Vergilius orator: Lire et commenter les discours de l'Enéide dans l'Antiquité tardive 9782503595832, 2503595839


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DANIEL VALLAT. INTRODUCTION : COMMENT VIRGILE EST DEVENU UN ORATEUR
PREMIÈRE PARTIE. AUX CONFINS DE L’EXÉGÈSE : LES DISCOURS VIRGILIENS ENTRE IMITATIO ET PRAELECTIO
MARTIN BAŽIL. PROBA ORATRIX : ÉLÉMENTS VIRGILIENS DANS LES DISCOURS DIRECTS DU CENTON DE PROBA
BRUNO BUREAU. VIRGILE CHEZ AELIUS DONAT ET LE DISCOURS THÉÂTRAL
DEUXIÈME PARTIE. VIRGILE ET LES TECHNIQUES RHÉTORIQUES
MARIA LUISA DELVIGO. ORATORIE DICTA NEL COMMENTO DI SERVIO E SERVIO DANIELINO ALL’ENEIDE
UTE TISCHER. INDIREKTE KOMMUNIKATION. ANTIKE KOMMENTARE ÜBER NICHT-OFFENE REDE IN VERGILS AENEIS
DANIEL VALLAT. COMMENCER LE DISCOURS : BENIVOLENTIA, ATTENTIO ET DOCILITAS DANS L’EXÉGÈSE VIRGILIENNE
TROISIÈME PARTIE. THÉMATIQUES RHÉTORIQUES DANS L’ÉNÉIDE
MARISA SQUILLANTE. VERGILIUS ORATOR AN POETA? (TI. DONAT., INTERP. VERG., AEN. 1-2)
MURIEL LAFOND. AMOUR ET PERSUASION DANS L’ÉNÉIDE À TRAVERS LE REGARD DE SERVIUS
FABIO STOK. OBSCURA QUIDEM, SED VERA. PROFEZIE E DIVINAZIONI NELLA PROSPETTIVA SERVIANA
QUATRIÈME PARTIE. LE DÉCRYPTAGE DE L’ÉLOQUENCE VIRGILIENNE
SÉVERINE CLÉMENT-TARANTINO. UT SOLET, VENUS VINCIT : LE DIALOGUE ENTRE VÉNUSET JUNON AU CHANT 4 DE L’ÉNÉIDE LU PAR LES COMMENTATEURS ANTIQUES DE VIRGILE
MATHILDE SIMON – SYLVIA ESTIENNE – JUDITH ROHMAN. LES REMARQUES DE SERVIUS À PROPOS DES DISCOURS FÉMININS DU CHANT 7 DE L’ÉNÉIDE
LUIGI PIROVANO. DELIBERAT DIOMEDES, AN LATINIS AUXILIUM PETENTIBUS FERAT: DIOMEDE E L’AMBASCERIA DEI LATINI TRA ESEGESI, RETORICA E PRASSI SCOLASTICHE
ILARIA TORZI. LE PAROLE DI DRANCE AL VAGLIO DEI COMMENTATORI TARDOANTICHI
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Vergilius orator: Lire et commenter les discours de l'Enéide dans l'Antiquité tardive
 9782503595832, 2503595839

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STUDI E TESTI TARDOANTICHI PROFANE AND CHRISTIAN CULTURE

PROFANEINAND CULTURE LATECHRISTIAN ANTIQUITY   IN LATE ANTIQ UITY 12 20

EDITORS IN CHIEF Franca Ela Consolino L’Aquila Carla Lo Cicero Roma EDITORS INBOARD CHIEF EDITORIAL Franca Consolino JanEla den Boeft L’Aquila Amsterdam, Utrecht Carla Lo Cicero Fabrizio Conca Roma Milano Raffaella Cribiore New York EDITORIAL BOARD Isabella Gualandri Gianfranco Agosti Milano

Roma Rita Lizzi Testa Jan den Boeft † Perugia Amsterdam, Utrecht Vincent Zarini Isabella Gualandri Paris Milano Rita Lizzi Testa BOARD SECRETARY Perugia Lieve Van Hoof Paola Gent Moretti Milano Lieve Van Hoof SUBMISSIONS SHOULDGent BE SENT TO Vincent Lieve VanZarini Hoof [email protected] Paris

STUDI E TESTI TARDOANTICHI

PROFANE AND PROFANE AND CHRISTIAN CHRISTIAN CULTURE CULTURE   IN LATE ANTIQUITY UITY IN LATE ANTIQ

Sidonio Apollinare Vergilius orator

Epitalamio Lire et commenter les discours de l’Énéide per Ruricio dans l’Antiquité tardive e Iberia Edizione, traduzione e c ommento a cura di édité par Stefania FILOSINI Daniel Vallat

F

Ouvrage publié avec le soutien de l’UMR 5189 HISOMA (CNRS / Université Lyon 2).

© 2022, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium.

All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise without the prior permission of the publisher.

Cover picture: Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Ms.Vat. Lat. 3867, f. 14r, Fifth Century CE © 2014 Biblioteca Apostolica Vaticana. Per concessione della Biblioteca Apostolica Vaticana. Ogni diritto riservato

D/2022/0095/42 ISBN 978-2-503-59583-2 e-ISBN 978-2-503-59584-9 DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.124756 ISSN 2565-9030 e-ISSN 2566-0101 Printed in the EU on acid-free paper.

TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES

Daniel Vallat Introduction : Comment Virgile est devenu un orateur 7

PREMIÈRE PARTIE AUX CONFINS DE L’EXÉGÈSE : LES DISCOURS VIRGILIENS ENTRE IMITATIO ET PRAELECTIO

Martin Bažil Proba oratrix : Éléments virgiliens dans les discours directs du Centon de Proba 21 Bruno Bureau Virgile chez Aelius Donat et le discours théâtral 45

DEUXIÈME PARTIE VIRGILE ET LES TECHNIQ UES RHÉTORIQ UES

Maria Luisa Delvigo Oratorie dicta nel commento di Servio e Servio Danielino all’Eneide 73 Daniel Vallat Commencer le discours : beniuolentia, attentio et docilitas dans l’exégèse virgilienne 107 Ute Tischer Indirekte Kommunikation. Antike Kommentare über nichtoffene Rede in Vergils Aeneis 139 5

TABLE DES MATIÈRES

TROISIÈME PARTIE THÉMATIQ UES RHÉTORIQ UES DANS L’ÉNÉIDE

Marisa Sq uillante Vergilius orator an poeta? (Ti. Donat., Interp. Verg., Aen. 1-2) 173 Muriel Lafond Amour et persuasion dans l’Énéide à travers le regard de Servius 197 Fabio Stok Obscura quidem, sed uera. Profezie e divinazioni nella prospettiva serviana 223 Q UATRIÈME PARTIE LE DÉCRYPTAGE DE L’ÉLOQ UENCE VIRGILIENNE

Séverine Clément-Tarantino Ut solet, Venus uincit : le dialogue entre Vénus et Junon au chant 4 de l’Énéide lu par les commentateurs antiques de Virgile 253 Mathilde Simon – Sylvia Estienne – Judith Rohman Les remarques de Servius à propos des discours féminins du chant 7 de l’Énéide 271 Luigi Pirovano Deliberat Diomedes, an Latinis auxilium petentibus ferat: Diomede e l’ambasceria dei Latini tra esegesi, retorica e prassi scolastiche 291 Ilaria Torzi Le parole di Drance al vaglio dei commentatori tardoantichi 315 Index auctorum 373 The Authors 385

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DANIEL VALLAT

INTRODUCTION : COMMENT VIRGILE EST DEVENU UN ORATEUR

Le thème de ce volume aurait sans doute surpris les contemporains de Virgile : si le grand poète fut célébré dès son vivant comme l’égal d’Homère 1, il n’avait pas une réputation reluisante d’orateur. Une anecdote, rapportée par la biographie du poète composée par Aelius Donat au ive siècle (mais remontant au De poetis aujourd’hui perdu de Suétone), nous explique que le seul essai d’éloquence judiciaire de Virgile s’était soldé par un échec cuisant : Donat, § 16 : Egit et causam apud iudices unam omnino nec amplius quam semel  ; nam et in sermone tardissimum ac paene indocto similem fuisse Melissus tradidit. ‘Il plaida aussi, en tout et pour tout, une seule cause devant les juges, et pas plus d’une fois ; car Mélissus a rapporté qu’il s’exprimait aussi très lentement et qu’il avait presque l’air d’un ignare.’

C’est visiblement l’élocution du poète devant le tribunal qui se trouve en cause, plus que son savoir-faire technique, mais dans cette civilisation de la parole, ce défaut était rédhibitoire. On peut comparer cette anecdote à d’autres sur la timidité de Virgile en

  C’est l’avis de Properce 2, 24, 41-42 : Cedite Romani scriptores, cedite Grai : / nescio quid maius nascitur Iliade, ‘Cédez la place, auteurs romains, cédez-la, Grecs : il naît je ne sais quoi de plus grand que l’Iliade’. 1

Vergilius orator. Lire et commenter les discours de l’ Énéide dans l’Antiquité tardive, éd. par Daniel Vallat, STTA 20 DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.128623 (Turnhout 2022), pp. 7-17     ©             

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D. VALLAT

public 2, à l’opposé du charme de sa voix poétique, lors de récitations privées 3. Cette réputation d’orateur raté est attestée plus tôt encore, chez Sénèque le Père, au début du ier siècle de notre ère : en voulant donner des exemples d’écrivains qui se sont illustrés dans un genre littéraire précis, et non dans un autre, il met en parallèle Cicéron et Virgile : le premier, modèle de l’orateur, ne valait rien en poésie  ; le second, grand poète, ne valait pas grand-chose en éloquence 4. S’il ne réussit pas – en termes de performance publique  – à s’illustrer comme orateur, Virgile avait pourtant étudié les arts libéraux, en particulier les ‘lettres’ (litteris, Servius, Aen. 1, Pr. 2), et écouté les leçons du rhéteur Epidius à  Rome avec Octave, si l’on en croit les renseignements – à prendre avec prudence – de la Vita Bernensis 5. Pourtant, il abandonna ces études pour se consacrer, à Naples, à la philosophie épicurienne auprès de Siron 6. C’est  à  cette occasion qu’il aurait composé une épigramme d’adieu à la rhétorique (Appendix Vergiliana, Catal. 5) 7 : Ite hinc, inanes, ite, rhetorum ampullae, inflata rhoezo non Achaico uerba ; et uos, Selique Tarquitique Varroque, 2  Donat, §  11  : si quando Romae, quo rarissime commeabat, uiseretur in publico, sectantis demonstrantisque se suffugere in proximum tectum, ‘si jamais on l’apercevait en public à Rome, où il ne sortait que très rarement, il échappait à ceux qui le suivaient et le montraient du doigt en entrant dans la première maison venue’. 3  Donat, § 28-29 : Pronuntiabat autem cum suauitate, cum lenociniis miris ut Seneca tradidit Iulium Montanum poetam solitum dicere inuolaturum se Vergilio quaedam, si et uocem posset et os et hypocrisin, ‘Il récitait avec délicatesse, avec un charme remarquable ; de même, Sénèque a rapporté que le poète Julius Montanus avait coutume de dire que, s’il le pouvait, il déroberait à Virgile certains traits, à la fois sa voix, sa prononciation et son expressivité’. 4   Sénèque le Père, Contr. 3, Pr. 8  : Ciceronem eloquentia sua in carminibus destituit ; Vergilium illa felicitas ingenii in oratione soluta reliquit, ‘L’éloquence a abandonné Cicéron en poésie ; l’heureux génie de Virgile l’a délaissé et s’est délité en prose’. 5  Vita Bernensis  : ut primum se contulit Romae, studuit apud Epidium oratorem cum Caesare Augusto, ‘dès qu’il s’installa à Rome, il étudia chez le rhéteur Epidius avec César Auguste’. 6  Phorcas, v. 87 ; Donat. Auct. § 79. 7   L’authenticité de cette épigramme est reconnue par de nombreux éditeurs, tels que Westendorp Boerma 1949, p. 95-122 ; Büchner 1955, col. 1073-1074.

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INTRODUCTION : COMMENT VIRGILE EST DEVENU UN ORATEUR

scholasticorum natio madens pingui, ite hinc, inane cymbalon iuuentutis ; tuque, o mearum cura, Sexte, curarum, uale, Sabine ; iam ualete, formosi ! Nos ad beatos uela mittimus portus magni petentes docta dicta Sironis, uitamque ab omni uindicabimus cura. Ite hinc, Camenae, uos quoque ite iam sane, dulces Camenae (nam fatebimur uerum, dulces fuistis), et tamen meas chartas reuisitote, sed pudenter et raro. ‘Loin, loin d’ici, enflures creuses des rhéteurs, paroles boursouflées au ronflement barbare, et vous, Selius, Tarquitius et Varron, race des déclamateurs dégoulinant de gras, loin d’ici, cymbales creuses de la jeunesse ; et toi, Sextus Sabinus, souci de mes soucis, adieu ; adieu désormais, mes beaux amis. Nous, nous mettons les voiles vers des ports fortunés, pour chercher les doctes leçons du grand Siron, et nous revendiquerons une vie exempte de tout souci. Loin d’ici, Camènes, loin déjà vous aussi, assurément, douces Camènes – car nous avouerons la vérité : vous étiez douces – et cependant revenez rendre visite à mes papiers, mais discrètement et rarement.’

Les témoignages antiques 8 concordent donc : Virgile n’était pas un orateur doué, mais le poète par excellence. Et une tendance pédagogique fondamentale a maintenu une distinction nette entre poésie et rhétorique. À la fin du ier siècle de notre ère, Q uintilien (1, 8, 5) explique l’utilité morale et technique de la lecture des poètes, en premier lieu Homère et Virgile, mais maintient un cloisonnement net entre les deux genres ; et Tacite est du même avis : le parallèle que fait Maternus, dans le Dialogue des orateurs (12-13) est d’abord une opposition, et, si l’influence des poètes sur l’art oratoire est soulignée (20, 5), c’est sans toucher à la ligne de démarcation entre les deux pratiques 9. Dans l’Antiquité tardive, les grammairiens citent poètes et rhéteurs sans distinction réelle dans leurs traités, sauf sur un point théorique, celui des

8  Sur les détails de la Vita Suetoniana Donatiana, cf.  par exemple Horsfall 2001. 9  Cf. par exemple Walker 2000 sur ce sujet.

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D. VALLAT

‘métaplasmes’, c’est-à-dire des figures valorisées en poésie, mais bannies de la prose. Pourtant, à une époque indéterminable, peut-être à partir du iie siècle de notre ère 10, les exégètes de Virgile se sont intéressés aux discours contenus dans l’œuvre du poète et ont commencé à y voir des modèles d’éloquence. Le témoignage le plus ancien, apparemment, est un opuscule attribué – sans plus de certitude – à un Florus, peut-être l’historien du iie siècle. En fait, seul le titre nous intéresse, puisque le texte se réduit à un début de mise en scène, sans entrer dans le sujet proprement dit. Ce titre est Vergilius, orator an poeta ?, ‘Virgile, orateur ou poète ?’, et pose les termes d’un débat critique où la seule question réévalue la valeur rhétorique du poète, dans un contexte scolaire – le locuteur faisant, dans l’introduction conservée, l’éloge du métier d’enseignant 11. Mais le sujet même, dont la formulation évoque le genre de la controverse, prouve l’existence d’une problématique déjà bien installée sur le statut de Virgile et son rôle dans l’éducation. Il ne doit pas nous surprendre  : une question similaire a dû se poser au sujet de Lucain, puisque Servius conclut que ce dernier n’est pas un poète 12. Les commentateurs tardifs de Virgile témoignent également de ce changement de statut du poète – ce sera l’objet du présent volume – comme T. Claude Donat dans la préface de son commentaire rhétorique. Après avoir ‘remarqué que les maîtres n’enseignaient rien qui vaille à leur élèves’ et qu’ils ‘avaient laissé de nombreux points sans les expliquer’ 13, le commentateur prend, pour illustrer son propos, le cas précis du début de l’Énéide (ce qu’il appelle thema)  ; il note par exemple que Virgile disculpe Énée de toute faute, ‘ce qui relevait du rôle de l’orateur’ (I, 4, 6-7 G : quod ad oratoris officium pertinebat), et surtout conclut par une attaque contre les grammatici (I, 4, 24-28 G) 14 : 10   C’est l’époque qui voit la fin des détracteurs de Virgile et un basculement critique en sa pleine faveur, cf. Vallat 2012. 11  Cf. par exemple Peirano Garrison 2019, p. 236-240. 12 Servius, Aen. 1, 382 : Lucanus namque ideo in numero poetarum esse non meruit, quia uidetur historiam composuisse, non poema, ‘De fait, Lucain n’a pas mérité d’être au nombre des poètes, parce qu’il semble avoir composé une histoire, et non un poème’ ; la question se pose déjà chez Q uintilien 10, 1, 90. 13   T. Claude Donat I, 1, 5-6 G : Sed cum aduerterem nihil magistros discipulis conferre quod sapiat … multa tamen inuoluta reliquisse… 14   Voir aussi les contributions de Bureau et Lafond dans le présent volume.

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INTRODUCTION : COMMENT VIRGILE EST DEVENU UN ORATEUR

Si Maronis carmina conpetenter attenderis et eorum mentem congrue conprehenderis, inuenies in poeta rhetorem summum atque inde intelleges Vergilium non grammaticos, sed oratores praecipuos tradere debuisse. ‘Si tu examines convenablement les poèmes de Virgile et si tu saisis correctement leur esprit, tu trouveras dans le poète un rhéteur idéal, et ainsi tu comprendras que ce n’est pas aux grammairiens, mais aux principaux orateurs qu’il aurait fallu confier Virgile.’

Macrobe, au début du ve siècle, reprend cette image d’un Virgile orateur dans ses Saturnales. Au livre 1, Symmaque provoque délibérément Evangelus, qui joue dans le banquet le rôle de détracteur de Virgile (et des grammatici), et fait d’abord l’éloge du poète, puis de son commentateur Servius – l’un des hôtes du banquet – avant de lancer le sujet de l’éloquence virgilienne : Macrobe, Sat. 1, 24, 8-9 : Haec est quidem, Euangele, Maronis gloria ut nullius laudibus crescat, nullius uituperatione minuatur  ; uerum ista quae proscindis defendere quilibet potest ex plebeia grammaticorum cohorte, ne Seruio nostro, qui priscos, ut mea fert opinio, praeceptores doctrina praestat, in excusandis talibus quaeratur iniuria ; sed quaero utrum, cum poetica tibi in tanto poeta displicuerit, nerui tamen oratorii, qui in eodem ualidissimi sunt, placere uideantur ? ‘Telle est cependant, Evangelus, la gloire de Virgile qu’aucun éloge ne la fait croître ni qu’aucun blâme ne la diminue ; mais n’importe qui – le premier venu dans la cohorte des grammairiens – pourrait réfuter tes attaques, sans même faire à notre Servius qui,  à  mon sens, surpasse par sa culture les anciens maîtres, l’offense d’en appeler  à  lui contre de telles accusations ; mais, puisque la poésie d’un si grand poète t’a déplu, je te demande si, du moins, la vigueur oratoire, qui est si puissante chez lui, semble te plaire.’

Evangelus, en ricanant, rétorque alors : Id hercle restat denique, ut et oratorem Virgilium renuntietis : nec mirum, cum et ad philosophos ambitus uester paulo ante prouexerit. ‘Il ne manque plus que cela, par Hercule, que vous fassiez de Virgile un orateur ! Mais ce n’est pas surprenant puisque tout  à  l’heure vous prétendiez le mettre au rang des philosophes.’ 11

D. VALLAT

Cette passe d’armes est cependant un hors-d’œuvre, car l’analyse de la rhétorique virgilienne est repoussée à plus tard par Symmaque ; on la retrouve au livre 4, qui est malheureusement mutilé, puis au livre 5, qui s’ouvre expressément sur une communion intellectuelle sur l’éloquence de Virgile, suite aux démonstrations d’Eusèbe : Macrobe, Sat. 5,  1,  1  : Post haec cum paulisper Eusebius quieuisset, omnes inter se consono murmure Virgilium non minus oratorem quam poetam habendum pronuntiabant, in quo et tanta orandi disciplina et tam diligens obseruatio rhetoricae artis ostenderetur. ‘Comme Eusèbe s’était un peu reposé après ces discours, tout le monde reconnaissait unanimement que Virgile devait être considéré comme un orateur non moins qu’un poète, puisqu’on trouvait chez lui un si grand savoir de l’art oratoire et une observance si stricte des règles rhétoriques.’

Aviénus demande alors qui, de Virgile ou de Cicéron, est le meilleur modèle en éloquence. Cette seule question prouve que le milieu intellectuel du banquet – qui est celui encore de Macrobe – considérait Virgile comme un maître en tout domaine. À  cette question, Eusèbe commence par se récuser, avant de se lancer dans un parallèle entre les deux auteurs, qui se conclut par le triomphe de Virgile dans tous les types d’éloquence, alors que Cicéron n’en a pratiqué qu’un seul : Macrobe, Sat. 5, 1, 5 : In qua tanta omnium dissimilitudine unus omnino Virgilius inuenitur qui eloquentiam ex omni genere conflauerit. ‘Mais dans cette si grande variété, on ne trouve de toute façon que Virgile qui ait composé une éloquence  à  partir de tout type.’

Voilà comment Virgile, dont la carrière d’orateur avait tourné court, se trouve perçu, en cette fin d’Antiquité, comme un modèle absolu d’éloquence, surpassant même Cicéron 15.

15  Sur la rhétorique de Virgile chez Macrobe, en particulier celle du pathos, cf. Vietti 1979 ; Peirano Garrison 2019, p. 222-236.

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INTRODUCTION : COMMENT VIRGILE EST DEVENU UN ORATEUR

Si les discours virgiliens ont également intéressé la critique moderne 16, notre objectif est ici de nous intéresser à la réception spécifique des discours de l’Énéide dans les textes et commentaires de l’Antiquité tardive, principalement, mais pas uniquement, dans l’exégèse virgilienne. Le sujet, bien que très riche, reste peu étudié 17. Le présent volume réunit douze contributions qui permettent d’envisager la question sous différents aspects et, à travers des auteurs et des genres littéraires variés, de mettre en perspective la présence et l’impact rhétorique de Virgile dans l’éducation scolaire et la formation intellectuelle tardo-antiques. Il est organisé en quatre parties apportant différents éclairages sur ce qui, aux yeux des auteurs et commentateurs de l’Antiquité tardive, faisaient de Virgile un orateur  à  imiter pour les uns ou à expliquer pour les autres. Dans la première partie (‘Aux confins de l’exégèse : les discours virgiliens entre imitatio et praelectio’) se trouvent deux études qui explorent la présence des discours de l’Énéide en dehors de l’exégèse virgilienne proprement dite : Martin Bažil (‘Proba oratrix : Éléments virgiliens dans les discours directs du Centon de Proba’) s’intéresse à leur exploitation dans un genre littéraire hybride, le centon virgilien, en particulier dans le centon chrétien de Proba, et montre comment l’auteur ne se contente pas d’emprunter à Virgile des vers ou des hémistiches, mais qu’elle le connaît suffisamment bien pour imiter les techniques et le style des discours du grand poète. Bruno Bureau (‘Virgile chez Aelius Donat et le discours théâtral’) étudie, quant  à  lui, leur portée et leur utilisation dans le commentaire à Térence de Donat : si le fameux grammairien n’entend pas faire un usage rhétorique des références à Virgile, il emploie très régulièrement, pour illustrer les discours des personnages térentiens, des parallèles issus des discours virgiliens : cette dimension d’exemplification donne aussi au poète la dimension d’un Vergilius dramaticus et non seulement orator. 16  L’ouvrage de Highet 1972 est spécifiquement consacré aux discours dans l’Énéide ; mais voir déjà Heinze 1915, p. 404-431 ; cf. aussi Scarcia 1985, Setaioli 1985. L’impact rhétorique de Virgile sur la poésie latine d’or ou d’argent – hors de notre problématique – a fait également l’objet d’études, par exemple Narducci 2007 pour son influence sur Lucain. 17  Cf. par exemple les ouvrages et articles de Pirovano 2006 ; Clément-Tarantino 2013 ; Torzi 2014 ; Goyet 2019 ; Peirano Garrison 2019, p. 219-242.

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D. VALLAT

La seconde partie (‘Virgile et les techniques rhétoriques’) réunit des contributions sur l’usage de certaines techniques rhétoriques de Virgile telles qu’elles sont présentées dans les commentaires antiques. Maria Luisa Delvigo (‘Oratorie dicta nel commento di Servio e Servio Danielino all’Eneide’) s’intéresse ainsi aux emplois et à la portée du terme oratorie dans le commentaire de Servius et de Servius Danielis et montre,  à  travers trois discours clés de Virgile, comment le concept véhiculé par le terme se trouve lié  à  ceux de ruse et d’habileté (calliditas). Daniel Vallat (‘Commencer le discours  : beniuolentia, attentio et docilitas dans l’exégèse virgilienne’) étudie ensuite la présence des topos rhétoriques de la beniuolentia, de l’attentio et de la docilitas dans l’introduction des discours et explique comment l’analyse du principium, issue des grands traités rhétoriques classiques, a été appliquée aux discours virgiliens par les commentateurs  : l’exemple virgilien devient alors un modèle, même si Servius semble se méfier d’une lecture rhétorique potentiellement amorale. Enfin, Ute Tischer (‘Indirekte Kommunikation. Antike Kommentare über nicht-offene Rede in Vergils Aeneis’) se penche sur la question du discours ‘non-ouvert’ au sein des commentaires antiques, dans le cadre de la communication indirecte : dans trois dialogues impliquant Vénus, l’analyse du discours montre que les commentateurs connaissaient les enjeux du message indirect présentés par la rhétorique classique, mais ne lui reprenaient pas entièrement sa terminologie, préférant l’adapter à leur propre genre scolaire. Dans la troisième partie (‘Thématiques rhétoriques dans l’Énéide’) sont introduites des thématiques rhétoriques présentes dans les commentaires. Marisa Squillante (‘Vergilius orator an poeta ? (Tib. Donat, Aen. 1-2)’) étudie d’abord le statut de Virgile chez T. Claude Donat et montre, à travers l’éloge d’Énée, comment le lecteur du poème finit par avoir à sa disposition l’essentiel de l’appareil rhétorique de l’Antiquité. Muriel Lafond (‘Amour et persuasion dans l’Énéide à travers le regard de Servius’) s’intéresse ensuite au traitement du thème de l’amour dans les discours de persuasion : à travers la mise en valeur du pathos ou de l’art rhétorique, Servius et le Servius Danielis se différencient l’un de l’autre : si le second insiste davantage sur la dimension rhétorique et opte volontiers pour une attitude moralisatrice, la lecture de 14

INTRODUCTION : COMMENT VIRGILE EST DEVENU UN ORATEUR

Servius est bien plus mesurée. Q uant à Fabio Stok (‘Obscura quidem, sed vera. Profezie e divinazioni nella prospettiva serviana’), il se penche sur la lecture détaillée que font Servius et le Servius de Daniel des discours prophétiques, en particulier en Aen. 2 et 3, à travers le personnage d’Anchise, qui a du mal à comprendre les prophéties, et la question de la divination par les songes. Enfin, la quatrième partie (‘Le décryptage de l’éloquence virgilienne’) présente l’analyse de discours virgiliens précis dans les commentaires antiques. Séverine Clément-Tarantino (‘Ut solet, Venus uincit  : le dialogue entre Vénus et Junon au chant 4 de l’Énéide lu par les commentateurs antiques de Virgile’) s’intéresse au dialogue entre Junon et Vénus au livre 4 de l’Énéide et montre comment les commentateurs expliquent et comprennent la victoire de Vénus dans ce duel de déesses. Mathilde Simon, Silvia Estienne et Judith Rohman (‘Les remarques de Servius à propos des discours féminins du chant 7 de l’Énéide’) analysent la portée des discours de Junon, Amata et Allecto en Aen.  7. Luigi  Pirovano (‘Deliberat Diomedes, an Latinis auxilium petentibus ferat  : Diomede e l’ambasceria dei Latini tra esegesi, retorica e prassi scolastiche’) étudie l’ambassade latine auprès de Diomède et  à  la réponse du héros au livre 11, soulignant en particulier les liens qui unissent les commentateurs de Virgile et les traités tardifs de rhétorique. Enfin, Ilaria Torzi (‘Le parole di Drance al vaglio dei commentatori tardoantichi’) examine les prises de parole de Drancès contre Turnus au livre 11, en soulignant plus particulièrement le rôle de l’inuidia comme motivation rhétorique. L’ensemble de ces contributions permettra ainsi de révéler et de mettre en perspective un aspect spécifique de la réception de Virgile aux ive et ve siècles de notre ère : l’intérêt porté aux discours contenus en particulier dans l’Énéide, leur exploitation et leur analyse permettent, d’une part, de mieux saisir la place prise par Virgile dans la formation intellectuelle de l’Antiquité tardive et, d’une autre, de mieux comprendre les modalités d’appropriation – en particulier celles des grammatici et commentateurs – des doctrines rhétoriques léguées par l’Antiquité classique.

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D. VALLAT

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INTRODUCTION : COMMENT VIRGILE EST DEVENU UN ORATEUR

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PREMIÈRE PARTIE

AUX CONFINS DE L’EXÉGÈSE : LES DISCOURS VIRGILIENS ENTRE IMITATIO ET PRAELECTIO

MARTIN BAŽIL

PROBA ORATRIX : ÉLÉMENTS VIRGILIENS DANS LES DISCOURS DIRECTS DU CENTON DE PROBA 1

1. Préliminaires : le Centon de Proba en tant qu’épopée et commentaire Composé très probablement dans le troisième quart du ive siècle, le Centon de Proba est –  à  notre connaissance – la deuxième œuvre poétique à raconter de manière épique (j’y reviendrai) des récits bibliques en vers latins. Son seul prédécesseur connu, les Euangeliorum libri quattuor de Juvencus (datant des années 320 ou 330, sous le règne de Constantin) 2, est considéré par les chercheurs, à la quasi unanimité, comme le fondateur d’un nouveau sous-genre poétique à l’intérieur de la tradition épique, celui de l’épopée biblique. Sur l’appartenance générique du Centon de Proba, en revanche, on trouve des opinions très variées. Dans les travaux synthétiques décrivant le développement de l’épopée biblique en langue latine, très souvent, il est simplement passé sous silence (à l’exception du livre fondateur de Reinhart Herzog 3) ; rares sont les cas où cette 1  Cette étude a vu le jour dans le cadre du projet de recherche ‘Créativité et adaptabilité, les conditions du succès de l’Europe dans un monde interconnecté’ (réf. CZ.02.1.01/0.0/0.0/16_019/0000734), financé par le Fonds européen de développement régional. Je remercie Benoît Meunier, Prague, pour son travail de relecture. 2  Pour l’état actuel des recherches sur Juvencus, voir les volumes de McGill 2016 et de Canali 2011. 3   Par exemple, dans le volume de Roberts 1985 et, récemment, de McBrine 2017. Voir aussi Charlet 2014, p.  143  : ‘Vu l’ampleur du corpus, on se limitera  à  l’épopée  stricto sensu  : par exemple seront exclus les poèmes didactiques … ou le centon qui est un genre à part’. En revanche, voir Herzog 1975, p. 3-51

Vergilius orator. Lire et commenter les discours de l’ Énéide dans l’Antiquité tardive, éd. par Daniel Vallat, STTA 20 DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.128624 (Turnhout 2022), pp. 21-44    ©             

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omission est expliquée 4, tout comme ceux qui considèrent le Centon comme une œuvre à part et le situent en marge du canon de l’épopée biblique tardo-antique 5. Cette situation contraste fortement avec celle des travaux consacrés plus spécifiquement à la poésie du centon, où le caractère épique du poème de Proba ainsi que sa relation assez proche de l’épopée de Juvencus sont généralement acceptés 6. Sans vouloir trancher cette question (qui reste un désiderata de la recherche), on peut cependant mentionner deux arguments assez importants pour considérer le Centon comme une épopée. D’abord, aux dires de Proba elle-même, son poème naît pour remplacer son œuvre antérieure qu’elle rejette à présent et dont le contenu était equos atque arma virum pugnasque, ‘les chevaux, les armes des héros, les combats’ 7 (Cento Probae 48, d’après Aen. 9, 777) : les sujets abordés ainsi que l’allusion au premier vers de l’Énéide rattachent clairement cette œuvre désavouée au genre de (chap. ‘Der Cento Probae. Maro mutatus in melius’), et Whitby – Roberts 2018, p. 231. 4   Voir notamment Green 2006, p.  xiv  : ‘Proba does not belong in  a  history of  Christian epic, even if her work can illuminate it from time to time’. 5  Schubert 2019, p. 80 : ‘A number of  shorter texts of  a similar nature may also be added to this group. These include Faltonia Proba’s Cento Vergilianus …’ ; McGill 2016, p.  22  : ‘Yet not only was J[uvencus] the first biblical epicist, but there  is  also no evidence to suggest that he ushered in  a  fourth-century movement in Latin Christian epic. The lone approximate poem to survive from the rest of  the century is the Cento Probae …’ ; et Sineri 2013, p. 18 : ‘Ciò fa sí che l’opera in virtú della materia trattata  … si inserisca in qualche modo nel solco della cosidetta epica biblica latina, inaugurata dagli Evangeliorum libri di Giovenco’ (et aussi p. 21, note 20 : ‘l’epos centonario di Proba’). Voir aussi l’article d’Aragione – Molinier Arbo 2020 qui a été placé par les éditeurs du volume dans la section consacrée à la ‘poésie biblique et autres genres poétiques’ et non parmi celles qui ont trait à l’épopée biblique. 6  Voir surtout les travaux de María Luisa La Fico Guzzo (voir par exemple La Fico Guzzo 2013, p. 69 : ‘la poetisa … impulsa el proceso de transformación que se proyecta desde la fuente de la tradición épica antigua hacia la conformación de la nueva épica cristiana’) et de l’auteur de ces lignes (notamment Bažil 2019, p. 136-154). Voir aussi Fassina 2005-2006, p. 262 : ‘una precisa strategia culturale volta a creare, attraverso la risemantizzazione del modello, una lingua epica cri­ stiana che potesse diventare il veicolo della nuova realtà spirituale’. 7  Sauf indication contraire, les traductions du Centon de Proba dans cette étude sont reprises de la thèse d’Hélène Cazes (Cazes 1998, p.  190-260). Une nouvelle traduction française, par Gabriella Aragione et Agnès Molinier Arbo, est en préparation, à paraître dans la collection Sources chrétiennes ; voir Aragione – Molinier Arbo 2020, p. 309, note 4.

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l’épopée guerrière, qu’elle soit historique ou mythologique. De surcroît, la poétesse dote son nouveau poème, de manière presque ostentatoire, de toute une série de marqueurs génériques de l’épopée, tant au niveau du contenu que de la forme. Or, ces éléments structuraux typiques se trouvent souvent remaniés ou renversés, ce qui fait naître une tension entre la variante traditionnelle, de type homérique et / ou virgilien, à laquelle le lecteur s’attend, et la réalisation concrète dans le Centon. Exemple illustratif, le prooimion commence par un résumé du contenu sous la forme d’une liste de mots-clé 8, exactement  à  la manière des premiers vers de l’Iliade ou de l’Odyssée – or dans le Centon, il s’agit de sujets de l’œuvre antérieure de Proba, ici explicitement refusés 9. Et ce n’est pas une exception : suit l’invocation d’une divinité protectrice et inspiratrice, mais dans cette fonction, la Muse  / les Muses sont rejetées elles aussi et remplacées par l’Esprit Saint 10, et on trouve d’autres exemples d’un tel remaniement de l’inventaire topique tout au long du poème. Cette distance critique envers son modèle virgilien, évidemment, n’exclut point le Centon de la tradition générique de l’épopée. Bien au contraire, elle le range aux côtés de la Pharsale de Lucain  à  laquelle, d’ailleurs, Proba fait plusieurs allusions assez claires dans son prooimion 11. La couche générique de base, celle de l’épopée, s’y trouve tout simplement combinée avec une autre, celle du commentaire (quoique d’un type spécifique) : celle-ci est annoncée dans le prooimion par le vers programmatique 23 Vergilium cecinisse loquar pia munera Christi, ‘je montrerai que Virgile a chanté les dons sacrés du Christ’ 12. Proba se présente donc elle-même comme une lectrice de Virgile qui, ayant trouvé la clé 8  Cento Probae 1-7. Ce passage introductif  a  fait l’objet de plusieurs interprétations, voir notamment Herzog 1975, p. xlix-li ; Green 1997 ; Sineri 2011, p. 232-234 ; La Fico Guzzo 2012 ; et Bažil 2019, p. 137-146. 9 Voir Cento Probae 8 : confiteor, scripsi : satis est meminisse malorum (‘tels furent, je l’avoue, les sujets de mes poèmes ; mais on a déjà trop raconté ces malheurs’). 10   Voir surtout Cento Probae 9-11 : nunc, Deus omnipotens … / aeternique tui septemplicis ora resolve / spiritus ; et 14 : nec libet Aonio de vertice ducere Musas. 11  Pour les allusions lucaniennes dans le prooimion, voir p.  ex. l’apparat de sources de l’édition de Fassina  – Lucarini 2015, p.  5-7  ; La Fico Guzzo 2012, surtout p. 126-134 ; et Bažil 2019, p. 138-146. 12  Traduction d’Hélène Cazes, remaniée.

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herméneutique appropriée, propose sa propre interprétation de son œuvre. Le noyau de cette interprétation consiste, bien évidemment, dans la recherche – de type allégorique – d’un contenu chrétien caché sous la surface 13. Néanmoins (nous l’avons vu plus haut), la poétesse se montre également sensible aux éléments structuraux de la forme épique 14. Son centon a donc un statut générique double, voire hybride : il s’agit, d’une part, d’un nouveau texte épigonique et innovateur en même temps, construit à partir d’éléments textuels et formels du texte-source 15, et d’autre part, d’un métatexte commentant et interprétant ce dernier 16. Le but de cette étude est d’examiner de près la manière dont Proba utilise l’un des éléments structuraux typiques de l’épopée, le discours direct. Ce choix n’est pas aléatoire, car c’est justement dans les discours, dialogiques ainsi que monologiques, que – d’après les analyses, par exemple, de Richard Heinze 17 et de Gilbert Highet 18 – les qualités rhétoriques de Virgile se mani13  Voir Miguélez-Cavero – Scott McGill 2018, p. 268 (à propos de cecinisse dans le v. 23) : ‘The verb cano not only echoes Aen 1.1 but also appears to signal a  peculiar form of   allegory, in which Christian content is  present in Vergil’s verses and just needs a centonist’s rearranging to bring it out ; cano in the sense of  prophecy … makes the point provocatively’ ; et Sineri 2013, p. 31 : ‘il centone di Proba costituirebbe un esempio di riappropriazione di quel comune pa­tri­mo­ nio culturale attuata attraverso l’esegesi allegorica ; Virgilio viene ‘cristianizzato’, e i cristiani, dunque, non solo hanno il pieno diritto di leggerlo, stu­diar­lo e insegnarlo, ma sono anche i soli in grado di coglierne il vero messaggio’. 14  Cf. aussi Jakobi 2005, p. 83 : ‘Probas Gold der Ägypter ist der vergilische Vers, die vergilische Einzelszene (etwa der Seesturm) und die vergilische Werkstruktur’. 15  Moretti 2020, p. 68 : ‘Il centone in generale si presenta come un textus, un “tessuto”, che il poeta compone “ri-componendo” frammenti – versi o emistichi – di testi poetici “altri”’. 16   Fassina 2005-2006, p. 262 : ‘lo scopo dell’opera risiedeva nel duplice obiettivo di trasmettere la parola divina ad un’élite cristiana imbevuta di letteratura profana e di suggerire, al contempo, una rilettura cristiana delle opere virgiliane’. 17  Heinze 1957, p. 431-435. – En 1903, la première édition du livre de Heinze et le commentaire par Eduard Norden du livre 6 de l’Énéide (édité peu de temps avant), ont jeté les bases de l’exégèse virgilienne moderne, surtout dans la recherche germanophone, après la ‘crise virgilienne’ des xviiie et xixe siècles (Binder 2019, tome 1, p. 5). 18  Highet 1972, p. 3 : ‘In the Aeneid, the speeches are one of  the most important elements  of   Virgil’s art. … They contain some  of   his most subtle and some of  his most powerful achievements in style and meter. In several of  them he deploys the devices of  Greek rhetoric, highly developed, and yet, in his hands, neither unnatural nor ostentatious’.

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festent de façon particulièrement claire et nette. La question de départ est donc de savoir si, en réécrivant des récits bibliques en vers empruntés de Virgile, Proba suit de près la disposition et la structure de discours qu’elle a trouvées dans la Genèse et les Évangiles, ou bien si elle les remodèle pour les accommoder aux règles stylistiques et rhétoriques de l’épopée.

2. Discours directs dans le Centon de Proba Dans le poème de Proba, on trouve vingt discours directs, d’une longueur allant d’un seul vers incomplet (v. 213 Procul, o procul este profani) 19 à 28 vers (paraphrase du Sermon sur la Montagne que Jésus adresse à la foule, d’après Matthieu 5-7, dans les v. 469-496). En somme, les 186 vers appartenant à ces discours couvrent à peu près 27% de l’étendue du poème entier. C’est une proportion nettement moins élevée que celle de l’épopée homérique et virgilienne : on en compte entre 35 et 45% dans l’Énéide 20, 45% dans l’Iliade, et même 67% dans l’Odyssée (où la narration joue un rôle particulièrement important) 21. Mais il semble que sur ce point, Proba respecte une tendance dans le développement de l’épopée post-classique, étant donné que la proportion des discours directs dans son Centon correspond plutôt  à  celle que l’on trouve, par exemple, dans les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes (29,4%), les Posthomériques de Q uintus de Smyrne (23,65%) et les Dionysiaques de Nonnos de Panopolis (35,6%) 22.   Exclamation que Dieu le Père adresse à Adam et Ève avant de les expulser du Paradis (vers repris du discours de la Sibylle, Aen. 6, 258).– Ce genre de brèves exclamations, couvrant moins d’un hexamètre, se trouvent aussi dans l’Énéide, p. ex. Aen. 5, 741 ; 7, 116 ; et 12, 425 (voir Highet 1972, p. 18-19). 20   Pour l’Énéide, voir par exemple Binder 2019, tome 1, p. 98 : ‘Die knapp 10000 Verse der Aeneis enthalten – je nach Zählweise (Buch 2 und 3 zusammen eine große Rede oder eine mit kleineren Reden ausgestattete Erzählung) – mehr als 35% bzw. 45% Reden’, et p. 129 : ‘diese Reden [machen] mehr als ein Drittel, etwa 37% des ganzen Textes aus’. 21  Voir par exemple Reitz 2019, p.  120  : ‘The Odyssey in particular  is  profoundly shaped by its speeches. Lengthy passages of  its texts are made up of  narratives related by different speakers, such as prophecies, tales, and plot elements unfolded after the fact. Odysseus’ account of  his wanderings at the palace of  the Phaeacians (his so-called Apologoi in Books 9-12) is a case in point’. Pour les donnés statistiques concernant les épopées homériques, voir ibidem et de Jong 2004, p. 149. 22  Ces chiffres sont repris de Verhelst 2016, p. 17. 19

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À première vue, on constate une répartition inégale des discours directs dans les deux grandes parties du Centon : la partie vétérotestmentaire n’en compte que six, couvrant au total 76 vers, tandis que dans la partie néotestamentaire, on trouve 14 discours d’une longueur globale de 110 vers. Or, si l’on met à part les passages paratextuels – l’exorde général, les préfaces et les postfaces –, on arrive à une proportion de discours plus ou moins comparable dans les deux parties respectives : 32% environ 23, taux qui s’approche de celui de l’Énéide. Le nombre plus élevé de discours directs dans la partie néotestamentaire n’est pas surprenant, étant donné que l’un des sujets principaux des Évangiles, repris par Proba, est l’enseignement (oral) de Jésus 24. Dans la partie vétérotestamentaire, en revanche, la tendance à la réduction du nombre de discours est évidente. Elle se fait sentir dès le premier épisode, celui de la Création : Dans la Genèse, le récit succinct de chacun des cinq premiers jours s’ouvre par une brève parole de Dieu (introduite, dans les versions latines, par un subjonctif exhortatif de 3e personne) par laquelle la partie du monde en question est créée – par exemple, fiat lux pour le premier jour (Gn 1, 3) 25. Avec la progression du récit, la longueur de ces paroles exhortatives a tendance à s’accroître (on passe de deux mots dans Gn 1, 3 à 24 mots dans 1, 26), et leur rythme ne correspond pas toujours à la suite des ‘jours de la Création’ : on en trouve deux, respectivement, dans les descriptions du troisième et du sixième jours 26. De surcroît, ces huit paroles plus ou moins sté  Soit 76 vers sur les 263 vers de la partie vétérotestamentaire (Cento Probae 56-318), 110 vers sur les 343 vers de la partie néotestamentaire (Cento Probae 346-388). 24   La parole de Jésus prononcée lors de l’instauration de la Cène (Cento Probae 581-599) a été analysée récemment par Moretti 2020, p. 74-78. 25  Le premier jour commence par la description de l’état de l’univers avant la création de la lumière (Gn 1, 1-2). Les discours suivants sont introduits, respectivement, par les exhortatifs suivants  : fiat firmamentum (Gn 1,  6), congregetur aqua (Gn  1,  9), germinet terra (Gn 1,  11), fiant luminaria (Gn 1,  14), eiciant aquae reptilia (Gn 1, 20), producat terra (Gn 1, 24), et faciamus hominem (Gn 1, 26). – Sauf indication contraire, les citations bibliques de cette étude sont reprises de la Vieille Latine, édition de Beuron, version générale, européenne ou italienne. 26  Ces irrégularités s’expliquent par l’histoire de ce passage dans lequel le mythe ancien racontant les œuvres créatrices, au nombre de huit au moins, a été adapté à  l’idée de ‘semaine de la création’ (dont le dernier jour est un jour de repos, sans création proprement dite). Pour le décalage entre les huit œuvres créa23

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réotypées – qui correspondent à huit étapes de l’œuvre créatrice, d’après la tradition orale antérieure 27  – se trouvent complétées par quatre discours nettement différents : – une allocution adressée aux poissons et aux oiseaux,  à  la fin du cinquième jour (Gn 1, 22, inc. crescite et multiplicamini et replete aquas in mari) ; – une double allocution adressée à l’homme et à la femme, à la fin du sixième jour (Gn 1, 28, inc. crescite et multiplicamini et replete terram, et Gn 1, 29, inc. ecce dedi vobis omne pabulum sativum) ; – et l’avertissement, adressé de même au premier couple, de ne pas manger le fruit de l’arbre défendu, qui fait partie du second récit de la création de l’homme et de la femme, dans le chapitre 2 28 (Gn 2, 16 et 17, inc. ex omni ligno quod est in paradiso edes ad escam) 29. Dans sa version du récit de la Création, Proba simplifie de façon radicale ce système de douze paroles de Dieu et le remplace par un seul discours, relativement long (de 18 vers), adressé à Adam et Ève 30 : ‘Vivite felices | interque nitentia culta fortunatorum nemorum sedesque beatas. 140 Haec domus, haec patria est, | requies ea certa laborum : his ego nec metas rerum nec tempora pono : imperium sine fine dedi, | multosque per annos non rastros patietur humus, non vinea falcem. trices du récit mythologique et les six jours de l’hexaemeron biblique, voir par exemple Beauchamp 2005, p. 19-37, et Boudart 1987. 27  Voir la note précédente. 28   Dans le livre de la Genèse, on distingue deux récits de la Création, appartenants à des couches différentes du texte hébreu : le récit de la création du monde en six jours (Gn 1, 1-2, 3, provenant de la couche P, appelée ‘document sacerdotal’), et le ‘récit d’Eden’ (‘the Eden narrative’, Gn 2, 4b-3, 24, couche ‘non-P’, appelée ‘document jahviste’ dans la recherche antérieure). Pour plus de détails sur les deux récits, on consultera avec profit Gertz 2012, surtout p. 107-113. 29  Je laisse de côté la brève parole suivante que Dieu adresse  à  lui-même (Gn 2, 18, inc. non est bonum esse hominem solum) parce qu’elle n’a aucun équivalent dans le Centon. 30  Pour un résumé récent des différentes interprétations concernant la répartition, dans le Centon, de la Création sur chacun des jours de l’hebdomade originelle, voir Behm – Keßler – Poletti 2017.

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At genus inmortale manet, | nec tarda senectus debilitat vires animi mutatque vigorem. Vos contra | quae dicam animis advertite vestris : est in conspectu | ramis felicibus arbos, quam neque fas igni cuiquam nec sternere ferro, religione sacra | numquam concessa moveri. Hac quicumque sacros | decerpserit arbore fetus, morte luet merita : | nec me sententia vertit. Nec tibi tam prudens quisquam persuadeat auctor conmaculare manus | (liceat te voce moneri), femina, nec | te ullius violentia vincat, si te digna manet divini gloria ruris’.

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‘Vivez et prospérez, au milieu des cultures vivaces et des bienheureuses demeures des bois fortunés. Voici votre domaine, voici votre patrie, voici de vos labeur le repos assuré. Moi, je ne l’arrête d’aucune limite, ni dans l’espace ni dans le temps. Car je vous ai donné un empire sans fin, et pour ces longues années, le sol ne connaîtra les houes, ni la vigne la faux. Mais immortelle votre race demeurera, sans que la pesante vieillesse n’affaiblisse les forces de vos cœurs ni n’altère votre vigueur. Vous, en retour, écoutez attentivement ce que j’ai à vous dire : il est, près d’ici, un arbre de branches fertiles, il ne peut sans sacrilège être couché à terre par le feu ou par le fer, ni, selon les prescriptions sacrées, être jamais déplacé. Q uiconque de cet arbre détachera les fruits sacrés, le paiera d’une mort bien méritée, rien ne saurait me faire revenir sur cet arrêt. Prend garde, femme, ne te laisse persuader par personne, aussi rusé soit-on, de souiller tes mains. Sois-en par ces mots avertie. Enfin, femme, ne laisse personne avoir raison sur toi par la violence, si tu veux demeurer digne de la splendeur de ce divin jardin.’ (trad. Hélène Cazes)

Il s’agit du tout premier discours direct dans le Centon. Sa première partie (v. 139-146) 31 contient une bénédiction adressée au premier couple et une description de leur vie future dans le jardin

  Dans leur édition, Antonia Badini et Antonia Rizzi séparent les deux parties de ce discours par une indication du contenu intercalée, inspirée par des mentions pareilles – et très variables – dans les marges d’une partie de la tradition manuscrite médiévale : Q uid prohibitum primis parentibus (Badini – Rizzi 2011, p. 88). 31

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paradisiaque. L’incipit Vivite felices 32 a été choisi non seulement en parallèle à  tous les subjonctifs exhortatifs mentionnés plus haut (fiat, congregentur, germinet,  etc.), mais surtout par correspondance évidente avec les impératifs des paroles introduisant la bénédiction de l’homme et de la femme, dans la Genèse 1, 28 : crescite et multiplicamini. Les vers 143-144 correspondent à  la seconde partie de cette double allocution, dans la Genèse 1, 29-30. Leur relation étroite est mise en évidence par la reprise littérale de la forme verbale dedi à son début : imperium sine fine dedi (v. 143), cf. ecce dedi vobis… (Gn 1, 29) 33. En revanche, du point de vue du contenu, Proba ne reprend de cette seconde partie de l’allocution biblique que le motif des plantes comestibles qui poussent au sol (v. 144, cf. omne pabulum sativum seminans semen quod est super omnem terram et omne lignum quod habet in se fructum seminis sativi, Gn 1, 29), en omettant complètement celui des animaux. La seconde partie de ce discours (à partir du v.  147, Vos contra…), à son tour, représente une version remaniée de l’avertissement que Dieu adresse à Adam et à Ève (Gn 2, 16-17). Deux points marquent la stratégie utilisée dans ce passage. D’abord, Proba relie la description de l’arbre défendu 34 au motif des plantes – et celui de l’agriculture non-existante – dans la première partie du discours  (voir les correspondances de motifs ramis felicibus arbor  – fortunatorum nemorum, ferro – rastros, ou la négation répétée dans les vers 144 et 149). Ensuite, après avoir paraphrasé le noyau de l’avertissement de manière assez élégante 35, elle le développe et le concrétise dans une sorte de   Dans l’Énéide, il s’agit des mots d’adieu qu’Énée adresse à Andromaque et  à  Hélénus, ayant fondé ‘la petite Troie’, Aen. 3,  493. En même temps, par l’évocation de son contexte originel précis, cette citation donne au discours de Dieu une fonction de présage néfaste – voir la suite … quibus est fortuna per­acta / iam sua. 33   Pareillement, le mot imperium est une allusion aux termes de pouvoir de Gn 1, 28 : replete terram et dominamini eius et habete potestatem … (Vieille Latine, version générale, L). 34 Pour les liens intertextuels entre la description de l’arbre défendu et l’Énéide (notamment l’arbre dans lequel se cache le prince troyen Polydore), voir Schottenius Cullhed 2015, p. 152. 35  V. 151-152, à comparer avec leur modèle dans le texte de la Vieille Latine (version générale, L) : qua die enim ederitis ab illo morte moriemini (Gn 2, 17b). 32

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présage ajouté, adressé directement  à  la femme (v.  153-156), dans lequel un auctor anonyme et sa violentia sont mentionnés par prolepse 36. Par les deux stratégies (répétition du motif des plantes/arbres et anticipation de la suite de l’histoire), Proba renforce la cohérence narrative de sa version du récit, et le rapproche ainsi des qualités qui marquent l’épopée virgilienne, par rapport à l’épopée de type homérique 37. Le but de cette démonstration détaillée était de mettre en évidence la méthode que Proba utilise pour réécrire les discours directs bibliques  : dans ce cas, elle fait naître une abstraction condensée d’une série de paroles bibliques (toutes prononcées par le même locuteur, Dieu), qu’elle remodèle pour faire naître un seul discours, évoquant de manière adroite les paroles individuelles (par des reprises de motifs, reprises lexicales,  etc.). Une telle stratégie de condensation, essayant d’éviter toute répétition superflue, correspond parfaitement  à  ce que Richard Heinze et Gilbert Highet ont observé à propos du texte virgilien : là aussi, ils relèvent une concentration destinée à produire un effet artistique et une économie du récit dense, en tant que traits caractéristiques les plus marquants du style 38. D’après Heinze, ces qualités se manifestent de manière particulièrement évidente dans la façon dont Virgile construit ses dialogues. Le but de la prochaine partie sera donc d’explorer dans quelle mesure Proba imite son modèle poétique dans les parties dialogiques.

36   Sur ce passage qui n’a pas de modèle direct dans la source biblique, voir Sineri 2011, p. 157 ; et La Fico Guzzo 2016, p. 85-86. 37  Pour une analyse détaillée des procédés (typologiques et autres) par lesquels Proba renforce la cohérence interne de sa réécriture du récit biblique, voir surtout Schottenius Cullhed 2015, passim. 38  Heinze 1957, par exemple p.  405-406  : ‘Virgil vermeidet alles, was zur künstlerischen Wirkung direkt nichts beitragen kann und den Leser nichts Neues lehren, sondern nur der Vollständigkeit wegen da sein würde’, et 414 : ‘Konzen­ tration heißt ihr Prinzip : die Rede ist der Ausdruck eines einzigen Affekts, eines Vorsatzes oder Gedankenganges. Statt der leichten Folge strenge Geschlos­ senheit ; … pointierte Prägnanz des Ausdrucks ; … energisches Streben zu einem Ziel…’. Highet 1972, par exemple p. 23 : ‘Vergil … omits all that his readers can imagine and supply : the steady pace of  the narrative is his chief concern. Therefore he does not arrange his speeches in large groups so often and so copiously as Homer’.

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3. Dialogues En ce qui concerne les passages dialogiques de l’Énéide, Heinze et Highet ont pu constater toute une série de particularités qui les démarquent clairement des stratégies utilisées dans les épopées homériques. Tout d’abord, Virgile réduit leur nombre et leur étendue (surtout le nombre de participants et de répliques individuelles), tout en rendant leur structure plus simple et plus claire. Cette observation s’applique aussi parfaitement au Centon  : tout comme Virgile, Proba évite les ‘grandes scènes dialogiques’ avec plusieurs interlocuteurs, les ‘conversations prolongées’ ou les ‘suites des dialogues’ (d’un personnage avec des interlocuteurs différents), éléments typiques du style homérique 39. Dans le Centon entier, on ne trouve que trois dialogues, dont un seul, relativement long et complexe, dans la partie vétérotestamentaire : – entre Dieu et Adam (avec une allocution d’Ève et du serpent), au moment de la chasse des protoplastes du paradis, d’après la Genèse 3, 9-19 (v. 224-268, soit 43, 5 vers au discours direct) ; et deux, moins longs et plus simples, dans la partie néotestamentaire : – entre Jésus et le diable sous la forme d’un serpent, dans l’épisode de la tentation au désert 40 (v. 436-452, soit 15 vers au discours direct) ; – et entre Jésus et le jeune homme riche 41 (v. 512-527, également 15 vers au discours direct). Ces deux derniers ont à peu près la même longueur, une quinzaine de vers, et une structure identique : on pose à Jésus une question (qui, dans l’épisode du désert, a plutôt valeur de provocation) ; il y répond ; son interlocuteur se tait et quitte le lieu de la conversation, en signe de défaite. Or, c’est exactement cette même struc  Heinze 1957, p. 404-405 ; Highet 1972, p. 23 (voir la note précédente).   Pour l’épisode de la tentation, voir Mt 4, 1-9, et Lc 4, 1-11 (cf. Badini – Rizzi 2011, p. 119, note i). 41  La parabole du jeune homme riche se trouve dans les trois évangiles synoptiques – voir Mt 19, 16-22 ; Mc 10, 17-22 ; Lc 18, 18-25 (cf. Badini – Rizzi 2011, p. 191). 39 40

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ture condensée, consistant en une seule réplique de chaque côté, qui, d’après les observations de Heinze et de Highet, est la plus typique des dialogues de l’Énéide 42. Étant donné que les modèles des deux dialogues des Évangiles ont une structure plus complexe (celle d’un échange de plusieurs répliques), on peut interpréter cette intervention comme une adaptation volontaire des deux épisodes aux règles stylistiques virgiliennes. Une telle liberté de réécriture saute tout particulièrement aux yeux quand on compare ces deux dialogues dans le Centon avec leur pendants dans les Evangeliorum libri quattuor de Juvencus, qui reprend scrupuleusement la structure (à plusieurs échanges) de leurs modèles évan­ géliques communs 43. Dans les deux cas, Proba parvient à cette forme finale par un procédé paraphrastique identique. Dans sa version de l’épisode du jeune homme riche, elle se concentre sur le moment clé de la conversation et laisse le jeune homme s’adresser à Jésus directement par sa question principale, celle de ce qu’il lui reste à faire s’il observe déjà tous les préceptes (v.  514-516)  : Omnia prae­ cepi atque animo mecum ante peregi … Q uid denique restat quidve sequens tantos possim superare labores 44  ? Une telle focalisation sur la substance du dialogue permet d’éviter, dans la réponse de Jésus, une énumération des préceptes mêmes. Dans le Centon, leur liste fait partie du Sermon sur la Montagne 45 qui précède immédiatement (v.  469-496), et auquel l’épisode du jeune homme riche est étroitement lié 46  ; une nouvelle énumération 42  Heinze 1957, p. 404 : ‘Zu allermeist beschränkt sich das Gespräch auf Rede und Gegenrede zweier Sprecher’ ; Highet 1972, p. 24 : ‘there are 76 speeches set in pairs : usually an address or a question followed by a response’. 43  Voir Juvencus 1,  375-404 (épisode de la tentation, trois échanges de répliques) et 3, 498-520 (jeune homme riche, deux échanges). 44   ‘Déjà, en mon esprit, j’ai tout anticipé et j’ai intérieurement tout mené à  terme  … Q ue me reste-t-il  à  faire  ? Q uelle conduite dois-je tenir pour surmonter de si grandes épreuves ?’ (trad. Cazes). – À comparer avec le texte latin de Mc 10, 20 : haec omnia observavi ab adulescentia mea quid adhuc mihi deest (d’après la Vieille Latine, version européenne, D). 45  Voir surtout les vers 469-471, 475-477, 489-491. Pour l’analyse des stratégies intertextuelles complexes (en relation avec l’œuvre virgilienne, surtout le livre VI de l’Énéide, ainsi que différents passages bibliques) utilisées dans ce Sermon, voir Cataldo 2007 ; voir aussi Sineri 2013, p. 22-23 et 26, qui interprète ce passage du Centon comme une réaction à la politique antichrétienne de Julien l’Apostat. 46  Badini – Rizzi 2011, p. 190 : ‘Strettamente unito all’ultima parte del precedente discorso di Gesù è l’episodio del incontro con il giovane ricco’.

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contredirait donc le principe de concentration typique – d’après Heinze  – des discours virgiliens 47. Pareillement, dans l’épisode de la tentation, Proba fait subir à Jésus une seule épreuve (la seconde des trois mentionnées dans les Évangiles), lors de laquelle le diable-serpent 48 lui propose de se précipiter d’en haut en se confiant à la protection divine sous la forme des ‘ailes des Zéphyres’ (pour les anges)  : voca Zephyros et labere pinnis  … ausus te credere caelo (v. 443-444) 49. Ici aussi, le principe virgilien de concentration ciblée paraît l’emporter sur la fidélité de la paraphrase du matériau narratif évangélique. Le dialogue de Dieu avec Adam, qui est le seul à avoir une structure légèrement plus complexe, est particulièrement instructif à ce propos. Il est précédé par une brève exclamation qui n’a pas de modèle direct dans le texte biblique (Procul, o procul este profani, v. 213) ; Proba l’a probablement ajoutée pour rendre explicite la ‘voix de Dieu’ qui inspire la peur aux protoplastes (voir Gn 3, 8 et audierunt vocem domini deambulantis in paradiso ad vesperam et absconderunt se Adam et mulier eius). Ensuite, la question de Dieu Adam, ubi es ? (de Genèse 3, 9), impressionnante par sa simplicité, est développée dans un énoncé de neuf vers qui décrit la situation de manière beaucoup plus claire et nette : ‘Infelix, quae tanta animum dementia cepit ? Q uis furor iste novus ? Q uo nunc, quo tenditis – inquit – 225 regnorum inmemores, | quae mentem insania mutat ? Dicite, | quae lucis miseris tam dira cupido ? Maturate fugam | totoque absistite luco : nec revocare gradum, | si quando adversa vocarint, est licitum ; | flammis ambit torrentibus amnis 230 47   Voir par exemple Heinze 1957, p.  405-406  : ‘Virgil vermeidet alles, was … den Leser nichts Neues lehren, sondern nur der Vollständigkeit wegen da sein würde’, et 414-415 : ‘Konzentration heißt ihr Prinzip’. 48  Pour la construction de ce personnage dans le Centon, voir Schottenius Cullhed 2015, p.  151  : ‘Proba intertwines the serpent  of   the Old Testament with the diabolos of  the Gospels, and a new character – based on typological links between Genesis and the Gospels – takes form’. 49  ‘Appelle les zéphyres, glisse sur leur ailes … ose te confier sans crainte au Ciel’ (trad. Cazes). Ce discours commence par une série de questions rhétoriques ayants valeur d’exclamations (Cento Probae 436-437 : Verane te facies, verus mihi nuntius adfers ? Q ui genus ? Unde domo ? Q ui nostra ad limina tendis ?), procédé souvent utilisé dans les discours de l’Énéide (Highet 1972, p. 113).

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per medium stridens | torquetque sonantia saxa attollitque globos flammarum et sidera lambit’. ‘Malheureux ! Q uel délire, quelle folie s’est donc emparée de toi ! Q uelle étrange démence vous a saisis ! Q ue voulez-vous donc  ? Oubliés, vos royaumes  ! Rompues, vos promesses  ! Q uel égarement vous perdit ? Répondez ! D’où tenez-vous, malheureux, ce sinistre goût pour la lumière  ? Allez  ! Disparaissez ! Q uittez ces bois et ne vous avisez pas d’y revenir, quand bien même les périls vous y pousseraient  ; je l’interdis. Un fleuve en borde l’entour par ses torrents de feu, ses sifflements emplissent le domaine, tandis que, roulant des rocs retentissants, il lance des boules de flammes et lèche les étoiles.’ (trad. Cazes)

Proba utilise ce bref discours pour exprimer l’émotion de Dieu dans une série de questions 50, pour anticiper sa décision de chasser le couple du Paradis (maturate fugam, v. 228), et aussi pour présenter une image, assez originale, du jardin paradisiaque protégé par un fleuve de feu. La réponse d’Adam, quant à elle, est une sorte de résumé du dialogue qui, dans le chapitre 3 de la Genèse, suit la question initiale – voir les citations des versets bibliques respectifs dans la colonne de droite (Gn 3, 10-12, Vieille Latine, version italienne, I) : ‘Tua me, genitor, tua tristis imago ‹…› 51 his posuere locis : | merui nec deprecor – inquit –, omnipotens, | sonitumque pedum vocemque tremesco 235 3, 10 vocem tuam audivi conscius audacis facti : | monitisque sinistris domine in paradiso et timui femina | fert tristis sucos tardumque saporem. 3, 12 mulier quam dedisti Illa dolos dirumque nefas sub pectore versans ipsa mihi dedit de ligno … insontem infando indicio | moritura puella, dum furit, incautum crudeli morte peremit : 240 suasit enim, | scis ipse, neque est te fallere cuiquam. Ut vidi, ut perii, ut me malus abstulit error, contigimusque manu | quod non sua seminat arbor.’ ... et manducavi

‘Père, c’est Ton image, oui, Ton image affligée […] nous ont établis en ces lieux ; je mérite mon châtiment, je ne voudrais   Voir la série de termes péjoratifs dans les quatre premiers vers (224-227) : infelix, dementia, furor, insanis, miseris, dira. Cf. La Fico Guzzo 2016, p. 92. 51  Après ce vers, les éditeurs supposent une lacune d’un ou de plusieurs vers, voir Fassina – Lucarini 2015, p. 22 ad loc. 50

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demander grâce, dit-il, ô Tout-puissant, je tremble au son de Tes pas, au son de Ta voix, car je sais l’audace de ma faute : suivant de funestes conseils, ma femme nous fit goûter à d’acides sèves, dont reste l’amertume. En son cœur, elle méditait ruse et abominable crime, et moi, innocent de tous, je tombai dans ses infâmes récits  ; la malheureuse, déjà perdue, déraisonnait et elle me fit périr par surprise, de la plus cruelle des morts. Car c’est elle qui m’a persuadé ! Tu le sais, Toi, rien ne T’échappe. Je la vis et déjà j’étais perdu : un fatal égarement m’avait emporté ! Nous avons porté la main sur le fruit de cet arbre qui nous était défendu.’ (trad. Cazes)

En somme, cette tirade d’au moins 11 vers remplace cinq répliques qui font suite au dialogue dans la Genèse : la réponse d’Adam à la question initiale (Gn 3, 10), un autre échange de répliques entre Dieu et Adam (3,  11 et 12), qui introduit le sujet de la nudité, complètement omis par Proba, et un échange final entre Dieu et Ève (3,  13). Il est significatif que dans cette parole, Proba n’ait fait entrer que le contenu des réponses d’Adam (3, 10 et 12) : les questions de Dieu y sont comprises implicitement, l’échange de question-réponse avec Ève n’apporterait rien de nouveau pour le lecteur (sauf la mention du serpent qui, dans la Genèse, sert de transition vers la parole finale de Dieu), et il est remplacé dans le Centon par la partie centrale, misogyne, de la réplique d’Adam (v. 236-240). Ces deux répliques illustrent deux types de stratégies que Proba utilise pour paraphraser les discours directs de son modèle biblique. Dans la réplique initiale de Dieu, en ajoutant toute une série de motifs concrets, elle opère une adaptation plutôt générale du récit biblique au genre de l’épopée héroïque et à son esthétique, beaucoup plus orientée sur le détail descriptif que ne l’est le style narratif biblique 52. En revanche, dans la construction de la réponse d’Adam, qui résume des motifs individuels de plusieurs répliques, Proba utilise la même méthode que dans le discours du Créateur analysé plus haut, ainsi que dans les deux brefs dialogues néotestamentaires mentionnés : à la recherche d’une expression condensée et homogène, elle élimine les éléments qui soit n’ont 52  Voir les observations d’Erich Auerbach dans le chapitre inaugural de sa Mimésis (Auerbach 1971, p. 5-27).

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pas de fonction précise, soit sont présents dans le texte de manière implicite. Ce dernier procédé – qui, de surcroît, paraît être utilisé de manière systématique à travers le poème entier – donne au Centon des traits non seulement épiques en général, mais plus spécifiquement virgiliens.

4. Monologues argumentatifs Pour les stratégies rhétoriques strictiore sensu, Richard Heinze constate une particularité du style virgilien, qui démarque très nettement l’Énéide des poèmes homériques : lorsqu’il s’agit de persuader leur interlocuteur, de le manipuler ou de lui présenter une demande, Virgile laisse souvent ses personnages enchaîner toute une série d’arguments différents et les mettre dans une structure réfléchie pour renforcer l’effet persuasif de l’énoncé. Ce procédé n’implique pas nécessairement une prolongation des répliques ; Heinze trouve de nombreux exemples de cette stratégie argumentative dans des énoncés de toutes longueurs – des discours prolongés, comme celui de Vénus devant Jupiter, dans lequel elle se plaint du sort d’Énée et des siens (Aen. 1, 229-253, inc. O qui res hominumque deumque …) 53, et celui de Didon adressé à Énée se préparant pour un départ clandestin (Aen. 4, 305-330, inc. Dissimulare etiam sperasti, pefide  …) 54, mais aussi, en une sorte de miniature, par exemple, dans la brève prière de Magus suppliant Énée lors de l’aristie de ce dernier (Aen. 10, 524-529, soit six vers seulement, inc. Per patrios manis …) 55. Virgile a donné un exemple magistral de cette stratégie dans le livre 5 de l’Énéide : en essayant de persuader Palinure d’aller dormir, le Sommeil, sous l’apparence de Phorbas, énumère au moins cinq arguments étroitement liés les uns aux autres, dans quatre vers seulement (Aen. 5, 843-846, inc. Iaside Palinure …), et le pilote les réfute l’un après l’autre dans une réplique de la même longueur 53   A propos de la structure argumentative de ce discours, voir Binder 2019, tome 2, p. 39 ad loc., et Highet 1972, p. 125-127. 54  Pour la construction de ce discours, voir Binder 2019, tome 2, p. 326-327 ad loc., Highet 1972, p.  133-137 (exemple de ‘discours persuasif’), et Heinze 1957, p. 425-426. 55  Voir Heinze 1957, p. 418, et Binder 2019, tome 3, p. 387 ad loc.

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(Aen. 5,  848-851, inc. Mene salis placidi voltum  …) 56. Dans le Centon de Proba, on trouve une scène semblable dans laquelle un être surhumain déguisé s’approche d’un humain pour le séduire – la scène de la tentation d’Ève. Dans la Genèse, le noyau de cet épisode est formé par un dialogue consistant en trois répliques (Gn 3, 1-5, Vieille Latine, version générale, L) : – une question du diable-serpent : quare dixit deus ne edatis ab omni ligno quod est in paradiso ? ; – la réponse d’Ève : ex omni ligno quod est in paradiso edemus,  a  fructu autem ligni quod est in medio paradiso dixit deus ne edamus sed neque tangamus ne moriamur ; – et la parole finale, décisive, du diable  : non morte moriemini, sciebat enim deus quoniam qua die ederitis ex illo aperientur oculi vestri et eritis sicut dii scientes bonum et malum. Procédant de la même façon que dans la plupart des exemples précédents, Proba réduit ce dialogue à une seule réplique du diable, en éliminant l’échange avec Ève qui ne fait que répéter ce qui a déjà été dit, dans le modèle biblique ainsi que dans le Centon, lors de l’avertissement de Dieu envers le premier couple 57 : ‘Dic, – ait – o virgo, | lucis habitamus opacis riparumque toros et prata recentia rivis incolimus : | quae tanta animis ignavia venit ? Strata iacent passim sua quaeque sub arbore poma, pocula sunt fontes liquidi ; | caelestia dona adtractare nefas ? | Id rebus defuit unum ! Q uis prohibet | causas penitus temptare latentes ? Vana superstitio ! | Rerum pars altera adempta est ! Q uo vitam dedit aeternam ? Cur mortis adempta est condicio ? | Mea si non inrita dicta putaris,

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56  Voir Heinze 1957, p. 418, et très brièvement aussi Binder 2019, tome 2, p. 486 ad loc. 57 Ainsi, le discours du diable correspond  à  la définition du monologue épique, donnée par Christiane Reitz et Simone Finmann : ‘Monologues : speeches that are incomplete representations of  dialogues or group conversations of  which only the opening speech or the reply are reported, but never the full speech exchange’ (Reitz – Finkmann 2019, p. 472). Ce que Heinze appelle ‘monologues’, correspond plutôt  à  la catégorie de ‘soliloques’ de Reitz et Finkmann  : ‘Soliloquies : secum speeches either of  groups or of  individuals with themselves’ (ibid.) et de Highet 1972, p. 157-160.

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auctor ego audendi | sacrata resolvere iura. Tu coniunx, tibi fas animum temptare precando. Dux ego vester ero : | tua si mihi certa voluntas, extruimusque toros dapibusque epulamur opimis.’

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‘Ainsi, fait-il, ô femme, nous habitons les bois ténébreux, nous hantons ces rives, ces prairies toujours fraiches auprès des ruisseaux. Q uelle incroyable mollesse s’est donc emparée de vos cœurs ? A terre, sous chaque arbre, vous attendent les fruits épars, pour boisson, les sources limpides s’offrent à vous. Mais ces dons célestes, défense d’y toucher ! Voilà bien le seul défaut de ce monde  ! Q u’est donc ce qui empêche de connaître en leur fond les causes cachées ? Q uoi d’autre qu’une vaine superstition ! La moitié du monde vous est interdite. Pourquoi vous donner alors de vivre sans fin ? Pourquoi vous épargner la condition de mortels ? Ne rejette pas mes conseils et je vais bien, moi, t’autoriser  à  dénouer courageusement tes engagements sacrés. Toi, tu es sa femme, il te revient de mesurer l’amour de ton époux par tes supplications. Moi, je vous guiderai, si je peux compter sur ta détermination. Édifions des lits de table et festoyons somptueusement.’ (trad. Cazes)

Dans la Genèse, le diable n’utilise qu’un seul argument pour persuader Ève : ils pourront atteindre la condition divine grâce à la connaissance reçue du fruit de l’arbre défendu (eritis sicut dii scientes bonum et malum, Gn 3, 5). Proba, en revanche, dans son Centon, fait tisser au diable toute une série d’arguments entrelacés  : il commence par dresser une image absurde du premier couple qui ne profite pas des fruits paradisiaques omniprésents, qui sont pourtant des ‘dons des cieux’ (caelestia dona, v.  187). Puis il conteste l’interdiction divine comme dénuée du fondement et la déclare fondée sur une ‘vaine superstition’ ou un ‘scrupule 58’ (quis 59 prohibet ?, v. 189 ; vana suprestitio, v. 190). Enfin, il suggère – de manière assez explicite (rerum pars altera 58  Voir Badini – Rizzi 2011, p.  170  : ‘Proba adopera il termine superstitio come “scrupulo” et l’aggettivo vana nel senso di “infondato” : infatti il serpente cerca di convincere Eva che non c’è motivo di temere e nega che ella ed Adam moriranno’. 59  Une partie des manuscrits importants, qui appartiennent  à  la famille Ψ (dont par exemple les Laudunenses 273 et 279 et le Vaticanus Reg. lat. 251, tous du ixe siècle), ainsi que l’édition de Schenkel (qui a servi de base à la traduction d’Hélène Cazes), portent la lectio facilior ‘quid’, qui rend l’argumentation du diable encore plus cohérente, car vana superstitio devient ainsi la réponse  à  la

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adempta est, v. 190) – que la vie du premier couple au Paradis, même libérée de la condition mortelle, est incomplète 60 : la partie manquante n’est pas nommée explicitement, mais pour les lecteurs qui connaissent le récit biblique, il n’est pas difficile de comprendre qu’il s’agit de la condition divine, l’argument ultime du diable selon la Genèse 61. Dans la partie finale de son discours, Proba laisse le diable proposer à Adam et Ève de le suivre (dux ego vester ero, v. 195) ; il se désigne lui-même comme auctor, soit par le même mot que Dieu a utilisé à la fin de son premier discours, pour mettre Ève en garde devant un insinuateur anonyme et rusé : nec tibi tam prudens quisquam persuadeat auctor conmaculare manus 62 (v. 153-154). Un tel monologue argumentatif diffère nettement du simple échange de quelques répliques concentré sur un seul argument, tel que Proba l’a trouvé dans son modèle biblique. Or, sa construction correspond très bien à celle de l’enchainement d’arguments que, dans l’épisode du livre 5 de l’Énéide cité plus haut, le Sommeil utilise pour tromper Palinure, et que Heinze considère comme caractéristique du style rhétorique virgilien.

5. Conclusion En comparant les discours directs du Centon avec leurs modèles bibliques – et, pour l’histoire de Jésus, avec aussi les paraphrases de ces derniers dans l’épopée biblique de Juvencus qui imitent la structure des monologues et des dialogues évangéliques de façon très stricte, sinon mécanique –, on constate toute une série de libertés que Proba s’est accordée de manière systématique pour question quid prohibet ?. Pour la tradition manuscrite de ce vers, voir Fassina – Lucarini 2015, p. 19 ad loc. 60   Voir Fassina – Lucarini 2015, p. 19 ad loc. : ‘videtur hic diabolus suggerere vitam nullius preti esse, si homo a tam multis rebus excludatur’. 61  Antonia Badini et Antonia Rizzi signalent que, de même, Proba ne désigne l’arbre de la connaissance du bien et du mal qu’indirectement, par allusion, et qu’elle compte donc avoir affaire à un lecteur au fait de l’histoire biblique ; voir Badini – Rizzi 2011, p. 170 : ‘Q uesto è uno dei passi del Centone che possono essere compresi solo da un lettore che, conoscendo il testo biblico, sia in grado di seguire la concatenazione dei fatti. Proba, ricorrendo all’allusione, chiama l’albero semplicemente arbos o arbor (v. 148 et v. 151) e venerabile lignum (v. 198) …’. 62  Voir plus haut, p. 30.

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adapter ces éléments à la forme qu’elle voulait donner, dans son poème, à la matière biblique 63 : – Elle réduit le nombre des discours bibliques, soit en les omettant entièrement, soit en regroupant des répliques courtes pour en faire naître une tirade plus longue – c’est le cas, par exemple, du discours du Créateur (v.  139-156), qui résume une douzaine de répliques accompagnant, dans les chapitres 1 et 2 de la Genèse, les étapes isolées de la Création. – Là où c’est possible, Proba simplifie la structure du dialogue, en éliminant les répliques qui n’apportent aucune information nouvelle ; soit elle remplace le dialogue biblique par une seule réplique (voir le monologue du diable lors de la tentation d’Ève, v. 183-196), soit elle réduit le nombre des échanges à un seul (voir les deux conversations de Jésus dans la partie néotestamentaire, avec le diable-serpent, v. 436-452, et avec le jeune homme riche, v. 512-527). – Sur deux points, Proba semble aller à l’encontre de la recherche de densité d’expression  à  laquelle visent les deux procédés mentionnés. Dans un seul cas (parmi les passages analysés ci-haut), elle développe un élément biblique très court, à savoir la question Adam, ubi es ?, pour en faire une tirade de questions, d’ordres et de motifs supplémentaires par lesquels Dieu confronte Adam en toute brutalité avec sa nouvelle situation 64. Pareillement, dans la scène de la tentation d’Ève, Proba étoffe le discours du diable en remplaçant l’unique argument mentionné dans la Genèse (Gn 3, 5) par un tissu argumentatif développé et bien ciblé. Par tous ces procédés, Proba remodèle la matière narrative de la Genèse et des Évangiles pour lui donner une nouvelle structure et l’adapter ainsi à la dynamique formelle de l’épopée ; les discours bibliques, avec toute leur variété, deviennent des discours épiques, c’est-à-dire des éléments structuraux de l’épopée. Étant donné   Cf. Aragione – Molinier Arbo 2020, p. 309 : ‘Proba se distingue également par une grande liberté face au texte biblique. On peut presque parler d’une véritable hardiesse, d’une audace, qui donne une couleur absolument surprenante à sa réécriture de l’histoire biblique.’ 64   Pour un autre exemple du même procédé, voir les paroles du Saint Esprit lors du baptême dans le Jourdain, v. 403-412, qui correspondent à un seul verset biblique. 63

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qu’il s’agit d’éléments purement formels – et non des éléments de contenu –, ils sont, à la différence du prooimion mentionné plus haut, repris tels quels : dans les passages analysés, je n’ai pu trouver aucun moment de subversion. Ils peuvent donc fonctionner comme des marqueurs génériques affirmatifs établissant un lien évident entre le poème de Proba et le genre de l’épopée. Mais il y a plus. Dans un seul cas, le procédé d’adaptation lie le Centon à l’épopée en général – la tirade de Dieu en colère, que Proba a considérablement élargie en ajoutant des détails supplémentaires. Ce procédé est à la fois rhétorique et épique : rhétorique, parce que la tirade se concentre sur l’émotion du personnage qu’elle présente de manière assez expressive ; épique, parce que la poétesse, en accord avec le ‘style’ de l’épopée, tel qu’analysé par Auerbach, présente à son lecteur une image de la situation beaucoup plus détaillée et concrète que ne le fait la question biblique originale (Adam, ubi es ?). Cette dernière tendance stylistique va de pair avec une autre que plusieurs des analyses ci-dessus ont mise au jour, le souci de cohérence narrative : par exemple, dès le début du discours concluant la Création, Proba met en valeur le motif des plantes comestibles (aux dépens de celui des animaux), pour préparer le motif du fruit de l’arbre défendu dans la partie postérieure ; à la fin du même discours, Dieu anticipe la suite de l’histoire, c’est-à-dire, la Chute ; il qualifie l’insinuateur anonyme d’auctor, mot par lequel le diable se désigne lui-même dans son discours lors de la tentation d’Ève (auctor ego audendi, v. 193). Une telle recherche de cohérence du récit est propre au genre épique en général, mais elle est plus caractéristique de l’épopée livresque, dotée d’une instance auctoriale qui peut surveiller chaque détail ainsi que la totalité de l’œuvre. Tous les autres procédés utilisés par Proba pour construire les discours directs dans son Centon, qu’il s’agisse de l’économie du dialogue, de celle de l’énoncé monologique ou des stratégies d’argumentation, montrent une inspiration spécifiquement virgilienne très forte. On peut en tirer la conclusion qu’elle ne se limite pas à reprendre de Virgile des fragments de texte et des structures isolées qu’elle peut évoquer par le biais de renvois intertextuels, mais qu’elle va jusqu’à lui emprunter des procédés et des stratégies, à l’occasion rhétoriques – et donc, qu’elle imite Virgile non seulement en tant que poeta, mais aussi en tant qu’orator. 41

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Abstract The Cento  of   Proba contains many elements  of   the epic genre, one  of   the most pronounced being the use  of   direct speech. There are twenty instances  of   direct speech ranging from one incomplete verse (line 213) to 28 verses (the paraphrase  of   the Sermon on the Mount, lines 469-496). Proba did not adopt their structure from her Biblical model (unlike Juvencus, for instance), but opted for free creation instead. The analyses presented in this study demonstrate that the author reduced the extent  of   direct speech, concatenated many short units into larger utterances, simplified dialogues (reducing the number  of   speakers and lines), avoided repeating what had already been said, but also increased the number of  arguments in persuasive speeches (without necessarily increasing their extent). Ever since Richard Heinze’s assertions published in 1903, all these elements have been regarded not as general markers  of   direct speech in epic, but more specifically as signs of  the Virgilian style. 44

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Virgile est l’auteur le plus cité par Donat 1 dans son commentaire de Térence, en dehors du comique lui-même et on peut même dire que les autres auteurs ne sont convoqués chez lui que de manière anecdotique. Nous savons de plus que Donat avait consacré un commentaire complet à l’œuvre du Mantouan, même si celui-ci ne nous est pas parvenu à l’exception de quelques bribes du début. Virgile occupe donc dans l’œuvre de Donat une place unique qui en fait en réalité l’auteur par excellence (ille dirait Donat, quand il ne cite pas le nom du poète), mais, pour le commentaire de Térence, cette prééminence virgilienne ne va pas sans poser question, d’abord parce que Térence et Virgile ne représentent pas du tout le même genre littéraire (il n’y  a  pas grand-chose de commun entre épopée et comédie sinon le fait d’être en vers) et que le regroupement des deux poètes d’ailleurs devenu classique dans le ‘quadrige’ scolaire suppose que le commentateur leur trouve des points communs suffisants. Or une partie de ces éléments communs relève sans doute de la fonction même du commentaire qui vise certes à expliquer les auteurs, mais dans l’optique bien précise d’une formation ora1   Ce que nous désignons sur le nom de Donat n’a, rappelons-le, qu’un rapport sans doute assez lointain avec l’œuvre réelle d’Aelius Donat, grammairien fameux pour ses artes. Voir à ce sujet dernièrement Cioffi 2018, p. 141-160, mais également Jakobi 1996, p. 5. Il ne fait aucun doute que ce que nous lisons sous le nom de Donat n’est pas tout Donat et il est possible qu’il n’y ait pas dedans que du Donat. Par commodité, nous nommons Donat comme les autres critiques le ou les rédacteurs de ce que nous lisons sous le nom du prestigieux grammairien dans les manuscrits.

Vergilius orator. Lire et commenter les discours de l’ Énéide dans l’Antiquité tardive, éd. par Daniel Vallat, STTA 20 DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.128625 (Turnhout 2022), pp. 45-69    ©             

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toire 2. Si les élèves du maître Donat sont destinés à devenir des oratores, et si les modèles qu’on leur présente sont des poètes, cela doit impliquer que de façon plus ou moins implicite ces auteurs soient vus comme des orateurs et que donc Virgile et Térence soient eux-aussi, sous un certain angle, des oratores. La première partie de cette contribution reviendra sur le poids de Virgile dans le commentaire de Donat, et en particulier le poids des discours virgiliens, mais ce poids ne pourra être clairement évalué que si l’on compare l’attitude de Donat vis-à-vis de Virgile aux débats contemporains sur le statut oratoire du poète. Dans une seconde partie nous verrons comment Donat rattache Virgile aux trois catégories oratoires de l’inventio, dispositio et elocutio à travers les exemples qu’il cite à l’appui des analyses de Térence, pour évaluer la part purement oratoire des emprunts virgiliens en particulier dans le cadre du commentaire d’un texte théâtral que le commentateur voit essentiellement comme une suite de débats oratoires.

1. Virgile orateur, le poids des discours virgiliens dans le commentaire de Donat et l’image du poète La part écrasante des citations virgiliennes dans le commentaire de Donat a déjà été remarquée. 528 citations proviennent du Mantouan 3 qui se répartissent sans surprise de la manière suivante  : 427 proviennent de l’Énéide, 53 des Géorgiques et 48 des Bucoliques 4. Seul Térence lui-même est plus cité. Il apparaît immédiatement que les Géorgiques sont sousreprésentées dans ce total, avec seulement 53 citations sur 2188 vers que compte le poème contre 48 prises aux 825 vers des Bucoliques 5. Le  Virgile de Donat est donc bien avant tout le poète 2   Sur le rôle du commentaire et celui du grammairien, voir Kaster 1980 et 1988. 3  Je compte ici les références différentes, compte non tenu des vers cités plusieurs fois par le commentateur. 4  On laissera ici de côté un fragment inconnu qui n’est peut-être pas de Virgile et on notera que Donat ne cite aucun poème de l’appendix. 5   Le ratio est intéressant : pour l’Énéide, il y a un vers cité en moyenne pour 23 vers, pour les Bucoliques un pour 17 et pour les Géorgiques un pour 41. De fait, ce sont les Bucoliques qui portent le ratio le plus faible, mais l’effet de masse fourni par les citations de l’Énéide doit évidemment être pris en compte, le poème épique étant presque 9 fois plus cité que les églogues.

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épique et bucolique, le poète didactique demeurant très en retrait. Si l’on cherche maintenant quelle partie du texte de l’épopée, récit ou discours, est citée le plus, on constate que Donat puise principalement son matériau dans les discours du poème épique : 287 citations proviennent de discours 6 contre 140 qui proviennent de passages narratifs. Cette proportion est absolument anormale et relève donc d’une pratique délibérée. En effet, si l’on considère la part des discours dans l’Énéide, elle s’élève au mieux à 46,75% si l’on prend comme un discours le long récit d’Énée 7. Même dans ce choix qui favorise le discours, Donat tend à sur-représenter les passages de style direct puisqu’ils forment 67,2% de ses citations, soit presque une fois et demi plus que ce qu’il trouve dans son texte de référence. Pour les Bucoliques, le problème se pose un peu différemment selon que l’on considère que ne sont au discours direct que les passages où des personnages parlent, ou que l’ensemble des Bucoliques est en fait écrit sous la forme de discours. Cette question était débattue dans l’Antiquité, mais quelle que soit la réponse que l’on apporte, elle confirme le goût de Donat pour les discours. Si l’on ne retient que les passages où parlent des personnages, les Bucoliques comptent 78,3% de discours, or chez Donat 83,3% des citations proviennent de ces passages. Q uant aux Géorgiques, le mode énonciatif du poème interdit toute analyse de ce genre, et il nous suffira de noter qu’il est en réalité marginalisé par le commentateur pour confirmer ce que nous venons de noter : pour Donat, Virgile est bien un orateur, ou plus exactement un créateur de discours direct. Si l’on rapporte cette constatation  à  la théorie générique de l’épopée, telle que la définit à peu près à la même époque Diomède 8, Donat insiste 6  Étant donnée la nature particulière de leur énonciation, nous incluons dans les discours les passages d’interlocution qui relèvent de la uox poetae. Nous les traiterons cependant à part dans l’examen du sort que leur réserve le commentateur. 7  Si on l’exclut, le pourcentage tombe à 37,1%. 8  Diomède 1, 482 Keil : Aut enim actiuum est uel imitatiuum, quod Graeci dramaticon uel mimeticon, aut enarratiuum uel enuntiatiuum, quod Graeci exegeticon uel apangelticon dicunt, aut commune uel mixtum, quod Graeci κοινόν vel μικτόν appellant. Dramaticon est uel actiuum in quo personae agunt solae sine ullius poetae interlocutione, ut se habent tragicae et comicae fabulae ; quo genere scripta est prima bucolicon et ea cuius initium est ‘quo te, Moeri, pedes ?’ Exegeticon est uel

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sur le côté imitatif (mimétique) de l’épopée au détriment de son côté explicatif. Ce qui semble pour lui faire le lien entre l’Énéide et Térence est bien l’art oratoire de Virgile, la manière dont il sait faire parler ses personnages. Il y a certainement à cela une raison pragmatique liée à l’utilisation du commentaire dans l’enseignement. On sait que les discours sont des morceaux de choix de l’enseignement, au point que, pour les Histoires de Salluste, on a pu les abstraire du reste et ainsi les conserver. Il est donc normal que le professeur Donat indique  à  ses élèves des points de comparaison avec les passages virgiliens qui leur sont les mieux connus, mais cela suffit-il à expliquer cette sur-représentation  ? Cette explication technique et didactique ne saurait suffire à expliquer la sélection assez nette par Donat des passages de discours pour illustrer ses commentaires. Et c’est ici que se pose la question de l’image que le grammairien peut avoir de Virgile et qui expliquerait son choix. Dans la Vita Vergilii qu’il avait placée en tête de son commentaire virgilien, aujourd’hui perdu, Donat faisait état de l’incapacité dans laquelle Virgile avait été de mener une carrière au forum 9, mais, bien évidemment, les chefs-d’œuvre du poète avaient fait oublier cette piteuse carrière d’orateur et, enarratiuum in quo poeta ipse loquitur sine ullius personae interlocutione, ut se habent tres georgici et prima pars quarti, item Lucreti carmina et cetera his similia. Κοινόν est uel commune in quo poeta ipse loquitur et personae loquentes introducuntur, ut est scripta Ilias et Odyssia tota Homeri et Aeneis Vergilii et cetera his similia, ‘[Un poème appartient en effet soit au genre] actif que l’on peut aussi dire imitatif, ce que les Grecs nomment dramatikos ou mimétikos, ou bien explicatif et énonciatif, en grec exégétikos ou apangeltikos, ou bien encore commun ou mêlé ce que les Grecs appellent κοινός ou μικτός. Le genre dramatique que l’on peut aussi nommer actif est celui dans lequel les personnages agissent seuls sans aucune intervention du poète, comme cela se passe dans les pièces tragiques et comiques ; dans ce genre on trouve aussi la première Bucolique et celle qui commente par quo te, Moeri, pedes ?. Le genre exégétique ou explicatif est celui dans lequel le poète lui-même parle sans aucune intervention de personnage, comme les trois Géorgiques et la première partie de la quatrième, les poèmes de Lucrèce et autres semblables. Le genre κοινός, que l’on peut aussi dire commun, est celui dans lequel le poète lui-même parle et où l’on introduit des personnages parlants, comme dans la totalité de l’Iliade et de l’Odyssée et l’Énéide de Virgile et autres poèmes de ce genre’. 9 Donat, Vit. Verg. 3, 28 Brummer : Egit et causam apud iudices unam omnino nec amplius quam semel. Nam et in sermone tardissimum ac paene indocto similem fuisse Melissus tradidit, ‘Il ne plaida devant les juges qu’une seule fois et pas davantage ; de fait quand il parlait il était extrêmement lent et ressemblait presque à un homme sans instruction, à ce que rapporte Mélissus’.

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bien avant Donat, le poète avait acquis le droit d’inspirer les orateurs 10. Toutefois le débat retrouve visiblement au ive siècle une acuité nouvelle que l’on retrouve sans aucune difficulté chez deux auteurs sans doute postérieurs  à  Donat, Tibérius Donat et Macrobe 11. Tibérius impose clairement dès le début de son poème la figure de Virgile orateur (Ti.  Don., Interp. Verg. I, proem., 4, 23 Georgii) 12 : Si Maronis carmina conpetenter attenderis et eorum mentem congrue conprehenderis, inuenies in poeta rhetorem summum atque inde intelleges Vergilium non grammaticos, sed oratores praecipuos tradere debuisse. 10   Le jugement de Sénèque le Père sur Virgile montre que le poète a d’abord été lu pour ce qu’il était, un poète, avant d’être ‘annexé’ par les rhéteurs (Contr. 3, praef. 8) : Ciceronem eloquentia sua in carminibus destituit ; Vergilium illa felicitas ingenii ‹in› oratione soluta reliquit  ; orationes Sallustii in honorem historiarum leguntur ; eloquentissimi uiri Platonis oratio, quae est pro Socrate scripta, nec patrono nec reo digna est, ‘Cicéron est abandonné par toute son éloquence dans ses poèmes, Virgile en prose ne retrouve plus l’heureuse inspiration de son génie ; les discours de Salluste sont lus pour faire honneur à ses Histoires ; quant à ce modèle d’éloquence qu’est Platon, le discours qu’il écrivit pour la défense de Socrate n’est digne ni d’un tel avocat ni d’un tel accusé’. Q uintilien, de son côté, accorde certes à Virgile d’avoir parfaitement su manier les figures nécessaires à l’orateur, mais il distingue clairement les deux et ne saurait faire de Virgile un orateur (I.O. 8, 3, 79) : Redditio autem illa rem utramque, quam comparat, uelut subicit oculis et pariter ostendit. Cuius praeclara apud Vergilium multa reperio exempla, sed oratoriis potius utendum est, ‘L’apodose place pratiquement sous les yeux et montre les deux choses qu’elle compare ; de cela, je trouve chez Virgile de multiples exemples, mais ce sont plutôt les orateurs qui doivent s’en servir’. Ce n’est que Tacite, sans doute à la faveur d’une modification du goût qui admet désormais, au moins dans l’esprit de certains, la présence de poétismes dans le discours judiciaire, qui indique clairement Virgile comme modèle oratoire (dial. 20,  5)  : Exigitur enim iam ab oratore etiam poeticus decor, non Acci aut Pacuui ueterno inquinatus, sed ex Horati et Vergili et Lucani sacrario prolatus. Horum igitur auribus et iudiciis obtemperans nostrorum oratorum aetas pulchrior et ornatior extitit, ‘on  exige en effet de l’orateur aussi une parure poétique, non pas marquée au coin de la vieillerie d’Accius ou de Pacuvius, mais tirée du trésor d’Horace, Virgile et Lucain. En réglant sa parole sur les oreilles et le jugement de ces auteurs-là, la génération de nos orateurs s’en est trouvée embellie et a gagné en raffinement’. 11  Pour Macrobe cela ne fait aucun doute, puisque l’on s’accorde à placer sa naissance dans la vieillesse de Donat, pour Tibérius Donat, les avis sont plus nuancés, certains le plaçant au ive siècle, mais la datation la plus vraisemblable est soit la toute fin du ive siècle, soit bien plus vraisemblablement le début du ve, et les années 430. L’analyse qui suit se fonde pour partie sur Jakobi 1996, p. 141-143, auquel nous renvoyons le lecteur, sans toutefois partager ses conclusions. 12  Sur ce point, voir la contribution de M. Squillante dans le présent volume. Nous passons rapidement et renvoyons à son travail.

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‘Si tu prêtes aux poèmes de Virgile attention et compétence et si tu saisis leur esprit comme il doit l’être, tu trouveras en la personne du poète un modèle de rhéteur et tu comprendras qu’il faudrait confier l’étude de Virgile non aux grammairiens, mais aux meilleurs orateurs.’

La remarque de Tibérius ne peut alors manquer d’être lue comme une pique aux grammatici, dont Donat, qui s’emparent de Virgile sans percevoir, selon lui, le véritable esprit du poème que seul l’orateur (et donc le rhéteur) peut percevoir comme il le faut 13. Il apparaît donc ici un conflit interprétatif dont Macrobe se fait parfaitement l’écho. Une partie de la discussion sur Virgile porte sur la question de savoir s’il est un orateur. Au livre 1, Évangélus, qui n’est pas avare de critiques contre Virgile, envisage le fait qu’on le considère comme un orateur comme un détournement de sa nature propre et Symmaque lui répond en lançant le débat : Et ne uidear uelle omnia unus amplecti, spondeo uiolentissima inuenta uel sensa rhetoricae in Vergiliano me opere demonstraturum, Eusebio autem, oratorum eloquentissimo, non praeripio de oratoria apud Maronem arte tractatum, quem et doctrina et docendi usu melius exsequetur. Reliquos omnes qui adestis impense precatus sim, ut quid uestrum quisque praecipuum sibi adnotauerit de Maronis ingenio, uelut ex symbola conferamus. ‘Et afin qu’on ne croie pas que je veuille moi seul tout embrasser, je ne m’engage qu’à démontrer, dans l’ouvrage de Virgile, les plus fortes conceptions et les plus puissants artifices de la rhétorique. Mais je n’enlève point à Eusèbe, le plus éloquent de nos orateurs, le soin de le considérer sous le rapport de l’art oratoire : il s’en acquittera mieux que moi par son savoir, et par l’habitude qu’il a d’enseigner. Vous tous enfin qui êtes ici présents, je vous conjure instamment de mettre en commun, chacun pour sa part, vos observations particulières sur le génie de Virgile.’

Après l’exposé de Symmaque et celui d’Eusébius, le débat a progressé et au début du livre 5, apparaît un consensus, qui relève de   Notons que Servius ne dit jamais que Virgile est un orator. Il indique ce qui est dit oratorie, mais ne va jamais jusqu’à l’équivalence posée par Tibérius Donat. Mais, nous dirait ce dernier, cela est normal car il n’est qu’un grammaticus ! 13

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l’accord des doctes sur la personne de Virgile, avant que le débat ne rebondisse sur la question du parallèle entre Virgile et Cicéron : Post haec cum paulisper Eusebius quieuisset, omnes inter se consono murmure Vergilium non minus oratorem quam poetam habendum pronuntiabant, in quo et tanta orandi disciplina et tam diligens obseruatio rhetoricae artis ostenderetur. Et Auienus, ‘Dicas mihi, inquit, uolo, doctorum optime, si concedimus, sicuti necesse est oratorem fuisse Vergilium, siquis nunc uelit orandi artem consequi, utrum magis ex Vergilio an ex Cicerone proficiat  ?’ ‘Video quid agas, inquit Eusebius, quid intendas, quo me trahere coneris, eo scilicet quo minime uolo, ad comparationem Maronis et Tullii.’ ‘Eusèbe s’étant arrêté en cet endroit, afin de prendre un peu de repos, toute l’assemblée fut d’accord pour reconnaître dans Virgile l’orateur aussi bien que le poète, et l’observation aussi exacte des règles de l’art oratoire que de celles de la rhétorique. “Dis-moi, ô le premier des docteurs, dit Aviénus à Eusèbe, si l’on consent, comme il le faut bien, à mettre Virgile au rang des orateurs, maintenant, l’homme qui étudie l’art oratoire, lequel devra-t-il préférer, de Virgile ou de Cicéron ?” “Je vois, dit Eusèbe, ton intention, où tu prétends venir et m’amener c’est à établir, entre les deux écrivains, un parallèle que je veux éviter”.’

La comparaison, qu’Eusèbe présente comme banale ou en tout cas déjà bien connue, entre Virgile et Cicéron, renvoie clairement aux termes du même débat que celui que l’on trouvait chez Tibérius Donat. Considérer Virgile comme un orateur semble acquis par le consensus des doctes, la question étant de savoir s’il peut être donné comme modèle à l’éloquence en prose ou s’il doit être considéré comme un modèle de créateur de discours en poésie. Le lien avec Térence surgit alors dans les termes mêmes du débat chez Eugraphius, successeur de Donat pour commenter le Comique. Chez lui, le débat se trouve reconfiguré en prenant en compte la conclusion à laquelle était arrivé Macrobe : Virgile excelle dans la rhétorique poétique et Cicéron dans la rhétorique de la prose. Ce qui devient chez Eugraphius (And. Praef. 3 Wessner) : Cum omnes poetae uirtutem oratoriam semper uersibus exequantur, tum magis duo uiri apud Latinos, Virgilius et Teren51

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tius. ex quibus, ut suspicio nostra est, magis Terentii uirtus ad rationem rhetoricae artis accedit, cuius potentiam per comoedias singulas ut possumus explicabimus. ‘S’il est vrai que tous les poètes recherchent toujours dans leurs vers la qualité oratoire, cela n’en est que plus vrai dans le domaine latin de deux poètes, Virgile et Térence, parmi lesquels, si nous suivons notre intuition, la qualité de Térence se rapporte davantage aux règles de l’art oratoire, dont nous allons expliquer l’autorité en cette matière, selon nos possibilités, en prenant comédie par comédie.’

Ce détour par d’autres critiques virgiliens et térentiens nous conduit à une conclusion assez paradoxale : Donat semble se situer dans le débat, puisqu’il anticipe sur ce que dira ensuite Evanthius dans le lien qu’il établit entre le dialogue térentien et les discours virgiliens, mais il le fait,  à  la différence de Tibérius, Macrobe et Eugraphius, de manière totalement implicite, comme le fera également Servius. Cela est d’autant plus troublant que, si l’on met de côté le plus tardif Eugraphius, Servius et Donat se rejoignent sur leur silence à propos de ce débat, comme si les grammatici de profession, à la manière d’Eusèbe, refusaient d’entrer dans la discussion, alors même qu’ils auraient toute la compétence pour y intervenir. On voit d’ailleurs dans les Saturnales que Servius ne répond qu’à des questions de grammaire, de stylistique ou de lexique et se garde d’intervenir sur le fond du débat. Il nous reste donc à voir si, à défaut de le faire explicitement, la pratique de Donat citateur des discours de Virgile, introduit implicitement ce dernier comme un orator accompli qui, avec Térence, a poussé à son plus haut degré de perfection l’éloquence poétique.

2. Le Virgile de Donat est-il un Vergilius orator ? Puisque Donat ne dit jamais explicitement que Virgile est un orateur 14, il faut prendre des chemins détournés pour saisir si et com14  Ce silence est probablement voulu, car s’il emploie 53 fois l’adverbe oratorie, le commentaire ne le met que deux fois en relation directe avec un passage virgilien, une fois au tout début du commentaire : And. 8, 5 : Et oratorie quasi multos facit, cum unum supra dixerit, ut Vergilius ‘desiste manum committere T.’,

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ment il rapproche l’œuvre de Virgile de la pratique oratoire. Pour mener cette enquête, nous partirons des trois éléments fondamentaux de la constitution d’un discours dont se préoccupe Donat, l’inventio, la dispositio et l’elocutio 15 et nous chercherons ce qu’apportent à l’analyse du commentateur les citations virgiliennes et les raisons possibles de leur choix 16. 2.1. L’inventio et Virgile C’est à propos de l’inventio que l’on trouve l’indice le plus probant de l’utilisation de Virgile comme un orateur et donc de la conception qui ferait de lui un orator 17. En Hec. 475, 2, après avoir ‘Et il utilise un pluriel oratoire, bien qu’il ait utilisé au-dessus un singulier, comme Virgile : desiste manum committere Teucris (“Cesse de t’en prendre aux Teucères”) (Aen. 12, 60)’ et en Ade. 774 : potastis scelus : non quia plus uidet quam obicitur oculis, sed oratorie potastis dixit, cum unum ebrium cernat, propter illud quod ait ‘exemplum disciplinae’, quasi in omnibus sit, quod in uno nunc aspicitur. Vergilius ‘et crimine ab u. d. o.’, ‘potastis scelus : ce n’est pas que le vieillard voie plus que ce qui s’offre à ses yeux, mais c’est de façon oratoire qu’il utilise le pluriel potastis, bien qu’il ne voie qu’un seul ivrogne, à cause de sa formule exemplum disciplinae, comme si tous avaient en eux ce qu’on distingue dans un seul exemplaire. Virgile : et crimine ab uno disce omnis (“et d’un seul crime apprends à connaître tous les Grecs”) (Aen. 2, 65)’ (on peut peut-être y adjoindre Hec. 387, 1-2, en considérant que la citation virgilienne illustre encore ce qui est dit oratorie). Même s’il cite également une fois Salluste (Pho. 130, 3), l’emploi de l’adverbe est disjoint de toute forme de comparaison avec un modèle oratoire. Son but est donc d’illustrer en quoi Térence précisément peut être utile à l’orateur, non de montrer une pratique partagée par d’autres écrivains. Q uand il emploie oratorie, le commentateur vise la dimension exemplaire du seul Térence. 15  Cf. Cic. Inv. 1, 7, 9 : Inuentio est excogitatio rerum uerarum aut ueri similium, quae causam probabilem reddant ; dispositio est rerum inuentarum in ordinem distributio ; elocutio est idoneorum uerborum et sententiarum ad inuentionem accommodatio, ‘L’invention consiste à trouver les arguments vrais ou vraisemblables, propres  à  rendre notre cause convaincante. La disposition consiste  à  mettre en ordre les arguments que l’on a trouvés. Le style adapte à ce que l’invention fournit des mots et des phrases appropriés’ (trad. Achard). Nous ne dirons rien ici de la memoria et de la pronuntiatio/actio dans la mesure où ces éléments sont soit absents (la memoria), soit clairement orientés dans une autre perspective que la perspective oratoire (la pronuntiatio chez Donat est liée clairement à la dramaturgie et non à l’art oratoire). 16  Sur cette question voir Jakobi 1996, p. 133-143, avec les remarques que nous faisons dans Bureau 2017 sur l’importance de l’analyse rhétorique chez Donat. 17  Curieusement ni ce passage ni le suivant ne sont cités par Jakobi 1996. Cela conduit sans doute à restreindre trop la vision que ce critique a de l’enseignement de Donat sur l’inventio.

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commenté comme une paronomase le tour illa quae in me nunc iniqua est aequa [de me dixerit] (‘elle qui est maintenant injuste envers moi aura dit des choses justes’), le grammairien enchaîne : Et bonum argumentum, nam et Vergilius ‘ipse hostis Teucros i(nsigni) l(aude) f(erebat) (Aen. 1, 625)’ inquit et Cicero ‘te ipso teste nequam atque improbo, uerum ad hanc rem t(amen) i(doneo), te, inquam, t(estem) d(ocebo) (Verr. 2, 1, 83)’. ‘Et c’est un bon argument, car Virgile dit aussi : “lui-même tenait les Teucères, ses ennemis, en haute estime”, et Cicéron : ‘“par ton propre témoignage, homme méprisable et malhonnête, et cependant important dans cette affaire, par ton propre témoignage, dis-je, je prouverai…”.’

C’est l’éloge par l’adversaire qui est ainsi considéré comme un ‘bon argument’, et le bon orateur est ici Didon faisant l’éloge des Troyens à travers la voix de Bélus, son père 18. Le rapprochement explicite entre Térence, Cicéron et Virgile impose ici clairement les deux poètes comme les égaux de l’orateur et relève parfaitement de la topique du Vergilius orator. Or cet exemple demeure isolé car nulle part ailleurs le commentateur ne renvoie aussi clairement  à  la figure de l’orateur. Au contraire, il loue l’inventio de Térence et celle de Virgile, mais en tant que l’inventio de poetae boni et non d’oratores :

18  De la même façon, le renvoi  à  l’inventio est évident dans un passage de l’Andrienne où le grammairien recourt au verbe inuenit pour comparer l’inventio térentienne et celle de Virgile (And. 130)  : ad flammam accessit imprudentius : inuenit affectum sororis, unde omnes uinceret : ceteri enim flent, haec flammae se ingerit. Sic Vergilius ‘exstinctum n. c. f. D. cum complexa s. c. m. n., atque deos a. a. u. c. m.’, ‘ad flammam accessit imprudentius : il invente chez la sœur une attitude qui lui permet de les dépasser tous : car tous les autres pleurent, mais elle s’apprête à se jeter dans les flammes. Ainsi Virgile : exstinctum nymphae crudeli funere Daphnin… cum complexa sui corpus miserabile nati atque deos atque astra uocat crudelia mater (“quant à Daphnis dont la vie s’est éteinte en une mort cruelle, les Nymphes… quand embrassant le corps lamentable de son fils la mère appelle les dieux et les astres cruels”) (Buc. 5, 20 et 22-23)’. Cioffi 2018, p. 249 à la suite de Nicolas – Bureau 2006 souligne clairement dans son apparat qu’il y a ici une difficulté dans l’omission du vers 21, puisque c’est lui qui contient flebant. La citation telle que transmise par les manuscrits semble donc erronée. Sur la portée de cette citation qui fait en réalité plus de Virgile un auteur dramatique qu’un orateur, voir ci-dessous notre analyse de Pho. 273, 1 où ce mécanisme est beaucoup plus clair.

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Hec. 274,  3  : Et uide sententiam defensionem accusatarum socruum continentem contra illud, quod ait ‘itaque uno animo omnes s. o. n.’ ; officium enim poetae boni est nullum genus hominum specialiter laedere. sic Vergilius ‘quod saepe malae legere nouercae’, id est : non omnes nouercae, sed tantum malae. ‘Et voyez la sentence contenant la défense des belles-mères accusées en réponse  à  ce qu’il dit  : itaque uno animo omnes socrus oderunt nurus (Hec. 201) ; en effet la charge d’un bon poète est de ne pas outrager une sorte de gens en particulier. Virgile (Geo. 3, 282) : quod saepe malae legere nouercae (“que de méchantes marâtres ont souvent recueilli”), c’est-à-dire : pas toutes les marâtres, mais seulement les méchantes.’

La catégorisation, qui accompagne ici une citation des Géorgiques dont on ne peut déterminer si le grammairien la considère comme issue d’un discours, brouille assez nettement les pistes, car, en réalité, l’enjeu est bien sans doute rhétorique plus que poétique. On retrouve en effet cette idée chez Cicéron (inv.  1,  54,  103) qui considère que desservent leur argumentation ceux qui s’en prennent : in eos, qui neque laedere alium nec se defendere potuerunt, ut in pueros, senes, mulieres ; quibus ex omnibus acriter excitata indignatio summum in eum, qui violarit horum aliquid, odium commovere poterit. ‘à ceux qui n’ont pu ni faire du tort à autrui ni se défendre, comme aux enfants, aux vieillards, aux femmes ; tout cela est propre  à  exciter contre celui qui  a  violé l’une de ces règles une violente indignation qui pourra lui attirer la plus grande haine.’

Il y a donc de nouveau un certain paradoxe à énoncer une règle oratoire tout en la qualifiant de poétique et à dissocier dans ce cas les modèles oratoires et poétiques, alors qu’en réalité les deux parlent exactement de la même chose. Cela est d’autant plus troublant que le commentateur ne se prive pas d’utiliser Térence et Virgile dans le cadre d’une inventio en contexte proprement judiciaire : Pho. 273,  1  : sed si q uis forte malitia fretus sua  : quasi non defensurus sed simul causam cogniturus aduenerit, non contendit uerum esse id quod dicit, ne sollicitum faciat 55

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ad credendum. sic apud Vergilium Sinon ‘dum uela darent, si forte dedissent’. ‘sed si q uis forte malitia fretus sua  : comme s’il ne se présentait pas pour le défendre, mais pour instruire la cause, il ne soutient pas que ce qu’il dit est vrai, afin de ne pas forcer Démiphon à le croire. Ainsi chez Virgile, Sinon dit (Aen. 2, 136) : dum uela darent, si forte dedissent ‘jusqu’à ce qu’ils prennent le large, si d’aventure ils le prenaient.’

Pourtant la citation revêt ici un caractère surprenant qui réside évidemment dans le choix du modèle, un traître qui tient un discours spécieux 19. Or la clé de la représentation que se fait Donat du rapport entre l’inventio virgilienne et l’inventio térentienne est sans doute là. Si le poète est un orateur, ce n’est pas tant en ce qu’il traite d’un matériau proprement oratoire, ou même qu’il met en scène des discours de type oratoire, mais dans le fait qu’il a le génie de construire une parole qui convient exactement à la situation. De fait, il rejoint un précepte commun aux oratores et aux poetae puisqu’on le trouve chez Cicéron et chez Horace, l’adaptation du discours au contexte et au personnage qui le prononce 20. Les passages où Donat rapproche l’inventio térentienne de l’inventio virgilienne confirment assez nettement l’ambiguïté que le grammairien prête à la figure du poète mantouan. Certes, il utilise Virgile pour illustrer chez Térence d’heureuses inventions, mais, de même que jamais il ne dit dans les passages plus géné19  On peut comparer ce passage à Hec. 284, 1 : ubivis gentium agere : detestatio magna praesentis loci eligere quamuis terram uel quamuis gentem, quam eam in qua est. Vergilius ‘tollite me, Teucri, quascumque abd. t.’, ‘ubivis gentium agere  : c’est une grande manifestation de haine contre le lieu présent que de choisir n’importe quelle terre ou n’importe quelle nation plutôt que le lieu où l’on se trouve. Virgile (Aen. 3, 601) : tollite me, Teucri, quascumque abducite terras (“Troyens, recueillez-moi, emmenez-moi n’importe où sur cette terre”)’. Il s’agit cette fois d’un personnage qui est positivement connoté, Achéménide, qui a été ‘oublié’ par Ulysse. On voit ainsi comment le contexte influe sur le choix de la citation (voir Bureau 2010). Dans le cas de l’intrigant Phormion, il s’agit de le rapprocher de quelqu’un d’aussi malin que lui, et le pauvre Pamphile, qui se croit trompé, montre ce qu’il croit être une souffrance totalement légitime et en tout cas sincère. 20  Cf. par exemple Horace, ars 112-118 et Cicéron, orat. 3, 53 : qui idem ita moderantur, ut rerum, ut personarum dignitates ferunt, ii sunt in eo genere laudandi laudis, quod ego aptum et congruens nominem, ‘ceux qui règlent leur parole comme le veulent la dignité des faits et des personnes, ceux-là doivent être loués pour cette sorte de qualités que j’appellerais convenance et cohérence’.

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raux que Virgile est un orateur, de même il ne va jamais jusqu’à clairement donner de lui cette image dans l’inventio 21. Cela pourtant ne l’empêche pas d’utiliser Virgile dans des cas où l’inventio paraît relever de l’art oratoire (essentiellement judiciaire 22), mais sans jamais doter le poète de la persona de l’orator comme on a vu d’autres lecteurs du Mantouan le faire. 2.2. La dispositio Pour ce qui relève de la dispositio 23, le grammairien se livre de nouveau à des comparaisons qui rapprochent essentiellement les méthodes de persuasion  à  travers l’agencement savant des éléments du discours. Il s’agit donc bien ici de comparer Térence avec l’art oratoire que Virgile prête à ses personnages. Dans ce cas, le grammairien peut modifier le contexte des deux textes qu’il compare, pour insister sur le caractère agonistique, voire judiciaire du débat qui pousse à rechercher une dispositio qui emportera la conviction. Ainsi en Hec. 114, 1 : hanc Bacchidem amabat ut cummaxime  : eiusmodi haec tota narratio est, ut defensionem adulescentis continere uideatur, quod meretricem amicam necessitate coactus deseruerit. Mire igitur unde quaestio est, inde coepit : amabat, 21   A propos de l’inventio chez Donat, il faut sans doute corriger cette affirmation de Jakobi 1996 (note 436) qui synthétise son argumentation sur l’inventio chez Donat : pour lui c’est ‘ein Mittel zur Steigerung des Bühnenspaßes’. En réalité, l’inventio est le moyen de fournir aux personnages une parole efficace, autrement dit une parole-action qui permette d’obtenir ce que chacun désire. C’est donc une véritable quête de la persuasion. Voir sur ce point Bureau 2017. Virgile fournit alors en poésie des points de comparaison pour cette efficience de la parole. 22  Le rapprochement entre le dialogue de théâtre et les batailles d’argument du forum est absolument trivial chez Donat (Jakobi 1996, p. 135-137 et 142 ; Bureau 2010 et 2017) qui repère systématiquement les structures de controverses et de délibératives (voir par exemple Pho. 990). Cela confirme évidemment la quête par le grammairien, à travers le modèle térentien, d’une parole persuasive et efficace. 23  Il est bien entendu qu’il y a une part d’arbitraire à rattacher tel commentaire de Donat plutôt à la dispositio qu’à l’inventio voire à l’elocutio. Le grammairien ne donne guère d’information sur la catégorie dont relèvent ses remarques, mais cette incertitude ne change en fait rien aux résultats de la présente enquête. On peut placer dans une autre catégorie telle ou telle scholie sans que la portée globale de l’image virgilienne s’en trouve modifiée.

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inquit, Bacchidem. Sic et in secundo Vergilius, an fortiores Graeci Troianis, ‘fracti bello’, inquit ‘f. r. d. D.’. ‘hanc Bacchidem amabat ut cummaxime : toute cette narration est d’un genre à sembler contenir une défense du jeune homme, selon laquelle il aurait été forcé par la nécessité d’abandonner son amie courtisane. Il est donc remarquable qu’il commence là où est le problème  : “il aimait, dit-il, Bacchis”. Ainsi aussi dans le livre II Virgile, s’agissant de savoir si les Grecs sont plus forts que les Troyens, dit fracti bello fatisque repulsi ductores Danaum “détruits par la guerre et rejetés par le destin sont les chefs grecs” (Aen. 2, 13-14).’

La dispositio intervient ici doublement, d’abord dans la manière dont est structurée la narration, ce qui ne nous concerne pas directement ici, mais ensuite et surtout dans la manière dont Térence ouvre sa narration par la quaestio, autrement dit l’objet même du débat. Parménon doit effectivement défendre Pamphile son maître, parce qu’il s’est marié en délaissant apparemment Bacchis qu’il disait aimer de tout cœur. Il est alors évident que commencer le récit par la mention de cet amour est une forme de provocation qui va servir à montrer que Pamphile est une victime et non un coupable. De ce fait, on comprend comment Donat interprète le début du discours virgilien : Énée entend souligner que, sans leur ruse, les Grecs auraient très certainement été battus et auraient dû renoncer à prendre Troie. Ici clairement, le grammairien dépend des interprétations virgiliennes antérieures que nous retrouvons chez Tibérius Donat et dans le Servius auctus 24. Il ne fait alors aucun doute que la tradition d’un Vergilius orator impose ce rapprochement pour mettre en valeur une égale maîtrise chez  Ti. Don., Interp. Verg. I, 2, 148 Georgii : fracti bello fatisq ue repulsi ductores Danaum tot iam labentibus annis : satis subtilis et artificiosa narratio hominis scilicet uicti et eius qui uideatur sibi, suis et patriae adesse nequisse, eius cuius auxilium Didoni metuenti omnia debuit uideri necessarium, quod in spem certam uenire non potuit, nisi Aeneas primo personam suam iusta defensione purgasset, ‘la narration est assez subtile et conduite avec art de la part d’un homme certes vaincu et de quelqu’un qui a l’air de n’avoir pas pu soutenir les siens et sa patrie et pour qui le secours de Didon, même si elle redoute tout, a dû paraître indispensable, chose qu’il n’aurait pu espérer de manière certaine si d’abord Énée n’avait pas justifié sa personne par une juste défense’  ; de même chez l’auctor (ad Aen. 2, 13) : fracti bello : bene defendit causam suorum, quod in bello non inpares fuerint, ‘il défend comme il faut la cause des siens, en disant qu’ils n’ont pas été dans la guerre inférieurs à leurs adversaires’. 24

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Térence. D’ailleurs en un autre passage assez semblable, la uirtus oratoria des deux auteurs est explicitement affirmée et le rapprochement est cette fois explicité (Ade. 929, 1) : primum huius uxoris est mater : incipit a persuasione sed latenter, ita ut ea quae proposito consilio dicenda erant ante demonstrarit quam dicat quid fieri uelit. Et hoc semper fit ab oratoribus in his rebus, a quibus incipere non oportet propter turpitudinem aut incommoditatem rei, quae persuadenda est. Considera adeo apud Vergilium, ubi persuadet Iris matribus, ut naues suas incendant, et inuenies hoc ipsum consilium ultimum poni post argumenta quam plurima ‘quin agite et m. inf. exu. p.’. ‘primum huius uxoris est mater : il commence à vouloir le persuader, mais de façon latente, au point que ce qu’il fallait dire une fois le projet dévoilé, il le révèle avant de dire ce qu’il veut voir arriver. Et c’est ce que font toujours les orateurs à propos des faits par lesquels il convient de ne pas commencer en raison du caractère honteux ou fâcheux de la situation en faveur de laquelle il faut emporter l’adhésion. Considérez donc le passage de Virgile où Iris persuade les mères de brûler leurs vaisseaux, et vous verrez que ce conseil est mis en dernier après des arguments en très grand nombre : quin agite et mecum infaustas exurite puppis “allez, venez avec moi et incendiez ces navires de malheur” (Aen. 5, 635).’

Si le renvoi à la valeur oratoire du procédé chez Térence et Virgile est explicite, la scholie malgré sa taille demeure en grande partie implicite. Il faut comprendre que Déméa, le personnage térentien, va user de circonlocutions pour finir par proposer à Micion d’épouser la belle-mère d’Eschine, une pauvre veuve, qui n’est plus de la première jeunesse, mais dont il vante les qualités. De même Iris ne commence pas par ce conseil trop brutal, mais l’enveloppe de plusieurs considérations sur le bonheur possible des Troyens sur cette terre qui font que l’idée sera finalement naturelle. Dans ce cas particulier, l’insinuatio revient au même : donner à quelqu’un un conseil dont on sait qu’il le prendrait mal s’il était ouvertement donné. Le caractère technique de la ‘fiche’ ne fait ici aucun doute. Toutefois, la dispositio revêt parfois chez Donat un caractère ouvertement dramaturgique pour lequel il recourt nettement et 59

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exclusivement au sens du théâtre du Mantouan 25. Il s’agit alors d’une sorte d’exemple inverse  : le Mantouan illustre le savoirfaire de Térence en copiant ses inventions géniales. Un exemple tout à fait typique est And. 318, 1 : Charinum video s.  : non imperite Pamphilum priorem loqui fecit, sed ut fiduciam det Charino loquendi  ; quod et Vergilius eleganter ‘heus, inquit, iuuenes m.m. m. u. s. q. h. e. f. s.’. ‘Charinum video salve  : ce n’est pas sans savoir-faire qu’il fait parler Pamphile le premier, mais pour qu’il donne à Charinus l’assurance pour parler, ce que Virgile a fait avec élégance  : heus, dit-il, iuuenes, monstrate mearum uidistis si quam hic errantem forte sororum, “allez, jeunes gens, montrez-moi si par hasard vous avez vu errer par ici quelqu’une de mes sœurs” (Aen. 1, 321-322).’

On peut toutefois se demander si et comment le rapprochement est pertinent. En effet, dans l’Énéide, Vénus se déguise en chasseresse pour aborder Énée et lui fournir tous les renseignements dont il a besoin avant de rencontrer Didon. Dans le cas de Térence, la situation est beaucoup plus complexe : Pamphile, qui doit épouser Philumène qu’aime Charinus, ignore que celui-ci en est épris, alors que lui-même voit ce mariage arrangé par son père comme odieux, épris qu’il est de Glycère. L’enjeu est bien pour Térence de permettre à Charinus de débloquer une partie de la situation. En effet, en disant à son ami la vérité, il ne fait que renforcer chez Pamphile la détermination  à  ne pas épouser cette femme qui en aime un autre. Rien de cette subtile mise en scène n’est utile pour comprendre pourquoi Vénus aborde la première Énée et le seul point commun est qu’elle trouve un prétexte pour engager   Un exemple autre que celui que nous allons traiter en détail parce qu’il pose d’autres questions pourrait être Hec. 382, 1 : o mi Pamphile abs te q uamobrem  :  a  nomine incipit et blandimento, quia secreta confitetur, ut Vergilius ‘Anna, fatebor enim, m. p. f. S.’ a principio idem elaborauit, ut aduersus pudorem conscientiae uoce et confessione duraret, ‘o mi Pamphile abs te q uamobrem : elle commence par le nom et par quelque chose de doux, parce qu’elle avoue un secret. Virgile : Anna, fatebor enim, miseri post fata Sychaei “Oui, Anna, je l’avouerai, depuis la mort du pauvre Sychée” (Aen. 4, 20) élabore la même stratégie dès le début, de sorte que, combattant sa retenue, elle persévère dans l’expression de sa conscience et dans l’aveu’. On voit clairement ici que l’idée du grammairien est de souligner comment représenter une prise de parole pour aborder un sujet difficile. 25

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la conversation. La comparaison ici tourne en réalité court et le grammairien, même s’il loue l’élégance de Virgile, rapproche deux scènes qui paraîtraient sans rapport si Tibérius Donat ne donnait pas la clé : il s’agit d’une manière d’introduire une ruse, faire parler l’autre pour pouvoir ensuite reprendre la main. C’est ainsi qu’il commente le passage virgilien (Ti. Don., Interp. Verg. I, 68 Georgii) : certe et illud ad fallendum proficiebat, ut illa non tantum specie uirginis uerum etiam sermone transduceret inprudentis, ut ad interrogandi necessitatem uenire potuissent. Ipsa ergo prior coepit : heus, inquit, iuuenes, monstrate, ‘à coup sûr, voilà qui servait à sa tromperie : non seulement par son aspect de jeune fille, mais aussi par ses propos, elle mènerait ces imprudents  à  pouvoir en venir  à  l’obligation de la questionner  ; ainsi donc elle commence la première  : heus, etc.’

La manière dont Donat traite la dispositio virgilienne confirme donc l’idée que le grammairien considère avant tout les qualités oratoires de Virgile, comme en lien avec la théâtralité de son œuvre, mais cette théâtralité est pensée assez régulièrement en termes d’éloquence persuasive, sans nul doute car les élèves du maître se destinent à plaider 26. Virgile devient donc indirectement un orator dans la mesure où les exemples qu’il fournit au maître serviront à des oratores dont il est en quelque sorte le modèle pour certaines figures. Mais un autre élément apparaît dans ces scholies : Donat est tributaire pour ces commentaires (plus nettement que pour l’in  Ainsi, par exemple, l’ordonnancement de la matière tel qu’analysé par Donat en And. 69, 2 : mulier q uaedam : sic dixit, quasi ignoraret nomen eius paulo post Chrysidem nominaturus, sed ideo, ut gratam exspectationem faciat simulque auidum lectorem nominis audiendi reddat, ut Vergilius paulo post nominaturus ait ‘ecce manus i. i. p. t. r. p.’, ‘mulier q uaedam : il s’exprime ainsi comme s’il ignorait son nom alors que peu après il la nommera Chrysis, mais c’est pour créer une attente agréable et en même temps faire ardemment désirer au lecteur d’entendre ce nom, comme Virgile qui va le nommer peu après dit : ecce manus iuuenem interea post terga reuinctum pastores, “voici alors un jeune homme, mains liées dans le dos, que des bergers…” (Aen. 2, 57-58)’. Notons ici que la situation d’énonciation joue clairement puisque le long récit de Simon vise à éclairer Sosie (et le spectateur) sur les événements antérieurs à la pièce, comme Énée éclaire Didon sur ses aventures. 26

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ventio) de commentaires probablement préexistants de Virgile, puisque ses exemples ne s’éclairent que par la lecture d’autres commentateurs, sans doute tributaires des mêmes sources. Il y a donc fort  à  parier que, dans cette partie de son commentaire, Donat, ou le grammairien qui se cache sous son nom ici, remploie, sans prendre position sur la légitimité du procédé 27, des éléments antérieurs qu’il trouve pertinents et que la uirtus oratoria de Virgile provient ici en grande partie de commentateurs dont le grammairien peut ne pas partager la vision d’ensemble de l’œuvre du Mantouan. 2.3. L’elocutio Les rapprochements entre Térence et Virgile concernant des procédés liés à l’elocutio sont de loin les plus nombreux, car cette partie de la technique oratoire est particulièrement détaillée chez Donat qui s’attache à la fois à la précision de la langue et à son adaptation au contexte et  à  la situation. Les éléments envisagés sont de nature variée, choix des mots 28, ordre des éléments dans la phrase 29, et  à  chaque fois Virgile intervient comme illustrant 27   Rappelons bien que, comme nous l’avons noté, Donat n’accorde jamais à Virgile le titre d’orator et ne se fait pas l’écho des tendances les plus favorables à cette lecture du Mantouan. Il peut donc ne pas souscrire totalement au procédé global, mais trouver bien pratique d’y recourir parfois. 28  Par exemple, l’utilisation de si pour marquer l’affirmation atténuée en And. 292, 1 : si te in germani fratris : si tunc dicimus, quando praestitimus aliquid et tamen nolumus exprobrare, ut Vergilius ‘si qua tuis umquam pro me p. H. a. d. t.’ et alibi ‘si bene quid de te merui’, ‘si te in germani fratris : nous disons si, quand nous avons offert quelque chose et quand cependant nous ne voulons pas faire de reproche comme Virgile : si qua tuis umquam pro me pater Hyrtacus aris dona tulit “si mon père Hyrtacus a porté pour moi des présents sur tes autels” (Aen.  9,  406-407)’ et ailleurs  : ‘si bene quid de te merui “si j’ai bien mérité tes bienfaits” (Aen. 4, 317).’ De même And. 410, 2 : numq uam : plus asseuerationis habet quam nοn, ut Vergilius ‘numquam omnes hodie m. i.’, ‘numq uam a plus de poids que non comme Virgile  : numquam omnes hodie moriemur inulti “jamais aujourd’hui nous ne mourrons sans vengeance” (Aen. 2, 670).’ 29  Par exemple sur les phrases qui commencent par des pronoms ou des noms comme marques de grauitas : And. 330, 1 (même remarque en Hec. 482, 2 pour les noms propres) : ego Charine : sententiae, quae a pronominibus incipiunt, seria semper et uera promittunt. Vergilius ‘me natam n. u. s. p. f. e.’, ‘ego Charine : les phrases qui commencent par des pronoms promettent toujours un contenu sérieux et vrai. Virgile : me natam nulli ueterum sociare procorum fas erat “je n’avais pas le droit d’unir ma fille à l’un de ses anciens prétendants” (Aen. 12, 27-28).’ Sur un ordre des mots poétique et surprenant And. 538, 1 : per te deos oro : ordo :

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la même pratique que celle relevée dans Térence, les deux poètes étant ainsi parallèlement érigés en modèles, à l’exclusion presque systématique des prosateurs. Nous ne nous attarderons ici que sur quelques passages où le rapport établi par le grammairien est plus complexe que la simple observation du même phénomène. Le cas le plus intéressant est celui où le grammairien oppose l’éloquence noble et grave de Virgile à celle plus légère du comique. Ainsi, en prenant explicitement en compte la tradition interprétative antérieure, en And. 808 : numq uam huc tetulissem pedem  : Vergilius ‘mene efferre pedem, g., t. p. r. s.’ et ‘ferte simul F. p. Dq. p.’. Sed critici adnotant altius esse charactere comico tetulissem pedem. ‘numq uam huc tetulissem pedem : Virgile : mene efferre pedem, genitor, te posse relicto sperasti “Mon père, as-tu espéré que je pourrais partir en t’abandonnant ?” (Aen. 2, 657-658) et ferte simul Faunique pedem Dryadesque puellae, “portez ici vos pas, Faunes, ainsi que vous, jeunes Dryades” (Geor. 1, 11), mais les critiques font remarquer que tetulissem pedem est d’un niveau de langue trop élevé pour un personnage de comédie.’

L’intérêt de cette scholie réside d’abord dans le fait qu’elle ne contient pas le commentaire que nous attendons (l’archaïsme de la forme tetulissem 30), mais une remarque sur le niveau de langue dont la signification est d’ailleurs ambiguë. En effet, même si le commentateur paraît marquer sa distance avec la critique faite à Térence par les critici, en présentant le commentaire comme purement de leur fait, la question du niveau de langue peut per deos te oro, ut Vergilius ‘per has ego te’, ‘per te deos oro : ordre des mots : per deos te oro (“au nom des dieux, je te conjure”) comme chez Virgile : per has ego te… “moi je te conjure par ces larmes…” (Aen. 12, 56)’. Dans ce dernier exemple, il est d’ailleurs douteux que le commentaire vise à dégager une valeur exemplaire à cet agencement des mots. Le plus probable est qu’il l’explique simplement car les élèves pouvaient ne pas comprendre le vers. On observera cependant une grande similitude dans la gravité des contextes. 30  Une attestation chez le père de Symmaque (Symmaque, pater Prob. 6) et une chez Corippe (Ioh. 4, 420) laissent croire que cette forme pouvait encore se rencontrer à l’époque tardive comme une sorte de relique avec affectation d’archaïsme. On s’attendrait donc à un commentaire du genre sic apud ueteres. Mais en fait le verbe fait partie des exemples de grammaire chez Charisius, Diomède et Donat lui-même et devait donc être une sorte de modèle des parfaits à redoublement, ce qui explique que Donat n’en dise rien ici.

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se poser autrement que semble l’indiquer la première lecture de la scholie. Si Donat réfute les critici, cela peut signifier qu’il voit dans Térence un écrivain qui doit parfois dire des choses graves et user d’un vocabulaire élevé car les enjeux de ses pièces sont souvent sérieux. Criton qui parle ici (et qui va dénouer la pièce) est un personnage grave (quam grauis, quam modestus sit quamque iustus ostendit, dit le commentateur en And. 796 31) et l’enjeu est lui-aussi sérieux : si l’Andrienne, comme il va nous l’apprendre, est en fait athénienne et de bonne famille, toute la pièce peut se résoudre et l’injuste condition qui fait d’elle une courtisane peut être corrigée. Ainsi, le recours à tetulissem pedem expression noble s’explique ici parfaitement, car l’éloquence térentienne s’élève ici à une grandeur qui le rapproche de la diction noble de l’épopée 32. Le même procédé fonctionne à l’inverse, lorsque le commentateur souligne que les personnages virgiliens, signe de l’habileté de leur créateur, peuvent quand il le faut parler une langue plus relâchée que les personnages de comédie comme en Pho. 48, 2 33 : 31   Et Térence lui-même le fait décrire ainsi par Dave au vers 857 : tristis seue­ ritas inest in uoltu atque in uerbis fides. 32  D’autres rapprochements peuvent relever de la même logique d’exploration du sérieux dans le théâtre térentien comme Pho. 216, 2 : q uo abis Antipho : sic Vergilius ‘quo fugis, Aenea ?’ et ‘quo fugitis, socii ?’ Sic enim loquitur qui uult ostendere condicionem locorum, in qua peruerso modo alius petitur, alius linquitur, ‘q uo abis Antipho  : ainsi Virgile  : quo fugis, Aenea  ? (“où fuis-tu, Énée  ?”) (Aen. 10,  649) et quo fugitis, socii  ? (“où fuyez-vous, compagnons  ?”) (Aen. 10, 369).’ C’est ainsi qu’on s’exprime quand on veut signaler une disposition topographique qui permet que, de manière éhontée, on file vers un lieu en en abandonnant un autre’. Même émanant de l’esclave, cette remarque renvoie Antiphon à son devoir : affronter son père et cesser de se dérober même si la crise est certaine, dans une scène dont tout le début est marqué par la peur et le désespoir. Voir également toujours dans un moment de grande tension dramatique Pho. 323, 1 : Antiphonem eripiam : bene eripiam dixit, quod causam significat dici pro eo qui teneatur oppressus. Vergilius ‘tune hinc spoliis indute meorum eripiare mihi ?’, ‘Antiphonem eripiam : il fait bien de dire eripiam, parce qu’il veut dire qu’on plaide pour celui qui est considéré comme victime. Virgile : tune hinc spoliis indute meorum eripiare mihi ? “toi, revêtu des dépouilles des miens, tu pourrais m’être arraché à présent ?” (Aen. 12, 947-948)’. Le rapprochement entre Antiphon qu’il faut arracher  à  la colère de son père et Turnus qu’Énée refuse d’arracher à la mort parce qu’il porte les dépouilles de Pallas souligne clairement combien le mot choisi par Térence vise à souligner le sérieux de ce qui se passe à ce moment, et la gravité de la situation. 33  L’élément peut provenir de commentaires virgiliens antérieurs car la notice de Servius ad loc. considère que l’ajout de dies ici relève de l’archaïsme et non du

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ubi erit puero natalis dies : cum adiectione temporis cuiuslibet natalis melius dicitur, ut natalis hora et natale astrum. Sed Vergilius seruiens personae rusticae ‘meus est natalis, inquit, Iolla’, nec addidit dies. ‘ubi erit puero natalis dies : il est mieux de dire natalis en ajoutant une mesure de temps quelconque, comme dans natalis hora (heure de naissance) et natale astrum (signe de naissance). Mais Virgile, se pliant à la façon de parler d’un personnage campagnard, lui fait dire : meus est natalis Iolla “c’est mon anniversaire, Iollas” (Buc. 3,  76), sans ajouter dies.’

Dans cet exemple, l’art de Virgile est bien de ne pas donner à son paysan la parlure d’un homme de la ville, fût-il esclave comme le Dave du Phormion, et d’adapter ainsi sa manière de s’exprimer au caractère même de son personnage 34. De fait, ce commentaire niveau de langue, signe que l’on devait s’arrêter sur cette formule et qu’elle pouvait être une quaestio (Serv. Aen. 9, 641) : cum ueteres natalem diem uel locum uel tempus dicerent,… Vergilius his omissis dixit ‘Phyllida mitte mihi, meus est natalis, Iolla’, ‘alors que dans l’ancienne langue on disait natalis dies ou locus ou tempus, Virgile omet ces noms et dit Phyllida mitte mihi, meus est natalis, Iolla’. 34  Ainsi de même en Pho. 338, 1 : immo enim satis nemo pro merito gratiam regi refert  : bene parasitus quicquid praestat debere se dicit. et est proprium personae inferioris. Vergilius ‘tu mihi quodcumque hoc regni, tu sceptra Iouemque concilias, tu das epulis accumbere diuum’, ‘immo enim satis nemo pro merito gratiam regi refert : le parasite fait bien de dire qu’il est redevable de tout ce que l’autre lui offre. Et c’est le propre d’un personnage inférieur. Virgile : tu mihi quodcumque hoc regni, tu sceptra Iouemque concilias, tu das epulis accumbere diuum, “c’est toi qui me vaux ce que j’ai de pouvoir, mon sceptre et la faveur de Jupiter ; c’est toi qui me donnes le droit de m’asseoir aux festins des dieux” (Aen. 1,  78-79).’ De ce fait, Éole apparaît comme une sorte de parasite de Junon, ce qui s’éclaire parfaitement par le commentaire du segment que l’on trouve chez Tibérius Donat (Ti.  Don., Interp. Verg. I, 30 Georgii)  : hoc uoluit etiam Aeolus dicere, inlicita si me iubeas facere, faciam et impune faciam, quia regina iubente nulla obsequentem poena uel culpa sequetur… ipsum, inquit, Iouem ut propitium habeam tu facis et, ut memorem se omnium beneficiorum Iunonis ostenderet, addidit tu das epulis accumbere diuum… unum uidetur posuisse beneficium praestitae humanitatis, sed cumulatur alio, si conuiuium cum potiore misceatur, tertio, si cum potioribus plurimis, quarto, si inferior persona non sedeat, ut fieri solet, sed accumbat, ‘Ce qu’a voulu aussi dire Éole, c’est ‘si tu m’ordonnes de faire des choses illicites, je les ferai et les ferai sans craindre de punition, parce que quand une reine ordonne celui qui lui obéit n’encourt ni châtiment ni faute’… ‘tu me mets’, dit-il, ‘dans les bonnes grâces de Jupiter’, et, pour montrer qu’il n’oublie pas tout ce que Junon fait pour lui, il a ajouté ‘tu me donnes de m’étendre à la table des dieux’ ; il semble avoir indiqué un bienfait dans la gentillesse qu’on lui témoigne, mais il en ajoute un deuxième, il se mêle aux repas de plus puissants que lui, et un troisième,

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est clairement réversible dans l’optique de notre sujet : Virgile est un poeta dramaticus aussi excellent que Térence, et, s’il est orator, c’est uniquement ici en ce qu’il conserve l’aptum. De cet ensemble de remarques nous pouvons tirer quelques éléments de conclusion. Il est d’abord évident que, si Donat reconnaît la valeur exemplaire de la parole virgilienne aux côtés de celle de son héros, il se montre réticent à aller dans la voie qu’empruntent d’autres grammairiens et érudits et à considérer Virgile et Térence comme des oratores. Sur ce point, il se rapproche clairement d’une tradition d’explication grammaticale du texte, comme on la voit par exemple chez Servius, et tourne assez clairement le dos à des explications de type oratoire comme on en trouve en partie chez Tibérius Donat, mais comme on en verra ensuite de manière massive chez Eugraphius pour qui Virgile et Térence valent avant tout pour leur excellence oratoire et en tant que modèles pour les orateurs. Toutefois, le grammairien ne peut clairement pas faire l’impasse sur la tradition interprétative virgilienne antérieure (dont une partie sans doute fournit l’image d’un Vergilius orator) et cela conduit à une forme de brouillage de l’image du Mantouan dont la perception varie en fonction sans doute de la tradition interprétative que Donat récupère pour illustrer tel ou tel vers térentien. Car s’il est évident que l’évolution qui conduit à la lecture d’Eugraphius commence sans doute avant Donat et se retrouve clairement dans les débats que met en scène Macrobe, il est tout aussi manifeste que notre grammairien refuse d’y prendre part et surtout de s’impliquer dans une lecture trop oratoire de Virgile. Sur ce point il rejoint d’ailleurs la position du Servius de Macrobe réticent de même à faire l’éloge d’un Vergilius orator. Ce présupposé théorique ne l’empêche pourtant nullement de puiser principalement dans les passages virgiliens qui sont des discours (et dont il surévalue clairement l’importance par rapport aux passages narratifs), mais cela peut tenir aux textes que ses élèves dominent le mieux en tant qu’ils sont sans nul doute des morceaux de bravoure virgiliens expliqués de façon privilégiée, comme le montre leur remploi assez régulier par d’autres gramil y  a  dans ces repas beaucoup de puissants, et un quatrième, celui de manger couché, bien qu’il soit de rang inférieur, et non assis’.

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mairiens pour servir d’exemples à toutes sortes de phénomènes. Il ne faut cependant pas en conclure que Donat ne tient aucun compte de l’excellence oratoire de Virgile, mais remploie seulement des passages devenus des ‘scies’ de la littérature grammaticale, et qu’il ne l’utilise pas de lui-même comme référence pour expliquer, éclairer et mettre en contexte la pratique térentienne 35. Affirmer cela serait un contresens total sur la pratique du commentateur que Virgile accompagne à chaque pas. Toutefois, là où il se montre original, voire singulier, c’est dans le fait que son commentaire reste vraiment centré sur la parole térentienne (et non sur l’art de parler en général) et donc sur une parole dramatique où les répliques s’enchaînent selon une logique qui n’est ni celle de la parole épique, ni celle de la parole oratoire. L’attention qu’il porte à la dramaturgie, au sens le plus large du terme, se retrouve dans la manière dont il analyse le discours térentien : ce qui l’intéresse chez Térence, c’est la manière dont le poète met en scène une parole efficace ou au contraire souligne les impasses d’une parole qui ne parvient pas à convaincre. On nous dira qu’il y a là clairement un discours à destination des orateurs et que donc l’inclusion de Virgile à titre de comparaison dans l’analyse du discours en fait quand même quelque part un orateur, mais précisément la particularité de Donat est de refuser cette conclusion hâtive et de souligner que, quand, conformément au genre mixte qu’est l’épopée, Virgile fait parler ses personnages, il se montre homme de théâtre à l’égal de Térence. Ce Vergilius dramaticus vient en appui et en illustration de la parole dramatique térentienne, pour souligner la vraisemblance des ressorts dramatiques du Comique dans laquelle chaque réaction de personnage ne se comprend que par ce qu’il a entendu ou dit, dans un univers que le grammairien se représente comme clairement non seulement régi par la parole (ce qui serait vrai aussi de l’univers oratoire du forum), mais produit strictement par elle. Réduit à ne voir de Térence qu’un texte (puisqu’il est fort improbable que Donat ait su avec préci35  Bureau 2010 tente de montrer comment Donat fait jouer le contexte virgilien pour éclairer le sens des paroles térentiennes et comment les citations virgiliennes complètent ou démasquent les implicites voulus du discours comique. Nous y renvoyons le lecteur curieux de la manière dont le grammairien manipule en réalité en profondeur une intertextualité virgilienne qui semble au premier regard reposer uniquement sur des citations éclatées et minuscules.

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sion à quoi pouvait ressembler la scénographie et la mise en scène des pièces dans le temps de leur création 36), il doit tirer des mots toute la dramaturgie de la pièce et toute sa logique dramatique. Ce  faisant, ce n’est pas tant Térence qu’il tient pour un orator (et donc Virgile) que les personnages qu’ils ont créés et qui, dans les situations qu’ils leur imposent, savent (ou parfois ne savent pas) se montrer des oratores accomplis capables d’influer par leur parole sur une réalité faite exclusivement de mots.

Bibliographie Bureau 2010 = Bruno Bureau, ‘L’Énéide dans le commentaire de l’Eunuque de Térence attribué  à  Ælius Donat  : citations éclatées ou fragments d’intertextualités ?’, in ‘Stylus’ : la parole dans ses formes. Mélanges en l’honneur du professeur Jacqueline Dangel, M. Baratin (éd.), Paris, p. 81-94. Bureau 2011  = Bruno Bureau, ‘Térence moralisé  : les sententiae de Térence selon le commentaire attribué à Donat’, in Les maximes théâtrales en Grèce et à Rome, C. Mauduit – P. Paré-Rey (éd.) Lyon, p. 157-175. Bureau 2017  = Bruno Bureau, ‘Une lecture rhétorique du théâtre de Térence  : l’enseignement oratoire dans le commentaire de Donat  à  l’Hécyre’, Exercices de rhétorique, 10, [http://journals. openedition.org/rhetorique/558]. Bureau – Nicolas 2014 = Bruno Bureau – Christian Nicolas, ‘Hoc enim apud se : la conscience de l’aparté et de ses potentialités comiques chez Donat commentateur de Térence’, in L’aparté dans le théâtre antique  : un procédé dramatique  à  redécouvrir, P.  Paré-Rey (éd.), Saint-Denis, p. 251-294. Bureau – Nicolas 2015  = Bruno Bureau – Christian Nicolas, L’eunuque / Térence ; texte établi par J. Marouzeau ; trad. et commentaire par Bruno Bureau et Christian Nicolas, Paris.   Sur la question de savoir si Donat a pu voir des pièces ou des extraits de pièces représentés, on ne peut que rester extrêmement prudent et réservé (voir Bureau – Nicolas 2015), de même que sur la connaissance que le grammairien pouvait avoir de la mise en scène. Il semble parfois indiquer des éléments de représentation, mais de manière systématique ces éléments peuvent se tirer du texte luimême comme on l’a montré pour l’aparté (Bureau – Nicolas 2014). Les faisceaux d’indices que nous pouvons trouver dans le commentaire vont plutôt dans le sens d’une reconstruction intellectuelle du spectacle à partir du texte que dans celui de souvenirs de représentations réelles. 36

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Cioffi 2018 = Carmela Cioffi, Prolegomena a Donato, ‘Commentum ad Andriam’, Berlin. Jakobi 1996  = Rainer Jakobi, Die Kunst der Exegese im Terenzkommentar des Donat, Berlin. Kaster 1980 = Robert A. Kaster, ‘The Grammarian’s Authority’, Classical Philology, 75, p. 216-241. Kaster 1988 = Robert A. Kaster, Guardians of  Language: The Grammarian and Society in Late Antiquity, Berkeley. Nicolas – Bureau 2006 = Christian Nicolas – Bruno Bureau, ‘Hyperdonat  | Aelii Donati in Andriam Terenti commentum’ [http:// hyperdonat.huma-num.fr/editions/html/DonAnd.html].

Abstract Although Virgil’s poems are the most frequently quoted texts in Donatus’ commentary on Terence (except of  course Terence himself), neither Virgil nor Terence are regarded as oratores as they are in later commentaries such as Eugraphius according to whom Terence and Virgil are summi oratores. As Donatus is using material coming from an earlier tradition in which Virgil was already regarded as an orator, the ideas of  the grammarian may seem incoherent, but, in fact, the main originality of  Donatus is the great care given to the dramatic situation and the power  of   dramatic discourse, more than  a  valuation  of   the rhetoric ability of  the poet. Virgil and Terence are the best speech writers, but before all they are masters in creating dialogues and dramatic situations.

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DEUXIÈME PARTIE

VIRGILE ET LES TECHNIQ UES RHÉTORIQ UES

MARIA LUISA DELVIGO

ORATORIE DICTA NEL COMMENTO DI SERVIO E SERVIO DANIELINO ALL’ENEIDE

I discorsi diretti nell’Eneide sono un argomento di grande interesse che, prima e dopo la classica monografia di Gilbert Highet 1, è stato oggetto delle analisi di autorevoli studiosi virgiliani 2. Meno studiata è invece la notevole attenzione che l’esegesi virgiliana antica dedica a questo importante aspetto del poema e al modo in cui il poeta gestisce le numerose occasioni in cui fa parlare i suoi personaggi. Non mancano nei commenti virgiliani (soprattutto negli scolii danielini) analisi anche piuttosto impegnative dell’impostazione, della struttura  e  delle strategie retoriche dei singoli discorsi (per fare un esempio, l’ampia nota dedicata al discorso di Venulo  e  di Diomede nel libro per eccellenza ‘oratorio’ del poema 3), così come non manca attenzione alla funzione caratterizzante dei discorsi stessi. Ma tutta questa materia va molto al di là dello scopo di questo mio intervento, che è assai più modesto: vorrei proporre qui una limitata analisi terminologica e lessicale che costituisce solo un piccolo tassello di questo mosaico. Nel commento di Servio e di Servio Danielino all’Eneide l’avverbio oratorie  e  l’aggettivo oratorius compaiono in un numero piuttosto limitato di occorrenze, a volte in scolii ‘di routine’ ma altre volte in scolii di un certo interesse, in cui oggetto del commento sono frasi ed espressioni che compaiono nelle battute di   Highet 1972.   Ricordo solo, fra gli altri, Heinze 19153, p. 403-435 (trad. it. La tecnica epica di Virgilio, Bologna 1996, p. 433-459); Horsfall 1995, p. 186-191; La Penna 2005, p. 399-405 (con ulteriore bibliografia). Da vedere anche Setaioli 1985, p. 102-105. 3   Serv. Dan. ad Aen. 11, 243. Si veda, in questo stesso volume, lo studio di L. Pirovano. 1 2

Vergilius orator. Lire et commenter les discours de l’ Énéide dans l’Antiquité tardive, éd. par Daniel Vallat, STTA 20 ©              DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.128626 (Turnhout 2022), pp. 73-105    

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discorsi diretti presenti all’interno del poema virgiliano e riconducibili a personaggi diversi: Venere, Turno, Drance (due volte), Sinone, Enea (due volte), Diomede. L’Index di Mountford e Schultz 4 ne raccoglie complessivamente sei, tre in cui l’avverbio  o  l’aggettivo ricorrono nel commento di Servio propriamente detto, tre in cui ricorrono nelle aggiunte danieline (Serv. Dan. ad Aen. 4, 110; Serv. ad Aen. 9, 131 5; Serv. Dan. ad Aen. 11, 125; Serv. Dan. ad Aen. 11, 256; Serv. ad Aen. 11, 277; Serv. ad  Aen. 11,  343 6), comprendendo tra questi anche uno scolio (Serv. ad Aen. 11, 277) in cui non compare oratorie (né oratorius), ma vengono invece usate espressioni evidentemente ritenute affini, come artificiose (agit) e  perite (dicit). Risultano omessi da questo elenco altri tre casi di oratorie negli scolii danielini (Serv. Dan. ad Aen. 2, 86; Serv. Dan. ad Aen. 4, 361; Serv. Dan. ad Aen. 11, 24). Un uso sostanzialmente affine è quello di espressioni derivate da rhetor (rhetoricus, rhetorice, ars rhetorica, praecepta rhetorica e  affini), di cui nel commento di Servio e  Servio Danielino si contano circa una trentina di occorrenze, che di volta in volta riguardano movenze e figure retoriche, organizzazione e strutturazioni delle parti del discorso, confronti tra passi virgiliani e precetti della trattatistica retorica, soprattutto ciceroniana. Si veda in particolare l’avverbio rhetorice  7 usato come sinonimo di oratorie 8, o rhetoricum est 9 usato come sinonimo di oratorium est 10. Come si vede già da questo sommario elenco,  i  commentatori virgiliani, come era facile aspettarsi, usano  a  volte queste espressioni per sottolineare le qualità oratorie di personaggi positivi e autorevoli, a cominciare dall’eroe protagonista, che sa con  Mountford – Schultz 1962, s. v. oratorie dicta, p. 123.   Secondo la numerazione di Thilo, che segue l’edizione virgiliana di Ribbeck. Per le edizioni virgiliane più moderne si tratta del v. 133; questa è la numerazione attribuita al corrispondente scolio serviano anche da Murgia nella sua recente edizione (2018). 6  Dalle edizioni di Thilo  e  di Murgia vediamo che, in questo scolio, oratorie ricorre in Servio, ma è attribuito a Servio Danielino da Mountford – Schultz 1962, p. 123. 7   Ad Aen. 2, 657; 3, 613; 6, 875; 7, 535; 11, 243; 11, 343; 11, 378; ad buc. 4, 18; ad georg. 1, 1. 8  Ad Aen. 2, 86; 4. 110; 11, 24; 11, 34. 9  Ad Aen. 1, 65; 1, 526. 10  Ad Aen. 9, 131; 11, 125. 4 5

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cludere efficacemente la sua imbarazzata replica  a  Didone con un emistichio che rappresenta il punto forte della sua argomentazione (Verg. Aen. 4, 361: Italiam non sponte sequor ‘non di mia volontà cerco l’Italia’ 11) o che, nell’allocuzione ai socii all’inizio dell’XI libro, sa combinare, con consumata capacità oratoria di comandante militare, l’elogio dei morti in battaglia con l’esortazione dei vivi alla battaglia (Verg. Aen. 11, 24-26: ite, ait, egregias animas, quae sanguine nobis / hanc patriam peperere suo, decorate supremis  / muneribus ‘“Andate” disse “e onorate con l’estremo tributo le anime elette, che col loro sangue questa patria ci han procurato”’ 12);  o  commentano il doloroso discorso ‘pacifista’ di Diomede, che usa la preterizione oratoria per rendere l’acuto paradosso dei lutti della vittoria che si aggiungono agli spaventosi lutti della guerra (Verg. Aen. 11, 256-257 mitto ea quae muris bellando exhausta sub altis, / quos Simois premat ille viros ‘tralascio i mali sofferti lottando sotto l’alte mura e i cadaveri sommersi dal Simoenta’) 13. Fra questi rientra anche il caso dello scolio ‘assimilato’ a oratorius / oratorie da Mountford e Schultz (ad Aen. 11, 277), in cui si commentano ancora positive qualità oratorie di Diomede 14.   Serv. Dan. ad Aen. 4, 361: et oratorie ibi finivit, ubi vis argumenti constitit. ‘e secondo l’uso oratorio ha finito lì dove si trova il punto forte dell’argomentazione’. Q uando non diversamente segnalato, le traduzioni sono mie. Le traduzioni dall’Eneide sono di M. Ramous. 12   Serv. Dan. ad Aen. 11, 24: q uae sanguine nobis hanc patriam: eleganter hoc et oratorie ad exhortationem audientium sumptum est: nam laus defunctorum viventium exhortatio est. et bene ‘patriam’ ait, tamquam fiduciam gerit quasi vicerit. sane cum hortatur socios ut sepeliantur occisi, ipse defunctis velut epitaphion dixit ‘con eleganza e secondo l’uso oratorio ciò è in funzione dell’esortazione di chi ascolta: infatti l’elogio dei morti è una esortazione per chi è in vita. E dice bene ‘patria’, mostrando fiducia come avesse già vinto. Di certo quando esorta i compagni a che gli uccisi siano sepolti, ha pronunciato lui una specie di epitafio per i morti’. 13  Serv. Dan. ad Aen. 11,  256 mitto ea: oratorie, ut etiam sine illis, quae memoraturus est, quae omittit graviora videantur ‘secondo l’uso oratorio, affinché, anche senza le cose che sta per dire, appaia più di peso quello che omette’. 14 Serv. ad Aen. 11, 277 veneris violavi vulnere dextram: artificiose agit: nam sciens ea quae dicuntur in fine, animis inhaerere, suos casus ultimos memorat. Perite etiam Venerem tantum vulneratam a se esse dicit, Martis supprimens nomen, quod ei poterat esse gloriosius: ut videatur omnia quae pertulit, odio Veneris pertulisse, contra cuius filium nunc vocatur ad pugnam, ut negans etiam nunc paria formidare videatur… ‘procede secondo i dettami dell’arte: infatti sapendo che ciò che viene detto alla fine resta impresso nell’animo, menziona i suoi casi per ultimi. 11

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In questo scolio, che l’Index inserisce impropriamente tra quelli che conterrebbero oratorie/oratorium, il commentatore usa in realtà gli avverbi artificiose (agit) 15  e  perite (dicit), per mostrare come Diomede segua i dettami dell’ars, nella consapevolezza che quanto vien detto alla fine di un discorso, penetra più profondamente nell’animo. Dopo aver lamentato la sorte tragica dei guerrieri che, sopravvissuti alla guerra (vv. 255-260), andarono errando per il mondo e dopo aver ricordato le disavventure di Menelao, di Ulisse  e  poi di nuovo di Menelao (vv.  261-268), rievoca per ultima la sua sorte di esule (vv.  269-277). Infine, riconducendo le proprie sventure al combattimento contro gli dèi, Diomede abilmente parla solo della ferita inferta a Venere e (v. 277 Veneris violavi volnere dextram), omettendo il nome di Marte e l’episodio del ferimento del dio della guerra, che pure avrebbe potuto tornargli  a  maggior gloria, in modo da far apparire che di tutto ciò che ha sofferto sia responsabile la dea contro il cui figlio ora è chiamato a combattere. L’abilità dell’eroe nell’ordinare gli argomenti in modo da mettere in evidenza, lasciandolo accortamente per ultimo, il racconto delle proprie vicende personali, serve a far intendere che l’attuale rifiuto risulterebbe collegato alla prospettiva e al timore che quelle vicende dolorose possano riprodursi. Q uesti casi restano tuttavia nell’ambito di una segnalazione, per così dire, routinière, di buone pratiche oratorie di personaggi positivi e autorevoli. Q uello che però più ci interessa sono le abilità oratorie di personaggi più discutibili o addirittura decisamente negativi, anch’essi capaci di utilizzare le risorse della tecnica oratoria e che danno una immagine meno lusinghiera di questa prestigiosa arte. Al di là di un rapidissimo scolio relativo a Sinone 16, uno dei principali personaggi capaci di parlare con arte insidiosa, in cui si sottolinea come l’autopresentazione come compagno di PalaDimostra abilità anche nel dire che soltanto Venere è stata ferita da lui, tacendo il nome di Marte, cosa che avrebbe potuto essere per lui più lusinghiera: perché sembri che tutto ciò che ha subìto lo ha subito per odio di Venere, contro il cui figlio viene ora chiamato a combattere, in modo che, dicendo di no, sembri che anche adesso ha paura di cose del genere’. 15  La stessa espressione artificiose agit, nella nota di Servio ad Aen. 8,  474, ascrive a una abilità retorica di Evandro attribuire anche a se stesso i possibili auxilia di cui sta dando indicazione ad Enea. 16  Serv. Dan. ad Aen. 2, 86: illi me comitem oratorie se commendat. ‘secondo l’uso oratorio raccomanda se stesso’.

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mede, nemico della guerra, è accortezza oratoria tesa a raccomandarsi agli occhi dei Troiani, merita attenzione un gruppo di scolii in cui il nesso tra oratoria e calliditas viene affrontato in maniera più complessa 17.

1. Le schermaglie di Giunone e Venere Nel IV libro dell’Eneide è riferito il dialogo tra la regina degli dèi, Giunone,  e  Venere, conseguente agli eventi che hanno reso evidente il successo della strategia tesa  a  far divampare la passione d’amore nell’animo di Didone 18. Giunone prende atto, non senza qualche punta polemica, di uno sviluppo che non può che dispiacerle profondamente, ma reagisce con una ‘inattesa’ proposta conciliante, auspicando apparentemente una pace duratura e un matrimonio deciso di comune accordo: Verg. Aen. 4, 98-104 sed quis erit modus, aut quo nunc certamine tanto? quin potius pacem aeternam pactosque hymenaeos exercemus? habes tota quod mente petisti: ardet amans Dido traxitque per ossa furorem. communem hunc ergo populum paribusque regamus auspiciis; liceat Phrygio seruire marito dotalisque tuae Tyrios permittere dextrae. ‘Ma quando avrà termine, dove finiremo con tale contesa? Perché non stringiamo invece una pace duratura e un patto di nozze? Ciò che con tanto fervore hai cercato lo hai: arde d’amore Didone, nelle ossa è penetrata la passione. Governiamo dunque in comune questo popolo e con pari auspici; si sottometta pure a un marito frigio e affidi in dote i suoi Tirii nelle tue mani’.

Così formulata, la proposta è indubbiamente anche troppo allettante. Giunone prospetta infatti una fusione e una condivisione del regno fra Tirii  e  Troiani in termini assolutamente favorevoli e lusinghieri, ben più di quella che sarà prospettata da Enea nel solenne giuramento con cui si impegnerà a risolvere la guerra 17  Vedi anche, in questo stesso volume (p. 107-137), le osservazioni di D. Vallat sulla insinuatio come callida et subtilis oratio. 18  Sul duello oratorio tra Giunone e Venere si veda, in questo stesso volume, il contributo di S. Clément-Tarantino (p. 253-270).

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rispettando l’esito del duello concordato fra lui e Turno all’inizio del XII libro, ben più delle condizioni che Giunone stessa porrà (e  otterrà) nel colloquio con Giove, per rassegnarsi finalmente all’esito voluto dal fato: Verg. Aen. 12, 187-194 sin nostrum adnuerit nobis uictoria Martem (ut potius reor et potius di numine firment), non ego nec Teucris Italos parere iubebo nec mihi regna peto: paribus se legibus ambae inuictae gentes aeterna in foedera mittant. sacra deosque dabo; socer arma Latinus habeto, imperium sollemne socer; mihi moenia Teucri constituent urbique dabit Lauinia nomen. ‘Se invece la vittoria arriderà alla mia battaglia (come credo e come spero confermino gli dèi col loro cenno), io non imporrò agli Itali d’ubbidire ai Teucri; per me non chiedo un regno: con uguali leggi, invitte, si affidino entrambe le genti a un patto eterno. Dèi e riti sacri darò; Latino, come suocero, serberà le armi e il potere supremo; per me i Teucri erigeranno mura e alla città Lavinia darà il nome’. Verg. Aen. 12, 819-828 illud te, nulla fati quod lege tenetur, pro Latio obtestor, pro maiestate tuorum: cum iam conubiis pacem felicibus (esto) component, cum iam leges et foedera iungent, ne uetus indigenas nomen mutare Latinos neu Troas fieri iubeas Teucrosque uocari aut uocem mutare uiros aut uertere uestem. sit Latium, sint Albani per saecula reges, sit Romana potens Itala uirtute propago: occidit, occideritque sinas cum nomine Troia. ‘Q uesto, che  a  nessuna legge del fato è vincolato, ti chiedo per il Lazio e per l’onore dei tuoi sudditi: quando con fauste nozze (così sia) faranno pace, quando fra loro stringeranno leggi  e  patti, non volere che  i  nativi del Lazio mutino l’antico nome, che divengano Troiani e siano detti Teucri, e che gli uomini mutino linguaggio o cambino costumi. Lazio sia, siano albani i loro re nei secoli, sia la stirpe di Roma per virtù degli Itali potente: Troia è morta  e  lascia che morta sia col nome suo’. 78

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Commentatori antichi e moderni sottolineano adeguatamente le implicazioni e i sottintesi di questa offerta. Austin giudicava giustamente liceat Phrygio servire marito un verso velenoso: ‘for Phrygius is often a term of contempt used by the enemies of  Troy 19… and servire implies the abjectedness of Dido’s love’ 20; mentre i commentatori antichi erano impegnati a rintracciare tutti gli artifici e le possibili malizie nascoste nelle parole di Giunone: Serv. + Serv. Dan. ad Aen. 4,  103: Phrygio servire marito: eloquenter, ἐμφατικῶς, ac si diceret ‘exuli’. non nulli autem per fallaciam Iunonis dictum accipiunt. liceat id est non necesse sit, sed in voluntate sit Didonis si velit, ut supra ‘paribus auspiciis’, non imperio: potest enim imperium par non esse, cum auspicium par sit. alii invidiose dictum volunt ‘liceat Phrygio marito’, id est qui victus est: et non dixit ‘nubere’, sed ‘servire’. quidam ‘servire’ dubitant utrum Didonem, an Tyrios dixerit. sane hic coemptionis speciem tangit. ‘Con eloquenza, con enfasi, come se dicesse “un esule”. Molti poi lo intendono detto con inganno da parte di Giunone. Liceat, sia pure, cioè non sia necessario, ma dipenda dalla volontà di Didone se vuole così, come sopra “paribus auspiciis”, con pari auspici non con pari potere: infatti il potere può non essere pari, sebbene l’auspicio sia pari. Altri vogliono che “liceat Phrygio marito” sia detto per suscitare antipatia, cioè uno che è stato vinto. E non ha detto “nubere” sposare, ma “servire” essere schiava. Alcuni dubitano se soggetto di “servire” sia Didone o  i  Tirii. Certo qui tocca la fattispecie del “matrimonio per compravendita”’.

Già la parafrasi di Servio (ἐμφατικῶς ac si diceret ‘exuli’) rilevava che il riferimento ad Enea era poco lusinghiero, con una sottolineatura oratoria nell’espressione (eloquenter, glossava l’aggiunta danielina), un tratto ‘soprasegmentale’ che nella nota danielina verrà esplicitato nella più precisa opinione esegetica degli alii che ritenevano il termine ‘marito frigio’ invidiose dictum, in quanto richiamava la sua natura di vinto (id est qui victus est). Più incerto è se questa sottolineatura malevola fosse interpretata come funzionale alla valorizzazione retorica dell’offerta (un matrimo19  Così già, con opportuna raccolta di passi, Pease 1935, ad l., che a sua volta rinviava a Heinze 1915, p. 420, n. 1. 20  Austin 1971, ad l.

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nio e  un’alleanza del tutto vantaggiosa per Enea  e  Venere e  del tutto svantaggiosa per Didone e Giunone) oppure come una spia dell’insincerità  e  quindi del carattere doloso dell’offerta stessa (Giunone offrirebbe una cosa cui dentro di sé non potrebbe rassegnarsi). Q uesta seconda ipotesi è invece quella cui puntavano decisamente i non pochi interpreti antichi (non nulli) che parlavano di una fallacia Iunonis, che introdurrebbe nella formulazione della proposta potenziali cavilli. Sotto la lente del sospetto c’era anche liceat: una interpretazione capziosa e maliziosa potrebbe sostenere che l’asservimento di Didone al marito frigio sarebbe convenuto solo come una possibilità e non come una necessità (liceat: id est non necesse sit, sed in voluntate sit Didonis si velit), e anche paribus auspiciis del v.  102 potrebbe prestare il fianco  a  interpretazioni meno impegnative del dettato ‘contrattuale’: la parità potrebbe riguardare gli auspicia e non l’imperium, anche se la nota precedente di Servio avvalorava piuttosto una interpretazione che ne sosteneva la sostanziale equivalenza: Serv. ad Aen. 4,  102: paribusq ue regamus auspiciis: aequali potestate: et ab eo quod praecedit id quod sequitur. [et] dictum est a  comitiis, in quibus iisdem auspiciis creati, licet non simul crearentur, parem tamen habebant honorem propter eadem auspicia: unde et consules pares sunt, cum necesse esset ut unus prior crearetur. ‘Con eguale potere: da ciò che precede ciò che viene dopo. L’espressione deriva dai comizi, nei quali coloro che erano creati con  i  medesimi auspici, anche se non venivano creati contemporaneamente, avevano tuttavia pari dignità  a  causa dei medesimi auspici. Da cui anche i consoli sono pari, anche se necessariamente uno viene creato prima’.

La risposta di Venere non è da meno per livello di sofisticazione e di malizia oratoria 21: Verg. Aen. 4, 107-114 Olli (sensit enim simulata mente locutam, quo regnum Italiae Libycas auerteret oras) 21   Il dialogo tra Venere e Giunone (Aen. 4, 107-114) in cui Venere si mostra collaborativa e rispettosa nei suoi confronti, trae suggestioni dall’atteggiamento condiscendente, ma non senza tonalità ironiche, di Afrodite nei confronti di Era nell’ambito della Διὸς ἀπάτη (Hom. Il. 14, 194-196; 212-213; 219-221) e di Afrodite ad Era e Atena in Apoll. Rhod. 3, 36-110. cfr. Conington 1884, ad l.; Highet 1972, p. 273.

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sic contra est ingressa Venus: ‘quis talia demens abnuat aut tecum malit contendere bello? si modo quod memoras factum fortuna sequatur. sed fatis incerta feror, si Iuppiter unam esse uelit Tyriis urbem Troiaque profectis, misceriue probet populos aut foedera iungi. tu coniunx, tibi fas animum temptare precando. perge, sequar.’ ‘A lei (poiché comprese che aveva parlato con false intenzioni per dirottare il regno d’Italia sul litorale libico) così Venere cominciò a rispondere: ‘Chi da insensato rifiuterebbe questo accordo, scegliendo invece di farti guerra? Speriamo che la fortuna assecondi l’evento che dici. Ma sono in dubbio sui fati, se Giove vuole che i Tirii e i profughi da Troia abbiano una città comune. Se approva che i due popoli si fondano e stringano patti. Tu ne sei la moglie, pregandolo puoi scandagliare l’ani­mo. Procedi: ti seguirò’

Lo scolio, che ne commenta le parole  e  l’atteggiamento, parte dalla consapevolezza della dea che la vera intenzione di Giunone, nel momento in cui offriva a Enea e ai Troiani una condivisione privilegiata del regnum di Cartagine, era piuttosto una ambiziosa strategia ‘geopolitica’, tesa  a  dirottare dall’Italia a  Cartagine il regnum, cioè il primato e il potere sul mondo. La contromossa di Venere consiste in un discorso volutamente ambiguo  e  sostanzialmente ironico. Da una parte una sorta di quasi inevitabile adesione all’abile simulazione della rivale, ma al tempo stesso la manifestazione della sua piena consapevolezza di tutte le considerazioni che rendono quella stessa proposta irrealizzabile e quindi sostanzialmente fuorviante e illusoria. I commentatori sottolineano che il linguaggio con cui sono riferite le schermaglie oratorie delle due dee si colloca tutto nella medesima sfera della calliditas aggressiva: Serv. + Serv. Dan. ad Aen. 4,  92: adgreditur: cum calliditate loquitur, et quasi ex praeparato, vel ex insidiis, ut alibi ‘ facile ut somno adgrediare iacentem’  22.

22   Servio dunque individua la presenza della calliditas (e Servio Danielino anche della premeditazione e dell’inganno) già nelle prime parole che Giunone rivolge a Venere (4, 93-95 Egregiam vero laudem et spolia ampla refertis / tuque

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‘parla con astuzia,  e  quasi in maniera premeditata  o  con un agguato, come altrove “perché più facilmente tu lo assalga disteso nel sonno”’ Serv. + Serv. Dan. ad Aen. 4, 107: ingressa Venus: calliditatis est, ut supra: habet enim haec vox insidiarum significationem 23. ‘è segno di astuzia, come sopra: infatti questa parola ha il significato di agguato’

I commentatori sono all’erta per cogliere tutte le implicazioni e le ironie con cui Venere controbatte all’astuzia della rivale e ne neutralizza le possibili conseguenze. Venere risponde anzitutto molto rispettosamente, blandendo la regina degli dèi, alla quale solo un folle potrebbe contrapporsi, tanto più di fronte  a  una proposta così allettante, ma subito chiama in causa tutto quello che rende l’offerta dubbia e dunque sospetta: Serv. + Serv. Dan. ad Aen. 4, 110: fatis incerta feror: bene omnia tetigit quibus res humanae reguntur: casum, fata, voluntatem deorum. alii sic exponunt: quia scio fatis aliud videri, ideo de Iovis voluntate nunc dubito: ergo ‘fatis’ propter fata. sane oratorie et blanditur et pugnat, sed non palam, dicendo incertam se esse de voluntate fatorum. ‘Opportunamente ha toccato tutto ciò da cui sono governate le cose umane: il caso, il fato, la volontà degli dèi. Altri spiegano così: poiché so che diversa è la volontà del fato, perciò dubito della volontà di Giove: dunque fatis significherebbe puerque tuus, magnum et memorabile nomen,  / una dolo divum si femina victa duorum est ‘Davvero lode singolare e magnifiche spoglie tu e tuo figlio riportate, grande e memorabile vanto, se due divinità vincono con la frode una donna indifesa’) e sottolinea, nello scolio immediatamente successivo (ad Aen. 4, 93), anche la presenza di ironia, approfittando per fornirne la definizione: Serv. ad Aen. 4, 93: egregiam vero laudem: ironia est, inter quam et confessionem sola interest pronuntiatio: et ironia est cum aliud verba, aliud continet sensus ‘è ironia, che differisce dall’affermazione solo per l’intonazione: ed è ironia quando le parole dicono una cosa, altra cosa il senso’. 23  Il commentatore rileva alquanto più forzosamente calliditas anche nel participio ingressa (corradicale di adgreditur e, come quest’ultimo, utilizzato per la sfera semantica del parlare e, in questo genere di contesti, spesso accompagnato da verbis, dictis, dicere, ad dicendum, causam, disputationem, orationem, etc.), con il quale Virgilio introduce l’intervento della dea. Cfr. TLL s. v. adgredior, 1, 13161317; s. v. ingredior, 7, 1, 1571.

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‘a causa del fato’. Certamente, secondo l’uso oratorio, blandisce e attacca, ma non apertamente, dicendo di essere incerta della volontà del fato.’

La nota di Servio si limita ad approvare che siano chiamati in causa opportunamente dalla dea tutti  i  fattori che governano le vicende umane: il caso, il fato, la volontà degli dèi. Anche qui è la nota danielina ad andare più a fondo, cercando di portare alla luce i nessi logici e retorici che rendono particolarmente acuminata la replica di Venere. Già in quello che Servio chiama il riferimento al caso, cioè l’espressione, seppure in forma ottativa, del dubbio sulla realizzabilità di quella magnifica prospettiva (4, 109 si modo quod memoras factum fortuna sequatur ‘speriamo che la fortuna assecondi l’evento che dici’) la nota danielina percepiva un’intenzione obliqua: Serv. Dan. ad Aen. 4. 109: si modo q uod memoras: oblique, dum consentit, docet fieri non posse ‘obliquamente, mentre si dichiara in accordo, mostra che non può succedere’

Venere, esibisce soprattutto una sua presunta incertezza determinata dal disegno del fato, che ella in realtà perfettamente conosce,  e  di conseguenza se possa essere davvero volontà di Giove che i Tirii e i profughi Troiani abbiano un’unica città comune e se riscuota la sua approvazione la prospettiva che  i  due popoli si mescolino  e  si accordino per congiungersi stabilmente. Servio Danielino fa riferimento all’opinione di anonimi commentatori (alii sic exponunt), secondo i quali le parole di Venere sarebbero da interpretare quia scio fatis aliud videri, ideo de Iovis voluntate nunc dubito,  e  spiega: ergo ‘fatis’ propter fata 24. Venere si esprimerebbe dunque oratorie  e  cioè, come spiega il commentatore, con atteggiamento ambiguo asseconda, lusingandola con parole carezzevoli e ossequiose, l’autorevole interlocutrice, ma al tempo stesso la contrasta (oratorie et blanditur et pugnat) e insinua il dubbio che i suoi piani possano trovare il favore della fortuna e che Giove possa approvarli. Venere cioè contraddice Giunone, però 24 Sulla precisa interpretazione, da un punto di vista sintattico, di fatis cfr. Pease 1935, ad l., il quale rimanda anche a Dietsch 1853, p. 26.

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in maniera non esplicita (non palam), mostrando una sua presunta incertezza sulla volontà di Giove (de Iovis voluntate nunc dubito)  e  attribuendola diplomaticamente ai fati, sulla cui volontà sarebbe incerta o dei quali conoscerebbe (secondo alii) una volontà contraria che condizionerebbe quella di Giove. Esorta quindi maliziosamente Giunone, come sposa di Giove, a sondare lei l’animo del re degli dèi. Una volta che sarà andata in avanscoperta, Venere la seguirà (v. 114 Perge, sequar…). Anche qui la nota danielina sottolinea una possibile malizia demistificatrice, da parte di Venere, nel ricordare a Giunone il suo statuto di sposa di Giove: Serv. Dan. ad Aen. 4, 113: tu coniunx: dicendo ‘coniunx’ ostendit eam non posse ignorare, inpossibile esse quod petit. ‘dicendo coniunx mostra che lei non può ignorare che ciò che chiede è impossibile’.

Nell’atteggiamento ambiguo, apparentemente riguardoso e so­stan­zialmente aggressivo, con cui Venere si rivolge  a  Giunone, sembra consistere la precipua qualità oratoria del discorso della dea. Nel momento stesso in cui sembra aderire alla proposta, l’abile parlatrice la demolisce  e  la smaschera, mostrando di rendersi perfettamente conto delle intenzioni dell’avversaria: a chi dice una cosa  e  ne intende un’altra, un abile oratore ribatte dicendo una cosa  e  intendendone un’altra, come fa l’insidiosa lena plautina: Plaut. Truc. 224-226 bonis esse oportet dentibus lenam probam, adridere ut quisquis veniat blandeque adloqui, male corde consultare, bene lingua loqui. ‘una ruffiana come si deve occorre che abbia denti buoni, sorrida a chiunque le si presenti e gli rivolga parole carezzevoli, l’animo pieno di intenzioni cattive, la lingua di parole buone’

2. Le astuzie oratorie di Turno Serv. ad Aen. 9, 131: nil me fatalia terrent: … tacitis occurrit quaestionibus, dicens: si fataliter se ad Italiam venisse dicunt, iam venerunt, completa sunt fata. et callide tacuit quod erat fatale: Troiani enim dicebant Italiae sibi regna 84

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deberi. et est oratorium quaestiones ita proponere, ut facile solutionis sortiantur eventum. ‘fa fronte a domande implicite, dicendo: se dicono di essere venuti in Italia per volere del fato, ormai sono venuti, il fato si è realizzato. E astutamente ha taciuto ciò che era volontà del fato: i Troiani dicevano infatti che era loro dovuto il regno d’Italia, ed è artificio oratorio proporre le questioni in modo tale che abbiano facilmente un evento che le sciolga’.

La calliditas, la cui presenza è spesso legata alla costruzione retorica del discorso, è rilevata anche nello scolio ad Aen. 9,  131 25, dove Servio sta commentando la lunga ed elaborata cohortatio (vv. 128-158) che Turno rivolge ai suoi, dopo il prodigio delle navi troiane trasformate in divinità marine dalla dea Cibele e della voce spaventosa della dea appena risuonata nel cielo. Turno sostiene dapprima che il prodigio non sarebbe favorevole, ma, piuttosto, avverso ai Troiani, i quali, nell’impossibilità di fuggire per via di mare, dovranno fronteggiare i Rutuli e le popolazioni italiche: Verg. Aen. 9, 128-133 Troianos haec monstra petunt, his Iuppiter ipse auxilium solitum eripuit: non tela neque ignis exspectant Rutulos. ergo maria inuia Teucris, nec spes ulla fugae: rerum pars altera adempta est, terra autem in nostris manibus, tot milia gentes arma ferunt Italae. ‘È prodigio che colpisce i Troiani; Giove stesso ha tolto loro l’usato rifugio: non debbono attendere dardi  o  fiamme di Rutuli. Reso impraticabile il mare, i Teucri non hanno speranza di fuga: una metà del mondo l’han perduta e in mano nostra è la terra: a migliaia le genti d’Italia sorgono in armi’.

Aggiunge poi che i fati cui i Troiani fanno appello non sono di per sé temibili  e  inoppugnabili: Venere  e  i fati hanno già ottenuto ‘soddisfazione’ con l’arrivo in Italia dei Troiani  e  ai fati di Enea Turno stesso può contrapporre  i  propri, assimilando   Secondo la numerazione di Thilo, che segue l’edizione virgiliana di Ribbeck. Per le edizioni virgiliane più moderne si tratta del v. 123. Così numera il corrispondente scolio serviano anche Murgia. 25

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l’offesa patita a quella subita dai Greci con il ratto di Elena e la propria determinazione guerriera  a  quella che aveva portato gli Atridi a portare la guerra contro Troia per annientare quella gente scellerata: Verg. Aen. 9, 133-139           nil me fatalia terrent, si qua Phryges prae se iactant, responsa deorum; sat fatis Venerique datum, tetigere quod arua fertilis Ausoniae Troes. sunt et mea contra fata mihi, ferro sceleratam exscindere gentem coniuge praerepta; nec solos tangit Atridas iste dolor, solisque licet capere arma Mycenis. ‘I fatali responsi degli dèi, che per sé vantano  i  Frigi, non è  che m’atterriscano: fin troppo fu dato  a  Venere  e  ai fati, quando  i  Troiani toccarono  i  campi della fertile Ausonia. Anch’io ho fati da opporre a loro: annientare con la spada la  razza scellerata che mi strappa la sposa, non è, questo, dolore che strazi solo gli Atridi, né solo Micene può levarsi in armi’.

Editori e commentatori, con la sola eccezione, a quanto mi è dato di vedere, di Philip Hardie 26, interpungono sia dopo terrent che dopo iactant, collegando fatalia con responsa deorum, distanziati in un teso iperbato. È interessante notare che il commento di Servio, però, utilizza come lemma solamente nil me fatalia terrent (Serv. ad Aen. 9, 131 Thilo = 133 Ramires), presupponendo così, a quanto pare, nel testo virgiliano l’uso sostantivato di fatalia 27, attestato anche altrove (cfr. Liv. 39, 46, 4; Serv. ad Aen. 3, 402). Inoltre il commentatore utilizza ancora, nel seguito dello scolio, l’aggettivo neutro fatale, al singolare (et callide tacuit quod erat fatale) che richiamerebbe fatalia del verso virgiliano, senza nessun riferimento ai responsa deorum. Accettando questa interpretazione del testo virgiliano, implicita nell’interpunzione scelta da Hardie, e confermata dalla nota 26  Hardie 1994. Hardie segue l’edizione oxoniense di Mynors, ma in questo punto se ne distacca implicitamente. 27 Cfr. TLL VI, 1 col. 335, dove il passo virgiliano è inserito insieme ad altri sotto l’accezione ‘neutr. plur. fatalia,-ium pro subst.’.

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a  fatalia (dove per l’uso sostantivato si confronta appunto il passo di Livio), Turno dichiarerebbe, con tono grave e  lapidario, e quasi con una grandezza orgogliosa che lo avvicina alla sfida titanica dei contemptores deorum, che le decisioni del fato (fatalia) non lo atterriscono, anche se i Troiani ostentano responsi divini e  li brandiscono come un’arma 28: si qua Phryges prae se iactant responsa deorum, che Servio ad l. spiega si fataliter se ad Italiam venisse dicunt. Nel commento serviano neanche lo scolio successivo però, comprende nel lemma o commenta la parola responsa: Serv. + Serv. Dan. ad Aen. 9, 132 Th. = 134 Ramires; Murgia 29: si q ua Phryges prae se iactant: ‘iactant’, quasi et ista confingant. aut ‘prae se iactant’ prae se ferunt. ‘ “iactant” come se inventassero anche queste cose. Oppure “prae se iactant” nel senso di “ostentano”.’

Si deve tuttavia osservare che Servio Danielino, per la precisione i  suoi manoscritti F  e  G, ha nel lemma responsa deorum, che Ramires, seguito da Murgia, accetta nel testo: si q ua Phryges prae se iactant responsa deorum, quasi et ista fingant, aut prae se iactant, id est ‘ante praeferunt se’ 30.

Dalla semantica del verbo fingere (o da quella di confingere) 31, usato da Servio per glossare l’espressione virgiliana ‘prae se iactant’, che rappresenta ai suoi occhi la difficoltà esegetica del verso, non possiamo ovviamente ricavare con precisione se il commentatore con ista voglia indicare fatalia responsa deorum  o  solo responsa deorum, ma il verso, presentato autonomamente, senza alcun riferimento a quello precedente e all’aggettivo fatalia, indurrebbe a credere che Servio non collegasse fatalia a responsa deorum.   Ottima esegesi di prae se iactant nella nota ad l. di Hardie 1994.   Q uesta è la numerazione dell’edizione serviana di Thilo: per gli editori virgiliani e i più recenti editori serviani si tratta del verso 133. 30  Con il grassetto Ramires 1996, distingue, nella sua edizione, le aggiunte danieline, mentre riserva il corsivo alle citazioni (cfr. p. xxi). 31  Tranne F che ha confringant, i manoscritti oscillano tra diverse forme dei due verbi (fingant, fingunt, confingant, confingunt) e gli editori si dividono: Thilo sceglie confingant, Ramires e Murgia fingant. 28 29

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Servio sottolinea che Turno affronta domande silenziose e implicite (tacitis occurrit quaestionibus), ribattendo che se, a dire dei Troiani, la loro venuta in Italia era volontà dei fati, ormai, con l’arrivo in Italia, i  fati avevano già trovato il loro compimento (si fataliter se ad Italiam venisse dicunt, iam venerunt, completa sunt fata), ma così sottace abilmente ciò che, sempre secondo i Troiani, sarebbe stata la complessiva volontà dei fati (callide tacuit quod erat fatale) e cioè che ad essi toccasse di regnare sul­l’Italia (Troiani enim dicebant Italiae sibi regna deberi). Turno evita dunque accuratamente di esplicitare la vera volontà del fato nella sua integralità, eludendo quindi il problema principale, cioè quello della supremazia, che preoccupa e  assilla i Rutuli. La calliditas di Turno consiste dunque, secondo Servio, nell’abi­lità nel parlare o, come sarebbe meglio dire in questo caso, nel tacere un punto cruciale, con perizia e astuzia. La calliditas risulta frequentemente connessa alla pratica oratoria e  spesso l’avverbio callide accompagna verba dicendi, ma lo statuto di questa qualità è quanto meno ambiguo. Se essa può costituire un requisito indispensabile a  un parlatore che sa usare accortamente le risorse tecniche dell’eloquenza 32, molto 32  Così, ad esempio, Asconio si impegna a giustificare il diverso atteggiamento di Cicerone riguardo all’iniziativa di Scipione sulla separazione tra i senatori e gli altri spettatori dei ludi nell’orazione pro Cornelio e nella De haruspicum responso: Asc. Corn. 62, 12-23: Non praeterire autem vos volo esse oratoriae calliditatis ius ut, cum opus est, eisdem rebus ab utraque parte vel a contrariis utantur. Nam cum secundum Ciceronis opinionem auctore Scipione consule aediles secretum ante omnis locum spectandi senatoribus dederint, ‹de› eodem illo facto Scipionis in hac quidem oratione, quia causa popularis erat premebaturque senatus auctoritate atque ob id dignitatem eius ordinis quam posset maxime elevari causae expediebat, paenituisse ait Scipionem quod passus esset id fieri; in ea vero de haruspicum responso, quia in senatu habebatur cuius auribus erat blandiendum, et magnopere illum laudat et non auctorem fuisse dandi – nam id erat levius – sed ipsum etiam dedisse dicit ‘Voglio che non vi sfugga che è diritto dell’astuzia oratoria servirsi, quando sia utile, delle medesime cose da entrambi i lati o all’opposto. Infatti mentre, secondo l’opinione di Cicerone, è per iniziativa di Scipione console che gli edili assegnarono ai senatori uno spazio separato per assistere agli spettacoli davanti a tutti gli altri, di quella medesima azione di Scipione, in questa orazione, poiché la causa era di parte popolare e veniva premuta dall’autorità del Senato e per questo motivo era utile alla causa che la dignità di quell’ordine fosse il più possibile sminuita, dice che Scipione si pentì di aver permesso che ciò accadesse, mentre invece nell’orazione sul responso degli aruspici, poiché si teneva in Senato, le cui orecchie dovevano essere blandite, non solo lo loda moltissimo, ma dice che lui è stato non il promotore della concessione (ciò infatti sarebbe stato di minor peso), ma colui che aveva fatto in prima persona la concessione’. Q uintiliano raccomanda che la calliditas sia dis-

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più spesso è connotata negativamente, a indicare una eloquenza cavillosa e insidiosamente sofistica 33, che l’oratore attribuisce volentieri all’avversario  e  la teorizzazione retorica tratta con prudenza e cautela 34. La calliditas oratoria può facilmente assumere la forma negativa di una doppiezza maliziosa che ne fa una fattispecie di un più vasto e insidioso fenomeno politico, economico, sociale, giuridico. Cicerone ricorda più volte con ammirazione le contromisure approntate dal suo amico giurista Aquilio, il quale aveva definito le actiones nei confronti del dolus malus 35. Il discorso sul dolus malus si allarga opportunamente a una perorazione contro la calliditas: Cic. nat. deor. 3, 75: istam calliditatem hominibus di ne dedissent, qua perpauci bene utuntur, qui tamen ipsi saepe a male utentibus opprimuntur, innumerabiles autem improbe utunsimulata: I.O. 2, 5, 7: quod aliquando consilium et quam occulta calliditas (namque ea sola in hoc ars est, quae intellegi nisi ab artifice non possit) ‘la stategia che a volte viene seguita  e  la dissimulazione degli artifici (infatti, in ambito oratorio è arte solo quella che non può essere riconosciuta se non da chi ne è anche artefice)’ (trad. S. Corsi); 4, 2, 126 effugienda igitur in hac praecipue parte omnis calliditatis suspicio, neque enim se usquam custodit magis iudex: nihil uideatur fictum, nihil sollicitum: omnia potius  a  causa quam ab oratore profecta credantur. At hoc pati non possumus, et perire artem putamus nisi appareat, cum desinat ars esse si apparet ‘Soprattutto in questa parte va dunque evitato ogni sospetto di artificiosità, poiché mai come qui il giudice sta in guardia; niente paia inventato, niente faticosamente elaborato; si creda che tutto provenga piuttosto dalla causa che non dall’abilità dell’oratore. Peccato che questo non riusciamo  a  sopportarlo,  e  pensiamo che l’arte, qualora non appaia, vada perduta, mentre cessa di essere arte proprio se appare.’ (trad. S. Corsi). 33  Cfr. TLL III, 167, 71-72 s. v. calliditas: I i. q. versutia, astutia de orationis facilitate et in bonam et in malam partem de eloquentia sophistica. 34  Si veda ad es. Q uint. I.O. 4, 2, 126 (citato alla n. 26); 4, 1, 57-58: ipsi iudices exigunt sollicitas et accuratas actiones, contemnique se nisi in dicendo etiam diligentia appareat credunt, nec doceri tantum sed etiam delectari uolunt. Et est difficilis huius rei moderatio: quae tamen ita temperari potest ut uideamur accurate, non callide dicere ‘i giudici stessi pretendono orazioni attente e curate, si sentono poco considerati se dai discorsi non traspare anche impegno oratorio e vogliono non solo essere messi al corrente dei fatti, ma pure divertiti. Conservare la moderazione, in questo, è difficile; ci si può tuttavia regolare in modo di dar l’impressione di parlare con cura, ma non artificiosamente’ (trad. S. Corsi). 35 Cic. off. 3, 60: Nondum enim C. Aquilius, collega et familiaris meus, protule­ rat de dolo malo formulas; in quibus ipsis, cum ex eo quaereretur, quid esset dolus malus, respondebat, cum esset aliud simulatum, aliud actum ‘Non ancora Gaio Aquilio, mio collega ed amico, aveva pubblicato le sue formule sul dolo malo. Richiesto in che cosa esso consistesse, rispondeva. “Nel fingere una cosa e farne un’altra” ’ (trad. A. Resta Barrile).

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tur, ut donum hoc divinum rationis et consilii ad fraudem hominibus non ad bonitatem impertitum esse videatur. ‘Magari gli dèi non avessero dato agli uomini questa astuzia, della quale pochissimi fanno buon uso, venendo spesso oppressi da coloro che ne fanno cattivo uso, moltissimi poi la utilizzano in modo malvagio, in modo che questo dono divino della ragione e dell’intelligenza sembri essere stato concesso agli uomini per la frode e non per la bontà’.

Dopo l’osservazione sul silenzio di Turno  e  sulla sua calliditas, Servio precisa quale sia la caratteristica oratoria posseduta dal discorso di Turno e cioè presentare le questioni problematiche in modo tale che la soluzione risulti facilmente, semplificandole ed eludendo le difficoltà vere che esse presentano: Et callide tacuit… et est oratorium 36 quaestiones ita proponere, ut facile solutionis sortiantur eventum. Non lasciarsi troppo condizionare da eventi e segni di carattere soprannaturale  e  rinsaldare con la propria ferma determinazione lo spirito dei propri uomini, per non lasciarli in preda alla paura e all’incertezza, è naturalmente una virtù del condottiero. Philip Hardie (1994, ad l.) opportunamente richiama un passo della vita di Cesare di Svetonio in cui questo tratto del suo carattere, che in varie occasioni della campagna d’Africa lo aveva portato  a  neutralizzare, dirottandone la realizzazione, segni e vaticinii, e perfino a volgerne in bonam partem le potenzialità negative, viene apprezzato come una qualità del comandante tenace e sagace: Svet. Caes. 59: ne religione quidem ulla a quoquam incepto absterritus umquam uel retardatus est. cum immolanti aufugisset hostia, profectionem aduersus Scipionem et Iubam non distulit. prolapsus etiam in egressu nauis uerso ad melius omine: ‘teneo te,’ inquit, ‘Africa.’ ad eludendas autem uaticinationes, quibus felix et inuictum in ea prouincia fataliter Scipionum nomen ferebatur, despectissimum quendam ex Corneliorum genere, cui ad opprobrium uitae Saluitoni cognomen erat, in castris secum habuit.   Dagli apparati delle edizioni di Thilo, Ramires  e  Murgia risulta che una parte dei manoscritti ha et est oratorum, ma gli editori sono concordi nel preferire oratorium. 36

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‘Non venne mai né ritardato né distolto, in qualsiasi impresa avesse cominciato, da nessuno scrupolo religioso. Non procrastinò la partenza contro Scipione  e  Giuba, benché una vittima si fosse data alla fuga durante il sacrificio. Caduto a terra mentre scendeva dalla nave, voltò in bene il presagio esclamando: “Ti tengo, Africa”. Per eludere le profezie, che vaticinavano che il nome degli Scipioni doveva rimanere invitto e felice in quelle province, teneva vicino a sé, nel campo, un membro discreditato della gente Cornelia, un tale soprannominato Salvitone per il suo indegno modo di vivere’ (trad. F. Dessì).

Ma naturalmente le raccolte di exempla non mancavano di registrare una casistica opposta, in cui la trascuratezza e la cieca ostinazione di fronte ai segni divini aveva portato al disastro generali temerari. Ricordo, per fare un esempio, il caso del console Flaminio alla battaglia del Trasimeno: Val.  Max. 1,  6,  6: C. autem Flaminius inauspicato consul creatus cum apud lacum Trasimennum cum Hannibale conflicturus conuelli signa iussisset, lapso equo super caput eius humi prostratus est nihilque eo prodigio inhibitus, signiferis negantibus signa moueri sua sede posse, malum, ni ea continuo effodissent, minatus est. uerum huius temeritatis utinam sua tantum, non etiam populi Romani maxima clade poenas pependisset! ‘Caio Flaminio, creato console senz’aver preso gli auspici, sul punto di scontrarsi con Annibale al Trasimeno, diede l’ordine di levare le insegne, ma fu sbalzato da cavallo e cadde a terra sulla testa dell’animale. Tuttavia il prodigio non lo trattenne,  e  per quanto gli alfieri dicessero che non riuscivano assolutamente  a  sradicare  i  vessilli, minacciò terribili sanzioni, se non li avessero immediatamente scalzati. E magari avesse pagato solo di persona tanta temerarietà e non l’avesse fatta pagare anche con la clamorosa disfatta romana!’ (trad. R. Faranda)

Rispetto all’esordio del discorso di Turno, la calliditas oratoria che  i  commentatori individuavano in questa ‘neutralizzazione’ dei segnali del fato, rappresentava indubbiamente una virata verso una dimensione meno titanica di quella prospettata nell’orgogliosa sfida di nil me fatalia terrent. È interessante che la nota di Servio al v. 125, probabilmente incoraggiata dalla ritardata apo91

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strofe ai socii (v. 146 sed vos, o lecti…), proponesse una esegesi che separava animos tollit dictis da increpat, intendendo che significasse ‘dimostra la sua grandezza d’animo con le sue parole’ 37. Serv. + Serv. Dan. ad Aen. 9, 125: animos tollit dictis magnanimitatem suam, quia ipse non terreatur, conprobat dictis. tale est et illud e contrario ‘turbatumque oculis’. potest tamen accipi, eorum animos tollit, qui erant territi: et hinc ‘increpat’. ‘Conferma, in ciò che dice, la sua grandezza d’animo, poiché lui non si lascia atterrire. Di questo genere è, in senso contrario, il passo ‘turbatum oculis’ (‘turbato nello sguardo’). Si può tuttavia intendere ‘risolleva l’animo di coloro che erano atterriti’: e di qui ‘increpat’ (‘li incita’)’.

Q uesta improbabile proposta, opportunamente corretta dalla nota danielina, accentuerebbe ulteriormente il titanismo iniziale dell’eroe che subito vira verso quella che i commentatori percepivano come una capziosità avvocatesca. In questa direzione va ancora la nota di Servio al v. 134, dove i commentatori moderni ritrovano accenti da contemptor divum: ‘In lines 137-138 T. almost redefines fate as “that which is morally fitting”, or even as “that which lies in the strength of my weapons”: the implied rejection of  a  supernatural sanc­ tion brings him close to Mezentius, the contemptor divum who prays blasphemously at 10, 773-774 dextra mihi deus et telum … nunc adsint’ 38.

Servio preferisce invece ricondurre le parole di Turno nell’alveo della retorica astuta: Serv. ad Aen. 9,  134: sunt et mea contra fata mihi: hoc falsum est quod dicit Turnus. sed in arte rhetorica tunc nobis conceditur uti mendacio, cum redarguere nullus potest, ut hoc loco est: quis enim vere potest scire, Turno data sint, necne, responsa? 37  In una linea parzialmente affine, D. Heinsius pensava che l’espressione significasse, come in Aen. 10, 250, ‘solleva il suo animo’, ‘si rincuora’ (cfr. anche, in senso figurato, georg. 2, 350) e proponeva di interpungere dopo animos, in modo da collegare dictis solo a increpat. Cfr. Conington 1884, ad l. 38  Hardie 1994, ad l.

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‘questo è falso, quello che dice Turno. Ma nell’arte retorica allora ci viene concesso di utilizzare una menzogna, quando nessuno può controbattere, com’è in questo luogo: chi infatti può sapere davvero se a Turno siano stati dati dei responsi o no?’

3. Lingua melior: l’eloquenza di Drance Altri tre scolii in cui il commentatore utilizza ancora una volta oratorium e due volte oratorie, fanno parte, più compattamente, del commento all’XI libro dell’Eneide (Serv. Dan. ad Aen. 11, 125; Serv. Dan. ad Aen. 11, 256; Serv. ad Aen. 11, 343 39): non a caso il libro in cui si ritrova il contatto più significativo ed organico con la sfera dell’oratoria, soprattutto nell’ambito del concilium regis, convocato da Latino per discutere la situazione della guerra conseguente al ritorno dei legati inviati ad Arpi presso Diomede per sollecitarne l’alleanza. Due di questi scolii riguardano uno dei protagonisti di quel dibattito, il ‘demagogo’ Drance: Serv. + Serv. Dan. ad Aen. 11,  125: caelo te laudibus aeq uem: pro his qui in caelo sunt, id est diis ut [VIII 64] … et est oratorium, non invenire paria verba virtutibus ‘per “coloro che sono in cielo”, cioè gli dèi … ed è artificio oratorio non trovare parole pari alle virtù’

Lo scolio ad Aen. 11,  125 commenta l’inizio del discorso di Drance, personaggio ideato da Virgilio  e  che compare solo in questo libro dell’Eneide 40, introdotto come un anziano ostile al giovane Turno e a lui contrapposto già con la scelta degli epiteti senior / iuveni: vv. 122-124 Tum senior semperque odiis et crimine Drances / infensus iuveni Turno sic ore vicissim / ora refert ‘Allora il vecchio Drance, sempre ostile con odio e accuse al giovane Turno, prendendo la parola così risponde’. Drance, che parla qui per la prima volta, risponde ad Enea, elogiando l’eroe troiano ed esal39 L’Index attribuisce invece al commento di Servio Danielino l’uso di oratorie nello scolio ad Aen. 11, 343, mentre sia l’edizione di Thilo che quella di Murgia lo attribuiscono a Servio. 40  Sul personaggio di Drance e sui suoi rapporti con figure di demagoghi e agitatori politici della tarda repubblica fondamentale La Penna 1979, p.  153-165; 1985, p. 138-140; Horsfall 2003, p. 116, con ulteriore bibliografia.

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tandone le doti 41, mentre prende in maniera esplicita  e  netta le distanze da Turno, auspicando l’alleanza tra Troiani e Latini. L’inizio del discorso di Drance (Aen. 11, 124-126 … O fama ingens, ingentior armis, / vir Troiane, quibus caelo te laudibus aequem? / iustitiaene prius mirer belline laborum ‘O eroe troiano, grande per fama  e  più grande in battaglia, con quali lodi mai potrò eguagliarti al cielo? Dovrò prima ammirare la tua equità o  le imprese di guerra?’) è di stile elevato, sottolineato dalla ricercatezza dell’ordo verborum, ottenuta grazie alla disposizione chiastica delle parole (v.  124 s. … fama ingens, ingentior armis; iustitiaene prius mirer belline laborum)  e  alla loro collocazione simmetrica nei due versi in successione  e  indicanti, nei diversi ambiti, in pace  e  in guerra, l’eccellenza dell’eroe 42 (fama, precisato da iustitiae e armis ripreso da belli laborum, che lo espande), dal raro comparativo ingentior, mai altrove attestato (così come il corrispondente superlativo) prima del III secolo 43. Il discorso di Drance mira ad esaltare iperbolicamente Enea, il suo valore reale, che addirittura supera la fama che lo accompagna (O fama ingens, ingentior armis), e la sua eccellenza in virtù tanto morali quanto belliche (iustitiaene prius mirer, belline laborum), così come avverrà anche poco più avanti nel discorso di Diomede (Aen. 11, 291): ambo (sc. Hector Aeneasque) animis, ambo insignes praestantibus armis ‘entrambi insigni per coraggio, entrambi per potenza d’armi’. Non solo nell’elogio che ne fa Drance, ma anche altrove nell’Eneide, come osservano puntualmente i commentatori 44, la figura di Enea è presentata come lodevole ed equilibrata sintesi di virtù. La Sibilla presenta Enea  a  Caronte così: Aen. VI, 403 41  Sui discorsi di Drance cfr. Highet 1972, p. 58-59 e 248-251 e il contributo di I. Torzi in questo stesso volume (p. 229 ss.). 42   N. Horsfall 2003, ad l. rinvia giustamente ad Aen. 7, 235 sive fide seu quis bello est expertus et armis, detto di Enea da Ilioneo, che fa parte dell’ambasceria troiana e che si rivolge a Latino Cfr. Highet 1972, p. 53-55. 43 Cfr. TLL VII col. I 1535-1574. Così anche Horsfall 2003, ad l. Cfr. Wills 1996, p. 234, il quale ritrova in Ov. Fasti 4, 881 s. (clarus erat sumptisque ferox Mezentius armis / et vel equo magnus vel pede maior est): ‘The synonimous magnus, maior replaces the repetition ingens/ingentior; with clarus/armis recalling Virgil’s fama/armis but in the Fasti these have become attributes of Aeneas’ enemy Mezentius’. 44  Tra i più recenti cfr. Horsfall 2003, Fratantuono 2009.

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Troius Aeneas, pietate insignis et armis ‘insigne per pietà ed armi’. Al cospetto di Didone, Ilioneo, rivolgendosi alla regina di Cartagine e illustrandole, per rassicurarla, le intenzioni dei Troiani, presenta Enea in questo modo: Aen. 1, 544: rex erat Aeneas nobis, quo iustior alter, / nec pietate fuit nec bello maior et armis ‘nostro re era Enea: nessuno più di lui fu giusto nel dovere o con le armi valoroso in guerra’. Ancora un’altra volta, nel VII libro, sempre Ilioneo, che prende la parola in risposta alla richiesta di informazioni da parte del re Latino, presenta Enea non solo come eroe guerriero, ma anche come illustre rappresentante della fides: Aen. 7, 234 s. fata per Aeneae iuro dextramque potentem / sive fide seu quis bello est expertus et armis ‘per i destini di Enea giuro, per la sua destra possente, se mai qualcuno nella fedeltà, nelle armi o in guerra l’ha saggiata’ (con la stessa espressione pleonastica bello… et armis di Aen. 1, 544) 45. Si tratta quindi, entrambe le volte (Aen. 1, 522-558; 7, 213-248), di discorsi ufficiali 46, tenuti da Ilioneo, il personaggio più eloquente dei Troiani dopo Enea 47. In questi due discorsi viene lodata l’equilibrata eccellenza di Enea nelle virtù, con espressioni quasi formulari e fisse, che indicano le due sfere, diverse ma sentite complementari, delle virtù morali e del valore in battaglia. Fabricius riconduceva questa rappresentazione delle virtù di Enea  a  un’espressione di Cicerone ad Fam. 7,  5: manum tuam istam et victoria et fide praestantem e Nettleship richiamava anche Cic. Deiot. 8: per dexteram istam te oro, … non tam in bellis neque in proeliis quam in promissis et fide firmiorem ‘per questa tua destra ti prego, … ben ferma non tanto in guerra né nelle battaglie, 45   A questi discorsi potrebbe essere forse legittimo accostare, quale riscontro in contesto informale, più familiare ed emotivo, le parole che Didone rivolge alla sorella Anna (Aen. 4, 11: quem sese ore ferens, quam forti pectore et armis! ‘come si presenta, e con che forza di cuore e d’armi’), esprimendo l’ammirazione che prova per Enea. 46  Aen. 1, 522-558; 7, 213-248. 47 Serv. ad Aen. 1, 522: … et non sine causa ipsum ubique inducit loquentem; ut enim Homerus dicit, Phorbas pater Ilionei semper Mercurio deo eloquentiae favente pugnavit ut Horatius Mercuri facunde nepos Atlantis. Merito ergo huic datur eloquentia ‘e non senza motivo fa parlare lui in ogni occasione; come infatti dice Omero, Forbante padre di Ilioneo, combatté sempre col favore di Mercurio, dio dell’eloquenza, come dice Orazio ‘Mercurio facondo nipote di Atlante’. A  ragione, dunque, viene data a costui l’eloquenza’ Cfr. Highet 1972, p. 52; La Penna 2005, p. 400-401. Da vedere anche Milanese 1985, p. 913-914.

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quanto nelle promesse e nella lealtà’ 48. Com’è noto, nella figura di Drance e nel suo modo di esprimersi, a partire da Turnèbe si era addirittura pensato di poter ravvisare proprio Cicerone 49. La convinzione che Virgilio avesse un’opinione negativa di Cicerone e della sua oratoria deve molto a questa presunta identificazione, così come al passo del VI libro (vv.  847-853) in cui Virgilio, confrontando Greci  e  Romani, attribuisce ai Greci, dopo averne lodato l’eccellenza nelle arti, la superiorità nell’arte oratoria (v. 849 orabunt causas melius) e ai Romani la superiorità nella politica e nella guerra 50. A metterci in guardia dal pensare con facilità che qui Virgilio intendesse prendere le distanze o addirittura parodiare Cicerone, è anche Macrobio, che fa risalire l’espressione virgiliana ‘o fama ingens, ingentior armis’ di Aen. 11, 124 proprio alla Laus Catonis di Cicerone: Macr. Sat. 6, 2, 33: Nec Tullio compilando, dum modo undique ornamenta sibi conferret abstinuit: o fama ingens, ingentior armis, / vir Troiane nempe hoc ait, Aeneam famam suam factis fortibus supergressum, cum plerumque fama sit maior rebus. Sensus hic in Catone Ciceronis est his verbis: Contingebat in eo quod plerisque contra solet, ut maiora omnia re quam fama viderentur; id quod non saepe evenit, ut expectatio cognitione, aures ab oculis vincerentur. ‘Neppure da Tullio Cicerone si astenne: saccheggiò anche quello, pur di accaparrarsi ornamenti da ogni parte. “o grande per fama, più grande per l’armi, o eroe troiano”; naturalmente vuol dire con questo che Enea superò la propria fama con atti di valore, mentre per lo più la fama è superiore alle imprese. Lo stesso concetto si trova espresso da Cicerone nel Catone: “In lui si verificava il contrario di ciò che per lo più succede: tutto sembrava nella realtà superiore alla fama”; e non accade spesso che l’aspettativa sia superata dalla conoscenza del risultato, le orecchie dagli occhi’ (trad. N. Marinone).

  Conington – Nettleship 1884, ad Aen. 7, 235.   L’ipotesi, ripresa da qualche interprete moderno (fra cui soprattutto Mc Dermott), è apparsa giustamente inconsistente: cfr. La Penna 1979, p. 158159; 1985, p. 140; Grilli 1984, p. 774-755; Horsfall 2003, p. 116. 50  Cfr. Highet 1972, p. 141-142; Grilli 1984. 48 49

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Macrobio intendeva quindi che Drance, esclamando ‘o fama ingens, ingentior armis’ volesse dire che Enea superava, con l’effettiva realizzazione delle sue imprese, la fama che il suo valore aveva acquistato (Aeneam famam suam factis fortibus supergressum), mentre generalmente si verifica l’esatto contrario, per cui la fama supera il reale valore delle imprese. Ma è sulla domanda quibus caelo te laudibus aequem? che si appunta l’attenzione del commentatore danielino che, in aggiunta alla illustrazione dell’uso metonimico di caelum come riferimento alle divinità che abitano in cielo (pro his qui in caelo sunt) 51, spiega che ‘non trovare parole pari alle virtù’ (non invenire paria verba virtutibus) è un tratto oratorio (oratorium est) 52. L’espressione aequare aliquem (o aliquid) caelo compare altre volte nell’Eneide (e non solo) 53, con valore proprio  o  metaforico: in Aen. 4, 89: aequataque machina caelo ‘le impalcature che toccano il cielo’ e 8, 98-100: cum muros arcemque procul ac rara domorum / tecta vident; quae nunc Romana potentia caelo / aequavit ‘quando lontano vedono le mura, la rocca  e  sparsi qua e  là i tetti delle case, che ora la potenza dei Romani ha levato al cielo’ 54, sempre con valore iperbolico. Ci sono poi espressioni molto simili in cui il verbo può essere diverso (con il significato di ‘sollevare, innalzare, arrivare’)  e  caelum può essere sostituito da termini equivalenti come sidera, astra, Olympus. Così in Aen. 1,  287: … (sc. Caesar) famam qui terminet astris ‘che porrà gli astri come confine alla sua fama’; 4, 322: exstinctus pudor et, qua sola sidera adibam, / fama prior ‘s’è spento il pudore e la fama antica, quella sola che alle stelle mi levava’; 6,  782: animos aequabit Olympo ‘renderà pari il suo spirito all’Olimpo’. In senso metaforico  e con laudibus questo genere di espressione la troviamo anche Livio 2,  49,1: Fabios ad caelum laudibus ferunt ‘elevano al cielo negli elogi i Fabii’; Tac. Ann. 4, 34: libro quo Catonem caelo aequavit ‘al libro in cui (Cicerone) ha eguagliato Catone al cielo’ 55.   E così aequare … caelo equivarrebbe qui a aequare Olympo (cfr. Aen. 6, 782).   In epoca medievale (cfr. Fratantuono 2011, ad l.) assumeranno significato religioso, ma qui, come giustamente notava Horsfall 2003, non v’è traccia di divinizzazione di Enea. 53  Cfr. TLL I s.v. aequo col. 1019, 46 ss. 54 Cfr. Aen. 6, 782 animos aequabit Olympo. 55  Rhet. Her. 3, 12; Men. Rhet. p. 368, 8. 51 52

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Lo scolio ad Aen. 11, 343 commenta l’intervento di Drance al consiglio di guerra, intervento che è preceduto, nel testo virgiliano, da una più ampia presentazione del personaggio (rispetto a quella dei vv. 122-123), che ne richiama le caratteristiche fondamentali: Verg. Aen. 11, 336-342 Tum Drances idem infensus, quem gloria Turni obliqua inuidia stimulisque agitabat amaris, largus opum et lingua melior, sed frigida bello dextera, consiliis habitus non futtilis auctor, seditione potens (genus huic materna superbum nobilitas dabat, incertum de patre ferebat), surgit et his onerat dictis atque aggerat iras: ‘Allora Drance, sempre ostile, tormentato da torbida invidia e da morsi velenosi per la gloria di Turno, largo di mezzi, migliore di lingua, ma inetto di mano in battaglia, stimato consigliere in assemblea, potente per fazione (la superba stirpe della madre gli dava lustro, malgrado dal padre traesse origine incerta) si alza e con queste parole aggrava ed esaspera lo sdegno’.

Il commento a questa presentazione sottolinea brevemente alcune caratteristiche, tutte limitative e sfavorevoli, del personaggio che saranno importanti nell’analisi del suo discorso, Anzitutto la doppiezza dell’avversario di Turno, il cui dichiarato interesse per le sorti della res publica è presentato solo come un modo trasversale per dare sfogo al suo odio e al suo attacco personale: Serv. ad Aen. 11, 337: obliq ua invidia: hoc est qui non ex aperto inpugnabat Turnum, sed eum reipublicae simulata defensione lacerabat. ‘cioè uno che non attaccava Turno apertamente, ma lo diffamava simulando la difesa dello stato’

Inoltre, la precisazione che l’accenno virgiliano alla disponibilità di mezzi del personaggio farebbe riferimento alle sue risorse personali e non deve suggerire un tratto di liberalitas, o meglio, come giustamente si ritiene, alla pratica delle elargizioni demagogiche 56:   La Penna 1979, p. 157.

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Serv. ad Aen. 11, 338: largus opum: abundans opibus, dives, non qui multa donaret. ‘abbondante di mezzi, ricco, non uno che elargiva molti doni’

Infine, la più scontata sottolineatura che l’incertezza sulle origini paterne del personaggio sarebbe funzionale alla sua caratterizzazione antieroica dal punto di vista delle virtù guerriere, quella segnities su cui insisterà la sarcastica replica di Turno, la cui opinione su Drance è sostanzialmente condivisa dal commentatori (in quanto sostanzialmente condivisa dal poeta): Serv. Dan. ad Aen. 11, 341: incertum de patre ferebat: … et bene segni homini paternam non dedit nobilitatem. ‘e opportunamente a un uomo inerte non diede nobiltà per parte di padre’.

Drance si rivolge al re Latino, che ha appena finito di parlare e l’ampia nota di commento sottolinea il carattere ‘secondario’ di un discorso che, se è tutto costruito su quello del re, trova abilmente il modo di rincarare la dose e di esplicitarlo in senso ostile a Turno: Serv. + Serv. Dan. ad Aen. 11, 343: rem nulli obscuram: callide et oratorie agit et in omnibus adulatorie respondet dictis Latini: supra enim ille dixerat ‘ante oculos interque manus sunt omnia vestras’. sane quasi praedictum oratorem exprimit, quia supra de eo dixit ‘et lingua melior’. et ‘rem consulis’ pro ‘de re consulis’: Plautus ‘consulere quiddam est quod tecum volo’. sed Drances, sicut dictum est, rhetorice suadet de pace. nam et pacem faciendam hortatur, et accusationem in Turnum dirigit, et quae a  Latino indubitanter universa dicta sunt, quae pacem fieri suadeant, Drances eadem omnia respondens, addit etiam de filia danda Aeneae, quod Latinus ante reticuerat, ‘quin natam egregio genero’: quasi non aliter firma erit pax, quam fieri vis: quia sciebat hoc Turnum graviter esse laturum, in invidiam personam eius adducens ‘dicam equidem, licet arma mihi mortemque minetur’. et ne mirum esset, qui sic libere responderet, ante eius et mores et causam praedixit ‘lingua melior’, ‘seditione potens’, ‘idem infensus, quem gloria’ et reliqua. duae tamen hic faciendae pacis praecipue causae sunt, quod victi sunt, et Turnus singulari certamine congredi debeat. ‘parla con astuzia e arte oratoria e risponde in tutto con adulazione alle parole di Latino: quello, infatti, aveva appena detto 99

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“avete davanti agli occhi  e  a portata di mano”; rappresenta davvero in certo modo l’oratore che ha preannunciato, perché prima ha detto di lui “migliore di lingua”; e “rem consulis” significa “ci consulti su una cosa”; cosi in Plauto “c’è qualcosa su cui voglio consultarmi con te”. Ma Drance, come si è detto, con arte retorica consiglia la pace. Infatti esorta a fare la pace e al tempo stesso rivolge accuse contro Turno, e le cose che senza esitazione sono state dette da Latino per consigliare la pace, quelle stesse cose Drance le dice tutte rispondendo, ma con l’aggiunta della concessione della figlia ad Enea, cosa che Latino prima aveva taciuto: “la figlia  a  un genero egregio…”: come se altrimenti non sarà salda la pace, che tu vuoi si faccia: perché sapeva che Turno non lo avrebbe sopportato, introducendo per suscitare odio, il personaggio di lui “sì, lo dirò, benché, armi alla mano, mi minacci di morte”. E perché non fosse strano il fatto che rispondesse con tanta franchezza, ha premesso il suo carattere e la motivazione “migliore per lingua”, “sempre ostile, lui che la gloria…”, e ciò che segue. Q ui, tuttavia, due sono le cause per fare la pace: sono stati sconfitti e Turno dovrebbe misurarsi in singolar tenzone’.

Il nesso callide et oratorie definisce anche qui un’oratoria cui si riconosce abilità tecnica ed efficacia, ma di cui si sottolinea al tempo stesso il carattere tendenzioso  e  insidioso. L’abilità di Drance consiste soprattutto nel piegare ai suoi scopi il discorso di Latino, riflettendone puntualmente le parole, con quella attitudine imitativa che fa dell’adulatore compiacente lo ‘specchio’ dell’adulato 57: Ter. Eun. 252-253: negat quis: nego; ait: aio; postremo imperavi egomet mihi omnia adsentari ‘uno nega, e io nego; afferma, e io affermo; insomma mi sono dato come regola di accondiscendere in tutto’

Così l’esordio di Drance, che costituisce il lemma della nota (rem nulli oscura), viene sottolineato come puntuale ripresa di quanto Latino aveva detto al v. 311: ante oculos interque manus sunt omnia vestra. La stessa attitudine di regolare il proprio discorso su quello del re verrà messa in evidenza in una successiva nota di Servio: 57  Una raccolta di passi utili nella ‘classica’ trattazione di Ribbeck 1883, p. 49-50, 108; vedi anche Labate 1984, p. 206-207.

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Serv. ad Aen. 11, 351: caelum territat armis: … deinde diximus Drancem librare se ad orationem Latini: unde nunc dicit ‘et caelum territat armis’, quia audierat ‘bellum inportunum, cives, cum gente deorum’. ‘abbiamo detto poi che Drance si regola sul discorso di Latino: perciò ora dice “atterrisce il cielo con le armi”, perché aveva ascoltato da lui “(facciamo) una guerra assurda, cittadini, contro una stirpe divina”’.

L’altro aspetto che la nota di Servio a 11, 343 ribadisce è la coerenza di questa accortezza tecnica con la presentazione del­l’ora­ tore premessa al suo discorso (sane quasi praedictum oratorem exprimit), con l’implicita contrapposizione che mette a contrasto lingua melior con la debolezza guerriera del personaggio e con ciò stesso connota in senso quanto meno limitativo la virtù oratoria di Drance, ancora una volta in consonanza con la replica di Turno: Verg. Aen. 11, 378-390 larga quidem semper, Drance, tibi copia fandi / tum cum bella manus poscunt… / … / proinde tona eloquio (solitum tibi) meque timoris / argue tu, Drance… /…an tibi Mauors / uentosa in lingua pedibusque fugacibus istis / semper erit? ‘Senza limiti è la valanga delle tue chiacchiere, o  Drance, ma la guerra richiede azione; … E  allora tuona, come al solito, con la tua eloquenza e accusami tu, sì tu, Drance … Sarà dunque il tuo Marte sempre nel vaniloquio della lingua e nella fuga di codesti tuoi piedi?’. Lo scolio danielino insiste d’altra parte su un aspetto complementare rispetto alla mimesi ‘adulatoria’ e cioè sull’abilità retorica che sa combinare l’atteggiamento compiacente  e  deferente con una sostanziosa forzatura aggressiva polemica nei confronti di Turno, il cui nome Latino aveva prudentemente taciuto (Verg. Aen. 11, 312-313 nec quemquam incuso: potuit quae plurima uirtus / esse, fuit; toto certatum est corpore regni ‘non accuso nessuno: quanto grande potè essere il valore, lo è stato; con tutta la forza del regno abbiamo combattuto’), ma che Servio giudicava essere l’obbiettivo obliquo del suo discorso: Serv. ad Aen. 11, 312: nec q uemq uam incuso: excusatio haec ostendit et obliquam esse in Turnum orationem Latini. ‘questa giustificazione mostra che il discorso di Latino è obliquamente rivolto contro Turno’. 101

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Se la perorazione di Drance in favore della pace rispecchia l’ana­ loga posizione assunta dal re senza dubbi ed esitazioni (indubitanter), la sua astuzia retorica consiste nel nesso esplicito che egli istituisce tra la pace e l’accusa nei confronti di Turno (sed Drances, sicut dictum est, rhetorice suadet de pace. nam et pacem faciendam hortatur, et accusationem in Turnum dirigit),  a  colpire il quale mira evidentemente l’unica cosa che Latino non aveva proposto o per lo meno aveva sottaciuto, la concessione ad Enea della mano di Lavinia (et quae a Latino indubitanter universa dicta sunt, quae pacem fieri suadeant, Drances eadem omnia respondens, addit etiam de filia danda Aeneae, quod Latinus ante reticuerat). Drance si propone dunque come l’araldo e l’interprete autentico del pensiero di Latino, come colui che ha la possibilità e il coraggio di dire quello che il re non ha potuto o voluto dire 58, con una franchezza coerente con la presentazione del suo personaggio 59: Serv. ad Aen. 11, 347: cuius ob auspicium: invidiose Turni auspiciis inputat quod tantus periit exercitus, ac si diceret: si malis et infaustis tuis ominibus non egrederentur, possent forsitan superare virtute. sane sciendum hunc exprimere quicquid verecunde celavit Latinus. ‘in modo da suscitare ostilità, imputa agli auspici di Turno il fatto che un così grande esercito è stato distrutto, come se dicesse: se non fossero usciti con i negativi e infausti tuoi presagi, avrebbero forse potuto vincere in virtù. Bisogna certo sapere che costui dice chiaramente tutto ciò che Latino ha tenuto celato nel suo riserbo’.

 Verg. Aen. 11,  346-348: det libertatem fandi flatusque remittat,  / … / (dicam equidem, licet arma mihi mortemque minetur) ‘ci dia libertà di parlare e abbassi il suo orgoglio, … (sì lo dirò, benché, armi alla mano, mi minacci morte’; cfr. Serv. Dan. ad Aen. 11, 357: et bene involvit quod turpe esset audiente Latino dicere, ut Turnum timeat ‘e opportunamente accenna implicitamente a ciò che sarebbe stato vergognoso dire alla presenza di Latino, il fatto che (il re) abbia paura di Turno’. 59  Serv. Dan. ad Aen. 11, 343: et ne mirum esset, qui sic libere responderet, ante eius et mores et causam praedixit ‘lingua melior’, ‘seditione potens’, ‘idem infensus, quem gloria’ et reliqua ‘E perché non fosse strano il fatto che rispondesse con tanta franchezza, ha premesso il suo carattere  e  la motivazione “migliore per lingua”, “sempre ostile, lui che la gloria…”, e ciò che segue’. 58

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Serv. Dan. ad Aen. 11,  354: adicias: … et bene hic quod honeste Latinus reticuerat dicit, Laviniam quoque ei offerendam. ‘e opportunamente costui dice ciò che Latino aveva decorosamente taciuto, che anche Lavinia gli doveva essere offerta’.

Secondo Gilbert Highet, Virgilio aveva un’opinione piuttosto limitativa dell’oratoria, per lo meno come arsenale tecnico (a volte quasi un’arte della menzogna), nei confronti del quale era giusto nutrire più di qualche diffidenza. Il buon uso della parola era piuttosto rappresentato nell’Eneide dal protagonista della famosa similitudine del primo libro, in cui Nettuno che placa la tempesta è paragonato a un autorevole personaggio capace di intervenire in una situazione di tumulto sedizioso e di sedarlo non con abilità retoriche, ma con parole rese efficaci dalla sua gravitas, dalla sua dirittura morale, dal suo prestigio 60: Verg. Aen. 1, 148-153 ac ueluti magno in populo cum saepe coorta est seditio saeuitque animis ignobile uulgus iamque faces et saxa uolant, furor arma ministrat; tum, pietate grauem ac meritis si forte uirum quem conspexere, silent arrectisque auribus astant; ille regit dictis animos et pectora mulcet. ‘E come spesso accade, se in una grande comunità scoppia una sommossa e la folla senza volto s’inasprisce, mentre già volano pietre  e  tizzoni (il furore arma le mani); nel caso scorgano un uomo autorevole per meriti e pietà, tutti ammutoliscono immobili con le orecchie tese: e quello con la parola governa gli animi, blandisce i cuori’.

I commentatori virgiliani seguono fino  a  un certo punto il loro poeta su questo terreno e sembrano pur sempre interessati a illustrare, se non altro per esigenze didattiche, le risorse retoriche con cui si rendono persuasivi tutti i personaggi del poema, positivi e negativi. Ma il piccolo gruppo di scolii che abbiamo esaminato credo possa mostrare che Virgilio li aveva resi particolarmente sensibili a mettere in luce il nesso tra oratoria e calliditas.   Highet 1972, p. 283-284.

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Bibliografia Austin 1971 = Roland G. Austin, Aeneidos liber primus, Oxford. Conington – Nettleship 18844 = John Conington – Henry Nettleship, The Works of Virgil with a Commentary: Vol. 2, Aeneid I-VI, London (= Hildesheim – New York, 1979). Dietsch 1853 = Heinrich Rudolf Dietsch, Theologumenon Vergilianorum Particula, Grimae. Fratantuono 2009  = Lee Fratantuono, A  Commentary on Virgil, Aeneid XI, Bruxelles. Grilli 1984 = Alberto Grilli, s. v. Cicerone, Enciclopedia Virgiliana I, Roma, p. 774-775. Hardie 1994 = Philip Hardie, Virgil, Aeneid Book IX, Cambridge. Heinze 19153  = Richard Heinze, Virgils epische Technik, Leipzig – Berlin (= Stuttgart, 1995), (trad. it. La tecnica epica di Virgilio, Bologna, 1996). Highet 1972 = Gilbert Highet, The Speeches in Vergil’s Aeneid, Princeton. Horsfall 1995  = Nicholas  M. Horsfall, A  Companion to the study of Virgil, Leiden – New York – Köln. Horsfall 2003 = Nicholas M. Horsfall, Virgil, Aeneid 11: A Commentary, Leiden. Labate 1984  = Mario Labate, L’arte di farsi amare. Modelli culturali e progetto didascalico nell’elegia ovidiana, Pisa. La Penna 1971  = Antonio La Penna, ‘Spunti sociologici per l’interpretazione dell’Eneide’, in Vergiliana, Recherches sur Virgile, H. Bardon – R. Verdière (ed.), Leiden, p. 185-188 (= Fra teatro, poesia e politica romana, Torino, 1979, p. 153-165). La Penna 1985 = Antonio La Penna, s. v. Drance, Enciclopedia Virgiliana 2, Roma, p. 138-140. La Penna 2005 = Antonio La Penna, L’impossibile giustificazione della storia. Un’interpretazione di Virgilio, Roma – Bari. Milanese 1985 = Guido Milanese, s. v. Ilioneo, Enciclopedia Virgiliana 2, Roma, p. 913-914. Mountford – Schultz 1962 = James F. Mountford – Joseph T. Schultz, Index rerum et nominum in scholiis Servii et Aelii Donati tractatorum, Hildesheim. Murgia – Kaster 2018 = Charles E. Murgia – Robert Kaster, Serviani in Vergili Aeneidos libros IX-XII commentarii, New York. 104

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Pease 1935  = Arthur  S. Pease, Publi Vergili Maronis Aeneidos Liber Q uartus, Cambridge Mass. (= Darmstadt, 1967). Ramires 1996  = Giuseppe Ramires, Servio. Commento al libro IX dell’Eneide di Virgilio. Con le aggiunte del cosiddetto Servio Danielino, Bologna. Ribbeck 1883  = Otto Ribbeck, ‘Kolax: Eine Ethologische Studie’, Abhandl. der königl. sachsischen Ges. der Wiss., Philol.-hist. Kl., 9, 1, p. 49-50, 108. Setaioli 1985 = Aldo Setaioli, s.v. ‘Discorso diretto’, Enciclopedia Virgiliana 2, Roma, p. 102-105. Wills 1996 = Jeffrey Wills, Repetition in Latin Poetry, Oxford.

Abstract In the commentaries of Servius and Servius Danielis on the Aeneid, the adverb oratorie and the adjective oratorius appear in a limited number of occurrences, sometimes in ‘routine’ scholia, but sometimes in scholia of a certain interest, in which the subject of the commentary are phrases and expressions that appear in the lines of direct speeches in the Virgilian poem. A substantially similar use is that of expressions derived from rhetor, which concern movements and rhetorical figures, organisation and structuring of the parts of speech, comparisons between Virgilian passages and precepts of the rhetorical treatise, especially Ciceronian. Virgilian commentators sometimes use these expressions to underline the oratorical qualities of positive and authoritative characters, starting with the hero protagonist. What interests us more, however, are the oratorical skills of more questionable or even decidedly negative characters, who are also capable of using the resources of oratorical technique and who give  a  less flattering image of this prestigious art. A  group of scolii in which the link between oratory and calliditas is addressed in a more complex way deserves attention (in particular the skirmishes of Juno and Venus, the oratorical tricks of Turnus, the eloquence of Drances).

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DANIEL VALLAT

COMMENCER LE DISCOURS : BENIVOLENTIA, ATTENTIO ET DOCILITAS DANS L’EXÉGÈSE VIRGILIENNE

Étape première et fondamentale pour une bonne mise en condition de l’auditoire, le début du discours a constitué un sujet d’étude important pour les théoriciens de l’art rhétorique. Il est l’objet d’une stratégie destinée à asseoir l’impact du locuteur – qui plaide au tribunal pour lui-même ou pour son client – et à influencer l’issue du procès dès le départ, avec l’idée sous-jacente que le début conditionne la fin. Si, comme souvent, la pratique des orateurs, ainsi que des sophistes, a précédé dans la Grèce classique l’élaboration d’une théorie écrite, on connaît, dès la période hellénistique, des traités qui soulignent l’importance du commencement et proposent des méthodes de ‘fabrique’ d’un début réussi 1. Même si certaines modifications mineures ont pu être apportées lors de l’importation  à  Rome des théories hellénistiques, un conservatisme romain fondamental a permis de maintenir une stabilité remarquable dans la doctrine rhétorique, d’abord au ier siècle avant notre ère, lorsque Cicéron et l’auteur anonyme de la Rhétorique à Hérennius transposent les théories grecques à Rome, puis au ier siècle de notre ère, avec l’Institution oratoire de Q uintilien, enfin dans une période plus tardive, lorsque les ouvrages rhétoriques de Cicéron sont commentés et apparaissent finalement comme la source de l’enseignement de la discipline. Des traces plus ou moins importantes de cette théorie se rencontrent à leur tour dans les commentaires tardifs à l’Énéide de Virgile (Servius, Servius Danielis [= SD] et Tibère Claude Donat [= TCD]), de   Ainsi la Rhétorique à Alexandre ou la Rhétorique d’Aristote ; on se reportera, sur ce point et sur les autres, à l’ouvrage classique sur la rhétorique antique, celui de Lausberg 1960 (en particulier les § 269-279 sur l’introduction du discours). 1

Vergilius orator. Lire et commenter les discours de l’ Énéide dans l’Antiquité tardive, éd. par Daniel Vallat, STTA 20 DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.128627 (Turnhout 2022), pp. 107-137    ©             

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façon sporadique et imprévisible chez Servius et SD, mais de manière plus systématique chez T.  Claude Donat, qui propose précisément un commentaire de nature rhétorique. Or, c’est justement le début (principium) du discours qui est le plus souvent mis en valeur dans ces commentaires et qui nous intéressera ici : après une première partie sur le passage de la théorie du principium depuis les traités classiques jusque dans les commentaires virgiliens, une seconde partie portera plus spécifiquement sur l’exploitation, dans les commentaires, des trois concepts clés que sont, dans l’ordre d’importance croissant, la docilitas, l’attentio et la beniuolentia.

1. La théorie du principium, des artes aux commentaires 1.1. L’exordium dans la tradition rhétorique À Rome, les théoriciens de l’art oratoire ont repris presque à la lettre les préceptes hellénistiques, même si les voies de la transmission précise ne sont pas toujours claires 2. Les principaux traités latins de rhétorique consacrent ainsi une partie importante à l’introduction du discours. Les objectifs sont synthétisés par Q uintilien : Q uintilien 4, 1, 5 : Causa principii nulla alia est quam ut auditorem quo sit nobis in ceteris partibus accommodatior praeparemus. Id fieri tribus maxime rebus inter auctores plurimos constat, si beniuolum, attentum, docilem fecerimus, non quia ista non per totam actionem sint custodienda, sed quia initiis praecipue necessaria, per quae in animum iudicis ut procedere ultra possimus admittimur. ‘Le début n’a pas d’autre but que de rendre plus réceptif l’auditeur envers nous dans les parties suivantes. Chez la plupart des auteurs, il est établi que cela se réalise selon trois principes, si nous le rendons bienveillant, attentif et docile, non parce que ces objectifs ne doivent pas être visés tout au long de l’action, mais parce que ce qui nous permet d’accéder à l’esprit du juge, pour ensuite pouvoir y progresser encore, est surtout nécessaire dans l’introduction.’ 2   Sur l’adaptation à Rome des traités d’Aristote ou d’Hermagoras, on peut se reporter à l’ouvrage, toujours utile, de Peters 1907, ou à celui, plus récent, de Calboli Montefusco 1988. Voir aussi Polara 1974 pour une première approche sur la réception de la rhétorique classique dans l’exégèse virgilienne.

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Finalement, c’est une conception sophistique du discours qui se perpétue jusqu’à Rome, où se trouvent théorisées l’interaction entre le locuteur et l’auditeur en vue d’un impact maximal, la malléabilité de l’auditoire et la prise de pouvoir de l’orateur, à travers une forme de langage quasi hypnotique. Cicéron ne disait pas autre chose (de inuent. 1,  20)  : Exordium est oratio animum auditoris idonee comparans ad reliquam dictionem  : quod eueniet, si eum beniuolum, attentum, docilem confecerit, ‘L’exorde est un passage qui prépare de façon appropriée l’esprit de l’auditeur  à  la suite du discours  : c’est ce qui se produira s’il le rend bienveillant, attentif, docile’. Il annonce ainsi la même suite d’objectifs qui se retrouve chez Q uintilien, avec en premier lieu la beniuolentia, puis l’attentio et enfin la docilitas, et dont l’ordre est légèrement modifié par la Rhétorique  à  Hérennius, qui place la beniuolentia en dernier 3, sans conséquence théorique. Ce même traité insiste d’entrée sur les deux types de débuts (exordia) en rhétorique (1, 6) 4 : le principium, qui justement est régi par l’objectif de conditionnement initial de l’auditoire, et l’insinuatio, qui partage les mêmes objectifs de façon détournée (1, 11) : Inter insinuationem et principium hoc interest. Principium eius modi debet esse ut statim apertis rationibus, quibus praescripsimus, aut beniuolum aut attentum aut docilem faciamus auditorem  : at insinuatio eiusmodi debet esse, ut occulte per dissimulationem eadem illa omnia conficiamus, ut ad eandem commoditatem in dicendi opere uenire possimus. ‘Voici la différence entre l’insinuation et le début simple. Le début doit être tel que, avec les moyens explicites que nous 3  Rh. Her. 1, 6 : Id ita sumitur ut attentos, ut dociles, ut beniuolos auditores habere possimus, ‘‹Le début› se fait de manière à ce que nous puissions avoir des auditeurs attentifs, dociles et bienveillants’ ; l’auteur anonyme précise ensuite que l’ordre entre ces objectifs relève d’un choix stratégique : Si genus causae dubium habebimus, a beniuolentia principium constituemus, ne quid illa turpitudinis pars nobis obesse possit. Sin humile genus erit causae, faciemus attentos, ‘Si nous avons un genre de cause douteux, nous établirons le début à partir de la bienveillance, pour que cette partie honteuse ne puisse en rien nous nuire. Si le genre de cause est humble, nous les rendrons attentifs’. 4  Rh. Her. 1, 6 : principium, quod Graece prohemium appellatur, et insinuatio, quae epodos nominatur, ‘le début, que les Grecs appellent prohemium, et l’insinuation, qu’ils appellent epodos’.

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avons prescrits, nous rendions aussitôt l’auditeur bienveillant, attentif ou docile ; mais l’insinuation doit être telle que nous réalisions tous ces mêmes objectifs de manière cachée, par dissimulation, pour que nous puissions atteindre la même mise en condition dans notre travail oratoire.’

La même distinction se retrouve chez Cicéron (de inuent. 1, 20) 5 et Q uintilien, qui la met à distance 6. Après ces définitions et ces distinctions, les théoriciens précisent comment susciter les attitudes adéquates de l’auditoire. Pour la bienveillance, Cicéron et la Rhétorique à Hérennius proposent le même cadrage en quatre points : elle est sollicitée à travers la personne du plaideur, celle des adversaires, celle du juge/de l’auditoire, et par le sujet même du procès 7 ; et elle est longuement illustrée dans les traités. La recherche de l’attentio, quant  à  elle, s’appuie sur un effet d’annonce sur le contenu du discours à venir : le verbe polliceor illustre bien cette dimension ponctuelle de promesse 8. Il faut donc piquer l’intérêt de l’auditoire en annonçant en particulier un contenu ‘important’ 9, ‘nouveau’ 10, surprenant 11, qui concerne 5  On la retrouve logiquement chez les commentateurs tardifs de Cicéron, cf. Marius Victorinus 15 (RLM, p. 197 Halm). 6  Q uintilien 4, 1, 42 : Et eo quidam exordium in duas diuidunt partis, principium et insinuationem, ‘et certains divisent l’exorde en deux catégories : l’introduction et l’insinuation’. Sur l’insinuation, cf. Lausberg 1960, § 280-287. 7 Cicéron, de inuent. 1, 22 : Beniuolentia quattuor ex locis comparatur : ab nostra, ab aduersariorum, ab iudicum persona, a causa, ‘La bienveillance est préparée par quatre points : par notre personne, par celle des adversaires, par celle des juges, par la cause’ ; Rh. Her. 1, 8 : Beniuolos auditores facere quattuor modis possumus : ab nostra, ab aduersariorum nostrorum, ab auditorum persona, et ab rebus ipsis, ‘Nous pouvons rendre les auditeurs bienveillants de quatre façons : par notre personne, par celle des adversaires, par celle des auditeurs et les faits eux-mêmes’. Les variations de vocabulaire (iudicum / auditorum et causa / rebus) ne sont pas réellement signifiantes, à ceci près que Cicéron use de termes plus spécifiques au tribunal, et la Rhétorique à Hérennius de termes plus généraux. 8   Cicéron (de inuent. 1, 23) : si pollicebimur / Rh. Her. 1, 7 : si pollicebimur. Cicéron (de inuent. 1, 23) emploie également le participe futur de dico (si demonstrabimus ea quae dicturi erimus) comme la Rh. Her. (1, 7 : quibus de rebus dicturi sumus) et Q  uintilien (4, 1, 33) le verbe d’apparence uidetur. 9  Magna chez Cicéron, de inuent. 1, 23 et Q uintilien 4, 1, 33 ; magnis (rebus) dans Rh. Her. 1, 7. 10  Noua (Cicéron, de inuent. 1, 23 ; Q uintilien 4, 1, 33) / nouis (Rh. Her. 1, 7). 11  Incredibilia (Cicéron, de inuent. 1, 23) / inusitatis (Rh. Her. 1, 7) / atrox (Q uintilien 4, 1, 33).

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directement les auditeurs 12, des personnages illustres 13, les dieux 14 ou la république 15. Les définitions de Cicéron et de la Rhétorique à Hérennius sont alors parfaitement parallèles, cette dernière ajoutant encore deux procédés (la demande explicite au public d’être attentif et le dénombrement des points à venir), tandis que Cicéron identifie également la promesse de brièveté ; Q uintilien, de son côté, module cette définition en la complétant par une liste d’affects à susciter dans l’esprit du juge si on l’estime utile 16. Dans tous les cas, l’appel  à  l’attention est bref et joue sur un impact maximal, à travers une annonce qu’il ne faudra pas décevoir. L’appel à la docilitas est plus délicat ; il semble reposer d’abord sur la présence d’un résumé qui permet  à  l’auditeur de comprendre le déroulé du discours à venir : les théoriciens proposent là encore un précepte quasi identique 17. Mais ils ajoutent également que la docilitas est le fruit d’une attentio réussie, et ils lient les deux concepts sous une forme de cause à effet qui ne permet pas de bien voir en quoi la docilitas se distingue 18. Elle s’appuie sur la brièveté (cf. l’adverbe breuiter dans les trois définitions) et joue le rôle d’un 12  Ad eos qui audient (Cicéron, de inuent. 1,  23)  / ad eos ipsos qui audient (Rh. Her. 1, 7) / si iudex aut sua uice… (Q uintilien 4, 1, 33). 13  Ad aliquos illustres homines (Cicéron, de inuent. 1,  23)  / ad exemplum (? Q uintilien 4, 1, 33). 14  Ad deos immortales (Cicéron, de inuent. 1, 23) / ad deorum immortalium religionem (Rh. Her. 1, 7). 15  Aut ad summam rem publicam pertinere (Cicéron, de inuent. 1, 23) / ad rem publicam pertineant (Rh. Her. 1, 7) / (si) rei publicae commouetur (Q uintilien 4, 1, 33). 16   Q uintilien 4, 1, 33 : cuius animus spe metu admonitione precibus, uanitate denique, si id profuturum credemus, agitandus est, ‘il faut donc ébranler son esprit par l’espoir, la crainte, la remontrance, les prières et enfin la vanité, si nous croyons que cela pourra être utile’. 17  Cicéron (de inuent. 1, 23) : Dociles auditores faciemus, si aperte et breuiter summam causae exponemus, hoc est in quo consistat controuersia, ‘Nous rendrons les auditeurs dociles si nous exposons explicitement et brièvement le fond de la cause, c’est-à-dire ce en quoi consiste la controverse’ / Rh. Her. 1, 7 : Dociles auditores habere poterimus, si summam causae breuiter exponemus, ‘nous pourrons avoir des auditeurs dociles, si nous exposons brièvement le fond de la cause’ / Q uintilien 4, 1, 34 : si breuiter et dilucide summam rei de qua cognoscere debeat indicarimus, ‘si nous indiquons brièvement et clairement le fond de l’affaire dont il devrait être informé’. 18  Cicéron (de inuent. 1, 23) : Nam et, cum docilem uelis facere, simul attentum facias oportet. Nam is est maxime docilis qui attentissime est paratus audire, ‘Car, si l’on souhaite le rendre docile, il convient aussi de le rendre en même temps attentif. Car est surtout docile celui qui est préparé à écouter avec une très grande attention’ / Rh. Her. 1, 7 : nam docilis est qui attente uult audire, ‘car est docile celui

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plan auquel on peut se reporter par l’esprit, et finit par constituer une attentio qui se prolonge au-delà du seul effet d’annonce. Au demeurant, il est assez difficile de traduire l’adjectif docilis dans ce contexte  : si l’on opte traditionnellement – et par facilité – pour ‘docile’, le mot signifie plutôt ‘disposé à apprendre’, voire ‘capable de suivre’ (grec εὐμαθής). En tout cas, on peut noter la forte cohérence de la doctrine  à  Rome, qui se concentre sur le principium, forme simple de l’exordium, et ses trois objectifs de conditionnement de l’auditoire – ce que Q uintilien résume ainsi (4,  1,  51)  : si iudicem beniuolum attentum docilem habeo, quid amplius debeam optare non reperio ‘si j’obtiens un juge bienveillant, attentif et disposé à apprendre, je ne vois pas ce que je pourrais souhaiter de plus’. 1.2. La délocalisation de la rhétorique dans le commentaire Une partie de cette théorie se retrouve dans les commentaires à  Virgile. Plus que les grands textes fondateurs que nous avons cités, il est bien possible que les commentaires à Cicéron et divers manuels tardifs soient la source des scolies rhétoriques et aient servi d’intermédiaires entre l’Antiquité classique et l’Antiquité tardive 19. La présence, dans les commentaires virgiliens (à l’exception de T. Claude Donat), de scolies à teneur rhétorique sur le début du discours est le résultat d’une transdisciplinarité assurée mais limitée : elle est surtout marquée par la conscience d’une altérité générique. C’est le sens, chez Servius et dans SD, des syntagmes du type secundum artem rhetoricam 20, qui sont en concurrence avec d’autres formulations, comme l’adverbe rhetorice (Servius, G. 4, 1) ou des substantifs différents tels que disciplina (Servius, Aen. 11, 508) ou praecepta 21. En ce qui concerne T. Claude Donat, les références à l’ars sont nombreuses chez lui, ce qui est normal veut écouter avec attention’ / Q uintilien 4, 1, 34 : Docilem sine dubio et haec ipsa praestat attentio, ‘sans aucun doute, cette attention le rend précisément docile’. 19   Par exemple Marius Victorinus ou Julius Victor. 20 Cf. Servius, Aen. 1, 522 ; 10, 38 ; cf. Servius Aen. 11, 508 : secundum rhetoricam disciplinam. 21 SD, Aen. 1, 522 : secundum praecepta rhetorica ; TCD I, 25, 10 G : secundum artis praecepta.

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dans un commentaire rhétorique, mais l’adjectif rhetoricus reste peu employé. Chez Servius et SD, ces syntagmes expriment le souci d’identifier une matière qui, dans le cadre du commentaire scolaire, n’est pas celui du commentateur, avec la volonté de marquer explicitement ce qui relève de chaque type d’exégèse ; l’interprétation rhétorique constitue dans ce cas un excursus délimité, voire très limité, destiné  à  une initiation minimale aux techniques rhétoriques – surtout chez Servius. Par ailleurs, la délocalisation, dans le commentaire, de conceptions proprement rhétoriques sur le début s’accompagne d’un lexique spécifique. On relève ainsi quelques références à la contro­ uersia et à la suasoria. Ces deux termes évoquent des sous-genres rhétoriques et/ou scolaires qu’on trouve en particulier, à Rome, dans les écrits de Sénèque le Père. Mais l’examen des occurrences ne semble pas induire un sens aussi précis et montre plutôt, au moins pour controuersia, le sens de ‘procès’ qu’on trouve chez Cicéron (cf.  ci-dessus, note 17). Dans SD, le terme controuersia s’accompagne par deux fois de la présence d’un iudex (SD, Aen. 1, 522, où le juge est Didon, et 2, 69, où c’est Priam) ; chez Servius, le sens du mot est moins net en Aen. 4, 333, lorsqu’Énée essaie de se justifier de son départ, auprès de Didon ; dans ce cas, il oppose ses arguments à ceux de la reine, et le cadre devient celui d’une controverse plus scolaire, où le commentateur met en avant la purgatio (‘disculpation’) du héros. Q uant à la suasoria (aussi nommée persuasoria, persuasio), elle s’inscrit logiquement dans un dialogue entre deux personnages dont l’un cherche  à  convaincre l’autre, et non plus dans un contexte judiciaire comme la controverse  : c’est ainsi que Servius nomme le discours où Vénus demande de l’aide  à  Cupidon (Aen. 1,  664), celui où Anna tente de persuader Didon de renoncer à sa fidélité envers son époux décédé (Aen. 4, 31), ou, plus étonnant, celui où Énée demande à la Sibylle de pouvoir retrouver son père (Aen. 6, 104) ; SD identifie également une suasoire lorsqu’Énée s’adresse à Évandre (Aen. 8, 127). Il s’agit alors de discours de persuasion, avec pour objectif une demande précise. Le dernier stade de la délocalisation de la rhétorique dans le commentaire se produit quand l’exégète projette dans un discours un cadre judiciaire et croit en discerner les différents actants. 113

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C’est particulièrement net dans la scolie SD, Aen. 1, 522, lorsque le commentateur identifie en Ilionée le défendeur, en Didon le juge et dans les Carthaginois ses adversaires. Le terme causa, qui désigne aussi bien la ‘cause’ du plaideur que le ‘procès’ proprement dit, revient également sporadiquement 22. Ces dispositifs exégétiques permettent ainsi de présenter certains discours virgiliens comme des scènes de procès au tribunal – ce qu’ils ne sont pas – tout en suggérant que Virgile a non seulement respecté une trame rhétorique, mais a aussi délivré des modèles en ce domaine. Bien que limitée à quelques cas précis, cette projection du discours épique en discours judicaire permet alors au commentateur d’enrichir un axe exégétique devenu fondamental dans l’Antiquité tardive,  à  savoir que Virgile s’est illustré dans tous les savoirs. Dès lors, il était logique à ses yeux de vouloir faire entrer la théorie rhétorique dans une pratique virgilienne qui ne s’y prêtait pas nécessairement. 1.3. Le principium et les scolies théoriques Un certain nombre de scolies et de remarques sur le principium proposent ainsi des ébauches ou des fragments de théorie rhétorique. Il faut d’abord noter que le terme générique exordium n’est quasiment jamais employé 23. En revanche, la différence entre principium et insinuatio est connue de Servius, qui la rapporte à propos de Turnus qui, selon le commentateur, pratique l’insinuation en suggérant qu’il vaut mieux mourir que demander la paix, mais qui n’ose le dire ouvertement (aperte non audet) et en vient progressivement et indirectement à exprimer son opinion (paulatim ad hoc serpit). Servius ajoute alors une remarque théorique : Servius, Aen. 11, 411 : Namque inter principium et insinuationem hoc interest, quod principium est aperta rei enuntiatio, insinuatio autem, ut diximus, est callida et subtilis oratio.

  Par exemple SD, Aen. 4, 31 ; TCD I, 131, 26 ; II, 33, 12 G, etc.   Le seul exemple que j’aie relevé est TCD II, 133, 21 G, où loquendi exordium désigne le début du discours d’Énée à Évandre ; le terme n’a pas ici de valeur spécifique, mais constitue un synonyme de principium. 22 23

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‘Car la différence entre le début et l’insinuation, c’est que le début est l’énonciation explicite d’un fait, et que l’insinuation, comme nous l’avons dit, est un passage malin 24 et subtil.’

Cette présentation est relativement fidèle  à  celles qu’on trouve à  l’époque républicaine (cf.  supra). T.  Claude Donat emploie également les termes insinuatio ou insinuare dans des contextes non théoriques, mais qui reprennent certains concepts ou mots clés essentiels. Si le modèle, chez lui, d’insinuatio est le discours de Junon à Éole pour le convaincre de déchaîner les vents contre les Troyens (Aen. 1,  65-75) 25, par au moins deux fois il oppose ce type de début à  un discours apertus, soulignant par exemple qu’on peut passer de l’un à l’autre en jouant sur les degrés de la clarté et du détournement, comme lorsque Didon s’adresse à sa sœur Anna 26 : TCD I, 356, 24-27 G : non semel effudit, sed usa est insinuatione et per longos uerborum circulos uenit ad eam partem quae sine iactura pudoris, quamuis apud talem sororem, proferri non potuit. Hoc loco apertius dicitur quid sit… ‘elle ne s’est pas épanchée en une seule fois, mais elle a utilisé une insinuation et en est venue, par de longs détours verbaux, à cette partie qu’elle ne pouvait avouer sans perdre sa pudeur, bien qu’elle le fasse  à  une sœur aussi proche. On explique ici plus clairement ce que signifie…’

Au-delà des définitions du principium se pose la question de son utilité. Servius rappelle ainsi que le début constitue, avec la fin, un des deux moments forts du discours et doit concentrer les éléments les plus importants 27. Mais les commentateurs notent par24  Sur la calliditas, voir la contribution de M.  L. Delvigo dans le présent volume. 25   TCD I, 26, 11-12 G : incipit iam insinuare ipsam causam dicens ‘gens inimica…’, ‘elle commence déjà à suggérer sa cause même en disant “une race ennemie, etc.”’. 26  Voir aussi TCD I, 288, 5-9 G (Pénates à Énée). 27 Servius, Aen. 10, 38 : solent enim grauiora in principiis et in fine secundum artem rhetoricam poni, ‘en effet, les éléments les plus importants se placent d’ordinaire, selon l’art rhétorique, au début et à la fin’ ; cf. aussi Ps.-Probus, p. 328, 1819 Hagen.

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fois que, dans des contextes inhabituels, la mise en scène du début est perturbée, voire inutile, en particulier autour du personnage du roi Latinus en Aen. 7. En effet, il accorde aux Troyens sa bienveillance avant même qu’Ilionée ait pris la parole, ce qui devrait rendre superflu un début dont le rôle principal est justement de susciter la bienveillance 28 ; mais Ilionée, sans doute pour des questions de décorum, n’entend pas abandonner tout formalisme, et se lance malgré tout dans un principium plus ou moins tronqué, comme le remarque T. Claude Donat : TCD II, 33,  2-7  : Ilioneus haec post Latini dicta prosecutus est et, quia principiorum sollemnitas non adeo necessaria uidebatur in ea causa in qua Latinus ipse beniuolum se demonstrauerat et plus quam optari potuisset iam sponte contulerat, tamen non intermisit principiorum formam nec in totum prosecutus est. ‘Ilionée a continué après les paroles de Latinus et, parce que la solennité des débuts ne semblait pas si nécessaire dans une cause pour laquelle Latinus s’était justement montré bienveillant et avait déjà offert, de lui-même, plus qu’on aurait pu espérer, cependant, il n’a pas interrompu la forme des débuts et n’a pas non plus poursuivi entièrement son propos.’

Plus loin, lorsque Amata, femme de Latinus, dénigre auprès de son mari le choix qu’il a fait de donner leur fille Lavinia en mariage à Énée, le contexte rend inutile, comme le note encore T. Claude Donat, tout début dans les formes : TCD II, 58, 8-12 : apud maritum locutura de filiae conubiis mater non debuit uti principiis  ; tunc enim sunt necessaria, cum apud extraneum sumus uerba facturi, ut attentum, beniuolum docilemque reddamus. In praesenti uero attentum cur faceret… ‘Devant parler à son mari des noces de leur fille, elle n’a pas eu besoin d’employer de début ; en effet, ces derniers sont nécessaires quand nous devons nous adresser à un étranger, pour le rendre attentif, bienveillant et disposé à écouter. Mais dans le cas présent, pourquoi le rendre attentif, etc. ?’

  Voir Clément-Tarantino 2013.

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Au-delà de ces échanges verbaux qui s’affranchissent des règles usuelles, le statut de l’interlocuteur joue un rôle dans la présence ou non du principium ; c’est du moins ce qu’affirme SD lorsque Vénus s’adresse à Cupidon : SD, Aen. 1, 664 : nate meae vires : sane et hic persuasoriam agit, sicut superius, ubi Iuno ad Aeolum loquitur ‘Aeole, namque tibi’. Sed ibi, quia dea cum homine loquebatur, principio opus non fuit ; hic uero principio usus est, quia dea cum deo loquitur ad beniuolentiam comparandam : ‘nate’ ab indulgentissimo nomine ; ‘En tout cas, elle se livre ici aussi  à  un discours de persuasion, comme plus haut, quand Junon s’adresse à Éole : “Éole, car à toi…”. Mais, dans ce dernier cas, il n’y avait pas besoin d’entrée en matière, parce qu’une déesse parlait à un homme, mais ici le poète a utilisé une entrée en matière, parce qu’une déesse s’adresse à un dieu pour se ménager sa bienveillance : “mon enfant”, avec un nom plein de tendresse ;’

La mise en parallèle des discours de Vénus  à  Cupidon et de Junon à Éole (Aen. 1, 65) est cohérente, dans la mesure où deux déesses plus puissantes que leurs interlocuteurs leur demandent un service ; mais, dans le premier cas, la divinité de Cupidon rend nécessaire l’emploi d’un principium pour se le concilier, alors que dans l’autre cas le statut d’Éole, qui est de nature humaine, le rend inutile, et SD relève l’absence de terme cajoleur. Il existe donc un problème de ‘face’ qui rend parfois nécessaire l’usage du début captateur. Mais cette interaction verbale intègre des notions rhétoriques sans être, pour autant, de nature proprement rhétorique, car on est loin du procès judiciaire où il faut de toute façon se concilier les juges dont la position est supérieure à celle des plaideurs. La remarque théorique constitue en réalité un savoir-faire pratique pour la vie quotidienne, par la prise en compte du statut de l’interlocuteur, non dans le cadre limité du procès, mais dans celui de toute prise de parole destinée, en l’occurrence, à obtenir un service. Il se crée donc un décalage d’emploi : les élèves, destinataires du commentaire, sont initiés ici à des techniques rhétoriques qui ne sont pas directement vouées à servir dans le discours rhétorique proprement dit, mais dans tout discours. Il s’agit d’un élargissement important du cadre judiciaire et d’un détournement des objectifs initiaux. Au demeurant, il faut nuancer cette 117

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opposition des discours de Vénus et Junon dans l’usage du principium, car le même SD (qui, rappelons-le, n’est pas un auteur mais un commentum uariorum) précise en Aen. 1, 65 que l’emploi du nom propre Aeole est une marque d’honneur 29. On notera une autre adaptation du principium dans le discours de Cybèle à Jupiter en Aen. 9, 83-92 : T. Claude Donat (II, 198 3-14 G) précise que la déesse aurait dû ajouter aux ‘débuts’, c’està-dire à l’appel à la bienveillance et à l’attention, le résumé de ce qu’elle désire (= docilitas), mais elle ne l’a pas fait directement, parce que ‘il convenait que, avant de demander quelque chose de délicat, elle donne d’abord les raisons d’une juste demande’ (oportuit enim ut rem arduam petitura primo causas insereret iustae petitionis). Il existe donc toujours une possibilité d’adapter le cadre théorique en fonction du contexte et des besoins du locuteur/orateur, l’objectif étant de proposer le début le plus efficace pour la cause envisagée 30. Mais la principale scolie théorique est celle de SD, Aen. 1, 522, qui reprend presque littéralement aux traités républicains la liste des quatre moyens de capter la bienveillance dans le discours d’Ilionée à Didon 31 : SD, Aen. 1,  522  : Q uae beniuolentia in principiis contro­ uersiarum secundum praecepta rhetorica quattuor modis conciliatur : a iudicum persona, a nostra, ab aduersariorum, a re ipsa. Q uod hic inuenitur : a iudicum persona : ‘o regina nouam c. c. I. u.’, a sua persona : ‘Troes te miseri’ et cetera, ab aduersariorum : ‘quod genus hoc hominum’, a re ipsa : ‘hospitio prohibemur harenae’. ‘Cette bienveillance s’obtient au début des controverses de quatre manières, selon les préceptes rhétoriques : par la personne des juges, par la nôtre, par celle des adversaires, par les faits eux-mêmes. C’est ce qu’on trouve ici : par la personne des juges dans “ô reine, à qui Jupiter a permis de fonder une ville nouvelle” ; par la personne du locuteur dans “les malheu Voir infra.   Voir ainsi ce que dit SD (Aen. 4, 31) du discours d’Anna à Didon : usus est apto causae principio, ‘‹Virgile› a employé un début adapté à la cause’. 31  On notera que le même discours est analysé en trois éléments par Emporius (RLM, p. 563, 13-18 Halm) : a persona ad quam loquimur / ab ea quae loquitur / de re. 29 30

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reux Troyens te prient,  etc.”  ; par celle des adversaires dans “quel est ce genre d’hommes ?” ; par les faits eux-mêmes dans “nous sommes privés de l’hospitalité du sable”.’

Le même commentaire ajoute plus loin une distinction entre deux cas de figure, selon que l’on parle pour soi ou pour quelqu’un d’autre 32.

2. La pratique du principium On détaillera ici les trois objectifs du principium, tels qu’ils se présentent dans l’exégèse virgilienne, du moins fréquent au plus important. 2.1. Docilitas La docilitas est le maillon faible de l’analyse rhétorique dans l’exégèse virgilienne, mais sa quasi-absence est le reflet logique de son importance dans la théorie : on a rappelé plus haut que sa définition dans les artes était souvent problématique et qu’elle était finalement la conséquence d’une attentio réussie. En raison de cette légère difficulté théorique, la docilitas n’apparaît pas explicitement chez Servius ni dans SD. Même chez T.  Claude Donat, on ne relève que deux occurrences de l’adjectif docilis dans ce sens, dans des analyses  à  forte teneur théorique où le commentateur applique clairement une grille de lecture pré-établie. Ainsi, dans le discours de Vénus à Cupidon (Aen. 1, 664688), Claude Donat précise que la déesse suit fidèlement les trois étapes du principium, dans un ordre chronologique marqué qui part de la beniuolentia, se poursuit par l’attentio et s’achève par la docilitas : TCD I, 131, 24-26 & 28-29 G : peracta principiorum parte qua fecit beniuolum consequenter facit attentum, qua occasione ostendit metus sui causas… Posteaquam beniuolum 32 SD, Aen. 4, 31 : nam cum aliquid propter nos petimus, beniuolum nobis eum qui audit facere debemus ; cum in aliena causa sententiam dicimus, nos illi beniuolos debemus ostendere, ut habeatur dictis fides, ‘car lorsque nous demandons quelque chose pour nous-mêmes, nous devons rendre bienveillant celui qui nous écoute ; quand nous donnons notre avis dans la cause d’autrui, nous devons nous montrer bienveillants envers lui, pour qu’il ait confiance en nos paroles’.

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fecit et attentum, incipit docilem facere subiuncta continuo narratione totius negotii… ‘après avoir achevé la partie des débuts par laquelle elle l’a rendu bienveillant, elle le rend ensuite attentif, et en profite pour montrer les causes de sa crainte… Une fois qu’elle l’a rendu bienveillant et attentif, elle commence à le rendre docile en y ajoutant aussitôt la narration de toute l’affaire…’

La docilitas y est reliée à l’exposé de l’affaire (narratio), ce qui est cohérent avec la doctrine des artes. Au livre 7, dans le discours où Amata dénigre auprès de Latinus le mariage de leur fille Lavinia avec Énée, Claude Donat emploie un raisonnement inverse, car il démontre qu’Amata, dans ce contexte, n’avait nul besoin d’un principium, puisque ces trois éléments – cette fois dans l’ordre attentio, beniuolentia, docilitas – sont rendus inutiles par l’état d’esprit du destinataire : TCD II, 58, 8-16 G : apud maritum locutura de filiae conubiis mater non debuit uti principiis ; tunc enim sunt necessaria, cum apud extraneum sumus uerba facturi, ut attentum, beniuolum docilemque reddamus. In praesenti uero attentum cur faceret, cum Latinus causam nosset ? beniuolum cur, cum negotio filiae utpote pater non esset nociturus ? docilem quomodo, cum apud eum sciret causam ? ‘Devant parler à son mari des noces de leur fille, elle n’a pas eu besoin d’employer de début ; en effet, ces derniers sont nécessaires quand nous devons nous adresser à un étranger, pour le rendre attentif, bienveillant et disposé  à  écouter. Mais dans le cas présent, pourquoi le rendre attentif, puisque Latinus connaissait la cause ? pourquoi le rendre bienveillant, puisque de toute façon, en tant que père, il n’allait pas nuire à l’affaire de sa fille ? comment le rendre disposé à écouter, puisque, elle le savait, la cause était présente à son esprit ?’

On notera que l’attentio et la beniuolentia sont rapportées  à  la question cur ? et expriment ainsi le but du locuteur, alors que la docilitas se distingue des autres en étant glosée par la question quomodo  ?, qui renvoie  à  la manière de guider l’auditeur. Au demeurant, la docilitas apparaît toujours en dernier, conformément  à  l’ordre des artes, mais aussi selon un classement axiologique qui lui accorde une place secondaire. 120

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Il existe cependant quelques cas de docilitas implicite qui viennent compléter ce maigre corpus et qu’on peut déduire de la présence d’une narratio ou d’une summa rei ; ainsi, en Aen. 1, Claude Donat évoque par deux fois comment Énée, après avoir rendu attentif son auditoire –  en l’occurrence ses compagnons après la tempête et Vénus apparue en chasseresse (Aen. 1, 198 et 326)  – enchaîne sur un élément qui s’apparente à  la docilitas  : dans le cas de Vénus, le commentateur estime que les paroles d’Énée l’ont rendue ‘bienveillante’ et ‘attentive’, puis le héros ‘commence sa narration’ (I, 82, 27 G : incipit narrationem), ce qui constitue le troisième temps du début ; avec ses compagnons, le rappel de leurs malheurs communs crée pour Énée, selon le commentateur, des conditions favorables d’abord pour ‘être accueilli avec une grande attention’ (I,  45,  20-21 G  : accipi attentius) et pour ‘être écouté avec patience’ (patienter audiri)  : ce dernier point constitue une définition alternative de la docilitas. Parallèlement, en Aen. 4, 31, SD analyse le discours d’Anna à Didon et n’explicite d’abord que la bienveillance dans le principium  ; mais il ajoute ensuite summam rei ponit, an nuptiae faciendae sint, ‘elle annonce le point principal de son discours : si ‹Didon› doit se marier’ ; la mention de la summa rei est caractéristique de la docilitas dans les artes (cf. supra) : aussi s’agit-il sans doute ici d’une façon détournée de la signifier, peut-être synthétisée avec l’attentio. 2.2. Attentio L’attentio est bien plus exploitée que la docilitas dans les commentaires, et se présente, à parts presque égales, soit seule, soit avec la mention, dans le contexte immédiat, de la beniuolentia, à laquelle elle est en grande partie subordonnée. Q uand elle est seule mentionnée, l’attentio marque une étape d’autant plus importante dans le discours que la beniuolentia est absente ou éloignée. Ainsi dans les paroles de Vénus, déguisée en chasseresse, à Énée (Aen. 1, 338 : Punica regna uides, ‘Tu vois les royaumes puniques’), SD perçoit la volonté de rendre Énée attentif (hic 33 attentum facit Aeneam), puisque la déesse, après des généralités sur les costumes   Thilo et les éditeurs de Harvard retiennent ici la leçon his.

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tyriens, précise alors à son fils ce qu’il désire savoir : où il se trouve (cf. Aen. 1, 331 quibus orbis in oris). Parmi les facteurs qui créent l’attention, certains reproduisent explicitement ceux qui étaient cités dans les artes (cf. supra) : l’annonce ou la promesse de sujets grands, nouveaux, incroyables, ou encore la brièveté ou une liste d’affects susceptibles d’être efficaces sur l’esprit du juge. Certains de ces conseils sont donc relevés par les commentaires dans les discours virgiliens : par exemple, SD insiste sur la nouitas dans les paroles de Sinon à son ‘juge’ Priam 34 ; le merveilleux est présent dans une parenthèse d’Énée juste avant qu’il rapporte le prodige du tombeau de Polydore (Aen. 3,  39  : eloquar an sileam ?, ‘parlerai-je ou me tairai-je ?’) ; grâce à cette question, selon SD (ad loc.), ‘il veut rendre l’auditeur attentif’ (auditorem attentum uult facere). Un bon moyen pour susciter l’attention repose aussi dans l’annonce d’un ‘grand sujet’, mais il n’apparaît pas tel quel dans les commentaires à l’Énéide ; on le trouve en revanche dans l’analyse par Servius des premiers vers de la 4e Géorgique, où la minceur du sujet est compensée, dit-il, par sa mise en scène grandiloquente 35 : c’est bien Virgile, dans ce cas, qui cherche à capter l’attention du public, et non plus un de ses personnages, et la recette théorique qu’il applique ressemble à une intention de tromper qui est rapportée non au poète mais à la discipline rhétorique. L’annonce de la brièveté comme outil d’attention est relevée plusieurs fois par T. Claude Donat, par exemple quand Latinus s’adresse à l’assemblée des guerriers en Aen. 7 36, ou encore dans l’échange entre Vénus déguisée en chasseresse et Énée en Aen. 1 : TCD I, 71, 31-32-72, 1-2 G (Vénus à Énée) : ea positura est quae fuerat dictura, sed artificio narrantis multa sese praeter34  SD, Aen. 2, 69 : … querelae autem nouitate attentum. Q uis enim non cuperet audire quo pacto idem homo et Graecis et Troianis esset inuisus ?, ‘et il ‹l’a rendu› attentif par la nouveauté de sa plainte. En effet, qui ne voudrait entendre comment le même individu s’est retrouvé haï à la fois des Grecs et des Troyens ?’. 35 Servius, G. 4, 1 : protinus aerii mellis caelestia dona exeq uar : rhetorice dicturus de minoribus rebus magna promittit, ut et leuem materiam subleuet et attentum faciat auditorem, ‘dans la suite je traiterai des dons célestes du miel aérien : à la façon d’un orateur, alors qu’il va parler de petites choses, il en promet des grandes, pour ennoblir un sujet léger et rendre l’auditeur attentif’. 36  TCD II, 460,  8-9 G  : his igitur spondet breuitatem et eos facit attentos, ‘donc, par ces mots il leur promet la brièveté et les rend attentifs’.

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missuram simulat, ut ille spe futurae breuitatis cuncta attentius audiret. ‘elle va annoncer ce qu’elle allait dire 37, mais, par un artifice de narration, elle fait semblant d’en laisser beaucoup de côté, pour que, avec l’espoir d’une brièveté à venir, il entende tout avec plus d’attention.’ TCD I, 82,  22-27 G (Énée  à  Vénus)  : … et fecit attentam, cum dicit multa esse mala quae referre cogatur et eo genere ostendit se non omnia, sed aliqua esse dicturum. ‘et il l’a rendue attentive, en disant que les maux qu’il devrait rapporter sont nombreux 38, et que, de la sorte, il montre qu’il ne dira pas tout, mais seulement une partie.’ 39

T. Claude Donat estime donc que les deux discours recourent à la même technique d’attentio (et de docilitas), qui repose sur l’annonce paradoxale que le locuteur a trop  à  dire en trop peu de temps, et donc qu’il sera bref. D’autres éléments permettent la mise en place de l’attention de l’auditeur. Plusieurs fois, Donat relève ainsi que le rappel d’éléments personnels concernant le destinataire constitue pour le locuteur un moyen de capter son attention  : il peut s’agir d’un rappel des pouvoirs de l’interlocuteur, comme lorsque Junon, dans une parenthèse, souligne qu’Éole doit son pouvoir sur les vents à Jupiter 40 ; un rappel d’une communauté de destin, quand Énée remémore  à  ses compagnons qu’il partage tous leurs malheurs (I, 45, 19-21 G = Aen. 1, 198-199) ; un rappel de liens familiaux très forts, comme ceux qui unissent Cybèle à son fils Jupiter  Virgile, Aen. 1, 341-342 : Longa est iniuria, longae / ambages ; sed summa sequar fastigia rerum, ‘Longue est l’injustice, longues les péripéties ; mais je suivrai les hauts sommets de l’histoire’. 38  Virgile, Aen. 1, 372-373 : O dea, si prima repetens ab origine pergam, / et uacet annalis nostrorum audire laborum,  / ante diem clauso componet Vesper Olympo, ‘O déesse, si je continuais en remontant depuis la première origine, et si tu avais le temps d’écouter les annales de nos épreuves, Vesper mettra d’abord fin au jour après avoir clos l’Olympe’. 39  Voir aussi infra, note 55. 40  TCD I, 25, 14-16 G : facit attentum, cum dicit ‘namque tibi diuum pater atque hominum rex et mulcere dedit fluctus et tollere uento’, ‘elle le rend attentif en disant “car le père des dieux et le roi des hommes t’a permis d’adoucir les flots et de les soulever avec le vent”’. 37

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(II, 198, 3-5 G = Aen. 9, 83-84). L’attention est alors la conséquence d’une personnalisation forte du discours. Mais, une fois que la bienveillance est acquise, l’attention peut également être suscitée par les émotions que le locuteur exprime en son nom : c’est ainsi le cas de Vénus lorsqu’elle demande l’aide de son fils Cupidon et lui expose ses craintes pour Énée (I, 131, 24-26 G = Aen. 1, 667-669). T. Claude Donat note aussi l’efficacité d’actes de langage performatifs sur l’attention, comme les ordres exprimés par des impératifs : ainsi, lorsqu’Énée demande aux serviteurs de bien l’écouter (I, 244, 8-9 G = Aen. 2, 712 : quae dicam animis aduertite uestris), ou lorsqu’une nymphe exhorte Énée  à  veiller (II, 323,  5-7 G  = Aen. 10, 228-229 41). La promesse de la vérité constitue également, dans le cas de Sinon, un outil pour capter son auditoire (I, 157, 5-9 G = Aen. 2,  77-78 cuncta … fatebor  / uera). Mais, parfois aussi, en s’en tenant  à  des généralités sans entrer dans les détails, on attire l’attention du destinataire, comme Iris en Aen. 9 quand elle s’adresse à Turnus 42 : Donat commente alors (II, 186, 8-10 G) : nihil interim specialiter indicando fecit attentum simulque commendat quod erat dictura magnum esse, utile, necessarium et omni celeritate rapiendum, ‘en ne disant alors rien de trop détaillé, elle l’a rendu attentif et souligne en même temps que ce qu’elle allait dire est grand, utile, indispensable et à exécuter de toute urgence’ ; on retrouve ici une allusion à l’importance du propos, ainsi qu’une autre à l’utilité, qui est typique des discours délibératifs. Dans tous les cas, l’attentio relevée dans les commentaires à Virgile constitue une étape ponctuelle et assez rapide, mais elle apporte une densité remarquable au discours. 2.3. Beniuolentia La beniuolentia est le plus fréquent des éléments du principium relevés par les commentateurs, et elle constitue en fait le seul vrai 41  TCD note plus précisément ici que la répétition du verbe uigilare joue un rôle pour capter l’attention d’Énée. 42 Virgile, Aen. 9, 6-7 : Turne, quod optanti diuum promittere nemo / auderet, uoluenda dies en attulit ultro, ‘Turnus, ce qu’aucun des dieux n’osait promettre à tes vœux, le jour qui vient te l’a apporté de lui-même’.

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topos rhétorique de l’enseignement scolaire. Il s’agit d’impliquer le ‘juge’ dans une relation de subjectivité interpersonnelle : or, il n’est pas nécessaire de convaincre ni d’argumenter pour ce faire, car la beniuolentia joue sur une forme de séduction dont l’interlocuteur ne pourrait se défendre. Le ressort pour circonvenir l’esprit du juge repose d’abord, selon la théorie antique, sur la mise en valeur de sa personne, et c’est principalement dans ce cas que les commentaires  à  Virgile relèvent la technique. Les termes laus (ou laudere) et honorificentia (ou honor, honoratus) 43 marquent alors l’analyse du discours et établissent un axe fondamental dans la construction de la bienveillance. Parmi les procédés honorifiques, le rappel du rang de l’interlocuteur joue un rôle crucial, par exemple quand Énée appelle dea la chasseresse qu’il rencontre en Aen. 1 44, lorsque Sinon interpelle Priam avec le terme rex 45 ou quand Turnus s’adresse à Minerve avec les appellatifs armipotens et praeses belli 46. De même, Ilionée, en s’adressant à Didon, commence son discours par regina, ce qui souligne sa puissance (SD, Aen. 1, 522) – même si Servius (ibid.) y perçoit une technique plus subtile, car, selon lui, Ilionée rend la reine favorable en lui attribuant ce qu’elle désire elle-même obtenir 47, c’est-à-dire de fonder une ville nouvelle (Virgile, Aen. 1, 522 : o regina, nouuam cui condere Iuppiter urbem). Énée, encore, met Évandre dans de bonnes dispositions en l’appelant ‘le meilleur des hommes issus de Grèce’ (Aen. 8, 127 : optime Graiugenum) 48. 43 Servius, Aen. 1, 522 (per laudem) ; SD, Aen. 1, 65 (honoratius) ; TCD I, 82, 22-27 (honorificentia) ; I, 104, 6-9 (aliqua laude adsumpta) ; I, 118, 8-11 (laudat) ; II, 133, 21-23 & 26-28 (laudat) ; II, 179, 11-15 G (laudis causa). 44  TCD I, 82, 23-24 G : in quibus beniuolam fecit ex honorificentia, cum deam appellat, ‘où il l’a rendue bienveillante en l’honorant quand il l’appelle “déesse”’. En revanche, pour Servius (Aen. 1, 327), l’emploi de dea est simplement une sorte de prescience de la véritable identité de la chasseresse. 45   TCD I, 157, 6-7 G : dicendo regem hoc est eum cui tanta reuerentia deberetur beniuolum fecit, ‘il l’a rendu bienveillant en l’appelant “roi”, c’est-à-dire celui à qui l’on doit un si grand respect’. C’est ce que Servius (Aen. 7, 213) appelle la conciliatio ab honore, ‘conciliation par le titre’. 46  Aen. 11, 483 ; cf. TCD II, 488, 1-7 G. 47 Servius, Aen. 1, 522 : o regina : secundum artem rhetoricam id ei dat quod uult inpetrare. Nam eam per laudem beniuolam reddidit, ‘o reine  : suivant les traités de rhétorique, il lui attribue ce qu’elle veut accomplir. Car c’est en la glorifiant qu’il l’a rendue bienveillante’. Voir aussi TCD I, 104, 6-9 G. 48  SD, Aen. 8, 127 et TCD II, 133, 21-28 G.

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L’emploi du nom propre de l’interlocuteur est également une forme de respect, par exemple quand Camille s’adresse  à  Turnus 49. Il existait apparemment une théorie de l’emploi du nom propre en fonction de la hiérarchie des personnages, relevée par les commentateurs quand Junon s’adresse  à  Éole avec le vocatif Aeole : SD, Aen. 1, 65 : Aeole : sane antiqui quotiens a minoribus beneficium petebant a nomine incipiebant, et erat honoratius si nomen ipsius ante praeferrent. ‘Éole  : en tout cas, les anciens commençaient par le nom chaque fois qu’ils demandaient un service  à  des personnes inférieures, et c’était plus honorifique si justement ils plaçaient en tête le nom du personnage.’ TCD I, 25, 10-13 : potior quippe si inferiorem nomine suo uocet, et se beniuolum monstrat et illi unde gaudeat subministrat. Pulchrum est enim, si inferiore in loco positus sit cognitus potiori ‘… surtout si un puissant appelle un inférieur par son nom, s’il se montre bienveillant et lui accorde une raison de se réjouir. En effet, il est bon qu’un individu en position inférieure soit connu d’un puissant.’

On notera que, dans ces exemples, la bienveillance est celle du locuteur, mais elle constitue une mise en valeur de l’interlocuteur, une flatterie qui crée en retour une seconde forme de bienveillance. D’ailleurs, le cas de Junon est particulier en ce sens qu’une déesse puissante sollicite un être qui lui est inférieur. Mais le cas est redondant dans l’Énéide, et les commentateurs ne manquent pas de le souligner, car même dans ce rapport hiérarchique, il est utile au puissant de flatter son interlocuteur : cela lui permet d’obtenir plus facilement ce qu’il souhaite, comme le remarque T. Claude Donat lorsqu’il explique pourquoi Vulcain appelle les Cyclopes Aetnaei (Aen. 8, 440) ou pourquoi Diane mêle ordre et

  TCD II, 490, 19-21 G : signum est quippe merae beniuolentiae, cum orationem futuram nomen anteuenit, ‘c’est certainement le signe d’une pure bienveillance, quand le nom précède le discours à venir’. 49

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encouragement envers la nymphe (Aen. 11, 587 sq.) qui devra venger la mort de Camille 50. En établissant son interlocuteur comme une figure de pouvoir, le locuteur flatte son ego – c’est exactement ce que fait aussi Vénus en appelant son fils Cupidon meae uires, mea magna potentia solus (Aen. 1, 664), comme le soulignent T. Claude Donat (I, 131, 7-9) et SD (Aen. 1, 664). Les mêmes auteurs remarquent que cette flatterie  à  l’égard de Cupidon s’accompagne d’une seconde strate de captatio beniuolentiae qui ne cherche pas  à  honorer l’interlocuteur mais à  l’émouvoir en rappelant les liens qui l’unissent au locuteur  : ainsi, c’est par le vocatif nate ‘mon fils’ que Vénus entame son discours 51. C’est ainsi également qu’Anna s’adresse  à  Didon  : ‘o toi qui es plus chère  à  ta sœur que la lumière’ (Aen. 4,  31  : o luce magis dilecta sorori) 52, pour la convaincre de renoncer à sa fidélité envers son mari décédé, ou que Cérès aborde Jupiter (Aen. 9,  83-84  : Da, nate, petenti,  / quod tua cara parens  […] te poscit ‘Accorde à ma prière, mon fils, ce que ta mère bien-aimée te demande’) 53 pour lui demander de transformer en nymphes le navire d’Énée. Ces rappels impliquent la notion de parenté proche, voire celle de uicinitas dans un sens plus large 54. Au-delà de la personne du ‘juge’,  à  savoir de l’interlocuteur, la personne du plaideur (le locuteur) et celle de l’adversaire permettent également de susciter la bienveillance. Ainsi, dans une interaction parfaite, le locuteur se rabaisse et ennoblit son desti50  TCD II, 179,  11-14 G  : Aetnaeos Cyclopes laudis causa posuit  ; hoc enim illi honore gloriabantur. Debuit quippe hoc genere etiam beniuolos facere, ut lenitas laudis auctoritatem iubentis attolleret, ‘il a qualifié les Cyclopes de “étnéens” pour les louer ; en effet, ils se glorifiaient de cet honneur. Il a certainement dû les rendre également bienveillants, de sorte que la douceur de l’éloge grandissait l’autorité de ses ordres’ ; II, 507, 4-5 G : miscere enim debuit auctoritatem et beniuolentiam, ut inpleretur facilius quod uolebat, ‘en effet, elle a dû mêler l’autorité et la bienveillance pour que sa volonté soit accomplie plus facilement’. 51  TCD I, 131, 6 G : fecit ergo beniuolum dicendo filium, ‘elle l’a donc rendu bienveillant en disant “mon fils”’ ; SD, Aen. 1, 664 : ‘nate’ ab indulgentissimo nomine, ‘“mon enfant”, avec un nom plein de tendresse’. 52  Cf. SD, Aen. 4, 31. 53  Cf. TCD II, 198, 3-14 G ; SD, Aen. 9, 82 (adfectus). 54  C’est ce que remarque Servius en Buc. 3, 53 : vicine Palaemon : beniuolum reddit ex uicinitatis commemoratione, ‘voisin Palémon : il le rend bienveillant en lui rappelant leur voisinage’.

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nataire lorsqu’il affirme ne pas trouver d’éloges suffisants pour le louer 55, ou ne pas connaître de précédents aux bienfaits accordés 56. Mais la personne du plaideur s’appuie principalement sur le pathétique et la miseratio. Le recours à la pitié est ainsi l’outil dont se servent Ilionée face  à  Didon 57 et Sinon face  à  Priam 58. La mention d’une prière est également un moyen pour le locuteur de mettre en scène sa position de suppliant, comme lorsqu’Énée s’adresse à Apollon en Aen. 3 ou à Évandre en Aen. 8 59. La beniuolentia tirée de la personne des adversaires est assez peu soulignée dans les commentaires, ce qui montre les limites de la délocalisation du cadre judiciaire dans le discours virgilien. Une exception notable est celle du discours d’Ilionée  à  Didon dans SD, Aen. 1, 522 (ab aduersariorum : ‘quod genus hoc hominum’), bien qu’un problème se pose, car, si elle a la place du ‘juge’, Didon est également la reine de ces adversaires carthaginois, et à ce titre se retrouve juge et partie, comme le remarque plusieurs fois T. Claude Donat (I, 104-105 G). SD relève également dans le discours de Sinon une habileté rhétorique remarquable, car le personnage a pour ennemi à la fois les Grecs et les Troyens 60. Dans 55 Servius, Aen. 11, 508 : q uas dicere grates : secundum rhetoricam disciplinam dicit se uerba inuenire non posse, quibus eius exprimat laudes, cum dixerit ‘o decus Italiae’ : sic alibi ‘quibus caelo te laudibus aequem ?’, ‘il dit, selon la technique rhétorique, qu’il ne peut trouver les mots pour chanter ses louanges, en disant “ô gloire de l’Italie”, comme ailleurs “par quelles louanges te célébrerais-je jusqu’au ciel ?”’. C’est la technique qu’Aelius Donat appelle diaporesis (‘embarras’ en grec), cf. Eun. 1044 (διαπόρησις oratoria, familiaris laudantibus) ; cf. encore Ad. 625 ; 789 ; Hec. 361, etc. 56  TCD I, 118, 8-11 G (Énée à Didon) : cum dicit solam iuxta Troianos extitisse beniuolam, et laudat factum ex eo quia carebat exemplo…, ‘en disant qu’elle a été la seule à se montrer bienveillante envers les Troyens, il loue son action du fait qu’elle n’avait pas d’équivalent’. 57  SD, Aen. 1, 522 : a sua persona ‘Troes te miseri’ ; TCD I, 105, 17-23 G. 58 SD, Aen. 2, 69. 59   Respectivement TCD I, 277, 2-3 G : preces enim illic sunt necessariae ubi concilianda est beniuolentia eius qui aliquid postulatur, ‘les prières sont nécessaires dans le cas où il faut se concilier la bienveillance de celui  à  qui l’on demande quelque chose’ et SD, Aen. 8, 127 : ‘cui me fortuna precari’ ad Aenean, qui se fatetur supplicem uenire, ‘“à qui la fortune ‹a voulu que› j’adresse des prières” concerne Énée, qui avoue venir en suppliant’. 60  SD, Aen. 2, 103 : sumite poenas : scilicet ut satis faciatis Graecis, qui me oderunt. Et dicendo mortem suam gratam esse Graecis, et Troianorum beniuolentiam conciliat, et ut sibi reliqua credantur extorquet, ‘punissez-moi : en l’occurrence pour faire plaisir aux Grecs, qui me détestent. Et en disant que sa mort est

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le même discours, la promesse – mensongère – de dire la vérité permet de rassurer les auditeurs et de gagner leur confiance 61. Les commentateurs remarquent aussi que certains traits stylistiques accompagnent la mise en confiance et la beniuolentia, par exemple l’exclamation (dans le cas de Sinon 62) ou la répétition (Didon aux Troyens 63). Il existe par ailleurs dans la beniuolentia une dimension qui se rattache à l’insinuation, lorsque le locuteur y distille d’autres éléments plus ou moins sensibles. C’est encore dans le discours d’Ilionée à Didon que ce phénomène est le plus net : T. Claude Donat (I, 104 G) note ainsi que les flatteries d’Ilionée envers la reine se doublent d’un discours oblique destinée à la faire rougir du comportement des Carthaginois, ce qui est censé la rendre encore plus bienveillante ; le commentateur parle alors de subtilis obiurgatio (I, 103, 32 G) 64. Donat et SD remarquent également que la mention d’Aceste par Ilionée constitue une forme voilée de menace à l’égard des Carthaginois 65 qui s’insinue dans un discours où, par ailleurs, le Troyen tente de déminer tout ce qui pourrait sembler dangereux dans la présence des naufragés. Enfin, l’efficacité de la captatio beniuolentiae est parfois soulignée par le commentaire : T. Claude Donat insiste plusieurs fois sur la bienveillance de Didon envers les naufragés troyens d’abord, puis envers Énée (I, 112-113 ; 123 G), et à chaque fois ces témoignages semblent exprimer la réussite du discours précédent. Il note également le problème posé par Latinus en Aen. 7, où le roi offre ses services à Ilionée avant même que celui-ci ne prenne la parole, ce qui le déstabilise (II, 31-33 G) : la beniuolentia est alors accor-

agréable aux Grecs, il se concilie la bienveillance des Troyens et en même temps fait en sorte qu’on le croie pour le reste.’ 61 SD, Aen. 2, 60 ; TCD I, 157, 5. 62  SD, Aen. 2,  69  : hac enim exclamatione et miseriae auctu beniuolum sibi iudicem fecit, ‘en effet, par cette exclamation et par l’augmentation de son malheur, il a rendu le juge bienveillant à son égard’. 63 Servius, Aen. 1, 562 : iteratio est ad augmentum beniuolentiae, ‘la répétition vise à accroître leur bienveillance’ ; la répétition est ici un pléonasme dans le vers virgilien correspondant : Soluite corde metum, Teucri, secludite curas. 64  Parallèlement, TCD relève l’obiurgatio beniuola de Diomède aux envoyés latins (II, 447, 11-14 G). Voir Pirovano dans le présent volume, p. 295. 65 SD, Aen. 1, 522 ; TCD I, 110, 2-3 G.

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dée sans que le pouvoir du discours ne soit mis à l’épreuve, ce qui constitue paradoxalement une forme de négation de la rhétorique. 2.4. Principium et ars petendi Enfin, un certain nombre de remarques s’accompagne des termes petitio, petere, poscere, rogare ou postulare, qui mettent en valeur une perspective intéressante et des nuances dans les approches. Si l’on prend comme exemple le premier dialogue de l’Énéide, celui de Junon à Éole, on constate que T. Claude Donat (I, 24-27) et SD (Aen. 1, 65) insistent fortement sur la captatio beniuolentiae et les moyens mis en œuvre par la déesse pour circonvenir le roi des vents  ; dans ce cas, la beniuolentia a la petitio comme fin 66. En revanche, Servius s’en tient principalement à la définition de ce discours comme petitio (requête), faite selon des règles rhétoriques : Servius, Aen. 1,  65  : Aeole  : rhetoricum est in omni petitione haec obseruare, ut possit praestare qui petitur, ut sit possibilitas, ut sit res iusta quae petitur, ut habeat modum petitio, ut sequatur remuneratio. Et sciendum est secundum hunc ordinem omnes petitiones formare Vergilium, ut in hoc loco… ‘Éole  : c’est un principe de rhétorique de respecter dans chaque requête les règles suivantes, pour que celui qui est sollicité puisse y répondre : qu’il en ait la capacité, que la chose requise soit juste, que la requête soit délimitée, qu’une récompense s’ensuive. Et il faut savoir que Virgile formule toutes ses requêtes en suivant ce schéma ; dans ce passage, on trouve ainsi…’ 66  Voir, indirectement, comment TCD analyse l’attitude de Latinus envers les Troyens, ‘à qui il offre sa bienveillance, les rassurant avant même qu’ils aient demandé quoi que ce soit’ (II, 31, 16-17 G : quibus offert beniuolentiam ante petitionem aliquam securos efficiens) ; c’est faire de la requête la raison d’être du principium ; voir encore I, 104, 3-4 G (Ilionée à Didon) : ipsam diceret iustam neque eam laederet cuius fuerat petiturus auxilium, ‘… qu’il la dise juste et qu’il n’offense pas celle dont il allait demander l’aide’ ; I, 277, 2-5 G (Énée à Apollon) : beniuolentia eius qui aliquid postulatur, ‘la bienveillance de celui à qui il demande quelque chose’ ; II, 133, 26-28 G (Énée à Évandre) : laudat enim eum a quo beneficium fuerat petiturus et beniuolum facit, ‘il loue en effet celui à qui il allait demander un bienfait et le rend bienveillant’.

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On ne trouve pas par ailleurs ces règles, mais elles font probablement référence  à  un enseignement suffisamment répandu pour qu’on en trouve des traces dans d’autres analyses de discours 67. Ainsi, SD analyse la demande de Vénus à Cupidon (après avoir établi un parallèle avec le discours de Junon à Éole) sur un mode assez similaire, bien que plus confus, car il commence à analyser les paroles de la déesse comme un principium doté d’une captatio beniuolentiae, puis dévie sur une analyse qui est en fait celle d’une petitio selon les catégories de Servius énoncées ci-dessus : SD, Aen. 1,  664  : Sane et hic persuasoriam agit, sicut superius, ubi Iuno ad Aeolum loquitur ‘Aeole, namque tibi’. Sed ibi, quia dea cum homine loquebatur, principio opus non fuit ; hic uero principio usus est, quia dea cum deo loquitur ad beniuolentiam comparandam. ‘Nate’ ab indulgentissimo nomine  ; causa amoris ‘mea magna potentia’  ; quid possit facere ‘qui tela typhoea temnis’  ; pro quo ‘frater ut Aeneas pelago tuus’ ; contra quem ‘odiis Iunonis iniquae’ ; nam quod dicit ‘frater tuus’, non ‘filius meus’, ostendit etiam ei profuturum qui rogatur ; nam ex eo genere est illud ‘et nostro doluisti saepe dolore’. Sequitur causa ‘hunc Phoenissa tenet Dido’ ; timor ipsius ‘et uereor quo se Iunonia uertant hospitia’ ; rem ipsam ‘quocirca capere ante dolis’ ; modus ‘qua facere id possis’  ; quamdiu ‘noctem non amplius unam’  ; an difficile sit ‘et notos pueri p. i. u.’ ; quomodo ‘ut cum te gremio a. l. D.’ ; subito amabit ‘occultum inspires i. f. q. u.’ ; nihil promisit ; quid enim promitteret deo ? ‘En tout cas, elle se livre ici  à  un discours de persuasion, comme plus haut, quand Junon s’adresse  à  Éole  : “Éole, car à toi…”. Mais, dans ce dernier cas, il n’y avait pas besoin d’entrée en matière, parce qu’une déesse parlait à un homme, mais ici le poète a utilisé une entrée en matière, parce qu’une déesse s’adresse à un dieu pour se ménager sa bienveillance. “Mon enfant”, avec un nom plein de tendresse ; ce qui suscite l’amour : “toi, ma grande puissance” ; ce qu’il est capable de faire : “toi qui méprises les traits typhéens” ; pour qui : “ton frère Énée sur la mer” ; contre qui : “à cause de la haine de l’injuste Junon” ; car l’emploi de “ton frère” au lieu de “mon fils” montre que ce sera utile aussi à celui qui est sollicité ; car le passage “souvent tu as souffert de notre douleur” renvoie à leur   Voir aussi Goyet 2019.

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lien familial ; suit la cause : “la Phénicienne Didon le retient” ; la peur qu’elle éprouve : “et je me demande avec crainte où se tournera cette hospitalité junonienne” ; l’objectif : “aussi, ‹je médite› de la prendre auparavant dans mes pièges”  ; le moyen : “comment tu pourrais le faire” ; combien de temps : “pas plus d’une nuit”  ; si c’est difficile  : “enfant, revêts les traits bien connus de cet enfant” ; comment : “quand Didon toute heureuse t’accueillera sur ses genoux”  ; elle éprouvera subitement de l’amour : “afin que tu lui insuffles un feu secret, que tu l’égares de ton poison” ; elle ne lui a rien promis : car que pourrait-elle promettre à un dieu ?’

L’ensemble est identifié comme une persuasoria, mais dans les faits elle se rattache  à  la petitio, où l’on reconnaît les catégories serviennes de la possibilitas, du modus, de la remuneratio (considérée comme inutile ici) et même de la res iusta (c’est le sens du rappel des liens familiaux contre la haine de Junon). Par ailleurs, dans l’analyse que fait T. Claude Donat du discours de Cybèle à Jupiter (Aen. 9, 83-92), la problématique de la petitio revient avec insistance, et l’on y retrouve certaines catégories stipulées par Servius, en particulier le caractère légitime de la requête : TCD II, 198,  3-14 G  : fecit ergo attentum necessario ex abundanti et beniuolum, quod non facit nisi qui expediendi necessitate constringitur. Debuit procul dubio principiis subnectere desiderii summam, sed non fecit ; oportuit enim ut rem arduam petitura primo causas insereret iustae petitionis ut mereri facilius posset. Q uod obseruandum est quotiens in materiis talis locus occurrerit ; si enim primo dixeris quid petas, perturbas audientem petitionis forsitan iniquitate, ut iam non admittat causas adserentem ipsius desiderii : quocirca incipit dicere cur petat et petitionis speciem seruat ad finem. ‘Elle l’a donc rendu attentif par nécessité, par l’abondance, et bienveillant, ce qu’on ne fait pas sans y être contraint par la nécessité. Elle aurait dû, sans aucun doute, rattacher à ces débuts le point principal de ce qu’elle désirait, mais elle ne l’a pas fait  ; il convenait en effet que, avant de demander quelque chose de délicat, elle donne d’abord les raisons de la légitimité de sa demande, pour pouvoir la mériter plus facilement. C’est ce qu’il faut observer chaque fois qu’une situation semblable se présente dans les sujets ; en effet, si l’on dit d’entrée ce qu’on souhaite, on perturbe celui qui écoute par 132

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une demande peut-être injuste, si bien qu’il n’est plus réceptif envers celui qui présente précisément les raisons de ce qu’il désire ; c’est pourquoi elle commence par dire pourquoi elle fait une demande, et garde pour la fin le contenu particulier de la demande.’

Ces scolies et commentaires marquent, au moins partiellement, une réorientation de la réception du principium, depuis le discours judiciaire où se trouve un iudex vers un discours de requête, ce qui exprime un choix utilitaire, car la requête constitue un discours plus large, plus occasionnel et potentiellement plus fréquent que le discours de défense au tribunal. Les commentateurs semblent ainsi faire écho  à  une ars petendi dont le principium formerait la première étape spécifique, et non celle d’un discours générique. De fait, même les discours parfois analysés en termes judiciaires, par la présentation du juge, du plaideur ou de la ‘cause’ (en l’occurrence le discours d’Ilionée  à  Didon et celui de Sinon  à  Priam), aboutissent  à  des demandes précises, qui constituent finalement l’objectif ultime des prises de parole. Au demeurant, les discours virgiliens sont brefs pour la plupart 68, en soi et par rapport au discours cicéronien et, s’ils ne peuvent rivaliser avec ces derniers, c’est qu’ils sont fondamentalement différents. Si le début du discours conditionne effectivement le résultat de la petitio, il est logique de considérer les discours de l’Énéide non comme des discours judiciaires, mais comme des modèles de requête qui procurent un entraînement aux étudiants ; le principium prend ainsi une valeur non pas absolue, mais relative à l’efficacité d’un type spécifique de discours. C’est pourquoi,  à  la question de Q uintilien se demandant s’il vaut mieux placer les arguments les forts au début ou  à  la fin (5,  12,  14  : Q uaesitum etiam potentissima argumenta primo ponenda sint loco…), Servius répond que, dans le cas de demandes ou de promesses, il faut les réserver au début 69.

  Cf. Highet 1972, p. 18-19.  Servius, Aen. 1,  562  : Sciendum sane quia, cum petuntur uel promittuntur aliqua, a ualidissimis inchoandum est, ‘Il faut bien savoir que, quand on fait quelque demande ou quelque promesse, il faut commencer par les plus importantes’. Cf. aussi Aelius Donat, And. 328. 68 69

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3. Conclusion : déviance et défiance chez Servius Il existe un tropisme qui lie la présence du principium et de ses trois modalités (bienveillance, attention et ‘docilité’) à la présence d’une demande dans le discours, et qui mesurera son efficacité par l’obtention de la requête. L’accent est mis en particulier sur les interactions verbales dans le début et sur les relations interpersonnelles, dont les questions de politesse et de ‘face’ 70. Il s’agit donc d’une évolution importante depuis les traités de rhétorique républicains, qui visaient avant tout le discours judiciaire, voire politique, mais non la petitio proprement dite ; les commentateurs tardifs ont ainsi adapté des données théoriques anciennes et bien établies vers une orientation qui pouvait encore présenter une utilité à leur époque. C’est particulièrement sensible chez Servius qui, contrairement à SD et T. Claude Donat, ne semble guère apprécier les références trop marquées à la théorie rhétorique : c’est lui qui s’implique le moins dans ce domaine et qui semble se contenter d’initier ses élèves à quelques grandes et assez vagues notions. Mais il ne s’agit pas – ou pas seulement – d’une question de niveau d’enseignement. Il semblerait que Servius témoigne d’une forme de défiance envers la rhétorique et son ambiguïté morale. De fait, la forme de séduction plus ou moins trompeuse induite par le principium – sans parler de l’insinuatio – donne une triste idée de la rhétorique, et le mauvais exemple aux élèves. Le modèle d’orateur sournois et menteur est représenté par le personnage de Sinon, qui se sert des ressources de la rhétorique pour tromper son auditoire, ce qui ne saurait constituer un enseignement moralement acceptable. Même si la plupart des discours de l’Énéide ne sont pas des discours de tromperie, les manipulations de l’art oratoire et la potentielle hypocrisie du principium semblent justifier les réticences de Servius à ce sujet. Il le remarque lui-même dans sa scolie théorique à G. 4, 1 (voir note 35), où il explicite la technique rhétorique qui consiste  à  promettre du ‘grand’ quand on sait pertinemment qu’on va traiter d’un petit sujet. Q ui plus est, il pouvait trouver des sujets de défiance envers la rhétorique chez l’autre grand auteur scolaire, après Virgile, qu’était Térence. En effet, dans le commentaire à Térence d’Aelius Donat, que Servius 70  Sur la notion de ‘face’ et de politesse dans l’échange verbal, cf. par exemple Kerbrat-Orecchioni 1992.

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connaissait nécessairement, les références explicites à l’art oratoire véhiculent presque systématiquement des intentions trompeuses, déformant la réalité ou impliquant un relativisme moral ou tout simplement une intention d’embrouiller l’interlocuteur 71. On constatera donc une méfiance réciproque entre deux types de commentaires de Virgile : on connaît ainsi la fameuse charge de T. Claude Donat contre les grammatici dans la préface de son commentaire rhétorique de l’Énéide (I, 1-2 G) 72, grammatici dont Aelius Donat et Servius étaient les représentants les plus illustres. Mais le traitement que fait Servius, dans son commentaire scolaire, de la matière rhétorique dans le cas du principium révèle une attitude finalement similaire, bien que plus discrète : ex silentio, Servius décrypte le travail rhétorique, mais a minima et avec la plus grande méfiance. Il présente quelques topos inévitables, mais ne semble pas vouloir les approfondir, et témoigne une méfiance envers le commentaire rhétorique qui fait écho à celle de Claude Donat envers l’explication grammaticale de Virgile. Les deux types de commentaires se montrent incompatibles  à  cet égard. Pourtant, ils puisent à des sources probablement similaires et plus anciennes qu’eux : on peut le déduire d’après la liste des discours (cf. Annexe) qui mettent en jeu les aspects du principium dans les différents commentaires, liste qui se révèle en partie redondante. 71  Voici quelques exemples tirés du commentaire des Adelphes : Adel. 16 : non sic dicit aduersarius, uerum hic oratorie crimen non tangit, ‘ce n’est pas ce que dit l’adversaire, mais ici, de façon oratoire, il ne touche pas au chef d’accusation’ ; 92  : nec tamen lenonis querelae fit mentio oratorie, ‘pourtant, de façon oratoire, il n’est fait nulle allusion à la plainte du proxénète’ ; 240 : oratoria comparatione peiorum dicit hoc esse, quod suggerit, eligendum, ‘en comparant de façon oratoire avec une situation pire, il dit que c’est sa suggestion qu’il faut choisir’ ; 406 : Et uide, quam oratorie narrat gestionem rei, quae numquam facta sit  ; his enim fides fit, ‘Et voyez avec quel talent oratoire il raconte comment s’est passé un événement qui n’a pas eu lieu ; car par là même on le croit’ ; 489 : haec oratoria πλάσις est : non enim uere rogat, sed hoc uidetur facere, ‘c’est une fiction oratoire : car il ne fait pas une vraie question mais c’est ce qu’il paraît faire’ ; 929 : incipit a persuasione sed latenter, ita ut ea quae proposito consilio dicenda erant ante demonstrarit quam dicat quid fieri uelit. Et hoc semper fit ab oratoribus in his rebus, a quibus incipere non oportet propter turpitudinem aut incommoditatem rei, quae persuadenda est, ‘il commence à vouloir le persuader, mais de façon latente, au point que ce qu’il fal­ lait dire une fois le projet dévoilé, il le révèle avant de dire ce qu’il veut voir arriver. Et c’est ce que font toujours les orateurs à propos des faits par lesquels il convient de ne pas commencer en raison du caractère honteux ou fâcheux de la situation en faveur de laquelle il faut emporter l’adhésion’ (traductions Hyperdonat). 72  Voir la contribution de M. Squillante dans le présent volume.

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D. VALLAT

De fait, quels que soient les commentateurs, ils se disputent la possession de Virgile et son exégèse, mais les discours qui leur fournissent matière  à  parler du principium sont souvent les mêmes, et se trouvent majoritairement au livre Aen. 1, ce qui signifie qu’ils étaient considérés comme des modèles avant la fin du 4e siècle et que leur étude constituait déjà une forme de topos pédagogique.

Annexe Discours où au moins deux commentateurs ont repéré et/ou analysé un principium, avec les principaux termes conceptuels (entre crochets : le concept est repéré mais non nommé) : Aen. 1, 65-75

Junon / Éole

SD [beniuolentia] TCD beniuolentia  / attentio  / insinuatio [S rhetoricum / petitio]

Aen. 1, 198

Énée / compagnons

S [beniuolentia] TCD attentio

Aen. 1, 327-334 Aen. 1, 335-370

Énée / Vénus Vénus / Énée

TCD beniuolentia / attentio S attentio TCD attentio

Aen. 1, 522-558

Ilionée / Didon

S beniuolentia SD beniuolentia TCD beniuolentia

Aen. 1, 664-688

Vénus / Cupido

SD persuasoria TCD beniuolentia  / attentio  / docilitas

Aen. 2, 69

Sinon / Priam

SD controuersia  / beniuolentia  / attentio TCD attentio

Aen. 4, 9-29 Aen. 4, 31-53

Didon / Anna Anna / Didon

TCD insinuatio S suasoria SD principium beniuolentia

Aen. 7, 213-248

Ilionée / Latinus

S conciliatio TCD beniuolentia

Aen. 8, 127-151

Énée / Évandre

SD persuasio / principium TCD exordium / beniuolentia

Aen. 9, 83-92

Cybèle / Jupiter

SD [adfectus] TCD attentio / beniuolentia

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BENIVOLENTIA, ATTENTIO ET DOCILITAS DANS L’EXÉGÈSE VIRGILIENNE

Bibliographie Calboli Montefusco 1988  = Lucia Calboli Montefusco, Exordium, narratio, epilogus. Studi sulla teoria retorica greca et romana delle parti del discorso, Bologna. Clément-Tarantino 2013 = Séverine Clément-Tarantino, ‘Le discours d’Ilionée au livre 7 de l’Énéide (7,213-248)’, Exercices de rhétorique, 2 [https://journals.openedition.org/rhetorique/181]. Goyet 2019  = Francis  Goyet, ‘Mythologies de la préméditation et mythologies de l’improvisation : sur quelques commentaires rhétoriques de l’Énéide’, Exercices de rhétorique, 13, [http://journals. openedition.org/rhetorique/896]. Highet 1972 = Gilbert Highet, The speeches in Vergil’s Aeneid, Princeton. Kerbrat-Orecchioni 1992 = Catherine Kerbrat-Orecchioni, Les inter­ actions verbales, tome 2, Paris. Lausberg 1960 = Heinrich Lausberg, Handbuch der literarischen Rhetorik: eine Grundlegung der Literaturwissenschaft, München. Peters 1907 = Claus Peters, De rationibus inter artem rhetoricam quarti et primi saeculi intercedentibus, Kirchhain. Polara 1974  = Giovanni Polara, ‘Ricerche sul proemio nella poesia latina’, Rendiconti della Accademia di Archeologia, Lettere e Belle Arti, 49, p. 135-153.

Abstract In this paper, I study how the principles of classical Latin rhetoric about the beginning of speech have been integrated in the Virgilian commentaries of Late Antiquity. While explaining the beginning of Virgil’s speeches, the main commentators used the classical concepts of principium and insinuatio, as well as docilitas, attentio and beniuolentia, in order to put the audience in good conditions to listen the ‘orator’. Thus, Virgil became a rhetorical model of the art of requesting and begging. If the commentators belong to common sources earlier than the fourth century, they differ by their approach of rhetoric: Servius remains suspicious about it, while T.  Claudius Donatus gives much more importance to it.

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UTE TISCHER

INDIREKTE KOMMUNIKATION. ANTIKE KOMMENTARE ÜBER NICHT-OFFENE REDE IN VERGILS AENEIS

Die Feindschaft der Iuno zu Aeneas und ihr Hass auf das Imperium, für das Aeneas den Grundstein legen soll, sind die zentralen Motive, welche die Handlung der Aeneis auf der Götterebene in Gang setzen und vorantreiben.1 Eine Gegenkraft zu Iunos destruktivem Zorn bildet das Agieren der Venus, die dem prophezei­ ten Schicksal zugunsten ihres Sohnes zum Durchbruch verhelfen will. Dieser Konflikt zwischen Iuno und Venus wird an mehreren Stellen im Epos mittels Figurenreden ausgetragen, in denen die beiden Konkurrentinnen ihre Interessen durchzusetzen suchen. Wie schon die antiken Exegeten gesehen haben, führen sie diese verbalen Attacken nicht immer mit offenem Visier, sondern sie agieren verdeckt und doppelzüngig. Ich möchte im Folgenden die Kommentierung zu drei Wechselreden im ersten, vierten und zehnten Buch der Aeneis untersuchen. In allen drei Fällen ist Venus beteiligt und die Kommentatoren stellen „verdeckte“ Äußerungen oder Absichten fest. Mir geht es dabei um die Frage, wo die Kommentatoren nicht-offene Rede sehen, mit welchen Termini sie dieses Phänomen beschreiben, welche Konzeptionen des nicht-offenen Sprechens sie erkennen lassen und in welcher Beziehung diese zur zeitgenössischen und früheren Rhetoriktheorie stehen. Den Gegenstand dieser Untersuchung bilden die entsprechenden Partien in den Aeneis-Kommentaren des Servius, des Tiberius Claudius Donatus sowie in den Scholien des sogenannten Servius auctus. Um den Hintergrund auszuleuchten, vor dem diese   Vgl. das Proömium Vergil, Aen. 1, 1-11.

1

Vergilius orator. Lire et commenter les discours de l’ Énéide dans l’Antiquité tardive, éd. par Daniel Vallat, STTA 20 DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.128628 (Turnhout 2022), pp. 139-170    ©             

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U. TISCHER

Autoren den Vergiltext betrachten, beginne ich mit einem kurzen Abriss der Geschichte des „verblümten“ Sprechens in der antiken Rhetorik.

1. Die Theorie der nicht-offenen Rede in der Rhetorik Dass ein Redner unter bestimmten Umständen überzeugender sein kann, wenn er seine eigentlichen Absichten verhüllt oder bestimmte Punkte nur indirekt zur Sprache bringt, beobachtete bereits Aristoteles.2 Schon sein Zeitgenosse Zoilos scheint für das Phänomen den Terminus σχῆμα  = figura geprägt zu haben; die unter seinem Namen überlieferte Definition bestimmt es als ein Auseinandertreten von Intention und Wortlaut beim Sprechen.3 Deutlichere Versuche, es zu beschreiben und kategorial zu erfassen, können wir jedoch erst ab dem 1. Jahrhundert v. Chr. sehen.4 So behandelt die Rhetorica ad Herennium eine Sinnfigur namens significatio, bei der das Gemeinte über das explizit Gesagte hinausgehe; 5 auch Cicero bezeichnet einen solchen mit Worten nur angespielten „Mehrsinn“ als significatio oder dissimulatio.6 Beide sehen das verdeckte Sprechen als Einzelfigur im Sinne einer „Anspielung“. Im Figurenkatalog Q uintilians und in anderen kaiserzeitlichen rhetorischen Werken erscheint es im Zusammenhang mit bestimmten einzelnen Stilfiguren, besonders der ironia, der emphasis und der allegoria.7 Die verdeckte Rede und ihr Gegenteil, das 2  Z. B. Arist. rhet. 3, 1 (1421a19-1421b3) im Zusammenhang mit Sentenzen und Scherzen; vgl. auch Theophrast, fr. 696 Fortenbaugh (bei Ps.-Demetrius, eloc. 222). Zur Theorie der nicht-offenen Rede allgemein vgl. Schouler 1986; Hillgruber 2000 sowie Ascani 2005-2006; zur Praxis bes. Ahl 1984. 3 Phoebammon, fig. 1, 1 (iii, 44, 2-4 Spengel): ὁρίζεται δὲ Ζώϊλος οὕτως, σχῆμά ἐστιν ἕτερον μὲν προσποιεῖσθαι, ἕτερον δὲ λέγειν – „Zoilos definiert so: schema bedeutet, das eine vorzugeben und (in Wirklichkeit) etwas anderes zu sagen“; vgl. Q uintilian, Inst. 9, 1, 14. Zur Identität des Zoilos vgl. Gärtner 1978, p. 1537-1538. 4 Eine Zusammenstellung aller Q  uellen bietet Dentice di Accadia 2007, p. 148. 5  Rhetorica ad Herennium, 4, 67: Significatio est res, quae plus in suspicione relinquit, quam positum est in oratione. – „significatio (Andeutung) ist eine Äußerung, die mehr der Vermutung überlässt, als in der Rede zum Ausdruck kommt.“ 6 Cicero, de or. 2, 268; 3, 302. 7  Mittel der nicht-offenen Äußerung sind unter anderem ironia (Q uintilian, Inst. 8, 6, 54; vgl. 9, 2, 65; Ps.-Demetrius, eloc. 291), emphasis (Q uintilian, Inst.

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offene Sprechen, werden bei solchen einzelnen „Anspielungen“ mit einem breiten Wortfeld des „Verdeckten“ und „Offenen“ beschrieben, ohne dass sich bestimmten Figuren oder Phänomenen feste Termini zuordnen lassen.8 Parallel dazu begegnet man seit der frühen Kaiserzeit der Idee eines verdeckten Sprechens, das als λόγος ἐσχηματισμένος, controversia figurata oder einfach figurae bekannt war und mit der schulischen Praxis des Deklamierens in Verbindung gebracht wird.9 Dabei handelt es sich um eine Art der verblümten Redekomposition, die sich nicht auf einzelne Anspielungen beschränkt, sondern die gesamte Rede so disponiert, dass die intendierte Botschaft vom Rezipienten ganz oder teilweise erst aus dem Kontext und aus pragmatischen Faktoren erschlossen werden muss oder kann. Neben einigen griechischen Traktaten, die das Thema aus verschiedener Perspektive untersuchen,10 bietet Q uintilian die ausführlichste Darstellung dieses Problemkreises in der römischen Rhetorik.11 Nach ihm diskutieren einige spätantike Rhetoriken das Thema der verdeckten Rede und entwickeln schematische Typologien verschiedener Arten und Anwendungsgebiete. Dazu gehört unter anderem der Traktat Περὶ εὑρέσεως des Ps.-Hermogenes (3./4. Jh.), die Schrift De schematis dianoeas des Iulius Rufi8, 3, 83; vgl. 8, 4, 26; 9, 2, 65), allegoria (Q uintilian, Inst. 9, 2, 92; vgl. 8, 6, 44; Ps.-Demetrius, eloc. 100) und brevitas (Q uintilian, Inst. 8, 3, 81; Ps.-Demetrius, eloc. 243). 8  Zur Beschreibung verwendet werden unter anderem suspicio (Rhetorica ad Herennium, 4, 67), coniectura (Q uintilian, Inst. 8, 4, 26), significatio (Cicero, de or. 2, 268; orat. 139), subtilitas (Seneca, contr. 1, 22); obscurus (Q uintilian, Inst. 8, 3, 80), latens (Cicero, de or. 2, 268; Q uintilian, Inst. 9, 2, 64), furtim, obliquus (beide bei Seneca, contr. 1, 24); aperte (Q uintilian, Inst. 8, 3, 81), palam (Seneca, contr. 1, 24), ostendere (Q uintilian, Inst. 8, 6, 44; 54). 9   Vgl. Q uintilian, Inst. 9, 2, 67; Ps.-Demetrius, eloc. 287; Iulius Rufinianus, schem. 1. 10  Ps.-Longinus untersucht in der Schrift Περὶ ὕψους die Wechselwirkung zwischen verdeckter Rede und Pathos (sublim. 16-18), Ps.-Demetrius Phalereus hebt in seiner Abhandlung Περὶ ἑρμηνείας die Wirksamkeit des nicht-offenen Sprechens für den erhabenen Redestil hervor (eloc. 286-298) und die beiden pseudo-dionysianischen Traktate Περὶ ἐσχηματισμένων wollen nachweisen, dass schon die klassischen Redner und Dichter ganze verblümte Reden kennen (rhet. 8 = Περὶ ἐσχηματισμένων Α; rhet. 9 = Περὶ ἐσχηματισμένων B). Zum Charakter und zur Datierung dieser Schriften ins 1./2. Jh. n. Chr. vgl. Porter 2016; Marini 2007, p. 4-16; Heath 2003. 11  Q uintilian, Inst. 9, 2, 65-99; vgl. dazu die ausführliche Analyse von Franchet d’Espèrey 2016.

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nianus (3./4.  Jh.), die Rhetoriken des Iulius Victor (4.  Jh.) und Consultus Fortunatianus (4./5. Jh.) sowie eine Passage in Marti­ anus’ Capellas De nuptiis Philologiae et Mercurii (5.  Jh.).12 Für die Kommentatoren der Werke Vergils dürften Abhandlungen wie diese einen zeitgenössischen Diskussionsstand repräsentieren, auf den auch die Analyse vergilischer Figurenreden Bezug genommen haben könnte. Die meisten antiken Theoretiker der nicht-offenen Redekomposition beschäftigen sich mit der Frage, wie das diffuse Gebiet des verdeckten Sprechens zu systematisieren sei. Sie postulieren verschiedene Typen des sermo figuratus, wobei sie unterschiedlichen Einteilungsprinzipien folgen. Q uintilian und in seiner Nachfolge Iulius Rufinianus und Iulius Victor unterscheiden jeweils drei Fälle nach dem Motiv des nicht-offenen Sprechens, nämlich Vorsicht (si dicere palam parum tutum est – „wenn offen zu sprechen zu riskant ist“), Anstand oder Höflichkeit (si non decet – „wenn es sich nicht ziemt“) und Redeschmuck (qui ve­nu­ sta­tis modo gratia adhibetur – „was eher aus ästhetischen Gründen verwendet wird“).13 Q uintilian bezeichnet diese Typen noch nicht mit bestimmten Termini. Bei Rufinianus dagegen verbindet sich der erste Typ (Vorsicht) mit dem Adverb figurate, der zweite (Dezenz) mit oblique.14 Iulius Victor unterscheidet grundsätzlich zwischen controversiae figuratae (den drei Typen Q uintilians) und obliquitas, Trugreden.15 Consultus Fortunatianus und Martianus Capella schließlich führen eine vollständige typengebundene Terminologie ein. Beide beschreiben ein geschlossenes System, das jede Art von Rede einschließt. Sie unterscheiden zunächst nach Argumentationsformen, die die Anlage der gesamten Rede umfassen (ductus), und solchen, die nur einzelne Argumente betreffen –

 Ps.-Hermogenes, inv. 4, 13; Iulius Rufinianus, schem. 1 = p. 59, 1-60, 14 Halm; Iulius Victor, rhet. 21-22  = p.  434,  7-435,  34 Halm; Fortunatian, rhet. 5-7 = p. 84, 23-86, 33 Halm; Martianus Capella, nupt. 5, 470-472 = p. 463, 35464, 17 Halm. 13   Q uintilian, Inst. 9, 2, 66; Iulius Rufinianus, schem. 1; Iulius Victor, rhet. 21; vgl. im griechischen Bereich Ps.-Demetrius, eloc. 287, jedoch mit einer nur zweifachen Unterscheidung nach εὐπρέπεια und ἀσφάλεια. 14  Iulius Rufinianus, schem. 1 = p. 59, 6-7; 17-18 Halm. 15  Iulius Victor, rhet. 21-22 = p. 434, 7-435, 34 Halm. 12

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letztere bezeichnet Fortunatianus als modus, Martianus als color.16 Die ductus werden dann in fünf Fälle unterteilt, die jeweils mit einem ganz bestimmten Begriff aus dem traditionellen Beschreibungsrepertoire des nicht-offenen Sprechens bezeichnet sind. Bei Fortunatianus ergibt sich daraus die folgende Liste: Ductus quot sunt? quinque: simplex, subtilis, figuratus, oblicus, mixtus. Simplex qui est? cum simpliciter id agimus, ita ut in themate positum est. Subtilis qui est? cum aliud est in themate, aliud in agentis voluntate. Figuratus qui est? cum palam dicere pudor inpedit. Oblicus qui est? cum periculum prohibet aperte agere. Mixtus qui est? quando non unus est ductus. (Fortunatian, rhet. 1, 5 (84, 27-85, 4 Halm)) 17 „Wie viele ductus gibt es? Fünf: Der einfache, der raffinierte, der verblümte, der verdeckte, der kombinierte. Was ist der ‚einfache‘ ductus? Wenn wir in der Rede einfach das betreiben, was als Thema gesetzt ist. Was ist der ‚raffinierte‘ ductus? Wenn etwas als Thema gesetzt ist, aber der Redner ein anderes Ziel verfolgt. Was ist der ‚verblümte‘ ductus? Wenn der Anstand daran hindert, offen zu sprechen. Was ist der ‚verdeckte‘ ductus? Wenn ein Risiko es verbietet, offen zu argumentieren. Was ist der ‚kombinierte‘ ductus? Wenn es nicht nur einen ductus (in der Rede) gibt.“ 16 Fortunatian, rhet. 1, 5 = p. 84, 23-26 Halm: Cum cognoverimus materiam consistere, quid primo quaeremus? ductum. Q uid est ductus? quo modo tota causa agenda sit. Q uid interest inter ductum et modum? ductus est totius orationis, modus vero partis alicuius in oratione – „Wenn wir erkannt haben, dass eine bestimmte Art von Thema vorliegt, was fragen wir als erstes? Nach dem ductus (Zusammenhang). Was ist der ductus? Die Art und Weise, auf welche die gesamte Argumentation zu gestalten ist. Was ist der Unterschied zwischen ductus und modus? Der ductus bezieht sich auf die ganze Rede, der modus dagegen nur auf einen Teil in der Rede“; vgl.  Martianus Capella, nupt. 5,  471. Zu den Konzepten ductus, modus, color u.  a. in Spätantike und Mittelalter vgl.  Calboli Montefusco 2003 und Carruthers 2010, bes. p. 195-199; Torzi 2014 untersucht den semantischen Bereich von ductus bei Servius, Servius auctus und Tiberius Claudius Donatus. 17  Vgl. Martianus Capella, nupt. 5, 470.

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Die Liste kombiniert mehrere Einteilungsprinzipien: die Unterscheidung, ob überhaupt offene oder nicht-offene Rede vorliegt (simplex vs. subtilis), die Frage nach dem Motiv des nicht-offenen Sprechens (figuratus/obliquus), und die Frage, ob die Rede eine oder mehrere Intentionen verfolgt (mixtus).18 Diskutiert wird in den Rhetoriken auch, welche Effekte eine solche verblümte Rede auf die Zuhörer haben soll. Q uintilian betont die aktive Rolle des Rezipienten, der vom Redner dazu gebracht werden müsse, das Gemeinte herauszufinden, obwohl der Redner es nicht offen anspreche. Die Freude des Zuhörers, selbst etwas Verborgenes herausgefunden zu haben, ist dabei ein wichtiges Mittel der Überzeugung.19 Iulius Victor hebt in diesem Zusammenhang eine Unterscheidung hervor, die Q uintilian nur andeutet, nämlich diejenige zwischen verblümten Reden (in figuratis), bei denen der Rezipient die von den Worten abweichende Absicht des Redners verstehen soll, und zwischen obliquitas, Trugreden, bei denen der Zuhörer einerseits verstehen muss, dass sich hinter den Worten des Redners etwas Ungesagtes verbirgt, er aber nicht zugleich auch die Täuschungsabsicht bemerken darf.20 Ebenso wie Q uintilian interessiert sich Iulius Victor auch für die Frage, wie man auf eine figurierte Rede des Gegners reagieren 18  Ähnliches ist auch in der griechischen Schrift Περὶ ἐσχηματισμένων A (Ps.-Dionysius, rhet. 8, 2) zu beobachten, in welcher die figurierte Rede unterschieden ist nach (1) χρῶμα = pudor et periculum, (2) πλαγίως = oblique loqui, (3) τὰ ἐνάντια = contrarium loqui; vgl. auch Ps.-Hermogenes, inv. 4, 13 (204 Rabe) mit einer Einteilung in κατὰ τὸ ἐναντίον, κατὰ τὰ πλάγια, κατὰ ἔμφασιν – „gegenteilig, verblümt, andeutungsweise“. 19  Q uintilian, Inst. 9, 2, 65; 71; Iulius Victor, rhet. 21. 20  Iulius Victor, rhet. 22: In quo quidem genere multo cautius et subtilius et argutius quam in figuratis agendum est, quia illic aliud dici vis et aliud intellegi, in obliquitate vero et intellegi debes aliud velle, et tamen longe aliud dicendi arte perficere. Q uaestionis insidiae nisi astu occulto et latenter operantur, omnem effectum intellectae etiam cum indignatione audientis amittent. – „Bei dieser Redegattung muss man viel vorsichtiger, raffinierter und scharfsinniger vorgehen als bei den verblümten Reden; da nämlich will man, dass eines gesagt und etwas anderes verstanden wird, bei der Trugrede dagegen muss man betreiben, dass das eine verstanden wird, und dabei mit rednerischer Kunst etwas ganz ande­ res zu erreichen suchen. Die Intrige bei einem solchen Fall funktioniert nur mit heimlichen Finten und verdeckt, sie verliert, wenn sie erkannt worden ist, mit der Verärgerung des Zuhörers jede Wirkung.“ Vgl. Q uintilian, Inst. 9, 2, 67 und 76, der die Unterscheidung an die beiden Typen „Vorsicht“ und „Dezenz“ knüpft, sowie Ps.-Longin, sublim. 17; Ps.-Dionysius, rhet. 8, 4; Ps.-Hermogenes, inv. 4, 13 (208 Rabe).

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müsse. Als mögliche Strategien nennt er, die verdeckten Vorwürfe offen zu beantworten, sie zu ignorieren oder aber den Gegner aufzufordern, seine Karten offen auf den Tisch zu legen.21 Anders als die als Einzelfiguren gedachten Stilmittel der verdeckten Rede, die schon Q uintilian mit Beispielen aus der Dichtung illustriert, stammen die Exempla für ganze verdeckte Reden anfangs zunächst aus Prosakontexten, oft sind es Deklamationsthemen. Im griechischen Bereich wird die Analyse dann aber auch auf Homer, Euripides und andere Dichter ausgedehnt.22 Unter den lateinischen Rhetoren ist es besonders Iulius Rufinianus, der Q uintilians dreiteiliges Typenschema auch durch Vergilzitate erläutert.23 Dies setzt voraus, dass man Vergils Werke nicht nur nach einzelnen Anspielungen hin untersucht, sondern auch ganze Abschnitte unter diesem Gesichtspunkt gelesen und analysiert hat. Eine solche Analyse ist gut vorstellbar in Zusammenhang mit der auch von Servius bezeugten Aufbereitung vergilischer Motive als Deklamationsthemen, bei der man unter anderem die Argumentationsstrategie in den Reden der Figuren entsprechend den Einteilungen der Statuslehre bestimmte.24 Bei einem fiktionalen Text wie der Aeneis ist die pragmatische Kommunikationssituation, auf die sich nicht-offene Rede immer beziehen muss, allerdings etwas anders gelagert als es die an Gerichtsreden oder Deklamationen orientierten Rhetoriken voraussetzen.25 Zum einen gibt es hier die epische Handlung, innerhalb derer die handelnden Figuren miteinander kommunizieren; zum anderen ist die Kommunikationssituation, in der sich die Figuren bewegen, gerahmt vom äußeren Kommunikationssystem, bei dem sich Autor und Leser gegenüber stehen. Versteckte   Q uintilian, Inst. 9, 2, 93-94; Iulius Victor, rhet. 22.   Besonders die zwei pseudo-dionysianischen Traktate, deren erklärtes Ziel es ist, den Gebrauch des λόγος ἐσχηματισμένος auch in der Dichtung (bes. bei Homer und Euripides) nachzuweisen, vgl. Ps.-Dionysius, rhet. 8, 4. 23   Vgl. Iulius Rufinianus, schem. 1, wo Aen. 6, 834-835 den Typ si parum tutum est und Georg. 2, 495-496; 498 den Typ si non decet illustriert. 24 Servius, Aen. 10, 18, vgl. unten Anm. 85. Ein berühmtes Beispiel für diese Art von Übungsreden, hier mit dem Thema „Zorn der Iuno“, bezeugt Augustinus in conf. 1, 27; vgl. Bonner 1977, p. 227-276, bes. 267-270. 25  Sylvie Franchet d’Espèrey 2016, p.  57 weist allerdings zu Recht auf den Umstand hin, dass auch die Deklamation über fiktive Themen zwei Kommunikationsebenen impliziert, nämlich die zwischen Redner und fingiertem Adressaten sowie diejenige zwischen Redner und Publikum. 21 22

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Botschaften oder Intentionen kann ein Exeget daher immer mindestens auf zwei Ebenen sehen, nämlich zum einen auf der Ebene der handelnden und sprechenden Figuren, deren Agieren der Leser beobachtet, zum anderen auf der Ebene der äußeren Kommunikation, auf welcher der Leser selbst zum Adressaten nicht-offener Rede wird. Bei der Kommentierung von Figurenreden schließlich ist es möglich, beide Ebenen zusammenfallen zu lassen, da die Worte der Figur ja stets auch die Worte des poeta sind – in einem solchen Fall kann sich eine verdeckte Botschaft sowohl an die adressierte Figur als auch an den Leser richten, die Worte der Figur können aber auch sozusagen ohne ihr Wissen nur an den Leser gerichtete Botschaften transportieren. Die im Folgenden zu untersuchenden Beispiele zeigen, dass sich die Kommentatoren des Deutungsspektrums, das sich so eröffnet, bewusst waren. 2.1. Verdeckte Intentionen: Die Praefationes zu den Aeneiskommentaren des Servius und des Tiberius Claudius Donatus Die besondere Form, in der die Scholien des Servius auctus überliefert sind, gestattet nur gelegentliche Einblicke in eine eigene Interpretation des vergilischen Textes. Ihre Dichte in den hier untersuchten Partien ist sehr unterschiedlich und generell muss man damit rechnen, dass bevorzugt von Servius abweichende Deutungen in den erweiterten Kommentar aufgenommen wurden. Ebenso fehlt in diesem Fall eine Vorrede, die dem Leser Orientierung in Hinblick auf die Gesamtintention des kommentierten Werkes geben könnte. Die beiden als vollständige Werke überlieferten Kommentare des Servius und des Tiberius Claudius Donatus dagegen deuten nicht nur einzelne Stellen oder Passagen als nicht-offene Rede, sondern sehen auch in der Aeneis insgesamt offene mit nicht-offenen Aussagen verbunden. Beide beginnen mit einer Praefatio, in der sie sich zu den Intentionen äußern, die der Dichter mit seinem heroischen Gedicht verfolgt habe. In beiden Fällen geht es ihnen um das Gesamtziel des Werkes und damit um den äußeren Kommunikationsrahmen. Beide sind sich einig, dass dieses übergeordnete Ziel darin bestehe, den Kaiser Augustus durch Lob zu verherrlichen. 146

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Servius sieht diese Intention „von den Vorfahren her“ (a parentibus), das heißt durch ein aitiologisch-allegorisches Vorgehen des Dichters realisiert. Als Beispiel dafür zitiert er aus der Prophezeiung Iuppiters im ersten Buch; an anderer Stelle nennt er exemplarisch die Heldenschau im sechsten und die Schildbeschreibung im achten Buch.26 Im Kommentar finden sich mehrmals Hinweise darauf, dass Vergil derartige zeitgeschichtliche Bezüge „nach den Regeln der Dichtkunst“ (per legem artis poeticae) nicht offen (aperte) habe herstellen können.27 Eine durchgehende allegorische Lektüre des Epos ergibt sich aus diesen punktuellen Beobachtungen im Serviuskommentar jedoch nicht – diesem zufolge sind es eher einzelne Durchblicke, die Vergil seinen Lesern auf das verborgene Ziel seines Gedichtes gewährt. Die Scholien des Servius auctus lassen zumindest gelegentlich eine ähnliche Sichtweise wie Servius erkennen.28 Auch Tiberius Claudius Donatus greift die Idee des verborgenen Augustuslobs auf, wendet sie aber konsequent auf die Interpretation des gesamten Epos an. Dreh- und Angelpunkt seiner Deutung ist die Figur des Aeneas, der als Ahnherr der iulischen Dynastie ohne Fehl und Tadel habe dargestellt werden müssen. Anders als Servius leitet Donatus daraus keine allegorische Lektüreweise ab, sondern betont das Risiko, das der Dichter mit 26  Servius, Aen. praef. 4,  10-14 Thilo: intentio Vergilii haec est, Homerum imitari et Augustum laudare a parentibus; namque est filius Atiae, quae nata est de Iulia, sorore Caesaris, Iulius autem Caesar ab Iulo Aeneae originem ducit, ut confirmat ipse Vergilius ‘a magno demissum nomen Iulo’ (Aen. 1,  288) – „Die Absicht des Dichters ist es, Homer nachzuahmen und Augustus von seinen Vorfahren her zu loben; denn Augustus ist der Sohn der Atia, der Tochter von Iulia, der Schwester Caesars; Caesar wiederum leitet seine Herkunft von Iulus, dem Sohn des Aeneas ab, wie Vergil selbst bestätigt mit ‚ein Name abgeleitet vom großen Iulus.‘“; vgl. Servius, Aen. 1, 286 u. unten Anm. 61. 27 Servius, Aen. 1, 382: matre dea monstrante viam hoc loco per transitum tangit historiam, quam per legem artis poeticae aperte non potest ponere – „meine göttliche Mutter wies mir den Weg: An dieser Stelle spielt er auf etwas wirklich Geschehenes an, das er nach den Regeln der Dichtkunst nicht offen behandeln kann.“; vgl.  Servius, Aen. 1,  292; 6,  69. Zu den zeitgeschichtlichen Anspielungen, die die Kommentatoren bei Vergil sahen, vgl.  allgemein Tischer 2006, p. 45-76 und Vallat 2013a. 28  Vgl. z. B. SD, Aen. 8, 672: sane ubique propositum est poetae Augusti gloriam praedicare; itaque maiorem partem operis in hoc clipeo Augusto adsignat. – „freilich ist es überall die Absicht des Dichters, den Ruhm des Augustus vorherzusagen; daher widmet er den größeren Teil der Darstellung auf diesem Schild dem Augustus.“

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der Wahl seines Stoffes eingegangen sei (quam periculosum opus adgressus sit – „ein wie gefahrvolles Werk er sich vorgenommen hat“).29 Da viele Züge der Aeneasgestalt dem erforderlichen Idealbild nicht entsprächen, müsse der Dichter höchste rhetorische Kunst aufbieten (purgat ergo haec mira arte Vergilius – „das macht Vergil also mit bewundernswerter Kunst wieder gut“), um diese Nachteile zu neutralisieren oder gar ins Positive zu wenden.30 Die Argumentationsstrategie, die Vergil Donatus zufolge dabei anwendet, besteht darin, alles Unglück des Aeneas auf das Schicksal zu schieben, ganz besonders aber auf die ungerechte und grausame Feindschaft der Iuno.31 Indem der Dichter so verschiedene, scheinbar nicht zusammengehörige Themenstränge verknüpfe, verfolge er beständig dieses sein verborgenes Ziel, den Ahnherrn des Kaisers positiv erscheinen zu lassen.32 Mit dieser Interpretation kommt Tiberius Donatus der in den spätantiken Rhetoriken formulierten Lehre von den ductus recht nahe. Aus seiner Per­ spek­ti­ve erscheint die Aeneis auf der Ebene der Kommunikation zwischen Autor und Leser als eine entsprechend dem ductus subtilis gestaltete Rede an den Kaiser, bei der die Aussage auf der Textoberfläche und die eigentliche Intention auseinandertreten.33 Grund dafür ist Rücksicht auf den mächtigen Adressaten des

  Ti. Donat praef. I, 2, 18-25 Georgii.   Ti. Donat praef. I, 3, 8-14 Georgii. 31   Ti. Donat praef. I, 3, 18-14, 13 Georgii. 32  Vgl. Ti. Donat praef. I, 2, 9-15 Georgii: et certe laudativum est, quod idcirco incognitum est et latens, quia miro artis genere laudationis ipse, dum gesta Aeneae percurreret, incidentia quoque etiam aliarum materiarum genera conplexus ostenditur, nec ipsa tamen aliena a partibus laudis; nam idcirco adsumpta sunt, ut Aeneae laudationi proficerent. – „Zweifellos handelt es sich (i. e. bei der Aeneis) um das Genus der Lobrede, was nur deshalb unerkannt und verborgen ist, weil der Dichter in einer erstaunlichen Art von Lobestechnik, während er die Erlebnisse des Aeneas erzählt, auch andere Argumentationskategorien, so sie ihm begegnen, einbezieht und veranschaulicht, ohne dass diese jedoch der Aufgabe des Lobens unzuträglich wären; gerade deswegen nämlich zieht er sie hinzu, dass sie zum Lob des Aeneas beitragen.“ 33  Vgl. Ti. Donat praef. I, 3, 14-16 Georgii: itaque conponit […] carminis thema tanta subtilitate artis […] – „Er komponiert also […] die Exposition des Gedichtes mit solch raffinierter Kunst  […]“; praef. I, 3,  21 Georgii: subtiliter monstrans – „und zeigt dabei auf raffinierte Art“; Fortunatian, rhet. 1, 6: Subtilis qui est? cum aliud est in themate, aliud in agentis voluntate. – „Was ist der ‚raffinierte‘ ductus? Wenn etwas als Thema gesetzt ist, aber der Redner ein anderes Ziel verfolgt.“ 29 30

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Gedichtes, der eine offene Kommunikation gefährlich mache.34 Entsprechend dieser Gesamtinterpretation interessiert sich Tiberius Claudius Donatus auch im Kommentar selbst besonders für die status der Reden und ganz besonders für die Darstellung der Iuno. Die Ebene der Figuren ist davon jedoch nicht notwendig betroffen und nicht alle Figurenreden sieht er als verdeckte Reden.35 2.2. Eine versteckte Anzeige: Venus und Iuppiter im ersten Buch der Aeneis (Aen. 1, 227-296) In den Einzelkommentaren rückt die Kommunikation auf der Figurenebene in den Vordergrund. Beim ersten Beispiel, das hier zu untersuchen ist, bezieht sich die Kommentierung auf die Worte, die Venus an Iuppiter richtet, nachdem die Aeneaden durch einen von Iuno initiierten Sturm in Bedrängnis geraten sind. Venus beklagt das endlose Leiden ihrer Schützlinge, welches so sehr im Widerspruch zum prophezeiten Schicksal stehe (Aen. 1,  227-258).36 Iuppiter versucht sie zu besänftigen und gewährt in seiner Antwort den ersten der drei großen Ausblicke auf die zukünftige Bestimmung Roms (Aen. 1, 254-296). Servius, Servius auctus und Tiberius Claudius Donatus stimmen darin überein, dass Venus in ihrer Rede verdeckte Kritik an Iuno äußert, und sie bezeichnen Venus’ Vorgehen mit dem Ausdruck oblique.37 Dennoch zeigt ihre Interpretation der Rede unterschiedliche Akzente. Servius geht nur an zwei Stellen auf das verdeckte Agieren der Figur ein. Ihre hintergründige Frage an Iuppiter: Q uae te, genitor, sententia vertit? – „Welches/Wessen Votum, Vater, hat dich umgestimmt?“, begründet der Kommentator durch „Scham“   Vgl. Q uintilian, Inst. 9, 2, 66 und Fortunatian, rhet. 1, 6: Oblicus qui est? cum periculum prohibet aperte agere. – „Was ist der ‚verdeckte‘ ductus? Wenn ein Risiko es verbietet, offen zu argumentieren.“ 35   Zur Verbindung von ‚innerem‘ und ‚äußerem‘ Kommunikationssystem im Kommentar des Tiberius Claudius Donatus vgl. Pirovano 2006, p. 42-48. 36  Zum Charakter dieser Rede vgl. Austin 1971, p. 89. 37 Servius, Aen. 1,  248; vgl.  1,  23; SD, Aen. 1,  254; Ti.  Donat, ad Aen. 1, 251 (I, 57, 31 u. I, 58, 3 Georgii); 1, 280 (I, 62, 24 Georgii); vgl. Torzi 2014, p. 205-207. 34

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(verecunde agit).38 Der Anstand verbiete es, gegenüber einem Ehemann „offen“ (aperte) gegen die Gattin zu polemisieren; Iuppiter antworte im gleichen Stil (similiter): „Kein/Niemandes Votum hat mich umgestimmt.“ Dieselbe Begründung wiederholt Servius, wenn Venus das Exemplum des Stadtgründers Antenor anführt: Venus agiere „verblümt“ (oblique), aus Rücksicht darauf, dass sie mit dem Gatten der Iuno spreche. Für die gemeinte Aussageebene verweist Servius dabei auf das Rezipientenwissen: „Wir“ wissen (scimus), was es mit dem exemplum auf sich hat.39 Iuppiters Antwort behandelt Servius als Verteidigungsrede, in der sich der Göttervater gegenüber Kritik „reinige“ (obiecta purgat), indem er die einzelnen Vorwürfe der Venus zerpflücke.40 Dies erinnert an Q uintilians Rat für den Umgang mit verdeckten Angriffen,41 doch sagt Servius nicht explizit, ob Iuppiter die versteckte Kritik gegen Iuno wahrgenommen habe, und er bezeichnet die Iuppiterrede nirgends als Reaktion auf eine verdeckte Rede. Obwohl Servius also nur punktuell auf „Figuren“ eingeht,  Servius, Aen. 1,  237: q uae te genitor sententia vertit? verecunde agit Venus; nec enim conveniebat ut aperte contra uxorem ageret apud maritum. Vnde et similiter respondet Iuppiter ‚neque me sententia vertit‘. – „wessen Votum, Vater, hat dich umgestimmt? Venus spricht unter Beachtung des Anstands; es wäre nämlich nicht geziemend, dass sie offen vor dem Gatten gegen die Gattin argumentieren würde. Daher antwortet Iuppiter auf gleiche Weise ‚und niemandes Votum hat mich umgestimmt‘.“ 39  Servius, Aen. 1, 248: et genti nomen dedit hoc est quod ne victori quidem concedetur Aeneae; quod scimus a Iunone esse perfectum, contra quam oblique loquitur propter considerationem mariti. – „und gab einem Volk seinen Namen: etwas, das nicht einmal dem siegreichen Aeneas zuteil werden wird; wir wissen, dass dies von Iuno bewerkstelligt wurde, gegen die Venus hier aus Rücksicht darauf, dass Iuppiter ihr Gatte ist, nur verblümt spricht.“ 40 Servius, Aen. 1, 257: parce metu quotiens in causis arguimur, ante nos purgare debemus et sic ad actionem descendere. Q uod et hoc loco Iuppiter facit; ante enim obiecta purgat et sic venit ad promissionem. […] Cytherea […] Omnia autem quae dicit Iuppiter ad solutionem pertinent antedictorum. Nunc dicit ‚parce metu‘, quia superius dixerat ‚tristior‘; ‚manent inmota‘, quia dixerat ‚quae te genitor sententia vertit?‘. – „erspare dir die Befürchtung: Immer wenn wir prozessieren, müssen wir uns erst selbst (von Vorwürfen) reinigen und so dann zum eigentlichen Verhandlungspunkt übergehen. Das tut auch Iuppiter an dieser Stelle; zuerst reinigt er sich von den Vorwürfen und so kommt er dann zu seiner Prophezeiung. […] Cytherea: […] Alles, was Iuppiter sagt, korrespondiert mit den zuvor gesagten Worten. Er sagt hier ‚Erspare dir die Befürchtung‘, weil er vorher (über Venus) gesagt hatte ‚recht betrübt‘, ‚sie bleiben unverrückt‘, weil Venus gesagt hatte: ‚wessen Votum hat dich umgestimmt?‘ “ 41  Q uintilian, Inst. 9, 2, 93; vgl. Iulius Victor, rhet. 22. 38

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sind seine Deutungen weitreichend, wenn man sie ernst nimmt, denn sie setzen voraus, dass es von vornherein ein Ziel der gesamten Rede ist, Iuno bei Iuppiter zu verklagen. Breit ausgeführt ist diese Interpretation jedoch nicht, und es bleibt dem Kommentarbenutzer überlassen, weitere Seitenhiebe aufzuspüren. Venus’ Motiv des nicht-offenen Agierens, verecundia, entspricht den Einteilungen der Rhetoriken, doch nimmt Servius selbst keine Zuordnung vor.42 Das rhetorisch verdeckte Agieren der Venus Iuppiter gegenüber bezieht sich auf die Ebene der handelnden Figuren und deren Absichten. Parallel dazu beobachtet Servius implizite Aussagen aber auch auf der Ebene von Autor und Rezipient der epischen Handlung. Einer Notiz zufolge muss der Leser „stillschweigend“ (per silentium) aus den Worten der Venus folgern, dass es bereits einen Schicksalsbeschluss über die künftigen Römer gibt, obwohl „wir davon (bisher) nirgends gelesen haben“ (nusquam hoc legimus).43 Andere Scholien konstatieren, dass der Autor die Handlung und die Worte der Figuren so disponiere, dass der Rezipient andeutende Hinweise (significatur) auf den Fortgang der Handlung,44 auf unterdrückte Züge des Mythos 45 oder auf antiquarische Informationen erhalte (amat poeta rem historiae carmini suo coniungere – „Der Dichter liebt es, Historisches in sein Gedicht einfließen zu lassen“).46 Die hintergründigen Motive der sprechenden Person und die weiterreichenden Absichten des poeta erscheinen in diesen Notizen teilweise eng miteinander verknüpft, doch handelt es sich stets um punktuelle Anspielungen. 42  Vgl. Q uintilian, Inst. 9, 2, 66: si non decet; Fortunatian, rhet. 1, 6: Figuratus qui est? cum palam dicere pudor inpedit. – „Was ist der ‚verblümte‘ ductus? Wenn der Anstand daran hindert, offen zu sprechen.“ 43 Servius, Aen. 1, 234. 44  Servius, Aen. 1, 223. 45 Servius, Aen. 1, 242. Servius’ zufolge spielt Vergil in Aen. 1, 488 darauf an, dass Aeneas der Vorwurf gemacht wurde, ein Vaterlandsverräter zu sein (Vergilius per transitum tangit – „Vergil berührt das en passant“); Venus möchte vermeiden, dass daraus eine zu Recht erfolgte Bestrafung der Aeneaden ableitbar wird, deshalb wähle sie „nicht ohne Grund“ (non sine causa) mit Antenor einen Trojaner als exemplum, dem derselbe Vorwurf gemacht wurde, der aber von den Göttern, anders als Aeneas, trotzdem nicht bestraft wurde, sondern erfolgreich sein neues Troja gegründet hat. Zu Antenor vgl.  Austin 1971, p.  91-93; Williams 1972, p. 178-179; Paratore 1978, 1, p. 160-162. 46 Servius, Aen. 1, 246.

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Zu beobachten ist zudem, dass Servius mit dem Terminus oblique nur verdecktes Sprechen auf der Figurenebene beschreibt, nicht aber das allusive Vorgehen des poeta.47 Auch Servius auctus hält Venus’ Rede für eine indirekte Anklage gegen Iuno und verwendet dafür den Ausdruck oblique.48 Anders als Servius bezeichnet er diese Kritik explizit als das erklärte Ziel der gesamten Rede, und für mehrere Stellen betonen die DSScholien diese kritische Absicht (invidia).49 Als Beweggrund für Venus, die direkte Nennung der Iuno zu vermeiden, nennt ein DS-Scholion zudem „Vorsicht“, was an das Sicherheitsmotiv der Rhetoriken erinnert.50 Ebenfalls im Unterschied zu Servius geht dieser Kommentar zudem davon aus, dass Iuppiter die verdeckte Absicht der Venus erkennt, und deutet dessen Antwortrede explizit als Reaktion auf einen sermo figuratus.51 Verdeckte Absichten des poeta auf der Ebene der äußeren Kommunikation sieht Servius auctus in dieser Passage dagegen nirgends. Tiberius Claudius Donatus schließlich liefert uns eine noch breiter ausgeführte Version der bei Servius auctus erkennbaren Deutungsrichtung. Auch er beschränkt sich ganz auf das verdeckte Agieren der sprechenden Personen und auch er sieht 47 Vgl. Servius, Aen. 1, 248; 2, 638; 3, 606; 654; 10, 25; 42; 611; 11, 337; 434; 12, 13 (über Figurenrede bei Statius). In Bezug auf den poeta finden sich aber zwei Belege bei SD, vgl. Aen. 3, 537; 4, 56. 48  SD, Aen. 1, 254: […] aut certe risit intellegens Iunonis dolos oblique accusari a Venere […] – „[…] oder er lachte eher doch, weil er bemerkte, dass Venus Iunos Ränke verdeckt anklagt […]“. 49 SD, Aen. 1, 229: […] et est tota orationis intentio, iniuste vexari a Iunone Troianos. – „[…] und es ist die Aussageabsicht der ganzen Rede, dass die Trojaner von Iuno zu Unrecht verfolgt werden.“ Vgl. SD, Aen. 1, 230: quasi ad invidiam posita est – „sie wurde als Kritik verwendet“; 1, 242; 251: invidiose – „in kritischer Absicht“. 50 SD, Aen. 1, 251: unius] cautius, quam si dixisset Iunonis. – „einer einzigen: vorsichtiger als wenn sie ‚der Iuno‘ gesagt hätte.“ Vgl.  Q uintilian, Inst. 9, 2, 66: si dicere palam parum tutum est; Fortunatian, rhet. 1, 6: Oblicus qui est? cum periculum prohibet aperte agere. 51  SD, Aen. 1, 254: […] aut certe risit intellegens Iunonis dolos oblique accusari a Venere, ut est ‚quae te, genitor, sententia vertit‘ et ‚unius ob iram prodimur‘, sicut alibi ‚atque dolis risit Cytherea repertis‘ – „[…] oder er lachte eher doch, weil er bemerkte, dass Venus Iunos Ränke verdeckt anklagt, genau wie ‚Wessen Votum hat dich, Vater, umgestimmt‘ und ‚wegen des Zorns einer Einzigen werden wir betrogen‘, und so wie an anderer Stelle: ‚und es lachte Cytherea, weil sie die List entdeckt hatte.“; vgl. auch SD, Aen. 1, 257.

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Kritik an Iuno (invidia) als ein Ziel der Rede an.52 Ebenso wie Servius stellt er fest, dass Venus diese Kritik „verdeckt“ (oblique) äußere,53 und er nennt als Motiv ebenfalls „Vorsicht“ (cautela) sowie Venus’ Befürchtung, Iuppiter könnte einen Angriff gegen seine Gattin ungünstig aufnehmen.54 Diese Art von verdeckten Anspielungen, die sich im emphatischen Gebrauch einzelner Worte manifestiert, konstatiert er vor allem für den Redeschluss. Für die Anlage der gesamten Rede sieht er dagegen eine andere Art der rhetorischen Komplexion, die sich weder bei Servius noch bei Servius auctus findet, und die hier in den Interpretationes Vergilianae unter dem Terminus subtilitas firmiert (materia vehementer artis et subtilitatis plena est – „Dieser Fall ist besonders reich an Kunstfertigkeit und Raffinesse“).55 Er sieht Venus und Iuppiter, die beiden Gesprächspartner, beide sozusagen in einer Doppelrolle oder verdoppelten Kommunikationssituation agieren, nämlich einmal als Tochter und Vater, einmal als rangniedere Göttin, die ihren Herrscher und König anspreche. Dabei bilde die „offizielle“ (publica) Situation die explizite Ebene, in die Venus aber immer wieder das „private“ Verhältnis „einflicht“ (praeponitur publica et privata subnectitur – „die öffentliche Rolle wird in den Vordergrund gerückt und die private damit verflochten“).56 Obwohl diese Strategie der doppelten Kommunikationsebenen 52 Ti.  Donat, ad Aen. 1,  230 (I, 51,  26 Georgii): subtilem invidiam – „raffinierte Kritik“; 1, 240 (I, 55, 9 Georgii): non sine subtili invidia – „nicht ohne raffinierte Kritik“; 1, 259 (I, 58, 9 Georgii): invidiosa conclusio – „ein gehässiges Schlusswort“. 53 Ti. Donat, ad Aen. 1, 250 (I, 57, 30; 58, 3 Georgii). 54  Ti.  Donat, ad Aen. 1,  250 (I, 57,  28-58,  6 Georgii); hier: I, 57,  30-33 Georgii: […]  cum omni enim cautela et ordine suo debuit, quamvis oblique, pulsare Iunonis malitiam, ne, si inter initia diceretur, offensus Iuppiter ex evidenti sororis et coniugis suae iniuria desideria et necessitates gementis non libenter audiret. – „Sie (Venus) musste ja die Missgunst gegen Iuno, obwohl sie das verblümt tut, mit all ihrer Vorsicht und Dispositionskunst schüren, damit Iuppiter, gekränkt angesichts eines offenkundigen Unrechts gegen seine Schwester und Gattin, die Wünsche und Interessen der Klagenden nicht mit Missvergnügen anhören würde.“ 55 Ti. Donat, ad Aen. 1, 230 (I, 51, 19-21 Georgii): haec materia vehementer artis et subtilitatis plena est et habet non tantum personarum verum etiam rerum servatam diligentissime rationem. – „Dieser Fall ist besonders reich an Kunstfertigkeit und Raffinesse und weist nicht nur bei der Personengestaltung, sondern auch bei den Inhalten eine sorgfältigst durchgeführte Methode auf.“ 56 Ti. Donat, ad Aen. 1, 230 (I, 51, 21-52, 4, hier: 33 Georgii).

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weiterhin auf der narrativen Ebene der Figuren angesiedelt ist, hebt Tiberius Claudius Donatus deutlicher als die anderen beiden Kommentatoren hervor, dass es der Dichter ist, der seine Figuren so agieren lässt.57 Anders als die antiquarischen Anspielungen, die Servius beschreibt, betrifft diese mit dem Terminus subtilis eingeführte „doppelte“ Aussage nicht ausschließlich den Leser des Textes, sondern gleichzeitig immer auch die Intentionen der handelnden Figur Venus. Mit der Verdoppelung der Kommunikationsebenen, die Tiberius Claudius Donatus beobachtet, scheint er der von den Rhetoriken beschriebenen Lehre erneut nahe zu kommen, ohne dort aber eine tatsächliche Entsprechung zu finden. In Iuppiters Antwort auf diese Rede finden alle drei Kommentatoren klare Reaktionen auf die einzelnen Argumente der Venus.58 Als ganze oratio obliqua interpretieren sie sie jedoch nicht, obwohl alle drei an einzelnen Stellen durchaus implizite Äußerungen notieren. So betonen alle drei, dass Iuppiter aus Taktgefühl nur andeute (ostendit, significasse), dass die Herrschaft des Aeneas in Latium nicht lange dauern werde.59 Auch die Junktur Remo cum fratre Q uirinus von Aen. 1, 292 erregt ihren Verdacht. Servius deutet sie als politische Allegorie auf Augustus, Servius auctus und Tiberius Claudius Donatus vermuten, dass Iuppiter 57  Vgl. z. B. Ti. Donat, ad Aen. 1, 230 (I, 51, 25-26 Georgii): tractat (poeta vel Venus?) ergo personas, ut dictum est, et subtilem invidiam concitat […] – „Er behandelt die Personen also wie eben gesagt und stichelt mit raffinierter Gehässigkeit […]“, sowie 1, 255 (I, 58, 20-21 Georgii): Iovem inducit signis innumeris ostendisse […] – „Er lässt Iuppiter nämlich durch zahlreiche Anzeichen deutlich machen“; I, 1, 58, 30-59, 1 Georgii: hoc ipsum ipse Vergilius ostendit […] – „genau das zeigt Vergil selbst“, sowie I, 59, 21-26 Georgii: sed huic (i. e. Iovi) dat poeta personam regis, non patris; […]  usque adeo ex persona publica induxit loquentem Iovem, ut […] – „An dieser Stelle teilt er ihm die Rolle des Königs zu, nicht die des Vaters; […] so sehr hat er Iuppiter hier in seiner öffentlichen Rolle sprechen lassen, dass […]“. 58 Vgl. Servius, Aen. 1, 257: Omnia autem quae dicit Iuppiter ad solutionem pertinent antedictorum – „Alles, was Iuppiter sagt, korrespondiert mit den zuvor gesagten Worten.“; Ti.  Donat, ad Aen. 1,  255 (I, 59,  30-32 Georgii); SD, Aen. 1, 254; 257. 59 Vgl. Servius, Aen. 1, 267: et ostendit et tacuit – „einerseits sagt er es, andererseits hat er verschwiegen“; SD, Aen. 1, 265: videtur tacite significasse – „er scheint stillschweigend angedeutet zu haben“; Ti. Donat, ad Aen. 1, 270 (I, 61, 29-62, 2 Georgii): ostendit […], sed praetermissum est quod fuerat luctuosum – „er deutet es an […], doch was schmerzvoll gewesen wäre, ist ausgelassen“. Vgl. Clausen 2002, p. 131-133.

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den Brudermord an Remus verschleiern wolle.60 Servius bezieht die Rede daher auch insgesamt ganz auf das übergeordnete Kommunikationsziel des poeta und damit wieder auf die Kommunikation mit dem Leser.61 Servius auctus und Tiberius Claudius Donatus heben immerhin hervor, dass Iuppiter die verdeckten Absichten der Venus bemerkt, was sich nach Donatus besonders darin zeige, dass der Göttervater explizit auf das feindselige Verhalten der Iuno eingehe, auf das Venus ja nur verdeckt (oblique) hingedeutet habe.62 Insgesamt deuten die drei Kommentare das Redenpaar von Venus und Iuppiter als eine wirkungsvolle oratio figurata, bei der Venus als Anklägerin den Iuppiter als Richter erfolgreich gegen die schwer angreifbare Prozessgegnerin Iuno auf ihre Seite gebracht hat. Voraussetzung für ihren Erfolg ist, dass Iuppiter die verdeckt vorgebrachten Vorwürfe versteht und zugleich das Motiv des nicht-offenen Sprechens, verecundia, würdigt. 2.3. Trugrede und Intrige: Venus und Iuno im vierten Buch der Aeneis (Aen. 4, 90-128) Im zweiten zu untersuchenden Beispiel ist die Problematik des impliziten Sprechens etwas anders gelagert. In diesem Dialog zwi60  Vgl. Servius, Aen. 1, 292: vera tamen hoc habet ratio – „der wahre Plan dahinter ist aber“; SD, Aen. 1,  292: hic dissimulat de parricidio – „hier täuscht er über den Brudermord hinweg“; Ti.  Donat, ad Aen. 1,  275 (I, 62,  17 Georgii): ut obscurari parricidium posset – „um den Brudermord verdecken zu können“. Zur Ambiguität der Passage und Servius’ Rolle in der Interpretationsgeschichte dieser Passage vgl. Austin 1971, p. 108-110; Paratore 1978, 1, p. 173-174. 61 Servius, Aen. 1, 286: Et omnis poetae intentio, ut in qualitate carminis diximus, ad laudem tendit Augusti […] – „Die ganze Absicht des Dichters richtet sich, wie wir es im Kapitel ‚Beschaffenheit des Gedichtes‘ dargelegt haben, auf den Lobpreis des Augustus“, vgl. praef. Aen. 4, 10-14 Thilo. Außerdem sieht Servius wieder einen verdeckten Hinweis auf eine alternative Version des Mythos, vgl. Servius, Aen. 1, 267 (ecce ἀμφιβολικῶς dixit, ostendit tamen – „Er sprach zweideutig, zeigte aber dennoch…“). 62 Ti.  Donat, ad Aen. 1,  280 (I, 62,  24-29 Georgii): quod autem Venus oblique posuit „unius ob iram prodimur“, hoc Iuppiter intellecto, ut laetiorem Venerem faceret, ait „quin aspera Iuno  […]“ – „Weil Iuppiter aber verstanden hatte, dass Venus die Worte ‚wegen des Zorns einer Einzigen werden wir betrogen‘ verblümt gemeint hatte, sagt er, um Venus aufzuheitern: ‚Sogar die trotzige Iuno  […]‘ “; SD, Aen. 1, 254: […] aut certe risit intellegens Iunonis dolos oblique accusari a Venere […]. – „[…] oder er lachte eher doch, weil er bemerkte, dass Venus Iunos Ränke verdeckt anklagt […]“.

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schen Iuno und Venus am Beginn des vierten Aeneisbuches bietet Iuno der Venus an, ein Bündnis zu schließen und die Ehe zwischen Dido und Aeneas zu stiften (Aen. 4, 90-104). Dies ist jedoch nur ein scheinbares Versöhnungsangebot; in Wahrheit hofft Iuno die Gründung Roms in Italien zu verhindern, indem sie Aeneas in Karthago zurückhält. Der auktoriale Erzähler betont zweimal explizit, dass Venus diese List durchschaue (Aen. 4, 105-106; 127128). Venus reagiert mit einer Gegentrugrede, die vordergründig auf das Angebot der Gegnerin eingeht (Aen. 4, 107-114). Im vermeintlichen Einvernehmen mit Venus entwirft Iuno daraufhin die Intrige, durch die Dido und Aeneas zusammenfinden sollen, und Venus stimmt zu (Aen. 4, 115-128). Alle drei Kommentare betonen den betrügerischen Charakter dieser Reden. Servius, der bereits in der Einführung zum vierten Buch die Affinitäten der Handlung zur Komödie hervorgehoben hatte, spricht auch hier von der „Verschlagenheit“ (calliditas) dieser Wechselreden, als handele es sich um eine plautinische Intrige.63 Servius auctus bevorzugt insidiae als Charakterisierung,64 Tiberius Claudius Donatus die Bezeichnung dolus.65 Letzterer ist aber der einzige, der thematisiert, worin diese „List“ jeweils besteht und was also das implizite Gesamtziel der Reden sei, nämlich die Pläne der Gegnerin zu vereiteln.66 Bei der Kommentierung der einzelnen Argumente zeigt sich, dass die drei Kommentare die versteckte Strategie in beiden Reden unterschiedlich beurteilen. In der Rede der Iuno beobachten sie vor allem einzelne verdeckte Seitenhiebe der Sprecherin, in denen deren unterdrückte Feindseligkeit zum Ausdruck komme – Boshaftigkeiten, die dem Erfolg ihrer Trugrede eher im Wege 63 Servius, Aen. 4, 1 = p. 459, 4-5 und 4, 92; 107. Zum Redenpaar Iuno – Venus in Aen. 4 vgl. auch Clément-Tarantino in diesem Band. 64  SD, Aen. 4, 92; 107; 114; vgl. Aen. 4, 103 (per fallaciam); 126 (dolus). 65 Ti. Donat, ad Aen. 4, 105 (I, 369, 8 Georgii); 110 (I, 370, 15-16 Georgii); 126 (I, 371, 20 Georgii). 66 Ti. Donat, ad Aen. 4, 105 (I, 369, 5-11 Georgii): melius visum est dolos dolis excludere veluti adprobatis per dissimulationem praesentibus – „Es schien ihr besser, Listen mit Listen zunichte zu machen, indem sie ihnen heuchlerisch für den Moment zustimmte“; 110 (I, 370, 1-5 Georgii); 120 (I, 371, 18-23 Georgii). Den Vorschlag der Iuno bezeichnet er als sub benivola prosecutione subtilis – „hintergründig unter der Maske des wohlwollenden Vorhabens“, vgl. Ti. Donat, ad Aen. 4, 105 (I, 369, 17-19 Georgii).

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stehen, falls sie entdeckt würden. Dem entspricht, dass als Motiv dieser Anspielungen eher „feindliche Kritik“ (invidia) statt „List“ benannt wird.67 Einen solchen verräterischen Seitenhieb konstatieren die Kommentare etwa zum Beginn der Iunorede, einer spöttischen Bemerkung zu Didos Bezauberung durch Venus und Cupido (Aen. 4, 93-97). Servius bezeichnet diese Stelle als „ironisch“ und fügt die Definition der ironia hinzu: „wenn die Worte das eine, aber der Sinn etwas anderes enthält“.68 Dies ähnelt der Beschreibung des ductus subtilis in den Rhetoriken, bezieht sich hier aber nur auf eine einzelne figura, nicht auf die Gesamtanlage der Rede. Ähnliches gilt für Iunos Vorschlag, Dido solle mit ihrer, Iunos, Zustimmung „einem phrygischen Gatten dienen“. Servius sieht hier die Figur der Emphasis, gemeint sei „einem Heimatlosen“, Servius auctus zitiert die Umschreibung „einem Besiegten“, Tiberius Claudius Donatus paraphrasiert „einem verächtlichen Menschen von niederer Herkunft“ und konstatiert eine „subtile Beleidigung“ (subtile convicium) und einen „doppeldeutigen Ausdruck“ (obliqua haec dictio).69 Anspielungen wie diese lassen den Kommentatoren zufolge also die wahren Absichten der Iuno erkennen und führen letztendlich dazu, dass ihre List scheitert – sie „liegt unverkennbar vor Augen“ (adversariae dolos evidentissime patuisse), wie Tiberius Claudius Donatus bemerkt.70 Für die Venusrede dagegen machen die Kommentatoren verdeckte Aussagen namhaft, die die Durchführung der List unterstützen. Dazu gehört besonders Venus’ Bemerkung in Aen. 4, 110, dass sie ja gar nicht wisse, ob Iuppiter und das Schicksal die geplante Ehe 67  Z. B. SD, Aen. 4, 93; 103; Ti. Donat, ad Aen. 4, 90 (I, 367, 16-17 Georgii). Vgl. auch Torzi in diesem Band. 68  Servius, Aen. 4,  93: egregiam vero laudem ironia est, inter quam et confessionem sola interest pronuntiatio; et ironia est cum aliud verba aliud continet sensus – „herrlichen Ruhm in der Tat: es handelt sich hier um Ironie, die sich von einer (einfachen) Aussage nur durch die Aussprache unterscheidet; Ironie liegt vor, wenn die Worte das eine und der Sinn etwas anderes beinhalten.“; vgl. SD. Aen. 4, 93 und Ti. Donat, ad Aen. 4, 95 (I, 367, 19-26 Georgii); vgl. Torzi 2014, p. 207-208. Zur Rolle der pronuntiatio beim Erkennen der Ironie vgl. Vallat 2013b, bes. p. 85-86. 69 Servius, Aen. 4, 103; SD, Aen. 4, 103: alii invidiose dictum volunt – „andere wollen das als hämisch gemeinte Aussage verstehen“; Ti. Donat, ad Aen. 4, 100 (I, 368, 13-23 Georgii). 70 Ti. Donat, ad Aen. 4, 125 (I, 371, 19-21).

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wünschten (was nicht stimmt),71 sowie ihre scheinbare Zustimmung zu Iunos Antrag mit den Worten: „Geh nur voran, ich folge“ (perge, sequar) in Aen. 4, 114. Letzteres deuten Servius und Servius auctus symbolisch auf das Verhältnis zwischen Ehe (Iuno) und Liebesverlangen (Venus) und sehen deshalb eine offensichtliche Diskrepanz zum Vorhaben der Iuno, welche Aeneas und Dido ja erst mit Venus’ Beistand zum Ehebündnis bringen will.72 Diesen Notizen zufolge verdreht Venus die Tatsachen, offensichtlich in der Hoffnung, dass Iuno das nicht bemerkt. Anders als beim zuvor untersuchten Redenpaar ist hier schon an der Textoberfläche klar, dass es sich um Trugreden handelt, bei denen Aussage und Intention insgesamt divergieren und die scheitern, wenn dieser Umstand von der Gegnerin entdeckt würde.73 Auch die Kommentatoren bemerken dies, doch ihre Bemerkungen zum verdeckten Sprechen konzentrieren sich auf einzelne Argumente und Einzelfiguren wie Ironie oder Emphase. Tiberius Claudius Donatus bedient sich immerhin des Vokabulars der verdeckten Argumentation, die er mehrmals als subtilis, einmal auch als obliqua bezeichnet. Auch bei ihm ist damit aber nicht die Anlage der Rede insgesamt gemeint, sondern immer einzelne Argumente. Bemerkenswert ist auch, dass die kategorienbildenden Motive des sermo figuratus wie Sicherheit, Dezenz oder Schmuck hier gar keine Rolle spielen; die figurae (die so nicht genannt werden) dienen ausschließlich dem Nutzen der Sprecherinnen. Alle bisher besprochenen Erklärungen beziehen sich auf die Kommunikation auf der Figurenebene. Anders als beim ersten 71  Vgl.  Servius, Aen. 4,  110: bene tetigit – „gut hat sie angedeutet“; SD, Aen. 4, 110: oratorie et blanditur et pugnat, sed non palam – „nach Art eines Redners schmeichelt sie und kämpft zugleich, aber nicht offen“; Ti. Donat, ad Aen. 4, 110 (I, 370, 5-10 Georgii): Venus egit subtilitate mirifica – „Venus argumentierte mit bewundernswerter Raffinesse“; zum Terminus oratorie vgl. Delvigo in diesem Band. 72 Vgl. Servius, Aen. 4, 114: perge seq uar bene aliud agens aliud ostendit; ante est enim Iunonis officium ex matrimonio, sic usus Venerius; unde paulo post ‚adero, et tua si mihi certa voluntas‘ – „Gut sagt sie das eine und betreibt etwas anderes: Denn vorher ergibt sich die Aufgabe der Iuno aus der Eheschließung, und ebenso gehört der Beischlaf der Venus: Deshalb heißt es wenig später ‚Ich werde zur Stelle sein, und wenn deine Gunst mir sicher ist‘ “; SD, Aen. 4, 125. 73  Zum Trugredencharakter dieser Passage vgl. die Anmerkungen bei Austin 1982, p. 50-59; Maclennan 2007, p. 88-90; Gildenhard 2012, p. 118-139.

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Beispiel, dem Redenpaar Venus – Iuppiter im ersten Buch der Aeneis, sehen die Kommentare hier nur wenige implizite Informationen, die sich allein an den Leser des Epos richten. Besonders Servius auctus hebt dabei das Handeln des poeta hervor. Dieser zeige bereits durch die Wahl des Epithetons Saturnia (Aen. 4, 92) die feindliche Absicht der Iuno an (poeta vult ostendere – „der Dichter will zeigen“) und er zeichne mit der besprochenen Ehe Dido und Aeneas in der Rolle des flamen und der flaminica (tangit).74 Auf ein „tieferes“ Leserverständnis (qui altius intellegunt – „wer tiefer blickt“) 75 zielt eine Erklärung, die Venus’ Lächeln zur entdeckten List der Iuno als Anspielung auf die homerische Vorgeschichte deutet. Tiberius Claudius Donatus schließlich notiert als praeceptum für den Leser, was Vergil mit Iunos allzu offensichtlicher Trugrede lehren wolle (ecce Vergilius docet).76 Wie schon im vorigen Beispiel zeigen diese nicht auf die Figurenebene bezogenen Erklärungen keine Verbindung zur Theorie und zu den Termini der verblümten Rede. 2.4. Manipulation und Invektive: Iuppiter, Venus und Iuno im zehnten Buch der Aeneis (Aen. 10, 6-113) Als drittes Beispiel seien die Reden vorgestellt, die Iuppiter, Venus und Iuno auf der Götterversammlung zu Beginn des 10. Buches wechseln. Auf den Versuch Iuppiters, den kriegsverursachenden Götterstreit durch ein Machtwort zu beenden (Aen. 10,  6-15), erhebt sich dort Venus zu einer vorwurfsvollen Rede an Iuppiter, in der sie auf Iunos Störversuche des Schicksalslaufs hinweist, um am Ende mit großer Geste zum Schein auf alles Versprochene zu verzichten (Aen. 10, 18-62). Darauf interveniert Iuno mit einer Gegenanklage gegen Venus, indem sie die dunklen Punkte der Gegenseite hervorhebt (Aen. 10,  63-95). Iuppiter beendet diese Diskussion durch den autoritären Verweis, dass keiner dem vorbestimmten Schicksal entrinnen könne (Aen. 10, 104-113). 74  SD, Aen. 4, 92 u. 103. Diese Deutung wird im SD-Kommentar durchgehend angewendet; vgl. 4, 29; 137; 262; 263; 374; 518; 646; vgl. Guillaumin 2019, p. xliii-xlviii. 75 SD, Aen. 4, 128; vgl. zum Ausdruck SD, Aen. 2, 733; Servius, Aen. 10, 107. 76 Ti. Donat, ad Aen. 4, 100 (I, 368, 23-24 Georgii).

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Im Falle der ersten Rede Iuppiters an die Götterversammlung (Aen. 10, 6-15) stimmen Servius und Tiberius Claudius Donatus darin überein, dass Iuppiter hier zwar vorgeblich alle Götter, in Wahrheit aber besonders Iuno anspreche. Servius bezeichnet dies sogar als das eigentliche Ziel der gesamten Rede.77 Obwohl Iunos Name nicht fällt, zeigt nach Servius’ Meinung vor allem Iuppiters Hinweis auf Karthago deutlich (manifestius indicant), dass Iuppiter hier seine Gattin treffen wolle (tangit Iunonem).78 Für den Leser, so fügt Servius hinzu, bilde der Name Karthago dabei zugleich einen Hinweis (significat) auf den künftigen Krieg gegen Hannibal.79 Mit den Termini der verblümten Rede operiert Servius hier nicht, weder auf der Figurenebene noch in Bezug auf die Kommunikation zwischen Autor und Leser. Tiberius Claudius Donatus dagegen akzentuiert das hintergründige Vorgehen Iuppiters mit dem Ausdruck oblique: „Doppeldeutig“ wolle Iuppiter Iuno vom Agieren gegen die Trojaner abbringen und sie tadeln.80 Hinter dieser Doppeldeutigkeit steht in diesem Fall auch die Annahme eines doppelten Redezieles. Iuppiter nämlich spreche alle Götter (und nicht nur Iuno) an, so führt Donatus aus, weil erstens außer Iuno auch noch andere Mitglieder des Götterrats den Trojanern feindlich gesinnt seien, und

77  Servius, Aen. 10, 6: caelicolae magni orationis istius intentio hoc agit, ut ab odiis Troianorum Iuno revocetur. – „erhabene Himmelsbewohner: Die Absicht seiner Rede zielt darauf ab, Iuno vom Hass auf die Trojaner abzubringen.“ Vgl.  Servius, Aen. 10,  9. Ti. Donat, ad Aen. 10,  15 (II, 292,  14-15 Georgii): […] Iuppiter agebat iam Troianorum partis – „da Iuppiter schon auf der Seite der Trojaner war“. 78  Servius, Aen. 10, 9: Sane sub comminatione omnium deorum maxime solam tangit Iunonem, cuius odia insequebantur hoc etiam bello Troianos: quod etiam sequentes Iovis allocutiones manifestius indicant. – „Doch mit der (scheinbaren) Drohung gegen alle Götter richtet er sich in erster Linie gegen Iuno allein, deren Hass die Trojaner auch in diesem Krieg beständig verfolgte: Das zeigen die folgenden Ansprachen Iuppiters noch deutlicher an.“ 79 Servius, Aen. 10, 11: significat autem bellum Punicum secundum […] – „Er spielt auf den zweiten Punischen Krieg an […]“. 80 Ti. Donat, ad Aen. 10, 1 (II, 289, 4-5 Georgii): causa autem contrahendi concilii fuit ut obiurgatione conveniens omnis deos Iunonem ipsam oblique a Troianorum aemulatione conpesceret […] – „Der Grund für die Einberufung der Versammlung war, dass er, indem er alle Götter tadelnd zusammenrief, Iuno allein auf doppeldeutige Art und Weise von der Missgunst gegen die Trojaner abhalten könnte“; vgl. Aen. 10, 5 (II, 291, 22-29 Georgii).

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weil er zweitens die Schwester und Gattin nicht vor allen bloßstellen wolle.81 Diese doppelte Motivation hätte man in Fortunatians Kategorien als ductus mixtus beschreiben können, der in diesem Fall durch eine Kombination aus ductus simplex und ductus figuratus gebildet würde (Iuppiter sagt und meint eine Sache offen und verfolgt gleichzeitig eine zweite aus Gründen der Dezenz implizit).82 Donatus jedoch verwendet oblique und ignoriert damit Fortunatians rhetorisches Schema. Der Kommentar des Servius auctus ist in der gesamten Partie der vier Reden nur sparsam erhalten und bietet oft keine einschlägigen Notizen. Auch zum Ziel der Iuppiterrede äußert er sich nicht, beteiligt sich aber an der Diskussion um die Frage, warum Iuppiter einerseits in Aen. 1 Venus gegenüber verkünde, Aeneas müsse in Italien Krieg führen, während er hier in Aen. 10 behaupte, er, Iuppiter, habe den Krieg verboten. Dieser Widerspruch hat auch die anderen beiden Kommentatoren beschäftigt, doch nur Tiberius Claudius Donatus bringt ihn auch mit der impliziten Argumentation Iuppiters in Zusammenhang.83 Seiner Lösung zufolge behauptet Iuppiter in Aen. 1 nur, dass Aeneas in Italien Eroberungen machen werde, ein Angriff der Italiker auf die Trojaner sei aber nicht im Plan gewesen und erst durch Iuno 81 Ti.  Donat, ad Aen. 10,  1 (II, 289,  11-14 Georgii): caelicolae magni omnium fecit causam, quia in favorem Iunonis omnes erant Troianis infesti et in conventu publico sororem suam eandemque coniugem speciali exprobratione nolebat exponi – „erhabene Himmelsbewohner: Er behandelte es als Angelegenheit aller, weil sie alle zugunsten Iunos den Trojanern feindlich gesonnen waren und weil er bei dieser öffentlichen Zusammenkunft seine Schwester und zugleich Gattin nicht durch einen persönlichen Tadel bloßstellen wollte“. 82  Fortunatian, rhet. 1, 6: Figuratus qui est? cum palam dicere pudor inpedit. […] Mixtus qui est? quando non unus est ductus. – „Was ist der ‚verblümte‘ ductus? Wenn der Anstand daran hindert, offen zu sprechen. […]  Was ist der ‚kombinierte‘ ductus? Wenn es nicht nur einen ductus (in der Rede) gibt.“ Vgl. dagegen die Definition des ductus obliquus: Oblicus qui est? cum periculum prohibet aperte agere. – Was ist der ‚verdeckte‘ ductus? Wenn ein Risiko es verbietet, offen zu argumentieren.“ 83 Servius, Aen. 10, 8 erwägt, dass Iuppiter aus Nützlichkeitserwägungen lügt oder dass er in Aen. 1 nicht von einem Krieg ganz Italiens gesprochen habe, wie er es in Aen. 10 tue; nach SD, Aen. 10, 8 deutet sich durch den Widerspruch zwischen den beiden Stellen an, dass Iuppiters Wille auf den Schicksalslauf keinen Einfluss habe, oder aber, dass Iuppiter hier lüge, um den Streit der Götter zu kritisieren (invidiose videtur loqui – „er scheint in kritischer Absicht zu sprechen“) und beizulegen.

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angestiftet worden, die auf diese Weise hier in Aen. 10 von Iuppiter implizit (oblique) getadelt werde.84 Die auf Iuppiters Worte folgende erregte Rede der Venus (Aen. 10, 18-62) wiederholt aus Sicht der Kommentatoren die bereits im ersten hier behandelten Beispiel zu beobachtende Konstellation, der zufolge Venus Iuno bei Iuppiter verklagt. Wieder sehen Servius und Tiberius Claudius Donatus dabei ein verdecktes Agieren der Sprecherin, wobei sie unterschiedliche Aspekte betonen. Servius analysiert diese und die folgende Rede der Iuno ungewöhnlich explizit nach rhetorischen Gesichtspunkten und insbesondere nach den Kategorien der rhetorischen Statuslehre, wobei er sich auch auf die Analysen der Deklamationslehrbücher beruft.85 Verstecktes Agieren notiert er jedoch nur gelegentlich und bezieht es nicht in seine Analyse der Gesamtanlage der Rede ein. So stellt er fest, Venus verschweige die Urheberin für das Unglück der Trojaner „aus Scham“ (verecunde), nämlich aus Rücksicht auf 84 Ti. Donat, ad Aen. 10, 5 (II, 291, 18-24 Georgii): praedixerat enim in primo libro futurum bellum in Italia atque hoc bellum Aenean feris et indomitis adhuc gentibus inlaturum; hic dicit hanc fuisse dispositionem, ne Itali vim belli Troianis inferrent, quod revera non fieret, si Iunonis tergiversatio quievisset, quam Iuppiter oblique pulsat et quasi nescius auctorem facti perquirit. – „Er hatte ja im ersten Buch vorhergesagt, dass ein Krieg in Italien sein werde und dass Aeneas diesen Krieg mit wilden und bis dahin unbezwungenen Völkern führen werde; hier sagt er, die Bestimmung sei gewesen, dass die Italer den Trojanern nicht mit Kriegsgewalt begegnen sollten, was auch tatsächlich nicht geschehen wäre, wenn Iunos Widerstand geruht hätte; Iuppiter tadelt sie verblümt und fragt nach dem Urheber der Tat, als wüsste er von nichts.“ 85 Servius, Aen. 10, 18: o pater o hominum et Titianus et Calvus, qui themata omnia de Vergilio elicuerunt et deformarunt ad dicendi usum, in exemplo controversiarum has duas posuerunt adlocutiones, dicentes Venerem agere statu absolutivo, cum dicit Iunoni ‚causa fuisti periculorum his quibus Italiam fata concesserant‘; Iunonem vero niti statu relativo, per quem ostendit Troianos non sua causa laborare, sed Veneris – „o Vater, o der Menschen: Titianus und Calvus, die alle Redestoffe aus Vergils Werken ausgezogen und in Hinblick auf die rednerische Praxis beschrieben haben, haben diese beiden Ansprachen als Beispiel für eine controversia angeführt, mit der Angabe, dass Venus aus dem status absolutivus heraus argumentiere, wenn sie zu Iuno sagt: ‚Du bist die Ursache für deren Gefahren gewesen, obwohl das Schicksal ihnen Italien verheißen hatte‘; Iuno dagegen berufe sich auf den status relativus, durch den sie zeigt, dass die Trojaner nicht ihretwegen Mühe erdulden, sondern wegen Venus.“; vgl. Servius, Aen. 10, 31; 33; 36; 38; 55. Zu dieser Bemerkung des Servius vgl. Pirovano 2004 und Piro­vano 2006, p. 155-157, zu Titianus Sallmann 1997, p. 318-320; Pelliz­ zari 2003, p. 260-262.

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Iuppiters Beziehung zu seiner Gattin,86 und um Iuno „versteckt“ (oblique) zu kritisieren.87 Auch hinter ihrem angeblichen Rückzug verberge sich Kritik und die „versteckt“ geäußerte Forderung nach Erfüllung der gegebenen Versprechen.88 Entsprechend greift er auch hier nicht auf die Lehre von den ductus zurück, bezeichnet aber einmal ein einzelnes Argument mit dem Terminus modus, den Fortunatianus für das verdeckte Einzelargument verwendet. Statt auf ihn verweist Servius aber auf den Kommentator Probus als Q uelle für diesen Topos und betont eigens, dass der Terminus nicht aus der Rhetorik stamme.89 Tiberius Claudius Donatus dagegen spricht nirgends vom Status der Rede, fasst sie am Ende aber im Ganzen unter dem Begriff der dissimulatio. Durch das „absichtliche Verschweigen“ der übrigen Trojanerfeinde habe Venus es mit bewundernswerter Rhetorik (mira arte) geschafft, Iuno von ihren Sympathisanten im Götterrat zu isolieren, indem sie nur Iuno allein angegriffen habe.90 Wie Servius verweist Donatus außerdem an zwei Stellen 86 Servius, Aen. 10,  34: q uisq uam verecunde: quia apud maritum contra uxorem agit – „irgendwer: respektvoll: weil sie vor dem Ehemann gegen die Gattin spricht“; vgl. ad Aen. 10, 42. 87  Servius, Aen. 10, 25: levari obsidione sines liberari: et oblique per Iovem invidiam commovet Iunoni – „du lässt sie der Belagerung ledig werden: befreit werden; und verdeckt erhebt sie über Iuppiter Kritik gegen Iuno“; vgl. ad Aen. 10, 42; 44. Vgl. Torzi 2014, p. 208-209. 88 Servius, Aen. 10, 42: super imperio […] Est autem verecunda petitio et obliqua, per quam magna Iovi invidia commovetur – „um die Herrschaft: […] Es handelt sich um eine respektvolle und verdeckte Forderung, mit der sie starke Kritik gegen Iuppiter erhebt“; vgl. Servius, Aen. 10, 60: […] hoc est quod latenter desiderat atque petit – „das ist es, was sie im Verborgenen wünscht und fordert“. 89 Servius, Aen. 10,  33: neq ue illos iuveris auxilio concessivus est iste modus secundum Probum; namque in artibus non invenitur. Fit autem quotiens taedio contentionis quasi videmur concedere quod tamen nolumus fieri: nam id agit Venus hoc loco, ut Iuppiter magis praestet auxilium. – „dann brauchst du sie durch deine Hilfe nicht zu unterstützen: Probus zufolge handelt es sich hier um den modus concessivus; denn in den Lehrbüchern findet man ihn nicht. Er liegt immer dann vor, wenn wir gleichsam aus Überdruss am Streiten scheinbar etwas zugestehen, was dennoch nach unserem Willen nicht geschehen soll. Genau das tut Venus nämlich an dieser Stelle, damit Iuppiter seine Hilfe umso eher gewähre.“ Zum Kommentar des Probus als Q uelle für Servius vgl. Pellizzari 2003, p. 246-247. 90 Ti.  Donat, ad Aen. 10,  60 (II, 299,  26-30 Georgii): […]  quod mira arte egerat Venus, ut, cum esset contra Troianos omnium deorum in favorem Iunonis studium susceptum, Iunonem peteret solam, quo ceterorum adsensum suis partibus

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auf die der Rede inhärente Kritik sowie darauf, dass es Venus mit ihrem geschickten Agieren (usa tantis subtilitatibus consilii) gelungen sei, den Anstand Iuppiter gegenüber zu wahren.91 Mit der empörten Gegenrede der Iuno (Aen. 10,  62-95), die zeigt, dass Iuno die Taktik der Venus verstanden hat, setzt sich die Auseinandersetzung fort. Die Kommentatoren behalten dabei ihre jeweilige Perspektive bei. Wieder kommentiert Servius den rhetorischen Aufbau der Rede,92 hebt aber nur für einzelne Stellen hervor, dass Iuno etwas nicht-offen sage.93 Gelegentlich verweist er dabei auch einmal auf die Kommunikation zwischen poeta und Leser mit der bereits oben beschriebenen Wendung Vergilius tangit.94 quaereret: quod provenire non posset, nisi dissimulatio fuisset adiecta. – „Venus hatte es mit bewundernswerter Rhetorik erreicht, dass sie, da sich die Neigung aller Götter zugunsten Iunos gegen die Trojaner richtete, Iuno als einzige attackierte, um so die Zustimmung der übrigen für ihre eigene Partei zu suchen: das hätte nicht gelingen können ohne Verstellung anzuwenden.“ 91  Ti.  Donat, ad Aen. 10,  15 (II, 292,  27 Georgii); 10,  20 (II, 293,  11-12 Georgii); 10, 60 (II, 300, 2-3 Georgii); vgl. Ti. Donat, ad Aen. 10, 45 (II, 297, 2-7 Georgii): dum inpersonaliter loquitur et oblique malorum ipsorum pulsat auctorem, tandem nimia doloris necesssitate conpulsa est ut ad eius specialem designationem descenderet, usa tantis subtilitatibus consilii, ut ipsum Iovem nonnullo pudore confunderet. non enim dixit Iuno haec aut soror tua, sed uxor tua commisit, ut esset criminis mulieri fas esse contra mariti venire sententiam. – „Wie sie ohne Benennung der Person und verblümt die Urheberin ihres Unglücks attackiert, veranlasst sie endlich der allzu große Drang des Schmerzes, sich zur persönlichen Anzeige gegen jene herabzulassen, wobei sie aber mit so raffinierter Planung vorgeht, dass sie Iuppiter selbst durch ihren nicht geringen Anstand aus der Fassung bringt. Sie sagte nämlich nicht ‚die Iuno da‘ oder ‚deine Schwester‘, sondern ‚deine Gattin hat es getan‘, so dass sie ihm zum Vorwurf macht, dass es der Frau erlaubt sei, gegen den Beschluss des Mannes zu handeln.“ 92 Servius, Aen. 10, 63; 74; 85; 88. 93 Servius, Aen. 10,  89: q ui Troas Achivis atqui de Venere loquitur: sed quia dei ἀρσενοθήλεις sunt, ut diximus supra, ideo sic dixit: nam in subauditione ponuntur ea quae non possumus dicere aperte – „der die Troer den Achivern: Gleichwohl spricht sie von Venus; doch da die Götter männlich-weiblich sind, wie wir oben bereits sagten, hat sie es auf diese Weise ausgedrückt; denn dem Zuhörer bleibt überlassen, was wir nicht offen sagen können.“; vgl. 10, 78; 92. 94 Servius, Aen. 10,  91: […]  Hinc ergo Vergilius utrumque tangit, et istam historiam quam modo diximus, et propter iudicium Paridis: quamvis fabula sit illa res et a poetis composita. – „Daher spielt Vergil also auf beides an, den historischen Sachverhalt, über den wir eben sprachen, und (den Krieg) aufgrund des Parisurteils; letzteres ist allerdings eine fiktive Geschichte und von den Dichtern erdacht.“ Servius hatte zuvor eine Anspielung auf eine alternative, helenafreund-

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Ebenso sieht Tiberius Claudius Donatus, der die Rede intensiv paraphrasiert, erneut dissimulatio, „Verstellung“. Iuno tue so, als werde sie von Venus gezwungen, ihre anständige Zurückhaltung (verecundia) aufzugeben, und sie bemäntele ihre Kränkung durch vorgebliche Geduld.95 Bereits zu Beginn macht Donatus aber auch darauf aufmerksam, dass der Zorn (furor) eine rationale Strategie für Iuno unmöglich mache und sich in der Rede daher eher ihre wahren Beweggründe offenlegten.96 Wie seine Kommentare zeigen, greift Iuno zwar zur Lüge und zur Verdrehung der Wahrheit, um Venus zu schaden,97 doch von der versteckten Subtilität ihrer Gegnerin ist sie in seinen Augen weit entfernt, und so spielt verdeckte Argumentation in seiner Paraphrase kaum eine Rolle. In der Bewertung von Iuppiters Reaktion (Aen. 10,  104-113) schließlich gehen die beiden Kommentatoren auseinander. Servius sieht Iuppiter ganz auf der Seite der Venus, was er aber kunstvoll verberge, so dass es so aussehe, als spreche er im Gegenteil für Iuno.98 Iuppiters Spruch ist aus seiner Perspektive also liche Version des Parismythos notiert (legitur in historiis – „man liest in historischen Darstellungen“). 95  Ti. Donat, ad Aen. 10, 60 (II, 300, 17-18 Georgii): […] adserens quam non habuit verecundiam […] – „wobei sie Anstand behauptet, den sie gar nicht hatte“; II, 301, 2-3 Georgii: obductus vero dolor est quem tegit patientia dissimulantis. – „Das ist aber heimlicher Ärger, den sie mit vorgetäuschter Duldsamkeit verdeckt.“ 96 Ti. Donat, ad Aen. 10, 60 (II, 299, 21-23 Georgii): furorem dicendo ostendit iniuste commotam atque excitatam vehementer: ubi enim furor intervenit, verum animi iudicium cessat. – „Indem er ‚Wut‘ sagt, zeigt er, dass sie zu Unrecht aufgebracht und sehr erregt ist: Sobald nämlich Wut hinzutritt, schwindet das wirkliche Urteilsvermögen.“ 97 Vgl. z. B. Ti. Donat, ad Aen. 10, 65 (II, 301, 11 Georgii): nititur colorare causam malam – „Sie gibt sich Mühe, den Fall in schlechtes Licht zu rücken“; vgl. 10, 56 (II, 302, 23-25; 303, 14-17; 26-27 Georgii). 98  Servius, Aen. 10, 107: q uae cuiq ue est fortuna hodie specialiter Iuppiter pro Troianis agit, sed hac arte, ut videatur totum pro Iunone loqui. Et re vera verba pro Iunone sunt, sed altius intuens deprehendit Troianorum favorem: nam dicendo ‚nulli favebo‘ et in eo statu fore res in quo sunt hodie, significat se favere Troianis, quorum ducis adventu statim victoria consequitur. Et vult nihil valere ea quae aut Venus conquesta fuerat de absentia Aeneae, aut Iuno de Turni paren­ tibus dixerat, in eius scilicet commendationem. – „welches Schicksal auch immer einem jedem heute zuteil wird: Iuppiter argumentiert insbesondere im Sinne der Trojaner, doch mit solcher Kunstfertigkeit, dass er ganz und gar im Sinne Iunos zu sprechen scheint. Auf der faktischen Ebene sind seine Worte auf Iunos Seite, doch wer tiefer blickt, entdeckt die Begünstigung der Trojaner. Denn indem er sagt: „Ich werde niemanden begünstigen“ und dass die

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eine echte oratio figurata, die sich nur bestimmten Rezipienten erschließt, und in den Kategorien des Fortunatianus müsste man vom ductus subtilis sprechen. Der Kommentator verzichtet hier, anders als bei den beiden vorangehenden Reden, jedoch ganz auf rhetorische Termini. Tiberius Claudius Donatus hat die von Servius beobachtete geheime Neigung Iuppiters zur Partei der Venus nicht gesehen. Ihm zufolge antwortet der Göttervater völlig unparteiisch und so, dass er keine der beiden Streitenden durch Bevorzugung verletzt.99

3. Fazit: Das Sprechen über nicht-offene Rede in den Kommentaren Wie die Notizen zu den hier exemplarisch untersuchten drei Rededuellen der Venus zeigen, waren die Kommentatoren – Servius, die Scholien des Servius auctus, Tiberius Claudius Donatus  – durchaus vertraut mit den Aspekten, die im Kontext der kaiserzeitlichen und spätantiken Rhetorik im Zusammenhang mit nicht-offener Rede oder Redestrategie diskutiert wurden. Auch sie interessieren sich für die Motive und Intentionen eines solchen Sprechens, die Mittel, mit denen es umgesetzt wird, seine Wirkung und die Reaktionen, die es erfährt. Servius lässt im Kommentar gelegentlich erkennen, dass er das Konzept der ductus im Sinne einer Figurierung ganzer Reden kennt,100 und besonders Tiberius Claudius Donatus wendet vergleichbare Deutungsmuster auch in der Praxis an. Der Schematismus der Rhetoriken ist den Kommentatoren jedoch fremd. Obwohl Venus, Iuno und Iuppiter in den drei Beispielen in Situationen agieren, die ganz unterschiedliche Anforderungen an die Art des versteckten Vorgehens stellen, ist aus Dinge in dem Zustand sein würden, wie sie an diesem Tag seien, deutet er an, dass er die Trojaner begünstige, weil durch die Ankunft ihres Führers sogleich der Sieg erlangt wird. Und nach seinem Willen soll nichts etwas gelten, weder die Klagen, die Venus über die Abwesenheit des Aeneas vorgebracht hatte, noch was Iuno über die Vorfahren des Turnus gesagt hatte, d. h. also zu seiner Empfehlung.“ 99 Ti. Donat, ad Aen. 10, 110 (II, 307, 6-16 Georgii). 100 Darauf macht Calboli Montefusco 2003, p.  121-122 aufmerksam; vgl. Servius, Aen. 5, 687; 10, 617; 11, 434; 12, 15.

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den Erklärungen keine Unterteilung in Typen der verblümten Rede ableitbar, wie sie alle betrachteten rhetorischen Schriften vornehmen. Das gilt auch für die verwendeten Termini. subtilis, oblique, latens und andere Ausdrücke beschreiben hintergründiges, nichtoffenes Sprechen, ohne dabei bestimmte Motive oder Strategien zu bezeichnen.101 Terminologische Unterschiede lassen sich aber zwischen Erklärungen zu verdeckten Reden auf der Figurenebene und historischen oder antiquarischen Anspielungsdeutungen auf der äußeren Kommunikationsebene beobachten. Vor allem Servius und Servius auctus beschränken die eben genannten Ausdrücke des Zweideutigen, Versteckten auf die Beschreibung nicht-offener Figurenreden, während sie an den Leser gerichtete nicht-offene Aussagen eher durch Ausdrücke wie significat, ostendit oder demonstrat markieren, Wörter also, die eher den Erkenntnisprozess des Rezipienten als die nicht-offene Rede des Sprechenden fokussieren. Tiberius Claudius Donatus, der auch die Aeneis insgesamt wie eine Deklamation vor einem Tyrannen deutet, verwendet dagegen auch auf dieser Ebene den Ausdruck latens.102 Die Unterschiede im Umgang mit Theorie und Terminologie der Kommentare im Vergleich zu den Rhetoriken dürften sich wenigstens teilweise aus der Gattung Kommentar erklären. Dessen Ausgangspunkt ist stets die konkrete, erklärungsbedürftige Textstelle. Es sind also immer spezifische, kontextgebundene Intentionen und Motive, für deren Vielfalt rhetorische Einteilungen leicht zu starr werden können. Zu erkennen ist auch, dass der auf die Paraphrase größerer Texteinheiten ausgerichtete Kommentar des Tiberius Claudius Donatus eher auf die Kategorien des rhetorischen sermo figuratus zurückgreift als die kleinteilig kommentierenden Serviuskommentare. Die Kategorie der „historischen Anspielung“ wiederum, die in der Rhetorik keine 101  Auch der von Ahl 1984, p.  192-193 bei Q  uintilian herausgearbeitete Unterschied zwischen palam = „direkt“ und aperte = „offen erkennbar (für den Eingeweihten)“ bestätigt sich nicht; vgl. z. B. Servius, Aen. 1, 237; 10, 89; Ti. Donat, ad Aen. 1, 250 (I, 57, 30-58, 2 Georgii), aber auch Sulpicius Victor, Inst. 45 (341, 16 Halm) und Fortunatian, rhet. 1, 5 = p. 85, 3 Halm, wo aperte als Antonym zu obliquus usw. erscheint. 102 Ti. Donat praef. I, 2, 10 Georgii.

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Rolle spielt, erklärt Servius statt mit rhetorischen eher mit poetologischen Konzepten wie etwa dem mos poeticus.103 Für die Kommentatoren ist Vergil, in unterschiedlichem Maße, ohne Zweifel ein optimus orator, doch reicht Rhetorik allein nicht aus, um ihm gerecht zu werden.104

Literatur Ahl 1984 = Frederick Ahl, ‘The Art of Safe Criticism in Greece and Rome’, AJPh, 105, p. 174-208. Ascani 2005-2006 = Alessia Ascani, De sermone figurato quaestio rhetorica. Per un’ipotesi di pragmatica linguistica antica, Amsterdam (Diss. unpubl.). Austin 1971 = Roland G. Austin, P. Vergili Maronis Aeneidos Liber Primus, with a commentary, Oxford. Austin 1982 = Roland G. Austin, P. Vergili Maronis Aeneidos liber IV, with a commentary, Oxford. Bonner 1977 = Stanley F. Bonner, Education in Ancient Rome. From the elder Cato to the younger Pliny, Berkeley – Los Angeles. Calboli Montefusco 2003 = Lucia Calboli Montefusco, ‘Ductus and color: the right way to compose a suitable speech’, Rhetorica, 21, p. 113-131. Carruthers 2010 = Mary Carruthers, ‘The concept of ductus Or journeying through a work of art’, in Rhetoric beyond words. Delight and persuasion in the arts of the Middle Ages, M. Carruthers (ed.), Cambridge, p. 190-213. Clausen 2002 = Wendell Clausen, Vergil’s Aeneid. Decorum, Allusion and Ideology, Leipzig. Dentice di Accadia 2007 = Stefano Dentice di Accadia, ‘Nota bibliografica relativa ai trattati “Sui discorsi figurati” I e II dello PseudoDionigi di Alicarnasso’, AION, 29, p. 143-155. Franchet d’Espèrey 2016 = Sylvie Franchet d’Espèrey, ‘La controuersia figurata chez Q uintilien (Inst. 9.2.65-99). Q uelle figure pour quel plaisir?’, in Reading Roman declamation. The declamations ascribed 103  So z. B. Servius, Aen. 1, 292: ut autem pro Agrippa Remum poneret, poetico usus est more – „Indem er den Namen ‚Remus‘ für ‚Agrippa‘ einsetzt, macht er von dichterischer Lizenz Gebrauch“; oder Servius, Aen. 1, 382, vgl. oben Anm. 27. 104  Vgl. z. B. die laudes Maronis bei Ti. Donat praef. I, 5, 2-25 Georgii; Servius, Aen. 6 pr., aber auch Macr. sat. 1, 24, 1.

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ANTIKE KOMMENTARE ÜBER NICHT-OFFENE REDE IN VERGILS AENEIS

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U. TISCHER

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Abstract This paper deals with the various aspects of veiled speech as found in the commentaries of Servius, Tiberius Claudius Donatus and in the scholia of Servius auctus. After a brief outline of the topic in ancient rhetoric, the explanations of three pairs of speeches considered by ancient interpreters as non-open speech are examined. The focus is on the terms the commentators use to describe this phenomenon, on the concepts of non-open speech that their explanations reveal, and on how these concepts relate to contemporary and earlier rhetorical theory. As a result, it can be observed that the three commentaries are quite familiar with the aspects of covert speech discussed in rhetoric. However, they use the corresponding terms less specifically, refrain from a strict typology and are more interested in the recipient’s perception.

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TROISIÈME PARTIE

THÉMATIQ UES RHÉTORIQ UES DANS L’ÉNÉIDE

MARISA SQ UILLANTE

VERGILIUS ORATOR AN POETA? (TI. DONAT., INTERP. VERG., AEN. 1-2)

Non è un caso che la prima volta in cui Tiberio Claudio Donato, nelle Interpretationes Vergilianae 1, chiama Virgilio poeta, affianchi la definizione al vocabolo rhetor 2 (prooem. p. 4, 24s. Georgii Si Maronis carmina competenter attenderis et eorum mentem congrue comprehenderis, invenies in poeta rhetorem summum, ‘Se ti dedicherai con competenza ai carmi di Marone  e  comprenderai in maniera adeguata il loro significato individuerai nel poeta un grandissimo retore’). La posizione donatiana si diversifica, in un certo qual modo, da quella generale degli altri commentatori virgiliani. Sicuramente per Servio e Macrobio Virgilio è fonte inesauribile 3 di documentazione antiquaria, religiosa, filosofica e storica e l’idea della sua opera come scrigno di tutti i saperi permea anche il testo delle Interpretationes (prooem. p. 2, 15s. G.): Hoc loco quisquis Vergilii ingenium, moralitatem, dicendi naturam, scientiam, mores peritiamque rhetoricae disciplinae metiri volet, necessario primum debet advertere quem susceperit carmine suo laudandum, quantum laborem quamque periculosum opus adgressus sit. ‘Q ui chiunque vorrà valutare l’ingegno di Virgilio, la sua moralità, la natura del modo di esprimersi, il suo sapere, i costumi e la perizia nella disciplina retorica, necessariamente 1  Per l’edizione di Tiberio Claudio Donato cfr. Georgii 1969 (editio stereo­ typa editionum anni 1905). 2  Sull’importanza della retorica nel testo delle Interpretationes ho già parlato ampiamente in Squillante 1985, p. 91s. 3   A questo proposito cfr. Squillante 2016, p. viii.

Vergilius orator. Lire et commenter les discours de l’ Énéide dans l’Antiquité tardive, éd. par Daniel Vallat, STTA 20 DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.128629 (Turnhout 2022), pp. 173-196    ©             

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deve prima osservare di chi egli abbia inteso fare le lodi nel suo poema e quanta fatica e quanto pericolosa opera abbia intrapreso’.

L’attenzione, però, di Claudio Donato  è  incentrata, in particolare, sul rapporto tra poesia e retorica. Teoria oratoria e prassi stilistica si erano strettamente collegate in Roma a partire dal I secolo dell’impero 4. Già con Plinio la giustapposizione dei due mondi risulta notevole: se anche nella lettera a Luperco 5 9, 26, 8 lo scrittore afferma At enim alia condicio oratorum, alia poetarum (‘Ma, infatti, una è la condizione degli oratori, altra quella dei poeti’) l’immagine che nel complesso egli disegna dell’oratore  è  tutta scandita dai furori propri della fantasia creatrice del poeta. È vero che poetis furere concessum est 6 (‘è concesso ai poeti abbandonarsi al furore’), l’oratore, però, a sua volta, deve essere effervescente, sollevarsi a vette altissime ma sempre disponibile anche ad accostarsi al precipizio perché certamente il cammino sul terreno pianeggiante è più sicuro e che chi corre inciampa più spesso di chi striscia ma la lode è solo per chi si dimostra audace anche se cade più volte (9, 26, 2-3): Tutius per plana sed humilius et depressius iter; frequentior currentibus quam reptantibus lapsus, sed his non labentibus nulla, illis non nulla laus etiamsi labantur. Nam ut quasdam artes ita eloquentiam nihil magis quam ancipitia commendant. Vides qui per funem in summa nituntur, quantos soleant excitare clamores, cum iam iamque casuri videntur. ‘Il cammino attraverso situazioni facili  è  più sicuro ma più modesto e di qualità inferiore; più frequente è la caduta per chi corre rispetto a chi striscia, ma per questi che non cadono non vi è nessuna lode, per quelli vi sono lodi anche se cadono. Infatti non c’è nulla più dei casi controversi che renda pregevole come le altre arti così anche l’eloquenza. Vedi quelli che si sforzano di salire in cima per mezzo di una fune quante urla sono soliti provocare, quando sembra che stiano lì lì per cadere’.   Cfr. Gagliardi 1966, p. 231.   La lettera, proprio per questa sua sollecitazione all’audacia diretta all’oratore viene definita testo anticlassicista e antiquintilianeo: cfr. Cugusi 2003, p. 114. 6   Epist. 7, 4, 10. 4 5

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Non si comporterà diversamente Q uintiliano che annetterà grande importanza alla passione  e  all’ispirazione come elementi fondamentali della formazione dell’oratore (10, 7, 13-14): Nec fortuiti sermoni contextum mirabor umquam, quem iurgantibus etiam mulierculis videamus superfluere: cum eo quodo, si calor ac spiritus tulit, frequenter accidit ut successum extemporalem consequi cura non possit. Deum tunc adfuisse cum id evenisset veteres oratores, ut Cicero dicit, aiebant, sed ratio manifesta est. Nam bene concepti adfectus et recentes rerum imagines continuo impetu feruntur, quae nonnumquam mora stili refrigescunt et dilatae non revertuntur. Vtique vero, cum infelix illa verborum cavillatio accessit et cursus ad singula vestigia restitit, non potest ferri contorta vis, sed, ut optime vocum singularum cedat electio, non continua sed composita est. ‘E nemmeno ammirerò mai chi, parlando a  caso, faccia un discorso continuato senza interrompersi, di quel tipo che vediamo abbondare anche tra le donnette che litigano a lungo: quantunque, se il calore dell’entusiasmo trascina, accade di frequente che il successo di un discorso improvvisato non si possa ottenere con lo studio e  la meditazione. Q uando ciò fosse avvenuto, secondo gli antichi oratori – come dice Cicerone – allora doveva esserci stato un intervento della divinità, ma il vero motivo è chiaro. In effetti le emozioni sentite profondamente e le idee fresche e vive si susseguono con rapidità ininterrotta, mentre a volte, per la lentezza dello scrivere, le prime si raffreddano e  le seconde, una volta arrestate, non ritornano più. Ad ogni modo, poi quando si aggiunge la ben nota pedanteria sterile che vaglia ogni vocabolo e il discorso si blocca ad ogni passo, non vi può essere rapidità efficace, ma, quand’anche sia ottima la scelta dei singoli vocaboli, il discorso riesce non di getto, ma composto di vari pezzi’ 7.

Il convincimento di Claudio Donato a proposito di questo collegamento è talmente forte da fargli affermare che, essendo il Mantovano un sommo retore, la sua interpretazione non deve essere affidata più ai grammatici ma agli oratori 8: I 4, 27s. G. … intelleges   La traduzione è di Milazzo 2001.   Per il rapporto di Donato con i grammatici e gli oratori cfr. Squillante 1985, p. 91 e 2004, p. 337-338; Moretti 1998; Pirovano 2006, p. 9-10. Fu proprio l’in7 8

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Vergilium non grammaticos, sed oratores praecipuos tradere debuisse (‘… comprenderai che Virgilio debbono spiegarlo non i grammatici ma specialmente gli oratori’). Sicuramente Virgilio agisce  a  mo’ dei poeti dal momento che risponde alla topica del genere (1, 10, 26-27 G. … ostendamus Vergilium poetarum more 9 quod erat scripturus ab invocatione Musae coepisse ‘dimostriamo che Virgilio, secondo il costume dei poeti, comincia ciò che si accinge a scrivere dall’invocazione alla Musa’), ma, a suo parere, compone non sine rhetorica disciplina (‘non senza disciplina retorica’); per di più, dirà più innanzi, lo illumina la virtus oratoria (1, 74, 27-29; 1, 75, 1s. G.): Ecce oratoria in poeta virtus, unum admissum quantis criminum generibus aggeravit! Q uemadmodum loci communis 10 partes ingressus latius discussit! Q uas ne apertius diceret praepedivit necessaria pro loco, pro tempore, pro persona brevitas ‘Ecco nel poeta la virtù oratoria: con quanto grandi generi di crimini egli accrebbe la colpa! Come, venuto a trattare le parti del luogo comune, le sviluppò con sufficiente ampiezza! E la brevità, resa necessaria dal luogo, dall’occasione, dalla persona, impedì di dire tutto questo in modo più chiaro’.

In tutto il commento risulta evidente la volontà del suo estensore di porre sullo stesso piano la capacità del Mantovano di dominare arte poetica e tecnica retorica 11, indicando come sue precipue qualità quella del poeta insieme a quella dell’oratore: 1, 171, 3s. G.: teresse di Claudio Donato per la retorica a far sì che la sua opera avesse grande fortuna nella Roma del primo ventennio del Cinquecento: cfr.  Pirovano 2009, p. 147. 9   È questo uno stilema ricorrente nell’opera: di poetarum more si parla, ad esempio,  a  1,  323,  10 G. Scyllam caecis cohibet speluncalatebris ora exertantem et navis in saxa trahentem: huic poetarum more, ‘a questa secondo il costume dei poeti’. 10  A proposito di questo passo analizzato relativamente all’uso donatiano del locus communis Pirovano (2007-2008, p. 190) conclude dicendo che il commentatore qui servendosi ‘delle nozioni offerte dai manuali retorici a  proposito del locus communis, si sforza di ricostruire quanto Virgilio non dice e finisce così per comporre, all’interno della nota di commento, un ‘suo’ luogo comune’. 11  A conferma di quanto la retorica abbia un peso rilevante nelle ‘letture’ tardoantiche degli auctores classici si legga la conclusione di Pirovano 2007-2008, p. 193: ‘Il caso di Donato mostra chiaramente come l’educazione retorica (veicolata non solo con l’insegnamento dei precetti astratti, ma anche e soprattutto attraverso la proposizione di concrete fattispecie di esercitazione scolastica) rap-

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disseramus iam quemadmodum verum Graecorum factum poeta extulerit, quemadmodum more praecipui oratoris unius invidiam criminis aliis quoque ex eo venientibus criminibus cumulaverit. aliter enim Minervam gravius iratam sacrilegis persuadere non posset falsus ipse narrator, nisi ostenderet eam multiplici congerie scelerum provocatam amorem pristinum in acerbum odium commutasse ‘Ma ora discutiamo di come il poeta abbia dato rilievo all’effettiva azione dei Greci, come secondo il costume di un eccelso oratore abbia aggravato l’odiosità di un sol crimine aggiungendone anche altri derivati da questo. Diversamente infatti lo stesso narratore menzognero non avrebbe potuto convincere che Minerva era troppo adirata verso i sacrileghi se non avesse dimostrato che lei, provocata da un insieme di delitti, aveva mutato il primitivo amore in un odio acerbo’.

Il prooemium al testo donatiano sembra presentarsi come un accessus all’opera virgiliana 12. In questo Claudio Donato non pare distaccarsi dall’impostazione serviana 13 dal momento che Servio, quando nella sua prefazione discute gli elementi che è necessario siano vagliati in exponendis auctoribus (‘nello spiegare gli autori’), sollecita a  che siano considerati poetae vita, titulus operis, qualitas carminis, scribentis intentio, numerus librorum, ordo librorum, ‘la vita del poeta, il titolo dell’opera, la qualità del carme, l’intenzione dello scrittore, il numero dei libri, l’ordine dei libri’, crean­do così un accessus che sarà imitato nel corso dei secoli e che va considerato, secondo lo schema di Olsen, un accessus filologico, che trova il suo precedente in Elio Donato, a cui però Servio avrebbe apportato modifiche 14. Le circumstantiae a  cui fa appello Claudio Donato si inquadrano, invece, presentasse, in antico, uno strumento utile per scrivere (o riscrivere) un testo, per leggere ed interpretare le opere altrui e, in definitiva, per pensare il mondo’. 12   Munk Olsen 1998, p.  211-218, distingue un accessus retorico, basato su sette circumstantiae (persona, res, causa, modus, locus, tempus, materies) uno filosofico, che costituito da sei periochae (intentio, utilitas, ordo, si eius cuius esse opus dicitur, germanus propriusque liber est, inscriptio, ad quem partem philosophiae ducatur intentio) e un accessus filologico, attestato per la prima volta in Elio Donato e modificato da Servio. 13  Per i rapporti con Servio cfr. le osservazioni di Vallat 2009. 14  Per i legami tra l’accessus di Servio e il possibile fons donatiano. Cfr. Stok 2016-2017, p. 230-231 a cui rimando anche per la bibliografia attinente.

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nello schema dell’accessus retorico anche se non tutte sono presenti. Nel proemio alle Interpretationes, nel giustificare le contraddizioni che vengono rilevate dai detrattori virgiliani 15, Claudio Donato afferma (1, 6, 6s. G.), infatti, che la contraddizione non è dovuta officio adserentis ma ne sono causa circumstantiae, tempus, persona, locus, causa (pro tempore, pro persona, pro loco, pro causa aut adstruxit ista aut certe dissolvit, ‘a seconda del tempo, della persona, del luogo, della causa queste cose o le provò o in ogni caso le confutò’) che costituiscono elementi interpretativi chiave nell’accessus retorico. Per quanto il confronto con le fonti retoriche risulti banale per Servio, come ha ampiamente dimostrato Stok, esso va, invece, messo nel dovuto rilievo per Claudio Donato; penso, in particolare, proprio a quelle fonti di cui parla Stok, cioè lo schema discusso da Fortunaziano nella sua retorica (rhet. 2, 1) quae sunt circumstantiae? persona, res, causa, tempus, locus, modus, materia, ‘e quali sono le circostanze? la persona, l’oggetto, la causa, il tempo, il luogo, il modo, la materia’) che sarà riproposto leggermente modificato da Marziano Capella quando parla degli elementi della narratio (46 narrationis etiam elementa sunt sex: persona, causa, locus, tempus, materia, res, ‘ancora gli elementi della narrazione sono sei: persona, causa, luogo, tempo, materia, oggetto’). Come vedremo, essendo l’intenzione di Donato quella di leggere da un’angolazione retorica l’Eneide, egli individua in Virgilio il maestro di questa, il fruitore disciplinae rhetoricae sine qua orator nihil est (1, 130, 11 G. ‘della tecnica retorica senza la quale l’oratore non vale nulla’). A differenza dell’esegesi serviana quella di Donato, non solo nella parte introduttiva dell’opera ma anche nello sviluppo del testo, ribadisce le linee guida di lettura per l’allievo, che dalla dedica sembrerebbe il figlio Donaziano (Tiberius Claudius Donatus Tiberio Claudio Donatiano filio suo salutem, ‘Tiberio Claudio Donato saluta suo figlio Tiberio Claudio Donaziano’), il che non esclude, però, la possibilità di una platea di discenti più ampia. Secondo il costume che gli è  proprio Claudio Donato 15  In questo brano Funaioli 1928, nella recensione che dedica  a  Terzaghi 1928, p. 424, sottolinea la capacità dell’antico fine esegeta di cogliere nelle oscillazioni in apparenza causa di errore non espressioni di incertezza e di dubbio del poeta ma un suo intimo senso religioso.

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affronta con una certa ‘disinvoltura’ questioni complesse che saranno il caposaldo della critica serviana e dello stesso Macrobio. Noi sappiamo bene quanto spazio abbia avuto nell’interpretazione dei poeti la schematizzazione di quei principi interpretativi che ebbero nel mondo latino come maggiori sostenitori grammatici e commentatori e che porterebbero quasi a credere che il poeta abbia ‘creato la sua opera in funzione delle nozioni che questi schemi implicano’ 16. Claudio Donato ha frequentato sicuramente la scuola di un grammaticus e si è esercitato su un certo meccanismo di lettura da cui si è leggermente deviato allargando i suoi interessi al diritto e alla retorica. Pertanto la terminologia dell’esegesi dottrinale, tipica del grammaticus, è presente nella sua opera ma usata in maniera  a  volte eccentrica rispetto alla prassi. Nel proemio c’è un accenno ai libri del poema ma non per discuterne il numero  o  la loro autenticità non essendo questi  i  problemi che interessano il commentatore: di libri Claudio Donato scrive per riferirsi a quei filologi e grammatici che hanno studiato ciò che  è  contenuto nei libri, appunto, del poema. L’intentio di Virgilio viene investigata, fin dall’inizio, ampiamente  e  mentre in Servio (Aen. I  praef.)  è  esposta nella rapida ed efficace espressione Homerum imitari et Augustum laudare a parentibus (‘imitare Omero e lodare Augusto a partire dai progenitori’), essa nelle Interpretationes trova ampio spazio solo, però, per quanto riguarda la seconda affermazione, cioè la grande attenzione prestata alle lodi rivolte dal poeta ad Enea, che viene così purgato di ogni colpa, elogi che si riflettono naturalmente sulla stirpe tutta di Cesare 17 (prooem. 1, 2, 20s. G. Talem enim monstrare Aenean debuit, ut dignus Caesari, in cuius honorem haec scribebantur, parens et auctor generis praeberetur, ‘Dovette mostrare Enea tale perché fosse presentato come progenitore  e  fondatore della stirpe, degno di Cesare in onore del quale erano scritte queste cose’). Manca nel commento qualunque riferimento al proposito virgiliano di imitare Omero il cui nome del resto non è mai citato nell’opera. Per quanto riguarda la causa che per l’altro Donato, il più famoso, sta ad indicare le motivazioni 16  È questa la traduzione di una delle conclusioni a cui perviene l’interessante lavoro di Van Berchem 1952, p. 87. 17  Squillante 2013.

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per cui il poeta ha scelto un genere piuttosto che un altro (causa, unde ortum sit et quare hoc potissimum ad scribendum poeta prae­ sumpserit 18, ‘la causa, donde abbia tratto origine  e  per quale motivo il poeta abbia immaginato che ciò fosse molto importante da scrivere’) questa circumstantia scompare in Servio sostituita con la qualitas carminis 19 (‘la qualità del carme’). L’espressione serviana non è usata da Claudio Donato che invece continua ad adoperare causa, termine di cui dà una spiegazione molto interessante (1, 161, 18s. G.) a proposito del causa virgiliano di 2, 105 20 causa est propter quam fit aliquid, nihil enim fit nisi quod praecedat causa faciendi (‘causa è quella per cui avviene qualcosa; non avviene, infatti, nulla se non ciò che  è  preceduto dalla causa’). La definizione è una ripresa alla lettera dell’espressione senecana che si trova nell’epistola 65, 6, dove il filosofo sta spiegando proprio il significato di causa riprendendo le affermazioni di Platone, di Aristotele e degli stoici. La causa di cui discute Seneca è  uno dei due principi da cui traggono origine tutte le cose, insieme con la materia. Per gli stoici la causa è una, cioè il principio attivo, la forza che agisce. Il discorso si estende all’opera d’arte e Seneca richiama la partizione aristotelica e  si sofferma sulla coincidenza tra causa e fine per cui l’opera è stata fatta ed è in quest’ambito che troviamo la definizione a cui attinge Claudio Donato. Causa, quindi, come finalità dell’opera. Ampie riflessioni sono dedicate alla materia che abbiamo visto essere non a caso una delle circumstantiae per i retori: Claudio Donato parla nel proemio di materiae genus (‘genere della materia’) quello che, a giusta ragione, illustra fin dagli inizi e che ha carattere laudativo e questo schema fa sì, a suo parere, che con arte squisita tutti i generi delle materie convergano sulla lode di Enea. Come si vede in maniera disorganica, caotica, diversificata rispetto alle prassi abituali degli altri commentatori, anche Claudio Donato nella sua prefazione inserisce tanti elementi funzionali  a  guidare il discepolo sulle questioni più importanti per inquadrare con esattezza l’esegesi del testo. Q uesti divengono nello svolgimento dell’opera, punto di riferimento conti  P. 42, 1 Stok.   Stok 2016-2017, p. 231. 20  Aen. 2, 105 Tum vero ardemus scitari et quaerere causas. 18 19

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nuo e scandiscono la lettura del poema. Con la tendenza all’amplificatio, quella tendenza che lo porta  a  spiegare aggiungendo interpretazione  a  interpretazione 21, per cui la dimensione del commento si ingrandisce  a  dismisura non tanto per l’aggiunta di notizie ma per il continuo ricorso ad espressioni sinonimiche, e,  a  volte, ridondanti, le circumstantiae vengono, così, riprese anche nell’ambito dello sviluppo del commentario, in particolare ogni qualvolta deve essere introdotto il discorso di uno dei personaggi dell’Eneide. Le pagine donatiane più interessanti per comprendere l’angolazione critica del commentatore rispetto alle capacità oratorie e retoriche di Virgilio sono sicuramente quelle del commento dedicate ai primi due libri dell’Eneide che, non a caso, sono animati da discorsi particolari 22 la maggior parte dei quali incastrati a mo’ di scatole cinesi. La posizione del commentatore nei riguardi dei discorsi va valutata con grande attenzione. L’esegeta interpreta il poema come un’unica grande orazione, strutturata secondo i più raffinati canoni retorici. Attraverso l’uso dei discorsi, a suo parere, il poeta fornisce un più preciso profilo caratteriale dei personaggi. Ogni eroe è disegnato come un oratore che cerca di rendere l’udi­ torio attentum, benivolum docilemque  e  i mezzi con cui questo proposito è concretizzato sono alla base dell’investigazione. Del discorso sono evidenziati principio 23 e fine 24; vengono illustrate le determinate collocazioni scelte per alcuni temi e la grande importanza affidata alla posizione conclusiva 25 (2, 170, 26s. G. … quoniam quae potiora sunt melius conlocantur in fine (‘poiché gli elementi più importanti si dispongono alla fine’); sono poste in luce

21  Pur non potendosi parlare riduttivamente di parafrasi (Marshall 1997, p. 6-7) è importante sottolineare la tendenza alla ripetizione sinonimica servendosi spesso delle parole del poeta, meccanismo che accentua il processo di amplificatio (cfr. Gioseffi 2000, p. 168-169). Articolato il dibattito sull’argomento: essenziali Squillante 1985, p. 8; Gioseffi 2000, a cui rimando anche per ulteriore bibliografia. 22  Per l’attenzione dedicata da Claudio Donato ai discorsi cfr. anche Squillante 1985, p. 99: ‘La particolare inclinazione di TCD per la retorica conquista un maggiore spessore là dove l’analisi privilegia i discorsi’). 23   1, 55, 6; 2, 169, 19s.; 300, 16s. e 35s.; 549, 27 ecc. 24  1, 55, 6; 2, 32, 24; 216, 13; 618, 14; 2, 171, 16. 25  1, 205, 27s.; 256, 25s.; 328, 4s.; 364, 2s.; 2, 74, 19s.; 170, 26s.; 305, 1s. ecc.).

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l’ars persuadendi, l’uso della ripetizione 26, la funzione dell’extenuatio 27, il gusto per la varietas 28. Ma analizziamo ora qualche discorso  a  distanza ravvicinata. Nel  confronto tra Giunone ed Eolo (Aen. 1,  64s.) mettendo in luce la tecnica con cui Giunone previene le obiezioni dell’interlocutore Claudio Donato presenta il personaggio come esperto oratore (1, 25, 14s. … fecit ergo secundum artis praecepta benivolum: facit attentum cum dicit, ‘lo rende benevolo secondo  i  precetti dell’arte: lo rende attento quando dice…’). Il discorso è catalogato come brevis (27 dictio autem ipsa ne esset prolixa et plurimum temporis teneret, ipsa occulte sibi proponit quae ab Aeolo possent excusationis causa praetendi…, ‘poi affinché la stessa esposizione non fosse prolissa e non occupasse troppo tempo, lei stessa propose in maniera celata quei motivi che avrebbero potuto essere addotti come scusa da Eolo ‘ed, inoltre, è posto in luce come sia la dimensione affettiva e passionale a determinare la strategia dell’oratore (27, 5s. expressit plenam patheticam; nam si eo ordine quo locuta est vellemus intellegere, non cohaeret. si enim ordinatam posset commota proferre dictionem, sic debuit loqui…, ‘rese il discorso fortemente patetico; infatti se avessimo voluto interpretare secondo l’ordine in cui si era espressa non sarebbe stata coerente; se infatti turbata avesse potuto proferire un discorso ordinato, avrebbe dovuto parlare così…’). L’incontro tra Enea e Didone nel l. I dell’Eneide è preceduto dal breve intervento di Acate che invita il protagonista a palesarsi Aen. 1,  582-585 Nate dea, quae nunc animo sententia surgit?  / Omnia tuta vides, classem sociosque receptos.  / Unus abest, medio in fluctu quem vidimus ipsi / submersum; dictis respondent cetera matris (‘O figlio della dea, quale decisione ti sorge / nell’animo? 26   1, 232, 21s.; 268, 10s.; 345, 24s.; 351, 23s.; 498, 24s.; 543, 27s.; 2, 124, 8s.; 125, 9s.; 136, 14s.; 246, 8s.; 254, 8s. ecc. 27  Di questa il Nostro motiva con chiarezza le finalità: 1, 291, 14s. enititur illa arte dicendi qua uti debemus, si quando factum negare non possumus, tunc enim excusatio probabilis adhibenda aut extenuatio necessaria est, quae res tantum prodest, aut culpam aut removeat penitus aut plurimum frangat, ‘si impegna in quell’arte del dire di cui dobbiamo usufruire nel caso in cui non possiamo negare un fatto, allora infatti bisogna adoperare una probabile scusa o è necessaria una attenuazione cosa che prolunga soltanto nel tempo o rimuove completamente la colpa o la mitiga moltissimo’. 28 La varietas come momento fondamentale della narrazione donatiana viene messa in luce ampiamente da Gioseffi 2005-2006, passim.

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Vedi tutto sicuro, la flotta e i compagni / recuperati. Manca uno soltanto, che vedemmo sommerso / tra i flutti; il resto corrisponde alle parole della madre’). A questo punto l’eroe appare in tutta la sua bellezza, accentuata ed esaltata dell’intervento della madre, come sottolinea il commentatore (1,  117,  6s. G.) che evidenzia come enumeratis igitur speciebus Aeneas inducitur loquens (‘enumerate dunque le specie, Enea  è  rappresentato mentre parla’). Nell’interpretazione proposta Claudio Donato frantuma il brano in segmenti  e  inizia (1,  117,  27s. G.) con un’affermazione programmatica che dà conto, non solo attraverso una generica lode (magna arte dixit hanc laudem, usque adeo ut et specialem praedicationem complexus sit et ceteris laudibus dicendis instructam dederit formam, ‘con grande arte espresse questa lode al punto da comprendere uno speciale elogio  e  dare forma strutturata  a  tutte le altre lodi necessarie’), ma in maniera minuta, della perizia retorica del poeta, con specifico riferimento alle circumstantiae (1, 117, 30; 118, 1s. G.): Prima pars rhetoricae disciplinae fuit quod loci et temporis et personae optime gnarus, loquens apud Carthaginem hoc est in civitate quae propter Iunonem potuit esse inimica, loquens in ipso adversariae templo et apud eam quae summam teneret imperii atque eo tempore quo post naufragium terras ipsas cupiebat evadere nihil sit de Iunonis factione conquestus: gratias agit facto nullum culpans, nullius commemorans impressionem. ‘La prima parte appartiene alla disciplina retorica poiché ottimamente esperto del luogo, del tempo e  della persona, parlando a Cartagine cioè nella città che poté essere nemica a causa di Giunone, parlando nello stesso tempio dell’avversaria e presso quella che reggeva il massimo comando e in quel tempo in cui dopo il naufragio desiderava lasciare le stesse terre, di nulla si lamentò se non della faziosità di Giunone: ringraziò non incolpando nessuno del fatto, non ricordando l’assalto di nessuno’.

Nell’analizzare il discorso di Ilioneo 29 dopo aver rilevato questa tecnica (1, 103, 12s. G. postq uam introgressi et coram data 29  Interessanti osservazioni sul discorso di Ilioneo nel l.  vii in ClémentTarantino 2013.

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copia fandi, maximus Ilioneus placido sic pectore coepit. Recte hic poeta et locum servavit et tempus et personam, ‘dopo che entrarono e fu data facoltà di parlare, Ilioneo, il più autorevole, con animo pacato comincia 30. Bene qui il poeta tenne conto del luogo, del tempo e  della persona’) egli ricorda come i registri, lessicale e formale, siano coerenti con il profilo dei personaggi che, essendo dei supplici, non possono esprimersi con parole dissonanti rispetto al loro stato (et  hoc genere ostendit non seditiosas voces emisisse eos qui supplices venerant ‘e  con questo genere mostrò che non emettevano voci sediziose quelli che erano giunti come supplici’). Per rendere le situazioni emotive Virgilio, dice il commentatore, non si dilunga in inutili e pleonastiche digressioni ma nel discorso di Ilioneo, protagonista della sequenza narrativa, immette tutti gli elementi necessari a qualificare la regina Didone oggetto delle parole dell’eroe troiano (1, 103, 29ss-1, 104, 1ss. G.): o regina, novam cui condere Iuppiter urbem iustitiaq ue dedit gentis frenare superbas: magna dicendi arte locum istum poeta complexus est, primum omnium ut principia ipsa artiore brevitate succingeret et tamen plurima necessaria continerent, primo personam Didonis laudaret, subtilem obiurgationem non omitteret, redderet in ipsa obiurgatione benivolam, invidiam vero inhumanitatis et superbiae reiceret in alios, ipsam diceret iustam neque eam laederet cuius fuerat petiturus auxilium. Singula ergo quae diximus quae sint vel quomodo inlustriora reddantur necessario providendum est. ‘o regina a cui Giove concesse di fondare una città e di governare popoli superbi con le leggi con grande arte retorica il poeta affrontò questo luogo, prima di tutto così da cingere in una alquanto sintetica brevità i  principi stessi, in modo tale tuttavia che essi contenessero il maggior numero di elementi necessari: di lodare prima di tutto la persona di Didone, di non tralasciare un sottile rimprovero, di renderla benevola nello stesso rimprovero, di far ricadere invece su altri l’odiosità di disumanità e  superbia, di definirla giusta e di non offendere colei il cui aiuto stava per

  La traduzione dell’Eneide è in Paratore 1978.

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chiedere. Dunque bisogna necessariamente prevedere quali siano e  come rendere in modo più brillante le singole cose che abbiamo detto’.

Appare evidente l’apprezzamento per la brevitas 31, tecnica per la quale il poeta riesce anche a respingere le accuse che potrebbero essere rivolte a Didone e che mal si adatterebbero a colei a cui il protagonista sta per chiedere aiuto, nel rispetto, dunque, della visione di fondo del protagonista fornita dal commentatore, un protagonista che deve essere liberato da ogni macchia insieme con tutti coloro che lo affiancano nella sua vicenda di vita e che collaborano a crearne il profilo. Del resto più innanzi il concetto viene ribadito nel momento in cui Claudio Donato sottolinea come il racconto della storia di Didone e del suo popolo sia stato costruito dal poeta attraverso quelli che egli definisce due miracoli (1, 104, 29s. G. duo miracula in laude: mulier regnat, mulier aedificat civitatem novam (‘due fatti che suscitano meraviglia nella lode: una donna regna, una donna costruisce una nuova città’)  a  cui se ne aggiunge un terzo (1, 104, 30; 105, 1s. G. additur tertium), quello di riuscire  a  governare con leggi giuste un popolo  a  cui la natura aveva negato la naturale propensione all’obbedienza (ut regas homines quibus parendi studium natura spontaneum denegavit). Ora questo complesso elogio della regina deve discolpare la sua persona (suam debuit purgare personam). Nei discorsi risulta importante il modo in cui viene delineato il personaggio insieme con le sue emozioni 32: si pensi alla qualificazione che secondo Claudio Donato viene attribuita dal poeta a Giove attraverso le parole che egli rivolge alla figlia Venere. Il profilo delineato è quello di un re e non di un padre, sostiene, né, aggiunge, potrebbe essere diversamente in quanto la conoscenza del futuro è prerogativa solo del re degli dei (1, 59, 19s. G.): parce metu, Cytherea, manent inmota tuorum fata tibi: Q uam cito maerentis animum solvit! Q uodsi hoc solum dixisset, abunde suffecerat; nam et securam reddidit et nihil mutatum de superioribus promissis expressit. 31  Per l’importanza di questa tecnica retorica cfr. Squillante 1985, p. 109 e da ultimo Daghini 2013. 32  Q uanto Tiberio Claudio Donato faccia emergere attraverso l’indagine sui discorsi il carattere dei protagonisti mette in luce con chiarezza Torzi, in questo stesso volume.

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Sed huic dat poeta personam regis, non patris; de futuris enim loqui et significare ventura non nisi deorum rex poterat. ‘risparmia il timore Citerea: rimangono immoti per te i fati dei tuoi Q uanto rapidamente sciolse l’animo dell’afflitta! Che se avesse detto questo soltanto, sarebbe stato più che sufficiente; infatti la rese sicura e dichiarò che nulla era mutato rispetto alle promesse precedenti. Ma a questo il poeta attribuisce la figura del re, non del padre; non avrebbe potuto, infatti, dire e spiegare ciò che sarebbe avvenuto in futuro se non fosse stato il re degli dei’.

L’indagine retorica giustifica, dunque, la scelta poetica. Sulla disposizione della materia Donato propone diverse riflessioni sottolineando già nel proemio (1, 6, 17s. G.) come l’ordine della narratio sia tale da creare uno hysteron proteron 33 (Restat ut ante disputationis interioris ingressum etiam hoc debeat nosci, ordinationem operis sui sic conlocasse Vergilium ut posteriora primitus et prima posterius poneret ‘Prima di introdurre alla parte più centrale della discussione resta da doversi sapere anche, che Virgilio ha così distribuito l’ordine dell’opera, in modo da disporre prima gli avvenimenti seguenti e in posizione successiva quelli avvenuti prima’)  e  tale struttura narrativa, egli dice,  è  confermata dalle parole del poeta (nam Siciliensi in parte naufragium descriptum non inter primos labores Aeneae numerabatur, usque adeo ut ipse idem diceret: ‘infatti il naufragio nella zona della Sicilia non veniva enumerato tra le prime difficoltà di Enea fino al punto da affermare lui stesso …’), da quelle di Enea (et ex Aeneae persona ‘e dalla persona di Enea …’) e, infine, da quelle di Didone (et ex persona Didonis). La tecnica retorica dello scarto temporale viene legata da Donato alla volontà di evitare la prolissità rispettando quel canone della brevitas che presiede tutto il commento  e  che il commentatore vede anche alla base delle scelte del Mantovano: (1, 6, 32; 7, 1s. G.) Haec ergo quae posterioris temporis fuerunt posuit prima et in aliud tempus superiora distulit, ut in convivio Didonis narrarentur, ne, si prima ponerentur, odiosum foret haec eadem inquirente Didone repetere, quae vitandae prolixitatis causa semel dici convenerat ‘Q uesti 33  Più ampie osservazioni sui modi donatiani di valutare la distribuzione della materia nel poema in Squillante 2016, p. vis.

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avvenimenti, che appartenevano a un tempo successivo, pose come primi e dilazionò in un altro momento gli avvenimenti precedenti così da poter essere narrati nel convivio di Didone, affinché, se fossero stati posti prima, non dovesse diventare fastidioso ripetere, su richiesta di Didone, quegli stessi che per evitare’. L’incontro di Venere sotto le mentite spoglie di una giovane cacciatrice con il figlio Enea si svolge attraverso una serie continua di discorsi (Aen. 1, 314s.) con cui i due protagonisti interagiscono. Si tratta di una parte del l. I particolarmente interessante dato che gli antefatti dell’azione vengono raccontati da Venere quasi come preambolo al suo discorso 34. Donato osserva (1, 68, 28 G.) come il poeta dia spazio agli elementi descrittivi ut ornatior fiat oratio (‘affinché il discorso sia più ornato’). L’attenzione è rivolta anche alle semplici parole grammaticali che, solo in apparenza, sono inutili in quanto funzionali a dare fiducia e a mettere il figlio in una posizione di agio pur trovandosi a parlare con una vergine. Nello stesso tempo la scelta dei segnali linguistici minimi serve  a  rafforzare l’inganno. Alla brevissima interrogazione, che conteneva però tutti gli elementi necessari  a  perpetrare l’inganno insieme con la cura dell’aspetto ottenuta attraverso l’accurata descrizione dell’abbigliamento, risponde l’eroe con un discorso ancora più stringato (brevius ipse respondit ‘egli rispose più brevemente’). Le parole di risposta di Venere (1, 82, 2s. G.) sintetizzano molti elementi con una narrazione breve  e  armoniosa dove le sezioni della risposta corrispondono esattamente alle domande: sed vos q ui tandem? q uibus aut venistis ab oris? q uove tenetis iter? Mira brevitas interrogantis quae totum uno versu complexa est, scilicet ut dicerent qui essent, unde venirent, quo pergerent (‘ma  voi chi siete, da q uali terre veniste, e dove vi dirigete? Mirabile  è  la brevità di colui che interroga, che abbraccia il tutto in un sol verso, cioè così che dicessero chi erano, donde venivano, dove si affrettavano’). Sulla perfetta rispondenza tra i discorsi dei due interlocutori, Venere e il figlio, Claudio Donato ritornerà più volte, dimostrando così come l’ordo, la dispositio siano costituenti fondamentali dell’orazione. A propo  Si tratta di una tecnica che come ricorda Paratore 1978, p.  185,  e  come già suggerito da Heinze 1965, p. 93, fa affiorare nella mente del lettore il ricordo dell’ovidiano modus narrandi delle Metamorfosi. 34

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sito, infatti, della successione di interrogazioni che distinguono più innanzi le parole di Venere si afferma (1, 82, 4s. G.) proprio il legame con il discorso dell’interlocutore: Haec interrogatio propositionis instar retinet, quod ipsum in responsione monstrabitur. Interrogatio tamen ipsa non caret fraude; nam idcirco inmissa est, ut adhuc Aeneas non deam, sed hominem crederet, quod Veneri non provenit ‘Q uesta domanda a mo’ di una proposizione contiene quelle stesse cose che saranno mostrate nella risposta. Tuttavia la stessa interrogazione non è esente dall’inganno; infatti perciò è introdotta affinché Enea inoltre la creda non una dea ma un essere umano, cosa che non riesce a Venere’.

Della stessa brevità si serve Enea nel rispondere alla madre: 1, 69, 7s. G.: interrogationi brevissimae ‹et› quae tamen necessaria contineret ad fallendum (nam et sororum dixit et signa vestitus atque habitus expressit) brevius ipse respondit atque ita, ut  a  propositis non erraret ‘alla brevissima domanda che tuttavia conteneva tutti gli elementi necessari per perseguire l’inganno – infatti definì i segni i vestiti e gli abiti delle sorelle – egli rispose più brevemente e in modo tale da non allontanarsi dai propositi’.

Il discorso  è  costruito su continui scambi di battute tra  i  due. Rispetto alle successive parole della dea, con meticolosità, Claudio Donato ricorda come, dopo aver inquadrato il luogo, seguendo le regole retoriche, l’interlocutrice passi  a  delineare le persone: 1, 71, 7 G. Designato loco dicit personas (‘Designato il luogo definisce le persone’). L’importanza del ruolo assunto dalla persona nell’impostazione del discorso appare evidente nel modo sottile con cui il commentatore giustifica anche le ripetizioni legandole al fatto che le osservazioni, sebbene uguali, siano fatte da personaggi differenti e, quindi, siano funzionali a riportare differenti punti di vista: 1, 71, 10s. G.: genus insuperabile bello: meminerat enim Vergilius se ex persona sua dixisse “studiisque asperrima belli”. Hic tamen non est repetitio eiusdem rei, quoniam et dici necesse fuit et ex alterius persona nunc dictum est 188

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‘stirpe insuperabile in guerra: infatti Virgilio ricordava che rispetto alla sua persona aveva detto studiisque asperrima belli. Q ui tuttavia non è una ripetizione dello stesso concetto poiché era necessario si dicesse e ora si è detto del­l’al­tra persona’.

La scansione temporale diventa punto di osservazione importante: dal momento che il racconto deve comprendere avvenimenti presenti e passati (1, 71, 15s. G. imperium Dido Tyria regit urbe profecta: hac angustia verborum quantam latitudinem tenuit! Complexa est enim praesens tempus et praeteritum dicendo ubi sit et unde venerit. Dixit quae vocaretur et quid ageret quae illic tenebat imperium, ‘regge il comando la regina Didone partita dalla città di Tiro: con questa limitatezza di parole quanto grande ampiezza comprese! Abbracciò infatti il tempo presente e il passato dicendo dove si trovava e da dove era venuta. Disse come era chiamata e cosa faceva colei che lì reggeva il comando’) risulta evidente la necessità di chi parla di ricorrere alla tecnica della brevitas per non cadere nella prolissità: 1, 71, 19s. G.: Compendii autem causa, ne interrogationibus et responsionibus plus quam necesse fuerat tererent tempus et prolixum fieret quod maturo debuit fine concludi, ipsa omnibus quae perquiri per interrogationem poterant compendio faciliore respondet ‘La causa della sintesi poi consiste nel non consumare il tempo in domande e risposte più di quanto sia necessario e nel non rendere prolisso ciò che deve essere concluso in un rapido limite, la stessa risponde con un più facile sintesi a tutte le cose che potevano essere richieste con una domanda’.

Per comprendere l’angolazione di lettura del Nostro, va prestata un’attenzione particolare al discorso che Enea rivolge a Didone per narrarle gli eventi che hanno segnato la sua storia e quella del popolo troiano. Al forte impegno del poeta per creare attraverso le parole del protagonista l’atmosfera necessaria  a  coinvolgere emotivamente i suoi ascoltatori, corrisponde un’altrettanto forte ricerca da parte del commentatore  a  mettere in luce le tecniche retoriche che ne arricchiscono le parole. Dopo aver fatto risaltare il legame stretto che unisce l’incipit del secondo libro con la fine 189

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del primo (1, 145, 1 G. Memor poeta superiorum … coepit secundum librum, ‘Il poeta memore dei precedenti … comincia il secondo libro’), e aver spiegato in vario modo le ragioni del silenzio che fa da sfondo alle parole del protagonista, Donato passa all’analisi del discorso segnalando fin dall’inizio come questo contenga multas virtutes oratorias (‘molte virtù oratorie’) rispondendo al ricorso alle circumstantiae: 1, 145, 12; 146, 1s. G. narrationis istius principia multas virtutes oratorias continent. nam et loci et temporis et personarum Vergilius memor est et Aenean ipsum inducit proposita retinere (‘i principi di questa narrazione contengono molte virtù oratorie. Infatti Virgilio è memore del luogo, del tempo e delle persone e rappresenta Enea stesso che mantiene i propositi’). Ma per rappresentare il protagonista che porta innanzi i suoi propositi si esprime in maniera prolissa quod cum vult ostendere, simul prolixa adserit et multa, quae nec loco nec tempori nec personis convenirent (‘volendo mostrare ciò afferma nello stesso tempo ampie e numerose cose che non sono congruenti con il luogo, il tempo, le persone’) venendo meno a quelle stesse circumstantiae che poco prima aveva detto essere state rispettate dal poeta: 1,  145,  5s. G. haec erant vel maxime relaturo contraria; nam audire tristia et proprios dolores referre non est par nec aequali morsu animum ferit (‘queste cose erano particolarmente contrarie a chi sta per parlare; infatti ascoltare cose tristi e riferire i propri dolori non è lo stesso né colpisce l’animo con uguale sofferenza’). Pur stravolgendo le norme che presiedono alla struttura dell’orazione il poeta, dunque, a suo parere, si dimostra qui perfettamente padrone delle tecniche retoriche in quanto riesce ad esprimere le emozioni che l’oratore desidera trasmettere al suo uditorio: 1, 146, 12s. G. hoc loco supra artis praecepta Vergilius docet quid in talibus causis observandum sit; nam cum omnis narratio debeat brevitate succingi, tum magis colligenda est, cum propria mala narrantur (‘qui Virgilio rispetto ai precetti dell’arte insegna cosa vada rispettato in tali circostanze; infatti poiché tutta la narrazione deve essere sintetizzata in breve, ancor più deve essere compendiata quando si narrano  i  propri mali’). La necessità di ricorrere alla brevitas viene superata dall’urgenza di modificare il registro espositivo a seconda del contenuto: se, infatti, il compiacimento di narrare esperienze felici porta ad indugiare nell’esposizione, il resoconto delle difficoltà affrontate sollecita ad adoperare un dettato rapido: 1, 146, 17s. G. unde sen190

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tiendum est  e  contrario vitium non esse narrantis, si in relatione laetarum rerum aliquantum fuerit commoratus; prospera quippe et referentem iuvant et erigunt audientem (‘donde bisogna capire al contrario che se ha indugiato alquanto nel relazionare sugli avvenimenti lieti non è un difetto del narratore; anzi le situazioni felici giovano a chi le riferisce e rinfrancano chi ascolta’). Non va trascurata neanche l’attenzione alla pronuntiatio dal momento che essa permette di esprimere con esattezza la natura dei protagonisti: è il caso dei Danai a proposito del cui nome il commentatore afferma (1,  147,  6 G.) abiecte pronuntiandum est quasi homines imbelles et nullius virtutis (‘bisogna pronunziarlo con disprezzo come se fossero uomini imbelli e di nessun valore’). La valutazione della tecnica retorica applicata al discorso di Enea  è  fortemente elogiativa: (1, 148, 6 G.) satis subtilis et artificiosa narratio hominis scilicet victi (‘abbastanza sottile e artificiosa è la narrazione dello sconfitto’). Nell’analizzare i segmenti del discorso tutto è sempre riferito alle circumstantiae: per dare forza all’affermazione dell’eroe riguardo al fatto che la sofferenza maggiore per i Troiani è di non essere stati sconfitti né da un popolo coraggioso né valoroso in guerra il commentatore aggiunge (1, 148, 14s. G.): subnexuit argumentum a persona, ut dictum est, et tempore. a  persona sic: fracti bello; nullus enim bello frangitur nisi imbellis, nullus bello frangitur nisi virtute resistentis. a tempore sic: tot iam labentibus annis, quoniam in congressione aperta per annos plurimos obtinere non potuerunt ‘Aggiunse l’argomento  a  persona, come si  è  detto, e  a  tempore. A  persona in questo modo: fracti bello; nessuno infatti è distrutto dalla guerra se non chi è vile, nessuno è distrutto dalla guerra se non per il valore di chi gli resiste. A tempore in questo modo: tot iam labentibus annis, poiché nello scontro aperto per moltissimi anni non poterono prevalere’.

La tecnica retorica è posta in luce anche nei discorsi che si incastrano in quello principale del protagonista. È il caso di quello di Laocoonte, dove, a proposito della più che famosa espressione aut ulla putatis dona carere dolis Danaum, viene rilevato che questo modo di dire non è solo funzionale a disegnare i caratteri di un popolo astuto e tendente all’inganno ma che si argomenta a persona Ulixis, qui bona nesciret et in malis fuisset satis instructus (‘dalla 191

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persona di Ulisse che non conosceva il bene ed era stato educato sufficientemente nel male’) (1, 152, 33 G.). E proprio a proposito di Ulisse viene sottolineata l’arte del dire quando rispetto alla domanda sic notus Ulixes (Aen. 2, 44), viene affermata la capacità retorica dell’oratore: oratoria virtute usus est, ut unius Ulixis tergiversatione notissima totam gentem macula tergiversationis adspergeret (‘usufruì della virtù oratoria in modo da contaminare, con la macchia dell’inganno, con il notissimo sotterfugio del solo Ulisse un intero popolo’). Non manca la messa in evidenza dell’importanza delle circumstantiae: (1, 153, 12s. G.) incipit iam publicare quid sentiat, tracto scilicet argumento  a  persona et tempore, quoniam natura callidos dixerat et belli vel maxime tempore factos esse peiores (‘comincia  a  rendere palesi  i  suoi sentimenti, tratto l’argomento  a  persona et tempore poiché li aveva definiti astuti per natura, e divenuti anzi ancor peggiori nel tempo della guerra’). Alla complessità dell’analisi di questo discorso si giustappone quella altrettanto articolata del discorso di Sinone introdotta dall’osservazione sull’uso del deittico ecce, che segna il passaggio al nuovo discorso e che ha valore spaziale anche se è presentato da Donato contemporaneamente come deittico testuale 35: 1,  154,  17s. ecce ubicumque Vergilius ponit, aliquod malum repentinum et insperatum significat ut hoc loco…, ‘ovunque Virgilio pone ecce, sta ad indicare un male improvviso e inatteso come in questo luogo…’. Nella minuziosa indagine condotta sulle parole di Sinone colpiscono la grande attenzione rivolta dal commentatore al problema dell’individuazione del vero dal falso proprio perché lo statuto del personaggio è costruito dal poeta sull’uso dell’inganno verbale e, insieme, alla volontà di riproporre  a  mo’ di esercizio scolastico varie versioni dello stesso discorso. Del resto la ricerca della verità fa parte dell’universo etico di Claudio Donato che non dobbiamo dimenticare, quando nel proemio sta motivando la sua scelta di comporre un’ulteriore opera esegetica sull’Eneide, previene le obiezioni del figlio esortandolo a leggere tutto in quanto ciò che può dispiacere ad altri lettori sicuramente sarà gradito  a  lui il quale sa che gliele trasmette suo padre sine fraude (prooem. 1, 2, 5s. 35 Sul valore del deittico ecce, particolarmente diffuso nella lingua d’uso, ma con la sua forza icastica  e  il suo valore pregnante legato all’idea di rapidità che è connaturato al momento dell’esegesi per gli allievi e quindi esempio di traccia di un insegnamento orale cfr. Squillante 2017, p. 69.

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lege omnia et, si forte nostra aliis displicebunt, tibi certe complaceant quae filio pater sine fraude transmisi, ‘leggi tutto e se per caso il nostro lavoro dispiacerà agli altri, certamente sia gradito a te ciò che da padre trasmisi a te figlio senza inganno’). La ricostruzione testuale del discorso di Sinone è introdotta da indicatori didattici che fungono evidentemente da guida per l’allievo del tipo locutio autem talis est (1, 157, 4) a cui fa seguito la riproposta dello stesso discorso sotto svariate altre formulazioni 36. L’andamento dell’indagine è costante: più innanzi, infatti, laddove si tratta di analizzare la serie di interrogative di Aen. 2, 101s. osserva: 1, 160, 29s. ubi ad ipsum cardinem venit in quo mendaciorum consistebat effectus, negavit se dicturum, ne ultro omnia referendo daret suspicionem falsitatis (‘appena giunse al punto fondamentale in cui consisteva l’effetto delle bugie disse che nel riferire ulteriormente tutto non avrebbe suscitato un sospetto di falsità’). Segue quindi anche in questo caso la riformulazione del discorso introdotta da ait ergo (1, 161, 1s.). Nelle pagine successive del commento in cui vengono analizzati in modo concatenato gli altri discorsi che si intersecano nell’episodio di Sinone, in particolare quello di Priamo, oltre a notare l’attenzione del commentatore sulla differenziazione tra vero e falso è importante sottolineare la presenza di quelle direttive retoriche che egli distribuisce nell’arco del commento. A proposito di si vera feram, si magna, rependam, ad esempio, egli ricorda (1, 170, 13s.) come l’ordine delle risposte non corrisponda a quello delle domande poste sottolineando come questa inversione non costituisca un problema (1,  170,  16s. sed quia in propositionis ordinatione et responsionis vitium non est, si non singulis ita ut sunt proposita pareatur, incipit iste ab ea parte quam novissimam, ‘ma poiché non è un difetto se nell’ordine della proposizione e della risposta non vi è corrispondenza nei singoli elementi così come sono stati proposti, questi comincia da quella parte che era l’ultima’). Sempre  a  proposito del discorso di Sinone, in quella parte che costituisce la risposta all’intervento di Priamo, il commentatore, attraverso un esplicito invito disseramus 37…, introduce il suo allievo all’analisi minuziosa delle singole parole dell’oratore per poterne far risaltare le moda36  Manca a tutt’oggi uno studio complessivo sul lessico dei commentatori e, in particolare, delle loro formule mentre esistono studi parziali: cfr. Gioseffi 2011, p. 301, il quale mette in evidenza proprio tale carenza. 37  1, 171, 3s., passo già citato in precedenza.

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lità retoriche. Anche la riflessione di Enea sull’episodio di Sinone Aen. 2, 195s. (Talibus insidiis periurique arte Sinonis / credita res … ‘Per tali insidie e per l’arte dello spergiuro Sinone la cosa fu creduta…’) viene valutata in base alle circumstantiae laddove il commentatore afferma 1, 175, 12s. complexus est hic personas specialiter positas, numerum mille carinarum, temporis vero ratione excusationem praetexuit monstrans imperium Troiae non virtute aliqua, sed insidiis et fraude esse superatum (‘qui ha compreso le persone poste distintamente, il numero delle mille navi, in verità in ragione del tempo addusse la scusa mostrando che l’impero di Troia era stato sconfitto non da un qualche valore ma dalle insidie e l’inganno’). Il racconto delle peripezie del popolo troiano da parte di Enea sappiamo concludersi negli ultimi versi del l. iii del poema dove Claudio Donato evidenzia la volontà di Virgilio di aprire e chiudere il racconto sottolineando l’esplicito richiamo alla volontà degli ascoltatori definiti, sia nell’incipit del l. ii sia in chiusa del l. iii, intenti, ut ostenderet Aenean libenter auditum et auditores textu narrationis satiari nequisse (1, 352, 28s. ‘per mostrare che Enea era ascoltato volentieri e che gli ascoltatori non si potevano saziare’). Come si vede l’attenzione di Claudio Donato è fortemente concentrata dal punto di vista retorico anche sulla ricerca delle rispondenze e delle simmetrie nell’ambito dell’intero poema, il che fa dell’esegeta antico un precursore dei moderni lettori 38. Se è vero che come afferma lo stesso commentatore che la lode del protagonista, costruita attraverso tutto il poema, raggruppa in sé con arte squisita tutti i tipi di materia è questo coacervo di qualità quo fit ut Vergiliani carminis lector rhetoricis praeceptis instrui possit et omnia vivendi agendique officia reperire ‘per cui avviene che il lettore del poema virgiliano possa essere istruito nei precetti retorici e ritrovare [nell’opera] tutte le funzioni del vivere e dell’ope­rare’ (1, 6, 15s. G.).

Bibliografia Berchem van 1952  = Denis van Berchem, ‘Poètes et grammairiens  : recherche sur la tradition scolaire d’explication des auteurs’, MH, 9, 1952, p. 79-87.   Squillante 1985, p. 103s.

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Clément-Tarantino 2013 = Séverine Clément-Tarantino, ‘Le discours d’Ilionée au livre 7 de l’Énéide (7,213-248)’, Exercices de rhétorique, 2 [https://journals.openedition.org/rhetorique/181]. Cugusi 2003 = Paolo Cugusi, ‘Q ualche riflessione sulle idee retoriche di Plinio il Giovane: Epistulae 1, 20 e 9, 28’, in Plinius der Juengere und seine Zeit, L. Castagna – E. Lef èvre (Hrsg.), Muenchen – Leipzig, p. 95-122. Daghini 2013 = Alice Daghini, ‘La brevitas nelle Interpretationes Vergilianae di Tiberio Claudio Donato’, in Totus scientia plenus. Percorsi dell’esegesi virgiliana antica, a c. di F. Stok, Pisa, p. 401-428. Daghini 2015 = Alice Daghini, ‘[abunde] suffecerat … sed: un’idea ricorrente nelle Interpretationes Vergilianae di Tiberio Claudio Donato’, in Culture and Literature in Latin Late Antiquity. Conti­ nuities and Discontinuities, P. F. Moretti – R. Ricci, C. Torre (eds.), Turn­hout, p. 335-344. Funaioli 1928 = Gino Funaioli, ‘Recensione’, Aevum, 2, p. 423-425. Gagliardi 1966  = Donato Gagliardi, ‘Il dibattito retorico-letterario a Roma nel I secolo dell’impero’, Aevum, 40, p. 230-241. Georgii 1969 = Heinrich Georgii, Tiberi Claudi Donati ad Tiberium Claudium Maximum Donatianum filium suum Interpretationes Vergilianae edid. I-II, Stuttgart. Gioseffi 2000 = Massimo Gioseffi, ‘Ritratto d’autore nel suo studio. Osservazioni a margine delle ‘Interpretationes Vergilianae’ di Tibe­ rio Claudio Donato’, in E io sarò tua guida. Raccolta di saggi su Virgilio e gli studi virgiliani, a c. di M. Gioseffi, Milano, p. 151-215. Gioseffi 2005-2006  = Massimo Gioseffi, ‘Amici complici amanti: Eurialo e Niso nelle Interpretationes Vergilianae di Tiberio Claudio Donato’, Incontri triestini di filologia classica, 5, p. 185-208. Gioseffi 2011 = Massimo Gioseffi, ‘Per un lessico dei commenti tardoantichi  a  Virgilio: il caso dello Pseudo Probo’, Il calamo della memoria, 4, p. 301-338. Heinze 19153 = Richard Heinze, Virgils epische Technik, Leipzig (rie­ dizione anastatica Stuttgart 1965). Marshall 1997 = Peter K. Marshall, Servius and Commentary on Virgil, Asheville North Carolina. Munk Olsen 1998 = Birger Munk Olsen, ‘Les listes de periochae dans les accessus médiévaux’, Euphrosyne, 26, p. 211-218. Paratore 1978  = Ettore Paratore, Virgilio, Eneide Vol.  I (Libri  I-II) a cura di E. Paratore, traduzione di L. Canali, Milano. Pirovano 2006  = Luigi Pirovano, Le Interpretationes Vergilianae di Tiberio Claudio Donato. Problemi di retorica, Roma. 195

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Abstract Starting from the first occurrence in the Interpretationes Vergilianae, where Vergil  is  defined both  a  poet and rhetor (prooem.  p.  4,  24s. Georgii: Si Maronis carmina competenter attenderis et eorum mentem congrue comprehenderis, invenies in poeta rhetorem summum), Tiberius Claudius Donatus’ commentary on the first two books  of   the Aeneid will be analysed in order to clarify how the late antique author addressed the question Vergilius orator an poeta?

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Il est fréquent de lire ici ou là que les savants antiques avaient une opinion bien tranchée – et erronée 1 – au sujet de Virgile et l’art de la rhétorique. Dès le ier s., Q uintilien, dans son Institution oratoire, s’appuie ainsi de façon notable sur les écrits du poète, plus de 150 fois selon D. Joly 2, et justifie cette prépondérance en citant Théophraste (10, 1, 27) : la lecture des poètes serait extrêmement utile à l’orateur, opinion partagée par nombre d’autres rhéteurs. Si cependant Q uintilien se montre conscient de la différence qui sépare poésie épique, quand bien même elle recourt souvent aux discours, et art oratoire (10, 1, 85-86), il n’en va pas toujours ainsi pour ses successeurs. On ne connaît que le titre et les trois premiers paragraphes de son introduction, mais le Vergilius orator an poeta donne une idée de l’évolution de la perception de Virgile comme maître de rhétorique et de l’Énéide comme œuvre oratoire. Ce dialogue perdu est attribué à Florus, rhéteur de la fin du ier s.-début du iie s. et constitue un jalon important pour la suite : au iiie-ive s., Julius Rufinianus ne tirera ses exemples que de Virgile pour ses ouvrages sur les figures de mots et de pensée ; Tiberius Donat étudiera l’Énéide dans ses Interpretationes Vergilianae du point de vue de la rhétorique quand Macrobe consacrera un livre entier (4) des Saturnales à la rhétorique du pathos chez le poète de Mantoue. Le début du livre 5 ira même jusqu’à poser une question 1  L’un des chercheurs les plus virulents  à  cet égard est sans doute Highet 1972 : selon lui, les commentateurs antiques voyaient à tort de la rhétorique un peu partout (p. 3-6). 2   Joly 1979, p. 102.

Vergilius orator. Lire et commenter les discours de l’ Énéide dans l’Antiquité tardive, éd. par Daniel Vallat, STTA 20 DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.128630 (Turnhout 2022), pp. 197-222    ©             

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presque provocatrice : puisque la discussion précédente a montré que Virgile était tout autant poète qu’orateur, celui qui voudrait apprendre l’art de la rhétorique devrait-il plutôt se tourner vers l’œuvre de cet auteur ou celle de Cicéron ? Il s’agit, comme le souligne Eusèbe à qui est destinée cette interrogation, de savoir qui de l’un et de l’autre l’emporte en termes d’art oratoire. Même s’il feint de ne pas vouloir répondre, le personnage déclare cependant que Virgile excelle dans tous les genres d’éloquence, Cicéron en un seul (5, 1, 3-4). L’écriture si spécifique du commentaire grammatical permet-elle  à  Servius de trancher cette question d’un Virgile orateur  ? Comme un chercheur  a  dénombré 333 discours présents dans l’Énéide 3, nous restreindrons notre étude à ceux en lien avec l’amour, sous toutes ses formes : filial, parental, sororal, conjugal ou illégitime, puisque ce thème s’avère central au poème.

1. Poésie, amour et rhétorique 1.1. Servius, grammaticus ou rhéteur ? Alors qu’il est de coutume de présenter le scholiaste comme un grammaticus, suivant en cela la description de son enseignement que nous offre Macrobe 4, un chercheur du début du xxe s. 5 l’affirme d’un ton péremptoire : Servius est clairement un rhéteur. Pour preuve, il a dénombré dans ses commentaires 107 passages de langage rhétorique. C’est un nombre important, certes, mais il convient de se rappeler que l’étude des figures et tropes revenait également à l’enseignement grammatical et constituait même la troisième partie des Artes. On peut d’ailleurs lire une répartition précise de ce champ d’études entre grammaticus et rhéteur aussi bien dans l’Ars Donati (4, 397, 5-6 K) que dans son commentaire par Servius (4, 448, 1-7 K) : au premier reviennent les figures de   Highet 1972, p. 19.  Macrobe, dans les Saturnales (6,  6,  1), présente Servius expliquant (enarrando) chaque jour le texte virgilien aux Romains, fonction réservée au grammaticus, comme l’indique Q uintilien dans son Institution oratoire : la tâche de cet enseignant touche  à  l’étude du latin correct, ainsi qu’à l’explication des poètes (1, 4, 2). Sur la façon dont Servius est désigné par Macrobe et sur la question d’un Servius grammaticus, voir Jeunet-Mancy 2012, p. xi-xiii. 5   Sihler 1906, p. 4. 3 4

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mots, au second celles de pensée. Or il semble bien que la frontière ne soit pas aussi nette 6, puisque l’exégète de Virgile s’intéresse à de nombreuses reprises à l’apostrophe, l’antiphrase, l’ironie ou l’atténuation, pourtant habituellement classées parmi les figures de pensée. Q uintilien (2, 1, 1-3) déplorait déjà la porosité entre les deux enseignements, qui amenait les élèves à intégrer trop tard la classe des rhéteurs : ces derniers, dédaignant certains exercices rhétoriques élémentaires, les avaient bien volontiers laissés aux grammatici qui s’étaient en outre emparés de matières plus complexes comme la prosopopée ou les délibérations. Plutôt donc que de remettre en question le titre de grammaticus de Servius, il faut sans doute souligner son goût indéniable pour la rhétorique et l’art oratoire. Il témoigne de plus d’une solide connaissance des traités et des discours de Cicéron, sur lesquels il s’appuie à bien des reprises, considérant celui-ci comme l’orateur par excellence 7. Notons également que le Servius Danielis vient compléter en de nombreuses occasions l’étude des discours par des remarques d’ordre rhétorique parfois très précises, comme nous le verrons au fil de cet article. 1.2. Des liens anciens Pour J. Walker 8, c’est chez Hésiode que l’on peut trouver la plus ancienne attestation dans le monde occidental du lien qui unit l’éloquence du prince à celle de l’aède, autrement dit de la rhétorique et de la poésie, alors que leurs esthétiques nous paraissent si éloignées : au début de la Théogonie (81-104), le poète indique que le roi aussi bien que le chanteur ont reçu des Muses le don de l’éloquence et le pouvoir de persuasion. Cicéron, pour sa part,   Voir à ce propos Holtz 1979.  Servius, Aen. 1,  258  : aut Romam significat, quia cum proprietatem detrahimus, quod magnum est significamus, ut, si dicas ‘legi oratorem’ nec addas quem, intellego ‘Ciceronem’, ‘soit il désigne Rome, puisque, lorsque nous n’employons pas le mot propre, nous désignons la chose la plus grande : ainsi, si on dit “j’ai lu l’orateur” sans ajouter de qui il s’agit, je comprends que c’est Cicéron’ (traduction Baudou – Clément-Tarantino 2015, comme toutes les citations du livre 1 des commentaires dans cet article  ; celles du livre 4 sont de Guillaumin 2019  ; celles du livre 6 de Jeunet-Mancy 2012. Pour les autres livres, les traductions sont personnelles). 8  Walker 2000, p. 3-4. 6 7

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n’hésite pas à faire remonter l’art oratoire à Homère, qu’il estime ‘pleinement orateur’ (plane orator) dans le Brutus (39-40). Il est ainsi aisé de comprendre comment l’on a pu considérer Virgile de la même façon, d’autant que celui-ci recourt à un rapprochement frappant lors de la première comparaison de son épopée 9, qui met en évidence, en plus du pouvoir de la piété, celui de la parole  : Neptune domptant les flots est comparé à un homme pieux qui, par la force de ses mots, calme la sédition d’une foule en colère. Pour Tiberius Donat, l’épopée virgilienne dans son entier est une œuvre rhétorique, puisqu’elle consiste en un éloge et une défense d’Énée, écrit-il dans sa préface, quand Servius souligne que le but du poète est double  : imiter Homère et louer Auguste 10. Dans un ouvrage récent, I. P. Peirano Garrison parle de ‘macro-rhétorique’ 11 pour désigner cette vision du poème comme un acte de persuasion. On peut également faire remonter le lien entre amour et rhétorique au même Hésiode : dans les Travaux et les jours (73-74), Peithô, la Persuasion, offre à Pandore, objet de désir et d’amour, des dons ordinairement associés  à  Aphrodite. V.  Pirenne-Delforge 12 rappelle que ces déesses recevaient un culte à Athènes dans un sanctuaire qui accueillait leurs deux statues selon Pausanias (1, 22, 3). Fort plaisamment, Ovide, dans L’Art d’aimer (1, 459462), invitait les jeunes gens à se consacrer à l’art oratoire pour devenir avocat… et séduire les belles. Même si Virgile a écrit son épopée avant l’explosion des declamationes, dont on sent l’influence chez l’auteur des Héroïdes, les amours d’Énée et Didon semblent avoir fait l’objet de suasoriae, exercices de persuasion rhétorique, bien avant les débuts de l’Empire, puisque l’on a trouvé une citation d’un rhéteur contemporain de Cicéron demandant : est-ce qu’Énée a aimé Didon 13 ? 9 Virgile, Én. 1, 148-153. On lit notamment au vers 153 ille regit dictis animos et pectora mulcet : ‘il parle et sa parole gouverne les cœurs, calme les passions’ (traduction Perret, CUF, comme pour toutes les citations de l’Énéide dans cet article). 10  Voir la préface et ad Aen. 1, 286. 11   Peirano Garrison 2019, p. 232-236. 12  Pirenne-Delforge 1991, p. 399-400. 13  Comme l’indique cependant Starks 1999 (p. 263, n. 25), il convient d’être prudent sur la datation exacte de cette citation. Q uoi qu’il en soit, elle montre bien l’intérêt que la rhétorique portait à ces questions amoureuses.

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1.3. Les discours de l’amour Selon Q uintilien, si la cause est juste, les arguments coulent en quelque sorte de source, mais les passions sont ce qu’il y a de plus important dans l’art oratoire, car ‘[s]ans ce pathétique, tout le reste est nu, maigre, sans force, sans agrément : tant la vie, pour ainsi dire, et l’âme de l’éloquence résident dans les sentiments’ 14. Où donc rencontrer l’expression de ceux-ci mêlée  à  l’art oratoire mieux que dans les discours de persuasion liés à l’amour dans l’Énéide ? On sait à quel point ce thème est primordial – et problématique – non seulement pour Virgile, mais aussi pour ses commentateurs serviens. Nous entendons amour dans son sens le plus large et nous nous intéresserons ainsi à l’affection qui lie un père ou une mère  à  son enfant, qu’il s’agisse de Vénus s’adressant  à  Jupiter (1, 229-253) et de la réponse qui lui est faite (1, 257-296), de la même déesse à son fils Cupidon (1, 664-688), d’Anchise à Énée (2,  638-649) et du fils au père (2,  657-670), d’Évandre  à  Pallas (8, 560-583) ou de Cybèle à Jupiter (9, 83-92). Les trois discours de persuasion qu’échangent Didon et sa sœur Anna sont également placés sous le signe de leur attachement (4, 9-29 ; 31-53 ; 416-436) et si l’on pense, bien entendu, aux échanges de l’amour brûlant et illégitime qui lie Didon à Énée (4, 305-330 ; 4, 333-361 ; 4, 365387 ; 6, 456-466), nous ne négligerons pas le doux amour conjugal, celui qui unit Créuse à Énée (2, 675-678) ou Vénus à Vulcain (8, 374-386 ; 395-404). Nous écartons de notre corpus les célèbres discours de Vénus et Junon à l’assemblée des dieux (10, 17-113) pour deux raisons : même si les déesses s’adressent à leur père et époux, il ne s’agit pas d’une relation duelle, puisque leur but est de convaincre également les autres divinités derrière Jupiter. De plus, Servius ne s’intéresse pas aux rares marques d’affection filiale que l’on peut y percevoir, contrairement aux autres discours de notre corpus.

  Q uintilien, Institution oratoire, 6, 2, 7 : Sine quo cetera nuda, ieiuna, infirma, ingrata sunt : adeo uelut spiritus operis huius atque animus est in adfectibus (traduction Cousin, CUF). 14

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2. Le pathos vu par les commentateurs anciens : Macrobe et Servius Cicéron, suivant en cela la classification aristotélicienne 15, distingue les preuves éthiques des pathétiques. Comme le fera Q uintilien, il s’enthousiasme pour ces dernières, qui bouleversent et stimulent les esprits, et se livre à un véritable éloge du pathétique qui balaie tout sur son passage, déconcerte ce si grand orateur (summus orator) qu’est Hortensius et paralyse même la langue de l’audacieux Catilina (L’Orateur 128-130). Macrobe accorde également une grande importance à ce sujet, puisqu’il consacre le livre 4 des Saturnales, hélas lacunaire,  à  la rhétorique du pathos chez Virgile. La première partie, sans doute centrée sur l’éloquence du poète, est manquante, de même que le début de la deuxième 16. Ce véritable exposé, construit avec rigueur pour ce qu’il nous en reste, offre une description précise des moyens mis en œuvre par le poète pour susciter le pathos et va nous permettre de nous livrer à une étude comparative entre cet écrit et les commentaires serviens 17. 2.1. L’état extérieur des personnages Même si l’aspect fragmenté du commentaire ne permet pas d’élaborer une réflexion semblable  à  celle que l’on trouve dans les Saturnales, il est intéressant de constater que Servius et le Servius Danielis s’arrêtent souvent sur les points notés par Macrobe dans les discours liés à l’amour. Cet auteur ‘commence’, du moins pour la partie que nous avons conservée, par porter son attention sur l’aspect extérieur des personnages avant ou après le discours. Le premier exemple qu’il en donne est celui de Didon, naturellement liée au pathos, mais il choisit de la considérer comme figure du courroux et du refus de communication lorsqu’Énée s’adresse à elle aux enfers (6, 470-471). Choix surprenant, puisque 15   En vérité, il ne garde pas exactement la même définition pour les preuves éthiques, mais c’est la conception cicéronienne qui nous importe, Aristote ne constituant pas la référence en termes de rhétorique pour les commentateurs de Virgile. 16  Goldlust 2010, p. 363-365. 17  Pour une réflexion plus générale sur les différences de public et d’approches du texte virgilien entre Servius et Macrobe, voir Canetta 2015.

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le discours n’a précisément pas d’effet sur le personnage qui reste totalement fermé, le cœur dur. C’est donc un échec du discours pathétique du héros qui est mis en évidence. Servius ne s’intéresse pas pour sa part à Didon, mais à Énée : si le grammaticus n’avait pas signalé les larmes versées par le héros avant qu’il ne prononce son discours, il commente les vers qui suivent : Talibus Aenas ardentem et torua tuentem lenibat dictis animum lacrimasque ciebat. ‘Par ces mots Énée tentait d’adoucir ce cœur brûlant, ce regard farouche, d’émouvoir des larmes.’ (Én., 6, 467-468)

Servius explique que ces larmes sont celles d’Énée, les scholies additionnelles précisant qu’il ne s’agit pas en effet de celles de Didon  : c’est le héros qui est touché par son propre discours. P. Veyne (2012) opte pour ce sens dans sa traduction, tandis que Perret a suivi la deuxième interprétation qu’offre Servius : le discours aurait dû provoquer les larmes de la reine, mais elle y reste insensible. Le commentateur ancien choisit donc dans un premier temps de mettre en avant la puissance de la parole et la sensibilité du héros avant de porter son attention sur la dureté de Didon et l’échec du discours. Avant de terminer par la Sibylle une liste d’exemples qui ne font pas l’objet d’analyse, Macrobe signale les larmes de Vénus avant qu’elle ne s’adresse à Jupiter au chant 1, 228. Pour Servius, le fait que les yeux de la déesse soient brillants souligne sa beauté au milieu des larmes et il cite un passage du chant 5 où celles-ci servent de ‘parure’ (decorae) à Euryale. À cet endroit, ad Aen. 5, 343, le commentateur indique que ces larmes sont là pour provoquer la miseratio, l’un des deux buts du pathos avec l’indignatio, ce que rappelle Macrobe au chapitre suivant (4, 2, 1). Si donc le genre du commentaire grammatical ne permet pas à Servius de livrer un exposé semblable à celui de son contemporain, le système de scholies est l’occasion d’analyses bien plus fines et détaillées. 2.2. Étude suivie d’un discours dominé par la colère Dans la suite de son exposé, Macrobe s’intéresse au pathétique tirant son origine de la teneur même du discours. Après avoir noté 203

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la nécessité d’une entrée brutale en matière pour provoquer l’indignatio, l’auteur livre quelques exemples et s’arrête sur le monologue de Junon au chant 7,  293-322 afin de montrer comment le pathos doit se poursuivre ensuite et animer l’ensemble du discours. Suivant l’ordre de celui-ci, il relève la brièveté de phrases interrogatives successives, différentes figures, l’ironie, les plaintes de la déesse, un argument a minore, une récapitulation des causes, l’expression de la colère, une malédiction et un argument a simili. Pour sa part, Servius ne s’arrête aucunement sur l’aspect rhétorique du passage et ne s’y attarde guère d’une façon générale, puisqu’il n’en commente que 18 vers sur 30, délivrant des notes d’une autre nature, grammaticale, mythologique,  etc. Il se livre en revanche à une analyse comparable à celle de Macrobe lorsque Didon répond à la défense d’Énée au chant 4, 365-387. Ad Aen. 4, 364, Servius annonce que le discours à venir est une inuectio. Comme le note J.-Y. Guillaumin 18, ce mot ne se trouve pas, du moins dans ce sens, avant la période tardive et le chercheur cite un passage du commentaire de Donat aux Adelphes (60), où le terme est d’ailleurs rapproché de l’obiurgatio (‘reproche’), connue cette fois des manuels de rhétorique et qui sera utilisée dans la scholie servienne suivante. On relève également un autre mot technique, le status, c’est-à-dire l’état de la cause, que Servius juge inutile dans une invective, puisque la cause elle-même est connue et ne fait pas l’objet de débat. Dans la scholie suivante, c’est le terme plus courant 19 de uituperatio qui est employé : ce début est à la fois un blâme, mais aussi un ‘reproche’ que Didon se fait à elle-même, reprenant ce qu’elle avait affirmé plus tôt (4, 12), qu’Énée était bien d’essence divine, pour le nier ici avec virulence. Servius s’arrête ensuite sur l’apostrophe, si importante dans l’exorde, et juge ce perfide tout à fait approprié pour une personne amoureuse. Il poursuit en soulignant le fait que Didon devance une question encore non exprimée et le Servius Danielis salue le passage à la 3e personne pour désigner Énée, mise à distance qui contribue  à  augmenter le pathos. Plusieurs figures sont ensuite relevées  : amphibologie, hypallage, périphrase, mais également   Guillaumin 2019, p. 351, note 6.   On le trouve en effet aussi bien dans la Rhétorique à Hérennius que chez Cicéron et Q uintilien. 18 19

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inrisio, procédé présent dans la Rhétorique à Hérennius (1, 10) et chez Cicéron (De l’Invention 1, 25). Les deux versions du commentaire le mentionnent à trois reprises, ad Aen. 4, 377 et 378 : il y a ‘moquerie’, puisque, cette fois-ci, les mots qui servent à la uituperatio proviennent d’une ‘louange’. Il faut comprendre par là que Didon reprend pour s’en moquer les mots d’Énée lorsqu’il parlait avec respect d’Apollon et des oracles lyciens (4, 345-346) qui le poussaient à se rendre au plus vite en Italie. Inrisio encore, selon le Servius Danielis, par la répétition de nunc (‘maintenant’) et les horrida iussa, ces ‘ordres qui font frémir’ Mercure dans la version originale du commentaire. Outre ces figures, les scholies additionnelles soulignent la force des sentiments révélée par le discours, comme le faisait Macrobe, en insistant sur la colère et la haine de Didon (ad Aen. 4, 374) à l’évocation de ses bienfaits à l’égard du héros. Q uant à Servius, il s’intéresse au procédé appelé concessio, sur lequel nous reviendrons plus loin, et à propos duquel Q uintilien écrit qu’on l’utilise ‘lorsque, confiants dans l’excellence de la cause, nous donnons l’impression d’admettre même des faits qui nous sont défavorables’ 20. Ici, Didon invite Énée  à  partir pour l’Italie au v.  381, mais le commentateur explique qu’afin que le destinataire comprenne bien ce qu’elle pense réellement, elle  a  ajouté ‘des éléments d’interdiction implicite’ (aliqua quae uetent latenter), comme les vents et les ondes, susceptibles, souligne le Servius Danielis, de susciter la frayeur. Enfin, la version longue du commentaire mentionne une récapitulation finale des différents points du discours (ad Aen. 4, 382) et Servius analyse les derniers vers de l’imprécation d’une façon qui rappelle son commentaire de ce qu’il a interprété comme une malédiction à l’égard de Junon au v. 371. La comparaison de l’analyse de ces deux discours permet de mettre en évidence les ressemblances qui unissent les deux auteurs tardifs : recours à des termes techniques connus des manuels de rhétorique, même s’ils n’usent pas des mêmes, dans la mesure où Macrobe s’attarde plus sur la nature des arguments que Servius, du moins pour ce discours ; attention portée aux figures de mots et de pensée  ; étude de la façon de maintenir le pathos du 20  Q uintilien, Institution oratoire 9, 2, 51 : cum aliquid etiam inicum uidemur causae fiducia pati (traduction Cousin, CUF).

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début à la fin du discours. On peut noter que les deux ouvrages ne cherchent pas à mettre en évidence un plan du discours qui correspondrait à ceux que l’on apprend dans les classes de rhétorique et il n’est pas question d’exorde ni de péroraison, comme si la passion avait pris le pas sur l’organisation oratoire. À la différence de Macrobe cependant, Servius s’intéresse beaucoup au sens caché des mots, au discours ‘oblique’, comme nous le verrons par la suite, et il est notable que, tout au long de cette analyse, le Servius Danielis vienne compléter de façon récurrente, à l’aide d’autres exemples ou par une explicitation, le commentaire original. 2.3. Habitus et motifs Après cette analyse détaillée, Macrobe revient à sa méthode habituelle dans la suite du livre : la présentation d’un moyen de générer le pathos, suivie d’une succession d’exemples tirés des œuvres de Virgile. Au chapitre 3, il décrit les habitus sur lesquels s’appuie le poète : âge, fortune, faiblesse, lieu et temps, portant davantage son attention sur la misericordia, c’est-à-dire la façon de faire surgir la compassion. On ne sait pas quelle est l’origine de cette liste 21, dont on retrouve des éléments épars dans les ouvrages de rhétorique, mais l’on constate que Servius s’y intéresse également, les exemples de Macrobe recoupant parfois ses propres remarques. C’est plus précisément le Servius Danielis, ad Aen. 2, 678, qui relève l’importance de l’âge dans la rhétorique du pathos en recourant au même exemple que celui des Saturnales, extrait du discours de Créuse : pour provoquer la miseratio, Virgile évoque les différents âges de la vie de façon condensée, l’enfant, le vieillard, la matrone. Contrairement  à  Macrobe, la scholie servienne ne souligne pas le lien de parenté, pourtant bien souvent mis en évidence dans les commentaires des discours liés à l’amour. Au même endroit cependant, Servius insistait sur le désespoir de l’épouse du héros qui affirmait avoir perdu ce nom. C’est donc sur l’amour conjugal que porte l’accent dans la version originale. Est également évoquée dans le discours de Vénus  à  Vulcain (8,  374-386) l’infortune d’Énée, élément destiné  à  émouvoir 21  Goldlust 2010, p. 369-370 : Julius Sévérianus mentionne l’âge, la faiblesse et la fortune ; Q uintilien les causes, le temps et le lieu.

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le dieu, précise le Servius Danielis, tandis que l’état de faiblesse d’Anchise, dont se sert Macrobe pour illustrer la debilitas, est souligné ad Aen. 2, 647 et 649 sans que le scholiaste ne l’associe explicitement au pathos ou à la miseratio. Il est remarquable cependant que l’auteur de la scholie additionnelle glose inutilis précisément par debilis et emploie le même terme dans la scholie suivante. Les errances d’Énée se prêtent aisément à l’appel à la pitié par l’évocation du lieu et du temps, ce dont Vénus ne se prive dans presque aucun de ses discours, et le héros lui-même tente d’émouvoir Didon au chant 6 en montrant qu’il a même été contraint de descendre aux enfers, ce que le scholiaste rapproche toutefois plus de la démonstration que de la miseratio (ad Aen.  6,  461). En vérité, le commentaire servien n’insiste guère sur ces aspects dans les discours amoureux. Il en va de même pour les points évoqués au chapitre 4 des Saturnales : Macrobe y aborde les causes, le mode et la matière. Le premier de cette liste est explicité à plusieurs reprises dans les passages de notre corpus, mais si le Servius Danielis annonce dès l’abord, ad Aen. 1, 229, que l’intention de Vénus est de persuader Jupiter d’aider les Troyens, parce qu’ils sont injustement traités par Junon, le commentaire n’insiste aucunement sur une recherche de pathos. Il en va de même lorsque la mère d’Énée s’adresse à son fils Cupidon (ad Aen. 1, 664) ou son époux Vulcain (ad Aen. 8, 384) : Didon retient le héros troyen, les peuples s’assemblent contre lui, mais le Servius Danielis présente ses causes comme un moyen de persuasion plutôt qu’une possibilité de générer l’émotion. Ad Aen. 8, 380, la version longue du commentaire associe tout de même une autre cause à la miseratio, lorsque Vénus déclare que l’infortune d’Énée l’a touchée. Q uant au mode et à la matière, laquelle n’est guère développée dans les Saturnales, ils n’entraînent pas de remarques en lien avec le pathos chez Servius. 2.4. Arguments, etc. Macrobe s’intéresse ensuite aux arguments et termine par différents procédés épars, qui ne font pas l’objet d’un véritable classement. Si le commentaire servien ne reprend pas la terminologie des Saturnales, il souligne cependant l’utilisation d’arguments a simili, a maiore, a minore et praeter spem sans les nommer. 207

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Lorsque Vénus rappelle qu’Anténor a réussi pour sa part à échapper au danger et à s’établir loin de sa patrie, Servius, ad Aen. 1, 242, se livre à une analyse pour le moins surprenante : il indique que Virgile a choisi cet exemple entre plusieurs autres Troyens, parce qu’il ne veut pas que l’on considère que l’infortune d’Énée est une conséquence de sa trahison. ‘Il a donc choisi un personnage similaire’ 22, écrit le scholiaste, puisque, selon Tite-Live, Anténor et Énée auraient tous deux trahi leur patrie. Il ajoute que l’on peut suivre Sisenna qui affirme que seul Anténor est un traître, ce qui renforce la valeur de l’exemple et l’indignatio : ‘si un traître est roi, pourquoi un homme pieux errerait-il ?’ 23. Le lecteur de Servius est tellement habitué à ce qu’il tente de justifier par tous les moyens les actions d’Énée que grande est sa surprise lorsqu’il découvre ce passage qui mentionne la trahison du héros – que l’on ne trouve d’ailleurs pas vraiment chez Tite-Live, même si l’historien indique qu’Anténor et Énée souhaitaient tous deux rendre Hélène et faire la paix avec les Grecs (1, 1). Trois autres arguments a simili s’avèrent moins surprenants  : Servius explique, ad Aen.  8,  383, que Vénus prend l’exemple de Thétis, fille de Nérée comme elle est fille de Jupiter, ou d’Aurore, épouse de Tithon comme elle l’est de Vulcain. Ainsi que l’écrit Macrobe, il serait cruel de refuser à sa femme ce qui a été accordé à d’autres. Un nouvel exemple intervient dans le discours d’Énée à Didon (ad Aen. 4, 347), lorsqu’il lui rappelle qu’elle aussi se plaît dans un royaume étranger. Le Servius Danielis glose en effet : ‘si toi, qui venais de Phénicie, tu as pu avoir le séjour de Carthage, en Afrique, pourquoi refuser que les Troyens puissent avoir leur propre séjour ?’ 24. Mais l’argument ne porte guère et ne peut provoquer la miseratio recherchée. Un dernier passage offre une interprétation inattendue : ad Aen.  4,  327, Servius indique qu’il faut voir dans saltem (‘à tout le moins’) un mot utilisé par les prisonniers de guerre s’adressant à l’ennemi : ‘prends-moi tout, mais accorde-moi la vie (salutem)’ 25. Selon le scholiaste, Didon se présenterait comme une pri  Elegit ergo similem personam.   si regnat proditor, cur pius uagatur ? 24  si tu ex Phoenice ueniens Carthaginem in Africa habere potuisti, quae inuidia est ut propriam sedem possint habere Troiani ? 25   sublatis omnibus, salutem concede. 22 23

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sonnière livrée à l’ennemi, implorant pour sa vie, ce qui semble être une interprétation audacieuse, mais non dépourvue de sens. Les arguments  a  minore et  a  maiore sont moins nombreux. Servius, ad Aen.  6,  461, souligne l’argumentation d’Énée, qui montre que non seulement il  a  été contraint de quitter Didon, mais qu’il a dû, bien plus, descendre aux enfers. Il s’agit, comme nous l’avons dit, de chercher  à  émouvoir l’ombre de la femme abandonnée. On trouve également la mise en évidence du même argument praeter rem que celui de Macrobe au chapitre 6, sans que cette expression soit utilisée  : la miseratio est recherchée en insistant sur le fait que l’on a été trompé dans ses attentes. Ainsi en va-t-il quand Didon affirme à sa sœur que, si elle s’était doutée du départ du héros, elle ne l’aurait pas tant aimé (ad Aen. 4, 419). Parmi l’énumération de procédés divers qui viennent clore, pêle-mêle, l’exposé macrobien sur le pathos, on retrouve des éléments que nous avons relevés plus haut chez Servius, comme la mise en évidence de la similitude des sentiments – Didon et Énée ont un parcours et des souffrances en commun –, l’exclamation et l’obiurgatio, qui consiste à réfuter son adversaire en utilisant ses propres mots. Même si l’on ne connaît pas l’origine de l’exposé de Macrobe, les parallèles avec le commentaire servien sont nombreux, mais il est notable que les exemples ne se recoupent pas si fréquemment. On ne peut donc parler de source commune ou, si tel est le cas, les deux auteurs se sont véritablement réapproprié cet écrit selon leur centre d’intérêt. Pour Macrobe, il s’agit de souligner la maîtrise de Virgile orateur et ainsi amorcer la question du livre suivant –  faut-il étudier la rhétorique par le biais du poète ou de Cicéron ? –, tandis que Servius offre une vision plus large des talents de l’auteur de l’Énéide.

3. Une attention particulière accordée à l’amour dans le commentaire servien Il est difficile de pousser plus loin la comparaison entre Macrobe et le commentaire servien, du fait du caractère lacunaire du premier, mais l’on peut néanmoins remarquer  à  quel point ce thème de l’amour est approfondi dans le second. On trouve ainsi d’autres aspects susceptibles de générer ou renforcer l’émotion. 209

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3.1. Les liens de parenté Dans le commentaire des discours de notre corpus, où les personnages en présence sont liés par un sentiment fort, une grande importance est accordée à l’adresse ou à l’expression de la parenté. Ainsi, lorsque Virgile écrit exterrita mater (8, 370), Servius glose en insistant bien sur le rapport de cause à effet : ‘effrayée, parce qu’elle est mère’ (ideo territa, quia mater). La verbalisation du lien de parenté est clairement identifiée comme un moyen de gagner la bienveillance de son interlocuteur : le nate (‘enfant’) que Vénus adresse à son fils Cupidon fait partie des procédés mis en évidence dans le Servius Danielis (ad Aen. 1, 664) pour gagner sa beniuolentia ‘du fait de la très grande douceur du terme’ (ab indulgentissimo nomine) et la même version du commentaire indique que, lié à parens dans le discours de Cybèle à Jupiter, ad Aen. 9, 82, le terme accroît encore la charge émotive. Le lien qui unit le père ou la mère à l’enfant est de fait sans cesse souligné, voire magnifié : Servius explique ainsi, ad Aen. 1, 261, que Jupiter ne peut que dire la vérité à sa fille Vénus, affligée, alors qu’il tiendra un autre discours lors de l’assemblée des dieux. Cette remarque montre bien que, dans l’esprit du commentateur, cette série d’échanges du chant 10 n’entre pas dans la catégorie de ceux que nous avons liés à l’amour. Il ne s’arrête aucunement sur le tua progenies (‘ta fille’, v. 30) que la déesse adresse à son père, quand partout ailleurs sont analysées ces insistances sur le lien parental. Certes, ce commentaire au livre 1 permet au scholiaste de justifier ce qui pourrait être identifié comme une incohérence, mais le fait qu’il recourt à l’attachement d’un père pour sa fille est significatif de l’attention qu’il porte à ce sujet 26. Le discours qu’Évandre adresse  à  Pallas au chant 8 fait bien entendu l’objet de plusieurs remarques sur l’affection paternelle et, lorsqu’Énée évoque Créuse ‘tendant à son père le petit Iule’ 27, le Servius Danielis salue cette référence familiale. Comme nous l’avons vu plus haut, c’est cependant à l’amour conjugal que Ser26  U.  Tischer, dans le présent volume, note cependant que, contrairement au commentaire servien, Tiberius Donat double le rapport père-fille d’un autre d’ordre hiérarchique, de divinité inférieure à dieu suprême. 27 Virgile, Én. 2, 674 : paruomque patri tendebat Iulum.

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vius s’intéresse dans ce passage. Reste le lien qui unit les frères et sœurs : Vénus ne manque pas de rappeler à Cupidon qu’Énée est son frère (ad Aen. 1, 667), ce que Servius qualifie de conciliatio, une recherche de bienveillance que l’on trouve chez Cicéron (De l’Orateur, 3, 205). Enfin, Anna et Didon recourent l’une et l’autre au nom de soror, terme de parenté ‘si caressant’ qu’il permettrait à la reine de se concilier son interlocutrice au moment de l’aveu (SD, ad Aen. 4, 9) et à Anna de rassurer sa sœur quand elle va lui donner son avis : tout ce que conseille une sœur ne peut qu’être utile (SD, ad Aen. 4, 31). 3.2. Jeu sur les sentiments et recherche d’empathie Parallèlement à cette volonté de souligner le lien familial ou conjugal qui unit les deux interlocuteurs, celui qui prononce le discours peut aussi chercher à convaincre et émouvoir en montrant à quel point ce qu’il demande pour un autre le touche lui-même. C’est Vénus qui excelle dans cet exercice, qu’elle pratique  à  plusieurs reprises selon le commentaire servien. Un premier procédé révélé par Servius réside dans l’emploi des pronoms et déterminants personnels. Ces termes peuvent servir  à  souligner et rappeler le lien parental : ad Aen. 1, 231, le scholiaste indique que filius est sous-entendu dans le meus Aeneas prononcé par Vénus, ce qui permet, ajoute le Servius Danielis, de lier le héros à  Jupiter par l’intermédiaire de la déesse. Jouant sur les sentiments de son père ou de son époux à son égard, elle peut également se servir des pronoms personnels ou déterminants possessifs pour s’associer plus pleinement aux malheurs de son fils : les deux versions du commentaire interprètent le rapprochement nos tua progenies (‘nous, tes enfants’) ad Aen. 1, 250 comme une volonté de s’intégrer au groupe des Troyens ou bien de faire comprendre qu’elle souffre ce que souffre Énée. Ad Aen.  8,  374, le Servius Danielis estime que Vénus suscite l’émotion (pathos fecit) de Vulcain en ajoutant  : ‘contre moi pour la perte des miens’ (in me excidiumque meorum) au v. 386. À cet endroit, le commentaire juge le discours de Vénus habile, puisque celle-ci explique que si Vulcain ne forge pas d’armes pour Énée, elle sera à nouveau blessée. Le grammaticus insiste d’ailleurs sur la force du pronom et sa valeur emphatique lorsqu’il est placé en position d’attaque dans la réponse 211

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d’Énée à son père qui refuse de fuir Troie, ad Aen. 2, 657 : mene en tête de phrase souligne la grande piété du fils. La recherche d’empathie passe de plus par les interjections et exclamations exprimant la douleur, comme infandum (‘misère !’) ad Aen.  1,  251, les marques d’oralité 28 signifiant le trouble et l’émotion du locuteur (syncope ad Aen. 1, 249 ; breuitas dans le discours de Cybèle  à  Jupiter ad Aen.  9,  91) ou l’expression des sentiments de façon plus générale. Didon fait ainsi part  à  Énée de son désespoir quand elle lui annonce que son départ va provoquer sa mort, ce que le Servius Danielis associe ad Aen. 4, 323 à un appel à la pitié (per miserationem) 29. C’est dans la même scholie que le grammaticus rapporte que Virgile lut ‘d’une manière extrêmement pathétique’ (ingenti adfectu) ces vers en présence d’Auguste. Énée va également chercher à toucher Didon par l’évocation, encore une fois, des liens familiaux  : les deux versions du commentaire, ad Aen. 4, 354, insistent sur le fait que le héros tente de renforcer le caractère inéluctable de son départ en mentionnant les reproches de l’ombre de son père et la seule vue de son fils Ascagne. Son attachement  à  ses ascendant et descendant est présenté par les commentateurs comme un moyen d’émouvoir la reine. Enfin, Didon va,  à  plusieurs reprises, montrer que ce qu’elle réclame est tout aussi bénéfique pour Énée : ad Aen. 4, 309 et 310, les deux versions comprennent qu’elle suggère à l’homme qu’elle aime de différer son départ pour bénéficier de vents plus favorables. Plus haut, ad Aen. 4, 305, Servius jugeait que le discours de la reine était habile, puisqu’elle défend son intérêt en feignant de livrer des recommandations utiles à celui qui souhaite la quitter. 3.3. Retenue et discours ‘oblique’ 30 Le respect et l’affection que les personnages se portent les conduisent souvent à user d’une certaine retenue afin de ne pas 28   Sur les marques d’oralité comme expression de l’émotion, voir Harrison 2010, en particulier p. 267. 29  Cicéron offre une liste des différents procédés permettant l’appel à la pitié dans De l’Invention (1, 106-110). 30  Pour une présentation détaillée de la théorie antique sur la communication indirecte, voir la 1e partie de l’article d’U. Tischer dans le présent volume.

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heurter les sentiments de l’être aimé, toujours selon les commentateurs serviens. Jupiter, pour ne pas blesser sa fille Vénus, évoquerait ainsi  à  mots couverts la mort d’Énée (ad Aen.  1,  267) selon Servius et, ‘suivant la rhétorique’ (rhetorice), le dieu compterait le temps en saisons et non en années afin de ne pas sembler réduire la période de règne du héros (ad Aen. 1, 265). De la même façon, le Servius Danielis estime que le début du discours de Vénus à Vulcain est placé sous le signe de la retenue, puisqu’elle demande tout de même à son époux de fournir des armes à son fils né d’un adultère. Anna, qui veut amoindrir le sentiment de culpabilité que sa sœur éprouve à l’égard de son défunt mari, évoque avec bonheur, pour Servius, les cendres et non l’âme de Sychée en une même volonté d’atténuation, ad Aen. 4, 34. Cette précaution rhétorique est également présentée comme telle ad Aen. 4, 9 et 23 quand Didon nuance ses propos afin d’évoquer son amour pour Énée à sa sœur. Il ne s’agit donc plus de ménager son interlocuteur, mais de se le concilier, comme lorsque Vénus choisit de ne pas nommer Junon ad Aen. 1, 674 pour ‘ne pas effrayer Cupidon en rappelant souvent la déesse à son souvenir’ (ne eius frequenti commemoratione Cupidinem terreat). Il peut arriver que celui qui prononce le discours use au contraire de l’exagération pour effrayer et persuader l’être aimé dans son propre intérêt : pour convaincre son père de fuir Troie, Énée cherche à faire peur à celui qui ne craint pas la mort, nous dit Servius ad Aen. 2, 663 ; Anna amplifie la menace que constituent les peuplades entourant le royaume de sa sœur, dans son désir de l’encourager à poursuivre ses amours avec le héros troyen, ad Aen. 4, 40 et 42. De même, Didon, pour retenir Énée, va accentuer les dangers qu’il court sur mer, ad Aen. 4, 309 et 310, mais elle va user d’un autre moyen pour lui faire peur, procédé que nous avons mentionné plus haut, la concessio (ad Aen. 4, 381) 31. Rappelons que la reine invite son amant  à  partir pour l’Italie, mais en faisant mention des dangers qu’il court, afin de le terroriser, nous expliquent les commentaires serviens. S’ils font donc entendre qu’il s’agit là de l’expression de l’amour de Didon, qui souhaite faire comprendre à Énée qu’elle pense le contraire de ce 31  Le même procédé est  évoqué, sans qu’il soit toutefois nommé, ad Aen. 2, 663, dans le discours d’Énée à Anchise.

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qu’elle dit, Tiberius Donat pour sa part voit un double sens dans ces paroles : il offre la même explication que celle de Servius, mais propose de comprendre également que Didon pense réellement ce qu’elle dit sous l’effet de la colère et qu’elle souhaite que le héros se trouve en danger dans un esprit de vengeance. Parler ainsi de façon détournée a été étudié par Consultus Fortunatianus, un contemporain de Servius, dans son Ars rhetorica : parmi les différents ductus, c’est-à-dire la manière de s’exprimer qui donne sa coloration au discours, figure l’obliquus, que l’on utilise quand on redoute de dire avec franchise ce que l’on pense. I. Torzi 32 a noté que Servius n’utilise pas exactement la terminologie de Fortunatianus, que l’on découvre pourtant chez Martianus Capella. Le scholiaste utilise le terme d’oblique sans que le locuteur éprouve une quelconque peur  à  ce moment du discours et signifie plus largement ‘façon indirecte de s’exprimer’. On lit ainsi cet adverbe lorsque Vénus, s’adressant à Jupiter ad Aen. 1, 248, ne nomme pas Junon comme source des malheurs d’Énée par égard pour son père, ce que comprend fort bien celui-ci 33 qui rit, selon le Servius Danielis, de ce discours ‘oblique’. Torzi 34 rappelle que, pour Tiberius Donat, Vénus parle ainsi non pas tant par amour et respect pour son père qu’afin de se concilier Jupiter et obtenir ce qu’elle souhaite. On voit bien que les liens parentaux priment dans le commentaire servien. Le discours d’Anchise est également considéré comme ‘oblique’ par le grammaticus, lorsque le vieil homme refuse de quitter Troie et de suivre son fils, ad Aen. 2,  638. Le Servius Danielis le qualifie de rhetorica suasio, la question reposant sur la légitimité du départ. Ce refus obstiné aurait une raison cachée, lit-on dans la version originale du commentaire  : Anchise plaide ouvertement pour une chose, à savoir rester, mais en souhaite une autre. Il s’agirait de signifier l’extrême piété d’Énée, que ce refus bouleverse. Encore une fois, il n’est pas question de mettre à jour une duplicité, comme ce pourrait être le cas dans d’autres discours   Torzi 2014, p. 202.   Sur les différences d’interprétation du passage entre Servius, le Servius Danielis et Tiberius Donat, voir l’article d’U.  Tischer dans le présent volume (sous-partie 2.2). 34  Torzi 2014, p. 206. 32 33

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que ceux de notre corpus, mais lorsque des liens affectifs sont en jeu, Servius ne propose qu’une immense considération de l’autre. Le cas de Vénus s’adressant  à  Vulcain est plus délicat  : il lui faut, certes, ménager son époux afin d’obtenir ce qu’elle souhaite pour un fils adultérin, mais le scholiaste ne condamne pas son attitude et ne remet pas en question l’affection et le respect qu’elle affiche. Ad Aen.  8,  379, il souligne qu’elle voile certains points avec dignité, et non avec duplicité ; ad Aen. 8, 382, quand Vénus invoque la puissance divine sanctum (‘qui m’est sainte’) de Vulcain, le commentateur ne relève aucune ironie, aucune inrisio. Les relations parentales et conjugales semblent exonérer les personnages de toute malignité, même si le but reste bien de persuader.

4. L’organisation des discours selon les préceptes de la rhétorique 4.1. Suasoires et controverses Comme le note J.-Y.  Guillaumin 35, les commentaires accordent une importance particulière aux discours des livres 4 et 10, car on y trouve des réponses, finalement assez rares dans l’Énéide, ce qui permet de les considérer comme de véritables modèles de controverse. Le discours d’Anna, qui répond à celui de Didon, est ainsi présenté comme une ‘suasoire complète’ (ad Aen. 4, 31 : suasoria plena pour Servius, rhetorica suasio plena pour le Servius Danielis), avec toutes ses parties : ‘elle balaie les objections, elle montre l’utilité, elle dissuade de la crainte’ (nam et purgat obiecta, et ostendit utilitatem, et a timore persuadet). Cela correspond à peu près aux trois parties du genre telles qu’elles apparaissent chez Q uintilien (Institution oratoire, 3,  8,  22  : l’honnête, l’utile, le nécessaire), reprises de façon littérale ad Aen. 6, 103 : honestum, utile, necessarium. Si l’on peut lire ailleurs ce terme de ‘suasoire’, il ne génère aucune analyse détaillée de son organisation, ni ad Aen. 2, 288 ni ad Aen. 2, 638, où seule la question mise en délibération par Anchise, faut-il fuir Troie ou non, est explicitée. Le discours d’Anna fait au   Guillaumin 2019, p. xxii.

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contraire l’objet d’un examen précis de son plan, du moins dans le Servius Danielis 36. Il est cependant notable qu’après cette étude synthétique, seule demeure une mise en évidence de procédés rhétoriques mêlés à des remarques abordant des domaines très variés. Il n’en va pas de même pour la réponse d’Énée à Didon, qualifiée cette fois de ‘controverse complète’ (controuersia plena, ad Aen. 4, 333). Une première scholie, d’origine servienne, délivre le plan général du discours en s’appuyant sur un vocabulaire technique, puisqu’y sont évoqués la purgatio ‘excuse’, que Cicéron définit comme l’aveu de l’acte, mais le refus de sa responsabilité (De l’Invention, 1, 15), l’état d’excuse (status uenialis) et de définition 37. Dans la suite du commentaire, on trouve dans les deux versions des sortes de jalons qui viennent souligner le passage d’une partie du discours à une autre : ainsi, ad Aen. 4, 337, ‘après avoir rejeté l’accusation d’ingratitude, il en vient à la cause’ (remoto ingrati crimine descendit ad causam). Tout n’est cependant pas explicité, loin de là, puisque le Servius Danielis identifie ad Aen. 4, 340 une refutatio, quatrième partie du genre judiciaire selon Q uintilien 38, sans que les autres soient clairement identifiées, à part le début et la fin. Le discours de Vénus  à  Cupidon bénéficie également d’une étude fine de sa composition en une longue scholie synthétique du Servius Danielis, ad Aen.  1,  664. On y présente la captatio beneuolentiae de l’introduction, l’objet de la requête, le bénéficiaire, l’adversaire, la cause,  etc. Cette présentation ne s’appuie pas sur un vocabulaire technique ni sur des références cicéroniennes comme on en rencontre de temps à autre. Le commentateur renvoie cependant au discours d’Éole, auquel il a consacré une réflexion sur la structure d’une requête ad Aen. 1, 65. Servius déclare que toutes celles que l’on trouve dans l’Énéide respectent les éléments rhétoriques suivants : capacité de la personne à qui l’on s’adresse à l’exécuter, légitimité de son objet, mode d’action et récompense.   Pour une étude de ce discours, voir Guillaumin 2019, p. xxiii.   Pour les références aux différents ouvrages de rhétorique antique de cette scholie, voir Guillaumin 2019, p. 362-363, notes 1 à 4. 38  Référence indiquée en note par Guillaumin 2019 : Q uintilien, Institution oratoire, 3, 9, 1. Le discours judiciaire serait constitué d’un exorde, une narratio, une probatio, une refutatio et enfin une péroraison. 36 37

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4.2. Macro et microstructures Semblable référence au discours d’Éole se lit dans le commentaire de la réponse de Jupiter à Vénus, mais il ne s’agit pas de renvoyer à son organisation même. Le Servius Danielis souligne seulement que le dieu suprême reprend point par point les éléments du discours de Vénus, comme Éole l’a fait dans sa réponse à Junon. Q uant au grammaticus, s’il place d’emblée ce passage sur le plan juridique, il ne s’intéresse qu’à sa forme générale en deux parties (ad Aen. 1, 257 et 286) : Jupiter se disculpe des accusations de sa fille et lui fait une promesse. Si le Servius Danielis salue l’efficacité de l’exorde d’Évandre s’adressant à son fils Pallas, la version originale du commentaire se contente de distinguer là encore les deux grandes parties du discours, la première présentant l’homme courageux qu’il fut, la seconde son affection paternelle (ad Aen. 8, 561 et 572). Le scholiaste n’entrera pas plus dans les détails, un peu comme lors de la requête de Vénus pour obtenir des armes pour Énée : cette fois, nulle référence au discours d’Éole, mais la mention d’une inversion de l’ordre habituel de la construction dans le Servius Danielis ad Aen.  8,  374. Le grammaticus s’attarde davantage sur le long préambule, dans des termes qui rappellent ce qu’écrit Cicéron à propos de l’exorde indirect : quand un exorde cherche à rendre bienveillant son auditeur, il peut être utile d’avancer de façon détournée s’il se montre hostile ou si la cause comporte des aspects répréhensibles 39. C’est bien le cas ici, puisque le scholiaste s’arrête longuement sur ce problème de demande pour un fils adultérin. Il prend également en considération des éléments connexes : moment de la prononciation du discours, état de soumission de Vulcain à son épouse préalablement acquis, manifestations physiques de l’amour. Si le passage est qualifié de suasoire, l’organisation précise du discours n’est pas abordée, pas plus que celle des deux que Didon adresse  à  Énée  : son habileté est soulignée par Servius (ad Aen. 4, 305) sans autre analyse globale. De même que l’exorde était particulièrement examiné dans la version longue du commentaire, la suite ne s’arrêtera que sur ce qui peut servir de 39 Cicéron, De l’Invention, 1, 20-24. Voir également la Rhétorique à Herennius, 1, 9.

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péroraison (ad Aen. 4, 314) : il ne s’agit que d’observer des éléments épars du discours. Fréquemment, les commentateurs vont louer la dispositio de sous-parties, comme dans le Servius Danielis ad Aen. 4, 12 pour l’ordre de l’éloge d’Énée et ad Aen.  4,  22 pour la gradation de l’évocation de l’amour et de son emprise sur Didon. Il est indéniable que les deux versions du commentaire s’intéressent de façon importante à la rhétorique et à l’art oratoire tout au long de leur étude de l’Énéide, mais d’une manière quelque peu différente : la version longue vient bien entendu compléter et enrichir la première, mais s’attache à fournir à quelques occasions de longues analyses synthétiques au début de quelques discours, études de macrostructures qui s’éloignent de l’examen plus pointilliste de Servius.

Conclusion : Servius, Virgile, la rhétorique et l’amour Si l’on considère l’ensemble des discours de notre corpus, on s’aperçoit qu’ils ne font que rarement l’objet d’une étude précise de leur organisation rhétorique, laquelle n’apparaît quasiment que dans le Servius Danielis. Comme c’est le cas néanmoins pour trois d’entre eux, on ne peut justifier ce point par la forme fragmentée du commentaire grammatical. La raison en est sans doute que ces discours empreints d’émotion, de recherche de pathos échappent de ce fait aux schémas traditionnels de suasoires ou controverses tels qu’ils figurent dans les manuels de rhétorique. La lecture que l’on peut en faire dans l’ouvrage de Sénèque le rhéteur est éclairante. Virgile, qui connaît de façon manifeste les règles du discours rhétorique, préfère s’en affranchir quand l’amour intervient. Il est révélateur que le personnage qui maîtrise le plus ses émotions, Énée, est celui qui offre le discours le plus conforme aux normes oratoires, au contraire de Didon, dominée par la passion. Servius se montre conscient que, si les échanges des personnages abondent en procédés rhétoriques, ceux qui sont placés sous le signe du sentiment ne peuvent obéir à des formes fixes et figées, mais suivent les sentiments et les émotions des locuteurs. La façon dont le commentaire met en évidence le pathos est de plus révélateur de la conception de l’amour chez les auteurs, puisque des différences sont visibles entre les deux versions, prin218

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cipalement en ce qui concerne le personnage de Didon. Tout d’abord, la forme d’amour la plus exaltée, aussi bien chez le poète que dans les scholies serviennes, est celle qui unit un parent à son enfant. Le commentaire ne cesse d’insister sur l’attachement parental, la pietas des enfants en étudiant les procédés rhétoriques dont a usé le poète pour les mettre en valeur. Le personnage de Vénus apparaît avant tout comme un être qui souffre des malheurs de son fils. Ses larmes, son émotion, sa terreur sont continûment soulignées dans les commentaires. On note également un certain respect pour l’épouse dans le passage pourtant délicat où elle réclame des armes à Vulcain. Plus encore que dans la version longue, Servius ne s’arrête aucunement sur la duplicité de la déesse. C’est à la fois son discours, certes rusé, et sa beauté sensuelle qui lui permettent d’obtenir gain de cause, contrairement  à  ce qu’affirment certains critiques contemporains 40. S’il admet que Vulcain, encore hésitant, cède sous l’effet de son étreinte (ad Aen. 8, 388), il ne condamne pas la relation sexuelle qui s’ensuit, en accepte la connotation dans le passage, contrairement aux deux commentateurs cités qui proposent une autre lecture pour éviter un ‘sens obscène’ (sensum cacenphaton, ad Aen. 8, 406). L’amour conjugal est donc placé, davantage encore pour Servius, du côté du respectable. Cela apparaît nettement lorsqu’il est opposé au sentiment que Didon éprouve pour Énée : Servius écrit que la reine confesse une chose déshonorante, son amour pour le héros troyen, sous couvert d’une autre honorable, l’amour conjugal (ad Aen. 4, 23). Si le grammaticus finit par condamner la passion de Didon et ses excès, il se montre cependant mesuré dans son jugement : il glose ainsi ad Aen. 4, 17 ‘premier amour’ par ‘mari’, soulignant cette union qu’il respecte manifestement au plus haut point. On ne trouve pas une telle tolérance dans le Servius Danielis : lorsque la version originale souligne simplement la façon dont Didon masque son amour par l’évocation d’un lien conjugal, un ajout indique que ‘c’eût été parler comme une courtisane que de dire : “je suis tombée amoureuse d’Énée”’ (nam erat meretricium dicere ‘in amorem Aeneae incidi’). De même, lorsqu’elle termine son discours  à  sa 40  Smolenaars 2004, p. 99 : la pourtant brillante suasoire de Vénus serait un échec et son succès ne tiendrait qu’à ses charmes physiques et érotiques.

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sœur Anna en larmes, Servius comprend, ad Aen. 4, 30, que c’est l’évocation de son défunt époux qui les a provoquées, quand une scholie additionnelle y voit au contraire de la duplicité, puisque la reine pleurerait en vérité sur son amour pour Énée. Si l’examen comparé de la façon dont les deux versions du commentaire interprètent les procédés rhétoriques met en évidence la compassion de Servius  à  l’égard de la reine, voire une certaine admiration pour sa force au livre 1 41, le but principal du scholiaste reste de justifier le comportement d’Énée, et, derrière cela, les choix du poète. Cela nous permet de mieux comprendre l’évolution du regard porté sur la reine au fil du commentaire, qui la condamne plus violemment à mesure que la rupture avec le héros s’approche. Les deux versions n’ont de cesse de montrer que le mariage revendiqué par Didon n’a pas eu lieu en invoquant le droit aussi bien que les signes célestes : le tonnerre qui a grondé lors de l’union des deux amants dans la grotte aurait annulé de fait leur mariage (ad Aen. 4, 103 et 339). Servius fait donc fi des précautions qu’avait prises Virgile pour éloigner Didon des stéréotypes carthaginois 42. Reste l’amour qui unit les deux sœurs  : Servius loue certes cet attachement, comme nous l’avons constaté dans l’étude des adresses, mais il voit cependant en Anna une ‘complice’ (unanimem, ad Aen. 4, 8), à qui il attribue une certaine responsabilité dans le malheur de sa sœur, puisqu’elle l’a encouragée à donner libre cours à son amour. Si le Servius Danielis semble plus prompt  à  identifier Virgile à un maître de rhétorique, en mettant en évidence une certaine conformité de l’organisation des discours avec les schémas préétablis, le grammaticus offre indéniablement une image plus nuancée et sensible. Loin de chercher à reconnaître dans les discours un plan imposé par les règles oratoires, il met en valeur les nombreux procédés qui permettent d’accentuer le pathos, la force du lien conjugal ou parental et se garde de condamner d’emblée la malheureuse Didon victime de sa passion. 41  Voir, par exemple, ad Aen. 1, 507, où Servius mentionne un éloge de Didon dont il ne conteste nullement la légitimité. 42  Voir sur ce sujet Starks 1999  : on y voit notamment comment Virgile n’évoque pas la ruse de Didon qui a joué sur l’étendue réelle de la peau de taureau lorsque Iarbas se plaint d’elle, alors que Servius ne manque pas de l’expliciter. Il en va de même pour le vol de l’or à Pygmalion.

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Bibliographie Baudou – Clément-Tarantino 2015  = Alban Baudou – Séverine Clément-Tarantino, Servius. À  l’école de Virgile. Commentaire à l’Énéide Livre 1, Villeneuve-d’Ascq. Canetta 2015 = Isabella Canetta, ‘Macrobius and Servius. Commenting Strategies in Comparison’, in Culture and Literature in Latin Late Antiquity. Continuities and Discontinuities, P.  F. Moretti – R. Ricci – C. Torre (eds.), Turnhout, p. 325-334. Guillaumin 2019 = Jean-Yves Guillaumin, Servius. Commentaire sur l’Énéide de Virgile, Livre IV, Paris. Goldlust 2010 = Benjamin Goldlust, Rhétorique et poétique de Macrobe dans les Saturnales, Turnhout. Harrison 2010 = Stephen J. Harrison, ‘Sermones deorum : divine discourse in Virgil’s Aeneid’, in Colloquial and Literary Latin, E. Dickey – A. Chahoud (eds.), Cambridge, p. 266-278. Highet 1972 = Gilbert Highet, The Speeches in Vergil’s Aeneid, Princeton. Holtz 1979  = Louis Holtz, ‘Grammairiens et rhéteurs romains en concurrence pour l’enseignement des figures de rhétorique’, in Colloque sur la rhétorique. Calliope  I, R.  Chevallier (éd.), Paris, p. 207-220. Jeunet-Mancy 2012 = Emmanuelle Jeunet-Mancy, Servius. Commentaire sur l’Énéide de Virgile, Livre VI, Paris. Joly 1979  = Denise Joly, ‘Rhétorique et poésie d’après l’Institution oratoire’, in Colloque sur la rhétorique. Calliope  I, R.  Chevallier (éd.), Paris, p. 101-113. Peirano Garrison 2019 = Irene Peirano Garrison, Persuasion, Rhetoric, and Roman Poetry, Cambridge. Pirenne-Delforge 1991  = Vinciane Pirenne-Delforge, ‘Le culte de la persuasion. Peithô en Grèce ancienne’, RHR, 208, p. 395-413. Sihler 1906  = Ernest G. Sihler, ‘Servius the Commentator  of   the Aeneid and Some of  His Predecessors, Part II’, The New York Latin Leaflet, 144, p. 1-3. Smolenaars 2004 = Johannes Jacobus Louis Smolenaars, ‘A Disturbing Scene from the Marriage of  Venus and Vulcan: Aeneid 8.370-415’, Vergilius, 50, p. 96-107. Starks 1999 = John H. Starks, ‘Fides Aeneia: The Transference of  Punic Stereotypes in the Aeneid’, CJ, 94, p. 255-283. 221

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Torzi 2014 = Ilaria Torzi, ‘Esegesi virgiliana tardoantica ed inferenza: ductus, oblique, latenter’, Aevum, 88, p. 195-224. Veyne 2012 = Paul Veyne, Virgile. L’Énéide, Paris. Walker 2000  = Jeffrey Walker, Rhetoric and Poetics in Antiquity, Oxford.

Abstract According to ancient writers, Virgil was known as an expert on rhetoric, to the extent that his poems could almost be used as handbooks for rhetor’s students, as  a  barely joking Macrobius suggested. What was the Servian position on that matter? This paper highlights the Virgilian discourses related to love in all its forms (filial, parental, sisterly, marital, or illegitimate affection), and the way Servius talks about rhetorical patterns. We’ll consider the Servian point  of   view about the role of  passion, the expression of  feelings within those discourses, and we’ll determine if he tries to recognize the rhetorical structure and features as they appear in handbooks. Furthermore, we’ll look at the real differences of  perception about rhetoric matter, but also love between Servius and Servius Danielis.

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1. Molti dei discorsi divinatori e profetici dell’Eneide si concentrano nel libro III 1,  e  scandiscono l’odissea dei Troiani verso l’Italia. La peculiarità di questo libro  è  di costituire, assieme al libro II, un discorso pronunciato da Enea, nella corte di Didone in cui è stato accolto nel libro I. Servio è attento a questa circostanza, e quindi al carattere ‘drammatico’ che assumono questi due libri, in relazione alla tipologia dei characteres che espliciterà nel commento alle Bucoliche 2. Già nel finale del libro I egli avverte che l’esposizione di Enea seguirà l’ordine delle domande di Didone: responsio hunc ordinem sequitur, nam primo dicit Troiae ruinam, post errores suos (ad Aen. 1,  755, ‘la risposta segue quest’ordine, infatti parla prima della caduta di Troia, poi delle proprie peripezie’); nella prefazione del commento al libro III la configurazione di questa parte del poema è ricordata per la sconnessione fra l’ordine narrativo e quello cronologico che la narrazione di Enea comporta (3 praef.: ordine […] commutato). La lunga narrazione di Enea costituisce quindi, nella prospettiva di Servio, un’orazione. Essa presenta tratti del genere giudiziario, in quanto uno degli obiettivi che Servio individua nel discorso di Enea è la difesa, dei   Elenco in Highet 1972, p. 97.   La classificazione dei characteres (sulla denominazione cfr. Stok 2016-2017, p. 232) è esposta da Servio in ad ecl. 3, 1: unum, in quo tantum poeta loquitur […], alium dramaticum, in quo nusquam poeta loquitur […], tertium mixtum, ut est in Aeneide: nam et poeta illic et introductae personae loquuntur (‘il primo è quello in cui parla soltanto il poeta […], il secondo è quello “drammatico”, nel quale il poeta non parla mai […], il terzo è “misto”, come nell’Eneide: in esso parlano infatti sia il poeta sia i personaggi da lui introdotti’). 1 2

Vergilius orator. Lire et commenter les discours de l’ Énéide dans l’Antiquité tardive, éd. par Daniel Vallat, STTA 20 DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.128631 (Turnhout 2022), pp. 223-250    ©             

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Troiani per essere stati sconfitti, e di se stesso per le accuse del tradimento che la tradizione gli attribuiva: fracti bello in hoc libro duplex intentio est: ne vel Troiae quod victa est, vel Aeneae turpe videatur esse quod fugit (ad Aen. 2, 13). ‘dalla guerra spezzati il duplice intento di questo libro è di non far sembrare vergognoso il fatto che Troia sia stata vinta e che Enea sia fuggito.’

Il primo obiettivo è esplicitato in termini giudiziari dal Danielino (bene defendit causam suorum, quod in bello non impares fuerunt, ‘difende egregiamente la causa dei suoi, che nella battaglia non furono inferiori’), mentre il tema della fuga è ricorrente nel commento serviano, che contesta  a  più riprese una tradizione storiografica (nello scolio ad Aen. 1, 242 in particolare Sisenna) che doveva aver avuto una certa risonanza nella tradizione esegetica 3. Un’altra dimensione che Servio esplora nel commentare il discorso di Enea è quella che riguarda l’interlocuzione dell’eroe con Didone. Uno degli obiettivi che Enea persegue, infatti, è quello di essere accolto ed ospitato dalla regina. In un paio di occasioni Servio segnala come questo obiettivo condizioni la narrazione. Nella nota su auri sacra fames (‘fame esecranda’ 4) (3, 57), dopo aver osservato che ‘l’espressione allude ad un uso gallico’ (tractus est autem sermo ex more Gallorum) descritto da Petronio in un episodio (perduto) del Satyricon, Servio osserva che il tema dell’avi­dità era funzionale alla strategia discorsiva di Enea nei confronti di Didone: sane sciendum, latenter Aeneam hoc agere, ut Troianos Didoni ex infelicitatis similitudine commendet: nam et eius marito auri causa intulit necem (ad Aen. 3, 57). ‘è bene sapere che Enea qui agisce in modo nascosto, per raccomandare a Didone i Troiani facendo leva sull’analogia della loro sventura: a causa dell’oro, infatti, lei subì la morte del marito’.   Cfr. Clément-Tarantino 2011, p. 114-115.   Q ui e oltre le traduzioni del testo virgiliano sono di Alessandro Fo (2012).

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L’episodio di Polidoro, e della bramosia di ricchezza che porta alla sua morte, sarebbe quindi stato sviluppato da Enea in quanto presentava analogie con la vicenda di cui Didone era stata vittima, ad opera del fratello Pigmalione. Commuovere, in questo caso evocando una vicenda personale della regina, era una delle finalità usuali dell’oratoria. Un’interlocuzione diretta con Didone è segnalata da Servio in corrispondenza di 2, 655, dove Enea afferma la propria intenzione di morire combattendo con i Greci: rursus in arma feror mortemque miserrimus opto (‘sono trascinato di nuovo alle armi e la morte, sconvolto, bramo’). Servio immagina una reazione di Didone  a  queste parole, che avrebbe spinto Enea  a  spiegare la sua decisione nel verso successivo, nam quod consilium aut quae iam fortuna dabatur? (‘e infatti che scelta, ormai, o quale sorte si offriva?’): nam q uod consilium quasi vetuerit regina audito ‘mortemque miserrimus opto’, sic respondet Aeneas ‘nam quod consilium aut quae iam fortuna dabatur?’ (ad Aen. 2, 656). ‘infatti che scelta quasi che, avendo la regina reagito opponendosi alle parole “la morte, sconvolto, bramo”, Enea risponda in questo modo: “infatti, etc.”’.

Un’operazione di captatio benevolentiae analoga a quella segnalata nello scolio a 3, 57 5 è individuata da Servio nelle ultime parole del racconto di Enea, hinc me digressum vestris deus appulit oris (3,  715: ‘da lì partito, un dio mi ha sospinto ai vostri arenili’). Il riferimento è alla tempesta descritta nel libro I ed il deus dovrebbe essere quindi Nettuno (come esplicitamente in Od. 7, 272-277, nel racconto di Ulisse ad Alcinoo), ma Servio preferisce considerare l’evocazione di un dio come un’adulazione nei confronti di Didone, con un’interpretazione già anticipata  a  proposito della domanda che Eleno formula alla vista di Enea: quisnam ignarum nostris deus appulit oris? (3, 338, ‘o quale dio ha sospinto te, ignaro, ai nostri arenili?’). Nello scolio a quest’ultimo verso Servio anticipa infatti il proprio giudizio su 3, 715: tale est illud Aeneae ad 5  Sul rapporto Enea / Didone nel commento serviano cfr. anche Delvigo e Lafond nel presente volume.

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Didonem adulatorium (‘così è quel verso adulatorio di Enea nei confronti di Didone’). Nello scolio ad Aen. 3,  715 Servio precisa: bene se commendat Didoni, dicens ad eam deorum voluntate venisse (‘si raccomanda efficacemente a Didone dicendo di essere arrivato da lei per volontà degli dei’). Anche in questo caso Servio attribuisce ad Enea una strategia discorsiva usuale nell’oratoria, volta a conquistare il favore dell’interlocutore. È da osservare che il Danielino sviluppa, nel caso di 3, 715, un’esegesi diversa: nota che Enea, parlando ai compagni dopo lo sbarco in Africa, non specifica quale dio lo abbia portato in quella terra, e rinvia al caso analogo di Aen. 1,  199: sane non dixit, quis deus, ut alibi ‘dabit deus his quoque finem’ (‘non dice quale dio, come altrove: “un dio darà fine anche a questi” ’). Anche in altri casi l’attenzione prestata da Servio al ruolo di Enea narratore non trova riscontro nel Danielino, che evidenzia invece approcci esegetici di tipo diverso. Ne troviamo un esempio negli scoli relativi al brano in cui Enea menziona le località della Sicilia viste nel corso della navigazione lungo le coste dell’isola, prima di approdare a Drepanum (3, 692-710): Camerina procul palus est iuxta oppidum, de qua quodam tempore, cum siccata pestilentiam creasset, consultus Apollo, an eam penitis exhaurire deberent, respondit μὴ κίνει Καμα­ ρίναν· ἀνίνητος γὰρ ἀμείνων. quo contempto exsiccaverunt paludes et carentes pestilentia per eam partem ingressis hostibus poenas dederunt. add. DS: sed hoc responsum Aeneae temporibus ignotum fuit: ergo non observavit poeta, sed ad praesens tempus locutus est (ad Aen. 3, 701). ‘Camerina lontana palude che si estende accanto alla città, dalla quale un tempo, essendo essa stata prosciugata, scaturì un’epidemia. Fu consultato Apollo, per sapere se essa andava bonificata interamente, ed egli rispose: ‘Camerina non sia modificata, è  meglio che resti immutata’. Senza ascoltarlo, bonificarono la palude e furono puniti poiché da quella parte entrarono i  nemici’. DS: ‘ma questo responso al tempo di Enea non era conosciuto: il poeta non ne tenne conto, parlando di vicende del proprio tempo’. Agragas mons est muro cinctus, in cuius summa parte oppidum est […] notandum sane Vergilium haec, quantum ad sua tempora spectat, dicere: Aenea enim navigante nec fuerat 226

OBSCURA QUIDEM, SED VERA. PROFEZIE E DIVINAZIONI NELLA PROSPETTIVA SERVIANA

Camerina siccata, nec Gela vel Agrigentum conditae, quod frequenter facit, sed nunc ideo vitiosum est, quia ex persona narrantur Aeneae (ad Aen. 3, 703). ‘Agrigento il monte è cinto da un muro e sulla sua sommità c’è la città […]  è  da osservare che queste affermazioni sono fatte da Virgilio in riferimento alla propria epoca; all’epoca della navigazione di Enea Camerina non era stata bonificata  e  non erano state fondate né Gela né Agrigento. Lo fa spesso, ma in questo caso ciò è particolarmente riprovevole in quanto la narrazione è effettuata da Enea.’

Q uella testimoniata da DS nel primo dei due scoli è una critica degli anacronismi virgiliani tout court: si osservi come nella nota la narrazione è attribuita senz’altro al poeta, cioè a Virgilio, che ha introdotto l’anacronismo nella narrazione. Servio omette il rilievo nel primo scolio, dove si limita a riprodurre la notizia su Camerina, ma lo riprende nello scolio relativo ad Agrigento, dove precisa che gli anacronismi sono da criticare in quanto pronunciati da Enea (ex persona Aeneae), che in quanto personaggio-narratore ha una conoscenza più limitata di quella dell’autore,  e  che deve restare iscritta nell’orizzonte narrativo del poema. La distinzione fra il punto di vista dell’autore  e  quello dei personaggi  è  rilevabile in altri passi del commento e costituisce un criterio rilevante dell’approccio di Servio alle problematiche storiche attinenti all’Eneide 6. La distinzione  è  applicata anche ai discorsi riferiti da Enea nell’ambito della sua narrazione, che possiamo considerare pronunciati da subpersonaggi-narratori, che intervengono nell’ambito del discorso del personaggio-narratore. Un caso di un certo interesse è quello di Achemenide, il superstite greco che i Troiani incontrano nella terra dei Ciclopi. Nella lunga perorazione con cui Achemenide si conquista il favore degli ex-nemici Troiani, spicca la definizione di Ulisse come infelix (‘sfortunato’): sum patria ex Ithaca, comes infelicis Ulixi (3, 613, ‘la mia patria  è  Itaca, sono compagno dello sfortunato Ulisse’). L’epiteto, sul cui corrispondente greco sono state formulate ipotesi diverse 7, è attribuito dall’esegesi alla strategia retorica seguita   Ho trattato della questione in Stok 2016.   Cfr. Pellizer 1990, p. 360; Timpanaro 2001, p. 28; Horsfall 2006, p. 421. Georgii 1891, p. 184 rinvia ad Hom. Od. 5, 436, dove Ulisse, in preda alla tempesta, è definito δύστηνος (‘meschino’). 6 7

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dal personaggio. Servio segnala la struttura retorica dell’esordio, circumstantias omnes exsequitur: loci, personae, temporum (ad Aen. 3, 613, ‘enumera tutte le circonstanze: di luogo, persona, tempo’), e di seguito spiega l’epiteto riferito ad Ulisse: infelicis Ulixis quaerit favorem eius vituperatione, quem scit odio esse Troianis (‘dello sfortunato Ulisse cerca consenso denigrandolo, in quanto sa che è odiato dai Troiani’). Il Da­nie­lino precisa che Achemenide, licet rhetorice agat (‘sebbene parli usando la retorica’), è  ostacolato nella sua opera di convinzione dal fatto di essere Greco, e  può contare solo sull’efficacia del suo racconto relativo a Polifemo: neque enim quicquam illi nocet nisi quod Grae­ cus. Cetera quae dicit, tantum narrationem rei gestae habent (‘nulla infatti va contro di lui, se non l’essere un Greco. Le altre cose che dice sono il racconto di una vicenda’). Nella nota su infelicis Ulixis l’aggiunta del Danielino precisa il senso dell’esegesi ripresa da Servio: quoniam apud hostes loquitur (‘per il fatto che parla a nemici’). Anche il seguito del discorso di Achemenide è  interpretato dal Danielino in chiave retorica, ad es. nelle note a 3, 646, dove Achemenide narra di essersi nascosto nei boschi: misericordiam captatur a loco (‘la compassione è suggerita dal luogo’) e a 3, 655 per la reazione dei Troiani al discorso: ad probationis gratiam pertinet quod ea quae Achaemenides adfirmaverat statim adprobavere Troiani (‘riguarda le modalità dell’approvazione, in quanto le cose dette da Achemenide suscitano l’immediato consenso dei Troiani’). L’intepretazione di infelix proposta per 3,  613 non era applicabile nella seconda occorrenza dell’appellativo che troviamo nell’Eneide, nelle parole con cui Enea segnala l’aiuto portato in seguito ai Troiani da Achemenide, grazie alla conoscenza che aveva della geografia dell’area: talia monstrabat relegens errata retrorsus / litora Achaemenides, comes infelicis Ulixi (3, 690-691: ‘lidi per cui ha già vagato e  che, percorrendoli indietro, Achemenide addita, compagno di Ulisse infelice’). La ripetizione assegna all’epi­teto un carattere formulare, ma collide con l’esegesi di 3,  613 in ­quanto a definire Ulisse infelix è ora Enea, non più Achemenide 8. 8  Anche la critica moderna ha talora sospettato della ripetizione: Wagner espunse senz’altro i vv. 690-691 (cfr. Heyne – Wagner 1832, p. 549).

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DS propone due diverse esegesi, l’una critica nei confronti di Virgilio, l’altra più attenta al valore espressivo che l’epiteto può avere nel contesto narrativo: Aeneas incongrue infelicem Ulixen dicit; nisi forte quasi pius etiam hostis miseretur, cum similes errores et ipse patiatur (ad Aen. 3, 691). ‘Enea definisce in modo incongruo Ulisse come sfortunato; a meno che, con la sua pietà, non commiseri anche il nemico, in quanto ha patito peripezie simili alle sue.’

Non sorprende che Servio lasci cadere la seconda esegesi 9, essendo usualmente egli poco interessato alle connotazioni espressive del linguaggio virgiliano. Servio non riprende, però, neppure l’esegesi apertamente critica nei confronti di Virgilio, proponendo invece una giustificazione di tipo tecnico e compositivo, per la quale l’epi­ teto avrebbe un valore meramente ‘riempitivo’: infelicis Ulixis epitheton ad implendum versum positum more Graeco, sine respectu negotii (ad Aen. 3, 691). ‘epiteto introdotto, come d’uso in greco, per riempire il verso, senza considerazione dell’azione.’

L’uso ‘greco’ preso di mira da Servio è quello di scegliere epiteti incongrui, come esplicita lo scolio ad Aen. 11, 213: praedivitis more Graeco epitheton incongruum loco posuit (‘introduce un epiteto incongruo, come d’uso in greco’) 10. 2. Nel citato scolio ad Aen. 3, 57, dove Servio nota che la vicenda di Polidoro  è  funzionale alla strategia discorsiva messa in opera da Enea nei confronti di Didone, l’avverbio latenter designa la finalità ‘nascosta’ del discorso, messa in luce dall’interprete. L’espres­sione, che è stata studiata in relazione ai riferimenti allusivi che il commentatore individua nel testo virgiliano 11, in questo 9   L’esegesi risaliva a Cornuto, come apprendiamo da Schol. Veron. ad Aen. 2, 691 (cfr. Vallat 2012, p. 257-258), ed è per lo più adottata dalla critica moderna (cfr. ad es. Horsfall 2006, p. 421-422; considerazioni sul problema sono proposte da Baschera 2003). 10  Cfr. Moore 1891, 174. 11  Cfr. Delvigo 2013; Vallat 2013; Tischer nel presente volume.

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caso è utilizzata in riferimento non a Virgilio, ma al personaggio Enea, che ricorre all’allusione per trasmettere un messaggio all’interlocutore (cioè a Didone). Non sempre, va precisato, le operazioni allusive individuate nel discorso di Enea sono attribuite da Servio al personaggionarratore, cioè ad Enea. Anche nei casi che abbiamo esaminato, del resto, Servio rileva la presenza dell’autore, negli anacronismi di 3, 701 sgg. (ex persona poetae) e nel riempitivo infelicis di 3, 691. Altre operazioni allusive segnalate da Servio sono da attribuirsi all’autore-Virgilio, e non ad Enea: quella che riguarda il prodigio della fiamma che appare sul capo di Ascanio, per Servio allusiva dell’analogo prodigio relativo  a  Servio Tullio, visto in sogno da Tanaquil: tangit autem, ut frequenter diximus, latenter historiam (ad Aen. 2, 683, ‘fa riferimento però in modo allusivo alla storia, come abbiamo visto di frequente’); la vicenda storica a cui alluderebbe la descrizione virgiliana di Delo (ad Aen. 3, 73: Vergilius latenter ostendit) 12; e la spiegazione ‘scientifica’ della descrizione che Enea fa a 3, 576-577 delle eruzioni dell’Etna: et reddit causam latenter (ad Aen. 3, 577). Meno chiaro è a chi debba essere attribuita l’allusività che Servio individua nello scolio ad Aen. 2, 502, dove Enea narra l’uccisione di Priamo, avvenuta sugli altari consacrati dallo stesso Priamo: vidi […] Priamumque per aras / sanguine foedantem quos ipse sacraverat ignis (vv. 501-502: vidi […] Priamo insozzare lungo le are, col sangue,  i  fuochi da lui consacrati’). Servio vede nelle parole di Enea l’espressione di un senso di inutilità della religio di evidente tono epicureo 13: per quos ostenditur latenter, nihil prodesse religionem (ad l.: ‘con queste parole si mostra, allusivamente, che la religione non è utile’). La possibilità che Servio attribuisca l’allusione allo stesso Enea è suggerita dal fatto che un’affermazione esplicitamente ‘epicurea’ è segnalata da Servio anche in altro passaggio del discorso di Enea, quello in cui egli descrive Ecuba rifugiatasi invano presso l’altare: Hecuba et natae nequiquam altaria circum (2, 515, ‘Ecuba e le figlie invano intorno agli altari’). Servio ad l. commenta: aut secundum Epicureos, aut propter vim 12  Non usa latenter lo scolio corrispondente di DS: quidam per historiam dictum putant. 13  Cfr. Setaioli 2004, p. 34.

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bellicam (‘in ottemperanza agli Epicurei oppure nella veemenza del combattimento’). Nello stesso contesto una posizione ‘epicurea’ è ravvisata da Servio nelle parole pronunciate da Priamo: si qua est caelo pietas quae talia curet (2, 536, ‘se c’è pietà nei cieli, che tali vicende abbia a cuore’); Servio ad l.: vel secundum Epicureos, vel desperat (‘o secondo gli Epicurei, o per disperazione’). Un caso in cui un discorso allusivo  è  chiaramente attribuito da Servio ad un personaggio  è  rilevabile nella reiterata affermazione di Achemenide di preferire, alla situazione in cui si trova (in balia di Polifemo), la morte per mano dei nemici. In due occasioni Servio utilizza, a questo proposito, l’avv. oblique, sinonimo per questo aspetto di latenter 14: nello scolio a Aen. 3, 606, si pereo, hominum manibus periissse iuvabit (‘se perirò, mi conforta perire per mano di uomini’), Servio nota che Achemenide presuppone la non umanità di Polifemo: oblique loquitur; nam vult ostendere, hominum hanc non esse crudelitatem (‘parla in modo obliquo, infatti vuole mostrare che questa non  è  crudeltà umana’). Il  giudizio  è  ripreso nel commento al verso con cui si conclude la perorazione di Achemenide, Aen. 3,  654: vos animam hanc potius quocumque absumite leto (‘voi, piuttosto, con morte estinguete quest’anima’), dove Servio nota: oblique loquitur, ut supra diximus (‘parla in modo obliquo, come abbiamo detto sopra’). In quest’ultimo scolio il Danielino aggiunge: reprehensio crudelitatis est: qui rogat salutem, se ipse condemnat (‘esprime la condanna della crudeltà: nel condannare se stesso, chiede di essere salvato’). L’agg. obliquus è usato da Servio per uno dei discorsi riportati da Enea, quello con cui Anchise, nella notte della caduta di Troia, si rifiuta di seguire Enea nella fuga poco prima consigliata all’eroe dalla madre Venere. Servio definisce quella di Anchise una obliqua oratio, in quanto in essa la volontà del personaggio è espressa latenter: obliqua oratio est. Nam aperte quidem hoc agit, ut relinquatur, latenter vero aliud (ad Aen. 2,  638, ‘è un discorso pronunciato in modo obliquo: apparentemente agisce perché essi partano, di nascosto intende altro’). Gli avverbi aperte e latenter denotano il messaggio esplicito e quello implicito, ‘nascosto’. Non è del tutto chiaro quale sia il messaggio ‘nascosto’ che in questo caso Anchise avrebbe proposto. Servio completa lo scolio   Cfr. Torzi 2014.

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segnalando la conseguenza che avrà il rifiuto di Anchise, quella di indurre Enea, per la sua pietas nei confronti del padre, a non voler partire neppure lui: per quod nimia Aeneae ostenditur pietas, qui nec iustis causis moveur, ut patrem relinquat (ad Aen. 2, 638). ‘in questo modo mostra la straordinaria pietà di Enea, che neppure per buoni motivi è indotto ad abbandonare il padre’.

L’indefinito aliud, nello scolio, è seguito da un’aggiunta del Danielino, id est voluntatem fugiendi (‘cioè la volontà di fuggire’), che Thilo (diversamente dall’edizione Harvardiana) espunge come interpolazione. L’aggiunta, in effetti, appare incongruente rispetto alla successiva aggiunta del Danielino, dalla quale, nonostante il guasto testuale che la rende poco perspicua, si evince che Anchise riteneva, in linea di principio, sconsigliabile sopravvivere alla caduta della patria. L’esegesi presenta il discorso come rhetorica suasio 15, che discute se si debba fuggire oppure no: sane rhetorica suasio est; deliberatur enim de ipsa, utrum fugiendum sit. et eius partes ita ponuntur, ut † 16 si qui dissuadent, an supervivendum patriae. quod ideo aperte non dixit, ne ceteros a fuga dehortari videretur, sed ait ‘vos fugite, qui potestis’: a tempore ‘satis una superque’ [2, 642], ab invitis diis ‘iam pridem invisus diis et inutilis annos demoror’ [2, 647-648]. sic quidem et illud colligitur, an debilis patriae superare debet (ad Aen. 2, 638). ‘è  a  tutti gli effetti una suasoria: si discute infatti del problema stesso, se sia necessario fuggire. Le parti di questo discorso sono articolate in modo tale che †  se egli debba sopravvivere alla patria. Non lo dice apertamente, perché non sembri che stia dissuadendo la fuga, e dice quindi “fuggite voi, che potete”: usa l’argomento del tempo, “già vidi, e  fu troppo”, e  quello degli dei ostili, “già da gran tempo inviso agli dei ed inabile attardo gli anni”. Così si dibatte anche il problema se chi è in condizioni di debolezza debba sopravvivere alla patria’.

  Sui riferimenti serviani alle suasoriae cfr. Lafond in questo volume.   L’ed. Harvardiana non colloca la crux, ma il passo è corrotto.

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Ciò di cui Anchise non parla apertamente sembra essere la non opportunità della fuga, che egli riferirebbe solo  a  se stesso con le argomentazioni citate, ponendo la questione nei termini riassunti nella parte finale dello scolio, e cioè sia lecito ad un anziano sopravvivere alla patria. In analoghi termini retorici viene interpretato dal Danielino il discorso pronunciato da Enea a 2, 657-670, inteso come precisa risposta del figlio alle argomentazioni del padre: sane ‘mene efferre pedem genitor’ et cetera rhetorice per deliberationem tractatur, an Aeneae relicto patre fugiendum sit (ad Aen. 2, 657). ‘in effetti “padre, che io mai potessi andarmene” eccetera, è un discorso retorico di tipo deliberativo, sulla questione se Enea, abbandonato il padre, debba fuggire’.

Anche in questo caso Servio, in luogo dell’analisi retorica proposta dal Danielino, mette in evidenza la pietas di Enea, segnalando il carattere enfatico del pronome personale: mene probatae pietatis filium. Nam pronomina habent vim suam, nonnumquam et emphasin, ut ‘cantando tu illum’ [ecl. 3, 25] (ad Aen. 2, 657). ‘che io figlio di comprovata pietà. Infatti i pronomi hanno forza espressiva, talora anche enfasi, come “tu lui [hai vinto] nel canto”’

La discussione padre  / figlio che l’esegesi individua nell’episodio  è  risolta dal prodigio della fiamma che appare sul capo di Ascanio, che convince Anchise ad unirsi ad Enea nella fuga (2, 682-689). Servio interpreta il gesto con cui Anchise reagisce al prodigio, quello di alzare gli occhi  e  le mani verso il cielo (vv. 687-688), come una giustificazione della fuga: et caelo palmas cum voce tetendit fugae defensio est, ut videatur non solum utilis et necessaria, sed et honesta, quoniam divina suadebant. Nam et ideo inducitur noluisse, ut quod vincitur et consentit argumentum voluntatis divinae est (ad Aen. 2, 688). ‘e al cielo tese le palme con q ueste parole è  una giustificazione della fuga, affinché essa risulti non solo utile 233

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e  necessaria ma anche lecita, in quanto favorita dagli dei. È  infatti per questo che egli  è  stato indotto  a  rifiutarsi, per essere smentito e  per fornire l’argomento della volontà divina’.

Agente dell’inducitur  è  Virgilio, che avrebbe narrato la vicenda con la finalità indicata dal commentatore. Nella ricostruzione si avverte l’esigenza di dare una giustificazione del comportamento di Anchise, assegnando al suo comportamento una motivazione che potremmo definire ‘elevata’ (e quindi non di paura o scoraggiamento). Analogo obiettivo è ravvisabile anche nell’esegesi del Danielino, e nell’interpretazione ‘retorica’ dei discorsi di Anchise e di Enea. Q uesto orientamento dell’esegesi si inquadra nella particolare attenzione che la tradizione esegetica sembra aver rivolto alla figura di Anchise, la cui presenza nell’Eneide era messa a confronto con la tradizione antiquaria e con l’epica previrgiliana. 3. Il Danielino enfatizza il ruolo di profeta e di esperto in divinazione svolto da Anchise, ed anche il suo ruolo di guida nella partenza dei Troiani: et hic et alibi Anchisen divinandi peritum inducit (ad Aen. 2, 687). ‘qui e altrove presenta Anchise come esperto di divinazione’. ubique enim sciens futurorum inducitur (ad Aen. 3, 193) ‘viene presentato sempre come conoscitore del futuro’. pater Anchises ut agendarum rerum auctoritatem adsignet Anchisae (ad Aen. 3, 9). ‘padre Anchise per assegnare ad Anchise autorità nel decidere le cose da fare’.

L’enfasi non è del tutto giustificata, in quanto una delle più appariscenti novità nel trattamento del mito eneadico da parte di Virgilio è proprio il ridimensionamento del ruolo di Anchise, rispetto ai precedenti di Nevio e di Ennio. Diversamente dalla tradizione precedente, infatti, Virgilio fa morire Anchise prima dell’arrivo nel Lazio, e non gli attribuisce il ruolo centrale che aveva nella tradizione più antica,  e  in particolare la capacità divinatoria che il personaggio aveva in seguito al suo legame privilegiato con Venere. 234

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Un legame nel quale egli appare soppiantato, nel poema virgiliano, da Enea 17. L’esegesi testimoniata dal Danielino, nell’enfatizzare le capacità divinatorie di Anchise, tende a ridimensionare questa novità introdotta da Virgilio, facendo leva sui precedenti neviano ed enniano. Lo evidenziano gli Scholia Veronensia, dove l’immagine di Anchise è dichiaratamente desunta da Nevio e da Ennio: ad Aen. 2, 698 (ed. Baschera): peritum multarum disciplinarum Anchisen fuisse [et divini quoddam habuisse probare po]ssunt Naev[ius et Ennius] qui ita de eo ait [seq. Enn. ann. frg. 15-16 Skutsch]. ‘Anchise fu esperto in molte discipline ed aveva capacità in qualche modo divine, come mostrano Nevio ed Ennio.’

L’esegesi  è  testimoniata anche dal commento pseudoprobiano ad ecl. 6, 31 (p. 336, 4-16 Hagen), che accosta il Sileno della sesta egloga ad Anchise, per la capacità divinatoria, e cita il medesimo frammento di Ennio, il frg. 25 Blänsdorf di Nevio  e  le parole pronunciate da Anchise dopo il prodigio della fiamma (Aen. 2, 690-691) 18. Servio  è  meno interessato del Danielino ai precedenti epici dell’Eneide, ma tende anche lui ad enfatizzare il ruolo di divinatore assegnato dalla tradizione precedente ad Anchise, e a valorizzare gli episodi in cui Anchise svolge questo ruolo nel poema virgiliano. Uno di questi episodi è l’interpretazione dei quattro cavalli bianchi che i Troiani vedono dopo lo sbarco presso Castrum Minervae (3, 537-538). Servio segnala, a proposito di questo episodio, la perizia divinatoria di Anchise: notandum Anchisen omnem habere divinando peritiam: hinc est illud ‘divinaque ossa parentis’ [5, 47] (ad Aen. 3,  538, ‘è da osservare che Anchise  è  del tutto esperto nella divinazione, da cui anche il verso “le ossa del padre divino”’).   Cfr. Casali 2017, p. 304-305.   DS fa riferimento a Nevio nello scolio ad Aen. 3, 11, dove Enea è in lacrime mentre si accinge ad abbandonare Troia: Naevius enim inducit uxores Aeneae et Anchisae cum lacrimis Ilium relinquentes his verbis (‘Nevio descrive le mogli di Enea e di Anchise mentre lasciano Troia in lacrime e pronunciano queste parole’) (seq. frg. 5 Blänsdorf). Dalla fonte di DS deriva anche lo scolio ad Aen. 7,  123 testimoniato dal codice Par. lat. 7930, segnalato da Savage 1925, 236: Naevius […] dicit Venerem libros futura continentes Anchisae dedisse (‘Nevio afferma che Venere dette ad Anchise libri in cui era previsto il futuro’, frg. 4 Blänsdorf). 17 18

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In corrispondenza del passo citato da Servio, la tradizione previrgiliana è esplicitamente evocata da DS: multa enim antiqua lectio Anchisen futurorum scientem concelebrat (ad Aen. 5, 47, ‘gli antichi commenti celebrano infatti Anchise come conoscitore degli eventi futuri’). Un’altra notazione sul ruolo divinatorio di Anchise è proposta da Servio per il vento favorevole che spinge  i  Troiani lungo la costa siciliana: ecce autem Boreas  […] missus est (3,  687-688, ‘ecco però Borea spirare’). Servio ad l. commenta: favore scilicet numinum, quae Anchises optaverat dicens (seq. v. 529) (‘cioè con il favore degli dei, come Anchise aveva auspicato dicendo, etc.’). Nell’episodio dell’Eneide in cui i Troiani, sbarcando a Castrum Minervae, vedono quattro cavalli bianchi, Anchise vede in essi un segno di guerra (3, 539-540: Bellum, o terra ospita, portas: / bello armantur equi, bella haec armenta minantur, ‘o terra che ci ospiti, porti una guerra; si armano in guerra i cavalli, così questi armenti minacciano guerra’), ma insieme anche uno di pace: sed tamen idem olim curru succedere sueti  / quadrupedes et frena iugo concordia ferre: / spes et pacis (vv. 541-543, ‘eppure talvolta gli stessi quadrupedi al carro sanno sottoporsi e adattarsi ai freni concordi di un giogo: anche speranza di pace’). Servio propone un’esegesi dettagliata del responso, in cui mette in evidenza la tecnica divinatoria di Anchise, ed esplicita il significato ‘nascosto’ della profezia: bello armantur eq ui ratiocinatio divinationis est. armenta armenta dicta sunt quasi apta armis: nam equi intersunt proeliis, boves arma dant ex coriis (ad Aen. 3, 540). ‘si armano a guerra i cavalli è ragionamento divinatorio. armenti sono detti “armenti” perché adatti alle armi: infatti i  cavalli partecipano alle battaglie, i  buoi forniscono armi con la loro pelle’. spes est pacis ostendit latenter vincere posse Troianos, dicendo supra ‘curru succedere sueti’ (ad Aen. 3, 543). ‘c’è speranza di pace mostra in modo allusivo che i Tro­ iani possono vincere, avendo detto sopra “sanno sottoporsi al carro”’.

L’avverbio latenter designa in questo caso il senso non esplicito della profezia, cioè la prospettiva di vittoria che, nell’interpretazione di Anchise, il segno visto da Enea rivelerebbe. 236

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Un’esegesi analoga, volta ad illustrare i significati non evidenti della divinazione, è proposta da Servio anche per il discorso con cui Anchise interpreta il responso di Apollo (3, 103-117). L’ese­ gesi può apparire paradossale, in quanto Anchise interpreta il responso in modo fallace, indirizzando i Troiani verso Creta, anziché verso l’Italia. Nel commentare le parole d’esordio di Anchise, spes discite vestras (v. 103, ‘apprendete le vostre speranze’), Servio si interroga sul significato della seconda persona vestras (in luogo di nostras) e ne deduce che Anchise è consapevole della propria prossima morte: spes discite vestras aut quasi senex loquitur, aut quia, ut supra diximus 19, scit esse moriturum (ad Aen. 3, 103). ‘apprendete le vostre speranze o parla in quanto anziano, oppure perché, come abbiamo visto sopra, sa di essere vicino alla morte’.

Troviamo ancora l’avverbio latenter nell’interpretazione di gentis cunabula nostrae (v. 105, ‘la culla del nostro popolo’) che Anchise colloca erroneamente a Creta. Servio valorizza comunque il ruolo di interprete di Anchise, individuando nelle sue parole un’allusione alla stirpe divina dei Troiani: et latenter dat gloriam Troianis dicens, eos  a  diis originem ducere, unde est ‘ab Iove principium generis’ [7.219]: ibi enim et de Dardano et de Teucro intellegimus, quasi Iovis cive (ad Aen. 3, 105). ‘In modo non esplicito glorifica  i  Troiani, dicendo che essi hanno origine dagli dei, da cui il verso “da Giove ha inizio la stirpe”: lì infatti veniamo  a  sapere di Dardano  e  di Teucro, quasi concittadini di Giove’.

L’errore di interpretazione fatto da Anchise, cioè l’aver indicato quale antenato dei Troiani Teucro, anziché Dardano, è segnalato da Servio, cfr.  ad Aen. 3,  107: maximus unde pater fallitur, nam antiquior est Dardanus (‘il più antico dei padri sbaglia, infatti è più antico Dardano’) ma in qualche modo anche giustifi  Thilo e Harv, rinviano a 2, 687, ma il rinvio è piuttosto a 2, 696, dove si legge licet sciam me esse moriturum (‘sebbene sappia di essere in procinto di morire’). 19

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cato dall’incertezza manifestata dallo stesso Anchise, si rite audite recordor (v. 107, ‘se ben ricordo i racconti’): bene dubitatione excusat errorem (ad l., ‘giustamente dubita, giustificando l’errore’). È da osservare che Servio non ripropone in questa sede il commento proposto per la discendenza dei Romani  a  sanguine Teucri (Aen. 1,  235, ‘dal sangue di Teucro’). Nello scolio ad l. aveva infatti segnalato l’imprecisione, Teucrum pro Dardano posuit, (‘ha detto Teucro in luogo di Dardano’), ma l’aveva giustificata come licenza poetica, solent poetae nomina de vicinis provinciis vel personis usurpare (‘i poeti sono soliti scambiare i nomi per vicinanza di luoghi o di persone’). Q uesta spiegazione non è riproposta nel libro III probabilmente in quanto l’informazione errata è fornita in questo caso dal personaggio Anchise, non dall’autore. Come già l’esegesi precedente, anche Servio ritiene che la morte di Anchise in Sicilia sia un’innovazione di Virgilio, essendo il padre di Enea in realtà arrivato nel Lazio. Che questa fosse la historia Servio lo ricavava da Catone, la cui versione della guerra italica è riassunta nello scolio ad Aen. 1, 267 e ripresa in quello relativo ad Aen. 3,  711, dove Enea lamenta la morte del padre: fessum deseris ut supra diximus, secundum Vergilium: nam Cato ad Italiam venisse docet (‘abbandoni me stanco nell’opinione di Virgilio, come abbiamo detto sopra: infatti Catone insegna che Anchise arrivò in Italia’). Anche nella prefazione del libro III, dove è proposto un riassunto dell’azione narrata nel libro, a proposito dello sbarco a Drepanum Servio scrive: ubi secundum Vergilium perdidit patrem (‘dove, secondo Virgilio, perse il padre’). La morte anticipata di Anchise doveva essere un tema discusso dall’esegesi preserviana. Ne abbiamo un indizio nello scolio in cui DS si chiede perché Enea non celebri subito il funerale del padre,  e  trovi una delle possibili spiegazioni proprio nell’innovazione introdotta da Virgilio rispetto alla versione tradizionale della vicenda eneadica: queritur cur sine ulla descriptione funus patris praeterierit? Aut quia in V. dicturus est, et bis eadem dicere vitaverit, aut quia, sicut dictum est, Anchises ad Italiam cum filio pervenit (ad Aen. 3, 711). ‘ci si chiede perché abbia omesso, senza descriverlo in alcun modo, il funerale del padre. O perché lo dirà nel libro V, 238

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e voleva evitare di descriverlo due volte, o perché, come si è detto, Anchise giunse in Italia con il figlio’.

4. Servio afferma ripetutamente che le profezie sono formulate in modo oscuro, ma esprimono il vero: Delos autem, qui diu latuit et post apparuit, nam δῆλον Graeci manifestum dicunt, vel quod verius est, quia cum ubique Apollinis responsa obscura sint, manifesta illic dantur oracula (ad Aen. 3, 73). ‘Delo si chiama così perché  a  lungo sparì  e  poi riapparve, infatti in greco δῆλος significa “manifesto”, oppure perché è “più vero”: poiché, essendo gli oracoli di Apollo oscuri, in questo luogo vengono forniti oracoli chiari’. animis inlabere nostris quia Apollinis responsa semper obscura sunt, vera tamen, unde cum intellegentia oraculum postulat (ad Aen. 3, 89). ‘ispira gli animi nostri poiché i responsi di Apollo sono sempre oscuri, ma tuttavia veri: per cui interroga l’oracolo con accortezza’. Dardanidae, ut diximus 20, obscura quidem, sed vera sunt omnia (ad Aen. 3, 94). ‘Dardanidi le parole, come abbiamo detto, sono oscure, ma anche del tutto vere’.

L’esegesi dei discorsi profetici  è  conseguente  a  questo assunto, e  tende  a  ricercare la precisione  e  il rigore che li caratterizzano. Possiamo verificare questo orientamento esaminando gli scoli relativi all’oracolo dell’Apollo di Delo (3, 94-98), al cui responso si riferiscono le reiterate affermazioni citate sopra. La risposta dell’oracolo è connessa programmaticamente alle domande formulate da Enea, come Servio precisa nello scolio ad Aen. 3,  98: nam oraculum semper ad petita respondet (‘infatti l’oracolo risponde sempre a ciò che è stato chiesto’). Egli segnala in primo luogo la precisione della domanda formulata da Enea (vv. 85-86: da propriam, Tymbraee, domum; da moenia fessis / et genus et mansuram urbem, ‘dacci una casa nostra, Timbreo, da’ 20  Il rinvio, evidentemente allo scolio a 3, 89, non è individuato né da Thilo né dall’ed. Harvardiana, che citano ambedue Macr. somn. 1, 7, 8 (cit. oltre).

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mura a noi stanchi e stirpe, ed una città duratura’) e connette la richiesta di una sede stabile all’esperienza negativa della città fondata in Tracia 21: propriam perpetuam, ut ‘propriamque dicabo’ [1, 73] 22 et bene post experimentum male conditae civitatis perpetuas postulat sedes (ad Aen. 3, 85). ‘nostra duratura, come nel verso “la farò tua”, e giustamente chiede una sede stabile dopo  i  falliti tentativi di fondare una città’. mansuram urbem duo petit, et urbem et perpetuitatem. Mansuram vel propter Troiam vel propter eam quam in Thracia condidit (ad Aen. 3, 86). ‘città duratura chiede due cose, una città e la conti­nuità. Duratura in riferimento a Troia oppure alla città fondata in Tracia’.

L’oracolo farà riferimento alla domus Aeneae e ai suoi discendenti (nati natorum), che dall’Italia domineranno il mondo (3, 97-98). In  considerazione della risposta dell’oracolo Servio interpreta senz’altro il generico domum di v.  85 in riferimento alla stirpe, giulia ed augustea, fondata da Enea, cfr. ad Aen. 3,  85: domum familiam, ut ‘domus tenet a  quo Sergia nomen’ [5,  121] (‘casa stirpe, come in “da cui la casa Sergia ha preso il nome” ’). L’interpretazione è ripresa nelle note di commento sulla risposta del­ l’oracolo: domus Aeneae ad illud respicit ‘da propriam Tymbraea domum’ (ad Aen. 3, 97). ‘la casa di Enea allude a “dacci una casa nostra, Timbreo” ’ nati natorum propter illud ‘et mansuram urbem’ (ad Aen. 3, 98). ‘figli dei figli in riferimento a “una città duratura” ’.   Cfr. Kyriakidis 2014, p. 269.   Ma nello scolio ad Aen. 1, 73 solo DS, nel segnalare che ‘propriam’ […] possumus vel firmam vel perpetuam accipere (‘possiamo intendere “propria” nel significato di “stabile” oppure di “perpetua”’) rinvia ad Aen. 3, 85. Servio, in relazione ad un passo che poteva apparire scabroso (riguarda la ninfa Deiopea promessa ad Eolo da Giunone), nota che ‘propriam’ adulterii removet suspitionem (‘ “propriam” elimina il sospetto di adulterio’). 21 22

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Il motivo è ripreso ancora, ed aggiornato alla luce dell’esperienza cretese, nel commento all’intervento dei Penati, che si propongono di ritornare nelle propriae sedes (3,  167), cioè in Italia. Servio riferisce l’espressione senz’altro ai Troiani, connettendola alla richiesta che Enea aveva rivolto ad Apollo: propriae sedes perpetuae, quia infirmas et in Creta et in Thracia condidit (ad Aen. 3, 167). ‘sedi a noi proprie stabili, in considerazione di quelle precarie che ha fondato a Creta e in Tracia’.

Nell’evidenziare la precisione dell’oracolo Servio mette in rilievo i segnali che avrebbero dovuto orientare Anchise nella corretta interpretazione dell’oracolo, il vocativo Dardanidae (v. 94), in luogo del quale l’interpretazione di Anchise avrebbe richiesto un Teucriadae, e l’ablativo ubere laeto (v. 95, ‘nel fertile terreno’), che ritiene proprio dell’Italia in considerazione di Aen. 1,  531 (appare sottinteso il rinvio alle laudes Italiae delle Georgiche): Dicendo ‘Dardanidae’ ostendit Italiam, unde Dardanus fuit. Q uod si Cretam significaret, ‘Teucriadae’ diceret (ad Aen. 3, 94). ‘Dicendo “Dardanidi” indica l’Italia, da cui venne Dardano. Se avesse voluto indicare Creta, avrebbe detto “Teucriadi” ’. prima tellus Italia, unde Dardanus venit; Teucer enim de Creta post venit. ubere laeto quod est Italiae proprium, ut alibi ‘atque ubere glebae’ [1, 531] (ad Aen. 3, 95). terra per prima l’Italia, da cui venne Dardano; Teucro venne infatti dopo, da Creta. nel fertile terreno che è proprio dell’Italia, per cui altrove “e di campi ubertosi” ’.

Servio tende  a  ridimensionare il peso dell’errore di interpretazione fatto da Anchise, non solo per non mettere in discussione quella che era, come abbiamo visto, l’immagine tradizionale del personaggio, ma anche per non offrire spazi ad interpretazioni critiche dell’intero impianto della narrazione virgiliana che erano certamente presenti nell’esegesi più antica,  e  che traspaiono in alcuni scoli del Danielino 23:   Cfr. Vallat 2012, p. 278.

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regnum et regia cur ergo Aeneas horum non meminit, et considit in Thracia et aliis locis? (ad Aen. 2, 783). ‘un regno e una (sposa) reale perché dunque Enea non si ricorda di queste parole e si ferma in Tracia e in altri luoghi?’. sane quibusdam visum est serum auxilium deorum penatium; cur enim ante pestilentiam non monuerunt mutandas sedes? (ad Aen. 3, 154). ‘a qualcuno è sembrato che l’aiuto dei Penati arrivi in realtà in ritardo; perché, infatti, non invitarono ad abbandonare il luogo prima dell’epidemia?’.

Servio lascia chiaramente cadere questo tipo di esegesi,  e  non mette in discussione la logica narrativa dell’odissea eneadica. Nel caso dell’oracolo di Delo  i  Penati rilevano l’error Anchisae (ad Aen. 3,  161), ma nel commento ad l. Servio  e  DS considerano la possibilità che l’errore fosse previsto dall’oracolo stesso: duri vel futurum ostendit laborem, vel eorum arguit insipientiam. SD add.: qui intellecturi non fuerant (ad Aen. 3, 94). ‘duri o preannuncia le future fatiche, o allude alla loro insipienza (SD: per il fatto che non avrebbero capito)’.

Il si rite audita recordor (v. 107), detto da Anchise nel momento in cui fa il nome di Teucro, dà inoltre  a  Servio, come abbiamo visto, lo spunto per scusare senz’altro l’errore di interpretazione: bene dubitatione excusat errorem (ad l.). Il Danielino addebita l’errore di Anchise alla cattiva interpretazione che egli fa del stirpe di v. 94: hoc verbo Troianis factus est error (ad l., ‘questa parola determinò l’errore dei Troiani’); così anche Macrobio a somn. 1, 7, 8: in errorem tamen unius verbi neglegentia relapsus est (‘l’errore fu provocato dall’incomprensione di una sola parola’). Servio lascia cadere questa esegesi (si sofferma solo sul genere grammaticale di stirps) ed individua invece l’errore, come abbiamo visto, nell’identificazione che Anchise fa del maximus pater, a cui egli ritiene riferirsi l’oracolo: maximus unde pater fallitur; nam antiquior est Dardanus (ad Aen. 3,  107). A  questa esegesi sembra rispondere l’aggiunta che si legge nel Danielino: alii ‘maximus’ antiquissimus tradunt; per patris autem 242

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appelationem maiorum cognitionem ostendit (‘alcuni interpretano maximus come “antichissimo”; con il termine “padre” mostra tuttavia conoscenza degli antenati’). 5. Altri discorsi profetici del l. III (Penati; Celeno; Eleno) non presentano le caratteristiche oracolari del responso di Apollo e sono commentate da Servio in relazione alle loro caratteristiche discorsive ed oratorie. Dell’invettiva di Celeno (3, 247-257) è segnalato l’offensivo richiamo a Laomedonte (v. 248): Laomentiadae perfidi, a rege natum obprobium, qui deos fefellit (ad l., ‘Laomedontiadi traditori, insulto originato dal re, che ingannò gli dei’). SD ad l. osserva che in altre occorrenze (8, 18 e 7, 105) Laomedontius non ha accezione negativa, ma precisa che in questi casi ad usarlo è il narratore, non un personaggio: indifferenter hoc nomen ex persona poetae ponitur (‘questo epiteto è  usato dall’autore in modo indifferenziato’). La profezia finale, sulla fame che costringerà i Troiani a mangiare le mense (vv.  257-257),  è  considerata da Servio innovazione virgiliana, in quanto Varrone la attribuisce all’oracolo di Giove a Dodona, ma nel richiamo di Celeno a Giove (v. 251: pater onipotens) egli vede un’allusione, in questo caso dell’autore Virgilio, alla historia: q uam vos dira fames ut Varro in secundo divinarum dicit, oraculum hoc  a  Dodoneo Iove apud Epirum acceperunt: quod modo dixisse fingit harpyas. Sed tamen colorate 24 tangit historiam dicendo ‘quae Phoebo pater omnipotens’ [3, 251] (ad Aen. 3, 256). ‘prima che fame funesta come afferma Varrone nel secondo dei Divinarum rerum libri ebbero questo oracolo da Giove Dodoneo, in Epiro: è finzione che l’abbiano pronunciato le Arpie. Ma, dicendo ‘ciò che il padre onnipotente a Febo’, evoca allusivamente la storia’.

Del discorso dei Penati (3, 154-171) Servio nota la fattura oratoria dei vv. 159-160: et bonum ornatum a sermonis fecit similitudine ‘magnis magna para’ dicendo (ad Aen. 3, 159, ‘dicendo “ai grandi prepara grandi (mura)” realizza un’elegante figura, come in un   Hapax: il TLL (v. III, c. 1723) interpreta ‘poetico colore vel tecte’.

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discorso’). In particolare nell’interiezione en al v. 155, tua nos en ultro ad limina mittit [scil. Apollo] (‘e di sua volontà ci invia alle tue soglie’), e poi nell’espressione haud dubitanda feres al v. 170 (‘riporta parole non dubbie’), Servio vede l’esigenza che i Penati hanno di rendere credibile la propria apparizione ad Enea, evitando che quest’ultimo la ritenga solo un sogno: en quasi demonstrantis est, ut fidem faciat, ne somnium putetur, ut paulo post ‘haud dubitanda refer’ (ad Aen. 3, 155) ‘en ha valore quasi dimostrativo, per convincerlo a non credere che si tratti di un sogno, come poco dopo “riporta parole non dubbie”’. haud dubitanda refer aut quia dubitaverant ex consilio Anchisae, aut ne propter somnium non crederent (ad Aen. 3, 170). ‘riporta parole non dubbie o perché dubitavano della decisione di Anchise, o perché non credessero che si trattasse di un sogno’.

Q ueste notazioni possono apparire sorprendenti in quanto Servio, nel commentare l’apparizione, dice precisamente l’opposto. Egli esclude, infatti, che l’apparizione possa essere considerata reale, e ne sostiene quindi implicitamente il carattere onirico: visi adstare non adstabant, sed videbantur: unde et visa dicuntur; non enim sunt, sed videntur (ad Aen. 3, 150). ‘apparvero esserci non c’erano, ma sembravano, per cui si dice che sembrano; infatti non ci sono, ma sembrano esserci.’

Q uesto giudizio è confermato dal fatto che al v. 151 Servio legge in somnis 25, pur dando conto delle varianti insomnis e in somniis: in somnis multi hic distinguunt et volunt unam partem esse orationis, id est vigilantis. multi ‘in somniis’ dicunt, ut sit conlisio, modo ‘peculi’ pro ‘peculii’ (ad Aen. 1, 151). ‘in sogno molti qui collocano una separazione  e  vogliono che sia un’unica parola, ed intendono quindi “insonne”. 25  Cfr.  Casali 2017, p.  195 (‘espressione standard’); Perutelli 1988, p.  937 (‘corrispondente greco ἐν ὕπνοις’).

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Molti intendono “in somniis”, per cui ci sarebbe un’elisione, come “peculi” in luogo di “peculii” ’.

La motivazione della variante insomnis è esplicitata dal Danielino nell’interrogativa aggiunta dopo vigilantis: nam quemadmodum videbat lunam infusam fenestris? (‘come poteva, infatti, vedere la luna dalla finestra?’). L’idea che Enea fosse sveglio era suggerita dal fatto che l’apparizione avviene mentre egli è illuminato dalla luce della luna che veniva dalla finestra (vv. 150-151: in somnis, multo manifesti lumine, qua se / plena per insertas fundebat luna fenestras, ‘in sogno, chiarissimi [scil. i Penati] in molta luce, là dove, piena, per le finestre filtrava diffusa la luna’), e quindi dalla considerazione che stava vedendo la luna al momento dell’apparizione. La tematica torna anche nella motivazione che il Danielino dà della variante in somniis, basata sull’idea dell’attività autonoma dell’anima: multi ‘in somniis’ legunt et posterioribus iungunt: unde et ‘visi’, et corpus somno vinci volunt, mentem vero vigilare et meminisse omnium. Ideo etiam dormiens de luna scire potuit (ad Aen. 3, 151). ‘molti leggono “in somniis”  e  lo connettono  a  quello che segue; per cui “visti”, in quanto ritengono che il corpo sia catturato dal sonno, ma che l’anima resti vigile e abbia ricordo di tutto. Anche dormendo, quindi, avrebbe potuto avere consapevolezza della luna’.

Servio, prendendo posizione  a  favore del sogno, ignora il problema posto dalla luce lunare. È da osservare che nel caso dell’apparizione di Ettore nel libro II, in cui compare la stessa espressione al v. 270, Servio conferma l’opzione per in somnis, ma non scarta del tutto la possibilità di leggere in somniis: in somnis aut per somnos, aut, si ‘in somniis’ legeris, erit synizesis (ad Aen. 2, 270). ‘in sogno o “durante il sonno” o, se intendi “in sogno”, c’è una sinizesi’.

Anche nel discorso che Ettore fa in sogno ad Enea, Servio individua l’intento, da parte dello stesso Ettore, di convincere Enea che la propria apparizione non è solo un sogno: 245

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visus adesse bene ‘visus’, quia somnia videntur tantum, non sunt naturaliter vera. Q uod autem paulo post dicit ‘effert penetralibus ignem’ confirmantis est: nam illud verum fuisse contendit (ad Aen. 2, 271). parve presente bene ‘parve’, in quanto  i  sogni appaiono soltanto, non sono reali. Ciò che dice poco dopo, ‘preleva il fuoco dai penetrali’, è assertivo: conferma infatti che l’azione era reale.’

Il riferimento è al gesto, che Ettore fa nel sogno, di prendere dalla parte riposta della casa il fuoco di Vesta (vv.  296-297: sic ait et manibus vittas Vestamque potentem  / aeternumque adytis effert penetralibus ignem, ‘dice così e di sua mano dagli aditi e dai penetrali Vesta potente e le bende e il fuoco eterno preleva’) 26. In ambedue i casi Servio cataloga le apparizioni (di Ettore e dei Penati) come sogni, ma osserva come i personaggi che appaiono cerchino di convincere il sognante della propria realtà. Nel caso dei Penati, Servio individua questo intento anche nelle parole conclusive del loro discorso, con le quali invitano Enea a non dubitare di quanto hanno detto, e a non credere che l’apparizione sia un sogno (ad Aen. 3, 170 cit. sopra). L’esegesi di Servio, per cui le apparizioni di Ettore e dei Penati sono senz’altro dei sogni, potrebbe esser stata influenzata da una tradizione critica che già aveva presentato quello dei Penati come un sogno fittizio. Nel già citato scolio del Danielino ad Aen. 3, 154, in cui è criticata l’economia narrativa del­l’epi­sodio, e notato il ritardo con cui i  Penati intervengono, dopo l’epi­demia (cfr. sopra), lo scoliasta aggiunge: ideo aliquibus videtur somnium fuisse appetitum (‘perciò ad alcuni sembra che il sogno sia desi­ derato’) 27. Al di là della possibilità che Servio possa esser stato influenzato da esegesi di questo tipo, la sua insistenza sulla natura onirica dell’apparizione appare comunque connessa ad un suo atteggiamento ostile nei confronti dei fenomeni soprannaturali che è rilevabile anche in altre parti del commento. Vediamo questo stesso atteggiamento anche nello scolio che egli propone in merito al   Sui problemi interpretativi posti dal passo cfr. Casali 2017, p. 201.   Il significato di appetitum non  è  del tutto chiaro: Georgii 1891, p.  161 rende ‘eingeholtes Traumorakel’. 26 27

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prodigio che si verifica in concomitanza con il responso dell’oracolo di Delo, durante il quale tremano l’altare del dio  e  l’intera montagna (3, 90-92). Diversamente dal Danielino, che vede nella vicenda un esempio di tripudium sonivium (credenza di cui abbiamo notizia anche da Festo a p. 382, 11 L.), Servio attribuisce il fenomeno alla percezione dei presenti e ne nega la realtà: visa repente Stoicos et Academicos secutus est, qui dicunt ea quae contra naturam sunt, non fieri, sed fieri videri: unde magica ars omnis exclusa est, sicut Plinius Secundus docet in Naturali historia (ad Aen. 3, 90). ‘di colpo parve segue l’opinione di Stoici ed Academici, per i quali ciò che va contro la natura non accade, ma sembra accadere. Per cui  è  esclusa del tutto la magia, come insegna Plinio nella Storia naturale’.

Il rinvio  a  Plinio potrebbe interessare nat. 30,  1 sgg., ma sono numerose, in Servio (ed anche nel Danielino e in Solino), le citazioni della Naturalis historia prive di riscontro nell’opera pliniana che conosciamo. L’espressione non fieri, sed fieri videri è comunque simile a quelle utilizzate da Servio per negare la realtà dell’apparizione dei Penati (non enim sunt, sed videntur). Servio sembra disinteressato, sia nel caso di Ettore che in quello dei Penati, alla tradizionale distinzione fra il sogno veritiero (somnium / ὄνειρος) e quello che non porta predizioni per il futuro (insomnium / ἐνύπνιον) 28. Lo rivela anche la notazione sul risveglio improvviso di Enea che fa seguito ad ambedue i sogni (3, 176 e 2, 302): corripio e stratis corpus ne satietate videtur reliquisse somnum. Et sciendum, quia quotiens ex abrupto somnus aufugerit significat omen infelix, ut ecce hoc loco tempestas sequitur. Item in secundo ‘excutior somno’ [2, 302], et statim sequitur civitatis excidium: nec sine ratione; nam si somnus munus deorum est, ut ‘et dono divum gratissima serpit’ [2,  269], non sine infelicitate ex abrupto deorum munus abscendit (ad Aen. 3, 176). ‘alle coltri rapisco il mio corpo perché non sembri che aveva dormito a sufficienza. È da sapere che tutte le volte  Cfr. Macr. somn. 1, 3, 2 sgg.

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che ci si sveglia all’improvviso, questo è un segnale infausto, come in questo caso, in cui fa seguito una tempesta. Così anche nel libro II, ‘mi riscuoto dal sonno’, dove fa subito seguito la strage nella città. Ciò non avviene senza ragione: se infatti il sonno è un dono degli dei, come in ‘e si insinua gratissimo dono divino’, dalla sua interruzione il dono degli dei non arriva senza infelicità’.

Q uesta modalità di risveglio  è  indicata da Servio come evento infausto, seguito da sventure (la caduta di Troia dopo il sogno di Ettore e la tempesta dopo quello dei Penati) 29. Egli sembra, in questa nota, ignorare o considerare irrilevante il significato rivelatore e strategico che i due sogni hanno nell’economia narrativa del poema.

Bibliografia Baschera 2003  = Claudio Baschera, ‘L’Ulisse di Achemenide’, Bollettino di Studi Latini, 33, p.  492-496 (rist. in Il testo  e  i suoi commenti. Tradizione ed esegesi nella scoliastica greca e latina (Messina 21-22 settembre 2000),  a  c. di A.  Zumbo, Messina, 2012, p. 33-37). Casali 2017 = Sergio Casali (ed.), Virgilio, Eneide 2, Pisa (20192). Clément-Tarantino 2011  = Séverine Clément-Tarantino, ‘Éloge et défense dans le commentaire de Servius à l’Énéide’, in Servius et sa réception de l’Antiquité à la Renaissance, M. Bouquet – B. Méniel (eds.), Rennes, p. 101-120. Delvigo 2013 = Maria Luisa Delvigo, ‘Per transitum tangit historiam: Intersecting Developments of  Roma Identity in Vergil’, in Augustan Poetry and the Roman Republic, J.  Farrell – D.  Nelis (eds.), Oxford, p. 19-39. Fo 2012 = Alessandro Fo (ed.), Publio Virgilio Marone, Eneide, Torino. Georgii 1891 = Heinrich Georgii, Die antike Äneiskritik aus den Scholien und anderen Q uellen, Stuttgart. Gioseffi 2004 = Massimo Gioseffi, ‘Allegoria e cerimoniale negli scoli serviani’, Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia dell’Università degli Studi di Milano, 57, p. 45-68.

  Cfr. Gioseffi 2004, p. 58-59.

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OBSCURA QUIDEM, SED VERA. PROFEZIE E DIVINAZIONI NELLA PROSPETTIVA SERVIANA

Heyne – Wagner 1832 = Christian Heyne – Georg Wagner, Publius Vergilius Maro varietate lectionum et perpetua adnotatione ill. Ch. G. Heyne, ed. quartam cur. G. P. E. Wagner, v. II, Lipsiae – Londinii. Highet 1972 = Gilbert Highet, The Speeches in Vergil’s Aeneid, Princeton. Horsfall 2006 = Nicholas M. Horsfall, Virgil, Aeneid 3. A Commentary, Leiden – Boston. Kyriakidis 2014  = Stratis Kyriakidis, ‘From Delos to Latium. Wandering in the Unknown’, in Geography, Topography, Landscape: Configurations of  Space in Greek and Roman Epic, M. Skempis – I. Ziogas (eds.), Berlin – New York, p. 265-290. Moore 1891  = John  L. Moore, ‘Servius on the Tropes and Figures of  Vergil’, American Journal of  Philology, 12, p. 157-192. Pellizer 1990 = Ezio Pellizer, s.v. ‘Ulisse’, Enciclopedia Virgiliana V*, Roma, p. 359-360. Perutelli 1988 = Alessandro Perutelli, s.v. ‘somnium / insomnia’, in Enciclopedia Virgiliana IV, Roma, p. 937-940. Savage 1925 = John J. H. Savage, ‘Notes on Some Unpublished Scholia in a Paris. Manuscript of  Virgil’, Transactions of  the American Philological Association, 56, p. 229-241. Setaioli 2004 = Aldo Setaioli, ‘Interpretazioni stoiche ed epicuree in Servio  e  la tradizione dell’esegesi filosofica del mito  e  dei poeti  a Roma (Cornuto, Seneca, Filodemo)’, International Journal of  the Classical Tradition, 10, p. 335-376; 11, p. 3-46. Stok 2016 = Fabio Stok, ‘Storia e anacronismi nell’esegesi serviana’, in Fragments d’érudition. Servius et le savoir antique, A. Garcea – M.-K. Lhommé – D. Vallat (éd.), Hildesheim, p. 415-434. Stok 2016-2017 = Fabio Stok, ‘Schemi di accessus a Virgilio’, Incontri di filologia classica, 10, p. 229-243. Timpanaro 2001 = Sebastiano Timpanaro, Virgilianisti antichi e tradizione indiretta, Firenze. Torzi 2014 = Ilaria Torzi, ‘Esegesi virgiliana tardoantica ed inferenza: ductus, oblique, latenter’, Aevum, 88, p. 195-224. Vallat 2012  = Daniel Vallat, ‘Servius Danielis et les obtrectatores  : éléments de polémique anti-virgilienne’, Eruditio Antiqua, 4, p. 247-287. Vallat 2013  = Daniel Vallat, ‘Per transitum tangit: allusions, sens cachés et réception de Virgile dans le commentaire de Servius’, in Totus scientia plenus. Percorsi dell’esegesi virgiliana antica,  a  c. di F. Stok, Pisa, p. 51-81. 249

F. STOK

Abstract In his commentary Servius examines the prophecies and interpretations of  prophecies given by Anchises in the third book of  the Aeneid. He takes into account the fact that the whole book is narrated by Aeneas, and tries to give narrative coherence to the various episodes. The critical approach  of   the Servius Danielis is in part similar to that of  Servius, but emphasizes more the role of  Anchises as prophet, reflecting his role central played in the pre-Virgilian tradition, modified and shortened by Virgil.

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Q UATRIÈME PARTIE

LE DÉCRYPTAGE DE L’ÉLOQ UENCE VIRGILIENNE

SÉVERINE CLÉMENT-TARANTINO

UT SOLET, VENUS VINCIT  1 : LE DIALOGUE ENTRE VÉNUS ET JUNON AU CHANT 4 DE L’ÉNÉIDE LU PAR LES COMMENTATEURS ANTIQ UES DE VIRGILE

Le concilium deorum – en l’occurrence, concilium dearum – que Virgile a placé en amont de la fameuse scène de la grotte au chant 4 de l’Énéide (Aen. 4, 90-128) a quelque chose d’étrange 2. C’est peut-être une des scènes divines de l’épopée de Virgile qui aurait pu le plus s’attirer le qualificatif de ‘superflue’  ; pourtant, les commentateurs, surtout anciens, d’après ce que nous pouvons   L’expression est de Saint Augustin, De ciu. D., 7, 15, qui compare la dispute entre Junon et Vénus autour de l’étoile du matin (Lucifer) à leur rivalité à propos de la pomme d’or (lors du Jugement de Pâris) : comme toujours, c’est Vénus qui gagne – c’est son nom qui désigne de préférence cette étoile. 2   Ce n’est pas un lieu très fréquenté par les critiques. Highet 1972 lui accorde peu de place ; Wlosok 1967 ne s’intéresse pas spécialement à ce discours de Vénus quand elle considère la scène (p. 103). Plus récemment, Keith 2006 considère la démarche de Junon pour marier sa protégée en relation avec le rôle joué par les femmes romaines de l’élite dans l’organisation (sc. ‘l’arrangement’) des mariages des femmes de leur famille (§ 9-15 de l’article). Konstan 1986 considère la question du sourire ou du rire final de Vénus et de son objet précis, mais en début d’article il reparcourt toute la scène ; il lui applique alors l’adjectif qualifiant le (sou)rire de Vénus dans le titre de son essai : ‘enigmatic’ (p. 18). Ce dialogue est par ailleurs intrigant pour les ré- et pré-itérations qu’il contient : il rappelle ainsi la scène du livre 1 entre Junon et Éole et annonce celle du livre 7 entre Junon et Allecto. Je voudrais signaler aussi l’idée, développée par J. Rohman, que dans cette scène, Junon tend à prendre le rôle de Jupiter tandis que Vénus jouerait le sien : cf. Rohman 2013, p. 449-450. Plusieurs éléments dont la question Q uis erit modus aut quo nunc certamine tanto ? (Aen. 4, 98) font de ce dialogue une anticipation ou une sorte de ‘répétition générale’ du dernier entretien entre Jupiter et son épouse au chant 12 (voir Aen. 12, 193 sqq.). Il y a dans le commentaire de Servius auctus au v. 101 une suggestion que Junon sort de son rôle : quand, avec ardet amans Dido, Junon ‘en dit plus que Vénus n’avait demandé’ (à Cupidon d’obtenir), elle semble décrire l’état de la reine à la manière du poète. 1

Vergilius orator. Lire et commenter les discours de l’ Énéide dans l’Antiquité tardive, éd. par Daniel Vallat, STTA 20 DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.128632 (Turnhout 2022), pp. 253-270    ©             

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en voir, ne font aucune observation en ce sens 3. Q ui lit ce dialogue entre Junon et Vénus est au moins en droit de se demander pourquoi la première court le risque de fragiliser le pouvoir de ‘sa’ reine fondatrice et pourquoi la seconde laisse la situation de son fils se complexifier de manière critique, alors qu’elle-même avait eu tellement besoin d’être rassurée après la tempête. Il semble que, précisément, Vénus a été si bien rassurée quant à la fermeté du plan divin dans laquelle la carrière de son fils s’inscrit qu’elle ne doute pas que, quoi qu’entreprenne ici Junon, cette dernière échoue  à  lui nuire réellement 4 et  à  bouleverser les fata. La suite de la narration au chant 4, surtout après l’intervention de Fama, crée toutefois l’impression que le risque qu’Énée ne compromette tout – la réalisation de s/ces fata et ce que ceux-ci comportent – est devenu réellement grand, au point que Jupiter s’alarme, voire s’irrite, et fait intervenir Mercure pour remettre héros et événements dans leur cours établi. A posteriori la conduite de Vénus peut ainsi apparaître comme bien légère et son sourire, à la fin de son affrontement avec Junon, comme en total décalage avec la gravité de la situation : elle pense être sortie gagnante de cette joute aux airs de jeu de dupes ; à rebours, on peut penser qu’elle a plutôt révélé son infériorité et que Junon l’a battue au jeu qu’elle, ‘la toute belle’, a initié au chant 1 en faisant intervenir Cupidon, alors même que ce n’était pas si nécessaire. La suggestion que Junon plutôt que Vénus a pu être généralement vue comme la gagnante de ce duel en paroles du chant 4 est peut-être donnée par la tradition picturale où, en relation avec les amours de Didon et d’Énée, Junon paraît plus souvent représentée seule qu’avec Vénus et où, d’ailleurs, cette dernière se voit

3  Le statut particulier des scènes divines vues au moins comme détachables ou suppressibles est indiqué par Tiberius Donat quand il les traite comme des parenthèses après lesquels le récit reprend, retrouve sa continuité. C’est le cas de l’entretien de Vénus et Jupiter au livre 1, suivi de l’envoi de Mercure : voir Interp. Verg. I, p. 66, 27-p. 67, 3 (en détaillant son analyse, le commentateur qualifie cependant la parenthèse en question de nécessaire ; il ne prend pas toujours cette précaution : ainsi à propos du dernier conseil divin, le dialogue entre Junon et Jupiter au chant 12 ; voir Interp. Verg. II, p. 634, 9-19). 4   Alors qu’elle pourrait le faire si elle s’opposait trop durement à elle : c’est une explication qu’on trouve chez les commentateurs  : voir Interp. Verg. I, p. 369, 7-10 (et infra).

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souvent remplacée par son fils Cupidon 5. Comme nous allons le voir, les commentateurs anciens du passage, eux, tendent globalement à donner l’avantage à Vénus dans les remarques qu’ils consacrent à l’échange entre les déesses. Les notions importantes dans les commentaires de Servius et de Tiberius Donat sont ici celles de dissimulation et d’hostilité : ils font voir comme les deux déesses s’agressent de façon beaucoup plus virulente qu’il pourrait sembler ; leurs discours sont emplis d’arrière-pensées et de sous-entendus, spécialement celui de Vénus, donc, dont la ruse supérieure consiste non seulement à cerner les intentions véritables de Junon, mais encore à seulement faire mine de se soumettre à l’épouse de Jupiter et à ses propositions.

1. De l’analyse rhétorique aux leçons de vie Toutefois, en comparaison d’autres passages et de commentaires ultérieurs, les remarques présentées par Servius et Tiberius Donat à propos du dialogue entre Junon et Vénus ne mettent pas explicitement l’accent sur le caractère rhétorique des discours des deux déesses. La différence est nette avec le commentaire de Juan Luis de la Cerda, par exemple ; le savant jésuite aborde en particulier le premier discours de Junon comme une oratio complète avec un exorde, une conclusion, un genus de référence (le genre délibératif), une fin (la persuasion) 6. Il a ensuite plutôt à cœur de souligner la différence dans la représentation des déesses d’une façon qui avantage Vénus : à la grandiloquente et furieuse Junon s’op-

5  Il est plutôt rare de trouver dans une même image l’entretien entre les déesses et la scène de la grotte ; pour cette dernière, c’est Junon qui semble privilégiée avec le désir ou le plaisir de l’amour représentés par Cupidon  : ainsi Francesco Solimena, The Royal Hunt of  Dido and Aeneas, c. 1712-1714, Houston, Museum of  Fine Arts ; de même pour le tableau du même nom de Filippo Falciatore, c.  1735, Londres, The Matthiesen Gallery. Parfois Didon et Énée sont escortés par les seuls Amours : ainsi dans la scène peinte par Thomas Willeboirts Bosschaert, 1646, Potsdam, Schloß Sanssouci und Große Bildergalerie. Bien sûr, les contre-exemples existent, comme dans le Paysage avec l’union de Didon et Énée figuré par Carlo Maratta et Gaspard Dughet, vers 1664-1668, Londres, The National Gallery, où apparaissent non seulement Junon et Vénus mais aussi Amours et Hyménée. 6  La Cerda 1612 p. 397, explicationes b-e.

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pose en effet la Vénus tout en ruses 7 puis tout sourire 8 qui accepte le plan de Junon parce qu’elle a la certitude qu’il ne peut aboutir. Du côté des deux commentateurs anciens, c’est dans Servius auctus qu’on peut lire, à propos du vers 110 : Oratorie et blanditur et pugnat, sed non palam, dicendo incertam se esse de uoluntate deorum.

Il est probable que, dans le contexte, non palam porte plutôt sur pugnat : ‘Elle fait preuve d’éloquence quand elle se fait caressante avec elle et, en même temps, la combat, mais pas de manière déclarée : elle dit ‹seulement› qu’elle n’est pas sûre de la volonté des dieux’. Mais on ne peut pas exclure, me semble-t-il, que non palam soit en regard de l’adverbe qui ouvre la phrase, de sorte que les ressorts rhétoriques du discours de Vénus soient indissociables de la ruse qui lui est propre et demeurent cachés 9. Chez Tiberius Donat non plus, les termes d’analyse rhétorique n’abondent pas dans le passage. Le début du premier discours de Junon est ‘comme’ un éloge qui tient en fait plus du blâme 10 ; la 7  Même si la démarche de Junon est caractérisée aussi par les pièges, insidiae, la calliditas est mise en avant comme qualité propre de Vénus dès l’analyse des mots par lesquels elle est introduite : La Cerda se tourne vers Servius pour distinguer ingredior, verbe propre aux ruses, d’adgredior par lequel le premier discours de Junon était amené ; il souligne ensuite le contraste entre la ‘pompe’ avec laquelle la ‘Saturnienne’ était présentée et la simplicité avec laquelle Vénus l’est, quant à elle. La Cerda semble adopter le point de vue de Vénus ou considérer comme partial celui du narrateur quand il va jusqu’à proposer de voir en Olli au début du vers 105 une autre manifestation de l’arrogance de Junon (explicatio a, p. 399). 8   La Cerda 1612 met en avant deux traditions de représentation de Vénus (ou en l’occurrence d’Aphrodite) : une, liée à Sappho, de dea dolos nectens, δολοπλόκος (voir p. 399, argumentum des v. 105-114), l’autre, attestée par Homère, de déesse ‘philomedeam, id est, amantem risus’ (p. 401, n. 11). 9  ‘Elle fait preuve d’éloquence quand elle la flatte et la combat en même temps ; mais elle ne le fait pas de manière ouverte : elle dit ‹seulement› qu’elle n’est pas sûre de la volonté des dieux.’ Oratorie apparaît en cinq autres endroits dans le commentaire servien, le plus souvent dans Servius auctus (ad Aen. 2, 86 ; 4, 361 ; 11, 24 ; 11, 256 ; [Servius] 11, 343 : il s’agit bien de qualités rhétoriques ou oratoires des paroles considérées ; cf. e.g. Rhet. Her. 4, 69, 7. Une présentation plus complète de ces occurrences est fournie, dans le présent volume, par MariaLuisa Delvigo (‘Oratorie dicta  nel commento di Servio  e  di Servio Danielino all’Eneide’) ; celle-ci s’intéresse en particulier aux passages où les capacités oratoires ainsi désignées sont mises en relation avec la calliditas de l’orateur ou de l’oratrice : elle a retenu comme premier cas d’étude le même passage que celui qui m’a occupée. 10  Interp. Verg. I, p. 367, 22.

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reine des dieux a déduit ‘par conjecture’ les raisons qui ont poussé Vénus à intervenir dans la situation carthaginoise 11 ; ses derniers mots forment un ‘discours biaisé’ (dictio obliqua) parce que si ces mots ont une apparence de simplicité, il est tout de même possible d’y saisir toute l’inimitié que Junon nourrit encore et toujours  à  l’endroit de Vénus et d’Énée 12. À  cet endroit, Tiberius Donat généralise en reconnaissant un des éléments de l’enseignement plus large que Virgile dispense à ses lecteurs, non seulement en tant que summus orator mais encore en tant que ‘maître de vie’ 13. Car le fait que l’on puisse encore discerner l’hostilité de Junon dans ses derniers mots est vu comme une illustration du fait que l’on peut facilement découvrir les plans de ses ennemis quand ils sont tapis sous une apparence de concorde 14 : ecce Vergilius docet facile inimicorum posse noscere consilia, cum sub imagine concordiae latent.

Plus loin, c’est  à  propos du conseil de Vénus invitant Junon à  consulter Jupiter que le commentateur présente une remarque semblable  ; les arcana fatorum tendent alors  à  être rabaissés, réduits à un de ces secrets à propos desquels ‘les maris s’ouvrent aisément à leurs femmes 15 !’ L’observation – qui n’est pas explicitement mise au compte de Virgile magister – ne donne pas non plus lieu au décryptage d’une ironie supplémentaire de la part de Vénus à l’endroit de sa belle-mère. Cette activité, qui tient en fait plus de l’explicitation de l’hostilité ou des ruses contenues dans les paroles des deux divinités, domine pourtant la démarche herméneutico-didactique des commentaires dans le passage.

2. L’inuidia et les ruses mises à jour : les commentateurs explicitent La remarque générale que fait Tiberius Donat à la fin du premier discours (Junon  à  Vénus  : dicebat enim uelut tota simplicitate   Interp. Verg. I, p. 367, 26-27.   Interp. Verg. I, p. 368, 21-22. 13  Voir Interp. Verg., prooemium, p. 5, 2-24. 14  Interp. Verg. I, p. 368, 23. 15  Interp. Verg. I, p. 370, 11-12. 11 12

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verborum tenens tamen interius quod inimicitias Iunonis integras demonstraret 16) saisit bien les enjeux de toute la scène et du travail des commentateurs à son propos : les personnages s’y expriment ‘simplement’, c’est-à-dire que leurs discours ne sont pas cryptés ; leurs énoncés sont clairs, mais l’hostilité mutuelle des locutrices, intacte, y est toute rentrée, contenue, réfrénée. Les commentateurs s’emploient alors  à  la rendre lisible et compréhensible en détectant ce qui relève du ton, de l’emphase et de l’insinuation. 2.1. Une tirade à se mettre en bouche pour en mesurer l’agressivité : le premier discours de Junon Le premier discours de Junon attire en particulier des remarques qui visent à en souligner l’agressivité, le fait que, sous une apparence de concorde, il est chargé d’inuidia, d’hostilité. Ainsi, Tiberius Donat indique : cum dicit ‘adgressa’, ostendit eam aliquid inuidiose dicturam 17. Le commentaire de Servius s’ouvre, il est vrai, sur l’affirmation que la déesse parle avec habileté : à la différence de ce qu’en dit, des siècles plus tard, un La Cerda, adgreditur qui introduit Junon n’est pas appréhendé différemment d’ingressa, qui introduit ensuite Vénus (v. 107) 18. Servius note : cum calliditate loquitur ; et Servius auctus, rappelant un autre emploi d’adgredior par Virgile (Aristée devant surprendre Protée pour lui parler, G.  4,  404) détecte même une suggestion de guet-apens. Par la suite, toutefois, l’idée que Junon cherche à duper Vénus n’est pas réaffirmée dans l’analyse même de son discours (Servius auctus mentionne seulement l’avis de ‘quelques-uns’ qui considèrent que la démarche de Junon est trompeuse, quand elle va jusqu’à admettre que Didon et son peuple acceptent de se mettre au service des ‘Phrygiens’ 19 !). Q uand le poète exprime lui-même cette   Interp. Verg. I, p. 368, 21-22.   Interp. Verg. I, p. 367, 16 : Tiberius Donat emploie adgressa au lieu d’adgreditur sans doute parce que lui-même en expliquant la situation vient de dire ‘adgressa est’, au parfait. 18  Voir supra n. 7 : La Cerda se recommande pourtant de Servius pour cette distinction, en ne retenant que ce qui est dit dans Servius auctus (qu’il connaît) : habet enim haec uox [ingredior] insidiarum significationem. Servius, à propos du deuxième verbe, note en fait : ‘calliditatis est, ut supra’. 19  La remarque – Nonnulli autem per fallaciam Iunonis dictum accipiunt – intervient en effet au début du commentaire  à  phrygio servire marito au v. 103. Une large part de la discussion qui vient ensuite (qui intègre aussi liceat) 16

17

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feintise (simulata mente, v. 105), le commentateur (Servius) renvoie à l’idée exprimée au départ (simulata mente : hoc est ‘talibus adgreditur’ [v. 92]), presque comme s’il voulait souligner la cohérence de la narration et de la présentation des personnages orateurs, plutôt que le fait même de la tromperie entreprise par Junon. Cette dernière, peut-être surtout dans le commentaire servien, ne semble donc pas en reste dans ce domaine de compétences. Mais en considération de toute la séquence et surtout chez Tiberius Donat, la ruse continue d’apparaître comme l’apanage de Vénus 20, face à une Junon qui a pris son habit de ‘Saturnienne’ qui va nuire 21. Tant dans le commentaire servien que chez Tiberius Donat, l’attaque ironique de ladite Saturnienne, qui fait mine de louer Vénus et Cupidon pour la victoire sans gloire qu’ils ont remportée sur une mortelle (Aen. 4, 93-95), est relevée : c’est un blâme sous un air d’éloge, écrit en substance Tiberius Donat (haec ueluti laus uituperationem potius tenet 22), tandis que Servius souligne le recours  à  l’ironie, qu’il définit. De façon intéressante, il précise que sa perception tient essentiellement à la façon de lire les vers en question, au ton qu’on va y mettre 23. egregiam vero laudem : ironia est, inter quam et confessionem sola interest pronuntiatio  ; et ironia est cum aliud verba, aliud continet sensus 24. porte sur le type de mariage auquel Virgile via Junon fait ainsi allusion, la coemptio, ou achat réciproque, selon lequel la femme ‘accepte la condition d’une libre servitude’. Au cours de ce commentaire, est aussi rapportée la lecture de certains qui se demandent si seruire réfère à Didon (qui n’est pas représentée par un pronom) ou aux Tyriens (mentionnés au v. 104). Enfin, il est aussi question de l’inuidia contenue dans Phrygio marito, ‘id est qui uictus est’ (voir infra). 20   Du côté de Tiberius Donat, liceat Phrygio servire marito est même interprété comme une formule de résignation : quasi si diceret ‘quando ad hoc uentum est, fiat quod non debuit, ut illi quos amo seruiant inimico meo’ (Interp. Verg.  I, p. 368, l. 14-15). 21  À propos de Saturnia au v. 92, Servius auctus rappelle : ubi nocituram Iunonem poeta uult ostendere ‘Saturniam’ dicit. 22  Interp. Verg. I, p. 367, 22-23. 23  Cf. Vallat 2013, p. 31 : D. Vallat précise que dans la remarque du Servius auctus qui suit (voir infra), il s’agit plutôt d’une question de rythme, à la différence de ce qu’on trouve chez le grammairien Diomède à propos du même passage (il est question de la grauitas que l’on doit démontrer en lisant). 24  Servius ad Aen. 4,  93. Le v.  93 est régulièrement cité par les grammatici pour illustrer l’ironie en général ou la valeur ironique de uero. Voir par exemple

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‘egregiam vero laudem : c’est de l’ironie ; entre celle-ci et l’affirmation, le ton seul fait la différence ; et l’ironie, c’est quand les mots disent une chose, la signification une autre.’

Des indices majeurs de cette ironie se trouvent en fait dans les éléments d’exagération de ce faux éloge, dans les allitérations qui soulignent ceux-ci ou démentent la grandeur de la victoire remportée et de la démonstration de puissance accomplie par Vénus et [son] ‘garçon’. Mais l’invitation de Servius à lire les vers en question avec vigilance est certainement utile pour le jeune lecteur ou pour qui lit le passage pour la première fois ; une fonction similaire est assurée par l’emploi des points d’exclamation dans la traduction française (ainsi celles de Perret et de Veyne), en face d’un texte latin seulement ponctué de virgules et de points : ‘le fameux succès, les amples dépouilles que vous nous rapporterez, toi et ton garçon ! Grand, mémorable effet de votre puissance, qu’une femme toute seule ait été vaincue par la ruse de deux divinités 25 !’ Mais cette traduction ne peut pas faire 26 ce qui est préconisé dans la série de remarques du Servius auctus : Singula autem hic pronuntianda sunt et morandum in singulis uerbis ; habent enim singula inuidiam. ‘Il faut ici détacher les mots un à un et s’arrêter sur chaque mot : l’un après l’autre ils sont chargés de haine 27.’

Ces remarques réunies poussent (même) le lecteur ou la lectrice d’aujourd’hui à oraliser ce discours de Junon, pour bien ressentir et mesurer cette haine ou cette agressivité qui s’en dégage, de bout en bout, et ce, malgré un contenu qui (pré)tend à l’apaisement via l’alliance d’intérêts. De tels conseils ne reparaissent pas ensuite pour ce passage ; les prononcer ‘avec le ton’ serait pourtant une Aelius Donat, Ars grammatica, Ars maior III, 6 (IV, p. 401, l. 30-p. 402, l. 2 Keil) ; ad Eun. 86. 25   Je cite la traduction de J. Perret (Perret 1977) qui ajoute d’autres indices dans sa traduction même (l’ambigu ‘fameux’, le ‘nous’ éthique, ‘toute’ soulignant ‘seule’). 26  L’évitement de la coordination par J. Perret produit cependant peut-être un effet comparable, forçant plus le lecteur à soupeser chaque adjectif (egregiam… laudem et spolia ampla, magnum et memorabile numen). 27  Traduction de J.-Y. Guillaumin (Guillaumin 2019).

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bonne manière d’exprimer l’emphase ou les sous-entendus contenus dans les derniers mots de Junon, aux v. 103-104 : liceat Phrygio seruire marito dotalisque tuae Tyrios permittere dextrae. ‘pour elle, accordons-lui de servir un mari phrygien et de remettre en ton pouvoir les Tyriens qui seront sa dot 28.’

Tiberius Donat décèle et dans Phrygio et dans tuae des attaques implicites : Q uod enim dixit ‘Phrygio’ ibi est subtile conuicium, quasi   tuae Tyrios abiecto et infimae gentis homini. dotalisque permittere dextrae : et hic quod dixit ‘tuae’ quasi indignae 29. ‘Phrygio’  : il y  a  là une injure implicite, elle veut dire “cet homme d’une engeance infime, minable”  ; et maintenant quand elle dit “ta ‹main›”, elle veut dire “qui en est indigne”.’

Servius remarque à propos de Phrygio seruire marito que cela est dit ‘de manière emphatique’, au sens où ‘phrygien’ implique et signifie en fait ‘[un mari] exilé’. L’emploi d’ἐμφατικῶς peut ici être à référé à la définition rhétorique de l’emphase telle qu’on la trouve dans Q uintilien (8, 3, 83-84) : ‘qualité qui donne à entendre au-delà de ce que les mots seuls expriment’, avec deux sortes, ‘une qui signifie plus qu’elle ne dit, l’autre même ce qu’elle ne dit pas’. Le commentateur ne dit pas explicitement qu’ainsi ‘traduit’ le nom devient injurieux, mais cela se déduit du contexte et de l’espèce d’alliance de mots qu’en intégrant cette interprétation on en vient à produire (exuli seruire, ‘servir un exilé 30’). Il n’est cependant pas impossible que l’autre utilisation qui paraît être faite de la notion d’emphase (emphasis), ou de l’adverbe correspondant   Traduction de J. Perret (Perret 1977).   Interp. Verg. I, p. 368, 16-17. 30  Elle serait encore plus forte avec la glose présentée ensuite par le Servius auctus : selon certains, Phrygio marito serait une manière hostile de dire ‘un vaincu’ (voir supra n.  19). Cf.  La Cerda 1612, n.  12, p.  398, rappelle la vue commune des Phrygiens comme des barbares efféminés et plus spécialement à leur naturel servile, de sorte que Phrygio seruire ferait allusion à ces [Phrygiae] gentis ingenia seruilia. 28 29

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(utilisé en grec), dans le commentaire servien, ait ici une part, car il s’agit bien aussi de désigner d’une manière grandiloquente, avec ici une feinte mise en valeur, celui qui, en effet, est un exilé (et n’est qu’un exilé, aux yeux de Junon) 31. 2.2. La réponse de Vénus : une opposition tout en maîtrise Si une qualité ressort du discours de Vénus tel que le lisent les commentateurs, elle concerne son art du sous-entendu. Il s’agit aussi de la maîtrise dont la mère d’Énée fait preuve, pour autant qu’elle apparaît comme celle qui sait, mieux que son adversaire, ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, et donc ce qu’elle peut faire mine de laisser faire. Le commentateur manifestement le plus admiratif de cette ‘tirade’ de Vénus est Tiberius Donat, qui la signale tout de suite comme tractatus magnus atque astutus 32. Ensuite il prend le soin, pas à pas, d’éclairer chaque étape de ce discours, revenant même au passage sur les raisons qui ont poussé Junon à agir et parler comme elle l’a fait, avec l’intention de tromper. Du côté du commentaire servien, il n’y a quasiment pas de remarques (autres que sur ingressa, v. 107), chez Servius, sur la manière du discours et les complexités à en démêler ; c’est dans Servius auctus que se succèdent plusieurs remarques sur la stratégie biaisée de Vénus qui s’oppose sans s’opposer. Tiberius Donat souligne assez vite le fait que, d’une part, Vénus n’est pas dupe des manœuvres de Junon – qu’il tient une 31  Pour mentionner un exemple où ce sens-là de l’emphase semble prévaloir ou, à tout le moins, coexiste avec le sens rhétorique résumé par Q uintilien : ad Aen. 2, 374, paroles d’Androgée qui s’étonne de la lenteur des (faux) Grecs en comparaison ‘d’autres [qui] pillent et emportent Pergame en feu’. Le commentateur emploie ici l’adverbe et rapproche l’expression de Ilium in Italiam portans… (Aen. 1, 68). De fait, l’emphase, en tant qu’elle suggère beaucoup en disant peu (les remarques où il en est question concernent souvent l’emploi de pronoms ou de noms propres, aux pouvoirs très évocateurs) produit une mise en valeur. Il est intéressant que dans le commentaire du Servius auctus au même endroit (Phrygio seruire marito encore), c’est l’adverbe eloquenter qui est employé. J’ai par ailleurs mentionné au début l’insistance d’un Juan Luis de la Cerda sur l’arrogance de Junon qui est présentée – note La Cerda – de manière pompeuse, et a ensuite tendance à employer de ‘grands’ mots, comme le relevaient au passage les commentateurs antiques (cf. la remarque de Servius auctus ad Aen. 4, 101 rapportée supra n. 2). 32  Interp. Verg. I, p. 368, 27-28.

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première fois à expliquer 33 – et que, d’autre part, elle fait le choix de répondre  à  la ruse par la ruse pour ne pas risquer de rendre encore plus rancunière et dangereuse son atrox et pertinax inimica 34. Le commentateur insère une délibération de Vénus 35 qui aboutit à cette résolution de faire semblant d’acquiescer à la proposition de Junon et de lui faire entendre ce qu’elle a envie d’entendre, ce qui est le plus susceptible de la toucher (quod Iunonis animum tangere potuisset 36). C’est  à  cet endroit –  à  propos de la question rhétorique des v.  107-108 que le commentaire servien apporte une précision supplémentaire sur le choix de malit dans la proposition : ‘ou qui préférerait se battre contre toi ?’ ‘Non dixit “possit” ’, écrit le commentateur. Le sous-entendu qui me semble mis  à  jour par cette remarque – qui, comme souvent, n’en dit elle-même pas trop – est qu’il serait tout  à  fait possible de se battre (avec des armes, bello) contre Junon, mais que, en l’occurrence, Vénus fait le choix délibéré de ne pas lutter pour éviter d’envenimer les choses. Les deux commentaires (Interpretationes Vergilianae et commentaire de Servius auctus) se rejoignent ensuite sur l’idée que Vénus parvient  à  concilier un consentement et ce qui est en fait une profonde mise en doute de celui-ci : ‘si du moins la fortune t’accompagne dans le projet que tu décris’ (si modo quod memoras factum fortuna sequatur, Aen. 4, 109) – pour Servius auctus, elle indique ainsi de manière biaisée (oblique) qu’elle est d’accord mais que ce (qu’elle veut faire) n’est pas possible. 33  Face à l’introduction de la réponse de Vénus, Tiberius Donat commence par reprendre l’idée, mais en la mettant au compte de la clairvoyance de Vénus, que Junon avait seulement rentré son hostilité à son égard et à l’égard de son fils, mais n’y avait certes pas renoncé (Interp. Verg. I, p. 368, 28-30) ; sous couvert de bienfait, elle a donc cherché à nuire au lieu d’être utile (p. 369, 1-2). À cet endroit, il fait un premier rappel, sans référer au passage du proème de l’Énéide, des fata d’Énée (et de sa descendance) impliquant Carthage : Junon ‘savait très bien ce qui était dû à Énée, ce qui la faisait d’autant plus s’efforcer, pour le cas où ce serait possible’ de transférer toute la puissance promise à Rome à Carthage (p. 369, 1-4). 34   Interp. Verg. I, p. 369, 10. 35  Interp. Verg. I, p. 369, 5-7 : his in causa positis quid fuerat faciendum ? Intellectamne se scire debuit Iuno ? An ab eius fraudibus dissimulari oportuit ? Tiberius Donat  a  l’habitude, dans son commentaire, d’augmenter le texte de Virgile de passages qui ne s’y trouvent pas. Voir à ce sujet Gioseffi 2000, p. 173-177, qui met en évidence le rapport d’émulation entre ce commentateur et Virgile. 36  Interp. Verg. I, p. 369, 19.

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C’est à propos de fatis incerta feror (Aen. 4, 110) que Tiberius Donat explique : ‘elle n’était pas ‘incertaine’ 37, mais elle a employé ce mot pour éviter de donner l’impression de s’opposer et, en même temps, pour montrer que cela ne pouvait pas se faire, même en douce’. Pour Tiberius Donat, le ‘sommet’ du discours de Vénus est atteint (subtilitas mirifica !) lorsque la déesse, toujours en faisant mine de consentir, renvoie le refus, et le rappel que le projet de Junon est impossible, au jugement souverain de Jupiter. Q uand elle dirige en effet Junon vers son mari – Tu coniunx, tibi fas animum temptare precando (Aen. 4, 113) –, Vénus sait naturellement très bien quelle sera/it 38 la réponse de son père ; elle sait même très bien, ajoute Servius auctus, que Junon sait elle-même très bien 39 que cette réponse sera négative. C’est alors comme si Vénus disait : ‘moi, je veux bien te suivre, mais, si tu demandes à ton époux, il te rappellera certainement, tu t’en doutes, que cela n’est pas possible, que les fata en ont décidé autrement.’ Pour Tiberius Donat, toutefois, il semble y avoir moins ici un énoncé double (toujours dans l’optique de ne pas s’opposer frontalement tout en rappelant que le projet est impossible) que l’expression rusée d’un consentement sous condition : ‘demande à ton mari – quand ils gardent un secret les maris s’en ouvrent volontiers à leurs femmes 40 – et s’il est d’accord (en aparté : bien sûr qu’il ne le sera pas !), je te suivrai’. C’est ainsi que le commentateur peut enchaîner avec une interprétation du verbe excipio au v. 114 qui confirme l’infériorité de Junon : non intellecto Veneris dolo in haec Iuno respondit (‘à ces mots, Junon répondit – sans avoir compris la tromperie de Vénus’) (Interp. Verg. I, p. 370, l. 15-16). 37  Dans le commentaire de Servius auctus (ad Aen. 4, 110 fatis incerta feror), il est considéré que Vénus dit vraiment être incertaine – de l’avis de Jupiter, étant donné les fata. C’est cette analyse que suit la remarque plus générale que j’ai citée au début : sane oratorie et blanditur et pugnat, sed non palam... Cf. Interp. Verg. I, p. 369, l. 20-22. 38  Les commentateurs – en particulier Tiberius Donat – ne soulèvent pas le problème que peut poser cette apparente naïveté de Vénus : elle pourrait se douter en effet que Junon ne va pas prendre le soin d’aller s’inquiéter de la faisabilité de son plan auprès de son époux. Mais il n’est pas impossible que Vénus s’en doute et que sa stratégie, purement rhétorique, se fonde sur une absolue confiance dans les fata. 39  Servius auctus ad Aen. 1, 113 tu coniux : dicendo ‘coniux’ ostendit eam non posse ignorare impossibile esse quod petit. 40   Q uicquid secretum, ait, retinent uiri facile confitentur uxoribus : Interp. Verg. I, p. 370, l. 11-12.

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Servius auctus est encore là pour témoigner de ce que Junon avait aussi ses ‘supporters’ : selon l’avis de certains, dans la troisième manche de leur affrontement, la Saturnienne reprendrait l’avantage en prenant Vénus de court 41 ; loin d’aller trouver Jupiter, elle se hâte en effet de détailler son plan, qui implique nécessairement la déesse de l’amour. Car le mariage que l’épouse de Jupiter veut organiser sans plus tarder entre Didon et Énée nécessite le désir et l’union charnelle. Ainsi Servius (ad Aen. 4, 125) : tua si mihi certa voluntas : […] quia Iuno coniugium, Venus causa coniuctionis. Scit igitur Iuno nil se posse ad nuptias nisi uoluntas Veneris adfuerit. ‘tua si mihi certa voluntas  : Parce que Junon est le mariage, et Vénus la cause de l’union sexuelle. Junon sait donc qu’elle ne peut rien pour les noces sans le bon vouloir de Vénus 42.’

Le deuxième discours de Junon suscite, en dehors de cela, peu de remarques substantielles 43. C’est sur la réaction finale de Vénus à la préparation de ce mariage – le piège imaginé par Junon pour bloquer Énée à Carthage – que les remarques des commentateurs se concentrent, et, encore une fois, c’est surtout le cas de Tiberius Donat 44. 41  Si Servius prend excepit (ad Aen.  4,  114) seulement dans le sens de ‘elle poursuivit’ (subsecuta est), Servius auctus y retrouve un mot propre à dire la ruse (cf. La Cerda 1612, n. 5, p. 399, qui documente cette valeur par des exemples pris en dehors de Virgile, avant de la discuter) : ‘on peut aussi comprendre excepit dans le sens de insidiose respondit, “elle répondit traîtreusement”, comme dans “Triton jaloux le surprit” [il s’agit de Misène] et “le surprend quand il ne s’y attend pas” [il s’agit d’Oreste sur le point de tuer Néoptolème].’ Chez Tiberius Donat (Interp. Verg. I, p. 370, l. 20-22) est exprimée l’idée que Junon se hâte de rendre possible l’union entre Didon et Énée, parce que, troublée par le discours de Vénus, elle redoute que le Troyen ne s’en aille bientôt. 42  Traduction de J.-Y. Guillaumin (Guillaumin 2019). 43   Ad Aen. 4, 122, Servius relève le fait que Junon annonce vouloir agir en se servant, lors de l’orage à venir, des éléments (en premier lieu, l’air) qui lui sont associés. Cela aussi constitue un rappel de la scène Junon-Éole du livre 1 et de la tempête alors déclenchée ; mais sinon à propos d’un vers où l’on ne s’y attendrait pas forcément (le v. 113 avec la formule tibi fas animum temptare precando), le renvoi à cette scène n’est pas explicitement fait dans le commentaire (rien n’est dit en particulier des citations internes ou des ‘répétitions’ qu’occasionnent tua si mihi certa uoluntas et conubio iungam stabili propriamque dicabo, v. 125-126 : cf. Aen. 7, 548 et 1, 73). 44   Dans le commentaire servien (Servius auctus), c’est à propos de conubio que l’expression dolisque repertis est éclairée : le conubium serait le dolus, un mariage

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non aduersata petenti adnuit atque dolis risit Cytherea repertis. ‘Sans faire d’objections, Cythérée donne son accord et rit, à l’invention de ces ruses 45.’

Le sens de dolis risit Cytherea repertis, qui clôt le passage (v. 128) a, à dire vrai, suscité plus de discussions chez les modernes 46. Si pour Servius auctus, dolis repertis fait référence au piège que l’on a dit, et si le rire de Vénus tient au fait qu’elle a très bien compris celuici 47, pour Tiberius Donat, la satisfaction de la mère d’Énée tient plutôt à la conscience de sa supériorité sur une rivale dont le plan est parfaitement limpide : parce que son intention n’a pas changé – nuire  à  Énée – les manigances de Junon ont clairement pour visée de tenir le héros éloigné de l’Italie. non adversata petenti adnuit atq ue dolis risit Cytherea repertis : cum haec Iuno dixisset, noluit Venus aduersari petitioni ac uoluntati eius perindeque consensit ridens aduersariae dolos euidentissime patuisse, quae sic insistebat, ut fieret aliquid quod esset Aeneae Troianisque contrarium, scilicet ut regnum Italiae Libycas aduerteret oras hoc est ad Libycas oras uerteret. (Interp. Verg. I, p. 371, l. 16-23). ‘non adversata petenti adnuit atq ue dolis risit Cytherea repertis : Junon ayant fini de parler, Vénus n’a pas voulu s’opposer à sa requête ni à sa volonté ; par conséquent elle a acquiescé, en riant de ce que les manigances de son adversaire étaient si évidemment manifestes ; Junon, en effet, s’acharnait pour qu’un obstacle se dressât devant Énée et les Troyens, bien sûr pour regnum Italiae Libycas adverteret oras [Aen. 4, 105], c’est-à-dire “détourner ‹la royauté de l’Italie› vers (ad) les rives de la Libye”.’ réputé ‘contraire à Vénus’ (Veneri contrarium). Loin d’inquiéter cette dernière, l’idée va plutôt la faire rire : ‘hic est dolus quem intellectura est et risura’. 45   Traduction de Perret 1977. 46  Voir particulièrement Konstan 1986, p. 20-21, qui considère l’essentiel de la bibliographie antérieure. 47  Je me réfère ici surtout à la note ad Aen. 4, 126 (conubio). Ad Aen. 4, 128 (repertis) l’interprétation est plus ouverte ou moins arrêtée  : deux sens sont donnés pour le participe ([les ruses] soit ‘inventées’ soit ‘percées à jour’) et la glose n’empêche pas la question sur le rire de Vénus (Cur autem ‘dolis repertis’ risit ?) Une proposition de réponse est rapportée à laquelle je reviendrai tout à la fin.

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Conclusion Si l’on considère les commentaires de Servius et – encore plus – de Tiberius Donat, c’est à Vénus que l’on est plutôt poussé à donner la victoire au terme de ce duel de mots avec l’épouse de Jupiter. Les capacités rhétoriques de la déesse sont, certes, en cause, et en particulier une finesse (subtilitas) qui lui permet de manier avec aisance le sous-entendu ou de s’exprimer avec cautèle. On peut toutefois se demander si, en définitive, la supériorité plus ou moins explicitement reconnue de Vénus n’est pas premièrement due à sa plus grande maîtrise… de l’histoire et du caractère immuable des fata qui en sous-tendent le récit 48 : l’insistance 49 avec laquelle Tiberius Donat rappelle le tout début de l’Énéide (dont le premier pan de l’exposé des causes, dédié à Carthage) contribue à rappeler – pour le lecteur même – l’importance de ces fata 50. Tiberius Donat a en outre très concrètement à cœur d’expliquer le but de cette intervention de Junon, peut-être parce que l’intrigue érotique qu’elle allait permettre de dérouler était problématique (nusquam sic uitia amoris expressa sunt in hoc libro 51…), ou parce qu’il pouvait ainsi encore montrer la cohérence parfaite du poète qui a fait comprendre au début de l’œuvre que l’obsession de la déesse était, par tous les moyens, d’écarter Énée de l’Italie 52. 48  Nuance similaire dans Konstan 1986, p. 21 : ‘To be sure the goddesses do not reveal their power only through speech’. 49 Voir Interp. Verg. I, p. 369, l. 2-5 ; p. 369, 24-p. 370, l. 5. 50   La réflexion de Konstan 1986 se termine sur une considération plus large de ce que sont les fata dans l’Énéide et de ce qu’ils intègrent les éléments en tension avec eux, les desseins apparemment contradictoires comme ceux de Junon. Le savant revalorise aussi la position et le discours de l’épouse de Jupiter dans le passage en considérant qu’elle sait ce qu’elle fait, qu’elle sait aussi les limites et s’emploie tout de même à agir pour au moins nuire à Énée et le retenir ne serait-ce que temporairement des rives de l’Italie. 51  C’est la formule remarquable employée par Tiberius Donat en Interp. Verg. I, p. 383, 3, qui a fourni le titre à Gioseffi 1999 ; le savant étudie la dimension morale particulière du livre 4 selon Tiberius Donat, à cause de la place qui occupe l’amour. Les amours du héros tiennent bien sûr du topos épique, quoique Virgile les présente de manière très problématique (notamment  à  travers la figure de la monstrueuse Fama). S’agissant du rôle de Junon dans le mariage de Didon et d’Énée, on sait l’importance du modèle apollonien : voir Arg. 4, 11411200 ; à propos de la scène du ‘mariage’ dans la grotte en particulier, voir Nelis 2001, p. 148-152. 52 Tiberius Donat y revient encore quand l’échec de son plan regardant Didon est révélé par l’annonce ille dies primus leti primusque malorum  / causa

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On a vu que si une voix ou des voix se faisaient tout de même entendre en faveur de Junon à propos de cette scène, c’était du côté de Servius auctus. Pourtant, dans la remarque  à  propos de dolis risit repertis, il ne cherche pas vraiment à atténuer l’avantage qui semble reconnu à Vénus et que matérialise son rire 53. Ce qu’on lit à propos de ce vers précis, Aen. 4, 128 (sous le lemme repertis) s’achève cependant sur une référence assez énigmatique : repertis : […] Cur autem ‘dolis repertis risit’ ? Q ui altius intellegunt sic tradunt : hoc est quos iampridem conpererat, cum Ilium obpugnaretur. ‘repertis : […] Mais pourquoi rit-elle des ruses ainsi trouvées ? Ceux qui vont chercher le sens plus loin livrent cette interprétation : il s’agit des ruses qu’elle avait déjà controuvées, longtemps avant, pendant le siège d’Ilion.’

L’expression manque assez de netteté pour que l’on puisse être sûr de l’identité du sujet de conpererat (et dans l’interprétation des mots de Virgile, de l’action désignée par le participe repertis). S’agit-il de la tromperie de Zeus par Héra racontée au chant 14 de l’Iliade ? – auquel cas le sujet de conpererat (et de reperio) serait plutôt Junon (dans l’esprit des interprètes évoqués, Vénus se flatterait-elle encore de la ruse qu’elle pensait avoir trouvée dans son propre discours en renvoyant Junon auprès de son époux ? ou s’agifuit (Aen. 4, 169-170) : elle qui voulait être utile à la reine et consolider Carthage, n’aura rien fait d’autre que provoquer la mort de sa protégée sans parvenir à retenir son rival (Interp. Verg. I, p.  375,  10-15). Le commentateur poursuit de manière très didactique : ut autem probemus hac ductam intentione Iunonem, ut Aenean ad Italiam nollet peruenire, et il fait référence au commentaire qu’il a donné d’Aen. 1, 38 (nec posse Italia Teucrorum auertere regem) en le citant à nouveau. Dans le commentaire servien, c’est la finalité de l’action de Vénus qui fait l’objet d’une explication entre les lignes ; cela se fait à l’aide de citations en direction de la scène Vénus-Cupidon du chant 1 : ueritam te moenia nostra (Aen. 4, 96) est référé par Servius à haud tanto cessabit cardine rerum (Aen. 1, 672) ; puis c’est Servius auctus qui, pour le même vers à propos de moenia nostra, rappelle quo se Iunonia uertant hospitia (Aen. 1, 671-672) ; et encore, au v. 100 (habes tota quod mente petisti), Servius rappelle Aen. 1, 676 : nostram nunc accipe mentem. Ainsi c’est par la crainte que Junon ne puisse lui faire du mal que l’intervention de Vénus via Cupidon est motivée. Dans la mesure où Junon n’était pas forcément présente lors de la rencontre de la ‘toute belle’ et de son ‘garçon’, il s’agit vraisemblablement surtout, pour les commentateurs, de mettre en relation les mots du poète et ainsi de souligner la grande cohérence entre les parties de son récit. 53  Surtout si l’on garde en tête la note à propos de conubio (voir supra, n. 43 et 44).

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rait-il plus généralement du fait de voir Junon s’abaisser – de son point de vue – à recourir à l’eros 54, comme elle l’avait fait auprès de son propre époux dans l’Iliade, pour tenter de parvenir  à  ses fins ?). Ou Vénus repense-t-elle plutôt à sa propre action – en tant que déesse de l’amour 55 – auprès des héros dans la même épopée homérique ? – et l’on peut songer alors à la scène du chant 3 où elle convainc Hélène de s’unir à Pâris de retour du combat. La première direction me semble plus plausible, mais la deuxième et le souvenir du passage d’Iliade 3 en particulier véhiculent avec eux une possibilité que d’autres lecteurs tardo-antiques de l’Énéide ont signalée, non pas dans des commentaires mais dans ces créations qui supposent une maîtrise exceptionnelle de l’œuvre du poète. Je veux parler des centons et, en l’occurrence, du centon Iudicium Paridis 56 : s’y trouvent mobilisés plusieurs vers du dialogue entre Junon et Vénus, au point peut-être de suggérer qu’il abrite la réactualisation virgilienne du certamen entre les déesses, dont, on le sait bien, ou comme dit Augustin, ut solet, Vénus sortit victorieuse.

Bibliographie Georgii 1905-1906 = Heinrich Georgii, Tib. Claudius Donatus. Interpretationes Vergilianae, Stuttgart. Gioseffi 1999 = Massimo Gioseffi, ‘Nusquam sic vitia amoris. Tiberio Claudio Donato di fronte a Didone’, in Ricordando Raffaele Cantarella. Miscellanea di studi, F. Conca (ed.), Bologna, p. 137-162. 54   Sainte-Beuve, dans son Étude sur Virgile, parlait du sourire ‘de la divine Cythérée’ ‘en entendant cette proposition un peu légère de la grave Junon’ (18702, p. 285). 55  Ou s’agit-il encore de ses différentes interventions où intervient la ruse ? parce que leur souvenir lui donnerait confiance dans la suite des événements et dans sa capacité à protéger son fils Énée ? Il est vrai que dans l’épisode du chant 3 que je distingue, pour convaincre Hélène, Aphrodite recourt moins à la ruse qu’à la contrainte ; mais elle reste bien φιλομμειδὴς Ἀφροδίτη (Il. 3, 424). 56  Anth. Lat. 10 R. : il s’agit au v. 20 de la reprise de sic contra est ingressa Venus (Aen. 4, 107), au v. 31 de coniugio (pour conubio) iungam stabili propriamque dicabo (Aen. 4, 126 et 1, 78), au v. 32 de Phrygio seruire marito (Aen. 4, 103). Dans la scène même entre Junon et Vénus, des termes peuvent évoquer cette référence au concours déclencheur de la guerre de Troie  : certamine au v.  98, bello dans contendere bello au v. 108. La référence à la guerre de Troie et à l’Iliade est plus tard explicitement produite par Virgile dans le discours d’Iarbas, où, si Énée prend de façon attendue le rôle de Pâris, Didon devient Hélène (Aen. 4, 215-217).

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S. CLÉMENT-TARANTINO

Gioseffi 2000 = Massimo Gioseffi, ‘Ritratto d’autore nel suo studio. Osservazioni a margine delle Interpretationes Vergilianae di Tiberio Claudio Donato’, in E io sarò tua guida. Raccolta di saggi su Virgilio e gli studi virgiliani, a cura di M. Gioseffi, Milano, p. 151-215. Guillaumin 2019 = Jean-Yves Guillaumin (éd.), Servius, Commentaire sur l’Énéide de Virgile, livre IV, Paris. Keith 2006 = Alison Keith, ‘Women’s Networks in Vergil’s Aeneid’, Dictynna, 3, URL : http://journals.openedition.org/dictynna/216 Konstan 1986 = David Konstan, ‘Venus’s enigmatic smile’, Vergilius, 32, p. 18-25. La Cerda 1612 = Juan Luis de la Cerda, P. Virgili Maronis priores sex libri Aeneidos argumentis explicationibus notis illustrati, Lyon. Nelis 2001  = Damien Nelis, Virgil’s Aeneid and the Argonautica of  Apollonius Rhodius, Cambridge. Perret 1977 = Jacques Perret, Virgile. Énéide, chants I-IV, Paris. Rohman 2013 = Judith Rohman, Le Statut du personnage dans l’Éneide de Virgile: stratégie narrative et effets de lecture, thèse sou­ tenue le 29 novembre 2013, Université Paris-Sorbonne. Vallat 2013 = Daniel Vallat, ‘Sic pronuntiandum : Lecture et prononciation des poèmes de Virgile d’après les commentaires antiques’, Eruditio Antiqua, 5, p. 55-94. [https://www.eruditio-antiqua.mom.fr/ vol5/EA5f.Vallat.pdf] Wlosok 1967 = Antonie Wlosok, Die Göttin Venus in Vergils Aeneis, Heidelberg.

Abstract The female concilium deorum that takes place in Aen. 4, 90-128 could be seen as the less necessary of  all. Interestingly, though, the ancient commentators do not address it in such terms. They do not even insist specifically or explicitly on its rhetorical components. Both in the Servian commentary and in the Interpretationes Vergilianae of  Tiberius Claudius Donatus, however, the virulence of  the two goddesses’ words is made evident, and while clarifying what is most implicit or contained in their speeches, the commentators seem more inclined to attribute victory to Venus, whose art of  dissimulation and craftiness are superior.

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MATHILDE SIMON – SYLVIA ESTIENNE – JUDITH ROHMAN

LES REMARQ UES DE SERVIUS À PROPOS DES DISCOURS FÉMININS DU CHANT 7 DE L’ÉNÉIDE

Après un début essentiellement narratif, si l’on exclut une longue intervention d’Ilionée, le chant 7 de l’Énéide comprend dans sa partie centrale plusieurs discours qui contribuent fortement à lancer l’action de la deuxième partie de l’œuvre. Leur caractéristique commune est d’être prononcés par des femmes : celui de Junon (v. 292-322), cri de colère prolongé par un discours que la déesse adresse à la Furie Allecto (v. 330-340) pour exciter la puissance néfaste de celle-ci, celui d’Amata, touchée par le venin (v.  359372, auquel il faut ajouter la brève séquence des v. 400-403), enfin les propos tenus par Allecto, grimée en vieille femme, à Turnus (v. 421-434 et 452-455) ; la succession des discours s’inscrit dans un épisode de forte intensité dramatique, qui apparaît comme structuré par ces prises de parole successives et différentes dans leur ton. Nous nous proposons d’examiner dans quelle mesure et sous quel angle Servius commente ces passages, et en particulier s’il évalue la maîtrise des procédés rhétoriques de la part de Virgile ; dans chaque cas, nous chercherons à voir comment le grammairien caractérise ces discours. Nous nous demanderons notamment si Servius fait un sort particulier à ces discours en tant qu’ils sont prononcés par des personnages féminins, dans la mesure où l’association ordinaire de la maîtrise de l’éloquence au uir bonus en fait des cas particuliers.

Vergilius orator. Lire et commenter les discours de l’ Énéide dans l’Antiquité tardive, éd. par Daniel Vallat, STTA 20 DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.128633 (Turnhout 2022), pp. 271-290    ©             

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1. Sur l’argumentation Servius est attaché à mettre en valeur les qualités de Virgile 1 ; c’est en ce sens, sans doute, qu’il commente la force de l’argumentation des discours et les choix de vocabulaire. Il semble de fait parfois que Servius commente le talent rhétorique du poète davantage que celui du personnage qui parle 2. On peut en voir un indice dans la scholie au vers 7,  299 de l’Énéide : Servius, Aen. 7, 299 : patria excussos : satis signate locutus est 3. ‘Il s’exprime de façon tout à fait adéquate’.

L’accord du participe locutus au masculin renvoie a  priori au narrateur/poète et non au personnage (féminin, en l’occurrence Junon) qui s’exprime. Ce n’est pas un fait rare chez Servius, puisque les occurrences du participe parfait de loqui sont très majoritairement au masculin, même lorsque le personnage dont il commente le discours est féminin. Ainsi, on ne trouve locuta (est) pour commenter une prise de parole qu’en deux occurrences  : Servius, Aen. 1, 37 (sur le premier monologue de Junon) et Servius Danielis, Aen. 4, 436 4, pour commenter une prise de parole de Didon 5. Ce sont, sauf erreur de notre part, les deux seules occasions où le genre du participe permet de considérer que c’est le personnage parlant et non le poète qui intéresse Servius, comme l’indique la marque féminine du participe qui ne peut renvoyer au poète. En d’autres lieux, par exemple au commentaire du vers 3, 691 6, Servius attribue bien la paternité du discours prononcé 1  Voir Clément-Tarantino 2011, p.  102, n.  4, qui cite notamment Scaffai 2006, p. 21-23 ; Vallat 2013, p. 77. 2 Cette question est abordée en détails dans ce volume dans l’article de F. Stok, qui relève également les passages où Servius s’intéresse explicitement aux talents oratoires des personnages. 3   Le texte pour le commentaire de Servius au chant 7 de l’Énéide est celui de l’édition de G. Ramires. 4  Désormais SD. 5  On pourrait éventuellement ajouter SD, Aen. 4, 517, mais le cas est légèrement différent dans la mesure où locuta erat, comme l’indique le plus-que-parfait, fait référence à une prise de parole antérieure de la reine. 6  Aeneas incongrue infelicem Ulixen dicit ; nisi forte quasi pius etiam hostis miseretur, cum similes errores et ipse patiatur.

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au personnage et non au poète, puisqu’Énée est ici le sujet de dicere. En outre, la présence de ce phénomène tant chez Servius que chez Servius Danielis ne permet pas de repérer une différence, de ce point de vue, entre les deux versions du commentaire. Les autres occurrences révèlent une tendance à l’indécidable, qui laisse toutefois penser que Servius (et SD avec lui, bien qu’il utilise plus rarement ce type de tournure) commente davantage l’œuvre du poète que le discours du personnage à proprement parler, et qu’il n’entre pas dans la fiction du discours direct. C’est assez évident lorsqu’on trouve locutus au masculin, comme en Aen. 7,  299, alors que le discours commenté est prononcé par un personnage féminin, et ces cas sont bien plus nombreux que les deux occurrences de locuta est  7. On note, en outre, que le participe locutus s’applique souvent au narrateur, dans des scolies qui portent sur du récit et non pas sur du discours direct. C’est le cas en dix occurrences, avec une variante elocutus est (SD, Aen. 12, 754) 8 ; on peut leur adjoindre trois occurrences qui concernent Énée en tant que narrateur 9. Les emplois du verbe loqui concernent donc aussi bien des passages de discours à proprement parler que des passages de récit. Il est, enfin, impossible de décider pour les cas où locutus, au masculin, donc, porte sur des discours de personnages masculins : l’observation du seul participe ne permet pas de décider s’il a pour sujet le personnage ou le poète, et ces cas sont assez nombreux 10. Or les autres types d’exemples, qu’il s’agisse des commentaires sur le ‘discours’ du narrateur ou des scolies où les accords sont au masculin alors même que le personnage qui parle est féminin, invitent à considérer que le sujet est davantage ‘le poète’ ou ‘Vir7  Dans les commentaires aux vers 1, 346 ; 1, 733 ; 3, 486 ; 6, 144, 152 et 376, on trouve la forme locutus est alors même que ce sont des femmes ou des divinités féminines (respectivement Vénus, Didon, Andromaque puis la Sibylle) qui parlent. On pourrait ajouter également la forme usus est, utilisée en 7, 336 alors que c’est Junon qui parle. 8  Servius, Aen. 1, 508 ; 1, 706 ; 5, 179 ; 5, 835 ; 6, 255 ; 6, 887 ; 10, 834 ; 11, 884 ; 12, 288 ; 12, 499. 9 SD, Aen. 2, 561 et 3, 701 ; Servius, Aen. 3, 297. 10  Voici la liste, le nom du locuteur étant précisé entre parenthèses : Servius, Aen. 1, 385 et 3, 317 (Énée) ; 2, 135 (Sinon) ; 2, 689 (Anchise) ; 3, 428 (Helenus) ; 5, 17 (Palinure) ; 6, 727 (Anchise) ; 7, 259 (Latinus) ; 8, 834 (Évandre) ; 9, 139 et 12, 51 (Turnus) ; 10, 625 (Jupiter) ; SD, Aen. 4, 210 (Iarbas) ; 9, 144 (Turnus).

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gile’ que le personnage en question 11. Bien évidemment, il faudrait aussi tenir compte de cette tendance lorsque l’on considère les verbes conjugués à des temps simples (dicit, etc.). Le commentaire servien semble donc, hormis quelques rares exemples explicites, s’attacher davantage à la rhétorique et à la diction du poète lui-même qu’à celles des personnages qu’il fait parler,  à  l’instar de Junon, Allecto et Amata au chant 7 12. Par ailleurs, le grammaticus ne paraît pas, dans cette section du chant 7, commenter les discours d’un point de vue rhétorique, et employer des termes précis liés à l’art de l’éloquence 13. Ainsi, lorsqu’il s’intéresse  à  la qualité du discours, Servius commente principalement le choix des mots, chose qu’il fait tout aussi bien lorsqu’il commente des passages de récit. Il s’agit pour lui, comme ailleurs, de saluer l’art de Virgile et de mettre en avant le bon goût et surtout le caractère approprié du lexique employé par le poète. Par exemple, toujours dans le commentaire du vers 7, 299, l’adverbe signate, même modalisé par satis, nous paraît indiquer un jugement positif sur le choix de l’expression patria excussos, bien que le grammairien n’explicite pas en quoi ce choix est approprié. Le lemme suivant porte lui aussi sur le choix des mots fait par le poète : Servius, Aen. 7, 300 : me opponere : plus est, quam si diceret tempestates. me autem per physiologiam imbres, tonitrua, tempestates. ‘C’est plus fort que s’il parlait de tempêtes. Me, ici, suivant les sciences naturelles, désigne les pluies, les orages, les tempêtes.’

Servius indique que l’emploi de me opponere (‘j’ai osé me dresser face à eux dans leur fuite’) a plus de force que si Junon disait ‘j’ai 11   Le commentaire de Servius Danielis tendrait à corroborer cette hypothèse, puisqu’il prend, par deux fois, la peine de préciser le sujet du verbe : en Aen. 9, 278 (locutus Ascanius, qui éclaire du même coup la deuxième occurrence de locutus dans la scolie), et en Aen. 9, 653. 12  Sur cette confusion des niveaux narratologiques entre auteur et personnage, voir Vallat 2013, p. 54 et p. 74-75. Toutefois, F. Stok, dans ce volume, montre que Servius sait aussi se montrer attentif à la différence des niveaux d’énonciation. 13  Ce n’est pas le cas, par exemple au chant 2, v. 638, où la nature de suasio rhetorica du discours est précisée : sane rhetorica suasio est ; deliberatur enim de ipsa re, utrum fugiendum sit. C’est en effet le sujet du discours qui importe pour cette qualification.

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osé placer sur leur route des tempêtes’. Il souligne donc l’analogie esquissée entre les divers obstacles (et notamment la fameuse tempête du chant 1 de l’Énéide) que Junon a opposés à la progression des Troyens et la déesse elle-même ; par ces tempêtes, c’est bien la déesse qui se dressait face à Énée. La remarque sur les tempêtes nous paraît d’autant plus appropriée que le vers 300 précise : profugis toto me opponere ponto. Junon, avec cette indication de lieu, évoque donc principalement les épreuves qu’elle  a  infligées aux Troyens pendant leur navigation, au premier rang desquelles se trouve la tempête. En procédant ainsi, Servius évoque le discours allégorique (me autem per physiologiam imbres, tonitrua, tempestates), dans lequel Junon, héritant des attributs de Héra, correspond  à  l’air, qui commande donc aux pluies, aux orages et aux tempêtes. Il est donc, de nouveau, évident que le commentaire ne se situe pas sur le plan du discours de Junon à proprement parler, mais de celui du narrateur – sauf à penser que Junon elle-même pourrait, de façon très ludique et érudite, jouer de sa propre valeur allégorique 14. Dans les notes qui commentent les trois discours prononcés par des personnages féminins au chant 7 de l’Énéide, le même phénomène est à l’œuvre : Servius approuve le vocabulaire employé et montre que les choix du poète donnent de la force à ‘son’ discours. Pour cela, il commente le lexique employé à l’aide d’adverbes tels que bene, proprie, signate. Ce dernier adverbe se signale particulièrement dans la mesure où il semble être d’emploi tardif (les premières occurrences sont attestées chez Aulu-Gelle 15). Chez Servius, il apparaît en six occasions, dont cinq sont concentrées dans le commentaire au chant 7 de l’Énéide, et deux concernent notre corpus. Chez Macrobe, dans les Saturnales, il est employé une fois et associé à proprie, dont il semble assez proche pour le sens 16. C’est donc le caractère approprié, pertinent du lexique qui 14   Sur Servius et l’interprétation allégorique, et en particulier les allégories ‘physiques’, voir Jones 1961, p. 219-220 ; voir également Pellizzari 2003, p. 30-31 avec indications bibliographiques, et p. 157-158. 15 Aulu-Gelle, Nuits Attiques, 2, 5 ; 2, 6, 6 ; 13, 25, 32. 16 Macrobe, Saturnales, 6, 7, 9 : Non igitur quia uulgo dici solet uexatum esse quem fumo aut uento aut puluere, propterea debet uis uera atque natura uerbi deperire, quae a ueteribus, qui proprie atque signate locuti sunt, ita ut decuit conseruata est (« Il ne faut donc pas, parce qu’on dit couramment uexatum pour désigner celui qu’incommodent la fumée, le vent ou la poussière, laisser s’affaiblir la force

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est commenté dans ces cas-là. On note en outre que signate est utilisé par Servius, la plupart du temps, pour commenter des formes préverbées : chez Servius, Aen. 3, 317, il porte sur excipit ; en 7, 66 sur obsidere 17 ; en 7, 299 sur patria excussos ; en 7, 509 également, on lit : satis signate coactis dixit [SD dicit]. La situation diffère en Aen. 7, 359, dans le commentaire au discours d’Amata : exulibus datur  : propter dissuasionem signate loquitur, exules uocans eos qui propria regna repetebant. ‘il/elle emploie un terme approprié pour un discours dissuasif, en appelant exilés ceux qui revendiquaient de revenir chez eux.’

Ici, signate loquitur porte sur exulibus, qui n’est donc pas une forme verbale dotée d’un préverbe comme dans les exemples qui précèdent. De plus, signate ne semble pas porter sur l’emploi habituel, mais sur la correspondance entre le terme choisi et la visée du discours (propter dissuasionem). Dès lors, plusieurs remarques s’imposent. En premier lieu, Servius emploie, avec dissuasio, un terme technique et rhétorique (souvent employé dans un balancement avec suasio 18), qui rapporte le discours d’Amata au genre délibératif 19. Ce genre d’emploi technique n’est finalement pas si fréquent que cela chez le grammairien. De plus, et surtout, le commentaire paraît se mettre  à  la place de la reine et expliciter sa démarche. Bien entendu, on peut, ici encore, considérer que signate loquitur concerne le poète, Virgile, qui serait le sujet de loquitur. Mais, par comparaison avec les autres exemples que nous avons examinés, on note un infléchissement, comme si le commentateur se mettait à la place de la reine, pour mieux faire comprendre la réelle et naturelle de ce mot, soigneusement conservée, comme il convient, par les anciens, qui parlaient avec propriété et d’une manière expressive  », trad. H. Bornecque). 17   En cette occurrence, SD a non pas signate mais significante, voir Ramires 2003, ad loc. Sur cette scolie, voir Uhl 1998, p. 387 qui montre que obsidere a un sens technique. 18  Voir par exemple Cicéron, Part. Or., 85. Le terme suasio apparaît en Servius, ad Aen., 6, 238, pour caractériser un discours, cf. n. 13. 19  Voir ainsi la définition du genre délibératif dans la Rhétorique à Herennius, 1,  2,  2. Sur le discours d’Amata comme relevant de la persuasion, voir Highet 1972, p. 305 et 313.

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façon dont elle procède – il s’agit donc de distordre les faits et d’appeler ‘exilés’ les Troyens, ce qui est dévalorisant, alors qu’en réalité, comme le souligne Servius, ils viennent réclamer propria regna, un royaume qui leur appartient 20. Dans cette scolie, contrairement à ce que nous avons pu observer jusqu’ici, le commentateur prendrait donc en compte la fiction du ‘discours rapporté’ et s’intéresserait à la démarche du personnage, de sorte qu’on peut envisager de traduire signate loquitur par ‘elle emploie un vocabulaire approprié’ (‘elle’ se rapportant à Amata), au moins autant que par ‘il emploie un vocabulaire approprié’ (‘il’ se rapportant à Virgile). La même observation peut s’appliquer au commentaire de Aen. 7, 304, où le grammairien s’intéresse au choix des exempla. Mars perdere gentem : bene hoc loco uastationis et belli quaerit exemplum, dicens Mars potuit illam delere gentem item illam Diana, sicut in primo naufragii. ‘C’est bien à propos qu’à cet endroit il/elle cherche un exemple de dévastation et de guerre en disant : ‘Mars a pu anéantir ce peuple-là, de même Diane cet autre’ de même qu’il/elle prend un exemple de naufrage dans le premier chant 21.’

Ici, l’approbation du commentateur ne concerne pas (comme c’est le cas pour Aen. 7, 302) le lexique, mais le choix de l’exemple employé par Junon. La reine des dieux constate avec amertume son impuissance en se comparant  à  des divinités qui, elles, ont pu anéantir les nations qui les avaient offensées. Servius souligne la cohérence du choix de Mars et des Lapithes ou de Diane et de Calydon, dans la mesure où Junon s’apprête à annoncer une guerre (Virgile, Aen. 7,  315-322). Il rappelle que de la même façon, au chant 1, dans son premier monologue, la déesse s’était comparée à Pallas, qui avait pu déclencher une tempête et faire périr la flotte d’Ajax, juste avant de se rendre chez Éole afin de déclencher  à  son tour une tempête. Le point de comparaison utilisé par Servius concerne donc un autre discours de Junon, 20  Sur la façon dont Amata, comme d’autres personnages qui prononcent des discours de persuasion, a tendance à manipuler les faits, voir Highet 1972, p. 288. 21  Il s’agit de l’exemple de Pallas et de la flotte des Argiens : Virgile, Aen. 1, 3945.

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comme s’il relevait un trait caractéristique des discours de la déesse elle-même. Venons-en au commentaire du vers 306 du chant 7 : […] ‘concessit’ autem ideo dixit, ut ostenderet minora numina, nisi impetrauerint, nocere non posse  : Statius de Venere ‘infandum natae concessit honorem’. ‘Il/elle a dit concessit pour montrer que les divinités mineures, si elles n’en ont pas obtenu l’autorisation, ne peuvent nuire : Stace dit à propos de Vénus infandum natae concessit honorem 22.’

À partir d’un verbe employé par Virgile (concessit) 23, Servius explicite la démarche choisie par Junon, comme l’indique la proposition finale ut ostenderet…  : la déesse souligne le fait que Jupiter (dans le texte de Virgile ipse deum genitor est sujet de concessit) a  autorisé Diane à  dévaster Calydon. Le grammairien se met ainsi à  la place de la déesse (ou du poète qui la fait parler) pour faire comprendre l’emploi de ce verbe. Il est, en réalité, peu probable que le discours de Junon vise véritablement à  affirmer que la permission de Jupiter est nécessaire pour qu’une divinité puisse détruire un peuple ; il s’agit surtout d’une comparaison qui exprime sa frustration et son sentiment d’échec 24. Servius utiliserait à  la fois le verbe et l’explicitation des visées de Junon comme un prétexte pour développer des considérations sur la hiérarchie des divinités et la nécessité pour certaines d’obtenir de Jupiter l’autorisation d’agir. La référence à  Stace, qui utilise concessit en un passage qui raconte la façon dont Vénus soutient les Lemniennes dans leur massacre, le montre bien 25. 22 Stace, Thébaïde, 5,  277 («  Il  a  fait don  à  sa fille d’un honneur abominable », trad. R. Lesueur, CUF). 23   On note que ce verbe est situé en Aen. 7, 305, c’est-à-dire un vers au-dessus. Dans le commentaire de Servius, il se trouve rattaché au commentaire de antiq uam genitor C. Dianae, en Aen. 7, 306 et sa mention suit le récit du mythe du sanglier de Calydon. 24  Highet 1972, p. 160. 25  Sur cette tendance de Servius à montrer son érudition en lieu et place de celle du poète, et à pratiquer une forme de « déconnexion du contexte virgilien », voir Vallat 2013, p. 71-73.

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Le discours d’Allecto à Turnus fournit toutefois à Servius l’occasion d’une réflexion sur les techniques rhétoriques employées par la furie pour inciter le jeune homme au combat. Sous les traits d’une vieille prêtresse de Junon, elle invoque notamment la toute-puissance des dieux (7, 432 : caelestum uis magna iubet) pour donner plus de poids aux ordres qu’elle prétend lui transmettre ; Servius semble alors hésiter entre une interprétation de type allégorique, qu’il a déjà utilisée au livre 5 (la toute-puissance divine, c’est Junon elle-même 26), et une lecture stylistique  : il s’agit d’un trait d’amplification (per augmentum) 27. L’utilisation d’un pronom réfléchi (per se) montre bien qu’il commente le discours d’Allecto, et non l’art poétique de Virgile ; les ordres donnés par la furie au roi des Rutules sont d’abord formulés en son nom propre, puis au nom de Junon et enfin au nom de tous les dieux. L’amplification signalée par le grammairien, per augmentum, ne renvoie cependant pas ici à un procédé rhétorique précis 28. Cela explique sans doute que dans certains manuscrits 29, on trouve à la place per argumentum, mauvaise lecture sans doute appelée par la proximité du verbe suasit, mais qui ne fait pas sens dans cette scholie ; elle ne porte pas en effet sur les arguments développés par Allecto, mais sur l’identité des locuteurs indirects. Dans le commentaire de Servius, argumentum désigne moins l’argumentation que l’argument en tant que preuve, dont la substance est en général précisée 30. Ici, comme l’indique la gradation explicitée par le 26 Cf. Serv., Aen. 5, 706 : « magna ira deum » id est Iuno, ut et alibi « caelestum vis magna iubet ». C’est une explication similaire – et plus explicite –, que développe Tiberius Claudius Donat : en tant que divinité souveraine (regina), Junon l’emporte sur les autres dieux, qui ne peuvent s’opposer à sa volonté, car elle est plus puissante. 27 Serv., Aen. 7, 432 : aut per definitionem ipsa Iuno est uis deorum : aut per augmentum suasit primo per se, deinde per Iunonem, postremo per omnium uim deorum. 28   Contrairement à la scholie du lemme 2, 642 : satis superque ad augmentum ‘superque’ addidit. est autem tmesis. sane sciendum est esse aliqua, quae augmentum non recipiunt, ne minus significent, ut [‘satis’] ‘perfectus’ : nam quaeritur, utrum ‘perfectior’ possit facere, ne incipiat [‘satis’] ‘perfectus’ minus significare. 29  Ceux de la classe Δ, cf. Ramires 2003, p. 59. 30  Par exemple argumentum a conpensatione (Servius, Aen. 1, 204) ; ab impossibili (1, 232 ; 1, 529 ; SD, Aen. 3, 115 ; a facili (1, 684 ; 5, 630) ; a necessitate (3, 161 ; 4, 340), etc.

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grammairien (les ordres sont donnés par Callybe-Allecto, puis par Junon, enfin par tous les dieux), c’est un effet d’amplification qui est signalé. Dans son commentaire à l’Énéide, Servius relève plusieurs cas d’amplification, mais en général plutôt d’ordre stylistique : il commente en ce sens la répétition de termes 31, des tournures comparatives 32 ou le rôle des épithètes 33. Plus rarement, il parle d’amplification pour un effet rhétorique. Dans la scholie au vers 387 du livre 1, il commente ainsi le recours à une concessive (quisquis es) dans le discours de Vénus : ‘souvent par une concessive, le poète cherche à amplifier le propos ; ainsi, dans ce passage, Vénus avait entendu : “je suis le pieux Énée, rendu célèbre par-delà de l’éther, etc.” ; elle dit cependant “qui que tu sois”,  à  savoir “même si tout cela ne tient pas  à  toi, il est pourtant évident que tu es bienheureux, puisque que tu es arrivé jusqu’à Carthage”’ 34. L’apparition du fantôme d’Hector au livre 2, si différent du héros ‘revêtu des dépouilles d’Achille’, suscite un commentaire similaire, quoique concis : ‘il a tu la mort de Patrocle pour amplifier l’éloge’ 35. On peut voir là un renvoi à un procédé classique de la rhétorique épidictique, le recours au pathos 36. Le trait que Servius relève dans le discours d’Allecto se distingue de ces deux cas ; il se rapproche plus d’une polyphonie énonciative, destinée à renforcer la parole de la furie déguisée en vieille femme.

2. Sur la caractérisation des discours Servius tient donc compte de la nature des personnages à qui sont attribués les discours et une bonne partie des scholies relatives à ces morceaux oratoires souligne la façon dont ils permettent la caractérisation des locuteurs. Le commentaire de Tibérius Claudius 31 Serv. Aen. 1, 562 : iteratio est ad augmentum beniuolentiae ; 2, 299 : iteratione sermonis facit augmentum ; voir également 8, 84. 32 Serv., Aen. 2, 642 ; 7, 269 ; 7, 787 ; 11, 124. 33  Serv., Aen. 1, 178. 34  Pleraque per concessionem sic tradit poeta, ut augmentum faciat. sicut hoc loco audiuerat Venus ‘sum pius Aeneas, fama super aethera notus’ et cetera, dicit tamen ‘quisquis es’, hoc est, etiamsi haec in te non sint, hinc tamen constat esse felicem, quod uenisti Carthaginem. 35 Serv., Aen. 2, 275 : celauit mortem Patrocli ad laudis augmentum. 36   Cf. Q uintilien, Inst. Or., 6.

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Donat au discours de Junon insiste également, et de manière plus étayée et continue, sur cet aspect, et qualifie la nature rhétorique des passages du discours, qui par l’éloge du mal qu’il manifeste se révèle gênant dans son interprétation de l’épopée 37. La première notation de ce type intervient au début de l’intervention de Junon, lorsque celle-ci est prise de fureur de voir Énée et ses Troyens, joyeux, s’installer dans le Latium et qu’elle exprime sa colère en constatant que les embûches qu’elle a placées sur leur chemin ont été surmontées. Cette attaque violente, qui rappelle la grande tirade au début du chant 1 38, constitue un morceau rhétorique dont Macrobe 39 fait un modèle de l’expression du pathétique, et en particulier de l’indignation : Nec initium solum tale esse debet, sed omnis, si fieri potest, oratio uideri pathetica, et breuibus sententiis et crebris figuratum muta­tionibus debet uelut inter aestus iracundiae fluctuare. Una ergo nobis Virgiliana oratio pro exemplo sit ‘Heu stirpem invisam’, initium ab ecphonesi. Deinde sequuntur breues interrogatiunculae : Num Sigeis occumbere campis,  / Num capti potuere capi  ? num incensa cremauit / Troia uiros ? Deinde sequitur hyperbole : Medias acies mediosque per ignes / Inuenere viam. Deinde ironia : At credo mea numina tandem / Fessa iacent odiis aut exsaturata quieui. Deinde ausus suos inefficaces queritur : … per undas / ausa sequi et profugis toto me opponere ponto. Secunda post haec hyperbole : absumptae in Teucros uires caeli que marisque. Inde dispersae querelae : quid Syrtes aut Scylla mihi, quid uasta Charybdis / profuit ? … Jungitur deinde argumentum a minore ut pathos augeatur : … Mars perdere gentem / immanem Lapithum ualuit, … minor scilicet persona : ideo illud sequitur : ast ego magna Iouis coniunx. 37  Cf. Tiberius Claudius Donat, I.V. 2, 53, 5 : incipit dici laus in aperta uituperatione ; cf. pour l’analyse de ce commentaire, Clément-Tarantino 2016, p. 277, qui rappelle que pour le commentateur l’épopée entière est un discours épidictique. 38 Virgile, Aen. 1, 37 sq. 39  Macr., Sat. 4, 2, 3-9.

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Deinde cum causas quoque contulisset, quanto impetu dea dixit : infelix quae memet in omnia uerti ! nec dixit, ‘non possum perdere Aeneam’, sed, uincor ab Aenea … Deinde confirmat se ad nocendum et, quod proprium est irascentis, etsi desperat perfici posse, tamen impedire contenta est  : flectere si nequeo superos, Acheronta mouebo.  / Non dabitur regnis, esto, prohibere Latinis  :  / at trahere atque moras tantis licet addere rebus ; / at licet amborum populos excindere regum. Post haec in nouissimo, quod irati libenter faciunt, maledicit : sanguine Troiano et Rutulo dotabere, uirgo, et protinus argumentum a simili conueniens ex praecedentibus : … nec face tantum / Cisseis praegnans ignes enixa iugales. Vides quam saepe orationem mutauerit ac frequentibus figuris uariauerit ; quia ira, quae breuis furor est, non potest unum continuare sensum in loquendo. ‘Et ce n’est pas le début seulement, qui doit avoir ce ton ; mais tout le discours doit, si possible, être d’une allure pathétique, coupé de phrases courtes, changer fréquemment de figures, comme il arrive parmi les bouillonnements de la colère. C’est encore un seul discours de Virgile qui nous servira d’exemple : “Oh ! race odieuse !”. Au début, d’abord, une exclamation ; viennent ensuite de courtes questions  : “N’ont-ils pu tomber dans les champs de Sigée, être pris et gardés prisonniers ? Troie en flammes n’a-t-elle pas brûlé vifs ses guerriers ?” ; puis c’est une hyperbole : “Au milieu des armées en lutte, au milieu des flammes, ils ont trouvé un chemin” ; et après, de l’ironie : “Vraiment, je te crois, ma puissance enfin épuisée est à terre, ou alors, saturée de haines, je me suis calmée”. Elle continue en déplorant l’inutilité de ses efforts : “J’ai osé les suivre sur les ondes et m’opposer à leur fuite sur toutes les mers”. Vient alors une seconde hyperbole : “J’ai épuisé contre les Troyens les forces du ciel et de la mer”, mêlée de plaintes  : “À quoi m’ont servi les Syrtes, Scylla, la vaste Charybde  ?”. Elle use ensuite d’un argument  a  minore pour donner plus de force au pathétique ; “Mars a eu la force d’anéantir le peuple monstrueux des Lapithes  !”, Mars étant au-dessous d’elle dans la hiérarchie, et voilà pourquoi elle ajoute  : “mais je suis, moi, la puissante épouse de Jupiter  !”. Après avoir groupé toutes les raisons qu’elle avait ‹de réussir›, avec quelle fougue elle 282

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s’écrie, elle, la déesse  : “Infortunée, qui me suis tournée de tous côtés”, et elle ne dit pas : “Je ne puis perdre Énée”, mais “Je suis vaincue par Énée”. Alors se renforce son dessein, de lui nuire et, ce qui est le propre de la colère, sans espérer y réussir, elle se contente d’imaginer des obstacles : “Si je ne puis fléchir les dieux d’en-haut, je mettrai en mouvement l’Achéron. Il ne me sera pas donné d’écarter Énée du royaume latin ; soit ! je pourrai, du moins, faire traîner les choses et retarder ces grands événements ; je pourrai faire s’égorger les peuples des deux rois”. Enfin comme on fait volontiers dans un accès de colère, elle lance des malédictions  : “Le sang troyen, le sang rutule seront ta dot, ô vierge”, et tout de suite, elle emploie, d’après ce qui précède, un argument a simili bien à sa place : “La fille de Cissée ne sera pas seule à être enceinte et à accoucher d’un flambeau ardent”. Tu le vois, Virgile  a  souvent changé de ton, il a fréquemment varié les figures, parce que la colère, qui est une courte folie, ne peut, quand elle s’exprime, aller toujours dans le même sens.’ 40

Macrobe précise la nature des figures employées dans ce discours (ecphonèse, hyperbole, ironie), en signalant également que dans ce type de discours, le locuteur doit entrer immédiatement in medias res, pour ne pas laisser se relâcher l’attention, et faire se succéder rapidement les figures, ce qui est un moyen de rendre compte de la colère qui anime le locuteur : Macrobe propose pour ainsi dire une explication linéaire de ce texte oratoire, qui constitue un exemplum privilégié de l’expression du pathétique. Les critiques – mais ils sont peu nombreux, comme le remarque Horsfall 2000 41, qui regrette le manque d’intérêt des Modernes pour ce beau morceau rhétorique – ont pu montrer que ce passage était un élément clé de la caractérisation de Junon, en particulier, comme le met en évidence Lyne 1987 42, par la diversité des registres de langage qu’elle y emploie. Lundström 1977 a aussi insisté sur le pivot que constitue dans l’épopée ce discours où Junon exprime lucidement son échec, mais ne renonce pas à se battre 43.   Traduction de F. Richard 1937.   Horsfall 2000, p. 207. 42  Lyne 1987, p. 197. 43  Lundström 1977, p. 61-63. Voir également Highet 1972, p. 161-162 ; Rohman 2013, p. 394. 40 41

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Or, que retient Servius dans ses scholies ? Une seule notation relève de la caractérisation et se situe dans le lemme 297, à propos de l’expression paradoxale num capti potuere capi ? : Serv., Aen. 7, 295 : capti potuere capi cum felle dictum est : nam si hoc remoueas, erit oxymoron ; dicit autem omnia quae contigerunt non uideri contigisse, quia non obfuerunt. ‘Capti’ autem ‘capi’ sic dixit, ut et Cicero in uberrima Siciliae parte Siciliam quaereremus. ‘C’est dit avec de la colère, car si tu enlèves cette colère, ce sera un oxymore ; si elle dit que tout ce qui est advenu ne semble pas être advenu, c’est parce que cela ne leur a pas nui. Elle dit “pris”, “été faits prisonniers” de la même manière que Cicéron dit que nous chercherions la Sicile dans la partie la plus fertile de la Sicile.’

Le substantif fel appartient bien, comme l’atteste le TLL 44, au registre de la grammaire et de l’analyse stylistique 45 ; les références ne renvoient pas au corpus cicéronien ni à Q uintilien, mais vont, chronologiquement, d’Ovide  à  Ausone, Sidoine et Ennode de Pavie. Chez Servius, outre notre passage, deux autres occurrences sont signalées, la première 46 dans un lemme relatif au discours du chant 3 dans lequel Andromaque présente son infortune à Énée, la seconde  à  propos du très bref discours dans lequel Tarchon, allié d’Énée, au chant 10, exhorte les troupes à engager une lutte sans merci sur mer 47. La personnalité de ces trois locuteurs – la Troyenne éplorée, la déesse ennemie des Troyens, le chef militaire –, leur fonction narrative sont très différentes et la caractérisation de ces trois éléments de discours mérite d’être affinée. Dans le passage du chant 7, Servius justifie par ces mots l’emploi d’une interrogation oratoire en num, et indique que c’est seulement dans ce sens que le tour virgilien ne constitue pas un oxymoron : c’est le choix de ce procédé rhétorique, dont le sens devait peut-être être   TLL VI 1, s. v. fel, I B 3b, col. 423, l. 70-84 et col. 424, l. 1-5.  Cf. TLL VI 1, col. 423, l. 70-72. Il exprime l’acerbitas de l’écrivain ou de l’orateur, plutôt que sa malignitas, ce qui fait la spécificité de cette acception technique par rapport à la section sémantique où elle est placée (le renvoi à l’acception II B 2 dans le TLL semble toutefois erroné et doit semble-t-il être remplacé par II A 2). 46 Serv., Aen. 3, 328 : cum ingenti felle. 47 Serv., Aen. 10, 295 : militari felle dictum est. 44 45

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éclairci – puisque Junon, évidemment, connaît la réponse –, qui est expliqué par la notion de fel, rendant ainsi compte de l’état d’esprit de la déesse qui doit avoir recours à l’ironie pour exprimer son acerbitas. L’intervention de la notion d’oxymoron peut surprendre. Elle ne correspond pas  à  notre définition de cette figure de style, et, comme le rappelle P. Chiron 48, qui consacre un développement très approfondi à ce passage, la notice servienne constitue l’une des toutes premières occurrences de l’oxymoron ; il est d’ailleurs frappant que l’un des rares témoins parallèles soit le Pseudo-Asconius dans son commentaire aux Verrines, précisément citées à l’appui de sa démonstration par Servius 49. Cette figure, pourtant largement attestée dans le sens que nous lui donnons, dans les textes antiques, ne fait pas l’objet d’une définition, ni chez Cicéron ni chez Q uintilien ; dans notre passage servien, elle correspond à la notion d’‘absurdité’ 50, et, pourrions-nous ajouter,  à  un rapprochement paronymique et syntaxique absurde. La notice servienne demeure un hapax, et, comme l’a relevé J. L. Moore, qui a recensé les tropes et figures relevés par Servius, un oxymore évident ne fait pas l’objet d’un tel commentaire de la part du scholiaste 51. La notice suivante, relative au v. 297, s’inscrit dans le même type d’explication ; Serv., Aen. 7,  297  : at credo numina tandem fessa iacent id est nec fatigata destiti, nec satiata requieui ‘C’est-à-dire : non, je ne me suis pas arrêtée par fatigue, non je n’ai pas trouvé le repos une fois rassasiée.’

L’ironie du propos, soulignée à juste titre par Macrobe 52, manifestée par l’expression en incise credo, devait être commentée pour que l’interprétation des élèves fût juste : Servius reprend l’assertion attribuée  à  Junon et la glose en se plaçant dans la position énonciative qui est la sienne.   Chiron 2006, 254-255.  Ps. Asc., ad Verr. In Caec., 3, cité par Chiron 2006, p. 255. 50   Chiron 2006, p. 255. 51  Moore 1891 p. 183. 52 Macr., Sat., 6, 4, 4. 48 49

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Un peu plus loin, Servius rend compte d’un autre aspect du discours de Junon, sa dimension de prière, et plus exactement d’exécration, dans un contexte, celui des futures noces d’Énée et de Lavinia, où serait attendue une prière propitiatoire : Serv., Aen. 7, 318 : sanguine Troiano et r.d.v. exsecrationes ambitiosae. ‘Imprécations ambitieuses (orgueilleuses ?)’

Cet attelage rend compte, par sa nature même, du caractère paradoxal, hyperbolique, mais aussi métaphorique et intertextuel de l’expression adoptée par la déesse, qui parle de dot de sang, reprenant une expression présente dans la tragédie grecque 53 : l’ambitio indiquée par Servius renvoie-t-elle à l’ampleur des combats mortifères auxquels fait allusion Junon, ou au fait de reprendre des formules présentes chez Euripide ? Cette dernière hypothèse pourrait être appuyée par le fait que dans le corpus servien, la seconde occurrence de ambitiosus s’inscrit dans la perspective d’une aemulatio littéraire, puisqu’à propos d’un engagement imminent du combat entre Troyens et Rutules, Servius commente ainsi la présentation virgilienne : Serv., Aen. 11, 608 : intra iactum teli […] et Enniana est omnis haec ambitiosa descriptio. ‘Toute cette ambitieuse description vient d’Ennius.’

Dans le TLL, les deux passages sont situés, au sein de la notice concernant l’adjectif ambitiosus, dans la section relative au sens ‘superbus, magnificus, splendidus’. Dans ces conditions, il nous semble clair que l’épithète renvoie aux qualités du style du poète et non à la puissance de l’exécration prononcée par la divinité. Il ne s’agit donc pas d’une caractérisation du personnage mais d’une appréciation littéraire. Immédiatement après, Servius commente la comparaison utilisée par Junon qui rapproche Vénus, mère d’Énée et Hécube, fille de Cissée et mère de Pâris 54 : il la qualifie de comparatio iniu Cf. Aesch., Agamemn., 406 ; Eur., Ion, 298.   Selon Euripide suivi par Ennius et Pacuvius ; Homère lui donne pour mère Dymas. 53 54

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riosa – ce que ne faisait pas Macrobe, qui se place sur le plan de l’argument a simili – en raison de cette première association, et de celle qui, en même temps, unit Énée à Pâris, Lavinia à Hélène. Comme le remarque V. Buchheit 55, cette comparaison n’a de sens que dans l’esprit de Junon aveuglée par la haine, et le poète utilise cette figure pour caractériser cette divinité comme mue par une jalousie violente à l’égard du héros et renforcer son rôle dramatique d’opposante au projet d’Énée 56. Plus loin, les propos adressés par Junon à Allecto sont également l’occasion de notations de la part de Servius visant à qualifier la nature comme la fonction de cette prise de parole  ; la première notice précise en effet ce qui est déjà présent dans le texte virgilien : Serv., Aen. 7, 330 : his acuit verbis irritauit eius insaniam ‘Elle enflamma sa [= sc. celle d’Allecto] folie.’

Le commentateur renforce la caractérisation donnée par le poète lui-même des propos de Junon et souligne la dimension dramatique de ce discours, en faisant de l’exaspération de la folie d’Allecto une conséquence des propos de Junon. Q uelques vers plus loin, l’emploi du fréquentatif uersare, préféré par le poète à uertere, fait l’objet d’un commentaire qui rend compte de cette exaspération cherchée par Junon : Serv., Aen. 7, 336 : versare domos id est uertere. Et usus est frequentatiuo ad uim augendam. ‘C’est-à-dire renverser. Et il a utilisé le fréquentatif pour renforcer l’effet.’

La remarque lexicale débouche sur une évaluation rhétorique dénotée par le recours au terme uis, qu’il faut ici sans doute 55  Buchheit 1963, p. 75. Dans le même temps, cette mise en parallèle entre Vénus et Énée d’un côté, Hécube et Pâris de l’autre, fait partie du programme narratif de la partie ‘iliadique’ de l’Énéide (voir Rohman 2013, p. 492 et 520-522). 56  C’est pourquoi nous ne souscrivons pas complètement à l’analyse de Scaffai 2006, p. 291, qui voit dans la notice servienne (il ne s’intéresse certes qu’à sa première partie), et en particulier dans la mention de la filiation de Cissée une réflexion érudite : celle-ci nous paraît être au service de l’analyse de la comparaison prêtée à Junon comme un signe de sa violence aveugle.

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comprendre comme étant l’efficacité du propos 57, sans que le sens de ‘violence’, indiqué ailleurs explicitement par Servius 58, soit à exclure complètement. Une dernière notation doit être relevée, qui concerne l’efficacité du propos d’une oratrice : lorsque Allecto se déguise en vieille femme pour s’adresser à Turnus, elle utilise une tournure d’adresse directe que Servius commente ainsi : Serv., Aen. 7, 427 : haec adeo tibi me addit ut auctoritatem, quia scit (SD scio) anui credi difficile est. ‘Elle (il = Virgile) ajoute de la force de persuasion, car elle (il) sait qu’il est difficile qu’une vieille femme soit crue.’

L’auctoritas du discours doit donc être renforcée, car le crédit d’une vieille femme est naturellement faible – alors même que cette présentation en vieille femme était le stratagème inventé par Allecto pour convaincre Turnus. Cette assertion servienne, qui ne saurait se comprendre dans un contexte tragique, où la parole de l’anus est, même si elle est contestée, digne d’être entendue, se justifie dans un contexte épique dans lequel le discours constitue une arme face à l’adversaire. En conclusion, il est remarquable que Servius n’apporte que quelques notations de détail à ces discours dont l’un, au moins, apparaissait comme un paradigme du pathétique oratoire, à l’époque même du scholiaste. La formation  à  l’éloquence n’est pas le but du commentaire de Servius, qui veut d’abord justifier les choix virgiliens et mettre en valeur, aux yeux de ses élèves, la cohérence et la richesse du poème. Les procédés rhétoriques sont ainsi rapportés au génie du poète, avant d’être considérés dans leur efficacité comme outil au service de l’un ou l’autre des personnages. Les remarques de Servius s’appuient sur les qualités des discours pour montrer comment ils contribuent  à  la caractérisation des protagonistes, et à la tension dramatique du chant.

57  Cf. la formule heureuse de Thomas 2012, p. 246 : ‘la uis uerborum est la densité d’une parole qui sait ajuster ses moyens  à  l’objectif qu’elle se donne’  ; cf. aussi Claisse 2009, p. 58-67. 58 Serv., Georg. 1, 198 : tamen uerius est ut ‘uis’ quasi uiolentia sit in rebus.

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Bibliographie Bornecque – Richard 1937  = Henri Bornecque – François Richard (éd.), Les Saturnales. Macrobe, Paris. Buccheit 1963  = Vinzenz Buchheit, Vergil über die Sendung Roms, Heidelberg. Chiron 2006 = Pierre Chiron, ‘Archéologie de l’oxymore’, in Mélanges G. Aujac, Pallas, 72, p. 243-260. Claisse 2009 = Muriel Claisse, ‘La uis uerborum ou la force des mots cicéronienne : les pouvoirs du discours’, in L’art de la parole. Pouvoir et pratiques du discours, P.  Guisard – C.  Laizé (éd.), Paris, p. 58-67. Clément-Tarantino 2011  = Séverine Clément-Tarantino, ‘Éloge et défense dans le commentaire de Servius à l’Énéide’, in Servius et sa réception de l’Antiquité à la Renaissance, M. Bouquet – B. Méniel (éd.), Rennes, p. 101-120. Clément-Tarantino 2016  = Séverine Clément-Tarantino, ‘Caderent omnes a crinibus hydri. The problem of  the Irrational in the Juno and Allecto Episode in Aeneid 7’, in Augustan Petry and the Irrational, Ph. Hardie (ed.), Oxford, p. 263-280. Highet 1972 = Gilbert Highet, The speeches in Vergil’s Aeneid, Princeton. Horsfall 2000 = Nicholas M. Horsfall, Virgil. Aeneid 7. A Commentary, Leiden. Jones 1961 = Julian Ward Jr. Jones, ‘Allegorical interpretation in Servius’, CJ, 56, p. 217-226. Lundstrom 1977 = Sven Lundstrom, Acht Reden in der Aeneis, Uppsala. Lyne 1987  = Richard  O. Lyne, Further Voices in Vergil’s Aeneid, Oxford. Moore 1891 = John L. Moore, ‘Servius on the tropes and figures of  Vergil’, AJP, 12, p. 157-192. Pellizzari 2003 = Andrea Pellizzari, Servio. Storia, cultura e istituzioni nell’opera di un grammatico tardoantico, Firenze. Ramires 2003  = Giuseppe Ramires, Servio. Commento al libro VII dell’Eneide di Virgilio. Con le aggiunte del cosiddetto Servio Danielino, Bologna. Rohman 2013 = Judith Rohman, Le statut du personnage dans l’Énéide de Virgile : stratégie narrative et effets de lecture, thèse dactylographiée, soutenue le 29 novembre 2013. 289

M. SIMON – S. ESTIENNE – J. ROHMAN

Scaffai 2006 = Marco Scaffai, La presenza di Omero negli commentari antichi a Virgilio, Bologna. Thomas 2012 = Jean-François Thomas, ‘Sur le champ lexical du pouvoir en latin’, Vita Latina, 185-186, p. 237-249. Uhl 1998 = Anne Uhl, Servius als Sprachlehrer. Zur Sprachrichtigkeit in der exegetischen Praxis des spätantiken Grammatikerunterrichts, Göttingen. Vallat 2013  = Daniel Vallat, ‘Per transitum tangit  : allusions, sens cachés et réception de Virgile dans le commentaire de Servius’, in Totus scientia plenus. Percorsi dell’esegesi virgiliana antica,  a  c. di F. Stok, Pisa, p. 51-81.

Abstract At the heart of  the Aeneid ’s seventh book, we can read three speeches pronounced by women; this paper investigates the possible peculiarity of   Servius’ commentaries about these women’s speeches. Instead of  appreciating the argumentation prominent within the speeches, Servius focuses on the accuracy  of   the vocabulary they contain and rarely comments on the rhetorical means they use. Even Juno’s monologue, which Macrobius presents as  a  model  of   pathetic discourse, receives little attention from the scholar. Nevertheless, Servius praises Vergil’s poetry as he highlights the necessity of  these speeches for the text to move forward.

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LUIGI PIROVANO

DELIBERAT DIOMEDES, AN LATINIS AUXILIUM PETENTIBUS FERAT: DIOMEDE E L’AMBASCERIA DEI LATINI TRA ESEGESI, RETORICA E PRASSI SCOLASTICHE

1. Tra gli eventi che contribuiscono ad indirizzare l’esito della guerra tra Troiani  e  Latini, nella seconda metà dell’Eneide, un ruolo importante spetta certamente al ‘gran rifiuto’ di Diomede, che – vanificando la missione di Venulo – decide di non combattere contro gli antichi nemici  e  consiglia piuttosto di cercare la pace con Enea. Per Turno e per i Latini, che già versano in una situazione piuttosto delicata, si tratta di un colpo difficile da assorbire: non solo perché così viene meno il possibile sostegno di un formidabile alleato, che in passato aveva dimostrato di poter combattere con successo contro i Troiani, ma anche per il fatto che il diniego giunge del tutto inaspettato ed è l’espressione di un cambiamento radicale. Il bellicoso e spietato personaggio descritto da Omero (e, fin qui, dallo stesso Virgilio) non esiste più e ha ceduto il passo ad un ‘nuovo’  e  più saggio Diomede, che, imparata la lezione, si è lasciato la guerra alle spalle ed è pronto a riconoscere il diritto dei Troiani  a  stabilirsi sul suolo italico 1. La situazione non è più quella di prima e occorre prenderne atto: e sarà proprio l’incapacità (o il deliberato rifiuto) di riconoscere questo cambiamento a condurre Turno verso la sua personale disfatta 2. 2. L’episodio dell’ambasceria di Venulo è costruito da Virgilio sulla successione di due momenti, posizionati a notevole distanza uno 1  Sulla figura di Diomede in Virgilio, si vedano De Grummond 1977; Russi 1985; Papaioannou 2000; Horsfall 2003, p.  163-164; Fletcher 2006; Castagna 2010. 2  Fletcher 2006, p. 251.

Vergilius orator. Lire et commenter les discours de l’ Énéide dans l’Antiquité tardive, éd. par Daniel Vallat, STTA 20 DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.128634 (Turnhout 2022), pp. 291-313    ©             

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L. PIROVANO

dall’altro. La necessaria premessa si trova all’inizio del libro VIII (vv. 9-17), allorché Venulo viene ufficialmente incaricato di recarsi Diomedis ad urbem (v. 8, 9), alla ricerca di un nuovo possibile alleato. Non è naturalmente la prima volta che il lettore dell’Enei­de sente parlare di Diomede: al contrario, attraverso una serie di riferimenti almeno apparentemente isolati, disseminati a vario titolo nei primi due libri del poema (cfr. Aen. 1, 96-97; 469-473; 752; 2, 163-170; 195-198), Virgilio ha progressivamente caratterizzato il personaggio – soprattutto dal punto di vista della ‘memoria poetica’ di Enea 3 – come uno dei più temibili e valorosi eroi greci, che durante gli avvenimenti della guerra di Troia ha svolto un ruolo fondamentale, come o forse più dello stesso Achille. Ora però si scopre che, a differenza di Achille, Diomede è ancora vivo: quale migliore alleato potrebbero dunque trovare i Latini? Il compito di Venulo – riportato in oratio obliqua 4 e sintetizzato in pochi versi, che di fatto riassumono la suasoria che egli dovrà tenere di fronte  a  Diomede 5 –  è  quello di chiedere aiuto all’eroe greco (v. 10: qui petat auxilium), di informarlo (non senza qualche esagerazione) sulla situazione presente (v. 13: edoceat) e di far balenare le possibili conseguenze di un’eventuale vittoria di Enea sui Latini (vv. 15-16: quem, si fortuna sequatur, / eventum pugnae cupiat) 6. L’argomento su cui Venulo dovrà fare leva, come hanno ben sottolineato gli esegeti antichi 7 e ha ribadito più recentemente Gilbert Highet 8,  è  dunque quello dell’utile: tanto più Diomede sarà portato ad intervenire, quanto meglio comprenderà che è innanzitutto nel suo interesse combattere Enea, stroncando la minaccia portata dai Troiani prima che sia troppo tardi. Per conoscere l’esito della missione, che da subito si prefigura come fondamentale per le sorti della guerra, il lettore dovrà atten  Fletcher 2006, p. 234.   Highet 1972, p. 342-343. 5  Cfr. Claud. Don. ad Aen. 8, 11 (II, 114, 10-11 G.): Mandata igitur pro natura causae haec fuerant quibus suasoria posset impleri. 6  Highet 1972, p. 55-56. 7   Cfr.  Claud. Don. ad Aen. 8,  15-16 (II, 115,  24-26 G.), citato da Highet: Incipit pars alia mandatorum interponi, ut, si impetrationem non concederet, ex periculi sui contemplatione postulatis Diomedes adnueret. Ancor più esplicito Serv. ad Aen. 8, 12: Et dicendo ‘posci’ agit subtiliter: nam si non venit errore, sed fato, omnem sibi utique est vindicaturus Italiam, sine dubio et Diomedis imperium. 8  Highet 1972, p. 56. 3 4

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DELIBERAT DIOMEDES, AN LATINIS AUXILIUM PETENTIBUS FERAT

dere  a  lungo (oltre 2600 versi) 9. Prima, però, il personaggio di Diomede – sempre nella sua veste di valoroso e spietato eroe omerico – verrà menzionato in altre due occasioni (Aen. 10,  28-30; 581-583), con lo scopo evidente di mantenere viva la memoria del lettore  e  di aggiungere ulteriori dettagli, che contribuiscono ad accrescere non poco la tensione emotiva legata all’intero episodio. Particolarmente importante, da questo punto di vista, si rivela il riferimento istituito da Venere, che durante il concilio degli dèi, oltre  a  ribadire il valore di Diomede  e  ad amplificare retoricamente – in modo certamente funzionale alla strategia del proprio discorso – la sua pericolosità, ci informa per la prima volta in modo esplicito che l’eroe greco si trova effettivamente sul suolo italico (v. 10, 28), configurando l’eventualità di un suo possibile intervento in termini che all’improvviso si rivelano veramente concreti e pertanto ancor più minacciosi. La risposta di Diomede arriverà infine nel corso del libro XI (vv.  225-295), in un momento particolarmente delicato per la sorte dei Latini e per il prosieguo dei combattimenti. L’aspetto triste degli ambasciatori (v. 226: maesti) preannuncia la notizia che nessuno avrebbe voluto ascoltare: a nulla sono valse le richieste, Diomede non intende scendere in guerra, non resta che cercare altri alleati o rassegnarsi a chiedere la pace (vv. 229-230: alia arma Latinis / quaerenda aut pacem Troiano ab rege petendum). Ottenuta la parola di fronte all’assemblea, Venulo si preoccupa innanzitutto di difendere il proprio operato, rassicurando gli astanti di aver eseguito con scrupolo il proprio incarico (vv.  243-251), quindi riporta in forma diretta la risposta di Diomede (vv. 252293), esponendo nel dettaglio le argomentazioni che si trovano alla base del suo rifiuto 10. Dopo aver contrapposto la tradizionale pace dei Saturnia regna (vv. 252-254) al triste destino che aveva colpito i guerrieri greci (tra cui i suoi stessi compagni) di ritorno dalla presa di Troia (vv. 255-277), Diomede suggerisce ai Latini di cercare la pace (vv. 278-293), ribaltando di fatto l’argomento dell’utile utilizzato da Venulo 11: combattere contro Enea com  Papaioannou 2000, p. 208.   Come osserva Horsfall 2003, p. 171, il discorso di Diomede ‘is much the longest of  the Aen.’s reported speeches’. 11  Highet 1972, p. 56. 9

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porterebbe troppi rischi, meglio dunque allearsi con lui che andare incontro a sconfitta sicura. 3. La risposta di Diomede, così come essa viene riportata da Venulo, presenta un’evidente matrice retorica: su questo aspetto concordano gli esegeti tardoantichi 12, che a più riprese sottolineano l’artificiosità del discorso (Serv. ad Aen. 11, 255: ingenti arte; 277: artificiose agit … perite; SD ad Aen. 11,  256: oratorie)  e  ne delineano progressivamente le caratteristiche, attraverso un’insistita serie di note di commento che – al di là di alcune, inevitabili differenze – presentano numerosi elementi in comune. Dal momento che la questione è già stata studiata nel dettaglio 13, mi limito a riassumere per punti (e con qualche inevitabile semplificazione) i momenti salienti di questa analisi. (a) La strategia di Venulo. Il Servio Danielino e Tiberio Claudio Donato 14 spiegano che le parole di Diomede devono essere lette ed interpretate al netto delle intenzioni di Venulo, che – lungi dall’essere un relatore imparziale – si comporta a sua volta da oratore consumato (SD ad Aen. 11, 243: rhetorice; 244: mire; Claud. Don. ad Aen. 11, 243-245 [II, 444, 1 G.]: mira arte), mettendo in campo una strategia retorica ben precisa. Dal momento che si rivolge ad ascoltatori che conoscono perfettamente l’argomento (Claud. Don. ad Aen. 11,  250 [II, 445,  23 G.]: scientibus loquebatur), Venulo può permettersi di omettere il principium (SD ad Aen. 11, 243: rhetorice protinus a re coepit; neque enim opus erat principio aliquo legationem referenti) 15 e la narratio (Claud. Don. ad Aen. 11, 250 [II, 445, 23-24 G.]: nam narrare unicuique quod novit satis vitiosum est) 16; anzi, l’ansia legata alla situazione e le aspettative dei Latini impongono che egli passi senza indugio a riferire l’esito della missione (Claud. 12  Seguiti dai commentatori moderni: oltre a Highet 1972, cfr. e.g. Horsfall 1995, p. 187-188; Horsfall 2003. 13  Si veda soprattutto Gioseffi 2008, sulle cui conclusioni avremo modo di ritornare tra poco. 14   D’ora in avanti, semplicemente Donato. 15  Sulla possibilità, già prevista da Aristotele, di omettere l’esordio, si veda Calboli Montefusco 1988, p. 27-29. 16  Sulle idee – spesso divergenti – dei retori antichi  a  proposito dell’omissione della narratio, esauriente trattazione in Calboli Montefusco 1988, p. 38-40.

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Don. ad Aen. 11, 243-245 [II, 444, 19-21 G.]: mora non erat facienda vere necessariis et mature perveniri debuerat ad ea quae populus cupiebat audire). Ma questo non  è  l’unico scopo di Venulo,  e  forse neppure quello principale: al contrario, egli vuole soprattutto evitare che l’esito negativo possa essere in qualche modo attribuito all’inefficienza del suo operato (SD ad Aen. 11,  244: ne possit de legatorum desidia queri; Claud. Don. ad Aen. 11,  243-245 [II, 444,  29-31 G.]: ut ostenderet ad impetrationem auxiliorum non legationis sollicitudinem, sed Diomedis defuisse consensum) e si preoccupa per questo di elogiare preventivamente il lavoro svolto dalla delegazione da lui guidata (ibid. [II, 444, 1-3 G.]: Venulus tuetur personam suam et fideliter impletam legationem magno nisu conatur ostendere), non esitando a deformare gli avvenimenti sulla base degli interessi di parte. (b) Il discorso di Diomede (1). Pur offrendo analisi almeno in parte divergenti, gli esegeti antichi concordano nell’individuare all’interno del discorso di Diomede due sezioni, reciprocamente complementari (SD ad Aen. 11, 243: sunt partes duae). Nella prima e più lunga parte della sua risposta, che si estende per quasi trenta versi (vv. 252-280), l’eroe risponde negativamente alla richiesta dei Latini (Serv. ad Aen. 11, 281: auxiliorum negatio; Claud. Don. ad Aen. 11, 252-254 [II, 446, 19 G.]: negat postulata) e giustifica (SD ad Aen. 11, 243: se excusat) il suo rifiuto, sforzandosi al contempo di non sminuire la propria statura eroica. Secondo l’analisi di Donato, ci troviamo di fronte ad una vera e propria dissuasio (ad Aen. 11, 255-258 [II, 447, 17 G.]: quid autem ponderis habeat dissuasio; cfr. anche 11, 252-254 [II, 446, 20-21 G.]: diversa persuasione), nella quale Diomede, dopo un breve esordio (ad Aen. 11, 255-258 [II, 447,  14 G.]: completis breviter principiis) ed un benevolo rimprovero all’indirizzo dei Latini (ad Aen. 11,  252-254 [II, 447,  12 G.]: obiurgatio benivola magis quam iniuriosa), si adopera a distogliere in vario modo i suoi interlocutori dai loro propositi bellicosi. L’aspetto retoricamente più delicato di questo passaggio consiste nella necessità di combinare due elementi in apparenza contraddittorî, vale a dire l’esaltazione della propria superiorità sui Troiani, evidente sulla base degli eventi passati, ed il rifiuto di voler combattere nuovamente 295

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contro di loro (Serv. ad Aen. 11, 255: ingenti arte agit, ne aut victoriam suam sileat, aut non procedendo contra eos quos vicit confiteatur ignaviam, dicendo non esse contra eos pugnandum, quos vincere perniciosissimum est). Per giustificare tale rifiuto, Diomede da un lato esalta il valore dei Troiani, dall’altro mette in evidenza la loro felicitas (SD ad Aen. 11, 243: excusatio Diomedis duplex est: ‘fortes sunt Troiani et felices’); ma, mentre il primo elemento può essere oggetto solo di un rapido cenno (ibid.: breviter ostendit per intermissionem), onde evitare l’accusa di pavidità (ibid.: frigidus enim locus erat, si virtutem eorum timere diceret quos vicit), il secondo viene sviluppato con dovizia di particolari (ibid.: secundus locus multa continet), raccontando fin nei minimi dettagli il destino avverso toccato in sorte a coloro che si erano confrontati con i Troiani. Tra questi vi è naturalmente lo stesso Diomede, che secondo l’interpretazione di Donato giunge ad autoaccusarsi – e contestualmente ad assolversi (ad Aen. 11, 275-277 [II, 451, 29-30 G.]: ipse arguit, ipse defendit), sulla base dei meccanismi dello status venialis per imprudentiam – per aver osato assalire Venere sotto l’influsso del furor 17. (c) Il discorso di Diomede (2). Nella seconda parte del suo discorso (vv.  281-293), Diomede si sforza quindi di persuadere  i  Latini  a  cercare la pace con  i  Troiani (Serv. ad Aen. 11, 281: suasio et consilium; de pace consilium; 11, 252: et bene hoc laudat, quod eis persuadere desiderat; SD ad Aen. 11, 243: qua etiam illis suadet ut bellum deponant; supererat ut pacem suaderet; hic ubi suadet pacem; Claud. Don. ad Aen. 11, 281282 [II, 452, 23-24 G.]: qui auxilium non dabat instruit legatos consilio; 11, 292-293 [II, 454, 25 G.]: concludit persuasionem suam). Donato sottolinea a più riprese come questo secondo momento metta in luce la benivolentia di Diomede, che riconduce le ragioni del proprio rifiuto all’interesse degli stessi   Claud. Don. ad Aen. 11, 275-277 (II, 451, 32-452, 4 G.): Defendit tamen hoc ipsum extenuando et adserit veniam dari debuisse, quod non ab eo qui esset integrae mentis, sed dominante dementia constaret admissum. Possunt enim haberi pro innocentibus qui furore impulsi sine sua voluntate peccaverint. Cfr. Pirovano 2006, p. 100-101; Gioseffi 2008, p. 95-96. Sullo status venialis, cfr. Calboli Montefusco 1986, p.  129-139; sul suo impiego come strumento di critica letteraria, si veda invece Pirovano 2006, p. 93-146. 17

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Latini (ad Aen. 11, 252-254: [II, 446, 22-24 G.] magisque fore commodum monstrat, si legati remeantes ad suos quaerenda potius adserant foedera quam putarent lacessendos quos superare non possent). E in quest’ottica deve essere letta ed interpretata anche la laudatio Aeneae che conclude il discorso, attraverso la quale Diomede, mettendo l’accento sulla pietas dell’eroe, utilizza l’argomento dell’utile per orientare la scelta dei suoi interlocutori (Serv. e SD ad Aen. 11, 292: hic pietate prior id in Aenea plus laudat quod Latinis, [[sicut suadet]], pacem petituris est utile, ut eum se credant posse facilius exorare; Claud. Don. ad Aen. 11, 291-292 [II, 454, 13-16 G.]: ‘Fortis est’, inquit, ‘Aeneas, sed cito flectitur pietate’. Utrumque et ideo dedit, ut legati et quod metuerent haberent et quod sperarent pro commodo suo). 4. Sulla scorta di un’analisi dettagliata delle annotazioni – non solo retoriche – degli esegeti antichi in relazione a questo episodio, Massimo Gioseffi ha proposto di illustrare la natura delle relazioni tra i vari autori (e le singole note di commento) attraverso l’immagine delle ‘staffette esegetiche’ 18: qui e altrove, i vari autori sembrano passarsi di mano in mano e trasmettere alle generazioni successive degli elementi di conoscenza comuni (il testimone), che però utilizzano in maniera personale e conforme ai rispettivi interessi 19. Con il corollario che, se si vuole riuscire  a  comprendere fino in fondo tali annotazioni, occorre ricostruire quanto più possibile il contesto entro il quale esse hanno avuto origine, tenendo presenti entrambi gli aspetti (o passaggi) di questo processo; in caso contrario, è alto il rischio di incorrere in vistosi fraintendimenti e di far affermare agli antichi quello che di fatto non intendevano dire 20. A conferma e a complemento del quadro delineato da Gioseffi, mi sembra interessante aggiungere che, allargando lo sguardo, un   Gioseffi 2008.   Gioseffi 2008, p. 85: ‘Come in una corsa a staffetta c’è un elemento comune, il testimone appunto, che passa di mano in mano, ma non necessariamente per via diretta, così nei nostri commenti c’è un materiale che tutti sembrerebbero scambiarsi e che in tutti in certa misura riaffiora; ma c’è poi l’andatura specifica dei singoli corridori, ossia quanto ciascun testo afferma di suo, la sua individualità’. 20  Gioseffi 2008, p. 99. 18

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analogo modo di fare può essere individuato anche in testi che non appartengono alla filologia virgiliana stricto sensu. Nel caso specifico dell’episodio di Venulo e della risposta di Diomede, vi sono almeno due fonti che sottopongono l’episodio virgiliano ad un’analisi retorica simile a quelle di Servio, del Servio Danielino e di Donato, e che dunque possono rivelarsi importanti per ricostruire con maggior precisione il contesto complessivo in cui esse si collocano. Un primo esempio ricorre nelle Institutiones oratoriae di Sulpicio Vittore 21, che istituisce un interessante riferimento al discorso di Diomede nella sezione del manuale dedicata alla dottrina degli status. Dopo aver precisato che la qualitas negotialis 22 comprende al suo interno due tipologie, a seconda che la questione da trattare sia totalmente generica (qualitas negotialis rationalis) o si basi per contro su di un testo scritto (qualitas negotialis legalis) 23, e che in essa ricadono quelle che normalmente – secondo la terminologia latina – vengono definite deliberativae causae 24, il retore passa a descrivere i loci da utilizzare per la trattazione dei casi riconducibili, rispettivamente, alla qualitas negotialis legalis (legitimum; iustum; utile; possibile; honestum) 25 e alla qualitas negotialis rationalis (naturalis iusti;  a  summo ad imum; futuri temporis ratio; voluntatis; qualitatis) 26. Il riferimento che qui ci interessa compare nella trattazione relativa al locus utilitatis, nell’ambito della qualitas negotialis legalis (rhet. 47 [342, 27-31 H.]):

21  Sull’autore e la sua opera, si vedano Díaz y Díaz 2000; Gutiérrez González 2010; Gutiérrez González 2011a; Gutiérrez González 2011b; Riesenweber 2018. L’edizione di riferimento è ancora quella di K. Halm, Rhetores Latini Minores, Lipsiae 1863, p.  313-352; numerosi interventi testuali sono stati proposti da Winterbottom 1979; Loutsch 1984; Riesenweber 2019. La tradizione manoscritta è stata recentemente studiata da Riesenweber 2018; Reiner Jakobi sta lavorando ad una nuova edizione critica, che dovrebbe essere pubblicata a breve. 22  In proposito, cfr. Calboli Montefusco 1986, p. 99-106. 23   Sulp. Vict. rhet. 46 (342, 2-5 H.). 24  Ibid. 46 (342, 5-6 H.). 25  Ibid. 46-47 (342, 7-343, 7 H.). 26   Ibid. 48 (343, 8-23 H.). Dal punto di vista squisitamente retorico, questa classificazione si inserisce con evidenza nel solco della tradizione ermogenea e presenta elementi di analogia con quelle proposte dagli altri retori latini tardoantichi, come ad esempio Giulio Vittore e Fortunaziano: cfr. Calboli Montefusco 1986, p. 103-106.

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Tertius est locus in negotiali utilitatis. Hic omnem ferme disputationem habet circa rationem futuri temporis; quaeritur enim quid in futurum sit utile. Aliquando in hunc locum incidit coniecturalis quaestio, quale est illud apud Vergilium: ‘Deliberat Diomedes, an Latinis auxilium petentibus ferat, quia Aeneas, si Latinos vicerit, in ipsum sua arma versurus sit’. ‘Il terzo locus nella qualitas negotialis  è  quello dell’utilità. In esso proprio ogni disputa si riferisce alla modalità del tempo futuro: si chiede infatti che cosa sia utile nel futuro. A volte in questo locus si inserisce una questione congetturale, come ad esempio nel famoso episodio virgiliano: “Diomede delibera se portare aiuto ai Latini che lo richiedono, dal momento che Enea, se avrà sconfitto i Latini, volgerà le armi conto di lui”.’

Secondo l’interpretazione proposta da Sulpicio Vittore, la questione che Diomede  è  chiamato ad analizzare (e risolvere) può essere configurata come una vera  e  propria deliberazione, che il retore esprime secondo la formulazione tradizionale: Deliberat Diomedes, an Latinis auxilium petentibus ferat. In tal modo, l’episodio virgiliano viene idealmente inserito all’interno di un ampio repertorio di esercizi scolastici, di cui possediamo estesa documentazione, nei quali personaggi storici o mitologici di vario genere e provenienza sono chiamati a prendere una decisione di fronte ad una situazione particolarmente complessa, spesso ricavata sulla base di un testo letterario di riferimento 27. Nel nostro caso, il momento vero  e  proprio della deliberatio Diomedis non viene effettivamente messo in scena da Virgilio, ma  è  evidente che molti spunti possono essere ricavati sulla base della premessa (libro VIII) e della conclusione (libro XI) dell’episodio. All’interno di questa deliberazione, osserva Sulpicio Vittore, assume particolare rilevanza l’aspetto della utilitas, da valutare in rapporto al tempo futuro: quali vantaggi può recare la decisione di scendere in campo a fianco dei Latini? E, da opposta prospettiva: quali sono i possibili svantaggi di una tale scelta? Prima di deci  Cfr. e.g. Sen. suas. 6: Deliberat Cicero, an Antonium deprecetur; 7: Deliberat Cicero, an scripta sua conburat promittente Antonio incolumitatem, si fecisset; Q uint. inst. 3, 8, 19: Deliberat Caesar an perseveret in Germaniam ire; 7, 4, 2: Cae­ sar deliberat an Britanniam impugnet. Per citare solo la bibliografia più recente, cfr. Del Giovane 2017; Mancini 2018. Sempre utile la silloge di Kohl 1915. 27

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dere, Diomede deve dunque vagliare con grande attenzione le possibili conseguenze della propria scelta. A tal fine – prosegue il retore – può risultare utile il ricorso ad un altro status, quello della coniectura (quaestio coniecturalis) 28, che dunque si configura come status per così dire ‘di supporto’ (il verbo incidit, utilizzato in senso tecnico, rimanda alla tradizionale contrapposizione tra status principalis e status incidentes) 29 rispetto a quello ‘principale’, che resta la qualitas negotialis. Servendosi dunque dei meccanismi della coniectura, Diomede deve cercare di determinare se Enea, qualora risultasse vincitore nei confronti dei Latini, si accontenterebbe del successo raggiunto, o deciderebbe invece di continuare la guerra contro il suo antico nemico (in ipsum). Per quanto Sulpicio Vittore ci presenti la questione dal punto di vista di Diomede (deliberat Diomedes), sembra che egli avesse in mente soprattutto la scena del libro VIII. In effetti, come abbiamo avuto modo di vedere, la strategia retorica di Venulo prevede che egli provi a convincere Diomede proprio attraverso l’argomento dell’utile, così come esso viene illustrato da Donato (ex periculi sui contemplatione) e da Servio (omnem sibi utique est vindicaturus Italiam, sine dubio et Diomedis imperium). La contiguità tra il riferimento di Sulpicio Vittore e le istanze segnalate dagli esegeti virgiliani tardoantichi appare dunque evidente: anche se poi il retore, com’è naturale, se ne serve a modo proprio, in linea con le caratteristiche e con le finalità specifiche della sua opera, un manuale di insegnamento retorico. 5. L’episodio virgiliano dell’ambasceria di Venulo  è  analizzato retoricamente anche da Emporio 30, che vi fa ricorso – accanto ad un altro esempio virgiliano – per illustrare le caratteristiche di una sottospecie di etopea definita pragmatica (rhet. 562, 26-30 H.) 31:

 Sullo status coniecturalis, si veda Calboli Montefusco 1986, p. 60-77.   In proposito, cfr. Calboli Montefusco 1986, p. 51-59. 30 Su Emporio, si vedano Pirovano 2008a (con bibliografia precedente); Pirovano 2008b; Pirovano 2012; Pirovano 2016; Pirovano 2018. L’edizione di riferimento è ancora quella di K. Halm, Rhetores Latini Minores, Lipsiae 1863, p.  561-574; interventi testuali sono stati proposti da Finckh 1865; Volkmann 1869; Haupt 1874; Stangl 1895; Pirovano 2008b (dove viene presa in considerazione anche la tradizione manoscritta); Pirovano 2011. 31  Cfr. Ventrella 2005. 28 29

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Tertium genus est ethopoeiae, quod rei gerendae causa tantum inducitur, quale est illud ‘Vade age, nate, voca Zephyros’ (Verg. Aen. 4, 223), et ‘Vidimus, o cives, Diomedem’ (Aen. 11, 243) 32; quae materies pragmatica nominatur. Raro tamen ita ponitur, ut non vel leviter aliquis illic adfectus operetur, sicut in hac operam suam sedulo commendat Venulus extollitque 33 Diomedem. ‘Vi  è  poi un terzo tipo di etopea che viene introdotto solamente per fare una cosa, come ad esempio: “Orsù, figlio mio, chiama gli Zefiri”; e: “Abbiamo visto,  o  concittadini, Diomede”; questa forma di discorso si chiama “pragmatica”. Raramente tuttavia essa è proposta in modo tale che in essa non operi – almeno in modo leggero – qualche forma di sentimento: ad esempio, nell’ultimo caso citato, Venulo elogia con cura la propria opera ed esalta Diomede.’

Dal momento che ci troviamo nell’ambito di una particolarità del tutto isolata, si rende necessario – in via preliminare – aprire un’ampia parentesi teorica. Come è noto, il progymnasma dell’etopea (ἠθοποιία / adlocutio) 34 richiedeva agli studenti di immedesimarsi in un determinato personaggio, immaginando le parole che questi avrebbe potuto pronunciare (τίνας ἂν εἴποι λόγους / quibus verbis uti posset) 35 in una situazione data. I manuali che ci sono stati tramandati concordano, con minime differenze, nel classificare le etopee da un punto di vista che potremmo definire ‘emozionale’, distinguendo tra etopee ‘etiche’, in cui viene data espressione unicamente al carattere (ethos) del personaggio parlante; ‘patetiche’, in cui prevale un’emozione (pathos) legata alla situazione contingente; e ‘miste’, laddove convivono in egual misura   La lezione Diomedem, generalmente accolta dagli editori moderni di Virgilio, è attestata solo da alcuni codici carolingi, da Servio (che tuttavia preferisce leggere Diomede, lezione che ricorre nel solo f) e dal Danielino; i codici più autorevoli (MPRabevγ) presentano invece la forma ametrica Diomeden, testimoniata anche da Macrobio (Sat. 5,  17,  19)  e  Donato ad loc. Sul problema, si veda da ultimo Luzzatto 2018. 33   Halm stampa in questo punto extollit (B), senza segnalare in apparato che la lezione di P è in realtà extollitque. Come ho avuto modo di osservare altrove (Pirovano 2008b, p. 425), extollitque mi sembra leggermente preferibile. 34  Su questo esercizio, cfr. e.g. Cizek 1994, p. 276-285; Heusch 1997, p. 2734; Amato 2005; Amato – Ventrella 2005; Heusch 2005. Per la terminologia latina, cfr. Suet. rhet. 4, 7; Prisc. praeex. 9; Drac. Romul. 4; Pirovano 2016, p. 389. 35  A proposito di queste formule, cfr. Pirovano 2013a; Pirovano 2013b. 32

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ethos e pathos 36. L’apparente uniformità che emerge dal confronto delle fonti superstiti è tuttavia, in larga misura, il risultato di un processo di selezione che si realizzò nel corso dei secoli, con il progressivo affermarsi del manuale di Aftonio come opera di riferimento per l’insegnamento dei progymnasmata nelle scuole bizantine, che determinò  a  sua volta la scomparsa di trattati per così dire ‘eterodossi’, non allineati cioè con la tradizione aftoniana 37. Alcune testimonianze isolate lasciano tuttavia intendere come, nel periodo tardoantico, la situazione fosse più complessa e vitale di quanto si potrebbe immaginare. Ai fini del nostro discorso risulta particolarmente interessante la trattazione dell’etopea offerta da Giovanni Geometra (X secolo d.C.), che può essere ricostruita combinando le informazioni – alquanto preziose, ma non sempre complete, e non sempre esenti da contraddizioni – che ci offre in proposito Giovanni Dossapatre (XI secolo) 38. Stando al resoconto di Dossapatre 39, Giovanni Geometra respingeva alla radice la tripartizione tradizionale (etopee etiche / patetiche / miste), ritenuta eccessivamente semplicistica, e considerava invece tutte le etopee come ‘miste’, in quanto composte dalla presenza contemporanea di due elementi: (a) la ‘persona’ (πρόσωπον) 40, vale a dire il carattere (ἦθος) del personaggio parlante 41; (b)  e  il ‘soggetto’  o  ‘argomento’ (πρᾶγμα), che a sua volta include al suo interno i ‘sentimenti’ (πάθη) suscitati dalla situazione contingente, e i ‘consigli’ (ὑποθῆκαι) che il personaggio parlante esprime in relazione alla situazione stessa 42. Così facendo, egli non classificava differenti ‘specie’ di etopea a seconda delle loro caratteristiche emozionali, ma elencava  e  descriveva gli elementi costitutivi che possono far parte, in diversa misura, di ogni etopea: il pathos non esclude l’ethos, ma  è  ad esso complementare, così come eventuali suggerimenti possono essere   [Hermog.] 21, 10-18 R.; Aphth. 35, 1-10 R.; Nicol. 64, 14-19 F.   Kustas 1973, p. 7 e 23; Webb 2001, p. 296. 38  Su Giovanni Dossapatre, autore di commentarî alle opere di Aftonio e Ermogene, si vedano Glöckner 1901, p. 10-22; Rabe 1907; Kustas 1973, p. 25-26; Kennedy 2003, p. 173-175; Gibson 2009; Hock 2012, p. 127-142. 39   Si veda in particolare Doxap. in Apth. prog. 499.18-30 W. 40 Doxap. in Aphth. prog. 500, 3-16 W. 41 Doxap. in Aphth. prog. 500, 14 e 32-33 W. 42 Doxap. in Aphth. prog. 500, 18-21 W.; cfr. anche 499, 32-500, 3 W. 36 37

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presenti con o senza pathos (501, 5 W.: ἢ σὺν τῷ πάθει ἢ καὶ τοῦ πάθου χωρίς) 43. Al fine di illustrare con chiarezza la propria concezione dell’etopea e di mettere in evidenza le differenze rispetto ai suoi predecessori, Giovanni Geometra adduceva poi una serie di esempi, alcuni dei quali non trovano riscontro nei manuali conservati. In particolare, l’aspetto ‘pragmatico’ è illustrato attraverso la proposizione di due etopee di ispirazione omerica 44: nel primo, basato su Il. 23, 305-348, Nestore si rivolge al figlio Antiloco, per dispensargli consigli  a  proposito della conduzione dei cavalli in gara (τῆς ἱππικῆς αὐτῷ τοὺς λόγους ὑποτιθέμενος); nel secondo, ispirato a Od. 16, 225-307, Odisseo parla invece con Telemaco, per esortarlo all’uccisione dei proci (πρὸς τὴν μνηστηροφονίαν αὐτὸν διερεθίζων). In entrambi i casi, il personaggio parlante dispensa al proprio interlocutore consigli o esortazioni, tenendo in considerazione la situazione contingente. Che la teorizzazione dell’etopea offerta da Giovanni Geometra non rappresenti il tardo prodotto della riflessione retorica bizantina, ma derivi piuttosto da un testo progimnasmatico più antico  o  comunque da una tradizione precedente, da collocare probabilmente in epoca tardoantica, sembra dimostrato – oltre che, come vedremo, da Emporio – da un confronto con il commentario aftoniano di Giovanni di Sardi (IX secolo d.C.). Q uesti, dopo aver commentato profusamente la tripartizione adottata da Aftonio, ricorda en passant –  e  contestualmente rifiuta – la teorizzazione alternativa di alcuni retori non meglio identificati, che alle tre tipologie tradizionali aggiungevano un ‘quarto genere di etopea’ (τέταρτον εἶδος ‹ἠθοποιίας›), denominato ‘pratico’ (πρακτικόν), caratterizzato dalla presenza di qualche forma di ‘insegnamento’ (διδασκαλία) 45. Oltre all’esplicita volontà di 43   Un approccio di questo genere, certamente più sofisticato rispetto a quelli tradizionali, offre l’indubbio vantaggio teorico di considerare contemporaneamente tutte le componenti costitutive di un discorso, senza costringere a focalizzare l’attenzione su di un unico aspetto. La complessità di questa classificazione pare tuttavia eccessiva per l’insegnamento dei progymnasmata, che, pur rivestendo un ruolo importante nel cursus di studi antico, erano in effetti degli esercizi di livello non particolarmente avanzato, a cui meglio si adatta la pratica semplicità di Aftonio e [Ermogene]. Su questo aspetto avremo modo di ritornare più avanti. 44 Doxap. in Aphth. prog. 501, 4-11 W. 45 Sard. in Aphth. prog. 207, 19-25 R.: Τινές δε τῶν τεχνογράφων καὶ τέταρτον εἶδος ‹ἠθοποιίας› εἰσάγουσι τὸ καλούμενον πρακτικόν, ᾗ διδασκαλία τις ὑπόκειται, οἷον τίνας ἂν εἶποι λόγους Νέστωρ πρὸς Ἀντίλοχον περὶ τῆς ἰππικῆς ὑποτιθέμενος.

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contrapposizione rispetto alla tripartizione tradizionale e alla presenza di una tipologia di etopea che fa riferimento alla ‘situazione’ (πρακτικόν), a collegare questo isolato riferimento alla classificazione di Giovanni Geometra è soprattutto il ricorso ad un identico esempio, quello di Nestore e Antiloco (τίνας ἂν εἶποι λόγους Νέστωρ πρὸς Ἀντίλοχον περὶ τῆς ἱππικῆς ὑποτιθέμενος), che mi sembra dimostrare in modo inequivocabile la derivazione da una fonte comune. Q uesta lunga parentesi si  è  resa necessaria per poter contestualizzare con la necessaria precisione la trattazione dell’etopea offerta da Emporio (561, 2-562, 34 H.), che può essere compresa fino in fondo solo sulla base di un confronto con le fonti bizantine. Il  retore individua in effetti quattro tipologie per questo esercizio: (a)  l’ethopoeia propriamente detta, chiamata anche adlocutio, che si propone di imitare il carattere (562, 8-9 H.: mores eius, cuius verba fingenda sunt, exprimamus) del personaggio parlante; (b) la pathopoeia, nella quale coesistono ethos e pathos, con prevalenza di quest’ultimo (562,  20-22  H.: incurrens prae­ponderabit affectus […] nec tamen plene adfectus, qui ingeneratus est, deseretur); (c) la (ethopoeia) pragmatica, finalizzata al compimento di un’azione (562,  26  H.: rei gerendae causa), ma di norma caratterizzata anche dalla presenza di qualche forma di pathos; (d)  la prosopopoeia, nella quale si attribuisce la parola ad oggetti inanimati, cre­ an­do di fatto il personaggio parlante (562, 32-33 H.: mutis damus verba et fingitur persona quae non est). Per quanto ciò non sia stato fin qui evidenziato in termini espliciti, a me sembra che la trattazione dell’etopea fornita da Emporio ricordi in più punti quella di Giovanni Geometra. In  effetti, se escludiamo la prosopopoeia, che per ragioni intrinseche ed estrinseche appare eterogenea rispetto al resto della trattazione, non si può fare a meno di osservare come le prime tre specie di etopea elencate da Emporio coincidano, anche nell’ordine, con gli elementi che, secondo Giovanni Geometra, possono far parte di ogni etopea: la ethopoeia / adlocutio Ἡμεῖς δὲ λέγομεν ἑνὶ τῶν τριῶν εἰδῶν ἐμπεριέχεσθαι, ὡς καὶ τὸ προκείμενον ἠθικόν ἐστιν [Alcuni autori di manuali introducono anche una quarta specie di etopea, denominata ‘pratica’, nella quale è presente una forma di insegnamento, come ad esempio: ‘quali parole direbbe Nestore ad Antiloco, al fine di istruirlo nell’arte della cavalleria?’. Noi tuttavia affermiamo che ‹questa quarta specie› sia inclusa in una delle tre specie, dal momento che anche questo soggetto è ‘etico’].

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è in effetti finalizzata ad imitare il πρόσωπον (= ἤθος), mentre pathopoeia e  pragmatica si occupano di sviluppare i  due aspetti costitutivi del πρᾶγμα, vale a dire – rispettivamente – l’elemento παθητικόν e  quello πραγματικόν; e, come ethos e  pathos sono di fatto complementari all’interno della pathopoeia, così nella pragmatica, oltre all’aspetto esortativo (rei gerendae causa = ὑποθῆκαι), trova di norma cittadinanza anche il pathos (ut … vel leviter aliquis illic adfectus operetur  = ἢ σὺν τῷ πάθει ἢ καὶ τοῦ πάθου χωρίς). La corrispondenza con Giovanni Geometra appare dunque piena; anche se poi Emporio, analogamente agli anonimi retori a cui fa riferimento Giovanni Sardiano, sembra introdurre una differenza importante, trasformando quelli che il Geometra considera gli elementi costitutivi di ogni discorso in differenti categorie di etopea (τέταρτον εἶδος ‹ἠθοποιίας› εἰσάγουσι τὸ καλούμενον πρακτικόν = tertium genus est ethopoeiae […] quae materies pragmatica nominatur), secondo la logica classificatoria ‘tradizionale’. Sulla scorta di queste considerazioni, possiamo a questo punto ritornare all’argomento che qui ci interessa. Come abbiamo avuto modo di vedere, Emporio illustra le caratteristiche della pragmatica attraverso due esempi, entrambi provenienti dall’Eneide. Il primo – Giove si rivolge a Mercurio e lo invia presso Enea, al fine di ricordargli il suo destino provvidenziale (Aen. 4,  223) – appare ben scelto  e  risulta facilmente riconducibile alla particolare natura e alla funzione esortativa dell’etopea pragmatica (rei gerendae causa) 46. Il secondo esempio appare invece meno facilmente intellegibile, dal momento che le parole di Venulo possono assumere un aspetto ‘pragmatico’ solo al prezzo di qualche forzatura. In effetti, come si è avuto modo di vedere, gli esegeti virgiliani erano concordi nell’individuare un intento esortativo, semmai, nel discorso di Diomede, soprattutto nella sua sezione conclusiva, concepita come una vera e propria suasoria per il raggiungimento della pace con Enea. Q ui però Emporio si riferisce senza dubbio alla relazione di Venulo, dal momento che ne riprende l’incipit (‘Vidimus, o cives, Diomedem’) e a Venulo, nella sua qualità di ora Cfr. e.g. Claud. Don. ad Aen. 4, 224-226 (I, 384, 3-7 G.): ‘Vade’ imperativum est, ‘age’ hortativum cum imperativo, ‘nate’ religiosum et pium; ‘voca’, ‘labere’, ‘adloquere’, ‘defer’ adaeque imperativa sunt: quorum alia spectant personam patris, regis vero alia, ut ille duplici necessitate constrictus voluntatem patris impleret et regis. 46

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tore, fa esplicito riferimento anche a proposito della possibile presenza di qualche forma di sentimento (adfectus) all’interno della pragmatica (sicut in hac operam suam sedulo commendat Venulus extollitque Diomedem). In questo caso, dunque, l’esempio scelto non appare dei migliori; l’impressione è che Emporio possa aver in qualche modo esteso l’aspetto esortativo del discorso di Diomede anche alle parole di Venulo, che di fatto, seppur indirettamente  e  forse al di là delle effettive intenzioni del personaggio, possono essere considerate come un’esortazione alla pace. Come che stiano le cose, risulta però evidente come Emporio, analogamente a Sulpicio Vittore, si sia servito delle categorie interpretative proprie di un esercizio scolastico, in questo caso l’etopea, per analizzare l’episodio dell’ambasceria di Venulo dal punto di vista retorico. Anche in questo caso, non si tratta di una pratica isolata: possediamo al contrario numerosi esempi paralleli, sia greci che latini, in cui personaggi mitologici o storici vengono immaginati come protagonisti di etopee di vario genere, spesso sulla scorta di un testo letterario di riferimento 47. Degli esempi omerici di Giovanni Geometra abbiamo già detto,  e  altri se ne trovano nei manuali di [Ermogene], Aftonio, Nicolao di Mira, Prisciano e dello stesso Emporio 48; per l’ambito latino, mi limito ad osservare che tracce di etopee virgiliane sono ricordate da Agostino (Giunone irata  e  addolorata si lamenta, al vedere la flotta troiana navigare verso l’Italia) 49, da Ennodio (Didone esprime la propria disperazione di fronte alla partenza di Enea) 50 e dallo stesso Emporio (Mezenzio, semper crudelis, si rivolge in tono supplichevole a Turno, per essere accolto nello schieramento dei Latini, e ad Enea, affinché conceda sepoltura al suo cadavere) 51, mentre nella dictio 24 di Ennodio a parlare è proprio Diomede,   Un utile elenco è offerto da Amato – Ventrella 2005.   Sulle etopee di ispirazione omerica, cfr. Ureña Bracero 1999; Ureña Bracero 2000. 49  Aug. conf. 1, 27: Proponebatur enim mihi negotium animae meae satis inquietum praemio laudis et dedecoris vel plagarum metu, ut dicerem verba Iunonis irascentis et dolentis, quod non possit ‘Italia Teucrorum avertere regem’ (Verg. Aen. 1, 38). 50 Ennod. dict. 28 (= CDLXVI Vogel): Nec tibi diva parens. A proposito di questa etopea, che si basa esplicitamente su Aen. 4, 365 sgg. e presenta evidenti tratti ‘parafrastici’, rimando a Pirovano 2010. 51  Il secondo esempio si basa su Aen. 10, 903-906: Pirovano 2010, p. 27. 47 48

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che – di ritorno dalla guerra di Troia – si sfoga di fronte al tradimento della moglie Egialea 52. Se è vero che l’etopea è un esercizio più semplice rispetto alla suasoria e meno avanzato di quella all’interno del cursus di studi antico, nel nostro caso non occorre tuttavia insistere troppo su questo aspetto, dal momento che la pragmatica, così come possiamo ricostruirne la natura sulla base del confronto tra le fonti, sembra presentare un livello di difficoltà decisamente superiore rispetto ad una normale etopea. In effetti, quello che secondo Emporio costituisce il fine ed il tratto distintivo della pragmatica, vale a dire il compimento di un’azione (rei gerendae causa), sembra richiedere un livello di preparazione del tutto simile a quello di un discorso ‘compiuto’ appartenente al genere deliberativo. Di questo si era probabilmente reso conto lo stesso Giovanni Geometra, il quale, dopo aver esposto la sua classificazione dal punto di vista teorico, precisa – è sempre Dossapatre a riferirlo 53 – che l’unico obiettivo dell’etopea è in realtà quello di esercitare gli studenti riguardo al rinvenimento di argomenti relativi alla persona (προσωπικὴ εὕρεσις), vale  a  dire  a  proposito del solo ethos, visto che, aggiungendo anche il trattamento del πρᾶγμα (πραγματικὴ εὕρεσις / εὐπορία τοῦ πράγματος), si oltrepasserebbe l’ambito degli esercizi preliminari e si ricadrebbe in quello dei discorsi retoricamente compiuti. È infine interessante osservare come Emporio, soffermandosi a discutere la possibile presenza di adfectus all’interno delle etopee ‘pragmatiche’, metta in evidenza l’aspetto retorico del discorso di Venulo, che, oltre a riportare la risposta di Diomede, si preoccupa anche  e  soprattutto di mettersi al riparo da possibili critiche (sicut in hac operam suam sedulo commendat Venulus extollitque Diomedem). Non so se  e  fino  a  che punto questi elementi possano essere classificati come forme di pathos: forse Emporio pensava alla preoccupazione di Venulo, che ritornava dalla missione con un insuccesso per molti aspetti inatteso. È tuttavia evidente che il nostro retore aveva qui in mente i versi iniziali del discorso di Venulo (244: atque iter emensi casus superavimus 52 Ennod. dict. 24 (= CCVIII V.): Dictio ex tempore quam ipse Deuterius iniunxit (Verba Diomedis, cum uxoris adulteria cognovisset). 53 Doxap. in Apth. prog. 501, 15-503, 17 W.

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omnis ~ operam suam sedulo commendat Venulus; 245: contigimusque manum qua concidit Ilia tellus ~ extollitque Diomedem), di cui ci fornisce un’interpretazione del tutto simile a quelle che, come si è detto, ritroviamo nei commenti del Danielino (ad Aen. 11, 243: Q uod autem ait ‘Vidimus, o cives, Diomedem’, quasi res magna ei contigerit, qui talem virum viderit; 245: contigimusq ue manum bene, quasi divinam: sic ‘vidimus, o  cives, Diomedem’) 54 e soprattutto di Donato (ad Aen. 11, 243-245 [II, 444, 1-3 G.]: Mira arte Venulus tuetur personam suam et fide­liter impletam legationem magno nisu conatur ostendere). 6. Lo studio delle fonti retoriche ci consente dunque di confermare e, al tempo stesso, di ampliare con nuovi elementi il quadro da cui siamo partiti. Come si è visto, Sulpicio Vittore ed Emporio riservano all’episodio dell’ambasceria di Venulo (e della risposta di Diomede) una lettura fortemente connotata dal punto di vista retorico: e certamente non ci saremmo potuti aspettare altro, considerando la natura delle rispettive opere. A priori meno scontata era invece la vicinanza, anche di dettaglio, che si può riscontrare con le interpretazioni offerte da Servio, dal Servio Danielino e da Donato, che di fatto ci ripropongono gli stessi elementi, per quanto inseriti in un contesto più ampio e declinati in modo almeno in parte differente. Q uesta vicinanza, che non si lascia ricondurre  a  rapporti di derivazione diretta, ma può essere ben spiegata pensando alle ‘staffette’ esegetiche di cui si è parlato in precedenza, lascia intravvedere una relazione costante di continuità e di reciproco interscambio tra differenti aspetti  e  livelli dell’insegnamento antico (la enarratio poetarum presso la scuola del grammaticus; l’insegnamento della teoria retorica; le esercitazioni retoriche di livello elementare –  i  progymnasmata –  e  quelle più avanzate – suasoriae e controversiae) 55, mostrando al tempo stesso la centralità che Virgilio rivestiva all’interno della scuola latina. Sullo sfondo, si configura l’incontro/scontro di due opposte prospettive: da un lato, la tendenza ad analizzare l’abilità oratoria dei personaggi virgiliani (nel nostro caso, Venulo e Diomede), per ricavarne utili   Gioseffi 2008, p. 94, n. 32.   Sulle declamazioni ‘virgiliane’, Pirovano 2006, p. 150-157.

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paradigmi per l’insegnamento di concetti retorici  e  per la proposizione di esercizi scolastici; dall’altro, quella a valutare – servendosi delle categorie della retorica come strumento di critica letteraria – la capacità di caratterizzazione di Virgilio, che delinea magistralmente i propri personaggi anche (e, forse, soprattutto) attraverso i discorsi che pronunciano. Di questo complesso coacervo di relazioni non  è  possibile non tener conto, se si vuole comprendere in profondità  e  senza fraintendimenti  i  testi che abbiamo di fronte.

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L. PIROVANO

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DELIBERAT DIOMEDES, AN LATINIS AUXILIUM PETENTIBUS FERAT

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Abstract The Virgilian episode of  Venulus’ embassy to Diomedes (Aen. 8.9-17; 11.225-295) is referred to in the rhetorical works of  Sulpicius Victor (rhet. 47 [342, 27-31 H.]), who interprets it as a suasoria based on the issue of  qualitas negotialis legalis (‘Deliberat Diomedes, an Latinis auxilium petentibus ferat’), and of  Emporius (rhet. 562, 26-30 H.), who uses it to illustrate a species of  ethopoeia called pragmatica. The similarities with the interpretations offered by the late-antique Virgilian interpreters (Servius, Servius Auctus and Tiberius Claudius Donatus), who likewise approach this episode from  a  rhetorical point  of   view, allow us to glimpse the constant and reciprocal interchange that took place among different aspects and levels of  ancient teaching (the enarratio poetarum at the school of  the grammaticus; the teaching of  rhetorical theory; the rhetorical exercises: progymnasmata, suasoriae and controversiae), showing at the same time the centrality that Virgil held in the Latin schools.

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ILARIA TORZI

LE PAROLE DI DRANCE AL VAGLIO DEI COMMENTATORI TARDOANTICHI

1. La figura di Drance Tum senior semperque odiis et crimine Drances infensus iuveni Turno sic ore vicissim orsa refert ‘Allora, vecchio  e  sempre al giovane Turno malevolo, con calunnie odiose, Drance tesse a sua volta la risposta così’ 1

I versi 123-125 del libro undicesimo costituiscono l’entrata in scena del personaggio di Drance; indubbiamente si tratta di una figura minore che esce di scena verso la metà dello stesso libro 2, ma che viene caratterizzato in modo preciso da Virgilio. Anche successivamente, in occasione del concilio convocato da Latino dopo il rifiuto di Diomede di soccorrere gli Italici, il poeta riprende la sua descrizione, specificandone l’origine nobile per parte di madre, ma oscura in riferimento al padre, ribadendo la sua ostilità a Turno ed evidenziandone la capacità oratoria con cui nasconde la sua codardia o quanto meno inazione in ambito bellico (11, 336-342) 3.

1  Il testo critico dell’Eneide, qualora non sia diversamente indicato, è quello di M. Geymonat, Roma 2008; la traduzione italiana è di Rosa Calzecchi Onesti. 2  Drance verrà poi citato ancora una volta da Turno che ne ricorda le accuse, poco prima del duello finale, 12, 644: … dextra nec Drancis dicta refellam? ‘… le accuse di Drance non smentirò combattendo?’. 3   Per i versi vedi infra § 2. Heinze 1989, p. 411-412, fa notare come, per esempio proprio nel caso di Drance, Virgilio sia molto attento a presentare il personaggio a più riprese, evidenziandone le caratteristiche essenziali al ruolo e all’azione dei diversi momenti.

Vergilius orator. Lire et commenter les discours de l’ Énéide dans l’Antiquité tardive, éd. par Daniel Vallat, STTA 20 DOI 10.1484/M.STTA-EB.5.128635 (Turnhout 2022), pp. 315-371    ©             

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Era inevitabile che Drance 4, personaggio sicuramente inventato, suscitasse l’attenzione dei critici che si sono chiesti quali fosse il modello letterario di Virgilio o  a  quale personaggio storico si fosse ispirato per tratteggiarlo. Fin dal Rinascimento alcuni commentatori hanno visto adombrato in lui Cicerone, l’homo novus, abile oratore ma soldato di scarso valore, ostinato difensore della repubblica, quindi inviso al nuovo regime 5. Già a partire dagli inizi del Diciannovesimo secolo, tuttavia, come ricorda Uwe Fröhlich, si mise in dubbio questa identificazione 6; lo stesso autore mette in luce come l’oratore tratteggiato da Virgilio equivalga a quei politici demagoghi negativi stigmatizzati proprio nel de officis 7. Fra  i  modelli letterari, in prima posizione abbiamo il Tersite omerico, benché si tratti di una figura socialmente diversa da Drance, connotata negativamente anche per il suo aspetto fisico e soprattutto in azione in uno scenario politico ben diverso; oppure Polidamante, sempre di matrice omerica, il consigliere prudente di Ettore 8. La critica moderna, tuttavia, si mostra abba4  Il nome non compare se non in testi ispirati a Virgilio, sembra esemplato su altri nomi propri in dentale quali Dares, Daretis; la terminazione -es del nominativo potrebbe richiamare nomi greci, secondo altri Etruschi  e  nell’etimo ricorderebbe draco, ‘serpente’  e  rancen, ‘rancido’. (per cui cfr.  anche Highet 1972, p. 251). Infine, pur con qualche difficoltà, potrebbe essere accostato, data comunque l’autorità del personaggio nell’ambito dei Latini,  a  Dercennus, re di Laurento. Per queste diverse ipotesi e la bibliografia inerente, cfr. La Penna 1991, p. 138-140. 5  Scholz 1999, p. 455-456 e Fantham 1999, p. 265-266 danno conto della discussione a loro antecedente riferita ai modelli di Drance, per quanto concerne sia il parallelo con Cicerone, sia quello con personaggi omerici di cui parleremo a breve. Nel primo caso si specifica come, secondo alcuni, più che del Cicerone storico ci si servirebbe della caricatura dello stesso sorta negli ambienti che volevano ridicolizzarlo, o, più specificamente, come precisa Burke 1980, della figura di Cicerone nell’ultimo periodo della sua vita, quello in cui si scaglia contro Antonio. Piuttosto singolare invece, e  a  mio avviso del tutto improponibile, l’identificazione proposta da MacKay 1952, p. 259, di Drance con Mecenate, a testimonianza di un momento di difficoltà nel rapporto di amicizia fra Virgilio e Mecenate stesso. 6  Fröhlich 2011, p. 20 n. 7 specifica che la prima voce contraria fu nell’ed. dei libri XI-XII di J. Delille, edita a Parigi nel 1804. 7   Cfr., ad es., Cicerone, off. 1, 85; 1, 88. Cfr. Fröhlich 2011, p. 19. 8  Oltre agli spunti che si incontrano negli autori citati nella note precedenti, ampio spazio ai personaggi e agli episodi omerici echeggiati in Drance e nel suo duello verbale con Turno si trovano in Burke 1978; cfr.  anche Highet 1972, p. 248-251.

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stanza concorde nel leggere in Drance e nel suo atteggiamento il frutto non solo di emulazione poetica, ma anche di osservazione ed esperienza nei dibattiti in senato della tarda repubblica e della forza del demagogo che fa leva sul malcontento popolare 9.

2. La descrizione di Drance nei commentari tardoantichi Se ora guardiamo il commento degli esegeti tardoantichi alla prima menzione di Drance, non possiamo che leggere valutazioni negative, secondo quanto scritto dallo stesso Virgilio; Servio, tuttavia, riconosce l’autorità del personaggio fra i Latini, evidenziata dall’aggettivo senior del verso 122, mentre, a proposito dell’odio contro Turno, ipotizza tre possibilità. La prima si incontra nelle note aggiuntive: aut qui eum odio semper et criminationibus persequebatur ‘o tale da perseguitarlo sempre con odio  e  incriminazioni’,  e  sembra la più immediata; ne seguono due, del testo principale, che sviscerano meglio il valore di crimen: aut propter suum crimen, id est inertiam, quam semper virtuti constat esse contrariam: aut Turni crimine, qui tot viris causa mortis exstiterat ‘o a causa della propria colpa, cioè l’inazione, che si sa essere sempre in opposizione al valore, o per la colpa di Turno, che era stato causa di morte per molti uomini’ 10. Si nota quindi come Servio anticipi, per così dire, le motivazioni del conflitto fra i due, mentre Virgilio connota più specificamente Drance e i suoi limiti in un momento successivo. Claudio Donato si sofferma sul diverso atteggiamento fra Drance  e  gli altri membri dell’ambasciata; mentre questi ultimi rimangono ammutoliti di fronte alla grande indulgenza e disponibilità mostrata da Enea, che non si limita a concedere la tregua per la sepoltura dei caduti, ma ribadisce la sua disponibilità a fare la

9 Significativi in particolare  i  contributi di Scholz 1999, p.  463-466 e La Penna 1971, p. 283-288. Secondo Horsfall 2002, Drance non solo è tratteggiato come un demagogo della tarda repubblica, ma richiama volutamente alcuni personaggi sallustiani quali Catilina. 10  Per quanto riguarda Servio e il Danielino, si utilizzerà l’ed. Murgia – Kaster 2018, per i libri dal nove al dodici. Per gli altri libri l’ed. Thilo, Hagen 1881-1802; per Claud. Donato, Georgii 1905-1906.

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pace anche coi vivi, ed eventualmente a battersi con Turno, unico vero oppositore (11, 108-119), Drance solo ribatte 11: Ex illis omnibus qui aderant et admirationis stupore fuerant fixi solus Drances, vel quod esset aetate ceteris potior et exercitatior cunctis vel quod odisset iugiter Turnum, arrepta temporis occasione quae gravaret eum quem perosum habuit ita respondit. ‘Fra tutti quelli che erano presenti e avevano lo sguardo fisso al suolo per lo stupore causato dall’ammirazione [nei confronti di Enea], solo Drance o poiché era maggiore degli altri per età e con più esperienza di tutti, o perché nutriva un odio inestinguibile nei confronti di Turno, colta l’occasione che accusava colui che sempre ebbe in odio, così rispose’. (ad Aen. 11, 122-124; II, 425, 14-19 Georgii)

Anche questo autore, come Servio riconosce l’autorità di Drance sia per età sia per esperienza in qualità di oratore, e anch’egli evidenzia l’odio inveterato nei confronti di Turno, senza però specificarne le motivazioni. Si fa inoltre riferimento al fatto che il personaggio sa cogliere un’occasione propizia per mettersi in luce  a  scapito di Turno; sembra trattarsi, per Claudio Donato, di una sua caratteristica, dal momento che, come vedremo, la mette in luce in più occasioni 12. Mi pare poi degno di nota l’uso del verbo gravare, che, oltre che nel senso primo di ‘appesantire’, troviamo in questo esegeta con uno più ‘tecnico-giuridico’, di ‘accusare’, ‘mettere in cattiva luce’, ‘aggravare la posizione’. Si può ricordare ad esempio, in riferimento all’uccisione a tradimento di Sicheo da parte di Pigmalione, la nota ad Aen., 1, 350: ‘Clam ferro incautum superat’: clam quod posuit, gravat Pygmalionis causam ‘Di nascosto con la spada uccide [Sicheo] indifeso: l’aver specificato ‘di nascosto’ aggrava la posizione di Pigmalione’ (I, 74, 6-7 Georgii); oppure nell’ambito del concilio degli dei del libro decimo, Claudio Donato specifica

11  Sull’atteggiamento degli altri membri dell’ambasciata che lasciano parlare Drance ma dimostrano la loro totale adesione alle sue parole, cfr. Ricottilli 2017. 12  Cfr., ad es., la nota ad. Aen., 11,  128 (II, 426,  12-17 Georgii) per cui cfr. infra § 4.; 11, 220 (II, 438, 19-22 Georgii, per cui cfr. infra § 5.); 11, 346-351 (II, 466, 10-13 Georgii) per cui cfr. infra § 6.1.

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che Giunone con le parole contenute nei versi 74-80 13 per comparationem nititur levare partis suas et gravare partem diversam ‘attraverso il paragone si sforza di attenuare la responsabilità della propria parte  e  accrescere la responsabilità dell’avversario’ (II, 303, 6-7 Georgii). Troviamo il verbo, infine, in un’altra spiegazione, riferita ancora ad un passo dell’undicesimo libro, in cui si riporta, per il tramite del discorso indiretto, quanto va dicendo Drance contro Turno, nel momento in cui  i  Latini stanno seppellendo i loro morti e, a loro volta, maledicono la guerra terribile e le nozze di Turno che l’hanno scatenata: Ingravat haec saevus Drances solumque vocari  / testatur, solum posci in certamina Turnum (vv. 220-221) ‘Spietato, Drance aggrava le voci, attesta che solo Turno è chiamato, che Turno solo s’aspetta in duello’ 14. Analizzeremo però il passo più approfonditamente in seguito 13  Indignum est Italos Troiam circumdare flammis / nascentem et patria Turnum consistere terra, / cui Pilumnus avus, cui diva Venilia mater: / quid face Troianos atra vim ferre Latinis, / arva aliena iugo premere atque avertere praedas? / Q uid soceros legere et gremiis abducere pactas, / pacem orare manu, praefigere puppibus arma? ‘È indegno che gli Itali cingan di fiamme al suo nascere Troia, indegno che Turno in patria viva sicuro, lui che Pilumno ha per avo, la dea Venilia per madre: che fa se i Teucri con faci fumose sui Latini si scaglian? Se i campi degli altri soggiogano? Se portan via prede, se rubano i suoceri, strappan dalle braccia le spose? E pregano pace, tendendo le mani, ma reggono armi le poppe?’. 14  Va specificato che è l’unico verso dell’Eneide in cui è presente questo verbo, mentre gravare, non molto frequente, sei sole occorrenze, è utilizzato nel senso proprio di rendere più pesante, tranne che a 10, 628: Et Iuno adlacrimans: ‘quid si, quae voce gravaris, / mente dares atque haec Turno rata vita maneret?’ ‘E Giunone piangendo: “E se quel che ti pesa a parola tu in cuore mi dessi, e promessa di vita attendesse Turno?” ’, dove, come sottolinea bene Servio significa ‘sopportare a fatica’: q uae voce gravaris quae negas fato; vox enim Iovis fatum est […] hoc autem dicit: ‘utinam quae negas voce, id est fato, mente praestares’. Nam si Iovis vox fatum est, potest aliud fando fati ordinem commutare. ‘Gravaris’ autem ‘negas’, ‘graviter fers’ ‘ “Le cose che fatichi a pronunciare a voce” che neghi per volere del fato; infatti la voce di Giove è  fato  […]. Ma dice questo: “o se mi concedessi con la volontà le cose che neghi a parole, cioè per volere del fato”. Infatti, se la voce di Giove è fato, parlando può mutare un’altra disposizione del fato. Inoltre “ti pesano” [significa] “neghi”, “sopporti a  fatica” ’, la nota prosegue poi specificando l’uso del verbo al passivo con l’accusativo di relazione: et hac elocutione non nisi per accusativum utimur, ut si dicas ‘gravor adventum tuum’, id est ‘graviter fero’, ‘gravor praesentiam tuam’: nam et ipse sic dixit ‘quae gravaris’ ‘E ci serviamo di questo modo di esprimersi solo con l’accusativo, come se dicessi “sono infastidito dal tuo arrivo”, cioè “sopporto a fatica”, “mi pesa la tua presenza”: infatti anche il poeta stesso disse “le cose che ti infastidiscono, ti pesano” ’. Nulla di specifico invece, a proposito di questo verso in Claudio Donato.

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(§ 5.), dopo aver concluso l’esame della descrizione di Drance con quanto leggiamo ai versi 336-342: Tum Drances idem infensus, quem gloria Turni obliqua invidia stimulisque agitabat amaris, largus opum et lingua melior, sed frigida bello dextera, consiliis habitus non futtilis auctor, seditione potens (genus huic materna superbum nobilitas dabat, incertum de patre ferebat), surgit et his onerat dictis atque aggerat iras. ‘Allora quel solito Drance, malevolo, che la gloria di Turno con torbida invidia, con stimoli amari pungeva, largo d’averi e  migliore di lingua, ma destra in battaglia inerte, stimato buon parlatore in consiglio, nell’intrigo potente (superba la stirpe materna gli dava lustro, ma ignoto era il sangue del padre), s’alza e con queste parole aggrava e rinfocola l’ire’.

Entrambi  i  commenti sottolineano l’idem, ricordando, nel caso di Claudio Donato, che il personaggio aveva già cercato di mettere in cattiva luce Turno, proprio nel passo (11, 220-221), di cui abbiamo riportato prima la nota; le aggiunte Danieline a Servio specificano invece che si tratta di colui che aveva trattato con Enea. Ancora gli esegeti si soffermano sul sintagma obliqua invidia, evidenziando come si tratti di un atteggiamento malevolo ma non aperto, piuttosto nascosto, come puntualizza Servio, sotto una simulata difesa dello stato (reipublicae simulata defensione). È  notevole l’uso di obliqua invidia da parte di Virgilio, perché, come fa giustamente notare Fantham 1999, p.  265, si tratta dell’uni­ca occorrenza in cui l’aggettivo ha valore metaforico, mentre nelle altre tre obliquus è utilizzato con significato spaziale. Va però precisato che sia l’aggettivo, sia l’avverbio da esso derivato, talvolta in concorrenza con latenter, sono spesso presenti negli esegeti che stiamo esaminando come termini tecnici retorici, per indicare un modo indiretto di esprimersi, vuoi per pudore, vuoi in mala fede, e vengono impiegati in ambiti diversi a seconda delle spiegazioni, per esempio avvicinandosi alla retorica giudiziaria o più semplicemente all’ornatus 15.  Per un discorso più approfondito  e  i relativi esempi, cfr.  Torzi 2014, p. 205-213. Hardie 2012, p. 136 vede Drance molto vicino a rappresentare una personificazione dell’Invidia. 15

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Gli esegeti si soffermano anche sull’origine di Drance: Claudio Donato, oltre che seditiosus, sedizioso 16, lo definisce dives, ricco, quemque extollebat materna nobilitas nec revocabat hunc a natura sua pudor aut frangebat quamvis potentis ludibrium matris, quae illum incerto patre protulerat ‘Lo innalzava la nobiltà materna né lo distoglieva dalla sua indole o lo avviliva il pudore, nonostante la vergogna della madre altolocata che lo aveva generato da un padre ignoto’ (II, 463, 30-464, 3 Georgii). Claudio Donato non specifica ulteriormente l’aggettivo incertus, già presente nel testo dell’Eneide, mentre Servio  e  le note aggiuntive (Aen. 11,  341), approfondiscono 17: incertum de patre ferebat non ignobile, sed penitus ignoratum significat. Alii ‘incertum’ aut ipsum patrem, aut genus tradunt. Et bene segni homini paternam non dedit nobilitatem. ‘“[Stirpe] incerta recava dal padre”, non significa ignobile, ma del tutto ignota. Altri attribuiscono “incerto” o al padre stesso o alla stirpe. E bene [il poeta] non ha concesso la nobiltà paterna a un uomo debole’.

In primo luogo, quindi si evidenzia l’oscura origine del padre, mentre la nota aggiuntiva ipotizza anche che, per il tramite di un’ipallage, la definizione di ‘ignoto’ non sia da riferirsi alla stirpe ma proprio al genitore, aggravando quindi la bassezza dell’origine di Drance 18. Viene anche dato un giudizio sull’operato di Virgilio 16  Servio, Aen. 11, 340, in modo quasi puntiglioso specifica seditione potens praepotens in movenda, non in conprimenda seditione ‘“Potente nel tumulto” molto potente nello scatenare non nel reprimere il tumulto’. 17  Utilizzo il grassetto per specificare il testo del Danielino all’interno di una nota serviana. 18  In questo senso sembra muoversi Fantham 1999, p. 265 che definisce Drance ‘a bastard’ avvicinandolo a personaggi shakespeariani quali King John, Edmund in King Lear o Don John in Much Ado about Nothing. La Penna 1971, p. 286, invece, lo vede solo come il figlio di un uomo di famiglia ignota che ha acquisito la nobiltà per via di matrimonio come molti degli homines novi della tarda repubblica. Un parallelo può essere costituito con Numano Remulo, che, con estrema arroganza, si rivolge ai Troiani nel libro 9 (vv. 598-620). Sarà subito ucciso da Ascanio, che per la prima volta imbraccia le armi contro un nemico. Si tratta di un personaggio inventato da Virgilio che, benché poco valoroso, o almeno non famoso, è imbaldanzito dall’aver sposato la sorella di Turno. Se in questo si può avvicinare al padre di Drance, per il suo atteggiamento più propenso a combattere con le parole che con le armi ricorda Drance stesso. A differenza di quest’ultimo, tuttavia, i suoi ec-

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che, a detta dell’esegeta, ha giustamente sminuito la famiglia del personaggio, indegno, per il suo scarso valore, di migliori natali. Per altro sempre il Servius Auctus specifica che superbum, riferito al genus materno (v.  340),  è  da intendersi nel senso positivo di ‘nobile’ (superbum pro ‘nobile’) 19. Ancora Claudio Donato mostra l’atteggiamento di Drance nel momento in cui si alza a parlare, mettendo in luce, come già accennato sopra, la sua capacità di cogliere l’attimo propizio per colpire l’avversario. Leggiamo infatti: Oneraturus Turnum sic instituit loqui. Expressit poeta hominem saevum et factiosum; qui enim prima odia excitare laborando non potuit nunc, quod facile fuit, augere nitebatur inventa, ne perderet occasionem temporis et oportunitatem regiae voluntatis amitteret vel ne existeret quisquam qui Latini studium pro Aeneae partibus ad utilitatem Turni converteret. ‘Allo scopo di aggravare la posizione di Turno, [Drance] così cominciò  a  parlare. Il poeta ha raffigurato un uomo spietato e fazioso, che infatti, anche dandosi da fare, non ha potuto suscitare l’iniziale odio; ora, cosa facile, si sforzava di accrescere l’odio già preparato [dal discorso di Latino], per non perdere l’occasione del momento e sfruttare l’opportunità del volere regio  o  perché non si presentasse alcuno che mutasse il favore di Latino nei confronti dei partigiani di Enea a favore di Turno’. (II, 464, 5-11 Georgii)

Va sottolineato,  a  mio avviso, l’uso dell’aggettivo saevus, di cui, come abbiamo visto, lo stesso Virgilio si serve per connotare Drance a 11, 220. Ho tradotto con ‘spietato’, benché a proposito del verso citato Claudio Donato non esplichi l’aggettivo ma si limiti  a  rinviare  a  11,  128 per specificare chi sia Drance. Come vedremo meglio fra breve (§ 3), in quell’occasione egli aveva assicessi verbali si scagliano contro i nemici. Cfr. Cergol 2019 e Horsfall 1987. Il personaggio di Remulo Numano, però, è stato studiato soprattutto nell’ambito della contrapposizione fra valori tradizionali italici  e  mollezza orientale cfr.  Horsfall 1971 e Nelsestuen 2016. Dickie 1985 si focalizza infine sulle fonti del discorso del personaggio. 19  Ho già avuto modo di esaminare la doppia valenza, negativa  e  positiva dell’aggettivo superbus in Virgilio, anche attraverso l’esegesi tardoantica: Torzi 2019, p. 364-366, cui rimando per una bibliografia più puntuale.

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curato a Enea che, se la sorte glielo avesse concesso, avrebbe fatto il possibile per avvicinargli Latino, a dispetto dell’opposizione di Turno. Altrove tuttavia l’esegeta definisce il valore dell’aggettivo saevus attribuito  a  Ettore. Siamo all’interno del racconto di Diomede riportato da Venulo al ritorno dall’ambasciata, fallita, all’eroe greco. Egli, rifiutando di intervenire contro i troiani, definisce Ettore e Enea di pari valore bellico e coraggio, ma il secondo superiore per pietà (11,  291-292). Claudio Donato non perde l’occasione per ribadire la caratteristica del protagonista  a  lode del quale, secondo lui,  è  scritta tutta l’Eneide  20, ma anche per evidenziare l’importanza della qualità per gli ambasciatori che, appunto  a  parere di Diomede, non dovevano portare avanti la guerra, ma rimettersi alla misericordia di Enea. All’opposto rimarca come la pietas non venga riconosciuta ad Ettore: Hectori negavit hanc partem profuisse (1,  99) ‘saevus ubi Aeacidae telo iacet Hector’; illic quippe ‘saevum’ non ‘fortem’ dixit, ut alii volunt, sed nulli hosti parcentem, quasi si diceret ‘si Hector esset rogandus, non tale vobis consilium darem, quia saevus fuerat perindeque vobis orata praestare non posset’. ‘[Diomede] disse che questa caratteristica non apparteneva a Ettore (1, 99) “dove Ettore spietato giace per l’arma dell’Ea­ cide”, in quella circostanza senz’altro disse “spietato” non “forte”, come altri vogliono, ma che non risparmiava alcun nemico, come se intendesse: “se si fosse dovuta fare la ri­chie­ sta [di pace] a Ettore [anziché ad Enea], non vi darei un tale consiglio, poiché era spietato e ugualmente non poteva dare garanzia per le vostre preghiere” ’. (ad Aen. 11,  291-292, II, 454, 20-25 Georgii).

Se verifichiamo la nota di Claudio Donato a Aen. 1, 99 non troviamo però alcuna spiegazione a proposito dell’aggettivo, Servio invece, non sappiamo se uno degli alii cui si riferisce il primo esegeta, lo interpreta come ‘forte’, ‘grande’, mentre le note aggiun-

 Cfr. Cl. Donato, Proem. (I, p. 2, 7-15 Georgii). Sul genus laudativum che costituirebbe la caratteristica prima del poema, si veda Pirovano 2006, p. 39-48. Cfr. fra i contributi più recenti, Clément-Tarantino 2019. 20

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tive prevedono entrambe le ipotesi, includendo anche il confronto dell’atteggiamento dell’eroe con la pietas di Enea 21: saevus ‘magnus’, ut superius diximus. Vel ‘fortis’, vel ‘bellicosus’, ut est ‘et saevum Aenean agnovit Turnus in armis’. Vel adversus hostes ‘saevus’, et est epitheton ad tempus; nam incongruum erat ab Aenea saevum Hectorem dici. Aut ‘saevus’, quod adversum Antenorem et Aeneam et Helenum sentiens Helenam non permiserit reddi. (Aut) ideo ‘saevus’ Hector, quia Aeneas ‘pius’. ‘ “Terribile” “grande”, come abbiamo detto sopra. O “forte”, o  “bellicose” come  è  “e Turno riconobbe Enea terribile in armi” (11, 910). O “spietato” verso i nemici, ed è un epiteto legato alla circostanza, perché non era conveniente che Enea definisse Ettore “spietato”. Oppure “inflessibile”, perché, avendo un’opinione diversa da Antenore, Enea e Eleno, non permise che Elena fosse restituita. O Ettore “spietato” perché Enea “pio” ’.

Servio dichiara di aver già specificato la possibile valenza positiva dell’aggettivo come retaggio della lingua antica, benché conosca anche l’altra, commentando Iunonis saevae (Aen. 1, 4): saevae cum  a  iuvando dicta sit Iuno, quaerunt multi, cur eam dixerit saevam, et putant temporale esse epitheton, quasi saeva circa Troianos, nescientes quod ‘saevam’ dicebant veteres ‘magnam’. […] Item Vergilius cum ubique pium inducat Aeneam, ait ‘maternis saevus in armis Aeneas’ (12, 107-108), id est ‘magnus’. ‘ “Spietata” dal momento che Giunone ha preso nome da giovare, chiedono molti perché l’abbia definita spietata e  pensano che l’epiteto sia riferito alla circostanza, come se fosse crudele verso i Troiani, non sapendo che gli antichi dicevano “terribile” [intendendo] “grande”. […] Allo stesso modo Virgilio, benché rappresenti sempre Enea pio, dice “Enea terribile nelle armi materne” (12, 107-108), cioè “grande” ’ 22. 21  Knox 1997 analizza le occorrenze di saevus commentate da Servio, notando come l’esegeta cerchi di darne una giustificazione quando l’epiteto  è  attribuito a divinità o a personaggi, come Enea, per cui il significato primo è indecoroso. 22  A proposito di questo passo leggiamo ancora saevus ‘fortis’: more suo; vel ‘magnus’ ‘ “Terribile” “forte”, secondo il suo costume; o “grande” ’. Nessun commento in proposito da parte di Claudio Donato.

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Non ha invece dubbi, neanche in questa circostanza, Claudio Donato, che specifica come l’epiteto di Giunone,  a  differenza del parere di altri, non vada inteso come ‘potente’ ma davvero come ‘spietata’, in quanto perseguita un innocente devoto agli dei (I, 9, 20-24 Georgii). In riferimento al v. 910 del libro undicesimo, citato all’interno della nota ad Aen. 1, 99, troviamo ancora in Servio la stessa spiegazione e rimandi a 1, 99 e 12, 107-108, tuttavia l’Auctus propone anche l’ipotesi di ‘irato’ mettendo in parallelo 1, 458: et saevum ambobus Achillem ‘e Achille a entrambi funesto’, che tuttavia non commenta ad loc. 23. Il fatto che a proposito di 11, 220 non venga data alcuna spiegazione di saevus, né l’aggettivo venga utilizzato nella descrizione di Servio per connotare Drance a 11, 342, non ci permette di discernere la valenza che il commentatore avrebbe attribuito al termine riferito a questo personaggio che, pure, come evidenzia Scholz, ha una capacità, quindi una sorta di grandezza, comune appunto ad Ettore e ad Enea stesso, di causare terrore e di cavalcare quella paura che egli stesso ha generato per i propri scopi politici 24. Servio  è  infatti meno puntuale di Claudio Donato; si limita a notare che Turno era già stato accusato dal discorso di Latino, a proposito di 11, 342: onerat dictis hoc sermone ostendit, eum et hortatione gravatum Latini, ‘ “Aggrava con le parole” con questo discorso mostra che [Turno] è  stato accusato anche dall’esortazione di Latino’ 25. Per quanto poi concerne iras del verso 342, le aggiunte Danieline, a  differenza di Claudio Donato che non approfondisce, pongono l’alternativa se si tratti della rabbia di Turno che Drance vuole fomentare o  di quella dei suoi nemici, cioè dei contrari alla guerra. Anche la critica moderna, evidenziando come Virgilio abbia lasciato ambiguo il verso, si  è chiesta chi fosse il soggetto dell’ira; tuttavia l’alternativa riguarda 23   Nemmeno Claudio Donato si sofferma su saevus di 1, 458, che ripete nella spiegazione, precisando che tuttavia saevus ambobus va inteso come una comparazione, per indicare che Achille fu saevior, che tradurrei con ‘più spietato’, di Agamennone e Menelao (I, 93, 3-4 Georgii). Anche a proposito di 11, 910 non abbiamo alcun commento di rilievo. 24  Cfr. Scholz 1999, p. 460. 25  Si tratta dell’unica spiegazione, tranne quella  a  Aen. 10,  628 di cui alla nota 14, in cui Servo non utilizza gravare in senso fisico.

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Drance che fomenterebbe così il proprio rancore o Turno portato dal nemico al limite perché perda il controllo 26.

3. Drance ed Enea: lo scambio di battute per concordare la tregua: Servio e il Danielino Abbiamo già evidenziato nel paragrafo precedente che Drance è l’unico dell’ambasciata a non restare ammutolito ma a rispondere ad Enea (Aen. 11, 124-131) 27: O fama ingens, ingentior armis 28, vir Troiane, quibus caelo te laudibus aequem? Iustitiaene prius mirer belline laborum? Nos vero haec patriam grati referemus ad urbem et te, si qua viam dederit Fortuna, Latino iungemus regi. Q uaerat sibi foedera Turnus. Q uin et fatalis murorum attollere moles saxaque subvectare umeris Troiana iuvabit. ‘O grande per fama, con l’armi più grande, capo troiano, con quali lodi devo alzarti alle stelle? E prima per la giustizia t’ammiro o  per le fatiche di guerra? Grati, alla patria città riportiam queste cose, e, se la Fortuna darà una via, noi riunirti vogliamo al re Latino, Turno si cerchi alleati. Anzi, dei muri fatali innalzare la mole, portar sulle spalle le pietre troiane, avrem caro’.

  Cfr. Fantham 1999, p. 266.   Scholz 1999, p. 459 fa notare la delicatezza della situazione: Drance senz’altro rappresenta il garante della correttezza di Latino e l’avversario dell’usurpatore rutulo, tuttavia pare aver travalicato i limiti del proprio incarico di ambasciatore, ricevuto probabilmente da Turno per ottenere una tregua, esponendosi in modo personale con l’avversario grazie alla sua posizione. 28   Hardie 2012, p.  137-139 evidenzia come l’uso dell’intensivo ingentior suggerisca un’urgenza tipicamente epica di esaltazione iperbolica della grandezza di un eroe, che però compare solo qui nel periodo classico. Sottolinea poi come i due versi incipitari siano a suo avviso la tipica opposizione fra la grandezza delle imprese, le res, e il limite della loro narrazione, i verba. Più in generale l’autore nota come le lodi di Drance ad Enea seguano formule tipiche dei panegirici e richiamino quelle utilizzate da Ilioneo per esaltare l’eroe troiano nel libro primo (1, 544-545). Da lì a poco, inoltre, la celebrazione di Enea troverà un’eco nelle parole di Diomede riportate da Venulo al concilio dei Latini (11, 291-292). Per un approfondimento sul discorso di Venulo si veda in questo stesso volume Pirovano. 26 27

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Servio  e  le note aggiuntive non si soffermano  a  lungo su queste parole, in primo luogo l’Auctus  a  proposito delle lodi con cui innalzare Enea al cielo sottolinea che si tratta di un atteggiamento oratorium 29, tipico di un oratore, così come in riferimento a saxa troiana del v. 131, Servio specifica che è un modo di parlare ambitiose, in segno di condiscendenza, come se quelle pietre fossero dovute ai Troiani per volere del fato (quasi Troianis fataliter debita) 30. Viene inoltre spiegata l’affermazione si qua viam dederit Fortuna (11, 128), senza però il ‘processo alle intenzioni’ che leggeremo in Claudio Donato, ma semplicemente per indicare la serietà della promessa passibile tuttavia di insuccesso, a causa della sorte avversa: si q ua viam dederit fortuna ‘viam’ rationem. Et bene cum exceptione pollicetur dicens, si voluntatem nostram fortuna comitetur ‘ “se la sorte ce ne darà il modo” “via” [significa] modo. E bene promette con una riserva dicendo, qualora la sorte accompagni la nostra volontà’. Nell’esegesi delle parole non troviamo quindi nulla di particolarmente ostile a Drance, solo nella spiegazione di infensus, analizzata nel paragrafo precedente, si è ipotizzata la sua persecuzione nei confronti di Turno, dovuta forse alla sua debolezza e viltà ostile al valore, ma forse anche alla colpa di Turno, responsabile di tante morti. Lo stesso Enea nelle sue parole di grande commiserazione e disponibilità nei confronti degli ambasciatori latini che gli chiedono la pace (11, 108-119) attribuisce la maggior parte della colpa a Turno e a Latino che ha tradito i patti e si è affidato appunto al Rutulo, citando per primo l’ipotesi che verrà ripresa nel concilio indetto dal re, di un duello fra i due eroi: Q uaenam vos tanto fortuna indigna, Latini, implicuit bello, qui nos fugiatis amicos? Pacem me exanimis et Martis sorte peremptis 29  Non molte, meno di una decina le occorrenze di oratorium e dell’avverbio oratorie nel commentario, per indicare un modo di esprimersi con valenza retorica (cfr. per es. oratorium: 9, 131; oratorie: 2, 86; 4, 110 [SD]; 4, 361 [SD] e 11, 343, in cui si riferisce l’avverbio oratorie di nuovo a Drance e alla sua risposta a Latino). Per un approfondimento sul tema si veda in questo stesso volume Delvigo. 30  Subito prima, a proposito di fatales moles Servio rimanda alle parole di Enea (11, 112): nec veni, nisi fata locum sedemque dedissent ‘e non venni, se non perché i fati luogo e sede mi davano’, a proposito del quale, tuttavia, non dice nulla di significativo. Cfr. anche Fröhlich 2011, p. 16.

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oratis? Equidem et vivis concedere vellem. Nec veni, nisi fata locum sedemque dedissent, nec bellum cum gente gero; rex nostra reliquit hospitia et Turni potius se credidit armis. Aequius huic Turnum fuerat se opponere morti. Si bellum finire manu, si pellere Teucros apparat, his mecum decuit concurrere telis: vixet cui vitam deus aut sua dextra dedisset. Nunc ite et miseris supponite civibus ignem. ‘Q uale immeritata sciagura vi ha spinti, Latini, in guerra si grande e a non volerci compagni? Pace pei morti, per quelli che la guerra ha travolti chiedete? Oh che darla anche ai vivi io vorrei. Non venni, se non perché  i  fati luogo  e  sede mi davano, non faccio guerra col popolo: il re ha tradito i suoi ospiti, all’armi di Turno ha preferito affidarsi. Era più giusto che Turno a questa morte si offrisse, lui che vuol con la forza finir la guerra e cacciare i Teucri, lui con quest’armi doveva duellare con me: e avesse vita a chi vita desse un dio o la sua destra! Ma andate, date al fuoco le pire dei cittadini infelici’.

Del commento a questi versi mi pare rilevante la nota dell’Auctus che evidenzia l’apertura del discorso improntata alla captatio benevolentiae: et mira est oratio conciliantis se hostibus suis ‘e mirabile è il discorso di chi si vuole conciliare i nemici’. Ancora, a proposito di 11, 113, Servio nota che Enea specifica che non vuole muovere guerra al popolo (nec bellum cum gente gero) ma lascia intendere che lo scontro dev’essere con Turno, così come a proposito di 11, 119 l’esegeta fa capire che Enea è solidale con i Latini che muoiono per colpa altrui (miseris civibus quasi aliena culpa pereuntibus ‘ “ai concittadini infelici”, come se periti per colpa altrui’)  e  il Danielino evidenzia la finezza dell’attribuire all’eroe l’empatia verso  i  defunti: et bene commendatur dicentis bonitas, quasi et ipse eorum misereatur ‘e si aggiunge bene pregio alla bontà di chi parla, come se lui stesso avesse misericordia di loro’. 3.1. Enea ‘demagogo’? Proprio alla luce delle note appena esaminate,  è  piuttosto singolare un dettaglio del commento a 11, 113: nec bellum cum gente gero subaudiendum ‘sed cum Turno’: per quod populari328

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ter eorum captat favorem ‘ “E non faccio guerra contro il popolo” si deve sottintendere “ma contro Turno”: affermazione attraverso la quale coglie il loro favore secondo la modalità appunto di accattivarsi il beneplacito popolare’. A margine del ms T (Bern, Burgerbibl. 165 (sec. IX1) si legge, inoltre: aut seditionem adversum regem invocat ‘o invoca la rivolta contro il re’. Se controlliamo il commentario nella sua interezza notiamo che l’avverbio populariter compare solo qui con evidente accezione negativa come fa intendere anche la nota esplicativa a margine di T 31. Anche l’aggettivo popularis, se si escludono i passi in cui va inteso semplicemente come ‘appartenente ad un popolo’ (quali ad. es. la nota del Danielino  a  1,  38  o  2,  325)  è  presente solo in 3 casi (uno dei quali è semplicemente la citazione di Aen. 6, 816) ed ha, a mio avviso, valore svalutativo. L’unica occorrenza in Virgilio (appunto 6,  816)  è  riferita ad Anco che, nella rassegna dei re di Roma fatta da Anchise, già troppo gioisce del favore popolare (popularibus auris). È proprio  a  commento di questo verso che Claudio Donato si serve per l’unica volta dell’aggettivo, che di fatto riprende per spiegare che aures populares sono i favori del popolo che i sapienti non cercano (populares aurae sunt favores populi, quos non quaerunt sapientes I, 611, 25-26 Georgii); Servio invece non commenta il verso, ma, come detto, lo cita a proposito di 2,  385, tuttavia solo per spiegare la possibile equivalenza semantica di aura  e  favor. Invece, sempre all’interno dell’undicesimo libro, v. 223, in riferimento all’autorevolezza della regina Amata che protegge Turno, leggiamo: obumbrat subaudis ‘Turnum’: ‘tuetur’, ‘defendit’. […] Hoc autem dicit: ‘amor reginae ad favorem popularem plurimum proderat Turno’ ‘ “Copre” sottintendi “Turno”: “lo protegge”, “lo difende” […]. Ma dice questo: “l’amo­re della regina giovava moltissimo  a  Turno per il favore popolare” ’. Di per sé il ‘favore popolare’ di cui si parla non è negativo, indica semplicemente l’apprezzamento della popolazione, ma mi pare che a questo punto, quando ormai è evidente che la strategia di Turno  è  perdente  e  che anzi si oppone al volere del Fato, sembra che la parte di popolazione favole al Rutulo sia quella meno saggia, che si fa appunto trascinare da chi ha prestigio o carisma, senza un proprio discernimento. In modo analogo a 12, 192  L’avverbio risulta sconosciuto sia a Virgilio sia a Claudio Donato.

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194 32, nell’incontro con Latino  e  Turno per  i  patti precedenti al duello risolutivo, troviamo, secondo l’esegeta, Enea intento ad accattivarsi il favore popolare, facendo riferimento alle parole con cui Drance, durate l’ambasceria, aveva proprio cercato di ingraziarsi Enea e i Troiani: Sane sciendum quia crebra soceri commemoratione sibi favorem Latini conciliat; item dicendo ‘mihi moenia Teucri constituent’ popularem gratiam captat, quia supra dixerat Drances (11, 131) ‘saxaque subvectare umeris Troiana iuvabit’. ‘Certo si deve sapere che con la frequente citazione del termine “suocero” si concilia il favore di Latino; allo stesso modo dicendo “per me i Teucri costruiranno le mura” vuole accattivarsi la benevolenza del popolo, poiché Drance precedentemente aveva detto: “portar sulle spalle le pietre troiane, avrem caro” ’.

Infine, non va dimenticata la nota a margine secondo la quale Enea sembra appunto voler fomentare una rivolta contro Latino e viene utilizzato il termine seditio, così come seditiosus era uno degli epiteti negativi dati a Drance da Claudio Donato a proposito di seditione potens di 11,  340,  a  lui attribuito, che Servio stesso ha commentato con praepotens in movenda, non in conprimenda seditione ‘ “Potente nel tumulto” molto potente nello scatenare non nel reprimere il tumulto’. Si tratta invero solo di una nota, però mi pare significativo il fatto che anche Enea non venga del tutto assolto dalla colpa di demagogia, o forse, meglio, di essere abile dell’accattivarsi il favore popolare; ciò,  a  mio avviso, alleggerisce la posizione di Drance almeno nell’interpretazione emersa da questo testo esegetico. Sicuramente nella sua breve apparizione è connotato da Virgilio come un personaggio negativo ed ostile a Turno, probabilmente per la sua viltà; condivide tuttavia, per quanto vediamo nel commentario serviano e nella sua versione Aucta, qualche tratto addirittura con l’eroe eponimo. Secondo me, questa  è  un’ulteriore prova del fatto che in Drance, per lo meno nella tarda antichità, 32  Socer arma Latinus habeto, / imperium sollemne socer; mihi moenia Teucri / constituent urbique dabit Lavinia nomen. ‘Ma il suocero Latino abbia l’armi, l’autorità solenne abbia il suocero; a  me i  Teucri altre mura faranno e  Lavinia alla città darà il nome’.

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non va riconosciuto uno specifico personaggio politico della fine della repubblica, quale per esempio Cicerone, ma semplicemente uno e non l’unico abile oratore capace di volgere il popolo a suo favore anche con la demagogia.

4. Enea e Drance: lo scambio di battute per concordare la tregua: Claudio Donato Nessuna ombra, invece, sulla figura di Enea viene gettata da Claudio Donato, che non lesina elogi nei confronti dell’eroe: quando viene riportata, per il tramite del discorso indiretto, la richiesta dei Latini (11, 102-103), l’esegeta evidenzia la virtus dell’eroe esaltata da Virgilio ed il fatto che la concessione della tregua per seppellire i cadaveri vada a sua lode 33. Inoltre, prima dell’inizio del suo discorso, in riferimento a 11, 106-107 (Q uos bonus Aeneas, haut spernenda precantis, / prosequitur venia et verbis haec insuper addit ‘E il buon Enea, poiché di rispetto era degna la supplica, concede la tregua  e  aggiunge queste parole’), si sofferma su bonus, evidenziando come in lui la bontà sia piena perché non si limita a concedere quanto richiesto ma aggiunge di propria volontà, nelle sue parole, quanto, pur desiderato, non era stato espressamente esposto 34. Del discorso di Enea mette in luce diverse caratteristiche retoriche atte ad accattivarsi la benevolenza del pubblico, per esempio l’excusatio, la giustificazione insita nell’attribuire la strage di nemici all’ineluttabilità delle leggi belliche (Martis sorte)  e  non alla responsabilità dei Troiani 35, inoltre, per non infierire sugli   Ad Aen. 11, 102-103 (II 422, 2 e II, 422, 9-12 Georgii).   Ad Aen. 11, 106-107 (II, 422, 27-30; II, 423, 2-7 Georgii). Servio, più sobrio, si limita a commentare insuper addit accumulat verbis beneficium, dicens pacem et etiam vivis velle praestare ‘ “Aggiunge” aumenta il beneficio con le parole, dicendo che vorrebbe garantire la pace anche ai vivi’. 35   Ad Aen. 11, 110 (II, 423, 13-18 Georgii). L’excusatio in parte della tradizione retorica latina, quale il manuale di Q uintiliano (Inst. 7, 4, 14-15), indica la venia, una forma di qualitas adsumptiva, che, non potendo negare il fatto criminale, ne allontana la responsabilità, come qui, per ragioni di forza maggiore o si limita a fare leva sulla clemenza della corte. Per approfondimenti su questo status e la sua presenza nelle Interpretationes Vergilianae in diverse forme e con diverse denominazioni, si veda Pirovano 2006 p. 93-146. 33 34

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avversari, non muove loro accuse, quasi li scusa attribuendo la loro colpa alla sorte: Benivola obiurgatio, usque adeo ut quod delicti ipsorum fuit diceret esse fortunae. Non arguit, non accusat, sed magis eorum defensioni adhibet adiumentum. ‘Benevolo rimprovero,  a  tal punto da dichiarare che fosse colpa della sorte la loro colpa. Non incolpa, non accusa, ma piuttosto in loro difesa aggiunge un aiuto’. (II, 423,  19-21 Georgii) 36

Ancora Claudio Donato sottolinea che le parole di Enea relative al suo arrivo per volere del Fato segnano una condanna per sacrilegio di coloro che avevano meritato la morte, opponendosi appunto alla volontà superiore (ad Aen. 11,  112, II, 423, 51-424, 5 Georgii). In riferimento al 11, 113-114 (nec bellum cum gente gero; rex nostra reliquit / hospitia et Turni potius se credidit armis. ‘non faccio guerra col popolo: il re ha tradito i suoi ospiti, all’armi di Turno ha preferito affidarsi’), pur non accusando l’eroe di fomentare la rivolta contro Latino quasi come un demagogo, anche Claudio Donato evidenzia che Enea concentra le responsabilità su Latino che si è fatto traviare da Turno ed ha preferito affidare a lui, anziché al prescelto dal fato, la sorte del suo regno: Commendat se populis et in unius personam omnem belli congerit causam. ‘Nolo’, inquit, ‘aestimetis ex his quae adversus me gesta sunt in omnis vos esse commotum, solius regis haec culpa est, qui suscepti hospitis iura violavit et solvit et Turni praetulit partis’. Nihil horum Latinus effecerat, sed, quia hoc negotio prodesse non potuit, fingitur, ne unusquisque admissa forte considerans metueret pacis commoda utilitatemque sectari, quae solet de auctoribus malorum poenas exigere. ‘Omne’ inquit ‘malum non vestra, sed regis culpa contractum est, in cuius fuerat potestate praeferre meliorem; ipse enim me Turno postposuit, per eum ratus est melius defendi posse commoda sua’. 36  Sull’importanza dell’obiurgatio come strategia di discorso davanti al popolo, utile in particolare se l’oratore è autorevole cfr. Cicerone, de orat. 2, 339. Q uintiliano, che si richiama a Cicerone (de orat. 3, 205), la cita inoltre fra le figure di pensiero (Inst. 9, 1, 32).

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‘Si raccomanda al popolo e concentra tutta la responsabilità della guerra in una sola persona. “Non voglio”, dice, “che crediate sia stato provocato contro voi tutti da queste azioni che sono state compiute contro di me, questa colpa è del solo re che ha violato e annullato i giuramenti formulati all’accoglienza dell’ospite e ha preferito prendere le parti di Turno”. Latino non aveva fatto nulla di questo, ma poiché non era stato in grado di essere d’aiuto a questo accordo, lo si simula, perché ciascuno considerando le perdite dovute alla sorte non avesse paura di desiderare i benefici e l’utilità della pace, che è solita esigere il fio dagli autori del male. “Ogni male” dice “è stato causato da colpa non vostra ma del re, nel cui potere sarebbe stato preferire il migliore, egli infatti mi ha posposto a Turno, ha pensato che grazie a lui i suoi interessi si potessero difendere meglio” ’. (II, 424, 11-23 Georgii)

Anche Claudio Donato non può esimersi dal riconoscere la sostanziale impotenza di Latino, più che una sua vera  e  propria colpa, ma sottolinea nel discorso di Enea l’abilità di persuasione di un popolo che avrebbe potuto anche temere una pace foriera di rappresaglie. In filigrana si nota tuttavia la responsabilità di Turno, che viene resa più esplicita quando Enea suggerisce il duello singolo: aequius huic Turnum fuerat se opponere morti ‘Era più giusto che Turno a questa morte si offrisse’ (Aen. 11, 115). Claudio Donato parafrasa: Q ui si haberet integrum in disceptatione consilium, aequius fuerat Turnum morti supponi in negotio suo quam alium periclitantis casibus iungi. ‘E se quello 37 avesse integra capacità di discernimento nella discussione, sarebbe stato più equo che Turno si assoggettasse alla morte per il proprio interesse, piuttosto che un’altra fosse aggiunta alle sorti in pericolo’. (II, 424, 24-26 Georgii)

Viene qui per la prima volta inserita l’ipotesi del duello che sarà poi fatta propria da Drance e infine dallo stesso Turno. Nella chiusura del discorso di Enea (nunc ite et miseris supponite civibus ignem ‘Ma andate, date al fuoco le pire dei cittadini infelici’) anche Claudio   Non mi pare del tutto perspicuo se qui si riferisca a Turno o a Latino, forse più al secondo dal momento che subito prima la maggior responsabilità della guerra è stata attribuita a lui e alla sua politica errata. 37

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Donato, come Servio, mette in luce l’empatia dell’eroe che definisce miseri i Latini, enfatizzando la cosa con lo specificare benevolentiae satiavit adfectum ‘colmò il sentimento di benevolenza’, lui che già prima, al v. 108, aveva parlato di fortuna indigna degli avversari. L’esegeta ribadisce poi che miseri indica i Latini innocenti ma perseguitati dal destino altrui, dal momento che erano morti per una faccenda che non riguardava in prima persona loro ma Turno. Infine, ribadisce la correttezza del termine cives riferito agli Italici, in quanto anche l’eroe vantava con Dardano tali origini, e desiderava che gli ambasciatori capissero che preferiva avere l’atteggiamento di un concittadino piuttosto che di un offeso 38. Q uando Drance prende la parola, Claudio Donato svela subito le sue armi retoriche sia la praemissa laus ‘la loda di inizio’ sia la gratiarum actio ‘il ringraziamento’, ottenuti ricordando la resistenza alle avversità, le capacità belliche e infine le origini troiane, quasi ritenesse che solo quel territorio avrebbe potuto generare un simile eroe 39. Prosegue poi evidenziando, a differenza di Servio, come Drance enfatizzi quello che sarà il suo apporto nel tentare di avvicinare Latino ad Enea, spiegando te […] Latino iungemus regi ‘riunirti vogliamo al re Latino’ (11, 128-129) con operam dabimus ut superioris erroris nostri culpa summota redeat rex Latinus in concordiam tuam sitque dignissimo tibi firma religione coniunctus ‘faremo in modo che il re Latino, cancellata la colpa del nostro precedente errore ritorni all’accordo con te e sia legato da sacro vincolo a te che ne sei assai degno’ (II, 462, 7-9 Georgii). A proposito dei foedera che Turno dovrebbe poi cercare altrove (v. 129: quaerat sibi foedera Turnus ‘Turno si cerchi alleati’), se Servio ipotizzava che si potesse trattare sia di legami matrimoniali sia di alleanze (vel coniugii vel amicitiarum), Claudio Donato non ha dubbi nel riferirli solo alla prima ipotesi: Turnus vero, si matrimonio iungi mavult, aliud sibi quaerat ac iungat ‘ma Turno, se preferisce unirsi in matrimonio, cerchi altro per sé e vi si unisca’ (II, 426, 10-11 Georgii). A differenza di quanto leggiamo nel commentario serviano, il vincolo matrimoniale promesso fra Enea e Lavinia, costituisce uno dei fili che collegano i vari discorsi in cui è coinvolto Drance nelle   II, 424, 32-425, 6 Georgii.   II, 425, 19-30 Georgii.

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Interpretationes Vergilianae. Vedremo che Drance lo riprende con molta forza e ben poco tatto nell’attacco a Turno durante il concilio, ma l’esegeta si era già soffermato sull’argomento a commento della richiesta di misericordia da parte degli ambasciatori ad Enea (11, 105): parceret hospitibus quondam socerisque vocatis ‘ne avesse pietà, lui che ospiti e suoceri li aveva chiamati’. […] Ecce expressit poeta quantum religionis hospitibus, quantum soceris debeatur, vel quod ex hospite gener videretur esse susceptus ‘Ecco il poeta ha espresso quanto rispetto si debba gli ospiti, quanto ai suoceri, o il fatto che sembrava che [Enea] fosse stato accolto come genero da ospite che era’ (II, 422, 23-25 Georgii). L’aspetto tuttavia più rilevante del discorso di Drance a Enea, proprio perché sarà richiamato in varie circostanze, è, nell’esegesi di Claudio Donato, la spiegazione di 11, 128: si qua viam dederit Fortuna: ‘e se Fortuna darà una via’. Sed hoc non est dubitantis, ut cum condicione promisisse videatur; non enim dixit ‘si fortuna permiserit’. Sed hoc magis intellegitur polliceri, ut id ipsum quod spondebat quacumque via posset efficeret; multas enim occasiones potest reperire ac praestare fortuna, ut iuvet audentis. Potest et sic intellegi ‘iungemus te regi, si adhuc nobis non invideat fortuna, quae societatem primam inimica aemulatione dissolvit’, hoc ideo, ut ostenderet culpam contracti belli fortunae fuisse, non Italorum, quia hoc et Aeneas supra conplexus est. ‘Ma questo non è il modo di fare di uno che è in dubbio, come se sembrasse aver promesso in modo condizionato. Infatti, non ha detto “se la fortuna lo permetterà”. Ma piuttosto si capisce che si è promesso di portare a compimento quanto garantito in qualunque modo; infatti la sorte può trovare e fornire molte opportunità per favorire gli audaci. Si può anche intendere così: “ti faremo accordare col re, se ancora non ci sarà ostile la sorte che ha sciolto il primo accordo con ostile rivalità”, allo scopo di mostrare che la colpa dell’inizio della guerra è stata della sorte, non degli Italici, perché anche Enea precedentemente ha accolto questa ipotesi’. (II,  426,  12-21 Georgii)

Si mette subito in luce che non si tratta dell’espressione di una persona in dubbio che ha fatto una promessa condizionata. Infatti, puntualizza l’esegeta, viene utilizzata l’espressione viam dare non si fortuna permiserit. Drance non mostra alcuna incer335

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tezza, né in questo discorso né nel successivo, piuttosto va inteso che egli porterà  a  compimento la sua promessa in qualunque modo possibile, appartiene infatti agli audentes,  a  coloro che solitamente sono favoriti dalla Fortuna. Si nota tuttavia che l’affermazione può essere intesa anche nell’ambito di una strategia retorica, cioè come un tentativo di addossare alla sorte la colpa della prima infrazione al trattato fra Latino e Enea; non possiamo dire se argutamente, o andando oltre il dettato virgiliano, Claudio Donato mette in relazione questa affermazione con l’excusatio di Enea  a  11,  108, che aveva appunto accusato la sorte per non aggravare troppo la posizione dei Latini che si presentavano supplici a chiedere una tregua 40.

5. Drance fomenta l’ostilità contro Turno durante la sepoltura dei caduti Il secondo momento in cui Drance si pronuncia, anche se le sue parole sono riportate in un discorso indiretto, si ha mentre i  Latini, approfittando della tregua, seppelliscono  i  loro caduti, dopo l’intermezzo costituito dalle esequie di Pallante e dallo strazio di Evandro. Se Virgilio esordisce, passando alla descrizione di quanto accade presso  i  Latini, con non minus et miseri … Latini ‘Non meno anche gli infelici Latini’ (v. 203), dal che si dedurrebbe che la strage non fosse poi molto diversa nei due campi, connota però come innumeras ‘innumerevoli’ (v. 204) le pire da loro costruite. I  commentatori si focalizzano proprio sull’ultimo verso: Servio si limita  a  notare la strage immensa di Rutuli, mentre Claudio Donato si dilunga ad evidenziare che il paragone fra le perdite delle due parti mette in luce che, benché anche i Troiani abbiano avuto molti caduti, senz’altro il lutto fra gli altri era al grado massimo, come sottolineerebbe anche il v.  214 (praecipuus fragor et longi 41 pars maxima luctus ‘Grande era il sussurro, del pianger 40  Poco rilevante, invece, quanto dice l’esegeta  a  proposito della chiusura del discorso di Drance, se non che si tratta dell’esibizione di un obsequium devotionis ‘ossequio di un totale abbandono’ (Ad Aen. 11, 130-131, II, 426, 22427, 2 Georgii). 41  Claudio Donato legge longe al posto di longi; anche Servio preferisce questa lezione, benché conosca la possibile alternativa.

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lungo la parte maggiore’). Sicuramente l’enfasi data da Claudio Donato si giustifica con la necessità di giustificare la superiorità dei Troiani, degni della vittoria voluta dal fato e con la sua incondizionata dedizione all’esaltazione del loro capo, Enea; tuttavia la disparità di situazione spiega anche meglio il malcontento dei Latini e l’ani­mosità contro Turno 42. Sono proprio queste voci indistinte di madri, nuore, sorelle e orfani in lutto a riprendere l’esecrazione della guerra, indissolubilmente legata al matrimonio di Turno e ora, sempre più insistentemente, all’ipotesi di un duello fra Enea e Turno (11, 215-219): Hic matres miseraeque nurus, hic cara sororum pectora maerentum puerique parentibus orbi dirum exsecrantur bellum Turnique hymenaeos; ipsum armis ipsumque iubent decernere ferro, qui regnum Italiae et primos sibi poscat honores. ‘Q ui madri e misere spose, qui di sorelle dolenti i cuori amorosi, qui piccoli privi di padre maledicon la guerra infernale  e  le nozze di Turno; che lui solo con l’armi, che lui si batta pretendono, giacché il regno d’Italia  e  il primo onore s’arroga’.

L’esegesi tardoantica non si sofferma particolarmente su questa vox populi, ma sicuramente se ne serve per introdurre la seconda menzione di Drance. In particolare, Claudio Donato mette in luce come egli abbia così trovato la strada mostrata dalla sorte. A proposito di ingravat haec saevus Drances ‘Spietato, Drance aggrava le voci’ (11, 220) di cui abbiamo già parlato in parte precedentemente (§ 2.), leggiamo: Ipse est qui (11, 128) Aeneae dixerat ‘et te, si qua viam dederit fortuna, Latino iungemus regi, quaerat sibi foedera Turnus’. Ecce invenit viam quam dedit cupienti fortuna; nociturum   Significativo anche il fatto che l’aggettivo maerentes del v. 211: Maerentes altum cinerem et confusa ruebant / ossa ‘Singhiozzando, la cenere alta, l’ossa confuse appianavano’, sembri riferito da Claudio Donato ai soli Latini, dal momento che sta appunto parlando dei loro funerali: ‘maerentes’, id est tristes; quis enim non in curatione tot funerum tristis existeret? ‘“In pianto”, cioè tristi; chi infatti non sarebbe triste nel prendersi cura di tanti funerali?’ (II, 437, 3-5 Georgii). Il Danielino, invece, ipotizza una doppia possibilità: maerentes hoc et ad Latinos et ad Troianos potest referri ‘“In pianto” questo si può riferire sia ai latini sia ai Troiani’, riconoscendo implicitamente una parità nel dolore e nelle perdite. 42

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quippe urgebat naturalis feritas 43, iusta quoque causa, occasio temporis et universorum unus idemque consensus adiuvabat ardentem. Facile enim poterat obtinere quod, si ante cuperet, inplere non posset. ‘È proprio quello che aveva detto ad Enea “e, se la sorte ci darà un’opportunità, ti faremo stipulare un patto con il re Latino, Turno si cerchi altre alleanze”. Ecco ha trovato la strada che la sorte ha fornito a lui che la desiderava; infatti lo stimolavano, visto che desiderava nuocere, la naturale asprezza, anche la giusta causa, l’occasione del momento e la coralità del consenso lo favorivano nella sua brama. Facilmente, infatti, aveva potuto ottenere ciò che non era riuscito a portare a compimento, pur desiderandolo già prima’. (II, 438, 17-24 Georgii)

E, più dettagliatamente, Claudio Donato spiega la strategia del personaggio: Q uando enim persuaderet invitis? Q ua arte quove sermone singulorum animos concitaret in odium Turni? Ecce omnia conpendio tenuit properansque gravabat fomitibus odii, ne quo casu invidia tanti fremitus debilitata languesceret. ‘Solumque vocari testatur, solum posci in certamina Turnum’: gravabat causam Turni consentiendo ceteris: ceterum pro voto suo eadem dicebat esse facienda quae ex illis audierat. Gravabat ergo confirmando quod senserant alii. ‘Q uando infatti avrebbe potuto persuadere chi non voleva esserlo? Con quale arte o con quale discorso avrebbe potuto spingere gli animi all’odio verso Turno? Ecco ottenne tutto in modo veloce e affrettandosi rendeva tutto più grave, con l’esca dell’odio, perché per caso la malevolenza di un così grande mormorio di disapprovazione, indebolitasi, non languisse. “Testimonia che solo Turno  è  chiamato, solo  è  richiesto in combattimento”: rendeva più pesante la situazione di Turno essendo d’accordo con tutti: del resto diceva per la propria convenienza che si dovevano fare le medesime cose che aveva udito da quelli. Rincarava la dose, quindi, confermando ciò che gli altri avevano provato’. (II, 438, 24-32 Georgii)   Per il concetto di feritas che non va inteso necessariamente come ‘crudeltà’, ma anche, in alcuni casi, come ‘modo di vita selvatico’, benché in questo caso la valenza negativa paia inequivoca, si veda Torzi 2019, p. 371-372. 43

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Abbiamo quindi un’ulteriore pennellata al quadro del carattere  e  dell’atteggiamento di Drance che emerge dalle parole di Claudio Donato, il quale spiega anche il perché dell’urgenza di denigrare l’avversario: Turno ha almeno una parte di popolazione a lui favorevole e soprattutto il favore di Amata. Abbiamo già preso in considerazione al §  3.1. il commento di Servio al v.  223, evidenziando tuttavia come il favor popularis non abbia probabilmente un’accezione del tutto positiva, vediamo ora che cosa afferma Claudio Donato a proposito di 11, 222-224: Multa simul contra variis sententia dictis pro Turno, et magnum reginae nomen obumbrat, multa virum meritis sustentat fama tropaeis. ‘Molti sono anche i pareri discordi, con vario parlare in favore di Turno: il nome grande della regina lo copre, in alto la molta sua fama e i trofei vinti lo tengono’. Erant in illa congregatione nonnulli qui Turni favore duce­ rentur. Faciebant hoc reginae gratia, cuius nomen umbra quadam illam extenuabat invidiam, et eundem virum sustentabat aliquantulum superioris temporis fama et numerus tropaeorum. ‘Obumbrat’ et ‘sustentat’ magnam in Turni partibus desperationem monstrant; nam ‘obumbrat’ nihil validum significat, ‘sustentat’ autem nullam substantiam securitatis admittit; nam ubi aliquid est quod per se stare non possit, adminiculis ad tempus fultum sustentatur et regitur, quae si detracta fuerint, cadit et desertum auxiliis terrae pro­ sternitur. ‘C’erano in quel gruppo alcuni che erano guidati dal favore di Turno. Lo facevano per la regina, il cui nome stemperava quell’avversione con una sorta di protezione e sosteneva un po’ il medesimo eroe la fama del passato e il numero dei trofei. “Protegge con l’ombra” e “sostiene” dimostrano la grande disperazione del partito di Turno; infatti “protegge con l’ombra” non significa nulla di efficace, mentre “sostiene” non concede alcun appoggio sicuro; infatti quando qualcosa non è in grado di reggersi da solo, viene sostenuto e retto come puntellato da appoggi temporanei, tolti  i  quali cade e, privo di aiuti, è prostrato al suolo’. (II, 439, 1-11 Georgii)

Notiamo quindi anche in questo esegeta una sfiducia nei sostenitori di Turno, che Drance può facilmente travolgere come farà appunto nel discorso al concilio. 339

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6. Il discorso di Drance al Concilio di Latino Prima delle successive parole di Drance e prima della sua descrizione più dettagliata, come abbiamo visto (§  2.), Virgilio si sofferma sul ritorno degli ambasciatori inviati  a  Diomede in cerca di aiuto, cosa che giustifica la convocazione del concilio da parte di Latino, in cui appunto Venulo riferisce le parole dell’eroe greco e poi Latino stesso esprime il proprio parere. Abbiamo un crescendo di angoscia e disperazione ed un chiaro evidenziarsi che la guerra non ha ragion d’essere, tanto che il re vuole proporre ai Troiani una suddivisione del territorio o l’aiuto per costruire una flotta che li porti dove vogliano, nonché ricchi doni. A questo punto prende la parola Drance per sferrare l’attacco finale. In prima battuta si dichiara implicitamente portavoce di tutti (11, 343-345) 44: Rem nulli obscuram nostrae nec vocis egentem consulis, o bone rex: cuncti se scire fatentur quid fortuna ferat populi, sed dicere mussant. ‘Su cosa oscura a nessuno, e che il mio dire non chiede, tu ci consulti, buon re; tutti dichiaran che sanno qual è il bene del popolo, ma sottovoce lo dicono’.

Entrambi i commentari si soffermano sul passo. Claudio Donato mette in luce proprio il fatto che si finga di parlare a nome della comunità: Ecce primus et solus loquitur et non consulta negotii publici, sed unius hominis inimicus et, cum nullum habuisset cum ceteris tractatum, loquitur quasi instructus ab omnibus atque,   I critici moderni hanno evidenziato la suddivisione del discorso di Drance secondo sequenze tipiche dell’arte retorica: Fröhlich ha individuato nei vv. 343351 l’exordium; nei v.  352-356, la prima propositio, quella riguardante le nozze di Lavinia; nei vv. 357-375 la seconda, quella che prevede il gran finale con la richiesta del duello a Turno per non lasciargli scampo. Non abbiamo ovviamente un riscontro puntuale nell’esegesi tardoantica, nonostante i numerosi rilievi legati alla retorica. Sul concetto di propositio nella retorica antica cfr. Torzi 2015, p. 257265  e  la bibliografia ivi citata. Fantham 1999, p.  267-269, preferisce dividere il discorso in base all’interlocutore: Latino (vv.  343-356);  i  Latini (vv.  357-363); Turno (vv. 363-375), benché tutto ruoti comunque attorno alla figura del rivale. Highet 1972, p. 50-52, cataloga i tre discorsi di Latino, Drance e Turno, fra quelli politici e diplomatici, e come tali li analizza nel dettaglio dal punto di vista retorico, senza però soffermarsi sul parere dell’esegesi tardoantica (p. 57-65). 44

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ut accederet dictis eius maior auctoritas, ex omnium se memorat venire consensu. Magnum quippe inventum est quod, licet ab uno exortum sit, cuncti adprobant et universi confirmant. Occultavit privatas inimicitias, ne non publicum, sed suum negotium agere videretur, aperuit tamen odium quod obliqua exercebat invidia; idoneam quippe nocendi invenerat causam. ‘Rem’ inquit ‘omnibus manifestam locutus es’: ecce quasi omnes idem vellent atque idem sentirent, sic exorsus est. ‘Ecco parla per primo  e  da solo  e  non esprime le decisioni di una carica pubblica, ma interviene come avversario di un solo uomo, e pur non avendo avuto alcun abboccamento con gli altri, parla come se fosse stato incaricato da tutti e, perché alle sue parole si aggiunga maggior autorità, ricorda che si alza a parlare col consenso di tutti. Certo è un argomento notevole ciò che tutti approvano e coralmente confermano, benché manifestato da uno solo. Ha nascosto le inimicizie private perché non sembrasse occuparsi di una questione non pubblica ma personale, tuttavia ha manifestato l’odio, che esprimeva con una malevolenza non esplicita; senz’altro aveva trovato un giusto motivo per nuocere. “Hai esposto” disse “un fatto  a  tutti noto”: ecco come se tutti avessero lo stesso volere e il medesimo sentire, così ha esordito’. (II, 464, 27-465, 7 Georgii).

Se la strategia di Drance è chiara, non va tuttavia dimenticato che Virgilio stesso ha lasciato intendere che il personaggio fosse spalleggiato dalla maggior parte dei Latini. In primo luogo, infatti, alla fine delle sue parole rivolte ad Enea al momento dell’ambasciata, il poeta dice chiaramente (11, 132): Dixerat haec unoque omnes eadem ore fremebant ‘Parlò così,  e  in questo stesso modo tutti fremevano, unanimi’. Se Servio non commenta il verso, Claudio Donato asserisce: eademque verbis suis complexus fuerat Drances quasi uno ore omnes profitebantur se esse facturos ‘Drance aveva espresso con le proprie parole le medesime cose, come se ad una sola voce tutti promettessero che le avrebbero fatte’ (II, 427, 4-5 Georgii). Inoltre, come abbiamo visto nel precedente paragrafo, Drance approfitta proprio del malcontento generale per fomentare l’avversione  a  Turno,  i  cui partigiani sono decisamente in minoranza e allo sbando. A commento dei vv. 218-219 45, infatti,   Ipsum armis ipsumque iubent decernere ferro, / qui regnum Italiae et primos sibi poscat honores ‘che lui solo con l’armi, che lui si batta pretendono, giacché il regno d’Italia e il primo onore s’arroga’. 45

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Claudio Donato spiega che tutti con parole giuste (omnes iustis vocibus) reclamavano che l’eroe si esponesse in prima persona per difendere i propri interessi sul regno italico (II, 438, 14-16 Georgii). Di seguito al passo analizzato, l’esegeta evidenzia come Drance, nei vv.  343-345, si limiti  a  lodare  e  quindi confermare quanto detto dal re, e ad asserire implicitamente che è l’unico a parlare perché gli altri sono intimoriti 46. Servio invece connota subito le parole di Drance con tre avverbi che descrivono in modo preciso anche il personaggio stesso (11, 343): callide ‘in modo scaltro’; oratorie ‘come un abile oratore’ e adulatorie ‘in modo adulatorio’ 47: rem nulli obscuram callide et oratorie agit et in omnibus adulatorie respondet dictis Latini: supra enim ille dixerat (311) ‘ante oculos interque manus sunt omnia vestras’. Sane quasi praedictum oratorem exprimit, quia supra de eo dixit ‘et lingua melior’. […] Sed Drances, sicut dictum est, rhetorice suadet de pace. Nam et pacem faciendam hortatur, et accusationem in Turnum dirigit, et quae a Latino indubitanter universa dicta sunt, quae pacem fieri suadeant, Drances eadem omnia respondens, addit etiam de filia danda Aeneae, quod Latinus ante reticuerat, (355) ‘quin natam ‹egregio genero dignisque hymemaeis des, pater, et pacem hanc aeterno foedere iungas›’: quasi non aliter firma erit pax, quam fieri vis: quia sciebat hoc Turnum graviter esse laturum, in invidiam personam eius adducens (348) ‘dicam equidem, licet arma mihi mortemque minetur’. Et ne mirum esset, qui sic libere responderet, ante eius et mores et causam praedixit (338) ‘lingua melior’, (340) ‘seditione potens’, (336) ‘idem infensus, quem gloria ‹Turni obliqua invidia stimulisque agitat amaris›’. Duae tamen hic faciendae pacis praecipue causae sunt, quod victi sunt, et Turnus singulari certamine congredi debeat. ‘ “Una cosa  a  nessuno oscura” agisce in modo scaltro, tipico di un oratore  e  si conforma in modo adulatorio  a  tutte le parole di Latino: infatti sopra egli aveva affermato (311) “tutto è davanti ai vostri occhi e nelle vostre mani”. Davvero   Ad Aen. 11, 343-345 (II, 465, 8-22 Georgii).   Si veda in proposito anche Delvigo in questo stesso volume.

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mette in scena, per così dire il preannunciato oratore, poiché, prima, di lui [il poeta] ha dichiarato “e migliore nell’uso della lingua” […]. Ma Drance, così come  è  stato detto, servendosi della retorica persuade  a  concludere la pace; infatti esorta a fare la pace e muove l’accusa contro Turno, e Drance, riprendendo tutti  i  medesimi argomenti che indubitabilmente sono stati detti da Latino, per convincere  a  concludere la pace, aggiunge anche il concedere Lavinia in sposa ad Enea, che Latino prima aveva taciuto (355) “[che la violenza di qualcuno non ti convinca] a non dare la figlia ad un genero egregio ‹a degne nozze, padre  e  concluda questa pace con un eterno patto›”: quasi la pace che vuoi sia conclusa non sia sicura diversamente: [lo dice] poiché sapeva che Turno avrebbe sopportato difficilmente questo, attirando l’odio sulla sua persona (348): “parlerò, certo, mi minacci pure armi  e  morte”. E perché non sembrasse una cosa strana lui che rispondeva così liberamente, prima [Virgilio] ha preannunciato i suoi costumi e la sua motivazione (338) “migliore nell’uso della lingua”, (340) “potente nello scatenare rivolte”, (336) “lo stesso ostile, che la gloria ‹di Turno agita con odio indiretto e pungoli fastidiosi›”. Due tuttavia sono le motivazioni precipue in questo momento per concludere la pace, il fatto che siano stati vinti e che Turno debba scontrarsi in un duello singolo’.

La nota dell’Auctus  è  decisamente prolissa ed anticipa quanto in realtà si verrà a sapere anche nei versi successivi 48; per quanto 48  Anche al momento della risposta di Turno, nella nota ai vv.  378-379 (Larga quidem semper Drance tibi copia fandi  / tum cum bella manus poscunt ‘Larga, Drance, la tua ricchezza di chiacchiere, mentre braccia chiede la guerra’), il Danielino dà un sunto del discorso dell’eroe e ne spiega l’articolazione: in primo luogo la difesa dalle accuse dell’avversario, poi il suo parere sulla guerra. Prende le mosse da Drance nell’intento di rispondere secondo le regole della retorica (rhetorice responsurus); svaluta l’avversario definendolo, nelle parole del commentatore, eloquens et infirmus ‘eloquente e vile’. Vuole infatti dimostrare che tutto il discorso è mosso non dalla saggezza ma dalla debolezza. Esalta poi, enumerandoli, i propri meriti e cerca di chiarire la falsità della sua sconfitta (vv. 393 ss.). Obietta alla mancanza di una speranza futura, maledice la profezia contenuta in nulla salus bello ‘nessuna salvezza nella guerra’ (v. 399 = v. 362) e attenua il valore dell’argomentazione dell’avversario partendo proprio dalla persona dei nemici, i Troiani, che definisce ‘vinti due volte’ (vv. 441-442). Risponde anche alla finta pretesa di Drance di essere impaurito da lui (vv. 406-407). (Sul valore di fingo come verbo che ricorre in Virgilio in riferimento al possibile uso ingannatorio della retorica che confonde la realtà dei fatti con quanto creato ad arte, cfr. Hardie 2012, p. 132-133. Cfr. anche, benché incentrato soprattutto sull’ana-

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riguarda invece le parole di Latino del v.  311, non abbiamo ad locum alcun particolare commento, se non la spiegazione elementare del fatto che è l’alternativa a dire che gli eventi non chiedono di essere narrati 49. Q uanto vuole evidenziare il commentario, tuttavia, è proprio il fatto che Drance non tace, per la sua specifica connotazione di uomo dedito alle parole più che ai fatti, di fronte all’evidenza, ma riprende appunto  e  sottolinea quanto espresso dal re, benché con intenzioni più personali e malevole. 6.1. L’invidia nelle note dei commentatori tardoantichi Mi pare sia giunto il momento di osservare più da vicino un termine che spesso definisce, assieme all’aggettivo o all’avverbio corradicali, l’atteggiamento di Drance: invidia. Il concetto è stato già ampiamente studiato da Kaster che ha specificato la doppia accezione della parola, φθόνος e νέμεσις, la prima da intendersi come una passione suscitata da malevolenza immotivata, se non dalla gelosia di vedere qualcun altro con un bene, la seconda invece giustificata dal fatto che chi ha ottenuto un beneficio non lo ha meritato, quando ciò non sia anche contro la giustizia o più specificamente contro il diritto di chi prova il sentimento 50. È evidente che con Drance siamo all’interno della prima tipologia di invidia, come per altro ha già chiaramente espresso il poeta stesso al v. 337, dicendo che era spinto da obliqua invidia (§ 2.). Va però notato, che, al di là delle parole dell’Eneide, gli esegeti spesso si servono di vocaboli di quest’area semantica per definire il sentimento e il modo di esprimerlo nelle parole di un personaggio, non solo di Drance. Nemmeno gli dei ne sono esenti; a titolo esemplificativo si possono ricordare le parole di Venere a Giove, lisi dei discorsi di Enea e Didone, Feeney 1983, p. 208). Q uanto poi alla questione del duello singolo con Enea, dilaziona la risposta, come se iniziasse un secondo discorso (v.  410: Nunc ad te ‘ora  a  te…’). Fantham 1999, p.  270-279, analizza approfonditamente la struttura e il contenuto del discorso di Turno. Cfr. anche Heinze 1989, p. 452. 49  Non molto diverso quanto dice Claudio Donato, ad Aen. 11,  310-311 (II, 459, 16-21 Georgii). 50  Cfr. Kaster 2005, che fornisce anche un’ampia bibliografia in proposito. Per i termini greci, più specificamente, si veda Konstan 2003. Per il concetto di invidia in Virgilio e, in parte, per l’uso nei commentatori tardoantichi, si veda Torzi 2019, p. 359-364.

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all’interno del primo libro, cioè del suo lamento contro la sorte del figlio ancora osteggiato da Giunone: O qui res hominumque deumque / aeternis regis imperiis, et fulmine terres ‘O tu, che le sorti dei numi e degli uomini con leggi eterne governi e tu che atterrisci col fulmine’ (1,  229-230). Nel Danielino leggiamo infatti: aeternis regis imperiis et fulmine terres haec commemoratio potentiae Iovis quasi ad invidiam posita est, hoc est, qui omne potes contra te flecteris ‘ “Tu che reggi con potere eterno e terrorizzi col fulmine” questa menzione è stata posta, per così dire, per suscitare lo sdegno, cioè, [come se dicesse] tu che puoi tutto ti volgi contro te stesso’ 51. Ben più esteso e approfondito l’esame dell’incipit del discorso di Venere in Claudio Donato (vv.  229-233), che ne evidenzia l’abilità retorica (ars)  e  anche la sobria accuratezza (subtilitas), sottolineando a sua volta che Venere si rivolge a Giove non come al padre, cosa adeguata  a  un discorso fra privati, ma al re degli uomini  e  degli dei, cioè secondo la sua funzione pubblica  e  in quest’ottica concitat subtilem invidiam ‘muove un sottile sdegno’, dal momento che chi è nella posizione di Giove deve porre attenzione a che cosa facciano sia gli dei sia gli uomini, ma ha trascurato la situazione di Enea che ancora è immeritatamente tormentato 52. A chiusura del medesimo discorso, poi, (1, 241: Q uem das finem, rex magne, laborum? ‘Che fine dai, gran re, del soffrire?’) l’esegeta evidenzia che la conclusione è sullo stesso tono dell’esordio. Unde coepit illo conclusit; nam ‘regem’ appellans et, quod est amplius, ‘magnum’ ostendit et posse illum et debere filiae praestare quod petebatur, et intellegendum monstrat non sine subtili invidia positum, ut expectaret preces qui id quod poterat non sponte praestabat insonti et, quod erat potius, suo. ‘Da dove ha iniziato, ha anche concluso; infatti chiamandolo “re” e, cosa più importante, “grande” evidenzia che sia può sia deve concedere alla figlia quello che veniva richiesto e mostra 51  Che si tratti di un discorso retoricamente costruito per conferivi solennità, è  espresso anche dalla nota precedente sempre del Danielino: q ui res hominumq ue deumq ue graviter coepit; non enim ait ‘o genitor’. Et est tota orationis intentio, iniuste vexari a Iunone Troianos. ‘ “O tu che, in qualità di re degli uomini e degli dei” comincia con solennità, infatti non dice “o padre”. Ed è tutta l’accusa del discorso, cioè che i Troiani sono vessati ingiustamente da Giunone’. 52  Claudio Donato, ad Aen. 11, 229-233 (II, 51, 19-33 Georgii).

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che si deve intendere posto non senza un sottile sdegno il fatto che aspettasse di essere pregato chi non dava di propria volontà ciò che poteva a chi era innocente e, cosa più importante, suo [nipote]’. (II, 55, 6-11 Georgii) 53

Anche nel decimo libro, durante il concilio degli dei, Venere si rivolge  a  Giove ad augendam invidiam ‘per suscitare sdegno’, come dice Servio a proposito di 10, 20: Cernis ut insultent Rutuli Turnusque feratur ‘Vedi tu come esultano i Rutuli, come fra loro galoppa Turno’ 54. Per l’esegeta, infatti, l’uso del verbo cerno equivale a dire che non c’è bisogno di descrivere la situazione dei Troia­ni che il dio può vedere in prima persona. Poco dissimile la nota di Claudio Donato che ricorda come Venere muova un forte sentimento di dolore nel descrivere la sorte ormai perduta dei troiani; denique sub tali invidia sunexuit ‘Cernis ut insultent Rutuli […]’ ‘Poi mossa da un tale sentimento di rammarico aggiunse “vedi come esultino i Rutuli” ’ (II, 293, 9-12). Nella nota a questo verso e in quella a 10, 22 di Servio, l’invidia citata pare una sorta di giusta rimostranza di Venere contro la sorte dei suoi protetti; saremmo quindi, anche se in senso lato, nell’ambito della νέμεσις. Nel prosieguo del discorso, invece, Venere attacca più decisamente l’avversaria, Giunone, nell’intento di muovere contro di lei l’invidia (10, 25), magari in modo indiretto (oblique), oppure di farlo nei confronti di Giove stesso (10,  42). Nel primo caso: levari obsidione sines liberari. Et oblique per Iovem invidiam commovet Iunoni ‘ “[E dunque mai] permetterai che siamo sgravati dall’assedio?” Che siamo liberati e, attraverso le parole rivolte a Giove, suscita l’avversione contro Giunone’. Nel secondo, il commento alle parole: Nil super imperio moveor ‘Non dell’impero mi curo più’, leggiamo: est autem verecunda petitio et obliqua, per quam magna Iovi invidia commovetur, qui imperium Troianis promiserat. ‘Inoltre è una richiesta pudica e indiretta, attraverso la quale si muove un grande sdegno contro Giove, che aveva promesso il potere ai Troiani’. Se Claudio   Niente di significativo, invece, in Servio.   Fantham 1999, p.  275, pur non interessata all’uso di invidia, evidenzia chiaramente come il dibattito del libro decimo, fra gli dei, ricalchi in parte quello del libro undici fra i Latini, anche nella strutturazione dei discorsi. Ho approfondito altrove lo scambio fra Venere, Giunone e Giove del decimo libro, nell’ambito delle dottrine sulla (s)cortesia. Cfr. Torzi 2021. 53 54

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Donato non rileva l’invidia a proposito di questi due versi, l’evidenzia però in chiusura del discorso di Venere, quando, a proposito del vv.  60-61, in cui la dea chiede siano restituiti ai troia­ni lo Xanto  e  il Simoenta  e  possano rivivere lo strazio di Ilio, specifica che non parla seriamente ma propter invidiam ‘a causa dello sdegno’ (II, 299,  14 Georgii). Soprattutto però Claudio Donato mette in luce l’effetto delle parole di Venere, appunto, il furor suscitato in Giunone dall’invidia della rivale. A proposito di 10, 62-63: Tum regia Iuno / acta furore gravi ‘Allora Giunone regina / fremente di grave furore’, spiega che il furore della dea nasce dal fatto che non le piaceva che Venere l’avesse attaccata in pubblico rivolgendo solo a lei le accuse di osteggiare i Troiani, mentre anche le altre divinità erano complici, allo scopo di portarle dalla sua parte (II, 299, 21-30 Georgii) e prosegue: Hinc igitur Iunonis mentem furor invaserat, quia solam Veneris tangebat invidia, accedente eo quoque, quod iri obviam coeptis suis, quae inique susceperat, considerabat, ipsum etiam Iovem aequitate victum pro Troianorum partibus facere. ‘Q uindi il furore aveva invaso la mente di Giunone, perché lo sdegno di Venere toccava solo lei, aggiungendosi anche il fatto che considerava che sarebbe andato a  scapito dei piani che aveva iniziato a  tramare iniquamente, il portare dalla parte dei Troiani Giove in persona, vinto dal senso di giustizia’. (II, 300, 1-6 Georgii).

Viene poi specificato che il discorso di Giunone si serve della strategia della purgatio di quanto le veniva obiettato (obiectorum purgatio) 55  e  dello scaricare la colpa sulla controparte, cioè sui Troia­ni (II, 300, 8-11 Georgii) 56. Inoltre, a proposito dell’in55 La purgatio è, nella dottrina retorica degli status, una forma della venia, categoria della qualitas iuridicialis adsumptiva, che, in alternativa alla deprecatio, consiste specificamente nel non negare il fatto commesso, ma l’intenzione criminale, adducendo come motivazioni l’imprudentia, il casus o la necessitudo. Cfr. Calboli Montefusco 1986, p. 130-136. Tuttavia nelle Interpretationes Vergilianae spesso il termine viene usato in senso più ampio, come forma di difesa generica, si veda Pirovano 2006, p. 103. 56  Benché nelle Interpretationes non ci siano evidenti esempi dello status della remotio criminis, cioè dell’accettare da parte dell’imputato di aver commesso il fatto, ma perché spinto da un’altra persona o un’altra cosa che ne sono i veri colpevoli, mi pare che Claudio Donato si avvicini in questa nota a tale definizione.

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cipit del discorso (vv.  63-64), Q uid me alta silentia cogis  / rumpere et obductum verbis volgare dolorem? ‘Perché l’alto silenzio mi forzi  a  rompere,  a  palesar con parole il mio chiuso dolore?’, afferma: Duxit principium 57 persona sua, quam sciebat gravi invidia laborare, adserens quam non habuit verecundiam et gravare ex eo cupiens Venerem, quae se dicebat provocari in conloquium publicum et causam dicere quaeque monstrare se cupiebat modestam et personam Veneris provocantis inpudentem. ‘Trasse l’inizio dalla propria persona, che sapeva in difficoltà per un grave sdegno, citando il pudore che non provava e desiderando in base ad esso aggravare la posizione di Venere. Diceva di essere stata citata in un pubblico consesso e di trattare una causa  e  desiderava mostrare se stessa riservata, ed impudente la persona di Venere che la citava’. (II, 300, 16-21 Georgii) 58.

Come ultimo esempio si può citare la fine del discorso di Giunone, nella quale la dea, per così dire, si serve della stessa strategia della rivale, scaricandole addosso a sua volta il peso dell’invidia:

Cfr. in proposito Pirovano 2006, p. 87-88. Per la remotio criminis, cfr. ad es., Rhet ad Her., 1, 15, 25. Cfr. anche Calboli Montefusco 1986, p. 123-129. 57 Sul principium come modalità dell’esordio quando la causa è ‘limpida’, in opposizione all’insinuatio, adatta ad una causa dubia, con argomenti meno solidi o qualcosa di scandaloso al suo interno, si veda Rhet ad Her., 1, 6, 6, e Q uintiliano, Inst. 4, 1, 42. Cfr. anche il commento al primo passo in Calboli 19932, p. 212-213 e la bibliografia ivi citata. Un esempio di insinuatio è rilevato da Servio a  proposito di 11,  411, nelle parole di Turno e, in quella circostanza, ci dà lui stesso la differenza fra le due modalità d’esordio: si nullam nostris ultra spem ponis in armis insinuatione utitur, id est callido et subtili aditu ad persuadendum: vult enim dicere melius esse interire, quam pacem rogare. Q uod quia aperte non audet, latenter et paulatim ad hoc serpit. Namque inter principium et insinuationem hoc interest, quod principium est aperta rei enuntiatio, insinuatio autem, ut diximus, est callida et subtilis oratio. ‘ “Se non poni più alcuna altra speranza nelle nostre armi” si serve dell’insinuazione, cioè di un accesso astuto e sottile alla persuasione: vuole infatti dire che sarebbe meglio morire, che chiedere la pace. E  poiché non osa [dirlo] apertamente, lo insinua in modo nascosto e  un po’ alla volta. Infatti fra l’inizio e l’insinuazione c’è questa differenza che l’inizio è l’aperta enunciazione dell’argomento, invece l’insinuazione, come abbiamo detto, è un discorso astuto e sottile’. 58  Cfr.  anche Claudio Donato, ad Aen. 11,  68-69 (II, 301,  20-25 Georgii) e ad. Aen. 11, 84, (II 304, 5-10 Georgii).

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‘Nosne tibi fluxas Phrygiae res vertere fundo conamur? Nos, an miseros qui Troas Achivis obiecit?’ quae fortia fuerunt servavit ad finem et in quibus Venus ipsa potuit specialiter deformari 59. ‘Q uereris’ ait ‘et Troianorum mala graviter ingemiscis atque in me congerendum existimas quod tuorum est criminum. Egone perdidi imperium Troiae? Ego, an ille qui Graecis miseros Troianos obiecit?’ Q uasi dolens ‘miseros’ vocat quibus atrox fuerat inimica, ut personam Veneris gravissimo invidiae pondere praegravaret. ‘Troiani’ inquit ‘non perdidissent imperium Phrygiae, si luxuriosi non essent, si non te duce in alienum matrimonium invasissent, si non ad illorum dissolutos mores tui sceleris iunxisses augmentum’. ‘ “Noi cerchiamo di distruggerti le misere cose dei Frigi? Noi,  o  chi  i  Teucri infelici mise contro gli Achei”. Gli argomenti forti li ha conservati per la fine  e  quelli in cui Venere stessa potesse essere particolarmente denigrata. “Ti lamenti” dice “e molto piangi i mali dei Troiani e ritieni che si debba imputare a me ciò che pertiene alle tue colpe. Forse ho mandato in rovina io il potere di Troia? Io o quello che ha messo i poveri Troiani contro i Greci?” Come se ne soffrisse, chiama “miseri”  i  Troiani, dei quali era stata acerrima nemica, per gravare sulla persona di Venere con il grandissimo peso dello sdegno. “I Troiani” disse “non avrebbero perso il potere sulla Frigia, se non fossero stati dissoluti, se non avessero attaccato il matrimonio di altri sotto la tua guida, se tu non avessi aggiunto l’aggravante del tuo delitto ai loro costumi corrotti” ’ 60.

Mi pare evidente che la lettura data a questi passi si muova nell’ambito delle orazioni giudiziarie; lo stesso Servio, molto meno prolisso, dichiara, tuttavia, a proposito di nosne tibi fluxas (v. 88), che Giunone si serve dello status relativus 61, attraverso il quale vuole 59   Deformatio e deformare sono due termini tecnici nelle Interpretationes Vergilianae, riferiti al biasimo (così come vituperatio / vituperare) all’interno del genus laudativum e iudiciale. Cfr. Pirovano 2000. 60  Ad Aen. 11, 88-90, II, 305, 1-12 Georgii. 61  Si tratta di uno status che costituiva in origine una categoria della qualitas iuridicialis adsumptiva e consisteva non nel negare il fatto commesso, ma nel giustificarlo adducendo, ad esempio, la provocazione da parte della vittima. Cfr. ad es. Fortunaziano, Rhet. 1, 16, p. 88, 14-19 Calb. Mont. Cfr. anche il commento ad loc., Calboli Montefusco 1979, p. 315-316 e Calboli Montefusco 1986, p. 119123. Pirovano 2006, p. 87 nota che, invece, nelle Interpretationes Vergilianae questo status non è direttamente preso in considerazione, come la remotio criminis di cui si è parlato alla nota 56.

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dimostrare che Venere è stata in prima persona causa di maggiori pericoli per i Troiani, che cioè ha provocato la sua reazione 62. Anche il termine invidia va quindi interpretato in quest’ottica. Nella trattatistica retorica viene spiegato, ad esempio, che essa si può muovere contro un valido avversario, nell’esordio dell’orazione, per screditarlo, traendo così la necessaria benevolenza del giudice dalla persona dell’avversario stesso 63. L’invidia può però essere utilizzata in tutti i momenti del discorso, fino alla peroratio, come ricorda Q uintiliano, secondo cui, assieme all’odio e all’ira, può essere suscitata con maggior libertà a questo punto, facendo leva sulla popolarità (gratia) dell’accusato (Inst. 6, 1, 14) 64. Vediamo ora se le altre occorrenze di invidia presenti nelle parole di Drance confermano questa lettura. Dopo essersi dichiarato portavoce di tutti quelli che non osano esprimersi, egli prosegue (11, 346-351): Det libertatem fandi flatusque remittat cuius ob auspicium infaustum moresque sinistros (dicam equidem, licet arma mihi mortemque minetur) lumina tot cecidisse ducum totamque videmus consedisse urbem luctu, dum Troia temptat castra fugae fidens et caelum territat armis. 62   nosne tibi fluxas status relativus, per quem ostendit Venerem magis Troia­ nis causam fuisse periculorum. ‘ “forse noi [cerchiamo di distrugger]ti le misere [cose di Frigia]” status relativus, attraverso il quale mostra che Venere è stata più [di lei] causa dei pericoli per i Troiani’. In generale sull’analisi dei discorsi contrapposti di Giunone e Venere, benché non faccia cenno all’invidia, cfr. Highet 1972 p. 65-72. 63  Cfr. Q uintiliano, Inst. 4, 1, 14: Adversarii vero persona prope isdem omnibus, sed e contrario ductis inpugnari solet. Nam et potentes sequitur invidia et humiles abiectosque contemptus et turpes ac nocentes odium, quae tria sunt ad alienandos iudicum animos potentissima ‘La persona dell’avversario si suole attaccare pressappoco con tutte le medesime strategie [esplicitate nel paragrafo precedente], ma utilizzate all’opposto. Infatti lo sdegno segue i potenti, il disprezzo gli umili e gli abietti, l’odio gli infami e i colpevoli, tre strategie che sono assai potenti per allontanare da loro gli animi dei giudice’. Cfr. anche Cicerone, de inv. 1, 22 e Rhet. ad Her. 1, 5, 8. Cfr. Calboli 19932, p. 213. e Calboli Montefusco 1988, p. 18-22. 64  In un altro genus causarum, però, cioè quello deliberativo, cui  a  maggior ragione si può avvicinare il discorso di Drance, Cicerone mette in guardia dalla mozione di questo sentimento, nell’esprimersi di fronte al popolo per evitare rea­zioni eccessive  e  di non ottenere il risultato sperato (De orat. 2,  337-339). Va tuttavia specificato che l’intento di Drance non sembra quello di portare ad una pacifica deliberazione da parte del consesso, ma proprio di aizzarlo contro Turno per spingerlo ad esporsi.

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‘Ci dia la libertà di parlare  e  abbassi l’orgoglio colui pel cui auspicio infausto  e  il maledetto carattere (sì, lo dirò, non importa se minaccia armi  e  morte) tanto fiore di capi caduto e tutta vediamo la città sprofondata nel pianto, mentre lui stuzzica il campo troiano, ma pronto fugge, e il cielo spaventa con l’armi’.

Subito Claudio Donato bolla queste parole come satis invidiosa dictio et altissimis dolis instructa ‘discorso abbastanza ricco d’odio e  costruito con grandissimi inganni’  e  prosegue: fingit enim se metuere et omnem in Turnum invidiam congerit cumque eum adserit plurimum posse et ab omnibus metui, odia ei maiora conquirit. ‘Finge infatti di temere  e  accumula tutto lo sdegno contro Turno  e  quando asserisce che quello ha moltissimo potere ed  è  temuto da tutti, gli procura un odio maggiore’ (ad Aen. 11, 346-351, II, 465, 27-466, 3 Georgii). Siamo appunto nell’esor­dio del discorso e vediamo come Drance si procuri la benevolenza dei presenti, screditando l’avversario grazie all’invidia che gli suscita contro. L’esegeta non manca poi di notare, ancora una volta, come il personaggio sappia cogliere l’occasione propizia, come promesso nel discorso con Enea, per avvicinargli Latino: con la scusa di essere impaurito da Turno non cela più la sua avversione ma la manifesta. Q uando è sul punto di parlare per muovere una rivolta, inserisce qualcosa che colpisca chiunque, attento alla propria incolumità; lui, che si presenta come il difensore della città, si dichiara minacciato di morte, anche gli altri quindi non possono aspettarsi nulla di buono, come dimostrano lo strazio e  il lutto ampiamente presente. Nel fare menzione della distruzione sotto gli occhi di tutti gli astanti che senz’altro avevano perso qualcuno nella strage, Drance vuole focalizzare l’attenzione sul fatto che le sue parole sono rivolte al bene di tutti, non mosse dal proprio odio personale (II, 466, 6-467, 2 Georgii). La stessa osservazione di una invidiosa dictio viene fatta a proposito dei vv. 357-358 65, quando si riprende la falsa presupposizione che tutti tacciano perché soggiogati dal terrore di Turno, tanto da suggerire una preghiera esplicita da parte di Drance   Q uod si tantus habet mentes et pectora terror, / ipsum obtestemur veniamque oremus ab ipso ‘Che se menti e cuori così gran terrore possiede, scongiureremo lui stesso, a lui chiederemo pietà’. 65

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all’avversario perché si rimetta al volere del sovrano  e  al meglio per la patria (II, 468, 23-26 Georgii). Entrando nel vivo del discorso, a proposito dei vv. 360-361 66, osserva Claudio Donato che Drance utilizza magnum factiosi hominis inventum, ‘una grande strategia di uomo fazioso’, cioè passa a rivolgersi direttamente a Turno (II, 469, 1-3 Georgii), e, ormai imbaldanzito dalla fiducia dei presenti ottenuta con un discorso ben congegnato (artificiosa dictione), si lascia andare ad insulti aperti (aperta convicia) (II, 469, 21-23 Georgii) 67. Ma, grazie alla sua nocendi calliditas, alla sua astuzia che gli consente di nuocere, si finge supplice da avversario e, per colmare la misura dell’avversione (ut maiorem invidiam compleat), prega, ancora una volta, a nome di tutti (II, 470, 6-8 Georgii) 68. In un’ultima nota del discorso di Drance viene poi usato l’aggettivo invidus, corradicale di invidia, quando si specifica che nella parte finale, che viene definita exclamatio 69, il nome di Turno va inteso come abietto  e  spregevole, in ragione della persona che parla, ostile e adirata (vv. 371-373): Scilicet ut Turno contingat regia coniunx, nos animae viles, inhumata infletaque turba, sternamur campis. ‘Davvero, perché s’abbia Turno la sposa regale, noi vili vite, folla insepolta e incompianta, saremo scannati pei campi?’ 66  Q uid miseros totiens in aperta pericula cives / proicis, o Latio caput horum et causa malorum? ‘Perché i cittadini infelici in tanti aperti pericoli getti, o tu, causa al Lazio e principio di queste sciagure?’. 67   L’esegeta non può tuttavia esimersi dall’affermare che l’accusa di essere principio e causa e della sciagura del Lazio è vera, infatti per colpa sua era fallito l’accordo di Latino coi Troiani (II, 469, 25-27 Georgii). 68  La richiesta espressa dai vv.  365-366: miserere tuorum, / pone animos et pulsus abi ‘pietà del tuo popolo, giù l’orgoglio, vattene via’ viene letta ancora come la finzione di mostrarsi benevolo e preoccupato della salvezza anche di chi, invece, ha in odio e vorrebbe eliminato (II, 470, 16-19). Fantham 1999, p. 268 evidenzia come la forma di supplica drammatizzi la derisione dell’avversario, tuttavia l’autrice conclude (p. 269) affermando che questo attacco a Turno finisce per far parteggiare il lettore per lui e che Virgilio bilancia per così dire il quadro negativo del Rutulo emerso al decimo libro. 69 Sull’exclamatio come figura retorica, si veda fra tutti Rhet ad Her. 4, 15, 22 e il commento ad loc. di Calboli 19932, p. 320-321, che fornisce i passi paralleli e spiega le diverse accezioni del procedimento, nonché la varia collocazione dei trattatisti nell’ambito di figure di pensiero o di parola.

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Necessarie posita in fine exclamatio, quae proposita condicione certaminis et duri post certamen exitii teneret universos in societate voluntatis suae. Hoc loco nomen Turni ut abiecti et humilis debemus accipere pro animo eius qui loquebatur ut invidus et loquebatur iratus. ‘Necessariamente  è  stata posta alla fine l’esclamazione, che, prospettata la condizione del combattimento  e  della dura rovina dopo il combattimento, tenga tutti in accordo con la sua volontà. In questo passo il nome di Turno va inteso come abietto e vile in relazione all’animo di colui che parlava come ostile e che parlava irato’. (II, 471, 11-16 Georgii)

Nel passo preso in considerazione (11,  346-375), il commentario serviano  e  le note aggiuntive evidenziano più volte l’ostilità di Drance non servendosi del sostantivo invidia ma dell’avverbio invidiose, anche se con riferimento a versi più circoscritti e in un contesto esegetico meno ampio di quello di Claudio Donato. Vediamo, per esempio, la nota di Servio a 11, 347 cuius ob auspicium invidiose Turni auspiciis inputat quod tantus periit exercitus ‘ “A causa del cui auspicio” in modo ostile imputa agli auspici di Turno il fatto che sia perito un così grande esercito’. Nel Danielino troviamo due occorrenze, la prima a 11, 358, quando appunto Drance finge che tutti temano il potere di Turno e quindi gli si rivolge supplice: ipsum invidiose repetitum pronomen ‘proprio lui [scongiuriamo], in modo ostile il pronome è stato ripetuto’. La seconda si situa in un contesto simile, quando al v. 362 (pacem te poscimus omnes ‘tutti ti chiediamo la pace’) Drance finge di parlare ancora una volta a  nome di tutti, compreso Latino: ‘omnes’ invidiose, ut et Latinus hoc poscere videatur ‘ “Tutti”, in modo ostile, come se anche Latino sembrasse chiedere questo’. Infine, nella nota di commento  a  11,  406 (vel cum se pavidum contra mea iurgia fingit ‘E si finge pauroso delle mie prepotenze’), quando Turno riprende l’incipit del discorso dell’avversario e smaschera il tentativo di Drance di fingersi impaurito assieme a tutti i Latini dalla sua presenza che inibirebbe la possibilità di parlare, Servio si serve nuovamente di invidiose: Contra illud quod ait (v. 346) ‘det libertatem fandi flatusque remittat’. Nam hoc dicit: ‘timorem suum naturalem invidiose in meam causam retorquet, ut meae praesentiae, non illius naturae, quod timet esse videatur’. 353

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‘Contro al fatto che disse (v.  346) “dia la libertà di parlare e  abbassi l’orgoglio”. Infatti afferma questo: “ritorce contro la mia causa il suo timore naturale in modo ostile, perché sembri che sia la mia presenza e non la sua natura la ragione per cui teme”’.

L’avverbio, anche se decisamente meno frequente del sostantivo, non è ignoto ai trattatisti retorici; si può citare Q uintiliano che, parlando della narratio, enumera una serie di modalità di espressione ad essa adatta, anche se non esclusive, fra cui appunto quella connotata come invidiose che si può rendere con ‘in modo da suscitare ostilità, odio’ 70. Nell’ambito dell’esegesi, invece, è più comune, quasi per indicare con un unico termine la modalità d’espressione. Esso  è  più utilizzato in Servio, anche nella versione Aucta (in tutto una trentina di occorrenze), e in Elio Donato (15 passi) che in Claudio Donato, dove appare solo quattro volte, ma non sembrano esserci differenze di valore. Nell’ultimo esegeta, per esempio, lo incontriamo in una nota al verso 11, 383, nella risposta di Turno a Drance, in cui l’eroe si serve del verbo tono ‘tuonare’, per connotare in modo ostile (invidiose) l’eloquio dell’avversario, molto facondo ma poco incline alla battaglia (II, 347, 20-22 Georgii). Fra i passi di Elio Donato possiamo citare la nota a Phorm. 352, per l’affinità con quella del Danielino a 11, 358, infatti si evidenzia che invidiose Formione, astuto impostore, non solo cita il nome proprio del pater familias ma lo ripete anche. 6.2. Le riprese di Drance delle parole di Latino Sebbene le note del commentario serviano siano molto più succinte rispetto a quelle di Claudio Donato, si evidenzia in più punti che Drance parla sulla scorta delle parole di Latino, ma in modo meno diplomatico  e  decisamente più aggressivo verso Turno 71. Lo abbiamo già notato nell’anticipazione del seguito del discorso da parte del Danielino a proposito i 11, 343 (§ 6.), ma anche in riferimento a 11, 347 Servio afferma, dopo quanto già ricordato a proposito di invidiose, Sane sciendum est hunc exprimere quicquid   Cfr. Q uintiliano, Inst. 4, 2, 62; 4, 2, 120.   Cfr. anche Fröhlich 2011, p. 17.

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verecunde celavit Latinus ‘Si deve sapere che questo esprime tutto quello che in modo pudico ha nascosto Latino’. Ancora, commentando 11, 351: caelum territat armis ‘spaventa il cielo con le armi’, dopo aver asserito che le parole non sono adeguate alla gravitas di Virgilio, ma si confanno al modo di parlare di Drance che viene connotato come tumida oratio ‘discorso altisonante’ 72, aggiunge: Deinde diximus Drancem librare se ad orationem Latini: unde nunc dicit ‘et caelum territat armis’, quia audierat ‘bellum inportunum, cives, cum gente deorum’ ‘poi abbiamo detto che Drance sta in equilibrio sul discorso di Latino: per cui ora dice “e spaventa il cielo con le armi”, poiché aveva sentito “una guerra senza speranza, cittadini, contro una stirpe di dei” (11, 305)’. Se scorriamo l’esegesi del discorso di Latino in concilio, possiamo verificare quando asserito; infatti, spiegando proprio le prime parole del re di fronte al suo popolo, Servio mette in luce la velata accusa al Rutulo, richiamando la profezia di Latino nel settimo libro, quando, unico  a  non essere toccato dalla furia di Alletto per volere di Giunone, aveva previsto il momento del disastro e, impotente, si era ritirato, lasciando a Turno campo libero (11, 302): ante eq uidem summa de re statuisse Latini latenter arguit Turnum, quod sibi non obtemperaverit, ut foedus fieret, in septimo scilicet ubi dixit (7, 596) ‘te, Turne, nefas, te triste manebit supplicium’: nam modo hoc tempus revolvit. ‘“Prima certo di discutere le sorti del regno,  o  Latini [avrei voluto e sarebbe stato meglio]” implicitamente accusa Turno, poiché non gli aveva obbedito per concludere l’alleanza, certo nel settimo libro, dove ha detto (7, 596) “Te Turno, orribile, te attende un triste supplizio”, infatti ora si presenta questo momento’ 73.

  Servio, nel prosieguo della nota, non manca di ricordare che, proprio per questo sua pronta ed eccessiva eloquenza, Turno risponderà a Drance contrattaccandolo, per es. con i versi 381 (quae tuto tibi magna volant ‘[parole] che grandi al sicuro ti volano’), 383 (proinde tona eloquio ‘perciò tuona sonoro’) e 390 (ventosa in lingua ‘nella lingua ventosa’). Ai  passi specifici, però, non troviamo nessuna osservazione in proposito. 73  Nulla di significativo nel commentario a proposito di 7, 596. Per la valenza tecnica di latenter, cfr. Torzi 2014, p. 215-223. 72

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A proposito di 11, 312, nec quamquam incuso (‘io non accuso nessuno’) viene detto chiaramente che si tratta di un discorso fatto in modo non diretto contro Turno (obliqua oratio), e a 11, 325 possuntque solo decedere nostro (‘e [i Troiani] possono uscire dal nostro paese’), si ricorda, citando  i  versi 98  e  239 del libro settimo, che Latino, pur sapendo che  i  Troiani erano in Italia per volere del Fato, finge ignoranza a causa di Turno, per mostrarsi obiettivo anche nei suoi confronti 74. In riferimento al verso citato nella nota alle parole di Drance (11, 305), invece, l’esegeta rileva la gravem iracundiam (‘forte collera’) di Latino nel pronunciare bellum importunum  e  spiega anche il valore dell’aggettivo per indicare ‘ciò che manca di un porto’, cioè di pace, ma non sembra attribuirne la responsabilità specifica a Turno, bensì al popolo in generale. Claudio Donato, a  proposito di quest’ultimo passo,  o  meglio dei versi 305-307 75, si dilunga in una nota che mette in luce tutta l’articolazione del discorso e  evidenzia la grave colpa sacrilega dell’aver combattuto i  Troiani, ma non fa alcun riferimento all’intento accusatorio, piuttosto al tentativo di unire tutte le argomentazioni che avrebbero portato a  porre fine alla strage (II, 458,  17-459,  4 Georgii). Anche in riferimento a nec quemquam incuso ‘io non accuso nessuno’ (11, 312), questo ese­geta non vede un’allusione a  Turno, ma piuttosto la disperazione insita nella conclusione del discorso nonostante l’apparenza di una lode, legata al fatto che tutti avevano dato il meglio (II, 459, 23-25 Georgii). Nello spiegare l’incipit del discorso di Latino (vv. 302-304) 76, Claudio Donato fa riferimento al libro settimo, dove appunto   Nulla invece a questo proposito nelle Interpretationes Vergilianae.   Bellum importunum, cives, cum gente deorum  / invictisque viris gerimus, quos nulla fatigant / proelia nec victi possunt absistere ferro. ‘Malaugurosa guerra, contro una razza divina, contro uomini indomiti, o cittadini, facciamo, che lotte non prostrano, né possono, vinti, lontano dal ferro restare’. 76  Ante equidem summa de re statuisse Latini, / et vellem et fuerat melius: non tempore tali / cogere concilium, quom muros absidet hostis ‘Prima, invero, Latini, discuter le sorti del regno e volevo ed era assai meglio: non in simile ora adunar l’assemblea che intorno alle mura è il nemico’. A proposito di questi versi, Hardie 2012, p. 131-133, mostra come costituiscano l’esordio della contrapposizione fra res e verba, che viene ripresa in più punti durante tutto il dibattito del concilio dei Latini, opponendo Drance, l’uomo dell’eloquenza, a Turno, l’uomo d’azio­ne, che però, in questo caso, si serve a sua volta delle parole, pur citando fatti. Rio Torres74 75

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il re aveva previsto la rovina, ma aggiunge che non sarebbe stato opportuno rivangare quanto detto perché la circostanza non dava spazio al rimprovero che sarebbe parso più un insulto che una raccomandazione. Di fronte agli animi turbati degli italici preferisce utilizzare un discorso pacato (utitur miti et tranquilla oratione), quasi come un padre. Si serve tuttavia di un sottile biasimo (subtili tamen utitur increpatione) per non essere stato ascoltato, ma rivolto a tutti coloro che avevano preso le armi spinti da Giunone ed Alletto, non solo a Turno. Pare quindi che, pur rimarcando la gravità assoluta, sacrilega, della guerra mossa al suo eroe, Enea, Claudio Donato non separi tanto la responsabilità dell’eroe rutulo da quella degli altri, né evidenzi un particolare possibile doppio livello nell’interpretazione della parole del re, volte solo apparentemente al popolo, ma più direttamente a Turno, benché trattenute dal pudore e dalla pena provata verso di lui; solo a 7, 596, infatti, si fa riferimento esplicito alla colpa di Turno: A generali increpatione ad specialem transit: ‘te, Turne, nefas, te triste, manebit supplicium’: ipse enim fuit omnibus causa peccandi. ‘Passa dal rimprovero generale al particolare: “te, Turno, orribile, te attenderà il triste supplizio”: proprio lui, infatti, fu la causa della colpa di tutti’ (II, 89, 19-21 Georgii). 6.3. L’ ‘unico sicuro pegno di pace’ Su un punto, tuttavia, gli esegeti concordano: nell’evidenziare che Drance esprime in modo chiaro ciò che Latino aveva taciuto e sottinteso per riguardo  a  Turno, le nozze di Lavinia con Enea (vv. 352-356): Unum etiam donis istis, quae plurima mitti Dardanidis dicique iubes, unum, optime regum, adicias, nec te ullius violentia vincat quin gnatam egregio genero dignisque hymenaeis des pater, et pacem hanc aeterno foedere iungas. Murciano 2014, p. 196-202 nota come Virgilio e i suoi successori nell’epica romana accettino la dicotomia fra ‘uomini di parola’ e ‘uomini di azione’, ma contemporaneamente la mettano in discussione: Turno, ad esempio, si confronta con Drance anche sul versante della parola, e poi, quando deve mostrare la sua prima caratteristica di guerriero contro Enea, fallisce, quasi ‘contaminato’ dal contatto con l’inettitudine del rivale.

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‘Ancora una cosa ai tuoi doni, che in gran copia comandi d’offrir legalmente ai Dardanidi, una sola, re ottimo, aggiungi, non lasciare che qualcuno con la violenza ti vinca, sicché la figlia a nozze gloriose, a nobile genero tu non dia, padre, e la pace con patto eterno sigilli’.

Il Danielino, a proposito di adicias ‘aggiungi’ (v. 354), specifica che opportunamente (bene) Drance esprime quello che Latino aveva taciuto con decoro (honeste), cioè che si doveva offrire ad Enea anche Lavinia e Servio evidenzia, a proposito del secondo emistichio del v. 356, la necessità per così dire politica dell’accordo, che avrebbe dovuto superare i sentimenti personali, ma anche l’abilità retorica, in senso positivo, di Drance che, esplicitando in vece di Latino l’offerta di Lavinia, lo esonera dalla vergogna di rimangiarsi la parola data a Turno: aeterno foedere firmes 77 natae scilicet coniunctione: nam munera et contemni poterant, generis vero coniunctione in aeternum pacis foedera firmabantur. Hoc autem dicto latenter etiam Latini pudorem exonerat, qui Turno etiam suam promiserat filiam, dicens causam reipublicae praeponderare debere et propter pacem civium Turno Aenean esse praeferendum. ‘ “Rafforza con patto eterno” certo con il matrimonio della figlia: infatti  i  doni potevano anche essere disprezzati, ma con il legame di genero i patti di pace venivano consolidati in eterno. Con queste parole, però, libera dal disonore, in modo non scoperto, Latino che aveva promesso anche a Turno sua figlia, dicendo che la ragion di stato doveva prevalere e, per la pace dei cittadini, Enea doveva essere preferito a Turno’.

Anche Claudio Donato si sofferma sul fatto che Drance dà voce  a  quanto consulto et verecunde (‘deliberatamente  e  pudicamente’) Latino aveva taciuto. Tuttavia non legge in questo un tentativo di venire in soccorso di Latino  e  della sua sgradevole posizione, piuttosto sottolinea la strategia di definirlo unum, quasi una piccola aggiunta a tutti i doni proposti dal re e da lui approvati, per sminuirne l’importanza, ben conoscendone invece 77  I commentatori leggono la variante firmes al posto di iungas. Anche l’edizione di Conte 2005 riporta la variante iungas.

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la rilevanza, e conclude: et revera unum fuit, sed maximum et quod omnem negotii substantiam contineret ‘e davvero fu una sola cosa, ma la più importante  e  quella che aveva in sé tutta la sostanza dell’accordo’ (II, 467, 26-468, 7 Georgii) 78. Entrambi  i  commentari, inoltre, notano la definizione del Troiano come ‘egregio genero’ e delle nozze quali ‘degni imenei’ del v. 355; se Servio si limita a sottolineare come di conseguenza Turno sembri indegno, Claudio Donato, a sua volta, dichiara che la lode del rivale equivale ad un’obliqua vituperatio (‘implicito biasimo’) dell’altro, ma poi si sofferma non solo sul giovamento che ne avrebbe tratto la pace per i Latini, ma anche sul dovere di padre di Latino di assicurare il miglior partito alla figlia (II, 468, 11-21 Georgii). Assolutamente  e  inevitabilmente opposta la visione che di ‘buon padre’ ha Turno, nel momento in cui, all’interno del concilio, il giovane si rivolge più direttamente a Latino, come emerge dalla nota di Claudio Donato, al v. 410: nunc ad te et tua, magne pater, consulta revertor ‘A te, grande padre, ora vengo e alle proposte tue’, in cui evidenzia come il Rutulo riprenda il termine ‘padre’, con un’implicita irrisione. Benché infatti l’esegeta riconosca che il giovane cambia il tono, passando da un discorso turbolento adatto  a  Drance, pronunciato fino  a  quel momento, ad uno mite  e  umile perché più che al re si rivolge  a  quello che avrebbe voluto fosse suo suocero, tuttavia riconosce nell’apparente calma del discorso, un nascosto biasimo (occulta vituperatio) dei piani e delle disposizioni di Latino (II, 477, 17-24 Georgii). E procede: ‘Patrem’ videtur dixisse quasi honorificentiae loco, utpote qui loquebatur ut gener, ut ostenderet, quod diximus, plus se socero deferre quam regi. Sed alia loquentis intentio est: summa enim dispositionum Latini displicebat Turno; denique post appellationem patris secuta propositio est qua 78  Va ricordato che Claudio Donato, a commento della fine del discorso di Latino (v.  335), specifica che il re non ha detto nulla  a  proposito di Turno, di Enea e delle nozze di Lavinia, e legge questo come una strategia per non eccitare ancora più gli animi di tutti in tumulto, citando la causa della guerra. Non sarebbe stato inoltre decoroso offrire la figlia per il tramite di ambasciatori, ma implicitamente lascia loro la possibilità di trattare anche a questo proposito, facendo quindi capire il suo punto di vista sulle nozze (II, 463, 11-18 Georgii). Nulla di specifico, invece, in Servio.

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ostendit se de illius consiliis tractaturum, ut ostenderet inprovidum patrem: ergo appellatione ‘magni patris’ inrisionem induxit obliquam, quasi si diceret ‘qualis pater es, qui non recte consulis filiae tuae? Q ualis pater, cui suasum est facile ut omissa adfinitate civis nudo, peregrino, naufrago filiam tuam dare festines?’ ‘Sembra aver detto “padre” in qualità di titolo onorifico, poiché parlava come genero per mostrare, cosa che abbiamo detto, che si affidava più al suocero che al re. Ma altra è l’intenzione del discorso: infatti a Turno dispiaceva l’insieme delle disposizioni di Latino; infine dopo l’appellativo di padre è seguita l’enunciazione con cui dimostra che tratterà dei suoi piani per provare che si è comportato da padre improvvido: dunque con l’appellativo di “grande padre” ha introdotto un’irrisione indiretta, come se dicesse “quale padre sei, che non provvedi correttamente a tua figlia? Q uale padre, tu che sei stato facilmente persuaso, tralasciata l’affinità del connazionale, ad affrettarti a dare tua figlia a uno nudo, profugo, e naufrago?” ’. (II, 477, 25-478, 4 Georgii) 79

Anche precedentemente, all’esordio della risposta  a  Drance, Turno, dopo aver esaltato le proprie imprese 392-398 80, magna pompa verborum ‘con grande magnificenza di parole’ come evidenzia Claudio Donato (II, 475, 3 Georgii), cerca di svilire l’avversario, mettendo in luce la doppia sconfitta bis victos dixit, ut ostenderet in illis nullam esse virtutem ‘li definisce “due volte vinti” per mostrare che in loro non c’è alcun valore’ 81. 79   Va precisato che le edizioni moderne preferiscono la lezione magna da riferire  a  consulta (cfr.  anche ed. Conte 2005), ma entrambe sono contenute nei codici potiores; tuttavia, la variante non inficia totalmente il valore della nota. Per il concetto di propositio come termine tecnico retorico nelle Interpretationes Vergilianae, cfr. Torzi 2015, p. 265-280. 80  Pulsus ego? Aut quisquam merito, foedissime, pulsum / arguet, Iliaco tumidum qui crescere Thybrim / sanguine et Evandri totam cum stirpe videbit / procubuisse domum atque exutos Arcadas armis? / Haud ita me experti Bitias et Pandarus ingens / et quos mille die victor sub Tartara misi, / inclussus muris hostilique aggere saeptus ‘Io battuto? Ma chi, vigliacco, potrà dirmi battuto, vedendo il Tevere crescere gonfio di sangue iliaco, crollata fin dalla radice la casa d’Evandro e gli Arcadi spogli dell’armi? Non tale m’han conosciuto e Bizia e Pandaro grande, e i mille che in un sol giorno ho vinto e spedito nel Tartaro, chiuso dentro nel muro e nel bastione nemico’. 81  Ad Aen. 11, 420, II, 476, 12-13 Georgii. Si veda l’analogo disprezzo delle parole di Numano Remulo a 9, 599: bis capti ‘presi due volte’.

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Servio invece si sofferma più sulla strategia retorica del Rutulo; spiegando nulla salus bello? Capiti cane talia demens Dardanio rebusque tuis ‘nessuna salvezza nella guerra? Al Dardanio, pazzo, ricanta questa canzone e a te stesso’ (vv. 399-400) afferma infatti: Q uotiens argumentum non possumus solvere, aut contraria obiectione aut risu aut maledicto, ut hoc loco, adversario respondemus. ‘Tutte le volte che non possiamo smontare un’argomentazione, rispondiamo all’avversario  o  con l’accusa opposta o con la derisione o con l’insulto, come in questo passo’.

E il Danielino aggiunge: simul eum Aeneae iungendo vult latenter ostendere proditorem ‘contemporaneamente aggiungendo lui [= Drance] ad Enea vuole implicitamente mostrarlo come un traditore’. Non va dimenticato, nel reciproco scambio di accuse, che, subito prima del passo citato relativo alla concessione di Lavinia come unico pegno di pace, Drance ha imputato a Turno la viltà, affermando (vv.  350-351): … dum Troia temptat  / castra fugae fidens et caelum territat armis ‘mentre lui stuzzica il campo troi­a­no, ma pronto fugge,  e  il cielo spaventa con l’armi’. Claudio Donato dice esplicitamente che Drance accusa il rivale di diserzione (desertionis crimen) perché nel decimo libro si parla di una sua fuga (vv. 651-665) 82; si sofferma poi sulla valenza delle singole parole, specificando come temptare non indichi né l’espugnazione del campo troiano, ma nemmeno un reale combattimento, bensì solo un avvicinarsi con esitazione, essendo appunto pronto in 82  Si tratta in realtà di un allontanamento provocato ad arte da parte di Giunone che ha ottenuto da Giove di poter prolungare un po’ la vita di Turno. Anche Servio ricorda l’episodio, commentando fugae fidens, ma specificando appunto che si trattava della mossa di Giunone, mentre il Danielino ipotizza, in alternativa, che l’accusa non sia rivolta tanto a Turno quanto più in generale al suo esercito. Fantham 1999, p. 277-279 evidenzia come Giunone sacrifichi l’autostima di Turno per allungarne, per quanto può, la vita. L’autrice, tuttavia, ipotizza che, nonostante la costruzione di Turno come un personaggio omerico, Virgilio non lo abbia reso abbastanza eroico e ci mostri la sua intrinseca debolezza, rendendolo preda della vendetta di Aletto e degli inganni di Giunone e Giuturna. A suo avviso il poeta ha sì messo a nudo la vera natura di Turno, ma lo ha anche offerto alla nostra compassione: è un personaggio non privo di valore e gloria, ma è ancora troppo vicino a Achille e quindi non può rappresentare i nuovi ideali del mondo epico virgiliano.

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seguito a darsi alla fuga (videbatur ergo Turnus temptasse certamen et evasisse fugiendo ‘sembrava quindi che Turno avesse provocato il combattimento e poi se ne fosse sottratto fuggendo’). A proposito di caelum territat armis, inoltre, spiega in armis exultat et cum ullo congreditur ‘si eccita nelle proprie armi ma non si scontra con nessuno’, ma poi precisa: proprietas tamen illa est dicti, ut Troiani caelo conparati videantur, quod non possent mortalium adgressione terreri. ‘Tuttavia c’è anche una proprietà nell’esprimersi, così che i  Troiani sembrino essere paragonati al cielo, non potendo essere spaventati da un’aggressione di mortali’, in cui si nota l’immancabile lode da parte dell’esegeta dell’eroe e  del suo popolo (II, 467, 9-16 Georgii). Va però sottolineato che anche Servio, come abbiamo già visto (§ 6.2.), legge questo caelum territat armis, come l’assalto fuori luogo ad un popolo protetto dagli dei, come aveva già ricordato Latino. Certamente Turno ribatte alle accuse di viltà nella prima parte della sua risposta (vv. 378-391), ritorcendole contro Drance stesso. In particolare, a proposito di 384-386: Argue tu, Drance, quando tot stragis acervos / Teucrorum tua dextra dedit passimque tropaeis / insignis agros ‘Accusa tu, Drance, perché tanti mucchi di stage troiana la tua destra ha fatto e di trofei seminato le piane’, Claudio Donato fa notare come, secondo il Rutulo, l’attacco di Dance non sia affatto espressione di un pensiero comune (accusa, inquit, timorem meum, sed tu solus, Drance ‘accusa, disse, il mio timore, ma tu solo, Drance’). La gloria di Turno, infatti, è sotto gli occhi di tutti, mentre il rivale non ha successi da esibire, conseguentemente, in modo insultante (insultanter) l’eroe prosegue incalzando Drace con una domanda retorica: se lui non ha agito combattendo, chi ha portato tante distruzioni ai nemici? (II, 473, 27-474, 6 Georgii) 83.   Secondo Claudio Donato, inoltre, il Rutulo risponde senza seguire uno specifico ordine (varia ordinatione) alle obiezioni mosse sia da Drance, quali appunto fugae fidens del v.  351,  o  al v.  370  o  ai vv.  373-375, sia da Latino che (vv.  303-305) aveva lamentato il fatto che non fosse opportuno discutere con il nemico alle porte,  e  lo fa sfidando il rivale  a  muovere battaglia al suo fianco (II, 474, 8-22 Georgii). A proposito dei vv. 389-391, che già abbiamo visto alla nota 72 essere citati in parte da Servio proprio come contrattacco di Turno, leggiamo: ecce obicit ei quia ipse magis fugax sit nec aliquando concertet; Drances quippe dixerat de Turno quod fugae fiduciam gereret ‘ecco gli obietta che proprio lui è più pronto alla fuga e non combatte mai; Drance infatti aveva detto di Turno che riponeva fiducia nella fuga’ (II, 474, 26-28 Georgii). Anche Fröhlich 2011, p. 17 nota 83

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Sempre nell’ottica di lasciare spazio a chi è migliore viene spiegato da Claudio Donato il cedat del v.  359 (cedat, ius proprium regi et patriaeque remittat ‘ceda, il diritto suo proprio rimetta al sovrano, alla patria’) (II, 368,  27 Georgii), così come il commento a pacem te poscimus omnes, Turne ‘pace a te tutti chiediamo, Turno’ del v. 362 84, recita: Pacem te poscimus, non ut hanc daret, sed ut cedendo pateretur illi coniugem dari quem constabat esse potiorem ‘Ti chiediamo la pace, non perché la conceda, ma perché, cedendo, tolleri che sia data la moglie a colui che è evidentemente superiore’. Pertanto, Turno deve rinunciare al sentimento per la donna che può fornire ai Latini il pegno di una pace eterna e inviolabile (II, 469, 31-470, 3 Georgii) 85. Il refrain delle nozze regali viene poi ribadito  a  proposito di contingat regia coniunx ‘[a Turno] tocchi la sposa regale’, del v. 371, in cui Drance nega che il matrimonio di Turno sia un buon motivo per la strage ininterrotta di un popolo: Mori pro republica, pro patria, pro penatibus, pro uxore, pro liberis, pro parentibus gloriosum est, iste vero et personam deformavit et causam adseruit idoneam non esse quae merito posset exigere auxilium publicum. ‘Ut ille’ inquit ‘quam non potest regiam consequatur uxorem’: ducere uxorem speciale unius est votum et commodum facti ad unum specialiter, non ad populum pertinet: cum igitur non publica, sed privata sit causa, cur dimicet cui periculo sunt adversa et secunda non prosunt? ‘È glorioso morire per lo stato, per la patria, per i Penati, per la moglie, per i figli, per i genitori, ma questo sia biasimò la persona sia affermò che la causa non era tale da poter esigere  a  buon diritto un aiuto pubblico. “Perché quello” dice come il v. 351 costituisca un passo falso nell’impostazione del discorso di Drance, cui Turno può ribattere facilmente accusando l’avversario di essere capace solo di parlare. 84  Vorrei far notare che, sebbene né in Claudio Donato né nell’altro commentario venga evidenziata la modalità dell’invidia, nel rivolgersi a Turno chiamandolo per nome, Elio Donato si serve di questo verso come passo parallelo, nel commentare Ad. 800, in cui, appunto, l’uso esclamativo del nome proprio, Micione, magnam invidiam significat ‘indica una forte ostilità’. 85  Servio,  a  proposito di solum inviolabile pignus ‘il solo pegno inviolabile [di pace]’ del v. 363, dopo aver spiegato che si tratta di Lavinia, si limita a rimandare al v.  356: pacem hanc aeterno foedere firmes ‘consolidi questa pace con un patto eterno’, per cui cfr. all’inizio del paragrafo.

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“ottenga la sposa regale che non può ottenere”: sposarsi  è il desiderio particolare di uno solo  e  il vantaggio del fatto riguarda particolarmente il singolo non il popolo: dunque trattandosi di una causa non pubblica ma privata, perché combatterà colui per il quale l’insuccesso si configura come un pericolo e il successo non giova?’ (II, 471, 19-28 Georgii)

Se Claudio Donato, come abbiamo letto, imposta il discorso specificamente in ambito tecnico, citando la deformatio e la differenza fra causa pubblica  e  privata, Servio punta l’accento piuttosto sull’atteggiamento del locutore, asserendo haec cum quadam inrisione dicuntur ‘queste parole sono dette con una certa irrisione’, mentre le note Danieline aggiungono: et ostendit hoc nec utile nec honestum esse ‘e mostra che questo non è né utile né onesto’. L’unica possibile alternativa per Dance, che già aveva esclamato nulla salus bello ‘non dà salvezza la guerra’ (v. 362) è quella con cui conclude il suo discorso (v. 375): illum aspice contra qui vocat ‘guarda in faccia colui che ti chiama’, con cui si riprende l’altra grande tematica del duello singolo che aleggia come ipotesi già dal primo discorso fra Drance e Enea 86. Turno stesso nella replica al rivale  è  costretto  a  prendere in considerazione l’ipotesi (vv. 434-437): Q uod si me solum Teucri in certamina poscunt idque placet tantumque bonis communibus obsto, non adeo has exossa manus Victoria fugit ut tanta quicquam pro spe temptare recusem. ‘Se poi me solo in duello pretendono i Teucri, se questo voi decidete, se tanto il bene di tutti pregiudico, non ha certo odiato o fuggito fin qui le mie mani Vittoria, perché io rifiuti di tutto tentare per tanta speranza’.

Claudio Donato, però, evidenzia come si tratti di un consenso che emerge dalla necessità non dalla volontà del giovane (II, 481, 24-26 Georgii),  e  il Danielino sottolinea che il primo verso  è  espresso come se Drance avesse detto il falso asserendo appunto ‘guarda in   Pagán 2010, p. 36-39, legge questa necessità del duello singolo più volte ripresa nel dibattito al concilio, all’interno della visione per cui il sacrificio di Turno dovrebbe essere una forma di ‘violenza preventiva’ che eviti esiti peggiori. Si nota tuttavia, anche attraverso altri esempi della letteratura, che, se la retorica può convincere della bontà delle intenzioni, rimane un dubbio morale sulle stesse. 86

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faccia colui che ti chiama’. Servio, a sua volta, mostra la contrapposizione fra le parole di Turno e la sua volontà, mettendo in luce il procedimento retorico di cui si serve, cioè il ductus: quia audiit (v. 374) ‘illum aspice contra qui vocat’. Etiam utitur ductu: nam oblique promittit se singulari certamine dimicare velle, cum nolit. ‘Poiché ha sentito (v. 374) “guarda in faccia colui che ti chiama”. Si serve anche di una particolare strategia espositiva: infatti in modo indiretto promette di voler combattere in un duello singolo, pur non volendo’ 87. Successivamente, come è stato notato da alcuni critici, la forzata disponibilità di Turno al duello si avvicina quasi ad un atto di devotio 88: vobis animam hanc soceroque Latino  / Turnus ego, haut ulli veterum virtute secundus, devovi. ‘Q uesta vita per voi, per Latino mio suocero, io Turno, a nessuno dei vecchi per valore secondo, consacro’ (vv. 440-442). Gli esegeti tardoantichi, però, non sembrano leggerla in questo modo: Claudio Donato afferma che si tratta più di parole volte alla mozione degli affetti (miserationem significat) che della dimostrazione di coraggio da parte di chi sta per combattere (II, 482, 11-12 Georgii); anche Servio evidenzia che si tratta di una strategia sia per conciliarsi il favore del popolo, sia per vincolare la volontà di Latino, utilizzando in modo pregiudizievole l’appellativo di ‘suocero’. Le ultime parole del Rutulo, poi, riprendono le ultime di Drance, come evidenziano sia Caudio Donato sia il Danielino: Solum Aeneas vocat? et vocet oro / nec Drances potius, sive est haec ira deorum, / morte luat, sive est virtus et gloria, tollat. ‘Solo me chiama Enea? Ma che mi chiami io desidero, e non Drance piuttosto, se l’ira è dei numi l’espii con la morte, se è gloria e valore a me stesso l’aggiudichi’ (vv. 442-444). Non sono però del tutto perspicui i due versi conclusivi, benché risulti evidente una sdegnosa presa di distanze dall’avversario sia nel successo sia nell’insuccesso. Claudio Donato si limita a spiegare che Drance non può dichiararsi causa né della sconfitta né della vittoria e non deve né gioire di un eventuale fallimento né rivendicare parte della vittoria, attribuendo il duello alla sua insi  Sul concetto di ductus, in particolare in Servio, cfr. Torzi 2014, p. 201-205.   Cfr., ad es., Fantham 1999, p. 272, che nota tuttavia come le ultime parole di Turno siano ugualmente dirette al rivale e come la retorica del primo abbia non solo stabilito i termini del dibattito, ma anche ‘contaminato’ il discorso deliberativo di Turno che continuamente riprende le parole di Drance. 87 88

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stenza (II, 482, 23-28 Georgii). Nell’altro commentario, invece, troviamo un discorso più articolato, che ammette la difficoltà interpretativa, cercando di superarla citando un modo di dire (ad Aen. 11, 443): Nam ita irati de inimico dicere consuevimus ‘abeat, nec bonis meis nec malis rebus intersit: nolo sit aut meae particeps gloriae, aut in me invidiam ex infelicitatis communione commoveat’: sicut nunc de Drance dicit ‘sive est haec ira deorum, morte luat’, id est, si periturus sum, nolo invidiam sustinere, si Drances pariter [forte] moriatur; si vero me virtus et gloria comitabuntur, nolo ignavus felicitatis alienae sit particeps, si, dum meis pugnat auspiciis, forte superarit’. ‘Infatti così, adirati, siamo soliti dire di un nemico “se ne vada e non abbia parte né dei miei beni né dei miei mali: non voglio che  o  sia partecipe della mia gloria  o  susciti malevolenza contro di me per la condivisione dell’infelicità”; così ora di Drance dice: ‘sia che questa sia ira divina, paghi con la morte’, cioè “se sono destinato  a  morire, non voglio addossarmi l’odio, qualora Drance muoia [per caso]  a  sua volta; ma se il valore  e  la gloria mi accompagneranno, non voglio che un vile sia partecipe dell’altrui successo, qualora per caso vinca combattendo sotto i miei auspici”’.

Anche le Note Aggiuntive evidenziano spiegazioni differenti: Alii sic accipiunt: sive est haec ira deorum ‘uter’ inquit ‘eventus ex hac pugna sequetur: vel ira deorum, si vincar, vel gloria, si vicero, mihi potius quam Dranci adscribatur’. Alii sic: ‘nec Drances potius, si pereundum est, ira deorum pereat; aut, si vincendum est, gloriam consequatur’. ‘Altri così interpretano: sia che questa sia ira degli dei “quale dei due esiti” dice “segua a questa battaglia: o l’ira degli idei, se sarò vinto, o la gloria, se vincerò: sia attribuita a me piuttosto che a Drance”. Altri così: “né Drance piuttosto, se si deve morire, perisca per l’ira degli dei; o, se si deve vincere, consegua la gloria”’.

Conclusioni Dalla lunga analisi degli esegeti tardoantichi delle parole di Drance nel corso dell’undicesimo libro e dal confronto di quelle dei suoi interlocutori, emerge senz’altro un’attenzione alle strategie reto366

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riche messe in atto dal poeta nella composizione. L’attenzione di Virgilio  a  questo aspetto ha ovviamente colpito anche la critica moderna, così come l’attenzione dedicata nella descrizione e nella connotazione di un personaggio senza dubbio secondario, che fa perno proprio sulle sue capacità elocutive, contrapposte al valore bellico. Se gli studiosi dei secoli scorsi hanno cercato una figura storica cui avvicinare Drance o, in tempi più recenti, una tipologia di personaggio pubblico cui Virgilio si sia ispirato, pur senza dimenticare le fonti letterarie, i commentatori tardoantichi non fanno cenno a queste categorie, non istituiscono paragoni nemmeno con possibili precedenti omerici. Essi si servono senz’altro degli strumenti della retorica per analizzare le parole dei partecipanti al dibattito, ma circoscrivono il contesto al piano della vicenda narrata. In quest’ottica non mancano di evidenziare la negatività della figura di Drance e del suo odio personale nei confronti di Turno, la sua capacità di catalizzare e farsi, a torto o a ragione, portavoce del malcontento comune, di esprimere, forse anche forzando il suo mandato, la stima dei Latini per Enea  e  il loro desiderio di compiacerlo e infine di manifestare in modo più deciso e senz’altro meno diplomatico le intenzioni e le proposte di Latino. Come sempre il più prolisso nel dare spazio all’esame delle parole di Drance e dei suoi interlocutori è Claudio Donato che, come d’abitudine, si dilunga in più circostanze nell’evidenziare il loro aspetto laudativo nei confronti di Enea, ma è abbastanza equilibrato nel riconoscere comunque i limiti del personaggio italico, secondo il dettato del poema, e nell’attribuire anche a Latino e a Turno le responsabilità personali. È interessante nelle Interpretationes Vergilianae il fatto che si mettano in luce delle tematiche che sostengono le argomentazioni di Drance, che affiorano a più riprese, come permeassero generalmente tutti i suoi discorsi. Mi riferisco, in primo luogo, alla ricerca della modalità consentita dalla sorte per convincere Latino a stipulare un nuovo patto con Enea, in secondo, ma forse anche più importante, alla valenza del matrimonio di Lavinia: se da una parte, quando si tratta delle aspirazioni di Turno, è relegato all’ambito della sfera privata, ad un’ambizione e ad un sentimento personali che non meritano un dispendio di energie pubbliche, dall’altra, quando invece si parla di Enea come futuro genero, diventa ele367

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mento portante della strategia diplomatica e, per così dire, della ‘politica estera’. Infine, non solo nelle parole di Drance, si insinua sempre più netta l’ipotesi di un duello singolo che, in ultima istanza, obtorto collo, è considerata anche dal diretto interessato, ma, secondo Claudio Donato e anche l’altro commentario, non tanto come sacrificio risolutivo per il popolo, quanto più come definitiva presa di distanza dal rivale che non deve aver parte con Turno né della rovina né del successo. Servio ed anche le note aggiuntive al commentario sono sicuramente più succinti rispetto all’altro esegeta, evidenziano tuttavia degli elementi interessanti; in particolare abbiamo visto che, per quanto non lesinino le critiche a Drance, definendo, per esempio, il suo modo di intervenire al concilio oratorio, scaltro e adulatorio, non si esimono comunque dal mettere in luce anche le strategie retoriche di Enea per ingraziarsi gli ambasciatori giunti a chiedergli una tregua, con un discorso avvicinabile  a  quello di un demagogo. Inoltre, questo commentario  è  più attento, nella ripresa di Drance delle parole di Latino, pur evidenziando la sfacciataggine del personaggio, a dimostrare che le accuse più o meno velate a Turno erano già state mosse dal re. Per quanto riguarda, infine, le strategie espressive dei protagonisti dei dibattiti in cui Drance è coinvolto, l’esegesi tardoantica in più circostanze cita l’utilizzo dell’invidia come strumento di attacco dell’avversario o valuta le battute con l’avverbio invidiose, così come un forte accento viene posto nell’evidenziare le riprese dei vari personaggi delle parole di un altro, sottolineando l’abilità compositiva del poeta che ha tessuto una tela compatta, densa di rimandi interni, anche se con sfumature di significato, atteggiamenti o intenzioni diverse nel pronunciarli da parte dei differenti protagonisti.

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I. TORZI

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LE PAROLE DI DRANCE AL VAGLIO DEI COMMENTATORI TARDOANTICHI

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Abstract The article aims to analyse Drances’ interventions in the eleventh book of  the Aeneid (11, 124-131; 11, 343-375) and present his character in the commentaries of  the late Roman exegetes: Servius’ Commentary with Servius Danielis and Claudius Donatus’ Interpretationes Vergilianae. Drances, a secondary character, is characterised by his great oratorical skills. These skills are highlighted in his speeches, especially his criticism  of   Turnus, who was viewed as the sole person to blame for the incessant slaughter of  the Latins and Italics. The rejoinders to his words also reveal the rhetorical strategies employed by the interlocutors, and first and foremost of  Turnus himself. In particular, attention is focused on the consistency between the connotation of  Drances’ character and his words and on the concept of  invidia in the context of  oratorical practice, examining above all expressions such as invidiose, obliqua invidia, invidiosa dictio.

371

INDEX AUCTORUM

INDEX AUCTORUM

Anthologie Latine 10 : 269

Charisius 63

Aphthonios 302, 306

Aristote Rhet. : 107, 140

Cicéron Brutus : 200 De inventione : 53, 55, 109-111, 205, 212, 216-217, 350 De natura deorum : 86 De officiis : 89, 316 De oratore  : 53, 140-141, 211, 332, 350 Deiot. : 95 Fam. : 95 Part. Or. : 276 Orator : 141, 202

Asconius 88, 285

Corippe 63

Augustin 253, 306

Cornutus 229

Aulu-Gelle 275

Démétrios (Ps.) 140-141

Bible Évangile de Luc : 31 Évangile de Marc : 31-32 Évangile de Matthieu : 25, 31 Genèse : 26-27, 29, 31, 34-35, 37, 40

Denys d’Halicarnasse (Ps.) 141, 144-145

Apollonios de Rhodes 25, 80, 267 Appendix Vergiliana Catal. 5 : 8-9

Diomède 47

373

INDEX AUCTORUM

Donat (Aelius) 45-69, 354 Ars : 198, 260 Ade. 16 : 135 60 : 204 92 : 135 130 : 54 240 : 135 406 : 135 489 : 135 625 : 128 774 : 53 789 : 128 800 : 363 929 : 59, 135 And. 8 : 52 69 : 61 292 : 62 318 : 60 328 : 133 330 : 62 410 : 62 538 : 62 796 : 64 808 : 63 Eun. 86 : 260 1044 : 128 Hec. 114 : 57 274 : 55 284 : 56 361 : 128 382 : 60 387 : 53 475 : 54 482 : 62 Pho. 48 : 65 130 : 53 216 : 64 273 : 55-56 323 : 64 338 : 65 352 : 354 990 : 57

Vita Vergiliana : 7-8, 48 Vita Vergiliana aucta : 8 Donat (Tiberius Claudius) 49 Interpretationes Vergilianae (ed. Georgii) 1, 1 : 10, 135 1,  2  : 148, 167, 173, 179, 192-193, 323 1, 3 : 148 1, 4 : 10-11, 49, 173-175 1, 5 : 168, 257 1, 6 : 178, 186, 194 1, 10 : 176 1, 24-27 : 130 1, 25 : 112, 123, 126, 182 1, 26 : 115 1, 27 : 182 1, 30 : 65 1, 31 : 114 1, 45 : 121, 123 1, 51 : 153-154 1, 55 : 153, 181 1, 57 : 149, 153, 167 1, 58 : 153-154 1, 59 : 154, 185-186 1, 61 : 154 1, 62 : 149, 155 1, 66-67 : 254 1, 68 : 61, 187 1, 69 : 188 1, 71-72 : 122-123, 188-189 1, 74 : 176, 318 1, 82 : 121, 123, 125, 187-188 1, 93 : 325 1, 103 : 129, 183-185 1, 104 : 125, 128-130, 185 1, 105 : 128, 185 1, 110 : 129 1, 112-113 : 129 1, 117 : 183 1, 118 : 125, 128 1, 123 : 129 1, 130 : 178 1, 131 : 119, 124, 127 1, 145 : 190

374

INDEX AUCTORUM

1, 146 : 190 1, 147 : 191 1, 148 : 58, 191 1, 152 : 192 1, 153 : 192 1, 154 : 192 1, 157 : 124-125, 129, 193 1, 160 : 193 1, 161 : 180, 193 1, 170 : 193 1, 171 : 176, 193 1, 175 : 194 1, 205 : 181 1, 232 : 182 1, 244 : 124 1, 256 : 181 1, 268 : 182 1, 277 : 128, 130 1, 288 : 115 1, 291 : 182 1, 314 : 187 1, 323 : 176 1, 328 : 181 1, 345 : 182 1, 351 : 182 1, 352 : 194 1, 356 : 115 1, 364 : 181 1, 367 : 157, 256-259 1, 368 : 157, 159, 257-259, 261-263 1, 369 : 156, 254, 263, 265, 267 1, 370 : 156, 158, 257, 264, 267 1, 371 : 156-157, 266 1, 375 : 268 1, 383 : 267 1, 384 : 305 1, 498 : 182 1, 543 : 182 1, 611 : 329 2, 21 : 130 2, 31-33 : 129 2, 32 : 181 2, 33 : 114, 116 2, 44 : 192 2, 51 : 345 2, 53 : 281 2, 55 : 346 2, 58 : 116, 120

2, 74 : 181 2, 89 : 357 2, 114 : 292 2, 115 : 292 2, 124 : 182 2, 125 : 182 2, 133 : 114, 125, 130 2, 136 : 182 2, 169 : 181 2, 170 : 181 2, 171 : 181 2, 179 : 125, 127 2, 186 : 124 2, 198 : 118, 124, 127, 132 2, 216 : 181 2, 246 : 182 2, 254 : 182 2, 289 : 160-161 2, 291 : 160, 162 2, 292 : 160, 164 2, 293 : 164, 346 2, 297 : 164 2, 299 : 163, 165, 347 2, 300 : 164-165, 181, 348 2, 301 : 165, 348 2, 302 : 165 2, 303 : 165, 319 2, 304 : 348 2, 305 : 181, 349 2, 307 : 166 2, 323 : 124 2, 347 : 354 2, 368 : 363 2, 422 : 331, 335 2, 423 : 331-332 2, 424 : 333-334 2, 425 : 318, 334 2, 426 : 318, 334-336 2, 427 : 341 2, 437 : 337 2, 438 : 318, 338, 342 2, 439 : 339 2, 444 : 295, 308 2, 445 : 294 2, 446 : 295, 297 2, 447 : 129, 295 2, 451 : 296 2, 452 : 296

375

INDEX AUCTORUM

2, 454 : 296-297, 323 2, 458 : 356 2, 459 : 344, 356 2, 460 : 122 2, 462 : 334 2, 463 : 359 2, 464 : 322, 341 2, 465 : 342, 351 2, 466 : 318, 351 2, 467 : 351, 359, 362 2, 468 : 352, 359 2, 469 : 352, 363 2, 470 : 352 2, 471 : 353, 364 2, 473 : 362 2, 474 : 362 2, 475 : 360 2, 476 : 360 2, 477 : 359-360 2, 478 : 360 2, 481 : 364 2, 482 : 365-366 2, 488 : 125 2, 490 : 126 2, 507 : 127 2, 549 : 181 2, 618 : 181 2, 634 : 254

Euripide 145, 286

Dracontius 301

Jean Géomètre 302-303, 306-307

Emporius 118, 300-301, 304, 306-307

Julius Rufinianus 141-142, 145

Ennius 235, 286

Julius Victor 142, 144-145, 150

Ennode 306-307

Juvencus Euangeliorum libri : 21-22, 32

Eschyle 286

La Cerda 255-256, 258, 261-262

Eugraphius And. Praef. 3 : 51

Longin (Ps.) 141, 144

Fortunatianus 142-143, 148-149, 152, 161, 167, 178, 214, 349 Florus Vergilius, orator an poeta : 10, 197 Hermogène (Ps.) 142, 144, 302 Hésiode 199-200 Homère 23, 25, 80, 145, 225, 227, 269, 286 Horace Ars : 56 Jean de Sardes 303 Jean Doxapatrès 302-303, 307

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INDEX AUCTORUM

Lucain 23

Plaute 84

Macrobe 49, 202, 208-209 Saturnales 1, 24 : 11, 50, 168 4, 1 : 202 4, 2 : 203, 281-282 5, 1 : 12, 51, 198 6, 2 : 96 6, 4 : 285 6, 6 : 198 6, 7 : 275 Songe de Scipion 239, 242

Pline le Jeune 174-175

Marius Victorinus 110 Martianus Capella 142, 178 Ménandre le Rhéteur 97 Névius 235 Nonnos de Panopolis 25 Ovide Ars 1, 459-462 : 200 Fast. 4, 881-882 : 94 Pacuvius 286 Phébammon 140 Phorcas 8

Priscien 301, 306 Proba 21-44 Centon 1-7 : 23 8 : 23 9-11 : 23 14 : 23 23 : 23 48 : 22 139-156 : 27-30, 40 153-154 : 39 183-196 : 37-41 213 : 25, 33 224-232 : 33-34 224-268 : 31 233-241 : 34-35 403-412 : 40 436-452 : 31, 33, 40 469-496 : 32 512-527 : 31-32, 40 581-599 : 26 Probus (Ps.) 115, 235 Q uintilien 1, 4 : 198 1, 8 : 9 2, 1 : 199 2, 5 : 89 3, 8 : 215, 299 3, 9 : 216 4, 1 : 89, 108, 110-112, 348, 350 4, 2 : 89, 354 5, 12 : 133 6, 1 : 350 6, 2 : 201, 280

377

INDEX AUCTORUM

7, 4 : 299, 331 8, 3 : 49, 141, 261 8, 4 : 141 8, 6 : 140-141 9, 1 : 140, 332 9,  2  : 140-142, 144-145, 149-152, 205 10, 1 : 10, 197 Q uintus de Smyrne 25 Rhétoriq ue à Alexandre 107 Rhétoriq ue à Hérennius 97, 107, 109-111, 140-141, 204-205, 217, 256, 276, 348, 352 Scolies de Vérone 229, 235 Sénèq ue le Père Contr. : 8, 49, 141 Suas. : 299 Servius Ars : 198 Aen. Praef. : 8, 147, 155, 179, 200 1, 4 : 324 1, 23 : 149 1, 37 : 272 1, 65 : 216 1, 99 : 324 1, 151 : 244 1, 204 : 279 1, 223 : 151 1, 231 : 211 1, 232 : 279 1, 234 : 151 1, 237 : 150, 167 1, 242 : 151, 208 1, 246 : 151 1, 248 : 149-150, 152, 214

1, 250 : 211 1, 257 : 150, 154, 217 1, 258 : 199 1, 261 : 210 1, 265 : 213 1, 267 : 154, 213, 238 1, 286 : 155, 200, 217 1, 292 : 147, 155, 168 1, 327 : 125 1, 382 : 10, 147, 168 1, 387 : 280 1, 488 : 151 1, 522 : 95, 112, 125 1, 529 : 279 1, 562 : 129, 133, 280 1, 664 : 113 1, 674 : 213 1, 676 : 268 1, 684 : 279 1, 755 : 223 2, 13 : 224 2, 86 : 327 2, 270 : 245 2, 271 : 246 2, 275 : 280 2, 288 : 215 2, 299 : 280 2, 374 : 262 2, 502 : 230 2, 515 : 230 2, 536 : 231 2, 638 : 152, 214-215, 231-232, 274 2, 642 : 279 2, 655 : 225 2, 656 : 225 2, 657 : 233 2, 663 : 213 2, 683 : 230 2, 688 : 233 3, praef. : 223 3, 57 : 224-225, 229 3, 73 : 230, 239 3, 85 : 240 3, 86 : 240 3, 89 : 239 3, 90 : 247 3, 94 : 239, 241-242

378

INDEX AUCTORUM

3, 95 : 241 3, 97 : 240 3, 98 : 239-240 3, 103 : 237 3, 105 : 237 3, 107 : 237, 242 3, 155 : 244 3, 159 : 243 3, 161 : 279 3, 167 : 241 3, 170 : 244, 246 3, 176 : 247 3, 248 : 243 3, 256 : 243 3, 317 : 276 3, 328 : 284 3, 402 : 86 3, 538 : 235 3, 540 : 236 3, 543 : 236 3, 577 : 230 3, 606 : 152, 231 3, 613 : 228 3, 654 : 152, 231 3, 691 : 229-230, 272 3, 701 : 230 3, 711 : 238 3, 715 : 225-226 4, 1 : 156 4, 9 : 213 4, 17 : 219 4, 23 : 213, 219 4, 30 : 220 4, 31 : 215 4, 34 : 213 4, 92 : 81-82, 259 4, 93 : 82, 157, 259 4, 102 : 80 4, 103 : 79, 157, 220 4, 107 : 82, 258 4, 110 : 82, 158, 256 4, 114 : 158, 265 4, 122 : 265 4, 305 : 212, 217 4, 309 : 212 4, 310 : 212 4, 327 : 208

4, 333 : 113, 216 4, 339 : 220 4, 340 : 279 4, 354 : 212 4, 364 : 204 4, 365 : 204 4, 371 : 205 4, 377 : 205 4, 378 : 205 4, 381 : 213 5, 343 : 203 5, 630 : 279 5, 687 : 166 5, 706 : 279 6, praef. : 168 6, 69 : 147 6, 103 : 215 6, 104 : 113 6, 461 : 209 7, 66 : 276 7, 213 : 125 7, 295 : 284 7, 297 : 285 7, 299 : 273, 276 7, 300 : 274 7, 302 : 277 7, 304 : 277 7, 306 : 278 7, 318 : 286 7, 330 : 287 7, 336 : 287 7, 427 : 288 7, 432 : 279 7, 509 : 276 8, 12 : 292 8, 127 : 113 8, 379 : 215 8, 382 : 215 8, 383 : 208 8, 388 : 219 8, 474 : 76 9, 125 : 92 9, 131 : 74, 84-86, 327 9, 132 : 87 9, 134 : 92 9, 641 : 65 10, 6 : 160

379

INDEX AUCTORUM

10, 8 : 161 10, 9 : 160 10, 11 : 160 10, 18 : 145, 162 10, 20 : 346 10, 25 : 152, 163 10, 33 : 163 10, 34 : 163 10, 38 : 112, 115 10, 42 : 152, 163 10, 63 : 164 10, 74 : 164 10, 85 : 164 10, 88 : 164 10, 89 : 164, 167 10, 91 : 164 10, 107 : 159, 165 10, 295 : 284 10, 611 : 152 10, 617 : 166 11, 113 : 328 11, 119 : 328 11, 122 : 317 11, 125 : 93 11, 213 : 229 11, 252 : 296 11, 255 : 296 11, 256 : 294 11, 277 : 74-75 11, 281 : 295-296 11, 292 : 297 11, 302 : 355 11, 337 : 98, 152 11, 338 : 99 11, 340 : 321 11, 341 : 321 11, 342 : 325 11, 343 : 74, 99, 101, 256, 327 11, 347 : 102, 353-354 11, 351 : 101 11, 354 : 103 11, 356 : 358 11, 363 : 363 11, 399 : 361 11, 406 : 353 11, 411 : 114 11, 434 : 152, 166, 365

11, 443 : 366 11, 508 : 112, 128 11, 608 : 286 12, 13 : 152 12, 15 : 166 12, 192 : 330 Buc. 3, 1 : 223 3, 53 : 127 3, 76 : 64 Georg. 1, 198 : 288 4, 1 : 122 Servius Danielis Aen. 1, 38 : 329 1, 65 : 118, 125-126, 130 1, 73 : 240 1, 99 : 324 1, 113 : 264 1, 148-153 : 200 1, 229 : 152, 207, 345 1, 230 : 152 1, 231 : 211 1, 242 : 152, 224 1, 250 : 211 1, 251 : 152 1, 254 : 149, 152, 154 1, 257 : 152, 154 1, 265 : 154 1, 292 : 155 1, 338 : 121 1, 522 : 112-114, 118, 125, 128-129 1, 664 : 117, 127, 130, 207, 210 1, 667 : 211 2, 13 : 58 2, 60 : 129 2, 69 : 113, 122, 128-129 2, 86 : 74, 76, 256 2, 103 : 128 2, 325 : 329 2, 638 : 232 2, 647 : 207 2, 649 : 207 2, 657 : 233

380

INDEX AUCTORUM

2, 678 : 206 2, 687 : 234 2, 733 : 159 2, 783 : 242 3, 9 : 234 3, 73 : 230 3, 94 : 242 3, 115 : 279 3, 151 : 245 3, 154 : 242, 246 3, 193 : 234 3, 537 : 152 3, 613 : 228 3, 646 : 228 3, 654 : 231 3, 655 : 228 3, 691 : 229 3, 701 : 226 3, 703 : 227 3, 711 : 238 4, 9 : 211 4, 12 : 218 4, 22 : 218 4, 31 : 114, 118-119, 121, 127, 211, 215 4, 56 : 152 4, 92 : 81-82, 156, 159 4, 93 : 157, 260 4, 101 : 253 4, 103 : 79, 156-157 4, 107 : 82, 156, 258 4, 109 : 83 4, 110 : 74, 82, 158, 327 4, 113 : 84 4, 114 : 156 4, 125 : 158 4, 126 : 156, 266 4, 128 : 159, 266, 268 4, 309 : 212 4, 310 : 212 4, 314 : 218 4, 323 : 212 4, 340 : 216 4, 347 : 208 4, 354 : 212 4, 361 : 74-75, 256, 327 4, 374 : 205

4, 377 : 205 4, 378 : 205 4, 382 : 205 4, 436 : 272 4, 517 : 272 5, 47 : 236 8, 127 : 125, 128 8, 374 : 211, 217 8, 380 : 207 8, 384 : 207 8, 561 : 217 8, 572 : 217 8, 672 : 147 9, 82 : 127, 210 9, 125 : 92 9, 132 : 87 9, 278 : 274 9, 653 : 274 11, 24 : 74-75, 256 11, 125 : 74, 93 11, 243 : 294-296, 308 11, 244 : 294-295 11, 245 : 308 11, 256 : 74-75, 93, 294 11, 292 : 297 11, 312 : 101 11, 341 : 99, 321 11, 343 : 93, 99, 102, 354 11, 351 : 355 11, 354 : 103, 358 11, 357 : 102 11, 358 : 353-354 11, 378 : 343 11, 399 : 361 11, 443 : 366 12, 754 : 273 Stace 378 Suétone Caes. 59 : 90 Rhet. : 301 Sulpicius Victor 167, 298

381

INDEX AUCTORUM

Symmaq ue 63 Tacite Ann. : 97 Dial. : 9, 49 Tite-Live 86, 97, 208 Térence 46, 64, 100 Théophraste 140 Valère-Maxime 91 Virgile 25, 46 Aen. 1, 1-11 : 139 1, 39-45 : 277, 281 1, 65 : 117 1, 65-75 : 115, 182 1, 68 : 262 1, 96-97 : 292 1, 148-153 : 103 1, 150-151 : 245 1, 198 : 121, 123 1, 227-296 : 149 1, 229-230 : 345 1, 229-253 : 36, 201 1, 235 : 238 1, 257-296 : 201 1, 287 : 97 1, 292 : 154 1, 326 : 121 1, 331 : 122 1, 338 : 121 1, 341-343 : 123 1, 372-373 : 123 1, 469-473 : 292 1, 522 : 125

1, 522-559 : 95 1, 544-545 : 95, 326 1, 582-585 : 182 1, 664 : 127 1, 664-688 : 119, 201 1, 667-689 : 124 1, 671-672 : 268 1, 752 : 292 2, 77-78 : 124 2, 105 : 180 2, 163-170 : 292 2, 195 : 194 2, 195-198 : 292 2, 201 : 193 2, 296-297 : 246 2, 501-502 : 230 2, 515 : 230 2, 638-649 : 201 2, 657-670 : 201 2, 674 : 210 2, 675-678 : 201 2, 712 : 124 3, 39 : 122 3, 57 : 224 3, 85-86 : 239 3, 154-171 : 243 3, 247-257 : 243 3, 338 : 225 3, 493 : 29 3, 539-540 : 236 3, 541-543 : 236 3, 576-577 : 230 3, 613 : 227 3, 687-688 : 236 3, 690-691 : 228 3, 692-710 : 226 3, 715 : 225 4, 9-29 : 201 4, 12 : 204 4, 31 : 127 4, 31-53 : 201 4, 89 : 97 4, 90-128 : 155, 253 4, 93-95 : 81, 259 4, 96 : 268 4, 98-104 : 77 4, 103-104 : 261

382

INDEX AUCTORUM

4, 107-114 : 80 4, 109 : 263 4, 110 : 264 4, 113 : 264-265 4, 125-126 : 265 4, 127-128 : 266 4, 169-170 : 268 4, 215-217 : 269 4, 223 : 305 4, 305-330 : 36, 201 4, 322-323 : 97 4, 333-361 : 201 4, 345-346 : 205 4, 361 : 75 4, 365-387 : 201, 204 4, 416-436 : 201 5, 741 : 25 5, 843-846 : 36 5, 848-851 : 37 6, 403 : 95 6, 456-466 : 201 6, 467-468 : 203 6, 470-471 : 202 6, 782 : 97 6, 816 : 329 6, 834-835 : 145 6, 847-853 : 96 7, 116 : 25 7, 213-248 : 95 7, 234-235 : 95 7, 235 : 94 7, 293-322 : 204, 271 7, 300 : 275 7, 315-322 : 277 7, 330-340 : 271 7, 359-372 : 271 7, 400-403 : 271 7, 421-434 : 271 7, 432 : 279 7, 452-455 : 271 8, 9-17 : 292 8, 98-100 : 97 8, 127 : 125 8, 370 : 210 8, 374-386 : 201, 206 8, 395-404 : 201 8, 440 : 126

8, 560-583 : 201 9, 6-7 : 124 9, 83-84 : 124, 127 9, 83-92 : 118, 132, 201 9, 128-133 : 85 9, 133-139 : 86 9, 777 : 22 10, 6-113 : 159, 201 10, 28-30 : 293 10, 62-63 : 347 10, 228-229 : 124 10, 524-529 : 36 10, 581-583 : 293 10, 628-629 : 319 10, 903-906 : 306 11, 24-26 : 75 11, 106-107 : 331 11, 108-109 : 327 11, 112 : 327 11, 123-125 : 315 11, 124 : 96 11, 124-126 : 94 11, 124-131 : 326 11, 128 : 327, 334 11, 211 : 337 11, 215-219 : 337 11, 220-221 : 319 11, 222-224 : 339 11, 225-295 : 293 11, 243-245 : 308 11, 255-277 : 76 11, 256-257 : 75 11, 291-292 : 323, 326 11, 302-304 : 356 11, 312-313 : 101 11, 336-342 : 98, 320 11, 337 : 344 11, 343-345 : 640 11, 346-348 : 102, 351 11, 346-375 : 353 11, 350-351 : 361 11, 352-356 : 357 11, 357-358 : 351 11, 360-361 : 352 11, 371-373 : 352 11, 378-379 : 343 11, 384-386 : 362

383

INDEX AUCTORUM

11, 392-398 : 360 11, 434-437 : 364 11, 440-444 : 365 11, 483 : 125 11, 587 : 127 11, 651-665 : 361 12, 187-194 : 78 12, 192-194 : 330 12, 425 : 25

12, 644 : 315 12, 819-828 : 78 Georg. 2, 495-496 : 145 4, 404 : 258 Vita Bernensis 8

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THE AUTHORS

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Martin Bažil teaches Latin Literature at Charles University, Prague, Czechia. His research focuses on late Latin literature, especially poetry (cento, biblical epic, visual poetry), and the medieval and neo-Latin religious theatre. He is the author of  Centones Christiani : métamorphoses d’une forme intertextuelle dans la poésie latine chrétienne de l’An­ ti­quité tardive (Turnhout, 2009). His current project examines the notion of  text in late Latin culture. Bruno Bureau is Professor of  Latin Literature. His work focuses especially on late Latin poetry and Latin commentaries (both Christian and pagan). He has published a new critical edition of  Arator’s Historia Apostolica (2018) and, in collaboration with C. Nicolas, the first French translation of  Donatus’ commentary in a digital edition, the Hyperdonatus project. Séverine Clément-Tarantino is Assistant Professor of  Latin Language and Literature at the University of  Lille. After completing a PhD thesis about Vergil’s Aeneid (Fama ou la renommée du genre. Recherches sur l’intertextualité dans l’ Enéide, 2006), she has been studying late antique and early modern commentaries on Vergil’s opera, dedicating several articles to Tiberius Claudius Donatus and translating Servius’ commentary on the Aeneid (À l’école de Virgile, 2015, with Alban Baudou). Since 2019, she has devoted much time to reconsidering her pedagogy and training herself  in ‘active’ methods of  teaching Latin; she has also discovered the works of  women Latin writers and is currently exploring the works of  both Laura Cereta and Martha Marchina. Maria Luisa Delvigo is Professor of  Latin Literature at the University of  Udine, Italy. Her research focuses on Augustan poetry, ancient commentaries on Vergil, and Latin scientific poetry. She is the author 385

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of  the volumes Testo virgiliano e tradizione indiretta. Le varianti pro­ biane (Pisa, 1987) and Servio e la poesia della scienza (Pisa, 2011). She has also published on Seneca, Cicero, and Ovid. She is the editor of  Centro e periferia nella letteratura di Roma imperiale (Udine, 2021), and is currently preparing a  commentary on Book 2 of  the Aeneid (Milano, forthcoming). Sylvia Estienne is Associate Professor of Ancient History at the ENSPSL and a  specialist of  Roman religion. With Mathilde Simon and Judith Roman, she coordinates a  translation workshop on Servius’ commentary on Book 7 of  the Aeneid. Muriel Lafond is Assistant Professor of  Latin at the University of  Nice-Côte d’Azur. She has written numerous articles about Servius and the ancient commentators. Her PhD thesis consisted of  an annotated translation of  Servius’ commentary on Georgics, and she is about to publish, with Giuseppe Ramires, Servius’ commentary on Book 8 of  Virgil’s Aeneid with Les Belles Lettres (Paris). She has also published a study on Virgil’s Georgics (Neuilly, 2014). She is furthermore interested in the reception of  Antiquity in modern and contemporary literature, as well as in cinema. Luigi Pirovano is Associate Professor of  Latin Language and Literature at the University of  Bologna. His main areas of  research are ancient rhetoric (issues-theory, preliminary exercises, declamations, rhetoric as a tool of  literary criticism, Emporius) and late antique Virgilian and Terentian exegesis (Tiberius Claudius Donatus, Servius, Eugraphius). He is the author of  Le “Interpretationes Vergilianae” di Tiberio Claudio Donato. Problemi di retorica (Roma, 2006) and “Donatus alter”. Studi sulla tradizione manoscritta di Tiberio Claudio Donato (Bologna, 2018). He is currently preparing a new critical edition, with translation and commentary, of  the rhetorical excerpts attributed to Emporius. Judith Rohman is Associate Professor of  Latin Language and Literature at the University of  Rennes, France. Her research mainly focuses on epic, narratology, and ancient commentaries. She completed her PhD about the Aeneid (Le Héros et la déesse. Personnages, stratégies narratives et effets de lecture dans l’ Énéide, forthcoming), and published papers on the Aeneid, Servius, and the Ilias Latina. She is currently involved in the translation and commentary of  Symphorien Champier’s and Flavio Biondo’s works. 386

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Mathilde Simon is Associate Professor in Latin Language and Literature at the École normale supérieure in Paris. Her research is mainly in classical historiography (Le rivage grec de l’Italie romaine, issued 2011, and the edition of  Book 10 of  Titus Livius, forthcoming), and late encyclopedism and erudition, especially ancient commentaries on Vergil. Marisa Sq uillante is Professor of  Latin Language and Literature at the University of  Naples ‘Federico II’, Italy, where she has founded an interdepartmental research center on Late Antiquity (cirtam). Her research mainly concerns Late Antiquity, in particular the literary production in Gaul in the fourth and fifth century ad, the commentaries on Vergil (with particular reference to Tiberius Claudius Donatus, Macrobius, Servius), ancient rhetoric, the relationship between late and medieval Latin, and the reception of  antiquity. She has published books and articles on Vergil, Ovid, Gellius, Persius’ satire, Tiberius Claudius Donatus’ Interpretationes Vergilianae, Rutilius Namatianus, Sidonius Apollinaris, Ausonius, and Erasmus of  Rotterdam. Fabio Stok is Professor of  Latin Literature at the University of  Roma ‘Tor Vergata’, Italy. He has published books and articles on classical and humanistic Latin authors, critical editions (Vitae Vergilianae, Appendix Probi, Niccolò Perotti’s Cornucopiae, and others), and translations of  Latin texts (Cicero’s Somnium Scipionis, Ovid’s Fasti, Seneca’s Troades). His current main field of  research is the history of  Virgilian exegesis, from Antiquity to the Renaissance, with particular attention to Servius’ commentary. Ute Tischer is Research Fellow at the Universität Leipzig, Germany. Her research focuses on ancient practices of  reading and inter­ pretation, as well as on modern literary theory and its application to ancient literature. In her current project, she is exploring the interac­ tion between authorship and exegesis. She is the author of  Die zeitgeschichtliche Anspielung in der antiken Literaturerklärung (Tübingen, 2006) and of  a forthcoming book on Zitat und Markierung. Signalisieren und Erfassen von Zitaten in römischer Prosa (Göttingen). She has also co-edited several volumes, among them Text, Kontext, Kontextualisierung. Moderne Kontextkonzepte und antike Literatur (Hildesheim, 2018), ut pictura poeta. Author Images and the Reading of  Ancient Literature (Turnhout, forthcoming) and sicut commentatores loquuntur. Authorship and Commentaries on Poetry (Turn­hout, forthcoming). 387

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Ilaria Torzi teaches Latin Language Teaching at the University of  Milan and Latin Language and Literature at the ‘Liceo scientifico Vit­ to­rio Veneto’ in Milan. Her research is concerned with late antique Vergilian exegesis, with a  focus on rhetoric, grammar and pragmatics. In this field, she has published Superioribus iunctus. Connettivi e connessioni fra i libri dell’Eneide (Bergamo, 2015). A member of  the Erasmus+ project ‘Eulalia’ (European Latin Linguistic Assessment), she has a particular interest in the teaching of  Latin, and in projects concerning the assessment of  language skills, both in an Italian and a European context. Daniel Vallat is Associate Professor at the Université Lumière Lyon 2, where he completed a PhD on Martial’s epigrams (published as Onomastique, culture et société dans les Épigrammes de Martial, Brussels, 2008). His research focuses on Latin poetry and ancient commentaries of  the Latin poets. He has edited several volumes on these topics and is preparing an edition of  Servius’ commentary on Book 1 of  the Aeneid as well as an edition of  the Anthologia Latina for the Collection des Universités de France (‘Budé’).

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