1540 (la Messe, voir aussi le détail ici) : \*\, 69 ; \1\, 28, 61, 69, 93, 98 --homélie « il ne faut pas haranguer la foule … » : \11\, 8, 9 --liturgie : \11\, 3 ----trad. Erasme : \1\, 98 n. 130 ; \11\, 3 ----trad. Léon Toscan : \1\, 28, 98 n. 130 ; \11\, 3 --« opera » : \16\, 12 n. 22 --sermon : “A propos de la pénitence et la confession” : \11\, 7 Chuchoter : \8\, 44 Cicéron : \1\, 15 ; \8\, 4 ; \9\, 42 n. 164 ; \15\, 33 ; \16\, 20 --Att. 2, 9, 2 : \8\, 51 --Att. 10, 7, 1 : \9\, 76 Cincinnius, Johann : \16\, 31, 34 Citadins : \2\, 4 Clamanges, Nicolas de : \9\, 47 n. 191, 48 n. 201 --De corrupto ecclesiae statu : \9\, 45, 46, 78

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INDEX I

Clarisses : \7\, 5, 34 Clarorum Virorum Epistolae : \13\, 18 Classe moyenne urbaine nouvelle des intellectuels : \13\, 11 Clefs, pouvoir de : \9\, 24, 48 ; \16\, 30, 31 Clémence : \15\, 34 Clemens d’Alexandrie : \12\, 5 n. 14 Clergé : \3\, 4, 9 ; \9\, 8, 11, 39 ; \11\, 13 ; \12\, 5 n. 14 ; \13\, 56 --aspect économique : \15\, 11 --bas : \3\, 37 --catholique : \14\, 11 --et l’Université : \3\, 22 --étymologie du nom : \9\, 39 --exemplarité de vie : \9\, 8 --formation : \3\, 22 ; \9\, 8 --haut : \3\, 22, 38 --mœurs : \9\, 7 --passés à la Réforme : \15\, 29 Clichtove, Josse : \4\, 4 ; \16\, 3, n. 4 --Elucidatorium : \16\, 12 n. 22 Clinias : \4\, 2 Cochlaeus, Johann : \1\, 84 ; \13\, 24 --Breuis Germanie Descriptio : \15\, 8 n. 5 Cochon de lait : \12\, 12 Colère de Dieu : \5\, 19 ; \6\, 13 Colique néphrétique : \12\, 16 de 1540-1541 (voir Colloques Haguenau, Worms, Ratisbonne) Colmar : \1\, 59 ; \13\, 38 ; \15\, 20 --Augustins : \1\, 98 n. 130 \11\, 3 --Dominicains/es : \3\, 9 --et Maximilien : \15\, 15 --imprimeries : \*\, 1 n. 1 --Unterlinden : \3\, 9 --ville impériale : \15\, 8 Cologne : \1\, 93 ; \8\, 31, 57, 60 ; \9\, 9, 70 ; \13\, 18 ; \16\, 31 --église des Rois mages : \13\, 41 --Electorat : \5\, 39 --imprimeries : \16\, 6 --« réformation de » : \5\, 37

--Université : \9\, 26, 29 n. 121 Communauté : \3\, 8 ; \11\, 18 ; Communion : \2\, 3 --refusée aux condamnés à mort : \3\, 23 --sous les deux espèces : \7\, 29 Concert de louanges : \15\, 24 Concile(s) : \*\, 21, 64, 65 ; \1\, 14, 88 ; \13\, 37 Conciliation : \13\, 41 Concorde : \1\, 85 ; \6\, 16, 17 ; \9\, 41 ; \12\, 4 ; \13\, 41 Concubinaires, concubinage : \2\, 2 ; \12\, 16 Confession (foi) (voir aussi confessionnalisation) : --choix de : \1\, 47, 73 Confession (pratique) : \11\, 6, 9, 10 ; \12\, 5 n. 18 ; \14\, 9 --angoisse de : \3\, 44 --critiquée : \11\, 17 --intérieure : \11\, 6, 15 --privée : \11\, 6, 19 --publique : \11\, 7, 16 --secrète : \11\, 7, 10, 16, 18, 19 Confessionnalisation : \1\, 47 Confiance : \5\, 29 ; \10\, 81 Confrontation : \1\, 83 Conscience : \11\, 15 --nationale : \15\, 35 Consilium cuiusdam : \9\, 34 Conspiration : \15\, 26 Constance : \9\, 69 ; \12\, 1, 4 n. 11, 16 --Concile : \2\, 2 ; \9\, 9, 47 Constantinople : \9\, 12, 28 n. 118 ; \11\, 7 ; \14\, 13 n. 26 Constantinus, Paulus (voir Phrygio, pseudonyme) Constantius, Paulus (voir Phrygio, pseudonyme) Constructions (économie) : \15\, 12 Contractus, Contrats : \*\, 47 ; \6\, 16 ; \12\, 4 Contre-éloge : \*\, 39

INDEX I Convaincre : \10\, 26 Conuersio : \3\, 20 Convictions intimes : \10\, 19 Cordatus, Eubulus (voir Phrygio, pseudonyme) Corps : \10\, 38 --maîtriser ; \10\, 38, 39, 45, 72, 73, 74, 76, 95 --séparé de l’âme : \10\, 42 Corps de métier : \7\, 10 Corrupteurs de l’enseignement apostolique : \10\, 79 Cortese, Paolo : \16\, 23 Corvinus, Antonius : \1\, 84, 85 Cosmographiae Introductio : \15\, 9 Cottalembergius, Johannes Franciscus (voir Pirckheimer, pseudonyme) Couard : \9\, 71 n. 273 Courtisans : \9\, 43 Cousin, Gilbert : \7\, 3 Couvents : \2\, 4 Cracovie : \9\, 1 n. 1 Cranach, Lucas, l’Ancien : \7\, 25 n. 85 Crassus : \8\, 51 Cratander, Andreas : \*\, 1 n. 1, 49 ; \12\, 7 ; \16\, 9, 28, 29 --et Luther : \*\, 44 --et Rhenanus : \*\, 51 --et Valla : \*\, 51 Crépy-en-Valois, paix de : \2\, 12 Crimina (fautes graves) : \11\, 13 Crises économiques : \2\, 8 Critère historique : \1\, 86, 89, 97 Critique des sources : \1\, 11 Croisade : \9\, 12 Croix, théologien de : \5\, 22 Croix aux Mines : \15\, 13 Croyants : \10\, 37 --rois : \10\, 37, 66, 95 --prêtres : \10\, 37, 66, 67, 95 Cuculati (voir aussi moines) : \9\, 43 Cuius regio, eius religio : \2\, 12 Culte, réforme de : \9\, 41 Culture politique : \15\, 25

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Cumulards : \9\, 43 ; \15\, 26 Cuno, Johann : \*\, 9, 31, 36 ; \1\, 7 ; \4\, 5, 6, 14 ; \11\, 1 ; \16\, 1, 3 Curatus, ut uocant : \9\, 46 n. 189 Cure des âmes : \1\, 52 ; \15\, 26 Curés (voir aussi Curatus) : \3\, 22 Curio, Valentin : \*\, 1 n. 1, 63 ; \16\, 9 Cursor biblicus : \5\, 5 Cygnes : \6\, 17 Cyniques : \4\, 2 Cyprien, saint : \6\, 16 ; \9\, 68 n. 255 ; \11\, 18 ; \12\, 4 D Damascène, Jean : \11\, 1 D’Amico, John F. : \*\, 33 Damnation : \10\, 56, 64 Danemark : \8\, 65 Daniel (voir aussi Bible) : \8\, 36, 39 Danse : \15\, 30 Date, style chrétien : \6\, 19, 22 ; \8\, 37 David, auteur des psaumes : \10\, 53 De Beatis, Antonio : \15\, 14 n. 10 Décalogue : \11\, 15 Décapole : \2\, 4 ; \15\, 7 Décence, normes de : \15\, 30 Décrétales : \9\, 45 Défense, plan de : \15\, 40 Demande du marché : \10\, 22 Démosthène : \16\, 20 Denis d’Halicarnasse : \8\, 26 Denys l’Aréopagite (voir Pseudo-Denys) Destinataire : \10\, 11 Devotio moderna : \2\, 3 ; \6\, 17 Diable : \3\, 23 Dialogue de Jules, privé de paradis : \9\, 56 Dialogus bilinguium ac trilinguium : --différences d’édition : \9\, 63, 64, 65 --Erasme : \9\, 24 n. 104, 62 n. 236, 65 --Nesen, Conrad : \9\, 24 n. 104, 52 n. 210, 61, 62, 65 n. 246 --Nesen, Wilhelm : \9\, 24 n. 104, 61, 62, 65, 66, 83

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INDEX I

--Rhenanus : \9\, 52, 62 Dibaphos, os, on : --esthés dibaphos : robe de pourpre : \8\, 50 Diebold von Geroldseck : \12\, 1 n. 1 Diemerstein : \8\, 5, 66 Dieu (Seigneur) : \*\, 40 ; \1\, 88 ; \2\, 3 ; \4\, 11 ; \5\, 29, 34, 38 ; \6\, 13 ; \9\, 35, 36 ; \10\, 31, 75, 81 ; \11\, 6 --colère : \10\, 53 --culte (vrai) : \9\, 35, 36 n. 145, 76 ; \14\, 9, 10 --parole : \10\, 37, 42, 53, 95 --honneur, rapport réciproque avec l’homme : \10\, 60, 62 Digeste (voir Justinien) Diffusion de ses œuvres : \*\, 3 Dijon : \15\, 21 Dîme : \8\, 7 ; \9\, 12, 13 --Deux discours : \9\, 4, 14, 16, 17, 45 n. 179, 59, 72 Diocèse : \3\, 7 Diplomatie : \13\, 17 Discorde (chez les moines) : \8\, 30 Dispenses : \12\, 5 n. 19 Disputatio : \7\, 31 Dissimulation : \*\, 70, 75 ; \1\, 79, 80 Docere (voir aussi Rhenanus, sous annotations) : \10\, 26, 27-28, 47, 66, 73, 87 Docti : \*\, 3 ; \12\, 8 Doctrine : \1\, 87 --lumière : \1\, 25, 26 --ténèbres : \1\, 25 Doctus uir (voir docti) Dominicains : \1\, 7 ; \4\, 5 ; \8\, 30, 31, 47 n. 94, 62 ; \9\, 19 n. 89, 24, 54 n. 214, 56, 66, 71 ; \12\, 11 n. 64 ; \13\, 18 ; \16\, 1 --Colmar : \3\, 9 --Cologne : \8\, 31 --Heidelberg : \5\, 4, 35 --Nuremberg : \*\, 9, 36 --Rome : \5\, 14

--Zurich : \6\, 21, 22 ; \12\, 12 Dominicaines : \2\, 2 --Colmar : \3\, 9 --observantes : \2\, 3 Domitien : \1\, 17 Dommage : \10\, 82 Don de soi (voir aussi amour du prochain) : \10\, 96 Doria, Andrea : \14\, 13 Doria, Gianettino : \14\, 13 Doringus, Ioannes : \7\, 6 n. 22 Dorlan, Antoine : \8\, 2 n. 4 Dornach : \15\, 21 Dorp, Martin van : \1\, 55 ; \9\, 10, 56 n. 223, 63 n. 240 --carrière à protéger : \1\, 79 --et Erasme : \1\, 55, 57 --et Rhenanus : \1\, 56 --et saint Paul : \1\, 56 --retraite du débat des idées : \1\, 57, 67 Double langage : \1\, 78 Dournon : \15\, 15 Doute : \10\, 95 Dragišič, Juraj (voir Benignus, Georgius) Dringenberg, Ludwig : \2\, 3, 4 ; \3\, 18, 32 ; \15\, 18 Droit : (nuptial) \10\, 66 ; \13\, 17, 19 ; \16\, 2 ; \16\, 8 Du Pré, Jean Ier, veuve : \*\, 1 n. 1 Dürer, Albrecht : \15\, 34 E Eberbach, Peter : \8\, 24 n. 56 Ebernburg : \5\, 37 ; \8\, 5, 60, 61, 66 ; \13\, 2, 31, 42, 47, 56, 57, 67 --havre de la justice : \13\, 46 Ecclésiastiques : \1\, 73 ; \2\, 8 ; \15\, 26 Echange miraculeux : \10\, 64-66 Echterdingen : \15\, 17 Eck, Johann : \1\, 65, 85 ; \9\, 14, 48, 49, 63 n. 244, 69 n. 259, 71 n. 270 ; \13\, 37 --et Luther : \9\, 24 ; \12\, 7 --jeu sur son nom : \9\, 71 n. 270

INDEX I Eckart (Meister) : \2\, 3 Ecoles : --allemandes : \2\, 4 ; \7\, 34 --latines : \*\, 34 ; \2\, 4 ; \7\, 5, 34 ; \9\, 46 n. 188 ; \15\, 18 ----qui forment à la sévérité : \15\, 30 Economie, tensions : \15\, 28 Ecriture sainte : --prédication en accord avec : \14\, 8 --primauté : \1\, 88 ; \13\, 37 Editeur scientifique : \10\, 14, 15 Eglise, l’ (voir aussi concile et liturgie) : \*\, 13, 29, 45, 50, 64 ; \1\, 40, 59, 66, 76, 80, 83, 100 ; \2\, 2, 4, 7, 8, 12 ; \3\, 1, 18, 23, 32, 48 ; \5\, 30 ; \6\, 5, 17, 23 ; \7\, 19, 30 ; \9\, 7, 9 n. 24, 23, 24, 31, 35, 39, 44, 45, 47, 56 n. 226, 83 ; \10\, 69, 96 ; \13\, 44, 53 ; \15\, 28 --ancienne : \*\, 69 ; \1\, 59, 86, 88, 89, 94, 96 ; \3\, 43 ----pratiques : \*\, 62 ; \1\, 86, 89, 94 --canons : \1\, 88 --fondation : \1\, 88 --histoire : \1\, 93-95 --institutions : \1\, 93, 94 ; \11\, 2 --origines : \1\, 88 --pratiques : \1\, 80, 93 --primitive (voir ancienne ici) --traditionnelle : \*\, 29, 31, 73 ; \10\, 20 Eglise : \2\, 3 ; \3\, 7 Eglise des Pères : \11\, 1 Egranus, Johannes Sylvius : \9\, 32, 69 n. 262 Egyptos : \4\, 9 Eichhoffen : \15\, 8 Eichstätt : \9\, 31 n. 124 Einsiedeln : \6\, 4, 7 ; \12\, 4, 9 n. 61 Eisenach : \1\, 51 Eisleben : \1\, 54, 95 --église saint-André : \1\, 53 Electeur, palatin : \5\, 3, 4 Election impériale (1519) : \15\, 17 Eleusis : \9\, 56 n. 226

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« Elias », commentateur de l’Isagoge de Porphyre : \8\, 4 n. 11 Elites : \15\, 28 Emblème : \1\, 1, 10 Emotion : \10\, 26 Empereur, Empire (voir Saint Empire) Empereur romain : \1\, 20, 24 Enchiridion (voir Augustin) Enée de Gaza : Théophraste : \*\, 40 ; \1\, 27 ; \4\, 8, 9, 14 Enfants abandonnés : \9\, 7 n. 16 Enfers : \11\, 9 --peines de : \6\, 16, 17 ; \12\, 4 Engelbrecht, Anton : \8\, 61 Ensisheim : \15\, 8 n. 5, 9 ; \15\, 17 --météorite : \15\, 16 Entéléchie : \4\, 6 ; \5\, 29 Enthousiasme (voir aussi sous Rhenanus) : \*\, 30, 44 ; \1\, 2, 9, 10, 100 ; \10\, 19, 23 EOV (Epistolae obscurorum uirorum) : \5\, 10 ; \9\, 43 ; \10\, 11 ; \13\, 18 --bref du pape pour qu’elles soient brûlées : \13\, 23 Ephèse, temple incendié : \9\, 71 n. 277 « Epicurien » : \8\, 1 Epigramme : \16\, 25 Epigraphie : \16\, 2 Episcopius, Nicolaus : \*\, 1 n. 1, 70 ; \1\, 13 n. 9 Epistémologie : \1\, 90 Epistola … ad Hermannum Comitem de noua Aquila : \9\, 52 Epistola de magistris nostris Louaniensibus : \9\, 52, 66 Epîtres des hommes obscurs (voir EOV) Epicure, épicurisme : \4\, 2, 12 Epinal : \1\, 13 Eppendorf, Heinrich : \13\, 60, 62 Erard, évêque de Liège : \9\, 40 Erasme de Limbourg : \15\, 30 Erasme, Désiré, de Rotterdam : \*\, 5, 19 ; \2\, 5, 12 ; \5\, 29, 30 ; \7\, 6, 21 ;

512

INDEX I

\8\, 42, 57, 61 ; \9\, 8 ; \11\, 1, 2 ; \13\, 13, 52 --Accommodation : \1\, 82-84, 89, 94 --Adages : \7\, 9, 30 ; \8\, 15, 23, 5052 ; \9\, 18 n. 87 ; \13\, 19 ----Adrasteia Nemesis (n° 1538) : \16\, 25 ----éd. 1508 : \16\, 16, 17 ----éd. 1513 : \16\, 16, 19-22, 25 ----Nosce tempus (n° 670) : \16\, 24 ----Quatenus utendum adagiis : \9\, 91, 93 --Annotations au NT : \13\, 20 --Antibarbares : \8\, 35 --Apologia ad I. F. Stapulensem : \9\, 10 --Auctarium … epistolarum : \16\, 14 n. 25 --autodafé de ses livres : \*\, 71 --Axiomata pro causa … Lutheri : \9\, 69, 78 ; \13\, 41 --biographie par Rhenanus : \1\, 13 --bourgogne, vin de : \12\, 16 --cadeau : \12\, 1 n. 1 --cercle : \6\, 16, 18 ; \12\, 3, 4 ; \13\, 22 ; \16\, 27 ----pensée sur Luther : \12\, 3 --christianisme : \7\, 30 --colique néphrétique : \12\, 16 --Collectanea adagiorum : \3\, 14 ; \9\, 88 --commentaire, voir Enarratio --Compendium uerae theologiae (voir ici Ratio) --Complainte de la paix : \5\, 6, 7 --Consilium cuiusdam : \9\, 34 --conciliation, efforts de : \13\, 41 --confession (foi) : \*\, 76 --Constance, visite : \12\, 16 --critiques sur lui : \1\, 84 ; \7\, 30 ; \8\, 48 --De amabili ecclesiae concordia : \1\, 83

--De duplici copia : \9\, 2, 16 n. 70, 65, 87 --Dialogus bilinguium ac trilinguium, attribution : \9\, 24 n. 104, 62 n. 236, 65 --éditions, éditeur : \10\, 14 ----Nouveau Testament : \*\, 37 ; \5\, 6 ; \6\, 7 ; \7\, 30 ; \9\, 10, 71 n. 275 ; \13\, 19 ; \16\, 7 n. 14 ----Saint Jérôme : \*\, 37 ; \13\, 19 ; \16\, 7 n. 15 ----Suétone : \13\, 34 --Eloge de la Folie (voir Moriae encomium) --Enarrat. in Ps. I : \8\, 16 ; \9\, 10 --Enchiridion militis christiani : \5\, 6 ; \7\, 30 ; \8\, 17 ; \9\, 10 ; \12\, 5, 7 ----Nouvelle éd. de 1518, préface à P. Volz : \*\, 47 --ennemis : \9\, 63 --Epistola ad Rev. Archiespiscopum … Moguntinum : \9\, 32, 66 n. 252, 69 n. 262 --Epistola apologetica ad M. Dorpium : \9\, 10 --Epistula … de interdicto esu carnium … : \12\, 12 n. 72 --Epigrammes : \9\, 15 n. 67 --et Bâle : \1\, 71 ; \12\, 2 ; \13\, 49, 62 ----arrivée : \*\, 37 ; \1\, 18, 23 ; \6\, 5 ----retour (raison) : \12\, 2 ; \13\, 48 --et Brunfels : \8\, 19, 21, 42 --et Bucer : \9\, 27 --et Cassander : \1\, 90 --et Chrysostome (voir aussi traductions ici) : \1\, 98 n. 130 ; \11\, 3 --et Dorp : \1\, 55, 57 ; \9\, 56 n. 223 --et famuli : \7\, 8 --et Eppendorf : \13\, 66 --et Frédéric le Sage : \9\, 69 n. 263 --et Fribourg (en-Brisgau) : \12\, 2 --et Froben : \12\, 1 ; \16\, 17 --et Gilles : \9\, 58 --et Hatten, Materne : \9\, 71

INDEX I --et Hutten : \8\, 1, 6 ; \13\, 1, 5 ; \13\, 18, 19, 20, 25, 31, 59 ----correspondance, état de la : \13\, 20 ----l’entretien manqué : \13\, 48, 49, 59-63 ----polémique, conséquences : \13\, 5, 66 --et Hussites : \9\, 47 n. 195 --et Lee : \9\, 71 --et Lefèvre : \*\, 42 --et Luther : \*\, 54, 65 ; \1\, 36 ; \2\, 11 ; \5\, 27, 30, 31, 35, 38 ; \6\, 20 ; \9\, 29, 32, 34 n. 136 ; \12\, 3, 10-14, 17 ; \13\, 34, 41 ----correspondance : \13\, 34 --et Marullo, Michele : \*\, 35 --et More : \9\, 16 n. 69 ----biographie : \13\, 27 --et Nesen : \9\, 62, 65 n. 247 --et Platon : \7\, 30 --et Rhenanus : \*\, 31 ; \1\, 24 ; \3\, 48 ; \6\, 7, 12 ; \12\, 1, 9, 10 ; \13\, 19 ; \16\, 4, 10, 13, 15, 27 ----dir. de publ. : \*\, 37 ; \1\, 28 ----influence : \*\, 45, 48, 54, 74, 76 ; \12\, 3 ; \14\, 8 ----« interrogatoire » : \13\, 62, 63, 65 ----malentendu ? : \13\, 62 ----protégé par Erasme : \13\, 62 --et Schiner : \6\, 10 --et Schürer, M. : \9\, 10, 21 n. 97 --et Strasbourg : \9\, 16 ; \15\, 32 (flatterie) --et Volz, Paul : \*\, 47 --et Wimpfeling : \9\, 16 n. 70 --et Witzel : \1\, 86 --et Zwingli : \*\, 54 ; \6\, 5, 12, 14, 22 ; \12\, 13, 16 --Exomologesis siue modus confitendi : \3\, 43 --Farrago : \16\, 14 n. 25 --Guerre des paysans, silence d’Er. : \15\, 34 --guide, lumière, des études : \7\, 6 n. 22 ; \9\, 27, 37 ; \13\, 19

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--hérétique : \9\, 71 n. 275 --Institution du prince chrétien : \5\, 6 ; \12\, 9 --irrité : \1\, 80 --jeûne : \12\, 12 --Lettre à P. Volz : \9\, 10 --Lettres, publication de : \12\, 10 ; \16\, 14 --Louvain, voyage : \9\, 71 --Lucubrationes : \9\, 10, 11 --Manuel du soldat chrétien (voir Enchiridion) --Methodus (voir Ratio uerae theologiae) --moine : \8\, 72 --Moriae encomium : \*\, 37, 39 ; \5\, 6, 7 ; \9\, 10, 11, 17, 63 n. 241 ; \13\, 19 ----Miller, p. 190, ll. 159-161 : \8\, 55 ----succès (éd. 1515) : \16\, 12 --Mort annoncée : \16\, 17 --Opera omnia (1540) : \*\, 70 ; \1\, 13 --Paraclesis : \6\, 10 ; \9\, 10, 11 ; \12\, 6 --Paraphrases : \13\, 57 --Pays-Bas : \*\, 38 ; \6\, 7 --pédagogie : \8\, 4 --pensée religieuse : \1\, 36, 37, 38, 40, 49, 58, 59, 71 ; \6\, 16 --philosophia Christi : \5\, 7 ; \9\, 10 n. 30 --programme : \12\, 2 --Querela pacis : \9\, 10 ; \12\, 9 --Ratio uerae theologiae : \*\, 54 ; \6\, 10 ; \12\, 6 --réformisme modéré : \11\, 17 --réputation : \5\, 7, 38 ; \13\, 58 ; \16\, 15 ----à Wittenberg : \7\, 30 --« Socrate allemand » : \13\, 19 --Spongia : \8\, 1, 6 ; \13\, 5, 9, 49, 61, 64, 66 ----rôle de Rhenanus : \13\, 66 --traductions : \7\, 30 ----Chrysostome : \1\, 98 n. 130 ----Lucien : \13\, 27 Erasmiens : \5\, 35

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INDEX I

Erb, Matthias : \1\, 46 Erfurt : \1\, 50, 53 ; \5\, 10 ; \13\, 15, 16 Ergersheim, Martin : \3\, 33 ; \9\, 27 n. 114, 31 n. 124, 46 n. 188 ; \13\, 51 --bibliothèque : \9\, 7 n. 12, n. 13 --et Spiegel : \9\, 74 Ergersheim, Melchior : \7\, 10 ; \9\, 84 --legs de livres : \3\, 33 n. 19 Erlach : \7\, 34 Ermitage : \3\, 25 Ernest de Lüneberg-Wolfenbüttel, duc : \1\, 76 Erudition, vraie : \7\, 6 Esclave (voir servitude) Esnault, R. : \10\, 34 Esope, Fables : \9\, 1, 21 n. 96, 85 n. 300 ; \10\, 13 Espagne, Espagnols : \6\, 6 ; \9\, 12 n. 51 ; \15\, 17, 20 Espions : \9\, 74 ; \13\, 52 Esprit libre : \9\, 47 Esprit saint : \5\, 29 ; \12\, 13 Estienne, Henri I : \*\, 1 n. 1 ; \2\, 6 ; \16\, 3, n. 4 Estienne, Robert : \13\, 16 Etat (voir aussi république): \1\, 20 ; \2\, 12 Ethiopie : \9\, 38 Etival : \13\, 38 Etzlaub, Erhard : \15\, 8 Etudes, meilleures : \9\, 27 Eucharistie : \2\, 11 ; \11\, 8 Euripide : \12\, 9 Europe : \1\, 93 ; \2\, 1, 5 ; \13\, 34 ; \14\, 13 ; \15\, 13, 36 --cœur ou jardin de : \15\, 10 --marché du livre : \16\, 12, 34 Eusèbe : \1\, 27 n. 27 Euxitheos : \4\, 9, 10, 11 Evangélisme : \2\, 11 Evangile (voir aussi Bonne Nouvelle) : \*\, 65 ; \2\, 11 ; \6\, 22 ; \7\, 29 ; \8\, 61 ; \9\, 45 ; \14\, 10 --doctrine : \6\, 17

--faux : \14\, 10 Eve : \10\, 75 Evêque : \3\, 6, 7 ; \9\, 7 n. 15, 33 ; \11\, 13 ; \12\, 5, 14 ; \14\, 8 Exacerber une situation délétère : \1\, 80 Examen intérieur : \11\, 14 Exclamation : \10\, 94 Excommunication (voir aussi Bulles) : \*\, 64 ; \1\, 47, 65 ; \9\, 69 n. 258 Exercices spirituels : \3\, 20 Expéditeur : \10\, 11 Expérience : \10\, 35, 50 Ezekiel : \16\, 28 F Faber, Conrad (Schmid) : \6\, 17, 19 Faber, Jacob (tailleur de métal) : \16\, 28, 29 Faber, Johann : \9\, 34 Fables (chez les moines) : \8\, 30 Fabri, Johann, vicaire de Constance : \9\, 69 ; \12\, 6 Facéties : \9\, 19, 20 Faculté des arts : \2\, 4 Famulus, familia : \*\, 41 ; \7\, 3, 21 ; \14\, 13 Faute grave : \11\, 13, 15 Faute légère : \11\, 13, 15 Fauentinus, Didymus (voir Melanchthon, pseudonyme) Femmes : \15\, 40 Ferdinand Ier : \*\, 71 ; \1\, 54, 87, 88 Ferguson, Wallace K. : \9\, 24 n. 104, 65 n. 246 n. 248 Ferrarius, Stephanus : \7\, 6 n. 22 Ferrette : \15\, 15 Festiuitas : \9\, 17, 62 Ficin, Marsile : \4\, 3 Fièvre (personnifiée) : \9\, 39 Finance : \13\, 12 Fischer, Friedrich : \9\, 12 Flacius, Matthias, Illyricus : \1\, 98 Flandre, Flamands : \15\, 14 Flatterie : \15\, 32

INDEX I Fleuron typographique : \9\, 14 n. 64 Florent, saint : \3\, 6 Florilèges : \11\, 11 Florus : \8\, 26 Fluck, Pierre : \15\, 13 Foi : \1\, 52 ; \5\, 23, 29, 34 ; \9\, 56 n. 226 ; \10\, 31, 37, 41, 50, 58, 73, 75, 81, 86, 95 ; \14\, 9 --grâces, vertus : \10\, 37, 43, 47, 6065, 84 --individuelle : \3\, 20 --inspiration : \10\, 51 --seule : \10\, 42 --source vive : \10\, 51 --trésor incomparable : \10\, 54 --usage de la parole de Dieu : \10\, 42 Fonteius, Conrad (Brunner) : \6\, 5, 12 ; \7\, 6 n. 22 Force : \6\, 17 Forêt noire : \9\, 7 n. 14 ; \15\, 26 Formules : \9\, 48 n. 201 Fortune : \1\, 1, 10 Foucault, Michel : \15\, 31 Fraenkel, Pierre : \1\, 93, 94, 95, 9798 ; \11\, 3, 19 France, Français : \2\, 5, 12 ; \9\, 17 ; \13\, 45 ; \15\, 9, 15, 21, 22, 28, 37, 40 --adversaires de : \6\, 10 --invasion par elle : \15\, 40 Francesco (Todeschini Piccolomini) cardinal de Sienne (voir Pie III) Francfort-sur-le-Main : \5\, 32, 38 ; \8\, 5 ; \13\, 25, 26 --accord de : \1\, 14 --foire (commerce du livre) : \9\, 42, 61 n. 233 ; \13\, 19, 43 ; \16\, 7 --imprimeries : \16\, 6, 7 --prédicateurs : \5\, 38 Francfort-sur-l’Oder : --université : \5\, 12 Franche-Comté : \15\, 15, 35 --insurrection : \15\, 14 Franciscains : \9\, 9 n. 19, 49 ; \12\, 4 n. 11

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François Ier : \2\, 12 ; \9\, 17 ; \13\, 25, 45 ; \15\, 21, 28 Franconia : \13\, 12 Franz von Sickingen : \8\, 60, 61, 66 ; \9\, 71 n. 273 ; \13\, 28, 42, 43, 45, 46, 47, 55 ; \14\, 5 ; \15\, 21 --description : \13\, 29 Frauenberger, Peter : \1\, 49 Frecht, Martin : \5\, 26, 38 Frédéric Ier Barberousse : \8\, 33, 40 --Loi de : \8\, 33 n. 74 Frédéric 1er, Electeur palatin : \5\, 4 Frédéric III, empereur : \9\, 12 n. 48 ; \15\, 14, 15 Frédéric le Sage, duc de Saxe : \1\, 51 ; \5\, 15 ; \9\, 12 n. 41, 54 n. 217, 69 ; \13\, 34, 41 Freiburg (voir Fribourg) Frères de la vie commune : \2\, 3 ; \3\, 18 Frères humains (voir « prochain ») Frères prêcheurs (voir Dominicains) Frey, Johann : \6\, 17 ; \7\, 6 Fribourg-en-Brisgau : \13\, 53 ; \15\, 8 --chartreuse (voir aussi SaintJohannisberg) : \3\, 30 ; \8\, 4 --et Erasme : \1\, 71 ; \12\, 2 --université : \2\, 4 ; \3\, 29, 30 ; \9\, 69 n. 259 ; \15\, 17 ----juristes : \15\, 17 Friedberg : \9\, 69 n. 259 Fritz, Joss : \15\, 27 Froben, Anna : \9\, 61 n. 233 Froben, Hieronymus : \*\, 1 n. 1, 70 ; \1\, 13 n. 9, 68 ; \12\, 9 ; \16\, 9 --et Luther : \12\, 8 n. 54 ; \13\, 33 Froben, Johann, imprimeur : \*\, 1 n. 1 ; \9\, 10, 11, 61 n. 233 ; \13\, 19 ; \16\, 9 --esprits facétieux chez lui : \9\, 19, 20, 24 --et Capito : \*\, 41 ; \1\, 77 --et Erasme : \*\, 37 ; \16\, 17 ----ne plus de publications de Luther : \*\, 44

INDEX I

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--et Faber, Jacob : \16\, 29 --et Luther, publication(s) : \*\, 43-44 ; \1\, 28 ; \9\, 18-21, 27 n. 116, 29, 47, 50 ; \12\, 7 ; \16\, 29 --et Rhenanus : \*\, 37-38, 40 ; \1\, 68 ; \16\, 4, 13, 26 ----Rhenanus écrit sous son nom : \7\, 6 ; \10\, 13 ; \16\, 4 --et Zwingli : \6\, 9 --héritiers : \1\, 68 --neutralité : \9\, 21 --nouveautés : \6\, 9, 10 --pratiques : \16\, 12 --production : \16\, 12 --Spongia d’Erasme, rôle : \13\, 66 --ventes : \16\, 15 Froschauer, Christophe : \12\, 12 Fruits : \8\, 30 Frygius (voir Frey) « Fryheit » (voir aussi liberté) : \15\, 4 Fuga mundi : \3\, 25 Fugger, les : \15\, 17 Fulda : \1\, 50, 53, 54 --abbaye, bibliothèque : \13\, 15 Funérailles : \9\, 61 Fürst (=Croix-aux-Mines) : \15\, 13 G Gabrias (voir Babrius, Valerius) Gadès, détroit de : \9\, 12 n. 50 Gaïac, bois de : \13\, 28 Gain : \10\, 82 --financier : \1\, 74, 78-79 Galactéros de Boissier, Lucie : \1\, 1 Gallicion, Martin : \8\, 5, 30, 36, 41, 48, 62 --mort : \8\, 36 n. 78 Gallus, Iodocus (Josse Hahn ou Galtz) : \3\, 32 Galtz, Josse (voir Gallus, Iodocus) Gangolphe de Geroldseck : \15\, 21 Gangolphe de Lützelstein : \3\, 35 Garamans : \9\, 38 Gaspar de Morimont : \15\, 16

Gattinara, Mercurino : \9\, 41 Gaulois : \6\, 6 Gaza, Théodore : \16\, 11 n. 21 Gebwiler, Hieronymus : \1\, 6 ; \2\, 5 ; \3\, 11 --et Schürer, M. : \9\, 5, 7 Gebwiler, Pierre : \9\, 13 Geiler de Kaysersberg, Johann : \*\, 37 ; \2\, 2, 3, 5 ; \3\, 2, 10, 11 ; \15\, 19, 26, 28, 39 ; \16\, 3, n. 4 --apparence : \3\, 34 --collège de chanoines théologiens : \3\, 22 --De oratione dominica sermones : \3\, 30 --et la confession : \3\, 44 --et le Magistrat : \3\, 23 --et Maximilien : \3\, 23 --et la pénitence : \3\, 44, 45 --et Rhenanus : \*\, 13, 19-20 ; \3\, 14, 34, 42, 45, 46, 47 ; \15\, 19 --et Saint-Etienne de Strasbourg, chapitre : \3\, 22 --et Schürer, M. : \9\, 6 --formation du clergé : \3\, 22 --Fragmenta passionis Domini nostri Jesu Christi : \3\, 30 --Gersonis illustrator : \3\, 17, 20 --lassitude : \3\, 25 --Margarita facetiarum : \3\, 30 --mort : \3\, 28 --Nauicula penitentie : \3\, 30 --Nauicula siue speculum fatuorum : \3\, 31 --piété : \3\, 34 --prédicateur à la cathédrale de Strasbourg : \3\, 2, 3, 11, 17, 26, 28, 31 --retraite avec Wimpfeling, Christophe d’Utenheim, etc. : \9\, 33 n. 134 --Seelen Paradiss : \3\, 30 --Sermones et uarii tractatus : \3\, 30 --Vita par Rhenanus : \*\, 13, 19, 32, 35 ; \3\, 31 ; \15\, 19

INDEX I Gelenius, Sigismundus : \*\, 70 ; \1\, 13 n. 9 Génois : \14\, 13 Géographes : \15\, 8 Georges de Trébizonde : \3\, 14 ; \4\, 4 Gerbel, Nicolas : \16\, 3, n. 4 --et Brunfels : \8\, 4, 18, 21, 63, 65 --et Schürer, M. : \9\, 5 Germains, qualités : \13\, 36 Germain de Brie : \9\, 71 n. 275 « Germanité » : \15\, 10 « Germanographes » : \15\, 8 Geroldseck, Diebold von (voir Diebold) Gerson, Jean : \2\, 5 ; \3\, 7, 17 ; \9\, 45 n. 176 --Sermo de passione Domini : \3\, 30 Ghost writer : \10\, 13 Gilles, Pierre : --et More, Utopia : \9\, 15, 16 n. 69, 17 n. 72, 58 --et Rhenanus : \9\, 17, 56, 58 Glareanus, Heinrich : \6\, 5, 14, 19, 20 ; \7\, 5 ; \12\, 4 ; --Ecoles à Bâle : \7\, 5, 33 Glarus : \6\, 3 Gloire, théologien de : \5\, 22 Goclenius, Konrad : \13\, 66 Godin, André : \9\, 10 n. 30 Gouvernement juste : \3\, 23 Grâce : \5\, 19, 20 ; \10\, 56, 64 ; \11\, 8, 14 Grâce (lepos) : \9\, 62 Graf, Urs : \16\, 19, 21 Grafton, Anthony : \16\, 4 Grandeur (d’âme) : \10\, 27 ; \13\, 29 Grane, Leif : \9\, 11, 27 n. 115, 34, 35 n. 142, 43 n. 170, 45, 48 n. 202, 54 n. 213 n. 215, 78 Gratia, sola: \6\, 13 Gratien, Décret de : \3\, 43, 45 ; \11\, 7, 11, 14 Gratitude : \10\, 82 Gratius, Ortwin : \9\, 43 Gratuitement :

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--servir Dieu : \10\, 73 --servir les hommes : \10\, 85 Grauamina : \13\, 35 Gravures sur bois : \16\, 18, 20 Grec (voir aussi lettres, classiques) : --enseignement/apprentissage : \6\, 9 ; \7\, 6, 20 ; \13\, 17 ; \14\, 7 ; \16\, 1 --utilisation : \6\, 15 ; \7\, 13 ; \8\, 4, 52 ; \16\, 8, 20, 24 Grefe, les : \15\, 34 Grégoire de Naziance : \1\, 27, 28 ; \4\, 3 ; \11\, 1 Grégoire de Nysse : \1\, 8 ; \4\, 3, 6 ; \11\, 1 --L’âme et sa résurrection : \4\, 8 Grégoire le Grand : \16\, 28 Greschat, Martin : \5\, 36 ; \8\, 61 Groning, Martin : \9\, 9 n. 18 Gropper, Johannes : \1\, 93 n. 126 ; \14\, 19 Grüninger, Bartholomaeus : \*\, 1 n. 1 ; \1\, 68 n. 97 Grüninger, Johann : \*\, 1 n. 1 ; \3\, 14, 30 Gryeningerus (voir Grüninger, Bartholomaeus) Guebwiller : dominicains réformés : \3\, 17 Guerre : \6\, 17, 23 ; \9\, 48 ; \14\, 13 ; \15\, 21 --de Cent ans : \15\, 35 --des Paysans : \*\, 64, 67 ; \1\, 37, 51, 64 ; \2\, 11 ; \8\, 7, 8 ; \12\, 14 ; \14\, 10 ; \15\, 4, 11, 29, 34, 40 ----massacres : \15\, 32 Guider (voir aussi Rhenanus, sous annotations) : \10\, 26, 27, 33, 47, 61, 63 Guillaume de Barre : \15\, 2 n. 1 Guillaume de Diest : \3\, 6 Guillaume (III) de Honstein : \2\, 2, 5 ; \3\, 6, 8 Gunther, Johann : \9\, 27 n. 114

INDEX I

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Gutenberg, Johann Gensfleich dit : \2\, 6 ; \3\, 11 Gymnase : \2\, 4 --vosgien : \15\, 8 H Habsbourg : \15\, 16, 21, 23 Hackfurt (voir Bathodius) Haedio, Caspar (voir Hedio, Caspar) Haguenau : \2\, 8 ; \8\, 14, 63 ; \9\, 47 ; \15\, 2, 7, 8, 22 --bailliage, grand d’Empire : \15\, 31, 40 --colloque (1540) : \1\, 14, 15, 45 ; \2\, 12 Hahn, Josse (voir Gallus, Iodocus) Halberstadt : \11\, 7 Halitgaire : \11\, 11, 12, 15, 17 Hall : \1\, 76 Hamm, Berndt : \12\, 2 ; \13\, 11 Hanel, Johann : \1\, 50 n. 57 Hardenberg, Albert : \5\, 39 ; \14\, 13 Harpocration : \4\, 10 Hartfelder, Karl : \*\, 7, 26, 70 ; \7\, 18, 23 ; \8\, 59 « Hassliebe » : \15\, 39 Hatten, Materne : \9\, 71 --et Bucer : \8\, 61 ; \9\, 71 n. 272 Haut-Koenigsbourg : \15\, 8, 15 --châtelains : \15\, 34 Haute-Alsace : \15\, 11 n. 9, 15, 19 Hébreu : \*\, 41 ; \8\, 63 ; \14\, 7 ; \16\, 8 Hedio, Caspar : \*\, 7, 72, 75 ; \1\, 46, 63 ; \3\, 40 ; \14\, 14 „Heerschild“ : \15\, 7 Heidelberg (ville) : --Augustins, couvent : \5\, 16 --Dispute de (voir Luther, Heidelberg) --Dominicains : \5\, 35 --université : \2\, 4 ; \3\, 29, 32 ; \5\, 3, 4 --faculté des arts : \5\, 16 --faculté de théologie : \5\, 4 --Réforme : \3\, 32 --tradition humaniste : \5\, 24

Heilgenhensen, Dorothea : \8\, 10 Heluetium : \15\, 9 Henri VIII : \15\, 21 Henze, Barbara : \1\, 50, 95 Hercule : \6\, 6 --détroit de : \9\, 12 n. 50 Hérésie, Hérétiques (voir aussi Art et manière d’interroger … les hérétiques) : \*\, 65 ; \8\, 34 ; \9\, 24, 47 n. 193, 60, 63, 71 n. 270 n. 275, 75 n. 284 Hermann von Wied : \12\, 2 Héroïsation : \15\, 34 Herostratus : \9\, 71 Herr, Michael : \8\, 5, 35, 48, 65, 66 Herrlisheim : \15\, 34 Herwagen, Johann : \*\, 1 n. 1 ; \1\, 68 n. 97 ; \16\, 9 Hésiode, Theogonie 22-34 : \9\, 62 Hesse, théologiens de : \1\, 93 Hessus, Eobanus : \1\, 49 ; \13\, 16 --guide des études : \9\, 27 Hiérarchie des sources (voir sources) Hieronymus, Frank : \*\, 70 ; \1\, 12, 80 ; \9\, 12 ; \16\, 4 Hipponax : \9\, 56 n. 226 Hirstein, J. : \12\, 8, 17 ; \13\, 24 ; \16\, 4 Histoire : \*\, 3, 69, 72 ; \1\, 59, 60, 86, 89, 90, 93-95, 97 Histoire Auguste : \10\, 14 n. 15 Histoire régionale au service des puissants : \15\, 31 Histoire romaine : \16\, 11 Historiens de l’Eglise : \1\, 69 ; \11\, 1 ; \14\, 19 Historiographie, humaniste : \1\, 60 ; \13\, 16, 36 ; \15\, 33, 34 Hochstraten, Jakob von : \8\, 30, 31, 60, 62 ; \9\, 9, 24, 48, 49, 55 n. 219, 71 ; \13\, 41 Hochstratus ouans (voir Busche, Hermann von dem) Hofmann, Crato : \3\, 18 ; \9\, 1 n. 1

INDEX I Hoffmeister, Johann : \1\, 98 n. 130 ; \11\, 3 Hohenlandenberg (voir Hugo von) Ho(o)gstraten (voir Hochstraten) Holbein, Ambrosius : \16\, 19 Holbein, Hans, jr. : \16\, 19, 28 Hollande : \15\, 7 Homère (voir aussi « Pseudo ») : \16\, 20 Homme : --double nature : \10\, 35, 40 ----« intérieur » : \10\, 35, 36, 66, 67, 73, 95 ----« extérieur » : \10\, 35, 36, 61, 73, 95 --petit, de rien : \10\, 81 Hommes de bien : \*\, 67 Honcourt : \*\, 40 ; \3\, 9 ; \9\, 27 n. 114 Honneur (voir Dieu) Honneurs : \6\, 16, 17 ; \12\, 4 Hopyl, Wolfgang : \*\, 1 n. 1 Horace : --Ep. 1, 2, 69-70 --Odes 1, 3, 8 : \8\, 28 Horawitz, Adalbert : \*\, 7, 26, 70 ; \7\, 18, 23 ; \8\, 59 Hortuli anime : \3\, 20 Hostilité latente : \15\, 40 Höxter : \3\, 18 Hubmaier, Balthazar : \9\, 69 Hubris : \16\, 25 Hugo von Hohenlandenberg : \12\, 16 --et Luther : \12\, 16 Humain, quelque chose : \8\, 55 Humanisme, humaniste : \*\, 21 ; \2\, 5, 11 ; \5\, 14, 24 ; \9\, 10 n. 30 ; \10\, 32 ; \14\, 19 --agents de la peur et du contrôle du savoir : \15\, 30, 40 --allemand : \13\, 20 ; \15\, 14 --alsacien : \5\, 29 ; \15\, 14 --chrétien : \6\, 17 --chorale du concert au service des puissants : \15\, 32

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--concert de louanges de l’empereur : \15\, 24 --culture : \8\, 37 --erasmien : \8\, 1 --et Luther : \13\, 11 --études : \*\, 68 ; \8\, 47 --langage militaire : \15\, 28 --louanges de l’empereur : \15\, 24 --monde : \1\, 55 ; \13\, 5 --nationalisme : \15\, 37 --orientation : \1\, 56 Humanitas (personnage) : \16\, 20, 27 Humanités : \13\, 32 Humbles : \15\, 28 Hummelberg, Michael : \*\, 20, 67 ; \1\, 6 ; \2\, 11 ; \12\, 7, 15 ; \15\, 32 ; \16\, 1-3, 23, 24, 34 --et Rhenanus : \1\, 64 ; \12\, 15 Hus(s), Johann : \2\, 8 ; \8\, 7, 14 n. 38 ; \9\, 54 --De ecclesia (De causa Boemica) : \8\, 14 n. 38 ; \9\, 47 Hussites : \9\, 47 Hutten, Hans von : \13\, 28 Hutten, Ulrich von : \9\, 12, 13 n. 56, 48, 71 n. 270 --« Alcibiade » : \13\, 19 --Arminius : \13\, 36 --ars versificandi : \13\, 16 --audacieux : \8\, 56 ; \9\, 42 ; \13\, 30 --Aula : \13\, 25 --auteur présumé ----EOV (Epistulae obscurorum uirorum) : \10\, 11 ----Ex obscurorum uirorum salibus … dialogus : \9\, 37 ----Lamentationes Germanicae nationis : \9\, 37, 43 --bibliothèque : \8\, 7 --Bulla decimi Leonis : \8\, 55-57 --bulle Decet Romanum pontificem : \13\, 43, 55 --caractère : \13\, 27 --caste : \13\, 28, 29, 45, 69

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INDEX I

--Clag und uermanung : \8\, 47 --courage : \13\, 12 --Dialogi : \9\, 42 n. 165 --droit : \13\, 17, 19 --Ebernburg : \8\, 61, 66 ; \13\, 42, 46, 47 --et Albert de Brandebourg : \13\, 25 --et Bâle : \13\, 49, 59, 62 --et Brunfels : \8\, 5, 54, 66 ; \13\, 42 --et Bucer : \8\, 61 ; \13\, 42 --et Capito : \8\, 61 --et Erasme : \8\, 1, 6 ; \13\, 1, 5, 7, 20, 59 ----attitude d’Erasme critiqué : \13\, 40, 59, 62, 63 ----cercle d’Erasme : \13\, 22 ----correspondance, état de la : \13\, 20 ----dédicataire d’Erasme : \13\, 27 ----l’entretien manqué : \13\, 48, 49, 59-63 ----Erasme appelle à la modération : \13\, 31 ----Erasme loue Hutten : \13\, 20 ----Erasme recommande Hutten : \13\, 25 ----polémique, conséquences : \13\, 5 ----rencontre : \13\, 19 --et Huss : \8\, 7 --et Küffer : \9\, 25, 78 --et liberté : \9\, 38, 39 ; \13\, 42 --et Luther : \*\, 64 ; \13\, 2, 43 ----condamnés en carnaval : \13\, 56 ----différences : \13\, 44 --et More : \13\, 27 --et Mulhouse : \13\, 2, 60, 62, 67 ----rôle de Rhenanus ? : \13\, 67 --et Reuchlin : \13\, 18 --et Rhenanus : \*\, 24 ; \9\, 42 ; \13\, 1, 23, 26, 28, 63, 64, 65 ----bibliothèque, place de Hutten : \13\, 70 ----correspondance, état de la : \13\, 2, 26, 28, 30 ----différences : \13\, 10, 22 ----Hutten chez lui ? : \13\, 49

----mandat confié par Hutten : \13\, 62, 63 ----Rhenanus loue Hutten : \13\, 26, 31 --et Rome : \9\, 13, n. 56, 42 ; \13\, 24, 35, 36, 39 ----opposition doctrinale contre : \13\, 37 --et Sélestat : ----accueil : \13\, 49, 63, 64 ----arrivée : \13\, 4, 48 ----carnaval, scène de : \13\, 54 --et Spiegel : \8\, 7 ; \9\, 41 --et Valla, préface au traité sur la Donation de Constantin : \*\, 51 ; \7\, 18 ; \13\, 24 --et vérité : \9\, 38 ; \13\, 42 --études : \13\, 17 --exil : \13\, 47 --Expostulatio : \13\, 5, 49, 58, 60, 66, 67 --Febris : \8\, 56 n. 112 ; \9\, 13 n. 56, 42 ----Febris Prima : \9\, 42 n. 165 ----Febris Secunda : \9\, 39, \9\, 42 n. 165 --Fortuna : \9\, 42 n. 165 --Gesprächsbüchlin : \13\, 39 , 56 ----page de titre : \13\, 56 --guerre, tradition de : \13\, 29 --guide des études : \9\, 37 --historiographie : \13\, 16 --homme, l’ : \13\, 69 --images utilisées : \9\, 38 --Inspicientes : \9\, 42 n. 165 --Invectives : \13\, 44 --jeunesse : \13\, 14 --« Lucien, nouveau » : \13\, 27 --mission : \13\, 12 --moine : \13\, 15 --mort : \13\, 66 n. 52 --Nemo : \13\, 17 --nom latinisé, refus de : \13\, 12 --« Pfaffenkrieg » : \13\, 45 --Phalarismus : \9\, 13 n. 56 ; \9\, 42 ; \13\, 28

INDEX I --poésie : \13\, 16 --poeta laureatus : \13\, 27 --projets de carrière : \13\, 17 --santé : \13\, 59, 60 --satire : \13\, 16, 25, 39 --singularité : \13\, 29 --slogans : \13\, 36 (Teutsche Freiheit et Los von Rom) --soldat : \13\, 17 --Traité sur le bois de gaïac : \13\, 28 --Trias romana : \9\, 37, 38, 42 n. 165 ; \13\, 39, 56 --Triumphus doctoris Reuchlini : \13\, 18 ----jugement d’Erasme : \13\, 18 --Vadiscus : \9\, 38, 39 n. 159 ; \13\, 39, 56 --violence des propos : \13\, 39 --volé (au départ de la Ebernburg) : \13\, 2 Hydraulique : \15\, 12 Hypodidascalus (voir assistant d’école) Hypotypose : \7\, 31 I Iambes : \9\, 56 n. 226 Ibériques : \15\, 40 Ici-bas : \11\, 9 Iconoclasme : \2\, 11 ; \7\, 29 Idées, brassage de : \15\, 28 Idolatrie : \6\, 13 Igerinus, Lazare : \9\, 27 n. 114 Ile verte : \15\, 19 Ill, l’ : \15\, 7, 8 Images enlevées : \12\, 12 Impasse, sortie, issue de : \1\, 81, 100 ; \10\, 95 Impératif : \10\, 30, 64, 82, 85, 94 Imprimerie : \*\, 1 ; \7\, 16 ; \15\, 14, 28 Incarnation : \9\, 11 Incommodités de la vie : \12\, 4 Inculture : \8\, 46 Indes : \9\, 38 Index librorum prohibitorum : \11\, 2

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Index memorabilium : \10\, 14 Indulgences : \2\, 3 ; \6\, 13, 16, 17 ; \12\, 4, 5 --commerce de : \12\, 4 --pour l’Eglise Saint-Pierre : \12\, 4 n. 11 Inepties : \9\, 56, 63 Infanterie : \15\, 28 Infrastructures : \15\, 12 Ingolstadt : \9\, 69 n. 259 ; \13\, 46 Ingratitude : \10\, 82 Ingwiller : \15\, 8 Injustice : \10\, 82 ; \15\, 34 Innsbruck : \7\, 11 Inquiétudes : \*\, 11, 12, 40 ; \10\, 20 Inquisiteurs : \9\, 47 n. 193, 54, 75 n. 284 Insouciance : \1\, 74, 80 Inspiration : \10\, 23 Insurrection : \9\, 48 Intellectuels : \2\, 5 Interim : \2\, 12 Intériorisation : \*\, 40 Interrogation --indirecte : \10\, 28, 44, 66, 70, 74 --oratoire : \10\, 82 --véritable : \10\, 82 n. 38 Invisibles, choses : \8\, 55 Irénée : \4\, 12 Irlande : \11\, 6 Ironie : \10\, 30, 82 Isaac : \12\, 5 Isocrate (voir Pseudo-Isocrate) Issue, de l’impasse : \1\, 81 Italie, Italiens : \2\, 5 ; \4\, 5 ; \9\, 38 n. 155, 62 ; \12\, 4, 11 ; \13\, 17, 19 ; \14\, 12 ; \15\, 34 n. 25, 36, 37, 40 --écrivains néo-latins : \*\, 31-35 --science : \*\, 34 Italiques : \16\, 20 J Jamblique : \4\, 10 Jean : \16\, 28 Jérémie, Lamentations : \9\, 43

INDEX I

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Jérôme, saint : \1\, 5 ; \4\, 5 ; \6\, 16 ; \8\, 4 ; \9\, 68 n. 255 ; \12\, 4, 5 n. 24 ; \16\, 7 n. 15, 28 Jérôme de Prague : \9\, 9, 54, 60 n. 232 Jérusalem : \1\, 72 Jeu d’esprit : \9\, 17 Jeu de mots : \9\, 19 (magistri/magiri) Jeûne : \12\, 12 Johann de Saxe : \1\, 51 Johann von Botzheim (voir Botzheim) : \12\, 16 --et Luther : \12\, 16 --et Zwingli : \12\, 16 Joie : \10\, 31, 73, 82, 95 Jud, Leo : Erasme, trads. : \12\, 9 Judas : \16\, 30 Jugement critique : \1\, 2, 10, 99-100 Juges : \15\, 26, 30 Juifs, judaïque : \5\, 25 ; \9\, 9, 68 n. 255 ; \12\, 4, 5 n. 20 --expulsion : \15\, 26 --fables (chez les moines) : \8\, 30 --livres : \13\, 18 --statut : \15\, 26, 40 Jules II, pape : \9\, 7, 45, 56 Jupiter : \*\, 35 Jura : \15\, 20, 35 Juristes : \2\, 4 ; \13\, 17 ; \15\, 26, 30 Juste, le : \5\, 29 Justice : \5\, 19, 39 \10\, 40, 56, 62, 82, 85 ; \15\, 1, 4, 5 Justification : \10\, 41, 42, 54, 60, 85 Justinien, emp., Pandectes ou Digeste : \8\, 24 n. 56 K Kaes, moine : \7\, 13 Kairos : \16\, 21, 23, 24-27 Kaiserslautern : \8\, 5 Karlstadt (voir Carlstadt) Kaüfhus : \8\, 63 Kawerau, Gustav : \7\, 25 n. 85 Kaysersberg : \15\, 8 n. 5, 21 ; \15\, 40 Kegler, Reinhard : \1\, 30

Kemberg : \7\, 23 n. 77 Kierher, Johann : \9\, 1 Kloetzlen, Laure : \7\, 1 n. 2 Kochersberg : \9\, 43 Königsfelden : \7\, 5, 34 Koenigshoffen : \8\, 4, 12, 41 Kopp, Veit : \1\, 70 n. 98 Kraft, Ottilia : \9\, 1 n. 2 Kreutzer, Jean : \3\, 17 Kreuznach : \8\, 5 Küffer, Nicolas (imprimeur à Sélestat) : \9\, 3 --caractères typographiques gothiques : \9\, 25 --et Bucer : \9\, 78 ----en allemand : \9\, 78 n. 291 --et Erasme : \9\, 32 --et Hutten : \9\, 43 ----en allemand : \9\, 78 n. 291 --et Luther : \9\, 78 ----en allemand : \9\, 78 n. 291 --et Schürer, L. : \9\, 25 ----Küffer prend le relais : \9\, 78 --Sélestat, bourgeois : \9\, 3 n. 11 --Strasbourg, relieur : \9\, 3 n. 11 --et Wimpfeling : \9\, 32 L Lachner : --Elisabeth : \7\, 12 --Margareth : \7\, 12 Lactophaga : \9\, 43 Laïcs : \2\, 3, 4, 6, 10 ; \9\, 8, 11 ; \10\, 69 Lait : \9\, 43 n. 168 Lambert, Franz von : \6\, 21 Lambsheim : \15\, 15 Lampater, Thomas : \9\, 33 n. 134 Landau : \15\, 23 Lang, Johann : \5\, 12n, 15 Lang, Matthäus : \9\, 12 n. 42 Langue : --contrôle, police de : \15\, 30 --du peuple : \9\, 46 n. 189

INDEX I Langues, l’une et l’autre : \7\, 6 Langues sacrées, trois : \9\, 9, 63 n. 244 ; \14\, 7 ; \16\, 8 Lansquenets : \15\, 28, 40 Latin (voir aussi lettres, classiques) : \14\, 7 ; \16\, 8, 20, 24 Latins : \15\, 40 Latinité : \9\, 62 ; \10\, 13 Latomus, Jakobus : \9\, 63, 66 n. 252 ; \14\, 19 Latran, concile, V : \9\, 7 Laurin, Marc : \13\, 59 Lauter (voir Luther, Martin « jeu ») Lauterbourg : \3\, 29 Lazare : \11\, 9 Lazius, Wolfgang : \8\, 26 n. 58 Lecteur : \10\, 17-18, 23, 24 Lee, Edward : \9\, 24, 63, 71 --appelé Herostratus --livre contre Erasme : \9\, 71 --présence dans les correspondances : \9\, 71 Lefèvre d’Etaples, Jacques : \*\, 9 n. 17 ; \2\, 5 ; \3\, 2, 13, 46 ; \4\, 4, 6, 7, 14 ; \9\, 7, 8, 10, 11, 37 n. 146, 63 n. 238 ; \13\, 11 ; \16\, 3, n. 4 --Commentaire sur l’Evangile : \16\, 28 --Commentaires sur saint Paul : \9\, 11 n. 34 --et Erasme : \*\, 42 --et Rhenanus : \1\, 4, 9, 33-34, 36 ; \9\, 71 --méditations : \1\, 5, 6 --Quintuple psautier : \*\, 30 ; \1\, 4, 5, 6 Légionnaires : \15\, 28 Législation contraignante : \15\, 30 Leipzig : \9\, 69 n. 258 --colloque de (1539) : \1\, 54, 86, 93 --commerce du livre : \16\, 7 --disputation (voir Luther) Leistenmacher, Jakob : \2\, 3 Lenglin, Johann, pasteur : \*\, 73 ; \1\, 46 ; \14\, 14 Lenzburg : \7\, 6

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Leodiensis (voir Liège) Léon Toscan : \1\, 28, 98 n. 130 Léon X : \*\, 55 ; \5\, 14 ; \8\, 56 n. 112 ; \9\, 1 n. 4, 7 n. 16, 12, 33, 34, 37, 42, 45, 48, 50 ; \12\, 4 n. 11 ; \13\, 39, 43 --jeu sur son nom : \9\, 48 Lèse-majesté : \9\, 63 Lettres : --belles (terme moderne) : \8\, 30, 72 ; \13\, 2, 7, 12, 17, 19, 25, 32, 34, 40, 68 --bonnes (terme d’époque) : \6\, 8, 17, 24 ; \8\, 30, 48 ; \9\, 14, 24, 62, 66 n. 252, 71 n. 273, 73 ; \14\, 6, 7 ; \16\, 11 --classiques : \16\, 8 --humaines et divines : \9\, 27 --image véhiculée : \8\, 50, 51 --meilleures : \8\, 26, 74 Lettres des hommes obscurs (voir EOV) Lex gratiae : \5\, 29 Lex spiritus : \5\, 29 Lex vitae : \5\, 29 Liberté (libérer, libération ; voir aussi sous chrétiens et sous Hutten « Fryheit ») : \9\, 38, 77 ; \10\, 8, 16, 18, 20, 21, 24-25, 78 ; \13\, 35, 37, 40 ; \15\, 1, 4 --ancestrale : \9\, 37 ; \13\, 36 --de la chair : \10\, 46, 91 ; \14\, 10 --mal comprise : \10\, 91 Libre arbitre : \2\, 11 ; \4\, 9 ; \5\, 19 Licence : \10\, 91 Licentius Evangelus : \10\, 12 Liège, Liégeois : --Plainte de : \9\, 13, 17, 40 Lienhard, M. : \7\, 32 ; \8\, 1 Lièpvre, val de : \15\, 21, 40 Lièpvrette : \15\, 13 Liminaire, texte : \10\, 14 Listrius, Gérard : \9\, 71 Litote : \7\, 29, 30 Liturgie : --d’Occident : \11\, 3

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INDEX I

--d’Orient : \11\, 3 --histoire : \1\, 93, 94, 97, 98 ; \11\, 4 --peu variable : \1\, 97 --variable : \1\, 97 Livre, le (voir aussi les villes de publication) : \2\, 6 ; \15\, 13 (imprimé), 28 --prix : \16\, 7 n. 15 Livre des cent chapitres et des quarante statuts : \15\, 10 Livre des vingt-quatre anciens : \2\, 3 Loi : \5\, 19, 29 ; \10\, 56-58 --impériale : \8\, 45, 62 Lombard, Pierre : Sentences : \5\, 6, 33 Londres : \9\, 15 --commerce du livre : \16\, 7 Longumenus, frère : \9\, 55 n. 219 Lorraine : \15\, 21, 35, 40 --duc de : \2\, 11 ; \3\, 6 ; \15\, 21, 29, 40 --Guerre des Paysans : \15\, 11 n. 9 --main-d’œuvre : \15\, 40 --sel : \15\, 40 « Los von Rom » : \13\, 36 Lot divin : \9\, 39 Lotter, Melchior le Jeune : \10\, 4 Louanges : \10\, 82 Louis XI, roi de France : \15\, 14 Loups : \9\, 74 Louvain, Université de : \9\, 24, 26, 29 n. 121, 52, 63, 71 ; \13\, 34 (théol.), 57 --Collège du Lys : \1\, 55 --Collegium Trilingue : \9\, 63 n. 239 n. 244 ; \12\, 11 --livre, prix : \16\, 7 n. 15 --théologiens conservateurs : \1\, 56 Lubeck : \15\, 7 Luc : \16\, 28 Lucerne : \6\, 17 ; \7\, 12, 33 n. 118, 35 Lucien de Samosate : \6\, 9 --Piscator : \9\, 9, 63 n. 244 --traductions : \13\, 27 Lud, Gautier : \15\, 8 Luder (voir Luther, Martin « jeu ») Ludwig V, électeur palatin : \14\, 5 Lumière de la doctrine : \3\, 20

Lüneberg-Wolfenbüttel : \1\, 76 Lupfen, comtes de : \15\, 17 Lupoldus : \9\, 71 n. 270 Lupoldus Bebenburgensis : \9\, 54 n. 217 Lupset, Thomas : \9\, 17 n. 78 Lupulus, Heinrich : \6\, 17 Luscinius (voir Nachtigall) Luther, Martin : \*\, 1 ; \1\, 30, 38 ; \2\, 2 ; \5\, 2 ; \8\, 60 ; \9\, 48, 54 n. 213, 70 n. 266 ; \11\, 2 ; \13\, 13, 52 --absence de publications chez Schürer, L. : \9\, 25-30 --Ad Leonem X … Resolutiones … de Bâle (oct. 1518) : \*\, 43-44 ; \1\, 28 ; \9\, 4, 18, 45 n. 182, 47 ; \12\, 7, 8 n. 53 ; \13\, 33 ; \16\, 11 ----publ. d’oct. 1518, les préfaces anonymes : \*\, 44, 46-48 ; \10\, 10 --(Ad Leonem X … Resolutiones …) de Strasbourg (fév. et août 1519) : \*\, 44 ; \9\, 4, 18, 45 n. 182, 47 --affaire, l’ : \9\, 77 --amusé : \9\, 19 --arrivée (sur la scène) : \13\, 12, 32 --Auslegung der sieben Busspsalmen : \12\, 7 --Auslegung deutsch des Vaterunsers : \*\, 53 ; \6\, 10, 11 ; \12\, 7 --autodafé de ses livres : \*\, 71 --bulle comminatoire (Exsurge…) : \6\, 11 ; \8\, 56-57 ; \9\, 48 ; \10\, 10, 3132 ; \13\, 40 --bulle d’excommunication (Decet…) : \1\, 47 ; \10\, 10, 31-32, 82 ; \13\, 43, 55 --carnaval, scène de : \13\, 53, 54 --Catharus (voir ici « jeu ») --cheminement : \10\, 56 --commandements, dix (voir Decem praecepta ici) --Commentaire sur l’Epître aux Galates : \*\, 50 ; \5\, 34 ; \9\, 26-29, 31 n. 126, 67 ; \12\, 8 n. 53 --confession, critiques : \11\, 19

INDEX I --condamné par les Univs. de Louvain et de Cologne : \9\, 26, 29 n. 121, 52 --connaissance graduelle de la portée de sa pensée : \*\, 18 --critiques de l’Eglise : \10\, 20 --critiques visant Erasme : \1\, 84 ; \7\, 30 n. 99 --De libertate christ. tractatus (voir ici Traité) --De potestate papae : \12\, 8 n. 53 ; \16\, 29 --décalogue (voir Decem praecepta ici) --Decem praecepta : \*\, 44, 47-48 ; \7\, 32 ; \9\, 18 ; \12\, 8 n. 53 --défendu par Schürer, L. : \9\, 23 --défendu par Wimpfeling : \9\, 33, 34 --description de ses interventions, enseignements : \7\, 32 --diffusion de ses livres en Suisse : \*\, 52-53 ----nature des livres diffusés : \*\, 53 --doctrine : \1\, 51, 52 ; \9\, 76 --éditions : ----Theologia Deutsch : \6\, 10 ; \12\, 7 --entrée au couvent : \*\, 10 ; \13\, 15 --et Adelmann von Adelmannsfelden, Bernhard : \10\, 2 --et Brunfels : \8\, 5 --et Bucer : \2\, 10 ; \5\, 37-39 ; \9\, 27, 30 --et Burer : \7\, 25 --et Capito : \1\, 77, 78 --et Eck : \9\, 24 --et Erasme : \2\, 11 ; \5\, 27, 30, 31, 38 ; \9\, 29, 32, 34 n. 136, 66 n. 252 ; \12\, 10, 11, 13, 14, 17 ; \13\, 34 ----correspondance : \13\, 34 --et Froben, Johann : \9\, 24 --et Huss : \8\, 7 --et Hutten : condamnés en carnaval : \13\, 56 --et Küffer : \9\, 25, 78 --et Lefèvre, Quintuple psautier : \1\, 4 --et Léon X : \*\, 55

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--et Melanchthon : \9\, 78 --et Oecolampadius : \9\, 69 n. 258 --et Rhenanus : \*\, 3, 5, 58, 60, 67, 77 ; \1\, 58 ; \6\, 12 ; \9\, 27 n. 112 ; \10\, 1 ; \16\, 11 --et Rome : \13\, 24 --et Schürer, L. : \9\, 25, 26, 43 --et Sélestat : \9\, 27, 28, 29 ; \13\, 51, 54 --et Strasbourg : \5\, 37 ; \9\, 21 n. 97 --et Tedeschi : \12\, 11 n. 64 --et Witzel : \1\, 51, 52, 56 --et Zwingli : \5\, 38 ; \6\, 10, 12 --excommunication (voir aussi ici Bulle) : \*\, 64 ; \1\, 47, 65 ; \6\, 11 ; \10\, 10, 31-32 ; \11\, 2 ; \13\, 43, 55 --expérience personnelle : \10\, 35, 50 --« grands écrits réformateurs » : \*\, 55 --guide ----des études : \9\, 27 ----des religieux : \10\, 85 --Heidelberg, disputation : \*\, 8 ; \2\, 10 ; \5\, 1, 7, 8, 14, 15, 16, 17, 25, 28, 34 ; \12\, 14 ; \14\, 3 ----réception : \5\, 28 ----thèses : \5\, 18-25, 27-28 (Paradoxa), 29 --hérétique : \9\, 54 --image : \7\, 32 --influence : \*\, 3, 5, 18, 48, 52, 77 ; \1\, 50, 56, 65, 75, 77, 78, 10 ; \10\, 1 --intolérance : \5\, 38 --jeu sur son nom (« Catharus ») : \9\, 37 --jeu sur son nom (« Lauter ») : \9\, 37 --jeu sur son nom (« Luder ») : \9\, 37 n. 148 --Leipzig, disputation : \6\, 10, 11, 18 ; \9\, 45, 47 ; \12\, 7 ; \13\, 37 --Lettre au pape Léon X (voir Traité sur la liberté chrétienne) --Liberté du chrétien (voir Traité sur la liberté chrétienne) --Manifeste à la noblesse chrétienne : \*\, 55 ; \9\, 34

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INDEX I

--menaces sur lui : \5\, 12 --mise au ban de l’Empire : \1\, 47 --« Notre père », commentaire (voir Auslegung ici) --Paradoxes (cf. aussi ici « Heidelberg, thèses ») : \12\, 13 --Passional : \7\, 25 n. 85 --pédagogie : \10\, 87 --pénitence : \3\, 43 --Piae ac doctae in Psalmas Operationes : \8\, 63 ; \13\, 34 --piété : \7\, 32 --porteur des attentes : \9\, 24 ; \7\, 32 --portrait : \7\, 32 --Prédication populaire sur le décalogue (voir Decem praecepta ici) --Prélude sur la captivité babylonienne de l’Eglise : \*\, 55 --professeur : \1\, 50 ; \7\, 16, 22, 24 --Réponse à la condamnation par certains maîtres de Louvain et de Cologne : \9\, 26 --réputation : \5\, 7, 10, 38 --Resolutiones : \*\, 44 ; \5\, 11 --« saint Luther » : \13\, 54 --Sermo de digna praeparatione ad sacramentum Eucharistiae : \9\, 18 n. 86 --Sermon sur les bonnes œuvres : \*\, 55 ; \9\, 34 --Sermon sur la confession : \13\, 46 --Sermon sur les indulgences et la grâce : \5\, 10, 11 ----diffusion : \5\, 10 --théologien parfait : \9\, 48 --Thèses 95 : \*\, 14, 15, 43, 44 ; \5\, 9, 11 ; \6\, 10 ; \12\, 7 ; \15\, 3 --thèses soutenues 1517 : \5\, 17 --Traité sur la liberté chrétienne : \*\, 55, 57, 58, 61, 77 ; \5\, 34 ; \9\, 74 n. 282 ; \10\, 1-4, 33, 47 (structure) \12\, 8, 17 ; \13\, 42 ----Introduction (WA 7, 49, 7-50, 12) : \10\, 35, 40, 49-52

----1re moitié (WA 7, 50, 13-59, 23) : \10\, 36, 37, 40, 41, 42, 43, 53-70 ----2e moitié (WA 7, 59, 24-69-11) : \10\, 36, 38, 39, 41, 44, 45, 71-87 ----Conclusion (WA 7, 69, 12-23) : \10\, 36, 39, 88 ----Ajout latin (WA 7, 69, 24-73, 15) : \10\, 36, 46, 89-92 --vente de ses livres, stratégie : \9\, 27 n. 116 --Wartburg : \13\, 46 --Wittenberg, retour (1522) : \7\, 29, 32 --Worms : \1\, 47 ; \9\, 60 ; \13\, 43 Luthériens : \*\, 21 ; \1\, 14, 31, 36, 38, 39, 48, 53, 54, 66, 89, 98, 100 ; \5\, 35 ; \9\, 43, 51, 74, 84 ; \13\, 51, 52 --agitation à Sélestat (janv. 1523) : \15\, 33 --ultra : \8\, 1 Lützelstein, les : \15\, 34 --racket : \15\, 34 n. 26 Luxe : \1\, 80 Luxembourg : \15\, 40 Lycambès : \9\, 56 n. 226 Lyon, imprimeries, commerce du livre : \16\, 6, 7 Lyre : \9\, 18 n. 84 M Magister : jeu de mots (magirus) : \9\, 19, 71 n. 270 Magistrat : \7\, 31 ; \10\, 8 ; \15\, 28, 30, 31 --il s’éloigne de Dieu : \14\, 9 --prévenir la colère paysanne : \15\, 30 Magistri nostri : \9\, 24, 52, 56, 63 Mahométans : \9\, 66 n. 252 Maïeutique : \7\, 31 Mainus, Jason : \13\, 17 Maisons religieuses : \15\, 26 Maîtres ès arts : \2\, 4 Maius, Ioannes (voir Meyer, Johann) Mal, « français » : \13\, 28 Malades : \3\, 23

INDEX I Malines : \15\, 18 Mantoue : \1\, 14 Manuzio, Aldo : \1\, 7 ; \16\, 17 Maquereau : \9\, 48 Marbach : chanoines réguliers : \3\, 9 Marbourg, colloque (1529) : \5\, 37 Marc : \16\, 28 Marchant, Guy : \*\, 1 n. 1 Margolin, Jean-Claude : \8\, 17, 31, 37, 71 Marguerite, d’Autriche : \15\, 2, 18 Mariage (voir aussi Christ) --des prêtres : \7\, 29 Marie : \11\, 4 Marie de Bourgogne : \15\, 14 Marignan : \15\, 3, 21 Marmoutier : \3\, 9 Maroton, Loys : \15\, 2 n. 1 Marsile de Padoue, Defensor Pacis : \*\, 63 ; \10\, 12 ; \13\, 38 Martial : \9\, 28 n. 118 Martinien(s) (voir aussi Luthériens) : \5\, 35 Martyrs : \11\, 8 Marullo, Michele de Constantinople : \9\, 28 n. 118 --Hymnes : \*\, 35 Marxisme : \8\, 7 Masson, Jacques : \1\, 84 Matérialisme : \4\, 12 ; \11\, 4 Mattieu : \16\, 28 Maur, Raban : \13\, 15 Maxime : \11\, 7, 11 Maxime de Tyr : \1\, 27 Maximilien Ier, emp. : \3\, 23 ; \9\, 1, 9 n. 18, 12, 23, 35, 36 ; \13\, 17, 27, 28, 51 ; \15\, 2, 9, 14, 18, 19, 36, 40 --capturé : \15\, 14, 15 --communication : \15\, 14 --« Ehrenpforte » : \15\, 34 --et Arminius : \15\, 34 --et Henri VIII : \15\, 21 --et Italie : \15\, 34 n. 25, 36 --et Sélestat : \15\, 15

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----entrée royale : \15\, 16 --mariage (projet) avec Anne de Bretagne : \15\, 16 --« pacificateur » : \15\, 16 --présence en Alsace --titres : \15\, 15 --« Triumphzug » : \15\, 34 --« unificateur » : \15\, 16 --vedette des humanistes : \15\, 14 Maximilien II : \1\, 87 Maximilien de Bergen : \9\, 36 Mayence : \1\, 53, 54 ; \5\, 4 ; \8\, 4, 31, 62 ; \9\, 9 n. 18 ; \13\, 19 --archevêque : \1\, 77, 78 ; \9\, 32 ; \13\, 25 --université : \5\, 9 Meaux, cercle de : \3\, 13 Mécène : \7\, 15, 16, 24 Méchants : \14\, 10 Médecine : \16\, 8 Médicis : \9\, 9 n. 19 Melanchthon, Philipp Schwarzerd, dit : \*\, 21 ; \1\, 13, 22 ; \2\, 11 ; \13\, 52 --critiques visant Erasme : \7\, 30 n. 99 --Didymi Faventini … oratio : \9\, 78 n. 289 ; \12\, 11 n. 64 --et Erasme : \13\, 20 --et Luther : \9\, 78 --et Witzel : \1\, 52, 86 --guide des études : \9\, 27 --ouvre les lettres de Luther : \7\, 24 n. 79 --Passional Christi und Antichristi : \7\, 25 n. 85 --pédagogie : \8\, 4 --professeur : \1\, 50 ; \7\, 15, 16, 22, 24 --pseudonyme (Fauentinus) : \9\, 24 n. 105 Melchior de Masevaux : \15\, 15, 17 Melton, William, archevêque, Sermo ad iuuenes : \9\, 7, 8 Mercenaires : \6\, 17 ; \15\, 11, 21, 28 Mercure : \9\, 63, 83 Merswin, Jacob : \15\, 10, 18

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INDEX I

Merswin, Rulman : \2\, 3 Messala Coruinus : \8\, 26 n. 58 Messe : \2\, 3 --abolition de : \7\, 29, 31 ; \12\, 12 Métaphysique : \9\, 45 Métempsycose : \4\, 9 Météorite d’Ensisheim : \15\, 16 Meurthe : \15\, 9 Mey, Reinhardt : \15\, 15 Meyer, Gerold de Knonau : \6\, 3 Meyer, Johann (demi-frère de J. Spiegel) : \9\, 27 n. 114 Milan : \*\, 71 ; \2\, 12 ; \7\, 16 Militantisme : \7\, 35 Mines : \15\, 11, 13 Minerve : \9\, 18 n. 87 Ministère : \10\, 68 Miséreux : \3\, 23 Miséricorde divine : \11\, 14 Missionnaires : \11\, 6 Mochau, Anna von : \9\, 78 n. 290 Modèle d’impression : \*\, 12, 57, 77 ; \10\, 1, 3 ; \16\, 10, 16 Moines : \*\, 70 ; \1\, 80 ; \7\, 29 : \8\, 15, 30, 47, 67, 72, 74 ; \9\, 10 n. 30, 43, 56 n. 226, 66 n. 252, 70 n. 268, 71 n. 275 ; \12\, 5 n. 14 ; \13\, 15, 54, 56 --superbe : \10\, 96 Molaire : \8\, 15, 23 Molsheim : \14\, 10 Momus : \9\, 56 n. 223 Monastères : \2\, 6 ; \10\, 85 Monde : --d’ici bas : \6\, 16, 17 --éternité : \4\, 11 Monentius, A. (voir Phrygio, pseudonyme) Montagne : \15\, 40 Montaigne, Michel de : \3\, 1 Montesius : \9\, 45, 46 Moralité : \1\, 52 ; \11\, 13 More, Thomas : \9\, 12 n. 39 --Epigrammes : \9\, 15 n. 67 --et Erasme : \9\, 16 n. 69

--et Gilles, P. : \9\, 16 n. 69, 17 n. 72, 58 --et Hutten : \13\, 27 --trad. de Lucien : \13\, 27 --Utopie : \9\, 15, 16 n. 69 (étymologie), 17, 58 Morimont-Belfort, barons : \15\, 17 Mort : \10\, 64 Mosellanus, Pierre : \9\, 21 n. 97 --guide des études : \9\, 27 Mot nouveau, fort, « aguicheur » : \10\, 28, 29, 63, 79 Mouentinus, Constantinus Eubulus (voir Phrygio, pseudonyme) Mouentius, A. (voir Phrygio, pseudonyme) Mouere (voir aussi toucher et Rhenanus, sous annotations) : \10\, 26, 27, 30, 58, 65, 82, 94 Mouvement (sens propre) : \1\, 10 Mouvements religieux, de réforme : \*\, 2, 3, 21 « Moyen Age » : \13\, 12, 36 Moyenmoutier, abbaye : \13\, 38 Mühlberg : \2\, 12 Mulhouse : \15\, 23 --augustins : \13\, 60, 67 --et Hutten : \13\, 2, 60, 62, 67 Müller, Kraft (voir Mylius, Crato) Müller, Nikolaus : \7\, 23, 25 n. 85 Muller, Jean : \9\, 12 Mundt, Felix : \8\, 26 n. 58 Munier, Charles : \*\, 62 ; \1\, 39 ; \11\, 2, 7, 8 ; \12\, 17 Münster, Sebastian : --Cosmographie : \15\, 7, 14 --trad. de Luther, les Dix commandements : \12\, 8 n. 53 Müntzer, Thomas : \2\, 11 Murbach : \15\, 23, 34 --l’abbaye : \2\, 10 ; \8\, 22 Murner, Thomas : \2\, 2, 5 ; \9\, 48, 49 ; \15\, 4 --pamphlets : \9\, 49 n. 204, 78 Murrho, Sebastian le Jeune : \9\, 5

INDEX I Muse(s) : \8\, 54 ; \9\, 62, 63 Musique : \15\, 30 ; \16\, 8 Myconius, Oswald : \6\, 3 ; \7\, 12, 33, 35 ; \9\, 65 --et Bâle : \12\, 6 n. 34 --et Erasme : \6\, 10 ; \12\, 6 --et Rhenanus : \1\, 58 --et Zurich : ----école de la cathédrale : \12\, 6 n. 29 Mylius, Crato : \9\, 1 n. 2 N Nachtigall (Nachtgall, Luscinius) Ottmar : \3\, 11 ; \8\, 18 Nahe, rivière : \8\, 61 Naples : \15\, 26 Nation allemande : \2\, 12 Nationalisme : \15\, 10, 37 Nazareth : \9\, 9 n. 18 n. 19 Nemesis : \16\, 21, 23, 24-27 Nemesius d’Emèse : \*\, 36 ; \1\, 8, 27 ; \4\, 6, 7 ; \11\, 1 Néo-latin : \*\, 31 Néo-platoniciens, néo-platonisme chrétien : \*\, 9, 35-36, 40 ; \1\, 8, 27 ; \4\, 3 Nesen, Conrad (voir aussi Dialogus bilinguium ac trilinguium) : \9\, 24 n. 104, 62, 63 n. 238, 64 n. 246, Nesen, Wilhelm (voir aussi Dialogus bilinguium… ) : \9\, 24 n. 104 n. 105, 62, 83 --Epistola de magistris nostris louaniensibus : \9\, 66 --et Burer : \7\, 16 --et Erasme : \9\, 65 n. 247 --et Paris : \9\, 63 n. 238 --et Rhenanus : \6\, 3, 8 ; \9\, 66 --et Zwingli : \6\, 3, 8 ; \9\, 66 --Vita s. Nicolai : \9\, 66 Neuenahr, Hermann von : \9\, 9, 52, 66 --Epistola Germaniae studiosorum : \9\, 24 n. 106 Neuenburg sur le Rhin : \8\, 5

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Neuss : \15\, 35 Neuwiller : \15\, 8 Nicodème, Nicodémisme, nicodémite : \1\, 48, 67, 71-81 ; \8\, 1, 8 --Rhenanus nicodémite (?) : \*\, 24 ; \1\, 67, 71, 79 Nicolas de Cues : \4\, 3 Niemegk : \1\, 51, 52 Niger, Franciscus : \7\, 16 Noblesse : \13\, 12 Nominalisme : \5\, 4 --« pastoral » : \3\, 17 Nonces apostoliques : \9\, 74 Notre Père : \11\, 15 Nouveau monde : \9\, 16 Nouveau Testament (voir Bible) Nouveautés littéraires : \6\, 9, 10 ; \7\, 11 Nouvelles : \7\, 11, 26, 29 Nuistheller, Henricus : \7\, 20 Numénius : \4\, 10 Numidie : \9\, 38 Nuremberg : \*\, 9 ; \1\, 7, 65, 66 ; \9\, 9 ; \16\, 6 O Obernai : \15\, 8 Oberrhein (voir aussi Rhin supérieur) : \15\, 9 Objets symboliques : \1\, 1 Observance : \2\, 2 --stricte : \3\, 9 Occident : \2\, 6 ; \11\, 4, 11, 18 Oecolampade, Johann : \8\, 61 ; \9\, 32 n. 131 ; \13\, 46 --et Rhenanus : \13\, 46 --guide des études : \9\, 37 --Iudicium de Luthero : \9\, 37, 69, 78 ----différentes éditions : \9\, 69 --pénitence : \3\, 43 Œuvres, les : \1\, 52 ; \5\, 19, 29 ; \10\, 38, 41, 71-76, 84, 85, 86, 92 Offrande : \2\, 3 Oies : \6\, 17 Oisiveté : \10\, 41, 73, 75

INDEX I

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Olmütz : \11\, 2 Oppenheim : \5\, 37 Optimates : \15\, 33 Orateur : devoirs de : \10\, 26 Ordre, politique de : \15\, 30 Ordres majeurs : \3\, 17, 18 Orient : \11\, 4, 11 --empereur : \11\, 3 Origène : \1\, 61 ; \9\, 67 ; \11\, 1 ; \12\, 5 Orphée, orphisme : \4\, 2 Ortenau : \14\, 14 Other, Jacob : \3\, 29, 30 --éditeur des sermons de Geiler : \3\, 30, 31 Ott, Michel d’Echterdingen, chef de l’artillerie impériale : \15\, 17 Otto de Freising : \9\, 1 n. 5 Otto de Passau : \2\, 3 Ouvrier de l’imprimerie : \10\, 15 P Pacimontanus (voir Hubmaier) Padoue : \15\, 18 Pages de titre, encadrement : \16\, 18, 33 Païen, paganisme : \*\, 9, 35 ; \4\, 9 ; \9\, 68 n. 255 ; \12\, 5 n. 18 Paix : \2\, 1 ; \3\, 23 ; \6\, 16, 17 ; \7\, 28 ; \10\, 56 ; \12\, 4 ; \14\, 13 n. 26 ; \15\, 5 --civile : \1\, 90 --garantie au prix de l’injustice : \15\, 34 Palatin : --comte : \15\, 22 --électeur : \14\, 5 Pamphlets : \9\, 9 --guerre de : \9\, 24 Pandectes (voir Justinien) Pape : \2\, 2 ; \6\, 18, 19 ; \9\, 38, 45, 48 n. 201, 56, 70 n. 268, 71 n. 270, 77 ; \13\, 37, 43, 52, 56, 59 ; \15\, 14, 27 --autorité : \6\, 13 ; \8\, 40 ; \9\, 43 n. 170, 47 n. 191

--avec la cohorte universelle des vauriens : \7\, 29 --carnaval, scène de : \13\, 53 --en guerre : \14\, 13 --partisans : \1\, 30, 31 --pompe : \8\, 34 --pouvoir : \6\, 16, 17, 23 ; \12\, 4 ; \13\, 18, 24, 36, 38 ; \16\, 31 --premier : \16\, 31 Papeterie : \15\, 13 Pâques : \2\, 3 Paradis : \2\, 3 ; \10\, 75, 95 Paradoxa : \5\, 27-28 Paradoxe : \10\, 35, 40 Parents : \6\, 16 ; \12\, 4 Paris : \1\, 30 ; \2\, 5 ; \3\, 2, 10, 12, 13 ; \4\, 2 ; \9\, 17, 63 ; \13\, 16 ; \14\, 3 ; \15\, 7 (Ville Lumière) --commerce du livre : \16\, 7 --Ecu de Bâle : \9\, 61 n. 233, 71 --et Sélestat (distance) : \15\, 39 --imprimeries : \*\, 1 n. 1 ; \1\, 4 ; \16\, 6 --université : \3\, 7 ; \15\, 18 ; \16\, 2 ----collège du cardinal Lemoine : \*\, 29-30 ; \3\, 13 ; \4\, 4 ; \13\, 11 ----nation germanique : \3\, 13 Parodie : \9\, 54 ; \13\, 53 Paroisses : \15\, 26 Parole : \8\, 50, 51 Partage des biens : \6\, 17 ; \12\, 4 Pascal, Paul : \9\, 63 n. 244 Pasquinus : \9\, 56 n. 223 Passional Christi und Antichristi : \7\, 25 Passions : \6\, 16 ; \11\, 12 Passmann, P. Antonin : \8\, 5, 10, 17, 38, 66 Paternité littéraire : \10\, 4 Patrie : \12\, 4 Patriotisme : \9\, 35 ; \13\, 27 ; \15\, 10, 34, 38 --à l’antique : \15\, 35 Patrologia Graeca : --50, 658 : \11\, 8

INDEX I Patrologia Latina : --39 : \11\, 11 --105, 654-656 : \11\, 11 Paul III, pape : \1\, 14 Paul, saint : \1\, 56 ; \5\, 27 ; \7\, 30, 32 ; \8\, 51, 54, 55 ; \9\, 11 n. 34, 26, 29, 45 ; \16\, 30 --hérétique : \9\, 54 Pauvres, pauvreté : \6\, 16 ; \9\, 7 n. 16 ; \12\, 4 ; \13\, 44 Pavie : \13\, 17 Pays-Bas : \*\, 38, 41 ; \2\, 3 ; \6\, 7 Paysans : \15\, 26 --alsaciens : \14\, 10 --colère : \15\, 30 Péché : \5\, 19, 20 ; \10\, 64 ; \11\, 8, 9, 12 --caché : \11\, 18 --léger : \11\, 15 Pédagogie : \2\, 5 ; \16\, 8, 11 Pèlerinage : \2\, 3 ; \6\, 17 Pellikan, Konrad : \*\, 63 ; \6\, 20 ; \8\, 72 ; \7\, 24, 32 ; \12\, 8 ; \13\, 33 --Chronicon : \*\, 44 --et Petri, Adam : \*\, 44 Pénitence : \3\, 27, 42, 44 ; \11\, 7, 14 ; \12\, 5 --antique : \11\, 5, 11, 13, 17 --canonique paléochrétienne : \11\, 6 --carolingienne : \11\, 18 --critiquée : \11\, 17 --histoire : \11\, 7 --intérieure : \11\, 15 --réitération : \11\, 5, 17 --privée : \11\, 6, 7, 10 --publique : \11\, 7, 10, 13, 14, 15, 16, 17, 18 --secrète : \11\, 16, 18 --tarifée : \11\, 6 Père, volonté de : \6\, 16 Peregrinatio academica : \13\, 16 Peremans, Nicole : \8\, 60 Pères de l’Eglise : \*\, 30 ; \1\, 59-61, 86, 88, 90 ; \3\, 18, 21 ; \5\, 7, 13 ;

531

\6\, 17 ; \9\, 67 ; \12\, 5 n. 14 ; \13\, 38 ; \14\, 19 Pères grecs : \1\, 8 ; \4\, 3, 5, 7 ; \11\, 1 Pères latins : \11\, 1 Perfection : \*\, 40 Péripatéticien (voir Aristote) : \9\, 63 Perrenot de Granvelle, Nicolas : \1\, 14 Persona : \10\, 18, 24 Personne, première, pluriel : \10\, 58, 69, 94 --deuxième (voir aussi impératif) : \10\, 94 Persuader : \10\, 26 Peste : \6\, 15 ; \9\, 16, 61 Petit, Jean : \16\, 3, n. 4 Petitmengin, Pierre : \8\, 26 n. 58 Petri, Adam : \*\, 1 n. 1, 3, 12 ; \8\, 63 ; \9\, 26, 29 ; \16\, 9 --et atelier, corrections poussées : \10\, 3 --et Froben (Petri profite de l’interdiction luthérienne) : \*\, 44 n. 110 --et Rhenanus : \*\, 15 --impressions : ----De libertate christiana : \*\, 57-58, 61 ; \10\, 3 ; \12\, 8 ----Luther : \*\, 44, 50, 53 ----trad. de Luther, les Dix commandements : \12\, 8 n. 53 --publications en allemand : \9\, 27 n. 116 Petri, Johann : \*\, 1 n. 1 Peuple, le : \13\, 53 --des campagnes : \15\, 28 --rebellion : \13\, 56 Peur : \1\, 74, 80 ; \15\, 30, 40 Peutinger, Conrad : \13\, 27 --et Spiegel : \9\, 64, 65 « Pfaffenhass » : \3\, 18 Pfaffenhoffen : \15\, 8 « Pfaffenkrieg » : \13\, 45 Pfefferkorn : \13\, 18 Pfister : \7\, 34 n. 128 Pharisiens : \1\, 72 ; \8\, 59 ; \14\, 9 Phasianinus : \7\, 16

532

INDEX I

Philesius, Ringmann : \15\, 8 Philistins : \12\, 5 Philologie, philologue : \*\, 21, 69 Philosophia Christi (voir Christ, philosophie) Philosophie, philosophe : \*\, 40 ; \3\, 20 ; \6\, 5, 14 ; \8\, 4 ; \16\, 2, 11 --chrétienne : \*\, 9 n. 17 Phrygio, Paul (Seidensticker) : \9\, 24 n. 102, 27 n. 114, 50, 54 n. 215 --et Brunfels : \8\, 14, 15, 18, 32 --et Clamanges : \9\, 45, 46 --et Hus(s) : \8\, 14 n. 38 ; \9\, 47 --et Hutten : \9\, 44 ; \13\, 49 --et Luther : \9\, 48 --et Rhenanus : \9\, 51, 82 --et Schürer, L. : \9\, 28, 31, 48 --et Spiegel : \9\, 48 n. 197, 74, 75 --guide des études : \9\, 37 --luthérien : \9\, 84 --Oratio auctoris pro … fructu reformationis : \9\, 46 --Oratio de uirtute clauium … : \9\, 37, 48, 78 --prédication dangereuse : \9\, 75 ; \13\, 52 --pseudonyme (Constantinus) : \9\, 48 n. 197 --pseudonyme (Constantius) : \9\, 47 --pseudonyme (Cordatus) : \9\, 45, 46, 50 --pseudonyme (Monentius) : \9\, 45, 46 --pseudonyme (Mouentinus) : \9\, 24 n. 103, 37, 46, 48 --pseudonyme (Mouentius) : \9\, 24 n. 103, 45, 46 --rompt avec l’Eglise : \9\, 48 Physique : \9\, 45 Piacenza : \9\, 78 n. 289 Pic de la Mirandole, Jean : \4\, 3 Pic de la Mirandole, Jean-François : \9\, 37 n. 146 Piccolomini, Francesco Todeschini (voir Pie III)

Pictorius, Georges : \15\, 39 Pie III : \9\, 12 n. 48 Pièce de théâtre : \1\, 36, 38 Pierre d’achoppement : \12\, 5 n. 18 Pierre de Hagenbach : \15\, 35 Pierre de la Palude : Commentaire 4e livre des Sentences : \5\, 6 Pierre quandrangulaire : \1\, 1, 10 Pierre, saint : \9\, 48 n. 201, 56 n. 221 ; \16\, 30, 31 --Simon : \9\, 69 Piété : \*\, 9 n. 17 ; \2\, 3 ; \6\, 12, 13, 17 ; \9\, 45 Pio, Baptista : \7\, 16 Pirckheimer, Willibald : \13\, 13, 19 --Eccius dedolatus : \1\, 65 ; \9\, 14, 37, 52, 63 n. 244 --ennuis avec les « loups » de l’Eglise : \9\, 74 --Epistola apologetica : \9\, 9 --et Adelmann von Adelmannsfelden : \*\, 15 ; \9\, 47 n. 196 --et Luther : \1\, 65-66 --et Rhenanus : \9\, 15 n. 67, 17 --guide des études : \9\, 37 --retraite (du débat) : \1\, 55, 65-67 --trad. du Piscator de Lucien : \9\, 9 ----d’autres œuvres : \13\, 27 --pseudonyme (Cottalembergius) : \9\, 14, 24 n. 103, 37 Placere (voir aussi Rhenanus, sous annotations) : \10\, 26, 27, 29, 64, 87 Plaie : \10\, 53 Plaine rhénane : \*\, 31 Plainte des prêtres de Liège (voir Querela) Plaire (voir placere) Plaisir : \6\, 16 ; \10\, 26 ; \12\, 4 Platter, Thomas : \2\, 4 Platon (voir aussi « Pseudo-Platon ») : \1\, 7 ; \4\, 1, 2, 4, 7, 10, 12 ; \8\, 55 n. 110 ; \12\, 5, 27 ; \13\, 27 --Phèdre : \4\, 6

INDEX I --République : \4\, 14 ; \6\, 16, 17 ; \12\, 4, 5 ---III, 388e, 2-3 : \4\, 11 --théorie des formes et du bien : \4\, 6 Plaute, Cap. 165 : \9\, 62 Plèbe : \3\, 37 Pline, l’Ancien, Hist. nat., 35, 85 : \7\, 30 n. 98 Pline le Jeune : \1\, 28 Plomb : \15\, 13 Plombières-les-Bains : \1\, 13, 15 Plotin : \4\, 3 --IV, 8 [6], 1 : \4\, 10 Plutarque : \*\, 30 ; \8\, 26 --Gryllus (Mor. 64) : \*\, 37 ; \9\, 63 Poème, trouvé à Saint-Jean de Latran : \9\, 69 Poésie : \13\, 16 ; \16\, 2 Polémique : \9\, 20 Politique : \*\, 72 Pompée : \8\, 51 Pont (voir Brugg) Porcs, chœur de : \9\, 63, 64, 65 n. 246 Porphyre : \4\, 10 --Isagoge : \8\, 4 n. 11 Possidipe : \16\, 24 Pouvoir : \6\, 16, 17 ; \12\, 4 ; \15\, 30 --spirituel : \10\, 66 --temporel : \9\, 38 ; \10\, 66 Pragmatique Sanction : \9\, 17 Prague : \9\, 47 n. 191 Pratique religieuse : \6\, 17 Prébendes : \9\, 45 : \13\, 51 --accumulation de : \15\, 26 Prêcheurs, ordre de (voir Dominicains) Prédication : \10\, 37, 70 ; \15\, 28 Prélats : \9\, 77 ; \13\, 44, 56, 59 Pré-réforme : \9\, 43 Prérogative : \10\, 66, 67 Presbytères : \2\, 6 Pressions sectaires : \1\, 58, 72, 91, 92 Prêtres, prêtrise (voir aussi croyants) : \2\, 8 ; \10\, 69 ; \11\, 6, 7 --critiqués : \10\, 37, 70, 85

533

--défroqués : \7\, 35 --égarés : \2\, 11 --luxe : \*\, 70 ; \1\, 80 --mariage : \*\, 72 n. 151 --séculiers : \8\, 61 --superbe : \10\, 70, 85, 95, 96 Prière : \14\, 9 --chez soi : \2\, 3 Prierias, Silvestro Mazzolini dit : \9\, 19, 48 n. 201, 55 n. 219, 71 n. 270 --jeu sur son nom : \9\, 48 n. 201 --Replica : \9\, 21 Primogéniture, prérogative : \10\, 66 Princes : \2\, 12 ; \9\, 12, 77 ; \14\, 8, 10 --électeurs : \15\, 17 Priscus, Ioannes : \8\, 42, 63 ; \9\, 27 n. 114 Prix des produits agricoles : \2\, 8 ; \14\, 13 ; \15\, 28 Procédés, bons : \10\, 13, 16 Prochain : \10\, 38, 39, 45, 77, 82, 88 Proches : \6\, 16 ; \12\, 4 Proclus : \4\, 10 Professeur des écoles : \9\, 62 Progrès : \1\, 10 Promesse(s) : \5\, 23 Propagande : \*\, 43 Prophètes : \6\, 16, 17 ; \12\, 4 ; \14\, 9 Prostituées : \9\, 7 n. 16 Protection : \10\, 7, 10, 16, 18, 22 Protestant(s) : \1\, 66, 84, 85 ; \2\, 13 --secret : \*\, 7, 18, 21, 24 ; \1\, 39, 63 Providence divine : \4\, 10 ; \9\, 77 Prudence : \11\, 1 ; \9\, 27 n. 114, 28, 31 Prugner, Nicolas : \13\, 60 Prüss, Jean : \15\, 16 Psaumes, Psautier, voir Bible et Lefèvre Pseudo-Augustin : Du remède de la pénitence (sermon 351) : \11\, 11, 14, 15 Pseudo-Caton, Préceptes : \9\, 87 Pseudo-Denys l’Aréopagite : \4\, 3 Pseudo-Homère : Batrachomyomachie : \7\, 6 n. 22

INDEX I

534

Pseudo-Isocrate : A Demonicos, 19, 4 : \8\, 4 n. 11 Pseudo-Platon, Axiochus : \*\, 12 ; \4\, 2 Pseudonymie : \10\, 9, 11, 12 Ptolémé : --Cosmographia : \15\, 9 --Cosmographiae Introductio : \15\, 9 Publications, formes de : \9\, 24 Puissants : \15\, 28, 31 Purgatoire : \2\, 3 ; \6\, 16, 17 ; \12\, 4 Purification des sources : \6\, 17 Pustuleux : \9\, 7 n. 16 Pyrrhus : \15\, 21 Pythagore, pythagorisme : \4\, 2 Q Quad, Nicolas : \9\, 24 n. 103, 66 Quadrige saint : \16\, 28 Quaternions : \15\, 7 Quatrième de couverture : \10\, 19 Querela sacerdotum Leodensium : \9\, 13, 17, 40 n. 161 Querula cuiusdam sacerdotis : \9\, 46 n. 189 Quies : \1\, 10 Quintilien : \8\, 4 R Rabbins : \12\, 5 n. 18 Racket : \15\, 34 n. 26 Radicalisation : \*\, 24 Rapp, Thomas : \3\, 11 ; \8\, 15 Ratisbonne : \2\, 12 --diète de 1471 : \9\, 12 --diète de 1541 : \1\, 14 n. 13, 45 « Raubritter » : \15\, 15 Ravensburg : \12\, 7, 15 Récoltes : \15\, 28 Réconciliation des partis : \*\, 64, 73 Rédemption : \*\, 10 Reditus ad fontes : \6\, 17 Reformatio Sigismundi : \2\, 8

Réformation, réformateurs : \2\, 1, 2 ; \5\, 1, 37, 38 ; \11\, 2, 17 Réforme catholique : \2\, 12 Réforme (la) : \*\, 21, 29, 43 ; \1\, 60 ; \2\, 12 ; \3\, 1, 32 ; \8\, 1 ; \11\, 2 ; \15\, 30, 33 Réforme (une) (voir aussi mouvements) : \*\, 3 ; \1\, 58, 76 ; \2\, 1, 2 ; \3\, 20, 24, 42, 46, 48 ; \7\, 38 ; \9\, 4, 7 ; \15\, 26, 28 --partisans : \1\, 49, 50 ; \9\, 46 ; \13\, 5 --propagande : \16\, 30 Réformisme modéré : \11\, 17 Reformulation : \10\, 28 Regensburg, colloque de 1541 : \1\, 54 Regius, Urbanus : --et Luther : \1\, 75, 76 --guide des études : \9\, 27 --mariage : \1\, 76 --nicodémisme : \1\, 75 Règle : --de l’amour fraternel : \10\, 87, 96 --obsession de : \15\, 31 Reichenau : \9\, 7 Reims : \11\, 11 Réincarnation : \4\, 10 Reisch, Gregor : \3\, 30 ; \8\, 4, 48 --et Amerbach, Johann : \8\, 4 n. 16 --et Froben, Johann : \8\, 4 n. 16 --Margarita philosophica : \8\, 4 n. 16 Religieux : \10\, 85 Religion (voir aussi mouvements) : \8\, 30 ; \9\, 56 Religion, la : \*\, 24, 40, 72 Remissio peccatorum : \11\, 12 Renaissance : \2\, 7 Renouatio : \3\, 20, 46 Repli (voir retraite) Représentation plastique : \*\, 1 Reprise (voir aussi sous Rhenanus, annotations) : \10\, 28, 62, 67, 86, 95 --renforcée : \10\, 75 République (Etat, res publica) : \1\, 20 ; \9\, 15

INDEX I République des lettres : \3\, 1 ; \16\, 8 Res nouae/nouae res : \7\, 26 Resch, Conrad : \9\, 61 n. 233, 71 Réseaux : \14\, 12 Resistance : \14\, 9 Responsabilité : \10\, 18 Restatius, Johann : \9\, 27 n. 114 Restitutio (« restitution ») : \*\, 47 ; \6\, 16 ; \12\, 4, 5 --imperii : \13\, 35 Résumé (voir aussi sous Rhenanus, annotations) : \10\, 28, 44, 74, 79, 83, 95 Résumé renforcé, fort (voir aussi sous Rhenanus, annotations) : \10\, 80, 92 Résurrection des corps : \4\, 8, 11, 12 Retraite (repli, refuge) du débat sur une réforme (voir aussi Dorp, Rhenanus et Pirckheimer) : \*\, 29, 69 ; \1\, 67 Reuchlin, Johann : \2\, 11 ; \4\, 5 ; \8\, 31, 61 ; \9\, 7, 8, 9, 24, 37, 43, 54, 63 n. 244, 70, 71 ; \13\, 13, 18, 27, 29 ; \16\, 3, n. 4 --Besicles : \9\, 70 n. 268 --Clarorum Virorum Epistolae : \13\, 18 Reutingen : \13\, 28 Révolution, révolutionnaire : \2\, 8 ; \7\, 26, 29 ; \15\, 10 (de l’Oberrhein), 26 --du savoir : \15\, 28 Rhénans : \1\, 93 Rhenanus, Beatus : \2\, 5 ; \5\, 1, 2 ; \13\, 13 ; \15\, 40 --accommodation : \1\, 99 --acteur dans les mouvements religieux : \*\, 2 --activités : \7\, 18 ; \15\, 33 ; \16\, 4, 5, 10, 34 ----ecdotique : \11\, 1 ----matière liminaire : \16\, 10, 34 ----publications : \16\, 9, 11, 34 ----textes d’apprentissage : \16\, 11 --agacement : \10\, 70

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--« agent commercial » : \9\, 27 n. 114 ; \12\, 3, 7, 17 --âme (voir immortalité ici) --amis : \*\, 3 n. 5, 19-20 ; \8\, 27 --anachronismes : \11\, 19 --anoblissement : \3\, 26 ; \13\, 68 --annotations marginales, annotateur : \*\, 58 ; \10\, 2, 21, 33-34 ----attitude : \10\, 25, 47, 93 ----docere : \10\, 47, 66, 73, 87 ----guider : \10\, 33, 47, 61, 63 ----manière personnelle : \10\, 45, 77, 90, 93 ----mot nouveau, fort : \10\, 28, 63, 79 ----mouere : \10\, 58, 65, 82, 94 ----paternité littéraire : \10\, 4 ----placere : \10\, 64, 87 ----reprise : \10\, 62, 67, 86, 95 ----reprise renforcée : \10\, 75 ----résumé : \10\, 59, 62, 74, 79, 83, 95 ----résumé renforcé, fort : \10\, 63, 80, 92 --anonymat, écrits anonymes (voir aussi l’entrée générale) : \*\, 46, 58 ; \10\, 4, 96, 97 --anticlérical : \10\, 85, 95 --« Appel aux citoyens de Sélestat » : \*\, 65 ; \3\, 23 --attribution d’un « avis au lecteur » dans un recueil de Luther : \9\, 18 n. 84 --auteur de l’Art d’interroger ? : \9\, 57 --besoins spirituels : \*\, 35 --bibliothèque : \*\, 11, 12, 14, 27, 40, 43, 57, 77 ; \2\, 6 ; \4\, 2, 3 ; \9\, 42 n. 164, 51, 52, 56 n. 221 ; \10\, 1 ; \13\, 70 ; \16\, 3, n. 5, \16\, 10 ----Hutten, sa place : \13\, 70 --« cahier d’étudiant » : \7\, 2 n. 8 ; \9\, 56 --caractère (voir aussi les traits individuels) : \1\, 18, 26, 63 ; \8\, 44 ; \9\, 73, 83 ; \12\, 1 ; \16\, 34 --catholique convaincu ou hésitant (?) : \*\, 7, 74, 76

536

INDEX I

--catholique réformateur (?) : \*\, 2122, 72, 74, 76 --changement de position : \2\, 11 ; \8\, 69 ; \12\, 17 --christianisme : \*\, 40 --choix de lecture et de diffusion : \*\, 59 --Commentariolus sur la Germanie de Tacite : \8\, 22, 25 --commentateur : \*\, 37 --complexité : \*\, 72 --concile, appel à : \*\, 21, 65 --Constance, visite : \12\, 16 --contemplatif (?) : \*\, 7 --conversion philosophique : \4\, 6 --correspondance : \*\, 6, 7, 14, 77 ; \1\, 68 ; \13\, 53 ----brouillons : \7\, 2 n. 8 ----lettres détruites : \*\, 17, 72 ; \1\, 22 n. 22, 64 ; \7\, 37 ; \8\, 2, 68-69, 74 ; \13\, 2, 67 ----réédition, projet de : \*\, 26-27 --courage, manque de : \1\, 25, 80 --cours privés : \1\, 68 --critère historique : \1\, 86, 89, 97 --déplacements : \8\, 12 --désir d’aider : \1\, 30 --diffuseur (de publications) : \*\, 5, 59, 77 --dîme, question de : \9\, 13, 72 --discrétion (voir aussi caractère) : \*\, 3, 39, 44 ; \1\, 26, 63, 64 ; \8\, 69 ; \10\, 5, 97 ; \16\, 34 --dissimulation : \*\, 70, 75 ; \1\, 80 --éditeur (scientifique ; voir aussi ici Tertullien) : \*\, 5, 6 ; \13\, 38 ----Historiens de l’Eglise : \1\, 69 ; \14\, 19 ----Tacite, Germanie : \13\, 36 ----Tacite, Opera omnia 1519 : \8\, 25 --écriture : \10\, 97 n. 40 --engagement de Rhenanus : \*\, 3, 60 ; \1\, 62 ----forme : \*\, 60 ; \13\, 33 ; \15\, 29

--enthousiasme : \*\, 3, 5, 29, 30, 35, 36, 44, 51, 52, 77 ; \1\, 2, 9, 40, 59 ; \10\, 97 ----apostolique : \*\, 43 --Ephèse, temple de : \9\, 71 n. 277 --épigraphie : \1\, 27 --épître dédicatoire : \9\, 15 n. 67 --érudit indépendant : \*\, 38, 59 ; \1\, 80 ; \10\, 25 n. 18 --eruditio : \14\, 12 --esprit : ----critique : \1\, 2 ----de réforme : \*\, 71 ; \1\, 59, 80 ----enjoué et élégant : \*\, 50 ; \9\, 57, 73 ----facétieux, polémique, satirique : \*\, 50 ; \9\, 20, 73 ----grégaire et tranchant : \12\, 1 ----littéraire : \*\, 35, 37 ----ouvert et enthousiaste : \1\, 2, 59 --et Adelmann, Bernhard : \*\, 15, 57 ; \10\, 2, 21 --et Amerbach, Boniface : \*\, 20, 70 ; \9\, 53, 70, 77 ----lettre du 7 janv. 1521 de Rhenanus : \13\, 43 --et Amerbach, Bruno : \16\, 17 --et argent : \*\, 52 n. 126 ; \1\, 26 --et arts visuels : \16\, 32 --et Bâle : \1\, 23, 30, 68 ; \13\, 21 ; \14\, 3 ; \16\, 1, 3 ----départ : \1\, 19, 32, 33, 71 ----Rosenberg, maison : \7\, 10 --et beauté, la : \*\, 35 ; \1\, 2, 9 --et Berz : \1\, 41-44 --et Brunfels : \*\, 20, 24 ; \8\, 12, 28, 29, 33, 39, 40, 44, 46, 54, 56, 62, 64, 67-74 ; \9\, 32, 67 ----correspondance, état de la : \*\, 1617 ; \8\, 2 ----maître de (?) : \8\, 3 ----manuscrits provenant de lui : \8\, 33, 67 ----rencontre : \8\, 43, 50 ----silence de Rhenanus : \8\, 50, 53

INDEX I --et Bucer : \*\, 73 ; \2\, 10 ; \5\, 6, 27, 31, 32, 35 ; \8\, 29 ; \9\, 25, 26, 27, 57, 71, 81 ; \12\, 14 ; \13\, 31, 33, 67 ; \14\, 1, 15 ----ami (terme barré) ? : \*\, 20, 24 ; \14\, 11 ----bonae litterae, leur place : \12\, 14 ; \14\, 6-7 ----critiques contre Bucer : \14\, 6 ----correspondance, état de la : (pas de lettre de Rhenanus) \*\, 16-17 ; \14\, 2-4 ; \12\, 14 ----différences : \12\, 14 ; \14\, 20, 21 ----fossé entre eux : \14\, 11 ----lettre du 1er mai 1518 : \*\, 8, 43 ----lettre de la mi-août 1525 (explication) : \*\, 8, 21, 68 ; \14\, 11 ----maintien de réseaux : \*\, 72 ; \14\, 12 ----rapport, au début (1523) : \14\, 5 ----rapport, changement (1525) : \*\, 68 ; \14\, 6 --et Burer : \*\, 24 ; \1\, 41 ; \7\, 2, 16, 24, 37 ; ----correspondance : presque pas de lettres de Rh. conservées : \*\, 16-17 ; \7\, 2 ----corr. : périodes : \7\, 4 ----lettre conservée : \7\, 16-17 --et Capito : \*\, 31 ; \1\, 28 ; \9\, 55 --et Chrysostome : \11\, 3 ----édition 1540 : \1\, 61, 69 ----édition 1540, ép. déd. à Hoffmeister : \11\, 3 ----texte déformé : \11\, 16 --et Clamanges : \9\, 45 n. 176 --et clergé, critiques : \*\, 70 --et Cortese, Paolo : \16\, 23 --et Cratander : \16\, 28, 29 --et Cuno : \*\, 31, 36 ; \1\, 7 --et l’Eglise, critiques : \*\, 29, 31, 62, 69, 70 --et Egranus : 32, 69 n. 262

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--et Erasme : \*\, 19, 23, 31 ; \1\, 24 ; \6\, 7 ; \7\, 30 ; \9\, 29, 32, 42 n. 164 ; \12\, 1, 9, 10 ; \13\, 7, 23, 60 ----Adages : \16\, 16-17, 19-21, 25 ----amitié : \13\, 66 ; \14\, 18 ----arrivée d’Er. à Bâle : \*\, 37 ; \1\, 18 ; \16\, 26 ----biographie : \*\, 70 ; \1\, 13, 80 ----cercle de : \1\, 23 ; \6\, 16, 18, 22 ; \12\, 1, 4 ; \13\, 22 ----différences : \*\, 38 ; \13\, 46 ----directeur de publications : \*\, 37 ; \1\, 28 ; \12\, 1 ; \13\, 20, 21 ; \16\, 4, 10, 13, 15 ----Enchiridion : \12\, 5 ----erasmien (?) : \*\, 7, 74, 76 ----gardien de son souvenir : \1\, 80 ; \12\, 1 ----influence sur Rhenanus : \*\, 46, 48 ----« interrogation » : \13\, 62 ----malaise ? : \13\, 63 ----malentendu ? : \13\, 62 ----Nouum Instrumentum : \*\, 37 ; \6\, 7 ----Opera omnia : \1\, 13 ; \12\, 1 ----Opera omnia, préface : \1\, 15 ----pensée religieuse : \1\, 37 ; \6\, 16 ; \12\, 3, 17 ----publication des lettres d’Er. : \12\, 10 ----Ratio uerae theologiae : \12\, 6 ----rencontre : \1\, 18 ; \13\, 19 ----Spongia, rôle : \13\, 66 ----union de pensée ? : \*\, 39, 45 (« anthologie d’Erasme ») ; \12\, 1, 17 --et Froben, Johann : \*\, 38, 40, 43-44 ; \12\, 1 ; \13\, 21 ; \16\, 13 ----BR derrière son nom : \7\, 6 ; \10\, 13 ; \16\, 4 --et Geiler : \*\, 13, 19 ; \3\, 14, 34, 42, 45, 46, 47 ; \15\, 19 --et Gilles, Pierre : \9\, 17, 56, 58, 83 --et Halitgaire : \11\, 12 --et Hummelberg : \*\, 20 ; \12\, 15

538

INDEX I

--et Hutten : \7\, 18 ; \9\, 42, 44 ; \13\, 1, 2, 12, 26, 28, 64, 65, 67 ----attitude de Rhenanus après l’entretien manqué : \*\, 24 ; \13\, 65, 66, 67 ----correspondance, état de la : \13\, 2, 26, 28, 30 ----différences : \13\, 10, 22, 46 ----éloges : \13\, 31 ----mandat donné ? : \13\, 62, 63 ----le plus audacieux : \8\, 56 ; \9\, 42 ; \13\, 30 ----préface au traité de Valla Sur le don de Constantin : \*\, 51 ; \13\, 24 ----retournement radical de Rhenanus : \13\, 9 --et Lefèvre d’Etaples (voir surtout l’entrée principale) : \9\, 71 --et Luther : \*\, 3, 5, 11, 14, 15, 16, 18, 23, 43-44, 48, 52, 64 ; \1\, 28, 35, 36, 37, 40, 41, 42, 58, 100 ; \2\, 10 ; \3\, 26 ; \6\, 10, 11, 12 ; \7\, 19 ; \9\, 18 n. 84, 27, 30, 42 n. 164, 51 ; \10\, 21 ; \12\, 4, 8, 10, 11 ; \13\, 33 ; \16\, 11 ----Ad Leonem X … Resolutiones …, Bâle, oct. 1518, les préfaces anonymes : \*\, 44, 46-48 ; \10\, 10 ----engagement : \*\, 60 ----guide des religieux : \10\, 85 ----jugement (1525) : \*\, 67 ; \12\, 15 ----soutien maintenu : \*\, 71, 77 ; \10\, 82, 96 ----Traité sur la liberté chrétienne, participation : \*\, 58, 61, 77 ; \10\, 2 --et Marullo, Michele : \*\, 35 --et Marsile de Padoue, Defensor Pacis : \13\, 38 --et More : \9\, 17 --et Nesen : \6\, 8 ; \9\, 66 --et Oecolampade : \13\, 46 --et Origène : \1\, 61 --et Paris : \1\, 30 ; \2\, 6 ; \9\, 17 ; \14\, 3 ; \16\, 2 --et la pénitence : \3\, 44, 45

--et Pères de l’Eglise (voir aussi les noms individuels) : \1\, 60, 61 --et Petri, Adam : \*\, 15 ; \9\, 29 --et Phrygio : \9\, 51, 82 --et Pirckheimer : \9\, 15 n. 67, 17 --et Plutarque : \9\, 63 n. 241 --et Prugner : \13\, 67 --et la Réforme : \*\, 18, 29 ----militant : \*\, 29 ----partisan : \*\, 18, 21, 76 --et une réforme : \*\, 3, 22, 71, 72 ; \3\, 47 ; \11\, 17 ----propagande : \16\, 28, 29 --et Reuchlin : \9\, 71 ; \13\, 18 --et le salut : \3\, 46 --et Sapidus : \*\, 20, 72 ; \2\, 11 ; \9\, 81, 82 --et Schürer, L. : \9\, 4, 14, 16, 20, 28, 31, 51, 55, 62, 72, 79, 82 --et Schürer, M. : \1\, 28 ; \9\, 5 ; \16\, 3, n. 4 --et Schütz von Traubach : \*\, 66-67 --et Sélestat : \3\, 20, 32 ; \7\, 18 ; \9\, 16, 27 n. 114, 54 n. 215, 73 ----présence : \7\, 2 n. 8 ; \8\, 11, 12 ; \9\, 31, 32, 70, 84 ; \13\, 49, 63 ----retour : \*\, 3 ; \1\, 18, 19, 30-34, 43, 55, 69, 70, 80 ; \12\, 2 --et Spiegel : \*\, 20 ; \9\, 71 n. 277, 77, 83 --et Strasbourg : \14\, 6 ; \16\, 2 --et Sturm, Johann (voir aussi Sturm, Johann) : \1\, 12-15, 69 --et Tertullien (voir aussi l’entrée prin.) : \11\, 2, 4, 6 ----Admonitio ad lectorem : \11\, 2, 7 ----édition 1521 : \1\, 58-59, 94 ----édition 1528 : \1\, 61, 62, 69 ----édition 1539 : \1\, 61, 62, 69 ----pénitence : \11\, 5, 6, 17 ; \3\, 45 ----scholia sur Tert. : \11\, 6 --et Valla : \*\, 51 ; \7\, 18 --et Volz, Paul : \*\, 17, 72 ; \8\, 11, 17 ; \9\, 82, n. 294 ; \13\, 57, 58

INDEX I --et Witzel : \1\, 54, 94-99 --et Zwingli : \6\, 6, 10, 17 ; \7\, 19 ; \8\, 56 n. 112 ; \9\, 13, 27 n. 116, 42, 59, 68 ----allié intellectuel : \6\, 17 ----amitié : \*\, 20 ; \6\, 14 ----centres d’intérêt : humanisme, réforme, affaires : \*\, 52 n. 126, 59 ; \6\, 10, 24 ----correspondance : \*\, 16, 17, 52-55 ; \6\, 1, 2, 4, 9, 10, 12 ; \12\, 1, 4, 9, 11, 12 ; \13\, 30 ------lettre du 6 déc. 1518 : \*\, 16, 45, 46, 48 ; \6\, 17 ; \9\, 68 n. 255 ; \12\, 4, 17 ----différences de pensée : \*\, 59 ; \6\, 17, 24 ----Rhenanus défend Zwingli : \12\, 12 ----silence : \6\, 22 ----vente de livres, intérêt pour : \*\, 52 --et Wimpfeling : \*\, 19-20 \9\, 82, n. 294 ; \15\, 3 --Evangile : \*\, 65 --exacerber une situation délétère : \1\, 80 --famulus : \14\, 13 --formation : \1\, 22 --formation des jeunes, dispute avec Bucer : \12\, 14 --garde-robe : \7\, 10 --ghost writer : \10\, 13 --Guerre des paysans : \*\, 64, 67, 72 ; \1\, 64 ----silence de BR : \15\, 34 --histoire (historiographie), historien : \*\, 1, 3, 23, 69, 77 ; \1\, 59, 60, 86 ; \11\, 1 ; \3\, 26 ; \13\, 36 ----de l’Eglise : \1\, 93-100 ----de la liturgie : \1\, 93-100 ; \11\, 3 ----de la pénitence : \11\, 7 ----héroïsation de l’histoire locale : \15\, 34 ----interpretatio romana : \15\, 33 ----modèle : histoire romaine : \15\, 34

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--homme de lettres : \*\, 1, 77 --hospitalité : \13\, 49 --hostilité à toute forme de trouble : \15\, 34 --humaniste : \*\, 21 ; \8\, 74 --humanitas : \14\, 12 --humilité : \16\, 34 --idéalisé : \8\, 54 --image négative (?) : \*\, 24 --image surprenante et variée : \10\, 95 --immortalité de l’âme : \*\, 11, 36 --influence : \*\, 2 ; \7\, 35 ; \9\, 20, 73 --inquiétudes : \*\, 11, 40 --« intellectuel » : \10\, 95 --ironie : \9\, 73 ; \10\, 82 --irrévérence : \9\, 73 --italiens, écrivains néo-latins : \*\, 31-35 --jeu sur son nom : \7\, 24 ; \8\, 16 --« juge » : \1\, 36 --jugement critique : \*\, 1 ; \1\, 2, 36, 99-100 --Licentius Evangelus : \10\, 12 --latiniste : \10\, 13 --littéraire (voir esprit ici) --lumière de la vraie érudition : \7\, 6 n. 22 --lutte continuée : \*\, 69 --maladie : \1\, 19 ; \10\, 50 --manuscrits, « chasse » aux : \13\, 38 --« mariage » : \*\, 72 n. 151 ; \1\, 34 n. 41 --militantisme : \*\, 29, 50 --modèles d’impression : \*\, 12, 77 ; \10\, 1, 3 ; \16\, 10, 16 --modération : \*\, 5, 29, 62 --modestie (voir aussi caractère) : \*\, 3 ; \1\, 26, 63 ; \10\, 5 --mort : \*\, 22, 73 ; \1\, 19, 46 ; \2\, 13 ; \12\, 14 ; \14\, 14 --néo-platonisme chrétien : \*\, 9, 36, 40 --nicodémite (?) : \*\, 24, 76 ; \1\, 67, 71, 79 --nom : \1\, 18 --nouvelles, désir de : \7\, 26

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INDEX I

--objectivité : \1\, 98 --origines : \1\, 18 --page de titre, iconographie : \16\, 19, 28, 32 --Pandectes ? : \8\, 22, 24 --Pandectes (voir Justinien) --patriotisme : \15\, 38 --pensée religieuse : \*\, 2, 6, 7, 8, 26, 40, 43, 49, 62, 75, 76 ; \1\, 19, 25, 26, 35, 36, 38-44, 71 ; \10\, 5 ----1518-1519 : \1\, 62 ; \6\, 13, 16, 17 ; \12\, 3 ----opinio communis : \1\, 37, 38 ; \14\, 14 ----reditus ad fontes : \6\, 17 --peur : \1\, 80 --philologie, philologue : \*\, 1, 21, 23, 69 ; \1\, 7 ; \11\, 1 ; \3\, 26 --philosophie : \*\, 40 ; \1\, 7 --Platon, platonisant (voir aussi néoplatonisme chrétien) : \4\, 12, 13 --« pratique », homme : \10\, 96 --pratiques religieuses : \3\, 20 --production littéraire : \1\, 27, 68-69 --profession : \1\, 68-70, 79, 80 --propagandiste militant : \*\, 43 --protestant secret/membre secret du parti évangéliste (?) : \*\, 7, 18, 21, 24, 76 ; \1\, 39, 63 --prudence : \3\, 20 --pseudonyme : \10\, 12 ; \13\, 38 --rapprochement avec les mouvements de réforme ? : \14\, 16 --réaction de lecteur : \10\, 5 --recherches : \1\, 68 ----plus neutres, objectives : \1\, 97, 99 --réconciliation des partis, espoir tenace : \*\, 64, 73 --réformateurs strasbourgeois : critiques : \14\, 6 --repli (voir retraite ici) --Rerum germanicarum libri tres : \1\, 27 n. 27, 60, 66 ; \8\, 26 n. 58 ; \15\, 34

--réserve (voir aussi caractère) : \*\, 39 ; \1\, 63, 64 --retraite (repli, refuge du débat sur la Réforme) (?) : \*\, 29, 69 ; \1\, 55, 58-64, 67-71 --rigueur : \1\, 2 --rôle dans les mouvements religieux : \*\, 2 --rupture avec la pensée réformée (?) : \*\, 64, 67-68, 72 --saint (?) : \*\, 24 --salut : \*\, 11, 40 --santé : \1\, 19 --scholia : \11\, 2 --secret : \*\, 3 ; \8\, 69 ; \10\, 97 --sens des réalités : \9\, 73 --silence : \*\, 39, 42 ; \8\, 50, 53, 69 ; \15\, 34 --Sœurs Pénitentes : \3\, 40 --témoin de son époque : \*\, 1, 3 --théologie : \11\, 1 --traducteur (?) : \*\, 37 --tranquillité, l’amour de la : \1\, 63 --union des confessions : \1\, 99-100 --vente de livres, intérêt pour : \*\, 52 --vertueux : \15\, 5 --vie : ----périodes de : \*\, 8 ----philosophique : \1\, 25, 26 --Vita Geileri : \*\, 13, 19, 32, 35 ; \2\, 2 ; \3\, 3, 31, 34-40 --zèle évangéliste : \*\, 43 Rhétorique : \15\, 32 Rhin, le : \15\, 6, 7, 8, 16, 35 --vallée : \15\, 39 Rhin supérieur (voir aussi « Oberrhein ») : \15\, 10, 22 Rhön, la : \13\, 12 Rhône : \15\, 39 Ribeaupierre : \15\, 8, 23 Ribeauvillé : \15\, 8, 9 --sires de : \15\, 17 --scène de carnaval : \13\, 53 Richesses : \6\, 16, 17

INDEX I Rieger, Reinhold : \10\, 33 Ringmann, Matthias : \9\, 5 Ringmann, Philesius (voir Philesius) Rinower, Anton : \*\, 49 ; \7\, 2 ; \8\, 11 ; \9\, 31 n. 125 Ritius : guide des études : \9\, 37 Robert de Bavière : \3\, 6, 38 Rohmann, Klauss : \1\, 50 Rois, royauté (vois aussi croyants) : \10\, 66, 67 ; \14\, 9 Roloff, Hans-Gert : \9\, 47 Romans, pays : \15\, 37 Romanistes (voir aussi Rome) : \9\, 13, n. 56, 42 ; \13\, 41, 46, 56 Rome (voir aussi Romanistes) : \1\, 93 ; \4\, 13 ; \5\, 9, 14, 15 ; \9\, 9 n. 19, 12, 24, 38, 40, 43 n. 173, 46, 62, 70, 80 ; \12\, 7, 14, 16, 27 ; \13\, 35, 36, 39, 40, 43, 44, 52, 56 ; \14\, 8 ; \15\, 8, 34 --antique (dieux) : \*\, 35 --« bibliothèques » : \9\, 69 --corruption : \13\, 24, 44 --cour : \3\, 8, 40 ; \13\, 18, 24 --critique de : \1\, 75 --Curie : \8\, 61 ; \9\, 14, 17 n. 73, 45, 74 ; \13\, 50, 51 --et Sélestat (distance) : \15\, 39 --opposition doctrinale contre : \13\, 37 --pouvoir : \9\, 75 --Saint-Jean de Latran : \9\, 69 --Saint-Siège : \9\, 17 --Vatican, bibliothèque : \9\, 45 « Romzug » : \15\, 16 Rotenhan : \9\, 38 Roth, F. W. E. : \8\, 1, 10 Rott, Jean : \5\, 1 ; \8\, 47 ; \9\, 26, 57 ; \12\, 14 ; \14\, 1, 11, 13, 16, 20 Rottweil : \15\, 26 Rouffach : \3\, 32 Rubeanus, Crotus : \5\, 10 ; \13\, 16 --auteur présumé d’Art et manière d’interroger … les hérétiques : \9\, 54

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--co-auteur des EOV : \10\, 11 ; \9\, 54 n. 213 Rufius, Festus, Breuiarium : \8\, 26 Rufus, Mutianus : \13\, 16 Rummel, Erika : \1\, 47-49, 55, 57-64, 67-71, 75, 76, 78, 79, 82, 83, 86, 89, 92, 96 Ruser, Johann : \9\, 46 n. 188 Rustauds : \2\, 11 Ryff, Georgius (dit Welter à Blydegk) : \7\, 34 n. 122 Ryff, Margareta : \7\, 34 S Sacerdoce : \9\, 8 ; \10\, 66 Saducéens : \8\, 59 Saint-Dié : \15\, 8 Saint-Empire romain germanique, son empereur (voir aussi Maximilien Ier, Charles Quint) : \1\, 93 ; \2\, 12 ; \4\, 5 ; \6\, 18, 19 ; \7\, 29 ; \8\, 57 ; \9\, 23, 34 n. 140, 77 ; \13\, 4, 12, 36, 38, 43 ; \15\, 9, 16, 27, 28 --administration : \15\, 17 --armoiries : \16\, 20 --autorité impériale sur les pays du Rhin : \15\, 16 --bailliage grand : \15\, 31 --chancellerie : \13\, 50, 52 --constitution : \15\, 7 --élection : \15\, 17 --et concorde : \9\, 41 --grandeur : \15\, 14 --louanges des humanistes : \15\, 24 --princes-électeurs : \15\, 17 Saint-Gall : \7\, 13, 34 Saint-Hippolyte : \15\, 21 Saint-Jean de Latran : \9\, 69 Saint-Jean, hospitaliers de : \15\, 19 Saint-Johannisberg : \8\, 4 n. 16 Saint-Odile, Mont : \15\, 8 Saint-Sixte, cardinal de (voir Cajetan) Sainte-Croix : \15\, 20 --Monsieur de (voir Villinger)

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INDEX I

Sainte Ecriture : \9\, 45 Saints : --culte : \6\, 11, 13 ; \12\, 7 --faux miracles : \6\, 16, 17 ; \12\, 4 Saladin, J.-C. : \9\, 52 n. 210, 63 n. 243 n. 244 Salins : \15\, 16 Salluste : \6\, 9 Salut : \*\, 9 n. 17, 11, 40 ; \3\, 1, 5, 17, 44, 46, 47 ; \10\, 64 Sander, Michaël : \9\, 13 Sanglier : \9\, 48 n. 201 Sanhédrin : \1\, 72 Sanson, Bernardino : \12\, 4 Santé : \6\, 16 ; \12\, 4 Sapidus, Johann : \1\, 6 ; \2\, 11 ; \9\, 26, 27 n. 114, 29, 46 n. 188 ; \16\, 3, n. 4 --auditeurs, élèves : \9\, 31 n. 128, 75 ; \13\, 52 --Ecole latine de Sélestat : \8\, 20 --Epigrammata : \9\, 31, 86 ----n° 68 « In librum lucubrationum … Lutheri » : \9\, 31 n. 126 ----n° 76 « In Libellum … Brunfelsii » : \8\, 4 n. 14 --et Brunfels : \8\, 4, 20, 32, 48, 71 ; \13\, 57 --et Hutten : \13\, 49, 57 --et Rhenanus : \*\, 20, 72 ; \1\, 34 n. 42 ; \9\, 82 --et Schürer, L. : \9\, 28, 79 --et Sélestat : \7\, 35 --et Spiegel : \9\, 74, 75 --et Strasbourg : \7\, 35 n. 132 --luthérien : \9\, 84 Saragosse : \9\, 27 n. 114 Satan : \8\, 5, 36, 59 Satire : \9\, 20 ; \13\, 16, 25, 39 ; \15\, 30 Savants : \9\, 48 --demi-savants : \8\, 42, 74 Saverne : \3\, 6 ; \15\, 8 n. 5, 40 Savoir : \3\, 22 ; \9\, 8 Saxe : \5\, 14 ; \7\, 29 ; \8\, 47 n. 94 ; \15\, 13

--l’Electeur : \5\, 12 Schabler, Johann : \9\, 61 n. 233 Schadenfreude : \14\, 13 Schenk, Philipp von Schweinsberg : \1\, 54 Scherwiller : \3\, 26 ; \15\, 29 Schiner, Matthäus (cardinal de Sion) : \6\, 10 Schisme : \1\, 14, 93 ; \2\, 2 ; \8\, 40 ; \13\, 41 ; \15\, 40 Schmid (voir Faber) Schmidt, Ch. : \9\, 43 Schnersheim : \9\, 43 Schoenenburg, von (voir Villinger) Schoenensteinbach : \3\, 9 Schott, Hieronymus : \8\, 63 Schott, Johann (imprimeur) : \13\, 60 --et Brunfels : \8\, 4, 42, 59, 63, 64, 65, 66 --et Wimpfeling : \8\, 4 Schott, Pierre : \3\, 38 Jérôme, évêque de Schultz, Brandebourg : \5\, 11 Schürer, Hans : \9\, 1 n. 2 Schürer, Lazare : \*\, 1 n. 1 ; \9\, 1 --anonymat dans les publications, formes de : \9\, 22, 24 --armoiries : \9\, 1, 35, 93 --attribution d’édition : \9\, 14, 17 --avis Epigrammes de Sapidus : \9\, 86 --caractères typographiques : \9\, 14 --changement dans la nature des publications : \9\, 4 --colophon original : \9\, 43, 44 --clientèle : \9\, 80 --déclin de l’imprimerie : \9\, 84 ; \13\, 52 --différence remarquable d’avis final : \9\, 51 --directeur de l’Ecole latine : \9\, 84 --effervescence dans l’imprimerie : \9\, 81 --esprit polémique, satirique : \9\, 17, 20, 24, 43, 81

INDEX I --et Erasme : \9\, 32 --et Hus(s) : \9\, 47 --et Hutten : \9\, 43 --et Luther : \9\, 4, 23, 25, 43 ----désignation unique de son nom : \9\, 37 --et Murner : \9\, 49 n. 203 --et Phrygio : \9\, 48 --et Rhenanus : \*\, 49-50 ; \9\, 14, 16, 17, 51, 62, 73, 79, 82 ; \13\, 52 --et Sapidus : \9\, 79 --et Schürer, M. : \9\, 21, 22, 79, 85 --et Sélestat : \9\, 27 n. 114, 54 n. 215, 62, 79 ----bourgeois : \9\, 2, 85 ----savants : \9\, 25, 28, 30, 31, 43, 79 ----venue : \9\, 3, 62, 79 ; \13\, 52 --et Spiegel : \9\, 31 n. 128, 77, 79 --et Wimpfeling : \9\, 35 --festiuitas : \9\, 17, 20 --fleuron : \9\, 14 n. 64 --habitudes (boission) : \9\, 27 --inauguration de l’imprimerie : \9\, 86, 87 --luthérien : \9\, 84 --mariage : \9\, 2 --pamphlets, cibles de : \9\, 9 --poème unique publié : \9\, 69 n. 265 --production : \9\, 22 ----nature : \*\, 50 ; \9\, 20, 57, 73 --publications ----concentration chronologique : \9\, 25 ----formes de : \9\, 24 ----réduction spectaculaire : \9\, 78 ; \13\, 52 --sujets « religieux » : \9\, 22 --textes fictionnels (souvent) : \9\, 24 --texte le plus virulent : \9\, 48 --textes non fictionnels : \9\, 23 --typographie : \9\, 14 n. 64 Schürer, Matthias : \*\, 1 n. 1, 49 ; \3\, 11, 14, 30, 40 ; \5\, 6 ; \9\, 1 ; \16\, 3, n. 4

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--annotations marginales supprimées : \9\, 19 --armoiries : \9\, 1, 93 --attitude : \9\, 11, 20 --attribution : \9\, 25 n. 107 --catalogue : \9\, 6 --clientèle : \9\, 11 --collaborateurs : \9\, 5 --colophon pour Erasme, Collectanea : \9\, 92 --critiqué : \9\, 20 n. 93 --devise : \9\, 90 --et Erasme : \9\, 10, 88, 89, 92 --et Froben, Johann : \9\, 10, 20 n. 93, 21 --et Lucien : \9\, 9, n. 17, 63 n. 244 --et Luther : \*\, 44 ; \9\, 18, 19, 20, 21, 47, 50 --et Rhenanus : \*\, 31 ; \1\, 7, 28 ; \16\, 16 --et Schürer, L. : \9\, 21, 79 --héritiers : \9\, 21 n. 97 --index pour Erasme, Collectanea : \9\, 90 --maladie : \9\, 21 --mort (date de) : \9\, 2, 85, 86 ----anniversaire de : \9\, 92 --neutralité : \9\, 21 --production : \*\, 33 ; \9\, 5 --publications religieuses : \9\, 4, 6 --sérieux : \9\, 17, 19, 20 --slogan publicitaire : \9\, 90 --typographie : \9\, 14 n. 64 --veuve : \9\, 2 Schütz, Johann de Traubach : \*\, 66-67 \9\, 84 ; \15\, 17, 33 Schwebel, Johann : \8\, 61 Schweinfurt, Jean : \9\, 43 Schweinsberg, Philipp Schenk von (voir Schenk) Schwertfeger, Johann : \7\, 25 n. 85 Sciences : \*\, 72 ----naturelles : \16\, 8

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INDEX I

Scolastique(s) : \5\, 13, 22, 30 ; \6\, 17, 21, 23 ; \8\, 20 ; \9\, 9, 10 n. 30, 24, 45, 67 n. 254, 68 ; \12\, 5 ; \13\, 18 Scorpions : \9\, 66 n. 252, 71 n. 273 Scot, Duns : \6\, 16 ; \9\, 45, 68 n. 255 ; \12\, 4, 5 n. 17, 7 Screech, M. : \8\, 55 n. 110 Sculpture : \16\, 2 Sebastian de Rotenhan : \9\, 38 Séculiers : \2\, 2 Sécurité, fausse : \5\, 19 Sédition : \14\, 6, 8-11 Seigneur : \11\, 15 Sélestat, Selestadium : \1\, 13 ; \2\, 3, 5, 8 ; \9\, 27, 32, 47 n. 196 : \12\, 14 ; \13\, 38 ; \15\, 6, 13, 17 ; \16\, 1, 2 --agitation luthérienne à Sélestat (janv. 1523) : \*\, 65 ; \15\, 33 --Bibliothèque Humaniste : \*\, 27, 77 ; \1\, 59 ; \7\, 23 ; \10\, 1 --carnaval, scène de : \13\, 54 --catholique : \1\, 60 --centre intellectuel attractif : \13\, 21 --changement d’orientation de critique d’Eglise : \9\, 54 n. 215 --chapellenies, Union de : \9\, 40, 74, 75 ; \13\, 51 --clémence : \15\, 34 --climat en 1522 : \13\, 4, 9, 50 --Commanderie Saint-Jean : \15\, 19 ----bibliothèque : \9\, 46 ----Coutumier : \9\, 46 n. 188 ----école latine : \9\, 46 n. 188 --conspiration de 1493 : \15\, 26 ----revendications : \15\, 26 --défense des Vosges : \15\, 40 --ecclésiastiques : \9\, 75, 79, 80 --Ecole latine (paroissiale) : \*\, 29-30, 34 ; \1\, 22 ; \2\, 3, 4 ; \3\, 11, 12, 13, 18, 32 ; \8\, 20 ; \9\, 1 n. 1, 79, 80, 84 --économie : \15\, 11 --effervescence 1519-1520 : \9\, 81, 82 ; \15\, 29 --Eglise (l’) : \9\, 40

--Eglise (l’) de Rome : \9\, 83 --emplacement : \15\, 8, 9, 19 --et Autriche : \9\, 56 n. 224 --et Bucer : \14\, 1, 17 --et Erasme : \13\, 19 ----éloge de la ville : \13\, 51 --et Haut-Koenigsbourg : \15\, 34 --et Hutten : \13\, 1, 2, 56, 64 --et Luther : \9\, 27, 29, 44, 74 ; \13\, 51, 54 --et les Lützelstein : \15\, 34 ----racket : \15\, 34 n. 26 --et Maximilien : \15\, 15, 16 --et Paris (distance) : \15\, 39 --et religion : \14\, 14 --et Rhenanus : \*\, 9, 31, 49 ; \7\, 2 ; \9\, 73 ; \14\, 1, 17 ----retour : \1\, 18, 19, 30-34, 70 --et Rome : \13\, 51 ----distance : \15\, 39 --et Schutz de Traubach : \*\, 66-67 ; \15\, 17 --établissements religieux : \15\, 19 --faits d’armes ----1445 : \15\, 7 ----1448 : \15\, 7 --festiuitas : \9\, 17 --Frères hospitaliers (voir ici Commanderie Saint-Jean) --Guerre des Paysans : \2\, 11 --humanisme : \9\, 79 --imprimerie, Küffer, Nicolas : \9\, 3 --imprimerie, Schürer, Lazare : \8\, 20 ; \9\, 1, 2, 3, 4, 67 --imprimeurs : \*\, 1 n. 1 ; \1\, 70 --Magistrat : \7\, 10 ; \9\, 75, 79, 84 ; \13\, 50, 54 --neutralité : \15\, 29 --Paroisse : \3\, 20 --peuple : \13\, 54, 56 --population : \15\, 11 --(pré-)réforme, atmosphère de : \*\, 3 ; \9\, 43 ; \15\, 29 --refuge : \8\, 65

INDEX I --république : \9\, 27 n. 114 --réseau : \9\, 5 --Saint-Georges, église : \*\, 73 ; \1\, 46 ; \2\, 13 ; \8\, 14 --Sainte-Foye, église, moines : \13\, 54, 56 ; \15\, 26 --savants : \7\, 35 ; \9\, 25, 26, 27, 30, 31, 43, 57, 65 ; \15\, 7, 29 --secrétaire : \9\, 27 n. 114 --société littéraire : \*\, 19 ; \8\, 17, 23, 32, 34, 37, 40, 42, 55, 56 ; \9\, 27, 28, 29, 79 ; \13\, 4, 21, 50 ; \15\, 18 --soldats en Flandre : \15\, 14 --statut politique : \13\, 50 --texte le plus virulent publié : \9\, 48 --Utopie, l’île de : \9\, 83 --vers découverts : \9\, 46 --« village » impérial : \15\, 7 Semigalli : \15\, 37 Séminaires, créés par le Concile de Trente : \3\, 22 Sénèque : \1\, 27 n. 27 ; \8\, 4 ; \16\, 12 --Apocoloquintose : \*\, 37 ; \1\, 60 ; \8\, 15, 22, 23 ; \16\, 12 n. 23 Senger, Bernhard : \5\, 7 Senones, abbaye : \13\, 38 Sentences (voir Lombard, Pierre) Servitude : \10\, 78, 95 ; \13\, 35 Sewenberg : \9\, 36 Sextus (« Pythagoricus ») : --Sentences : \*\, 40 ; \4\, 8, 13, 14 Sibenthal inférieur : \7\, 34 Sickingen (voir Franz von Sickingen) Siège apostolique : \9\, 7 n. 15 Sienne : \9\, 12 Sigismond d’Herberstein : \15\, 8 Sigismond « le Riche » : \15\, 15 Silence : \8\, 50, 53 Simler, chanoine : \3\, 29 Simmen : \7\, 34 Simon de Ferrette, commandant de lansquenets : \15\, 17 Simonie : \9\, 38, 69 Sinzheim : \9\, 3 n. 11

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Sion : \6\, 10 Siquidem : \*\, 47 Sixte IV, pape : \5\, 4 Smalkalde : \2\, 12 Société, vivre en ; l’aspect social : \10\, 72, 82, 85 Société des saints et des saintes : \2\, 3 Société égalitaire : \15\, 27 Sociétés littéraires : \2\, 5 --Bâle : \16\, 26 --Sélestat : \*\, 19 ; \8\, 17, 23, 32, 34, 37, 40, 42, 55, 56 ; \9\, 27-29, 31 n. 128, 34, 68, 79 ; \13\, 4, 50 ; \15\, 18 --Strasbourg : \3\, 11, 15 ; \8\, 17 Socrate : \4\, 2 ; \13\, 19 Sodalitas (voir Sociétés littéraires) Somnium : --jeu de mots avec summa : \9\, 45 n. 182 Sophiste, sophistique : \4\, 8 ; \5\, 7, 31 ; \7\, 31 ; \8\, 30 ; \9\, 63 n. 242, 67 n. 254, 68, 76 ; \12\, 4 Souabe : \2\, 4 ; \15\, 11, 17 --Ligue de : \13\, 28 Soultz-les-Bains : \15\, 26 Sources : \6\, 17 --hiérarchie : \1\, 88, 90 Spagnoli, Giovanni Baptista : \9\, 6 Spalatin, Georg Burchard dit : \5\, 12 n. 10, 25 ; \8\, 47 ; \9\, 17 n. 73, 27, 54 n. 213, 68 Sparta, Spartiate : \6\, 15 Spéculation : \15\, 28 Spengler, Lazare : \9\, 74 Spessart, le : \13\, 12 Sphère : \1\, 1, 10 Spiegel, Jakob : \9\, 1 n. 5, 27 ; \15\, 17 --ajout manuscrit : \9\, 64, 65 --auteur de l’appendice des Gravamina de Wimpfeling : \9\, 17 n. 79, 40 --avertissement du 3 déc. 1520 : \9\, 32, 84 ; \13\, 52 --Commentaire sur Prudence : \9\, 27 n. 114, 28, 31 n. 123

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INDEX I

--dénonciateur : \9\, 48 n. 197 --ép. déd. à la Pragmatique sanction : \9\, 38, 41 --et Adelmann von Adelmannsfelden : \9\, 47 --et Brunfels : \8\, 7, 40, 59 --et Bucer : \8\, 61 --et Erasme : \13\, 53 --et Ergersheim : \9\, 74 --et Hutten : \9\, 38, 41, 44 ; \13\, 27 --et Italie : \*\, 34 ; \15\, 34 n. 25 --et liberté : \9\, 38, 39, 77 --et Luther : \13\, 52 ----fin du soutien : \9\, 74, 76 --et Melanchthon : \13\, 52 --et le pouvoir : \9\, 41 --et Peutinger : \9\, 64, 65 --et Phrygio : \9\, 48 n. 197, 74 --et Rhenanus : \*\, 20 ; \9\, 71 n. 277, 77 --et Sapidus : \9\, 31 n. 128, 74 --et Schürer, L. : \9\, 28, 31, 77 --et Schürer, M. : \9\, 5 --et Sélestat : ----chapellenies, Union de : \9\, 40, 74, 75 ; \13\, 51 ----présence : \9\, 31, 77 --et vérité : \9\, 38, 77 --et Wimpfeling : \9\, 35, 36, 41, 74 --franchise : \9\, 40 --images utilisées : \9\, 38 --patriotisme : \9\, 38 --providence divine : \9\, 77 --réalisme diplomatique : \9\, 76 --renoncement : \9\, 77 --Union des chapellenies : \9\, 74 --violence des propos : \9\, 40 Spire : \1\, 54, 95 ; \3\, 29 ; \14\, 3 --cathédrale : \3\, 32 ; \8\, 61 --jugement en faveur de Reuchlin : \9\, 70 n. 268 --Saint-Maurice : \3\, 32 Spiritualité : \*\, 53 ; \2\, 3 ; \3\, 20 Srebrenica : \9\, 9 n. 19

Stabilité : \1\, 100 Staupitz, Johannes von : \5\, 8, 13, 14 Steckelsburg : \13\, 12 Steinheim : \8\, 5 Stoïcs, stoïcisme : \4\, 2, 12 Stokovič, Johann, cardinal de Raguse : \4\, 5 Strasbourg (République de), Strasbourgeois : \1\, 13, 30 ; \2\, 2, 5, 13 ; \3\, 3, 29, 34, 40 ; \4\, 1 ; \5\, 1, 37 ; \8\, 66 ; \15\, 19, 23 ; \16\, 1, 2 --Archives de la ville : \7\, 23 --cathédrale : \3\, 2, 3, 11, 17, 26, 28, 31, 32 --chartreuse (voir aussi Koenigshoffen) : \3\, 29 ; \8\, 4, 14, 17, 41 ; \9\, 67 n. 254 --clergé : \3\, 22 --climat intellectuel : \3\, 9, 14 --Commanderie Saint-Jean de l’Ile verte : \15\, 19 ----bibliothèque : \15\, 19 --Conseil : \14\, 5 --diocèse : \3\, 4, 8 --école latine du chapitre cathédral : \3\, 11 --écoles : \8\, 5 --écoles allemandes : \2\, 4 --emplacement : \15\, 8, 9 --et Brant : \15\, 4 --et Brunfels : \8\, 5 --et Bucer : \14\, 5, 6 --et Capito : \1\, 77, 78 --et Erasme : \13\, 19 --et Hutten : \8\, 55 --et Maximilien : \15\, 9 --et Rhenanus : \*\, 9, 31, 73 ----critiques sur les prédicateurs : \12\, 14 ; \14\, 9-11 ----mort : \14\, 14 --évêque : \9\, 5 --imprimerie Matthias Schürer et veuve : \1\, 7 ; \9\, 1, 2, 79

INDEX I --imprimeries, imprimeurs : \*\, 1 n. 1, 44 ; \16\, 6 --Kaüfhus : \8\, 63 --Magistrat : \3\, 23 ; \8\, 6, 48 ; \14\, 9 --maraîchers : \8\, 7 --papeterie : \15\, 13 --prédicateurs : \14\, 9-11 --principauté épiscopale : \15\, 23 --réforme, réformateurs : \*\, 8 ; \1\, 78 ----réformateurs critiqués par Rhenanus : \14\, 6 --relieur, Küffer, Nicolas : \9\, 3 n. 11 --réseau : \9\, 5 --Saint-Etienne, chapitre de chanoinesses : \3\, 22 --Saint-Nicolas-aux-Ondes : \1\, 46 ; \3\, 9 --Saint-Pierre-le-Jeune : \1\, 78 ; \3\, 8 --Saint-Pierre-le-Vieux : \3\, 8 --Saint-Thomas : \1\, 77 --Sainte-Madeleine : \3\, 40 --Sainte-Marguerite : \3\, 9 --savants : \7\, 35 n. 132 ; \8\, 4 ; \9\, 43 --Société littéraire : \3\, 11, 15 --Sœurs Pénitentes de Sainte-Madeleine : \3\, 40 --théologiens : \1\, 93 Strumam dibapho tegere : \8\, 50-52 Stumph, Simon : \7\, 13 Sturm, Jakob : \3\, 28 ; \13\, 20 Sturm, Johann : \1\, 11, 14, 63 --confession (foi) : \1\, 25, 35 --et Berz : \1\, 34, 41-44 --et Rhenanus : \1\, 38, 46, 63, 69 ----jugement : \*\, 7, 75, 76 ----rencontré : \1\, 1-15, 36, 69 --Gymnase : \15\, 30 --livres possédés par Rhenanus : \1\, 15 n. 15 --Rhenani uita (éd. Walter, thèse) : \*\, 6, 26 ; \1\, 18, 19 ----div. 3 : \1\, 22 ----div. 9 : \1\, 23, 24 ----div. 10 : \1\, 18, 24

547

----div. 11 : \1\, 24 ----div. 11-12 : \3\, 40 ----div. 13 : \1\, 24 ----div. 14 : \1\, 24 ----div. 18 : \3\, 20 ; \1\, 24, 25 ----div. 19 : \1\, 19, 27, 29 ----div. 20 : \1\, 19, 30, 31 ----div. 21 : \1\, 32 ----div. 23 : \3\, 20 ; \1\, 36-45, 63 ----div. 24 : \1\, 34 n. 41 ----div. 25 : \1\, 19, 34 n. 41 ----« erreurs » : \1\, 35, 36, 40, 44 ----faiblesses : \1\, 16, 35 ----fiabilité : \1\, 40, 42 ----modèle : \1\, 17, 18, 21, 36 ----organisation : \1\, 18, 19 ----sources : \1\, 16 --style : \1\, 15 --talent : \1\, 15 Stürtzel, Conrad, chancelier : \15\, 10, 17 Stürtzel, Conrad, junior : \15\, 17 Stuttgart : \13\, 29 Subjonctif jussif : \10\, 80 Submissio : \12\, 8 Suétone, Douze Césars : \1\, 17, 19, 20, 21, 26, 36 ; \9\, 87 ; \13\, 34 --Caes. 32 : \8\, 47 n. 95 Suisse : \*\, 52 ; \2\, 1 ; \5\, 38 ; \6\, 11 ; \7\, 5, 12 ; \9\, 33 ; \12\, 4 n. 11, 12 ; \13\, 51 ; \15\, 11 n. 9, 21, 23, 27, 28 --cercle humaniste : \6\, 11 --et l’Allemagne : \9\, 34 --réseau : \6\, 10 ; \7\, 19 ; \9\, 5, 27, 80 ; \12\, 7 Sujets (d’un seigneur) : \15\, 32 Sulla : \15\, 33 Summa : \*\, 46 ; \12\, 4 --jeu de mots avec somnium : \9\, 45 n. 182 Summula, etc. : \*\, 46 ; \12\, 4 n. 12 --jeu de mots : \9\, 45, 68 n. 255 Sundgau : \15\, 8, 11 n. 9 ; \15\, 15 Superficialité en religion : \6\, 17, 23 ; \12\, 5

INDEX I

548

Superlatif périphrastique : \10\, 53 Superstition : \6\, 13, 23 ; \8\, 30 Susurrio : \8\, 44 Sycophante : \9\, 63 Sygkatabasis : \1\, 83, 89 Syllogisme : \9\, 45 Sylvester : \9\, 45 Syncrétisme : \*\, 30 Synesius de Cyrène : \*\, 37 ; \1\, 27 n. 27 ; \16\, 12 n. 23 Synode diocésain : \2\, 2 ; \3\, 7 Syrianus : \4\, 10 T Tacite : \9\, 38 n. 155 --Germanie : \1\, 59, 60 ; \2\, 10 ; \6\, 9 ; \8\, 22, 23, 25 ; \13\, 36 --Opera omnia 1519 : \1\, 27 n. 27 ; \8\, 25 --Opera omnia 1533 et 1544 : \1\, 60 Talmud : \9\, 9 Tauler, Johann : \2\, 3 Te Deum : \9\, 63 Tedeschi, Tommaso Radini : --In … Luterum : \9\, 78 n. 289 ; \12\, 11 n. 64 ----réimpressions : \12\, 11 n. 64 Teichmann, W. : \*\, 2, 4, 7, 8-24, 26, 28-29, 31, 36, 37, 43, 68, 72, 73, 75, 76 ; \3\, 1 ; \8\, 33 n. 74 Temps, s’y accommoder : \9\, 76 Ténèbres de la doctrine : \3\, 20 Térence, Adelphes : \7\, 8 Tertullien : \1\, 27 n. 27, 59 ; \3\, 21 ; \11\, 1 ; \13\, 38 --Aduersus Praxean : \11\, 4 --De incarnatione, 7, 12 : \11\, 4 --De paenitentia : \3\, 45 ; \11\, 5, 6, 14, 17 --éd. 1521 : \*\, 44 ; \1\, 58, 94 ; \11\, 2, 4 ----Admonitio ad lectorem : \11\, 2, 7, 16, 17, 18 ----Ep. déd. : \13\, 31 ----scholia : \11\, 4

--éd. 1528 : \1\, 61, 69 --éd. 1539 : \1\, 61, 69 ; \11\, 18 ----De corona militis : \1\, 97 --matérialisme : \11\, 4 --pénitence : \3\, 43 ----publique : \11\, 10 Tetzel, Johannes Dietz, dit : \5\, 9, 12 « Teutsche Freiheit » : \13\, 36 Théâtre du monde : \11\, 9 Themistius : \1\, 27 n. 27 Théocratie : \15\, 10 Théodulphe d’Orléans : \11\, 6, 14, 17 Theologia Deutsch : \6\, 10 Théologie : \*\, 9 ; \1\, 55, 88, 90 ; \2\, 4 ; \7\, 31 ; \8\, 4 ; \13\, 15 ; \16\, 8 --« affective » : \12\, 5 n. 14 --scolastique (voir Scolastique) --« plus sincère » : \1\, 36 --tâche de : \5\, 17 Théologien de la croix : \5\, 22 Théologien de la gloire : \5\, 22 Théologien parfait : \9\, 48 Théologien(s) : \*\, 70 ; \1\, 80 ; \6\, 5, 14, 17 ; \8\, 14 ; \9\, 56, 57, 63, 76 ; \12\, 4 ; \13\, 17, 34 --conservateurs : \1\, 56 ; \10\, 11, 13, 79 Théophraste : \4\, 9, 10, 11 Thomas d’Aquin : \5\, 6, 30 ; \9\, 43 n. 167, 45 --Somme théologique : \5\, 6 Thomisme : \5\, 4, 6 Thun : \7\, 34, 35, 36 Tite-Live : \1\, 27 n. 27, 60 ; \7\, 18 n. 63 ; \8\, 26 ; \15\, 33 Todiscus (Tedeschi) Tonnelier : \8\, 4 Toscan, Léon : \11\, 3 Toucher (voir mouere) Tour d’ivoire : \15\, 32 Toussain, Pierre : \1\, 49 Tradition (=Eglise traditionnelle) : \*\, 29 (R. Walter) Tradition humaine : \6\, 17 ; \13\, 37

INDEX I Traduction allemande : \9\, 13 Tranquillité : \1\, 57, 63, 67, 81 ; \9\, 76 Translatio imperii ad Francos : \15\, 34 Transport fluvial : \16\, 7 Traubach, Schutz von (voir Schutz de Traubach) Trente : Concile : \2\, 12 ; \3\, 22 Trèves : \8\, 31 Triboques : \15\, 4 Tribulations : \10\, 50 Tribunal de la conscience : \11\, 15, 17 Tribunal de l’officialité : \15\, 26 Tribunal impérial : \15\, 26 Trilinguis, e ; \9\, 63 n. 244 Trithème, Johann : \9\, 45 n. 176 ; \15\, 34 Triumvirs : \8\, 51 Truttenhausen : \3\, 9 Tschudi, Peter : \6\, 5 Turcs : \*\, 72 ; \9\, 12, 13, n. 56, 42, 48 ; \14\, 13 ; \15\, 40 Turzo, Stanislas, évêque d’Olmütz : \11\, 2 ; \13\, 31 Typographie : \9\, 14 Tyrannie, tyran : \8\, 5, 48 ; \9\, 24, 39, 63, 71 n. 270, 73 ; \10\, 70 ; \13\, 44 Tyrol : \15\, 15 U Ufenau : \13\, 66 n. 52 Uhlmann, Hans : \2\, 8 Ulm : \9\, 69 ; \15\, 7 Ulmann, Hans : \15\, 14, 26, 27, 33 Ulrich de Wurtemberg : \15\, 22 Ungersberg : \15\, 26 Union avec le Christ (voir Christ) Union, unité, unioniste (des confessions) : \1\, 87, 89, 91, 93, 98, 99 Unité (à Wittenberg) : \7\, 28 Université : \2\, 4 ; \3\, 22 --formation de l’élite : \15\, 26, 30 Ursperger Chronik : \8\, 33 n. 74 Utopie : \9\, 12, 14, 16, 17, 72, 83 Utraquiste : \9\, 47

549 V

Vacha : \1\, 50 Vadianus, Joachim : \6\, 3, 19 --et Schürer, M. : \9\, 5 Vaenius, Otto : \1\, 1 Valens : \8\, 26 n. 58 Valentinien Ier : \8\, 26 n. 58 Valla, Lorenzo --Elegances : \9\, 2, 87 --Sur la donation de Constantin : \*\, 51 ; \7\, 18 ; \13\, 24 ----premières éditions : \*\, 51 ; \13\, 24 Vallombrosa : \9\, 7 Valois : \15\, 36 Vanité des païens : \*\, 9 n. 17 Vatinius, Publius : \8\, 51 Vehe, Michael : \5\, 7 Velches (voir Welches) Velleius Paterculus --Histoire romaine : \1\, 27 n. 27 ; \2\, 10 ; \8\, 22, 23 n. 54 ; \15\, 34 Vénétie : \15\, 34 n. 25 Venise : \1\, 7 ; \16\, 6 Vente de livres : \*\, 52 ; \9\, 27 n. 116 ; \10\, 19, 21 ; \16\, 15 Vergerio, Pier Paolo : \1\, 84 Vergil, Marcellus : \6\, 17 Vérité : \9\, 37, 38, 77 ; \10\, 62 Vers découverts à Sélestat : \9\, 46 Vers rythmés : \9\, 45 n. 180 Vertu (voir aussi foi, vertus de) : \3\, 22 ; \1\, 1, 10 --évangélique : \3\, 23 Vêtements des moines : \8\, 30 Via antiqua : \5\, 4 Via media : \1\, 93 Via moderna : \5\, 4 Via regia : \1\, 89 Vie : \10\, 64 Vie philosophique : \3\, 20 Vie spirituelle intérieure : \3\, 20 Vienne : \1\, 54 ; \6\, 5 ; \9\, 69 n. 259 ; \13\, 16, 52 --réseau : \9\, 5

INDEX I

550

Vierge, Sainte : \9\, 92 ; \10\, 85 Vietor, Georgius : \7\, 20 Villageois : \2\, 4 Villé, val de : \*\, 40 ; \15\, 19 Villes, impériales : \15\, 14, 16, 22, 30, 40 Villinger, Jakob : \9\, 27, 28 n. 117 ; \15\, 17, 20 --noms : \15\, 20 --« sponsor » de la Société littéraire de Sélestat : \15\, 18 Violences : --mouvements de réforme : \1\, 40 --perpétrées par la noblesse : \3\, 23 Virgile : \16\, 20 --Géorgiques : \*\, 30 n. 65 Visite pastorale : \2\, 2 ; \3\, 7 Vives, Juan Luis : \9\, 24 n. 100 n. 105 Vocatif : \10\, 30, 82 Vocht, Henry de : \9\, 66 n. 251 Vœux : \6\, 16 ; \12\, 4, 5 n. 18 Vogelsberg : \13\, 12 Volques : \15\, 40 Volz, Hans : \*\, 15 ; \9\, 18 Volz, Paul : \1\, 14, 46 ; \9\, 10, 27 n. 114 --et Berz : \1\, 34 n. 41 --et Brunfels : \8\, 17, 21, 32 --et Erasme, Volz dédicataire de l’Enchiridion : \*\, 47 ; \8\, 17 ; \12\, 5 --et Rhenanus : \*\, 40, 72 ; \8\, 11, 17 ; \9\, 82, n. 294 ; \13\, 38, 57, 58 --et Schürer, L. : \9\, 28 Vosges : \8\, 11 ; \15\, 7, 8, 9, 13, 21, 39 --défense de : \15\, 40 --vallées : \15\, 40 Vulcain : \9\, 35 W Waldseemüller, Martin : \15\, 8, 9 Waldshut : \9\, 69 n. 259 Walter, Robert : \*\, 4, 26-76 ; \1\, 18 ; \3\, 1, 48 ; \13\, 10, 53 Wartburg : \7\, 32 ; \13\, 46

Weesen : \6\, 5 Welches : \9\, 12 n. 39 ; \15\, 36, 40 --origine : \15\, 40 Welter à Blydegk (voir Ryff, Georgius) Wenigen-Lupnitz : \1\, 51 Werra : \1\, 50 Westermann, Kaspar : \9\, 46 n. 188 Westermann, Klaus : \9\, 2 n. 7 Westermann, Margarethe : \9\, 2 n. 7, 84 n. 299 Westphalie : \3\, 18 Wickram, Pierre : \3\, 40 Wied, Hermann von : \12\, 2 Wimpfeling, Jakob : \2\, 2, 4, 5 ; \3\, 11, 14, 17, 20, 22, 25, 29 ; \9\, 27, 47 n. 196, 54 n. 215 n. 217 ; \13\, 51 ; \15\, 17 ; \16\, 3, n. 4 --Ad Leonem decimum pont. max. carmen contra prodigos : \9\, 1 n. 4, 7 n. 16 --Apologetica declaratio : \8\, 15 n. 39 --critique des moines : \8\, 15 --De integritate : \8\, 15 n. 39 --Epithoma rerum german. : \13\, 36 --et Brunfels : 4, 23, 32, 42 --et Christophe d’Utenheim : \9\, 32, 33 --et Erasme : \9\, 16 n. 70, 33 --et Geiler : \9\, 33 n. 134 --et Heluetium : \15\, 9 --et Küffer : \9\, 32 --et Luther : \*\, 64 ; \9\, 29, 33, 34, 43 --et Maximilien : \15\, 19 --et Reuchlin : \9\, 43 --et Rhenanus : \*\, 19-20 ; \9\, 82, n. 294 --et Sapidus : \9\, 75 n. 284 --et Schott, Johann : \8\, 4 --et Schürer, L. : \9\, 28, 31 --et Schürer, M. : \9\, 5, 7, 10 --et Spiegel : \9\, 35, 36, 41, 74 --et la Suisse : \9\, 33, 34 --Germanie : \15\, 8 n. 5 --Gravamina : \9\, 17, 35, 40, 43 n. 170, 68 ; \13\, 35

INDEX I --historiographie : \15\, 34 --liste d’améliorations pour réforme : \9\, 7 --Orationis Angeli … confirmatio : \9\, 7 --nationalisme : \15\, 37 --patriotisme : \15\, 10 --poètes païens : \9\, 28 n. 118 --Pragmaticae sanctionis medulla : \9\, 35, 36, 38, 41, 68 --prébendes, accumulation de : \15\, 26 --Soliloquium pro pace christianorum : \9\, 34 n. 140 --travaux inédits publiés : \9\, 35 --Vita Geileri : \3\, 42 Wimpina, Conrad : \5\, 12 Windesheim : \2\, 3 ; \3\, 9 Wissembourg : \14\, 5 ; \15\, 8 Wittenberg : \*\, 44 ; \1\, 52, 78, 93 ; \2\, 10 ; \7\, 23, 35 ; \9\, 78 n. 289 --Atmosphère : \1\, 50 n. 61 ; \7\, 28 --Augustins : \7\, 29 --cité idéale (?), qui grandit : \7\, 28 --Concorde de : \5\, 37 --désordres : \2\, 11 --imprimerie : \8\, 63 --magistrat : \7\, 31 --Réformation (« mouvement ») de la ville : \7\, 22, 29 --thèses de Wimpina brûlées : \5\, 12 --thèses soutenues 1517 : \5\, 17 --Université : \1\, 50 ; \5\, 12 ; \7\, 2, 4, 16, 22, 25, 29 ; \9\, 54 Witzel, Georg : \1\, 49-54, 85-99 --accommodation : \1\, 85 --Adhortatiuncula ut uocetur Concilium : \1\, 85 n. 107 --catholique : \1\, 53 --concorde : \1\, 85 --curé : \1\, 51 --cure des âmes poussée : \1\, 52 --découvertes sur les pratiques normatives : \1\, 96 --doutes sur la doctrine de Luther : \1\, 52

551

--et Cassander : \1\, 90 --et Erasme : \1\, 50, 86, 94 --et Luther : \1\, 50, 51, 52, 56 --et Melanchthon : \1\, 50, 52 --et Rhenanus : \1\, 54, 94-99 --et Vacha : \1\, 50 --et Zwingli (partisans de) : \1\, 52 --famille : \1\, 51, 53 --hiérarchie des sources : \1\, 88 --Methodus Concordiae : \1\, 85 n. 107 --moralité de ses ouailles --prêtre catholique marié : \1\, 53 --Typus Ecclesiae Prioris : \1\, 86, 93 --union (des confessions) : \1\, 53, 89 --Via regia : \1\, 89 Wolfenbüttel : \1\, 76 Wolff, Jakob : \9\, 27 n. 114, 82, n. 294 Worms, « livre de » : \5\, 37 ; \9\, 60 --colloque de (1540-1541) : \1\, 14 n. 13, 45 ; \2\, 12 --colloque de (1557) : \1\, 54 --diète de 1495 : \15\, 16 --diète de 1521 : \13\, 43, 44, 55 --édit de : \*\, 64 ; \1\, 47 ; \6\, 10, 19, 20, 24 ; \11\, 2 ; \13\, 8, 44, 57 Wurm, Mathis de Geudertheim : \15\, 10, 16, 17 Wurtemberg : --duc de : \9\, 13 n. 56, 42 ; \13\, 28 ; \15\, 22 (Ulrich) Würzburg : \5\, 15 Wycliff, John : \2\, 8 ; \8\, 7 Wyttenbach, Thomas : \6\, 17 X Y York : \9\, 7, 8 Z Zasius, Ulrich : \*\, 37, 64 ; \9\, 71 ; \13\, 53 ; \15\, 17 --guide des études : \9\, 27

552

INDEX I

Zèle évangéliste : \*\, 43 Zeller, Jean Sandi : \13\, 53 Ziegler, Nicolas : \15\, 17 Zimmermann, Jakob : \1\, 59 Zimmermann, Johann : \1\, 49 Zobel, Theodor : \9\, 9 n. 18 Zolikhofer, Apollonia : \7\, 34 n. 122 Zurgilgen, Hans Jakob : \6\, 17 Zurich, Zurichois : \2\, 1 ; \5\, 38 ; \6\, 4, 9, 15 ; \7\, 12, 19 ; \12\, 4 n. 11, 6, 12 --disputation : \12\, 12 --école de la cathédrale : \12\, 6 n. 29 --et Hutten : \13\, 2 --et Luther : \6\, 10 ; \12\, 3 --excès : \12\, 12 --magistrat : \12\, 12 --monastères : \6\, 21, 22 --prêche : \12\, 12 Zwick, Johann : \13\, 26 Zwickau : \2\, 11 ; \9\, 69 n. 262 Zwilling, Gabriel : \7\, 22, 29 Zwingli, Huldrych : \1\, 52 ; \2\, 10 ; \5\, 38 ; \7\, 12 ; \9\, 12 n. 46 ; \11\, 2 --Apologeticus Archeteles : \6\, 22 ; \12\, 13, 16 --argent : \9\, 14 --« brebis » : \6\, 9 --Dominicains : \6\, 20, 21 --écrits anonymes : \12\, 13 --enseignement (scolaire) : \6\, 9 --enseignement de la religion : \12\, 4 --et Botzheim : \12\, 16 --et Bucer : \14\, 5 --et Burer : \7\, 19

--et Erasme : \6\, 5, 6, 14, 20, 22, 24 ; \12\, 6, 7, 11, 16 ----cercle de : \6\, 16, 18, 22, 23 --et Froben : \6\, 9 --et Froschauer : \12\, 12 --et Glareanus : \6\, 14 ; \7\, 33 --et Luther : \*\, 52, 64 ; \5\, 38 ; \6\, 10, 11, 12, 20 ; \12\, 6 --et Myconius : \9\, 65 --et Nesen : \6\, 8 ; \9\, 66 --et Rhenanus : \*\, 20, 52 ; \1\, 58 ; \6\, 6, 8 ; \7\, 19 ; \9\, 13, 14, 17 n. 71, 27 n. 116, 40 n. 161, 42, 59, 68, n. 284 ; \12\, 1, 4, 9, 11, 12, 16 ----amitié : \6\, 14, 15 ----centres d’intérêt : humanisme, réforme, affaires : \*\, 52 n. 126, 59 ; \6\, 10, 24 ----correspondance en général : \*\, 45, 52-55, 59 ; \1\, 28 ; \6\, 1, 2, 4, 9 ; \13\, 30 ----différences de pensée : \6\, 17, 24 ----invitation à Zurich : \6\, 15, 20 ----lettre de Rhen. du 6 déc. 1518 : \*\, 16, 45, 46, 48 ; \6\, 17 ; \9\, 68 n. 255 ; \12\, 4, 17 --grec : ----enseignement : \6\, 9 ----utilisation de : \6\, 15 --pensée religieuse (1518-1522) : \6\, 13, 16, 17 ; \12\, 5 ----reditus ad fontes : \6\, 17 --philosophe : \6\, 5, 14, 16 --théologien : \6\, 5, 14, 16 --vente de livres, intérêt pour : \*\, 52

INDEX II Exemplaires de livres imprimés des XVe et XVIe siècles qui ont été consultés et cités ou illustrés par les contributeurs (J. Hirstein) Pour le système des renvois, voir l’Index I. Nous n’avons pas relevé les ouvrages numérisés et mis en ligne par la « Bayerische Staatsbibliothek » et le « Münchener Digitalisierungszentrum Digitale Bibliothek ». Les références ont normalement été fournies par chaque auteur dans sa contribution. Augsburg, Staats- und Stadtbibliothek NL 556A#(Beibd. (grâce à Bayerische Staatsbibliothek, MDZ) : \9\, 64 n. 245 Basel, Universitätsbibliothek DB IV 10 : \16\, Fig. 1 DB V 2 : \16\, 11 n. 21 Bern, Universitätsbibliothek MUE Gross D 115 : \16\, Fig. 3 Düsseldorf, Universitäts- und Landesbibliothek DUE 01 aleph : \16\, Fig. 4 Sélestat, Bibliothèque Humaniste (BHS) K 40/WJ 2447 : \9\, 1 n. 4, 7 n. 16 K 94a/WJ 2187 : \9\, 86 n. 301 K 94d/WJ 821 : \8\, 2 n. 4

K 499/WJ 822 : \8\, 2 n. 4 K 148/WJ 1009 : \9\, 52 K 802p/WJ 1775 : \7\, 25 n. 85 K 802q/WJ 2484 : \7\, 25 n. 85 K 806f/WJ 1577 : \9\, 42 n. 165 K 808b/WJ 1573 : \9\, 42 n. 165 K 809 (le recueil) : \*\, 15 K 809a/WJ 1744 : \*\, 14 n. 26, 15, 43 K 809n/WJ 1941 : \9\, 69 K 809o/WJ 1764 : \10\, 1 n. 3, 4 K 817k/WJ 1147 : \9\, 52 K 824i/WJ 1295 : \9\, 51 K 909m/WJ 985 : \9\, 45 n. 176 K 916e/WJ 1584 : \9\, 42 n. 165 K 916i/WJ 1047 : \9\, 52 K 953d/WJ 1325 : \8\, 26 n. 58 K 971d/WJ 1575 : \9\, 56 n. 221 K 991m/WJ 2109 : \9\, 52 K 1056e/WJ 1017 : \9\, 61 n. 234 K 1062e/WJ 1018 : \9\, 61 n. 234 K 1149e/WJ 1016 : \9\, 52, 61 n. 234 K 1158m/WJ 1568 : \9\, 47 n. 191 K 1176c/WJ 762 : \9\, 7 n. 12 K 1176d/WJ 2456 : \9\, 7 n. 13 Zürich, Zentralbibliothek III K 20,2 : \16\, Fig. 2a-b

INDEX III Villes et maisons d’édition des livres anciens cités (J. Hirstein) Pour le système des renvois, voir l’Index I. N.B. Nous ne relevons pas les entrées de la nouvelle liste des publications de Lazare Schürer dressée par Madame M.-O. Burckel et qui se trouve à la fin de sa contribution (\9\). En raison de la matière délicate qu’ils imprimaient, les maisons d’édition choisissaient parfois de taire les données de leur production (le lieu, le nom de l’imprimeur, l’année, etc.). Les crochets ([…]) indiquent que ces données manquent à l’original et ont été fournies par examen bibliographique (du contributeur ou d’autres spécialistes). Toutefois, il se peut que les crochets fassent défaut à certaines entrées parce que les contributeurs n’ont pas tenu compte de ce phénomène. Si le lecteur a des doutes, il ou elle doit, dans ce cas, consulter les ouvrages bibliographiques spécialisés, ce que nous ne prétendons pas fournir ici. Augsbourg Diemar, Georg : --1511 : \3\, 30 [Augsbourg] [Grimm, Sigmund et Marx Wirsung] --1519 (Art d’interroger) : \9\, 55 n. 219 Bâle Amerbach, Johann : --1494 (Clamanges) : \9\, 45 n. 176 Cratander, Andreas : --1519 (Disputatio) : \12\, 7 --1523 mars (Lefèvre) : \16\, 28 et Figs. 3 et 4 --1532 (Aristophane) : \12\, 7 n. 46 Froben, Johann et héritiers : --1513 (août, Adagia) : \16\, 16, 19-22 et Fig. 1 --1513 août (Cortesi) : \16\, 23 et Figs. 2a et b --1515 (Er. Moria) : \16\, 12 --1515, mars (Sénèque, Synesius) : \8\, 22 n. 53, 23 ; \16\, 12 n. 23

--1515, juill.-août (Sénèque) : \8\, 22, 23 ; \16\, 12 --1516 fév.-mars (NT) : \13\, 20 ; \16\, 7 n. 14 --1516 (s. Jérôme) : \16\, 7 n. 15 --1516 (Aeneas Plat.) : \4\, 14 --1517, juillet (Chrysostome) : \16\, 12 n. 22 --1517, juillet (Clichtove) : \16\, 12 n. 22 --1517 (Erasme) : \9\, 65 n. 247 --1518 (Auctarium) : \16\, 14 n. 25 --1518 (Gaza) : \16\, 11 n. 21 --1518, janv. (Homère) : \7\, 6 n. 22 --1518, mars (More, Utop.) : \9\, 15, 17 n. 78 --1518, nov. (More, Utop.) : \9\, 15, 17 n. 78 --1519 (Farrago) : \16\, 14 n. 25 --1519 (NT) : \13\, 20 --1519, jan. (Eras. Ratio) : \*\, 54 ; \12\, 6 --1519, fév. (Eras. Ratio) : \*\, 54 ; \12\, 6 n. 30 --1519, mai (Tacite) : \8\, 22, 23 --1519, août (Tacite) : \8\, 25

INDEX III --1520 (Dorp) : \1\, 56 --1520, mai (Erasme, Antibarb.) : \8\, 35 --1520-1521 (Velleius) : \8\, 22 --1522 (NT) : \13\, 20 --1523, sept. (Erasme, Spongia) : \13\, 61 --1540 : (Eras. Opera omnia) : \1\, 13 Herwagen, Johann : --1532 : (Ruffius, Florus etc.) : \8\, 26 n. 58 --1541 (Pandectes) : \8\, 24 n. 56 Petri, Adam --1518 (Pseudo-Platon, Axiochus) : \*\, 12 --1519 (Luther, Vatter unser) : \12\, 7 n. 41 --1519 (Luther, Kurtze form das Pater noster) : \12\, 7 n. 41 --1520 (Luther, trad. all. Decem praecepta) : \12\, 8 n. 53 --1521, mars (Luther, In Psalmos) : \8\, 63 --1523 (Theologia deutsch) : \12\, 7 n. 42 [Bâle] [Cratander, Andreas] --[vers 1520] (Clamanges) : \9\, 45 n. 176 --[1520] (Valla) : \*\, 51 ; \13\, 24 --1520, mars (Luther, Ad Leonem X … Resolutiones) : \*\, 44 --1520, mai (Luther, Ad Leonem X … Resolutiones, en all.) : \*\, 44 [Curio, Valentin] --1522 (Defensor pacis) : \*\, 63 [Froben, Johann] --1518 (Acta … Lutheri) : \12\, 7 n. 50 --1518 (Appellatio … Martini Luther) : \12\, 7 n. 50 --1518, oct. (Luther, Ad Leonem X … Resolutiones) : \*\, 43-44, 46-48 ; \9\, 4, 18, 45 n. 182 ; \12\, 7 ; \13\, 33

555

--1519 (Resolutio Lutheriana) : \12\, 7 n. 50 --[1520] : (Dial. Biling….) : \9\, 61 n. 234, 63 n. 240 [Petri, Adam] --1517 (Luther, 95 Thèses) : \*\, 14, 15, 43 --1520 (Luther, Galates) : \9\, 26 ; \12\, 8 n. 53 --1520, juill. (Luther, Ad Leonem X … Resolutiones) : \*\, 44 --1521, mars (?) (Luther, De libertate christiana) : \*\, 15 n. 28, 57, 61 ; \10\, 3, 56 (plus table) ; \12\, 8 --1521, sept. (?) (Luther, De libertate christiana) : \10\, 4, 56 (plus table) Cologne Ceruicornus, Eucharius : --1517, sept. : \9\, 9 n. 21 Koelhoff, Johann : --1483 : \9\, 45 n. 176 Quentel, Peter : --1520, nov. : \9\, 78 n. 289 Erfurt Maler, Matthes --1521 (Passional) : \7\, 25 n. 85 [Erfurt] [Maler, Mathes] --1521 (Oecolamp., Fréd. Sage) : \9\, 69 n. 264 Haguenau Anshelm, Thomas : --1519, oct. (Eras. Collectanea) : \9\, 88-91 --1521, janv. (Eras. Collectanea) : \9\, 91 [pas de nom indiqué] 1534 (Sprichwörter) : \15\, 10

556

INDEX III

[Haguenau] [Anshelm, Thomas] --[1519] (Art d’interroger) : \9\, 55 n. 219 --[1520, jan.] (Hus) : \8\, 14 n. 38 ; \9\, 47 [Leipzig] [Lotter, Melchior l’Ancien] --[vers 1520] : (Art d’interroger) : \9\, 55 n. 219 [Schumann, Valentin] --1519, fév. (Hutten) : \9\, 42 n. 166 --[1520] (Oecolamp.) : \9\, 69 Louvain Martens, Thierry --1516 (More, Utop.) : \9\, 15 Mayence (sans nom d’imprimeur) --1495 : \9\, 45 n. 176 Schöffer, Johann --1520, avril (Hutten) : \9\, 38 n. 156, 39, 42 n. 165 [Mayence] [Schöffer, Johann] --1517, mars (Hutten) : \9\, 42 n. 165 --1519, sept. (Hutten) : \9\, 42 n. 165 Nuremberg Petreius, Ioannes : --1529 (Pandectes) : \8\, 24 n. 56 Peypus, Friedrich : --1517, 2 oct. : \9\, 9 n. 20 Paris Estienne, Henri I : 1509, 31 juill. : \1\, 5 (sans nom d’imprimeur) --1517 (More, Utopie) Gilles de Gourmont : \9\, 17 --[1519, juill.] (Dial. Biling….) : \9\, 61 n. 233, 63

Rome Mazochius, J. --1520, août (Tedeschi) : \9\, 78 n. 289 ; \12\, 11 n. 64 Sélestat Schürer, Lazare : --1519, nov. (Erasme) : \9\, 2, 65 n. 247, 87 --[1519, déc.] (Neuenahr) : \9\, 24 n. 106 --1520, fév. (« Caton ») : \9\, 87 --1520, fév. (Suétone) : \9\, 87 --1520, fév. (Valla) : \9\, 87 --1520 (Erasme, Epistola) : \9\, 32 --1520 (Prudence) : \9\, 27 n. 114 --1520, mai (Brunfels) : \8\, 2 n. 4, 20 ; \9\, 37, 67 --1520, mai (Luther) : \9\, 26, 52 --[1520, mai] (Wimpfeling, Grav.) : \9\, 17, 35 --1520, mai (Wimpfeling, Prag.) : \9\, 35 --1521, sept. (Erasme, Coll.) : \9\, 93 --1522, juin (Valla) : \9\, 2 [Schürer, Lazare] --1519, mars (dîme) : \9\, 4, 17 --[1519] (Hérétiques) : \9\, 14, 16 --1520 (Sapidus) : \9\, 31 [Sélestat] [Küffer, N.] --[1521] ([Hutten]) \9\, 43 [Schürer, Lazare] --[1519] (Art d’interroger) : \9\, 55 --[1519] ([Hutten]) : \9\, 37 --[1520] (Cottalem./Pirck.) : \9\, 14, 24 n. 103, 37, 52 --[1520] (Hochstratus ouans) : \9\, 70 --[1520] ([Hutten]) : \9\, 37, 43 --[1520] (Magistri) : \9\, 52 --[1520] (Mouentinus) : \9\, 37, 48, 51 --[1520] (Nesen) : \9\, 66 --[1520] (Phrygio) : \9\, 78 --[1520] (Quadius) : \9\, 52, 66

INDEX III --[1520] (Sapidus) : \9\, 31, 86 --[vers 1520] (Clamanges) : \9\, 45 --1520 (Dial. Biling….) : \9\, 52, 61 n. 234, 63, 64, 65, 83 n. 297 --1521 (Erasme, Oecolamp.) : \9\, 37, 69, 78 --[vers 1521] (Clamanges) : \9\, 45, 46, 78 --[1522] (Messe mariage Carlstadt) : \9\, 78 Strasbourg Knobloch, Johann l’Ancien : --1511, 11 fév. : \9\, 9 n. 25 Schott, Johann --1513, 1 sept. (frais de Knobloch) : \9\, 9 n. 25 --1519, 30 août (Brunfels, Aphorismi) : \8\, 4 --1524 (Brunfels Pro … Hutteno…) : \8\, 6 --1532, 14 fév. (Brunfels, Eicones) : \8\, 2 n. 4 Schürer, Matthias : --1508, juill. (Lupoldus) : \9\, 54 n. 217 --1509, juill. (Erasme, Collectanea) : \9\, 88 (voir pour les réimpressions) --1511 (Berno) : \9\, 7 --1511 (Erasme) ; \9\, 10 --1512 (Nemesius) : \4\, 6 --1512 (Wimpfeling) : \9\, 7 --1514, nov. (Erasme) : \9\, 10 --1514, déc. (Erasme) : \9\, 16 n. 70 --1514 (Melton) : \9\, 7 --1514 (Wimpfling) : \9\, 1 n. 4, 7n. 16 --1515 (Erasme) : \9\, 10 --1515 (Otto) : \9\, 1 n. 5 --1516 (Apulée) : \4\, 14 --1517 (Erasme) : \9\, 10 --1518 (Erasme) : \9\, 10 --[1518] (Bracciolini) : \9\, 9, 60 n. 232 --1519, janv. (Erasme) : \9\, 10 --1519, mars (Erasme, Coll.) : \9\, 89, 92, 93

557

--1519, mai (Erasme) : \9\, 10 --1519, août (Esope) : \9\, 1, 85 n. 300 --[1519] (Erasme) : \9\, 10 --[?] 1519, mars (dîme) : \9\, 12, 14 --1520, sept. (Erasme, Coll.) : \9\, 92 [Strasbourg] [Schott, Johann] --[1520] : (Hutten, Bulla) : \8\, 57 n. 114 --[1520] : (Hutten, Gesprächb.) : \13\, 56 --[1523] : (Hutten, Expostulatio) : \13\, 60 [Schürer, M.] --1518, janv. (Lucien) : \9\, 9, n. 17, 63 n. 244 --1519, fev. (Luther, Ad Leonem X … Resolutiones) : \*\, 44 ; \9\, 18, 20, 21, 45 n. 182 --1519, août (Luther, Ad Leonem X … Resolutiones) : \*\, 44 ; \9\, 18, 20, 21, 45 n. 182 --1520, oct. (Luther, Ad Leonem X … Resolutiones, en all.) : \*\, 44 (sans nom d’imprimeur) --1542 (Bucer, De vera ecclesiarum … compositione) : \arn\, 7 [Tübingen] -1518, janv. (Lucien) : \9\, 9 Wittenberg [Rhau-Grunenberg] : --1520, fin nov. (Luther De libertate christiana) : \*\, 57 ; \10\, 1 --1521, mars-mai (Passional) : \7\, 25 n. 85 [Wittenberg] [Melchior Lotter le Jeune] --1521, entre mars et sept. (?) : (Luther, De libertate christiana) : \10\, 4, 56 (plus table)

Table des matières

Remerciements Avant-propos *

Introduction J. Hirstein, Maître de conférences de latin, habitité, Université de Strasbourg

1.

L’homme Beatus Rhenanus : une nouvelle interprétation de la Vita rédigée par Johann Sturm et une réévaluation de la place de Rhenanus dans les mouvements de réforme religieuse J. Hirstein, Université de Strasbourg

2.

Le contexte des mouvements de réforme F. Rapp, Membre de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Institut de France

3.

L’influence de Geiler de Kaysersberg (1446-1510) ou l’émergence de l’idée de réforme de l’Eglise chez Beatus Rhenanus L. Naas, Responsable scientifique, Bibliothèque Humaniste de Sélestat

I III 1

39 81

91

4.

La conversion de Beatus Rhenanus à un platonisme chrétien – sur la base de ses éditions savantes de l’année 1516 113 Y. Lehmann, Professeur de latin, Directeur du CARRA (EA 3094), Université de Strasbourg

5.

Bucer et Luther d’après la lettre du 1er mai 1518 à Beatus Rhenanus 123 M. Arnold, Professeur, Faculté de Théologie Protestante, Université de Strasbourg

560

Table des matières

6.

Rhenanus und Huldrych Zwingli 1518-1522 137 P. Opitz, Prof. Dr. für Kirchen- und Dogmengeschichte, Université de Zurich

7.

Une source essentielle pour les années 1519 à 1522 : les lettres de l’élève-serviteur de Beatus Rhenanus, Albert Burer 153 C. Marchand, Professeur de lettres classiques à Châtenois, Bas-Rhin

8.

Otto Brunfels et Beatus Rhenanus en l’année 1520 : l’élève et le maître ? 187 M. Meyer, Professeur de lettres classiques à Colmar

9.

Les imprimeurs Matthias Schürer et Lazare Schürer et les publications en faveur d’une réforme, notamment de 1518 à 1522 229 M.-O. Burckel, Professeur de lettres classiques à Dambachla-Ville, Bas-Rhin, à la retraite

10. Beatus Rhenanus, auteur des annotations marginales anonymes dans l’édition bâloise de [mars] 1521 du De libertate christiana de Martin Luther : une étude générale 317 J. Hirstein, Université de Strasbourg 11. L’influence des Pères de l’Eglise dans l’annotation de Tertullien (1521) chez Beatus Rhenanus : saint Augustin et saint Jean Chrysostome 359 M. Cutino, Professeur, Faculté de Théologie Catholique, Université de Strasbourg 12. Die Rückkehr des Erasmus nach Basel 1521 und Beatus Rhenanus 375 P. Walter, Prof. Dr., Faculté de Théologie, Université de Fribourg-en-Brisgau

Table des matières

561

13. Le séjour d’Ulrich von Hutten à Sélestat en novembre 1522 397 M. Samuel-Scheyder, Professeur d’allemand émérite, Université de Nancy 14. Martin Bucer und Beatus Rhenanus : die Briefe von 1523 bis 1544 435 S. E. Buckwalter, Bucer-Forschungsstelle, Heidelberg 15. Beatus Rhenanus en son temps 447 G. Bischoff, Professeur d’Histoire émérite, Université de Strasbourg 16. Beatus Rhenanus and Humanist Publishing in Basel 469 V. Sebastiani, Chargée de cours, Département d’histoire, Université de Bâle Index I – Index général des noms et des choses Index II – Exemplaires de livres imprimés des XVe et XVIe siècles qui ont été consultés et cités ou illustrés par les contributeurs Index III – Villes et maisons d’édition des livres anciens cités

497

Table des matières

559

553 554